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(Dix heures vingt minutes)
Le Président (M. Dauphin): À l'ordre, s'il vous
plaît! Mesdames, messieurs, si vous voulez prendre place, nous allons
commencer nos travaux. Nous procédons aujourd'hui, au début de
nos travaux, à la consultation générale et aux auditions
publiques sur l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du
Québec du droit des obligations.
Je déclare donc la séance ouverte. Pour le
bénéfice des membres de la commission, des gens qui nous
accompagnent et de nos invités, nous siégeons actuellement en
sous-commission, c'est-à-dire que les règles normales du quorum
ne s'appliquent pas au cours de cette consultation générale. Je
demanderais maintenant à Mme la secrétaire s'il y a des
remplacements.
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Marcil
(Beauharnois) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert).
Le Président (M. Dauphin): Merci. Maintenant, nous devons
donner lecture de l'ordre du jour. Nous entendrons, premièrement, les
déclarations d'ouverture du ministre de la Justice, et du porte-parole
de l'Opposition, en l'occurrence, le député de Taillon. Ensuite -
je crois qu'ils sont déjà arrivés - nous entendrons les
porte-parole de la Chambre de commerce du Québec, puis nous suspendrons
nos travaux jusque après la période des affaires courantes,
c'est-à-dire jusqu'à 15 heures.
Nous entendrons, à ce moment, l'Association des banquiers
canadiens, l'Association des courtiers d'assurances de la province de
Québec et l'Association canadienne des compagnies d'assurances de
personnes, puis nous suspendrons nos travaux pour le dîner.
Nous reprendrons à 19 h 30 pour entendre l'Association
provinciale des assureurs-vie du Québec, la Compagnie d'assurance-vie
Glacier National et, finalement, le Bureau d'assurance du Canada.
À ce stade-ci, je demanderais au ministre de la Justice du
Québec de faire sa déclaration d'ouverture.
Déclarations d'ouverture M. Gil
Rémillard
M. Rémillard: Merci, M. le Président. Il me fait
particulièrement plaisir, à titre de ministre de la Justice, de
participer à cette première séance de la commission des
institutions, ce matin, qui va recevoir dans les prochains jours les
commentaires, les suggestions, d'un grand nombre de personnes et d'organismes
sur l'avant- projet de loi portant sur la réforme du Code civil du
Québec pour ce qui est d'un de ses volets les plus importants,
c'est-à-dire le droit des obligations.
Je souhaite la bienvenue à tous les membres de la commission et
je remercie tous ceux qui ont bien voulu nous envoyer des mémoires et se
déplacer pour venir nous les présenter. Je remarque des
représentants de différents organismes fort
représentatifs. Je remarque la présence d'éminents
juristes.
J'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagent et qui
vont m'accompagner pendant les séances de cette sous-commission
parlementaire. À côté de moi, à ma droite, tout
d'abord, le notaire Cossette, du ministère de la Justice, responsable de
ce dossier de la réforme du Code civil; Me Céline Cyr,
responsable de ce dossier à mon cabinet; le sous-ministre, M. Jacques
Chamberland, est retenu pour le moment, mais il se joindra aussi à
nous.
L'avant-projet que nous abordons aujourd'hui constitue une pièce
législative majeure, tant par son volume que par ses impacts sur la vie
quotidienne des Québécois et des Québécoises. On
retrouve dans ce projet plus de 1400 articles, soit ce que l'on peut
considérer comme étant au coeur même du droit civil, le
droit des contrats et les principes de la responsabilité civile,
autrement dit, tout ce qui concerne les rapports juridiques, les droits et les
obligations des individus entre eux.
Le processus de la réforme du Code civil a été
amorcé en 1955 sous le gouvernement de M. Maurice Duplessis lorsque la
Législature de l'époque décidait, par un décret, de
charger un éminent juriste, le très honorable Thibodeau-Rinfret,
ancien juge en chef de la Cour suprême, de réviser le Code du
Bas-Canada. Les travaux ont commencé lentement pour donner lieu,
finalement, en 1962, à la création de l'Office de révision
du Code civil. À la fin de 1977, l'office présentait au
gouvernement son rapport proposant, pour le Québec, un nouveau Code
civil. Au mois de décembre 1986, le ministre de la Justice, M. Herbert
Marx, déposait devant l'Assemblée nationale l'avant-projet de loi
portant sur la réforme au Code civil du Québec du droit des
sûretés réelles et de la publicité des droits. Cet
avant-projet regroupe les règles relatives aux droits et garanties des
créanciers contre leurs débiteurs et revoit en profondeur notre
système d'enregistrement. Il a déjà fait l'objet de la
consultation publique et il est actuellement en voie de révision.
Un an plus tard, soit en décembre 1987, le ministère de la
Justice déposait devant l'Assemblée nationale l'avant-projet de
loi qui nous concerne aujourd'hui portant, cette fois, sur la réforme du
droit des obligations. Il s'agit de
l'avant-dernier volet de la réforme à étudier pour
réformer notre Code civil.
L'étude de lavant-projet de loi portant sur le droit de la preuve
et de la prescription et du droit international privé sera
vraisemblablement tenue au début de l'année 1989. Cela
complétera l'ensemble des avant-projets de loi que le présent
gouvernement avait promis de déposer pour terminer la réforme du
Code civil.
Par la suite, le gouvernement présentera un projet de loi
définitif au cours de l'année 1989 et tiendra, cette fois, une
commission parlementaire qui étudiera la globalité du projet de
loi article par article. Il s'agit donc là, M. le Président, on
doit en convenir, d'un processus relativement long et complexe, un processus
qui, lui-même, nécessitera une autre législation
d'application ayant pour objet de proposer des ajustements requis, nos lois et,
enfin, d'assurer la transition entre les règles actuelles et les
règles proposées.
Si je vous rappelle ainsi tous ces faits concernant les étapes
accomplies ou à l'être du processus de la réforme du Code
civil, c'est pour démontrer deux choses. Tout d'abord, que le
gouvernement a la volonté ferme de terminer le long processus de la
réforme du Code civil, les citoyennes et citoyens du Québec
seront dotés d'un nouveau Code civil pour 1990-1991;
deuxièmement, que le gouvernement a besoin de la participation de toutes
les personnes et organismes intéressés pour remplir
adéquatement cette mission, traduire de façon législative
les besoins et aspirations de la société québécoise
d'aujourd'hui et de demain.
M. le Président, l'avant-projet de loi que nous étudions
aujourd'hui traite des obligations, en général, et il aborde
toutes les règles de formation, de validité et d'exécution
des contrats, ainsi que les principes de la responsabilité civile. Il
comprend, en outre, la réglementation détaillée d'une
vingtaine de contrats qu'on appelle contrats nommés. De plus,
l'avant-projet de loi regroupe désormais les principes qui sont à
la base du droit de la consommation.
La réforme du droit des obligations vise à adapter aux
réalités de la société contemporaine des
règles établies en 1866 et qui n'ont été depuis que
fort peu modifiées. C'est en s'appuyant sur les principes fondamentaux
de l'autonomie de la volonté, de la liberté contractuelle, de la
force obligatoire du contrat, que nous avons conçu le nouveau droit des
obligations pour établir un équilibre nouveau dans les rapports
des parties contractantes de façon à favoriser une meilleure
justice contractuelle. Ainsi, par exemple, le projet de loi sous étude
met désormais en lumière la nécessité que le
consentement à un acte juridique soit libre, éclairé et
réfléchi. Il prévoit certaines obligations de
renseignements entre les parties. Il prévoit aussi la sanction de la
fraude - on parle de dol, en droit civil - il généralise le
principe de la lésion pour l'appliquer à toute relation
contractuelle d'adhésion impliquant des individus, sauf à
l'égard de ceux qui exploitent une entreprise. Le projet
réglemente aussi les clauses abusives dans les contrats
d'adhésion et introduit des règles d'interprétation qui
favorisent l'adhérant à un contrat.
Le projet généralise aussi la réduction des
obligations comme recours possible en cas de consentement vicié ou
d'inexécution du contrat, parallèlement au recours traditionnel
en nullité, résolution, résiliation ou en dommages et
intérêts. Autant de mesures nouvelles qui, nous l'espérons,
devraient contribuer à imprimer au droit des contrats et des obligations
en général plus de justice et plus d'équité.
Le rajeunissement des principes et des règles que l'on retrouve
dans le droit des obligations en général ne se limite pas, bien
sûr, au simple cadre des contrats ou actes juridiques. Il rejoint aussi
le domaine de la responsabilité civile, tant contractuelle
qu'extracontractuelle. La réforme en ce domaine ne s'aventure pas,
à l'exemple d'autres États, à proposer un régime
général d'indemnisation publique sur le modèle de
l'assurance automobile ou de la santé et de la sécurité du
travail.
Une telle proposition, malgré ses attraits certains devant les
problèmes sérieux qui se posent à l'heure actuelle en
cette matière, particulièrement en regard de la
responsabilité professionnelle et médicale, aurait
dépassé le cadre du droit civil. Mais si l'avant-projet sous
étude reprend pour l'essentiel les principes du droit actuel axés
sur les notions de faute, de dommage et de lien de causalité, il les
modifie néanmoins ou en étend la portée de diverses
façons. Il harmonise les règles propres au régime
contractuel et délictuel de responsabilité. Il introduit
également sur la base des conventions internationales des règles
sous la responsabilité du fabricant de produits, règles devenues
essentielles dans notre société de consommation.
Enfin, l'avant-projet institue certaines atténuations
nécessaires au principe de la réparation intégrale du
préjudice causé. Le projet reconnaît, à ce
chapître, la possibilité d'une révision judiciaire des
indemnités d'évaluation, de même que l'ouverture en faveur
d'une indemnisation sous forme de rentes du dommage corporel. Ce que les
tribunaux refusent d'accorder actuellement. Il faut noter aussi le pouvoir qui
est désormais accordé au tribunal de mitiger les dommages,
lorsque la faute commise pas l'auteur n'est ni intentionnelle ni lourde et que
la réparation intégrale du préjudice risque de le placer
dans une situation très difficile ou pénible afin d'éviter
de créer une seconde victime dans la personne de l'auteur même du
dommage. Ce rajeunissement des règles et principes effectué au
titre des obligations en général et dont j'ai voulu tracer les
grandes lignes, M. le Président, on le retrouve également au
titre des contrats nommés.
D'autres contrats, M. le Président, font
aussi l'objet de modifications ponctuelles visant à régler
certaines difficultés d'application qui se sont soulevées. C'est
le cas des contrat de dépôt, de jeu, de pari et de transaction.
C'est aussi le cas des contrats de prêts et de cautionnement. De plus,
d'autres secteurs, comme les contrats de transport de travail, de service et
d'entreprise ou contrats d'oeuvre sont entièrement revus et
codifiés. En ce qui regarde les sociétés, on donne
à la société en nom collectif, comme celle de bureau
d'avocats et la société en commandite, comme des groupes
d'investissement, une personnalité juridique, ce qui devrait permettre
de répondre plus adéquatement aux attentes des personnes
concernées et, aussi, assurer entre autres une meilleure protection des
créanciers.
M. le Président, le présent projet intègre aussi
certaines dispositions de la Loi sur la protection du consommateur, dont les
règles sur la vente à tempérament susceptibles
d'être généralisées. On y élargit aussi le
domaine de la vente en bloc au-delà du concept de vente d'un fonds de
commerce pour recouvrir désormais la notion plus générale
de vente d'une partie substantielle d'une entreprise.
L'avant-projet tient également compte des développements
récents en matière de vente de marchandise et, entre autres, de
la convention des Nations Unies sur la vente internationale de marchandises,
adoptée à Vienne en 1980.
M. le Président, je veux souligner que le Québec envisage
d'adhérer à cette convention internationale sur la vente des
marchandises.
Tels sont donc quelques-uns seulement des éléments de
réforme qu'apporte l'avant-projet sous étude en matière de
contrats nommés et qui s'ajoutent à ceux que j'ai
évoqués au sujet des obligations en général.
À eux seuls, ces quelques éléments dont je viens de vous
rappeler les grandes lignes, témoignent de l'ampleur des réformes
que comporte l'avant-projet soumis aujourd'hui à l'étude des
députés et du public.
Là-dessus, M. le Président, je voudrais terminer en
remerciant, encore une fois, tous ceux et celles qui se sont donnés la
peine de réfléchir sur cet avant-projet de loi, qui se sont
donnés la peine de venir ici et qui viendront ici, cette semaine, nous
formuler leurs commentaires et leurs suggestions. Mes collègues et moi
sommes ici pour consulter la population avant de nous prononcer plus avant sur
une réforme qui propose des règles qui constitueront le droit
commun des citoyens et des citoyennes du Québec pour plusieurs
décennies. Aussi, je veux vous assurer que vos observations recevront
toute l'attention qu'elles méritent. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre de la
Justice. Maintenant, je demanderais au porte-parole de l'Opposition, M. le
député de Taillon, de procéder à sa
déclaration d'ouverture.
M. Claude Filion
M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. Il me fait
plaisir de prendre la parole en ce début de commission parlementaire
étudiant l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du
Québec en ce qui a trait au droit des obligations. Lorsque j'ai
écrit la dernière ligne de mon examen du Barreau, en 1969,
à peu près en même temps que l'un des juristes qui est
à la table, devant nous, jamais je n'aurais pu m'imaginer que j'aurais
à refaire mes devoirs d'une façon aussi studieuse. Mais la vie
politique étant essentiellement le devoir de représenter nos
concitoyens et nos concitoyennes, cela nous amène à faire des
lois dans tous les secteurs d'activité. Je dois vous dire que c'est avec
grand plaisir que j'ai accepté ce mandat de représenter ma
formation politique dans ces travaux qui commencent aujourd'hui.
M. le Président, il convient bien sûr de souligner
l'importance capitale de ces travaux de consultation qui débutent
aujourd'hui en commission parlementaire, puisque ces travaux portent sur une
clé de voûte du Code civil, soit le droit des obligations. Toutes
les règles générales ou particulières relatives
à la formation, à la validité et à
l'exécution des contrats ainsi que tous les principes de la
responsabilité civile, c'est le coeur, c'est le système nerveux,
finalement, de notre droit. C'est le coeur et le système nerveux des
relations entre les différentes parties de notre société.
Cet avant-projet comprend également des règles régissant
une vingtaine d'autres contrats plus spécifiques allant de la vente
jusqu'au contrat de consommation; c'est donc une matière énorme.
Pour m'aider dans cette étude, M. le Président, et je pense que
ce travail aurait été presque impossible pour un
député qui doit quand même consacrer d'autres heures
à ses travaux, ne serait-ce qu'à cause de ce qui se passe de
l'autre côté, au salon bleu ou au salon rouge, à cause de
nos devoirs de comté également, il m'aurait été
impossible, dis-je, d'arriver prêt ce matin et d'effectuer l'ensemble de
ces travaux si, pour m'assister, je n'avais pu bénéficier de
l'aide que j'ai actuellement de deux éminents juristes que je voudrais,
M. le Président, vous présenter ainsi qu'aux autres membres de
cette commission. Ces deux juristes vont m'accompagner tout au long de nos
travaux; ils interviendront quelquefois directement pour poser des questions
à nos invités, étant beaucoup plus
spécialisés que je puis l'être dans certains secteurs. Il
s'agit, à ma gauche, de Me Claude-J. Melançon et, à ma
droite, de Me Pierre Gariépy, tous deux avocats de la firme Guy et
Gilbert de Montréal.
Je tiens également à féliciter le travail
méritoire de toutes ces personnes qui travaillent un peu dans l'ombre,
nos codificateurs, nos rédacteurs, ces gens qui doivent assumer la
cohérence de l'ensemble des dispositions contenues dans un avant-projet
de loi. Ce qui me
frappait le plus à l'université, quand j'étudiais
le Code civil, le Code de procédure civile ou le Code criminel,
c'était de voir cette espèce de pensée unique et
cohérente qui englobe l'ensemble d'un code ou des codes, sinon nos
grands textes législatifs deviennent un peu inutiles. Donc, il est
normal, lorsque nous révisons et réformons nos lois, qu'on puisse
également voir cette pensée, cette trame unique qui enveloppe de
façon aussi parfaite que possible toutes ces dispositions
législatives qui traitent de tous les secteurs d'activité, dans
ce cas-ci plus particulièrement. Je pense qu'il est de
notoriété publique que l'on doive particulièrement penser
à Me Longtin, Me Pinault, Me Cossette, M. le juge Chassé et
d'autres également peut-être, mais particulièrement
à ces personnes ainsi qu'à tous les gens de l'Office de
révision du Code civil. Félicitations à ces personnes qui
ont produit un texte tout à fait méritoire.
Je pense bien, M. le Président, que nous pouvons dire que le
nouveau Code civil dispose de deux nouvelles assises ou de deux assises de
taille particulière. D'abord, la Charte des droits et libertés de
la personne. Cela m'a frappé de lire dans le préambule du projet
de loi 20 la mention suivante. Le Code civil du Québec régit en
harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne et les
principes généraux du droit, bien sûr... Cette mention
à la Charte des droits et libertés de la personne qui constitue
l'une des nouvelles assises de ce que sera le Code civil, sans nul doute.
Deuxièmement, également, l'exigence de la bonne foi - que
l'on retrouve à l'article 14,19, sauf erreur, de l'avant-projet de loi -
tant à la naissance de l'obligation que durant son exécution et
jusqu'à sa conclusion. Il s'agira de s'assurer, de notre
côté, qu'on est allé au bout de ses principes en accordant,
par exemple, aux débiteurs soucieux de démontrer leur bonne foi
et pour autant que cela sera possible, l'occasion de remédier aux
manquements de leurs obligations.
Enfin, je tiens à souligner, M. le Président c'est la
première occasion, je pense, en commission parlementaire - la bienvenue
au nouveau ministre de la Justice qui remplace le député de
D'Arcy McGee qui a été assermenté après la fin de
la session de juin, sauf erreur. Je tiens à lui réitérer
de vive voix toute notre collaboration, comme Opposition, à faire en
sorte que le nouveau Code civil soit le plus parfait possible et surtout qu'il
soit adopte le plus rapidement possible, comme je le lui ai déjà
signalé en Chambre, la semaine dernière. Je reviendrai
là-dessus tantôt.
Cet avant-projet de loi contient des règles qui toucheront
directement la vie quotidienne de tous les Québécois et de toutes
les Québécoises et ce, pour des décennies à venir.
Même si le processus de révision, j'ai l'impression, va continuer
quand même, ce sera un processus à peu près permanent, il
demeure que lorsque nous aurons complété ces travaux - je dis
"nous" dans le sens de toutes les Légistatures à venir, parce que
manifestement le nouveau Code civil ne pourra pas être prêt durant
cette Législature-ci - on a là, donc, un travail qui va demeurer
durant plusieurs années... Le Code civil affecte tous les
Québécois et toutes les Québécoises dans leur vie
quotidienne. Cela n'est pas toujours évident. Les gens ignorent
l'importance de nos travaux. On ne leur demande pas d'ailleurs d'aller se
battre dans les autobus pour les discussions que nous aurons avec nos
invités.
Mais, ce sont des discussions cependant qui risquent de les affecter
d'une façon tout à fait courante. On n'a qu'à lire, par
exemple, la liste des contrats qui sont touchés. Qui au Québec ne
conclut pas de transaction de vente dans une année? Impossible. Ou le
bail, la donation, le transport, le contrat de travail, un contrat
extrêmement fondamental parce qu'il touche à l'essence de la
dignité des individus, contrat de mandat, contrat d'assurance,
convention d'arbitrage, sujets sur lesquels j'aurai beaucoup de choses à
dire, en temps et lieu, et le contrat de consommation, bref, autant de contrats
qui affectent les Québécois et les Québécoises
d'une façon tout à fait quotidienne. (10 h 45)
Les commentaires contenus dans les 36 mémoires qui ont
été soumis à cette commission revêtent donc toute
leur importance dans la mesure où ils constituent l'expression des
citoyens et des citoyennes du Québec de ce qu'ils souhaitent être
leur société. C'est dans ce cadre que, quant à nous, nous
recevrons les mémoires des intervenants. D'ailleurs, c'est avec ce souci
d'améliorer le droit que l'Office de révision du Code civil
avait, en 1977, déposé un rapport des plus ambitieux qui avait
suscité maintes controverses.
Dès lors, cependant, l'esprit qui présidait la
réforme se définit comme un effort de réflexion collective
sur l'ensemble des concepts fondamentaux du droit civil. À la base, je
l'ai mentionné tantôt, de la réflexion ainsi
suscitée se situait le désir d'harmoniser le droit des
obligations à la Charte des droits et libertés. On se souviendra,
M. le Président, que cette commission avait étudié, il y a
environ deux ans, le projet de loi 92 qui visait à harmoniser l'ensemble
de nos lois avec la Charte des droits et libertés. La théorie des
obligations est certes l'une des plus importantes en droit civil car elle
contient un bon nombre de principes généraux dont l'application
déborde le seul cadre des obligations. Le consen-sualisme, la
liberté contractuelle, l'autonomie de la volonté, ces principes
de rigueur qui ont servi de base aux rédacteurs de 1866 ne correspondent
cependant peut-être plus, d'une façon aussi pleine, aujourd'hui,
à notre société, dans la mesure où ces principes
contenaient d'éléments d'exclusivité.
Déjà, avant même la Loi sur la protection du
consommateur de 1978, le législateur avait cru
nécessaire dans le Code civil même de tempérer les
excès dus à ces principes qui remontent au siècle dernier
ou même au siècle précédent. À titre
d'exemple, il avait ainsi adopté, en 1947, les articles 1202a et
suivants concernant la libération de certains débiteurs; en 1964,
les articles 1040a et suivants dans la section de l'équité dans
certains contrats. Par ces ajouts, l'application de ces articles
s'étendait à tout débiteur, qu'il soit commerçant
ou consommateur. Ces lésardes que sont les mesures
d'équité indiquent bien que l'édifice devait et doit
être repensé. On peut donc croire que l'élaboration de
l'avant-projet de loi sur les obligations, dont il est question aujourd'hui,
aura un impact majeur sur l'ensemble du Code civil.
Depuis 1866, date d'entrée en vigueur du Code civil, la
société québécoise a progressé. Elle a, peu
à peu, pris conscience des inégalités économiques
et sociales des gens qui la composent. Conscient de ces disparités, le
législateur a voulu protéger le plus faible. C'est ainsi que
l'avant-projet reprend le concept du contrat de consommation que l'on retrouve
actuellement dans la Loi sur la protection du consommateur pour
l'intégrer au libellé du code. De telles dispositions tranchent,
bien sûr, sur le principe de la liberté contractuelle absolue que
l'on retrouvait à la fin du siècle dernier et marque le souci
d'implication de notre société dans la protection des plus
défavorisés. Cela ne serait certes pas la première fois
qu'une loi serait modifiée afin de refléter l'évolution
sociale. Ainsi, en a-t-il été, par exemple, du pouvoir de
contrainte, dans l'ancien droit romain - est-il utile de le rappeler? -
l'inexécution des obligations par un débiteur donnait à
son créancier le droit de le mettre à mort ou même de le
vendre comme esclave. Heureusement, par la suite, influencées par
l'évolution de la morale en général, ces mesures furent
remplacées par des sanctions plus clémentes, telle la
compensation pécuniaire. Ces peines, qui subsistèrent jusqu'au
XIXe siècle, n'ont plus d'application aujourd'hui, mais, M. le
Président, on a attiré mon attention, croyez-le ou non, sur
l'article 1962 de l'actuel Code civil, deuxième alinéa, qui dit:
"Lorsqu'il s'agit d'une caution judiciaire, la personne offerte comme caution
doit en outre être susceptible de la contrainte par corps." Vous voyez
que le droit romain a quand même traversé plusieurs
décennies pour nous laisser quelques parcelles dans le Code civil que
nous aurons tôt fait d'abolir, bien sûr. Je ne veux pas imputer de
motifs à tous ceux qui ont révisé le Code civil avant
aujourd'hui. Il s'agit-là d'un anachronisme que nous supprimerons.
Bien entendu, au-delà de certaines modifications rendues
indispensables par l'évolution sociale, la plupart des grands principes
généraux n'ont pas été altérés.
À la suite du bouleversement de la société, à la
transformation du mode de vie, à la modification des schèmes de
pensée traditionnels, on pourrait aussi ajouter: à la suite de la
spécialisation de l'activité humaine, à la suite de la
complexité des différents secteurs d'activité humaine, la
réforme devient de plus en plus urgente. C'est dans cette optique que la
réforme permettra de régir des relations entre citoyens, selon
les conceptions de notre temps. Je me souviens des paroles du ministre de la
Justice français, M. Peyrefitte à l'époque, qui disait:
Vous savez, un texte de loi, c'est toujours un texte circonstancié. J'ai
toujours beaucoup apprécié ces paroles de M. Peyrefitte parce
qu'elles nous disent que le Code civil que nous ferons sera bon tant et aussi
longtemps qu'il correspondra aux moeurs et à la morale de notre temps.
Ce n'est pas une table de Moïse que nous ferons, ce n'est pas une table de
Moïse qui a été faite lorsque le Code civil a
été fait. Il s'agit tout simplement de faire en sorte de
concrétiser dans un texte de loi ce qui est le consensus de notre temps.
Certains diraient: La sagesse moyenne du moment, je préfère
peut-être le consensus de notre temps.
Déjà, les quatre premiers livres du nouveau Code civil
portant sur la réforme du droit des personnes, de la famille, des
successions et des biens, le projet de loi 20, ont été
adoptés le 14 avril 1987, quoique non encore en vigueur. M. le
Président, je voudrais prendre quelques minutes pour faire le point sur
ce nouveau Code civil sur lequel l'ancien ministre de la Justice, le
député de D'Arcy McGee, disait, clamait même au
début de l'année 1986: Ne vous inquiétez pas, M. le
député de Taillon, le nouveau Code civil sera en vigueur avant la
prochaine élection. J'écoutais le député de D'Arcy
McGee, il était évidemment enthousiaste que, devant tant
d'enthousiasme, mon scepticisme avait baissé légèrement.
Force est quand même de constater pour tout le monde qu'après
trois ans de cette Législature, le nouveau Code civil du Québec
n'est pas rendu très loin.
Si vous me le permettez, M. le Président, on va regarder ensemble
rapidement ce nouveau Code civil du Québec. D'abord, les premier,
deuxième, troisième et quatrième articles, comme je l'ai
dit, ont été adoptés en 1987; c'est le chapitre 18. Le
chapitre premier, des personnes, n'est pas en vigueur. Le chapitre
deuxième, de la famille, est en vigueur, sauf quelques articles. Le
chapitre troisième, des successions, et le chapitre quatrième,
des biens, ne sont pas du tout en vigueur. En ce qui concerne le chapitre
cinquième, des obligations, nous sommes évidemment à
l'étape de l'avant-projet de loi. Le chapitre sixième, des
priorités des hypothèques, a fait l'objet d'un avant-projet de
loi; la commission parlementaire a déjà été tenue
en août 1987. Mais le projet de loi n'est toujours pas...
Évidemment, c'est un avant-projet de loi, donc il n'y a pas eu de projet
de loi de déposé, sauf erreur. En ce qui concerne le chapitre
septième, de la preuve, et le chapitre huitième, de la
prescription, la commission parlementaire pourrait avoir lieu en 1989. Un
avant-projet de loi a été
déposé.
Le chapitre neuvième, de la publicité des droits, comme je
l'ai dit, est relié aux hypothèques, mais la commission
parlementaire a déjà été tenue en août 1987
et, quant au chapitre dixième sur le droit international privé,
M. le ministre, la commission parlementaire est prévue possiblement pour
1989.
C'est un bien maigre bilan. M. le Président, le
prédécesseur du ministre de la Justice, dont l'actuel ministre
poursuit la personnalité, nous disait: Ne vous inquiétez pas; le
Code civil sera en vigueur d'un bloc. Il voulait le faire entrer en vigueur en
un seul bloc. Quel grand rêve! Quel ballon qu'il faut
immédiatement dégonfler, M. te Président. C'est pourquoi
je demande instamment à l'actuel ministre de la Justice de convaincre
ses collègues du Conseil des ministres, ce qui ne devrait pas être
difficile, de procéder à l'entrée en vigueur de ce qui est
déjà fait au moins, c'est-à-dire le projet de loi 20, qui
contient des mesures éminemment importantes pour les citoyens et les
citoyennes du Québec - j'en ai mentionné au ministre la semaine
dernière - en ce qui concerne la protection de la réputation.
L'ensemble des groupes, d'ailleurs, commence à revendiquer l'application
de cette loi 20. Qu'est-ce que ça donne, M. le Président,
d'étudier, de faire tout ce beau travail de consultation, de recevoir
des gens, de leur demander de faire leur devoir, d'étudier des
avant-projets quand même difficiles, si le législateur, en bout de
ligne, adopte des lois sans les faire entrer en vigueur?
Les lois n'exitent pas pour les facultés de droit, pour les
professeurs de droit ou pour faire des études de droits. Elles existent
pour être appliquées, pour gouverner les relations entre les
citoyens. Si l'ancien ministre de la Justice avait des racines tellement fortes
dans les facultés de droit qu'il en avait oublié l'objectif, je
suis convaincu que l'actuel ministre de la Justice ne perd pas de vue que les
lois existent pour les citoyens et les citoyennes et non pas seulement pour les
spécialistes, avec tout le respect que l'on a pour ces gens. En deux
mois, comme je le disais à la blague la semaine dernière, les
lois que nous adoptons ne doivent pas servir uniquement à poser des
colles aux étudiants en droit au Barreau; elles doivent servir
véritablement dans la pratique, être appliquées par les
juges et les citoyens. Je suis convaincu, face à ce triste bilan - et on
commence à parler d'élection pour le printemps prochain - que le
ministre de la Justice aura à coeur au moins d'adopter le projet de loi
20 pour qu'il puisse dire en campagne électorale: Vous savez, on n'a pas
adopté tout le Code civil; cela intéresse peu de gens. Le
ministre fait la moue, cela intéresse peu de gens, soit, mais
c'était quand même une promesse de votre
prédécesseur à l'époque, une promesse de
l'équipe libérale, le nouveau Code civil. Évidemment, ce
n'est pas ce qui a fait emporter la manche, mais cela faisait quand même
partie du lot. Je dis bien simplement au ministre qu il a notre collaboration
pour accélérer l'étude du nouveau Code civil. Nous
insistons surtout auprès de lui, au nom de tous ces groupes, de tous ces
citoyens et citoyennes, pour que ce que l'on peut faire entrer en vigueur le
soit dans les meilleurs délais.
En terminant, M. le Président, je voudrais citer une idée
de l'honorable Louis-Philippe Pigeon qui écrivait dans son ouvrage,
Rédaction et interprétation des lois, que le droit est
l'expression de la politique en ce qu'elle a de plus stable. C'est une belle
pensée contemporaine, de notre siècle, et, à mon sens,
cette pensée de l'honorable Pigeon traduit bien notre état
d'esprit, de notre côté, et nous sommes prêts à
traduire dans une loi ce qu'il y a de plus stable dans notre
société. L'Opposition, et je le dis sans ambages et sans
réserve, apportera toute sa collaboration à ce travail non
partisan, à ce travail qui est fait uniquement dans le but d'apporter,
objectivement, le plus grand bienfait à nos concitoyens et à nos
concitoyennes.
Je voudrais donc vous remercier, M. le Président. (11 heures)
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député de Taillon. Maintenant, avant d'entendre la Chambre de
commerce du Québec, je demanderais au ministre de la Justice s'il a des
choses à ajouter.
M. Filion: Moi aussi après?
Le Président (M. Dauphin): On peut en réponse
à vos questions.
M. Rémillard: Simplement pour vous remercier, M. le
député de Taillon. Si vous voulez me remercier après,
libre à vous. C'était pour vous remercier, dis-je, de votre bonne
collaboraiion. C'est une collaboration que vous avez accordée aussi
à mon prédécesseur, le député de D'Arcy
McGee, qui a fait un travail colossal dans ce dossier et je veux lui rendre
hommage.
Vous dites que le travail qu'il a fait est bien peu Évidemment,
vous me permettrez de ne pas être du même avis. Objectivement, les
faits sont là pour le démontrer. C'est que le projet en
lui-même est extrêmement difficile, complexe. C'est un projet
colossal, comme je le mentionnais tout à l'heure. Ce qui a
été fait a été bien fait. Je crois qu'on le doit au
travail qu'a fait le député de D'Arcy McGee lorsqu'il
était ministre de la Justice. Je veux lui rendre hommage.
M. le Président, le député de Taillon soulevait un
point qui m'intéresse beaucoup lorsqu'il parle de la possibilité
d'appliquer des parties qui sont déjà sanctionnées, mais
non en application, du Code civil. Il se réfère à la loi
20. Il m'en a parlé la semaine dernière déjà en
Chambre, en se référant à la protection de la
réputation. C'est une question qui mérite réflexion. Je
lui ai mentionné en Chambre et je lui
répète que, comme ministre de la Justice, j'ai à
prendre en considération, d'une part, la possibilité de mettre en
application immédiatement ce projet de loi 20, ou certaines de ses
parties, qui contient, j'en suis conscient, des aspects importants sous
certains aspects des droits et obligations des citoyens et citoyennes du
Québec, d'autre part, je dois aussi tenir compte de l'ensemble de cette
réforme du Code civil et des interrelations d'un article par rapport aux
autres. Je voudrais rassurer le député de Taillon en lui disant
que le seul objectif que je peux avoir dans ce dossier, c'est
l'intérêt public, et c'est le fait de faire en sorte que notre
Code civil, lorsqu'il sera en application tel que réformé, puisse
l'être de la façon la plus compréhensive et la plus
complète possible. C'est là ma préoccupation.
M. le Président, en terminant, simplement pour dire que pour moi
il s'agit de ne pas brusquer les choses: campagne électorale ou non, peu
importe. Il y a un objectif. Je sais que c'est le même objectif que
poursuit le député de Taillon au nom de l'Opposition et que
moi-même je poursuis, comme ministre, au nom du gouvernement,
c'est-à-dire d'avoir la meilleure réforme possible. C'est dans ce
contexte, M. le Président, que j'ai reporté cette commission
parlementaire qui devait avoir lieu au mois d'août dernier. Je l'ai
reportée à ce jour pour permettre à des groupes fortement
intéressés par cette réforme de compléter leur
étude de notre projet et de faire valoir leur opinion dans un
mémoire substantiel. Je n'ai pas hésité à remettre
cette commission, peu importent les campagnes électorales ou d'autres
échéances uniquement sur le plan partisan. Ce qui nous importe,
je pense que c'est la même préoccupation du côté de
l'Opposition, c'est que cette réforme se fasse dans les meilleures
conditions possible. C'est mon seul objectif, mon seul but, M. le
Président. Merci.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre.
M. Filion: Juste quelques secondes. C'est sûr qu'en
adoptant une partie du Code civil, on peut affecter d'autres parties. Par
exemple, cela n'a pas empêché, dans le chapitre de la famille, de
faire en sorte de l'entrer en vigueur. Je suis conscient des interrelations qui
existent entre différents articles d'un même Code civil. Il
demeure que c'est un aspect, c'est un facteur que le ministre mentionne
à juste titre. D'un autre côté, il y a aussi
l'intérêt public. Quand on fait la balance... Vous l'avez fait
d'ailleurs. Est-ce que c'est le gouvernement précédent ou ce
gouvernement-ci qui l'a fait, la balance au niveau du chapitre traitant de la
famille? Je pense que c'est le gouvernement précédent, ce qui a
fait en sorte que ce chapitre entre en vigueur parce qu'il était urgent.
Urgent, entendons-nous. Urgent pour redresser des inéquités,
urgent pour redresser des injustices.
Je pense que je n'ai pas l'intention de revenir ad infinitum
auprès du ministre qui saisit mon point de vue. Je saisis
également les éléments de sa réflexion. Il
connaît ma préoccupation pour ce dossier. Cela va.
Auditions Chambre de commerce du Québec
Le Président (M. Dauphin): D'accord, M. le
député de Taillon. Maintenant, j'invite la Chambre de commerce du
Québec, représentée par M. Louis Arsenault,
vice-président de premier rang. D'ailleurs, je vais lui laisser
l'occasion de présenter les personnes qui l'accompagnent. Étant
donné le grand nombre de mémoires que nous avons reçus,
notre temps est limité malheureusement à une heure,
c'est-à-dire environ 20 minutes de présentation et 40 minutes
d'échanges avec les deux formations politiques. Vous pouvez commencer,
et bienvenue à nos travaux.
M. Arsenault (Louis): Merci, M. le Président. Mesdames,
messieurs, membres de la commission, permettez-moi de vous remercier de nous
recevoir ici ce matin. Mon nom est Louis Arsenault. Je suis
vice-président de premier rang de la Chambre de commerce du
Québec. J'aimerais vous présenter mes adjoints ici ce matin.
D'abord, à ma droite, le vice-président exécutif de la
Chambre de commerce du Québec, M. Jean-Paul Létourneau, qui n'en
est pas à sa première visite devant des commissions à
Québec. À mon extrême gauche, d'abord, Me
André-Pierre Asselin et Me Pierre Labelle tous deux de l'étude de
Grandpré, Godin, de Montréal, qui ont collaboré
étroitement à la rédaction de notre mémoire et qui
sont nos porte-parole dans ce dossier.
J'aimerais également vous dire un mot sur notre organisme. La
Chambre de commerce du Québec qui célébrera son 80e
anniversaire, l'an prochain, regroupe toutes les 230 Chambres de commerce du
Québec qui représentent toutes les régions du territoire
québécois et, également, plus de 7200
sociétés membres, les grandes et les petites de tous les coins du
territoire québécois.
Nous estimons donc bienvenue l'initiative du législateur de
réviser le Code civil du Québec qui datait de 1866 et qui, sauf
dans certains secteurs, n'avait pas subi de transformations profondes depuis.
L'idée de tenir compte de la jurisprudence accumulée depuis sa
création dans une version révisée est des plus louables.
Toutefois, après analyse du texte de l'avant-projet, nous croyons que
certains de ses aspects risquent de porter atteinte à des principes
fondamentaux des relations d'affaire. C'est ce dont nous allons vous entretenir
ce matin. Je cède immédiatement la parole à Me Pierre
Labelle, qui nous résumera l'essentiel du contenu du mémoire de
notre chambre. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dauphin): Merci beaucoup, M. Arsenault.
Me Labelle.
M. Labelle (Pierre): M. le Président, il ne fait aucun
doute que la réforme du droit des obligations constituera la pierre
angulaire du nouveau Code civil. Le droit des obligations est appliqué
de façon quotidienne et par la totalité de la population. La
Chambre de commerce du Québec a examiné avec un esprit
d'ouverture la réforme proposée et a tenté
d'évaluer l'impact de ces tendances et de ces dispositions pour
l'entreprise. La Chambre de commerce du Québec est consciente de
l'importance et de l'énormité de cet avant-projet de loi qui a vu
le jour après plus de 20 ans de travail.
Les critiques et recommandations formulées se veulent
constructives et sont destinées à promouvoir les droits des
individus, mais dans un cadre qui reconnaîtra la stabilité des
relations contractuelles. C'est ainsi que nous avons voulu faire d'une approche
globale pour déceler les grandes tendances une approche plus
particulière sur les dispositions les plus pertinentes. Quant aux
tendances que nous avons décelées et évaluées,
premièrement, nous notons une plus grande extension de la
discrétion des tribunaux. Cette discrétion se manifeste sous
forme d'ingérence dans les contrats. Comme il est mentionné au
mémoire à la page 2, à la section 7, nous croyons cette
tendance contraire au principe voulant que le tribunal, dans le cadre d'un
débat contradictoire, interpète les dispositions contractuelles
sans pour autant suppléer, de façon discrétionnaire, aux
oublis ou omissions des parties contractantes. Nous notons, en exemple,
l'article 1570 où le tribunal peut fixer un terme pour
l'exécution d'une obligation si ce terme n'est pas autrement
prévu.
Également, l'article 1666, le tribunal peut réduire le
montant des dommages si la réparation intégrale risquait
d'exposer le responsable - et je cite: ...à la gêne, de
façon démesurée. Qu'est-ce que la gêne? Au sens du
dictionnaire, la gêne est une situation embarrassante imposant une
contrainte ou un désagrément. Peut-être que le terme... Il
y aurait peut-être lieu de réviser le terme "gêne" parce
qu'au sens commun, cela peut porter à plusieurs
interprétations.
L'implication de cette disposition est mentionnée
également à la page 2 du mémoire, à la section 9,
deuxième phrase: La mesure de la réparation ne serait plus
simplement fonction du préjudice subi, mais elle devra tenir compte de
la situation du responsable. Nous croyons que l'effet indirect de cette
disposition ferait tomber une partie des risques de négligence sur la
partie lésée dans la mesure où elle est adoptée. Le
commerçant qui transigerait avec des personnes qui s'avèrent
négligentes et dont le patrimoine aurait diminué après la
conclusion du contrat devrait supporter, en partie, les pertes
occasionnées par son cocontractant.
Nous tenons également à souligner l'article 1802 où
on prévoit, dans le cadre de la vente à tempérament, que
le vendeur doit demander l'autorisation du tribunal avant de reprendre le bien
lorsque l'acheteur a acquitté 50 % ou plus du prix du vente. En sus de
cette obligation d'aller chercher ladite autorisation judiciaire, le tribunal
peut modifier les modalités de paiement du solde. Comme nous le
mentionnons également au mémoire, à la page 3, à la
section 12, nous croyons que par le biais de ces articles, le
législateur ouvrirait une brèche importante dans le principe,
à savoir que le contrat est la loi des parties. La notion de
consensualisme s'en trouverait altérée de façon notable,
alors qu'elle est actuellement la base des obligations. Le législateur -
pour conclure - demande aux tribunaux de ne plus simplement déclarer le
droit des parties, mais d'agir à titre d'arbitre, voire même
d'amiable compositeur, rôle qu'ils ne sont pas nécessairement
prêts à assumer.
Également - pour terminer - nous croyons que le
législateur ne peut briser l'égalité des contractants
devant la loi en s'immisçant dans les contrats et en empêchant la
réparation intégrale des dommages. Cela peut donner lieu à
une jurisprudence inégale puisqu'une large part de subjectivité
motivera les jugements.
Je passe rapidement sur l'emploi des présomptions, si ce n'est
pour dire que nous croyons que cette tendance d'employer un nombre croissant de
présomptions est un procédé qu'il faut décourager.
Seules les présomptions créées par la jurisprudence
mériteraient d'être codifiées.
Maintenant, nous arrivons à la question de la lésion.
Naturellement, la lésion étant définie comme étant
l'erreur économique sur la valeur de la prestation promise, ce vice de
consentement ne peut être invoqué que par la personne mineure,
sous le droit actuel. Certains tempéraments furent apportés, de
façon ponctuelle, au fil des ans, tel que mentionné à la
page 6 du mémoire, à la section 25. Ici, le législateur
adopte ou veut adopter une attitude pour le moins paradoxale en
édictant, dans un premier temps, à son article 1443, que le
consentement doit être libre, éclairé et
réfléchi et, du même souffle, admettre la lésion qui
présuppose un consentement qui ne serait pas nécessairement libre
et réfléchi. (11 h 15)
Je tiens à donner un exemple. Supposons un individu qui veut
procéder à l'assemblage de terrains dans un quadrilatère
donné. Il contacte les divers propriétaires individuellement. Les
premiers sont prêts à céder leur terrain à une
valeur hypothétique de 10 $ le pied carré. Plus on tend à
compléter cet assemblage, les derniers propriétaires eux, ne
consentiront à céder leur terrain qu'à 100 $ le pied
carré. Une fois l'assemblage terminé, le promoteur le revendra
peut-être à 150 $ le pied carré. Est-ce que quelqu'un a
été exploité? Suivant la disposition concernant la
lésion, il y aurait présomption de
lésion puisqu'il y aurait une disproportion importante, ce qui
fait présumer l'exploitation. Comment expliquer toutes ces transactions?
Tout cela peut se produire à l'intérieur d'un délai d'un
mois. Doit-on présumer qu'il y a eu exploitation pour les
premières personnes qui ont cédé leur terrain à 10
$ le pied carré? Pour eux, cela constituait une excellente affaire, pour
toutes sortes de raisons.
Ce qui nous amène à toujours envisager les relations
d'affaires et les relations contractuelles dans un cadre global. Il y a
plusieurs choses qui peuvent motiver un individu à céder ou
à ne pas céder des biens à son cocontractant. Le prix peut
varier de façon incroyable. Nous croyons qu'à tout le moins, il
faudrait polir cette notion de lésion. Lorsqu'on se réfère
au rapport des membres de l'Office de révision du Code civil, on voulait
introduire la notion de lésion entre majeurs, notamment à cause
de la prolifération des contrats d'adhésion. C'est
peut-être une boîte de Pandore puisque cela peut créer
d'autres injustices, dont l'exemple que je viens de vous donner.
Je vous réfère à la section 32 de notre
mémoire, à la page 8, où nous mentionnons que la
société d'aujourd'hui accorde de plus en plus de liberté
aux individus. Les gens sont plus informés que jamais par les moyens de
communication existants et le niveau de scolarisation accru. Je suis convaincu
que l'office, après une vingtaine d'années de travaux, a
examiné tout cela avec beaucoup de soin. Mais ne créerons-nous
pas plus d'avantages que de désavantages - pour finalement balayer du
revers de la main presque 2000 ans de droit romain - tout en créant une
présomption qui, il ne faut pas l'oublier, augmente le fardeau de preuve
du cocontractant pour la repousser?
Dans une approche article par article, nous voulons souligner aux
membres de la commission certains passages, notamment le vice de
sécurité du bien qui se trouve... Oui, c'est cela. Ici, on parle
du préjudice matériel. Le fabricant serait alors redevable envers
l'utilisateur. Mais qu'en est-il de l'utilisateur? Est-ce qu'il pourrait
poursuivre le commerçant puisque l'on prévoit justement à
cet article que le seul recours du fabricant est contre l'utilisateur ou vice
versa? Mais on ne parle aucunement d'un recours contre le fournisseur... Vous
m'excuserez, il y a tellement d'articles que j'ai peine à retracer ce
passage où l'on limite le recours du fabricant, finalement.
Je vous réfère à la page 14 du mémoire,
à la section 58. On parle du nouvel article 1621: ils devraient
malgré tout tenir compte des attentes légitimes exprimées
par les créanciers quant à la qualité du bien, ce qui
implique que cette chose pourrait parfois être de qualité
marchande supérieure. Le Code civil actuel n'exige que cette
qualité marchande. Cette exigence intégrerait le critère
d'attentes légitimes dans notre droit, naturellement sans être
défini et, ce faisant, imposerait un fardeau de preuve énorme au
créancier de l'obligation, pour bien démontrer ce que sont des
attentes légitimes... Je pense que c'est une notion... Personne n'est
contre la justice. Comme disait saint Thomas d'Aquin: La justice est une
création de Dieu entre les mains des hommes. Comme principe de justice,
je pense qu'il est normal que les attentes légitimes soient
respectées et je pense que cela rejoint les critères de bonne
foi. Mais je pense que cela peut ouvrir la porte à certains abus.
Également, à la page 14, section 60, lorsqu'on parle du
paiement au créancier apparent qui libérerait le débiteur,
je crois que cela suppose le problème que le paiement effectué
à un fraudeur prétendant agir pour le créancier
véritable ou prétendant être le créancier
véritable serait libératoire; je crois que c'est très
lourd pour le véritable créancier qui se verrait devant une fin
de non-recevoir lorsqu'il exercerait le recours contre ce débiteur. Ce
débiteur pourrait, par une preuve, prétendre que, malgré
qu'il ait payé un fraudeur, celui-ci avait toute raison de croire qu'il
agissait au nom du créancier véritable ou qu'il était le
créancier véritable. Et je cite le passage, à la section
60 de la page 14: Une autre disposition de ce chapitre attire notre attention.
L'article 1617 de l'avant-projet de loi rendrait libératoire le paiement
fait de bonne foi au créancier apparent. Que je sache, il n'y a qu'un
seul créancier qui soit apparent ou non; il n'existe qu'un seul
créancier. Je crois que s'il agit de bonne foi, les gens doivent
vérifier la qualité de la personne qui reçoit leur
paiement. Cette disposition va beaucoup plus loin que les dispositions
actuelles qui rendent libératoire le paiement fait de bonne foi au
créancier en possession de la créance. La possession du titre
laisse tout lieu de croire qu'il est le véritable créancier. Nous
croyons que cette disposition ouvrirait la voie à une
interprétation large, et ce, au détriment du véritable
créancier qui se verrait frustré de son paiement parce qu'un
tiers avait l'apparence de créancier.
À l'article 1776, on parle du vendeur professionnel sans le
définir. Mais on voit un peu plus loin qu'on semble opposer le
professionnel a partie civile. Est-ce que le terme est le plus judicieux? La
Chambre de commerce s'est posée la question. Est-ce qu'on a voulu
innover parce que vous considériez que le terme "commerçant en
semblable matière" était désuet? Lorsqu'on connaît
le sens usuel des termes, le vendeur professionnel pourrait sûrement
comprendre un avocat qui est naturellement un vendeur de services, mais un
professionnel au sens du Code des professions. Nous aimerions connaître
la démarche qui a amené le législateur à utiliser
le terme "professionnel".
Un point revient souvent, et j'indiquerai d'emblée certains
articles, 1783, 1790 et 1908 qui enlèveraient la nécessité
de l'envoi d'une mise en demeure avant de déclarer un contrat
résolu. Nous vous référons à la section 75 de
notre
mémoire où nous recommandons d'obliger l'acheteur à
mettre le vendeur en demeure d'exécuter son obligation dans un
délai raisonnable avant qu'il puisse considérer la vente
résolue. L'article 1783 stipule que: "L'acheteur peut, sans mettre le
vendeur en demeure, considérer la vente d'un bien meuble comme
étant résolue, si le vendeur ne délivre pas le bien dans
un délai raisonnable depuis la vente." Comme l'ont mentionné les
membres de la commission, je crois que la base des contrats est la bonne foi.
Il faut voir la mise en demeure comme un outil de communication entre les
cocontractants. Je crois que cela peut laisser place à des abus de
considérer de façon unilatérale une vente comme
étant résolue. La mise en demeure n'est finalement pas une
sommation, mais plutôt une demande bien légitime
d'exécution de la prestation de la partie cocontractante. Je pense que
cela peut faire partie d'un ensemble qui favorise une communication et
vérifie la bonne foi des parties. En enlevant cette obligation de mise
en demeure, nous croyons que le législateur fait fausse route. La mise
en demeure a sa raison d'être; elle ne doit pas être perçue
comme une sommation, mais plutôt comme une invitation à
exécuter sa prestation afin que les parties soient bien conscientes ou
bien avisées des intentions du cocontractant.
Un dernier point, puisque le temps presse, concerne le contrat de
travail, à l'article 2149. Je vous réfère également
aux pages 22 et suivantes du mémoire. L'attitude de législateur
nous semble, encore une fois, quelque peu paradoxale, lorsqu'il juxtapose les
articles 2145 et 2151. À l'article 2145, on indique que l'employeur est
tenu de fournir le travail convenu et, d'autre part, au deuxième
alinéa de l'article 2151, on prévoit que l'employeur peut mettre
fin au contrat d'emploi advenant l'inaptitude totale de l'employé. D'une
part, il doit fournir le travail qui était convenu, mais, si, de l'autre
côté, l'employé ne peut offrir sa pleine prestation
à son travail... Qu'a voulu dire le législateur par:
"L'inaptitude totale de l'employé"?
À la Chambre de commerce, nous croyons que l'employé est
apte ou inapte à remplir son travail. Naturellement, il peut y avoir des
degrés d'aptitude à remplir son travail, mais lorsque l'on
juxtapose l'obligation de l'employeur de ne lui fournir que le travail
convenu...
Mais, ce qui était convenu, c'était la prestation totale
du travail et non pas partielle. Cependant, l'employeur ne serait
justifié à mettre fin au contrat de travail qu'advenant
l'inaptitude totale. (11 h 30)
D'une part, il doit offrir le travail qui était convenu. D'autre
part, il ne peut pas mettre fin au contrat de travail si l'employé ne
peut fournir la prestation totale de travail. C'est assez paradoxal. Lorsqu'on
emploie un qualificatif tel que "total", je pense qu'il faut plutôt se
demander si l'employé peut exercer ou remplir sa prestation de
travail.
Pour terminer, l'avis de congé. Lorsqu'on parle de cessation
d'emploi, à l'article 2150, "Lorsque le contrat est à
durée indéterminée - ce qu'il arrive dans la plupart des
cas - chacune des parties peut y mettre fin en donnant à l'autre un avis
de congé", comment cet article peut-il se concilier avec l'article 82 de
la loi sur les normes qui prévoit des délais de préavis?
L'employé aurait-il deux recours? Cet article vise-t-il tant les
employés cadres que non cadres, alors que l'article 82, en apparence,
malgré une jurisprudence récente qui semble permettre aux
employés cadres visés à l'article 82 qui ont droit a une
ou deux semaines, selon le nombre d'années d'ancienneté, mais en
plus, auraient droit à un avis de congé raisonnable... Autrement
dit, l'article 82 ne serait plus une norme maximale, mais bien une norme
minimale.
À la Chambre de commerce, nous croyons qu'il serait
préférable d'inclure cet article plutôt dans le cadre des
lois spécialisées dans le domaine du travail et non pas dans le
cadre d'une réforme du Code civil parce que cela peut laisser place
à énormément d'interprétations, à savoir si
c'est un recours alternatif, cumulatif. On ne le sait pas. C'est vague.
Je tiens à remercier les membres de la commission. Je vous
remercie.
Le Président (M. Dauphin): J'aimerais remercier la
délégation de la Chambre de commerce du Québec pour la
présentation de son mémoire. Nous sommes maintenant rendus
à la période de discussion. Je donne la parole au ministre de la
Justice.
M. Rémillard: Merci, M. le Président. M. Arsenault,
M. Létourneau, M. Asselin, M. Labelle, merci de vous être
déplacés pour venir nous faire valoir les points de votre
mémoire. Je veux vous féliciter sur la qualité de ce
mémoire, mémoire très bien fait, qui est dans la ligne de
la qualité à laquelle nous sommes habitués de la part de
la Chambre de commerce du Québec. Je vous en remercie.
Vous faites valoir des points très intéressants qui vont
certainement nous amener à réfléchir très
sérieusement sur différents points. De par le contact que vous
avez avec beaucoup de vos membres qui sont dans le domaine des affaires, vous
pouvez nous apporter une expertise tout à fait privilégiée
pour nous faire réfléchir sur la portée de certains
articles. Vous l'avez très bien fait dans votre mémoire, de
même qu'il a été bien exposé aussi par Me Labelle.
Je vous en remercie.
Vous me permettrez de vous poser une question sur un aspect qui, je
crois, peut concerner beaucoup vos membres et qui nous amène aussi
à quelques réflexions. C'est considérant la vente
d'entreprise, les articles 1822 et suivants du projet de loi. Anciennement,
c'est ce qu'on appelait la vente en bloc. On l'appellera main-
tenant la vente d'entreprise. Il y a une nouvelle procédure
prescrite qui se veut un processus plus équitable entre l'acheteur et le
vendeur, en matière de vente d'entreprise, avec des droits et des
obligations de part et d'autre. Vous ne faites pas de commentaire sur cet
aspect important de votre mémoire. Vous en avez fait sur bien d'autres
aspects, vous ne pouvez pas tout couvrir. Mais est-ce que ce serait possible de
vous demander si vous avez fait une certaine réflexion, si vous avez des
commentaires à nous faire valoir sur ces articles concernant la vente
d'entreprise?
M. Labelle: Naturellement, nous l'avons examiné. Nous
n'avions pas de commentaires - assez curieusement peut-être, à
votre surprise - particuliers. Pour autant que je me souvienne - je n'ai pas
relu toutes les dispositions - on consacre encore une fois le principe
d'inopposabilité de la vente si elle n'est pas accompagnée d'un
affidavit. On parie de la déclaration solennelle, naturellement. Le
principe d'inopposabilité est également reconnu, comme cela
l'était dans le passé. On prévoit un mécanisme
concernant les créanciers privilégiés ou détenant
une sûreté particulière. On prévoit également
- et vous me corrigerez - que le prix de vente ne peut être
distribué au vendeur si les créanciers, ceux décrits
à la déclaration solennelle, n'ont pas été
préalablement payés. C'est conforme au droit actuel. C'est
peut-être plus actualisé.
Je ne sais pas si le ministre veut souligner un article en particulier.
Il ne semble pas y avoir un reproche ou une critique particulière a
faire sur ces articles.
M. Rémillard: Je constate donc que vous êtes
satisfaits de ces mesures. C'était important pour nous d'avoir votre
réaction sur cet aspect. Je vous en remercie.
M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, si vous
le permettez?
Le Président (M. Dauphin): Oui, M. Létourneau.
M. Létourneau: Nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner
à la loupe cette partie du projet de loi, parce que nous devions faire
vite et qu'il y en avait beaucoup. Étant donné que le ministre
souligne à notre attention cette partie du projet de loi, nous demandons
la permission de pouvoir y regarder de plus près et de soumettre en
annexe à notre mémoire par la suite, par écrit, à
la commission, toute observation que nous pourrions faire relativement à
la portée de cette section de l'avant-projet de loi.
Le Président (M. Dauphin): Très bien, M.
Létourneau.
M. Rémillard: M. le Président, oui. Il y a une
question qu'on peut se poser et je vous la lance comme cela. Est-ce toujours
nécessaire de réglementer la vente en bloc, la vente
d'entreprise? Dans certains États américains et certaines
provinces, ils l'ont laissé tomber. Ils se référaient tout
simplement aux autres dispositions générales du Code civil.
Est-ce toujours pertinent? Nous, il est là. Il y a des mesures bien
précises. J'apprécie, M. Létourneau, que vous puissiez
prendre le temps et éventuellement y réfléchir et nous
faire parvenir plus tard vos commentaires. C'est un autre aspect important.
M. Létourneau: Vous avez raison, M. le ministre. Nous
allons y regarder de plus près. Pour le moment, nous ne pouvons donner
notre accord total sans avoir fait une double vérification.
M. Rémillard: M. Létourneau, est-ce que je peux
vous demander s'il est possible de nous le faire parvenir le plus tôt
possible, avant le 31 décembre? Si je tiens compte des remarques de M.
le député de Taillon, il faut procéder rapidement.
M. Létourneau: Nous allons le faire avec la plus grande
célérité, M. le Président.
M. Rémillard: Je l'apprécie beaucoup et je vous en
remercie.
Le Président (M. Dauphin): M. le député de
Taillon.
M. Filion: Je veux à mon tour féliciter les auteurs
du document de la Chambre de commerce du Québec pour son implication
dans le dossier, pour un mémoire très précis, très
bien fouillé, très à point. Je pense qu'on se rend compte,
comme on disait tantôt, de l'importance des travaux que nous sommes en
train d'effectuer. Lorsque je vous écoutais traiter de l'adhésion
tantôt, on peut s'imaginer l'ensemble des conséquences d'une
modification ou de la portée d'une modification semblable à celle
qui suit.
Je suis sensible à vos arguments sur l'adhésion. Je pense
les avoir bien saisis, sur la mise en demeure également. Je pense que Me
Labelle, vous avez été particulièrement éloquent.
Je voudrais revenir sur deux aspects de votre présentation. D'abord, en
ce qui concerne le contrat de travail. À la page 23 de votre
mémoire, particulièrement à l'article 2151, on propose
d'invalider la clause de non-concurrence, si le congédiement a lieu sans
cause. Vous vous opposez à ce qu'on puisse annuler, finalement, la
clause de non concurrence. C'est une clause extrêmement populaire dans
plusieurs types de contrat de travail, les compagnies exigent des
employés qu'ils ne se servent pas de l'expertise acquise pour le
bénéfice de concurrents, c'est normal.
Sauf que là, dans ce cas-ci, le motif de congédiement
aurait été jugé sans cause et on voudrait maintenir la
clause de non-concurrence. Vous vous opposez à ce que cette clause soit
maintenue de telle sorte qu'on se retrouve... Ne se retrouverait-on pas devant
la situation suivante? Par exemple, un employé a été
congédié injustement, mais il ne peut pas travailler ailleurs,
parce que la clause de non-concurrence est toujours de mise, si je suis votre
argument. Cela fait un peu lourd à endosser. Est-ce que j'ai bien
compris le propos de la Chambre de commerce? Vous pourriez peut-être
expliciter votre point de vue.
M. Labelle: À l'heure actuelle, les tribunaux exigent le
fardeau de preuve de la part de celui qui invoque la clause de non-concurrence.
Déjà là, l'employeur a un fardeau à
démontrer qu'elle est raisonnable. La dernière jurisprudence, les
derniers arrêts sont en ce sens. Cependant, je crois qu'il faut voir
quand même les relations contractuelles. On tente de viser tous les cas
de clause de non-concurrence. Je pense que, comme le souligne le
mémoire, il peut arriver des situations où l'employé peut
avoir pris connaissance d'une grande quantité d'informations
confidentielles. Je pense que l'employeur, dans un marché de
concurrence, doit être extrêmement prudent quant à la
confidentialité de ces informations qu'il a acquises bien souvent
à un coût assez élevé et au fil des ans.
Et de permettre qu'une personne puisse utiliser ces renseignements, je
pense qu'on voit la clause de non-concurrence comme étant, finalement,
le prolongement du devoir de loyauté de l'employé. Dans ce sens,
je crois que si on veut protéger par une clause de non-concurrence ce
devoir de loyauté se continuer, nous y croyons. Mais, après la
cessation d'emploi si l'employé a pris connaissance d'informations
confidentielles et d'informations qui peuvent faire en sorte qu'il puisse
entrer en concurrence directe avec son ex-employeur, je pense que c'est ce
qu'on veut éviter. Naturellement, je comprends le souci du
député de Taillon, il peut arriver des cas où ça
peut créer certaines injustices. Il y a des cas naturellement où
il n'y a pas d'information confidentielle. (11 h 45)
On peut prendre le cas d'un laitier ou d'un livreur d'huile qui avait un
certain arrondissement de livraison; là, on a mis fin à son
contrat et il ne pourrait plus livrer d'huile dans cet arrondissement, ce sont
des cas extrêmes. Mais il y a d'autres cas, des vendeurs à
commission, par exemple, qui ont des listes de clients, la liste des
personnes-ressources chez ces clients et qui peuvent profiter de ces
informations qui sont privilégiées. Pour autant que la clause de
non-concurrence constitue une certaine forme de prolongation du devoir de
loyauté de l'employé, nous sommes favorables à la sanction
et au respect de la clause de non-concurrence; c'est plutôt dans ce
sens-là.
M. Filion: Même dans les cas où le
congédiement est injustifié ou qu'il a été fait
sans cause.
M. Labelle: À ce moment-là... Oui. Encore
là, les tribunaux ont à juger de la raisonnabilité de la
clause, cela demeure...
M. Filion: Oui.
M. Labelle: ...la raisonnabilité quant au temps et quant
à l'endroit où la clause s'applique.
M. Filion: D'accord.
M. Labelle: Cela demeure.
M. Filion: C'est bien. Le ministre, tantôt, posait une
question sur l'aliénation d'entreprise. Je pense qu'il y a
peut-être des notes additionnelles qui seront envoyées...
M. Labelle: Oui.
M. Filion: ...mais vous soulevez quand même, à la
page 24 de votre mémoire, à ce chapitre touchant indirectement
l'aliénation d'entreprise, vous recommandez, dis-je, l'abandon de la
disposition visant à la reconduction, si l'on veut, des contrats de
travail existants dans l'entreprise dans les cas d'aliénation
d'entreprise. Je pense que je vous ai bien saisi, c'est le sens de la
suggestion de la Chambre de commerce, à savoir s'il y a une
aliénation d'entreprise, le nouveau propriétaire n'est pas
légalement tenu vis-à-vis des contrats individuels de travail au
sein de l'entreprise.
M. Labelle: C'est cela. M. Filion: D'accord.
M. Labelle: C'est le sens, je pense, de la recommandation.
M. Filion: C'est difficile... D'abord, en ce qui concerne le Code
du travail, on va laisser la Cour suprême trancher sur la portée
des articles 45 et 46 du Code du travail, mais il demeure que, de façon
générale, on peut dire qu'il existe pour les travailleurs qui
sont regroupés en association de salariés une forme de protection
dont l'étendue exacte reste à être définie par la
Cour suprême.
Dans ce cas-ci, ce que vous recommandez me semble, à
première vue, aller assez loin. Le nouveau propriétaire ne serait
pas tenu de respecter ces contrats individuels de travail. Je me demande si ce
ne serait pas ici privilégier, en tout cas, une catégorie de
travailleurs que sont les travailleurs syndiqués par rapport aux
tra-
vailleurs non syndiqués. Peut-être que je pourrai commencer
ma question par la situation actuelle. Finalement, dans le cadre de la
situation actuelle, le nouveau propriétaire est tenu de respecter les
contrats individuels de travail. On me corrigera...
M. Labelle: L'article 96, la loi des normes...
M. Filion: Bon!
M. Labelle: ...le prévoit.
M. Filion: Vous, vous recommanderez finalement qu'on
écarte un peu...
M. Labelle: Finalement, qu'on l'écarte...
M. Filion: ...ce petit principe-là.
M. Labelle: À tout le moins, c'était dans le sens
de notre recommandation, que tout ce qui concerne ces cas particuliers en ce
qui a trait au droit du travail soit regroupé dans une loi
particulière.
M. Filion: Oui.
M. Labelle: Je pense qu'encore là, si on veut
l'uniformité des lois régissant les relations du travail, ces cas
particuliers devraient plutôt être inclus dans des lois
particulières.
M. Filion: D'accord.
M. Labelle: M. Létourneau a également un mot
à ajouter.
M. Létourneau: Vous me permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): M. Létourneau,
allez-y.
M. Létourneau: Dans des cas d'acquisition d'entreprise, il
arrive fréquemment... Nous observons ces temps-ci, depuis deux ou trois
ans, des cas assez fréquents où la raison des difficultés
d'une entreprise est souvent le manque de discipline ou de fermeté de la
direction de l'entreprise à avoir su rationaliser ses opérations.
Petit à petit, il y a des situations qui se détériorent et
qui forcent l'entreprise à se mettre en vente. L'acheteur, pour
rentabiliser l'entreprise et protéger les emplois - faisons
l'hypothèse qu'il y a 150 emplois dans l'entreprise - des 100
employés qui ont vraiment besoin d'être là, il doit en
mettre 50 à pied, sans cela c'est la clé dans toute l'affaire. La
possibilité pour le nouveau propriétaire de faire la
rationalisation qui s'impose dans le personnel devient une question de survie
pour l'entreprise et pour l'emploi de ceux qui ont besoin d'être
là pour exécuter le travail qu'il faut faire. Si cette
flexibilité est enlevée complètement au nouvel
acquéreur, de deux choses l'une: ou bien il ne fera pas l'acquisition de
cette entreprise, il n'essaiera pas de récupérer et de sauver
cette entreprise, ou bien il va le faire et il restera avec des charges trop
lourdes pour ce que l'entreprise peut accepter et, à ce
moment-là, il n'y aura pas de progression, il n'y aura pas de
rentabilité. Donc, c'est un souci de flexibilité de la gestion de
l'entreprise qui, entre autres, nous motive également. Et, il faut bien
le reconnaître, dans beaucoup de situations, c'est ce qui a
protégé l'existence de l'entreprise et la survie de la
majorité des emplois des travailleurs qui s'y trouvaient.
M. Filion: J'essaie de comprendre la portée de la
suggestion de la façon la plus précise possible. Lorsqu'un nouvel
acquéreur, une personne, des personnes ou une corporation
acquièrent une entreprise, d'abord, il y a un tas de choses à
respecter. Des baux ont été signés et sont toujours a la
charge du nouvel acquéreur. Des contrats d'approvisionnement ont
été signés. De la machinerie a été
achetée et peut être financée par une institution
financière ou nantie, etc. Bref, le nouvel acquéreur d'une
entreprise, quand il achète, il achète un tas d'obligations et de
droits. Il achète un marché qui est déjà
développé. Il achète des possibilités. Dans
certains cas, il achète sous réserve d'une rationalisation
à être faite, rationalisation qui peut s'appliquer dans le secteur
des ressources humaines comme dans n'importe quel autre secteur. Par cette
suggestion, est-ce que vous ne renversez pas... Vous demandez une
flexibilité, une souplesse, je vous suis bien; sauf que, cette
souplesse, dans le secteur des ressources humaines, se ferait carrément
au désavantage des travailleurs qui ne sont pas regroupés en
association et qui sont liés par de simples contrats individuels de
travail. Il faut bien se le dire, les nouveaux acquéreurs, en pratique -
vous pourrez me corriger - qu'est-ce qu'ils font? Ils négocient tout.
Ils essaient de limiter les dépenses, de changer les baux, de modifier
les contrats d'approvisionnement, de développer de nouveaux
marchés et de corriger la situation de l'entreprise pour la rendre la
plus profitable possible. Et lorsque la Chambre de commerce du Québec
suggère que les contrats individuels de travail ne soient pas
respectés par les nouveaux acquéreurs d'une entreprise, sur le
plan de l'équité, cela me semble aller assez loin. À ce
moment-là, il est sûr qu'on se retrouverait devant un tas de
travailleurs et de travailleuses tout à fait démunis,
isolés dans leurs négociations vis-à-vis du nouvel
acquéreur. Est-ce que je saisis bien la portée de votre
suggestion?
M. Labelle: La transmission des lois est reconnue à
l'article 96 de la Loi sur les normes du travail, que je sache.
M. Filion: Oui.
M. Labelle: Ici, dans cet article, on vient dire autrement ce qui
est déjà contenu dans la Loi sur les normes du travail. C'est le
droit individuel qui est protégé. Autrement dit, par exemple, en
vertu de l'article 96, un travaileur qui justifie déjà cinq ans
de travail chez ce même employeur peut faire valoir ces cinq
années d'ancienneté devant le nouvel acquéreur et en vertu
de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail, advenant un
congédiement ou une cessation d'emploi, peut demander la
réintégration à son travail; c'est déjà
prévu. Là, on semble dire que d'emblée... De toute
façon, la loi sur les normes le prévoit. Pourquoi le mentionner?
Je ne vois pas la différence entre l'article 2156 et l'article 96 de la
Loi sur les normes du travail.
M. Filion: En deux mots, on se comprend bien. Finalement, vous
êtes d'accord avec le principe du projet de loi, sauf que vous aimeriez
mieux que ce sort regroupé dans une autre loi.
M. Labelle: C'est cela.
M. Filion: Mais vous êtes d'accord pour qu'il y ait une
certaine reconduction des contrats de travail, tel que stipulé dans la
Loi sur les normes du travail.
M. Labelle: C'est ça. Qu'il y ait un code de travail mais
un code de travail qui vise les employés non syndiqués. L'actuel
Code du travail vise plutôt les syndicats. Il y a la loi sur les normes
qui protège également les non syndiqués.
M. Filion: Oui. On me signale que la Loi sur les normes du
travail exclut les cadres de l'entreprise...
M. Labelle: C'est exact.
M. Filion:...qui pourraient être couverts par le
présent projet de loi.
M. Labelle: Pas l'article 96. M.Filion: Bon. C'est
à vérifier.
M. Labelle: En tout cas, il me semble, que je sache...
M. Filion: On me souffle à l'oreille que cet article ne
couvre pas les cadres, mais peu importe.
Écoutez, de mon côté, je voudrais vous remercier de
ces éclaircissements à votre mémoire. Encore une fois, je
ne pose pas de questions sur ce que vous avez signalé quant à la
lésion en particulier, à la mise en demeure, mais je pense que
vos arguments à ce sujet étaient bien
présentés.
Donc, Me Labelle, Me Asselin, je vous remercie, M. Létourneau et
M. Arsenault.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le
député de Taillon. Oui, Mme la députée de
Groulx.
Mme Bleau: Bonjour messieurs. J'aimerais connaître - tout
comme pour l'article 1782, vous ne nous avez rien exprimé à ce
sujet - votre position face à l'article 1950, lequel accorde au
locataire d'un bail commercial le droit à une indemnité à
la fin du bail pour les impenses auxquelles il était tenu en vertu du
bail en vue de l'aménagement des lieux.
Si un locataire, durant le bail, a été obligé de
faire certaines améliorations au local qui avaient été
promises dans le bail et qu'il a été obligé de payer,
croyez-vous qu'à la fin du bail, un bail commercial naturellement, il
aurait droit à une indemnité?
M. Labelle: Je laisserai plutôt le soin à M....
Mme Bleau: Ah non! On parle de l'article...
M. Labelle: C'est l'article 1950, n'est-ce pas?
Mme Bleau: Oui, article 1950. M. Létourneau: M. le
Président.
Le Président (M. Dauphin): Oui, M. Létourneau.
M. Létourneau: Nous avons lu cet article. Il ne nous
apparaissait pas qu'il y avait lieu pour nous de faire des observations
particulières par rapport à cette disposition.
Mme Bleau: C'est que vous jugez l'article conforme à vos
vues?
M. Létourneau: Oui. À l'analyse de l'article, nous
n'avons pas trouvé qu'il y avait injustice dans cette proposition, qu'il
y avait abus ou quelque chose du genre.
M. Labelle: Excusez-moi, M. le Président. Le cadre de cet
article, c'est toujours dans le cas où le locataire est obligé de
faire ces travaux en vertu du bail. Vraiment, ça fait partie des
conditions du bail que le locateur oblige le locataire à faire ces
travaux. Donc, il y aurait une récupération de la part du
locateur. Ce serait finalement un enrichissement dont la cause ne serait
peut-être pas tellement légitime. Je pense que c'est la simple
équité finalement entre les parties. On exige au début du
bail parce que le locateur veut peut-être en faire une utilisation
à l'expiration du bail. Alors, il est normal que si le contrat a
été conclu dans cet esprit le
locataire soit dédommagé.
Le Président (M. Dauphin): Merci. Malheureusement, c'est
tout le temps qui nous était imparti. Je demanderais au ministre de la
Justice, tout comme le député de Taillon l'a fait tantôt,
de dire le mot de la fin.
M. Rémillard: M. le Président, simplement un mot
pour vous remercier, messieurs, de vous être déplacés, de
nous avoir fait parvenir ce mémoire, et de nous avoir fait valoir vos
arguments. Nous commençons notre commission parlementaire. Étant
donné la qualité de vos interventions, la qualité de votre
mémoire, je crois que nous débutons très bien avec ces
éléments de réflexion. Je voudrais vous assurer que nous
allons prendre très sérieusement en considération les
commentaires que vous nous avez faits pour réflexion.
Donc, merci et au plaisir de vous revoir. Surtout, M. Létourneau,
vous n'oubliez pas, en ce qui regarde ces commentaires sur un point bien
précis concernant la vente d'entreprise. Merci, messieurs.
Le Président (M. Dauphin): Merci, M. le ministre. Je crois
que M. Arsenault avait un petit mot à dire?
M. Arsenault: Peut-être, juste pour conclure, M. le
Président. Je remercie d'abord le président et les membres de la
commission de nous avoir entendus ce matin. Il est entendu que nous respectons
notre engagement d'intervenir à nouveau, si nécessaire,
après l'étude de l'article 1822. Nous tenons
particulièrement à vous dire ici que nous insistons beaucoup sur
la sauvegarde des grands principes de la liberté de commerce et de
légalité contractuelle. Le contexte socio-économique
d'aujourd'hui ne nous permet pas non plus de rendre plus complexes et fragiles
les relations d'affaires à l'heure où la
compétitivité de nos entreprises doit être de plus en plus
facilitée. Merci, M. le Président, Mmes et MM. de la
commission.
Le Président (M. Dauphin): Merci aux représentants
de la Chambre de commerce du Québec.
La sous-commission parlementaire des institutions suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures cet après-midi ou après les affaires
courantes.
(Suspension de la séance à 12 h 1)
(Reprise à 15 h 54)
Association des banquiers canadiens
Le Président (M. Doyon): Nous recevons l'Association des
banquiers canadiens. Je lui souhaite la bienvenue. Je demanderais au porte-
parle de bien vouloir se présenter. Je sais qu'on a demandé
environ 25 minutes pour la présentation du mémoire. Je pense
qu'avec l'accord des membres de la commisison, la chose est possible. Me Ferron
ou Me Gauthier, à vous la parole.
M. Gauthier (Wilbrod): Je m'appelle Wilbrod Gauthier. Me Ferron
est le secrétaire du comité du Québec de l'Association des
banquiers canadiens.
Lorsque nous avons comparu devant cette commission, lors des audiences
qu'elle tenait au sujet de la réforme du Code civil du droit des
sûretés et de la publicité des droits, nous avions
déploré l'absence de commentaires détaillés sur les
nouveaux textes qui étaient proposés aux justiciables
québécois par l'avant-projet de loi. Je dois dire que nous le
déplorons, d'autant plus dans le cas présent, parce qu'il nous
semble injuste, pour les membres de cette commission, aussi bien que pour tous
ceux qui se soucient de la portée éventuelle d'une
législation à caractère aussi permanent que celui de la
codification des droits civils fondamentaux, de se voir forcés de
comprendre, sans l'appui de commentaires de ceux qui ont rédigé
les textes, la nature profonde et la portée des modifications que l'on
veut faire subir au Code civil qui existait jusqu'ici.
Nous, l'Associaton des banquiers canadiens, nous sommes attaqués
à cette tâche quasi monumentale avec beaucoup
d'appréhension. Je dois vous dire que cette appréhension demeure,
nonobstant tout le travail effectué en comité juridique de
l'association. Fort heureusement, les membres de cette commission ont
l'avantage d'entendre les représentations de toute une gamme
d'intervenants qui apportent chacun leur contribution. Nous ne pouvons
qu'espérer, bien humblement que la nôtre vous sera utile dans la
formulation de vos recommandations éventuelles au gouvernement, pour le
dépôt d'un projet de loi à l'Assemblée
nationale.
Je crois qu'il y aurait lieu, d'abord, de toucher à deux
éléments de l'avant-projet dont l'un, en particulier, n'a
même pas fait l'objet de commentaires de l'association dans son
mémoire. Il s'agit du contrat de travail. Si on compare les dispositions
du chapitre 7 du livre cinquième comportant quatorze articles aux
quelques articles de l'actuel code civil relatif au louage de services
personnels, on constate que cet avant-projet de loi affecte grandement la
liberté contractée dans ce domaine. Nous n'en avons pas
parlé dans le mémoire de l'association présenté
à cette commission, mais nous nous devons de vous dire ici que dans le
contexte d'un Code civil qui devrait constituer une codification de grands
principes applicables à toute relation juridique, par opposition au
droit statutaire, on peut s'interroger sur la philosophie législative
sous-jacente à cet avant-projet plus particulièrement en
matière de droit du travail. L'avant-projet de loi
légifère dans un domaine qui est déjà régi
par des dispositions statutaires
dont notamment la Loi sur les normes du travail et la partie III du Code
canadien du travail. Si on s'en remet, par exemple, à la
définition que donne l'article 1423 du contrat d'adhésion, nombre
de contrats de travail seront réputés des contrats
d'adhésion. Il faudra alors y appliquer les articles 1482 à 1484
sans oublier les dispositions de l'article 1516.
Je m'interroge sérieusement à savoir si cette disposition
aura pour effet de limiter le droit pour les parties de faire, par exemple, des
clauses de dommages liquidés advenant la violation d'une clause du
contrat de travail. On n'a qu'à penser aux clauses de non-concurrence.
Une autre question qui se pose est celle de savoir si le contrat de travail
sera réputé d'ordre public. Je pense qu'on peut raisonnablement
prétendre que ce ne serait pas le cas si on s'en tient à
l'article 2153 à son deuxième alinéa. Celui-ci
prévoit spécifiquement qu'une personne ne peut renoncer au droit
prévu à ce premier alinéa, ce qui voudrait dire qu'il est
possible de renoncer aux autres dispositions relatives au contrat de travail
contenues dans ce septième chapitre. Mais je ne suis pas certain que ce
soit la réponse, et je vous demande humblement de vous pencher sur cette
question.
À notre avis, les modifications proposées par les articles
2144 à 2157 sont le signe d'une politique législative qui n'est
peut-être pas assez cohérente, et je le dis avec tout le respect
que je vous dois. Avouons-le, on semble ignorer du droit statutaire et
jurisprudenciel actuel, les éléments qui semblent pourtant bien
assis dans notre contexte juridique. On assiste à un processus intense
de codification des règles relatives au contrat d'emploi, alors que ce
même contrat est caractérisé notamment par l'absence de
formalisme, de par sa nature même, nous le savons tous. Outre les
nombreuses difficultés de preuve qui découleront de l'application
des dispositions qui sont proposées, nous y voyons une intrusion de
l'autorité législative, via le Code civil, dans un domaine qui
requiert des instances expéditives et habituées à
transiger avec des questions de cette nature. La mise en vigueur des
dispositions prévues aurait pour effet, sans contredit, de ramener de
nombreux débats devant les instances civiles, et par conséquent,
de renverser la tendance des dernières années. Cela ne me semble
pas de la codification. En plus d'instaurer un système de droit nouveau,
sous plusieurs aspects, cet avant-projet de loi entre en conflit avec le droit
statutaire, et fait naître de nombreuses difficultés même
d'ordre constitutionnel.
Nous vous soumettons, avec tout le respect que nous devons au
rédacteur de l'avant-projet, qu'il dort faire l'objet d'une
révision en profondeur au sujet du contrat de travail. Le temps qui nous
est accordé en commission parlementaire ne nous permet pas ici d'entrer
dans une discussion détaillée de chacun des articles pertinents.
Je vous demanderais la permission de supplémenter le mémoire de
l'Association des banquiers canadiens d'un commentaire écrit
détaillé, de quelques pages seulement, cinq ou six pages, au
sujet de chacun des articles en question, commentaire qui est déja
rédigé, et dont je pourrais vous faire parvenir à
brève échéange de deux ou trois jours le texte que j'ai
ici en ma possession et qu'il ne me resterait qu'à copier dans une forme
présentable et commode pour vous permettre de...
Le Président (M. Doyon): II n'y a pas de
problème.
M. Gauthier: II n'y a pas de problème.
Le Président (M. Doyon): Nous le recevrons avec
plaisir.
M. Gauthier: Merci beaucoup.
Je passe maintenant au contrat de crédit bail, au sujet duquel le
Code civil avait été modifié en 1973 par l'insertion de ce
qui est aujourd'hui l'article 1603.
Lorsqu'une transaction de crédit-bail, à l'heure actuelle,
rencontre les cinq critères imposés par l'article 1603, elle
n'est pas sujette aux dispositions du code relativement au bail en
général. Mais si elle échappe à un de ces
critères, si l'un de ces critères ne s'y rencontre pas, le
bailleur est alors obligé de respecter une foule d'obligations qui
deviennent incongrues dans le cadre d'un crédit-bail. Par exemple,
l'obligation de livrer l'équipement en bonne condition, de
réparation, etc., et, surtout, de maintenir dans cet état propre
à son usage la chose qui a été louée par le
crédit-bail, i! serait obligé aussi d'en donner la jouissance
paisible et complète pendant la durée du bail et d'y faire les
réparations, même si la chose est un bien meuble en possession du
locataire et utilisateur du bien. Il serait obligé de garantir le bail
contre les défauts cachés et de garantir le locataire contre tout
empiètement par des tiers sur la jouissance de la chose.
Il existe deux difficultés - il faut le reconnaître -
actuellement en vertu des disposition de l'article 1603. C'est que, d'abord, il
ne s'applique qu'aux personnes qui sont dans le domaine des affaires, qui, en
somme, font le commerce de prêter ou de garantir un crédit, et ne
s'appliquerait donc pas au cas où un fabricant, un distributeur ou un
agent manufacturier contracterait un bail qui est subséquemment
transféré à une institution financière. C'est une
difficulté qui limite l'utilisation du crédit-bail dans cette
province. Puisque en Amérique du Nord, en Europe et en Grande-Bretagne
en particulier, c'est pourtant une pratique courante que celle de faire que le
fabricant lui-même puisse contracter un crédit-bail.
L'autre difficulté vient de ce que les transactions de ce qu'on
appelle "Sale and Lease Back", c'est-à-dire la vente et le louage en
retour, sont exclues. Le sous-alinéa 4 de l'article 1603 requiert
expressément que le bailleur doit acquérir l'équipement
à être loué d'une tierce personne et non pas du locataire
lui-même. Mais si on s'arrête aux articles 1903 et 1909 qui sont
proposés par l'avant-projet et qui sont destinés à
remplacer l'article 1603 du Code civil, malheureusement, les nouvelles
dispositions ne viennent pas résoudre les deux problèmes que je
viens de mentionner et qui existent en vertu de l'article 1603 mais en
créent d'autres encore plus nombreux et peut-être plus graves.
L'article 1903 semble exclure la possibilité d'un bail par une
institution financière à un locataire qui, ensuite, sous-loue la
chose. À ce moment-là, il semble que le crédit-bail ne
serait pas valable. Il tomberait donc sous les dispositions
générales du contrat de louage. C'est toujours la
conséquence désastreuse.
Deuxièmement - toujours à l'article 1903 -on y
prévoit un terme irrévocable comme une exigence sine qua non du
bail. Mais beaucoup de baux financiers à l'heure actuelle permettent ou
accordent au locataire l'option d'acheter, par exemple, l'équipement qui
est loué avant la fin du terme. Si on fixe le terme de façon
inéluctable, ce ne sera plus possible. Les bailleurs, en vertu de
crédit-bail, seraient donc placés dans une position encore plus
désavantageuse vis-à-vis de celle des provinces de droit commun,
des États-Unis et de la Grande-Bretagne qu'ils ne le sont
actuellement.
Ensuite, on passe à l'article 1904 qui semble ne permettre la
location d'équipement acquis d'un tiers à la demande de
l'utilisateur. Ceci pourrait bien avoir pour effet d'empêcher un bailleur
de louer le bien meuble, l'équipement, la machinerie, cela peut
être un avion, même un navire à ce compte-là,
à un autre locataire, après qu'il y ait eu défaut en vertu
du premier bail ou après la fin du bail; parce que, à ce
moment-là, il ne peut plus s'agir de l'acquisition de
l'équipement d'un tiers à la demande de l'utilisateur.
Déjà, celui qui fait le crédit-bail et qui loue en a
acquis la propriété pour pouvoir le louer. Alors, il devient
impossible de rencontrer l'article 1904. Cela va imposer des exigences beaucoup
trop étroites au contrat de crédit-bail dans la province.
L'article 1603 de l'actuel Code civil extrait de l'effet du code, comme
est extrait des autres effets, des dispositions du code sur le louage, comme je
l'ai dit précédemment. Mais les nouveaux articles qu'on propose
ne semblent pas faire cela. Ils semblent faire seulement certaines exceptions.
Je me demande vraiment... Il faudrait faire l'exercice de concordance de ces
dispositions avec celles sur le louage pour voir si vraiment, on a encore au
moins cet avantage de base que l'article 1603 donne actuellement. Je suis loin
d'en être certain.
Quant à l'article 1909, il ne parle pas des prolongations au
terme du bail initial. On comprend pourquoi parce qu'en 1903 ou en 1904 il
prévoit un terme irrévocable. Si l'utilisateur devient un
locataire et le bailleur perd le bénéfice des exceptions, je vous
soumets que l'utilisation du crédit-bail dans cette province va diminuer
à un minimum. On ne peut pas laisser cette situation qui
résulterait de l'article où nous sommes.
Ensuite, je dirais en terminant que l'utilisation du terme "utilisateur"
au lieu de "locataire" va causer des inquiétudes aux bailleurs, à
ceux qui font du crédit-bail et qui offrent des baux destinés aux
opérations de ceux qui louent et qui ont droit à certains
bénéfices fiscaux tels la location de coût en capital.
Actuellement, Revenu Canada et le ministère du Revenu du Québec
sont habitués à l'expression "locataire". Ils savent exactement
là où tirer la ligne. Mais avec le changement vers l'expression
"utilisateur", à mon avis, on va créer des problèmes qui
vont encore rendre les financiers qui font de ce genre de crédit-bail
très nerveux. Ce n'est pas seulement les banquiers, ce sont les autres
institutions financières aussi. C'est donc dire que, en
résumé sur le crédit-bail, s'il n'est pas
révisé et dans le sens où je l'ai suggéré
sommairement, on risque de voir la plupart des contrats de crédit-bail
qui seraient normalement conclus dans cette province être conclus
ailleurs. C'est ce qui va arriver. (16 h 15)
Avant d'aller plus loin, je me dois de corriger immédiatement une
fausse impression qu'auraient pu créer dans l'esprit des lecteurs du
mémoire les commentaires de l'association quant aux articles 1622 et
1631. En effet, le commentaire de l'association à l'article 1631 laisse
entendre qu'une offre réelle puisse être acceptable si elle est
faite non seulement par la remise d'une somme d'argent, mais aussi au moyen de
traite, mandat et autres instruments bancaires, ce qui est voulu par le
commentaire, alors que le commentaire à l'article 1622 voudrait limiter
les moyens de paiement d'une dette d'une somme d'argent soit à la remise
de la somme prévue, soit à un chèque certifié.
Après en avoir discuté entre nous, nous croyons que
l'article 1622 pourrait, comme l'article 1631 le fait pour les offres
réelles, étendre les moyens de paiement à la traite ou au
mandat. Cependant, l'association demeure sur ses positions pour rejeter comme
autre modalité d'offre réelle ou de paiement le recours à
un système de transfert électronique de fonds ou même
à la carte de crédit ou autre instrument similaire. On en parle
déjà assez abondamment dans le mémoire.
Je dirais que le texte proposé de l'article 1622 est nettement
déficient ou peut-être trop large en permettant au débiteur
de payer par la simple présentation d'une carte de crédit ou
autre instrument de paiement similaire. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela me
semble trop vague. À notre avis, il faut que ce mode de paiement demeure
le résultat d'une relation contractuelle
entre le créancier et le débiteur et que ce soit une
relation contractuelle que le créancier peut, selon les circonstances,
refuser ou accepter. Cela, pour deux raisons. La simple présentation
d'une carte de crédit ne peut pas être imposée comme mode
de paiement ou d'offre réelle puisque rien ne prouve que le porteur qui
présente sa carte de crédit a à son compte, au moment de
la présentation de la carte, le crédit voulu pour couvrir la
somme.
De toute façon, et c'est la deuxième raison qui importe
peut-être le plus, parce qu'à la première raison on a
essayé de faire un aménagement - et j'y reviendrai dans un
instant -rien dans la loi ne devrait forcer un marchand à accepter le
paiement du prix d'un bien meuble vendu au moyen d'une carte de crédit,
même si de nos jours, rares sont les commerçants qui n'acceptent
pas, en règle générale, le paiement par carte de
crédit après avoir vérifié auprès de
l'émetteur de la carte que le crédit est toujours disponible.
Il me semble inconcevable que le créancier d'une somme en vertu
d'un simple contrat de prêt entre deux individus puisse être
forcé d'accepter paiement au moyen d'une carte de crédit, alors
qu'aucun lien contractuel ne lie le créancier, ni à
l'émetteur de la carte, ni au débiteur et vice versa. Il nous
semble que le rédacteur est nettement allé au-delà de sa
pensée. Il est vrai que le texte atténue quelque peu cette
incongruité par l'utilisation de la proposition circonstancielle
à la fin qu'il exprime ainsi: Lorsque le créancier est en mesure
de l'accepter. Je dis que l'on devrait dire: Lorsque le créancier est
prêt à l'accepter. Pour ces raisons, nous croyons que les articles
1622 et 1631 devraient limiter les modalités selon le cas du paiement ou
de l'offre réelle, à la remise de monnaie ou d'un chèque
certifié ou d'une traite ou d'un mandat point. Cela ne veut pas dire que
le paiement effectué au moyen d'une carte de crédit ou d'un
système de transfert électronique soit invalide s'il est
accepté par les deux parties. Tout ce que les banquiers ont voulu dire
par leur intervention sur ce point, c'est que le paiement ne vaudrait, dans ces
cas-là, qu'à compter du moment où le créancier
accepte ce mode de paiement qui serait différent de la monnaie, du
chèque certifié, de la traite ou du mandat.
Dans un ordre d'idée beaucoup plus général - et les
commentaires qui se retrouvent dans son mémoire en attestent assez
abondamment - l'association se doit de réitérer son
appréhension profonde, devant l'orientation donnée par les
rédacteurs de l'avant-projet à tout le droit des obligations et
des contrats. Orientation qui consiste à assurer la protection d'un
contractant plutôt que de l'autre, en raison de sa supposée
faiblesse ou infériorité. L'intention est louable en soi, et le
droit civil, qui existe actuellement dans notre Code civil, s'en était
soucié. Par exemple, lorsqu'un individu est faible en raison de sa
minorité, il a toujours été protégé contre
la lésion présumée, ce qui lui permettait de demander
l'annulation des contrats conclus pendant sa minorité, sans le concours
d'un tuteur. Le droit civil a aussi toujours protégé les jeunes
en prévoyant la nomination d'un curateur à ceux qui doivent
être interdits, d'un curateur aux biens de celui qui les dilapide ou d'un
conseil juridique à celui qui est prodigue. On protège celui qui
fait usage de narcotiques en lui nommant un curateur. Mais le droit qu'on nous
propose maintenant va beaucoup plus loin. Il considère que, même
le majeur, qui n'est pas soumis à l'interdiction et à qui on n'a
pas nommé de curateur à la personne ou de curateur aux biens, ou
de conseiller judiciaire, devrait être traité différemment
sous prétexte que, même en l'absence de fraude ou de violence, il
doit être surprotégé, tantôt par des règles
qui sont en elles-mêmes totalement discriminatoires, tantôt par
l'intervention discrétionnaire du tribunal pour réduire les
obligations.
Il y a là, à mon sens, une atteinte fatale à la
liberté contractuelle la plus élémentaire. J'y trouve
même un début d'élimination de la règle de droit,
puisque le consentement, élément essentiel à la formation
du contrat, ne lie plus nécessairement ou ne lierait plus
nécessairement celui qui l'a donné, même en l'absence de
fraude de l'autre partie. Les nouvelles dispositions que l'on trouve ici et
là dans !e projet de loi permettraient aux tribunaux de modifier les
conséquences normales du consentement donné, non plus uniquement
en fonction de la nature abusive d'une transaction, comme c'était le cas
dans l'article 1046 du Code civil, mais plutôt en fonction de
l'état de fortune ou de l'état physique douteux ou de
l'état de faiblesse de celui qui aurait contracté l'obligation.
Cela, mesdames et messieurs, peut avoir un effet néfaste. La loi du
contrat ne serait plus finale et le Code civil lui-même inviterait
à une multiplication des recours aux tribunaux ne serait-ce que pour
faire retarder l'exécution des contrats.
L'impression qu'il me reste de la lecture d'une foule de ces nouvelles
dispositions dans le sens dont je viens de parler, c'est que le
législateur semble vouloir créer une inégalité
indépendante de la nature du contrat ou de la nature de l'obligation
pour favoriser celui qui serait dans une position que le législateur
qualifie implicitement ou expressément d'inférieure à
celle de l'autre partie au contrat. C'est ainsi que l'emprunteur, l'acheteur,
le locataire, le déposant et le mandant, tout autant que le
consommateur, se voient favorisés par des dispositions qui compensent
pour leur supposée infériorité. C'est une espèce de
droit paternaliste, que j'appelle un droit de mauvais aloi, paternalisme dont
le tribunal devient éventuellement l'arbitre et le dispensateur. Le
couronnement de cet effort par ceux qui ont rédigé les
dispositions nous vient avec l'introduction dans le Droit civil de la
lésion entre majeurs.
Il m'est déjà arrivé ici de soutenir et
ça
peut vous avoir semblé presque aveuglément beaucoup des
propositions de l'ORCC, mais celle-là, je n'ai jamais marché
avec. Ce n'est pas acceptable.
Le Président (M. Doyon): Je vais devoir vous interrompre,
parce que le temps qui était alloué, c'est-à-dire au plus
30 minutes, est déjà écoulé à moins que les
membres de la commission consentent...
M. Filion: Vous terminiez, étiez-vous en train de
conclure?
M. Gauthier: J'en ai pour trois minutes.
Le Président (M. Doyon): Alors, allez-y, M. Gauthier.
M. Gauthier: Merci beaucoup. On comprendrait si encore le nouveau
code que l'on propose se bornait à reconnaître la lésion au
cas où le contractant qui voudrait l'invoquer était
déjà dans un état qui aurait autrement justifié
l'interdiction ou la nomination d'un conseil judiciaire. Si on veut parler de
lésion dans les cas justement où la nomination d'un curateur, par
exemple, ou l'interdiction arriverait en retard et dans les cas où on
peut prouver que l'interdiction serait justifiée eu-t-elle
été demandée, passe encore, mais au-delà de cela,
on introduit dans le droit un facteur de validité du consentement qui ne
laisse plus rien au droit contractuel fondamental qui était
instauré par le Code civil jusqu'ici. Je dois vous dire, en terminant,
que ce n'est pas seulement à titre de banquier et de prêteur
d'argent que les membres de l'Association des banquiers s'opposent à
l'introduction de cette notion de lésion dans le droit civil du
Québec. Mais à titre de citoyen, ils s'inquiètent du
désordre que feront naître toutes ces dispositions de droit trop
paternalistes qui n'a pas sa place dans un pays qui a toujours voulu
reconnaître le caractère sacré du contrat, comme cela a
d'ailleurs toujours été le cas dans les pays de droit
français. Je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté
jusqu'au bout.
Le Président (M. Doyon): Merci, Me Gauthier, nous allons
maintenant procéder à une période de discussion. Je
cède la parole au député de Marquette et adjoint au
ministre de la Justice. À vous la parole.
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord
j'aimerais, au nom du ministre de la Justice du Québec, vous souhaiter
la bienvenue à nos travaux en matière de réforme du Code
civil sur les obligations. Ayant déjà eu l'occasion de vous
écouter et de vous entendre l'an dernier, lors de nos auditions en
matière de sûreté, je suis toujours convaincu que vous avez
des mémoires bien documentés et recherchés. Ce qui
m'amène à une première question. Aux pages 108 à
110 de votre mémoire, vous nous faites des propositions de modification
en matière de vente d'entreprise ou vente en bloc, et à la suite
de la lecture du mémoire de la Chambre des notaires du Québec,
laquelle recommande l'abrogation pure et simple du régime de
contrôle particulier qui, selon elle, n'a plus sa raison d'être
dans notre société, est-ce que ce régime particulier de
contrôle de la vente d'une entreprise vous apparaît toujours utile,
premièrement, et deuxièmement apporte-t-il des garanties
adéquates?
M. Gauthier: Au premier volet de votre question, je vous dirais
que cela ne m'apparait pas très utile, et, d'autre part, cela m'apparait
nuisible dans une certaine mesure, parce qu'il y a aujourd'hui des entreprises
qui sont obligées de procéder par la vente en bloc lorsqu'elles
veulent vendre uniquement un secteur de leur entreprise qui peut
représenter 10 % de toute l'entreprise, et les gens sont obligés
de produire toute la liste de leurs créanciers et de distribuer le prix
de vente de la petite portion de leur entreprise qu'ils décident de
vendre aux créanciers de toute leur entreprise et non pas aux
créanciers dont les créances sont reliées à
l'exercice de cette entreprise-là. C'est là ma réponse
à la première partie. La seconde partie était...? (16 h
30)
M. Dauphin: Est-ce que ces garanties, selon vous, sont
adéquates?
M. Gauthier: Je serais porté à croire qu'elles le
sont, si tant est qu'on en a besoin de ce genre de garanties, mais disons que
je n'y vois pas de failles majeures.
M. Dauphin: D'accord, merci beaucoup. Si mon collègue de
l'Opposion me le permet, nous en aurions une deuxième, relativement au
crédit-bail, d'ailleurs vous avez mentionné tantôt que vous
aviez des notes à nous faire parvenir, nous allons les accepter avec
grand plaisir. En matière de crédit-bail, devons-nous comprendre
que vous désirez que le Québec reconnaisse les pratiques
reconnues au niveau fédéral, et pouvez-vous nous identifier ces
pratiques?
M. Gauthier: Au niveau fédéral, je ne suis pas
certain qu'on peut s'en parler, parce qu'il s'agit quand même d'un
contrat civil qui relève des juridictions provinciales, de chaque
province. Ce que j'ai suggéré, c'est pour les autres provinces et
des autres pays, principalement les États-Unis, la Grande-Bretagne et
les pays de l'Europe continentale, l'Europe occidentale. Oui, je pense que
notre droit devrait être rédigé de façon à
reconnaître ces pratiques. Si, pour des motifs politiques, il y a de ces
pratiques qui sont vraiment à proscrire, j'aimerais bien savoir
lesquelles et j'aimerais pouvoir en discuter, parce que je ne vois rien de
terrible à ce qui se fait en matière de crédit-bail
actuellement.
M. Dauphin: Et l'autre volet, toujours sur le même sujet,
croyez-vous que notre droit interne devrait se rapprocher des conventions
internationales en matière de crédit-bail, notamment celle
d'Ottawa sur la convention d'unidroit.
M. Gauthier: Cette convention, à mon avis, ne sert pas
à grand chose. Je l'ai mal faite. En fait, elle ne sert presque à
rien. Je l'ai écartée dans ma façon de penser,
écartée totalement. Je pense qu'elle est un mauvais point de
départ.
M. Ferron (Daniel): J'aurai peut-être juste un point
à ajouter au sujet du crédit-bail. Une chose qu'il faudrait
souligner aussi, c'est qu'on a noté et d'ailleurs, je pense qu'on l'a
annexé à notre mémoire, un règlement sur le
crédit-bail en vertu de la Loi sur les banques contredit à
plusieurs aspects ce qui apparaît dans l'avant-projet de loi. Alors,
comment les banques vont-elles appliquer les règles du
crédit-bail si elles doivent se conformer à un règlement
fédéral qui contredit les règles du Code civil? C'est un
autre problème qui mérite d'être souligné.
Une voix: Cela va.
M. Gauthier: Je pense que cette difficulté serait, en
substance, éliminée si les commentaires que j'ai faits tout
à l'heure sur les articles particuliers étaient retenus.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. La parole est
maintenant au représentant de l'Opposition, le député de
Taillon.
M. Filion: Merci, M. le Président. D'abord, mes
félicitations à Me Gauthier et à Me Ferron pour ce
mémoire extrêmement bien fouillé. Il s'agit là d'un
travail absolument remarquable, pour ceux qui n'en ont pas encore pris
connaissance, d'un travail d'environ au-delà de 200 pages. Mais la
quantité a peu d'importance quand on songe à la qualité de
la réflexion dont on a aperçu quelques éléments
tantôt dans votre présentation verbale. Or, nul doute qu'en
matière de droit civil, il existe une concentration d'expertise
remarquable à l'Association des banquiers canadiens. Cela ne me surprend
pas. Les banquiers ont l'habitude de bien s'entourer pour négocier leurs
affaires qui, parfois, sont nos affaires aussi, mais qui, à d'autres
occasions, sont leurs affaires. Cela varie.
Or, j'ai deux questions, avec votre permission, M. le Président
et celle de mes collègues, avant de laisser la parole tantôt
à l'un tantôt à l'autre des deux conseillers juridiques de
l'Opposition. Ma question porte sur la carte de crédit, deux
éléments. Un que vous avez mentionné, c'est quant à
l'article 1622 du projet de loi. Je pense que ce n'est peut-être pas une
question mais plutôt un commentaire. Vous pouvez y réagir parce
qu'il semble bien que vous avez mis le doigt assez rapidement sur une lacune.
Il y a des commerçants qui n'ont pas de carte de crédit, des
commerçants qui ne prennent pas de carte de crédit. Il y en a
d'autres qui pourraient la recevoir, mais dont la limite est déjà
atteinte. Donc, il ne s'agit pas de la présenter ni même de
l'utiliser. Il faut que cette carte de crédit puisse rapporter des sous,
ce qui est loin d'être évident à la lecture de l'article
1622. Au contraire, cela dit bien: "II est aussi libéré par la
remise de la somme prévue au moyen d'un mandat postal... ou encore par
la présentation d'une carte de crédit ou autre instrument..."
Bref, il y a un problème à régler, je pense, et sur lequel
vous avez attiré notre attention. Je ne pense pas que vous vouliez
ajouter autre chose à ce que vous avez dit à ce sujet. Ma
question va plutôt porter sur cette partie de votre commentaire que nous
retrouvons à la page 209 de votre mémoire qui
réfère à l'article 2871. Or, à la page 209 de votre
mémoire qui réfère à l'article 2871... Je pense que
cela vaut la peine peut-être qu'on le lise ensemble pour se resituer
quand même. Vous n'avez pas tous ces articles à l'esprit, Me
Gauthier, j'en suis convaincu. Vous l'avez bien étudié.
M. Gauthier: Je les ai à l'esprit, mais je ne les connais
pas par coeur.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Filion: "Lorsqu'une carte de crédit est perdue ou
volée, le consommateur ne peut être tenu d'une dette
découlant de l'usage de cette carte par un tiers, après que
l'émetteur a été avisé de la perte ou du vol par
téléphone, télégraphe, avis écrit ou tout
autre moyen."
Le deuxième alinéa est celui qui retient le plus votre
attention dans le mémoire: "Même en l'absence de tout avis, le
consommateur dont la carte a été perdue ou volée ne peut
être tenu responsable au-delà d'une somme de 50 $."
D'abord, je dois vous dire, qu'en tant que consommateur et donc,
possesseur d'une ou deux cartes de crédit, je serais porté
à applaudir à cette inscription dans notre Code civil et vous, de
votre côté, vous pourriez reprendre une partie de vos arguments et
dire: Écoutez, c'est un peu parternaliste.
Deuxièmement, vous dites dans votre mémoire: Pourquoi
fixer la somme dans le Code civil? Est-ce qu'on ne devrait pas... Et c'est
surtout là-dessus que je voudrais vous interroger. Vous dites: Pourquoi
ne pas laisser aux parties, finalement, le soin de déterminer dans le
contrat d'adhésion le montant maximal auquel pourrait être tenu le
détenteur d'une carte de crédit perdue ou volée? Le
problème, en pratique, c'est que les contrat de carte de crédit
sont ce que vous appelez, je pense, dans votre langage, des contrats
d'adhésion. On n'a pas bien le choix d'écrire à Master
Charge et de lui dire: Écoutez, savez-vous, la clause 28, voulez-vous la
rayer dans mon cas? ou à American Express, Carte
blanche ou Diners Club. Je pense bien qu'il y aurait difficulté
à vouloir négocier avec moi. Bref, ce sont des contrats où
la partie contractante, le citoyen, l'utilisateur peut, de poids dans un
rapport de forces de négociation avec les cartes de crédit... En
ce sens-là, le fait d'inscrire dans le Code civil une disposition aussi
précise, aussi bien écrite qui, ma foi, reprend un peu ce qui
existe aujourd'hui ou à peu près, j'ai l'impression... La
pratique, en tout cas, m'apparaît conforme avec ce qui est inscrit
là. Donc, le fait de l'inscrire dans le Code civil, à
première vue, pour le législateur, m'apparaitrait quelque chose
de raisonnable, encore une fois, compte tenu du fait qu'on adhère
à ces contrats et qu'on a peu de chances d'en discuter, de discuter de
l'une ou l'autre des modalités. Or, en ce sens, j'apprécierais
peut-être que vous puissiez réagir à mes propos que j'ai
voulu assez acérés, mais pour permettre peut-être de...
M. Gauthier: Je comprends très bien la question. Je pense
que vos propos servent à l'expliquer très bien.
Il faut se rappeler que dans notre mémoire, notre première
réaction, la première suggestion est de bannir du Code civil les
dispositions de la protection du consommateur parce que ce sont des
dispositions qui seront toujours en évolution. C'est du droit d'une
nature trop sociale pour faire partie de la codification des droits
fondamentaux civils. Et cela, c'est un exemple frappant. C'est que 50 $
aujourd'hui vont valoir, dans un an ou dans dix ans, quoi? Peut-être
qu'on voudra modifier la limite de 50 $ à 100 $ ou à 10 $, je ne
le sais pas, mais cela illustre jusqu'à quel point il s'agit d'un droit
d'une nature purement administrative, qui n'a pas d'affaire dans le Code civil.
On s'est donné la peine de faire des remarques précises
relativement à presque tous et chacun des articles sous la protection du
consommateur, dans la mesure où on l'a jugé utile. Mais, il reste
qu'on aurait aimé mieux n'en pas faire, parce que ce qui est important
pour nous, ce n'est pas tant la mention des 50 $, là, c'est le fait
qu'en le mentionnant, on mentionne un chiffre qui va être sujet à
révision. Alors, on va avoir un Code civil qui va être
modifié à tous les deux, trois, cinq ou dix ans. Ce n'est pas
ça, un Code civil: On essaie de codifier pour une période de
temps assez longue quand même nos droits fondamentaux. Et je pense que
cela n'a pas sa place et je dis cela, non seulement de 2871, mais de tous les
articles. On a une loi de la protection du consommateur, qui déjà
a été amendée à quelques reprises, qui est
accompagnée de règlements qui sont nécessaires à
son fonctionnement. Donc, qu'est-ce qu'on va en faire? On va la faire sauter
après avoir mis cela dans le Code civil et, les règlements, on va
les annexer au Code civil? Cela n'a pas de sens, à mon avis.
Franchement, mes paroles sont peut-être dures mais, à mon avis,
cela n'a pas de sens d'avoir cela dans le
Code civil. Si c'est dans la Loi sur la protection du consommateur, je
n'ai pas de problème avec les 50 $, d'accord?
M. Filion: Je suis content d'entendre la dernière partie
de votre phrase, parce que votre mémoire laisse croire au contraire.
M. Gauthier: Ce qu'on dit dans le mémoire, d'abord, c'est
qu'il nous paraît inconcevable que, dans le Code civil, dont la mission
est d'édicter des règles générales de droit, on
aille jusqu'à stipuler des montants qui devront inévitablement
être réajustés. D'accord? C'est la partie principale du
commentaire.
Après cela, on dit: Laisser aux parties le soin de fixer le
montant. Peut-être que vous allez dire: Bien, oui, mais si on
présente un contrat d'adhésion. D'abord, l'expression "contrat
d'adhésion", à mon avis, même par le législateur -
et je le dis avec tout le respect que je dois à ceux qui ont
adopté les lois depuis les dix ou quinze dernières années
- a été galvaudée à toutes les sauces et, parce
qu'un contrat est déjà imprimé, c'est un contrat
d'adhésion. Parce qu'un contrat est imprimé d'avance avant que
l'une des parties le présente à l'autre, cela ne veut pas dire
que l'autre n'a pas le droit de le lire et de dire: Je ne le signe pas. Il a
toujours le droit de ne pas le signer. Remarquez qu'on est dans un domaine des
affaires, la carte de crédit, dans lequel les banquiers n'ont pas
été les premiers à s'engager, loin de là: C'est
l'American Express qui s'est lancée la première dans le domaine
de la carte de crédit et le Diners Club, tout de suite après. Ce
ne sont pas les banquiers. Les banquiers sont entrés dans ce
champ-là, parce qu'au fond c'est du "banking", la carte de
crédit. Il reste une chose, c'est qu'elle n'existe que parce que les
gens ne sont pas capables de se limiter a leurs moyens lorsqu'ils vont acheter
des biens meubles de consommation. C'est pour cela qu'elle existe, c'est pour
que les gens empruntent sur la prochaine paye. Tout le monde s'en sert de cette
façon, même les gens riches.
M. Filion: Même les pays. M. Gauthier: Pardon?
M. Filion: Même les pays. (16 h 45)
M. Gauthier: Même les pays. C'est une espèce de
monnaie de plastique qui, en soi, n'a pas de valeur, à moins que
l'argent n'entre au bout de la ligne. Alors, je n'ai aucune sympathie pour la
carte de crédit comme telle mais elle est passée dans nos moeurs;
et, qu'on veuille la régir par une loi, comme la Loi sur la protection
du consommateur, je suis obligé de reconnaître que c'est
nécessaire. Mais, demain, cela sera peut-être autre chose. La
carte de crédit va peut-être disparaître pour être
remplacée par un pitonnage d'une machine électronique, comme
déjà elle l'est presque dans le cas des caisses
automatiques. Hein! elle l'est presque. On est encore obligé
d'insérer une carte, mais bientôt, peut-être qu'on ne le
sera plus. Avec un code un peu plus compliqué, on n'aura même plus
besoin de carte. Alors, c'est un droit qui va évoluer avec
révolution de la façon de faire des affaires. Mais, le contrat de
base, qui est un contrat de prêt et de crédit, doit être
régi par le Code civil, mais pas le crédit à la
consommation par contrat d'adhésion, ou appelez-le comme vous voudrez.
Est-ce que cela répond à la question?
M. Filion: Oui. Cela répond à la question que
j'avais posée.
M. Ferron: J'aurais un point à ajouter aussi. M.
Filion: Oui?
M. Ferron: Ce qu'il ne faut pas oublier non plus
là-dedans, c'est que les banques sont encore régies ici de la
même façon qu'on disait tantôt, par le crédit-bail.
Elles sont régies par une loi fédérale qui, justement dans
le cas des 50 $, a un règlement qui nous dit le contraire de ce qui est
dit là, finalement. Il nous dit: On laisse la liberté aux parties
de fixer un montant. Alors, qu'est-ce qu'il arrive? On a voulu souligner
à plusieurs endroits là-dedans que, finalement, on a affaire
à des règlements et des lois fédérales qui viennent
contredire les lois provinciales. En tout cas, à l'association, on a
pris l'attitude de ne pas reconnaître les règlements de la Loi sur
la protection du consommateur qui viennent contredire des règlements
fédéraux. On a pris l'attitude de dire: On est régis par
notre loi constitutive et non par la loi provinciale lorsqu'on a affaire
à des règlements qui se contredisent.
M. Gauthier: Cela fait ressortir, d'une autre façon
encore, le fait qu'il s'agit bien de droit administratif et non de droit civil
fondamental.
Le Président (M. Doyon): Merci, Me Gauthier et Me Ferron.
D'autres questions, M. le député?
M. Filion: Oui. Allez-y. M. le député de
Marquette.
Le Président (M, Doyon): M. le député de
Marquette, alors.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Une petite question
à Me Gauthier et à Me Ferron. Vous vous opposez à
l'insertion dans le Code civil de règles pour normaliser l'attribution
de dommages punitifs, alors que dans plusieurs lois, c'est utilisé
fréquemment, actuellement. Alors, ne voyez-vous pas un avantage
d'encadrer ces dommages punitifs, ces règles?
M. Gauthier: Je vous dirai d'abord que je n'ai jamais aimé
l'idée des dommages punitifs. C'est pénal, le mot "punitif le
dit. Le droit civil du départ ne reconnaissait pas de dommages punitifs
en matière de diffamation. Aujourd'hui, on a des jugements des tribunaux
qui commencent à reconnaître cela. Ce sont des théories
très bien étayées, je le reconnais. Mais, je dirai d'abord
avant... Je sais que cela ne répond pas à votre question, mais
tout cela pour dire que je ne peux pas dire que je me suis posé la
question tellement. J'aimerais mieux que tout cela disparaisse, mais je sais
que cela ne disparaîtra pas. Peut-être que Me Ferron aurait quelque
chose à dire sur ce point en particulier. C'est à quelle page de
notre mémoire? Il y a une remarque qu'on avait faite et qu'on voulait
assez soignée. J'aimerais y retourner une seconde.
Une voix: 78...
M. Gauthier: Je pense que notre commentaire principal est qu'il
faut clarifier le texte qu'on nous propose. Autrement, les contrôles
qu'on nous amène sont insuffisants ou insuffisamment clairs. Chose
certaine, nous nous opposons à ce que la notion de dommages punitifs
puisse être retenue en matière contractuelle. Comment une
violation d'une stipulation valide d'un contrat pourrait-elle constituer une
atteinte aux droits et libertés fondamentaux? Je regrette, ce sont des
droits contractuels dont il s'agit à ce moment-là. Je pense qu'au
moins, si l'intention était de l'étendre à cela, nous
devons nous y opposer, et si l'intention n'est pas de l'étendre à
cela, il faut clarifier le texte.
M. Ferron: L'autre aspect aussi c'est que, selon nous, cela
relève du droit pénal, finalement. Ce ne sont pas des choses que
l'on devrait mettre dans le Code civil.
M. Dauphin: D'accord, merci beaucoup.
M. Filion: Me Gariépy aurait peut-être une question
à poser ou un échange à provoquer.
M. Gariépy (Pierre): La question de commentaire a trait
à la cession de créance. Aux pages 83 à 85 de votre
mémoire, vous discutez des formalités nouvelles aux articles 1695
à 1697 de l'avant-projet où on prévoit qu'une copie de la
cession doit être remise au débiteur cédé. Vous
notez dans votre mémoire que vous êtes insatisfait et vous
prônez le retour à 1571d du code actuel.
Je voulais vous demander votre avis concernant la pratique de publier
des avis dans les journaux. Ces avis sont publiés dans certains
districts judiciaires et quelquefois dans d'autres districts judiciaires et il
est arrivé par le passé que des commerçants n'aient pas
l'occasion de vérifier tous les journaux à tous les moments,
à toutes sortes d'époques, parce qu'il n'y a pas de
délai. On ne sait pas si la publication de l'avis est valide pour
un an, cinq ans ou trente ans. Il est arrivé que des commerçants
qui faisaient affaire avec d'autres commerçants se voient refusés
par une institution financière cessionnaire d'une cession de
créance, des comptes à comptes ou des notes de crédits
pour retour de marchandise ou de paiements faits. Je trouvais que le nouvel
article de l'avant-projet réglait ce problème. Qu'en pensez-vous?
C'est aux pages 83 à 85 de votre mémoire, concernant l'article
1695.
M. Gauthier: D'abord, il faut bien retenir que la modalité
d'avis dans les journaux peut sembler être inadéquate ou injuste
ou je ne sais trop, dans le sens que vous venez de l'exprimer, mais envers qui?
Il faut penser qu'il faut trouver un moyen d'éviter qu'un
créancier en fraude un autre. Il faut penser à cela dans la
situation. Si le commerçant va voir un autre prêteur, cet autre
prêteur peut bien être intéressé à avoir sa
clientèle comme emprunteur, mais on ne peut pas prévoir
l'identité de ce deuxième créancier éventuel. Alors
comment voulez-vous... par quel article ce problème-là est-il
résolu?
M. Gariépy: L'article 1695.
M. Gauthier: D'abord, le premier paragraphe, le premier
alinéa...
M. Gariépy: Le premier alinéa.
M. Gauthier: Le premier alinéa de l'article 1695 parle
d'opposable au débiteur cédé dès que celui-ci a
reçu une copie... Oui, mais le deuxième créancier?
M. Gariépy: La question porte sur le paiement fait par le
débiteur cédé. C'est seulement sur cet
aspect-là.
M. Gauthier: Ah! par le débiteur cédé? M.
Gariépy: Oui.
M. Gauthier: Oui, mais actuellement, le droit civil a
été amendé précisément pour combler la
lacune qui existait autrefois. Elle oblige deux phases: l'enregistrement et
ensuite l'avis dans les journaux. Mais lorsqu'il y a enregistrement - et
là je n'ai pas mon Code civil actuel - il y a une disposition qui
régit cela. L'article 1695 tel que rédigé ici va trop loin
lorsqu'il s'agit d'universalité de créance. M. Ferron: On
le disait dans notre mémoire, en disant que l'avant-projet de loi impose
donc un fardeau supplémentaire - en parlant de l'article 1695 - au
cessionnaire en l'obligeant à démontrer que le débiteur a
effectivement reçu l'acte ou la preuve de cession. Pour nous, c'est
vraiment un recul. Ce n'est pas acceptable. D'ailleurs, on avait
souligné un peu les commen- taires assez semblables dans nos
représentations l'an dernier, sur la partie sur les
sûretés. Sur la cession de créance, nous revenons avec des
commentaires assez semblables ici.
Le Président (M. Doyon): Je constate que la période
allouée est terminée. Je cède maintenant la parole au
député de Marquette pour le mot de la fin.
M. Dauphin: Oui, merci, M. le Président. Je n'ai
qu'à réitérer ce que je disais au début et vous
remercier d'avoir participé à nos travaux et vous
féliciter pour la qualité de votre mémoire. Nous attendons
avec anxiété vos notes, notamment en matière de
crédit-bail.
M. Gauthier: Et de contrat de travail. M. Dauphin: Et de
contrat de travail.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. le
député. M. le député de Taillon.
M. Gauthier: Je tiens à vous remercier beaucoup de votre
accueil chaleureux et de la discussion fort intéressante.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Taillon.
M. Filion: Je pense que les représentants de l'ABC auront
compris que leur mémoire se distingue par sa très haute
qualité et, nul doute, fera réfléchir les
rédacteurs, les codificateurs, les conseillers, de ce que deviendra
éventuellement un projet de loi. Merci également de vous
être déplacés.
Le Président (M. Doyon): Merci Me Gauthier et Me Ferron
qui avez présenté le mémoire au nom de l'Association des
banquiers canadiens.
Association des courtiers d'assurances de la province
de Québec
J'inviterai maintenant l'Association des courtiers d'assurances de la
province de Québec à bien vouloir prendre place. Nous allons
procéder à l'audition de son mémoire.
Je constate que les représentants de l'Association des courtiers
d'assurances de la province de Québec ont pris place à la table
des invités. Je les invite maintenant à nous faire part de leur
mémoire en commençant par la présentation des
représentants de l'association. Je vous signale que nos règles
sont les suivantes: Vingt minutes sont allouées à la
présentation de votre mémoire et un temps égal est
partagé, pour ce qu'il reste, entre le représentant du
gouvernement et le représentant de l'Opposition. Il est maintenant 17
heures. Nous commençons par la présentation des personnes qui
sont devant moi.
M. Lavigueur (Jacques): Merci, M. le Président. Je
m'appelle Jacques Lavigueur. Je suis président de l'Association des
courtiers d'assurances de la province de Québec. À mon
extrême droite, M. Réjean Frappier, de Sorel, notre premier
vice-président; Me Rémi Moreau, notre conseiller et Mme Diane
Paradis, notre directrice générale, à ma gauche.
Le Président (M. Doyon): Merci.
M. Lavigueur: M. le Président, je me bornerai à une
présentation générale, tel que décrite à la
première page de notre mémoire. Cela situe bien, je pense, notre
comparution devant la commission parlementaire. Je passerai la parole à
Me Moreau, par la suite, qui expliquera, avec beaucoup plus de détails,
le processus que nous proposons à cette commission pour reprendre les
paroles d'un juriste, pour que cela colle un peu plus à la
réalité que ce que nous constatons dans le moment. (17
heures)
Nous nous devons donc, à la première page de notre
mémoire, d'intervenir vigoureusement, puisque l'adoption de ce projet de
loi remettrait complètement en question le statut professionnel de nos
membres. En effet, l'adoption de l'article 2484 de l'avant-projet faisant du
courtier un représentant de l'assureur changerait complètement le
statut professionnel du courtier d'assurances au Québec.
Mme la Présidente, l'association désire donc rappeler aux
membres de la commission le rôle véritable de ses membres afin
qu'il soit reconnu et maintenu par le législateur. Qu'il me soit permis,
avant de passer la parole à Me Moreau, de vous dire que je suis fier de
représenter mes 5700 membres et mes 2400 cabinets ici à la
commission, parce qu'ils ont vécu depuis 75 ans, en 1989, ils auront
vécu donc au service d'une population, surtout dans les campagnes et les
coins éloignés du Québec, un zèle qu'il sera
difficile de retrouver si des législations, telle que celle qui est
proposée, étaient mises en vigueur. Parce qu'ils ont toujours
pris leur zèle du service à la population et surtout, je pense,
de l'enthousiasme qu'il y a de représenter un assuré lorsque
celui-ci, venant du public, s'informe de la façon d'obtenir ses
protections. Je laisse donc à Me Moreau le soin de vous expliquer notre
exposé.
M. Moreau (Rémi): Mme la Présidente, Mmes, MM. les
membres de cette commission, faisant suite à l'intervention de M.
Lavigueur, j'ai le plaisir et le très grand honneur d'exposer devant
vous les principaux points dont le mémoire fait état sous un
angle légal ou parfois même sous un angle technique. En d'autres
termes, j'aimerais exposer devant cette commission ma perception comme juriste
et comme ex-courtier du mandat du courtier d'assurances. Si cela peut aider
à la compréhension, vous me permettrez d'identifier très
brièvement les trois étapes de ma carrière en
assurances.
J'ai d'abord oeuvré à titre d'avocat et de consultant
indépendant en assurances pour le compte d'une grande firme d'actuaires
et pour le compte exclusif d'assurés corporatifs, institutionnels ou
d'organismes publics ou parapublics. Dans une seconde étape, je me suis
joint à un groupe canadien d'assurances, de réassurances et de
courtages où j'ai obtenu un diplôme de courtier. Actuellement,
à mon compte, je dirige un bureau de recherche en assurances tant pour
les assureurs que pour les assurés. Je dirige également la revue
Assurances, qui en est à sa 56e année de publication,
consacrée aux études théoriques, pratiques et juridiques
de l'assurance au Canada. J'ai donc le privilège de servir mon
ex-association en m'entretenant avec vous sur le sujet développé
dans le mémoire.
Le législateur suggère dans l'avant-projet un article
fondamentalement nouveau venu dont on ne sait où, à savoir
l'article 2484 qui se lit comme suit: "En matière d'assurance terrestre,
7l 'agent ou le courtier en assurances est présumé le
représentant de l'assureur." Le mémoire de l'association des
courtiers est consacré principalement à cette disposition dont
nous vous recommandons le retrait pour plusieurs motifs, mais dont trois sont
essentiels que j'exposerai globalement dans un premier temps et que je
reprendrai ensuite en les développant. Voyons d'abord globalement ces
trois motifs.
Premièrement, cette présomption nous semble aller à
l'encontre de la réalité de la pratique du courtage en
assurances. Deuxièmement, cette présomption confond, sans
apporter les distinctions nécessaires, la mission d'un agent et celle
d'un courtier de sorte que si l'énoncé de l'avant-projet peut
paraître vrai pour l'agent pris dans un sens général, il
semble tout à fait faux pour le courtier au sens de l'article 1 e) de la
Loi sur les courtiers d'assurances, chapitre C-74 des Lois du Québec et
au sens de la Loi sur les assurances à l'article 1 i). Enfin,
troisièmement, cette présomption stipulée à
l'avant-projet de loi, article 2484, va à l'encontre du rôle
professionnel conféré aux courtiers d'assurances en vertu de la
Loi des courtiers d'assurances de la province de Québec attribuant des
devoirs aux courtiers dont les responsabilités ont été et
demeurent constamment interprétées et étudiées par
nos tribunaux.
Qu'il me soit permis de reprendre et d'expliciter maintenant les motifs
que je viens d'énoncer globalement et de conclure en vous
suggérant le retrait de cette disposition juridiquement ambiguë que
constitue l'article 2484 de l'avant-projet de loi.
Le premier motif de retrait: la disposition va à l'encontre de la
réalité et de la pratique. Le courtier est un mandataire qui agit
à titre d'intermédiaire de commerce et dont le rôle, le but
est de rapprocher deux parties, l'assureur et l'assuré. D'ailleurs la
doctrine québécoise, la
doctrine française est abondante sur la notion
d'intermédiaire de commerce, et nous pourrons en faire état un
peu plus loin dans notre allocution ou durant la période de questions.
Nous dirions que la missions globale du courtier est double. La première
mission est d'en arriver à la conclusion d'un contrat d'assurances entre
l'assuré et l'assureur; la seconde mission du courtier est la
délivrance d'un certain nombre de services, plus ou moins
élaborés selon chaque cabinet, car la mission du courtier ne se
termine pas par la seule délivrance d'un contrat d'assurances.
Cela dit, je reprendrai brièvement, si vous me le permettez,
certaines étapes concrètes qui nous permettront de mieux saisir
l'importance du mandat donné au courtier par un client. Lorsque le
client communique pour la première fois, pour ne prendre que cet
exemple, avec un courtier, il n'appelle pas chez un assureur, mais plutôt
chez un entrepreneur indépendant. Il doit s'établir à la
base des liens de confiance priviligiés. C'est le courtier qui,
généralement, rendra visite d'abord au nouveau client, non pas
seulement par politesse, mais pour se familiariser avec les lieux. Ceci
m'amène à vous exprimer que le premier devoir d'un courtier est
d'identifier avec son client les risques potentiels pouvant affecter son
patrimoine physique et les risques liés aux opérations, ainsi que
les besoins particularisés qu'un client voudrait bien lui soumettre.
Dès cet instant, le devoir de conseil du courtier est enclenché,
celui de conseiller son client sur le choix des meilleures garanties suivant
une analyse de besoin. Entre parenthèses, chez les grandes corporations,
cette analyse des besoins peut être faite, soit par un consultant
indépendant, soit par un gestionnaire de risques à l'interne.
Mais restons dans le cadre d'une entreprise normale, moyenne ou petite, ou dans
le cadre de risques résidentiels, où cette analyse des besoins
est accomplie par le courtier. Une fois cette analyse complétée,
le mandat devient plus évident. Le courtier recherchera, dans ce qu'on
appelle le marché des assurances, le meilleur assureur possible, parmi
tous ceux pouvant accepter tel ou tel risque, et au meilleur coût. Je
m'explique. Si un client possède une scierie ou une cour à bois,
sans compter l'équipement matériel et l'outillage
nécessaire, le courtier devra frapper à la porte d'assureurs qui
souscrivent bien ce risque, et dont la police ou les polices traduisent bien
les besoins du client du courtier. Lorsque l'assureur principal est choisi, en
tenant compte qu'il est un assureur reconnu au Québec ou qui
détient un permis et qu'il est un assureur solvable, il restera encore
au courtier, dans plusieurs cas, soit à compléter des garanties
auprès d'autres assureurs, soit à compléter les
excédents de garanties nécessaires à couvrir les montants
d'assurances requis, particulièrement en assurance
responsabilité.
Après la délivrance des polices, maintenant, le courtier
doit les examiner avant de les remettre à son client, les lui expliquer,
lui préparer même un tableau ou un résumé pertinent,
service que n'offre pas l'assureur, service qui s'élabore au sein d'un
cabinet de courtier. Puis tout au cours de la période d'assurances, le
courtier voit à répondre à toute nouvelle exigence du
client, car les risques assurables ne sont pas choses statiques, mais
constamment évolutives.
Enfin, à l'expiration des polices, le courtier, loin d'être
lié par le ou les assureurs au risque, a le devoir d'explorer de
nouveaux marchés d'assurances pour le renouvellement et les comparer
avec les souscripteurs existants. De nombreuses anecdotes pourraient ici
être racontées démontrant le lien étroit entre le
courtier et son client, et prouvant que ce dernier a pu apprécier le
travail du courtier, et ses services personnalisés, soit en
négociant le retrait de telle ou telle exclusion, soit en obtenant un
avenant passe-partout pour couvrir un bijou qui avait été omis
d'être déclaré, soit tout simplement en défendant
les droits du client lors de sinistre. Il est vrai que le courtier, de par la
loi et certaines pratiques comme nous le verrons maintenant, a le devoir de
représenter également l'assureur dans certaines situations. Trois
sources donnent naissance à la représentation de l'assureur. Au
plan légal, l'article 340 de la Loi sur les assurances dispose et je
cite: "que l'agent, pris au sens de l'article 1 de cette loi, donc incluant le
courtier, est, nonobstant toute convention contraire, le mandataire de
l'assureur lorsqu'il touche des primes des assurés et lorsqu'il
reçoit de l'assureur des sommes destinées aux assurés ou
aux bénéficiaires de ceux-ci." Donc, deux cas prévus dans
la Loi sur les assurances. Au plan jurisprudentiel maintenant, selon les
règles du mandat, la théorie du mandat apparent a pu permettre,
dans certaines situations, au tribunal de considérer que le courtier
représente l'assureur et par là, les actes du courtier ont pu
lier l'assureur. Cependant, cette règle n'est pas exclusive aux
relations assureur-courtier-assuré, mais elles peuvent s'appliquer
à toute personne assujettie aux règles du mandat.
Enfin, au plan de la pratique, parce que le produit dont se sert le
courtier est une police émise qui appartient à un assureur, le
garant du risque, il est normal dans les circonstances que l'assureur ait
à formuler un certain ensemble de règles variables d'un assureur
à l'autre et contenues dans un traité de nomination ou, comme on
dit en France, dans un contrat d'agréation. Il ne s'agit pas d'un
traité de maître à serviteur car, en ayant fait
personnellement l'analyse d'une cinquantaine de traités, tous les
traités mentionnent que les dossiers du courtier lui appartiennent et
stipulent tous sur l'indépendance du courtier. Le mandat de
représenter l'assureur se conçoit donc essentiellement au niveau
de la distribution du produit d'assurance. Enfin, en somme, pour parler de
distribution, il faut dire que la mutualité ne suffit pas à
donner un essor à l'assurance, la mutualité qui consiste à
grouper et à répartir les risques. Il faut encore
en organiser la diffusion. Le courtier est un rouage important dans
cette nécessaire organisation qui apportera à l'assureur
l'assiette de primes suffisante qui constituera le fonds et les
réserves. La finalité du contrat d'agréation ou le contrat
de nomination ou le traité de nomination liant le courtier à une
compagnie d'assurances est de permettre aux sociétés de mettre en
place des réseaux de distribution conformes à leurs politiques
commerciales, d'où le mandat de l'assureur au plan de la
distribution.
En conclusion sur cette partie, lorsqu'on examine de près
l'opération elle-même, le rôle du courtier mandataire de
l'assuré prévaut à tel point qu'il est une norme reconnue
partout, norme d'ailleurs justifiée par l'article 340 que nous avons
exposé tantôt, car le fait pour le législateur, nous le
croyons, d'énoncer cet article d'exception vient asseoir en quelque
sorte la règle générale à l'effet que le courtier
est le représentant de l'assuré. Ce rôle de courtier
représentant l'assureur ou l'assuré, dans certaines
circonstances, relève autant de la doctrine que de la jurisprudence,
tant chez nous qu'à l'étranger, et ce rôle est essentiel
à l'assuré en ce qui concerne la représentation du
courtier vis-à-vis de l'assuré, essentiel à
l'assuré qui a besoin d'un consultant indépendant et non pas d'un
agent lié à un assureur.
J'en arrive maintenant au deuxième motif pour lequel nous vous
recommandons le retrait de cette disposition, de l'article 2484 de
l'avant-projet, l'absence de distinction entre agent et courtier, deux termes
confondus dans la rédaction de cet article. Le courtier en assurances
terrestres est un intermédiaire de commerce alors que l'agent est un
auxiliaire de commerce. Le courtier est une personne indépendante qui
n'est pas lié comme l'agent à un assureur unique, mais qui
dispose d'un vaste éventail de marchés, suivant différents
traités de nomination. Le courtier s'oblige ainsi à offrir
à ses clients différentes propositions ou alternatives. Ce qui
distingue fondamentalement le courtier de l'agent exclusif est que le courtier
opère avec la police d'un assureur, son produit, mais il dépasse
la simple délivrance du produit en offrant une gamme étendue de
services élaborés par lui et non par l'assureur, sauf pour
certains services, alors que l'agent délivre le produit de son assureur
et n'offre généralement que les services qui peuvent
émaner de cet assureur. (17 h 15)
Enfin, le troisième motif de retrait de cette disposition. La
disposition ne cadre pas avec les devoirs professionnels des courtiers. La Loi
sur les courtiers d'assurances sanctionnée en 1963 incorpore par sa
réglementation un certain nombre de dispositions ayant trait au
comité d'éthique, au bureau de discipline. Un règlement
général concernant la conduite et discipline énonce: Le
courtier doit agir envers les clients avec probité et en conseiller
consciencieux. Enfin, le même règlement stipule que le courtier
doit garder secret ce qui lui a été confié à titre
professionnel. Ainsi, les tribunaux pourront rechercher la
responsabilité du courtier non seulement sous l'angle de l'article 1053
mais sous l'angle des devoirs professionnels du courtier.
En terminant, j'aimerais rappeler que de nombreux jugements ont
consacré le principe ici défendu par l'Association des courtiers
d'asssu-rances de la province de Québec en ce sens que le courtier est
le représentant de l'assuré. Ici ou ailleurs, une doctrine
volumineuse a pleinement reconnu ce rôle. En conséquence, nous
croyons que de maintenir ces dispositions serait de créer
spontanément un ordre nouveau et non souhaitable. Nous croyons que le
retrait aurait pour effet d'orienter le droit dans une direction opposée
à la réalité de l'acte du courtage tant au Québec
qu'à l'étranger avec les ambiguïtés qu'une telle
présomption risquerait d'entraîner.
Que suggérons-nous? Nous ne privilégions pas une forme
particulière de remplacement à ce chapitre 15 qui traite du
contrat d'assurance et des règles de ce contrat. Toutefois, si telle
était l'intention du législateur de préciser le mandat du
courtier, le mémoire recommande de remplacer cette disposition par une
disposition claire sur la représentation de l'assuré ou de
l'assureur dans certains cas. Une telle disposition dans le sens du double
mandat pourrait être formulée au chapitre 9, à l'article
2215 qui fait justement référence au double mandat. Cette
réforme au double mandat serait d'autant plus utile que le
présent article 1735 du Code civil a été
éliminé de l'avant-projet, l'article 1735 qui précise que
le courtier peut être mandataire de deux parties et par ses actes les
obliger toutes deux relativement à l'affaire pour laquelle elles
l'emploient. Nous suggérons, si le législateur veut transposer
cette disposition à l'article 2215 au chapitre du mandat
l'énoncé suivant: Que le premier alinéa de l'article 1735
reste identique et que le second alinéa de l'article 1735 dise que le
courtier peut être le mandataire soit de l'assuré, soit, dans
certains cas, de l'assureur. Cette distinction aurait pour effet de souligner
le caractère alternatif et non cumulatif du double mandat. C'est
pourquoi nous demandons respectueusement à cette commission le retrait
de l'article 2484, tel que formulé dans l'avant-projet, et de le
remplacer au chapitre du mandat par un énoncé respectant le
double mandat. Merci.
La Présidente (Mme Bleau): Nous vous remercions.
M. Lavigueur: Mme la Présidente, avec votre permission, je
voudrais seulement terminer cet exposé dans le temps que vous nous avez
alloué en me permettant de souligner la présence de notre
ministre des Institutions financières avec qui nous avons
déjà eu des rencontres en commission parlementaire. Nous lui
savons gré de sa présence, pour vous dire notre recommandation
telle que stipulée à la page 17 de notre
mémoire, Mme la Présidente, c'est très court.
Que l'article 2484, pour les raisons exposées, soit
remplacé par une disposition reconnaissant que le courtier d'assurances
est le représentant de l'assuré, le tout sous réserve des
exceptions spécifiques qui pourraient être apportées
à ce principe par le législateur.
Que l'article 2215, qui traite du rôle du mandataire, alors qu'il
accepte de représenter des parties dont les intérêts sont
en conflit ou susceptibles de l'être, établisse clairement une
exception vis-à-vis de tout intermédiaire de commerce qui remplit
un double mandat comme le courtier d'assurances dont le mandat, auprès
de l'assuré et dans certains cas auprès de l'assureur, est
qualifié de mandat alternatif et non cumulatif.
Et enfin, que l'ensemble des articles traitant du contrat d'assurances
au chapitre quinzième soient réexaminés en tenant compte
des principes fondamentaux de l'assurance tels que reconnus par une
jurisprudence constante. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bleau): Merci, monsieur. Nous
cédons la parole au député de Marquette.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Bleau): Le nom du comté
m'échappait, je m'excuse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Filion: M. Côté, boubou-macoute, maintenant, M.
Dauphin...
La Présidente (Mme Bleau): Alors, M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, Mme la Présidente. Alors, au nom du
ministre de la Justice du Québec, j'aimerais souhaiter la bienvenue
à l'Association des courtiers d'assurances de la province de
Québec et également souligner, comme l'a très bien fait M.
le président, la présence du ministre
délégué aux Finances, responsable des institutions
financières.
Ma première question est la suivante. Vous nous proposez le
retrait de l'article 2484 de l'avant-projet de loi qui dit que le courtier est
présumé représentant de l'assureur, pour nous proposer
plutôt que le courtier soit représentant de l'assuré, sauf
exception. Pour le bénéfice des membres de la commission, ainsi
que de l'équipe du Code civil qui nous accompagne, est-ce que vous avez
des idées en tête des exceptions que le législateur
pourrait trouver à la règle que le courtier est le
représentant de l'assuré?
M. Lavigueur: Si vous me permettez, avant de passer la parole
à Me Moreau, j'aimerais tout simplement vous dire que, dans mes 30 ans
d'expérience comme courtier, j'ai toujours été satisfait
de mon double mandat, parce que, tantôt, l'exception pourrait proposer
que je sois le représentant de l'assureur et, évidemment,
auprès de l'assuré, ce conseiller dont il a grandement besoin,
et, tantôt, étant le conseiller de l'assuré, que je puisse
éclairer l'assureur sur la protection à être
accordée donc, être une assistance utile pour lui. L'inclusion de
l'autre devient, si vous voulez, la permission d'agir envers l'un. Mais je
voudrais peut-être laisser à Me Moreau, en termes de droit, le
soin d'expliciter davantage ma pensée.
M. Dauphin: D'accord.
M. Moreau: Écoutez, nous ne voyons pas une exception
à donner au rôle du courtier. Nous l'avons indiqué dans le
rapport, dans le mémoire, le courtier représente soit
l'assuré, soit l'assureur. Au plan de la distribution du produit de
l'assureur, il représente l'assureur, tel qu'indiqué dans un
traité de nomination ou un contrat d'agréation. Alors, c'est
plutôt de reconnaître l'existence du double mandat qui s'inspire
même de la définition d'intermédiaire de commerce, tel que
l'indique Me Nicole L'Heureux, dans ses écrits, qui est de rapprocher
deux parties, l'assureur ou l'assuré, dans la conclusion d'un contrat
d'assurance. Cela s'inspire même de la définition de
l'intermédiaire de commerce qui est de rapprocher les parties. Ce double
mandat serait juridiquement acceptable à certaines conditions: Pourvu
que - quant à cela, conforme à toute la doctrine que j'ai lue
à cet effet - les deux parties sachent que le courtier représente
soit l'assureur, dans certains cas, soit l'assuré, dans d'autres cas.
D'ailleurs, c'est le sens de la disposition de l'article 2215, au chapitre du
mandat contenu dans l'avant-projet et c'est aussi le sens de la doctrine
française et de la doctrine américaine qui parlent de
l'intermédiaire et du double mandat. J'ai devant moi de la doctrine,
notamment de la doctrine française: La responsabilité des agents
généraux et courtiers d'assurances, Blamoutier et Salphati
avocats à la Cour d'appel de Paris, qui ont discuté justement de
la règle du double mandat et qui y voient essentiellement l'idée
d'un mandat alternatif. Et, quant à moi, cela me convient. J'ai lu de
nombreux jugements concernant la responsabilité du courtier d'assurances
et je n'ai jamais vu de jugement qui tienne à la fois le courtier
responsable, parce qu'il a un mandat de l'assureur et un mandat de
l'assuré en même temps... Alors, c'est un mandat alternatif pour
certains actes: Notamment, au niveau de la distribution, il représente
l'assureur, mais, au niveau de son devoir de conseil, principalement, au niveau
de la souscription d'une police, au niveau de l'analyse des besoins, dans cet
ordre, il représente l'assuré. Et, la Cour de cassation, en
France, a reconnu que, lorsque la qualité de mandataire de
l'assuré prend le pas sur celle de mandataire de l'assureur, les juges
du fond justifient l'existence
d'un tel mandat par certaines règles très
concrètes. J'ai retrouvé exactement des règles de
même nature dans la jurisprudence américaine. Si vous me permettez
de retrouver dans mes notes un jugement de la cour fédérale de
l'Illinois en vertu de la loi de cet État, qui a développé
quatre critères déterminants pour savoir quand le courtier
représentait les intérêts de l'assureur et quand il
représentait les intérêts de l'assuré qui l'a
contacté ou qui a communiqué avec lui en premier; qui a le
pouvoir de contrôler ou de surveiller ses actions; qui le paie ou le
rémunère; et qui, finalement, a un intérêt à
être protégé. Alors, ce sont toujours des cas
d'espèce. Selon nous, le double mandat se situe au plan distributif
vis-à-vis de l'assureur, alors que vis-à-vis de l'assuré,
c'est au plan de la représentation face à un contrat qui est
souvent hermétique, souvent difficile à comprendre et dont
l'expérience et l'expertise d'un consultant indépendant peut
être souhaitable pour l'assuré. Est-ce que je réponds bien
au sens de votre question?
M. Dauphin: Oui, Monsieur. C'est intéressant. J'en ai une
dernière, si vous permettez, Mme la Présidente, en tant que
spécialiste du domaine des assurances... Le preneur, lorsqu'il fait sa
proposition - cela concerne son obligation de déclaration - on sait que
vous les aidez dans leur tâche bien souvent. Ma question est la suivante.
Est-ce une obligation qu'on peut facilement imposer à toute personne qui
veut contracter une assurance, compte tenu de la complexité de ce type
d'analyse? C'est toujours par rapport à son obligation de
déclaration.
M. Lavigueur: Si vous me permettez, Mme la Présidente,
j'aimerais encore là peut-être faire ma petite remarque de
pratique courante que j'ai connue et passer la parole à Me Moreau pour
la partie plus technique. Il m'est apparu, au cours de bien des années
au service d'une clientèle de plus en plus exigeante à cause de
la représentation personnalisée qui nous est imposée par
la clientèle elle-même - et plus les gens deviennent
professionnels, vous savez, plus ils sont conscients de leurs droit quant
à la forme de représentation que nous leur offrons - que personne
n'a jamais voulu se substituer au rôle de conseil du courtier pour
l'aider ou l'assister dans la déclaration. Comme disent les
Américains, "far reaching effects are close to your paper", les effets
qui viendront demain sont souvent très proches de la réponse que
vous donnez aujourd'hui. À cet égard, il y a évidemment
anguille sous roche, des fois. Les gens acceptent avec grand plaisir notre
conseil, si ce n'est notre assistance directe dans les cas plus sommaires. Je
voudrais laisser Me Moreau commenter le côté...
M. Moreau: Si je comprends bien le sens de votre question,
très brièvement, je vous dirai que le rôle de conseiller
d'un courtier part dès le début, au niveau de la
déclaration initiale du risque. La proposition d'assurance ou le
questionnaire qui doivent être remplis et signés par
l'assuré ou par le preneur méritent l'intérêt ou
l'attention du courtier ou du conseiller du client quant à la
réponse à donner à certaines questions. C'est bien
sûr le client qui connaît l'étendue de ses opérations
et qui connaît la diversité de ses risques. Le courtier n'est
là que pour l'assister au niveau de la déclaration, mais c'est
à l'assuré de signer en bas du formulaire, finalement, avec
l'assistance du courtier quand il la réclame.
M. Dauphin: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bleau): Nous allons céder la
parole au représentant officiel de l'Opposition.
M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Le ministre a
peut-être des questions? Oui? Écoutez, je voudrais d'abord vous
souhaiter la bienvenue, MM. Lavigueur, Moreau, Frappier et Mme Paradis. Je
pense que votre mémoire va droit au but. Il est très
précis. Il souligne certaines dispositions de l'avant-projet de loi qui
vous conviennent peu - c'est le moins qu'on puisse dire - d'après les
arguments déjà énoncés par Me Moreau et M.
Lavigueur. J'en ajouterai un. Je vous avoue que si on était à la
commission parlementaire qui étudie article par article le projet de
loi, je ne l'adresserais pas de ce côté-ci, je l'adresserais de ce
côté-là. Je demanderais: Pourquoi voulez-vous modifier un
état de fait qui s'est développé avec les années?
Pour moi, le courtier, en tout cas avant qu'on me convainque que dans la
réalité le courtier est le représentant de l'assureur, je
comprends qu'il puisse l'être à l'occasion, je pense que Me Moreau
et M. Lavigueur l'ont bien expliqué dans le mandat alternatif - j'aime
beaucoup l'expression - qu'à certaines parties de ces activités,
le courtier puisse être un mandataire de l'assureur, mais en règle
générale, il vient assister l'assuré qui cherche un
contrat d'assurance, une couverture d'assurance valable. En tout cas, c'est ce
qui est à peu près le gros sens commun. C'est la
réalité et, en plus, cela semble être le sens de la
jurisprudence un peu qui s'est développée et qui est citée
dans le mémoire de l'association. (17 h 30)
Ma question principale irait dans ce sens-là, mais c'est une
autre. Ma question qui va à mes invités est la suivante: En
supposant que les rédacteurs, les codificateurs, les conseillers, toute
l'équipe du Code civil et les législateurs sont d'avis de vous
donner raison, je crois comprendre que le but de la modification était
probablement de venir aider l'assuré pour faire en sorte que s'il y a un
problème entre l'assuré et son courtier, les tribunaux puissent
possible-
ment trancher, mais en donnant un maximum de latitude à
l'assuré, de venir par exemple contredire les dires du courtier, et Dieu
sait qu'il y a des causes de jurisprudence, etc. Seriez-vous quand même
d'accord pour faire revivre ces dispositions du Code civil, advenant le cas
où on vous donne raison, et maintenir l'existence de ces dispositions du
Code civil qui permettent à l'assuré de venir contredire son
courtier sur des questions ayant trait, par exemple, à sa
déclaration, à sa proposition? Je pense que vous appelez cela
dans votre jargon sa déclaration. Je vais vous donner un exemple bien
concret: On appelle notre courtier. On vient de s'acheter une nouvelle maison.
Je dis cela parce que le cas m'est arrivé il y a quelques années,
je venais de m'acheter une nouvelle maison où il y a une piscine
extérieure creusée. Je dis à mon courtier: Je viens
d'acheter telle maison. Y a-t-il moyen que l'on fasse ça vite, etc.? Il
me sort une police d'assurance et à un moment donné je me dis:
j'ai une piscine et je ne l'ai pas déclarée à mon
courtier. Alors, je le déclare à mon courtier. Il dit:
Inquiète-toi pas, je te l'ai assurée. Je dis: Non, non,
envoie-moi un écrit comme quoi je te l'ai dit. Je visais à me
protéger, évidemment; c'est ma formation juridique. Bref, c'est
le sens de ma question. Êtes-vous quand même sensible au fait que
dans l'exercice de votre travail, vous pouvez oublier une déclaration
d'un de vos clients, mais une déclaration fondamentale dans
l'acceptation du risque, puis dans la fixation du montant de la prime qui
découle de la police d'assurance?
M. Lavigueur: M. le Président, c'est un vent d'air frais
que d'entendre les commentaires du représentant de l'Opposition, parce
qu'il dit qu'il se demande comme nous pourquoi cet article a réellement
été mis là, compte tenu d'une pratique qui date de 75 ans
et qui semble avoir satisfait 85 % des gens qui achètent de l'assurance
au Québec. Je voudrais quand même répondre à sa
question. Regard, la revue de notre association, pour le mois qui
commence, parle amplement de la législation d'aujourd'hui en
révélant un commentaire d'experts que nous avons demandé.
Jean Nichol et les membres du groupe de droit des assurances d'Ogilvy, Renault
ont produit un article qui nous semble fort intéressant et qui
répond partiellement à votre question, M. le député
de l'Opposition. Mme la Présidente, si vous me permettez de le citer:
à la page 33, ces gens d'Ogilvy, Renault disent: "Si donc l'article
proposé est adopté, le courtier ou l'agent d'assurance, de
même que l'assureur, seraient bien avisés d'être beaucoup
plus prudents qu'ils ne le sont actuellement en définissant par
écrit - c'est écrit en noir - pour le compte de qui le courtier
ou l'agent agit à quelque stade que ce soit d'une opération
d'assurance. Sinon - disent-ils - l'assureur se verra lié par les
déclarations du courtier et par sa connaissance, conformément aux
règles générales du mandat, articles 1701 et suivants, que
celles-ci traduisent l'intention des parties ou non." Cela dit, pour moi, dans
ma pratique courante, cela me semblerait une aberration que chaque fois que je
vends un contrat de devoir avoir une déclaration d'intention, à
savoir qui je représente: l'assureur ou l'assuré? Je voudrais
demander à Me Moreau de continuer.
M. Moreau: Oui. Dans le sens de votre question, cher monsieur,
qui faisait valoir que finalement, est-ce que cette disposition ne pourrait pas
profiter, d'une manière ou d'une autre, à l'assuré. J'ai
de la difficulté à concevoir qu'une telle disposition puisse
aider l'assuré. Ne prenons que l'exemple d'un sinistre important qui se
produit où l'assureur fait une offre de règlement et que
l'assuré méconnaissant les dispositions techniques du contrat
d'assurance, va être finalement obligé d'accepter. Où je
veux en venir, c'est que l'indépendance du courtier, par rapport
à l'assureur, contrairement à celle de l'agent, permet à
son client de pouvoir obtenir une assurance qui répond vraisemblablement
au besoin pour lequel il a payé une prime. Il s'attend, par cet effet,
à avoir des conseils judicieux. L'indépendance du courtier
à ce sujet permettrait une bien meilleure représentation, un bien
meilleur effet, si le courtier était considéré le
représentant de l'asssuré, comme en témoigne la
jurisprudence, comme en témoigne la doctrine. J'en ai abondamment que je
pourrais vous formuler à ce sujet.
M. Filion: Je vais interpréter votre question comme
étant favorable au maintient de l'article 2491, qui existe
présentement.
M. Moreau: De 24...
M. Filion: De l'article 2491 du présent Code civil. Cela
va, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bleau): M. le ministre.
M. Fortier: Juste une intervention très rapide. Bien
sûr, quand j'ai pris connaissance du projet de modification au Code civil
et connaissant le point de vue de mes amis les courtiers, j'ai
été fort surpris. Parce que, tous ceux qui ont suivi le
débat entre vente directe par le biais des agents et vente par le biais
des courtiers, savent jusqu'à quel point les courtiers nous ont fait
valoir à moult reprises leur statut d'agent indépendant face aux
compagnies d'assurance. De fait, ce débat public le fait ressortir et
plusieurs personnes, plusieurs Québécois sont un peu ignorants du
Code civil, bien sûr. Le débat que nous avons eu et le fait qu'il
y avait des impacts économiques dans le genre de débat, à
la suite de l'intervention, en particulier, du Mouvement Desjardins, plusieurs
ont fait ressortir cet aspect. Les courtiers eux-mêmes non seulement se
sont penchés sur la jurisprudence
et sur l'interprétation du Code civil existant, mais
également ont fait valoir auprès du public, par une
publicité plus généreuse, qu'ils existaient
réellement pour défendre les droits de ceux de qui ils obtenaient
des mandats de les représenter. Tout cela pour dire que, au-delà
du Code civil, la réalité de chaque jour va nous amener davantage
à faire cette distinction très grande entre agent, où on
va, dans une caisse ou ailleurs, ou un agent représentant une compagnie
directe qui est réellement le mandataire de l'assureur et le courtier.
Puisque dans l'avenir, dans une nouvelle législation que je mettrai de
i'avant, nous insisterons pour que le courtier soit dans une certaine
obligation d'indiquer quelles sont les compagnies avec lesquelles il fait
affaire, pour indiquer à l'individu qu'il a des choix, donc le courtier
est là pour le conseiller. Cela rejoint les préoccupations
légales et les représentations qui m'ont été
faites, moins sur un plan juridique, mais sur un plan commercial, mais cela
rejoint quand même les préoccupations des courtiers. Merci.
La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le ministre. Je
cède la parole au député de Marquette, pour une...
M. Dauphin: Oui, pour le mot de la fin. Avec mon collègue
de Taillon, je vous remercie d'être venus en commission parlementaire,
à la sous-commission des institutions. Je puis vous assurer, au nom du
ministre de la Justice, qu'on va étudier avec beaucoup d'attention vos
représentations avant que cela devienne un projet de loi. Merci de votre
présence.
La Présidente (Mme Bleau): M. Lavigueur.
M. Lavigueur: Merci, Mme la Présidente. Je ne peux passer
sous silence, avec votre permission, la présence du ministre Fortier,
qui vient de parler. Aussi, j'avais un petit mot sur l'avenir du courtage. Cela
me paraissait tout à fart rejoindre les préoccupations du
ministre, à savoir que si dans l'avenir on doit décloisonner
quelque chose - et c'est le service financier que l'on vise - s'il y a un
moment où l'assuré, le public aura besoin d'un conseil impartial
non rémunéré, parce qu'il viendra de l'acte de
distribution qui est à l'autre partie du mandat dont parlait Me Moreau,
est-ce que ce n'est pas beau de recevoir ce mandat et en même temps de
pouvoir exercer sur la population tout simplement un conseil impartial? Pour
nous, ça entre tout à fait dans le débat du
décloisonnement. Je vous remercie d'avoir écouté notre
représentation, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bleau): Nous vous remercions. M. le
député.
M. Filion: Merci.
Association canadienne des compagnies d'assurances de
personnes inc.
La Présidente (Mme Bleau): Au nom de la commission, je
vous remercie infiniment de votre présence. J'appellerais maintenant
l'Association canadienne des compagniers d'assurances de personnes inc. Nous
souhaitons la bienvenue à l'Association canadienne des compagnies
d'assurances de personnes inc. Je demanderais à Me Yves Millette de nous
présenter ceux qui l'accompagnent.
M. Millette (Yves): Merci, Mme la Présidente.
M'accompagnent aujourd'hui Me Gaétan Cantin, vice-président des
services juridiques à l'assurance-vie Desjardins et Me Jacques
Taché, directeur principal aux affaires juridiques à
l'industrielle Alliance, compagnie d'assurance-vie.
La Présidente (Mme Bleau): Me Millette, est-ce que je
pourrais vous demander, considérant l'heure tardive, si vous pourriez
nous faire un résumé de votre mémoire. Nous l'avons tous
lu d'ailleurs et je pense bien que nous savons à quoi nous en tenir. On
aimerait vous entendre sur les choses que vous jugez peut-être les plus
importantes, car la sous-commission doit ajourner ses travaux et reprendre
à dix-neuf heures trente.
M. Millette: Oui, Mme la Présidente, on va faire nos
présentations assez rapidement. D'ailleurs, notre mémoire est
explicatif par lui-même et il s'agit de question de détails. Mais
j'aimerais vous parler de façon générale de la position de
notre association concernant l'ensemble du projet de révision sur les
obligations. On n'a pas fait de commentaires dans notre mémoire
préférant laisser ça à des organismes comme le
Barreau ou autres qui ont une vue d'ensemble de la situation, parce qu'aucun de
ces articles ne touchait spécifiquement notre industrie.
En ce qui concerne les articles sur les assurances de personnes, la
réforme du Code civil a été effectuée avant 1976
mais est entrée en vigueur en 1976, de sorte que notre industrie a
appris à vivre avec ces articles, et depuis les tout débuts, nous
avons déjà eu deux ou trois fois des amendements à ces
articles du Code civil, de sorte que ces dispositions sont aujourd'hui bien
rodées. La trame de ces articles est conforme aux pratiques en vigueur
dans l'industrie de l'assurance de personnes, l'interprétation que les
tribunaux en ont donné a démontré un bon équilibre
entre l'intérêt des consommateurs et celui de l'industrie des
assurances de personnes et c'est pourquoi notre mémoire se limite
à des commentaires spécifiques.
Toutefois nous croyons qu'il est important de rappeler certains
principes généraux et fondamentaux de l'assurance, que le projet
tend à oublier à l'occasion, dans certaines dispositions qui sont
générales à l'assurance de personnes et
aux assurances de dommages, mais plus particulièrement dans le
cas des assurances de dommages. Nous laisserons le soin au Bureau d'assurance
du Canada de faire ses représentations sur la partie assurance de
dommages; nous nous contenterons de faire des représentations sur les
dispositions qui concernent les deux industries. (17 h 45)
Comme vous le savez, l'industrie de l'assurance, de façon
générale, est une mutualité, c'est-à-dire qu'il y a
un transfert de risques entre les individus qui adhèrent à un
groupe et l'ensemble d'un groupe. Les contrats qui sont passés entre une
compagnie d'assurances et un assuré comportent une prime et des
obligations d'assurances, mais évidemment, il s'agit d'un transfert de
risque où on crée des "pools", des regroupements, et où
chacun des assurés, évidemment, ne verra pas le risque
réalisé à un moment donné ou même tout au
cours de l'existence du contrat, de sorte que les fonds qui sont
accumulés par la compagnie d'assurances ne correspondent pas à
l'ensemble des obligations de la compagnie d'assurances, mais uniquement
à la suffisance de fonds pour permettre à la compagnie
d'assurances de respecter les obligations qui vont découler de certaines
données statistiques qui auront été calculées, soit
par des actuaires ou d'autres personnes.
Évidemment, c'est la raison pour laquelle il est
nécessaire d'avoir un organisme de surveillance et de contrôle.
Tantôt le ministre Fortier était présent, il y a
l'Inspecteur général des institutions financières qui est
chargé de voir à la solvabilité de l'ensemble des
institutions, ce qui est très important. Parce que c'est ce qui va faire
foi que la compagnie d'assurances va avoir les fonds nécessaires pour
satisfaire à ses obligations à l'égard des
assurés.
En matière d'assurances, il ne faut pas oublier que la compagnie
d'assurances n'est pas partie comme telle au contrat. La compagnie d'assurances
est un gérant, elle gère la mutualité, c'est-à-dire
qu'elle gère l'ensemble des individus qui adhèrent aux groupes
d'assurances qui font un transfert de risque. Donc contrairement à
d'autres formes de contrat, comme des contrats d'adhésion ou autres,
quand un assureur conclut un contrat avec un assuré, l'assureur agit
dans une position d'intermédiaire, de gérant pour l'ensemble des
assurés. Et à ce moment, les obligations que souscrivent les
assurés sont souscrites à l'égard ou face à
l'ensemble des assurés et non pas face à la compagnie
d'assurances comme telle, qui elle-même, n'a pas d'engagement, sinon
d'administrer cette mutualité en question.
Cette notion de risques qui sont soucrits a été
malmenée en quelque sorte au cours des années soixante-dix et
quatre-vingt par trois notions qui sont la notion de protection du
consommateur, de Charte des droits et libertés de la personne et de
régime public d'assurances ou d'avantages sociaux comme la Régie
des rentes ou la Régie de l'assurance-maladie. Dans un cas, comme dans
le cas de la protection du consommateur et dans le cas des chartes des droits
et libertés, on a comme objectif de protéger les individus, les
consommateurs alors que, on vient de le voir dans l'assurance, on a un
transfert de risque d'un individu à une collectivité. Donc, on a
tendance, depuis les années soixante-dix, à privilégier
les droits des individus par rapport aux droits de la collectivité. D'un
autre côté, en ce qui concerne les régimes publics d'aide,
le régime est fait en fonction de l'ensemble de la population,
c'est-à-dire qu'à ce moment, on n'a pas le problème de
l'assurance individuelle où on doit reconstituer un modèle
mathématique ou un modèle statistique, l'ensemble de la
population représentant l'ensemble de la statistique. Il n'est pas
nécessaire de reproduire ce mécanisme, ce que l'assurance
privée doit faire. C'est-à-dire que l'assurance privée
doit, par un mécanisme de sélection des risques, reconstituer ce
qui se passe dans l'ensemble de la population, mais à une échelle
restreinte, à une échelle réduite. L'assureur doit
reconstituer parmi les assurés, parmi les gens qui sont membres de la
mutualité, les conditions qui se retrouvent dans l'ensemble de la
société. Il est donc obligé de choisir les assurés.
Il est obligé de choisir les risques qu'il va assumer de façon
que les risques qui vont être assumés par l'assureur soient
représentatifs des statistiques globales pour la société.
Si les risques qu'il choisit sont trop concentrés dans un domaine ou ne
représentent pas l'ensemble, il va y avoir un
déséquilibre. Comme on l'a dit tantôt, si les assureurs
n'accumulent pas des fonds pour l'ensemble des assurés, mais uniquement
pour la réalisation des risques statistiquement prévus, il va y
avoir un déséquilibre dans les fonds accumulés de
l'assureur de sorte que les consommateurs ne pourront pas recevoir les sommes
auxquelles ils ont droit. Donc, il est du devoir de l'assureur de
sélectionner les risques.
Depuis les années soixante-dix, avec toutes les notions de
protection du consommateur, on a eu beaucoup tendance à mettre en
équilibre ou en opposition plutôt deux théories,
c'est-à-dire l'égalité versus l'équité. Les
régimes sociaux ont eu pour effet de mettre les consommateurs à
égalité, c'est-à-dire qu'on ne faisait pas de
différences entre chacun des consommateurs, chacun des consommateurs
étant égal alors que, question d'équité, il faut
que chacun des assurés, dans le cas de l'assurance, soit
identifié et soit classifié selon le risque qu'il
représente véritablement pour l'ensemble des assurés.
C'est vrai à tel point que, maintenant, les régimes publics
commencent à tenir compte de ce facteur d'équité.
Notamment, la Régie de l'assurance automobile parle de tenir compte du
dossier de conduite d'un assuré, d'une personne qui souscrit à
l'assurance automobile. Donc, même les régimes publics commencent
à tenir compte de ce fait
pour que chacun des assurés soit traité
équitablement selon le risque qu'il représente pour l'ensemble.
Je pense qu'on a eu tendance à oublier cette notion
d'équité pour favoriser plus spécialement la notion
d'égalité. Et on retrouve cela dans le projet de révision
du Code civil, la partie sur les obligations, lorsqu'on introduit une notion,
par exemple, comme la notion d'assuré raisonnable. L'assuré
raisonnable, lorsqu'on oppose ou lorsqu'on opposera cette notion
d'assuré raisonnable avec la notion existante depuis 1976 d'assureur
raisonnable, on va assister à une confrontation ou à une
égalisation des droits, l'assuré raisonnable étant un
critère égalitaire par rapport à l'assureur raisonnable
qui a à faire une sélection à un critère
d'équité. Il va devenir très difficile d'équilibrer
les concepts d'assurance, ce qui, à long terme, pourrait constituer un
déséquilibre pour l'industrie de l'assurance comme telle.
Un autre phénomène qu'on retrouve dans ce domaine, c'est
peut-être ce dont nos prédécesseurs ont parlé, la
notion de mandat du représentant. Il est nécessaire de conserver
un double mandat du représentant du courtier et même de l'agent
exclusif, parce que le courtier ou l'agent représentent à un
moment donné les deux parties au cours d'une négociation, ils
vont transférer ou transporter de l'information de l'un à
l'autre, ou de l'un vers l'autre et vice versa, et il est nécessaire de
reconnaître ce double mandat. Il n'est pas souhaitable, selon nous, de
tout mettre le fardeau d'un côté ou de l'autre. D'ailleurs, la
jurisprudence a été constante sur ce plan et s'est toujours
attachée à essayer de départager le véritable
rôle de l'agent ou du courtier qui est l'intermédiaire, à
toutes fins utiles, de l'individu qui veut adhérer à une
mutualité. Donc, à ce moment-là, il est beaucoup le
représentant du consommateur face à cette mutualité. Donc,
il représente diverses parties lorsqu'il est au sein de la
mutualité.
La troisième chose qui est touchée par le projet de
révision du Code civil qui concerne les assurances, c'est la fameuse
notion de proposition et le contrat lui-même et la divergence entre la
proposition et le contrat. Il ne faut pas oublier la nature véritable de
la proposition qui est l'offre de l'individu d'adhérer à la
collectivité et dans laquelle il décrit sa situation. C'est
très différent du contrat qui, lui, est la souscription ou
l'acceptation d'un individu à la mutualité. Donc, lorsqu'on a
tendance à identifier ces deux documents et à dire que, si la
proposition ne reflète pas entièrement le contrat, on doit
introduire un troisième document, on a tendance à ignorer ce que
représente la proposition, qui est l'offre d'adhérer à la
mutualité, tandis que le contrat est l'adhésion. À ce
moment-là, je pense qu'il est impossible de reproduire les deux
documents dans un même ou de les reproduire dans un troisième
document; je pense que c'est mal comprendre la notion de la mutualité
que de faire cela.
Évidemment, on pourrait continuer sur des points qui sont plus
secondaires, mais, je pense qu'on a touché là aux trois points
principaux qui concernent l'industrie de l'assurance-vie et, pour nous
permettre d'abréger, je vais passer immédiatement aux questions,
si vous en avez.
La Présidente (Mme Bleau): Merci beaucoup, M. Millette. Je
passe la parole au député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, Mme la Présidente. Au nom du ministre
de la Justice, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue à ces auditions
publiques en matière de réforme du Code civil sur les
obligations.
J'aurais deux questions à vous poser. La première concerne
la notion d'intérêt d'assurance. Il y a certains groupes qui nous
ont proposé d'abandonner cette notion d'intérêt d'assurance
pour ne s'en tenir qu'au consentement de l'assuré. Alors, ma
première question est la suivante: Seriez-vous d'accord pour qu'on
élimine complètement cette notion d'intérêt
d'assurance?
M. Cantin (Gaétan): Je pense que dans le code actuel la
signature de l'assuré constitue de l'intérêt d'assurance,
sauf erreur...
M. Millette: On peut ajouter, je pense, que
l'intérêt d'assurance a été, disons, quelque peu
négligé au cours des années, parce que c'est devenu...
à cause de l'amélioration des conditions d'assurabilité,
du fait que les contrats d'assurance ont été répandus et
ont servi à un grand usage, on a eu tendance à délaisser
la notion d'intérêt d'assurance. Mais, je pense qu'avec les
changements des conditions, notamment avec le sida et divers autres
phénomènes sociaux, les assureurs reviennent de plus en plus
à la notion d'assurance. Comme je le disais tantôt, l'assurance
est une mutualité et les gens qui y adhèrent se doivent d'avoir
un intérêt, pour le bénéfice même de la
communauté ou de la mutualité. Autrement, cela risque d'amener
des débordements et une désensibilisation des assurés, qui
ne verront pas d'intérêt à ce que la mutualité soit
aussi fonctionnelle que possible et coûte le moins cher possible aux
autres assurés. Donc, il y a un phénomène. On revient
beaucoup, notamment aux États-Unis, avec la notion d'assurance,
même en assurance de personnes, qu'on avait eu beaucoup plus tendance
à délaisser. En assurance-dommages, les gens du BAC vont y
revenir, mais la notion d'intérêt d'assurance a toujours
conservé énormément d'intérêt.
M. Dauphin: Merci. J'ai une deuxième question avant de
céder la parole à mon collègue de Taillon. Est-ce que vous
pourriez élaborer davantage sur votre proposition de favoriser
l'adhérent dans l'éventualité d'intérêts
divergents entre l'adhérent et le bénéficiaire?
M. Millette: Évidemment, quand on est rendu au niveau de
l'adhérent, ce n'est plus l'assureur comme tel qui est impliqué.
C'est une question ou une volonté de régler des litiges
éventuels entre l'assuré, ou l'adhérent, et le
bénéficiaire. Donc, c'est déjà en dehors de la
compagnie d'assurances. À ce moment-là, ce n'est pas
l'intérêt des compagnies d'assurances comme tel. Mais, c'est la
volonté d'éviter des litiges entre les deux parties qui fait que
l'assureur pourrait être tenu de payer à un ou à l'autre ou
à un ou aux deux, tout dépendant... Je pense qu'il est
nécessaire d'établir des règles ou des
présomptions. Il est tout à fait normal de privilégier
l'adhérent, qui est celui qui contracte et qui a des obligations face
à l'assureur. Je pense que les gens avec moi peuvent vous donner des
exemples précis. (18 heures)
M. Cantin: II n'y en a peut-être pas à la tonne,
mais on pense, par exemple, à la possibilité de nommer un
bénéficiaire irrévocable pour une période
déterminée, ce qui n'est pas prévu actuellement, je pense,
dans la loi. On pense aussi à la possibilité de prévoir
des modifications au contrat, indépendamment du fait qu'un
bénéficiaire puisse être nommé révocable.
M. Taché (Jacques): C'est que du vivant du contrat,
lorsque le contrat est en vigueur, que la somme n'est pas payable et qu'il y a
des bénéfices possibles prévus au contrat, je pense que la
première relation contractuelle est entre l'assureur et
l'adhérent ou le preneur. Les droits et les intérêts du
bénéficiaire, en cas de conflit, sont suspensifs. Cela se produit
très peu, mais si, effectivement, cela se produisait, on doit avantager
l'adhérent, celui qui a souscrit l'assurance, celui qui est contractant
par rapport à celui qui est bénéficiaire suspensif. Son
droit est suspensif à la réalisation du risque, alors que l'on
est dans une situation où le risque n'est pas réalisé
encore.
M. Dauphin: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bleau): Merci, Me Taché. Je
passe la parole aux représentants de l'Opposition.
M. Filion: Je vous remercie, Me Millette, MM. Cantin et
Taché, pour votre mémoire extrêmement clair, précis
et facile de préhension et de compréhension. On se retrouve
très facilement.
Vous soulevez indirectement aux pages 6 et 7 de votre mémoire
tout le problème des réticences. Évidemment,
l'avant-projet de loi nous dit d'abord à l'article 2478 que
l'assuré est tenu de déclarer toutes les circonstances connues,
etc. Le deuxième alinéa de l'article 2478 crée une
obligation intéressante, c'est-à-dire que "L'assureur est, pour
sa part, tenu, sauf quant aux circonstances inhabituelles ou anormales, de
poser des questions spécifiques au preneur sur les circonstances
reliées au risque qu'il estime importantes." C'est le droit nouveau, ce
deuxième alinéa. Il n'existait pas avant et cela dit
essentiellement: Si vous avez des questions à poser, allez-y, posez-les.
Aux pages 6 et 7 de votre mémoire, vous invoquez les arguments qui font
que ce deuxième alinéa ne devrait pas faire partie du futur Code
civil.
De plus, vous dites qu'il y a impossibilité pour l'assureur de
connaître toutes les circonstances personnelles de l'assuré. Les
interdictions découlant des chartes sur les droits et libertés de
la personne font que les questions pertinentes ne peuvent pas toutes être
posées. On est dans un cul-de-sac avec ça, parce que si vous avez
raison et si les questions ne peuvent pas être posées à
cause des chartes, on ne pourra sûrement pas blâmer l'assuré
de ne pas les divulguer à cause des chartes. En deux mots, dans un sens
ou dans l'autre, si les chartes protègent ce type de confidence:
question posée ou question pas posée, à mon sens, la
charte prime. Alors, à mon sens, ce n'est pas un gros argument en faveur
du retrait de cette disposition de l'avant-projet de loi. Deuxièmement,
comme je le disais, il y a aussi le bon sens. Il y a tellement... Aujourd'hui,
pour évaluer un risque, les compagnies qui sont membres de votre
association peuvent s'y prendre de 98 000 façons. J'ai l'impression
qu'avec le temps, l'évaluation des risques va se faire d'une
façon tellement précise qu'il y a des éléments qui
ne sont pas connus de l'assuré, mais qui peuvent être importants
pour l'assureur. En deux mots, vous demandez peut-être à
l'assuré de supporter trop de fardeau. Est-ce que l'assureur ne devrait
pas poser les questions pour lesquelles il veut avoir des réponses?
M. Millette: C'est un peu le préambule que j'avais
présenté tantôt. C'est tout le débat qu'on a
vécu au cours des années soixante-dix et quatre-vingt entre les
notions d'égalité et les notions d'équité. C'est
toute la notion de participation de l'assuré à une
mutualité, contrairement à d'autres contrats où un
consommateur conclut une entente pour un bien ou service avec un fournisseur,
en matière d'assurance, c'est un assuré qui désire
transférer le risque potentiel que représente pour lui son
décès prématuré, sa maladie, l'incendie de sa
maison, etc., à l'ensemble d'un groupe qui a, appelons cela, les
mêmes problèmes ou les mêmes risques que lui et qui mettent
cela ensemble. La seule raison d'être de l'assureur, dans tout cela,
c'est d'agir comme gérant, pour administrer ce système. Mais
l'assuré, à l'égard des autres membres, des autres
assurés, pour que le système puisse fonctionner et avoir une
suffisance, se doit de déclarer toutes les circonstances possibles et
imaginables qui l'entourent. Un assureur ne peut pas se permettre de poser
toutes les questions précises. Il y aurait des formulaires de 150
pages, et encore cela ne serait pas suffisant. Il oublierait un certain
nombre de questions. Pour un assuré, pour la participation à la
mutualité, il y a une foule de critères qui sont importants.
Évidemment, il y a les critères objectifs de santé,
d'âge, des choses comme cela. Il y a des critères qui sont plus
subjectifs comme l'occupation, le risque moral et les choses comme cela. Il est
très important que ces choses-là puissent être
divulguées ou que l'assureur puisse, au cours de son enquête,
découvrir ces faits pour que le risque soit classifié d'une
façon équitable pour l'ensemble des autres assurés, pour
qu'un individu qui est admis à l'assurance, paie en fonction du risque
qu'il représente. C'est toute cette notion qui, au cours des
années soixante-dix, avec les tendances égalitaires que
représentent la protection du consommateur et la charte des droits et
libertés, a été un peu négligée. Ce qui fait
qu'aujourd'hui, il y a un risque de déséquilibre du
système d'assurance qu'on connaît où il y a une
participation des assurés des risques collectifs, de l'ensemble des
assurés appartenant à cette mutualité. Il y a un
déséquilibre des droits individuels par rapport aux droits
collectifs. C'est ce à quoi il faut faire attention. Probablement que
l'introduction du nouvel alinéa de l'article 2478 vient encore plus
faire pencher la balance du côté des droits individuels au
détriment des droits collectifs des assurés participant à
la mutualité, ce qui risque éventuellement de
déséquilibrer la mutualité.
Une voix: C'est peut-être une façon un peu plus
imagée, M. le député...
M. Cantin: On pourrait peut-être dire qu'il ne faudrait
pas, autant que possible, que le contrat devienne un jeu du chat et de la
souris, tout simplement.
M. Taché: Je me permettrais d'ajouter également
que, M. le député, effectivement, il ne faut pas que cela
devienne une question de ah! il n'y a pas eu de question posée, donc, je
sais qu'il y a un risque qui pourrait peut-être influencer. Mais il n'y a
pas eu de question posée et est-ce que la question porte exactement sur
cela, etc? Si la question n'est pas claire, elle va être
interprétée contre l'assureur qui a rédigé le
contrat. Alors, il faudrait, effectivement, comme Me Millette l'a dit, avoir de
multiples questions et il ne faut pas encourager le fait de jouer à ce
jeu du chat et de la souris. Il ne s'agit pas qu'il y ait seulement eu une
réticence, mais l'assureur devra démontrer que ce qui a
été caché était de nature à influencer un
assureur raisonnable. Alors, le test est un test objectif et il va falloir
démontrer, effectivement, que ce qui a été caché
était un fait important pour l'assureur raisonnable, pas pour l'assureur
en question qui a un intérêt, peut-être, à refuser
mais pour un assureur abstrait, un assureur raisonnable et le juge devra
apprécier. J'ajoute- rais également que l'assuré va
être pénalisé pour ses fausses déclarations
seulement si cette fausse déclaration-là, ou le
décès, survient dans les deux ans de la fausse
déclaration. Après deux, il obtient l'absolution à moins
que l'assureur puisse démontrer fraude et c'est particulièrement
rare que l'assureur puisse démontrer fraude. Alors, déjà
l'assuré reçoit l'absolution après deux ans en cas de
fausse déclaration. Je pense qu'on doit lui imposer une attitude de
bonne foi dans la déclaration du risque. Si, effectivement, il
connaît un fait qui est de nature à influencer l'assureur,
même si l'assureur n'a pas posé la question, je pense que cela
demeure son devoir de le déclarer.
M. Filion: D'abord, les deux ans existent déjà au
moment où on se parle. Et je saisis bien votre point de vue, je pense
que c'est bien réglé, ce n'est pas un jeu, c'est un contrat
d'assurance, c'est sérieux. Je le comprends fort bien, mais je comprends
aussi que l'assureur est en mesure, sûrement, de faire
l'évaluation des questions qu'il juge importantes, et d'ailleurs
l'avant-projet de loi le dit bien. Il ne pose pas toutes les questions. On ne
pourrait pas reprocher à l'assureur de ne pas poser certaines questions,
le texte dit bien: "L'assureur est, pour sa part, tenu - une obligation qu'on
crée, je suis d'accord - sauf quant aux circonstances inhabituelles ou
anormales - dont déjà, il y aurait une espèce de
réserve, mais - de poser des questions spécifiques au preneur sur
les circonstances reliées au risque qu'il estime importantes". Pas
toutes les questions, uniquement... mais de toute façon je pense que
votre point de vue est bien rendu et fera partie des cogitations
sûrement, c'est un point de vue extrèmement musclé que vous
présentez, et il faut le respecter.
Maintenant, en terminant, les remarques que vous faites sur les fausses
déclarations m'amènent à vous poser une dernière
question, et là je me fais un petit peu l'avocat du diable. Je ne
devrais pas, comme je le dis souvent, parce que le diable est bien
représenté dans notre société, il n'aurait pas
besoin d'avocat, mais enfin. Cela m'est venu d'une cause de jurisprudence que
j'ai lue, je ne nommerai pas les parties ni le juge, etc. C'est le cas des
fausses déclarations, précisément. Je donne un exemple:un
type signe une proposition d'assurance et déclare qu'il ne fume pas,
mais, il lui arrive de fumer deux ou cinq cigares par année. Et
ça c'est fumer, bon. Et il meurt dans un accident d'avion, disons, ou
dans un accident d'automobile ou il meurt parce qu'il est assis sur son balcon
et que la charrue lui passe sur le corps. Une mort accidentelle, qui n'a rien
à voir avec l'état de ses poumons, donc l'événement
qui provoque normalement l'ouverture du paiement d'indemnité n'est
aucunement relié à cette fausse déclaration.
Je comprends du droit actuel, et on me corrigera, comme d'ailleurs de
l'avant-projet de loi, que cette fausse déclaration, commise
à
l'intérieur des deux ans, pourrait quand même provoquer la
nullité de la police d'assurance. Et c'est là que je me fais
l'avocat du diable et que je me dis: Pourquoi ne pas prévoir, par
exemple - je ne sais pas si vous seriez contre - une clause ou une disposition
qui ferait que l'individu, l'assuré, devrait payer l'équivalent
des primes qu'il aurait payées s'il avait déclaré, mais
que quand même on ne lui retire pas, ou on ne retire pas aux
bénéficiaires le priviège d'indemnité. Alors,
écoutez, ce n'est pas dans l'avant-projet de loi, si vous voulez refuser
de répondre comme... en vertu de la charte allez-y mais, bref,
j'aimerais que vous réagissiez peut-être, vu que vous avez vos
avocats avec vous.
M. Taché: Je suis bien à l'aise pour vous
répondre, d'autant plus que la cause à laquelle vous faites
allusion...
M. Filion: Non, je ne fais allusion à aucune cause,
vraiment.
M. Taché: II n'y en a qu'une dans tout le Canada...
M. Filion: Mais n'y faites pas allusion vous non plus.
M. Taché: ...et j'y ai été impliqué
directement. Pour répondre plus sérieurement à votre
question, c'est qu'à ce moment-là, ce serait vraiment encourager
la fausse déclaration. Pourquoi? Parce que ce n'est pas une loto, on
n'achète pas un billet de loto en achetant de l'assurance en se disant:
C'est vrai que j'ai le cancer, mais je ne le dirai pas, une malchance que je
meure dans un accident d'automobile, je vais avoir la double indemnité,
je vais tout prendre. Alors à ce moment-là, il n'y a pas de
pénalité parce que le décès n'est pas relié
à la fausse déclaration. Alors, il ne faut pas encourager cela.
Si on fait un règlement proportionnel en assurance pour la vie,
contrairement à l'assurance générale, on dit qu'on fait un
règlement proportionnel, à ce moment-là, l'assuré
n'a absolument rien à perdre à faire une fausse
déclaration, parce qu'il va dire: J'aurais payé une prime qui est
double de celle que j'aurais payée, mais tout ce qui va m'arriver, c'est
que je vais être payé dans la proportion de la prime, alors je ne
perds rien à avoir fait une fausse déclaration et je vais payer
une prime moindre, et une malchance qu'ils ne trouvent pas ma fausse
déclaration, je vais avoir le plein montant et je vais avoir payé
la moitié de la prime que j'aurais dû payer si j'avais
évalué le risque; de plus, si je ne meurs pas dans les deux ans,
tant mieux, la fausse déclaration ne pourra être invoquée.
Et là, pendant 25 ans, s'il ne meurt pas pendant 25 ans, nous allons
être contents comme assureurs, parce que nous aurons perçu la
prime pendant 25 ans, nous aurons perçu peut-être la moitié
de la prime que nous aurions dû percevoir si le risque avait
été bien déclaré. C'est...
M. Cantin: Dans le même sens, est-ce que vous nous
permettriez la même chose dans nos déclarations d'impôt, M.
le député, de déclarer ce qu'on veut, quitte à ne
pas être pris?
M. Filion: Non mais, ouais... j'ai mes avocats à
côté de moi et ils me disent de ne pas répondre.
Des voix: Ha, ha, ha. M. Filion: Blague à
part....
M. Cantin: Je retire ma question, M. le député.
M. Filion: Blague à part, les arguments sont
présentés... D'ailleurs, l'avant-projet de loi est à peu
près silencieux là-dessus. Je retiens de vos propos que ce n'est
pas une loterie. Vous avez raison. D'un autre côté, au moment
où cela a été signé et au moment où
l'événement arrive, en deux mots... Vous savez qu'on
réintroduit dans notre code certaines notions de faute lourde et de
faute légère. C'est contesté d'ailleurs, mais
l'avant-projet de loi réintroduit certaines notions... En deux mots, il
y a fausse déclaration et fausse déclaration. Mais, quand
même, peu importe, si je dis une chose qui n'est pas inexacte, c'est une
fausse déclaration. Là, on applique ce que j'appellerais
peut-être le châtiment suprême, c'est-à-dire la
déchéance complète de la police. Alors qu'il pourrait
peut-être exister l'évaluation.
M. Taché: Effectivement, un cigare, ou deux ou trois,
n'ont pas l'air importants. Mais, si on dit que les dix premiers cigares ne
sont pas une faute lourde, on va payer, qu'est-ce qui fait qu'il y a la
sanction suprême rendu au onzième? C'est aussi difficile à
justifier que le premier ou le deuxième.
M. Filion: Oui, mais en tout cas, quand on meurt d'un accident
d'avion et que la veuve et les enfants ne reçoivent aucune
indemnité, je dois vous dire que ce sont des cigares qui ont
coûté cher.
M. Taché: Ce sont des cigares qui ont coûté
cher.
M. Filion: Ce sont des cigares qui ont coûté
cher.
M. Taché: Si la déclaration avait été
franche, le montant aurait été payé.
M. Cantin: Par contre, il y a un avantage par rapport à
l'assurance générale. En assurance-vie, après le contrat,
on peut recommencer à
fumer, sans être obligé de déclarer le risque
à l'assureur.
M. Filion: Cela va.
La Présidente (Mme Bleau): Merci, M. le
député. Nous allons céder la parole, pour la
dernière remarque, à M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Encore une fois, nous aimerions remercier
l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc, pour sa
contribution à nos travaux, et la féliciter pour la
présentation et les réponses qu'elle nous a fournies. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Bleau): Au nom de la commission, MM.
Taché, Millette et Cantin, nous vous remercions d'avoir bien voulu vous
présenter aujourd'hui.
Nous ajournons nos travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 20)
(Reprise à 20 h 10)
Le Président (M. Filion): À l'ordre! La
sous-commission des institutions reprend ses travaux. Nous sommes à
exécuter notre mandat de consultation générale
relativement à l'avant-projet de loi portant réforme au Code
civil du Québec au chapitre du droit des obligations. Nous avons devant
nous les représentants de l'Association provinciale des assureurs-vie du
Québec. Je demanderais à la personne qui pilote cette
délégation de bien vouloir s'identifier, identifier, les
personnes qui l'accompagnent et nous faire une brève présentation
du mémoire pour que nous puissions par la suite échanger divers
propos à son sujet.
Association provinciale des assureurs-vie du
Québec
M. Gagnon (Robert): Merci, M. le Président. Je m'appelle
Robert Gagnon, je suis vice-président de l'Association provinciale des
assureurs-vie du Québec. Il me fait plaisir de vous présenter les
membres qui représentent cette même association. À mon
extrême gauche, Me Line Lavergne, responsable du contentieux; M. Gerry
Owendyk, membre du conseil d'administration et responsable de différents
comités et Me Louise des Trois-Maisons, assureur-vie
agréée.
Il est peut-être important pour le bénéfice de
certains membres qui ne connaîtraient pas l'association provinciale de
vous en faire une brève description. L'APAVQ est une association
professionnelle agréée par l'Inspecteur général des
institutions financières, sous l'autorité de l'article 327 de la
Loi sur les assurances, qui lui permet de conférer à ses membres
le droit d'excercer la profession d'assureur-vie. L'association est, de plus,
agréée pour prescrire des règles d'éthique à
ses membres.
Elle impose un code de déontologie, axé sur la protection
du consommateur; les plaintes formulées contre ses membres sont
instruites par un comité de discipline composé de cinq membres et
présidé par un avocat.
Créée au début des années soixante, elle
regroupe, par adhésion volontaire, près de 6000 assureurs-vie,
répartis dans 18 associations régionales, dont certaines existent
depuis le début du siècle.
Dirigée par un conseil d'administration composé de treize
assureurs-vie élus, et de deux représentants du public,
nommés par l'Inspecteur général des institutions
financière, l'APAVQ, dont le siège social est à
Montréal, compte un personnel de seize employés permanents,
comprenant un directeur général, un responsable du service des
affaires juridiques, un responsable du registre et des affaires courantes, un
responsable de l'éducation et de la liaison régionale, et
également un responsable des communications. Les douze comités
permanents, auxquels s'ajoutent les commissions ou comités
d'étude, planifient ses orientations et activités diverses.
Dans le domaine de la formation, l'association publie et distribue le
manuel d'étude pour le candidat à l'examen d'obtention du
certificat d'exercice, et impose également un cours de formation
obligatoire que le membre doit compléter pour devenir membre titulaire.
L'APAVQ offre aussi des activités d'éducation permanente
L'assureur-vie membre chez nous peut devenir assureur-vie agréé
en réussissant les cours universitaires conduisant à cette
désignation; ces cours sont dispensés en collaboration avec
l'association. Intégré aux structures de l'association,
l'Institut des assureurs-vie du Québec regroupe les membres AVA et CLU
du Québec.
C'était là un bref résumé, M. le
Président, de l'association.
J'ai maintenant l'occasion de vous remercier de nous donner l'occasion
de présenter nos différents commentaires concernant surtout -
vous allez bien le comprendre - l'aspect pertinent qui touche principalement le
domaine de l'assurance-vie concernant la refonte du Code civil.
Louise va commencer. On ne voudrait pas passer les articles un par un,
pour vous laisser plutôt l'occasion de poser des questions. Je dois
souligner que le comité s'est penché sur cette étude en
examinant chaque article. Avec le peu de temps que nous avions, nous avons
recueilli le maximum de commentaires pour vous les livrer. Louise, sans plus
tarder.
Le Président (M. Filion): Mme des Trois-Maisons, je vous
en prie.
Mme des Trois-Maisons (Louise): D'accord. Je vais suivre
jusqu'à un certain point la liste
des points saillants qu'on a dressée, puis vous pourrez poser des
questions sur d'autres points qui ne sont pas traités ici.
Donc, la terminologie, on aimerait, vu qu'il y a la jurisprudence et la
doctrine, que l'on conserve le plus possible les expressions consacrées.
Si elles ne sont pas tout à fait à la mode et pas tout à
fait françaises, parce que cela a évolué, ce qui
était français hier ne l'est parfois plus aujourd'hui, on
demanderait quand même que les expressions consacrées soient
conservées le plus possible.
De plus, comme on avait le plaisir de travailler à notre
comité d'étude avec des gens de langue maternelle anglaise et
d'autres de langue maternelle française, on a eu l'observation que la
version anglaise devrait peut-être être retouchée avant de
la rendre définitive. Entre autres, on a pu voir le mot "client". Eh
bien, en assurance, savez-vous une chose, tout le monde est client. Alors, la
compagnie d'assurances est une cliente pour plusieurs avocats ici;
l'assuré est un client, le bénéficiaire est un client,
quand cela ne va pas bien et il y en a plusieurs qui se tirent... Alors, il
faut préciser.
De plus, je passe à l'insertion au Code civil des règles
d'application en assurance collective. Nous avons été surpris de
voir qu'elles n'y étaient pas, parce qu'actuellement elles sont dans le
règlement d'assurance à 32 R 1 et elles sont le coeur même
de l'assurance collective. Or, l'assurance collective, ce sont des billions de
dollars et c'est un peu osé que de laisser toutes ces règles qui
sont le coeur même de l'affaire dans des règlements qui ont la
fragilité des règlements alors qu'on pourrait facilement les
insérer dans la loi. Et d'ailleurs, votre avant-projet de loi y
réfère. Par exemple, dans l'article 2461, alinéa 3, vous
parlez de groupe déterminé. Le groupe déterminé,
c'est un fantôme dans le Code civil. On le trouve dans le fameux
règlement, d'accord? Donc, nous soumettons cela à votre
réflexion.
Je passe à l'autre élément. J'aimerais que vous
définissiez le mot "famille" parce que spécialement, en assurance
collective, quand on a les garanties d'assurance dentaire, les garanties
d'assurance-maladie, il y a des "packages" familiaux et il y a des couvertures
pour célibataires; le sens du mot "famille" varie en définition
d'une police d'assurance à l'autre. Alors, l'adhérent qui dit: Je
veux une couverture familiale, qu'a-t-il dans la tête? Qu'est-ce que la
compagnie d'assurances a dans la tête? Cela fait combien de temps qu'on
exige que des personnes soient "conjoints de fait", par exemple? Certaines
compagnies, deux ans, d'autres, un an et d'autres, si l'individu marié,
il faut qu'il ait été séparé pendant tant de temps.
Je laisse cela à votre bon jugement.
Je passe à l'autre élément qui est la prise
d'effet. Alors, la prise d'effet, c'est un élément très
important en assurance. Vous avez demandé la formation du contrat
d'assurance dès l'accep- tation de la proposition, mais en ajoutant en
plus qu'il fallait une acceptation formelle. Or, je peux vous dire que
l'acceptation formelle tarde parfois à venir, mais une alternative
à laquelle vous n'avez pas pensé, c'est que parfois, elle ne
vient jamais. Parce que nous, nous sommes ceux qui sont en contact avec les
assurés. On appelle cela le plancher des vaches, d'accord? Alors, on
sait ce qui se passe sur ce plancher et cela arrive qu'on ne reçoit pas
l'acceptation formelle. Alors, je vous réfère à la cause
de Francine Provost-Cooper versus Crown Life. J'ai la citation ici. Pour ne pas
vous retarder, si vous êtes intéressés, vous me le dites et
je vous donne copie du jugement. C'était quelqu'un qui a
été approuvé, mais comme on a avisé qu'il
était à l'hôpital, l'agent d'assurances a reçu ordre
de son siège social de retourner la police au siège social avant
la délivrance de la police, ce qui nous amène à dire que
la prise d'effet en invalidité demande fortement qu'elle soit, suivant
le même principe qu'en assurance-vie, c'est-à-dire dès
qu'il y a eu une première prime payée et une acceptation. Alors,
on pourrait, vu qu'on est vraiment en contact tous les jours avec les
assurés, on pourrait vous conter plusieurs choses qu'on a tous
vécues ici, qui seraient en preuve et qui souligneraient l'importance de
cette demande. Parfait.
Nous sautons aux divergences. Alors, sûrement vous avez
pensé à Faubert versus L'Industrielle. Donc, cela peut être
très lourd pour les compagnies d'assurances d'avoir à
définir tous leurs termes ou d'avoir à souligner leurs
exclusions. Cela peut être très lourd pour les compagnies
d'assurances d'avoir à souligner chaque fois toutes les exclusions ou
leur façon de définir les termes. Alors, on peut comprendre
qu'elles ne favorisent peut-être pas le texte de l'avant-projet qui est
l'article 2470, l'alinéa 2. Quant à nous, nous croyons qu'il faut
un avis qui ne sera pas nécessairement un troisième document,
comme vous l'avez suggéré. Vous savez, il y a beaucoup plus de
trois documents dans certains cas et cela arrive plus souvent qu'on le croit
qu'il y a plus de trois documents. Alors, il faut tout simplement que la
compagnie d'assurances avise que la terminologie ne sera pas dans le sens
habituel de la façon que les assurés normalement l'entendent ou
qu'elle présentera une exclusion supplémentaire par rapport
à quelqu'un d'autre qui fait le cas normalement, d'accord?
Maintenant, vous avez suggéré à l'article 2468,
à l'alinéa 2 que les renouvellements soient identiques à
moins qu'il y ait eu avis. Eh bien, nous vous félicitons de cette
initiative. Il y a eu des cas tragiques qui sont survenus avec le fait qu'on ne
se soit pas aperçu, quand une police est revenouvelée plusieurs
fois, qu'elle est maintenant tout d'un coup divergente. C'est très lourd
pour un courtier ou un agent d'assurances de commencer à vérifier
des tas de pages pour voir si, par hasard, il y a une virgule
déplacée ou si un paragraphe a été enlevé,
surtout en
collectif où les polices ont souvent cette épaisseur.
Alors, on vous félicite. On est d'accord pour qu'il y ait un avis quand
il y a un changement dans un renouvellement. C'était "Victoria
policies"... probablement, qui vous a inspirés.
On passe aux déclarations. Les questionnaires, on a vu, on a
écouté l'ACCAP. Sur tout ce que l'ACCAP vous a dit, on est tout
à fait d'accord. En fait, si vous aimez la lecture, on peut dire que
toute la littérature est très petite à côté
de l'avis. Même si on ne prenait que les gens de cette salle, je suis
sûre que si on observait leur passé, on verrait des choses
beaucoup plus vastes, peut-être, que tout ce qu'il y a dans les livres.
Alors, un questionnaire, on n'en viendrait jamais à bout, de demander ce
qu'il faut savoir, et puis on alourdirait beaucoup les transactions
d'assurance. Nous croyons que les assurés ne sont pas aussi fous qu'on
le croit. Ils ont une idée de la matérialité des faits
qu'ils doivent déclarer et ils nous demandent parfois, ils nous posent
des questions, et on peut les aider à savoir s'ils doivent dire qu'ils
ont eu un rhume trois fois l'année précédente ou s'ils
doivent dévoiler qu'ils ont eu une pneumonie. On va savoir que dans un
cas, c'est non, et dans l'autre, c'est oui, il faut le dévoiler. Alors,
nous suggérons que cette idée du questionnaire et des
déclarations déjà précisées par questions
soit enlevée.
Assuré normalement avisé. C'est un animal qu'on ne
connaît pas encore. Il faudra bien nous l'expliquer parce que, nous, on
essaie de l'imaginer et on ne peut pas savoir comment est fait ce fameux
fantôme. Alors, on suggère de l'enlever parce qu'on va ouvrir la
porte probablement à des abus qui font que les compagnies, les actuaires
auront beaucoup de difficultés à évaluer la sorte de
réserves qu'ils devront mettre de côté.
Aggravation du risque professionnel persistant six mois ou plus. Il faut
le dévoiler. Eh bien, il faudrait - je ne sais pas comment vous pourrez
le faire - demander aux compagnies d'assurances de nous donner des lignes
directrices. Actuellement, nous n'en avons aucune et nous y allons un peu
à la devinette, parce que la science de l'actuariat n'exige pas tout
à fait la même formation que - loin de là, d'ailleurs
-celle qui est requise pour transiger en assurance comme intermédiaire.
Dans le mémoire, on a donné l'exemple suivant. Si vous arrivez
avec une trentaine d'architectes, est-ce que vous devez dévoiler
lesquels vont au chantier de construction ou si l'actuaire a
déjà, dans le coût de ses primes, tenu compte que,
probablement, sur une firme d'architectes de 30, vous en aurez quatre ou cinq
qui iront sur les chantiers de temps en temps.
Maintenant, la discrimination. C'est très lourd pour le preneur
ou le futur titulaire de police d'avoir à deviner qui est agent et qui
est courtier. D'abord, c'est la mode maintenant, pour les agents exclusifs, de
dire qu'ils sont cour- tiers, à tort ou à raison, on ne juge pas.
Mais, comment va s'y prendre le futur détenteur de police pour
distinguer s'il est véritablement courtier, ou s'il est courtier
seulement quand il est en compétition, ou seulement quand, à sa
connaissance, il devrait l'être. Alors, c'est beaucoup demander.
Le mandat de l'assureur. On a entendu les courtiers en assurance de
dommages et on a entendu l'ACCAP sur le mandat de l'assureur. Alors, nous
croyons qu'on doit maintenir cet article, parce que nous voyons des situations
extrêmement ambiguës. Pour cet article, vous avez probablement
été inspirés par la cause de Blondin, qui parlait du
mandat apparent. Mais, il y a des cas encore plus ambigus, plus incroyables,
qu'on voit sous nos yeux. On aimerait que ce soit retenu ou que, pour le moins,
si de le maintenir vous effraie, vu qu'il y a eu tellement de
représentations contre, il y ait un mi-chemin c'est-à-dire que,
dès qu'il y a eu des gestes posés par le client d'engagement d'un
assureur donné, à partir de ce moment-là
l'intermédiaire en assurance de personnes devienne le mandataire de la
compagnie d'assurances, surtout en assurance collective et surtout lorsqu'il
n'y a pas de remplacement d'assurance collective. Ce que je veux dire, pour
vous permettre de visualiser, c'est que si le client signe un papier disant que
vous serez le chargé de service d'un compte irrévocablement pour
tant de temps, par exemple, et que vous déposez ce papier à la
compagnie d'assurances, la plupart des compagnies d'assurances vont, à
partir de ce moment, vous adresser, en tant qu'intermédiaire, toute la
correspondance. Toutefois, elles peuvent vous dire que vous n'êtes pas
encore le mandataire, et elles le font. Elles le font quand elles ont
déjà payé l'autre courtier qui était
impliqué dans le cas et qu'elles l'ont payé pour l'année
en cours au complet. On appelle cela annualiser les commissions. Alors, au lieu
de réclamer du courtier en place une reprise des surplus payés,
on ne se pose pas la question à savoir s'il est solvable ou non. On se
dit: On le garde au dossier jusqu'au renouvellement. Mais, pendant ce
temps-là, vous avez un autre intermédiaire qui est en train de
poser des gestes de mandataire de l'assureur. Vous avez des cas très
ambigus de cette façon. Vous verrez, on a expliqué à
l'aide de plusieurs paragraphes là-dessus.
Je passe maintenant à la spéculation. En ce qui concerne
les contrats de tontines, on croit que vous devez garder l'ancien article. Les
joueurs ne sont pas un phénomène disparu, cela fait partie de la
nature humaine, il y en aura toujours. Alors, pourquoi faire des tentations?
Pour l'intérêt susceptible d'assurance, on propose que les
articles qui existaient soient conservés. Mais, vous allez plus loin...
C'est-à-dire que non, vous revenez en arrière. Vous demandez
qu'il y ait un intérêt assurable lors d'une cession de police.
Nous croyons que, jusqu'ici, nous n'avons pas eu de problème avec
l'article actuel. Nous
vous suggérons de ne pas changer cette disposition lors d'une
cession de police. Là, si vous vous mettez à nous demander
jusqu'à quel point il y a un intérêt assurable lors d'une
cession de police, on ralentit beaucoup les transactions qui appartiennent bien
souvent au monde commercial. Si vous avez des raisons très
sérieuses d'exiger un intérêt assurable pour les cessions,
peut-être. Mais, jusqu'ici, vous ne nous avez pas démontré
qu'il y a des raisons sérieuses d'exiger l'intérêt
assurable lors d'une cession de police.
Le Président (M. Brouillette): Mme des Trois-Maisons, il
vous reste seulement trois minutes pour conclure.
Mme des Trois-Maisons: Parfait! Dans les incessibilités,
on aimerait que cela soit conservé tel quel. Le contrat de
réassurance, comme c'était secondaire... Là, j'arrive
à des points qui étaient plus secondaires pour nous.
Les points importants qui nous tenaient le plus à coeur, on vous
les a donnés. Pour le reste, vous verrez les points et, si vous avez des
questions, vous nous les posez. Merci.
Le Président (M. Brouillette): Maintenant, je vais
reconnaître le député de Marquette, adjoint parlementaire
du ministre de la Justice.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Tout d'abord,
j'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association
provinciale des assureurs-vie du Québec pour leur contribution à
nos travaux. J'aimerais également leur souhaiter la bienvenue et les
féliciter pour le magnifique travail qu'ils ont fait. (20 h 30)
Ma première question, je pense que vous y avez répondu,
porte sur la nature du mandat du courtier. Si je comprends bien, vous vous
dites favorables. De mémoire, je crois que c'est l'article 2484 qui
parle de la présomption du courtier qui agit pour et au nom de
l'assureur, mais seulement au moment où le risque est placé,
c'est-à-dire qu'il n'y a plus de risque.
Mme des Trois-Maisons: II y a eu deux alternatives. Il y avait
une alternative où notre équipe était d'accord avec ce que
vous proposez. Mais, en deuxième alternative, si vous devez faire
certaines concessions, nous vous suggérons l'alternative décrite
par la suite.
M. Dauphin: D'accord. Vous suggérez d'en faire le
prolongement au chargé de service, pourriez-vous nous indiquer ce que
vous entendez par chargé de service en assurance collective?
Mme des Trois-Maisons: Quand vous entrez... Non, je vais
commencer plus loin. Par exemple, vous avez un employeur qu'un courtier visite
et vous faites l'étude de ce qu'il y a sur la table. Vous êtes
mandataire de l'employeur.
Vous regardez les documents, etc. À un moment donné, vous
dites à l'employeur: Oui, mais cette garantie devrait être
amendée parce qu'il y a eu une évolution dans le monde de
l'assurance parce que maintenant vous avez un meilleur budget pour ajouter
l'assurance dentaire, par exemple. L'employeur vous dit: Bon, très bien.
Maintenant, très souvent, quand vous avez fait ce travail, l'employeur
se sent très mal à l'aise de dire: Bonjour, monsieur, bonjour,
madame, on est bien content de s'être connu, adieu. En
général, il va s'être créé une relation entre
l'employeur - entre le preneur, si vous voulez - et le nouvel
intermédiaire. Il va dire: Écoute, j'aime bien l'autre, mais
j'aimerais mieux que cela soit toi qui fasses les changements sur ma police
d'assurance collective. À ce moment-là, il va signer un
écrit disant à la compagnie d'assurance: Vous pouvez tout
divulguer sur moi, l'expérience actuarielle et tout ce que vous voulez
sur moi. Le nouveau courtier sera chargé de s'occuper du cas en
existence. Peut-être que l'employeur n'ira même pas en soumission
sur le marché. Peut-être que pour mille et une raisons, il est
satisfait de l'assureur et il veut rester avec l'assureur, mais il a
changé d'intermédiaire dans sa tête. Vous allez voir la
compagnie d'assurance avec ce fameux papier. La compagnie vous ouvre tous ses
livres, elle vous fournit l'historique actuariel et va même vous envoyer
de la correspondance. Mais, si par hasard, elle a annualisé... ou
parfois ce sont d'autres raisons, mais la raison que je vois de temps en temps
c'est qu'elle a annualisé l'autre courtier qui était avant le
nouvel intermédiaire. Cela veut dire collecter pour les mois qui restent
à suivre. Le nouveau courtier qui arrive dans le cas, est mandataire de
qui, quand il reçoit la correspondance de la compagnie d'assurance? La
compagnie d'assurances va lui dire: Excuse, ce n'est pas toi qui es le courtier
sur le cas, c'est l'autre qui était là avant toi. Regarde, je
continue de lui payer les commissions. Parfois une compagnie d'assurances a
peur que vous alliez en soumission sur le marché. Les gens ne sont pas
très heureux de vous voir comme nouveau courtier dans le cas. Ils ne
sont pas très favorables à donner un nouveau mandat au nouveau
courtier. Ils gardent l'ancien courtier dans les livres et vous, vous
êtes "in limbo", totalement "in limbo". Vous continuez d'agir parce que
vous voulez garder le client. Mais, la responsabilité civile
vis-à-vis du consommateur est quelque chose. Vous n'avez pas tout
à fait toutes les marges de manoeuvre. Légalement, vous savez
très bien, surtout si vous avez le "background", ce qui vous pend au
bout du nez, que vous pouvez être renvoyé par la compagnie,
n'importe quand. Vous avez reçu zéro rémunération.
Qui êtes-vous? Mais vous recevez tous les papiers et vous avez le contact
avec le client. Parce que c'est très délicat, la compagnie
d'assurances ne veut pas blesser le client. D'un autre côté, elle
ne vous veut pas car elle a peur que vous alliez en soumission. Ce sont des
situations difficiles. Je suis sûre que vous avez pensé
à tout cela quand vous avez fait l'article. Mais, naturellement, il faut
un juste milieu. Avec la loi actuelle, on n'a pas le juste milieu. C'est
sûr. Quoi qu'en disent nos prédécesseurs autour de cette
table.
M. Dauphin: Merci. J'aurais une deuxième question. Vous
avez effleuré le sujet tantôt, c'est-à-dire le contrat de
tontines. Pourquoi croyez-vous que la levée de l'interdiction de ce
genre de contrat entraînerait une avalanche...
Mme des Trois-Maisons: Depuis que j'ai vu le film de Sherlock
Holmes.
M. Dauphin: ...de Sherlock Holmes? C'est depuis ce
temps-là.
Mme des Trois-Maisons: Je ne pense pas très souvent au
contrat de tontines, mais aussi toute l'équipe, il y en a qui ont vu ce
film. C'était le sentiment spontané de toute l'équipe.
Vous pourriez peut-être dire quelque chose, vous étiez tellement
spontané, je vous cède la parole. On s'est regardé et on
s'est demandé avec qui on finirait notre... si on peut dire.
Mme Lavergne (Line): Effectivement, c'est ouvrir la porte
à toutes sortes d'abus de ce côté-là. Je regardais
récemment un programme de télévision. Des gens prenaient
des gageures sur quand l'homme mourrait. Il était atteint d'un cancer.
Ils ont tous pris un billet. Ils avaient la date... Il y a 24 personnes et
c'était une heure dans la journée ou l'homme mourrait, et puis
c'est celui qui... les billets se vendaient 10 000 $ et c'était celui
qui obtiendrait la bonne heure qui gagnerait. Alors, cela ouvre la porte
à des choses comme cela.
Le Président (M. Brouillette): Oui, allez-y monsieur.
M. Owendyk (Gerry): Le monde de l'assurance-vie ne doit pas
être égalisé avec le monde de Las Vegas.
M. Dauphin: Je vais laisser la chance à mon
collègue de Taillon de poser des question et j'y reviendrai
tantôt.
Le Président (M. Brouillette): Je vais reconnaître
le député de Taillon, porte-parole de l'Opposition.
M. Filion: Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire vous faites allusion, avec une dissidence remarquée quand
même, au fait qu'en ce qui concerne la désignation de
bénéficiaire, votre association voudrait que
l'irrévocabilité ne soit pas la règle lorsqu'il y a
stipulation du conjoint comme bénéficiaire. Bon, pour bien situer
le débat, premièrement, vous me corrigerez si je me trompe, mais
dans l'état actuel du droit, la désignation du conjoint à
titre de bénéficiaire est irrévocable, à moins
qu'il ait été stipulé autrement, et l'avant-projet de loi
n'apporte pas de modification à ce sujet-là. Vous aimeriez que le
projet de loi en apporte pour faire en sorte que cette stipulation puisse avoir
un caractère révocable. D'abord, je m'interroge sur le pourquoi
de cette clause. Ce doit être pour protéger le conjoint,
finalement, ou bien simplement pour protéger cette notion de famille. Je
me demande si on ne m'avait pas, à l'époque, enseigné
qu'il y avait un cercle de bénéficiaires désignés,
est-ce que je me trompe?
M. Gagnon: Privilégiés. Une voix: Dans le
temps, oui.
M. Filion: Privilégiés, bon. Alors ce doit
être une espèce de conséquence de ce concept de
bénéficiaires désignés, et vous voudriez changer
cette clause du Code civil. Je voudrais savoir pourquoi, finalement?
Mme des Trois-Maisons: Ce n'est pas à moi que vous devez
le demander, parce que je ne voulais pas la changer.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme des Trois-Maisons: Je suis la dissidente. J'ai
travaillé sur le mémoire sur les droits économiques des
conjoints, et le comité d'étude était principalement
composé d'hommes - c'était au Barreau - et ils ont dit: On a
enlevé tellement de choses à la femme sans même qu'elle
s'en aperçoive que... eh bien là, j'aurais envie de dire à
ces ex-collègues: Nous sommes en train de continuer la même chose.
On a enlevé avec 2555, on a instauré 2555 qui fait que les
désignations, lorsqu'il y a divorce, tombent automatiquement, les lobbys
de femmes ne s'en sont pas aperçu, sinon vous auriez perdu, des deux
côtés, beaucoup de votes, et puis...
M. Filion: Bien là il faut que cela aille quelque part
quand même.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Filion: Bon d'accord, est-ce qu'il y a quelqu'un, pas vous Me
des Trois-Maisons, mais est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut nous expliquer le
pourquoi de cette position?
Mme Lavergne: Je pense que M. Gagnon est bien placé pour
répondre à la question.
M. Gagnon: En fait, il y a peut-être deux
éléments ou deux côtés à la question des
bénéficiaires. Il faut être conscient évidemment par
la pratique et l'habitude de ce qu'on reconnaissait, vous y avez fait allusion,
les bénéficiaires
privilégiés qui étaient l'épouse et les
enfants. Évidemment, à moins de consentement de l'épouse,
on ne pouvait effectivement modifier cette désignation, sauf d'attendre
que les enfants, une fois désignés, atteignent l'âge de la
maturité, qui était alors 21 ans. Dans l'industrie de
l'assurance-vie, aujourd'hui, il faut tenir compte aussi que des
bénéficiaires irrévocables peuvent être, dans bien
des cas, des créanciers. Ce n'est pas nécessairement toujours des
conjoints. Alors ce peut être effectivement pour une question d'emprunt,
vous vous assurez sur la vie et si, moi, je vous prête de l'argent, je
veux être bien certain que c'est moi qui vais être
bénéficiaire de la police d'assurance, et que vous ne pourrez pas
modifier cette désignation sans que je puisse donner la permission.
Alors, nous avons comme intermédiaires en assurance de personnes la
difficulté d'application de voir à l'émission de la
police, ou lors d'une modification de désignation de
bénéficiaire, quelles seront les conséquences
éventuelles, soit lors d'un divorce ou lors de la cession d'un bien
où il y a eu une créance, quelle est le pouvoir ou la
possibilité pour le détenteur de police, le payeur de prime, le
contractant de pouvoir ou non modifier effectivement la désignation
originale. Alors on assume une certaine responsabilité, comme
intermédiaire, entre notre client et la compagnie d'assurances. On sait
très bien dans la pratique que sur des propositions que l'on doit
compléter à chaque émission de contrat, déjà
les compagnies, pour faire contour à cette désignation,
inscrivent sur toute désignation de bénéficiaire
qu'à moins de désignation contraire, tous les
bénéficiaires sont révocables. Alors il faut être
bien certain que lorsqu'on désigne un bénéficiaire,
même quand c'est le cas de l'épouse, indépendamment de la
loi, le fait que c'est déjà précisé sur la formule,
qu'elle est irrévocable, il faut ajouter qu'elle est irrévocable.
Or, cela crée un certain malaise, puis au moment où on se penche
sur la question de désignation, à savoir ce qui est mieux de
désigner bénéficiaire révocable ou
irrévocable comparativement au bénéficiaire
privilégié antérieur. Alors, on voulait simplement vous
laisser une réflexion là-dessus, aux fins d'application pratique
conséquente à cela. Cela va?
Le Président (M. Filion): Cela va. Je ne sais pas si mon
collègue, le député de Marquette, est prêt à
revenir sur la tontine.
M. Dauphin: Oui, je peux y revenir en ce sens que - on en a
justement discuté tantôt - l'hypothèse que l'on voyait
c'est que, par exemple, trois associés dans une entreprise ont
été victimes d'un infarctus, donc pas assurables. Est-ce qu'ils
ne pourraient pas conclure entre eux, par exemple, qu'ils investissent chacun
5000 $, et le premier qui décède, l'argent va aux survivants?
C'est dans ce sens-là. Dans certaines circonstances, est-ce que cela ne
pourrait pas être utile?
Mme des Trois-Maisons: Dès que vous entrez dans le
partnership où il y a plusieurs personnes, sur quatorze, j'en fais
souvent même plus de quatorze, il y a presque toujours une ou deux qui ne
sont pas assurables, mais vous pouvez maintenant obtenir de l'assurance sans
preuve d'assurabilité d'une autre façon. Je ne m'étendrai
pas sur les technicalités, mais à moins que ce soit de
très gros montants, mais si ce sont des montants de quelque 100 000 $,
cela ne présente pas vraiment de problème. Il y a des compagnies
qui sont prêtes à émettre certains montants sans preuve
d'assurabilité lorsqu'il y a plusieurs personnes: 10 ou 14. Mais il ne
faut pas s'imaginer que c'est loin de la réalité. J'ai
reçu un appel téléphonique chez nous, il n'y a pas
longtemps, de quelqu'un qui me disait: Est-ce que la compagnie doit conserver
l'assurance de 2 000 000 $ qu'elle a sur moi et de 2 000 000 $ qu'elle a sur
mon partenaire"? On était en train de souper. J'ai dit: Je vais
rappeler. J'ai fait le tour de la table. Je l'ai rappelé et j'ai dit:
Annulez cela au plus vite. On ne sait pas, il y en a eu des assassinats dans
les années 1982 et 1983. Cela ne se crie pas sur les toits, mais c'est
arrivé, surtout aux États-Unis.
M. Doyon: C'était justement chez les avocats.
Mme des Trois-Maisons: Non, c'étaient des
développeurs. Ils n'étaient pas avocats.
M. Dauphin: Merci beaucoup.
Le Président (M. Brouillette): M. le député
de Taillon.
M. Filion: Cela va peut-être pour l'article 2468,
deuxième alinéa, vous suggérez une modification au texte
afin de permettre à l'assureur de modifier le contrat et vous proposez
d'ailleurs un texte à ce sujet-là.
Mme des Trois Maisons: Oui.
M. Filion: Le but de ma question porte sur le mot "police" que
vous employez dans le deuxième alinéa de 2468 et dans votre texte
proposé.
Mme des Trois-Maisons: Vous auriez mis quoi?
M. Filion: Contrat.
Mme des Trois-Maisons: Ah oui.
M. Filion: On s'entend là-dessus?
Mme des Trois-Maisons: Oui, la question de sémantique.
Pourvu que le concept soit là que
l'assureur tout de même a le droit... Je ne sais pas pourquoi ils
ne l'ont pas fait en représentation. Cela leur est favorable. L'assureur
doit conserver son droit de modifier des contrats lorsqu'il offre un
renouvellement, mais il doit aviser.
M. Filion: Me Lavergne.
Mme Lavergne: D'ailleurs, une police a été
émise, car l'article 2468, alinéa 2, dit bien: "En matière
d'assurance terrestre, la police..." Alors, on a simplement remis les
mêmes termes qui avaient été mis dans l'avant-projet de loi
et on a ajouté à la fin pour compléter le tout.
M. Filion: C'est bien, en ce qui me concerne. J'ai pris bonne
note du fait que vous proposez que la loi devrait définir, non seulement
le groupe déterminé, mais toute une série de dispositions
contenues dans le règlement plutôt que la loi.
Mme Des Trois-Maisons: C'est exact. On vous a mis les
numéros d'articles.
M. Filion: C'est la première fois que j'en prends
connaissance, quant à moi. C'est assez épais effectivement.
Mme des Trois-Maisons: C'est la clé. (20 h 45)
M. Filion: Oui, mais c'est une clé qui...
Mme des Trois-Maisons: Ce sont des millions et des millions qui
sont dans le règlement. Ce n'est pas croyable.
M. Filion: Non, je pense que vous nous avez sensibilisés.
Je pense que ce serait important d'aller chercher ce qui est saillant.
Mme des Trois-Maisons: Oui, cela peut voguer comme les
embarcations sur l'océan, d'un côté et de l'autre, dans un
règlement.
M. Filion: Oui, voilà. Maintenant, je vous remercie
d'avoir sensibilisé la commission, les membres de cette commission
à cela, mais en ce qui concerne le mandataire, je pensais... En laissant
nos travaux à 18 heures tantôt, je trouvais que c'était une
bonne idée, mais elle est un peu plus claire maintenant. Vous
suggérez une formule qui créerait finalement une distinction
entre l'assurance terrestre et l'assurance des personnes...
Mme des Trois-Maisons: Oui, de dommages, vous voulez dire.
M. Filion: ...et qui reviendrait pratiquement à cela.
Mme des Trois-Maisons: L'assurance de dommages.
M. Filion: Oui.
Mme des Trois-Maisons: Vous ferez ce que vous voudrez en
assurance de dommages parce que c'est un domaine qu'on n'a pas
touché.
M. Filion: Oui, mais là, ce que vous appelez le
client...
Mme des Trois-Maisons: D'accord. On ne sait pas ce qui est le
mieux ou le moins bon.
M. Filion: Oui, mais le problème, c'est ceux que vous
appelez ou que vous ne voulez pas appeler le client, mais que vous avez
appelé tantôt le client quand même, et là, on
l'appellera client; lui, il ne fait pas trop trop de distinctions quand il va
chez son courtier qui lui offre parfois des services d'assurance-vie et,
autrefois, des services d'assurance-dommages.
Mme des Trois-Maisons: Bien, quand il fera des transactions ou
qu'il sera en train de poser des gestes en assurance de personnes, vous pouvez
appliquer le principe. Mais la plupart des assurances ne sont pas prises chez
les courtiers en dommages, elles sont prises chez des courtiers en assurance de
personnes ou chez les agents exclusifs en assurance de personnes.
M. Filion: Oui, c'est vrai.
Mme des Trois-Maisons: Ce sont des cas exceptionnels. Je ne suis
pas contre, mais il faut quand même voir comment le consommateur se sent
aussi. Quand il vient nous voir, comme les exemples que je vous donnais, il
s'imagine qu'on est mandataire de l'assureur. Il est convaincu. Il ne se rend
pas compte qu'on a eu un blocage, mais le blocage a fait qu'on pourrait
probablement prouver mandat apparent, mais ce n'est pas agréable du tout
du tout d'embarquer dans le mandat apparent, le moins possible.
Mme Lavergne: Si je peux me permettre un petit commentaire
supplémentaire, cela vient tout du fait que l'assurance-vie par rapport
à l'assurance de dommages ne s'achète pas, elle se vend. Alors,
quand vous achetez une voiture ou que vous achetez une maison, vous vous dites:
J'ai besoin d'une assurance contre l'incendie, j'ai besoin d'une assurance pour
ma voiture. Si ma belle voiture se fait tout écrabouiller, je vais y
perdre. Mais l'assurance-vie, vous y pensez moins. C'est quelqu'un qui va vous
vendre de l'assurance-vie. Alors, la personne qui se fait approcher par un
assureur-vie va porter peut-être plus confiance en l'assureur-vie parce
qu'elle ne connaît pas du tout l'assurance-vie. Elle magasine moins que
quelqu'un qui va acheter de l'assurance de dommages. Il s'agit de deux
assurances totalement différentes.
Mme des Trois-Maisons: J'ai un autre point à ajouter
là-dessus. J'écoutais tout à l'heure quand vous avez dit
que la déclaration de l'assuré, on voyait qu'il s'était
orienté totalement sinistre en dommages. La déclaration de
l'assuré... J'ai vu des gens avec la cigarette à la bouche me
dire: Louise, est-ce que je suis fumeur ou non-fumeur? Alors, là, est-ce
que je suis mandataire de l'assuré ou de l'assureur? Si je suis
mandataire de l'assuré, je dois obéir à ses ordres. S'il
me dit: Je suis non-fumeur, je dois mettre non-fumeur, mais si je suis
mandataire de l'assureur et que je cumule les deux, vu que je suis en train de
poser des gestes de transaction d'assurance, alors, sa fameuse cigarette! et
cela m'est arrivé. Je ne lui dis pas: Tu es un sapré menteur,
mais je lui dis: Bien, quel est ton but? Aujourd'hui, on est ensemble. Tu
pourrais être en train de jouer au tennis et tu es avec nous. Alors, quel
est ton but? T'assurer que quelque chose va être payé. Tu vas
économiser peut-être des dollars de prime et tu vas peiner des
gens pour l'éternité, parce qu'ils vont dire: Regarde-moi comment
il nous a organisés.
Alors là, je n'ai aucun problème, une fois qu'ils prennent
conscience qu'ils sont en train de prendre des petites choses versus sacrifier
de grandes choses pour ne pas payer la prime qu'ils doivent payer
immédiatement. Alors, c'est là que la question du mandat est
très importante et la confidentialité aussi est importante. Quand
on me dit: J'ai été avortée. Parfois, c'est plus qu'une
fois. Alors, je me dis: À l'époque, est-ce que c'était un
crime ou si ce n'était pas un crime, le code de la garde, qu'est-ce que
c'était? Quand cela a-t-il été amendé et ceci et
cela? Alors, est-ce que c'est matériel ou non? Alors, on se dit:
Normalement, avoir un enfant, ce n'est pas un risque matériel qui fait
qu'on ne devient pas assurable. Au contraire, cela fait partie de la
normalité. Donc, c'est un fait qui n'a pas de répercussion sur
l'évaluation du risque. Mais là, je suis mandataire de
l'assuré, parce que je ne dois pas nécessairement
répéter ces paroles à l'assureur à moins d'avoir
reçu instruction de mon client de les répéter. Vous
comprenez? Il faut faire attention pour qu'on ait notre mandat de l'assureur
très rapidement, dès qu'on s'embarque dans le début d'une
transaction.
M. Filion: Cela va.
Le Président (M. Brouillette): Vous avez terminé.
Je demandais au député de Marquette de...
M. Dauphin: ...dire les mots de la fin. J'aimerais remercier
l'Association provinciale des assureurs-vie du Québec d'avoir
confectionné ce mémoire et également de nous l'avoir
présenté de façon aussi sympathique. Je puis vous assurer
que l'équipe du Code civil qui nous entoure ici a pris bonne note de vos
remarques et lira avec votre attention votre mémoire davantage.
Mme des Trois-Maisons: On avait un mandat aussi de notre
association, mais on ne voulait pas vous embarrasser avec cela au tout
début. On a pris connaissance, quelques-uns d'entre nous, de ce fameux
mémoire sur les droits économiques des conjoints et nous
endossons toutes les recommandations sur la fiscalité. C'est restrictif
mais, tout de même, les règles d'attribution, c'est prendre la
famille qu'on veut tant favoriser pour qu'il y ait une natalité et c'est
de dire: La minute que tu te maries ou que tu es conjoint de fait, parce que
Wilson va amender, tu deviens un suspect, un potentiel bandit presque, au point
de vue fiscal.
M. Dauphin: D'accord. On prend bonne note de cela.
Le Président (M. Brouillette): À mon tour, je
remercie l'Association provinciale des assureurs-vie du Québec pour la
belle présentation de son mémoire. Soyez assurés que cela
va servir à nos travaux futurs. Je vous remercie et je vous souhaite un
bon voyage de retour.
M. Filion: Oui. Avant que vous leur souhaitiez un bon voyage de
retour, M. le Président, je pense que cela a été
très apprécié, autant la préparation de votre
mémoire que votre présence en commission parlementaire. De mon
côté, je vais tout simplement regretter que la parole de Me des
Trois-Maisons n'ait pas pesé suffisamment lourd dans la balance
lorsqu'il est venu le temps de discuter de la révocation des
stipulations d'un conjoint comme bénéficiaire. Je partage le
point de vue qu'il faudrait maintenir cette stipulation. Merci.
Compagnie d'assurance-vie Glacier National
Le Président (M. Brouillette): Merci. J'invite maintenant
la Compagnie d'assurance-vie Glacier National à prendre place. On va
poursuivre nos travaux. Je vous souhaite la bienvenue à cette
sous-commission. Tout d'abord, veuillez vous identifier. Vous allez avoir 20
minutes pour présenter votre mémoire. Merci.
M. D'Etchevery (Denis): Merci beaucoup. Je m'appelle Denis
D'Etchevery. Je représente la compagnie d'assurance-vie Glacier
National. Je suis accompagné par Me Andrea Francoeur Mécs,
avocate, qui a contribué et participé étroitement à
l'élaboration de notre mémoire.
M. le ministre, M. le Président de la commission, MM. les
députés, au nom de la compagnie d'assurance-vie Glacier National,
je vous remercie de nous fournir, ce soir, l'occasion d'exprimer notre point de
vue sur l'article 2513 de l'avant-projet de loi intitulé, Loi portant
réforme au Code civil du Québec du droit des
obligations.
À première vue, l'attitude de notre compagnie peut
paraître paradoxale étant donné que nous cherchons à
faire rayer de l'avant-projet un article qui, selon nous, ne s'applique pas
à nos activités. Mais cet avis n'est pas partagé par
l'Inspecteur général des Institutions financières qui
prétend que notre programme de pré-arrangement funéraire,
Gardian Plan, contrevient aux dispositions de l'article 2538 du Code civil et,
en conséquence, que nous ne pouvons pas implanter au Québec notre
Gardian Plan , sous peine de nous voir retirer notre permis d'opérer. Le
recours aux tribunaux peut, bien sûr, permettre de trancher cette
question d'interprétation, mais nous considérons qu'il s'agit
là d'une solution de dernier ressort, c'est-à-dire qui doit
être envisagée quand tous les autres mécanismes
d'intervention ont été épuisés. La commission
parlementaire constitue donc pour nous le forum par excellence pour discuter ce
genre de problème et examiner les alternatives acceptables pour tout le
monde et bénéfiques à l'ensemble des citoyens.
Dans le mémoire que nous avons déjà transmis
à la commission, nous expliquons en détail ce que sont
respectivement la compagnie Glacier et le programme Guardian Plan. On me
permettra ici de vous en rappeler les éléments essentiels.
Glacier National est un assureur canadien à charte
fédérale autorisé à opérer dans le domaine
de l'assurance-vie dans toutes les provinces, y compris le Québec. Il
constitue la filiale canadienne de Service corporation international qui est la
plus grande entreprise de services funéraires en Amérique du Nord
et, à ce titre, commercialise un programme de préarrangements
funéraires connu sous le nom de programme Guardian Plan. La compagnie
SCI et ses filiales emploient plus de 8000 personnes à temps plein et
environ 1600 à temps partiel et, de ce nombre, plus de 100 au
Québec. Le programme est actuellement appliqué dans 29
États américains ainsi qu'à Puerto Rico. Au Canada, dans
les provinces de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, Glacier
National offre déjà avec succès le programme de
préarrangements funéraires Guardian Plan. De plus, Glacier
National est déjà autorisé à faire des affaires
dans les provinces maritimes. À notre connaissance, l'article 2538 du
Code civil ne trouve son équivalent dans aucune de ces juridictions
provinciales. Nous envisageons, dans un avenir rapproché, d'offrir ce
programme au Québec. Aussi, est-il indispensable que nous ayons la
possibilité de discuter avec les autorités gouvernementales et
législatives québécoises des différents aspects de
ce programme et des avantages que peuvent en retirer les consommateurs.
L'article 2513 de l'avant-projet de loi, qui reprend l'une des
dispositions de l'actuel article 2538 du Code civil, prohibe ce qu'il est
convenu d'appeler l'assurance d'enterrement. Ce type d'assurance qui remplace,
a la mort de l'assuré, le bénéfice en capital par un
bénéfice composé de biens et services, est contesté
principalement pour deux raisons: D'une part, on prétend qu'il limite la
liberté de choix de l'assuré et de sa succession, et, d'autre
part, on considère inacceptable le marché captif que constitue
ainsi pour les entreprises de pompes funèbres les acheteurs de cette
forme d'assurance. Or, ce que Glacier National vend est une police
d'assurance-vie à bénéfices accrus avec cession
révocable et dont le produit est payé à la demande du
consommateur ou de ses ayants droit. Il nous semble pertinent de souligner,
dans un premier temps, que le programme de préarrangements
funéraires que nous proposons offre plus d'avantages et protège
mieux le consommateur que le programme déjà autorisé en
vertu de la loi sur les arrangements préalables adoptée en 1987.
Qu'il suffise de mentionner, à titre d'exemple, que la loi sur les
arrangements préalables prévoit que seulement 90% des fonds
doivent être déposés en fidéicommis et, donc, que
10% peut être confondu dans le compte général du vendeur.
Sur annulation d'un contrat passé en vertu de cette même loi,
l'assuré ne reçoit que 90% de son paiement initial, plus une
partie des intérêts. Dans le cas de l'assurance, le consommateur
ne fait que révoquer la cession et conserve la propriété
de la police et le droit aux bénéfices en vertu de cette
même police. Selon la police d'assurance-vie, l'assuré a une
couverture complète au moment même de l'émission, et ce,
tant que la police demeure en vigueur. Si l'assuré choisit de payer par
versements et qu'il décède avant d'avoir effectué le
paiement final, il bénéficie ainsi d'une couverture
complète.
Le législateur a parfaitement raison de vouloir protéger
les citoyens contre les abus de toutes sortes et le domaine des services
funéraires, comme tous les autres, doit être l'objet d'une
vigilance constante. Ainsi, l'intention qui a présidé à
l'introduction, dans le Code civil,de l'article 2538, est fort louable. Ces
motifs sont d'ailleurs résumé par Me Albert Mayrand dans un
article intitulé Problèmes de droit relatifs aux
funérailles publié aux Presses de l'Université de
Montréal dans un ouvrage s'intitulant Le problème de droit
contemporain, et je cite: Les raisons de cette politique législative
sont nombreuses, L'assurance funéraire comporte un risque que les
entrepreneurs de pompes funèbres ne sont pas toujours en mesure
d'évaluer et d'assumer. Le service promis devient souvent exigible
longtemps après la signature du contrat, de sorte que la
dévaluation monétaire peut rendre la prestation très
onéreuse. Enfin, on estime généralement que l'assurance
doit être réservée aux assureurs professionnels, vu qu'elle
exige une connaissance technique, une surveillance et des précautions
toutes spéciales, notamment pour l'utilisation et le placement des
primes perçues. (21 heures)
Or, la réponse à ces inquiétudes se trouvent
dans notre programme même. D'une part, la liberté de choix
de l'assuré est maintenue puisqu'il conserve, de même que son
conjoint ou son représentant attitré, le droit de révoquer
en tout temps sa cession et de maintenir sa police d'assurance en vigueur, avec
tous ses effets.
D'autre part, il n'est aucunement captif d'une maison funéraire
en particulier. L'assuré a le choix d'assigner une maison
funéraire affiliée à Guardian Plan ou à tout autre
directeur de funérailles indépendant participant. Nous aimerions
souligner qu'il s'agit là de petites entreprises qui ne sont aucunement
liées à Guardian Plan. La vente de police d'assurance Glacier
National favorise donc et encourage la participation de ces maisons
funéraires, et offre pour autant un choix véritable au
consommateur. Enfin, nous sommes capables de démontrer de façon
claire que nos professionnels sont tout à fait aptes à
gérer de manière compétente et responsable les
investissements générés. Notre mémoire et les
documents qui y sont annexés font état de nombreux autres
avantages que comporte le programme Guardian Plan. Je ne m'y attarderai pas
ici. J'ajouterai néanmoins que l'assurance, mécanisme important
de financement du programme, est abondamment réglementée dans
tous les États américains et dans les provinces canadiennes
où nous sommes déjà présents et que nous agissons
dans le respect de ces dispositions législatives et
réglementaires. Pourquoi alors vouloir interdire de telles
activités? En soi, le fait pour un consommateur d'acheter de
l'assurance-vie pour répondre à un objectif spécifique n'a
rien de répréhensible. Y a-t-il une si grande différence
entre un citoyen qui achète une police d'assurance de Glacier National
et un autre qui achète une police d'assurance-vie et cède le
produit de celle-ci à une institution financière détenant
une hypothèque sur sa maison? Nous croyons que la prohibition de vendre
de l'assurance-vie pour couvrir des arrangements funéraires brime la
liberté de choix du consommateur. En effet, ce faisant, nous
l'empêchons d'affecter le produit d'une assurance à un besoin
spécifique qu'il a préalablement identifié. En fait,
l'article 2513 de l'avant-projeî de loi prohibe la mise en marché
de programmes qui rencontrent les préoccupations réelles des
citoyens et répondent à leurs besoins. L'assurance-enterrement,
telle qu'on l'a connue dans le passé, rendant le citoyen captif d'une
maison funéraire en particulier, ne peut plus être
considérée comme une pratique courante. L'élimination de
l'article 2513 a peu de chance de la faire réapparaître. Les
besoins de la société ont évolué. Il faut
maintenant répondre aux préoccupations de gens beaucoup plus
mobiles que par le passé et qui vivent surtout en milieu urbain, sans
parler des données démographiques qui, comme tout le monde le
sait, font état d'un vieillissement marqué de la population dans
son ensemble. C'est à cette réalité et à ces
besoins nouveaux que doit correspondre le Code civil. La législation a
toujours eu à traiter de la délicate question des arrangements
funéraires et tous reconnaissent l'importance de régler les
problèmes relatifs à l'organisation des funérailles de
manière rationnelle et le plus loin possible du contexte très
émotif dans lequel sont souvent plongées les familles lors d'un
décès. C'est pourquoi il est plus qu'indiqué de prendre
tout le temps nécessaire pour discuter les principes et les
modalités d'application des articles de loi se rapportant à un
tel sujet. Nous nous sommes efforcés de démontrer que l'article
2513 aura l'effet contraire à celui recherché. Il ne
protégera aucunement le citoyen contre les abus et il le privera de la
possibilité de se prévaloir de services modernes, respectueux de
ses droits et adaptés à ses véritables besoins. Aussi,
espérons-nous que notre demande de retrait de cet article sera
examinée avec toute l'attention qu'elle mérite.
Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. D'Etchevery.
La parole est maintenant à l'adjoint au ministre de la Justice, M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci M. le Président. Tout d'abord, je
souhaite la bienvenue aux représentants de la compagnie d'assurance-vie
Glacier National. Je me souviens, pour ma part, d'avoir été
associé à l'adoption de la Loi sur les arrangements
préalables de services funéraires et de sépulture. Je
crois que mon collègue de Taillon a également été
associé à cette démarche. Actuellement, c'est le
Solliciteur général, ministre de la Sécurité
publique et ministre responsable de la Protection du consommateur. À
cette époque-là, nous avions les deux. Est-ce que vous avez fait
des pressions quelconques à ce moment-là? Il n'y a pas eu
d'auditions publiques lors de l'adoption de cette loi, mais est-ce que vous
avez communiqué avec vos élus, avec des représentants du
gouvernement?
Une voix: À ce moment-là...
M. Dauphin: Je pense que cela doit faire un an qu'on a
adopté cette loi.
M. D'Etchevery: Au moment où il y aurait eu des
possibilités de rencontrer des membres d'une commission ou des gens qui
ont participé à l'élaboration du projet de loi 162, nous
n'étions pas prêts à offrir un produit d'assurance
semblable au Québec.
M. Dauphin: Et vous dites que cela existe dans trois provinces
canadiennes, en Alberta...
M. D'Etchevery: Oui, en Alberta, en Colombie britannique et en
Ontario. J'ai moi-même participé au lancement de ce programme
en
Ontario qui fonctionne maintenant depuis quinze ou seize mois avec
beaucoup de succès. En Alberta et en Colombie britannique, on a
déjà plus d'expérience. On a déjà trois et
quatre ans d'expérience.
M. Dauphin: Avez-vous eu des contacts avec l'Inspecteur
général des institutions financières? Est-ce que vous
l'avez approché jusqu'à maintenant?
Mme Francoeur Mécs (Andréa): En 1985, nous avons eu
un "meeting" avec l'Inspecteur général des institutions
financières. À ce moment-là, nous avons eu l'idée
de considérer le lancement d'un programme d'assurance-vie ici, dans la
province de Québec. L'inspecteur général, par l'entremise
de ses représentants, nous a avisés que, si nous lançons
un programme, il tombe sous l'article 2538, c'est la loi existante. L'article
2538 a) est reproduit dans l'article 2513. Nous avons eu un "meeting" avec les
représentants de l'Inspecteur général des institutions
financières. Nous leur avons présenté des arguments
écrits. À ce moment-là, la compagnie a
décidé d'établir... C'est seulement au Québec que
nous avions à ce moment-là et aujourd'hui un problème
semblable. Malgré le fait que le marché du Québec soit
bien intéressant, la compagnie a décidé d'établir
un "track record" - comme on dit - dans les autres provinces et, avec les
bon-nes expériences, de retourner au Québec et de continuer les
négociations avec l'inspecteur général.
M. Dauphin: Si vous me le permettez, M. le
Président...
Le Président (M. Brouillette): Allez-y!
M. Dauphin: Est-ce que le consommateur fait directement affaire
avec la maison de services funéraires? Je ne sais pas si vous comprenez
ma question.
M. D'Etchevery: Oui.
M. Dauphin: Est-ce que le consommateur fait un
pré-arrangement funéraire directement avec la maison
funéraire?
M. D'Etchevery: Non. Le consommateur contracte directement avec
un agent d'assurances qui détient une licence d'assurance-vie.
Mme Francoeur Mécs: En fait, la compagnie d'assurances
offre seulement un contrat d'assurance-vie. Il y a des contrats accessoires qui
sont signés par le consommateur avec, dans notre cas, la compagnie
Service corporation international. Le produit que nous voulons lancer dans la
province de Québec peut facilement être offert par d'autres
compagnies d'assurances. Mais la police d'assurance-vie est une police
d'assurance-vie pure et simple. La compagnie d'assurances paie sur une preuve
de décès.
M. Dauphin: Est-ce que vous vous sentez régis par la loi
provinciale sur les arrangements de services funéraires et de
sépulture dans votre pratique, comme société et comme
entreprise?
Mme Francoeur Mécs: Oui, maintenant, dans la province de
Québec, nous sommes régis par la loi sur les arrangements
préalables. Nous ne vendons pas par l'entremise de Glacier National,
mais nous vendons des pré-arrangements et l'argent est placé en
fidéicommis.
Le Président (M. Brouillette): D'autres questions, M. le
député?
M. Dauphin: Pas pour le moment.
Le Président (M. Brouillette): M. le député
de Taillon, vous avez la parole.
M. Filion: Je dois comprendre de votre dernière
réponse que vous suivez déjà les formalités
prévues par la Loi sur les arrangements préalables. Ce n'est pas
Glacier National, c'est une autre branche de la même organisation. Est-ce
que c'est cela?
M. D'Etchevery: Actuellement, ce qu'on offre aux consommateurs
québécois, c'est le Guardian Plan qui fonctionne
conformément à la loi 162. C'est-à-dire que les fonds sont
déposés en fidéicommis.
M. Filion: J'allais vous dire que ce n'est pas un
problème, à ce moment-là. Si vous avez déjà
une partie ou une organisation qui se conforme à la loi sur les
arrangements préalables que nous venons à peine d'adopter, qui a
été déposée le 9 décembre 1986, qui a
été adoptée le 23 juin 1987, il y a à peine un an
après auditions, d'ailleurs, il me semble bien qu'on avait eu des
consultations publiques sur ce projet de loi... Tantôt, vous avez
souligné quelques avantages, mais relativement marginaux, que pourrait
représenter le fait de supprimer l'article 2513 de l'avant-projet de
loi. Cela vous donnerait quoi de plus, surtout au client?
Mme Francoeur Mécs: Nous pensons que le produit qu'une
compagnie d'assurances peut offrir donne plus d'avantages au consommateur que
le programme qui est disponible au consommateur en vertu de la loi sur les
préarrangements. Nous pouvons vous donner des exemples positifs.
M. Filion: Allez-y donc.
Mme Francoeur Mécs: Par exemple, l'idée d'un
contrat d'assurance est que vous avez une couverture complète au moment
où la police est émise, même si le consommateur
décide de payer les primes par versements. Si les versements ne
sont pas payés au complet avant la mort, il reçoit la
valeur de la police, C'est la condition essentielle d'un contrat d'assurance.
Dans le cas des contrats d'arrangements préalables où l'argent
est placé en fidéicommis avec une compagnie de fiducie, si les
versements ne sont pas payés en totalité, le consommateur, ou
naturellement sa succession, n'ont pas le droit de recevoir 3000 $, par
exemple, si seulement 1000 $ ont été payés. Il est
obligé, soit de payer le montant qui reste ou de recevoir 1000 $. Le
consommateur ou la succession ne reçoit pas ce qu'il pensait. Avec la
loi qui existe sur les arrangements préalables, on ne peut pas offrir
une couverture complète, parce que ce n'est pas un contrat
d'assurance.
M. Filion: D'accord.
Mme Francoeur Mécs: C'est un des bénéfices
positifs.
M. Filion: Par contre, est-ce que vous pourriez me dire ce qu'il
advient de la protection du consommateur si, par exemple, la compagnie refuse
de fournir le service funéraire ou devient solvable, ou prétend
augmenter ses prix ou... Bref où est la protection du consommateur au
cas où il y aurait une modification dans la position de la
compagnie?
Mme Francoeur Mécs: Je pensais que les "track records"
pour les compagnies d'assurance-vie sont au moins aussi bons que les compagnies
de fidéicommis. L'argent est toujours protégé. Je ne pense
pas que, dans l'histoire du Canada, nous ayons un cas où un
assuré n'a pas été payé à la valeur de la
police, même si il y avait des cas d'insolvabilité. Naturellement,
il y a eu des cas d'insolvabilité pour les compagnies d'assurance-vie.
Pour une compagnie d'assurance-vie ou une compagnie de fidéicommis,
l'argent est gardé. Pour la question d'insolvabilité, il n'y a
pas une grande différence entre ces deux sortes d'institution. (21 h
15)
M. Filion: II y en a une un peu. Il y a une protection dans la
loi sur les arrangements préalables qui existe en faveur du
consommateur. J'essaie de comprendre. L'organisation n'est pas simple... En
page 15 de votre mémoire, vous présentez un schéma que
vous dites simplifié, mais qui n'est pas simple à comprendre, du
programme de préarrangement funéraire Guardian Plan. Je vais vous
dire que je trouve à peu près un, deux, trois, quatre, cinq, six
transactions et deux ou trois entités dont SCI, Family Service Life
Insurance, Guardian Plan, etc. Bref, en dehors de cet organigramme
d'organisations, à partir du moment où il y a une certaine somme
d'argent qui est payée par le consommateur, à partir du moment
où il y a un service à lui être fourni, à savoir les
services de funérailles, votre Glacier National ne peut pas faire de
miracle plus que les autres. Alors l'argent qu'elle va utiliser pour enterrer
ou offrir les services funéraires, c'est l'argent qui aura
été versé par les consommateurs, qu'on les appelle des
primes ou qu'on les appelle des paiements en vertu des arrangements
préalables, c'est la même chose, il n'y a pas d'alchimie à
cet égard. C'est dans ce sens que j'ai de la difficulté à
voir quel pourrait être l'avantage de supprimer 2513 pour créer un
genre de contrat d'assurance de frais funéraires, que nous ne retrouvons
pas dans la légistation actuelle.
M. D'Etchevery: Si je peux me permettre, M. le Président,
l'avantage premier, selon nous, est de libérer le consommateur d'une
certaine captivité. Dans la loi actuelle des arrangements
préalables, le consommateur désigne un directeur de
funérailles et un seul. Alors que dans le cas d'une police d'assurance
à laquelle il souscrit, il lui est offert un choix, soit d'une maison
funéraire qui appartienne au groupe Plan Guardian, ou encore à un
ensemble de directeurs de funérailles ou d'une maison funéraire
indépendante participante. Aussi, advenant la décision du
consommateur d'annuler de tels arrangements, il demeure en possession, ou
propriétaire d'une police d'assurance. Ça c'est un avantage. On
parle aussi de mobilité de la clientèle, de mobilité de la
population. Dans le programme actuel, le consommateur désigne un...
pardon, assigne un seul directeur de funérailles, alors que nous
offrons, parce que c'est une police d'assurance, une couverture
complète. C'est en ce sens que pour le consommateur, cela devient plus
intéressant. On se rappelle que, justement, l'article 2538 voulait
protéger ici le consommateur contre cette captivité. Et il se
retrouve actuellement captif. On s'aperçoit aussi que l'administration
ou le respect des règlements de la loi 162 est relativement complexe et
difficile pour les petites maisons, pour les petites entreprises de frais
funéraires, alors que nous proposons à ces mêmes maisons un
véhicule de mise en marché, pour pouvoir offrir au consommateur
davantage que seulement les grosses firmes qui peuvent se permettre
d'administrer un tel plan. Et on a eu, surtout dans la province d'Ontario,
beaucoup d'intérêt de la part de ces petites maisons qui gardent
leur indépendance, leur autonomie et qui, en même temps, se
permettent d'offrir à leur clientèle un produit qui les rend
compétitives par rapport aux grandes maisons.
M. Filion: Vous avez sûrement fouillé, il existait
au Québec, il n'y a pas si longtemps quand même, des compagnies
mutuelles de frais funéraires. Je ne sais pas à quand cela
remonte, cela existait. En tout cas, il me semble avoir aperçu cela,
mais ça n'existe plus depuis quand même 15 ou 20 ans. Ce que vous
proposez serait, passez-moi l'expression, de ressusciter - je le dis sans jeu
de mots - en quelque sorte ces mutuelles de frais funéraires. Bien,
c'était une
compagnie d'assurances, même si les noms ne sont pas les
mêmes, ce serait une compagnie d'assurances de frais funéraires;
et, comme le principe des assurances est toujours un principe de mutuelle,
bien, est-ce que ce ne serait pas un peu cette opération que vous
voudriez... en tout cas, que le législateur effectue?
Mme Francoeur Mécs: Je pense que la réponse est
non.
M. Filion: Non?
Mme Francoeur Mécs: Dans notre mémoire, nous avons
essayé de trouver la source de l'article 2538.
M. Filion: Oui.
Mme Francoeur Mécs: Et nous avons vérifié
les lois jusqu'aux années vingt et nous avons remarqué qu'il y
avait toujours une prohibition, quelque chose qui parle de frais
funéraires, mais c'est toujours l'idée que c'est le directeur de
funérailles qui contrôle cet argent, qui investit l'argent, qui
est obligé de donner les services à la fin de la période.
Et nous avons regardé, et il y avait deux ou trois causes où il y
avait eu des problèmes. Mais un des problèmes, est le
résultat que la loi elle-même a une limite pécuniaire sur
les montants de ces contrats à 150 $, et ce montant existait des
années vingt jusqu'en 1974 quand l'article 2538 a été
introduit. Alors, nous n'avons aucune intention de ressusciter cette sorte de
contrat; nous voulons, en utilisant toutes les expériences d'une
compagnie qui a une histoire au Canada depuis plusieurs années et qui a
des professionnels, les tables actuarielles, établir un produit qui peut
servir les besoins du consommateur.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Marquette, avez-vous une question à poser?
M. Dauphin: J'en parlais justement avec mon collège: cela
peut coûter combien un Guardian Plan en Ontario pour une veuve de 75 ans,
avec ses trois chats, juste pour avoir une idée? Pas pour les chats,
pour la madame.
M. D'Etchevery: Cela coûterait le même prix qu'ici,
mais est-ce que vous voulez dire ce que cela lui coûterait en termes de
prime?
M. Dauphin: Oui, en termes de prime.
M. D'Etchevery: Parce qu'on parle toujours d'un coût du
marché, des services a être rendus et des marchandises à
être livrées. Les primes varient. Il y a une table d'âge, et
ce serait le même échéancier ou la même liste de
primes que là-bas, mais je ne pourrais pas vous la donner tout de
suite.
M. Filion: À peu près?
M. D'Etchevery: Cela dépend du terme de paiement. Est-ce
que la personne veut assurer sur une période de cinq ans, de deux ans,
de trois ans, disons une période maximale? Il faut que je sois
extrêmement prudent avec les primes. Une période maximale pour une
personne de 75 ans pourrait correspondre, sur un plan d'une valeur du
marché de 5000 $, environ 18 % à 20 %, mais répartie sur
huit à neuf ans de prime.
M. Filion: On va aller vous voir à 75 ans.
M. D'Etchevery: C'est meilleur marché qu'un taux de
finance.
M. Dauphin: Merci beaucoup. M. Filion: Cela va, merci.
BAC
Le Président (M. Doyon): Je vous remercie, au nom de la
commission, pour votre présentation.
J'invite maintenant, à la fin de cette présentation, le
Bureau d'assurance du Canada à vous remplacer à la table de nos
invités.
Je constate que les représentants du Bureau d'assurance du Canada
ont pris place. Je leur souhaite la bienvenue et j'invite leur porte-parole
à présenter les gens qui l'accompagnent.
M. Bouchard (Jean): Merci, M. le Président. Je m'appelle
Jean Bouchard. J'ai l'honneur de m'adresser à vous à titre de
président du Bureau d'assurance du Canada, section Québec.
Je suis accompagné, pour répondre à vos questions
éventuelles, à ma droite, de M. Paul Brochu, président de
l'Union canadienne, compagnie d'assurances et également président
sortant du Bureau d'assurance du Canada, section Québec; de M.
Sébastien Allard, qui a présidé le comité du BAC
chargé de préparer le mémoire qui vous a été
présenté; à ma gauche, de Me Hélène
Gagné, conseillère juridique du Bureau d'assurance du Canada et
de Mme Bernard Faribault, de l'étude Pépin, Létourneau et
associés de Montréal, qui ont également contribué
à la rédaction de ce mémoire.
Je tiens d'abord à vous remercier, en notre nom et au nom du
Bureau d'assurance du Canada, de l'occasion que vous nous offrez de vous
présenter notre mémoire et de vous adresser la parole ce
soir.
Le Président (M. Doyon): Je vous rappelle,
M. Bouchard, que vous disposez de 20 minutes pour faire votre
présentation et que les 20 minutes écoulées, je me
permettrai de vous interrompre et de permettre aux membres de la commission de
vous poser certaines questions, s'ils en ont.
M. Bouchard: M. le Président, je crois comprendre que nous
avons environ une heure pour...
Le Président (M. Doyon): Une heure en tout.
M. Bouchard: Si j'excédais de quelques minutes la
présentation...
Le Président (M. Doyon): Oui, bien sûr.
M. Bouchard: Cela va?
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Bouchard: Cela va. D'accord. Merci.
M. Filion: II n'y aura pas de clauses pénales trop
fortes.
M. Bouchard: On ne connaît pas cela.
Le Président (M. Doyon): On vous en assure.
M. Bouchard: Merci, M. le Président.
Alors, le mémoire que vous avez reçu décrit
brièvement notre organisme. J'aimerais ajouter cependant qu'une des
fonctions importantes du Bureau d'assurance du Canada consiste à
répondre annuellement à une foule de questions qui nous
proviennent de l'ensemble des consommateurs ou des personnes qui
désirent avoir de l'information. Je dois dire que la plupart des appels
téléphoniques que nous recevons portent plutôt sur de
l'information à recevoir que sur des plaintes qui nous sont faites
concernant notre industrie. Ce service nous permet d'ailleurs, permet aux
membres de mieux connaître les exigences des consommateurs et nous permet
de mieux répondre à leurs besoins.
Cela dit, pour débuter, laissez-moi vous rassurer sur un point
fondamental. Le Bureau d'assurance du Canada est conscient de la
nécessité d'améliorer nos lois afin d'éviter
qu'elles ne deviennent lettre morte ou pratiquement inopérantes. La
réforme de 1976 et la modification recommandée par le Bureau
d'assurance du Canada en 1987 nous paraissaient suffisantes à elles
seules pour moderniser le droit des assurances au Québec, et nous ne
voyons aucune raison qui justifie une réforme aussi radicale que celle
qui est proposée. Le texte de l'avant-projet de loi que vous avez
mission d'étudier démontre, malheureusement, que la plupart de
nos recommandations n'ont pas été comprises ou, si comprises,
n'ont pas été retenues pour des motifs qui nous échappent
à ce moment-ci.
L'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du
Québec du droit des obligations dont le but est la modernisation et la
protection des individus dénote une profonde incompréhen- sion,
à notre sens, du droit et de la pratique des assurances, tant au
Québec que dans le monde nord-américain où nous oeuvrons.
Certaines propositions mises de l'avant par cet avant-projet de loi sont
totalement inacceptables dans le contexte d'une société qui se
veut libre et démocratique, tant dans ses libertés individuelles
que dans sa liberté de commercer dans un régime de libre
entreprise où nous oeuvrons.
Le Bureau d'assurance du Canada vous présente donc un
mémoire à la fois technique et pratique dont j'entends vous
brosser les grandes lignes, en attirant particulièrement votre attention
sur certaines dispositions de l'avant-projet de loi qui laissent de
côté des principes fondamentaux ou/et reconnus universellement. On
y bouleverse sans aucune justification valable la pratique et l'ordre
établis et on néglige de traiter de points particuliers qui sont
une préoccupation constante des assureurs, des assurés et des
juges qui sont appelés à régler en dernier ressort les
problèmes soulevés par des lois bien intentionnées, mais
qui ne collent pas toujours à la réalité sociale et
économique de notre temps.
Je traiterai brièvement, dans le temps que vous m'accordez, de
certains aspects de l'avant-projet de loi sous étude, plus
précisément dans le domaine de l'assurance et dans celui de la
réparation du préjudice causé à autrui qui est la
raison d'être de l'assurance de responsabilité civile. Je
terminerai mon exposé en vous faisant part de certains sujets qui
auraient dû faire partie de l'avant-projet de loi et qui,
malheureusement, ne s'y retrouvent pas.
Permettez-moi tout d'abord de vous faire un bref rappel historique. La
Loi québécoise sur les assurances n'est pas indigène au
Québec. Le codificateur, en 1866, dans le rapport au gouvernement,
donnait comme source de la partie du code traitant des assurances les
références suivantes: L'ordonnance de la marine de Louis XIV, les
commentaires de certains auteurs français, anglais, écossais et
américains, en la matière, de même que certains articles du
projet de code de l'État de New York. On voit ainsi facilement que
depuis 1866, il y a presque 125 ans, nos législateurs étaient
conscients que notre droit des assurances n'évaluait pas en vase clos,
mais au contraire, avait des sources et des incidences internationales. Ces
considérations demeurent tout aussi valables de nos jours. Le texte
proposé en 1866 fut adopté et demeura sans grands changements
jusqu'en 1976 alors que le projet de loi 7 de 1974 traitant des assurances
entrait en vigueur.
Permettez-moi de vous rappeler ce que le ministre d'alors, M. Tetley,
avait écrit dans le préambule de ce projet de loi. L'introduction
dans le projet des dispositions sur les contrats d'assurance contribuent
à en faire un véritable code des assurances. D'une façon
générale, ces dispositions sont inspirées de celles du
Code civil en matière d'assurance et d'autres lois
québé-
coises connexes, de la loi française ainsi que de la Loi
ontarienne sur les assurances, recherchant ainsi une législation
québécoise d'assurance terrestre en accord avec le génie
de la langue française et du droit civil et à la fine pointe des
règles les plus modernes prévalant en Amérique du Nord en
ce domaine. Les règles sur l'assurance doivent présenter une
certaine uniformité avec les autres provinces, si on veut assurer le
développement concurrentiel de nos entreprises et protéger
adéquatement le public. En partie, ces dispositions traduisent des
pratiques courantes observées aujourd'hui par les assureurs. (21 h
30)
Or, M. le Président, l'avant-projet que vous avez devant vous
témoigne du passage de seulement quatorze années au cours
desquelles on semble avoir oublié le génie de la langue
française, émoussé la fine pointe des règles les
plus modernes prévalant en Amérique du Nord et mis totalement de
côté le souci d'uniformité avec les autres provinces;
apparemment, dans le but de protéger encore mieux un public qui est
pourtant bien servi et qui ne demande que la possibilité d'obtenir de
l'assurance à un prix abordable, on a oublié de considérer
le développement concurrentiel d'une des plus importantes industries
québécoises à l'heure du libre-échange. Bien au
contraire, on voit apparaître un avant-projet de loi qui semble
basé en grande partie sur des craintes mal fondées et des
préjugés injustifiés, au lieu d'un avant-projet de loi qui
reflète et favorise la pratique courante observée aujourd'hui par
les assureurs telle que réclamée, d'ailleurs, par les
assurés.
Permettez-moi de vous citer quelques exemples de marginalisation du
droit québécois dans le contexte des pratiques
nord-américaines. L'aspect te plus frappant d'une marginalisation du
droit québécois de l'assurance est celui qui est
représenté par l'article 2543 de l'avant-projet de loi. Qu'on le
lise comme on voudra, il consacre d'une façon législative le
droit pour un assuré de mentir à son assureur. M. le
Président, il n'y a pas un auteur, pas un texte de loi que nous
connaissions qui soit si permissif. La rédaction de cet article,
inspirée de quelques jugements isolés, est contraire au fondement
même du contrat d'assurance. À tous les commentaires d'auteurs
sérieux en la matière, il fait fi de la pratique universelle de
l'assurance telle que nous la connaissons et telle qu'elle semble se pratiquer
partout ailleurs en Amérique du Nord. Contrairement à la pratique
usuelle dans les relations commerciales où la bonne foi suffit, la
pratique de l'assurance nécessite la plus entière bonne foi tout
au long du contrat, sinon, elle ne peut exister.
Il ne faut jamais oublier que l'assurance est un contrat qui est
formé lorsqu'une personne, un éventuel assuré, veut faire
assumer ou partager un risque de perte par une autre personne appelée
assureur en contrepartie d'une prime.
Pour ce faire, la bonne foi exige qu'elle lui déclare tous les
faits qui se rapportent au risque de façon que l'assureur puisse
accepter le risque en toute connaisance de cause. Cette bonne foi la plus
entière doit exister tout au long du contrat puisque l'assureur ne
dépend que des affirmations faites et des pièces qu'on lui exhibe
pour donner plein effet au contrat. Chaque fois que quelqu'un trompe cette
obligation de la plus entière bonne foi, c'est l'ensemble de la
population assurée qui voit sa prime augmentée.
Laissez-moi vous donner un autre exemple de marginalisation. Alors que
ni en Amérique du Nord, ni en France, la proposition d'assurance ne lie
l'assureur de dommages, au Québec, la proposition formerait le contrat
dès son acceptation par cet assureur. Une proposition d'assurance ne
ressemble pas à une police d'assurance parce que ces documents n'ont pas
les mêmes buts. Assurément, il y aura des divergences entre les
deux documents. La proposition permet à l'assuré de
déclarer à l'assureur ce qu'il veut protéger comme bien,
contre quel genre de risque il entend se prémunir et jusqu'à
concurrence de quel montant. L'assureur examine la proposition, décide
s'il s'agit d'un risque qu'il est prêt à prendre et à quel
coût. Dans le but de favoriser le commerce et la rapidité des
transactions, la plupart des assurances de biens, tant chez les individus que
chez les commerçants, s'effectue sans proposition écrite. De
plus, une tendance comme celle-là est accentuée par le
développement technologique que nous connaissons. Lorsque les deux
parties s'entendent sur le risque et sur le coût, l'assureur fait
parvenir à l'assuré une police qui l'informe dans les moindres
détails de ce qui est couvert, de ce qui ne l'est pas et les conditions
auxquelles l'assureur est prêt à garantir le risque.
Les clauses d'un contrat d'assurance sont généralement
négociables si bien que le contrat d'assurance ne doit pas être
considéré comme un contrat d'adhésion tel que le laisse
entendre l'avant-projet de loi. Le Bureau d'assurance du Canada vous soumet
qu'il n'appartient pas au législateur d'imposer à l'assureur les
conséquences du fait que l'assuré n'ait pas lu sa police ou n'ait
pas voulu payer la prime équivalant au degré de protection qu'il
aurait voulu avoir une fois qu'un sinistre est survenu. En pratique,
l'assurance se transige par téléphone et par simple
correspondance, souvant par l'entremise d'un courtier, et non pas au moyen d'un
échange formel de documents entre un assuré et son assureur. La
parole donnée est le seul garant de sécurité. Les
transactions se font rapidement et simplement dans la pratique de tous les
jours et, dans la plupart des cas, il n'y a aucun problème. Je dirais
même dans 99,9 % des cas. Il ne faut pas oublier que toute
procédure imposée législativement à un
commerçant, tout comme à un assureur d'ailleurs, se
reflète dans l'augmentation du coût du produit qui est
passé au consommateur.
Permettez-moi de vous donner un autre exemple d'incompréhension
technique. Dans un but sans doute louable mais, selon nous, irréaliste,
les rédacteurs de l'avant-projet proposent, à l'article 2478, que
l'assureur pose des questions spécifiques à l'assuré sur
les circonstances reliées au risque et qu'il estime importantes.
L'assureur ne peut répondre à cette exigence puisque c'est
l'assuré qui connaît le mieux son milieu et les risques qu'il veut
présenter. À notre connaissance, cette exigence ne se retrouve
nulle part ailleurs. Ce ne sont pas les risques d'incendie ou de
responsabilité civile habituelle qui causent des problèmes aux
assureurs et aux assurés. Ce sont les cas particuliers où les
assurés n'ont pas franchement révélé aux assureurs
toute l'étendue du risque qu'ils voulaient leur faire assumer.
Laissez-moi vous donner un exemple qu'on rencontre fréquemment
dans ce domaine. C'est celui du propriétaire d'une maison privée
qui la convertit en restaurant ou en maison de chambres. Si vous étiez
un assureur, ne croyez-vous pas que votre assuré aurait dû vous
dévoiler ce fait? Comment croyez-vous que l'assureur aurait pu le
deviner ou le prévoir? En définitive, c'est l'assuré qui
connaît le risque et qui souvent l'augmente, qui doit avoir l'obligation
de le dévoiler à son assureur.
Après ces exemples qui devraient vous démontrer à
quel point l'avant-projet aurait comme conséquence de marginaliser le
droit québécois des assurances, permettez-moi de vous rappeler
que l'assurance, au Québec comme ailleurs, est indissociable du
marché de la réassurance internationale qui agit selon ses
propres règles dans un domaine financier délicat. Il n'y a pas un
contrat d'assurance d'importance qui ne soit cédé en plus ou
moins grande partie à des réassureurs. C'est cette
capacité de réassurer les risques importants qui permet à
notre industrie de se développer et de remplir sa mission
économique. Le droit des assurances ne doit pas mettre les assureurs
dans l'impossibilité de couvrir certains risques à cause des
exigences inhabituelles de la loi. Comme exemple, l'article 2574 laisse
perdurer dans un texte ambigu le problème sérieux causé
à l'industrie de l'assurance.
Dans cet avant-projet de Code civil, dans lequel les contrats sont
annulables et révisables et où la parole donnée semble
éphémère, sinon totalement en voie de disparition, le BAC
comprend mal qu'on impose aux assureurs un régime contractuel tout
à fait particulier en matière d'assurance de
responsabilité civile. En effet, aux termes des articles 2571 et 2573 de
l'avant-projet, l'assureur est forcé de respecter les termes de son
contrat et d'indemniser les tiers lésés par son assuré,
bien que l'assuré, lui, puisse décider de ne pas respecter ses
obligations vis-à-vis de son assureur. Ce traitement est d'autant plus
inexplicable et discriminatoire qu'il s'inscrit au chapitre des obligations
où l'on peut lire, à l'article 1417, que toute obligation
confère au créancier le droit à la bonne exécution
de celle-ci.
L'avant-projet de loi propose, selon nous, une véritable
révolution non seulement du droit des assurances, mais encore dans la
philosophie de base du droit québécois. Ainsi, au lieu de
conserver un énoncé de droits objectifs et stables, on y parle,
en termes vagues et subjectifs, de circonstances inhabituelles ou anormales,
article 2478, d'assuré normalement avisé, article 2479,
d'assureurs raisonnables, article 2478, et même d'attentes
légitimes, article 1621, entre autres. On y instaure un régime de
dommages punitifs en disant, effrontément, que les dommages punitifs
s'apprécient en tenant compte, notamment, de la situation patrimoniale
du débiteur et du fait que, le cas échéant, la prise en
charge du paiement réparateur soit assumée en tout ou en partie
par un tiers. Est-ce à dire que l'auteur d'un dommage va payer plus cher
les dommages causés à un tiers parce qu'il est assuré?
Est-ce également à dire que, plus il est fortuné, plus il
va payer cher les dommages? Sommes-nous vraiment en face d'un texte de loi qui
prône l'indemnisation discriminatoire basée sur l'état de
fortune de celui qui a le malheur de causer un dommage à autrui? Il
semble qu'il sera désormais impossible de se dégager de
l'obligation de réparer le préjudice corporel ou moral
causé à autrui. On y dit aussi que le mineur non doué de
raison n'est pas tenu de réparer le préjudice qu'il cause
à autrui par un comportement en lui-même fautif. Mais on ajoute
qu'il devra néanmoins réparer ce préjudice si les
personnes chargées de sa garde sont exonérées et si sa
situation patrimoniale lui permet de faire cette réparation sans que -
et je vous cite le texte - "soient sérieusement compromis pour autant
ses besoins essentiels ou son avenir". Croyez-vous qu'un tribunal puisse
réduire le montant des dommages et intérêts dûs par
le débiteur lorsque sa faute n'était ni intentionnelle ni lourde
et que la réparation intégrale du préjudice risquerait de
l'exposer démesurément à la gêne? Pouvez-vous
concevoir qu'un jugement soit révisable dans les deux ans de son
prononcé et qu'on puisse être condamné à verser des
dommages et intérêts provisionnels sur simple apparence de droit,
c'est-à-dire sans que la preuve de la défense ait
été entendue? Ce sont là des concepts qui demandent qu'on
s'y arrête plus qu'un instant pour se demander s'il s'agit là de
mesures qui rencontrent vraiment le désir de changement de la
société québécoise. Quant à nous, nous nous
permettons d'en douter, alors qu'on recherche présentement la paix
sociale, le décloisonnement des institutions et l'expansion
économique de nos entreprises.
Alors que l'avant-projet de loi pèche par mauvaise information
d'un côté, il néglige de l'autre de toucher aux
problèmes criants de l'heure en matière de responsabilité
civile, alors qu'il est en son pouvoir d'y apporter certains
correctifs. C'est ainsi qu'il omet, par exemple, de discuter du
problème sérieux posé par les réassureurs qui
refusent de risquer leurs capitaux pour garantir des sommes énormes et
sans limite au chapitre des intérêts, des indemnités
additionnelles et des frais de défense. C'est ainsi qu'il cherche
également à étendre le champ des victimes plutôt que
de le limiter aux victimes immédiates d'un sinistre comme, d'ailleurs,
on tente de le faire présentement partout en Amérique du Nord.
C'est encore ainsi qu'il lui était possible d'intervenir pour fixer un
plafond au chapitre des dommages non pécuniaires tel que
recommandé par la Cour suprême du Canada dans ce qu'on a
appelé la trilogie et qui n'en fait rien. Les rédacteurs de
l'avant-projet pouvaient jouer un rôle stabilisateur à ce sujet,
mais ils ont préféré ne pas le faire. Ils auraient pu
diminuer les coûts de l'assurance de responsabilité civile en
décrétant que les sommes payées aux victimes de fait
dommageables à même les fonds publics ne pourraient être
réclamées également des auteurs de dommages et de leurs
assureurs, qui sont eux-mêmes des contribuables, et ce, dans un souci de
justice fondamentale afin d'éviter le paiement d'une double
indemnité à la victime. Là aussi, ils sont demeurés
muets.
En conclusion, M. le Président, le BAC a consacré beaucoup
d'efforts à examiner cet avant-projet de loi. Nous étions fort
conscients des impacts qu'il représente tant sur la
société québécoise que sur l'industrie que nous
représentons. Nous espérons vivement que les
représentations que nous vous faisons par notre mémoire vont vous
aider dans votre réflexion et vous permettre d'effectuer une
révision qui s'adapte mieux au contexte dans lequel nous
évoluons.
Je vous remercie.
Le Président (M. Doyon): Merci, M. Bouchard. C'est
maintenant au tour du député de Marquette de poser certaines
questions, s'il en a.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'aimerais, au nom du
ministre de la Justice du Québec, vous souhaiter la bienvenue à
nos travaux et vous remercier de la préparation et de la
présentation de votre mémoire, qui est très bien
documenté. Ma première question est la suivante et en rapport
avec la page 33 de votre mémoire, relativement à l'article 2537,
sur la section de l'aggravation du risque. Vous nous dites dans votre
mémoire qu'il serait assez difficile, en Amérique du Nord,
d'essayer de faire comme il se fait un peu en Europe, c'est-à-dire en
France où, lorsqu'on prévoit que l'assuré est tenu de
déclarer les circonstances qui aggravent les risques lorsqu'elles sont
connues de lui et spécifiées dans la police... J'aimerais que
vous explicitiez davantage les raisons qui vous motivent à être
totalement contre l'article 2537 tel que prévu à I'avant-projet
de loi?
M. Bouchard: Je vais demander à Mme Gagné, si vous
voulez, de vous donner les explications complémentaires sur cette
partie. (21 h 45)
Mme Gagné (Hélène): Le texte de loi, tel que
présentement rédigé, demande en fin de compte que la
police contienne toute une série d'aggravations de risques qui seraient
possibles. En d'autres mots, ce serait un peu comme demander une liste du
bottin de téléphone de Bell Canada pour Montréal, que
chaque police contienne toutes les possibilités de changement de risque
qui pourraient survenir au cours de la vie d'un contrat. Ici, on parle non
seulement du contrat d'assurance-habitation, mais aussi du contrat commercial.
Nous savons très bien qu'il est absolument impossible d'avoir une liste
exhaustive semblable, comme aucune loi ne peut avoir une liste exhaustive. Il
est impossible pour un contrat d'avoir aussi une liste exhaustive
d'aggravations possibles de risques. Nous croyons en fait que la modification
de 1976 - nous sommes retournés aux sources à cet effet - a eu en
fait une simple erreur grammaticale qui a complètement changé la
signification ou la tournure de cet article-là. Ce n'était pas
l'aggravation de risques qui devait être spécifiée en liste
dans le contrat, mais tout simplement que les risques eux-mêmes soient
spécifiés; c'est aussi banal que cela comme possibilité
d'erreur. Nous recommandons que l'on retourne aux explications de 1976 ou de
1974 qui existent depuis ce temps dans le projet de loi, qu'on en
détermine exactement le but et qu'on fasse les corrections. Tel que
rédigé, il n'est pas possible d'avoir un contrat qui puisse se
conformer à une exigence particulière. Que les risques soient
précisés, c'est parfait. En fin ce compte, la police doit
spécifier les risques, à moins que ce soit une police qu'on
appelle "tout risque"; il n'y a aucun problème si les risques sont
précisés. Mais spécifier toutes les aggravations possibles
de risques, en d'autres mots, ce serait vous demander quels sont tous les
changements possibles qui pourraient vous arriver au cours de votre vie dans
les prochains douze mois qui pourraient affecter la police. C'est quasiment
demander l'impossible. En fin de compte on ne connaît pas ce genre
d'exigence dans aucun contrat en Amérique du Nord. C'est le but de notre
recommandation.
M. Dauphin: Merci. C'est clair. Comme deuxième question,
vous vous opposez aussi à l'application des dispositions concernant les
contrats d'adhésion aux contrats d'assurances, est-ce que vous pourriez,
dans la même veine, expliciter davantage les raisons qui motivent cette
objection?
Mme Gagné: Je vais passer à M. Faribault.
M. Bouchard: Me Faribault, probablement, est celui qui peut vous
éclairer.
M. Faribault (Bernard): La question du contrat d'adhésion,
telle qu'elle est définie dans l'avant-projet de loi, ne colle pas
à la réalité de tous les jours dans le contexte de
l'assurance. En fait, vous pouvez avoir des contrats d'assurance qui sont
tellement simples qu'ils contiennent le minimum d'information... En fait,
également, tout est négociable. Le problème, c'est que
pour avoir le contrat le plus simple, il faut probablement payer le prix le
plus élevé. C'est une question de marché; c'est une
question de demande. On a entendu des gens intervenir cet après-midi
pour vous parler du contrat d'adhésion dans les cas des cartes de
crédit, si j'ai bien compris. Une police d'assurance, ce n'est pas la
même chose; vous pouvez demander exactement ce que vous voulez et vous
allez exactement l'avoir, sauf que vous allez payer pour. Vous ne pouvez pas
vous attendre a avoir une Cadillac pour le prix d'une Volkswagen. Vous ne
pouvez pas avoir la simplification à outrance sans payer le prix, c'est
tout. Ce n'est pas compliqué, mais cela se négocie. Ce n'est pas
un contrat dont vous pouvez dire: Je l'accepte. Cette notion de contrat
d'adhésion est venue avec le temps quand, par exemple, le
législateur, pour protéger les individus, a décidé
d'imposer des conditions statutaires aux assureurs-incendie en disant: Vous
allez avoir au moins ces conditions-là dans les polices. Mais de
là à dire que vous en faites un contrat d'adhésion, quand
c'est le gouvernement qui l'impose, c'est un petit peu ridicule. Maintenant,
ces exigences-là sont disparues parce que dans la refonte de 1976 on a
dit: Vous allez avoir telles clauses telles que rédigées, vous
allez être obligés de donner toutes les clauses que vous voulez
invoquer dans le contrat. C'est cela, on les met. Si vous voulez qu'on les
enlève, on va les enlever, mais vous ne pouvez pas demander à un
assureur d'assurer votre maison contre le feu, simplement contre le feu, payer
seulement que pour cela et après cela vous plaindre de dommages que vous
avez subis par inondation ou par bris de tuyau, si vous n'avez pas payé
pour. Mais si vous payez pour, on va vous la donner. C'est simplement une
question de marketing; c'est une question de si vous le voulez; vous allez
l'avoir mais il va falloir payer pour. Il n'y a pas d'adhésion dans le
contrat d'assurance comme tel.
M. Dauphin: À un moment donné aussi on parle de
prendre fait et cause pour son assuré. Vous n'y voyez pas un
intérêt pour l'assureur de défendre l'assuré
étant donné les conséquences, évidemment, du
jugement qui peut survenir? Je sais que, à un moment donné dans
le mémoire, c'est à quelle page qu'on a vu cela...
M. Faribault: On n'a aucune objection à cela. C'est dans
toutes les polices de responsabilité civile. C'est dans la loi.
L'assurance de responsabilité civile vit de cela. Le problème qui
vient dans ce domaine-là c'est que le projet de loi tel que
rédigé et la loi telle qu'elle existe présentement
imposent à l'assureur de payer tous les frais de défense d'une
façon illimitée, et payer en plus les intérêts, et
ce qu'ils appellent maintenant l'indemnité additionnelle qui va
disparaître, si j'ai bien compris, dans l'avant-projet de loi. Vous ne
pouvez pas demander à un assureur d'assurer pour des sommes
illimitées. C'est ce qui existe, mais ce n'est pas correct. Vous avez
assisté récemment, et vous assistez présentement,
même si ce n'est pas exactement votre domaine, à des pressions
énormes en Amérique du Nord pour mettre une limite à
l'engagement de l'assureur quant aux coûts de défense et des
intérêts. Ce n'est pas quelque chose qui nous répugne de
prendre le fait et cause de l'assuré. On est là pour cela.
Modestement, on ne fait pas un si mauvais travail, dans les circonstances,
quand on a la pleine coopération de l'assuré.
Le Président (M. Doyon): Vous avez d'autres questions, M.
le député?
M. Dauphin: Pas pour le moment, M. le Président,
merci.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Taillon, vous avez la parole.
M. Filion: Cela va. Je voudrais remercier M. Bouchard, M. Allard,
Me Faribault, Me Gagné, M. Brochu, pour leur participation à
notre commission parlementaire, pour le mémoire substantiel qu'ils nous
ont présenté. Je pense qu'il y a matière à
réflexion pour les membres de cette commission et pour les
rédacteurs de l'avant-projet de loi, les codificateurs qui, comme vous
le savez, eux, vont refaire leurs devoirs après les auditions publiques
que nous avons amorcées aujourd'hui.
Votre mémoire est assez sévère. J'ai lu
attentivement vos propos du début, en particulier. Les critiques sont
sévères. Vous dites: En 1976, on a avalé une
réforme et, comme législateur, vous voulez modifier encore une
fois les contraintes légales dans lesquelles nous évoluons. Vous
reprochez également au projet de loi de ne pas conserver du droit
existant ce qu'il n'était pas nécessaire de changer, reprenant
par là les mots de l'Office de révision du Code civil. Vous
évoquez à juste titre ce qui existe ailleurs, dans les autres
provinces. Les compagnies d'assurances qui oeuvrent au Québec oeuvrent
également à l'extérieur, en bonne partie, peut-être
pas en totalité. Il n'est pas facile pour elles d'offrir des produits
d'assurance qui soient conformes à toutes les législations dans
chacune des provinces. Également, il y a la concurrence qui joue.
Ma première question va porter sur la dernière question
posée par mon collègue, le député de Marquette, sur
ce que vous évoquez à la page 58, 59 et 60 de votre
mémoire. Vous
nous dites: Nous offrons une couverture, mais les frais d'avocats, les
intérêts sur le capital, les dépenses judiciaires, etc.,
cela fait une facture qui ne finit plus. Déjà, on ne serait pas
censé assurer l'inquantifiable, mais on le fait. Me Faribeau nous dit:
De plus en plus, on cherche à limiter la couverture des assurances quant
aux recours, des frais de défense. On fait allusion peut-être
à ce qui se passe aux États-Unis où cela n'est pas facile.
Ici, au Québec, on est toujours resté raisonnable. Il y a des
procès qui sont énormes, mais en général - vous me
corrigerez, si je me trompe - on est toujours resté relativement
raisonnable dans ce secteur. Bien sûr, il y a des honoraires d'avocat
à payer, bien sûr, il y a des frais judiciaires, mais ils sont
abordables. De l'autre côté, si on modifie l'état du droit
à cet égard, imaginez-vous l'assuré, il se retrouve devant
les tribunaux, ou en cour d'instance ou en appel et c'est sa
responsabilité qui est en jeu. Il pourrait se retrouver seul. Dans ce
sens, j'ai bien lu ce que vous dites aux pages 58, 59 et 60 de votre
mémoire, et votre proposition de modification permettant la stipulation
que dans la police ces frais soient assumés pas l'assuré, disons
que cela m'inquiète, surtout si cela devenait une pratique
généralisée, une pratique spécifique, encore
là c'est discutable mais... Donc je ne sais pas si vous voulez
réagir, Me Faribault ou quelqu'un d'autre, à ce que je viens de
dire.
Le Président (M. Doyon): Je crois que M. Bouchard a
peut-être une réponse.
M. Bouchard: Oui, j'aimerais d'abord faire un commentaire un peu
plus général, M. le Président, et peut-être laisser
soit Me Gagné ou Me Faribault faire certains commentaires d'ordre plus
légaliste.
D'abord, quant au contexte général de notre intervention,
pour nous, je ne pense pas qu'il doive s'inscrire dans la difficulté
qu'on pense de fabriquer des produits pour offrir sur un marché, ce
n'est pas à ce niveau que nous voulons placer notre intervention quand
on questionne les changements législatifs qui sont proposés.
C'est plutôt de dire que nous allons être en mesure, comme
industrie, de présenter des couvertures à un prix
économique, qui soit réalisable et qui ne mette pas, soit les
industries, parce que quand on regarde les risques de grande amplitude c'est
bien plus notre industrie à laquelle on pense, parce que ce n'est pas
uniquement en ce qui a trait à l'assurance des particuliers que notre
industrie dans une situation puisse difficilement concurrencer ou ne puisse pas
du tout concurrencer, disons des entreprises étrangères, surtout
dans un contexte où on va être appelés de plus en plus
à évoluer dans un contexte international, les accords de
libre-échange étant une chose dont on parle beaucoup dans ce
temps-ci... Alors c'est peut-être plutôt à cet égard
qu'on parle, dans ce contexte qu'on veut se placer, et non pas en termes de
dire parce que plusieurs des compagnies qui opèrent au Canada, comme
vous le savez sans doute, sont des compagnies de nature internationale, elles
opèrent sous différentes juridictions, elles ont
différentes approches législatives qui peuvent leur être
présentées et elles peuvent s'adapter.
Mais il y a une question également. Comment va-t-on quantifier
les protections si on se place dans un environnement législatif qui
amène, ou qui expose à amener des déboursés de
beaucoup supérieurs à ce qui pourrait se trouver ailleurs? Alors
c'est un peu dans ce contexte que notre intervention veut se placer et non pas
dans un contexte de dire que parce qu'il y a une loi différente en
Ontario, en Colombie britannique ou dans d'autres provinces, nous ne pouvons
pas nous adapter à cela. Je ne pense pas que ce soit sur ce terrain que
nous voulons placer notre intervention.
Je voulais au moins faire cette précision pour vous assurer que
ce n'est pas parce que des entreprises qui opèrent, par exemple, dans
plusieurs pays ne peuvent pas s'adapter à des contextes
législatifs qui peuvent être différents d'une place
à l'autre. C'est plutôt en termes des obligations que cela impose
à un assuré et donc à l'assureur qui prend fait et cause
pour lui.
Quant à l'approche, aux commentaires d'ordre plus légal,
je demanderais soit à Me Gagné ou à Me Faribault
d'intervenir.
Le Président (M. Doyon): Me Faribault ou Me Gagné.
Me Faribeau.
M. Faribault: Étant donné que j'ai
déjà donné une partie de la réponse, pour
répondre spécifiquement à votre question, on dit que dans
le procès de l'amiante, il y a eu, pour une police de 4 000 000 $, 8 000
000 $ de frais de défense au Québec.
M. Filion: La MIUF ou l'amiante?
M. Faribault: L'amiante, parce que la MIUF, ce n'est pas fini,
cela coule encore, et ça coûte cher, ça coûte
très cher.
La deuxième chose, c'est qu'il ne faut pas oublier non plus dans
les risques considérables le jeu de la réassurance. Les
réassureurs, qui obéissent à des impératifs
financiers un peu différents des assureurs de première ligne,
font des pressions considérables pour ne pas avoir à couvrir ce
genre de risques.
Troisièmement, nous ne demandons pas que ce soit
éliminé, nous demandons tout simplement que ce soit
contingenté. Il y aurait moyen, pour un prix, d'avoir de l'assurance
pour couvrir des risques de procès faramineux. C'est tout. La
difficulté est dans le montant illimité que nous sommes
obligés d'assumer à cause de la loi, alors que le risque que nous
avons voulu assumer, lui, est limité en capital. Je ne sais pas si cela
répond à votre question.
M. Filion: Oui. Vous apportez des éléments de
réflexion au-delà du fait que l'assureur
généralement prend fait et cause à base de l'assurance.
Vous amenez des points quand même qui méritent réflexion.
En tout cas, vous levez le voile sur une problématique.
Je voudrais revenir sur une autre partie de votre mémoire. (22
heures)
Le Président (M. Doyon): Je croyais que M. Bouchard
voulait ajouter quelque chose.
M. Bouchard: J'aurais aimé juste apporter un
complément d'information. À notre connaissance, il n'existe aucun
autre endroit en Amérique du Nord ou ailleurs où on assure de
façon illimitée les frais de défense et
d'intérêt. Évidemment, cela fait partie d'un contexte
économique dans lequel on évolue. Si cela n'existe pas ailleurs
et qu'une législation amenait les assureurs et, enfin, l'industrie de
l'assurance ou de la réassurance à exposer leurs capitaux pour
des montants illimités sur des cas, par exemple, tels que ceux
cités par Me Faribeau tout à l'heure, cela nous place dans un
environnement législatif beaucoup plus exposé et donc qui peut
risquer de limiter la capacité des assurés
québécois de trouver du marché et de concurrencer, par
exemple, leur contrepartie américaine ou d'autres pays dans la
fabrication de produits ou autre chose.
M. Filion: Je disais qu'il y a une partie de votre mémoire
que l'on retrouve à la fois dans l'introduction et dans la conclusion,
parce que c'est la même introduction et conclusion, c'est peut-être
la machine à traitement de textes qui était très efficace.
Vous déplorez finalement le fait - vous êtes les premiers à
le faire; plusieurs groupes après vous vont le faire, mais d'une
façon aussi claire... - que plusieurs dispositions de l'avant-projet de
loi imposent des régimes d'indemnisation différents selon la
capacité financière des gens qui pourraient être
trouvés coupables par les tribunaux. Vous soulignez l'article 1666, cela
vaut la peine de le lire: "Le tribunal peut, exceptionnellement, réduire
le montant des dommages-intérêts dus par le débiteur
lorsque la faute de celui-ci n'était ni intentionnelle, ni lourde . et
que la réparation intégrale du préjudice risquerait de
l'exposer démesurément à la gêne."
Outre le fait que la rédaction de l'article est peut-être
gênante un peu, et je le dis de façon non péjorative, parce
que cela introduit un droit nouveau, alors, cela ne doit pas être facile
de trouver une rédaction qui permette de débloquer un nouveau
concept comme celui-là, il demeure, et vous le soulignez à juste
titre, que le fait de subordonner un acte de justice à l'analyse d'une
situation financière invite à l'arbitraire. Je dois vous dire
que, surtout la dernière partie, ce n'est pas facile à saisir.
Dans ce sens-là, ma question sur l'article 1666 s'adresserait plus aux
gens de l'autre côté qu'à vous, mais comme ils sont
à cette étape de la commission parlementaire, allons-y.
Vous soulignez également - et là vous êtes encore
plus réticents, si c'est possible - que l'imposition de dommages
punitifs qui sont déjà permis évidemment lorsqu'il s'agit
d'une infraction aux droits fondamentaux prévus par la charte, vous
soulignez, dis-je, que ce type de dommages n'est généralement pas
assurable, et là vous dites: "à cause d'impératifs tant
moraux que pratiques". Lorsque dans une action ordinaire, il y avait des
dommages moraux d'accordés et que la compagnie d'assurances prenant fait
et cause d'un assuré était condamnée à payer des
dommages moraux, quelle est la différence finalement? Je sais qu'il y en
a une en droit, mais pour la compagnie d'assurance c'est quoi la
différence entre un dommage moral et un dommage punitif,
vis-à-vis de la compagnie d'assurances, non pas en droit? En droit, je
connais la différence, mais vis-à-vis de la compagnie
d'assurances, quelle est la différence?
M. Faribault: La différence c'est la compensation. C'est
qu'il y en a un qui compense une victime dans ce que l'on appelle en latin la
restitutio in integrum qui est un idéal que le juge Letarte essaie
d'atteindre et qu'il semble réussir à imposer. Cela dit, sans
critique pour le juge Letarte. Il fait de bons jugements. Il ne faut pas
confondre le... Mon Dieu Seigneur!
M. Filion: Vous avez perdu le fil.
M. Faribault: ...l'impératif moral ou la cause morale et
les dommages moraux. Ce n'est pas la même chose. Quand on parle dans
notre mémoire des impératifs moraux, ce sont des
impératifs fondés généralement sur des notions
d'ordre public. Alors, il ne faut pas confondre les deux. Les arguments qui
militent contre les dommages punitifs viennent surtout du fait que les dommages
punitifs sont d'autant plus facilement accordés qu'ils ne sont pas
payables par l'auteur du dommage lui-même, mais bien par quelqu'un qui a
plus d'argent que lui, qui est bien surpris de ce qui lui arrive. Les dommages
punitifs, cela vient de Common Law et cela a été accordé
très très parcimonieusement jusqu'à ce que les
Américains, surtout en Californie, prennent le mors aux dents et
appliquent cela à tort et à travers. Mais, même aux
États-Unis, les dommages punitifs ne sont pas accordés partout et
ne sont pas accordés aussi souvent que la presse écrite,
radiodiffusée ou télévisée semble le laisser
entendre. À part cela, ils sont réduits. Mais, cela, on n'en
parle pas. Alors, ce qu'on dit, c'est que les dommages punitifs pour les
atteintes aux infractions de la Charte des droits et libertés, c'est
prévu. Parfait! De toute façon, dans ces cas, il s'agit souvent
de cas de dommages causés intentionnellement et ils sont exclus de par
la loi
et de par les polices. Mais, ce n'est pas toutes les polices qui les
excluent de la même façon et ce n'est pas tous les juges qui
lisent les polices de la même façon non plus. Or, ce qu'on
voudrait, c'est limiter cela à l'essentiel.
M. Filion: Est-ce qu'aux États-Unis, ces dommages punitifs
sont assurés?
M. Faribault: Cela dépend des États, cela
dépend des polices et cela dépend des juges.
M. Filion: C'est à peu près comme ici,
finalement.
M. Faribault: Bien non, parce que cela est plus commun
là-bas...
M. Filion: C'est plus commun.
M. Faribault: ...ils sont plus habitués et ils le
demandent tout le temps.
M. Filion: D'accord.
M. Faribault: Ici, on est beaucoup plus réaliste, beaucoup
plus raisonnable encore. Mais, je peux vous dire qu'avec un texte comme celui
que vous avez devant vous, il y a beaucoup d'avocats qui vont devenir riches
rapidement et vous allez manquer de juges.
M. Filion: Vous craignez que les victimes...
M. Faribault: II y a beaucoup de chances que les avocats
deviennent riches.
M. Filion: ...demandent une réparation en termes de...,
c'est-à-dire demandent des dommages punitifs d'une façon beaucoup
plus usuelle. C'est normal. Puisque cela existe, ils vont tous le demander. Il
y a une jurisprudence qui va s'établir et on va finir par se donner un
modus vivendi en ce qui concerne les dommages punitifs. Mais, vous dites:
Excluez cela. Ils existent déjà en fonction de la charte des
droits. Laissez cela là et n'introduisez pas de nouveaux concepts de
dommages.
M. Faribault: Vous savez, les dommages punitifs, ils n'existent
pas partout. Ils existent dans la Loi sur la protection du consommateur, si je
me souviens bien. Ils existent dans la Loi sur la protection des arbres, ils
existent dans la charte, je pense. Il y a peut-être un autre cas, mais il
m'échappe pour l'instant. Pour les arbres, on peut le comprendre un peu.
Si vous coupez un arbre, cela prend cent ans pour se refaire. Vous voulez
donner un exemple et vous dites: Ne faites pas cela, ne le faites plus, je vais
comprendre cela. Mais, dans un régime de droits qui veut indemniser
quelqu'un à qui on a commis une atteinte ou un préjudice, on
devrait se satisfaire de la réparation la plus complète à
laquelle on puisse arriver. Cela devrait être là. Cela a toujours
été cela la base des indemnités et il n'y a pas de raison
de les changer, à notre avis.
M. Filion: Maître, vous voulez ajouter...
Mme Gagné: Oui, j'aimerais ajouter peut-être une
note à cet effet. Le but du dommage punitif justement et après
avoir suivi toute révolution qu'il y a eu aux États-Unis et au
Canada lorsque cela a été introduit graduellement, en
matière de contrat surtout, c'est justement de punir l'individu qui a
causé un dommage qui est considéré extrême et
intentionnel vis-à-vis d'une victime. Alors, pour punir une personne, si
vous envoyez quelqu'un en prison, la personne n'a pas le droit d'envoyer son
beau-frère à sa place, il faut qu'elle y aille elle-même.
C'est un peu le même concept. Si vous faites un dommage punitif et que
c'est l'assureur qui paie, l'individu lui-même n'est pas
pénalisé. En fin de compte, il passe la facture à un
autre. Alors, c'est simplifié. C'est un peu dans ce contexte. Le
punitif, c'est de punir l'individu pour ne pas que les autres recommencent.
Alors, s'il y a la possibilité de faire un cession de sa
pénalité à un autre, vous n'avez pas atteint le but.
Alors, c'est dans ce contexte-là que cela ne devrait pas être
assurable, de la même façon qu'un acte intentionnel ou un acte
criminel n'est pas assurable, parce que vous ne devez pas avoir la
possibilité de vous assurer contre vos propres turpitudes. En fin de
compte, c'est le même contexte.
M. Filion: Vous dites: Peut-être si vous voulez
l'introduire, comme législateur, faites-le, mais assurez-vous...
Mme Gagné: Mais il ne sera pas assurable.
M. Filion: ...que ce ne sera pas l'objet... Mme Gagné:
D'assurance.
M. Filion: ...d'assurance. Bon. Je pense que...
Mme Gagné: Oui, c'est le contexte.
M. Filion: Le dernier argument que vous amenez ne manque pas de
précision.
Le Président (M. Doyon): M. Bouchard.
M. Bouchard: Pour enchaîner sur ce que disait Me
Gagné, c'est que de façon générale, les dommages
punitifs sont exclus dans tous nos traités de réassurance. Pour
ces raisons-là, il s'agit de montants sont difficilement quantifiables
à l'avance et où on peut difficilement évaluer à
l'avance ce que cela pourrait coûter à l'industrie. Alors, pour
nous, évidemment il y a le côté pratique et
également le côté fondamen-
tal. Quand vous faisiez référence tout à l'heure
aux préjudices moraux causés à une victime par rapport
à la punition qu'on veut infliger à l'auteur d'un dommage. Disons
que ce sont deux concepts un peu différents. On est prêt, je
pense, à assurer les dommages évaluables à une victime qui
a été préjudiciée, mais le dommage punitif
lui-même est une chose qui est très difficile
d'évaluation.
Le Président (M. Doyon): Oui, M. le
député.
M. Filion: M. le Président, avec la permission de mes
collègues, je demanderais à Me Gariépy...
Le Président (M. Doyon): Oui.
M. Filion: ...un de mes conseillers, de poser une question un peu
plus précise demandant une expertise que je n'ai pas tout à fait
intégrée.
Le Président (M. Doyon): Oui, en signalant en passant
qu'il resterait deux minutes pour votre formation politique. Avec l'arrangement
du député de Marquette, vous allez pouvoir...
M. Filion: Je suis convaincu, avec l'arrangement actuel qui nous
guide.
Le Président (M. Doyon): Alors, Me Gariépy,
allez-y.
M. Filion: Allez-y et prenez le temps qu'il vous faut.
M. Gariépy: Me Faribeau, vous m'avez convaincu, disons,
que la police d'assurance n'était pas un contrat d'adhésion et
que, face aux articles 1423 et surtout 1477 de l'avant-projet qui traitent de
l'interprétation d'un contrat, à savoir, entre autres, le contrat
d'adhésion, cela me crée un certain doute ou un émoi,
étant donné que je n'ai pas trouvé l'article 2499 du Code
civil actuel qui, à l'effet d'ambiguïté, le contrat
d'assurance interpréterait contre l'assureur... est-ce qu'il y aurait
une possibilité que, si on assume que la police d'assurance comme vous
le faites n'est pas un contrat d'adhésion, l'assuré ait perdu le
bénéfice de l'interprétation du contrat ou de la police
contre l'assureur?
M. Faribault: Je ne crois pas que ce soit le cas parce que vous
avez des règles d'interprétation des contrats dans votre
avant-projet de loi. La notion de contrat d'adhésion est une notion
d'interprétation qui a pris naissance dans la jurisprudence. Alors, je
pense que lorsqu'on dit, et je pense que cela existe dans l'avant-projet de
loi, dans l'interprétation des contrats, qu'on interprète un
contrat selon l'intention des parties et puis...
M. Gariépy: L'article 1477: Dans le doute, le contrat
s'interprète toujours en faveur du débiteur.
M. Faribault: C'est cela.
M. Gariépy: Or, un assuré qui réclamerait
d'un assureur, l'assureur pourrait être un débiteur.
M. Faribault: II est un débiteur à ce
moment-là. Alors, vous l'avez, votre interprétation.
M. Gariépy: C'est le contraire.
M. Filion: C'est le contraire. Ce que Me
Gariépy expose, c'est que, grosso modo, le bénéfice
allait contre l'assureur auparavant et, maintenant, irait contre
l'assuré.
Une voix: Non.
M. Faribault: Non. Parce que, quand vous êtes un
assuré et que vous demandez à un assureur de remplir son contrat,
l'assureur est débiteur. Voyons, c'est lui qui doit remplir.
Mme Gagné: C'est lui qui a l'obligation. M. Faribault:
C'est lui qui a l'obligation.
Le Président (M. Doyon): Je pense que tout le monde
comprend.
M. Filion: Le créancier de l'obligation étant
l'assuré.
Une voix: Bon, bien, alors...
M. Filion: L'article 1477 dit bien: "Dans le doute, le contrat
s'interprète toujours en faveur du débiteur et contre le
créancier de l'obligation..." C'est l'inverse de ce qui existe
présentement, si je comprends bien.
M. Gariépy: Et à moins que ce soit un contrat
d'adhésion.
M. Filion: À moins que ce soit un contrat
d'adhésion.
M. Gariépy: ...ce n'est pas un contrat
d'adhésion.
M. Faribault: C'est ce que vous dites, ce n'est pas un contrat
d'adhésion. Alors, qu'est-ce qu'on va faire?
M. Filion: On va interpréter le contrat d'assurance contre
l'assuré?
Une voix: Bien non.
M. Filion: Bien non, mais c'est ce que cela veut dire.
M. Faribault: Bien c'est parce que votre loi est totalement
basée, à toutes fins utiles, sur l'existence d'un contrat
d'adhésion. L'avant-projet dit cela partout. En fait, si vous achetez -
et je l'ai déjà dit à quelqu'un du ministère de la
Justice - un sac de chips pour manger au cinéma et que vous n'en mangez
que la moitié, avez-vous le droit de retourner à la caisse et de
dire: Écoutez, je n'en ai mangé que la moitié, donnez-moi
la moitié du prix d'achat? Parce que, en définitive, ce que vous
avez fait, c'est un contrat d'adhésion; vous n'avez pas le droit de le
négocier. Vous achetez tout d'un seul coup, vous payez le prix et si
vous en mangez la moitié, bien, c'est "too bad". Alors, si vous regardez
la façon dont les contrats d'ahésion sont définis,
évidemment, vous allez vous retrouver avec un article
rédigé comme le 1477, qui va essayer de favoriser un
débiteur mais c'est croche, à partir du début, cette
notion de contrat d'adhésion.
Mme Gagné: De toute façon...
M. Filion: Vous prétendez quoi concernant les contrats
d'adhésion?
M. Faribault: On prétend, en tout cas, dans l'assurance,
que cela n'existe pas.
M. Filion: Non, mais là on parle, on est rendu dans le sac
de chips et dans la qualité du film, là.
M. Faribault: De la qualité du film, on n'en parle pas non
plus.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Filion: Cela fait déjà partie du "package".
M. Faribault: Bon. Prenez, par exemple, les cartes de
crédit. Vous dites, puis vous vous l'êtes fait dire cet
après-midi: Si vous n'en voulez pas, vous avez seulement à ne pas
signer. Mais là, vous voulez de la protection. Alors, il y a quelqu'un
qui va être créancier de la protection, ce sera l'assuré,
puis il y aura quelqu'un qui en sera débiteur. S'il y a des
problèmes d'interprétation, ils seront toujours résolu de
toute façon en faveur de celui qui demande quelque chose. C'est ce qui
se passe dans la réalité de tous les jours. Si vous êtes
mal à l'aise avec 1477, il va falloir le réécrire.
Le Président (M. Doyon): D'autres questions?
M. Faribault: Cela s'interprète en faveur du
débiteur. Cela ne peut pas marcher dans un contrat d'assurance, à
moins que vous n'en fassiez un contrat d'adhésion et là, cela
marche. Mais, si vous prenez la prémisse que ce n'est pas un contrat
d'adhésion, il va falloir retourner cela à l'envers.
Le Président (M. Doyon): Avez-vous d'autres questions, M.
le député?
M. Filion: Non. De mon côté, je voudrais remercier
les gens du BAC, qui nous ont fait la preuve ce soir, une fois encore, qu'ils
ont acquis, au fil des années, une crédibilité
basée sur une expertise et une connaissance du milieu de l'assurance
tout à fait particulière. Je voudrais les remercier encore, je le
répète. Le travail qui a été fait quant au
mémoire classe sûrement le mémoire du BAC parmi les
mémoires importants que nous avons reçus. Je voudrais les
remercier de s'être déplacés et de se prêter,
à une heure aussi tardive, à un exercice démocratique que
vous savez sûrement être quand même essentiel au
fonctionnement du Parlement. Alors, je vous remercie de la part de notre
formation politique.
Le Président (M. Doyon): M. le député de
Marquette, vous voulez ajouter quelques mots?
M. Dauphin: Oui, M. le Président. De notre
côté, c'est la même chose. On peut assurer tout de suite le
BAC que son mémoire et ses commentaires seront pris en sérieuse
considération. Je remercie ses porte-parole de la très grande
qualité de la préparation et de la présentation du
mémoire.
Le Président (M. Doyon): Alors, au nom de la commission,
je vous remercie beaucoup. Le mémoire est extrêmement
intéressant et bien reçu par la commission. Merci et bonsoir.
Je signale que les travaux sont ajournés jusqu'à demain,
10 heures. Ils reprendront donc à 10 heures à la salle du Conseil
législatif.
(Fin de la séance à 22 h 20)