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(Seize heures onze minutes)
Le Président (M. Lafrance): Mesdames et messieurs, avant
de déclarer ouverte la sous-commission pour l'étude
détaillée du projet de loi 125, vous me permettrez certaines
remarques.
On a parlé tout à l'heure d'un moment historique, soyez
assurés que c'est pour moi aussi un moment historique puisque je suis
relativement nouveau en politique, et j'aimerais vous remercier tous et toutes
de la confiance que vous me témoignez en me nommant président de
cette sous-commission.
Pour ma part, j'aimerais vous assurer dès le départ de
toute mon application dans l'exécution de mon mandat, de mon
impartialité aussi dans les débats qui vont suivre. Et je vais
tenter de donner le droit de parole et faire tout mon possible pour donner le
droit de parole et de contribution à tous et toutes, membres de cette
importante sous-commission. Je m'engage également à respecter les
procédures coutumières, ou encore réglementer au meilleur
de mes capacités.
On a mentionné tout à l'heure le caractère
consensuel de la motion pour former cette sous-commisslon et me nommer
président. Soyez assurés que je l'apprécie au plus haut
point et que c'est certainement dans un esprit de collaboration et dans un
caractère décontracté, que vous avez mentionné, Mme
la députée de Hoche-laga-Maisonneuve, que je pense que nous
allons mener à terme cet important mandat.
On a parlé de mon expérience aussi; à cause de mon
âge, j'ai évidemment une expérience derrière moi. Je
ne suis pas avocat de formation, quoique j'ai une certaine formation juridique
que j'ai acquise personnellement. En retour, j'aimerais demander la
collaboration de tous et de toutes afin que nous puissions accomplir notre
travail avec diligence, efficacité, et surtout dans les meilleurs
délais possible. Je dis meilleurs délais possible, parce que nous
réalisons que nous nous attaquons à un projet de loi qui compte
3144 articles. C'est donc une tâche colossale que nous avons devant nous.
Et comme le disait M. le ministre, voilà quelques instants, c'est un
gros morceau effectivement, et la lourdeur de nos responsabilités est
évidente, quoiqu'elle ne doive pas évidemment nous empêcher
de progresser le plus rapidement possible.
Alors, sans plus de commentaires préliminaires, j'aimerais
déclarer cette sous-commission comme étant ouverte. Je
réalise que nous avons le quorum. Et j'aimerais rappeler le mandat de la
sous-commission qui est de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 125, Code civil du Québec.
Est-ce que, Mme la secrétaire, il y a des remplacements à
annoncer?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Alors nous en sommes aux
déclarations d'ouverture et j'inviterais M. le ministre, s'il vous
plaît.
Remarques préliminaires M. Gii
Rémillard
M. Rémillard: Oui, M. le Président, je vous
remercie. M. le Président, le 18 décembre 1990, je
présentais devant l'Assemblée nationale le projet de Code civil
du Québec. Dès la présentation de ce projet, j'invitais
tous les intéressés, et plus particulièrement le Barreau
du Québec et la Chambre des notaires du Québec, à me faire
part de leurs observations sur le contenu des règles proposées
dans le projet de loi 125.
Lors de mon intervention dans le cadre de l'adoption de principe de ce
projet de loi le 4 juin dernier, je soulignais devant l'Assemblée
nationale les principales orientations de cette réforme et les bienfaits
qui en découleraient pour l'ensemble de la société
québécoise. Comme je le mentionnais alors, je cite: "Le Code
civil est une loi qui constitue un point de référence constant et
rejoint la vie de tous les individus dans tous les événements et
toutes les relations qui ont pour eux une signification et une portée
sociale. Il est la trame sur laquelle se construit le tissu social."
À cette occasion, M. le Président, la porte-parole de
l'Opposition officielle, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve,
soulignait certaines questions sur des points fort pertinents. Dans
l'état du droit actuel, M. le Président, nous n'avons aucun
intérêt à proposer l'adoption de mesures qui sont, à
leur face même, inconstitutionnelles et ce serait là très
mal servir les intérêts du Québec, étant
donné les objectifs du projet de loi qui consistent notamment à
doter les Québécois et les Québécoises d'une loi
qui leur assure une sécurité juridique. C'est dans ce contexte,
M. le Président, que nous avons décidé d'éliminer
certaines possibilités que nous aurions de légiférer dans
un domaine qui n'est pas de notre responsabilité, selon la Constitution
canadienne, en ce qui regarde, entre autres, le mariage et le divorce. C'est
dans cet esprit, donc, que les dispositions sur le divorce n'ont pas
été reprises dans le projet de loi 125. Cette mesure
découle d'une réalité qui est donc juridique,
constitutionnelle, mais ne signifie pas pour autant que nous renoncions
à des démarches formelles avec le gouvernement
fédéral pour que
nous puissions, dans la prochaine réforme constitutionnelle,
avoir pleine juridiction dans ces domaines importants. Il n'est pas exclu en
effet que ce sujet puisse faire l'objet de discussions constitutionnelles
futures avec le gouvernement fédéral ou qu'il soit abordé
ou discuté dans le cadre des travaux de la Commission d'étude des
questions afférentes à l'accession du Québec à la
souveraineté ou de la Commission d'étude sur toute offre d'un
nouveau partenariat de nature constitutionnelle.
Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, Mme la
porte-parole de l'Opposition officielle s'interrogeait sur le silence dans le
projet de loi à l'égard de certaines questions de fond qui sont
débattues dans notre société, telles que les nouvelles
techniques de reproduction et 4a propriété des embryons
surnuméraires, le besoin d'une législation minimale
régissant les effets de l'union de fait, ainsi que la reconnaissance du
testament biologique.
En réponse à Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, donc concernant les nouvelles techniques de
reproduction, je me permets de rappeler d'une part que c'est la première
fois qu'il est proposé au Québec des règles minimales en
la matière. Le projet du Code civil du Québec
prévoit en effet que la contribution au projet parental d'autrui par un
apport de force génétique ne permet de fonder aucun lien de
filiation entre l'auteur de la contribution, le donneur, et l'enfant issu de
cette procréation. Il prévoit aussi la responsabilité,
envers la mère de l'enfant, du conjoint qui aurait consenti à ce
qu'elle soit inséminée, mais qui, au moment de la naissance,
refuserait de reconnaître l'enfant qui en serait issu. Cependant, la
contestation de paternité sera possible dans le cas où il serait
démontré que l'enfant ne provient pas de l'insémination
médicalement assistée. Il prévoit de plus que les
conventions de procréation ou de gestation pour le compte d'autrui, les
contrats de grossesse, sont nulles.
Mentionnons aussi la confidentialité des renseignements
nominatifs relatifs à la procréation médicalement
assistée d'un enfant, sous réserve de la possibilité de
les obtenir lorsqu'un préjudice grave à la santé de
l'enfant risque d'être causé s'il est privé de ces
renseignements.
D'autre part, je me permets de rappeler, M. le Président, que le
rôle du Code civil est d'établir les principes
généraux du droit de la personne. Son objectif n'est pas de
régir chacun des aspects de l'application d'une technologie
particulière, et c'est sur cet aspect que je veux insister d'une
façon toute particulière. À cet égard, vous
conviendrez avec moi qu'il s'agit d'un sujet qui déborde le cadre normal
d'un Code civil puisqu'il fait appel à des pratiques médicales et
hospitalières tout en soulevant de façon parallèle des
questions d'éthique professionnelle en évolution constante. Il en
est de même quant à la propriété des embryons
surnuméraires. Ces questions, aussi fondamentales soient-elles,
nécessitent à mon avis une réflexion plus approfondie,
plus spécifique. Dans ce contexte, j'entends proposer sous peu
l'institution d'un organisme indépendant voué à la
révision permanente de notre droit. Cet organisme, qui porterait le nom
d'Institut québécois de réforme du droit, aurait pour
mandat de consulter différents milieux, d'effectuer des études
concernant différents domaines du droit et de formuler des propositions
de réforme législative qui seraient ultérieurement
analysées et, s'il y a lieu, prises en charge par les autorités
politiques L'expérience de la révision du Code civil qui a
débuté II y a 36 ans nous enseigne qu'il est on effet souhaitable
de maintenir do façon permanente l'effort de révision et de
modernisation de notre droit afin qu'il soit toujours mieux adapté aux
valeurs et aux besoins de la société C'est ainsi que des
questions comme celles portant sur la problématique entourant les
nouvelles techniques de reproduction ainsi que la propriété des
embryons surnuméraires pourraient être appronfondies.
Ceci m'amène, M. le Président, à répondre de
la situation juridique des conjoints de fait Même si les propositions
inscrites au projet de Code civil du Québec sont les mêmes que
cellos retenues en 1980 lors de l'adoption de la Loi instituant un nouveau Code
civil et portant réforme du droit de la famille, il s'agit d'un sujet
qui nécessite lui aussi les analyses plus spécifiques. Dans le
cadre de ma réflexion sur le projet de loi 125, il m'est apparu
préférable comme principe de base d'assurer une plus grande
protection des enfants dont les père et mère vivent en union de
fait, quitte à développer des études qui ont
été continuées par le gouvernement actuel sur l'ensemble
de la situation des conjoints de fait, Incluant les conjoints de même
sexe. Il serait plus facile de proposer des orientations pouvant
découler de la cessation de ces unions. Dans cet esprit, la
réforme du Code civil assouplit les règles d'adoption d'un enfant
par le conjoint de fait, de son père ou de sa mère, en
n'obligeant plus le parent à devoir renoncer au lien de filiation pour
procéder par la suite à l'adoption de son enfant. A ce titre,
j'entends de plus proposer devant cette commission un amendement visant
à étendre la responsabilité du conjoint de fait qui
consent à un projet de procréation médicalement
assistée, non seulement à l'égard de la mère mais
également à l'égard de l'enfant issu du projet.
Concernant le testament biologique, Mme la députée de
Hochelaga-Malsonneuve soulevait l'absence des dispositions spécifiques
précisant le droit du malade de refuser de recevoir des soins à
la fin de sa vie, se référant à un projet de loi en ce
sens qui aurait été déposé devant la
Législature ontarienne. À ce sujet, permettez-moi de rappeler
qu'en 1989 je parrainais l'étude devant l'Assemblée nationale de
la loi portant
réforme de la curatelle publique, loi par laquelle le
législateur venait Introduire au Québec le mandat en cas
d'Inaptitude, tout en précisant les règles relatives au
consentement aux soins d'une personne inapte. Par ce mandat, l'on a permis
à une personne d'y inscrire ses choix concernant les traitements qu'elle
pourrait refuser, advenant des problèmes graves de santé.
Le projet de loi 125 reprend ces dispositions en reconnaissant la valeur
morale de cet écrit, puisqu'il prévoit que la personne qui
consent à des soins pour autrui ou qui les refuse est tenue d'agir dans
le seul intérêt de cette personne en tenant compte, dans la mesure
du possible, des volontés que cette dernière a pu manifester.
Quant au projet de loi ontarien auquel se référait Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve lors de son intervention
concernant le testament biologique, II est imporant de préciser qu'il
reprend, ce projet de loi de l'Ontario, les mesures adoptées par le
Québec en 1989, sans reconnaître l'application intégrale du
testament biologique.
Dans un autre ordre d'idées, certaines inquiétudes m'ont
été soulevées par les représentants du milieu
juridique quant aux incertitudes que pourrait soulever la consécration
de la tutelle légale des père et mère par rapport à
l'enfant conçu mais non encore né. À la lumière des
principes reconnus par la Cour suprême dans l'affaire Chantale Daigle et
pour éviter que l'introduction d'une tutelle ne suscite de nouveaux
débats juridiques, j'entends proposer un amendement devant cette
commission visant à préciser que cette tutelle ne s'appliquera
qu'aux droits patrimoniaux de l'enfant conçu mais non encore
né.
Dans le cadre de son intervention lors de l'adoption du principe du
projet de Code civil du Québec, Mme la députée de
Hochelaga-Maison-neuve abordait aussi la question de la confidentialité
des dossiers d'adoption. Ce sujet met en lumière deux principes tout
aussi importants l'un que l'autre, soit le droit à la connaissance d'un
enfant à ses origines et le droit au maintien de l'équilibre
affectif et psychologique de l'enfant ainsi que des membres de sa famille
d'adoption. Après avoir soupesé les conséquences de ces
enjeux, il m'est apparu opportun d'étendre la possibilité qu'ont
l'adopté majeur ou ses parents biologiques de lever la
confidentialité d'un dossier d'adoption, lorsque les parties y
consentent, au mineur qui désirerait retracer ses parents biologiques,
moyennant le consentement de toutes les parties, à savoir le mineur
adopté, ses parents biologiques et ses parents adoptifs. L'obtention
préalable des consentements prévus par cette règle vient
minimiser les risques de contrecoups psychologiques et répond à
l'équilibre recherché entre l'exercice d'un droit et la
protection des individus. De plus, il m'est apparu tout aussi important de
codifier dans le projet de loi une jurisprudence permettant au tribunal de
lever la confidentialité d'un dossier en faveur de l'adopté
mineur ou majeur lorsque sa santé est en jeu et de proposer l'ouverture
de cette règle aux enfants ou proches parents biologiques de
l'adopté lorsque le fait d'être privé de ces renseignements
présente un risque grave à leur santé. Cette ouverture au
principe de la confidentialité m'apparaît de mise puisqu'elle
ajoute au droit de connaître ses origines un élément vital
qui ne saurait être négligé, respectant ainsi le juste
équilibre entre l'exercice d'un droit et les risques qu'il peut
comporter.
Le principe de la confidentialité en matière d'adoption
soulève indirectement celui de la confidentialité des dossiers de
l'auteur de la contribution au projet parental d'autrui par un apport de force
génétique ou la procréation médicalement
assistée. Bien que le principe de l'ouverture à la connaissance
de ses origines revêt de l'importance, il s'agit ici d'un cas où
il aurait été difficile de favoriser l'exercice de ce droit sans
risquer de compromettre pour l'avenir l'existence même de cette
technique. En effet, cette technique fait appel à la contribution
gratuite de donneurs. Il serait difficile de reconnaître, en
matière de procréation médicalement assistée,
l'exercice de ce droit à l'enfant qui en résulte sans risquer
l'arrêt du don de sperme et, par voie de conséquence,
empêcher un couple qui désire avoir un enfant de pouvoir
procréer lorsque, pour ce couple, cette technique s'avère le
dernier espoir possible. En contrepartie, il m'est apparu justifié de
permettre une ouverture à la confidentialité du dossier
concernant le donneur lorsque la santé de l'enfant issu de ce don sera
en danger et ce, sur autorisation du tribunal. J'entends, de plus, proposer aux
membres de la commission un projet d'amendement qui permettra d'étendre
la règle aux descendants d'une personne issue d'une procréation
médicalement assistée lorsque le fait d'être privé
de tels renseignements présentera un préjudice grave à
leur santé. Telles sont, M. le Président, les principales
questions qui font appel, à certains égards, à l'exercice
d'un choix de société. Les précisions que je viens
d'apporter visent à éclairer les membres de cette commission sur
le bien-fondé des enjeux que représente la réforme et la
nécessité de doter le Québec d'une loi adaptée
à ces nouvelles réalités.
D'autres questions pertinentes ont été soulevées
par la députée de Hochelaga-Maison-neuve et font appel à
une bonification des règles au même titre que certaines
interventions qui m'ont été faites par des représentants
des milieux juridiques, sociaux et économiques. Après analyse,
j'entends proposer, au cours des travaux de la présente commission,
certains ajustements qui m'ont paru opportuns. Ainsi, en matière de
consentement aux soins pour les mineurs de 14 ans et plus, le problème
qui m'a été dénoncé concernait l'emploi, aux
articles 14, 15, 16, 17, 18 et 24 du projet de loi, du mot "exigé"
à la
place du mot "requis" tel qu'utilisé à l'article 42 de la
Loi sur la protection de la santé publique. Selon certains, ce
changement serait susceptible de changer le droit actuel. À ce sujet,
permettez-moi de rappeler que le mot "exigé" a été
introduit au moment des consultations publiques formelles et informelles sur
les projets de loi 106 en 1982, 20 en 1984 et repris lors de la réforme
de la curatelle publique en 1989 et qui n'avait, jusqu'à
récemment, posé aucune difficulté.
Ceci dit, cependant, M. le Président, devant la demande issue
tant des milieux juridiques que sociaux à l'effet qu'il vaudrait mieux
éviter une polémique juridique sur les changements potentiels que
pourrait entraîner l'emploi du qualificatif "exigé" à
l'égard des soins de santé prodigués aux mineurs de 14 ans
et plus, j'entends proposer un amendement à ces articles de
manière à assurer le maintien du terme actuel.
Un autre sujet qui mérite l'attention est celui relatif au
processus de liquidation en matière de succession proposé par le
projet de loi 125. Suite à une réaction négative de la
part du milieu juridique pour le motif, notamment, de la lourdeur du processus
proposé, les échanges que j'ai eus avec le Barreau du
Québec et la Chambre des notaires m'ont conduit à mettre sur pied
un groupe de travail tripartite: ministère de la Justice, Barreau du
Québec et Chambre des notaires. Ce groupe a eu pour mandat de
réexaminer la question en vue de proposer des aménagements
permettant de bonifier le processus de liquidation proposé tout en
assurant la protection des droits individuels. Les propositions qui m'ont
été faites, suite à ces travaux, me permettront de
soumettre aux membres de cette commission des amendements qui devraient
répondre aux inquiétudes qui ont été
soulevées. (16 h 30)
Au chapitre des créances prioritaires, certains intervenants ont
également fait valoir leur opposition au caractère prioritaire
accordé aux créances du ministère du Revenu. Après
réflexion sur les arguments soulevés, je crois nécessaire
de rappeler, d'une part, que cette règle reprend le droit actuel en
matière de privilèges et que, d'autre part, il s'agit de
créances qui doivent être collectées dans
l'intérêt général de la société
québécoise. Renoncer au caractère prioritaire de ces
créances reviendrait à renoncer à la perception de sommes
dues à l'État et, par voie de conséquence, accepter de
faire supporter par l'ensemble des contribuables le manquement d'un citoyen
à ses devoirs à l'égard de l'État. Dans ce
contexte, M. le Président, j'entends donc proposer le maintien, sur ce
point, des règles contenues dans le projet de loi 125.
Au chapitre des effets de la personnalité juridique des personnes
morales, certains ont soulevé une ambiguïté entourant la
généralité de la règle relative au voile corporatif
et ont proposé, sans s'opposer à son bien-fondé, une
approche plus restrictive. Après analyse, Je tiens à souligner
que cette mesure vient codifier le droit existant dégagé par la
jurisprudence. Elle vise essentiellement à éviter que le recours
à l'institution d'une personne morale ne serve à camoufler une
fraude, un abus de droit ou encore une contravention à une règle
d'ordre public au détriment d'engagements intervenus avec un tiers de
bonne foi. C'est d'ailleurs avec sagesse quo les tribunaux ont senti le besoin
de lever le voile corporatif de certaines corporations suivant des
circonstances qui ont été reprises dans l'énoncé de
la règle proposée dans le projet de loi 125. Toutefois, suite aux
représentations qui m'ont été faites, il m'apparait
opportun de proposer un ajustement permettant de corriger une certaine
ambiguïté sur la portée do la règle par le biais d'un
amendement visant à supprimer l'expression "entre autres", de sorte que
la règle prévoirait expressément tous les cas où le
voile corporatif pourrait être levé par le tribunal, facilitant
donc d'autant son application.
La nouvelle notion d'hypothèque mobilière proposée
par le projet de Code et son effet sur les quotas de production détenus
par les producteurs agricoles m'auront permis aussi de rassurer les
représentants du monde agricole sur leur appréhension quant aux
conséquences possibles que pourrait représenter, pour eux,
l'ouverture à ce mode de financement sur le transfert potentiel de
quotas agricoles. Tel qu'il appert du mémoire soumis par l'Union des
producteurs agricoles sur le sujet, l'Union ne s'oppose pas au principe de
l'hypothèque mobilière. La demande de l'Union vise à
exclure, dans une loi particulière d'application de l'hypothèque
mobilière, "aux quotas de production agricole". Cette demande fait
présentement l'objet d'un examen sérieux, tant au
ministère de la Justice qu'au ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, dans le cadre de travaux
complémentaires qui me permettront de proposer, dès que le projet
de loi 125 sera adopté, une loi d'application visant à adapter,
dans la mesure du possible, l'ensemble de notre législation aux
principes contenus dans le nouveau Code civil du Québec.
Parmi les représentations qui m'ont été fartes, je
tiens à souligner l'ouverture éventuelle du champ d'application
des règles concernant la convention d'arbitrage à certaines
matières matrimoniales. Il s'agit là d'un sujet qui revêt,
pour moi, beaucoup d'intérêt puisqu'il vise à permettre le
règlement de conflits en favorisant la déjudiciarisation de
recours qui aboutissent actuellement devant les tribunaux. Or, le
système judiciaire, que plusieurs qualifient de système
d'adversaires, n'est pas conçu en sol pour régler les
problèmes d'ordre émotif ou psychologique. Le recours à un
arbitre devrait permettre, en l'absence du décorum judiciaire, de
favoriser la diminution des tensions et le traumatisme émotionnel.
Dans ce contexte, M. le Président, j'entends donc proposer, lors
des travaux de la commission, un projet d'amendement visant à
reconnaître l'arbitrage en matière familiale lorsque le litige
naît et qu'il s'agit de droits patrimoniaux. Cette ouverture ne devrait
pas couvrir, toutefois, les questions relatives à la protection et
à la garde des enfants. Il m'apparaît Important, en effet, de
poser Ici une balise afin d'assurer que les droits des enfants seront
préservés et tranchés par le tribunal qui, en ce domaine,
a su développer une expertise importante.
Le dernier point que je veux soulever avant que ne débutent les
travaux de la sous-commission a trait à la responsabilité du
fabricant, distributeur ou fournisseur d'un bien meuble. Il s'agit de la
règle permettant à ces derniers de pouvoir s'exonérer d'un
dommage occasionné par un défaut de sécurité d'un
bien qu'on leur oppose en démontrant qu'ils n'avaient pas commis de
faute et qu'il leur était impossible de connaître l'existence de
ce défaut lors de la fabrication du bien, en raison des règles de
l'art existantes au moment de sa fabrication. Cependant, et suite aux
représentations qui m'ont été faites par les
représentants du milieu juridique, lesquels rejoignent en partie mes
propres préoccupations, j'ai demandé qu'une nouvelle analyse de
la situation soit effectuée en tenant compte d'un juste équilibre
entre le fabricant et l'utilisateur. Je verrai à présenter devant
cette commission le résultat de cette nouvelle réflexion sur ce
point des plus importants.
En terminant, M. le Président, je voudrais souligner que je
demeure confiant que le projet de Code civil du Québec que nous nous
apprêtons à étudier saura répondre aux besoins de la
société québécoise. À ce sujet, je me
réfère aux résultats positifs des consultations qui ont eu
lieu depuis la présentation du projet de Code en décembre
dernier, tant auprès du Barreau du Québec et de la Chambre des
notaires qu'auprès d'associations ou de regroupements
représentant les différents milieux sociaux et
économiques. Depuis le mois de décembre dernier où j'ai
présenté, en première lecture, ce projet de loi, nous
avons eu l'occasion de rencontrer, d'une façon informelle - mais je
dirais aussi extrêmement fructueuse - beaucoup de groupes qui ont un
intérêt direct dans cette réforme du Code civil - sur
certains de ses aspects - de même que, d'une façon tout à
fait privilégiée, bien sûr, la Chambre des notaires et le
Barreau. Et je tiens à les remercier pour leur très grande
collaboration.
J'ai eu personnellement, avec le bâtonnier du Québec et le
président de la Chambre des notaires - des partenaires qui sont
indispensables dans l'administration de la justice au Québec - plusieurs
rencontres qui m'ont permis de constater, entre autres, que le milieu juridique
désire que soit mené à terme ce projet d'envergure dont
les travaux remontent, comme on le sait, à plus de 35 ans. Elles
m'auront permis, aussi, ces rencontres que j'ai eues tout au long des derniers
mois, de constater que leur collaboration nous était acquise afin de
pouvoir doter le Québec d'une loi appelée à établir
le régime juridique privé qui prévaudra au cours du XXIe
siècle.
M. le Président, je dois dire que c'est pour nous tous, membres
de cette sous-commission, un privilège que de participer d'une
façon aussi étroite à l'élaboration d'un projet
législatif de cette envergure pour notre société
québécoise. La réforme du Code civil est
véritablement un projet de société. C'est aussi, par le
fait même, bien sûr, une très lourde responsabilité.
Le Code civil touche tous les aspects de la vie, de notre naissance à
notre décès. Nous devons être très conscients de
cette importance de la réforme du Code civil et de nos travaux, par
conséquent. Mais il ne faut pas aussi tomber dans l'excès
contraire et refuser de légiférer ou de décider parce que
nous n'aurions pas, sur certains aspects, atteint tout le degré de
perfection que nous aimerions pouvoir atteindre. Cela fait maintenant plus de
36 ans que l'on y travaille. On ne peut pas priver plus longtemps la
société québécoise des avantages d'un droit
privé adapté à notre réalité sociale,
politique, économique, culturelle. Il y a un temps pour étudier,
il y a un temps pour élaborer et il y a un temps pour décider. Le
temps est maintenant venu pour nous de décider, de
légiférer. Avec la collaboration de tous mes collègues qui
sont ici présents et qui ont accepté de siéger, avec la
collaboration de l'Opposition, je suis convaincu que, dans un temps qui nous
permet d'une façon réaliste d'aborder l'ensemble de cette
réforme, nous pourrons nous acquitter avec efficacité de cette
grande responsabilité qui est la nôtre.
M. le Président, en terminant, j'aimerais souligner la
présence de personnes qui sont impliquées, pour certains et
certaines, depuis presque les tout débuts dans ces travaux les plus
sérieux, dans cette réforme du Code civil. Et je sais que ce
n'est pas sans émotion qu'ils sont ici, aujourd'hui, à cette
première rencontre que nous avons de notre sous-commission. J'ai tout
d'abord avec moi, à ma gauche, le sous-ministre de la Justice, Me
Jacques Chamberland, qui, avec beaucoup de maîtrise et de
détermination, dirige l'administration du ministère et qui a
accordé une attention tout à fait particulière à
nos travaux concernant la réforme du Code civil. Il y a maintenant trois
ans que je suis ministre de la Justice; lorsque la première fois on a
établi nos plans de travail et qu'on a décidé de
procéder avec la réforme du Code civil, c'est ensuite avec
beaucoup de détermination que Me Chamberland a travaillé avec
nous et donc monté une équipe qui était déjà
au travail, qui faisait déjà un travail remarquable au sein du
ministère de la Justice. Est venue aussi s'ajouter Mme Lise Morency,
sous-ministre associée, qui est venue
avec toute sa compétence, en particulier lorsqu'elle était
secrétaire au Comité de législation, secrétaire
générale adjointe au Conseil exécutif. En ce qui regarde
le Comité de législation, elle avait acquis une expérience
exceptionnelle dans la rédaction législative et cette
expérience, elle a donc pu la mettre au service de l'équipe de
rédaction du Code civil.
Je voudrais souligner la présence et la très grande
collaboration des personnes suivantes. Tout d'abord, Mme la directrice de la
direction des études et orientations qui a dirigé l'équipe
de légistes qui travaillent sur le dossier de la réforme au
ministère de la Justice, Me Marie-José Longtin, M. le
coordonnateur du droit civil au ministère, Me André Cossette,
ainsi que les neuf légistes qui suivront les travaux de la commission et
qui ont travaillé très fort depuis les dernières
années, les derniers mois pour que nous puissions en arriver maintenant
à cette commission parlementaire, Me Aidée Frenette, Me Gina
Bienjonetti, Me Pierre Charbonneau, Me Louise Caron, Me France Fradette, Me
Denise McManiman, Me Michèle Ringuette, Me Albert Bélanger, Me
Frédérique Sabourin, ainsi que Me Julienne Pelletier, de mon
cabinet. Et je me permets d'insister d'une façon toute
particulière sur le travail tout à fait exceptionnel que fait, au
niveau de mon cabinet, Me Julienne Pelletier.
Nous avons nos experts et, parmi ces experts qui sont avec nous, Me Jean
Pineau, conseiller expert, donc, sur la réforme, qui a donné
toute son expertise dans ces travaux concernant la réforme du Code civil
et je le remercie pour ce qu'il a fait et je le remercie d'être avec nous
aujourd'hui pour continuer ces travaux.
M. le Président, en terminant, j'aimerais peut-être dire
que j'entends dans cette sous-commission, laisser place le plus possible
à l'expression tout d'abord de nous, comme membres de cette commission,
comme élus, bien sûr, mais que je n'hésiterai pas à
faire appel à nos experts qui sont ici. Je vois aussi Me François
Frenette, de la Faculté de droit de l'Université Laval. Je vois
M. Claude Masse, qui est aussi ici, qui est professeur de droit à
l'Université du Québec, et ces éminents
spécialistes viennent pour nous aider à faire le travail le plus
complet possible. Je sais qu'aussi Me Monique Ouellette-Lauzon, qui est
professeur à la Faculté de droit à l'Université de
Montréal, sera avec nous. Ils travaillent d'une façon toute
particulière avec l'Opposition pour apporter des commentaires, et qu'on
puisse donc en arriver aux éléments les plus complets. De notre
côté, il se peut aussi que, sous certains aspects
spécifiques, d'autres spécialistes puissent se joindre à
nous. Mais je veux vous dire, M. le Président, que je n'hésiterai
pas, comme ministre responsable de ce dossier, à faire appel à
nos experts. Je ne voudrais pas que cette commission devienne un débat
d'experts et je sais que ça ne le deviendra pas, parce que nous en
sommes dans cette étude article par article à l'aspect non
seulement technique mais aussi pratique. Il faut être conscients de
l'application de tous ces aspects techniques que nous avons et c'est à
nous, comme élus, membres de cette commission, d'etre capables de les
apprécier dans leur réalité. Je soulignais tout à
l'heure l'apport que Mme la députée de Groulx a
déjà fait au niveau de la commission des institutions et je sais
que là encore elle apportera sa contribution pour justement nous
apporter des cas très concrets qui nous permettent de coller à la
réalité les différents problèmes que nous avons
à discuter. (16 h 45)
Alors, voilà, M. le Président, les quelques remarques que
je voulais faire, très conscient de l'ampleur de la tâche mais
très conscient aussi, M. le Président, qu'il s'est fait un
travail remarquable de collaboration avec l'Opposition qui nous permet, je
pense, d'envisager ces travaux d'une façon très positive pour
qu'on puisse en arriver à une réforme qui serait la plus
complète possible, et j'ai très confiance qu'on puisse y arriver
dans un avenir quand même prochain étant donné toutes nos
responsabilités parlementaires. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le
ministre. J'inviterais maintenant le porte-parole de l'Opposition officielle.
Mme la députée de Hochelaga-Malsonneuve, à nous faire ses
déclarations d'ouverture si elle le désire, lui rappelant, comme
veut la coutume, en rapport avec le temps pris par M. le ministre, qu'elle
dispose de 33 minutes. Mme la députée.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Oui. Je crois comprendre, M. le Président,
qu'il y a déjà une entente, je pense, entre les leaders pour que
nous consacrions plus de temps que de coutume, compte tenu de l'ampleur du
dossier, à ce moment-ci de l'ouverture de nos travaux. Mais comme je ne
veux pas abuser et, par ailleurs, je veux aussi rendre justice au discours qui
m'a été préparé entre autres et surtout aux
questions très techniques que je souhaitais aborder et pour lesquelles
je n'aurais peut-être pas le temps de le faire, je souhaiterais avoir le
consentement pour que le discours soit déposé tel que lu de
manière à ce qu'il soit connu et puisse servir aux
différents légistes qui auront a examiner ces questions. Alors,
ça me permettrait de m'en tenir à l'essentiel de ce que je
souhaite vous présenter maintenant, en ayant la garantie que le discours
sera déposé au Journal des débats. Est-ce que
ça vous conviendrait?
M. Rémillard: Pour ma part, M. le Président, je ne
peux que saluer cette façon de faire de la part de la
députée de Hochelaga-Maison-
neuve.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Alors, il y a
consentement.
Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bon. Al-je
besoin, évidemment, d'assurer le ministre, je pense qu'il n'a pas besoin
de cette assurance, mais les membres de cette commission, l'adjoint
parlementaire, de toute la collaboration de l'Opposition à l'occasion de
cette phase délicate et cruciale que nous entreprenons aujourd'hui. J'ai
déjà eu l'occasion de lui dire personnellement combien j'ai la
conviction que nous étions privilégiés, lui et moi, de
faire partie de l'équipe qui franchira la ligne d'arrivée de
cette course à relais et à obstacles qui aura été,
depuis plus de 30 ans, la révision du Code civil. D'autant plus que j'ai
la conviction que nous complétons une époque à jamais
révolue d'une révision globale et colossale qu'aucun de tous les
gouvernements sensés qui se succéderont à
l'Assemblée nationale ne voudra plus jamais entreprendre.
À l'aube du XXIe siècle, la société
québécoise n'a plus les moyens, n'aura pas les moyens de ranger
pieusement son Code civil au grenier avec ses papiers de famille. Je le dis
immédiatement et simplement et maintenant, pour marquer l'importance que
cela revêt pour l'Opposition, nous ne pourions envisager de
compléter les présents travaux de notre sous-commission avant
d'avoir obtenu la garantie, non seulement du ministre mais aussi de son
gouvernement et du Conseil du trésor, de la création d'une
commission de réforme du droit qu'on peut appeler institut de
réforme du droit, indépendante du ministère de la Justice
et mise en place de façon permanente. Une telle commission s'impose pour
fournir les instruments d'évolution du Code civil plutôt que de
confier, comme ce fut le cas, à des lois statutaires
élaborées en marge, sinon à l'encontre du Code, le soin
d'ajuster le droit à la réalité. Mais elle s'impose
d'autant plus que rous pourrons, durant la présente commission
parlementaire, travailler beaucoup plus à l'aise en cessant de
travailler avec une ligne d'horizon qui se perd à l'infini pour
travailler en fonction de la société d'aujourd'hui. Et ce que
nous pouvons, dans le fond, laisser de mieux en héritage aux
générations futures, c'est un Code civil en constante
évolution plutôt qu'un bijou de famille démodé.
Ceci étant dit, permettez-moi de saluer l'équipe de
légistes du ministère, particulièrement Mme la
sous-ministre Morency, Me Cosset-lo, Me Longtln et Me Pineau, avec qui j'ai eu
déjà le plaisir de travailler, et je voudrais également
féliciter le député de Chapleau - je lai fait à
l'ouverture de nos travaux, je le réitère - pour sa
récente nomination à titre d'adjoint parlementaire à la
réforme du Code civil. Pour ma part, je serai accompagnée tout au
long des travaux par Mme la députée de Ter-rebonne qui est bien
connue pour sa détermination, sa rigueur et sa grande implication dans
les dossiers de protection du consommateur. Je la remercie d'avoir
accepté cette invitation à participer aux travaux de notre
sous-commission. Et j'aimerais remercier également Me Fernande Rousseau,
qui est au dossier ce que Julienne est au ministre, si je comprends bien.
Depuis deux mois et pour la durée de l'étude du projet de
loi, le ministre a bien accepté de mettre à la disposition de
l'Opposition officielle les services de trois juristes émérites
dans leur champ d'expertise. J'aimerais vous les présenter, la
communauté juridique les connaît déjà très
bien, les membres de la sous-commission apprendront à les
connaître. Il s'agit de Me Monique Ouellette, qui est professeure de
droit à l'Université de Montréal et qui est responsable
des livres du Code civil concernant les personnes, la famille et le droit
international privé, et de Me François Frenette, qui, dois-je
comprendre, a été collègue du ministre de la Justice sur
les bancs de la faculté de droit. C'est bien le cas?
M. Rémillard: Oui. Peut-être je pourrais apporter
une petite précision. Il y a déjà plusieurs années,
nous faisions nos thèses de doctorat en France ensemble. Mon sujet de
thèse était la prépondérance du gouvernement
fédéral dans le fédéralisme canadien et le sujet de
thèse du professeur Frenette était l'emphytéose. Il avait
quelques quolibets sur mon sujet de thèse et j'en avais certains sur le
sien. Mais qui eusse cru, à ce moment-là, que je me repenchasse,
comme ministre, sur l'emphytéose avec toutes les implications qu'elle
signifie dans notre droit présent! mon collègue avait une vision
que je n'avais pas, à ce moment-là je dois dire.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie de cette
précision, M. le ministre. Madame, s'il vous plaît.
Mme Harel: Oui. Alors, simplement ajouter que Me Frenette est
membre de l'étude Martel, Gagnon & Frenette de Québec, de
même que de l'étude Brunet & Frenette et conseiller en
matière de succession. Il sera donc conseiller en matière de
succession, biens, priorités et hypothèques et en matière
de publicité des droits. Et puis, enfin, de Me Claude Masse, professeur
à l'Université du Québec à Montréal, bien
connu pour les nombreux dossiers dont il est chargé en matière de
protection du consommateur et qui sera chargé des livres concernant les
obligations, les contrats nommés, la preuve et la prescription. Je tiens
à les remercier pour la rigueur, la disponibilité dont ils ont
fait preuve tout au cours de l'été. Nous nous sommes
retrouvés dans cette Assemblée pendant les vacances de la
construction, en plein mois de juillet, et je veux
leur dire à quel point ils ont été indispensables
dans la préparation des travaux de cette sous-commission.
Avant d'aborder en détail certaines questions qui
préoccupent l'Opposition, je voudrais insister sur certaines questions
que j'ai soulevées lors du discours de deuxième lecture et qui
n'ont pas été abordées dans le discours d'ouverture du
ministre, notamment sur la nécessité dans notre tradition
crviliste de "dire le droit" en accordant une grande importance à la
définition des termes. À ce stade-ci de la révision du
Code, nous ne pouvons nous soustraire à l'examen, article par article,
du projet de loi 125 pour en écarter les concepts vagues,
contradictoires ou antinomiques qui sèment la confusion et pourraient
amener une interprétation tantôt large, tantôt restrictive
de la part des tribunaux. "Dire le droit", c'est aussi, j'y reviendrai,
examiner certaines questions de fond qui sont passionnément
débattues dans notre société - le ministre y a fait
allusion - la question du testament biologique, la place des conjoints de fait
dans notre système juridique, celle des conjoints de même sexe ou
la protection des renseignements personnels à l'égard des tiers.
À ce stade-ci de nos travaux, sans prétendre incorporer le droit
autochtone dans le Code civil, il s'agit, au minimum, certainement d'adopter
par exemple une définition de la propriété beaucoup plus
enveloppante que celle qui nous est actuellement proposée et qui
contrecarre toute nouvelle approche dans ce domaine.
Un second aspect que j'ai soulevé, lors de ce discours de
deuxième lecture, est certainement celui du statut des commentaires
explicatifs sur le sens et la portée des modifications introduites par
le projet de loi 125. Le ministre a produit des commentaires qu'il a dit
être préliminaires, ne laissant finalement aucune indication quant
à leur statut. Il importe, selon nous, de leur conférer un
caractère officiel par un véritable dépôt à
l'Assemblée nationale lors de l'adoption finale du projet de loi. Les
commentaires explicatifs constitueront un outil indispensable à
l'interprétation du droit, notamment en regard du nouveau langage
juridique utilisé pour exprimer le droit existant.
En troisième lieu, je n'ai pas à insister à nouveau
sur l'importance de doter la société québécoise
d'une commission - appelons-le institut permanent de réforme du droit -
à l'instar de nombreuses provinces au Canada, dont la
Colombie-Britannique, le Manitoba, la Nouvel-le-Écosse, l'Ontario, la
Saskatchewan et même Terre-Neuve.
Finalement, je voudrais à nouveau insister sur le manque flagrant
de perspectives constitutionnelles du projet de loi 125. Au moment même
où le ministre responsable du dossier constitutionnel prétend
rehausser la place et l'importance du Québec dans le cadre de la
redéfinition d'un nouveau fédéralisme canadien, le
ministre de la Justice néglige, lui, de revoir tous les aspects du droit
civil québécois qui ont le plus grand besoin d'une
redéfinition des champs de juridiction des deux ordres de gouvernement.
C'est d'autant plus déroutant qu'il s'agir, en l'occurrence, du
même homme qui occupe les deux fonctions. En négligeant de
remettre on cause l'intervention du gouvernement du Canada en ce qui a trait,
par exemple, non seulement aux conditions de validité du mariage ou au
divorce mais aux ordres de collocation des créanciers et des
sûretés lors d'une faillite, à l'intérêt
légal, aux contrats de crédit et de services bancaires, aux
lettres de change et aux problèmes qui en résultent en
matière de paiement, le projet de loi 125 endosse à l'avance et
sans discussion tous les carcans constitutionnels qui ont freiné le Code
civil et ont rendu son application parcellaire jusqu'à maintenant. Cetto
attitude nous semble incohérente et il nous semble que le ministre doit
rapidement y remédier en recherchant et en affirmant la
prépondérance du Code civil comme contrat social des
Québécoises et des Québécois sur toutes les autres
sources de droit civil.
L'examen attentif, article par article, que nous entreprenons
aujourd'hui s'impose d'autant plus que le projet de loi 125 multiplie les
nouveaux concepts applicables et les conflits d'interprétation
potentiels. À cet égard, trois considérations s'Imposent
à la suite d'une étudo plus approfondie que nous avons
menée cet été.
La première est que, là où le droit était
relativement clair et articulé et là où il avait
passé l'épreuve du temps, le projet propose des rédactions
complètement différentes qui demanderont à être
réinterprétées par nos tribunaux. Il n'y a pas un seul
secteur du droit civil où les règles actuellement applicables ne
sont pas reformulées en grande partie, et j'y reviendrai.
La deuxième constatation est que, là où II y a des
changements majeurs et des modifications, les modifications sont introduites
à la pièce, sans préoccupation des répercussions
sociales de ce qui est proposé. Par exemple, aucune étude des
impacts socio-économiques en ce qui a trait à l'endettement des
Québécois n'est venue éclairer les choix du ministre sur
les très Importantes répercussions que ne manqueront pas de
provoquer des pans entiers du projet, notamment l'Introduction de
l'hypothèque mobilière qui pourrait, par exemple, provoquer la
résurgenco des compagnies de finance. Il y a là une attitude qui
nous apparaît assez désinvolte et qui. dans les faits, cadre mal
avec l'importance que l'on prétend accorder au Code civil. Le ministre
aura certainement à expliquer les contradictions flagrantes au niveau de
certaines règles de justice sociale que l'on nous propose, et j'y
reviendrai.
La troisième constatation est la présence de
contradictions manifestes entre diverses parties du projet de loi comme si
('interrelation entre les différents livres du Code n'avait pas fait
l'objet d'une attention suffisante. J'en donnerai des exemples. (17
heures)
Alors, qu'il me soit permis d'illustrer ces trois constatations.
Reprenons donc la première. S'il est vrai, comme le prétend le
ministre, que le projet de loi 125 ne fait que réaffirmer le droit
existant dans la plupart des cas, alors pourquoi modifier la formulation de
toutes les règles? Le ministre de la Justice, à bon droit, a
souvent insisté sur sa préoccupation de permettre une
déjudiciarisation des conflits sociaux, notamment en droit civil. Il
rejoint en cela, d'ailleurs, les demandes d'à peu près tous les
intervenants qui souhaitent régler des litiges sans recourir aussi
souvent que maintenant aux procédures longues et coûteuses qui
entravent l'appareil judiciaire, frustrent les justiciables et font augmenter
inutilement les coûts de la justice. Cependant, cet objectif de
déjudiciarisation est en contradiction flagrante avec certaines
techniques législatives employées dans le projet de loi 125; par
exemple, comment croire que ces nouveaux textes ne provoqueront pas de plus
grandes incertitudes, incertitudes qui entraîneront à leur tour un
besoin de clarification par les tribunaux de première Instance, des
décisions qui seront portées en appel, décisions des cours
d'appel qui vont être contredites ou renversées par d'autres
décisions? On n'en sort pas. Nous allons au Québec vers une
judiciarisation des litiges de droit civil pour au moins les 25 prochaines
années si le projet de loi 125 est adopté tel que
présenté.
Par exemple, prenons le cas de l'intégrité de la personne
et des soins. La prétention est à l'effet que rien n'est
changé par rapport à la présente situation et qu'on a tout
simplement apporté quelques précisions. Pourtant, une
multiplicité de concepts nouveaux sont introduits qui devront être
interprétés par les tribunaux pour en assurer une application
uniforme d'un centre hospitalier à l'autre, d'un médecin à
l'autre. Les articles 10 à 26 du projet de loi 125 utilisent plus de dix
termes différents pour qualifier les soins. Il est question de soins
exigés et de soins non exigés par l'état de santé,
de soins inusités, de soins inutiles, de soins intolérables, de
soins d'hygiène, de soins urgents, de soins bénins, de soins
innovateurs, de soins expérimentaux, de soins présentant un
risque sérieux ou des effets graves et permanents. Sous prétexte
de raffinement, la même profusion se retrouve aux articles 75 à 83
traitant du domicile et de la résidence. Ainsi, on parle de domicile, de
résidence, de demeure affective, de dernier domicile connu, de
résidence habituelle, de résidence familiale, d'habitation, de
principal établissement, d'endroits où les principales
activités sont exercées et d'endroits où la personne se
trouve.
Les problèmes de rédaction au chapitre du droit des
personnes que nous venons de mention- ner sont également présents
en matière d'obligations, de responsabilités, de contrats
nommés. Ainsi, l'adoption de formulations un peu floue laisse beaucoup
de place à l'interprétation judiciaire et peuvent rendre
l'application d'une disposition fort arbitraire. La situation est
aggravée lorsque le législateur entend soumettre la violation
d'une règle imperative à des sanctions comme la nullité
d'un contrat ou les dommages-intérêts. Les conséquences
peuvent alors être fort graves. Des formulations qui emploient les termes
"notamment", par exemple les articles 36, 299, 1465, 1619 et 2854, et "entre
autres", par exemple aux articles 316 et 325, ajoutent beaucoup d'incertitude
et d'arbitraire à l'interprétation qui peut leur être
donnée. S'ajoutent des formulations lourdes. Cette lourdeur semble
parfois être le signe distinctrf de plusieurs parties du projet de loi,
et j'en donnerai des exemples, M. le Président, les articles 1392, 1457,
1547, 1558 et 1571 et de nombreux autres qui donnent le ton à tout le
projet.
Dans l'immense majorité des cas, les commentaires
déposés en mai dernier n'expliquent souvent pas le sens des
nouveaux concepts employés ou même la source
d'interprétation que l'on doit privilégier pour les concepts
anciens qui peuvent avoir plusieurs sens. Nous pouvons donner trois exemples,
il en existe évidemment de nombreux autres: le concept d'entreprise, le
concept d'intérêt général et celui d'abus de droit.
Le Code civil québécois utilisait jusqu'à maintenant le
concept de commerçant pour distinguer les opérations
privées des opérations conclues dans le but d'en tirer un profit;
plusieurs effets peuvent en découler, notamment en matière de
preuve, de solidarité, en matière d'assujettissement à des
règles dérogatoires ou imperatives comme celles qui concernent la
protection des consommateurs. Cette notion de commerçant
élaborée par notre jurisprudence depuis plus d'un siècle
écarte les professionnels et les artisans de son application. Le projet
de loi 125 remplace la notion de commerçant par la notion d'entreprise
et d'entrepreneur, notamment en ce qui concerne la définition du contrat
de consommation que l'on retrouve à l'article 1381 et dans de nombreuses
autres sections.
Quel est le sens de cette notion d'entreprise? Les professionnels
visés par le Code des professions seront-ils visés par les
règles qui concernent les contrats de consommation? Cette question est
évidemment fort importante. Rien dans le projet ou les commentaires
élaborés à son propos ne permet de le savoir. À ce
sujet, la doctrine risque, de son côté, de n'être que de peu
de secours puisque, me dit-on, seuls deux auteurs québécois ont
élaboré valablement sur la notion d'entreprise et ils ne
s'entendraient pas sur plusieurs questions reliées à ce concept.
Alors, quelle sera la portée de la notion d'entreprise? Nous aurons
évidemment à examiner cette question lors des travaux de notre
commission.
Un autre exemple réside dans la notion d'intérêt
général, surtout employée à l'article 1413 du
projet de loi, où il est dit: "La nullité d'un contrat est
absolue lorsque la condition de formation qu'elle sanctionne est essentielle ou
s'impose pour la protection de l'intérêt général. "
Le droit civil et la doctrine ont employé, jusqu'à maintenant, la
notion ancienne d'ordre public pour approcher ce type de situation. Les auteurs
et nos tribunaux après eux ont, depuis plusieurs années,
établi plusieurs types d'ordre public pour déterminer dans quels
cas les sanctions applicables sont de nullité relative ou de
nullité absolue. Le projet de loi entend maintenant utiliser dans
certains cas la notion d'intérêt général en lieu et
place de la notion d'ordre public en déclarant que la doctrine, à
propos de l'ordre public, explique clairement la portée de cette notion.
Nous avons remonté à la source et il nous paraît que ce
concept d'intérêt général n'est ni clarifié
par la doctrine ni par la jurisprudence. Le projet de loi 125 ne le
définit pas lui-même.
D'ailleurs, le projet pousse la confusion jusqu'à employer en
parallèle les notions d'ordre public, par exemple à l'article
1409, et d'intérêt public, par exemple à l'article 981. En
quoi l'intérêt général est-il différent de ce
que nous entendons depuis plus d'un siècle par l'ordre public? Nul ne le
sait. Le problème n'est pas mineur puisque la sanction du non-respect
d'une conduite qui irait à l'encontre d'une règle
d'intérêt général est la nullité absolue pure
et simple, c'est-à-dire une nullité qui ne peut être
ratifiée et qui peut être alléguée et plaidée
par toute personne Intéressée et non seulement par les parties
contractantes. Il nous semble que les conséquences juridiques d'une
telle situation puissent être considérables pour la
stabilité des contrats au Québec et c'est évidemment
là un autre concept qu'il nous faudra examiner lors des travaux de cette
sous-commission.
Un dernier exemple - il est tout aussi important que ceux que j'ai
fournis jusqu'à maintenant - est le concept d'abus de droit. Cette
notion d'abus de droit a fait l'objet, depuis plus de 20 ans au Québec,
d'une vaste controverse jurisprudentielle où certains de nos tribunaux y
ont vu un cas de responsabilité sans faute alors que d'autres,
maintenant majoritaires, n'y voient simplement qu'un des cas d'application de
la responsabilité pour faute que le projet de loi 125 reconnaît
aux articles 1453 et 1454. Plutôt que de s'en tenir à ce courant
en apparence définitif de notre jurisprudence sur l'abus de droit, le
projet de loi 125 relance tout le débat en proposant l'adoption de
l'article 7.
Je crois comprendre que nous aurons l'occasion d'examiner plus à
fond, entre légistes et juristes, cette disposition contenue à
l'article 7 puisqu'il n'est plus question ici de faute et la formulation de la
disposition semble insister plutôt sur le résultat de l'abus
plutôt que sur sa cause.
L'importance de la faute dans l'application de ce principe n'est plus
affirmée par l'article 7 et les commentaires déposés en
juin ne traitent pas de cette question pourtant cruciale Cette question nous
apparaît d'autant plus Importante que la notion non avouée de
responsabilité sans faute semble être réutilisée
dans la partie du projet de loi qui traite des troubles de voisinage, par
exemple, aux articles 975 du projet et suivants. Nous pensons que cette
ambiguïté conceptuelle doit absolument être clarifiée
en sous-commission puisqu'on risquerait autrement d'avoir inutilement
codifié nos règles de droit tout en relançant un
débat que nos tribunaux ont déjà mis 20 ans à
régler. Il apparaît que, si le ministre entend proposer l'adoption
d'un prlnclpo de responsabilité sans faute, II doive le dire clairement
et évidemment s'en expliquer.
Alors, d'autre part, mon second propos portait sur le manque de vision
d'ensemble et les contradictions qui nous apparaissent assez flagrantes entre
le discours d'équité et certaines nouvelles règles
socialement rétrogrades qui sont introduites ou qui, sous le couvert de
contrôle d'équité, peuvent provoquer soit une
démission de responsabilités face à des engagements
dûment contractés ou introduire une véritable
instabilité contractuelle. D'abord le ministre a déjà fait
grand cas de sa volonté légitime d'étendre les
contrôles d'équité à la plupart des contrats voulant
ainsi, nous dit-Il, protéger les petits contractants contre les abus de
pouvoir de ceux qui sont en position de force économique. C'est ainsi
que le ministre a fait grand cas de sa volonté d'étendre les
contrôles d'équité. Cette intention est fort louable si
elle n'était en contradiction avec le fait que, dans des domaines
où les contractants les plus faibles étaient jusqu'ici
protégés contre ces abus, le ministre se propose maintenant
d'abolir leurs droits. C'est ainsi que le projet de loi 125 propose de lier les
contractants non pas seulement aux clauses d'exonération ou de
limitation de responsabilités qu'ils ont dûment acceptées,
ce qui étaient pour l'essentiel l'état du droit existant, mais
égale ment aux avis, qu'ils soient affichés ou non, dont les
contractants pouvaient avoir connaissance, à l'article 1471, au moment
de la passation du contrat.
De même, le projet de loi propose que tout vendeur, même un
fabricant ou un vendeur spécialisé, puisse vendre sans aucune
garantie légale, même à l'égard d'un vice
caché qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer, à l'article 1724.
C'est là un recul radical à l'égard des droits
accordés par l'article 1527 de l'actuel Code civil.
Autre exemple flagrant, le projet de loi propose d'adopter une nouvelle
régie qui permettrait à tout fabricant d'échapper à
sa responsabilité à l'égard des dangers cachés que
peut présenter son produit en démontrant qu'il ne
pouvait pas connaître ce danger lors de la fabrication, modifiant
par là l'état du droit affirmé depuis 1979 par la Cour
suprême à l'effet que le fabricant est présumé, de
façon absolue, connaître les vices des produits qu'il fabrique.
Comment expliquer un tel renversement de fardeau sur les épaules des
consommateurs?
Il y a dans l'histoire du droit civil québécois peu
d'exemples pratiques d'abus aussi flagrants que les clauses
d'exonération de responsabilités, de vente sans garantie
légale et les transpositions des risques de produits sur les seules
épaules des utilisateurs d'un produit. Pourtant, le projet de loi 125
propose de donner force de loi et de revenir en arrière. Le
résultat net serait de faire perdre des protections légales qui
existent présentement. Il nous semble que ces trois propositions
particulières, je les reprends, les clauses d'exonération et de
limitations de responsabilités, la vente sans garantie légale et
la responsabilité du fabricant sont non seulement en contradiction
flagrante avec les objectifs généraux de justice contractuelle
mais abrogent des droits expressément reconnus par nos tribunaux depuis
de nombreuses années.
Nous aurons l'occasion de revenir sur ces importantes questions. Je ne
ferai pas lecture de l'argumentaire que nous avons développé sur
ces questions, sauf peut-être pour rappeler que nous retrouvions dans le
mémoire déposé au Conseil des ministres lors de la
présentation du projet de Code civil une explication sans doute en
regard de cette question de la responsabilité du fabricant, et je cite
ce mémoire. C'est signé par le ministre. Ce mémoire a
été déposé par le ministre de la Justice. "Je
considère, dit-il, cependant souhaitable de conserver la
possibilité pour le fabricant de s'exonérer si le vice de
sécurité ne pouvait pas être connu ou envisagé lors
de la mise en marché du bien. Empêcher cette exonération
introduirait à l'égard du fabricant un régime de
responsabilités strictes sans faute, en le tenant responsable de faits
qu'il ne pouvait pas connaître. Certes, cette dernière approche
serait favorable au consommateur mais elle pourrait nuire sérieusement
à l'entrepreneurship et au développement de nouveaux produits."
Nous pensons que le ministre ignore que cette approche favorable au
consommateur constitue l'état actuel de notre droit surtout depuis la
décision de la Cour suprême dans Kravltz et l'adoption de
l'article 53 de la Loi sur la protection du consommateur. Nous deviendrions une
terre propice au développement de nouveaux produits, avec tout ce que
cela comporte de risques pour les consommateurs. Les fabricants n'auraient
qu'à démontrer qu'ils ne pouvaient connaître les risques de
ces nouveaux produits au moment où ils les ont fabriqués. On
comprend tout de suite que les entreprises qui se livreront à de telles
initiatives ne seront pas incitées, de par la nature du régime
juridique qui leur sera applicable, à faire des recherches approfondies,
éclairées sur les risques de ces mêmes produits avant de
les lancer dans le public. Ce sont les usagers qui risquent donc d'assumer ces
risques. (17 h 15)
D'autre part, évidemment, il faut comprendre que le nouveau
régime s'appliquerait, bien sûr, à tous les fabricants,
même à ceux qui auront fabriqué ces produits à
l'étranger. Il se pourrait évidemment que nous puissions devenir
une terre privilégiée non pas de fabrication mais
d'expérimentation pour des produits fabriqués ailleurs. Ce n'est
sans doute pas ce que le ministre souhaite et je n'ai pas de doute, quant
à moi, que la compensation des victimes québécoises de la
thalidomide - somnifère prescrit par ordonnance à des femmes
enceintes, ayant causé, de façon imprévue, des
malformations chez les embryons - aurait été rendue pratiquement
impossible avec le type de mesure qui nous est proposé pour stimuler
l'entrepreneurship au Québec. C'est, bien sûr, clairement
inacceptable en ce qui concerne la responsabilité des fabricants.
Alors, M. le Président, j'aurai l'occasion de déposer, sur
cette question de la réduction de la responsabilité des
fabricants, sur, évidemment, l'importante question de
l'édulcoration de la notion de force majeure et celle relative à
la modification de la faute lourde et les clauses d'exclusion ou de limitation
de responsabilités les notes que j'ai préparées. Et je
voudrais, évidemment, aborder le troisième aspect que je
signalais tantôt, soit celui du manque d'interrelation entre les
différentes parties du projet de loi 125.
Le Président (M. LeSage): Certainement, madame, en vous
rappelant que vous avez maintenant 29 minutes d'écoulées.
Mme Harel: Est-ce que vous me le rappelez pour m'indiquer que je
dois terminer dans quelques minutes, là? Quel est le...
Le Président (M. LeSage): Bien, on avait...
Évidemment, il y a une certaine souplesse dans tout ça,
là. C'est parce que M. le ministre avait pris 33 minutes et on essaie de
partager le temps.
Mme Harel: Alors, comme on a, de toute façon,
déjà convenu que le tout pourrait être déposé
et considéré dans le Journal des débats, je
voudrais peut-être terminer en reprenant certaines questions que nous
aurons d'ailleurs à examiner dès le début de
l'étude article par article de nos travaux.
M. Rémillard: M. le Président, si vous me le
permettez, je peux dire à Mme la députée, si elle veut
continuer, que nous, on prend bonne note de tout ce qu'elle nous dit et tout
ça va nous aider ensuite. On va étudier ça, on va
revoir
tout ça. Alors tout ce que vous nous dites... Mme Harel:
Ça va?
M. Rémillard: ...ce n'est pas du temps perdu. Ça
va... Disons que tous vos commentaires qui seront précisés,
probablement, par après... Mais ici on va tout reprendre ça, on
va prendre tous vos commentaires, on va tout étudier ça. Alors,
je pense que pour nous c'est intéressant de vous entendre.
Le Président (M. LeSage): Je vous remercie, M. le
ministre. Alors, s'il y a consentement, madame, on vous écoute.
Mme Harel: Est-ce que, à ce moment-là, je peux
poursuivre sans... Bon.
Le Président (M. LeSage): C'est ça.
M. Rémillard: Comme vous voulez. Si vous aimez mieux
déposer, vous pouvez déposer aussi. Mais, si vous voulez
poursuivre, je n'ai aucun problème.
Mme Harel: Bon. Bien alors, je poursuis, si vous me le
permettez.
Sur cette question de la réduction de la responsabilité
des fabricants, la réforme proposée par le projet aux articles
1464, 1465 et 1469 est évidemment très importante et surtout
lourde de conséquences et va certainement exiger toute notre attention.
À cet égard, la jurisprudence a, jusqu'ici, unifié les
concepts de responsabilité civile des fabricants et des vendeurs autour
de la notion bien connue de vice caché qui peut s'appliquer tout autant
à la compensation des dommages matériels, à la perte
d'usage et de valeur du bien défectueux qu'aux dommages corporels qui
peuvent en résulter. Face à cette unicité, le projet de
loi propose un dédoublement des concepts applicables et des fondements
de la responsabilité. La notion de défaut de
sécurité serait le concept applicable en matière de
responsabilité extracontractuelle et la notion de vice caché
resterait applicable en matière de responsabilité contractuelle,
notamment en matière de vente. Le contenu de ces deux notions et surtout
les conditions de leur application sont différents. L'effet net de cette
distinction proposée serait de confiner la réparation des
dommages corporels au concept de défaut de sécurité,
d'obliger l'application du concept de vice caché dans les cas de
dommages matériels causés au co-contractant ou à
l'acquéreur subséquent mais pas au cas des tiers qui, eux, ne
pourraient réclamer la compensation de leurs dommages matériels
qu'en vertu du concept de défaut de sécurité, puisqu'ils
ne seront visés par aucun contrat, et de faire dépendre la perte
de valeur et d'usage du bien vendu uniquement de la notion de vice
caché. On se retrouve encore ici avec le projet de loi devant de
nouvelles cllstinc tlons et de nouvelles difficultés pratiques, dont on
se demande à nouveau en quoi elles peuvent améliorer le droit
existant.
Ce qui frappe à la lecture de l'article 1465, qui définit
le nouveau concept de défaut de sécurité, c'est que
l'essentiel de son contenu ost visé par les actuelles notions de vice
cacha oi d'obligation d'informer. Et évidemment la ques tion
incontournable, ce serait de savoir pourquoi dédoubler les bases
conceptuelles applicables. J'en ai parlé, la décision rendue par
la Cour suprême dans l'affaire Kravitz perdrait une partie importante de
ses effets avec l'adoption du projet de loi puisqu'elle ne pourrait s'appliquer
aux cas do dommages corporels de l'acheteur ou même de l'acquéreur
subséquent en raison du dernier membre de l'article 1454 qui limite la
compensa tion des dommages corporels aux seules règles de la
responsabilité extracontractuelle.
Deuxième constatation, la responsabilité imposée
par le projet aux fabricants, distribu teurs, fournisseurs, grossistes ou
détaillants du bien en ce qui a trait aux défauts de
sécurité est en apparence, du moins, une présomption do
responsabilité. C'est la première conclusion que l'on peut tirer
à la lecture du premier alinéa de l'article 1464 qui
déclare que le fabricant est tenu de réparer le préjudice
causé à autrui par le défaut de sécurité du
bien et, au deuxième alinéa, qu'il en est de même pour les
vendeurs spécialisés. La présomption de
responsabilité, souvent confondue avec la responsabilité stricte,
permettrait, s'il s'agissait véritablement de cela, de tenir ces
personnes responsables pour les défauts de sécurité du
bien dans tous les cas autres que le cas de force majeure, de faute de la
victime et de faute d'un tiers. Il s'agirait là d'une solution
avantageuse pour les victimes de ces produits mais on est bien obligés
de cons tater que tel n'est pas le cas, puisque le deuxième
alinéa de l'article 1469 permet à ses défendeurs de
s'exonérer en démontrant qu'ils ne pouvaient connaître le
défaut de sécurité de leur bien compte tenu de
l'état des connaissances au moment où ils l'ont fabriqué,
distribué ou fourni Ce sera dans ce cas a la victime d'assumer seule les
risques des incertitudes de la science et dans certains cas des innovations
technologiques Nous ne sommes pas ici en présence d'une
présomption de responsabilité et surtout pas en présence
d'un cas de responsabilité stricte, mais seulement devant une
présomption de connaissan ces qui pourra facilement être
renversée surtout par les vendeurs spécialisés et les
distributeurs du bien. Pour ce qui est du fabricant, on détruit ainsi
tout le bénéfice de la décision de la Cour suprême
rendue dans l'arrêt Kravitz qui a tenu le fabricant à une
présomption non renversable de connaissance du vice. La solution
proposée - je l'ai rappelé - constitue un net retour en
arrière et nous ramène même plus loin à certains
égards que là où nous en étions avant la
décision
rendue par la Cour suprême. II y a déjà 70 ans.
Alors, évidemment, nous ne pouvons qu'être
désemparés devant les effets possibles de cette nouvelle
politique dans le secteur de la fabrication des médicaments, des
biotechnologies, des produits chimiques forts complexes que nous produisons de
plus en plus dans notre société industrialisée. La victime
innocente de ces produits n'est-elle pas plus digne de protection que les
fabricants qui en retirent un profit? Au mieux, la solution qui est
proposée engagera les victimes dans des frais judiciaires et
d'expertises supplémentaires qui s'ajouteront à ceux que nous
connaissons déjà, et ils sont pourtant considérables, dans
ce type de litige pour tenter de démontrer que les risques
concernés pouvaient raisonnablement être reconnus, alors que le
fabricant peut démontrer qu'il ne les connaissait pas. Il faut
évidemment de toute évidence faire marche arrière en ce
qui concerne le concept de défaut de sécurité qui est
proposé.
Un dernier aspect sur cette question, en signalant qu'on semble faire
grand cas de la directive du 25 juillet 1985 de la Communauté
européenne relative à la responsabilité des fabricants et
on semble penser adopter une solution identique à ce qui est
proposé. Et à cet égard, on prétend imiter au
Québec ce qui a trait dans la directive à l'exonération de
responsabilité des fabricants dans les cas de dommages liés
à l'état des connaissances et au risque des innovations
technologiques. Il est peut-être utile de répéter ici qu'il
serait hasardeux de balayer le droit existant au Québec pour copier la
directive européenne alors que cette directive n'a, dans les 12 pays de
la Communauté économique européenne, qu'un
caractère supplétif par rapport à leur droit commun qui
reconnaît, pour la grande majorité d'entre eux, le principe de la
présomption de connaissance absolue ou celui de la responsabilité
stricte des fabricants. Il n'y a donc pas de raison pour modifier chez nous un
droit civil qui se rapproche dans les faits du droit interne de la plupart des
pays européens.
Sur la question des clauses d'exclusion ou de limitation des
responsabilités, le projet de loi 125 permet d'exclure ou de limiter sa
responsabilité dans le cas des obligations contractuelles et seulement
pour le préjudice matériel, à l'article 1471. Nos
tribunaux ont pourtant exigé lusqu'ici très majoritairement que
de tels avis prévus à 1471 soient portés à la
connaissance du contractant pour qu'on puisse les lui opposer. Comment
comprendre qu'on nous propose maintenant de lier le créancier de
l'obligation non pas à un avis qui a été accepté et
connu mais à un avis qui pouvait l'être? On nous propose de
permettre par ce moyen non seulement la limitation de responsabilité
mais l'exonération pure et simple. Et il ne faudrait pas se laisser
impressionner par une jurisprudence minoritaire qui permet, dans le cas d'un
usage répété d'un service de stationnement par exemple
où se trouve une affiche bien en vue, de conclure à une
acceptation tacite de la part de ce type d'utilisateur. Cette jurisprudence est
peut-être utile dans certains cas limités mais l'ériger en
principe général marque certainement un net recul par rapport
à une longue évolution juris-prudentielle. Le fait de limiter
l'exercice de ces avis aux cas de dommages matériels seulement ne
règle qu'une partie du problème. Comment, en outre, comprendre
que les auteurs du projet en viennent à proposer de donner pleine valeur
juridique à des avis d'exclusion ou de limitation de
responsabilités dans des cas où le créancier de
l'obligation ne les connaît pas et ne les a pas acceptés mais
pouvait en avoir connaissance en même temps qu'il est proposé
d'accorder aux tribunaux de larges pouvoirs sur les clauses dites abusives? Ne
tombe-t-il pas sous le sens que la clause abusive par excellence est celle
où on peut s'exonérer complètement de ses obligations par
suite d'un avis qui n'a pas été connu ou accepté par le
cocontractant mais qui pouvait l'être? Il faudra évidemment faire
préciser cette formulation en commission parlementaire.
Quelques mots, M. le Président, sur la question de l'interdiction
de l'option. Le deuxième alinéa de l'article 1454 du projet de
loi interdit d'opter en faveur du régime extracontractuel de
responsabilité lorsqu'un dommage matériel ou moral a
été causé par suite d'un manquement à une
obligation contractuelle. Le litige ne sera réglé, dans ces cas,
qu'en vertu des règles contractuelles. L'option sera également
interdite dans les cas où le dommage causé sera de nature
corporelle. Dans ce dernier cas, toutefois, ce n'est pas le régime de
responsabilité contractuelle qui s'appliquera, même lorsque le
dommage corporel a été causé dans le cadre de la mauvaise
exécution d'un contrat, mais le seul régime de
responsabilité extracontractuelle. Le projet opère donc un double
choix. Il met de côté tout le courant récent des
décisions de la Cour suprême qui s'est prononcée d'une
manière favorable à l'option et il complique, nous
apparaît-il, immédiatement après, la simplicité du
résultat logique qui s'ensuit en dédoublant les fondements de
responsabilité. La réparation des dommages matériels et
moraux résultant du contrat sera confinée aux seules
règles contractuelles alors que la réparation de tous les
dommages corporels sera régie par les seules règles
extracontractuelles. Les effets de ces choix et distinctions seront, comme nous
le verrons ici, très importants pour le droit civil
québécois. (17 h 30)
Évidemment, la première question à se poser c'est
pourquoi modifier ce qu'une longue évolution jurisprudentielle a
établi en matière d'option des régimes de
responsabilité contractuelle et délictuelle. L'expérience
des 30 dernières années a bien démontré que cette
possibilité de recourir aux règles du régime
délictuel, même lorsque les parties ont passé entre elles
un contrat valable
qui trouve application, offre des gages de souplesse et de respect des
règles d'ordre public. Ce qui apparaissait comme un problème
doctrinal sérieux, à savoir la prééminence
théorique du contrat sur l'ordre public délictuel, n'a pas
empêché les tribunaux d'opter sur le terrain pour des solutions
simples et logiques. Il faut bien voir ici que ce que la Cour suprême a
décidé à au moins trois reprises dans un passé
récent, ce n'est pas que le manquement à un devoir contractuel
constitue automatiquement une faute à caractère délictuel
qui rendrait applicables les règles de ce régime, mais bien que
le fait d'avoir passé un contrat avec le débiteur de l'obligation
n'empêche pas le créancier de démontrer que ce dernier a,
par ailleurs et en vertu des règles propres à la
responsabilité délictuelle, manqué à ses devoirs
élémentaires de prudence. On voit mal pourquoi le projet de loi
viendrait compliquer à nouveau ce que la pratique du droit a rendu
simple et clair.
Mais admettons que nous introduisions cette question et que nous options
pour l'une ou l'autre solution. Le résultat qui consiste à
refuser l'option pourrait au moins avoir lui aussi le mérite
d'être relativement simple. On appliquerait le contrat et seulement le
contrat lorsque les dommages causés l'ont été à
l'occasion de sa mauvaise exécution et, dans les autres cas, on
appliquerait les règles de la responsabilité extracontractuelle,
mais le projet de loi ne fait rien de tout cela. Il nous lance dans une
distinction entre dommages matériels et moraux, d'une part, et dommages
corporels, d'autre part, ce qui aura de nombreuses et difficiles
répercussions pratiques. Il n'échappe à personne qu'un
même accident ou fait dommageable peut causer à la fois des
dommages corporels et matériels. Si la solution adoptée par le
projet de loi est maintenue, quel tribunal aura juridiction pour entendre
l'affaire? Celui du lieu de passation du contrat pour l'attribution des
dommages matériels ou celui où le dommage corporel a
été causé? On voit mal comment deux tribunaux
différents pourraient se saisir l'un du dommage matériel et
l'autre du dommage corporel. Ce problème peut être
réglé sans trop de mal par des précisions apportées
au Code de procédure civile mais d'autres questions soulevées par
cette distinction seront beaucoup plus difficiles à régler. C'est
ainsi qu'il pourrait être fréquent que les débiteurs d'une
obligation contractuelle ayant causé des dommages matériels dans
le cadre de l'exécution d'une entreprise soient jugés non
solidaires entre eux par suite de l'application de l'article 1521 du projet de
loi, alors que les mêmes débiteurs responsables du même acte
dommageable pourraient être jugés, cette fois, solidaires en ce
qui a trait à la réparation des dommages corporels par suite,
cette fois, de l'application de l'article 1522 du projet de loi.
De même, les dommages matériels pourraient soulever ta
question de leur prévisibilité en vertu de l'article 1611 du
projet, alors que le problème ne se posera pas en ce qui a trait
à la compensation des dommages corporels qui sont, eux. tous
réclamables, prévisibles ou non. On note également que la
mise en demeure sera, règle générale, de rigueur en ce qui
a trait aux dommages matériels causés lors de l'exécution
d'un contrat mais qu'elle ne sera pas nécessaire dans les cas de
dommages corporels causés par le même contrat. Un même acte
dommageable va donc entraîner toute une série de
conséquences pratiques différentes et souvent opposées
selon que le dommage causé sera matériel ou corporel.
L'objectif premier de cette distinction de régimes entre la
réparation des dommages matériels et les dommages corporels
semble être de permettre au débiteur de l'obligation d'exclure ou
de limiter sa responsabilité dans le cas de dommages matériels
alors qu'il ne pourrait aucunement exclure ou limiter sa responsabilité
pour le préjudice corporel ou moral causé à autrui selon
l'article 1470 du projet de loi. En apparence, on semble vouloir faciliter la
compensation du préjudice corporel alors que la réparation du
préjudice matériel pourra, lorsqu'on est en présence d'un
contrat, dépendre davantage de la volonté des parties et des
principes de la liberté contractuelle. Cette impression pourrait
s'avérer, elle aussi, Illusoire. Il est loin d'être évident
que l'on facilitera avec le nouveau Code la compensation du préjudice
corporel par rapport au préjudice matériel. Le fait de soumettre
la compensation du préjudice corporel à la responsabilité
extracontractuelle obligera le créancier à faire la preuve dans
la plupart des cas de la faute de son débiteur en vertu de l'article
1453 du projet de loi, alors que le fardeau de la preuve de ce même
créancier sera bien davantage allégé en matière de
dommages matériels, s'il bénéficie par ailleurs d'une
obligation contractuelle de résultat.
Ce qui nous échappe par-dessus tout, hors toutes ces
considérations, c'est la raison d'être de cette distinction entre
la réparation du dommage matériel et la compensation du dommage
corporel. Les problèmes pratiques causés par ce choix
législatif seront nombreux et fort ardus. Pour quelles raisons nous
lancer dans cette voie? Quels problèmes juridiques, quels
problèmes sociaux veut-on régler avec une intervention de la
sorte? Pourquoi tant de complexité? Se rend-on compte que ces
règles feront en sorte, dans certains cas, que l'on traitera la victime
d'un dommage matériel do façon moins favorable si elle a
passé un contrat avec l'auteur du dommage que si elle n'en a
passé aucun? Ces questions restent entières et nous aurons
évidemment à les examiner très sérieusement lors
des travaux de cette présente commission. Et ce n'est pas tout, M. le
Président, je crois que nous aurons l'occasion d'en reparler. Je
bénéficie d'un sursis, là, que le ministre m'a offert
à l'ouverture de ces travaux
mais, comme je le disais, je ne voudrais pas en abuser. Alors, j'entends
déposer l'ensemble de tous ces textes qui vont préciser l'objet
de ce qui nous préoccupe présentement.
M. le Président, je voudrais cependant aborder la question des
priorités et des hypothèques, avant de compléter, et
j'aimerais revenir brièvement également à certaines
questions des premiers livres que nous aurons à traiter.
Alors, en matière de priorités et dhypothè-ques, il
semble qu'il y a des corrections très importantes à introduire de
façon à remédier à certaines incohérences
parfois fâcheuses dans le livre dédié aux priorités
et aux hypothèques. Il nous semble, de façon
générale, que les nouvelles dispositions du projet facilitent
l'obtention du crédit pour un débiteur tout en rendant plus
difficile l'exercice du recours au créancier - nous pensons
évidemment, entre autres, à la dation en paiement - où,
est-il à craindre, les créanciers chercheront et trouveront dans
la fiducie établie à titre onéreux un moyen qui pourrait
être à la fois commode et expéditif de contourner la
nouvelle réglementation envisagée par le projet de loi qui, on le
sait, rend la réalisation de la sûreté beaucoup plus
compliquée. Donc, la fiducie établie à titre
onéreux pourrait devenir la sûreté par excellence capable
de couvrir et d'englober, même pour le simple particulier, par opposition
à la personne qui exploite une entreprise, des situations comparables
à celle d'une hypothèque sur une universalité de biens
présents et à venir. Nous avons eu l'occasion de faire
connaître cette préoccupation aux légistes du
ministère quant aux effets pervers, d'une certaine façon, qui
pourraient en résulter.
Le projet maintient sous forme de priorités, à l'article
2637, certains privilèges qui sont déguisés, en fait, en
priorités sans qu'il ne soit nécessaire de les publier, comme les
frais de justice, les dépenses faites dans l'intérêt
commun, les créances de ceux qui ont un droit de rétention, les
créances de l'État pour sommes dues en vertu des lois fiscales et
les créances des municipalités et commissions scolaires pour les
impôts fonciers. La raison d'être de telles priorités
demeure discutable à moins d'invoquer le bien-être
supérieur de certaines personnes, notamment l'État. Et le projet
de loi conserve, sous forme d'hypothèques légales, des
privilèges connus du droit actuel comme ceux de la couronne, ceux du
vendeur impayé et ceux des administrateurs d'une
copropriété. Il s'agit là à nouveau d'une tentative
de conservation de privilèges dont on avait pourtant annoncé la
disparition. Nous souhaitons examiner très attentivement cette question
et, évidemment, celle de l'instauration d'un régime de
sûretés identique en matières mobilière et
Immobilière basé sur l'hypothèque.
Considérant les déplacements habituels auxquels sont
assujettis les biens meubles et compte tenu des limites et imperfections du
régime de publication des droits réels mobiliers, il est facile
de reconnaître que l'hypothèque mobilière offrira une
garantie inférieure à celle procurée par
l'hypothèque immobilière et il nous semble qu'il y ait lieu de
réviser les choix qui sont déjà faits. Nous
présenterons un amendement à l'effet de limiter
l'hypothèque mobilière aux meubles qui sont aujourd'hui
susceptibles de gage, de nantissements commercial et agricole, d'une cession en
stock, ainsi que ceux assujettis à une forme
généralisée d'enregistrement, par exemple les
véhicules automobiles, en pensant qu'avec le temps le champ de ces
derniers biens pourrait être élargi.
Quelques mots sur une question absolument vitale, centrale, fondamentale
et primordiale qui est celle de la publicité des droits. Le projet de
loi 125 opère une modification en profondeur des règles de
l'enregistrement connues à ce jour. Il propose de passer d'un
système d'enregistrement des actes ou documents à un
système d'enregistrement des droits spécifiquement
identifiés lors de la réquisition de leur inscription. En soi, la
chose paraît louable quoique les difficultés soulevées par
son implantation soient énormes. La première difficulté,
d'ordre matériel, implique l'informatisation de tous les bureaux
d'enregistrement du Québec, ce qui paraît peu probable dans les
délais envisagés pour la mise en vigueur du nouveau Code, si l'on
tient compte des coûts qui s'y rattachent. La deuxième
difficulté a trait à l'implantation d'un cadastre juridique
plutôt qu'un cadastre simplement géographique. Une telle
implantation fait primer la décision d'un expert,
l'arpenteur-géomètre, sur celle exprimée par les parties
dans un acte. Qui plus est, le processus d'implantation risque d'être
long tellement il y a de lots et de parties de lots au Québec à
soumettre à la rénovation cadastrale. La troisième
difficulté touche au report des droits sur tout lot immatriculé,
report qui s'effectue par voie de rapport d'actualisation dressé par un
notaire. Comme tout lot nouvellement immatriculé oblige au report des
droits et comme les rapports sont d'une confection délicate en raison du
sérieux des études exigées en chaque cas, il est à
prévoir que la mise en vigueur des dispositions concernant la
publicité des droits doive être décalée dans le
temps par rapport aux autres dispositions. Il est évidemment à
prévoir que les justiciables aient à subir des lenteurs
importantes une fois l'application effective des nouvelles règles.
Je termine, M. le Président, en faisant valoir notre satisfaction
quant à certains amendements qui sont intervenus ou qui interviendront
aux livres I et II, notamment pour préciser à l'article 193,
alinéa 2, que le tuteur intervient pour protéger
l'intérêt patrimonial de l'enfant conçu mais non encore
né. J'avais fait état en juin dernier de mon inquiétude
quant à l'interprétation qui pouvait être donnée au
deuxième
alinéa de l'article 193. Ma préoccupation rejoignait
d'ailleurs celle exprimée par plusieurs groupes dont le Conseil du
statut de la femme. Il était impérieux que l'état actuel
du droit soit confirmé en ce qui a trait à l'enfant conçu
mais non encore né. C'est ce que le ministre entend faire par cet
amendement qu'il nous annoncé.
D'autre part, nous constatons avec beaucoup de satisfaction que le
ministre entend présenter un amendement de façon à ce que
le conjoint qui a consenti à la procuration médicalement
assistée et qui, par la suite, ne reconnaît pas l'enfant engage sa
responsabilité vis-à-vis ce dernier et vis-à-vis sa
mère. C'étaient là des représentations que j'avais
faites au moment de l'examen en deuxième lecture.
Alors, M. le Président, sans doute à l'ouverture de ces
travaux, devons-nous convenir que non seulement nous avons une
responsabilité de choisir clairement les voies dans lesquelles nous
entendons nous engager lorsqu'il y a des changements majeurs qui sont
introduits dans le Code, mais nous avons aussi une responsabilité
à l'égard de la rédaction même du Code civil, de la
formulation même des diverses dispositions. Nous ne pouvons nous
soustraire à cette obligation d'en faire un examen attentif et
judicieux. Je répète que, même si nous nous enlevons des
épaules ce fardeau de travailler pour la postérité,
même si nous nous traçons comme ligne d'horizon celle de
travailler pour la société d'aujourd'hui, nous avons envers nos
concitoyens une responsabilité à cet égard. Je vous
remercie. (17 h 45)
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, Mme la
députée, de ces remarques exceptionnellement longues qui sont, je
pense, parallèles avec le projet de loi et je remercie tous les membres
de leur consentement. Je pense que ces déclarations d'ouverture sont
importantes pour nous mieux guider au travers les débats qui nous
attendent et aussi peut-être accélérer l'adoption des
articles par la suite en précisant ici les voies qu'on compte prendre.
Je pense que M. le député de Westmount a souligné qu'il
aimerait faire des déclarations d'ouverture aussi. M. le
député de Westmount.
M. Holden: Le ministre voulait dire un mot...
M. Gil Rémillard (réplique)
M. Rémillard: Non. Tout simplement, peut-être, si
vous me permettez, M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): Certainement, M. le
ministre.
M. Rémillard:... si le député de Westmount
me le permet, très rapidement. Évidemment, je ne répondrai
pas point par point au discours de la députée de
Hochelaga-Maisonneuve qui nous a présenté des remarques
très complètes. On a pris bonne note de ces remarques-là,
certaines qu'on connaissait, d'autres qui arrivent et dont on prend bonne note,
qu'on va regarder attentive ment; je veux l'en assurer. Elle a souligné
des amendements que nous avons déjà annoncés et entre
autres, elle a souligné certains points au sujet desquels j'ai
déjà annoncé des amendements. Entre autres, en ce qui
regarde la responsabilité du fabricant, j'ai dit, M. le
Président, dans mes notes tout à l'heure que nous revoyons cette
question. Dans cette question, comme dans toutes les autres questions que nous
avons étudiées, pour ma part, ce que je recherche, et je pense
que c'est ce que nous recherchons tous, c'est un juste équilibre. La
règle de l'équité pour moi, c'est un juste
équilibre des forces qui sont en relation dans notre
société en ce qui regarde les rapports privés sous le
règne juridique du Code civil. Et ce que ça signifie pour moi,
c'est que, d'une part, vous avez des fabricants, d'autre part, vous avez des
consommateurs; il ne faut pas pénaliser le consommateur qui est
très souvent démuni devant une telle situation où il a
à subir finalement des conséquences par rapport à un
produit qui tout à coup devient néfaste pour sa santé, par
exemple.
Maintenant, II ne faut pas non plus perdre de vue que les
commerçants ne sont pas seulement des grands commerçants, des
grandes multinationales, mais il y a beaucoup de petits commerçants, de
fabricants qui vont fabriquer, par exemple, des produits qui sont susceptibles
éventuellement... On ne sait pas comment Ies choses évoluent, la
technique, comment elle évolue, mais, dans 10 ans, 15 ans ou 20 ans
après, tout d'un coup on découvre que c'est
cancérigène ou je ne sais trop quoi. Alors, ce qu'on recherche,
c'est un juste équilibre et j'ai demandé qu'on se repenche sur
cette question, qu'on la revoie et que je revienne devant cette commission avec
le fruit de cette réflexion.
En ce qui regarde l'Institut de réforme du droit, donc cet
organisme qui va nous permettre d'adapter régulièrement
l'évolution du Code civil à notre société,
j'entends mettre la dernière main à un mémoire à ce
sujet-là dans les prochains jours et faire les démarches
administratives qui s'imposent, mais on peut considérer que, pour ma
part, cet institut sera créé, parce que nous sommes tous
conscients qu'on ne doit plus recommencer une deuxième fois tout ce
processus aussi long, aussi difficile pour quo notre société
puisse se prévaloir d'un système juridique adapté à
son évolution.
Quelques mots aussi, M. le Président, que je voudrais dire sur la
déjudiciarisation. Je me permettrais de dire que je suis un tenant de la
déjudiciarisation; depuis que je suis ministre de la Justice que |e
m'efforce de développer tous les mécanismes qui peuvent faire en
sorte quo le citoyen ait une accessibilité plus grande à la
justice, et la déjudiciarisation est certainement
un aspect important de cette accessibilité à la justice.
Cependant, M. le Président, il faut bien faire attention et je voudrais
mettre en garde tous les participants à cette commission contre une
exagération de la signification de ce terme. Nous avons des tribunaux,
et ces tribunaux font partie de notre système démocratique. Les
tribunaux présidés par un juge, avec tout le formalisme que
ça entraîne, représentent une garantie du respect de notre
démocratie et, par conséquent, il faut être bien conscient
qu'on doit prendre en considération cette institution, donc, judiciaire
qui fait partie de notre démocratie lorsqu'on a à étudier
un problème qui met en cause les droits et les libertés en
particulier, que ce soit, comme je l'ai mentionné dans mes notes, en ce
qui regarde, par exemple, les enfants, le droit des enfants lorsqu'il y a
séparation dans un couple, ou en ce qui regarde aussi les personnes qui
sont plus démunies et qui ont besoin du tribunal pour recevoir une juste
représentation en fonction d'une décision qui doit être
prise par une personne extérieure qui, dans ce cas-là, doit
être membre du système judiciaire. Cependant, M. le
Président, il est évident qu'on peut faire des efforts
considérables pour déjudiciariser et rendre encore la justice
plus accessible.
Donc, en conclusion, M. le Président, ce que je peux vous dire
c'est que nous avons pris bonne note des remarques de Mme la
députée, que. d'une façon générale, ses
propos sont accueillis ici avec beaucoup d'intérêt, excepté
lorsqu'elle dit que nous manquons de vision que nous avons moins
d'intérêt sur ces aspects mais, en ce qui regarde les commentaires
pratiques que nous connaissions déjà par les articles de M. Masse
et que nous voyons dans la bouche maintenant de Mme la députée,
nous les accueillons avec beaucoup d'intérêt et nous en ferons une
analyse approfondie pour pouvoir revenir et discuter tous ces points qui ont
été soulevés.
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre.
M. le député de Westmount.
M. Richard B. Holden
M. Holden: Merci, M. le Président. Je vois que nous sommes
rendus à la dernière étape de ce long voyage de
réforme du Code civil. J'avais un an de pratique du droit quand M.
Duplessis a nommé le juge, parce que M. Duplessis était et
premier ministre et ministre de la Justice, et il a...
Une voix:...
M. Holden: Eh oui! Un ciel bleu. Et il a nommé le juge
Rinfret pour présider ou commencer la réforme, et ensuite il y
avait le professeur Crépeau Je crois qu'en remerciant tout le monde qui
a travaillé si longuement à cette réforme on devrait se
souvenir de ceux qui ont travaillé depuis ces 32 ou 33
années.
Vous savez, M. le Président, que ce projet de loi va remplacer
une loi adoptée en 1865 par la Législature de la province du
Bas-Canada intitulée l'Acte concernant le Code civil du Bas Canada. Pour
ceux et celles qui se demandent quand le Québec a été
officiellement reconnu comme société distincte, ce serait
peut-être la bonne date. Plus que toute autre loi
québécoise, M. le Président, plus que la Charte des droits
même, plus que le Code du travail, plus que la réforme de la
santé et même la charte des langues, le Code civil est à la
base de notre société et de notre système de droit. Parmi
ceux qui ont travaillé, les codificateurs des années 1857
à 1865, il y avait... Je me souviens d'avoir étudié les
rapports des codificateurs. Il y avait d'éminents juristes anglophones
tels que l'honorable juge Charles Day et les avocats Thomas McCord et Thomas
Ramsay. Mon fils, qui est aussi avocat, m'a fait remarquer que cette
réforme du Code et cette étude détaillée, c'est
probablement la législation la plus importante que j'aurai
étudiée pendant mon séjour à l'Assemblée
nationale. Et je suis entièrement d'accord avec lui et c'est pour
ça que je remercie encore une fois les deux majorités d'avoir
accepté que je siège à cette sous-commission.
Notre tradition civiliste n'est pas limitée aux juristes
francophones. Je dois signaler qu'au cours des années, parmi les
théoriciens québécois sur le Code civil, il y a eu des
avocats anglais et juifs qui ont contribué énormément au
développement et au progrès dans l'interprétation et la
compréhension du Code. Je pense notamment à l'honorable Car)
Goldenberg et l'honorable juge en chef George Challies, qui ont tous les deux
écrit des oeuvres sur certains aspects du Code, oeuvres citées
maintes fois devant nos tribunaux. Tout ça, M. le Président et M.
le ministre, pour souligner l'importance du Code civil chez les
anglo-Québécois.
Je note en feuilletant les commentaires du Barreau qu'il est
occasionnellement question du texte anglais du projet, soit que l'anglais
diffère du texte français ou qu'on se sert de mots qui n'existent
pas en langue anglaise. Sans vouloir miner le travail de ceux qui ont traduit
ou rédigé la version anglaise, j'espère que j'aurai
l'opportunité de travailler avec eux pour assurer une concordance
absolue et convaincante entre les deux.
Lors du récent congrès du Barreau du Québec, j'ai
écouté avec grand intérêt les commentaires de Me
Chamberland, le sous-ministre qui était avec nous tout à l'heure,
au sujet de la philosophie juridique contenue dans le projet de loi que nous
allons étudier. Et ce que je dégage de ces commentaires, c'est
que le législateur, le gouvernement et tous ceux qui ont
travaillé avaient à l'esprit certains principes de base.
D'ailleurs, le sous-ministre en a mentionné plusieurs.
First, he mentioned technological change. These were matters that were
never dreamed of by the original codifiers and I am glad to see that a lot of
computer proving... the whole idea of the computer and there is a lot of
technological change which is reflected In the new Code. I am very happy with
that. The integration of traditional legal thinking and the new concept of
charters of rights and freedoms, I am glad to see that integrated in the new
system that we have in front of us. The expansion of the notion of legal
persons, the "personne morale", I am very impressed with the expansion of that
notion and I guess we will have a lot of time to study that during our
hearings.
I also like the more equitable approach to the delicts and contracts.
That is an area where maybe my own experience may be of some assistance. I must
say that the Member for Hochelaga-Maisonneuve certainly proved to us the worth
of her experts because, even in the introductory comments, I also noticed some
of the texts that I have heard from some of her experts. We will have a lot of
time to discuss those matters here.
I also like the idea of bringing Québec law into harmony with
other jurisdictions in Canada and elsewhere. The jurisprudential trends which
are reflected in the new Code, I felt, were rather well done. The Member for
Hochelaga-Maisonneuve says that you have turned counter, you have turned the
clock back on some of the jurisprudence but I thought a lot of it was
accurately reflected in the Code on such matters as real property decisions,
estate decisions, and the product liability question which will be brought up
again and which you are going to amend. The corporate veil and the
jurisprudence are reflected in your new Code, which I like. I also like the
idea of returning into the Code certain of the private law aspects which were
not incorporated in the Code.
Notre tâche a été considérablement
allégée parce que certaines sections du Code ont
déjà fait l'objet d'études lorsqu'on a amendé
certaines sections comme le droit de la famille, les successions, le chapitre
sur les biens et certains contrats nommés. Mais je crois qu'il y a
matière à réflexion et à travail jusqu'à
probablement Noël, M. le ministre. Peut-être Noël, mais
j'espère qu'on va finir avant la fermeture de la session à
Noël.
Et même rendu là, M. le ministre, on nous annonce
déjà d'autres propositions législatives portant sur
l'application de la réforme, notamment en ce qui a trait à la
procédure civile et aux mesures de droit transitoire. Alors, notre
travail reste à faire. J'anticipe avec plaisir notre travail et j'ai
hâte de commencer. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie de vos
commentaires, M. le député de West- mount. M. le ministre.
Madame.
Mme Harel: Est-ce que j'ai la parole?
Le Président (M. Lafrance): J'aimerais peut être
tout d'abord demander à M. le ministre s'il a des commentaires aux
commentaires que vient faire M. le député Westmount.
Mme Harel: C'est une question tout à fait personnelle,
peut-on dire, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Alors, allez y. madame. (18
heures)
Mme Harel: J'ai apprécié l'intervention du
député de Westmount et je ne voulais pas l'interrompre
immédiatement quand iI a pris la parole après le ministre. Mais
je ne peux pas, M. le Président, passer sous silence les
dernières remarques du ministre. Malgré son effort pour se
corriger, je dois comprendre qu'il est retombé dans son partemalisme
habituel. S'il me fait grief d'utiliser l'argumentaire des juristes qui
agissent comme conseils pour l'Opposition - et je n'ai pas
apprécié qu'il nomme nommément un de ces juristes - alors,
je vais lui faire le même grief d'utHIser l'argumentaire de ses
légistes. Je ne pensais pas qu'on en serait à ce niveau-là
ou à ce climat-là, M. le Président. Je le note mais je
crois comprendre que c'est là un précédent fâcheux
qui ne se répétera pas.
M. Rémillard: M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre
M. Rémillard: Si vous le permettez... Je suis peiné
de voir la réaction de Mme la députée et je retire
certainement mes paroles Ce n'était pas dans ce sens du tout... Je
faisais référence à une partie importante des remarques de
Mme la députée sur la responsabilité du fabricant. J'ai
dit que je retrouvais là des remarques du professeur Claude Masse, dont
j'avais parlé aussi en introduction en le présentant, dont il
nous avait fait part parce que c'est l'une des grandes
spécialités du professeur Masse. Alors, j'ai tout bonnement dit
que je retrouvais là des commentaires qu'on avait par le professeur
Claude Masse et je ne l'ai pas dit de façon péjorative, loin de
là. Je pense que, dans la mesure où vous voulez vous
référer à des commentaires que j'aurais faits d'un
spécialiste, hormis que ça déplaise au spécialiste
en conséquence... Si mes paroles ont pu vous blesser ou toucher Me
Masse, |e n'avais pas l'Intention de le faire et je les retire
immédiatement avec mes excuses. Je n'avais aucune intention de vous
toucher sur un point que je n'avais pas vu.
Mme Harel: À ce moment-là, s'il faut les
interpréter comme signifiant que les travaux de
Me Masse sont bien connus et pourront vous inciter à modifier
votre projet de loi, alors, ça me va.
M. Rémillard: Je vais compléter ma pensée en
vous disant que je vous avais dit qu'on était en réflexion et que
cette réflexion a été initiée et par des
commentaires de Me Masse et d'autres commentaires reçus aussi.
Manifestement, nous savons que M. Masse est intervenu à plusieurs
reprises sur la place publique. Je retrouvais ces commentaires-là dans
les propos de Mme la députée et, donc, je me suis permis de faire
la relation. Si cette relation a su blesser Mme la députée, je
retire cette relation immédiatement.
Mme Harel: Écoutez, ce n'est pas nécessairement
blesser, mais je la trouve inopportune parce que... Est-ce que je dois à
ce moment-là chercher des relations, dans les propos du ministre, dans
les points de vue de ses légistes, s'aglt-il plus du point de vue de Me
Cossette ou de Me Pineau ou s'agit-il plus du point de vue de Me Longtin? Je ne
pense pas que ce soit là une erre d'aller qui nous mènera
loin.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, madame.
M. Rémillard: J'en prends bonne note, M. le
Président, toujours dans le même esprit.
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre, voulez-vous
commenter les propos du député de Westmount?
M. Rémillard: Oui, si vous me le permettez, simplement. M.
le député de Westmount, qu'on a le plaisir d'avoir sur cette
commission, a fait référence aux travaux qui ont
été menés depuis les 36 dernières années.
Entre autres, il a parlé de l'Office de révision du Code civil.
Je voudrais rendre un hommage tout particulier, entre autres, au professeur
Paul-André Crépeau, qui a été président de
cet office de révision et qui a déposé son rapport de
réforme du Code civil à l'Assemblée nationale en 1978,
rapport qui a profondément inspiré la réforme que nous
avons maintenant. Je m'en voudrais de ne pas souligner tous les travaux qui ont
été faits et, en particulier, ceux menés par cet Office de
révision du Code civil sous la direction éclairée de Me
Paul-André Crépeau, professeur à l'Université
McGill. Voilà, M. le Président.
J'ai pris aussi bonne note, bien sûr, de tous les commentaires de
M. le député de Westmount. Je suis convaincu que ses
préoccupations, à bien des égards, sont aussi les
nôtres et que, dans la discussion et même certaines corrections
qu'on va apporter, on va pouvoir répondre à ces
préoccupations.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Documents déposés
À ce stade-ci de nos travaux, j'aimerais vous lire officiellement
la liste des documents déposés à la sous-commission, avec
leur code numérique pour les besoins de référence, il va
de soi.
Tout d'abord Commentaires sur le projet de loi 125, Code civil du
Québec, de la Commission des droits de la personne, sous le code
numérique 1-D; Mémoire de la Commission des services juridiques
concernant le projet de loi 125, sous le code numérique 2-D.
Suivent sept mémoires du Barreau du Québec sur le projet
de loi 125, tout d'abord: Théorie générale des
obligations, sous le code numérique 3-D; Mémoire traitant du
crédit-bail et du louage, sous le code numérique 4-D; Du
dépôt, du prêt et du cautionnement, sous le code
numérique 5-D; De la vente et de la donation, sous le code
numérique 6-D; De la convention d'arbitrage, sous le code
numérique 7-D; De l'affrètement, du transport et de l'assurance
maritime, sous le code numérique 8-D; et, finalement, Des personnes,
sous le code numérique 9-D.
Également les commentaires de la Fédération
québécoise des sociétés de généalogie
sur le projet de loi 125, sous le code 10-D; lettre d'appui de la
Fédération des familles souches québécoises inc.
aux commentaires de la Fédération québécoise des
sociétés de généalogie, sous le code
numérique 11-D; lettre d'appui du Centre interuniversitaire de recherche
sur les populations, Universités du Québec à Chicoutimi,
Laval, McGill, aux commentaires de la Fédération
québécoise des sociétés de
généalogie, sous le code numérique 12-D; et, finalement,
lettre du 12 août 1991, de M. Orner Beaudoin-Rousseau, de l'Association
provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc., et
réponse de la secrétaire de la commission, Mme Giguère,
sous le code numérique 13-D.
Alors, nous en arrivons à l'étude détaillée
des articles de loi et j'aimerais faire appel... Oui? Mme la
députée.
Motion proposant d'entendre divers organismes
Mme Harel: C'est-à-dire, M. le Président, nous en
sommes à l'étape des motions et je souhaiterais, à ce
moment-ci de nos travaux, que nous puissions entendre la motion que j'aimerais
déposer à l'effet de tenir des consultations
particulières. Alors, je vais en faire lecture, M. le Président.
"Il est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de
procédure la sous-commission des institutions tienne, avant
d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 125, des
consultations particulières quant à tous les
articles dudit projet et qu'à cette fin elle entende te Barreau
du Québec, la Chambre des notaires du Québec, la Commission des
services juridiques du Québec, la Commission des droits de la personne
du Québec, le Conseil du statut de la femme, le Bureau des assurances du
Canada et l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du
Québec."
Le Président (M. Lafrance): Alors, je me
réfère à l'article 244 auquel vous faites
référence, et je pense que votre motion est recevable à ce
stade-ci de nos débats. Alors vous avez la parole madame.
Mme Harel: Alors, M. le Président, je pensais que
l'information avait été transmise au ministre que nous entendions
déposer cette motion. J'en avais fait, moi, la demande dès
aujourd'hui, de façon à ce que le ministre puisse examiner cette
motion qui, dans le contexte où nous la présentons, ne veut en
rien retarder nos travaux.
Nous pensons que nous pourrions fort bien débuter l'examen
article par article et prévoir de suspendre au moment justement
où nous conviendrions de recevoir... Il s'agit de sept organisations
majeures, qui ont soit déjà présenté des
mémoires devant cette commission ou fait connaître leur intention
de le faire. Et nous pensons, M. le Président... Vous voyez que par
exemple demain nous allons interrompre toute la journée les travaux de
la sous-commission pour vaquer à des responsabilités autres dans
des commissions qui se rencontreront en groupes de travail, soit sur les offres
du fédéral ou sur la souveraineté. Alors, il y a donc
déjà des précédents où il s'est
avéré qu'on ne pouvait pas siéger, là. Ce n'est pas
mon intention, bien au contraire, de retarder les travaux. Je dois vous dire
que c'est la seule motion que j'entends déposer, mais il me semblait
très très important de le faire à ce stade-ci. Je peux
même accepter de suspendre de façon à ce qu'on puisse
laisser le temps au ministre. Moi je le croyais sincèrement
informé de notre intention de présenter cette motion. Alors, on
peut facilement suspendre et puis voir à procéder à
l'examen et revenir sur cette question s'il y a consentement. Je le
répète, mon objectif à ce moment-ci n'est vraiment pas, au
contraire, de retarder nos travaux, mais je crois vraiment que, si on poursuit
un objectif de célérité, il vaut mieux examiner avec les
associations qui ont souvent consacré des sommes considérables de
travail et qui pourraient être mises à contribution par cette
commission... Je trouverais ça regrettable, M. le Président,
qu'on écarte cette expertise-là. Je sais très bien qu'il
s'agit là de documents écrits qui sont à la disposition
des membres de la commission mais il n'en reste pas moins que leur
présentation orale devant une commission leur permet d'identifier les
priorités incontour- nables pour elles, et de bien faire saisir
l'importance de ces questions par les membres de la commission. Alors,
voilà l'objet de ma motion.
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Mme la
députée. Mol je pense que techniquement, à ce stade de nos
travaux, votre motion est recevable, mais je demanderais à M. le
ministre si à ce stade-ci il voudrait apporter dus commentaires,
peut-être?
M. Rémillard: M. le Président, mon premier
commentaire c'est de dire que c'est regrettable, quand je pense qu'hier encore
je parlais avec la députée de Hochelaga-Maisonneuve pour
préparer cette commission dans un esprit de collaboration, pour qu'on
puisse procéder le mieux possible et je n'ai jamais entendu parler d'une
telle motion, jamais entendu parler ni de proche ni de loin d'une telle motion.
C'est une motion qui a beaucoup d'Importance, M. le Président, parce
qu'il faut bien comprendre que nous avons entendu tous ces groupes
déjà, qui ont déjà produit des mémoires dans
d'autres projets de loi qui ont été discutés, qui ont
aussi fait valoir leurs opinions à bien des niveaux. Nous les avons
rencontrés au courant de l'été pour plusieurs, nous sommes
ouverts, évidemment, à les ren contrer d'une façon
Informelle, mais il demeure, M. le Président, que, si nous ouvrons la
consultation encore une fois au niveau de l'ensemble des intervenants, on parle
de 7 groupes, pourquoi ne parlerait-on pas de 12 groupes, de 20 groupes? Qui
est-ce qui va tracer la ligne? Qui va décider que certains groupes
viendront et d'autres ne viendront pas? Il y a de la dis crimination, et les
gens pourront dire: Écoutez, nous aurions voulu être
Interrogés, nous aurions voulu aussi déposer.
M. le Président, on nous arrive avec une motion et j'avoue que je
suis tout simplement pris par surprise. Il me semble que dans une commission
comme celle-ci on ne devrait pas être pris par surprise, autant dans nos
argumentations sur le fond qu'au point de vue marche que nous entendons suivre,
processus que nous entendons suivre. Je déplore cette façon de
faire, M. le Président. Je la déplore fortement. Je crois que
nous avons tous le même objectif, essayer d'en arriver aux
résultats les plus concluants, les plus intéressants possible
pour la société québécoise. M. le Président,
en me présentant cette motion comme ça sans m'en parler avant,
d'aucune façon, sans en parler à personne de ce
côté-ci, on est pris par surprise par une motion et je trouve
ça extrêmement déplorable, M. le Président.
Le Président (M. Ufrance): Merci, M. le ministre. Mme la
députée, est-ce que vous voulez maintenir la motion
présentée? (18 h 15)
Mme Harel: M. le Président, moi ce que je
trouve extrêmement déplorable, c'est que le ministre se
crispe de cette façon, là. Ça va mal débuter les
travaux que nous avons à mener si le ministre, à la moindre
occasion, se crispe comme il le fait maintenant. Je lui répète ce
que je lui ai dit. Je croyais très sincèrement que l'information
lui avait été transmise ce matin même. Et il m'était
évident, quant à moi, que l'information dovalt lui être
transmise.
Ceci étant dit, ce n'est pas là un argument suffisant pour
écarter cette motion parce que le ministre peut peut-être
légitimement réagir comme il vient de le faire, mais je lui
propose de peut-être y repenser lors de l'interruption du souper et de
voir si sa réaction sera la même à l'ouverture de nos
travaux. Il me semble que la motion dit bien qu'il ne s'agit pas de faire venir
l'ensemble des intervenants. La motion dit clairement qu'il s'agit d'entendre
les sept organisations qui sont mentionnées. Est-ce que j'ai besoin de
les rappeler, M. le Président? Mais est-ce que j'ai besoin de rappeler
que le mieux est l'ennemi du bien et qu'à prétendre ne pas
pouvoir entendre tout le monde on ne peut justifier d'entendre personne? Il y
a, dans l'argumentaire que le ministre a développé, l'idée
de discrimination. C'est bien la première fois, depuis 10 ans que je
siège à ce Parlement, qu'on invoque la discrimination lorsqu'on
présente une motion pour tenir des audiences particulières. Si
tant est que c'était de la discrimination, cette disposition-là
ne ferait pas partie de notre règlement, c'est la disposition qui
prévoit qu'on puisse entendre des gens plutôt que d'autres. Et
d'autant plus, M. le Président, que ce n'est pas parce qu'on entend tout
le monde qu'on est justifié d'entendre personne, là. Ce n'est pas
parce qu'on n'entend pas tout le monde que c'est discriminatoire. Ce qu'on
propose de recevoir, ce sont les organismes qui ont présenté des
mémoires devant notre commission ou qui entendent le faire. Et je ne
crois pas que jamais, sur le projet de loi 125, ces organismes aient pu
être entendus publiquement; je ne crois pas que jamais le Parlement leur
en a fourni l'occasion. Et les avant-projets... Ais-je besoin de rappeler ne
serait-ce encore une fois les différents sujets que j'ai abordés
tantôt, y compris la responsabilité du fabricant et bien d'autres
concepts que l'on ne retrouvait pas ou qu'on retrouvait bien
différemment formulés dans les avant-projets de loi... Or, c'est
évident, M. le Président, que ça peut très bien se
comprendre et ça peut absolument d'autant plus se justifier que nous
sommes devant un nouveau projet de loi, et le tout est différent de la
somme des parties. Il faut bien comprendre que même les groupes qui
auraient déjà fait des représentations sur les
différentes parties peuvent, au moment où il y a justement
souvent une absence d'interrelations entre les différents livres du
Code, vouloir faire des Interventions pour y remédier et en faciliter
l'harmonie.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, madame. Mme
la députée de Groulx.
Mme Bleau: Je connais très bien le désir de
perfection de la députée de Hochelaga-Maison-neuve. Je connais
son sens du professionnalisme, je la connais très bien parce que j'ai eu
l'occasion de siéger à plusieurs reprises à la commission
des institutions et peut-être l'occasion ailleurs aussi, au moment
où on a étudié entre autres la loi 146, si elle se
rappelle bien. Je pense qu'à ce moment-ci il serait peut-être de
mise d'étudier article par article et de ne plus tergiverser en recevant
un groupe... C'est sûr que, si on en reçoit un, tous les autres
vont vouloir qu'on les reçoive. Il est certain qu'il y aura toujours un
groupe ou l'autre qui aura des choses, des remarques à faire sur un
article ou l'autre de la loi. Si, avec les conseillers qui sont là pour
vous soutenir, ceux qui sont ici pour soutenir le ministre, et la bonne
volonté de chacun de nous, on n'arrive pas justement à faire le
mieux possible... Il y aura toujours des choses qui vont accrocher pour un
groupe ou pour un autre à un certain moment, mais je pense que la
perfection est presque impossible à atteindre dans un document comme
celui-ci. Et je pense qu'on doit s'en tenir à la bonne volonté,
à l'expertise des gens qui nous entourent et arrêter de se dire:
Bon. Un veut qu'on l'écoute, un autre veut qu'on l'écoute;
ça n'arrêtera pas jamais. Ce n'est pas parce que je veux
contredire la députée de Hochelaga-Maisonneuve; je pense que ce
n'est pas mon habitude. Mais je donne mon opinion en simple
députée de Groulx. Alors, c'était mon opinion à ce
moment-ci.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée. M. le député de Chapleau.
M. Kehoe: M. le Président, seulement un mot concernant la
motion. Que Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve ait
avisé le ministre qu'elle présentera la motion ou non, je pense
que ce n'est pas la question. La question de fond, c'est de savoir si vraiment,
en entendant le Barreau du Québec, la Chambre des notaires, si je prends
les deux premières qui sont citées dans la motion, eux qui ont
déjà étudié depuis au delà 20 ans, 25 ans...
Combien d'années se sont-ils penchés? Combien d'avocats, combien
de notaires, combien de juristes se sont penchés sur ce sujet-là?
Ils ont écrit des mémoires, ils ont pris position, ils ont
défendu avec rigueur en privé et en public leur position. On sait
quelle est leur position. Je me pose des questions. Mme la
députée a dit qu'ils n'ont jamais été entendus en
public comme tel devant une commission. C'est vrai. Mais, par contre, leurs
écrits sont là. Les discussions ont eu lieu. Ils ont
rencontré le ministre. Ils ont certainement rencontré
l'Opposition. On sait leur position. Je ne vois en rien qu'est-ce qui pourrait
faire avancer les travaux
de la commission de les entendre de nouveau présenter la
même position. Je ne dis pas si c'était un projet de loi avec
moins d'importance que le Code civil, mais, depuis nombre d'années, des
avocats, des notaires, des juristes se sont penchés sur la question. Ils
ont pris position. Je suis d'accord, il y a divergence d'opinions sur certains
sujets de profondeur. Mme la députée les a mentionnés.
Mais je doute fort en les entendant de nouveau, une autre fois, qu'ils vont
changer leur position.
Je soumets respectueusement que c'est le temps du choix, le moment de
prendre une décision. On a entendu, on a étudié depuis des
années, puis là c'est le temps de passer à l'action. Je
soumets respectueusement dans les circonstances que la motion que nous avons...
Si on avait tout le temps de nouveau de les entendre, mais le ministre nous a
dit qu'il veut que la loi soit adoptée dans un certain
échéancier. Ça fait au-delà d'une trentaine
d'années qu'on étudie. Pourquoi ne pas procéder tout de
suite? Dans les circonstances, M. le Président, je suis du même
avis que M. le ministre et Mme la députée qui vient juste de
parler que nous devrions procéder immédiatement à
l'étude article par article, tel que nous en avons reçu le
mandat.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député. Est-ce que vous voulez exercer votre droit de
réplique, madame? Mme la députée de Terrebonne?
Mme Caron: Oui, M. le Président. Je pense que c'est
évident que la notion de temps est importante. Mais, compte tenu de
l'ampleur du projet de loi, si on s'entendait pour limiter le temps, on n'est
pas obligé d'entendre chaque groupe, que ce soit très,
très long. Il y a sept groupes, le maximum avec lequel on peut se
retrouver c'est sept heures. Ce n'est quand même pas un temps, je pense,
qui retarderait indûment les travaux de la commission et qui
empêcherait le ministre de passer la loi, tout comme nous le souhaitons,
dans les délais voulus parce que ce n'est vraiment pas une motion qui a
pour but de retarder les travaux, absolument pas, mais de permettre un dernier
tour de table. Alors, la notion de temps ne m'apparaît pas vraiment un
élément qui peut nous empêcher de le faire.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée de Terrebonne. Alors, je pense que vous avez tous
reçu une photocopie du texte de la motion. J'aimerais peut-être le
lire à tout le monde pour le Journal des débats. "Il est
proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de
procédure la sous-commission des institutions tienne, avant
d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 125,
Code civil du Québec, des consultations particulières quant
à tous les articles dudit projet et qu'à cette fin elle entende
le Barreau du Québec, la Chambre des notaires du Québec, la
Commission des services juridiques du Québec, la Commission des droits
de la personne du Québec, le Conseil du statut de la femme, le Bureau
des assurances du Canada et l'Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec. "
M. Kehoe: M. le Président, avant de procéder plus
loin, je fais une proposition de suspendre les travaux - II reste seulement
cinq minutes - jusqu'après 8 heures ce soir pour donner
l'opportunité au ministre justement de se pencher sur la question. Je
fais la motion d'ajourner les travaux jusqu'à 20 heures.
Le Président (M. Lafrance): Si tout le monde y consent et
si on veut continuer stir cette motion proposée par Mme la
députée, on peut certainement suspendre. C'est que le temps est
un peu serré. Par contre, si la sous-commission veut décider tout
de suite sur l'adoption de la motion, on peut sûrement le faire s'il n'y
a pas d'autre intervenant.
M. Kehoe: Je propose de suspendre jusqu'à 20 heures.
Le Président (M. Lafrance): Alors, la sous-commission
suspend ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 26)
(Reprise à 20 h 17)
Le Président (M. Lafrance): Je réalise qu'on a le
quorum. Alors, j'aimerais déclarer cette séance de travail pour
ce soir officiellement ouverte. Deux petites remarques administratives: tout
d'abord, je remarque que nous avons des difficultés vis-à-vis de
l'alimentation puisque toutes nos facilités sont fermées ici pour
l'été. peut-être jusqu'au mois d'octobre même, mais
je demanderais quand même à tout le monde d'essayer d'être
le plus ponctuel possible afin que l'on puisse faire progresser nos travaux le
plus rapidement possible. J'aimerais également confirmer pour ce soir
que nous avons prévu de terminer aux alentours de 22 heures.
Je vous rappelle que nous avons terminé les remarques
préliminaires, les déclarations d'ouverture et qu'avant de
commencer l'étude détaillée des articles du projet de loi
nous avons eu une motion présentée par Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve et un court débat s'est
ensuivi avant la fin des travaux, qu'on a annoncée à 18 h 30.
Alors, j'aimerais savoir s'il y a d'autres commentaires sur la même
motion à ce stade-ci. M. le ministre.
M. Rémillard: Oui, M. le Président. J'ai eu
l'occasion pendant les quelques minutes que nous avons eues entre notre
ajournement et maintenant de réfléchir à tout ça,
de consulter et de faire aussi des vérifications. Nous avions
discuté à plusieurs reprises, Mme la députée de
Hochela-ga-Maisonneuve et moi-même et, aussi, à bien d'autres
niveaux, sur la façon dont on procéderait pour faire cette
étude article par article et on avait dit: II faut éviter
d'ouvrir à l'audition des parties parce que, de par l'ampleur du Code
civil, nous savons que beaucoup d'intervenants sont touchés d'une
façon directe, d'une façon parfois accessoire, mais il y a
beaucoup d'intervenants et, bien sûr, ça découle, par la
nature même de ce projet de loi, la réforme du Code civil qui nous
touche, de notre naissance à notre décès. Par
conséquent, il est évident que beaucoup d'intervenants peuvent
être touchés et veulent s'exprimer. Ils se sont exprimés.
Nous avons eu plus de 200 mémoires et beaucoup de personnes, sans
présenter des mémoires, sont venues nous rencontrer. J'en ai
rencontré, pour ma part, comme ministre. Les groupes des légistes
en ont rencontré plusieurs. À mon cabinet, Mme Pelletier, Me
Pelletier a rencontré énormément de personnes aussi qui
sont venues témoigner devant nous. Nous avons communiqué à
l'Opposition tous les mémoires qu'on a reçus. S'il en manque, je
ne sais pas si certains n'ont pas été communiqués par un
oubli ou je ne sais trop quoi, on pourra le faire. On pourra même
déposer ces mémoires en commission, M. le Président,
officiellement si ça peut nous aider. Mais chaque mémoire qui
nous a été soumis a été analysé, a
été situé dans le contexte de notre étude de cette
réforme du Code civil.
Nous avons eu une relation très suivie avec le Barreau et la
Chambre des notaires. Plusieurs rencontres ont eu lieu entre le Barreau, la
Chambre des notaires, les légistes et mon cabinet. J'ai assisté
à certaines de ces rencontres et nous avons utilisé une
méthode très systématique. Tous les points qu'ils avaient
à faire valoir, nous les avons vus et on sait que la Chambre des
notaires et le Barreau sont les premiers intervenants, je dirais, dans ce
dossier-là parce que c'est eux qui sont les spécialistes, de par
leur formation professionnelle, de la loi. Donc, ça ne veut pas dire
qu'ils sont les seuls touchés, bien sûr que non, mais ce sont les
professionnels qui utiliseront cette loi pour exercer leur profession. Donc,
c'est les premiers intervenants.
Nous avons donc consulté, nous avons écouté, je
crois, d'une façon tout à fait exceptionnelle, et je crois que je
peux affirmer que les gens qui avaient à nous faire valoir leur position
l'ont fait à tous les niveaux. Nous avons eu des mémoires de
personnes même seules qui nous ont écrit. J'ai pris même
connaissance personnellement de certains sur des points bien particuliers,
entre autres en ce qui regarde les nouvelles technologies de reproduction. Tous
ces éléments qui peuvent toucher aussi les questions
d'éthique ont soulevé des commentaires chez bien des gens, et
j'ai reçu des lettres, j'ai reçu des mémoires plus
formels.
M. le Président, dans la motion que nous présente Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve, elle fait
référence à sept groupes ou associations de personnes.
Mais pourquoi sept? Quel est le critère qui peut nous déterminer
sept? Je regarde ici et je vois la Commission des services juridiques du
Québec, la Commission des droits de la personne, le Conseil du statut de
la femme, le Bureau des assurances, l'Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec, mais on pourrait en ajouter aussi beaucoup
d'autres qui voudraient intervenir. Et, si ces gens interviennent, d'autres
groupes ont aussi certains intérêts qui sont parfois divergents.
Je ne voudrais pas citer trop d'exemples pour compliquer plus le dossier. Mais,
qu'est-ce que vous voulez, c'est notre rôle de trancher, de discuter,
d'avoir les points de vue différents qui nous sont donnés, et on
les a par les mémoires. Qu'on tranche, c'est le temps de trancher
maintenant, après 36 ans.
Dans la mesure où on ouvre, comme ça, à entendre
des gens, ce n'est pas une question de temps, parce que ça peut prendre
sept heures. Sept heures, ce n'est pas énorme, dans le travail qu'on a
à faire, ce n'est pas ça qu'est le problème. Le
problème, c'est en toute justice - il faut être juste, il faut
être équitable puisqu'on fait un code civil - si on entend ces
personnes, ces groupes, ces associations, pourquoi n'entendrait-on pas d'autres
groupes, d'autres personnes, d'autres associations qui, j'en suis certain, ont
autant d'intérêt et sont aussi intéressés à
venir témoigner devant nous?
Alors, M. le Président, pour ma part, je ne peux pas... Je pense,
un nom me vient comme ça, par exemple, l'Office de la protection du
consommateur, qui n'est pas là. Probablement qu'ils aimeraient faire
valoir leur point de vue, parce qu'ils nous ont écrit. Ils ont fait
valoir leur point de vue par un mémoire; on l'a pris en
considération, de très bons commentaires, d'ailleurs. Vous avez
les arpenteurs-géomètres, vous avez aussi... J'ai
rencontré dernièrement, tout dernièrement, les
architectes. Ils sont venus me rencontrer; ils ont fait valoir leur point de
vue, on a un mémoire des architectes qu'on a communiqué à
l'Opposition. Ces gens-là, on en reçoit, on va recevoir des gens
comme ça. Ça soulève beaucoup d'intérêt, et
pour cause. Mais où va-t-on s'arrêter?
M. le Président, c'est le temps que l'on puisse décider en
toute connaissance de cause. Ces gens-là peuvent faire valoir leur point
de vue et, je le mentionne encore une fois, les mémoires, nous les
recevons. Chaque mémoire est analysé, communiqué à
l'Opposition, communiqué à la commission. Il est analysé
par les légistes. On en discute lorsqu'on touche les
différents
articles. Il me semble que le processus démocratique est
très, très bien servi et qu'il ne serait pas bien servi si,
justement, on acceptait une telle motion qui se limite strictement à
sept groupes ou sept associations.
M. le Président, j'aimerais mieux qu'on se réserve la
possibilité, comme commission, sur un point qu'on considérerait
comme essentiel ou qui nous pose vraiment et en toute conscience... On dit:
Écoutez, là on a besoin d'un éclairage, il y a un
mémoire là-dessus, Mme la députée a soulevé
des questions, j'en ai soulevé aussi des questions difficiles. On n'a
pas la science infuse; malgré toutes les consultations qu'on a faites,
il se peut fort bien qu'on se retrouve et qu'on dise: Ce serait peut-être
bon d'entendre telle ou telle personne ou d'entendre même une
association. Qu'on se réserve ce droit-là ponctuellement, qu'on
le voie à chaque cas, de quelle façon on peut le faire.
M. le Président, je ne peux pas accepter cette motion-là
parce qu'en conscience je me devrais, comme ministre de la Justice, si je
faisais ça, de l'ouvrir à beaucoup d'autres associations et je ne
vois pas quels critères objectif on pourrait trouver pour faire notre
choix, si ce n'est celui que la commission en arrive sur un point ou qu'on
arrive à la conclusion qu'on a vraiment besoin d'un éclairage et
qu'on demande, à ce moment-là, à une association de venir
témoigner pour préciser ce point-là. Voilà, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a d'autres interventions? Oui, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, peut-être pour conclure, M. le
Président, je note avec beaucoup de satisfaction l'intervention du
ministre à l'effet qu'il serait possible que, dans le cours de nos
travaux, nous convenions d'entendre l'un ou l'autre des groupes qui pourraient
venir nous donner un éclairage qui nous permettrait de poursuivre
l'examen amorcé. Évidemment, c'est avec regret que je constate
que le ministre entend, je pense, voter contre cette motion. J'interviens parce
que j'ai l'impression que c'est le même processus mental qui
l'amène, par exemple, non pas depuis six ans, malgré que
ça fait déjà six ans qu'il n'y a pas eu d'indexation du
seuil d'admissibilité à l'aide juridique, mais, avec le
même processus, le ministre a souvent argumenté et plaidé
qu'il ne pouvait indexer l'aide juridique sans offrir de corriger les
difficultés qui pouvaient se présenter à la classe
moyenne, comme si on invoquait souvent le mieux pour ne pas faire
immédiatement le bien. Je le revois reprendre finalement le même
processus mental parce que, maintenant, il nous dit: C'est une question de
justice. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas le temps, ce ne serait finalement que
sept heures au maximum, donc l'équivalent d'une journée
parlementaire, mais c'est qu'en toute justice, plaide-t-il, ce serait injuste
pour certains d'être Invités tandis que d'autres ne le seraient
pas.
Moi, je dois vous dire que là vraiment je suis surprise de cette
argumentation-là parce qu'elle n'a jamais été
invoquée lors de motions semblables pour conduire des consultations
particulières. Justement, s'il y a des consultations
particulières, s'il y a cette possibilité-là dans notre
règlement de mener des consultations particulières, c'est parce
qu'il y a la possibilité pour une commission de décider
d'entendre certains groupes plutôt que d'autres. C'est quelque chose qui
est très évidemment régulièrement utilisé
comme façon de travailler en commission parlementaire. Je ne sache pas
que ces collègues qui ont eu à réagir à des motions
semblables n'aient jamais invoqué le fait qu'ils ne pouvaient pas
entendre tout le monde pour finalement refuser d'en entendre quelques-uns. (20
h 30)
Si par exemple le ministre avait considéré que, parmi ces
groupes, parmi les sept groupes, il y en avait certains qui n'étaient
pas représentatifs ou qu'il aurait fallu en ajouter, c'aurait
été évidemment une autre façon de travailler. Mais
je ne peux pas, M. le Président, c'est évident, retenir comme
argumentation le fait que parce que on ne peut pas entendre tout le monde on ne
peut pas en entendre certains. Si ceux-là ne sont pas ceux qu'on devrait
entendre, ça, ça se discute. Mol, |e me demandais, par exemple,
la Commission des droits de la personne du Québec, qui a
déposé un mémoire, a-t-elle été entendue par
les légistes? Est-ce qu'il y a eu des rencontres avec la Commission des
droits de la personne du Québec?
M. Rémillard: Oui, M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.
M. Rémillard:... le mémoire a été
analysé, et je crois, de mémoire, et c'est ce qu'on me dit, Mme
Longtin a rencontré les gens de la Commission des droits de la
personne.
Mme Harel: La Commission des droits de la personne. Est-ce qu'il
en a été de même pour la Commission des services
Juridiques?
M. Rémillard: Et pas simplement à une reprise,
comme je l'ai dit, à plusieurs reprises. La Commission des services
juridiques, on me dit aussi que, oui, à quelques reprises.
Mme Harel: Vous voyez, M. le ministre...
M. Rémillard: Et, vous savez, je veux simplement
compléter, si ces associations, ces groupes veulent encore intervenir au
niveau des légistes, et que l'Opposition veuille être
présente
à certaines rencontres informelles, je pense qu'on n'a absolument
aucun problème à ce niveau-là. Dans la mesure où
les gens veulent faire valoir des points de vue, tant que le projet de loi
n'est pas adopté on est ouvert à ce qu'on regarde tous ces
aspects-là. Nous n'avons qu'un objectif, faire le Code civil le plus
complet possible, le plus parfait possible. Mais, à un moment
donné, il faut avoir des limites.
Mme Harel: Alors, M. le Président, je prends donc acte du
refus dans le fond du ministre de procéder à cette consultation
particulière. Je ne partage pas ses arguments mais il les a plaides,
mais je constate avec satisfaction, je le répète, que le ministre
entend rendre possible, si tant est que l'état de nos travaux le
nécessitait, que la commission puisse entendre l'un ou l'autre de ces
groupes ou quelque autre qui pourrait venir nous apporter un éclairage
particulier.
Le Président (M. Lafrance): D'accord, merci.
M. Holden: Je veux demander une question. Est-ce que ces
gens-là veulent venir? Est-ce que le Barreau a demandé à
venir ou la...
Le Président (M. Lafrance): Est-ce que Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve peut répondre?
Mme Harel: Je ne sais pas si le député de Westmount
connaît cette procédure, mais la seule façon de le faire,
M. le député, ce serait de voter en faveur de la motion et de
leur proposer.
M. Rémillard: Je peux peut-être compléter, M.
le Président, j'ai rencontré le bâtonnier à deux
reprises même tout dernièrement, dont une en particulier où
nous avons discuté du Code civil. J'ai rencontré plusieurs autres
membres du Barreau impliqués dans les commentaires du Code cMI, parce
qu'ils nous ont fourni de la documentation dont certains commentaires qui
viennent de nous arriver ce matin sur les personnes, et on s'est
expliqué sur les questions d'audition, et Ils comprennent très
bien, pour la raison que je viens d'évoquer; on en a parlé, ils
comprennent très bien. Ce qu'ils veulent, par contre, c'est qu'on tienne
compte de leur point de vue. C'est un travail très sérieux et je
dois rendre hommage, tant au Barreau qu'à la Chambre des notaires,
où les gens ont fait un travail remarquable. C'est incroyable, ces
chambres professionnelles, le travail qui a été donné
bénévolement...
M. Holden: Depuis des années.
M. Rémillard: ...pour préparer des commentaires et
c'est un travail, vous pouvez en être assurés, c'est très
bien fait. D'ailleurs, je crois que sur bien des points on améliore le
Code par les commentaires qui nous ont été faits et par le
Barreau et par la Chambre des notaires. Alors, ils sont entendus, ils sont
aussi pour nous une aide précieuse.
M. Holden: Si je peux ajouter, je crois qu'il y a un
représentant ou plus du Barreau qui va être là tout le
temps, n'est-ce pas?
M. Rémillard: Toujours.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
s'il n'y a pas d'autre intervention, j'en conclus que la motion...
Mme Harel: Je ne sais pas à quoi veut conclure le
député de Westmount en mentionnant qu'il y a un
représentant du Barreau qui...
M. Holden: Bien, le Barreau suit de près ce que nous
faisons et...
Mme Harel: Mais ça n'a pas à voir avec la motion
qui est présentée.
M. Holden: Non, mais je me demandais s'ils voulaient absolument
venir témoigner ou quoi.
Mme Harel: Alors...
Le Président (M. Lafrance): D'accord, merci. Je me permets
quand même de vous référer aux sept mémoires du
Barreau qui ont été déposés officiellement
auprès de la sous-commission et j'invite évidemment tous les
membres à en prendre connaissance attentivement. Et, si j'en conclus des
délibérations, la motion...
Mme Harel: Nous allons procéder au vote, M. le
Président?
Le Président (M. Lafrance): Oui. Vous voulez
procéder au vote?
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Lafrance): D'accord.
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Oui, par appel nominal. Est-ce
que c'est nécessaire qu'on relise la motion? Vous en avez une copie, je
pense, là. Alors, on va procéder par appel nominal.
La Secrétaire: Pour ou contre la motion
présentée par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve)? Mme Harel
(Hochelaga-Maisonneuve)?
Mme Harel: Pour.
La Secrétaire: Mme Caron (Terrebonne)?
Mme Caron: Pour.
La Secrétaire: M. Holden (Westmount)?
M. Holden: Je vais m'abstenir, M. te Président.
La Secrétaire: Mme Bleau (Groulx)?
Mme Bleau: Contre.
La Secrétaire: M. Hamel (Sherbrooke)?
M. Hamel: Contre.
La Secrétaire: M. Kehoe (Chapleau)?
M. Kehoe: Contre.
La Secrétaire: M. Rémillard (Jean-Talon)?
M. Rémillard: Contre.
La Secrétaire: M. Lafrance (Iberville)?
Le Président (M. Lafrance): Je m'abstiens. Alors, la
motion, telle que présentée, a été
rejetée.
Étude détaillée
Nous en arrivons donc à l'étude détaillée du
projet de loi et j'aimerais en appeler tout d'abord à la disposition
préliminaire qui est contenue au début du projet de loi. Est-ce
qu'il y a des commentaires relativement à cette disposition
préliminaire?
Dépôt de commentaires sur le Code
civil
M. Rémillard: M. le Président, me permet-triez-vous
tout d'abord de déposer... Nous avons tous les commentaires et, dans un
souci de transparence le plus complet possible, le ministre n'a pas plus de
commentaires ou d'informations que les autres membres de la commission. Nous
sommes tous ici sur le même pied et nous avons tous les mêmes
informations devant nous. Je n'ai pas d'autres commentaires que ceux qui sont
ici. Peut-être que, officiellement, je devrais déposer à la
commission les quatre premiers commentaires. Ils sont ici, ils sont
déposés. Maintenant, une question pratique, M. le
Président. Est-ce que je devrais lire les commentaires à chaque
article? Nous avons tous ces commentaires. Est-ce que je dois les lire quand
même ou si on devrait simplement lire où on a des questions
où on veut soulever des discussions?
Mme Harel: C'est ça.
M. Rémillard: Ou la dernière option?
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
de Hocheiaga-Malsonneuve?
Mme Harel: Alors, M. le Président, on pout
considérer comme lus les commentaires de façon à les
déposer. M. le ministre va déposer officiellement au
secrétariat de la commission...
M. Rémillard: C'est fait, là. Mme Harel:
C'est déjà fait. M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: Alors, on peut les considérer comme lus de
manière à ce qu'ils apparaissent au Journal des
débats.
Le Président (M. Lafrance): D'accord? Mme Harel: On
est d'accord?
Le Président (M. Lafrance): Alors, je pense qu'il y a
consentement. J'accepte le dépôt de ces documents et j'invite
évidemment tous les membres à en prendre connaissance au fur et
à mesure des travaux de notre commission.
Disposition préliminaire
Est-ce qu'il y a des commentaires concernant la disposition
préliminaire?
M. Holden: M. le Président, si, à un moment
donné, il est question de quelques détails de traduction, est-ce
que le texte anglais va être adopté automatiquement quand on
adopte le texte français?
M. Rémillard: Normalement, oui, mais c'est en
révision. Actuellement, le texte anglais est en révision. On
avait, étant donné l'ampleur de la tâche, à revoir
toute la traduction. Donc... Alors, en deuxième lecture, j'aurai
à proposer des amendements... en troisième lecture.
M. Kolden: Est-ce qu'il y aurait moyen... C'est le professeur
Brierley qui s'en occupe?
M. Rémillard: Je pense qu'il est Impliqué
directement.
M. Holden: Est-ce qu'il y aurait possibilité que, je ne
sais pas mol, M. Kehoe et mot ayons accès à ces travaux avant que
ça devienne officiel?
M. Rémillard: Ahl Écoutez, on pourra voir ça
certainement. Je pense que ça peut aussi favoriser une meilleure
traduction, donc de meilleurs travaux. Moi, je n'ai pas d'objection.
M. Holden: J'ai une grande confiance dans
le professeur Brlerley, mais...
M. Rémillard: Oui, qui est un très bon professeur
de McGIII. On pourra revoir un mécanisme qui vous permettra, M. le
député de Westmount, de voir cette traduction avant que ce soit
officiellement...
M. Holden: Merci beaucoup.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le
ministre. Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires sur la disposition
préliminaire, on va en conclure que c'est adopté.
Des personnes
De la jouissance et de l'exercice des droits
civils
J'aimerais présentement en venir au livre premier, Des personnes,
celui qui traite des personnes, et au titre premier, De la jouissance et de
l'exercice des droits civils, et appeler l'article 1. Est-ce qu'il y a des
commentaires sur cet article? Alors, adopté. Article 2.
Mme Harel: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
de Hochelaga-Malsonneuve.
Mme Harel: Oui, c'est à propos du patrimoine, M. le
Président. Vous me permettez? Juste une seconde.
Le Président (M. Lafrance): Oui. Mme Harel:
Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 3.
Aucun commentaire? Adopté. Article 4. Aucun commentaire? Adopté.
Article 5. Aucun commentaire? Alors, adopté. Article 6. Aucun
commentaire? Alors, adopté. Article 7. Aucun commentaire?
Mme Harel: Oui, oui. Non, non.
Le Président (M. Lafrance): Pardon?
Mme Harel: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.
M. Rémillard: Non, je pense que vous avez des commentaires
à ce niveau-là?
Mme Harel: Oui, mais je pensais que vous vouliez proposer la
suspension de l'article 7 ou vous préférez...
M. Rémillard: Bon, on peut peut-être...
Peut-être que la meilleure façon, ce serait de suspendre notre
étude de l'article 7 pour le moment, M. le Président. On devrait
y revenir avec des informations complémentaires qu'on devrait obtenir
dans un avenir prochain.
Le Président (M. Lafrance): O.K. Alors, si je comprends
bien, il y a consentement. D'accord. On passe à l'article 8.
Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. L'article 9.
Adopté.
De certains droits de la personnalité De
l'intégrité de la personne
Nous arrivons au titre deuxième, chapitre premier, article
10.
Mme Harel: Une seconde, M. le Président. Le
Président (M. Lafrance): Oui.
M. Rémillard: II y a un amendement à cet article.
Est-ce que je devrais lire l'amendement au tout début, oui?
Le Président (M. Lafrance): Oui, s'il vous plaît, M.
le ministre.
M. Rémillard: L'amendement se lirait comme suit: L'article
10 du projet est modifié par le remplacement, dans le second
alinéa, des mots "il ne peut être porté atteinte à
sa personne" par les mots "nul ne peut lui porter atteinte".
Mme Harel: Quel est l'effet de l'amendement?
M. Rémillard: C'est une modification qui est purement
formelle, mais on revient au texte précédent pour que ce soit
plus clair. On a eu des commentaires à l'effet que cette... C'est une
question formelle, beaucoup plus de linguistique parce qu'il y avait "toute
personne" et ensuite "à sa personne", alors on l'a adopté.
Mme Harel: Alors l'amendement est adopté.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Adopté, avec
l'amendement. Article 11. Adopté? (20 h 45)
Mme Harel: Non, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Non, pardon. Commentaires, Mme
la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Des soins
Mme Harel: Alors, M. le Président, là, il s'agit de
la section portant sur les soins. Peut-être est-il plus
intéressant à ce moment-ci de nos travaux de rappeler ce que j'en
disais au moment de l'ouverture à l'effet que, dans cette section, on
retrouve plus exactement 10 concepts différents de soins - c'est bien
ça? - 10 termes différents pour qualifier les soins. Alors, il va
falloir certainement porter un regard très attentif sur les articles 11
à 26.
Je voudrais immédiatement, M. le Président, faire valoir
qu'il n'y a pas de bonnes raisons de ne pas examiner attentivement le projet de
loi 125, quelles qu'en soient les parties, y compris celles qui auraient pu
être, par exemple, adoptées dans le cadre de la loi 20 qui est
déjà adoptée depuis cinq ans. Il n'y aurait pas de bonnes
raisons de considérer que, parce que cela aurait pu déjà
être adopté, il n'y aurait pas lieu de réexaminer la
question. On le fera pour le droit de la famille qui a été
adopté il y a 10 ans, je pense bien qu'il faut le faire pour le droit
des personnes et des biens qui l'a été il y a cinq ans,
même s'il n'a pas été mis en application, comme
vraisemblablement l'Institut de réforme du droit que le ministre nous a
annoncé aujourd'hui pourra, dans 2 ou 3 ans, refaire ce même
exercice.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce qu'il y a
d'autres commentaires, M. le ministre?
M. Rémillard: Là-dessus, M. le Président, je
suis d'accord pour dire que ce n'est pas parce que ça a
été adopté dans le projet de loi 20 que, par le fait
même, on doit s'abstenir de tout commentaire. Ceux qui ont
procédé à l'étude du projet de loi 20 l'ont fait
avec beaucoup de compétence. Ils ont discuté de beaucoup beaucoup
de ses aspects. La seule chose au sujet de laquelle je me permettrais de mettre
en garde les gens de l'Opposition, les membres de cette commission, c'est qu'on
ne reprenne pas des grandes discussions qui ont eu lieu à ce
moment-là et où on a pris des positions, je pense, qui sont tout
à fait conformes à l'évolution de notre droit et de notre
société. Cependant, c'est sûr que, si on trouve un moyen de
parfaire certains aspects, je pense qu'on peut parfaire assez bien. Donc, ce
n'est pas parce que ça a été adopté dans le projet
de loi 20 qu'on doive s'abstenir de tout commentaire. Simplement, il faudrait
quand même être conscients qu'il y a déjà eu beaucoup
de travaux parlementaires de faits sur cette loi et il ne faudrait quand
même pas penser qu'on repart à zéro.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
j'en retiens de votre intervention, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, que vos remarques avaient trait à l'ensemble de
la section comme telle. J'appelle l'article 11 spécifiquement.
Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. L'ar tide
12?
Mme Harel: M. le Président, je dois vous dire que je
préférerais, pour cette section, que nous lisions la disposition
que nous allons adopter.
M. Rémillard: Oui. Bien. Alors, voulez-vous que... On va
commencer à l'article 12, donc? On lit.
Mme Harel: D'accord. Oui.
M. Rémillard: "Celui qui consent à des soins pour
autrui ou qui les refuse est tenu d'agir dans le seul intérêt de
cette personne en tenant compte, dans la mesure du possible, des
volontés que cette dernière a pu manifester. "S'il exprime un
consentement, II doit s'assurer que les soins seront bénéfiques,
malgré la gravité et la permanence de certains de leurs effets,
qu'ils sont opportuns dans les circonstances et que les risques
présentés ne sont pas hors de proportion avec le bienfait qu'on
en espère.
Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 13?
M. Rémillard: 'En cas d'urgence, le consentement aux soins
médicaux n'est pas nécessaire lorsque la vie de la personne est
en danger ou son intégrité menacée et que son consentement
ne peut être obtenu en temps utile. "Il est toutefois nécessaire
lorsque les soins sont inusités et devenus Inutiles ou que leurs
conséquences pourraient être intolérables pour la
personne."
Le Président (M. Lafrance): Merci. Des commentaires?
Mme Harel: Qu'est-ce que le ministre entend par soins
inusités?
M. Rémillard: Un soin inusité, c'est un soin qu'on
utiliserait d'une façon très exceptionnelle et dont on n'a pas
une très grande expérience d'application. C'est dans des
circonstances difficiles, extrêmement difficiles, un moyen qu'on veut
utiliser qui, habituellement, n'est pas utilisé, mais, étant
donné la situation, qu'on veut utiliser. Donc, par conséquent,
l'élément de risque est beaucoup plus élevé dans un
cas pareil.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Mme Harel: II ne s'agit pas d'une expérimentation, par
exemple.
M. Rémillard: Ce n'est pas l'expérimentation, mais
bien l'utilisation d'un traitement ou d'un médicament ou d'une
façon de faire qui n'est pas normalement utilisé parce qu'on ne
l'a pas utilisé souvent - normalement, le terme n'est pas bon - on ne
l'a pas utilisé très souvent. C'est inusité. La situation
peut être inusitée, donc, elle demande, par le fait même, un
remède, un traitement ou une façon de faire inusité, ou on
peut se retrouver dans une situation où la condition de la personne
nécessite qu'on fasse ce traitement inusité. Par
conséquent, il en résulte un degré de risque
élevé. Pour bien bien protéger, quand même, le
patient, la personne, à ce moment-là, il y a une exception au
principe qui est établi dans le premier alinéa.
Mme Harel: Dans les notes additionnelles qui sont fournies
à l'article 13, dans le projet de commentaires détaillés,
il est dit que la présente disposition diffère du texte
adopté en 1987 qui permettait de passer outre au refus de traitement
lorsque la vie est en danger. Ce changement d'orientation respecte le consensus
social qui s'est dégagé au cours des dernières
années sur la primauté accordée à la qualité
de la vie plutôt qu'au maintien de la vie à tout prix dans des
conditions Inacceptables. Il est important de noter, toutefois, que le respect
du refus de traitement se distingue essentiellement de l'euthanasie. Cette
dernière implique une intervention positive pour mettre fin à la
vie, alors que le respect du refus du traitement consiste plutôt à
cesser tout traitement autre que ceux visant à soulager les souffrances
de la personne à l'approche de la mort et à laisser agir la
nature.
M. Rémillard: Je pense que ces commentaires situent fort
bien cet article. Vous savez, il s'agit, en fait, entre autres, de
l'acharnement thérapeutique. On veut que la personne ait cette
dignité. En fait, ce qui nous gouverne en premier lieu, c'est le respect
de la dignité de l'être humain. Cette dignité, maintenant,
lorsqu'on parle de soins de santé, on la comprend par le consentement
qui doit être donné et on la comprend aussi par des traitements
qui doivent faire en sorte de respecter la dignité humaine. Lorsque
c'est la fin, qu'il n'y a vraiment plus de possibilité de redonner la
santé, il y a maintenant un consensus social qui se dégage fort
bien, que dans l'esprit du respect de la dignité humaine on évite
les acharnements thérapeutiques et on laisse la dignité à
la personne de pouvoir mourir dignement.
Mme Harel: Vous avez fait valoir, dans votre discours
d'ouverture, que la législation que l'Ontario s'apprêtait à
adopter était inspirée par des dispositions
québécoises - ai-je bien compris? - et que, par là
même, ces dispositions étaient en deçà de ce qu'on
pouvait retrouver. Est-ce que c'est le cas?
M. Rémillard: Oui. On a fait vérifier par les
légistes la situation de la loi de l'Ontario et la loi de l'Ontario
reprend les même principes, exactement les mêmes principes et ne va
pas plus loin, ne va pas moins loin non plus, va à peu près dans
le même sens que nous.
Mme Harel: Que les dispositions du Code civil?
M. Rémillard: Que les dispositions que nous
présentons aujourd'hui, sur le mandat.
Mme Harel: Vous avez écarté, à ce
moment-là, le testament biologique, l'application du testament
biologique dans ses effets pratiques.
M. Rémillard: Oui. On a écarté le testament
biologique après bien des consultations. Il est accepté, comme je
le mentionnais tout à l'heure, qu'il y ait le respect de la
dignité humaine qui implique le droit de mourir dignement. Le testament
biologique soulève encore de nombreuses questions dans notre
société. Par exemple, beaucoup de groupes s'y opposent en disant
que le testament est fait lorsque vous êtes en bonne santé et que,
par conséquent, lorsque arrive le temps de son application, vous n'avez
plus la disponibilité mentale de pouvoir réagir et qu'il y a
là une relation de consentement qu'actuellement, dans la
société, à certains niveaux, on n'est pas tout à
fait prêt encore à accepter. Je pense que c'est une situation qui
est en évolution, tout ce domaine-là est en évolution. Ce
que nous avons présentement comme règle situe fort bien
l'évolution de la société et du droit aussi, même
jurisprudentiel, et est en fonction du droit comparé dans les autres
pays comparables au nôtre. Cependant, il m'apparaît évident
que, lorsqu'on parlait, tout à l'heure, d'un institut de réforme
du droit, que c'est l'un des sujets qui devra être suivi de très
près par un institut et qui devra faire en sorte qu'on puisse
évoluer en fonction de l'évolution des mentalités et du
consensus social.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a d'autres commentaires? Oui, un instant.
Mme Bleau: M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Groulx, certainement.
Mme Bleau:... en attendant que les réflexions se fassent
de l'autre côté, moi, je peux vous dire, je pense que M. le
ministre a parlé de la situation de santé de mon mari. J'ai eu,
dernièrement, à répondre à un médecin qui
m'a dit - c'est pour démontrer où en sont justement ces
discussions-là au niveau de la médecine: Au cas où votre
mari ferait une autre thrombose - ce qui peut arriver, parce que c'est un
caillot, il peut en monter un autre - est-ce que vous seriez d'accord à
ce qu'on le tienne en vie artificiellement? J'ai dû déjà,
c'est dans le dossier, dire: Non, d'aucune façon, et pour moi-même
non plus. Alors, déjà, je crois que les médecins, en tout
cas les plus jeunes - moi, ce n'est pas un vieux médecin, c'est un
médecin qui est au début de la quarantaine...
Une voix:... un jeune.
Mme Bleau: Oui, j'appelle ça jeune, quand on regarde
Madeleine, c'est jeune. Alors, si les médecins posent une telle
question, c'est parce que c'est déjà un peu rentre dans nos
moeurs d'avoir à choisir si on veut, oui ou non, être tenu
artificiellement en vie. Alors, je pense qu'à mesure que
l'évolution va se faire ça va être de moins en moins
problématique. On va choisir ce qu'on veut.
Le Président (M. Lafrance): Merci. M. Holden: M. le
Président...
Le Président (M. Lafrance): M. le député de
Westmount.
M. Holden:... est-ce que le ministre pourrait nous dire... Il a
dit que certains groupes et certaines associations ou organisations s'opposent.
Sans les nommer, est-ce que c'est plutôt dans le domaine de la religion
ou du côté médical? Quels genres de groupes s'opposent?
M. Rémillard: Ce n'est pas nécessairement au point
de vue religieux. Je me souviens des intervenants dans le domaine social, dans
le domaine médical aussi où on remet encore en cause le
consentement et la validité du consentement qui est donné.
Maintenant, il faut bien comprendre aussi que, lorsque vous avez le mandat pour
inaptitude, ça équivaut quasiment à un testament
biologique, si ce n'est qu'on ne l'encadre pas et qu'on n'en fait pas une norme
juridique. Dans la mesure où vous donnez un mandat à quelqu'un de
prendre une décision à votre place, dans un cas d'inaptitude, et
que vous détaillez ce mandat, par conséquent, vous pouvez aller
dans une certaine direction qu'il est à vous de déterminer. Ce
n'est pas un testament biologique, mais il faut dire que, sous bien des
égards et sous bien des aspects et je devrais dire à certaines
fins, ça se ressemble.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: M. le ministre, est-ce que ça couvre le cas
où la personne souffre d'une façon très dramatique et
qu'elle ne veut pas ou ses proches parents, son épouse ne veulent pas
qu'elle continue de vivre? Est-ce que ça va jusque-là ou si c'est
seulement le cas où II n'y a aucune espérance médicale
qu'elle revienne de sa maladie?
M. Rémillard: Ça dépend toujours, tout
d'abord, de l'aptitude de la personne à consentir aux soins. La
première règle qu'il faut retenir, c'est la règle que la
personne doit consentir aux soins, dans un premier temps. Si la personne est
Inapte, à ce moment-là, dans une situation normale, II y a... Ou
bien elle a fait un mandat, c'est pour ça que nous encourageons
énormément les gens à faire des mandats, nous savons
maintenant que, lorsqu'on a refait la Loi sur la curatelle publique, on a
permis ces mandats entre personnes aptes pour dire: Quand je serai inapte, vous
prendrez les décisions en fonction de ma personne. Alors là, la
personne, dans un cas comme celui-là, M. le député de
Chapleau, la personne qui aurait le mandat de voir à vos
intérêts quant à votre personne, l'Intégrité
de votre personne, la dignité de votre personne, pourra décider:
Écoutez, débranchez; il n'y a plus à faire, donc ça
va. (21 heures)
Dans un cas d'urgence, c'est ce qu'on voyait ici, la personne, soit que
le médecin prend la décision sur place parce qu'il est là,
soit qu'il peut consulter quelqu'un qui a la responsabilité juridique de
cette personne, soit parce que c'est un mineur, soit parce que c'est une
personne inapte qui a un mandataire... Mais c'est dans ces cas-là, donc,
que va jouer cette relation. Sinon, on va se référer au corps
médical et à la personne qui est directement responsable de vos
soins.
M. Kehoe: Dans le cas où la personne souffre d'un cancer
incurable, et souffre d'une façon très, très dramatique,
et lui est encore habile, il est encore capable de prendre une décision
par lui-même, à ce moment-là, dans cet article-là
est-ce que c'est couvert s'il peut prendre les moyens médicaux, je ne
dirais pas, peut-être que c'est aller trop loin, de mettre fin à
sa vie ou de...
M. Rémillard: Non, là ça serait à ce
moment-là un suicide, et ce n'est pas accepté. Cependant, ce que
cette personne peut faire, elle peut dire: Écoutez, moi, je suis lucide
et je décide que j'en ai assez de vos soins, je ne veux plus avoir de
ces soins, parce qu'il y a toujours le consentement aux soins qui est le
principe général. Alors, tant que la personne est lucide.
elle dira: Moi, c'est terminé, écoutez, votre traitement
je ne veux plus l'avoir. Et le médecin devra respecter cette
volonté dans la mesure où elle est exprimée avec tout le
consentement. Il faut que la personne soit apte à exprimer le
consentement.
M. Kehoe: D'accord.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a d'autres membres qui désirent intervenir? Mme la
députée.
Mme Harel: Bien, il y a peut-être un aspect de
l'argumentation qui est assez faible contre le testament biologique, c'est cet
argument qui veut que, le consentement ayant été donné
avant la perte de lucidité, finalement, le caractère
irrévocable du testament biologique est entaché d'une certaine
façon du fait que le consentement ne peut pas être donné au
moment même où les gestes sont posés. Mais le mandat,
également, a un caractère irrévocable; si la situation de
la personne se détériore, le mandat qu'elle a signé
acquiert un caractère Irrévocable.
M. Rémillard: Vous savez, ce que vous me dites, oui, c'est
vrai dans le sens que le mandat, comme je le mentionnais tout à l'heure,
lui, il est irrévocable. Donc, si vous êtes inapte, vous
êtes sur un lit, vous êtes dans le coma, et vous avez donné
un mandat lorsque vous étiez apte à une personne de prendre une
décision, c'est cette personne-là qui peut dire: Eh bien,
écoutez, il n'y a plus rien à faire, vous laissez faire le
traitement. Dans ce sens-là, votre volonté que vous avez
exprimée quand vous étiez apte à confier un mandat, elle
est respectée lorsqu'il s'agit même de provoquer un
décès, parce qu'on ne procède plus à l'acharnement
thérapeuthique.
Cependant, lorsque c'est vous qui avez donné ce consentement,
vous avez écrit un testament biologique, ce que les gens disent, c'est
vous qui écrivez, et que vous ne pouvez plus, ou une personne qui vous
aime n'est plus là pour prendre la décision... Le mandat est
basé sur une relation de confiance. C'est quelqu'un en qui vous avez
confiance, et puis vous dites: Quand je serai inapte, cette personne-là
en qui j'ai confiance, qui m'aime, que j'aime, va prendre la meilleure
décision dans mon intérêt. Je ne dis pas que le corps
médical ne peut pas le faire, mais je dis que le mandat est donc
basé sur cet élément consensuel, basé sur un
degré d'affection ou peu importe comment vous l'appelez. Alors que, dans
un autre cas, le testament qui serait biologique, lui, vous le faites, mais
l'exécution du testament est laissée à quelqu'un qui n'a
pas de lien d'affinité avec vous. Alors, c'est un aspect important qui
fait que les gens disent: Un instant là, ce n'est pas pareil. Le
résultat est semblable en bout de ligne, mais le cheminement que vous
suivez n'est pas pareil. Et je crois que ça mérite une
réflexion beaucoup plus sérieuse dans le cas du testament
biologique.
Mme Harel: On peut quand même faire valoir qu'il y a 500
000, un demi-million de Québécois qui ont déjà
signé, je crois, une pétition en faveur de l'introduction dans
nos lois du testament biologique. Et le ministre invoque, à raison
là, le fait que, contrairement aux professionnels de la santé ou
aux médecins, c'est une personne qui nous aime à qui on confie un
mandat. Mais justement, très souvent, la personne qui nous aime ne veut
pas que l'on meure, et c'est souvent ce qui amène des personnes à
préférer le testament biologique pour écarter du
déchirement de la décision des personnes qui les aiment.
M. Rémillard: Je ne sais pas si, Mme la
députée, vous faites référence à 500 000
signatures sur une pétition, ou 500 000 mandats, parce qu'il y a
beaucoup de mandats qui sont donnés actuellement parce que tous les
formulaires s'en vont, et ça va très bien, les gens donnent des
mandats. Mais vous me parlez d'une pétition et j'avoue que je ne suis
pas au courant de cette pétition.
Mme Harel: Bon, ça va me faire peut-être, pas
peut-être, ça va me faire plaisir de vous faire parvenir
dès demain, ou de transmettre aux autres membres de la commission le
projet de testament biologique qui circule présentement au Québec
et en faveur duquel sont apposées 500 000 signatures.
M. Rémillard: Est-ce que vous voulez parler du projet de
la Commission des services juridiques?
Mme Harel: Non, c'est un projet qui est mis de l'avant par deux
chercheurs d'un organisme qui s'appelle Mourir dans la dignité.
M. Rémillard: J'apprécierais que vous puissiez me
le faire parvenir.
M. Holden: M. le ministre, est-ce que vos gens...
Le Président (M. Lafrance): M. le député de
Westmount.
M. Holden: Excusez-moi, M. le Président. Le
Président (M. Lafrance): Oui.
M. Holden: Est-ce que vos gens ont consulté à
travers par exemple les États des États-Unis et...
M. Rémillard: C'est l'état du droit actuellement,
au point de vue droit comparé, qui est
accepté d'une façon générale. Le testament
biologique n'est pas encore rendu dans le consensus social des moeurs.
M. Holden: Ça s'en vient
M. Rémillard: Ça s'en vient. Moi, je vous dis
personnellement, mon hésitation vient justement que ce n'est pas la
même chose que le mandat. Les gens disent très souvent:
Écoutez, on peut donner un mandat, pourquoi on ne pourrait pas faire
notre testament biologique? L'élément est différent, et
dernièrement je rencontrais des médecins qui pratiquent à
la maison Sarrazin, ici tout près sur le chemin Saint-Louis, où
c'est des gens en phase terminale, et le Or Bonenfant, qui fait un travail
remarquable, extraordinaire là-bas, où c'est des gens en phase
terminale, me disait: Écoutez, jusqu'en dernier, les gens, règle
générale, tiennent beaucoup à la vie, tiennent à la
vie, peu importe si à un moment donné ils ont voulu,
peut-être, ils ont eu un moment de découragement, mais,
jusqu'à la fin ils se battent pour la vie, et c'est dans l'instinct de
l'humain de se battre pour vivre. Il y a des exceptions, des moments qui
amènent un suicide ou un découragement et on dit c'est fini,
c'est terminé, mais l'humain se bat pour protéger sa vie pendant
toute son existence. Et, dans ce contexte-là, la volonté qu'il va
exprimer dans un moment où il y aura un soleil, il y a la joie de vivre
et il rédige un testament biologique disant: Moi, voici ce que je peux
faire... Dans des circonstances plus difficile, il y a une mise en question
quelquefois au point de vue de la volonté. Moi, je ne suis pas
fermé à ça, le testament biologique, bien au contraire.
Pour ma part, j'ai procédé par un mandat comme bien du monde,
mais au point de vue consensus social je pense qu'on n'est pas encore rendu
là.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Hochelaga-Malson-neuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. On me fait valoir
notamment que dans la législation américaine il y a un
encadrement du testament biologique, il n'est valide que pour 5 ans. Il doit
donc être renouvelé. D'autre part, il y aurait un délai de
15 jours qui doit s'écouler entre le diagnostic fatal et le testament.
Il faut bien comprendre qu'introduire un concept comme celui-là, c'est
l'encadrer dans un ensemble de dispositions qu'on ne retrouve pas
présentement dans notre Code, mais je suis d'avis qu'il s'agit-là
d'un concept sur lequel inévitablement on va devoir se pencher.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée. Est-ce qu'il y aurait d'autres Interventions sur cet
article 13? Est-ce que j'en conclus qu'on peut l'adopter? Alors, adopté
J'appelle l'article 14.
M. Rémillard: II y a un amendement de proposé, M.
le Président. Le projet est modifié par le remplacement, aux
articles 14, 15, 16, 17, 18 et 24, partout où II se trouve, du mot
"exigés" par le mot "requis". Deuxièmement, à l'article
16, remplacer, à la première ligne du premier et du
deuxième alinéa, le mot "requise" par "nécessaire" et,
à l'article 23, remplacer, au deuxième alinéa, le mot
"nécessités" par "requis".
M. le Président, il est préférable de maintenir le
terme "requis" utilise en droit actuel pour éviter que le changement du
terme soit interprété comme reflétant l'intention du
législateur d'apporter ainsi un changement à la règle de
fond, alors que ce n'est absolument pas ce que nous voulons faire. De par les
commentaires que nous avons eus, on a donc été amenés
à proposer cet amendement.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Étant donné que Mme la députée dn
Hochelaga-Maisonneuve avait demandé qu'on list» chacun des
articles de cette section, est-ce quo je pourrais vous demander de lire
l'article avec l'amendement contenu dans l'article 14?
M. Rémillard: Oui "Le consentement aux soins requis par
l'état de santé du mineur est donné par le titulaire de
l'autorité parentale ou par le tuteur. "Le mineur de quatorze ans et
plus peut néanmoins consentir seul à ces soins. Si son
état requiert qu'il demeure dans un établissement de santé
ou de services sociaux pendant plus de douze heures, le titulaire de
l'autorité parentale ou le tuteur doit être informé de ce
fait. "
Le Président (M. Lafrance): Merci.
M. Holden: M. le Président, je vous signale que le texte
anglais, cette fois-ci, est plus correct parce qu'on dit "required" et on fart
un amendement en conséquence.
Le Président (M. Lafrance): Merci.
Mme Harel: C'est l'état du droit existant, M. le
Président.
M. Rémillard: Oui. Il n'y a aucun changement.
Mme Harel: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Adopté tel
qu'amendé. J'appelle l'article 15.
M. Rémillard: Oui, M. le Président. "Lorsque
l'Inaptitude d'un majeur à consentir aux soins requis par son
état de santé est
constatée, le consentement est donné par le mandataire, le
tuteur ou le curateur. Si le majeur n'est pas ainsi représenté,
le consentement est donné par le conjoint ou, à défaut de
conjoint ou en cas d'empêchement de celui-ci, par un proche parent ou par
une personne qui démontre pour le majeur un Intérêt
particulier."
Le Président (M. Lafrance): Merci.
Mme Harel: Alors, c'est de droit nouveau, ça, je crois?
C'est un ajout au texte de 1987.
M. Rémillard: Oui. C'est un droit nouveau qui vient
compléter un peu toujours la même attitude que nous avons face au
mineur et à la personne qui peut prendre une décision pour
lui.
Mme Harel: C'est en concordance avec les nouvelles dispositions
sur le mandat?
M. Rémillard: Exactement. Tout est en concordance
directement.
Mme Harel: Je pense que c'est une amélioration,
ça.
M. Rémillard: C'était directement avec la
curatelle. Une amélioration qui est amenée avec notre loi sur la
curatelle publique.
Le Président (M. Lafrance): Alors, l'article 15 est
adopté tel qu'amendé. J'appelle l'article 16. (21 h 15)
M. Rémillard: Oui. "L'autorisation du tribunal est requise
en cas d'empêchement ou de refus injustifié de celui qui peut
consentir à des soins requis - au lieu de "exigés" - par
l'état de santé d'un mineur ou d'un majeur inapte à donner
son consentement; elle l'est également si le majeur inapte à
consentir refuse catégoriquement de recevoir les soins, à moins
qu'il ne s'agisse de soins d'hygiène ou d'un cas d'urgence. "Elle est,
enfin, nécessaire - au lieu de "requise" - pour soumettre un mineur
âgé de quatorze ans et plus à des soins qu'il refuse,
à moins qu'il y ait urgence et que sa vie ne soit en danger ou son
intégrité menacée, auquel cas le consentement du titulaire
de l'autorité parentale ou du tuteur suffit."
Le Président (M. Lafrance): Alors, si je comprends bien,
M. le ministre, en début d'article vous gardez le premier "requise".
M. Rémillard: Non.
Le Président (M. Lafrance): Vous le changez pour
"nécessaire".
M. Rémillard: C'est changé.
Le Président (M. Lafrance): Je pensais qu'il l'avait lu.
D'accord. Merci. C'est parce qu'il y en a deux "nécessaire". D'accord.
Est-ce qu'il y a des commentaires sur cet article 16 tel que lu et avec la
proposition d'amendement?
Mme Harel: D'abord, au premier alinéa, on a
remplacé "les soins usuels" par "les soins d'hygiène". Est-ce que
ça signifie une interprétation plus restrictive?
M. Rémillard: Non. Ce n'est pas... C'est peut-être
plus limité, oui. C'est à la suite, si ma mémoire est
bonne, de représentations au niveau hospitalier, médical. On nous
avait fait valoir que des soins usuels, ça pouvait mener quand
même à une difficulté à définir le mot
"usuel" comme tel et que ça posait une ambiguïté. Dans un
cas aussi difficile qui engage souvent des responsabilités, on voulait
être sûr, au niveau hospitalier, au niveau corps médical et
tous les intervenants du domaine de la santé, qu'on pouvait se
référer à un critère qui était plus
facilement cernable au point de vue application. Alors, c'est comme ça
que, lorsqu'on parle de soins d'hygiène, les soins d'hygiène sont
plus facilement déterminables.
Mme Harel: En même temps plus restreints.
M. Rémillard: C'est plus restreint comme
possibilité. C'est plus restreint. Peut-être c'est plus restreint.
Usuel, oui, usuel aurait été peut-être plus large, beaucoup
plus ambigu aussi.
Mme Harel: Avez-vous l'intention, dans les commentaires
explicatifs, d'apporter des précisions quant aux définitions, par
exemple, des différents soins? Dans le cas, par exemple, des soins
d'hygiène?
M. Rémillard: Bon. Soins d'hygiène, voyez-vous, ce
n'est pas une notion nouvelle comme telle. On la retrouve dans notre loi sur la
curatelle publique, où on retrouve le concept de soins d'hygiène.
C'est déjà là. Dans le contexte hospitalier, des soins
d'hygiène, c'est une notion qui est aussi assez bien comprise. Il s'agit
de soins concernant la propreté, la dignité de l'être
humain dans sa personne. De par les consultations qu'on a faites, la notion de
soins d'hygiène ne posait pas de difficulté de
définition.
Mme Harel: Et, quant au deuxième alinéa, je crois
comprendre qu'il y a une modification de rédaction en regard de ce qu'on
y retrouvait en 1987. Dorénavant l'autorisation du tribunal sera
nécessaire. Donc, on pourra soumettre un mineur âgé de 14
ans et plus à des soins qu'il refuse.
M. Rémillard: Par le tribunal. Par l'autorisation du
tribunal...
Mme Harel: Oui.
M. Rémillard: ...lorsque...
Mme Harel: Le recours au tribunal pour imposer des soins que le
mineur de 14 ans et plus refuse. Et on ne peut pas le faire, par exemple, si je
comprends bien, lorsque la personne est majeure. Donc, entre 14 et 18 ans on
pourra recourir au tribunal pour imposer des soins, c'est bien ça?
M. Rémillard: C'est ça.
Mme Harel: C'est nouveau, ça. C'est de droit nouveau.
M. Rémillard: Ou!. Voyez-vous, quand on lit attentivement,
donc...
Mme Harel: La notion de soins, là, par exemple...
M. Rémillard: Une transfusion... Mme Harel: ...on
pourrait imposer...
M. Rémillard: ...sanguine. C'est l'exemple classique.
Mme Harel: On pourrait le faire, imposer la transfusion sanguine
entre 14 et 18 ans mais, à 18 ans, on ne pourrait pas l'imposer?
M. Rémillard: Parce que la personne est majeure, donc elle
peut prendre sa pleine volonté, le plein consentement, dis-je.
Mme Harel: On me fait valoir que le mineur, à ce
moment-là, peut consentir seul, mais il ne peut pas refuser seul.
M. Rémillard: S'il refuse, il faut bien dire...
Excusez-moi, allez-y. Simplement vous dire qu'à moins qu'il y ait
urgence et que sa vie ne soit en danger ou son intégrité
menacée... C'est dans des conditions...
Mme Harel: C'est ça. C'est à l'inverse, c'est parce
que, s'il y a urgence, si la vie du mineur âgé de 14 ans et plus
est en danger ou son intégrité menacée, là il n'y a
pas besoin de l'autorisation du tribunal. L'autorisation du tribunal est
requise lorsque l'on veut imposer des soins à un mineur âgé
de 14 ans et plus qui le refuse.
M. Rémillard: Exactement. Lorsque le mineur le refuse et
qu'on juge qu'il devrait l'avoir quand même, on doit s'adresser au
tribunal pour aller à rencontre de sa volonté. Ça ne veut
pas dire que sa vie soit en danger, mais s'il y a urgence et que sa vie soit en
danger ou son intégrité menacée, à ce
moment-là, on n'a pas besoin d'aller au tribunal évidemment parce
que là ça veut dire qu'il a le temps de mourir plusieurs fols
avant qu'on ait le consentement. Alors, c'est une mesure d'urgence.
Mme Harel: Par exemple, dans les cas d'anorexie qui surviennent
souvent à l'adoles cence, dans la mesure où II y aurait la vie,
par exemple, d'une anorexique qui serait en danger, le titulaire de
l'autorité parentale ou le tuteur pourrait soumettre ce mineur de 14 ans
et plus à des soins...
M. Rémillard: ...si sa vie est en danger... Mme Harel:
...ou s'il y a urgence.
M. Rémillard: ...sinon, il faut passer au tribunal.
Le Président (M. Lafrance): Merci Mme Harel:
Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a d'autres
Interventions? L'article 16 est adopté, tel qu'amendé. J'appelle
maintenant l'article 17.
M. Rémillard: "Le consentement aux soins qui ne sont pas
requis par l'état de santé du mineur de quatorze ans et plus est
donné, conjointement, par le mineur et par le titulaire de
l'autorité parentale ou le tuteur. "Le mineur peut, toutefois, y
consentir seul si les soins sont bénins ou n'entraînent aucun
risque sérieux pour la santé ni effet grave et permanent."
Le Président (M. Lafrance): Merci.
Mme Harel: Le ministre va convenir que, si...
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: ...on pouvait assez facilement comprendre à
quoi se référaient les soins d'hygiène, il va devoir nous
expliquer ce que sont les soins bénins, parce que l'explication ne
s'impose pas d'elle-même.
M. Rémillard: Ce n'est pas un terme qui implique des
critères objectifs qu'on peut déterminer à coup sûr.
Je pense que "bénin" va se comprendre en fonction de chacune des
situations. On dit: "Le mineur peut, toutefois, y consentir seul si les soins
sont bénins ou n'entraînent aucun risque sérieux pour la
santé ni effet grave et permanent." Le "ou" d'une certaine façon
vient donner un peu d'éclairage sur le sens de "bénin". C'est
bénin, c'est qu'il n'y a aucun
risque sérieux pour la santé. Il n'y a pas d'effet grave
et permanent, donc c'est ce qui est bénin. Alors, la périphrase
qui suit ce terme "bénin" vient en quelque sorte un petit peu donner les
balises et ces balises, c'est: II n'y a pas de risque sérieux, il y a
toujours un risque à recevoir un soin, vous pouvez recevoir un
médicament qui est inoffensif normalement et qui, tout à coup,
provoque une réaction ou je ne sais trop quoi. Mais, normalement,
ça n'a pas un risque sérieux pour la santé, ça n'a
pas d'effet grave ou bien permanent. Alors, trois critères qui viennent
encadrer la définition, je ne dirais pas une définition, mais je
dirais la situation parce qu'il s'agit bien d'une situation qu'on doit donner
au mot "bénin". Je ne crois pas qu'on puisse donner une
définition de "bénin" mais bien plus une situation. Si on se
réfère au Petit Robert, je vois ici qu'à
"bénin" on parle d'inoffensif, on parle d'anodin, on parle donc sans
conséquence grave. C'est un petit peu ce qu'on a dit dans les mots qui
suivent.
Évidemment, on connaît tous des gens qui ont eu la nouvelle
à un moment donné: Votre tumeur est bénigne, et ils
étaient très heureux. On en connaît d'autres, c'est
d'autres résultats aussi, et c'est malheureux. Donc, le sens de
"bénin" en termes médicaux ou de santé, il se comprend,
bien que je ne crois pas qu'il soit possible de le définir, mais
beaucoup plus de le situer. C'est ce qu'on a voulu faire avec la
périphrase qui suit.
Mme Harel: Dans quelle catégorie doit-on entrer, par
exemple, la contraception?
M. Rémillard: Ça, c'est une interprétation
qu'il faut voir en fait en fonction, par exemple, du critère... Prenons
les trois critères: n'entraîne aucun risque sérieux -
premièrement, il faudrait l'interpréter en fonction de la notion
de risque sérieux pour la santé - ni effet grave et permanent.
Alors, c'est l'effet qui doit être grave et permanent. Vous prenez
l'exemple de la contraception, si vous utilisez ces trois critères, et
vous l'appliquez, vous pouvez avoir une réponse que vous appliquez.
Mme Harel: Mais quelle réponse apportez-vous?
M. Rémillard: Je pense que c'est tout à fait
subjectif et ça peut être en fonction de l'interprétation
médicale qui peut être apportée.
Mme Harel: C'est donc dire que, finalement, chaque professionnel
de la santé pourra, subjectivement, comme vous nous le dites,
interpréter différemment ce deuxième alinéa.
M. Rémillard: II peut l'apprécier. Il va
l'apprécier en fonction de son éthique, en fonction de sa
responsabilité médicale, en fonction de chaque cas qu'il a devant
lui aussi et en fonction toujours de mes trois critères que je viens de
vous citer et qui sont dans l'article eux-mêmes. C'est vraiment cas par
cas.
Mme Harel: On peut, par exemple, constater que la contraception
n'est pas considérée comme exigée par l'état de
santé.
M. Rémillard: Maintenant...
Mme Harel: Je m'excuse, M. le ministre.
M. Rémillard: Excusez-moi, oui.
Mme Harel: Je voudrais juste vous demander de suivre cette
argumentation. Est-ce que vous convenez également que, par exemple, la
contraception n'est pas exigée par l'état de santé d'un
mineur, la contraception, ça ne fait pas partie des soins exigés
par l'état de santé?
M. Rémillard: Ça dépend de la santé
du mineur, de l'évaluation du professionnel de la santé qui va
évaluer sa santé, santé autant physique que mentale,
psychologique.
Mme Harel: Oui, mais peut-on convenir que la contraception,
ça n'est pas pour venir remédier à une maladie, par
exemple?
M. Rémillard: Pas nécessairement une maladie, mais
ça peut être dans un cas de trouble psychologique
sérieux.
Mme Harel: Oui, si vous le voulez. On peut prendre les exceptions
des exceptions. Mais est-ce qu'on peut convenir que, pour le commun des mortels
dans notre société, la contraception n'est pas un
remède?
M. Rémillard: Ce n'est pas un?
Mme Harel: Un remède qui vient soigner une maladie.
M. Rémillard: Pour ma part, je ne crois pas que la
contraception soit un remède, non.
Mme Harel: Parce que l'article 17, au premier alinéa,
prévoit que le mineur ne peut donner un consentement que pour les soins
exigés par son état de santé.
M. Rémillard: Requis.
Mme Harel: Oui, oui. Tout à fait. Pour les soins requis
par son état de santé. (21 h 30)
M. Rémillard: C'est ça.
Mme Harel: N'est-ce pas? Alors, la contraception ne peut pas,
règle générale, être
considérée comme étant requise par l'état de
santé.
M. Rémillard: Ça dépend. C'est cas par cas.
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, l'état de santé,
c'est la santé mentale, psychologique, donc, c'est la santé
physique, la santé mentale, la santé psychologique aussi.
Mme Harel: Quand ça n'est pas considéré
comme étant requis par l'état de santé? Comme vous nous
dites, ça peut l'être ou ne pas l'être. Alors, prenons
l'hypothèse que ce ne le soit pas. Ne l'étant pas, doit-on
comprendre, par la proposition que vous nous faites, que le mineur de 14 ans et
plus devra obtenir le consentement du titulaire de l'autorité parentale
ou du tuteur?
M. Rémillard: C'est le professionnel de la santé
qui pourra l'évaluer en fonction de si, selon lui, il s'agit d'une
opération qui est bénigne, qui ne pose donc pas de
conséquence pour lui, d'effet grave et permanent, qui n'a pas de risque
sérieux. C'est en fonction des critères qu'il pourra
l'évaluer, cas par cas.
Mme Harel: Vous avez eu, à ce sujet, des
représentations nombreuses. Vous nous avez abondamment dit qu'elles
avaient été analysées et commentées. Mme la
sous-ministre a certainement rencontré la présidente du Conseil
du statut de la femme, qui a dû lui faire des représentations sur
cette question spécifique. Quelles sont, finalement, les suites que vous
entendez donner à ces représentations qui vous ont
été faites?
M. Rémillard: Si vous me permettez une petite minute, je
vais m'informer, voir exactement... On m'informe que les représentations
que nous avons eues étaient à l'effet qu'on protège le
droit actuel; selon les légistes, dont Mme Longtin, que je viens de
consulter, on confirme le droit actuel. Est-ce que vous aimeriez poser une
question à Mme Longtin? Je peux demander à Mme Longtin de
répondre à votre question.
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, vous allez me permettre de
vous citer d'abord les commentaires du Conseil du statut de la femme sur cette
question qui reste toujours d'actualité, même si l'expression
"exigé" a été remplacée par "requis", et
également, je pense, de citer ce qu'en dit le Barreau dans son
mémoire sur le livre premier.
Alors, le Conseil du statut de la femme fait valoir que l'article 17 du
projet de Code civil, qui prévoit la nécessité d'obtenir
aussi le consentement d'une personne autorisée par la loi dans le cas
où les soins ne sont pas exigés par l'état de
santé, sauf si ces soins sont bénins ou n'entraînent aucun
risque sérieux pour la santé ni effet grave et permanent, suscite
des inquiétudes quant à la capacité d'une mineure
âgée de 14 ans et plus de consentir seule à un avorte-ment.
L'introduction de cette nouvelle disposition a pour effet de créer un
régime différent selon que les soins sont exigés par
l'état de santé ou ne le sont pas, sauf s'ils sont bénins
ou n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé ni effet
grave et permanent. Alors qu'actuellement la situation ne pose pas de
problème quant à l'Interprétation faite par les
professionnels de la santé, ce nouvel encadrement ne risque-t-il pas -
demande le Conseil du statut de la femme - de limiter le droit d'une
adolescente de consentir seule à un avortement ou même à la
contraception? L'interruption de grossesse et la contraception seront-elles
considérées dans tous les cas comme des soins requis pour des
raisons de santé? Sinon, un tel soin pourra-t-il être
considéré comme bénin ou n'entraînant aucun risque
sérieux pour la santé ni effet grave et permanent? En 1988, 19,2
% des avortements ont été pratiqués chez des femmes de 14
à 19 ans. Dans ce groupe d'âge, près de la moitié
dos grossesses se terminent par un avortement. Plus l'adolescente est jeune,
plus souvent elle inter rompt sa grossesse. De plus, l'obligation d'obtenir un
consentement du titulaire de l'autorité parentale risquerait
d'accroître l'incidence de l'avortement tardif dans cette
catégorie. On sait déjà que, bien que constituant
actuellement l'exception, les adolescentes subissent ce type d'avortement dans
une proportion significative, soit dans une proportion de 30 %. Les raisons qui
expliquent ces interventions tardives peuvent être reliées
à la difficulté pour les jeunes femmes de se rendre compte de
leur état, de le communiquer et d'avoir le support nécessaire et,
en définitive, aux hésitations à prendre une
décision en regard de la poursuite ou non de l'interruption de
grossesse. Il ne faudrait donc pas qu'une nouvelle disposition contribue
à accentuer ce phénomène. Alors, le Conseil du statut
propose - je conclus là sur ça: Nous proposons donc de clarifier
les articles pertinents en conséquence.
M. Rémillard: Le Conseil du statut propose quoi?
Mme Harel: Nous proposons donc de clarifier les articles
pertinents en conséquence. Pour avoir rencontré la
présidente du Conseil du statut de la femme à l'occasion du
dépôt des commentaires du Conseil, je comprends qu'il y a beaucoup
d'inquiétudes au Conseil du statut sur l'incertitude dans laquelle les
professionnels de la santé, dorénavant, seront mis et cette
incertitude peut les amener à ne pas, finalement, prendre les
décisions qui étaient prises jusqu'à maintenant.
Essentiellement, il faut bien comprendre que l'état actuel du droit
existait depuis 1972... Ah bon, voilà! Je cite d'ailleurs le Barreau,
à la
page 20; dans son mémoire, le Barreau dit: Enfin, on peut se
demander comment les tribunaux interpréteront les soins relatifs
à l'avortement et à la contraception par rapport aux articles 14
et 17 et si cette interprétation aura pour effet de modifier le droit
actuel. On sait qu'en vertu de l'actuel article 42 de la Loi sur la protection
de la santé publique une adolescente de 14 ans ou plus peut consentir
seule pour avoir accès à ces soins. La présence du nouvel
article 17 changera-t-elle quelque chose à cet égard? Il ne le
faudrait pas, car cela signifierait un net recul par rapport à la
situation sociojuridique d'aujourd'hui.
Alors, il semble que toutes les garanties ne soient pas actuellement
offertes pour rassurer ni le Barreau qui craint, à cet égard,
qu'il y ait un recul, ni le Conseil du statut de la femme qui craint qu'une
telle nouvelle disposition contribue à accentuer le
phénomène d'avortement tardif, compte tenu du fait qu'il pourrait
y avoir des délais supplémentaires, si tant est que les
professionnels de la santé soient soucieux de ne pas prendre de risque
en étant soumis à un jugement, à une appréciation,
comme a dit le ministre, subjective qui peut certainement donner lieu à
une contestation judiciaire. Cette appréciation subjective, M. le
Président, je peux vous dire qu'elle est loin de mettre sous protection
les professionnels de la santé comme le faisait le droit existant.
M. Rémillard: M. le Président, je me demande si on
ne pourrait pas suspendre notre étude de l'article 17 pour y revenir
plus tard après avoir demandé à mes gens de faire le point
là-dessus d'une façon encore plus complète, si c'est
possible, en fonction des mémoires qui nous ont été
présentés et qu'on puisse en discuter. L'intention du
législateur, donc, de cette sous-commlssion est de respecter le droit
existant, non pas de le changer. Si on voit là des dangers de changer le
droit existant, je pense qu'il faut être très prudent. Par
conséquent, si vous me permettez, M. le Président, je
suggérerais à cette commission qu'on suspende notre étude
de l'article 17 pour y revenir un peu plus tard lorsque j'aurai plus
d'informations et de réflexions à communiquer à cette
sous-commission.
Le Président (M. Lafrance): Alors merci, M. le ministre.
Est-ce qu'il y a consentement de suspendre cet article 17?
Mme Harel: Consentement.
Le Président (M. Lafrance): D'accord, merci. Alors,
l'article 17 est en suspens. J'appelle l'article 18.
M. Rémillard: Oui. "Lorsque la personne est
âgée de moins de quatorze ans ou qu'elle est inapte à
consentir, le consentement aux soins qui ne sont pas exigés par son
état de santé est donné par le titulaire de
l'autorité parentale, le mandataire, le tuteur ou le curateur;
l'autorisation du tribunal est en outre requise."
Alors, il s'agit d'un amendement que j'ai annoncé tout à
l'heure; donc, il faut changer ici le terme "exigés" par "requis".
Alors, M. le Président, je m'excuse. M. le Président, on
vient de m'apporter là un amendement additionnel pour cet article 18. Si
vous me permettez, on efface et on repart sur 18. Je vais vous lire
l'amendement proposé. L'amendement proposé se lit comme suit:
L'article 18 du projet est modifié par le remplacement, à la
cinquième ligne du premier alinéa, du mot "requise", par le mot
"nécessaire".
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre.
Je pense qu'en troisième ligne on avait un premier amendement.
M. Rémillard: Oui.
Le Président (M. Lafrance): De changer "exigés" par
"requis".
M. Rémillard: C'est ça. Alors, il y a deux
amendements à cet article 18, M. le Président. Il y en a un qui
dit qu'on doit changer le mot "exigés" qu'on voit en troisième
ligne par le mot "requis".
Le Président (M. Lafrance): "Requis", oui.
M. Rémillard: Et le terme "requise", par le terme
"nécessaire", comme dernier mot du premier alinéa. Alors, si vous
permettez, M. le Président, je pourrais lire l'article tel
qu'amendé.
Le Président (M. Lafrance): Oui, allez-y, M. le
ministre.
M. Rémillard: "Lorsque la personne est âgée
de moins de quatorze ans ou qu'elle est inapte à consentir, le
consentement aux soins qui ne sont pas requis par son état de
santé est donné par le titulaire de l'autorité parentale,
le mandataire, le tuteur ou le curateur; l'autorisation du tribunal est en
outre nécessaire. 'Toutefois, le titulaire de l'autorité
parentale, le mandataire, le tuteur ou le curateur peut, sans l'autorisation du
tribunal, consentir à des soins bénins ou qui n'entraînent
aucun risque sérieux pour la santé ni effet grave et
permanent."
Le Président (ML Lafrance): Merci. Oui, M. le
député de Westmount.
M. Holden: Est-ce que le ministre pourrait fournir tous les
amendements qu'on va passer? Moi, je n'ai pas reçu un amendement depuis
le premier, je pense, des amendements. J'aimerais
avoir un bloc d'amendements qu'on va... au fur et à mesure qu'on
va les passer.
Le Président (M. Lafrance): Certainement, M. le
député. Il y a seulement... C'est ça. On en était
au troisième amendement.
Mme Harel: C'est parce qu'on procède, on va trop vite!
Le Président (M. Lafrance): On va sûrement, M. le
député, vous fournir tous ces amendements.
M. Holden: J'aimerais les avoir avant qu'on ne considère
l'article.
Le Président (M. Lafrance): D'accord, merci. Est-ce qu'il
y des commentaires additionnels sur cet article 18, tel que proposé,
avec amendements? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve?
Mme Harel: Alors, M. le Président, au premier
alinéa, le ministre peut-il nous expliquer pourquoi il entend
requérir à la fois le consentement du titulaire de
l'autorité parentale et du tribunal pour des soins qui ne sont pas
requis par l'état de santé? Il faut bien comprendre...
M. Rémillard: Excusez-moi, votre question...
Mme Harel: Je reprends, il faut comprendre qu'il s'agit donc soit
de personnes âgées de moins de 14 ans, ou inaptes à
consentir...
M. Rémillard: C'est ça.
Mme Harel:... et au premier alinéa...
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel:... est prévu requérir à la fois
le consentement de l'autorité parentale ou du tuteur et celui du
tribunal. Pourtant, il s'agit de consentements aux soins qui ne sont pas requis
par l'état de santé, c'est des soins qui ne sont pas requis, et
on demande à la fois le consentement du titulaire de l'autorité
parentale, mandataire, tuteur ou curateur, et du tribunal. C'est des soins qui
ne sont pas requis, là, par l'état de santé. (21 h 45)
M. Rémillard: C'est justement parce qu'ils ne sont pas
requis qu'on veut donner une protection supplémentaire en disant qu'il
faut l'autorisation du tribunal.
Mme Harel: Oui.
M. Rémillard: Ça peut être par exemple une
question d'esthétique. Ça peut être différentes
considérations qu'on pourrait voir, là... Ah oui!
La stérilisation des personnes Inaptes. Alors, là. ce
n'est pas nécessaire pour la bonne santé de la personne, du
mineur ou de l'Inapte, donc, on dit: Oui, ça peut quand même se
faire, mais il faut l'autorisation de la personne qui a la
responsabilité de cette personne, mineur ou inapte, et en plus
l'autorisation du tribunal. C'est une protection supplémentaire qu'on
veut accorder.
M. Holden: Ça veut dire que je dois avoir l'autorisation
du tribunal pour faire arranger les oreilles de mon fils qui a 11 ans?
M. Rémillard: Non, c'est que là... M. Holden:
Ah, O. K.
M. Rémillard:... à ce moment-là, vous avez
le deuxième alinéa et je suis certain qu'une opération aux
oreilles de votre fils, ce serait considéré comme
bénin.
M. Holden: Peut-être, mais pas nécessairement, une
intervention...
M. Rémillard: Si c'est dangereux, si l'opération
risque...
M. Holden: Bien, pas dangereux mais pas bénin.
M. Rémillard: Oui, mais bénin c'est qu'il n'y a pas
de risques sérieux pour la santé ni d'effet grave sur la
santé.
Mme Caron: Mais les effets sont permanents.
M. Rémillard: Oui, mais sur la santé. Les effets
sont permanents si on me coupe un morceau d'oreille, mais ça n'affecte
pas votre digestion, votre santé ou quoi que ce sort.
Mme Caron: Non, mais ça peut affecter votre vie.
M. Rémillard: Et d'autre part II y a peut-être aussi
l'aspect, si vous me permettez, Mme la députée, il y a l'aspect
de la santé mentale. Ne négligeons pas, quand on parie de
santé, c'est la santé physique oui, mais c'est aussi la
santé mentale et psychologique.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a d'autres interventions sur cet article? Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve?
Mme Harel: M. le Président, j'aimerais savoir quelle
réponse les légistes ont apportée à la
représentation que faisait le Barreau à l'effet qu'on ne peut
affirmer avec certitude qu'un
traitement ne comporte vraiment aucun risque sérieux pour la
santé. Et le Barreau demandait, dans son mémoire: N'y a-t-il pas
toujours un certain risque? Et le mot "aucun" nous semble un peu trop absolu,
eu égard notamment à la responsabilité professionnelle du
médecin qui est appelé à établir cette absence de
risque. En outre - ajoutait le Barreau - puisque le deuxième
alinéa vise... Bon. D'accord. C'était en fait à propos de
l'expression "soins qui ne sont pas exigés par son état de
santé". C'est bien ça?
M. Rémillard: C'est arrivé. D'abord, je dois dire
que les commentaires du Barreau nous sont arrivés ce matin. Donc, les
légistes n'en ont pas pris connaissance. De fait, il y a des discussions
informelles qui ont eu lieu entre le Barreau et les légistes, mais le
mémoire du Barreau est arrivé ce matin. Maintenant, "aucun risque
sérieux", c'est qu'on veut insister sur le fait qu'il s'agit bien de
soins qui ne sont pas requis pour la santé de l'inapte ou du mineur. Il
s'agit donc... Pensons à quoi ça peut correspondre. Et, quand je
parle de santé, c'est santé psychologique ou santé mentale
ou santé physique. Alors, ça peut correspondre à...
Tantôt, je donnais l'exemple de la stérilisation, et c'est un cas
qui peut se présenter. Ça peut être aussi une question
d'esthétique qui, quand même, peut être sérieuse pour
le jeune en fonction de différentes pratiques religieuses, par exemple,
etc., ce qui se passe aussi comme situations. Alors, c'est là qu'entrent
en ligne de compte les mots "consentir à des soins bénins". Et
là, toujours, il y a la périphrase qui vient donner les balises
pour préciser le concept de "bénin" dans ce contexte-là
qui dit "n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé".
Alors, "aucun risque sérieux"... Bien sûr que, dès que vous
pensez à une intervention médicale quelconque, vous avez un
certain degré de risque, mais pas nécessairement un risque
certain.
Mme Harel: Est-ce qu'il faut comprendre, alors, M. le ministre,
que la stérilisation, maintenant, c'est l'affaire du tribunal?
M. Rémillard: Lorsqu'il s'agit de décider de
stériliser, selon l'article 18, une personne inapte ou de moins de 14
ans, la personne qui a la responsabilité, donc, de cette personne de
moins de 14 ans ou inapte doit avoir le consentement du tribunal, selon
l'article 18, tel que je le lis.
M. Holden: Est-ce que c'est la judiciairi... Comment on appelle
ça?
M. Rémillard: Ça, c'est la judiciarisation. Oui,
vous avez raison.
M. Holden: Et, sur le côté esthétique, je
pense que c'est une exagération mais, si c'est pour couvrir l'autre,
c'est bien.
M. Rémillard: Si c'est bénin, il n'y a pas de
problème. Si c'est bénin, donc ça n'entraîne aucun
risque sérieux pour la santé ni effet grave et permanent, il n'y
a pas besoin d'avoir l'autorisation du tribunal.
M. Holden: Mais corriger le nez de quelqu'un, ce n'est pas
bénin. Je veux dire le nez qui est mal fait ou quelque chose, là.
Pourquoi aller au tribunal pour des affaires qu'un parent doit faire pour son
enfant? Je ne comprends pas.
Mme Bleau: Ce n'est pas de la stérilisation. Ça, je
trouve ça grave. Arranger le nez! Ma petite-fille s'est fait arranger
les oreilles.
M. Holden: Oui, mais je ne parie pas de stérilisation. Je
suis d'accord que ça doit être autorisé par le tribunal
mais pour le reste, pour un enfant de 12 ans... Moi, je veux décider sur
les soins de santé de mon enfant. Je ne veux pas que le tribunal s'en
occupe, M. le ministre.
M. Rémillard: Bon. Alors, écoutez, si on prend
cette décision-là, tout d'abord, de changer, par exemple, le nez
d'un enfant qui a besoin d'une intervention, donc, 14 ans et moins ou une
personne qui est inapte, mais prenons le cas d'un enfant de 14 ans et moins, la
question qui doit alors se poser c'est: Est-ce que c'est bénin? Et
comment on va répondre à cette question-là, c'est en se
posant la question suivante: Est-ce que ça entraîne un risque
sérieux pour la santé? Et ça, la santé, j'insiste
encore sur l'aspect, c'est la santé physique autant que c'est la
santé psychologique ou mentale. Est-ce que, aussi, ça peut avoir
des effets graves et permanents, toujours sur la santé? C'est
évident que c'est permanent quand on change le nez. On peut...
Permanent, on peut le changer une deuxième fois, remarquez. Et là
c'est le professionnel de la santé qui l'évalue. Nous, l'objectif
qui nous a guidés là-dedans c'était vraiment d'essayer de
trouver les balises qui nous permettraient qu'il n'y ait pas de dommage
causé à la santé ou à la vie d'un mineur ou d'un
inapte dans le cas où son état de santé ne l'exige pas. On
a vu tantôt des cas où le mineur ou la personne inapte a besoin de
soins de santé, et la il faut agir. Ça va. Ici, la santé
n'est pas en cause et on dit: L'autorisation du tribunal. Ou si c'est
bénin, à ce moment, s'il n'y a pas de risque sérieux,
l'autorité parentale va suffire.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le
ministre. Mme la députée de Groulx.
Mme Bleau: Une question qu'on se pose là. Et je pense que
c'est important parce qu'il y en a peut-être d'autres qui se la posent.
Des parents d'enfants, d'une fille, supposons, handicapée mentale assez
sérieusement, qui veulent justement... qui ont peur que la fille puisse
se
retrouver enceinte et, pour empêcher ça, veulent la faire
stériliser. À ce moment-là, c'est grave et pour la
santé mentale et pour, bien, les suites, et ça va être
définitif, bon. Tout ça rentre dans ça. Mais le parent,
lui, il se croit le droit de le faire pour protéger son enfant, en
somme. Est-ce que, à ce moment-là, il va avoir besoin d'un ordre
de la cour pour le demander?
M. Rémillard: Dans la mesure où cette
stérilisation n'est pas nécessaire pour la santé de cette
personne, pour y procéder il faudrait avoir la permission de la
cour.
Mme Bleau: O.K.
M. Rémillard: Parce qu'il faut penser, on peut penser, oui
bien sûr... Simplement vos mots, Mme la députée, situent
très bien le débat. Vous dites: qui serait déficiente
mentale, un petit peu, beaucoup, moyennement... Voyez-vous, c'est un petit peu
ça qu'on veut essayer de contrer, c'est-à-dire les abus qui en
arriveraient à créer des lésions ou créer des
résultats, des conséquences permanentes chez des personnes qui
sont inaptes ou qui sont mineures et qui ne peuvent pas exprimer leur
consentement. Alors, c'est comme ça qu'on dit: Le tribunal est là
et il peut servir pour protéger le mineur ou la personne inapte.
Mme Bleau: Je comprends très bien.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a d'autres interventions? Oui, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Avez-vous l'intention, M. le ministre, de publier dans
les commentaires explicatifs une définition de "soins bénins"?
Imaginez, l'interprétation qui pourrait en résulter dans la
mesure justement où il pourrait y avoir mésentente entre les
titulaires de l'autorité parentale. Imaginons des parents qui ne
s'entendent pas et...
M. Rémillard: Croyez-vous que c'est possible de
définir "bénin"? Nous, on s'est interrogé au point de vue
des légistes. On a consulté et on considère qu'on peut,
comme la réponse que je vous disais tout à l'heure lorsqu'on
étudiait les articles précédents, l'article 17 et les
autres... Le mot "bénin" se situe, mais il ne se définit pas,
dépendant du concept. Qu'est-ce que je veux dire par là? C'est
que sa situation doit être essentiellement dynamique en fonction, donc,
des cas par cas qui peuvent se produire, mais en fonction de balises qu'on doit
établir et ces balises, c'est dans la périphrase qui suit,
lorsqu'on dit: "n'entraînent aucun risque sérieux"; donc, ce qui
est bénin, c'est ce qui n'entraîne aucun risque sérieux
pour la santé. Ce qui est bénin, c'est ce qui n'entraîne
aucun effet grave et permanent. Alors, pour nous, on a ces deux balises et,
moi, je vous demande. Est-ce que vous voyez une autre façon dont on peut
procéder pour donner une situation plus précise à la
signification du mot "bénin"? Je pense que ce serait difficile, mais, si
vous en voyez une, on peut la regarder.
Mme Harel: Je pense que c'est dlsjoncttf. "Bénin", c'est
une catégorie; "n'entraînent aucun risque sérieux pour la
santé", c'est une deuxième catégorie; "ni effet grave et
permanent", c'est une troisième catégorie. Dans la théorie
des sous-ensembles, j'ai l'impression que le ministre ne passerait pas son
examen parce que "bénin" n'égale pas "n'entraînent aucun
risque sérieux pour la santé ni effet grave et permanent".
M. Rémillard: Pour nous, le soin bénin... Le "ou"
peut être conjonctif, oui, mais II est dans l'interprétation du
mot "bénin", c'est-à-dire que ça n'entraîne "aucun
risque sérieux pour la santé ni d'effet grave et permanent".
C'est essentiellement la même chose. Que vous le voyiez comme conjonctif
ou que vous le voyiez dans le sens d'une "alternation" sensible du concept,
vous en arrivez à la même conclusion.
Mme Harel: Alors, à ce moment-là, M. le ministre,
il faudrait enlever le "ou". Vous avez l'effet que vous recherchez si vous
enlevez le "ou" et que vous le formulez de façon à ce que le
consentement à des soins bénins...
M. Rémillard: Moi, pour ma part, je vivrais très
bien sans le "ou", mais, si vous me permettez, je vais consulter nos
légistes pour ne pas faire d'erreur.
Mme Harel: Oui. Je pense qu'on a une encore meilleure solution
à vous proposer.
M. Rémillard: Allez-y, parce que là on discute fort
aussi sur les possibilités.
Mme Harel: D'accord, en fait, si tant est que "bénin"
signifie "n'entraînent aucun risque sérieux pour la santé
ni effet grave et permanent", alors pourquoi tout simplement ne pas le dire
clairement en écartant le mot "bénin"?
M. Rémillard: Qu'est-ce que vous voulez dire?
Mme Harel: Le mineur peut, toutefois, y consentir seul,
c'est-à-dire... Excusez-moi, le deuxième alinéa. Si les
soins sont bénins... Ah! Excusez-moi.
M. Rémillard: Si les soins n'entraînent aucun...
Mme Harel: ...risque sérieux pour la santé
ni effet grave et permanent. Alors, à ce moment-là,
ça dit exactement... On enlève là un problème.
M. Rémillard: Est-ce que je vous comprends en disant qu'on
dirait: consentir à des soins qui n'entraînent aucun risque
sérieux pour la santé ni effet grave et permanent?
Mme Harel: C'est ça.
M. Rémillard: Moi, je serais d'accord avec ça.
Écoutez, je pense qu'on pourrait faire ça, oui. L'idée est
très bonne. Vous me permettrez de le prendre, quand même, sous
réserve.
Mme Harel: Oui.
M. Rémillard: Les légistes vont l'étudier,
le vérifier. Mais moi, ça m'irait. De par les premières
vérifications que je viens de faire avec les légistes, ça
traduit très bien l'idée et c'est conforme au droit. Donc, M. le
Président, si je comprends bien, à l'article 17, on pourrait
aussi se référer à quelque chose de semblable et, à
l'article 18, on enlèverait le mot "bénin" et on laisserait
plutôt les périphrases qui suivaient le mot "bénin". Est-ce
que c'est ça, l'intention qui nous guide? Oui? Alors, M. le
Président, je propose un tel amendement...
Le Président (M. Lafrance): D'accord.
M. Rémillard: ...à l'article 17 et à
l'article 18.
Le Président (M. Lafrance): Alors, l'article 18 serait
laissé en suspens jusqu'à notre prochaine séance de
travail. Est-ce qu'il y a consentement?
Mme Harel: Oui. Donc, suspension. Il y a consentement sur la
suspension.
M. Rémillard: Est-ce qu'on peut les faire avant de
suspendre? Est-ce qu'on peut faire ces amendements-là avant de
suspendre?
Mme Harel: Oui, si vous le voulez. Je trouve ça toujours
plus sage d'attendre au lendemain, quand on rédige comme ça des
amendements sur la table.
M. Rémillard: Très bien.
Le Président (M. Lafrance): D'autant plus que je
m'aperçois que l'heure avance.
M. Rémillard: Alors, on va donc ajourner, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Alors, je vous remercie de
votre coopération et collaboration.
Nous ajournons donc à demain, 28 août, à 20 heures,
ici, dans ce même local. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 3)