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(Neuf heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Marcil): Nous allons reprendre
immédiatement nos travaux. Nous allons entendre la
Confédération des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec représentée par M. Denis
Frenière, 1er vice-président aux ressources humaines et
financières.
M. Frenière je vous laisse le plaisir de nous présenter
vos collègues. Nous allons vous laisser de 20 à 30 minutes pour
l'exposé de votre mémoire et immédiatement après
nous procéderons à la période de questions. Ça va?
En passant, on vous souhaite naturellement la bienvenue à cette
sous-commission.
Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec
M. Frenière (Denis): Merci, M. le Président. Comme
vous venez de le dire, je le répète, mon nom est Denis
Frenière. Le poste que j'occupe à la Confédération
des caisses populaires et d'économie Desjardins est celui de 1er
vice-président aux ressources humaines et financières.
Mes collègues qui m'accompagnent ce matin: à ma droite,
Mme Rita Bédard, vice-présidente aux affaires juridiques; - je
reviendrai à droite - Mme Michelle Soucy, coordonnatrice
clientèle entreprise à la direction du développement des
services; M. Pierre Laflamme, conseiller en crédit; à
l'extrême-droite, Me Daniel Dionne, conseiller juridique à la
confédération.
J'aimerais tout d'abord, au nom des institutions du Mouvement
Desjardins, vous remercier, ainsi que tous les autres membres de cette
sous-commission, de nous permettre de faire valoir notre point de vue à
l'égard de cette pièce législative très importante
qu'est l'avant-projet de loi sur les sûretés réelles et la
publicité des droits. J'aimerais également souligner au ministre
de la Justice, M. Herbert Marx, à son adjoint parlementaire pour les
fins de cette sous-commission, M. Claude Dauphin, ainsi qu'à toutes les
personnes qui ont travaillé à la rédaction de cet
avant-projet de loi, notre très grande satisfaction face à la
volonté, maintenant clairement exprimée du gouvernement, de
revoir en profondeur tout le domaine des sûretés réelles et
de la publicité des droits.
Certaines dispositions actuelles ont été
édictées il y a plus d'un siècle et il est important de
les revoir à la lumière de la réalité
d'aujourd'hui. Bien que nous ayons plusieurs recommandations ou suggestions
à formuler à cette sous-commission, nous apprécions
grandement de nombreuses améliorations proposées par
l'avant-projet de loi. Nous croyons qu'avec certains ajustements
formulés, tant par d'autres intervenants que par le Mouvement
Desjardins, la population du Québec pourrait être dotée
dans un avenir, sembte-t-il, assez rapproché d'un régime des
sûretés et de la publicité des droits nettement
amélioré.
Avant d'aborder de façon plus spécifique certains
commentaires contenus dans notre mémoire, il m'apparaît important
de préciser quelque peu l'impact que peut avoir cet avant-projet de loi
sur l'activité financière du Mouvement Desjardins. Celui-ci est
composé d'un grand nombre d'institutions qui, pour la plupart, oeuvrent
dans le domaine du crédit. La majorité d'entre elles sont des
caisses d'épargne et de crédit réparties sur l'ensemble du
territoire du Québec. On en compte actuellement 1358. Plusieurs autres
institutions du mouvement oeuvrent également dans ce domaine.
Mentionnons particulièrement les onze fédérations de
caisse, l'Assurance-Vie Desjardins, la Caisse centrale Desjardins du
Québec, la Fiducie du Québec, la Sauvegarde Compagnie d'Assurance
sur la Vie, le Crédit industriel Desjardins et, finalement, la
Société d'investissement Desjardins.
Les prêts assortis de sûretés réelles se
retrouvent principalement dans trois grandes catégories. Les prêts
hypothécaires a l'habitation, les prêts commerciaux et industriels
et les prêts agricoles.
Au 31 décembre 1986, les prêts hypothécaires
à l'habitation consentis par les institutions du Mouvement Desjardins
s'élevaient aux alentours de 12 500 000 000 $. Dans le domaine
commercial et industriel, dans lequel le Mouvement Desjardins est de plus en
plus actif, les prêts s'élevaient à environ 4 030 000 000
$. On peut évaluer qu'environ 75 % de ce montant ou à peu
près 3 000 000 000 $ étaient constitués de prêts
assortis de sûretés réelles.
Dans le domaine agricole, les prêts
s'élevaient à 1 100 000 000 $ environ. De ce montant, une
proportion très importante soit 1 000 000 000 $ est constitué de
prêts assortis de sûretés réelles principalement des
hypothèques et des nantissements agricoles.
Les prêts assortis de sûretés réelles
consentis par les institutions du Mouvement Desjardins s'élevaient donc
approximativement à 16 500 000 000 $ en tenant compte des données
des plus récentes, on peut évaluer que ce montant est aujourd'hui
d'environ 17 000 000 000 $ sur un actif global de 31 000 000 000 $.
Comme les nouvelles règles relatives aux sûretés
réelles seront sûrement en vigueur pendant de nombreuses
années, les montants en cause sont d'autant plus importants.
L'avant-projet de loi risque donc d'avoir un impact considérable
sur l'activité financière des institutions du Mouvement
Desjardins. En termes de part du marché, celles-ci occupaient au 31
décembre dernier, 40 % du marché des prêts
hypothécaires à l'habitation, ce qui ne tient pas compte,
c'est-à-dire exclues les institutions du Mouvement Desjardins, si on
ajoutait à ce chiffre les institutions, on arriverait à 43 % du
marché.
Dans le domaine des prêts commerciaux et industriels, la part de
Desjardina est de 15 %, quand on ne tient compte que des caisses. Là
encore, si on ajoute Ies institutions, la part s'élève à
20 %; dans le domaine des prêts agricoles, la part des caisses est de 36
%. Cette proportion passe à 55 % en ajoutant les institutions de
Desjardins.
Si on considère que le reste du marché est occupé
par de nombreux autres orqanismes, on peut finalement conclure que les
institutions du Mouvement Desjardins sont parmi celles qui sont les plus
affectées par cet avant-projet de loi. C'est la raison pour laquelle
nous lui avons accordé une grande importance.
J'aimerais également rappeler certaines préoccupations
générales qui nous ont inspirés dans l'étude de cet
avant-projet de loi. Tout d'abord, compte tenu du rôle important que joue
le Mouvement Desjardins au sein de la société
québécoise, au chapitre du crédit, nous croyons qu'il est
de notre devoir de commenter l'avant-projet de loi en recherchant pour les
emprunteurs un système de crédit accessible, le moins
coûteux possible et répondant vraiment à leurs besoins.
Une autre préoccupation très importante pour nous concerne
la protection accordée par l'avant-projet de loi à la situation
du créancier garanti. En effet, lorsqu'un créancier juge
important d'assortir son prêt d'une sûreté, il est essentiel
qu'il puisse connaître celle qui affecte déjà le bien et
qu'il puisse être certain qu'aucune autre sûreté prioritaire
qu'il ne peut évaluer d'avance ne l'affectera par la suite. Sinon, c'est
dans une insécurité constante que devront travailler les
prêteurs. Cela se répercutera sur la quantité et l'ampleur
des garanties exigées sur les frais que devront supporter les
emprunteurs et sur le service qui leur sera donné.
D'ailleurs, les sommes prêtées par les institutions
financières proviennent, en grande partie, de l'épargne qui leur
est confiée et les déposants sont en droit de s'attendre à
ce que leurs économies soient protégées le mieux possible.
Une autre préoccupation majeure est celle de pouvoir obtenir une
sûreté réelle en suivant une procédure
dénuée de tout formalisme inutile.
Il faut éviter, par exemple, d'imposer des formalités qui
augmentent considérablement le travail des prêteurs et les frais
d'emprunt pour les emprunteurs, si celles-ci ne visent qu'à
prévenir des situations exceptionnelles ou hypothétiques.
Au chapitre de recours, nous avons constaté l'introduction de
nombreuses règles destinées à protéger les
emprunteurs en difficulté. Nous souscrivons entièrement à
cet objectif et à la plupart des mesures prévues à cette
fin. Nous soulignerons, toutefois, certaines d'entre elles qui, à la
lumière des expériences vécues dans le passé, ne
nous paraissent pas opportunes ou qui risquent de produire l'effet inverse de
celui recherché.
Par ailleurs, il est essentiel que les articles du Code civil au
chapitre des sûretés et de la publicité des droits soient
les plus clairs possible. En effet, compte tenu des sommes considérables
qui seront prêtées au cours des années à venir sur
la foi des nouvelles sûretés, il est essentiel que les
prêteurs puissent consentir leurs prêts en ayant le moins de doutes
possible quant à l'interprétation des articles pouvant
s'appliquer.
Enfin, dans le contexte du décloisonnement, les institutions
financières, il est important que le Code civil permette aux
institutions de crédit de juridiction provinciale d'être en
position concurrentielle face à celles de juridiction
fédérale. Cela dit, vous me permettrez, M. le Président,
de céder maintenant la parole à Me Daniel Dionne, qui reprendra
quelques commentaires contenus dans le mémoire et qui sont plus d'ordre
juridique.
M. Dionne (Daniel): Merci, M. Frenière. Comme l'ont fait
les autres intervenants, je vais suivre l'ordre de présentation de
l'avant-projet de loi. En ce qui a trait, tout d'abord, aux créances
prioritaires pour les impenses, l'avant-projet de loi prévoit qu'elles
prendront rang avant les hypothèques, sans qu'elles aient à
être publiées.
Un prêteur hypothécaire pourrait donc,
après avoir consenti son prêt en ayant fait toutes les
vérifications d'usage, apprendre que le bien hypothéqué
était grevé d'une ou plusieurs charges prioritaires pour impense
pouvant affecter sérieusement la valeur de sa garantie.
À notre avis, c'est une situation difficilement acceptable, parce
qu'il est impossible d'évaluer d'avance les montants de tels charges
contrairement aux taxes municipales, par exemple. Nous croyons donc que les
créances découlant des impenses devraient, du moins dans le cas
des immeubles, être publiées pour être opposables aux tiers
et qu'elles devraient prendre rang selon leur date d'enregistrement.
Nous avons donc considéré que la meilleure solution serait
qu'elles puissent donner lieu à une hypothèque légale
plutôt que d'être des créances prioritaires. Certains
intervenants ont également parlé d'un droit de rétention.
Nous considérons que cette hypothèse est envisageable dans le cas
d'immeubles, à la condition, toutefois, que des modalités soient
prévues, afin d'assurer aux autres créanciers un traitement
équitable. On pourrait penser, par exemple, à appliquer à
ce droit de rétention les règles de l'hypothèque
mobilière avec des possessions.
Par ailleurs, l'avant-projet de loi propose que les créances de
l'état pour les taxes et les impôts soient des créances
prioritaires pouvant grever des biens meubles et immeubles, sans avoir à
être publiées. Si elles affectent des biens meubles, ces
créance prendront rang avant les hypothèques mobilières,
quelles que soit leur date.
Nous sommes conscients que cette priorité existe
déjà en vertu de la Loi sur le ministère du Revenu, mais
l'expérience vécue jusqu'à maintenant nous permet
d'affirmer qu'elle engendre des problèmes très sérieux en
matière de gestion du crédit. En effet, la priorité de la
créance de l'État oblige les créanciers à effectuer
des vérifications lors de l'octroi de nombreux prêts et à
faire un suivi de ceux-ci, afin de s'assurer que le débiteur ne
s'endette pas de façon importante envers l'État.
Mais il n'est pas possible de toujours faire ces vérifications,
et même lorsqu'elles sont faites, elles n'assurent pas le prêteur
que le bien obtenu en garantie ne servira pas un jour à payer
exclusivement la créance de l'État. Pour pallier ce risque ou
réduire le nombre des vérifications, les créanciers
doivent parfois exiger d'autres garanties comme, par exemple, le cautionnement
d'un tiers. Mais si les choses tournent mal et que l'État se
prévaut de son privilège, le créancier doit s'adresser
à la caution et c'est finalement elle qui supporte la priorité de
l'État et qui parfois se retrouve en sérieuse difficulté
financière.
Nous trouvons donc inacceptable que l'État passe avant le
créancier garanti dans le cas des biens meubles. D'ailleurs, dans
l'avant-projet de loi, on a jugé important de prévoir une
règle à l'effet que la créance prioritaire de
l'État ne prime pas les hypothèques immobilières. Nous ne
voyons pas pourquoi il n'en serait pas de même dans le cas des
hypothèques mobilières.
Nous sommes également d'avis que la créance de
l'État ne devrait pas être prioritaire à celle des
créanciers chirografaires. Nous comprenons que des mécanismes
sont nécessaires pour permettre à l'État de
récupérer le mieux possible les montants qui lui sont dus, mais
nous croyons que ce n'est pas à une ou quelques personnes qui ne sont
pas concernées par la dette due à l'État d'en supporter
les frais et les conséquences.
Nous trouvons injuste que les particuliers ou de petits
commerçants perdent des montants considérables parce que les
gouvernements sont colloques en premier sur les biens libres de garantie ou qui
comportent une équité, d'autant plus que ce sont très
souvent les créanciers chirographaires qui ont procuré ces biens
au débiteur ou qui lui ont fourni le crédit nécessaire
à leur réquisition. N'est-il pas anormal que ce soit un autre
créancier qui en profite?
La priorité des créances de l'État est
dénoncée par de nombreux organismes qui n'en sont pas
personnellement victimes et qui constatent les injustices qu'elle engendre.
Nous croyons que le gouvernement du Québec devrait, comme il a su le
faire dans d'autres domaines, innover et abolir cette injustice. L'avant-projet
de loi va en sens contraire, car il ouvre la porte au gouvernement
fédéral qui n'a actuellement un privilège que dans des cas
très rares. À notre avis, l'État devrait tout au plus
avoir le droit d'enregistrer une hypothèque légale, ce qui est
déjà prévu aux articles 2888 et suivants.
En ce qui a trait aux biens pouvant être
hypothéqués, l'article 2825 prévoit que les biens
incorporels pourront être hypothéqués. Or, certains biens
incorporels sont régis par des lois ou des règlements
particuliers qui prévoient des modalités bien précises
pour leur aliénation, lesquelles ne concordent pas avec les recours
prévus dans l'avant-projet de loi, par exemple, les permis émis
en vertu de la Loi sur les transports ou les quotas émis en vertu du
règlement sur les quotas de production de lait.
Ces biens ont souvent une valeur appréciable, et ceux qui
désirent les acheter ou qui les possèdent déjà
veulent parfois les donner en garantie pour faciliter leur acquisition ou pour
obtenir du crédit additionnel. Mais les prêteurs hésitent
ou refusent de les prendre en garantie, de peur que leur garantie soit
déclarée nulle par les tribunaux ou qu'elle soit difficile
à réaliser.
Par contre, lorsque leur garantie porte sur tous les biens de
l'entreprise, il est très important pour les prêteurs d'avoir
également ces biens corporels en garantie.
L'adoption du projet de loi sur les sûretés devrait
être l'occasion de régler ce problème. Différentes
solutions peuvent être envisagées, nous en suggérons une
dans notre mémoire.
L'article 2827 prévoit l'impossibilité
d'hypothéquer des biens insaisissables. Cette règle va à
l'encontre de la situation actuelle, puisque plusieurs biens saisissables
peuvent actuellement être donnés en garantie et deviennent alors
saisissables par le créancier. C'est le cas notamment des biens pouvant
faire l'objet d'un nantissement commercial, agricole ou forestier. C'est
très important qu'il en soit ainsi, sinon les personnes pouvant
actuellement consentir ces sûretés auront à l'avenir des
difficultés à obtenir le financement nécessaire à
l'acquisition de machineries, d'équipement ou d'animaux, par exemple, ou
encore au maintien de leurs opérations.
L'impossibilité d'hypothéquer des biens saisissables peut,
à première vue, sembler une mesure favorable aux emprunteurs,
mais, à notre avis, elle ne favorisera qu'une très faible
proportion d'entre eux et,, nuira de façon importante à tous les
autres'.
Nous croyons qu'il est essentiel que te gouvernement examine
sérieusement les conséquences pratiques de la règle
proposée. Faute de temps, il nous est impossible d'en parler en
détail au cours de cet exposé, mais notre mémoire aborde
la question de façon plus précise. À notre avis, la
solution qui devrait être retenue serait de maintenir le statu quo.
L'article 2827, alinéa 2, prévoit qu'il ne sera pas
possible d'hypothéquer des honoraires non exigibles. À notre
avis, cette règle limitera de façon importante les
possibilités de financement de certaines personnes ou entreprises qui
peuvent actuellement, en vertu des articles 1570 et suivants du Code civil, se
servir de leurs honoraires non exigibles pour obtenir du crédit parfois
essentiel à la bonne marche de leur entreprise. Il est en effet souvent
nécessaire, lorsqu'on obtient un contrat, d'avoir du crédit pour
l'exécuter. Par exemple: paiement des employés, des
dépenses courantes, etc. Or, le crédit sera très difficile
à obtenir si les emprunteurs ne peuvent plus donner en garantie les
honoraires pouvant éventuellement découler des services qu'ils
s'apprêtent à rendre, honoraires qui sont parfois le principal
sinon le seul actif de l'entreprise. Il devrait donc demeurer possible
d'hypothéquer des honoraires non exigibles. D'ailleurs, lorsque des
honoraires deviennent exigibles, il est inutile voire inopportun de les
hypothéquer, il est plutôt temps de les percevoir. Notre
mémoire aborde cette question de façon plus
détaillée et peut être consulté au besoin.
L'article 2841 stipule en ce qui a trait aux personnes pouvant consentir
l'hypothèque, qu'à moins qu'elle n'exploite une entreprise, une
personne physique ne peut consentir une hypothèque mobilière sans
des possessions que sur le bien déterminé qu'elle acquiert.
À notre avis, une personne physique qui n'exploite pas une entreprise,
devrait pouvoir consentir une hypothèque mobilière sans des
possessions sur un bien qu'elle possède déjà. En effet,
les consommateurs en tireraient de nombreux avantages. II arrive très
souvent, par exemple, qu'un consommateur veuille refinancer une dette en vue de
réduire le taux d'intérêt qu'il a convenu de payer. Il
arrive également que des particuliers veuillent consolider au moyen d'un
seul prêt plusieurs dettes dont l'échéance est
arrivée ou qui portent intérêt à des taux
élevés et même exorbitants.
Le prêteur ne peut toutefois dans certains cas accepter de
prêter sans obtenir une garantie. S'il n'est pas possible pour le
débiteur d'hypothéquer un bien qu'il possède
déjà, il risque de se voir refuser l'emprunt et même de
voir le bien être saisi et vendu par un de ses créanciers.
Plusieurs préféreraient sûrement pouvoir
l'hypothéquer. De plus, s'il était possible pour un particulier
de consentir une hypothèque sur un bien meuble qu'il possède
déjà, les prêteurs se contenteraient souvent d'une
hypothèque mobilière plutôt qu'immobilière, de sorte
que les frais d'emprunt seraient beaucoup moins élevés.
Enfin, il est de pratique reconnue que les frais garantis sont consentis
à des taux moindres. Il est donc à l'avantage des emprunteurs de
pouvoir donner une garantie mobilière plutôt que d'emprunter sans
garantie à un taux plus élevé.
S'il est une lacune du domaine des sûretés qui nous est
signalée depuis des années, c'est bien celle qui empêche
les particuliers de consentir une sûreté sans dépossession,
tant sur les" biens qu'ils achètent que sur ceux qu'ils possèdent
déjà. L'adoption de l'avant-projet de loi devrait être
l'occasion de ta faire disparaître complètement.
Par ailleurs, l'article 2842 stipule ce qui suit: - Je me permets de
citer le texte au complet parce qu'il est important - "Seule la personne qui
exploite une entreprise, même si elle agit ainsi à titre
d'administrateur du bien d'autrui, peut, que l'entreprise ait trait à un
bien ou à un service et qu'elle soit ou non à caractère
commercial, consentir une hypothèque sur une universalité de
biens, meubles ou immeubles, présents ou futurs, corporels ou
incorporels. "Elle ne peut cependant hypothéquer que des biens qui sont
utilisés pour le
service et l'exploitation de l'entreprise ou qui en font l'objet. Ainsi,
elle peut hypothéquer les animaux, la machinerie, l'outillage ou le
matériel d'équipement professionnel, les créances et
comptes à recevoir, les brevets et marques de commerce, ou encore les
meubles corporels qui font partie de l'actif de l'entreprise et qui sont
détenus afin d'être vendus ou traités dans le processus de
fabrication ou de transformation d'un bien destiné à la vente ou
à la fourniture de services."
Cet article est fondamental dans toute cette réforme parce qu'il
sera à l'origine d'une quantité considérable de
prêts. La cession de biens en stocks, le nantissement agricole affectant
des récoltes et des animaux, le transport général de
créances, l'acte de fiducie et bien d'autres sûretés seront
en effet remplacées par celles prévues à l'article 2842.
Des sommes très considérables seront donc garanties par une
hypothèque sur une universalité de biens de sorte qu'il est
nécessaire que les règles proposées soient très
claires.
À notre avis, la référence au concept "exploiter
une entreprise" risque de susciter des difficultés
d'interprétation semblables à celles qu'a soulevées la
notion de commerçant en matière de nantissement commercial et de
rendre difficile l'octroi du crédit à certaines catégories
d'emprunteurs.
Il n'est pas certain, par exemple, que ceux qui exercent une profession
à leur compte, avocats, dentistes, etc., seront considérés
comme exploitant une entreprise. Dans la négative, l'article 2842 les
empêchera d'hypothéquer l'universalité de leurs
créances présentes et futures. Si la règle prévue
à l'article 2841 est maintenue, ils ne pourront consentir une
hypothèque mobilière sans dépossession sur les biens
qu'ils possèdent déjà. Par exemple, de l'équipement
de bureau. Cela limitera grandement leur possibilité de financement.
L'agriculteur et celui qui fait l'élevage d'animaux seront-ils
toujours considérés comme exploitant une entreprise? Cela est
également douteux. Par conséquent, étant donné que
le nantissement agricole disparaît, l'article 2842 empêchera les
agriculteurs et les éleveurs qui n'exploitent pas une entreprise de
nantir l'universalité de leurs animaux présents et à
venir, l'universalité de leurs produits d'exploitation présents
et à venir etc. Si la règle prévue à l'article 2841
est maintenue, ils ne pourront consentir une hypothèque mobilière
sans dépossession sur les biens qu'ils possèdent
déjà. Par exemple, des instruments aratoires, des outils,
etc.
Les artisans, les peintres et les sculpteurs, etc., exploitent-ils une
entreprise? C'est éqalement douteux. Dans la négative, l'article
2842 les empêchera d'hypothéquer l'universalité de leurs
oeuvres.
Même si l'article 2842 mentionne que l'entreprise peut être
à caractère commercial ou non, cela n'élimine pas
complètement les difficultés d'interprétation, car il faut
quand même exploiter une entreprise. Est-ce le cas d'un syndicat, d'un
collège d'enseignement privé, d'une association professionnelle?
Cela demeure très discutable tant pour ces organismes que pour bien
d'autres.
L'ampleur et l'importance qu'a pris le crédit de nos jours ne
permet pas aux prêteurs de consentir des prêts sur la foi des
sûretés contestables, car les montants en jeu sont très
importants.
Par contre, les emprunteurs sous-mentionnés ne doivent pas
être privés du crédit nécessaire à leurs
activités en raison de difficultés d'interprétation que
pourrait susciter le concept proposé. Il serait donc important de le
préciser afin de s'assurer que ces emprunteurs pourront consentir une
hypothèque sur une universalité de biens, et si la règle
prévue à l'article 2841 est maintenue, sur les biens qu'ils
possèdent déjà.
Par ailleurs, d'autres expressions utilisées risquent de susciter
des difficultés d'interprétation quant aux biens pouvant faire
l'objet d'une telle hypothèque. Nous les soulignons aux pages 45 et 46
de notre mémoire. Il serait important que le texte final écarte
tout doute à ce sujet.
Mais, à notre avis, la restriction prévue à la
première phrase du deuxième alinéa ne devrait s'appliquer
qu'aux personnes physiques. Ainsi, dans le cas d'une corporation ou autre
personne morale, la règle serait que l'hypothèque peut grever
tous les biens de cette entreprise, de sorte qu'on n'aurait pas, dans ces cas,
à se demander si tel ou tel bien peut faire partie de
l'hypothèque.
En ce qui a trait aux obligations pouvant être garanties par
hypothèque, l'article 2846 prévoit que l'hypothèque n'est
valide qu'en autant que l'acte constitutif indique la cause de l'obligation et,
de manière certaine et déterminée, la somme pour laquelle
elle est consentie et la valeur de l'obligation dont elle garantit
l'exécution.
Nous croyons que l'obligation d'indiquer la cause et la valeur de
l'obligation est inutile et qu'il sera souvent difficile de savoir si elle est
respectée.
À notre avis, il devrait être suffisant d'indiquer le
montant de l'hypothèque, comme c'est le cas actuellement. D'ailleurs,
l'obligation d'indiquer la cause et la valeur de l'obligation empêchera
une personne ou une entreprise de consentir ce qu'on appelle une
hypothèque continue, c'est-à-dire une hypothèque affectant
un bien ou une universalité de biens en garantie de toute dette
existante future ou éventuelle envers un créancier. C'est
actuellement possible dans le cas de certaines sûretés, par
exemple, dans le cas des transports de
créances. Cela facilite grandement pour les prêteurs et les
emprunteurs l'octroi de crédits additionnels tout en réduisant de
façon substantielle les frais d'emprunt. Si l'avant-projet de loi
permettait de consentir des hypothèques continues, un emprunteur
pourrait, par exemple, hypothéquer son immeuble en garantie de toute
dette existante, future ou éventuelle envers le prêteur et
effectuer plus tard des rénovations à son immeuble sans avoir
à consentir une nouvelle hypothèque pour garantir le prêt
nécessaire aux rénovations. Une entreprise pourrait
également hypothéquer son équipement ou
l'universalité de ses comptes à recevoir en garantie de toute
dette existante, future ou éventuelle envers le prêteur et, par la
suite, emprunter de nouveau, peu importe la raison, sans avoir à
consentir une nouvelle hypothèque sur les mêmes biens ou sur
d'autres biens. (10 heures)
L'hypothèque continue aiderait également à
régler le problème des ouvertures de crédit qui doivent
très souvent être augmentées en raison de l'expansion de
nombreuses entreprises. Les parties n'auraient qu'à convenir d'un
montant d'hypothèque suffisamment élevé pour faire face
à la possibilité d'une telle augmentation. Cela éviterait
d'avoir à reprendre une nouvelle hypothèque dont l'emprunteur
doit supporter les frais souvent élevés lorsque vient le temps
d'augmenter l'ouverture de crédit.
Pour que cela soit possible, il faudrait que l'article 2846
précise que l'hypothèque peut être consentie pour garantir
des obligations existantes, futures ou éventuelles et que l'article 2848
soit modifié pour qu'il ne soit pas nécessaire d'indiquer la
cause et la valeur de l'obligation. Seul le montant de l'hypothèque
serait obligatoire, comme c'est le cas actuellement. Ainsi, les tiers
tiendraient compte de ce montant si l'emprunteur désire, à
nouveau, hypothéquer le ou les biens concernés en leur
faveur.
Les articles 2850 à 2853 prévoient toute une série
de règles dans les cas où la valeur de l'obligation est
indéterminée. Nous comprenons mal l'objectif visé par ces
articles qui prévoient une procédure qui nous semble inutilement
complexe qui n'existe pas actuellement. Si l'acte devait simplement mentionner
le montant jusqu'à concurrence duquel l'hypothèque est consentie,
ces articles n'auraient plus de raison d'être.
En ce qui a trait à l'hypothèque mobilière grevant
des créances, les articles 2874, 2875 et 2884 prévoient des
formalités qui devront être suivies pour rendre opposables aux
tiers les hypothèques grevant une ou des créances ou une
universalité de créances. Dans le cas d'une hypothèque
grevant une ou des créances spécifiques, le créancier ne
devrait pas être obligé de remettre une copie ou un extrait de son
hypothèque au débiteur de la créance pour avoir
priorité sur les tiers, par exemple, un syndic de faillite, un
créancier qui effectuera une saisie-arrêt. C'est seulement pour
rendre l'hypothèque opposable au débiteur de la créance
que la remise d'une copie ou d'un extrait de l'acte devrait être
nécessaire. En effet, la créance ne sera
hypothéquée qu'à titre de sûreté d'une
obligation, de sorte que le créancier devrait être libre de ne la
signifier que s'il le juge opportun. Notre mémoire suggère les
modifications requises aux articles sus-mentionnés.
Dans le cas de l'hypothèque grevant une universalité de
créances, l'article 28.75 fait en sorte qu'il sera nécessaire de
donner un avis individuel ou général au débiteur pour
pouvoir faire valoir l'hypothèque grevant une universalité de
créances à l'encontre des tiers. Par conséquent, les
prêteurs n'auront d'autre choix que de signifier, dès la prise de
la garantie, l'avis individuel ou général au débiteur,
c'est-à-dire une publication dans les journaux s'ils veulent
éviter que les créances qu'ils auront en garantie passent aux
mains d'un tiers. Or, cela engendrera des problèmes très
sérieux pour le prêteur, les débiteurs et surtout pour
l'emprunteur. En effet, la publication d'un avis à cet effet pourra
être perçue par les créanciers de l'emprunteur comme une
indication qu'il est en difficulté financière. Quant aux
débiteurs des créances concernées, ils se
considéreront obligés, dès la publication de l'avis, de
payer le prêteur plutôt que leurs créanciers, alors que ce
dernier ne sera même pas en défaut.
Actuellement, la cession en garantie d'une universalité de
créances se fait en vertu de l'article 1571d du Code civil. La
rédaction de cet article fait en sorte que le transport est opposable
aux tiers dès l'enregistrement, mais les débiteurs qui acquittent
leurs dettes avant la publication de l'avis sont protégés. C'est
également ce que devrait prévoir l'avant-projet de loi pour les
hypothèques grevant une universalité de créances.
En ce qui a trait aux hypothèques ouvertes, de la lecture des
articles 2879 à 2884 et 3315, on peut conclure que le créancier
détenant une hypothèque ouverte aura, tant qu'il n'aura pas
enregistré un avis de clôture, une garantie très
aléatoire pour les raisons suivantes: si le débiteur consent une
hypothèque non ouverte sur une partie ou sur la totalité des
mêmes biens, l'hypothèque du deuxième créancier aura
priorité de rang sur celle du premier; si un tiers, par exemple
l'État ou une personne morale de droit public ou une personne ayant
obtenu un jugement contre le débiteur, enregistre une hypothèque
légale sur une partie ou sur la totalité des mêmes biens,
l'hypothèque légale aura priorité de rang. Si un tiers
saisit la totalité ou une partie des biens visés par
l'hypothèque ouverte, le
saisissant pourra probablement faire vendre les biens saisis et en
percevoir le produit en priorité sur le créancier détenant
l'hypothèque ouverte. Un créancier pourrait donc verser des fonds
à l'emprunteur pour financer ses animaux, ses inventaires ou ses comptes
à recevoir, les prendre en garantie au moyen d'une hypothèque
ouverte et se retrouver, tout à coup, dans l'impossibilité de se
rembourser à même les biens hypothéqués parce qu'un
des éléments prévus ci-dessus se sera produit. Il aura
peut-être le droit, par préférence à tout autre
créancier, de prendre possession des biens pour les administrer, mais il
n'en tirera aucun avantage si les autres créanciers ont priorité
de rang sur lui et qu'il doit les payer en entier.
À notre avis, la raison d'être d'une hypothèque
ouverte est de permettre un roulement des biens ou des créances
visées. C'est pourquoi il est normal qu'on permette au débiteur
d'aliéner les biens visés dans le cours ordinaire de ses
activités ou, lorsque ce sont des créances qui sont
hypothéquées, de les percevoir jusqu'à ce que les
créanciers enregistrent un avis de clôture. Par contre, nous ne
voyons pas pourquoi un deuxième créancier, à qui le
débiteur consentirait subséquemment une hypothèque sur les
mêmes biens ou qui enregistrerait une hypothèque légale,
aurait priorité de rang sur le premier créancier. Nous n'avons
pas d'objection à ce que le débiteur puisse consentir une
hypothèque sur les mêmes biens et que l'hypothèque ouverte
prenne rang lors de l'enregistrement de l'avis de clôture. Mais, si le
créancier détenant l'hypothèque ouverte décide
d'enregistrer un avis de clôture, son hypothèque devrait prendre
rang à la date d'enregistrement de l'hypothèque ouverte et non
à celle de l'avis de clôture.
Les hypothèques ouvertes sont destinées à remplacer
certaines sûretés dont le rang est déterminé selon
la date d'enregistrement, c'est-à-dire le nantissement agricole et
forestier sur des animaux et des produits de l'exploitation, la cession de
biens en stock, le transport général de créances et l'acte
de fiducie. Il est très important qu'il continue à en être
ainsi.
En ce qui a trait aux hypothèques légales, les articles
2888 et 2892 prévoient que le vendeur d'un bien qui n'a pas
été payé aura droit à une hypothèque
légale sur ce bien. L'hypothèque légale, hypothèque
qui aura effet à compter de l'enregistrement de la vente. En mettant ces
articles en relation avec les articles 3314 et 3315, on peut conclure que les
fournisseurs d'une entreprise auront droit à une hypothèque
légale sur les marchandises vendues et que celle-ci aura priorité
sur celle d'un prêteur qui aura obtenu, avant la vente, une
hypothèque ouverte grevant une universalité de biens
présents et futurs. C'est donc dire que si le prêteur fait
défaut de respecter ses obligations envers le prêteur et que ce
dernier se voit dans l'obligation d'exercer ses recours, il risque de voir une
partie importante, sinon la totalité des biens hypothéqués
en sa faveur, servir au paiement des fournisseurs. Il est important que les
institutions financières ne pouvant se prévaloir de la Loi sur
les banques ne soient pas défavorisées à ce chapitre par
rapport aux banques. Nous sommes portés à croire qu'il pourrait
en être ainsi. Quoi qu'il en soit, nous sommes d'avis que les
fournisseurs devraient être tenus, s'ils veulent avoir droit à une
hypothèque légale, d'exercer des recours dans un délai
raisonnable, par exemple, de 30 à 60 jours après la vente, comme
c'est le cas par exemple, pour les personnes qui ont participé à
la construction ou à la rénovation d'un immeuble. Autrement, les
prêteurs devront exercer un contrôle très serré sur
les comptes à payer pour s'assurer que les fournisseurs sont
payés régulièrement. Cela n'est pas toujours facile et
implique des frais d'administration importants qui augmentent les frais
d'emprunt.
L'article 2895 prévoit la possibilité pour un
créancier, détenteur d'un jugement, d'enregistrer une
hypothèque légale sur un bien meuble ou immeuble. Certains
s'interrogent sur l'opportunité d'une telle hypothèque. À
notre avis, elle permet de retarder la saisie et la vente des biens ainsi
hypothéqués, ce qui peut permettre au débiteur de payer sa
dette et de libérer par le fait même les biens
hypothéqués. Éliminer cette possibilité fera en
sorte, dans plusieurs cas, que les biens seront immédiatement saisis et
vendus au détriment des débiteurs. Par ailleurs, si on veut que
cette procédure soit utilisée plus souvent qu'actuellement,
à la place d'une saisie, il faudrait qu'elle soit reconnue en cas de
faillite; par exemple, après un certain délai, ce qui n'est pas
le cas actuellement. Une modification à l'article 50 de la Loi sur la
faillite pourrait être demandée par le gouvernement du
Québec.
Au chapitre des recours, notre mémoire suggère
différentes modifications dont plusieurs sont importantes, mais que je
ne reprendrai pas dans cet exposé, faute de temps.
En ce qui a trait à la publicité des droits, l'obligation
d'accompagner les actes sous seing privé du certificat d'un notaire ou
d'un avocat prévue à l'article 3336 ne nous paraît
aucunement justifiée, du moins dans le cas des hypothèques
mobilières.
En effet, elle évitera peut-être quelques problèmes
dans des cas extrêmement rares mais elle alourdira la procédure de
façon importante et augmentera par conséquent Ies frais d'emprunt
pour tous les actes sous seing privé.
Déjà on pouvait s'interroger très
sérieusement sur la pertinence et l'utilité de l'affidavit et des
deux témoins. Nous ne voyons donc pas pourquoi des formalités
encore plus lourdes seraient imposées. La loi sur les connaissements,
les reçus et les cessions de biens en stocks a introduit en
matière de publicité des droits une procédure simple,
dénuée de tout formalisme inutile qui est très
appréciée. Il s'agit simplement d'enregistrer un avis très
sommaire signé uniquement par le prêteur et sans témoin ni
affidavit. Comme cette procédure ne semble pas créer de
problèmes on devrait s'orienter vers un système semblable pour
toutes les hypothèques mobilières. Si on tient à exiger le
certificat d'un notaire ou d'un avocat dans le cas des actes sous seing
privé il faudrait le faire lorsque c'est vraiment justifié, ce
qui ne nous semble pas être le cas pour les hypothèques
mobilières.
Enfin, l'article 3422 prévoit qu'une hypothèque
immobilière est radiée sur présentation d'une
réquisition qui doit être en forme notariée et portant
minutes.
Nous sommes d'avis qu'on devrait pouvoir radier une hypothèque
immobilière au moyen d'une réquisition sous seing privé.
En effet, les emprunteurs sont souvent choqués d'avoir à payer
des honoraires légaux pour faire radier l'hypothèque après
qu'ils ont effectué le dernier paiement. Plusieurs institutions
affiliées au Mouvement Desjardins procèdent déjà
à la radiation de leurs hypothèques immobilières au moyen
d'actes sous seing privé. D'autres manifestent le désir de le
faire dans l'intérêt de leurs membres. Il serait dommage que
l'adoption de l'avant-projet de loi les en empêche.
Faute de temps, il m'était impossible de reprendre tous tes
commentaires contenus dans notre mémoire. Nous espérons que ceux
qui n'ont pas été repris au cours de cet exposé, dont
plusieurs sont pour nous tout aussi importants que ceux que j'ai abordés
seront tout de même pris en considération par les personnes
concernées.
Je vous remercie encore une fois, M. le Président, de même
que tous les membres de cette sous-commission de nous avoir permis de vous
présenter cet exposé.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Maintenant nous
allons procéder à cette période d'échange. Je vais
reconnaître le député de Marquette, l'adjoint parlementaire
au ministre de la Justice.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Tout d'abord,
j'aimerais souhaiter, au nom du ministre de la Justice et du gouvernement du
Québec, la bienvenue à la Confédération des caisses
populaires et d'économie Desjardins du Québec, M.
Frenière, son 1er vice-président, Mme Bédard, Me Dionne,
Mme Soucy et M. Laflamme. Évidemment, j'aimerais vous dire à quel
point tous les membres de la sous-commission sont heureux de votre
participation à nos travaux, considérant effectivement
l'institution des caisses populaires Desjardins au Québec qui fait
"partie intégrante", si vous me permettez entre guillemets, de la
société distincte au Canada comme institution. J'aimerai vous
dire aussi que votre mémoire a été très bien fait,
il est de bonne qualité. J'aimerais maintenant passer aux questions. On
a reçu plusieurs groupes et associations depuis mercredi matin.
J'aimerais faire référence à la notion de
présomption d'hypothèque que l'Office de révision du Code
civil proposait dans son rapport, notamment à l'article 281 qui stipule:
"Nul ne peut prétendre à un droit sur un bien pour assurer le
paiement d'une obligation si ce n'est par hypothèque", que toute forme
de sûreté ou toute stipulation constituait une présomption
d'hypothèque. La première question que j'ai à vous poser,
c'est pour savoir si votre groupe s'est penché sur le sujet puisque
d'autres groupes s'y sont penchés, notamment l'Association des banquiers
canadiens qui est en faveur et, également, le Barreau du Québec
qui est en faveur et la Chambre des notaires est contre. J'aimerais savoir si
vous vous êtes penchés là-dessus.
M. Frenière: Je vais demander à Me Dionne de vous
donner la réponse.
M. Dionne: Tout d'abord, on n'y a pas réfléchi en
groupe, si on veut, parce que l'avant-projet de loi ne contenait aucune
disposition dans ce sens-là et, faute de temps, on n'a pas pu prendre
connaissance des propositions de l'Office de révision du Code civil.
Donc, on ne s'attendait pas que cette question nous soit posée. Par
contre, j'ai assisté à la première journée
d'audition et je me suis rendu compte effectivement que cela semblait
être une préoccupation pour plusieurs; donc, j'y ai
réfléchi personnellement et je ne voudrais pas engager ni le
Mouvement Desjardins ni mes collègues. La réflexion que je me
suis faite est la suivante. Dans mon exposé, j'ai soulevé
certains problèmes, par exemple, au niveau de l'hypothèque
grevant l'universalité de créance ou de bien, c'est une garantie
très importante. On constate qu'une qu'on considère, quant
à nous, majeure, entre autres, quant au rang que d'autres personnes
pourraient avoir ou quant à la perte de rang qu'on pourrait subir face
à d'autres créanciers, quand on regarde cela, on se demande
évidemment: est-ce qu'on va investir des milliards, comme on en a
parlé tout à l'heure, dans une garantie qui comporte des risques
comme celui-là? Donc, si l'avant-projet de loi n'était pas
modifié pour apporter des modifications que nous
considérons importantes, on se dit qu'on va peut-être
envisager d'essayer de trouver d'autres solutions pour prêter les
mêmes montants à ceux qui nous les demandent. À ce
moment-là, la présomption d'hypothèque nous
empêcherait de le faire parce qu'on reviendrait à la
sûreté qui est prévue dans le Code civil. C'est la raison
pour laquelle, pour le moment, il est difficile de se prononcer à savoir
si on est favorable ou pas. Il faudrait savoir quel sera le texte
définitif du Code civil pour dire si, oui ou non, on l'est. Si le texte
définitif contient des contraintes majeures pour nous, on sera
peut-être obligés de regarder d'autres choses que nous offrirait
le droit civil du Québec pour prendre des garanties.
Il y a également une chose que j'aimerais mentionner. II y a
peut-être une lacune que la présomption d'hypothèque
corrigerait, par contre, c'est la question du contrat de vente conditionnelle
qui n'est pas publicisé. Je ne sais pas ce que va devenir -ce n'est pas
une sûreté - en fait, ce droit-là dans l'avenir. C'est un
fait que, malheureusement, pour certaines personnes, par exemple pour les gens
qui vont acheter une voiture et qui, un bon matin, vont apprendre que c'est une
compagnie de finance qui est propriétaire du véhicule; elles
n'ont pas pu le savoir parce que ce n'était publicisé nulle part.
Cela pourrait corriger cette lacune-là, c'est bien certain. Mais on
prend des contrats de vente conditionnelle actuellement, pourquoi? Parce que,
justement, notre Code civil n'est pas adapté à nos besoins. Si le
Code civil l'est dans l'avenir, en apportant certaines modifications au projet
de loi, on pourrait probablement être favorable à la
présomption d'hypothèque. Présentement, c'est
prématuré de se prononcer sur cette question. Mais, en gros,
c'est la réflexion que j'ai faite dans les heures qui ont
précédé cet exposé.
Mme Bédard (Rita): J'aimerais ajouter qu'on avait
étudié à l'époque le rapport de l'Office de
révision du Code civil et que, malheureusement, le temps ne nous a pas
permis de revoir cette étude qui avait été faite. Mais
comme le soulignait Me Dionne dans cet exposé, il nous apparaît
que l'emprunteur puisse le plus facilement possible obtenir du crédit et
que le prêteur, lui, soit aussi assuré des garanties
adéquates quand il juge que sa demande est garantie. Comme disait Me
Daniel Dionne, si cela peut effectivement apporter des améliorations, je
pense que, tant dans l'intérêt de l'emprunteur que dans celle du
prêteur, on serait favorable. D'autre part, si on peut, au contraire,
préciser les aspects qu'on vous a soulignés ce matin, on aura un
système de crédit efficace. (10 h 15)
M. Dauphin: Merci beaucoup. Je reviens à votre
mémoire sur les créances prioritaires. Vous êtes
effectivement contre le fait que l'État ait une créance
prioritaire. Vous êtes contre également le fait du remboursement
des impenses de la personne qui a porté des impenses sur un bien.
Durant les trois jours de sous-commission, on n'a jamais traité
des frais de justice. Êtes-vous d'avis qu'on devrait conserver le
recouvrement des frais de justice comme prioritaire, comme
privilège?
M. Dionne: Je dois avouer que c'est une question qu'on ne s'est
même pas posée lorsqu'on a travaillé en équipe sur
le dossier. Malheureusement, en tout cas, moi, personnellement, je serais mal
à l'aise de répondre à cette question, parce que personne
ne l'a abordée. Cela existait déjà, alors, on s'est dit:
C'est la suite de ce qui existe déjà et, habituellement, ce ne
sont pas des montants importants qui font en sorte que ça nuit à
notre garantie.
M. Dauphin: D'accord. Vous parlez aussi des quotas et des permis
qui donneraient la possibilité d'une hypothèque, qui seraient
susceptibles d'êtres hypothéqués. On sait que l'Union des
producteurs agricoles s'en vient tout de suite après vous et elle nous
recommande de ne pas donner la possibilité d'hypothéquer les
permis ou les quotas. Vous nous dites que les quotas sur le plan financier,
ça peut valoir beaucoup. Mais ça devrait donner la
possibilité d'être hypothéqué. Alors, est-ce que
vous pourriez élaborer davantage là-dessus?
M. Dionne: En fait, on demande cette possibilité, parce
que, dans le passé, c'est arrivé à plusieurs reprises, par
exemple, que des agriculteurs se présentaient et voulaient soit acheter
un quota... Vous savez, des quotas de lait, il y en a qui peuvent valoir tout
près de 100 000 $. Je ne suis pas un spécialiste du domaine, mais
c'est coûteux à acheter et c'est parfois aussi un actif
considérable dans l'entreprise.
L'individu se présentait à la caisse en demandant un
emprunt et en offrant cette garantie. Alors, les gens des caisses nous
appelaient en nous demandant si on peut les prendre en garantie. Alors, il
fallait faire toute une pirouette pour réussir à avoir quelque
chose et c'étaient des garanties incertaines.
On essaie, en fait, de répondre à ce qu'on pense
être un besoin. Maintenant, si l'UPA vient démontrer que cela n'en
est pas un... Nous le faisons pour les emprunteurs, on ne le fait pas pour
nous, en fait. On essaie de répondre à ce qu'on pense être
un besoin. Si cela n'en est pas un...
M. Dauphin: Dans la pratique, dans le vécu, vous avez des
demandes en ce sens de
la part des agriculteurs.
M. Dionne: Absolument.
Mme Bédard: On a beaucoup de demandes. C'est
déploré qu'on ne puisse pas les détenir en garantie, parce
qu'il faut retenir aussi que détenir une garantie ne veut pas dire
nécessairement tout saisir. C'est une garantie que les deux parties se
donnent pour avoir de meilleurs taux. Il faut retenir ça comme objectif.
Effectivement, on a beaucoup - non seulement de demandes -de doléances
en ce sens que c'est inadéquat. Compte tenu de la valeur que ça
peut représenter maintenant - M. Frenière vous disait que cela
peut même excéder 100 000 $, finalement - c'est dans
l'intérêt de tout le monde, encore une fois.
M. Dauphin: Me Pineau me suqgère de vous demander quels
genres de pirouettes ils font actuellement pour obtenir une garantie.
Mme Bédard: On se rappellera là-dessus.
M. Dionne: Je vous laisserai notre carte.
M. Dauphins Alors, on répondra à votre question
après.
Une voix: ...sont enregistrés.
M. Dauphin: Vous dites également que des biens
insaisissables devraient donner ouverture également à une
hypothèque. Sans être spécialisé dans le domaine,
comment est-ce qu'un bien saisissable - je sais que ça se fait en
pratique; il faut y renoncer, je présume- peut être grevé
d'une hypothèque?
M. Dionne: Malheureusement, je n'ai pas mon Code de
procédure civile ici. Mais dans le Code de procédure civile,
à l'article 553, par exemple, on prévoit que dix vaches ou Ies
abeilles, en tout cas, un certain nombre d'animaux sur une ferme sont
insaissibles. Le nantissement agricole prévoit qu'on peut nantir des
animaux présents et futurs et il y a une disposition à la fin des
règles du nantissement qui dit que si les biens sont nantis en vertu
d'un nantissement agricole, ils demeurent saisissables pour ce qui est dû
au créancier. Autrement dit, on écarte quand il y a un
nantissement les rèqles d'insaisissabilité.
Par exemple, on pense également au fait que dans le Code de
procédure civile il est prévu que les biens nécessaires
à l'exercice de la profession, de l'art ou du métier d'une
personne sont insaisissables. Alors, dans le cas des commerçants, si la
disposition prévue au nantissement n'existait pas, on ne pourrait pas
prendre la caisse enregistreuse, etc. Ce sont ces articles-là qui nous
bloqueraient et c'est la disposition prévue à la fin des
règles du nantissement qui nous permet de prendre les biens en garantie,
autrement on ne pourrait pas faire le financement, le bien serait
insaisissable.
Il y a un problème également qui est sérieux en
matière de financement automobile. Il y a des jugements qui ont
été rendus par les tribunaux du Québec et qui ne sont pas
rapportés à ma connaissance, mais j'en ai eu plusieurs qui disent
que lorsqu'une personne possède un véhicule et qu'il n'y a pas de
transport en commun efficace dans son patelin et qu'elle doit prendre son
véhicule pour se rendre à son travail, par exemple, dans un
village si la personne a 20 milles à parcourir, son véhicule est
insaisissable. Cela veut donc dire et je pense à nos caisses, entre
autres, qui sont réparties partout sur le territoire, et plusieurs sont
en milieu rural, chaque fois qu'elles vont vouloir prendre une
hypothèque sur une automobile, elles seront obligées de se
demander: Quelle est la distance que la personne doit faire pour se rendre
à son travail? Est-ce que les transports en commun sont efficaces?
Peut-elle circuler avec un voisin, un ami, etc.? Comment voulez-vous que l'on
sache si la garantie est bonne dans ce cas-là?
Actuellement, il y a une autre disposition dans le Code de
procédure civile qui dit que lorsque les biens sont vendus ou nantis,
ils deviennent saisissables. Donc, en quelque sorte, le fait de les nantir, les
deux codes prévoient que cela constitue une renonciation indirecte
à l'insaisissabitité. Ce que l'on demande tout simplement c'est
le statu quo, que cela reste comme cela parce que, sinon, les agriculteurs, les
commerçants et les particuliers vont en souffrir. Quand on ne peut pas
donner une garantie, on risque de ne pas pouvoir avoir les crédits que
l'on demande.
M. Dauphin: La réflexion que je faisais, c'est que si le
législateur a prévu de rendre insaisissables certains biens,
c'est dans un instinct de protection, j'en suis persuadé. Alors, si "at
large" on permet à tous les individus d'hypothéquer ou de donner
en sûreté effectivement ce qui est essentiel soit à son
travail ou à la maison, pour sa famille, je me demande si socialement on
ne s'embarquerait pas plutôt sur un terrain dangereux.
Mme Bédard: II faut faire attention. Cela donne
peut-être l'impression qu'effectivement on voudrait aller chercher en
qarantie tous les biens saisissables, loin de là notre intention. Ce qui
est demandé, c'est plutôt le statu quo par rapport à une
situation actuelle ou en matière de nantissement agricole et commercial
et certaines
autres garanties, par exemple, sur des voitures pour que l'on puisse
donner le même service qui semble satisfaire les gens jusqu'à
maintenant et qui a fait en sorte que l'on n'a pas dépouillé
personne de tous ses biens, même les plus fondamentaux.
M. Dionne: D'ailleurs, si vous me permettez de préciser,
on ne demande pas par exemple en ce qui a trait aux meubles meublants, s'ils
sont insaisissables, mais on ne demande pas de pouvoir les hypothéquer,
pas plus que le fauteuil roulant d'une personne handicapée. C'est un
bien insaisissable et on ne demande pas de pouvoir le prendre. Actuellement, ce
n'est pas possible de toute façon. Cela n'est pas possible. Donc, on
demande tout simplement de maintenir le statu quo, c'est-à-dire ce qui
est déjà permis et raisonnable à notre point de vue et ce
qui est à l'avantage d'ailleurs des emprunteurs, on demande que cela
soit maintenu, tout simplement.
M. Dauphin: L'or et tout, vous n'avez pas l'intention de toucher
à cela?
M. Oionne: Non.
M. Dauphin: Alors, juste avant de laisser la parole au
président qui, lui, laissera la parole à un autre
député, j'aimerais m'attarder quelque peu sur l'hypothèque
mobilière. Au même titre que l'Association des banquiers
canadiens, vous demandez notamment pour la personne physique la
possibilité d'hypothéquer tous ses biens ou d'autres biens que le
bien qu'elle acquiert en vertu de l'avant-projet de loi actuel.
Mercredi, on a reçu la Commission des services juridiques qui
nous recommandait d'être très prudents là-dessus pour ne
pas surendetter notamment les citoyens, les particuliers. J'aimerais avoir
votre opinion sur cet aspect-là.
M. Frenière: D'abord, disons que dans les années
que l'on vit, l'objectif qui est poursuivi en demandant de permettre ou de
donner cette possibilité-là, ce n'est pas de favoriser
strictement l'endettement, mais de favoriser l'utilisation de façon
judicieuse du maximum de leviers financiers que peut posséder un
individu par ses actifs. C'est un premier objectif. Quand on demande que ce
soit permis, ce n'est pas de permettre ou de faire en sorte qu'on va favoriser
un endettement désordonné. Au contraire, je pense que tous nos
services de formation, d'éducation des fédérations et
même des caisses prônent l'utilisation rationnelle et judicieuse du
crédit.
Il arrive à certaines occasions que pour permettre à un
emprunteur de profiter de l'opportunité du RÊA, par exemple, ou
d'autres formes d'investissements, de ne pas pouvoir aller plus loin à
cause du fait qu'il lui manque certaines garanties. Cela lui permettrait
d'utiliser au maximum son levier financier pour autant que c'est fait de
façon judicieuse. Maintenant, légalement, on pourra ajouter des
choses.
M. Dionne: Non. On en a parlé dans l'exposé. On a
démontré, je pense, certaines situations où, en fait, les
consommateurs eux-mêmes auraient avantage... Par exemple, on parlait de
consolidation, tout à l'heure. Quand une personne a une vingtaine de
dettes dont certaines sont arrivées à échéance, les
créanciers lui crient après, certaines sont à des taux
d'intérêt exorbitants et ça arrive encore aujourd'hui, on
le voit. Par contre, elle serait en mesure de payer tout cela si elle avait un
emprunt échelonné sur une certaine période de temps. Mais
parfois, quand tu consolides le tout, ça fait un montant important. Le
créancier qui reçoit une demande comme celle-là n'a pas le
choix de demander une garantie. Il se trouve par hasard que l'individu
possède un véhicule qui a une très bonne valeur. S'il peut
le donner en garantie, le prêteur va lui consentir le prêt et,
normalement, ça entraîne une réduction importante du taux
d'intérêt qu'il doit payer. Ça le soulage
financièrement.
Il ne faut pas oublier dans te cas, par exemple, où il y aurait
un véhicule qui est en sa possession, s'il ne peut pas
l'hypothéquer et ne peut pas obtenir son emprunt, il risque de se voir
saisir ce bien dans les jours qui vont suivre et de le perdre. Il va
peut-être préférer pouvoir l'hypothéquer et le
conserver. Il y a d'autres exemples également qu'on pourrait donner.
Mme Bédard: On sait qu'il y a un grand débat aussi
ces temps-ci sur la transformation des logements en condominium. On entend
souvent, ou on l'entendait, en tout cas, dire que les Québécois
forment un peuple de locataires. Il y a beaucoup de gens qui n'ont pas
d'immeuble et qui n'ont que des biens mobiliers; ils se trouvent
pénalisés de ne pas pouvoir les offrir en garantie. Il faut tenir
compte de cette partie de la population qui y trouverait intérêt,
puisqu'encore là on peut parler de prêts à taux
inférieurs qui, comme disait M. Frenière, permettront à
ces personnes d'utiliser leur levier financier.
M. Dauphin: Merci. J'aurais d'autres questions, mais je vais
laisser la chance à d'autres députés ou experts d'en
poser.
Le Président (M. Marcil): Très bien, M. le
député de Marquette. Je vais reconnaître maintenant Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je
veux, à mon tour, vous souhaiter la bienvenue à cette
commission. M. Frenière, Mme Bédard et les personnes qui vous
accompagnent, j'ai cru comprendre que la réalisation de ce
mémoire que nous discutons ce matin avait été un travail
d'équipe. Je veux en profiter parce qu'il nous arrive tellement souvent,
de ce côté-ci de la commission ou de ce côté-ci de la
Chambre, comme on dit habituellement, de parler des mauvais coups du
gouvernement, je veux quand même souligner le bon coup qui consiste
à la nomination de Mme Bédard comme sous-ministre aux Affaires
municipales. Je pense que votre nomination devient effective...
Mme Bédard: Lundi. Une voix: Lundi.
Mme Harel: ... à partir de lundi prochain.
Mme Bédard: C'est ma dernière fonction officielle
à Desjardins.
Mme Harel: Je pense que c'est une acquisition d'une certaine
façon...
Mme Bédard: Sous-ministre adjointe. (10 h 30)
Mme Harel: Sous-ministre adjointe, oui. Vous parliez, je dirais
presque, des objectifs que vous poursuiviez au moment où vous avez
examiné tout l'avant-projet et, à deux reprises, Me Dionne et
vous aussi Mme Bédard, êtes revenus sur le fait que vous cherchiez
à la fois à faciliter l'obtention du crédit pour
l'emprunter, et garantir le plus possible sa créance pour le
créancier. Il y a un élément qui n'a pas été
mentionné et qui, pourtant, a été abordé dans des
mémoires déposés devant cette commission, c'est celui de
la protection du débiteur. Tout cela n'est pas indifférent parce
qu'une des questions qu'il faut évidemment se poser lorsqu'on examine
toute cette question des sûretés, c'est: l'État doit-il
favoriser tous les moyens pour que la personne puisse toujours obtenir tout le
crédit qu'elle veut? On y reviendra. Vous allez me dire que c'est
peut-être un débat quasi philosophique, mais on peut y revenir,
notamment sur la question de l'hypothèque mobilière. C'est
intéressant, car vous nous apportez le point de vue des avantages d'une
hypothèque mobilière. Évidemment, vous nous dites qu'elle
peut soulager le consommateur et lui permettre une consolidation de dettes. Il
n'y aura pas de surendettement parce que, de toute façon, le mouvement
Desjardins a déjà une vision de protection du consommateur et il
en a d'ailleurs bien témoigné dans ses multiples programmes
d'éducation. Mais l'État ne légifère pas que pour
le mouvement
Desjardins; il légifère aussi pour toutes sortes d'autres
institutions, parfois moins élégantes avec le consommateur. Je
n'en nommerai pas, mais on en connaît quelques-unes qui nous viennent
à l'esprit.
Il y a donc à la fois la garantie du créancier,
l'accès facile au crédit et la protection du débiteur.
Inévitablement, quand on est de ce côté-ci, on se rend
compte, et c'est légitime aussi, que toutes les personnes qui
s'installent du côté où vous êtes maintenant
finissent toujours par plaider par là où elles ont des pieds,
d'une certaine façon. Si elles ont les pieds d'un créancier,
elles ne plaident pas comme si elles les avaient comme débiteur ou,
à l'inverse, comme emprunteur. C'est tout à fait légitime
qu'il en soit ainsi.
Je pense que la question relative à l'hypothèque
mobilière est fort intéressante, parce qu'elle nous permet
d'avoir un contrepoids. Le député de Marquette vous disait avec
raison que, selon la Commission des services juridiques, le problème de
l'avant-projet - je vais vous le lire, car j'aimerais avoir votre
réaction - pour la commission, était d'unifier les règles
de sûretés tant pour le domaine commercial que pour le domaine de
la consommation, la commission considérant que le marché du
prêt commercial devait être distingué de celui du prêt
à la consommation et que l'hypothèque mobilière pouvait
favoriser la possibilité pour une personne physique ou un consommateur
de se surendetter ou de se surhypothéquer sur le bien qu'il allait
acquérir. En fait, le jugement était assez sévère,
car la commission concluait globalement que, dans sa forme actuelle,
l'avant-projet lui semblait davantage axé sur la protection des
créanciers que sur celle des individus qui contractent.
Vous nous apportez un point de vue qui fait contrepoids, parce que vous
nous dites que cela pourra, au contraire, soulager le débiteur en lui
permettant de consolider ses dettes. J'avais pris en fait quelques autres notes
sur tous les avantages qu'il allait en retirer. Évidemment, c'est
toujours une balance d'inconvénients et vous avez l'impression que les
avantages pour l'emprunteur, de votre point de vue, pourraient être
supérieurs aux inconvénients qui pourraient en
résulter.
Mme Bédard: Je me dis qu'il va falloir que les gens
continuent d'être quand même intelligents et qu'ils fassent des
évaluations rationnelles de leurs besoins.
Mme Harel: Mais on ne peut pas légiférer
l'intelligence, paraît-il.
Mme Bédard: Je comprends que c'est difficile de... Ce
n'est pas à vous que je dis cela; c'est aux emprunteurs et aux
prêteurs.
Lorsque quelqu'un contracte un prêt, je pense que la
première chose que fait l'institution financière est d'essayer
d'évaluer sa capacité de payer et même de lui donner des
conseils judicieux pour voir s'il sera capable de rembourser. Quand on essaie
de proposer des mesures qui, on en a l'impression, favoriseront l'emprunteur en
ce sens qu'elles pourront lui faciliter le crédit, on y croit. Si on
l'en empêche, cela va-t-il empêcher certaines situations
très malheureuses comme on en voit déjà où, pour ne
pas nommer les institutions que vous ne vouliez pas nommer tantôt... Mais
il y a des gens qui se surendettent et il arrive que les caisses doivent
essayer d'aider ces gens qui doivent consolider leurs emprunts. Qu'elles ne
puissent accorder d'hypothèque ou qu'elles puissent en donner, je pense
que, pour certaines personnes, on ne réglera pas tous les
problèmes et cela va rester un problème.
Cependant, je pense qu'on peut aussi faire confiance tant aux
institutions financières qu'aux individus qui vont essayer de vivre le
mieux possible, tout en contractant du crédit. Comme vous le dites,
c'est un débat philosophique. On pourrait, je pense, en parler tout la
journée. À notre point de vue, il y aurait peut-être des
restrictions à apporter au projet de loi. C'est sûr qu'on ne
demande pas de pouvoir hypothéquer tous les biens immobiliers d'une
personne. Il y a toute la portion des biens saisissables. Il y a des choses qui
seraient avantageuses. Par exemple, maintenant, on voit un développement
des instruments de communications, des vidéocassettes, etc.. Ce serait
peut-être intéressant de pouvoir les offrir en garantie sans que
la personne se sente démunie si jamais, à la limite, on est
obliqé d'aller chercher la garantie.
En tout cas, la position qu'on défend, au Mouvement Desjardins,
est la suivante. On est la propriété de 4 000 000 de
Québécois. Le3 sommes qu'on prête sont l'épargne de
ce3 gens. On doit s'assurer du meilleur système financier en vue
d'assurer la garantie de leur dépôt et de leur retourner le plus
de ristourne possible.
Mme Harel: Quant à l'hypothèque mobilière,
est-ce que le projet de loi prévoit des dispositions où le
non-commerçant ne pourra hypothéquer que le bien qu'il acquiert?
Je pense que votre recommandation, c'est qu'il puisse hypothéquer son
patrimoine actuel ou futur également. C'est l'universalité du
bien. Prenons l'exemple d'un jeune de moins de 30 ans qui se lancerait en
affaires et qui pourrait être amené, dès le départ,
a négocier avec une première institution qui l'amènerait,
dans une première transaction financière, dans un premier
emprunt, à se voir exiger, comme c'est le cas actuellement pour les
corporations, il peut y avoir fiducie avec charge flottante, etc. Ne
pensez-vous pas que, du fait que cela puisse être sur
l'universalité des biens, sur le patrimoine actuel ou futur, cela
pourrait engager quelqu'un dans un corridor assez étroit pour
l'avenir?
Mme Bédard: C'est sûr que ce risque existe toujours,
même avec les garanties actuelles, je pense. Quelqu'un peut avoir
à s'endetter au départ de façon assez sérieuse et
être obligé d'avoir du crédit pendant de nombreuses
années. En contrepartie, cela peut aider aussi une personne à se
lancer en affaires. Autrement, dans le système actuel, elle ne recevrait
pas tout le crédit dont elle a besoin.
Mme Harel: Évidemment, se lancer en affaires, mais
même avec des biens qui ne servent pas au commerce. Donc, la
recommandation que vous faites pourrait porter sur l'ensemble du patrimoine,
même sur les biens qui ne serviraient pas au commerce.
Mme Bédard: Comme je vous l'ai dit, encore là, des
précisions pourraient être apportées de façon que ce
soient certains biens de l'emprunteur, comme une voiture ou d'autres
éléments mobiliers.
Mme Harel: Concernant les permis et les quotas, je
considère que nous n'en avons pas encore parlé, mais il
était évident que nous allions en parler, ce matin, avec la
présentation du Mouvement Desjardins et, par la suite, de l'UPA.
À la page 12 de votre mémoire, vous proposez que les permis et
les quotas puissent être hypothéqués et fassent l'objet de
recours hypothécaires. Évidemment, on va en reparler certainement
avec l'UPA. La question que je vous pose immédiatement est la suivante.
Qu'en serait-il des normes applicables à chacun des droits et permis,
par exemple, quant au cumul, quant à la qualité des titulaires
des permis et quant au genre d'entreprise, si c'était vendu aux
enchères? Dans le cas où c'est hypothéqué et que,
par la suite, c'est vendu aux enchères, qu'arrive-t-il de toutes les
dispositions dans les lois particulières qui régissent les permis
et les quotas?
M. Dionne: En fait, si c'est vendu, on demande de suivre le
processus prévu dans la loi particulière. Par exemple, si je ne
me trompe pas, il y a deux ou trois ans, les quotas se vendaient le
troisième jeudi du mois à un endroit en particulier par le
syndicat, je pense. C'est un peu loin, remarquez. Mais nous demandons de suivre
ce processus, de pouvoir le suivre, en fait. Autrement dit, en réalisant
la garantie, cela se ferait exactement de la même façon que
dans une vente de gré à gré par le
propriétaire de son quota lui-même.
Mme Harel: La réalisation de la garantie serait
entièrement assujettie aux lois particulières.
M. Dionne: C'est cela. Par exemple, en ce qui a trait à un
permis de transport de taxi, si cela doit passer par la Commission des
transports, on n'a pas d'objection, il s'agirait tout simplement de
prévoir évidemment, il y a des modalités - que quand on
l'a en garantie, on procède de cette façon et, à ce
moment, au lieu d'exercer soit la vente sous contrôle de justice ou la
prise en paiement, on ferait exactement de la même façon, sauf
qu'on récupérerait le résultat de la vente.
Mme Harel: II y a le problème, par exemple, des quotas de
poulet où il n'y a pas de cumul et qui ne peuvent être vendus...
Il ne peut pas y avoir de cumul dans les quotas de poulet qui ne peuvent
être vendus qu'à des producteurs. À ce moment, ce seraient
les lois particulières qui régissent... ce seraient plutôt
tes dispositions particulières qui régissent les quotas qui
s'appliqueraient.
M. Dionne: C'est pour cela qu'on dit qu'on est prêt
à suivre ces lois ou règlements, c'est justement pour que, par
exemple, les acheteurs, s'ils sont limités, ne soient pas tout à
coup illimités.,
Mme Bédard: En fait, on s'était dit: soit qu'on
prévoit de façon particulière pour chaque catégorie
dans le Code civil, ce que cela devrait être, ou encore qu'on
réfère aux lois particulières qui les régissent
actuellement.
Mme Harel: Je pense que l'avant-projet est muet quant à
l'application des lois particulières, c'est votre recommandation.
Mme Bédard: Oui.
Mme Harel: II y a Me Mélançon qui aimerait, sur
cette question, poursuivre l'exploration.
M. Mélançon (Claude): Claude
Mélançon. Ne pensez-vous pas justement que la réalisation
de l'hypothèque grevant les quotas pourrait entraîner une
dévaluation importante du prix des autres actifs de l'exploitation
agricole, une fois que le quota est vendu? Ne pensez-vous pas que les autres
actifs ont une valeur non pas symbolique, mais beaucoup moindre dans certains
cas, pour ne pas dire inexistante, quand le quota est essentiel pour exploiter
une entreprise comme c'est le cas?
Mme Bédard: C'est sûr qu'il y a un risque, oui, sur
cela vous avez raison. Cependant, l'entreprise peut très bien aller et
pour faciliter le crédit à cette entreprise agricole,
actuellement cela nous crée des problèmes; comme on le disait,
cela entraîne même des doléances de la part des emprunteurs.
Mais à la limite, je suis obligée de vous dire qu'il peut y avoir
des risques.
Mme Harel: D'une certaine façon, vous savez, la question
est: Faut-il faciliter le crédit à tout prix et à quel
prix? Peut-être pas à tout prix, mais, dans le fond, la question
à laquelle on a à répondre est: À quel prix? C'est
cela?
M. Dionne: II ne faut pas oublier, je pense, aussi qu'il y a une
faible proportion des emprunteurs qui deviennent en difficulté un jour.
Je n'ai pas les chiffres, cela peut représenter 1 % ou 2 %. Ce qu'on
dit, en fait, c'est que c'est sûr qu'on peut mettre des règles
uniquement pour protéger ces gens, mais cela nuit à 98 % des
autres, il faut vraiment se poser la question à ce moment: Est-ce que
c'est approprié ou non?
Mme Bédard: Je pense qu'il ne faut pas oublier que nous
sommes des institutions d'épargne et aussi de crédit. À ce
moment, si les Québécois ont fondé les caisses, c'est que
ce n'était pas seulement pour déposer mais c'était pour
venir emprunter. Si nous continuons d'exister, je pense qu'on a nos deux
activités à faire. Il faut, je crois, faciliter les choses afin
d'aider les deux parties. Notre objectif à nous est une utilisation
rationnelle du crédit. Je peux vous donner un exemple que j'ai
vécu au dernier conseil d'administration de la compagnie VISA Desjardins
où je siégeais la semaine passée, c'est la compagnie qui
traite notre carte VISA. Au conseil d'administration, on a eu à adopter
le projet de planification stratégique et les objectifs et valeurs de la
compagnie. Il y avait six grands points, naturellement, productivité,
rendement, etc. La réaction des administrateurs a été de
dire qu'il manquait une valeur parce que Desjardins avait un rôle
particulier au Québec et c'était de l'éducation à
une utilisation rationnelle du crédit. Je pense que Desjardins
prône cela depuis sa fondation et le prône encore. On a des
séances de formation tant pour notre personnel que pour les membres. On
collabore à des brochures. Un des dossiers que je laisse, c'est une
brochure d'information en collaboration avec le secrétariat à la
Condition féminine sur l'accès du crédit aux femmes en vue
de leur démontrer comment elles peuvent en obtenir, quels sont les
obstacles, tant de leur côté que chez les institutions
financières, et comment on peut leur faciliter le crédit. Alors,
je pense que Desjardins a eu un rôle
d'éducation qui a été très grand et qu'on
veut poursuivre. C'est là notre objectif.
Mme Harel: Mais c'est certainement un rôle qui vous est
connu et reconnu. C'est un rôle qui vous permet, je pense, d'être
respectée comme une institution spécifique à la
société québécoise. Par ailleurs, on ne
léqifère pas que pour le Mouvement Desjardins. (10 h 45)
Mme Bédard: C'est vrai.
Mme Harel: C'est dans cette perspective-là, d'une certaine
façon, qu'il nous faut examiner finalement la question.
Dans votre mémoire, vous souhaitez ne pas être
défavorisée en regard des autres institutions qui sont, elles,
régies par les lois fédérales; je ne me rappelle plus
où exactement....
Mme Bédard: À la page 25, je crois. Mme
Harel: Oui.
Mme Bédard: C'est dans l'introduction du
mémoire.
Mme Harel: Oui, c'est cela.
Mme Bédard: À la page 25, plus
précisément.
Mme Harel: Oui, c'est cela. En fait, si je comprends bien, vous
voudriez obtenir l'équivalent de ce qui est permis dans la Loi sur les
banques et qui frustre, d'une façon, les privilèges des
fournisseurs impayés.
Mme Bédard: Je comprends qu'il y ait un problème
vis-à-vis de l'avantage qu'ont les banques sous l'article 178.
Mme Harel: C'est cela, dans la loi des...
Mme Bédard: On ne voudrait pas avoir de problèmes.
Me Dionne peut terminer.
M. Dionne: En fait, c'est justement parce que l'article 178
prévoit que les fournisseurs impayés qui n'ont pas
été dénoncés à la banque passent
après la banque alors que, selon l'avant-projet de loi, il est
prévu expressément qu'ils vont passer devant les
créanciers détenant une hypothèque sur une
universalité de biens. Cela fait en sorte qu'une banque qui aurait une
cession en vertu de l'article 178 serait dans une situation où elle
serait favorisée par rapport à une caisse qui aurait une garantie
prise uniquement en vertu du Code civil. Alors, ce qu'on voudrait, c'est
être sur le même pied qu'elles finalement. C'est peut-être au
moyen de pressions auprès du législateur fédéral
qu'on pourrait le devenir, mais on demande, en fait, au ministère de la
Justice de regarder cette question-là et d'essayer de faire en sorte
qu'on soit sur le même terrain que les banques, ce qui nous
apparaît tout à fait normal.
Mme Harel: En attendant, vous nous dites que les dispositions que
vous examinez dans l'avant-projet de loi... De toute façon, cette
disposition concernant les commissaires impayés va être caduque
parce que les banques vont utiliser une disposition de la loi qui les
régit pour passer outre. C'est cela?
M. Dionne: C'est possible. Évidemment, elles vont regarder
les avantages et les inconvénients, peut-être vont-elles trouver
plus d'avantages à se servir du Code civil que de la Loi sur les
banques, je l'ignore présentement parce qu'il y a différents
aspects à regarder, il n'y a pas seulement la question des
privilèges. Il est donc possible qu'elles en viennent à la
conclusion qu'elles ont avantage à utiliser plutôt l'article 178
de la Loi sur les banques et, à ce moment-là, on serait
défavorisé.
Mme Harel: Vous avez dit également dans votre
mémoire que vous considériez que la notion d'État, de la
créance de l'État contenue dans l'avant-projet de loi allait
ouvrir la porte possiblement aux créances du gouvernement
fédéral. Pouvez-vous expliciter cette question?
M. Dionne: En fait, on ne voit jamais actuellement le
gouvernement fédéral invoquer un privilège. Elles en ont
créé un récemment; je pense qu'elles n'en ont pas sauf un
qui a été instauré il y a un an environ et je pense qu'il
n'est même pas encore en vigueur. De toute façon, on ne les voit
jamais invoquer des privilèges, en fait, en fonction des montants qui
sont dus en taxes ou en impôts. Le Code civil actuel ne leur en donne
pas. L'avant-projet de loi, en utilisant le mot "l'État", je pense, va
donner ouverture au gouvernement fédéral de s'introduire dans ce
domaine-là. Le problème qu'on vit actuellement avec le
ministère du Revenu va doubler en quelque sorte en importance puisqu'on
va le vivre maintenant avec le gouvernement fédéral en plus.
Mme Harel: Le problème vient, dans l'avant-projet de loi,
de la définition du mot "État".
M. Dionne: État. Évidemment, je ne suis pas un
spécialiste du droit administratif pour savoir si cela vise le
gouvernement fédéral, mais c'est mon impression.
Mme Bédard: On n'a pas eu le temps de faire l'étude
très approfondie, mais on a
quand même regardé, et on a une crainte à ce
sujet.
Mme Harel: Oui, c'est intéressant. Compte tenu de
l'expertise que vous avez en ces matières, pensez-vous qu'un
système, par exemple, qui serait introduit et qui pourrait
prévoir l'enregistrement d'un formulaire standard, qui décrirait
la sûreté, pourrait remplacer l'acte au long, tel qu'on le
connaît présentement?
M. Dionne: Ce qui se passe, en fait, c'est qu'on revient au
sommaire en quelque sorte dont il est question, je ne me rappelle plus à
quel article, mais sous une forme une peu différente, je pense. Je vous
avoue que quand on a regardé la question du sommaire, on comprenait que
c'était pour des raisons d'économie d'espace et d'argent que le
gouvernement instaurait cette mesure. Alors, on a essayé de la regarder
de façon positive et on a souligné quelques lacunes qu'on y
trouvait, entre autres, en ce qui concerne la description des biens. Par
exemple, lorsqu'on va prendre les stocks d'une entreprise, cela va être
un sérieux problème de décrire quels biens on a en
garantie. On pense que le code devrait nous permettre de dire: tous les biens
en stock, parce qu'en pratique, c'est cela qui se passe. Donc, on a
souligné quelques problèmes comme ceux-là, mais sans
plus.
Mme Bédard: Est-ce que vous parlez du sommaire ou d'un
acte de prêt hypothécaire standard?
Mme Harel: Un acte de prêt hypothécaire.
Mme Bédard: D'accord.
M. Dionne: Lors de la première journée d'audition
à laquelle j'ai assisté, j'ai constaté qu'il y avait des
personnes qui se préoccupaient beaucoup du remplacement du
dépôt de l'acte par le sommaire. Les interventions que j'ai
entendues m'ont intéressé beaucoup. Je me demande effectivement -
on n'a pas eu le temps d'y réfléchir longuement - s'il n'y aura
pas des problèmes qu'on n'avait pas envisagés en procédant
par le dépôt du sommaire. Je ne suis pas en mesure d'y
répondre ce matin, mais il est possible qu'effectivement, il serait
peut-être préférable de conserver ce qu'on a actuellement
comme processus.
Il y a peut-être une chose aussi qu'on pourrait signaler à
ce sujet, c'est que l'avant-projet de toi propose l'extinction des garanties ou
des hypothèques mobilières après cinq ans, ce qui n'est
pas le cas actuellement. C'est quinze ans dans le cas du nantissement agricole,
dix ans dans le cas du nantissement commercial. Je me dis que le délai
de cinq ans va probablement être... Une fois que le délai de cinq
ans va être écoulé, très souvent, la garantie va
être éteinte et on va laisser l'hypothèque
s'éteindre automatiquement. Je me demande si la question de l'espace ne
pourrait pas être réglée par - je ne sais pas - une
destruction de ces documents une fois qu'ils n'ont pas été
renouvelés, Cela pourrait être une solution. On propose
l'hypothèque continue, par exemple. Cela diminuerait le nombre des actes
qui seraient enregistrés au bureau d'enregistrement parce qu'on en
aurait moins à enregistrer. Une fois qu'il y en aurait un
d'enregistré au bureau d'enregistrement, il s'agirait de le renouveler
et il serait toujours bon, alors que si on est obligé d'en faire un
à chaque fois qu'on fait un nouveau prêt ou qu'on augmente
l'ouverture de crédit, c'est un acte à chaque fois et parfois,
c'est à chaque année. En matière d'ouverture de
crédit, par exemple, il est très fréquent qu'après
un an, le montant est insuffisant. Une entreprise qui a une progression
importante, au bout de six mois, parfois, l'ouverture de crédit est
insuffisante. Alors, il faut recommencer la garantie et payer des frais.
L'entreprise paie des frais de notaire ou tous les frais reliés à
la transaction pour reprendre sa garantie. Alors, ce sont certaines solutions
qui pourraient être envisagées.
Quant à la question de savoir si on devrait le remplacer par un
document encore plus court, c'est difficile de répondre pour le moment.
C'est trop complexe d'envisager tous les aspects de cette question.
Mme Bédard: Si on se réfère cependant
à la Loi sur la protection du consommateur qui donne en annexe
différentes mentions obligatoires que doit contenir un acte - ici, on
parie d'un acte standard dans ce sens - je ne suis pas certaine qu'on y
trouvera nécessairement avantage. Je regarde les formules actuelles.
Toutes les institutions financières les ont faites en s'inspirant des
modèles. On a recopié tous les articles de loi
nécessaires, les petits caractères et les gros caractères.
Alors, je ne sais pas ce que pourrait comprendre cet acte. Regardons les
contrats de vente conditionnelle, compte tenu toujours des indications qu'il
faut mettre dans la toi. Dans les institutions financières, on a
peut-être des contrats superbes de cette grandeur. Est-ce que tout le
monde y a trouvé intérêt? Je n'ai entendu personne
applaudir ni du côté des emprunteurs ni du côté des
prêteurs sur des exigences quant à la forme. Je ne pense pas qu'on
ait besoin de se rendre jusque là.
Mme Harel: Ici, j'ai copie du formulaire utilisé pour les
connaissements reçus, cession de biens en stock. C'est un formulaire qui
est signé sans nécessairement la présence
d'avocat ou de notaire. Cela vaut aussi pour l'avis d'une garantie. Ce
sont des avis de garantie en fait. La question est de savoir si c'est
souhaitable d'introduire pour l'hypothèque ce type de formulaire? Poser
la question n'est pas nécessairement y répondre. C'est justement
parce qu'on explore. Au contraire, on nous a dit qu'un formalisme est
nécessaire et souhaitable. Nous disons: moins de formalisme
possible.
Mme Bédard: Entre nous, on a refait tout le dossier
hypothécaire en 1979 pour essayer d'avoir un vocabulaire concret et
compréhensible. On voulait s'assurer que les emprunteurs, en lisant
l'acte hypothécaire, ne tomberaient pas endormis à la
troisième page et pouvaient, si certains voulaient le lire, comprendre
ce qu'ils venaient de signer. On vient de réaménager encore au
complet ce dossier, il y a quelques mois. Me Dionne en a été un
qrand artisan. J'avoue, comme disait Daniel tout à l'heure, qu'en fait
on n'y a même pas pensé qu'il pourrait y avoir un acte standard.
Pour le moment, personnellement, je ne vois pas tellement
d'intérêt.
Mme Harel: Juste avant de terminer, M. le Président, je
veux vous demander d'élaborer le plus possible, parce que cela sera le
seul échange que l'on aura finalement avec vous sur cette question
d'hypothèque continue. Vous êtes les seuls et les premiers
à en parler, alors si vous avez quelque chose à dire ou à
verser au dossier sur cette question, il serait souhaitable de le faire
maintenant.
Mme Bédard: Encore là, cela répond à
une demande. Il nous arrive de recevoir des caisses, des dossiers de
crédits et des actes hypothécaires même des projets d'actes
hypothécaires qui contiennent une clause, à savoir que
l'hypothèque pourra être consentie pour toute démarche
présente ou future ou éventuelle. Les emprunteurs y voient un
intérêt en ce sens qu'ayant limité le montant de
l'hypothèque, ils savent que cela ne pourra jamais dépasser ce
montant, mais que le montant du crédit pourra varier à
l'intérieur de cela. Cela veut dire naturellement qu'on enlève
beaucoup de formalisme et surtout des coûts. Les gens se plaignent
énormément des frais élevés. On sait que les
honoraires professionnels ont augmenté pour toutes les catégories
de professionnels. À un moment donné, il y a quelques
années, on a été plus exigeants à l'interne en
matière de certificats de localisation. D'autre part, les gens qui font
les certificats nous ont annoncé qu'ils ne faisaient plus de mise
à jour, mais chaque fois que l'on demandait un dossier
hypothécaire, c'était un nouveau certificat de localisation.
Alors vous avez idée des coûts que cela entraîne. Ce qui
fait que, pour nous, l'hypothèque continue pourrait s'avérer dans
certains cas un phénomène intéressant pour nos
emprunteurs. La demande nous vient des caisses. Je ne sais pas si tu as autre
chose à ajouter.
Mme Dionne: J'ajouterai que la pression est forte. Non seulement
elle est forte, mais elle se pratique... On ne l'a pas
généralisée parce qu'elle comporte des incertitudes. On ne
peut pas se permettre d'émettre 11 000 000 000 $ d'actifs dans un acte
d'une validité... Même si le risque est de 1 %, c'est quand
même beaucoup. Mais la pression est très forte. Les caisses le
demandent, mais on sait qu'en pratique il s'en signe. On en voit des fois qui
arrivent sur nos bureaux avec des clauses qui prévoient que le
prêt est valable, non seulement pour le montant consenti, mais
ultérieurement s'il est remboursé en partie, l'emprunteur va
pouvoir réutiliser le montant remboursé. Cela démontre que
c'est ce qu'ils veulent des deux côtés, finalement. Si
l'emprunteur le signe, comme on le mentionnait, cela a ses avantages.
Ultérieurement, s'il veut faire des rénovations à sa
maison, il reprend ce crédit et il n'a plus besoin de consentir un
nouvel acte.
M. le Président, avec votre permission, j'aimerais revenir sur
une question antérieure de Mme Harel concernant la possibilité
d'hypothéquer les biens qu'un emprunteur possède
déjà. Vous nous avez mentionné à deux reprises que
le gouvernement ne peut pas légiférer que pour Desjardins et je
suis d'accord avec cela, c'est évident. Mais il faut se rappeler que le
Mouvement Desjardins touche quand même un peu plus de 4 000 000 de
Québécois qui sont déjà membres du Mouvement
Desjardins. On a déjà nos services d'éducation qui sont
reconnus. Il y a aussi une foule de journaux, de revues qui font de
l'éducation économique, financière; les objectifs qui sont
derrière les mots et que l'on poursuivait en voulant permettre
l'hypothèque de biens qu'ils possèdent déjà, c'est
l'utilisation, comme je vous l'ai dit, du levier financier qui permet de
profiter de l'occasion de faire du développement, la consolidation,
comme l'a mentionné Me Dionne, de soulager et de faire face aussi
à ses obligations, d'élargir les possibilités de
crédit pour supporter parfois les besoins essentiels... Quand je pense
aux jeunes professionnels - vous l'avez mentionné vous-même - dont
les besoins sont énormes, surtout au moment où ils se lancent en
affaires, où on a les jeunes entrepreneurs, où le gouvernement a
déjà reconnu que les besoins sont grands en faisant des lois
spéciales et aussi en étant derrière la
Société d'investissement jeunesse, tout cela vient permettre
toutes sortes de
possibilités et cela n'est pas que pour Desjardins. C'est une
précision que je pensais utile d'apporter.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Grenier. Je
reconnais Me Cossette.
Une voix: M. Frenière.
M. Frenière: J'avais compris pareil. (11 heures)
M. Cossette (André): Merci, M. le Président. Tout
le monde sait que le Mouvement Desjardins est une institution financière
pas comme les autres. Ces derniers temps, on a parlé souvent du bilan
social des caisses populaires. On nous dit, par exemple, que certaines caisses
populaires consacrent des sommes assez importantes pour faire des prêts
à des personnes qui n'offrent absolument aucune garantie. Ma
curiosité est la suivante. Je voudrais savoir quel est le montant total
de ces prêts consentis à des personnes sans aucune garantie et
quelle est la proportion des pertes que vous subissez dans ce genre de
prêts?
Mme Soucy (Michelle): On va retrouver la majorité des
prêts consentis sans garantie parmi nos prêts personnels,
prêts à la consommation. Le montant est d'environ - ne bougez pas,
j'ai cela pas loin 4 300 000 000 $.
M. Frenière: Ce sont des prêts personnels consentis
à des individus, des personnes sans garantie aucune, sur la signature,
sur la valeur morale.
Mme Harel: J'imagine que vous aimeriez les garantir sur les biens
mobiliers.
Le Président (M. Marcil): Oui? M. Cossette.
M. Cossette:...prêter d'intention...
Mme Bédard: Non. On va prêter encore plus.
Mme Soucy: Peut-être que ces emprunteurs sans garantie,
s'ils peuvent donner des garanties supplémentaires, obtiendront de
meilleures conditions de financement aussi.
Mme Bleau: M. le Président, il y a une réponse qui
n'a pas été donnée. Est-ce que vous avez beaucoup de
pertes sur ces emprunts sans garantie?
M. Frenière: Je n'ai pas de chiffres exacts sur les
emprunts sans garantie. Mais globalement, les pertes chez Desjardins, l'octroi
du crédit étant judicieux, les pertes sont largement
inférieures aux normes qu'on rencontre dans l'industrie. On peut parler
facilement de chiffres inférieurs à un demi de un pour cent du
total du portefeuille des prêts.
Une voix: On devrait diminuer les garanties dans ce cas.
M. Frenière: On essaie d'administrer le plus
judicieusement possible l'épargne qui nous est confiée par les
déposants.
Une voix: Cela va?
Le Président (M. Marcil): Madame, vous vouliez
également intervenir?
Mme Longtin (Marie-Josée): Oui. Ma question concerne la
prise en paiement. Dans votre présentation, vous avez à peine
effleuré la question. Dans le projet, il y a deux mesures qui ont
été introduites qui se veulent en faveur du débiteur, pour
contrer les abus auxquels la clause de dation en paiement a pu donner lieu dans
le passé. C'était, d'une part, avant de prendre en paiement, que
le créancier obtient l'autorisation du tribunal lorsqu'il y a 50 % du
capital qui ont été acquittés. Vous nous dites que vous
voudriez que ce ne soit pas le créancier qui a demandé cette
autorisation mais le débiteur, alors même que le créancier
est plus en mesure peut-être de connaître la portée de la
dette.
La deuxième chose, c'est qu'à l'article 29.62, on
prévoyait que la prise en paiement était obligation
jusqu'à concurrence de la valeur marchande du bien pris en paiement.
Encore là, vous dites que cela devrait être possible seulement sur
un accord préalable où les parties se seraient entendues sur les
prix. À ce moment, ne serait-ce pas toujours un peu à l'avantage
du créancier hypothécaire qui est plus en mesure d'imposer le
prix de la valeur marchande qu'il considère appropriée?
M. Dionne: En ce qui a trait à votre première
question, pour la nécessité d'obtenir l'autorisation du tribunal
lorsque la moitié de l'obligation a été acquittée,
comme on le dit dans notre mémoire, en fait on est tout à fait
d'accord avec cette mesure dans le cas des immeubles, par exemple, parce que,
habituellement, ils ne se déprécient pas, comme c'est le cas des
biens meubles.
En matière de biens meubles, ce qu'il arrive, c'est que le bien
justement se déprécie à peu près à la
même vitesse que le prêt. Très souvent, quand vient le temps
d'exercer des recours, supposons qu'on aurait dans l'avenir une
hypothèque sur une automobile et que l'emprunteur, sur un prêt de
10 000 $ est rendu à 5000 $, bien,
l'automobile va valoir à peu près le même montant.
Alors, très souvent, il va être prêt à laisser le
créancier procéder et l'obligation de se présenter devant
la cour va augmenter les frais parce que c'est lui qui, de toute façon,
paie les frais de justice même si ce n'est pas une créance
prioritaire. Les tarifs prévoient - la Loi sur le Barreau, je ne me
souviens pas - qu'il doit les supporter.
Nous disons: Si c'est à l'emprunteur à faire cette
demande, elle ne serait donc faite que dans les cas où,
précisément, il a le goût de conserver son bien. À
ce moment-là, on réduirait les frais en question. On mentionne
également qu'il y a d'autres possibilités qui sont offertes
à l'emprunteur, entre autres, obliqer le créancier à
exercer un autre recours. On pense que, finalement -il faut lire notre
mémoire pour bien suivre notre raisonnement - cela risque de nuire plus
à l'emprunteur en termes de coûts, de frais et de délais,
que de lui être utile. On ne demande pas qu'il n'ait pas ce
droit-là, mais que ce soit plus à lui à le demander,
quitte, comme on le dit dans notre mémoire, à ce qu'on soit
obligé dans nos avis ou dans nos mises en demeure à l'informer
qu'il a ce droit.
Le Président (M. Marcil): La dernière question.
Mme Harel: Me Gariépy voudrait enchaîner sur la
question de Me Longtin.
Le Président (M. Marcil): Cela va. Une voix: ...
Le Président (M. Marcil): Non, c'est cela. Il vous reste
encore à répondre à une partie.
M. Gariépy (Pierre): Je vais...
Le Président (M. Marcil): Un instant, Me
Gariépy.
M. Gariépy: Excusez-moi.
Mme Harel: La question va peut-être...
Une voix: Non, c'est sur la deuxième partie.
Mme Harel: La deuxième partie. D'accord.
M. Dionne: Je pense que votre question porte sur l'article 2962.
C'est cela, l'extinction...
Mme Longtin: Sur l'extinction de l'obligation.
M. Dionne: Encore une fois, on mentionne dans notre
mémoire que, tout d'abord, l'on pense que cela va créer des
litiges fréquents entre les parties et cela a été le cas
dans le passé, entre autres, avec l'article 1202 du Code civil. Chaque
fois qu'il a été invoqué, les parties ne s'entendaient pas
sur la valeur marchande. 1202a, je ne me rappelle pas l'article précis,
mais cela a été très fréquent. L'emprunteur veut
toujours dire que sa maison vaut tant ou que son bien vaut tant et il est
porté à surévaluer, et le créancier, c'est
l'inverse. C'est un peu normal; c'est humain. Cela crée parfois des
litiges pour des montants qui ne sont pas énormes. Deuxièmement,
on mentionne - je pense que cela a été vrai surtout dans les
années 1980, 1981 et 1982 où il y a eu la crise
économique, entre autres - que, très souvent, l'emprunteur
était très heureux que le créancier exerce la dation en
paiement plutôt qu'un autre recours comme l'action hypothécaire
parce que l'immeuble valait moins que le montant de la créance et,
à ce moment-là, évitait tout recours personnel contre lui
par la suite. Très souvent d'ailleurs - c'était peut-être
la majorité des prêts à cette époque -les gens
arrivaient avec les clés en disant: Je vais vous donner mon immeuble et
je ne veux plus rien savoir. Quand on exerce un recours habituellement - dans
le cas d'un immeuble en tout cas - c'est très souvent que la
créance est rendue à un montant plus élevé ou
à presque la valeur de l'immeuble. On pense qu'il serait
préférable pour l'emprunteur, pour les deux parties en fait, que
cela éteigne complètement la dette, ce qui éviterait les
litiges et ce qui éviterait les problèmes que nous mentionnons
dans notre mémoire.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup.
Je vais reconnaître, pour une dernière question, Me
Gariépy.
M. Gariépy: Concernant les articles 2958 et 2959, vous
avez proposé de limiter l'initiative de s'opposer à la prise en
paiement et d'exiger un autre mode de réalisation au seul
débiteur. Ma question porte sur ceci: N'est-il pas vrai que, quand un
débiteur est en difficulté ou en période
d'insolvabilité, il se désintéresse souvent de prendre ses
initiatives? Qu'en est-il alors des créanciers postérieurs est-ce
qu'ils ne seront pas dans l'impossibilité d'intervenir pour faire en
sorte que l'autre cour soit choisie?
M. Dionne: C'est sûr que, parfois, ce sont les
créanciers de rang subséquent qui s'intéressent plus
à l'actif en question que le débiteur lui-même. Cela arrive
effectivement, sauf qu'on pense que les autres mesures prévues dans
l'avant-projet de loi
protègent déjà suffisamment le créancier de
deuxième rang. Il ne faut pas oublier une chose aussi. Chaque fois qu'on
se prononce sur une question comme celle-là, on doit se dire que nous
aussi, on va parfois être en position de deuxième rang. Donc, on
doit regarder aussi si ce qu'on propose pourrait théoriquement nous
être défavorable. Après mûre réflexion, on en
est venu à la conclusion que même si on était très
souvent en position de deuxième rang, il était
préférable qu'on n'ait pas ce droit et que le créancier de
premier rang puisse exercer son recours et qu'à ce moment-là, le
créancier de deuxième rang ait les autres droits qui sont
prévus dans l'avant-projet de loi.
Le Président (M. Marcil): Cela va? Malheureusement, le
temps est déjà écoulé. Malgré les
échanges qui étaient fort nécessaires à ce
débat - nous aurions pu continuer le débat encore pendant des
heures - je pense qu'on n'aurait pas terminé. Nous vous remercions, au
nom des membres de cette commission, de vous être prêtés
à cette période de questions, à ces échanges. Soyez
assurés que les remarques, vos recommandations et vos propositions
seront analysées de façon sérieuse par les membres de
cette commission avant de compléter cette loi.
Donc, bon voyage de retour. Nous allons suspendre les travaux pour cinq
minutes.
Aviez-vous quelque chose à ajouter M. Frenière?
M. Frenière: Tout simplement pour vous remercier encore
une fois de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer.
Le Président (M. Marcil): Tantôt, Me Cossette disait
que le Mouvement Desjardins est différent des autres. Quant à
nous, ce qu'on souhaite, c'est qu'il demeure différent des autres
institutions.
Oui, monsieur Dauphin.
M. Dauphin: Juste 30 secondes pour profiter de l'occasion, encore
une fois, pour vous remercier de votre apport à nos travaux. C'est un
avant-projet de loi évidemment, alors on peut vous assurer que toutes
vos recommandations seront étudiées avec beaucoup
d'intérêt et d'attention. J'en profite aussi pour féliciter
Mme Bédard pour sa nomination comme sous-ministre aux Affaires
municipales.
Merci et bon retour.
(Suspension de la séance à 11 h 11)
(Reprise à 11 h 31)
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de Groulx,
nous allons reprendre nos travaux et nous allons entendre notre dernier groupe
et non le moindre, l'Union des producteurs agricoles.
On sait que c'est un organisme très en demande
présentement dans l'ensemble du Québec. J'ai cru remarquer
également M. le président, M. Proulx, que votre mémoire
est de couleur que nous proposons pour la margarine et que vous, naturellement,
appuyez, comme producteur agricole.
Donc, vous connaissez un peu les règles. On va vous laisser
quelques minutes pour faire la présentation de votre mémoire.
Soyez assurés que tous les membres ont pris connaissance du
mémoire. On a déjà quelques questions de
préparées, ce qui va nous aider à approfondir le dossier
et, ensuite, on procédera à l'échange de questions.
M. Proulx, si vous voulez d'abord nous présenter votre
collègue. Vous avez la parole.
Union des producteurs agricoles
M. Proulx (Jacques): Merci, M. le Président; mesdames,
messieurs, j'ai avec moi, ce matin, Michel Lord, notre conseiller juridique. Ce
dernier a préparé naturellement le rapport. Il sera là
aussi pour répondre aux questions qui nous viendront des
participants.
Je voudrais vous remercier de nous permettre de venir exposer devant
vous certaines préoccupations à ce moment-ci sur le dossier qui
est à l'étude.
Comme notre mémoire le dit, l'Assemblée nationale
entreprend l'étude d'un autre volet tout à fait majeur du nouveau
Code civil du Québec: les sûretés réelles et la
publicité des droits.
S'il n'est jamais facile de mesurer la portée exacte d'un projet
de loi, la tâche devient tout simplement colossale quand on s'attaque
à un domaine aussi vaste et complexe que celui à
l'étude.
Aussi, même si elle est fortement intéressée par
plusieurs aspects de la réforme proposée, l'UPA n'entend pas,
pour l'heure du moins, se livrer à une critique en profondeur de
l'avant-projet de loi déposé. En outre, les quelques brefs
commentaires généraux, son intervention se limitera à deux
questions bien particulières qui sont cependant l'intérêt
central pour les classes agricole et forestière du Québec: la
cession en garantie des quotas et la garantie des paiements des produits
agricoles. Même s'il s'agit de questions plutôt
spécialisées et relativement techniques, nous avons cru devoir
profiter de l'occasion pour réitérer nos positions sur te
sujet,
II est peut-être bon de rappeler que l'UPA est l'association
syndicale et professionnelle qui représente officiellement les quelque
50 000 producteurs et productrices agricoles du Québec. Il est important
de
savoir aussi que l'UPA regroupe ceux et celles qu'on désigne
généralement comme des producteurs de bois ou
propriétaires forestiers.
L'avant-projet de loi à l'étude propose, pour l'essentiel,
une réforme nettement marquante du grand domaine du crédit. De
toute évidence, on vise une modernisation de nos règles de droit,
de manière notamment à pouvoir davantage tenir compte de
l'importance de la richesse mobilière et en vue d'une meilleure
harmonisation avec les législations existant ailleurs en Amérique
du Nord.
Certes, il est difficile d'être en opposition avec les objectifs
poursuivis. D'autant plus que les producteurs agricoles et forestiers profitent
déjà, depuis un bon nombre d'années, de plusieurs des
éléments de réforme proposés: nantissements
agricole, aquacole et forestier, garanties suivant la loi sur les
connaissements, les reçus et la cession des biens en stock.
L'UPA croit malgré tout devoir formuler certaines
réserves: il lui apparaît en effet que cet avant-projet vise
d'abord et avant tout à rassurer les grands prêteurs, les banques
en particulier. Déjà surprotégés, disposant
déjà de pouvoirs considérables, ces derniers souhaitent
encore davantage: de plus larges garanties, des mécanismes de
réalisation plus simples et plus expéditifs, etc.
Même si ce sont sans doute les règles des affaires, il nous
apparaît que le législateur devrait tendre à un juste
équilibre entre les droits des créanciers et ceux de leurs
débiteurs. Une attention particulière devrait être
portée aux délais préalables à la
réalisation des sûretés, celles portant sur les meubles en
particulier. L'histoire récente est riche d'exemples, notamment en
matière agricole où les créanciers ont carrément
abusé de diverses garanties qui leur avaient été
accordées. Il faut à tout prix éviter d'ajouter à
leurs armes.
Même si, comme nous l'avons noté au passaqe, les
producteurs agricoles et forestiers vivent déjà à l'heure
d'un droit des sûretés passablement modernisé, la
réforme qui est actuellement à l'étude introduirait un
certain nombre de nouveautés pas toujours souhaitées. Parmi les
changements les plus significatifs et les plus conséquents, il faut
certes faire état de la possibilité de céder les quotas en
garantie.
Comme on le sait, les quotas sont essentiellement un permis restreint
renouvelable annuellement de produire et de mettre en marché un produit
agricole donné. Pour diverses raisons qu'il serait trop long d'exposer
aux fins du présent mémoire, ces quotas ont, on le sait
également, acquis une valeur certaine au fil des ans, de sorte qu'ils
représentent aujourd'hui pour les entreprises agricoles
concernées une part importante de l'actif.
Malgré ce fait, ces biens ne peuvent pour l'heure être
valablement cédés en garantie. Cela tient de la nature juridique
particulière de ces biens, qu'une rarissime doctrine et jurisprudence a
définis comme des biens meubles incorporels, et des limitations
prévues par les lois particulières applicables. Avec le temps,
une formule a été développée par les
créanciers, soit la cession du produit de la vente, pour contourner ces
difficultés, mais il ne s'agit pas d'une véritable
sûreté.
Or, si notre interprétation est bonne, nous croyons que
l'avant-projet de loi lèverait la plupart des obstacles ouvrant ainsi la
porte à la prise en garantie des quotas -hypothèque
mobilière, sans dépossession, d'un droit incorporel. De toute
évidence, une telle garantie serait extrêmement
recherchée.
Malgré leur soi-disant précarité renouvellement
annuel, possibilités de réduction, imprécisions quant au
titulaire du droit de propriété, etc. - il y a tout lieu de
croire que les quotas seraient de l'or en barre, comme on dit, pour les
créanciers. Pour les raisons qui suivent, l'UPA s'oppose
catégoriquement à une telle modification.
En tout premier lieu, il nous apparaît comme une évidence
qu'une telle modification aurait pour effet d'accroître
considérablement les possibilités de crédit et, par voie
de conséquence, le taux d'endettement. En plus de douter fortement de
l'opportunité ou de la nécessité d'une telle ouverture, il
nous semble que cela représente des risques considérables. En
effet, même si ces titres se sont jusqu'à maintenant
révélés extrêmement forts, les chutes de prix ne
sont pas impossibles. De même, le contexte économique mondial
laisse planer toutes sortes de menaces sur le contingentement des produits
agricoles. Du jour au lendemain, ces actifs pourraient fondre comme neige au
soleil menant tout droit des milliers d'agriculteurs et agricultrices à
un véritable cul-de-sac financier. On l'a vu d'ailleurs récemment
quand le prix des terres a soudainement chuté, à certaines
occasions, au-delà de 50 %.
Secondement, conséquence directe de cet accroissement des
possibilités de crédit, il nous paraît comme une autre
évidence que la possibilité d'hypothéquer les quotas
aurait des incidences "haussières" sur le prix de ces biens. Or, le prix
des quotas pose déjà d'importantes difficultés pour ceux
et celles qui aspirent à s'établir en agriculture en particulier.
Il faut dans toute la mesure du possible éviter les
éléments susceptibles d'aggraver ce problème. De
même, sans vouloir entrer dans les détails de cette question
technique, nous signalons qu'une telle modification pourrait
éventuellement mener à certaines hausses des prix des produits
contingentés.
Troisièmement, il faut également réaliser que la
prise en garantie des quotas serait une arme extraordinairement puissante
accordée aux créanciers. À cause de leur importance tout
à fait centrale pour l'entreprise, les quotas ne peuvent, en aucune
façon, se comparer aux autres actifs agricoles. Accorder à un
créancier le droit de disposer à son gré d'un quota,
c'est, à toutes fins utiles, lui donner un droit de vie ou de mort sur
l'entreprise, c'est lui permettre de se rembourser, quitte à faire
déqringoler complètement le prix des autres actifs car, c'est
bien connu, une ferme qui perd son quota ne vaut souvent plus grand-chose.
Plusieurs autres incidences malheureuses sont également
prévisibles: tendances accrues des créanciers à se
surprotéger, difficultés pour les offices de producteurs de
contrôler la propriété des quotas, etc. À ce dernier
sujet, il convient de mentionner que les nouveaux recours hypothécaires
proposés, par exemple la prise en paiement de la vente par le
créancier, pourraient soulever d'énormes difficultés,
Nous aurions pu élaborer beaucoup plus longuement sur le sujet,
mais nous croyons que ce qui précède devrait suffire à
illustrer les graves conséquences pouvant résulter de la cession
des quotas en garantie et l'absolue nécessité de les
éviter. Cette position, il est sans doute bien de le rappeler, est le
fruit d'une fort longue réflexion menée un peu partout dans les
milieux agricoles du Québec; l'UPA voit donc mal comment elle pourrait
être balayée d'un simple revers de la main.
La garantie du paiement des produits agricoles. S'il nous semble que les
créanciers sont généralement fort bien
protégés, ce n'est certes pas le cas des producteurs agricoles et
forestiers face aux intermédiaires qui achètent leurs produits,
aux fins de revente ou de transformation notamment. À l'exemple et
à l'expérience, il ressort que tes diverses lois applicables
comportent peu de mesures protectrices et que les quelques mesures
prévues sont pleines de failles. C'est le cas notamment des dispositions
énoncées dans la loi fédérale sur les banques.
En définitive, à l'exception des producteurs et
productrices de lait et de cultures commerciales qui bénéficient
d'un régime de protection en vertu d'une réglementation
particulière, les producteurs aqricoles et forestiers se retrouvent la
plupart du temps complètement démunis face à la faillite
ou à l'insolvabilité de leurs acheteurs. Quand on réalise
que certains ou certaines vendent la totalité de leur récolte
à un acheteur unique, on comprend que le risque est qrand et que les
conséquences peuvent être catastrophiques.
Aussi, depuis plusieurs années, l'UPA presse les deux
gouvernements d'apporter les correctifs qui s'imposent. Si nous sommes
convaincus que l'adoption d'une loi particulière sur le sujet - un peu
suivant le modèle existant en production laitière -demeure la
seule solution adéquate, nous croyons que divers amendements aux
diverses lois applicables pourraient sans doute permettre d'améliorer
quelque peu les choses. Nous considérons donc que le légisalateur
québécois devrait profiter de la présente réforme
du droit des sûretés pour faire un pas dans la bonne direction:
à titre d'exempte, une hypothèque légale pourrait
être prévue pour les producteurs agricoles et forestiers pour la
vente de leurs produits; en profitant d'un rang prioritaire, ces derniers
auraient de meilleures chances de récupérer une part plus
équitable de leurs créances.
Alors, en conclusion, M. le Président, sans se prononcer sur
l'ensemble de l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du
Québec du droit des sûretés réelles et de la
publicité des droits, l'UPA croit d'abord qu'il importe à tout
prix gue les quotas demeurent incessibles en garantie. Même si les
pressions sont fortes de la part des grands prêteurs, nous sommes
convaincus qu'un renversement de cette règle comporterait des risques
considérables pour les producteurs et productrices agricoles
concernés. Le jeu n'en vaut certes pas la chandelle.
Deuxièmement, l'UPA considère que le législateur
québécois doit profiter de la présente réforme pour
poser une premier geste concret en vue de protéger plus
adéquatement les producteurs et les productrices agricoles et forestiers
face aux acheteurs de leurs produits. L'octroi d'un rang prioritaire pourrait
sans doute être fort utile.
Les secteurs agricole et forestier sont des secteurs économiques
de toute première importance, extraordinairement dynamiques, bien
préparés pour l'avenir. Mais ce sont également des
secteurs fragiles et sensibles aux grands changements. Lorsqu'on touche aux
lois qui les régissent, il faut constamment chercher à
préserver les barrières qui s'imposent et leur réserver,
à tout le moins, une minimale protection. Il faut également, bien
sûr, éviter à tout prix de leur créer de nouveaux
obstacles.
Voilà, M. le Président, le mémoire et les quelques
sujets qu'on voulait toucher à cette occasion. Nous sommes
disposés à répondre aux questions qui, j'espère,
seront nombreuses afin de permettre de définir davantage nos
arguments.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. Proulx. Je vais
reconnaître immédiatement le député du comté
de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'aimerais tout
d'abord souhaiter la
bienvenue à l'UPA, l'Union des producteurs agricoles, à
son président, M. Proulx, ainsi qu'au conseiller juridique. Je les
remercie pour leur participation, la préparation et la
présentation de ce mémoire. (11 h 45)
Comme tout le monde le sait, l'industrie agricole au Québec
représente un aspect de l'économie des plus importants. Alors, on
est doublement satisfaits de votre présence aux travaux de notre
sous-commission.
Évidemment, j'ai des questions à vous poser. Je sais
pertinemment que d'autres députés en ont et même notre
président. Je pense qu'il y a une partie agricole dans son
comté.
Une voix: Une grande partie.
M. Dauphin: Une grande partie agricole dans son comté. Je
suis en pleine ville, alors le dossier m'intéresse beaucoup, mais j'ai
moins à vous fréquenter, malheureusement pour moi.
Alors, ma première question concerne les quotas. Vous avez
sûrement entendu le groupe - ou si vous ne l'avez pas entendu -qui vous a
précédés représentant les Caisses populaires
Desjardins. Ils nous disaient que, dans le vécu quotidien, plusieurs
agriculteurs québécois se rendaient à leurs institutions
pour pouvoir donner en garantie les quotas en question. Dans votre
mémoire, vous nous suqgérez de façon claire, nette et
précise de ne pas pouvoir, en termes d'hypothèque
mobilière, donner en garantie les quotas pour les raisons que vous avez
mentionnées, soit le taux d'endettement, incidence "haussière"
sur le prix. Votre position s'est faite à la suite d'une longue
réflexion et consultation de vos membres.
Ma question est la suivante. En ce qui concerne la balance des
inconvénients - je me rends à votre demande - vous désirez
approfondir davantage cet aspect. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y aurait
plus d'avantages dans la possibilité des quotas en garantie que
d'inconvénients?
M. Proulx: Certainement pas. C'est évident qu'il y a
certains producteurs ou productrices qui vont avoir parfois un besoin un peu
plus grand et voudraient avoir davantage de crédit pour toutes sortes de
raisons qui sont tout aussi valables les unes que les autres. Ils seraient
d'accord pour mettre en garantie leurs quotas, sauf qu'il y a tellement
d'inconvénients, le risque deviendrait tellement qrand d'être
davantage soumis, en fait, et de n'avoir plus aucune force de
négociation, d'être complètement dépendant de
l'endettement. Pour nous, on a donné différentes raisons pour
cela. Mais, c'est parce que le quota est très liquide. Je veux dire que
tu peux vendre cela dans l'espace d'un mots. Il s'agit que tu te rendes
à l'encan de quotas et ainsi de suite. Tu peux te rendre là en
supposant qu'on nous en donne le droit. Immédiatement, tu as ta
liquidité et tu vas payer tes dettes.
II ne faudrait pas oublier que je ne connais pas d'institutions qui
prêtent plus que tu es capable de remettre. Elles prêtent selon ta
capacité de payer. Alors, s'il faut aller jusqu'à protéger
les individus, je pense que c'est notre rôle de le faire. Faisons
attention.
Je voudrais vous illustrer cela un peu. Dans les années 1978,
1979, 1980, vous avez connu la forte expansion que l'industrie porcine a prise,
parce que le marché mondial était ouvert et pour toutes sortes de
raisons. Je pense que c'est l'exemple le plus patent qu'on peut donner
où on a ouvert le crédit. C'était 125 % et, même
dans des cas, c'était 150 % de la valeur - je ne parle pas de
capacité de payer - cela semblait être sans limite. Je pense que
je n'apprendrai rien à plusieurs d'entre vous, mais vous savez que dans
les années suivantes, à cause justement d'une situation
économique - il n'y a pas seulement au Québec qu'on a fait cela,
on a fait cela partout - on s'est retrouvé dans un marasme abominable
avec des problèmes de crédit, c'est bien évident, mais des
problèmes sociaux énormes aussi, avec des gens qui ont
laissé leur emploi, qui ont laissé leur profession, qui se sont
lancés un peu comme dans la course au Klondike et ainsi de suite.
L'humain, c'est l'humain. C'est toujours la même chose et cela va
toujours être la même chose. Je reste convaincu qu'ouvrir encore
davantage... Remarquez qu'on a besoin de crédit et qu'on en utilise
énormément, mais pour nous, il y a quand même une limite.
D'ailleurs, les banques, les caisses, toutes les institutions prêteuses
prêtent. L'office, comme la Société du crédit
agricole, prête à partir de ta capacité de payer. À
l'heure actuelle, quand tu as une production qui a un quota,
déjà, seulement le fait d'en avoir un, pour nous, c'est amplement
une garantie d'être capable de faire des paiements. C'est cela qui est
important pour l'organisation prêteuse. Les pertes sont tellement
minimes. D'ailleurs, je vous dirai qu'à partir de quelques échecs
que les institutions prêteuses peuvent avoir eus, par la suite, elles ont
eu des moyens très bons. À l'heure actuelle, elles font signer je
ne sais quoi. Michel pourrait expliquer davantage la partie légale, mais
elles se prennent une garantie sur la vente du produit, sur la cession du
bien.
Une voix: Le produit de la vente.
M. Proulx: Le produit de la vente. Alors, elles sont très
bien protégées. Elles ne peuvent tout de même pas prendre
le quota pour aller le vendre elles-mêmes, mais
aussitôt que vous vendez, vous leur devez un revenu...
Deuxièmement, en vertu de toute la réglementation concernant les
quotas, vous ne pouvez pas garder indéfiniment un quota. Vous avez tant
de mois pour le vendre quand vous arrêtez de produire. Elles sont
très hien protéqées et si elles ont, à quelques
occasions, perdu quelques cents dans ces cas-là.,. D'ailleurs, quand je
vois le chiffre des caisses populaires, moins 0,5 % de pertes sur les milliards
de dollars qu'elles prêtent, je ne pense pas que ce soit un drame et
qu'on soit à la veille de les voir faire faillite au Québec.
M. Dauphin: J'ai vu dans votre mémoire tantôt - je
cherche la page; je ne la trouve pas - que les garanties disponibles
actuellement sont suffisantes.
M. Proulx: Elles sont amplement suffisantes. On a aussi
noté un autre danger. Le dépouillement des exploitations de leur
droit de produire parce que c'est un droit de produire. Je vous ai dit: C'est
du liquide rapide, du quota; c'est pour cela que c'est si attirant. Dans
certaines productions, la ferme vaut zéro sur le contingentement. Cela
devient un fardeau énorme pour le reste de la société
aussi. Cela devient un fardeau énorme pour l'ensemble, autant la
population locale que le reste, parce qu'il n'y a plus aucune
possibilité. Prenons l'exemple qui peut être arrivé dans
les oeufs d'incubation. Qu'est-ce que vous voulez faire avec une exploitation
d'oeufs d'incubation? Il n'y a absolument aucune possibilité de
transformation. C'est tellement spécialisé. On peut prendre
l'exemple de la volaille. Qu'est-ce que vous allez faire le matin que vous
allez enlever un quota de volaille avec l'exploitation? Qu'il y ait x acres de
terre ou qu'il y ait un demi-hectare de terre juste pour la bâtisse,
qu'est-ce que vous allez faire avec? Cela vaut zéro. Cela ne vaut
même plus... C'est l'autre qrand danger aussi d'annuler par le fait
même une valeur qui existe, mais qui devient tellement coûteuse
à opérer ou à transformer que personne n'est
intéressé. Vous avez la multitude des autres créanciers,
les petits créanciers qui ne sont pas garantis dans bien des cas, et
tous les problèmes que cela peut entraîner.
M. Dauphin: Merci beaucoup. Je reviendrai sur les quotas
tantôt. D'ailleurs, certains de mes collègues ont des questions
sur les quotas.
Votre deuxième demande principale, c'est d'avoir une
hypothèque légale en faveur des producteurs agricoles et
forestiers pour la garantie du prix de vente de leurs produits. J'aimerais vous
référer à l'article 2888, paragraphe 3, qui, je pense,
vous conviendrait. Cela s'applique à votre cas. J'ai d'ailleurs
consulté les experts avec moi, à savoir que l'hypothèque
légale existe. L'article 2888, paragraphe 3, prévoit que la
créance du vendeur non payé pour le prix du bien donne lieu
à une hypothèque légale et, en outre, cette
hypothèque bénéficie d'une priorité de rang sur
toute autre hypothèque consentie par l'acquéreur si elle est
publiée dans les dix jours de la vente prévue à l'article
3311. Je ne sais pas si vous faisiez référence à autre
chose ou si cela comble votre demande.
M. Lord (Michel): On avait vu cette disposition, le
troisième paragraphe de l'article 2888. La créance du vendeur non
payé, je pense qu'elle existe; il est déjà
protégé, mais elle pose de sérieuses difficultés
d'application en matière agricole. D'abord, cette créance ne
s'applique que sur le bien vendu. Comme vous le savez, souvent les produits
agricoles, dès qu'ils sont vendus, sont transformés, même
parfois immédiatement revendus. Il faut aussi souligner que les ventes
en matière agricole interviennent souvent très
régulièrement. Par exemple, les ventes à l'encan, c'est
presque à chaque semaine. Donc, à chaque semaine, cela obligerait
l'agriculteur à faire une nouvelle déclaration
d'hypothèque. Donc, je ne suis pas sûr que cette disposition
protégera efficacement les agriculteurs.
M. Dauphin: Autrement dit, vous proposez, quant à vous...
C'est-à-dire que le législateur exprime clairement une
priorité de rang...
M. Lord: C'est cela.
M. Dauphin: ...à l'intérieur des hypothèques
légales.
M. Lord: Oui, c'est évident parce qu'on pourra donner
plusieurs exemples mais... Les différents produits ont des façons
de se vendre tellement particulières. Les plus affectés
actuellement, ce sont les producteurs maraîchers et les producteurs de
viande, les producteurs de bovins. Prenons l'exemple des maraîchers
où se trouvent deux catégories: à l'état frais et
de conserverie. Dans la majorité des cas des conserveries, il y a
même des ententes avant où toute la production justement ou la
récolte qui est faite en l'espace de deux ou trois jours, est
livrée à la conserverie, est transformée et
disparaît, mais à cause du crédit énorme que cela
pourrait prendre etc., il y a des ententes pour un paiement au bout de trois ou
six mois ou échelonnné sur une période de x années.
Ce sont les coutumes du marché. Alors, comment pouvez-vous retrouver -
c'est là que le problème survient - le maraîcher à
l'état frais, vous connaissez comment cela se transige en grande partie,
le marché central ou les différents marchés
que vous avez un peu partout et, encore là, tout est disparu bien
à l'intérieur des plus courts délais que vous pouvez
mettre. On peut dire: ils n'ont qu'à essayer de prendre les moyens de
suivre davantage, mais ce n'est pas facile, tu n'a pas le choix, c'est un
produit périssable, périssable même dans l'espace d'une
journée, je veux dire qui perd de sa valeur énormément. On
a beau avoir beaucoup de doutes, on est obligé de livrer et de vendre et
les personnes ne nous paient pas. Vous savez qu'on retrouve actuellement,
particulièrement dans cette production, des acheteurs justement parce
que le producteur n'est pas bien protégé; des acheteurs ont des
records de faillites qui seraient dignes d'entrer dans le livre Guinness. Vous
allez me dire: pourquoi est-ce qu'ils continuent de vendre? Je vous l'ai dit
tout à l'heure: on n'a pas le choix, c'est un produit qui vient
d'être arraché, il faut qu'il soit vendu. Les viandes aussi, ce
sont des sommes énormes pour les parcs d'engraissement etc.; on est
obligé de livrer à un moment donné, on ne peut pas nourrir
indéfiniment les animaux et les monter à dépasser
largement, il y a des catégories...
Il est évident que les délais nous empêchent
actuellement - on n'est pas capable de toujours... On a beau suivre notre
affaire de très près, un bon matin, on apprend qu'il y a une
faillite et on a aucun moyen.
M. Dauphin: Y en a-t-il plusieurs qui sont dans cette situation
avec un acheteur unique de tous ses produits, comme vous le disiez dans votre
mémoire?
M. Lord: Plusieurs produits?
M. Dauphin: Tu perds tout à un moment donné
et...
M. Lord: Disons que dans le maraîchage, la transformation
des fruits et léqumes, c'est à peu près tout cela. Dans le
maraîchage à l'état frais, cela dépend des produits.
Certains produits vont tous au même acheteur, mais d'autres produits se
vendent à plusieurs acheteurs parce qu'il y a plusieurs acheteurs aux
différents endroits.
Dans Ies viandes, il n'y a pas tellement d'acheteurs au Québec,
je veux dire pour ceux qui font de l'élevage, de la production de
viande, sur une base assez importante, il n'y a pas tellement d'acheteurs au
Québec, pas tellement d'abattoirs, cela veut dire qu'on est très
limité.
M. Dauphin: J'ai admis que je ne connaissais pas grand-chose
là-dedans, mais dans le vécu quotidien, comment les gens
paient-ils? Ils paient plus tard ou...?
M. Lord: Oui, c'est cela.
M. Dauphin: Ils paient plus tard, cela ne se paie pas
comptant.
M. Lord: Bien, certains paient comptant. Quand un acheteur a fait
assez de faillites ordinairement les vendeurs exigent...
M. Dauphin: ...qu'ils paient comptant.
M. Lord: Je vous l'ai dit: tout dépend du produit, on a
beau vouloir exiger, ton produit est arraché, il va se perdre si tu le
hausses, alors à un moment donné, bon...
M. Dauphin: ...tu prends le risque. (12 heures)
M. Lord: ...tu prends des risques même si tu sais que ce
sont de très hauts risques. Il y en a encore beaucoup trop et il n'y a
aucune protection contre cela. C'est un produit périssable. C'est la
raison pour laquelle on dit cela. Ce sont des produits périssables et on
se retrouve coincé, on n'a plus le choix.
M. Dauphin: Même si on essaie d'aller le chercher, cela ne
vaut plus rien.
M. Proulx: Cela ne vaut plus rien, parce que la plupart de ces
acheteurs, particulièrement dans le maraîchage, n'ont rien. Ce
sont des acheteurs avec un crayon et un calepin - c'est cela, leur avoir - et
une crédibilité qu'ils n'ont plus. Mais ils sont tout seuls.
Qu'est-ce que tu veux? Tu as beau ne pas avoir de crédibilité, tu
es le seul acheteur et c'est un produit périssable. C'est cela, ils
n'ont pas de biens.
M. Dauphin: Sur le même sujet, dans votre mémoire,
vous suggérez d'accorder une priorité à
l'hypothèque légale dont vous seriez sujet... Effectivement,
c'est un pas dans la bonne direction, sauf que ce que vous souhaiteriez, ce
serait une loi particulière qui, évidemment, s'occuperait de vos
besoins ou de vos activités. J'aimerais que vous nous précisiez
ce qu'une loi particulière apporterait de plus par rapport au Code civil
du Québec.
M. Proulx: Une loi particulière... Ce dont on débat
depuis plusieurs années, c'est d'avoir ce qu'on appelle, nous, des
garanties de paiement dans une loi qui obligerait les acheteurs, quels qu'ils
soient au Québec, de fournir une garantie de solvabilité, une
assurance solvabilité - appelez cela comme vous voudrez - qui va
garantir, tout comme le consommateur est protégé actuellement
depuis un certain nombre d'années contre n'importe quel achat ou
presque... Je pense que c'est une très bonne loi qui a fait ses preuves,
tout comme le secteur de l'habitation qui s'est donné récemment
une protection contre les contracteurs ou ceux
qui fabriquent des maisons. Une loi a été adoptée
pour les protéger et je pense que c'est très bien. Nous, nous
voulons avoir, comme la production laitière l'a depuis fort longtemps,
une loi spéciale qui protège très bien et qui, par le fait
même, a été aussi profitable pour l'industrie de
transformation que pour les producteurs, mais on voudrait l'appliquer. Il y en
a une pour les céréales actuellement par le biais d'une autre loi
qu'on avait adoptée et on en a profité pour greffer cela.
Même si elle n'est pas aussi complète que celle pour les produits
laitiers, c'est une loi d'ordre général qui permettrait, en
tenant compte des particularités des productions, mais qui
entraînerait une protection, qui obligerait... Aujourd'hui, le producteur
agricole, en plus de prendre, est obligé de... Il faudrait garantir, il
faudrait se sursécuriser ou payer pour se garantir d'être
payé. C'est une aberration pour moi. On a assez de faire le produit. Il
me semble qu'on ne devrait pas être obligé de se protéger,
se sécuriser pour être payé pour le travail qu'on fait.
M. Dauphin: Vous faites... Elle a sûrement
été faite au ministère de l'Agriculture.
M. Proulx: Oui.
M. Dauphin: Est-ce que cela a fait son bonhomme de chemin ou si
c'est à l'étude?
M. Proulx: J'ai l'impression... Je ne suis pas si certain qu'elle
a fait son bonhomme de chemin. Elle fait son bonhomme de chemin par
étapes, mais elle recule plus vite qu'elle n'avance.
M. Dauphin: La demande est faite depuis quand?
M. Proulx: Oh! Depuis fort longtemps.
M. Dauphin: Fort longtemps.
M. Proulx: Oui.
M. Dauphin: D'accord,
M. Proulx: Et répétée aussi. Je peux dire
qu'actuellement, ni l'un ni l'autre ne peut se lancer la balle.
M. Dauphin: Ah bon! On n'a pas à se chicaner
là-dessus.
M. Proulx: Vous n'avez pas à vous chicaner pour cela. Vous
êtes tous les deux responsables.
M. Dauphin: Ha! ha!
M. Proulx: Je peux même vous donner Ie3 raisons qu'on nous
a souvent données qui ne tiennent pas selon nous, à savoir que,
dans certains secteurs, il n'y aura plus d'acheteurs. Moi, je dis que des gens
insolvables, il vaut mieux ne plus les avoir. On saura à quoi s'en
tenir. Très rapidement, quand j'ai dit tout à l'heure que cela
avait été aussi profitable dans la production laitière aux
usines de transformation qu'aux producteurs, c'est qu'au moment où cela
a été mis en application dans l'industrie laitière,
c'était dans une période où il y avait
énormément de faillites dans une multitude d'entreprises
laitières. Cette loi a permis d'assainir le milieu et cela a
été profitable à ceux qui étaient solvables, mais
qui subissaient le négatif des insolvables. Je peux vous dire que cela a
été loin de favoriser uniquement les grandes industries. Cela a
continué à développer, cela a surtout permis de consolider
ceux qui étaient justement victimes en étant un peu plus petits
que la très grande entreprise mais qui étaient victimes justement
des insolvables dans leur milieu. Je peux vous dire que cela a
été très profitable. Regardez, depuis ce temps, il faut
dire qu'il n'y a presque jamais eu de pertes. Cela a été minime.
Il y a eu occasionnellement des faillites d'industries mais cela a
été minime.
M. Dauphin: Pour le moment, je vais donner l'occasion à
d'autres membres de poser des questions.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Groulx.
Mme Bleau: Comme l'avouait le député de Marquette,
je ne suis pas tellement versée en agriculture non plus. Je voulais vous
parler - c'est pour bien comprendre parce qu'on va avoir à continuer
d'étudier l'avant-projet de loi - des quotas sur lesquels certaines
banques ou caisses populaires pourraient prendre des garanties. Maintenant,
quand un agriculteur acquiert un quota, est-ce qu'il doit payer ce quota au
départ ou si c'est seulement par la suite qu'il peut le revendre?
M. Proulx: Aujourd'hui, il doit payer le quota. Il achète
du quota. Soit qu'il achète une entreprise qui a un quota, alors dans
son achat de l'entreprise il a le quota, le droit de produire. S'il veut
grossir son entreprise, s'il veut prendre de l'expansion, il doit aller aux
endroits à chaque mois quand des quotas se vendent pour en acheter. Il
achète le quota par la suite. S'il veut prendre de l'expansion.
Mme Bleau; Mais je pensais qu'un quota était accordé par
un gouvernement qui dit, cette année, que vous avez le droit de vendre
tant de livres de lait.
M. Proulx: C'est cela.
Mme Bleau: Même ce droit, vous l'achetez.
M. Proulx: Bien, on ne l'achète pas à chaque
année. Vous l'achetez une fois dans votre vie.
Mme Bleau: Oui, oui. Mais, au départ, vous l'achetez.
M. Proulx: Oui. Vous l'achetez. Vous l'achetez avec
l'exploitation quand vous achetez une exploitation. Par la suite, si vous
voulez prendre de l'expansion, comme je l'ai dit, vous achetez des tranches de
droit de produire tant de kilos par jour ou...
Le Président (M. Marcil): Cela veut dire qu'on n'invente
pas de quotas nouveaux.
M. Proulx: Non.
Le Président (M. Marcil): Un producteur qui, lui, veut
vendre sa ferme, veut vendre son quota, doit aller le vendre justement à
un encan comme cela et des agriculteurs, ceux qui veulent augmenter leur quota,
achètent à ce moment.
M. Proulx: Oui, oui. C'est parce qu'on a droit. Le quota suit les
besoins de la consommation alors vous pouvez avoir des coupures globales de 10
% une année ou 5 % ou ainsi de suite. Comme vous venez de le dire, il ne
se crée pas de nouveaux quotas.
Mme Bleau: Alors, quand vous dites que si on donne des quotas en
garantie, à ce moment la ferme ne vaut plus rien, ou à peu
près. Elle ne vaut pas grand-chose.
M. Proulx: Si vous utilisez vos garanties, l'institution, la
ferme ne vaudra plus tellement. On l'a vu dans le prix des terres, comme on l'a
donné il y a quelques années aussi dans les très hauts
prix des céréales ou la betterave à sucre, par exemple,
où c'est une production quand même assez élevée,
où des terres se sont vendues 2000 $ ou 2500 $ l'acre. Quand les prix
sont tombés, par exemple, dans la production de maïs ou la
betterave à sucre ou ainsi de suite et que les terres ont
dégringolé à 700 $ ou 800 $ l'acre, alors, vous voyez que
cela produit autant pour les banques et les institutions prêteuses de
prêter sur du fictif. En fait, le quota, c'est la clientèle pour
l'épicerie ou ainsi de suite.
Mme Bleau: Je comprends très bien que cet article de loi
est absolument indispensable pour vous autres qu'on enlève la
possibilité aux banques ou aux institutions financières d'avoir
vos quotas comme garantie.
M. Proulx; Oui. À l'heure actuelle, et je pense que je l'ai dit
tout à l'heure, à partir de quelques mauvaises
expériences, ils ont pris un autre moyen. On n'est pas contre le fait de
profiter du fruit de la vente du produit mais ne pas avoir une mainmise parce
qu'à partir de là vous me dépouillez complètement.
Je n'ai plus aucune force de négociation. Ils possèdent tout.
Alors, laissez-nous en tout cas au moins quelques jours de grâce avec eux
pour qu'on puisse négocier. C'est cela un peu. C'est de maintenir un
certain équilibre. Puis, les institutions prêteuses n'ont jamais
été capables de prouver qu'elles ont perdu de l'argent avec cela.
Elles n'en ont pas perdu. Elles ne peuvent pas en perdre parce qu'elles sont
déjà...
Mme Bleau: Le cri d'alarme que vous nous donnez, ce matin, est
très clair. Je suis certaine qu'on va y voir.
Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la
députée de Groulx. Je vais reconnaître Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. II me fait plaisir
également au nom de ma formation politique de vous saluer, M. Proulx et
Me Lord qui vous accompagne. Je dois vous dire que je suis certaine que
l'état d'esprit d'à peu près tous les membres de la
commission, c'est finalement d'être bien contents de terminer avec vous
ce matin parce que cela va nous laisser, il me semble, sur une bonne note pour
la continuité de nos travaux. Cela va nous rappeler qu'il faut toujours
mettre le bon sens au service du droit.
Je crois que c'est quand même intéressant. En vous
écoutant, je me disais que je comprenais pourquoi on accole toujours
cette idée de bon sens légendaire au producteur agricole. On dit
toujours: Avoir les deux pieds sur le terrain des vaches. On dit cela
même en politique. Cela doit avoir quand même une sorte d'influence
certaine qu'il est certainement important de nous rappeler.
Dans votre mémoire, M. Proulx, à la page 7, vous avez
abordé le fait que seule une loi particulière sur le sujet vous
apparaît comme une solution adéquate. Vous dites: Nous crayons que
divers amendements ou diverses lois applicables pourraient sans doute permettre
d'améliorer quelque peu les choses. Quand j'ai lu ce passage-là,
je me suis dit qu'en introduisant cette remarque, vous veniez de donner les
motifs suffisants pour ne pas agir en matière de sûreté.
Quel que soit le gouvernement, d'une certaine façon, quand on peut
omettre d'agir pour
penser qu'un autre va mieux faire à sa place, si vous nous dites:
II y a quelqu'un d'autre qui va faire encore mieux, alors, cela nous donne
toutes les raisons de penser qu'il vaut mieux attendre le mieux que de vous
proposer le bien.
Je vous dis cela parce que je crois qu'il ne faudrait pas que cette
remarque soit retenue par la sous-commission comme étant suffisante pour
nous amener à ne pas réfléchir sur ce qui pourrait
être introduit comme disposition dans le Code civil pour satisfaire la
solution des problèmes que vous nous avez exposés. J'avais les
mêmes notes que celles du député de Marquette, celtes qu'il
vous a lues, à savoir pourquoi ne pas utiliser plutôt la garantie
du vendeur impayé que l'on retrouve à l'article 2883, 3e
paragraphe, la réponse que vous en donnez m'a fait penser à un
groupe qui vous a précédés, là où vous
êtes maintenant, soit celui des créateurs et des créatrices
dans le domaine artistique. Cela peut avoir l'air bien différent de la
production agricole, mais ils nous ont dit, parce qu'on leur a renvoyé
la même réponse et ils ont tenté de plaider avec des
arguments similaires. Je crois que pour ces deux groupes en particulier dans la
société, ils ne peuvent pas être des vendeurs
impayés comme les autres, parce que les risques ne sont pas les
mêmes que les autres d'une certaine façon et vous nous l'avez bien
exposé dans votre cas. Je me suis demandé pourquoi lorsqu'il y a
eu la codification, pourquoi en 1866 et pourquoi à ce moment-là
cela n'avait-il pas été introduit. Je me suis demandé si
le fait qu'à l'époque c'était finalement une agriculture
de subsistance... Pour 85 % des Québécois de l'époque,
l'agriculture était essentiellement de subsistance et sans doute n'y
avait-il pas justement ce Québec agricole qui maintenant ne fait que 3,5
% ou 4 % mais qui nous autosuffit à 68 % ou 70 %, mais enfin, un
pourcentage dont on peut être fier, de toute façon. Alors il y a
là certainement un examen particulier et je réfléchis tout
haut sur la question des créateurs et créatrices. Dans le
même cas, en 1866, il n'y en avait pas non plus. Ce n'était pas la
même sorte de production, parce que c'était essentiellement du
mécénat et c'était même un milieu qui souvent
produisait de façon artistique pour des gens du même milieu.
Alors, cela ne se passait pas du tout dans un contexte comme celui que l'on
connaît maintenant. On est dans un processus d'harmoniser et la question
est de savoir si harmoniser, c'est uniformiser. On vous renvoie tous à
la notion du vendeur impayé. Est-ce que dans l'uniformisation, il y
aurait là une iniquité, parce que vous dites: Oui, mais les
risques ne sont pas pareils pour tout le monde. Il n'y a pas
égalité dans les risques. C'est cela d'une certaine façon
que le législateur aura à évaluer. Je pense que, d'une
certaine façon, votre poids politique vous l'avez évalué
dans le passé et vous l'évaluez maintenant, et il est
peut-être plus considérable que celui des créateurs et des
créatrices, mais je souhaite que vous soyez satisfaits des uns et des
autres également. (12 h 15)
Une question concernant l'incessibilité des quotas. Dans la Loi
sur la mise en marché des produits agricoles, évidemment, il y
aurait déjà la possibilité pour des associations de se
prémunir, je pense... Je ne pense pas me tromper en disant que par
règlement, les associations de producteurs -il y en a évidemment
de multiples pourraient l'une oui et l'autre non, en fait, au fur et à
mesure, si elles le souhaitent se prémunir par règlement de
l'incessibilité des quotas. Est-ce que je me trompe de le croire?
J'aimerais vous entendre plaider les raisons qui devraient amener dans le Code
l'incessibilité des quotas, le fait qu'ils ne puissent pas être
hypothéqués?
M. Lord: À l'heure actuelle, tout ce que je peux vous
dire, c'est que malgré la Loi sur la mise en marché des produits
agricoles, les quotas sont incessibles. Une fédération ne peut
pas décider de permettre la cession garantie de ces quotas justement
parce que les diverses législations applicables, notamment le Code
civil, lorsqu'on parle du nantissement agricole, lorsqu'on regarde la liste des
biens qui peuvent être nantis, on ne voit pas les quotas de
production.
Mme Harel: Même si cela est introduit dans la loi, une
association de producteurs pourrait, par règlement, faire en sorte que
cela ne puisse pas l'être, ce serait une disposition
générale.
M. Lord: Si le Code civil était modifié et si on
permettait le nantissement, je veux dire la prise en hypothèque des
quotas, je ne vois pas comment une fédération pourrait
empêcher le nantissement des quotas.
Mme Harel: Vous pensez que le règlement d'une association
de producteurs ou productrices - d'ailleurs je vous félicite pour la
féminisation, ce n'est pas encore le cas dans la construction, je peux
vous dire.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Mme Harel: Je n'ai pas fait la remarque, mais ce n'est pas le
cas. C'est peut-être parce qu'il n'y a pas assez de femmes? Cela viendra
bien, comme c'est venu dans le fond aussi parce que cela vous avait
été réclamé peut-être aussi. C'est à
une autre question. Est-ce que vous pensez que le règlement ne pourrait
pas statuer sur les possiblités d'hypothéquer ou non le quota
association par association? Donc, c'est immédiatement qu'il
faudrait régler la question.
M. Lord: Je pense que la fédération pourrait
peut-être poser certaines conditions, prévoir le mécanisme
de vente notamment des quotas, ce dont vous discutiez tantôt avec le
Mouvement Desjardins. Mais interdire? Non, je ne sais pas comment on pourrait
faire cela.
M. Proulx: D'ailleurs, les fédérations qui,
à l'heure actuelle, administrent du contingentement, qui administrent
des quotas sont très ouvertes vis-à-vis des institutions
prêteuses pour peut-être donner plus de... au cas où elles
seraient un peu moins inquiètes, même si elles n'ont pas raison de
l'être, à l'intérieur des règlements qu'on passe,
parce que c'est nous, les administrateurs, qui passons leurs règlements
pour sécuriser peut-être un peu plus, mais elles n'ont pas le
pouvoir et surtout elles ne veulent pas, mais elles n'ont pas le pouvoir
d'aller à l'encontre de ce que la législation peut faire
actuellement.
Mme Harel: ...une modification à la Loi sur la mise en
marché des produits agricoles...
M. Proulx: C'est cela.
Mme Harel: ...pour rendre possible à une association de
producteurs de se... Oui, alors, c'était assez... La
démonstration que vous avez faite est extrêmement
intéressante. En peu de temps, vous nous avez dressé un tableau
qui nous permet d'entrer de plein pied dans la réalité des
rapports qui se vivent à l'intérieur de l'industrie.
Peut-être voulez-vous procéder? Il y aurait peut-être une
autre question? On fait valoir ici, par exemple, que la Loi sur la mise en
marché des produits agricoles pourrait prévoir que les quotas ne
peuvent être hypothéqués ou transférés que
selon les conditions et modalités déterminées par les
règlements. Alors, cela pourrait être une des possibilités,
mais vous, vous venez nous dire devant la commission: On préfère
qu'il n'en soit même pas question, et non pas d'avoir la
possibilité d'en déterminer les modalités et des
conditions. Est-ce que je comprends bien?
M. Lord: Je pense bien que notre condition est claire. On ne veut
pas que soit autorisée la prise en garantie des quotas.
M. Proulx: Cela est clair.
Mme Harel: Vous ne voulez pas avoir le pouvoir de définir
comment vous ne voulez pas qu'il y en ait?
M. Proulx: Non, je pense qu'on a donné assez de
raisons.
Mme Harel: Oui.
M. Proulx: On peut les résumer très rapidement. On
démantibule, premièrement.
Mme Harel: Oui.
M. Proulx: Seulement, cela devrait être amplement suffisant
économiquement.
Mme Harel: D'accord.
M. Proulx: Les autres raisons, c'est que cela a de la valeur
énorme une année et, l'année suivante, cela a
peut-être 40 % moins de valeur. On l'a vu dans d'autres cas que c'est
selon ce qui va arriver. C'est fictif jusqu'à un certain point. On veut
l'avoir uniquement parce que - je vous l'ai dit -rapidement, cela se
négocie. Tu le saisis. Si tu l'as en garantie, tu vas le saisir. Tu vas
le mettre aux ventes. Tu vas correspondre à la réglementation de
la fédération. Tu vas récupérer ton argent. Tu
viens faire perdre plusieurs autres créanciers, si tu veux, parce que tu
viens d'enlever toute la valeur - je ne sais pas comment on pourrait appeler
cela mais ce que tu pourrais en retirer normalement dans un état normal
des choses... Je pense que cela serait une erreur. À moyen et à
long terme, je ne vois pas et j'irais jusqu'à dire que cela serait
mauvais pour les institutions prêteuses aussi, très mauvais. On
deviendrait très dépendant du crédit uniquement sur un
droit de produire parce qu'il n'y aurait plus personne qui aurait confiance
à des biens existants qu'on touche et qu'on travaille. Comment
pouvez-vous avoir confiance à cela si vous savez qu'au moment où
un bout de papier disparaît, tout le reste n'a plus de valeur? Je pense
qu'on deviendrait d'une vulnérabilité énorme. On pourrait
parler très longtemps de tout ce que cela pourrait amener. Je pense que
vous allez comprendre pourquoi, pour nous, il n'en est aucunement question. Je
pense qu'à l'heure actuelle, prêter sur la capacité de
payer permet à la très grande majorité de nos producteurs
et productrices d'avoir le crédit. Avec l'amélioration des
différentes autres lois sur le crédit, cela va permettre
d'obtenir cela. Il est bien sûr que, parfois, il en manque, mais il vaut
peut-être mieux en manquer que de tout perdre.
Mme Harel: En terminant, j'aimerais vous entendre sur les
nouvelles règles qui vont transformer le nantissement agricole en
hypothèque mobilière sans dépossession. Vous avez fait
l'examen de ce changement. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Lord: Je pensais que c'était
essentiellement un changement de nom. Je pensais que, pour le reste, les
règles demeuraient relativement identiques.
Mme Harel: Sauf les prescriptions. Dans un cas, c'était
quinze ans. Ce sera cinq ans pour les recours.
M. Lord: Oui; c'est cela.
Mme Harel: Est-ce que sur l'ensemble des modalités...
M. Lord: On ne voyait pas de problème.
Mme Harel: ...vous n'avez pas de... Alors, il me reste à
vous remercier M. Proulx. Dans une commission parlementaires, c'est la
première occasion que j'ai d'assister à des travaux... Je sais
que vous venez très régulièrement déposer un
mémoire. Je comprends pourquoi les gens d'autres commissions viennent
souvent vous entendre. C'est parce que vous êtes concret. Ce n'est pas
toujours le langage qu'on entend ici. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve.
M. Dauphin: De notre côté, on voudrait
évidemment vous remercier et vous féliciter pour votre
participation. Vos points sont extrêmement clairs, nets, précis et
pertinents. Comme j'ai dit à l'autre groupe qui vous aprécédés, c'est un avant-projet de loi. Nous en sommes
encore à ta phase des études. Vous pouvez être
assurés que vos points seront étudiés avec beaucoup
d'attention et d'intérêt. Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcil): En mon nom et au nom de tous les
membres de cette commission, nous vous remercions de vous être
déplacés. On vous souhaite un bon voyage de retour.
M. Proulx: Merci bien.
Le Président (M. Marcil): Maintenant, je vais accepter
comme dépôt deux mémoires qui nous ont été
envoyés. Les gens n'ont pas demandé à être entendus.
C'est le mémoire de l'Association des compagnies financières
canadiennes, qui porte le numéro 19M, de même que celui de M.
Geltman Harold qui porte le numéro 13M. Cela va?
Je vais suspendre pour quelques minutes pour permettre aux deux
représentants, autant du côté du gouvernement que le
porte-parole de l'Opposition, de terminer leurs préparatifs pour Ies
remarques finales. Donc, est-ce que cela va pour cinq minutes?
Mme Harel: Oui. (Suspension de la séance à 12 h
25)
(Reprise à 12 h 34)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaîti
Maintenant nous terminons cette merveilleuse commission par l'audition
des remarques finales de part et d'autre. Donc, je vais reconnaître la
députée de Maisonneuve en premier. En première position,
madame*
Remarques finales Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. D'abord une
première remarque quant à ces travaux que nous terminons
maintenant, pour constater que je n'aurais certainement pas été
en mesure de suivre adéquatement les travaux que nous avons menés
durant deux jours et demi, si je n'avais pas eu à mes côtés
des personnes qui s'y connaissent encore beaucoup mieux que moi et qui m'ont
permis un éclairage qui, je croîs, en fait,
bénéficie de part et d'autre aux travaux qu'on a faits et qu'on
va faire dans l'avenir. C'est absolument indispensable d'une certaine
façon. Je ne pourrais pas respirer. C'est un peu un tube
d'oxygène qui me permet de continuer à pouvoir m'occuper des
sûretés, parce que j'ai également le dossier de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu maintenant et je suis
également vice-présidente de la Commission parlementaire de la
culture. Vous comprendrez qu'à part d'autres occupations comme
députée d'un comté de l'est de Montréal, il arrive
que je ne pourrais pas consacrer autant d'intérêt que, pourtant,
je souhaite le faire, si je n'avais pas des personnes qui me permettent,
finalement, d'aller plus vite dans l'étude que j'ai à faire de
nos travaux.
Nous avons préparé à ce stade quelques notes sur
les préoccupations que nous avons pour la suite des choses. Je vous les
lis rapidement, M. le Président. D'abord, nous avons eu un
éclairage nouveau sur bien des questions avec l'apport, non seulement
les mémoires ne font jamais pleinement l'éclairage que finalement
les groupes et organismes viennent apporter à la sous-commission, nous
avons beaucoup apprécié d'avoir en bien des domaines des faits
nouveaux qui vont certainement nous permettre de continuer à explorer
toute cette question.
Nous souhaitons, je le répète, avoir des séances de
travail qui ne seraient pas nécessairement enregistrées, qui ne
donneraient lieu à aucun formalisme et qui, pourtant, pourraient nous
permettre d'explorer de part et d'autre l'intention du législateur avant
de le critiquer, d'une part, et, d'autre part, nous permettre la formulation
qui rend complètement étanche, d'une certaine façon,
l'objectif qui est
poursuivi. Notamment, ces séances de travail pourraient porter
sur un ensemble de questions dont je vais parler immédiatement, soit la
présomption d'hypothèque, beaucoup la réclament, il y
aurait lieu de l'étudier, en s'assurant évidemment, le cas
échéant, que l'ensemble du Code civil ne perde pas sa
cohérence. Quant aux dispositions d'ordre public, de la même
façon, je pense, cette notion qui permettrait de fermer tout le champ
des sûretés, de limiter les recours, pourrait être
étudiée. Il serait souhaitable qu'on puisse répondre
à nos interrogations sur cette question.
Concernant tout le domaine de la protection du consommateur, nous
notons, comme l'a d'ailleurs fait le député de Marquette, que le
mémoire de la Commission des services juridiques est certainement
important et qu'il faut, de toute évidence, protéger les acquis
obtenus par les consommateurs au cours des dernières années et
trouver la façon d'insérer harmonieusement leurs droits dans
l'ensemble des sûretés. II nous semble que, sur la question de
l'équité envers les autres débiteurs, c'était
certainement là de nouvelles mesures, toutes ces nouvelles mesures
d'équité conduites dans l'avant-projet de loi, soit les avis, les
recours où le débiteur peut remédier au défaut ou
encore, où il peut forcer le créancier à choisir un autre
moyen comme la vente en justice ou la vente par le créancier. Il y a
également ces nouvelles mesures concernant la prise de paiement. Nous
notons qu'elles sont généralement bien accueillies par l'ensemble
des intervenants, qu'en cette matière, l'opinion est certainement
prête à recevoir ces nouvelles règles
d'équité et qu'il faut certainement les conserver. Alors, c'est
donc là un acquis certain.
En matière d'hypothèque légale, on doit constater
que la balle est dans le camp du législateur. Tous les intervenants ont
fait état des risques de façon très significative et des
pertes qu'ils encourent. Alors, il faut maintenant choisir.
Il y a une remarque à laquelle je m'associe et qui est la
suivante: En faisant ces choix, il faut sans doute tenir compte, dans le
domaine de la construction en particulier, qu'il faille préférer
à la beauté d'un principe de droit les intérêts des
justiciables. Alors, ce sera peut-être l'éclairage qui nous
permettra d'examiner et avec lequel nous entendons examiner ces solutions de
rechange qui sont étudiées par le gouvernement. Il en va de
même quant aux représentations qui nous ont été
faites par les créateurs et créatrices et par les producteurs et
productrices aqricoles.
Quant à la question des recours, il nous semble que plusieurs
mémoires contiennent des remarques fort pertinentes sur les recours, sur
leur complexité et leur imprécision et qu'il faut certainement
tenir compte... Il faut souhaiter que tous les justiciables puissent facilement
comprendre les recours de façon à ce qu'ils puissent s'expliquer
à eux-mêmes tout en recourant à un professionnel, mais
qu'ils puissent comprendre et s'expliquer ce qui se passe. Essentiellement, il
ne faudrait pas que la justice ne soit, d'une certaine façon, que
l'apanage des professionnels, que l'on recoure à des professionnels pour
faire réaliser ses droits, oui, mais qu'on puisse les comprendre et se
les expliquer à soi-même ou, lorsqu'un professionnel nous les
explique, qu'on puisse les comprendre. Je pense que c'est certainement
là un objectif qui est extrêmement important à poursuivre
et qui pourrait se traduire par une étude, quant à la
publicité des droits, de la meilleure façon de les rendre
accessibles, vérifiables et consultables, si ce dernier terme m'est
permis.
Je ne veux pas, à ce stade-ci de nos travaux, intervenir sur les
querelles concernant les ordres professionnels. La question n'est pas de savoir
s'il faut donner plus d'avantages aux uns qu'aux autres, si tout doit
être sous seing privé, si tout doit être notarié,
s'il en faut plus ou si on partage en en donnant à tout le monde. La
question, c'est certainement de s'assurer qu'à l'ère de
l'informatique, le système crée plus de formalisme ou rend les
choses plus complexes ou inaccessibles qu'elles l'étaient en 1866.
Alors, il faut s'en assurer en prenant en considération que les temps
ont changé, en particulier quant à la notion de temps. Le
consensualisme se vivait dans une époque où le temps n'avait pas
la même signification que maintenant. On prenait le temps de lire ses
contrats. On prenait même le temps d'écrire souvent, tandis que
maintenant on ne lit plus souvent ni ses polices d'assurance, ni ses billets
d'avion, ni ce qui contient des dispositions qui, pourtant, nous concernent.
C'est certainement à prendre en considération dans la recherche
que l'on doit poursuivre d'un accès le plus grand possible.
En terminant, M. le Président, nous souhaitons que soit
étudiée toute la question de la standardisation des contrats,
cette possibilité de rendre les dispositions de recours des
sûretés avec un certain contenu standardisé. Nous ne
concluons pas sur cette question, mais nous souhaiterions qu'elle puisse
être étudiée de manière à simplifier le droit
et de manière à ce que toutes les règles soient bien
connues par toutes les parties.
Je voudrais terminer en vous disant, M. le Président, qu'à
l'instar des travaux que nous avions faits sur le projet de loi 20, je crois
que nous maintenons l'esprit qui nous animait à cette époque,
soit celui de rechercher dans un but commun, de rendre certainement le Code
civil le plus adéquat
possible. Nous n'entendons, en aucune façon, introduire de
comportement partisan dans cette recherche. Je crois qu'il est souhaitable
qu'il continue, qu'il en soit ainsi, et nous constatons qu'il en est de
même du côté ministériel et nous en sommes vraiment
trè3 contents.
Le Président (M. Marcil): Merci. Je vais maintenant
reconnaître le député de
Marquette et adjoint parlementaire au ministre de la Justice.
M. Claude Dauphin
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Ces deux jours et demi
d'audition nous ont permis d'entendre plus d'une vingtaine d'organismes.
Quelques-uns pour dépôt seulement, les autres sont venus nous
faire part de leurs recommandations et revendications relativement à
l'avant-projet de loi concerné. Moi aussi, j'ai bien
apprécié l'état de nos travaux. J'ai
apprécié la façon dont les travaux se sont
déroulés, sans partisanerie effectivement. J'ai également
apprécié l'apport des experts, de Mme la députée de
Maisonneuve. J'ai aussi, de mon côté, bien apprécié
l'apport des experts du ministère de la Justice. Je n'avais pas eu
l'occasion de les mentionner au tout début, et vous me permettrez, Mme
la députée, de les mentionner à la fin. C'est toujours
mieux que rien. Je m'étais fait voler...
Mme Harel: C'est même souvent mieux.
M. Dauphin: ...mon discours au début par Mme la
députée de Maisonneuve. J'avais l'intention de les
présenter juste avant l'audition des mémoires, mais je lui ai
accordé un à zéro au tout début d'avoir volé
mon discours.
À mon extrême droite, qui fait partie de l'équipe
des codificateurs, on a le juge Chassé; Me Bélanger, du
ministère de la Justice; Me France Fradette; ensuite, ma
collègue, députée de Groulx, qui m'avait dit à un
moment donné: Claude, avec grand plaisir, je vais assister aux travaux,
sauf que je n'ai pas lu souvent le Code civil du Québec. Cela ne se lit
pas comme un Agatha Christie.
Effectivement, mais j'ai énormément apprécié
sa présence tout au long de nos travaux. Nous avons aussi le professeur
Pineau, qui fait partie de l'équipe des codificateurs, Me
Marie-Josée Longtin, qui est directrice de la législation
ministérielle au ministère de la Justice, ensuite Me André
Cossette, directeur de la section du droit civil, également un
attaché du ministre de la Justice, Me Francine Marcoux, qui a suivi nos
travaux, sans oublier non plus le président de notre sous-commission, le
député de Beauharnois. Je continue la présentation,
Me Lucie Giguère qui, tout au long de nos travaux, nous a
aidés, ainsi que sa secrétaire, Mme Grondin, si ma mémoire
est bonne.
Une voix: Normandin.
M. Dauphin: Normandin, excusez-moi, ainsi que toute
l'équipe technique, celui qui est ici, avec tous ceux qui l'ont
précédé.
Cela dit, nos travaux nous ont permis d'amasser une masse de rapports
qui permettront à l'équipe en place de continuer l'étude
de cesdits rapports. C'est un enrichissement pour l'équipe qui a
à travailler sur cet avant-projet de loi. Nous avons, bien sûr, le
rapport de l'Office de la révision du Code civil qui est toujours une
bible en la matière.
Maintenant, sur les grandes idées émises, un peu comme
disait Mme la député de Maisonneuve, nous avons eu une
concentration de groupes, notamment, en ce qui concerne l'industrie de la
construction, qui sont venus avec un objectif bien précis,
c'est-à-dire le maintien de leur privilège actuel. Certains
souhaiteraient peut-être à la limite une position mitoyenne,
c'est-à-dire ce que l'Office de la révision du Code civil
proposait. Il veut maintenant le statu quo renforci et cela a été
signé conjointement par plusieurs organismes. Alors cela sera
évidemment au gouvernement, à l'équipe en place, à
la suite de séances de travail. J'aimerais répondre tout de suite
à la demande de Mme la députée de Maisonneuve qu'en
consultation avec le ministre de la Justice il n'y a aucune difficulté,
bien au contraire, elle le disait elle-même, cela ne va qu'enrichir nos
travaux et nous pourrons mettre toutes les compétences en commun pour
discuter à nouveau de tous ces points importants dont Mme la
députée de Maisonneuve a fait l'énumération. Quant
aux modalités, on s'est très bien entendu pour les
modalités de notre sous-commission pour les auditions que nous avons
eues. Je suis persuadé qu'on n'aura qu'à communiquer ensemble
pour fixer les dates et s'organiser en conséquence.
Quant aux grandes idées émises, je poursuis avec tes
priorités. Certains groupes n'en veulent pas. D'autres ne veulent
surtout pas de la créance de l'État. Encore une fois, cela sera
au gouvernement de faire le choix à un moment donné et de
décider effectivement ce qui en résultera.
L'hypothèque légale, ma collègue l'a
mentionné tantôt, certains veulent être inclus, on songe aux
créateurs et créatrices, on songe aux
arpenteurs-géomètres, on songe même aux courtiers
immobiliers et d'autres, non seulement sont-ils inclus actuellement, mais ils
veulent avoir un rang prioritaire tel que l'a recommandé et
revendiqué l'UPA tantôt.
II y a toute ta notion de protection du consommateur. À la
Commission des services juridiques, j'ai eu à me servir de son
mémoire à plusieurs reprises puisque celle-ci avait une dimension
quand même très protection du consommateur et c'est important
évidemment d'avoir des groupes qui revendiquent. C'est sûr que
chaque groupe a ses intérêts particuliers. La Commission des
services juridiques, étant un organisme gouvernemental, a
également intérêt avec ceux qui, non seulement
bénéficient de l'aide juridique, mais des consommateurs et
consommatrices en général...
On poursuit - le ministre l'a annoncé au tout début de nos
travaux - en décembre, on va... Cela peut être intéressant
pour Mme la députée de Maisonneuve qui nous disait tantôt
qu'elle n'était pas chargée de travail. C'est une blague que je
fais. Au contraire, je sais qu'elle est très occupée. Mais en
décembre, un avant-projet de loi sur les obligations sera
déposé avec plus de 1700 articles.
J'oubliais la question de l'hypothèque mobilière, mais
c'est un autre aspect qu'il va falloir travailler ensemble. Il y a les
registrateurs, toute la question de l'enregistrement, toute la question de
l'informatisation, toute la question de la certification des
professionnels.
En terminant, j'aimerais vous dire un grand merci. Les travaux se sont
très bien déroulés. À une prochaine rencontre
à une séance de travail sur l'avant-projet de loi sur les
sûretés. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le
député de Marquette.
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont
participé à cette séance de deux jours et demi. Votre
collaboration fut très positive. Donc, par le fait même, nous nous
sommes facilités les travaux ensemble. À tous les experts, les
fonctionnaires de même qu'aux députés, un chaleureux
merci.
Je vais ajourner ces travaux sine die. Je spécifie
également que la commission a accompli son mandat qui lui avait
été confié. À la prochaine. Merci.
(Fin de la séance à 12 h 52)