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(Quatorze heures seize minutes)
Le Président (M. Lafrance): Puisque nous avons le quorum,
j'aimerais déclarer cette séance de travail ouverte, en rappelant
tout d'abord à tous et à toutes le mandat de notre commission qui
est de procéder à l'étude détaillée du
projet de loi 125, Code civil du Québec.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements à
annoncer?
La Secrétaire: Oui, M. le Président, un
remplacement: Mme Bleau (Groulx) est remplacée par M. Doyon
(Louis-Hébert).
Le Président (M. Lafrance): Merci. J'aimerais
également rappeler que cette séance siégera jusqu'autour
de 18 heures ce soir. Est-ce qu'il y a consentement?
Mme Harel: Avec plaisir.
Le Président (M. Lafrance): Oui, d'accord.
Mme Harel: II fait tellement beau.
M. Rémillard: Avec plaisir.
Documents déposés
Le Président (M. Lafrance): J'aimerais aussi annoncer la
liste des documents qui ont été déposés aujourd'hui
auprès de cette commission. Tout d'abord, un mémoire de
l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec inc.,
qui porte la cote numérique 28D; des mémoires de la Chambre des
notaires du Québec traitant du livre quatrième, Des biens, qui
portera la cote numérique 29D, sur le livre cinquième, Des
obligations, et, en particulier, sur le titre deuxième, Des contrats
nommés, qui portera la cote numérique 30D, et, enfin, les
commentaires de l'Autonhommie... J'ai de la misère à lire
ça: A-U-T-O-N-il-O-M-M-l-E, du Centre de ressources sur la condition
masculine, sur la refonte du Code civil, qui portera la cote numérique
31D.
Alors, merci. Avant de reprendre nos débats, est-ce qu'il y
aurait des remarques d'introduction de la part des membres?.
Le Code civil et la protection du consommateur
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Si vous me
permettez, très brièvement, j'ai pris connaissance dans les
journaux des commentaires exprimés par l'Opposition en ce qui regarde
certains aspects que nous aurons à étudier. Je trouve ça
intéressant dans la mesure où je trouve que ça suscite de
l'intérêt dans la population pour les travaux que nous
faisons.
D'autre part, M. le Président, je veux répéter ce
qui peut-être apparaissait en nuance dans ces articles,
c'est-à-dire que, pour nous, nous recherchons ce juste équilibre.
En ce qui regarde en particulier les consommateurs, je voudrais dire, M. le
Président, que, pour ma part, je ne veux pas tomber dans ce piège
de considérer qu'il y a de bons consommateurs et de mauvais fabricants
ou de mauvais vendeurs, de mauvais commerçants. M. le Président,
il n'y a qu'un juste équilibre à établir dans notre
société et il y a pour moi des droits, des obligations, de part
et d'autre, qui doivent être bien précisés.
En fonction des différentes questions qui ont été
soulevées, tel que ça apparaît dans les médias
d'aujourd'hui, je dois dire, M. le Président, que c'est des questions
sur lesquelles nous nous interrogeons. Le point final n'est pas mis, parce que
nous sommes toujours à consulter et à discuter. À un
moment donné, nous devrons trancher, mais j'insiste sur ce point, M. le
Président, en fonction d'un juste équilibre, et je crois que
c'est fausser le débat que de dire qu'il faut favoriser le
consommateur.
Il ne faut pas voir aussi simplement le commerçant et c'est
probablement le problème que nous avons dans bien de nos discussions en
ce qui regarde la protection du consommateur. C'est que, lorsque nous parlons
de commerçants ou de fabricants, M. le Président, nous pensons
immédiatement aux grandes multinationales. Ce n'est pas simplement
ça. Et, au Québec, nous avons beaucoup, comme on le sait, de
petites et de moyennes entreprises entreprenantes, je devrais dire, dynamiques
et qui sont, au point de vue fabrication, au point de vue commerce, mise en
marché, très actives. Donc, par conséquent, M. le
Président, comme ministre de la Justice, je dois vous dire que ce que
nous recherchons, c'est ce juste équilibre et, pour ma part, le point
final n'est pas mis. Non. Nous allons en discuter et faire en sorte que cette
commission puisse en arriver à un consensus, si c'est possible,
recherchant ce juste équilibre.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Est-ce qu'il y aurait d'autres commentaires avant qu'on reprenne... Oui, Mme la
députée de Terrebonne, ensuite Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Caron: Oui, M. le Président, très
brièvement. Je pense que les points qui ont été
soulevés étaient des points importants et ce n'est pas
dans notre esprit non plus, dans le sens de dire qu'il y a des bons
consommateurs, que tous les consommateurs sont bons et que tous les fabricants
sont mauvais. Absolument pas. Mais un consommateur, lorsqu'il achète un
produit, doit être assuré que le fabricant a la
responsabilité du produit qu'il a mis en marché. Et ce n'est pas
le consommateur... pas par le fait que le consommateur est bon, mais le
consommateur n'a pas à être victime des nouvelles technologies que
le fabricant peut considérer comme quelque chose d'intéressant
à vendre et pour laquelle il n'a pas fait tous les essais. Au
Québec, on n'a pas à devenir une terre où on va essayer
tous les nouveaux produits et où le fabricant va être
déchargé des responsabilités. On n'a surtout pas à
reculer par rapport aux acquis que nous avions dans la Loi sur la protection du
consommateur, et ça, je pense que c'est très clair du
côté de l'Opposition, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée. Mme la députée de
Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: M. le Président, je constate à nouveau
que le ministre vient avec son concept de juste équilibre. C'est un
concept dont Mme la députée de Terrebonne m'avait longuement
parlé, en me signalant que c'était là la vision que le
ministre avait depuis deux ans qu'elle est chargée du dossier de la
protection du consommateur, que c'était donc là la vision que le
ministre avait dégagée au fur et à mesure de ces deux
années.
Moi, je m'élève complètement en désaccord,
M. le Président, avec ce concept qui, dans les circonstances de la
protection du consommateur, est totalement, à mon point de vue,
inadéquat. Je rappelle au ministre qu'il n'y a pas d'équilibre
entre les parties en matière de consommation. Il n'y en a pas pour la
bonne raison que ce rapport inégalitaire vient d'un marketing que l'on
sait être extrêmement agressif en Amérique du Nord, vient
d'une publicité qui, pour avoir envahi notre vie quotidienne, nous
invite à la consommation de produits. La question n'est pas de savoir
s'il y a des bons consommateurs et s'il y a des mauvais fabricants. La question
est de savoir s'il y a une bonne protection, autant pour protéger les
bons fabricants que les bons consommateurs. C'est ça qui nous
intéresse, M. le Président.
Un bon fabricant, c'est un fabricant qui va faire en sorte que toutes
les études soient terminées, finalisées, avant de mettre
sur le marché un produit qui peut avoir des conséquences
néfastes pour la population. C'est ça un bon fabricant. C'est
parce qu'on souhaite prendre le parti pris des bons fabricants et des bons
consommateurs qu'on ne pourra pas accepter un recul sur la protection que le
courant jurispru-dentiel avait jusqu'à maintenant offerte, en termes de
responsabilité stricte du fabricant en matière de protection du
consommateur.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée. Je réalise que nous commentons ici des
déclarations qui ont paru dans les médias. Je réalise
aussi que ces propos sont très très pertinents pour le mandat
qu'on s'est donné, mais sont peut-être aussi à
l'avant-garde des articles, étant donné que les articles en
question vont, à un moment donné, venir à l'agenda. Alors,
M. le député de Westmount, ensuite M. le ministre.
M. Holden: Oui, j'allais dire qu'on est loin de l'article
1466...
Le Président (M. Lafrance): Oui.
M. Holden: ...mais, quand on parle de petites entreprises et de
grandes entreprises, il faut aussi considérer que, la plupart du temps,
ce sont les grandes compagnies d'assurances qui sont impliquées
plutôt que les petites entreprises et les grandes entreprises. C'est
presque toujours des questions d'assurances.
Deuxièmement, M. le ministre, si vous allez consulter - je
comprends que vous allez consulter le monde qui s'y intéresse -
j'espère que vous n'arriverez pas, le jour où l'on discutera
l'article 1466, avec votre idée déjà faite parce que
j'aimerais et je crois qu'on aimerait tous avoir notre mot à dire.
J'ai même demandé à M. Kravitz, de la cause Kravitz,
cette journée-là... Alors...
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le
député. Je vais laisser la parole à M. le ministre,
étant donné que vous lui posez une question, mais très
brièvement, s'il vous plaît, de façon à ce qu'on
puisse reprendre nos travaux.
M. Rémillard: Oui, très brièvement, je dirai
au député de Westmount que, non, tout ne sera pas
décidé. Mais nous aurons toute l'information, par contre, pour
décider et, pour ma part, le juste équilibre demeure toujours mon
principe. Un équilibre n'amène pas le même nombre de poids
d'un côté ou de l'autre, mais amène la même
pesanteur, ce qui veut dire qu'il y a, dans les circonstances,
différentes choses à prendre en considération.
Je terminerai, M. le Président, simplement sur les mots qu'a
utilisés Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve en
disant: Si on veut qu'un bon commerçant prenne tous les moyens
nécessaires pour assurer la sécurité de son produit pour
les consommateurs, si, justement, ce bon consommateur a fait tout ça,
est-ce qu'il doit être pénalisé? Un bon fabricant -
excusez-moi - a fait tout ça. Doit-il être pénalisé
si on devait découvrir, après 15 ans, 20 ans, que son produit est
dangereux pour la santé?
C'est une question que je laisse simplement en suspens. On va continuer
nos réflexions. Mais une chose est certaine, M. le Président, en
terminant. Nous n'avons pas non plus l'intention de diminuer la protection que
nous avons présentement pour les consommateurs, pas plus que nous avons
l'intention non plus de créer pour les fabricants des obligations qui
rendraient plus vulnérables notre économie et la création
d'emplois.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Très brièvement, s'il vous plaît, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, aussi brièvement que le ministre, n'est-ce
pas, M. le Président? Aussi brièvement que l'a fait le ministre.
La question qu'il pose, c'est une question à laquelle les tribunaux
avaient déjà répondu. Il a décidé de rouvrir
cette question-là. Alors, c'est un choix qu'il a fait; c'est un choix
politique qu'il a fait de rouvrir cette question-là. Il aurait pu, comme
pour bien d'autres sections du Code, simplement codifier l'état du
droit. Il a décidé de rouvrir. Il va falloir qu'il assume que
nous en débattions en société.
M. Rémillard: Définitivement. De la
filiation
Le Président (M. Lafrance): Merci. Si vous le permettez,
nous allons reprendre nos travaux en vous rappelant que nous étions au
titre deuxième, De la filiation, en particulier, chapitre premier, De la
filiation par le sang, et que les remarques d'introduction avaient
été lues.
Alors, j'aimerais donc appeler les articles contenus dans la section I,
qui traite des preuves de la filiation, les sept articles contenus entre 521 et
527 inclusivement, en notant qu'il y a deux sous-sections. Est-ce qu'il y
aurait, tout d'abord, des amendements à ces articles?
De la filiation par le sang (suite)
M. Rémillard: Oui, M. le Président. À
l'article 520, nous ajoutons l'article 520.1. L'article 520.1 se lirait comme
suit: "Tous les enfants dont la filiation est établie ont les
mêmes droits et les mêmes obligations, quelles que soient les
circonstances de leur naissance."
Alors, c'est une disposition générale. Le titre serait:
Disposition générale. M. le Président, puisqu'il a une
portée générale et qu'il devrait s'appliquer pour les
chapitres premier, deuxième et troisième, il nous semble
préférable de déplacer l'article 536 au tout début
du titre sur la filiation. Donc, cette modification permet, entre autres, de
nous assurer que l'enfant issu de la procréation médicalement
assistée disposera des mêmes droits et obligations que les autres
enfants.
C'est donc dire que nous prenons l'article 536 et en faisons l'article
520.1, avec le titre Disposition générale. (14 h 30)
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a d'autres articles qui sont touchés par des amendements?
Aucun.
Mme Harel: ...le ministre sur l'amendement.
Le Président (M. Lafrance): Oui, j'aimerais juste... On va
essayer de régler les amendements. Est-ce qu'il y a d'autres amendements
sur ces articles-là? Non.
M. Rémillard: II n'y a pas d'autres amendements.
Le Président (M. Lafrance): Alors, la discussion est
ouverte pour traiter des questions touchant le nouvel article 520.1
jusqu'à l'article 527 inclusivement. Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, d'abord, je félicite le
ministre pour l'amendement qu'il apporte. Ça signifie donc que tous les
enfants, quel que soit le mode, c'est-à-dire même ceux qui sont
issus de la procréation médicalement assistée, auront les
mêmes droits et les mêmes obligations, quelles que soient les
circonstances de leur naissance. Ça signifie donc que... Comment va se
lire 520.1 dorénavant? Ça se lit exactement de la même
manière, mais il est simplement reproduit comme...
M. Rémillard: Simplement déplacé.
Mme Harel:...déplacé.
M. Rémillard: C'est 536 que nous
déplaçons.
Mme Harel: Le principe est déplacé, donc, au
début du chapitre. D'accord. Alors, ça m'amè^ ne à
demander au ministre, puisque... Il faudra établir fa filiation,
n'est-ce pas, pour pouvoir donner effet à cet article 520. Entend-il
introduire des dispositions de façon telle que les enfants issus de la
procréation médicalement assistée puissent identifier leur
géniteur?
Actuellement, je crois comprendre qu'il n'y a pas de règle en
vigueur dans les établissements, c'est-à-dire que chacun a son
propre protocole ou ses propres règles d'éthique. On me faisait
part tout dernièrement qu'il y a encore peu de temps les gamètes
qui étaient utilisés pour la reproduction médicalement
assistée pouvaient être l'effet de combinaisons, ce qui, entre
vous et moi, rendait bien difficile de pouvoir identifier le géniteur.
Est-ce que ça signifie qu'à ce moment-là il y aura des
disposi-
tions pour que la filiation puisse être établie?
M. Rémillard: On aura l'occasion, je pense, de discuter un
petit peu plus loin de cette question, mais le principe que nous
établissons, c'est que le donneur de gamètes, son identité
demeure confidentielle, excepté pour des questions de santé pour
l'enfant. Nous aurons l'occasion probablement de discuter au fond, M. le
Président, de cette question, lorsque nous aurons à discuter
l'article... Je ne sais pas exactement quel numéro.
Mme Harel: 579.
M. Rémillard: Oui, 579 et suivants. Nous aurons, à
ce moment-là, à discuter de ce principe qui n'est pas facile au
départ, mais qui va nous amener à préciser tout ce
principe de la confidentialité du donneur de gamètes et donc, par
conséquent, de l'identité des parents biologiques à un
certain niveau autre aussi.
Mme Harel: C'est ça, mais l'exception ouvre quand
même à la nécessité de dispositions qui
prévoient qu'il pourra y avoir donc identification.
M. Rémillard: II peut y avoir identification dans la
mesure où la santé de l'enfant est en cause.
Mme Harel: C'est ça. Étant donné qu'il
pourra y avoir identification, tel que proposé dans le projet de loi
125, si la santé de l'enfant est en cause, il devra donc y avoir des
règles de pratique telles que l'on puisse identifier, à partir de
ce moment-là...
M. Rémillard: À ce moment-là, oui, qu'on
puisse identifier directement parce que c'est nécessaire pour la
santé de l'enfant, les maladies génétiques.
Mme Harel: À ce moment-là, ça va devoir
mettre fin à certaines pratiques, par exemple, qui étaient, entre
autres, paraît-il, de mélanger les gamètes pour ne pas
avoir à faire cette identification.
M. Rémillard: Les cocktails de gamètes dont vous
parlez, il y a des questions d'éthique. Remarquez que dans ces articles
du Code nous établissons les principes généraux. On ne
verrait pas toute la problématique ou toutes les difficultés
d'éthique que soulève, que peut soulever cette évolution
de la science en ce qui regarde les grossesses médicalement
citées. Mais il apparaît, de par les dispositions que nous avons,
que nous allons approuver ici, discuter tout à l'heure, que ça va
obliger les institutions à tenir, donc, un registre des donneurs en
fonction des gamètes qui sont en relation avec ces donneurs.
Mme Harel: Alors, vous concevez qu'il devrait y avoir un registre
dans les établissements qui procèdent à cette reproduction
médicalement assistée.
M. Rémillard: En conséquence, par conclusion,
oui.
Mme Harel: D'accord. En matière de filiation, est-ce qu'on
exclut la preuve scientifique?
M. Rémillard: Excusez-moi. La filiation, qu'est-ce que
vous voulez dire?
Mme Harel: À 520.
M. Rémillard: Oui. 520. 520, que vous dites? 521.
Mme Harel: Et suivants. Évidemment...
M. Rémillard: La filiation... Oui, mais qu'est-ce que
vous...
Mme Harel: 521, plutôt 520.1.
M. Rémillard: Toutes les règles de preuve
demeurent. On n'exclut rien. Toutes les règles de preuve sont
là.
Mme Harel: D'accord. Adopté, à moins que...
Le Président (M. Lafrance): Oui. Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires sur ces articles? Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, le
nouvel article 520.1, qui porte le même libellé que l'article 536
qui est abrogé, ainsi que les articles 521 à 527, inclusivement,
sont adoptés. J'aimerais appeler les articles contenus dans la section
II, qui traite des actions relatives à la filiation, soit les articles
528 à 535 Inclusivement. Est-ce qu'il y aurait des amendements à
proposer à ces articles?
M. Rémillard: Nous n'avons pas d'amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Aucun amendement. Merci.
Est-ce qu'il y aurait des commentaires ou des discussions, à ce
stade-ci, sur ces articles?
Mme Harel: On me fait valoir que ces dispositions faciliteraient
en simplifiant les actions qui pourraient être introduites, et nous
sommes prêts à adopter ces articles.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. S'il n'y a pas
d'autres commentaires, les articles 528 à 535 inclusivement sont
adoptés. Nous en arrivons au chapitre deuxième, qui traite de
l'adoption. Est-ce qu'il y aurait des observations d'introduction? Si quelqu'un
veut bien les lire,
s'il y a lieu, s'il vous plaît. M. le député de
Chapleau.
De l'adoption
M. Kehoe: Ce chapitre traite de l'adoption. Il reprend
substantiellement le droit actuel tel qu'édicté aux articles 595
à 632 du Code civil du Québec et ne lui apporte que quelques
modifications. Plusieurs de ces modifications sont d'ordre formel,
rédactionnel et terminologique. Ainsi, par exemple, l'expression
"déclaration d'adoptabilité" est remplacée à
l'intérieur de ce chapitre par l'expression plus juste de
"déclaration d'admissibilité à l'adoption".
En outre, il est à noter que les principes qui n'étaient
pas clairement exprimés en droit actuel sont édictés
à l'intérieur de ce chapitre; par exemple, le principe que
l'adoption ne peut avoir lieu pour confirmer une filiation déjà
établie par le sang est clairement exprimé à l'article
537.
Enfin, ce chapitre prévoit également quelques
modifications importantes aux règles du droit actuel, principalement
quant à la procédure d'adoption et quant à l'accès
aux renseignements confidentiels contenus dans les dossiers ayant trait
à l'adoption d'un enfant. Ainsi, selon les règles de ce chapitre,
le parent d'un enfant peut, à certaines conditions, donner un
consentement spécial à l'adoption de son enfant par son concubin.
Quant aux règles sur l'accès aux renseignements confidentiels
contenus dans les dossiers ayant trait à l'adoption d'un enfant, les
règles nouvelles prévoient la possibilité de transmettre
de tels renseignements à un adopté mineur, lorsque toutes les
personnes intéressées ont consenti à la divulgation de
tels renseignements. Elles permettent également la transmission de tels
renseignements à un adopté majeur, à un adopté
mineur et, dans certains cas, à ses descendants, lorsqu'un
préjudice grave à la santé de la personne qui requiert de
tels renseignements risque de lui être causé si elle en est
privée.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député. J'aimerais donc faire suite en appelant les articles
contenus dans la section I, qui touche aux conditions de l'adoption, soit les
23 articles contenus entre 537 et 559 inclusivement, en apportant la
précision que cette section comporte cinq sous-sections. Est-ce qu'il y
aurait des amendements à ces articles, M. le ministre?
M. Rémillard: Oui, M. le Président. On a un
amendement. C'est concernant l'article 549. À la dernière ligne
de l'article 549, insérer, entre les mots "si" et "ces", ce qui suit:
"étant concubins,". Alors, cette modification a uniquement pour but de
préciser le sens de l'article, M. le Président. C'est donc dire
que l'article 549 se lirait comme suit: "Le consentement à l'adoption
peut être général ou spécial. Le consentement
spécial ne peut être donné qu en faveur d'un ascendant de
l'enfant, d'un parent en ligne collatérale jusqu'au troisième
degré ou du conjoint de cet ascendant ou parent; il peut
également être donné en faveur du conjoint ou du concubin
du père ou de la mère, si, étant concubins, ces derniers
cohabitent depuis au moins trois ans."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
s'il n'y a pas d'autres amendements de proposés, la discussion est
ouverte sur ces articles, donc, 537 à 559 inclusivement. Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président, c'est en regard de
l'application de l'article 537 qui dit que l'adoption ne peut avoir lieu que
dans l'intérêt de l'enfant et aux conditions prévues par la
loi. Excellent. Le deuxième alinéa est de droit nouveau: "Elle ne
peut avoir lieu pour confirmer une filiation déjà établie
par le sang." Il semble que ce serait pour contrer un jugement d'un tribunal
qui serait venu confirmer une filiation dans le cas d'un transexuel, me dit-on,
mais à moins que ce soit pour d'autres motifs aussi. On me dit qu'il
pourrait y avoir d'autres motifs. Peut-on nous préciser l'intention que
le ministre a en introduisant ce deuxième alinéa?
M. Rémillard: C'est pour confirmer qu'on ne procède
pas à une adoption seulement dans des cas où il y aurait
peut-être des doutes de filiation déjà établie par
le sang. Si la filiation est établie par le sang, que vous êtes
l'enfant de tel père ou de telle mère et, par conséquent,
même s'il peut y avoir des doutes ou quoi que ce soit, on ne
procède pas par une adoption pour établir ce principe-là.
Le principe, c'est que la filiation établie par le sang s'impose
d'elle-même.
Mme Harel: J'arrive difficilement à comprendre parce que
la filiation établie par le sang ne donne pas pour autant la possession
d'état. Il faut quand même qu'il y ait eu un acte qui soit
enregistré à ce moment-là, par exemple. Prenons un cas
pour qu'on se comprenne: le mari de la mère est présumé
être le père, mais il ne le serait pas. Alors, la filiation
établie par le sang pourrait donner à entendre qu'il s'agit d'un
père biologique qui n'est pas celui que le Code présume
être le père. (14 h 45)
M. Rémillard: Je m'excuse, mais je ne vous ai pas suivie.
J'ai manqué un jalon de votre exemple.
Mme Harel: Parce que la filiation, M. le ministre, établie
par le sang... Je fais référence à cette
possibilité, par exemple, qu'il y ait filiation établie par le
sang avec l'ami de la mère... excusez-moi, avec le conjoint de la
mère, malgré
que son mari soit présumé être le père de
l'enfant.
M. Rémillard: Oui, oui.
Mme Harel: II pourrait arriver que le mari présumé
être le père de l'enfant soit inscrit au registre comme
étant le père et que le père biologique veuille
éventuellement faire reconnaître sa paternité.
M. Rémillard: Dans votre cas, écoutez, sans aucune
prétention - je demanderai aux experts de me corriger, là - au
départ, je crois qu'il y a une présomption légale à
l'effet que vous êtes l'enfant du père et de la mère qui
vivent ensemble. Donc, la mère, c'est assez facile et il y a une
présomption que votre père... le conjoint est votre père.
Il y a une présomption légale. Est-ce que je me trompe en disant
ça?
Mme Harel: La présomption légale, c'est à
l'égard du mari...
M. Rémillard: Oui, c'est ça, mari.
Mme Harel: ...de la mère et non pas à
l'égard du conjoint de fait.
M. Rémillard: Non, non, le mari. Je me suis
peut-être mal exprimé. Le mari.
Mme Harel: Mari, d'accord. C'est du mari. Que vous viviez
ensemble ou pas.
M. Rémillard: Parce que c'était votre exemple
qu'ils vivent ensemble. Le mari est là.
Mme Harel: Non. Que vous viviez ensemble ou pas, je pense que
ça ne rentre même pas en ligne de compte dans la preuve.
M. Kehoe: Ça dépend du nombre de mois... le nombre
de jours.
Mme Harel: C'est le mari qui est présumé
légalement être le père de l'enfant....
M. Rémillard: II est présumé... Mme
Harel: ...dans les 300 jours.
M. Rémillard: Écoutez, il est présumé
légalement, donc, le père. Dans ce cas-là, si cette
présomption n'est pas irréfragable, dans le sens qu'on
démontre par des tests qu'il n'est pas le père, il y a quelqu'un,
donc, qui est le père. Dans le deuxième alinéa de 537,
j'attire votre attention sur le mot "déjà". Alors, il s'agit
d'une filiation déjà établie. On a déjà
établi la filiation. On sait à ce moment-ià que, par
exemple, ce n'est pas le mari, mais c'est quelqu'un d'autre qui est le
père et on dit: Cette personne-là ne peut pas adopter parce qu'on
sait déjà que, par filiation, c'est lui le père.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
que, Mme la députée, vous avez des commentaires additionnels?
Mme Harel: Bien, simplement une question. Alors, quel
problème est-ce que le deuxième alinéa vient
régler?
M. Rémillard: II vient régler qu'il y a des gens
qui pourraient prendre l'adoption comme moyen de confirmation d'une filiation
qui est tout à coup démontrée dans un cas peut-être
comme le vôtre, alors qu'on n'a pas besoin de procéder par
adoption, que la filiation est là et les moyens sont donnés pour
que la possession d'état seule puisse suffire. Simplement ça.
M. Holden: Est-ce que le mari doit...
Le Président (M. Lafrance): M. le député de
Westmount.
M. Holden: ...prendre une action en désaveu ou le
père naturel doit demander à la cour sa paternité? Comment
ça marche?
M. Rémillard: Une reconnaissance en paternité,
ça se peut, mais l'enfant aussi. Ça peut être du
côté de l'enfant aussi. Ça peut être du
côté de la mère aussi. En fait, tous les
éléments que nous retrouvons actuellement dans le Code en
fonction de la filiation demeurent. Mais ce qu'on dit, c'est que lorsque cette
filiation est déjà établie on n'utilise pas l'adoption
pour l'établir.
M. Holden: Ça serait déjà enregistré.
M. Rémillard: Déjà enregistré comme tel.
Mme Harel: Or, moi, M. le Président, je comprends...
Le Président (M. Lafrance): Oui. Est-ce que ça
satisfait votre... Oui.
M. Holden: Oui, merci, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. Je comprends, là, que 549 va venir
régler une situation souvent dramatique de mères qui devaient se
porter requérantes en adoption avec leur nouveau mari ou leur nouveau
conjoint en faveur de l'enfant. J'ai eu des cas comme ceux-là à
mon bureau de comté. Tandis que, dorénavant, avec les
modifications apportées à 549, il pourra donc y avoir un
consentement à l'adoption spéciale qui pourrait être
donné en
faveur du conjoint ou du concubin. On n'aura plus la situation qui
prévalait, qui était absolument... qui était absurde,
où il fallait que la mère puisse se porter requérante
comme parent adoptif.
M. Rémillard: Oui, comme on le verra probablement si on en
discute...
Mme Harel: D'accord.
M. Rémillard: ...de fait, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve souligne un problème qu'on règle, un
problème qui apportait des situations très difficiles pour faire
adopter son propre enfant par son conjoint; elle devait elle-même
procéder aussi à l'adoption. C'était absurde. Alors, on
met fin à ça.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a d'autres commentaires sur ces 23 articles?
Mme Harel: Sur 549...
Le Président (M. Lafrance): ...549, tel
qu'amendé.
Mme Harel: ...tel qu'amendé, il faut donc comprendre qu'il
n'y a que le concubin qui est soumis à la règle,
c'est-à-dire qu'on remplace "conjoint ou du concubin" par "concubin"
seulement. C'est ça qu'il faut comprendre. Et le nouveau mari, par
exemple, lui, n'est pas soumis à la règle des trois ans, mais le
conjoint est soumis à la règle des trois ans. Vous avez
préféré le mot "concubin" au mot "conjoint". Pourquoi? Le
mot "concubin" a une connotation péjorative dans notre
société. Le concubinage, c'était péjoratif.
M. Rémillard: ...par endroits.
Mme Harel: L'union de fait est une situation de fait, mais le
concubinage a une connotation péjorative. C'est comme l'adultère,
d'ailleurs. Non?
M. Rémillard: Pour les gens de notre
génération, mais pas pour la nouvelle
génération.
Mme Harel: Non, mais pourquoi "concubin" plutôt que
"conjoint"?
M. Rémillard: En droit, le mot "concubin" n'a pas de sens
péjoratif. Je suis d'accord avec vous que, dans nos moeurs, en fonction
de notre génération, concubinage voulait dire quelque chose de
pas correct, de pas bien du tout, pas apprécié par le papa et la
maman. Mais...
Mme Harel: ...par le voisinage.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: Mais, en termes juridiques, le concubin, le
terme est utilisé partout dans cette section et un peu partout en droit,
et n'a pas ce sens péjoratif.
Mme Harel: Mais est-ce qu'on utilise le mot "conjoint" uniquement
lorsque les personnes ont contracté mariage?
M. Rémillard: Dans le Code, lorsque les personnes ont
contracté mariage, ce sont des conjoints; autrement, ce sont des
concubins.
Mme Harel: Ce n'est pas là, évidemment, une
formulation à laquelle on est habitué dans le langage courant
parce que dans notre société, le langage courant, c'est conjoint
de fait plutôt qu'époux; époux en mariage et conjoint de
fait en union de fait.
M. Rémillard: Le concubin est déjà dans le
Code. Évidemment, ce n'est pas quelque chose de nouveau.
Mme Harel: Ah non, non, ça, je n'en doute pas...
M. Rémillard: ...mais...
Mme Harel: ...mais on avait fait sauter quand même pas mal
de choses qui étaient déjà dans le Code.
M. Rémillard: Oui, mais je vais peut-être apporter
une nuance à ce que j'ai apporté comme complément
d'information.
Mme Harel: Peut-on me lire la définition de concubin?
M. Rémillard: Oui, mais juste une minute pour confirmer
que, quand je vous disais que dans le Code on parle de conjoint pour les gens
qui sont mariés, on parle aussi de conjoint de fait. Donc, il y a une
nuance, là.
Mme Harel: Dans le Code, on parle de conjoint de fait?
M. Rémillard: Excusez, on dit dans des lois
particulières: le conjoint de fait...
Mme Harel: Parce que le Code est muet et sans doute le
restera-t-il sur les conjoints de fait.
M. Rémillard: Alors, en ce qui regarde le concubin, Mme
Morency va nous lire de sa voix sous-ministérielle...
Mme Morency (Lise): Alors, on doit utiliser
deux mots pour comprendre le sens du mot "concubin". "Concubin", on dit:
"personne qui vit en état de concubinage". Alors, on doit aller à
"concubinage" et, à "concubinage", on dit: "état d'un homme et
d'une femme qui vivent comme mari et femme sans être mariés".
C'est tout. Et ce n'est pas écrit "péjoratif.
Mme Harel: Non, ce n'est pas nécessaire. Ça se
déduit.
M. Rémillard: Ça se déduit.
Mme Harel: Alors donc, malgré tout, la question se pose,
vous avez choisi d'assujettir à la règle des trois ans le
conjoint de fait qu'on va appeler, pour faire plaisir à Me Morency, le
"concubin" et vous en avez dispensé le nouveau mari qui, lui, peut
adopter l'enfant immédiatement. Est-ce que je peux comprendre que, s'il
y a mariage, il peut y avoir un projet de stabilité peut-être plus
grand que l'union de fait? Mais ça, ça vaut par rapport aux
époux qui ont contracté mariage. Mais je ne sais pas si les
statistiques nous prouveraient si l'état de fait, si vous voulez,
concorde avec l'intention. Je n'en sais rien, mais je n'en suis pas convaincue
au départ. D'autre part, pour l'enfant, est-ce qu'il ne vaudrait pas
mieux qu'un délai se soit écoulé avant qu'il soit tout de
suite adopté par le nouveau mari de la mère?
M. Rémillard: Écoutez, l'élément
auquel on doit se référer dans tout ça, c'est la
stabilité. On veut essayer qu'il y ait le maximum de stabilité
pour accueillir cet enfant adopté. On considère que lorsqu'un
homme et une femme décident de se marier, avec tout ce que ça
signifie, entre autres qu'il y a un patrimoine familial qui existe, ça
signifie de fait l'intention d'avoir une liaison stable, régie par les
lois du mariage. Autrement, il y a d'autres façons de procéder
pour qu'un couple vive ensemble. Dans ce contexte-là, c'est pour
ça qu'on a dit. lorsqu'il s'agit d'un nouveau mari, on contracte
mariage, le délai n'est pas le même que s'il s'agit de conjoints
de fait, de concubins, dis-je, qui n'ont pas exprimé juridiquement,
donc, cette stabilité par les lois qui gouvernent le mariage. Alors,
c'est en fonction de la plus grande stabilité possible pour l'enfant
adopté.
Mme Harel: C'est intéressant, M. le ministre, mais,
évidemment, ça fait référence à des
convictions, je dirai, à moins qu'on ait des statistiques qui puissent
nous permettre de constater qu'il y a une plus grande stabilité en
mariage qu'en union de fait. Si c'est le cas, j'apprécierais qu'on
puisse peut-être les transmettre aux membres de la commission. Ça
ne m'apparaît pas évident que cette stabilité-là,
compte tenu du nombre de divorces...
M. Holden: ...si on a trouvé des statistiques sur ces
unions de fait.
Mme Harel: Oui, oui, vous avez raison. C'est intéressant
parce que vous dites qu'il faut assurer... Je suis d'accord avec le principe,
l'objectif, au moins, qu'il y ait un maximum de stabilité. C'est un
objectif qui est louable, je crois, auquel...
M. Holden: II faudrait avoir un enregistrement des unions de
fait.
Mme Harel: ...il faille souscrire, un maximum de
stabilité. Est-ce que ce n'est pas finalement une sorte de
préjugé de penser qu'il y a plus de stabilité dans le
mariage que dans l'union de fait? Peut-être, en fait, mais j'entends
tellement souvent des commentaires qui me sont faits, d'ailleurs, par des gens
que vous connaissez bien vous-même, à l'effet que leur couple dure
justement parce qu'ils n'ont pas contracté le mariage, que c'est la une
des conditions de réussite. Ha, ha, ha! Vous voyez, ce n'est pas moi qui
parle. Je transmets simplement les propos que l'on tient.
Mais j'accepte, par exemple, un aspect que vous avez introduit, qui est
nouveau, qui, peut-être, peut favoriser la stabilité, de la
façon dont vous l'avez d'ailleurs amené: c'est le partage du
patrimoine familial. En fait, vous dites: Ce n'est pas seulement le mariage,
c'est parce qu'il y a le patrimoine familial, et là je me dis,
évidemment, à ce moment-là, que, dans le choix que vous
avez exprimé, il faut comprendre que vous considériez que le
patrimoine va avoir une incidence sur la stabilité des unions en
mariage. (15 heures)
M. Rémillard: Définitivement, dans le Code, nous
prenons partie pour le mariage, dans ce sens que nous valorisons le mariage par
certaines exigences et que, par conséquent, les gens choisissent le
mariage qui implique ces exigences, implique une stabilité pour la
famille. C'est toute la philosophie qu'il y a derrière la loi du
patrimoine. Ceux qui ne veulent pas se marier, qu'ils ne se marient pas, mais,
pour ceux qui se marient, il y a des conséquences légales, et
dans le Code c'est très clair.
La question des conjoints de fait sera étudiée globalement
plus tard, on le sait. Maintenant, les règles dans les lois
particulières concernant les conjoints de fait, on parle de trois ans,
sauf s'il y a un enfant qui est né de l'union même; on parle
habituellement de trois ans. Alors, on s'est référé
à cette règle de trois ans à cause de ça.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Est-ce qu'il y
aurait d'autres commentaires sur ces articles 537 à 559
inclusivement?
Mme Harel: Juste une petite seconde, M. le Président. La
Commission des services juridiques faisait valoir, à l'appui du fait
qu'on ait la même exigence à l'égard des conjoints
mariés que des concubins, le fait qu'il n'était pas rare, et je
la cite, de voir des enfants qui vivent des adoptions à
répétition à cause du divorce de leurs parents. Mais le
divorce n'entraîne pas le désaveu de paternité? Comment
est-ce qu'il peut y avoir des adoptions à répétition si,
par filiation, l'enfant a un père? Il peut y avoir un divorce d'avec la
mère, mais le père reste le père. C'est dans la mesure
où il y aurait des cas d'abandon, mais, à ce moment-là, il
faut qu'il y ait une action en...
M. Rémillard: En renonciation.
Mme Harel: ...en renonciation ou en désaveu de
paternité.
M. Rémillard: Non, c'est la seule façon.
Mme Harel: Non. Même pas, c'est vrai. Oui, oui.
M. Rémillard: II faut qu'ils abandonnent leur
paternité ou leur maternité, sans ça, ce n'est pas parce
qu'on divorce qu'on n'est plus père ou mère. On me dit que
ça se fait.
Mme Harel: Est-ce que ça
M. Rémillard: Non, peut-être pas fréquemment,
mais ça peut se faire. On a déjà vu qu'il y a eu abandon
de paternité ou de maternité. Donc, ça peut vouloir dire
une adoption après; mais plusieurs adoptions à cause de
ça, il va falloir que ça se répète deux fois, trois
fois, là je dois vous dire qu'il faut tomber sur le numéro
chanceux, hein? Ce n'est pas facile.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a d'autres commentaires sur ces articles? S'il n'y a pas d'autres
commentaires... Oui, M. le député de Westmount.
M. Holden: L'adoption est adoptée!
Mme Harel: On n'a pas fini, malheureusement.
Le Président (M. Lafrance): La section de l'adoption est
adoptée. Les articles 537 à 548 sont adoptés tels quels.
L'article 549 est adopté tel qu'amendé. Les articles 550 à
559 sont adoptés tels quels. J'aimerais appeler maintenant les articles
contenus dans la section II qui traitent de l'ordonnance de placement et du
jugement d'adoption, soit les articles 560 à 570 inclusivement.
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Alors, il n'y a aucun
amendement touchant ces articles. Est-ce qu'il y a des commentaires ou des
observations?
D'accord. S'il n'y a pas de commentaires ou d'observations, les articles
560 à 570 inclusivement sont adoptés.
J'aimerais maintenant appeler les articles contenus dans la section III
qui traite des effets de l'adoption, soit les articles 571 à 575
inclusivement.
M. Rémillard: M. le Président, il y a un amendement
à l'article 571. Nous voulons abroger l'article 571 parce que cet
article traite de questions plus spécifiques - prise d'effet d'une
adoption prononcée en faveur d'adoptants dont l'un est
décédé après l'ordonnance de placement - que celles
traitées aux articles 573 à 575. Il serait donc plus logique
qu'il soit placé après l'article 575.
Le Président (M. Lafrance): Si je comprends bien, M. le
ministre, le libellé de l'article reste...
M. Rémillard: Oui.
Le Président (M. Lafrance): ...tel quel.
M. Rémillard: Oui. Mais nous...
Le Président (M. Lafrance): C'est dans l'ordre
numérique que vous voulez proposer l'amendement.
M. Rémillard: C'est ça. Nous allons abroger 571 et
nous allons revenir ensuite pour le proposer plus loin, parce qu'il y a trois
autres amendements, M. le Président. Je vous ai induit en erreur, je
m'en excuse.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, on vous
écoute pour les autres amendements.
M. Rémillard: À l'article 572, nous abrogeons
l'article 572 pour le même motif que 571, c'est-à-dire que
l'article 572 traite de questions plus spécifiques que celles plus
générales traitées aux articles 573 à 575. Alors,
on trouve plus logique qu'il soit placé après l'article
575.1.
Il y a aussi un amendement à... C'est 575.1. L'amendement
proposé se lit comme suit: Le projet est modifié par l'insertion,
après l'article 575, du suivant: "575.1. L'adoption prononcée en
faveur d'adoptants dont l'un est décédé après
l'ordonnance de placement produit ses effets à compter de
l'ordonnance."
M. le Président, en raison de cet amendement, le texte se lirait
comme suit: "L'adoption prononcée en faveur d'adoptants dont l'un est
décédé après l'ordonnance de placement produit
ses effets à compter de l'ordonnance." Plus, M. le
Président, l'article 575.2. Le projet est donc modifié par
l'insertion, après l'article 575.1, du suivant: "575.2. La
reconnaissance d'un jugement d'adoption produit les mêmes effets qu'un
jugement d'adoption rendu au Québec à compter du prononcé
du jugement d'adoption rendu hors du Québec."
Il s'agit toujours de ces transferts d'articles. C'est l'article 572 qui
devient 575.2.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a d'autres
amendements, M. le ministre?
M. Rémillard: C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, les articles 571
et 572 sont donc abrogés. Nous introduisons deux nouveaux articles:
575.1 et 575.2.
M. Holden: Le numérotage va être modifié en
conséquence.
M. Rémillard: Oui, oui, oui, oui. Le Président
(M. Lafrance): Oui.
M. Rémillard: En conséquence. À la fin, on
fait une motion pour renumérotation.
Le Président (M. Lafrance): Alors, la discussion est
ouverte sur ces articles. Donc, 573 à 575.2 tels qu'amendés.
Mme Harel: II faut donc comprendre que le ministre persiste
à maintenir, au deuxième alinéa de 574, le pouvoir du
tribunal de permettre le mariage de l'enfant adopté avec un membre de sa
famille d'adoption, frère ou soeur, en sachant évidemment
pertinemment que la loi fédérale à cet effet est contraire
et qu'il y aura possiblement une collision sur le terrain, en tout cas, quant
à l'application de dispositions semblables en voulant se conformer
à l'attribution des compétences constitutionnelles en
réclamant plus, en recherchant plus, du moins, de façon expresse,
en démontrant plus clairement l'intention du gouvernement d'obtenir une
harmonisation de tout le droit de la famille en rapatriant toutes ces
dispositions.
Le ministre est conscient de l'impact que ça peut avoir pour nos
concitoyens qui seront soumis, finalement, à des dispositions
contradictoires.
M. Rémillard: M. le Président, dans cet article
574, nous permettons le mariage en ligne collatérale entre
l'adopté et un membre de sa famille d'adoption, entre, par exemple,
l'adopté et sa soeur, c'est-à-dire la soeur membre de la famille,
qui n'est pas sa soeur au point de vue sang, mais sa soeur au point de vue
adoption. M. le Président, nous en arrivons à cette conclusion
parce que, s'il y a défense de mariage entre frères et soeurs,
c'est pour des problèmes de consanguinité pour éviter,
évidemment, que cette consanguinité aboutisse à des
problèmes médicaux, etc. C'est la très grande raison.
Cependant, M. le Président, lorsqu'on parle d'adoption,
évidemment que ça ne se réfère pas à ces
questions de sang puisque le sang n'est pas le même. Donc, par
conséquent, nous en arrivons à la conclusion qu'il est possible
de permettre un mariage en ligne collatérale entre l'adopté et un
membre de sa famille d'adoption. Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve se réfère à un article de la loi
fédérale. La loi fédérale a son application. Pour
notre part, nous considérons que le nôtre es? constitutionnel. Il
est constitutionnel, M. le Président, parce que l'essence et la
substance de cet article c'est l'adoption et, par conséquent, les effets
de l'adoption.
L'adoption, les effets de l'adoption, la capacité des personnes,
c'est de la juridiction du Québec, la juridiction provinciale. Le Code
civil, ça fait partie du domaine de juridiction provinciale. Donc,
après toutes les consultations que nous avons menées, la
conclusion c'est que cet article est tout à fait constitutionnel et dans
la juridiction québécoise.
M. Holden: "Pith and substance". M. Rémillard:
"Pith and substance".
M. Holden: Mais, dans le fond, c'est le mariage. Ce n'est pas
parce qu'on le met dans la section sur l'adoption qu'on ne traite pas de
mariage.
M. Rémillard: Non. Absolument pas, M. le Président,
absolument pas. Parce que, écoutez...
M. Holden: Je ne suis pas juge, M. le ministre, mais...
M. Rémillard: Non, non. M. le Président,
écoutez, relisons l'article 574 où on dit: "L'adoption fait
naître les mêmes droits et obligations que la filiation par le
sang." Ce n'est pas le mariage, ça. Toutefois, le tribunal peut, suivant
les circonstances, permettre un mariage en ligne collatérale entre
l'adopté et un membre de sa famille d'adoption." Le mariage est un
effet, à ce moment-là, une incidence, un pouvoir ancillaire qui
est là parce que c'est le pouvoir de l'adopté de se marier.
M. Holden: Vous admettrez, M. le ministre, que ça peut
être discuté.
M. Rémillard: Beaucoup de choses sont fort discutables, M.
le député de Westmount. Vous savez comme moi qu'on peut beaucoup
discuter... Vous qui êtes un brillant avocat, vous le savez à
quel point on peut discuter ces choses-là. M. Holden: Oui.
M. Rémillard: Mais je crois que ce qui n'est pas
discutable dans ce cas-ci, c'est la constitu-tionnalité de cet
article.
M. Holden: C'est un argument que... Est-ce que les
fédéraux... Par exemple, est-ce qu'il y a une dispute ou une
discussion entre les différents niveaux? Et quelle est la loi dans les
autres provinces, M. le ministre? (15 h 15)
M. Rémillard: Non, ce n'est pas encore en application. La
disposition fédérale n'est pas encore en application et on a
envoyé des lettres, on les a avertis, on leur a dit l'état du
droit québécois et, par conséquent, j'ai donc fait des
représentations auprès de la ministre de la Justice et
j'espère qu'ils vont en tenir compte.
M. Holden: Dans les autres provinces, c'est quoi la loi?
M. Rémillard: Je vais m'informer, si vous me permettez.
Est-ce que je peux prendre avis de votre question pour vous revenir
là-dessus?
M. Holden: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Oui. J'aimerais, au même moment, que le ministre
nous dise, puisqu'il invoque que c'est une disposition qui se
réfère à l'essence et à la substance qui est
l'adoption, en fait, si cette interprétation-là est
également celle de son homologue fédéral, si tant est que
c'est indubitable que l'article porte sur l'adoption. Si ça l'est,
pourquoi est-ce que le fédéral légifère? Parce que
là, la collision, c'est... Je veux bien croire le ministre cet
après-midi. Je ne demande pas mieux, mais sur le terrain - on fait un
Code civil pour qu'il s'applique - est-ce qu'il faut croire que les gens sont
maintenant à l'abri de toute action en nullité de leur mariage,
ceux d'entre eux qui procéderaient en vertu de l'article 574? Ou faut-il
croire qu'ils peuvent être susceptibles d'une action en nullité de
mariage en vertu des dispositions mises en vigueur en décembre prochain
et contenues dans la loi fédérale?
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, on ne peut pas
éviter les contestations, qu'est-ce que vous voulez? Quelqu'un qui veut
contester, mon Dieu, qu'il conteste, mais on est en matière
privée. Coudon, s'il y a une contestation... Vous savez, il n'y a pas
juste cet article-là. Quelqu'un qui veut contester, je vais vous dire...
C'est ça le travail de nos avocats et nous avons de brillants avocats au
Québec. Ils peuvent contester beaucoup de choses. Qu'est-ce que vous
voulez? On ne peut pas empêcher ça. Mais, moi, je ne peux pas vous
dire...
Mme Harel: Alors, qu'il soit conséquent, par exemple.
Est-ce qu'il a obtenu du fédéral l'assurance qu'il
reconnaîtrait la prédominance du Québec en cette
matière?
M. Rémillard: Non. J'ai écrit pour leur signifier
notre position et leur demander de ne pas mettre en application cette
partie-là, mais je n'ai aucune assurance et je ne vois pas comment je
pourrais avoir cette assurance-là...
Mme Harel: Est-ce qu'ils vous ont répondu?
M. Rémillard: ...parce que c'est strictement une assurance
politique. À ma connaissance, ils ne m'ont pas répondu, mais,
sous toute réserve, il faudrait que je le vérifie. Je vais le
faire vérifier.
M. Holden: Est-ce que chaque province...
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
M. Holden: ...a une loi sur l'adoption?
Le Président (M. Lafrance): M. le député de
Westmount, vous avez une question?
M. Holden: Je viens de la demander au ministre.
Mme Harel: Je ne sais pas.
M. Holden: Ça doit. On va avoir une conférence
fédérale-provinciale...
M. Rémillard: M. le Président, on va
vérifier si on a la réponse.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Est-ce que vous avez
une question, M. le député de Westmount?
M. Holden: Une question à M. le ministre. La plupart des
provinces ont une loi sur l'adoption, je crois.
M. Rémillard: Je crois que oui, M. le député
de Westmount.
M. Holden: Je ne sais pas si on traite de cette question dans
leur loi sur l'adoption ou si on n'a pas pensé à le faire.
M. Rémillard: Si vous voulez, je vais m'informer et je
vous reviendrai aussi sur cette question-là.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, s'il n'y a pas
d'autres commentaires sur cette section, les articles 573 à 575
sont...
Mme Harel: Sur division.
Le Président (M. Lafrance): ...adoptés sur
division, incluant les nouveaux articles 575.1 et 575.2.
J'aimerais maintenant appeler les articles contenus dans la section IV
qui traitent du caractère confidentiel des dossiers d'adoption, soit les
articles 576, 577 et 578. Est-ce que nous avons des amendements à
proposer sur ces trois articles?
M. Rémillard: M. le Président, en ce qui regarde
l'article 577, au troisième alinéa de l'article 577, remplacer,
après le mot "sollicitation", par ce qui suit: "Un adopté mineur
ne peut cependant être informé de la demande de renseignements de
son parent." L'article 577 est modifié de manière à ce
qu'un mineur ne puisse être informé de la demande de
renseignements faite par son parent biologique pour le retrouver. Une telle
modification vise à mieux protéger l'intérêt de
l'enfant. En raison de cet amendement, l'article 577 se lirait comme suit, M.
le Président: "L'adopté majeur a le droit d'obtenir les
renseignements lui permettant de retrouver ses parents, si ces derniers y ont
préalablement consenti. Il en va de même des parents d'un enfant
adopté, si ce dernier, devenu majeur, y a préalablement consenti.
"L'adopté mineur a également le droit d'obtenir les
renseignements lui permettant de retrouver ses parents, si ces derniers, ainsi
que les parents adoptifs, y ont préalablement consenti. "Ces
consentements ne doivent faire l'objet d'aucune sollicitation. Un adopté
mineur ne peut cependant être informé de la demande de
renseignements de son parent."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
M. Rémillard: II y aussi l'article 578, M. le
Président, qui est amendé. Remplacer l'article 578 par l'article
suivant: "Lorsqu'un préjudice grave risque d'être causé
à la santé de l'adopté, majeur ou mineur, ou de l'un de
ses proches parents s'il est privé des renseignements qu'il requiert, le
tribunal peut permettre que l'adopté obtienne ces renseignements. "L'un
des proches parents de l'adopté peut également se
prévaloir de ce droit si le fait d'être privé des
renseignements qu'il requiert risque de causer un préjudice grave
à sa santé ou à celle de l'un de ses proches."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a des commentaires ou des observations sur ces trois articles?
Mme Harel: Moi j'aimerais bien.
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, s'il vous plaît, M. le Président, je
souhaiterais que le ministre nous fasse valoir le nouveau régime qui est
introduit par cette section IV portant sur le caractère confidentiel des
dossiers d'adoption, le principe général étant
l'accès aux dossiers, évidemment sous réserve du fait
qu'il y ait consentement de chacune des parties informées de la demande
de renseignements, sauf pour l'enfant mineur qui ne sera informé de la
demande de renseignements de son parent biologique qu'à sa
majorité. Est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre?
M. Rémillard: Oui, c'est un sujet qui n'est pas facile.
C'est un sujet qui est très très difficile, M. le
Président. Après avoir consulté et rencontré les
groupes intéressés, on en est arrivé à la
conclusion que le principe qu'on devait retenir c'est celui de pouvoir recevoir
cette information, pouvoir savoir qui est votre père ou votre
mère biologique. Et ça, pour nous, c'est un droit qu'a chaque
être humain. Ce droft-là doit être situé dans le
contexte du respect de la vie privée et du respect, je dirais aussi, de
la volonté des autres personnes qui sont impliquées,
c'est-à-dire le père et la mère biologiques, comme le
père et la mère adoptifs ou le tuteur dans le cas de mineurs,
etc., de l'incapable.
M. le Président, la règle actuellement, telle que nous la
définissons, veut dire ceci: Lorsqu'il s'agit d'un majeur, le majeur
peut savoir qui est sa mère biologique ou son père biologique,
dans la mesure où ce père et cette mère donnent leur
consentement à dévoiler leur identité. Ça, c'est la
première règle.
L'autre aspect, s'il est mineur, à ce moment-là le
consentement est toujours nécessaire au niveau du père ou de la
mère biologique, peu importe qui est en cause, mais aussi du père
et de la mère adoptifs pour protéger la stabilité
familiale. C'est des demandes qui nous ont été faites. Ce qui
veut dire que dans le cas d'un mineur il y a donc deux consentements à
obtenir. C'est évident aussi que, pour nous, ça ne doit faire
l'objet d'aucune sollicitation. Parce que, dans la mesure où une des
parties peut être informée de la demande de renseignements faite
par l'autre partie, ça veut dire, entre autres, qu'on se retrouve dans
une situation très difficile. Alors, c'est toujours le juste
équilibre
qu'on recherche mais dans un sujet qui est très difficile.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y aurait d'autres observations?
Mme Harel: Je pense bien, M. le ministre, que là, ce qui
est introduit, c'est le droit aux origines pour l'enfant. C'est bien le
cas?
M. Rémillard: C'est le principe.
Mme Harel: C'est le principe, le droit aux origines pour l'enfant
qui est tempéré par le consentement qui est requis par l'autre
partie et qui est tempéré, dans le cas de l'enfant mineur, par le
consentement de ses parents adoptifs, qui est requis également et qui
est tempéré, dans le cas des parents biologiques d'un enfant
mineur, par le fait que leur demande de renseignements ne lui sera
communiquée qu'à sa majorité. C'est ça qu'il faut
comprendre.
M. Rémillard: C'est ça...
Mme Harel: C'est ça.
M. Rémillard: ...à toutes fins pratiques.
Mme Harel: Mais c'est le droit... Tantôt vous disiez un
droit qu'a chaque être humain de connaître ses origines
biologiques. Je suis, finalement, assez d'accord avec ça. J'ai eu
l'occasion d'en parler avec mon prédécesseur qui a
siégé ici pendant toutes ces années avec la
responsabilité du dossier de la justice, vendredi passé, et on
convenait tous les deux qu'à une époque, M. le Président,
où des gens de notre âge s'installent sur un divan pour se
rappeler ce qui leur était arrivé à un an et demi, c'est
bien évident que ça peut avoir beaucoup d'importance dans la
structure de sa personnalité qu'à l'adolescence, entre autres, on
puisse connaître ses origines, dans la mesure où ça
devient, finalement, une sorte de philosophie bien ancrée dans la
société, la règle étant que le droit aux origines
est une règle, même tempérée. Donc, on peut
être interpellé dans sa vie adulte par la demande de
renseignements. Je pense que c'est ça, finalement. Je comprends bien que
c'est cette façon de faire que vous avez choisie. C'est le cas.
Dans le cas de l'enfant mineur, d'abord, vous avez certainement pris
connaissance des remarques de la Commission des droits de la personne plaidant
en faveur d'un droit d'obtenir des renseignements pour l'enfant mineur, d'un
droit très, très élargi, et puis se basant sur un jugement
prononcé par l'honorable juge Ruffo en matière d'application de
l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, en faisant
valoir qu'une mesure législative qui refuserait à un enfant
l'autorisation qui est faite à un adulte de rechercher ses parents
biologiques serait discriminatoire parce que, précisément,
fondée sur l'âge, n'est-ce pas? En fait, c'était l'objet du
jugement. (15 h 30)
Là, je crois comprendre que le tribunal, avec l'amendement que
vous apportez à 578, pourrait faire lever les objections mais simplement
s'il y a risque grave d'être causé à la santé de
l'adopté. Et j'applaudis le deuxième alinéa de
l'amendement de 578 qui permet dorénavant à un proche parent de
l'adopté... ça pourrait être un descendant, en fait, de
l'adopté, n'est-ce pas?
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: ...de se prévaloir de ce droit aux
renseignements lorsque sa santé est en cause. Je pense que c'est une
excellente chose qu'on ne le réserve pas qu'à l'enfant
adopté parce que ses descendants peuvent être dans une situation
qui puisse exiger qu'ils obtiennent ces renseignements compte tenu des risques
causés à leur santé. Mais est-ce que, dans un cas comme
celui-là, on n'aurait pas intérêt - c'est la
première fois, on est rendu à l'article 577, je n'en ai pas fait
profusion jusqu'à maintenant, de ce genre de demande - à confier
au tribunal le soin d'en décider au moins pour l'enfant mineur
âgé de 14 ans et plus, s'il y a un refus des parents adoptifs?
J'imagine, moi, un enfant adopté. Je comprends très bien,
et l'adolescence est une période de turbulences, je suis bien
placée pour le savoir moi-même, comme tous ceux d'entre nous qui
avons eu ou avons des enfants adolescents, mais, cela dit, ça me heurte
de penser qu'un enfant de 14 ans et plus, un mineur de 14 ans et plus, par
exemple, à qui on permet de requérir des soins de santé,
puisque le ministre cherche à maintenir l'état du droit actuel,
donc cherche à maintenir le fait que l'enfant mineur de plus de 14 ans
peut requérir des soins de santé en matière de
contraception, d'avortement ou de maladies transmises sexuellement, et ne
pourrait pas obtenir, peut-être parce que l'un des deux parents
refuserait... On met "ainsi que ses parents adoptifs". Les parents adoptifs
ont, comme les parents biologiques, des situations conjugales qui peuvent
à ce moment-là les amener dans des états de
séparation, etc., et on lie le sort finalement de cette
décision-là aux deux: "ainsi que ses parents adoptifs".
M. Rémillard: Vous parlez en fonction de la santé.
Vous parlez...
Mme Harel: Non, moi, je parle en fonction du droit d'obtenir les
renseignements, à 577.
M. Rémillard: Ah! C'est 577.
Mme Harel: Je prends pour acquis qu'en matière de...
M. Rémillard: O.K. O.K.
Mme Harel: ...risque pour la santé, c'est
déjà...
M. Rémillard: Oui, ça, c'est réglé.
Mme Harel: ...réglé.
M. Holden: Vous demandez ça pour les 14 ans et plus.
Mme Harel: Oui, moi, c'est pour les 14 ans et plus.
M. Holden: Oui, je suis d'accord.
Mme Harel: Oui, c'est ça. Mais je demande surtout qu'en
cas de désaccord des parents adoptrfs... Il faut bien comprendre qu'il y
a autant de désunions dans ces couples-là qu'il y en a dans
l'ensemble des couples de la société. Je trouve, là, qu'on
cadenasse d'une façon peut-être qui me préoccupe en tout
cas.
M. Rémillard: Bon. Alors, si on regarde ça,
l'enfant mineur pour savoir qui est sa mère biologique, par exemple,
doit avoir le consentement de cette mère et doit avoir le consentement
aussi de son père et de sa mère adoptifs.
Mme Harel: II pourrait l'avoir de sa mère, par exemple,
qui a eu la garde de l'enfant et ne pas l'obtenir, par exemple, de son
père ou vice versa...
M. Rémillard: Bon.
Mme Harel: ...et auquel cas, il ne pourrait pas faire appel au
tribunal pour obtenir finalement une décision.
M. Rémillard: Si ça devient à ce point grave
pour lui, évidemment, 578 va s'appliquer.
Là, ça devient une question de santé. Alors, 578
pourrait s'appliquer.
Mme Harel: Mais quand vous dites "santé", est-ce que
vous... Évidemment, vous ne faites pas allusion au développement
de l'enfant parce que, dans le jugement de l'honorable juge Ruffo qui
était intervenu, on faisait justement référence à
cette question, à cette recherche vitale pour un jeune comme moyen de
développer sa personnalité. Je ne pense pas qu'on puisse
élargir la définition d'un risque grave pour la santé
à des questions de développement de personnalité.
M. Rémillard: La notion de santé est comprise dans
son sens médical, c'est-à-dire qu'elle comprend la santé
psychologique, la santé morale, la santé physique et, dans ce
contexte-là, si l'enfant est perturbé dans son évolution
psychologique à un degré tel, donc, que sa santé est en
cause, 578 sera en application.
Mais revenons donc à la possibilité que vous soulevez, le
mineur qui se voit refuser par ses parents adoptifs...
Mme Harel: Ou par un des deux.
M. Rémillard: ...ou un des deux, d'avoir la
possibilité de connaître son père et sa mère;
là, il est coincé. Ou bien il attend quatre ans d'être
majeur parce que, là, on prend pour acquis que sa mère biologique
est d'accord.
Mme Harel: Pas nécessairement, parce qu'il n'a pas pu y
avoir transmission de la demande de renseignements.
M. Rémillard: Oui. Je pense qu'il n'y a pas eu de demande
de renseignements parce que, pour qu'il y ait cheminement de renseignements, il
faut que les parents, tout d'abord, soient d'accord. Et là, dans le cas
de conflit entre la volonté de l'enfant adopté et de ses parents
adoptifs, c'est le tribunal qui trancherait.
Mme Harel: Ou dans le cas de conflit entre les parents adoptifs
eux-mêmes.
M. Rémillard: Ou dans le cas de conflit entre les parents
adoptifs eux-mêmes.
Mme Harel: Parce qu'à 578 je crois comprendre que non
seulement le tribunal tranche, mais il tranche pour permettre que
l'adopté obtienne les renseignements, nonobstant le consentement du
parent biologique. Ça va très loin, 578. L'appréciation
que le juge doit faire du préjudice grave, dans une balance, doit
être vraiment très... Finalement, ce préjudice doit
être lourd parce que non seulement il y a demande de renseignements
à 578, mais il y a obtention des renseignements. On ne parie plus de la
même chose à 578.
M. Rémillard: Écoutez, M. le Président,
là-dessus, c'est un point, comme je vous l'ai mentionné
tantôt, très difficile. Il faut évaluer aussi que l'enfant
adopté se retrouverait devant le tribunal contre ses parents adoptifs.
Moi, j'aimerais bien entendre les membres de cette commission sur cette
question-là. J'aimerais bien entendre les membres de la commission sur
cette question: Est-ce qu'on devrait impliquer le tribunal à ce
niveau-là? J'aimerais ça entendre les membres de la commission
là-dessus.
M. Holden: Je vais me prononcer en faveur de l'un ou l'autre, la
permission d'un des deux. Si, effectivement, il y a une séparation ou si
la
petite fille dit: Moi, je ne t'aime pas, je veux voir ma vraie
mère, alors, là, le père peut dire oui, mais la
mère va dire non. Une chicane peut... L'un ou l'autre devrait suffir,
pour moi, à partir de 14 ans.
Le Président (M. Lafrance): Oui. Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, vous faites allusion au cas
où il aurait mésentente entre les parents adoptifs, n'est-ce
pas?
Mme Harel:...
Le Président (M. Lafrance): Mais, dans un tel cas, est-ce
que l'enfant n'est pas repris à charge par...
M. Rémillard: II y a deux cas, si vous me le
permettez.
Mme Harel: Oui, il y a deux cas.
M. Rémillard: J'ai cru comprendre qu'il y a deux cas.
Mme Harel: Oui.
M. Rémillard: II y a le cas où les deux parents
adoptifs ne seraient pas d'accord...
Mme Harel: Mais à ce moment-là...
M. Rémillard: ...c'est-à-dire qu'un serait d'accord
et que l'autre ne serait pas d'accord.
Le Président (M. Lafrance): Qu'il y ait désunion
entre les parents adoptifs.
M. Rémillard: Oui, ou bien que les deux ne sont pas
d'accord. C'est ça. Alors, soit que l'enfant est face au refus de ses
parents adoptifs, soit que l'enfant soit face au refus de l'un de ses parents
adoptifs, alors que l'autre est consentant. C'est ça?
Mme Harel: À ce moment-là, M. le ministre, on me
fait savoir que, s'il y a. désaccord entre les parents adoptifs,
l'article 604 sur les difficultés relatives à l'exercice de
l'autorité parentale pourrait venir régler cette question de
désaccord entre parents adoptifs puisque l'un des deux pourrait saisir
le tribunal qui aura à statuer dans l'intérêt de
l'enfant.
M. Rémillard: Donc, ça veut dire qu'on se retrouve
avec un cas.
Mme Harel: C'est ça.
M. Rémillard: On se retrouve avec un seul cas.
Mme Harel: C'est ça.
M. Kehoe: Et, au bout de la ligne, c'est toujours le tribunal qui
va décider. Quand il y a Une dispute, quand ils ne sont pas
d'accord...
Mme Harel: Entre les parents, oui, mais, en vertu de 577, s'il y
a un désaccord des parents adoptifs, l'enfant mineur, même de 14
ans et plus, ne pourrait pas faire appel, par exemple, au Tribunal de la
jeunesse.
M. Rémillard: Je vais demander au député de
Chapleau d'intervenir à ce niveau-là et de nous faire part de son
opinion.
M. Kehoe: Personnellement, je ne vois aucune autre solution
qu'une intervention par le tribunal pour décider. Par quel autre moyen
peut-on régler le problème?
M. Rémillard: L'autre moyen, M. le Président, tout
simplement c'est qu'il attende sa majorité. Ou bien il attend sa
majorité ou bien on trouve un mécanisme pour régler le
problème et le mécanisme, à ce moment-là, c'est le
tribunal.
M. Kehoe: C'est justement. Dans les circonstances, si ce n'est
pas logique d'attendre sa majorité, pourquoi ne pas soumettre l'affaire
à un tribunal indépendant qui va agir dans l'intérêt
nécessairement de l'enfant?
M. Rémillard: M. le député de Westmount
a-t-il la même opinion?
M. Holden: Quatre ans, c'est long à attendre pour un
enfant, M. le Président.
M. Rémillard: M. le Président, si tout le monde
à cette commission en arrive à la même conclusion, moi, ma
réserve...
Mme Harel: Suspendons...
Le Président (M. Lafrance): Moi, j'ai une réserve
là-dessus. Si vous permettez, comme membre.
Mme Harel: Vous avez droit.
M. Rémillard: Bon, exprimez-vous, M. le Président!
Allez-y!
Le Président (M. Lafrance): Quatre ans, oui c'est long,
quatre ans, mais par contre, si la santé tant mentale que physique de
l'enfant n'est pas directement en cause, je penche plutôt du
côté des parents adoptifs plutôt que de
référer au tribunal, personnellement.
M. Kehoe: Mais s'ils ne s'entendent pas.
M. Rémillard: Ça, on a réglé le
problème à
630.
M. Kehoe: À 604.
M. Rémillard: Oui, à 604.
M. Kehoe: C'est ça.
M. Rémillard: Ça, c'est réglé, ce
problème-là. Il reste le cas où ils ne consentent pas.
Mme Caron: Moi, M. le Président, je souhaiterais qu'on
suspende, mais dans ma réflexion je me dis qu'on a accordé de
nombreux droits jusqu'à maintenant à l'enfant mineur de plus de
14 ans. On fait des catégories vraiment spéciales. C'est
évident que ces problèmes-là arrivent presque toujours
à l'âge de l'adolescence, donc, autour de 14 ans. Je me demande
s'il n'y a pas lieu, pour 14 ans et plus, de permettre.
Le Président (M. Lafrance): Vous voulez dire de permettre
à l'enfant de...
M. Kehoe: ...14 ans.
M. Rémillard: Alors, si je comprends bien l'intervention
de la députée de Terrebonne, ça voudrait dire que l'enfant
de 14 ans et plus à qui, il est vrai, on reconnaît des droits
particuliers comme mineur émancipé, on lui donnerait la
possibilité d'aller devant le tribunal. Alors, je crois que c'est le
voeu de cette commission, pour le moment, de suspendre cet
article-là.
Mme Harel: Effectivement, parce qu'en fait il y a deux
hypothèses: soit de pouvoir aller devant le tribunal ou de ne pas avoir
à obtenir le consentement des parents adoptifs lorsqu'un mineur a 14 ans
et plus. En fait, il y a deux voies dans lesquelles on peut s'engager et
peut-être faudrait-il réfléchir encore.
M. Rémillard: Si vous me permettez, il y a même
trois voies.
Mme Harel: Oui, c'est sûr. La troisième étant
que le consentement est requis dans le cas des deux parents. Ça c'est
certain aussi.
M. Rémillard: Ajournons là-dessus. Suspendons pour
le moment.
Mme Harel: Suspendons, oui.
M. Rémillard: Oh madame, ajourner, c'est un lapsus qui
n'est absolument pas révélateur de ma. pensée.
Mme Harel: M. le ministre, pour donner suite à cette
suspension de façon à ce qu'on en sache un peu plus après
la suspension que maintenant, j'aimerais bien qu'on puisse peut-être
mieux échanger sur la question du préjudice grave causé
à la santé de façon à mieux connaître la
preuve qui serait exigée. Compte tenu du courant jurisprudentiel, de
quelle nature serait la preuve de préjudice grave causé à
la santé qui serait exigée si tant est que le ministre
décidait de maintenir l'article 577 tel que rédigé? Est-ce
qu'on peut avoir cette information? Pas maintenant, mais on peut y penser.
Le Président (M. Lafrance): En même temps
qu'on...
M. Rémillard: Oui, oui, en même temps qu'on
reviendra pour discuter l'article, je comprends votre intervention en disant
que vous voulez avoir des précisions sur quelle est la réelle
signification de... (15 h 45)
Mme Harel: Quel est le degré?
M. Rémillard: Le degré du préjudice grave
à leur santé et quelle est la signification.
Mme Harel: C'est ça. M. Rémillard:
Très bien.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Oui, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Dans le document de la
Commission des droits de la personne, il y avait un autre point qui
était soulevé et élaboré très longuement sur
l'obligation d'informer une personne adoptée du fait qu'elle
l'était parce qu'on disait que, souvent, le problème qui se
posait c'est que la personne ne savait même pas qu'elle était
adoptée. Et nulle part, dans le nouveau Code, il n'y a cette
obligation-là. Est-ce qu'on s'est penché sur ce sujet-là?
Est-ce qu'il y a eu des réflexions là-dessus? Parce que, pour
consentir à accepter de recevoir des renseignements, il faut que la
personne consente. Mais si elle ne sait même pas qu'elle a
été adoptée!
M. Rémillard: Est-ce que vous voulez parler de
l'obligation des parents adoptifs...
Mme Caron: Oui.
M. Rémillard: ...d'informer l'enfant qu'il est
adopté?
Mme Caron: Oui.
M. Rémillard: Oui. Alors, M. le Président, on a pu
voir dernièrement justement des discussions beaucoup sur la place
publique en fonction de ça. Dans le Code civil, si on mettait une
telle
disposition, on n'a aucune loi, aucune disposition coercitive. On ne
peut rien faire contre ça. Comment peut-on obliger les gens à
dévoiler à leurs enfants adoptés que ce sont des enfants
adoptés? Mais les légistes nous informent qu'ils ne voient pas
comment on pourrait mettre ça dans le Code civil.
Mme Harel: M. le Président, on a déjà
adopté, dans les dispositions préliminaires, que le Code civil du
Québec régit, en harmonie avec la Charte des droits et
libertés de la personne et les principes généraux du
droit, les personnes, les rapports entre les personnes, etc. Donc, le Code
civil, on a décidé... En fait, c'est un choix politique... On
aurait pu penser qu'on assujettissait... De toute façon, l'ensemble des
lois sont assujetties à la Charte des droits, mais on souhaitait
expressément et formellement le faire. Bon, à ce
moment-là, le débat que soulève Mme la
députée de Terrebonne c'est: Est-ce qu'il doit y avoir
divulgation, n'est-ce pas, de l'adoption? Et là la Commission
considère qu'à l'article 1 le droit à
l'intégrité de la personne fait référence à
la personnalité juridique et que ça serait implicite qu'il y
aurait cette obligation de divulgation. Par ailleurs, il y a l'article 5 de la
Charte qui parle du respect de la vie privée. Est-ce qu'il y a eu des
décisions?
M. Rémillard: Non. Non.
Mme Harel: Parce qu'on parlait d'un jugement du juge Tremblay,
jugement...
M. Rémillard: On me dit que non, mais je peux faire
vérifier s'il y a des décisions qui ont été
rendues. Mais, M. le Président, la question là aussi est fort
délicate. Lorsqu'on parle de l'intégrité de la personne,
et on dit que ça devrait nous amener à la conclusion que l'enfant
doit savoir qu'il est adopté, il faut comprendre aussi que dans certains
cas, en respect avec l'intégrité de la personne, ça peut
être le contraire. Les parents peuvent juger qu'il vaut mieux ne pas le
dévoiler.
Il y a donc une question de discrétion qui appartient aux
parents. On va penser à des cas extrêmes où on va dire que
les parents ne sont pas de, je ne veux pas dire de bonne foi, mais agissent
d'une façon, disons, qui n'est pas sans reproche. Mais il faut penser
une règle générale, que les parents sont là pour
voir à l'intérêt de l'enfant. Ils ont adopté un
enfant. Au départ, il faut savoir ce que ça veut dire adopter un
enfant. C'est un geste qui est voulu. C'est un geste qui est pesé. C'est
tellement difficile d'adopter un enfant maintenant que, même à
ça, ça veut dire beaucoup de signification pour un couple
d'adopter un enfant. Ils adoptent un enfant et c'est à eux, je pense,
qu'on doit se référer à bien des égards pour
élever cet enfant-là. La discrétion, c'est
l'autorité parentale. La décision à savoir si l'on doit
informer ou pas un enfant qu'il est adopté, moi, à mon sens,
ça se réfère aussi, en premier lieu, à la
discrétion des parents qui vivent avec cet enfant et qui peuvent
décider: oui, on va l'informer ou bien non, on va attendre un petit peu
à cause de certains problèmes qu'il peut y avoir à
certains niveaux. Il me semble que la discrétion parentale, dans ce
cas-là, est une chose intéressante et à
protéger.
Mme Harel: M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: D'accord. De toute façon, comme on va suspendre
l'article, je ne veux pas allonger indûment les débats, mais
j'aimerais que le ministre prenne en considération qu'on ne peut pas
être à la fois pour la discrétion en matière
d'autorité parentale, et en même temps poser le droit qu'a chaque
être humain de connaître ses origines biologiques. J'ai eu
l'occasion, en tout cas, de consacrer une partie de mes réflexions de
vacances sur cette question et, finalement, je me dis qu'on doit choisir
l'intérêt de l'enfant. Bon.
Et l'intérêt de l'enfant, c'est, d'une certaine
façon, presque nonobstant les considérations conjugales ou
sociales que les parents peuvent avoir. L'intérêt de l'enfant est
de connaître son...
M. Rémillard: Est-ce qu'on peut en arriver à cette
conclusion-là d'une façon absolue? Pour ma part, j'ai des
nuances. De par les intervenants que nous avons eus, les lettres que j'ai eues
aussi, comme ministre de la Justice, des gens qui nous écrivent...
Mme Harel: Ce sont des enfants qui vous écrivent, ou ce
sont des parents?
M. Rémillard: Beaucoup plus souvent des parents ou des
psychologues qui nous écrivent, ou même des psychiatres. J'ai eu
quelques lettres, je dois dire, dont une particulièrement
pathétique d'un enfant et ça touche beaucoup. Reconnaître
le droit de l'enfant, parce que le principe directeur dans tout ça,
c'est le droit de l'enfant à ses origines biologiques. Ça, c'est
ça le principe. On part de là, on construit là-dessus. On
construit en fonction du respect de l'intégrité de la personne,
en fonction du respect aussi de la vie privée, et en respect aussi du
caractère, je dirais, de solidité, de stabilité du
contexte familial qui, d'une certaine façon, se retrouve dans le Code
civil par l'institution du mariage qui est réglementée, comme on
le sait.
Dans ce contexte-là, on est arrivé à établir
les règles que vous avez actuellement, mais ouvrir encore plus pour
l'enfant, vous le dites dans l'intérêt de l'enfant, mais à
quel âge
l'enfant peut-il en arriver à pouvoir prendre des
décisions qui peuvent être aussi importantes sur son comportement,
par exemple, sans mettre en cause une stabilité au niveau de
l'unité familiale qui est la sienne maintenant? C'est difficile,
très difficile à établir comme conclusion.
Mme Harel: II y a le juge Tremblay, dans une cause
récente, 1989, qui disait ceci: "Depuis le 2 décembre 1982, date
d'entrée en vigueur de l'article 632, les nouveaux adoptants ont
l'obligation implicite de faire connaître à l'enfant son statut.
Les nouveaux adoptants doivent être au courant de cette
réalité de l'article 632, qui confirme une certaine
évolution de notre société en regard de l'adoption."
Ce qu'il faut sans doute, M. le ministre, c'est qu'on dissipe la
confusion, l'incertitude sur cette question-là, vous savez, d'une
certaine façon, de manière à responsabiliser le plus
possible les gens et que ce ne soit pas trop des zones grises. Si l'adoption,
maintenant, dans une société comme la nôtre, comme
ça s'est fait, dit-on, dans différents pays qui ont
légiféré depuis quelques années, dont l'Angleterre,
la Finlande, l'Islande et bien d'autres, si la règle du jeu est connue
de tous, la règle du jeu étant devenue le droit aux origines,
alors, c'est dans ce contexte-là que les adoptants vont assumer avoir
à faire connaître la situation à l'enfant.
Mais si on est dans un droit qui n'a pas encore défini les
règles, moi, je crains qu'on introduise dans le Code, actuellement, le
droit à obtenir finalement l'information sur ses origines, mais que
ça ne crée pas implicitement l'obligation de savoir qu'on est,
donc, adopté.
M. Rémillard: Actuellement, au moment où nous nous
parlons, il n'y a pas cette obligation pour les parents de dévoiler aux
enfants qu'ils sont adoptés. On ne l'a pas, cette obligation. C'est
à la discrétion des parents.
Mme Harel: C'est une question... Est-ce qu'il faut lever
l'anonymat, dans un sens?
M. Rémillard: Et là, lever l'anonymat, vous l'avez
donc... Cette question, vous devez la poser en fonction de trois intervenants:
le parent biologique... l'enfant en premier lieu, oui, mais le parent
biologique et le parent adopttf et concilier les droits de chacun. Je suis
d'accord avec vous que c'est l'enfant qui est en cause, mais vous ne pouvez pas
perdre de vue quand même que ces droits de l'enfant doivent être
vus aussi en fonction des droits des autres intervenants qui sont
impliqués.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. On peut
peut-être revenir à vous, madame, si vous le désirez et il
y a M. le député de Chapleau qui aimerait apporter un
commentaire.
M. Kehoe: Fondamentalement, je pense que les parents adoptifs qui
sont avec l'enfant sur une base quotidienne, qui connaissent sa
personnalité, ses faiblesses et enfin tout, ils connaissent l'enfant
bien mieux que n'importe qui, je pense que c'est eux qui sont dans une position
de décider quand ou s'ils devraient le dire à l'enfant. Je pense
que de l'encadrer, à quel âge et dans quelles circonstances, je me
demande comment on peut mettre ça dans un article du Code civil, de
vraiment l'encadrer d'une façon que ça pourrait être dans
l'intérêt à la fois de l'enfant et à la fois des
parents parce qu'il faut que les deux vivent avec ça par la suite et je
me demande si l'obligation... Personnellement, je ne pense pas qu'il devrait...
Ça devrait être adopté tel qu'il est actuellement, de
laisser la discrétion à des personnes qui connaissent le plus
l'enfant, ses besoins et sa personnalité et de laisser les parents
adoptifs prendre la décision s'ils devraient le dire ou non.
Mme Harel: Moi, je...
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je souscrirais aux propos du
député de Chapleau si, jusqu'à maintenant, on n'avait pas
procédé autrement. Par exemple, si vous reprenez les propos que
vous venez de tenir, vous dites: C'est les parents qui connaissent le mieux les
besoins, la personnalité de l'enfant, mais on a déjà
convenu, par exemple, que pour l'enfant mineur de plus de 14 ans il pourrait
requérir des soins de santé sans que ses parents en soient
informés...
M. Kehoe: C'est une obligation de voir à la santé,
je suis d'accord, mais je veux dire que quand il s'agit de...
Mme Harel: ...mais la santé physique de l'enfant vaut
aussi pour sa santé psychologique.
M. Kehoe: Qui est mieux placé pour juger ça que les
parents?
Mme Harel: Alors, dans ce cas-là, qui est le meilleur juge
de la santé physique de l'enfant? De savoir si l'enfant mineur doit ou
non prendre de la contraception... Mais on juge parce que... Dans la
société, on prend acte qu'en matière de santé
publique vaut mieux privilégier la santé publique que
l'autorité parentale parce que ça pourrait avoir des effets
contraires à ce qu'on recherche en matière de santé
publique, compte tenu de la prolifération des maladies transmises
sexuellement, compte tenu de l'augmentation vertigineuse des naissances chez
les adolescentes, etc., n'est-ce pas? Donc, on prend des responsabilités
en se disant qu'on ne peut plus confier, comme c'était le cas il y a 100
ans ou comme ça
peut l'être dans nos milieux familiaux à nous, on ne peut
pas penser que toute la société est organisée sur un
modèle que nous connaissons bien.
M. Kehoe: Mais à quel âge et en quelles
circonstances, comment encadrer ça, l'obligation? Mettons qu'il y aurait
quelque chose dans la loi vis-à-vis des parents adoptifs. À quel
âge? Quand? Et dans quelles circonstances? C'est ça que je me
demande. Je pense que dans l'ensemble les parents adoptifs sont certainement
mieux postés pour savoir si, quand et comment.
Le Président (M. Lafrance): Par contre, M. le
député de Chapleau, lorsqu'on considère que le principe de
base sur lequel on a construit c'est celui du droit à un individu de
connaître ses origines biologiques, ça laisse songeur aussi,
à savoir si, à l'âge de la majorité, quelqu'un ne
devrait pas être tenu de lui dire. De toute façon, je pense qu'on
peut certainement réfléchir plus longuement sur cette
chose-là...
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Lafrance): ...et on a convenu de laisser
l'article...
Mme Harel: Sur celui-là.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y aurait d'autres
commentaires sur peut-être l'article 578 qui suit? Non? Donc, les
articles 576 et 578 sont adoptés et l'article 577 est laissé en
suspens, tel qu'amendé, oui.
Avant d'entreprendre le chapitre troisième, j'aimerais
peut-être, si vous êtes d'accord, recommander une petite pause de
10 minutes pour des raisons humanitaires. Alors, on va reprendre à 16 h
10. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 1)
(Reprise à 16 h 20)
Le Président (M. Lafrance): Si vous voulez, on va
reprendre nos travaux. Nous en arrivons donc au chapitre troisième qui
traite de la procréation médicalement assistée, un sujet
sûrement très actuel. J'inviterais M. le député de
Sherbrooke à bien vouloir, peut-être, nous lire... si vous
êtes d'accord... Oui, M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, puis-je donner une
information à cette commission, information qui nous a été
demandée cette semaine sur les statistiques sur le mariage et la
société d'acquêts? Or, pour 1990, M. le Président,
on me donne les statistiques suivantes: il y a eu 32 059 mariages, 5762 en
séparation ou communauté et 26 297 en société
d'acquêts, pour un taux de 82 %.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, étant
donné le sujet, vous me permettrez peut-être de le lire, ce
texte.
Le Président (M. Lafrance): Certainement, M. le
ministre.
De la procréation médicalement
assistée
M. Rémillard: Merci, M. le Président. Alors nous en
sommes, M. le Président, au chapitre troisième, la
procréation médicalement assistée. Ce chapitre traite de
la procréation médicalement assistée, principalement de
l'établissement de la filiation d'un enfant dont la procréation
est médicalement assistée. L'expression "procréation
médicalement assistée" est très large. Elle permet, entre
autres, d'englober l'insémination homologue, l'insémination
hétérologue, la fécondation in vitro, la
fécondation in vivo et la maternité de substitution.
Les dispositions édictées à l'intérieur de
ce chapitre sont, de façon générale, conformes aux avis,
aux recommandations des groupes et organismes nationaux ou internationaux qui
se sont penchés sur la question de la procréation
médicalement assistée au Québec et à
l'étranger. Ainsi, on notera que les dispositions de ce chapitre sont
largement inspirées de celles retenues par le gouvernement
français à l'intérieur d'un volumineux avant-projet de loi
présenté en 1989 à l'Assemblée nationale et qui
s'intitule Avant-projet de loi sur les sciences de la vie et les droits de
l'homme.
Outre la prohibition expresse des conventions de procréation ou
de gestation pour le compte d'autrui et l'établissement du
caractère confidentiel de tout renseignement nominatif contenu dans les
dossiers relatifs à la procréation médicalement
assistée d'un enfant, ce chapitre prévoit expressément que
le donneur de gamètes, lequel est étranger au projet parental, ne
peut jamais réclamer la paternité ou la maternité que son
don a permis de concevoir. On retrouve également, M. le
Président, à l'intérieur de ce chapitre, une règle
établissant expressément que celui qui, après avoir
consenti à la procréation médicalement assistée, ne
reconnaît pas l'enfant qui en est issu engage sa responsabilité
envers la mère de l'enfant.
Enfin, on retrouve à l'intérieur de ce chapitre, M. le
Président, certaines règles légèrement
modifiées que l'on retrouve déjà au Code civil du
Québec, aux articles 586 et 588 du chapitre de la filiation par le sang.
Les règles actuelles concernent l'impossibilité de contester la
filiation d'un enfant pour le motif qu'il a été conçu par
insémination artificielle et, notamment,
l'impossibilité pour l'époux qui a consenti à ce
que son épouse soit artificiellement inséminée à
contester la paternité de l'enfant qui naîtra à la suite de
cette intervention. Les règles édictées dans ce nouveau
chapitre sont différentes en ce sens que la portée de ces
dispositions est élargie pour couvrir l'ensemble des techniques ou
méthodes susceptibles d'être utilisées et, en outre, pour
permettre au mari de la mère de l'enfant de contester sa
paternité s'il prouve que la procréation de l'enfant ne provient
pas d'actes de procréation médicalement assistée auxquels
il a consenti.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
J'aimerais donc appeler les articles qui sont contenus dans ce chapitre
troisième, soit les articles 579 à 583 inclusivement. Est-ce
qu'il y a des amendements qui touchent ces articles, M. le ministre?
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Nous avons
trois amendements. Le premier, M. le Président, propose,
premièrement, que le chapitre troisième, De la procréation
médicalement assistée, du titre deuxième, De la filiation,
du livre deuxième, comprenant les articles 579 à 583, soit
déplacé après l'article 536. Deuxièmement, M. le
Président, le projet est modifié par l'insertion, après
cet article 536, d'une section IV intitulée De la procréation
médicalement assistée, et les articles 579 à 583 qui
constituaient ce chapitre sont numérotés 536.1 à
536.5.
M. le Président, les articles de ce chapitre sont
déplacés après l'article 536 à l'intérieur
d'une nouvelle section, la section IV intitulée De la procréation
médicalement assistée. Cet amendement vise à faire
clairement ressortir l'application des règles édictées au
chapitre De la filiation par le sang aux enfants dont la procréation a
été médicalement assistée. En raison de cet
amendement, immédiatement après l'article 536, le titre de la
section se lirait donc comme suit: Section IV, De la procréation
médicalement assistée.
M. le Président, un autre amendement proposé est celui
concernant l'article 581. C'est la modification de l'article 581. L'article 581
se lirait comme suit: "Celui qui, après avoir consenti à la
procréation médicalement assistée, ne reconnaît pas
l'enfant qui en est issu, engage sa responsabilité envers cet enfant et
la mère de ce dernier."
M. le Président, à la dernière ligne de l'article
581, les mots "la mère de l'enfant" ont été
remplacés par les mots "cet enfant et la mère de ce dernier" pour
assurer à l'enfant dont la procréation a été
médicalement assistée à une meilleure protection. En
raison de cet amendement, l'article 581 se lirait comme suit, M. le
Président: "Celui qui, après avoir consenti à la
procréation médicalement assistée, ne reconnaît pas
l'enfant qui en est issu, engage sa respon- sabilité envers cet enfant
et la mère de ce dernier."
M. le Président, il y a un amendement aussi à l'article
583 qui est remplacé par le suivant: "Toutefois, lorsqu'un
préjudice grave risque d'être causé à la
santé d'une personne ainsi procréée ou de ses descendants
si elle est privée des renseignements qu'elle requiert, le tribunal peut
lui permettre de les obtenir. L'un des descendants de cette personne peut
également se prévaloir de ce droit si le fait d'être
privé des renseignements qu'il requiert risque de causer un
préjudice grave à sa santé ou à celle de l'un de
ses proches."
M. le Président, le deuxième alinéa de l'article
583 a été modifié pour permettre que les descendants d'une
personne issue de la procréation médicalement assistée
puissent obtenir les renseignements nominatifs relatifs à la
procréation médicalement assistée de leur ascendant si le
fait d'être privé de tels renseignements risque d'être la
cause d'un préjudice grave à leur santé ou à celle
de l'un de leurs proches. En raison de cet amendement, l'article 583 se lirait
comme suit: "Les renseignements nominatifs relatifs à la
procréation médicalement assistée d'un enfant sont
confidentiels.
Toutefois, lorsqu'un préjudice grave risque d'être
causé à la santé d'une personne ainsi
procréée ou de ses descendants si elle est privée des
renseignements qu'elle requiert, le tribunal peut lui permettre de les obtenir.
L'un des descendants de cette personne peut également se
prévaloir de ce droit si le fait d'être privé des
renseignements qu'il requiert risque de causer un préjudice grave
à sa santé ou à celle de l'un de ses proches."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
si j'ai bien compris, le premier amendement consiste à déplacer
le chapitre au complet après l'article 536, ce qui, évidemment,
ne nous empêche pas de traiter de chacun des articles 579 à 583,
incluant l'amendement à 581 et 583, pour débattre ou discussion
maintenant.
Mme Harel: Sur cet amendement, M. le Président, je pense
bien qu'on est prêt à voter en faveur.
Le Président (M. Lafrance): Vous êtes prête
à adopter...
Mme Harel: Sur le fait de déplacer...
Le Président (M. Lafrance): ...sur le déplacement.
D'accord.
Mme Harel: ...seulement, parce que...
Le Président (M. Lafrance): Alors, le chapitre
troisième, tel qu'il apparaît, abrogé et
déplacé comme spécifié par la proposition
d'amendement, est adopté. Maintenant, est-ce qu'il y a des discussions
sur les articles contenus ici entre 579 et 583 inclusivement? (16 h 30)
Mme Harel: M. le Président, vous voyez, il s'agit de cinq
articles sur lesquels nous avons beaucoup de questions et sur lesquels il y a
eu beaucoup de représentations au ministre, notamment de la part de la
Commission des droits de la personne et de la part du Conseil du statut de la
femme. Alors, je ne sais pas s'il est préférable de s'engager
peut-être dans un échange sur ces articles ou d'en suspendre
l'examen maintenant, de façon à ce que nous puissions poursuivre
peut-être dans une rencontre ultérieure. Je ne sais pas qu'est-ce
que le ministre préfère.
M. Holden: Est-ce que la discussion va être
prolongée sur plus d'une heure et demie?
M. Rémillard: Oui. Je crois, M. le Président, que
c'est un point très important. De fait, il y a beaucoup de
représentations qui nous ont été faites; nous tentons
d'établir un consensus et nous aurons besoin d'une bonne discussion au
sein de cette commission sur bien des points très importants que nous
soulevons parce que, pour la première fois, nous proposons des
règles minimales en matière de procréation
médicalement assistée, et c'est une première. Sans avoir
la prétention de voir tous les aspects, il faut quand même qu'on
s'établisse des principes directeurs qui soient conformes au consensus
social et ça va nécessiter une très bonne discussion.
Est-ce que nos experts de part et d'autre ont pu se rencontrer sur ces
sujets?
Mme Harel: On avait déjà fait savoir que nous
souhaitions suspendre l'article 583, mais on peut peut-être le
débuter et on verra au fur et à mesure s'il y a lieu d'en
suspendre.
M. Rémillard: Oui. Peut-être qu'on peut
l'aborder.
Mme Harel: Oui.
M. Rémillard: On va voir ce que ça va donner au fur
et à mesure.
Mme Harel: Je pose tout de suite peut-être les questions.
Concernant l'amendement que vous apportez...
Le Président (M. Lafrance): Ou est-ce qu'on ne pourrait
pas procéder, madame, peut-être article par article au lieu de
procéder en englobant toute la section, puis voir les articles qu'on
peut adopter?
Mme Harel: Peut-être commencer par les amendements, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui? D'accord. Mme Harel:
Ceux qui ont été déposés.
M. Rémillard: Les amendements qui ont été
déposés. Ensuite, M. le Président, s'il y a des articles
qui ne causent pas de problème, alors ils ne causent pas de
problème, et ceux qui causent des problèmes, on peut en discuter
ou on suspendra si on juge bon de suspendre.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, je vous
laisse la parole, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Bon. Alors, je crois donc comprendre qu'à
l'article 581 l'amendement qui est adopté vient satisfaire les
représentations qui ont été faites cet été
à l'effet que, si la personne qui avait consenti à la
procréation médicalement assistée ne reconnaissait pas
l'enfant une fois qu'il était conçu et né, elle
n'engageait sa responsabilité qu'envers la mère de l'enfant, et
là je crois comprendre qu'avec l'amendement on introduit le fait que la
responsabilité, une fois le consentement acquis, la
responsabilité de celui qui a donné le consentement est à
l'égard de l'enfant et de la mère de ce dernier. Ça, je
pense que c'est dans le sens de l'intérêt de l'enfant.
Là où je m'interroge, M. le ministre, c'est que ça
crée une obligation alimentaire à l'égard de la personne,
qu'elle soit l'époux, disons, ou le conjoint au sens du Code, qui a
contracté mariage, ou le concubin. On dit "Celui qui, après avoir
consenti à la procréation médicalement assistée".
Alors, ça crée pour la première fois dans notre Code, je
dois comprendre, une obligation alimentaire possiblement entre conjoints de
fait. Si on revient, par exemple, pour donner un exemple concret, au cas de
Jean-Guy Tremblay et Chantai Daigle, Jean-Guy Tremblay aurait
été, par exemple, tenu responsable des aliments, donc tenu de
verser une pension alimentaire à l'enfant qui aurait été
conçu, mais il n'aurait jamais engagé sa
responsabilité-Une voix:...
Mme Harel: Non, je le sais bien. Justement. Mais il n'aurait
jamais engagé sa responsabilité à l'égard de la
mère de son enfant parce qu'il n'y a pas d'obligation alimentaire entre
conjoints de fait dans, si vous voulez, la procréation en
général. Là, on vient faire une obligation, dans la
procréation médicalement assistée, une obligation
alimentaire. Il faut voir. C'est quelque chose de nouveau qui est introduit
dans le Code. En Ontario, il y a déjà eu... En 1986,
déjà, il y a eu une législation qui introduit une
obligation alimentaire entre conjoints de fait, mais ça n'était
pas là la volonté du législateur québécois
parce que, dans le projet de loi 125, il n'y a
aucune référence à l'obligation alimentaire entre
conjoints de fait, même lorsqu'un enfant est issu de l'union. Alors,
là, on dit que, quand l'enfant est issu d'une procréation
médicalement assistée, là, il y aurait une obligation
alimentaire à l'égard de la mère. Remarquez que je trouve
ça intéressant.
Jusqu'à maintenant, depuis la réforme du Code, il y a 10
ans, il y avait cette obligation alimentaire à l'égard de
l'enfant, n'est-ce pas? Parce que quel que soit le statut conjugal ou marital
des parents, l'enfant a droit aux aliments de ses père et mère,
quel que soit le statut entre eux, qu'ils soient en union de fait ou
mariés. Là, on dit: Non seulement l'enfant a droit aux aliments
de ses père et mère s'il est issu d'une procréation
médicale, mais, en plus, même dans les cas de conjoints de fait,
la mère aura droit aux aliments. Alors, je comprends qu'on fait plus
référence au contrat, comme s'il y avait eu un contrat. C'est la
notion de contrat dont on s'inspire, j'imagine. Je demande au ministre s'il
entend, puisqu'il introduit cette obligation alimentaire à
l'égard de la mère, à l'article 581, qui a conçu
par voie médicalement assistée... Pourquoi il continue d'exclure
cette même obligation alimentaire à l'égard de la
mère qui, elle, a conçu naturellement?
M. Rémillard: Alors, M. le Président, de fait,
c'est du droit nouveau. C'est une règle nouvelle que nous introduisons
dans notre Code civil à l'effet que, lorsque le conjoint accepte que la
mère procrée médicalement assistée, par le fait
même, il ne peut pas se dégager de sa responsabilité. Sa
responsabilité est engagée envers l'enfant et la mère. Ce
que ça signifie, M. le Président, c'est que la mère peut
revenir contre le père, c'est-à-dire son conjoint qui a
accepté qu'elle procrée médicalement assistée, pour
non pas une pension alimentaire, mais pour des dommages, parce que c'est la
notion de dommages qui est en cause ici, M. le Président. Par un
changement d'attitude du conjoint, la mère se retrouve à des
dommages, puisqu'elle doit assumer seule la responsabilité de l'enfant.
Par conséquent, la notion que nous voulons développer est une
notion de dommage et non pas simplement au niveau de la pension alimentaire, ce
qui est beaucoup plus large que la question du dommage comme telle. Mais il ne
s'agit pas de question de pension alimentaire. Remarquez que ça peut se
traduire en pension alimentaire, d'une certaine façon. Ça peut
aller au-delà de là aussi. Ça peut comprendre quelque
chose de plus que ça. Ce n'est pas une pension alimentaire qui est en
cause, mais c'est une question de dommages.
M. Holden: Mais le mot "responsabilité" est très
général, M. le ministre. Comme vous dites, ça peut
inclure... Mais c'est plutôt le moyen normal d'être responsable
envers un conjoint. C'est la pension alimentaire ou un montant forfaitaire
ou...
Mme Harel: Les aliments.
M. Holden: Oui, c'est quand même dans la nature de
pension.
M. Rémillard: Dans fa situation des conjoints de fait, on
n'a pas cette situation de droit. Donc, vous êtes face à une
situation...
M. Holden: Je sais, mais vous la créez, justement, comme
l'a dit la députée.
M. Rémillard: On la crée. Par conséquent,
c'est ouvert. Vous mentionnez vous-même qu'on prend le mot
"responsabilité". Donc, s'il y a eu responsabilité, il y a eu
faute. Quelle est la faute dans ce cas-là? C'est le conjoint qui a
changé d'attitude.
M. Holden: C'est contractuel, comme le dit la
députée.
M. Rémillard: Bien oui, c'est contractuel. Alors, comme il
y a un bris de contrat, il y a, par conséquent, des
responsabilités qui sont engagées, des dommages qui sont subis et
il y aurait compensation.
Mme Harel: Est-ce qu'il y a eu un contrat? Alors là, la
question est posée: Est-ce qu'il y a eu un contrat, à ce
moment-là?
M. Rémillard: Bien, il y a eu consentement, échange
de volontés.
Mme Harel: Est-ce que ce consentement, cet échange de
volontés doit être par écrit?
M. Rémillard: Ça dépend. Les règles
de preuve vont s'appliquer là comme ailleurs. Si vous avez un
début de preuve par écrit, oui, ça peut se faire assez
facilement. Mais ce n'est pas nécessairement juste la preuve par
écrit.
Mme Harel: Donc, il peut ne pas y avoir de consentement
écrit. C'est ça?
M. Rémillard: II s'agit de démontrer, que la preuve
puisse démontrer qu'il y a eu échange de consentements.
Mme Harel: Bon. Là, vous me dites: C'est parce qu'il a
engagé sa responsabilité envers l'enfant et la mère en
consentant.
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: Ça vaut pour la reproduction
médicalement assistée, mais est-ce que ça ne vaut pas
aussi à l'égard de la reproduction naturelle au sens
où...
M. Holden: Non. On n'a pas besoin de permission pour... de
consentement. Il y a une permission, oui, mais il n'y a pas de contrat!
Mme Harel: II y a un échange de consentements s'il n'y a
pas de... Oui, mais si on assimile à un contrat...
M. Holden: Oui, mais...
Mme Harel: Attendez là. On fait du droit nouveau, mais il
faut voir où est-ce qu'on s'en va.
M. Holden: O.K.
Mme Harel: On fait du droit nouveau avec un consentement qui ne
serait pas par écrit, un échange de volontés d'acquiescer
à de la reproduction médicalement assistée. Et là
on dit que ça engage la responsabilité, que ce n'est pas
nécessairement des aliments, mais que ça peut être des
aliments. Ça a une incidence énorme sur le plan fiscal, hein,
parce qu'on sait très bien que les aliments, par exemple, sont
déductibles d'impôt en matière fiscale, tandis que la
responsabilité dont il est fait mention à 581...
M. Holden: Pas si on n'est pas mariés.
Le Président (M. Lafrance): M. le député de
Westmount, j'aimerais peut-être laisser terminer madame. Ensuite,
si...
Mme Harel: Oui. M. le député de Westmount, les
pensions alimentaires versées aux enfants, quel que soit le statut
conjugal ou marital des parents, sont déductibles d'impôt. Mais
"engage sa responsabilité", ça, c'est sûr qu'à ce
moment-là... Est-ce que ça implique les aliments?
M. Rémillard: M. le Président...
Mme Harel: Ça ne correspond pas seulement aux aliments. Ce
n'est pas nécessairement les aliments, mais est-ce que ça peut
être des aliments?
M. Rémillard: M. le Président, le but de cet
article, c'est de protéger l'enfant qui naît d'une grossesse
médicalement assistée et de protéger la mère. C'est
ça, le but de l'article.
Mme Harel: C'est très intéressant.
M. Rémillard: Donc, nous voulons l'article le plus large
possible. Vous soulevez le cas du consentement; pour nous, dire qu'il faudrait
un consentement écrit serait restreindre considérablement ce
droit de l'enfant et de la mère parce qu'on sait qu'en pratique
ça peut se passer bien autrement.
Donc, s'il y a expression du consentement, par le fait même, pour
nous, d'abord que les règles de preuve normales s'appliquent, et on a un
consentement du conjoint à l'effet qu'il accepte que sa conjointe ait
une grossesse médicalement assistée. Or, il faut bien comprendre
la réelle signification d'une grossesse médicalement
assistée. Ce que ça signifie, c'est qu'à un moment
donné, il y a un échange de volontés manifeste. Ça
ne se passe pas par hasard à un moment donné, ça n'arrive
pas comme ça. Ça arrive qu'il y a tout un processus
médical qui est en cours et qui fait en sorte qu'avant on a dit:
Écoute, oui, est-ce que tu es d'accord que je prenne du sperme qui vient
de quelqu'un d'autre, qu'on puisse faire en sorte qu'on ait un enfant ou que je
prenne ton sperme et qu'il soit procédé d'une autre façon?
Peu importent les techniques modernes, mais il y a un mécanisme
médical qui est là et qui fait en sorte qu'il y a,
médicalement donc, une décision à prendre et que, par
conséquent, il y a une préparation qui s'impose. Donc, il n'y a
rien qui arrive comme ça tout à coup. Ce qui veut dire qu'il y a
une responsabilité qui est engagée d'une façon plus
évidente que dans le cas d'une procréation normale. Une
procréation normale, un couple peut dire: On va essayer, on va le faire
ce soir, mais je ne peux pas dire que ça va arriver comme ça
à tout coup, hein? Bon.
Mme Harel: On ne peut pas le dire non plus par la
procréation médicalement assistée.
M. Rémillard: Mais ce que je veux vous dire, c'est qu'il y
a quand même une décision à l'effet qu'il va y avoir un
processus médical. Donc, ce processus médical, ou bien il a
réussi, et là il y a la procréation, on a donné le
consentement pour que ça se produise, ou bien il n'a pas réussi
et là le problème ne se pose pas. C'est un des deux.
Dans ce cas-là, je crois qu'il faut quand même faire des
nuances importantes lorsqu'on compare une procréation dans des
situations normales et une procréation où c'est
médicalement assisté. Pour nous, ce qui est important dans ce
cas-là, c'est: Protégeons l'enfant, protégeons la
mère. Et dans cet objectif d'avoir une protection la plus large
possible, nous disons: II ne s'agit pas là simplement de question
d'aliments, de pension alimentaire - prenons des termes qu'on connaît -
mais il s'agit de dommages. C'est une responsabilité. Le mot qui est
utilisé par l'article 536.3, c'est "engage sa responsabilité".
Donc, le conjoint dit: Oui, tu vas avoir une grossesse médicalement
assistée. Par le fait même, il engage sa responsabilité.
S'il change d'idée, il change d'attitude, il dit: Non. Finalement, je ne
reconnais pas ça. Par le fait même, il a engagé sa
responsabilité et la femme peut poursuivre, pour l'enfant, pour
elle-même, non seulement pour des dommages en fonction
des aliments, mais pour d'autres considérations que le tribunal
pourrait statuer.
Mme Harel: M. le Président... (16 h 45)
M. Kehoe: Dans le quotidien, quand il s'agit d'une
procréation artificielle ou médicalement induite comme ça,
dans les hôpitaux, II y a des règles à suivre. Il y a un
commencement de preuve. J'imagine qu'il y a des formules à remplir.
C'est tout encadré, cette affaire-là. La preuve est là
quand même, j'imagine.
M. Rémillard: On est loin de l'opération du
Saint-Esprit. Je veux dire, au départ, ce n'est pas l'opération
du Saint-Esprit. En tout cas, le Saint-Esprit est fortement aidé par nos
médecins. Donc, il y a un processus médical qui est là. Et
quand on va dans un hôpital, lorsqu'il y a un acte médical qui est
fait, il y a des formulaires à remplir. Il y a différents
renseignements qui sont demandés.
M. Kehoe: Mais c'est justement. La députée de
Hochefaga-Maisonneuve a parlé d'un commencement de preuve par
écrit. J'imagine que 100 % des cas... Dans les hôpitaux, il n'y en
a pas des...
Mme Harel: Ça dépend des établissements. Je
pense bien que le ministre prend son processus médical idéal pour
une réalité qui n'est pas celle qui est en vigueur.
M. Kehoe: Une réalité que ça peut se faire
sans des formules de consentement.
Mme Harel: De consentement aux soins, évidemment, pour la
personne qui subit la procréation, mais ce n'est pas évident
qu'il y ait une exigence de signature du conjoint.
M. Rémillard: M. le Président, là-dessus, on
m'informe que, de par les informations qu'on a reçues, habituellement
dans les hôpitaux, on demande le consentement des deux conjoints.
Habituellement. Cependant, on ne veut pas exiger qu'il soit par écrit
parce que, si on l'exigeait par écrit, on limiterait
considérablement la portée de l'article. On veut qu'il puisse
laisser droit parce que... Tout à coup on ne le demande pas, on ne l'a
pas demandé, parce qu'il n'y aurait pas de preuve par écrit, on
empêcherait la femme d'avoir droit ou l'enfant d'avoir droit à des
dommages? Ça n'a pas de bon sens.
Alors, il faut qu'on le laisse quand même plus large et qu'on
laisse la possibilité au tribunal d'apprécier, toujours en
fonction de ce concept de responsabilité et de dommages.
Mme Harel: M. le Président, je reprends ma question. Je ne
fais pas de grief au ministre d'avoir introduit cet amendement. Je l'ai dit
tantôt, je l'en félicite. Mais je dois constater que toute
l'argumentation qu'il développe, à raison, pour protéger
la mère et l'enfant vaut autant, à mon point de vue, lorsqu'il y
a procréation naturelle que lorsqu'il y a procréation
médicalement assistée, pour la bonne raison que la
différence, hors la question, si vous voulez, génétique,
c'est la preuve du consentement qui est bien plus difficile à faire dans
le cas de la procréation médicalement assistée qu'elle ne
l'est dans le cas de la procréation naturelle, parce que la preuve du
consentement est assez évidente dans le cas de la procréation
naturelle. N'est-ce pas?
La preuve que l'enfant issu de l'union, c'est toutes les preuves de
filiation, évidemment, mais une fois tout ça satisfait...
M. Rémillard: Si vous me permettez, je pense qu'il y a des
nuancés quand même à apporter. Vous savez, la preuve du
consentement en ce qui regarde la procréation naturelle est plus
difficile à faire parce que vous pouvez vivre avec quelqu'un... Dans
notre société contemporaine, vous pouvez vivre avec quelqu'un,
votre conjoint, et vous ne voulez pas nécessairement avoir des enfants
et vous prenez les moyens pour ne pas en avoir.
Mme Harel: C'est ça.
M. Rémillard: Et c'est tout à fait normal. Je pense
que c'est libre au couple de décider s'il veut un enfant ou non. Mais,
en ce qui regarde notre cas à nous, le geste est
délibéré. C'est médicalement assisté, donc
vous avez le médecin qui est impliqué, l'hôpital qui est
impliqué. Vous avez là un geste qui est posé tant sur le
plan administratif que sur le plan consensuel entre deux conjoints.
M. Holden: Dans le fond c'est l'aspect clinique qui fait que
c'est une exception. Ça ne peut pas créer une règle
générale pour toute procréation.
M. Rémillard: Non.
M, Holden: Je suis d'accord avec le ministre que c'est un cas
très spécial.
M. Rémillard: C'est un cas spécial, M. le
Président...
M. Holden: Je sais que la députée de
Hochelaga-Maisonneuve aimerait étendre le champ d'application de la
pension alimentaire à toutes les femmes, mais...
Mme Harel: Non, pas toutes les femmes.
M. Holden: ...je veux dire, ce n'est pas en argumentant sur cet
article-là que vous allez
créer une situation où les conjoints de fait vont avoir
une pension alimentaire.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Westmount. M. le ministre, avez-vous des observations
sur ces derniers commentaires?
M. Rémillard: M. le Président, j'ai dit ce que
j'avais à dire sur cet article-là.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce qu'il y a
d'autres commentaires sur cet article?
Mme Harel: Simplement une remarque, M. le Président. C'est
évident que je m'interroge sur l'absence de protection des mères
qui ont procréé un enfant dans le cadre d'une union de fait,
n'est-ce pas. Ça, je m'interroge sérieusement là-dessus et
j'imagine que le ministre en fait tout autant. J'attends avec impatience le
rapport du comité interministériel sur les unions de fait qui, je
crois, a complété son travail ou qui devrait le compléter
cet automne. Ça fait déjà deux ans que le comité a
été mis sur pied. D'ailleurs, il devait remettre un rapport en
juin, il y a déjà un an. Ça s'avère peut-être
plus complexe qu'il ne l'avait prévu. Mais c'est, je pense, dès
le deuxième mandat du présent gouvernement que le comité a
été mis sur pied.
M. Rémillard: Oui. Ça devait être, M. le
Président, en juin dernier.
Mme Harel: C'est ça. Ah! c'était en juin
dernier.
M. Rémillard: Ils ont demandé que ce soit remis
parce que, de fait, c'est très complexe. Actuellement, la situation
qu'on vit, on le sait très bien, c'est que le statut des conjoints de
fait varie selon les lois. Une situation qui doit nous amener à statuer
sur la situation légale, juridique des conjoints de fait, mais qui
amène aussi beaucoup de difficultés à déterminer
les normes objectives capables de nous amener à dire qu'il s'agit
là vraiment d'une union de fait.
Mme Harel: Notamment, en fait, je dois donc comprendre que le
recours en désaveu de paternité ne pourrait pas être
invoqué, finalement, en procréation médicalement
assistée tandis qu'il peut être invoqué dans le cadre de la
procréation naturelle. C'est une différence qui est assez
importante, ça.
M. Rémillard: C'est une différence importante parce
que, dans le cas de la procréation médicalement assistée,
il y a un échange de consentements qui doit être manifeste.
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, M.
le député de Westmount.
M. Holden: Peut-être que je devrais attendre, mais je me
demandais si l'expression "les proches" existe dans d'autres sections du Code.
Je ne me souviens pas de ce que ça veut dire, "les proches".
Le Président (M. Lafrance): Est-ce que vous vous
référez à l'article 581?
M. Holden: L'article 583.
Le Président (M. Lafrance): L'article 583, pardon.
M. Rémillard: Quelle est votre question, M. le
député de Westmount? Je m'excuse.
M. Holden: C'est un peu vague, "les proches".
M. Rémillard: C'est l'expression que nous avons
utilisée un peu partout dans le Code civil.
Alors, normalement, c'est les collatéraux, bien sûr, les
parents des enfants.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: La question de fond qui se pose, c'est celle qu'a
posée la Commission des droits de la personne. Ça m'a
inquiétée, d'une certaine façon, qu'elle soit
elle-même inquiète de ce qu'elle appelle l'ambiguïté
qui découle de la formulation même de l'article 579. Ce que la
Commission considère, c'est qu'il y aurait possibilité
éventuellement, par exemple... La Commission se demande si la
formulation est telle qu'elle empêche d'une façon très
étanche le recours aux services d'une mère porteuse.
M. Rémillard: Alors, l'article 579, je ne sais pas si on
se réfère au même article... C'est peut-être 582.
L'article 579, c'est pour les donneurs de gamètes.
Mme Harel: C'est ça. Excusez-moi. Pour le donneur de
gamètes.
M. Rémillard: O.K. L'article 579, voyez-vous, c'est le
donneur de gamètes. Ce qu'on veut, c'est qu'on puisse garantir quand
même à la femme qui a été inséminée
par des gamètes, donc par sperme venant de quelqu'un de
l'extérieur, que cette personne ne puisse pas, après coup,
réclamer la filiation sur l'enfant qui en naît. On sait que
ça existe de plus en plus, ces grossesses médicalement
assistées avec des gamètes qui proviennent d'autres personnes que
le conjoint et mari. Dans ces cas, on veut que ce ne soit pas permis que, tout
à coup, celui qui
a donné son sperme vienne dire: Eh bien, voici, cet
enfant-là qui a été fait avec mon sperme, maintenant c'est
mon enfant.
Mme Harel: Mais l'inverse peut également se
présenter, c'est-à-dire le sperme du mari qui est utilisé
avec une mère porteuse. Quand on lit l'article 579, je ne pense pas
qu'on puisse le lire uniquement en pensant que ça ne cerne que (a
situation du donneur de gamètes, parce qu'on dit: "La contribution au
projet parental d'autrui par un apport de forces génétiques".
Alors, une mère porteuse, c'est un apport de forces
génétiques. C'est sûr que le projet de loi 125 interdit
à titre onéreux, mais n'interdit pas complètement le
projet de mère porteuse. Par exemple, je pense qu'en vertu même
des dispositions que vous introduisez il pourrait y avoir, par exemple, entre
ascendants, descendants, entre mère et fille, une entente à cet
effet. L'article 579.
M. Rémillard: Quelle relation faites-vous entre l'article
579 et l'article 582?
Mme Harel: D'abord, toutes ces dispositions n'ont comme seule
sanction que l'annulation du contrat, n'est-ce pas? Au chapitre traitant de la
procréation médicalement assistée, si quelqu'un
contrevient aux dispositions, la seule sanction c'est l'annulation du
contrat.
M. Rémillard: C'est l'annulation. Le contrat est nul.
Mme Harel: Bon. Mais s'il n'y a pas eu de contrat à titre
onéreux, comme on a vu encore récemment aux États-Unis une
mère qui décide de devenir porteuse pour sa fille qui est
infertile, on l'a vu aux États-Unis, on l'a vu en Afrique du Sud, on l'a
vu un peu partout, il n'y a pas de contrat à titre onéreux.
À ce moment-là, on aura beau invoquer, brandir la nullité
du contrat, on n'a pas de garantie qu'il n'y aura pas finalement une
procréation de cette nature-ià comme ça s'est produit
à l'étranger.
M. Rémillard: Ce que nous disons avec l'article 582, c'est
qu'il n'y a pas possibilité de mère porteuse moyennant des
conditions monétaires. On ne peut pas payer quelqu'une pour qu'elle
porte votre enfant. Ça, on dit ça.
Mme Harel: Vous le dites où?
M. Rémillard: À l'article 582.
Mme Harel: Non, vous ne dites pas ça.
M. Rémillard: "Les conventions de procréation ou de
gestation pour le compte d'autrui sont nulles."
Mme Harel: Oui, mais à ce moment-là, qu'elles
soient payantes ou gratuites.
M. Rémillard: Payantes ou pas, c'est fini, c'est
terminé.
Mme Harel: C'est ça. Mais une fois que vous l'avez dit, il
faut que vous le fassiez appliquer.
M. Rémillard: Oui, voilà.
Mme Harel: Là, la sanction, c'est que, si le contrat a
été à titre onéreux, c'est annulé.
M. Rémillard: Ça c'est nul comme aussi toutes les
questions de filiation, toutes les questions se rapportant à la
filiation, puis des dommages qui pourraient en résulter, les pensions
alimentaires, etc. Toute la ligne juridique, si vous voulez, qui découle
d'une filiation est rompue.
Mme Harel: Alors, parlons très, très clairement.
Une mère porteuse ne pourrait pas, par exemple, obliger le couple ou une
des personnes du couple qui lui aurait demandé un contrat semblable,
à des aliments à son égard et à l'égard de
l'enfant.
M. Rémillard: C'est ça, elle n'a pas la
possibilité d'exiger. (17 heures)
Mme Harel: Ça, en vertu de l'article 581, c'est bien
clair, parce que c'est nul et de nullité absolue, c'est ça?
Alors, nul et de nullité absolue. Elle se retrouverait donc responsable
envers l'enfant, donc responsable des aliments envers l'enfant, n'est-ce pas?
bon, c'est le cas, dans la mesure où toutes vos dispositions sont
conçues dans le cadre d'une situation où il y a un
bénéfice pécuniaire. Mais dans le cas où c'est -
comme ça s'est produit assez souvent depuis quelque temps - par entente
consensuelle au sein d'une famille qu'il y a ces situations, il n'y a aucune
sanction à ce moment-là.
M. Rémillard: Vous savez, ça peut arriver, mais
habituellement ce n'est pas la situation. C'est l'exception que ça
arrive comme ça. Habituellement, c'est parce qu'il y a d'autres
considérations et qu'il y a des conventions qu'on appelle des
conventions de procréation et de gestation pour le compte d'autrui. Et
dans ce cas-là, ce que nous voulons faire respecter comme principe,
c'est qu'on ne peut pas vendre son corps pour la gestation, pour faire un
enfant. C'est ça le principe comme tel. L'application du principe c'est
que la grand-mère - dans le cas dont vous parlez - la grand-mère,
donc celle qui accepte... plutôt la mère qui accepte de porter
l'enfant pour sa fille, donc qui est inséminée avec l'ovule et le
sperme de son gendre et de sa fille, qui porte un enfant, elle
serait finalement la mère de cet enfant qu'elle porte.
Une voix: La grand-mère.
M. Rémillard: Elle serait la mère.
M. Holden: Oui, la mère et la grand-mère.
M. Rémillard: Elle serait la mère. Elle serait la
grand-mère, oui, biologiquement et normalement, mais légalement
elle serait la mère. C'est elle qui le porte cet enfant-là. C'est
elle qui va l'accoucher.
Mme Harel: évidemment, M. le Président, ce ne sont
pas des cas fictifs, utopiques, ça c'est produit dans la
réalité de notre actualité. Ce que la Commission des
droits demande c'est: Est-ce qu'à ce moment-là l'article 579
pourrait empêcher réellement les personnes impliquées dans
un tel projet de procéder par voie d'adoption suivant le consentement
spécial tel que prévu à l'article 549? Parce qu'à
l'article 549 qu'on a vu tantôt on a pu constater qu'un consentement
spécial peut être donné en faveur d'un parent en ligne
collatérale jusqu'au troisième degré.
M. Rémillard: Alors si on lit 549 en fonction de 579, je
vais consulter les légistes à ce niveau-là pour être
bien sûr, en fonction de ce que nous dit la Commission des droits...
C'est bien la Commission des droits qui...
Mme Harel: La Commission des droits de la personne.
M. Rémillard: ...la Commission des droits de la personne
qui soulève cette question-là?
Mme Harel: Oui.
M. Rémillard: ...que nous avons
étudiée...
Mme Harel: Aux pages 80 et suivantes, oui.
M. Rémillard: Oui. Alors, je vais m'informer, si vous me
permettez.
Mme Harel: Ce qu'on me dit peut-être... Je vous
laisse...
M. Rémillard: Si vous me permettez, je vais demander
à Me Longtin de venir nous donner des explications à ce
niveau-ià.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Me Longtin.
Mme Longtin (Marie-José): Je pense que si on lit 549 - et
on est dans l'hypothèse où la grand-mère porte pour sa
fille l'enfant de sa fille, donc son petit-enfant - on pourrait sans doute
tomber à 549 sous les règles du consentement spécial
puisqu'il peut être donné en faveur d'un parent en ligne
collatérale. Parce que si on présume à ce moment-là
que la grand-mère est la mère et que la mère qui donne
l'ovule est la soeur, à ce moment-là c'est un parent en ligne
collatérale...
Mme Harel: II y a une autre question... Mme Longtin:
...à la rigueur. Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Oui, merci, Me Longtin. Vous
avez une autre question, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve?
Mme Harel: Oui. Bon, en fait, c'est une autre question qui porte
sur 582 justement, sur l'interprétation qu'on peut en faire. Ce que la
Commission des droits recommande, à la page 83 de son mémoire,
c'est donc qu'il y ait des mesures fortement dissuasives pour l'ensemble des
parties qui pourraient être impliquées dans une telle entente,
c'est-à-dire les intermédiaires nécessairement... Il ne
peut pas y avoir comme ça de procréation médicalement
assistée, le ministre l'a dit à raison tantôt, sans
intermédiaire. Et c'est peut-être par ce biais-là qu'on
pourrait rendre peut-être plus étanche, finalement - je ne sais
pas si c'est la bonne expression, en fait - sinon, à 582, si le but
poursuivi par le législateur c'est d'empêcher le recours à
la gestation et à la procréation pour autrui, pas simplement dans
le cadre de contrats à titre onéreux, mais aussi... En fait, pour
empêcher tout recours à la gestation et à la
procréation par autrui, c'est peut-être en visant dans la loi non
seulement les personnes qui consentent, mais celles qui participent.
M. Rémillard: Je ne sais pas si je comprends bien votre
question, si on comprend bien votre question, mais le principe qu'on veut
protéger ici dans 582, c'est qu'il peut y avoir, bien sûr, une
grossesse médicalement assistée, mais cette grossesse doit se
référer à la mère. La question des mères
porteuses, pour nous, pour le moment en tout cas, dans l'état actuel du
consensus social, nous considérons qu'on ne peut pas le permettre. Donc,
les conventions de procréation et de gestation pour le compte d'autrui
sont nulles; 582 est clair là-dessus. À partir de là, on a
fait la relation tout à l'heure avec 549 pour l'adoption, bien
sûr, mais, pour nous, c'est tout le champ de la mère porteuse qui
est touché à ce niveau-là.
Mme Harel: Le fait est que ça ne semble pas être le
cas. Je sais que c'est l'intention du législateur, mais, par exemple, la
Commission des droits affirme que la disposition n'est pas
suffisamment rigoureuse pour mettre un terme à cette pratique,
tout au plus empêche-t-elle les futurs parents d'obliger
légalement la mère porteuse à exécuter l'entente
intervenue entre les parties. En supposant, par exemple, qu'elle veuille
interrompre sa grossesse, ils ne pourraient pas l'obliger à la
poursuivre ou, par ailleurs, qu'elle refuse de remettre l'enfant suivant sa
naissance ou qu'elle refuse de reconnaître la paternité du
père au lieu de consentir un consentement spécial afin qu'il
puisse l'adopter, avec ou sans conjoint. Ce qui semble assez certain, c'est que
ça peut permettre, c'est sûr, une action en nullité
lorsqu'il y a un contrat qui est porté à l'attention du tribunal,
mais ça n'empêche pas pour autant, dans les cas consensuels, s'il
n'y a pas de... puisque, dans le fond, il pourrait y avoir de la
procréation médicalement assistée par le biais d'une
mère porteuse, sans qu'il y ait une action en nullité qui soit
introduite.
M. Rémillard: Pour nous, M. le Président...
Mme Harel: L'enfant va naître quand même, hein?
M. Rémillard: Oui, mais, M. le Président, j'essaie
de comprendre...
Mme Harel: Les établissements de santé, les
médecins, les agences pourront considérer qu'il y a là une
possibilité d'intervenir.
M. Rémillard: J'essaie de comprendre cette argumentation
de la Commission des droits de la personne, mais il me semble que 582 - et on
me corrigera, M. le Président - est clair. C'est que les conventions de
procréation ou de gestation pour le compte d'autrui sont nulles. Donc,
tout ce qui regarde les mères porteuses, que ce soit pour des questions
onéreuses, sans conditions onéreuses, peu importe, ce n'est pas
possible. On ne peut pas porter l'enfant de quelqu'un d'autre...
Mme Harel: Non, on ne dit pas que ce n'est pas possible, bien
non.
M. Rémillard: ...légalement.
Mme Harel: On ne peut pas penser mettre un terme à ces
conventions de mères porteuses avec 582.
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: On dit: Si elles ont lieu, dans le fond, c'est
à titre onéreux qu'elles pourront être annulées.
M. Rémillard: Oui. Non, attention, c'est parce que ce
n'est pas un Code criminel, ce n'est pas un crime, ce n'est pas une
pénalité, c'est évident ça.
Mme Harel: Non, non.
M. Rémillard: On est dans le Code civil et puis ce que
nous disons, c'est qu'à ce moment-là toute la ligne juridique qui
découle de la filiation n'existe pas. Il n'y pas par le fait même
cette continuité qui devrait exister normalement comme lien juridique
pour la mère qui donne naissance à un enfant et qui implique des
droits juridiques et pour elle et pour l'enfant. Dans ce cas-ci, il y a donc
une limite qui est importante.
Maintenant, probablement que la Commission des droits de la personne se
réfère à l'article 579, disant que 579 pourrait être
assez large. Je ne sais pas si c'est l'argumentation, mais 579 ne peut se lire
qu'en fonction des autres articles, et les autres articles, c'est 582. Je ne
sais pas si Me Ouellette, comme expert, a un autre point de vue ou si on peut
comprendre autrement ce qui est soulevé par la Commission des droits,
pour la rendre plus étanche, pour prendre l'expression de Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve, si on a des suggestions... Mais
j'ai de la difficulté à voir le problème.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Madame.
Mme Harel: Le problème est bien simple. C'est qu'on ne
peut pas... Vous avez vu vous-même tantôt, je pense bien que vous
avez constaté comme moi que, par exemple, il pourrait y avoir une
convention et puis qu'en vertu de l'article 549, par la suite, l'enfant
pourrait être adopté légalement, tout ça à
l'intérieur du projet de loi qui introduit des concepts nouveaux. Bon.
Je pense que ça mérite réflexion.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce que Me Ouellette
aimerait apporter des commentaires?
Mme Ouellette (Monique): M. le Président, sur cette
question, les auteurs sont... disons qu'ils en débattent depuis
très longtemps. Dans les juridictions où on a voulu interdire les
contrats de grossesse ou les mères porteuses, certaines suggestions
beaucoup plus sévères que celles que l'on trouve dans le Code ont
été faites, notamment de sanctionner également le
médecin ou l'équipe médicale qui va aider à ce que
ça se réalise. Est-ce que c'est suffisant pour empêcher que
ça se fasse? Je n'en suis pas absolument convaincue.
Cependant, si vous me le permettez, j'aurais peut-être une
question à poser. Quand on dit que la ligne de filiation est
interrompue, j'avais compris qu'en interdisant les contrats de mère
porteuse, ce que l'on visait, c'était de rendre inexécutoires ces
contrats-là. C'est-à-dire que si la mère porteuse ne veut
pas remettre l'enfant,
on ne pourra pas aller devant les tribunaux pour la forcer à le
remettre, d'une part, et, si, d'autre part, les parents qui avaient fait ce
contrat avec la mère porteuse refusent de prendre l'enfant, on ne pourra
pas aller devant les tribunaux pour faire sanctionner. J'avais compris que
c'était ça que ça voulait dire, la nullité du
contrat de mère porteuse. Mais la mère porteuse qui a
accouché de cet enfant-là, est-ce qu'on va nier qu'elle est la
mère de l'enfant? Je veux dire que l'enfant a une mère et que
ça va se trouver à être elle par le simple fait de
l'accouchement, je crois.
M. Rémillard: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Oui. M. le ministre.
Mme Harel: Et le père également.
M. Rémillard: Oui. M. le Président, c'est
évident que, dans ça, il y a aussi le droit de l'enfant.
Mme Harel: Oui, c'est ça.
M. Rémillard: On n'est quand même pas pour lui
enlever ses droits d'avoir des aliments...
Mme Ouellette: Ça prend un adulte. C'est ça.
M. Rémillard: ...ça, c'est évident. Mme
Harel: C'est ça.
M. Rémillard: Je me suis exprimé peut-être
avec des termes incomplets. Je complète en disant tout simplement ce que
vient de dire Mme le professeur, que c'est en fonction de la ligne juridique
qui existe normalement et qui n'existe plus dans ce cas-là.
Mme Ouellette: O.K. Alors, je m'excuse. J'avais mal compris votre
réponse.
M. Rémillard: Je m'étais mal exprimé.
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: D'accord. Alors, le droit des aliments pour l'enfant
auquel vous vous référiez tantôt, ça ne vaudrait
qu'à l'égard de la mère porteuse et non pas, à ce
moment-là, à l'égard de celui qui a consenti à la
procréation médicalement assistée, cette fois en
participant au gamète. C'est bien ça?
M. Rémillard: Si on suit la ligne, oui, on arrive à
cette conclusion-là. (17 h 15)
Mme Harel: II y a une autre question peut-être, de
manière à ce qu'on puisse faire le tour des questions qui se sont
posées à l'examen de tout ce chapitre-là, c'est la
conservation et la codification des dossiers et la possibilité de faire
des rapports. On nous dit que la situation actuelle... et je lisais
là-dessus, notamment, dans le mémoire du Conseil du statut de la
femme qui faisait état de certaines pratiques du recours à des
donneurs multiples pour brouiller irrémédiablement les origines
biologiques des enfants et qui faisait état de différentes
pratiques de cette nature-là. Donc, ce qu'introduit le ministre,
notamment, à 583, va sans doute obliger la constitution d'une banque
d'informations centralisées et systématisées. Moi, je
crois comprendre que, présentement, il n'y a pas cette banque
d'informations centralisées et systématisées. Chaque
établissement a, je crois, ses propres règles pour la
conservation des dossiers, la codification des dossiers. Ça a d'autant
plus d'importance qu'on va introduire un droit, si la santé de l'enfant
est en cause, de retracer son origine biologique.
Alors, est-ce que le ministre entend réglementer, faire suivre,
finalement, l'adoption du Code d'une réglementation sur la tenue des
dossiers?
M. Rémillard: La question est fort pertinente, M. le
Président, en ce sens que, par l'application de 583, on en arrive
certainement à cette obligation d'avoir un registre
réglementé au niveau des nouveaux centres où on
procède à ces procréations médicalement
assistées. Probablement dans la loi d'application ou bien dans les lois
particulières, on aura à s'y pencher ou bien en fonction d'une
loi particulière qui relèverait du ministère de la
Santé et des Services sociaux où on pourrait établir une
réglementation dans ce domaine-là. Mais nous sommes dans un
domaine qui, à bien des égards, doit être
réglementé. La recherche juridique n'est pas terminée pour
couvrir, comme on devrait le faire sous tous les aspects mais,
déjà, par exemple, au niveau du ministère de la
Santé et des Services sociaux, il y a un rapport du comité de
travail sur les nouvelles technologies de reproduction humaine qui date de 1988
et qui est à l'étude au ministère pour voir de quelle
façon on devrait réglementer toutes ces nouvelles techniques de
reproduction humaine. Et certaines de ces techniques sont directement en
relation avec le problème que vous soulevez.
M. Holden: II y a une commission fédérale qui
travaille là-dessus aussi.
Mme Harel: C'est vrai, hein?
M. Rémillard: Dieu nous en garde!
M. Holden: Mme Clark est dessus, membre
de la commission.
M. Rémillard: Ah oui? Ah, je l'aime beaucoup, Mme Clark.
Elle est gentille, très agréable.
Mme Harel: Alors, vous nous dites que c'est à
l'étude présentement. Mais on doit comprendre de vos propos
que... Est-ce que c'est vous-même ou si c'est le ministre de la
Santé et des Services sociaux qui avez la responsabilité do
réglementer ou d'Introduire peut-être une loi-cadre sur cette
question?
M. Rémillard: Non, c'est le ministre de la Santé et
des Services sociaux qui ferait une loi particulière si c'était
au niveau du Code civil dans une loi d'application, mais je ne le vois pas dans
une loi d'application au moment où on se parle. Je vois ça
beaucoup plus dans une réglementation ou une législation
particulière au niveau du ministre de la Santé.
Mme Harel: Mais ces articles-là ne pourraient pas
être mis en vigueur avant qu'un tel registre... ou, tout au moins, avant
qu'il y ait une codification de tous les dossiers. Sinon, si...
M. Rémillard: On ne pourra se référer...
Mme Harel: On ne pourra pas s'y référer,
voilà. D'ailleurs, on ne pourra pas s'y référer avant
peut-être bien des années, maintenant, en fonction d'une pratique
autre récemment...
M. Rémillard: Bien là, on va pouvoir le faire, mais
avec moins de sécurité que dans la mesure où on va
établir le processus. Et tantôt, quand je me
référais aux travaux du comité fédéral
où des gens très compétents siègent sur ce
comité-là, on va voir les travaux qu'ils font. On va voir les
résultats de ce travail et on pourra l'étudier aussi ce rapport
fait par des gens très compétents, qui nous arrive du
gouvernement fédéral. Donc, ce sera une pièce certainement
utile à l'étude du dossier.
M. Holden: M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): M. le député de
Westmount.
M. Holden: Je sais que, logiquement, 582 mène à une
difficulté pour l'enfant. Pour être logique, l'enfant va perdre
ses droits, sauf contre la mère qui l'a mis au monde. Il n'y a pas moyen
d'atténuer la situation de l'enfant, même si le contrat est nul?
Je ne sais pas comment, mais...
M. Rémillard: Avez-vous une idée, M. le
député?
M. Holden: En disant "sauf en ce qui concerne les droits de
l'enfant" ou... Des droits possibles, des droits s'il y en a ou...
M. Rémillard: L'objectif est noble parce que, quand on
regarde ça, c'est évident que l'enfant qui naît d'une
mère porteuse...
M. Holden: II n'a pas beaucoup de droits.
M. Rémillard: ...et qui voit ses droits diminués
parce qu'il est né d'une mère porteuse. Il y a quelque chose
là qui fait réfléchir, qui touche Mais, d'autre part,
comment pourrions-nous faire autrement si ce n'est en créant un lien
juridique, qu'on ne veut pas créer parce que sans ça on brise
tout l'équilibre?
M. Holden: Je me dis peut-être que la nullité va
faire en sorte que les mères porteuses seront très
hésitantes à essayer de garder leur enfant au moins.
M. Rémillard: Oui. Dans ce sens-là, M. le
Président, j'en arrive à la même conclusion que le
député de Westmount: Être mère porteuse, ça
n'arrive pas par hasard aussi, un petit peu comme on discutait tout à
l'heure. Ça n'arrive pas par hasard. C'est des décisions qui sont
mûries, qui sont pensées. Donc, à ce moment-là, les
gens vont prendre tout ça en ligne de compte. Mais il demeure que ce que
fait valoir le député de Westmount est quelque chose de
préoccupant aussi, c'est sûr.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Je
réalise, M. le ministre, que vous nous aviez avisés aussi que
vous deviez vous absenter pour quelques minutes, à ce stade-ci de nos
débats.
M. Rémillard: Oui. Pour une dizaine de minutes. Je vais
demander au député de Chapleau de continuer. J'ai quelque chose
d'urgent à faire. J'ai encore cinq minutes, je pense? Oui. J'ai encore
cinq minutes. On pourrait peut-être adopter ces principes-là et,
ensuite, je pourrai peut-être...
Mme Harel: Oui. Je pense bien que...
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Je pense qu'on a quand même soulevé
beaucoup de questions et je ne vois pas qu'on puisse adopter maintenant ces
dispositions sans avoir quelques réponses aux questions qu'on a
posées. Notamment, je faisais état, à 583, du principe du
droit à l'information sur ses origines lorsqu'un préjudice grave
à la santé de l'enfant est en cause, l'enfant qui est
conçu artificiellement. On prend pour acquis qu'en vertu de 579 il n'y a
aucun lien de filiation. Ça, c'est évident que le donneur de
gamètes n'engage aucunement
sa responsabilité de paternité, il n'y a aucun lien de
filiation. Ça, on souscrit à ça parfaitement. Mais...
M. Rémillard: Oui. Me permettez-vous, Mme la
députée...
Mme Harel: Oui.
M. Rémillard: ...de simplement vous dire que 583, on peut
convenir tout de suite de suspendre.
Mme Harel: Oui. D'accord.
M. Rémillard: Oui, définitivement, il y a des
questions à discuter.
Mme Harel: Parce que je me pose vraiment la question.
Tantôt, le ministre disait que l'enfant avait des droits, quelles que
soient les circonstances de sa naissance. Est-ce que, à sa
majorité, il ne serait pas aussi en droit, s'il recherche cette
information-là, d'obtenir son information sur son origine
biologique?
M. Rémillard: Bien, avec les réponses qu'on a
apportées tout à l'heure et la discussion qu'on a eue tout
à l'heure... On vient d'avoir une très longue discussion
sur...
Mme Harel: Oui. On va y revenir de toute façon. On
pourrait poursuivre avec M. le député de Chapleau peut-être
sur les autres aspects.
M. Kehoe: Les obligations alimentaires... Mme Harel: C'est
ça. Puis, on reprendra. Le Président (M. Lafrance):
Oui.
M. Rémillard: Mais est-ce que les derniers articles qu'on
vient de voir sont adoptés? Qu'est-ce qu'on fait?
Le Président (M. Lafrance): C'est ce que j'allais poser
comme question. Est-ce qu'on peut adopter 579, 580, 581, 582 et laisser 583 en
suspens?
Mme Harel: Certainement pas. M. le Président, moi, je
considère qu'on n'aurait pas fait nos devoirs correctement.
M. Rémillard: Suspendons, M. le Président.
M. Kehoe: Si je comprends bien, ces articles-là sont
suspendus.
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Lafrance): D'accord.
M. Kehoe: Et nous allons continuer sur...
Le Président (M. Lafrance): Si vous me permettez, M. le
député de Chapleau, donc, les articles 579, 580, 581 tel
qu'amendé, 582, 583 tels qu'amendés, sont laissés en
suspens. Et j'appelle le titre troisième qui traite De l'obligation
alimentaire... Pardon? Non, non. Les articles sont laissés en suspens et
les amendements aussi, oui.
Mme Harel: Sauf le premier, par exemple, sur le
déplacement.
De l'obligation alimentaire
Le Président (M. Lafrance): J'appelle les articles 584
à 595 inclusivement qui traitent de l'obligation alimentaire. Est-ce
qu'il y a des propos d'ouverture sur ce titre troisième?
M. Kehoe: C'est très court, M. le Président. Je
vais le lire. Ce chapitre troisième traite de l'obligation alimentaire.
Il reprend les règles du droit actuel édictées aux
articles 633 à 644 du Code civil du Québec et ne les modifie, de
façon générale, que de façon formelle, pour, entre
autres, en préciser le sens, ou pour assurer la concordance avec les
autres dispositions de ce projet. Je ne sais pas s'il y a des projets
d'amendements. Peut-être qu'on peut les lire.
Le Président (M. Lafrance): Merci, oui. Est-ce qu'il y a
des amendements?
M. Kehoe: II y en a deux.
Le Président (M. Lafrance): Deux.
M. Kehoe: À l'article 587. L'amendement proposé
à l'article 587. Ajouter un deuxième alinéa libellé
comme suit: "II peut, également, accorder au créancier d'aliments
une provision pour les frais de l'instance." Le commentaire: II a paru
souhaitable de permettre au tribunal d'accorder au créancier d'aliments
une provision pour les frais de l'instance pour éviter que, dans
certaines circonstances, le créancier d'aliments soit privé du
plein exercice de ses droits.
En raison de cet amendement, l'article 587 se lirait comme suit: "Le
tribunal peut accorder au créancier d'aliments une pension provisoire
pour la durée de l'instance. "Il peut, également, accorder au
créancier d'aliments une provision pour les frais de l'instance."
Il y a un autre...
Le Président (M. Lafrance): Merci. Oui, il y a un autre
amendement?
M. Kehoe: Un deuxième amendement à l'article 593.
L'amendement proposé se lit comme suit: À la fin de l'article
593, les mots ", même
en cas de changement imprévu dans les facultés ou les
besoins des parties" sont remplacés par les mots "que s'il n'a pas
été exécuté". Les commentaires: Permettre la
révision d'un jugement accordant une somme forfaitaire, lorsque des
faits nouveaux la justifient et que le jugement n'a pas été
exécuté, paraît plus équitable et davantage conforme
à la nature même de l'ordonnance alimentaire.
En raison de cet amendement, l'article 593 se lirait comme suit: "Le
jugement qui accorde des aliments, que ceux-ci soient indexés ou non,
est sujet à révision chaque fois que les circonstances le
justifient. "Toutefois, s'il ordonne le paiement d'une somme forfaitaire, il ne
peut être révisé que s'il n'a pas été
exécuté."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député.
M. Kehoe: M. le Président, ce sont les deux seuls
amendements prévus dans cette section.
Le Président (M. Lafrance): Sous ce titre
troisième. D'accord.
M. Kehoe: Voilà.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a des
commentaires ou des observations sur les articles 584 à 595, incluant
les deux amendés, 587 et 593?
M. Holden: Est-ce que je peux poser une question au
député de Chapleau?
Le Président (M. Lafrance): Oui. M. le
député de Westmount.
M. Holden: Les frais de l'instance, c'est uniquement
l'instance...
M. Kehoe: Judiciaire.
M. Holden: Oui, mais l'instance pour la pension temporaire. Pas
pour la cause au complet.
M. Kehoe: S'il s'agit d'une instance judiciaire intentée
pour établir le montant de la pension alimentaire, il s'agit des frais
de cela.
M. Holden: La pension provisoire.
M. Kehoe: Oui, c'est ça.
Le Président (M. Lafrance): Merci.
M. Kehoe: Pas seulement provisoire, mais de la pension de toute
l'instance. (17 h 30)
M. Holden: Comme un cautionnement, quoi?
M. Kehoe: Bien, un cautionnement... Il s'agit du paiement pour
des frais pour toute l'instance, des frais de jugement, des frais qui sont
attribués par le tribunal lorsqu'une personne intente une action. Il ne
s'agit pas seulement de provisoire, mais pour tout le jugement qui a
été rendu.
M. Holden: Jusqu'à la fin de la cause. M. Kehoe:
Jusqu'à la fin de la cause.
M. Holden: Ça dépend du juge, probablement.
M. Kehoe: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce qu'il y a
d'autres commentaires? Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. On me fait valoir, M. le Président...
C'est-à-dire que c'est en prenant connaissance des
représentations faites par la Commission des services juridiques que
l'article 593 va venir en collision, en fait, avec la Loi sur le divorce
fédérale parce que la loi fédérale permet la
révision des ordonnances de sommes forfaitaires en tenant compte des
circonstances de chaque cas tandis que là, à 593, avec
l'amendement, ce ne sera que lorsque la somme forfaitaire n'aura pas
été payée, en fait exécutée, qu'il pourra y
avoir révision. Alors, c'est un autre domaine où il peut y avoir,
finalement, affrontement d'une disposition fédérale et du droit
québécois.
Le Président (M. Lafrance): Discordance, oui.
Mme Harel: Oui, discordance. M. Kehoe: Je tiens à
signaler...
Le Président (M. Lafrance): M. le député de
Chapleau, avez-vous des commentaires sur ces remarques?
M. Kehoe: Mais il s'agit d'une compétence provinciale en
ce qui concerne... Il s'agit d'un paiement forfaitaire global. Vous parlez du
deuxième alinéa de 593?
Mme Harel: Oui, c'est tout à fait ça.
M. Kehoe: Dans l'ensemble, je pense que c'est assez clair qu'il
s'agit d'une juridiction provinciale. C'est dans le Code civil et... Je tiens
à souligner aussi qu'on ne parle pas ici d'une question de divorce. On
parle strictement d'une question...
Mme Harel:...
M. Kehoe: C'est ça.
Mme Harel: ...depuis le divorce. C'est ça.
M. Kehoe: Oui.
Mme Harel: Qu'est-ce qu'il y a de nouveau comme droit dans ce
chapitre de l'obligation alimentaire?
M. Kehoe: C'est justement ça que... Lorsqu'on a lu...
Mme Harel: Les amendements.
M. Kehoe: ...l'introduction, on dit textuellement qu'il n'y a
rien de nouveau. Il y a réaménagement et l'amendement qu'on a eu
à 593, c'est à peu près la seule chose qui est vraiment
nouvelle. La balance, c'est tel que la loi existe actuellement.
Mme Harel: En matière de frais, les amendements
réintroduisent, je pense, la pratique actuelle. L'amendement sur les
frais, hein?
M. Holden: Oui. Ça se fait couramment mais ce n'est pas
dans la loi.
M. Kehoe: C'est ça. Mme Harel: D'accord. M.
Kehoe: C'est ça. Et là...
Mme Harel: Ça le sera. Bon. C'est une
amélioration.
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci. Donc, les
articles 584, 585, 586 sont adoptés comme tels, l'article 587 tel
qu'amendé, les articles 588 à 592 sont adoptés tels quels,
l'article 593 est adopté tel qu'amendé et, finalement, les
articles 594 et 595 sont adoptés tels quels.
J'aimerais maintenant appeler le titre quatrième qui parle de
l'autorité parentale et peut-être demander à M. le
député de Sherbrooke, s'il veut bien nous donner un petit coup de
main, de lire les remarques d'introduction. M. le député de
Sherbrooke.
De l'autorité parentale
M. Hamel: Merci, M. le Président. Titre quatrième:
De l'autorité parentale. Ce titre traite de l'autorité parentale.
Il reprend, en leur apportant quelques modifications, les règles du
droit actuel édicté aux articles 645 à 659 du Code civil
du Québec.
Outre l'intégration, parmi les dispositions de ce titre, parce
qu'elles se rapportent davantage à l'autorité parentale, de
certaines dispositions que l'on retrouvait antérieurement au chapitre du
divorce et des modifications de concordance avec les autres dispositions de ce
projet, il faut noter que les notions de "déchéance totale" et
"déchéance partielle" d'autorité parentale que l'on
connaît en droit actuel sont reprises à l'intérieur de ce
titre sous les expressions de "déchéance d'autorité
parentale" et de "retrait d'un attribut de l'autorité parentale".
À ces deux pouvoirs du tribunal est expressément joint celui que
les tribunaux exercent parfois sans qu'il leur soit expressément reconnu
par le Code, à savoir celui de retirer l'exercice d'un attribut de
l'autorité parentale. Ce pouvoir du tribunal de retirer l'exercice d'un
attribut de l'autorité parentale est déjà prévu en
droit actuel dans la Loi sur la protection de la jeunesse.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Sherbrooke. J'appelle les articles contenus dans ce
titre quatrième qui traite de l'autorité parentale, soit les
articles 596 à 612 inclusivement. Est-ce qu'il y a des amendements
à ces articles?
M. Kehoe: Oui. Avant que l'on procède à
l'étude de ces articles-là, il y a cinq amendements. Le premier
est un amendement à l'article 602. L'amendement proposé se lit
comme suit: À la fin de l'article 602, après le mot
"modérée", ajouter les mots suivants "et raisonnable". Le
commentaire: Bien que le caractère de modération implique celui
de la raisonnabilité, il a paru préférable de reprendre le
libellé de l'article 651 du Code civil du Québec compte tenu de
l'importance de ce caractère de la raisonnabilité en cette
matière.
En raison de cet amendement, l'article 602 se lirait comme suit: "Le
titulaire de l'autorité parentale a sur l'enfant un droit de correction
modérée et raisonnable."
Aussi, un amendement à l'article 605. L'amendement
proposé: À la 3e ligne de l'article 605 remplacer les mots "leur
entretien et leur éducation" par les mots "son entretien et son
éducation". Le commentaire: II s'agit de corriger une erreur dans la
rédaction.
En raison de cet amendement, l'article 605 se lirait comme suit: "Que la
garde de l'enfant ait été confiée à l'un des
parents ou à une tierce personne, quelles qu'en soient les raisons, les
père et mère conservent le droit de surveiller son entretien et
son éducation et sont tenus d'y contribuer à proportion de leurs
facultés."
Un amendement aussi à l'article 606. L'amendement proposé
se lit comme suit: 1° à la 3e ligne du premier alinéa, entre
les mots "attribuée" et "si", insérer une virgule; 2°
ajouter, à la fin du second alinéa, la phrase suivante: "II peut
aussi être saisi directement d'une demande de retrait." Commentaire:
Outre
une modification purement formelle pour faciliter la
compréhension de cet article, l'article 606 est modifié pour
éviter toute ambiguïté sur la possibilité de demander
au tribunal uniquement un retrait d'attribut d'autorité parentale ou
uniquement un retrait d'exercice d'un attribut de l'autorité
parentale.
En raison de ces amendements, l'article 606 se lirait comme suit: "La
déchéance de l'autorité parentale peut être
prononcée par le tribunal, à la demande de tout
intéressé, à l'égard des père et
mère, de l'un d'eux ou du tiers à qui elle aurait
été attribuée, si des motifs graves et
l'intérêt de l'enfant justifient une telle mesure. "Si la
situation ne requiert pas l'application d'une telle mesure, mais requiert
néanmoins une intervention, le tribunal peut plutôt prononcer le
retrait d'un attribut de l'autorité parentale ou de son exercice. Il
peut aussi être saisi directement d'une demande de retrait."
Un amendement à l'article 607 se lit comme suit: L'amendement
proposé: À la deuxième ligne de l'article 607, remplacer
les mots "désigner la personne qui exercera l'autorité parentale
ou décider de" par les mots suivants: "le retrait d'un attribut de
l'autorité parentale ou de son exercice, désigner la personne qui
exercera l'autorité parentale ou l'un de ses attributs; il peut aussi".
Cette modification confère expressément au tribunal le pouvoir de
désigner la personne qui exercera l'attribut de l'autorité
parentale qu'il a retiré ou dont il a retiré l'exercice. En
raison de cet amendement, l'article 607 se lirait comme suit: "Le tribunal
peut, au moment où il prononce la déchéance, le retrait
d'un attribut de l'autorité parentale ou de son exercice,
désigner la personne qui exercera l'autorité parentale ou l'un de
ses attributs; il peut aussi prendre, le cas échéant, l'avis du
conseil de tutelle avant de procéder à cette désignation
ou, si l'intérêt de l'enfant l'exige, à la nomination d'un
tuteur."
Un dernier amendement à l'article 609. L'article 609 est
remplacé par le suivant: "La déchéance emporte pour
l'enfant dispense de l'obligation alimentaire, à moins que le tribunal
n'en décide autrement. Cette dispense peut néanmoins, si les
circonstances le justifient, être levée après la
majorité."
Commentaire: Étant donné le caractère exceptionnel
de la mesure de déchéance d'autorité parentale, il ne peut
donc n'y avoir que peu de cas où elle pourrait être
prononcée sans que les circonstances exceptionnelles ne justifient la
dispense de l'obligation alimentaire de l'enfant à l'égard de son
parent. Il a donc, dès lors, paru préférable de renverser
la règle prévue à l'article 609. Il convient, cependant,
de prévoir la possibilité de lever cette dispense après la
majorité; cela constitue, après la majorité, le recours
équivalent à celui permettant pendant la minorité la
restitution de l'autorité parentale. En raison de cet amendement,
l'article 609 se lirait comme suit. "La déchéance emporte pour
l'enfant dispense de l'obligation alimentaire, à moins que le tribunal
n'en décide autrement. Cette dispense peut néanmoins, si les
circonstances le justifient, être levée après la
majorité."
Ce sont les différents amendements proposés, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député. Alors, s'il n'y a pas d'autres amendements la discussion
est ouverte sur les articles 596 à 612 inclusivement.
M. HoWen: C'est bizarre, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le
député de Westmount.
M. Holden: J'aimerais savoir pourquoi - je sais qu'il y a
très peu de cas - à l'âge de la ma|ortté,
après que l'enfant ait subi toutes sortes de misères de la part
des parents, tout d'un coup, on revient à l'âge de 18 ans et on
dit: Paie-nous une pension. Quand même, je trouve ça un peu
bizarre comme principe. Peut-être qu'il y a une explication à
ça.
Le Président (M. Lafrance): M. le député de
Chapfeau ou M. le ministre. Je vois que vous êtes de retour, M. le
ministre.
M. Rémillard: Oui, M. le Président. On a voulu
essayer de coller un peu à la réalité, M. le
Président, et à l'évolution de la vie. Des fois, la vie
change bien des choses. On a dit: Bien, c'est possible...
M. Holden: Ils sont plus sages, les parents, plus tard...
M. Rémillard: ...que les choses changent.
M. Holden: ...ils deviennent très sages et alors
l'harmonie se remet et... En tout cas, il me semble qu'on a
décidé de changer le fardeau un peu là-dedans.
M. Rémillard: Ça vous paraît quoi...
M. Holden: Non, c'est que les enfants ont subi probablement la
misère. C'est pour ça qu'on a enlevé le...
M. Rémillard: Oui.
(17 h 45)
M. Holden: ...et là on dit: Tout le monde est plus sage et
le jeune justement commence à gagner de l'argent. Alors là, tu
vas nous payer, nous autres, les mauvais parents. Peut-être que les
circonstances changent, c'est vrai, M. le ministre, mais...
Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce qu'il y a
d'autres commentaires?
M. Rémillard: II y a peut-être une incidence...
Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, il y a une incidence
importante qu'il ne faut pas oublier. On pense évidemment toujours
à cette relation que l'enfant peut demander aux parents des aliments,
mais les parents peuvent le faire aussi à l'enfant, mais il y a une
question aussi, il y a des incidences importantes en matière
successorale, en matière de succession.
M. Holden: Quel exemple?
M. Rémillard: Je vais demander à Mme Longtin de
nous donner des exemples.
Le Président (M. Lafrance): Oui, merci. Me Longtin.
Mme Longtin: Oui, en fait, l'article 620 prévoit que: Est
de plein droit indigne de succéder celui qui est déchu de
l'autorité parentale... avec dispense pour celui-ci de l'obligation
alimentaire. Donc, compte tenu du fait que, suivant la règle qui est en
droit actuel, on peut... C'est une règle exceptionnelle, donc qui doit
emporter une décision particulière sur cette question-là;
ici, en modifiant la règle, il faut laisser la possibilité de
faire un renversement si les circonstances un jour se modifient puisque,
autrement, on bloque tous les droits successoraux du parent.
M. Holden: Donnez-moi un exemple concret. Une succession...
Mme Longtin: Disons, par exemple, que le père ou la
mère est déchu de l'autorité parentale, avec dispense de
l'obligation alimentaire pour l'enfant, que l'enfant décède, plus
tard, évidemment, et qu'il laisse une certaine somme d'argent.
Normalement, si lui-même n'a pas de descendants, ses ascendants ont un
droit particulier sur sa succession et, à ce moment-là, s'il n'y
a jamais eu d'autre circonstance qui ont levé la
déchéance, le parent est déclaré indigne de
succéder de plein droit.
M. Holden: Ah oui? Mme Longtin: C'est ça.
M. Holden: Ah oui? Mais même... Ça veut dire que la
règle de droit qui donne à l'ascendant... la succession est
changée à cause de la destitution de la...
Mme Longtin: De la déchéance de l'autorité
parentale.
M. Holden: Je ne savais pas. C'est de la jurisprudence ou quoi?
C'est dans la loi?
Mme Longtin: C'est dans le projet en tout cas.
M. Holden: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Mais l'exemple que vous nous donnez, Me Longtin, c'est
un exemple où l'enfant serait décédé, c'est un
exemple en matière de succession, mais, à ce moment-là, il
ne pourrait pas y avoir levée de la dispense puisque l'enfant serait
succédé... Là, je...
Mme Longtin: Non, non, ça, c'est certain. Je voulais
simplement exprimer l'une des conséquences de la
déchéance...
Mme Harel: Ah! Oui, d'accord.
Mme Longtin: ...de l'autorité parentale à
l'égard des droits successoraux.
Mme Harel: Oui, mais, si le parent est déchu de
l'autorité parentale, ça ne m'étonne pas qu'il ne puisse
pas succéder à l'enfant qui est décédé et
qui laisserait des biens. Ça m'apparaît même assez, disons,
raisonnable, mais je n'arrive pas à comprendre que l'enfant vivant qui
est dispensé de l'obligation alimentaire parce qu'il y a eu
déchéance de l'autorité parentale... il ne s'est pas
prononcé maintenant sans qu'il y ait des bonnes raisons de le faire par
le tribunal. On sait qu'il y a eu, finalement, très très
sérieusement, un resserrement des conditions pour prononcer la
déchéance parentale. Alors, s'il y a dispense à
l'obligation alimentaire de l'enfant à l'égard du parent qui est
l'objet de cette déchéance parentale, la dispense pourra
être levée par le tribunal après la majorité, si les
circonstances le justifient. Ce n'est même pas à la demande de
l'enfant, là. Je trouve ça un peu, excusez-moi, je trouve
ça un peu fort. C'est à la demande... Il y a eu une
déchéance parentale pendant la minorité de l'enfant et,
ensuite, à la majorité, les parents peuvent aller au tribunal
redemander, plaider que l'obligation alimentaire soit... Je trouve ça
étonnant.
M. Rémillard: Écoutez, il faut essayer
d'apprécier comment ça peut se passer. Ça peut se passer
que, très bien, l'enfant est mineur et il est donc maltraité,
etc. Il y a déchéance. Mais les choses évoluent un peu
plus tard et les relations redeviennent bonnes, la déchéance
n'est jamais à perpète.
Mme Harel: Bon, alors, à ce moment-là, M. le
ministre, permettez-moi de vous proposer que ce soit l'enfant devenu majeur qui
puisse faire lever ou demander... Que l'enfant puisse demander au tribunal de
lever la dispense si les relations sont devenues meilleures. Sinon,
imaginez-vous... Parce que l'exemple de la succession, je ne trouve pas qu'il
cadre. Il faudrait un exemple en matière d'obligation alimentaire et
comment accepter qu'un enfant qui a été victime, durant sa
minorité, d'une déchéance parentale - il y a eu de bonnes
raisons pour que la déchéance soit prononcée - l'enfant
qui est victime finalement de ses parents, puisse être tenu, sans le
vouloir, d'être finalement obligé aux aliments à sa
majorité?
M. Rémillard: Par le tribunal, quand même. Mme
Harel: Oui, oui, je veux bien croire. M. Rémillard: Par le
tribunal.
Mme Harel: Je veux bien croire, mais ce sera à lui...
M. Rémillard: C'est que le tribunal est là pour
protéger les droits de...
Mme Harel: ...il me semble, à lever la dispense.
M. Rémillard: Bien, ce serait à lui! Je ne le sais
pas trop là.
Mme Harel: Comment plaider sa propre turpitude là? Comment
est-ce que le père, objet d'une déchéance parentale, va
pouvoir plaider que maintenant il voudrait faire lever la dispense d'obligation
alimentaire? Il y a quelque chose qui ne marche pas.
M. Rémillard: Ah! Mais, écoutez. Écoutez
bien! Attention! Il peut y avoir des cas. Faisons des scénarios.
L'enfant de 7 ans, 8 ans, etc., est malmené par ses parents; les parents
ne remplissent pas leurs devoirs parentaux et il y a déchéance.
Bon.
Mme Harel:...
M. Rémillard: II y a déchéance. On se suit
jusqu'à présent? D'accord. Là, il y a
déchéance et là les parents sont traités ou les
parents ont passé une phase difficile; il y a réhabilitation, je
ne sais pas ce qui se passe, et, de 14 à 18 ans, et même ils
continuent, ils paient pour les enfants à l'université, etc., il
y a réhabilitation, c'est-à-dire que leur relation avec l'enfant
se stabilise et puis ils agissent en bons parents. Ça se peut,
ça. Ça se peut fort bien.
Mme Harel: On peut penser à des toxicoma- nes, par
exemple...
M. Rémillard: Ah oui! Oui.
Mme Harel: ...qui ont fait vivre des années de
misère aux enfants, qui ont connu la déchéance parentale
et qui se réhabilitent.
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: La liberté humaine, ça permet une
destinée qu'on choisit, mais, à ce moment-là, je pense
qu'il y a quelque chose d'inconvenant de penser que l'enfant qui a souffert ces
années de misère soit mis maintenant en demeure, même par
des gens réhabilités, j'en conviens, d'être responsable
d'aliments à leur égard. Je trouve ça...
M. Rémillard: Moi, je crois... Attention! Je me
réfère toujours au tribunal. C'est le tribunal qui est là
et qui apprécie la situation. Le régime ne redevient pas normal
par la simple volonté du parent qui a été déchu. Le
parent qui est déchu s'adresse au tribunal et demande au tribunal qu'il
soit reconnu dans ses pleins droits. À toutes fins pratiques, c'est
ça que ça veut dire. Donc, le tribunal l'apprécie et,
là, l'enfant va se présenter au tribunal et va dire: Non.
Ça suffit. Un instant! Ce n'est pas comme ça. Le tribunal va
l'apprécier. Mais, autrement, ça voudrait dire que la
déchéance est à perpétuité; ou bien vous
allez dire: C'est l'enfant qui peut demander...
Mme Harel: Non. Ce n'est pas la déchéance. C'est la
dispense.
M. Rémillard: La dispense
Mme Harel: La déchéance n'est pas à
perpétuité. Il peut y avoir, n'est-ce pas, un
rétablissement dans les droits parentaux?
M. Holden: L'article 609. Dans l'original de 609, ce
n'était peut-être pas tellement bon pour l'enfant non plus, mais
c'était un peu plus large que ce qu'on a maintenant.
Mme Harel: Parce que n'oubliez pas, M. le ministre, que cette
dispense-là pourrait être prononcée tout en maintenant la
déchéance parentale. Ce n'est pas une action pour faire lever la
déchéance parentale.
M. Rémillard: Est-ce que ça équivaut?
Mme Harel: Bien non! Ce n'est pas dit comme tel.
M. Rémillard: Je vais demander à Mme Longtin de
nous donner son interprétation.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Me
Longtin.
Mme Longtin: En fait, la déchéance de
l'autorité parentale peut difficilement être levée
après la majorité de l'enfant puisqu'il n'est plus sous
autorité parentale. Donc, pour éviter de rendre
définitivement et à perpétuité la sanction, c'est
pourquoi il faudrait faire lever spécifiquement cette dispense qui se
trouverait à rétablir, au fond, la situation de filiation et les
obligations et droits qui en découlent.
Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le
député de Westmount.
M. Holden: M. le Président, 609, avant l'amendement,
n'était pas à perpétuité. C'était "peut". Il
me semble qu'on fait un changement peut-être inutile. L'article 609, tel
que c'est dans le projet...
Mme Harel: II y a un vieux principe qui dit: Quand quelque chose
n'est pas cassé, pourquoi le réparer? Je pense que c'était
657 du Code civil du Québec. Hein, ce n'est pas ça? En fait,
c'est qu'il pourrait ne pas y avoir de rétablissement d'autorité
parentale à l'âge de 17 ou 18 ans. Et puis il pourrait y avoir
cette demande au tribunal de faire lever la dispense d'obligation alimentaire.
Mais, en général, jusqu'à maintenant, c'a
été assez... Je pense que les tribunaux ont été
assez prudents dans l'attribution d'aliments.
M. Holden: Ah oui, ils ne donnent pas d'aliments à des
parents. Quasiment jamais.
Mme Harel: Non, c'est ça. C'a été...
M. Holden: II y avait une cause puis c'a été
cassé en appel.
Une voix: ...des cas exceptionnels.
M. Holden: Oui, c'a été même cassé en
appel.
Mme Harel: Dans ces circonstances, dire qu'on va se fier au
jugement.
M. Holden: Oui.
Une voix: Au jugement du tribunal.
Mme Harel: Non.
M. Holden: II y avait quelqu'un, à 42 ans, qui avait 500 $
par mois de ses parents, mais c'a été cassé en appel.
Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre, est-ce
que vous auriez des commentaires à apporter?
M. Rémillard: Vous me permettez de demander à Me
Pineau d'apporter aussi son point de vue?
Le Président (M. Lafrance): Certainement. Me Pineau.
M. Pineau (Jean): M. le Président, dans l'article 657 du
Code civil du Québec d'aujourd'hui, la déchéance peut
emporter pour l'enfant, si des circonstances exceptionnelles le justifient,
dispense de l'obligation alimentaire. Cela signifie que, dans le droit
d'aujourd'hui, la déchéance n'enlève pas à l'enfant
son obligation alimentaire à l'égard de son parent déchu.
Alors, l'article 609 proposé renverse cela et vient dire: La
déchéance emporte, pour l'enfant, dispense. Donc, il n'a plus
d'obligation - cela est le principe - à moins que le tribunal n'en
décide autrement. Donc, le tribunal peut décider que la
déchéance n'emportera pas dispense.
S'il y a dispense, cette dispense pourra, si les circonstances le
justifient, être levée après la majorité.
Mme Harel: Vous voyez, je partais d'autorité à bon
droit.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Et, là, il reste une dernière question
sur tout ce chapitre avant que...
Le Président (M. Lafrance): Oui, en vous rappelant, Mme la
députée, qu'il reste quatre minutes à notre...
Mme Harel: Oui. Alors, c'est une question qui est relative au
maintien du droit de correction à l'article 602. On en avait
déjà discuté dans le cadre du projet de loi 20. Je ne sais
pas si certains s'en rappelleront. Et puis je me rends compte que, de
génération en génération, on reconduit cette
correction, ce droit de correction, à notre corps défendant,
comme si personne n'osait avoir le courage de regarder bien en face la
réalité, en disant que tout ça est bien
dépassé, même avec le mot "raisonnable", parce que
correction, si j'ai bien compris son sens, quand on l'apprécie,
ça veut aussi dire des corrections physiques. Ça comprend aussi
des corrections physiques.
Je sais qu'il y a de nombreux pays qui ont légiféré
jusqu'à maintenant, y compris la Suède, je crois. Ça veut
donc dire qu'un professeur dans une classe peut utiliser... Le titulaire de
l'autorité parentale. Le titulaire, ça peut être le
professeur dans une classe, il peut user d'un droit de correction, il faut
qu'il soit modéré, raisonnable, j'en conviens.
Le conseiller expérimenté qui est à mes
côtés me laisse entendre que, s'il n'y avait aucune disposition
semblable, ça pourrait avoir
un effet pire que l'objectif que je recherche, parce que, comme ce ne
serait pas un droit de correction modéré et raisonnable, il
pourrait y avoir, à ce moment-là, le droit de correction...
Le Président (M. Lafrance): Que ce soit non raisonnable,
oui.
Mme Harel: Oui. Alors, je sais que l'enfer est pavé de
bonnes intentions et...
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre, est-ce que...
Pardon.
Mme Harel: Non. À moins que M. le ministre...
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre aimerait
peut-être commenter...
M. Rémillard: Quand on parle de sévices
corporels... Non, non, je fais référence à des corrections
corporelles, si vous voulez. On peut penser, par exemple, de priver un enfant
de sortie ou qu'il reste dans sa chambre, qu'il ne sorte pas. Alors, il est
privé de sa liberté. Ça veut dire raisonnable. Je trouve
que l'expression "raisonnable" est bien apportée pour qu'on puisse
situer dans sa réelle perspective ce droit de correction du titulaire de
l'autorité parentale. Je ne vois pas ce qu'on pourrait mettre d'autre.
Il faut bien qu'il y ait une autorité de correction, qu'il y ait une
possibilité de corriger.
Maintenant, on ne peut pas corriger d'une façon
déraisonnable ni immodérée. On ne pourrait pas permettre
ça. Donc, on met que c'est raisonnable.
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, on me fait valoir qu'à
600 l'autorité parentale peut être déléguée,
mais qu'à ce moment-là il s'agirait d'une
délégation à l'égard de la garde, de la
surveillance ou de l'éducation de l'enfant et non pas d'une
délégation de correction en vertu de 602. Alors donc...
M. Rémillard: En ce qui regarde les enseignants...
Mme Harel: ...il n'y aurait que les père et mère
qui pourraient user de ce droit de correction.
M. Rémillard: Oui. Ça, c'est une mention
importante.
Mme Harel: Même modérée et raisonnable. Mais,
M. le Président, je vous le dis là, sincèrement, je vais
inscrire sur division ici parce que je suis convaincue que, si j'en parlais
à la maison, je serais mise en minorité!
M. Holden: Moi, je vote avec le gouvernement parce que j'aime
ça "raisonnablement" critiquer mes enfants!
Le Président (M. Lafrance): Si je comprends bien, les
articles 596 à 612 sont adoptés; 602, sur division; tel
qu'amendé, sur division. 605, 606, 607 et 609 tels
qu'amendés.
M. Rémillard: M. le Président, est-ce que je peux
me permettre de demander à Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve ce qu'elle aurait mis au lieu de mettre "un droit de
correction"? Est-ce qu'elle aurait... Parce que c'est bien beau de dire sur
division, mais qu'est-ce qu'elle nous proposerait de mettre au lieu de...
Est-ce qu'elle voudrait qu'il n'y ait aucun droit de correction pour les
parents? Parce que là, on se comprend bien - c'est un point important -
il ne s'agit pas de donner à quiconque autre que les parents ce droit de
corriger modérément et raisonnablement. La députée
de Hochelaga-Maisonneuve dit "sur division". Je veux bien, mais je ne l'ai pas
entendue nous proposer quelque chose d'autre. C'est un point important, je
trouve, parce que là c'est toute l'autorité du parent, c'est
toute la conception familiale et...
Mme Harel: Tout à fait.
M. Rémillard: ...c'est une situation difficile. Il me
semble que j'aimerais avoir le point de vue de la députée de
Hochelaga-Maisonneuve là-dessus.
Mme Harel: Alors, M. le Président, c'est évidemment
le mot "correction" qui fart problème. Le mot "correction"
réfère, le ministre l'a d'ailleurs signalé lui-même,
à la fois à des corrections corporelles et je pense qu'il y a
là... Ça heurte, en tout cas, certainement une façon
d'envisager la relation avec les enfants dans notre société. Je
sais qu'il y a des sociétés - je pense entre autres aux
sociétés qui sont assez près de nous, en fait, comme us et
coutumes, les sociétés nordiques, la Suède, la
Norvège, le Danemark - qui ont interdit les corrections corporelles.
C'est bien simple, en fait, c'est parce que le mot "correction" fait aussi
référence aux corrections corporelles.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie...
M. Rémillard: M. le Président, à ce
moment-là, moi, je suis prêt à suspendre cet
article-là.
Mme Harel: Ah! bien, tant mieux! Tant mieux! Alors, on va...
Excellent.
Le Président (M. Lafrance): Ou on peut...
M. Rémillard: Je suis prêt à suspendre cet
article-là.
Mme Harel: Bon. Bien, si la commission y consent, M. le
Président...
M. Rémillard: Moi, je suis prêt à suspendre
cet article-là et qu'on y revienne avec une argumentation.
Mme Harel: Et ça permettrait...
M. Rémillard: Je trouve ça trop important.
Mme Harel: ...à ce moment-là, de peut-être
demander aux légistes du ministère de nous faire connaître
l'état du droit sur cette question...
M. Rémillard: Très bien.
Mme Harel: ...dans ces pays que j'ai mentionnés.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, l'article 602
tel qu'amendé est laissé en suspens. Sur ce, j'aimerais vous
remercier et vous rappeler que notre prochaine séance est prévue
pour le mardi 10 septembre, de 14 heures à 18 h 30. Sur ce... Oui, Mme
la députée de Hochelaga-Mai-sonneuve.
Mme Harel: M. le Président, une remarque bien brève
pour d'abord, évidemment, constater que nous terminons cette
deuxième semaine de nos travaux, et pour remercier Me Ouellette. Mardi
prochain nous entamerons la section du Code qui traite des successions, avec Me
Frenet-te. Alors, je veux la remercier et je sais qu'elle pourra poursuivre ses
échanges de façon a ce que nous puissions compléter au
moment où nous reviendrons sur les articles qui sont suspendus.
Le Président (M. Lafrance): Merci. M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, je voudrais
remercier moi aussi Mme la professeure Ouellette pour sa grande contribution et
sa collaboration à travailler avec les experts du gouvernement.
Ça nous a permis, je pense, d'approfondir bien des points, d'apporter
des éléments intéressants. Maintenant, comme vient de le
dire la députée de Hochelaga-Maisonneuve, Me Ouellette n'a pas
tout à fait terminé parce qu'il y a des points en suspens
où on aimerait bien qu'elle puisse continuer à travailler avec
nous. Voilà, M. le Président. Et je la remercie.
Le Président (M. Lafrance): Alors, je vous remercie tous
en vous rappelant qu'on va reprendre avec un autre livre, le livre
troisième, à notre prochaine séance. Alors, sur ce,
j'ajourne nos travaux. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 7)