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(Neuf heures quarante-cinq minutes)
Le Président (M. Lafrance): Bonjour à tous. Je vous
demanderais, s'il vous plaît, de bien vouloir prendre place. Je
réalise que nous avons le quorum. J'aimerais donc déclarer cette
vingt-cinquième séance de travail ouverte, en rappelant à
tous le mandat qui est de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 125, Code civil du Québec. Mme
la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a un
remplacement. Mme Bleau (Groulx) est remplacée par Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata).
Le Président (M. Lafrance): Merci. Je vous rappelle
l'horaire de ce matin. Nous allons siéger de 9 h 30, donc à
partir de maintenant, jusqu'à 12 h 30. Est-ce qu'il y aurait des
déclarations de début de séance?
De la publicité des droits (suite)
De l'immatriculation des immeubles
Sinon, lorsque nous avons cessé nos travaux, hier soir, nous en
étions au chapitre quatrième qui traite de l'aliénation
d'une partie de lot. Je demanderais, peut-être, à M. le
député de Sherbrooke de bien vouloir nous lire le texte
d'introduction à ce chapitre quatrième.
M. Rémillard: Le député de Sherbrooke est
notre lecteur, M. le Président...
Une voix: Par excellence.
M. Rémillard: ...par excellence. On l'apprécie
beaucoup.
M. Hamel: Ça me rappelle mon jeune temps de
collège.
Une voix: Ça fait longtemps. M. Hamel: Oui,
avant-hier.
M. Rémillard: Et qu'est-ce que vous lisiez, à ce
moment-là? Déjà le début du Code civil, la
réforme du Code civil?
M. Hamel: Non, mais ça s'inspirait, je pense, du vieux
Code français. Alors, merci, M. le Président. Chapitre
quatrième, De l'aliénation d'une partie de lot, articles 3033
à 3035.
Le chapitre quatrième du titre quatrième qui porte sur
l'aliénation d'une partie de lot, sans se situer en marge de la
réforme proposée, traite de cas d'exception que justifient
l'étendue du territoire québécois, l'absence
d'arpenteurs-géomètres dans les régions
éloignées et l'activité particulière qu'est
l'agriculture.
Après avoir rappelé la sanction du principe de
l'interdiction de publier une aliénation entre vifs d'une partie de lot,
le chapitre crée une exception lorsque l'immeuble se trouve à
plus de 345 kilomètres d'un bureau ou qu'il est situé dans un
zone agricole établie en vertu de la Loi sur la protection du territoire
agricole.
Lorsque dans l'une ou l'autre hypothèse, une aliénation
entre vifs survient, l'officier de la publicité des droits la publie au
registre foncier et transmet une copie de document au ministre responsable du
cadastre qui procède à l'actualisation du plan cadastral.
L'objectif constamment poursuivi est la conservation à jour du
cadastre. L'expérience québécoise qui date de 1867 a
démontré, hors de tout doute, que les mesures incitatives sont
insuffisantes pour empêcher la détérioration du cadastre
et, par voie de conséquence, l'index des immeubles que le
législateur veut remplacer par un registre foncier fiable.
Lé chapitre 4 comporte deux volets: à l'article 3033, le
particulier doit supporter les frais de la modification cadastrale qui
identifiera l'immeuble qu'il a acquis et qui correspond à une partie de
lot; aux articles 3034 et 3035, le ministre responsable du cadastre assumera
les coûts de la modification cadastrale requise: seules des circonstances
particulières expliquent cette prise en charge par l'État de la
conservation à jour du cadastre. Merci.
De l'aliénation d'une partie de lot
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Sherbrooke. J'appelle donc les articles contenus
à ce chapitre quatrième, soit les articles 3033 à 3035
inclusivement.
M. Rémillard: M. le Président, nous avons, à
ces articles, quatre amendements à proposer.
Tout d'abord, l'intitulé du chapitre quatrième,
immédiatement avant l'article 3033, est remplacé par le suivant:
"Des parties de lot". M. le Président, c'est une modification
d'appellation que justifie le fait qu'il ne s'agit pas tant de
l'aliénation d'une partie de lot, mais, d'abord, de l'immatriculation
des parties de lot. En raison de cet amendement, l'intitulé du chapitre
quatrième, immédiatement avant l'article 3033, se lirait comme
suit: "Des parties de lot".
L'article 3033 est remplacé par le suivant:
"Les droits énoncés dans la réquisition constatant
l'acquisition d'une partie de lot ne peuvent être inscrits sur le
registre foncier, jusqu'à ce qu'une modification cadastrale attribue:
"1° un numéro cadastral distinct à la partie acquise et
à la partie résiduelle; ou, "2° lorsque la partie acquise est
fusionnée à un lot contigu, un numéro cadastral distinct
à l'immeuble qui résulte du fusionnement, ainsi qu'à
l'immeuble qui résulte du morcellement. "Dans les deux cas, une
référence précise à la modification cadastrale doit
être contenue au rapport d'actualisation des droits de la fiche de
l'immeuble nouveau."
M. le Président, le remplacement, d'ordre technique, distingue
entre deux possibilités: 1° la partie de lot acquise est
destinée à former un immeuble distinct; 2° la partie de lot
acquise est destinée à être fusionnée à un
lot contigu.
Quelle que soit la possibilité recherchée, la partie
résiduelle du lot qui a fait l'objet du morcellement reçoit un
nouveau numéro, celle destinée à former un immeuble
distinct également. Enfin, lorsque la partie acquise est destinée
à être fusionnée à un lot contigu, le numéro
correspondant à celui-ci est remplacé par un nouveau
numéro qui identifie l'immeuble nouveau: le lot contigu et la partie
acquise qui lui a été incluse.
En raison de cet amendement, l'article 3033 se lirait comme suit: "Les
droits énoncés dans la réquisition constatant
l'acquisition d'une partie de lot ne peuvent être inscrits sur le
registre foncier, jusqu'à ce qu'une modification cadastrale attribue:
"1° un numéro cadastral distinct à la partie acquise et
à la partie résiduelle; ou, "2° lorsque la partie acquise est
fusionnée à un lot contigu, un numéro cadastral distinct
à l'immeuble qui résulte du fusionnement, ainsi qu'à
l'immeuble qui résulte du morcellement. "Dans les deux cas, une
référence précise à la modification cadastrale doit
être contenue au rapport d'actualisation des droits de la fiche de
l'immeuble nouveau."
M. le Président, le projet est modifié par la suppression
de l'article... M. le Président, est-ce qu'on peut suspendre quelques
secondes? Il y a une petite vérification technique à faire en ce
qui regarde les deux prochains articles. M. le Président, on m'informe
que nous n'avons pas de modification à l'article 3034. Quant à
l'article 3035, l'amendement n'est pas encore distribué. Nous allons le
distribuer dans quelques instants. Si vous le permettez quand même, M. le
Président, je pourrais lire cet amendement à 3035; les membres de
la commission vont l'avoir dans quelques instants.
Donc, l'article 3035 est modifié par la suppression de la
dernière phrase du deuxième alinéa. M. le
Président, la phrase supprimée était inutile. Le
dépôt du plan vaut publication de son existence. En raison de cet
amendement, l'article 3035 se lirait comme suit: "L'officier transmet au
ministre responsable du cadastre une copie de tout document
énonçant une aliénation qu'il a inscrite sur le registre
foncier, sous l'autorité du décret. "Sur réception du
document, le ministre prépare la modification qui donne lieu à
l'attribution d'un numéro cadastral distinct à chacune des
parties de lot qui résulte de l'aliénation." Voilà, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre. Est-ce
qu'il y a des commentaires touchant cet article 3033 tel qu'amendé, 3034
et 3035 tels qu'amendés? Oui, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Faut-il comprendre qu'à l'article 3033 tel
qu'amendé, ça ne concerne que des immeubles qui sont
déjà immatriculés? C'est bien le cas? C'est lorsqu'il y a
morcellement d'un lot qui est déjà entier.
M. Rémillard: Manifestement, par le nouveau 3033, il
s'agit bien de ce cas-là. Il faut comprendre que lorsqu'on aborde
l'article 3033. au départ, on est en territoire cadastré. Donc,
c'est dans ce contexte-là que s'applique l'article 3033.
Mme Harel: En territoire non cadastré, comment va se
passer la numérotation?
M. Rémillard: On en a parié un petit peu hier,
mais, si vous le permettez, je vais demander à Mme Longtin, pour cette
question technique, si elle peut nous l'expliquer.
Le Président (M. Lafrance): Me Longtin.
Mme Longtin (Marie-José): Oui, M. le Président.
Principalement, c'était régi par les articles 3015.1 qu'on a mis
sur la table ainsi que 3017. Donc, en territoire non cadastré, par
définition, l'objet ou l'assiette du droit n'a pas fait l'objet d'un
plan, donc est désigné par des points de repère sur le
terrain, les tenants et aboutissants. La description, donc, se fait par cette
illustration de la description physique ainsi que par le numéro de la
fiche immobilière, une fois que celle-ci est ouverte au bureau
d'enregistrement.
Mme Harel: À 3034, M. le Président, on dit, dans le
commentaire: Contrairement au droit actuel qui limite aux territoires
rénovés la possibilité d'un décret permettant une
aliénation entre vifs d'une partie de lot située dans une zone
agricole, l'article 3034 étend la possibilité du décret
à tout le territoire cadastré. Ça veut dire quoi
exactement?
M. Rémillard: M. le Président, en ce qui regarde ce
changement par rapport au droit actuel qui vient modifier la situation en
fonction des territoires rénovés et la question du zonage
agricole, je vais demander à Me McMurray de revenir nous expliquer un
petit peu ce qu'elle nous a expliqué hier.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
Me McMurray.
Mme Harel: La question est de savoir...
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: ...si c'est du droit transitoire ou si on envisage
cette disposition comme permanente. Si c'est le cas, quel est l'avantage de
procéder comme ça en regard de la façon de faire
actuelle?
M. Rémillard: Ce n'est pas du droit transitoire.
Là, on est vraiment dans le droit à une situation qui va devenir
permanente, à moins que je ne me trompe. On me dit que ce n'est pas du
droit nouveau. Je vais demander à Mme McMurray de le confirmer.
Mme Harel: Mme McMurray, je vous réfère au
commentaire qui paraît à la page 200, de l'article 3034, qui
stipule que, contrairement au droit actuel qui limite aux territoires
rénovés la possibilité d'un décret, l'article 3034
étend la possibilité du décret à tout le territoire
cadastré. Donc, si c'est du droit actuel, il est modifié ou bien
le commentaire n'est pas exact.
Mme McMurray (Carole): Non. Je suppose que le commentaire est
exact. Ce qu'il y a de nouveau, c'est l'élargissement de la disposition.
Nous avons déjà une disposition semblable, mais qui serait
élargie à tout le territoire pour simplement faciliter les
transactions en matière de zonage, lorsqu'on est dans un territoire zone
agricole. De toute manière,...
Mme Harel: Vous voulez dire pour faciliter les transactions en
matière de zonage?
Mme McMurray: Si vous me permettez, juste un moment.
Mme Harel: D'accord, si vous pouviez m'expliquer en quoi
ça va les faciliter en matière de zonage.
Mme McMurray: L'article 3034 vise à permettre, comme c'est
inscrit, l'inscription sur le registre foncier d'une aliénation d'une
partie de lot qui est située dans une zone agricole. Alors,
contrairement à l'article 3003 et à l'article 3012, c'est une
exception, c'est une dérogation à l'article 3012 qui interdit
l'inscription d'un transfert de droit de propriété au registre
foncier.
Mme Harel: Sans le consentement des créanciers? (10
heures)
Mme McMurray: Oui. Enfin, ici, il ne s'agit pas d'une question
où on met en péril les droits des créanciers. Il s'agit
simplement de permettre et de permettre temporairement l'inscription au
registre foncier d'une transaction sur une partie de lot, puisque l'article
3035, ensuite, énonce que l'officier doit transmettre au ministre
responsable une copie de tout document qui énonce une aliénation
qu'il a inscrite sur le registre foncier. Mais là, c'est dans le cas
où c'est autorisé par décret. Alors, ça couvre le
cas d'une aliénation d'une partie de lot qui est située dans une
zone agricole. L'objectif est de permettre l'inscription temporaire d'un
transfert de propriété dans une zone agricole, le temps que le
ministre responsable du cadastre modifie les plans.
Mme Harel: Est-ce qu'il est fréquent qu'il y ait
morcellement sur des terrains protégés par le zonage
agricole?
Mme McMurray: À notre connaissance, le pendant de
l'article 3034 n'a jamais été utilisé dans le droit
actuel.
Mme Harel: Alors, là, vous l'élargissez.
Mme McMurray: Oui. C'est un élargissement qui permettra,
si besoin est, de ne pas retarder une transaction qu'il serait
nécessaire ou utile de faire dans une zone agricole en raison des
formalités qui sont requises pour procéder. Mais il faut
comprendre que l'aliénation d'une partie de lot doit être
autorisée par décret.
Mme Harel: Je comprends, madame, justement.
Mme McMurray: Le seul intérêt de 3034, c'est d'en
permettre l'inscription au registre foncier, le temps que le plan qui
immatricule les nouvelles parties soit présenté par le
ministère de l'Énergie et des Ressources au bureau de la
publicité.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me McMurray. Je note
qu'on est en train de vous distribuer l'amendement qui nous a été
lu déjà par M. le ministre, à l'article 3035. Oui, Me
McMurray.
Mme McMurray: Pour un complément d'information...
Mme Harel: Un instant, s'il vous plaît. M.
le Président, je pense qu'on va demander de suspendre cet article
3034. Je crois comprendre qu'il était question de supprimer 3034 ou de
le modifier. 3034 est laissé tel quel. Alors, on va devoir obtenir plus
d'explications avant de pouvoir voter sur 3034.
Le Président (M. Lafrance): Oui. Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Je pense que Me McMurray
aimerait aussi apporter un supplément d'information. Alors, Me
McMurray.
Mme McMurray: J'aimerais peut-être rectifier une
information ou compléter une information que j'ai donnée. C'est
que les dispositions actuelles du Code civil du Bas Canada limitent aux
territoires rénovés la possibilité d'inscrire à
l'index des immeubles une transaction sur une partie de lot parce que ce n'est
qu'en territoire rénové qu'il y a une interdiction d'inscrire
dans l'index des immeubles des parties de lot. On sait qu'à
l'extérieur du territoire rénové, on inscrit des parties
de lot à l'index des immeubles alors qu'avec le droit nouveau, en vertu
de 3012, on ne pourra pas - et à l'égard de tous les immeubles
indépendamment de leur statut, qu'ils soient rénovés ou
non - inscrire de droits de propriété. Alors, c'est le motif qui
justifie l'élargissement. C'est tout simplement une concordance avec
3012.
Mme Harel: M. le Président, les experts auront l'occasion
d'échanger là-dessus. Mme McMurray va certainement
reconnaître qu'il y aurait matière à plus d'information
pour l'Opposition.
Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: Je pense qu'il y a déjà eu des
discussions entre les juristes des deux côtés et puis il n'y en a
pas...
Mme Harel: L'article ne devait pas revenir ici, M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: Je n'ai pas d'objection.
Mme Harel: L'article devait être supprimé. Alors,
comme...
M. Kehoe: II y a eu des discussions, mais je ne pense pas qu'il y
ait eu une décision de prise. De toute façon, on peut suspendre,
pour revenir sur ces articles lorsque le ministre sera présent.
Mme Harel: On va suspendre pour que les experts et les
légistes puissent en parler plus longuement.
Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres
commentaires sur ces articles, le nouvel intitulé au chapitre
quatrième est donc adopté tel que proposé. L'article 3033
est adopté tel qu'amendé. L'article 3034 est laissé en
suspens et l'article 3035 est adopté tel qu'amendé.
De la radiation
Nous en arrivons maintenant au titre cinquième qui traite de la
radiation et qui touche les articles 3036 à 3052 inclusivement.
Permettez-moi de vous lire le texte d'introduction à ce titre
cinquième.
Le titre cinquième traite de la radiation et se divise en trois
chapitres portant respectivement sur les: 1° causes de radiation; sur
2° certaines radiations; et sur 3° les formalités et les effets
de la radiation.
Le titre cinquième reprend, en les adaptant au système de
publicité proposé, de nombreuses règles du droit actuel.
S'il innove, c'est surtout sur ces points: 1° il tire, en matière de
radiation, des conséquences qui résultent de la confiance qu'on
doit avoir dans le registre (articles 3041 et 3052): le jugement en
rectification ou en radiation d'une inscription ne peut porter atteinte au
tiers de bonne foi qui s'est fié au registre; 2° il concilie, en
matière de consignation d'une somme d'argent, le livre Des
priorités et des hypothèques et le livre De la publicité
des droits (article 3043), 3° ii généralise, en
matière de droit réel d'exploitation des ressources de
l'État, une règle du droit actuel particulière à
l'abandon ou à la révocation d'un droit minier (article 3048);
4° il formule dans un texte une règle pratique: la radiation du
principal s'étend à ses accessoires (article 3051).
Le chapitre premier, pour sa part, traite des causes de radiation et
touche les articles 3036 à 3043. Permettez-moi de vous lire le texte
d'introduction à ce chapitre premier.
Des causes de radiation
Le chapitre premier du titre cinquième qui porte sur les causes
de radiation distingue les différentes sortes de radiation, innove en
exten-sionnant la radiation à toute inscription et en instituant, dans
un cadre précis, la radiation d'office de l'hypothèque
éteinte; il détermine aussi le cadre précis dans lequel
est admise la radiation soit de l'hypothèque légale des personnes
qui ont participé à la construction ou à la
rénovation d'un immeuble, soit de la déclaration de
résidence familiale.
Le chapitre premier détermine également les cas où
le tribunal peut ordonner une radiation, les limitations que la loi attache aux
conséquences d'une radiation judiciaire, les conséquences
qui résultent de la quittance totale d'une créance et la
manière d'obtenir une réduction d'hypothèque à la
suite d'offres valables ou de la consignation d'une somme d'argent.
J'appelle donc les articles contenus à ce chapitre premier, Des
causes de radiation, soit les articles 3036 à 3043 inclusivement.
M. Kehoe: M. le Président, dans cette section, il y a cinq
amendements. L'article 3036 est remplacé par le suivant: "La radiation
résulte d'une inscription qui vise la suppression d'une inscription
antérieure sur le registre approprié; elle s'obtient, à
moins que la loi n'en dispose autrement, par la présentation d'une
réquisition faite suivant les règles applicables au registre
foncier ou au registre des droits personnels et réels mobiliers. "La
radiation est volontaire ou, à défaut, judiciaire; elle peut
aussi être légale."
M. le Président, l'article définit la radiation et
précise que la radiation est volontaire et non conventionnelle. En
raison de cet amendement, l'article 3036 se lirait comme suit: "La radiation
résulte d'une inscription qui vise la suppression d'une inscription
antérieure sur le registre approprié; elle s'obtient, à
moins que la loi n'en dispose autrement, par la présentation d'une
réquisition faite suivant les règles applicables au registre
foncier ou au registre des droits personnels et réels mobiliers. "La
radiation est volontaire ou, à défaut, judiciaire; elle peut
aussi être légale."
Le projet est modifié par l'insertion, après l'article
3036, de l'article 3036.1: "L'inscription dont la date extrême d'effet
est limitée par la loi, ou par la réquisition d'inscription, est
périmée de plein droit le lendemain, à zéro heure,
de la date d'expiration du délai fixé par la loi ou inscrit sur
le registre, si elle n'a pas préalablement été
renouvelée."
M. le Président, l'ajout introduit la notion de péremption
d'inscription puisée à l'article 67(2) alinéa 1 du
décret du 14 octobre 1955 pour l'application en France du décret
du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité
foncière. La péremption de l'inscription, lorsqu'elle est subie,
laisse subsister le droit. Le titulaire ou le créancier peut alors faire
procéder à une nouvelle inscription produisant son effet et
prenant rang à la date, l'heure et la minute de la présentation
de la nouvelle réquisition d'inscription. Cette nouvelle
réquisition ne peut prendre la forme d'un avis de renouvellement, car on
ne peut renouveler une inscription périmée. En raison de cet
amendement, l'article 3036.1 se lirait comme suit: "L'inscription dont la date
extrême d'effet est limitée par la loi, ou par la
réquisition d'inscription, est périmée de plein droit le
lendemain, à zéro heure, de la date d'expiration du délai
fixé par la loi ou inscrit sur le registre, si elle n'a pas
préalablement été renouvelée."
L'article 3037 est modifié: 1° par l'insertion, dans la
première ligne du deuxième alinéa, après le mot
"hypothèque" des mots "qui est éteinte, ou d'une restriction au
droit de disposer, ou de tout autre droit dont la durée est
déterminée"; 2° par le remplacement, dans les première
et deuxième lignes du même alinéa, des mots "des registres"
par les mots "le registre approprié"; 3° par le remplacement, dans
la deuxième ligne, du mot "éteinte" par le mot
"périmée"; 4° par l'insertion, dans la même ligne,
après les mots "qui n'a plus d'effet", d'une virgule; 5" par la
suppression de la dernière phrase du deuxième alinéa.
M. le Président, c'est une modification rédactionnelle de
concordance avec les articles 2965 et 2966 et de complément à
l'article 3036.1 qui introduit la péremption d'instance dans le nouveau
droit. La disposition prévoit l'accomplissement des opérations
qui incombent à l'officier lorsque la péremption d'inscription
survient. Le texte supprimé dans l'article 3037 original est repris dans
l'article 3037.1. En raison de cet amendement, l'article 3037 se lirait comme
suit: "L'inscription d'un droit est radiée, du consentement du titulaire
ou du bénéficiaire de ce droit. "Néanmoins, l'inscription
d'une hypothèque qui est éteinte, ou d'une restriction au droit
de disposer, ou de tout autre droit dont la durée est
déterminée, qui, d'après le registre approprié, est
périmée ou celle de l'adresse qui n'a plus d'effet, peut
être radiée d'office par l'officier. La radiation est
motivée et datée." (10 h 15)
Le projet est modifié par l'insertion, après l'article
3037, de l'article 3037.1: "L'hypothèque immobilière garantissant
le prix de l'emphytéose, la rente créée pour le prix de
l'immeuble, la rente viagère ou l'usufruit viager, l'hypothèque
immobilière constituée en faveur de l'Office du crédit
agricole du Québec ou de la Société d'habitation du
Québec, ou celle constituée en faveur d'un fondé de
pouvoir des créanciers pour garantir le paiement d'obligations ou autres
titres d'emprunt, ne peuvent être radiées d'office."
M. le Président, l'article reprend la dernière phrase du
deuxième alinéa de l'article 3037 original, mais limite la
disposition au registre foncier. Il est aussi de concordance avec l'article
1205 en ce qui concerne l'emphytéose. Par ailleurs, il étend
à la Société d'habitation du Québec l'avantage dont
bénéficie l'Office du crédit agricole du Québec. En
raison de cet amendement, l'article 3037.1 se lirait comme suit:
"L'hypothèque immobilière garantissant le prix de
l'emphytéose, la rente créée pour le prix de l'immeuble,
la rente viagère ou l'usufruit viager, l'hypothèque
immobilière constituée en faveur de l'Office du crédit
agricole du Québec ou de la Société d'habitation du
Québec, ou celle cons-
tituée en faveur d'un fondé de pouvoir des
créanciers pour garantir le paiement d'obligations ou autres types
d'emprunt, ne peuvent être radiées d'office."
L'article 3039 est modifié par l'ajout, après le premier
alinéa, de l'alinéa suivant: "Hors le cas où les
époux y consentent, la réquisition doit être
accompagnée d'un certificat de décès et d'une
déclaration attestée de la liquidation de fa succession ou d'une
copie du jugement, selon le cas." M. le Président, c'est l'ajout d'une
précision technique concernant la justification de la réquisition
de radiation de la déclaration de résidence familiale. En raison
de cet amendement, l'article 3039 se lirait comme suit: "L'inscription d'une
déclaration de résidence familiale n'est radiée, à
la réquisition de tout intéressé, que dans les cas
suivants: les époux y consentent, l'un des époux est
décédé et sa succession est liquidée, les
époux sont séparés de corps ou divorcés, la
nullité du mariage est prononcée ou l'immeuble a
été aliéné du consentement des époux ou avec
l'autorisation du tribunal. "Hors le cas où les époux y
consentent, la réquisition doit être accompagnée d'un
certificat de décès et d'une déclaration attestée
de la liquidation de la succession ou d'une copie du jugement, selon le
cas."
Aussi, dans cette section, M. le Président, il y a trois articles
dont on demande la suspension, soit les articles 3038, 3041 et 3042, à
des fins d'examen additionnel par des spécialistes des deux
côtés.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Chapleau. Est-ce qu'il y aurait des commentaires
touchant ces articles 3036 à 3043 inclusivement, en vous rappelant,
comme vient de le dire M. le député de Chapleau, que les articles
3038, 3041 et 3042 seront laissés en suspens?
Alors, l'article 3036 est donc adopté tel qu'amendé. Le
nouvel article 3036.1 est adopté tel que proposé. L'article 3037
est adopté tel qu'amendé. Le nouvel article 3037.1 est
adopté tel que proposé. L'article 3038 est laissé en
suspens. L'article 3039 est adopté tel qu'amendé. L'article 3040
est adopté tel quel. Les articles 3041 et 3042 sont laissés en
suspens et l'article 3043 est adopté tel quel.
Nous en arrivons maintenant au chapitre deuxième qui traite de
certaines radiations. Permettez-moi de vous lire le titre d'introduction de ce
chapitre deuxième, De certaines radiations. Il touche donc les articles
3044 à 3048 inclusivement.
De certaines radiations
Le chapitre deuxième du titre cinquième qui porte sur
certaines radiations traite de la radiation d'un droit viager ou de
l'hypothèque qui le garantit, de l'hypothèque en faveur de
l'État et des droits éteints par l'exercice des droits
hypothécaires, par une vente forcée ou par le
délaissement.
Ce chapitre traite aussi des radiations auxquelles peut donner lieu un
préavis de vente pour défaut de paiement de l'impôt foncier
et de la radiation d'un droit réel d'exploitation des ressources.
Malgré la nouveauté dans sa formulation, le chapitre
n'innove que sur deux points: premièrement, il intègre les
différentes modalités d'exercice sur un droit
hypothécaire, tel que le préavis d'exercice d'un recours,
l'abandon de la prise en paiement, le délaissement, la saisie et
l'absence d'exercice du recours; deuxièmement, il étend à
tout droit réel d'exploitation des ressources de l'État une
règle du droit minier actuel. Les radiations visées sont
particulières et nécessitent des règles
spécifiques.
J'appelle donc les articles contenus à ce chapitre
deuxième, soit les articles 3044 à 3048 inclusivement.
M. Kehoe: M. le Président, nous demandons la suspension de
l'article 3046 et il y a trois amendements, dans cette section. L'article 3045
est modifié: 1° par l'insertion, dans le troisième
alinéa, après les mots "la présentation," des mots "d'une
copie"; 2° par le remplacement, dans le même alinéa, du mot:
"certifié" par le mot "certifiée". M. le Président,
l'amendement opère des ajouts techniques. En raison de ces amendements,
l'article 3045 se lirait comme suit: "L'inscription d'une hypothèque en
faveur de l'État est radiée ou réduite» par la
présentation d'un certificat du Procureur général ou du
sous-procureur général du Québec, ou d'une personne
désignée par le Procureur général,
énonçant que telle hypothèque est éteinte ou
réduite. "Elle l'est aussi par la présentation d'un certificat du
ministre ou du sous-ministre du Revenu, ou d'une personne
désignée par le ministre du Revenu, énonçant que
telle hypothèque est éteinte ou réduite, si cette
hypothèque a été constituée en vertu d'une loi dont
l'application relève de ce ministre. "Elle peut l'être encore par
la présentation d'une copie d'un décret du gouvernement,
certifiée par le greffier du Conseil exécutif."
L'article 3047 est modifié par le remplacement, dans le premier
alinéa: 1° des mots "la vente elle-même" par les mots
"l'adjudication"; 2° des mots "l'acte de vente consenti" par les mots: "la
vente définitive consentie".
M. le Président, il s'agit de précisions d'ordre technique
de concordance avec les articles 2997 et 3046. En raison de ces amendements,
l'article 3047 se lirait comme suit: "L'inscription du préavis de vente
pour
défaut de paiement de l'impôt foncier et celle de
l'adjudication sont radiées à la suite de l'inscription de la
vente définitive consentie par l'autorité municipale ou scolaire
ou de l'acte constatant que l'immeuble a fait l'objet d'un retrait.
"L'inscription du préavis de vente pour défaut de paiement de
l'impôt foncier est aussi radiée à la suite de la
présentation de la liste des immeubles non vendus."
Le Président (M. Lafrance): M. le député de
Chapleau, je remarque qu'on nous a distribué ici un amendement à
l'article 3046 et vous nous avez dit qu'on le laissait en suspens. Alors, vous
désirez, je présume, retirer...
M. Kehoe: C'est ça. L'amendement aussi. Oui, retirez-le
pour tout de suite.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Merci.
M. Kehoe: L'article 3048 est modifié par l'ajout,
après le deuxième alinéa, de l'alinéa suivant:
"Lorsque l'abandon ou la révocation concerne un droit qui a
été immatriculé, l'officier en donne avis au ministre
responsable du cadastre afin qu'il puisse, d'office, annuler l'immatriculation
du droit."
M. le Président, c'est l'ajout d'une précision technique
qui permet d'épurer le registre foncier et de conserver à jour le
cadastre. En raison de cet amendement, l'article 3048 se lirait comme suit:
"L'inscription d'un droit réel d'exploitation des ressources de
l'État est radiée, lorsque le ministre responsable de la loi qui
régit ce droit avise l'officier de la publicité des droits de
l'abandon ou de la révocation du droit qui n'est pas exempté de
l'inscription. "L'avis doit désigner le droit abandonné ou
révoqué et identifier la fiche immobilière visée;
l'abandon ou la révocation est inscrite sur cette fiche, ainsi que sur
celle de l'immeuble sur lequel s'exerçait le droit. "Lorsque l'abandon
ou la révocation concerne un droit qui a été
immatriculé, l'officier en donne avis au ministre responsable du
cadastre afin qu'il puisse, d'office, annuler l'immatriculation du droit."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Chapleau. Est-ce qu'il y aurait des commentaires
touchant ces articles 3044 à 3048 inclusivement? Oui, Mme la
députée de Terre-bonne.
Mme Caron: J'aurais une question, M. le Président. Est-ce
que le cas d'abandon est fréquent? Est-ce qu'on a relevé si le
cas d'abandon était fréquent?
M. Kehoe: Encore une fois, est-ce qu'on peut appeler Mme McMurray
pour qu'elle nous fasse son expertise?
Le Président (M. Lafrance): Me McMurray.
Mme McMurray: M. le Président, à notre
connaissance, non, les cas d'abandon ne sont pas très fréquents,
mais nous n'avons pas de statistique précise, cette question relevant du
ministère de l'Énergie et des Ressources.
Mme Caron: Est-ce que vous savez ce qui a été fait
à l'heure actuelle, puisque cet article est de droit nouveau?
Mme McMurray: L'objectif de cette disposition est de permettre le
maintien à jour du registre foncier puisque ce qui est de droit nouveau,
c'est la possibilité d'immatriculer le droit réel d'exploitation
des ressources de l'État.
Mme Caron: Mais, actuellement, qu'est-ce qui se passait en cas
d'abandon?
Mme McMurray: Les droits miniers sont actuellement inscrits dans
le registre des droits miniers. S'il y a un abandon, il y a une mention
d'abandon. Mais le droit réel n'étant pas immatriculé, il
n'y a pas lieu de fermer la fiche de lot. Alors, ici, l'assiette d'un droit
réel d'immatriculation peut être immatriculée; s'il n'y a
plus de droit qui est exercé à l'égard de cette assiette,
il y a lieu de fermer l'affiche de lot et, donc, aussi d'annuler
l'immatriculation. C'est tout simplement une question de mise à jour du
registre foncier et des plans.
Mme Caron: Est-ce que ce serait possible de vérifier au
niveau des données pour les cas d'abandon au ministère
concerné?
Mme McMurray: S'il y a des abandons aujourd'hui, ces abandons
sont notés au registre minier, mais, comme je l'ai mentionné, il
n'y a pas lieu de faire une modification de plan puisqu'il n'y a pas eu
d'immatriculation.
Mme Caron: Mais simplement comme information, à savoir
s'il y en a effectivement beaucoup dans la réalité ou non?
Mme McMurray: Oui, on peut vérifier si ces données
sont disponibles et vous les fournir.
Mme Caron: Je vous remercie.
M. Frenette (François): M. le Président. (10 h
30)
Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Frenette. M. le
député de Westmount.
M. Holden: Oui. Je voulais demander à Mme McMurray, si je
me souviens bien, il y a une limite de temps. Ces droits existent pendant
tant d'années et il faut investir de l'argent dans le droit
minier. Est-ce que c'est comme ça qu'on arrive à l'abandon? C'est
après une période de temps où on n'a pas
réalisé ou on n'a pas investi dans la mine? Est-ce que c'est
ça qui arrive pour l'abandon?...
Mme McMurray: ...toutes les modalités concernant l'octroi
des droits réels d'exploitation des ressources de l'État
relèvent des dispositions concernant la Loi sur les mines, laquelle loi
est sous la responsabilité du ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Holden: Je savais déjà parce que j'avais fait un
peu de droit minier, mais je ne me souviens pas le nombre d'années...
L'abandon arrive au bout d'un certain nombre d'années, quoique c'est
automatique, l'abandon...
M. Kehoe: Je pense que dans la loi des mines, s'il n'y a pas une
exploitation et si vous ne payez absolument rien à l'État durant
une certaine période de temps... Je ne me rappelle pas... Quitte
à vérifier, et on pourra vous donner la réponse.
M. Holden: En fait, on fait entrer la loi minière dans le
Code, dans un sens.
Mme McMurray: Non, tout ce qui est prévu ici, par
l'article 3048, c'est la publicité des droits miniers et non pas les
règles relatives à l'octroi et à la gestion des
droits.
M. Holden: O.K. Merci, M. le Président. Le
Président (M. Lafrance): Me Frenette.
M. Frenette: Merci, M. le Président. Le troisième
alinéa de 3048 parle du droit qui aurait été
immatriculé. Est-ce qu'à l'article 3020, ce n'est pas l'assiette
qui est immatriculée?
M. Kehoe: Peut-être que la sous-ministre pourra mieux
répondre à cette question-là.
Le Président (M. Lafrance): Mme la sous-ministre.
Mme Morency (Lise): Je pense que la seule chose que je puis dire,
c'est qu'on va regarder à nouveau la proposition de modification,
c'est-à-dire la proposition telle qu'elle a été
présentée ici et s'il y a lieu, effectivement, de corriger, pour
indiquer qu'il s'agit bien de l'assiette du droit qui est immatriculée.
On va faire les amendements nécessaires.
M. Frenette: Si j'ai bien compris, il pourrait y avoir abandon du
droit, mais, dans le fond, la fiche pour l'assiette pourrait demeurer, parce
que le droit pourrait être exercé à nouveau, soit...
Mme Morency: Je suggérerais qu'on puisse rediscuter
ensemble de ce problème-là, et revenir plutôt par une
proposition de modification, s'il y a lieu.
M. Kehoe: On peut le laisser comme ça. et s'il y a lieu de
rouvrir l'article... ou suspendre avec un petit s.
Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres
commentaires, l'article 3044 est donc adopté comme tel. L'article 3045
est adopté tel qu'amendé. L'article 3046 est laissé en
suspens. L'atricle 3047 est adopté tel qu'amendé et l'article
3048 est laissé en suspens tel qu'amendé.
Des formalités et des effets de la
radiation
Nous en arrivons maintenant au chapitre troisième qui traite des
formalités et des effets de radiation, et qui touche les articles 3049
à 3052 inclusivement.
Permettez-moi de vous lire le texte d'introduction à ce chapitre
troisième. Le chapitre troisième du titre cinquième, qui
porte sur les formalités et les effets de la radiation, traite
successivement de la forme de la réquisition pour inscrire une
rectification, une radiation ou une réduction d'inscription, de la
réquisition fondée sur un jugement qui ordonne la radiation, de
l'exécution provisoire, des conséquences du consentement à
la radiation d'un droit principal et des effets de l'ordonnance de radiation
d'une radiation erronée.
J'appelle donc les articles contenus à ce chapitre
troisième, soit les articles 3049 à 3052 inclusivement.
M. Kehoe: M. le Président, dans cette section, il y a
trois amendements. L'article 3049 est remplacé par le suivant: "La
réquisition qui vise la réduction d'une inscription suit les
règles applicables au registre approprié."
M. le Président, la radiation résulte d'une inscription
faite sur le fondement d'une réquisition. Aussi, il n'est besoin d'une
précision technique que pour tenir compte de la réduction
d'inscription, puisque la réduction n'est ni l'inscription ni la
suppression d'un droit, d'où l'amendement. En raison de cet amendement,
l'article 3049 se lirait comme suit: "La réquisition qui vise la
réduction d'une inscription suit les règles applicables au
registre approprié."
L'article 3050 est modifié par l'insertion, dans le premier
alinéa, après les mots "radiation d'un droit publié" des
mots "ou la réduction d'une Inscription".
M. le Président, il s'agit d'un ajout d'une précision
technique. En raison de cet amendement, l'article 3050 se lirait comme suit:
"La réquisition fondée sur un jugement qui ordonne la radiation
d'un droit publié ou la
réduction d'une inscription n'est admise que si ce jugement est
passé en force de chose jugée. "L'exécution provisoire
n'est pas admise lorsque le jugement porte sur la rectification ou la radiation
d'une inscription. "Le greffier du tribunal est tenu de délivrer un
certificat attestant que le jugement n'est pas susceptible d'appel ou que, les
délais d'appel étant expirés, il n'y a pas eu d'appel ou
encore qu'à l'expiration d'un délai de trente jours de la date du
jugement aucune demande en rétractation de jugement n'a
été présentée."
L'article 3051 est remplacé par le suivant: "La radiation de
l'inscription d'un droit principal autorise la radiation de l'inscription des
droits accessoires et de toutes les mentions relatives à ces
inscriptions."
M. le Président, la radiation du droit principal emporte celle
des droits accessoires, peu importe de qui émane la radiation. Cela
facilitera l'épuration des registres à l'arrivée du terme
fixé dans la réquisition.
En raison de cet amendement, l'article 3051 se lirait comme suit: "La
radiation de l'inscription d'un droit principal autorise la radiation de
l'inscription des droits accessoires et de toutes les mentions relatives
à ces inscriptions."
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le
député de Chapleau. Est-ce qu'il y aurait des commentaires
touchant ces articles du chapitre troisième, soit 3049 à 3052
inclusivement? Oui, Me Frenette?
M. Frenette: Merci, M. le Président. Pourrait-on avoir
quelques précisions sur la notion de réduction d'une
inscription?
M. Kehoe: Mme Longtin?
Le Président (M. Lafrance): Me Longtin.
Mme Longtin: Oui, M. le Président. La notion de
réduction... En fait, il s'agit de la réduction du montant qui
est initialement inscrit au registre et on peut, donc, dans certains cas,
présenter une réquisition pour demander que cette
inscription-là, le montant de cette inscription-là, soit
réduit, ce qui peut se faire avec le consentement des parties et, dans
certaines circonstances comme à 2662, à la suite des offres et
consignations que le tribunal a acceptées.
M. Frenette: Est-ce qu'il s'agit vraiment d'une réduction
d'une inscription comme de certains effets de l'inscription?
Mme Longtin: J'aurais peine à qualifier que le montant qui
est initialement inscrit, ça fait évidemment partie de
l'inscription comme telle... une façon de passer par le biais de l'effet
de l'inscription pour arriver à cette notion-là sans faire un
détour inutile.
M. Frenette: De par les exemples donnés, l'inscription
était celle d'une hypothèque?
Mme Longtin: Ça demeure l'inscription d'une
hypothèque.
M. Frenette: Alors, ce qui est réduit, dans ce
cas-là, c'est le montant de la sûreté?
Mme Longtin: Le montant initialement inscrit en regard du droit
d'hypothèque.
M. Frenette: Alors, ce n'est pas vraiment l'inscription?
Mme Longtin: C'est toujours l'inscription. Tout est une
inscription sur le registre.
M. Frenette: Oui, mais...
Mme Longtin: En fait, évidemment, on doit parler par des
termes. On s'est un peu aligné sur les notions qui apparaissaient en
droit français sur cette question-là et qui utilisent cette
même expression pour viser cette réduction du montant initialement
inscrit.
M. Holden: Et s'il y avait une augmentation?
Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le
député de Westmount. Si vous voulez reprendre...
M. Holden: Est-ce qu'on note les augmentations aussi dans les
changements d'inscription?
Mme Longtin: On peut toujours par... À ce
moment-là, ça serait une autre réquisition qui modifierait
la portée dans ce cas-là, eu égard au tiers, de certains
effets.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Frenette.
M. Frenette: Le député de Westmount ne vient pas
d'offrir une piste qui consisterait à parler de réquisition qui
vise à la modification d'une inscription d'une façon
générale.
Mme Longtin: Dans certains cas, je crois que cette expression a
été introduite dans certains articles précédents
pour des modifications sur les inscriptions, je crois, à l'article 2971,
entre autres, et à l'article 2974. C'est une chose qui peut être
vérifiée, effectivement.
M. Frenette: Puisque l'article 2974 est justement en suspens,
peut-être pourrions-nous, aux fins de reformulation...
Mme Longtin: L'article 2974 est adopté.
M. Frenette: 2974?
Mme Longtin: Oui.
Une voix: On l'a adopté hier.
Mme Harel: C'est vrai, on l'a adopté hier.
M. Frenette: Peut-être qu'il serait
préférable, étant donné que c'est une chose facile
à régler, qu'on suspende avec un petit s encore simplement pour
voir si la formule ne pourrait pas être peaufinée.
M. Kehoe: Ce serait quel article? Est-ce que c'est...
Mme Harel: L'article 3049.
M. Frenette: Les articles 3049 et 3050.
M. Kehoe: L'article 3051 aussi?
M. Frenette: L'article 3051, je ne sais pas si...
M. Kehoe: M. le Président, il n'y a pas de problème
à suspendre les articles 2049 et 2050, avec un petit s.
Une voix: 30.
M. Kehoe: 30. Je veux reculer.
M. Holden: Tu ne veux absolument pas finir cette histoire,
hein?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres
commentaires, les articles 3049 et 3050 sont donc laissés en suspens
tels qu'amendés. L'article 3051 est adopté tel qu'amendé
et l'article 3052 est adopté tel quel. Ceci termine donc le livre
neuvième de la publicité des droits.
Avant de passer au livre dixième, j'aimerais remercier les
experts qui nous ont aidés tout au long de ses longues heures
d'étude. À moins qu'il n'y ait d'autres membres qui voudraient
ajouter quelque chose... Oui, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, M. le Président, je veux, au nom de
l'Opposition, remercier également les personnes qui sont venues nous
faire part de ces projets sur lesquels elles travaillent depuis très
longtemps et également souligner la présence parmi nous des
membres des équipes, je crois, de la Direction de l'enregistrement qui
ont suivi avec beaucoup beaucoup d'attention nos travaux. J'ai vu en quelque
part une carte passer. Avant leur départ, je voudrais au moins qu'on
puisse la regarder, peut-être pendant l'intermission, et on aura
peut-être l'occasion, au moment où on reverra tous ces articles
suspendus de se revoir à nouveau. Je vous remercie.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Oui, M. le député
de Chapleau.
M. Kehoe: Au nom du ministre et de ma part aussi, je veux
remercier tout le monde qui a participé. Je peux garantir à
l'Opposition que le personnel, tout le monde qui sont ici présents
aujourd'hui sont disponibles. On a certains articles qui sont suspendus. Si on
avait besoin, on pourrait les faire revenir.
Aussi, je veux remercier Me Frenette pour sa coopération, sa
connaissance et toutes les précisions qu'il a apportées à
différents articles. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Chapleau. Alors, afin de permettre la distribution du
livre dixième, je vais suspendre les travaux pour dix minutes.
(Suspension de la séance à 10 h 45)
(Reprise à 11 h 14)
Le Président (M. Lafrance): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons reprendre nos travaux. Alors, merci. Je déclare donc
notre séance de travail rouverte. J'aimerais officiellement accepter le
dépôt du livre dixième et des commentaires
détaillés sur les dispositions du projet de loi 125, livre
dixième, qui touche la question du droit international privé et
des dispositions finales. Ce document portera le code numérique 45d.
Ou droit international privé
Alors, nous en arrivons donc au droit international privé. Je
demanderais peut-être à
Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata de bien
vouloir nous lire les propos d'introduction à ce livre
dixième.
Mme Dionne: Oui, M. le Président. Le livre dixième:
Du droit international privé. Les relations qu'entretiennent
actuellement les Québécois avec des citoyens d'autres
États, aussi bien à l'échelon interprovincial qu'à
l'échelon international, sont de plus en plus importantes et les
problèmes qui en résultent ne trouvent pas toujours de solution
satisfaisante en raison du caractère souvent incertain et fragmentaire
des règles de droit international privé. En effet, ces
règles sont au Code civil et au Code de procédure civile peu
nombreuses et ni la doctrine ni
la jurisprudence, qui ont pourtant, à partir de ces bases
minimes, donné un certain essor à cette branche du droit civil,
ne permettent d'assurer la sécurité juridique des parties
impliquées.
Il s'imposait, par conséquent, de réunir les règles
de droit international privé contenues dans les codes, dans un seul
livre consacré à cette matière et de leur adjoindre les
solutions juris-prudentielles et doctrinales en les codifiant.
Il fallait également examiner ces règles à la
lumière du droit conventionnel et des codifications
élaborées au cours de ces dernières années dans
certains pays étrangers.
Le livre dixième introduit donc au Code civil un ensemble de
règles portant sur le droit international privé. Il comprend
quatre titres. Le titre premier réunit les dispositions
générales énonçant les principes fondamentaux.
Le titre deuxième établit les règles de conflits de
lois qui indiquent le système juridique compétent pour
résoudre les situations comportant des éléments
d'extranéité. Il est divisé en quatre chapitres qui
correspondent aux grandes divisions du droit civil: le statut personnel, le
statut réel, le statut des obligations et celui de la procédure.
Chacun de ces chapitres compte deux sections, l'une édictant des
dispositions générales, l'autre des dispositions
particulières, sauf le chapitre sur le statut de la procédure qui
ne comprend que deux articles.
Le titre troisième traite de la compétence internationale
des autorités du Québec, tribunaux judiciaires ou administratifs
et autorités administratives diverses. Il est divisé en deux
chapitres: l'un comportant des dispositions générales et l'autre
des dispositions particulières aux matières personnelles à
caractère extrapatrimonial et patrimonial ainsi qu'aux matières
réelles.
Le titre quatrième énonce les règles applicables
à la reconnaissance et à l'exécution des décisions
étrangères, de même que les règles relatives
à la compétence des autorités étrangères. Il
est divisé en deux chapitres qui correspondent à ces deux
matières.
Titre premier: Dispositions générales, articles 3053
à 3058. Le titre premier comporte certaines dispositions d'ordre
général sur le champ d'application des lois, la qualification et
l'ordre public. Il introduit également un article qui permettra
exceptionnellement d'appliquer une autre loi que celle désignée
par les règles de conflits, ainsi que des dispositions visant à
permettre la prise en considération des lois d'application
immédiate ou nécessaire du droit québécois ou
étranger.
Le renvoi n'a pas fait l'objet d'une règle particulière,
contrairement à la solution retenue par l'Office de révision du
Code civil qui l'interdisait (article 4). La doctrine québécoise
a généralement exprimé des regrets face au
caractère absolu de cette interdiction. La possibilité
d'appliquer le renvoi est donc maintenue.
La disposition relative à la fraude à la loi
proposée par l'Office (article 6), n'a pas non plus été
retenue. La doctrine québécoise met en doute l'utilité de
cette théorie et la jurisprudence moderne n'en fait plus usage.
Voilà, M. le Président.
Dispositions générales
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée. J'appelle donc les articles contenus à ce titre
premier qui touche les dispositions générales, soit les articles
3053 à 3058 inclusivement. M. le député de Sherbrooke.
M. Hamel: M. le Président, nous avons quatre amendements
à proposer. D'abord, dans l'article 3054: 1° aux deuxième et
troisième lignes du premier alinéa, les mots "ou plusieurs
systèmes juridiques applicables à différentes
catégories de personnes" sont supprimés; 2° à la
quatrième ligne du premier alinéa, les mots "ou chaque
système juridique" sont supprimés; 3° à la
quatrième ligne du premier alinéa, le mot
"considéré" est remplacé par le mot
"considérée" - au féminin; 4° Le deuxième
alinéa est remplacé par le suivant: "Lorsqu'un État
comprend plusieurs systèmes juridiques applicables à
différentes catégories de personnes, toute
référence à la loi de cet État vise le
système juridique déterminé par les règles en
vigueur dans cet État. À défaut de telles règles,
la référence vise le système juridique ayant les liens les
plus étroits avec la situation."
M. le Président, l'amendement proposé vise à mieux
distinguer l'une de l'autre les deux situations couvertes par l'article soit,
d'une part, les unités territoriales ayant des compétences
législatives distinctes et, d'autre part, les systèmes juridiques
applicables à des catégories de personnes. Chacune de ces
situations est visée par un alinéa distinct.
En raison de cet amendement, l'article 3054 se lirait comme suit:
"Lorsqu'un État comprend plusieurs unités territoriales ayant des
compétences législatives distinctes, chaque unité
territoriale est considérée comme un État. "Lorsqu'un
État comprend plusieurs systèmes juridiques applicables à
différentes catégories de personnes, toute
référence à la loi de cet État vise le
système juridique déterminé par les règles en
vigueur dans cet État. À défaut de telles règles,
la référence vise le système juridique ayant les liens les
plus étroits avec la situation."
Un amendement est proposé à l'article 3055: 1°
à la deuxième ligne, les mots "la qualification des biens, comme
meubles ou immeubles, est demandée à la loi du lieu de leur
situation" sont ajoutés après le mot "toutefois". 2°
l'article est scindé en deux alinéas dont
le deuxième commence par les mots "Lorsque le tribunal".
M. le Président, l'article 6, alinéa 2 du Code civil du
Bas Canada fait régir la distinction des biens comme meuble ou immeuble
par la loi québécoise sans préciser si c'est à
titre de loi du tribunal saisi ou à titre de la situation du bien. C'est
cette dernière solution que favorise la doctrine. L'amendement
proposé reprend cette solution.
En raison de ces amendements, l'article se lirait comme suit: "La
qualification est demandée au système juridique du tribunal
saisi; toutefois, la qualification des biens, comme meubles ou immeubles, est
demandée à la loi du lieu de leur situation. "Lorsque le tribunal
ignore une institution juridique ou qu'il ne la connaît que sous une
désignation ou avec un contenu distincts, la loi étrangère
peut être prise en considération."
Un amendement est proposé à l'article 3056: 1°
à la deuxième ligne du premier alinéa et aux
deuxième et troisième lignes du deuxième alinéa,
les mots "au regard de la conception québécoise du droit" sont
supprimés; 2° à la troisième ligne du premier
alinéa, les mots "il peut être donné effet à" sont
insérés après les mots "l'exigent"; 3° à la fin
du premier alinéa, les mots "peut être prise en
considération" sont supprimés.
M. le Président, les amendements proposés suppriment les
mots "au regard de la conception québécoise du droit" et
remplacent l'expression "peut être prise en considération" par "il
peut être donné effet" afin de rendre l'article davantage conforme
aux conventions internationales qui l'ont inspiré.
En raison de ces amendements, l'article 3056 se lirait comme suit:
"Lorsque des intérêts légitimes et manifestement
prépondérants l'exigent, il peut être donné effet
à une disposition imperative de la loi d'un autre État avec
lequel la situation présente un lien étroit. "Pour en
décider, il est tenu compte du but de la disposition, ainsi que des
conséquences qui découleraient de son application."
Il y a un dernier amendement à l'article 3056.1. L'article 3056.1
suivant est inséré à la suite de l'article 3056: "3056.1
Lorsque, en vertu des règles du présent livre, la loi d'un
État étranger s'applique, il s'agit des règles du droit
interne de cet État, à l'exclusion de ses règles de
conflits de lois."
M. le Président, l'amendement proposé vise à
exclure le renvoi du droit International privé québécois
compte tenu de la complexité de cette technique, laquelle jouerait au
détriment des justiciables.
En raison de cet amendement, l'article 3056.1 se lirait comme suit:
"Lorsque, en vertu des règles du présent livre, la loi d'un
État étranger s'applique, il s'agit des règles du droit
interne de cet État, à l'exclusion de ses règles de
conflits de lois." Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Sherbrooke. Est-ce qu'il y aurait des commentaires
touchant ces articles 3053 à 3058 inclusivement? Oui, Mme la
députée de Hochela-ga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, nous entamons donc à ce
stade-ci l'examen du dixième livre qui porte sur le droit international
privé. Vous avez, lors de la lecture des commentaires, indiqué
que l'objectif était d'assurer la sécurité juridique la
plus grande possible aux parties impliquées. Alors, si vous me le
permettez, étant donné que le titre premier porte sur les
principes fondamentaux, je souhaiterais que nous puissions les examiner article
par article.
D'abord à l'article 3053. C'est un article de droit nouveau. On
nous dit dans le commentaire qui accompagne cet article qu'il s'agit d'un
article inspiré de la loi fédérale suisse sur le droit
international privé de 1989. Il consacre législativement la
théorie des lois d'application immédiate. Alors, j'aimerais, pour
(es fins de nos travaux, que nous puissions obtenir, en fait toutes les
explications qui nous permettent de voir dans quelle voie on s'engage avec ce
nouveau chapitre.
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, me permettez-vous de
me référer à M. le professeur Pineau pour nous faire ces
précisions?
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Me
Pineau.
M. Pineau (Jean): Merci, M. le Président. L'article 3053
vient nous dire que les règles qui désormais feront partie du
Code civil du Québec et qui sont destinées à gouverner les
conflits de lois s'appliquent sous réserve de certaines dispositions en
vigueur au Québec et qui sont dites lois d'application immédiate
ou encore lois de police et qui, compte tenu de leur gravité, de leur
importance, doivent s'appliquer de façon imperative. Si je peux donner
un exemple, tel que la Loi sur la protection de la jeunesse, ou la Loi sur les
services de santé et les services sociaux, ce sont des lois
extrêmement importantes qui doivent s'appliquer impérieusement.
Alors, voilà ce que cette disposition vise. Donc, même si une
règle étrangère était en vertu des règles du
projet et devait être appliquée, la loi d'application
immédiate du Québec s'appliquerait néanmoins compte tenu
du but particulier de cette loi.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: En fait, il faut s'assurer qu'il y ait protection
à partir de toutes nos lois québécoises, autant au niveau
de la jeunesse, des travailleurs, des consommateurs, des familles, des droits
des personnes, aussi, la protection des personnes.
M. Pineau: Pour les consommateurs, il y a des lois
particulières que nous verrons un petit peu plus loin, qui s'appliquent
à ces questions-là. Mais ce sont des... Cela vise des lois dont
ne fait pas état le projet. Le projet ne fait pas état des droits
particuliers, entre autres.
Mme Harel: Alors, merci pour cette explication à l'article
3053. Alors, à l'article 3054, je comprends qu'il y a un amendement qui
est introduit. L'article 3054 était également de droit nouveau.
Je comprends qu'au deuxième alinéa de l'article 3054, la
formulation qu'on y retrouve a été souhaitée, je pense,
par le Barreau. Alors, peut-on nous indiquer, d'abord, ce que l'article 3054
introduit et puis ce que va modifier le deuxième alinéa?
M. Pineau: M. le Président, quant au contenu, l'amendement
n'apporte rien de nouveau, mais c'est une reformulation qui se veut plus
claire, de sorte que... Quant au premier alinéa, on nous indique que
lorsqu'un État comprend plusieurs unités territoriales ayant des
compétences législatives distinctes - eh bien, pensons au Canada
- chaque unité territoriale, c'est-à-dire chaque province, est
alors considérée comme un État. (11 h 30)
Quant au deuxième alinéa, il vise l'État qui
comprend plusieurs systèmes juridiques applicables à
différentes catégories de personnes. On pourrait songer à
cette catégorie de personnes que sont les autochtones, par exemple, dans
l'hypothèse où ils auraient... dans la mesure où ils ont
leurs propres lois, dans ce contexte-là, toute référence
à la loi de cet État vise le système juridique
déterminé par les règles en vigueur dans cet État.
Donc, ce serait la loi autochtone qui serait, à ce moment-là,
visée.
Mme Harel: Donc, le premier alinéa porte plus sur la loi
d'un État fédéral?
M. Pineau: Dans le premier alinéa de 3054, tel qu'il
était proposé à l'origine, on avait mis dans un premier
alinéa à la fois l'État qui comprend plusieurs
unités territoriales et l'État qui comporte plusieurs
systèmes juridiques applicables à différentes
catégories de personnes. Alors, cela risquait peut-être de
créer certaines ambiguïtés, de sorte qu'on a
préféré, à la demande de certains groupes, scinder
cette proposition en deux alinéas nettement plus clairs.
Mme Harel: D'accord. Donc, au premier alinéa, ça
concerne plus la loi d'un État fédéral...
M. Pineau: Plusieurs unités territoriales.
Mme Harel: ...plusieurs unités, tandis que dans le
deuxième alinéa...
M. Pineau: Deuxième alinéa, différentes
catégories, systèmes juridiques applicables à
différentes catégories.
Mme Harel: ...chaque système juridique est
considéré comme un État aux fins...
M. Pineau: Aux fins d'application.
Mme Harel: ...d'application de la règle du conflit.
M. Pineau: C'est ça. Exactement.
Mme Harel: Donc, à 3055, il s'agit également d'un
article qui est nouveau. L'amendement vient préciser la qualification
des biens lorsqu'il s'agit de meubles ou d'immeubles, c'est ça? Alors,
qu'introduit donc, de nouveau, si vous voulez, la disposition telle
qu'amendée?
M. Pineau: II faut peut-être dire, M. le Président,
que l'ensemble de ce livre dixième est une véritable
nouveauté au Québec.
Mme Harel: C'est ça.
M. Pineau: II y a trois ou quatre ou cinq dispositions dans le
Code civil du Bas Canada sur le droit international privé. Le droit
international privé au Québec est extrêmement flottant - je
crois qu'on pourrait utiliser ce terme. Donc, on vient codifier, en
définitive, ce droit.
Mme Harel: Presque pour la première fois, en fait?
M. Pineau: Ici, pour la première fois. Tout l'ensemble de
cette législation s'est fortement inspiré de la
législation suisse et des conventions internationales.
Mme Harel: Ça illustre bien qu'on est devenu des citoyens
du monde, en quelque sorte, hein?
M. Pineau: Probablement. Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Et du bon monde aussi, évidemment.
M. Pineau: Quant à la qualification, elle est
demandée au système juridique du tribunal qui
est saisi, la loi du fort, mais l'amendement vient apporter une
précision quant à la qualification des biens, soit en tant que
meubles, soit en tant qu'immeubles. Cette qualification réfère
à la loi du lieu, de la situation des biens en tant que tels.
Mme Harel: Je crois comprendre que la Chambre des notaires ne
souhaitait pas une telle formulation. Est-ce que je me trompe de croire que la
Chambre des notaires préférait que ce soit le tribunal qui
apprécie, dans chacune des circonstances, ce qui devait être
considéré comme la loi du lieu?
M. Pineau: Effectivement, elle recommande soit de la supprimer,
soit de l'améliorer. Mais je pense, M. le Président, que si on
supprimait, cela risquerait d'être complexe. L'amendement reprend la
proposition qui avait été faite par l'ORCC dans son article 3,
alinéa 2.
Mme Harel: Je crois comprendre que l'amendement vient en partie,
en tout cas du moins, peut-être satisfaire la préoccupation de la
Chambre des notaires.
M. Pineau: Elle vient... Quant à la première
phrase, il n'y a pas de problème. La Chambre des notaires, vu ce qui
vient de m'être présenté, est d'accord avec cela, me
semble-t-il.
Mme Harel: À l'article 3056.1 ou... On pourrait
peut-être voir 3056 d'abord. Oui, à l'article 3056, l'amendement
qui est introduit vient, semble-t-il, satisfaire la préoccupation
qu'exprimait la Chambre des notaires, c'est bien le cas?
M. Pineau: C'est ce qui avait été demandé,
effectivement, la suppression de la référence à la
conception québécoise du droit. Cela avait été
copié, si j'ose dire, sur la loi suisse, qui utilisait la même
terminologie, mais au regard, bien sûr, de la conception suisse.
Mme Harel: C'est donc le tribunal qui va apprécier,
à ce moment-là. C'est bien ça?
M. Pineau: C'est cela. Si vous voulez, je peux vous donner un
exemple. Supposons le cas de sculptures. C'est un problème qui s'est
posé devant les tribunaux d'Angleterre. Il y a des sculptures qui sont
sorties illégalement de Nouvelle-Zélande et qui ont
été achetées en Grande-Bretagne. Les tribunaux anglais ont
été saisis, et la Grande-Bretagne a appliqué cette
disposition 3056. Elle s'est référée, effectivement,
à la loi de la Nouvelle-Zélande alors même que les
règles de conflits indiquaient qu'elle devait se référer
à sa propre loi. Elle a considéré qu'il s'agissait
d'intérêts légitimes et manifestement
prépondérants, les sculptures en question, selon la loi de la
Nouvelle-Zélande, ne pouvant pas sortir de la Nouvelle-Zélande,
parce que patrimoine culturel.
Mme Harel: Alors, pour apprécier s'il s'agit
d'intérêts légitimes et manifestement
prépondérants.
M. Pineau: Deuxième alinéa, il est tenu compte du
but de la disposition ainsi que des conséquences qui
découleraient de son application. Ce sont les critères auxquels
le tribunal doit se référer pour prendre, effectivement, une
décision sur la question de savoir si le tribunal applique la loi
étrangère, la règle imperative de l'autre État.
Mme Harel: Pour évaluer les intérêts
légitimes et manifestement prépondérants des personnes
intéressées à voir appliquer la disposition de la loi d'un
autre État.
M. Pineau: C'est ça.
Mme Harel: C'est ça. À l'article 3056.1, je crois
comprendre que l'amendement introduit, qui se lit comme suit: "Lorsque, en
vertu des règles du présent livre, la loi d'un État
étranger s'applique, il s'agit des règles du droit interne de cet
État, à l'exclusion de ses règles de conflits de lois."
C'est ce qu'on appelle la règle du renvoi, ça, je crois, hein?
C'est pour éviter qu'un tribunal québécois décide
de ne pas avoir compétence, et que le tribunal étranger
décide de ne pas avoir compétence et que...
M. Pineau: C'est cela. C'est la partie de ping-pong entre les
deux États, n'est-ce pas? Ce qui fait que 3056.1 vient stabiliser la
situation, dans la mesure où la règle de conflits indique que
c'est la loi de l'État étranger qui s'applique. Cette loi
étrangère se limite aux règles du droit interne, et ne
comprend pas les règles de conflits de lois de ce pays. Ce qui
évite...
M. Holden: M. le Président, si la... M. Pineau:
...la partie de ping-pong.
M. Holden: ...députée de Hochelaga-Maison-neuve me
permet, juste... Il faudrait peut-être corriger les commentaires sur la
question de renvoi parce qu'on dit que la doctrine québécoise a
exprimé des regrets, etc. Là, on a pas mal changé
l'approche avec l'amendement. Alors, il faudrait peut-être corriger le
paragraphe dans les commentaires, dans le livre de commentaires.
M. Pineau: Au...
M. Holden: Au titre premier, le troisième paragraphe.
M. Pineau: Bien sûr.
M. Holden: Le renvoi n'a pas fait l'objet d'une règle
particulière, etc., mais on l'a changé.
M. Rémillard: Je répète, M. le
Président, que nous allons revoir tous les commentaires parce que c'est
très juste ce que le député de Westmount nous souligne.
C'est une autre démonstration éloquente que nous devrons revoir
tous les commentaires. Moi, je prévois trois à quatre mois de
travail avec nos experts pour revoir tous les commentaires à la
satisfaction de tous les intervenants.
Mme Harel: L'avant-projet de loi contenait cette règle du
renvoi.
M. Pineau: L'article 3056.1, c'est cela. Elle avait
été supprimée dans le projet de loi 125 et elle est
rétablie.
Mme Harel: Les motifs qui justifient ce rétablissement
sont liés à l'intérêt des personnes
concernées?
M. Pineau: C'est cela. Le motif essentiel, c'est de permettre au
justiciable de savoir, en définitive, quelle est la règle qui va
lui être appliquée, car il est évident que s'il est soumis
à une partie de ping-pong entre deux États, il doit attendre de
savoir à quelle sauce il va être mangé.
M. Rémillard: C'est un petit peu cannibales-que, vos
propos, mais en tout cas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pineau: Oui, c'est vrai. J'aurais dû mettre la main
devant.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Alors, l'article 3057 dit clairement: "L'application
des dispositions de la loi d'un État étranger est exclue
lorsqu'elle conduit à un résultat manifestement incompatible avec
l'ordre public tel qu'il est entendu dans les relations internationales." C'est
ce dernier membre de phrase que je voudrais me faire expliquer. Par exemple -
vous allez me dire que ça ne concerne pas... Le droit de correction, par
exemple, appliqué aux femmes dans certains États étrangers
pourrait-il être...
Des voix: Ha, ha, ha! Mme Harel: ...repris ici?
M. Pineau: Je crois que ça pourrait être un
très bon exemple...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pineau: ...dans l'autre sens.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Mais qu'est-ce que signifie "tel qu'il est entendu
dans les relations internationales"?
M. Pineau: M. le Président, j'ai sous les yeux le
commentaire de l'Office de révision du Code civil qui traite de l'ordre
public sous l'article 5 du projet de l'Office. Le commentaire commence par la
phrase suivante: "L'ordre public est l'enfant terrible, l'élément
perturbateur du droit international privé". Alors, il est évident
qu'il n'est pas facile de dire ce que c'est que l'ordre public international.
Il n'y a pas de définition de cela, sans doute fort heureusement, de la
même façon qu'il n'y a pas de définition de l'ordre public
interne, car c'est essentiellement mouvant. Cette notion est essentiellement
mouvante.
Mais, si vous me le permettez, je pourrais simplement dire que l'ordre
public du Québec ne doit pas faire obstacle à l'effet d'un droit
qui a été acquis sans fraude à l'étranger, sauf si
c'est manifestement incompatible, n'est-ce pas, avec les principes fondamentaux
du droit ou de la morale du Québec. C'est cela, essentiellement, que
veut dire l'article 3057. (11 h 45)
M. Rémillard: Si vous me le permettez, M. le
Président, le concept d'ordre public en matière de relations
internationales, sur le plan du droit international, maintenant se
réfère au respect des conventions et pactes internationaux sur le
respect des droits de l'homme. Ça fait partie du respect de l'ordre
public de même qu'au niveau québécois, lorsque nous parlons
de l'ordre public, on doit se référer maintenant aussi au respect
des droits et libertés de la personne...
M. Holden: Ça inclut le...
M. Rémillard: ...et toutes les autres lois concernant les
francophones partout au Canada.
Mme Harel: À 3057, l'effet d'une telle disposition c'est
lors de l'application d'une disposition de la loi d'un État
étranger. Si cette disposition est incompatible avec l'ordre public au
regard de la conception québécoise, cette disposition va
s'appliquer quand même. C'est ça que je dois comprendre?
M. Pineau: Pas exactement, non. Ce que l'on veut dire par
là, c'est que ce n'est pas dès lors qu'une loi
étrangère doit s'appliquer. Elle doit être appliquée
au Québec. Il ne suffit pas de dire: Cette règle
étrangère va à rencontre de l'ordre public
québécois. En d'autres termes,
l'ordre public qui peut être invoqué par un tribunal du
Québec, à rencontre de l'application d'une règle
étrangère, doit être un ordre public beaucoup plus fort,
qui dépasse l'ordre public québécois, d'une certaine
manière.
Sinon, si on ne pouvait invoquer l'ordre public québécois
toutes les fois que la règle étrangère vient contrarier
une règle québécoise d'ordre public, on n'appliquerait,
compte tenu de la multitude de règles d'ordre public que nous avons
aujourd'hui dans notre droit, que la règle québécoise et
non plus les règles étrangères.
Mme Harel: C'est donc dire que la loi étrangère
pourrait...
M. Pineau: Exact.
Mme Harel: ...s'appliquer à rencontre de l'ordre public
québécois.
M. Pineau: De l'ordre public québécois,
voilà.
Mme Harel: Elle pourrait s'appliquer à rencontre de
l'ordre public québécois en autant qu'elle est conforme à
l'ordre public dans les relations internationales.
M. Pineau: C'est ça.
Mme Harel: On dit: "dans les relations internationales".
M. Pineau: Tel qu'il est entendu dans les relations
internationales". On réfère à la notion dite d'ordre
public international.
Mme Harel: Pour moi, le seul ordre qu'il y a dans les relations
internationales, c'est l'ordre du plus fort. À part ça, je ne
vois pas tellement d'autre ordre, disons, connu dans les relations
internationales.
M. Rémillard: Ici, entre autres, on se
réfère, bien sûr, à tout le droit international issu
des Nations Unies, qui est là et qui établit l'ordre des
relations internationales. C'est tout d'abord manifesté par les Nations
Unies et tous les pactes internationaux, les conventions qui lient les parties
signataires, que ce soit dans tous les domaines, que ce soit en fonction de
l'UNESCO, ou que ce soit en fonction de la convention de ses
réfugiés, peu importe.
M. Pineau: Si vous voulez prendre l'exemple suivant: À
l'époque où le divorce n'était pas admis au Québec,
un divorce prononcé à l'étranger aurait été
néanmoins reconnu au Québec, n'est-ce pas? Ça n'allait
pas... La règle sur le divorce de l'État étranger ne
conduisait pas à un résultat manifestement incompatible avec
l'ordre public.
Mme Harel: Est-ce que l'inverse pourrait être possible
maintenant?
M. Pineau: L'inverse?
Mme Harel: Le divorce qui est maintenant reconnu au Québec
et qui ne le serait pas à l'étranger, et qui pourrait donc ne pas
être prononcé ici.
M. Pineau: Je pense que oui.
Le Président (M. Lafrance): M. le député de
Westmount.
M. Holden: J'ai compris qu'un divorce prononcé ici...
Mme Harel: Non, ici le divorce peut être prononcé.
Si tant est que la loi étrangère émanait d'un pays...
M. Holden: Ah, la loi étrangère s'applique contre
un divorce accordé ici? Est-ce que c'est ça que le professeur
veut dire?
M. Pineau: Non.
Mme Harel: Non.
M. Holden: J'ai mal compris.
M. Pineau: J'ai dit, M. le Président, qu'à
l'époque où le divorce n'était pas admis au Canada...
M. Holden: On les faisait au Sénat. On les faisait passer
au Sénat.
M. Pineau: Oui, mais enfin...
M. Holden: Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve
a soulevé une question et j'ai mal compris votre réponse.
M. Pineau: J'ai répondu affirmativement à sa
question, car la notion d'ordre public international est admise
communément.
Mme Harel: Je prends un exemple. En Inde, il y a une partie de la
population de religion musulmane et malgré que l'État soit
laïque, il y a une sorte d'exception à la règle qui permet
le mariage avec de très très jeunes filles. Je crois que les
mariages sont consommés avec des jeunes filles de 11, 12, 13 ans. Dans
la mesure, par exemple, où un couple ainsi marié selon les
formalités prescrites viendrait résider au Québec, qu'en
est-il en regard du droit qui les régit?
M. Pineau: C'est aussi le cas au Québec, l'âge.
Mme Harel: Oui, mais l'âge c'est quand même 14 ans,
je pense, pour une fille.
M. Holden: Pour les garçons...
Mme Harel: Pour les garçons, puis les filles c'est 12 ans?
D'accord.
M. Pineau: Je ne pense pas que ça crée... Ha, ha,
ha!
Mme Harel: Mettons, pour les fins de mon exemple, après la
mise en vigueur de notre nouveau Code.
M. Pineau: Nous avons une disposition particulière en
matière de mariage et si les conditions de célébration
sont celles de l'Inde, il n'y a pas de problème, mais si les conditions
de fond vont à rencontre de l'ordre public d'ici, alors là, le
mariage ne sera pas admis.
Mme Harel: Donc, ça signifie que même à 16 ou
17 ans, une fois la mise en vigueur du nouveau Code qui prévoit
l'âge du mariage à 18 ans, une considération de fond ne
serait pas admise. C'est ça qu'il faut comprendre?
M. Pineau: C'est ça, c'est l'article 3064. "Le mariage est
régi, quant à ses conditions de fond, par la loi applicable
à l'État de chacun des futurs époux; il est régi
quant à ses conditions de forme, par la loi du lieu de sa
célébration." Alors, dans ce cas-là, s'agissant de la loi
applicable à l'État de chacun des futurs époux, s'il
s'agit d'époux indiens, alors le mariage, quant à ses conditions
de fond, serait régi par la loi indienne.
Mme Harel: C'est donc dire qu'à ce moment-là il
pourrait être reconnu ici un mariage, par exemple, où ça
s'est présenté... qui ne serait pas permis ici.
M. Pineau: Oui, c'est ça. L'exemple que je vous donnais
tout à l'heure, je le reprends. Cette règle que j'ai
énoncée s'appliquerait à des Québécois qui
iraient se marier à l'étranger.
Mme Harel: Oui, c'est ça. Exactement. Bon. Écoutez,
ce n'est pas une pratique qui est courante. De toute façon, le mariage
n'est pas courant au Québec, mais en Inde, malheureusement, c'est une
pratique assez courante qui consiste à vendre - le terme est
peut-être excessif - à obtenir une dot pour le mariage d'une de
ses filles avec, de préférence, un riche Arabe des
émirats.
Une voix: Un richard.
Mme Harel: Un richard? Alors, à l'article 3058, il s'agit
également de droit nouveau. Peut- on nous donner un exemple qui
permettrait de mieux comprendre l'application de l'article 3058?
M. Pineau: Peut-être un contrat qui serait passé
entre un Québécois et un Ontarien, mais qui aurait
été conclu en Chine, par exemple, alors qu'ils n'ont aucun point
d'attache. C'est peut-être un accident, entre guillemets, qui aurait pu
faire se rencontrer les deux parties contractantes. Pourvu qu'ils n'aient pas,
dans leur convention, désigné la loi applicable. Supposons qu'ils
aient passé le contrat là-bas sans indiquer qu'ils entendent se
soumettre à telle loi, la loi de tel État. Ils n'ont aucun point
de rattachement avec la Chine...
Mme Harel: Donc, c'est le "consensualisme" qui va
prévaloir.
M. Pineau: ...dans l'hypothèse où la règle
de conflit désignerait la loi chinoise comme la loi applicable.
Mme Harel: Alors, si c'est la Chine qui est
désignée, à ce moment-là, entre les parties,
c'est...
M. Pineau: Alors, à ce moment-là, à titre
exceptionnel... Oui, exact.
Mme Harel: ...la loi chinoise qui va s'appliquer.
Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres
commentaires, l'article 3053 est adopté tel quel. Les articles 3054,
3055 et 3056 sont adoptés tels qu'amendés. Le nouvel article
3056.1 est adopté tel que proposé et les articles 3057 et 3058
sont adoptés tels quels.
Des conflits de lois Du statut personnel
Nous en arrivons maintenant au titre deuxième qui traite des
conflits de lois et qui touche les articles 3059 à 3110. Permettez-moi
de vous lire le texte d'introduction. Le titre deuxième est
consacré aux conflits de lois. Les dispositions qui le composent
indiquent le système juridique compétent pour résoudre
différentes situations comportant un élément
d'extranéité. Il est divisé en quatre chapitres qui
correspondent aux grandes divisions du droit civil soit le statut personnel, le
statut réel, le statut des obligations et celui de la procédure.
Chacun de ces chapitres compte deux sections, l'une établissant des
dispositions générales, l'autre des dispositions
particulières, sauf le chapitre sur le statut de la procédure qui
ne comprend que deux articles.
Ainsi, le titre deuxième indique notamment la loi applicable au
mariage, à la filiation, à l'obligation alimentaire, aux biens
meubles et
immeubles, aux successions, aux sûretés, à la
fiducie, aux contrats de vente, de travail, d'assurance, de consommation,
à la preuve, à la prescription et à la
procédure.
Le chapitre premier traite du statut personnel et touche les articles
3059 à 3072 inclusivement. Permettez-moi de vous lire le texte
d'introduction à ce chapitre premier. Les dispositions qui composent le
chapitre premier indiquent le système juridique compétent pour
résoudre les situations comportant un élément
d'extranéité dans les matières qui relèvent du
statut personnel. Il compte deux sections, l'une établissant des
dispositions générales, l'autre, des dispositions
particulières sur l'état et la capacité des personnes
physiques et morales, les incapacités, le mariage, la séparation
de corps, la filiation et l'adoption ainsi que sur l'obligation
alimentaire.
La loi du domicile de la personne concernée constitue le facteur
de rattachement le plus généralement utilisé,
conformément au quatrième alinéa de l'article 6 du Code
civil du Bas Canada. Le domicie doit s'entendre en conformité avec les
nouvelles dispositions du Code civil, article 75 et suivants, en vertu
desquelles le domicile d'une personne coïncidera
généralement avec le lieu de sa résidence habituelle.
J'appelle les articles contenus à la section I, qui traite des
dispositions générales, soit les articles 3059 et 3060.
M. Kehoe: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Aucun amendement. Alors,
est-ce qu'il y aurait des commentaires touchant ces deux articles? Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. (12 heures)
Mme Harel: Oui, M. le Président. Je m'étonne un peu
du commentaire du chapitre premier qui fait état que le domicile doit
s'entendre en conformité avec les nouvelles dispositions du Code civil
en vertu desquelles le domicile d'une personne coïncidera
généralement avec le lieu de sa résidence habituelle.
Faut-il comprendre qu'à l'article 3059 la loi du domicile est
définie comme étant la résidence habituelle?
M. Kehoe: M. Pineau.
Le Président (M. Lafrance): Alors, Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, quand on parle de domicile,
à l'article 3059, il faut se référer à la notion de
domicile telle qu'énoncée à l'article 75. L'article 75 ne
modifie pas le droit actuel. Donc, le domicile d'une personne, quant à
l'exercice de ses droits, est au lieu de son principal établissement et
l'article 76 nous indique bien que le principal établissement
réfère non seulement à l'élément factuel,
l'élément matériel, mais aussi à l'intention,
n'est-ce pas, de maintenir, de faire de ce lieu son principal
établissement.
Mme Harel: Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux modifier le
commentaire, à ce moment-là?
M. Pineau: Peut-être. Ce que l'on veut dire simplement,
c'est qu'il y a une définition un petit peu plus loin de la
résidence, 77 n'est-ce pas? C'est le lieu où elle demeure,
effectivement, de façon habituelle. Alors, on a inséré
cette définition de la résidence dans le but d'éviter
certains problèmes car, contrairement à l'Office de
révision qui retenait comme notion de domicile la simple
résidence habituelle, le seul élément matériel
faisant abstraction de l'intention, on a maintenu le droit actuel, mais en
droit international privé, la notion de résidence habituelle va
être invoquée dans certains cas. La notion de domicile sera
invoquée dans certains cas.
Dans d'autres cas, la notion de résidence habituelle sera aussi
invoquée. Quelquefois, dans certains cas, il n'y aura pas de
rattachement à la notion de domicile, mais simplement un rattachement
à la notion de résidence habituelle et, parfois, un rattachement
simplement à la notion de domicile et non point de résidence
habituelle, d'où l'existence de 77 et la définition de
résidence habituelle.
Mme Harel: Dans le commentaire... Excusez-moi!
M. Pineau: Oui, on peut modifier le commentaire, effectivement,
pour éviter...
Mme Harel: Oui, dans le commentaire général sur le
chapitre premier.
M. Kehoe: Ce sera revu, et on en prend bonne note. Ce sera revu,
le commentaire.
Mme Harel: Dans le commentaire de 3059, on y lit ceci: Quant au
premier alinéa, l'article reprend, en la simplifiant, la formulation
actuelle. En fait, c'est ce qu'il faut comprendre? C'est...
M. Pineau: Du quatrième alinéa de l'article 6, Bas
Canada. L'état et la capacité d'une personne physique sont
régis par la loi de son domicile. C'est le droit actuel. Ce qui est un-*
ajout au droit d'aujourd'hui, c'est le deuxième alinéa qui vise
l'état et la capacité d'une personne morale qui, eux, sont
régis par la loi de l'état en vertu de laquelle cette personne
morale est constituée, avec la réserve qui suit.
Mme Harel: Je crois comprendre que la
Chambre des notaires aurait, dans son commentaire,
préféré que le domicile soit défini comme
étant le lieu de la résidence habituelle.
M. Pineau: C'est ça.
Mme Harel: C'est un peu le même commentaire que lors
même de l'examen des articles portant...
M. Pineau: Exactement, sur le domicile.
Mme Harel: ...sur le domicile et la résidence.
M. Pineau: C'est ça. Il me paraît difficile de
définir, dans le code de demain, une notion de domicile dans le livre
sur les conflits de lois sur le droit international privé qui ne
corresponde pas à la notion de domicile du Code. Car il ne faut quand
même pas oublier que ces règles de conflits sont des règles
du Code civil du Québec. Ce sont des règles locales.
Mme Harel: L'article 3060 est de droit nouveau. Pouvez-vous nous
en préciser la portée?
M. Pineau: "En cas d'urgence ou d'inconvénients
sérieux, la loi du tribunal saisi peut être appliquée
à titre provisoire, en vue d'assurer la protection d'une personne ou de
ses biens." Alors là, dans l'hypothèse où, effectivement,
nous avons affaire à un mineur dont la loi personnelle est une loi
étrangère, dans l'hypothèse où il y aurait lieu,
pour le tribunal, d'agir promptement, compte tenu de l'urgence et du
caractère sérieux des inconvénients que cela pourra
entraîner s'il n'intervenait pas, il a la possibilité
d'intervenir.
Mme Harel: Par exemple, ça pourrait être... M.
Pineau: Et d'appliquer sa loi.
Mme Harel: Ça pourrait être la DPJ qui intervient,
par exemple, à l'égard d'une enfant de 13 ans...
M. Pineau: Quant à son état et sa
capacité.
Mme Harel: ...qui a contracté mariage, c'est ça.
D'accord.
M. Pineau: C'est ça.
Le Président (M. Lafrance): Donc, les articles 3059 et
3060 sont adoptés tels quels.
Des incapacités
Nous en arrivons maintenant à la section II, qui touche aux
dispositions particulières et, de façon plus précise, des
incapacités. Et j'aimerais appeler les articles 3061, 3062 et 3063.
M. Kehoe: Encore une fois dans cette section, M. le
Président, il n'y a pas d'amendement.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Chapleau. Est-ce qu'il y a des commentaires, donc,
touchant ces trois articles?
Mme Harel: Sur cette question des incapacités, peut-on
nous indiquer, en ce qui concerne 3062, 3063, en particulier, qui sont de droit
nouveau... Je comprends que 3061 reprend une règle déjà en
vigueur. Alors, peut-on nous indiquer quelle est la nouveauté?
M. Pineau: 3062: "La partie à un acte juridique qui est
incapable selon la loi de l'État de son domicile - prenons le cas d'un
mineur étranger - ne peut pas invoquer cette incapacité si elle
était capable selon la loi de l'État du domicile de l'autre
partie lorsque l'acte à été passé dans cet
État, à moins que cette autre partie n'ait connu ou dû
connaître cette incapacité."
À supposer que le mineur étranger passe un contrat avec un
Québécois, dans l'hypothèse où cet étranger
aurait été majeur, en vertu de la loi québécoise,
il ne peut pas invoquer son incapacité lorsque la loi a
été passée dans cet État, sauf si notre
Québécois a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance
de l'incapacité de cet étranger. On évite ainsi l'effet de
surprise.
Mme Harel: II peut y avoir une sorte d'ignorance excusable de la
loi étrangère. C'est ça?
M. Pineau: C'est ça. Exactement. Mme Harel: Et
à 3063?
M. Pineau: C'est le même principe, mais relatif à la
personne morale.
Mme Harel: Vous faites le même sort aux personnes
morales.
M. Pineau: C'est ça.
Mme Harel: Mais est-ce qu'elles ne seraient pas plus en mesure de
voir, savoir?
M. Pineau: Le tribunal va pouvoir apprécier, à
moins que cette autre partie n'ait connu ou dû connaître ces
restrictions. Donc, il y a là une réserve qui permet au tribunal
d'apprécier la situation.
M. le Président, une précision. L'autre partie dont il est
fait état dans l'article 3063 peut fort bien être une personne
morale ou une personne physique, n'est-ce pas? Donc, il est
normal qu'il y ait un parallélisme entre les deux articles, 3062
et 3063.
Mme Harel: En fait, à 3063, il s'agit plutôt non pas
d'incapacité, mais de restriction au pouvoir de représentation.
C'est ça?
M. Pineau: C'est ça, oui, c'est ça. Ou
mariage
Le Président (M. Lafrance): Or, les articles 3061, 3062 et
3063 sont donc adoptés tels quels. J'appelle maintenant les articles
3064 et 3065 qui touchent la question du mariage.
M. Rémillard: II y a un amendement, M. le
Président. À 3064, les mots "ou par la loi de l'État du
domicile ou de la nationalité de l'un des époux" sont
ajoutés après le mot "célébration". M. le
Président, l'amendement proposé vise à favoriser la
validité du mariage célébré, conformément
aux conditions de forme de la loi de l'État du domicile ou de la
nationalité de l'un des époux. En raison de cet amendement,
l'article 3064 se lirait comme suit: "Le mariage est régi, quant
à ses conditions de fond, par la loi applicable à l'état
de chacun des futurs époux; il est régi, quant à ses
conditions de forme, par la loi du lieu de sa célébration ou par
la loi de l'État du domicile ou de la nationalité de l'un des
époux."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y aurait des commentaires, donc, touchant cet article 3064 tel
qu'amendé, ou encore 3065?
Mme Harel: J'adopte 3064, M. le Président. Le
Président (M. Lafrance): Tel qu'amendé?
Mme Harel: Tel qu'amendé. Alors, on en a parlé
tantôt. C'est donc une des recommandations que le Barreau faisait, je
crois?
M. Pineau: La Chambre des notaires. Mme Harel: Ah! La
Chambre des notaires!
M. Rémillard: Le Barreau probablement aussi.
Mme Harel: Alors, cet amendement, qu'est-ce qu'il introduit de
nouveau?
M. Pineau: Ce mariage sera valable si les conditions de forme,
les conditions de célébration ont été conformes
à la loi, sort du lieu de célébration, soit la loi de
l'État du domicile, soit la loi de la nationalité de l'un des
époux. C'est donc cette deuxième et cette troisième
possibilité qui ont été ajoutées.
Mme Harel: Comment le choix va-t-il se faire?
M. Pineau: Ce sont les époux qui auront choisi de
célébrer le mariage, soit sous la forme du lieu où il a
été célébré, soit sous la forme de
l'État du domicile ou de la nationalité des époux. On peut
imaginer peut-être une situation où des époux, deux
personnes décideraient de se marier dans un pays étranger, mais
sous la forme de la loi de l'État de leur... soit domicile, soit
nationalité. Un couple français, par exemple, pourrait fort bien
se marier à l'étranger dans l'ambassade de leur pays. (12 h
15)
Mme Harel: Je viens de prendre connaissance, ici, du commentaire
que le Barreau apporte à ce second... Ce n'est pas un second
alinéa. En fait, c'est un second membre de phrase, c'est le dernier
membre de phrase... Le commentaire du Barreau vaut toujours, même compte
tenu que l'amendement est introduit au premier alinéa. Le commentaire
est le suivant: Cela aura pour effet de reconnaître ici des mariages
célébrés ailleurs, dans des ambassades, par exemple, alors
que d'autres États ne reconnaîtront pas nécessairement leur
validité. Nous assisterons donc à des mariages boiteux. Enfin, un
retour aux critères de la loi personnelle de l'un des époux
permettra à ceux-ci de contourner facilement les conditions de forme
reliées au mariage et qui sont celles du lieu de sa
célébration.
M. Pineau: II y a des étrangers, M. le Président,
qui peuvent se marier valablement ailleurs que dans leur pays. Doit-on pour
autant ne pas reconnaître ces mariages? Cette règle ne vise
qu'à favoriser la validité du mariage.
Mme Harel: Alors, Us se marient, par exemple, aux Barbades,
n'est-ce pas? Par exemple, ils se marient non pas selon les conditions de forme
du lieu de la célébration, selon les conditions de forme de la
loi de leur domicile, par exemple...
M. Pineau: Ou de leur nationalité. Mme Harel: ...ou
de leur nationalité.
M. Pineau: Et ce mariage serait valable. Ce sont les conditions
de forme. Ce ne sont pas les conditions de fond.
Mme Harel: Comme on peut même avoir la double
nationalité. Alors, c'est donc dire que les conditions de forme... Ce ne
sera pas nécessaire de le faire dans une ambassade, la. Ça
pourrait même se faire au Québec, par exemple. Conditions de forme
de la nationalité de l'un des époux... De toute façon, les
conditions de fond, elles, sont toujours régies par la loi...
M. Pineau: Je suppose qu'un couple français pourrait se
marier peut-être dans l'ambassade de France au Canada selon les formes
françaises, la loi française permettant, le cas
échéant - je n'ai pas vérifié - de tels
mariages.
Mme Harel: Quand on dit: "Le mariage est régi, quant
à ses conditions de fond, par la loi applicable à l'État
de chacun des futurs époux..."
M. Pineau: La loi personnelle, c'est-à-dire celle de leur
domicile.
Mme Harel: D'accord. C'est-à-dire que pourraient venir se
marier ici, par exemple - je reprends mon exemple - deux personnes de
nationalité indienne et qui seraient régies par les conditions de
fond à leur État.
M. Pineau: C'est ça.
Mme Harel: Donc, aux conditions de fond de l'Inde. Alors,
pourraient venir se marier ici, par exemple, un monsieur de 60 ans avec une
jeune épousée de 11 ou 12 ans, étant donné que
c'est les conditions de fond de la loi applicable à leur État.
Ils pourraient venir se marier ici avec les conditions de forme de
là-bas et les conditions de fond de là-bas, et tout ça,
ici.
M. Pineau: Si, cependant, ils trouvent la possibilité de
voir un mariage se célébrer selon les formes indiennes ici...
Mme Harel: Avec un officiant dans les communautés. Et je
vous pose une question. Dans ce contexte-là, par exemple, si un
État - je pense à la Californie, n'est-ce pas, qui est une des
parties d'un État fédéral - introduisait, n'est-ce pas, la
possibilité de mariage entre personnes d'un même sexe quant aux
conditions de fond, des Californiens pourraient venir se marier ici, des
personnes de même sexe pourraient venir se marier ici en faisant
appliquer les conditions de fond de la loi applicable à l'État
d'où ils viennent, avec les conditions de fond de la Californie, et le
mariage pourrait avoir lieu ici, finalement?
M. Pineau: S'ils trouvent un célébrant
compétent, autorisé, dois-je dire.
Mme Harel: Un célébrant autorisé en
conformité avec les conditions de fond de leur
État. C'est-à-dire, par exemple, un pasteur d'une des
églises qui reconnaît le mariage entre personnes de même
sexe.
Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres
questions... Donc, oui?
Mme Harel: J'en ai à 3065, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): 3065, d'accord.
Mme Harel: Et à l'article 3064, vous allez me permettre
d'y réfléchir peut-être encore un peu. Je ne sais pas
qu'est-ce que le ministre en pense.
M. Rémillard: Pourquoi vous faites ça,
réfléchir?
Mme Harel: Moi, je pense à l'Inde.
M. Rémillard: C'est ça. J'ai vu votre geste.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: L'influence de certains voyages.
Mme Harel: Et vous, vous étiez en Belgique, je crois? Vous
n'avez pas pris de poids, pourtant.
M. Rémillard: Qu'est-ce que je devrais faire comme signe,
moi?
Mme Harel: Vous n'avez pas pris de poids. C'est
étonnant.
M. Rémillard: Parler flamand, si vous voulez.
Mme Harel: Ce ne serait pas d'ordre public. La France a sa tour
Eiffel, Montréal, son Stade, et les Belges... la Manneken-Pis.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Bon, revenons aux choses sérieuses. À
3065, on y lit, au premier alinéa: "Les effets du mariage, notamment
ceux qui s'imposent à tous les époux quel que soit leur
régime matrimonial, sont soumis à la loi de leur domicile."
Est-ce que le patrimoine familial fait partie des effets du mariage?
M. Rémillard: Bonne question. Me Pineau.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: C'est ce que semblent dire, M. le Président,
les dispositions sur le patrimoine familial.
M. Rémillard: ...répondre très
objectivement. Mme Harel: J'aimerais entendre la réponse.
M. Pineau: M. le Président, nous avons un chapitre
quatrième intitulé Des effets du mariage. Aux articles 390 et
suivants, la section première
est consacrée aux droits et devoirs des époux. La section
seconde est consacrée à la résidence familiale. La section
troisième est consacrée au patrimoine familial et la section
quatrième est consacrée à la prestation compensatoire.
Mme Harel: Ça veut donc dire que, à moins qu'ils
n'aient résidé ensemble avant le mariage... C'est ce qu'il faut
comprendre avec le deuxième alinéa, puisque avant... Non?
M. Pineau: Le deuxième alinéa concerne les
époux qui sont domiciliés dans des États
différents.
Mme Harel: Ah oui. Très bien.
M. Pineau: Car il est possible à des époux d'avoir
deux domiciles ou d'avoir un domicile distinct. Pardon, pas d'avoir deux
domiciles, mais avoir un domicile distinct. Donc, il fallait prévoir
l'hypothèse où les époux étaient domiciliés
dans des États différents. Dans ce cas-là, c'est la loi du
lieu de la résidence commune qui s'applique. Si on n'arrive pas à
déterminer une résidence commune, ça sera la loi de leur
dernière résidence commune. Si on n'arrive pas à
déterminer la loi de leur dernière résidence commune,
ça sera la loi du lieu de célébration du mariage.
Mme Harel: Ça, c'était aux fins de quoi? De
régler quel conflit? Pour le deuxième alinéa?
M. Pineau: Et pour savoir de... pour appliquer le premier
alinéa de l'article 3065. Donc...
Mme Harel: Donc, pour appliquer...
M. Pineau: ...les effets du mariage sont soumis à la foi
de leur domicile. Cependant, s'ils ont deux domiciles, il faut bien en choisir
un.
Deux domiciles distincts dans des États différents.
Mme Harel: Est-ce qu'il suffirait, par exemple, à l'un des
époux d'être domicilié au Nouveau-Brunswlck ou en Ontario
pour échapper à un des effets du mariage qui serait le patrimoine
familial?
M. Pineau: On chercherait d'abord la loi du lieu de leur
résidence commune. S'ils ont une résidence commune, ça
serait la loi de cette résidence commune. Mais par hypothèse, si
j'ai bien compris, ils n'ont pas une résidence commune. Donc, dans ce
cas-là, on chercherait à savoir où se situait leur
dernière résidence commune. Si on réussissait à
trouver le lieu de leur dernière résidence commune, on leur
appliquerait la loi de ce dernier lieu et si on ne parvient pas à
trouver le lieu de cette dernière résidence commune, à ce
moment-là, on appliquera - c'est la dernière possibilité -
la loi du lieu de célébration du mariage. On suppose qu'ils
auront été réunis au moins le jour de la
célébration du mariage.
Mme Harel: On a vu souvent - en fait, souvent, je ne sais pas si
ça l'est si fréquemment - on a vu beaucoup de films très
connus porter à l'écran cette question de mariages en blanc,
mariages qui, souvent, sont contractés pour pouvoir faciliter
l'obtention de la citoyenneté.
M. Pineau: C'est une tout autre question.
Mme Harel: Oui, c'est une tout autre question. Mais dans un cas
où ces mariages-là, en quelque sorte, sont maintenant soumis,
justement, à l'effet du patrimoine familial, ça peut
désinciter, d'une certaine façon, à les contracter,
puisque là, il y a des effets - cer tains diront plus accablants ou
d'autres diront plus engageants - que ceux qui existaient auparavant. Quoi
qu'il en soit, il suffirait d'aller contracter mariage à
l'extérieur du Québec, dans la mesure où il n'y a pas de
résidence commune, pour pouvoir se soustraire à un des effets du
mariage. Est-ce que c'est ce qu'il faut comprendre par l'application du
deuxième alinéa?
M. Pineau: Mais il s'agit de savoir, à ce
moment-là, M. le Président, si leur nouvelle résidence
à l'étranger est une simple résidence ou s'ils y ont
établi leur domicile. Il faudrait qu'ils puissent prouver que... Votre
exemple porte sur des personnes qui vivent ensemble.
Mme Harel: Qui contractent mariage.
M. Pineau: Mais ce qui est important, c'est de savoir où
est leur domicile.
Mme Harel: C'est ça. Leur résidence, en fait.
M. Pineau: Non, leur domicile. Mme Harel: Oui,
d'accord.
M. Pineau: C'est à défaut de pouvoir établir
un domicile commun qu'on aura recours à la loi de deux de leurs
résidences ou de leur dernière résidence commune.
Mme Harel: M. le Président, pourquoi l'utilisation du mot
"notamment"? Y a-t-il d'autres effets du mariage que ceux qui s'imposent
à tous les époux, quel que soit leur régime matrimonial?
Quels sont les autres effets du mariage, outre ceux qui s'imposent à
tous les époux, quel que soit leur régime matrimonial?
M. Pineau: Dans certains cas, les effets du...
Le Président (M. Lafrance): Alors, vous désirez
compléter, Me Pineau, en vous rappelant qu'il nous reste quelques
minutes seulement et que je devrai...
M. Pineau: Oui.
Le Président (M. Lafrance): ...terminer notre
séance pour ce matin. Me Pineau.
M. Pineau: Oui, M. le Président, les effets du
mariage sont soit à caractère extrapatrimonial, soit à
caractère patrimonial. Les effets, dis-je, peuvent être soit
à caractère extrapatrimonial: l'obligation de
fidélité, l'obligation de mener vie commune; soit à
caractère patrimonial: l'obligation alimentaire ou l'obligation de
contribution. Alors, c'est indépendant, effectivement, du régime
matrimonial.
Mme Harel: Par exemple, cette obligation alimentaire, si tant est
que les personnes qui ont contracté mariage au Québec allaient
vivre en Ontario et qu'elles... Il y a là, notamment, non pas en
matière d'obligation alimentaire, mais en matière de partage, en
fait, du patrimoine... Est-ce qu'ils appellent ça un patrimoine
familial? Je pense que oui. Oui, c'est ça. Est-ce qu'il faut comprendre
que ce serait les effets du mariage de la loi de leur domicile en Ontario qui
prévaudraient?
M. Pineau: Dans l'hypothèse où ils auraient un
domicile...
Mme Harel: En Ontario. M. Pineau: ...en Ontario, si...
Mme Harel: Les fonctionnaires du Québec qui habitent
à Ottawa, par exemple.
M. Pineau: ...mon souvenir est exact, M. le Président,
l'Ontario... Nous avons une décision de la Cour d'appel du Québec
qui nous indique que la loi ontarienne sur les... ce qu'on a appelé
auparavant les "familia sets", cette loi de 1978, mais qui a été
modifiée en 1987, si mon souvenir est exact, il a déjà
été jugé par la Cour d'appel du Québec que cela ne
constituait pas un effet des effets du mariage, mais constituait un
régime matrimonial.
Mme Harel: Ça vaudrait pour l'Ontario puis ça ne
vaudrait pas pour le Québec.
M. Pineau: La différence, c'est que si on se
réfère à la loi québécoise sur le patrimoine
familial et qu'on saurait considérer comme des effets du mariage, alors
que la législation correspondante...
Mme Harel: C'est un paradoxe.
M. Pineau: ...en Ontario est considérée comme un
régime matrimonial. En tout cas, c'est ce qu'a dit la Cour d'appel du
Québec.
Mme Harel: On reviendra sur ça. On va continuer...
Le Président (M. Lafrance): Vous auriez encore des
commentaires, oui? Alors, je vais devoir suspendre nos travaux en vous
rappelant que nous avons prévu de nous réunir cet
après-midi, sujet à confirmation en Chambre, il va de soi. Si
c'est le cas, nous nous réunirons de nouveau après les affaires
courantes, soit à compter de 15 h 30 environ, et ce sera dans la salle
Louis-Joseph-Papineau. Est-ce qu'il y aurait des commentaires de fin de
séance?
M. Rémillard: À15 h 30, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): C'est ça. Alors, notre
séance de travail est donc suspendue pour ce matin. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 35)
(Reprise à 15 h 40)
Le Président (M. Lafrance): Veuillez prendre vos places,
s'il vous plaît. Nous allons reprendre nos travaux en vous rappelant que
nous avons convenu de nous réunir jusqu'à 18 h 30 ce soir et que
nous avons également été avisés que nous
reprendrons une séance mardi prochain, soit le 3 décembre,
à 10 heures du matin, ici même dans cette salle. Mme la
secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, il y a un remplacement pour cette
partie de séance. Mme Bleau (Groulx) est remplacée par M. Forget
(Prévost).
Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, bienvenue
à M. le député de Prévost. Alors, nous en
étions donc aux articles 3064 et 3065 que j'avais appelés en vous
soulignant le fait que 3064 avait été amendé. Ce sont donc
deux articles qui touchent la question du mariage, toujours dans ce livre
dixième qui traite du droit international privé et des
dispositions finales.
Alors, Mme la députée de Hochelaga-Mai-sonneuve, je pense,
nous avait fait part que, sur l'article 3065, elle avait des commentaires
additionnels à formuler.
Mme Harel: J'ai bien compris, M. le Président, aux
questions que j'ai posées ce matin, que le patrimoine familial
était un effet du mariage et non un régime matrimonial. Est-ce
que c'est le cas, M. le ministre? Le patrimoine est-il un effet du mariage ou
un régime matrimonial?
M. Rémillard: Alors, nos experts ont étudié
la question avec beaucoup d'objectivité, beaucoup de
sensibilité...
Mme Harel: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: ...et ce matin, nous avons eu une
réponse. Le professeur Pineau nous a répondu que c'était
en fonction d'un effet du mariage. Je reprends donc ses propos. Par
conséquent, je lui demanderais de compléter mes propos.
Mme Harel: Et vous les partagez.
Le Président (M. Lafrance): Je remercie M. le ministre.
Alors, Me Pineau.
M. Pineau: Alors, M. le Président, puisque la question est
posée, je peux peut-être répondre qu'il y a actuellement un
débat sur cette question, certains disant que ça relève
des effets du mariage et d'autres disant que ça relève des
régimes matrimoniaux. Mais il y a sans aucun doute un argument de textes
dans le droit d'aujourd'hui et dans le droit proposé du projet, un
argument de textes qui consiste à dire que ces dispositions sont
situées dans le chapitre des effets du mariage et qu'en
conséquence, l'intention du législateur est bien celle de faire
de ces dispositions sur le patrimoine familial des effets du mariage.
Voilà.
M. Rémillard: Je me demande, M. le Président,
lorsqu'on reverra les commentaires, si on ne pourra pas revoir aussi ce
commentaire, le resserrer peut-être un petit peu.
Mme Harel: En convenant que - est-ce qu'on peut dire? - la
localisation, en fait, de cette disposition renforce le caractère de
l'effet de mariage que l'on veut y donner.
M. Rémillard: C'est ça.
Mme Harel: D'accord. Très bien.
De la séparation de corps
Le Président (M. Lafrance): Ça va? Donc, l'article
3064 est adopté tel qu'amendé et l'article 3065 est adopté
tel quel. J'aimerais maintenant appeler l'article 3066 qui parle de la
séparation de corps.
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le
Président.
Mme Harel: Je prenais connaissance du commentaire que la
Commission des services juridiques portait à l'article 3066. La
Commission signalait que, selon elle, en matière de séparation de
corps, une solution plus simple devait s'appli- quer, qu'à
l'égard des effets du mariage et qu'en matière de
séparation de corps, la loi du tribunal saisi devait s'appliquer.
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Rémillard: Peut-être que Me Pineau fera des
commentaires, M. le Président.
M. Pineau: M. le Président, la règle de principe,
c'est la loi du domicile des époux. Cela veut dire la loi du domicile
commun des époux, mais le deuxième alinéa vient
prévoir l'hypothèse où chacun des époux a son
propre domicile, comme nous l'avons indiqué ce matin, dans la mesure
où des époux peuvent avoir un domicile distinct, malgré
l'existence du devoir de cohabitation. En conséquence, le
deuxième alinéa de l'article 3066 vient prévoir cette
hypothèse. Dans ce cas-là, c'est la loi de la résidence
commune qui s'applique et si on ne réussit pas à
déterminer cette résidence commune, ce sera la loi de leur
dernière résidence commune. Si on ne parvient pas à
déterminer qu'elle est leur dernière résidence commune, ce
sera la loi du tribunal saisi. Donc, l'article 3066 vient proposer plusieurs
solutions et non point seulement la loi du domicile commun des époux,
à défaut de quoi ce serait la loi du tribunal saisi. Il y a donc
plus de souplesse.
Mme Harel: Ce que la Commission des services juridiques faisait
valoir, c'est que tout cela peut quand même supposer un rattachement
à une loi qui n'est qu'académique souvent, si la dernière
résidence commune se trouve dans un État avec lequel les
époux n'ont aucun lien. Par exemple, il a pu y avoir séparation
de corps dans un Etat où les époux n'ont plus de lien,
peut-être aux États-Unis, par exemple, et les époux se sont
séparés lors de leur départ de cette dernière
résidence commune, l'un pour l'Europe, l'autre pour le Québec et
on fera donc référence à la loi de leur dernière
résidence commune dans un État où il ne pourrait n'avoir
aucun rattachement, finalement.
M. Pineau: M. le Président, il faut quand même voir
que ce ne sont pas nécessairement les cas les plus fréquents et
qu'il y a tout lieu de croire qu'à un certain moment, ils ont eu une
résidence commune qui n'est pas dans un pays lointain, au bout du monde.
Ce ne sont que des solutions de rechange, n'est-ce pas? Il ne faut tout de
même pas perdre de vue le principe: la loi du domicile des époux.
Et quand on parle de résidence commune, M. le Président...
Mme Harel: Quand on dit "à défaut", c'est dans un
ordre chronologique. Il faut d'abord que l'on puisse...
M. Pineau: Oui, absolument. D'abord, c'est
la loi du domicile, et c'est à défaut de domicile commun
qu'on fait appel à la loi de la résidence commune, car...
Mme Harel: Ensuite de leur résidence commune, de leur
dernière résidence commune. C'est ça?
M. Pineau: À défaut de cela, la loi de la
dernière résidence commune.
Mme Harel: Et à défaut de tout cela, la loi du
tribunal saisi?
M. Pineau: C'est ça.
Mme Harel: Parce que certains... bien, la Commission des services
juridiques, elle, considère que ça devrait être d'abord la
loi du tribunal saisi. Ce serait plus simple. Je ne vois pas, en fait, les
motifs qui peuvent nous amener à vouloir rendre des choses semblables
à celles concernant les effets du mariage.
M. Pineau: Oui, ce qui est recherché dans ce
contexte-là, c'est le point commun qui relie les deux époux,
n'est-ce pas? Le fait qu'ils soient situés au même endroit, dans
le même pays.
De la filiation par le sang et adoptive
Le Président (M. Lafrance): Alors, l'article 3066 est donc
adopté tel quel. J'appelle maintenant les articles suivants qui touchent
la question...
Mme Harel: Je vais devoir vous quitter pour intervenir au salon
bleu. Alors, ma collègue, Mme la députée de Terrebonne, va
poursuivre, et je rentre dès la fin de cette intervention.
Le Président (M. Lafrance): C'est bien. Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve. Alors, j'appelle les articles
suivants: 3067, 3068 et 3069 qui touchent la question de la filiation par le
sang et de la filiation adoptive.
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Aucun amendement. Merci, M. le
ministre. Alors, est-ce qu'il y aurait des membres qui auraient des
commentaires touchant ces trois articles? Oui, Mme la députée de
Terrebonne?
Mme Caron: Oui, M. le Président. Dans le mémoire
déposé par la Chambre des notaires sur cet article, surtout le
3068, les articles touchant l'adoption, on nous disait qu'il fallait
intégrer toutes les règles d'adoption internationale dans le
livre du droit international privé. Est-ce qu'on a étudié
cette recommandation?
Le Président (M. Lafrance): Alors, Me Pineau?
M. Pineau: M. le Président, ce que je puis dire
jusqu'à présent, c'est que ces règles sont actuellement
centralisées dans le chapitre sur adoption, n'est-ce pas? On sait que la
question de l'adoption internationale est un domaine extrêmement sensible
et on n'a pas voulu déranger l'ordonnance de ces dispositions dans le
projet de code. C'est la raison essentielle qui peut être donnée
à cet égard. Je ne puis pas en dire davantage sur cette
question-là qui est extrêmement épineuse, en fait. Car la
question est très reliée au problème de l'adoption
lui-même, n'est-ce pas, et c'est plus un problème d'adoption en
tant que tel qu'un problème de droit international privé, si je
puis ainsi m'exprimer. D'où la scission qui est faite, l'adoption
internationale étant traitée dans le chapitre sur l'adoption.
Mme Caron: Dans le mémoire déposé par le
Barreau, on suggérait, à l'article 3069 concernant la garde de
l'enfant... À l'article 3069, on dit: "La garde de l'enfant est
régie par la loi de son domicile."
Le Barreau souhaitait ajouter: "ou, le cas échéant, par
celle du tribunal saisi si elle est plus avantageuse pour l'enfant".
M. Pineau: Oui. M. le Président, on a maintenu simplement
la loi du domicile, car on craint qu'il y ait éventuellement ce que l'on
appelle communément un "forum shopping" quant à la recherche de
la loi qui affecterait la garde de l'enfant. On souhaite qu'il y ait un point
de rattachement extrêmement solide et le point de rattachement le plus
solide, c'est incontestablement le domicile de l'enfant.
Mme Caron: Donnez-moi donc des exemples précis concernant
vos craintes, là.
M. Pineau: Dans l'hypothèse où l'enfant serait
domicilié avec sa mère dans un pays étranger, le
père étant ici... Nous avons eu une ordonnance, nous avons... La
garde de cet enfant, le problème entre les père et mère
relativement à la garde de cet enfant va être réglé
par la loi étrangère. Si l'on parle de résidence, lorsque
l'enfant viendrait au Québec, par exemple, il pourrait être
considéré comme ayant sa résidence au Québec avec
éventuellement son père pendant qu'il réside ici. On veut
éviter que dans le cas du père, qui se trouve au Québec,
il puisse, par une action, revenir vers le tribunal québécois et
remettre en cause la garde de cet enfant. C'est une question de
stabilité, de stabilité de législation.
Mme Caron: Mais quand on dit: selon la solution la plus
avantageuse pour un enfant, ça m'apparait davantage une garantie que
simplement la garde... Si c'est régi par la loi de son domicile, ce
n'est pas évident que c'est ce qui est favorable pour l'enfant. (16
heures)
M. Pineau: S'il est domicilié à tel endroit, c'est
que, vraisemblablement, c'est cet endroit qui est son principal
établissement. S'il est un enfant et s'il est mineur, il ne fait aucun
doute qu'il a son domicile là où celui ou celle qui a la garde a
son principal établissement. La résidence n'est qu'un point de
passage, en définitive, n'est qu'un lieu de passage, par opposition au
domicile qui, lui, est beaucoup plus fixe et stable.
Mme Caron: La règle est plus serrée, afin de
protéger dans les cas d'enlèvements, par exemple. C'est ce qu'on
était en train de me souligner tantôt.
M. Pineau: Entre autres choses, effectivement. C'est pour rendre
la garde plus stable qu'elle ne pourrait l'être si on permettait à
plusieurs lois de traiter de ce même sujet. Si je fais un
parallèle avec le domicile des enfants, dans le cadre du chapitre sur le
domicile du projet, je me réfère à l'article 80 où
il est bien dit que le mineur non émancipé a son domicile chez
son tuteur, c'est-à-dire son père et sa mère, et lorsque
les père et mère exercent la tutelle et n'ont pas de domicile
commun, le mineur est présumé domicilié chez celui de ses
parents avec lequel il réside habituellement. Alors, c'est bien
là qu'il a son domicile et c'est la loi de ce pays qui doit régir
les problèmes de garde, qui doit gouverner les problèmes de
garde.
Mme Caron: À cet article 80, on ajoute aussi,
après: "à moins que le tribunal n'ait autrement fixé".
M. Pineau: À moins que le tribunal en décide
autrement.
Mme Caron: Les articles 75 à 83 sont toujours suspendus,
par exemple.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau.
Mme Caron: Je vous remercie beaucoup. De l'obligation
alimentaire
Le Président (M. Lafrance): Les articles 3067, 3068 et
3069 sont donc adoptés tels quels. J'appelle maintenant les articles qui
touchent la question de l'obligation alimentaire, soit les articles 3070, 3071
et 3072.
M. Kehoe: Encore une fois, M. le Président, il n'y a pas
d'amendement.
Le Président (M. Lafrance): Aucun amendement. Merci, M. le
député de Chapleau. Est-ce qu'il y a des membres de la commission
qui aimeraient soulever des commentaires touchant ces trois articles?
Mme Caron: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Est-ce qu'on pourrait avoir quelques explications sur
l'article 3071, puisqu'on me dit que ce serait une exception à la
règle générale qui est définie à 3070?
M. Pineau: "La créance alimentaire d'un collatéral
ou d'un allié est irrecevable si, selon la loi de son domicile, il
n'existe pour le débiteur aucune obligation alimentaire à
l'égard du demandeur." Je prendrai un exemple, si vous le voulez bien,
M. le Président. En droit français, des beaux-parents ont droit
à une pension de leur gendre ou bru, alors qu'en droit
québécois, depuis 1982, cette obligation alimentaire a disparu.
Donc, des beaux-parents français qui demanderaient à leur gendre
ou bru domicilié ici une pension alimentaire se la verraient refuser,
étant donné que dans le droit québécois, le
débiteur alimentaire n'a pas l'obligation alimentaire à
l'égard de ses beaux-parents.
Mme Caron: Comme c'est clair avec un exemple, hein? C'est
toujours plus précis.
M. Pineau: Tout dépend de l'exemple.
Mme Caron: J'apprécie beaucoup vos explications.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui. À l'article 3070, c'est, en fait, une
règle de protection. Mais si on regarde la réalité
actuelle, ça n'apporte pas d'amélioration. C'est un droit reconnu
mais, au niveau de la pratique, ça ne donne pas un meilleur mode de
fonctionnement pour aller récupérer l'obligation alimentaire. On
reconnaît le droit. On sait tous les problèmes qui existent
à l'heure actuelle concernant l'obligation alimentaire. Je sais qu'on
n'est pas dans les règles d'application, mais le principe est reconnu.
C'est donc une protection.
M. Pineau: On protège le créancier. C'est
ça.
Mme Caron: Et à partir de cette protection-là,
est-ce que ça pourrait inspirer certaine
législation qui serait plus adaptée?
M. Pineau: Est-ce que ça aurait pour but de...
Mme Caron: Est-ce que ça pourrait être suivi par
certaine législation qui apporterait une amélioration au niveau
du système de l'obligation alimentaire?
M. Pineau: Je ne puis répondre, M. le Président,
des vertus de la législation québécoise à
l'égard des futures législations étrangères.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Ouel-lette.
Mme Ouellette (Monique): Merci, M. le Président. Je crois
comprendre qu'à l'article 3070, c'est une mesure de protection, dans la
mesure où on reconnaît le droit d'aller poursuivre le
débiteur en vertu de sa loi qui serait plus favorable au
créancier. Mais ça ne garantit pas nécessairement
l'exécution de cette pension.
M. Pineau: Ça, c'est certain.
Mme Ouellette: Donc, le problème, en fin de compte,
resterait entier tant et aussi longtemps que des provisions alimentaires sont
accordées, mais qu'on n'arrive pas à les exécuter à
l'intérieur du Québec ou outre frontières.
M. Pineau: C'est exact.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, Me Pineau.
Les articles 3070, 3071 et 3072 sont donc adoptés tels quels.
Du statut réel
Nous en arrivons maintenant au chapitre deuxième qui touche la
question Du statut réel et qui comprend les articles 3073 à 3084,
inclusivement. Permettez-moi de vous lire le court texte d'introduction
à ce chapitre deuxième.
Les dispositions qui composent le chapitre deuxième indiquent le
système juridique compétent à résoudre les
situations comportant un élément d'extranéité dans
les matières qui relèvent du statut réel, soit celles qui
concernent la création, la préservation et l'extinction des
droits réels. Il compte deux sections, l'une établissant une
disposition générale, l'autre des dispositions
particulières sur les successions, les sûretés
mobilières et la fiducie. Cette deuxième section s'inspire de
conventions internationales récentes ainsi que de lois uniformes
canadiennes qui viennent modifier la compétence de principe de la loi de
la situation du bien.
J'appelle donc l'article 3073, à la section I qui traite des
dispositions générales.
M. Kehoe: M. le Président, il y a un amendement à
l'article 3073. À l'article 3073, l'alinéa suivant est
ajouté: "Cependant, les droits réels sur les biens en transit
sont régis par la loi de l'État du lieu de leur destination."
M. le Président, l'amendement proposé clarifie
l'insécurité juridique quant à la loi applicable aux biens
en transit. Il permet d'apporter une solution au conflit mobile en
matière de droits réels et il établit une concordance avec
l'article 3079. En raison de cet amendement, l'article 3073 se lirait comme
suit: "Les droits réels ainsi que leur publicité sont
régis par la loi du lieu de la situation du bien qui en fait l'objet.
"Cependant, les droits réels sur les biens en transit sont régis
par la loi de l'État du lieu de leur destination."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Chapleau. Oui, Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: Je pense que l'amendement qui est proposé vient
répondre à une recommandation de la Chambre des notaires qui
souhaitait une règle qui clarifiait l'insécurité. Donc, je
pense que ça vient répondre à sa demande.
M. Kehoe: Une suggestion très positive par le Barreau, une
autre suggestion qu'on a décidé...
Mme Caron: La Chambre des notaires.
M. Kehoe: De la Chambre des notaires, excusez-moi.
Mme Caron: De toute façon, les deux corporations
présentent d'excellentes suggestions.
M. Kehoe: Voilà!
Des successions
Le Président (M. Lafrance): Merci. Donc, l'article 3073
est adopté tel qu'amendé. J'appelle maintenant les articles
contenus dans la section II, les dispositions particulières et, de
façon spécifique, qui touchent les successions, soit les articles
3074 à 3077.
M. Kehoe: Nous demandons la suspension de l'article 3076, M. le
Président. Il y a un amendement à l'article 3077. L'article 3077
est remplacé par le suivant: "Lorsque la loi régissant la
succession du défunt ne pourvoit pas à ce qu'il y ait un
administrateur ou un liquidateur capable d'agir au Québec, mais que les
héritiers ont des droits à y exercer ou que certains biens de la
succession s'y trouvent, il peut lui en être nommé un suivant la
loi du Québec."
M. le Président, l'amendement proposé vise
à supprimer la référence au domicile du
défunt à l'étranger. C'est, en effet, la loi successorale
qui justifie la nomination et non pas la situation du domicile du
défunt. En raison de cet amendement, l'article 3077 se lirait comme
suit: "Lorsque la loi régissant la succession du défunt ne
prévoit pas...
Une voix: Ne pourvoit pas.
M. Kehoe: ...ne pourvoit pas à ce qu'il y ait un
administrateur ou un liquidateur capable d'agir au Québec, mais que les
héritiers ont des droits à y exercer et que certains biens de la
succession...
Une voix: Ou que.
M. Kehoe: ...ou que certains biens de la succession s'y trouvent,
il peut lui en être nommé un suivant la loi du Québec."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Chapfeau. Est-ce qu'if y aurait des commentaires
touchant ces articles 3074 à 3077 inclusivement? En vous rappelant que
l'article 3076 a été laissé en suspens. Oui, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Je sais qu'il existe, la
Chambre des notaires l'avait soulevé et il y a plusieurs personnes qui
partagent cette théorie à l'effet que, par rapport au principe de
l'unité par rapport à la succession - et je sais que ce principe
existe - alors, j'aimerais peut-être vous entendre sur ce sujet qui est
extrêmement important.
M. Kehoe: Encore une fois, professeur Pineau, s'il vous
plaît. (16 h 15)
Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Pineau.
M. Pineau: Merci, M. le Président. L'article 3074 propose
le droit actuel, mais le principe de l'unité de succession est
prôné par certains et dans certains États, et il semblerait
que les conventions internationales ont tendance à aller dans ce sens.
Effectivement, la Convention de La Haye de 1989 sur la loi applicable aux
successions à cause de mort va dans le sens de l'unité.
Cependant, cette convention n'est pas en vigueur. Elle a été
signée seulement par deux Etats, la Suisse et l'Argentine, et elle est
le résultat d'abondantes discussions au sein de la conférence
internationale.
Chacun des systèmes, le système actuel et le
système proposé, ont leurs avantages et leurs
inconvénients. Nous ne sommes peut-être pas encore en mesure de
percevoir très nettement tous les avantages du principe de
l'unité de la succession, mais nous sommes en mesure, en revanche, d'en
voir certains inconvénients. Je vais, si vous permettez, M. le
Président, donner un exemple. Une personne décède ici, a
des biens ici, mais a aussi des biens à l'étranger, et notamment
des immeubles à l'étranger. Selon l'article proposé, les
successions portant sur les meubles sont régies par la loi du dernier
domicile du défunt, donc, ce serait, quant aux meubles, la loi
québécoise, et celles portant sur des immeubles sont
régies par la loi du lieu de la situation, en espèce, la loi
étrangère.
Dans l'hypothèse où il y aurait unité de succession
et, donc, application de la loi québécoise, il y aurait sans
aucun doute des difficultés lorsqu'il s'agirait d'appliquer la loi
québécoise à des biens immobiliers situés à
l'étranger. J'imagine difficilement, si, par exemple, je suis
copropriétaire indivis d'un immeuble à l'étranger, que mes
copropriétaires acceptent l'application de la loi
québécoise et, de toute façon, j'aurais sans aucun doute
des difficultés à faire exécuter le jugement que je
pourrais obtenir du tribunal québécois. J'aurais de la
difficulté à le faire exécuter en France, car sans aucun
doute le tribunal français appliquerait la foi de la situation des
immeubles.
Alors, voilà un exemple de difficultés auxquelles nous
pouvons nous heurter en adoptant le principe de l'unité de la
succession.
Mme Caron: Ceux qui défendent ce principe disent qu'il
apporte plus de protection. Comment peut-on dire qu'il apporterait plus de
protection?
M. Pineau: M. le Président, véritablement, je ne
vois pas comment il peut apporter plus de protection. À qui?
Peut-être plus de protection aux créanciers qui se trouvent ici.
Mais là encore, ils risquent d'avoir des problèmes
d'exécution à l'étranger. Je ne vois pas très bien.
Il y a sans doute des avantages. Il est sans doute, a priori, plus facile de
régler une succession en appliquant une seule loi plutôt qu'en
appliquant plusieurs lois. Mais des mesures de protection d'ordre familial,
comme cela était avancé, je ne vois véritablement pas
comment on peut tirer du principe de l'unité de succession de pareilles
conséquences, car les mesures d'ordre familial, il y en a maintenant
dans la plupart des pays étrangers, n'est-ce pas, et notamment en
Europe, et je ne vois pas comment ça pourrait jouer dans ce
contexte-là par le biais de l'adoption du principe de l'unité de
succession.
Le Président (M. Lafrance): Me OueJlette.
Mme Ouellette: Merci, M. le Président. Je crois comprendre
que, quand on essaie d'imaginer des exemples sur le principe de l'unité
relativement à la protection de la famille, par hypothèse, on se
rend compte que dans certaines circonstances, peut-être qu'effectivement
la famille ou le conjoint pourrait être protégé, mais on
peut trouver tout autant d'exemples qui
illustrent que la loi de l'unité de succession
désavantagerait aussi le conjoint ou la famille. J'ai compris ça,
je crois.
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
de Terrebonne?
Mme Caron: Oui, toujours sur le même sujet. Lorsque vous
avez mentionné tantôt qu'il y a une convention internationale,
finalement, qui n'est pas en application, mais qui a été
signée par la Suisse concernant ce principe de l'unité de
succession, et puisque, en début d'étude de ce dixième
livre, on nous a mentionné qu'on s'était inspiré beaucoup
de la Suisse, pourquoi n'a-t-on pas été jusqu'à suivre
cette inspiration sur un principe aussi fondamental?
M. Pineau: On peut répondre à cela, M. le
Président, qu'on s'est inspiré de la loi suisse, mais on n'a pas
copié entièrement la loi suisse. Et ce n'est pas le seul point
sur lequel le projet n'a pas suivi la loi suisse. Il y a cependant, dans
l'alinéa 2 de 3074, une ouverture: Une personne peut désigner,
par testament, la loi applicable à sa succession. Et donc, une loi
unique, n'est-ce pas, que sa succession soit mobilière ou
immobilière. Cette possibilité, cependant, est assortie de
certaines conditions, à condition que cette loi soit celle de
l'État de sa nationalité ou de son domicile au moment où
il a désigné cette loi, ou la loi de son domicile au moment de
son décès, ou encore la loi de la situation d'un immeuble qu'elle
possède, mais uniquement relativement à cet immeuble. Donc, c'est
une ouverture sur la possibilité d'avoir une loi unique régissant
l'entière succession. Je crois que nous pouvons dire que, dans l'article
3074, on fait preuve d'une certaine prudence à l'égard de ce
principe qui est en voie d'adoption mais qui a de la difficulté à
se faire adopter, en définitive.
Le Président (M. Lafrance): Me Ouellette?
Mme Ouellette: M. le Président, en définitive, si
jamais cette convention internationale ralliait énormément de
pays, le Québec pourrait toujours changer ses dispositions et admettre
le principe de l'unité, j'imagine?
M. Rémillard: Ça devient la règle
internationale, oui.
M. Pineau: Ces textes ne sont pas figés, n'est-ce pas? Et,
effectivement, peut-être est-il plus prudent de voir ce que donneront ces
textes internationaux lorsqu'ils seront appliqués avant de prendre la
décision de les adopter. Peut-être un autre élément,
M. le Président, je l'ai dit ce matin, au Québec, on n'a pas une
tradition de droit international privé très ancienne, de sorte
qu'il est peut-être extrêmement prudent de ne pas être trop
avant-gardiste et ne pas aller de l'avant avant même l'application des
conventions internationales.
Le Président (M. Lafrance): Alors, si j'ai bien compris,
le nouvel Institut québécois de réforme du droit en serait
saisi?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: Et voilà, M. le Président. Je
souligne, M. le Président, en cette occasion, que la semaine prochaine,
nous serons à la deuxième lecture, la discussion du principe de
ce projet de loi.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Il y
avait un commentaire supplémentaire, Me Ouellette?
Mme Ouellette: Oui, M. le Président. Je me posais la
question à l'effet de savoir si une protection de la famille, comme le
principe de l'unité semble vouloir l'établir, n'amènerait
pas un amendement au chapitre des successions plutôt qu'au chapitre du
D.I.P.?
M. Rémillard: On pourra voir à ce moment-là,
je pense bien, M. le Président. Peut-être qu'il faudrait
l'évaluer à ce moment-là, peut-être sur une
succession.
Mme Caron: L'article 3075, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Je regardais les commentaires du Barreau sur cet
article. On nous dit: Un droit de nature successorale ne vise certainement pas
les nouvelles dispositions sur le patrimoine familial, mais vise certains
régimes tels que la réserve héréditaire. Les
dispositions de la loi 146 pourraient-elles toutefois être comprises dans
l'expression "régimes successoraux particuliers" auxquels certains biens
sont soumis par la loi? Qu'arriverait-il si la loi du domicile était,
par exemple, la loi française, qui comporte une réserve
héréditaire en faveur des enfants, et que le testateur
désignait la loi belge qui en comporte une, mais à l'égard
du conjoint uniquement?
M. Rémillard: M. Pineau va répondre.
Le Président (M. Lafrance): Oui. Merci, M. le ministre.
Alors, Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, je peux tout d'abord
répondre que le patrimoine familial ne relève absolument pas du
droit successoral. C'est clair, nous l'avons dit ce matin et
répété cet après-midi, ce serait une question
d'effet du mariage. Donc, ça n'a rien à voir avec la
succès-
sion, c'est à la dissolution du mariage que se pose le
problème. Ça n'a rien à voir avec la succession,
même si le mariage est rompu par le décès de l'une des
parties. Alors ça, c'est une question.
Qu'arriverait-il si la loi du domicile était la loi
française qui comporte une réserve héréditaire en
faveur des enfants, et que le testateur désignait la loi belge qui
comporte une réserve, mais favorable uniquement au conjoint? Alors, dans
ce cas-là, cette désignation serait sans effet puisqu'elle
porterait atteinte à la réserve héréditaire qui est
prévue par la loi française. C'est véritablement l'exemple
qui est donné. La question posée est véritablement un
exemple de la situation que règle le deuxième alinéa de
3075.
La désignation de la loi belge, qui porte atteinte, par exemple,
à la réserve héréditaire, pourrait être mise
de côté dans ce contexte-là si on considère qu'en
raison de la destination économique, familiale ou sociale, elle ne doit
pas être appliquée.
Mme Caron: Qui priverait-on? Le conjoint ou les enfants? (16 h
30)
M. Pineau: Alors, si cela vient devant un tribunal
français, j'imagine que le tribunal français
préférera la réserve héréditaire à la
réserve destinée au conjoint. Si ça vient devant un
tribunal belge, vraisemblablement, ce sera l'inverse.
Le Président (M. Lafrance): Donc, s'il n'y a pas de
commentaire additionnel touchant cette section des successions, l'article 3074
est adopté tel quel. L'article 3075 est adopté tel quel.
L'article 3076 est laissé en suspens et l'article 3077est adopté
tel qu'amendé.
Des sûreté»
mobilières
J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la
sous-section qui traite des sûretés mobilières, soit les
articles 3078 à 3082 inclusivement. Oui, alors, on m'indique qu'il y
aurait des amendements touchant ces articles et que M. le député
de Prévost serait disposé à nous lire ces amendements.
M. Rémillard: II y a quatre amendements, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): M. le député de
Prévost, ou de Chapleau.
M. Forget: Voici, l'article 3077 est remplacé par le
suivant.
Le Président (M. Lafrance): Pardon, non, 3078 à
3082. Moi, j'ai ici trois amendements: 3080, 3081 et 3082. Vous aviez dit trois
ou quatre amendements, M. le ministre?
M. Rémillard: J'ai dit quatre, M. le Président.
C'est ce qu'on m'a indiqué. On va faire les vérifications.
M. Forget: M. le Président, M. le député de
Chapleau a les documents.
Le Président (M. Lafrance): Oui, ça va. M. le
député de Chapleau, est-ce que c'est trois ou quatre
amendements?
M. Kehoe: C'est ça qu'on est en train de
vérifier.
M. Rémillard: Alors, M. le Président, il y a eu
erreur. C'est trois amendements.
M. Kehoe: Le premier amendement, à l'article 3080: 1°
aux deuxième et troisième lignes du premier alinéa, les
mots "lieu de sa nouvelle situation" sont remplacés par le mot
"Québec"; 2° aux troisième et quatrième lignes du
premier alinéa, les mots "la publication en ce lieu est
effectuée" sont remplacés par les mots "elle est publiée
au Québec"; 3° à la fin du 2°, les mots "lieu de sa
nouvelle destination" sont remplacés par le mot "Québec"; 4°
à la fin du 3°, les mots "du lieu de la nouvelle situation du bien"
sont remplacés par les mots "que le bien est parvenu au
Québec".
M. le Président, les amendements proposés visent à
unilatéraliser l'article de façon, d'une part, à le rendre
plus conforme aux sources qui l'ont inspiré et, d'autre part, à
limiter le champ d'application de l'exception que cet article établit
à la règle de l'article 3078, deuxième paragraphe. En
raison de ces amendements, l'article 3080 se lirait comme suit: "La
sûreté qui a été publiée selon la loi de
l'État où le bien était situé au moment de sa
constitution sera réputée publiée au Québec,
à compter de la première publication, si elle est publiée
au Québec avant que se réalise la première des
éventualités suivantes: "1° La publicité dans
l'État où était situé le bien lors de la
constitution de la sûreté cesse d'avoir effet; "2° Un
délai de trente jours s'est écoulé depuis le moment
où le bien est parvenu au Québec, "3° Un délai de
quinze jours s'est écoulé depuis le moment où le
créancier a été avisé que le bien est parvenu au
Québec;
Toutefois, la sûreté n'est pas opposable à
l'acheteur qui a acquis le bien dans le cours des activités du
constituant."
M. Rémillard: M. le Président, dans l'article 3081,
nous proposons les amendements suivants: 1° au début du premier
alinéa, les mots "La sûreté" sont remplacés par les
mots "La validité
d'une sûreté"; 2° après le premier
alinéa, l'alinéa suivant est inséré: "La
publicité et ses effets sont régis par la loi de l'État du
domicile du constituant au moment où elle est effectuée."
M. le Président, les amendements proposés visent à
distinguer la validité de la sûreté de sa publicité
et de ses effets, conformément à l'article 3078 et aux sources
qui l'ont inspiré. En raison de ces amendements, l'article 3081 se
lirait comme suit: "La validité d'une sûreté grevant un
meuble corporel ordinairement utilisé dans plus d'un État ou
celle grevant un meuble incorporel est régie par la loi de l'État
où est domicilié le constituant au moment de sa constitution. "La
publicité et ses effets sont régis par la loi de l'État du
domicile du constituant au moment où elle est effectuée. "La
présente disposition ne s'applique ni à la sûreté
grevant une créance ou un meuble incorporel constaté par un titre
au porteur ni à celle publiée par la détention du titre
qu'exerce le créancier."
Dans l'article 3082, nous proposons les amendements suivants: 1°
à la troisième ligne du premier alinéa, les mots "lieu du
nouveau domicile du constituant" sont remplacés par le mot
"Québec"; 2° à la quatrième ligne du premier
alinéa, les mots "au Québec" sont insérés avant les
mots "avant que se réalise"; 3° au 2°, les mots "au
Québec" sont insérés après le mot "domicile";
4° au 3°, les mots "au Québec" sont insérés
après le mot "constituant".
L'amendement proposé vise à unilatéraliser
l'article de façon, d'une part, à le rendre plus conforme aux
sources qui l'ont inspiré et, d'autre part, à limiter le champ
d'application de l'exemption que cet article établit à la
règle de l'article 3081. J'ai dit "l'exemption", M. le Président,
et c'est "l'exception". Alors, le champ d'application de l'exception que cet
article établit à la règle de l'article 3081. En raison de
ces amendements, l'article 3082 se lirait comme suit: "La sûreté
régie, au moment de sa constitution, par la loi de l'État du
domicile du constituant et qui a été publiée, sera
réputée publiée au Québec, à compter de la
première publication, si elle est publiée au Québec avant
que se réalise la première des éventualités
suivantes: "1° La publicité dans l'État de l'ancien domicile
du constituant cesse d'avoir effet; "2° Un délai de trente jours
s'est écoulé depuis le moment où le constituant a
établi son nouveau domicile au Québec; "3° Un délai de
quinze jours s'est écoulé depuis que le créancier a
été avisé du nouveau domicile du constituant au
Québec. 'Toutefois, la sûreté n'est pas opposable à
l'acheteur qui a acquis le bien dans le cours des activités du
constituant."
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre.
Alors, est-ce qu'il y aurait des commentaires touchant ces articles 3078
à 3082 inclusivement?
Mme Harel: M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Concernant 3081 et 3082, je crois que - en fait, c'est
la même chose pour 3080 - c'est présumer de ce qui va
résulter de l'échange que nous n'avons pas encore eu sur
l'hypothèque mobilière.
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, évidemment,
ces articles ne touchent pas seulement l'hypothèque mobilière.
Ça touche d'autres sûretés aussi. Maintenant, il se peut
qu'il y ait, de fait, des incidences sur l'hypothèque mobilière.
Alors, ce qu'on peut faire, on peut suspendre ou bien, si on veut les adopter
et revenir ensuite sur ces articles selon la décision qu'on aura prise,
les deux techniques, pour moi, sont acceptables.
Mme Harel: Voyons voir, d'abord, alors, 3080. Ça
dépend. Si on les suspend, on reviendra au moment où nous ferons
l'échange sur l'hypothèque mobilière. Il faudrait revenir
là-dessus. Ou, là, on peut le faire tout de suite, mais c'est que
Me Frenette n'est pas là, alors il faudrait voir les effets que
ça a, 3080, les effets que ça peut avoir sur l'hypothèque
mobilière.
M. Rémillard: Et si on les fait maintenant, on peut en
prendre note et, quand on va faire l'hypothèque mobilière, il
faudra vérifier ensuite, selon la décision que nous allons
prendre en fonction de tous les articles. On peut prendre note de ces trois
articles, ce qui nous permettrait de faire ces articles et de ne pas les mettre
en suspens officiellement.
Mme Harel: C'est donc dire qu'on va devoir, à ce
moment-là, interroger le ministre sur l'effet de ces dispositions.
Alors, peut-être pouvons-nous commencer par 3078 quant au principe de la
validité d'une sûreté mobilière. Alors, c'est de
droit nouveau. Tout ça est de droit nouveau. Peut-être que le
professeur Pineau pourrait, quant à cette section sur les
sûretés mobilières, nous introduire, finalement, les
dispositions de droit nouveau.
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: Merci, M. le Président. Quant à 3078, le
premier alinéa traite de la validité de la sûreté
et, à cet égard, cette question est régie par la loi de
l'État où se situe le bien au
moment même de la constitution de cette sûreté. Et le
deuxième alinéa vise la loi applicable quant à la
publicité et aux effets de cette publicité. Quant à cette
publicité, aux effets de la publicité, c'est la loi de
l'État de la situation actuelle du bien grevé qui s'applique.
Mme Harel: La validité, c'est donc la loi de...
M. Pineau: De L'État où se trouve le bien...
Mme Harel: Au moment de la création de la
sûreté.
M. Pineau: ...au moment de la création de la
sûreté. Mais la publicité et les effets de la
publicité, c'est la loi de l'État où est situé le
bien grevé. Si, donc, le bien se déplace...
Mme Harel: Est-ce que ça veut signifier par là
qu'une sûreté mobilière serait valide, d'après la
loi, dépendamment de la situation du bien au moment où la
sûreté est créée?
M. Pineau: Si une sûreté est consentie en Ontario,
elle est constituée en Ontario; quant à sa validité, c'est
la loi ontarienne qui s'applique. Mais si ce bien se déplace et que la
publicité est faite, quant à cette sûreté, au
Québec, c'est la loi québécoise qui s'appliquera quant
à la publicité et aux effets que produit la publicité.
Mme Harel: Clairement, par exemple, si le Québec ne
retenait pas l'hypothèse d'une hypothèque mobilière, elle
pourrait être, donc, validement constituée en Ontario.
Serait-elle, à ce moment-là, enregistrée au
Québec?
M. Pineau: Non, pas nécessairement. Mme Harel:
Dépendamment du... Non? M. Pineau: Elle serait...
M. Rémillard: Me permettez-vous simplement une remarque?
Lorsqu'on parle d'une hypothèque mobilière, évidemment, ce
qui existe présentement va continuer, c'est-à-dire que tout ce
qui regarde les marchandises...
Mme Harel: Les cessions, les biens en stock.
M. Rémillard: ..les cessions, le nantissement commercial,
etc. Là, évidemment, quand on parle d'hypothèque
mobilière, il faut bien comprendre que ça existe aussi du
côté commercial.
Mme Harel: Actuellement, ce sont simplement les entreprises qui
peuvent y avoir accès.
M. Rémillard: Voilà. Et du côté du
consommateur, il y a le gage, mais ce n'est pas vrai- ment une
hypothèque mobilière parce qu'on est
dépossédé. Alors, c'est de cette question-là qu'on
aura à discuter, mais il reste que tous ces articles s'appliquent aussi
pour l'aspect commercial.
Mme Harel: C'est pour l'aspect commercial. On va les regarder
dans cette optique-là, parce que pour l'entreprise, de toute
façon, il y aura cette hypothèque mobilière. Alors, dans
ces circonstances-là, il y aura des sûretés
mobilières au droit international privé.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Donc, l'article 3078 et
l'article 3079, ces deux articles, sont adoptés tel quels. Les
articles...
Mme Harel: Attendez, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui.
(16 h 45)
Mme Harel: On en était à 3078. À 3080, un
amendement avait été apporté.
Le Président (M. Lafrance): C'est exact, oui.
Mme Harel: Cet amendement, peut-on nous en expliquer la
portée? J'ai beau lire le commentaire, on dit que les amendements
proposés visent à unilatéraliser l'article - ça ne
m'appa-raît pas évident - de façon, d'une part, à le
rendre plus conforme aux sources qui l'ont inspiré. Ce sont des sources,
je crois, de la Conférence sur l'uniformisation des droits au Canada.
C'est bien ça?
M. Pineau: L'article 3080, tel qu'il était proposé,
était - comment dirais-je - neutre, en ce sens qu'il y avait
bilatéralisation. La sûreté qui a été
publiée selon la loi de l'État où le bien était
situé, etc. sera publiée au lieu de sa nouvelle situation. Donc,
la règle était...
Mme Harel: La réciprocité.
M. Pineau: La réciprocité. La règle de la
réciprocité - merci - était admise, tandis que
l'amendement vient resserrer cela et enlève précisément
cette bilatéralisation pour retenir uniquement l'aspect, le
côté unilatéral de la règle. D'où
l'amendement: sera réputée publiée au Québec si
elle est publiée au Québec, etc.
Mme Harel: On me fait valoir que cet amendement viendrait
répondre, en partie, aux commentaires publiés par la Chambre des
notaires?
M. Pineau: Oui, c'est cela.
Mme Harel: Et le Barreau également? Sous réserve.
À 3081, doit-on comprendre que c'est un amendement de clarification,
simplement?
M. Pineau: 3081 veut distinguer clairement la question de la
validité d'une sûreté et la question de la publicité
dans l'hypothèse où il s'agit d'un meuble corporel qui est
utilisé dans plus d'un État ou dans l'hypothèse où
nous avons une sûreté qui grève un meuble incorporel.
Mme Harel: Est-ce que ce serait possible de nous donner un
exemple?
Le Président (M. Lafrance): Me Longtin.
Mme Longtin: Au premier alinéa, évidemment, on a
précisé que l'on visait la validité de la
sûreté, et le second alinéa est nouveau et vise,
finalement, à le compléter. Et il se trouve à être
en accord avec l'article 3078, tel qu'il a été
précédemment présenté.
Mme Harel: Ah oui! Il y a des exemples dans le commentaire.
Machinerie ou véhicules constituant de l'équipement commercial,
agricole ou industriel. Étant donné la difficulté de
déterminer le lieu de la situation de ces biens, il paraît plus
commode de soumettre les sûretés qui les grèvent à
la loi du domicile du constituant. Il faut donc comprendre que 3081, c'est
comme une exception à la règle de 3078, mais qui est régie
par les mêmes formalités. C'est ça? Et puis à 3082,
l'effet de l'amendement est le même qu'à l'article 3080. C'est ce
qu'il faut comprendre?
M. Pineau: Unilatéralisé.
Mme Harel: Unilatéralisé. Et à l'article
3083?
Le Président (M. Lafrance): Non, on n'est pas rendu
là.
Mme Harel: Non, c'est vrai. Vous voyez, on veut aller trop
vite.
De la fiducie
Le Président (M. Lafrance): Donc, les articles 3080, 3081
et 3082 sont adoptés tels qu'amendés. Nous en arrivons
effectivement aux articles 3083 et 3084 qui traitent de la fiducie.
M. Rémillard: M. le Président, il y a deux
amendements. À l'article 3083, le troisième...
Mme Harel: Ha, ha, ha! Deux articles, deux amendements,
habituellement. Parfois, il y a deux articles, trois amendements. Ça
prouve qu'il y a du bon travail qui se fait en séance de travail.
M. Rémillard: Nous visons la perfection, et nous
l'aurons.
Mme Harel: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: À l'article 3083, le troisième
alinéa suivant est ajouté après le second: "Un
élément de la fiducie susceptible d'être isolé,
notamment son administration, peut être régi par une loi
distincte."
M. le Président, l'amendement proposé vise à
déplacer le premier alinéa de l'article 3084 à l'article
3083, de manière à regrouper plus adéquatement les
différentes règles contenues dans ces dispositions. En raison de
cet amendement, l'article 3083 se lirait comme suit: "À défaut
d'une loi désignée expressément dans l'acte ou dont la
désignation résulte d'une façon certaine des dispositions
de cet acte, ou si la loi désignée n'admet pas ce choix, la loi
applicable à la fiducie créée par acte juridique est celle
qui présente avec la fiducie les liens les plus étroits. "Afin de
déterminer la loi applicable, il est tenu compte, notamment, du lieu
où la fiducie est administrée, de la situation des biens, de la
résidence ou de l'établissement du fiduciaire, de la
finalité de la fiducie et des lieux où celle-ci s'accomplit. "Un
élément de la fiducie susceptible d'être isolé,
notamment son administration, peut être régi par une loi
distincte."
L'article 3084 est modifié de la façon suivante: 1° le
premier alinéa est supprimé; 2° au deuxième
alinéa, le point-virgule ";" est remplacé par un point ".";
3° le deuxième alinéa est scindé en deux
alinéas dont le premier se termine par les mots "son administration";
4° à la fin du troisième alinéa, les mots ", par la
loi d'un autre État" sont ajoutés après le mot
"isolé".
M. le Président, l'amendement proposé vise à
simplifier la formulation de l'article et à en faciliter la
compréhension. En raison de ces amendements, l'article se lirait comme
suit: "La loi qui régit la fiducie détermine si la question
soumise concerne sa validité ou son administration. "Cette loi
détermine également la possibilité et les conditions de
remplacement par une autre loi, ainsi que du remplacement de la loi applicable
à un élément de la fiducie susceptible d'être
isolé, par la loi d'un autre État."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y aurait des commentaires touchant ces deux articles, 3083 et 3084 tels
qu'amendés? Oui, Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Peut-être juste au niveau de la forme, M. le
Président. À l'article 3083, le dernier alinéa, dans le
texte amendé, il faudrait peut-être enlever le féminin
à "régi". On ne le retrouvait pas en haut.
M. Rémillard: Encore une fois, la
députée
de Terrebonne nous ramène à la raison.
Mme Harel: À l'article 3083, le commentaire nous dit que
cet article s'inspire de la Convention de La Haye. Dans le mémoire de la
Chambre des notaires, on se demande s'il ne vaudrait pas mieux, comme le fait
la Convention de La Haye, utiliser le concept de "trust" qui serait plus large
que celui de "fiducie". J'imagine que ça a été
apprécié. Alors, pouvons-nous connaître les raisons qui
vous ont amenés à maintenir le concept de fiducie?
M. Pineau: M. le Président, le Livre sur le droit
international privé est un ensemble de règles
québécoises. Or, dans le projet de Code, il y a un chapitre sur
la fiducie et non pas sur le trust. Donc, il est tout à fait
légitime de traiter, dans les règles de droit international
privé, de fiducie et non point de trust.
Mme Harel: Quant à cet autre commentaire que l'on retrouve
dans le mémoire de la Chambre des notaires concernant 3084, en fait,
3084 réunit, dans un seul article, plusieurs dispositions de la
Convention de La Haye. Je vais lire au mot, là, le mémoire:
"Notamment le dépeçage - article 9 - qui correspond au premier
alinéa de l'article 3084. Le champ d'application de la loi applicable -
article 8 - et la substitution de la loi applicable - article 10 - que l'on
retrouve au deuxième alinéa de l'article 3084, dans un jargon
incompréhensible. Nous sommes d'avis que l'article 3084 devrait soit
être remplacé par trois articles, soit contenir trois
alinéas qui reproduiraient l'essence des articles 8, 9 et 10 de la
Convention de La Haye." Est-ce que ça a été
apprécié, ça aussi?
M. Pineau: M. le Président, le premier alinéa de
3084 a été déplacé.
Mme Harel: Oui, par amendement.
M. Pineau: II se trouve actuellement au troisième
alinéa...
Mme Harel: C'est ça.
M. Pineau: ...de l'article 3083.
Mme Harel: D'accord. Le deuxième alinéa...
M. Pineau: Pour ce qui est du deuxième alinéa, la
loi qui régit la fiducie détermine si la question soumise
concerne sa validité ou son administration. Quelle est la question?
Est-ce du jargon?
Mme Harel: Non. Est-ce que ça aurait été
plus adéquat, si vous voulez, de le faire en deux alinéas,
étant donné, déjà, que le premier est
déplacé dans l'amendement? Finalement, quant aux dispositions que
l'on retrouve au deuxième alinéa, les dispositions de la
Convention de La Haye qui portent sur le champ d'application de la loi
applicable et la substitution de la loi applicable, en fait, qui seraient les
articles 8 et 10 que l'on retrouve au deuxième alinéa, est-ce
qu'il ne serait pas souhaitable que la formulation les prévoie en deux
alinéas plutôt qu'en un seul, pour la bonne
compréhension?
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, nous avons essayé
d'éviter les enumerations que l'on trouve dans la Convention. Si je me
réfère à l'article 8 de la Convention, nous avons 10
paragraphes. Nous avons essayé d'en faire moins et de regrouper, parce
qu'on parle déjà, ailleurs, de la validité et de
l'administration de la fiducie.
Mme Harel: Donc, le premier alinéa de 3084 va devenir le
troisième alinéa de 3083. À 3083, peut-on savoir ce que
vous entendez par l'expression "si la loi désignée n'admet pas ce
choix"? Au premier alinéa, on lit ceci: "À défaut d'une
loi désignée expressément dans l'acte ou dont la
désignation résulte d'une façon certaine des dispositions
de cet acte, ou si la loi désignée n'admet pas ce choix...
M. Pineau: Dans le cas, M. le Président, où serait
désignée comme loi applicable une loi, par exemple, la loi
française qui ne connaît pas de fiducie. Alors, dans ce cas, on
applique la règle générale; la loi applicable serait celle
qui présenterait, avec la fiducie, les liens les plus
étroits.
Mme Harel: Alors, si la loi désignée par les
parties n'admet pas...
M. Pineau: Ne connaît pas la fiducie.
Mme Harel: N'admet pas ce choix, donc ça signifie une...
Si la fiducie n'est pas applicable dans la loi désignée, c'est
ça?
M. Pineau: C'est ça. Si la loi désignée ne
connaît pas.
Mme Harel: D'accord.
Le Président (M. Lafrance): Ça va. Donc, les
articles 3083 et 3084 sont adoptés tels qu'amendés.
À ce stade-ci, avec votre consentement, j'aimerais proposer une
pause humanitaire d'une dizaine de minutes. Non?
Une voix: Mon Dieu, ce serait donc humanitaire!
Mme Harel: Oui, oui. Mais le jeudi, je considère que c'est
le moment le plus difficile de
la semaine à cette heure-ci.
Le Président (M. Lafrance): Surtout quand il commence
à faire noir.
Mme Harel: Ha, ha, ha! Après trois mois
d'expérience, on peut se dire les pires ou les meilleurs moments.
M. Kehoe: Après une longue journée comme ça,
c'est vrai, hein?
Mme Harel: C'est ça.
Le Président (M. Lafrance): Alors, je suspends nos travaux
pour 10 minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 2)
(Reprise à 17 h 17)
Le Président (M. Lafrance): Veuillez prendre vos places,
s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux.
Du statut des obligations
Nous en étions donc au chapitre troisième qui traite du
statut des obligations. Permettez-moi de vous lire le texte d'introduction,
texte qui touche les articles 3085 à 3108.
Les dispositions qui composent le chapitre troisième indiquent le
système juridique compétent à résoudre les
situations comportant un élément d'extranéité dans
les matières qui relèvent du statut des obligations. Il compte
deux sections, l'une établissant des dispositions
générales sur la forme et le fond des actes juridiques, l'autre,
des dispositions particulières sur la vente, le mandat, les contrats de
consommation, de travail et d'assurances, la cession de créance, la
convention d'arbitrage, le régime matrimonial, les quasi-contrats, la
responsabilité civile, la preuve et la prescription.
La loi de l'autonomie des parties est consacrée comme principe.
En l'absence de désignation, la loi applicable est celle de
l'État qui, compte tenu de la nature de l'acte et des circonstances,
présente avec l'acte les liens les plus étroits. Ceux-ci sont
présumés exister avec l'État dans lequel la partie qui
doit fournir la prestation caractéristique de l'acte a sa
résidence. Cette règle est inspirée du droit suisse. La
prestation caractéristique est l'obligation qui caractérise le
mieux l'ensemble des différentes opérations que suppose un acte
juridique. Il s'agit là d'un changement d'orientation notable par
rapport à l'article 8 du Code civil du Bas Canada qui, en l'absence de
désignation, fait sans doute une place importante à la
volonté présumée des parties découlant de la nature
de l'acte ou des autres circonstances, mais retient, en principe, la loi du
lieu où l'acte est passé comme critère de
détermination de la loi applicable.
De la forme des actes juridiques
J'aimerais appeler les articles contenus à la section I,
Dispositions générales, en particulier De la forme des actes
juridiques, les articles 3085, 3086 et 3087.
M. Kehoe: II n'y a pas d'amendement, M. le Président, dans
cette section.
Le Président (M. Lafrance): Aucun amendement. Merci, M. le
député de Chapleau. Est-ce qu'il y aurait des commentaires
touchant ces trois articles?
Mme Caron: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
de Terrebonne.
Mme Caron: Peut-être une question pour clarifier, si je
comprends bien l'article 3085. Par exemple, un Québécois est
propriétaire d'un condo en Floride. Il loue son condo à un autre
Québécois. L'acte étant passé aux
États-Unis, c'est cette loi-là qui s'applique. C'est bien
ça?
M. Pineau: La loi américaine, car c'est une loi qui touche
de très près l'immeuble en question. Quant à l'article
3085, la forme d'un acte juridique est régie par la loi du lieu
où il est passé. Il s'agit, à ce moment-là, de la
forme solennelle ou consensuelle, n'est-ce pas, qui est régie par la loi
du lieu où la convention est faite. C'est cela que vient dire l'article
3085.
Mme Caron: Donc, indépendamment de la nationalité
des deux personnes concernées par l'acte?
M. Pineau: Oui. Des Québécois qui iront louer un
condo, enfin un appartement, je pense qu'ils seront soumis, quant à la
forme, aux lois, à la loi du lieu où cet acte est passé.
S'il est passé aux États-Unis, il sera soumis, me sem- ble-t-il,
à la... Tout contrat ayant pour objet un immeuble... Un instant, M. le
Président.
M. Kehoe: M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe:... pendant qu'ils réfléchissent sur cette
question-là, nous désirons suspendre l'article 3086 - petit
s.
Le Président (M. Lafrance): 3086? M. Kehoe:
Oui.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Me Pineau.
M. Pineau: S'il s'agit, M. le Président, d'acheter un
immeuble à l'étranger, c'est le dernier alinéa qui
s'appliquera, mais s'il s'agit de louer, il s'agit d'un acte juridique qui
crée des droits personnels, c'est régi par la loi du lieu
où il est passé, le premier alinéa.
Mme Caron: Oui, mais si un Québécois achète
un immeuble aux États-Unis...
M. Pineau: Oui.
Mme Caron: ...c'est possible qu'il loue cet immeuble...
M. Pineau: Oui.
Mme Caron: ...à d'autres Québécois?
M. Pineau: Oui. J'aurais tendance à dire, M. le
Président, que le contrat de louage est lié trop
étroitement avec l'immeuble pour qu'il soit soumis à la loi
québécoise. C'est, je pense, là, l'objet de votre
question.
Mme Caron: Oui.
M. Pineau: Est-ce que ce bail pourrait être soumis à
la loi de location, à la loi du Québec? Sous réserve de
l'hypothèse où les parties ont désigné la loi
américaine. N'est-ce pas?
Mme Caron: Au Barreau, on suggérait, si le
législateur voulait garder cet article, de limiter l'application aux
seuls contrats translatifs de propriété. Est-ce qu'on a
examiné cette hypothèse?
M. Pineau: Oui, M. le Président. Effectivement, la
question a été posée, mais il semblait que c'était
tellement lié à l'immeuble lui-même qu'il y a eu des
hésitations à cet égard-là. Peut-être
pourrait-on...
M. Kehoe: Peut-être que ce serait mieux encore...
Mme Caron: II y aurait peut-être lieu de suspendre...
M. Kehoe: ...de suspendre aussi l'article 3085, 3085 et 3086.
Mme Caron: ...3085. Et peut-être ajouter dans les
réflexions... Toujours à 3085, on nous faisait part aussi, dans
le mémoire de la Chambre des notaires, de la possibilité de
reconnaître le testament international, qui est maintenant reconnu; il
est en vigueur en Italie, en Hongrie, aux États-Unis et dans deux
provinces canadien- nes. Alors, peut-être dans les réflexions qui
seront faites...
M. Kehoe: On va continuer notre réflexion, mais, à
première vue, ça a été étudié et la
décision a été prise, négative. L'article est
suspendu, sujet à vérification.
M. le professeur Pineau, dans le même exemple de la
députée de Terrebonne, admettons que deux
Québécois, deux personnes du Québec louent un immeuble en
Floride et que l'acte est passé ici au Québec, à ce
moment-là, la loi, la forme de l'acte juridique, est-ce que c'est
suivant l'endroit où est situé l'immeuble ou le fait que les deux
sont du Québec?
Une voix: C'est ça qu'on devra vérifier.
M. Kehoe: Si je comprends bien, ces questions-là seront
vérifiées. D'accord.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le
député de Chapleau.
Mme Harel: 3085 est suspendu. Mme Caron: Oui. M. Kehoe:
Et 3086. Mme Harel: Et 3086.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y aurait des
questions touchant l'article 3087? Ça va. Donc, l'article 3085 est
laissé en suspens, l'article 3086...
Mme Harel: 3087, oui...
Le Président (M. Lafrance): ...est laissé en
suspens et l'article 3087...
Mme Harel: 3087, M. le Président, c'est du droit actuel,
ce n'est pas du droit nouveau, ça, je crois, hein?
M. Pineau: 1208, Bas Canada. Mme Harel: C'est
ça.
Du fond des actes juridiques
Le Président (M. Lafrance): Donc, l'article 3087 est
adopté tel quel. J'appelle maintenant les articles 3088, 3089 et 3090
qui traitent Du fond des actes juridiques.
M. Kehoe: M. le Président, il y a un amendement. À
la fin du deuxième alinéa de l'article 2088, les mots...
Le Président (M. Lafrance): 3088
M. Kehoe: ...3088, "où se retrouvent tous les
éléments de la situation" sont remplacés par les mots "qui
s'appliquerait en l'absence de désignation".
M. le Président, l'amendement proposé vise à
uniformiser la formulation de l'article avec celle de l'article 2089.
Une voix: 3089. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Kehoe: J'ai un "bloc mental". 3089. En raison de cet
amendement, l'article 3088 se lirait comme suit: "L'acte juridique, qu'il
présente ou non un élément d'extranéité, est
régi par la loi désignée expressément dans l'acte
ou dont la désignation résulte d'une façon certaine des
dispositions de cet acte. "Néanmoins, s'il ne présente aucun
élément d'extranéité, il demeure soumis aux
dispositions imperatives de la loi de l'État qui s'appliquerait en
l'absence de désignation. "On peut désigner expressément
la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement
d'un acte juridique."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Chapleau. Je dois mentionner que vous affectez notre
moral en persistant à vouloir nous reculer de 1000 articles.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Kehoe: Je vais corriger mes erreurs, M. le Président.
(17 h 30)
Le Président (M. Lafrance): Alors, est-ce qu'il y aurait
des commentaires touchant ces trois articles Du fond des actes juridiques?
Mme Harel: M. le Président, à l'article 3090,
à la fois la Commission des services juridiques, dans son
mémoire, la Chambre des notaires, le Barreau également dans son
mémoire, s'interrogent sur le concept de prestation
caractéristique que l'on retrouve à 3090. Par exemple, la
Commission des services juridiques demande quelle partie fournit la prestation
caractéristique, le locataire en payant son loyer ou le locateur en
procurant la jouissance du bien loué? En l'absence de définition
en droit québécois, la détermination de la prestation
caractéristique donnera lieu à une insécurité
juridique quant à la loi régissant les actes juridiques.
Étant donné que tout ce livre Du droit international privé
réfère au droit québécois, vous l'avez
mentionné au moment où on examinait les questions relatives au
domicile, aux successions et autres, comment peut-on expliquer qu'on introduise
comme ça un concept qui n'a pas de définition?
Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, cette notion de prestation
caractéristique vient de la législation suisse et je dirais que
c'est l'actuelle traduction de ce qu'on a connu un petit peu dans le
passé dans la doctrine du centre de gravité. Jadis nous avions
une règle de conflit qui était apparemment simple: on appliquait
au contrat la loi du lieu de formation du contrat, et, maintenant, on est
beaucoup plus nuancés et on recherche... On a recherché, selon le
droit américain, le centre de gravité du contrat qui peut
être situé soit au lieu de formation, soit au lieu
d'exécution ou peut-être ailleurs, ailleurs encore. Et c'est cette
idée de recherche du centre de gravité qui se traduit de
façon peut-être plus précise ou moins imprécise par
la notion de prestation caractéristique.
Alors, il est des cas où il sera relativement facile, dis-je, de
déterminer quelle est la prestation caractéristique. Ce ne sera
pas nécessairement toujours aussi facile. Dans le cas de la vente d'un
bien, par exemple, on peut présumer que la prestation
caractéristique est celle du vendeur puisqu'il a une chose, dont il
était propriétaire, à livrer, n'est-ce pas? Dans le cadre
d'un contrat de louage, il y a tout lieu de penser que c'est l'obligation du
locateur de fournir, de procurer la jouissance paisible de la chose ou des
lieux. Dans le cadre d'un contrat de donation, c'est évidemment
l'obligation du donateur. Alors, c'est cela, le principe, qui permet
effectivement de donner au juge une certaine latitude. Il n'y a rien de nouveau
quant à la substance du droit, j'aurais tendance à dire, mais il
y a ce vocabulaire qui est nouveau pour nous, mais qui n'est pas nouveau pour
les internationalistes.
Mme Harel: Vous mentionniez tantôt que cette disposition
s'inspirait de l'article 117, deuxième paragraphe, de la Loi
fédérale suisse sur le droit international privé. C'est ce
qu'il faut comprendre. C'est ça?
M. Pineau: C'est ça.
Mme Harel: Et vous nous disiez... Dans le commentaire, on
retrouve des exemples qui nous amènent à préciser ce que
pourrait être la prestation caractéristique des principaux
contrats.
M. Pineau: C'est ça. Le contrat d'aliénation...
Mme Harel: Alors, vous avez cinq exemples. M. Pineau:
C'est ça. Mme Harel: C'est ça.
M. Pineau: ...le contrat qui confère l'usage dans le
louage...
Mme Harel: La prestation de service.
M. Pineau: ...la prestation de service dans le mandat, le contrat
d'entreprise et...
Mme Harel: Dans le commentaire officiel qui va être
déposé en mars, comme le ministre nous le signalait, en fait, qui
va être déposé le printemps prochain, envisagez-vous de
pouvoir, puisque ces commentaires vont avoir un caractère officiel qui
leur serait conféré par le dépôt à
l'Assemblée, envisagez-vous de pouvoir donner d'autres exemples pour
préciser la prestation caractéristique des principaux
contrats?
M. Kehoe: Oui, certainement, Mme la députée, qu'on
va essayer d'être le plus complet et le plus clair possible dans les
explications parce que ça va faire partie de... Les juristes, dans le
futur, vont lire ces notes explicatives là. Bien sûr, on va tout
faire pour les faire le plus clair possible.
Mme Harel: Clair, ça veut dire, donc, d'autres...
M. Kehoe: Clair et complet.
Mme Harel: ...des exemples portant sur d'autres contrats que les
cinq contrats que l'on retrouve actuellement dans les commentaires?
M. Kehoe: Oui, si ça peut aider à clarifier et
à compléter l'explication, définitivement.
Le Président (M. Lafrance): Merci pour ces
clarifications.
M. Kehoe: C'est clair. Mme Harel: M. le
Président...
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: ...toujours sur la même question là,
l'article 3090. Dans le cas où il y aurait de nombreux débiteurs,
à ce moment-là, comment l'article 3090 trouve-t-il matière
à application?
M. Pineau: M. le Président, ce sont les circonstances de
l'espèce qui vont dicter au juge sa décision. Il va effectivement
rechercher quelle est la loi qui a le lien le plus étroit avec le
problème qui lui est soumis.
Mme Harel: Ça va être laissé à
l'appréciation des tribunaux.
M. Pineau: C'est ce qui existe aujourd'hui.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. J'aurais quelques
questions concernant l'article 3088.
Le Président (M. Lafrance): Tel qu'amendé?
Mme Caron: Tel qu'amendé, oui. Je peux peut-être
dire, en passant, que l'amendement répond à une demande de la
Chambre des notaires, précisément. Mais le premier alinéa
de l'article 3088 permet, selon les commentaires que je lis de la Chambre des
notaires, d'internationaliser un contrat à volonté. On
précise que cet alinéa consacre aussi la méthode du choix
implicite qui résulte, d'une façon certaine, des dispositions de
cet acte. Alors, la question qui se pose: Si les parties incorporent seulement
les dispositions d'une loi étrangère dans leur contrat, est-ce
qu'il s'agit, à ce moment-là, d'un choix implicite de la loi
étrangère dans son ensemble, qui aboutirait à
l'internationalisation du contrat, ou si le contrat reste soumis à la
loi locale?
M. Pineau: M. le Président, je crois qu'on peut
répondre que dans ce cas-là, effectivement, la désignation
résulterait des dispositions de cet acte. Si je prends un exemple dans
les régimes matrimoniaux, indépendamment de ce que nous avons dit
tout à l'heure sur le patrimoine familial, dans la mesure où des
époux inséreraient dans leur contrat les dispositions, par
exemple, de la loi française sans se référer à la
loi française, il y aurait lieu de se demander si, effectivement, ils
entendent se référer à cette loi française. Je
crois que l'on pourrait déduire de cette désignation qui est
faite qu'ils ont entendu effectivement se référer à la loi
française. Ils ont désigné leur loi.
Mme Caron: Vous croyez ou... Ha, ha, ha!
M. Pineau: M. le Président, en droit international
privé, il est extrêmement difficile de dire: Je suis sûr.
Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Caron: C'est ce que je m'aperçois depuis le
début de notre étude. Ha, ha, ha!
M. Pineau: C'est un petit peu, c'est un peu comme...
M. Kehoe: ...droit.
M. Pineau: ...en droit constitutionnel.
M. Kehoe: ...sont des avocats.
Mme Caron: Alors, là, il n'y a que des incertitudes. Donc,
on conclurait que la personne souhaitait se soumettre à...
M. Pineau: À la loi qu'elle a... Mme Caron: ...la
loi étrangère. M. Pineau: ...oui, à la loi
étrangère. De la vente
Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres
commentaires, l'article 3088 est donc adopté tel qu'amendé et les
articles 3089 et 3090 sont adoptés tels quels. Nous en arrivons à
la section II qui traite des dispositions particulières, en
commençant avec les dispositions qui touchent la vente. J'aimerais
appeler les articles 3091 ainsi que 3092.
M. Kehoe: Encore une fois, il n'y a pas d'amendement.
Mme Caron: À l'article 3091, M. le Président, la
Commission des services juridiques nous mentionnait qu'il manquait de
clarté dans le deuxième alinéa du premier paragraphe et
qu'on devrait le modifier pour plus de clarté. Est-ce qu'on a
examiné les propositions, les recommandations de la Commission?
Le Président (M. Lafrance): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Je pense que M. le professeur les a examinées
beaucoup plus en profondeur que moi et il serait en mesure de répondre
à la question plus en détail.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, la Commission des services
juridiques demande effectivement que ce soit remplacé par les termes
suivants: "La délivrance est effectuée dans cet État", et
que soit ajouté un quatrième paragraphe: "Sous réserve des
dispositions de la présente section, le contrat est conclu par une
personne physique à des fins personnelles, familiales, domestiques ou
artisanales."
Ce qui est proposé dans le deuxième paragraphe de 3091,
c'est la prévision expresse que l'obligation de délivrance doit
être exécutée, tandis que la Commission suggère
qu'il suffirait que la délivrance, le seul fait de la délivrance
soit effectué dans cet État. L'exigence est évidemment
plus grande dans l'article proposé que dans le... C'est un article qui
s'inspire, là encore, des Conventions de La Haye et d'autres.
Mme Caron: Pourquoi n'a-t-on pas jugé bon d'ajouter le
quatrième paragraphe qui était proposé et qui se lisait:
Sous réserve des dispositions de la présente section, le contrat
est conclu par une personne physique à des fins personnelles,
familiales, domestiques ou artisanales?
M. Pineau: Cela réfère au contrat de consommation
qui est régi par un article particulier.
Mme Caron: 3094. (17 h 45)
Du mandat et de l'administration du bien
d'autrui
Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres
commentaires, les articles 3091 et 3092 sont donc adoptés tels quels.
J'appelle maintenant l'article 3093 qui traite du mandat et de l'administration
du bien d'autrui.
M. Kehoe: M. le Président, il y a deux amendements.
L'intitulé du paragraphe 2 de la section II du chapitre troisième
du titre deuxième du Livre X est remplacé par le suivant: "De la
représentation conventionnelle".
M. le Président, l'amendement proposé est de concordance
avec celui proposé à l'article 3093. En raison de cet amendement,
l'intitulé du paragraphe 2 de la section II du chapitre troisième
du titre deuxième se lirait comme suit: "2.-De la représentation
conventionnelle".
Deuxième amendement proposé. L'article 3093 est
remplacé par le suivant: "L'existence et l'étendue des pouvoirs
du représentant dans ses relations avec un tiers, ainsi que les
conditions auxquelles sa responsabilité ou celle du
représenté peut être engagée, sont régies par
la loi désignée expressément par le représentant et
le tiers ou, à défaut, par la loi de l'État où le
représentant a agi si le représenté ou le tiers a son
domicile ou sa résidence dans cet État."
M. le Président, l'amendement proposé vise, d'une part,
à restreindre le champ d'application de l'article à la
représentation conventionnelle et, d'autre part, à permettre aux
parties de choisir la loi applicable. Ce faisant, l'article est rendu davantage
conforme aux sources qui l'ont inspiré. En raison de cet amendement,
l'article 3093 se lirait comme suit: "L'existence et l'étendue des
pouvoirs du représentant dans ses relations avec un tiers, ainsi que les
conditions auxquelles sa responsabilité ou celle du
représenté peut être engagée, sont régies par
la loi désignée expressément par le représentant et
le tiers ou, à défaut, par la loi de l'État où le
représentant a agi si le représenté ou le tiers a son
domicile ou sa résidence dans cet État."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Chapleau. Est-ce qu'il y a des commentaires touchant
cet article tel qu'amendé? Mme la députée de
Terrebonne.
Mme Caron: M. le Président. L'amendement qui propose la
modification de l'intitulé du paragraphe 2 répond à une
demande de la Chambre des notaires qui souhaitait qu'on l'appelle "De la
représentation conventionnelle".
J'aurais une question sur l'article 3093 tel que modifié. Est-ce
que cet article vient protéger la personne faible, puisque son
état peut avoir demandé des mesures de protection? Est-ce que la
modification assure cette protection-là?
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, la question posée, si
j'ai bien compris, concerne les pouvoirs de représentation qu'aurait un
tuteur ou un curateur, mais ces pouvoirs sont déterminés par la
loi, ils ne sont pas déterminés par la convention des
parties.
Mme Caron: Lorsqu'on parle de l'existence et de l'étendue
des pouvoirs du représentant...
M. Pineau: Est-ce que ça s'applique?
Mme Caron: ...est-ce que ça protège davantage la
personne faible?
M. Kehoe: M. le Président, juste avant que vous continuiez
avec la question. Il y a une erreur qui s'est glissée et peut-être
que la correction va clarifier les affaires. Dans l'amendement où
"l'article 3093 est remplacé par le suivant:", à la
quatrième ligne, le premier mot, c'est indiqué
"représentant" et ça devrait être
"représenté". Puis, "en raison de cet amendement, l'article 3093
se lirait comme suit:", à la quatrième ligne, le quatrième
mot, "représentant" devrait se lire "représenté"
aussi.
Le Président (M. Lafrance): Alors, permettez-moi de relire
l'article tel qu'amendé, l'article 3093: "L'existence et
l'étendue des pouvoirs du représentant dans ses relations avec un
tiers, ainsi que les conditions auxquelles sa responsabilité ou celle du
représenté peut être engagée, sont régies par
la loi désignée expressément par le
représenté et le tiers ou, à défaut, par la loi de
l'État où le représentant a agi si le
représenté ou le tiers a son domicile ou sa résidence dans
cet État."
Bien. Ça va? Je vous remercie, M. le député de
Chapleau, d'avoir porté à notre attention ce correctif. Mme la
députée de Terrebonne, vous aviez un commentaire
supplémentaire? Vous avez posé votre question? Alors, Me
Pineau.
M. Pineau: Mme la députée de Terrebonne attend la
réponse.
Mme Caron: C'est ça. C'est exactement ça.
M. Pineau: M. le Président, je pense que la question ne se
pose pas dans ce contexte. Il s'agit de déterminer l'existence et
l'étendue des pouvoirs d'un représentant dans ses relations avec
un tiers et les conditions de la responsabilité de ce
représentant ou de ce représenté. Je ne vois pas comment
un représentant qui serait un tuteur ou un curateur pourrait
désigner la loi à laquelle il est soumis, car ce sont des lois
qui s'imposent, n'est-ce pas? Les régimes de tutelle et de curatelle
sont organisés par la loi. Donc, cette disposition en tant que telle ne
vient pas diminuer ou augmenter la protection des incapables, n'est-ce pas?
Ça ne les touche pas en tant que tel. Simplement, l'article 3093 vient
nous dire que cette existence et cette étendue des pouvoirs sont
régies par la loi désignée expressément par le
représenté lorsque la loi lui permet de choisir une loi. Donc,
ça ne touche pas les questions de tutelle et de curatelle.
Je me permettrai d'ajouter, s'il vous plaît, que l'article 3061
à cet égard-là vise le régime juridique des majeurs
protégés et le régime juridique du mineur, et on
réfère à la loi du domicile de ces personnes.
Mme Caron: Merci.
Du contrat de consommation
Le Président (M. Lafrance): Alors, le nouvel
intitulé d'un paragraphe est donc adopté tel que proposé
et l'article 3093 est adopté tel qu'amendé. J'aimerais maintenant
appeler l'article 3094 qui touche la question du contrat de consommation.
M. Kehoe: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Chapleau. Est-ce qu'il y aurait des commentaires
touchant cet article 3094? Oui, Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Je regarde les commentaires de la Commission des
services juridiques qui semblait en profond désaccord avec la
modification qui a été apportée à l'article depuis
l'avant-projet. On nous disait même qu'il s'agit d'un net recul en regard
de la protection du consommateur. J'aimerais peut-être vous entendre sur
les changements... Qu'est-ce qui a motivé les changements par rapport
à l'avant-projet de loi?
M. Kehoe: Professeur Pineau.
Mme Caron: Je remarque les mêmes commentaires de la Chambre
des notaires.
M. Pineau: M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Pineau.
M. Pineau: Dans l'avant-projet, on ne permettait pas le choix par
les parties de la loi applicable. Ici, on le permet. Cependant, ce choix ne
peut pas avoir pour résultat d'amoindrir les droits du consommateur. On
a ouvert cet article de cette manière, l'article 3094, car on pourrait
songer à une loi étrangère applicable à un contrat,
ce contrat de consommation, qui pourrait être, éventuellement,
plus avantageuse pour le consommateur que la loi québécoise, par
exemple. Donc, on a voulu protéger le consommateur en ne diminuant pas
les droits qu'il pourrait avoir résultant de sa propre loi, mais en lui
réservant aussi la possibilité de bénéficier des
avantages que pourrait lui procurer la loi étrangère.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce que ça satisfait
votre interrogation, Mme la députée de Terrebonne?
Mme Caron: Pas vraiment puisque - je relis les commentaires de la
Commission des services juridiques qui maintient que, malgré qu'on
prévoie que ça doit assurer la protection - les Services
juridiques nous disent bien: Bien que cet article prévoie certaines
conditions, qu'un tel choix ne peut avoir pour résultat de mettre de
côté les dispositions imperatives de la loi de l'État
où le consommateur a sa résidence, nous ne croyons pas que cette
restriction soit suffisante. On retrouve la même chose du
côté de la Chambre des notaires.
M. Kehoe: M. le Président, peut-être que pour
simplifier les affaires on pourrait suspendre cet article-là, et les
juristes des deux côtés... Je pense que l'article n'a pas
été étudié sur cet aspect-là. Ça
pourrait être étudié. À la reprise des travaux
mardi, on pourrait voir quelle décision on va prendre.
Mme Caron: Ça me convient.
M. Kehoe: Je suggérerais de suspendre l'article 3094.
Du contrat de travail
Le Président (M. Lafrance): Alors, l'article 3094 est
laissé en suspens. J'aimerais maintenant appeler l'article 3095 qui
traite du contrat de travail.
M. Kehoe: II n'y a pas d'amendement.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Chapleau. Est-ce qu'il y a des commentaires?
Mme Caron: On nous présente exactement les mêmes
arguments, à la Commission des services juridiques, concernant le
contrat de travail.
M. Kehoe: Encore une fois, M. le Président, je pense que
les juristes des deux côtés n'ont pas eu le temps d'examiner
à fond ces deux articles-là. Encore, on aura l'opportunité
de suspendre... M. le professeur.
M. Pineau: M. le Président, il m'apparaît clair
qu'on ne prive pas le consommateur des faveurs que lui accorde la loi, pas plus
qu'on ne prive le travailleur, dans l'article 3095, des avantages que lui
procure sa loi. "Ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur
de la protection que lui assurent les dispositions imperatives de la loi de
l'État où il a sa résidence", je crois que cela est clair.
Mais on lui offre en revanche la possibilité de profiter
éventuellement des avantages que pourrait lui procurer la loi
étrangère. Donc, ce n'est pas une fermeture, c'est davantage une
ouverture.
Mme Caron: Je pense que l'argument qu'on fait valoir dans les
deux cas, c'est le déséquilibre des forces en présence.
C'est-à-dire qu'il pourrait probablement y avoir des pressions
exercées autant sur le travailleur que sur le consommateur,
peut-être pour l'obliger à faire un choix autre. Je pense que
c'est dans ce sens-là qu'on nous parle de déséquilibre des
forces.
M. Pineau: Mais si le choix que fait le consommateur lui est
préjudiciable, l'article 3094 vient dire que la loi en question qui lui
est défavorable ne s'appliquera pas. Et c'est la même chose dans
l'article 3095 pour le travailleur. Je pense que ce n'est pas lui nuire que de
lui permettre éventuellement de prendre au passage les avantages d'une
loi étrangère, le bénéfice d'une loi
étrangère.
Mme Caron: M. le Président, on pourrait peut-être,
mardi, reprendre à l'article 3094, finalement, tout simplement.
M. Kehoe: M. le Président, tel que convenu, je fais une
proposition d'ajourner les travaux. Je pense qu'il y a déjà un
ordre de la Chambre pour mardi matin. Donc, ce serait d'ajourner jusqu'à
mardi, 10 heures, si je ne me trompe pas.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Est-ce qu'il y a
consentement?
Mme Caron: Oui, on pourrait reprendre à l'article 3094
tout simplement.
M. Kehoe: C'est ça.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Avant d'ajourner,
j'aimerais vous rappeler que nous avons reçu avis de nous réunir
de nouveau mardi prochain, 3 décembre, de 10 heures à 12 h
30,
ici, à la salle Louis-Joseph-Papineau. Alors, s'il n'y a pas de
commentaire de fin de séance...
Une voix: Avez-vous dit "de 10 heures à 10 h 30"?
Le Président (M. Lafrance): J'ai bien dit "de 10 heures
à 12 h 30"...
Une voix: O. K.
Le Président (M. Lafrance):... le mardi 3 décembre.
Sur ce, j'aimerais donc ajourner nos travaux pour aujourd'hui.
(Fin de la séance à 18 h 4)