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(Quinze heures cinquante-neuf minutes)
Le Président (M. Lafrance): Je vous demanderais, s'il vous
plaît, de bien vouloir prendre place. Est-ce que je peux avoir votre
attention, s'il vous plait? J'aimerais déclarer cette vingtième
séance de travail ouverte, en rappelant à tous les membres le
mandat de notre commission qui est de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 125, Code civil du Québec. Mme
la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a un
remplacement. Mme Bleau (Groulx) est remplacée par Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata).
Organisation des travaux
Le Président (M. Lafrance): Merci. Je vous rappelle que
nous avons convenu de nous réunir cet après-midi jusqu'à
18 h 30 pour arrêter à l'heure du souper et reprendre de 20 heures
à 22 heures. Est-ce qu'il y aurait des remarques d'ouverture avant que
nous reprenions nos travaux?
Mme Harel: M. le Président, je me permets, encore une
fois, de vous remercier pour la mise à jour que vous nous transmettez
à chaque semaine de l'état de nos séances de travail.
Alors, nous en sommes à la vingtième séance
aujourd'hui...
Le Président (M. Lafrance): C'est exact, oui.
Mme Harel: ...et nous avons déjà
complété 80 heures et 16 minutes. Nous avons étudié
2789 articles. Vous précisez, évidemment, que nous en sommes
à ce nombre parce que nous avons pu nous saisir une fois ou plus de
chacun de ces articles. 587 amendements ont été adoptés,
incluant 34 articles ajoutés, 485 articles et 37 amendements sont
présentement suspendus. Alors, c'est là un tableau, en tout cas,
vraiment intéressant, qui nous permet de voir l'avancement de nos
travaux.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
M. Rémillard: M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.
M. Rémillard: ...nous commençons nos travaux, si je
comprends bien, par le chapitre dixième: "Du contrat de
société et d'association". On m'informe, M. le Président,
que des rencontres ont eu lieu entre les experts et les légistes et je
voudrais dire qu'immédiatement après nous abordons les
assurances. Alors, pour les gens qui sont avec nous aujourd'hui dans la salle
et qui sont particulièrement intéressés au chapitre des
assurances, je veux leur dire que nous aborderons ce chapitre avant le
dîner du soir. Nous aborderons ce chapitre et le continuerons
probablement dans la soirée.
Mme Harel: Je pense que le ministre s'avance beaucoup là,
par exemple.
M. Rémillard: Non. C'est ce qu'on a convenu tout le monde,
ce qu'on a vu...
Mme Harel: Ah bon! Non, on n'a pas encore convenu de
ça.
M. Rémillard: On verra. S'il y a des difficultés,
vous savez...
Mme Harel: En tout cas, on verra, là. Disons qu'il ne peut
pas confirmer ça, évidemment.
M. Rémillard: Je ne voudrais pas brusquer Mme la
députée. Je veux qu'elle se sente bien à l'aise de prendre
tout le temps qu'elfe veut sans aucune...
Mme Harel: Je vous remercie. Je n'en attendais pas moins de
vous.
M. Rémillard: Ah! vous savez... Vous attendez beaucoup de
choses de moi et je suis convaincu que vous allez retrouver tout ce que vous
attendez.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Nous
allons donc reprendre avec le chapitre dixième et, de façon
particulière, avec l'article 2174.
Mme Harel: Juste avant, M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): Je ne sais pas s'il y a un
membre qui voudrait nous lire le texte.
Mme Harel: Juste avant qu'on...
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Avant, M. le Président, que nous examinions ce
chapitre dixième portant sur
le contrat de société et d'association, j'aimerais
connaître quel sera le calendrier de nos travaux cette semaine. Il avait
déjà été convenu, la semaine dernière, que
nous pourrions entendre les responsables qui s'occupent de l'informatisation au
ministère de la Justice. Alors, je voudrais qu'on puisse établir
un peu mieux notre agenda de la semaine. Je crois comprendre que Me Fre-nette,
qui doit être présent parmi nous au moment où cette
audition se fera, sera des nôtres jeudi matin. Je pense que le professeur
Masse, de toute façon, n'était pas disponible jeudi. Me Ouellette
compléterait certainement aujourd'hui, je crois, la partie qui est de sa
responsabilité. Est-ce qu'il est possible que jeudi, de façon
à en informer Me Frenette, on puisse déjà convenir
d'entendre les responsables du projet d'informatisation?
M. Rémillard: M. le Président, là-dessus, je
dois vous dire que, comme la semaine dernière, pour ma part, j'ai
libéré mon agenda pour pouvoir être ici, à la
commission, tous les jours, c'est-à-dire mardi, mercredi et jeudi. Je
serais prêt à siéger aussi jeudi soir, si c'est possible.
Jeudi soir, nous pourrions...
Mme Harel: C'est impossible. J'ai déjà une
tournée qui est prévue avec mes collègues et le
député d'Abitibi-Est sur l'importante question de l'aide
alimentaire dans les écoles des milieux défavorisés.
M. Rémillard: Voilà! Alors, moi, je serais
prêt même à siéger, je le répète, jeudi
soir. Donc, c'est mardi, mercredi et jeudi. Si nous les employons en fonction
de toutes nos sessions de travail, je crois bien que nous pourrons faire
beaucoup de travail et qu'il sera possible de voir la publicité
dès demain soir. Même, dès demain soir, on peut faire en
sorte qu'on puisse étudier la publicité.
Mme Harel: Je ne sais pas si Me Frenette est disponible,
là. Il faudrait le vérifier.
M. Rémillard: C'est très important qu'on puisse
avoir nos experts et les légistes.
Mme Harel: De toute façon, il ne faut pas non plus
présumer de là où on sera rendus, compte tenu que nous
débutons nos travaux. Je vois que le ministre...
M. Rémillard: Bien, c'est vous qui me l'avez
demandé.
Mme Harel: Oui. Moi, je vous propose jeudi matin pour entendre
vos experts.
M. Rémillard: Jeudi matin, on va travailler. On est
prêts.
Mme Harel: Je veux savoir si vos experts pourront être ici
jeudi matin.
M. Rémillard: Moi, je n'ai aucun problème.
Maintenant, est-ce que vos experts vont aussi être disponibles jeudi
matin?
Mme Harel: Me Frenette peut être ici jeudi matin...
M. Rémillard: Ah bon! Bien, écoutez, il n'y a pas
de problème. À ce moment là on peut s'entendre.
Mme Harel: ...mais il ne peut pas l'être
l'après-midi. Ça, c'était déjà su par vos
adjoints.
M. Rémillard: On va procéder jeudi matin. Mme
Harel: Jeudi matin... M. Rémillard: Oui, oui.
Mme Harel: ...pour entendre les experts. Alors, de mon
côté, et Mme la députée de Terrebonne
également, nous tenterons d'être accompagnées de personnes
qui, du côté de l'Opposition, connaissent mieux que nous
peut-être toutes ces questions d'informatisation de système.
Alors, si on peut en convenir donc, à 9 h 30, jeudi matin.
M. Rémillard: Jeudi après-midi, nous ferions...
Qu'est-ce que nous ferions jeudi après-midi? Donc, on va continuer jeudi
après-midi. Mais quel serait l'expert à ce moment-là?
Mme Harel: C'est-à-dire qu'on ne peut pas continuer sur
les questions qui sont de la responsabilité de Me Frenette, car il ne
sera pas là.
M. Rémillard: Bien, c'est parce que là... C'est
ça qui pose un problème. Nous, nous sommes prêts à
continuer. Jeudi après-midi, il faudrait pouvoir travailler.
Mme Harel: Écoutez, on va travailler si le ministre le
veut, mais il ne peut pas exiger évidemment le même rythme lorsque
nos experts sont avec nous ou pas. Alors, on peut travailler jeudi
après-midi. Ça nous fait plaisir de satisfaire à son
désir pressant.
M. Rémillard: Écoutez bien, je comprends
très bien ce que vous me dites. Vous n'avez pas besoin d'y aller
à demi-mot, je comprends très bien votre message. Tout ce que je
veux, c'est que ça marche. C'est clair, ça? Alors, à
partir de là, si vous me dites qu'on ne peut pas, je peux vous garantir
qu'on ne le fera pas. C'est aussi clair que ça. Mais ce que je trouve
dommage...
Mme Harel: On pourrait faire autre chose peut-être, autre
chose que la publicité ou...
M. Rémillard: ...c'est qu'on ne puisse pas travailler
jeudi. Je trouve ça dommage.
Mme Harel: On peut travailler jeudi. Le ministre vient de me dire
qu'à 9 h 30 on va entendre ses experts.
M. Rémillard: Jeudi matin, oui, mais je vous demande jeudi
après-midi, parce que le jeudi après-midi...
Mme Harel: On peut travailler jeudi après-midi.
M. Rémillard: Quel expert, à ce moment-là,
serait disponible?
Mme Harel: Alors, là, ou bien on va compléter
avec... Je ne sais pas si Me Masse est disponible, il faudrait le
vérifier.
M. Rémillard: Voilà! À ce moment-là,
on complétera. On a même des articles en suspens qu'on peut
reprendre. On peut faire beaucoup de choses.
Mme Harel: C'est ça.
Le Président (M. Lafrance): De toute façon, nous
pouvons faire ces vérifications demain auprès de nos experts et
confirmer demain ce que nous ferons jeudi.
Mme Harel: C'est ça. Là, pour tout de suite, ce qui
est important pour nous, c'est d'être informés qu'à 9 h 30
nous entendrons les experts du ministère qui sont responsables du projet
d'informatisation. C'est bien ça qu'il faut comprendre?
M. Rémillard: C'est ça. C'est convenu et on
comprend que jeudi après-midi on procède avec les experts sur un
point à déterminer qu'on pourra voir demain, selon l'expert qui
sera disponible jeudi après-midi.
Mme Harel: Exactement.
M. Rémillard: Est-ce que c'est de ça qu'on
convient?
Des contrats nommés (suite)
Le Président (M. Lafrance): Ça va? D'accord. Alors,
je vous réfère donc au chapitre dixième qui traite du
contrat de société et d'association en demandant peut-être
à Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata de bien
vouloir nous lire le texte d'introduction contenu à la page 573 du livre
des commentaires détaillés sur les dispositions du projet de
loi.
Du contrat de société et
d'association
Mme Dionne: Oui, M. le Président. Chapitre dixième:
Du contrat de société et d'association (articles 2174 à
2267). Le Code civil du Québec, au chapitre Du contrat de
société et d'association, apporte plusieurs modifications au
droit actuel de manière, essentiellement, à mettre cette partie
du droit au diapason des besoins et réalités d'aujourd'hui.
Concernant les sociétés, les distinctions
désuètes que connaît le droit actuel entre les
sociétés particulières et les sociétés
universelles de biens ou de gains sont abolies, comme l'est aussi la
distinction entre les sociétés civiles et les
sociétés commerciales, qui fera place, désormais, à
une distinction ponctuelle établie sur la base de la notion
d'exploitation d'une entreprise.
Au-delà du rappel de l'existence de sociétés par
actions régies par les règles propres aux personnes morales, ne
sont donc plus reconnues que trois espèces de sociétés: la
société en nom collectif, la société en commandite
et la société en participation, nouvelle forme de
société remplaçant, à certains égards, la
société dite anonyme du droit actuel.
Les sociétés en nom collectif et en commandite recoupent
les mêmes formes sociales qu'en droit actuel, sauf l'abandon de leur
caractère commercial, mais plusieurs modifications sont apportées
à leur régime.
Ainsi, outre une définition commune qui fait mieux ressortir
l'affectio societatis qui sous-tend la formation de ces groupements, l'on
remarquera la simplification et la réorganisation des règles de
publicité qui leur sont propres, des précisions nouvelles
concernant les apports, la part et la participation des associés dans
les bénéfices ou dans les pertes, ou en ce qui a trait à
l'obligation de non-concurrence des associés.
On remarquera aussi l'introduction d'un droit de retrait permettant aux
associés d'écarter de la société le tiers qui
aurait acquis, à titre onéreux, la part de l'un d'eux, un
développement des règles relatives à la prise de
décisions collectives, à la cession ou au rachat de parts ou
à l'hypothèque de celles-ci, de même que la reconnaissance
générale du droit qu'a tout associé, même exclu de
la gestion, de pouvoir se renseigner sur l'état des affaires de la
société et de consulter ses livres ou registres, moyennant le
respect de certaines conditions.
On remarquera, enfin, la transformation de plusieurs causes actuelles de
dissolution des sociétés en simples occasions de perte de la
qualité d'associé, l'introduction de règles plus
précises relatives à la dissolution ou à la liquidation
des sociétés et, modification d'importance, l'attribution,
à ces deux formes de sociétés que sont la
société en nom collectif et la société en
commandite, du pouvoir d'ester en justice sous le
nom qu'elles déclarent et d'être poursuivies sous ce
nom.
La société en participation, nouvellement introduite,
recoupe, elfe, les sociétés occultes, inorganisées ou
dites de fait, et sa constitution peut résulter d'ententes verbales,
voire de simples faits manifestes qui indiquent l'intention de s'associer. Elle
se distingue des autres formes de société sous plusieurs
aspects.
Ainsi, elle n'est assujettie, pratiquement par essence, à aucune
forme de publicité; à l'égard des tiers, chacun des
associes demeure donc propriétaire des biens constituant son apport
à la société et n'est présumé agir qu'en son
nom personnel. La société, n'ayant pas de nom
déclaré, n'a pas le pouvoir d'ester en justice sous son nom ou
d'être poursuivie sous ce nom. De plus, contrairement aux autres formes
de sociétés, la société en participation prendra
fin, en principe, par le décès ou la faillite de l'un des
associés, par l'ouverture à son égard d'un régime
de protection ou par la saisie de sa part sociale, et sa liquidation se fera
selon un processus sommaire.
Quant à l'association non personnifiée, qui recoupe les
groupements poursuivant un but commun autre que la réalisation de
bénéfices pécuniaires à partager entre leurs
membres, elle fait désormais l'objet de quelques dispositions
destinées à régir sommairement certains aspects de ses
activités, dont celui de la responsabilité des membres à
l'égard des tiers et celui de la dévolution des biens en cas de
dissolution de l'association. Voilà.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée. Alors, j'aimerais vous référer aux
articles contenus à la section I de ce chapitre dixième du livre
cinquième, Des obligations. J'appelle donc les articles 2174 à
2185 inclusivement.
Dispositions générales
M. Rémillard: M. le Président, nous avons cinq
amendements à proposer à la commission. Tout d'abord, l'article
2174 est modifié: 1° par le remplacement, à la
troisième ligne du premier alinéa, des mots "ou d'exploiter une
entreprise" par ce qui suit: ", incluant celle d'exploiter une entreprise"; 2"
par le remplacement, à la fin de la quatrième ligne du premier
alinéa, des mots "entre eux" par les mots "entre elles".
M. le Président, le premier amendement corrige une
imprécision du texte, qui oppose l'exercice d'une activité
à l'exploitation d'une entreprise alors qu'une telle opposition n'a pas
sa raison d'être ici, l'exploitation d'une entreprise constituant
nécessairement l'exercice d'une activité. (16 h 15)
Cet amendement tient d'ailleurs compte, ainsi, du fait que la
terminologie usuelle en matière de société utilise
principalement la notion d'activité. Elle permet aussi d'éviter
les difficultés qui pourraient se poser, dans les autres règles
du présent chapitre, par l'utilisation du mot entreprise, lequel peut
parfois sembler vouloir désigner la société
elle-même, en tant qu'organisation, alors que c'est toujours
l'idée d'activité qui est visée. Quant au second
amendement, il est purement formel. En raison de ces amendements, l'article
2174 se lirait comme suit: "Le contrat de société est celui par
lequel les parties conviennent, dans un esprit de collaboration, d'exercer une
activité, incluant celle d'exploiter une entreprise, d'y contribuer par
la mise en commun de biens, de connaissances ou d'activités et de
partager entre elles les bénéfices pécuniaires qui en
résultent. "Le contrat d'association est celui par lequel les parties
conviennent de poursuivre un but commun autre que la réalisation de
bénéfices pécuniaires à partager entre les membres
de l'association."
M. le Président, l'article 2177 est modifié par le
remplacement, au second alinéa, des mots "conformément à
la Loi sur les déclarations des sociétés et entreprises
individuelles" par ce qui suit: ", de la manière prévue par les
lois relatives à la publicité légale des
sociétés".
M. le Président, cet amendement, outre la modification formelle
qu'il apporte, vise à éviter la référence à
une législation encore en gestation. En raison de cet amendement,
l'article 2177 se lirait comme suit: "La société en nom collectif
ou en commandite est formée sous un nom commun aux associés.
"Elle est tenue de se déclarer, de la manière prévue par
les lois relatives à la publicité légale des
sociétés; à défaut, elle est réputée
être une société à participation, sous
réserve des droits des tiers de bonne foi."
L'article 2178, M. le Président, est modifié de la
façon suivante:
r par le remplacement, au premier alinéa, des mots
"à la Loi sur les déclarations des sociétés et
entreprises individuelles" par les mots "par les lois relatives à la
publicité légale des sociétés"; 2° par l'ajout,
à la deuxième ligne du second alinéa, après le mot
"commanditaires", des mots "connus lors de la condusion du contrat"; 3° par
le remplacement, au second alinéa, à partir de la
troisième ligne, de tout ce qui suit les mots "et faire état" par
ce qui suit: "du lieu où peut être consulté le registre
dans lequel est inscrite l'information mise à jour concernant les nom et
domicile de tous les commanditaires et tous les renseignements concernant les
apports des associés au fond commun".
M. le Président, le premier amendement, en plus d'apporter une
modification formelle, vise à éviter la référence
précise à une législation
encore en gestation. Les deuxième et troisième amendements
apportent un élément de souplesse dans le contenu de la
déclaration pour tenir compte du nombre parfois élevé des
commandités ou commanditaires et du fait que l'information qui les
concerne non seulement peut être appelée à varier
rapidement, mais n'a pas à être connue du public en
général. L'information étant contenue au registre
visé à l'article 2227, il importe uniquement de savoir où
se trouve ce registre.
En raison de ces amendements, l'article 2178 se lirait comme suit: "La
déclaration de société doit indiquer, outre les
renseignements prévus par les lois relatives à la
publicité légale des sociétés, l'objet de la
société et mentionner qu'aucune autre personne que celles qui y
sont nommées ne fait partie de la société. "La
déclaration d'une société en commandite doit, de plus,
indiquer les nom et domicile des commandités et des commanditaires
connus lors de la conclusion du contrat, en distinguant les premiers des
seconds, et faire état du lieu où peut être consulté
le registre dans lequel est inscrite l'information mise à jour
concernant les nom et domicile de tous les commanditaires et tous les
renseignements concernant les apports des associés au fond commun."
L'article 2183 est modifié par le remplacement, aux
première et deuxième lignes du premier alinéa, des mots ",
de même que la déclaration modificative," par les mots "et la
déclaration modificative". Cet amendement est purement formel. En raison
de cet amendement, l'article 2183 se lirait comme suit: "La déclaration
de société et la déclaration modificative sont opposables
aux tiers à compter du moment où elles sont faites; elles font
preuve de leur contenu, en faveur des tiers de bonne foi, tant qu'une
déclaration modificative ne leur apporte pas de changement ou que la
déclaration de société n'est pas radiée. "Les tiers
peuvent contredire les mentions d'une déclaration par tous moyens."
L'article 2184 est modifie: 1° par le remplacement, aux
première et deuxième lignes, des mots "contient un renseignement
faux" par les mots "est incomplète, inexacte ou
irrégulière"; 2° par le remplacement, dans la
quatrième ligne, de tout ce qui suit le mot "résultent" par le
texte suivant: "; cependant, les commanditaires qui ne sont pas par ailleurs
tenus des obligations de la société n'encourent pas cette
responsabilité".
M. le Président, le premier amendement vise à assurer la
cohérence entre le texte du présent article et celui de l'article
2179. Le second amendement vise à limiter expressément la
responsabilité des commanditaires à l'égard des tiers aux
seuls cas où ils seraient responsables en vertu d'autres dispositions du
présent chapitre, notamment dans les cas, visés aux articles 2232
et 2235, où les commanditaires se sont immiscés dans la gestion
de la société ou ont permis que leur nom paraisse dans celui de
la société sans que leur qualité de commanditaire y soit
indiquée. Même si l'interprétation du texte de l'article
permettrait d'en arriver à un résultat similaire, il a paru
souhaitable d'apporter la précision proposée pour plus de
sûreté. En raison de ces amendements, l'article 2184 se lirait
comme suit: "Si la déclaration de société est
incomplète, inexacte ou irrégulière ou si, malgré
un changement intervenu dans la société, la déclaration
modificative n'est pas faite, les associés sont responsables, envers les
tiers, des obligations de la société qui en résultent;
cependant, les commanditaires qui ne sont pas par ailleurs tenus des
obligations de la société n'encourent pas cette
responsabilité."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
est-ce qu'il y a des commentaires concernant ces articles 2174 à 2185
inclusivement qui traitent des dispositions générales au
chapitre? Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Nous en sommes
donc, comme vous nous le mentionniez, aux dispositions générales.
D'abord, une première question en regard de l'article 2178 où le
ministre nous informe, en fait, d'une législation actuellement en
gestation qui s'intitulerait la Loi sur les déclarations des
sociétés et entreprises individuelles. Alors, quelle est la
nature de cette législation? S'agit-il d'un projet de loi qui fera
partie de la loi d'application ou entend-il le déposer avant le
dépôt de la loi d'application?
M. Rémillard: Ce sera une partie de la loi d'application
du Code civil, M. le Président.
Mme Harel: Qu'est-ce que ce projet de loi comprendra? En
quoi...
M. Rémillard: Alors, toutes les lois concernant la
publicité légale... Je vais demander à Mme la
sous-ministre Morency de compléter mes remarques, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui. Merci, M. le ministre.
Alors, Mme la sous-ministre.
Mme Morency (Lise): D'abord, nous avons déjà une
Loi sur les déclarations des compagnies et sociétés, en
fait, si je ne me trompe pas dans l'appellation. Cette loi-là est
actuellement en révision et c'est strictement dans le cadre, je dirais,
de moderniser les règles en fonction des besoins actuels. Dans ce
sens-là, on devrait y retrouver justement les modifications qui
s'imposent par l'effet, entre autres, des nouvelles
dispositions du Code civil et de la connaissance qu'on veut que le
public en général puisse trouver, des informations qu'il doit y
trouver actuellement en 1991,1992,1993.
Mme Harel: Très bien. Alors, vous nous dites donc qu'en
fait il va s'agir de moderniser les règles en fonction des besoins
actuels. J'imagine que le ministre avait déjà pris connaissance
de ce mémoire préparé par le Conseil du statut de la femme
sur le projet de loi 125 et déposé, je crois, à son
ministère dès juillet dernier, de même qu'auprès de
Mme la ministre déléguée à la Condition
féminine. À la page 27 de ce mémoire, le Conseil du statut
de la femme se réjouit du choix effectué par le
législateur à l'effet de ne pas régir de façon
particulière les rapports privés entre les conjoints de fait, ce
à quoi je souscris également, M. le Président. Mais le
Conseil du statut de la femme ajoute et je cite: "S'ils ne font pas l'objet de
règles particulières quant à leurs rapports privés,
les conjoints de fait peuvent néanmoins conclure des conventions sur
diverses matières pour régir certains aspects de leur vie
commune. Il n'est pas certain, cependant, qu'un tribunal puisse contraindre un
ex-conjoint qui s'y refuse à honorer l'engagement qu'il a pris de verser
une pension alimentaire à sa conjointe advenant une rupture. "Dans le
but d'améliorer les instruments existants pour aménager la vie
commune, le Conseil du statut de la femme recommande que le Code civil
prévoie que les partenaires en union libre puissent conclure entre eux
des conventions portant sur différentes matières, notamment sur
la propriété et le partage de leurs biens, et sur leurs
obligations alimentaires respectives."
M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président,
évidemment nous comprenons que, dans le Code, nous ne disposons pas de
la question des conjoints de fait. Mais il demeure que des personnes qui vivent
ensemble peuvent convenir par convention, par contrat, de différentes
choses autant en fonction d'une entreprise qu'ils peuvent avoir en commun que
des conditions de vie sur le partage des coûts des épiceries, si
vous voulez, ou peu importe. Ça peut aller très, très
loin. Cependant, M. le Président, pour ma part, je trouve qu'il est bon
qu'on distingue bien entre le mariage, qui est formellement prévu avec
toutes tes règles qu'il implique, et on sait, par tout le régime
matrimonial qui s'ensuit, tout ce que ça peut signifier, et ceux qui
choisissent de ne pas se marier et qui simplement acceptent de vivre ensemble
selon des conventions qu'ils peuvent conclure.
Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, je comprends
l'intérêt du Conseil du statut de la femme de vouloir faire en
sorte qu'il y ait une certaine protection qui s'explique et qui s'applique pour
des gens qui sont des conjoints de fait.
Mais il faudra bien comprendre quand même que, quand on est
conjoints de fait, on n'est pas mari et femme et qu'il y a, dans le cadre du
mariage, une protection, qui a été voulue par le
législateur, voulue par la société, qui est
instituée et qui n'est pas la même, et qui ne sera pas la
même, parce que beaucoup plus formelle et contraignante que celle qui
peut se faire par convention, donc liée à l'intention des parties
au niveau des conjoints de fait.
On se souvient, M. le Président, qu'il y a un rapport qui est
à venir sur la situation des conjoints de fait. C'est une question qui
est très difficile. Mais, pour ma part, j'insiste sur le principe qu'il
y ait vraiment une distinction entre le mariage, où les règles
sont établies pour que les gens soient, donc, mariés avec tout ce
que ça implique légalement, et la situation de conjoints de fait,
où vous avez des règles qui sont basées sur un
échange de consentement des parties, ce qui n'a pas la même
signification. Nous touchons un sujet qui sera certainement abordé par
le nouvel Institut de réforme du droit, que nous allons créer
incessamment dans les prochains jours par un projet de loi et qui aura
probablement à se pencher sur tous ces rapports entre conjoints de fait
dans l'évolution de notre droit.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui,
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, alors, M. le Président, le ministre
lui-même, d'ailleurs, vient de faire référence au
Comité interministériel sur les conjoints de fait, formé y
y a maintenant plus de deux ans, et qui devait remettre son rapport il y a
déjà un an de ça. Ce Comité interministériel
sur les conjoints de fait a été, je crois, une initiative de
plusieurs ministres. Y participent le Secrétariat à la condition
féminine, le Secrétariat à la famille, le ministère
de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, le
ministère de la Justice, le ministère des Finances, le
ministère du Revenu, la Direction générale de la
législation. (16 h 30)
Alors, ce Comité interministériel sur les conjoints de
fait a été justement mis sur pied au mois de novembre 1989 et,
lorsque j'avais interrogé le ministre le printemps dernier sur cette
question, au moment même où nous examinions les crédits ou
les engagements financiers... Non, ce n'était certainement pas les
engagements financiers, ça fait déjà trois ans qu'on ne
les a pas examinés. Ça, M. le ministre, ça commence
vraiment à créer une grave entorse à notre façon
habituelle de fonctionner dans le Parlement. On n'a pas examiné les
engagements financiers à la Justice depuis janvier 1989. Ça va
faire trois ans en janvier prochain. C'est quand même embarrassant. J'ai
écrit d'ailleurs là-dessus.
Je vous ai écrit à au printemps, j'ai écrit au
président de la commission parlementaire des institutions et j'attends
toujours des réponses. Je n'ai toujours pas d'accusé de
réception.
Mais je reviens à ce Comité interministériel sur
les conjoints de fait. Au printemps vous me disiez que le rapport était
prévu pour septembre, cet automne, et nous sommes en novembre. Est-ce
que vous avez une idée sur la date où nous allons pouvoir compter
sur l'expertise de ces savantes personnes? C'était Mme Gina Bienjonetti
qui, pour le ministère de la Justice, participait à ce
comité. Est-ce que vous avez une idée de la date où nous
aurons cette information?
M. Rémillard: II faudrait que je m'informe, M. le
Président, mais je sais qu'il y a des difficultés majeures. C'est
un sujet extrêmement difficile et il ne faudrait pas penser non plus que
le Comité va nous arriver avec toutes les solutions concernant cette
situation des conjoints de fait. On sait que même la définition,
je ne dirais peut-être pas une définition, mais les situations de
ces conjoints de fait varient selon qu'on parle du domaine de la
fiscalité, du domaine de la Sécurité du revenu ou du
domaine de la Justice. On passe de l'un à l'autre et on
s'aperçoit que ce n'est pas du tout la même chose. Il faut - et
c'était là le but qui a amené le Conseil des ministres
à former ce groupe de travail, ce comité - harmoniser et avoir
une base, une référence première pour ce qui en est de ces
conjoints de fait.
Je vais m'informer, M. le Président, quand le rapport doit
être remis. Je sais, parce qu'on a eu quelques discussions, qu'il y a des
difficultés importantes. J'ai demandé de faire des
vérifications au niveau du droit comparé. Je voudrais qu'on
puisse voir ce qui se passe ailleurs et voir de quelle façon on a
réglé ces problèmes ailleurs. Pour ma part, j'accorde
beaucoup d'importance à l'aspect droit comparé et j'ai
demandé qu'on complète le rapport sur certains aspects par des
éléments élaborés de droit comparé.
Mme Harel: Vous comprendrez, M. le Président, que,
lorsqu'on dit que mariage et union libre ou union de fait constituent des
engagements différents et que, comme tel, le Code civil doit s'abstenir
de régir selon les mêmes règles que le mariage l'union de
fait, il reste malgré tout une zone d'ombre. Je voudrais tout de suite
interroger le ministre pour savoir comment il va donner suite à cette
recommandation du Conseil du statut de la femme qui, incidemment, souscrit
d'ailleurs au fait qu'il ne faille pas confondre mariage et union de fait, mais
qui, par ailleurs, réclame qu'il y ait une reconnaissance des
conventions qui interviennent entre les partenaires en union de fait, de
manière à ce qu'elles ne soient pas contraires à l'ordre
public. C'est la crainte, en tout cas, qu'exprime le Conseil du statut de la
femme.
Est-ce que c'est une crainte qui est fondée, est-ce que ça
a été étudié, est-ce que ça serait tout
autant d'ordre public si les conjoints sont de même sexe que s'ils sont
de sexe différent?
Là, évidemment, je vous réfère au
mémoire que la Coalition des organismes des minorités sexuelles
du Montréal métropolitain vous a fait parvenir au mois de juillet
dernier, cette Coalition qui est composée d'une bonne vingtaine
d'organismes différents appuyés par diverses
personnalités. Je recevais encore récemment des lettres d'appui
quant au mémoire qu'ils vous ont présenté. Est-ce qu'il
faut comprendre que, par exemple, il faille obtenir peut-être une
déclaration de manière à prévoir que ces
conventions sont d'ordre public?
Je lisais dans les commentaires généraux, à la page
573, qui introduisent le chapitre dixième, à la toute fin: "La
société en participation, nouvellement introduite, recoupe, elle,
les sociétés occultes, inorganisées, ou dites de fait, et
sa constitution peut résulter d'ententes verbales, voire de simples
faits manifestes qui indiquent l'intention de s'associer. Elle se distingue des
autres formes de sociétés sous plusieurs aspects."
Alors, est-ce que l'union de fait pourrait être assimilée,
s'il y a l'intention manifeste, d'autant plus s'il y a une convention, à
la société en participation?
M. Rémillard: Ça dépend évidemment
dans quel but. Si on prend référence sur le nouveau cas en ce qui
regarde la société en participation, peut-être sous
certains aspects. Tantôt, on parlait de de convention de participation,
soit verbale ou écrite, entre personnes qui vivent ensemble sur le plan
commercial autant que sur le plan de partage de vie en commun. Oui, sur
certains aspects, mais pas sur tous les aspects.
Toute la question des conjoints de fait doit être, à mon
sens, examinée de très près. Il y a beaucoup de questions
qui se greffent à cette situation juridique des conjoints de fait et
ça se situe dans le contexte de l'évolution de notre
société. On sait que, de plus en plus, des gens vivent en union
libre, sont des conjoints de fait. On doit pouvoir faire le point
là-dessus, voir comment on peut traiter cette situation sur le plan
juridique, non seulement entre les personnes qui vivent ensemble, les conjoints
de fait, mais leur situation par rapport à l'État au point de vue
de la fiscalité, au point de vue de l'aide qu'ils peuvent recevoir sans
aucune discrimination, etc. Les questions qui se soulèvent quant aux
gens vivant en union de fait sont extrêmement importantes et complexes.
C'est pour ça que je disais tout à l'heure que ce serait
probablement un des premiers sujets que le nouvel institut aura à
étudier.
Maintenant, oui, je crois que - je demanderai qu'on complète ma
réponse - sur certains aspects, la société en
participation peut être un
élément qui peut servir des personnes vivant comme
conjoints de fait en union libre, mais pas sur tous les aspects probablement.
Je peux demander à un légiste de compléter. M.
Charbon-neau qui est légiste au ministère de la Justice, M. le
Président, va compléter ma réponse.
Le Président (M. Lafrance): Oui, d'ailleurs, j'aimerais
souhaiter la bienvenue à Me Pierre Charbonneau, qui suit nos travaux
depuis le tout début, mais qui, pour la première fois, va
participer à nos échanges. Alors, Me Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): Merci, M. le Président. Je
voudrais simplement ajouter aux propos de M. le ministre. Évidemment, il
faut qu'on soit dans le cadre d'un contrat de société,
c'est-à-dire la recherche de bénéfices pécuniaires
à partager. Dans ce sens-là, des conjoints de fait qui exploitent
une entreprise sociale seraient visés par les dispositions sur la
société en participation ou pourraient, du moins, l'être.
Mais je pense que c'est la limite de la société en participation.
On ne peut pas extrapoler à partir des dispositions qui sont
prévues.
Mme Harel: Alors, vous restreignez ça au fait
d'opérer une entreprise.
M. Charbonneau (Pierre): Bien, je vous parle d'opérer une
entreprise ou d'une activité qui est de l'essence d'une
société, c'est-à-dire la recherche de
bénéfices pécuniaires.
Mme Harel: La recherche d'un bénéfice
pécuniaire. Il y a aussi I'affect io societatis qui est indispensable,
là.
M. Charbonneau (Pierre): Oui. L'intention de collaborer.
Mme Harel: Ha, ha, ha! Pardon?
M. Charbonneau (Pierre): L'intention de collaborer à la
poursuite de l'objectif qui est...
Mme Harel: Oui, qui est à la base...
M. Charbonneau (Pierre): ...la réalisation de
bénéfices, oui.
Mme Harel: ...même. C'est ça. Bon. Mais, quand vous
dites une recherche de bénéfices pécuniaires, faut-il
croire que, lorsqu'il y aurait, par exemple, une convention écrite entre
les partenaires, que ce soient des partenaires de même sexe ou de sexe
différent, dans la mesure où il y a une convention écrite,
où il y a des engagements mutuels en termes, par exemple, de pension
alimentaire ou un autre type d'engagement, une fois, par exemple, la rupture de
la société consommée... Je prenais connaissance des
amendements que vous introduisez notamment à 2177, où,
finalement, s'il n'y a aucune déclaration qui est faite de la
manière prévue par les lois, c'est réputé comme
étant une société en participation. Donc, la
société en participation, c'est comme un nouveau concept qui
introduit, finalement, un mode moins formaliste, hein?
M. Charbonneau (Pierre): Un peu, oui.
Mme Harel: Alors, par exemple, s'il y a cette affectio
societatis, plus cette convention d'entraide mutuelle... Parce que la recherche
de bénéfices pécuniaires, ça peut être de
l'entraide mutuelle?
M. Charbonneau (Pierre): Moi, je pense que ça
déborderait un peu. Ça dépend évidemment de la
nature de l'entente. Vous avez parlé de pension alimentaire. Je ne crois
pas que ça, ce sort la recherche de bénéfices comme tels.
C'est un partage de biens communs, si on veut.
M. Rémillard: Si vous me permettez de vous poser une
question, par exemple, sur le partage. Ils achètent une maison et,
à ce moment-là, ils font une convention pour l'utilisation de la
maison.
M. Charbonneau (Pierre): À ce moment-là, je pense
que ce serait une convention d'indivision seulement et le partage est
reporté par le fait même, mais ça n'en fait pas un contrat
de société. Le but lucratif, la recherche de faire des
profits...
M. Rémillard: S'ils achètent des meubles pour
meubler cette maison et qu'ils font une convention entre eux que si, à
un moment donné, ils ne vivent plus ensemble, ils divisent les meubles
en deux?
M. Charbonneau (Pierre): Bon. Ça, c'est une convention
d'indivision où, simplement, ils acquièrent ensemble des meubles.
Les meubles sont en parts indivises, vont à chacun et on peut
prévoir le partage, reporter le partage. Ce sont des conventions
d'indivision.
Mme Harel: C'est parce que la convention d'indivision à
laquelle vous nous référez doit, dans le fond, se
répéter à chaque activité. Si on peut en arriver
à un concept où, suite à une convention plus
générale des partenaires, volontairement procèdent
à cette déclaration de convention plus générale,
est-ce que ce serait contraire à l'ordre public? C'est ça que je
veux savoir. En d'autres termes, est-ce que ça peut être possible?
Est-ce que ça va donner lieu, comme l'a dit le Conseil du statut de la
femme... Il n'est pas certain qu'un tribunal puisse contraindre un ex-conjoint
qui se refuse à honorer un engagement qu'il aurait pris, par
exemple,
advenant une rupture dans le cadre... Je comprends bien qu'il peut y
avoir des conventions d'indivision, mais il faudrait qu'elles se
répètent à chaque opération tandis que, s'il
était possible d'offrir aux personnes - c'est volontaire,
évidemment, elles y introduisent d'ailleurs ce qu'elles veulent bien y
introduire - une déclaration qui leur permettrait d'être couvertes
par cette société en participation...
M. Rémillard: C'est toujours dans cette division, dans
cette séparation, je devrais dire, du mariage et de l'union libre. La,
ça deviendrait presque un régime matrimonial, à toutes
fins pratiques, alors que, si on veut respecter l'aspect consensuel de l'union
libre, on dit: C'est à la pièce. Faites vos conventions
d'indivision morceau par morceau, si vous voulez, et puis par groupes de
morceaux, si vous voulez. Mais vous avez aussi 2238, deuxième
alinéa, qui dit ceci: "La seule indivision de biens existant entre
plusieurs personnes ne fait pas présumer leur intention de
s'associer".
Mme Harel: C'est ça. (16 h 45)
M. Rémillard: Alors, il y a une présomption. C'est
important aussi à prendre en considération.
Je me permets d'insister, M. le Président, sur le fait que le
mariage est une institution formelle, à part, et les gens qui se marient
savent que ça implique un certain nombre de règles
contraignantes. Les gens qui vivent comme conjoints de fait, c'est d'une
façon libre. Donc, ils établissent eux-mêmes leur situation
avec les possibilités qu'on vient d'énumérer. Mais il
demeure que ce n'est pas contraignant comme le mariage. Pour recevoir une
sécurité de vie commune, c'est le mariage qui est là.
C'est l'institution de notre société, l'institution
première, qui est le mariage. Il ne faut pas le dévaloriser non
plus et il faut permettre à ceux qui veulent vivre en dehors, d'une
façon libre, d'y aller en fonction de cette liberté la plus
complète possible, en respectant l'aspect de volontés,
d'échange de volontés.
Mme Harel: Pourquoi cette liberté la plus complète
possible ne leur permettrait-elle pas justement d'aller jusqu'à un
contrat de société? Vraiment, l'argument du ministre est
fallacieux quelque part parce qu'il nous dit: Non, c'est l'État qui va
décider que c'est à la pièce. J'y arrivais, justement, au
deuxième alinéa de l'article 2238. L'État dit: Ça
sera à la pièce ou ça ne se fera pas. C'est dans ce sens
que ça contraint les individus. Ça les contraint à agir
à la pièce et à ne pas pouvoir s'offrir un contrat de
société. Le mariage, c'est tout à fait autre chose. Il ne
faut pas confondre et mêler les choses, surtout qu'avec le mariage on
fait référence à la résidence familiale, on fait
référence au patrimoine familial, on fait référen-
ce à bien d'autres règles du Code.
En fait, la question n'est pas d'introduire un dispositif, un
régime général par rapport aux conjoints de fait, c'est de
ne pas le leur interdire. À l'article 2238, au deuxième
alinéa, sans le leur interdire, ça pourrait sans doute être
utilisé par un tribunal, justement, pour interpréter de
façon à ce que, malgré l'intention, l'affectio societatis,
malgré la multiplication des conventions, les personnes ne puissent pas
se donner librement cette convention de société.
M. Rémillard: M. le Président, je pense qu'il n'y a
rien de fallacieux, pour prendre l'expression de Mme la députée
de Hochelaga-Maison-neuve, à dire que le mariage est une institution
première de notre société et que ceux qui veulent vivre
comme conjoints de fait, en union libre, peuvent très bien le faire et,
à ce moment-là, ils expriment leur volonté au
départ de ne pas être liés par les liens du mariage, ce qui
veut dire qu'ils doivent exprimer leur volonté sur les
éléments qu'ils veulent mettre en commun. M. le Président,
ce que nous avons dans le Code, c'est des possibilités d'exprimer cette
volonté sur plusieurs aspects, mais rien ne les empêche de faire
une convention qui va leur permettre, par indivision, de procéder comme
ils l'entendent, en fonction d'un échange de volontés. Je ne vois
pas ce qui est fallacieux de dire ça.
M. le Président, ça n'exclut pas l'indivision ni la
société. Ça dépendra d'eux, de leur volonté.
Pour ma part, ce que je trouve important, c'est de respecter leur
volonté de vivre en dehors de l'institution formelle du mariage, donc de
se référer à une union libre. Si c'est libre, c'est parce
que c'est basé sur une relation consensuelle qu'ils établissent
comme ils veulent bien l'établir. Ça a moins de formalisme,
ça a moins de sécurité sur certains aspects, mais
ça a plus de liberté, plus de souplesse et c'est exactement ce
que permet le Code avec ce que nous proposons.
Mme Harel: M. le Président, le ministre fait encore un
glissement. C'est une habitude intellectuelle...
M. Rémillard: Je glisse, oui.
Mme Harel: ...d'utiliser un mot comme fallacieux, que
j'appliquais au fait qu'il prétendait que ça serait contraindre
les personnes que de leur permettre d'agir autrement qu'à la
pièce, et d'appliquer ce mot-là à une autre situation. Ce
qui est fallacieux, c'est de prétendre respecter la volonté de
vivre des gens, M. le Président, en ne leur offrant - et le mot a
été lâché par le ministre lui-même - qu'une
façon de faire à la pièce. C'est ça, finalement.
C'est contraire aux recommandations contenues dans le mémoire du Conseil
du statut de la femme, qui pourtant a bien pris soin, justement, de faire cette
distinc-
tion entre le mariage et l'union de fait, et qui demande, à
l'occasion de cet examen qu'on fait du Code civil, de s'assurer que ces
conventions ne soient pas contraires à l'ordre public et, lorsque les
gens décident librement de par leur volonté propre d'y arriver,
que ce ne soit pas annulé. Évidemment, ça vaut pour cette
Coalition des organismes des minorités sexuelles, qui a fait parvenir au
ministre toute une série de recommandations. Ce que je comprends de la
réponse que le ministre fait aujourd'hui, c'est: C'est à la
pièce, c'est tout.
M. Rémillard: C'est ça. Ce que je dis, M. le
Président, c'est qu'il y a une institution qui s'appelle le mariage et,
si on veut avoir la sécurité et le formalisme entre deux
conjoints, qu'on se marie. Si on ne se marie pas, c'est parce qu'on veut vivre
à l'état libre, entre conjoints de fait, et, à ce
moment-là, ce que ça signifie, c'est qu'on fabrique son
association selon son échange de volontés avec son conjoint. Il
faut bien comprendre qu'on ne nous amènera pas à refaire un
régime matrimonial en dehors du mariage. Le mariage existe, l'union
libre existe. Il y a quand même une différence entre les deux et,
à mon sens, cette distinction est fondamentale dans notre
société.
M. le Président, l'ancien article 768 considérait
contraires à l'ordre public les conventions d'aliments entre concubins.
On se souvient que le mot concubin a toujours eu - beaucoup moins maintenant -
un sens péjoratif. Ça ne fait pas tellement longtemps, à
l'époque, ça avait un sens péjoratif. On empêchait,
à l'article 768, ces conventions en ce qui regarde les aliments.
Maintenant, on a abrogé cet article. On l'a abrogé parce qu'on a
dit que ça pourrait permettre toute convention, ce que nous avons dans
le Code. Alors, on le permet maintenant, même en fonction des conventions
d'aliments.
Alors, en fonction de ça, M. le Président, ma conclusion
est très claire: le mariage est une institution, pour moi, qui est
fondamentale, qui est formelle, que je dirais même sacrée dans
notre société. L'union libre est là pour les gens qui
veulent l'utiliser et c'est leur liberté de le faire. Respectons leur
liberté et ne créons pas un régime matrimonial en dehors
du mariage.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Mme Harel: M. le Président, le ministre fait
référence à l'article 768, c'est bien ça?
M. Rémillard: L'article 768.
Mme Harel: L'article 768 du Code civil actuel, de la modification
qui a été introduite. Justement, le mémoire du Conseil du
statut de la femme en fait état et son interprétation est
à l'effet que ça n'est pas parce qu'on n'interdit plus les
conventions entre concubins que, pour autant, elles ne pourraient pas
être jugées comme étant contraires à l'ordre public,
d'autant plus s'il s'agit de conjoints de fait du même sexe.
Et là, je reviens à la question que je posais au ministre.
Je comprends que le mariage est une institution éminemment respectable -
sacrée, je ne sais pas, je laisse ça à
l'appréciation du ministre - qui ne semble pas, cependant, obtenir cette
popularité qu'on lui connaissait dans le passé - je regardais des
chiffres, récemment -tout au moins chez les catégories
d'âge de moins de 35 ans. C'est une majorité de couples,
finalement, qui vivent en union de fait. Au Québec, l'an dernier, par
exemple, 40 % des enfants naissaient hors mariage, malgré le fait que
seulement 5 % des pères étaient inconnus.
Donc, c'est une progression qui est absolument vertigineuse. Elle
atteint à peu près l'équivalent de la situation dans les
pays en voie de développement. Ça peut surprendre, n'est-ce pas?
Ce sont des enfants qui naissent de père et de mère connus, mais
la difficulté se présente sans doute du fait que ces personnes
choissis-sent, en fait, librement quand il s'agit de personnes de sexe
opposé. Mais, quand il s'agit de personnes du même sexe, elles ne
peuvent pas, de toute façon, écarter le mariage puisque le
mariage ne leur est pas accessible. Je n'en suis pas à le proposer, M.
le Président, mais je fais juste le constater. Nous l'avons, d'ailleurs,
dans les articles que nous avons examinés, clairement défini, ce
qui n'était pas le cas précédemment parce que le
législateur n'avait pas cru nécessaire de définir le
mariage comme se passant entre un homme et une femme. Mais là le
ministre a introduit cette disposition.
Là, je fais lecture d'une lettre signée par un conseiller
municipal de la ville de Montréal, M. Raymond Blain, qui écrivait
ceci: "En 1991, la présence de couples de personnes de même sexe
est dans notre société une réalité qui a
dépassé depuis longtemps le caractère folklorique ou
éphémère que la société lui a longtemps
attribué. De nos jours, le couple composé de partenaires de
même sexe connaît un caractère de plus en plus permanent et
durable. Il est donc normal que l'État en vienne à abolir la
discrimination que subissent ces personnes qui choisissent de vivre
ensemble."
Alors, j'imagine que le ministre a aussi reçu copie de cette
lettre qui faisait partie du dossier de la Coalition. Je retrouve justement la
disposition à 364 du projet de loi 125, qui prévoit que le
mariage doit être contracté entre un homme et une femme.
Alors, ceci étant dit, que ce soit parce que les partenaires sont
du même sexe et qu'ils n'ont pas le mariage comme régime
matrimonial à leur portée ou que ce soit parce que les
partenaires sont de sexes différents, mais qu'ils
préfèrent ne pas contracter mariage et qu'ils le
préfèrent
pour des raisons qui sont les leurs et dont je ne veux même pas
discuter et que le ministre lui-même ne devrait pas discuter... Ça
m'apparaît assez outrageant d'entendre le ministre décider que
c'est le régime matrimonial tel que prévu au Code, sinon c'est
à la pièce. Pour le reste, c'est, à mon point de vue, une
façon assez particulière d'envisager cette question.
Il me semble qu'on doit, à ce moment-ci, ouvrir la
possibilité sur une base facultative et volontaire d'ententes qui vont
être reconnues, qui vont assurer une certaine stabilité. Je
souhaitais qu'on puisse, par exemple, avec l'introduction de la
société en participation dans ce chapitre, envisager la
possibilité que ça puisse convenir comme véhicule,
justement, aux unions de fait qui auraient souhaité utiliser ce
moyen-là. Mais je crois comprendre, M. le Président, que tout ce
qu'on leur offre, ce sont des conventions d'indivision pour chacune des
activités qu'ils voudront rendre plus formelles. C'est bien ça?
(17 heures)
M. Rémillard: Convention d'indivision, convention au
besoin, et, surtout, un sujet qui est toujours à l'étude et qui
sera revu par l'Institut de réforme du droit que nous formons.
Mme Harel: Est-ce qu'il sera vu parce que vous allez lui donner
le mandat? Parce que, avec le projet de loi, comme je l'ai lu, si l'Institut
n'a pas votre O.K., l'Institut ne peut pas procéder. Je me suis
demandé où vous allez pouvoir recruter des sommités qui
vont accepter de travailler sur commande seulement.
M. Rémillard: M. le Président, il est de mon
intention, évidemment, de demander à l'Institut, comme l'un des
premiers mandats, de regarder toute cette question des conjoints de fait. C'est
un des sujets qu'ils devront aborder dans une première période
d'étude.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a d'autres commentaires concernant les articles contenus à cette
section I, les dispositions générales?
Mme Harel: À 2174, je crois comprendre qu'à
l'avant-projet de loi les légistes attribuaient la personnalité
morale à la société, ce qui a été
retiré. J'aimerais qu'on en explique les raisons, pour les fins du
Journal des débats.
M. Kehoe: Me Charbonneau.
Le Président (M. Lafrance): Alors, Me Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): M. le Président, merci.
Essentiellement, la raison qui fait en sorte que désormais on ne parle
plus de personnalité morale au sujet des sociétés peut se
résumer en deux volets, si on veut. Le premier volet, c'est que
c'était une position qui était contraire à ce qu'on voit
dans les autres provinces ou en Amérique du Nord. La
société et la personne morale, une corporation par exemple, ce
sont des entités qui sont distinctes et, ça aurait pu poser
certaines difficultés à ce niveau-là. L'autre aspect,
c'est aussi pour des considérations fiscales, le régime fiscal de
la société étant différent de celui de la personne
morale. Essentiellement, ce sont ces deux motifs qui nous ont fait reculer, si
on veut, d'une certaine façon, par rapport à l'avant-projet. On
maintient le statu quo, c'est-à-dire le droit actuel. On reconnaît
une certaine personnalité juridique à la société,
mais pas aussi complète qu'une véritable personne morale.
Mme Harel: La société pourra ester en justice.
M. Charbonneau (Pierre): Oui, ça, c'est un des pouvoirs
nouveaux qui sont accordés par le projet à la
société, qui pose actuellement difficulté. Or, on vient
régler ce problème-là.
M. Kehoe: Peut ester en justice et peut être poursuivie
aussi...
Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: ...en son nom.
Mme Harel: Oui, vous nous signalez que c'est un pouvoir qui sera
attribué à certaines sociétés. Qu'est-ce que vous
entendez par là?
M. Charbonneau (Pierre): Aux sociétés en nom
collectif et en commandite. Les sociétés en participation
étant de leur nature non déclarées - donc, les tiers n'ont
pas accès à toute l'information qui les concerne - elles n'ont
pas le pouvoir d'ester en justice ou d'être poursuivies comme telles,
puisqu'elles n'ont pas de nom par essence.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: M. le Président, est-ce à dire que les
nouvelles dispositions viendraient, en quelque sorte, répondre aux
principaux problèmes qu'on a connus au cours des derniers mois, des
dernières années, par rapport aux sociétés en
commandite? On sait qu'il y a eu plusieurs mini-scandales dans ce
domaine-là. Est-ce que les nouvelles dispositions viennent vraiment
cerner le problème?
M. Charbonneau (Pierre): J'aimerais que vous soyez
peut-être un peu plus précise quant à la nature des
problèmes. Il y a certains problèmes qui sont
réglés dans le projet, notamment en
ce qui concerne la responsabilité des commanditaires.
Mme Caron: Donc, au niveau de la responsabilité, il y a
des avantages, là, certains dans les nouvelles dispositions.
M. Charbonneau (Pierre): Désormais oui, les commanditaires
sont protégés. Ils ne seront responsables que jusqu'à
concurrence de leur apport dans la société, évidemment
s'ils ne s'immiscent pas dans la gestion de la société.
Mme Caron: C'est une mesure très intéressante,
parce que ça a soulevé beaucoup de difficultés au cours
des derniers mois.
M. Kehoe: C'est la même chose que la loi actuelle. Il n'y a
pas de changement dans la responsabilité.
Mme Caron: II n'y a pas de changement. M. Kehoe: Non.
Mme Harel: Tantôt, vous pariiez d'une certaine
personnalité juridique. Je vous parlais donc de la possibilité
d'ester en justice et qu'est-ce qu'il pourrait y avoir comme autre
attribut?
M. Charbonneau (Pierre): Par exemple, le fait que la
société ait un patrimoine qui est distinct de celui des
associés, c'est un autre des éléments qu'on attribue
généralement à une personnalité morale ou
juridique. C'est un des éléments. Mais on ne peut pas dire que la
société constitue une personnalité morale complète.
D'ailleurs, en Europe ou dans la doctrine, on se plaît à
distinguer entre les sociétés ayant une personnalité
complète, de grandes personnalités, et des entités qui ont
une personnalité morale incomplète, de petites
personnalités. Or, nous, on n'est pas entré dans la distinction.
On ne qualifie dans le cas de personnes morales que les entités qui ont
une personnalité morale complète.
Mme Harel: À 2177, je vous repose la question parce que je
ne suis pas convaincue d'avoir eu une réponse claire, en tout cas, sur
le plan juridique. Est-ce que des conjoints de fait pourraient être
réputés être en société en participation, si
tant est qu'ils mettaient en commun des biens, des connaissances, des
activités?
M. Charbonneau (Pierre): Je pense que ce qu'il est important de
distinguer ici... Les conjoints de fait, rien ne les empêche de conclure
un contrat de société, mais il faut bien s'entendre sur le sens
du contrat de société. La société a pour objectif
la réalisation de bénéfi- ces, de profits - c'est à
but lucratif, si on veut - à partager entre les associés. Alors,
dans la mesure où des conjoints de fait... D'ailleurs, peu importent les
relations entre les parties, si les conjoints de fait décident
d'exploiter une entreprise ou d'exercer une activité dont le but est la
réalisation de bénéfices à partager entre les
membres, il y a société et les dispositions sur la
société en participation leur sont applicables, de la même
façon qu'ils pourraient se constituer une société en nom
collectif ou participer à une société en commandite.
Mme Harel: Advenant qu'il n'y ait pas cette présence de
mise en commun, d'aspect lucratif, comme vous le signaliez, peut-on, à
ce moment-là, considérer qu'il pourrait y avoir un contrat
d'association, puisqu'on lit, à 2174: "Le contrat d'association est
celui par lequel les parties conviennent de poursuivre un but commun autre que
la réalisation de bénéfices pécuniaires à
partager entre les membres de l'association"? Il s'agit donc, à ce
moment-là, d'un but commun autre que lucratif, autre que la
réalisation de bénéfices. Alors, pourrions-nous penser que
des personnes en union de fait pourraient contracter un contrat
d'association?
Le Président (M. La trance): Me Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): Je pense que ça dépend de
l'intention des conjoints de fait, mais si c'est une question de simplement
régler leur vie commune, particulièrement en ce qui concerne
leurs propres biens, ce serait extensionner le concept même de
l'association. C'est une forme d'association, dans le sens où
"association" recouvre la notion d'union. Mais, dans ce contexte-ci, je pense
que l'association ne couvrirait pas cette réalité. En
réalité, ce que les conjoints de fait font lorsqu'ils conviennent
d'un partage de biens ou d'un mode de vie concernant l'accumulation et le
partage des biens, c'est de la nature d'une convention d'indivision tout
simplement. Il n'y a pas de poursuite d'un but philanthropique. Ce serait,
d'ailleurs, une association complètement fermée qui serait
limitée à deux membres. Ce serait une extension qui n'a pas
été visée par les dispositions du chapitre
dixième.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Charbonneau.
Mme Harel: L'enregistrement. Il est prévu, donc, un
registre pour les sociétés et entreprises individuelles.
M. Charbonneau (Pierre): Actuellement, oui. Actuellement, c'est
la Loi sur les déclarations des compagnies et sociétés qui
s'applique aux sociétés et il y a un registre qui est tenu.
Mme Harel: Et là, le registre va se présenter sous
quelle forme?
M. Charbonneau (Pierre): Avec la...
Mme Harel: Oui. Parce que, là, on adopte une disposition,
mais encore faut-il devoir l'appliquer pour le 1er janvier 1993. Alors,
qu'est-ce qui est prévu?
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, on sait qu'il existe
déjà un registre qui a ses déficiences. Donc, il s'agit
d'améliorer la situation essentiellement. Ce que je pourrais offrir,
c'est que, lorsque jeudi matin nous étudierons la publicité avec
des spécialistes, je pourrai demander aussi à M. le sous-ministre
Henderson, entre autres, de venir ici et de nous expliquer comment ce registre
va fonctionner.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
M. Rémillard: Je dis le sous-ministre ou quelqu'un, le
plus compétent possible. Le sous-ministre est certainement
compétent, c'est pour ça que je me suis
référé au sous-ministre. C'est comme le ministre. Mais il
y a peut-être quelqu'un qui connaît très, très bien
ça aussi qui n'est pas le sous-ministre et qui pourrait venir nous
expliquer tout ça.
Mme Harel: C'est quand on siège ici qu'on sait que la
règle des 125, ce n'est pas celle du meilleur, n'est-ce pas? D'abord, si
c'était celle du meilleur, il y aurait beaucoup plus de femmes. Il n'y
en a pas beaucoup.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Mais c'est vraiment une autre règle, en fait.
On ne la qualifiera pas.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires touchant ces articles? Alors, l'article 2174 est donc
adopté tel qu'amendé. Les articles 2175 et 2176 sont
adoptés tels quels. Les articles 2177 et 2178 sont adoptés tels
qu'amendés. Les articles 2179 à 2182 inclusivement sont
adoptés tels quels. Les articles 2183 et 2184 sont adoptés tels
qu'amendés. Et, enfin, l'article 2185 est donc adopté tel
quel.
De la société en nom collectif
J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la section
II qui traite de la société en nom collectif et, de façon
plus précise, des rapports des associés entre eux et envers la
société. J'appelle donc les articles 2186 à 2205
inclusivement. Est-ce que nous avons des amen- dements à proposer? (17 h
15)
Des rapports des associés entre eux et envers
la société
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Nous avons
quatre amendements.
Un article 2194.1 est ajouté, après l'article 2194, se
lisant comme suit: "2194.1 Lorsque l'un des associés a reçu sa
part entière d'une créance de la société et que le
débiteur devient insolvable, cet associé est tenu de rapporter
à la société ce qu'il a reçu, encore qu'il ait
donné quittance pour sa part."
M. le Président, cet amendement introduit une règle que
prévoit l'article 1844 du Code civil du Bas Canada et qui avait
été omise dans le projet. En raison de cet amendement, l'article
2194.1 se lirait comme suit: "Lorsque l'un des associés a reçu sa
part entière d'une créance de la société et que le
débiteur devient insolvable, cet associé est tenu de rapporter
à la société ce qu'il a reçu, encore qu'il ait
donné quittance pour sa part."
M. le Président, l'article 2198 est modifié par l'ajout de
la phrase suivante: "Cependant, l'hypothèque qui porte sur la part d'un
associé dans l'actif n'est possible que si les autres associés y
consentent ou si le contrat le prévoit."
Cet amendement apporte une distinction qui a paru s'imposer entre
l'hypothèque de la part dans l'actif de la société et
celle dans les bénéfices de celle-ci. La première, compte
tenu qu'elle risque de porter atteinte à l'équilibre des rapports
entre associés, a semblé, en effet, devoir être assujettie
à l'assentiment préalable des autres associés ou au
contrat de société. En raison de cet amendement, l'article 2198
se lirait comme suit: "La part d'un associé dans l'actif ou dans les
bénéfices de la société peut faire l'objet d'une
hypothèque. Cependant, l'hypothèque qui porte sur la part d'un
associé dans l'actif n'est possible que si les autres associés y
consentent ou si le contrat le prévoit."
L'article 2199 est modifié, M. le Président: 1° par le
remplacement, à la troisième ligne du deuxième
alinéa, du mot "sauf' par le mot "mais"; 2° par la suppression,
à la quatrième ligne du deuxième alinéa, de ce qui
suit: ", lesquelles".
Cet article est déplacé après l'article 2203 et
devient l'article 2203.1. Par voie de conséquence, l'article 2199 est
supprimé.
M. le Président, les deux premiers amendements sont d'ordre
rédactionnel; ils visent à rendre clairement applicable la
possibilité d'une convention contraire que prévoit le
début de l'alinéa. Quant à l'amendement visant à
déplacer l'article, il a paru s'imposer en raison du contenu de la
règle, laquelle concerne les décisions
collectives ou qui relèvent de l'ensemble des associés. En
raison de ces amendements, l'article 2199, renuméroté 2203.1, se
lirait comme suit: 'Tout associé a le droit de participer aux
décisions collectives et le contrat de société ne peut
empêcher l'exercice de ce droit. "À moins de stipulation contraire
dans le contrat, ces décisions se prennent à la majorité
des voix des associés, sans égard à la valeur de
l'intérêt de ceux-ci dans la société, mais celles
qui ont trait à la modification du contrat de société se
prennent à l'unanimité."
L'article 2200 est modifié par la suppression, à partir de
la troisième ligne, de tout ce qui suit le mot
"société".
Cet amendement vise à atténuer les ressemblances
apparentes entre la société et la personne morale. En raison de
cet amendement, l'article 2200 se lirait comme suit: "Les associés
peuvent faire entre eux toute convention qu'ils jugent appropriée quant
à leurs pouvoirs respectifs dans la gestion des affaires de la
société."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y aurait des commentaires touchant ces articles 2186 à 2205
inclusivement? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, nous en sommes donc à
la section II qui porte sur la société en nom collectif. Je crois
comprendre que la disposition 2192 fait problème pour la Chambre des
notaires et le Barreau qui ont invoqué une interprétation trop
large qui pouvait résulter de l'utilisation des mots comme "faire
concurrence". Est-ce que, pour les fins de nos travaux, M. le ministre pourrait
nous indiquer les raisons qui amènent les légistes à
vouloir maintenir la formulation de l'article 2192, compte tenu,
évidemment, des remarques qui ont pourtant été faites par
les deux chambres professionnelles?
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, nous avons pris,
évidemment, bonne note des remarques faites par les chambres
professionnelles dans cet article 2192 comme dans tous les autres articles. Il
faut dire que nous avons apporté beaucoup de bonification à
l'ensemble du projet jusqu'à présent et rares sont les
modifications qui ne nous avaient pas été
suggérées, justement, par l'une des deux chambres
professionnelles. C'est donc une collaboration tout à fait
exceptionnelle des deux chambres professionnelles, je tiens à les
remercier.
À l'article 2192, de fait, on peut discuter de certains aspects,
aussi du terme "faire concurrence", sa signification. Si vous me permettez, M.
le Président, par rapport aux commentaires qui ont été
faits par les chambres professionnelles, j'aimerais demander à Me
Charbonneau de nous préciser la conclusion à laquelle nous sommes
arrivés.
Le Président (M. Lafrance): Me Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): M. le Président, l'article 2192,
en fait, reprend globalement le texte du Code civil du Bas Canada concernant
l'exigence de ne pas faire concurrence à la société.
Évidemment, le Code civil du Bas Canada se limite à interdire aux
associés de participer à une activité qui prive la
société des biens, des connaissances ou de l'activité
qu'ils étaient tenus d'y apporter, sauf que cette disposition du Code
civil du Bas Canada permet aussi de déborder un peu les termes qui sont
prévus pour englober aussi la notion de concurrence à la
société. Je vous donnerai simplement un exemple. Celui qui
s'engage à faire ses heures normales de travail pour la
société, de neuf à cinq, pourrait, en vertu du texte
même du Code civil actuel, théoriquement faire concurrence
à la société en dehors des heures normales parce qu'il ne
la prive pas de ce qu'il avait promis d'y apporter. Or, on a
considéré que, la société étant
fondée sur l'affectio societatis, il était difficile d'admettre
qu'un associé puisse faire concurrence à ses autres
associés en dehors des heures du bureau.
Évidemment, il est toujours possible aux associés de
convenir du contraire. La convention de société peut permettre la
concurrence, évidemment. Mais, comme règle législative, on
a préféré maintenir l'obligation de ne pas faire
concurrence aux autres associés. Il nous semblait que c'était de
l'essence du contrat de société.
Le Président (M. Lafrance): Merci, maître. Oui, M.
le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, je constate tout
d'abord que Me Charbonneau parle aussi bien ie grec que Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Une voix: Je pensais que c'était de l'italien. Mme
Harel: L'affectio societatis!
M. Rémillard: Et aussi, de fait, on élargit la
portée de cette règle que nous avions déjà dans le
Code civil du Bas Canada depuis un bon bout de temps. On l'élargit,
donc, par une règle, je dirais, d'équité, pour que ce soit
plus équitable quant au concept même d'association et
d'associé avec ses responsabilités.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y aurait d'autres commentaires touchant ces articles de la section
II?
Mme Harel: À l'article 2192, j'ai ici devant les yeux le
commentaire qui est assorti à l'ar-
tide. On dit: "L'article ajoute une obligation additionnelle à la
charge de l'associé: celle de ne pas faire concurrence à la
société. Cette obligation nouvelle, de portée
générale, est distincte de l'obligation actuelle, car
l'associé peut très bien, par ses activités, ne pas priver
la société de ce qu'il était tenu d'y apporter tout en
étant, néanmoins, en concurrence avec elle parce que les
activités qu'il exerce entrent directement dans le champ des
activités de la société." On entre dans un terrain un peu
instable parce qu'il ne prive pas la société, puis, en même
temps, il la concurrence, en fait. C'est ça le commentaire, hein?
Une voix: C'est difficile de la concurrencer sans la priver.
Mme Harel: Oui. Moi, je me demande si le commentaire n'aurait pas
intérêt à être revu.
M. Rémillard: Je pense qu'il faudrait, de fait, le
regarder, M. le Président, parce qu'on ne peut pas, d'une part,
concurrencer et, d'autre part, dire qu'on ne prive pas.
Mme Harel: C'est ça.
M. Rémillard: Le concept de concurrence implique
nécessairement celui de priver quelqu'un de quelque chose qu'il pourrait
avoir pour l'avoir à son profit. Sans ça, on ne ferait pas
concurrence. Il y a donc là certainement un point d'interrogation pour
le moins. De fait, il faudrait, je pense, revoir la formulation des
commentaires. Je pense que Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve a parfaitement raison.
Mme Harel: Je crois comprendre qu'à 2194 les
légistes et l'expert mis à notre disposition par le
ministère ont longuement, finalement, discuté de cette question
et l'amendement qui en résulte vient satisfaire les discussions qui ont
eu lieu à 2194.1. Ce serait plus à 2199 que je
souhaiterais...
Le Président (M. Lafrance): L'article 2199 qui est devenu
l'article...
Mme Harel: 2203.1.
Le Président (M. Lafrance): ...2203.1.
Mme Harel: Voilà, M. le Président. Alors, à
l'amendement, justement, qui est introduit pour le renuméroter 2203.1,
on retrouve quand même la même formulation relative aux
décisions collectives. "Tout associé - y lit-on - a le droit de
participer aux décisions collectives et le contrat de
société ne peut empêcher l'exercice de ce droit." Or, du
fait que c'est du droit nouveau, parce que ça en est, en tout cas selon
le commentaire qu'on retrouve à la page 607, est-ce que, justement,
peut-être encore plus la formulation "décisions collectives" n'est
pas trop vaste? Je pense que les chambres professionnelles, tant la Chambre des
notaires que le Barreau, avaient fait valoir leurs recommandations sur
peut-être le fait de pouvoir le reformuler. D'ailleurs, le Barreau dit
ceci: 'Tout en étant favorable à cet article ainsi qu'à
l'amendement suggéré, le Barreau se demande si cette disposition,
compte tenu de l'ambiguïté de l'expression "décisions
collectives", pourrait être invoquée pour attaquer des
décisions prises par l'exécutif désigné
conformément à l'article 2201. La même question se pose
d'ailleurs en ce qui concerne l'article 2260 relatif à l'association.
Les décisions de gestion ne sont-elles pas des décisions
collectives?"
M. Rémillard: M. le Président, c'est du droit
nouveau et il faut être prudent, oui. Le terme ici que nous employons, le
concept de "décisions collectives" est un concept nouveau. Il signifie ,
ces décisions qui sont reliées directement à l'entreprise,
donc, par le fait même, qui donnent à l'associé un droit
absolu de participer aux décisions parce que ça regarde
l'association dans son ensemble. Maintenant, il y a les craintes du Barreau qui
pose une question très importante. Nous l'avons étudiée et
nous en sommes arrivés à la conclusion que, non, il n'y avait
pas, de fait, ce danger. Maintenant, je vais demander à Me Charbonneau
de compléter mes remarques.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Me
Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): Effectivement, comme l'a souligné
M. le ministre, M. le Président, les décisions collectives sont
les décisions qui relèvent de l'ensemble des associés. Ces
décisions-là sont des décisions importantes, globalement,
qui n'ont pas été déléguées au conseil
d'administration ou à celui ou ceux qui ont été
chargés de l'administration des affaires de la société.
Essentiellement, ces décisions-là, on les appelle des
décisions collectives non seulement parce qu'elles concernent la
collectivité, mais parce qu'elles sont prises par la
collectivité. Dès qu'il y a délégation de pouvoir
décisionnel à une ou plusieurs personnes ou à un conseil
d'administration, je ne pense pas qu'on puisse considérer qu'il s'agit
là de décisions collectives. C'est des décisions qui
affectent la collectivité, mais les décisions relèvent
d'un conseil d'administration ou de certaines personnes.
Or, ici, ce qu'on vise à l'article 2199, ce sont vraiment les
décisions collectives, donc qui sont prises par l'ensemble ou qui
doivent être prises par l'ensemble des associés. (17 h 30)
Mme Harel: Est-ce que vous avez l'intention de
réaménager le commentaire, parce que...
M. Charbonneau (Pierre): Oui.
Mme Harel: ...le commentaire ne donne pas, finalement,
satisfaction peut-être justement aux remarques qui ont été
faites par les chambres professionnelles? Il faudrait définir ce qu'on
entend par "décisions collectives".
M. Rémillard: M. le Président, là encore, on
avait décidé, oui, et ça a été
discuté entre légistes et experts. Le commentaire devient
très important comme nous sommes en droit nouveau, surtout à ce
niveau-là; il faut bien préciser ce qu'on entend par
"décisions collectives", comme vient de l'expliquer Me Charbonneau.
Alors, le commentaire devra être retouché pour qu'on puisse
signifier très clairement que l'intention du législateur, c'est
de dire que les décisions collectives sont ces décisions qui
regardent les associés, l'ensemble des associés, comme ensemble
de l'association.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Mme Harel: Je me demande si on n'aurait pas intérêt
à suspendre l'article 2198, évidemment tel qu'amendé,
parce que cet article fait référence à
l'hypothèque. Ça permet d'hypothéquer sa part dans la
société. La, on y a ajouté une sorte de tempérament
avec l'amendement puisque, dorénavant, "l'hypothèque qui porte
sur la part d'un associé dans l'actif n'est possible que si les autres
associés y consentent ou si le contrat le prévoit." C'est plus
prudent. Mais, comme ça réfère, évidemment,
à toute la question de l'hypothèque mobilière et qu'on est
encore en réflexion sur cette question à l'article 2198...
M. Rémillard: M. le Président, évidemment,
l'hypothèque dont il est fait mention à l'article 2198 est une
hypothèque dans le cadre d'une entreprise, non pas individuelle.
Or...
Mme Harel: C'est la part d'un associé.
M. Rémillard: C'est la part de l'associé. Ce n'est
pas individuel et ce n'est pas en fonction du consommateur, mais en fonction
essentiellement de l'associé, donc de l'association, de l'entreprise.
Nous avons accepté, nous avons voté ce qui regarde, donc,
l'hypothèque mobilière pour l'entreprise; ça a
été fait. Excusez, je voudrais quand même faire une petite
vérification là.
Mme Harel: Le commentaire est intéressant, parce qu'il va
avoir à être modifié évidemment. Le commentaire
disait ceci: "Cet article est de droit nouveau. Il reflète l'ouverture
désormais créée par le droit des sûretés en
faveur de la constitution d'hypothèques mobilières, en permettant
à tout associé, même sans le consentement des autres
associés, d'hypothéquer sa part sociale pour la garantie de ses
obligations." Là, avec l'amendement, on vient de voir qu'il faudra que
les autres associés y consentent. "Cette possibilité nouvelle,
qui ne s'appliquera que sous réserve de dispositions différentes
du contrat de société, a globalement paru opportune, compte tenu
de la valeur importante que peut parfois avoir la part sociale et des
facilités accrues de crédit qu'elle offre à
l'associé, ne serait-ce que pour l'acquisition même de la
part."
M. Rémillard: Ce qu'on me dit du côté des
légistes, c'est qu'il n'y a pas d'incidence de l'article 2198 sur
l'hypothèque mobilière en fonction du consommateur, en fonction
de l'aspect individuel. C'est strictement en fonction de l'association.
Mme Harel: Oui. Évidemment, à ce moment-là,
quand on lit que les autres associés y consentent, il faut le lire avec
les autres dispositions qui font que ce serait un vote à la
majorité des voix. Ce ne serait pas là une décision qui
requerrait l'unanimité. C'est ça qu'il faut comprendre. Le
problème que ça va poser, c'est...
Une voix: Je pense que ça n'empêche pas...
Mme Harel: Non?
Une voix: Non, pas vraiment.
Mme Harel: C'est à la majorité des voix?
M. Rémillard: C'est à la majorité des voix,
oui.
Mme Harel: C'est ça. Ça veut donc dire que des
associés pourraient se prononcer contre, en fait, une majorité se
déclarer en faveur, un des associés hypothéquer sa part et
un tiers, éventuellement, si l'associé fait défaut,
pourrait exercer des recours hypothécaires de créancier et,
à ce moment-là, tous les coassociés seraient tenus, s'ils
voulaient exclure le créancier, de rembourser le prix de la part et les
frais. Dans une décision, malgré qu'il n'y ait que certains
d'entre eux qui y aient consenti, c'est l'ensemble des associés qui y
serait tenu.
M. Rémillard: Oui, c'est la règle établie,
c'est-à-dire que les décisions concernant la gestion de
l'association se prennent à la majorité. Par conséquent,
en ce qui regarde la possibilité pour un des associés
d'hypothéquer sa part, c'est la majorité. Mais les
conséquences portent sur l'ensemble du crédit de l'association.
Par conséquent, c'est évident que l'ensemble des associés
est touché, à un moment donné, par une situation difficile
sur le plan financier.
Mme Harel: En principe, M. le Président, le
problème que ça pose, c'est qu'on n'a même pas
encore d'informations sur la façon dont on va, finalement,
procéder en matière d'hypothèque mobilière, puis
là on viendrait introduire du droit nouveau en cette matière.
C'est assez embarrassant, finalement.
M. Rémillard: M. le Président, on peut le
suspendre, ça ne pose pas de difficulté. Cependant, je
répète qu'il s'agit de l'hypothèque mobilière dans
le domaine de l'association, de l'entreprise et non pas individuelle. On peut
le suspendre.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a d'autres commentaires touchant ces articles? Ça va? Donc, les
articles 2186 à 2194 inclusivement sont adoptés tels quels. Le
nouvel article 2194.1 est adopté tel que proposé. Les articles
2195, 2196 et 2197 sont adoptés tels quels. L'article 2198 est
laissé en suspens tel qu'amendé. L'article 2199 est
supprimé et reporté à l'article 2203.1 et amendé.
L'article 2200 est adopté tel qu'amendé. Les articles 2201, 2202
et 2203 sont adoptés tels quels. Le nouvel article 2203.1 est
adopté tel que proposé. Les articles 2204 et 2205 sont
adoptés tels quels.
Toujours à cette section II qui traite de la
société en nom collectif, j'aimerais appeler maintenant les
articles 2206 à 2213 inclusivement. Ce sont les articles qui traitent
des rapports de la société et des associés envers les
tiers. Est-ce que nous avons des amendements de proposés?
Des rapports de la société et des
associés envers les tiers
M. Kehoe: M. le Président, il y a trois amendements.
L'article 2208 est modifié par l'ajout, à la fin du second
alinéa, de ce qui suit: "; même alors, les biens de
l'associé ne sont affectés au paiement des créanciers de
la société qu'après paiement de ses propres
créanciers".
Cet amendement introduit une règle que prévoit l'article
1899 du Code civil du Bas Canada et qui avait été omise dans le
projet. En raison de cet amendement, l'article 2208 se lirait comme suit:
"À l'égard des tiers, les associés sont tenus
conjointement des obligations de la société; mais ils en sont
tenus solidairement si les obligations ont été contractées
pour le service ou l'exploitation d'une entreprise de la société.
"Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement contre un
associé qu'après avoir, au préalable, discuté les
biens de la société; même alors, les biens de
l'associé ne sont affectés au paiement des créanciers de
la société qu'après paiement de ses propres
créanciers."
L'article 2209 est modifié par le remplacement, aux
deuxième et troisième lignes du second alinéa, des mots
"ou si elle" par les mots "et qu'elle".
Cet amendement corrige une imprécision du texte de manière
à bien indiquer que les conditions permettant d'obliger la
société envers les tiers sont cumulatives et non disjunctives. En
raison de cet amendement, l'article 2209 se lirait comme suit: "La personne qui
donne à croire qu'elle est un associé, bien qu'elle ne le soit
pas, peut être tenue comme un associé envers les tiers de bonne
foi agissant suivant cette croyance. "La société n'est cependant
obligée envers les tiers que si elle a elle-même donné
à croire qu'une telle personne était un associé et qu'elle
n'a pas pris de mesures pour prévenir l'erreur des tiers dans des
circonstances qui la rendaient prévisible."
Le projet de loi est modifié par la suppression de l'article
2212. Cet amendement supprime une disposition qui personnifie inutilement la
société, les liens entre sociétés pouvant
être assurés par des associés.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Chapleau. Est-ce qu'il y a des commentaires touchant
ces articles 2206 à 2213? Oui, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Je demanderais une pause humanitaire pour deux minutes
et demie.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Kehoe: Pas d'objection, au contraire.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, nous allons
suspendre nos travaux pour deux minutes et demie.
(Suspension de la séance à 17 h 43)
(Reprisée 17 h 48)
Le Président (M. Lafrance): Si vous voulez prendre place,
s'il vous plaît, nous allons reprendre nos travaux, étant
donné qu'il reste moins de 45 minutes. J'avais donc appelé les
articles 2206 à 2213 inclusivement et les amendements avaient
été lus. Est-ce qu'il y a des commentaires touchant ces articles
qui touchent la question des rapports de la société et des
associés envers les tiers?
Mme Harel: II y a, je pense, M. le Président, un bon
nombre de ces articles qui sont de droit nouveau, notamment les articles 2213,
2211, le deuxième alinéa de l'article 2207, le deuxième
alinéa de l'article 2208. Alors, je souhaiterais qu'on puisse nous
indiquer les principaux changements qui sont introduits suite à ces
nouvelles dispositions.
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.
M. Rémillard: Oui, M. le Président. De fait, il y a
plusieurs éléments de droit nouveau et je demanderais à M.
Pierre Charbonneau de venir nous expliquer ce droit nouveau. Je crois que M.
Charbonneau est toujours en pause humanitaire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lafrance): C'est parce qu'il a dû
s'absenter, effectivement.
Une voix: Une absence humanitaire.
Le Président (M. Lafrance): Le voici. Alors, Me
Charbonneau, nous vous écoutons.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lafrance): Je vais laisser le soin
à M. le ministre de vous expliquer le contenu de la question.
M. Charbonneau (Pierre): M. le Président, si je comprends
bien, on demande quelles sont les dispositions qui sont nouvelles dans la
section ou à partir des articles 2208 à 2212 essentiellement.
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve a précisé les articles 2207, 2208, 2211,
ainsi que 2213.
Mme Harel: Le deuxième alinéa de l'article 2207.
À l'article 2208, je pense que c'est le deuxième alinéa
aussi. Oui, c'est ça.
M. Charbonneau (Pierre): À l'article 2207, le
deuxième alinéa, évidemment, comme on peut le constater
dans le cahier des commentaires, c'est un alinéa qui est nouveau et qui
s'inspire des règles concernant le mandant inconnu. Comme il y avait des
liens entre les relations des associés ou de la société
à l'égard des tiers et les relations qui existent entre un
mandant et des tiers, il a paru opportun d'établir une règle de
même nature.
L'article 2208. Essentiellement, cet article est conforme au droit
actuel sous réserve de ceci. En droit actuel, on distingue les
sociétés civiles et les sociétés commerciales.
Désormais, dans le Code, on ne retient plus cette distinction. La
distinction est plutôt axée sur l'exploitation ou non d'une
entreprise pour établir la responsabilité des
associés.
Mme Harel: Ça veut donc dire que, dorénavant, les
biens de l'associé pourront être affectés au paiement des
créanciers de la société.
M. Charbonneau (Pierre): Là, vous faites
référence à l'article...
Mme Harel: 2208.
M. Charbonneau (Pierre): ...2208. Le deuxième
alinéa de 2208 ne fait qu'énoncer, finalement, une disposition
qu'on retrouve un peu en filigrane dans les dispositions relatives à la
société, à l'effet que la société dispose
d'un patrimoine distinct de celui de l'associé, de sorte que les
créanciers de la société doivent d'abord - et ça,
c'est reconnu par la doctrine et la jurisprudence - poursuivre sur les biens de
la société avant de poursuivre un associé
individuellement, sur ses biens personnels. Or, c'est un peu la traduction de
cet état actuel du droit, même si le Code civil du Bas Canada ne
contient pas une disposition aussi expresse que celle du deuxième
alinéa.
Mme Harel: Mais, dans l'état actuel du droit, cette
distinction qui était faite entre le caractère commercial et
civil des activités usuelles de la société amenait, dans
le cas où il était considéré qu'il s'agissait donc
d'une société à caractère commercial, que les biens
de l'associé pouvaient être discutés, pouvaient être
affectés, mais pas s'il s'agissait d'une société à
caractère civil. C'est le cas?
M. Charbonneau (Pierre): Non. Là, vous faites
référence maintenant à la règle du premier
alinéa qui est assez distincte de la règle du deuxième
alinéa. La règle du premier alinéa établit: est-ce
qu'il va y avoir responsabilité solidaire à l'égard des
tiers ou une responsabilité conjointe?
Mme Harel: D'accord.
M. Charbonneau (Pierre): En droit actuel, la
responsabilité est conjointe s'agissant d'une société
civile; la responsabilité des associés est solidaire s'agissant
d'une société commerciale. À ce niveau-là, les
dispositions du Code sont modifiées pour introduire plutôt la
notion d'exploitation ou non de l'entreprise.
La règle du deuxième alinéa: une fois qu'on a
établi la responsabilité dans le premier alinéa, il reste
quand même que les créanciers, avant de poursuivre les
associés soit solidairement, soit conjointement, doivent d'abord
poursuivre la société. Ça, c'est conforme au droit
actuel.
Mme Harel: Et à 2211 et 2213?
M. Charbonneau (Pierre): Bon. 2211 est une disposition nouvelle
qui s'inspire des dispositions du Code civil français en la
matière. Mais c'est une règle qui était quand même
admise en droit actuel à l'effet que les sociétés ne
peuvent faire publiquement appel à l'épargne du public ou
émettre des obligations, par exemple, contrairement aux personnes
morales ou aux corporations.
Mme Harel: Et à 2213, on en avait parlé
tantôt, c'est la capacité d'ester en justice.
M. Charbonneau (Pierre): Oui, et ça, je crois que
ça répond au souhait de plusieurs.
Mme Harel: C'est ça. Il en va de même pour 2212,
finalement, qui...
Une voix: II est supprimé.
Mme Harel: C'est supprimé. Vous l'avez supprimé
parce que ça venait confirmer, disons, le caractère de
personnalité morale à la société?
M. Charbonnneau (Pierre): Disons, ça ouvrait
peut-être la porte à certaines discussions autour de la
personnalité morale qu'il n'était peut-être pas
nécessaire de provoquer ici.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Charbonneau. Donc,
les articles 2206 et 2207 sont adoptés tels quels. Les articles 2208 et
2209 sont adoptés tels qu'amendés. Les articles 2210 et 2211 sont
adoptés tels quels. L'article 2212 est supprimé et l'article 2213
est adopté tel quel. J'aimerais maintenant appeler les articles qui
touchent la question de la perte de la qualité d'associé, soit
les articles 2214 à 2217 inclusivement.
De la perte de la qualité
d'associé
M. Rémillard: Nous avons deux amendements, M. le
Président.
L'article 2214 est modifié par la suppression, aux
cinquième et sixième lignes, de ce qui suit: "assujettie à
l'accord de tous les autres associés,".
Cet amendement supprime une exigence qui a paru trop contraignante, ici,
vu les règles de l'article 2216. Il est complété par les
amendements proposés à ce même article 2216. En raison de
cet amendement, l'article 2214 se lirait comme suit: "Outre qu'il cesse
d'être membre de la société par la cession de sa part ou
par son rachat, un associé cesse également de l'être par
son décès, par l'ouverture à son égard d'un
régime de protection, par sa faillite ou par l'exercice de son droit de
retrait; il cesse aussi de l'être par sa volonté, par son
expulsion ou par un jugement autorisant son retrait ou ordonnant la saisie de
sa part."
M. le Président, l'article 2216 est modifié: 1° par
l'ajout, au premier alinéa, après le mot "fixée", des mots
"ou dont le contrat réserve le droit de retrait"; 2° par le
remplacement du second alinéa par celui-ci: "L'associé d'une
société dont la durée est fixée ne peut se retirer
qu'avec l'accord de la majorité des autres associés, à
moins que le contrat ne règle autrement ce cas."
M. le Président, le premier amendement est d'ordre formel
seulement et découle du second amendement. Quant au second amendement,
il complète l'amendement proposé à l'article 2214.
Assujettir l'associé qui veut quitter la société dont la
durée est fixée à ne le faire que si tous les autres
associés sont d'accord paraissait inutilement contraignant, surtout au
regard de la règle du premier alinéa. Aussi a-t-il semblé
préférable d'exiger plutôt, en pareil cas, l'assentiment de
la majorité seulement des coassociés de celui qui veut quitter la
société, quitte à faire la réserve des stipulations
différentes du contrat de société. En raison de ces
amendements, l'article 2216 se lirait comme suit: "L'associé d'une
société dont la durée n'est pas fixée ou dont le
contrat réserve le droit de retrait peut se retirer de la
société en donnant, de bonne foi et non à contretemps, un
avis de son retrait à la société. "L'associé d'une
société dont la durée est fixée ne peut se retirer
qu'avec l'accord de la majorité des autres associés, à
moins que le contrat ne règle autrement ce cas."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a des commentaires touchant ces quatre articles qui traitent de la
perte de la qualité d'associé? Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve. (18 heures)
Mme Harel: Je crois comprendre que, dans son mémoire, le
Barreau souhaitait des amendements aux articles 2214 et 2216. Il y a des
amendements, mais je ne crois pas que ces amendements viennent satisfaire les
représentations qui ont été faites par le Barreau.
À la page 17 de son mémoire, le Barreau recommande de retrancher
de l'article 2214, tel qu'amendé, les mots "par sa volonté". Je
comprends donc que vous avez choisi de maintenir, finalement, la formulation de
l'amendement tel que rédigé. Alors, j'aimerais, pour les fins de
nos travaux, que vous nous donniez les explications qui s'imposent.
M. Rémillard: M. le Président, je voudrais quand
même dire qu'il faut lire l'article 2214 aussi en relation avec l'article
2216. C'est-à-dire que, lorsqu'on dit "par sa volonté", on fait
référence aussi à l'article 2216 tel qu'amendé. Et
je demanderais à Me Charbonneau de préciser un peu plus ce qui
nous a guidés pour en arriver à cette conclusion.
Le Président (M. Lafrance): Me Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): M. le Président, c'est assez
simple. Cela résulte un peu de la structure qui est adoptée dans
le Code civil. C'est inhérent à la rédaction d'un Code
civil que d'avoir des dispositions générales de la nature de
l'article 2214 qui énumère les principales causes qui
conduisent à la perte du statut, de la qualité d'associé,
sans nécessairement entrer dans tous les détails. Ici, dans
l'article 2214, lorsqu'on fait référence à la
volonté de l'associé de sortir de la société, cela
doit être évidemment complété par les dispositions
ambiantes et l'article 2216 vient préciser dans quelles circonstances la
volonté de l'associé peut lui permettre de sortir de la
société. C'est tout simplement une question de style du Code
civil.
Mme Harel: Donc, lorsque la durée est fixée,
l'associé ne peut se retirer qu'avec l'accord de la majorité des
autres associés.
M. Charbonneau (Pierre): En vertu de l'amendement, oui.
Mme Harel: Tandis que, lorsque la durée n'est pas
fixée ou si, en fait, le contrat de société réserve
le droit de retrait, l'associé peut se retirer en donnant, de bonne foi
et non à contretemps, un avis de son retrait. C'est ça qu'il faut
comprendre, c'est ça la règle?
M. Charbonneau (Pierre): Oui.
Mme Harel: II y a, à l'article 2217, une disposition
nouvelle concernant des associés indésirables. C'est vraiment de
droit nouveau, ça, n'est-ce pas? Ça s'inspire, mais vraiment de
très loin, de l'Office, je crois. Est-ce qu'il y a des
représentations qui avaient été faites sur 2217? Je n'ai
pas eu connaissance de ça.
Je vais peut-être lire ce qu'en disait la Chambre des notaires,
à la page 193 de son mémoire, sur le chapitre dixième.
D'abord, la Chambre note que la règle de l'article 2217, au premier
alinéa, diffère de celle du droit actuel, également de
celle de l'avant-projet et de celle du second alinéa. On dit: "Alors
qu'en vertu du second alinéa le tribunal doit intervenir, le premier
alinéa prévoit qu'une majorité des associés peut
expulser un associé en vertu du premier alinéa. Dans un tel cas,
la majorité des associés est à la fois juge et partie, et
l'associé visé n'a même pas un droit impératif de se
faire entendre. Nous nous interrogeons sur cette restriction à la
liberté d'association, à savoir si elle est conforme à la
lettre et à l'esprit des chartes. On pourrait au moins permettre
à l'associé visé de se faire entendre et lui accorder un
droit d'appel à une autorité impartiale en cas de
désaccord."
M. Rémillard: Oui, M. le Président. La Chambre des
notaires nous dit bien qu'elle s'interroge. Nous nous sommes interrogés
aussi. Il s'agit, en fait, de l'application de la règle audi alteram
partem, pour que je puisse moi aussi parier grec. Cette règle a bien
établi que toute personne, avant d'être condamnée, doit
être entendue. Or, c'est une règle qui a eu beaucoup
d'applications, comme on le sait, dans le droit public, c'est-à-dire
dans tout ce qui regarde le droit pénal, le droit criminel et ce qui
regarde le droit entre le citoyen et l'État, dans le domaine du droit
administratif. Mais, en ce qui regarde le droit privé, c'est une
règle qui n'a pas d'application. Pourquoi? Parce qu'il y a les tribunaux
qui sont là. Et, pour nous, législateurs, je crois qu'on doit
établir les règles de base qui établissent ensuite le
fonctionnement de ces conventions entre individus, de ces règles
d'association entre individus, qui permettent aux tribunaux, s'il y a abus, de
pouvoir sévir.
Alors, l'associé qui est mis à la porte par ses
coassociés et, pour un motif qui n'est pas fondé, qu'il n'a pas
pu expliquer, aura toujours le recours d'aller devant les tribunaux civils. Si
on mettait cette règle de l'audition, M. le Président, en
matière civile, il faudrait tout réviser nos règles de
droit civil et il faudrait, par conséquent, apporter une tout autre
approche à notre perception de la règle audi alteram partem, ce
que je crois inopportun dans la mesure où on comprend bien que les
tribunaux de droit civil sont là.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Mme Harel: M. le ministre, à l'article 2217, au premier
alinéa, on peut donc lire ceci. "Les associés peuvent, à
la majorité, convenir de l'expulsion d'un associé qui manque
à ses obligations ou nuit à l'exercice des activités de la
société." Mais il faut comprendre, j'imagine, que tout ça
est dans les limites d'application des chartes. Par exemple, on ne pourrait
pas, j'imagine, convenir de l'expulsion d'un associé qui nuirait
à l'exercice des activités d'une société qui aurait
principalement, par exemple, des clients d'un parti politique, juste pour le
motif que l'associé appartient et se manifeste publiquement et
ouvertement en faveur d'un parti politique différent de celui de la
majorité des clients. Je comprends donc que l'application de l'article
2217 se fait dans les limites des chartes, n'est-ce pas? C'est bien le cas?
C'est donc dire que, par exemple, les motifs de discrimination pour opinion...
Il faudrait qu'ils utilisent d'autres motifs, des motifs, par exemple, qui ne
pourraient pas être liés au fait d'exercer... à la perte de
clientèle due à ces déclarations ou à cette
représentation publique. il faut qu'il y ait une faute à
l'article 2217. C'est bien ça qu'il faut comprendre? Sans faute, pas
d'expulsion, c'est ça?
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, la charte du
Québec a toujours son application. Elle est là pour garantir
qu'il n'y ait pas discrimination ou
mesures abusives de quelque façon que ce soit, en plus de tout le
processus de dommages-intérêts qui existe, s'il y a eu des
dommages de faits. Et, par conséquent, les tribunaux sont là pour
sévir. Et puis, il faut bien dire qu'en fonction de 2217 l'expulsion,
c'est en fonction, donc, d'un manque de remplir ses obligations ou bien s'il
nuit à l'exercice des activités de la société.
Alors, il y a deux situations qui peuvent mener à ce qu'on expulse un
associé. Et puis, évidemment, on peut toujours se
référer à l'article 7 sur l'abus de droit, qui est la
règle générale, et à toutes les dispositions sur la
mauvaise foi, en fait. Tous ces éléments font que, en droit
privé, il y a des garanties qui existent et qui ne se retrouvent pas
dans le même contexte qu'en droit public où nous avons besoin de
la règle audi alteram partem pour garantir à l'administré
face à l'administration vraiment son droit d'être entendu.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre, pour
ces précisions. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires touchant ces
articles, donc l'article 2214 est adopté tel qu'amendé. L'article
2215 est adopté tel quel. L'article 2216 est adopté tel
qu'amendé et l'article 2217 est adopté tel quel.
J'aimerais maintenant appeler les articles qui traitent de la
dissolution et de la liquidation de la société, soit les articles
2218 à 2223.
De la dissolution et de la liquidation de la
société
M. Rémillard: II y a deux amendements, M. le
Président. L'article 2218 est modifié par la suppression,
à la troisième ligne du premier alinéa, des mots "par sa
faillite".
M. le Président, cet amendement supprime une mention qui est
inutile, car elle est déjà comprise dans "l'impossibilité
d'accomplir l'objet de la société". Il évite ainsi d'avoir
à ajouter cette cause de dissolution aux articles 2246 et 2265 propres
à la société en participation et à l'association -
groupements qui sont également susceptibles de faillite en vertu de la
Loi sur la faillite - et, par là, les difficultés d'application
de cette cause de dissolution à des groupements non personnifiés.
En raison de cet amendement, l'article 2218 se lirait comme suit: "La
société, outre les causes de dissolution prévues par le
contrat, est dissoute par l'accomplissement de son objet ou
l'impossibilité de l'accomplir, ou, encore, du consentement de tous les
associés. Elle peut aussi être dissoute par le tribunal pour une
cause légitime. "On procède alors à la liquidation de la
société."
L'article 2223, M. le Président, est modifié par le
remplacement, aux quatrième et cinquième lignes, de tout ce qui
suit le mot "conformément" par ce qui suit: "aux lois relatives à
la publicité légale des sociétés".
Cet amendement est de concordance avec l'amendement similaire
proposé à l'article 2277 et se justifie pour les mêmes
motifs. En raison de cet amendement, l'article 2223 se lirait comme suit: "On
suit, pour la liquidation de la société, les règles
prévues aux articles 357 à 363 du livre Des personnes, compte
tenu des adaptations nécessaires et du fait que les avis requis par ces
règles doivent être déposés conformément aux
lois relatives à la publicité légale des
sociétés."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
est-ce qu'il y a des commentaires sur ces articles qui touchent la question de
la dissolution ou de la liquidation de la société?
Mme Harel: À l'article 2218, je me réfère au
commentaire de la Chambre des notaires à l'effet que la règle
contenue à 2218 présenterait un problème de
cohérence avec l'article 354 relatif à la dissolution des
personnes morales.
Est-ce que, Me Charbonneau, vous avez pris connaissance de ce
commentaire, qui est contenu à la page 194 du mémoire?
Le Président (M. Lafrance): Alors, Me Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): Si vous voulez me rappeler
l'article.
Mme Harel: Oui, c'est l'article 2218, contenu à la page
194 du mémoire de la Chambre des notaires, et la Chambre parle d'un
problème de cohérence avec l'article 354 relatif à la
dissolution des personnes morales. Je ne sais pas si, pour la Chambre... C'est
peut-être dans le contexte où la Chambre croyait que la
société serait une personne morale, comme c'était le cas
dans l'avant-projet. Je ne sais pas.
M. Charbonneau (Pierre): Nous n'avons pas pour l'instant une
copie du mémoire de la Chambre des notaires et, à ma
connaissance, je ne me rappelle pas le problème qui était
soulevé par la Chambre.
M. Rémillard: M. le Président, j'essaie de voir le
lien. Quel pourrait être le lien entre 354 et 2218. Je comprends que M.
Charbonneau n'a pas le mémoire de la Chambre des notaires, mais il peut
quand même regarder quel est le lien. Et, j'ai de la difficulté
à voir le lien, pour ma part. Peut-être que c'était dans le
contexte où...
Mme Harel: Peut-être.
M. Rémillard: ...l'association était une personne
morale.
Mme Harel: La différence qui est intro-
duite...
Une voix: C'est l'intervention du tribunal.
Mme Harel: C'est ça (18 h 15)
M. Rémillard: Pardon, Mme Gagnon?
Mme Ouellette (Monique): Je pense qu'à l'article...
Le Président (M. Lafrance): Me Ouellette.
Mme Ouellette: Excusez-moi, M. le Président. Je pense
qu'à l'article 354 on mentionne l'intervention du tribunal au niveau de
la dissolution de la personne morale, alors qu'ici, le contrat de
société étant un contrat consensuel sur la base de la
volonté des parties, enfin, je pense qu'il n'y a peut-être pas
nécessité d'intervention du tribunal au niveau de la
dissolution.
M. Rémillard: Oui, d'accord, je pense que c'est
l'explication.
Mme Ouellette: Mais je pense que, d'après le
mémoire des notaires, peut-être qu'eux auraient
préféré que l'on ait une certaine uniformité entre
la règle au niveau des personnes morales, où il y a une
intervention du tribunal, et la règle de la dissolution de la
société qui n'en est pas une.
M. Rémillard: Mais c'est bien différent, c'est deux
régimes complètement différents. Je pense qu'on comprendra
que, pour les associés et pour l'ensemble de l'association, il faut
protéger aussi la distinction qui existe entre les deux.
Mme Harel: D'ailleurs, ils réfèrent
également à 2246, qui traite de la fin du contrat de
société, et ils mentionnent un problème similaire. En
fait, leur argumentaire, c'est le suivant, c'est qu'ils croient qu'il faudrait
séparer les causes objectives des autres causes de façon à
appliquer à chacune un régime approprié. Je pense que
c'est ça le rationnel: "À l'exception, dit la Chambre, du cas de
l'arrivée de la date prévue au contrat, comment s'assurer de
l'accomplissement de l'objet, de l'impossibilité de l'accomplir et
surtout de la survenance d'une cause prévue au contrat? Ces causes
peuvent difficilement avoir un effet immédiat, notamment en raison de
leur impact sur les associés et sur les tiers". Alors, la Chambre croit
qu'il faudrait peut-être séparer les causes objectives des autres
de façon à appliquer à chacune un régime
approprié.
Le Président (M. Lafrance): Me Charbon-neau.
M. Charbonneau (Pierre): Merci, M. le Président. Bien,
j'abonde dans le sens de M. le ministre. Je pense que...
M. Rémillard: Ce qui est une bonne chose au
départ.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Vous avez de l'avenir, vous, je pense.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charbonneau (Pierre): L'approche qui a été
privilégiée en matière de personne morale, je pense qu'ici
on n'a pas voulu la retenir parce que le lien était quand même
différent. Ici, il s'agit d'un lien contractuel qui existe entre les
associés et, si les associés constatent l'impossibilité
d'agir, bien, ça doit se régler entre eux et ils doivent pouvoir
mettre fin au contrat sans formalité, sans avoir à recourir au
tribunal. Je pense que la distinction est assez importante entre une personne
morale et la société où il y a des liens contractuels.
Mme Harel: C'est sans doute une exception compte tenu de la
préoccupation, justement, habituelle de la Chambre des notaires
d'introduire le plus de consensualisme possible sans avoir à recourir
aux tribunaux. Je comprends que vous donnez suite à cette
préoccupation générale.
M. Charbonneau (Pierre): À cette préoccupation
générale, sauf qu'il semble que la Chambre n'était pas
tout à fait d'accord sur le point particulier.
Mme Harel: D'accord.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Charbonneau. Donc,
l'article 2218 est adopté tel qu'amendé, les articles 2219, 2220,
2221 et 2222 sont adoptés tels quels et l'article 2223 est adopté
tel qu'amendé.
J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la section
III qui traite de la société en commandite, soit les articles
2224 à 2237 inclusivement.
De la société en commandite
M. Rémillard: II y a quatre amendements, M. le
Président. L'article 2227 est modifié par le remplacement,
à la troisième ligne, des mots "noms et adresses" par les mots
"nom et domicile".
M. le Président, outre la modification formelle qu'il apporte,
cet amendement est de concordance avec les concepts utilisés au livre
Des personnes où la notion de domicile recoupe celle d'adresse, aux
articles 75 et suivants. En raison de cet amendement, l'article 2227 se
lirait
comme suit: "Les commandités tiennent, au lieu du principal
établissement de la société, un registre dans lequel sont
inscrits les nom et domicile des commanditaires et tous les renseignements
concernant leur apport au fonds commun."
L'article 2230 est modifié par le remplacement, dans les
troisième et quatrième lignes du premier alinéa, des mots
"le montant" par les mots "la somme".
Cet amendement est d'ordre formel, M. le Président. En raison de
cet amendement, l'article 2230 se lirait comme suit: "Le commanditaire a le
droit de recevoir sa part des bénéfices, mais si le paiement de
ces bénéfices entame le fonds commun, le commanditaire qui les
reçoit est tenu de remettre la somme nécessaire pour couvrir sa
part du déficit, avec intérêts. "Dans le cas d'une
société dont le capital comprend des biens qui se consomment par
l'exploitation qu'elle en fait, le commanditaire ne peut recevoir sa part des
bénéfices que si suffisamment de biens subsistent, après
ce paiement, pour acquitter les dettes de la société".
L'article 2233 est modifié par le remplacement, au
deuxième alinéa, des mots "le commandité n'est pas
remplacé" par les mots "les commandités ne sont pas
remplaces".
M. le Président, cet amendement, d'ordre formel, assure la
cohérence entre le texte du présent alinéa et celui du
précédent. En raison de cet amendement, l'article 2233 se lirait
comme suit: "Les commanditaires peuvent faire les actes de simple
administration que requiert la gestion de la société, lorsque les
commandités ne peuvent plus agir. "Si les commandités ne sont pas
remplacés dans les 120 jours, la société est
dissoute."
M. le Président, cet amendement vise à faire la
concordance avec la terminologie utilisée à l'article 2234. Il ne
modifie pas la règle quant au fond. En raison de cet amendement,
l'article 2236 se lirait comme suit: "Dans le cas d'insuffisance des biens de
la société, le commanditaire ne peut, en cette qualité,
réclamer comme créancier avant que les autres créanciers
de la société n'aient été satisfaits.".
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
est-ce qu'il y a des questions touchant ces articles de la section III qui
traite de la société en commandite? Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Je comprends donc que, dans cette section III. De la
société en commandite, on retrouve essentiellement des articles
qui reprennent, sous une formulation plus simple, des dispositions
déjà contenues dans le Code civil actuel. Par ailleurs,
j'aimerais peut-être attirer l'attention du ministre sur 2232. Il y a
là, je crois, au second alinéa, une sorte d'élargissement
du Code actuel puisque, à 2232, on ajoute la possibilité, pour le
commanditaire qui s'est immiscé dans la gestion, d'être tenu non
seulement des obligations résultant des actes qu'il a ainsi
posés, mais aussi, désormais, de l'ensemble des obligations
sociales si la nature et l'importance de ces actes le justifient. Alors, c'est
quand même là un élargissement important et je crois qu'il
mérite d'être mentionné.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce que c'était
là, Mme la députée, un commentaire interrogateur ou un
commentaire tout simplement de précision?
Mme Harel: En fait, je ne sais pas. Si tant est, peut-être,
que...
Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a des
membres...
Mme Harel: ...Me Charbonneau ou M. le ministre...
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: ...considère qu'il y a là un
élargissement substantiel.
M. Rémillard: Si on compare au droit actuel, 1887,
deuxième alinéa, on dit: "II ne peut négocier aucune
affaire pour le compte de la société ni agir pour elle comme
mandataire ou agent sous peine d'être tenu comme un commandité des
dettes de la société qui résultent des actes qu'il a
posés." Le libellé que nous avons maintenant dans l'article 2232
est certainement plus clair, en tout cas, plus évident. Maintenant,
est-ce que c'est un élargissement sensible? Parce qu'on parle de tous
les cas, mais il est quand même en proportion. Je peux demander à
Me Champagne... Me Charbonneau, dis-je. Excusez-moi. C'est peut-être
l'arrivée du dîner, mais ce n'est pas tout à fait le temps
du champagne, quand même. Alors, je m'excuse. Me Charbonneau.
Le Président (M. Lafrance): Me Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): En fait, c'est un élargissement,
mais qui va dans le sens du texte actuel parce que le texte actuel tient
responsable le commanditaire des obligations de la société
résultant de ses actes. Maintenant, s'il pose plusieurs actes et que ses
actes deviennent à ce point nombreux qu'on ne peut plus vraiment
distinguer la nature des actes, bien, normalement, il devrait être tenu
de l'ensemble des obligations sociales. Alors, c'est un peu la petite extension
qu'on accorde ici, qui se veut une mesure de protection des tiers. Comment
fait-
on pour distinguer l'acte en particulier lorsque le commanditaire agit
constamment à titre d'administrateur ou s'immisce dans la gestion? C'est
un peu dans ce sens-là qu'on a voulu apporter la précision.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Charbonneau. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. J'aurais certaines
réserves, pas sur le fond, mais sur la formulation de l'article
2224.
M. Rémillard: L'article 2224?
Mme Caron: L'article 2224. Si je consulte le Code civil du Bas
Canada, on a repris les articles 1872, 1875, 1876, sauf que je trouve que la
nouvelle formulation n'est pas très heureuse au niveau du
français. Je préférais les anciennes formulations. Je ne
sais pas si on peut s'y repencher?
M. Rémillard: On a quelques articles comme ça. Oui,
si on lit ça là, de fait...
Mme Caron: Parce que je sais qu'on a vraiment fait un effort
partout dans le Code civil pour avoir une formulation intéressante,
alors que cet article-là me semble moins intéressant que ce que
nous avions.
M. Rémillard: Bon. De fait, M. le Président, je
pense que Mme la députée a raison. Ça mériterait
certainement d'être revu au point de vue formulation linguistique, comme
on l'a fait pour quelques articles. On va demander à nos
légistesde revoir la formulation de 2224.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Mme Harel: À 2237, une remarque qui nous vient de la
Chambre des notaires qui déplore, en fait, le procédé de
législation par référence qu'on retrouve à 2237,
comme dans d'autres dispositions, d'ailleurs. La Chambre dit: "On retrouve
encore ici le problème des renvois à un autre régime
juridique. Une telle règle est souvent source d'incertitude et de
confusion pour le citoyen et surtout pour le juriste qui doit l'appliquer pour
exécuter son mandat. On devrait limiter le plus possible cette technique
pour plutôt fournir au praticien un régime juridique clair et
complet". Alors, évidemment, c'est par l'ajout du dernier membre de
phrase, à 2237, "compte tenu des adaptations nécessaires". C'est
le mutatis mutandis de notre jeunesse là, c'est ça?
M. Rémillard: C'est ça, M. le Président. Je
pense que ce serait difficile qu'on répète toutes les
règles à chaque fois qu'on aborde un nouveau chapitre. Ce serait
extrêmement difficile. Ça a ses petits inconvénients, mais
je ne vois pas comment on pourrait faire autrement. Et il y a le grand principe
d'interprétation qu'un article doit être lu en fonction des autres
articles dans l'ensemble de la loi. Il me semble qu'on ne peut pas penser
procéder autrement.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il
n'y a pas d'autres commentaires, donc, l'article 2224, si j'ai bien compris,
vous désirez le laisser en suspens, n'est-ce pas?
M. Rémillard: Lequel?
Le Président (M. Lafrance): L'article 2224.
M. Rémillard: Nous le retenons, M. le Président.
Suite aux remarques de Mme la députée de Terrebonne, comme
d'autres remarques nous ont été faites la semaine
dernière, les légistes vont le regarder. Sans qu'il soit
suspendu, on va y revenir quand même avec des possibilités pour la
rédaction.
Le Président (M. Lafrance): Pour regarder la question de
la formulation. D'accord. Alors, les articles 2224, 2225 et 2226 sont donc
adoptés tels quels; l'article 2227 est adopté tel
qu'amendé; les articles 2228 et 2229 sont adoptés tels quels;
l'article 2230 est adopté tel qu'amendé; les articles 2231 et
2232 sont adoptés tels quels; l'article 2233 est adopté tel
qu'amendé; les articles 2234 et 2235 sont adoptés tels quels;
l'article 2236 est adopté tel qu'amendé et l'article 2237 est
adopté tel quel.
Avant de suspendre nos travaux pour cet après-midi, est-ce qu'il
y aurait des commentaires de fin de séance de travail?
M. Rémillard: M. le Président, on reprendra donc
à 20 heures pour terminer ce qui regarde l'association, la
société.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
je suspends les travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 30)
(Reprise à 20 h 20)
Le Président (M. Lafrance): Nous allons reprendre nos
travaux. Je déclare donc cette séance de travail ouverte. Nous en
étions à la section IV qui traite de la société en
participation. J'aimerais appeler l'article 2238 qui traite de la constitution
de la société.
De la société en participation
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M.
le Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a des commentaires sur cet article spécifique, 2238?
De la constitution de la société
Mme Harel: On sait, M. le Président, que c'est de droit
nouveau que cette société en participation. À 2238, on dit
ceci: "Le contrat constitutif de la société en participation est
écrit ou verbal. Il peut aussi résulter de faits manifestes qui
indiquent l'intention de s'associer." Alors, quelle autre législation a
pu inspirer une disposition comme celle-là qui nous introduit un nouveau
type de société finalement?
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre ou Me
Charbonneau.
M. Rémillard: Me Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): M. le Président, merci.
Évidemment, on s'est inspirés quelque peu du droit
français en la matière, en ce qui concerne les dispositions.
C'est un élargissement aussi ou une extension des quelques dispositions
que le Code civil du Bas Canada contient actuellement sur les
sociétés anonymes, type de société qui est de fait
inorganisée, dont l'existence n'est pas publique. Alors, c'est un peu
une extension de ces dispositions-là. Outre le droit français, il
n'y a pas vraiment d'inspiration autre que celle du Code civil actuel.
Mme Harel: Et la preuve de ces sociétés-là
va se faire à partir de l'intention ou...
M. Charbonneau (Pierre): En fait, à l'égard des
tiers, comme la société n'est pas déclarée comme
telle, chaque associé est réputé agir en son nom propre
à l'égard des tiers. De sorte que le tiers poursuivra
éventuellement, en cas de difficulté, l'associé avec qui
il a contracté. Ce sera à l'associé, lui, à
démontrer qu'il était aussi en société avec
d'autres et, à ce moment-là, il pourra engager la
responsabilité de ses associés.
Mme Harel: Je comprends qu'au deuxième alinéa,
quand on lit: "La seule indivision de biens existant entre plusieurs personnes
ne fait pas présumer leur intention de s'associer", par exemple, si on
fait référence à l'achat d'un billet de loto en
indivision, ça ne fait pas présumer l'intention de s'associer.
C'est quelque chose de ce genre-là?
M. Charbonneau (Pierre): Oui, surtout que, dans l'exemple que
vous donnez, en fait, c'est simplement de l'indivision de biens.
Mme Harel: II y a quand même souvent une convention entre
les gens qui achètent un billet de loto. Il y a une convention sur le
partage.
M. Charbonneau (Pierre): Ça, c'est pour régler
toute difficulté quant au partage du montant éventuel.
Mme Harel: C'est ça. Du gros lot.
M. Charbonneau (Pierre): C'est essentiellement de l'indivision de
biens, mais ça prend un peu plus que le seul état d'indivision
des biens pour pouvoir constituer une société. Il y a quand
même des connaissances...
Mme Harel: Ce n'est pas parce qu'on achèterait un billet
à chaque semaine, par exemple...
M. Charbonneau (Pierre): ...qu'on est en société.
Il n'y a pas vraiment de connaissances ou d'apport autre que la somme de
départ. C'est plutôt de l'indivision, à ce
moment-là.
Mme Harel: Et quel effet pratique ça pourra avoir, cette
réorganisation qui introduit cette société en
participation?
M. Charbonneau (Pierre): En fait, le code actuel, même s'il
contient quelques dispositions sur les sociétés anonymes, c'est
embryonnaire. On règle la situation des tiers, mais on ne règle
pas vraiment la situation des associés entre eux. Il y a une
espèce de vide, si on veut, dans le Code civil actuel concernant les
rapports des associés entre eux. Et, à l'égard des tiers,
c'est embryonnaire, il n'y a pratiquement rien. Ici, ce qu'on voulait faire,
c'est prévoir des dispositions, un régime minimal, si on veut,
pour régler les difficultés qui pourraient éventuellement
se présenter, dans ce genre de société là, entre
les associés et, à l'égard des tiers, des règles
protectrices des intérêts des tiers.
Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres
commentaires, l'article 2238 est donc adopté comme tel. J'aimerais
maintenant appeler l'article 2239 qui touche la question des rapports des
associés entre eux.
Des rapports des associés entre eux
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Des
commentaires?
Mme Harel: C'est le principe de l'entière
discrétion, c'est bien le cas là. C'est laissé au libre
arbitre des parties. C'est ça?
M. Charbonneau (Pierre): Oui. C'est un peu
la même chose aussi que dans le cas des autres
sociétés. C'est la convention des associés qui va
régir le fonctionnement de la société.
Mme Harel: Et on dit, au deuxième alinéa: "En
l'absence de convention particulière, les rapports des associés
entre eux sont réglés par les dispositions qui régissent
les rapports des associés en nom collectif, entre eux et envers leur
société, compte tenu des adaptations nécessaires." Il y a
quand même plus de formalisme à ce moment-là.
M. Charbonneau (Pierre): La société en nom
collectif est la société type, si on veut. Les règles
qu'on y retrouve sont des règles générales. Or, c'est un
peu plus détaillé, mais c'est évidemment en l'absence de
convention contraire de la part des associés.
Mme Hare): C'est en matière d'obligations, finalement, que
ça venir préciser...
M. Charbonneau (Pierre): Oui. Par exemple, la part de chacun dans
le partage des bénéfices, entre autres.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Charbonneau.
L'article 2239 est donc adopté tel quel. J'aimerais maintenant appeler
les articles 2240 à 2245 inclusivement qui touchent les questions des
rapports des associés envers les tiers.
Des rapports des associés envers les
tiers
M. Rémillard: M. le Président, il y a trois
amendements. L'article 2241 est modifié par le remplacement, à la
première ligne du deuxième alinéa, des mots "en
qualité d'associé" par les mots "en qualité
d'associés".
M. le Président, cet amendement est d'ordre formel. En raison de
cet amendement, l'article 2241 se lirait comme suit: "Chaque associé
contracte en son nom personnel et est seul obligé à
l'égard des tiers.
Toutefois, lorsque les associés agissent en qualité
d'associés à la connaissance des tiers, chaque associé est
tenu à l'égard de ceux-ci des obligations résultant des
actes accomplis en cette qualité par l'un des autres
associés."
L'article 2242 est modifié par le remplacement de la
première phrase par la suivante: "Les associés ne sont pas tenus
solidairement des dettes contractées dans l'exercice de leur
activité, à moins que celles-ci n'aient été
contractées pour le service ou l'exploitation d'une entreprise
commune."
M. le Président, cet amendement est d'ordre rédactionnel
seulement. En raison de cet amendement, l'article 2242 se lirait comme suit:
"Les associés ne sont pas tenus solidairement des dettes
contractées dans l'exercice de leur activité, à moins que
celles-ci n'aient été contractées pour le service ou
l'exploitation d'une entreprise commune; ils sont tenus envers le
créancier, chacun pour une part égale, encore que leurs parts
dans la société soient inégales."
L'article 2245 est modifié, M. le Président: 1° par le
remplacement du premier alinéa par le suivant: Toute action qui peut
être intentée contre tous les associés peut aussi
l'être contre l'un ou plusieurs d'entre eux, comme associés
à d'autres personnes, sans que celles-ci soient nommées."; 2°
par le remplacement, à la première ligne du deuxième
alinéa, des mots "contre un associé qui est poursuivi seul" par
les mots "contre celui ou ceux des associés poursuivis".
M. le Président, ces amendements visent à clarifier le
texte dans un sens qui se rapproche davantage de celui des articles 1836 et
1837 du Code civil du Bas Canada dont il est issu. En raison de ces
amendements, l'article 2245 se lirait comme suit:
Toute action qui peut être intentée contre tous les
associés peut aussi l'être contre l'un ou plusieurs d'entre eux,
comme associés à d'autres personnes, sans que celles-ci soient
nommées. "Si le jugement est rendu contre celui ou ceux des
associés poursuivis, tous les autres peuvent ensuite être
poursuivis ensemble ou séparément sur la même cause
d'action. Si l'action est fondée sur une obligation constatée
dans un écrit où sont nommés tous les associés
obligés, tous doivent être partie à l'action pour que le
jugement leur soit opposable."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y aurait des commentaires touchant ces articles 2240 à 2245
inclusivement?
Mme Harel: Je crois donc comprendre que les amendements qui sont
introduits tentent de satisfaire les représentations contenues dans les
mémoires de la Chambre des notaires et du Barreau. À
l'égard de 2241, la Chambre des notaires écrit: "Le second
alinéa semble poser le problème de la protection du public." Si
je comprends bien, l'amendement à 2241 donne suite à la
recommandation de la Chambre des notaires. Est-ce que c'est le cas? Non? (20 h
30)
M. Rémillard: Dans la mesure où il s'agissait
d'ajouter un "s".
Mme Harel: À 2241, l'amendement? M. Rémillard:
Oui, 2241.
Mme Harel: Oui. En fait, ce que la Chambre dit, c'est: "En effet,
cette société - en faisant référence à la
société en participation - sans se présenter sous un nom
collectif, s'affiche envers les tiers comme une société. Ne
serait-il pas logique alors d'obliger l'associé qui agit en
qualité d'associé à l'égard des tiers
à déclarer les informations relatives à cette
société en participation au registre des sociétés
et entreprises individuelles, comme c'est le cas pour la société
en nom collectif ou en commandite?"
En d'autres termes, ce n'est pas vraiment la solution qui est retenue
par le législateur qui les satisfait. Ils auraient
préféré, dans un but de protection à l'égard
du tiers, obliger l'associé qui agit en qualité d'associé
à déclarer, en fait, la société en participation.
Et la Chambre ajoute que, selon elle, "la protection des tiers l'emporte
nettement sur l'ajout d'une obligation aux associés." Comme le tiers a
besoin de connaître les principales informations relatives aux
différents associés, en fait, la proposition, c'est de
déclarer les informations relatives à cette société
en participation au registre des sociétés et entreprises
individuelles. Si je comprends bien, ça a été
écarté, cette recommandation-là?
M. Rémillard: Pas nécessairement
écarté, parce qu'on ne voit pas ce que ça change.
Lorsqu'on lit le deuxième alinéa "Toutefois, lorsque les
associés agissent en qualité d'associés à la
connaissance des tiers, chaque associé est tenu à l'égard
de ceux-ci des obligations résultant des actes accomplis en cette
qualité par l'un des autres associés."
Mme Harel: D'accord.
M. Rémillard: Alors, par le fait même, on arrive
à la conclusion qu'ils sont tous responsables.
Mme Harel: Et si c'est en l'absence de connaissance des
tiers?
M. Rémillard: Là, la situation est
différente.
Mme Harel: Alors, qu'est-ce qui s'applique à ce
moment-là?
M. Charbonneau (Pierre): Si l'associé agit sans divulguer
le fait qu'il est en société avec d'autres, à ce
moment-là...
Mme Harel: Sans divulguer et en l'absence de connaissance
également du tiers.
M. Charbonneau (Pierre) Bon. Et en l'absence de connaissance,
ça suppose que le tiers, lorsqu'il contracte avec l'associé,
contracte avec l'associé personnellement; il ne connaît pas
l'existence d'autres associés ou d'une société.
Éventuellement, s'il y a des difficultés et qu'il y a une
poursuite, l'associé qui est poursuivi a intérêt à
divulguer l'existence d'autres associés pour ne pas être tenu
uniquement responsable pour le tout. En pratique, c'est de cette
façon-là que ça va se régler, de sorte que le
tiers, lorsqu'il contracte avec un associé, ou bien connaît
l'existence d'autres associés, et à ce moment-là il peut
aussi poursuivre les autres associés, ou bien il en ignore l'existence
et poursuit celui qu'il connaît, puis celui-ci, étant poursuivi, a
intérêt à divulguer l'existence de la
société, ne serait-ce que pour que les tiers puissent avoir le
recours contre le patrimoine même de la société.
Mme Harel: Alors, 2245 introduit justement un amendement qui
prévoit que "toute action qui peut être intentée contre
tous les associés peut aussi l'être contre l'un ou plusieurs
d'entre eux, comme associés à d'autres personnes, sans que
celles-ci soient nommées", donc sans qu'il y ait pour autant
divulgation. C'est ça qu'il faut comprendre?
M. Rémillard: Peut-être avec plus de nuances.
Le Président (M. Lafrance): Me Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): En fait, 2245 reprend le droit actuel,
ce qu'on retrouve dans le Code civil du Bas Canada sur les
sociétés anonymes. La situation qui est visée, c'est que
c'est le tiers qui contracte avec un associé, sachant qu'il y a aussi
d'autres associés, mais il ignore le nom des autres associés.
Alors, on lui permet de poursuivre tous les associés en ne nommant que
celui qu'il connaît comme agissant en tant qu'associé avec
d'autres. C'est le droit actuel.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Ouel-lette.
Mme Ouellette: Est-ce que vous me permettez, M. le
Président, d'exprimer quand même une petite réserve? On ne
reproduit pas tout à fait, à 2245, les articles 1836 et 1837 qui
précisent la solidarité et que tout associé peut
être poursuivi conjointement et solidairement. Je pense qu'il faut lire
deux articles ensemble pour arriver à comprendre que c'est conjoint et
solidaire.
M. Charbonneau (Pierre): En fait, la question de la
solidarité ou de la responsabilité conjointe est
déjà prévue à 2242.
Mme Ouellette: C'est ça.
Mme Harel: Oui, parce que le commentaire n'est pas très
explicite. Le commentaire dit: "Ces amendements visent à clarifier le
texte dans un sens qui se rapproche davantage de celui des articles..." mais on
ne nous dit pas dans quel sens le rapprochement a lieu.
M. Charbonneau (Pierre): C'est peut-être une question de
présentation, de lisibilité.
Mme Harel: D'accord.
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Me Charbonneau,
pour ces commentaires.
Mme Harel: II y a 2244 également qui est de droit nouveau.
En fait, c'est assez large comme interprétation parce que le commentaire
dit à ce sujet: "Les contrats conclus par l'un des associés
profitent également à ses coassociés qui jouissent de
l'exercice des droits qui en découlent, même si, en principe, les
coassociés ne sont pas directement liés par ces contrats ni ne
bénéficient de recours directs contre le tiers." Alors, ils n'ont
pas de recours contre le tiers, mais ils peuvent bénéficier de
l'exercice des droits qui découlent des contrats qu'un de leurs
associés a signés. C'est ça qu'il faut comprendre.
M. Charbonneau (Pierre): Oui. En fait, vous pouvez prendre
l'exemple d'un bien qui est acquis par un associé pour le
bénéfice de la société. À ce
moment-là, l'acquisition du bien va profiter à tous les
associés même si, finalement, ils n'ont pas de lien avec le
tiers.
Mme Harel: Évidemment, il y a toujours cette
réserve "sauf si cet associé a déclaré sa
qualité". Dès qu'il la déclare, à ce
moment-là, le tiers peut exercer tous les droits contre tous les
associés. C'est ça?
M. Charbonneau (Pierre): Oui, parce que, à ce
moment-là, on a divulgué la société au tiers.
Mme Harel: D'accord.
Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres
commentaires, l'article 2240 est adopté tel quel, les articles 2241 et
2242 sont adoptés tels qu'amendés, les articles 2243 et 2244 sont
adoptés tels quels et l'article 2245 est adopté tel
qu'amendé. J'aimerais maintenant appeler les articles 2246 à 2254
qui touchent les questions de la fin du contrat de société.
De la fin du contrat de société
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a des commentaires relativement à ces articles 2246 à
2254?
Mme Harel: À 2249, la Chambre des notaires demandait
pourquoi ne pas intégrer cet article 2249 à l'article 2246, comme
c'est le cas à l'article 2218 pour la société en nom
collectif. Est-ce que M. le ministre a une réponse?
M. Rémillard: Je vais demander à M. Charbonneau de
faire les commentaires, si vous voulez.
Le Président (M. Lafrance): Alors, Me Charbonneau.
M. Charbonneau (Pierre): Ce commentaire de la Chambre des
notaires est nouveau. Effectivement, la cause de résiliation n'est pas
prévue par l'article 2246, même si on parle tout de même de
la résiliation du consentement de tous les associés. C'est une
disposition qui est quand même dans le projet même si elle ne se
retrouve pas à 2246. Je ne sais quoi vous répondre. On n'a pas
senti le besoin nécessairement de...
M. Rémillard: Si Me Pineau veut compléter.
Le Président (M. Lafrance): Oui, merci, M. le ministre.
Alors, Me Pineau.
M. Pineau (Jean): M. le Président, je vous remercie.
L'article 2246 prévoit véritablement la fin du contrat de
société par l'arrivée du terme, par la fin du but
poursuivi par les membres de la société, tandis que 2249
prévoit la résiliation pour une cause légitime, notamment
par le non-respect d'une obligation. Donc, c'est la sanction à
l'inexécution d'une obligation, n'est-ce pas, qui est prévue dans
2249, lorsque l'un des associés ne remplit pas son obligation.
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Me Pineau.
Mme Harel: Est-ce que je me trompe de croire qu'il n'y a pas,
comme pour la société en commandite, la possibilité
d'expulser l'associé indésirable? Est-ce que c'est le cas?
M. Rémillard: Allez-y.
M. Charbonneau (Pierre): Oui, effectivement, c'est le cas.
Ça s'explique en raison des liens...
Mme Harel: On ne peut pas expulser un associé
indésirable.
M. Charbonneau (Pierre): À ce moment-là, il y a une
résiliation du contrat qui se fait. Un associé met fin,
finalement, au contrat pour une cause légitime. C'est effectivement la
situation qui est visée à 2249. À ce moment-là,
contrairement à ce qui se passe dans la société en
commandite ou en nom collectif, la société est dissoute, prend
fin par le départ de l'associé. À cause des liens plus
serrés ou plus forts qui existent au sein de la société en
participation peut-être.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Charbonneau. Donc,
s'il n'y a pas d'autres commentaires, les articles 2246 à 2254
inclusive-
ment sont adoptés tels quels. Nous en arrivons maintenant
à la section V qui traite de l'association et j'aimerais appeler les
articles 2255 à 2267 inclusivement.
De l'association
M. Rémillard: Oui, nous avons trois amendements, M. le
Président. Alors, tout d'abord, l'article 2257 est modifié:
1° par la suppression du premier alinéa; 2° par le remplacement
des deux dernières lignes du deuxième alinéa par ce qui
suit: "les administrateurs de l'association sont choisis parmi ses membres, et
les membres fondateurs sont, de plein droit, les administrateurs jusqu'à
ce qu'ils soient remplacés".
M. le Président, les amendements apportés visent à
accentuer le caractère supplétif de la disposition. En raison de
ces amendements, l'article 2257 se lirait comme suit: "En l'absence de
règles particulières dans le contrat d'association, les
administrateurs de l'association sont choisis parmi ses membres, et les membres
fondateurs sont, de plein droit, les administrateurs jusqu'à ce qu'ils
soient remplacés."
M. le Président, l'article 2258 est modifié par l'ajout,
à la première ligne du premier alinéa, après le mot
"mandataire" des mots "des membres".
M. le Président, cet amendement apporte une précision
utile quant à la véritable nature juridique du rôle des
administrateurs de l'association purement contractuelle. En raison de cet
amendement, l'article 2258 se lirait comme suit: "Les administrateurs agissent
à titre de mandataire des membres de l'association. "Ils n'ont pas
d'autres pouvoirs que ceux qui leur sont conférés par le contrat
d'association ou par la loi, ou qui découlent de leur mandat."
M. le Président, l'article 2267 est modifié par l'ajout,
à la deuxième ligne du deuxième alinéa,
après le mot "association" des mots" à une personne morale".
Cet amendement vise à permettre que les biens qui proviennent des
contributions de tiers puissent être dévolus à des
personnes morales constituées ou non sous la forme d'une association,
pourvu seulement qu'elles poursuivent des objectifs similaires à ceux de
l'association. On veut ainsi favoriser davantage l'utilisation de tels biens
pour les fins prévues à l'origine. En raison de cet amendement,
l'article 2267 se lirait comme suit: "Après le paiement des dettes, les
biens qui restent sont dévolus conformément aux règles du
contrat d'association ou, en l'absence de règles particulières,
partagés entre les membres, en parts égales. 'Toutefois, les
biens qui proviennent des contributions de tiers sont, malgré toute
stipula- tion contraire, dévolus à une association, à une
personne morale ou à une fiducie partageant des objectifs semblables
à l'association. Si les biens ne peuvent être ainsi
employés, ils sont dévolus à l'État et
administrés par le Curateur public comme des biens sans maître ou,
s'ils sont de peu d'importance, partagés également entre les
membres." (20 h 45)
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a des commentaires sur les 13 articles de cette section V?
Mme Harel: Oui, M. le Président, parce que c'est là
un dispositif nouveau, je crois, qui vaut la peine d'être examiné
d'un peu plus près. Alors, j'aimerais que Me Charbonneau nous indique en
quoi... C'est un nouveau régime, je pense, qui est introduit dans le
Code civil?
M. Charbonneau (Pierre): Oui, effectivement, c'est un nouveau
régime. L'Office de révision du Code civil avait proposé
des dispositions concernant l'association, au Code civil. Actuellement, il n'y
a aucune disposition qui régisse le sort ou le fonctionnement de ces
entités, de ces groupements de personnes. Il y a évidemment la
Loi sur les compagnies, la partie III, qui régit les associations, mais
constituées sous la forme d'une personne morale. Mais les associations
purement contractuelles, qui sont fort nombreuses, n'ont aucune
réglementation actuellement. Alors, l'objectif visé était
de fournir une série de règles de base devant régir
l'activité des membres de l'association entre eux et à
l'égard des tiers. C'était l'objectif poursuivi, d'où la
nouvelle section dans le Code civil portant sur l'association purement
contractuelle.
Mme Harel: C'est donc dire qu'en l'absence d'incorporation en
vertu de la troisième partie de la Loi sur les compagnies, comme on le
dit habituellement, les associations, en fait, vivront sous le régime de
la section V?
M. Charbonneau (Pierre): Oui.
Mme Harel: Parce que, jusqu'à maintenant, il arrive
très, très fréquemment que l'État demande,
réclame aux groupements de bonne foi de s'incorporer pour pouvoir
bénéficier de subventions. Je pense, par exemple, au
ministère de l'Éducation, dans le cadre de ses subventions aux
organismes volontaires d'éducation populaire, ou au ministère de
la Santé et des Services sociaux. Ces personnes qui étaient
parfois assez bien organisées en rendant des services certains - je
pense, entre autres, aux clubs de l'âge d'or, à des comités
de bénévoles - n'auront plus nécessairement à
passer par une incorporation, avec tout le formalisme que ça suppose,
pour pouvoir bénéficier de règles comme celles
prévues au Code. C'est ça qu'il faut comprendre?
M. Charbonneau (Pierre): Les règles prévues au
Code, oui. Quant aux aspects fiscaux, évidemment... Je parle des aspects
fiscaux, mais, dans les autres lois, si on exige une incorporation pour
bénéficier de certains avantages, ça, c'est une autre
question.
Mme Harel: Je comprends, mais c'est parce qu'il n'y avait pas
d'autre véhicule...
M. Charbonneau (Pierre): ...possible.
Mme Harel: ...que celui de l'incorporation en vertu de la
troisième partie de la Loi sur les compagnies. Je ne pense pas qu'il y
avait rien d'autre qui pouvait s'offrir, à ce moment-là, pour
formaliser un peu...
M. Charbonneau (Pierre): Le contrat d'association, à ce
moment-là, pouvait s'analyser dans un contrat innommé,
fonctionnant essentiellement à partir des règles sur le mandat,
par analogie. Mais il n'y a rien actuellement qui gouverne ce type de
groupement.
Mme Harel: Bon. Donc, on aura maintenant un contrat constitutif
de l'association qui pourra être écrit ou verbal. Ce qui est
peut-être intéressant, c'est qu'on regarde de plus près les
responsabilités qui sont dévolues aux administrateurs.
Je pense bien que les discussions ne sont pas terminées sur toute
la question de la responsabilité des administrateurs,
particulièrement ceux qui sont absents, tel que prévu à
l'article 2262. On peut peut-être examiner ça maintenant, mais je
vous proposerais de suspendre les articles 2258 et 2262 pour la bonne raison
qu'il me semble qu'il y aurait peut-être encore lieu de
réfléchir plus à fond sur les responsabilités,
jusqu'à quel point les administrateurs engagent la
responsabilité, notamment à titre de mandataire, des membres de
l'association.
À bon droit le Barreau écrivait dans son mémoire:
"L'amendement suggéré par le ministère de faire des
administrateurs les mandataires des membres plutôt que de l'association
risque d'engendrer une trop large responsabilité de ces membres
puisqu'ils seraient alors considérés comme des mandants. Pour
éviter un tel écueil, il serait préférable de
revenir à la formulation de l'article 2258 tel que
présenté au projet de loi, même si l'association ne
constitue pas une personne morale. Le législateur a d'ailleurs
utilisé le terme "association" à plusieurs reprises dans cette
section." En fait, ce n'est pas tant la responsabilité uniquement des
administrateurs que celle des membres eux-mêmes. Alors, est-ce qu'on
convient de susprendre les articles 2258 et 2262?
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: À l'article 2262, en fait, c'est le cas de
l'administrateur non présent qui serait considéré
solidairement ou conjointement tenu des obligations de l'association.
M. Rémillard: M. le Président, on suspend ces deux
articles.
Mme Harel: À l'article 2260, on retrouve une nouvelle fois
la formulation dite des décisions collectives, que l'on retrouvait
à...
M. Charbonneau (Pierre): .à la société en
nom collectif.
Mme Harel: C'est ça, et qui demandait un commentaire plus
explicite que celui qu'on retrouve au cahier des commentaires.
M. Rémillard: On avait dit que, dans les commentaires, on
pourrait expliciter l'intention du législateur en parlant de ce concept
de collectif. Et c'est à 2199, entre autres, qu'on avait parlé
donc de décisions collectives se rapportant aux décisions
d'administration. Et on avait dit que dans les commentaires on
préciserait ce qu'on peut entendre par le mot "collectif'. Après
beaucoup de réflexion et de consultations, nous en sommes tous
arrivés à la conclusion que c'était la seule expression
qui traduisait vraiment l'intention du législateur. Maintenant, il
s'impose, je crois, quand même, que le commentaire soit plus explicite
quant à l'intention du législateur.
Mme Harel: Compte tenu que toute cette section V introduit un
régime d'association que je comprends être à but non
lucratif, compte tenu de la définition qu'on retrouve au deuxième
alinéa de l'article 2174, je m'étonne qu'à l'article 2267,
lorsqu'il est question de la liquidation de l'association, les biens, en
l'absence de règles au contrat d'association, puissent être
partagés entre les membres en parts égales. Je crois comprendre,
dans les dispositions relatives à l'incorporation, en vertu de la
troisième partie de la Loi sur les compagnies, que les biens doivent
être dévolus à un organisme de même type. Et je ne
crois pas qu'ils puissent être partagés entre les membres de
l'association.
Est-ce que ça reprend les mêmes dispositions que celles que
l'on retrouve pour les corporations à but non lucratif?
M. Rémillard: Certains aspects. Mais je vais demander
à Me Charbonneau de compléter les remarques qu'on peut faire sur
cet article.
M. Charbonneau (Pierre): Je pense que la partie III de la Loi sur
les compagnies ne prévoit pas la distribution ou la répartition
des biens entre les membres. Sauf qu'il existe plusieurs petites lois
particulières créant des clubs de chasse ou des clubs de
pêche. En fait, ce sont
des associations privées. Les biens sont fournis par les membres
seulement, entre eux, et on voit difficilement pourquoi ces biens-là
seraient dévolus à d'autres organisations du même type. La
règle qui est proposée au premier alinéa de 2267 vise
à couvrir ces situations-là. Cependant, le deuxième
alinéa prévoit le sort des biens, lorsque ces biens proviennent
de contributions de tiers et où, à ce moment-là, on
considère que la règle de répartition à un
organisme tiers devrait s'appliquer. Essentiellement, la règle du
premier alinéa vise les associations purement privées: les
petites organisations, les clubs de pêche que j'ai mentionnés
tantôt. Alors, ça serait difficile d'envisager...
Mme Harel: Le cercle de fermières.
M. Charbonneau (Pierre): Quoique, à ce moment-là,
au cercle de fermières, il peut y avoir des contributions de tiers.
Mme Harel: Oui, possiblement. Mais ça peut aussi
être leurs activités qui les amènent à se procurer,
par exemple, des métiers à tisser ou des choses comme
ça.
M. Charbonneau (Pierre): Oui. Dans ce sens-là, oui.
Mme Harel: Et, à 2267 toujours, s'il y a donc eu un apport
des tiers, là il doit y avoir une dévolution à des
organismes qui ont des objectifs semblables. Et, on ajoute, je crois, à
la fin du deuxième alinéa: S'ils sont de peu d'importance, ils
pourront l'être entre les membres. C'est ça?
M. Charbonneau (Pierre): Oui.
Mme Harel: "De peu d'importance", c'est bien relatif, ça,
j'imagine. Vous faites référence à quoi?
M. Charbonneau (Pierre): Bon, la situation qui est visée
suppose évidemment que ça soit impossible de trouver une
association, ou une fiducie, ou une personne morale qui poursuive des fins
similaires. À ce moment-là, on dit que les biens appartiennent
à l'État.
Mme Harel: Ah, d'accord. C'est juste à défaut de
pouvoir faire une dévolution à d'autres organismes semblables,
similaires.
M. Charbonneau (Pierre): Oui. Puis, évidemment, si les
biens sont vraiment de peu d'importance, assurer la dévolution de ces
biens-là à l'État, compte tenu des frais que ça
pourrait susciter...
Mme Harel: Engager.
M. Charbonneau (Pierre): Engager. Bon, dans certains cas, le peu
d'importance des biens...
Mme Harel: Trois métiers à tisser.
M. Charbonneau (Pierre): ...devrait pouvoir permettre de les
partager entre les membres. C'est un peu cette situation-là qui est
visée ici.
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Me Charbonneau.
S'il n'y a pas d'autres commentaires, les articles 2255 et 2256 sont donc
adoptés tels quels. L'article 2257 est adopté tel
qu'amendé. L'article 2258 est laissé en suspens. Les articles
2259, 2260 et 2261 sont adoptés tels quels. L'article 2262 est
laissé en suspens. Les articles 2263, 2264, 2265, et 2266 sont
adoptés tels quels. Et l'article 2267 est adopté tel
qu'amendé. Ceci termine donc le chapitre dixième.
Le chapitre onzième avait été couvert
déjà, le chapitre douzième également, le chapitre
treizième également, de même que le chapitre
quatorzième. Nous en arrivons au chapitre quinzième. Est-ce que
vous... Oui, M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, on a deux
possibilités. Comme Mme la professeure Ouellette est avec nous, on peut
très bien faire De la transaction, le chapitre dix-septième, et
on peut faire De la convention d'arbitrage. On peut faire ces deux
choses-là et terminer avec Mme Ouellette ces deux aspects-là
puisqu'elle est avec nous. Ou bien aller aux assurances tout de suite. (21
heures)
Alors, pendant que Mme Ouellette est ici avec nous, je crois comprendre
qu'on serait d'accord pour procéder sur la transaction et la convention
d'arbitrage. Alors, M. le Président, voilà ce que je propose avec
l'accord de la commission.
Mme Harel: M. le Président, je ne voudrais pas l'oublier,
alors...
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: ...je vais le mentionner immédiatement. Demain,
en fin de journée, je crois comprendre qu'à
Montréal...
Une voix: C'est jeudi.
Mme Harel: ...jeudi plus exactement, excusez-moi - alors, nous
aurons le temps d'y revenir - Me Ouellette et Me Pineau auront l'occasion de
lancer publiquement leur nouvel ouvrage. Alors, on y reviendra.
M. Rémillard: Un ouvrage conjoint?
Mme Harel: Non, distinct.
M. Rémillard: Chacun un, oui?
Le Président (M. Lafrance): Distinct.
Mme Harel: D'ailleurs, M. le Président, je vais vous
proposer, pour que ça ait le caractère le moins partisan
possible, en tant que président de notre commission parlementaire, que
nous fassions parvenir à chacun des auteurs, à leur
éditeur, toute notre appréciation pour leur travail. On pourra
mettre ça au point demain.
Le Président (M. Lafrance): J'en prends note. Alors,
j'aimerais donc vous référer au chapitre dix-septième qui
touche la question de la transaction, et je vous réfère à
la page 1059 du livre cinquième, Des obligations, qui contient les
commentaires détaillés sur les dispositions du projet de loi.
De la transaction
Permettez-moi de vous lire les propos d'introduction à ce
chapitre dix-septième. La transaction permet aux parties de mettre fin
à un procès ou de prévenir une contestation à
naître. Elle a entre les parties l'autorité de la chose
jugée et l'erreur de droit ne peut être invoquée pour en
demander la nullité.
Les dispositions de ce chapitre reprennent substantiellement le droit
actuel et ne le modifient que sous deux aspects. En effet, le projet ne retient
que les concessions réciproques pour les parties, c'est-à-dire
les unilatérales étant exclues; cette précision permettra
de distinguer nettement la transaction des autres procédures qui lui
ressemblent et confirme le caractère synallagmatique du contrat.
L'autre nouveauté introduite par ce chapitre consiste à
rendre exécutoire la transaction sur homologation. À rencontre de
l'Office de révision du Code civil qui suggérait l'abrogation de
l'article traitant de l'autorité de la chose jugée puisque le
contrat n'avait aucune force exécutoire, le projet réintroduit ce
principe de l'autorité de la chose jugée, en lui conférant
une force exécutoire sur simple homologation.
J'aimerais donc appeler les articles contenus à ce chapitre
dix-septième, soit les articles 2616 à 2622.
M. Rémillard: Oui, M. le Président, il y a une
modification qui est distribuée à l'instant même. Alors,
voilà, je lis donc cet amendement proposé, M. le
Président. Le projet est modifié par le remplacement de la
troisième ligne de l'article 2619 par le texte suivant: "pour les
mêmes causes que les contrats en général." M. le
Président, l'amendement supprime la lésion comme cause de
nullité de la transaction et opère un retour au droit actuel. En
raison de cet amendement, l'article 2619 se lirait comme suit: "L'erreur de
droit n'est pas une cause de nullité de la transaction. Sauf cette
exception, la transaction peut être annulée pour les mêmes
causes que les contrats en général."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
est-ce qu'il y a des commentaires sur ces articles du chapitre
dix-septième sur la transaction?
Mme Harel: J'aimerais qu'on puisse, M. le Président, nous
indiquer ce qui va distinguer ce chapitre dix-septième, De la
transaction, de ce qui était déjà en vigueur dans le droit
actuel.
M. Rémillard: M. le Président, je vais demander
à M. le professeur Pineau de nous faire le portrait de la situation.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
Me Pineau.
M. Pineau: Merci, M. le Président. Dans l'article 2616, on
retrouve substantiellement le contenu de l'article 1918 du Bas Canada.
Toutefois, ce qui différencie 2616 proposé de 1918 actuel, c'est
l'exigence de concessions ou de réserves réciproques alors que
1918 nous parle de concessions ou de réserves faites par l'une des
parties ou par toutes les deux. Donc, il y a là l'exigence d'une
réciprocité de concessions. C'est une différence,
effectivement, qui est assez remarquable.
Dans l'article 2617, il n'y a rien de nouveau. Même si cette
règle ne figure pas dans le Code civil du Bas Canada, tout le monde
s'entendait pour la reconnaître. 2618 reprend le droit actuel contenu
dans 1920 Bas Canada. L'article 2619, tel qu'amendé, reprend l'article
1921 Bas Canada sans modifications puisque la lésion n'était pas,
effectivement, admise. Quant à 2620, c'est la reprise substantielle de
1922 et 1923 Bas Canada. Si ce n'est que, dans 2620, la sanction est
modifiée puisque le contrat, qui n'est pas conforme aux conditions
nécessaires à la formation, n'est frappé que de
nullité relative sauf si la loi indique clairement le caractère
de la nullité. Quant à 2621, nous retrouvons la règle de
l'article 1924 Bas Canada en omettant, comme le dit le commentaire, la
dernière phrase, c'est-à-dire: Si le jugement est susceptible
d'appel, la transaction est valable. Donc, on n'a pas repris cette disposition.
Dans 2622, il s'agit d'une reformulation de l'article 1927. Donc, on reprend
très substantiellement les dispositions du Bas Canada.
Mme Harel: Je crois comprendre qu'à 2617 la Chambre des
notaires recommandait que les rapports patrimoniaux des époux puissent
aussi faire l'objet d'une transaction. Je ne sais pas. Je n'ai pas avec moi ce
rapport et personne du côté
de l'Opposition n'a le mémoire de la Chambre des notaires portant
sur ce chapitre dix-septième, mais il nous semble qu'il y avait
déjà un début d'échange sur cette question. Alors,
ne vaudrait-il pas mieux suspendre 2617?
Le Président (M. Lafrance): Alors, M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, on ne voit pas
tellement comment on pourrait transiger parce que ça voudrait dire qu'on
enlèverait, donc, tout litige à la compétence du tribunal.
Ce serait, à mon sens, assez inopportun, c'est le moins qu'on puisse
dire, mais je vais demander à M. le professeur Pineau de
compléter mes remarques si vous le permettez.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, la question a
déjà été posée aux tribunaux et, en cette
matière, la Cour d'appel a déjà répondu à
plusieurs reprises que les conventions entre époux ne pouvaient pas
faire l'objet d'une transaction, car les tribunaux ont seuls le pouvoir de
contrôler les conventions et ils entendent le conserver, même s'ils
préfèrent que les époux s'entendent. Mais, je
répète, à plusieurs reprises la Cour d'appel a
répété que ces conventions n'étaient pas des
transactions, contrairement à ce qu'ont affirmé certains juges de
la Cour supérieure.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau.
Mme Harel: Dois-je comprendre qu'au chapitre suivant,
étant donné que l'article 2624 est suspendu pour faire l'objet
d'une réflexion plus approfondie, il pourrait, par exemple, y avoir une
convention d'arbitrage sur ces rapports patrimoniaux des époux?
M. Rémillard: II faut regarder ça de près.
Ce n'est pas si clair que ça. Il faut faire bien attention parce que,
dans le domaine patrimonial des époux - on l'a suspendu, de toute
façon, on va y réfléchir - mettre de côté le
tribunal et se référer à l'arbitrage, il faut y
réfléchir, il faut voir toutes les implications de ça.
Évidemment, M. le Président, lorsqu'on parle du droit
à la liquidation du patrimoine familial et des droits patrimoniaux, tout
ça, c'est quelque chose qui, pour nous, relève de la cour, sur le
droit même. Mais, sur les montants, sur le quantum, là, on peut
penser peut-être à une autre formule. C'est pour ça qu'il
faut le suspendre et bien analyser et consulter sur cet article.
Mme Harel: Sur lequel? Sur 2624?
M. Rémillard: 2624.
Mme Harel: En fait, on y reviendra, mais, 2624, c'est, je pense
bien, la requête en jugement déclaratoire que le Barreau a
introduite sur la question des matières familiales contentieuses ou non.
Non?
M. Rémillard: Ce n'est pas tout à fait la
même chose. Je suggère, M. le Président, que nous
suspendions cet article. Il y a de quoi discuter et être très
prudent à cet article.
Mme Harel: Alors, 2624, on n'y est pas encore. C'est au chapitre
dix-huitième.
J'apprends que Me Ouellette qui nous accompagne a fait son
mémoire de maîtrise sur la transaction. Alors, on a vraiment une
expertise de première main parce que, en fait, il n'y a pas grand-chose
de changé. C'est ça qu'il faut comprendre.
M. Rémillard: On n'a pas osé.
(21 h 15)
Mme Harel: Mais, dans la perspective d'une justice
déjudiciarisée, le ministre a-t-il envisagé que la
transaction puisse être une sorte de contrat élargi par rapport
à ce qu'il permettait jusqu'à maintenant?
M. Rémillard: Dans quel domaine? En matière
familiale?
Mme Harel: Familiale.
M. Rémillard: Bien, il l'est déjà, d'une
certaine façon. Si on regarde, par exemple, au départ, à
2617: "On ne peut transiger relativement à l'état ou à la
capacité des personnes ou sur les autres questions qui
intéressent l'ordre public." C'est déjà une disposition
générale qui...
Mme Harel: C'est ça.
M. Rémillard: Alors, par cette disposition
générale là, on a l'application du domaine de la
transaction avec ses restrictions.
Mme Harel: C'est resté tel quel.
M. Rémillard: C'est resté tel quel en ce qui
regarde l'état ou la capacité des personnes. Ce n'est pas une
question qu'on peut transiger. M. le professeur Pineau voudrait
compléter mes remarques, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, la Cour suprême du
Canada, dans trois arrêts, arrêt Pelech, arrêt Richardson et
arrêt Caron, favorise la convention entre les époux, de sorte que
les époux règlent
leurs affaires entre eux et soumettent donc une convention aux
tribunaux, de sorte que les tribunaux n'aient pas à réexaminer
ces conventions dans la mesure où les époux s'entendent. La cour
est venue dire que, dès lors que les parties avaient convenu de leurs
futures relations et que ces parties avaient été assistées
d'un avocat, il n'y avait pas lieu pour la cour de réexaminer ces
conventions, sauf, a-t-elle dit, s'il y avait lésion. Bon. Mais la cour
a bien précisé que, ce faisant, elle ne se démettait pas
de son pouvoir de vérifier si la convention était conforme aux
intérêts de chacun.
Du fait même que la Cour suprême vienne nous dire: Dans
l'hypothèse où il y a lésion - et je mets "lésion"
entre guillemets, parce que ce sera bien difficile, dans la mesure où
les parties ont été assistées d'avocats, de
vérifier que l'une des parties a été lésée -
cela dit bien que la cour conserve ce pouvoir de contrôle que lui donne
de façon incontestable la Loi sur le divorce. Je pense que, si la cour
renonçait à ce pouvoir, ça serait une abdication de son
rôle.
Mme Harel: En fait, Me Pineau, oui. En plus, tant que la Loi sur
le divorce va être de compétence fédérale,
évidemment, on est dans un autre contexte là et je ne pense pas
que ça change, en tout cas, sous le régime actuel.
Alors, M. le Président, on peut procéder. Oui.
Le Président (M. Lafrance): Me Ouellette.
Mme Ouellette: Oui, M. le Président, je pense qu'on avait
quand même convenu peut-être de préciser le commentaire sous
l'article 2621, qui créait une certaine confusion. Je le note tout
simplement pour ne pas qu'on oublie de le faire éventuellement. Le
deuxième paragraphe du commentaire sous 2621, oui.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Ouellette. S'il n'y
a pas d'autres commentaires, les articles 2616, 2617 et 2618, ces trois
articles sont donc adoptés tels quels. L'article 2619 est adopté
tel qu'amendé et les articles 2620, 2621 et 2622 sont donc
adoptés tels quels. Est-ce que, M. le ministre, nous désirons
aborder le chapitre dix-huitième?
M. Rémillard: Je vais demander au président.
Le Président (M. Lafrance): Oui.
M. Rémillard: Vous êtes élu lecteur à
l'unanimité.
De la convention d'arbitrage
Le Président (M. Lafrance): Alors, chapitre
dix-huitième, donc, De la convention d'arbitrage.
Permettez-moi de vous lire les propos d'introduction. Les dispositions
de ce chapitre reprennent intégralement les articles 1926.1 à
1926.6 adoptés le 30 octobre 1986 en vertu de la Loi modifiant le Code
civil et le Code de procédure civile en matière d'arbitrage
(L.Q., 1986, chapitre 73), entrée en vigueur le 11 novembre 1986. Ces
dispositions permettent de tenir un arbitrage au Québec selon des
règles modernes, très bien adaptées aux
réalités commerciales du Québec et à celles du
reste du monde.
Les contrats contiennent de plus en plus une clause prévoyant
que, si des difficultés surviennent dans l'exécution des
obligations contractuelles, ces difficultés devront être
réglées en ayant recours à une procédure
d'arbitrage. Aussi, a-t-on jugé opportun de prévoir un
système complet de règlement des litiges par l'arbitrage.
L'arbitrage est une technique qui, comme un procès devant un
tribunal, a pour but de permettre de trouver la solution d'un litige. Son
caractère essentiel est d'octroyer aux parties une très grande
autonomie dans l'organisation et la tenue de la procédure, tout comme
l'objectif principal recherché est d'assurer l'exécution la plus
harmonieuse possible de la décision des parties d'avoir recours à
l'arbitrage.
En arbitrage, le litige est appelé "différend". Si le
différend est né, on parlera de compromis; s'il n'est
qu'éventuel, on parlera de clause compromissoire. Les parties pourront,
au choix, créer de toute pièce leurs propres règles et
organiser l'arbitrage selon leurs besoins particuliers, ou elles pourront se
référer au règlement d'arbitrage d'une des institutions
permanentes d'arbitrage ou à un règlement d'arbitrage
élaboré par une organisation internationale.
Les parties peuvent aussi s'entendre sur la question de savoir si les
arbitres devront les entendre oralement ou s'ils se satisferont d'une preuve
sur pièces. Dans le cas d'un arbitrage international ou extraprovincial,
les parties peuvent aussi convenir des règles de droit que les arbitres
devront appliquer pour trancher le différend.
Une fois rendue, la sentence doit être homologuée pour
être par la suite exécutée comme un jugement. Il est
toujours possible de s'opposer à l'homologation ou de demander
l'annulation de la sentence pour certains motifs spécifiques:
non-respect de l'ordre public, absence de capacité, non-respect des
droits des parties, excès de compétence, caractère non
arbitrable du litige.
Enfin, le champ d'application couvre tous les arbitrages, tant ceux
à caractère extraprovincial ou international que ceux qui mettent
en cause des intérêts internes ou domestiques. Le champ de
l'arbitrage n'est limité que par l'article 2624.
Alors, j'aimerais donc appeler les articles contenus à ce
chapitre dix-huitième, soit les
articles 2623 à 2628 inclusivement.
M. Rémillard: M. le Président, comme je le
mentionnais tout à l'heure, nous aimerions suspendre 2624. Il n'y a pas
d'amendement.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a des commentaires touchant ces articles? Ça va? Donc, l'article
2623 est adopté tel quel, l'article 2624 est laissé en suspens et
les articles 2625 à 2628 inclusivement sont adoptés tels quels.
Alors, à ce stade-ci, M. le ministre, est-ce que nous désirons
revenir en arrière, au chapitre quinzième, Des assurances,
ou...
M. Rémillard: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Oui?
M. Rémillard: Oui, s'il vous plaît, M. le
Président. Je crois que c'est ça qui est convenu.
Le Président (M. Lafrance): Je vous réfère
donc au texte d'introduction à ce chapitre quinzième qui touche
la question des assurances. Le texte est contenu à la page 809, toujours
du livre V, Des obligations.
M. Rémillard: II faut bien qu'il y ait des petites
compensations. C'est tellement épouvantable d'être ministre que je
vous comprends de demeurer où vous êtes.
Mme Harel: Ha, ha, ha! C'est pour ça que vous ne voulez
pas changer de place?
M. Rémillard: Je ne veux pas changer de place.
Mme Harel: Vous êtes masochiste, alors. M.
Rémillard: Ah oui!
Des assurances
Le Président (M. Lafrance): Alors, permettez-moi de vous
lire lentement le texte d'introduction à ce chapitre quinzième
qui touche la question des assurances. Le chapitre quinzième contient
les règles applicables au contrat d'assurance. La section I de ce
chapitre énonce les dispositions générales s'appliquant,
pour la plupart, autant au contrat d'assurance terrestre qu'au contrat
d'assurance maritime. La section II édicté les règles
particulières à l'assurance de personnes et la section III,
celles relatives à l'assurance de dommages. La section IV regroupe les
règles applicables à l'assurance maritime.
En assurance terrestre, soit aux sections I, II et III du chapitre, le
nouveau Code n'apporte aucun bouleversement aux règles actuelles, car
cette partie du Code civil du Bas Canada a fait l'objet d'une réforme
majeure en 1974. Malgré tout, plusieurs des articles
insérés en 1974 ont été revus, soit pour
préciser le sens à donner à certaines règles, soit
pour codifier la jurisprudence élaborée depuis la mise en vigueur
de cette réforme, en 1976. Des articles nouveaux sont également
introduits pour accentuer la portée des principes ayant
présidé à l'adoption de cette réforme.
En fait, généralement, les modifications apportées
aux règles existantes et les nouvelles règles proposées
ont pour but de protéger davantage la victime d'un dommage, qu'il
s'agisse de l'assuré lui-même, d'un tiers ou des
bénéficiaires d'une assurance de personnes. Le contrat
d'assurance constitue une protection importante du patrimoine des individus
dans notre société et, pour favoriser cette protection, certaines
des nouvelles règles tendent vers une meilleure information de
l'assuré quant à la nature et à l'étendue de ses
obligations et de sa couverture d'assurance. Le projet tient compte de la
nature même du contrat d'assurance terrestre qui, dans les faits,
constitue le plus souvent un contrat d'adhésion dont la lecture et la
compréhension exigent une connaissance technique, soit des règles
de droit applicables, soit des règles de mutualité ou
d'évaluation des risques. Or, il s'agit là de connaissances
spécialisées pour le consommateur moyen et le projet compose avec
cet élément.
En assurance maritime, soit la section IV du chapitre, le nouveau Code
civil apporte des modifications majeures au texte des articles du Code civil
actuel. Le contrat d'assurance maritime n'a pas fait l'objet d'une
révision en profondeur en 1974. Seules des modifications ponctuelles de
concordance ont alors été apportées à cette
matière.
Le nouveau Code civil codifie les règles prévues à
la loi anglaise de 1906 sur l'assurance maritime, comme le suggéraient
l'Office de révision du Code civil et les spécialistes en ce
domaine. Cette loi constitue un modèle de législation, autant
dans les autres législations provinciales que dans bon nombre de
juridictions étrangères. Ce modèle propose des
règles qui, même si elles sont presque toujours supplétives
de la volonté des parties, constituent généralement le
support de la plupart des contrats émis dans ce secteur
d'activité, même au Québec. D'ailleurs, pour cette raison,
on peut sans aucun doute affirmer que le Code civil du Québec n'innove
pas dans ce domaine, car, même si ces règles n'ont pas
été codifiées jusqu'ici, elles sont bien connues et
largement appliquées en droit actuel. (21 h 30)
II faut également souligner que la marge législative du
Québec en assurance maritime est limitée. La tendance de la Cour
suprême du Canada, exprimée dans quelques jugements ré-
cents, est de considérer l'assurance comme partie du droit
maritime et le droit maritime, en général, comme inclus dans la
compétence fédérale sur la navigation et les
expéditions par eau.
Néanmoins, outre que ces décisions pourront faire l'objet
de distinctions, il demeure que certains transports maritimes locaux peuvent
être touchés par le droit québécois. Pour ce motif,
le Québec peut légiférer dans ce domaine et, en adoptant
des règles législatives inspirées du même
modèle que celles adoptées par les autres provinces canadiennes,
il assure une uniformisation qui est souhaitable dans ce secteur du droit.
Dispositions générales
Alors, j'aimerais appeler les articles de la section I, à ce
chapitre quinzième, qui touche les dispositions générales
et, en particulier, De la nature du contrat et des diverses espèces
d'assurance, soit les articles 2374 à 2382 inclusivement.
De la nature du contrat et des diverses espèces
d'assurance
M. Rémillard: M. le Président, nous aimerions
suspendre l'article 2376 pour plus de consultation et d'analyse, de même
que 2377. Il y aurait un amendement à l'article 2378 qui serait
modifié par l'ajout, à la fin du deuxième alinéa,
de ce qui suit: "Cependant, les règles du présent chapitre sur
l'insaisissabilrté s'y appliquent par priorité."
M. le Président, cet amendement reprend le droit actuel et permet
aux rentes pratiquées par les assureurs de conserver le
bénéfice des règles sur l'insaisissabilité
prévues pour les assurances sur la vie. En raison de cet amendement,
l'article 2378 se lirait comme suit: "L'assurance sur la vie garantit le
paiement de la somme convenue, au décès de l'assuré; elle
peut aussi garantir le paiement de cette somme du vivant de l'assuré,
que celui-ci soit encore en vie à une époque
déterminée ou qu'un événement touchant son
existence arrive. "Les rentes viagères ou à terme,
pratiquées par les assureurs, sont assimilées à
l'assurance sur la vie, mais elles demeurent aussi régies par les
dispositions du chapitre De la rente. Cependant, les règles du
présent chapitre sur l'insaisissabilité s'y appliquent par
priorité."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Je
pense qu'il y une faute. Vous l'avez bien prononcé, mais je pense qu'il
est mal écrit.
M. Rémillard: Oui. Il y a des "sissi" et puis c'est
"sissa".
Mme Harel: Ce n'est pas l'impératrice.
M. Rémillard: C'est ça.
Le Président (M. Lafrance): Alors, c'est donc là le
seul amendement, M. le ministre?
M. Rémillard: C'est ça, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce qu'il y a des
commentaires touchant ces articles 2374 à 2382 inclusivement?
Mme Harel: II y a une question, évidemment, qui se trouve
à être suspendue. C'est celle de l'assurance des dommages dans sa
forme collective. Je veux bien m'assurer qu'en ayant suspendu 2376 et 2377 nous
nous trouvons à avoir vraiment référé pour
discussion ultérieure tout ce qui concerne cette question de l'assurance
des dommages dans sa forme collective. C'est le cas, oui?
Une voix: C'est ça.
M. Rémillard: C'est exactement le but de la
suspension.
Mme Harel: Le ministre a-t-il reçu les diverses
représentations...
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: ...qui ont été faites jusqu'à
maintenant, tant par la société d'assurance
générale...
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: ...par la CEQ, la Centrale de l'enseignement du
Québec, par la Centrale des syndicats démocratiques, par le
ministère des institutions financières...
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: ...par les courtiers d'assurances également?
Est-ce que les institutions financières ont fait parvenir un commentaire
écrit au ministre sur ces sections relatives aux assurances?
M. Rémillard: Non. Il n'y a pas eu de commentaire formel,
mais des consultations et des commentaires nous ont été faits
d'une façon informelle.
Mme Harel: Effectivement, ça nous intéresse
beaucoup de comprendre ce qui a pu amener le ministre à introduire une
disposition comme celle qu'on retrouvait dans le projet de loi 125
initialement. Est-ce qu'il y a eu des études techniques qui ont permis
d'évaluer les effets sur le marché des assurances, par exemple,
sur la taille des assureurs, etc.? Est-ce que le ministre
a pu bénéficier d'une information, d'un éclairage
qui pourrait nous être utile?
M. Rémillard: On a bénéficié,
d'abord, de représentations, comme vous l'avez mentionné tout
à l'heure - je pense que vous avez eu les mêmes ou à peu
près - de consultations que nous avons faites au point de vue
gouvernemental, mais nous sommes toujours au stade des consultations.
Mme Harel: C'est ça. Alors, il faut comprendre, donc,
qu'il n'y a pas d'étude sur, par exemple, la question du
déplacement...
M. Rémillard: Non, je n'ai pas eu d'étude.
Mme Harel: ...possible de l'activité financière qui
provient de l'industrie de l'assurance ou d'autres questions comme
celle-là.
M. Rémillard: Non, pas à ma connaissance.
Mme Harel: C'est ça. Il semble que le
fédéral s'apprête, incessamment, à modifier la Loi
sur les banques pour permettre, justement, aux banques d'envahir ce
champ-là de pratique.
M. Rémillard: Bien, c'est tous ces aspects-là que
je crois nécessaires et on va rassembler toutes les informations
nécessaires pour pouvoir y revenir un peu plus tard.
Mme Harel: Je souhaiterais, de bonne foi, dire au ministre que
tout ce qu'il peut obtenir comme éclairage sur cette question... Parce
que ni lui ni nous ne souhaitons jouer aux apprentis sorciers, n'est-ce pas?
Alors, si nous pouvions avoir le plus d'information possible, vraiment nous
l'apprécierions.
M. Rémillard: Vous savez à quel point je collabore
avec vous, comme je sais à quel point vous collaborez avec moi.
Mme Harel: Hum, hum. M. Rémillard: Hum, hum.
Mme Harel: Ça reste énigmatique, tout ça,
là. Ha, ha, ha!
M. Rémillard: Vous avez fait "hum, hum", j'ai fait "hum,
hum".
Mme Harel: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lafrance): Pour les fins du Journal
des débats...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lafrance): ...je vous demanderais
d'être plus clairs.
Mme Harel: Ma collègue, la députée de
Terrebonne, d'ailleurs, me transmet une excellente question au ministre,
à savoir s'il entend nous offrir une collaboration de même ordre
pour le Sommet de la justice.
M. Rémillard: Je pense que, pour moi, dans la même
perspective que la justice se situe dans une ligne non partisane et de par les
éléments de collaboration que nous établissons ici, cela
pourra nous amener à établir des lignes semblables de
collaboration à d'autres niveaux.
Mme Harel: Alors, je vais attendre une réponse à ma
question quand on aura terminé la troisième lecture?
Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres
commentaires, les articles 2374 et 2375 sont donc adoptés tels quels.
L'article 2376 est laissé en suspens, de même que l'article 2377.
Les articles 2378 à 2382 sont adoptés tels quels. J'aimerais
maintenant appeler les articles qui touchent la question de la formation et du
contenu du contrat, soit les articles 2383 à 2392 inclusivement.
De la formation et du contenu du contrat
M. Rémillard: M. le Président, il y aurait deux
articles de suspendus, 2385 et 2390, et nous aurions un amendement que je vous
lis, M. le Président. Le deuxième alinéa de l'article 2387
est remplacé par le suivant: "Est aussi réputée non
écrite la clause de la police par laquelle l'assuré consent en
faveur de son assureur, en cas de sinistre, une cession de créance qui
aurait pour effet d'accorder à ce dernier plus de droits que ceux que
lui confèrent les règles de la subrogation."
M. le Président, l'amendement proposé permet de
préciser le sens de cette disposition et d'appliquer cette nouvelle
règle à un bon nombre de clauses couramment utilisées en
assurance terrestre. Ainsi, les clauses qui figurent dans plusieurs contrats et
en application desquelles l'assureur pourrait se faire rembourser son
indemnité par le tiers responsable du dommage, avant ou au même
rang que l'assuré, pour ses propres dommages non indemnisés
seront interdites. En raison de cet amendement, l'article 2387 se lirait comme
suit: "En matière d'assurance terrestre, est réputée non
écrite la clause générale par laquelle l'assureur est
libéré de ses obligations en cas de violation de la loi, à
moins que cette violation ne constitue un acte criminel. "Est aussi
réputée non écrite la clause de la police par laquelle
l'assuré consent en faveur de son assureur, en cas de sinistre, une
cession de créance qui aurait pour effet d'accorder à ce
dernier plus de droits que ceux que lui confèrent les
règles de la subrogation."
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre.
Je ne suis pas certain d'avoir bien compris. Vous avez dit suspendre les
articles 2385 et 2386 ou 2390?
M. Rémillard: Excusez-moi, j'ai mal prononcé.
2390.
Le Président (M. Lafrance): L'article 2390. Vous avez, je
pense, bien prononcé, c'est moi qui me fais dur d'oreille, à
cette heure.
M. Rémillard: Vous êtes trop gentil, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Alors, est-ce qu'il y aurait
des commentaires sur ces articles 2383 à 2392 inclusivement?
Mme Harel: À l'article 2385, en fait, le BAC, le Bureau
d'assurance du Canada, a déposé un mémoire très
substantiel sur l'ensemble de ce chapitre, mais en particulier sur les
divergences entre la proposition d'assurance et la police, donc ce qu'on peut
retrouver à l'article 2385; il y a le Barreau également qui a
fait des représentations au même effet. Donc, je crois comprendre
que les articles 2385 et 2390, qui traitent de la réduction de
couverture et du renouvellement, sont suspendus. Le seul amendement introduit
est donc à l'article 2387. C'est bien ça?
Le Président (M. Lafrance): C'est ça, oui.
Mme Harel: À l'article 2387, le deuxième
alinéa était de droit nouveau, n'est-ce pas? Ça n'existe
pas, je crois, actuellement, dans notre droit.
M. Rémillard: Je vais demander à Me Pineau, si vous
voulez, M. le Président, de faire le commentaire.
Le Président (M. Lafrance): Alors, Me Pineau.
M. Pineau: Effectivement, M. le Président, cette
disposition, ce deuxième alinéa de l'article 2387 est du droit
nouveau par rapport à la législation actuelle. Ce que dit la
proposition d'amendement à l'article 2387 signifie tout simplement que
l'assureur qui est subrogé dans les droits de l'assuré, de celui
qu'il a indemnisé, ne peut pas recevoir plus que ce qu'il a
versé, n'est-ce pas, à l'assuré. La subrogation est
essentiellement un paiement, n'est-ce pas, et le créancier
subrogé ne peut pas recevoir plus que ce qu'il a payé,
contrairement à ce qui se passe dans le cas d'une cession de
créance, où le cessionnaire peut effectivement réclamer
plus qu'il n'a payé au créancier cédant.
Mme Harel: Oui. C'est une excellente disposition.
M. Pineau: C'est toute la différence entre une
subrogation, précisément, qui est un paiement, et une cession de
créance qui est une vente de créance avec un caractère
habituellement spéculatif.
Mme Harel: À l'article 2389, il s'agit d'une reformulation
du droit actuel, je crois. Est-ce qu'il y a un élargissement ou si
ça n'est qu'une reformulation?
M. Pineau: Je pense, M. le Président, que c'est exactement
la disposition du droit actuel, mais formulée de nouvelle
manière. C'est l'article 2502 du Bas Canada. "L'assureur ne peut
invoquer que les exclusions ou les clauses de réduction de la garantie
qui sont clairement indiquées sous un titre approprié." C'est
tout simplement une formulation nouvelle de l'article 2502.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau. Mme la
députée de Terrebonne. (21 h 45)
Mme Caron: Oui, M. le Président. Un commentaire de la
Commission des services juridiques attirait mon attention, concernant l'article
2383. On nous faisait part dans ce commentaire que l'article 2468 de
l'avant-projet de loi prévoyait qu'en assurance terrestre la police en
vigueur immédiatement avant le renouvellement constituait la proposition
du preneur. On nous disait que cette disposition-là avait pour effet de
forcer l'assureur à aviser l'assuré de l'expiration du contrat
puisqu'il y a presque toujours des modifications sur les primes exigées.
J'aimerais savoir pourquoi cette recommandation qui existait dans
l'avant-projet n'existe plus.
M. Pineau: Je crois, M. le Président, que l'article 2468
de l'avant-projet a été mal interprété.
L'alinéa envisagé existait simplement pour signaler à
l'assuré les modifications qui avaient été
apportées à son contrat lors du renouvellement et non point pour
le prévenir de la fin de son contrat. On ne peut pas obliger les
assureurs à prévenir systématiquement leurs assurés
de la fin de leur contrat. Ce serait certainement exorbitant, non
justifié dans un pareil secteur.
Mme Caron: C'était donc une mauvaise interprétation
de l'article 2468?
M. Pineau: Semble-t-il, M. le Président. L'article 2383
est le droit actuel, n'est-ce pas. C'est la reprise de l'article 2476.
Mme Caron: Je vous remercie, Me Pineau.
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Mme la
députée de Terrebonne. S'il n'y a pas d'autres commentaires
touchant ces articles, les articles 2383 et 2384 sont donc adopté tels
quels; l'article 2385 est laissé en suspens; l'article 2386 est
adopté tel quel; l'article 2387 est adopté tel qu'amendé;
les articles 2388 et 2389 sont adoptés tels quels; l'article 2390 est
laissé en suspens; les articles 2391 et 2392 sont donc adoptés
tels quels. J'aimerais maintenant appeler les articles qui touchent les
questions des déclarations et engagements du preneur en assurance
terrestre, soit les articles 2393 à 2398 inclusivement.
Des déclarations et engagements du preneur en
assurance terrestre
M. Rémillard: Alors, M. le Président, nous
aimerions suspendre l'article 2394 et il n'y a pas d'amendement.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
est-ce qu'il y aurait des commentaires touchant ces articles?
Mme Harel: À 2393, M. le Président, je me
réfère au commentaire que le Bureau d'assurance du Canada faisait
dans son mémoire présenté devant la commission. Le BAC
constate, d'une part, que le concept de l'assureur raisonnable qui avait
été proposé dans l'avant-projet a été
éliminé, mais que l'expression "influencer de façon
importante un assureur" de la loi actuelle a été retenue. En
fait, l'essentiel de l'argumentation du BAC tient au fait que, dans la
formulation de 2393, on fait obligation au preneur, de même qu'à
l'assuré, si l'assureur le lui demande, "de déclarer toutes les
circonstances connues de lui qui sont de nature à influencer de
façon importante un assureur."
Le BAC développe toute une argumentation à l'effet de
remplacer "un" assureur par "('"assureur. Alors, on voit quelle importance peut
avoir un article défini en regard d'un article indéfini puisque
le BAC ajoute: II est déraisonnable et foncièrement injuste
d'exiger que les décisions et les pratiques d'un assureur soient
appréciées à la lumière de celles de ses
concurrents. Par conséquent, l'obligation de l'assuré de
déclarer des circonstances qui sont relatives à son risque
devrait toucher celles qui sont strictement pertinentes aux pratiques de
commerce de l'assureur avec qui il fait affaire, en autant que celles-ci ne
sont pas abusives ni contraires aux autres dispositions de la loi.
Alors, c'est donc tout simplement, à la troisième ligne de
l'article 2393, le remplacement de "un" par "I"', qui vient malgré tout
changer profondément le sens de l'article tel que rédigé
puisque, tel que rédigé, l'assuré "est tenu de
déclarer toutes les circonstances connues de lui qui sont de nature
à influencer [...] un assu- reur - c'est-à-dire l'industrie, si
vous voulez, dans le fond, de l'assurance - dans l'établissement de la
prime, l'appréciation du risque ou la décision de l'accepter",
plutôt que cette obligation de déclarer les circonstances de
nature à influencer de façon importante son assureur dans
l'établissement de la prime, etc.
Alors, j'aimerais connaître le point de vue du ministre sur cette
formulation qui a été retenue telle quelle, compte tenu du
mémoire du BAC et du mémoire du Barreau au même effet,
d'ailleurs.
M. Rémillard: Excusez-moi...
Mme Harel: Du mémoire du Barreau qui est au même
effet que...
M. Rémillard: Le Bureau d'assurance du Canada.
Mme Harel: ...le Bureau d'assurance du Canada. C'est une
recommandation similaire.
M. Rémillard: Votre conclusion, c'est?
Mme Harel: J'aimerais connaître le point de vue du ministre
sur le maintien de la formulation telle qu'initialement proposée.
M. Rémillard: Ce que nous propose le Bureau d'assurance du
Canada - est-ce que le Barreau propose la même chose? Il faudrait le
vérifier - c'est de passer d'un critère objectif comme nous avons
présentement, je veux dire, un assureur, à un critère
subjectif, l'assureur concerné. Alors, si on accepte le principe du
critère subjectif, c'est donc dire que c'est un peu en fonction de
chaque cas, c'est-à-dire de la réalité qui se passe dans
un cas de l'assureur-assuré, et de voir si, dans ce cas-là,
l'assureur concerné était au courant. Alors, c'est beaucoup plus
subjectif, c'est plus restrictif aussi que se référer au
critère objectif de "un assureur", c'est-à-dire ce qui, en
règle générale, serait en fonction d'un assureur d'une
façon générique. Je vais demander à Me Pineau,
à M. le professeur Pineau, de faire ses commentaires, si vous le
permettez, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui. Merci, M. le ministre.
Alors, Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, l'article 2485 du Bas Canada
réfère à un assureur raisonnable. Le Barreau
réclame, demande que l'on revienne à cette disposition de
l'article 2485 Bas Canada. C'est un critère objectif. Ce que demande le
BAC, c'est un critère subjectif. Dans 2393, on réfère
à un assureur qui, effectivement, renvoie à la notion du
critère objectif, en définitive. La seule différence,
c'est qu'on a enlevé le qualificatif "raisonnable".
M. Rémillard: En fait, c'est que le Barreau... Mme
Harel: C'est ça.
M. Rémillard: ...voudrait qu'on mette un assureur
raisonnable. Mais, c'est une simple question de terminologie aussi. Si on parle
d'un assureur, on présume qu'il est raisonnable. Pourquoi faudrait-il
dire "un assureur raisonnable"? Est-ce que ça voudrait dire qu'on
pourrait se référer à un assureur qui serait
déraisonnable?
Mme Harel: Parce que, nous dit le Barreau, c'est un
critère qui jouit d'une longue application jurisprudentielle.
Effectivement, dans son mémoire, le Barreau invite le législateur
à ajouter, à la troisième ligne, le mot "raisonnable"
après le mot "assureur". C'est un critère objectif, ça. Je
pense que le commentaire du Barreau donne raison au ministre. Mais on devrait
revenir au critère de l'assureur raisonnable puisque c'est là un
critère qui a connu une application jurisprudentielle.
M. Rémillard: En fait, la situation, M. le
Président...
Mme Harel: Ce n'est pas la même chose de dire un assureur
indéfini ou de dire un assureur raisonnable.
M. Rémillard: Écoutez, M. le Président, la
situation est celle-ci. Ou bien on garde la terminologie d'un assureur
raisonnable, on met le mot "raisonnable" et, à ce moment-là, les
gens de la langue française et, je pense, les juristes vont vous dire
qu'on n'a pas besoin de mettre "raisonnable" parce que, lorsqu'on se
réfère à un assureur, on se réfère
automatiquement au critère, à l'assureur. Donc, c'est l'assureur
qui est raisonnable comme tel.
Si on met ce mot "raisonnable" pour l'assureur, il va falloir refaire
ensuite tout le Code civil pour revoir si toutes ces relations qu'on fart en
fonction de la responsabilité sont faites en fonction de la
rationalité et du critère "raisonnable". Ce serait
peut-être un petit peu difficile. Or, M. le Président, de par les
consultations que nous avons menées, les légistes ici, la
conclusion est que l'assureur, ça comprend le critère de
rationalité et qu'on n'a pas besoin de le dire, même s'il y a eu
une jurisprudence sur le mot "raisonnable". C'est comme le bon père de
famille, il y a eu une grande jurisprudence sur le bon père de famille.
On a enlevé cette expression-là dans le droit civil et ça
n'a pas changé et ça ne changera pas grand-chose.
Les tribunaux vont tout simplement se référer aux
mêmes critères, à la même perception sociale qu'ils
peuvent avoir.
Mme Harel: M. le Président, je ferai valoir au ministre
que, dans bon père de famille, on prenait soin de spécifier, de
qualifier "bon" avant "père de famille". Ça n'allait pas de
soi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: Trois cloches.
Le Président (M. Lafrance): Oui, madame.
Mme Harel: Là, je crois comprendre que l'expression "bon
père de famille" est remplacée par "personne".
M. Rémillard: Mme Longtin vient de me dire que, si on
avait pris le critère de mère de famille, on n'aurait pas eu
besoin de mettre "bon". C'est une remarque qui n'a pas été
validée par la Cour suprême du Canada.
Mme Harel: Avez-vous des études à ce
sujet-là?
Le Président (M. Lafrance): Oui. Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Sur le même
article 2393, dans les recommandations de la Commission des services juridiques
toujours, on s'étonnait de la disparition du deuxième
alinéa qui était dans l'avant-projet, à l'article 2478,
parce que, dans la formulation telle quelle, en fait, le poids repose sur
l'assuré, sur le preneur parce que c'est lui qui doit deviner les
questions qui pourraient être pertinentes, alors qu'on a enlevé le
poids à l'assureur.
Dans l'avant-projet, on ajoutait: "L'assureur est, pour sa part, tenu,
sauf quant aux circonstances inhabituelles ou anormales, de poser des questions
spécifiques au preneur sur les circonstances reliées au risque
qu'il estime importantes." Pourquoi a-ton jugé bon de faire
disparaître ce deuxième alinéa qui partageait les
responsabilités?
Le Président (M. Lafrance): Alors, M. le ministre, en vous
rappelant qu'il nous reste moins de deux minutes à notre temps, tel que
convenu.
Mme Harel: À 2393, M. le Président, compte
tenu...
Le Président (M. Lafrance): Je pense que Mme la
députée de Terrebonne...
Mme Harel: Ah, excusez-moi.
Le Président (M. Lafrance): ...a adressé une
question à M. le ministre.
Mme Harel: Je m'attendais à ce qu'il y réponde
avant la fin de nos travaux.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce que vous désirez
répondre, M. le ministre? Ou Me Pineau?
M. Rémillard: Me Pineau va répondre, si vous le
permettez, M. le Président.
M. Pineau: Oui. M. le Président, le deuxième
alinéa de 2478 de l'avant-projet disait: "L'assureur est, pour sa part,
tenu, sauf quant aux circonstances inhabituelles ou anormales, de poser des
questions spécifiques au preneur sur les circonstances reliées au
risque qu'il estime importantes." Effectivement, on a fait remarquer que cette
règle risquait de poser de graves difficultés pratiques
relativement, notamment, aux chartes, n'est-ce pas, qui empêchent un
assureur de poser certaines questions qui pourraient consister en une atteinte
à la vie privée.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau.
Mme Harel: M. le Président, à 2393, compte tenu des
réponses apportées par le ministre, il serait sûrement
utile de modifier le commentaire de façon à ce que ce soit bien
spécifié que, sous une formulation nouvelle, c'est la
règle de droit bien connue du critère de l'assureur raisonnable
qui prévaut.
M. Rémillard: C'est justement ce que je disais tout
à l'heure avec M. le professeur Pineau. J'ai oublié de le
mentionner, M. le Président, mais ça paraît
nécessaire de revoir le commentaire. D'ailleurs, je redis ce que nous
avons dit, que, dès le début de janvier, on doit revoir tous les
commentaires. Après l'acceptation en Chambre, il faut ensuite qu'on
revoie tous les commentaires avec l'aide des experts et tout. Donc,
après l'adoption, il reste que les commentaires devraient être
revus avant d'aborder même la loi d'application, qui va nous amener aussi
à revoir certains aspects. Alors, tout ça doit être fait
dans une perspective globale.
Mme Harel: Et vous avez toujours l'intention de conférer
un caractère . officiel à ces commentaires en les déposant
à l'ouverture de la session ou, en tout cas, autour de l'ouverture de
mars?
M. Rémillard: C'est ça. Dès qu'on aura
refait les commentaires, mais qu'on s'assure bien que les commentaires, c'est
vraiment l'intention du législateur. Par leur caractère officiel,
c'est important qu'on puisse prendre toutes les dispositions pour en être
sûrs.
Mme Harel: On va interrompre ici parce que j'aurais d'autres
questions sur d'autres articles.
Le Président (M. Lafrance): Pardon? Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Oui.
Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, donc...
Mme Harel: On va ajourner parce que je vais avoir d'autres
questions sur ces articles.
Le Président (M. Lafrance): Vous avez d'autres questions
sur ces articles. Avant d'ajourner ou de vous demander si vous avez des
commentaires de fin de séance, j'aimerais vous préciser que nous
avons convenu de nous réunir demain, le 20 novembre, à
l'édifice Pamphile-Le May, à la salle 1.38, à compter de 9
h 30.
Alors, est-ce qu'il y aurait des commentaires de fin de séance
avant d'ajourner?
Mme Harel: On est vraiment les derniers, si vous voulez, dont on
s'occupe.
M. Rémillard: Vraiment, M. le Président, on va
faire des représentations. Dans cette salle-là, c'est vraiment
difficile, mais enfin! Je me permets de faire ces commentaires-là.
Alors, à 9 h 30, on est là; on siège aussi demain
après-midi?
Le Président (M. Lafrance): Oui, suite à la
confirmation, évidemment, qu'on aura en Chambre.
M. Rémillard: Tout de suite après la période
des questions, M. le Président, je suis disponible. On peut donc faire
des arrangements entre l'Opposition et nous.
Mme Harel: En Chambre peut-être?
M. Rémillard: Oui. Et demain soir, nous siégeons
aussi.
Le Président (M. Lafrance): Demain soir aussi, oui.
M. Rémillard: Parfait.
Le Président (M. Lafrance): Alors, sur ce, j'aimerais
déclarer nos travaux ajournés pour aujourd'hui.
(Fin de la séance à 22 h 4)