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(Neuf heures vingt minutes)
Le Président (M. Marcil): Bonjour. On s'excuse de ce
délai, d'une part, parce qu'il nous manque encore une personne qui doit
arriver dans quelques minutes. Je tiens à vous informer également
qu'à dix heures, il va y avoir un exercice d'évacuation de tout
le bâtiment. Il va falloir qu'on s'y prête. Nous allons sortir par
le centre du bâtiment et ils vont nous laisser une heure et demie
à deux heures et demie à l'extérieur. Non! Quinze minutes.
Ha, ha, ha! Est-ce qu'il y aurait des remplacements, Mme la
secrétaire?
La Secrétaire: Oui, M. Dufour (Jonquière) est
remplacé par M. Boulerice (Saint-Jacques) et Mme Harel (Maisonneuve) par
M. Filion (Taillon).
Le Président (M. Marcil): Très bien. Je vais
rappeler le mandat de la sous-commission. C'est de procéder à une
consultation générale et tenir des auditions publiques sur
l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du
droit des obligations. Le premier groupe que nous avons ce matin est
l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc.
Nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission parlementaire, tout
en vous informant que les mémoires qui nous sont parvenus ont tous
été lus et travaillés, de part et d'autre, et environ une
vingtaine de minutes vous sont allouées pour nous faire une
présentation de façon très synthétique de votre
mémoire. Ensuite, nous pourrons procéder à une
période de questions. Si vous voulez, M. Conrad Gosselin, nous
présenter les personnes...
M. Doyon (Gilles): Voulez-vous que l'on fasse la
présentation, M. le Président?
Le Président (M. Marcil): Oui, vous allez commencer votre
présentation, mais avant, présentez-nous les gens qui vous
accompagnent.
Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec inc.
M. Doyon (Gilles): Mon nom est Gilles Doyon de l'APCHQ. Je suis
le directeur du service juridique et j'ai, à ma droite, M. Conrad
Gosselin, notre président provincial, président de la compagnie
Goscobec et de la compagnie Hénault et Gosselin, qui va vous lire
l'introduction de notre mémoire. Vous avez, à sa droite, Me Serge
Crochetière qui est avocat-conseil chez nous et qui va vous
présenter notre mémoire comme tel. Juste avant, M. le
Président, un petit mot de présentation sur l'association, avec
votre permission.
Le Président (M. Marcil): Allez-y.
M. Doyon (Gilles): L'association compte 5600 membres
entrepreneurs regroupés dans treize régionales auxquels
s'ajoutent 2400 membres regroupés en trois associations affiliées
pour un total de quelque 8000 membres entrepreneurs oeuvrant principalement
dans le domaine résidentiel. Quelques mots aussi de notre programme
Garantie des maisons neuves qui existe depuis 1976. Il y a deux jours, nous
avions une conférence de presse pour souligner l'enregistrement de la
150 000e unité et nous avons aussi, je vous le souligne, notre programme
Garantie en rénovation. Donc, c'est en tant que porte-parole de
l'habitation que l'on vient vous voir ce matin. Je cède la parole
à M. Gosselin.
M. Gosselin (Conrad): Merci. M. le Président, merci
d'accueillir notre association, de façon à nous permettre
d'exprimer notre point de vue sur le projet de réforme.
En présentant son avant-projet de loi portant réforme au
Code civil du Québec du droit des obligations, le législateur
aurait-il commis une erreur sur la personne? L'étude et la
considération des dispositions contenues à l'avant-projet de loi,
particulièrement celles relatives à la vente et au contrat
d'oeuvre, nous conduisent à répondre par l'affirmative à
cette question. Nous nous expliquons.
Rappelons en premier lieu qu'un code civil, tel l'actuel Code civil du
Bas-Canada, contient d'abord et avant tout un ensemble de règles de
droit civil constituant le régime de droit commun régissant les
rapports juridiques entre les divers intervenants d'une
société.
Conséquemment, au plan des obligations comme telles, un tel
régime s'applique notamment aux relations contractuelles existant entre
deux personnes physiques, une personne physique et une personne morale, deux
personnes morales, une personne physique et un organisme de l'État, etc.
Or, d'outre en outre de l'avant-projet de loi, spécialement aux
chapitres traitant et du contrat d'oeuvre, les dispositions sont nettement et
délibérément axées sur la protection du
consommateur.
L'intention arrêtée et manifeste qui se dégage
à la lecture de ces dispositions, c'est de donner au consommateur les
moyens adéquats et efficaces pour faire valoir ses droits ou sa position
face à son constructeur vendeur. Il s'agit dans les faits d'une
véritable Loi sur la protection du consommateur!
Ce faisant cependant, le législateur a oublié,
volontairement ou pas, que les autres intervenants du droit civil se
retrouveront dans la position privilégiée du consommateur
surprotégé face à l'entrepreneur de cons-
truction.
Par voie de conséquence, ces autres intervenants, notamment les
promoteurs, les financiers, les sociétés commerciales et les
organismes de l'État sauront, non seulement utiliser habilement et
avantageusement les droits et recours que l'on veut accorder au consommateur,
mais sauront également les améliorer, les perfectionner et les
peaufiner au détriment constant de l'entrepreneur de construction.
Sur un autre plan, les mesures préconisées à
l'avant-projet de loi, en ce qui concerne le contrat d'oeuvre conduiront
à un déséquilibre sérieux de la situation juridique
et économique de l'entrepreneur de construction. En d'autres termes, au
droit de gérance traditionnel de l'entrepreneur sur son chantier, l'on
opposera et imposera un droit d'ingérence en faveur du cocontractant de
l'entrepreneur.
En d'autres termes, tout en conservant à l'entrepreneur la
responsabilité de la planification, de la coordination et de
l'exécution complète des travaux sur un projet de construction,
on lui fera assumer une responsabilité accrue en diminuant en
contrepartie, voire en diluant et en édulcorant, ses droits et ses
moyens relativement au contrôle, à la surveillance et à la
réalisation d'un projet concerné.
De fait l'assomption d'une telle proposition conduira à une
situation problématique, cahotique et insoutenable pour les
entrepreneurs de construction. Plus encore, l'explication intégrale de
certaines dispositions spécifiques de l'avant-projet de loi, comme on le
verra à travers les commentaires émis au regard de certains
articles, aura comme conséquence la disparition, à courte ou
à moyenne échéance, de tous les petits entrepreneurs de
l'industrie de la construction résidentielle.
Conséquemment, compte tenu des éléments
évoqués ci-dessus, compte tenu également de la situation
de plus en plus complexe créée aux entrepreneurs de construction,
compte tenu enfin de la difficulté sans cesse accrue, pour plusieurs
d'entre eux de s'assurer une certaine sécurité juridique en ce
qui a trait à leurs opérations, l'APCHQ demandera, à
travers les commentaires et les recommandations qui suivent, que soient
conservées les actuelles dispositions du Code civil du Bas-Canada en ce
qui concerne la vente et le contrat d'entreprise. En d'autres termes, l'APCHQ
réclamera devant les membres de cette commission que soit maintenu le
statu quo.
Évidemment, les propos que nous tenons ce matin sont des propos
à propos desquels nous avons fait consensus dans la partie patronale.
Vous aurez l'occasion de le constater dans le courant de la journée. Sur
cela, je vais céder la parole à Me Serge Crochetière qui
vous expliquera la position plus en détail sur le fond.
M. Crochetière (Serge): M. le Président, mesdames
et messieurs, en fait je ne vous ferai pas la lecture intégrale du
mémoire. Quant à mes commentaires, ils toucheront plutôt
les deux aspects qui nous concernent davantage, soit la vente d'immeubles
résidentiels et le contrat d'oeuvre. Alors, cela part de la page 31 du
mémoire.
Les principaux commentaires, pour ce qui est de la vente d'immeubles
résidentiels, à l'article 1839. On parle d'un immeuble construit
ou à construire par le constructeur ou par un promoteur et lié
aux dispositions de l'article 1840. Cela peut créer des
problèmes. Ainsi, juste à titre d'exemple, un promoteur va
être tenu à ces exigences par rapport à un vendeur
ordinaire, mais pendant combien de temps? S'il construisait, par exemple, un
triplex ou un quadruplex et qu'il le louait, est-ce que cinq ans plus tard il
sera tout de même obligé de fournir ces renseignements? Le code
est silencieux, pourtant il est constructeur ou promoteur. Et le texte, s'il
s'appliquait intégralement, dirait que tout le temps, même dans
les constructions qu'il ferait à titre d'investissement, il serait tenu
à cela.
Il reste aussi la question de la circulaire d'information, aux articles
1841 et qui est liée à toute cette pratique qu'on veut instaurer,
c'est lié à la notion de promoteur. Cela crée des
problèmes considérables en ce sens qu'on va demander aux
entrepreneurs, lorsqu'il va y avoir un projet de plus de cinq unités, de
fournir des renseignements à leurs éventuels acheteurs concernant
l'implantation, le schéma d'ensemble et tout ça. On va lui
demander aussi de fournir des informations quant aux droits réels
enregistrés. Comment un entrepreneur qui transige avec un promoteur...
Vous avez des projets dont le terrain est détenu par un promoteur qui
fait toute la planification et qui revend à des sous-groupes
d'entrepreneurs. Or, celui qui va avoir la relation contractuelle avec le
consommateur, c'est le constructeur-vendeur et non pas le promoteur. Comment le
constructeur-vendeur va-t-il pouvoir assumer la responsabilité du
schéma d'aménagement, du futur zonage, de la future implantation
du projet, des équipements communs alors qu'il n'a lui-même aucun
contrôle là-dessus? (9 h 30)
D'autre part, comment va-t-il pouvoir fournir les droits réels
inscrits sur les terrains - je m'explique - s'il y a des hypothèques
flottantes, des charges flottantes assumées par le promoteur, ce qu'on
appelle des "builders' terms" avec des hypothèques
générales consenties par le promoteur là-dessus? Les
servitudes, les négociations sont faites par le promoteur et non pas par
le constructeur lui-même, avec les utilités publiques. Si on
revient à la relation du constructeur avec son client, on dit qu'il faut
qu'il établisse tous les droits réels. Est-ce qu'il va être
obligé de dévoiler à son client tout le financement
intérimaire et les "builders" terms" qu'il y a là-dessus, parce
que ça va être enregistré? Généralement, il y
aura des hypothè-
ques soit collatérales ou directes, ou des balances de prix de
vente assorties du privilège du vendeur qui vont continuer d'être
enregistrées sur ces terrains. Donc, ce sont des droits réels.
Est-ce que vous voulez vraiment que le constructeur, qui est dans un projet de
50 ou 75 maisons, se mette à faire cette démarche avec chacun des
consommateurs? D'abord, ça risque de créer un fouillis et,
d'autre part, on se demande quel est le but visé. On comprend
très bien qu'on ne veuille pas que l'acheteur soit lésé,
à l'autre bout, mais il y aurait peut-être une façon plus
pratique de s'assurer que le notaire fournisse une garantie ou une recherche de
titres plutôt que d'obliger, dans chaque cas, le constructeur à
faire la ventilation de l'ensemble des droits réels, ceux dont il a le
contrôle et ceux dont il n'a pas le contrôle sur son terrain, d'une
part, et, d'autre part, quant aux autres éléments, quant au
formulaire d'information, qu'il soit tenu de dévoiler des projections
dont il se porte garant pour une durée de trois ans. C'est ce qu'on voit
plus loin. Or, s'il n'a pas le contrôle des changements de zonage
subséquents, son consommateur a, aux termes du projet de loi, des
recours pendant trois ans après la fourniture du formulaire
d'information, soit en diminution du prix de vente, soit en annulation de la
vente. Prenons un exemple concret. J'achète d'un entrepreneur qui n'est
pas le promoteur à proprement parler une maison traditionnelle
unifamiliale détachée dans un quartier; pour des raisons X, soit
d'un marché de changement du zonage municipal, le promoteur oblige, par
la suite, un constructeur qui n'est pas le mien à construire des maisons
en rangée derrière chez moi. Est-ce que je vais pouvoir
poursuivre mon constructeur en disant que cela cause une perte de valeur de mon
unité, parce que je croyais, suivant son formulaire d'information, que
ce seraient encore des maisons détachées derrière chez
moi? Vous mettez le constructeur à la merci de poursuites dont il ne
pourra absolument pas se défendre et par rapport à des
éléments sur lesquels il n'y a absolument aucun
contrôle.
Il ne faut pas oublier que, de plus en plus, à cause de divers
problèmes, à cause, notamment, du coût de financement des
infrastructures, on est en train de rejoindre la structure de l'industrie de
partout ailleurs en Amérique du Nord, c'est-à-dire
différents paliers. Vous avez, au tout départ, les
propriétaires-spéculateurs qui possèdent de grands
ensembles immobiliers, qui vendent à des promoteurs, qui revendent
à des sous-groupes d'entrepreneurs. Par le projet de loi tel qu'il nous
est présenté, vous rendez les constructeurs-vendeurs responsables
de tous les changements qui peuvent arriver sur leurs projets. Alors, on vous
dit que c'est presque en faire une victime. Je veux que personne ne se mette
à pleurer sur le dos des constructeurs, mais on les met dans une
situation pour le moins invivable, dans certains cas. J'essaie de
résumer tous ces aspects et dé mettre ensemble nos
préoccupations par rapport au chapitre concernant la vente d'immeubles
résidentiels.
Nous passons, ensuite, au contrat d'oeuvre. Il ne faut pas oublier,
cependant, que les dispositions du code font en sorte que "la vente par un
entrepreneur"... "construit ou à construire, est assujettie" au contrat
d'oeuvre. Ce sont les dispositions de l'article 1849. Vous allez le voir
tantôt. Par rapport à nos réflexions, j'aimerais que vous
conserviez en mémoire que le lien qui est fait là risque de
créer des problèmes, surtout dans les cas d'immeubles
déjà construits. Par rapport, notamment, à toute la
fiducie, on ne s'explique pas comment quelqu'un qui a construit une maison sur
son propre terrain, qui veut la vendre, par le seul fait qu'il est
propriétaire, va être obligé de constituer des fiducies.
Est-ce que la loi va aller aussi loin que ça? Est-ce que le futur
consommateur qui n'avait même pas d'offre d'achat, va avoir un droit de
regard sur le financement d'une maison qui est déjà
construite?
Plus spécifiquement, maintenant, quant aux dispositions du
contrat d'oeuvre, il y a la question du contrat préliminaire. Comment
peut-on appliquer les mesures prévues à l'article 2158 à
un immeuble déjà construit? Nous disons que "le contrat d'oeuvre
est celui par lequel une personne, entrepreneur ou fournisseur de services,
appelée le professionnel, s'oblige envers une autre personne, le client,
à exécuter une oeuvre, soit en réalisant un ouvrage, soit
en procurant un service". Or, je vous le soulignais tantôt, l'article
1849 dit qu'on est assujetti à ces dispositions, même pour un
immeuble résidentiel déjà construit.
L'article 2171. "Si, lors de la conclusion du contrat, il a
été convenu d'un prix approximatif, le prix définitif ne
doit pas excéder de plus de 10 % l'approximation ainsi faite."
Pour nous, cette disposition signifie à peu près la
disparition totale des contrats qu'on appelle "costs plus", à
coûts majorés. Si, justement, on s'en va à des contrats
à coûts majorés, c'est parce qu'on ne peut pas
déterminer le prix de base ou que le donneur d'ouvrage... Il ne faut pas
oublier que ces dispositions ne sont pas uniquement circonscrites aux ventes de
maisons traditionnelles et unifamiliales, on parle de l'industrie de la
construction au complet. Comment fera-t-on pour les appliquer à des
contrats entre les gens sans... Ils ne pourront plus se parler ni se donner un
prix approximatif, alors ce sera essentiellement "costs plus" et cela veut
dire, à toutes fins utiles, qu'il n'y aura plus personne qui voudra
transiger là-dedans, le risque sera trop grand. Pour le professionnel,
aux termes du contrat d'oeuvre, si, lui, il s'engage là-dedans, il ne
voudra pas donner un prix approximatif, sinon il sera obligé de se
mettre des coussins trop importants pour ne pas risquer de se faire opposer les
autres dispositions concernant ces articles-là et risquer d'avoir
à supporter les surcharges qui arriveraient.
L'article 2173. Encore là, c'est d'application
générale. Il reprend substantiellement les dispositions de
l'article 1690 actuel, c'est-à-dire qu'un entrepreneur ne peut pas,
lorsqu'il transige, modifier les coûts sans qu'il y ait le serment
décisoire du propriétaire ou s'il y a une entente signée
et le prix dûment arrêté, si je me souviens bien des termes
de l'article 1690.
Cependant, la jurisprudence a fait en sorte que ces dispositions ne
s'appliquent pas à l'intérieur de l'industrie. La jurisprudence
est constante maintenant à savoir qu'entre un entrepreneur
général et les entrepreneurs spécialisés, à
cause de la complexité des chantiers, les dispositions de l'article 1690
ne s'appliquent pas. Est-ce que l'article 2173, dans sa rédaction, va
s'appliquer à l'ensemble de l'industrie? Si oui, encore une fois, on
vient changer des pratiques. Ce que cela risque d'amener... Si c'est trop
drastique comme interprétation, cela risque d'enrayer plusieurs
chantiers. Il y a des modalités sur les chantiers qui sont
généralement peu suivies, c'est-à-dire toute la signature
des ordres de changements, des avis de changements. Cela se fait, mais, pour
des ouvrages urgents ou courants, on passe par-dessus. La jurisprudence
concernant l'article 1690 est venue consacrer cela. L'article 2173 serait-t-il
d'une application beaucoup plus radicale? À ce moment-là, cela
risque de ralentir souvent et inutilement plusieurs travaux de
construction.
L'article 2174. "Les collaborateurs qui sont intervenus dans
l'exécution du contrat ont le droit de réclamer du client le
paiement de leurs créances, jusqu'à concurrence de ce que le
client doit au professionnel".
On veut mettre ces dispositions en relation avec les autres
dispositions, notamment l'article 2176 qui dit que "la réception de
l'oeuvre est l'acte par lequel le client déclare l'accepter, avec ou
sans réserves. Le client conserve, néanmoins, ses recours contre
le professionnel au cas de vices ou malfaçons." On dit aussi que le
client peut payer directement les collaborateurs. Cela veut dire
concrètement que, lorsque le client donneur d'ouvrage reçoit un
travail, il n'est plus présumé l'avoir accepté même
en ce qui concerne des malfaçons ou des défauts apparents. Par
ailleurs, le collaborateur, c'est-à-dire l'entrepreneur
spécialisé qui a exécuté les travaux et qui peut
être le responsable de la malfaçon ou de la mauvaise
exécution, peut aller se faire payer directement. Le paiement ne fait
plus preuve de l'acceptation des travaux. Dans quelle situation va se trouver
l'entrepreneur général? Parce que, très souvent, je ne
veux pas trop généraliser mais disons que dans la majorité
des cas, l'entrepreneur général n'a plus, comme autrefois, une
main-d'oeuvre qualifiée dans l'ensemble des corps de métiers. Il
ne faut pas oublier qu'on a 28 cartes de compétence. Je pense qu'avec
les spécialités, il y aurait 41 ou 46 corps de métiers
distincts. Cela n'existe plus un type qui a une équipe qui fait tout. Il
travaille par sous-contrats, il travaille en sous-traitance. Mettez-vous un peu
dans la peau de celui qui veut dire ensuite à son entrepreneur
spécialisé de retourner sur le chantier quand celui-là a
déjà été payé par le donneur d'ouvrage qui,
de toute façon, ne risque plus rien à payer à l'avance
puisque le paiement et la réception des travaux n'impliquent plus son
acceptation. Il y a une garantie de parachèvement, une garantie de
conformité ainsi qu'une garantie contre les malfaçons apparentes
d'un an prévues dans les nouvelles dispositions du Code civil.
Encore une fois, ces éléments ne collent pas à
notre réalité. Ce n'est pas comme ça que ça se
passe sur un chantier de construction. Que l'on conserve au consommateur le
droit de réserver le paiement de certaines sommes dans des cas où
il peut identifier pourquoi, cela peut aller, cela peut se discuter. Mais qu'on
dise qu'il a le droit de payer non seulement au contractant,
c'est-à-dire l'entrepreneur, mais qu'il a même le droit d'aller
payer ses fournisseurs et ses sous-traitants directement et que, même
s'il fait tout ça, ça ne veut rien dire, il peut quand même
retenir l'argent ou réclamer du constructeur ou de son cocontractant, on
se demande un peu comment on a pu introduire dans le code des dispositions
semblables.
D'autant plus que, comme je vous le soulignais tantôt, comme le
disait M. Gosselin dans l'avant-propos, on a l'impression que les
rédacteurs ont pensé surtout à la relation contractuelle
entre les consommateurs et les contractants. Mais c'est une industrie
complète. Il y a des promoteurs qui vont avoir les mêmes droits
que les consommateurs avec ça et qui vont peut-être, dans certains
cas, pouvoir abuser d'une position de force. Je parle des promoteurs
d'ensembles immobiliers, aussi bien dans le commercial que dans
l'institutionnel, qui se retrouvent avec en main les mêmes pouvoirs qu'un
consommateur. Dans certains cas, on craint que ça puisse nous
créer des ennuis assez importants.
Le temps fuit. Je voudrais juste toucher un dernier aspect: la question
de la fiducie, qui est essentielle aussi pour nous. Ce que prévoient les
dispositions du projet de loi, c'est la création artificielle d'une
fiducie entre les mains du consommateur et, par la suite, entre les mains du
constructeur, et que le paiement se fait 30 jours après la fin des
travaux.
Doit-on entendre par là que le constructeur va être
obligé de tout financer en attendant, parce qu'il ne pourra pas
débourser les sommes? Si c'est le cas, avez-vous mesuré l'impact
sur l'ensemble des entrepreneurs, surtout les petites entreprises qui font, par
exemple, de la rénovation? Plusieurs d'entre eux n'auront pas les
capacités financières pour faire ça. Ils sont incapables
d'aller chercher des cautionnements dans les compagnies de cautionnement. Ils
n'ont pas les fonds de roulement qui le permettent. Ils ont à peine des
fonds de roulement qui justifient
leur solvabilité. Ce n'est pas parce que ce sont des gens
malhonnêtes. Cela fait 20, 25, 30 ou 40 ans qu'ils font vivre leur
famille avec des... Ils travaillent souvent pour leur propre entreprise. Leur
travail, c'est leur salaire. Si vous leur imposez de financer totalement tous
les travaux, vous allez en voir disparaître une grande partie. Vous allez
créer une forme d'oligopole sur certains chantiers de construction avec
une incidence directe sur les coûts.
L'autre disposition aussi liée à cet aspect, c'est la
question du fait que les entrepreneurs ne peuvent plus retirer d'argent qui
excède le coût des travaux. Encore là, c'est une forme de
méconnaissance de l'industrie, parce que les entrepreneurs sont
maintenant obligés de transiger avec ce qu'on appelle la
préfabrication. Mais quand ils commandent pour la préfabrication,
ils sont obligés de payer d'avance, dans bien des cas, la
quasi-totalité des matériaux. Ils ne les ont pas, les travaux ne
sont même pas encore commencés, mais ils ont été
obligés d'aller déposer des sommes importantes chez le
fournisseur de fenêtres, de portes, le fabricant d'unités, de
modules. Encore une fois, ça va jouer directement sur le nombre des
entreprises de construction.
Ce sont les principales caractéristiques du projet de loi qu'on
voulait vous souligner. (9 h 45)
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Nous allons
procéder immédiatement à la période de discussions.
Je vais reconnaître l'adjoint au ministre de la Justice, le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord,
j'aimerais souhaiter la bienvenue à l'Association provinciale des
constructeurs d'habitations du Québec inc, à M. Gosselin, son
président, ainsi qu'aux deux conseillers juridiques qui l'accompagnent.
Je voudrais évidemment vous remercier d'avoir accepté
l'invitation et pour votre contribution à nos travaux.
Premièrement, j'aimerais vous parler des programmes de garantie
offerts par l'association, que vous énumérez dans votre
mémoire. Vous vous opposez globalement aux mesures prévues dans
l'avant-projet de loi dans le but de protéger l'acheteur dans le cas de
vente d'immeuble résidentiel et du contrat d'oeuvre. Vous recommandez
plutôt de remplacer ces mesures par la mise en oeuvre de garanties
bancaires ou de garanties d'institutions de cautionnement, voire un programme
privé de garantie. Ma question est la suivante: Pour le
bénéfice des membres de la commission, est-ce que vous pourriez
indiquer la nature et la portée des garanties que vous suggérez
comme solution de remplacement, en particulier les programmes de garantie mis
sur pied par votre association?
M. Doyon (Gilles): M. le Président, effectivement, parce
que le contexte général du contrat d'oeuvre, la section du
contrat d'oeuvre dans le projet du Code civil, ne tient pas compte de la
réalité pour nous, ne peut pas fonctionner avec les fiducies et
toutes sortes de situations complexes qui vont faire en sorte, en fin de
compte, que la personne vers qui seront dirigés ces droits ne pourra pas
s'en servir véritablement, et que ça va servir à d'autres
personnes beaucoup plus capables de s'en servir, au détriment de
l'entrepreneur... On dit que vous ne réussirez pas à atteindre
l'objectif que vous vouliez atteindre avec ça, et nous, entre autres,
nous vous proposons de protéger les maisons ou les constructions par des
programmes de garantie privée.
Chez nous, l'association offre ce qu'on appelle les quatre points les
plus dangereux, les plus névralgiques, les plus suceptibles de faire
perdre les droits du consommateur. D'abord, on protège ses acomptes.
Très souvent, lorsqu'il y a une faillite... On en a eu encore une,
l'année dernière, où ça a coûté 395
000 $: les acheteurs ont donné des acomptes de 10 000 $, 15 000 $, 20
000 $, 40 000 $ et même de 60 000 $, de "down payment", comme on dit, et
c'est là que c'est très dangereux. Quand le monsieur fait
faillite ou qu'il part avec l'argent, les consommateurs auront beau avoir tous
les droits qu'il y a là-dedans et avoir le jugement qu'ils voudront, ils
ne pourront pas l'exécuter.
L'autre point important, c'est le parachèvement des travaux. Une
fois que notre consommateur est devenu propriétaire en titre et qu'il y
a un problème de faillite ou d'insolvabilité, il faut qu'il se
démêle avec les privilèges, avec les sous-traitants, avec
le prêteur, avec l'assureur du prêteur, qui est la SCHL, souvent,
ou la compagnie CAHC. C'est le deuxième point qu'on considère
névralgique. Il faut qu'on intervienne pour essayer de mitiger les
intérêts de chacun pour faire en sorte que le consommateur se
retrouve avec sa maison terminée et au prix qu'il devait payer, pas pour
20 000 $ de plus parce qu'il est pris avec ça.
Le troisième point, c'est ce qu'on appelle les vices
cachés, qu'on pourrait qualifier entre guillemets d'ordinaires,
c'est-à-dire qui sont susceptibles d'arriver pendant la première
année. Habituellement, dans la grande majorité des cas, ça
se manifeste au cours de la première année. Alors, c'est le
troisième point sur lequel le consommateur doit être
protégé.
Enfin, il peut se produire des cas de vices majeurs qui apparaissent
deux, trois, quatre ou cinq ans après. On est là aussi pour
couvrir ce quatrième point.
Lorsqu'on vous soumet la possibilité des programmes de garantie
privée, du moins celui qui est administré par l'association,
c'est un programme destiné à couvrir les quatre points les plus
dangereux pour le consommateur.
M. Crochetière: Si je peux me permettre.
Déjà, les programmes de l'association couvrent
les cas de propriétaires-occupants, c'est-à-dire les
acheteurs de maisons traditionnelles et ceux de maisons en
copropriété. Aussi, il y a un programme pour la construction
d'immeubles locatifs et un programme visant à protéger la
rénovation ainsi que la transformation des bâtiments existants en
copropriété à la suite d'une rénovation. Donc, ce
sont à peu près tous les champs d'activité où il y
a une relation consommateur constructeur.
M. Dauphin: Merci beaucoup. Comme deuxième question,
j'aimerais m'entretenir avec vous des informations fausses ou
incomplètes du vendeur, toujours en matière de vente d'immeubles
résidentiels. À la page 39 de votre mémoire, vous vous
opposez à ce que l'acheteur d'une résidence faisant partie d'un
projet immobilier puisse, dans les trois ans du contrat préliminaire,
demander la nullité du contrat ou la réduction de ses obligations
lorsque le vendeur a donné des informations fausses ou
incomplètes sur un élément substantiel ou a passé
sous silence un fait important. Vous donnez comme motif que cette
possibilité conduira à des abus de la part des acheteurs. Ma
question est la suivante: En quoi estimez-vous que cette situation apporterait
plus d'abus de la part des acheteurs que l'application pure et simple des
règles générales du contrat relatives aux vices de
consentement que constituent notamment l'erreur et le dol?
M. Crochetière: C'est que le délai est très
long: trois ans. Tantôt, j'essayais d'illustrer cela par la situation
d'un complexe où le constructeur vendeur n'est même pas le
promoteur, n'a pas de contrôle, ou si une municipalité
intervenait. Plaçons-nous dans la situation où on achète
un triplex comme spéculateur. On l'habite, mais on se dit: Je vais avoir
trois autres locataires, deux occupants et un "bachelor". On en construit
traditionnellement. Et il n'y a pas de plus-value sur deux ans. Si je le
vendais aujourd'hui, je risquerais de ne pas avoir fait d'argent. Alors, la
projection que j'avais faite ne se matérialise pas. Or, le constructeur,
parce que la ville a changé le zonage ou pour quelque autre raison,
érige une tour d'habitation au coin de la rue. Il y a une information
importante qui est modifiée. Je demande l'annulation et le remboursement
de tout mon argent, plus les dommages et les intérêts. Est-ce que
je vais vendre mon profit au constructeur? Je ne suis pas certain que cette
situation ne pourrait pas se produire. On veut tout simplement illustrer le
fait qu'on n'est pas contre le fait que les gens respectent les
représentations qui sont faites, mais c'est très large, surtout
dans le cas d'un projet résidentiel intégré à
caractère mixte, avec toutes sortes d'aménagements.
Je pense à un projet qui a été planifié,
dans le centre de Montréal, sur une période de sept à huit
ans. Alors, les trois ans vont jouer en faveur de qui? En faveur du premier
acheteur ou de celui qui a acheté après trois ans, parce qu'il y
en a pendant sept ans. Chaque fois qu'il y aura une vente, ces trois ans vont
recommencer. Est-ce que le premier pourra ou ne pourra pas en
bénéficier si le projet dure plus de trois ans? C'est toujours le
même schéma d'implantation qui aura été
représenté. Comment va-t-on vivre avec cela?
Si on veut régler le cas des promoteurs qui vendaient des
ensembles d'unités en copropriété divise avec des
équipements communs, d'accord, on ne dit plus un mot. Mais, si on veut
appliquer cela à des projets étendus... Surtout que le
constructeur est à la merci des forces du marché. Vous pouvez
planifier un projet sur deux ans et, dans deux ans, vous n'avez pas la
moitié du projet de vendue parce que le marché a chuté,
parce que votre produit n'est pas bon et qu'il faut que vous le changiez. S'il
faut que vous le changiez et que vous avez fait un schéma
d'implantation, qu'est-ce que vous allez faire? Est-ce que vous irez en
faillite plutôt que d'y apporter des modifications? Si vous y apportez
des modifications, vous êtes à la merci des poursuites de tous
ceux qui ont déjà acheté. C'est cela qu'on veut
illustrer.
M. Dauphin: À l'article 1841, on parte de la circulaire
d'information; vous vous opposez à cela. On m'informe que dans plusieurs
États américains cela existe. Est-ce que vous avez eu
connaissance de cela?
M. Crochetière: On s'interroge beaucoup plus qu'on ne
s'oppose. Si vous lisez le texte, ce sont beaucoup plus des interrogations
à ce sujet-là. Par exemple, comment s'appliquera un tel article
au regard du promoteur d'un projet immobilier qui vend ou cède des
terrains à construire à plusieurs entrepreneurs? Je ne veux pas
revenir là-dessus, mais c'est ce que je dis depuis tantôt. Celui
qui va être obligé de donner la circulaire d'information ne sera
pas celui qui aura les rênes du pouvoir sur ce projet-là. Il ne
faut pas oublier aussi qu'il faudrait regarder la structure de l'industrie aux
États-Unis. Il y a plusieurs très grosses corporations aux
États-Unis qui planifient des projets intégrés de 2000,
3000 ou 4000 unités. Vous n'avez pas ça ici. Vous n'avez pas les
structures financières. Je ne connais pas l'entrepreneur qui construise
4000 unités par année et j'en connais plusieurs. Quand on
construit 500 unités dans les bonnes années, c'est une
très grosse entreprise chez nous, alors que là-bas vous avez des
entreprises qui planifient divers projets de 2000, 3000 ou 4000 unités.
On ne parle plus de la même chose. On ne peut pas nécessairement
importer ce qui se fait ailleurs comme ça parce que c'est bon ailleurs.
C'est ça qui est le principal leitmotiv de notre
présentation.
On avait l'impression qu'il y avait une méconnaissance de notre
industrie. Tout ce qu'on
demande dans le projet de loi peut être justifié d'un point
de vue objectif, mais cela n'a pas nécessairement de corrélation
avec notre façon d'agir. Nous disons: Attention, vous risquez de venir
casser les reins de plusieurs entreprises si vous voulez importer cela tel
quel.
M. Dauphin: Merci. J'aurais une autre question avant de laisser
la parole à d'autres collègues. Aux pages 55 et 56 de votre
mémoire, sur l'obligation qui est imposée aux professionnels de
garantir les malfaçons existantes au moment de la réception de
l'ouvrage ou découvertes dans l'année de cette réception,
vous concluez d'abord que le professionnel ne devrait pas être tenu de
garantir les malfaçons apparentes. Mais, quant aux autres
malfaçons, non apparentes celles-là, vous vous limitez à
souligner les difficultés auxquelles l'entrepreneur vendeur d'un
immeuble détenu en copropriété aura à faire face
lorsque les copropriétaires se regrouperont pour lui adresser une liste
de réclamations quant à des malfaçons découvertes
au cours de la première année sans proposer pourtant aucune
solution. Est-ce à dire que vous recommandez que le professionnel ne
soit pas tenu non plus responsable de ces malfaçons?
M. Crochetière: Excusez-moi, j'ai mal saisi. Vous parlez
des malfaçons apparentes ou cachées?
M. Dauphin: Cachées.
M. Crochetière: On a dû mal s'exprimer quant aux
malfaçons cachées. On n'a jamais voulu qu'il y ait exclusion. Si
je peux vous répéter textuellement ce que les entrepreneurs ont
dit au comité, ils ont dit: On est capables de mettre nos grandes
culottes si on a fait une malfaçon cachée. S'il y a des garanties
à donner, on va y aller, on va remplir nos obligations. C'est
textuellement ce qu'ils ont dit là-dessus. Alors, c'est peut-être
dans la rédaction.
M. Doyon (Gilles): Je me permets d'ajouter, M. le
Président...
Le Président (M. Marcil): Oui, allez-y.
M. Doyon (Gilles): ...que les gens ont dit: On en donne
déjà beaucoup plus que si on suivait strictement les
règles de droit civil actuelles. Une fois que les travaux ont
été reçus par nos clients, s'il y a des malfaçons
apparentes qui ne sont plus couvertes, on y retourne, question de "good will"
et de bonne volonté. Mais on dit ici qu'avec cette garantie de parfait
achèvement, il y aura toujours des situations possibles où des
gens une fois regroupés vont faire du chichi pour toutes sortes de
chinoiseries. On parle de malfaçons apparentes qui normalement
n'auraient "achalé" personne, mais il suffit de quelqu'un qui commence
à vouloir faire un problème et rassemble tout le monde.
Finalement, il entame des procédures qui n'aboutiront peut-être
pas ou ne donneront pas les résultats qu'il veut, mais en attendant tout
le monde aura eu du tracas, l'entrepreneur en premier.
M. Dauphin: Merci.
Le Président (M. Marcil): Je vais maintenant
reconnaître le député de Saint-Jacques, porte-parole de
l'Opposition.
M. Boulerice: Je pense qu'on ne fait pas une réforme du
Code civil tous les jours, donc un travail qui se veut important, interlocuteur
qu'il est. Je suis heureux de voir que l'Association provinciale des
constructeurs d'habitations du Québec a eu l'idée et surtout la
qualité d'un mémoire comme celui qui nous est
présenté. Tantôt mon collègue, le
député de Marquette, vous a posé une question relative aux
circulaires d'information sur les projets immobiliers. Voici la question que
j'aurais aimé vous poser. Parlons par exemple du Sanctuaire du Mont
Royal où l'on sait qu'il y des courts de tennis, piscines, etc. Mais,
dans le cas de petites unités où on prévoit ces
mêmes services-là et où ce n'est pas qu'un seul promoteur
et un constructeur, qu'est-ce qui se passe?
M. Crochetière: Si je peux me permettre. Lorsqu'il s'agit
d'un projet intégré avec un seul promoteur...
(Sonnerie d'alarme)
Le Président (M. Marcil): Comme c'est un exercice de feu,
nous allons descendre par la porte centrale. Demeurez tout près de la
porte à l'extérieur.
(Suspension de la séance à 10 h 1)
(Reprise à 10 h 16)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous poursuivons nos travaux. J'avais reconnu M. le député
de Saint-Jacques, porte-parole de l'Opposition. M. le député, si
vous voulez bien continuer là où vous avez été
interrompu.
M. Boulerice: Vous êtes Me Doyon? C'est ça. Je
pense* que vous aviez déjà commencé à
répondre. Je vous parlais au sujet de... Excusez-moi, on a quitté
tellement précipitamment que j'ai oublié ma marque. On
était à la page... Je reprenais la question que vous avait
posée mon collègue, le député de Marquette,
concernant les circulaires d'information sur les projets immobiliers. La
question que je vous posais c'était:
produire dans le cas de petits projets domiciliaires? Je faisais la
comparaison entre un immeuble connu de Montréal qui offre certains
services, etc., comme le sanctuaire, et un équivalent qui existerait
avec des services de même type, mais ce serait plutôt un petit
projet immobilier qu'un immeuble de la nature et de l'importance de celui qu'on
connaît.
M. Crochetière: Pour reprendre ce que j'expliquais, tant
et aussi longtemps que le promoteur, le constructeur et le vendeur est le
même, on ne voit pas vraiment d'inconvénient.
Généralement, ce sont des projets concentrés avec une plus
forte densité en hauteur et plus souvent qu'autrement en
copropriété divise. Si on s'en va toutefois vers des projets
étendus, ce que nous appelions, nous, du résidentiel bas, notre
principale crainte, encore une fois, est au sujet des informations concernant
le zonage, le schéma d'implantation, parce que très souvent le
propriétaire promoteur est différent du constructeur vendeur et,
en plus, il y a plusieurs constructeurs vendeurs. Pour donner suite à
votre question, est-ce qu'on va devoir considérer chacun des
constructeurs vendeurs comme ayant son propre petit projet de plus de cinq
unités? Si oui, comment le considérer, parce que ce ne seraient
pas nécessairement des lots ou des terrains continus et contigus sur un
grand ensemble qui appartient à un promoteur? Il pourrait acheter des
lots qui sont fort éloignés les uns des autres. Si on lui demande
de fournir la circulaire d'information qui est liée aux décisions
du promoteur, on le place dans la situation que j'expliquais tantôt: il
n'a aucun contrôle sur d'éventuels changements de zonage qui
peuvent se produire pour diverses raisons au cours des années parce que
la portée est de trois ans. Si on lui demande de ne nous fournir qu'une
circulaire d'information relative à ses propres constructions, il pourra
toujours le faire. Elle n'aura pas beaucoup d'utilité, parce que, encore
une fois, ce peut être très étendu, en matière
d'implantation, chacune de ces résidences et, à ma connaissance,
il ne remet ou il ne fournit jamais d'équipements accessoires. Je parle
de tennis, de piscines ou de choses comme celles-là. Cela n'existe
à peu près pas dans ce genre de projet. Si ça existait, ce
serait au promoteur de l'avoir déterminé. Encore là, ce
n'est pas le constructeur vendeur qui a un contrôle là-dessus.
Encore une fois, notre principale remarque allait dans le sens qu'on le place
dans une situation de dépendance totale. Il est à la merci de
recours éventuels des acheteurs, alors qu'il n'a de contrôle ni
sur l'implantation ni sur les équipements qui pourraient être mis
là-dessus.
M. Boulerice: Si vous me le permettez, M. le Président,
j'aimerais que Me Gilbert ajoute - excusez-moi, M. Gariépy - à ce
point-là.
M. Gariépy (Pierre): II y a une précision que je
voudrais avoir, si possible. L'acheteur, lui, quel lien aurait-il, quel recours
aurait-il contre le promoteur si on a promis dans un projet... L'article 1841
vise un projet immobilier. Si l'information ou la promesse ne se réalise
pas, qu'est-ce qui s'offre à l'acheteur qui n'a pas de lien contractuel
avec le promoteur?
M. Crochetière: C'est exactement ce que l'on dit. Son
recours sera contre le constructeur qui, lui n'a pas de contrôle
là-dessus. Si vous avez la dualité de statut promoteur et
constructeur, il n'y a pas de problème. On ne dit pas que le
consommateur n'aura pas de recours, on dit qu'on lui donne un recours qui, dans
certains cas, risque de blesser un entrepreneur qui n'a absolument rien
à voir avec les garanties qu'on l'a forcé à donner. Le
consommateur a un recours, mais c'est un recours contre le constructeur, pas
contre le promoteur.
M. Boulerice: Pour ce qui est des hypothèques
légales, aux pages 58 et 59 de votre mémoire, vous rejetez en
bloc les articles 2187 et 2188. Or, si l'article 2188 apparaît nouveau,
l'article 2187 reprend le troisième alinéa de l'article 2013d, le
quatrième alinéa de l'article 2013e et le quatrième
alinéa de l'article 2013f du code actuel qui permet au
propriétaire de retenir les sommes pour faire face au privilège
tant qu'on ne lui a pas remis quittance ou radiation. Est-ce que vous maintenez
votre objection à l'article 2187? Quant à la retenue de l'article
2188, est-ce qu'on ne la retrouve pas fréquemment dans certains autres
contrats de construction?
M. Crochetière: J'ai deux réponses à vos
questions. Quant à la retenue déjà prévue, il est
vrai que cela répète ici les dispositions actuelles du Code
civil. Cependant, le projet de loi qu'on nous a présenté sur les
sûretés réelles n'impliquait plus l'obligation de
dénoncer le contrat. C'est pour cette raison qu'on a demandé en
commission parlementaire à ce que soit réinsérée
l'obligation de dénoncer, pour que l'hypothèque légale
puisse être valable. S'il n'y a pas d'obligation de dénonciation,
parce qu'on est quand même obligés de faire nos commentaires par
rapport au projet de loi qu'on nous a soumis, et si ici on dit que c'est juste
bon dans les cas où il y aurait eu dénonciation, on s'est
posé la question. On s'est dit: Est-ce qu'ils veulent
réintroduire cette obligation de dénonciation, oui ou non? Dans
un premier temps, ils ne l'ont pas fait et là, il semble que oui.
Si, effectivement, on établit la corrélation avec l'autre
projet de loi et si on réintroduit la nécessité de la
dénonciation, on est d'accord, sinon on dit qu'on se trouve dans une
situation un peu absurde où on est obligés de dénoncer et
où on a droit de retenir juste quand c'est dénoncé.
Qu'est-ce que cela vaut? C'était la raison pour laquelle on s'opposait
au libellé de
l'article 2187. Évidemment on ne l'a pas mentionné. On
aurait peut-être dû l'écrire dans nos réflexions,
mais c'était une des questions que nous nous sommes posée.
Quant à l'article 2188, quand vous me demandez s'il est d'usage
de retenir des sommes, je vous réponds qu'il n'est pas d'usage de
retenir des sommes lorsque vous faites affaire avec un entrepreneur
général avec une offre d'achat pour une livraison à date
fixe. Par exemple, la plupart des maisons sont livrées autour du 1er
juillet. Vous pouvez signer une offre d'achat aux mois de septembre ou de
novembre de l'année précédente ou de février ou
mars de l'année en cours pour être livrée au 1er juillet.
Le 1er juillet, sur nos chantiers, c'est le branle-bas de combat pour terminer
les maisons et les livrer.
Lorsque les consommateurs passent chez le notaire, il n'y a pas de
retenue. Le paiement se fait. Ce qui arrive de façon concrète, ce
n'est pas une retenue de la part du consommateur. Dans ces cas-là, il
arrive fréquemment que le prêteur hypothécaire n'a pas
exécuté sa dernière inspection et qu'il reste encore des
sommes entre les mains du créancier hypothécaire, mais aux termes
de l'acte, c'est vendu, c'est payé. Dans les offres d'achat, il y a
même de façon générale des dispositions pour faire
des ajustements sur la portion des sommes en capital qui sont dues et qui sont
réputées payées, mais qui n'ont pas encore
été versées par le prêteur.
Dans ce contexte-là, je vous dis: Non, ce n'est pas l'usage. Ce
n'est pas non plus l'usage pour la plupart des petits travaux de
rénovation. C'est l'usage dans le cas des contrats d'une plus grande
importance. Si vous faites venir un peintre chez vous durant trois ou quatre
jours, vous ne le paierez pas 30 jours après la fin des travaux, sinon
pas un peintre n'ira chez vous. Si vous faites effectuer des travaux
d'importance avec des paiements progressifs et des inspections des travaux,
là, il est vrai que c'est l'usage. Mais, encore une fois, on fait ici
une application généralisée des dispositions sans tenir
compte non plus de tous les aspects de l'industrie de la construction, que ce
soit dans l'habitation, dans l'industriel ou dans le commercial.
M. Doyon (Gilles): Si vous permettez que j'ajoute quelques mots,
M. le Président, ce qui ressort de notre mémoire, c'est que si on
a voulu aider le consommateur, l'intention est fort louable, mais on a
oublié que ce faisant, comme c'est un Code civil d'application
générale, tous les autres intervenants qui seraient pas mal plus
capables et savants dans le domaine pourront utiliser les mêmes droits.
C'est là que ce genre d'article, joint à d'autres articles, comme
celui sur le droit de payer directement les sous-traitants, permettra à
des gens capables - on parle d'institutions et de gros promoteurs - de jouer
avec ça, ce qui engendrera des situations tout à fait abusives.
C'est dans cet esprit que notre remarque se situe surtout.
Le Président (M. Boulerice): Me Gariépy.
M. Gariépy: Oui, j'aurais une question concernant votre
remarque sur le prix approximatif; vous critiquez l'article 2171, à la
page 45 de votre mémoire, qui traite d'un contrat où le prix
convenu était approximatif. Vous dites, à la page 45, que cela
empêcherait les contrats dits "cost-plus" ou à pourcentage. Selon
une des définitions que j'ai ici d'un contrat "cost-plus", de Me
Thérèse Houle-Rousseau: "Le marché peut être enfin
à pourcentage. Sous ce régime, le maître paie la
main-d'oeuvre et les matériaux au prix de revient et assure à
l'entrepreneur un pourcentage déterminé pour ses frais
généraux et ses bénéfices". Je voudrais bien
comprendre. Êtes-vous bien sûr que ce contrat à prix
estimatif, dans ce cas-ci, vise le contrat dit ou qu'on appelle
communément "cost-plus"? Pour moi, le mot approximatif semblait vouloir
dire à un prix autour de ou d'environ. C'est ce que je voudrais...
M. Crochetière: C'est ça. Même avec un
"cost-plus", le donneur d'ouvrage va demander une approximation. J'ai à
l'esprit un cas que j'ai vu hier. Il s'agit d'une gérance à 8 %
plus les coûts. On avait sorti une charte des coûts sur ordinateur
pour donner une idée au donneur d'ouvrage et, effectivement, il y a un
litige parce que les coûts excèdent de plus de 15 %
l'estimé approximatif. Alors, même avec un "cost-plus", les gens
demandent une idée de ce que cela va coûter.
Si on laisse l'article tel quel, les entrepreneurs ne transigeront plus
à "cost-plus"; ce serait trop risqué.
M. Gariépy: Puis-je demander une précision
additionnelle? Est-ce dans la plupart des cas ou dans tous les cas, quand vous
avez un contrat "cost-plus", que vous donnez une estimation?
M. Crochetière: C'est tout simplement une opinion
personnelle, mais je ne vois personne... D'abord, les gens ont souvent peur du
contrat à coût majoré ou "cost-plus". Je ne connais
personne, sauf des entrepreneurs généraux, qui sont
habitué de travailler avec un entrepreneur spécialisé qui
va l'appeler et lui dire: Va sur tel chantier, fais tel travail, c'est à
l'heure, à la pièce ou à forfait et je paierai la note
ensuite. Mais les donneurs d'ouvrage qui ne sont pas des employeurs
professionnels ou des entrepreneurs demandent habituellement toujours à
l'entrepreneur: Combien penses-tu que cela va me coûter environ?
Même avec le "cost-plus". Quelle sera la portée de l'article 2171?
C'est ce qu'on redoute.
M. Gariépy: Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): D'accord. Il n'y a plus de
question. Alors, au nom de cette commis-
sion, nous vous remercions beaucoup de... Oui, une autre question?
M. Dauphin: Non, pas juste une question.
Le Président (M. Marcil): Vous voudriez procéder
aux remerciements? Allez-y. (10 h 30)
M. Dauphin: Je voulais juste signaler aux représentants de
l'APCHQ que l'équipe du Code civil qui m'accompagne actuellement a pris
bonne note de leurs représentations. Soyez assurés qu'elles
seront bien analysées et bien étudiées dans l'expectative
du projet de loi que nous aurons bientôt. On tient à vous
remercier pour votre mémoire et votre présentation.
Le Président (M. Marcil): Également, nous tenons
à vous remercier de votre présentation. Soyez assurés
qu'une attention assez particulière sera portée à vos
propositions, à vos recommandations. Sans plus tarder, vu que le temps
passe et les événements que nous avons eus à vivre ce
matin, nous allons inviter immédiatement le groupe de l'Ordre des
ingénieurs du Québec et Association des
ingénieurs-conseils du Québec à se présenter
à l'avant. Merci beaucoup. C'est terminé pour vous.
M. Gosselin: M. le Président, merci, ainsi que MM. les
membres de cette commission.
Ordre des ingénieurs du
Québec et Association des
ingénieurs-conseils du Québec
Le Président (M. Marcil): M. Pierre Desjardins,
ingénieur, président, de même que vos collaborateurs, nous
vous souhaitons la bienvenue à cette commission parlementaire. Je vous
inviterai immédiatement à nous présenter vos
collaborateurs et à procéder à la présentation de
votre mémoire, tout en sachant que les membres de cette commission ont
déjà pris connaissance du mémoire. Vous vous limiterez
donc, s'il vous plaît, à une synthèse seulement de
l'argumentation que vous apportez dans votre mémoire. Cela va? Vous avez
à peu près 20 minutes pour faire cela. Ensuite, on va
procéder à des échanges. Allez-y, M. Desjardins.
M. Desjardins (Pierre): Merci, M. le Président. Mon nom
est Pierre Desjardins, je suis président de l'Ordre des
ingénieurs du Québec. Pour cette présentation devant la
commission, je suis accompagné de M. Jean-Pierre Sauriol, à ma
gauche, président de l'Association des ingénieurs-conseils du
Québec et de Me Jean-Pierre Dépelteau, à ma droite.
Si vous le permettez, M. le Président, j'aimerais prendre quinze
minutes environ pour expliquer à la commission l'importance que nous
accordons au sujet en discussion et ce qui motive les ingénieurs
à intervenir dans l'étude de l'avant-projet de loi sur la
réforme du droit des obligations. Nous vous présenterons ensuite
les grandes lignes de nos critiques et de nos recommandations. Soyez
assuré, M. le Président, que nos propos sont dictés par
une seule et unique préoccupation, celle de doter notre
société d'un régime d'obligations juste et
équitable, mais aussi efficace sur le plan de la protection du
public.
J'aimerais spécifier ici que nous n'avons pas travaillé
sur l'ensemble de l'avant-projet de loi. Nous nous sommes penchés
exclusivement sur le chapitre 8 intitulé: Du contrat d'oeuvre. Il est
question, dans ce chapitre, des règles devant régir les relations
entre les parties pour un ensemble d'activités économiques
très large, soit l'immense secteur des services et le domaine
très vaste de la construction. Pour être plus précis,
l'ensemble des activités visé englobe selon les termes de
l'avant-projet de loi, à l'article 2158, toute exécution d'une
oeuvre, ce que nous avons interprété comme un travail, qui a pour
but la réalisation d'un ouvrage ou la production d'un service.
Il est difficile de mesurer exactement l'ampleur économique des
activités visées. Nous pouvons affirmer, cependant, que ces
activités contribuent à une très large part du PIB et
donnent lieu à une proportion importante des emplois existants dans
notre société. Le secteur des services représente à
lui seul près du quart du produit intérieur brut, soit une
production évaluée à plus de 26 000 000 000 $. Il absorbe,
par ailleurs, environ le quart également de la main-d'oeuvre au
Québec en créant quelque 950 000 emplois. Le domaine de la
construction, pour sa part, compte pour plus de 5 000 000 000 $ pour le PIB et
crée, bon an, mal an, entre 120 000 et 150 000 emplois.
L'avant-projet de loi a l'étude propose de nouvelles
règles, c'est-à-dire un nouveau cadre juridique pour un ensemble
d'activités pour le moins considérable sur le plan
économique. Il faut aussi souligner qu'il s'agit d'activités qui
affectent très directement et très largement les conditions de
vie de tous et de chacun. Ces activités ont même un rapport
étroit avec la santé et la sécurité de la
population. Tout citoyen passe une grande partie de sa vie dans des
édifices, comme nous le faisons ici ce matin. Tous se côtoient et
chacun utilise du mobilier, des équipements et des machines de
différents niveaux de complexité. Donc, sans même
mentionner le secteur des services, nous parlons d'activités qui
affectent la qualité de la vie, le confort de tous et de chacun et la
sécurité.
Ces considérations doivent être présentes à
notre esprit, lorsque nous discutons des règles juridiques devant
régir les relations entre les parties dans le domaine d'activités
visé. Il nous semble évident que le régime d'obligations
que le législateur va adopter doit être défini en tenant
compte de sa portée. Ce régime d'obligations doit
être inspiré, bien sûr, par le souci d'assurer des
rapports équitables et harmonieux entre les parties. Pour être
efficace, il doit être aussi clair et aussi simple que possible. Mais, il
y a plus. Nous devons chercher, par exemple, à ce que le nouveau
régime d'obligations n'ait pas pour conséquence de taxer
exagérément les domaines d'activités visés et d'en
affecter négativement l'économie. Nous croyons également
que le législateur doit avoir comme objectif de protéger le
public, ce qui va sûrement plus loin que d'assurer l'harmonie des
rapports entre les parties.
Cette visée de protection du public concerne tout
particulièrement le domaine de la construction, puisque ce même
public utilise continuellement les édifices et autres ouvrages de
construction. Elle doit se traduire par une responsabilisation rigoureuse mais
juste des personnes que la société a formées, et
compétentes pour assumer la maîtrise d'oeuvre des ouvrages en
pouvant en garantir la solidité et la fiabilité. Ces personnes
sont l'entrepreneur, l'ingénieur et l'architecte.
Le sujet en discussion est donc, précisons-le, la
définition des obligations juridiques des intervenants dans
l'exécution d'une oeuvre qui a pour but la réalisation d'un
ouvrage ou la production d'un service. De ces obligations va découler la
responsabilité des parties, notamment celle des ingénieurs. En
d'autres mots, ce que sera le droit des obligations à la suite de la
réforme entreprise va déterminer ce que sera la
responsabilité des participants à l'exécution d'une
oeuvre. Les ingénieurs sont de ces participants dans un nombre
extrêmement important de situations. Nous avons donc
réfléchi sur le sujet, M. le Président, en sachant que les
ingénieurs se trouvaient interpellés à la fois dans
l'exercice concret de leur profession et en tant que membres d'un ordre
professionnel.
D'abord, ils sont à peu près tous impliqués,
à quelque moment de leur carrière et souvent tout au long de
celle-ci, dans la réalisation d'ouvrages et la fourniture de services
professionnels, mais ils sont encore des professionnels au sens sociologique
aussi bien que juridique du terme. Ils forment une profession libre et ce,
précisément pour la protection du public. Les ingénieurs
ont, par-delà leur devoir envers leurs clients ou leurs employeurs,
l'obligation de protéger le public. C'est la raison même de leur
profession et c'est ce que la société attend d'eux. Nous parlons
ici de l'Ordre des ingénieurs du Québec qui est une institution
publique. Pour ce faire, l'ordre doit contrôler la compétence de
la profession par le biais de l'admission de ses membres, la pratique
professionnelle et la discipline.
Or, la définition du nouveau régime d'obligations doit
aussi, être guidée par l'impératif d'assurer la protection
du public. Revenons, si vous me le permettez, M. le Président, sur le
champ d'activités des ingénieurs. Nous avons dit que la
réalisation d'ouvrages et la fourniture de services professionnels
constituaient l'exercice de leur profession. La Loi sur les ingénieurs
le confirme sur le plan juridique. Il est stipulé à l'article 3
que "l'exercice de la profession d'ingénieur consiste à poser les
actes suivants: donner des consultations et des avis, faire des mesurages,
tracés, calculs, études, dessins, plans et devis, préparer
des rapports, cahiers de charge, inspecter et surveiller des travaux." Lorsque
ces actes se rapportent à des types d'ouvrages dont la
réalisation doit tenir compte de la sécurité du public,
ils nécessitent des compétences en génie. C'est en ayant
à l'esprit cette définition de la profession d'ingénieur
et en constatant l'étendue du champ d'activités où elle
s'exerce que nous pouvons saisir jusqu'à quel point les
ingénieurs sont visés par le sujet en discussion. Il y a des
ingénieurs partout. Pensons, par exemple, à la construction
d'immeubles. Il y a des ingénieurs, bien sûr, chez les
entrepreneurs, les sous-traitants; il s'en trouve aussi chez les clients et les
propriétaires. Dans la plupart des cas, des ingénieurs
interviennent à titre de consultants, que ce soit au niveau de la
conception des ouvrages ou pour la surveillance des travaux. On retrouve
également des ingénieurs au service des fournisseurs de
matériaux, d'équipements mobiliers. Ils sont présents, en
somme, dans tout le réseau d'activités et d'échanges sur
lequel repose la réalisation d'un immeuble.
Nous nous sommes exprimés dans notre mémoire et nous le
faisons encore aujourd'hui au nom de tous les ingénieurs, sans
référence au rôle ou à l'activité
spécifique de quelques groupes. C'est en tant que professionnels dont
l'activité se trouve directement concernée et en tant que membres
d'un ordre professionnel dont la vocation est la protection du public que les
ingénieurs s'adressent à cette commission. L'ingénieur
doit évidemment tenir compte des besoins de son client, mais il doit
aller au-delà des attentes de ce dernier, en assurant la protection du
public par la fiabilité et la solidité des travaux qui lui sont
confiés.
Passons maintenant à nos recommandations. Quels sont maintenant
les commentaires et recommandations des ingénieurs à
l'égard de l'avant-projet de loi qui fait l'objet de nos discussions?
Nous avons déjà dit, M. le Président, que notre attention
a été portée, pour l'essentiel, sur le chapitre 8
intitulé: Du contrat d'oeuvre. C'est dans ce chapitre qu'est
défini le régime d'obligations propre aux activités
où les ingénieurs exercent, pour une grande partie, leur
profession.
Nos commentaires et recommandations sont à trois volets. Le
premier volet concerne les services et entreprises. Nous nous interrogeons
d'abord sur la sagesse de créer un seul et même régime
d'obligations pour tout type d'oeuvre. Nous croyons que la notion est trop
englobante. La diversité et la disparité des situations que
l'on veut couvrir rendent difficile, sinon impossible,
l'élaboration d'un régime d'obligation uniforme, mais aussi assez
simple pour s'être préférable au maintien d'un
régime distinct pour des groupes d'oeuvres différents.
En 1977, il avait été proposé par l'Office de
révision du Code civil de distinguer deux types de contrats: le contrat
d'entreprise et le contrat de services. Il serait probablement approprié
de retenir cette approche et de concevoir une distinction qui permette de mieux
tenir compte, d'une part, des différences dans les
réalités et les contextes et, d'autre part, de la
nécessité de formuler des obligations en fonction d'objectifs qui
ne se posent pas de la même manière ou de manière uniforme
pour l'ensemble des activités visées, les résultants
étant différents. Je vous donne, par exemple, l'idée de
faire des plans et devis ou de faire de la surveillance: l'objectif n'est pas
le même et la finalité n'est pas la même.
Dans un deuxième volet, nous nous sommes ensuite
interrogés sur l'opportunité d'un certain nombre de dispositions
qui donnent au texte l'allure de statut. Nous pensons que l'avant-projet de loi
pousse trop loin la codification des rapports entre les parties.
Les conséquences d'une codification aussi détaillée
seraient malheureuses, selon nous, à plus d'un égard. En premier
lieu, M. le Président, nous croyons que la liberté contractuelle
se trouverait réduite de façon injustifiée par certaines
des dispositions de l'avant-projet de loi. L'obligation qui est faite au client
à l'article 2174 de payer au collaborateur du professionnel les
créances que celui-ci leur doit est un exemple d'empiètement sur
la liberté contractuelle.
En second lieu, nous avons noté que certains articles
introduisent des mesures dont le coût socio-économique ne
paraît pas justifié par le besoin social appréhendé.
L'efficacité de ces mesures par rapport à leur objectif ne nous
paraît non plus démontrée. Nous avons à l'esprit, en
disant cela, les dispositions contenues aux articles 2189 et 2190 concernant le
secteur de la construction et de la rénovation résidentielle.
L'obligation de créer des fiducies pour tout contrat dont le prix
excède 3000 $ nous paraît excessive.
Le troisième volet touche la responsabilité et le domaine
immobilier. Le troisième ordre de questions et de recommandations
contenu dans notre mémoire concerne les dispositions relatives aux
ouvrages immobiliers et immobiliers dits complexes. Le chapitre 8 de
l'avant-projet de loi contient un ensemble d'obligations propres à la
réalisation de ces ouvrages. Or, c'est cette partie de l'avant-projet de
loi qui préoccupe le plus les ingénieurs, car c'est là
surtout que le législateur se doit de prendre en considération la
protection du public qui utilise ces ouvrages et y passe une partie importante
de sa vie.
M. le Président, ce que nous avons de plus important à
dire à cette commission touche précisément les articles
2183 à 2185, car nous abordons là la question cruciale du
régime de responsabilité particulier qui doit s'appliquer au
domaine de la construction et qui doit être plus rigoureux que le
régime général de responsabilité. Ce régime
de responsabilité doit avoir pour objectif supplémentaire et
essentiel la protection du public et doit être conçu de
façon à responsabiliser clairement, fermement et justement les
personnes qui assurent la maîtrise d'oeuvre des ouvrages.
Nous croyons que ce régime doit avoir un caractère plus
exigeant que celui du régime général de
responsabilité, pour mieux garantir la solidité et la
fiabilité des ouvrages. Le régime proposé cependant ne
nous paraît pas adéquat sous plusieurs angles. D'abord, l'objet de
ce régime particulier doit être les immeubles et les meubles dont
l'existence peut comporter un risque important pour la santé et la
sécurité de la population. La caractérisation des ouvrages
visés ne doit pas se référer, dès lors, à
leur complexité, mais plutôt à leur sécurité
ou, si vous me passez l'expression à leur dangerosité. Cela
découle de la raison d'être même du régime, qui est
la protection du public et il serait inéquitable qu'il s'étende
à des objets qui ne présentent pas de risque pour la population.
Je pense, par exemple, aux ordinateurs ou aux disques au laser. (10 h 45)
Le caractère spécifique de ce régime doit
être, selon nous, la présomption de faute. Ainsi, la personne qui
assume la réalisation d'un ouvrage auquel s'applique le régime
devrait être tenue responsable advenant la perte totale ou partielle de
cet ouvrage.
Inutile de dire qu'une pareille rigueur juridique ne peut être
justifiée autrement que par un besoin social important. Nous pensons
qu'elle l'est, afin d'assurer la solidité et la fiabilité des
ouvrages visibles. Il ne serait ni équitable ni efficace toutefois qu'un
tel régime de responsabilité s'applique à d'autres
personnes que celles qui, par leur compétence reconnue, sont en mesure
de garantir la sécurité des ouvrages. La responsabilité
que la loi fait porter à une personne doit être en rapport avec le
concept de compétence que cette personne devrait avoir pour assumer les
obligations qui lui sont faites par cette loi.
Dans le cas présent, M. le Président, les personnes
compétentes sont l'entrepreneur, l'ingénieur et l'architecte.
C'est ce qu'a reconnu le législateur et les tribunaux depuis fort
longtemps. Le texte actuel du Code civil et la jurisprudence en
témoignent de façon non équivoque. Soulignons aussi que la
Loi sur les ingénieurs le confirme en réservant à ces
derniers le droit de donner des consultations, de préparer des plans et
devis et d'inspecter ou de surveiller les travaux pour toute une gamme
d'ouvrages dont la réalisation doit tenir compte
de la sécurité du public.
Ainsi, ce sont les entrepreneurs, les ingénieurs et les
architectes qui, historiquement et pour des raisons de compétence, ont
agi comme maîtres d'oeuvre des ouvrages immobiliers. Ce sont eux qui ont
assumé la responsabilité sociale et légale d'en garantir
la solidité et la fiabilité.
Le régime particulier que nous proposons, M. le Président,
devrait donc s'appliquer exclusivement aux entrepreneurs, aux ingénieurs
et aux architectes. Il devrait, en outre, être restreint à ceux
qui, par leur rôle dans la réalisation d'un ouvrage, sont en
mesure de déterminer les caractéristiques de sa solidité
et de sa fiabilité. Encore ici, il serait inéquitable et
inefficace d'imposer une responsabilité aussi rigoureuse que la
présomption de faute à des intervenants qui n'ont ni les devoirs
ni les pouvoirs ni la liberté d'action d'un maître d'oeuvre. C'est
cette considération qui nous a amenés à recommander que le
régime particulier dont nous traitons ne s'étende à
d'autres personnes qu'à celles qui ont un engagement contractuel avec le
client de l'ouvrage et qui, par là, ont un rôle prédominant
dans la réalisation dudit ouvrage. Ceci termine donc le troisième
volet.
Voilà donc, pour l'essentiel, ce que les ingénieurs
proposent comme régime de responsabilité propre aux immeubles et
meubles dangereux. Mon collègue de l'Association des
ingénieurs-conseils du Québec complétera mes propos sans
doute, mais avant de lui laisser la parole, j'aimerais attirer l'attention de
la commission sur l'emploi du terme "professionnel" dans l'avant-projet de
loi.
L'article 2158 utilise ce terme pour désigner toute personne,
entrepreneur ou fournisseur de services qui s'oblige envers une autre personne,
le client, à exécuter une oeuvre. Le terme "professionnel" est
ensuite utilisé, selon cette définition, dans tout le chapitre 8.
Nous sommes opposés, M. le Président, à une telle
définition. Le législateur irait, en l'adoptant, à
rencontre de l'usage courant aussi bien que juridique du terme "professionnel".
Le terme "professionnel" désigne, selon l'usage, des personnes physiques
ayant des compétences intellectuelles poussées et dont
l'activité en est une de service. Il n'a jamais fait
référence ni à l'entrepreneur ni de manière
générale au fournisseur de services. De plus sur le plan
juridique, le professionnel est la personne qui est visée par le Code
des professions et les lois professionnelles. Il n'y a pas de raison pour que
le Code civil introduise une nouvelle définition du terme
"professionnel". Comme cela créerait de la confusion, nous croyons qu'il
serait sage de recourir à un autre vocable pour désigner
l'exécutant du contrat d'oeuvre.
Je vous remercie, M. le Président, et tous les membres de la
commission de l'attention que vous avez mise à nous écouter. Si
vous le permettez, je céderai la parole au président de
l'Association des ingénieurs-conseils du Québec,
M. Jean-Pierre Sauriol. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci, beaucoup, M. Desjardins.
Il ne vous reste que quelques minutes.
M. Sauriol (Jean-Pierre): Cinq minutes. Cela va? Je l'ai
calculé. J'aimerais tout d'abord remercier à mon tour le
président et les membres de la commission pour le temps et l'attention
qu'ils nous accordent.
L'Association des ingénieurs-conseils du Québec regroupe
quelque 300 firmes spécialisées dans les services
d'ingénierie et emploie au delà de 8000 personnes. Elle a pour
mission de contribuer au développement des activités de
génie-conseil de ses membres et de promouvoir leurs services dans un
environnement favorable. Le mémoire que l'Ordre des ingénieurs et
notre association avons adressé conjointement à cette commission
exprime clairement le point d'aboutissement d'une longue réflexion.
Notre point de vue et celui de l'Ordre coïncident, M. le
Président. Je ne répéterai pas ce que mon collègue,
M. Pierre Desjardins, a déjà exprimé. Notre point de vue
commun est celui de l'ensemble des ingénieurs du Québec. Certes,
avant d'être des ingénieurs-conseils, nous sommes d'abord des
ingénieurs, c'est-à-dire des professionnels de
l'ingénierie.
Quel est le rôle particulier de l'ingénieur-conseil
auprès du propriétaire? C'est d'abord et évidemment un
rôle technique, comme l'a mentionné mon collègue:
conception de projets, réalisation et surveillance. On est
présents dans toutes les étapes d'un projet. Ensuite, ce qui est
très important, on intervient régulièrement dans la
rédaction et les contrats de construction pour établir les
règles contractuelles qui s'appliquent entre le propriétaire et
l'entrepreneur et bien entendu entre ce qui concerne notre profession et le
client. Nous considérons donc que nous sommes en position
privilégiée pour vous faire certains commentaires sur les
règles contractuelles que le législateur nous propose.
Pour revenir sur le régime particulier que nous
préconisons pour les immeubles et meubles dangereux, celui-ci se
caractérise par le fait qu'il y a responsabilité
présumée de l'entrepreneur, de l'ingénieur et de
l'architecte engagés par le client en cas de perte totale ou partielle
de l'ouvrage. Ces personnes ne pourraient s'exonérer de leurs
responsabilités qu'en démontrant que la perte n'a aucunement
été causée par leur faute, c'est-à-dire qu'elles
ont agi conformément aux règles de l'art.
Il serait inéquitable toutefois que cette possibilité
d'exonération soit resreinte de quelque façon. Ni l'entrepreneur,
ni l'ingénieur, ni l'architecte ne devraient avoir à assumer la
faute d'autrui et à en subir les conséquences. Les membres de
cette commission comprendront qu'un régime de responsabilité qui
ne leur permettrait pas d'être exonérés s'ils n'ont commis
aucune
faute serait pour le moins injuste. Ne retenir que la force majeure ou
la faute d'une tierce personne au titre des conditions d'exonération
serait de toute évidence injuste en soi et d'après ce que nous
savons par rapport au régime en vigueur dans d'autres États.
Le régime de responsabilité qui découle de
l'article 1688 de l'actuel Code civil a comme caractéristique d'imposer
une garantie aux entrepreneurs, ingénieurs et architectes sans par
ailleurs qu'il leur soit permis de s'exonérer en démontrant
qu'ils n'ont commis aucune faute. Il ne faudrait pas que la réforme
entreprise perpétue cette situation injuste et malsaine que nous
subissons malheureusement depuis trop longtemps.
Selon nous, deux dispositions apparaissent de plus à tort dans le
régime particulier de responsabilité que je viens tout juste
d'énoncer. À notre avis, il est abusif de les considérer
ainsi. D'abord, concernant la notion de détérioration, il n'y a
pas lieu que les détériorations qui n'affectent que le client
propriétaire et non la sécurité du public apparaissent
dans le régime de responsabilité particulier. La notion de
détérioration selon nous pourrait s'appliquer dans le cas du
régime particulier, si elle entraîne la perte partielle ou totale
d'un immeuble. Ensuite, concernant la notion de parfait achèvement et
les malfaçons, ces notions ne concernent que le client
propriétaire. L'article 2184 est même limitatif par rapport au
droit contractuel général.
Nous soumettons aussi rapidement cinq autres commentaires particuliers,
mais très importants sur les dispositions de nature contractuelle de
l'avant-projet.
Premièrement, l'obligation d'utiliser les biens du
propriétaire, l'article 2166. Cette obligation qui est faite d'utiliser
les biens doit être aussi assujettie au droit de l'ingénieur de
les vérifier et de les refuser à cause de la
responsabilité à cet égard qu'il pourrait encourir.
Deuxièmement, les concepts d'avances nécessaires, à
l'article 2170. Il est impossible, selon nous, de définir quels
devraient être ces frais nécessaires à l'exécution
d'un contrat. Chaque projet, chaque cas est particulier et devrait être
discuté en ce sens dans un contrat en bonne et due forme avec le
client.
La règle d'approximation de 10 %. Ces règles ne
correspondent en rien à la réalité. Un contrat de
construction est le plus souvent à prix fixe et, pour la protection de
tous, il est préférable qu'il en soit ainsi. Il est impossible de
mesurer dans bien des cas l'approximation, considérant entre autres les
règles du marché et la nature du projet. On a qu'à penser
à des projets de réhabilitation de bâtiments. Souvent, on
peut identifier les coûts approximatifs qu'on pourrait encourir, mais ce
n'est qu'en commençant les travaux qu'on va découvrir ce qui peut
se passer par la suite et les coûts totaux qui seront à
encourir.
L'article 2174 crée au propriétaire l'obligation de payer
les sous-traitants, les fournisseurs et l'entrepreneur général.
Le législateur, selon nous, impose au propriétaire un rôle
qu'il n'a pas accepté de jouer et souvent qu'il ne veut pas jouer et lui
donne une responsabilité qu'il ne devrait absolument pas assumer.
L'article 2189, pour terminer, crée pour tout projet de
construction et de rénovation de plus de 3000 $ concernant les ouvrages
résidentiels l'obligation de créer deux fiducies. Selon nous, il
existe d'autres types de garanties qui pourraient être données
pour respecter la philosophie qu'on propose et, ensuite il nous semble que la
création et la gestion de ces deux fiducies seront très
onéreuses finalement pour le consommateur. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Nous allons
procéder immédiatement à la discussion en reconnaissant le
député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la
Justice.
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. Au nom du
ministre de la Justice du Québec et des collègues
ministériels, nous aimerions vous souhaiter la bienvenue à nos
travaux et vous féliciter pour la préparation et la belle
présentation de votre mémoire. C'est un mémoire
très intéressant.
J'aimerais moi aussi revenir sur les articles 2183 à 2185 qui
traitent de la responsabilité. D'ailleurs, vous en traitez longuement
dans votre mémoire. Vous souhaitez que l'article 2185 soit revu afin que
cette responsabilité ne vise plus les sous-entrepreneurs et autres
collaborateurs et que l'architecte-ingénieur ou le constructeur puisse
se dégager de sa responsabilité - c'est M. Desjardins, justement,
qui disait ça tantôt - s'il prouve qu'il n'a commis aucune faute.
À la lecture du deuxième alinéa de l'article 2185, il nous
semble qu'on prévoit qu'il puisse se dégager de sa faute. On
parle de force majeure, dans un premier temps; dans un deuxième temps,
on dit que si, effectivement, ce n'est pas sa faute, il peut s'en
dégager. J'aimerais avoir votre réaction là-dessus, votre
commentaire.
M. Dépelteau (Jean-Pierre): L'article 2185, selon moi,
s'applique à celui qui n'a pas de lien contractuel avec le client
propriétaire alors que l'article 2183 est celui qui s'applique lorsqu'il
y a un tel lien contractuel. De la façon dont je le lis, si celui qui,
comme l'ingénieur, a un lien contractuel avec le
propriétaire-client, c'est l'article 2183 qui s'appliquerait. L'article
2185 dit: "Sont solidairement tenus de la garantie avec le professionnel comme
s'ils étaient partie au contrat." C'est donc dire qu'il n'est pas partie
au contrat. Selon l'interprétation qu'on en donne, l'article 2185, c'est
le cas où il n'y a pas de contrat avec les propriétaires-clients,
et l'article
2183 est le cas où il y a un lien contractuel. L'ingénieur
se situe aux deux niveaux: 2183 et 2185.
On a un régime double. L'article 2183 traite du lien contractuel
entre le propriétaire et un autre professionnel, lequel professionnel
peut être un architecte. Les deux premières lignes de l'article
2185 - cela nous apparaît clair du texte - traitent des cas où il
n'y a pas ce lien contractuel, d'où la distinction fondamentale, quant
à nous, et c'est ce qui a fait l'objet de la réflexion des
ingénieurs entre eux.
M. Dauphin: Relativement à la solidarité - on
pourra y revenir tout à l'heure avec l'équipe des codificateurs
qui m'entoure - vous ne vous prononcez pas clairement. J'aimerais vous entendre
concernant la solidarité relativement aux mêmes articles.
M. Dépelteau: L'article 1688 crée un régime
de garantie légale, c'est-à-dire que l'ingénieur, pour
prendre ce cas-là, est responsable pour la faute d'un tiers
entrepreneur. Même si l'ingénieur n'a pas commis de faute, il est
responsable. Cela nous apparaît excessif. Cela a toujours paru excessif,
et on vous soumet qu'il faut profiter des modifications au Code civil pour
faire un tel changement. Ce qu'on propose, ce n'est pas l'application du
régime général de responsabilité, qui est celui qui
apparaît aux dispositions de l'article 2158 et suivants, mais un
régime particulier. Pourquoi un régime particulier? À
cause de la protection du public.
M. Sauriol: Sans égard à la faute, on devenait
automatiquement coupables. Ce qu'on demande maintenant, c'est au moins de nous
laisser la présomption de faute, le fait de démontrer qu'on n'a
absolument rien à voir avec le problème concerné. C'est un
peu ce qui est demandé dans ce qu'on propose.
M. Dauphin: D'accord. J'aurais une autre question, je sais que ma
collègue de Groulx va revenir tantôt. C'est Mme la
Présidente, maintenant; excusez-moi, Mme la Présidente.
L'avant-projet prévoit que le professionnel est responsable,
pendant les cinq ans qui suivent la réception, et vous semblez
favorables à ce délai. Or, dans l'avant-projet que nous avons
déposé en juin dernier relativement à la prescription, on
prévoit que l'action personnelle est prescrite par trois ans depuis la
manifestation du préjudice, dans la mesure où celui-ci survient
dans les dix ans. Cela serait-il suffisant, à votre avis, pour assurer
un équilibre juste entre les exigences de la responsabilité et la
protection du public?
M. Dépelteau: Les ingénieurs se sont penchés
sur la question de la garantie de cinq ans, et leur position, c'est qu'ils y
sont favorables. Les ingénieurs ne se sont pas penchés sur les
délais de prescription qui sont applicables à la suite de la
découverte du vice ou autrement. Cela n'a pas fait l'objet de
l'étude ou des propos des ingénieurs. (11 heures)
M. Sauriol: La responsabilité de cinq ans nous
apparaît suffisante pour établir s'il y a un vice de construction
ou autre dans les projets qui seront exécutés.
M. Dauphin: Je sais que nous aurons des auditions au début
de 1989 relativement au chapitre sur la prescription et la preuve du droit
international privé. Avez-vous l'intention de venir à ces
auditions?
M. Sauriol: Oui, sûrement.
M. Dauphin: On pourra en discuter à ce moment-là.
Mme la Présidente, je vais vous laisser poser l'autre question.
La Présidente (Mme Bleau): Oui, bonjour messieurs. Nous
constatons que votre mémoire comporte des solutions de rechange et je
pense qu'elles sont très constructives. Ceci dit, vous semblez vous
préoccuper de façon générale de la protection du
public, mais vous considérez que les règles avancées par
l'avant-projet de loi sont souvent peu réalistes. À ce sujet, et
plus particulièrement en matière d'immeubles résidentiels,
quelques organismes intéressés nous ont proposé des voies
de solution, tels des contrôles réels de la compétence et
de la stabilité des entrepreneurs et l'obligation de fournir des
garanties suffisantes. Que pensez-vous de ces possiblités?
M. Sauriol: En ce qui a trait à l'ouvrage
résidentiel, on reconnaît que dans le mémoire on tente
beaucoup de protéger le public sur le plan des constructions
résidentielles. Il nous semble que cela devrait être inclus dans
la Loi sur la protection du consommateur beaucoup plus que dans un Code civil.
Quand on parle de règles contractuelles, comme je l'ai mentionné
tantôt, on travaille peut-être moins sur le plan
résidentiel, mais davantage sur le plan des grands promoteurs et
entrepreneurs. À ce moment-là, les résidences peuvent
aussi s'appliquer. Il faut comprendre que le client en face de nous est une
personne avertie. Ce n'est pas strictement un propriétaire de bungalow,
si on peut l'appeler ainsi. Les règles contractuelles qu'on propose ne
nous apparaissent pas assez claires, ne sont pas assez définies et
pourraient être mal exploitées par un propriétaire beaucoup
plus averti qu'un propriétaire d'immeuble résidentiel.
M. Desjardins: Un complément de réponse. Dans
l'étude qu'on a faite du projet de loi, on ne s'est pas attardés
beaucoup à la partie résidentielle. On a plutôt
regardé l'ensemble du dossier en fonction de la protection du public et
des édifices plus complexes où les gens vont
habiter, travailler et d'autres choses semblables. C'est pourquoi on dit
que c'est à cet aspect de la question qu'on s'est surtout
attaqués.
La Présidente (Mme Bleau): Je vous remercie. Je vais
maintenant céder la parole à l'Opposition officielle. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je
pense qu'on est tous heureux de la présence des représentants de
l'Ordre des ingénieurs du Québec, elle n'est pas
étonnante; c'est votre absence qui l'aurait été.
Sur le mémoire, j'aimerais vous faire certains commentaires. Je
pense que vous êtes d'accord de façon non équivoque pour la
protection du public, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur,
répondant de la perte totale ou partielle de l'immeuble. Je pense que
c'est très clairement campé dans votre mémoire. Quant
à la garantie de parachèvement et de malfaçon, je pense
que le mémoire est contre l'idée de l'avant-projet de loi de
l'étendre à tous les professionnels solidairement. Là
aussi, c'est également une remarque qui est valable.
Maintenant, pour ce qui est du questionnement, Me Gariépy, qui
m'assiste, aura aussi sans doute des questions à vous poser. Je vais
à la responsabilité du professionnel, aux articles 2183 à
2185, pages 15 et 16 de votre mémoire. Vous proposez que ces
règles soient déclarées d'ordre public. Est-ce que je dois
comprendre que vous croyez que le dernier alinéa de l'article 2185, que
ces règles qui s'appliquent malgré toute stipulation contraire
sont insuffisantes à votre point de vue et limitées d'ailleurs
dans leur application au seul article 2185 et non aux articles 2183 et
2184?
M. Dépelteau: La réponse que j'ai à donner
à cette question est la suivante. L'article 2183 n'est pas d'ordre
public. C'est l'article de base quant à la responsabilité
particulière pour les ouvrages immobiliers et mobiliers complexes.
L'article 2183 devrait être d'ordre public.
M. Boulerice: D'accord. Me Gariépy, est-ce que vous voulez
ajouter...
M. Gariépy: Je m'excuse. Nous voyons deux niveaux dans
l'avant-projet de loi. Le premier, dans l'article 2183, est la
responsabilité de ce qui est appelé un professionnel qui a un
lien contractuel avec le client propriétaire. Mais il y a aussi
l'article 2185. Cet article traite de la responsabilité de ceux qui
n'ont pas un tel lien contractuel, à notre avis.
M. Boulerice: Très clair. Oui, je vous en prie.
La Présidente (Mme Bleau): Me Gariépy.
M. Gariépy: Si vous permettez. Aux pages 23 et 24 de votre
mémoire vous traitez de la question du lien contractuel entre le
professionnel et le propriétaire de l'immeuble. Et c'est là que
je voudrais bien comprendre ce que vous voulez apporter. Je vais lire ma
question parce qu'elle est assez longue. Vous dites que les personnes qui
doivent être tenues responsables de la perte de l'immeuble sont
l'entrepreneur, l'ingénieur et l'architecte. Cela est évident.
Mais vous dites, au premier alinéa de votre commentaire, que seul celui
qui a contracté avec le client doit être tenu responsable. Qu'en
est-il alors si l'ingénieur ou l'architecte n'a pas contracté
avec le client dans un projet qui est dit, je crois, Clés en main? Je
voudrais juste bien comprendre votre remarque.
M. Dépelteau: Dans un projet de type Clés en main,
ce serait, dans l'exemple que vous donnez, l'entrepreneur qui aurait
contracté avec le client-propriétaire. Le
client-propriétaire n'a pas engagé contractuellement
d'ingénieur. Selon nous, cette responsabilité d'ordre public
vient de la liberté, du pouvoir, du contrôle et de la
compétence qu'un tel professionnel aurait sur un chantier de
construction ou dans l'élaboration d'un ouvrage. Comment un tel
professionnel qui n'est pas impliqué dans l'ouvrage avec un lien
contractuel avec le propriétaire, peut-il être
responsabilisé? Il n'est pas présent. Il n'a pas de lien
contractuel avec le propriétaire-client. C'est comme si on
responsabilisait un ingénieur qui est un employé d'un fournisseur
pour toute la responsabilité d'un projet. Selon nous, le professionnel
ingénieur ou architecte qui doit assumer cette
responsabilité-là doit être celui qui a un lien contractuel
avec le propriétaire.
M. Gariépy: Si je comprends bien, malgré qu'un
architecte ait signé les plans et qu'un ingénieur ait
traité de l'édifice. Est-ce bien ça?
M. Sauriol: Je ne comprends pas le sens de "l'architecte a
traité des plans". Qu'est-ce que vous voulez dire par "traiter des
plans"?
M. Gariépy: Je veux dire qu'il y a eu un architecte et un
ingénieur qui ont fait des choses pour cet édifice-là.
M. Dépelteau: D'après moi, il y aurait un recours
délictuel dans des circonstances comme celles-là.
M. Desjardins: Je pourrais peut-être reprendre votre
question. Vous parlez de l'ingénieur qui a préparé les
plans et devis. L'ingénieur qui a préparé les plans et
devis avait un contrat. Tantôt j'ai peut-être soulevé un
petit peu ce point-là. C'est qu'il peut y avoir deux genres de
responsabilités et je disais que c'était un peu confus dans
l'avant-projet. Si vous préparez uniquement des plans et devis ou si
vous faites la réalisation de l'ouvrage ce n'est pas la même
responsabilité. Est-ce qu'il s'agit d'une oeuvre intellectuelle
ou est-ce qu'il s'agit d'une oeuvre matérielle? Par exemple, si je fais
des plans et devis, jusqu'où va se rendre la limite de
responsabilité de l'ingénieur? Et si je suis appelé comme
ingénieur à faire la surveillance des travaux, est-ce que je vais
avoir une obligation de résultat? C'est un petit peu dans ce
sens-là qu'on le regarde. Maintenant, si j'ai préparé des
plans et devis comme ingénieur, j'ai un contrat avec quelqu'un. Il y a
quelqu'un qui m'a demandé des plans et devis. Il nous apparaît
qu'à ce moment-là le résultat ou la finalité -
c'est un peu ce qu'on disait au début - exigée du professionnel
c'est celle-là qui devrait délimiter l'obligation qu'il a. Est-ce
que l'obligation est de préparer de bons plans et devis, par exemple? Ou
bien est-ce que son obligation est de préparer de bons plans et devis et
d'exécuter un ouvrage conformément à? Alors là, il
y a tout un lien contractuel qui existe quelque part et qui doit être un
peu mieux défini parce que la responsabilité va changer. Les
obligations devraient changer aussi.
M. Sauriol: Cela a un autre but aussi. Je pense que
l'ingénieur a toujours voulu travailler directement avec le
propriétaire, avec le client parce que dans le fond c'est lui qui veut
réaliser l'ouvrage. Le jour où l'ingénieur travaille pour
le promoteur, à ce moment-là, il peut y avoir une espèce
de conflit quant à l'objet final qu'on veut réaliser. Tandis que
si on travaille directement avec le client, à ce moment-là
ça crée une tout autre attitude parce que le client est celui qui
veut réaliser l'ouvrage et qui va l'opérer pendant des
années ensuite. On vit cela souvent. Exemple, dans les
municipalités où il y a souvent des promoteurs qui engagent
eux-même l'ingénieur pour réaliser les travaux municipaux.
Le promoteur peut être là pendant cinq ans. Après cela
l'entretien revient directement aux municipalités. À ce
moment-là la municipalité n'a un recours qu'envers le promoteur
qui a déjà disparu, mais pas envers l'ingénieur qui a
été engagé par la suite.
La Présidente (Mme Bleau): M. le député de
Marquette, est-ce que vous avez d'autres remarques?
M. Dauphin: Oui. J'aimerais revenir, si vous me le permettez,
à l'article 2185. On en discutait justement entre nous. Si,
effectivement, on clarifiait l'article 2185 pour que ce soit - excusez la
répétition - bien clair que ça s'applique autant aux
professionnels qu'à l'architecte, l'ingénieur ou le
sous-entrepreneur, et sans contrat, est-ce que vous seriez d'accord avec le
libellé de l'article 2185, le deuxième alinéa
évidemment? Tantôt, on parlait de se dégager de la
faute.
M. Dépelteau: Nous disons que seul l'in- génieur
qui a contracté avec le propriétaire est celui qui a \a
liberté d'agir sur un chantier de construction et d'intervenir parce
qu'il est un professionnel membre d'une profession libre et qui, à cause
du principe de la protection du public, peut dire au propriétaire: Ne
faites pas ça. S'il n'a pas de lien contractuel avec le
propriétaire, il ne peut pas intervenir de cette façon-là.
Il doit avoir un tel lien contractuel. S'il n'a pas ce lien contractuel,
l'ingénieur ne devrait pas assumer une responsabilité exorbitante
qui est celle du régime spécial. Ici, il ne faut pas oublier
qu'on parle d'un régime différent du régime
général de responsabilité. On parle d'un régime
qui, selon nous, devrait être un régime avec présomption.
À notre avis, seuls les ingénieurs qui ont contracté avec
le propriétaire devraient assumer un tel type de responsabilité
ou un tel fardeau.
M. Dauphin: En pratique, dans votre profession,
l'ingénieur, normalement, de quelle façon est-il choisi? Par
l'architecte? Est-ce que c'est le propriétaire qui fait affaire
directement?
M. Sauriol: Normalement, c'est le propriétaire qui fait
affaire directement avec l'ingénieur.
M. Dauphin: C'est le propriétaire normalement.
M. Sauriol: II y a des cas aussi où l'architecte engage
l'ingénieur. Ce sont des choses qui arrivent aussi. Ici, au
Québec, on peut prendre les ministères. La corporation
d'hébergement du Québec engage directement ses ingénieurs
et elle engage son architecte aussi. C'est le régime qu'on a
adopté ici.
M. Dauphin: En règle générale, il fait
affaire directement avec le propriétaire.
M. Sauriol: C'est ça, oui.
M. Dauphin: Mme la Présidente, Me Cossette, le directeur
du droit civil au ministère de la Justice, a une question.
La Présidente (Mme Bleau): Me Cossette.
M. Cossette (André): Pour tenter d'éclaircir la
situation et d'éclairer tout le monde en même temps, je vais vous
donner un exemple et vous me direz ce que vous accepteriez comme
responsabilité. Je me suppose propriétaire pour quelques moments
seulement. J'ai un projet de construction d'un édifice. Alors, je
requiers les services d'un architecte comme propriétaire. Je requiers
les services d'un ingénieur également et je m'entends avec un
entrepreneur pour la réalisation de cet ouvrage. Je comprends de vos
propos que, dans ces circonstances, vous acceptez d'être solidairement
responsables de la réalisation du
projet.
M. Dépelteau: On suggère un régime de
présomption de faute avec le droit pour l'ingénieur de faire la
démonstration qu'il n'a pas commis de faute, auquel cas, il n'a pas de
responsabilité pour la faute d'un autre, il n'est pas solidairement
responsable. On suggère...
M. Cossette: Autrement dit, vous n'acceptez pas la
responsabilité solidaire des trois.
M. Dépelteau: Non.
M. Cossette: ...entrepreneur, ingénieur et architecte.
Des voix: Non.
M. Cossette: Même avec la possibilité de vous
dégager de cette responsabilité dans le sens du deuxième
paragraphe de l'article 2185.
M. Desjardins: Vous voulez dire uniquement faute majeure?
Non.
M. Cossette: Non. Faute majeure ou en établissant que vos
plans étaient corrects, que c'est plutôt l'entrepreneur qui a
commis...
M. Dépelteau: Si vous voulez dire, présumé
solidairement... Je n'aime pas parler de présomption de
responsabilité, mais que la solidarité s'applique à la
présomption de faute, je dirais oui, les ingénieurs l'acceptent,
mais ils veulent le droit de faire la démonstration qu'ils n'ont pas
commis de faute auquel cas ils ne sont plus responsables.
M. Cossette: Alors, ce serait dans le sens du deuxième
alinéa de l'article 2185. Maintenant, dans le cas où c'est
l'entrepreneur qui requiert les services d'un ingénieur et qu'il y a une
perte ou une destruction partielle de l'édifice, comment
accepteriez-vous? Quel serait le régime de responsabilité
souhaitable dans ce cas? Vous ne voudriez avoir affaire qu'à
l'entrepreneur général, que ce soit l'entrepreneur
général s'il établit la faute de l'ingénieur, que
ce soit l'entrepreneur général qui ait un recours contre
l'entrepreneur. (11 h 15)
M. Dépelteau: Parce que l'entrepreneur
général peut donner un contrat très limité à
l'ingénieur. C'est lui qui a le contrôle sur l'ingénieur,
dans le fond. Il peut donner un petit contrat limité avec une
responsabilité peu importante dans le projet. Pour que
l'ingénieur puisse intervenir dans un projet, il faut qu'il ait une
relation contractuelle avec le propriétaire, il faut qu'il ait la
liberté d'agir à l'égard du propriétaire. Il faut
qu'il soit présent comme maître d'oeuvre du projet, ce qui n'est
souvent pas le cas de l'ingénieur qui a contracté avec
l'entrepreneur.
M. Desjardins: Si je peux faire un complément
là-dessus, en page 3 on dit bien dans le premier paragraphe vers la fin
du paragraphe au sujet de notre philosophie de base: II faut s'assurer que leur
responsabilité corresponde bien à l'étendue de leur
autorité et de leur autonomie de décision. C'est fondamental, je
pense que c'est la base de notre argumentation, de la philosophie qui sous-tend
ce qu'on vient vous présenter ce matin. On dit: II faut s'assurer que
leur responsabilité corresponde bien à l'étendue de
l'autorité et de l'autonomie de la décision du professionnel.
M. Sauriol: ...on pourrait dire qu'à partir du moment
où tu deviens sous-traitant pour un entrepreneur, tu n'as plus les
mêmes responsabilités parce que tu n'agis pas aussi librement.
M. Cossette: J'imagine que vous souhaitez le même
régime pour les architectes. Sans vous obliger à parler pour eux,
j'imagine que vous souhaitez que ce soit la même chose.
Une voix: C'est une question piège.
M. Dépelteau: Quant à la question de régime,
les ingénieurs se sont penchés très longuement entre eux
et la décision a été celle que vous avez devant vous,
c'est-à-dire qu'ils considèrent qu'un régime particulier
de présomption de faute pour la protection du public, considérant
l'importance de l'immobilier, de tout ce secteur-là, dans notre
société c'est le régime qui serait le plus
approprié.
M. Desjardins: On s'est questionnés beaucoup aussi sur le
mot "oeuvre". Dans le langage courant qu'on utilise dans le domaine de la
construction, par exemple, on parle du maître d'oeuvre et d'un
maître d'ouvrage. Un maître d'ouvrage dans notre langage c'est le
propriétaire. Un maître d'oeuvre c'est celui qui fait l'ouvrage.
Par contre, à ce moment-là on serait portés à dire
que finalement l'ouvrage est le résultat d'une oeuvre qui serait un
travail exécuté par des personnes compétentes. Par contre,
on dit aussi dans le langage courant le gros oeuvre quand on parle de la
structure d'une oeuvre. Il y a donc des ambiguïtés même
à notre niveau pour définir le mot "oeuvre" et certaines
autres... C'est pour ça qu'on disait qu'il y avait ambiguïté
dès le départ dans toutes les définitions. Juste sur le
mot "oeuvre-il y en a.
La Présidente (Mme Bleau): Vous avez terminé?
Je céderai la parole à Me Gariépy pour une petite
question.
M. Gariépy: Une petite question toujours sur la question
du contrat Clés en main. Je voudrais bien comprendre. Qu'en serait-il
si
l'entrepreneur, dans le cas où c'est lui-même qui a choisi
l'architecte et l'ingénieur, prouve son absence de faute, que c'est la
faute vraiment par hypothèse, disons, de l'architecte? À ce
moment-là, est-ce qu'il n'aurait plus de recours? C'est juste ce
point-là que je veux bien comprendre parce qu'on joue avec une
exonération au deuxième alinéa de l'article 2185. Dans
l'hypothèse où l'architecte et l'ingénieur sont choisis
par l'entrepreneur et qu'il y a ruine du bâtiment, qu'en serait-il alors
si la faute, par hypothèse, était celle d'un architecte?
M. Dépelteau: Le client n'aurait aucun recours, sauf le
régime général délictuel. Autrement ça
voudrait dire que n'importe quel entrepreneur, pourrait aller s'acheter des
plans et devis et faire ce qu'il veut avec ça et rendre le professionnel
responsable? Lequel professionnel n'a aucune liberté d'agir sur le
chantier, il n'est pas présent, ça lui prend absolument un lien
contractuel pour qu'il puisse être responsable.
M. Dauphin: Encore une fois j'aimerais, au nom de mes
collègues ministériels et du ministre de la Justice, vous
remercier d'avoir contribué à nos travaux et vous assurer que vos
représentations seront analysées et bien étudiées
par l'équipe de réforme du Code civil. Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcil): Cela va?
M. Boulerice: Vous nous avez ouvert bien des portes. Je pense
qu'effectivement il devra y avoir un travail sérieux à faire
à la suite de vos commentaires. Je vous en remercie beaucoup,
messieurs.
Corporation des maîtres mécaniciens
en
tuyauterie et Corporation des martres
électriciens du Québec
Le Président (M. Marcil): C'est bien. MM. Desjardins,
Sauriol et Dépelteau, merci de vous être présentés
à cette commission. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.
Sans plus tarder, nous allons inviter les représentants de la
Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie et de la
Corporation des maîtres électriciens du Québec à
s'avancer à la table des invités.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue à cette commission
parlementaire. En tant que président de la Corporation, j'aimerais, M.
François Lemay, que vous nous présentiez vos collaborateurs et
que vous procédiez ensuite, durant quinze ou vingt minutes, à
l'exposé de votre mémoire.
M. Lemay (François): D'accord. À mon extrême
droite, Me Côté, directeur du Service juridique à la
Corporation des maîtres électriciens, le président de la
Corporation des maîtres électriciens, M. Roger Gosselin, M. John
White, du bureau de Grondin, Poudrier et Isabel, et moi-même,
président de la Corporation des mécaniciens en tuyauterie.
M. White (John): M. le Président, selon l'entente
intervenue entre nous, c'est moi qui présenterai le mémoire.
Le Président (M. Marcil): Allez-y.
M. White: Merci.
Créées depuis 40 ans, la Corporation des maîtres
mécaniciens en tuyauterie du Québec et la Corporation des
maîtres électriciens du Québec sont des associations
professionnelles d'entrepreneurs en construction qui visent à assurer
une plus grande compétence de leurs membres dans tous les domaines et,
par le fait même, une plus grande sécurité et une plus
grande satisfaction du public. Ces deux corporations, créées
chacune par une loi, regroupent des entreprises de tailles diverses. Une
personne qui exécute seule les travaux d'installation de tuyauterie ou
d'électricité doit être membre d'une des corporations. Il
en est de même d'une entreprise exécutant des travaux sur des
chantiers importants et qui peut employer des centaines de salariés.
Dans le but de répondre aux objectifs visés par leur loi,
les deux corporations ont établi différents services qui leur
permettent d'aider leurs membres dans l'exercice quotidien de leur profession
et d'aider le public consommateur. Les corporations ont toujours
démontré un vif intérêt pour les travaux entourant
la révision du Code civil. Comme vous avez d'ailleurs pu le noter, nous
avons joint, en annexe au mémoire conjoint, copie de deux
mémoires conjoints que les corporations avaient déposés
à l'Office de révision du Code civil sur les privilèges et
sur les responsabilités des sous-traitants. L'intérêt
manifesté il y a près de 20 ans existe toujours. Les membres des
corporations en tant qu'entrepreneurs, hommes d'affaires et même, dans un
certain sens, en tant que consommateurs, sont tous les jours confrontés
avec les règles de droit régissant la vie économique
québécoise.
L'examen de l'avant-projet de loi nous amène à formuler
comme premier commentaire qu'on a semblé vouloir laisser de
côté, le principe de la liberté de contracter,
c'est-à-dire du fait que le contrat est la loi des parties. Bien que
nous reconnaissions que certaines personnes devraient être
protégées, nous ne croyons pas que l'on doive mettre de
côté le principe fondamental que je viens d'exprimer. Nous croyons
également que l'avant-projet de loi risque de donner trop de pouvoirs
aux tribunaux et que, à trop vouloir modifier les règles
actuelles, en particulier en utilisant un vocabulaire différent du
vocabulaire actuel, on risque de compromettre la sécurité des
conventions existant présentement.
Vous savez, le Code civil actuel a plus de
120 ans et, lorsqu'on voudra changer des mots dans le Code civil,
l'interprétation qu'en feront les tribunaux risque d'être une
interprétation changée. Alors je pense qu'il serait important que
l'on fasse attention à cet aspect.
De façon plus précise, le mémoire conjoint des
corporations porte surtout sur les dispositions relatives au contrat d'oeuvre.
J'ai d'ailleurs pu constater que vous aviez une journée-construction ou
à peu près, un peu comme lors des sûretés
réelles.
Comme nous l'avons exprimé dans le mémoire, nous ne
croyons pas que les dispositions proposées dans l'avant-projet de loi
soient adéquates pour aider à trouver une solution
appropriée aux problèmes de l'industrie. Plusieurs interrogations
se soulèvent. En effet, tenant compte de la définition
donnée au contrat d'oeuvre, l'entrepreneur général qui
accorde un contrat à un sous-traitant pourrait être
considéré comme un client, et le sous-traitant comme le
professionnel. Tenant compte, entre autres, des dispositions relatives à
l'obligation d'information, le sous-traitant devra expliquer à
l'entrepreneur général l'étendue de ses travaux, comment
il entend faire ses travaux, le temps nécessaire pour exécuter le
contrat. Il devra également lui dire qu'il a le droit de retenir des
sommes et, de plus, il devra démontrer qu'il a satisfait de façon
adéquate à cette obligation.
Ces dispositions ne nous semblent pas appropriées dans les
relations entre professionnels de la même industrie. De toute
façon, nous ne croyons pas non plus que l'obligation dans sa forme
actuelle, bien qu'elle puisse s'avérer nécessaire dans certains
cas, soit acceptable. L'impression que l'on a, c'est qu'il va falloir que les
entrepreneurs de construction expliquent le droit à leurs clients. Je ne
crois pas que ce soit leur rôle.
Nous croyons également qu'il serait préférable que
l'on prévoie des règles spécifiques quant à la
responsabilité pour la perte ou la détérioration de la
chose avant sa délivrance lorsqu'il y a des sous-contrats. Il ne faut
pas que l'on puisse imputer une responsabilité à une personne qui
ne peut exercer aucun contrôle sur le bien lorsqu'elle a terminé
tous ses travaux.
Nous nous interrogeons également sur la notion de la
réception de l'ouvrage. L'importance apportée à la
réception de l'ouvrage est tellement grande que l'on doit y porter une
attention particulière. C'est à partir de ce geste que commencent
à courir les délais pour les garanties, entre autres, et que
l'entrepreneur a le droit d'exiger d'être payé.
Comme nous l'avons souligné dans notre mémoire, nous
croyons qu'il y a des situations où, de bonne foi, un client refuse
d'accepter un ouvrage alors qu'il n'y a pas vraiment de raison ou, même
s'il existe des raisons, le coût pour faire les modifications ou les
réparations est tellement minime comparativement à la retenue qui
pourra être faite qu'il va falloir trouver une méthode pour
garantir aux entrepreneurs non seulement un paiement assez rapide et
ordonné de leurs créances, mais également une façon
pour faire en sorte qu'ils puissent connaître de manière
précise et rapide l'étendue de leur responsabilité. Sous
cet aspect, on pourrait peut-être envisager de prévoir que lorsque
l'entrepreneur dit que les travaux sont substantiellement terminés et
que le propriétaire ne fait pas l'acte d'acceptation, on pourrait
peut-être prévoir une présomption d'acceptation
après un certain délai. Vous savez, quand on parle de garantie
qui court pendant un an à la suite de la réception, il faut quand
même essayer de trouver une méthode pour qu'il y ait une
réception à un moment donné, qu'elle soit
déterminée dans le temps.
Nous craignons également que la conjugaison des dispositions
quant à la réception de l'oeuvre et des dispositions qui
étaient proposées dans l'avant-projet de loi sur les
sûretés réelles quant à l'hypothèque
légale de construction, dispositions avec lesquelles nous
n'étions pas d'accord, risque de créer une situation qui pourrait
être difficile pour de nombreuses entreprises de construction. Si, d'un
côté, les entrepreneurs ne peuvent être payés parce
que l'oeuvre n'est pas reçue, mais qu'ils ne peuvent pas non plus avoir
sur l'immeuble un privilège qui leur donne suffisamment de droits,
comment pourront-ils continuer à exister de façon viable au point
de vue financier? S'ils n'ont pas de bonnes créances à
céder à leur banquier, ils risquent fort d'avoir des
problèmes.
Évidemment, un autre problème concerne les garanties que
l'entrepreneur doit accorder. Dans un premier temps, nous ne croyons pas
approprié que le code prévoie une garantie de cinq ans contre la
perte ou la détérioration de l'ouvrage. La garantie de cinq ans
qui existe présentement porte sur des pertes quand même assez
graves. L'utilisation du mot "détérioration", quant à
nous, laisse entendre que l'on veut élargir le champ d'application de
cette garantie. Nous ne sommes pas d'accord avec une extension de ce champ
d'application. (11 h 30)
Également, nous ne croyons pas que l'on doive créer une
responsabilité solidaire entre l'entrepreneur général, les
architectes, les ingénieurs et les sous-traitants. Même s'il
existe un moyen d'exonération, tous les sous-traitants risquent
d'être poursuivis, tous devront donc subir les coûts
afférents à des procès. C'est l'entrepreneur
général qui a la responsabilité de s'assurer que ses
sous-traitants respectent les règles de l'art. C'est avec lui que le
client fait affaire. Nous ne croyons pas justifié que la garantie
prévue à l'article 2185 puisse s'appliquer également aux
sous-traitants.
Nous voulons, également, dans un même ordre d'idées,
souligner que les dispositions proposées ne prévoient rien
lorsque le sous-traitant peut découvrir des erreurs dans les plans
et devis. Que doit-on faire? Doit-on ou non les dénoncer? Si l'on
veut respecter les règles de l'art, on devra les dénoncer. Mais
que se passe-t-il par la suite si on nous ordonne d'exécuter les travaux
en respectant les plans et devis? Notre responsabilité sera-t-elle
engagée, s'il y a perte de l'édifice, alors que nous avons
exécuté le travail conformément aux plans et devis, mais
peut-être pas nécessairement en respectant les règles de
l'art? Vous comprendrez que c'est un point qui nous semble important et dans
lequel il n'y a aucune solution dans l'avant-projet.
Enfin, nous avons été surpris de constater que
l'avant-projet créait un mécanisme de fiducie uniquement pour les
ouvrages résidentiels. Quant à nous, nous croyons que ce
mécanisme devrait exister pour tout genre d'ouvrage. Déjà
en 1972, dans le mémoire conjoint des corporations à l'Office de
révision du Code civil, nous demandions l'adoption de dispositions
semblables à celles existant dans les autres provinces canadiennes. Nous
croyons encore aujourd'hui que de telles dispositions devraient exister.
Qu'elles soient dans le Code civil ou dans une autre loi, ça n'a pas
d'importance. De telles dispositions devraient exister.
Quant à la proposition qui est faite, nous croyons cependant
qu'elle ne pèche pas par excès de clarté. Il y aurait
peut-être lieu de la rendre plus claire et de rendre tout le processus
peut-être également plus simple. Je pense, entre autres, au fait
qu'il serait peut-être préférable de préciser que
lorsqu'on détient des sommes en fiducie, il faut vraiment que ce soit en
fiducie, c'est-à-dire dans un compte à part et non pas seulement
en théorie, en fiducie. Je pense également que l'utilisation de
certaines expressions comme les fins des fiducies qui ne sont pas remplies ou
sérieusement compromises, auraient peut-être besoin, même
s'il y a des exemples, d'être clarifiées.
Nous sommes donc d'accord avec la création de fiducies. Nous
croyons qu'elles devraient cependant s'appliquer dans tous les cas où
des privilèges d'entrepreneur en construction peuvent être
enregistrés. Finalement, nous croyons que cet avant-projet de loi a
été rédigé sans vraiment tenir compte des
dispositions contenues dans la Loi sur le bâtiment. Cette loi qui a
été adoptée en 1985 n'est pas encore entièrement en
vigueur. Cependant, cette loi - nous le croyons, nous le soumettons - aidait
à trouver des amorces de solution à différents
problèmes traités par l'avant-projet de loi et surtout pour les
consommateurs. L'existence de plans de garantie, l'existence de certifications
de conformité avec les normes, un ensemble de dispositions ont
été prévues dans la Loi sur le bâtiment qui pouvait
aider à régler beaucoup de problèmes concernant la
protection du consommateur.
Nous croyons qu'il y aurait lieu qu'une forme d'harmonisation entre les
dispositions existantes dans la Loi sur le bâtiment, même si elle
n'est pas encore en vigueur, et les dispositions proposées à
l'avant-projet de loi soient faites. Dans l'ensemble, les corporations ne
croient pas que l'avant-projet de loi aidera vraiment à régler
les problèmes de l'industrie. Nous croyons que la section concernant le
contrat d'oeuvre réglera d'abord et avant tout, ou apportera des
solutions aux relations existant entre le client et l'entrepreneur
général, mais qui n'aidera pas vraiment à régler
les situations existant entre l'entrepreneur général, le
sous-traitant et les fournisseurs de matériaux.
Nous croyons donc, dans de telles circonstances, que le projet de loi
aurait avantage à être bonifié sous ces aspects et que des
règles plus précises devraient régir, pour l'industrie de
la construction, les relations entre les généraux et les
sous-traitants.
Nous sommes heureux d'avoir pu participer à vos travaux. Nous
remercions les membres de la commission, l'adjoint parlementaire au ministre,
le porte-parole de l'Opposition officielle de leur attention et il nous fera
plaisir de discuter avec eux. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Nous allons
immédiatement reconnaître le député de Marquette,
l'adjoint parlementaire au ministre de la Justice.
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. À mon
tour, j'aimerais souhaiter la bienvenue à la Corporation des
maîtres mécaniciens en tuyauterie et à la Corporation des
maîtres électriciens du Québec. Effectivement, comme Me
White l'a mentionné, on a eu l'occasion de se rencontrer l'an dernier
lors des auditions publiques en matière de sûretés
réelles. Je suis heureux, d'ailleurs, de retrouver le même
organisme en matière d'obligations et les féliciter, par la
même occasion, pour leur mémoire et leur présentation.
Ma première question a rapport avec le nouveau principe de
fiducie dont vous avez parlé tantôt. Vous êtes d'accord avec
ce principe. De surcroît, vous seriez favorables à son
élargissement et qu'il ne s'applique pas seulement en matière
résidentielle. Par contre, d'autres organismes, vous avez
peut-être eu l'occasion de les entendre, sont totalement contre, l'APCHQ
notamment. Certains nous ont même dit que les règles encadrant ce
principe de fiducie étaient irréalistes et paralysantes.
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus et vous entendre davantage
sur le principe des fiducies.
M. White: Le principe, quant à nous, de créer des
fiducies va faire en sorte que si vraiment l'argent est déposé
dans des comptes séparés, les entrepreneurs de construction
pourront être assurés du paiement. On se comprend bien. C'est dans
ce sens-là que nous sommes d'accord avec ce principe.
Si les fiducies atteignent leurs fins, c'est-à-
dire assurer aux entrepreneurs de construction que leurs créances
leur seront payées, nous sommes d'accord avec ce principe. Quant
à l'application, c'est sûr que des problèmes, avec le texte
tel que proposé, risquent de se créer. On ne peut pas dire le
contraire, je pense que le mémoire le souligne. Peut-être que ces
dispositions pourraient ne pas s'appliquer uniquement pour le
propriétaire. Vous savez qu'il arrive fort fréquemment ce soit
d'abord et avant tout le banquier qui débourse. Si l'obligation de
fiducie était également redonnée au banquier qui
débourse, qui devait voir à s'assurer du respect de ces fiducies,
comme nous avons demandé que le banquier soit obligé de respecter
les hypothèques de construction relatives, au respect des droits des
entrepreneurs de construction d'être payés, je pense qu'on
pourrait avoir un système praticable. Je n'ai pas de solution miracle,
comprenons-nous bien. Je pense qu'il y a certainement un moyen, un terme
à trouver qui va faire en sorte que ce moyen supplémentaire
créé par les fiducies pour garantir le paiement des honoraires
des entrepreneurs de construction soit un moyen praticable, applicable et
adéquat. Cela ferait une garantie supplémentaire aux
entrepreneurs de construction.
Écoutez, nous ne pouvons pas être contre la vertu si le
principe nous aide à être payés. Je comprends mal.
Comprenons-nous bien. Que ce soit difficilement applicable présentement,
suivant la formulation qui est donnée, oui, c'est peut-être le
cas, effectivement, mais quant à nous, le principe est un bon principe
qu'il faudrait conserver dans un projet de loi ultérieur. Comme je vous
ai dit, ce n'est pas nécessairement dans le Code civil, cela peut
être dans une autre disposition. Plusieurs provinces canadiennes
conjuguent les deux. Les "Mechanic Liens Acts" des différentes provinces
canadiennes ou le "Construction Lien Act" de l'Ontario conjuguent les deux
dispositions. Il y a des dispositions concernant des "trust funds" et il y a
des dispositions créant les privilèges. Il y a également
d'autres dispositions concernant les retenues dans certaines de ces lois
canadiennes, alors c'est certainement un système qui peut être
praticable et qui est utilisé ailleurs. Il s'agit de trouver une
solution adéquate. Mais sur le principe, nous croyons que c'est une
bonne chose et, comme on l'a souligné, déjà en 1972, nous
avions fait des représentations auprès de l'Office de
révision du Code civil à ce sujet.
M. Dauphin: Merci beaucoup. Dans votre mémoire, vous
admettez la nécessité d'élaborer des règles
strictes en matière de vente d'immeubles résidentiels, sans
toutefois vous prononcer sur la pertinence générale des
règles proposées par la réforme. Vous soulignez uniquement
le fait que vous considérez la Loi sur le bâtiment comme une
étape importante pour la protection du public en ce domaine. Nous
aimerions connaître vos impressions sur les règles
proposées par la réforme par rapport à celles prescrites
par ladite Loi sur le bâtiment.
M. Gosselin (Roger): La Loi sur le bâtiment
prévoyait un encadrement avec des pouvoirs des deux côtés,
alors que dans la réforme proposée, on a des obligations, mais on
n'a pas de contrepartie. On donnait, par exemple, à l'intérieur
de la Loi sur le bâtiment, pour autant que je me le rappelle, la
possibilité au consommateur de porter plainte, mais cette plainte
était assujettie à des critères d'encadrement, alors
qu'actuellement, on donne plein pouvoir au consommateur sans même
décrire le consommateur. Le consommateur peut être actuellement
aussi bien une grosse compagnie, une grosse firme qu'un consommateur
particulier, d'après ce que nous comprenons du projet de loi. C'est dans
ce sens que nous disons que le consommateur nous semblait mieux encadré
que ce que l'on retrouve actuellement.
M. White: Si vous me permettez, je pense que ce que M. Gosselin
vient de souligner est important. Nous sommes pour la vertu, mais il faut
être vertueux des deux côtés pour que la vertu puisse
fonctionner. Dans la Loi sur le bâtiment, il y avait eu du "give and
take". Nous étions prêts à assumer des
responsabilités au plan de la protection du consommateur; nous
étions prêts à faire bien des choses, mais nous avions
également demandé que l'industrie soit autoresponsable, qu'on
nous donne des pouvoirs de réglementation plus larges que ce que nous
avons présentement. Je pense que c'est important, cela aussi.
C'est pour cela que, lorsqu'on lit l'avant-projet de loi, on
protège le consommateur, d'une part, et que, d'une certaine
façon, on ne nous donne rien. On ne fait que protéger le
consommateur, mais non le consommateur au sens de la Loi sur la protection du
consommateur ou de la Loi sur le bâtiment. Pensez à Lavalin qui
fait construire un immeuble. Entre vous et moi, ils sont à peu
près sur le même pied sinon, supérieur à nous pour
ce qui est des travaux, sous l'aspect de l'expertise. Il faudrait quand
même pondérer tout cela.
En ce qui concerne les règles comme telles sur la vente
d'immeubles résidentiels, je pense que ce qui est important dans tout
cela, c'est qu'il y a eu des abus. Je pense en particulier à la
construction d'immeubles en copropriété où des choses ont
été représentées et qui n'ont pas été
le cas. Si on veut assainir tout ce qui s'appelle construction, pour faire en
sorte que l'image de l'industrie soit bonne et que le public consommateur fasse
confiance aux entrepreneurs de construction, il faut également que les
promoteurs soient, d'une certaine façon, "policés", qu'il y ait
des règles. C'est en ce sens que nous sommes d'accord. La Loi sur le
bâtiment était une étape; il n'y a peut-être pas eu
entre les deux d'échanges suffisants pour qu'on puisse
avoir un régime qui aurait pu s'inspirer d'abord et avant tout du
régime que nous avions accepté dans la Loi sur le bâtiment.
C'est ce que je voulais ajouter sur cette question.
M. Dauphin: D'accord, merci, quitte à revenir
tantôt, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Cela va. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je vous dirai tout de go, messieurs, que
j'apprécie vos remarques pour ce qui est de la protection du
consommateur, surtout au sujet du bâtiment. Mon collègue,
député de Marquette, est témoin que cela a fait l'objet -
le vice-président également, l'actuel président de la
séance - effectivement d'un long débat lorsque nous avons
rencontré, il y a quelques mois, l'Office de la protection des
consommateurs. Effectivement, la nuance que vous apportez - et cela est un
petit à côté, mais je suis quand même heureux d'en
profiter et je vais peut-être inventer le mot - entre le consommateur
civil et le consommateur corporatif mérite également, je pense,
une certaine attention. (11 h 45)
Mais pour revenir au Code civil comme tel, qui peut peut-être
paraître ésotérique pour l'ensemble de la population,
quoiqu'on sait fort bien qu'on va tous vivre avec cela demain matin donc,
d'où l'importance d'avoir une expertise professionnelle comme celle que
vous nous apportez, j'aurais une première question à vous poser.
Vous faites référence, aux pages 15 et 16 de votre
mémoire, à la retenue pour malfaçon et vous
suggérez que le législateur fixe ce pourcentage comme il l'a fait
à l'article 2171 pour le contrat avec prix estimatif. Que pensez-vous de
5 % comme retenue pour malfaçon à l'article 2175?
M. White: Dans un premier temps, je pense que ce qui est
important, c'est qu'on n'ait pas nécessairement éliminé
d'autres méthodes pour régler ce problème. L'idée
d'avoir un pourcentage s'inspire, entre autres, de dispositions
législatives existant dans d'autres provinces. Dans d'autres provinces,
lorsque le montant est inférieur à 15 000 $, par exemple, la
retenue sera fixée à 15 %; lorsque c'est supérieur
à 15 000 $, ce sera fixé à 10 %. C'est un exemple que je
vous donne. Il y a d'autres provinces où c'est 20 %. Alors on pourrait
peut-être faire une étude très exhaustive, mais il me
semble que, dans la pratique, lorsqu'il y a des contrats - et les entrepreneurs
autour de moi pourront vous l'indiquer - il existe une première retenue
de 10 % - si mon souvenir est bon - jusqu'à l'acceptation
définitive des travaux. Par la suite, il reste ensuite une retenue
équivalente à 1 % ou 2 % dépendamment pour l'année
suivant la fin, l'acceptation définitive des travaux. C'est une
méthode qui, contractuellement, existe présentement et qui
parfois nous crée des problèmes. Vous savez, les gens tardent
parfois à accepter définitivement les travaux et ne veulent donc
pas débloquer les sommes. Il me semble que, si on respectait la pratique
générale de l'industrie, au moment où on se parle,
à ce sujet, cela pourrait peut-être être acceptable. Si on
est prêts à l'accepter lorsqu'on conclut des contrats, si on le
prévoit dans le Code civil de façon claire, nette et
précise, si cela se colle à ce qu'on vit, même si on vit
avec des problèmes - puisque le véritable problème a trait
beaucoup plus à la réception, l'acceptation définitive des
travaux. On peut faire traîner pendant des années l'acceptation
définitive des travaux et donc, jamais de montant de retenue, sauf
après avoir intenté une action et après avoir
également attendu pendant trois ans avant de procéder - si ce
quelque chose se calquait sur la réalité contractuelle actuelle,
cela me semblerait alors certainement acceptable.
M. Gosselin: C'est certain que s'il n'y a aucun paramètre
de mis, c'est très dangereux. On est à la merci du client
finalement, du donneur d'ordre; on est à la merci d'à peu
près tout le monde. Comme on l'a souligné dans le rapport, cela
peut être tout de même dangereux pour la santé
financière des entreprises à un ' certain moment. Vous savez que
c'est long au niveau juridique.
M. Boulerice: Vous apportez une autre donnée qui me
paraît très pertinente, soit les contrats avec les
sous-entrepreneurs et les fournisseurs de matériaux. Vous abordez ceci
aux pages 28 et 29. Vous mentionnez d'ailleurs à quelques reprises dans
votre mémoire et justement au bas de la page 28, que les règles
sur le contrat d'oeuvre n'envisagent pas les relations entre entrepreneurs et
sous-entrepreneurs. Vous ajoutez, au bas de la page 28, les fournisseurs de
matériaux. Est-ce que vous proposez qu'on en traite dans le chapitre
sous le contrat d'oeuvre ou bien est-ce que cela demeure assujetti au contrat
de vente, comme le droit actuel le veut, avec peut-être en plus son
privilège spécial en matière de construction?
M. White: Sous cet aspect, le plus grand problème que nous
ayons présentement en tant qu'entrepreneur c'est le suivant, et vous
allez comprendre. En vertu du contrat que je signe, j'accepte habituellement de
donner une garantie d'un an sur tout ce que j'installe, sur mes travaux, mais
également sur mon installation. Par exemple: J'ai acheté une
thermopompe d'un fournisseur. Mon fournisseur me donne une garantie de trois
mois contre tout défaut mais, moi, contractuellement, je n'ai pas le
choix si je veux conclure le contrat. Je dois donner une garantie d'un an. Je
risque fort d'avoir un problème. C'est moi qui aurai le problème
en tant qu'entrepreneur. Je pense que dans cette
optique, celui qui me fournit la thermopompe devrait à tout le
moins - et on devrait donc, à mon sens, prévoir dans le contrat
d'oeuvre la garantie que je suis obligé de donner en vertu du Code civil
- être obligé lui aussi de me la donner pour les matériaux
qu'il m'a fournis et que j'ai incorporés dans l'immeuble. Alors, je
pense que c'est important que nous ayons au moins une disposition pour couvrir
ce qui me semble être le cas le plus flagrant, celui qui se produit le
plus souvent. Je pense donc qu'il serait peut-être mieux qu'il y ait des
dispositions spécifiques à ce chapitre, intégrées
dans le contrat d'oeuvre. Je comprends qu'il y ait évidemment des
dispositions concernant la vente, je suis d'accord, mais il y a tout de
même des réalités du milieu dont il faut tenir compte. Je
pense que ce serait une bonne chose de la prévoir.
M. Boulerice: Si vous permettez, M. le Président. Je sais
que le temps file. Je vous ai entendu beaucoup parler de réception.
Enfin, on a lu aussi ce que vous avez écrit sur la réception. Les
remarques de votre mémoire sont à mon point de vue très
pertinentes. Je pense qu'il faut prévoir un mécanisme si le
client refuse la réception. Qu'est-ce que vous envisageriez?
M. White: J'ai parlé un peu, lors de la
présentation, d'une espèce de présomption de
réception. Vous savez, lorsque l'on dit que la garantie de cinq ans est
à compter de la réception de l'oeuvre, si la réception n'a
jamais lieu ou qu'elle a lieu quatre ans plus tard, et que de plus, j'ai une
garantie de cinq ans pour la perte ou la détérioration - en
passant, la détérioration, qu'est-ce que c'est? Je ne le sais pas
clairement, je ne suis pas sûr - il y aurait peut-être une formule
de présomption à appliquer. Je vous dirais: II faudrait
peut-être recourir aux tribunaux à ce moment-là, mais ce
n'est pas le genre de chose qui m'intéresse. Je suis un avocat de
pratique privée, cela ferait peut-être mon affaire, mais je ne
crois pas que cela ferait l'affaire de mes clients.
Comprenons-nous bien. Devrait-on, par requête, s'adresser à
la Cour supérieure, en cours de pratique, pour faire déterminer
qu'il doit être déclaré qu'il y a eu réception des
travaux? Je ne crois pas que ce soit la meilleure solution. Je pense
plutôt à une présomption, après un certain
délai, pour que les délais puissent commencer à courir,
pour qu'on sache à compter de quel moment les délais courent.
Cela me semble une solution plus acceptable. Maintenant, quel pourrait
être le délai, 90 jours, 60 jours après la prise de
possession par le propriétaire?
M. Boulerice: D'accord. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Marquette, est-ce que cela va?
M. Dauphin: Je voudrais remercier nos intervenants de la
Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie pour la
préparation et la présentation de leur mémoire et leur
dire que l'équipe du Code civil qui m'accompagne durant nos travaux va
analyser et étudier avec beaucoup d'intérêt le
mémoire qu'ils nous ont présenté. Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcil): À vous tous, merci
beaucoup de vous être présentés à cette commission.
Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.
M. Boulerice: On pourrait peut-être, sur le ton de
l'humour, vous remercier pour les tuyaux que vous nous avez donnés.
Le Président (M. Marcil): Nous allons suspendre nos
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 11 h 55)
(Reprise à 15 h 30)
Fédération de la construction du
Québec
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous poursuivons les travaux de cette commission et j'aimerais
inviter la Fédération de la construction du Québec
à s'approcher - c'est déjà fait -
représentée par M. Robert Linteau, président. M. Linteau,
bienvenue à vous et à vos collaborateurs à cette
commission parlementaire. Je vais vous demander de nous présenter vos
collaborateurs, les personnes qui vous accompagnent; on vous alloue vingt
minutes pour faire l'exposé de votre mémoire, puisque celui-ci a
déjà été lu et examiné par les membres de
cette commission. On connaît déjà le contenu, donc, il
s'agit seulement d'une synthèse et après, on pourra participer
à un échange de questions. Présentez-nous les personnes
qui vous accompagnent et ensuite vous pourrez procéder à
l'explication de votre mémoire.
M. Linteau (Robert): Merci, M. le Président et
distingués membres de cette commission. J'aimerais vous présenter
à ma gauche, M. René Lafontaine, entrepreneur, M. Jean-Marie
Bonneau, directeur d'associations régionales et, à mon
extrême droite, M. Jean Ratté, conseiller juridique de la
fédération et Me Michel Paré, secrétaire
exécutif de la fédération.
Avant de vous présenter le mémoire, j'aimerais vous
remercier pour le délai supplémentaire qui nous a
été accordé concernant le dépôt du
mémoire. Cela aide beaucoup les entrepreneurs qui sont pris du matin au
soir. Vous me permettrez de ne pas lire le texte de notre mémoire
considérant que vous en avez sûrement pris connaissance depuis son
dépôt au début du mois. J'aimerais cependant rectifier
quelques erreurs minimes qui s'y sont glissées. À la page
9, par exemple, au troisième paragraphe, l'article de
référence exact est bien l'article 1841 et non l'article 1842.
À la page 22, au premier paragraphe, il faut lire "vices de conception"
et non "de construction". C'est pas mal différent. Enfin, à la
page 37, au premier paragraphe, il aurait fallu lire "il serait
préférable d'ajuster des lois administratives plus facilement
adaptées aux mobilités des réalités que
d'insérer..." et non "d'ajouter des lois supplémentaires".
Ceci étant dit, j'entamerai donc notre présentation, en
vous disant que si la qualité principale de l'avant-projet de loi se
retrouve dans une formulation des chapitres peut-être plus conforme aux
normes de structuration que se doit de dégager une loi fondamentale
comme le Code civil, à l'opposé, son principal défaut
relève d'un contenu souvent mal ajusté et même très
mal ajusté aux réalités économiques et sociales de
notre temps.
Nous sommes déçus de devoir être en
désaccord, encore une fois, avec les orientations proposées par
la réforme du Code civil québécois. Force nous est de
constater que les orientations décelées dans certains chapitres
de l'avant-projet de loi hypothèquent sérieusement, à
notre avis, les caractères de durabilité et
d'équité que se doit à tout prix de refléter le
contenu d'un Code civil.
Or, la toute première réflexion qu'a suscitée chez
nous cet avant-projet de loi fut certainement qu'à force de
responsabiliser les entrepreneurs de tous les clous plus ou moins mal
plantés de la terre, de même qu'à vouloir blinder les
clients jusqu'à les considérer mentalement déficients, on
finira carrément par décimer la race des constructeurs que nous
sommes. Est-ce vraiment le but de notre prochaine justice? C'est ainsi qu'on a
maladroitement mis l'accent sur de nouveaux droits et privilèges
accordés aux consommateurs, mais sans se soucier du sens des termes
génériques utilisés ni des conséquences qu'ils
entraîneront au détriment de l'équilibre juridique des
parties.
À titre d'exemple flagrant, notons seulement le terme "client"
qui ne signifie pas exclusivement le consommateur, mais bien toute personne
physique et morale. Pareillement, en voulant particulariser certaines relations
socio-économiques des citoyens, cette fois au détriment de
l'universalité des principes d'équité que doit
dégager une loi fondamentale, on met en péril
l'applicabilité de cette loi. À titre d'exemple, soulignons le
fait qu'on veuille marginaliser la vente et la construction
résidentielle du reste de la construction en général. Par
conséquent, la facture de l'avant-projet de loi ne peut que nous amener
à émettre de sérieuses réserves sur la
viabilité d'un nouveau contexte de relations contractuelles pour la
survie des milliers d'entrepreneurs de construction que nous
représentons.
Permettez-nous, par ailleurs, d'utiliser cette tribune pour vous
expliquer brièvement les conséquences négatives de
quelques principes exprimés par cet avant-projet de loi, tels
l'augmentation outrancière des responsabilités imputées
aux entrepreneurs, la démesure des types de garantie de même que
leur délai d'application et, enfin, les effets économiques
désastreux qu'engendrera l'application des nouvelles obligations
administratives prescrites aux entrepreneurs.
Revenons au titre des responsabilités. Nous insistons sur le fait
que ce n'est pas tant la normalisation des obligations attribuées aux
entrepreneurs qui pose problème que l'augmentation abusive de leurs
responsabilités. Ainsi, en fusionnant au contrat d'oeuvre les
responsabilités des contrats de services et d'entreprises, on ajoute aux
entrepreneurs des responsabilités qui incombent davantage aux
professionnels-architectes, ingénieurs et autres - tels les vices de
conception, les vices de sol et la bonne qualité des matériaux
plutôt que leur bon état. Aussi, accorder unilatéralement
au client un délai de résiliation de trois ans qui s'ajoute au
pouvoir de dédire un engagement dans les dix jours suivant la signature
d'un contrat préliminaire, assorti d'une pénalité
dérisoire de 0,5 %, cela relève de la plus haute iniquité
des responsabilités et des conséquences qui en
découleront. D'autant plus qu'avec tout cela, l'entrepreneur conserve
toujours une responsabilité légale en ce qui a trait à la
malfaçon, à la détérioration, etc., et ce, de cinq
à dix ans, et conserve aussi sa responsabilité contractuelle de
30 ans.
Qui plus est ces délais de résiliation ne feront que
favoriser le magasinage d'une maison après la signature du contrat de
vente et non avant, ce qui déstabilisera toute relation commerciale dans
ce domaine.
Bref, rien de tel pour la quiétude du jeu béni de la
spéculation, tantôt à la baisse, tantôt à la
hausse. En outre, le législateur considère-t-il le citoyen moyen,
tout comme les services juridiques des grosses compagnies clientes, d'un niveau
intellectuel si faible pour estimer qu'il leur faut un délai minimal de
trois ans pour se rendre compte qu'une information importante manque au contrat
préliminaire ou à la circulaire d'information? Des documents de
quelques pages seulement! Je vous dirai qu'en tant que simple citoyen, je me
sens personnellement presque insulté.
Au chapitre des garanties. Nous croyons qu'imposer aux entrepreneurs une
garantie de cinq ans sur un bien qui n'est habituellement garanti que pour un
an, et parfois moins, nous apparaît tout à fait saugrenu. De
même, tenir les entrepreneurs garants de la détérioration
d'un ouvrage qui résulte d'un vice de conception, de fabrication ou d'un
vice de sol, démontre l'ignorance des rédacteurs de
l'avant-projet de loi sur l'applicabilité d'une garantie. Non seulement,
un entrepreneur ne peut honnêtement garantir ce qui est en dehors de sa
juridiction, mais on ne peut non plus l'obliger à garantir ce
qui ne peut l'être. Que fait-on des appareils manufactures qui ne
sont garantis qu'un an et même moins par les manufacturiers
eux-mêmes? Bien voyons! Tout le monde sait bien que les entrepreneurs
sont altruistes au point de garantir pendant cinq ans la peinture des portes et
des fenêtres, les ampoules électriques, le gel d'une serrure et
que savons-nous encore!, et qu'il relève aussi de leur compétence
de veiller aux conceptions des ingénieurs et des architectes! En outre,
parce qu'on ne définit pas où commence et où se termine la
réception substantielle ou définitive d'une oeuvre, ces garanties
peuvent courir au-delà des temps prescrits dans l'avant-projet, selon
l'interprétation que l'on y donne.
Puis en ce qui a trait aux coûts administratifs, la réforme
proposée projette d'établir, pour les ouvrages
résidentiels surtout, un lourd système administratif avec lequel
on ne peut être d'accord. Sous forme d'ouverture et de gestion de comptes
en fiducie, la logistique du système proposé ne garantit en rien,
malheureusement, le paiement des entrepreneurs. D'abord, parce que le montant
déposé en fiducie par le client n'est pas établi par la
loi et qu'il peut donc représenter une somme tout à fait ridicule
par rapport à la valeur du contrat; ensuite parce que le client, pouvant
payer directement tous les intervenants autres que l'entrepreneur, on lui
permet donc aussi d'ignorer ses obligations envers ce dernier.
Sans doute a-t-on voulu répondre ici aux difficultés de
paiement des sous-traitants par les entrepreneurs, mais alors, pourquoi n'avoir
en fait que déplacé le problème cette fois entre le client
et l'entrepreneur? D'autant plus que ce système n'assure le paiement des
sous-traitants par le client que s'ils peuvent faire valoir leurs
privilèges ou hypothèque légale auxquels ils n'auront pas
renoncé dans leur contrat avec l'entrepreneur. En fait, on n'a rien
résolu, au contraire, on a amplifié les difficultés de
paiement et alourdi le système administratif.
La réforme propose une obligation de circulaire d'information
complète pour des projets immobiliers de faible envergure, soit cinq
unités de logement et plus. Le législateur n'a sûrement pas
pris la peine d'évaluer l'impact financier et les problèmes
pratiques de cette obligation pour les petites entreprises qui constituent,
rappelons-le, 82 % des entreprises québécoises de construction
avec moins de cinq employés. Peut-on imaginer un petit entrepreneur qui,
à chaque projet de cinq logements ou résidences, devrait
débourser des frais juridiques pour établir les
éléments du contenu de la circulaire, des frais de comptable pour
établir le budget prévisionnel et des frais de conception
graphique et d'imprimerie pour produire la circulaire? Ces frais atteignent
facilement plusieurs milliers de dollars.
À vouloir protéger inconsidérément la
faiblesse présumée des clients et en obligeant l'entreprise
à une pratique administrative inutilement sophistiquée et
onéreuse, la loi finira par étrangler purement et simplement la
construction résidentielle. On ne peut comprendre que ce soit là
l'objectif du législateur, surtout que le jeu de la concurrence fait
déjà trop bien son travail à cet égard. Par contre,
nous sommes heureux de constater que l'avant-projet de loi veuille assujettir
l'État aux règles et obligations dictées par le Code
civil. Cependant, l'article 1420 qui le stipule, est d'abord malheureusement
tout à fait illusoire parce que d'une interprétation encore trop
restrictive pour qu'on puisse s'en réjouir. En effet, l'État et
ses agents n'y seront en fait soumis que si leur propre loi constitutive le
permet et la pratique nous fait croire qu'ils en seront exclus.
Nous serions fort heureux, par exemple, de voir la Société
immobilière du Québec véritablement soumise aux
règles de ce présent livre, ce qui permettrait dorénavant
aux entrepreneurs de constester les nombreuses clauses abusives que l'on
retrouve dans tous leurs contrats d'adhésion introduites par les
articles 1483, 1484 et 1485. Un autre exemple flagrant est Hydro-Québec.
Surtout que déjà le fait recherché par ces articles est
considérablement diminué par les possibilités de
détournement que permet un autre article qui stipule qu'aucune
modification aux conditions d'exécution d'un contrat d'adhésion
n'est monnayable à moins que cela soit prévu au contrat. Or, tout
le monde sait bien qu'en principe aucune clause compensatoire pour modification
n'existe dans les plans et devis d'un contrat d'adhésion.
En résumé, l'avant-projet de loi sur la réforme du
Code civil du droit des obligations nous apprend tout fièrement que les
entrepreneurs de construction seront dorénavant élevés au
titre de responsables à tout faire, accusés d'office au banc des
garanties, administrateurs de paperasse diplômés et, honneur
suprême, banquiers de service. Pour toutes ces raisons, dont certaines
sont beaucoup plus explicitées dans notre mémoire et sur la base
des orientations philosophiques et sociales exprimées en 1977 par
l'Office de la révision du Code civil, nous suggérons à la
commission de procéder à une véritable consultation des
principaux milieux directement et quotidiennement affectés par la
viabilité des obligations d'un Code civil dans le domaine de la
construction. (15 h 45)
La réforme qui nous avait été
présentée en 1977 était non seulement plus claire et
équitable entre les parties, mais aussi moins policière des
relations contractuelles, tout en respectant une légitime intention de
protéger la présumée vulnérabilité des
consommateurs. À défaut d'une telle consultation et si
l'intention du législateur est encore de vouloir conserver au Code civil
un style et une interprétation transcendant les politiques
législatives constamment réévaluées au gré
des époques, nous l'incitons fortement à considérer les
recommandations suivantes comme alternatives valables. Premièrement, de
ne pas
singulariser la construction immobilière. Donc, que soient
retirées de l'avant-projet de loi les dispositions relatives aux
ouvrages immobiliers et résidentiels. Deuxièmement, que soit
plutôt revu l'ensemble des lois qui régissent l'industrie de la
construction et ainsi permettre que la construction soit régie par des
lois administratives plus flexibles plutôt que d'être
intégrée à la rigidité d'un Code civil. Dans cette
optique, nous suggérons, troisièmement, la création d'un
ministère de la construction, et ce n'est pas la première fois,
et la mise sur pied d'un tribunal de la construction compte tenu des nombreuses
lois, règlements et organismes qui encadrent cette industrie. À
défaut, nous voudrions, quatrièmement, qu'à tout le moins
soit abrogée la possibilité du client de résilier un
contrat unilatéralement et sans motif à moins que la pareille ne
soit accordée au professionnel entrepreneur. Cinquièmement, que
les obligations de garantie de l'entrepreneur soient ramenées à
de plus justes proportions. Sixièmement, que la responsabilité
des promoteurs soit reconnue au même titre que celle des entrepreneurs.
Septièmement, que soit distingué le contrat de services du
contrat d'entreprise. Huitièmement, que la notion relative à la
fin des travaux soit clairement établie et uniformisée.
Neuvièmement, que la section des règles particulières de
la vente d'immeubles résidentiels soit modifiée en tenant compte
des réalités économiques et cycliques du marché,
notamment en ce qui concerne le droit de l'acheteur de dédire un contrat
préliminaire, l'obligation d'émettre une circulaire d'information
pour les projets de faible envergure et les possibilités de
résiliation dans un délai de trois ans après la signature
du contrat préliminaire. Dixièmement, que le système des
privilèges décrits dans le Code civil actuel soit non seulement
maintenu, mais renforcé. Onzièmement, bien sûr aussi, que
soit revue l'utilisation sémantique des termes génériques
à interprétations multiples.
Enfin, que l'État, ses sociétés, ses agents et
mandataires, soient clairement assujettis aux réglementations du Code
civil et ce, sans détour.
En terminant, la Fédération de la construction du
Québec remercie les membres de cette commission pour l'occasion qu'elle
lui a donnée de pouvoir vous exprimer ses réticences sur cet
avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du
droit des obligations. Nous espérons fortement que le projet de loi qui
suivra tienne davantage compte de la dynamique sociale, politique et
économique de cette industrie de la construction. À cet
égard, souvenez-vous que nous de la fédération demeurons
toujours disponibles pour participer à des groupes de travail
mandatés à la révision de cet avant-projet de loi.
Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, vous êtes
bien aimable. Merci de cet exposé. Je vais reconnaître
immédiatement le député de
Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la Justice.
M. Dauphin: Oui, merci beaucoup, M. le Président. M.
Linteau ainsi que les personnes qui vous accompagnent, nous vous souhaitons en
tout premier lieu la bienvenue à nos travaux en sous-commission
parlementaire et je tiens à vous dire que votre mémoire
était bien documenté, bien travaillé, et nous tenons
à vous féliciter.
Comme première question, j'aimerais m'entretenir de l'ouvrage
résidentiel. On a noté dans votre mémoire que vous vous
opposiez à l'instauration de fiducies, en matière d'ouvrage
résidentiel, et comme raison vous nous indiquez qu'il y a
possibilité que cela restreigne substantiellement ou
considérablement la garantie de paiement des sous-entrepreneurs ou des
fournisseurs. Par contre, tout au cours de la journée, on a reçu
d'autres groupes du milieu de la construction qui eux, au contraire,
souhaitaient l'instauration desdites fiducies et j'aimerais entendre vos
commentaires là-dessus, les raisons pour lesquelles vous avez des
positions distinctes sur l'instauration des fiducies.
M. Linteau: Je vais demander à M. Ratté.
M. Ratté (Jean): D'abord, j'aimerais y aller d'une
façon chronologique et vous allez comprendre nos réticences. Si
vous regardez à l'article 2189, on dit qu'il y a un contrat entre le
client et l'entrepreneur. Alors, la relation contractuelle est toujours entre
le client et l'entrepreneur. Mais même à 2189, pour parler de la
fiducie, on ne mentionne pas quels montants devront y être
déposés et, s'il y en a, si ce sera jusqu'à concurrence du
montant du contrat. Ce matin nous avons entendu, naturellement, certaines
associations ou corporations ventant les mérites de la fiducie, sauf
qu'on n'a pas tenu compte non plus de la relation contractuelle entre les
parties. Ainsi, si le sous-traitant est payé directement par le client,
selon son goût, on brise tout de suite la notion contractuelle entre
l'entrepreneur et le client. Qui a les responsabilités de
l'entrepreneur, une fois qu'il est payé? C'est toujours lui qui garde
ses responsabilités. Alors que s'il y a un mécanisme qui oblige
l'entrepreneur à être payé avant le sous-traitant, s'il y a
une difficulté, pas nécessairement de paiement, mais une
malfaçon ou quoi que ce soit, il sera plus facile pour les parties,
entrepreneur ou sous-traitant, de régler leurs litiges, sans briser les
rapports entrepreneur-client. C'est une des réticences.
Autre chose, naturellement, la fiducie. Nous regrettons que vous
laissiez un peu des parties s'amuser avec de l'argent alors que le
professionnel, lui, a soit investi sous forme de temps, soit investi sous forme
de matériaux et on ne verra pas l'heure où on sera payés,
on saura encore moins quelles sont nos responsabilités exactes et dans
quel délai. La fiducie est plus
grande, d'après nous, que ce qu'on retrouve aux articles 2189
à 2195. C'est l'ensemble de la construction dans le domaine
résidentiel qu'on est en train de refaire avec la fiducie.
Une voix: M. Lafontaine.
Le Président (M. Marcil): Allez-y.
M. Bonneau (Jean-Marie): M. le député, la fiducie,
c'est un beau mot, mais payé par la fiducie ou par le
propriétaire donneur d'ouvrage, l'entrepreneur ou le sous-traitant n'a
pas plus de garantie d'être payé. C'est la même personne. Il
a beau avoir une maison de 100 000 $, avec un montant de 100 000 $ en fiducie,
si le client ne fait pas de chèque, l'entrepreneur n'a pas plus
d'argent. Un exemple: au Soudan, où il y a une famine actuellement, si
vous mettez des gros congélateurs à tous les 50 pieds, qu'il y a
une clé pour les ouvrir et qu'ils sont tous verrouillés, ils vont
continuer à crever de faim, comme ils le font actuellement. Dans mon
esprit, la fiducie, c'est ça. Il y a de l'argent là, mais tu n'es
pas plus sûr d'être payé.
M. Dauphin: Avez-vous fait des études avec les autres
provinces? Apparemment, dans la majorité des provinces canadiennes ce
principe existe et à ma connaissance, cela ne va pas si mal que
cela.
M. Bonneau: Le principe peut peut-être exister, je ne l'ai
pas regardé. Par contre, si dans la fiducie, quelqu'un oblige le client
qui a mis de l'argent là à payer lorsque c'est dû... Si
vous prenez un client qui ne veut pas payer, il a toutes les raisons voulues
d'allonger les périodes de paiement, comme il aurait beaucoup d'argent
là.
M. Ratté: On ne dit pas être contre le
système de fiducie à 100 %. Comme vous le mentionnez, cela existe
ailleurs. Remarquez également qu'ailleurs, il y a deux systèmes:
fiducie et privilège ou hypothèque légale. Il y a deux
genres de systèmes. Nous disons que présentement, ce
système ne garantit pas à l'entrepreneur d'être
payé. Quant aux sous-traitants, on vous dit que c'est un autre
problème.
M. Dauphin: Je voudrais aborder un autre sujet avant de laisser
la parole. Je sais que Mme la députée de Groulx aurait des
questions et, bien sûr, le porte-parole de l'Opposition. Aux pages 6 et
11 de votre mémoire, vous vous prononcez sur les dispositions concernant
la vente d'immeubles résidentiels. Vous concluez que des modifications
devraient être apportées après consultation auprès
des milieux concernés. Est-ce qu'on doit en déduire que vous
reconnaissez la nécessité de protéger le public en cette
matière évidemment, toujours celle des immeubles rési-
dentiels? Si oui, avez-vous des solutions de rechange à nous
proposer?
M. Paré (Michel): II y a déjà, M. le
Président, des garanties qui sont offertes par la
Fédération de la construction du Québec auprès des
entrepreneurs qui sont accrédités, dans notre système de
garantie, qui est exactement le même que celui qui vous a
été décrit ce matin. En ce qui concerne les acomptes, les
vices de construction, les défauts majeurs comme on les connaît
présentement et le parachèvement, ce que l'on fait
présentement avec le projet, on élargit certaines protections en
ce qui a trait à la détérioration et on ne sait pas trop
ce qu'est la détérioration. On allonge également les
délais. La réception de l'oeuvre devient un acte
unilatéral de la part de l'acheteur ou du propriétaire. On ne
veut pas se défiler des responsabilités, mais on ne veut pas non
plus avoir un élargissement des garanties énorme à un
point tel que les entrepreneurs de construction ne pourront plus survivre tout
à l'heure. On voit dans d'autres chapitres, dans d'autres articles que
l'on tente de transférer certaines responsabilités en ce qui
regarde le vice de conception qui relève de l'architecte ou de
l'ingénieur et on transfère cette responsabilité de
conception sur le dos des entrepreneurs de construction, ce qui est tout
à fait inacceptable.
Présentement, on vit dans un système où il y a des
garanties données. Ce n'est pas parfait, mais il faut voir
également que dans certaines réclamations, que l'on vit,
d'acheteurs de maisons où il y a des défauts, on intervient en
leur offrant comme garantie, soit un montant d'argent forfaitaire: les gens
refusent; soit en leur offrant également de reprendre les travaux: les
gens refusent; on leur offre de racheter leur maison parce qu'ils ne sont pas
satisfaits: les gens refusent. On ne sait plus. Et si on ajoute les vices de
conception, si on ajoute les défauts de détérioration,
vous allez mettre à terre fort probablement plusieurs entreprises de
construction car il ne faut jamais oublier que dans ce milieu, ce ne sont pas
des entrepreneurs, ce ne sont pas des multinationales, ce sont de très,
très petites entreprises d'ici, ce sont des entreprises de cinq
employés et moins. Elles n'ont pas les reins financiers pour être
capables de respecter toutes les exigences d'une personne qui, à un
moment donné, devient de mauvaise foi. Les exemples que je vous ai
donnés, on les vit présentement. C'est ce qui est
rapporté.
M. Ratté: Pour compléter, monsieur, je voudrais
mentionner que lors de la vente, je ne sais pas où vous avez pris les
immeubles de cinq logements et plus ou cinq résidences, mais sans avoir
fait d'études, on peut vous dire qu'on est contre le nombre de cinq
parce qu'on trouve que cela ne se tient pas, en pratique. On vous l'a
expliqué ce matin. On était présents, c'est-à-dire
que d'autres corporations étaient présentes. C'est
de choisir un autre chiffre au moins qui toucherait les gros projets et
non pas les petits projets. Le gars avec deux ou trois employés, cet
entrepreneur ne peut respecter vos normes de circulaires d'information. Cela va
lui prendre un comptable, cela va lui prendre un juriste, etc. Il n'a pas les
moyens pour cela à moins d'être gros. Quand on vous dit que le
petit va disparaître de la "map", c'est pour des choses semblables. On
peut s'entendre, mais il n'y en a pas qui ont fait des études, pas plus
ceux de ce matin que nous autres. On n'a pas fait d'études à
savoir si c'était mieux un immeuble de cinq logements, dix ou quinze.
Mais on sait par exemple, qu'un simple consommateur qui veut investir dans
l'immeuble et qui fait un immeuble de cinq logements, cela lui prend une
circulaire d'information. Cela, on peut le dire aux clients, par exemple. C'est
un peu ridicule. En plus, il faut que vous regardiez l'article 1847. Face
à ces petits-là, on peut dans les trois ans considérer le
contrat résilié. C'est certain qu'on déstabilise aussi
bien le petit que le moyen. Le gros, la circulaire d'information quand il
s'amuse, lui, avec un immeuble de 100 ou de 200 logements par année,
cela ne le dérange pas.
M. Dauphin: Avez-vous un chiffre à nous
suggérer?
M. Ratté: Autant l'immeuble de cinq logements nous a
épatés, autant personnellement je n'ai pas de chiffre à
vous suggérer. Il faudrait prendre chacun de nos membres, leur demander,
tirer une moyenne et dire, où est le promoteur... Normalement, c'est
certain que l'entrepreneur, petit ou même moyen, c'est plus qu'un
immeuble de cinq. Cela peut être quinze ou dix-huit. Je n'ai pas de
chiffre. (16 heures)
M. Paré (Michel): Vous savez, M. le Président, on
ne peut pas vous donner de chiffres à ce chapitre comme on ne pourra pas
vous donner de chiffres également en ce qui concerne la limite dans
l'article qui parle des montants de 3000 $ et plus qui doivent être en
fiducie. Quand on parle de 3000 $ aujourd'hui dans la rénovation, ce
sont des portes et des fenêtres et même pas, bien des fois. Alors,
ce sont des montants très bas.
Une voix: Deux ou trois marches. Une voix: À peu
près.
Le Président (M. Marcil): C'était
l'équivalent de trois marches en chêne.
Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: À peu
près.
Le Président (M. Marcil): II y avait Mme la
députée de Groulx, je crois, qui avait quelques questions.
Mme Bleau: Oui. C'est au sujet de la réception des
travaux. Vous vous interrogez sur la notion de réception des travaux.
Certains organismes ont fait des observations sur cette notion importante,
particulièrement, quant au point de départ, des garanties comme
nous l'avons entendu ce matin, entre autres. On y suggère d'instaurer
une présomption de réception. Nous aimerions vous entendre sur ce
sujet. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Paré (Michel): Une présomption de
réception? Je crois bien que nous serons d'accord avec cette notion.
Nous l'utilisons déjà en ce qui concerne les garanties qu'on
offre en matière de travaux de rénovation. Parce qu'à un
moment donné, on ne sait plus, quand, à partir de quelle date
démarre la garantie de l'entrepreneur. La réception, telle que
prévue dans l'avant-projet de loi... Si vous me permettez, je citerai
trois petits paragraphes très courts sur la notion de réception
telle que véhiculée. On dit: "Quant aux oeuvres
matérielles, le projet institutionnalise la réception pour
l'utiliser à titre de point de départ des obligations de
paiement, de garanties de prescription, entre autres. Or, la réception
est décrite présentement comme un acte unilatéral
d'acceptation. Qu'en sera-t-il des réceptions injustement
refusées ou retardées? Le projet est muet à cet
égard et nous paraît nous ramener, sans y changer rien, au
problème actuel de détermination de la fin des travaux avec
lequel la jurisprudence a eu tant de difficultés à se fixer." Ce
sont les interrogations que l'on retrouve dans le domaine juridique par
d'autres avocats, non pas des représentants de la
fédération. Or, c'est la raison pour laquelle on est d'accord de
jouer avec un système de présomption de réception, sinon
on n'a jamais la date du point de départ des responsabilités.
Mme Bleau: Quant à l'utilisation du terme "professionnel",
plusieurs organismes nous ont aussi fait des représentations. Ils
n'étaient pas tellement d'accord avec le terme employé. Est-ce
qu'on pourrait savoir ce que vous en pensez? Quel autre terme pourriez-vous
nous suggérer?
M. Paré (Michel): Appelez les choses par leur nom. On
véhicule le terme "professionnel", à un moment donné,
c'est pour un vendeur, soit le vendeur professionnel et ensuite, on voit le
vendeur tout seul. On parle d'entrepreneur professionnel. À un certain
moment, on se demande si l'architecte et l'ingénieur sont des
professionnels. Alors, tout est noyé sous le générique de
professionnel. On a déjà un office qui est le Code des
professions. Et arrive un certain moment donné, avec le terme
"professionnel", avec le terme "client" qu'on utilise dans le mémoire,
on ne sait plus qui est qui. Il y a également "collaborateur". Qui est
le collabora-
teur? Ce sont des notions complètement différentes et,
à l'occasion, le terme "professionnel" signifie telle et telle personne
et à d'autres occasions, telle et telle autre personne. Il y a confusion
de responsabilités. Il y a confusion aussi dans les intervenants.
M. Ratté: Remarquez bien qu'on n'est pas contre le terme
"professionnel". Qu'il reste là, mais qu'on sache qui cela inclut. On
est d'accord avec le terme "professionnel" employé à l'article
2158, mais ce qui nous embête, c'est qu'à l'article 2185 on trouve
qu'ils sont plus professionnels que les architectes et les ingénieurs.
Pourtant, on dit: fournisseurs de services, personnes entrepreneurs.
D'après nous, cela devrait comprendre les contrats de services ainsi
qu'un contrat d'oeuvre.
Mme Bleau: Quand on parle surtout du contrat d'oeuvre, c'est
à ce sujet.
M. Ratté: À ce sujet, on n'est pas contre le terme
"professionnel", mais qu'on sache ce que cela comprend. Qu'on garde la
même terminologie. À l'article 2183, vous dites: le professionnel.
On sait que cela comprend un entrepreneur. On peut déduire aussi que
cela peut comprendre un architecte à l'article 2183 ainsi qu'un
ingénieur sauf qu'à l'article 2185, vous revenez avec architecte
et ingénieur. Alors, on déduit qu'à l'article 2183, cela
ne comprend pas l'architecte et l'ingénieur et on devrait déduire
qu'à l'article 2158, l'architecte et l'ingénieur sont compris
dans cela ou non. Si vous divisez le contrat d'oeuvre, tel que vous le faites
présentement, je vous suggérerais de retourner en 1977 où
l'on a fait le contrat de services, on a spécifié davantage le
contrat d'ouvrage. Alors que là, on a fait une fusion et
présentement on donne des responsabilités à chacune des
parties, soit en ouvrage, soit en entreprise, mais sans une nette distinction,
de sorte que le terme "professionnel" nous embête.
Mme Bleau: Merci beaucoup.
M. Ratté: Ce n'est pas le terme même.
Le Président (M. Marcil): Cela va, Mme la
députée de Groulx? À ce moment-là, je vais
reconnaître le porte-parole de l'Opposition et député de
Taillon.
M. Filion: Merci, M. le Président. Je dois vous dire que
les questions que je voulais évoquer avec vous ont déjà
été soulevées par mes collègues, notamment la
notion de professionnel et celle de création de fiducie. J'ai bien
parcouru votre mémoire et également l'annexe. J'ai
été frappé par le fait que vous révélez
qu'en construction, finalement, vous devez faire affaire avec 24 organismes, 16
québécois, 5 fédéraux, et trois privés, et
qu'en plus de cela, vous avez, comme encadrement juridique, 31 lois et trois
règlements de régie, donc, 34 types d'interventions
législatives et réglementaires. Alors, je pense que je viens de
comprendre pourquoi on dit que quand le bâtiment va, tout va: C'est parce
qu'il y a tellement de personnes qui doivent remplir de la paperasse dans vos
compagnies ou ailleurs que, finalement, quand le bâtiment va, cela fait
travailler toutes sortes de monde.
M. Linteau: Vous voyez pourquoi on demande un ministère de
la construction.
M. Filion: Oui, c'est cela. C'est une demande qui n'est pas
récente, je pense que vous faites quand même...
M. Linteau: Non, mais je pense que par le nombre de lois, elle ne
sera jamais récente.
M. Filion: Voilà.
M. Linteau: Tant qu'on ne l'aura pas.
M. Filion: À tel point, d'ailleurs, que j'avais un
entrepreneur qui était membre de votre fédération, l'un
des... Vous en avez combien de milliers, là?
M. Linteau: Ha, ha!
M. Filion: Deux ou trois milles, en tout cas.
M. Linteau: On en a assez de milliers qu'on ne les compte
plus.
M. Filion: Bon. En tout cas, il me disait que, selon lui, pour
que son entreprise fonctionne, cela prendrait un avocat et un m.b.a. à
temps plein. Non, écoutez, de façon tout à fait
sérieuse, moi, je voudrais vous remercier de votre mémoire qui
est tout à fait précis en ce qui concerne le type
d'activité que vos membres font à la Fédération de
la construction du Québec. Le mémoire va droit au but et je suis
convaincu qu'il alimentera la réflexion de ceux qui seront
chargés de rédiger un projet de loi. On le sait, c'est un
avant-projet, d'où cette consultation que nous avons amorcée
cette semaine et qui se continuera dans les deux semaines qui viennent. Votre
mémoire, par l'expertise qu'il contient aussi dans les faits, dans la
réalité, se révélera, sans nul doute, un outil et
un instrument précieux pour les rédacteurs. Quant à moi,
donc, je voudrais tout simplement vous remercier d'avoir investi
l'énergie et le temps pour préparer ce document qui est
extrêmement bien fait et d'avoir également pris le temps de vous
être déplacés pour nous sensibiliser verbalement, comme
vous l'avez fait aujourd'hui, aux types de préoccupation que vous
vivez.
Donc, au nom de ma formation politique, merci.
M. Linteau: Merci.
M. Paré: M. le Président, si vous le permettez,
j'aimerais ajouter un point, s'il n'y a pas d'autres questions.
Un problème que l'on vit présentement. Jusqu'à
présent, ce dont on a discuté autour de cette table, dans le
domaine de la construction, c'est de la relation de l'acheteur d'une maison par
rapport à l'entrepreneur. Mais, il y a aussi des organismes
gouvernementaux qui donnent des contrats, des ministères, des gros
donneurs d'ordre. L'on vit présentement - et l'extension des garanties
est excessivement dangereuse à ce chapitre - des cas où l'on
demande aux entrepreneurs de soumissionner sur des projets avec l'un ou l'autre
des deux produits, deux mécaniques de possédées, deux
types de fonctionnement, deux façons différentes, deux
équipements différents: L'équipement un et
l'équipement deux. L'équipement un permet le travail et on a une
garantie sur cet équipement qui va bien fonctionner pour les travaux
auxquels il est affecté. Tous les entrepreneurs, sauf un, vont
soumissionner avec l'équipement qui garantit le travail. Un autre
entrepreneur va soumissionner avec l'équipement deux pour lequel il n'y
a aucune garantie sur le fonctionnement des travaux faits par cet
équipement. L'équipement deux, pour lequel il n'y a aucune
garantie du fournisseur, s'avère jusqu'à 2 000 000 $ plus
coûteux que le plus bas soumissionnaire avec lequel l'équipement
est garanti. C'est vous du gouvernement - pas personnellement, mais du
gouvernement - qui allez exiger que l'entrepreneur le plus bas soumissionnaire
produise avec un équipement garanti. On l'oblige, sous peine de perte du
contrat, à exécuter avec un équipement non garanti des
travaux garantis au même coût, mais qui sont plus dispendieux, la
prolongation de la garantie se fait présentement. On parle de contrats
de l'ordre de 10 000 000 $ ou 11 000 000 $, on ne parle plus d'une maison.
C'est abusif. Il n'y a pas un entrepreneur capable de garantir des
équipements pour lesquels même le fournisseur ne peut le faire. Et
on va demander aux entrepreneurs de construction, demain matin, de garantir ce
genre de choses. On prolonge de façon carrément abusive et
inacceptable. Cela se fait à l'intérieur des organismes pour
lesquels vous avez la responsabilité politique.
Imaginez-vous lorsqu'on arrive à l'extérieur, dans le
domaine privé. Le système de soumissions, de contrats, des plans
et devis, ce sont tous des contrats d'adhésion. Cela ne se
négocie pas ou très peu. Il y a des clauses abusives. On y fait
référence un petit peu. C'est le système qu'on vit
présentement. Cela sera encore pire demain matin si on continue dans la
voie de l'avant-projet de loi. Ce qu'on va recommander, devant une augmentation
abusive des responsabilités des entrepreneurs, c'est que les gars
s'incorporent. Dès que le travail est terminé, on ferme
l'entreprise et on n'a pas à répondre aux responsabilités,
tellement c'est rendu énorme et de façon presque
unilatérale. Il ne faudrait pas que ce genre de choses se retrouvent
dans le Code civil ou, au moins, qu'il y ait une contrepartie. L'entrepreneur,
bien souvent, est le lien entre le propriétaire, les architectes, les
ingénieurs et les sous-traitants, l'entrepreneur
général.
On a vu l'an passé un projet de réforme des
sécurités réelles dans lequel on mettait en péril
le paiement des entrepreneurs. Le système de fiducie qu'on retrouve
aujourd'hui met également en péril le paiement des entrepreneurs
généraux. Bien souvent, sur un chantier, l'entrepreneur
général... Pas bien souvent, il est toujours responsable des
travaux du sous-traitant. Si le propriétaire paie le sous-traitant et
que celui-ci a fait des travaux non conformes pour l'entrepreneur
général, qui doit en assumer la responsabilité
vis-à-vis du propriétaire? Le gars est déjà
payé, que va-t-il se passer? À votre réflexion.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. M. le
député de Marquette, avez-vous une petite question encore?
M. Dauphin: Non, cela va. On prend bonne note de la
dernière remarque. Juste pour vous dire qu'effectivement, si nous tenons
des audiences actuellement, c'est dans le but éventuel de bonifier
l'avant-projet de loi. Sur ce, au nom du ministre de la Justice et de
l'équipe de réforme du Code civil qui m'accompagne, je veux vous
remercier pour votre participation.
Association de la construction de Montréal et
du Québec
Le Président (M. Marcil): Cela va. Merci beaucoup de vous
être prêtés à cette commission parlementaire. Sans
plus tarder, nous allons, compte tenu du temps, vous souhaiter un bon voyage de
retour.
Nous allons inviter l'Association de la construction de Montréal
et du Québec à prendre place à l'avant. (16 h 15)
Eh bien, messieurs, au nom de cette commission, nous vous souhaitons la
bienvenue à cette consultation. Sans plus tarder, je vous inviterais, M.
Morin, qui êtes le président, à nous présenter vos
collaborateurs et également à exposer de façon succincte
votre mémoire, étant donné que les membres de cette
commission ont déjà pris connaissance de votre document. Vous
avez à peu près quinze à vingt minutes pour exposer,
ensuite on procédera à une période de discussion. M.
Morin.
M. Morin (André O.): Merci. M. le Président, madame
et messieurs les membres de cette commission, l'Association de la construction
de Montréal et du Québec vous remercie de
l'occasion qui lui est donnée de vous rencontrer à nouveau
aujourd'hui, cette fois pour discuter de l'avant-projet de loi portant sur les
obligations et sur ce que le Code civil devrait en dire. Aujourd'hui, notre
délégation est composée de M. Pierre Mallette, à ma
gauche, directeur général de notre association, Me Claude
Bonenfant, à mon extrême droite, directeur des affaires juridiques
et des relations de travail de l'association, Me Jacques Théoret,
à ma droite, président et directeur général du
Centre d'études et de recherches pour l'avancement de la construction au
Québec. Je suis André Morin, président de
l'association.
L'Association de la construction de Montréal et du Québec,
qu'on appelle couramment l'ACMQ, est une association sans but lucratif,
à appartenance volontaire, fondée à Montréal en
1897. Elle représente actuellement 3000 entrepreneurs
généraux ou spécialisés, fabricants et fournisseurs
de la construction dont l'activité s'étend à tout le
Québec, plus particulièrement dans le domaine de la construction
industrielle, institutionnelle et commerciale. Ces membres exécutent
aussi bien des projets de plus de 10 000 000 $ de constructions neuves que des
travaux de rénovation ou de restauration. Ces travaux sont
exécutés par nos entreprises pour le compte d'investisseurs
privés, petits et grands, tout comme pour celui de l'État au sens
large: provincial, fédéral, municipal ou autres, et des
organismes qui s'y rattachent.
L'avant-projet de loi dont nous avons à discuter ici, qui est
considérable, est également fort complexe, même si l'on
s'en tient, comme l'ACMQ et plusieurs autres ont dû le faire, aux
dispositions qui concernent une seule industrie. Il faut dire que,
malheureusement, cet avant-projet nous a causé collectivement plus de
souci que nécessaire. On ne semble pas avoir cherché à y
tenir compte en ce qui nous concerne des justes revendications que plusieurs
avaient exprimées à l'Office de révision du Code civil. Il
aurait fallu revoir ces représentations, les mettre à jour et
s'informer de ce qu'est vraiment l'industrie de la construction avant de nous
présenter dans un avant-projet des solutions partielles ou
mitigées à nos vrais problèmes quand elles ne sont pas
partiales ou totalement contraires à la réalité, aux
tendances et à une évolution quasi universelle en la
matière.
La protection du consommateur, c'est une chose. Mais sur des
investissements en construction de plus de 18 000 000 000 $ en 1987 au
Québec, les clients sont loin d'être tous des consommateurs au
sens de la loi du même nom. Le Code civil, lui, qui doit constituer la
base des rapports contractuels dans une société, ne doit pas
être plus équitable pour l'un que pour l'autre. Il doit tenir
compte d'un ensemble de circonstances qui n'ont certainement pas toutes
constitué la préoccupation majeure des auteurs de l'avant-projet.
C'est pourquoi dans une introduction à son mémoire qui a pu vous
sembler longue mais qui n'est encore que schématique, l'ACMQ a
tenté de présenter une image d'ensemble de ce qu'est en
réalité l'industrie de la construction et souligner la
complexité des rapports contractuels auxquels donne lieu la
réalisation du plus courant des contrats. Nous avons dit, par exemple,
qu'il n'était pas rare de voir une quarantaine d'entreprises de
construction, fabricants et fournisseurs, entrepreneurs généraux
et sous-traitants, ou même entrepreneurs principaux, intervenir à
un moment ou à un autre de l'exécution d'un même chantier,
et que les types de clients et d'ouvrage envisagés, tout comme l'origine
et les fonctions des personnes qu'on y retrouve, les matériaux et
appareils utilisés, sont également fort divers.
Comme l'industrie de la construction a considérablement
évolué depuis le début du XXe siècle, il faut
absolument que le nouveau Code civil que l'on nous donnera constitue d'abord
une constatation de cette évolution, que les préjugés
favorables n'y aient pas cours et que l'on s'en tienne à des
règles qui soient à la fois simples, complètes, claires,
cohérentes et assez souples pour être adaptables à la
réalité évolutive et qui soient par dessus tout
génératrices d'équité et d'équilibre dans
les prestations. Je demanderais maintenant à Me Jacques Théoret,
président-directeur général du CERACQ de vous
présenter au nom de l'ACMQ certaines propositions sur le contenu d'un
futur Code civil avec lequel nous risquons, comme industrie, de devoir vivre,
si l'on en croit l'expérience du passé, pour quelques
décennies à venir.
M. Théoret (Jacques): Mme la Présidente, avec
évidemment un peu de regret, je serai forcé d'être bref et
de m'en tenir à résumer les propositions les plus fondamentales
qu'avance l'ACMQ dans son mémoire et aussi à limiter de
façon systématique les explications à leur sujet.
J'espère cependant que nous pourrons compléter par les
échanges qui suivront.
D'abord, je pense qu'il est important d'insister sur le fait que l'ACMQ
demanderait au législateur de faire la distinction entre, d'une part, le
contrat d'entreprise et, d'autre part, le contrat de services professionnels
assortis plutôt quant à lui d'une obligation de moyen. C'est ici
la notion même de contrat d'oeuvre qu'avancent les rédacteurs de
l'avant-projet que nous mettons en cause, préférant les
distinctions qu'avait proposées à ce sujet l'Office de
révision du Code civil.
Outre les difficultés de vocabulaire que nous avons
soulignées pour passer au sujet de la caducité de l'offre quant
aux articles 1431 et suivants de l'avant-projet, l'ACMQ voudrait tenter
d'encadrer la notion de délai raisonnable que véhicule l'article
1434. À cet égard, nous suggérons que si une soumission ne
stipule pas de délai de validité, le propriétaire-client
ait 30 jours pour signifier son acceptation et l'entrepreneur, 60 jours pour
signifier la sienne à un
sous-entrepreneur soumissionnaire. Après ces délais,
l'auteur de la soumission devrait être admis à refuser
l'acceptation qui lui serait alors signifiée ou à la retirer
lui-même sans avoir à se justifier. Dans les semaines qui suivent
la présentation d'une offre, en effet, les circonstances d'un
entrepreneur soumissionnaire peuvent très facilement changer.
L'entrepreneur, lui aussi, doit pouvoir dans toute la mesure du possible
planifier ses travaux, prévoir ses besoins de main-d'oeuvre et
être capable aussi de soumissionner sur d'autres contrats.
Au sujet maintenant de l'article 1444 de l'avant-projet, l'ACMQ est
d'accord pour dire que l'entrepreneur ne doit pas être admis à
retirer sa soumission ou même, sauf dans des circonstances
extraordinaires, à demander l'annulation d'un contrat pour cause
d'erreur sur la valeur des travaux à exécuter. Nous soutenons
cependant que l'erreur manifeste, si elle est sérieuse, doit, pour des
raisons d'équité, donner ouverture au retrait de son offre par le
soumissionnaire sans pénalité avant acceptation de la soumission
par son destinataire.
Quant aux contrats avec l'administration publique, je le dirai
très brièvement, l'entrepreneur qui devrait, comme l'ont dit les
tribunaux, vérifier que toutes les formalités ont
été observées pour s'assurer de la validité de son
contrat avec l'administration, faute de quoi le contrat lui-même peut
être déclaré nul et de nullité absolue. À ce
sujet, nous suggérons que le contrat devrait plutôt être
susceptible de confirmation, surtout dans les cas où les parties et
notamment l'entrepreneur ne peuvent pas être remises dans l'état
qui était le leur au début.
Le contrat de construction, Mme la Présidente, nous soutenons
également que c'est un contrat d'adhésion au sens strict
d'ailleurs de l'article 1423 de l'avant-projet de loi. Le contrat de
construction est très souvent un contrat d'adhésion. Il est
intéressant et nous retenons l'esprit des articles 1483 et 1484 qui
disent à ce moment-là que les clauses illisibles,
incompréhensibles ou abusives pourraient être
révisées. Soulignons seulement que ces articles doivent aussi,
quant à nous, s'appliquer à l'État et aux organismes qui
s'y rattachent et, dans tous les cas, même si le contrat n'en est pas un
d'adhésion au sens strict.
Concernant le sujet de l'entrepreneur principal et de ses
sous-traitants, l'entrepreneur principal doit, en toutes circonstances,
conserver la direction sur les sous-traitants, puisqu'il a de toute
façon la responsabilité des travaux dont ils sont chargés.
Les sous-traitants ne doivent donc pas, comme le suggère l'article 2174
proposé, pouvoir réclamer du client le paiement de leurs
créances directement. C'est une chose à laquelle l'ACMQ
s'opposerait dans l'avant-projet de loi.
Quant à la réception d'ouvrage, sujet qui a
été traité quelquefois depuis ce matin aussi, les articles
2175 à 2177 de l'avant-projet comportent des idées fort
intéressantes, celles d'exécution substantielle et de
réception, mais il faudrait définir ce qu'on entend par
exécution substantielle et établir des délais qui soient
de rigueur pour la réception de l'ouvrage et le versement des sommes
retenues une fois les travaux ainsi achevés et reçus.
Sur la question des fiducies, en particulier concernant les ouvrages
résidentiels, et sur l'obligation de détenir les fonds retenus en
fidéicommis, en vertu de l'article 2188 proposé, nous la
rejetons, parce qu'irréaliste et paralysante en termes de
"liquidités", par exemple, en même temps que très
imprécise, tout comme les dispositions proposées, en particulier
cette obligation de détenir les fonds en fiducie, sans aucun
détail quant aux obligations qui en découleraient et même
quant aux pénalités qui pourraient en résulter.
Sur la responsabilité de l'entrepreneur - et c'est là
quand même le coeur et le noeud de cet avant-projet de loi et aussi de la
présentation de l'ACMQ - l'avant-projet de loi traite de cette question
de façon fort confuse. On n'a qu'à consulter les articles 2165,
2178 et 2179, 2183 à 2185, pour voir que le concept de garantie est
utilisé un petit peu à toutes les sauces. C'est pourquoi le
mémoire de l'ACMQ, aux pages 57 à 62, avance deux propositions,
l'une concernant les défectuosités ou vices mineurs, et l'autre
la perte de l'ouvrage causée par un vice de construction qui nous semble
clair, facile de compréhension et tout à fait
équitable.
En un peu plus de détails, dans les quelques minutes qui me
restent, Mme la Présidente, quant aux défectuosités et aux
vices mineurs, nous soutenons qu'avis écrit de leur découverte
doit être donné en toute diligence par ce client
propriétaire et, au plus tard, dans les 30 jours, sous peine de
déchéance de l'action, sinon la défectuosité risque
de s'aggraver et de toute façon c'est l'entrepreneur qui, ayant à
la réparer, aura plus de réparations que nécessaire
à faire. L'action, dans ces cas-là, devrait être prise au
plus tard un an après la découverte de la
défectuosité, s'il y a lieu, et toute action devrait être
irrecevable plus de deux ans après la réception. Le régime
général de preuve s'appliquerait dans ce cas-là, et les
délais seraient de rigueur. C'est le premier volet de notre proposition
sur la question de la responsabilité.
Maintenant, quant à la deuxième partie,
c'est-à-dire à la perte de l'ouvrage causée par un vice de
construction, nous croyons que la notion de solidarité entre architecte,
ingénieur et entrepreneur, est dépassée et devrait
être éliminée. La présomption de
responsabilité peut peut-être exister mais le propriétaire
doit pouvoir y renoncer. Pour donner ouverture à cette action, fa
détérioration dont il est question - et c'est un terme
employé par les auteurs de l'avant-projet - doit entraîner perte
totale ou partielle de l'ouvrage, sinon cela devient une
défectuosité ou un vice mineur dans notre esprit. Il ne devrait
pas y avoir de responsabilité de
l'entrepreneur pour les vices du sol. Il ne devrait pas y avoir de
responsabilité présumée du sous-entrepreneur, nous en
avons déjà parlé. La perte doit survenir dans les trois
ans de la réception et l'action doit être prise dans les deux ans
de la perte ou de la période initiale de trois ans au plus tard. (16 h
30)
Les moyens de défense contre la présomption, outre la
force majeure et l'erreur ou la défectuosité des expertises et
des plans ainsi que le manquement à une obligation de direction ou de
surveillance, doivent inclure absolument - c'est quelque chose qui a
été reconnu assez décisivement dans certains cas, mais
quand même - l'immixtion du client, son acte, son omission, le fait d'un
tiers et l'expertise du client ou de ses conseillers.
Avant de clore sur cette question, soulignons ceci. Il ne faut
absolument pas que la prescription des recours contre l'entrepreneur ne
commence à courir, comme l'avance l'article 2179, qu'à la
réception officielle de l'oeuvre. Il n'est pas rare, en effet, qu'une
telle réception officielle soit indûment retardée par
l'insouciance, l'incurie, la lenteur volontaire, dans bien des cas, du
maître de l'ouvrage ou de ses conseillers à certifier le
parachèvement total des travaux alors que, de toute façon, il
utilise l'ouvrage depuis la réception.
Je pense, Mme la Présidente, que je devrais à peu
près conclure sur cela, parce que le temps qu'on avait est
écoulé. Il n'est pas absolument essentiel que nous revenions sur
le contrat de vente dont il a déjà amplement été
question et ces messieurs de l'APCHQ en ont pas mal parlé ce matin.
Peut-être juste une dernière note; il est dit à
l'avant-projet de loi que les règles proposées pour le contrat de
consommation ne s'appliquent pas à la construction. Nous voudrions tout
simplement être sûrs que le mot "construction" et, donc, que les
règles des articles 2719 et autres, dans ce coin-là, ne
s'appliquent pas à des travaux ou à des services de modification,
de réparation, d'entretien ou de rénovation à un immeuble,
puisque ce sont les mêmes entreprises qui exécutent tous ces
travaux. Le même régime devrait donc s'appliquer à tous ces
types de travaux. Mme la Présidente, je vais m'arrêter là
et nous essaierons de préciser cette matière au cours de la
période de discussion. Merci.
La Présidente (Mme Bleau): Je vous remercie. Avec
l'acquiescement du député de Marquette, je vais donner la parole
tout de suite à l'Opposition officielle et à M. le
député de Taillon qui a une obligation pressante
après.
M. Filion: Je vous remercie, Mme la Présidente. D'abord,
dans le même sens, je voudrais remercier les gens de l'Association de la
construction de Montréal et du Québec, M. Morin, Me
Théoret, Me Bonenfant et M. Mallette, pour leurs recommandations
écrites et également leurs commentaires verbaux. J'ai quelques
questions que m'inspire la lecture de leur mémoire.
D'abord, à la page 22, en ce qui concerne l'interprétation
du contrat, l'association voudrait retourner au principe actuel du code,
c'est-à-dire que le contrat devrait être interprété
contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté
l'obligation. Pour vous retrouver, c'est à la page 22 de votre
mémoire. D'un autre côté, l'association reconnaît que
dans le secteur de la construction, c'est un contrat d'adhésion du fait,
notamment, que les documents de soumission qui sont présentes sont
destinés à faire partie du contrat lui-même. Ma question
est la suivante et elle s'adresse probablement à Me Théoret:
Étant donné que vous reconnaissez le fait que le contrat de
construction est généralement un contrat d'adhésion,
est-ce qu'il ne serait pas plus normal et raisonnable d'interpréter ce
contrat contre celui qui l'a rédigé et en faveur de celui qui
doit adhérer comme principe général qui est, d'ailleurs,
le principe que reconnaît lavant-projet de loi? Sinon, pourquoi
devrait-on modifier ce que le bon sens m'inspire? Si c'est un contrat
d'adhésion, c'est celui qui l'a rédigé qui a le bon bout
du bâton. Donc, dans le doute, essayons de faire pencher la balance de
l'autre côté. Je ne sais pas si vous voulez réagir.
M. Théoret (Jacques): Mme la Présidente, la seule
inquiétude que nous avons à l'égard de l'article 1477,
c'est qu'on ne comprend pas très bien comment le créancier de
l'obligation, pour le contrat de construction, peut avoir été
appelé à adhérer au contrat. Je ne connais pas beaucoup de
propriétaires clients qui aient été forcés de
signer un contrat par un entrepreneur. C'est pour cela qu'on dit tout
simplement qu'on préfère, en fait, le bon vieil article 1019 avec
lequel on est bien habitués et autour duquel il nous semble qu'il n'y a
aucun doute possible d'interprétation. C'est le but de la remarque qu'on
avait à la page 22.
M. Filion: En ce qui concerne les importantes dispositions
concernant les immeubles résidentiels, les articles 2089 à 2195,
l'association est contre ces dispositions. Mais eu égard à la
protection des personnes qui font construire leur résidence ou qui
décident de rénover leur demeure, vous proposez une solution,
à la page 53 de votre mémoire, qui pourrait être la
fourniture d'une garantie ou d'une forme de cautionnement par l'entrepreneur en
faveur du client. J'aimerais que vous l'expliquiez. Quelle forme cela
prendrait-il? Est-ce que ce serait une espèce de garantie
maîtresse qui suivrait l'entrepreneur dans l'ensemble de ses travaux, ou
si ce serait une garantie ad hoc spécifiquement pour ce contrat? Est-ce
que cela existe ailleurs? Les avantages sont assez évidents pour
l'entrepreneur et pour le consommateur, mais mon Dieu! à l'oeil, il ne
semble pas y avoir de gros désavan-
tages. Je ne sais pas, mais j'aimerais que vous précisiez cette
proposition.
M. Théoret (Jacques): il est évident qu'on n'a pas
tellement essayé de regarder les désavantages qu'il pourrait y
avoir à l'égard du consommateur au système qui est
proposé par l'avant-projet de loi. Les dispositions dont il est question
ici nous semblent fort difficiles d'interprétation et risquent
d'apporter des difficultés financières importantes à
l'entrepreneur, et les solutions dont nous parlons à la page 53, Mme la
Présidente, existent déjà jusqu'à un certain point.
Le porte-parole de l'Opposition a fait allusion tout à l'heure, en
parlant du mémoire de nos prédécesseurs, à ces
nombreuses lois qui nous régissent déjà et à ces
nombreux règlements qui régissent déjà les
entrepreneurs. Il y a moyen de faire quelque chose avec certaines de ces lois,
tout de même! Supposons la Loi sur la qualification professionnelle des
entrepreneurs de construction; elle est susceptible d'avoir son effet, si on
fait le contrôle réel de la compétence et de la
solvabilité des entrepreneurs. Je dis bien: Elle est susceptible. Je ne
suis pas absolument convaincu qu'on y arrive totalement actuellement, parce que
le seul fait qu'il y ait 23 000 permis d'entrepreneurs qui traînent un
peu partout dans la province me fait dire qu'on réussit assez bien,
assez fort et assez vite certains examens de compétence administrative
ou financière. Si cette loi était appliquée de
façon raisonnable mais un peu plus approfondie, par exemple quant aux
critères de compétence, ce serait déjà une
protection pour le consommateur. Sans vouloir aller trop loin de l'autre
côté, quelqu'un me disait: Je suis tanné, moi en tant que
consommateur, de me faire prendre par le législateur pour un nigaud
total. Il ne faudrait quand même pas aller trop loin dans ce
sens-là non plus. Les consommateurs ne sont pas tous des
imbéciles, les entrepreneurs ne sont pas tous des ligueurs du
Sacré-Coeur, je suis d'accord, mais les consommateurs ne sont pas tous
des imbéciles non plus.
M. Bonenfant (Claude): Mme la Présidente, j'aimerais
ajouter aux explications qui viennent d'être données par Me
Théoret qu'un des problèmes que nous avons perçus à
la lecture de l'article 2189 est que les termes "immeubles résidentiels"
ne sont pas définis. Or, dans l'esprit de beaucoup de gens, quand on
pense à un immeuble résidentiel, on pense à l'habitation
unifamiliale, au duplex ou au triplex. Mais, il faut penser et nous le pensons
parce que nos membres oeuvrent très principalement dans le domaine de la
grosse construction, aux immeubles plus importants qui sont aussi des immeubles
résidentiels.
Chez ces gens, la pratique existe depuis plusieurs années, les
propriétaires, les promoteurs de gros immeubles, de maisons de rapport
ou de bâtiments à la fois commerciaux et résidentiels
exigent des cautionnements, des garanties; donc, par son libellé,
l'article 2189 est beaucoup trop restrictif et met dans le même panier
tant le petit consommateur que le grand propriétaire. Or, il faudrait
reconnaître qu'il y a des différences de marché dans
l'industrie de la construction et il faudrait laisser la porte ouverte à
d'autres types de garantie, de protection du client qui, lui, n'est pas
nécessairement le petit client mais peut être le grand client
corporatif. Merci.
La Présidente (Mme Bleau): M. le député de
Taillon.
M. Filion: J'ai une dernière question. Votre
dernière recommandation dans votre présentation verbale, qui est
reprise dans votre mémoire, est que l'on étende l'exception qui
est prévue à l'article 2717, quant à la vente et à
la construction d'un immeuble, à tous les travaux de réparation,
d'entretien, etc. Si on élargissait l'exception, est-ce que cela ne
permettrait pas à tous les vendeurs de portes, de fenêtres,
d'auvents, etc. d'agir comme des vendeurs itinérants, au sens des lois
sur la consommation? Je me réfère aux pages 72 et 73 de votre
mémoire.
M. Théoret (Jacques): Écoutez, si je ne me trompe
pas, Mme la Présidente, il y a un article de la Loi sur la protection du
consommateur qui n'est pas promulgué, mais il y a un règlement
qui dit, justement, aux vendeurs d'auvents et autres patentes semblables: Vous
êtes des vendeurs itinérants et vous devez détenir le
cautionnement. Là où le bât nous blesse, c'est qu'il n'y a
pas de distinction entre le vendeur itinérant qui vend un auvent
à toutes les dix maisons et l'entrepreneur qui fait des travaux majeurs
de rénovation; quant à nous, nous pensons que le régime
normal de responsabilité doit s'appliquer. Soit dit en passant, le
régime que nous avons proposé n'est pas un régime plus
facile que celui de la protection du consommateur. Ce n'est pas tout d'avoir un
cautionnement de vendeur itinérant non plus.
M. Filion: Alors, je vous remercie.
La Présidente (Mme Bleau): Je donne maintenant la parole
au député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la
Justice.
M. Dauphin: Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente.
J'aimerais, au nom du ministre de la Justice et de l'équipe de
réforme du Code civil, vous souhaiter la bienvenue. Je sais pertinemment
que Me Théoret - je ne sais pas si les autres étaient
présents - a beaucoup suivi nos travaux jusqu'à maintenant;
d'ailleurs, on en voit l'intérêt. Je me souviens de vous avoir vu
également lors de la réforme des sûretés,
l'année dernière, et on voit l'intérêt que
l'Association de la construction de Montréal et du Québec porte
à la réforme du
Code civil. (16 h 45)
J'aimerais, premièrement, revenir avec vous sur l'article 2185 de
l'avant-projet de loi traitant de la présomption légale de
responsabilité. Je sais que vous vous êtes inscrit en faux contre
le maintien de cette présomption légale de responsabilité.
Cet après-midi, à la suite d'une question de ma part, je n'ai pas
été trop chanceux avec ma réponse. J'aimerais vous poser
la même question à vous. Que pensez-vous de l'alinéa 2 de
l'article 2185 qui permettrait à l'ingénieur, l'architecte ou
autres, l'entrepreneur, de pouvoir se décharger de la
responsabilité légale ou de la présomption plutôt,
qui serait contre ces personnes-là?
M. Théoret (Jacques): Mme la Présidente, il y a
deux concepts ici qui vont ensemble et qui, en même temps dans notre
esprit, ne doivent pas nécessairement être tous les deux
là. Je veux dire qu'il peut y avoir présomption contre laquelle
on peut se défendre, mais qu'en plus de la présomption il y ait
une solidarité, là, on n'est pas d'accord. On n'est plus
d'accord. On n'est plus au début du siècle où quelquefois
il y avait, de toute façon il y avait, solidarité et
complicité, si on veut le dire comme cela sans que ce soit
péjoratif, entre un architecte et un entrepreneur qui faisait tous les
travaux. Dans le contexte d'un contrat normal, appel d'offres, soumission,
préparation de plans, etc., il est assez rare aujourd'hui que
l'entrepreneur ait le choix de l'architecte avec qui il va travailler, que
l'architecte, et l'ingénieur même aient le choix de l'entrepreneur
avec qui ils vont travailler. Alors, pourquoi mettre ces personnes-là
dans la même baignoire et pourquoi l'entrepreneur devrait-il payer
solidairement, c'est-à-dire payer pour le tout, si, par exemple,
l'architecte a levé les pattes entre-temps ou vice versa? Il y a
d'autres moyens. Premièrement, les propriétaires avertis
aujourd'hui prennent des informations et des mesures pour se protéger
contre, disons, la déconfiture financière des personnes avec qui
ils font affaire. Deuxièmement, il faut peut-être se demander
pourquoi le propriétaire qui ne le fait pas n'a pas la prudence de le
faire. Cela devrait se faire aussi. Il me semble que cette solidarité
combinée à une présomption peut, quelquefois en tout cas
et même assez, souvent, être cause d'un peu d'insouciance de la
part du client donneur d'ouvrage. C'est pour cela que la solidarité,
cela nous embête. On n'a pas parlé des ingénieurs parce
qu'ils étaient ici ce matin, mais il y a aussi solidarité avec
eux et cela peut être très embêtant et pour l'entrepreneur
et pour l'ingénieur. Cela peut coûter très cher à
l'un ou à l'autre. Je ne vois pas pourquoi il y aurait obligation de
payer pour quelqu'un avec qui on n'a pas choisi de travailler.
La Présidente (Mme Bleau): Merci.
M. Dauphin: ...je comprends très bien ce que vous nous
expliquez. Celui qui n'aurait rien à se reprocher, dorénavant,
pourrait s'en sortir.
M. Théoret (Jacques): Celui qui n'aura rien à se
reprocher devra quand même se défendre. C'est déjà
beaucoup. C'est déjà énorme. C'est déjà
trop, me dit le président, et je suis d'accord.
M. Dauphin: C'est quand même un peu mieux que le droit
actuel. Le droit actuel les met tous les trois sur la brèche.
M. Théoret (Jacques): C'est un peu mieux, mais si on a le
Code civil, Mme la Présidente, pour encore 100 ou 120 ans, pourquoi ne
pas aller un peu plus loin?
M. Dauphin: C'est toujours la notion de protection du public par
opposition... Je comprends très bien votre point de vue, mais ce n'est
pas nécessairement facile de savoir où trancher.
Une deuxième question, si vous me le permettez, Mme la
Présidente. Dans votre mémoire, aux pages 55 et 62, vous proposez
de remplacer les garanties imposées à l'entrepreneur par un
système de garanties recoupant une garantie pour vices mineurs et une
garantie pour vices majeurs. Quelle différence majeure voyez-vous entre
le système avancé par la réforme et celui que vous
préconisez?
M. Théoret (Jacques): J'ai dit tout à l'heure que
le mot "garantie" dans les textes qui ont été avancés
était utilisé un peu à toutes les sauces et qu'une chatte
aurait quelquefois pas mal de difficultés à y retrouver ses
petits. On n'a donc pas essayé - parce qu'on aurait pu le faire, mais
cela aurait été long et ardu - d'interpréter la
pensée des rédacteurs. On a présenté plutôt
un système qui nous semble simple, et assez facile
d'interprétation et qui contient encore la protection du public, entre
guillemets, ignorant qu'on connaît depuis 1866 et même depuis notre
ami Napoléon et on pourrait remonter plus loin que cela. Ne parlons pas
de garanties, parlons de responsabilités. Faut-il automatiquement qu'un
entrepreneur se ramène et fasse une réparation sans poser de
questions parce que l'acheteur l'appelle et lui dit: II y a quelque chose qui
fait défaut? Il faut qu'il aille voir, mais il n'est pas absolument tenu
non plus à une garantie sans pouvoir se débattre. Il y a souvent,
dans les cautionnements d'exécution, cette clause qui fait que de toute
façon, il y a une garantie d'un an ou à peu près, il y a
quand même moyen de se débattre. Donc, ne disons pas garantie,
disons responsabilité pour les vices mineurs, pour les vices majeurs et
on a repris le terme "détérioration" qui est avancé dans
l'avant-projet de loi en disant: Une détérioration, mais une
détérioration qui entraîne inéluctablement et
éventuellement une perte totale ou partielle de l'ouvrage. Alors
là, vous avez deux régimes. Dans le cas des vices mineurs, c'est
plus facile, mais c'est plus court. Dans le cas des pertes, c'est
peut-être un peu plus difficile pour l'entrepreneur de se
défendre. C'est donc assez facile encore pour l'acheteur client,
maître de l'ouvrage, d'invoquer la responsabilité. Les
délais sont quand même un peu plus longs parce que,
évidemment, quand on parle de détérioration qui
entraîne perte, cela peut se manifester un peu plus tard que dans les
deux ou trois mois qui suivent la réception. C'est aussi simple que
cela. Si on se met à rediscuter tous les articles dans lesquels le mot
"garantie" est employé dans tout le contrat d'oeuvre, j'y perds mon
latin, en tout cas.
M. Dauphin: Merci, Me Théoret. Peut-être une
dernière question en ce qui me concerne. Quelles sont vos suggestions
relativement au paiement des sous-traitants?
M. Théoret (Jacques): En fait, ce que nous avons dit dans
le mémoire quant au paiement des sous-traitants, c'est surtout que nous
nous opposions à cet article où on ne parlait pas des
sous-traitants nommément, mais où je pense on parlait des
collaborateurs, on a cru que cela incluait les mots "sous-traitants". On
s'opposerait donc à ce que le sous-traitant puisse aller se faire payer
directement par le client. Je n'ai pas la référence en tête
exactement. Attendez un peu, c'est l'article 2174. On dit: "Les collaborateurs
qui sont intervenus dans l'exécution du contrat, ont le droit de
réclamer du client le paiement de leurs créances, jusqu'à
concurrence de ce que le client doit au professionnel..." Est-ce qu'il ne faut
pas reconnaître aussi que le professionnel doit normalement, si on parle
de l'entrepreneur comme étant, dans ce cas-ci le professionnel, avoir un
certain contrôle sur ces réclamations, pour toutes sortes de
raisons qui sont d'ailleurs exposées dans notre mémoire et, en
particulier, parce que les sommes d'argent que réclame ou
réclamerait directement le sous-traitant ne sont peut-être pas
encore toute dues ou représentent un supplément que le
sous-traitant calcule lui être dû, mais que l'entrepreneur quant
à lui prétend ne pas lui être dû. Il ne faudrait
quand même pas que le client annule les recours d'un entrepreneur contre
un sous-traitant.
Quant au paiement des sous-traitants, je ne crois pas que cela
présente, de façon générale, un problème
majeur. Ce qui représente peut-être un problème majeur,
c'est l'abus dans les retenues qui sont faites au départ par le client
et quelquefois par un entrepreneur principal. Cela représente
énormément de sous et cela peut être, de fait, la
différence entre un profit et une perte économique dans
l'exploitation d'une entreprise qui est spécialisée et
généralement sous-traitante.
On a parlé, l'année dernière, avec cette
sous-commission, M. le député de Marquette en particulier, de
privilèges. On a fait des propositions à ce sujet. D'ailleurs,
vous vous rappellerez l'unanimité des associations de la construction,
les 15 000 entrepreneurs généraux, sous-traitants, fournisseurs
de matériaux, etc., qui étaient venus vous dire: Ne brûlez
pas le privilège tel qu'on le connaît. Améliorez-le, mais
pas de la façon dont vous voulez l'améliorer dans le projet sur
les sûretés. C'est ça, le secret. Les gens de notre
industrie s'arrangent normalement ensemble pour se faire payer, c'est ce qui
arrive dans la très grande majorité. Il faut une protection
supplémentaire. Cela peut être le privilège, s'il n'y en a
pas d'autres; cela peut être aussi, dans une certaine proportion, le
cautionnement des obligations de l'entrepreneur pour gages, matériaux et
services.
M. Dauphin: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bleau): Je donnerai la parole à
Me Gariépy qui a aussi une petite question à vous poser.
M. Gariépy: Pour Me Théoret. Aux pages 18 à
20 de votre mémoire, vous traitez des contrats administratifs, des
contrats avec des administrations parapubliques et du problème, quand le
contrat se trouve à être annulé pour vices de forme. Vous
déplorez le fait qu'il n'y ait pas de solution pour... Parce qu'à
quelques reprises, je crois, il y a eu des précédents où
l'entrepreneur n'aurait pas été indemnisé pour l'ouvrage
déjà fait. Je me demandais si les articles suivants ne
répondraient pas au problème que vous soulevez. Si on regarde
l'article 1465 qui traite de la nullité du contrat, le deuxième
alinéa oblige chacune des parties à restituer à l'autre
les prestations reçues et, à l'article 1747, on dit: Si la
restitution des prestations est impossible, elle se fait par équivalent.
Est-ce que cela pourrait répondre à ces appréhensions
soulevées dans votre mémoire? (17 heures)
M. Théoret (Jacques): Je ne pense pas, Mme la
Présidente, parce que dans l'état actuel des choses, le moindre
défaut dans le respect des formalités en porte la nullité
absolue. Je pense que cela passe par-dessus toute disposition du Code civil.
C'est un principe de droit administratif. J'ai relu récemment l'ouvrage
de Mme Rousseau-Houle à ce sujet. J'ai hâte de voir ce qu'elle en
fera maintenant qu'elle a été élevée à la
magistrature. Elle fait dans son ouvrage... Et c'est d'ailleurs une solution
que nous reprenons à ce sujet-là dans notre mémoire, il ne
faut quand même pas exagérer. Ce n'est pas parce qu'un obscur
sous-ministre adjoint, dont le nom est apparu quelque part dans la Gazette
officielle, n'a pas signé une autorisation ou une demande d'octroi au
Conseil du trésor pour la commission scolaire de Saint-Loin-Loin, que
l'entrepreneur
lui, qui de bonne foi et sans avoir aucune possibilité
d'être sûr d'avoir vérifié si toutes les
formalités avaient été observées, fait un trou de
500 000 $ ou de 1 000 000 $ ne doit pas être payé. Son choix,
c'est qu'il aurait eu le droit, je parle d'un cas vécu qui est dans les
livres de jurisprudence, pour se faire payer, de poursuivre personnellement les
membres de la commission scolaire qui lui avaient accordé le contrat. Il
n'aurait probablement pas été très populaire sur le parvis
de l'église le dimanche suivant. Cela est le problème. C'est un
des problèmes. Nous disons c'est évident qu'il ne faut pas
être imprudent avec les fonds de l'État, et nous reconnaissons
bien ce principe. Mais il ne faut quand même pas non plus pouvoir se
prévaloir de cela comme d'une espèce d'excuse et quelquefois cela
peut devenir aussi, comme on le sait malheureusement, des batailles de basse
politique. Cela peut être embêtant. Nous croyons que dans certains
cas, les tribunaux au moins devraient pouvoir confirmer la validité d'un
contrat plutôt que de ne pas avoir d'autre choix que de simplement
déclarer la nullité absolue, c'est-à-dire, de faire comme
si depuis le début, s'il n'y avait jamais eu de trou. L'entrepreneur ne
sera pas payé. Je sais bien que le trou ne servira pas beaucoup à
la commission scolaire, mais il a quand même travaillé et,
normalement, il a payé ses ouvriers et son équipement
entre-temps.
La Présidente (Mme Bleau): J'ai une petite question
à vous poser. En matière de vente résidentielle, vous
considérez les règles proposées trop contraignantes et
vous nous demandez de les réviser. Avez-vous des suggestions à
nous faire à cet égard?
M. Théoret (Jacques): Vous vous référez, Mme
la Présidente, à cette partie du mémoire qui traite des
fonds en fiducie, de l'obligation de détenir en fiducie tout argent
au-dessus de 3000 $, etc., et/ou de cet autre chapitre qui traite de la vente
des ouvrages résidentiels. Je pense comme Me Bonenfant l'a
souligné très à propos tout à l'heure, que la
première chose à retenir, c'est qu'on ne définit pas ce
qu'est un ouvrage résidentiel. On ne le sait pas, quant à nous,
et je ne sais pas comment la magistrature ou les tribunaux
l'interpréteront. Est-ce qu'on ne parle que d'une ouvrage totalement
résidentiel, partiellement résidentiel? Est-ce qu'on parle d'une
tour de 40 étages ou de travaux de construction résidentielle de
trois ou quatre étages ou moins, etc.? On ne le sait absolument pas. Le
type d'ouvrage résidentiel a donc son importance. Il est probable, comme
on l'a dit tout à l'heure, il est plausible que les consommateurs les
plus démunis, si vous voulez, aient droit à une certaine
protection dans ces cas-là, mais du côté d'un autre type
d'ouvrage résidentiel, ce n'est plus la même chose, c'est le cours
normal des affaires et il ne devrait pas y avoir de règles plus
contraignantes qu'il ne le faut.
Quant à la fiducie elle-même, je termine là-dessus,
on a dit et répété depuis ce matin seulement, en tout cas
que les fiducies existaient ailleurs dans les autres provinces du Canada. Il
est vrai que cela existe. Il ne s'est pas avéré que ce soit
nécessairement un exemple à suivre. Je ne vous embêterai
pas avec certaine documentation, mais cela me ferait plaisir de la communiquer.
J'ai dans ma bibliothèque portative, en arrière, quelques
articles sur l'application réelle de ces clauses de fiducie, qui ne sont
d'ailleurs même pas précisées, quant à nous, dans
l'avant-projet de loi et qui nous laissent à penser que ce n'est pas
toujours la vie en rose non plus.
La Présidente (Mme Bleau): Nous aimerions que vous nous
soumettiez ces articles. Je pense que la commission serait
intéressée à les regarder. Je passe la parole au
député de Marquette pour le mot de la fin.
M. Dauphin: Encore une fois, nous aimerions remercier l'ACMQ pour
la préparation, la présentation et la clarté avec laquelle
cela nous a été présenté et vous dire, comme on a
eu l'occasion de le dire à d'autres groupes, qu'on est toujours au stade
d'un avant-projet de loi. Nous allons travailler cela encore une fois et je
suis persuadé que l'équipe qui m'accompagne et qui s'occupe de la
réforme du Code civil, en ce qui concerne actuellement les obligations,
va analyser et étudier cela avec beaucoup d'intérêt. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Bleau): On vous remercie,
messieurs.
M. Morin: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Bleau): J'ajourne les travaux au mardi
1 er novembre, 10 heures. Vous aviez quelque chose à nous dire?
M. Morin: Oui, je voulais vous remercier de votre attention, Mme
la Présidente, messieurs et vous souligner que notre département
relatif au droit ainsi Me Jacques Théoret du CERACQ sont à votre
entière disposition pour vous aider à rédiger le projet
final. On vous remercie.
La Présidente (Mme Bleau): Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 17 h 7)