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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Marcil): Bonjour, tout le monde. Comme
nous avons le nombre de personnes requis pour entreprendre ces travaux de la
sous-commission, nous allons commencer immédiatement. Je voudrais
rappeler le mandat de la sous-commission, c'est-à-dire de
procéder à une consultation générale et de tenir
des audiences publiques sur l'avant-projet de loi portant réforme au
Code civil du Québec du droit des obligations. Est-ce qu'il y a des
remplacements à annoncer, Mme la secrétaire?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Harel
(Maisonneuve) est remplacée par M. Filion (Taillon).
Le Président (M. Marcil): Merci. Je demanderais aux gens
de prendre leur place, s'il vous plaît. Nous allons continuer les travaux
entamés hier. J'invite immédiatement l'Association du camionnage
du Québec, représentée par M. Raymond "Bruard",
président, par Me George J. Pollak, conseiller juridique, de même
que par Me Gilles Bélanger, conseiller juridique. Vous connaissez les
règles du jeu, je crois. Nous allons vous écouter, tout en vous
informant que la totalité des mémoires ont déjà
été lus et examinés par les membres de la commission du
côté ministériel et de l'Opposition. À ce
moment-là, vous faites une synthèse de votre mémoire et
nous allons procéder à une période de questions. Merci.
Allez-y.
Association du camionnage du Québec
M. Bréard (Raymond): Merci, M. le Président.
D'abord, je voudrais juste faire corriger le nom. C'est M. Bréard, avec
un accent aigu.
Le Président (M. Marcil): D'accord.
M. Bréard: Je vous remercie. Comme vous avez
déjà présenté les gens qui m'accompagnent, je vais
immédiatement traiter du mémoire, tel que
présenté.
L'Association du camionnage remercie la commission de l'entendre parce
que le point de vue des camionneurs sur un projet de réforme du Code
civil nous apparaît très important pour la gestion de nos
affaires. L'Association du camionnage du Québec regroupe les entreprises
de transport et l'objectif que nous avons, c'est de faire des affaires dans le
meilleur intérêt des transporteurs, des expéditeurs et du
Québec, en général, dans une perspective
d'équité et de facilité dans l'administration de là
justice et des contrats. Cela semble facile à dire, mais il y a des
contrats qui se passent entre les entrepre- neurs et les expéditeurs du
Québec. On a aussi des transporteurs extraprovinciaux et des
transporteurs internationaux qui font des affaires au Québec.
Dans cette perspective, il nous apparaît important - c'est le
point que je veux faire valoir aujourd'hui - que les dispositions des contrats
- le contrat de transport, est, en fait, un connaissement - soient incluses au
Code civil et deviennent d'ordre public, de façon que les droits et
obligations des parties contractantes soient clairement connus et que la
référence juridique soit claire et absolument équitable
pour tout le monde, donc, que les parties contractantes connaissent bien leurs
responsabilités et leurs obligations. Dans l'industrie du transport et
à l'Association du camionnage, nous aimons mieux avoir nos procureurs
comme conseillers que devant les tribunaux en train d'éclaircir des
points de droit qui sont nébuleux de par la structure même du
règlement qui les prescrit.
Actuellement, il y a une contestation du connaissement devant les
tribunaux. D'après les estimations que nous avons, nos conseillers
pensent que, sur la contestation du connaissement quant à sa forme et
à son applicabilité nos chances sont de bonnes à
excellentes. Le jugement n'est pas encore rendu, mais on l'attend incessamment.
Cela veut donc dire que, si le connaissement dans son contenu et son
application devait être contesté devant les tribunaux, il n'y
aurait plus de contrat type qui existerait ou serait prescrit par la loi entre
un transporteur et l'expéditeur et entre transporteurs également.
Donc, c'est bien important de voir l'impact que cela a sur la gestion des
affaires au Québec. Je voudrais revenir pour expliquer que le
règlement est issu d'une loi du transport et ne s'applique qu'au
transport intraprovincial. Donc, quand on a un transporteur extraprovincial ou,
dans la perspective du libre-échange, si un transporteur
américain venait faire des affaires au Québec, il ne serait pas
assujetti à la loi sur le connaissement et, donc, cela obligerait
à toutes sortes d'interprétations juridiques fastidieuses. Dans
cette perspective, il y a différents éléments qui doivent
être incorporés dans le Code civil ou clarifiés davantage.
La responsabilité limitée du transporteur devrait être
clairement établie. Comme on le fait valoir dans les articles 1457 ou
2100, actuellement, la responsabilité du transporteur ne se limite
qu'à celui qui utilise la forme du connaissement prescrit par l'annexe
du règlement et limite la responsabilité du transporteur à
4,41 $ le kilo, mais pour toute la cargaison transportée. Ce que l'on
veut faire valoir, c'est que la responsabilité devrait être ce
qu'elle est en général, donc limitée essentiellement
à la portion de la cargaison qui est endommagée, ce qui est
normal et usuel dans toutes les transac-
tions qu'on peut faire. Et il y a des précédents
là-dessus; que ce soit par la convention de La Haye ou la convention de
Varsovie, dans le transport international, on limite la responsabilité
du transporteur pour la cargaison qui est endommagée à la valeur
déclarée ou, s'il n'y a pas de valeur déclarée,
à 4,41 $ le kilo, ce qui est la prescription minimale.
Ensuite, la responsabilité en ce qui concerne le retard. Dans la
facture actuelle des lois telles qu'elles sont rédigées, le
transporteur est présumé coupable ou responsable de délais
qui n'auraient pas été expliqués autrement dans le
contrat. Cela veut donc dire qu'il faut interpréter le délai, le
retard. Est-ce la date d'arrivée de la cargaison prévue par
l'expéditeur ou est-ce qu'on ne doit pas prouver qu'il y a eu un
préjudice parce qu'il était explicitement entendu entre les
parties que la cargaison devait arriver à cette date très
précise? S'il n'y a pas de convention explicite entre
l'expéditeur et le transporteur, il ne devrait pas y avoir de
présomption que le transporteur est absolument responsable de
délais indus, à moins qu'il ne soit capable de le prouver et
qu'il n'y ait une convention très explicite entre les parties. Cette
présomption devrait être abolie et laisser libre cours au contrat
tel que spécifié et rédigé dans chaque cas.
La responsabilité du dépositaire et du transporteur. Dans
la mesure où le transporteur s'acquitte de ses responsabilités,
il ne devrait pas être tenu responsable en tant que transporteur s'il ne
peut pas livrer la marchandise chez le client, sauf si c'est sa
responsabilité à lui. C'est donc dire que, si on arrive chez un
client un vendredi à 16 h 30, qu'on ne peut pas livrer la marchandise et
que ce n'est pas la faute du transporteur parce que chez l'expéditeur il
n'y avait pas de services adéquats de réception, on ne devrait
pas être tenu autrement que par les obligations d'un dépositaire.
Parce que notre travail de transporteur est terminé, on devrait
être tenu à la responsabilité générale d'un
dépositaire qui est de prendre soin de la marchandise selon nos
meilleures possibilités puisqu'on n'est pas des dépositaires, ni
des gens qui gèrent des entrepôts; on est des transporteurs. Dans
la mesure où on fait notre travail adéquatement, on devrait
être limité à ce type de responsabilité.
L'un des articles importants dans le connaissement, c'est qu'il devrait
y avoir une responsabilité explicite de l'expéditeur à
certains égards. Actuellement, beaucoup de transporteurs et plusieurs
expéditeurs ne considèrent pas le connaissement comme un titre de
transport. Cela a des conséquences assez graves dans l'application de la
Loi sur les transports et aussi dans l'application de la loi sur la
sécurité routière. Par exemple, le poids
déclaré devrait être une responsabilité de
l'expéditeur parce que toute fausse déclaration peut
entraîner des conséquences quant à la responsabilité
du transporteur.
J'attire l'attention de la commission sur l'article 2114. À lire
ce texte, cela paraît anodin, mais si on prend, par exemple, une
cargaison de produits toxiques très dangereux qui n'est pas
déclarée par l'expéditeur parce qu'il considère que
le connaissement, ce n'est pas un titre de transport et qu'il n'est pas tenu de
le remplir adéquatement, le transporteur ne sait pas vraiment ce qu'il
transporte. S'il arrive un accident sur les routes du Québec du genre de
celui de Saint-Basile-le-Grand, mais un peu différent tout de
même, qui est responsable? Est-ce que le transporteur peut être
tenu responsable d'avoir transporté une cargaison si
l'expéditeur, lui, n'a pas eu la responsabilité, tel que prescrit
par la loi sur les matières dangereuses ou autre, de remplir le
connaissement de façon très précise? Le transporteur ne
devrait pas être responsable de réparer le préjudice parce
qu'on dit dans le premier paragraphe: L'expéditeur doit réparer
le préjudice subi par le transporteur, 'Toutefois, le transporteur
demeure responsable envers les tiers qui subissent un préjudice
résultant de l'un de ces faits". Alors, on dit: Si c'est
l'expéditeur qui doit informer adéquatement le transporteur, la
limite de responsabilité devrait être partagée entre
l'expéditeur et le transporteur; il faudrait alors rayer le
deuxième paragraphe et laisser la responsabilité civile et
commerciale du transporteur telle qu'elle est régie par l'ensemble du
Code civil.
Donc le message de l'Association du camionnage du Québec, outre
les détails techniques sur chacun des articles dont on aura l'occasion
de discuter par un échange de questions, est clair: on veut que les
dispositions du contrat et du connaissement soient d'ordre public de
façon qu'elles soient appliquées universellement à tous
les contrats de transport qui se feront au Québec dans la perspective de
la déréglementation, donc, appliquées aux transporteurs
extraprovinciaux et, dans une perspective internationale, à tous les
transporteurs qui exerceront du transport sur le territoire du Québec.
Cela devrait être clair, net et sans équivoque. Les droits et les
obligations de chacune des parties et la référence juridique
devraient être aussi très clairs, c'est-à-dire que les
articles du Code civil doivent avoir préséance et sont, en fait,
les conditions minimales d'un contrat de transport. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M.
Bréard. Maintenant, je vais reconnaître l'adjoint parlementaire au
ministre de la Justice, le député de Marquette.
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord,
au nom du ministre de la Justice du Québec, j'aimerais souhaiter la
bienvenue à l'Association du camionnage du Québec, vous remercier
d'être venus devant nous en auditions et vous féliciter pour la
clarté de votre mémoire. C'est clair, comme vous le disiez
vous-même, et réfléchi, en ce sens que vous avez des
points bien précis sur lesquels vos prétentions
méritent, quand même, d'être étudiées
attentivement. Étant donné que le mémoire est tellement
clair, je n'aurai pas des centaines de questions, mais j'aimerais
peut-être revenir sur deux articles de l'avant-projet de loi. Le premier
est l'article 2091, relativement au retard, qui prévoit une
présomption de faute à l'égard du transporteur "à
moins qu'il ne prouve force majeure". Vous nous dites qu'en l'absence
d'instructions claires données par l'expéditeur ou le
cosignataire quant au délai de livraison il ne devrait y avoir, en cas
de retard, aucune présomption de responsabilité de quelque nature
que ce soit. Mais la situation actuelle veut que toute livraison se fasse dans
un délai raisonnable, si je comprends bien. Alors, j'aimerais
peut-être que vous explicitiez davantage votre point de vue
là-dessus.
M. Bélanger (Gilles): Je peux répondre à
cette question. Aujourd'hui, en vertu de la loi actuelle, s'il y a retard,
à moins que ce ne soit précisé au contrat, il n'y a pas de
présomption de responsabilité. La présomption introduite
à l'article 2091 devient quasi irréfragable dans le sens que le
transporteur ne pourrait à peu près jamais renverser cette
présomption, alors que dans bien des cas il pourrait ne pas être
responsable du retard. Alors, ce qu'on suggère dans le mémoire,
c'est que la présomption demeure dans les cas où il y a une
obligation prévue au contrat. Si l'expéditeur demande, en
remettant les marchandises, qu'elles soient à destination à telle
heure, tel jour, à partir du moment où le transporteur l'accepte,
nous sommes prêts à accepter qu'il y ait présomption dans
ce cas-là, même si cela n'existe pas aujourd'hui. Aujourd'hui, il
y a, quand même, une preuve à faire de la part de
l'expéditeur. On est prêts à vivre avec une
présomption lorsqu'on a pris un engagement, mais pas lorsqu'on n'a pas
pris d'engagement et qu'on ne sait pas quand cela doit être rendu. Par
exemple, quelqu'un peut nous confier de la marchandise et prétendre que
cela devrait être là demain matin, alors que dans nos
opérations normales ce serait là le jour suivant. Si on ne le
sait pas, pourquoi devrait-on être tenus présumément
responsables? S'il y a une faute, l'expéditeur pourra toujours en faire
la preuve et, à ce moment-là, la responsabilité du
transporteur serait maintenue. Mais en faire une présomption dans les
cas où on ne sait même pas quelle est l'obligation qui nous est
imposée, je pense que c'est aller au-delà de ce que le droit nous
demande généralement.
M. Pollak (George J.): Est-ce que je pourrais ajouter à
vos remarques?
Le Président (M. Marcil): Oui, M. Pollak.
M. Pollak: Premièrement, la modification proposée
constitue une dérogation assez impor- tante au droit actuel voulant
qu'une partie ne soit responsable que des dommages prévisibles.
Autrement dit, une partie qui a manqué à ses obligations n'est
pas tenue de réparer tous les dommages qui sont une conséquence
directe, mais seulement les dommages qui sont une conséquence
prévisible.
Deuxièmement, je vous réfère au paragraphe 6 du
règlement qui est en annexe, qui traite des stipulations minimales et
des connaissements qui dit ce qui suit: "Aucun transporteur n'est tenu de
transporter au moyen d'un véhicule particulier ou de livrer des
marchandises à temps sur un marché particulier ou à
d'autres conditions que selon les modalités d'expéditions
régulières, à moins qu'un accord figurant sur le
connaissement..." Donc, à moins d'une négligence de la part d'un
transporteur, dans l'état actuel de la loi, il n'est pas responsable de
ces dommages, à moins d'une preuve de négligence. La preuve
incombe à celui qui réclame des dommages. Avec la modification
proposée, le fardeau serait renversé et ajouterait une autre
responsabilité sur les épaules des transporteurs. C'est un
fardeau qui est déjà assez lourd parce que le transporteur, en
vertu de l'article 16-75 du Code civil, est présumé responsable
des dommages ou des conséquences d'une non-livraison. Adopter la
modification proposée serait ajouter une autre couche de
responsabilité au transporteur. (10 h 30)
M. Bréard: Ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que, dans
la négociation d'un contrat de transport, il y a toujours la
négociation concernant les modalités de transport. Souvent,
l'expéditeur va demander: À quelle date pensez-vous que la
marchandise va arriver? Parce qu'il y a de la souplesse entre les deux.
À ce moment-là la date ne devient pas obligatoire puisqu'elle n'a
pas été négociée comme telle. Donc, sauf s'il y a
une spécification très claire à savoir que la marchandise
doit être arrivée avant telle heure, tel jour, à tel
endroit, il ne devrait pas y avoir cette présomption-là puisqu'on
peut se commettre en disant: Oui, cela va arriver mercredi après-midi
même s'il n'y a pas de dommages prévisibles à ce que cela
arrive le vendredi, mais la date qui a été fixée n'est pas
une date obligatoire, c'est une date "tentative". Donc, il faut comprendre de
quelle façon ces obligations découlent d'elles-mêmes.
M. Dauphin: Justement, sur ce point, on m'informe que les
dispositions prévues au Code civil du Québec autant actuelles -
je crois que c'est l'article 1678, actuel - qu'après la réforme,
c'est à titre supplétif, c'est-à-dire que ce qui vous
régit en priorité, c'est le Règlement sur le
camionnage.
M. Bréard: C'est cela.
M. Dauphin: C'est en l'absence de dispositions que les
dispositions du Code civil s'appli-
queraient. Mais vous, vous aimeriez que les dispositions du
règlement soient incluses dans le Code civil, qu'il y ait
homogénéité?
M. Pollak: M. le député, vous avez posé ce
qu'on appelle en anglais la "million-dollar question", a savoir si ce
règlement s'applique à tout contrat de transport passé
dans la province de Québec. À l'heure actuelle, il semble y avoir
une forte controverse dans la jurisprudence sur ces questions. Il y a certains
tribunaux qui ont décidé que les règlements
s'appliqueraient comme matière d'ordre public. Donc, chaque fois qu'un
contrat est passé, ces règlements s'appliquent. Il y en a
d'autres qui disent que cela prend un connaissement dans la formule prescrite
par le règlement pour que les stipulations minimales s'appliquent.
Enfin, il y a une cause qui est pendante devant la Cour d'appel et on attend
l'issue du débat. Mais la position de notre client, l'association, c'est
que les règles du jeu devraient être fixées d'avance et que
les dispositions qui apparaissent actuellement dans une forme
réglementaire devraient être adoptées comme faisant partie
du Code civil.
M. Bélanger (Gilles): Si je peux continuer
là-dessus, M. Dauphin, présentement dans la cause dont il est
question, on prétend que certaines dispositions du règlement sont
ultra vires des pouvoirs du ministre en vertu de la Loi sur les transports. Par
ailleurs, il est à prévoir que, si le règlement
était contesté quant à son applicabilité aux
entreprises extraprovinciales, la contestation aurait de très fortes
chances de réussir. Donc, d'une part, on a un règlement qui est
très susceptible de ne pas résister à la cause qui est
pendante et qui conteste l'application de certaines parties du règlement
à un transporteur intraprovincial et, en plus, parce qu'on a fait
l'étude, nous sommes convaincus que le règlement ne
s'appliquerait pas, serait ultra vires lorsqu'on parle de transporteurs
extraprovinciaux. On a un règlement, présentement, qui ne peut
s'appliquer qu'à une poignée de transporteurs, dans des
circonstances particulières.
On essaie de vous dire que ce n'est pas normal que ce soit comme cela.
On a un contrat de transport qui intervient sur le territoire du Québec;
peu importe l'intervenant qui le signe, que ce soit un transporteur local, un
transporteur extraprovincial ou international, il fait un contrat avec une
entreprise, ici, au Québec. Les lois québécoises devraient
s'appliquer à ce contrat. La façon de les faire appliquer est
d'inclure les dispositions du règlement sur les connaissements dans le
Code civil; à ce moment-là, il devient d'ordre public et il
s'applique à tout le monde, ce qui n'est pas le cas présentement.
C'est ce que nous demandons. On veut que ce règlement s'applique
à tout le monde et détermine les conditions du contrat de
transport, mais pour tout le monde et non pas "peut-être que si,
peut-être que non" aux transporteurs locaux, mais pas aux
étrangers. Cela ne devrait pas se produire comme cela, parce que c'est
un contrat comme tout autre contrat qui intervient sur le territoire du
Québec. La raison pour laquelle il ne s'applique pas aux
extraprovinciaux, c'est que la loi dont il découle ne s'applique pas.
C'est l'article 1 de la Loi sur le camionnage qui dit qu'il ne s'applique pas
aux entreprises de transport extraprovinciales. C'est à cause de cela
que le connaissement se s'applique pas. Plaçons les conditions de ce
contrat dans le Code civil et on aura un contrat de transport qui s'appliquera
à tout le monde, dans toutes les circonstancces.
M. Bréard: Découlant de ce contrat d'ordre public,
j'ai mentionné quelques conséquences qui peuvent survenir. En
effet, comme il n'y a pas de disposition qui oblige tout le monde à
avoir un titre de transport clair, il y a des conséquences qui peuvent
être considérables. Il n'y a personne qui est absolument assujetti
à ce contrat. Ils disent: On a des causes d'expéditeurs qui ne
considèrent pas le connaissement comme un titre de transport. Ils font
donc une fausse déclaration sur le poids, ils ne font pas de
déclaration sur le contenu des marchandises. Les conséquences de
cela sont donc importantes.
M. Bélanger (Gilles): Parce que le contrat relève
d'un règlement qui est plus ou moins connu et qui est plus ou moins
obscur pour beaucoup de monde, alors ce n'est pas important. Beaucoup de gens
font des déclarations fausses sur un connaissement, n'y voyant pas
vraiment le caractère légal d'un contrat de transport comme tout
autre contrat.
M. Dauphin: Pourriez-vous nous expliquer, pour le
bénéfice des membres de la commission, quelles sont les
règles extraprovinciales?
M. Bélanger (Gilles): Toute entreprise de transport,
à partir du moment où elle a des opérations qui
débordent les frontières d'une province, tombe sous le coup de la
Loi sur le transport par véhicule à moteur de 1987, qui est la
loi fédérale. Cette loi prévoit que, pour
l'émission des permis le gouvernement fédéral fait sien
l'organisme provincial qui est chargé de l'émission des permis.
Dans le cadre de la loi fédérale, la Commission des transports du
Québec, devient, chaque fois qu'elle siège pour une affaire
extraprovinciale, un tribunal, entre guillemets, "fédéral", qui
agit comme agent du fédéral dans cette affaire
particulière. La loi fédérale dit: Quand vous allez faire
cela, vous allez émettre les permis suivant les mêmes
critères que lorsque vous émettez sur le plan provincial. Mais on
parle de critères d'émission; on ne parle pas du
connaissement.
La loi provinciale dit, dans son article 1: Cette loi (la Loi sur le
camionnage) . ne s'applique pas aux entreprises qui relèvent de la loi
fédérale. Alors, les parties de la loi qui ne traitent
pas, qui n'ont rien à voir avec l'émission des permis et
les règlements qui en découlent qui ont à voir avec autre
chose, ce n'est pas délégué par la loi
fédérale à la Commission des transports. C'est comme
ça que nous en sommes venus à la conclusion que l'obligation
même d'émettre un connaissement, qui apparaît dans le
règlement sur les connaissements, n'est pas une obligation qui affecte
le transporteur extraprovincial, parce que cette partie de la loi et le
règlement qui en découle ne font pas l'objet de la
délégation. Enfin, ce n'est pas vraiment une
délégation, j'oublie le terme. C'est une incorporation par
référence de certaines parties de la loi, mais pas de toute la
loi dans tous ses effets et tous les règlements qui en
découlent.
Peut-être que je fais erreur et supposons que je fais erreur.
Est-ce qu'on doit prendre le risque de se retrouver sans obligation d'avoir des
connaissements dans quelques années? On a l'occasion, au moment de la
révision du Code civil, d'introduire ce contrat au Code civil et d'en
faire un contrat d'ordre public, en y prévoyant les conditions
principales ou les conditions minimales. Celles qui apparaissent au
règlement de façon générale satisfont tout le monde
présentement, tant les expéditeurs que les transporteurs.
M. Dauphin: N'y a-t-il pas - on me signale cela - une entente
actuellement entre les différents ministres des Transports du Canada
pour un connaissement unifié?
M. Bélanger (Gilles): Ils se sont entendus sur les termes
d'un connaissement pour que le connaissement soit pareil dans toutes les
juridictions. Mais s'il ne s'applique pas en vertu de la loi
fédérale, cela ne change rien. Pour le transporteur de l'Ontario,
en vertu de sa loi, il y a un règlement sur le connaissement.
L'obligation n'existe pas plus pour lui en Ontario que pour le transporteur
extraprovincial du Québec.
Le fait que le règlement sur le connaissement ne s'applique pas
aux transporteurs extraprovinciaux, ce n'est pas vrai seulement au
Québec. C'est vrai ailleurs aussi. Il y a peut-être des
particularités ailleurs, étant donné tout le
système législatif et réglementaire provincial. Dans les
autres provinces, je ne l'ai pas examiné. Il y a peut-être
d'autres façons de procéder qui pourraient donner un
caractère spécial à cette obligation dans une autre
province, de la même façon que nous vous disons: Mettez-le au Code
civil; cela règle le problème.
Ce sur quoi les provinces se sont entendues, ce sont les conditions dans
le règlement. Alors, on vous dit: On n'a pas de problème avec ces
conditions, sauf qu'on voudrait les voir dans le Code civil au lieu de les voir
dans ce règlement.
M. Bréard: Si je peux me permettre d'ajouter, le
problème du Canada - le ministre des
Transports du Québec est bien placé pour le savoir dans le
moment - c'est qu'ils ont signé une entente concernant la
déréglementation du transport au Canada et c'est depuis qu'ils se
sont entendus que ça ne fonctionne pas de la même façon
partout au Canada. Le Québec est la seule province qui a
déréglementé et qui a tenu ses engagements. Le ministre
des Transports du Québec se bat avec son homologue de l'Ontario pour que
cela fonctionne. Ils sont contestés devant les tribunaux, l'Association
des transporteurs a gagné son point. Nous ne savons pas quand.
Même s'il y a une entente entre les ministres des Transports, chaque
ministre a la responsabilité de faire voter par sa Législature
l'application de ses engagements et c'est chaque ministre des Transports dans
chaque province qui fait voter sa loi. Évidemment, ils s'entendent sur
les grands paramètres et sur le contenu, mais c'est le ministre des
Transports du Québec qui a fait voter la loi 76, et chaque ministre des
Transports doit prendre les dispositions législatives pour faire
appliquer l'entente.
Ce que nous disons, c'est que nous sommes d'accord pour qu'il y ait une
entente sur le contenu, la forme et les paramètres du connaissement,
mais nous voulons qu'ils soient appliqués de façon indiscutable,
qu'il y ait une référence claire, que cela s'applique à
tout le monde universellement, à tous les transporteurs du Canada ou de
l'étranger faisant affaire au Québec. Et s'il y a une entente
entre les ministres des Transports, c'est encore mieux. Mais on doit s'assurer
que cet engagement est pris et qu'il est respecté par tout le monde, ce
qui n'est pas le cas du règlement issu de la Loi sur les transports.
M. Dauphin: Merci beaucoup. Peut-être une dernière
question avant de laisser la parole à mon collègue de
l'Opposition, relativement à l'article 2114, quant à la
responsabilité envers les tiers. Vous vous opposez à ce que les
tiers aient un recours contre le transporteur, si effectivement c'est
l'expéditeur qui est responsable. Le problème pratique qui se
pose, c'est que les tiers ne connaissent pas nécessairement toujours
l'expéditeur. Règle générale, on poursuit,
évidemment, l'auteur. Vous pouvez toujours appeler en garantie
effectivement le vrai auteur. Je ne sais pas si vous comprenez ma question? (10
h 45)
M. Pollak: Là encore, je pense qu'avec la modification au
deuxième paragraphe on ajoute une autre couche de responsabilité
qui n'est pas nécessaire. Je pense qu'une tierce partie qui serait
lésée par, disons, le déversement d'un produit chimique
jouirait en vertu du droit commun d'un droit contre le transporteur, un droit
quasi délictuel, si jamais il subissait des dommages. Donc, je me
demande pourquoi le deuxième paragraphe: "le transporteur demeure
responsable envers les tiers". Je pense que déjà une partie
lésée jouit d'un droit en vertu de
l'article 1053 du Code civil, d'où découlent tous les
droits et obligations de droit des délits.
M. Bréard: Je voudrais ajouter, M. Dauphin, qu'on dit bien
"résultant de l'un de ces faits", et cela n'enlève pas la
responsabilité du transporteur vis-à-vis du tiers concernant une
responsabilité normale. Ce que l'on dit, c'est "résultant de l'un
de ces faits" et l'un de ces faits, c'est que "l'expéditeur est tenu de
réparer le préjudice subi (...) lorsque ce préjudice
résulte du vice propre du bien ou de l'omission" par
l'expéditeur, et "de l'insuffisance ou de l'inexactitude" de cette
déclaration quant au transport. On dit que, si cela résulte de
l'un de ces faits, il ne faut pas que le transporteur soit responsable, parce
qu'on enlève l'obligation pour l'expéditeur de formellement
informer le transporteur et le public de ce qu'il transporte et de ses
conséquences. On dit: S'il a rempli ses engagements, qu'il nous a
déclaré tout ce qu'il devait, qu'il nous a informés de
toutes les conséquences, qu'il a fait son devoir, qu'il a bien rempli
son connaissement tel qu'il doit le faire, le transporteur sera responsable.
Mais on ne veut pas être responsables de l'omission, de l'inexactitude ou
de l'insuffisance qui sont de la responsabilité de l'expéditeur.
C'est ce que dit l'article. On ne veut pas être responsables
vis-à-vis d'un tiers de ce qu'un autre n'aura pas fait dans ses
obligations fondamentales. C'est cela qui est important.
Le Président (M. Marcil): Cela va?
M. Dauphin: Merci beaucoup. Tout ce que je peux vous dire, c'est
que vos recommandations et propositions seront étudiées
très attentivement. Je vous félicite non seulement d'être
venus, mais pour la clarté de votre mémoire. Merci.
M. Bréard: Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la
Justice. Je vais maintenant reconnaître le porte-parole de l'Opposition
et député de Taillon.
M. Filion: Merci, M. le Président. Dans le même sens
que mon collègue, je voudrais vous féliciter de la
précision de votre mémoire. Vous avez mis le doigt sur les points
et les faits saillants de cet avant-projet de loi qui vous concernaient,
tellement bien, d'ailleurs, que le député de Marquette a
posé les questions que je voulais poser. Mais il y en a une sur laquelle
je vais essayer d'aller un peu plus loin avec vous, c'est sur l'article 2114.
Si j'ai bien suivi votre raisonnement, vous dites que le deuxième
alinéa n'est peut-être pas nécessaire. Il n'est pas
nécessaire pour le législateur de mentionner cette
responsabilité du transporteur à l'égard des tiers parce
que, de toute façon, cela existe par ailleurs dans le reste du droit.
C'est bien cela?
L'idée, je pense, c'est peut-être de bien s'assurer que le
premier alinéa de l'article 2114 n'est pas une restriction au principe
de responsabilité générale. Je pense bien que cela ne vous
enlèvera rien, d'ailleurs; cela n'enlèvera rien au transporteur,
sa responsabilité demeure. J'ai bien l'impression que des recours en
garantie peuvent s'exercer.
Je vais donner un exemple, pour parler concrètement: supposons
qu'un expéditeur confie à un transporteur une marchandise
toxique. C'est populaire depuis Mississauga; au Québec, on a la peau
sensible maintenant sur les produits toxiques. Supposons qu'un
expéditeur vous confie la garde, pour fins de transport à un
endroit X, de produits toxiques et qu'un accident survient - qui n'est pas la
faute du transporteur, mais qui est plutôt relié à la
nature du produit que vous transportez - et qu'une communauté
entière en subit les préjudices, les dommages. De la façon
dont je comprends les choses, avec l'avant-projet de loi, cela voudrait dire
que le transporteur demeure responsable, mais il aurait un recours en garantie
absolument merveilleux contre son expéditeur qui ne lui aurait pas
révélé tous les aspects du bien qu'il transportait.
Tout cela découle aussi du bon sens. La communauté ou les
individus, peu importe, groupes, organismes ou compagnies ne connaissent pas
l'expéditeur. C'est cela qui est le problème souvent pour
beaucoup de tiers: ils ne connaissent pas l'expéditeur, ni le contenu du
contrat de connaissement. Ils ne connaissent pas le lien entre le transporteur
et l'expéditeur, alors que le transporteur connaît, lui, tous les
détails. Avec cet exemple-là, dois-je comprendre, finalement,
qu'on s'entend sur toute la ligne, sauf que vous ne voulez pas que ce soit
écrit? Alors, pourquoi ne voulez-vous pas que ce soit écrit?
Voulez-vous que cela fonctionne autrement sur le plan de la mécanique
juridique? Me Bélanger.
M. Bélanger (Gilles): C'est vrai ce que vous dites, que la
personne lésée ne connaît pas nécessairement
l'expéditeur. En ce qui a trait au recours, celui-ci est toujours
couvert contre le transporteur. Dans un cas où la responsabilité
de l'expéditeur serait impliquée par le premier alinéa, le
transporteur va appeler l'expéditeur en garantie après avoir
été poursuivi et le débat va se faire entre, finalement,
la personne lésée et l'expéditeur. Le deuxième
paragraphe dit ceci: Même si vous n'êtes pas responsable, c'est
vous, le transporteur, oui allez payer la note à la personne
lésée. A ce moment, l'expéditeur est connu parce qu'il a
été déniché par les recours qui ont
été introduits. Alors, le problème n'est plus là
à ce moment. On impose au transporteur une obligation qui peut
être extrêmement lourde et qui pourrait, dans des cas dramatiques,
faire disparaître le transporteur complètement parce que
l'expéditeur attend la deuxième étape du recours.
Prenons l'affaire de Mississauga. C'était le Canadien Pacifique
qui était impliqué. C'est peut-être un moindre mal, mais si
cela avait été Cabano, ils n'auraient peut-être pas
passé à travers Mississauga. Plaçons-nous dans une
circonstance où le véritable responsable, à cause des
déclarations, pouvait être une multinationale. Elle n'avait
qu'à s'asseoir et à attendre qu'on ait retiré Cabano du
marché parce que c'est lui qui doit payer la note en premier et,
après cela, à attendre la deuxième vague, quelques
années plus tard. En imposant cette obligation, cette
responsabilité au transporteur, on protège l'expéditeur,
en fait, en retardant l'échéance. Il n'est pas plus caché.
On ne fait que le protéger en retardant l'échéance en sa
faveur. Quant au recours, il est toujours disponible contre le
transporteur.
M. Pollak: Est-ce que je pourrais ajouter deux commentaires au
sujet du texte même de la modification? La modification commence par:
"L'expéditeur est tenu de réparer le préjudice subi par le
transporteur." Est-ce que l'expéditeur est aussi tenu de réparer
les préjudices subis par le tiers? Est-ce qu'on doit comprendre, du fait
que le mot "transporteur" apparaisse à l'exception du mot "tiers", que
la seule partie que l'expéditeur devrait dédommager, c'est le
transporteur?
Une deuxième chose. Si on regarde le deuxième paragraphe,
il dit: "Le transporteur demeure responsable." Il est facilement concevable
qu'un tribunal faisant face à une telle disposition en arrivera à
la conclusion qu'il y a maintenant une troisième présomption de
responsabilité qui pèse contre un transporteur. Cette fois-ci, ce
serait une présomption de responsabilité qui découlerait
non pas du geste ou de l'omission du transporteur, mais du geste ou de
l'omission d'un tiers. Tout le monde est d'accord que c'est l'expéditeur
qui devrait être tenu responsable si jamais il manque à son
obligation. Je pense que tout le monde est aussi d'accord que ce recours
devrait exister sans préjudice de tout autre recours contre un
transporteur lorsque, par son geste, il contribue à
l'événement. Mais établir une autre couche de
responsabilité, une troisième présomption de
responsabilité, pour être bien franc, j'en vois mal la
nécessité.
M. Bélanger (Gilles): Je veux juste donner un exemple
supplémentaire pour bien comprendre le problème qu'on a avec les
expéditeurs. Nous, du transport, on veut être responsables de nos
obligations dans la mesure où ces obligations sont bien
déterminées. Par exemple, on a envoyé une lettre,
parallèlement au mémoire sur le Code civil, au ministre des
Transports. Dans la nouvelle disposition de la loi, vous aurez, comme
députés, à trancher les milliards que cela va coûter
pour réparer notre réseau routier parce que vous avez le
problème de la surcharge axiale qui détériore le
réseau routier et cela va coûter des fortunes. Le ministre des
Transports a inclus dans sa loi la responsabilité de l'expéditeur
quant au poids déclaré et transporté. Mais, dans
l'application de la loi, c'est toujours au transporteur qu'on émet
l'infraction et c'est toujours au transporteur qu'on enlève des points
d'inaptitude dans sa banque de points. Donc, toutes les fois qu'on diminue ou
qu'on dilue la responsabilité de l'expéditeur, on a un
problème considérable à faire respecter les lois et les
règlements au Québec. L'expéditeur ne sera jamais
impliqué clairement dans une infraction.
Un camion a été arrêté à une balance
publique. Il y avait un connaissement de 50 000 livres, mais il y avait 65 000
livres dans le camion. L'expéditeur a dit: Le connaissement n'est pas un
titre de transport; alors, je charge 50 000 livres de granit à mon
client et c'est ce que j'ai marqué sur le connaissement. Sauf que c'est
le transporteur qui est impliqué dans l'infraction; c'est le
transporteur qui subit le préjudice d'une fausse déclaration ou
de l'inexactitude d'une déclaration de l'expéditeur. Le meilleur
moyen de faire assurer le respect de la réglementation est d'obliger les
expéditeurs à payer pour leur responsabilité. De cette
façon, ils vont s'assurer que les connaissements sont bien remplis,
qu'ils vont respecter la loi comme tout le monde. Cela va coûter moins
cher au gouvernement du Québec en contrôles routiers et en
réparations du réseau routier. C'est la même chose dans le
cas des matières dangereuses. Ce qu'on veut, c'est que
l'expéditeur sache qu'il a des obligations claires. C'est à lui
de les respecter, au bénéfice de tout le monde. Toutes les fois
qu'on dit: L'expéditeur est responsable, mais, en contrepartie, le
transporteur est responsable, c'est une bataille juridique et on n'en finira
jamais.
M. Filion: Je vous remercie, M. Bréard, Me Bélanger
et Me Pollak, de nous avoir si brillamment exposé votre point de vue.
Évidemment, vos commentaires portent sur une partie bien
spécifique d'un volumineux projet de loi, mais je suis convaincu que les
rédacteurs du projet de loi, à la prochaine étape,
prendront en bonne considération non seulement votre mémoire,
mais aussi les arguments que vous avez si bien développés cet
avant-midi.
M. Bréard: Merci. M. Dauphin: Merci.
Le Président (M. Marcil): On vous remercie beaucoup
également d'avoir accepté ce dérangement, ce
décalage d'horaire de ce soir à ce matin. Nous allons maintenant
entendre le Club automobile du Québec. Les représentants du Club
automobile du Québec, si vous voulez prendre place à l'avant,
s'il vous plaît.
Nous souhaitons la bienvenue aux représentants du Club automobile
du Québec. M. Jean-
Claude Dufresne, vice-président, je vais vous laisser le soin de
présenter les personnes qui vous accompagnent. Je vous informe
également - vous connaissez un peu les règles du jeu - qu'une
vingtaine de minutes vous sont allouées pour faire la lecture de votre
mémoire qui a déjà été lu et examiné
par les membres de cette commission. (11 heures)
M. Dufresne, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous
accompagnent et procéder immédiatement à la
présentation de votre mémoire.
Club automobile du Québec
M. Dufresne (Jean-Claude): M. le Président, à ma
gauche, M. Pierre Galipeault, vice-président du club et du conseil; M.
Robert Darbelnet, directeur général du club. À ma droite,
M. Claude Martin, directeur adjoint du Service de protection du consommateur,
et, toujours à ma droite, Mme Paula Landry, directrice du Service de
protection du consommateur. Je suis Jean-Claude Dufresne, vice-président
exécutif. Je demanderais à Mme Paula Landry de vous faire lecture
des quelques notes que nous avons ici.
Le Président (M. Marcil): Cela va.
Mme Landry (Paula): M. le Président, le CAA-Québec
est un organisme sans but lucratif qui regroupe maintenant plus de 450 000
membres au Québec. Nous oeuvrons activement à la défense
et aux intérêts des consommateurs automobilistes, et ce, depuis
déjà 1904. En 1974, un Service de protection du consommateur a
été mis sur pied pour s'occuper plus particulièrement des
problèmes qui peuvent affecter les consommateurs automobilistes.
Près de 60 000 membres ont fait appel à notre service en
1987 seulement pour s'informer de questions relatives à l'achat,
à la vente, à la location d'automobiles, à l'entretien et
aux législations qui concernent l'automobile. Le CAA-Québec peut
donc, certes, bien représenter les automobilistes dans tout ce qui les
affecte jour après jour.
C'est dans ce sens que nous désirons aujourd'hui porter à
votre attention deux points majeurs qui nous préoccupent et qui ne se
trouvent en aucune façon encadrés par le projet actuel de
réforme du Code civil.
D'abord, il y a la location à long terme d'automobile. En fait,
le CAA-Québec est d'avis que la location à long terme est un
phénomène qui s'étend de plus en plus. En effet, si on se
fie aux dernières statistiques de la Régie de l'assurance
automobile du Québec, il y avait, en 1985, moins de 5000
véhicules loués à long terme qui parcouraient les routes
du Québec et, en 1987, on en a déjà près de 25
000.
Dans la plupart des contrats, des clauses abusives, à notre avis,
permettent aux locateurs de se donner tous les droits et de rejeter sur les
consommateurs toutes les obligations. Le projet de réforme du Code civil
du Québec, dans sa présente version, ne vient encadrer d'aucune
façon la location d'automobile à long terme. Quant à
l'actuelle Loi sur la protection du consommateur, même si l'essentiel de
ses articles se voient intégrés au nouveau Code civil, elle ne
répond pas aux problèmes posés par les contrats de
location d'automobile à long terme et ses règlements n'en font
aucun état.
En somme, comme recommandation, nous proposons d'inclure dans le projet
de réforme du Code civil des dispositions qui vont préciser les
droits et les obligations des parties dans le domaine de la location automobile
à long terme.
Nous croyons que les contrats devront être
réglementés de façon à définir, d'abord, la
notion d'usure normale, de façon à réduire les
pénalités pour bris de contrat, à préciser les
frais de crédit inclus dans les mensualités, à inclure une
clause de déchéance du bénéfice du terme et
à spécifier si la valeur résiduelle est garantie ou non
garantie par la compagnie de location.
Ensuite, un deuxième point que nous désirons porter
à votre attention, c'est au sujet du lien de finance à l'achat
d'une automobile usagée. Le CAA-Québec croit qu'à l'instar
de certaines provinces canadiennes il devrait être possible à tout
acheteur d'une automobile usagée de modèle récent de
vérifier si le bien acheté est grevé d'un lien qui
retiendrait une institution financière sur celui-ci.
Au Québec, il est très difficile d'obtenir la preuve
qu'une automobile est libre de tout lien de finance, forçant certains
consommateurs mal informés à parfois payer en double, au vendeur
et à l'institution financière, le prix d'une automobile.
Le CAA-Québec recommande donc que le projet de réforme du
Code civil prévoie que tout achat d'automobile dont le financement
comporte un lien sur le bien par l'institution financière soit
rapporté à la Régie de l'assurance automobile lors de
l'immatriculation. Un mécanisme devrait permettre de vérifier
auprès de la Régie de l'assurance automobile du Québec si
un tel lien de finance existe lors de l'achat d'une automobile.
Voilà, en gros, les deux points que nous désirions porter
à votre attention, et nous sommes à votre entière
disposition pour la période de questions.
Le Président (M. Marcil): Je vous remercie beaucoup. Nous
allons procéder immédiatement. Je vais reconnaître M. le
député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la
Justice.
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais,
premièrement, souhaiter la bienvenue aux représentants du Club
automobile du Québec et les remercier non seulement d'avoir
préparé un mémoire, mais d'être venus en
délégation aussi importante. Vos points sont quand
même très précis. Je peux vous dire tout de suite que les
deux points que vous avez soulevés méritent une attention
importante, d'autant plus que plusieurs organismes comme le vôtre,
voués à la défense et aux intérêts des
consommateurs et des automobilistes, nous ont fait valoir des points de vue
semblables. Je peux vous dire tout de suite que le ministère de la
Justice est très attentif. D'ailleurs, cela a fait l'objet de travaux
avec l'Office de la protection du consommateur. Quant aux questions que j'ai
à vous poser là-dessus, la première est celle-ci. Vous
nous fartes des observations relativement à l'acquéreur d'une
automobile usagée alors qu'il peut exister effectivement des droits ou
des sûretés cachés qui affectent cette automobile au profit
d'une institution financière. J'aimerais que vous précisiez
davantage la nature précise de ces liens que détiennent ces
institutions et auxquels vous faites allusion dans votre mémoire, des
liens qui peuvent exister sur l'automobile.
Mme Landry: Par exemple, si vous achetez un véhicule et
que vous faites affaire avec un concessionnaire qui a une entente
spéciale avec une banque, ou si c'est GMAC ou Ford crédit qui
vous consent le financement sur le véhicule, finalement, c'est un
contrat de vente à tempérament, c'est-à-dire que vous
n'êtes pas propriétaire du véhicule que vous achetez. C'est
l'institution financière qui en demeure propriétaire
jusqu'à ce que vous ayez terminé complètement de faire vos
paiements. Si, à un moment donné, pour une raison ou pour une
autre, vous êtes dans l'impossibilité d'effectuer vos paiements ou
cessez de les effectuer, à ce moment-là l'institution
financière va venir saisir le véhicule. Elle a le droit de le
faire, le véhicule lui appartient encore. C'est déjà
arrivé chez nous. Ce sont des cas qui nous ont été
présentés par des consommateurs. Un particulier qui achète
un véhicule d'un particulier, ce véhicule-là n'appartient
pas au particulier-vendeur, ce véhicule appartient à une
institution financière. Le consommateur, en toute bonne foi, remet une
somme d'argent au vendeur et repart avec le véhicule. Sauf que, si ce
vendeur-là cesse de respecter son obligation, par exemple, ne remet pas
l'argent qu'il doit encore à l'institution financière et
disparaît, ce qui se passe, c'est que l'institution financière va
très bien reprendre le suivi de l'affaire et retrouver le
véhicule; elle va pouvoir le reprendre purement et simplement. Alors, le
consommateur qui, de toute bonne foi, voulait acheter un véhicule de
seconde main n'a plus d'argent et n'a plus de voiture non plus.
On nous demande souvent où on pourrait obtenir l'information pour
être bien sûr que le véhicule qui nous intéresse n'a
absolument aucun lien financier, et on ne peut pas indiquer de façon
certaine une façon pour permettre au consommateur de bien
vérifier ce fait. Il n'y en a pas. C'est sûr que si, par exemple,
vous achetez un véhicule neuf et que vous le faites financer par un
prêt personnel d'une institution bancaire, l'institution bancaire n'a pas
de lien à ce moment-là avec un prêt personnel. Donc, ce qui
assure votre prêt ce sont les biens que vous possédez qui sont
là en garantie. À ce moment-là, il n'y a pas de
problème. Mais il y a quand même des contrats où les
institutions financières détiennent un lien sur le
véhicule. Et nous, on ne peut pas dire à nos 450 000 membres, de
façon certaine: Voici une procédure qui a été mise
au point ou: Voici un endroit où vous pouvez vérifier ce
fait-là et être sûrs que vous n'aurez pas de
problème. La question nous est très souvent posée et il
n'y a rien qui existe au Québe encore.
M. Dauphin: Si vous me le permettez, M. le Président, en
matière de réforme du Code civil sur les sûretés
réelles et la publication des droits - d'ailleurs, on a eu l'occasion
l'an dernier d'avoir des consultations sur la réforme du Code civil en
matière de sûretés - nous apportons une notion nouvelle,
c'est-à-dire que nous apportons la possibilité de
l'hypothèque mobilière, ce qui n'existe pas actuellement. Avec
l'hypothèque mobilière, c'est-à-dire pour acheter une
voiture, l'institution financière pourrait prendre une hypothèque
et, obligatoirement, il y aura un registre des droits personnels et mobiliers.
À ce moment-là, il sera probablement plus facile de
vérifier auprès dudit registre si, effectivement, il y a un lien
sur le bien meuble en question, en l'occurrence une automobile. C'est
prévu dans la réforme en matière de sûretés
réelles. Disons qu'en pratique ce ne sera pas toujours une
hypothèque mais, quand même, dans bien des cas cela va pouvoir
régler cet aspect. Est-ce que vous avez une réaction face
à ce qui s'en vient en matière de sûretés sur le
plan de la réforme du Code civil?
Mme Landry: Je vous avoue que je n'ai pas nécessairement
les connaissances pour avoir étudié la question comme telle. En
fait, nous, au fond, tout ce qu'on désirerait avoir, c'est... Je prends
l'exemple de l'Ontario où les gens - il y a même un coût
rattaché à cela, finalement - peuvent en tout temps soit
téléphoner, soit écrire à un organisme où
tout est informatisé, en fait, toute l'information est
déjà là. De façon certaine, en un coup de
téléphone, on va avoir l'information. Au sujet de
l'hypothèque mobilière, si cela fait en sorte que, dans tous les
cas où il y aurait un lien rattaché à l'automobile, cela
nous assure que tous les consommateurs pourront vérifier si tous les
véhicules qui les intéressent ont ou n'ont pas un lien, à
ce moment-là, oui, cela pourrait être satisfaisant. Il faudrait
que cela rencontre tous les cas.
M. Dauphin: Cela s'appliquerait aussi aux autres biens mobiliers
avec réserve de propriété, ou aux ventes à
tempérament. Pour le moment,
je vais laisser la parole au député de Taillon.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député de Marquette. Je vais reconnaître maintenant le
député de Taillon.
M. Filion: Mes félicitations également aux gens du
Club automobile du Québec - qui compte plusieurs membres de ce
côté-ci de la table - d'avoir pris la peine de décortiquer
l'avant-projet de loi et d'y retenir les éléments qu'ils mettent
de l'avant ce matin. D'abord, en ce qui concerne votre suggestion d'un
enregistrement des liens auprès de la Régie de l'assurance
automobile du Québec, je trouve que cela a tellement de bon sens que je
croyais que cela existait déjà. Mais, comme vous le dites, cela
n'existe pas. Nulle part au Québec on n'a le pedigree d'une voiture pour
savoir si des sommes sont dues, si elle est financée. Ou même,
pourquoi ne pas imaginer que, si une automobile était volée, par
exemple, la police pourrait communiquer avec la Régie de l'assurance
automobile et indiquer que telle voiture a fait l'objet d'un vol? Je suis
convaincu qu'avec les ordinateurs de la régie elle serait...
Déjà, la plupart des transactions sont enregistrées
à la régie: un changement de propriétaire, etc. Ce serait
un jeu d'enfant de créer une espèce de centre d'enregistrement
des liens, des charges qui existent sur les voitures. Est-ce que cela existe
ailleurs?
Mme Landry: En Ontario.
M. Filion: C'est ce que j'allais dire. Cela existe en
Ontario.
Mme Landry: Oui.
M. Filion: Et peut-être dans d'autres provinces
également.
Mme Landry: On a l'exemple de l'Ontario, qui est quand même
tout près. Cela fonctionne quand même depuis plusieurs
années.
M. Filion: Est-ce que vous avez déjà soumis cette
recommandation au ministère des Transports?
Mme Landry: Comme telle, non.
M. Filion: Non. C'est fait. C'est maintenant dans la machine
à saucisse. Je suis convaincu que les rédacteurs du prochain
projet de loi, s'ils jugent que cela doit être fait ailleurs que dans le
Code civil, vont s'empresser d'acheminer cette excellente suggestion au
ministère des Transports. Cela vaut la peine d'être
évalué, quand on considère le nombre de problèmes
qui existent avec l'achat de voitures qui ont déjà des charges
sur elles, etc.
Deuxièmement, vous soulignez également tout le
problème de la location d'automobile à long terme. D'abord, vous
soulignez à juste titre que c'est extrêmement populaire. Au prix
où sont les voitures - c'est finalement de la tôle avec un moteur
dedans, mais maudit que cela coûte de plus en plus cher! - j'ai
l'impression que la location d'automobile à long terme est un
marché en pleine progression. Ce que vous nous dites essentiellement,
c'est qu'il y a des protections élémentaires qu'on ne retrouve
pas. Il y a des pénalités pour bris de contrat qui peuvent
être absolument assommantes, des frais de crédit, la notion
d'usure normale, la clause d'échéance de terme, l'indication
quant à savoir si la valeur résiduelle est garantie ou non. Cela
m'apparaît être une recommandation tout à fait valable.
Comme législateur, il faut se pencher sur cet aspect. Vous ne traitez
pas du crédit-bail, qui est pourtant contenu dans le Code civil. Est-ce
que vous ne croyez pas que ces suggestions devraient également
s'appliquer au crédit-bail des voitures?
Mme Landry: Nous nous sommes surtout attardés, tout
simplement, à la location d'automobile à long terme, partant des
plaintes qu'on reçoit, des problèmes qu'on peut vivre, des
démarches qu'on a déjà tenté de faire et qu'on fait
encore auprès de certaines compagnies de location, que nous faisons,
nous au Club automobile. Mais nous savons très bien qu'il y a aussi
beaucoup d'autres associations. On se partage un peu tout cela. C'est surtout
sur ce sujet qu'on s'est arrêtés. On n'a rien
présenté sur le crédit-bail. Avec l'assurance que la
location d'automobile à long terme serait réglementée, on
pense que la majorité des problèmes que peuvent vivre les
consommateurs seraient réglés par le fait même. (11 h
15)
M. Filion: D'aucune façon les règles qui touchent
le contrat de vente de véhicules d'occasion qui sont contenues dans le
Code civil ne pourraient ou ne peuvent s'appliquer à la location
à long terme; c'est bien ça?
Mme Landry: Oui.
M. Filion: Maintenant, vous ne dites mot des dispositions
concernant les véhicules d'occasion. Est-ce que cela veut dire que le
Club automobile du Québec se considère satisfait des dispositions
de l'avant-projet de loi?
M. Martin (Claude): Oui, après étude de
l'avant-projet de loi, le Club automobile du Québec se considère
satisfait des articles qui traitent du contrat de la partie que vous venez de
souligner. Maintenant, il faut préciser que, pour ce qui est de la
question de crédit-bail, il y a d'autres associations qui vont
présenter leur opinion là-dessus. C'est sûr que chaque
association peut faire un cheval de bataille de différents
thèmes. Nous, on a plus retenu les contrats de location. Nous avons
été en contact
fréquent avec le contentieux de l'office, pour soumettre toute la
question des contrats de location. On considère qu'à l'heure
actuelle c'est peut-être le point majeur. On n'a pas vu autre chose qui
pourrait pénaliser les consommateurs dans le code.
Au contraire, il y a beaucoup de choses qui sont à l'avantage...
D'ailleurs, beaucoup d'articles de la Loi sur la protection du consommateur
sont reproduits presque intégralement dans l'avant-projet de loi du Code
civil. En ce qui nous concerne, cela fonctionne très bien à
l'heure actuelle.
M. Filion: D'accord.
M. Martin: Évidemment, c'est à l'avantage des
consommateurs automobilistes. Nous représentons les consommateurs
automobilistes, donc, nous sommes en parfait accord avec le texte.
M. Filion: Si vos études, ou quoi que ce soit, vous
amenaient à des réflexions additionnelles sur l'avant-projet de
loi, je suis convaincu, au nom de la commission, que je peux vous inviter
à nous faire parvenir ces commentaires, s'il y a lieu, d'ici le 1er ou
le 31 décembre. C'est ce qu'on avait fixé comme date, M. le
député de Marquette, hier? On avait invité un groupe
à nous faire parvenir ses commentaires avant le...
M. Dauphin: Le plus tôt possible.
M. Filion: Le plus tôt possible, en tout cas d'ici 1989 au
plus tard, pour que l'équipe qui travaille à la rédaction
du projet de loi puisse bénéficier de réflexions
additionnelles si, le cas échéant, vous en aviez, parce qu'il ne
faut pas se leurrer, à peu près tout le monde est pris avec une
voiture un jour dans sa vie. C'est devenu un emmerdement très normal
dans notre société et je pense qu'il y a eu beaucoup de
progrès de fait depuis vingt ans au Québec quant à la
protection de celui et de celle qui achètent une voiture. Il y a eu du
progrès par rapport à ce qui se faisait à
l'époque.
Comme vous le dites, on se retrouve devant une satisfaction et les
consommateurs ont toujours été assez virulents dans ce secteur.
Le Club automobile du Québec a été vigilant, mais il faut
continuer à l'être. La location à long terme, c'est pour
dire à quel point les commerçants ne manquent pas d'imagination
pour en arriver à pénétrer davantage le marché.
J'invite donc notre club automobile à ne pas hésiter
à nous faire parvenir des commentaires additionnels, s'il y a lieu. Avec
votre permission, M. le Président, un de nos conseillers juridiques, Me
Pierre Gariépy, aimerait vous poser une question.
M. Gariépy (Pierre): C'est seulement une interrogation.
Dans la Loi sur la protection du consommateur actuelle, on traite, à
l'article 150, des autres contrats assortis d'un crédit. La disposition
qui se retrouve dans l'avant-projet de loi est le numéro 2825. Je n'ai
pas vu de précédent. Parmi les autres contrats assortis de
crédit, on dit: "Tels que la vente à tempérament." Est-ce
que vous avez étudié la possibilité que la location de
voiture à long terme puisse être un tel contrat assorti d'un
crédit?
M. Martin: Nous avons discuté du sujet assez
fréquemment avec les avocats du contentieux de l'office et il ne semble
pas qu'il y ait de connotation avec ce que vous venez de mentionner. C'est
l'opinion que nous avons obtenue, pour le moment. À moins qu'il n'y ait
eu des découvertes au dernier instant, mais nous n'en voyions pas.
Est-ce qu'à votre avis il pourrait y avoir...
M. Gariépy: II y a certaines similarités. Si on
regarde le contrat de crédit, malgré qu'on le coiffe du nom de
louage, il pourrait y avoir certaines similarités importantes, et je me
demandais si on avait réussi à placer certains contrats dans la
section des autres contrats assortis d'un crédit.
M. Martin: II ne semble pas, parce qu'à l'heure actuelle
toute la question des contrats de location ou les questions qui sont
soulevées dans les contrats de location, l'office ne pouvait y
répondre à partir de la Loi sur la protection du consommateur, et
j'imagine que ces gens ont épluché pas mal la loi avant de se
prononcer là-dessus. C'est un peu pour cela qu'on vient inciter les gens
de cette commission à inclure les sujets qu'on a mentionnés,
c'est qu'auparavant on n'obtenait pas de réponse de la Loi sur la
protection du consommateur.
Le Président (M. Marcil): Cela va? M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'ai deux questions.
La première: Quelle est la durée, normalement, avec
l'expérience que vous avez dans le milieu, en la matière, d'un
contrat de la sorte, de location d'une voiture à long terme?
Mme Landry: D'automobile à long terme? Cela peut varier de
38 à 48 mois, trois ou quatre ans à peu près. Il y en a
qui vont jusqu'à cinq ans, il y en a de deux ans, d'un an, en fait, il y
en a de toutes les variétés, mais, en principe, ceux que nous
voyons, que les gens nous rapportent, c'est surtout trois ou quatre ans.
M. Dauphin: Trois ou quatre ans.
Mme Landry: Oui. Donc, si on remarque que c'est surtout en 1986
et 1987 qu'on voit de plus en plus d'utilisateurs de ce produit,
c'est-à-dire de gens qui louent des automobiles à long terme, ce
ne sont pas des gens qui sont encore rendus
au bout de leur contrat. Donc, peut-être qu'à ce
moment-là, je ne sais pas, dès l'an prochain ou d'ici deux ans,
les plaintes vont rentrer, à savoir qu'il y a souvent des
problèmes qui se produisent lors de la terminaison du contrat,
finalement. Par conséquent, nous nous attendons à en entendre de
plus en plus parler.
M. Dauphin: C'est de plus en plus fréquent. Et le genre de
clientèle, quel est le type de clientèle, normalement? Une
clientèle d'affaires?
Mme Landry: Je dirais que c'est un petit peu toutes les
clientèles. Je pense qu'au début on visait surtout une
clientèle d'affaires, maintenant, comme le prix des voitures neuves,
comme vous le savez sûrement, a terriblement augmenté au cours des
dernières années... Je pense qu'on a fait aussi beaucoup de
publicité pour la location à long terme et que cela devenait un
produit très attirant, dans le sens que des personnes qui avaient
à choisir, par exemple, entre une maison ou d'autres biens et une
voiture et qui ne pouvaient pas se permettre les versements mensuels qu'on leur
demandait pour en être propriétaires immédiatement, cela
devenait très intéressant pour elles de se tourner du
côté de la location à long terme, parce qu'on est beaucoup
attiré, de prime abord, par des versements mensuels qui sont bas et
qu'on nous fait miroiter sans nous dire spécifiquement tout ce à
quoi on doit s'attendre et ce à quoi on s'engage dans ces contrats.
Donc, avec une bonne publicité intensive comme il y a eu depuis quelques
années, je pense qu'immédiatement on a convaincu beaucoup de gens
de s'en aller de ce côté et ce ne sont pas des gens qui ont
nécessairement besoin de se déplacer avec leur véhicule,
mais simplement M. Tout-le-Monde qui, au lieu d'acheter sa voiture comme il l'a
toujours fait, a décidé de la louer à long terme.
M. Dauphin: C'est quand même de plus en plus
fréquent et je suis persuadé que mon collègue de Taillon
va être d'accord avec moi. Je rencontre souvent des personnes, à
mon bureau ou ailleurs, et maintenant il n'y a plus de "Z" sur la plaque
d'immatriculation...
Mme Landry: ...c'est cela.
M. Dauphin: ...alors, c'est moins gênant de louer une
voiture.
Mme Landry: C'est incognito.
M. Dauphin: II n'y a plus de "Z" sur la plaque. Alors, les gens
louent plus de voitures qu'auparavant. Ils ont l'impression d'être
propriétaires immédiatement parce qu'il n'y a plus de "Z" sur la
plaque. L'autre question: Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de
consulter l'article 1484 de l'avant-projet de loi qui traite justement des
clauses abusives, parce que vous y faites référence dans votre
mémoire, aux clauses abusives, et j'aimerais savoir, de votre part, si
vous trouvez l'article 1484 satisfaisant dans les circonstances. Parce qu'il
règle, selon moi, les clauses abusives; cela s'applique à tous
les contrats, l'article 1484, la deuxième partie.
Mme Landry: En principe, il est sûr qu'on parle de clauses
abusives, cela peut y répondre en un certain sens. Mais il est sûr
que si, dans le contrat même, il y a déjà des choses qui
sont plus claires au point de départ, peut-être que les
consommateurs, rendus à la fin, soit lors de la remise de leur
véhicule ou lors du rachat de leur véhicule... Il y a
peut-être des choses auxquelles ils n'auront pas à faire face qui
fassent en sorte qu'ils doivent utiliser un article du Code civil, en cour,
pour se défendre de cela. S'il y avait tout simplement un contrat type
qui était fait et qui était distribué à tous ceux
qui le font et si ce contrat comprenait déjà des clauses
très claires qui ne permettent pas au locateur de faire telle chose, qui
lui interdisent de faire telle chose, ou qui fassent en sorte que le
consommateur sache immédiatement ce à quoi il s'engage, je ne
pense pas qu'on devrait, finalement, aller jusqu'à utiliser une clause
du Code civil pour se défendre, si jamais il y avait un problème.
Si c'était fait dans le contrat tout simplement, ce serait tellement
plus clair.
M. Dauphin: Ce serait d'inclure cela dans la protection du
consommateur.
Mme Landry: Que ce soit clair au point de départ et lu par
les deux parties: on sait ce qu'on peut faire et ce qu'on ne peut pas faire. Je
pense qu'on n'aurait pas besoin d'aller jusqu'à utiliser cela par la
suite.
M. Dauphin: Les autres points méritent aussi une
étude sérieuse. Vous parlez de préciser les frais de
crédit, de spécifier si la valeur résiduelle est garantie
ou non garantie par la compagnie. Ce sont des points très importants qui
attirent notre attention.
J'aimerais, moi aussi, vous remercier d'être venus participer
à nos travaux. Vous représentez quand même un groupe de
consommateurs très important. Je peux vous dire que vos points sont
très clairs et qu'ils seront étudiés très
attentivement.
Mme Landry: Je vous remercie.
M. Filion: Ceci m'amène à vous poser, avec la
permission de mon collègue, une ou deux questions additionnelles. Quel
est le problème majeur auquel vos membres ont à faire face
à l'expiration de leur contrat? Est-ce que c'est le fait... Quel aspect,
concrètement? Supposons un contrat de 36 mois: le locataire en a fait
usage... Quel est le problème majeur, la surprise, la brique qui lui
tombe sur la tête et qu'il n'avait
pas vu venir? Parce que - et vous me corrigerez là-dessus -
durant le contrat, la plus grosse brique qui peut lui tomber sur la tête,
c'est s'il ne peut pas payer. Là, il se rend compte qu'il y a une clause
pénale qui, dans certains cas... Si vous aviez des exemples à
nous donner là-dessus, ce serait peut-être intéressant.
Quels sont les dangers - il y a des désavantages, c'est évident -
selon votre expérience, de la location à long terme ou les
inconvénients majeurs auxquels vos membres ont eu à faire
face?
Mme Landry: À cela, je vous dirai qu'il y a des cas, par
exemple, qu'on a déjà eus à notre département
où ce sont des personnes qui, à la fin de leur contrat de 36 mois
remettent le véhicule. C'est un contrat dont la valeur résiduelle
était garantie, c'est-à-dire qu'on n'est pas obligé
d'acheter le véhicule; on laisse le véhicule. Le véhicule
vaut tant, ça, c'était entendu d'avance, sauf qu'en cas de valeur
résiduelle garantie on va tenir le consommateur responsable de
l'état du véhicule, de l'état dans lequel il remet son
véhicule. C'est là, finalement, que les débats commencent.
Le consommateur, lui, assume qu'il y a peut-être des petites choses
à faire, mais peut-être pas tant que cela alors que le locateur
monte peut-être une facture qui, dans certains cas, peut s'élever
à des centaines ou à des milliers de dollars. Il ne permet
absolument pas au consommateur de contester cette facture, par exemple, par la
médiation d'un garagiste sur lequel les deux s'entendraient, il n'y a
tout simplement pas moyen de contester et on reçoit une facture de,
peut-être, 1000 $, 2000 $ ou 3000 $ au terme de notre contrat, alors
qu'on pensait que tout était clair et terminé. Et, si on ne paie
pas cela, en fait, la compagnie de location nous poursuit. Alors, on n'a
même pas le choix. On essaie quelquefois d'intervenir, mais ce n'est pas
si clair que cela qu'on peut le faire. Il devrait y avoir au moins un
mécanisme pour faire en sorte que, si on ne s'entend pas sur une
facturation, on laisse au moins le choix aux consommateurs de pouvoir soumettre
cela à la médiation de quelqu'un finalement. (11 h 30)
Aussi, à l'égard des frais, on dit qu'on nous facture de
l'usure qui est anormale, mais c'est tellement galvaudé, ces expressions
d'usure anormale ou d'usure normale. Par exemple, on pourrait peut-être
trouver tout à fait normales des choses que le locateur, lui, va trouver
anormales et il va facturer comme bon lui semble. Je ne dirais pas que ce sont
nécessairement tous les locateurs, il y en a peut-être qui sont
justes avec cela et qui vont aller voir à plusieurs sources
d'information pour être sûrs que leur estimation est bien faite,
mais il y en a d'autres pour qui cela pourra facilement dépasser ce que
nous estimons être normal. Il y a ce problème avec lequel on est
aux prises quand on remet le véhicule.
Si on a un contrat où la valeur résiduelle n'est pas
garantie, cela veut dire qu'à la conclusion du contrat quand, par
exemple, vous remettez le véhicule, vous avez le choix de le racheter ou
de ne pas le racheter. Supposons que vous ne le rachetiez pas à ce
moment. Il y avait déjà une valeur résiduelle qui avait
été fixée par la compagnie au moment de la conclusion du
contrat. Par exemple, on se disait: Votre véhicule dans trois ans va
valoir 4000 $. Si vous voulez le racheter à ce moment, vous devrez payer
4000 $. Mais, comme votre valeur résiduelle n'est pas garantie, à
la fin des trois années il se peut que votre véhicule sur le
marché ne vaille plus que 2000 $. Cela peut1 être pour
toutes sortes de raisons: peut-être l'avez-vous tellement mal entretenu
qu'il a une apparence qui est loin d'être impeccable. Alors, ce sera
votre faute, vous aurez enlevé de la valeur à ce véhicule.
Peut-être que c'est un véhicule qui n'aura pas fait des prouesses
en ce qui a trait à la fiabilité et les consommateurs n'en
voudront plus.
Donc, vous savez que cela ne prend pas grand-chose pour que la valeur
d'échange chute énormément. C'est peut-être un
véhicule qui ne sera plus fabriqué par le manufacturier; alors,
à ce moment, on en donne moins. Donc, au lieu de 4000 $, c'est
peut-être 2000 $ ou 2500 $ qu'on vous donnera. Ce que le locateur va
faire: il va revendre le véhicule sur le marché. S'il ne peut pas
obtenir 4000 $ vous devrez remettre la différence tout simplement.
Aussi, on a eu à faire face à des factures un peu surprises en ce
sens que leur valeur résiduelle n'était pas garantie. C'est
sûr que le consommateur qui ne fait pas attention à la
façon d'entretenir son véhicule va se pénaliser tout seul
rendu là. C'est sûr que, si le consommateur veut
bénéficier du fait qu'il peut racheter le véhicule, il
peut le racheter, mais il va falloir qu'il paie 4000 $ alors que sur le
marché le lendemain matin on le vendrait peut-être juste à
2000 $. Ce principe peut être assez juste. Si on se dit qu'on se
pénalise soi-même en n'entretenant pas nos véhicules, et
cela marche comme cela avec tous les véhicules de location à long
terme, c'est évident... Sauf que ce n'est tellement pas clair en ce qui
a trait au contrat: à quoi s'engage-ton, cette valeur résiduelle
est-elle garantie ou ne l'est-elle pas? Ce n'est pas tout le monde, ce ne sont
pas toutes les compagnies qui vont à l'avance en prévenir les
consommateurs. Il suffirait qu'il y ait une mention et qu'on l'inscrive.
C'est sûr que les consommateurs doivent s'aider un peu
eux-mêmes. Il faut qu'ils posent des questions. Il faut qu'on leur
explique, mais il faut qu'ils le lisent aussi et on passe notre temps à
inciter les gens à lire les contrats. Si au moins c'était
indiqué on saurait un peu plus à quoi on s'engage. C'est
sûr que, dans la façon dont les locateurs vont revendre les
véhicules, on va peut-être revendre au prix du gros et on
n'obtient peut-être pas le meilleur prix qu'on pourrait obtenir non
plus.
L'autre problème que vous avez souligné et qui peut se
produire en cours de route c'est, par exemple, celui de bris de contrat. Des
bris de contrat peuvent se faire parce qu'il nous arrive un pépin et on
ne peut plus faire face à nos versements, on ne peut plus payer. Donc,
on voudrait bien remettre le véhicule. Cela peut aussi être parce
que des gens ont changé d'emploi et au nouvel emploi on leur offre un
véhicule. Ils n'ont pas besoin de deux véhicules, donc, leur
employeur dit: Tu vas remettre ton véhicule de location. Cela peut
être aussi à la suite d'un vol entier du véhicule. On n'a
plus de voiture, donc, en principe il n'y a plus de contrat. C'est un bris de
contrat surtout si le véhicule n'est jamais retrouvé. Cela peut
être à la suite d'un accident qui entraîne la perte totale
de votre véhicule. Donc, vous n'en avez plus non plus.
Ce qui arrive très souvent, si je prends l'exemple du vol entier
du véhicule ou de la perte totale à la suite d'un accident, votre
assureur va vous indemniser pour la perte que vous avez eue. On va tenir compte
du fait que vous aviez peut-être un contrat de location de trois ans.
Cela fait un an que vous avez votre voiture, vous avez une voiture
dépréciée d'un an. Sur le marché votre voiture a
peut-être perdu 30 % de sa valeur. Votre assureur fait un chèque
que vous n'encaissez pas, c'est un chèque conjoint qui est fait avec la
compagnie de location, donc vous ne voyez pas cet argent. La compagnie de
location, bien sûr, empoche le chèque vu qu'elle n'a plus de
voiture, mais, souvent, on fera comme si c'était un bris de contrat. La
compagnie de location va fixer une nouvelle valeur résiduelle. Autrement
dit, elle va faire comme si vous aviez signé un contrat d'un an et non
pas de trois ans et va mettre sur papier une nouvelle valeur
résiduelle.
Sur cette façon de mettre sur papier la nouvelle valeur
résiduelle, il y a des calculs qu'on ne veut pas nous dire, c'est secret
un peu, il n'y a rien qui est régi dans cela. Ce ne sont pas des
façons de faire qui sont étendues de façon uniforme
à tout le monde. C'est très différent d'un locateur
à l'autre. Très souvent, il y aura une marge entre la nouvelle
valeur résiduelle que le locateur fixera et la valeur de revente du
véhicule qu'on va faire payer au consommateur. Donc, vous aurez un
certain montant à payer. Par contre, cela peut être normal. C'est
sûr que le locateur fixe 36 mensualités égales, alors qu'on
sait très bien que cela coûte plus cher la première
année, un peu moins cher la deuxième et un peu moins cher la
troisième. N'ayant pas prévu cela au point de départ,
c'est sûr que vous n'avez pas payé assez en termes de
mensualités. Il y a sûrement une façon de déterminer
cela qui serait claire, prévue à l'avance et qu'adopteraient tous
les locateurs unilatéralement. Il y a sûrement une façon de
le faire, sauf qu'on en profite peut-être pour monter les factures dont
les différences s'élèvent à des milliers de
dollars. On en a des exemples, même des exemples qu'une autre association
de consommateurs avait déjà amenés en conférence de
presse, des cas vécus comme celui d'un consommateur qui avait voulu
briser son contrat après trois mois parce qu'il changeait d'emploi et
qui s'était finalement vu devoir payer 8000 $: 3000 $ comptant, plus
deux ou trois versements, plus une pénalité de plus de 5000 $
pour un véhicule qui ne valait que 14 000 $, finalement. Ce ne sont
peut-être pas toutes les compagnies, on tient à le
préciser, mais il y a quand même place pour de l'abus dans cela.
Alors, avec un contrat clair cela ne se produirait peut-être pas.
Le Président (M. Marcil): Cela va.
M. Filion: C'est évident que le commerçant prend un
risque, il cherche du financement pour la voiture, mais, en même temps,
vous nous révélez un peu ce matin que du côté du
consommateur aussi il y a des coups durs dus à l'imprécision de
l'encadrement législatif ou réglementaire. En tout cas, de mon
côté je vous remercie de nous avoir fait part de ces
expériences vécues.
Le Président (M. Marcil): Nous vous remercions
énormément de votre présence à cette commission
parlementaire. Je vais suspendre pour quelques minutes. Nous allons suspendre
les travaux jusqu'à 16 heures.
(Suspension de la séance à 11 h 42)
(Reprise à 16 h 35)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous reprenons nos travaux. Comme premier groupe, nous allons entendre,
cet après-midi, l'Association pour la protection automobile,
représentée par M. George Iny, président. Si vous voulez,
monsieur, immédiatement après mon intervention, présenter
la personne qui vous accompagne. Nous vous informons que vous avez 20 minutes
pour l'exposé de votre mémoire vu que l'ensemble des
parlementaires ici présents l'a déjà examiné.
Ensuite, on pourra procéder à un échange de questions.
Association pour la protection automobile
M. Iny (George): Est-ce qu'on peut m'entendre?
Le Président (M. Marcil): Oui, il n'y a pas de
problème. Tout ce que vous dites est enregistré d'une
façon ou d'une autre.
M. Iny: Bonjour, messieurs dames. Je suis
George Iny, président de l'APA. À ma gauche,
Richard Silver, recherchiste de l'association et détenteur de
deux baccalauréats en droit. L'APA
est un organisme sans but lucratif fondé en 1969. Nous comptons
20 000 membres présentement qui sont, pour la plupart, des
consommateurs. Notre oeuvre a trois grands volets. Le premier volet, c'est
l'information au public, c'est-à-dire comment choisir les meilleurs
fruits sur le marché, tout en évitant les citrons. Le
deuxième volet, c'est le dépannage des consommateurs qui sont
pris avec des ennuis de voiture. Par dépannage, nous ne parlons pas de
remorquage, mais plutôt de l'analyse et de l'obtention de rapports
d'experts, de fouiller les bulletins techniques nécessaires pour que le
consommateur soit capable de revendiquer ses droits. D'ailleurs, nous
référons plus de 100 causes par année aux tribunaux, au
Québec et en Ontario, principalement à la Cour des petites
créances. Le troisième volet, c'est la poursuite des
intérêts du consommateur face, premièrement, à
l'industrie automobile et, deuxièmement, au législateur ou au
plan réglementaire. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que nous sommes
ici aujourd'hui.
Parmi les réalisations de l'APA au cours des années, on
peut compter, entre autres, le code fédéral anticorrosion. En
1978, cela a été adopté par l'industrie automobile.
À ce moment-là, cela prévoyait trois ans de garantie
contre la perforation des panneaux de voiture causée par la rouille. On
sait que chez certains fabricants cette garantie est maintenant rendue à
sept ans. Plus récemment, le dossier des vautours de la nuit, les
remorqueurs qui faisaient une rétention illégale des voitures
qu'ils étaient allés chercher, qui étaient
stationnées sur des terrains privés. On sait que récemment
on a vu une réglementation dans les grandes villes de la province sur ce
sujet. Il y a trois semaines, la province de l'Ontario a introduit ou a
commencé à appliquer sa nouvelle loi sur la réparation
automobile qui comprend, entre autres, le droit de demander une estimation
écrite, une garantie de trois mois sur les réparations et
l'affichage d'informations essentielles comme le taux de la main-d'oeuvre dans
les ateliers de service.
Pour l'APA, cette loi-là en Ontario est un peu un retour à
notre passé. Effectivement, il y a plus de dix ans, nous nous trouvions
ici pour demander une nouvelle charte des droits du consommateur et on a
été intimement impliqués dans la préparation de
certaines parties de cette charte qui est, effectivement, notre Loi sur la
protection du consommateur, loi qu'on propose maintenant d'intégrer dans
l'avant-projet du Code civil. On est très favorable à cette
inclusion.
On note aussi que, par opposition à certains autres organismes
qui pourraient classer le droit de la consommation comme un
événement éphémère ou en état
d'évolution, nous sommes de d'avis qu'il fait partie de notre contrat
social dans un âge où la consommation de produits technologiques
poussée est chose courante. On remarque, par ailleurs, qu'en 1866 le
code donnait une protection aux acheteurs d'animaux atteints de la tuberculose
ou qu'il contenait des dispositions spéciales qui touchaient aux nids
d'abeilles tenus par les fermiers. On se dit que de nos jours, le droit de la
consommation a au moins autant de valeur que ces éléments en
avaient dans le temps.
Parmi les changements encourageants, nous citons, par exemple, la
nouvelle définition d'un contrat d'adhésion, à l'article
1423, le fait que le consentement devrait être libre,
éclairé et réfléchi, que les clauses abusives dans
les contrats d'adhésion sont nulles. On propose aussi que l'acheteur ait
deux ans pour aviser le vendeur dans le cas d'un vice caché. Souvent,
l'expérience nous démontre que les produits sont si
compliqués que les acheteurs ont beaucoup de misère à
savoir s'ils sont en présence d'un vrai vice caché majeur et
sérieux à l'intérieur de six mois et, même plus,
quand le vendeur lui-même n'arrive pas à trouver le même
vice après plusieurs tentatives de réparation. Alors, pour nous,
cette augmentation du délai de prescription est un pas en avant
sérieux.
Maintenant, l'autre côté de la médaille, on a dit
qu'on se trouvait à un moment où, à l'égard de la
loi, on était en train de préparer le terrain pour les
années à venir. On a pensé à signaler aujourd'hui
les éléments dans le projet de réforme qui
mériteraient peut-être une mise à jour ou une mise au
point. On commence avec les contrats de location. La location à long
terme est un élément assez nouveau en matière de
consommation. Effectivement, ce n'est qu'avec la récession ou ce que
certains appellent la crise économique de 1981 à 1984 que les
vendeurs ont essayé de trouver un moyen plus facile pour que l'acheteur
ou le consommateur puisse prendre possession d'une voiture et en jouir. On a
trouvé le contrat de location, un contrat qui permettait d'avoir l'usage
d'un véhicule moyennant des paiements mensuels moindres, mais tout en
ayant une obligation totale qui est souvent plus élevée.
Par contre, on retrouve dans ces contrats de location certaines
pratiques que nous pensons malsaines. Par exemple, dans le cas où la
voiture louée est volée ou déclarée perte totale
après un accident, souvent le locataire est traité comme
n'importe quel débiteur récalcitrant, comme une personne qui ne
fait pas ses paiements. Alors, on lui impose, d'une part, des paiements par
anticipation. Cela veut dire qu'advenant que la voiture soit volée dans
la première année on pourrait lui imposer tous les paiements qui
restent dans le bail, en plus d'exiger une pénalité de trois
à six mois sur la location pour ce que l'on appellerait un bris
prématuré. Il faut se rappeler que ce n'est pas juste des gens
qui ont gagné à la loto qui veulent payer par anticipation leur
bail; ce sont souvent des gens qui veulent faire le paiement, mais qui n'y
arrivent pas et qui sont victimes d'un événement de force majeur
ou de cas fortuit qui fait que la voiture n'existe plus.
Autre situation. Dans les contrats de location, on trouve des
dispositions qu'on
appellerait draconiennes: on loue une voiture et on s'engage à ne
pas changer d'emploi, sinon on est en défaut vis-à-vis du
contrat; on loue une auto en s'engageant à ne pas prêter la
voiture à une personne ayant moins de 25 ans. Dans certains contrats, il
est défendu carrément de prêter la voiture à
d'autres personnes. On passe aux États-Unis plus de 30 jours et on est
en défaut vis-à-vis du contrat de location. Il y a même
certains contrats qui exigent qu'on fréquente un certain atelier pour
l'entretien et le service. On sait qu'en matière de garantie, pour la
vente, ce n'est pas permis, sauf si cet atelier est le seul qui peut assurer un
bon service; mais, en matière de location, on n'est pas
protégé de la même manière.
Nous nous sommes dit qu'il était temps qu'on introduise pour la
location les mêmes protections qui existent en matière de vente
à tempérament. Ces éléments ne sont pas nouveaux,
ils sont dans notre droit depuis 15 à 20 ans et des
éléments semblables existent presque partout en Amérique
du Nord, car dans les années cinquante aux États-Unis, dans les
années soixante-dix au Canada, on avait remarqué que le
financement des biens de consommation avait besoin d'être
réglé.
D'après nous, la location, qui est un phénomène
plus récent, n'est pas réglée de la même
façon. Nous sommes d'avis qu'on pourrait voir, par exemple,
l'introduction de l'équivalent du "Truth and Landing" américain,
des obligations claires et nettes, c'est-à-dire que les gens sauront
d'avance non seulement le montant du paiement mensuel, mais aussi la valeur
accordée à la voiture à la fin; sauront si cette valeur
est garantie par le locateur ou si le consommateur va subir le sort du
marché lorsqu'il va remettre la voiture. Il faut que le consommateur
sache d'avance aussi le taux d'intérêt, s'il y en a un qui est
calculé pour le bail, et qu'il n'y ait pas de pénalité,
à part peut-être les intérêts courus, pour mettre fin
à un bail.
Par ailleurs, une protection importante, qu'on trouve en matière
de financement; lorsqu'on achète un bien et qu'il est assujetti à
un financement, on a ce qu'on appelle la faculté de dédit,
c'est-à-dire qu'on a deux jours pour annuler le contrat si on a agi trop
vite. D'après nous, cette même protection devrait exister dans le
cas d'un bail. (16 h 45)
On s'est dit, en terminant sur la question de la location, que la
législation actuelle, qui traite des pratiques de commerce interdites,
n'était pas conçue pour, justement, toucher à la location.
En Ontario, on l'admet et on nous dit qu'on est en train de penser à une
nouvelle loi. À New York, on a fait un premier pas dans cette direction.
On a compris le locataire dans les personnes visées par la loi pour les
véhicules citrons dans l'État de New York. On prévoit
qu'à l'avenir, vu que le prix des voitures continue à augmenter
au rythme d'à peu près une fois et demie le taux d'inflation, les
gens vont vouloir acquérir l'usage du bien par des paiements
modérés ou modiques, ce qui veut dire que la location va
certainement avoir une influence qui va aller au-delà de son influence
actuelle - qui est à peu près à 9 % du marché - et
peut-être atteindre 20 % ou 25 % du marché, comme on le remarque
aux États-Unis.
D'après nous, c'est le moment propice pour penser à
introduire des dispositions pour mettre le locataire d'un véhicule
automobile sur le même pied d'égalité que l'acheteur d'un
véhicule muni d'un contrat de financement. Par ailleurs, souvent
l'expérience nous a démontré que l'industrie automobile
est l'avant-coureur d'autres secteurs en ce qui concerne la vente des produits
de consommation. C'est fort possible que, dans l'avenir, la location
d'appareils ménagers prenne de l'importance et qu'on ait le même
genre de situation qui se produise. Alors, c'est peut-être le moment d'y
voir.
Le droit de rétention. Les rédacteurs du Code civil, en
1866, savaient très bien que les personnes qui effectuaient des
réparations avaient droit à une certaine protection pour le
travail fourni. C'est, d'ailleurs, pour cette raison qu'on a permis à la
personne qui avait fait des améliorations ou des réparations de
retenir l'objet jusqu'à ce qu'elle soit payée pour son travail.
Un siècle plus tard, on s'est rendu compte que ce droit de
rétention, de garder le bien, pouvait entraîner des situations
inéquitables, c'est-à-dire que, dans certains cas, le droit de
retenir la chose était abusif, à tel point que, dans la Loi sur
la protection du consommateur actuelle, dans les années soixante-dix, on
a limité le droit de rétention. On s'est dit: C'est abusif. On
connaît les effets de ce qu'on appelle la surprise de cinq heures,
lorsqu'on revient pour prendre sa voiture et que la facture est très
élevée. Il y a le cas aussi de certains réparateurs qui ne
faisaient aucun travail et qui insistaient, presque comme un chantage, pour
qu'on fasse un paiement moyennant le retour de la voiture.
On a limité le droit de rétention. On a dit: On le permet,
mais seulement s'il y a eu une évaluation fournie au préalable au
consommateur et/ou que cette évaluation n'a pas été
dépassée. C'est logique, effectivement. Un consommateur, qui
aurait donné son accord pour que des travaux soient faits, ne devrait
pas en plus avoir la capacité de retirer cet accord et de reprendre la
voiture sans faire les paiements. Mais la pratique n'a pas
démontré que les choses ont changé. La plupart des
réparateurs qui faisaient de la rétention qu'on appellerait
exagérée par le passé continuent à le faire
aujourd'hui. La rétention est un droit possessoire. Ce n'est pas comme
un privilège ou un droit d'enregistrement opposé au tiers. C'est
un droit qui est très puissant et qui est difficilement
contrôlable par les tribunaux.
Alors, d'après nous, la pratique n'a pas
changé et que, même pire, on aurait remarqué que ce
ne sont pas seulement les réparateurs qui en font usage, mais aussi les
remorqueurs "gitanes", les gens qui sont une plaie sur les lieux d'un accident,
qui finissent par s'accaparer des voitures accidentées, parfois en
faisant signer une renonciation au propriétaire, parfois juste en la
prenant parce que le propriétaire est dans un état de choc. Le
lendemain, le propriétaire se rend sur le terrain du carrossier
où le véhicule est rendu. Il se voit imposer une facture de 50 $
pour le remorquage, de 40 $ pour le nettoyage de la chaussée -
généralement, on travaille de cinq à dix minutes - et de
100 $ pour l'évaluation et le démantelage partiel du
véhicule, soit une facture de 200 $ et quelque. Pour nous, ce droit de
rétention dont on abuse ainsi est un problème.
Alors, on s'est dit: L'avant-projet nous donne des outils qui sont un
peu plus sophistiqués, un peu plus évolués. Par exemple,
on donne le droit d'avoir une créance préférentielle. On
donne à la personne le droit de s'accaparer du bien ou de faire vendre
le bien et d'avoir le produit de cette vente, d'avoir un privilège ou
une préférence là-dessus. C'est la créance
préférentielle. À notre avis, le changement de
l'avant-projet semble donner des alternatives plus souples et peut-être
méritées aux réparateurs - c'est-à-dire le droit de
vendre la chose - mais on passe sous silence la pratique actuelle, soit l'abus
de la rétention telle que permise. Puis, on s'est dit que
peut-être en utilisant mieux les nouveaux outils introduits dans
l'avant-projet, on pourrait, soit abandonner la notion d'un droit possessoire
de rétention, soit peut-être lui donner une évolution ou,
du moins, essayer de tenir compte des abus actuels pour que les consommateurs
ne se voient pas obligés de faire un paiement ou de se départir
de leur voiture.
On revient maintenant à la question du matériel d'atelier.
Qu'est-ce que le matériel d'atelier? Ce sont les boulons, les
écrous, la graisse, les petits éléments qui font partie
d'une réparation. Lorsqu'un consommateur va récupérer son
automobile au garage qui a fait la réparation, il est fort probable
qu'il va trouver sur la facture un montant pour le matériel d'atelier,
au bas de la facture, près du montant de la taxe de vente, un montant
qui peut ajouter de 3 % à 15 % à la facture ou au montant de la
main-d'oeuvre. Cela voudrait dire, par exemple, qu'un taux affiché de 29
$ l'heure est réellement d'à peu près 32 $ l'heure, parce
qu'il y a, par exemple, environ 10 % d'ajoutés pour le matériel
d'atelier.
Les gens vont nous demander parfois: Pourquoi le matériel
d'atelier? Quand j'achète un chandail, on ne me facture pas pour
l'aiguille et le fil qui ont servi à coudre le bras à la partie
centrale du chandail. Quand j'achète un téléviseur,
l'antenne est incluse. Qu'est-ce qui fait qu'on me facture un montant pour le
matériel d'atelier? Eh bien, la réponse est courte. C'est une
pratique qui a été acceptée dans l'industrie avec les
années et qui est devenue pratique courante. Une partie, appelée
coûts d'opération, est chiffrée à part. Nos
expériences et nos enquêtes ont démontré que cette
pratique abusive de facturer un matériel d'atelier excessif est aussi
courante et même plus courante chez les gros concessionnaires et dans les
grandes chaînes que dans les petits garages, peut-être parce qu'ils
ont un roulement, quand même, important et qu'une différence de 5
% à la fin de l'année peut faire une grosse
différence.
D'après nous, un consommateur ne devrait jamais payer du
matériel d'atelier lorsqu'il n'y en a pas eu d'utilisé dans une
réparation. Ce n'est pas acceptable qu'on nous dise: C'est vrai que
telle réparation ne comprend que le branchement du module
électronique en débranchant l'ancien. On n'emploie pas du
matériel d'atelier, mais on aimerait donner un traitement égal
à tout le monde. On est aussi d'avis qu'un consommateur qui paie le
matériel d'atelier devrait être avisé au préalable
et qu'on ne devrait pas permettre, à la fin de la facture, l'ajout de
montants plus ou moins discrétionnaires, pas très bien
contrôlés, à un endroit où l'on sait que le
consommateur va les confondre avec la taxe, sans nécessairement se poser
de questions.
Alors, pour nous, la solution serait de dire carrément, dans la
partie qui donne le détail de la facture, que le matériel
d'atelier doit être facturé quand on peut le justifier ou
d'indiquer quel est ce matériel; donc, interdire carrément le
matériel d'atelier fantôme. L'autre solution serait de restreindre
la pratique actuelle et de demander, par exemple, qu'elle figure, au moins, sur
la fiche obligatoire dans l'atelier de réparations. Oui, dans l'atelier
de réparations, que la mention du matériel d'atelier soit
faite.
Dernier point, le prix de détail. Vous allez acheter un
véhicule et la première question qu'on pose souvent, c'est:
Combien vaut-il? On se fait donner un prix qui s'appelle un prix de liste. Par
contre, les gens ne se rendent pas compte que, souvent, ce prix de liste n'est
pas le prix de détail suggéré par le fabricant, mais le
prix d'une liste tenue par le vendeur lui-même, une liste privée.
En outre, cette liste est de plus en plus difficile à distinguer de la
liste du fabricant parce que, avec l'informatisation, les listes de tout le
monde commencent à se ressembler. Même s'il ne s'agit pas d'une
pratique qu'on pourrait qualifier de fausse représentation - parce qu'on
demande, comme consommateur, le prix de liste et qu'on se fait donner une liste
- on peut dire que cette pratique de se faire donner un prix qui peut
être majoré de 750 $, 1000 $ ou 1250 $ sur le prix de
détail suggéré par le fabricant est trompeuse, même
si ce n'est pas une fausse représentation pouvant donner suite à
une poursuite pénale. D'après nous, la solution idéale
serait d'introduire la même protection que celle qu'on a pour la
voiture d'occasion: une étiquette qui donnerait le prix de
détail suggéré pour le produit, le prix des options et le
prix total. Où trouver cette étiquette? Elle existe
déjà. La loi américaine exige qu'elle soit collée
sur la voiture lors de la livraison et elle l'est, pour la plupart des
fabricants. Malheureusement, lorsque les voitures sont livrées aux
détaillants, on s'empresse de l'arracher.
Pour terminer, nous croyons sincèrement que les points de droit
que nous avons soulevés méritent l'attention du
législateur. Comme je l'ai dit avant, l'expérience nous montre
souvent que notre domaine, l'industrie automobile, est l'avant-coureur des
autres domaines de la consommation. L'avant-projet nous offre une occasion
capitale de mettre à jour le droit des contrats, de façon
à le rendre conforme à la réalité de la vie
économique d'aujourd'hui, de même que de prévoir les
défis qui pourront nous concerner à l'avenir. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Sans plus
tarder, je reconnais l'adjoint parlementaire au ministre de la Justice, le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord,
j'aimerais remercier les représentants de l'Association pour la
protection automobile, MM. Iny et Silver, pour leur participation à nos
travaux, avec un mémoire, quand même, assez précis.
Relativement aux contrats à long terme en matière de
véhicule automobile, un peu comme j'ai eu l'occasion de le mentionner ce
matin à d'autres groupes qui nous ont fait des représentations
dans le même sens que vous, effectivement, le gouvernement est
très attentif à ce problème. D'ailleurs, l'Office de la
protection du consommateur travaille actuellement là-dessus et se
propose même, assez rapidement et prochainement, de nous déposer
des correctifs législatifs dans ce domaine.
Concernant un autre point particulier, les autos citrons, entre
guillemets, les voitures à problèmes, j'aurais une
première question à vous poser en rapport avec l'article 1776 de
l'avant-projet de loi. Est-ce que cet article ne répondrait pas à
vos revendications pour tenter de corriger le problème des voitures
citrons? On peut le lire ensemble, si vous voulez: "Le vendeur professionnel
est tenu de garantir l'acheteur contre le mauvais fonctionnement du bien vendu,
résultant d'un vice antérieur ou postérieur à la
vente et survenu prématurément par rapport à des biens
identiques ou de même espèce, à moins que le défaut
ne survienne en raison d'une mauvaise utilisation du bien par l'acheteur."
M. Iny: Techniquement, ce sont là des
éléments importants. Je pense que cela reconnaît qu'un bien
peut coûter cher et qu'il est supposé durer plusieurs
années. Mais, on est d'avis - c'est certain qu'on n'est pas clairvoyants
-que la preuve à démontrer sera technique, c'est-à-dire
que l'acheteur du véhicule sera obligé de prouver, quand
même, la nature ou la cause des défauts ou la source de ses ennuis
dans une situation où le vendeur n'est pas capable de trouver les bobos
et n'arrive pas à les réparer. Alors, on s'est dit qu'on est
peut-être mieux d'aller un pas plus loin, c'est-à-dire
d'introduire un autre élément qui est simplement le calendrier et
de dire: Passé 30 ou 45 jours hors de service dans la première
année; plus de cinq ou six réparations pour un même
problème majeur. La présomption et le fardeau de la preuve sont
carrément renversés. On allègue que le véhicule est
défectueux et on demande le droit soit à une diminution de prix,
soit à l'annulation de la vente. Les voitures sont en train de
s'améliorer. C'est certain qu'elles ne sont pas aussi entachées
de défauts qu'elles ne l'étaient il y a même aussi peu que
cinq ans. Mais, il y a toujours un faible pourcentage de gens qui ont des
problèmes épouvantables avec leurs autos. On s'est dit que, pour
ces gens-là au moins, on aurait un élément
d'ajouté. On sortirait de la quincaillerie mécanique et on
entrerait dans une définition, un barème - le calendrier pour
faire la preuve - et peut-être un renversement du fardeau de la preuve,
un peu comme on l'a vu avec l'animal atteint de tuberculose en 1866. (17
heures)
M. Dauphin: D'accord. Un autre point concernant le
matériel d'atelier. Si j'ai bien saisi ce que vous nous avez dit
tantôt, vous aimeriez qu'il soit prévu dans une loi quelconque,
même dans la Loi sur la protection du consommateur, et cela deviendrait
inclus dans le Code civil, que le matériel d'atelier soit
spécifié, que chaque article soit spécifié, qu'on
ait le détail.
M. Iny: Notre idée ici, aujourd'hui, a été
de mettre l'accent sur ce que nous pensons être une pratique
déloyale dans l'industrie actuelle parce qu'il y a certains garages -
malheureusement -ce sont souvent les gros concurrents - qui abusent du
matériel d'atelier. On a aussi, nous, un réseau de garages de
qualité qui nous disent: Écoutez, les amis, on ne peut pas
facturer pour la graisse. On ne peut pas facturer pour les boulons. Alors, on
s'est dit: II y a deux solutions qu'on peut prendre. On peut dire à tout
le monde: Pas de matériel d'atelier. Incluez cela dans vos coûts
d'opération, dans vos coûts fixes. Si l'industrie est prête
à dire: On n'aime pas faire cela, on ne veut pas voir le taux de la
main-d'oeuvre aller de 29 $ à 32 $ l'heure, ce qu'il est
présentement parce qu'il y a 10 % qui sont ajoutés à la
main-d'oeuvre, alors trouvons un autre moyen. Le minimum, c'est qu'il n'y ait
pas de surprise à la fin de la facture. Au moins que cela soit mis dans
la fiche obligatoire.
En Ontario, ils ont eu à pondérer cette question dans les
deux ou trois dernières années.
Ils ont décidé, enfin, que la situation était trop
bordélique. Ils ont défendu le matériel d'atelier à
l'exception du matériel qu'on pouvait justifier. Cela suggère,
bien que la pratique reste à déterminer, qu'on serait
obligé d'écrire, par exemple: la cannette Unetelle a
été employée pour une certaine réparation.
Il y a déjà dans l'industrie même des solutions
parce qu'il y a, quand même, des réparateurs avant-gardistes qui
ressentent une certaine réticence des consommateurs à continuer
à faire ces paiements. Dans certains cas, ils l'ont affiché; dans
d'autres, ils n'en facturent pas lorsque la réparation n'en requiert pas
et, même, chez certains concessionnaires on a arrêté
carrément de facturer le matériel d'atelier. Ce n'est pas une si
grosse surprise que cela parce que les fabricants, pendant la période de
garantie, pour la plupart, Mazda, Toyota, Nissan, refusent de payer le
matériel d'atelier. Ils n'en paient pas et, quand on leur demande
pourquoi, ils disent: Mais voyons, cela fait partie des coûts
d'opération. On ne va pas se faire imposer un montant de 5 %, 10 % ou 15
% sur une facture. On est plus prudents avec nos dépenses que cela.
M. Dauphin: Merci beaucoup. Je vais laisser la chance à
d'autres collègues de poser des questions et je pourrai revenir.
Le Président (M. Marcil): Cela va. M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: J'écoutais la présentation et on parlait
du prix de liste. Est-ce que vous avez fait des études qui permettraient
de situer le prix de liste par rapport au prix de détail
suggéré par le fabricant? Est-ce qu'il s'agit, dans la plupart
des cas, pour ne pas dire la totalité, d'augmentations? Est-ce que ce
sont des augmentations considérables par rapport au prix de
détail? Il est exact - et vous le souligniez tout à l'heure -
que, pour ce qui est des voitures qui viennent des États-Unis, si on
veut savoir ce qu'est le prix de détail d'une voiture, on regarde dans
la vitre de côté ou en avant et on a là un document qui
provient du manufacturier, qui nous indique de quel prix on doit partir pour
faire baisser le concessionnaire, tandis que le consommateur arrive
actuellement devant le concessionnaire avec très peu de renseignements.
On lui dit un prix de liste qu'il est obligé très souvent de
solliciter et, à ce moment-là, déjà il s'engage
dans une espèce de négociation, alors que très souvent il
est là tout simplement pour magasiner, regarder, comparer.
Je trouve que la suggestion que vous faites, personnellement, est fort
à propos. Je souhaite vivement que les concessionnaires, s'ils ne sont
pas obligés de le faire par la loi, le fassent volontairement. Ce serait
un signe de respect des consommateurs, tout d'abord, et je le dis ouvertement.
Je pense que c'est normal pour des consommateurs de savoir à quel prix
que le manufacturier prévoit voir vendre son produit. Mais j'aimerais
savoir de vous comment le prix de liste dont on parle se situe par rapport au
prix de détail que le fabricant indique dans les vitres de sa
voiture.
M. Iny: Premièrement, pour bien comprendre notre
suggestion et je pense que vous la comprenez bien, nous ne voulons pas
établir le vrai prix de vente du produit. On n'est pas là pour
dicter, pour dire à telle personne: La voiture, c'est 9900 $; point
final. L'APA demande que cela soit un prix obligatoire. Ce n'est pas cela.
C'est une question d'information au public. Le prix reste à
négocier. Chez certains modèles, cela va se vendre pour moins que
le prix de détail ou le prix de liste. Chez d'autres, par exemple,
Honda, Lincoln, cela peut se vendre un peu plus parce que le modèle est
très populaire.
D'ailleurs, c'est ce qui se voit aux États-Unis
présentement. Quand, en 1985, on a fait une enquête - dans ce
cas-là, c'était limité aux concessionnaires Mercury de
l'île de Montréal - on avait découvert que les prix de
liste étaient de 750 $ à 1250 $ de plus que le prix de
détail suggéré par le fabricant. En général,
les voitures se vendaient rarement pour ce prix-là et on donnait des
rabais. Mais le consommateur pensait avoir eu un rabais de 1000 $ ou de 750 $,
tandis que le vrai rabais, sur le prix de détail suggéré,
était moindre.
On s'est fait dire, à un certain moment: Oui, mais c'est facile.
Le consommateur n'a qu'à faire trois ou quatre concessions pour la
même marque; il se fera donner quatre prix de liste différents et
il se rendra compte, en présumant que tout le monde fait cette
démarche-là avant d'acheter une voiture. Ce qui nous a
inquiétés, même plus, c'était que dans ce
cas-là, lors de cette enquête, trois des quatre concessionnaires
affichaient les mêmes prix, c'est-à-dire que leurs listes
étaient invraisemblablement identiques, ce qui faisait qu'un
consommateur avait de la misère à se rendre compte que
peut-être ce prix-là était un prix, quand même,
facultatif et pas un prix national.
Vu que les étiquettes existent déjà, on se dit: La
façon la plus facile serait d'insister pour qu'elles restent sur l'auto
jusqu'au moment de la livraison. Un autre choix serait, comme on le fait,
d'ailleurs, déjà en Ontario, d'insister pour que les prix de
liste soient inscrits au contrat de vente dans la marge à gauche. On se
dit: Cela est moins efficace et aussi en termes de paperasse, cela implique,
quand même, une solution plus onéreuse pour le
concessionnaire.
Le Président (M. Marcil): Cela va? M. Doyon:
Merci.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Taillon.
M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. Alors, c'est
avec grand plaisir que j'avais déjà pris connaissance du
mémoire présenté par l'APA, l'Association pour la
protection automobile. Cela fait une vingtaine d'années que
l'association existe. C'est un bel anniversaire. Je pense qu'il fallait,
à un moment donné, se regrouper, essayer de concentrer
l'expertise pour permettre à ceux qui le désirent d'avoir
accès à des connaissances, d'avoir accès à des
moyens aussi de se regrouper et de faire des représentations. On
l'oublie souvent, mais ce n'est pas uniquement un rôle défensif;
il y a aussi un rôle préventif. J'ai remarqué que vous
aviez collaboré à la rédaction d'une loi en Ontario. C'est
cela?
M. Iny: C'est exact.
M. Filion: C'est tout à fait méritoire.
M. Iny: Je peux vous dire que ce n'était pas un travail
qui demandait une imagination merveilleuse puisqu'on avait déjà
le modèle au Québec avant.
M. Filion: Bon. Alors, au moins, c'est un secteur au
Québec où on n'a pas pris trop de retard, en tout cas. Dans le
secteur de l'automobile, je pense qu'on est relativement mieux
équipé d'un côté ou de l'autre. On va recevoir
tantôt les gens de la Corporation des concessionnaires d'automobiles qui
vont nous exposer leur point de vue. Alors, c'est bien. Je pense qu'il y a une
relation maintenant qui existe autour de l'automobile qui est beaucoup plus
sereine que ce qui existait il y a une vingtaine d'années ou une
quinzaine d'années où c'était un peu cowboy, l'industrie
de l'automobile. Ce n'était pas facile de connaître nos droits et
nos obligations. Maintenant, je pense que, de part et d'autre, les vendeurs
d'automobiles, les réparateurs d'automobiles et les consommateurs sont
mieux au fait de leurs droits et de leurs obligations. C'est beaucoup plus
civilisé comme rapports. La facture continue à être
élevée, mais, au moins, elle est présentée de
façon civilisée et elle est bien expliquée. Bien
sûr, puisque je parle de facture, il y a ce matériel d'atelier,
dans certains garages, 7,5 %, automatiquement ajoutés sur la facture.
C'est écrit sur le tableau, à part cela. Le consommateur, qui
s'étire un peu le cou, va l'attraper. Alors, c'est 7,5 % de plus pour le
matériel d'atelier, comme vous le disiez tantôt. Ici, cela porte
le nom - pourtant, c'est un garage bien de chez nous - plus continental de
"supplies". Bref, on se comprend. Alors, je pense que vos
représentations sont bien précises en ce qui concerne le
matériel d'atelier fantôme. Les fantômes se retrouvent sur
nos factures. Cela vaut la peine, en tout cas, de se pencher sur votre
recommandation.
Vous parlez en page 12 du droit de rétention. Il y a, quand
même, un petit problème là, et je vous pose la question
comme je le vois. S'il n'a pas de droit de rétention, comment va-t-il
faire pour se faire payer? À ce moment-là, on va partir avec nos
voitures. Je comprends, vous le dites dans votre mémoire: Les voitures
valent plusieurs milliers de dollars. Il reste une couple de centaines de
dollars. Pourquoi empêcherait-on le propriétaire de s'en aller
avec? D'un autre côté, si on voit le même problème
sous l'autre angle, celui qui a fait la réparation veut être
payé. Si vous enlevez le droit de rétention, il reste quoi?
M. Iny: On soulève le problème du droit possessoire
qui n'est pas facile à surveiller pour le tribunal. On suggère
que, dans certains cas, celui, par exemple, des remorqueurs "gitanes" qui
viennent le soir remorquer la voiture et l'amener directement chez un
réparateur, on abuse de la rétention. Nos études nous ont
démontré que l'équivalent de notre droit de
rétention en "common law", qui est le "possessory lean", est aussi
source de contestation et de confrontation aux États-Unis. Alors, on
s'est dit: Voilà un moment où on est en train d'introduire des
nouveaux outils, entre autres, pour la question de la rétention. Y
a-t-il moyen de trouver un outil peut-être un peu moins efficace, mais
qui aiderait à arrêter les abus actuels en donnant une
préférence ou un privilège au réparateur pour faire
vendre la chose, moyennant une certaine surveillance. Ou bien il faudrait
peut-être limiter encore une fois l'étendue de ses droits, parce
que si on n'en abusait pas, la réforme déjà
apportée en 1978 aurait été suffisante. Le consommateur
qui aurait eu l'évaluation, qui légalement et moralement savait
la nature de son obligation, aurait été protégé
puisqu'il n'y a pas de droit de rétention. Mais la pratique nous
démontre que rien n'a changé.
Alors, on vous soumet le problème. Je ne peux pas
prétendre qu'ici on a trouvé la solution idéale et je
pense que ça mériterait même une consultation avec
l'industrie pour savoir quelles seraient les limites. Il faut avoir le courage
de dire: Très bien, on vient d'aider le réparateur, on lui donne
un outil plus souple pour aller chercher son argent avec l'avant-projet, mais
que fait-on pour le consommateur qui n'est pas toujours dans le tort? Il y a
certains concurrents très déloyaux qui font presque un chantage.
Ils retiennent la voiture en disant: Écoute, va voir ton avocat, fais
faire une saisie avant jugement. Bonne chance. On sait qu'en pratique les gens
ne vont pas faire ça.
M. Filion: Je remarque que, dans votre mémoire, vous dites
ceci, en bas de la page 12: "II est maintenant inconcevable qu'un
propriétaire ne puisse utiliser sa voiture valant plusieurs milliers de
dollars parce qu'il refuse d'acquitter une facture de quelques centaines de
dollars pour laquelle une évaluation n'avait pas été
produite."
M. Iny: Oui.
M. Filion: Vous êtes en train de me dire que, même si
la loi n'a pas été suivie, le droit de rétention existe
quand même.
M. Iny: Le droit de rétention existe lorsqu'il y a eu une
évaluation écrite présentement, c'est-à-dire que
l'on tient compte du consentement donné par le consommateur. C'est la
théorie. La pratique est que ça n'a pas beaucoup changé,
que l'on retient la voiture, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas eu d'autorisation
expresse de faire les réparations.
M. Filion: D'accord. M. Iny, vous avez avec votre
collègue, M. Silver qui est avec vous, une longue expérience, une
bonne expérience avec tous les membres de l'APA. Quels sont les
problèmes concrets que cause l'existence de ce droit de
rétention?
M. Iny: Le plus gros? Le remorquage des voitures sur le lieu de
l'accident.
M. Filion: D'accord.
M. Iny: Vous allez remarquer, si vous êtes impliqué
dans un accident et que vous n'êtes pas trop blessé pour
être inconscient, qu'il va se présenter parfois, même avant
la police, trois, quatre, dans certains cas jusqu'à six ou huit
remorqueurs: ce qu'on appelle les "gitanes" du remorquage. Ils viennent
chercher la voiture; parfois, ils vous font signer quelque chose qui est un
genre de renonciation très général parfois même pour
autoriser les réparations et ils s'empressent pour aider les policiers
à dégager la route en prenant votre voiture,
généralement en l'amenant chez un carrossier avec qui ils sont
associés.
Dans un cas pareil, le lendemain, vous vous réveillez et vous
vous rendez compte que c'est votre assureur, d'une part, qui a un certain
rôle à jouer dans ça avant d'autoriser les travaux. D'autre
part, vous voulez avoir votre voiture ou savoir l'étendue des dommages.
Vous allez essayer de la récupérer, puis on vous oppose une
rétention de fait, en disant: Écoutez, on a eu des sommes
à dépenser sur votre auto pour le remorquage, pour nettoyer la
chaussée, pour faire l'évaluation des dommages, pour commencer
à démanteler certaines pièces. C'est un abus concret qui
se passe tous les jours.
Alors, on vient de donner au réparateur un autre moyen, un autre
volet: il peut faire vendre la voiture en mettant en demeure le
propriétaire du véhicule. (17 h 15)
Vous avez raison, si, en même temps, on dit: Plus de droit de
rétention, c'est possible qu'il y ait un autre genre d'abus: le
consommateur d'une honnêteté douteuse qui veut sortir son auto
pour moins. Mais je me suis dit: Cette loi commence à introduire les
éléments, quand même, très évolués
pour assurer la certitude du commerce, tout en assurant un "bargain"
équitable pour le consommateur. Alors, nous nous sommes dit: II y a
peut-être un autre outil qu'on pourrait introduire; un peu comme on a
parlé ce matin d'un système d'enregistrement d'un droit sur une
valeur mobilière, une voiture peut-être avec la collaboration du
ministère des Transports...
M. Filion: De la régie, oui.
M. Iny: On pourrait peut-être prévoir ici le
même genre d'initiative qui tiendrait compte de la réalité
du commerçant qui, lui, veut se faire payer, mais aussi de celle du
particulier qui se fait toujours opposer une réclamation qui,
d'après nous est parfois exagérée.
M. Filion: Je vous remercie, M. Iny, de ces bonnes explications.
Vous avez aussi souligné tout le secteur que nous avons abordé ce
matin avec le Club automobile du Québec, toute la problématique
de la location à long terme. Je pense que là-dessus mon
collègue, le député de Marquette, avait déjà
posé la bonne question et j'avais, d'ailleurs, eu l'occasion ce matin
d'intervenir avec le Club automobile là-dessus. Vous faites
référence également dans votre mémoire aux clauses
pénales abusives, ça va, c'est pris en bonne note.
Ma question porte maintenant sur cette loi citron. D'abord, si je
comprends bien, finalement, à la fois votre mémoire et les
explications que vous avez données tantôt, vous aimeriez que la
preuve que c'est un citron soit un peu moins technique, que ce soit un peu plus
objectif. Voici, le type a acheté sa voiture; la voiture a passé
les trois quarts des deux premiers mois chez le concessionnaire. Il y a eu
quatre tentatives infructueuses de faire une réparation majeure. Bref,
ce sont des choses sur lesquelles cela ne prend pas de temps à
s'entendre. Donc, vous aimeriez, si je comprends bien, qu'une disposition
citron - toute une loi pour ça, ce serait beaucoup; des citrons, il n'y
en a pas tant que cela - vise les cas où manifestement le produit qu'on
vient d'acheter n'a plus de sens afin de rendre plus facile l'annulation ou la
diminution du prix de vente. Et j'ai lu dans votre mémoire que cette
disposition existait - est-ce que je me trompe? - dans plus de la moitié
des États américains.
M. Iny: 40 sur 50 des États américains.
M. Filion: Ont une loi qui ressemble un petit peu à ce que
vous nous proposez?
M. Iny: Qui s'appelle une loi citron. Les modalités vont
varier.
M. Filion: Bon, écoutez, je pense que les avantages sont
nombreux, mais les citrons, il n'y en a pas beaucoup, il y en a un sur
combien?
Aidez-moi un peu, il y en a un sur mille?
M. Iny: Dans les années soixante-dix, l'industrie disait:
Un sur cent ou un sur mille. Je ne peux pas vous donner une statistique
là-dessus. Ce que nous suggérons ici, ce n'est pas de porter
entrave à la majorité des rapports commerçant-particulier,
c'est-à-dire que ce n'est pas une loi qui pourrait toucher la
majorité des acheteurs. On pense plutôt à une bouée
de sauvetage en cas d'urgence, dans un de ces cas rares, mais pas rarissimes,
qui n'est pas réglable par la garantie conventionnelle et difficilement
prouvable dans le contexte du droit actuel ou du droit qu'on nous propose. Il
s'agissait peut-être d'ajouter juste un élément
supplémentaire, un élément qui pourrait aider à
renverser le fardeau de la preuve, mais sans un rapport d'un ingénieur
ou d'un mécanicien.
M. Filion: Ce qui me frappe, c'est que, finalement le fait que la
voiture soit un citron, ce n'est pas tellement la faute du concessionnaire
d'automobiles. C'est généralement la faute du fabricant.
M. Iny: Quand vous parlez d'une voiture qui, comme vous le
disiez, commence à faire défaut à partir du premier
mois...
M. Filion: Oui, c'est cela.
M. Iny: ...je pense que la responsabilité est claire.
M. Filion: Mais le citron, c'est juste à l'achat ou est-ce
qu'il existe des citrons usagés dans votre esprit?
M. Iny: Non, on parle ici d'une voiture neuve, mais, dans le
contexte d'une voiture qui fait défaut à compter des
premières semaines, c'est rare que le concessionnaire soit responsable
du défaut.
M. Filion: D'accord. À ce moment-là, le recours du
consommateur pourrait s'adresser directement au fabricant en évitant
d'accrocher par la bande un concessionnaire qui n'a fait que recevoir la
voiture, qui a fait le ménage dedans.
M. Iny: Dans le cas des modèles neufs, parfois la
réparation n'existe pas, parce que les bulletins techniques en question
et les pièces pour régler le problème ne sont pas sur le
marché. Alors, on s'est dit: C'est une solution pour amener une certaine
équité qui a été choisie aux États-Unis et
on l'a suggérée ici.
M. Filion: Est-ce que cela existe dans d'autres provinces
canadiennes?
M. Iny: Une loi citron? Non. II n'y a rien du genre.
M. Filion: De mon côté, au nom de ma formation
politique, je voudrais vous remercier de l'intérêt que vous avez
porté à nos travaux et de la qualité des
représentations que vous avez faites à la fois à
l'intérieur de votre mémoire et verbalement ici, cet
après-midi.
M. Iny: Merci.
M. Dauphin: Toujours sur la "citronnette", prenons, par exemple,
le cas d'une pièce d'assez grande valeur, disons au-dessus de 1000
$...
M. Iny: Oui.
M. Dauphin: ...dans l'automobile, la transmission, justement;
après quatre ou cinq tentatives de réparation, en pratique est-ce
que le recours serait d'annuler la vente et d'avoir une voiture neuve ou de
changer la pièce?
M. Iny: Ce qui est certain, c'est qu'avec les garanties
conventionnelles de durée de plus en plus longue, la plupart des
fabricants, face à un problème pareil, vont dire: Écoutez,
vous êtes protégé par la garantie, vous pouvez revenir nous
voir pendant six ans, pas de problème. Ce qu'on s'est dit, c'est qu'il
arrive parfois qu'un consommateur soit réellement dans le
désarroi et qu'il ne puisse pas compter sur la voiture. Alors, on
pourrait voir une ouverture pas nécessairement à l'annulation de
la vente tout court, mais peut-être à une diminution de prix ou
voir une modalité afin qu'il y ait des dommages modérés
pour tenir compte de la situation. Le minimum serait que le consommateur puisse
venir dire: Écoutez, monsieur, vous avez fabriqué un citron que
vous avez vendu par l'entremise d'un tiers et la voiture ne roule pas
correctement. Cela fait trois réparations majeures pour la transmission,
je vous avise, cette fois-ci de régler une fois pour toutes mon
problème; sinon, j'aurai peut-être des droits que je pourrai faire
appliquer. Ce n'est pas nécessairement une annulation. Nous ne voyons
pas cela comme une solution idéale si un consommateur sur quatre va
demander l'annulation de la vente. On dit que c'est un barème minimal
pour le nombre rare de voitures qui sont des voitures à problème.
Cela serait un ajout au droit civil actuel.
M. Dauphin: D'accord. À mon tour j'aimerais vous remercier
pour votre participation à nos travaux de réforme du Code civil
en matière d'obligation. Merci beaucoup.
M. Iny: C'est un plaisir d'être venu.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, monsieur.
Maintenant, nous allons appeler immédiatement les représentants
de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du
Québec.
Nous allons poursuivre nos travaux en vous souhaitant la bienvenue, M.
Gabriel Gagnon, président, à cette commission parlementaire.
Comme vous le savez, votre mémoire a été lu et
travaillé par les parlementaires. Nous vous demandons seulement d'en
faire une synthèse. Ensuite, on pourra procéder à la
discussion. Avant de vous laisser la parole, je vous demanderais de nous
présenter vos collaborateurs, les personnes qui vous accompagnent, et si
vous voulez aussi spécifier de quelle région ils proviennent.
Corporation des concessionnaires d'automobiles du
Québec
M. Gagnon (Gabriel): Merci beaucoup, M. le Président.
D'abord, j'aimerais vous présenter, à ma gauche, Me Jacques
Béchard qui est avocat à temps plein au bureau de la Corporation
des concessionnaires d'automobiles du Québec et dont les bureaux sont
à Québec. M. Denys Demers, qui est à mon extrême
gauche, qui est le directeur général de la Corporation des
concessionnaires d'automobiles; à ma droite, M. Jean Lecours qui est
premier vice-président de la corporation et qui est concessionnaire de
GM Chevrolet à Victoriaville et, à mon extrême droite, Me
Louis Vaillancourt, de Grondin, Poudrier et associés, qui est la
firme-conseil auprès de la corporation.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup.
M. Gagnon: M. le Président, Mmes et MM. les membres de la
commission, j'aimerais vous faire un bref résumé de ce qu'est la
corporation. Notre corporation regroupe plus de 850 concessionnaires
automobiles répartis à travers la province de Québec, et
les membres de notre corporation représentent plus de 90 % des
concessionnaires détenteurs d'une concession de véhicules neufs
au Québec. Ces concessionnaires sont répartis sur tout le
territoire de la province à l'intérieur de dix divisions
régionales. Les membres de la corporation sont des petites et moyennes
entreprises qui oeuvrent dans le commerce de détail et, plus
particulièrement, dans la vente de véhicules neufs et
usagés ainsi que dans la réparation de ces mêmes
véhicules, de sorte que plusieurs sujets visés par l'avant-projet
de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des
obligations déposé par le ministre de la Justice
intéressent les membres de notre corporation.
Bien qu'il ne soit pas dans notre intention de commenter tous les
chapitres de ce volumineux avant-projet de loi, il n'en demeure pas moins que
nous vous ferons part de nos commentaires généraux dans un
premier temps et nous analyserons le chapitre qui préoccupe plus
particulièrement nos membres et qui nous incite à faire part
à votre commission de nos interrogations et recommandations.
L'avant-projet de loi constitue une réforme totale du droit des
obligations. Nous ne doutons pas qu'une telle réforme n'entraîne
des modifications qui bouleversent les habitudes qui ont été
prises depuis de nombreuses années. Lorsque l'avant-projet de loi
propose d'insérer dans le Code civil certaines modifications afin de
tenir compte de l'expérience des citoyens ainsi que de la jurisprudence,
la corporation ne peut que se réjouir de la réforme
proposée au Code civil. Cependant, il nous semble malheureux de mettre
de côté des principes ayant fait leurs preuves et qui ont
été sanctionnés par les tribunaux.
Au cours de notre présentation, nous vous ferons part de nos
commentaires quant aux principes qui sont modifiés par l'avant-projet de
loi et nous vous ferons part de nos suggestions quant à certains aspects
de l'avant-projet de loi. C'est ainsi que nous nous attarderons aux
dispositions relatives au titre troisième, soit les règles
particulières au contrat de consommation que l'on retrouve aux articles
2717 et suivants.
Tel que nous l'avons mentionné dans notre mémoire, la
corporation est inquiète des brèches importantes qui sont faites
au principe de la liberté de contracter. Nous ne prétendons pas
que ce principe est annulé par l'avant-projet de loi. Cependant, il
subit des entorses importantes en raison, entre autres, de l'adoption du
principe de lésion entre majeurs, c'est-à-dire l'article 1449.
Nous ne comprenons pas la justification de l'adoption de ce principe alors que
les Québécois sont de plus en plus scolarisés, conscients
de leurs droits et aptes à exercer ceux-ci. De plus, non seulement le
contrat conclu entre les parties peut-il être modifié pour
diverses raisons, article 1480 et suivants, mais on ajoute que les tribunaux
ont une très grande discrétion pour apprécier l'engagement
ou le caractère de l'obligation du débiteur. À ce sujet,
il suffit de vous référer à l'article 1666 de
l'avant-projet de loi qui prévoit que le tribunal peut,
exceptionnellement, réduire le montant des
dommages-intérêts dus par le débiteur lorsque la faute de
celui-ci n'était ni intentionnelle ni lourde et que la réparation
intégrale du préjudice risquerait de l'exposer
démesurément à la gêne. Nous vous avouons bien
humblement que nous comprenons difficilement comment un tel article peut
trouver sa justification dans l'avant-projet de loi. Quels sont les motifs ou
raisons dont devra tenir compte le tribunal pour arriver à la conclusion
que la réparation du dommage risquerait d'exposer le responsable de ce
dommage démesurément à la gêne? Nous comprenons que
le législateur doit mettre sur un même pied le créancier et
le débiteur. Cependant, il ne nous semble pas équitable qu'un
préjugé favorable se manifeste exclusivement en faveur du
débiteur de l'obligation. On semble oublier trop souvent chez les
rédacteurs de cet avant-projet de loi que le créancier de
l'obligation a des engagements à respecter à la suite du contrat
conclu avec le débiteur. Lorsque nous vous mentionnons qu'il
nous semble inopportun d'adopter des modifications au principe de la
liberté contractuelle, il nous semble que l'on favorise
démesurément le débiteur de l'obligation lorsque l'on
mentionne, entre autres, à l'article 1443 que le consentement doit
être libre, éclairé et réfléchi. Comment le
concessionnaire d'automobiles pourra-t-il s'assurer que le consentement de
l'acheteur du véhicule automobile est un consentement
réfléchi? Quant à nous, nous ne disposons pas de
techniques ou d'instruments qui nous permettent de déterminer que le
consentement de l'acheteur constitue un consentement réfléchi.
(17 h 30)
Plusieurs articles de l'avant-projet de loi ont pour but de simplifier
le formalisme actuel ou encore de codifier l'expérience recueillie
depuis l'adoption de certaines dispositions du Code civil. Nous désirons
vous souligner que la corporation est en accord avec le législateur
lorsque, à l'article 1491, il consacre le principe de résolution
ou résiliation d'un contrat de plein droit, à condition que le
créancier ait préalablement mis son débiteur en demeure
d'exécuter son obligation dans le délai fixé dans ladite
mise en demeure.
La corporation est heureuse de constater que le législateur
précise davantage le droit de rétention, aux articles 1495
à 1497, notamment en codifiant la jurisprudence élaborée
sous l'article 441 du Code civil du Bas-Canada. Lorsque le législateur
innove en codifiant le vice de sécurité par les articles 1526,
1527 et 1528, il nous semble qu'il n'a cependant pas tenu compte du fait que
seul le fabricant est le maître de la conception et de la fabrication.
Les termes de l'article 1528 laissent entendre que le distributeur du bien
pourrait en être tenu entièrement responsable. Nous ne croyons pas
qu'il soit juste de tenir le concessionnaire responsable de la fabrication du
véhicule alors qu'il n'a aucunement participé à la
fabrication de ce bien, de telle sorte que la seule personne responsable
demeure le manufacturier.
Aux articles 1761 et 1762 de l'avant-projet de loi, le
législateur modifie substantiellement les articles 1488 et 1489 du Code
civil du Bas-Canada relativement à la vente de la chose d'autrui. Il
s'agit là d'une réforme à laquelle nous souscrivons
entièrement. Nous tenons cependant à réitérer les
propos que nous tenions devant cette commission lors du dépôt par
la corporation d'un mémoire sur l'avant-projet de loi portant
réforme au Code civil du Québec du droit des sûretés
réelles et de la publicité des droits. En effet, tous les
citoyens du Québec auront la sécurité à laquelle
ils ont droit dans leurs transactions commerciales, pour autant qu'il y aura un
registre des biens mobiliers pour permettre à tout acheteur, que ce soit
un particulier ou un commerçant, de vérifier le droit de
propriété sur le bien vendu.
L'article 1776 de l'avant-projet de loi introduit une notion nouvelle
sans toutefois la définir. Cet article distingue entre vendeur et
vendeur professionnel en édictant une responsabilité plus grande
pour ce dernier. Le vendeur professionnel se voit dans l'obligation de garantir
l'acheteur contre le mauvais fonctionnement du bien vendu résultant d'un
vice antérieur ou même postérieur à la vente, alors
que le vendeur qui n'est pas un vendeur professionnel n'est pas obligé
de répondre à cette garantie. Nous ne comprenons pas pourquoi le
vendeur professionnel serait appelé à donner une garantie
supérieure alors que la personne qui connaît le mieux son bien est
sûrement celle qui l'a utilisé depuis plusieurs années.
Cette garantie signifie que le concessionnaire, lors d'une vente d'un
véhicule usagé, serait appelé à donner une garantie
supplémentaire comparativement au simple propriétaire qui vend
son auto à un autre consommateur. Qui connaît le mieux son
véhicule? Le concessionnaire qui l'a eu seulement quelques jours ou le
consommateur qui l'a utilisé depuis quelques années?
Parmi les nouveaux principes adoptés par l'avant-projet de loi,
on retrouve, à l'article 1783, une règle particulière
stipulant que l'acheteur peut résoudre la vente, et ce, sans mise en
demeure préalable, si le vendeur ne délivre pas le bien meuble
dans un délai raisonnable depuis la vente. Nous ne croyons pas que le
contrat de vente doive avoir un traitement différent de tous les autres
contrats et que les principes de résolution et de résiliation
prévus à l'article 1491 de l'avant-projet de loi doivent
également prévaloir ici.
L'avant-projet de loi prévoit l'exercice du recours pour vices
cachés. C'est ainsi que le premier paragraphe de l'article 1787
précise que l'acheteur doit dénoncer le vice au vendeur, par
écrit, dans un délai raisonnable de sa découverte et que,
dans tous les cas, l'avis doit être donné au plus tard dans un
délai de deux ans depuis la délivrance du bien. De plus,
l'article 1787 traite de l'avis écrit qui doit être donné,
mais reste muet quant au délai de prescription de l'action. Si l'on se
réfère aux dispositions actuelles, on peut conclure qu'un vendeur
pourrait être poursuivi pour vice caché à
l'intérieur de trois ans suivant la vente du bien. Nous croyons que
c'est faire supporter au vendeur une responsabilité beaucoup trop
grande, et c'est également placer ce dernier dans une position
d'insécurité et d'incertitude pour une période de temps
beaucoup trop longue. La corporation recommande donc que le délai de
deux ans soit éliminé et qu'il soit précisé qu'un
vice doit être dénoncé dans les six mois de la
délivrance du bien et qu'un délai additionnel de six mois soit
accordé pour intenter une action pour vice caché.
L'avant-projet de loi propose d'introduire au Code civil une section
complète contenant onze articles, dont l'objet est de réglementer
les contrats de vente à tempérament. Le législateur a
abrogé, en 1971, à la suite de l'adoption de la Loi sur la
protection du consommateur, les
dispositions du Code civil du Bas-Canada portant sur la vente à
tempérament. À notre connaissance, aucune difficulté n'a
surgi depuis la disparition de ces articles. Pour les raisons que nous
expliquons dans notre mémoire et en fonction de l'expérience
vécue depuis 1978, la corporation recommande à cette commission
l'élimination des articles 1794 à 1804 de l'avant-projet de
loi.
Aux articles 1910 à 1950 de l'avant-projet de loi traitant du
louage, on innove en adoptant des dispositions qui modifient substantiellement
les règles du jeu. C'est ainsi qu'on retrouve aux articles 1921 et 1930
soit des interdictions, soit des dispositions nouvelles qui vont, encore une
fois à l'encontre du principe de la liberté contractuelle. Il
nous semble normal qu'un bailleur puisse interdire à un locataire de
sous-louer ou céder le bien loué, étant donné que
le bailleur a pu consentir le bail en raison de circonstances entourant la
personnalité même du locataire ainsi que l'usage que ce dernier se
propose de faire du bien. Pour les raisons mentionnées dans notre
mémoire, la corporation recommande que les articles relatifs aux
nouvelles obligations soient modifiés pour mieux correspondre à
la réalité et laisser libre cours à la volonté des
parties tout en assurant au locataire une protection pour éviter les
abus.
Nous sommes informés que plusieurs personnes se
présenteront devant votre commission et feront certains commentaires
relativement au contrat de travail qui est prévu aux articles 2144
à 2157. Qu'il nous suffise de vous mentionner qu'il semble qu'il soit de
beaucoup préférable que l'article 2145 de l'avant-projet de loi
soit modifié pour tenir compte du fait que, dans une petite entreprise,
il arrive régulièrement que les personnes y travaillant soient
appelées à y faire une multiplicité de fonctions sans
qu'une tâche particulière ait été convenue entre
l'employeur et l'employé. De plus, nous croyons que le délai
prévu à l'article 2149 est de beaucoup trop court et devrait
être augmenté pour être porté à dix jours.
Comme nous avons eu l'occasion de le mentionner
précédemment ainsi que dans le mémoire que nous avons
déposé, notre corporation a toujours porté une attention
particulière aux dispositions législatives régissant les
contrats entre les consommateurs et les commerçants. Dans l'avant-projet
de loi, le législateur introduit une notion nouvelle dans le contrat de
consommation du même genre que celle dont nous avons parlé
précédemment à l'article 1443. En effet, l'article 2727
prévoit que le professionnel doit signer chacun des doubles du contrat
et permettre au consommateur d'en prendre connaissance et de
réfléchir sur leur portée. Comment le commerçant
pourra-t-il déterminer qu'il peut faire signer le contrat au
consommateur? À quel moment commence la réflexion du consommateur
et à quel moment se termine-t-elle? De telle sorte que le
commerçant puisse faire signer le contrat, nous vous recommandons que
soit éliminé de l'article 2727 de l'avant-projet de loi le fait
que le professionnel doit s'assurer que le consommateur a
réfléchi à la portée d'un contrat de consommation
avant d'y apposer sa signature, étant donné
l'impossibilité d'application d'une disposition semblable.
L'article 2749 de l'avant-projet de loi prévoit que toute clause
pénale ou stipulation par laquelle le consommateur convient de se
soumettre à une peine au cas où il n'exécuterait pas ses
obligations est interdite. Nous ne vous cacherons pas qu'il nous semble que
cette disposition a été inscrite dans le but d'interdire des
clauses qui sont habituellement utilisées dans les contrats de vente
d'automobile. L'insertion d'une clause pénale oblige le consommateur
à payer un montant déterminé advenant qu'il n'accomplisse
pas ses obligations. En effet, comment peut être indemnisé le
concessionnaire qui, à la suite de la signature d'un contrat de vente
d'automobile, achète du manufacturier un véhicule selon les
spécifications du consommateur et s'engage à payer le
manufacturier pour autant? Est-ce qu'il est juste qu'un consommateur puisse
résilier unilatéralement son obligation sans encourir de peine de
quelque nature que ce soit, alors que le commerçant sera obligé
de prendre livraison d'un véhicule automobile qu'il aura commandé
spécifiquement pour le consommateur qui, sans raison, décide de
ne plus prendre livraison du véhicule automobile?
Le législateur devait d'ailleurs fort bien comprendre cette
exigence afin de s'assurer de l'exécution d'un contrat, étant
donné qu'il l'utilise lui-même lorsqu'il fait affaire avec le
justiciable comme client. En effet, le gouvernement du Québec impose une
pénalité à son client lorsque celui-ci n'accomplit pas ses
obligations en matière fiscale, par exemple. Pourquoi l'imposition d'une
clause pénale se justrfie-t-elle lorsqu'on parle de relations entre le
contribuable et l'État et ne se justifie pas entre un consommateur et un
commerçant alors que, dans les deux cas, la clause pénale a
simplement pour but d'assurer au créancier l'exécution de
l'obligation du débiteur? Nous soumettons respectueusement que, en vertu
du principe de liberté contractuelle, la clause pénale en
matière de contrat de consommation ne devrait pas être interdite.
Pour ces motifs, nous vous soumettons que l'article 2749 de l'avant-projet de
loi devrait être tout simplement éliminé.
L'article 2781 modifie et ajoute à l'article 156 de la Loi sur la
protection du consommateur en édictant au paragraphe 8° que
l'étiquette doit divulguer le fait que le véhicule a
déjà été accidenté. À la lecture de
cette nouvelle mention exigée par le législateur, nous comprenons
que ce dernier veuille obliger le commerçant à indiquer sur
l'étiquette de tout véhicule d'occasion qu'il offre en vente et
qui a subi un accident le fait que le véhicule a déjà
été
accidenté. Comment devra-ton interpréter le terme
"accident"? Serait-ce que le commerçant a l'obligation d'indiquer sur
l'étiquette le moindre accrochage subi par un véhicule? D'autre
part, comment le consommateur sera-t-il protégé par cette
déclaration du fait qu'elle provient du dernier utilisateur et qu'elle
ne signifie pas pour autant que le véhicule n'a pas été
accidenté? En effet, selon le système proposé, le
véhicule automobile pourra avoir été accidenté par
son premier propriétaire, avoir été vendu et, lors d'une
nouvelle vente, l'acheteur n'aura aucun moyen de savoir si le véhicule a
été accidenté selon les moyens qui sont proposés
par l'avant-projet de loi. Il ne nous semble pas que le législateur
devrait imposer des exigences qui pourraient seulement tromper le consommateur.
Pour ces raisons, la corporation recommande que le paragraphe 8° de
l'article 2781 soit éliminé.
À de nombreuses reprises, la corporation a fait des
représentations auprès des autorités compétentes
afin de modifier l'article 168 de la Loi sur la protection du consommateur,
lequel est repris à l'article 2793 de l'avant-projet de loi et qui
prévoit l'obligation pour le commerçant de fournir une
évaluation écrite au consommateur avant d'effectuer une
réparation, sauf renonciation écrite et signée par ce
dernier. L'article 168 en vigueur depuis 1980 constitue une très grande
source de difficultés pour les membres de notre corporation et tous les
réparateurs en général. Nous ne croyons pas qu'il soit
opportun de maintenir dans la loi une disposition dont l'Office de la
protection du consommateur est parfaitement conscient des problèmes
d'application. Nous ne vous demandons pas d'exclure de la loi une disposition
obligeant le commerçant à fournir une évaluation lorsque
le consommateur le demande. Cependant, nous vous demandons de tenir compte de
la pratique quotidienne pour que le consommateur ne soit pas obligé
d'écrire et de signer une renonciation à recevoir une
évaluation alors qu'il ne le désire pas. Pourquoi ne pas tout
simplement exiger que le commerçant fournisse au consommateur une
évaluation dès que ce dernier le demande sans que l'on soit
obligé de satisfaire aux exigences imposées par l'article 168
actuel et l'article 2793 projeté?
Le Président (M. Marcil): Si vous voulez conclure.
M. Gagnon: Alors, plutôt que de couvrir les autres
sujets... La corporation est heureuse d'avoir pu participer à nouveau au
processus qu'est l'examen d'un avant-projet de loi par une commission. La
Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec croit qu'il est
opportun d'apporter de nouvelles dispositions au droit des obligations pour
qu'il correspond mieux à la réalité
québécoise. Cependant, la corporation regrette que l'on ait battu
en brèche certains principes qui ont connu l'usure des temps. C'est
ainsi que la corporation croit que le principe de la liberté
contractuelle doit être maintenu et que l'adoption d'un principe comme
celui de la lésion entre majeurs n'est pas approprié. La
corporation prie la commission de bien vouloir porter une attention
particulière à ses recommandations qui sont le fruit de
l'étude de la pratique de ses membres, et plus particulièrement
en ce qui concerne les dispositions régissant les relations entre
consommateurs et commerçants. La corporation espère que la
commission et le ministre prendront note de ces représentations et en
tiendront compte dans l'élaboration du projet de loi qui doit être
déposé. La corporation demeure à l'entière
disposition de la commission pour répondre à toutes vos
questions. Merci beaucoup. (17 h 45)
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Gagnon. Je
vais maintenant reconnaître immédiatement le député
de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Tout d'abord,
j'aimerais souhaiter la bienvenue à la Corporation des concessionnaires
d'automobiles du Québec, M. Gagnon et la délégation qui
l'accompagne. D'ailleurs, comme je l'ai mentionné tantôt, on se
souvient que, l'an dernier, en matière de réforme des
sûretés, la corporation était également venue nous
rencontrer avec un mémoire intéressant. Le mémoire de
cette année est également très intéressant, et
j'aimerais les féliciter pour la préparation et la
présentation de celui-ci. Alors, j'ai quasiment le goût de vous
poser les mêmes questions que j'ai posées tantôt ou que nous
avons posées, mon collègue de Taillon et mon collègue de
Louis-Hébert, aux associations de protection des automobilistes, parce
qu'on en a reçu un autre groupe ce matin.
J'aimerais tout d'abord commencer par les clauses pénales. Vous
déplorez le fait que, dans l'avant-projet de loi, on prévoit une
disposition pour interdire cette clause pénale. Par contre, vous nous
dites dans votre mémoire que cela responsabilise les parties, le fait
d'avoir ce genre de clause. Alors, j'aimerais peut-être que vous
explicitiez davantage cet aspect de responsabilisation des parties en termes
d'utilisation des clauses pénales.
M. Gagnon: Quand on mentionne qu'on désire que la clause
pénale demeure, c'est que, si vous vous placez, évidemment, du
point de vue du concessionnaire, il faut à ce moment-là, s'il
n'existe pas de clause pénale, déterminer un montant quelconque,
si vous le voulez, de perte ou de dommage subis. Alors, je pense bien qu'on
entraîne à ce moment-là des coûts et des sommes
énormes. On sait que, s'il faut qu'on aille en cour pour des
pénalités quelconque, on encourt des frais énormes pour le
concessionnaire, dans le but, je pense bien, de récupérer des
sommes qui ont effectivement été perdues. Mais, en fin de compte,
le concessionnaire
automobile aura à débourser une somme qui souvent va
être équivalente à la somme qu'il pourra percevoir.
À ce moment-là, je pense qu'on désavantage nettement le
concessionnaire si on élimine la clause pénale.
M. Dauphin: Comme le groupe avant vous nous l'a dit, est-ce que
c'est très courant, la pénalité de 20 %? Si l'acheteur ne
prend pas livraison du véhicule, à ce moment-là, il y a
une pénalité de 20 %. Est-ce que cela se fait couramment chez la
plupart des concessionnaires?
M. Gagnon: Cela ne se fait pas couramment. À notre
connaissance, cela se fait relativement peu. Sauf que la clause pénale
des 20 % qui existe, c'est toujours dans le but de protéger le
concessionnaire contre l'achat d'un véhicule que le concessionnaire est
obligé de faire de son manufacturier et si le consommateur ne prend pas
livraison dudit véhicule. À ce moment-là, le
concessionnaire doit garder l'unité pour une période de temps
évidemment indéterminée jusqu'à ce qu'il la
revende, et cela peut entraîner des coûts assez
considérables. Alors, c'est dans le but de protéger le
concessionnaire dans de tels cas. Par contre, l'expérience prouve que
cette clause des 20 % est très peu utilisée.
M. Dauphin: Considérant l'importance pour l'équipe
de codificateurs qui m'accompagne d'avoir les deux côtés de la
médaille relativement à ce qu'on nous a mentionné
tantôt pour le prix de détail, c'est-à-dire que certains
concessionnaires auraient un prix de liste aucunement relié au prix de
détail suggéré du fabricant, avez-vous une version
là-dessus?
M. Gagnon: Je dois vous avouer sincèrement que ce que
mentionnaient tantôt les personnes de l'APA - je ne vous dis pas que
ça ne peut pas exister - c'est une pratique qui est loin d'être
courante, et je dirais même qu'elle est très marginale.
D'ailleurs, vous n'avez qu'à ouvrir Le Soleil ou le Journal de
Québec, vous serez pertinemment au courant des prix des automobiles;
vous en avez tous les jours à pleine page. On sait de toute façon
- tous les consommateurs le savent - que dans 98 % des cas un véhicule
se vend toujours en bas du prix de détail suggéré par le
manufacturier. Comme je vous le dis, c'est évident que rien
n'empêche un concessionnaire quelque part d'utiliser une telle pratique.
Par contre, on sait que les véhicules se vendent toujours, à
toutes fins utiles, nettement en bas du prix de détail
suggéré. C'est une pratique qui est...
M. Dauphin: Lorsqu'on va dans les salons de l'auto, à
Place Bonaventure à Montréal, par exemple, on indique toujours le
prix, avec les options, etc.
M. Gagnon: Oui.
M. Dauphin: Mais, chez les concessionnaires, il n'y a pas
nécessairement ça dans la vitre.
M. Gagnon: Si vous regardez, dans les cours des concessionnaires,
en règle générale les étiquettes demeurent dans les
vitres.
M. Lecours (Jean): Là-dessus, il y a un problème
pratique qui se pose. Au début de l'année de fabrication, le
fabricant nous envoie les véhicules et les prix ne sont pas
annoncés; il n'y en a pas de prix. Alors, le fabricant ne met pas de
prix de liste dans la vitre de la voiture. Si, dans une espèce de
consensus, on dit: II faut que... Alors, qu'est-ce que le commerçant
fait avec ces voitures jusqu'à ce que le prix de liste soit
annoncé? Il les met dans le fond de la cour; il ne faut pas qu'il les
mette à la vue du public, ou quoi?
L'autre problème qui se pose, c'est que, si j'achète un
véhicule d'un autre concessionnaire en Ontario et que le prix de liste
du véhicule est pour ce concessionnaire en Ontario avec un coût de
transport de 200 $, et que mon coût de transport est de 400 $ normalement
pour le véhicule, qu'est-ce que je fais avec l'étiquette? Que le
concessionnaire soit obligé d'afficher le prix de détail
suggéré du manufacturier et qu'il l'identifie tel quel, que c'est
le prix de détail suggéré du manufacturier, on n'a pas de
problème à vivre avec ça, sauf que le problème
vient du fait qu'on fait une loi générale et qu'elle est
appliquée d'une façon générale, alors qu'à
certains moments il n'est pas pratique de l'appliquer, comme je l'ai
mentionné.
Qu'arrrive-t-il quand le manufacturier change son prix de liste, change
son prix de détail? Qu'arrive-t-il à ces listes qui sont
affichées dans les vitres? C'est la liste du manufacturier, et le
manufacturier ne nous en donne pas toujours. Ce ne sont pas tous les
manufacturiers qui les fournissent. Alors, c'est mettre encore une fois la
responsabilité sur le dos d'une personne qui ne peut pas remédier
à un problème ou à un défaut, en l'occurrence le
concessionnaire.
M. Dauphin: Une autre question, si vous me le permettez, Mme la
Présidente, concernant les voitures à problèmes, les
citrons. Étant donné que ce qu'on nous proposait tantôt
c'est qu'en ce qui a trait à la preuve ce serait plus facile d'en faire
la preuve après quelques tentatives de réparation, etc.
Étant donné que le recours serait directement contre le
fabricant, auriez-vous objection à ce qu'on se dirige dans une
orientation comme celle-là?
M. Gagnon: Bon, un petit peu comme on le mentionnait
tantôt, je pense que le premier point qu'on a voulu établir dans
notre mémoire, c'est évidemment que nous ne voulons pas que la
responsabilité retombe sur le concessionnaire. C'est bien sûr,
comme on le mentionnait tantôt,
que ce n'est pas le concessionnaire qui a fabriqué le
véhicule, alors je pense bien qu'on se doit au moins de laisser le
concessionnaire de côté.
Maintenant, quand on parle de "Lemon Law", je vais vous dire
sincèrement que présentement les manufacturiers offrent des
garanties. Je pense qu'il y a aussi une question de compétition et de
réputation de la part des manufacturiers. Je vais vous avouer
sincèrement que présentement les manufacturiers, en
général, et je dirais tous les manufacturiers
présentement, font des efforts immenses pour satisfaire leur
clientèle et qu'advenant un problème qui peut survenir -
évidemment, c'est de la mécanique - dans la majorité des
cas on va offrir un véhicule de remplacement, de telle sorte que le
consommateur sera très peu désavantagé. Je pense que la
création d'une telle loi... D'ailleurs, vous êtes au courant sans
doute qu'il y a présentement un projet de loi fédéral, qui
est la loi C-301, à l'étude.
Mais, comme je le mentionnais tantôt, je pense que ce serait
encore une fois édicter une loi pour de très très rares
exceptions, et je me demande jusqu'à quel point on ne pourrait pas vivre
des abus du côté inverse. Purement en termes de calendrier, qu'on
dise que ça fait un mois ou peu importe, on ouvre peut-être la
porte à certains autres abus.
M. Dauphin: Je me souviens que l'année passée,
alors que nous étions ensemble en matière de sûreté,
dans la réforme du Code civil, on avait parlé de la location
à long terme. Vous n'êtes nullement sans savoir que plusieurs
groupes nous ont demandé de légiférer en ce sens, de
rendre ça comme en matière de protection du consommateur, comme
un contrat de crédit ordinaire. Quelle est votre opinion
là-dessus?
M. Gagnon: En ce qui concerne la location à long terme,
parce que c'est devenu beaucoup plus populaire, je dois distinguer deux types
principaux de location. D'accord, la location conventionnelle, qui s'est
toujours faite depuis nombre d'années, et qui s'adressait beaucoup plus
aux entreprises, aux représentants et autres. L'autre type de location
qu'on rencontre présentement, qui est le fruit des manufacturiers, c'est
une forme de financement qui est différente. On parlait tantôt
d'abus. Je pense qu'il y a peut-être un phénomène qui s'est
produit auprès des consommateurs et qu'il y a certaines choses qui n'ont
pas été comprises. Il est évident que le manufacturier,
dans le but d'écouler son stock, offre un plan de location à des
tarifs mensuels qui sont très bas, sauf qu'on n'est pas sans savoir
qu'il en demeure une valeur résiduelle qui est toujours là
pendant trois ou quatre ans. Il est sûr que, si le client veut changer
son véhicule avant terme, les montants d'argent qu'il n'aura pas
payés pendant les 24 ou 30 premiers mois vont être dans la valeur
résiduelle. Souvent c'est interprété comme une
pénalité, alors que ce n'en est pas une. Je pense qu'il serait
peut-être de bon aloi d'édicter certaines règles pour
éviter des pénalités abusives. D'ailleurs, on mentionne
dans le mémoire que, comme corporation, on a toujours prôné
de bonnes pratiques commerciales. Il faut réaliser aussi qu'il y a eu
plusieurs cas où les consommateurs n'ont pas compris ce qu'est la valeur
résiduelle, qui est la somme d'argent que vous n'avez pas payée,
c'est-à-dire que le véhicule vaut le même prix à la
base, qu'il soit loué ou qu'il soit acheté. Si on parle d'un
véhicule de 10 000 $ qu'on achète et si je vous propose une
transaction dans laquelle vous allez payer 100 $ de moins par mois pendant 48
mois, il est évident que vous allez payer les 4800 $ à la fin du
contrat.
M. Dauphin: Je vais revenir tantôt. Je pense que d'autres
collègues aimeraient poser des questions.
La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le
député de Marquette. Je vais donner la parole à M. le
député de Taillon, représentant de l'Opposition
officielle.
M. Filion: Je vous remercie, M. Gagnon, d'abord de votre
mémoire qui ne manque pas de muscles, qui ne manque pas d'étoffe.
Il y a eu sûrement beaucoup de travail uniquement à la
préparation de ce mémoire. C'est extrêmement précis
et il fait le tour non seulement de ce qui touche le secteur de l'automobile,
mais je remarque que vous avez fait des incursions intéressantes
ailleurs dans l'avant-projet de loi, par exemple en ce qui concerne le contrat
de travail et également en ce qui concerne l'article 1666, dont j'ai
déjà eu l'occasion de traiter hier sur cette possibilité,
pour le tribunal, de réduire le montant des
dommages-intérêts dans certaines circonstances.
Vous soulignez également l'article 1443. Il faut comprendre que
nous sommes actuellement en consultation. Normalement, la question
s'adresserait aux gens de l'autre côté si on avait un projet de
loi, mais, comme on a un avant-projet de loi, qu'on est en consultation, je
vais vous l'adresser. On dit: "Le consentement doit être libre cela se
comprend; c'est une absence de contrainte, je pense - éclairé."
Qu'est-ce qu'un consentement éclairé? C'est déjà
plus difficile à cerner comme notion. (18 heures)
Disons qu'on pourrait essayer de concevoir qu'une jurisprudence se
développerait autour d'un consentement éclairé. Mais,
là, on ajoute "réfléchi". Pour être bien sûr
de ce que je disais tantôt, j'ai fait venir le dictionnaire pour savoir
ce que sont exactement "réflexion" et "réfléchi". Au mot
"réfléchi", évidemment, on se réfère
à la réflexion; mais la réflexion, c'est: "Retour de la
pensée sur elle-même en vue d'examiner plus à fond une
idée, une situation, un problème". Et on
donne comme référence: Voir délibération et
- même - méditation. Alors, je comprends un peu le problème
que vous soulevez d'un concessionnaire d'automobiles qui voudrait savoir si son
client a bien médité, a bien réfléchi sur son
achat. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose à ce que vous
avez dit. À première vue, le consentement réfléchi,
ça pourrait causer bien des problèmes. Je comprends que les
avocats qui plaideraient la première cause auraient du plaisir. D'abord,
ils commenceraient avec le dictionnaire comme je l'ai fait, mais on peut
développer une nouvelle forme de droits, d'obligations basées sur
une notion dont on ne connaît pas la portée exacte
aujourd'hui.
Je ne pense pas que vous vouliez ajouter quelque chose à cela
mais vous pouvez y revenir tantôt, si le coeur vous en dit.
M. Gagnon: Simplement pour soulever ce point où,
effectivement, on s'est posé la question suivante: Qu'est-ce qu'une
décision réfléchie?
M. Filion: D'accord. Ça va. Je pense que les codificateurs
prendront note de vos réserves sur ces possibilités.
La dernière question du député de Marquette est
intéressante sur la location à long terme, et vos propos
également. Je pense qu'on aurait presque réussi un consensus,
c'est-à-dire que vous participez peut-être à cette
idée de vouloir clarifier les règles en ce qui concerne la
location à long terme. Je vois que votre collègue opine
également dans ce sens. Je pense que c'est intéressant, parce que
c'est une réalité qui ne peut que prendre de plus en plus
d'ampleur, comme je l'ai dit hier, du fait que le prix des automobiles
augmente, cela va de soi, et que les gens considèrent que ça a
l'air plus abordable de payer tant par mois que de...
Une voix: Budgétiser.
M. Filion: En même temps, ce que j'aime beaucoup, c'est
votre aveu que, finalement, il y a une forme de location comme il en a toujours
existé, mais il y a la location qui est essentiellement un financement.
Je pense que vos propos sont tout à fait conformes à ce qu'on a
entendu et à ce qu'on pensait, en tout cas de ce côté-ci de
la table, relativement à la nouvelle forme de location à long
terme.
Je voudrais poser ma question sur cette notion de vendeur professionnel
sur laquelle plusieurs groupes ont attiré notre attention. Ce que nous
disent nos conseillers juridiques, c'est que la notion de vendeur professionnel
existe depuis 1979 dans notre droit - c'est l'arrêt Kravitz en Cour
suprême - que ce n'est pas une notion qui est étrangère au
droit français non plus - on cite même Pothier parmi les plus
érudits - et vous vous opposez à cette notion de vendeur
professionnel. Pourtant, dans l'imagerie populaire, je dois vous dire que les
vendeurs d'automobiles passent pour être de bons vendeurs professionnels.
Peut-être que cela s'adresse plus à vos avocats; en ce sens, Me
Vaillancourt ou votre conseiller juridique pourrait peut-être nous
éclairer.
M. Gagnon: Si je peux me permettre un point, c'est qu'on exige
des choses du vendeur professionnel que ce soient des actes ou des garanties,
que l'on n'exige pas du vendeur. Comme je le mentionnais tantôt,
pourquoi, si on veut protéger - parce qu'à toutes fins utiles le
projet de loi a pour but de protéger le consommateur... Le consommateur,
selon moi, qu'il achète son véhicule d'un commerçant ou
d'un particulier, il demeure quand même un consommateur, il demeure un
acheteur. Alors, pourquoi oblige-t-on le vendeur professionnel à fournir
certaines garanties? Pourquoi ne les exige-t-on pas du vendeur? C'est la
question qu'on pose principalement. Pourquoi le vendeur n'aurait-il pas la
même responsabilité que le vendeur professionnel?
M. Filion: Je vous réponds comme cela, sans avoir
rédigé le projet de loi, que le vendeur professionnel, faisant
métier de vendre le produit concerné, est présumé
connaître ce qu'il vend, alors que le vendeur ordinaire n'est pas
présumé connaître tout ce qu'il vend. En deux mots, le
vendeur professionnel a une meilleure connaissance de l'objet de la transaction
que le vendeur ordinaire. Écoutez, ce n'est pas moi qui l'ai dit, il y a
aussi la Cour suprême.
M. Gagnon: Puis-je me permettre une objection à ce que
vous dites?
M. Filion: Oui.
M. Gagnon: On pose la question: Croyez-vous que la personne qui a
utilisé un véhicule pendant trois ans connaît bien son
véhicule? Je pense sincèrement qu'elle le connaît beaucoup
mieux que le concessionnaire qui l'aura acheté. Même si on a
inspecté un véhicule, il peut exister certaines
défaillances mécaniques particulièrement difficiles
à déceler. Je pense que la personne qui l'a utilisé
pendant trois ans est raisonnablement en mesure de connaître son
véhicule, même si elle n'est pas une professionnelle en la
matière.
M. Filion: D'accord. Je ne veux pas commencer le débat
avec vous là-dessus; Gilles Villeneuve passait trois heures dans sa
voiture et il la connaissait mieux que d'autres personnes qui pouvaient passer
huit ans dedans. Il y a la mécanique, etc., il y a beaucoup de facteurs,
mais en tout cas... Bref, ce que vous me dites, c'est qu'il ne devrait pas y
avoir de distinction entre les deux...
M. Gagnon: C'est cela.
M. Filion: ...entre le vendeur et le vendeur professionnel.
Pourtant, cela existe déjà. À moins qu'on me dise que cela
n'existe pas dans notre droit, je pense que cela existe déjà.
Il y a une chose intéressante aux pages 14, 15 et 16 de votre
mémoire relativement à la vente du bien d'autrui. À la
page 16 particulièrement, vous reprenez l'idée qui circule depuis
hier - je ne sais pas si c'est à la page 16 - de la possibilité
d'un registre de biens mobiliers pour vérifier l'identité des
propriétaires et, quant aux voitures, l'inscription des charges et des
biens et l'immatriculation des véhicules auprès de la
Régie de l'assurance automobile. En tout cas, je vous le soumets, est-ce
que cela répondrait à vos besoins s'il existait, à la
Régie de l'assurance automobile du Québec, un registre
d'identité des propriétaires des véhicules ainsi qu'un
registre qui permettrait l'inscription des charges sur la voiture?
M. Gagnon: C'est sur des liens qui peuvent exister sur un
véhicule, effectivement.
M. Béchard (Jacques): Puis-je me permettre d'ajouter un
élément de réponse?
M. Filion: Je vous en prie.
M. Béchard: On vient de terminer la préparation
d'un mémoire qu'on va présenter très bientôt au
ministère des Transports dans lequel, faisant suite au mémoire
qu'on avait présenté à cette commission en matière
de sûretés réelles et de publicité des droits, on
demande, dans l'attente d'avoir un système complet d'enregistrement des
liens comme il en existe dans certaines autres provinces canadiennes, à
la régie - et semble-t-il que ce serait réalisable sans trop de
difficultés - d'inscrire sur le certificat d'immatriculation d'un
véhicule si, effectivement, il y a un lien sur un tel véhicule.
On va présenter ce mémoire incessamment.
M. Filion: C'est d'autant plus intéressant que cela semble
être aussi le souhait des groupes de consommateurs. Alors, c'est un
dossier à suivre.
M. Béchard: Comme vous le dites effectivement - vous
apportez un élément extrêmement important - ce
système profiterait non seulement aux commerçants, mais
également aux consommateurs. On peut parler de la moitié des
ventes qui se font entre particuliers. C'est un élément
extrêmement important, tant pour les commerçants que pour les
particuliers.
M. Filion: En tout cas, je l'ai mentionné hier, je ne
pense pas que ce soit très difficile. Les transactions doivent
déjà passer par la régie. Bien sûr, il y aurait un
peu plus que cela, mais ce serait bon pour le consommateur et pour le
concessionnaire. Les seuls qui auraient un peu de difficulté à
vivre avec cela, ce seraient les receleurs.
M. Gagnon: Chose que l'on souhaite.
M. Filion: Tant mieux pour nous autres. Voilà.
Une dernière question avant de retourner la parole, s'il le
désire, à mon collègue, le député de
Marquette. Aux pages 32 et 33 de votre mémoire - je vais citer pour ne
pas tronquer vos idées relativement aux véhicules
accidentés - il est dit: "II est possible, à l'heure actuelle,
pour une personne, de s'informer auprès des propriétaires
antérieurs si le véhicule a été accidenté.
Pourquoi le législateur voudrait-il sanctionner une information qui est
peut-être fausse?" Bref, vous nous avez dit c'est quoi un accident. C'est
vrai, il y a l'accrochage et il y a la démolition. Je pense que vous
aviez deviné ma question. C'est que, finalement, une simple inscription,
ce ne serait pas la fin du monde. Le vendeur ajouterait une inscription, une
étiquette disant que le véhicule a été
accidenté. En deux mots, ce n'est pas bien sorcier! Si c'est juste un
accrochage, il dira: C'est juste un accrochage. Si le véhicule a
été endommagé pendant le transport, il est tombé de
la remorque et le moteur a été déréglé ou je
ne sais pas trop, c'est autre chose. On n'a qu'à songer aussi à
toutes ces ventes et reventes. Il m'apparaît que ce n'est pas
compliqué; que pour les tribunaux aussi cela va devenir un
élément de vérification objective très
accessible.
M. Gagnon: Si je peux me permettre une remarque à cet
effet, ce qu'on a voulu souligner dans le mémoire, c'est qu'on aimerait
qu'on puisse s'appuyer sur une déclaration écrite du dernier
propriétaire du véhicule. Je pense qu'il est important pour la
protection, que ce soit du consommateur ou du commerçant, que toutes les
parties qui sont impliquées dans une transaction soient responsables de
ladite transaction. Je pense qu'il est particulièrement important que la
personne qui vend son véhicule au commerçant ait la même
obligation de déclarer un accident à un véhicule que le
commerçant aurait, lui, en vendant cedit véhicule à
l'acheteur. C'est le point important qu'on voulait mentionner: c'est la
responsabilité de la personne qui va vendre son véhicule. Cela,
je pense que c'est important aussi.
M. Filion: C'est déjà dans lavant-projet de loi, au
dernier alinéa de l'article 2781, qui dit: "Pour l'application des
paragraphes 1°, 3° et 8° - nous autres, c'est le paragraphe 8°
- du présent article, le professionnel peut s'appuyer sur une
déclaration écrite du dernier propriétaire du
véhicule, sauf s'il a des motifs sérieux de croire qu'elle est
fausse."
M. Béchard: C'est sur ce plan que l'on
pense qu'il va y avoir des problèmes, si cette disposition
était adoptée, parce que le dernier propriétaire pourrait
ne pas avoir eu d'accident avec son véhicule, mais il aurait pu
acquérir ce véhicule-là d'un autre qui, lui, aurait eu un
accident. À ce moment-là, le commerçant demanderait:
Avez-vous subi un accident avec votre véhicule? Et le
propriétaire dirait: Non. Le concessionnaire indiquerait sur
l'étiquette: Non, il n'a pas eu d'accident. Ce serait une affirmation
fausse, vu que le véhicule aurait déjà été
accidenté lors d'une acquisition antérieure, si le
véhicule a été entre les mains de deux ou trois
propriétaires; et, sur ce plan, nous croyons que ce serait un
problème.
L'autre élément, je pense qu'il est important. Vu que le
législateur veut ajouter cela, par rapport au droit actuel il faut se
poser la question à savoir si le consommateur est protégé,
s'il achète un véhicule accidenté. Je suis à la
corporation comme avocat permanent depuis déjà plus de quatre ans
et j'ai l'occasion de discuter de ces questions assez fréquemment avec
des concessionnaires et même avec mes collègues de l'Office de la
protection du consommateur. Il y a des dispositions dans la Loi sur la
protection du consommateur qui protègent celui qui achèterait un
véhicule accidenté; par exemple, les dispositions pour ce qui est
des vices cachés, parce que le véhicule accidenté est
souvent affecté de vices cachés. Exemple: dans le cas d'une
réparation qui n'aurait pas été effectuée selon les
règles de l'art, le consommateur est très bien
protégé par l'article 53 de la loi. il est également
protégé par une disposition générale de la loi, qui
se trouve dans les pratiques de commerce, à savoir qu'un marchand ne
peut pas omettre de mentionner un fait important à un consommateur. Et
certaines décisions des tribunaux ont effectivement permis l'annulation
de la vente lorsqu'un marchand avait omis de mentionner à un
consommateur le fait que le véhicule avait été
accidenté. À ce sujet, il y a des protections à l'heure
actuelle dans la Loi sur la protection du consommateur et il y a certaines
décisions des tribunaux qui ont confirmé l'application de ces
dispositions.
M. Filion: Bon, au nom de l'Opposition officielle, la formation
politique que je représente, je voudrais vous remercier, M. Gagnon, Me
Béchard, Me Vaillancourt, M. Lecours et M. Demers, pour la
qualité de votre mémoire, je l'ai dit tantôt, mais aussi
pour votre franchise dans les propos que nous avons échangés. Je
pense que votre corporation défend des positions tout à fait
raisonnables qui peuvent être acceptées ou rejetées par les
codificateurs et par ceux qui ont pour tâche de bâtir un projet de
loi qui sera examiné, dans une deuxième étape, dans une
autre réunion de la commission parlementaire. Alors, mes
félicitations sur toute la ligne.
Le Président (M. Marcil): Merci. Je vais reconnaître
le député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Oui, M. le Président. Merci. Je voudrais tout
simplement souligner que je prends bonne note de ce que M. Lecours indiquait
tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il ne voyait pas de
problème si on demandait au concessionnaire d'afficher dans les voitures
le prix de détail suggéré par le fabricant. Je pense que
c'est là une approche qui vaut la peine d'être soulignée.
Il y a quelques difficultés, que ce soit le transport, que ce soient les
changements de prix, mais je pense que dans la balance les inconvénients
penchent nettement, dans un cas semblable, en faveur d'un changement en ce qui
a trait à cette pratique. Il faut savoir que le consommateur manque
très souvent d'information. Il n'a pas accès à des
renseignements qui sont nécessaires pour faire un marché
raisonnable. On nous dit, et je suis heureux de l'entendre, que ce serait assez
facile et que les concessionnaires accepteraient assez facilement une
obligation semblable malgré les quelques difficultés que cela
peut soulever, plus particulièrement pour ce qui est du transport et de
certains changements de prix.
À ce sujet, je soulignerai que rien n'empêcherait les
concessionnaires de montrer la facture qui indiquerait le coût du
transport et, bien sûr, cela pourrait s'ajouter. Rien n'empêcherait
non plus les fabricants d'avoir des factures supplémentaires advenant
des changements de prix. Il me semble que quand une voiture a été
livrée, qu'elle est dans la cour des concessionnaires et qu'elle est
prête à être vendue, c'est qu'elle a donc été
produite à un certain prix. Les prix sont fixés. Un produit,
qu'on est prêt à vendre, qu'on est prêt à faire
rouler sur la route, m'apparaît un produit dont on devrait être
sûr du prix de vente. Donc, les changements postérieurs de prix de
vente par les détaillants ne devraient pas affecter le prix de
détail de cette voiture-là. Il m'apparaît que ce serait
illogique de soutenir qu'une fois que l'on a produit des voitures à un
prix de détail déterminé on puisse par après,
rétroactivement, changer à la hausse les prix de ce
produit-là qui est déjà prêt à être
remis entre les mains des consommateurs.
Alors, ces quelques remarques étaient tout simplement de nature
à souligner qu'il semblait y avoir un certain nombre de points de
rencontre et que les difficultés mentionnées étaient loin
d'être insurmontables. Au nom du ministre de la Justice et de l'adjoint
parlementaire, je voudrais vous remercier et vous dire que votre mémoire
est pris de bonne part et que les suggestions sérieuses qui sont faites
seront considérées à leur juste valeur. Sur ces quelques
mots, je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le
député de Louis-Hébert. À mon tour, comme
président de cette commission, je vous
remercie beaucoup, M. Gagnon et vos collaborateurs, de vous être
présentés à cette commission parlementaire. Nous allons
suspendre les travaux jusqu'à 20 h 30.
(Suspension de la séance à 18 h 20)
(Reprise à 20 h 43)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons reprendre nos travaux. Ce soir, de 20 h 30 à 22
heures, nous allons entendre la Commission des services juridiques, toujours
sur le même sujet. Donc, messieurs des services juridiques, nous vous
souhaitons la bienvenue à cette commission parlementaire. M. Yves
Lafon-taine, président, si vous voulez bien nous présenter vos
collaborateurs et entamer immédiatement la présentation de votre
mémoire, tout en sachant que les gens du ministère de la Justice,
de même que ceux de l'Opposition, ont déjà examiné
les tomes 1 et 2 de votre mémoire. Ensuite, nous aurons un
échange d'opinions ou une période de questions. Donc, si vous
voulez présenter les personnes qui vous accompagnent.
Commission des services juridiques
M. Lafontaine (Yves): Merci, M. le Président. À mon
extrême droite, Georges Massol du service de recherche; incidemment,
Georges est l'auteur de "La Loi annotée sur la protection du
consommateur" qui est à la disposition du public; Me Jean-Pierre
Villaggi, immédiatement à ma droite, du service de recherche.
Comme pour tous les mémoires de la Commission des services juridiques,
celui-ci a été fait en collaboration avec les spécialistes
du réseau d'aide juridique de différentes régions. Il
représente un consensus de toutes ces personnes. Quand il n'y a pas eu
consensus, on a évité de se prononcer sur la question. Bien
entendu, vous pourrez peut-être noter un certain biais pour les personnes
défavorisées, je pense que c'est normal. Par contre, on a
essayé aussi, d'une certaine façon, d'agir en juristes; on a
dû oublier certaines sections qui nous semblaient moins pertinentes, il
va de soi.
Nous allons procéder comme suit, c'est-à-dire que chacun
va prendre un bout du mémoire, résumé, je vous le promets.
Je tiens, cependant, à vous remercier de nous recevoir. Vous faites un
exprès ce soir, on le sait, pour nous recevoir et ce, pendant deux
heures. Je peux vous dire qu'on l'apprécie beaucoup.
En terminant ma présentation, je veux simplement dire à la
commission que, si vous le jugez approprié, on peut mettre à
votre disposition un cahier qu'on a été obligé de faire,
dans lequel vous avez l'ancien code, la loi antérieure, l'Office de
révision du Code civil, les commentaires; ils sont tous placés
vis-à-vis de chacun des articles. Cela a été fait,
d'ailleurs, en collaboration avec la Direction générale des
affaires législatives.
Le Président (M. Marcil): Est-ce que vous en avez des
copies?
M. Lafontaine: Si cela peut vous être utile, cela nous fera
plaisir... Pardon?
Le Président (M. Marcil): Est-ce que vous en avez des
copies?
M. Lafontaine: Oui, nous en avons des copies que nous pourrons
vous faire parvenir. Disons que, pour ce soir, nous en avons apporté
seulement une...
Le Président (M. Marcil): C'est cela.
M. Lafontaine: ...qui servira lors de notre
présentation.
Le Président (M. Marcil): Vous pourrez les faire parvenir
au Secrétariat de la commission qui pourra en distribuer aux
députés.
M. Lafontaine: Merci.
Le Président (M. Marcil): Cela nous sera sûrement
très utile.
M. Lafontaine: D'accord. Je vais demander à Me Massol
peut-être de procéder immédiatement avec la partie plus
générale sur les obligations.
M. Massol (Georges): Bonsoir, M. le Président et chers
membres de cette sous-commission. Au point de départ, on doit quand
même constater une chose - évidemment, on ne pourra pas tout dire
ce soir - mais on doit d'abord constater que ce qu'on a ici devant nous
constitue une oeuvre législative absolument remarquable, fondamentale,
autant par son ampleur que par les sujets traités. Nous, nous appelions
cela un travail de bénédictin, parce que, quand même, c'est
un travail qui n'était pas commun et qu'on ne voit pas souvent. Ceci
dit, un travail de cette ampleur soulèvera évidemment des accords
et des désaccords. Alors, l'unanimité est bien difficile à
faire concernant ces nombreux sujets. À cause du temps alloué,
nos commentaires vont surtout porter sur les grandes idées
dégagées par les sujets envers lesquels nous entretenons
certaines réserves. Nous consacrons notre exposé à une
douzaine de points particuliers que je vais traiter avec Me Villaggi.
Nos commentaires, pour la plupart, ne prônent pas
nécessairement un rejet total des solutions proposées par le
projet. Le plus souvent, nous allons suggérer un aménagement
différent, des ajouts, ou, plus généralement, nous allons
demander au législateur d'aller un peu plus loin dans la démarche
qu'il a entreprise, mais fondamentalement, nous constatons qu'il y a des
améliorations considérables et appréciables dans le
projet.
Ainsi - et c'est le premier point d'intérêt particulier
dont nous voulons vous entretenir ce soir - nous sommes d'avis, pour suivre un
peu la méthode ou le plan du Code civil proposé, que
l'intégration du principe de la justice contractuelle au Code civil
n'est pas complète. Bien sûr, on y retrouve l'idée de
lésion et les dispositions y restreignant les clauses abusives. En soi,
cela constitue un progrès tout à fait remarquable. Par contre,
sur la place que la lésion occupe - et on va commencer par cela - dans
le projet, à l'article 1449, il reste des articles du titre premier qui
font que la lésion constitue encore un remède qui sera
considéré, malheureusement, exceptionnel par les tribunaux.
À notre avis, la recherche d'une meilleure justice contractuelle
devrait se faire par trois moyens. Le premier moyen: il faudrait restructurer
le schéma même des obligations et du contrat. Concernant cela, il
faut constater, je pense, que le projet répète les mêmes
formules et le même schéma que le code de 1866,
c'est-à-dire qu'on part avec cause, objet, consentement,
capacité, etc. C'est ce qui forme les obligations. On a même
ajouté des choses qui n'existaient pas dans notre code de 1866. Je
pense, par exemple, à l'article 1134 du code français. On l'a
intégré quelque part dans le projet. Le Code civil de 1866, je
n'apprendrai rien à personne en disant qu'il était lui-même
basé sur un code antérieur, le code français de 1804, qui
a été fait en pleine période d'exaltation des droits
individuels, influencée par des philosophes du temps, Kant, Rousseau,
Grotius. Alors, il était normal qu'on présume que l'autonomie de
la volonté devait être la chose valable. Puisque toute personne
était libre, égale à son semblable, il ne pouvait y avoir
de contrat injuste. S'il ne pouvait y avoir de contrat injuste, le contrat
était donc la meilleure loi. Alors donc, suprématie de
l'autonomie de la volonté.
On était aussi en période d'exaltation non seulement des
droits individuels, mais du développement du commerce. Alors, cela
faisait l'affaire de tout le monde. Tant mieux. Le contrat était un
instrument très utile. On n'avait pas à scruter le
caractère juste du contrat. Il était présumé juste.
Tout le monde était libre. Tout le monde était égal
à son semblable. Tant mieux. Tout va bien. Alors, le contrat
présumé juste parce que basé, encore une fois, sur une
volonté tout à fait inattaquable. Fouillée, qui est un
juriste, mentionna: Qui dit contractuel, dit juste, dans une phrase maintenant
célèbre. Sauf que l'étude de la société,
l'étude des transactions, nous ont démontré que les
idées philosophiques à la base de la présomption de
justice dans l'autonomie de la volonté n'étaient pas tout
à fait réalistes. On a dû même à l'occasion
intervenir dans des secteurs de masse et un peu en vapeur: protection du
consommateur, logement, valeurs mobilières, etc.
Alors, il nous semble que, sans pour autant ébranler
l'édifice contractuel qui nous est si cher, ni la confiance des
contractants à l'égard du contrat conclu, certaines modifications
pourraient être apportées dès le début, dans le
schéma, afin de mieux entourer le principe même de justice
contractuelle. Par exemple, il nous semble qu'on ne devrait pas se limiter
à dire que le contrat est simplement la rencontre de deux
volontés. On devrait mentionner de plus que le contrat doit mener
à un résultat juste. Et cela n'ouvre pas la porte à des
requêtes et à des actions à toutes les minutes, à
toutes les heures et à tous les jours. C'est simplement une norme qu'on
se fixe. Alors, le code reprendrait deux idées antinomiques: la justice
et l'utilité. Jusqu'à présent, on a donné pas mal
d'importance à l'utilité, mais on a peut-être laissé
un peu de côté la justice. Alors, ajouté à un
principe général de respect de l'ordre public qui se situerait,
non pas au début du code, comme notre article 13 actuel du Code civil du
Bas-Canada, mais au début du chapitre du contrat, ce critère
permettrait d'éviter l'écueil traditionnel que même - on
doit le constater malheureusement - les rédacteurs du projet n'ont pu
éviter, c'est-à-dire situer la lésion dans les vices du
consentement, ce qui me semble très regrettable.
Ayant formulé les principes de justice contractuelle, il reste le
deuxième moyen pour atteindre une meilleure justice contractuelle,
c'est-à-dire replacer la lésion à l'endroit qui lui
convient le mieux. D'abord, la lésion, qu'est-ce que c'est? Est-ce une
condition de formation du contrat ou est-ce plutôt un recours? À
notre avis, on a situé la lésion dans les vices du consentement,
sans que cela en soit un, et il faudrait donc quelque chose pour accrocher la
lésion. Nous avons donc dit que mentionner que le contrat doit
être juste serait approprié.
Alors, comme on vient de le mentionner, la lésion devrait se
retrouver à côté d'un principe général de
l'ordre public et non dans les vices du consentement. Pourquoi? D'abord, parce
que la lésion a un caractère hybride. On dit souvent qu'il y a
deux sortes de lésions: lésion subjective et lésion
objective. Je vais essayer de ne pas trop compliquer mes explications, mais
dans la lésion subjective, la première forme - ça va
peut-être sembler aride, mais je vous promets que je vais m'arrêter
là après - se divise elle-même en deux: lésion
subjective-sanction. On vise à sanctionner les "agissements" - entre
guillemets - du contractant et non pas de la personne qui a subi une
lésion ou qui a été lésée. On vise à
avoir le comportement de l'autre, et c'est cela l'exploitation. La
deuxième forme de la lésion subjective, c'est la lésion
subjective-remède. Ah! On regarde cette fois-ci la personne
lésée, soit son consentement. À ce moment-là, la
lésion peut ressembler effectivement ou peut être
intégrée aux vices du consentement ou, encore, on vise à
protéger le patrimoine de la personne lésée. On a eu le
cas du
mineur jusqu'à maintenant: article 1001 et suivants de notre Code
civil. C'était le cas, on visait à protéger le
patrimoine.
Deuxièmement, il y a la lésion objective. Cette fois-ci
c'est absolument le déséquilibre des prestations que l'on vise.
Qu'est-ce que l'article 1449 vise? L'exploitation, on le dit nommément.
Il s'agit d'une lésion subjective-sanction, qui n'est pas portée
vers la personne lésée, mais par l'autre, le cocontractant.
Deuxièmement, l'article 1449 vise le déséquilibre. Le
déséquilibre, c'est objectif. L'exploitation, pour y revenir - on
l'explique dans notre mémoire, page 28 et suivantes - c'est une notion
traditionnellement étrangère au droit civil français. Cela
nous vient des autres provinces de "common law", elles-mêmes
influencées par les États-Unis, eux-mêmes influencés
par le droit allemand, suisse, etc. La disproportion, c'est un vice objectif
qui, à notre avis, n'a aucun rapport avec le vice du consentement, mais
beaucoup plus avec la cause ou l'objet. Comment deux critères, soit
l'exploitation ou le déséquilibre, qui n'ont donc pas rapport
avec les vices du consentement, se retrouvent-ils à la section "Vices du
consentement"? Nous pensons certainement que la lésion n'a pas d'affaire
dans les vices du consentement.
Troisième moyen pour assurer une meilleure justice contractuelle:
formuler un principe de lésion cohérent, d'abord, en l'entourant
des remparts adéquats pour pouvoir accrocher la lésion à
quelque chose, la replacer dans son contexte, sinon la différence entre
la lésion et l'erreur, par exemple, dans les vices du consentement, sera
purement théorique.
Deuxièmement, prévoir que la lésion a lieu s'il y a
disproportion équivalant à exploitation. C'est la
présomption que l'on prévoit à l'article 1449.1. Cela va.
Nous, nous demandons d'aller plus loin: "Que sur preuve de toute autre
circonstance menant à exploitation". Il y en a: l'obtention d'un
engagement qui cause un préjudice par le moyen d'actes
répréhensibles. Ce n'est pas de la fraude, ce n'est pas du dol,
ce sont seulement des actes un peu louches, contraires à la
moralité commerciale ou à l'ordre public en
général. Il se peut qu'on n'ait pas besoin de disproportion pour
être exploité. On peut tout simplement être mené
à un contrat pour qui le prix vaut bien la valeur ou l'inverse, mais
pourtant on n'aurait pas été amené à conclure ce
contrat qui nous est inutile si on n'avait pas été
exploité, c'est-à-dire si on n'avait pas été
mené par un engagement ou par des tactiques de l'autre
côté.
Le deuxième moyen pour formuler un principe cohérent de
lésion, c'est, à notre avis, d'éliminer la restriction du
deuxième alinéa proposé par les rédacteurs. Cela
constitue, selon nous, une restriction qui n'est pas justifiée. D'abord,
l'article 1449, tel que proposé. ne s'appliquerait qu'à trois
types de contrats: les contrats de consommation, et il y a déjà
un article qui le prévoit au titre troisième, l'article 2722...
Alors, l'article 1449 ne sert pas, comme tel, les intérêts de la
consommation. Les particuliers. Ce n'est pas là qu'on rencontre le plus
de disproportions, tant dans les prestations que dans la force des parties. Ce
n'est pas entre les parties qu'il peut y avoir des déséquilibres;
c'est entre les conglomérats, les gens qui ont plus de pouvoir
vis-à-vis du petit qui n'a pas de pouvoir. C'est cela qu'il faut
viser.
Enfin, l'article 1449, tel que suggéré, s'appliquerait aux
conventions entre époux. La Cour suprême nous l'a dit
l'année passée dans trois arrêts célèbres.
Bon. Je veux bien. C'est très utile entre époux. Est-ce que c'est
cela que le législateur voulait viser ou devrait viser? À mon
avis, non.
Il faut se demander si la restriction prend en considération des
disparités qui pourraient exister entre des personnes morales et des
entreprises. On a fait un choix. Le législateur a fait le choix de
proposer 1449.2. Il a fait le choix d'éliminer toute disproportion qu'il
pourrait y avoir entre personnes morales. Qu'on pense à la petite
entreprise débutante, au dépanneur, qui est une personne morale
vis-à-vis de son bailleur de fonds, à la petite entreprise qui
fournit un bien et qui le fournit à un monopole. On présume que
ces deux entreprises-là sont sur le même pied.
Alors, prétendre, comme certains le font ou le feront devant
vous, que la présomption de l'article 1449 entraînerait des
interventions trop fréquentes des tribunaux en matière
contractuelle et compromettrait sérieusement le principe important de la
stabilité des contrats, cela ne nous convainc aucunement. D'ailleurs, le
passé nous a montré que, même avec l'article 8 de la Loi
sur la protection du consommateur, une seule cause à ce jour a
sérieusement invoqué la lésion. Il y a eu quelques causes
de déséquilibre de prestations à la Cour des petites
créances. Il y en a eu quelque-unes. Dans "La Loi annotée sur la
protection du consommateur", on en mentionne seulement huit en tout. Alors, ces
idées souvent véhiculées de stabilité, etc.,
risquent au contraire d'entretenir l'apparence de justice qui entoure le
contrat, tout cela basé sur la liberté contractuelle, la libre
concurrence, etc. (21 heures)
La stabilité, à notre avis, est assurée de toute
façon par l'article 1451 du projet de loi, qui offre au tribunal un
arsenal ou une batterie de solutions aux contrats injustes. On fixerait ainsi,
par nos suggestions, des normes de conduite et d'éthique chez les
contractants, qui seraient supérieures aux normes actuelles, tout en
éliminant des cas patents d'injustice que le juge ne peut corriger,
faute de moyens. On a souvent lu la jurisprudence à cet effet. Le juge
constate qu'il y a manifestement injustice. L'article 1012 du Code civil actuel
existe: la lésion entre majeurs est interdite. Je ne peux rien faire, je
suis impuissant. Si on fixait des normes supérieures, on saurait
à quoi s'en tenir.
II ne s'agit pas d'une chasse aux sorcières. Il ne s'agit pas de
punir les mauvais commerçants, les mauvais détaillants, les
mauvais fabricants ou de favoriser les bons consommateurs, mais
d'établir les règles. Je me suis assez attardé sur ce
sujet. Nous allons passer immédiatement aux commentaires concernant le
préjudice causé à autrui. Cela soulève trois grands
commentaires, je vais parler de deux et ensuite je vais céder le micro
à Me Villaggi.
D'abord, l'intention de regrouper le domaine délictuel et le
domaine contractuel. Il nous semble qu'on a voulu le faire à bon droit,
sauf que nous constatons qu'actuellement notre système s'accommode bien
de la différence pratique qui existe entre les deux systèmes. Si
on parle strictement au point de vue législatif, la structure même
du titre premier laisse croire que les sources d'obligation sont contenues au
chapitre deuxième, Du contrat, et au chapitre quatrième, le
quasi-contrat, et il semble que le chapitre intermédiaire, le chapitre
troisième, veuille réglementer une source distincte des
obligations. D'ailleurs, l'article 1413 au début du projet de loi en
fait une source distincte. L'article 1515, au début du chapitre
troisième, Du préjudice causé à autrui,
énonce le devoir général de respecter les règles de
conduite générales et d'honorer les obligations
contractées. On fait donc référence à deux types
d'obligation. On se demande pourquoi alors on prévoit ailleurs dans le
projet de loi des articles qui réglementent la responsabilité
contractuelle si l'on trouve dans l'article 1515 un principe plus
général. Pour ces raisons et d'autres qui sont davantage
élaborées dans notre mémoire, nous pensons que le
regroupement sera impraticable. Cette opinion est renforcée par le
problème accessoire engendré par l'option de régime,
particulièrement à l'égard de la responsabilité du
fabricant d'un bien. Cela m'amène au deuxième grand commentaire
concernant le préjudice causé à autrui.
Envers les fabricants, l'article 1516, alinéa 2, dit: Pas de
cumul, les dispositions du présent chapitre s'appliquent exclusivement.
Le préjudice causé est exclusivement réglé par le
chapitre troisième, qu'il s'agisse de l'acheteur, du
sous-acquéreur ou de toute autre personne. Le préjudice
occasionné par le bien du fabricant est exclusivement
réglé par ce chapitre.
C'est donc dire que les obligations particulières contenues au
chapitre de la vente, par exemple les garanties, 1776, la garantie de
durabilité, ne sont pas applicables dans ce cas. On nous dit que
c'était peut-être une erreur, mais nous, on y voit d'abord un
paradoxe que les garanties de durabilité prévues à
l'article 1776, comme je viens de le mentionner, qui, en passant, constituent
une innovation très intéressante en matière contractuelle,
ne s'appliqueraient pas à l'égard du principal
intéressé, celui qui a le plus grand contrôle sur le bien,
c'est-à-dire le fabricant, puisque c'est exclusivement
réglé par le chapitre troisième.
Pour tenir le fabricant responsable, que ce soit le contractant, celui
qui passe sur la rue et qui est blessé, le sous-acquéreur, il
faudra prouver faute, 1515, avec tout ce que comporte la notion de faute
véhiculée depuis 120 ans. Le fabricant, de son côté,
pourra opposer tout un arsenal de moyens d'exonération non applicables
en matière contractuelle. Ces cas d'exonération sur lesquels on
va revenir sont, à notre avis, les plus discutables concernant le
fabricant, en tout cas. Ces moyens sont prévus aux articles 1529
à 1535.
On constate donc qu'il s'agit d'une mise de côté
regrettable, désastreuse, du principe dégagé en 1979 par
la Cour suprême dans l'affaire Kravitz.
Me Villaggi va poursuivre ces commentaires sur la responsabilité
du fabricant.
M. Villaggi (Jean-Pierre): Concernant la responsabilité du
fabricant, l'ensemble des commentaires que je ferai, autant à ce niveau
que dans d'autres domaines, porteront davantage, vous le remarquerez, sur le
domaine social. Je suis un avocat habitué à pratiquer davantage
au niveau social, au niveau administratif et, au nom de la commission, c'est un
peu cet aspect que j'essaierai d'apporter devant vous. Ce que Me Massol
soulevait pose le problème qu'on retrouve notamment à l'article
1531 du Code civil. Si on regarde l'article 1531, il permet au fabricant de
s'exonérer dans quatre situations qui sont non pas cumulatives, mais
alternatives. On lui permet de s'exonérer s'il prouve que le bien
n'avait pas été mis en circulation par lui, que le vice de
sécurité qu'il comporte n'existait pas, compte tenu de
l'état des connaissances, au moment où il a mis le bien en
circulation, que le bien n'a été ni fabriqué, ni
distribué dans le cadre de l'exploitation de son entreprise ou dans le
but d'en tirer profit. Et, élément supplémentaire à
l'alinéa 2, il n'en est pas tenu non plus s'il prouve que la victime
connaissait ou était en mesure, par des moyens raisonnables, de
connaître le vice de sécurité du bien, ou que le
préjudice était raisonnablement prévisible pour elle.
Il me semble que, dans l'état actuel de la consommation au
Québec, c'est établir un fardeau de preuve pour le consommateur
qui est tout à fait disproportionné. On peut imaginer les preuves
que sera en mesure de faire un fabricant pour contrer sa responsabilité,
preuves que devra contrecarrer le consommateur, ce qui, en pratique,
s'avère à peu près impossible. On peut imaginer tout le
lot d'informations qui sont communiquées au consommateur par le biais de
la publicité, par le biais des dépliants publicitaires dont la
plupart d'entre nous ne prenons habituellement pas connaissance. Si c'est pour
être invoqué contre le consommateur pour soulever la
non-responsabilité du fabricant, il me semble que, dans l'état
actuel, de la façon que l'article a été
rédigé, dans le contexte où il a été
rédigé, c'est, comme le disait Me Massol, écarter toute
l'application de l'arrêt Kravitz et revenir peut-être dix ou quinze
ans en arrière. On ne sait pas si c'est ce que le législateur a
voulu, mais ça nous paraît déplorable.
Dans le même esprit, dans la section concernant les
préjudices causés à autrui, on peut remarquer à
l'article 1515 que le législateur a enlevé toute la notion de
discernement. Pour contrer le fait qu'on a enlevé la notion de
discernement, on a prévu aux articles 1519 et 1520 des situations
particulières pour le mineur qui est non doué de raison et pour
le majeur qui est protégé ou temporairement privé de
raison. On est en mesure de présumer que ces articles visent la personne
qui souffre, par exemple, d'un handicap mental, qui a des problèmes
mentaux particuliers qui l'empêchent d'assumer une responsabilité
complète vis-à-vis de certains actes. Quand on lit ces articles,
on se rend compte que le mineur pourrait être appelé à
payer dans différentes situations, donc, dans les cas où son
patrimoine ne compromettra pas ses besoins essentiels ou son avenir et, dans le
cas du majeur qui est dans la même situation, il conservera un recours
contre le curateur, contre le tuteur.
Il nous semble, en fait, que cet article créera plus de
problèmes qu'il ne risque d'en résoudre. Notamment, on s'est
demandé quelle est la clientèle qui pourrait être
touchée par un tel article. On est arrivé à la conclusion,
peut-être un peu bête pour les gens qui sont de l'extérieur,
que les gens qui seraient touchés par cet article, ce sont les gens qui
justement ont reçu une compensation à cause du handicap dont ils
souffrent. On peut penser, par exemple, à la personne qui a un accident
d'automobile, qui est handicapée de 30 %, 40 % ou 50 %, qui est
incapable de formuler une raison, qui est incapable de discerner le bien du mal
et qui verra son patrimoine handicapé parce qu'elle devra indemniser une
victime à qui elle a causé une faute alors qu'elle n'en est
absolument pas responsable parce qu'elle n'a pas la capacité de formuler
ou de former cette responsabilité.
On a suggéré dans le mémoire la possibilité
de mettre sur pied une espèce de programme gouvernemental qui
permettrait d'indemniser ces victimes. Quand on fait le tour de la
jurisprudence existante, on se rend compte qu'il s'agit de cas très
mineurs, dans le sens où il y en a très peu, le nombre est
très peu élevé, mais il nous semble que ce serait
davantage respecter le but du législateur que d'en venir à une
telle conclusion. Ainsi, la personne qui est la victime du comportement d'une
personne qui ne peut formuler de raison pourrait être indemnisée
par cet organisme qui pourra, par la suite, possiblement, poursuivre le
curateur ou le tuteur. Cette personne a commis une faute qu'elle était
en mesure de prévoir. Il nous semble donc que, d'une part, le fait de
retirer la notion de discernement à l'article 1515 est inadéquate
II nous semble, également, que la mise en oeuvre des articles 1519 et
1520 risque davantage de causer des préjudices que de régler des
problèmes.
Dans le chapitre qui suit et qui relève également de la
responsabilité, on a parlé, à l'article 1680, des dommages
punitifs. Il nous est apparu que c'était une initiative importante de la
part du législateur, sauf qu'il nous semble qu'en pratique c'est
illusoire de penser que la personne qui réclame des dommages punitifs le
fera dans le but d'aider un organisme quelconque, dans le but qu'un organisme
quelconque soit avantagé. Quand on fait la lecture de l'article 1680, on
se rend compte que tout ce qui touche les dommages punitifs sera accordé
à un organisme désigné par le tribunal, du moins on le
présume. Il nous semble que c'est demander énormément de
la part d'un citoyen qui devrait assumer les frais de cour, les frais d'avocat,
les dépens vis-à-vis d'un recours potentiel pour indemniser une
personne qui sera nommée subséquemment. Il nous semble que la
notion de dommages punitifs, qu'on connaît actuellement comme
étant les dommages exemplaires, devrait être accordée
à la personne qui les réclame parce que c'est elle, finalement,
qui a été lésée par l'exercice inadéquat du
droit d'une personne. Il nous semble donc que cet article devrait être
corrigé pour prévoir que c'est la personne qui réclame qui
pourra toucher ces montants.
Le chapitre subséquent porte sur la vente. Je redonne la parole
à Me Massol qui vous fera part de nos commentaires.
M. Massol: Merci. Concernant le domaine de la vente, encore une
fois, je vais diviser les propos en trois grands commentaires. D'abord, les
garanties: nous félicitons les rédacteurs du projet pour la dose
de réalisme qu'ils ou qu'elles ont eue en incorporant dans le domaine de
la vente certaines dispositions qui étaient alors
réservées exclusivement au domaine de la consommation.
Là-dessus, nous ne pouvons que féliciter les rédacteurs;
également, la dispense de recourir à un expert - si c'est cela
que l'article 1774, deuxième alinéa, veut dire - cela nous semble
un choix tout à fait éclairé. Maintenant, une petite mise
en garde lorsqu'on parle de garantie de durabilité ou de bon
fonctionnement, à l'article 1776. Là, on rentre dans des
considérations vraiment plus techniques. On devrait éliminer
toute référence aux mots "vices antérieurs ou
postérieurs" parce que, selon la doctrine de la jurisprudence
majoritaire, je dirais, actuelle, la garantie contre les vices cachés et
la garantie de durabilité sont deux choses complètement
différentes bien qu'à certains égards il y a des
éléments qui se recoupent ou qui sont communs. Mais je pense que,
pour vraiment éliminer tout doute, on devrait les séparer. Le
problème du fabricant en matière de garantie, on en a
parlé tout à l'heure. La transmissibilité de
la garantie au sous-acquéreur, on ne retrouve pas cela dans le
domaine de la vente; encore une fois, est-ce que Kravitz s'est
écarté? Je pose la question, mais il faut constater qu'avec le
carcan dans lequel on est en matière de contrats ce sont des contrats
synallagmatiques de fabricant qui n'a pas de lien direct avec l'acheteur qui
possède le bien, cela pose un problème. On en est conscients,
mais il faut quand même constater qu'on aurait pu faire un peu comme dans
la Loi sur de la protection du consommateur où on a contourné
cette difficulté en s'éloignant du cadre strict des contrats
nommés et des obligations synallagmatiques.
Dans un tout autre ordre d'idées, on devrait interdire - et
là, c'est vraiment technique - à l'article 1779, explicitement,
la renonciation à la garantie ou l'achat à risques et
périls en matière de consommation parce que, dans le titre
troisième, il y a un article qui permet au consommateur de renoncer
à toutes choses auxquelles il peut par la loi. Or, l'article 1779 dit
que toute personne peut renoncer à une garantie. Par le biais des deux
articles, un consommateur pourrait renoncer à la garantie. C'est
pourquoi il faudrait indiquer à l'article 1779 que cet article ne
s'applique pas en matière de consommation. (21 h 15)
Deuxième grand commentaire concernant la vente: l'exercice des
droits des parties. Il semble y avoir une certaine idée de
déjudiciarisation; on veut mettre l'acheteur sur le même pied que
le vendeur. Là-dessus je vais passer assez vite parce que, même au
sein de notre organisme, on a difficilement eu l'unanimité et je suppose
que ce sera la même chose ici, sauf que je voulais simplement soulever
les problèmes suivants. C'est le problème possible soulevé
par la possibilité pour l'acheteur de considérer la vente comme
étant résolue s'il n'y a pas délivrance dans un
délai raisonnable. Lui, subjectivement, considère que trois mois
cela suffit; il y a résolution. Quelques articles plus loin, à
1789 - l'article dont je parlais, c'était 1783 - on dit: Le vendeur
pourra délivrer tant que la vente n'a pas été
résolue. Qu'est-ce que cela veut dire? De quelle résolution
s'agit-il? De la résolution subjective de l'acheteur ou d'une
résolution judiciaire? On ne voit pas qu'une résolution
judiciaire soit nécessaire tant que la vente n'a pas été
résolue. Alors, on se demande également comment le justiciable
acheteur ou son conseiller, votre humble serviteur, pourra savoir ce que
constitue le délai raisonnable. Évidemment, cela est un
problème. On rencontre souvent cette notion-là dans le projet. Je
pense que c'est viable, mais, évidemment, on sait que cela va causer des
problèmes si la jurisprudence hésite à appliquer
correctement cette notion.
Troisième commentaire sur ce chapitre, la vente à
tempérament qui a été intégrée dans le
domaine de la vente. Alors, encore une fois, pas d'objection fondamentale. Au
contraire, cela s'y retrouvait avant. Cela a été
déménagé dans la
Loi sur la protection du consommateur. Cela lui revient. Bravo! La seule
réserve serait d'uniformiser cette section avec le domaine de la
consommation en ce qui concerne la forme, par exemple, les annexes qui
devraient être décrites de façon plus explicite.
Également, quant aux délais, on prévoit des délais
de 20 jours, alors qu'en matière de protection du consommateur les avis
d'échéance du terme sont, dans le titre troisième, de 30
jours. Actuellement, dans la Loi sur la protection du consommateur, ce sont 30
jours, évidemment, tant en ce qui concerne des délais
d'échéance du bénéfice du terme que de reprise de
possession en vertu d'une vente à tempérament. Il serait
très facile d'indiquer que, en matière de consommation, le
délai est de 30 jours pour uniformiser le droit de la consommation.
Alors, Me Villaggi va poursuivre.
M. Villaggi: Le chapitre quatrième qui porte sur le
louage. On a quatre commentaires généraux à formuler
à cet effet. Le premier, c'est qu'il nous apparaît important de
préserver les acquis qui existent dans la loi actuellement,
d'éviter les brèches dans le système actuel et il nous
semble à cet égard que l'article 1965, tel que proposé,
constitue justement une brèche dans le système actuel. L'article
1965 permet aux locataires et aux locateurs de s'entendre sur les clauses de
réajustement de loyer en fonction d'un pourcentage
préétabli. Il nous semble que de permettre cela met de
côté tout le système qu'on a voulu mettre sur pied au cours
des dernières années et que c'est s'immiscer dans un
système qui fonctionne déjà bien avec des normes
préétablies. Donc, on s'oppose, nous, vigoureusement à ce
qu'un tel article apparaisse dans le Code civil.
Il nous apparaît également important de s'assurer que les
acquis, que la Loi sur la Régie du logement accorde aux locataires,
soient respectés. Notamment, il nous semble important de prévoir
une disposition qui n'existe pas actuellement impliquant que tout ce qui touche
le bail accessoire est inclus dans le bail principal. Il existe une pratique
actuellement voulant que le propriétaire cède à un tiers
ses droits, par exemple, sur la location du terrain de stationnement, sur la
location des espaces adjacents et que le bail de location du logement fasse
l'objet d'un second bail pour ces accessoires. Ce second bail, lui, n'est pas
régi par les dispositions de la Régie du logement. Il nous
apparaît donc important qu'on prévoie que tout ce qui est
accessoire, dépendance au bail principal, soit régi par les
règles prévues en matière de location.
Il nous apparaît également important, en troisième
lieu, de s'assurer de l'efficacité et du respect des dispositions
actuelles. On retrouve dans le projet de loi, tel qu'il est proposé, des
dispositions auxquelles on n'a prévu absolument aucune sanction,
notamment, tout ce qui touche l'obligation pré-contractuelle,
l'écrit, de remettre un exemplaire du règlement au locataire.
Tout cela fait qu'un locateur peut ne pas respecter ses
obligations. Il n'y a aucune sanction de prévue. Il semble qu'on
pourrait facilement prévoir soit une diminution de loyer, soit une
résiliation possible, soit à la limite des dommages exemplaires
dans le cas où un locateur ne respecterait pas ses obligations. Il nous
apparaît également important, à l'article 1959, lorsqu'on
traite du refus de louer à la femme enceinte, de prévoir une
sanction, par exemple, des dommages exemplaires. Actuellement, on est tout
à fait d'accord avec le libellé de l'article sauf qu'on ne
prévoit aucune conséquence au non-respect de cet article. Il nous
apparaît également qu'il faut que soit jugé d'urgence, ce
qui n'est pas prévu, tout ce qui touche le dépôt de loyer.
Souvent, c'est le seul moyen dont dispose un locataire pour faire valoir ses
droits. Si on veut que cette procédure soit efficace, il nous
apparaît important qu'on prévoie que toute procédure de
dépôt de loyer soit jugée d'urgence par la Régie du
logement. Il est également important de permettre le dépôt,
dans les cas de ventes successives. Ce qui se produit, en pratique, c'est que
souvent des locateurs sont aux prises avec une suite de ventes successives, des
avis de cession de paiement à la suite d'une signification d'un avis
d'un créancier hypothécaire, une faillite. Le locataire ne sait
plus à qui payer son loyer, il ne sait plus à qui s'adresser. Il
nous semble important de prévoir que dans ces cas le locataire pourrait
s'adresser au tribunal pour déposer son loyer et que ce
dépôt-là vaille quittance, quitte à ce que le
tribunal subséquemment tranche et décide à qui est
dû le paiement du loyer.
Finalement, à ce niveau-là il nous apparaît
également important de prévoir, à l'article 1993 qui
touche l'accès au logement, des pénalités. Il existe une
pratique répandue qui veut - et encore, ce n'est pas la majorité
- que certains locateurs ne permettent pas l'accès au logement lorsque
intervient un litige entre lui et son locataire. On prévoit à
l'article 1993 que le tribunal pourra rendre une ordonnance dans le cas
où les locateurs ou, à la limite, le locataire ne respecteraient
pas cette obligation, mais il nous semble que, pour qu'une telle obligation
soit efficace et pour éviter les abus que l'on connaît
actuellement, l'on devrait prévoir également le cas, par exemple,
de dommages exemplaires advenant le cas où un locateur se comporterait
de cette façon-là. il nous apparaît également
important en matière de location de corriger deux problèmes
pratiques qui existent actuellement et que l'on retrouve dans le projet de loi.
Le premier concerne le libellé des articles 1972 à 1976. C'est
toute la notion concernant le bon état d'habitabilité et le
logement impropre à l'habitation. Quand on lit ces articles-là,
on se rend compte que l'on fait une distinction entre une notion et l'autre et
on se rend compte également, par exemple, aux articles 1975 et 1976,
qu'un locataire peut déguerpir si le logement est impropre à
l'habitation, mais que le locateur peut l'aviser lorsque le logement redevient
en bon état d'habitabilité.
Ce qui se produit actuellement dans la jurisprudence c'est qu'un
logement qui est infesté de blattes - c'est un peu moins courant
à cet effet-là - n'est pas un logement en bon état
d'habitabilité, mais il n'est pas par ailleurs un logement impropre
à l'habitation. Ce qui pose le problème que, dans un cas comme
celui-là le locataire ne peut pas quitter son logement, parce que bien
que le locateur ne respecte pas une des obligations formulées par la
loi, il demeure que son logement n'est pas impropre à l'habitation. Il
nous semble donc que ces deux notions-là devraient être
unifiées pour que l'on en conserve une seule: celle qui nous semble la
plus cohérente, la plus large et qui est la notion de bon état
d'habitabilité. Il nous semble que c'est cette notion que l'on devrait
retrouver partout dans le projet de loi.
À cet effet, je me permets de clarifier une partie des
commentaires qu'on vous a formulés dans notre mémoire. Ce qu'on a
voulu dire finalement dans les pages concernant toute cette notion-là,
c'est qu'il nous semble, comme je le disais, qu'on devrait conserver la notion
de bon état d'habitabilité, mais que dans les cas où on
permet au locataire de déguerpir en cours de bail, on pourrait ajouter
une seconde notion qui est de dire: Le fait que le logement ne soit pas en bon
état d'habitabilité, il y a une perte de jouissance réelle
pour le locataire; ce qui permettrait d'éviter les abus et d'utiliser
une notion relativement bien connue en jurisprudence.
Le second détail en matière de logement qui nous
apparaît important de corriger, c'est toute la notion de délai.
Notamment, on reprend aux articles 2003 à 2006 la notion de délai
concernant les avis d'augmentation de la part du locateur, la notion de
délai concernant les avis de résiliation de la part du locataire.
On permet dans ces articles-là au locateur de faire parvenir un avis au
locataire, par exemple dans le cas d'un bail de douze mois, de trois à
six mois avant l'expiration du bail. La pratique veut que dans plusieurs cas
les locateurs fassent parvenir un avis au mois de janvier et le locataire a
à ce moment-là un mois pour répondre à cet
avis-là, à défaut de quoi il est présumé
accepter l'avis d'augmentation. De plus, la pratique nous enseigne que
l'ensemble des locataires ont l'impression qu'ils peuvent résilier leur
bail trois mois avant l'expiration du loyer, compte tenu du libellé des
articles subséquents. Il nous apparaît donc important que le
législateur prévoie, soit que le locateur a l'obligation,
lorsqu'il envoie son avis d'augmentation ou son avis de reprise de possession,
d'aviser le locataire qu'il doit répondre dans un délai d'un
mois, soit que le locataire peut, à tout moment, dans un délai de
trois mois avant l'expiration de son bail, mettre fin à son bail. Cela
éviterait un paquet de situations embêtantes, et pour le locateur
et pour le locataire, à cause d'une certaine confusion dans
l'emploi des termes tels qu'ils existent actuellement dans la loi. Ce
sont les commentaires généraux qu'on tenait à vous faire
en ce qui concerne la location.
Le chapitre suivant qui retient notre attention, c'est tout le chapitre
concernant le contrat de travail. On a, dans notre mémoire, fait un long
exposé sur la notion du travail dans notre société, sur
l'importance du contrat de travail dans notre société. Je pense
que le travail est unanimement reconnu, et je ne pense pas que cela fasse
l'objet de discussion dans notre société actuellement, comme une
valeur sociale. Il faut également bien comprendre que l'ensemble des
travailleurs québécois n'ont comme seule relation avec leur
employeur que le contrat de travail tel qu'on le connaît dans le Code
civil et tel que le législateur le formule dans son projet de loi. Il
nous apparaît donc important de traiter ces articles avec beaucoup de
circonspection. Cela représente le seul lien de protection pour une
grande partie des travailleurs qui sont en majorité non
syndiqués.
On vous a fait, dans notre mémoire, deux recommandations
principales. La première: il nous semble qu'il serait important de
penser éventuellement à la création d'un tribunal
autonome. Certains ont soulevé les problèmes de juridiction
à cet effet-là, mais pour ceux qui sont familiers, si on relit la
décision de la Cour d'appel dans le cas des Industries Abex, alors qu'on
a mis en cause toute la constitutionnalité de l'article 124 de la Loi
sur les normes du travail, il nous semble avoir les garanties suffisantes pour
prévoir qu'un tel tribunal aurait parfaitement juridiction en
matière de contrat de travail. Il nous apparaît également
important de rapatrier plusieurs des notions qu'on retrouve à
l'intérieur de la Loi sur les normes du travail, dans le Code civil et
pouvant faire partie intégrante d'un contrat type de travail. Il nous
semble que cette proposition n'a rien de choquant, si on reprend
également ce qui est proposé par le législateur, par
exemple en matière de logement. Il existe actuellement des dispositions
portant sur la Loi sur la Régie du logement, avec un tribunal autonome.
On a également prévu rapatrier toutes les notions portant sur la
Loi sur la protection du consommateur. Il nous semble que dans le même
esprit on pourrait rapatrier plusieurs des notions qui existent actuellement
à l'intérieur de la Loi sur les normes du travail, dans le Code
civil.
Hormis ces commentaires généraux, on a retenu certains
commentaires particuliers qu'on aimerait porter à votre attention,
notamment ce qui touche les articles 2146 à 2148 et portant sur les
clauses de non-concurrence. Ces clauses sont monnaie courante dans la pratique
de tous les jours. Ce sont des choses que l'on retrouve fréquemment et
qui touchent autant les hauts salariés que les bas salariés, les
gens hautement spécialisés que les gens fort peu
spécialisés. On approuve le fait que le législateur ait
prévu à l'article 2148 que toute la preuve de la validité
d'une telle clause repose sur le dos de l'employeur. Il nous semble toutefois
important qu'on ajoute aux conditions prévues que, dans
l'évaluation de telles clauses, on tienne compte, notamment, de la
condition des parties. Il est fréquent que le salarié en
recherche d'emploi ne puisse jauger la portée exacte de ces clauses. Il
nous apparaît donc important qu'on tienne compte de la condition des
parties au moment où on évalue la portée de telles
clauses. Il nous apparaît également important de tenir compte des
circonstances. Est-ce que c'est un salarié qu'on est
spécifiquement allé chercher dans une entreprise? Est-ce qu'on
lui a fait miroiter des avantages particuliers? Il nous semble que le
législateur devrait prévoir ces conditions comme étant des
conditions qu'apprécie le tribunal lorsqu'il doit juger de la
validité de telles clauses.
L'article 2149. Il nous apparaît également important que le
législateur apporte une attention particulière à la fin du
contrat à durée déterminée ou du contrat à
terme. Ce qu'on prévoit, c'est, comme le suggéraient plusieurs
auteurs lors des recommandations de l'Office de révision du Code civil,
un terme de cinq jours au-delà duquel le contrat à terme est
présumé se renouveler. Il nous semble, quant à nous, qu'on
devrait aller beaucoup plus loin. (21 h 30)
D'une part, on devrait prévoir que la fin d'un contrat à
terme soit précédée d'un préavis. Il y a plusieurs
contrats à terme qui sont à durée
déterminée, donc, facilement déterminables. Mais il y a
également plusieurs contrats à terme qui sont difficilement
déterminables. Par exemple, le contrat à terme qui prévoit
l'accomplissement de telle tâche qui, elle, dépend de
l'accomplissement d'une autre tâche, il se termine quand? On pense que
c'est important que le salarié reçoive un avis préalable.
Il nous semblerait également souhaitable - et je me permets de noter que
cela existe déjà en droit français - de prévoir,
après un certain délai que le législateur pourra
déterminer, que le non-renouvellement de contrat à durée
déterminée pourrait être arbitré. Il y a une
pratique de plus en plus courante, notamment à cause de
l'avènement de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail, qui
fait qu'on fait signer de nombreux contrats à durée
déterminée à des salariés, en ce sens qu'on
renouvelle le contrat à durée déterminée
année après année. Il nous semble donc qu'après un
certain temps le salarié devrait être en mesure de faire arbitrer
le non-renouvellement de ce contrat à durée
déterminée par un arbitre. Est-ce que c'est juste? Est-ce que
c'est raisonnable? Ce sont des notions qu'on connaît en matière de
droit du travail. Il nous apparaît important que ces notions se
retrouvent dans le cas de ces contrats-là.
L'article 2150 et toute la notion du délai de congé. Il
nous semble important, si le législateur en venait à garder la
formule actuelle, de voir
quelle est la relation exacte entre l'article 2150 et l'article 82 de la
Loi sur les normes du travail. On sait qu'à l'article 82 de la Loi sur
les normes du travail on prévoit un délai de congé pour
des salariés, à l'exclusion des cadres qui ont, par exemple, un,
cinq ou dix ans d'expérience. Une certaine jurisprudence s'est
développée, établissant, dans certains cas, que c'est un
minimum qu'on devait respecter ou, dans d'autres cas, que c'est la norme qu'on
devait respecter. Il nous semble qu'on devrait établir clairement quelle
est la relation entre l'article 2150 et l'article 82. Est-ce que l'article 82
constitue uniquement un minimum au-delà duquel les tribunaux doivent
aller ou si l'article 82 constitue une norme qu'on ne peut dépasser? Il
nous semble important, dans toute cette notion du délai de congé,
de préciser ces éléments.
Le dernier point sur lequel on tient à attirer votre attention,
c'est sur l'article 2155, qui reprend à peu près textuellement ce
qu'on retrouve à l'article 84 de la Loi sur les normes du travail et qui
touche le certificat de travail en cas de cessation d'emploi. On nous dit,
à l'article 2155, en d'autres mots, qu'un salarié qui perd son
emploi peut s'adresser à son employeur pour obtenir un certificat. La
pratique veut qu'il soit difficile d'obtenir ces certificats-là dans
certaines situations. Il n'y a aucune sanction qui est prévue et il n'y
a aucun mécanisme qui existe pour pallier au lot de mauvaises
informations que peut fournir un employeur de façon parfois
adéquate, parfois inadéquate. Il nous semble également,
dans l'esprit de la création d'un tribunal autonome, qu'un tribunal
pourrait avoir juridiction dans ces cas-là et arbitrer des cas de
mauvaises références et des cas où l'employeur refuse de
remettre ce genre de certificat.
Pour le reste, on s'en remet aux commentaires généraux
qu'on vous a formulés, mais il nous apparaît, malgré le peu
d'articles consacrés au contrat de travail, que cette section doit
être traitée avec beaucoup de circonspection, qu'on doit y
accorder beaucoup d'attention et, nous semble-t-il, qu'on peut aller beaucoup
plus loin que ce qui est proposé actuellement dans le projet de
réforme du Code civil.
Maintenant, je cède la parole à Me Massol, qui va parler
des règles particulières du contrat de consommation.
Le Président (M. Marcil): Juste avant de continuer, vous
aviez à peu près 40 minutes pour faire votre exposé et
vous les avez déjà dépassées de beaucoup. À
moins qu'on ne les laisse aller jusqu'à la fin, sauf qu'il va rester
moins de temps pour les discussions.
M. Filion: Certainement.
Le Président (M. Marcil): C'est à vous.
M. Lafontaine: Nous sommes à la disposition de
l'assemblée. C'est à vous de déterminer vos règles,
bien entendu.
Le Président (M. Marcil): Si vous êtes prêts,
on pourrait... Oui? Cela va?
M. Filion: De part et d'autre, on vous invite plutôt
à continuer votre exposé.
M. Massol: II ne reste qu'un seul chapitre. Le
Président (M. Marcil): Allez-y.
M. Filion: II reste le contrat de consommation, finalement.
M. Massol: II reste le contrat de consommation.
M. Filion: Allez, Me Massol, on vous écoute.
M. Massol: On a été trop longs, on s'en excuse.
M. Filion: On vous écoute.
M. Lafontaine: C'est l'enthousiasme.
M. Massol: C'est cela, c'est un moment historique.
Donc, un dernier commentaire sur le contrat de consommation. On va
également diviser cela en quatre parties. Première partie:
l'ingégration du domaine de la consommation au Code civil. Il y a des
avantages et il y a des inconvénients. Les avantages: peut-être
oserons-nous dire que le domaine de la consommation acquerra ses lettres de
noblesse en étant intégré à notre Code civil. Tant
mieux, cela mettra peut-être un frein à l'interprétation
restrictive qui est actuellement en cours, voulant que te domaine de la
consommation soit un domaine qui doive recevoir une interprétation
restrictive, un peu l'enfant pauvre du droit. Cela peut avoir ce net
avantage-là. Également, au point de vue de l'enseignement, tant
universitaire que populaire, le fait que ce soit intégré dans le
Code civil est une bonne chose.
Il y a des inconvénients. D'abord, on se demande si le fait de
soustraire les rapprochements possibles avec les dispositions de "common law"
dont la loi actuelle, la Loi sur la protection du consommateur, tire
principalement ses origines, ne constituerait pas un inconvénient. Qu'on
pense, par exemple, aux notions de "unconscionability", de "durability",
d'obligation de divulgation, l'actuelle Loi sur la protection du consommateur
tire donc beaucoup ses origines de la "common law". Évidemment, on
rencontre des dispositions semblables en droit français, mais les
rapprochements qu'on a faits avec la "common law" étaient
intéressants, et le fait d'intégrer cela au Code civil serait une
mesure qui nous
empêcherait de faire de tels rapprochements. L'avantage de
l'intégration, le fait que ce ne soit plus une loi à part, ne
serait-il pas limité par le fait que dorénavant ce serait un
titre distinct? Est-ce que le juge ne dirait pas: Bien non, ce n'est plus une
loi distincte, mais c'est un titre distinct? Et on va retomber encore une fois
dans le même panneau, c'est-à-dire qu'on va interpréter
restrictivement ce titre. De toute façon, je pense qu'en soi,
l'intégration est valable, sauf que nous aimerions ajouter ceci... Parce
que tel que le proposé, pour le titre troisième, on devrait se
référer, en pratique, au Code civil en général, par
exemple au chapitre de la vente, à une Loi sur la protection du
consommateur remaniée, à des règlements adoptés
sous l'empire soit du Code civil, soit de la Loi sur la protection du
consommateur et à un titre troisième portant sur le contrat de
consommation. Alors, cela fait beaucoup d'instruments pour savoir quels sont
nos droits; cela fait cinq instruments et plus. C'est très lourd.
Deuxièmement, on peut présumer - en tout cas, la lecture
du titre troisième nous le laisse présumer - que les dispositions
d'ordre pénal et les pratiques de commerce seront conservées dans
la Loi sur la protection du consommateur remaniée. On s'est
demandé si c'était par un souci d'esthétisme
législatif seulement. Est-ce qu'il est vraiment utile de laisser les
dispositions d'ordre pénal dans une autre loi? Évidemment, on va
nous répondre: Cela ne se fait pas, des dipositions d'ordre pénal
ne peuvent être intégrées au Code civil. Mais il y a
déjà eu des exceptions en matière de logement, entre
autres.
Particulièrement, les pratiques de commerce - c'est ce qui nous a
le plus intéressés - actuellement, en vertu de la Loi sur la
protection du consommateur, cela peut donner lieu à des poursuites
pénales, mais également à des poursuites civiles. Et
surtout, cela fait présumer, dans bien des cas, le dol et même
cela peut être à la base des recours des articles 8 et 9, la
lésion et le consentement vicié, dans la Loi sur la protection du
consommateur. Alors, les effets civils des pratiques de commerce nous semblent
davantage importants que les effets pénaux. Il faudrait plutôt
faire le contraire: intégrer les pratiques de commerce dans le Code
civil, à tout le moins, et prévoir une espèce d'article
dans la Loi sur la protection du consommateur remaniée qui dirait
essentiellement quelque chose comme: Toute contravention au Code civil
constitue une infraction, comme l'article 277 de l'actuelle Loi sur la
protection du consommateur.
En conclusion là-dessus, on pense que - si vous me passez
l'expression - la balance des inconvénients milite quand même en
faveur de l'intégration de la Loi sur la protection du consommateur dans
le Code civil, mais avec l'ajout de certaines autres dispositions.
Deuxième commentaire, le champ d'application de la Loi sur la
protection du consom- mateur. Actuellement, on a l'article 2 de la loi et les
définitions de l'article 1. On prévoit, dans l'article 2717, une
nouvelle notion, la notion de professionnel. Qu'est-ce qu'un professionnel?
C'est une notion complètement inconnue. De plus, le professionnel qu'on
prévoit dans le titre troisième, est-ce que c'est le même
professionnel qu'à l'article 2158 et suivants, dans le contrat d'oeuvre?
On dit aussi dans un chapitre antérieur: le professionnel et à
l'article 1776, dans le chapitre général de la vente, on parle du
vendeur professionnel. Alors, on est aux prises avec trois professionnels et on
ne sait plus trop lequel fait quoi, c'est très "mélangeant". Je
pense qu'on s'accommodait fort bien de la notion de commerçant qui
n'était d'ailleurs pas définie dans la loi, et volontairement en
plus parce que, depuis 122 ans, on savait ce que cela voulait dire,
commerçant, et c'était bien limité. Je ne vois pas
pourquoi on changerait cette définition.
Toujours concernant le champ d'application, on ne parle pas du domaine
immobilier. Or, cet été, au mois de juin je crois, est
entré en vigueur l'article 6.1 de la Loi sur la protection du
consommateur qui assujettit le domaine immobilier aux pratiques de commerce. On
voulait simplement signaler au législateur de ne pas oublier cette
intégration.
Troisièmement, les critères d'utilisation d'un bien.
L'article 2717 mentionne qu'un bien doit être entièrement à
des fins personnelles, familiales ou domestiques. En vertu de cette notion, le
bien doit exclusivement, entièrement être à des fins
domestiques, familiales ou personnelles. Cela exclut la notion de degré
d'utilisation d'un bien développée par la jurisprudence. Par
exemple, le cas du voyageur qui achète une automobile et qui s'en sert
simplement à 20 % pour son commerce; à 80 % du temps, il s'en
sert pour sa consommation personnelle. N'étant pas entièrement
à des fins domestiques, familiales, personnelles, ce bien ne sera pas
considéré comme un bien de consommation. Actuellement, en vertu
de la jurisprudence, entre autres, de l'arrêt Sirois, il fallait que le
bien soit majoritairement - on peut penser à 51 % ou 75 % -
destiné à une utilisation de consommation. Cette
définition de l'article 2717 exclut également les artisans et les
cultivateurs qui, actuellement, sont considérés comme des
consommateurs. Alors on propose que le bien soit utilisé principalement
à des fins domestiques, familiales, personnelles ou artisanales.
Troisième grand commentaire sur la protection du consommateur -
c'est l'avant-dernier -les sanctions à l'inobservance des
formalités. Actuellement, dans la Loi sur la protection du consommateur,
on a les articles 271 et 272. Il y a eu des tergiversations, il y a eu bien des
problèmes, mais je pense qu'actuellement les tribunaux sont
arrivés à une certaine solution. L'avant-projet de loi
réduit ces sanctions puisqu'il permet au professionnel de
démontrer que l'inobservance des formalités n'a pas
causé
préjudice au consommateur, preuve qui, dans les faits, est assez
facile à effectuer. On a simplement à dire: Écoutez, le
contrat ne comporte pas telle clause, est-ce que vous en avez subi
préjudice? Il n'a qu'à soulever un doute et le tribunal, dans
bien des cas, va dire: Non, il n'y a pas de préjudice.
À quoi sert le formalisme en matière de protection du
consommateur? Est-ce que ça sert uniquement à empêcher un
préjudice évident dans tous les cas? Est-ce que, dans tous les
cas, le formalisme doit empêcher qu'un consommateur subisse un
préjudice? Je pense que l'esprit derrière le formalisme, qui
était l'exception à la règle générale de
notre Code civil, c'est que ce formalisme était requis pour engendrer
des habitudes commerciales et pour prévoir une divulgation plus
complète des renseignements prescrits. Nous croyons que, sans ces
sanctions civiles sévères, la loi peut être
contournée fréquemment. Les Américains ont trouvé
une formule disant que chaque consommateur est un gardien du respect de la loi,
parce que tous les offices de protection, toutes les poursuites pénales
ne suffiront jamais à faire respecter le formalisme qui veut donner de
l'information adéquate au consommateur. Alors, on devrait reprendre les
articles 271 et 272 de la Loi sur la protection du consommateur, malgré
le doute que ça laissait planer au tout début.
Dernier commentaire concernant la lésion. Encore une fois, comme
on en a parlé tout à l'heure lors de l'étude de l'article
1449, on va exprimer les mêmes commentaires, c'est-à-dire qu'on
l'a placée ou intégrée dans les vices du consentement.
Mais on ne devrait pas, pour les mêmes commentaires qu'on a faits tout
à l'heure, intégrer la lésion, à l'article 2722,
dans les vices du consentement. On devrait également prévoir une
présomption d'exploitation lorsqu'il y a disproportion. Elle est
comprise actuellement dans l'article 8 et on l'a intégrée
à l'article 1449, mais, accidentellement, espérons-le, elle a
été omise à l'article 2722. Je pense qu'on ne devrait rien
enlever à l'article 8, à tout le moins.
En conclusion générale, nous reformulons les commentaires
du tout début, soit qu'il s'agit d'un effort remarquable, tant par le
contenu que par la qualité du texte. Une chose qui nous a un peu
agacés à quelques reprises, c'est le souci d'esthétisme
qui, souvent, se fait au détriment de la clarté et de la
précision des textes. Je donne deux exemples: premièrement, le
refus systématique de définir certains termes. L'ORCC le faisait,
le code actuel le fait, mais on a refusé de le faire. Est-ce que c'est
pour laisser plus de discrétion au législateur? Peut-être.
Cela aurait cependant évité plusieurs débats que de
définir des termes. (21 h 45)
Le deuxième exemple, c'est le refus d'employer des paragraphes
numérotés: 1, 2, 3, 4, 5. On emploie plutôt de longs
alinéas descriptifs, ce qui rend le texte passablement long et
lourd.
Alors, cela dit, nous avons outrageusement dépassé le
délai. Je vous remercie, en mon nom et en celui de Me Villaggi, de votre
attention et nous sommes disposés à répondre à vos
questions. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup de ce savant
exposé. On peut dire que c'est assez clair, net et précis. Je
vais reconnaître, en premier lieu, l'adjoint parlementaire du ministre de
la Justice, le député de Marquette.
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président.
Premièrement, au nom du ministre de la Justice et de mes
collègues ministériels, nous aimerions vous féliciter pour
la préparation de ce mémoire, mémoire quand même
volumineux, bien recherché et bien documenté. Comme le disait
hier votre président, Me Lafontaine, alors que nous étions dans
cette salle pour l'instauration de la Cour du Québec, il a passé
une bonne partie de l'été là-dessus et nous avons
été en mesure de le constater, non seulement ce soir, mais
lorsque nous avons reçu les documents à nos bureaux. Je suis
persuadé que mon collègue de Taillon sera d'accord avec nous que
ce travail est formidable tant en matière de recherche et de
commentaires qu'en matière d'analyse de l'avant-projet de loi.
Sans plus tarder, nous avons préparé une série de
questions. Vous me permettrez de vous les lire, à cette heure-ci de la
journée, pour ne pas m'enfarger. Je commence par la première, si
vous le permettez, Mme la Présidente.
Il est intéressant de constater que vous êtes
généralement favorables aux nombreuses mesures que propose
l'avant-projet de loi en vue d'imprimer plus de justice et
d'équité dans les relations contractuelles. Pourtant, plusieurs
organismes qui nous ont présenté des mémoires se disent
opposés à de telles mesures, pour le motif qu'elles engendreront
des abus, affecteront la stabilité des contrats et constitueront
globalement des atteintes injustifiables au principe de la liberté
contractuelle.
Alors, nous aimerions connaître vos réactions devant de
telles oppositions sur les principales propositions contenues dans
l'avant-projet de loi.
M. Massol: Je vais répondre à cela. Des
réactions, c'est toujours difficile à formuler puisqu'on
énonce des principes qu'on pense être les meilleurs.
Évidemment, comme je le disais au début, on ne peut pas faire
l'unanimité, sauf que - d'ailleurs, on l'a mentionné au cours de
notre exposé - cela ne nous convainc pas, le fait que cela puisse
déstabiliser les contrats, l'édifice contractuel. Il n'y a
personne qui veut mettre l'économie à terre, comme on dit. Il n'y
a personne qui veut mettre un frein à l'économie, il n'y a
personne qui veut mettre en péril toutes les relations existantes.
Écoutez, cela existe
actuellement dans la Loi sur la protection du consommateur; cela existe
dans d'autres domaines. Tout ce qu'on veut, c'est qu'il y ait des principes
supérieurs, qu'il y ait des principes de conformité avec la
justice. Il ne faut pas oublier une chose, c'est que, souvent, on est ici en
commission parlementaire pour parler de crédits, de choses
concrètes, mais on est à l'aube d'une réforme qui se fera
peut-être dans 122 ans - la prochaine - alors c'est important d'en
asseoir comme il faut les principes. On parle vraiment de philosophie
juridique, on ne parle pas nécessairement d'argent. On parle de
philosophie juridique, de base comme telle de notre contrat.
Si, aujourd'hui, on ne met pas des critères contemporains qui
répondent davantage à l'idée qu'on doit se faire de la
justice et du contrat, quand le fera-t-on? Constatant que les idées
actuellement en vigueur datent de 200 ans, il serait peut-être temps de
faire un ménage là-dedans. La stabilité des contrats sera
mise en péril s'il y a des recours judiciaires, mais il n'y aura pas de
recours judiciaire si tout le monde suit la loi, si tout le monde répond
à la justice, si les normes qui sont là sont respectées.
Il n'y aura pas de recours, il n'y aura pas de cassation de contrat.
Évidemment, à l'aube d'une réforme, on a toujours peur. Il
y a des gens qui voient 1488 articles, des avocats, et qui paniquent
actuellement. Il n'y a pas lieu de paniquer. On va apprendre cela
tranquillement et il n'y aura pas de problème. Pourquoi paniquer devant
un élément de justice fondamental? Quand la charte a
été intégrée, la charte québécoise ou
la charte canadienne, est-ce qu'on a soulevé tant de protestations que
cela? Non. Alors pourquoi protesterait-on contre l'intégration d'un
élément de justice en matière contractuelle? Je trouve
cela tout à fait normal qu'il soit inscrit dans notre loi fondamentale
des contrats de tous les jours qu'il y a une justice. Est-ce que chacun de nous
a davantage à contracter tous les jours qu'à avoir des relations
avec le pouvoir public? Pourtant, je suis protégé par la charte.
Je suis bien content, mais j'ai beaucoup plus l'occasion de contracter. Alors,
moi, cela me fait plaisir de savoir qu'il y a une loi qui dit qu'il faut que
cela soit juste. Je trouve cela normal. Et si je suis commerçant ou
cocontractant, cela me fait plaisir de voir qu'il faut que cela soit juste
également. Je sais à quoi m'en tenir. Si tout le monde fait son
boulot, je ne vois pas de danger possible. Je ne sais pas si cela répond
à votre question?
M. Dauphin: Très bien, merci beaucoup. La deuxième:
Vous vous opposez à la possibilité d'attribuer des
dommages-intérêts provisionnels à la victime d'un
préjudice corporel. Que pensez-vous de la solution, par ailleurs
discutée, de scinder le procès en deux étapes, la
première portant sur la détermination de la responsabilité
et la seconde sur l'attribution de l'indemnité?
M. Villaggi: Si je peux me permettre, je disais au début
que je suis un avocat habitué de pratiquer en droit administratif, en
droit social et qui s'est égaré un peu dans le droit civil, par
hasard, à cause de la réforme actuelle. J'ai été
habitué à cette pratique-là notamment en ce qui concerne
la Charte des droits et libertés. Il est une pratique qui se
développe, par exemple, à savoir de décider... On verra,
dans un premier temps, s'il y a discrimination; dans un deuxième temps,
on regardera s'il y a une limite raisonnable, par exemple, au sens de l'article
1.
Comme praticien, cela ne me pose aucun problème. Au contraire,
cela permet, quant à moi, à première vue, de limiter un
paquet de litiges. Beaucoup de litiges portent sur la responsabilité.
Une fois qu'on a déterminé quelle est la responsabilité,
on en arrive à déterminer quel est le montant dû. Il me
semble même, à première vue, que c'est une façon
d'épargner des coûts. Donc, dans la pratique que j'ai,
d'après ma façon habituelle de pratiquer, c'est quelque chose qui
me semble utile. Maintenant, je ne sais pas si vous avez d'autres commentaires,
mais cela me semble adéquat, quant à moi.
M. Dauphin: J'aimerais maintenant, avec la permission de la
présidence, vous entretenir de la responsabilité des mineurs ou
des majeurs non doués de raison. Vous exprimez, dans votre
mémoire, des réticences sur les propositions de l'avant-projet de
loi à cet égard. Pourtant, certains intéressés
à ces questions nous signalent l'existence, chez les personnes
susceptibles d'assurer la tutelle, la curatelle ou la garde de telles
personnes, d'une crainte certaine des conséquences pouvant
découler pour elles des règles de responsabilité civile si
elles acceptent de telles charges. Est-ce que nous pourrions obtenir vos
commentaires là-dessus?
M. Villaggi: Cet aspect-là nous préoccupait moins
dans le sens qu'il nous semblait que le tuteur, le curateur devait
répondre d'une faute. C'est la façon du moins dont on l'a lu,
mais Me Massol pourra me corriger. Il doit répondre d'une faute, c'est
le principe actuel, c'est ce qu'on connaît actuellement: Si vous
commettez une faute, vous êtes responsable des actes qui en
découlent. Il me semble que, dans la mesure où un tuteur, un
curateur ne commet pas de faute, il n'a pas de responsabilité à
encourir. Dans ce sens-là, cela ne nous choque pas. Je sais que ce n'est
peut-être pas votre question, je me permets juste de rectifier certaines
choses.
Nous, ce qui nous a beaucoup préoccupés, c'est qu'on avait
l'impression que le législateur voulait protéger une victime qui
était celle qui subit le préjudice causé par une personne
qui est dénuée de raison, à bon droit, sauf qu'en voulant
faire cela il nous est apparu qu'on crée une nouvelle victime qui est
celle qui n'est pas en mesure de connaître la nature des gestes qu'elle
pose ou la conséquence des gestes qu'elle pose.
On se disait: Dans une société où on permet,
finalement, tout le monde ensemble, par le développement de la
médecine, par le développement de nouvelles techniques, à
certaines personnes de survivre, est-ce qu'on ne crée pas une nouvelle
injustice en permettant des recours contre ces personnes? C'est ce qui nous
préoccupait. Que cela cause un problème au tuteur, au curateur,
je ne le vois pas. Le tuteur est responsable actuellement de la gestion des
montants d'argent, par exemple, qu'il doit assumer pour le mineur. S'il
administre adéquatement, il n'aura jamais de problème; s'il
administre inadéquatement, il aura un problème. Je pense que
c'est un peu le même principe dans le cas du tuteur qui aurait, dans un
éventuel projet de loi, la responsabilité d'un mineur, d'une
personne non douée de raison.
M. Dauphin: Quatrième question. Vous avez parlé
tantôt, à propos de la responsabilité du fabricant, de ses
moyens d'exonération. Est-ce que vous pourriez développer
davantage sur cela, c'est-à-dire expliquer vos motifs parce que vous
recommandez le retrait des moyens d'exonération du fabricant? Est-ce que
vous pourriez expliciter davantage sur cela, Me Massol?
M. Massol: D'accord. Bien, ce qu'on disait plus
précisément, Me Villaggi l'a exprimé, c'est que, à
cause de l'article 1516 et du mécanisme qui est prévu, le
fabricant ne pourra être tenu responsable qu'en vertu du chapitre
intitulé "Du préjudice causé à autrui". Donc, le
bien qui est vicié, on ne pourra pas se servir envers le fabricant des
articles de garantie générale de la vente, par exemple, l'article
1776. On devra nécessairement s'en rapporter au chapitre
troisième: "Du préjudice causé à autrui". Le
préjudice causé a autrui est une espèce d'amalgame de la
responsabilité contractuelle et délictuelle. Mais, ici, cela a
plus une connotation délictuelle parce que, d'abord, il faut prouver,
croyons-nous, la faute et le fabricant pourra s'exonérer en faisant
valoir les moyens de l'article 1531, ce qu'il n'aurait pu faire si on invoquait
la garantie de l'article 1776.
Alors, pour répondre à votre question, on n'est pas contre
les moyens d'exonération en tant que tels de l'article 1531, bien qu'on
ait de sérieuses réserves, et on en parle dans notre
mémoire. Ce qu'on veut soulever, c'est que, par le biais de ces
articles-là, le fabricant pourra soulever les moyens
d'exonération prévus à l'article 1531 alors que le -
j'étais pour dire le pauvre vendeur - mais le vendeur, lui, ne pourra
pas, si je comprends bien, s'exonérer par l'article 1531, par les moyens
de l'article 1531. Lui, il va être automatiquement responsable en vertu
des garanties légales en matière de vente. Alors, pourquoi
exonérer de telle sorte le fabricant, alors que c'est lui qui a le
contrôle sur la fabrication? Le vendeur, lui, est un intermédiaire
et il ne pourra pas soulever cela. Maintenant, ce qu'on... Si vous me le
permettez...
La Présidente (Mme Bleau): S'il vous plaît, on va
céder la parole à M. Pineau.
M. Pineau (Jean): Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
signaler à Me Massol qu'il y a l'article 1526 et que, compte tenu de
l'article 1526, la victime du fabricant n'a pas à prouver la faute du
fabricant. Il a à prouver que le dommage résulte d'un vice de
sécurité du bien. Et le vice de sécurité du bien
est défini à l'article 1527. Donc, il lui suffira de prouver que
le dommage résulte d'un défaut de conception ou d'un
défaut de fabrication, de conservation ou de présentation, etc.
Donc, il n'a pas à prouver la faute. Il a à prouver le vice de
sécurité.
M. Massol: Oui. Je constate cela, sauf que l'article 1515,
alinéa 2, dit que la personne, y compris donc le fabricant, est
responsable lorsque, par sa faute, elle manque à son devoir. Par sa
faute, c'est également ce devoir-ci, ce devoir-là. La faute
pourrait également s'appliquer. Vous connaissez le problème avec
la question de la faute en droit français. Les frères Mazeaud
disaient qu'il n'y avait pas de faute et, bon, finalement, il y avait une
faute, il y avait deux fautes. Ici, cela peut être la même chose.
Ce qui est exclu par l'article 1526 pourrait être
récupéré par l'article 1515, alinéa 2.
M. Pineau: Vous me permettez, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Bleau): M. Pineau.
M. Pineau: Dans cette mesure, il y aurait une simple adaptation
à faire, s'il peut y avoir ambiguïté, parce que, dans notre
esprit, précisément, il s'agissait d'une responsabilité
objective. Ce qu'on a voulu par l'article 1516, c'est supprimer le
problème créé par la jurisprudence Wabasso, ne pas
permettre l'option et régler le problème du fabricant d'une autre
manière par une responsabilité objective.
M. Massol: Oui. Nous avons constaté que c'était
probablement le but visé. Concrètement, je ne sais pas si on a
tort - en tout cas, nous, on vous le soumet - c'est qu'il serait possible de
plaider que le fabricant, lui, puisse invoquer les moyens d'exonération
vis-à-vis d'un vice caché. On parle bien d'un vice
caché.
M. Pineau: Non, un vice de sécurité... M.
Massol: Bien.
M. Pineau: ...tel que défini dans l'article1527.
M. Massol: C'est à cause de l'article 1516, alinéa
2, le problème. Alors, la règle de l'op-
tion...
(22 heures)
M. Pineau: Non. L'article 1516, alinéa 2, dit tout
simplement que le préjudice corporel ou que le préjudice
provenant d'un fabricant n'est pas soumis à la règle de
l'interdiction de l'option.
M. Massol: Oui.
M. Pineau: C'est tout ce que dit l'article 1516.
M. Massol: Vous me permettrez d'ajouter que cela dit
également que c'est exclusivement dans ces cas-là...
M. Pineau: Responsabilité légale.
M. Massol: ...régi par le présent chapitre.
M. Pineau: Par le présent chapitre.
M. Massol: Si c'est exclusivement régi par le
présent chapitre, cela exclut donc les autres titres et les autres
chapitres des autres titres.
M. Pineau: Je pourrais répondre à cela que les
articles 1526 et 1527 font partie de ce présent chapitre.
M. Massol: Exactement. J'en conviens tout à fait, mais
l'article 1776 ne fait pas partie du présent chapitre.
M. Pineau: Pardon?
M. Massol: L'article 1776, les garanties de durabilité, de
vices cachés et de qualité ne font pas partie...
M. Pineau: Oui, mais s'il y a eu un préjudice qui
résulte d'un vice de sécurité, on n'a pas besoin des
garanties; les garanties ne servent à rien à ce
moment-là.
M. Massol: Oui, mais le préjudice peut simplement
être l'objet défectueux. C'est un préjudice.
M. Pineau: À ce moment-là, si l'objet est
défectueux, le préjudice ne résulte pas
nécessairement d'un vice de sécurité en tant que tel, d'un
vice dans la conception, quelque chose comme ça. Je comprends votre
point, mais le but n'était pas celui-ci.
M. Massol: J'en suis convaincu.
M. Pineau: En passant, Mme la Présidente, si vous me le
permettez, je vous signalerai que la jurisprudence Kravitz n'est pas du tout
mise de côté car l'article 1500 me paraît très net
à cet égard qui dit: "Les droits résultant d'un contrat
sont transmis aux ayants cause à titre particulier d'une partie
lorsqu'ils constituent l'accessoire d'un bien qui leur est transmis ou lui sont
intimement liés." C'est l'affaire Kravitz.
M. Massol: Sauf que cet article-là n'est pas dans le
chapitre troisième. Tout le problème provient de la
rédaction du deuxième alinéa de l'article 1516 à
cause des mots "exclusivement réglées par les dispositions du
présent chapitre". Ce qui exclut, à notre avis, même pour
un vice caché, la référence au chapitre de la vente du
titre deux et même à 1500 dont vous venez de faire lecture, mais
je comprends...
La Présidente (Mme Bleau): M. le député de
Marquette, avez-vous autre chose?
M. Dauphin: J'ai une autre question, mais si on a le temps, parce
que je ne veux pas épuiser tout le temps qui nous est alloué.
Alors, je vais permettre à mon brillant collègue, le
député de Taillon, porte-parole de l'Opposition, de poser
certaines questions, si vous le permettez, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bleau): Oui.
M. Filion: Votre brillant collègue de Taillon ne veut pas
non plus déranger une bonne communication comme celle à laquelle
nous venons d'assister. En quelques mots, vous avez qualifié
tantôt l'avant-projet de loi qui a été
présenté de travail colossal, en somme, de magnifique, etc. On
peut dire la même chose de votre mémoire qui fait le tour en
suivant la table des matières du Code civil et qui fait le tour de
l'avant-projet de loi, avec la facture que l'on retrouve
généralement à la Commission des services juridiques,
c'est-à-dire de façon extrêmement bien faite. De plus, cela
constituera un instrument de travail très utile, j'en suis convaincu,
pour les codificateurs, parce que tantôt Me Massol le disait: C'est un
moment historique, mais le moment historique va se poursuivre parce que la
rédaction du projet de loi n'est pas pour demain. Alors, l'histoire va
se prolonger un peu, comme cela arrive souvent: les grands moments
s'étendent sur plus d'une journée. En ce sens-là, donc,
félicitations aux gens qui ont passé une partie de la belle
saison à approfondir ce merveilleux Code civil et ce projet de loi.
Il y a deux ou trois sujets que je voudrais aborder avec vous; sujets
qu'on a abordés avec d'autres intervenants, notamment en matière
de responsabilité. Je voudrais aborder avec vous la question des
dommages punitifs. Quant à moi, c'est la première fois que
j'aborde cette question. D'abord, c'est une introduction, cela n'existait pas
auparavant. Les dommages punitifs, vous avez mentionné avec raison que
cela existe déjà dans la Loi sur la protection du consommateur.
Cela existe également en ce qui concerne la Charte des droits et
libertés de la personne. Dans les deux cas, sauf erreur, les
dommages
punitifs sont versés à la personne qui a subi le
préjudice. Pour bien comprendre, ce que j'ai essayé de faire, la
partie des dommages punitifs contenue dans l'avant-projet de loi, il y a
l'article 1678 qui est intéressant: "Le tribunal ne peut faire droit
à la demande si le fait préjudiciable du débiteur a
déjà été sanctionné par une disposition de
la loi pénale ou si le débiteur a déjà
été condamné à des dommages punitifs" -
condamné dans une autre instance. C'est surtout la partie: "si le fait
préjudiciable du débiteur a déjà été
sanctionné par une disposition de la loi pénale" qui m'a
intrigué un peu. Si la personne fautive a été poursuivie
dans le cadre d'une loi pénale, on dit: L'instance civile ne devrait pas
accorder de dommages punitifs. C'est ce qui explique probablement le fait que,
à l'article 1680, on fait en sorte que les dommages punitifs sont
versés concrètement à une personne autre que la victime.
Je ne sais pas si, dans l'esprit des rédacteurs, les dommages punitifs
étaient vus presque comme une alternative à la sanction d'une
inobservation d'une loi pénale ou, en tout cas, à la sanction de
l'inobservation d'une disposition d'ordre public ou relative à l'ordre
public, suffisamment forte pour être associée à une
question d'intérêt public. Personnellement, à
première vue, je suis plutôt de l'avis de la commission. À
l'intérieur de notre Code civil et à l'intérieur des
poursuites judiciaires dans le cadre civil, les rapports sont individuels et,
si un demandeur prend la peine d'inscrire des dommages punitifs dans sa
réclamation, d'en faire la preuve, de le plaider, etc., il faut qu'il y
ait un intérêt. Autrement, s'il n'y a pas d'intérêt
direct, est-ce que cette réclamation de dommages punitifs n'est pas un
peu illusoire? Je ne sais pas si nos savants invités ne pourraient pas
réagir à ce que je viens de dire.
M. Villaggi: Si je peux me permettre, la réaction des gens
qui ont travaillé au mémoire est une réaction de
praticiens. Nous sommes des gens qui ont réclamé en vertu de la
Loi sur la protection du consommateur ce genre de dommages, qu'on appelle
dommages exemplaires. Par ailleurs, il nous semble que - je me permets de le
noter - les mots "dommages exemplaires" sont plus adéquats que les mots
"dommages punitifs". Cela nous semble un recours qui... Comme vous le
mentionnez, c'est le demandeur qui entraîne des frais pour ces
réclamations. On parle de choses très pratiques. Le timbre
judiciaire risque de coûter plus cher parce que vous demandez des
dommages exemplaires et que votre réclamation est plus
élevée. Vos frais d'avocat risquent de coûter plus cher
parce que votre avocat va devoir se préparer pour réclamer des
dommages exemplaires. Les dépens risquent d'être plus
élevés si votre réclamation est rejetée parce que
vous avez demandé des dommages exemplaires. Il nous semble, compte tenu
de toutes ces conditions, que c'est à la personne qui réclame
d'obtenir ces montants.
Il nous semble également - on l'a mentionné à deux
ou trois reprises dans notre présentation - que cette notion pourrait
être utilisée à d'autres fins. On parlait, par exemple, de
logement. Il nous semble que c'est une notion qui pourrait être
utilisée dans le but d'empêcher un comportement éventuel;
c'est comme cela qu'on l'utilise actuellement. Il faut bien remarquer que les
dommages exemplaires sont accordés de façon très
parcimonieuse, si on regarde la jurisprudence. C'est 200 $, 300 $, parfois 500
$, mais à ma connaissance on ne dépasse jamais des montants de
cet ordre-là.
Notre intervention était dans ce sens, mais c'est une
intervention de praticiens, si je peux me permettre. Personne ne va en
réclamer si on dit au client: Écoutez, on pourrait
réclamer des dommages exemplaires. Vous risquez de payer plus cher, cela
risque de vous payer plus cher à titre de dépens, mais, si on a
gain de cause, vous ne l'obtiendrez pas. Il ne faut pas se faire d'illusions
et, un peu dans la même optique que ce que disait Me Massol, est-ce que,
a l'intérieur d'un Code civil, ce n'est pas au citoyen d'être le
gardien de ces règles-là? Est-ce que ce n'est pas lui qui doit
bénéficier du fait qu'il agit comme gardien des règles qui
ont été fixées par le législateur?
M. Filion: Cela va. Avant d'aborder la question de la
lésion entre majeurs, je voudrais signaler le travail que vous avez
effectué au niveau du contrat de consommation, bien sûr, et du
contrat de travail. Au niveau du contrat de travail, vous suggérez, vous
mettez de l'avant la formation d'un tribunal spécialisé, tribunal
administratif qui pourrait disposer de ce genre de litige. C'est une suggestion
qui vient à point. Mais vous savez, on a quand même de la
difficulté, comme parlementaires, de l'autre côté, à
obtenir l'entrée en vigueur de la loi 30 sur la Commission des relations
de travail. Alors, vous imaginez le chemin qu'il nous reste à faire pour
convaincre les personnes concernées de la création d'un tribunal
spécialisé.
Vous recommandez aussi le regroupement des dispositions. Vous
recommandez plutôt d'aller chercher les dispositions dans la Loi sur les
normes du travail pour les incorporer au Code civil - d'une façon ou
d'une autre, ayant oeuvré un peu dans ce secteur, que cela se fasse dans
un sens ou dans l'autre, finalement, pour moi, cela n'a pas d'importance -
l'idée étant peut-être de regrouper dans un texte
l'ensemble des dispositions ayant trait au travail. Je renchéris un peu
sur vos commentaires relativement à la fragilité des dispositions
sur le contrat de travail dans le Code civil. C'est la base, comme je l'ai
déjà mentionné, de la dignité de la plupart des
citoyens et citoyennes. C'est un contrat qui est important, qui évolue
rapidement, etc. On n'a qu'à regarder les réactions qu'il y a eu
à la Loi sur les normes du travail. En ce sens-là, je fais un peu
miennes vos observations sur le contrat
de travail.
Ma dernière question porte sur la lésion entre mineurs,
entre majeurs pardon, la lésion entre mineurs existant
déjà. À première vue, la plupart des gens qui sont
venus ici, à venir jusqu'à la Commission des services
juridiques... J'ai jeté un coup d'oeil sur les mémoires qui
viennent et je dois vous dire que vous êtes un peu...
Une voix: La voix dans le désert.
M. Filion: Oui, vous êtes un peu la voix dans le
désert, me souffle à l'oreille Me Gariépy, mon conseiller
juridique de ce soir. Disons que vous n'êtes pas nombreux. Au
départ, on a tous cette espèce de réaction un peu
conservatrice de dire: Écoutez, entre majeurs, on est en mesure
d'évaluer, on prend des risques, cela se passe vite. On transige dans
toutes sortes de choses. Pourquoi instaurer une espèce de disposition
qui fasse en sorte que, si j'achète des actions d'une compagnie et que,
pour une raison ou pour une autre, ces actions sont dévaluées...
Je pourrais m'adresser aux tribunaux et demander la rescision de la
transaction. Si j'achète une voiture et qu'elle m'a coûté X
milliers de dollars, s'il y a une dévaluation de la monnaie canadienne,
elle me coûte X plus 30 %. C'est une circonstance imprévisible, il
y a peut-être un peu de lésions. Bref, est-ce que je pourrais
demander la nullité de la transaction? Cela va dans des circonstances
simples. Je vois une annonce dans les journaux, j'achète une voiture et
j'ai le malheur de la payer 50 % plus cher. Bref, est-ce que cela n'ouvre pas -
je vous pose la question - toutes les transactions? Félix Leclerc
disait: La justice se construit des palais qu'elle n'habite pas. Je suis un peu
d'accord parce que la justice, c'est en dehors des palais de justice. C'est une
vertu que l'on retrouve dans notre vie quotidienne. Vouloir la restreindre
à certaines clauses d'un code civil ou à certains jugements, pour
moi, c'est vouloir réduire une vertu qui est universelle et
généralisée. Ce qu'on fait, c'est tenter de
concrétiser par des mots ce qu'est une vertu, qu'on peut
apprécier de plusieurs façons. L'introduction d'une notion comme
la lésion entre majeurs répond, bien sûr, à des
objectifs de justice souhaitables, mais est-ce que c'est souhaitable
actuellement au Québec? (22 h 15)
M. Villaggi: Est-ce que je peux me permettre? Je laisserai la
parole ensuite à Me Massol qui est l'expert chez nous en la
matière. C'est un peu une réaction de profane, si vous voulez.
À un moment donné, j'ai discuté de cela avec Me Massol.
Dans la jurisprudence - je pense que vous êtes familier avec le droit du
travail - on regardait les clauses de non-concurrence, par exemple. Les
tribunaux sont intervenus dans la notion de clause de non-concurrence
négociée de bonne foi entre deux parties. On disait: C'est
excessif, c'est exorbitant. Qu'est-ce que c'est si ce n'est pas de la
lésion entre majeurs? On arrive à la conclusion qu'une partie a
profité de l'inexpérience de l'autre pour lui imposer une
condition qui fait qu'elle n'est plus libre de travailler comme elle le pouvait
par le passé. Les tribunaux sont intervenus un peu - si je peux me
permettre l'expression - par la bande, trouvant une notion disant: C'est
excessif. Est-ce que ce n'est pas de la lésion entre majeurs? Est-ce que
ce n'est pas une façon que les tribunaux ont utilisée pour
rétablir une certaine justice dans certains cas? Je pense que c'est dans
cette optique que la notion était traitée. Je vais laisser la
parole à Me Massol qui est très familier avec le sujet, mais je
voulais juste faire ce commentaire.
M. Massol: Rapidement. D'abord, la lésion, c'est une
sanction particulière dans certains cas particuliers. On l'a restreinte.
Si l'on prend les deux critères à la base de l'article 1449, on
parle d'exploitation et de disproportion. Pour reprendre la question que vous
nous avez posée, on ne parle pas d'imprévision. Vous donniez
l'exemple de vos valeurs mobilières qui chutaient; cela peut être
de l'imprévision. Personne n'a eu un comportement bizarre ou louche
à votre égard. Au moment où vous avez acheté vos
actions, elles valaient bien le prix que vous les avez payées. Il n'y a
aucune chance que vous puissiez vous plaindre de lésion. Vous auriez
peut-être pu vous plaindre d'imprévision, mais ce n'est pas
prévu. L'exploitation, c'est une chose qui existe ailleurs - ce n'est
pas un critère absolu que de dire que cela existe ailleurs et que cela
devrait exister ici - mais cela existe ailleurs et depuis longtemps, à
la fois aux États-Unis par l'United Commercial Code, à la fois en
Allemagne, en Suisse, etc. La jurisprudence britannique l'a reconnue. C'est une
notion, comme je le disais, qui regarde plutôt les agissements de l'autre
pour éviter que la personne, non pas qui sollicite le contrat, mais qui
fait le contrat, impose sa manière d'agir qui, parfois, est louche, qui
est bizarre, qui impose sa façon louche à l'autre contractant.
Là, l'article est copulatif, c'est ensemble, il faut qu'il y ait
disproportion. Pour qu'il y ait disproportion, on prend d'abord une
règle mathématique, on dit: Ça ne valait pas ça
à ce moment-là, il n'y a pas équilibre dans les
prestations respectives des parties et, en plus, il y a un
élément plus actif d'exploitation. C'est restreint, ça ne
s'applique pas dans tous les cas.
Dans la première partie de mon exposé, je disais que
chapeauter cela par un critère de justice, ce n'est pas pour ouvrir
encore plus les portes à des débats judiciaires concernant les
gens qui ne sont pas contents des achats qu'ils ont effectués, c'est
juste pour placer la lésion au bon endroit. Cette chose étant
faite, on place la lésion au bon endroit parce qu'actuellement,
juridiquement parlant, il me semble que la lésion ne trouve pas sa place
dans les vices de consentement. Une fois placée correctement et qu'on
a
adapté un peu la lésion, il me semble que ça ne
constitue aucunement un danger à la stabilité des contrats. La
preuve en est le passé, si le passé est garant de l'avenir. En
matière de protection du consommateur, on a constaté que
l'application était restreinte, mais au moins il y a un principe, on
sait à quoi s'en tenir.
Aux États-Unis, il y a l'article 302, dans le UCC, qui parie un
peu d'"unconscionability" qui pourrait être le pendant de l'exploitation.
Les auteurs disaient encore récemment que cela a été
employé parcimonieusement dans certains cas, qu'il y aurait lieu que ce
soit encore mieux appliqué, mais au moins une règle existe et
peut-être qu'elle pourra servir. Je trouve frustrant de voir un juge
obligé de dire qu'il n'a pas les moyens de corriger un contrat qu'il
sait injuste ou encore qui est obligé, comme le disait Me Villaggi,
d'employer toutes sortes de détours pour casser un contrat, par exemple,
des clauses de non-concurrence. Là, on allait voir un autre article du
Code civil. Personnellement, je ne pense pas que ça va
révolutionner le commerce.
M. Filion: En deux mots, la disproportion importante telle que
stipulée dans l'article 1449, pour vous, ce sont des notions facilement
appréciables de façon objective.
M. Villaggi: Je reviens encore avec mon exemple de droit du
travail. Par exemple, en matière de délai congé, on a
parlé de l'abus de droit. Cela a été appliqué de
façon très limitative, dans des cas très précis. Je
me souviens d'un exemple en jurisprudence où l'on parlait du monsieur
qu'on avait fait venir d'Alberta pour l'installer au Québec et, une
semaine après, on le congédie. On a dit: C'est abusif, on est
allé trop loin. Donc, c'est une notion qui parfois a été
acceptée, parfois a été refusée, mais qui a
été appliquée de façon très parcimonieuse.
Si on regarde l'ensemble de notre jurisprudence, la façon de nos juges
de se comporter, d'aborder ces questions nouvelles, il ne faut pas se faire
d'illusion, les tribunaux vont aborder ces notions avec tout le bagage
législatif qu'ils ont, les connaissances qu'ils ont, mais, lorsqu'on va
arriver pour appliquer une notion telle la lésion, si on regarde la
jurisprudence existante, je suis convaincu que ce sera appliqué de
façon très pondérée, dans des cas précis
où on doit intervenir pour limiter une situation excessive, choquante,
exorbitante.
M. Massol: J'aimerais juste ajouter à cela, que, quand on
parle d'équilibre des prestations, on ne se réfère pas au
juste prix, c'est-à-dire à une liste de prix que le gouvernement
pourrait sortir de temps à autre, ni au juste prix qui a eu cours dans
l'histoire, au Moyen Âge. Ce qu'on veut éviter, comme Me Villaggi
vient de le dire, ce sont les abus flagrants. Il y a des fois où c'est
vraiment évident. Le juge, en cas de doute, va probablement laisser la
chance au coureur, mais quand quelque chose vaut 0,25 $ et qu'on le vend 3 $,
il me semble que c'est très évident. C'est pour donner cet outil
au juge.
M. Filion: Écoutez, c'est une notion intéressante,
d'autant plus qu'il y a des gens qui ont prétendu, en venant
témoigner, que cela n'existait pas dans le droit français, que
c'était contre notre tradition. Or, Me Gariépy m'a
souligné, en me parlant du droit français et du droit romain, que
cela existait, que c'est notamment la règle du 7/12 en France.
M. Lafontaine: Et quant à moi, M. le député
de Taillon...
M. Filion: Oui.
M. Lafontaine: ...pour continuer dans la même veine, je
crois que cela existe dans le Code civil actuel. Si je me rappelle bien, cela
fait longtemps que je l'ai étudié, mais en regard de l'article
1054b; le législateur était intervenu pour dire que la
déclaration qu'une personne faisait à un estimateur d'assurances
dans un délai de quinze jours de son accident pouvait être
annulée et pouvait être exclue par le juge si elle avait pour
effet de le léser, si je me rappelle bien.
M. Filion: Vous avez raison.
M. Lafontaine: Cela n'est pas d'hier et le législateur
avait été obligé d'intervenir. C'est la première
fois... Je me souviens qu'on s'amusait quand on étudiait le droit.
À un moment donné, quelqu'un disait: Est-ce que cela existe, une
lésion entre majeurs? Et c'était l'exemple qu'on donnait à
ce moment-là.
M. Filion: D'accord.
M. Lafontaine: Je ne veux pas faire un grand cours
là-dessus, mais si cela existe déjà chez nous, ce n'est
pas étranger.
M. Filion: D'accord. Vous permettez à Me
Pierre Gariépy, qui nous accompagne, nous, de l'Opposition
officielle, dans ces travaux de vous poser une question?
M. Gariépy: Une seule? M. Filion: Ou plusieurs.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gariépy: Je vais essayer d'être bref. Concernant
l'article 1964, la clause d'exigibilité du loyer, j'ai noté que
vous n'aviez pas de commentaires à la page 169 de votre document. Il y a
une différence entre le texte actuel du Code civil, à l'article
164.2, et celui qui est proposé à l'article 1964 parce qu'on
emploie les
mots "loyer total". La question que je voudrais vous poser est la
suivante: Vous ne croyez pas que le nouvel article 1964 permettrait au locateur
de stipuler l'exigibilité d'une partie du loyer? Je veux juste savoir si
vous avez un commentaire.
M. Massol: On n'a pas fait de consensus là-dessus à
la commission.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gariépy: Aux pages 52 et 53 de votre mémoire,
vous suggérez qu'à l'article 1500 on ajoute un pendant qu'on
trouve à l'article 1499, soit les droits et les obligations. Je parle de
l'acquisition d'un bien. L'acquéreur du bien, à titre d'ayant
droit, serait tenu aux obligations du cédant. La question que je me pose
c'est: Est-ce qu'il n'y a pas le danger de faire une équivalence avec
l'article 1499 vu que l'héritier, en vertu de la loi 20, aux articles
858 et 868, a une responsabilité limitée, quant aux obligations
de cujus, à la valeur des biens reçus? Si vous proposez une
modification, n'y a-t-il pas un danger à ce que l'acquéreur du
bien soit tenu à une responsabilité illimitée?
M. Massol: C'est assez difficile de vous répondre comme
cela. À l'article 1499, on n'a pas fait de commentaires. À
l'article 1500, d'abord, je dois dire en passant, M. Pineau, que j'ai relu
l'article 1500 et vous avez tout à fait raison, en tout cas, en ce qui a
trait au chapitre de la vente, mais on y reviendra tout à l'heure.
L'article 1500 mentionne peut-être deux choses. D'abord, la
transmissibilité aux ayants droit et, nous, on disait qu'on devrait
ajouter les mots "et les obligations" après "les droits" parce que cela
engendre souvent des droits, mais aussi des obligations. Alors, on disait
simplement que la modification cadrerait également mieux avec l'article
précédent, l'article 1499 qui parlait de droits et d'obligations.
C'était un peu un genre de recommandation de style. Ce n'était
pas fondamental. On disait: Étant donné qu'à l'article
précédent on parlait de droits et obligations, l'article suivant
devrait également comporter les mêmes termes.
Le Président (M. Doyon): Merci. D'autres questions?
M. Filion: Pas de notre côté, M. le
Président.
Je voudrais vous remercier encore une fois de votre collaboration aux
travaux de cette commission, collaboration qui va se continuer, si je comprends
bien, puisque Me Lafontaine nous disait tantôt qu'il était pour
nous transmettre le cahier comparatif que la commission avait
préparé. Encore une fois, je vous invite à poursuivre le
moment historique. Je suis pas mal sûr qu'à un moment donné
il y aura un projet de loi déposé. Tout ce que je vous souhaite,
c'est que ce ne soit pas en été que vous allez l'étudier.
Merci.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Oui. Alors, nous aussi, du côté
ministériel et au nom du ministre de la Justice, nous aimerions encore
une fois vous remercier, vous féliciter et vous dire que l'équipe
du Code civil va continuer à travailler à l'avant-projet de loi
et que votre mémoire sera d'une grande utilité pour
l'équipe.
Le Président (M. Doyon): Alors, au nom des membres de la
commission, au nom des codifica-teurs, je vous remercie du travail que vous
nous avez présenté qui fut fort intéressant et instructif.
Sur ce, j'ajourne les travaux de la commission à demain, 11 heures.
Une voix: 9 heures.
Le Président (M. Doyon): 9 heures, pardon, demain.
(Fin de la séance à 22 h 29)