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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 18 septembre 1991 - Vol. 31 N° 11

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 125, Code civil du Québec


Journal des débats

 

(Quatorze heures vingt-deux minutes)

Le Président (M. Lafrance): Messieurs, mesdames, bonjour. Je réalise que nous avons le quorum. Alors, j'aimerais déclarer cette séance de travail ouverte en vous rappelant le mandat de notre commission qui est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 125, Code civil du Québec. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements à annoncer?

La Secrétaire: Non, M. le Président. Il n'y a aucun remplacement.

Le Président (M. Lafrance): Merci. J'aimerais vous rappeler l'horaire pour aujourd'hui, soit jusqu'à 18 h 30, alors que nous allons arrêter pour souper, pour reprendre de 20 heures à 22 heures. On m'informe par ailleurs que nous avons à date consommé 40 heures et 26 minutes à nos travaux. Est-ce qu'il y aurait des remarques d'ouverture? Sinon, lorsque nous avons ajourné, je pense, nous étions à l'article 1169 que nous avons suspendu, et l'article suivant que j'aimerais appeler est l'article 1193. Je pense qu'on avait déjà lu un amendement à cet article, n'est-ce pas, 1193, qui traite de l'emphytéose? L'article 1169 avait été suspendu...

M. Rémillard: M. le Président, peut-être que je pourrais me permettre de suggérer à cette commission que nous puissions continuer où nous avons interrompu nos travaux hier soir et, tout de suite quand on terminera les biens, on reviendra sur les articles qui ont été suspendus. Ça peut être plus facile; pour donner le temps aussi au secrétariat de fonctionner, et tout et tout. Alors, je crois qu'on était rendus au titre sixième, de certains patrimoines d'affectation.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Mais moi, j'avais un article qui avait été suspendu, le 1193. Je ne sais pas si vous voulez en discuter maintenant. On l'avait suspendu lorsque vous vous étiez absenté, je pense, M. le ministre, pour quelques minutes; il avait été laissé en suspens. Est-ce que vous désirez en discuter tout de suite ou, comme vous voulez, on peut reprendre avec l'article 1254?

M. Rémillard: Je le préférerais, M. le Président, pour donner au secrétariat tout le temps et que toute la machine fonctionne, parce qu'il y a avec nous une machine administrative. Aussi, je veux rendre hommage à nos secrétaires, comme à nos experts qui se rencontrent et qui font ces amendements. Alors, j'aimerais mieux que l'on procède à partir d'où on s'est arrêtés hier et qu'on puisse revenir après, quand nous aurons terminé les biens, sur les articles suspendus.

Le Président (M. Lafrance): Certainement. Il y a consentement? Ça va? J'aimerais donc appeler l'article 1254. Tous ces articles avaient été suspendus, de 1254 à 1295 inclusivement.

Des biens

De certains patrimoines d'affectation (suite) M. Rémillard: 1254 à...

Le Président (M. Lafrance): 1295, inclusivement.

M. Rémillard: Ça a été suspendu?

Le Président (M. Lafrance): Oui. Titre sixième.

M. Rémillard: C'est ça. Là maintenant, nous allons l'aborder, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): C'est tout le titre sixième.

M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Je vois que nous avons un amendement ici à 1260. J'aimerais donc appeler les articles 1254 à 1260, inclusivement...

M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Lafrance):... avec l'amendement, si vous voulez bien nous le préciser, s'il vous plaît.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Article 1260. L'article 1260 est modifié, premièrement, en suprimant, à la deuxième ligne, les mots ", par jugement" et, deuxièmement, en ajoutant, à la fin, la phrase suivante: "Elle peut aussi, lorsque la loi l'autorise, être établie par jugement. "

M. le Président, l'amendement proposé a pour but de limiter les fiducies établies par jugement aux cas prévus par la loi. On évite ainsi que tout jugement puisse donner lieu à une fiducie implicite. En raison de ces amendements, l'article 1260 se lirait comme suit: "La fiducie est établie par contrat, à titre onéreux ou gratuit, par testament ou, dans certains cas, par la loi. Elle peut aussi, lorsque la loi l'autorise, être établie par jugement. "

Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce qu'il y a des commentaires sur ces articles 1254 à 1260 inclusivement, incluant l'amendement lu? Ça va? Alors donc, les articles 1254 à 1259 inclusivement sont adoptés tels quels et l'article 1260 est adopté avec amendement. J'aimerais appeler les articles 1261, 1262 et 1263. Je pense qu'il y a un amendement de proposé à l'article 1263.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'amendement est le suivant: "Les fiducies sont constituées à des fins personnelles, ou à des fins d'utilité privée ou sociale. "Elles peuvent, dans la mesure où une mention indique qu'il s'agit d'une fiducie, être Identifiées sous le nom du disposant, du fiduciaire ou du bénéficiaire ou, si elles sont constituées à des fins d'utilité privée ou sociale, sous un nom qui indique leur objet. "

M. le Président, l'amendement proposé vise, d'une part, à faire ressortir plus clairement qu'il y a trois catégories de fiducie et, d'autre part, il prévoit que la fiducie puisse être identifiée sous un nom pour faciliter l'application du régime, notamment lorsqu'il y a fiducies multiples. En raison de cet amendement, l'article 1263 se lirait comme suit: "Les fiducies sont constituées à des fins personnelles, ou à des fins d'utilité privée ou sociale. "Elles peuvent, dans la mesure où une mention indique qu'il s'agit d'une fiducie, être identifiées sous le nom du disposant, du fiduciaire ou du bénéficiaire ou, si elles sont constituées à des fins d'utilité privée ou sociale, sous un nom qui indique leur objet. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, est-ce qu'il y a des commentaires sur ces articles 1261, 1262 et 1263 tel qu'amendé?

Mme Harel: Ça va.

Le Président (M. Lafrance): Ça va? Alors, les articles 1261, 1262 sont adoptés tels quels et l'article 1263 est adopté tel qu'amendé. J'aimerais appeler maintenant les articles 1264 à 1268 inclusivement, et je pense que nous avons un amendement de proposé à 1268.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, l'article 1268 du projet est modifié par le remplacement, à la première ligne du deuxième alinéa, du mot "transmissions" par le mot "accroissements".

Il est plus juste de parler d'accroissements et le même amendement a été proposé à l'article 121 M. le Président. En raison de cet amendement, l'article 1268 se lirait comme suit: "La fiducie personnelle constituée au bénéfice de plusieurs personnes successivement ne peut comprendre plus de deux ordres do bénéficiaires des fruits et revenus, outre celui du bénéficiaire du capital; elle est sans effet à l'égard des ordres subséquents qui y seraient visés. "Les accroissements, entre les cobénéficiaires des fruits et revenus d'un même ordre, ont lieu de la même façon qu'entre cogrevés du même ordre en matière de substitution. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Me Frenette.

M. Frenette (François): M. le Président, c'est plutôt une information. Je n'arrive pas à retracer un document qui a fait l'objet d'échanges entre les experts de part et d'autre concernant la fiducie d'utilité privée et établie notamment à titre onéreux. Je me demande simplement si l'expertise de l'autre côté pourrait me transmettre le document pour éviter qu'on saute par-dessus l'article et qu'on l'adopte avant même qu'on ait eu le temps de faire le point.

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.

M. Rémillard: On a déjà discuté, évidemment, de cette question-là. On n'a pas terminé. Il y a d'autres échanges qui se poursuivent Alors, les discussions se poursuivent, M. le Président.

Mme Harel: Alors, il faudrait peut être suspendre à ce moment-là 1266, puisque...

M. Rémillard: 1266?

Mme Harel: C'est ça, 1266. En fait, pour éviter que ça serve de moyen commode pour contourner la nouvelle réglementation qui est envisagée. Je pense que nos arguments sont déjà connus du ministre. J'avais eu l'occasion de les faire valoir à l'ouverture de nos travaux.

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre, est-ce que vous désirez apporter des commentaires?

M. Rémillard: M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais demander à Me Longtin de nous donner des explications.

Le Président (M. Lafrance): Merci Alors, Me Longtin.

Mme Longtin (Marie-José): Oui. M. le Président, je crois que... C'est qu'on a souligné la possibilité que la fiducie, à titre onéreux, soit utilisée dans des circonstances... de manière telle qu'elle puisse en arriver à priver, disons, un emprunteur de la libre jouissance ou disposition de ses biens, donc d'utiliser la fiducie à titre onéreux, un peu comme dans le passé on a

utilisé la vente à réméré pour garantir des prêts. Je pense qu'il y a déjà eu des échanges sur cette question-là avec l'Opposition. Maintenant, il s'agit quand même d'un problème assez complexe parce qu'il s'agit de trouver un texte qui permette de régler cette difficulté-là sans non plus empêcher d'autres types de pratiques qui sont courantes en matière commerciale et qui peuvent aussi être bénéfiques. Donc, c'est une question, je pense, d'en arriver à un texte quelconque qui devrait probablement être inséré au chapitre de la fiducie ultérieurement.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Oui, Me Frenette.

M. Frenette: Merci, M. le Président. Oui, effectivement, les échanges ont eu lieu. Je pense qu'il n'y a pas de désaccord sur cette question-là. Il n'y a pas d'opposition sur le principe de l'introduction d'une fiducie à titre onéreux. Les écueils que Mme Longtin a mentionnés sont exacts et les pourparlers se continuent, mais je voulais simplement qu'il soit entendu que, dans le déroulement de l'adoption des articles, il y a un article qui restera à être adopté, celui qui réglera de façon aussi satisfaisante que possible ce problème-là, et c'est ce qui vient de nous être confirmé.

Mme Harel: C'est-à-dire que j'aimerais mieux l'entendre de la part du ministre.

M. Rémillard: Je vous dis ce que vient de vous dire Mme Longtin.

Mme Harel: Ah oui!

M. Rémillard: Je vous le confirme.

Mme Harel: Alors...

Le Président (M. Lafrance): Si j'ai bien compris, on retient la possibilité peut-être d'insérer un nouvel article. C'est ça?

M. Rémillard: C'est ça.

Le Président (M. Lafrance): Possiblement.

Mme Harel: Pour empêcher que soit contourné l'objectif de la fiducie à titre onéreux.

M. Rémillard: Moi, c'est l'objectif que nous poursuivons de ce côté-ci et je ne vois pas de difficultés. Il s'agit simplement de pouvoir rédiger le texte qui soit le plus explicite possible. Il n'y a pas de difficultés sur le contenu du texte.

Le Président (M. Lafrance): Alors, est-ce qu'on peut pour autant adopter l'article 1266 tel quel? Oui?

M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur ces articles? Sinon, les articles 1264 à 1267 inclusivement sont adoptés tels quels et l'article 1268 est adopté tel qu'amendé. J'aimerais maintenant appeler les articles suivants, c'est-à-dire les articles 1269 à 1274, avec l'amendement proposé à l'article 1274, s'il vous plaît.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Il s'agit d'amender l'article de cette façon-ci. Au premier alinéa, premièrement, supprimer, à la troisième ligne, les mots ", ayant manifesté une intention de le faire,"; deuxièmement, supprimer, à la quatrième ligne, le mot "cependant".

Comme commentaire, M. le Président, c'est que les mots que les amendements proposent de supprimer peuvent porter à confusion. Il n'est pas nécessaire que le constituant exprime de façon particulière son intention qu'il y ait un fiduciaire, puisque la simple intention de créer une fiducie implique une telle intention. En raison de ces amendements, l'article 1274 se lirait comme suit: "Le tribunal peut, à la demande d'un intéressé et après un avis donné aux personnes qu'il indique, désigner un fiduciaire lorsque le constituant a omis de le désigner ou qu'il est impossible de pourvoir à la désignation ou au remplacement d'un fiduciaire. "Il peut, lorsque les conditions de l'administration l'exigent, désigner un ou plusieurs autres fiduciaires."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, est-ce qu'il y a des commentaires sur ces articles 1269 à 1274 inclusivement? Ça va. Alors, les articles 1269 à 1273 sont adoptés tels quels et l'article 1274 est adopté tel qu'amendé. J'aimerais maintenant appeler les articles 1275 à 1291 avec l'amendement proposé à l'article 1291, s'il vous plaît.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Il s'agit de modifier, à la quatrième ligne du premier alinéa...

Mme Harel: J'aimerais ça qu'on ait l'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Pardon?

Mme Harel: Je ne crois pas qu'on ait l'amendement. Moi, je ne l'ai pas, en tout cas.

M. Rémillard: II est là.

Mme Harel: Et vous, vous n'en avez pas non plus.

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: Non, c'est celui de Jocelyne. Merci.

M. Rémillard: Est-ce à dire qu'il y aurait un traitement de faveur pour vous, Mme la députée deTerrebonne...

Mme Caron: Je ne croirais pas. Une voix: Et moi, et moi.

M. Rémillard: ...pour souligner l'excellent travail que vous faites dans cette commission de même que Mme la députée de Groulx et le député de Sherbrooke? Y aurait-il un traitement privilégié soulignant une arrière-pensée? J'en doute fort...

Mme Harel: Ou l'inverse, ou l'inverse. M. Rémillard: ...M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Ce n'est pas censé, M. le ministre. On est censé...

Mme Harel: Ou l'inverse.

Le Président (M. Lafrance): ...traiter tous les membres sur le même pied. Alors, je vous laisse la parole.

M. Rémillard: Parfait. Merci, M. le Président. Alors, je disais donc, M. le Président, concernant l'article 1291, que la modification proposée est la suivante: À la quatrième ligne du premier alinéa de l'article 1291, modifier "onéreux" par "onéreuse".

Alors, l'amendement proposé apporte une simple correction grammaticale, M. le Président, et, en raison de cet amendement, l'article 1291 se lirait comme suit: "Lorsqu'une fiducie a cessé de répondre à la volonté première du constituant, notamment par suite de circonstances inconnues de lui ou imprévisibles qui rendent impossible ou trop onéreuse la poursuite du but de la fiducie, le tribunal peut, à la demande d'un intéressé, mettre fin à la fiducie; il peut aussi, dans le cas d'une fiducie d'utilité sociale, lui substituer un but qui se rapproche le plus possible du but original. "Si la fiducie répond toujours à la volonté du constituant, mais que de nouvelles mesures permettraient de mieux respecter sa volonté ou favoriseraient l'accomplissement de la fiducie, le tribunal peut modifier les dispositions de l'acte constitutif."

Le Président (M. Lafrance): Ça va. Est-ce qu'il y a des commentaires sur ces articles 1275 à 1291 inclusivement? Ça va. Alors, les articles, donc...

M. Holden: M. le Président...

Le President (M. Lafrance): Oui, pardon, M. le député de Westmount.

M. Holden: Un intéressé, c'est très largo. Quand vous parlez d'un intéressé, à la demande d'un Intéressé, c'est n'importe qui ou est-ce quo c'est l'intérêt judiciaire ou...

M. Rémillard: C'est quelqu'un qui a un intérêt dans la fiducie. Et je sais la qualité juridique du député de Westmount. Je sais comment il sait interpréter la notion d'Intérêt en droit.

M. Holden: Oui, c'est limitatif, mais c'est ça la base de l'article, intéressé dans la fiducie, un intérêt juridique?

M. Rémillard: Voilà.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci. S'il n'y a pas d'autres commentaires, donc, les articles 1275 à 1290 inclusivement sont adoptés tels quels et l'article 1291 est adopté tel qu'amendé.

J'aimerais maintenant appeler les articles suivants qui sont les derniers articles de ce titre, soit les articles 1292 à 1295 inclusivement, et je pense qu'il n'y a pas d'amendements de proposés à ces articles.

M. Rémillard: Non, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, c'est adopté, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, les articles...

Mme Harel: Avant...

Le Président (M. Lafrance): Pardon?

Mme Harel: Oui, c'est ça. Avant qu'on aborde le chapitre deuxième, là, puisqu'on va compléter l'article...

Le Président (M. Lafrance): Oui, alors j'aimerais déclarer ces articles-là, 1292 à 1295 inclusivement, adoptés tels quels.

Mme Harel: C'est bien ça. Alors, avant qu'on aborde l'administration du bien dautrul, j'aimerais que Me Frenette fasse un commentaire sur ce que nous venons de compléter comme chapitre deuxième portant sur la fiducie.

Le Président (M. Lafrance): Oui, alors on vous écoute, Me Frenette.

M. Frenette: Je pense que, M. le Président, il est opportun aujourd'hui d'ajouter quelques mots, avant de passer à autre chose, parce que les remarques introductives avalent fait l'objet d'une lecture la semaine dernière et qu'on a peut-être oublié à quel point les nouvelles dispositions en matière de fiducie apportent un élément de nouveauté.

Le principal, je pense, se trouve dans le fait, comme l'indiquent 1255 et 1259, que désormais on aura ce qu'on appelle en matière de fiducie un patrimoine d'affectation, c'est-à-dire un ensemble de biens qui sont affectés à un but donné. Il n'était pas très clair, dans notre droit actuel, que la fiducie correspondait à ça, et il n'y avait pas de rattachement non plus à cette idée-là. Qui plus est, c'est un ensemble de biens qui va constituer une universalité, qui n'appartiendra à personne. Alors, c'est un peu comme si l'un des membres de cette commission décidait de disposer de ses biens comme le prévoit maintenant le projet de loi, mais il dispose en faveur de personnes, il dispose au bénéfice éventuel de personnes, et il y a un but qui est poursuivi.

Je pense que le changement par rapport au droit actuel est important et qu'il faut le souligner parce que, d'une part, ce que ça implique en termes de modifications, c'est ceci. Il s'agissait de voir si une personne pouvait créer de son vivant une espèce d'universalité différente de l'ensemble de ses biens. À cause de théories qui ont été élaborées au siècle dernier, il semblait que ce n'était pas possible. Les auteurs connus de tous, pour moi qui suis juriste, qu'on appelle Aubry et Rau, semblaient avoir élaboré une théorie de la personnalité du patrimoine qui rendait la chose impossible.

Notre droit, tel qu'appliqué en matière de fiducie, rendait certains services dont la collectivité avait besoin et ces services-là ne pouvaient pas être rendus. On les trouvait dans les autres provinces et il était impérieux d'apporter des modifications. Mais c'était d'arriver et de savoir comment apporter ces modifications, et on a trouvé la formule du patrimoine d'affectation.

Désormais, quand on va disposer d'un bien, on pourra le faire dans un but, sans que ça se retrouve dans le patrimoine de quelqu'un d'autre. A la rigueur, ce n'est pas si mal parce que le droit, à l'heure actuelle, contenait des cas de patrimoines distincts, des cas de patrimoine d'affectation sans que le nom soit là. (14 h 45)

En matière de régimes matrimoniaux, on pouvait dire ceux qui étaient mariés sous l'ancienne communauté autrefois, mais les biens communs étaient affectés un peu à l'usage du ménage.

Pour la société d'acquêts, c'est un peu la même chose. En matière de succession, lorsqu'il y a acceptation sous bénéfice d'inventaire ou lorsque les créanciers demandent la séparation des patrimoines, techniquement, une personne aurait deux patrimoines. Alors, à la rigueur, l'idée de créer une universalité distincte ou deux patrimoines distincts, ce n'est pas trop mal. Mais c'est la première fois, je pense, qu'on assiste à l'idée que... Même si notre droit contenait des hypothèses, c'est-à-dire des exemples de patrimoines distincts ou équivalents d'affectation, tous ces patrimoines-là et les biens qui les composent étaient au nom de quelqu'un. C'est la première fois qu'ils le seront au nom de personne en termes de droits de propriété.

Est-ce que c'est une bonne solution? Je pense que c'est une solution, à tout le moins, aux problèmes qui ont été rencontrés parce qu'on se disait, surtout suite à l'arrêt Tucker, adopté dans les années quatre-vingt, où on avait conclu que c'était le fiduciaire qui était propriétaire... Nombre de membres de la communauté juridique estimaient que ce n'était pas véritablement un droit de propriété. Le juge Beetz avait parlé d'une propriété sui generis - à mon avis, ça ne veut vraiment rien dire - mais tout le monde était mal à l'aise avec ça et, surtout, on voyait que c'était quelque chose qui ne correspondait pas à la définition traditionnelle de propriété.

Alors, le projet de loi, plutôt que de forcer une compréhension de la notion de copropriété qui serait assez large pour comprendre ce qu'est une propriété sui generis, a réglé le problème en ne s'en occupant pas et en créant un patrimoine sans titulaire. Je pense qu'on a emprunté beaucoup de la notion de patrimoine d'affectation en droit allemand, notamment en ce qui concerne le "Zweck vermôgen", où, dans le droit allemand, la constitution d'une personnalité morale qui venait recoiffer le patrimoine qu'on venait de créer à une fin particulière ne soulevait pas de difficultés. Il ne semble pas que ça coure les rues dans les systèmes de droit civil.

Après avoir consulté les auteurs - je me permets d'élaborer un peu, M. le Président, étant donné l'importance de la modification au droit actuel - il y des auteurs non moins célèbres, comme Carbonnier, qui mentionnaient que les notions d'affectation et de but qu'on avait voulu substituer à la théorie du patrimoine et de la personnalité, qui fait le tout dans le patrimoine habituellement et le rattachement au titulaire, ne sont pas moins abstraites et ne sont pas plus claires.

D'autres auteurs ont été moins généreux, mais je pense que ce qui doit entraîner l'adhésion quant à cette solution, c'est un peu ce qu'on a retrouvé ou ce qu'on peut retrouver qui m'apparaît fort bien dit par de Page, qui est l'auteur belge qui mentionne - parce que tout est centré, semble-t-il, autour de cette notion de personnalité - ceci: "Ce qu'il faut retenir de la théorie de la personnalité, c'est qu'elle ne constitue qu'un point de départ, une base. Il

reste vrai, en effet, qu'à l'état normal, à l'état premier le patrimoine correspond dans notre civilisation à la personne humaine. Donc, il doit y avoir un titulaire. Son inaliénabilité entre vifs en est la preuve. Mais ce n'est pas dire que les attributs du patrimoine sont les mêmes que ceux de la personnalité. Le patrimoine, à la différence de la personnalité, peut être divisé par l'affectation de certains biens ou groupes de biens à des fins particulières. Et cette affectation ne provient pas seulement de la loi, mais aussi de la volonté propre de son titulaire. "

C'est ce que le projet de loi 125 tente de faire. De telle sorte que l'idée d'affectation et de la divisibilité du patrimoine qui en résulte, loin de s'opposer à l'idée de personnalité, sont au contraire un hommage rendu à celle-ci. On a là, je crois, une solution acceptable, une solution qui surmonte de nombreuses difficultés. Moi-même, j'ai dû surmonter certaines...

Une voix: Résistances.

M. Frenette:... résistances personnelles avant d'apprécier à sa juste valeur l'innovation et il restera des choses à... Je pense que, comme toute nouvelle notion qui est introduite, le temps nous révélera comment il faudra s'y ajuster. Mais je pense qu'il s'agit là d'un pas en avant et d'un bon pas en avant. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, maître. Merci de ces précisions. Est-ce que, M. le ministre, vous aimeriez apporter des commentaires avant qu'on quitte ce chapitre sur la fiducie?

M. Rémillard: Oui, M. le Président. J'ai suivi attentivement les propos du professeur Frenette. Il nous a démontré à quel point les rencontres entre spécialistes ont été utiles pour une bonne compréhension et une persuasion même. Et si vous me permettez, je demanderai au notaire Cossette d'apporter, peut-être aussi, quelques éléments, quelques remarques, quelques commentaires sur ce chapitre.

Le Président (M. Lafrance): Certainement. Merci, M. le ministre. Me Cossette.

M. Cossette (André): M. le Président, je pense qu'il faut se réjouir de l'adhésion de Me Frenette au projet qui est devant vous actuellement. Si vous me permettez, je resterai plutôt factuel dans mes observations. L'objectif du législateur, je pense, dans la conception de ce titre, c'était d'en arriver à un élargissement de la notion de fiducie que nous connaissions depuis son introduction en 1879. Nous avons vécu avec la fiducie à titre gratuit depuis cette date-là et la fiducie a vécu assez bien jusqu'à aujourd'hui. Des tentatives ont été faites pour l'élargir au fil des ans, mais nos tribunaux se sont toujours refusés à l'extensionner par rapport aux textes qu'on pouvait retrouver dans le Code civil. Mais si les tribunaux, d'une part, se sont refusés à cette extension de la notion de fiducie, par ailleurs, le législateur, dans certaines lois particulières, avait tenté un élargissement de la notion de fiducie. Faisons appel, par exemple, à la fiducie préincorporative dans la loi des compagnies.

On sait également que plusieurs fiducies statutaires existent au niveau de la Loi sur les impôts. Pensons à la fiducie créée pour des régimes d'épargne-études, des régimes d'assurance-chômage supplémentaires. Pensons à des fiducies de fonds mutuels et pensons également à la fiducie qui est née de la loi des pouvoirs spéciaux des corporations. Ce sont là des extensions à la notion de fiducie qui était exprimée au Code civil. Finalement, l'Office de révision du Code civil a également tenté d'extensionner cette notion de fiducie à partir de la notion de fiducie à titre gratuit. Le projet que vous avez devant vous est dans la lignée de celui qui était proposé par l'Office de révision du Code civil. Nous connaîtrons, à l'avenir, deux sortes de fiducie: la fiducie à titre gratuit et la fiducie à titre onéreux, de telle sorte que les citoyens québécois auront à leur disposition un instrument qui est tout à fait intéressant, surtout au niveau du monde des affaires.

Je n'ai pas besoin de rappeler le phénomène qu'on vivait au Québec. Des Québécois étaient dans l'obligation daller fonder ou créer dos fiducies en Ontario, au Nouveau-Brunswick ou à l'île-du-Prince-Édouard, suivant les aménagements faits dans chacune de ces provinces, pour revenir ensuite faire affaire au Québec sous forme de fiducie. Alors, dans l'avenir, ça permettra à des Québécois de créer des fiducies à titre onéreux pour rencontrer des objectifs qu'ils jugent à propos de remplir au Québec.

Là-dessus, nous sommes assez bien appuyés dans le schéma que nous avons adopté dans le projet 125. Permettez-moi, par exemple, de rappeler d'abord la base de ce projet: c'est le rapport de l'Office de révision du Code civil. On peut également invoquer la convention internationale sur les trusts, qui s'aligne également sur le patrimoine d'affectation, et on peut invoquer également plusieurs auteurs qui ont eu l'occasion d'écrire là-dessus depuis l'adoption du projet do loi 20. On pourrait Invoquer également, à l'appui du projet que vous avez devant vous, plusieurs projets de loi qui sont actuellement en gestation, par exemple dans certains pays européens.

Quant aux auteurs, je m'abstiendrai de les nommer ici, mais je sais que plusieurs ont écrit sur le projet de loi 20 et ont donné leur accord, généralement, à ce que le législateur préconise dans le titre sixième du livre Des biens. Alors, factuellement, c'est un peu ce que je pourrais dire à l'appui du projet que vous avez devant

vous.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Me Cossette. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, me permettez-vous de demander à M. le professeur Pineau de compléter par quelques remarques, s'il vous plaît?

Le Président (M. Lafrance): Certainement, alors. Me Pineau.

M. Pineau (Jean): Merci, M. le Président. Je me réjouis de ce que M. Frenette... de voir, de constater qu'il s'est laissé convaincre, finalement, par l'adoption de cette notion de patrimoine d'affectation. Je me bornerai à ajouter seulement deux petites choses. En droit québécois, on en est toujours à la théorie personnaliste du patrimoine telle qu'elle a été développée au XIXe siècle par Aubry et Rau. Cette théorie est unanimement critiquée par les auteurs qui trouvent que cette notion du patrimoine est trop rattachée, trop intimement liée à la personne. Il est vrai qu'aucun auteur n'a trouvé une théorie de remplacement et qu'en définitive on en revient à la théorie personnaliste, mais tout le monde s'accorde à dire qu'il faut trouver certains palliatifs, n'est-ce pas, aux insuffisances de la théorie personnaliste, afin de pouvoir détacher certaines masses patrimoniales du patrimoine d'une personne.

C'est la solution germanique qui est proposée, celle de la notion du patrimoine d'affectation. Alors, je pense que cette notion permet de résoudre certains problèmes que nous avons, notamment les problèmes relatifs à la fondation, relatifs à la fiducie, et je signalerai que les juristes français, qui sont très réticents à l'insertion de cette notion de patrimoine d'affectation dans le droit français, font face aujourd'hui à des problèmes extrêmement sévères, et notamment dans le cadre de cette institution qu'est la fiducie.

Aujourd'hui, en France, les notaires s'inquiètent, car les fiducies sont créées en Allemagne ou en Angleterre et non point en France. Les notaires français, d'après ce que j'ai pu comprendre lors d'un colloque récent sur le sujet de la fiducie, demandent à grands cris, effectivement, que l'on adopte en France cette possibilité de créer des fiducies. C'est sans aucun doute la notion de patrimoine d'affectation qui serait l'instrument le plus utile, n'est-ce pas, et le plus commode pour faire entrer la fiducie dans le droit français. Voilà. M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, maître. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, avec ces remarques, est-ce que je pourrais demander que nous puissions suspendre une quinzaine de minutes, parce que nos experts auraient à se rencontrer sur certains petits points techniques pour que nous puissions revenir sur des articles qui ont été suspendus hier? Ils auraient besoin encore de discussions sur certains points techniques, M. le Président. On m'informe donc que ce serait intéressant si on pouvait leur permettre, pendant les 15 prochaines minutes, de se rencontrer et d'en discuter.

Le Président (M. Lafrance): Certainement. J'aimerais vous préciser néanmoins qu'il y a deux autres articles pour clore ce livre, 1317 et 1366, qui avaient été laissés en suspens. Alors, nous allons donc suspendre pour... Oui, ça va.

Mme Harel: On a déjà adopté tous les articles sur l'administration du bien d'autrui, de toute façon, hein?

Le Président (M. Lafrance): Sauf ces deux-là.

Mme Harel: Sauf ces deux-là...

Le Président (M. Lafrance): Oui, oui. Alors, nous allons donc suspendre pour 15 minutes afin de permettre à nos experts...

Mme Harel: ...ces deux articles sur l'administration du bien d'autrui...

M. Rémillard: On peut faire ça. Mme Harel: ...auquel cas...

Le Président (M. Lafrance): Oui, alors, s'il n'y a pas de commentaires, donc, l'article 1317 est adopté tel qu'amendé et l'article...

Mme Harel: Un instant! Juste une petite seconde, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): II y avait un nouvel amendement à 1317?

M. Rémillard: On va le retirer.

Le Président (M. Lafrance): II y avait déjà eu un amendement de proposé.

M. Rémillard: Oui, mais c'a été retiré, M. le Président.

Mme Harel: On va suspendre alors. C'est ça. D'accord, très bien.

Le Président (M. Lafrance): O.K. On va suspendre pour 15 minutes afin de laisser à nos experts la possibilité de se rencontrer. On reprendra peut-être avec 1317 pour préciser. Oui, Me Frenette.

M. Frenette: Peut-être que j'abuse, M. le Président. Juste parce que la chose m'amuse. J'admettrai volontiers que je me suis laissé convaincre - je pense qu'il ne doit pas y avoir de gêne sur ça - mais un facteur qui a beaucoup contribué, c'est que, finalement, un des aspects du problème qui me préoccupait n'est pas du tout touché. Il reste entier. Alors, je l'exploiterai plus tard. Merci.

Le Président (M. Lafrance): Alors, sur ce, nous allons suspendre.

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard:... il n'y a personne qui a changé d'idée, mais tout le monde a raison. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): Alors, on va suspendre pour 15 minutes. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 2)

(Reprise à 15 h 38)

Le Président (M. Lafrance): Je remarque que nous avons le quorum. Alors, j'aimerais déclarer la séance ouverte de nouveau et reprendre nos travaux.

Je pense que, M. le ministre, vous avez une proposition à nous faire.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Comme nos...

Mme Harel: Excusez-moi, M. le Président. Je crois comprendre que nous pouvons entreprendre de terminer le livre sur les biens.

M. Rémillard: C'est parce que, techniquement, il manque un petit peu de... Les amendements ne sont pas arrivés encore. Ils sont en train de les terminer. Ça ne sera pas très long. Ce que je propose, M. le Président, c'est que nous puissions aborder les obligations. Nous avons des lectures à faire et, pendant tout ce temps-là, nos gens travaillent aussi, de sorte que nous pourrons revenir aux biens dans un avenir très très prochain.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel: C'est aujourd'hui, finalement, hein?

M. Rémillard: Quoi? Excusez-moi.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: C'est aujourd'hui... C'est ça.

M. Rémillard: Oui, d'ici... Ça peut prendre quinze minutes, une demi-heure. C'est seulement... Ils sont à tout mettre ça en place et à bien vérifier le tout. Ça ne sera pas très long Une vingtaine de minutes.

Mme Harel: Très bien.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, j'accepte le dépôt du livre cinquième qu'on vient de distribuer, celui des obligations, livre qui contient les commentaires détaillés sur les dispositions du projet et qui portera la cote numérique 31D. Alors, nous allons donc entreprendre l'étude de ce livre cinquième et je vols que Mme la députée de Groulx me manifeste son volontariat pour lire peut-être les propos de l'introduction.

Des obligations

Mme Bleau: Avec plaisir, M. le Président Alors...

Le Président (M. Lafrance): Oui, un instant, s'il vous plaît. Est-ce qu'il y a d'autres...

Mme Harel: Non, non, allons-y. Je le ferai après.

Le Président (M. Lafrance): Oui. Madame.

Des obligations en général

Mme Bleau: Du titre premier, Des obllgations en général, articles 1368 à 1700.

La théorie générale des obligations constitue l'une des parties les plus importantes du Code civil, sinon la véritable clé de voûte de l'ensemble des règles du droit civil. Elle contient en effet un certain nombre de principes généraux qui commandent non seulement le domaine des actes juridiques particuliers que sont les contrats nommés, mais aussi d'autres secteurs du code tel le droit des personnes ou de la famille, des biens ou des sûretés, voire même certains aspects d'autres disciplines du droit comme le droit administratif ou le droit du travail.

Au titre Des obligations en général, le Code civil du Québec énonce, à l'instar du Code civil actuel, les principaux éléments de cette théorie générale des obligations. À l'exception des règles de la preuve, dont la nature exige qu'on en traite dans un livre distinct, tous les aspects de cette théorie actuellement réglementes sont réintroduits au nouveau Code, auxquels se sont ajoutés des éléments Issus de la pratique ou des développements jurisprudentiels et doctrinaux.

Sont ainsi abordés, dans l'ordre, les dispositions générales énonçant les principes fondamentaux de la théorie des obligations, puis les grandes sources d'obligations que sont le contrat, la responsabilité civile, la gestion d'affaires, la réception de l'indu et, nouvellement introduite de façon autonome, l'enrichissement sans cause ou injustifié, suivies des règles relatives aux modalités de l'obligation: obligation conditionnelle, à terme, conjointe, divisible, indivisible, solidaire, alternative et facultative.

Viennent ensuite les règles propres à l'exécution même de l'obligation, avec les principes applicables au mode d'exécution volontaire que constitue le paiement, à la mise en oeuvre du droit à l'exécution forcée de l'obligation, en nature ou par équivalence pécuniaire, ainsi qu'aux mesures de protection de ce droit à l'exécution de l'obligation.

Enfin, le titre est complété par des règles traitant successivement de la transmission et des mutations de l'obligation, y compris désormais los règles sur la cession de créance, puis de l'extinction de l'obligation et, nouvellement introduites, par des règles sur la restitution des prestations consécutives à l'anéantissement rétroactif, entre autres, d'un acte juridique.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée. Alors, permettez-moi de lire les remarques d'introduction au chapitre premier qui traite des dispositions générales.

Le droit des obligations suppose, à sa base même, que soient clairement définis ou circonscrits certains éléments généraux, essentiels à la compréhension et à la juste application de la matière et qui composent, en quelque sorte, les fondements mêmes de la théorie générale des obligations.

Le Code civil du Québec, au présent chapitre, propose une série de dispositions générales destinées justement à bien asseoir cette théorie des obligations. Il précise ainsi la notion même d'obligation, expose ses sources, fait état de ses principaux caractères et définit son objet. Il rappelle également le principe de la bonne foi qui doit en tout temps gouverner les parties dans leurs rapports d'obligation et précise désormais clairement l'application des éléments de la théorie des obligations à l'État et aux autres personnes morales de droit public.

Voilà. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires d'ouverture, j'aimerais appeler... Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, M. le Président, comme nous avons accepté de suspendre nos travaux, de compléter surtout nos travaux sur le chapitre sur les biens, je voudrais, à ce moment-ci, d'abord souhaiter la bienvenue à Me Claude Masse, qui va poursuivre avec nous l'examen de l'ensemble du chapitre sur les obligations, donc du livre cinquième, plutôt, sur les obligations et, évidemment, l'assurer que... Il a vu d'ailleurs un peu comment se déroulaient nos travaux jusqu'à maintenant.

Et puis j'ai eu l'occasion de le dire hier, mais je le répète à nouveau aujourd'hui, les juristes, de quelque côté qu'ils soient assis dans cette salle, sont là pour le bénéfice de tous les membres de la commission parlementaire, et c'est vraiment un acquis important pour l'Opposition - et je pense pour tous les membres de la commission également - de pouvoir compter sur le travail, l'expertise, la compétence de juristes.

M. le Président, il est évident que nous n'aurions pas pu, dans les 40 heures qui nous ont été imparties depuis le début, compléter avec autant de satisfaction du travail bien fait ce que nous avons, en fait, réalisé jusqu'à maintenant. Mais je veux le signaler parce que ce que nous avons réalisé jusqu'à maintenant portait sur les quatre premiers livres du Code civil. Je veux rappeler que ces quatre livres avaient fait l'objet d'un examen très attentif, il n'y a pas très longtemps. Je me rappelle avoir siégé durant presque huit semaines en commission parlementaire pour examiner article par article les quatre livres que nous avons revus.

Donc, nous avions fait cet examen et le projet de loi avait donc été adopté. Il n'a jamais été mis en vigueur et, à l'occasion, donc, du projet de loi 125, nous avons cru nécessaire... le législateur a jugé bon, légitimement, je pense, de modifier déjà, par l'introduction de plus de 200 amendements, ce que nous avions fait récemment malgré tout, si on le pense en termes de temps juridique, là.

Alors, ça m'amène, M. le Président, à vous dire que, pour l'examen du livre cinquième portant sur les obligations, comme il n'a jamais été l'objet d'une étude en commission parlementaire article par article, comme, pour la première fois, nous allons entreprendre ce travail, je souhaite et vous propose, en fait vous demande, plus concrètement encore, de procéder dans ce cas-ci article par article, de façon à ce que nous laissions des traces derrière nous, dans le Journal des débats, sur l'intention réelle du législateur et que nous soyons assurés que les dispositions que nous allons adopter soient interprétées comme nous le souhaitons.

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. J'aimerais également souhaiter la bienvenue à Me Masse parmi nous et apporter peut-être la précision qu'évidemment, même si j'appelais des fois des blocs d'articles, il va de soi...

Mme Harel: Avec le consentement.

Le Président (M. Lafrance): Oui, d'accord, il va de soi que chacun des articles... J'ai toujours pris pour acquis qu'on voyait chacun des articles. Alors, je retiens votre proposition...

M. Holden: M. le Président...

Mme Harel: Ce n'est pas un reproche, M. le Président, pas du tout, sur la façon dont nous avons procécé. Je pense qu'elle pouvait très bien s'expliquer, compte tenu...

Le Président (M. Lafrance): De ce qui avait été fait. Oui.

Mme Harel: ...des travaux qui avaient été faits antérieurement.

Le Président (M. Lafrance): Très bien, merci. M. le ministre, désirez-vous commenter ou non?

M. Rémillard: Peut-être après le député de Westmount, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. M. le député de Westmount.

M. Holden: Merci, M. le Président. Je suis d'accord avec la députée de Hochelaga-Maison-neuve et avec les notes que Mme la députée de Groulx vient de lire. C'est que les obligations constituent probablement la section la plus importante du Code civil. Je me souviens qu'à l'université, c'était au moins deux ans d'études simplement pour les obligations. On dit, dans les notes, que tous les aspects de cette théorie actuellement réglementée sont réintroduits dans le nouveau code auquel se sont ajoutés des éléments issus de la pratique.

M. le Président, j'ai fait de la pratique, surtout dans le domaine des obligations, depuis 1956. J'espère que le Code va refléter la pratique. En anglais, on a un dicton qui dit: "If it Is not broken, do not fix it". En feuilletant le projet de loi, je vois beaucoup de changements de mots qui, au fond, ne changent rien. Souvent, je trouve que... En tout cas, je suis peut-être trop conservateur et trop traditionnaliste, mais on a changé simplement pour être capables de dire qu'on a changé quelque chose, mais, au fond, on n'a rien change. Alors, j'espère que la question pratique va venir sur le tapis et que, avec la députée de Hochelaga-Maisonneuve, on va examiner chaque article sérieusement à fond et les raisons en arrière des changements, s'il y en a. Alors, j'anticipe une discussion très intéressante, M. le Président, et je vous remercie de m'avoir permis de dire ces quelques mots.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député. Oui, Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Peut-être un peu pour répondre aux remarques du député de Westmount. Il y a peut-être des mots qui étaient de pratique courante, il y a quelques années, mais qui, aujourd'hui, seraient peut-être difficiles à com- prendre pour la population en général. Je pense que dans certaines expressions, certaines tour nures de phrase, on a voulu justement mettre le Code civil plus à la portée des gens ordinaires, ce dont je me réjouis grandement. Alors, c'est peut-être une explication sommaire que je donne, mais je pense qu'elle est facile à comprendre et peut apporter beaucoup, peut-être, à la population en général.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je partage l'avis que nous abordons un des chapitres les plus importants, puisqu'il y aura de nombreuses incidences, particulièrement pour les consommateurs. Vous ne serez pas surpris que je vous dise tout de suite en début que je suivrai avec beaucoup d'attention ces travaux et que j'inter viendrai quand même assez régulièrement pour toujours m'assurer que cette protection-là des consommateurs est assurée et qu'il n'y a pas de recul. Je pense que l'Opposition a été très claire là-dessus, et dès le début de la commission et de la sous-commission, pour ne pas accepter de recul par rapport aux consommateurs.

Évidemment, il est possible que notre rythme de travail soit quelque peu ralenti, puisque nous devrons le faire article par article. Mais puisqu'il n'y a pas eu de commission qui a étudié ces nouveaux articles, je pense que c'est important de le faire. C'est évident que tous les membres de cette commission sont bien conscients que le but n'est absolument pas de retarder les travaux, mais bien de s'assurer que les décisions que nous allons prendre seront étudiées à fond, d'autant plus que nous nous retrouvons avec un livre où il y a 1260 articles, 9 chapitres dans le titre premier et 18 chapitres dans le titre deuxième. Donc, c'est un travail considérable. Donc, je pense que notre bon climat devrait se maintenir, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée. Alors, M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, je voudrais tout d'abord, bien sûr, souhaiter la bienvenue au professeur Masse. Nous profitons des bons services de nos experts qui nous permettent de faire ce travail. Il faut bien comprendre que, sans nos experts, nous ne pourrions pas faire le travail que nous faisons. Il faut bien comprendre aussi que ce que nous disons ici en commission parlementaire sera étudié éventuellement parce qu'on cherchera l'intention du législateur. Il est bon que nous n'abordions pas toutes les questions de discussion technique qui pourraient amener à différentes interprétations, mais qu'on soit très conscients que, lorsque nous intervenons, nous intervenons en fonction d'une Interprétation du droit.

Par conséquent, les travaux de la commission doivent se faire le plus ouvert possible, le plus complet possible - c'est ce que nous faisons depuis le tout début - mais bien conscients qu'il y a un travail technique qui se fait par des experts très compétents, qui discutent avec nous ensuite, de sorte que, lorsque nous nous présentons à cette table, nous avons une très bonne idée de toute la dialectique qu'il y a derrière chaque article.

Me Masse se joint à nous. Il vient comme expert. J'espère que ça va lui donner une expérience profitable. Je n'en doute pas. Il vient ici non pas en futur candidat politique du côté péqulste, mais il vient ici comme expert. Mais peut-être que ça va le confirmer dans ses options ou bien peut-être aussi mettre un bémol, si bémol est interprété...

Mme Harel: Est-ce que le ministre nous annonce quelque chose aujourd'hui?

M. Rémillard: Non, je me réfère à ce que M. Masse a lui-même annoncé, mais on est heureux de recevoir M. Masse comme spécialiste pour discuter de ce passage particulièrement important concernant les obligations.

M. le Président, on demande donc que l'on change la façon de procéder et qu'on puisse procéder article par article. Pour débuter l'étude de ces obligations, je veux bien qu'on procède article par article. On verra ensuite, on s'adaptera au fur et à mesure de notre travail. Nous avons tous le même objectif, c'est de faire le travail le plus consciencieusement possible, comme nous le faisons depuis le début. Dans ce contexte-là, M. le Président, il s'agit du droit nouveau. Oui, les premiers livres, on nous dit, étaient des livres qui se référaient à de la législation déjà existante qui avait été discutée. Je dirais, M. le Président, que nous avions aussi du droit nouveau qui n'avait jamais été discuté et sur lequel nous avons passé plusieurs moments de discussion pendant les quatre premiers livres. Maintenant, c'est du droit nouveau, oui. Cependant, pensons que la Chambre des notaires, le Barreau, que tous nos experts universitaires, que le comité spécial formé par M. le juge de la Cour d'appel, Jean-Louis Baudouin, où des gens, des représentants du Barreau, de la Chambre des notaires et de la pratique se retrouvaient... Enfin bref, déjà une analyse très importante de ces articles, de ce livre sur les obligations a été faite. Nous le reprenons Ici en commission parlementaire avec le souci, donc, d'y apporter le dernier élément qui pourra le bonifier et le rendre le plus conforme au consensus social. Alors, M. le Président, j'accepte pour le moment, bien sûr, de procéder article par article.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre, j'aimerais... Oui, Mme la députée de Hochelaga-Malsonneuve...

Mme Harel: Une question de règlement.

Le Président (M. Lafrance): ...je vais vous laisser la parole, s'il vous plaît, tout de suite après.

Mme Harel: D'accord.

Le Président (M. Lafrance): J'aimerais simplement apporter la précision suivante, c'est que, selon les règlements que je suis tenu de suivre, la façon réglementaire, c'est d'y aller article par article, à moins qu'il n'y ait consentement...

Mme Harel: C'est ça.

Le Président (M. Lafrance): ...pour accélérer les travaux...

Mme Harel: Voilà.

Le Président (M. Lafrance): ...ce que, évidemment, je suis prêt à faire. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Vous m'avez comprise, M. le Président. J'allais d'ailleurs vous demander si tant est que l'interprétation, là, de l'exercice de nos travaux n'était pas justement celle de considérer qu'il fallait procéder article par article, à moins que l'on ne consente à procéder autrement. Alors, je dois donc comprendre que nous allons procéder article par article, à moins que l'Opposition ne consente à ce qu'on procède autrement.

Le Président (M. Lafrance): Merci, je retiens néanmoins ce que M. le ministre a dit, c'est qu'il y a effectivement des consultations très intenses qui se déroulent avec nos experts entre chaque séance. Si on peut accélérer d'une façon technique, il va de soi qu'avec le consentement je suis prêt à le faire.

M. Rémillard: M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.

M. Rémillard: ...il ne s'agit pas d'accélérer pour le plaisir d'accélérer, mais tout simplement, pensons, par exemple, aux facultés de droit où les cours se donnent. Pensons aussi à tous ceux qui attendent que cette loi du Code civil soit acceptée pour qu'on puisse ensuite l'étudier et qu'on puisse procéder avec le nouveau Code. Nous sommes dans une période où, mettons, l'ensemble de la société et de ceux qui sont intervenants en tout premier lieu, c'est-à-dire les avocats, les notaires, les professeurs de droit, les étudiants, nous les mettons dans une situation de transition qui devrait être la plus courte possible.

Ça ne veut pas dire qu'on doit négliger notre rôle. Je ne veux pas dire ça, M. le Président. Il faut le faire de la façon la plus consciencieuse possible. Mais ce que je veux dire, M. le Président, c'est qu'il faut que l'on puisse, le plus tôt possible, faire en sorte que ce droit s'applique aux Québécoises et aux Québécois et, d'autre part, que l'on sache au point de vue des cours qui seront donnés. On sait, M. le Président, que le Barreau et la Chambre des notaires envisagent de faire en sorte que chaque avocat, chaque notaire revienne à sa table de travail et étudie le nouveau Code. C'est tout un processus, ça. Et aux universités; tout à l'heure, le député de Westmount disait qu'il a fallu deux ans et demi pour étudier ce Code civil à la faculté de droit. Imaginez donc qu'au moment où nous nous parlons, les étudiants doivent étudier ce qui existe présentement et ce qui va exister et qu'ils suivent, mes collègues et professeurs d'université - je suis toujours un professeur d'université; je vais peut-être devenir professeur de droit civil, après, remarquez, mais...

Une voix: Ha, ha, ha! (16 heures)

M. Holden: Qui? Vous?

M. Rémillard: Oui, oui, pourquoi pas? Mme Harel: On témoignera en votre faveur.

M. Rémillard: En ma faveur, c'est gentil, ça. C'est gentil. Je sais que vous dites ça... Vous ne voulez pas vous débarrasser de moi, c'est juste pour améliorer mon sort. Oui, c'est ça.

M. Holden: Après les élections, M. le ministre.

M. Rémillard: On verra, M. le député de Westmount. Ce que je veux dire, c'est que ça me fait une situation un peu difficile. Les professeurs nous disent: Écoutez, j'espère que vous allez aboutir le plus vite possible parce qu'on est pris pour enseigner et le droit actuel et le droit qui s'en vient. On suit votre commission parlementaire, dès qu'on voit que quelque chose est accepté, bien on enseigne ça aux étudiants. Alors, je veux rendre hommage aux professeurs de droit qui suivent nos travaux, donc, d'une façon aussi étroite et qui adaptent leurs cours à nos travaux. Cependant, c'est dans ce contexte-là, M. le Président, que je suis certain que je peux compter sur l'Opposition et tous les membres de cette commission pour qu'on fasse le travail le plus consciencieusement possible et le plus rapidement possible aussi.

M. Holden: M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. M. le député de Chapleau m'avait demandé la parole.

M. Kehoe: Juste sur un point bien spécifi que. Comme tous les autres membres de cette commission. Je réalise l'importance du livre dont on entreprend l'étude, tout le livre concernant les obligations. Je pense que c'est dans ce livre-là qu'on trouve plusieurs problèmes majeurs, des endroits où il y a différents points de vue de l'Opposition face à la proposition faite déjà dans le projet que nous avons devant nous. Je fais référence à la responsabilité du manufacturier, je fais référence à l'hypothèque mobilière et j'en passe.

Le point que je veux faire, c'est justement le fait que, depuis nombre d'années, il y a des experts qui se sont penchés sur cette question-là. Il y a eu des expertises, il y a eu des études, il y a eu des opinions d'émises, il y a eu des mémoires de présentés par la Chambre des notaires, par le Barreau, par l'Office de la protection du consommateur, et ainsi de suite On est rendu au stade de prendre des décisions Ce qui me frappe le plus dans toute la procédure qu'on a suivie jusqu'à date, c'est l'ouverture d'esprit de tout le monde, y compris surtout celle du ministre; celle de l'Opposition aussi, remarquez bien. Le gouvernement ne vient pas devant l'Opposition avec une position finale, c'est une question d'étudier, au fond, vigoureusement, de défendre notre point de vue, de tenter d'en venir à un consensus. L'Opposition comme le gouvernement, on a nos points de vue, mais il s'agit, à un moment donné, de trancher, de prendre des décisions. Je pense que l'approche que M. le ministre a prise jusqu'à date, de laisser la discussion ouverte le plus possible et avec une approche, un esprit complètement ouvert, avec aucune décision finale de prise encore, avec des échanges entre les deux partis, au bout, après que tout cela est fait, il faut en venir à un consensus ou à prendre des décisions.

Je pense qu'à date, ce n'est pas que je pense, je sais qu'à date, c'était l'approche et que ce sera l'approche. Je souhaite, maintenant qu'on embarque dans une partie centrale de toute la réforme du Code civil, continuer avec cette même ouverture d'esprit.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le député.

M. Holden: J'avais juste un commentaire...

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: ...M. le Président. Mon fils a étudié le droit il y a sept ans et on lui a dit, cette année-là, que c'était la dernière fois qu'ils allaient avoir le vieux Code civil, quo cortalno mont c'était pour être changé l'année suivante. Je vous dis, M. le ministre, comme j'ai dit lors

de ma déclaration d'ouverture, que je ne vois pas comment on peut aller plus loin que Noël. Il n'y a pas moyen d'y aller. Il faut absolument que cette loi soit adoptée avant les vacances de Noël...

M. Rémillard: Joyeux Noël! M. Holden: ...cette année.

Le Président (M. Lafrance): Merci de ces précisions, M. le député de Westmount. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui. Il y a peut-être un point qu'il m'Importe de clarifier à ce moment-ci, à savoir que je considère évidemment que c'est une partie très importante de notre Code civil, mais que, dans mon esprit, en fait, il n'y a pas de morceaux recherchés dans le Code et d'autres qui le seraient moins. Je pense que c'est vraiment l'ensemble du Code qui régit finalement, qui peut avoir des conséquences importantes, qui a des effets directs sur la vie des gens. C'est ça qui compte, finalement, n'est-ce pas? la répercussion que ça a sur la vie des personnes. Ce n'est donc pas dans le sens où ça m'apparaîtrait plus important qu'il faut y consacrer plus de temps. Ça m'apparaissalt aussi important ce qu'on a fait antérieurement et ce qu'on fera par la suite. Mais c'est dans le sens où on n'a pas pu encore faire un examen parlementaire de ce livre. On n'en a pas fait un examen parlementaire. Il y a eu un avant-projet de loi, il y a déjà maintenant, je pense, combien? trois ans, deux ans et demi. Il n'y a jamais eu de commission parlementaire sur cet avant-projet de loi, contrairement, par exemple, aux sûretés, et il y a eu un examen... Non, sur les obligations, je ne crois pas, non. Je crois qu'il y a eu déclenchement des élections, et là on revient avec un nouveau livre. Il y a eu évidemment, de mémoire, des... Il y a eu une consultation, mais il n'y a pas eu l'examen article par article de l'avant-projet de loi. Il y a eu des consultations avec présentation de mémoires, mais il n'y a jamais eu, comme ce fut le cas pour les quatre premiers livres, un examen parlementaire article par article.

M. Rémillard: M. le Président, vous me permettrez peut-être.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: On m'informe que, sur tous les avant-projets, évidemment, et sur tous les livres, il y a eu des discussions publiques. Peut-être pas une étude article par article, mais il y a eu audition des intervenants, de certains témoins experts: Barreau, Chambre des notaires, etc. Donc, la commission parlementaire a entendu tous les commentaires des intervenants, donc...

Mme Harel: Oui, mais, sur quatre livres, il y a eu un examen article par article préalable.

M. Rémillard: Non, les obligations aussi. Mme Harel: Non.

M. Rémillard: Pas article par article. Je ne vous dis pas article par article.

Mme Harel: C'est ça.

M. Rémillard: Je vous dis en fonction, donc, d'entendre les réactions des intervenants premiers dans ce domaine-là.

Mme Harel: Mais les quatre premiers livres...

M. Rémillard: Avaient été article... Oui. Mme Harel: ...il y a eu encore plus que ça. M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Je note avec intérêt les propos de bonne volonté de tous qui ont été soulevés. Cette bonne volonté est sûrement nécessaire et essentielle afin que nous puissions remplir notre mandat avec efficacité et surtout dans des délais les plus accessibles, si je peux employer ce terme, les délais les plus raisonnables possible. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires d'ouverture, j'aimerais peut-être appeler le premier article, soit l'article 1368 avec son amendement, s'il vous plaît.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Nous avons un amendement à 1368. L'article 1368 est modifié, tout d'abord, par l'ajout, dans la deuxième ligne, entre les mots "et" et "une cause", des mots ", s'agissant d'une obligation découlant d'un acte juridique,"; deuxièmement, M. le Président, par la suppression, dans les deuxième et troisième lignes, de ce qui suit: ", objective et impersonnelle,".

M. le Président, comme commentaire, cette modification précise l'énoncé de l'article dans le sens du droit actuel, où il est généralement admis que la notion de cause de l'obligation, cause objective et impersonnelle, ne concerne que le seul domaine des actes juridiques et ne relève aucunement des faits juridiques. La notion de cause de l'obligation est aujourd'hui assez bien cernée par la doctrine et la jurisprudence pour qu'on soit dispensé, ici, d'avoir à rappeler expressément ses caractères distlnctifs. En raison de ces modifications, l'article 1368 se lirait donc comme suit: "II est de l'essence de l'obligation qu'il y ait des personnes entre qui elle existe, une

prestation qui en soit l'objet et, s'agissant d'une obligation découlant d'un acte juridique, une cause qui en justifie l'existence. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Un commentaire? Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: II faut comprendre, M. le Président, que cet amendement, je pense, était réclamé à l'unanimité de la Chambre des notaires, du Barreau et de l'Opposition. Alors, il fait consensus.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, l'article 1368 est donc adopté tel qu'amendé. J'appelle l'article 1369.

M. Holden: Est-ce que...

Le Président (M. Lafrance): M. le député de Westmount.

M. Holden:... maintenant qu'on va faire ça article par article, on va le lire chaque fois ou...

M. Rémillard: Je ne sais pas ce qui se fait habituellement, M. le Président. Est-ce qu'on doit le lire article par article à chaque fois?

M. Holden: Oui, je trouve que c'est une bonne idée.

Le Président (M. Lafrance): Nous ne sommes pas tenus. Je ne pense pas, d'après les règlements, que nous soyons tenus de le lire, évidemment, de vive voix. J'assume, évidemment, que les membres le font progressivement. Mais s'il y a consentement à lire et s'il y a quelqu'un qui veut le lire au fur et à mesure...

M. Rémillard: M. le Président, je pense qu'on devrait suivre la règle. Vous devez appeler l'article et, s'il y a une discussion, à ce moment-là, peut-être qu'on pourra le lire pour bien cerner la discussion, si on le juge à propos.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Je vais appeler les articles et je vous prierais, évidemment, de vous manifester si vous avez des commentaires ou des interrogations, sinon je dirai simplement qu'il est adopté, après quelques minutes. Alors, l'article 1369 a été appelé. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. On peut peut-être, évidemment, demander au ministre qu'il nous indique les effets que le changement qu'il introduit à l'article 1369 aura en regard du droit actuel. Je crois comprendre que c'est là, quand même, un changement important puisqu'il s'agit de l'abandon des notions traditionnelles de contrat, quasi-contrat, délit et quasi-délit. Alors, j'aimerais avoir, évidemment, le point de vue du ministre sur cette question.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. De fait, en fonction du droit actuel, nous consacrons une évolution du droit actuel, M. le Président. Lorsqu'on dit que la réforme du Code civil, ce n'est pas une révolution mais une évolution, je crois qu'on en a un bon exemple. Et je vais demander au professeur Pineau de nous donner les explications quant au droit actuel et quant à la signification, à la portée de l'article 1369.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors. Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, l'article 1369 reprend d'une autre manière l'article 983 du Code civil du Bas-Canada qui nous indiquait et qui nous indique, puisqu'il est encore en vigueur, les sources des obligations, la fameuse summa divisiodu droit romain: contrat, quasi-contrat, délit, quasi-délit et loi seule. Cet article 983, cette énumération de sources a été unanimement critiquée par la doctrine. On a fait observer que la notion de quasi-contrat était une notion nébuleuse, qu'il n'y avait pas lieu de distinguer délit et quasi-délit car les effets étaient les mêmes lorsqu'ils étaient sources de préjudice et on a fait observer que la loi seule, qui venait au cinquième et dernier rang, était une espèce de fourre-tout alors qu'en réalité la loi était, seule, la première source de droit. De sorte que les auteurs considèrent qu'aujourd'hui il serait préférable de prétendre qu'il y a deux grandes sources d'obligations: d'une part, l'acte juridique et, d'autre part, le fait juridique. Mais, en vérité, dans les actes juridiques, en fait, on vise essentiellement le contrat, c'est-à-dire l'acte juridique bilatéral et non point l'acte juridique unilatéral, car la théorie de l'engagement unilatéral est plus ou moins reçue, n'est-ce pas? et, d'un autre côté, tout ce qui n'est pas contrat et fait juridique, c'est-à-dire événement auquel la loi attache d'autorité des effets de droit. Alors, évidemment, toute classification peut prêter à la critique. Effectivement, certains ont prétendu qu'il y avait deux grandes sources d'obligations: le contrat et la loi. C'était la classification proposée par Planlol, mais Planlol, lui aussi, a été critiqué et on a répondu à Planiol qu'en définitive il n'y avait qu'une seule sourco d'obligations, la loi, et que, si le contrat était source d'obligations, c'est parce que la loi disait que le contrat était source d'obligations. Alors, ce sont des discussions à perte de vue et je pense qu'on ne se trompe pas en disant que les deux grandes sources d'obligations sont le contrat et le fait juridique.

Le Président (M. Lafrance): Merci, maître.

Mme Harel: Alors, il faut donc comprendre que la formulation récupère tout simplement ces formulations antérieures. (16 h 15)

M. Pineau: Absolument, car le contrat est indiqué dans l'article 983, Bas-Canada, et l'acte ou fait auquel la loi attache d'autorité les effets d'une obligation couvre de façon incontestable, je crois, les quasi-contrats, les délits et quasi-délits et l'opération de la loi seule. Il n'y a donc pas de changement.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le député de Westmount.

M. Holden: M. le Président, je sais que, plus tard, on va discuter de l'approche pour diviser les recours, entre recours contractuels et recours... On a perdu le mot "délictuel". On l'a remplacé avec quoi là? J'ai oublié. Est-ce que c'est le stade de soulever cette question ou s'il faut attendre l'article je ne sais pas quoi là, je le cherche, là où vous ne permettez plus le cumul de réclamations contractuelles et délic-tuelles? Est-ce que c'est le moment ou si c'est prématuré?

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, je pense que c'est prématuré de parler du principe de l'option de responsabilité, régime de responsabilité. Ce que je puis répondre cependant, c'est que les termes "délit" et "quasi-délit" ont été bannis du projet de Code...

M. Holden: Oui, j'ai vu ça.

M. Pineau: ...parce que, effectivement, ces termes ne correspondent a rien, en définitive, dans nos classifications. Ce qui est retenu et ce qui apparaît important de retenir, c'est tout simplement la notion de faute lorsque viendra le moment d'examiner les dispositions sur la responsabilité, que cette responsabilité soit contractuelle ou extra-contractuelle.

Le Président (M. Lafrance): Merci. J'aimerais revenir à l'article 1369. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires spécifiques sur cet article, sinon l'article...

Mme Harel: C'est une amélioration, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, l'article 1369 est donc adopté. J'appelle l'article 1370.

M. Holden: Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: M. le député de Chapleau va remarquer, quand on discutera avec le professeur Brierley, qu'on se sert du mot "prestation" dans le texte anglais. Je comprends prestation, mais "prestation", je l'ai cherche dans le dictionnaire et je ne l'ai pas trouvé.

M. Kehoe: C'est un autre mot dont il faut discuter avec le professeur.

M. Holden: Oui.

M. Rémillard: "Prestation", ça n'existe pas en anglais, M. le Président?

M. Holden: On l'a créé d'un certain dictionnaire juridique et on dit que c'est un mot... Comment on appelle ça? Un mot inventé, là?

Une voix: Un néologisme. M. Holden: Un néologisme.

M. Rémillard: Une influence indue du français sur la langue de Shakespeare.

M. Holden: Vous voyez?

Une voix:...

M. Holden: Madame est contente.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel: À 1370, on parle de l'objet de l'obligation tandis qu'à 1408, on parle de l'objet du contrat. On fait donc, à 1370, la définition suivante: "L'objet de l'obligation est la prestation à laquelle le débiteur est tenu envers le créancier" et, à 1408, on dit: "L'objet du contrat est l'opération juridique envisagée par les parties au moment de sa conclusion."

Une voix: Ici, il s'agit d'une vente ou...

Mme Harel: C'est ça. Donc, il y a là un nouveau vocabulaire, finalement, qu'on utilise et ça vient, je pense, préciser l'article actuel du

Code sur cette question qui parie de donner, je pense.

M. Pineau: Pas tout à fait. Mme Harel: Pas tout à fait. Le Président (M. Lafrance): Merci.

M. Pineau: Est-ce que je peux me permettre?

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: Juste avant l'article 991, Bas-Canada, il y a un paragraphe intitulé: 4. - De l'objet des contrats, le paragraphe 4 est intitulé: De l'objet des contrats, et au-dessous il y a: "Voir Chap. V. - De l'objet des obligations". Alors, il y a une confusion effectivement entre l'objet de l'obligation et l'objet du contrat. Ce qui est indiqué dans 1370 du projet: "L'objet de l'obligation est la prestation à laquelle le débiteur est tenu envers le créancier et qui consiste à faire ou à ne pas faire", c'est ce que l'on enseigne, c'est ce qu'on a toujours enseigné et qu'on continuera à enseigner. L'objet du contrat étant une opération juridique envisagée dans son ensemble, l'objet d'un contrat de vente, c'est vendre pour le vendeur, c'est acheter pour l'acheteur; l'objet du contrat de louage, c'est donner en location pour le locateur et c'est prendre en location pour le locataire, etc.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel: En fait, ce que l'on ajoute, c'est le deuxième alinéa à 1370, je crois, en comparaison avec l'article 1058 actuel du Code, c'est-à-dire qu'on précise que la prestation ne doit être ni prohibée par la loi ni contraire à l'ordre public.

M. Pineau: Oui. L'article 1058, Bas-Canada, qui se lit actuellement de la façon suivante: "Toute obligation doit avoir pour objet quelque chose qu'une personne est obligée de donner, de faire ou de ne pas faire", eh bien! cette définition n'est pas tout à fait exacte, n'est-ce pas? On aurait dû dire: Toute obligation doit avoir un objet qui consiste à donner, faire ou ne pas faire. Alors, c'est cette rectification que l'on fait dans l'article 1370, alinéa 1.

Mme Harel: Et à 2?

M. Pineau: Et quant à l'alinéa 2, il s'agit de reprendre l'article 1060 et, d'autre part, l'article 1062, Bas-Canada.

Mme Harel: C'est ça. Et on remplace "les bonnes moeurs" par "l'ordre public".

M. Pineau: Alors, l'ordre public englobe...

Mme Harel: C'est ça. Ha, ha, ha!

M. Pineau:... engloberait désormais...

Mme Harel: Les bonnes moeurs.

M. Pineau:... les bonnes moeurs. C'est cela.

Mme Harel: C'est ça.

Le Président (M. Lafrance): Merci. S'il n'y a pas d'autres commentaires, donc, l'article 1370 est adopté. J'appelle l'article 1371.

Une voix: Je ne vois aucun problème.

Mme Harel: Non, c'est ça. Finalement, l'article 1371, M. le Président, je comprends quo ça va venir améliorer la formulation de l'article 1059 qui contenait, à l'expérience, je pense, une rédaction qui pouvait prêter à une inexactitude, je crois.

M. Pineau: 1059, 1060, 1061 et 1062, en définitive. Alors, nous avons cela dans 1370 du projet, 1371.

Mme Harel: Oui. C'est vraiment une autre formulation que l'on retrouve présentement.

M. Pineau: Oui.

Mme Harel: On dit, à l'article 1059: "II n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet d'une obligation. " Tandis qu'on va retrouver maintenant une formulation à l'article 1371 qui va certainement être beaucoup plus englobante.

M. Pineau: Oui, et dans le deuxième alinéa de l'article 1370: "... doit être possible et déterminée [... ] elle ne doit être ni prohibée par la loi ni contraire à l'ordre public".

Mme Harel: Ni contraire aux bonnes moeurs Adopté.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1371 est adopté. J'appelle maintenant l'article 1372qui touche la bonne foi. Oui, Me Masse.

M. Masse (Claude): M. le Président, il faut noter que la notion de bonne foi est, pour l'une des premières fois dans le droit civil québécois, insérée directement dans le Code. La notion de bonne foi est une création surtout de la doctrine, et de la jurisprudence par la suite, et elle a surtout consisté à mesurer la bonne foi des parties dans l'exécution et l'extinction des obligations. Le problème que nous avons avec le concept de bonne foi à l'article 1372, qui traite non seulement de l'exécution ou de l'extinction de l'obligation, mais qui déclare également que la bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance do l'obligation qu'à celui de son exécution... Donc, on traite de la bonne foi dans la naissance de l'obligation et il n'échappe à personne que la naissance do l'obligation résulte, dans la totalité des cas ou dans un bon nombre de cas, surtout en matière contractuelle, je m'excuse, de l'échange dos consentements, donc des vices de consentement

qui peuvent en découler. La difficulté que l'on a, c'est de voir la part entre le concept nouveau de bonne foi, tel que stipulé à 1372 quant à la naissance de l'obligation, et les différents vices de consentement que l'on retrouve au projet à partir des articles 1394, vices qui sont essentiellement l'erreur, le dol et la crainte ou, comme on va le voir avec les amendements qui s'en viennent, éventuellement la lésion. On se pose des questions, je pense, importantes sur la portée de cette notion de bonne foi: Est-ce que ça ajoute aux vices de consentement dans la formation du contrat ou est-ce que ça veut dire quelque chose de tout à fait différent?

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, pour répondre à cette interrogation de M. le professeur Masse, je vais demander à M. le professeur Pineau.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, même si le Code civil du Bas-Canada n'indiquait pas que l'échange de consentement devait se faire de bonne foi, je pense que cette notion de bonne foi était sous-jacente, n'est-ce pas? à la bonne entente des parties et que l'on doit, effectivement, négocier, avant la formation du contrat, pour aboutir à la formation du contrat, que les parties doivent négocier de bonne foi. On ne fait que consacrer une règle de conduite, n'est-ce pas? qui nous semble absolument fondamentale dans les relations contractuelles. L'article 1372 reprend, au niveau de la formation du contrat, l'article 6 du projet selon les termes duquel toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi. Je pense qu'on doit être de bonne foi autant au moment où on conclut un contrat qu'au moment où on l'exécute.

M. Masse: Mais nous nous demandons encore, M. le Président, s'il existe des cas où une personne ne sera pas la source d'une erreur, d'un dol, d'une crainte ou d'une lésion et où on pourra encore dire qu'elle a manqué à la bonne foi.

M. Pineau: Je crois, M. le Président, qu'on peut utiliser cette notion de bonne foi dans la formation du contrat et englober, notamment, cette délicate obligation de renseignements que l'on exige dans la négociation. Chacune des parties contractantes a l'obligation de renseigner l'autre et de se renseigner, n'est-ce pas? mais il ost évident que cette obligation de renseignements a des limites. Ce sont les circonstances de l'affaire qui vont effectivement nous dire jusqu'où doit aller cette obligation de renseigne- ments. Et je crois que la notion de bonne foi dans la formation du contrat peut nous aider à déterminer jusqu'où peut aller cette obligation de renseignements.

Le Président (M. Lafrance): Merci, maître. Mme la députée de Terrebonne et, ensuite, M. le député de Westmount.

Mme Caron: Oui. Une simple question, M. le Président. Est-ce que le non-respect de cette bonne foi pourrait entraîner des sanctions, des pénalités quelconques?

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: Je pense que oui, M. le Président. L'absence de bonne foi pourrait effectivement vicier le contrat et nous pourrions retrouver, sans aucun doute... éventuellement, nous pourrions retomber sur la notion de fausse représentation ou sur la réticence qui équivaut à dol et donc, effectivement, soit il pourrait y avoir annulation du contrat ou peut-être des dommages-intérêts.

Mme Caron: Je vous remercie.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le député de Westmount.

M. Holden: Oui, M. le Président. Est-ce que le professeur Pineau a à sa portée l'article 1134 du Code civil français que je pourrais entendre?

M. Pineau: Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Et le dernier alinéa: Elles doivent être exécutées de bonne foi. (16 h 30)

M. Holden: Pourquoi est-ce qu'on vise... Je suis d'accord que la bonne foi se présume et que la bonne foi doit être mentionnée, mais pourquoi on dit: Ça doit exister... Pourquoi ne dit-on pas: Ça doit exister en tout temps, au lieu de dire: À la naissance, à l'exécution ou à l'extinction? Est-ce qu'entre la naissance et l'exécution la bonne foi ne doit pas exister, entre-temps, ou on peut être de mauvaise foi... Après la naissance, on est de bonne foi; à l'exécution, on est de bonne foi, mais, entre les deux, on est de mauvaise foi. Je trouve qu'en tout temps la bonne foi devrait exister. Pourquoi faire la distinction entre les trois périodes?

M. Pineau: Parce que la question se pose, M. le Président, soit au moment de la formation du contrat, soit au moment de l'exécution. Entre le moment de la formation du contrat et de l'exécution, s'il ne se passe rien, il n'est pas question de mauvaise ou de bonne foi à ce

moment-là et, de la même façon, l'extinction recouvre, d'une certaine façon, l'exécution de l'obligation puisque l'exécution éteint l'obligation.

M. Holden: Mais je ne vois pas pourquoi on distingue les différentes périodes de temps où ça doit exister. Ça doit exister en tout temps.

M. Pineau: Je comprends bien ce point de vue, M. le Président...

M. Holden: Le Code français ne mentionne pas l'exécution ou l'extinction...

M. Pineau: Si, le Code français mentionne l'exécution.

M. Holden: Mais pas l'extinction, si je l'ai...

M. Pineau: Non, pas l'extinction, mais on pourrait prétendre que l'exécution d'une obligation est un mode d'extinction d'obligation.

M. Holden: Ça peut être l'extinction, ça peut être partiel. En tout cas, je n'ai rien contre la formation du contrat, mais je vois quelqu'un plaider qu'il était de bonne foi à certaines époques et de mauvaise foi entre deux, mais le Code ne dit pas qu'il doit être de bonne foi tout le long.

M. Pineau: La bonne foi, M. le Président, doit exister au moment de la formation du contrat et elle doit exister au moment de l'exécution. Entre-temps, il ne se passe rien.

M. Holden: Non, mais un contrat qui s'échelonne sur cinq ans et dont on se sert peut-être pour des manoeuvres frauduleuses même... On est de bonne foi; on s'en va à la banque montrer un contrat pour financer quelque chose qui n'était pas prévu dans le contrat. En tout cas, on peut être de mauvaise foi tout en agissant...

M. Pineau: M. le Président, je pense que le député de Westmount fait allusion au contrat à exécution successive et nous retombons, à ce moment-là, sur la bonne ou la mauvaise foi au moment où le débiteur exécute son obligation.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

M. Pineau: Je peux ajouter également que cette notion de bonne foi que l'on trouve donc dans l'article 1372 qui est proposé recouvre également cette obligation de loyauté que tout le monde reconnaît devoir exister entre les parties contractantes.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Oui, sur le même article, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: J'apprécie toujours les commontaires du professeur Pineau et j'aimerais lui demander si cette obligation de renseignements, de loyauté qui est induite par la bonne foi no so trouverait pas à être satisfaite par l'article 1430 qui nous dit que "le contrat valablement formé oblige ceux qui l'ont conclu non seulement pour ce qu'ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d'après sa nature et suivant les usages, l'équité", en fait.

M. Pineau: Je crois que le principe de bonne foi est posé, je pense, très clairement dans l'article 1372 et ajoute à 1430, car 1430 nous indique autre chose. On dit: "Le contrat [... ] oblige ceux qui l'ont conclu", pour ce qui est exprimé, certes, mais plus encore pour ce qui n'est pas exprimé, mais qui découle du contrat "d'après sa nature et suivant les usages, l'équité ou la loi". Alors, l'équité ou la loi. La loi réfère notamment à la notion de bonne foi de l'article 1370.

Mme Harel: Et on revient au point de départ. Très bien.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1372 est donc adopté. J'aimerais appeler l'article 1373avec l'amendement proposé, s'il vous plaît.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. L'article 1373 est modifié par le remplacement, dans les première et deuxième lignes, des mots "à sos organismes, sociétés, agents ou mandataires, ainsi qu'à" par les mots ", ainsi qu'à ses organismes et à".

M. le Président, l'amendement proposé supprime des expressions inutiles parce que déjà comprises dans celle d'"organlsmes". Il évite des difficultés d'Interprétation qui, autrement, auraient pu être créées dans les lois particulières, où le mot "organismes" couvre généralement les "sociétés", "agents" et "mandataires" de l'État. En raison de cet amendement, l'article 1373 se lirait comme suit: "Les règles du présent livre s'appliquent à l'État, ainsi qu'à ses organismes et à toute autre personne morale de droit public, sous réserve des autres règles de droit qui leur sont applicables. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

Mme Harel: Est-ce qu'il faut comprendre,

M. le ministre, qu'a contrario les règles des autres livres ne s'appliquent pas à l'Etat, par exemple?

M. Rémillard: Non, non.

Mme Harel: Alors, vous le mentionnez

spécifiquement pour le présent livre cinquième. Et qu'en est-il pour les autres livres du Code?

M. Rémillard: On sait - la grande règle - que l'État est lié par une loi dans la mesure où elle est mentionnée. Alors, là, on le mentionne expressément, directement.

Mme Harel: Seulement pour ce livre cinquième?

M. Rémillard: Oui, et directement... Mme Harel: Donc...

M. Rémillard: Mais si vous voulez, en ce qui regarde les obligations. Parce que, dans les autres aspects, il s'agit de citoyens entre eux et, dans ce domaine des obligations, on veut préciser que l'État, d'une façon toute particulière, est lié par ses mandataires. Parce qu'on sait à quel point les organismes publics qui sont déclarés mandataires de la couronne, donc qui agissent au nom de l'État, sont couverts aussi par cette immunité de l'État. Je vais demander au Dr Pineau ou à M. le professeur Pineau... M. le docteur. Vous n'êtes pas docteur?

M. Pineau: Bien si, mais, enfin...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Rémillard: M. le Président, peut-être a-t-il été jugé préférable de préciser, dans ce contexte-là, que les règles sur les obligations et sur les contrats étaient applicables à l'État et, notamment, les règles sur la responsabilité. Mais )e pense que Mme Longtin va apporter des précisions utiles.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau.

Mme Harel: Parce qu'il faut comprendre qu'en matière de sûretés, ou de prescription, ou de preuve, l'État également peut être concerné?

M. Rémillard: Bien, oui, mais c'est... Une voix: Ça, ce n'est pas...

Mme Harel: Non, mais on a pris d'autres dispositions.

M. Rémillard: Oui, l'État peut être concerné, c'est évident, par ses mandataires, entre autres, directement. Alors, II s'agit de cas par cas. Mme Longtin va nous donner des précisions.

Le Président (M. Lafrance): Me Longtin.

Mme Longtin: Sur l'objectif? Mme Harel: Sur l'article 1373.

Mme Longtin: Oui, M. le Président. En fait, normalement, c'est une question qui est réglée quant aux personnes, au début, de dire que le droit commun s'applique à elles. On n'ose pas qualifier encore l'État de personne et, donc, on n'a pas de règles au livre premier qui s'appliquent directement à l'État, sauf quelques, peut-être à l'occasion, mais de façon générale. Donc, on ne pouvait pas régler l'application du droit commun à l'égard de l'État au livre premier.

C'est pourquoi on a quand même senti le besoin d'avoir une règle générale pour bien marquer que le droit des obligations, dans son ensemble, s'appliquait aux actes administratifs, sous réserve, évidemment, de tout le droit public.

Maintenant, en ce qui concerne les autres livres particulièrement... Évidemment, en matière de succession, l'État n'est jamais défunt, donc ça ne s'applique pas, sauf qu'il est quand même indiqué que l'Etat peut recevoir par testament, alors dans la mesure où aussi les biens peuvent lui échoir. C'est donc une règle précise.

En matière de biens, il y a aussi une règle, par exemple à 914, qui prévoit le régime des biens de l'État. En matière de sûretés, le droit des hypothèques qui est aussi quand même du droit des obligations par incidence puisque ça fait partie de l'exécution, et l'État y est mentionné à quelques reprises comme étant dans... De même en droit de la preuve. En prescription, on a une disposition aussi. Alors, je pense que, de façon générale, tout est pas mal couvert.

Mme Harel: D'accord.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Me Masse.

M. Masse: Dans les règles d'immunité qui concernent l'État, certaines traditions, surtout dérivées de la Grande-Bretagne, veulent, selon certaines décisions d'ailleurs de la Cour suprême, qu'on ne puisse pas appliquer à l'État les présomptions, par exemple une présomption de faute ou de responsabilité. Le fait qu'on ne trouve pas cette règle-là en matière de preuve va poser des problèmes. Et, par interprétation, quand le législateur dit, à 1373, que le présent livre s'applique à l'État, a contrario on va penser que toutes les autres règles, sauf disposition expresse, ne s'appliquent pas à l'État. Peut-être qu'on pourrait garder ce problème-là à l'esprit dans les discussions des prochaines semaines. Mais, notamment en matière de présomption ou de fardeau de la preuve, ça peut poser des problèmes particuliers aux citoyens qui poursuivent l'Etat.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce

qu'on désire commenter? M. Rémillard: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, moi, je ne suis pas insensible, loin de là, aux commentaires que vient de faire Me Masse sur cet article 1373. On pourrait les avoir à l'esprit et faire d'autres vérifications...

Mme Harel: On peut l'adopter quand même... M. Rémillard: On peut l'adopter, mais... Mme Harel:... pour le livre Des obligations.

M. Rémillard:... je crois que le point soulevé par Me Masse mérite qu'on puisse voir ça à fond, le plus entièrement possible.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. M. le député de Westmount.

Mme Harel: On comprend qu'il ne s'agit que de l'État québécois. Les obligations par extension ne s'appliquent pas encore à l'autre État.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Une loi provinciale ne lie pas la couronne fédérale bien qu'une loi fédérale peut lier une loi, donc une province.

Mme Harel: Vous en savez quelque chose.

M. Rémillard: Vous en savez aussi quelque chose...

Mme Harel: Ha, ha, ha!

M. Rémillard:... parce que votre question témoigne de votre érudition en ce domaine.

Mme Harel: Ha. ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le député de Westmount.

M. Holden: Oui, une courte question. Vous dites, dans le commentaire pour l'amendement, que le mot "organismes" couvre généralement les "sociétés", "agents" et "mandataires". Est-ce qu'il y a des exceptions? Si oui, quelles sont-elles? Et, pour ajouter - le vieux dicton "the Crown can do no wrong" - est-ce qu'en disant que l'État est couvert par ce chapitre, ça veut dire que l'exécution des contrats peut être faite contre la couronne ou c'est une exception qui est contenue dans les règles de droit qui leur sont applicables?

Le Président (M. Lafrance): Me Longtln.

Mme Longtin: Pour répondre à la dernière question, M. le Président, effectivement, il y a des exceptions qui sont contenues dans les autres règles de droit qui leur sont applicables puisqu'il y a quand même encore des prérogatives qui sont reconnues à l'État et que les tribunaux appliquent encore, même si ce domaine se rétrécit.

Pour la première question, je crois que le commentaire, le mot généralement étant pris dans un sens général, ne se voulait pas exclusif de quelque autre chose. C'est tout simplement que, dans la législation générale, on a attiré notre attention sur le fait qu'on n'avait pas à distinguer entre les différents types d'organisation que l'État pouvait prendre pour accomplir ses fonctions.

M. Rémillard: M. le Président... Le Président (M. Lafrance): Oui.

M. Rémillard:... peut-être que vous me permettrez de dire, pour répondre à cette question du député de Westmount, que la maxime "the King can do no wrong"...

M. Holden: The Queen, the Queen.

M. Rémillard:... a toujours son application On voit le relent royaliste...

M. Holden: The Crown, the Crown. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard:... du député de Westmount. Le Président (M. Lafrance): La couronne

M. Rémillard: La couronne. Oui, M. le Président. Donc, c'est une prérogative de la couronne qui existe encore en droit criminel et pénal, mais qui, en droit civil, n'existe plus depuis au moins 1953...

M. Holden: Sauf pour les saisies. Les saisies, on ne peut pas en faire.

M. Rémillard:... où il y a une responsabilité civile qui peut être manifeste lorsqu'elle est mentionnée.

Le Président (M. Lafrance): Merci S'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1373 est donc adopté tel qu'amendé.

Nous en arrivons au chapitre deuxième qui traite du contrat. Alors, je demanderais à M. le député de Sherbrooke de bien vouloir nous lire les propos d'introduction. (16 h 45)

Du contrat

M. Hamel: Merci, M. le Président. Chapitre deuxième, Du contrat, articles 1374 à 1452.

Source primordiale d'obligations, le contrat n'a fait l'objet, au Code civil actuel, que de très peu de modifications depuis la codification de 1866; d'où l'incontestable vieillissement des règles qui le régissent, lesquelles ne correspondent plus toujours à la réalité juridique telle qu'elle s'est transformée au fil de l'évolution sociale et économique du Québec.

Devant ce vieillissement des règles du Code actuel, le Code civil du Québec, au chapitre Du contrat, se caractérise par la poursuite de deux grands objectifs.

D'abord, si le nouveau Code maintient bon nombre des règles actuelles en les reformulant parfois, par souci de précision ou de clarté, il les modernise aussi, bien souvent, en les complétant par des règles issues de la pratique ou de lois sectorielles, ou développées par la doctrine et la jurisprudence.

Ce premier objectif se concrétise, ainsi, dans la définition du contrat et de certaines de ses espèces, y compris désormais les contrats d'adhésion ou de consommation, dans la réglementation du mécanisme de l'offre et de l'acceptation, dans la définition des concepts de cause et d'objet du contrat et dans la reconnaissance du formalisme comme condition accessoire de formation du contrat. On en retrouve également des illustrations dans la codification du régime des nullités, dans la modernisation des règles d'interprétation du contrat ou le rajeunissement des opérations que sont le porte-fort et la simulation, dans la réglementation accrue de la stipulation pour autrui et, enfin, dans le regroupement des règles propres aux contrats translatifs de droits réels.

Ensuite, le nouveau Code opère plusieurs changements qui affectent les conceptions traditionnelles en instaurant, au sein du droit commun des contrats, une philosophie nouvelle axée sur un meilleur équilibre entre les parties contractantes et une meilleure justice contractuelle.

Parmi les changements de cette nature, on peut mentionner, entre autres, la reconnaissance implicite d'une obligation générale d'information à la charge des parties contractantes, la réglementation des clauses externes, illisibles ou incompréhensibles et des clauses abusives dans les contrats d'adhésion ou de consommation, et l'atténuation des règles traditionnelles d'interprétation de tels contrats. On les retrouve encore dans l'introduction de la réduction des obligations, comme sanction alternative à la nullité du contrat, et dans le décloisonnement des relations contractuelles en faveur de la transmission, aux ayants cause à titre particulier d'une partie contractante, des droits lui résultant du contrat.

Le Président (M. Lafrance): Merci. J'aimerais appeler le premier article contenu à la section I qui traite de disposition générale, soit l'article 1374, et je pense que nous avons un amendement de proposé.

M. Rémillard: M. le Président, l'article 1374 est modifié par le remplacement du deuxième alinéa par le suivant: "Des règles particulières à certains contrats, qui complètent ces règles générales ou y dérogent, sont établies au titre deuxième du présent livre."

Comme commentaire, M. le Président, cet amendement est essentiellement d'ordre rédactionnel. Il vise à éviter la difficulté que posait, dans le texte du projet, l'emploi des mots "s'y appliquer", lesquels laissaient entendre que les règles particulières à certains contrats peuvent également s'appliquer à tout contrat et, donc, qu'elles présentent un caractère général, ce qui n'était pas conforme au sens recherché. En raison de cet amendement, l'article 1374 se lirait comme suit, M. le Président: "Les règles générales du présent chapitre s'appliquent à tout contrat, quelle qu'en soit la nature. "Des règles particulières à certains contrats, qui complètent ces règles générales ou y dérogent, sont établies au titre deuxième du présent livre."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

Mme Harel: Faut-il comprendre, M. le Président, qu'il s'agit seulement, dans la volonté du législateur, des règles générales du chapitre deuxième et non pas des règles générales du présent livre sur les obligations?

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Rémillard: Je vais demander à Me Pineau de répondre à cette question.

M. Pineau: Merci, M. le Président. L'article 1374 vient simplement dire que les règles de ce chapitre sont, en définitive, les règles relevant de la théorie générale des contrats, plus précisément des obligations contractuelles. Donc, ce sont des dispositions, puisqu'il s'agit de théorie générale, qui s'appliquent à tous les contrats, quelle qu'en soit la nature, quels qu'ils soient. Mais, en plus de ces dispositions générales que l'on note dans ce chapitre, il y a, dans le cadre des chapitres sur les contrats nommés, des dispositions qui s'appliquent particulièrement à certains contrats, disons les contrats nommés. Donc, ce sont ces règles particulières à certains contrats qui viennent compléter, n'est-ce pas, ou qui viennent déroger à la théorie générale des contrats. C'est tout ce que veut dire l'article 1374.

Le Président (M. Lafrance): Merci, maître. Me Masse.

M. Masse: Si on regarde le contenu du chapitre 5 du même livre qui traite des modalités de l'obligation, à la suite de ce que disait Me Pineau pour le chapitre 1, je suis d'accord, c'est-à-dire le chapitre 2, je m'excuse... Quand on parle des modalités de l'obligation, on peut viser l'ensemble des contrats également.

M. Pineau: Absolument.

M. Masse: Et pourtant, à la règle que vous prévoyez à l'article 1374, on ne parle pas du chapitre 5.

M. Pineau: M. le Président, le chapitre cinquième, effectivement, traite des modalités de l'obligation, modalités de l'obligation également contractuelle, ça ne fait pas de doute, l'obligation conditionnelle, l'obligation à terme. Mais je ne pense pas que 1374 puisse prêter à confusion car cette disposition dit simplement qu'il y a des règles générales sur le contrat et qu'il y a des règles particulières à certains contrats qui sont les contrats nommés. C'est tout ce que cela dit.

Le Président (M. Lafrance): Me Masse, avez-vous des commentaires additionnels?

M. Masse: Un autre problème, c'est la formulation de l'article 1374 même modifié. On dit: "Les règles générales du présent chapitre s'appliquent à tout contrat, quelle qu'en soit la nature. " Est-ce que vous pouvez confirmer que vous ne proclamez pas, par ce premier alinéa, que ces règles-là sont d'ordre public...

M. Pineau: Non...

M. Masse:... donc que les parties ne pourraient pas y déroger?

Le Président (M. Lafrance): Merci. Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, la réponse, à cet égard, est très claire. 1374 ne veut pas dire que ces règles-là sont des règles d'ordre public et imperatives auxquelles on ne peut déroger.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires... Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Est-ce qu'il serait souhaitable que ce soit inscrit, par exemple, dans le commentaire qui accompagnera l'article 1374?

M. Rémillard: Je n'ai pas d'objection, pour que les choses soient encore plus claires, de le mettre dans le commentaire. Très bien, M. le Président, ce sera fait.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1374 est donc adopté tel qu'amendé.

Nous en arrivons à la section II qui traite de la nature du contrat et de certaines de ses espèces. Alors, j'aimerais appeler l'article 1375.

M. Rémillard: II n'y a pas de modification. M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Aucun amendement. Alors, est-ce qu'il y a des commentaires sur cet article 1375? Oui, Mme la députée do Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, je relisais dernièrement le rapport du comité aviseur mis en place par le ministre de la Justice pour le conseiller en matière de réforme et II me semble que M. le Juge Baudouin, qui présidait ce comité, avait un commentaire sur cet article 1375.

Vous savez qu'à 1375 on y prévoit donc un contrat d'adhésion ou de gré à gré et, en fait, d'autres formes de contrat. Sur cette partie-là, le comité aviseur était, Je dirais, assez Intéressé parce qu'il considérait que c'était une question majeure de politique législative et avait fait savoir...

Une voix: II ne voulait pas qu'on traite le contrat de consommation dans le Code.

Mme Harel: C'est ça, exactement, oui. Le comité aviseur recommandait au ministre, en fait, de ne pas traiter le contrat de consommation dans le Code. C'était là une des recommandations. Je ne la fais pas mienne pour autant, mais je crois que c'est important parce que, avec raison, M. le ministre a fait mention tantôt des diverses réactions qui ont été communiquées suite au dépôt du projet de loi 125 et au livre sur les obligations. Et je pense qu'on aura l'occasion, durant l'examen qu'on va en faire, de revenir, à l'occasion, sur ces recommandations du comité aviseur pour obtenir le point de vue du ministre sur, évidemment, le choix qu'il a fait.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce qu'on désire commenter les propos de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve? Pas tout de suite? D'accord. Mme la députée de Terrebonne?

Mme Caron: Juste pour souligner qu'il y avait exactement les mômes recommandations de la part de la Chambre des notaires et du Barreau, de supprimer le deuxième alinéa.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel: Alors, finalement, M. le Prési-

dent, ce que le comité aviseur, présidé par le juge Baudouin, recommandait consistait à ne garder dans le Code civil que la définition du contrat de consommation et à rapatrier le reste des règles dans la loi. Bon, on y reviendra, évidemment, je crois, à 2717 du projet de loi sur la définition qui est proposée, mais, à ce moment-ci... À1314, plutôt?

Une voix: 1381.

Mme Harel: 1381, excusez-moi. On y reviendra à 1381. Mais, à 1375, je pense qu'il serait indiqué que le ministre nous fasse connaître les raisons qui ont motivé qu'il maintienne le contrat de consommation et ce qui va s'ensuivre, évidemment, dans le livre Des obligations.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, ce que je pourrais dire, c'est qu'on a enlevé... Finalement, on a convenu, comme nous le soulignait d'ailleurs le comité aviseur, de ne pas mettre dans le Code civil toutes les dispositions concernant la protection du consommateur et les dispositions pertinentes. Nous considérons que le Code civil, c'est le corpus juris qui gouverne ensuite l'ensemble des dispositions législatives et que, par conséquent, des lois spécifiques peuvent venir s'y greffer. Un exemple particulièrement éloquent est certainement la Loi sur la protection du consommateur et, dans ce cadre-là, ce que nous avons voulu conserver, c'est cette évocation au contrat de consommation. Donc, nous avons voulu quand même bien mentionner un élément, pour nous, qui était important, c'est de dire: "... II peut aussi être de consommation", pour qu'on sache bien que le contrat de consommation est bien compris. Peut-être que Me Pineau peut apporter d'autres explications.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, Me Pineau. (17 heures)

M. Pineau: M. le Président, dans 1375, il est indiqué In fine que le contrat peut être de consommation. Ceci annonce l'article 1381. Il est évident que, si on supprimait cette dernière partie de phrase en 1375, cela entraînerait la suppression de 1381. Or, ce qui a été voulu dans ce contexte, c'est que le Code civil fasse état de l'existence d'un contrat de consommation car le contrat passé par un consommateur avec un commerçant, c'est un contrat de droit civil, et le droit civil comprend le droit de la consommation. La Loi sur la protection du consommateur n'est pas une loi autonome; elle repose sur les fondements de la théorie générale des obligations et des contrats. Donc, il apparaissait normal et légitime de faire état de l'existence d'un contrat de consommation qui est un contrat qui, comme chacun le sait, est terriblement utilisé. Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel: C'est ça. Alors, M. le Président, on aura à rediscuter, je crois, de cette question à 1381, au moment où on abordera la définition du contrat de consommation. Alors, je crois qu'il n'y a aucun empêchement à adopter 1375.

Le Président (M. Lafrance): D'accord. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: J'allais demander à la députée de Hochelaga-Maisonneuve ce que le juge Baudouin a dit, mais peut-être qu'elle va nous le dire au moment où on va étudier...

Mme Harel: La définition.

M. Holden:... l'ordre pratique. J'aimerais savoir pourquoi il ne voulait pas avoir ces articles dans le Code civil, mais peut-être que vous allez nous expliquer ça.

Mme Harel: C'est-à-dire que, dans son rapport, le comité indique qu'il est favorable à garder dans le Code civil la définition du contrat de consommation mais que la définition qui est proposée dans le projet lui semble trop large. On y reviendra à 1381.

M. Holden: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur cet article 1375? Sinon, l'article 1375 est donc adopté tel quel. J'aimerais appeler l'article 1376. Oui, Me Masse.

M. Masse: M. le Président, l'article 1376 nous paraît être une disposition, dans le nouveau Code civil, qui serait une des pierres d'assise, non seulement à l'égard des droits qui y seraient reconnus mais à l'égard de la philosophie des contrats qu'elle instaurerait. Je crois qu'il est important qu'on lise la disposition 1376 telle que suggérée ou proposée: "Le contrat est d'adhésion lorsque les stipulations essentielles qu'il comporte ont été imposées par l'une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu'elles ne pouvaient être librement discutées. "

Le deuxième alinéa ne pose pas de problème. On dit: 'Tout contrat qui n'est pas d'adhésion est de gré à gré. "

L'article 1376 est extrêmement important parce qu'il se réfère directement à l'utilisation qu'on va faire de ce concept-là en matière de clause externe - c'est à l'article 1431 - en matière de clause illisible - c'est à l'article 1432 - et surtout à l'égard de la notion de clause abusive que l'on retrouve à l'article 1433.

La notion de contrat d'adhésion - et je pense que nos amis d'en face vont en convenir - c'est une notion qui, depuis Josserand, a surtout été utilisée en matière de contrat de consommation.

Et ici, la définition et l'extension de la proposition sont telles que la plupart des contrats commerciaux passés entre commerçants, entre entreprises commerciales, pourraient être de nature à être des contrats d'adhésion. Je vous souligne qu'à cause du libellé de l'article 1376 II suffirait que, dans un contrat passé, par exemple, entre deux entrepreneurs, un contrat de sous-entreprise, une partie rédige entièrement le projet qui va être accepté par l'autre pour que le juge décide qu'il ne pouvait pas être librement discuté et que toutes les règles concernant les clauses abusives s'appliquent.

Cette disposition-là va donc être la source d'une instabilité fondamentale des contrats commerciaux entre commerçants, principe qui n'est limité, jusqu'à maintenant, dans notre droit civil, qu'aux contrats entre commerçants et consommateurs. Donc, les légistes, le ministère propose une extension considérable du principe d'équité contractuelle qui est une extension qui ne semble pas, à première vue, fondée sur un besoin social très particulier. Il n'a pas été porté à notre attention que des commerçants avaient demandé, de façon Importante... sauf dans le domaine des contrats de franchise, mais, dans tous les autres types de contrats, il ne semble pas, à notre connaissance, qu'il y ait un besoin de remettre en cause la stabilité contractuelle des contrats commerciaux avec une disposition comme celle-là.

Donc, ce serait de nature à "Instabiliser" profondément dans un domaine qui, traditionnellement, est considéré comme un domaine de consensualisme à peu près complet. Et là, je ne parle pas, bien sûr, des contrats de consommation qui sont visés par l'actuelle loi de consommation. On serait dans une situation de nature à "instabiliser" beaucoup. Une fois qu'un contrat a été conclu, une partie, un commerçant face à un autre pourrait venir dire: Telle clause est abusive, je ne l'ai pas librement discutée; vous avez rédigé la totalité du contrat, et deux, trois ou cinq ans après la conclusion, on pourrait se retrouver devant le tribunal. Il nous semble, même si le principe de 1376 peut être en principe défendable, qu'il ne correspond pas à un besoin social et économique précis.

M. Rémillard: Je vais demander à Me Pineau, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui. Merci.

M. Rémillard: II s'agit, de fait, d'un article très important. On sait que le contrat d'adhésion, c'est lorsque l'une des parties n'a pas été amenée librement à exprimer toute sa volonté en connaissance de cause sur chacun des articles.

On peut donner peut-être un exemple pour bien illustrer. Lorsque vous allez prendre l'avion et qu'on vous donne un billet d'avion, vous passez, donc, un contrat par ce billet d'avion, mais c'est un contrat d'adhésion, comme quand vous montez dans le métro: vous prenez votre ticket de métro, c'est un contrat d'adhésion. Alors, l'étendue de cet article, je vais demander, maintenant, à Me Pineau de vouloir nous la préciser.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, il n'est pas aisé, d'abord, de définir un contrat d'adhésion Et on constate, à la lecture des auteurs, que chacun a sa propre définition qui ne recouvre pas nécessairement le même objet. Cet article 1376 pourrait éventuellement s'appliquer à des personnes autres que les consommateurs et cette définition est ici parce que, précisément, les articles 1431, 1432 et 1433 visent le contrat de consommation et le contrat d'adhésion.

Il a paru que même dans le domaine des affaires, dans le domaine commercial, il pouvait y avoir, face à face, des commerçants qui ne sont pas d'égale force économique et qu'il pouvait y avoir, dans un pareil contexte, inégalité de forces et, éventuellement, possibilité d'imposition, par l'une des parties, de clauses qui pourraient être considérées comme abusives. Alors, la question de l'instabilité, oui, certes, mais ce sont des règles qui peuvent aussi avoir une vertu préventive, n'est-ce pas, et ne pas mettre en péril de façon aussi vive qu'on le prétend la sécurité des transactions.

Le Président (M. Lafrance): Merci, maître Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Je pense bien que la question qui nous préoccupe est la suivante: Est-ce qu'il y a ou pas une entente à l'effet qu'iI faut éviter que les contrats de gré à gré soient interprétés comme étant des contrats d'adhésion, simplement parce qu'ils n'ont pas été négociés alors qu'ils auraient pu l'être? Si c'est ça, l'objectif, entre autres... Évidemment, je comprends que l'objectif est autre, mais si on s'entend pour écarter cet effet de la disposition, cet effet qui ne nous apparaît pas souhaitable, que des contrats de gré à gré puissent être Interprétés comme des contrats d'adhésion, moi, ce que je propose au ministre, si on s'entend, c'est qu'on suspende cet article-là et qu'on cherche une formulation qui fasse qu'on soit certains d'écarter cet effet que l'on ne recherche pas, qui serait induit, finalement, de la disposition.

M. Rémillard: M. le Président, lorsqu'on parle de juste équilibre, on a un exemple ici. Je donnais, tout à l'heure, un exemple de contrat

d'adhésion lorsqu'on prend un ticket de métro ou qu'on prend son billet d'avion, mais on peut en avoir bien d'autres, exemples. Tout à l'heure, Me Masse nous disait: Oui, mais si on se réfère au texte de 1376, même un contrat qui est signé par deux commerçants, si ce contrat a été rédigé par seulement une des parties, ça pourrait tomber sous 1376 et devenir un contrat d'adhésion. Mais, il faut faire attention. Il faut quand même bien comprendre qu'on dit bien: "...librement discutées". Alors, bien sûr qu'une des parties peut avoir rédigé le contrat mais il va falloir démontrer que l'autre partie n'avait pas la liberté de discuter de cette rédaction-là.

Cependant, M. le Président, il demeure que le Barreau trouve qu'on va trop loin. M. Masse trouve aussi qu'on devrait resserrer et je pense revoir ça. Moi, je suis bien d'accord pour qu'on suspende cet article, qu'on en discute et qu'on voie comment on peut atteindre notre objectif de protéger des gens qui pourraient être dans une situation... un peu démunis face à l'expression consensuelle qui est à la base du contrat, tout en n'élargissant pas, évidemment, et en ne bouleversant pas notre droit où on ne veut pas le bouleverser. Alors, je suis tout à fait d'accord pour qu'on suspende cet article.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. te ministre. Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve?

Mme Harel: M. le Président, je dois dire au ministre que je souscris aux objectifs qu'il nous transmettait en nous illustrant son intention par l'exemple du billet d'avion ou encore du billet de métro. Évidemment, à ce moment-là, il faut comprendre que nous n'avons pas le choix d'adhérer aux conditions qui sont stipulées, n'est-ce pas? Et ça, c'est l'aspect fondamental. On n'a pas vraiment le choix. Comme partie, là, si on veut utiliser un transport public ou un transport aérien, on n'a pas le choix d'adhérer aux conditions qui sont stipulées. On peut refuser tout simplement d'acheter un type de transport, et c'est tout. Mais il y a cette réalité-là qui est importante, c'est-à-dire qu'il y a nettement un déséquilibre entre les parties et on ne peut vraisemblablement pas facilement, là... Il est clair, de toute évidence, qu'une des parties n'a pas le choix, dans le fond, et c'est peut-être cet aspect-là qu'il serait Important de faire valoir.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée. M. le député de Westmount?

M. Holden: Oui, M. le Président, pour reprendre l'exemple de Me Masse, je trouve que, justement, il y a beaucoup de sous-contractants qui sont effectivement incapables de négocier et qui devraient être protégés. Je ne vois vraiment pas comment ça peut affecter le bon fonctionne- ment de l'industrie de la construction si on protège le petit contractant de temps à autre. Les gros sous-contractants n'ont pas le même problème. Mais ça me surprend que M. Masse et la députée de Hochelaga-Maisonneuve questionnent l'aspect des contrats parce que ça va dans le sens, je pense, de leur politique en faveur du petit contre le grand. Moi, je trouve que c'est assez bien rédigé, cet article.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député. Me Masse?

M. Masse: Je suis content de voir que l'on s'entend pour que la notion de "librement discutées" soit discutée entre les légistes parce que c'est probablement là qu'est la plaque tournante du dispositif. M. Holden, "librement discutées", ça peut même vouloir dire que le sous-contractant n'a pas la possibilité économique de dire non. Par exemple, s'il refuse de contracter avec l'entrepreneur général, il n'a d'autre choix - malgré le fait que l'entrepreneur général est de bonne foi - que de mettre ses employés à la porte à cause d'une difficulté à trouver d'autres contrats.

Un autre exemple de "librement discutées": un marchand de fruits ou de fleurs s'installe à Mirabel, supposons. Le cas hypothétique, c'est plutôt dans le sens inverse mais, un jour, ce sera peut-être dans l'autre sens. La personne veut vendre des fleurs hebdomadairement en Hollande et il y a un seul transporteur qui fait le trajet Mirabel-Amsterdam quatre fois par semaine. Si la compagnie en question lui charge une fortune, il n'aura pas d'autre choix, il n'y a qu'un seul transporteur. Donc, ce n'est pas uniquement une discussion à propos de la relation strictement contractuelle entre les deux parties, mais il se peut que la situation économique instaure des contraintes économiques et qu'on soit en présence d'un monopole ou d'un quasi-monopole. Et je pense, quant à moi, qu'on devrait continuer à en discuter pour éviter qu'on se retrouve devant des contrats commerciaux qui seraient constamment remis en question, ce qui a un effet déstabilisation" commerciale important.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

M. Holden: Je n'ai rien contre la discussion, mais la question, ici, c'est de faire une définition du contrat. Vos exemples vont beaucoup plus loin que juste la simple définition. Peut-être qu'il y a une autre façon de le dire.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député. M. le ministre, est-ce que vous aimeriez commenter?

M. Rémillard: Quelques mots de Me Pineau, avant de suspendre cet article, M. le Président.

M. Pineau: Merci, M. le Président. Je voudrais simplement dire qu'il faut, évidemment, comme Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve le disait il y a un instant, éviter de confondre contrat de gré à gré et contrat d'adhésion car, si on pousse le raisonnement jusqu'à l'absurde, on pourrait dire que tout contrat est un contrat d'adhésion. Lorsque je vais acheter mon beurre, je ne discute pas le prix. Les lois du marché sont là. Mais ce ne sont pas ces contrats que l'article 1376 veut viser, ce sont les contrats où, véritablement, il y a l'Imposition par l'une des parties de ses conditions.

Me Masse a invoqué il y a un instant les compagnies en situation de monopole ou de quasi-monopole. Effectivement, ce sont celles-là qui peuvent, entre autres - elles ne sont pas les seules - imposer un contrat d'adhésion. Mais je ne trouve pas véritablement méchant cet article car, en définitive, c'est la question de la clause externe, c'est la question de la clause illisible ou incompréhensible. Je pense qu'il apparaît normal que l'on exige des contractants qu'ils n'imposent pas des clauses que l'on ne connaît pas, qu'ils n'imposent pas des clauses qui sont complètement incompréhensibles. Reste le problème des clauses abusives. Et je pense que c'est autour de l'article 1433 que, vraiment, le débat doit tourner quant au contrat d'adhésion.

Le Président (M. Lafrance): Merci, maître. Donc, l'article 1376 est suspendu. À ce stade-ci de nos travaux, remarquant l'heure et étant donné que ça fait près de deux heures que nous siégeons, j'aimerais peut-être vous recommander une pause de dix minutes, à la suite de laquelle nous pourrions peut-être reprendre avec le livre Des biens. Ça va nous permettre aussi de placer notre matériel de référence et nous pourrions peut-être disposer du livre Des biens avant souper. Est-ce qu'il y a consentement? Oui? Alors, nous allons suspendre pour dix minutes, pour reprendre ensuite avec le livre Des biens. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 15)

(Reprise à 17 h 41)

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci. Je constate que nous avons le quorum. Alors, j'aimerais rouvrir nos travaux en nous référant, comme convenu, au livre qui traite des biens et en particulier aux articles, il va de soi, que nous avions laissés en suspens. J'aimerais appeler tout de suite l'article 960, qui était le premier.

Articles en suspens

M. Rémillard: M. le Président, un nouvel amendement est présenté à 960. Il s'agit de remplacer l'article 960 par le suivant: "Le possesseur de bonne foi qui a fait des impenses pour son propre agrément peut, au choix du propriétaire, enlever, en évitant d'endommager les lieux, les constructions, ouvrages ou plantations faits, s'ils peuvent l'être avantageusement, ou encore les abandonner. "Dans ce dernier cas, le propriétaire est tenu de rembourser au possesseur le moindre du coût ou de la plus-value accordée à l'Immeuble. "

M. le Président, l'amendement permet de mieux rattacher la règle à celle de l'article 956, tout en évitant de pénaliser le possesseur de bonne foi. En raison de cet amendement, l'article 960, donc, se lirait comme suit: "Le possesseur de bonne foi qui a fait des impenses pour son propre agrément peut, au choix du propriétaire, enlever, en évitant d'endommager les lieux, les constructions, ouvrages ou plantations faits, s'ils peuvent l'être avantageusement, ou encore les abandonner. "Dans ce dernier cas, le propriétaire est tenu de rembourser au possesseur le moindre du coût ou de la plus-value accordée à l'immeuble. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, le premier amendement qui avait déjà été présenté est donc retiré et remplacé par celui-ci. S'il n'y a pas de commentaires, l'article 960 est donc adopté tel qu'amendé.

J'aimerais appeler l'article suivant, qui est l'article 1008. 1. Il avait été non pas laissé en suspens, mais on nous avait avisés qu'on aurait un nouvel article 1008. 1.

M. Rémillard: M. le Président, nous en sommes arrivés à la conclusion que plutôt que d'avoir un article 1008. 1, il vaudrait mieux reprendre l'article 1009 et proposer un nouveau texte. C'est donc un amendement à 1009 que j'aimerais vous proposer. M. le Président, l'article 1009 est remplacé par le suivant: "La copropriété est la propriété que plusieurs personnes ont ensemble et concurremment sur un même bien, chacune d'elles étant Investie, privativement, d'une quote-part du droit. "Elle est dite par indivision lorsque le droit de propriété ne s'accompagne pas d'une division matérielle du bien. "Elle est dite divise lorsque le droit de propriété se répartit entre les copropriétaires par fractions comprenant chacune une partie privative, matériellement divisée, et une quote-part des parties communes. "

M. le Président, l'amendement vise à introduire, avant de préciser la nature des deux formes de copropriété dont traite l'article 1009, une disposition qui vient circonscrire de manière globale la notion de copropriété et qui permet, par la suite, d'utiliser la fiction sous-jacente aux notions de la copropriété par Indivision et de la copropriété divise. En raison de cet amendement, l'article 1009 se lirait comme suit:

"La copropriété est la propriété que plusieurs personnes ont ensemble et concurremment sur un même bien, chacune d'elles étant investie, privativement, d'une quote-part du droit. "Elle est dite par Indivision lorsque le droit de propriété ne s'accompagne pas d'une division matérielle du bien. "Elle est dite divise lorsque le droit de propriété se répartit entre les copropriétaires par fractions comprenant chacune une partie privative, matériellement divisée, et une quote-part des parties communes."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Des commentaires? Oui, Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Quand on relit l'article tel qu'il doit être, à 1009, au deuxième paragraphe, je lis: "Elle est dite par Indivision lorsque le droit de propriété ne s'accompagne pas d'une division matérielle des parts."

M. Rémillard: Non.

Mme Bleau: Ce n'est pas ça?

M. Rémillard: Non, je m'excuse, M. le Président, c'est parce qu'on a fait la correction à la toute dernière minute et probablement que la copie de Mme la députée de Groulx, qui nous montre la très grande attention qu'elle accorde à nos travaux, n'a pas été modifiée, mais il s'agit bien d'une division matérielle "du bien".

Mme Bleau: Du bien. O.K.

Le Président (M. Lafrance): Merci de cette précision.

Mme Harel: C'est une colle pour vérifier si les membres de la commission suivent les travaux? Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Ah! Mme la députée me connaît maintenant très bien et elle sait que ça pourrait être ça.

Mme Harel: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): Me Frenette.

M. Frenette: Merci, M. le Président. Pour ceux qui penseraient que l'article 1009, en tout cas dans son début, n'était pas utile, au contraire, je pense que sa présence était commandée par le titre troisième et par le texte même de l'article 1008. Je pense que c'est simplement un mauvais concours de circonstances qui avait fait que la définition générale ne s'y trouvait pas déjà. Le résultat est excellent.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, l'article 1008.1, tel qu'il avait été lu, est donc retiré. L'article 1009 a été rouvert, a été amendé et est adopté tel qu'amendé. L'amendement précédent à l'article 1009 est retiré. J'aimerais appeler l'article suivant, soit l'article 1033.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons un nouvel amendement à présenter à l'article 1033. L'article 1033 est modifié, premièrement en supprimant, au premier alinéa, les mots "qui, avant l'indivision, avaient un droit sur le bien indivis ou ceux"; deuxièmement, en supprimant la dernière phrase du premier alinéa et la dernière phrase du deuxième alinéa et, troisièmement, en supprimant, au deuxième alinéa, les mots "prioritaires ou".

M. le Président, comme commentaire, les créanciers peuvent toujours exercer leurs recours généraux sans qu'il soit nécessaire d'en faire mention expressément. En raison de ces amendements, l'article 1033 se lirait comme suit: "Les créanciers dont la créance résulte de l'administration sont payés par prélèvement sur l'actif, avant le partage. "Les créanciers, même d'un indivisaire, ne peuvent demander le partage si ce n'est par action oblique... Excusez-moi, M. le Président, je vais recommencer la lecture du deuxième alinéa: "Les créanciers, même hypothécaires, d'un indivisaire ne peuvent demander le partage si ce n'est par action oblique, dans le cas où l'indivisaire pourrait lui-même le demander."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, s'il n'y a pas de commentaires, l'article 1033 est adopté tel qu'amendé. J'aimerais appeler l'article 1035.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons déposé un amendement à l'article 1035. Il a déjà été déposé. Est-ce que nous l'avons lu, M. le Président? Je crois que oui, aussi, nous l'avons déjà lu.

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le ministre. Alors, j'en conclus que nous pouvons adopter l'article 1035 tel qu'amendé.

Mme Harel: Un instant, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, excusez. Me Frenette.

M. Frenette: Merci, M. le Président. De fait, je pense que c'est peut-être à cause de certaines questions de réserve qui avaient été formulées hier soir que l'article tel qu'amendé n'a pas été adopté. J'ai fait certaines recherches, j'ai pris des informations et ma crainte était surtout à l'effet que l'indivision, servant souvent de véhicule pour les projets d'investissements en matière immobilière, ne soit plus facilement disponible. Le simple fait de dire que le partage

est attributif entraîne une disposition présumée de la propriété, ce qui a pour conséquence, dans certains cas, d'entraîner un gain de capital, alors que ce n'est pas le cas à l'heure actuelle.

L'information que j'obtiens, c'est que l'article 192-18 du projet de loi C-18 au fédéral, intitulé Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada, etc., a pour but d'amender l'article 248 et d'introduire le paragraphe 20 qui, en matière d'impôt, tenterait de faire disparaître et ferait disparaître l'effet déclaratif du partage qui existe à l'heure actuelle.

Autrement dit, le fisc fédéral... On m'informe au Revenu que le ministère du Revenu du Québec doit s'enligner sur la même position pour éviter souvent qu'il y ait disparité entre les deux lois. Ils vont faire de même, de sorte que l'adoption de l'amendement n'aura pas d'effet, d'impact négatif. Au moment de sa mise en vigueur, probablement que la loi de l'impôt va avoir été amendée et dans la loi de l'impôt, l'amendement est recherché précisément parce que trop d'argent, semble-t-il, échappait au fisc.

Alors, je me range aux raisons d'opportunité qui militaient en faveur de l'introduction de l'amendement. C'était pour éviter que, pendant des périodes d'indivision d'une très longue durée, on puisse prétendre que, de fait, on était propriétaires depuis 30 ans. Honnêtement, comme c'est moi qui avais formulé les objections et que je n'en ai plus, tout va bien.

Le Président (M. Lafrance): Merci, maître. S'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 1035 est donc adopté tel qu'amendé. J'aimerais appeler l'article suivant, soit l'article 1080.

M. Rémillard: M. le Président, il y a un nouveau texte d'amendement qui est présenté. L'article 1080 est remplacé par le suivant: "Le syndicat a le droit, dans les six mois à compter de la notification qui lui est faite par le propriétaire de l'immeuble faisant l'objet d'une emphytéose ou d'une propriété superficiaire de son intention de céder ses droits dans l'Immeuble, de les acquérir, dans ce seul délai, par préférence à tout autre acquéreur éventuel. Si la cession projetée ne lui est pas notifiée, le syndicat peut, dans les six mois à compter du moment où il apprend qu'un tiers a acquis les droits du propriétaire, acquérir les droits de ce tiers en lui remboursant le prix de la cession et les frais qu'il a acquittés. "

M. le Président, comme commentaire, il s'agit d'un amendement qui vise à favoriser l'exercice d'un droit de préemption par le syndicat plutôt qu'un droit de retrait. Ce dernier droit ne s'exercera alors que si le propriétaire de l'immeuble a fait défaut de notifier au syndicat la cession projetée. En raison de cet amendement, l'article 1080 se lirait comme suit: "Le syndicat a le droit, dans les six mois à compter de la notification qui lui est faite par le propriétaire de l'immeuble faisant l'objet d'une emphytéose ou d'une propriété superficiaire de son intention de céder ses droits dans l'immeuble, de les acquérir, dans ce seul délai, par préférence à tout autre acquéreur éventuel. Si la cession projetée ne lui est pas notifiée, le syndicat peut, dans les six mois à compter du moment où il apprend qu'un tiers a acquis les droits du propriétaire, acquérir les droits de ce tiers en lui remboursant le prix de la cession et les frais qu'il a acquittés. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Le premier amendement qui avait été déposé est donc retiré et remplacé par celui-ci. Est-ce qu'il y a des commentaires? Ça va? L'article 1080 est donc adopté tel qu'amendé J'aimerais appeler l'article 1169.

M. Rémillard: M. le Président, il y a peut-être un petit problème technique, ici. Hier, nous avons lu et adopté la mauvaise version de l'amendement sur l'article 1136. 1 et je me demande s'il ne faudrait pas le faire réadopter à ce moment-là, M. le Président.

Mme Harel: On a adopté la bonne version, mais on a lu la mauvaise.

M. Rémillard: Bon. Alors, donc, tout est...

Le Président (M. Lafrance): Exactement. Je pense qu'il faut, techniquement, relire l'article comme on veut qu'il soit adopté, évidemment.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, je procède.

Le projet est modifié par l'ajout, après l'article 1136, du suivant: "1136. 1 Les impenses utiles faites par l'usufruitier sont, à la fin de l'usufruit, conservées par le nu-propriétaire, sans indemnité, à moins que l'usufruitier ne choisisse de les enlever et de remettre le bien en l'état. Le nu-propriétaire ne peut cependant contraindre l'usufruitier à les enlever. "

M. le Président, l'amendement a été mis à la portée de la règle proposée afin d'éviter que le nu-propriétaire, lorsqu'il reprend le bien, ne soit tenu d'indemniser l'usufruitier de toutes les impenses que ce dernier a considéré utile de faire alors même qu'il connaissait la précarité de son droit. Toutefois, comme ces impenses sont utiles et servent le bien, il n'y a pas lieu de permettre au nu-propriétaire de contraindre l'usufruitier à les enlever. En raison de cet amendement, l'article 1136. 1 se lirait comme suit: "Les impenses utiles faites par l'usufruitier sont, à la fin de l'usufruit, conservées par le nu-propriétalre, sans indemnité, à moins que l'usufruitier ne choisisse de les enlever et de remettre le bien en l'état. Le nu-propriétaire ne peut cependant contraindre l'usufruitier à les enlever. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. J'aimerais appeler l'article 1169.

M. Rémillard: II n'y a aucun amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, j'ai écrit cet après-midi même à la présidente du Conseil du statut de la femme, Mme Lavigne, pour porter à son attention, ainsi qu'à celle de Me Jocelyne Olivier qui agit, je crois, comme vice-présidente du Conseil, cette disposition proposée à 1169. Mais je souscrirais, M. le Président, à cette proposition qu'on m'a faite d'adopter 1169, sous réserve - et là, évidemment, je m'en tiens à la bonne foi du ministre - que les commentaires qui nous seront transmis par le Conseil du statut de la femme nous amènent à rouvrir cet article-là. Alors, si tel était le cas, si le ministre me disait qu'il accepte à ce moment-ci - comme, je pense, il a d'ailleurs convenu à quelques reprises que, s'il était nécessaire de le faire, on pourrait rouvrir l'article - je serais consentante, M. le Président, à ce qu'on l'adopte maintenant. Ça nous permettra, Je crois, de compléter entièrement le livre sur les biens.

Je veux simplement vous rappeler que, moi, je ne cherche pas nécessairement le meilleur équilibre, je cherche surtout à ne pas déséquilibrer l'état des choses présentement. J'ai un vieux réflexe qui m'amène souvent à penser que l'enfer est pavé de bonnes Intentions et qu'en matière de législation il faut être très très scrupuleux sur les effets que nos bonnes intentions produisent parce que, parfois, c'est malheureusement l'effet contraire qui est obtenu.

Alors, je veux être bien certaine que... Dans le cas présent, on sait que ça aura non seulement une répercussion sur, par exemple, des conjoints survivants qui auront été désignés comme usufruitiers dans un testament, ce qui est, semble-t-il la règle la plus fréquente, mais il y a aussi, évidemment, avec le droit d'usage de la résidence familiale qui pourra être apprécié par le tribunal, la possibilité de rendre ce droit d'usage cessible et saisissable, donc de l'assujettir aux dispositions de l'usufruit et, conséquemment, à la possibilité d'une conversion en rente viagère.

En fait, tout ça m'amène simplement à vouloir, puisqu'on en aura l'occasion - ce n'est pas comme si on avait à terminer et qu'on était dans une fin de session, là - m'assurer qu'il y aura une situation qui bénéficiera aux personnes à qui on souhaite que ça bénéficie et ne les rendra pas, par exemple, victimes de pressions pour qu'une conversion semblable se réalise. Je rappelle que, présentement, la personne désignée comme usufruitier ou usufruitière peut toujours, si elle ne peut pas raisonnablement remplir ses obligations, vendre son droit. Par exemple, une personne qui aurait été désignée comme usufruitière du garage de son mari ou d'une entreprise, etc., elle peut donc le céder. Et là, on introduit une nouvelle disposition qui lui permettrait de le convertir en rente. Je veux juste le vérifier. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée. M. le ministre? Oui, Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Est-ce que nous aurons la chance de prendre connaissance des réflexions des groupes? Cet article-là m'inquiète aussi et j'aimerais avoir les réflexions.

Mme Harel: Oui. Écoutez, dès que j'aurai l'avis du Conseil, M. le Président, je vous le transmettrai immédiatement pour que vous en fassiez copie pour les membres de la commission. Je ne suis pas insensible du tout, de même que ma collègue de Terrebonne, aux motifs humanitaires qui ont été invoqués par le ministre de la Justice mais je veux, dans ce domaine comme dans bien d'autres - je pense entre autres au partage du patrimoine familial et à d'autres - m'assurer que ça ne retroussera pas une fois que ce sera adopté.

Le Président (M. Lafrance): Merci. J'ai bien noté que vous avez avancé le terme "bonne foi", principe que nous venons de toucher à l'article 1372 à l'effet que la bonne foi doit gouverner la conduite des parties, etc.

Mme Harel: Alors...

Le Président (M. Lafrance): Nous venons d'adopter ce principe.

Mme Harel: C'est ça. Donc, comme je vous l'ai signalé, je suis consentente, M. le Président, à ce qu'on adopte malgré les réserves que j'ai exprimées, parce que je sais très bien qu'on aura un consentement du ministre pour rouvrir, si tant est que ça s'avère nécessaire, compte tenu des représentations qui seront faites. N'est-ce pas, M. le ministre?

M. Rémillard: Ah, bien oui!

Le Président (M. Lafrance): Vous désirez apporter des commentaires, M. le ministre?

M. Rémillard: Non, M. le Président. Nous sommes prêts à passer à l'emphytéose.

Le Président (M. Lafrance): Alors, l'article 1169 est donc adopté avec la note de réserve qu'on a soulignée et j'aimerais appeler l'article 1193. (18 heures)

M. Rémillard: M. le Président, l'emphytéose est modifiée pour permettre qu'elle soit établie non seulement par contrat mais également par testament. Ceci entraîne divers amendements au texte présenté de même qu'à plusieurs textes déjà amendés ou adoptés. On dépose donc de nouveaux amendements qui remplacent les précédents et intègrent les modifications nécessaires pour donner suite à la décision.

M. le Président, nous procédons à des consultations avec le Barreau. Donc, c'est sous réserve des commentaires que nous pourrions recevoir du Barreau, dans le même sens que Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve mentionnait tout à l'heure en ce qui regarde ces consultations qu'elle fera auprès du Conseil du statut de la femme.

Ainsi, M. le Président, l'article 1193 est suspendu et l'amendement remplace tous les précédents. L'article 1193 est modifié, premièrement, en remplaçant les deux premières lignes par ce qui suit: "L'emphytéose est le droit qui permet à une personne pendant un certain temps, "; deuxièmement, en ajoutant, à la troisième ligne, après le mot "autrui", les mots suivants: "et d'en tirer tous ses avantages"; troisièmement, en remplaçant, à la fin, les mots "ou qui le mettent en valeur" par les mots "d'une façon durable"; quatrièmement, en ajoutant l'alinéa suivant: "L'emphytéose s'établit par contrat ou par testament. "

M. le Président, les première et deuxième modifications visent à donner une définition plus directe et plus complète de l'emphytéose. La troisième modification supprime une mention, celle relative à la mise en valeur qui, substantiellement, est couverte par l'expression précédente "qui augmentent la valeur du bien" et ajoute une précision quant au caractère durable des constructions, ouvrages ou plantations. La dernière modification, enfin, opère une concordance avec les deux premières modifications mais ajoute, par rapport au droit actuel, la possibilité d'instituer une emphytéose par testament. Cette possibilité est aussi en accord avec le principe de la liberté de disposer de ses biens par testament. En raison de ces amendements, l'article 1193 se lirait donc comme suit: "L'emphytéose est le droit qui permet à une personne, pendant un certain temps, d'utiliser pleinement un immeuble appartenant à autrui et d'en tirer tous ses avantages, à la condition de ne pas en compromettre l'existence et à charge d'y faire des constructions, ouvrages ou plantations qui augmentent sa valeur d'une façon durable. "L'emphytéose s'établit par contrat et par testament. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: Quant à l'article 1194, M. le Président, l'article a été adopté avec un amendement et il n'a pas à être rouvert.

Quant à l'article 1195, un amendement doit être apporté à cet article. L'article 1195 est modifié par le remplacement des mots "le contrat" par les mots "l'acte constitutif.

Il s'agit, M. le Président, d'une concordance avec la modification apportée à l'article 1193. En raison de cet amendement, l'article 1195 se lirait comme suit: "L'emphytéose doit avoir une durée, stipulée dans l'acte constitutif, d'au moins dix ans et d'au plus cent ans. Si elle excède cent ans, elle est réduite à cette durée. "

Le Président (M. Lafrance): Je peux peut-être vous interrompre, M. le ministre. Étant donné qu'il y a plusieurs articles qui se suivent qui sont touchés, j'aimerais proposer qu'on les adopte au fur et à mesure plutôt que... Alors, s'il n'y a pas de commentaires, l'article 1193 est donc adopté tel qu'amendé; l'article 1194 n'a pas à être touché; l'article 1195 est rouvert et est adopté avec l'amendement tel que lu. Alors, nous en arrivons à l'article 1196.

M. Rémillard: L'article doit être rouvert, M. le Président. L'amendement reprend celui déjà fait et ajoute une concordance. Alors, l'article 1196 est modifié, premièrement, par le remplacement des mots "Le contrat d'emphytéose" par "L'emphytéose"; deuxièmement, par le remplacement, à la deuxième ligne, du mot "celui" par le mot "celle"; troisièmement, par l'ajout, à la troisième ligne, après le mot "immeuble", du mot "déjà"; quatrièmement, par le remplacement de tout ce qui suit le mot "faire", à la quatrième ligne, par ceci: "de nouvelles constructions ou plantations ou de nouveaux ouvrages, autres que des impenses utiles. "

M. le Président, l'amendement a pour objet, outre la concordance établie avec la modification de l'article 1193, de mieux préciser la portée de ta règle. Celle-ci vise à permettre le renouvellement de l'emphytéose sans obliger l'emphytéote à effectuer de nouveaux travaux. Il doit cependant faire tout ce qui est utile pour maintenir et possiblement accroître la valeur du bien qui fait l'objet de l'emphytéose. En raison de cet amendement, l'article 1196 se lirait comme suit: "L'emphytéose portant sur un terrain sur lequel est bâti l'immeuble détenu en copropriété, ainsi que celle qui porte à la fols sur un terrain et sur un immeuble déjà bâti, peuvent être renouvelées sans que l'emphytéote soit obligé d'y faire de nouvelles constructions ou plantations ou de nouveaux ouvrages, autres que des impenses utiles. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui. Me Frenette.

M. Frenette: Merci, M. le Président. Je ne

sais pas si ma mémoire fait défaut, mais j'avais l'impression qu'il avait été entendu à cet article que le commentaire ne comprendrait pas le mot "possiblement".

M. Rémillard: M. le Président, de fait, on me dit que c'est un petit problème technique, le fait que le mot "possiblement" est apparu dans le commentaire, et qu'on doit l'enlever, le mot "possiblement", dans le commentaire.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Sinon, l'article 1196 qui a été rouvert... L'amendement qui avait été lu et adopté est retiré et remplacé par le nouvel amendement et l'article est donc adopté avec ce nouvel amendement. Nous en arrivons à l'article 1197.

M. Rémillard: L'article est adopté et n'a pas à être retouché, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Article 1198.

M. Rémillard: Cet article doit être rouvert. L'amendement reprend celui déjà fait et opère la concordance avec 1193. Alors, à l'article 1198, M. le Président, premièrement, au premier alinéa, remplacer le mot "exerce" par le mot "a", deuxièmement, remplacer l'expression "tous les droits du propriétaire" par celle-ci: ", tous les droits attachés à la qualité de propriétaire"; troisièmement, remplacer les mots "du contrat d'emphytéose" par ceux-ci: "de l'acte constitutif d'emphytéose".

Au deuxième alinéa, remplacer, premièrement, à la première ligne, les mots "Le contrat" par les mots "L'acte constitutif"; deuxièmement, à la première ligne, les mots "les droits" par les mots "l'exercice des droits"; troisièmement, à la troisième ligne, les mots "du bien" par les mots "de l'immeuble"; quatrièmement, à la fin, remplacer les mots "l'exécution du contrat" par les mots "l'exécution des obligations prévues dans l'acte constitutif".

Ces amendements, M. le Président, outre les concordances requises par l'article 1193, visent à mieux circonscrire le domaine d'exercice des droits de l'emphytéote. En raison de ces amendements, l'article 1198 se lirait comme suit: "L'emphytéote a, à l'égard de l'Immeuble, tous les droits attachés à la qualité de propriétaire, sous réserve des limitations du présent chapitre et de l'acte constitutif d'emphytéose. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: Excusez-moi, M. le Président. Le Président (M. Lafrance): Pardon!

M. Rémillard: J'ai un deuxième alinéa. "L'acte constitutif peut limiter l'exercice des droits des parties, notamment pour accorder au propriétaire des droits ou des garanties qui protègent la valeur de l'immeuble, assurent sa conservation, son rendement ou son utilité ou pour autrement préserver les droits du propriétaire ou de l'emphytéote, ou régler l'exécution des obligations prévues dans l'acte constitutif. ''

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le ministre. Cet article est donc rouvert. L'amendement qui avait été adopté est retiré et remplacé par ce nouvel amendement. S'il n'y a pas de commentaires, l'article 1198 est donc adopté avec ce nouvel amendement. L'article 1199.

M. Rémillard: L'article adopté n'a pas à être rouvert, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. L'article 1200.

M. Rémillard: Cet article doit être rouvert pour concordance, M. le Président. Alors, à l'article 1200, il s'agit de remplacer, à la troisième ligne, les mots "le contrat" par les mots "l'acte constitutif. Il s'agit, M. le Président, d'une concordance avec l'article 1193 et, en raison de cet amendement, l'article 1200 se lirait comme suit: "La perte partielle de l'immeuble est à la charge de l'emphytéote; il demeure alors tenu au paiement intégral du prix stipulé dans l'acte constitutif. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, cet article est donc rouvert pour concordance et l'article est adopté tel qu'amendé. L'article 1201.

M. Rémillard: L'article adopté n'a pas à être rouvert, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. L'article 1202.

M. Rémillard: L'article doit être rouvert pour concordance, M. le Président. À l'article 1202, il s'agit donc de remplacer, au deuxième alinéa, les mots "le contrat" par Temphytéose".

Il s'agit d'une concordance avec la modification apportée à l'article 1193. En raison de cet amendement, l'article 1202 se lirait comme suit: "Si l'emphytéote commet des dégradations sur l'immeuble ou le laisse dépérir ou, de toute autre façon, met en danger les droits du propriétaire, il peut être déchu de son droit. "Le tribunal peut, suivant la gravité des circonstances, résilier l'emphytéose, avec indemnité payable immédiatement ou par versements au propriétaire, ou sans indemnité, ou encore obliger

l'emphytéote à fournir d'autres sûretés ou lui Imposer toutes autres obligations ou conditions. "Les créanciers de l'emphytéote peuvent Intervenir à la demande pour la conservation de leurs droits; ils peuvent offrir la réparation des dégradations et des garanties pour l'avenir. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, cet article 1202 est donc rouvert pour concordance et il est adopté tel qu'amendé. L'article 1203.

M. Rémillard: L'article a été adopté et n'a pas à être retouché.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. L'article 1204.

M. Rémillard: II en est de même pour 1204.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. L'article 1205.

M. Rémillard: L'article doit être rouvert pour concordance, M. le Président. C'est donc dire qu'à l'article 1205, à la deuxième ligne du premier alinéa, il s'agit de remplacer les mots "le contrat" par "l'acte constitutif" et, deuxièmement, à la fin du premier alinéa, de remplacer les mots "du contrat" par "de l'acte".

M. le Président, il s'agit d'un amendement de concordance avec l'article 1193.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, l'article 1205 est donc rouvert et adopté avec l'amendement de concordance. L'article 1206.

M. Rémillard: L'article doit être rouvert, M. le Président. À l'article 1206, nous devons remplacer, premièrement, au premier paragraphe, les mots "le contrat" par les mots "l'acte constitutif"; deuxièmement, au troisième paragraphe, les mots du "contrat" par les mots "de l'acte constitutif"; troisièmement, par l'ajout de: "6° Par l'abandon. "

Comme commentaire, M. le Président, il s'agit d'une concordance avec l'article 1193. En raison de cet amendement, l'article 1206 se lirait comme suit: "L'emphytéose prend fin: "1° Par l'arrivée au terme fixé dans l'acte constitutif; "2° Par la perte ou l'expropriation totale de l'immeuble; "3e Par la résiliation de l'acte constitutif; "4° Par la réunion des qualités de propriétaire et d'emphytéote dans une même personne; "5° Par le non-usage pendant 10 ans; "68 Par l'abandon. " (18 h 15)

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Cet article 1206 est donc rouvert.

L'amendement qui avait été proposé et adopté est retiré et remplacé par ce nouvel amendement. S'il n'y a pas de commentaires, l'article 1206 est donc adopté tel qu'amendé. L'article 1207.

M. Rémillard: L'article doit être rouvert par concordance, M. le Président. À l'article 1207, remplacer les mots "de la résiliation amiable du contrat" par ceci: "d'une résiliation amiable".

Il s'agit, M. le Président, d'une concordance avec la modification apportée à l'article 1193 En raison de cet amendement, l'article 1207 se lirait comme suit: "À la fin de l'emphytéose, le propriétaire reprend l'immeuble libre de tous droits et charges consentis par l'emphytéote, sauf si la fin de l'emphytéose résulte d'une résiliation amiable ou de la réunion des qualités de propriétaire et d'emphytéote dans une même personne. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. L'article 1207 est donc rouvert par concordance et est adopté avec amendement. L'article 1208.

M. Rémillard: M. le Président, outre l'amendement déjà adopté, qui est repris, l'article doit être rouvert par concordance. À l'article 1208, il faut remplacer, premièrement, au premier alinéa, les mots "au contrat" par les mots "à l'acte constitutif"; deuxièmement, au deuxième alinéa, les mots "de mauvaise foi" par "de bonne foi".

M. le Président, il s'agit d'une concordance avec la modification apportée à l'article 1193. En raison de cet amendement, l'article 1208 se lirait comme suit: "À la fin de l'emphytéose, l'emphytéote doit remettre l'immeuble en bon état avec les constructions, ouvrages ou plantations prévus à l'acte constitutif, à moins qu'ils n'aient péri par force majeure. "Ce qu'il a ajouté à l'immeuble sans y être tenu est traité comme les impenses faites par un possesseur de bonne foi. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, l'article 1208 est donc rouvert. Nous retirons le premier amendement qui avait été adopté, qui est remplacé par le nouvel amendement, tel que lu, et l'article... Oui, Me Frenette.

M. Frenette: Merci, M. le Président. Outre la question de la concordance, je veux simplement ajouter un mot qui n'a peut-être pas été dit hier au sujet de la fin de l'article et de la référence à l'emphytéote comme un possesseur de bonne foi pour les impenses volontairement faites. L'emphytéote jouit d'un droit d'une dimension beaucoup plus large, d'une profondeur beaucoup plus Importante que celle que donne n'Importe quelle autre forme de démembrement de la propriété et, par conséquent, une fols

qu'il a terminé les améliorations ou les impenses auxquelles il était tenu en vertu de l'acte constitutif, il conserve, de par l'étendue de ses droits, la faculté de procéder à d'autres. C'est dans le champ de son domaine normal d'activité. Alors, il était un peu anormal que, dans le droit existant, on le traite et on le considère comme étant une personne agissant de mauvaise foi.

La précision apportée par l'amendement introduit hier et réintroduit aujourd'hui pour fins de concordance, sans porter atteinte à ce qui avait été acquis, rétablit les choses, je pense, à bon droit.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, maître. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, ces commentaires vont faire partie des commentaires puisque nous les avions lus lors du premier amendement qu'on avait fait et que cet amendement vient compléter le premier amendement. Alors, l'ensemble des commentaires seront là et la thèse du professeur Frenette sera bien protégée.

Le Président (M. Lafrance): Merci pour ces précisions. Alors, l'article 1208 est donc adopté tel qu'amendé. L'article 1209.

M. Rémillard: C'est un article qui n'a pas à être rouvert, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors j'appelle l'article suivant qui est le 1317.

M. Rémillard: M. le Président, c'est un nouvel amendement que nous proposons à 1317. A l'article 1317, remplacer les mots "qu'il ne leur en ait donné une connaissance suffisante" par "que les tiers n'en aient eu une connaissance suffisante".

M. le Président, l'amendement proposé a pour but d'exempter expressément l'administrateur qui a excédé les pouvoirs de sa responsabilité envers les tiers avec qui il contracte, lorsque ces derniers en ont eu connaissance d'une manière autre que par l'administrateur. En effet, il n'est pas suffisant de ne viser que le cas où l'administrateur en a donné une connaissance suffisante, car le tiers peut acquérir cette connaissance de toute autre manière. En raison de cet amendement, l'article 1317 se lirait comme suit: "L'administrateur qui excède ses pouvoirs est responsable envers les tiers avec qui il contracte, à moins que les tiers n'en aient eu une connaissance suffisante ou que le bénéficiaire n'ait ratifié, expressément ou tacitement, les obligations contractées."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, le premier amendement est donc retiré de cet article 1317 pour être remplacé par le nouvel amendement tel que lu. L'article 1317 est adopté tel qu'amendé. J'aimerais maintenant appeler l'article 1336.

M. Rémillard: Nous voulons présenter un nouvel amendement à 1336, M. le Président. Il s'agit de modifier l'article 1336 par le remplacement du premier paragraphe par le suivant: "1° les titres de propriété sur un immeuble".

M. le Président, l'amendement vise à éviter toute ambiguïté sur l'objet de placement.

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre, on doit retirer le premier amendement au complet?

M. Rémillard: Oui. C'est bien ça.

Le Président (M. Lafrance): Parce que c'est un amendement qui était très substantiel. Il y avait trois pages d'amendement, avec les commentaires. Il s'ajoute? D'accord. Alors, le premier amendement est donc en force?

M. Rémillard: C'est ça.

Le Président (M. Lafrance): Auquel on ajoute ce second amendement tel que lu et corrigé en partie.

M. Rémillard: Voilà.

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a des commentaires? Alors, l'article 1336 est donc adopté tel qu'amendé. Nous en arrivons à l'article 1366.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): C'est effectivement un article qui avait été laissé en suspens. Alors, s'il n'y a pas de commentaires, l'article est donc adopté tel quel. S'il n'y a pas d'autres commentaires sur le livre Des biens, j'aimerais peut-être, à ce stade-ci, proposer... Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Normalement, dans une assemblée délibérante, à ce stade-ci, il serait dans l'ordre de proposer une motion de félicitations, M. le Président. Comme nous sommes en commission parlementaire, je ne sais pas si cela peut se faire. Je voudrais applaudir à ce que nous avons fait et vous dire, au nom de l'Opposition, que nous sommes contents du résultat. Je sais que cela a imposé un rythme trépidant pour l'équipe de légistes et de juristes.

J'ai évidemment apprécié la qualité d'expert de Me Frenette, combinée avec ses préoccupations sociales, mais je veux que l'équipe de juristes et de légistes du ministère sache com-

bien nous apprécions aussi beaucoup leur ouverture d'esprit. Je pense que le résultat que nous avons obtenu l'a été grâce à cette disposition d'esprit qui fait que nous recherchons, finalement, ce qu'il y a de mieux pour l'adoption d'un code qui nous convient.

Je veux vraiment, M. le Président, applaudir l'équipe qui nous assiste. Je pense qu'elle le mérite. Parfois, j'ai l'Impression qu'on leur en demande beaucoup. Je me demande même s'il ne serait pas dans l'ordre de proposer une relâche ce soir, comme on le fait à l'occasion quand on est contents du travail réalisé et qu'on ne veut pas épuiser son équipe, parce que, moi, j'ai la chance de pouvoir, comme ça, bénéficier d'une équipe qui se relaie tandis que le ministre a toujours la même équipe qui l'assiste. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je veux aussi saluer l'excellent travail fait par M. le professeur Frenette et le remercier très sincèrement. Qui aurait cru, en 1970, lorsque nous étudiions ensemble, que je contribuerais à mettre en application la thèse de doctorat du professeur Frenette?

Mme Harel:...

M. Rémillard: Ainsi va la vie, M. le Président. Je veux donc le remercier pour sa très grande contribution et remercier nos juristes et légistes experts qui ont fait un travail remarquable, Mme Longtin, le notaire Cossette, Mme Morency et le professeur Pineau. Voilà qui nous montre à quel point nous pouvons faire un très bon travail, tout le monde ensemble. Je voudrais remercier tout le monde. Je sais qu'on peut compter sur le professeur Frenette aussi pour des domaines comme l'obligation. Il s'y connaît aussi très bien. Ce sera toujours un grand plaisir de travailler avec lui.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas d'autres commentaires, j'aimerais ajouter mes remerciements aussi à notre équipe d'experts et à tous ceux et celles qui nous assistent et qui gardent le rythme derrière nous; il était assez difficile à suivre à un moment donné. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, j'aimerais suspendre nos travaux. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, je ne sais pas si j'ai bien compris le message de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve qui a suggéré que, ce soir, il y ait...

Mme Harel: Qu'on siège demain.

Le Président (M. Lafrance): Congé de l'inspecteur?

Mme Harel: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Congé de l'inspecteur. Je ne voudrais pas passer pour le gros loup. Je ne sais pas si j'ai bien compris.

Mme Harel: C'est tout à fait ça.

M. Rémillard: C'est tout à fait ça. On a bien travaillé et on va encore travailler très fort demain.

Mme Harel: Tout à fait.

M. Rémillard: Pour ma part... Je ne sais pas s'il y a consentement unanime.

Des voix: Oui, oui! Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): S'il y a consentement, je ne vais pas suspendre mais plutôt ajourner.

Mme Harel: Ajourner à demain matin, 9 h 30.

Le Président (M. Lafrance): Je vous convie demain matin, 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 27)

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