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(Neuf heures quarante-sept minutes)
Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous
plaît! La sous-commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à des consultations particulières et tenir des
auditions publiques sur le document de consultation intitulé «Un
financement équitable à la mesure de nos moyens». Mme la
secrétaire, avons-nous des remplacements, ce matin?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, Mme la
secrétaire. Aujourd'hui, nous entendrons l'Association des centres de
services sociaux du Québec, la Fédération des CLSC du
Québec, l'Association des manufacturiers du Québec et la
Conférence des CRSSS du Québec.
Nous avons déjà l'Association des centres de services
sociaux du Québec qui a pris place. J'apprécierais que M.
Plamondon puisse nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
Auditions
Association des centres de services sociaux du
Québec
M. Plamondon (Denis): Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir de vous présenter les personnes qui m'accompagnent ce matin:
à ma gauche, M. Jacques Perreault, vice-président de notre
Association; à ma droite immédiate, Mme Lise Denis, directrice
générale de l'Association des CSS, et, à mon extrême
droite, M. Jean Asselin, qui est conseiller au sein de notre Association.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Plamondon. Je vous
souligne que vous avez environ 30 minutes pour nous exposer votre
mémoire et que, par après, les parlementaires des deux formations
auront le plaisir de partager avec vous. Alors, la parole est à vous, M.
Plamondon.
M. Plamondon: Merci, M. le Président. Je voudrais,
d'entrée de jeu, vous remercier ainsi que les membres de cette
commission de nous avoir invités à soumettre nos
réflexions sur le financement de notre système de santé et
de services sociaux au Québec.
Les 17 centres de services sociaux que nous représentons
regroupent plus de 5000 personnes et gèrent un budget d'environ 397 000
000 $ sur les 12 000 000 000 $ consacrés aux services de santé et
aux services sociaux au Québec. Avec les centres de réadaptation,
les centres de services sociaux forment le noyau principal des services sociaux
de deuxième ligne, aux personnes les plus vulnérables.
Actuellement, les centres de services sociaux fournissent des services
psychosociaux aux jeunes, aux adultes et aux personnes âgées et
assument également le développement et la gestion des familles
d'accueil et des ressources intermédiaires pour ces personnes. Demain,
d'ici peu, devenus centre de protection de l'enfance et de la jeunesse, nous
allons concentrer nos services autour des jeunes en difficulté et les
services que nous avons développés pour les adultes et les
personnes âgées seront orientés vers d'autres
établissements.
Comme nous l'avions fait dans le débat sur la réforme du
système de santé et de services sociaux, l'Association des CSS a
approché le financement dans une perspective de réponse
réaliste aux besoins sociosanitaires fondamentaux des citoyens.
Cela dit, M. le Président, notre analyse du document
ministériel sur le financement nous amène à partager avec
vous un certain nombre de constats. D'abord, le document sur le financement est
un document courageux, marqué par un souci de nuances et de mesures qui
nous met, certes, face à des choix difficiles, mais qui veut quand
même préserver l'accessibilité réelle des citoyens
à des services et à des soins adéquats, et ce, par le
biais d'un système public fort. Nous sommes aussi d'accord avec votre
analyse à l'effet que notre système sociosanitaire est
généralement en bonne santé et qu'il a permis depuis 20
ans aux Québécoises et aux Québécois d'atteindre
des conditions de santé parmi les meilleures au monde.
Nous croyons comme vous, que les correctifs ou les ajustements à
apporter à notre système sociosanitaire, ne devraient pas
remettre en cause les objectifs et les bases mêmes de ce système.
Nous croyons aussi que les dépenses sociosanitaires ont atteint une part
suffisante du budget québécois. Tout accroissement de ces
dépenses n'améliorerait pas nécessairement le rendement du
système.
Il semble, à la lecture du document ministériel, que le
gouvernement éprouve des difficultés à maintenir
l'accroissement des dépenses sociosanitaires à un niveau qui ne
mette pas en danger les autres missions gouvernementales. Pour corriger le tir,
le gouvernement propose trois types de moyens: un meilleur contrôle des
dépenses sociosanitaires; l'amélioration de la performance du
réseau et, enfin, de nouvelles
sources de revenus.
Avant que Mme Denis vous donne notre réaction
détaillée sur chacun de ces remèdes, permettez-moi de vous
souligner une lacune dans la lecture globale que le document ministériel
fait du système. Cette lacune touche l'absence d'analyse du secteur
social. L'analyse s'appuie essentiellement sur des données provenant du
secteur de la santé et ne peut donc, de ce fait, être un portrait
complet du système sociosanitai-re. En effet, peut-on prétendre
que les dépenses du secteur social et du secteur de la santé sont
symétriques? Peut-on projeter sur le secteur social les constats que
l'on fait sur le secteur de la santé, c'est-à-dire croissance
trop rapide des dépenses, impact sur l'équilibre
budgétaire et nécessité d'en ralentir le rythme?
En effet, la mission réadaptation sociale qui représente
au mieux le cinquième des dépenses sociosanitaires fait l'objet,
depuis plusieurs années, d'un contrôle étanche de
l'État qui n'a qu'à restreindre les crédits disponibles
pour contrôler les services fournis. Alors que les indices permettent de
constater une amélioration générale de l'état de
santé physique de la population, c'est à une autre constatation
que l'on arrive quand on considère l'évolution sociale
récente. En effet, cette dernière a engendré un
accroissement de la demande des services sociaux: augmentation du taux de
suicide - particulièrement chez les jeunes - de l'isolement social, de
la violence conjugale, la désinstitution-nalisation, etc.
Nos commentaires sur l'état de question du ministère ne
remettent pas en cause toutefois l'essentiel des conclusions auxquelles le
document arrive. Ils permettent, cependant, de situer nos observations sur les
remèdes proposés dans une perspective particulière. Si
vous me le permettez, M. le Président, je laisserai Mme Denis vous
parler plus longuement de nos réflexions à ce chapitre.
Le Président (M. Joly): Mme Denis.
Mme Denis (Lise): Merci. Moi, j'aimerais vous présenter un
peu comment l'Association voit les problèmes, comment elle voit les
solutions et comment, finalement, elle voit une approche du côté
du champ social. Au niveau des problèmes, nous croyons que nous sommes
face à deux sortes de problèmes qui s'interinfluencent; un
problème à court terme et un problème à moyen et
long terme: un problème de conjoncture économique et un
problème de structure des dépenses.
À court terme, on peut résumer ainsi la conjoncture: Les
dépenses de santé et de services sociaux évoluent plus
rapidement que les dépenses des autres secteurs, plus rapidement que
notre capacité collective de se les payer. Et cette situation,
liée à la conjoncture économique, nous situe dans une
impasse budgétaire, si rien n'est modifié, et cela, peu importe
qui ou quel phénomène en est responsable.
À moyen et long terme, notre problème structurel peut se
résumer ainsi: La dynamique actuelle de l'évolution des
dépenses nous conduit inévitablement à accentuer
l'écart entre le financement des missions recouvrement de la
santé et des missions adaptation sociale et prévention. Le
maintien de cette dynamique rend difficilement possible un changement de cap
vers une première ligne sociosanitaire, vers des services de
prévention, vers des services sociaux en amont plutôt qu'en aval.
Le maintien de cette dynamique nous ramènera inévitablement, dans
quelques années, dans une nouvelle impasse.
Nous pensons que les solutions qui seront adoptées doivent
à la fois permettre de régler le problème de l'impasse
budgétaire actuelle à court terme et nous placer progressivement,
comme société, dans la situation de modifier la dynamique
actuelle. Si nous réglons uniquement notre problème de court
terme et fermons les livres, nous serons peut-être en meilleure position
financière immédiate, mais nous serons passés à
côté des changements majeurs de la réforme.
À notre point de vue, il faut trouver un amalgame de solutions
qui vise le court et le moyen terme, garantissant que cet énorme
paquebot de la santé et des services sociaux ne soit pas uniquement en
mesure de sortir des sables dans lesquels il risque de s'échouer, mais
qu'il change de cap. Nous croyons que c'est possible et que plusieurs des
solutions proposées dans la réforme et dans le document du
ministère, si elles sont retenues, nous amènent dans la bonne
voie.
Pour conclure cette partie sur les problèmes, j'ajouterais que,
quant à nous, le secteur social, qui est peu traité dans le
document et qui, somme toute, fait peu partie du problème, doit faire
partie de la solution.
Au niveau des solutions, trois aspects, d'abord, au niveau des
dépenses, au niveau de l'allocation des ressources et au niveau du
financement. Au niveau des dépenses: d'abord viser juste. Nous croyons
que les efforts d'efficacité et d'efficience pour l'ensemble du
réseau doivent être poursuivis. Nous pensons cependant que
l'essentiel des efforts de rationalisation doivent porter sur la mission
recouvrement de la santé et sur la RAMQ. C'est là que se trouve
la majeure partie des dépenses engagées et c'est là qu'un
examen approfondi doit être fait. Plusieurs exemples ont d'ailleurs
déjà été évoqués à la
commission parlementaire. Et le gouvernement devrait donner suite à des
propositions telles que: achat en commun, révision de certaines
pratiques médicales et autres propositions évoquées ici de
nature à faire faire des économies substantielles. Il nous semble
aussi que le gouvernement doit fixer un budget annuel global fermé
à la RAMQ, qu'il doit établir ce budget sur une base
régionale et l'assortir de mesures
visant à favoriser une fourniture de services qui réponde
avant tout aux besoins de la population des régions et qu'il doit aussi
accentuer le contrôle des cartes d'assurance-maladie, avec photo, par
exemple. C'est au niveau du contrôle des dépenses.
Au niveau de la réallocation ou de l'allocation des ressources,
voilà l'occasion, quant à nous, d'un coup de barre. Rappelons que
la détérioration socio-économique et l'évolution
des problèmes et des besoins sociaux au cours des dernières
années exigent un rattrapage en matière de financement de ces
services. Ce rattrapage s'impose d'autant plus que les services sociaux, de
manière générale, constituent une façon de
prévenir les problèmes de santé. En investissant dans les
services sociaux, le gouvernement fait donc d'une pierre deux coups. Il
contribue à améliorer la santé et le bien-être de la
population et à diminuer les dépenses du système,
étant reconnu que les services et les ressources de type social
coûtent beaucoup moins cher que les services curatifs de santé.
Cette approche n'est, en fait, qu'une application de la stratégie
globale proposée par le document ministériel à l'ensemble
de la société.
S'il faut ralentir la croissance des dépenses sociosanitaires
pour investir plutôt en amont, sur les causes, dans des secteurs tels
l'emploi, l'éducation et autres, la logique exige évidemment
qu'on fasse de même à l'intérieur de notre système.
En pratique, cela signifie qu'on restreint la croissance de la mission
recouvrement de la santé pour accélérer le
développement de certains programmes des missions adaptation sociale et
prévention, notamment ceux visant des clientèles prioritaires
telles les jeunes et les aînés. À titre d'illustration, on
peut penser que 1 % seulement des dépenses de santé
représente environ 80 000 000 $ et pourrait avoir un effet de levier
important s'il était investi dans des champs sociaux, avec des objectifs
clairs, cependant. (10 heures)
Au niveau du financement. Avant de parler de nouvelles sources de
financement, il faut d'abord avoir épuisé, du côté
des dépenses de santé, les gains à réaliser, de
même que les gains d'efficacité et d'efficience dans l'ensemble du
système. Pour notre part, notre jugement en la matière repose
à la fois sur notre expérience et notre perception de la
situation. Pour avoir été à dure école, nous savons
que des contrôles stricts favorisent l'efficience et permettent de faire
plus avec les ressources qu'on a. À preuve, l'implantation de ce qui a
été le rapport Harvey 1, au niveau de la réception, le
traitement des signalements, les systèmes d'information. Nous sommes
bien placés pour savoir que de tels contrôles, s'ils
étaient appliqués avec la même rigueur et la même
étanchéité à la mission recouvrement de la
santé, pourraient certainement se traduire par des économies de
plusieurs centaines de millions de dollars. C'est pourquoi, avant de s'attaquer
au panier de services assurés pour payer l'épicerie, il faut
d'abord faire le grand ménage dans une dépense déjà
bien garnie.
Quelques remarques s'imposent avant d'aborder notre position sur le
système de financement. La première remarque c'est que,
déjà, les citoyens paient. Je pense que ça a
déjà été évoqué à cette
commission parlementaire, mais je pense qu'il est quand même bon de le
rappeler. Dans le secteur public, les adultes et les personnes
âgées paient une contribution quant à leur
hébergement en centre d'accueil ou en famille d'accueil. En
matière de placement d'enfants, c'est près de 12 000 000 $
annuellement que les centres de services sociaux perçoivent chez les
parents dont les enfants sont placés en famille d'accueil ou en centre
d'accueil. Du côté de l'adoption internationale, les
requérants paient déjà. Du côté des
médecines douces ou alternatives, les citoyens paient. Des consultations
auprès de psychologues ou de travailleurs sociaux en privé sont
payées par les personnes ou les familles.
La deuxième remarque concerne l'accessibilité, et ce,
notamment, du côté des services sociaux. Dans son
interprétation actuelle, l'accessibilité est reliée
automatiquement à la gratuité. Cette façon de voir,
généreuse en principe, entraîne cependant, dans la
pratique, d'importants effets pervers. Dans l'application qui en est faite
actuellement, l'équivalence absolue entre accessibilité et
gratuité constitue, en réalité, un frein à cette
accessibilité puisqu'elle enferme les fournisseurs de services dans un
dilemme absurde, celui d'offrir les services gratuitement ou de ne pas les
offrir du tout. Dans un contexte de restrictions budgétaires, c'est
toujours le deuxième terme de l'alternative qui l'emporte.
Pour citer des exemples de cette situation, c'est cette
interprétation qui explique que des milliers de personnes doivent
attendre plusieurs années pour obtenir des services gratuits dans le
secteur des retrouvailles pour la simple raison que les professionnels ne sont
pas en nombre suffisant pour répondre à la demande. De la
même façon, les trous de services s'aggrandissent lorsque les
enfants dont nous ne retenons pas le signalement sont
référés vers des CLSC qui n'offrent pas ou peu de
services, faute de ressources. Le principe est sauf, mais il a forcé le
système, simplement pour ne pas étouffer sous la demande,
à trouver une voie d'évitement qui s'appelle la
«priorisation» des services. Pour des milliers de citoyens,
cependant, le respect du principe a signifié l'absence de services.
La troisième remarque concerne la privatisation de plus en plus
grande qui, sans être un mal en soi, doit cependant être l'objet de
réflexions et de décisions éclairées. Or,
actuellement, faute d'orientation, les producteurs de services invitent souvent
les personnes à trouver une réponse à leurs besoins dans
le secteur
privé. Avez-vous des assurances? Quel est votre niveau de revenu?
Pour ceux qui peuvent se l'offrir, l'hébergement dans un foyer
privé devient possible ou la consultation d'un psychologue ou d'un
travailleur social en privé devient accessible. Pour les autres, il n'y
a bien souvent aucun service de disponible.
Ces remarques étant faites, je voudrais introduire la question du
panier des services de base. Poser la question du panier des services de base,
c'est poser la question de nos choix de société, de nos valeurs;
c'est poser des questions d'éthique. Il faudra cependant un jour y
arriver et l'aborder, se demander quels sont les services de base et quels sont
les services complémentaires, les services assurés et les
services non assurés. Un débat est devenu nécessaire. Le
motif principal qui devrait nous inciter à réexaminer toute cette
dialectique entre services de base assurés et services
complémentaires est la nécessité de tenir ce panier de
services à jour, de faire en sorte qu'il continue de répondre aux
besoins sociosanitaires les plus importants.
Les limites à notre capacité de payer imposent aussi ces
choix. C'est pour des raisons économiques qu'on ne peut plus, comme on
l'a déjà fait, se contenter d'empiler de nouveaux services sur
ceux qui sont déjà là. Pour répondre à de
nouveaux besoins sociaux ou sanitaires, il faudra se résoudre à
faire un ménage et à retrancher du panier certains services qui
seraient devenus moins essentiels pour le maintien de l'état
général de santé et de bien-être de la population.
Qu'adviendra-t-il alors de ces services? Qui paiera?
Au niveau du panier de services de base, nous recommandons que le panier
de services de base demeure essentiellement accessible gratuitement à
l'ensemble de la population. On recommande aussi que les services inclus
fassent l'objet d'une révision périodique pour tenir compte de
l'évolution des besoins et des consensus sociaux autour de leur
importance. Ce panier de base gratuit devrait cependant préciser les
services sociaux qui en font partie. Et nous croyons aussi que le futur Conseil
de santé et de bien-être du Québec devrait recevoir le
mandat de proposer une démarche quant à la façon de
réviser ce panier de services de base de façon
périodique.
Quant au financement des services de base, de manière
générale, nous estimons que la fiscalité progressive est
l'outil socialement le plus équitable pour assurer le financement des
services publics. En conséquence, nous privilégions le recours
à des mesures fiscales de ce type pour assurer le financement des
services sociosanitaires, tout en reconnaissant que le fardeau fiscal des
contribuables québécois ne peut être augmenté
à l'heure actuelle.
Le recours privilégié à des mesures de ce type nous
amènent à nous opposer à toute forme de ticket
modérateur qui serait exigé pour avoir droit à un service
de base assuré. Nous considérons aussi que l'hypothèse de
retirer les services de soutien et d'accommodement - repas, hôtellerie,
dossiers - des services de base assurés tels que définis
actuellement devrait être ajournée.
Services complémentaires, maintenant. Les services
complémentaires tels que définis actuellement, pour leur part,
peuvent reposer sur d'autres principes de financement. Ainsi, on pourrait
considérer que les services complémentaires n'entraînent
pas automatiquement la gratuité et qu'une contribution financière
pourrait être exigée pour certains d'entre eux. En ce sens, on
peut, oui, admettre que le ministère recommande notamment la
tarification ou la désassurance dans ce domaine en attendant qu'un
débat de fond plus global ait lieu sur l'ensemble de la question. Ces
mesures, cependant, devront être prises uniquement si les mesures
concernant les dépenses ne permettent pas de régler l'impasse et
de dégager une certaine marge de manoeuvre pour réorienter le
système. Nous croyons que, si une contribution directe est
demandée aux usagers pour des services complémentaires, elle ne
devra jamais bloquer l'accès aux services et devra toujours être
associée à un crédit d'impôt remboursable. Cette
modalité, cependant, peut entraîner des problèmes
d'accès immédiat aux services pour des personnes à faibles
revenus et on devrait prévoir des moyens de pallier à ces
inconvénients.
Donc, dans le contexte des services actuellement définis comme
complémentaires, nous croyons qu'au niveau des services pharmaceutiques
une tarification fixe par prescription de médicaments pour les personnes
âgées, compte tenu des exemptions prévues pour les
personnes à faibles revenus, pourrait être établie. Au
niveau des services dentaires et optométriques, nous croyons que ces
programmes doivent être maintenus pour les jeunes.
Au niveau du champ social. Le questionnement introduit au niveau des
services de base et des services complémentaires doit aussi être
appliqué au champ social et obéir aux mêmes règles
de financement. Le financement des services sociaux ne fait pas l'objet d'un
cadre législatif aussi précis que celui de la santé. Les
notions de services de base et de services complémentaires n'y sont pas
clairement définies ou délimitées par des textes. Les
critères prévalant à l'octroi des différentes
sources de financement y sont peut-être encore plus ambigus que ceux qui
président au financement de la santé et méritent un bon
dépoussiérage, d'autant plus que le ministère ne s'est
peut-être jamais vraiment intéressé à définir
ce que pourrait être un service de base versus un service
complémentaire, du côté social.
Nous pouvons difficilement faire une proposition finale aujourd'hui
quant aux services de base et services complémentaires en
matière
de services sociaux. Nous espérons, cependant, y contribuer et
suggérer qu'une telle démarche se fasse avec le ministère,
avec les acteurs concernés et des groupes-ressources, s'il y a lieu.
À tout le moins, nous voulons amorcer ce débat et proposer des
variables qui pourraient guider la réflexion. L'une de ces variables,
c'est évidemment le risque que représente la situation de
certains groupes pour leur propre bien-être ou celui de leur
communauté. On pense, par exemple, aux dangers liés à la
pauvreté de certaines familles monoparentales, aux risques
qu'occasionnent la grossesse chez les adolescentes, aux difficultés
d'adaptation sociale ou d'intégration sociale. La
vulnérabilité des personnes représente également
une autre variable. Les personnes qui sont victimes de violence, de
négligence ou d'exploitation et qui, de manière
générale, ont besoin de protection devraient certainement avoir
accès à des services de base gratuits en matière de
services sociaux.
Troisième variable, la gravité ou l'acuité des
problèmes constitue un autre facteur dont il faut tenir compte, par
exemple des problématiques graves de santé mentale. Enfin, le
contexte d'autorité dans lequel certains services sont fournis devrait
également être pris en considération. Le fait que ces
services résultent de l'application d'une législation
particulière devrait constituer un facteur déterminant pour en
faire des services de base. On pense particulièrement aux services
fournis dans le cadre de la Loi sur la protection de la jeunesse et de la Loi
sur les jeunes contrevenants.
Toutes ces variables devraient être mises en relation avec les
objectifs de santé et de bien-être et c'est la jonction de
l'ensemble qui permettra d'établir des critères pour
déterminer les services de base. Cependant, pour certains services
actuellement considérés, puisqu'il n'y a pas de définition
comme telle, comme services de base, il faut accepter de se questionner.
Prenons l'exemple précis des retrouvailles. Le droit légitime de
connaître ses origines donne-t-il automatiquement accès
gratuitement aux services de recherche des antécédents
biologiques? Cette recherche des origines, sauf dans les cas de grande
détresse sociale ou pour des motifs de santé, est-elle en soi un
problème social? À quel besoin social primordial répond-on
quand on offre le service des retrouvailles? Ne serait-ce pas la frustration
créée par 10 ans d'attente qui accentue la gravité du
problème?
On peut soulever le fait que ces services sont marginaux par rapport
à l'ensemble des services sociaux. Ce n'est vrai que jusqu'à un
certain point, puisqu'on sait que la liste d'attente connue des CSS à
l'heure actuelle est de 11 000 personnes. Pensons également à
l'adoption où l'on pourrait aussi avancer l'argument que les services
d'évaluation des postulants ne constituent pas, en tant que tels, une
réponse à un problème social, contrairement aux services
aux enfants adoptables. Aussi, ces services pourraient être
considérés comme complémentaires et donner lieu à
une contribution financière des usagers, sans cependant que celle-ci
soit un frein à l'accès.
Si nous appliquons cet exercice aux services jeunesse et famille, nous
croyons qu'un certain nombre de services doivent faire partie des services de
base, tant au niveau de la première ligne que de la deuxième et
de la troisième ligne. Une nomenclature est comprise dans notre
mémoire. Actuellement, le gouvernement investit environ 560 000 000 $
dans les services aux jeunes. Les services disponibles en première
ligne, CLSC et organismes communautaires, ne représenteraient à
peu près que 10 % de cette somme. Nous pensons que ces services non
disponibles sur l'ensemble du territoire doivent l'être le plus
rapidement possible parce qu'ils contribuent à diminuer
l'émergence des problèmes plus graves et évitent qu'un
nombre important d'enfants se retrouvent en deuxième ligne. Nous pensons
que leur disponibilité doit être assurée rapidement dans
les territoires où les populations sont à risque
élevé. Un virement de cap dort faciliter progressivement
l'implantation des mesures prévues à la réforme pour la
clientèle jeunesse, notamment l'objectif de doubler les travailleurs
sociaux dans les écoles.
Finalement, je dirais, par rapport à la proposition d'un cadre de
dépenses et de financement, que l'Association appuie la création
d'un fonds sociosanitaire autonome, qui nous semble favoriser à la fois
une meilleure planification des dépenses sociosanitaires et une plus
grande visibilité de ces dépenses par le contribuable usager.
Nous estimons cependant que les règles d'allocation doivent être
clairement définies. Ainsi, jusqu'à ce qu'on soit parvenu
à investir dans les missions amélioration et prévention de
la santé et adaptation sociale de façon suffisante pour
rencontrer un certain nombre d'objectifs, le fonds sociosanitaire devrait
prévoir des mécanismes internes qui garantiront la
réallocation, vers ces dernières, des budgets qui
dépasseraient un plafond fixé aux dépenses de la mission
recouvrement de la santé.
En conclusion, je dirais qu'il faut prendre à court terme les
moyens de régler notre problème, qu'il faut prendre à
moyen terme les moyens pour modifier la dynamique et qu'il faut faire la
réflexion du côté social avec les acteurs concernés.
Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Denis. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. C'est toujours un plaisir renouvelé de revoir les gens
dans ce genre d'exercice public et à la fois privé, parce que le
discours privé n'est pas différent du discours public, et
particulièrement l'Association des CSS du Québec.
Malgré sa petite taille, ses petits budgets et sa part
relativement modeste de 400 000 000 $ par rapport à 12 000 000 000 $,
c'est très certainement, M. le Président, à mon point de
vue, l'un dés meilleurs mémoires qui est déposé
devant cette commission parlementaire. Je tiens à le dire, pas par
flatterie non plus parce que, évidemment, au point où on en est,
ce n'est pas une flatterie qui va changer bien des choses. (10 h 15)
C'est un discours que je qualifierai de très lucide; très,
très lucide. On n'a pas été nécessairement
habitué à ce genre de discours dans le réseau, au cours
des dernières années, davantage dans une situation où on
demande - on demande et on demande et où on n'en a jamais assez. Votre
discours est lucide et témoigne d'une ouverture d'esprit peu commune. On
peut, à l'occasion, se faire tendre la main, c'est clair, mais ça
se traduit aussi sur le plan d'une logique dans votre mémoire, à
partir d'un certain nombre de paramètres que vous vous êtes
fixés, et qui est une logique qui est très claire. On peut
être en désaccord ou en accord avec certaines des mesures et des
opinions que vous proposez, mais il y a une logique là, il y a une
ouverture d'esprit tout à fait exceptionnelle et, j'irais même
plus loin que ça - ce n'est pas votre première - aussi beaucoup
d'audace. Il n'y a pas grand monde qui est venu nous dire ici que le panier de
services, il faudrait peut-être le revoir. Il y a davantage des gens qui
sont venus nous dire: Ne touchez pas au panier de services. S'il vous
plaît, même s'il a 20 ans, ce qu'il y a dedans, le panier, il faut
le laisser là et il faut même en ajouter, dans le panier.
Alors, ça me paraît être une contribution assez
exceptionnelle, pas parce qu'elle rencontre totalement les vues
exprimées par le gouvernement, mais qu'elle se situe dans un contexte
très clair où on se pose des questions depuis deux semaines -
depuis de nombreuses années, mais de manière plus pointue depuis
deux semaines -pour tenter de rendre plus efficient notre système. Et il
y a une logique qui est implacable et je tiens à le souligner, à
ce moment-ci, et ce n'est pas toujours nécessaire d'avoir des gros
budgets pour être capable d'avoir une participation aussi
exceptionnelle.
Ceci étant dit, je pense que la première de vos
conclusions est à l'effet qu'il n'y a pas de démonstration hors
de tout doute qui a pu être faite ici à l'effet que, si on prenait
toutes les mesures d'efficience et d'efficacité, on n'en aurait pas
assez pour faire face à ce que vous avez qualifié, tantôt -
attendez, je vais retrouver mes notes, là, parce que j'en prends - de
problèmes à court terme et aussi à long terme. Et
ça aussi c'est une nuance, par rapport à ce qu'on a entendu
jusqu'à maintenant, qui me plaît. compte tenu du fait que nous
sommes en moyenne, au cours des dernières périodes, à ipc
+ 4,2 %, que la moyenne des dépenses gouvernementales veut davantage se
situer à IPC + 1 %, prenant en considération que le gouvernement
fait le choix qu'il faut investir davantage dans la santé que dans les
autres, sans nécessairement se rendre à IPC + 3 %,
considérant le fait que notre 4,2 % équivaut à plus ou
moins 140 000 000 $, 150 000 000 $ pour le ramener à 3 %, ce que vous
nous proposez, c'est d'être à moins que IPC + 3 %. Parce que, en
réalité, ce serait ça, le résultat. Si on
maintenait, par exemple, en termes de prévention, en termes de social,
une augmentation du budget à IPC + 3 % et qu'on ramenait le secteur
recouvrement de la santé à IPC + 1 %, ça veut quand
même dire qu'au bout de la ligne on serait peut-être à
quelque IPC + 1 %, au maximum, 1,2 %.
Mais prenons pour pure hypothèse que c'est à IPC + 2 %.
Ça veut dire qu'on est dans une situation où on devra aller
chercher plus ou moins 270 000 000 $ à 300 000 000 $ par année
d'efficience et d'efficacité pendant cinq ans. C'est ça, notre
défi. Je vous dis ça, vous qui représentez le secteur
davantage social mais qui, aussi, interpellez le recouvrement de la
santé, est-ce qu'il est possible d'envisager que nous puissions aller
chercher ce 270 000 000 $ à 300 000 000 $ annuellement pour en arriver
à ce que vous souhaitez par efficience et efficacité?
Le Président (M. Joly): Mme Denis.
Mme Denis: Je vous dirais d'abord que plusieurs mesures ont
été évoquées depuis la semaine dernière
à l'intérieur même de cette commission parlementaire.
Plusieurs mesures ont été évoquées depuis le
début de la commission parlementaire et, quand on essaie d'en identifier
quelques-unes, on arrive quand même autour de 580 000 000 $. Maintenant,
c'est sûr que ce ne sont pas nécessairement toutes des mesures qui
ont un effet net le 1er avril. Maintenant, ça donne quand même une
perspective comme quoi il est donc possible de faire quelque chose.
Maintenant, moi, je voudrais, peut-être par analogie, parce que je
pense que c'est peut-être le meilleur angle de prise pour le regarder...
Quand on dit, de notre côté, que, même si on doit continuer
à faire des efforts d'efficacité et d'efficience, on en a
déjà faits, par analogie, je vous dirais que, dans le
réseau des centres de services sociaux, il y a probablement encore
certains efforts d'efficacité et d'efficience à faire, alors je
me dis: Si nous, malgré et avec tous les rapports, ceux qui sont
déposés et pour lesquels il y aura des suites, on pense qu'on est
encore capables d'améliorer les services qu'on donne et
d'améliorer notre performance, il y a sûrement, oui, du
côté du recouvrement de la santé, des efforts à
faire. La semaine passée, on parlait des tests de routine; on parle
aussi des médicaments aux personnes âgées. C'est sûr
que, si on n'arrive pas à trouver dans le recouvrement de la
santé, à l'heure actuelle, les mesures
qu'il faut pour compenser complètement, je pense qu'il faut
regarder des approches au niveau des services complémentaires, notamment
de la tarification des produits pharmaceutiques, pour arriver à trouver
ce montant qui ne fait pas juste nous placer dans une situation de le
régler à court terme, mais qui nous donne un peu de marge pour
faire certains changements.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je trouve
intéressant dans la présentation, c'est que, effectivement, il y
a un focus qui est mis sur la problématique à court terme et, si
j'ai bien saisi votre message, c'est qu'en s'adressant au court terme il faut
faire attention de ne pas hypothéquer le long terme. Mais il est bien
évident qu'il faut prendre des mesures maintenant qui vont agir à
long terme et qui, à ce moment-là, parlent davantage du
changement de cap prévention.
Prenons pour acquis que vos additions sont bonnes sur notre cueillette
des derniers jours, plus ou moins 500 000 000 $ potentiels. Je me méfie
toujours un petit peu parce que, au bout de la...
Une voix:...
M. Côté (Charlesbourg): Oh non! C'est quand on les
applique que ça devient un petit peu plus difficile, un petit peu plus
pénible. A tout le moins, disons qu'il y a une volonté, comme
jamais il n'y en a eu dans le réseau, à ce moment-ci, et
très clairement manifestée dans cette commission parlementaire,
d'un effort concerté de tous les intervenants - même si on trouve
toujours des mesures dans les autres secteurs - pour tenter d'aller chercher
des sommes sur le plan de l'efficience et de l'efficacité.
S'il y a une démonstration qui est faite là, dans cette
commission parlementaire, elle est claire, nette et précise quant
à moi, c'est qu'il y a de la marge de manoeuvre, pas sans contrainte,
mais il y a de la marge de manoeuvre. Donc, on ne se situe pas en demande
d'ajout de services à ce moment-ci, de manière
générale, mais davantage dans une demande d'ajout de
crédits pour faire le cap prévention. Vous seriez, demain matin,
ministre de la Santé et des Services sociaux et, après avoir
entendu tout ça pendant deux semaines, devant la possibilité que
je puisse aller dire tantôt à mes supérieurs: II y a un
potentiel tout à fait extraordinaire qu'on a trouvé de 500 000
000 $ à 600 000 000 $... On fait deux ans avec ça parce que ces
500 000 000 $ à 600 000 000 $, ce qu'on cherche, c'est 250 000 000 $ ou
300 000 000 $ par année, additifs, cumulatifs - prenez tout ce que vous
voulez, là, mais ça s'additionne. Donc, il faut que les mesures
soient là.
Est-ce que je peux me permettre de prendre la chance d'aller dire
à mes supérieurs: C'est presque une garantie que ces 500 000 000
$ qui ont été identifiés par tout le monde, à coup
sûr, vous pouvez compter dessus, mettez-les dans les équilibres
financiers prévisionnels en disant: Oui, effectivement, on va pouvoir le
faire? Dans la mesure où j'entends un message comme celui-là puis
que, dans deux ans ou dans un an, ça ne se règle pas, pour que
ça fasse sérieux un petit peu, est-ce qu'on ne serait pas dans
une situation où on pourrait trouver un moyen de mettre le verrou dessus
en disant que, s'il n'est pas livré, il est coupé? Comment vous
sentez-vous avec une solution comme celle-là?
Le Président (M. Joly): Mme Denis.
Mme Denis: Pas trop mal à l'aise, même si je
n'aimerais pas nécessairement, avoir à prendre cette
décision-là demain matin. De fait, il faut peut-être
effectivement arriver à trouver un moyen pour bloquer, pour
empêcher, pour s'assurer qu'on verrouille. S'assurer qu'on verrouille,
ça peut se faire peut-être de différentes façons,
mais s'assurer qu'on verrouille pour que les producteurs de services soient
contraints à l'intérieur d'une masse donnée. Et ça,
je pense que c'est un défi que les producteurs de services doivent
accepter de prendre. Probablement que, pour arriver à faire ça et
que les producteurs de services soient plus confortables avec ça, je
pense qu'il faut sûrement, tantôt, avoir aussi un certain nombre
d'objectifs, par exemple, de santé et de bien-être. Je pense qu'il
faut aussi peut-être arriver à faire en sorte qu'il y ait
peut-être certaines règles assouplies, qu'il y ait de la place
pour une capacité des producteurs d'innover. Je vais vous donner un
exemple dans notre secteur. C'est de le reprendre par notre secteur. Demain
matin, une des propositions, par exemple, que nous on voudrait vous faire,
c'est de dire: Prenons le fonds des familles d'accueil pour payer les familles
d'accueil. On sait qu'il y a des discussions à l'heure actuelle sur
notre taux de placement puis comment on pourrait développer des
alternatives. Les propositions qu'on voudrait vous faire, par exemple, c'est de
dire: Pour chaque 100 $ que les CSS perçoivent chez les parents, il y en
a 10 $ qui s'en vont dans un fonds à l'intérieur du CSS, mais
pour développer des alternatives au placement. Là, je dis que,
peut-être dans 3 ans, dans 5 ans ou dans 10 ans, vous nous direz: Avec ce
fonds-là, il faut vraiment avoir réussi à baisser de tant
le niveau de placement au Québec ou vous vivrez avec votre
réalité.
Ça, c'est un défi qu'on serait prêts à
prendre avec un objectif clair et un assouplissement de la règle
puisqu'on est incapables de faire ça au moment où on se parle.
Et, là, on accepterait, je pense, avec facilité de rentrer dans
cette contrainte-là. C'est comme ça que je l'aborderais.
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve ça
intéressant, parce que ça fait partie de ce qu'on appelle
communément des incitatifs aussi ou d'un fonds qui fait de plus en plus
son chemin, qui peut se remplir à la mesure dé là
performance des expériences qu'on veut mettre en place, sinon, comme
vous le dites, tu vis avec ton malheur sur le plan financier. Ça, je
pense que c'est une idée qui progresse, qui est intéressante et
qu'il faut pousser plus loin. je m'intéresserais peut-être
davantage à une expérience vécue au cours des
dernières années. par exemple, chez vous, il y a une liste
d'attente. il y a eu une opération assez systématique d'une
concertation clsc, cr, css, et ainsi de suite, pour tenter de diminuer la liste
de signalements et de faire en sorte qu'on soit davantage dans des niveaux
acceptables, entre guillemets.
Cette expérience a été menée au prix d'un
certain nombre d'efforts et, finalement, c'étaient des objectifs de
résultats. C'est un peu le virage qu'on souhaite faire et qu'on a fait
aussi dans certains domaines, dans le cas du recouvrement de la santé.
À votre point de vue, est-ce que cette méthode-là peut
s'appliquer ailleurs, sans nécessairement identifier où ça
pourrait être appliqué? Quels sont les principaux
bénéfices qu'on en a tirés comme société,
bien sûr, et quels sont les écueils à éviter dans ce
genre d'exercice? Parce que, quand on parle de mesures d'efficience et
d'efficacité, on fait aussi appel à beaucoup de sortes.
Je pense que c'est important de se dire des vérités
aujourd'hui, de telle sorte qu'on évite des erreurs, parce que bien des
mesures qu'on pourrait prendre sur le plan de l'efficience et de
l'efficacité vont avoir comme conséquence qu'on va sauver
quelques piastres à court terme, mais qu'on n'en sauvera peut-être
pas à long terme. Donc, j'aimerais peut-être vous entendre
là-dessus. Et vous y avez fait un petit peu allusion tantôt en
disant: Parfait, on a retenu des signalements et il y a des signalements qu'on
n'a pas retenus. On dit: Bon, il faudrait quand même que quelqu'un
d'autre prenne la relève, parce que, si ces signalements n'ont pas
été retenus, ça ne veut pas dire qu'il n'y a rien. On
pourrait éventuellement revenir en signalements s'il n'y a pas un
travail qui est fait en première ligne par les CLSC.
Le Président (M. Joly): Mme Denis.
Mme Denis: Je pense que l'exemple est très bon, celui de
l'abaissement des listes d'attente qui a été fait à partir
d'un objectif de résultats qui a été donné. Je
pense, d'ailleurs, que le premier bénéfice c'est d'apprendre
à vivre avec, premièrement, des objectifs de résultats
puis, deuxièmement, d'avoir aussi réussi à abaisser cette
liste d'attente qui, dans le fond, était un fardeau, je dirais, pour
tous les intervenants qui vivaient avec le sentiment qu'il pouvait y avoir en
attente des enfants à qui il arrivait quelque chose. Je pense que, comme
contexte général, ce n'était pas très humain.
Je dirais donc que fe premier bénéfice, c'est
l'abaissement effectif de la liste d'attente. Je dirais qu'un deuxième
bénéfice c'est le partenariat qui s'est développé
autour d'un objectif. Des fois, c'est beaucoup plus aisé de se
développer des façons de travailler ensemble autour d'un objectif
de résultats qui est donné qu'autrement. Dans le fond, ça
oblige les producteurs à sortir de leurs cadres stricts, même,
d'intervention, pour dire: Qu'est-ce qu'on fait? Comment se mobilise-t-on
autour d'un objectif comme celui-là? Dans ce sens-là, c'a aussi
cet effet de mettre les producteurs, chacun dans leur spécifique, chacun
en prenant leur approche, dans un contexte de travailler ensemble vers un
même objectif. Et je pense qu'une des conditions c'est qu'il y ait des
objectifs clairs de donnés. C'a aussi pour effet... parce qu'il y a eu
beaucoup de questions, à des moments donnés, dans certaines
régions entre des catégories de travailleurs, par exemple l'un
étant un travailleur social, l'autre étant un
psycho-éducateur, l'autre étant un autre type d'intervenant, pour
voir comment on réussit, dans la pratique, à faire que tout ce
monde travaille de façon complémentaire. Ça, c'est un
bénéfice. (10 h 30)
Je dirais qu'en termes d'écueil ce à quoi il faut faire
attention, je pense, dans ces opérations - celle-là a
été un «blitz» - c'est que, pour les
phénomènes qui ont commandé ou qui ont amené la
montée, notamment, de notre liste d'attente, qui eux ne sont pas
contrôlables, on puisse avoir une récurrence dans l'approche et
que ça ne soit pas juste ponctuel pour dire: Maintenant on s'en retourne
chacun chez nous, c'est fini, l'objectif est atteint. L'objectif est
peut-être atteint de façon ad hoc, mais il reste que, dans le
temps, la fluctuation des phénomènes qui font qu'il y a de
l'attente n'est pas sous contrôle. Dans le fond, lorsqu'on fait des
opérations comme ça, il y a peut-être aussi une forme, je
dirais, de récurrence des mécanismes qu'il faut prévoir
pour que, déjà, on puisse savoir qu'on peut refaire une
opération comme ça, ad hoc, avant que la liste remonte. C'est
quelque chose à faire attention.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que la
démonstration a été faite. Même si c'est sporadi-que
comme mouvement, c'est possible. Je pense que l'élément le plus
positif de tout ça est de dire que c'est possible, en autant que
ça soit concerté, pour le bénéfice de ceux qui
attendent après les services.
Mme Denis: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, le
phénomène de récurrence m'apparaît assez important
aussi. Je pense qu'on aura l'occasion
d'échanger là-dessus au cours du mois de février
pour une solution plus globale. M. le Président avait
peut-être...
Le Président (M. Joly): Excusez-moi. M. Plamondon et M.
Perreault, par après.
M. Plamondon: Je dirais que c'est peut-être ça qui
est le défi, au fond. Dans ce sens-là, la loi 120 veut
améliorer ça, veut nous faire fonctionner plus par programme que
par établissement, etc., mais ça reste un défi. Et, si on
veut faire image, c'est que, dans le système commercial habituel, par
exemple, on se bat pour avoir la clientèle et ce qui est terrible dans
le réseau c'est qu'on se bat à un moment donné pour ne pas
avoir la clientèle. Ça fait image, mais c'est ça. C'est
terrible, au fond, quand on regarde ça. On se dit: C'est pas nos
clients, c'est au CSS; non c'est au CLSC. Dans ce sens-là, on a un
défi extraordinaire.
Par exemple, ce matin, quand on vous dit - et ce n'est même pas
chez nous que ça va venir: Oui, il faut plus de travailleurs sociaux
dans le scolaire, pourquoi? D'abord, on va prévenir. Il va y avoir moins
de monde qui va se ramasser à la protection de la jeunesse et, ensuite,
le signal va venir plus vite. Il y a des cas qui vont être des cas de
DPJ, mais je pense que le rapport Bouchard l'a montré, plus on
intervient vite, plus ça va être léger. On va faire des
économies à tous les niveaux, y compris, d'abord, pour le
bien-être de la famille mais même en termes de coûts. En
même temps, c'est un défi énorme. Comme je vous disais
tantôt, on se bat quasiment pour ne pas avoir la clientèle, alors
que, normalement, dans le marché, on se bat pour garder sa
clientèle.
Le Président (M. Joly): M. Perreault.
M. Perreault (Jacques): Je veux simplement ajouter sur ça
qu'autant c'est un projet mobilisateur en termes de partenariat, même
à l'intérieur des CSS, pour les gestionnaires, pour les
intervenants, c'est un projet mobilisateur en autant qu'on le voit
limité dans le temps. Je pense que vous avez entendu les intervenants
dire qu'ils viennent de vivre quelque chose de bien intéressant mais
qu'ils commencent à être essoufflés de le vivre. Par
contre, ce que ça permet, ce que ça nous a permis, avec des
objectifs clairs qu'on s'est fixés et avec le développement d'un
partenariat, je dirais que c'est une porte d'entrée dans la
réforme. Parce que les partenaires qu'on a eus dans cette
opération sous forme de blitz, ce sont nos partenaires de demain dans la
planification et l'organisation de la dispensation de tous les services
à l'enfance dans une région.
M. Côté (Charlesbourg): Vous êtes, comme je
l'ai dit tantôt, l'un des rares qui avez évoqué
peut-être même l'obligation qu'on a de revoir le panier.
L'opération de revoir le panier, ça ne veut pas dire que ton but
premier est de sortir des choses du panier. Je pense que c'est de se
questionner sur la pertinence de ce qu'on fait et finalement, aussi, de faire
éventuellement, à partir d'un certain nombre de paramètres
qu'on se donnera, un choix sur la capacité de l'État d'assumer
encore, en partie ou en totalité, un certain nombre de services.
Globalement, sur le plan des solutions, vous en arrivez à dire:
Tarification, peut-être que oui ou oui sur le plan des
médicaments. Comme vous avez eu, et vous avez toujours la
responsabilité d'un certain nombre de familles d'accueil pour personnes
âgées - on connaît le phénomène des
médicaments chez les personnes âgées, avec toutes les
conséquences - qu'est-ce qui vous amène à dire que vous
êtes ouverts à une proposition comme celle-là, ayant
compris qu'il faut d'abord de l'efficience et de l'efficacité? Aussi, au
niveau des médicaments, est-ce qu'il n'y a pas de l'efficience et de
l'efficacité par une moins mal consommation des médicaments ou
ainsi de suite?
Mme Denis: Ou certains contrôles lorsqu'il y a
répétition, etc. Oui, je pense qu'il y a aussi des mesures
d'efficience, d'efficacité au niveau de l'utilisation des
médicaments, notamment par les personnes âgées. Mais, ce
qui nous a amenés à dire: Oui, s'il le faut, allons vers une
tarification pour les médicaments pour les personnes âgées,
c'est vraisemblablement le fait de dire: Dans le fond, sauf les
bénéficiaires d'aide sociale, l'ensemble des citoyens du
Québec paient pour leurs médicaments. Et c'est le fait d'avoir 65
ans qui devient la barrière ou, si vous voulez, le fait qu'on ne paie
plus. Or, et on en voit dans nos clientèles, il y a beaucoup de jeunes
mères de famille monoparentale, qui ont trois enfants dont un a une
maladie chronique, qui ne sont pas sur le bien-être, qui sont à
faibles revenus et qui paient leurs médicaments. Et, nous, on dit: Si
ces gens-là paient, il faut que le principe d'équité
s'applique partout. Et il est peut-être plus difficile, à certains
égards, pour certaines catégories de clientèles qui ne
sont pas au-delà de 65 ans d'assumer ces frais-là que ça
peut l'être pour les gens de 65 ans et plus, à un certain niveau
de revenus. C'est ce raisonnement-là qui nous a amenés vers cette
approche-là.
M. Côté (Charlesbourg): C'est aussi une question
d'équité...
Mme Denis: Sociale.
M. Côté (Charlesbourg): ...sociale. Juste en
terminant, M. le Président.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): D'entrée de jeu, vous
avez signalé une lacune du document que nous reconnaissons
d'emblée sur le plan des statistiques ou des éléments
statistiques comparables sur le plan du social, non pas uniquement santé
sociale au Québec mais c'est un phénomène qui se retrouve
aussi en Ontario, qui se retrouve au Canada, qui se retrouve à peu
près partout II y a effectivement là des problèmes que
nous reconnaissons. Évidemment, le virage, il faut qu'il se fasse
là aussi. Et, pour être capable d'avoir un virage productif et
efficient, il faut être capable de compter sur des données qui
nous permettent de prendre des bonnes mesures, à ce moment-ci. Est-ce
que le CQRS n'est pas un outil qui a été jusqu'à
maintenant sous-utilisé par rapport au FRSQ, par exemple? Dans le
domaine de la santé, est-ce que le CQRS ne serait pas, pour nous,
l'outil, sans dire que c'est l'outil idéal, disons un outil de premier
plan pour faire en sorte qu'on puisse cheminer dans ce mouvement statistique
qui nous aidera à ce virage ou à ce changement de cap?
Mme Denis: o.k. je pense que, oui, le cqrs est un instrument pour
sûrement développer des meilleures approches comparatives,
notamment entre les provinces et les pays. je vous dirais cependant
qu'uniquement le cqrs, quant à moi, ce n'est pas suffisant parce qu'on a
un ménage à faire chez nous aussi. ce que je veux dire c'est que
même dans nos propres statistiques, juste faire l'effort de retrouver
quelles sommes sont affectées aux services aux jeunes, c'est difficile.
au niveau des css, ça sera sûrement plus facile d'ici un an, mais
il faut aller chercher dans le centre d'activités des ressources
familles d'accueil. alors, je dis juste que je pense - ça, c'est dans
notre propre réseau - que l'exercice pour les clsc n'est pas plus facile
que d'identifier... alors, je dis que, pour être capable d'avoir une
intervention, une approche par le cqrs, oui, mais je pense qu'il faut aussi,
à côté, en termes de gestion et de données
d'information, de systèmes d'information, avoir une démarche
à l'intérieur avec les producteurs de services et le
ministère pour être capables de bien camper de quoi on parle.
M. Asselin (Jean): Si vous me permettez... Le Président
(M. Joly): Oui, s'il vous plaît!
M. Asselin: Dans ce cadre-là, le ministère de la
Santé et des Services sociaux avec les conseils régionaux
financent des projets de développement de banques de données,
dans le cadre des projets MSSS-CRSSS et ceux qui ont trait à
l'application de la loi de la protection de la jeunesse, le logiciel qui va
permettre, effectivement, de cumuler des informations au niveau global et de
transférer au ministère va être déployé dans
les prochains mois. Et ça pourrait rencontrer un des objectifs qui est
souhaité, d'avoir des données comparables au moins pour cette
législation-là.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie beaucoup, M. le
ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue,
s'il vous plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. M. Plamondon, messieurs
et Mme Denis, au nom de l'Opposition officielle, bienvenue aussi à cette
commission. C'est un langage qui amorce bien la journée, calme,
déterminé, dans le sens de reconnaître qu'il y a, en
matière de financement des services de santé et des services
sociaux au Québec, indéniablement un problème majeur. Ce
n'est pas tout d'identifier les coupables, ce n'est pas tout d'identifier le
mal, il faut aussi, comme société, faire le maximum d'efforts,
partout où on peut les faire, pour sauver la mise, pour sauver les
éléments du caractère distinct de cette
société, qui est son régime de santé et de services
sociaux avec ses caractéristiques et les caractéristiques pour
lesquelles vous modulez aussi la définition, en termes de
gratuité d'accessibilité, bien lire les choses telles qu'elles
sont et non pas telles qu'elles apparaissent uniquement. Ça, c'est
important.
Évidemment, sur le plan du diagnostic, d'aucuns diraient: Bon,
les représentants de l'Opposition, les membres du Parti
québécois vont varioper un peu sur le long terme, mais il faut
être capable, je pense, de lire comme il faut la situation et les
personnes qui sont avec nous aujourd'hui. Si vous n'avez pas tellement
insisté sur la question de la présence et surtout de l'absence du
gouvernement fédéral, vous avez tous compris, on a tous compris
là-dedans que c'est un acteur majeur et que, par ailleurs, ça ne
nous empêche pas de regarder... Et, moi aussi, j'aime mieux regarder
ça, pour l'instant, parce que, dans trois semaines, un mois, deux mois,
il va falloir prendre des positions pour sauver les acquis. J'aime mieux que
l'on regarde cela dans un premier temps. Dans un deuxième temps,
inévitablement de toute façon, au plan global de la
société québécoise, qu'on le veuille ou non, il y a
des échéanciers qui vont se présenter et on fera le
ménage, si le ménage est à faire, pour conserver nos
choses.
Je reviens, quant à moi, au départ, sur la question du
niveau de dépenses. Une petite vite d'abord. Est-ce que je comprends
bien que globalement, dans le système, compte tenu des
éléments vieillissement de la population, problématique
sociale, dislocation des familles, problématiques
généralement reconnues dans la société et
auxquelles vous faites référence aussi, vous dites:
Dépenses de santé pour le prochain cycle, grosso modo, IPC + 3 %?
C'est ce que vous dites. Cependant, vous dites - et j'aime bien votre
expression, je vous le dis en passant: On va
aller dret au magot, droit au magot. On va aller au paquet. Ça ne
sert à rien de niaiser sur la poque, comme diraient d'autres. On va
aller droit au magot. Écoutez, ce n'est pas à vous autres les
mots, je vais les employer, vous dites: C'est le complexe
médico-hospitalier qui est dans les 8 000 000 000 $ et c'est
peut-être là qu'il faudrait aller.
Quelles sont les conditions... Je me prendrais plus loin que ça
un petit peu. Est-ce que, vraiment, c'est possible, madame, messieurs, de
penser que le complexe médico-hospitalier va virer et qu'on est capable
de le faire virer? Et quelles sont les conditions qu'on devrait mettre en place
pour s'assurer qu'il vire, ce système-là? Vous comprenez bien le
langage, je pense. Je fais tout de suite un commentaire en terminant ma
question, en disant que - on va revenir tantôt sur les listes d'attente -
quand tu es à l'entrée, physiquement pris avec un malaise, tu
veux des soins et, grosso modo, on a vu qu'on répond de façon
généralement bien au Québec à cette demande de
soins.
Alors, si on veut faire virer le système, est-ce possible et
quelles conditions il faudrait faire apparaître pour que ça vire,
je dirais, de 2 %? Parce que c'est ça votre suggestion.
Mme Denis: Je pense, d'abord, qu'une des premières
conditions, et c'est vrai pour l'aspect du recouvrement de la santé
comme c'est vrai dans les missions sociales, si on veut que les investissements
aient un effet, par exemple, dans le secteur social, il faut les accrocher
autour d'objectifs de santé et bien-être clairs et d'objectifs de
résultats, autrement on saupoudre ou on investit mais sans savoir le
bénéfice qu'on en cherche. Donc, je dis que, même du
côté du recouvrement de la santé, par exemple, je pense que
la politique de santé et bien-être qui était
annoncée est essentielle à une approche comme celle-là.
Donc, des objectifs clairs. (10 h 45)
Je dirais que je crois qu'il faut que les producteurs soient un peu
commis dans ces objectifs-là et qu'ils soient, même s'il y a une
certaine contrainte, commis à cette contrainte et prêts à
faire un bout de chemin. Pour avoir entendu parler un peu de ce qui s'est
passé en commission parlementaire depuis la semaine dernière, la
perception qui se dégage, c'est que, oui, je pense que tous les
producteurs de services sont conscients qu'il y a un niveau d'investissement
qui a peut-être atteint son maximum en proportion, au moment où on
se parle, et que tout le monde doit faire un effort supplémentaire. Et,
donc, je pense que les producteurs de services doivent être un peu
commis. Peut-être qu'il faut arriver aussi à inscrire des
contraintes dans le système, c'est-à-dire un peu comme la
question qui m'était posée par le ministre tantôt,
peut-être qu'il faut réussir à viser quelque chose en
disant: Si on n'atteint pas cet objectif- là... il devra
obligatoirement, dans le fond, être atteint.
Je pense qu'il y a aussi tous les éléments incitatifs
qu'on évoquait un peu tantôt. Vivre en contrainte, c'est
peut-être aussi trouver les moyens de se donner, de se trouver des
ressources internes et d'avoir un certain nombre d'incitatifs pour ce faire,
pour être un peu plus novateurs, pour être... Et ça, je
pense que le système d'incitatifs, il est exigeant, mais je pense qu'il
doit accompagner une série d'autres mesures pour obliger les gens
à vivre à l'intérieur d'une masse donnée.
Le Président (M. Joly): M. Plamondon.
M. Plamondon: Juste pour compléter. Je pense que la
régionalisation est un élément important, aussi, pour
mobiliser, autour d'objectifs, les différents producteurs partenaires.
Et, dans ce sens-là, quand on parle non seulement, mettons, d'un
plafonnement du budget de la Régie mais à un niveau
régional aussi, je pense que ça, c'est un effet, aussi, qui peut
le permettre, parce que les gens sont plus près des services, plus
près d'une possibilité d'une concertation et d'un meilleur
contrôle au niveau régional.
M. Trudel: Alors, ça demanderait, à cet
égard-là, la définition, je dirais, d'une nouvelle forme
de collaboration avec les producteurs. Parce qu'on a pu constater, à la
lumière de ces mêmes réponses que nous avons obtenues en
commission, ici, que ce qu'on pourrait appeler poliment la tension intergroupe
ou intercorporative existe toujours et que le diagnostic de Rochon sur un
réseau en otage, c'est loin d'être disparu. Vous, ce que vous
dites, c'est qu'il va falloir installer, il va falloir être
créatif au maximum pour impliquer les producteurs et poser des objectifs
à atteindre. Mais vous dites en même temps: Avec ces producteurs.
C'est ça que vous dites?
Mme Denis: Je pense que l'exemple qu'on évoquait
tantôt sur ce qui s'est passé au niveau des listes d'attente dans
les CSS, où on s'est assis autour d'une table avec les centres d'accueil
de la région, les CLSC, bien souvent, le centre de services sociaux, le
conseil régional et il y avait un objectif de fixé, d'abaisser la
liste d'attente... Dans le fond, la question, c'est: Comment chacun peut faire
pour arriver à atteindre cet objectif-là? Qu'est-ce qu'on peut
mettre de l'avant, quels moyens peut-on prendre? Et je dis que, quand on a des
objectifs comme ça, je pense que ça aide à
s'éloigner un peu des intérêts spécifiques des uns
et des autres, qui seront toujours là de toute façon. Je pense
que c'est normal que les gens aient des intérêts qui ne soient pas
tout le temps convergents, mais je dis que l'expérience qu'on a
vécue dans ce
sens-là, elle a été positive, de dire: Autour d'un
objectif donné, on assoit les gens autour de la table et chacun doit
contribuer. Et c'est sûr que les gens n'ont pas tellement le choix que de
contribuer non plus, si vous voulez. Il y a une forme de contrainte autour de
l'objectif. Mais, moi, je pense que c'est une voie par laquelle on peut
faciliter un partenariat plus grand autour d'objectifs mesurables.
Le Président (M. Joly): Oui, M. Perreault.
M. Perreault: Et c'est clair que ce qu'il y a dans la
réforme... Parce que je pense que notre base, l'expérience qu'on
a vécue avec les listes d'attente, comment on a mobilisé le monde
à l'interne, qui sont les producteurs, entre guillemets, en plus de ceux
à l'externe, on s'est rendu compte, dans le fond, que plus les gens
étaient concernés, plus ça devenait leur liste d'attente
et leur résultat à obtenir. Mais la réforme qui s'en
vient, avec un certain nombre de regroupements qu'elle propose,
particulièrement dans le social, je pense qu'elle va nous inciter encore
plus, qu'elle va favoriser ces rapprochements-là. Que ce soit en
déficience au niveau des personnes âgées ou au niveau de
l'enfance, la réforme va encore plus forcer le partenariat et fa
complémentarité.
Le Président (M. Joly): M. Asselin.
M. Asselin: Et, dans ce sens-là, M. Trudel, les
régies régionales, comme lieux de concertation pour
définir des objectifs et des plans régionaux d'organisation de
services centrés sur des résultats, ça pourrait être
un moyen efficace de réaliser ces objectifs.
M. Trudel: Si vous aviez du papier là-dessus, j'aimerais
ça l'avoir parce que j'ai un petit «deux» avec le ministre
sur les économies par rapport à la loi 120. J'ai un petit
«deux» qu'on a gagé hier soir.
M. Côté (Charlesbourg):...
M. Trudel: Et j'en ai remis par-dessus. J'ai remis un 2 $ pour
aller voir. Je voudrais voir le résultat Mais ce n'est pas ça,
l'essentiel.
Mme Denis: Vous fournissez le papier. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, ce que
j'ai compris, c'est que notre gageure ne vise pas uniquement les futurs
CPEJ.
M. Trudel: Non, non, non. L'ensemble du système.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Parce que je vais additionner les colonnes à la
fin, dans tous les systèmes. Là-dessus, c'est même un peu
surprenant de vous entendre, et je suis surpris dans le bon sens du terme.
Même à l'intérieur de votre propre réseau, vous
dites: Nous, on aimerait ça être capables de trouver une
espèce d'incitatif pour aller encore vers des ressources qu'on pourrait
appeler plus légères ou alternatives. Quand on sait que maintien
à domicile et familles d'accueil... Et ce n'est pas facile à
gérer parce que ça fait une multiplicité d'intervenants.
Est-ce que vous pensez - puis je ne veux pas tenter le diable pour rien - que,
dans l'autre réseau, là où est le magot, de votre poste
d'observation, on peut, de façon marquée, alléger encore
les ressources pour la dispensation des services? Je pourrais la poser en
d'autres termes aussi: Est-ce qu'en termes d'institutionnalisation on n'y va
pas encore de façon beaucoup trop marquée au Québec et
est-ce qu'il n'y a pas, quant à vous, de votre poste d'observation, des
efforts supplémentaires majeurs qu'on pourrait réaliser dans ce
secteur aussi?
Le Président (M. Joly): Mme Denis.
Mme Denis: Je vais vous répondre par rapport à ce
qu'on peut appeler l'institutionnalisation au niveau jeunesse, dans un premier
temps, c'est-à-dire les jeunes qui sont placés, et on peut se
poser la question à savoir si, oui ou non, on institutionnalise trop ou
pas. D'abord, je vais vous dire que ce n'est pas facile de répondre et
ce n'est pas les comparaisons entre le Québec et l'Ontario qui peuvent
nous servir beaucoup là-dedans; elles comparent des pommes et des
oranges. Cependant, effectivement, on fait, à l'heure actuelle, une
démarche en se disant qu'il arrive qu'on place des enfants parce qu'il
n'y a pas d'alternative. Ce n'est pas tous les cas, mais je dis que c'est des
situations qui arrivent.
Quand il serait possible, par exemple, d'envoyer dans une famille une
auxiliaire familiale trois jours par semaine et peut-être, en aidant la
mère ou en aidant l'enfant, d'éviter qu'il y ait un placement et
que cette intervention soit plus intensive, il nous est à peu
près impossible, compte tenu des règles actuelles d'utilisation
des fonds en fidéicommis, de développer ce genre d'approche. Je
dis que le taux exact ou l'objectif exact en termes de taux
d'institutionnalisation qu'on devrait atteindre n'est peut-être pas
connu. Quel est le taux idéal?
Maintenant, chose certaine, on a des efforts à faire pour aller
du côté du secteur jeunesse vers le développement
d'alternative au placement, lorsque la situation le permet. Dans les cas de
négligence d'enfants, par exemple, il y a des situations où on
pourrait favoriser le développement d'alternative. Mais je dis en
même temps que c'est difficilement possible au moment où se
parle. D'ailleurs, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire le
rapport Bouchard où il est clairement expliqué aussi qu'il serait
intéressant qu'à tous les niveaux de services dispensés
aux jeunes, les gens fassent des efforts de prévention. C'est un peu
dans cet esprit que nous disons que peut-être un des incitatifs ou une
des approches serait de dire, par rapport aux fonds perçus chez les
parents dont les enfants sont placés: Gardons-en un certain montant pour
développer des solutions alternatives au placement, sachant aussi que de
l'alternative au placement il doit s'en développer ailleurs.
Le Président (M. Joly): M. Plamondon.
M. Plamondon: Dans le même sens, quand on parle de
ressources plus légères que le placement, prenons l'exemple du
réseau des garderies. Dans le cas où une mère est
surchargée, vit des choses émotivement difficiles, l'utilisation
du réseau des garderies serait peut-être des fois plus efficiente
et peut-être moins coûteuse si on avait des marges pour les
supporter de ce côté-là. Ça, c'est du
côté social. Maintenant, du côté de la santé,
c'est sûr qu'il y a des gens qui sont venus ici qui sont plus du domaine,
qui vous ont déjà ouvert des pistes. Je pense à la
médecine d'une journée au lieu d'hospitaliser. C'est sûr
que, si les ressources de maintien à domicile sont plus fortes, les
personnes hospitalisées pourront peut-être sortir plus vite. C'est
d'ailleurs un choix qu'elles ont souvent, elles préfèrent
être chez elles, etc. Les médecins ont reconnu eux-mêmes que
certains actes pourraient être faits par des infirmières,
peut-être au niveau de la délégation. Je pense qu'ils l'ont
reconnu devant vous. Moi, je pense même simplement, par exemple, au
traitement des verrues plantaires. Actuellement, beaucoup de gens vont chez le
dermatologue et c'est coûteux. Il y a des podiatres, c'est dans le
privé. Moi-même, c'est un secret, ça reste entre nous, je
fais traiter mes verrues plantaires par ma podiatre. C'est ma contribution, M.
le ministre. Alors, je sauve ça à l'État. Mais mes
assurances, comme travailleur, me permettent de me payer ça. C'est un
exemple parmi tant d'autres, l'exemple de la podiatrie, mais c'est moins
coûteux. Peu importe qui paie, que ce soit moi ou l'État, c'est
moins coûteux. Et il y a sûrement beaucoup d'autres exemples comme
ça où des ressources plus légères, moins
coûteuses peuvent donner le service.
Mme Denis: J'ajouterais peut-être aussi qu'entre ce qu'on
appelle le maintien à domicile et l'institutionnalisation, quand on pose
le problème uniquement en termes d'institutionnalisation ou de rester
chez soi, moi, je dis, entre les deux: des solutions intermédiaires de
ressources de familles d'accueil qui sont peut-être à
développer encore plus qu'elles ne l'ont été
jusqu'à maintenant pour éviter, effectivement, qu'on
institutionnalise puisque, pour des adultes et pour des personnes
âgées, vivre dans une ressource intermédiaire, ce n'est pas
tellement être institutionnalisé, mais c'est beaucoup plus se
recréer un milieu de vie.
M. Trudel: Je n'ose pas vous raconter mon bout de verrue
plantaire, moi! Je pense que c'a coûté plus cher que vous avant
que je m'en aperçoive.
M. Plamondon: C'est long.
M. Trudel: Là-dessus, il y a le podiatre puis 11 y a la
vaseline saiicylée aussi. ça coûte pas mal moins cher,
ça.
Un des problèmes dans le réaménagement ou la
redéfinition de la direction à savoir comment on dispense les
services avec des producteurs ou avec des ressources plus
légères, c'est comment faire passer ça sur le terrain.
À quelque part, on dirait que le canal se bloque. Tu arrives au niveau
de l'immédiat de l'établissement et il y a une série de
conditions qui sont là comme, par exemple: Tout le monde le fait comme
ça, ça fait que je vais le faire comme ça. On dirait,
à certains égards - c'a été véhiculé
- qu'on ne se reposerait pas suffisamment de questions sur la façon de
gérer les ressources, parce que le système invite - comme tous
les systèmes d'ailleurs - à un certain immobilisme. De votre
point de vue, il y a quand même un élément nouveau qui
s'est promené dans le décor par rapport à un
problème, au cours des dernières années, quand on est
arrivés face aux urgences, c'est le GTI, le Groupe tactique
d'intervention.
Certains ont dit: C'est de la «bullshit»! C'était
pour les journaux puis c'était pour le spectacle. D'autres ont dit:
Bien, au lieu de mettre 500 000 000 $, on a mis de la réflexion puis de
la gestion de lits. C'a donné des résultats que certains disent
assez spectaculaires. Est-ce que vous n'avez pas l'impression, au niveau
organisationnel, quant à une masse de 12 000 000 000 $ de
dépenses, 250 000 salariés et un nombre d'établissements
qui va au-delà de 1000 établissements, qu'on devrait avoir,
à tout le moins, ce qu'on pourrait appeler un gto, un groupe tactique
organisationnel, qui ne soit pas la police, mais le groupe-conseil permanent
qui aide, qui suscite, qui pousse dans telle direction, par exemple, des
ressources plus légères? avez-vous déjà
regardé ça?
Mme Denis: Je ne me suis jamais arrêtée à
penser à une formule comme celle-là, bien honnêtement et
bien simplement. C'est parce que, dans l'exemple que vous donnez du GTI, un
aspect qui est intéressant, c'est peut-être quand on dit: Le
réflexe, c'est aussi d'utiliser les ressources plus lourdes. Au niveau
de l'opération qui a été faite pour le
désengorgeaient des
urgences, il y a plusieurs équipes qui comprenaient, notamment,
des travailleurs sociaux. Et je pense que, quand des gens se présentent
à l'urgence et que la gravité de leur problème ne requiert
pas nécessairement l'utilisation de cette ressource lourde qu'est
l'urgence et l'hôpital et qu'un contact, une rencontre avec le
travailleur social peut aider à bien faire la part à savoir
où est le problème et le référer vers la bonne
ressource, on vient de faire des gains en termes d'organisation des services et
de réflexes des gens à une meilleure utilisation des ressources
plus légères.
J'étais contente que vous apportiez cet exemple, parce que je
trouve que c'est un bon exemple, je dirais, d'un mariage entre la dimension
santé et la dimension sociale qui sont bien unies là, qui ont
donné des résultats et qui ont aussi pour effet de faire en sorte
que les consommateurs peuvent, eux aussi, développer d'autres
réflexes. Ça n'a pas juste un effet à court terme sur le
désengorgement de l'urgence, mais c'a un effet à moyen terme sur
le comportement du consommateur. La première des choses. (11 heures)
La deuxième des choses, si on reprend par rapport à vos
préoccupations sur l'organisation, sur l'ensemble des organisations, je
ne sais pas si c'est un GTO qu'il faut. Ce que je crois, cependant - nous, on
va le vivre de façon très concrète dans les prochains mois
et les prochaines années - c'est qu'on est appelé, avec
l'implantation de la réforme, à se reposer des questions sur nos
organisations. Chaque établissement, de par la loi, va être
appelé aussi à revoir son plan d'organisation, à le
refaire et à le déposer. Donc, je me dis que, s'il y a là
des activités et des efforts de rationalisation à faire, à
court ou à moyen terme, je pense que c'est cette occasion-là, qui
est «built in» dans la loi, qui devrait être le moment de
vérité. S'il reste des problèmes, bien, mon doux, on verra
c'est quoi la mécanique, pour le suivre après.
M. Trudel: Rapidement.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. Oui, M.
Plamondon.
M. Plamondon: Au fond, il faut éviter le système
soviétique, et c'est ça qu'est le danger de la bureaucratisation.
Quand je disais tantôt: Ce n'est pas mon cas, c'est comment faire pour
qu'il y ait une espèce de «joint venture» et que tout le
monde ensemble, dans une région, que ce soit au niveau de l'urgence,
social, santé, on mette ensemble... C'est extraordinaire ce qu'on a
comme ressources, mais le problème, c'est qu'elles ne travaillent pas
souvent ensemble. La loi 120 est déjà un effort, mais, pour moi,
pour qu'elle se concrétise - c'est le défi - c'est la prise en
charge par les citoyens. Le citoyen qui vient présider au conseil, lui,
il ne travaille pas dans cette botte-là; lui, ce qu'il veut, en bout de
ligne, c'est que les gens de sa région, de son district de CLSC aient
des services, les meilleurs services. Que ce soit donné par le CSS, lui,
il s'en fout et c'est bien correct.
À mon avis, la gageure, c'est que, si les citoyens peuvent
prendre au sérieux les marges que la loi leur donne, c'est eux qui vont
sauver le système, ce n'est pas les producteurs tout seuls. Il faut
mettre à contribution les producteurs. Mais, tout seuls, on peut tomber
dans le système soviétique. Ce qui peut nous sauver, c'est la
démocratisation, c'est les citoyens. C'est eux qui paient et ça
doit être eux qui contrôlent.
M. Trudel: C'est rafraîchissant. Le Président (M.
Joiy): Merci.
M. Trudel: Ça fait de la gazoline dans le
système.
Le Président (M. Joly): Une dernière question, M.
le député, s'il vous plaît.
M. Trudel: Dans les dernières questions... Sur les mesures
de financement, en particulier pour l'optométrie, pour les yeux et pour
les dents aussi, vous dites: Sauvez les enfants! S'il vous plaît, sauvez
les enfants!
M. Plamondon: Oui.
M. Trudel: On est d'accord avec ça. Jusqu'à
maintenant, ça aurait tout l'air que, rendu aux dernières
journées des débats, on a sauvé les enfants. Si on a
sauvé les enfants...
M. Plamondon: C'est déjà ça.
M. Trudel: ...pour les dents et pour les yeux, bien... pour les
dents, ce qui était annoncé, c'était tout pour les
enfants, donc réglé pour ça.
M. Plamondon: C'est ça.
M. Trudel: Les yeux, les 19 ans et moins, ils seraient
sauvés. Il reste donc une petite partie. Quant à moi, je pense
que ça vaut la peine de le traiter d'une façon
particulière. Vous, vous le dites en termes non pas d'utilisation des
services...
M. Plamondon: Oui.
M. Trudel: ...c'est d'économies quant à
l'essentiel, le non-essentiel et le complémentaire de base, dans la
mesure où les propres producteurs ont offert à cette table,
vendredi dernier, de baisser... Ils sont prêts à baisser la charge
publique, la facture, le «bill». Dans la mesure où, avec les
producteurs, on baisserait le «bill», on
baisserait la facture, vous seriez d'accord pour qu'on ne touche pas
à ça, j'imagine, du moins jusqu'au moment où nous
opérerons cette révision du panier à la lumière, je
le dis comme vous l'avez dit, de critères socialement acceptables. Vous
seriez d'accord avec ce genre de raisonnement pour le très, très
court terme?
Mme Denis: Je vais vous dire que, par rapport aux services
optométriques comme par rapport aux services dentaires - le dentaire,
ça touchait uniquement les jeunes - effectivement, il ne faut pas
toucher à ces services-là pour les jeunes. D'un
côté, il y a là un élément de
prévention; de l'autre côté, ce sont des tiers qui
décident au nom des enfants. Donc, il y a quelque chose, là,
à protéger. Quand on avait regardé les services
optométriques, je dois dire, au moment où on a écrit le
mémoire, je pense que... Les discussions et les échanges qui ont
eu lieu ici, évidemment, sont arrivés après. Est-ce qu'on
serait d'accord pour réviser notre position et pour se reposer la
question? Oui, on serait d'accord pour se reposer la question.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. M. le
député, s'il vous plaît.
M. Trudel: Alors...
Le Président (M. Joly): C'est fini.
M. Trudel: ...c'est la guillotine.
Le Président (M. Joly): Malheureusement. On a une
cédule...
M. Trudel: C'est tombé, c'est fini.
Le Président (M. Joly): ...très chargée ce
matin...
M. Trudel: Je n'ai pas le droit de dire ça du
président, honnêtement, puisqu'il gère bien ce travail de
la commission.
Le Président (M. Joly): ...et le temps nous manque.
M. Côté (Charlesbourg): Ça, ce n'est pas un
GTO, c'est un GT, c'est gestion du temps!
M. Trudel: GTL, de Laval, à part ça. Alors, merci,
Mme la directrice générale, M. le président et messieurs,
de cette présentation.
Le Président (M. Joly): C'est bien.
M. Trudel: Oui, il y a un bon nombre de pistes et ça
arrive, je pense, à point nommé, à la dernière
journée de ce débat, où tout de suite on peut, le moins
qu'on puisse dire... Souvent on réclame des débats sur des
questions importantes dans notre société. On arrive à la
fin et on dit: On n'a pas avancé d'un pouce, ça n'a rien
changé. Il y a au moins deux choses qu'on peut dire, c'est que des
débats publics sur des enjeux sociaux importants comme notre
régime de santé et de services sociaux, nul doute que nous
devions les faire, sans l'ombre d'un doute, avec ce que nous avons entendu chez
vous ce matin et de la part d'autres intervenants. Deuxièmement, quant
à vous, vous faites progresser le débat, c'est le moins qu'on
puisse dire. Maintenant, il va s'agir de sauter dans nos bottines et de
distribuer quelques coups de pied au derrière, quand il s'agit de
l'autre bord de la rivière, et de s'organiser pour plus d'efficience
dans certains secteurs, tel que vous le suggérez, avec une vision qui
fait appel au partenariat et non pas seulement au bâton, pour en arriver
à conserver les acquis du système. Merci beaucoup de votre
présentation.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): À mon tour de vous
remercier en fermeture de la même manière qu'en ouverture. Bien
souvent ou plus souvent qu'autrement, les commissions parlementaires sont un
exercice, effectivement, sur lequel on peut s'interroger. Je pense qu'avec le
genre de prestation que vous avez faite ce matin, c'est rafraîchissant
d'avoir des commissions parlementaires. Même si ça fait 22 ou 23
semaines, là, pour répéter notre chanson, c'est
rafraîchissant, c'est voir l'évolution qu'on peut avoir, la
manière dont on peut progresser. Je pense que vous l'avez
démontré de manière assez évidente ce matin. M. le
président, il était rafraîchissant de vous entendre.
J'aurai au moins la consolation de pouvoir dire que j'ai un exemple, à
travers le réseau - j'en ai un dans les CLSC avec M. Payette et j'en ai
un dans les CSS aussi avec vous - de quelqu'un qui veut appliquer l'esprit de
la réforme, citoyen d'abord. Et ça, je trouve ça
mauditement rafraîchissant et stimulant pour être capable d'en
faire un bout, parce qu'à l'occasion, oui, effectivement, on s'essouffle
et on manque de gaz. C'est une bouffée d'oxygène ce matin que de
vous avoir entendus, en souhaitant qu'on pourra continuer de progresser
à ce rythme-là, de faire les ajustements de trajectoire en cours
de route pour être capables d'y arriver avec un fonds de santé
sociosanitaire. C'est le meilleur moyen d'arriver aux objectifs qu'on poursuit
ensemble, avec l'ouverture des gens, parce que, malgré certains aspects
de fermeture ou, sur certains aspects, des fermetures d'esprit, quand
même, globalement, ça progresse et c'est ça qui
était très, très intéressant. Merci beaucoup.
Ça va très certainement inspirer le restant de la commission et
les jours qui vont suivre parce que ceux-là aussi vont être assez
importants sur les décisions. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le ministre. Au
nom des membres de cette commission, il me fait plaisir, moi aussi, à
mon tour de vous remercier de votre contribution. Merci beaucoup. J'inviterais
maintenant les gens de la Fédération des CLSC du Québec
à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. (11 h 15)
La commission reprend ses travaux. Bonjour et bienvenue aux gens de la
Fédération des CLSC du Québec. M. Payette, s'il vous
plaît, bien vouloir nous introduire les gens qui sont avec vous.
Fédération des CLSC du
Québec
M. Payette (Maurice): M. le Président, M. le ministre,
Mmes et MM. les commissaires, je voudrais d'abord vous présenter mes
collègues: à l'extrême gauche, Mme Carole Lalonde, qui est
conseillère cadre à la Fédération et qui a beaucoup
travaillé à la confection du mémoire qui vous a
été envoyé; Mme Martine Thériault, qui est
présidente du conseil d'administration du CLSC Le Norois, à Alma,
et qui est aussi présidente du Regroupement des CLSC de la région
Saguenay-Lac-Saint-Jean; à ma droite, M. Marcel Sénéchal,
directeur général intérimaire de la
Fédération; à ma gauche, M. Conrad Sauvé, qui est
vice-président du CLSC Saint-Louis du Parc, à Montréal, et
qui est aussi président du Regroupement des CLSC du Montréal
métropolitain; enfin, M. Michel Bissonnette, qui est directeur des
communications.
M. Côté (Charlesbourg): Ah! C'est lui,
ça.
M. Payette: C'est lui, ça, M. le Président.
J'aimerais aussi...
M. Côté (Charlesbourg): De ce que j'ai compris, on a
chacun notre Michel Bissonnette.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Payette: II y en a plusieurs, mais il ne faut pas faire de
confusion.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non. Ha, ha, ha!
M. Payette: J'aimerais aussi rappeler que je...
Le Président (M. Joly): M. Payette, vous avez environ 30
minutes pour nous exposer votre mémoire.
M. Payette: 30 minutes? On va se partager ça.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.
M. Payette: On s'est entendu à l'effet que la
présentation des mémoires sera faite par des citoyens
décideurs, peut-être pour démontrer, M. le ministre, que je
ne suis pas le seul à prendre au sérieux ce rôle-là.
J'ai beaucoup de collègues au sein du réseau, comme les deux
collègues qui m'accompagnent, Mme Thériault et M. Sauvé,
qui sont des bénévoles et qui travaillent avec beaucoup d'ardeur
comme citoyens décideurs. J'aimerais vous dire, au début, que
nous apprécions grandement le fait qu'un débat
démocratique puisse se faire sur le problème crucial du
financement du système de santé et des services sociaux. C'est un
signe de santé de notre démocratie, je pense. Comme
citoyens-payeurs et comme citoyens décideurs qui oeuvrons dans un
réseau d'établissements, nous sommes heureux d'apporter, si
possible, une contribution qui pourra servir à résoudre les
difficultés, sinon les impasses que nous rencontrons.
J'ai lu très attentivement le document sur le financement qui
nous a été présenté par le ministère. J'ai
eu beaucoup de plaisir à lire ce document parce que, d'une part, il
était bien fait, relativement accessible pour le non-initié que
je suis et, surtout, parce qu'il renferme un ensemble de pistes et
d'orientations que je trouve très constructives. Nous sommes d'accord
avec la grande majorité des orientations, mais, en gros, nous pensons
qu'il faut aller plus loin. Pour nous, ça ne sera pas suffisant de faire
mieux, on pense qu'il faut faire autrement, et c'est le titre de notre
mémoire.
Au mois de mars 1990, en présentant à votre commission le
mémoire de notre Fédération, j'ai utilisé une
métaphore qui a frappé l'imagination de plusieurs, dont celle de
M. le ministre: la pyramide. Le système actuel, disions-nous, ressemble
à une pyramide qui est à l'envers parce que sa base,
étroite et fragile, doit supporter un sommet qui tend à
s'élargir et à menacer la stabilité de l'ensemble. Depuis
ce temps, le livre blanc «Une réforme axée sur le
citoyen» et la loi 120 ont amorcé, reconnaissons-le, un certain
nombre de virages: axer le système sur le citoyen plutôt que sur
le producteur de services, décentraliser les processus
décisionnels vers les niveaux régionaux et locaux, fixer et
poursuivre des objectifs de résultats plutôt que de distribuer des
services, consolider les services de première ligne en faisant du CLSC
la porte d'entrée majeure du réseau. comme le dit, à
certains moments donnés, m. le ministre, la pyramide, ça s'en
vient. ça s'en vient, mais, pour aller jusqu'au bout de la logique de
l'inversion de la pyramide, il me paraît nécessaire de modifier,
de façon assez radicale, la cadre financier actuel. l'impasse
financière, à mon sens, ne consiste pas à ne plus avoir
les moyens de payer pour un système accessible, gratuit et universel,
mais plutôt à laisser les coûts du système se gonfler
vers le
haut de la pyramide. Pour vraiment inverser la pyramide, il faut
éviter le piège qui consisterait à ajouter de l'argent
pour régler le problème. Ce serait, à mon sens, faire plus
de la même chose. Je me permets, là-dessus, de rappeler qu'au
cours des 10 dernières années, nous avons tenté de
régler le problème des urgences des hôpitaux en mettant
plus d'argent, plusieurs centaines de millions. Il aura fallu le courage d'un
ministre pour mettre sur pied un groupe d'intervention, dont il a
été question tout à l'heure, qui a conclu que le
problème est plutôt un problème d'organisation et de
gestion qu'un problème financier: faire autrement plutôt que faire
la même chose. Pour inverser la pyramide des coûts, il faudra
modifier les comportements souvent luxueux de certains producteurs de services,
parfois en conflit d'intérêts, plutôt que de rationner ou de
taxer le citoyen-utilisateur.
Pour livrer le courrier dans une grande ville, dans un centre-ville, les
petites Toyota sont moins coûteuses et plus efficaces que les grosses
Cadillac. Inverser la pyramide va nécessiter une révision de la
flotte de nos voitures. Pour inverser la pyramide, il faut arrêter,
à mon sens, la croissance des ressources lourdes dont la pertinence est
souvent douteuse, comme plusieurs études le démontrent, et
transférer rapidement les économies vers les ressources
légères, la prévention, les services de première
ligne. Inverser la pyramide, c'est aussi, comme le reconnaît le document
ministériel, cesser, le plus tôt possible, d'intervenir presque
exclusivement en aval dans les services du réseau pour investir,
prioritairement, en amont, en intervenant sur les comportements, les habitudes
de vie et les difficultés. Faire de la prévention, c'est aussi
bien empêcher le mal d'apparaître qu'intervenir rapidement pour
éviter la détérioration et faciliter la
réadaptation. C'est aussi aider les personnes à développer
leurs compétences et leur capacité de faire face avec
succès aux difficultés courantes. C'est aussi amener des
communautés à s'entraider en prenant en charge, collectivement,
le problème de la santé et de leur bien-être. Inverser la
pyramide, ce sera aussi considérer que l'hébergement pour les
personnes en perte d'autonomie n'est plus une alternative au maintien à
domicile, donc stopper tout développement de l'institutionnalisation
pour investir dans des services qui permettront aux personnes de demeurer dans
leur milieu de vie naturel, chez eux, dans leur communauté, ce que 93 %
de la population souhaitent, selon le sondage Léger et Léger.
Nous n'avons pas la prétention de présenter une solution
miracle ni de pouvoir résoudre le problème complexe du
financement du système. Vous avez entre les mains plusieurs cartes
gagnantes, comme le démontre le document ministériel et, j'ai
dû comprendre, comme aussi la commission parlementaire a permis d'en
identifier un grand nombre. Nous avons cepen- dant la ferme conviction que la
société québécoise a entre les mains une autre
carte gagnante, un scénario qui a toutes les chances de contribuer, de
façon efficace et significative, à résoudre le
problème de la croissance des coûts.
Ce scénario, le scénario de la première ligne, nous
paraît gagnant pour plusieurs raisons. D'abord, parce que les
infrastructures du réseau public de première ligne sont
déjà en place: un réseau de 158 établissements et
de plus de 500 lieux de dispensation de services et, surtout, une expertise de
20 ans, 15 000 intervenants qui l'ont développée avec
succès.
On apprenait récemment, dans les journaux, que l'Ontario vient
d'annoncer son intention de couper les dépenses hospitalières
pour créer un réseau de «community centers» qui
ressemblent étrangement à ce que sont les CLSC. Je pense que nous
avons une bonne longueur d'avance. Je me permets de rappeler que, le 13
décembre dernier, aux Îles-de-la-Madeleine, M. le ministre a
déclaré publiquement: Si les CLSC n'existaient pas, il faudrait
les créer, et il a ajouté: Je n'ai pas toujours pensé
ça, mais je le pense maintenant et j'en suis convaincu.
Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que, puisqu'ils sont
là, il faut les rentabiliser.
M. Côté (Charlesbourg): C'est la logique.
M. Payette: C'est la logique. Une autre raison pour laquelle le
scénario première ligne est une carte gagnante, c'est que je
pense que la population du Québec a dit oui à son réseau
de première ligne. La connaissance et l'utilisation des CLSC n'ont
jamais cessé de croître. Le sondage du mois de décembre
dernier, fait par une firme indépendante, indique que, maintenant, 3 000
000 de Québécois utilisent leur CLSC, 32 % pour des services
individuels et 41 % si on ajoute les services collectifs. Lors du récent
débat sur la vaccination contre la méningite,
l'éditorialiste Alain Dubuc, de La Presse, écrivait: Le
Québec veut mettre l'accent sur la prévention et les services
communautaires. De plus, une étude macro-économique faite par le
GRIS, dont vous avez une copie en annexe, démontre que ce
scénario est non seulement soutenable financièrement, mais qu'il
pourra engendrer des économies, et cela, très rapidement.
Je laisse maintenant à Mme Thériault le soin d'apporter
quelques exemples concrets sur la prévention.
Mme Thériault (Martine): M. le Président, M. le
ministre, M mes et MM. les députés, il me fait plaisir de
participer aux travaux de cette commission. Vous savez, lorsque Maurice m'a
approchée pour collaborer à la présentation de ce
mémoire, il m'a posé la question comme présidente
bénévole d'un CLSC: Est-ce que, nous autres, des CLSC, on peut
faire autrement? Alors, avec la connaissance que j'ai du réseau en
ayant une implication de près de huit ans, j'ai trouvé une
partie de la réponse assez rapidement, en disant: C'est
déjà fait, les CLSC font déjà autrement. C'est dans
la culture des CLSC. La présentation que je vais vous faire
démontre la rentabilité d'un virage axé sur la
prévention.
Une majorité d'experts dans le domaine sociosanitaire s'entendent
pour dire que plus on intervient tôt, intensément et de
façon préventive auprès des personnes, des familles et des
communautés en général, plus les coûts, à
moyen et long terme, s'en trouvent diminués.
Alors, cette démonstration-là, je vais vous la faire avec
des exemples dans différents secteurs. Le premier secteur: l'enfance et
la jeunesse. Une étude réalisée par le Dispensaire
diététique de Montréal, en 1991, démontre que
l'intervention des CLSC auprès des femmes défavorisées
visant à diminuer le pourcentage de bébés à petit
poids à la naissance de 12 % à 6 % entraîne des
économies de 6 000 000 $ annuellement, et cela, sans compter les autres
interventions qu'on ne comptabilise pas: la non-hospitalisation, les
problèmes neurologiques, les problèmes de retard scolaire,
etc.
Si on généralisait ce principe à l'ensemble de la
province, ce serait une économie de l'ordre de 44 000 000 $ en frais
hospitaliers économisés et à l'intérieur d'un an.
M. le ministre, on sait qu'une grossesse, en moyenne, c'est neuf mois. Alors,
des projets comme OLO - c'est-à-dire suppléments alimentaires
oeuf, lait et orange - destinés à financer les suppléments
alimentaires pour les femmes enceintes de milieux défavorisés,
ont été mis sur pied dans une quarantaine de CLSC. D'ailleurs,
votre ministère a collaboré à la création de la
fondation nationale pour supporter financièrement les projets. Alors,
les CLSC croient que ce type d'action est rentable pour le système de la
santé et rentable aussi pour toute la société. (11 h
30)
Paradoxalement, le Québec possède l'un des meilleurs taux
mondiaux de sauvetage des bébés de petit poids à la
naissance dans les pays développés; il a aussi le redoutable
privilège de figurer parmi ceux qui ont le plus fort taux de naissance
des bébés de petit poids. Alors, que doit-on faire? Investir
d'importantes sommes d'argent pour maintenir notre performance en sauvetage ou
investir pour enrayer le nombre de ces naissances?
Que fait-on maintenant avec nos enfants entre leur naissance et
l'âge adulte? L'avis publié en 1989 par le Conseil des affaires
sociales montre que le Québec, comparativement à l'Ontario,
connaît des taux de placement deux fois plus grands. Parmi les facteurs
explicatifs de ces différences, on note un engagement plus ferme de
l'Ontario envers la prévention des abus et de la négligence. Le
Conseil, appuyé par le ministère de la Santé, croit que
l'on peut réussir à diminuer substantiellement ces taux de place-
ment et de signalement en instaurant des mesures préventives et
efficaces. Et ça, M. le ministre, on le croit. Cet avis est
confirmé, dans la pratique, par divers exemples concrets. Un projet
expérimental au CLSC Côte-des-Neiges visant à intensifier
le rôle des CLSC dès l'étape de signalement à la DPJ
est intervenu sur une période d'environ cinq mois auprès de 118
enfants signalés à la DPJ. Grâce au travail d'une
équipe multidisciplinaire et par une intervention rapide et directe
auprès des familles concernées, on a pu maintenir ces enfants
dans leur milieu de vie naturel, donc éviter le placement en
institution. Si on multipliait ce genre d'intervention à
l'échelle du Québec, c'est environ 40 000 enfants qui en
bénéficieraient.
Un autre exemple éloquent avec le CLSC Montréal-Nord: la
Fondation de la Visite, soit un programme de prévention des abus et de
la négligence envers les enfants, s'adressant aux parents des
nouveau-nés. L'intervention consiste, pour des mères visiteuses,
à aider des parents dans leur milieu. C'est des gens, entre autres, qui
sont bénévoles. Cette initiative a permis, de façon
significative, de modifier des comportements dommageables ou des
problèmes risquant de s'aggraver. De plus, de meilleures habitudes ont
été prises, soit fa pratique moins punitive, soit le recours
moins fréquent à l'urgence et bien d'autres. Un tel programme
présente un rapport coûts-bénéfices très
positif. On estime que chaque dollar investi en fait économiser trois en
service de protection, de réadaptation ou de santé. On n'a
qu'à citer le programme américain «Perry Preschool
Project» qui voit à la stimulation infantile visant les enfants de
deux à quatre ans et leurs parents, dont l'analyse
coûts-bénéfices est d'environ 30 000 $ par enfant, soit
sept fols la mise initiale. Alors, vous pouvez comprendre que l'aspect social
également peut faire, à un moment donné,
générer des économies, même si ce n'est pas le
côté santé. C'est d'ailleurs dans cette direction que le
récent rapport Bouchard sur la situation des jeunes recommande d'agir.
Et la Fédération appuie ce rapport.
Autre secteur: les services courants. Dans ce domaine, une étude
d'Angus et Mangea, en 1990, sur l'efficacité de divers modèles de
prestation des soins de santé démontre que les CLSC sont
généralement plus rentables par rapport à la pratique
médicale basée sur le système de paiement à l'acte.
Par exemple, l'évaluation des deux plus grandes cliniques communautaires
de la Saskatchewan est inférieure de 13 % au coût des services
offerts aux clients de cliniques privées. La principale raison de cette
rentabilité? C'est que la clientèle de ces cliniques
communautaires semble utiliser beaucoup moins les installations
hospitalières.
Plus près de nous, l'étude réalisée par
Aubin et Duplessis indique que l'équipe infirmière-médecin
des services courants en CLSC permet une utilisation plus efficiente des
res-
sources humaines que l'approche des médecins en cabinet
privé ou en clinique externe. L'infirmière qui répond
à ces demandes de services de santé courants permettrait des
économies au coût unitaire de l'ordre de 6,70 $. Si on
considère que 70 % de la population consultent au moins une fois par
année pour un problème de santé, c'est entre 4 000 000 $
et 5 000 000 $ annuellement que pourrait faire économiser au
Trésor une telle approche.
En Montérégie, depuis que le service de
prélèvements a été transféré aux
CLSC, cela a permis de désengorger les urgences hospitalières et
de mieux maximiser l'utilisation des services des CLSC. Dernièrement,
plusieurs CLSC ont été appelés à intervenir
rapidement dans le dossier de la méningite. Il en aurait
coûté combien pour procéder à la vaccination si cela
c'était fait par une autre structure? Et là, plus
particulièrement, M. le ministre, je suis fière de mon CLSC parce
que, dernièrement, on a été récipiendaire d'un prix
André-Tétreault sur un programme qui est tout modeste, tout
simple, c'est la prise de tension artérielle. Chez nous, le territoire,
le DSC a dénombré un nombre effarant de personnes qui ont des
problèmes cardiovasculaires. Vous allez voir que le principe est simple.
C'est des groupes dans les différents secteurs sur notre territoire qui
ont pris en charge la prise de tension artérielle. Ce que ça
implique maintenant, ça a été l'intervention d'un
travailleur communautaire pour démarrer le projet, une infirmière
sur la base des techniques. Actuellement, depuis 1985, près de 1600
personnes-année bénéficient de cette technique-là,
ce qui permet de la prévention, en collaboration, bien entendu, avec le
cardiologue. La prise de tension dans un cabinet privé souvent n'est pas
significative parce que la personne, quand elle attend, la pression lui monte.
Chez nous, depuis ce temps-là, 1600 personnes de 6 à 8 fois par
année, vous comprendrez combien on sauve à ne pas envoyer ces
gens-là en cabinet privé.
Concernant le dernier volet: les services à domicile, au Canada,
les travaux d'Evelyn Shapiro, spécialiste reconnue sur le plan
international, ont permis de faire avancer les discussions sur la
rentabilité des services offerts à domicile par rapport à
l'hébergement, en plus de mettre en évidence le fait que les
services à domicile au Québec sont sous-financés et
sous-administrés. Toutefois, la dispensation de services à
domicile aux personnes âgées en légère perte
d'autonomie est relativement peu coûteuse et l'effet préventif sur
leur institutionnalisation éventuelle est réel. Je vous rappelle
que les orientations de votre livre blanc, M. le ministre, vont dans le sens
d'une augmentation des services de soutien à domicile. Les besoins sont
criants et il faut actualiser au plus vite les mesures
préconisées. De plus, demeurer chez soi correspond, selon un
sondage effectué en 1991 par la firme Léger et Léger pour
la Fédération, aux aspirations de la population. En outre, il
s'agit là d'une orientation partagée et endossée par
l'ensemble des organisations des personnes âgées.
Également, le forum sur le soutien à domicile «Vivre chez
soi» a confirmé la justesse de cette orientation.
Des études au Québec convergent pratiquement toutes dans
le même sens. Une injection massive dans les soins et les services
à domicile contribuerait à mieux desservir les personnes
âgées en perte d'autonomie, diminuerait les demandes et les
recours au placement pour l'hébergement. À cet égard,
signalons la performance reconnue des services intensifs de maintien à
domicile, c'est-à-dire SIMAD, un programme conçu en 1986 dans le
plan de désengorge-ment des urgences. Une étude
réalisée par une équipe du CHUL, en 1991, montre que SIMAD
constitue un investissement rentable pour l'État et qu'il produit plus
de services que ce qu'il en coûte. Ainsi, le coût d'un service par
bénéficiaire varie de 8000 $ à 11 800 $ annuellement,
selon les caractéristiques des bénéficiaires desservis.
Ces coûts se comparent très avantageusement aux coûts que
l'on retrouve en centre d'accueil d'hébergement ou dans toute autre
institution de soins de longue durée. Je vous dirai que le coût
d'hébergement est estimé à environ 25 000 $. Ça
représente le double.
Selon les auteurs, SIMAD permet d'éviter des recours à
l'hospitalisation et de diminuer des durées de séjour, en
assurant une disponibilité de services suffisante pour prévenir
ou solutionner des situations de crise ou en favorisant le retour à
domicile. Ce programme permet le développement d'une collaboration
essentielle entre les CHSCD et les CLSC pour le maintien à domicile des
personnes en perte d'autonomie sévère. En ce sens, SIMAD peut
donc créer des conditions favorables au désengorgement des
hôpitaux de courte durée.
Tous ces exemples démontrent très bien qu'un
système axé sur la prévention des problèmes sociaux
et de santé ainsi que sur une première ligne bien
organisée constitue l'une des options les plus économiquement
rentables, tout en assurant une meilleure qualité de vie pour les
citoyens. En terminant, M. le ministre, au niveau des CLSC, nous avons une
croyance indéfectible dans la prévention et je pense que le vieil
adage qui dit: Vaut mieux prévenir que guérir, s'applique dans ce
cas-ci. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Thé-riault. M.
Sauvé, s'il vous plaît.
M. Sauvé (Conrad): M. le ministre, Mmes, MM. les
députés, le ministère nous propose de discuter de
financement du réseau de la santé et des services sociaux avant
même que soit connue sa politique sur la santé et le
bien-être et qu'aient débuté les modifications contenues
dans le projet de loi 120. Nous sommes cepen-
dant convaincus que le ministère, s'il veut permettre à
tous de relever les réels défis, orientera sa politique sur un
renforcement d'une première ligne publique forte. Il devra aussi, par
cette politique, viser l'efficacité et l'efficience en donnant à
tous des objectifs à atteindre et en évaluant nos
résultats. Nous partons donc de ces principes pour vous proposer, dans
le cadre de ce débat sur le financement, de renforcer la première
ligne publique du réseau des CLSC, la porte d'entrée du
système.
M. le ministre, depuis le début de ma vie active, j'ai toujours
oeuvré dans le milieu communautaire. J'ai fait ce choix parce que je
crois fondamentalement qu'à ce niveau nous sommes plus près des
citoyens, nous connaissons mieux leurs problèmes et nous pouvons donc
développer des outils et des moyens plus efficaces pour les rejoindre.
C'est par conviction que je suis bénévole dans mon CLSC. Dans mon
quartier, dans ma région, le CLSC constitue le point de convergence des
initiatives au niveau de la communauté, que ce soit en santé ou
en services sociaux.
Il nous faut donc, pour travailler sur les déterminants de la
santé, un CLSC fort, impliqué dans son milieu et qui
développe des services de santé et des services sociaux de base
nous permettant de rejoindre la population du territoire. Nous sommes
convaincus que ceci nous permettra d'augmenter la qualité de vie de nos
concitoyens et de nos concitoyennes. Je pense que c'est ça,
l'objectif.
Étant donné que nous sommes à discuter d'argent,
cela se traduira sûrement, et toutes les études le prouvent, par
une réduction importante du nombre de personnes âgées en
établissement, une réduction significative des placements
d'enfants, le désengorgement des urgences et une utilisation plus
judicieuse des ressources.
À la lecture de notre mémoire, vous pourrez constater
qu'une utilisation d'une première ligne forte, et ce, pour
l'année 1988-1989, nous aurait permis des économies
substantielles, évitant ainsi que les débats de la commission
parlementaire portent aujourd'hui sur des coupures de services.
Il y a là, à notre avis, diverses façons de
renforcer la première ligne publique CLSC, soit par la
réallocation des ressources humaines et financières et par les
budgets de développement. En août dernier, vous avez adopté
le projet de loi 120. C'est une réforme majeure qui invite la population
à s'impliquer de façon fort significative dans ce réseau -
je pense que notre présence ici vous démontre que nous y
souscrivons - et qui responsabilise les régions face aux choix et aux
moyens à prendre pour être plus efficaces.
Enfin, les missions des établissements ont été
mieux définies, de façon à éviter, tant que faire
se peut, le dédoublement de services. Le projet de loi 120, à
notre avis, résoudra une grande partie du problème du
financement, et ce, conformément aux différentes études
encore. Cette réforme comporte donc une allocation des ressources
humaines, financières et matérielles. C'est, à notre avis,
un défi majeur que le gouvernement doit réaliser le plus
rapidement possible.
À cet effet, nous sommes confrontés présentement
à des réactions différentes: celle des
établissements qui auront à procéder au transfert et celle
des travailleurs qui seront transférés. Les établissements
ont tendance à conserver leurs acquis, et ça, c'est une
réaction normale. Ils souhaitent une dispensation de services plus
régionale que locale. Enfin, on a l'impression parfois qu'ils se
déguisent en ministère pour aussi déterminer où
iront les ressources transférées. Les travailleurs sont
insécures face à ce changement. Certains ont quelquefois des
préjugés envers les CLSC et souhaitent continuer à
travailler avec des collègues ayant la même expertise.
Là-dessus, je pense que le terme qu'on nous renvoie le plus souvent,
c'est des masses critiques. Il faut être une masse critique pour
intervenir efficacement.
Tout à l'heure, j'entendais les gens des CSS parler aussi de
structure légère. Alors, masse critique, structure
légère. Je pense qu'on l'a, la structure légère:
c'est les CLSC. Je pense que les travailleurs aussi, M. le ministre, vont
être plus intéressés à travailler dans une structure
légère que dans une masse critique, au bout du compte.
Là-dessus, on est intéressés, s'il le faut, à
parler à ces travailleurs, à leur expliquer ce que sont les CLSC
et à peut-être les sécuriser quant aux modes d'intervention
qui se pratiquent en CLSC actuellement.
Somme toute, tout changement est difficile à faire, que ce soit
par les gestionnaires qui verront leur équipe diluée ou par les
travailleurs directement impliqués, souvent incorrectement
informés. L'appui du ministère, en ce sens, nous apparaît
essentiel, même si on sait qu'actuellement lui-même doit faire face
à la gestion du changement tout en étant partie prenante de ce
changement.
Pour nous, à Montréal - et je voudrais insister
là-dessus, M. le ministre, si je peux avoir toute votre attention - une
réallocation des ressources...
M. Côté (Charlesbourg): II n'y a aucun
problème, j'ai deux oreilles.
M. Sauvé: Oui. Je sais qu'il y a un monsieur, à
côté, qui a l'air pas mal important.
M. Côté (Charlesbourg): C'est justement ce que vous
êtes après décrire: la difficulté d'appliquer une
réforme en même temps que digérer le quotidien.
M. Sauvé: Oui, c'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, c'est la
démonstration patente de tout ça. (11 h45)
M. Sauvé: J'ai travaillé fort sur mon texte, M. le
ministre. J'aimerais ça avoir toute votre attention. Ça a
été bénévole aussi, ça n'a rien
coûté. Pour nous, à Montréal, une
réallocation des ressources - et ça, c'est très important
-implique une meilleure répartition des ressources médicales
entre les secteurs public et privé. La venue en CLSC de médecins
en nombre important nous permettrait d'offrir des services médicaux
courants avec ou sans rendez-vous. Les objectifs de bien-être ne peuvent
être atteints sans eux et notre approche globale ne peut être
réalisée non plus sans eux. Enfin, les services médicaux
nous permettent de rejoindre plus efficacement les clientèles plus
à risque. Souhaitons-nous des services médicaux courants offerts
principalement par les réseaux publics ou un meilleur équilibre
entre le public et le privé.
Là-dessus, je voudrais vraiment insister. À
Montréal, j'ai la chance d'être impliqué dans un CLSC qui a
des médecins et ça fait une différence. L'aspect des
clientèles à risque... On a eu des cas de femmes enceintes, de
jeunes femmes enceintes cocaïnomanes. Quand elles viennent au CLSC, ce
n'est pas pour leur problème de cocaïne, c'est pour leur nez qui
coule et des choses comme ça. Ça nous sert de dépistage.
C'est un complément. Ce n'est pas un complément, c'est une
nécessité dans les CLSC. Tout à l'heure, vous avez dit que
c'était important qu'on ne fasse pas d'erreurs dans la réforme.
Si les CLSC n'ont pas leur complément de médecins, ça
risque d'être une erreur importante.
Nous avons aussi été étonnés d'entendre dire
par les fédérations de médecins que le coût des
services médicaux en CLSC était plus élevé qu'en
cabinet privé. Là-dessus, si le gouvernement a le moindre doute
sur cette affirmation des fédérations de médecins, nous
l'invitons à évaluer les services médicaux en CLSC. Nous
sommes également intéressés à connaître s'il
y a, dans les faits, des différences importantes dans la prescription de
médicaments aux personnes âgées et aux assistés
sociaux et dans les frais de laboratoire et d'analyse. Le mode de pratique
médicale en CLSC, la synergie de l'équipe multidisciplinaire et
le temps consacré à chaque patient nous portent à croire
d'emblée que la différence sera probante.
Quant à la réallocation des ressources financières,
encore là, nous nous butons à de grandes difficultés. Il
est déjà difficile d'abolir un service dans ces réseaux,
récupérer l'argent de ce service semble impossible. Voici un
exemple qui illustre mon propos: l'hôpital à domicile. Ce
programme devait, dans le plan de Mme Lavoie-Roux, désengorger les
urgences et être offert par un centre hospitalier. Après un an,
une évaluation d'une équipe de recherche opérationnelle en
santé du Département d'administra- tion de la santé de
l'Université de Montréal démontrait que ce programme
n'atteignait pas les objectifs de départ. Premièrement, il ne
rejoignait pas la clientèle cible et, deuxièmement, le coût
par personne était plus élevé qu'à l'hôpital.
Ça commence à être cher, ça!
Ce n'est rien. Quelques années plus tard, quatre hôpitaux
offrent ce service et une étude du ministère arrive aux
mêmes conclusions. Il est maintenant question de transférer ce
service aux CLSC via son programme de maintien à domicile. Les CLSC
pourront effectivement le faire en augmentant leurs services, mais il semble
impossible de transférer le budget. Ces établissements souhaitent
évidemment conserver ce budget et développer un nouveau service.
On ne manque pas de services.
Somme toute - on a fait une correction ici - nous sommes convaincus
qu'il est essentiel d'avoir une première ligne publique et forte. Par
une réallocation des budgets actuels et par un pourcentage significatif
des budgets de développement, faire la première ligne publique
des CLSC.
M. le ministre, en terminant, vous pouvez également compter sur
l'appui des CLSC dans vos demandes d'équité en matière de
péréquation. Cette bataille est d'autant plus importante que les
Québécoises et les Québécois qui paient des taxes
à Ottawa sont en droit de recevoir la juste part qui leur revient. C'est
donc sans réserve que nous vous appuyons dans vos démarches. Je
cède la parole à M. Payette, pour la conclusion.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Sauvé. M.
Payette, très brièvement, parce que vous avez déjà
écoulé...
M. Sauvé: Le temps.
Le Président (M. Joly): ...l'enveloppe de temps que vous
aviez à votre disposition. Alors, M. le ministre, MM. les
députés, on le permet? Oui? On peut déborder?
M. Côté (Charlesbourg): J'imagine qu'on est à
la phase de la conclusion.
M. Payette: Une petite conclusion pour résumer l'essentiel
de notre discours.
M. Côté (Charlesbourg): Prenez le temps de la
faire.
M. Payette: Premièrement, après beaucoup
d'hésitations puis d'évaluations, le gouvernement a
décidé de prendre une décision importante qui était
non seulement de conserver les CLSC - parce qu'on aurait pu les faire
disparaître - mais de les consolider et de faire un virage vers un
réseau de services de première ligne public et de permettre ainsi
aux citoyens d'avoir accès à ces choses-là.
Pour nous, les administrateurs en CLSC, la commande est claire. On n'a
pas reçu la commande de maigrir, mais, au moins, de conserver ce qu'on a
et, on pense aussi, de pouvoir avoir des ressources additionnelles. Ça
paraît évident qu'on ne pourra pas le faire sans ressources
additionnelles. Tous en conviennent. La question qui se pose, c'est: Comment,
dans les circonstances actuelles, aller chercher des ressources additionnelles
que tous réclament, et ce, je dirais, sans taxer davantage les citoyens?
Sans aller dans le détail, je me permets de penser qu'il y aurait deux
choses à faire - et je vais terminer avec ça - en m'inspirant de
ce qui s'est passé pour les urgences; deux choses qu'on ferait
simultanément.
Dans un premier temps, c'est, au fond, je dirais, stopper
immédiatement le développement du recouvrement de la
santé. Je ne suis pas assez spécialiste pour savoir si c'est IPC
+ 1 %, 2 % ou 3 %, mais stopper le développement immédiatement.
En même temps, utiliser ce qui semblerait être une marge de
manoeuvre qui existe pour rapidement Investir dans la prévention et les
services de première ligne, surtout dans les programmes qui permettent
de faire rapidement des économies selon les exemples que nous avons
donnés, et pouvoir ainsi arriver, sans nécessairement nuire aux
besoins que nous avons de ressources médico-hospitalières,
pouvoir rapidement faire le virage de la prévention. On a réussi
à stopper le développement des urgences et en même temps,
grâce à un groupe d'intervention, à régler une bonne
partie des problèmes qu'il y avait en urgence. On pense que c'est de
cette façon-là qu'on pourrait procéder. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Payette. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je n'ai strictement rien à retirer de mes propos du 13
décembre. Je dois profiter de la commission pour vous dire que plus
ça progresse, plus je suis convaincu que c'est la bonne voie et qu'il
faut continuer d'aller dans ce sens-là. Oui, la première ligne
est de plus en plus imitée par l'extérieur du Québec, et
tant mieux! Tant mieux parce que c'est un virage qui a été
amorcé il y a 20 ans. Il y a certainement des communications que vous
aimerez faire, à la fin de cette commission, compte tenu du
vingtième ou des secrets de la semaine prochaine ou des semaines
à venir.
M. Payette: Les fêtes du vingtième se feront lundi
et le ministère sera représenté lundi matin en
conférence de presse. Un petit commercial!
M. Côté (Charlesbourg): Un petit commercial!
M. Payette: Ça repose!
M. Côté (Charlesbourg): Ça repose! À
la lecture du mémoire qui a été déposé, je
pense qu'il est très important, d'entrée de jeu, de dire que, sur
le plan philosophique, il n'y a pas de divergence fondamentale entre le
ministère et la Fédération des CLSC. Lorsqu'on parie de
prévention, lorsqu'on parie de virage, nous n'avons pas et je n'ai pas
de problème avec cet aspect-là d'agir sur les déterminants
politiques de santé et bien-être, etc. Je pense qu'il faut faire
ce virage. Il m'apparaît extrêmement important de le faire.
Évidemment, lorsqu'on en arrive à dire: Ce virage, il faut
le faire... Prenons notre fameuse pyramide. On est donc convié à
un exercice de virer la pyramide sans que la pyramide s'écrase. Ce n'est
pas un exercice qui est facile. On le constate depuis deux ans maintenant, ou
une grosse année et demie, il y a un petit peu de résistance. Je
pense qu'on peut être dans une situation où on comprend un certain
nombre de résistance parce qu'il y en a partout. Ce n'est pas exclusif
aux médecins. De la résistance, il y en a un peu partout. C'est
la nature humaine qui est faite comme ça. Je pense qu'il faut continuer
de travailler et faire en sorte qu'on puisse faire les ajustements
nécessaires pour que cette résistance-là s'élimine
et qu'on aille dans le sens que vous souhaitez, qui est souhaité par les
CSS: le citoyen d'abord. C'est ça, notre préoccupation en termes
de services à donner à ces gens-là.
Mais, quand on veut faire le virage, c'est là qu'on commence
à tomber dans le concret. On a dit: La réforme, voici ce qu'on
pense que le système devrait être: des missions mieux
définies, structurées de telle manière, etc. Sur le plan
financier, on a dit: Oui, il y a des besoins. Ce n'est pas au président
du conseil d'administration du CLSC Lac-Saint-Louis que je vais dire qu'il a
tout ce qu'il faut comme budget pour répondre aux besoins qu'on lui a
confiés, en particulier Saint-Louis.
M. Payette: Saint-Louis du Parc.
M. Côté (Charlesbourg): Saint-Louis du Parc? O. K.
Saint-Louis m'avait frappé. J'ai l'impression qu'il reste encore
quelques problèmes de CLSC sous-financés, de ce que j'ai compris.
Mais on constate que ce n'est pas facile. Il s'agit de savoir comment on a de
la difficulté à se partager 10 000 000 $ pour être capables
de répondre aux besoins - ce n'est pas facile - de ressources. Il y en
aura d'autres, mais, déjà, sur 10 000 000 $ à partager
à l'intérieur des besoins de CLSC, ce n'est pas facile. Donc, il
y a un constat qui est clair. Le nombre de CLSC à travers le
Québec est à son maximum. Ils sont bien connus. Les structures
sont là. Ils ne sont pas pourvus du même budget pour offrir les
mêmes services partout à travers le Québec et il
faut ajouter; c'est clair. On le dit dans la réforme et je n'ai
pas changé d'idée depuis ce temps-là, je ne tenterai pas
d'amenuiser ce qu'on doit faire pour aller rejoindre la première ligne,
c'est clair.
Évidemment, c'est un exercice absolument de cascadeur que de
tenter de virer la pyramide et de la virer à l'intérieur du
système sans que le système vire à l'envers. Donc, on est
confronté à une ressource de première ligne qu'il faut
mieux établir, mieux financer pour faire de la prévention, pour
agir sur un certain nombre de déterminants, parce qu'ils peuvent le
faire, et donner des services à la population. Donc, ça prend des
sous additionnels. Ces sous additionnels là, il y a deux manières
de les faire. Par l'ajout de sommes d'argent, de l'argent neuf, ce qu'on
appelle de l'argent neuf; on le prend quelque part, dans la poche du citoyen,
par des taxes et on dit: On en met par-dessus le paquet, donc qui s'ajoute aux
12 000 000 000 $. Ou l'autre, ce que vous avez abordé, c'est par le
redéploiement de ressources. Moi, j'aimerais vous entendre davantage
là-dessus, comment est-ce qu'on va réussir à faire
ça. Évidemment, si on parle de redéploiement, c'est qu'on
va le chercher dans l'assiette d'un autre pour l'amener dans notre assiette. On
est d'accord avec ça. Les CLSC, il faut mieux les financer pour les deux
missions qu'on leur donne: personnes âgées et aussi jeunesse. Mais
il faut nécessairement, à ce moment-ci, aller en chercher quelque
part, ça s'appelle du redéploiement pour le donner aux CLSC.
Celui qui reçoit, lui, en règle générale, en tout
cas, il doit être à la moitié, aux trois quarts ou
totalement satisfait; par le fait même, celui à qui on le prend,
il n'est pas toujours très, très satisfait.
Est-ce que, dans votre esprit, parce qu'il me semble y avoir une
différence dans votre proposition de tantôt par rapport au
document, l'ajout de ressources, par exemple en CLSC ou en CSS, se ferait
uniquement par le fait qu'on puisse geler le budget de recouvrement de la
santé, par exemple, à l'IPC, disons, + 1 %, l'augmentation
normale gouvernementale, et que l'excédent que le gouvernement est
prêt à faire, à ajouter, il irait, lui, dans des
priorités dans le domaine de la première ligne, en particulier?
Est-ce que c'est ça? Ça me paraît être un petit peu
différent de votre mémoire. Votre mémoire me paraissait
aller beaucoup plus loin. Si c'est ça, j'y reviendrai.
M. Payette: On peut écrire un mémoire et continuer
à réfléchir après.
M. Côté (Charlesbourg): C'est clair. D'ailleurs, il
ne faut surtout pas que ce soit...
M. Payette: Bien sûr! Et ça aide. M.
Côté (Charlesbourg): ...statique.
M. Payette: II ne faut pas s'arrêter là, et ainsi de
suite. Écoutez, moi, je pense que, oui, on est allé plus loin.
D'abord, je voudrais rappeler un souvenir. En mars 1990, à la
dernière commission parlementaire, vous m'aviez demandé: Combien
vous nous donnez de temps pour inverser la pyramide? Je me souviens très
bien de vous avoir répondu: J'espère qu'en l'an 2000 ça va
être fait! C'est un processus progressif; on ne s'attend pas, nous
autres, à ce que, du jour au lendemain, le bouleversement soit fait et
ainsi de suite. Ce qui est important pour nous, c'est qu'il y ait un signal
clair. Il commence à y en avoir, des signaux. Pour la population, pour
les producteurs de services et pour les utilisateurs de services aussi, il faut
que le signal soit clair. Je pense, en tout cas, que, pour nous, il y a
possibilité, comme je disais, de stopper le développement et de
«prioriser» les budgets de développement vers la
prévention et vers les services de première ligne. J'aurais une
préférence pour cette solution plutôt que celle de tarifier
ou de taxer davantage les citoyens.
Notre propos, c'est qu'on pense qu'à l'intérieur de ia
masse des 12 000 000 000 $ il y a de petites marges de manoeuvre qui permettent
de faire ça. Je ne sais pas si d'autres... Marcel, peut-être,
aurait des commentaires plus techniques. (12 heures)
M. Sénéchal (Marcel): Oui. Je pense qu'il y a
plusieurs solutions, vous en soulevez plusieurs dans le document. De fait, je
pense qu'on est assez d'accord avec une proposition comme celle qu'a faite
l'ACAQ qui est de geler, à toutes fins pratiques, le recouvrement de la
santé, de profiter de la marge de manoeuvre qui est
générée par ce gel pour renforcer les services et,
notamment, les services de première ligne. Il y a ça, d'une
part.
Un autre moyen, c'est fa réallocation. On a fait la preuve, en
1984-1985, que de la réallocation, c'est faisable. Il y a des limites,
mais c'est faisable, d'une part. Il y a des limites qui sont de
différents ordres. Je prends seulement l'exemple de la région 12,
qui est la région Rive-Sud-Québec. On dit que le maintien
à domicile devrait se financer par des coupures de lits. On
s'aperçoit, quand on veut opérationaliser ça, quand on
veut faire ça concrètement, que ça devient difficile. Il y
a des contraintes de toutes sortes, des contraintes qui sont d'ordre
économique, parce que, si ton centre d'accueil est tout seul dans un
village et qu'il fait vivre le village économiquement, le fermer,
ça a des retombées, ça a un impact. Il y a des contraintes
qui sont d'ordre administratif, parce que ce n'est pas parce qu'on ferme 10
lits qu'on va fermer la cafétéria, etc. Donc, il y a des
contraintes de ce genre-là qui sont reliées à une
stratégie qui serait une stratégie de réallocation.
Et c'est pour ça qu'il faut penser que, cette
stratégie-là ayant des limites, il faudra profiter
d'un développement quelque part, donc d'une marge de manoeuvre
qu'on va libérer de deux façons, je dirais: le gel, j'en al
parlé, et l'autre façon, c'est les économies qui sont
reliées à des stratégies d'intervention de première
ligne. Et ça, il y en a de nombreux exemples en CLSC qui sont
générateurs d'économies, qu'on pense à
l'éducation, qu'on pense à l'enseignement, qu'on pense à
la surveillance des médicaments qu'on fait, par exemple, dans 16 domaine
du maintien à domicile, qu'on pense à l'aménagement du
domicile qui peut se faire par des ergothérapeu-tes et des intervenants,
toujours en maintien à domicile, qu'on pense à l'approche
communautaire, par exemple, c'est-à-dire à l'utilisation des
ressources du milieu - on en a donné un exemple, tout à l'heure;
Martine en donnait un exemple - à la collaboration et à la
contribution du milieu à la dispensation même de services de
santé, qu'on pense à la vaccination, qu'on pense au suivi des
enfants fait par des infirmières plutôt que par des
médecins. Il y a une série, une foule - et on pourrait en nommer
encore - de moyens, de stratégies d'intervention qui sont le propre du
CLSC, et c'est ça qu'il faut consolider, qui font qu'on
génère des économies importantes dans le
système.
M. Côté (Charlesbourg): Jusqu'où pensez-vous
que le niveau de tolérance... Parce que, au bout de la ligne, on a tous
le même but. Quand les médecins viennent, c'est aussi pour le
citoyen. Quand vous discutez, c'est pour le citoyen. Quand je discute, c'est
aussi pour le citoyen. À partir du moment où on gèle le
budget du recouvrement de la santé - soyons généreux
là - à IPC + 1 % de la croissance normale, qu'on le gèle
là, par rapport à ce qui est 4, 2 % aujourd'hui, il y a quand
même un écart de 3, 2 % qui signifie plus ou moins 400 000 000 $.
C'est de l'argent. Si on décide ça derhain matin et qu'on le fait
de cette manière-là, c'est donc beaucoup d'économies.
Ça aura pour conséquence, tantôt, inévitablement,
des fermetures de lits ou des listes d'attente qui peuvent peut-être
s'allonger, s'il y a une fermeture de lits. Jusqu'où les gens sont-ils
prêts à souffrir cette situation ou à endurer cette
situation pour accepter qu'on puisse virer le système et aller agir en
amont? Parce que tantôt on va avoir à gérer ça.
Il y a des décisions à prendre et c'est pour ça
qu'il faut être capables de se le dire publiquement aujourd'hui: Ce n'est
pas un virage qui est facile. Jusqu'où le niveau de tolérance va
pouvoir accepter ça? Surtout quand on considère qu'à
partir du moment où on met des mesures comme le dentaire et
l'optométrie, l'optométrie, c'est 50 000 000 $ et, pour le
dentaire, la mesure visait plus ou moins 30 000 000 $. En regardant la
réaction que ça provoque, J'aimerais ça savoir
jusqu'où on peut aller à ce niveau-là parce que ça
a des conséquences.
M. Payette: Le niveau de tolérance du citoyen,
là?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui, le citoyen, parce
que, évidemment, tantôt il va venir nous voir...
M. Payette: Oui, oui, que nous sommes tous.
M. Côté (Charlesbourg):... et dire: Votre
réforme, vous la faites pour nous autres, mais on a l'impression d'avoir
moins de services qu'on en avait.
M. Payette: Oui, oui, certainement. Moi, je pense, en tout cas,
qu'il faudrait distinguer des choses. Il y a, dans le moment - le livre blanc
le disait - à peu près la moitié des gens qui se
présentent à l'urgence pour des services de deuxième ligne
qui sont plus coûteux, alors que ça pourrait être ailleurs.
Je pense que le citoyen pourrait tolérer de changer son orientation dans
les services et qu'il pourrait en avoir autant pour son argent si on avait des
moyens pour faciliter cette orientation. Quand le citoyen peut avoir la
même chose ailleurs, moi, je pense qu'il est en mesure de tolérer
ça. Si ce sont des choses qui ne peuvent pas être là, moi,
je pense qu'il faut donner au citoyen la chance de pouvoir, progressivement, je
dirais, s'endurer ou accepter que ça ne soit peut-être pas tout ce
qu'il désire. Je pense aussi qu'il faudrait progressivement surtout
réviser ce qu'on a appelé le panier de services, pas juste
à la lumière du critère des services de base ou services
complémentaires, mais à la lumière de la pertinence.
Jean Francoeur, éditorialiste du Devoir, écrivait
un article au mois d'octobre dernier qui finissait en disant: «Et s'il
était vrai qu'un bon tiers des activités hospitalières
étaient inutiles... » Il n'affirme pas ça, mais il y a une
série de questions qui sont posées là-dessus, sur des
choses comme ça. Donc, moi, je pense qu'il faudrait à
l'intérieur de ça, des choses qui ne sont pas pertinentes...
À mon sens, le citoyen devrait être en mesure de tolérer
qu'il ne puisse pas avoir accès à des services qui ne sont pas
jugés pertinents. Je pense qu'il faut ménager le citoyen et je
suis d'accord avec vous qu'il faut tenir compte de ce niveau de
tolérance. Conrad, as-tu quelque chose?
M. Sauvé: Juste pour ajouter, il faut aussi donner au
citoyen l'accès aux services qu'il veut. Quand on parle du maintien
à domicile, entre autres, c'est ce que les citoyens veulent. On ne veut
pas être dans les institutions, le moins possible. Donc, II y a une
question de communication, là aussi, sur ce que les gens veulent.
M. Côté (Charlesbourg): Puisque vous parlez de
maintien à domicile, qui est l'une des bonnes marques de commerce des
CLSC où, effective-
ment, la performance est là et les gens en réclament
même davantage, c'est une mesure qui, dans la réforme, est
privilégiée comme étant jusqu'à un certain point un
substitut à l'institutionnalisation qui coûte beaucoup plus cher.
L'objectif de la réforme est de dire: On devrait, d'ici l'an 2000,
institutionnaliser 33 % moins de gens que l'on en institutionnalise
actuellement. C'est une commande assez appréciable, merci. Notre taux
d'institutionnalisation aujourd'hui est de plus ou moins 7 %; ce qu'on vise,
c'est 5 %.
Il est clair que par les SI MAD, par le support du maintien à
domicile, par des organismes communautaires, il se fait beaucoup de travail
pour maintenir les gens dans leur milieu et c'est souhaitable. Mais
jusqu'où peut-on aller? Évidemment, avant, on se le
répète, en centre d'accueil d'hébergement, les gens
arrivaient sur leurs pieds, ils entraient dans le centre d'accueil et il n'y
avait pas de problème. La plus belle preuve, c'est quand on en visite
aujourd'hui et qu'on s'aperçoit que les corridors étaient faits
pour des gens qui se rencontraient debout et non pas en chaise roulante. Et
ça, on en a un peu partout de ça. On fait appel à des
rénovations fonctionnelles extrêmement importantes pour s'adapter
à nos clientèles qui ont vieilli. La moyenne d'âge est de
82-83 ans, alors qu'avant, à 65 ans, il y en a qui attendaient à
la porte pour entrer.
Il y a donc des cas beaucoup plus lourds parce que, au bout de la ligne,
le maintien à domicile nous a permis de respirer, sur le plan de
l'institutionnalisation, pendant un certain nombre d'années. Mais la
cohorte qui est passée de 70 à 80 ans, quand elle arrive, elle
arrive beaucoup plus lourde. Donc, est-ce qu'il n'y a pas une limite aux
économies qu'on peut faire, sachant que, quand on se donne comme
objectif 33 % d'institutionnalisation de moins qu'aujourd'hui, c'est tout un
contrat qu'on se donne? Selon votre expérience, est-ce qu'on pourra
faire plus que ça? Vous allez voir où je veux en arriver. Dans
votre mémoire, vous nous dites: Au lieu d'investir dans 7000 lits
additionnels en longue durée, prenons cet argent-là pour agir sur
les déterminants et l'investir dans la première ligne. Il y a une
limite à notre capacité. Nous avions évalué, quant
à nous, qu'en le ramenant à 5 % ça nous prenait de toute
manière les 7000 lits additionnels dont on a fait état.
M. Payette: sur un plan plus technique, je vais demander à
marcel de répondre, mais j'aimerais dire que les autres provinces
canadiennes ont réussi les 5 % et que certains pays scandinaves ont
réussi les 3 %. donc, le plafond est assez haut et, moi, j'ai
l'impression, sans connaître toutes les technicalités... je vais
peut-être être bientôt un récipiendaire du maintien
à domicile, mais, sans connaître ça, j'ai l'impression que,
quand c'est bien organisé, on peut aller assez haut et même, dans
certains cas, il y a des soins palliatifs qui permettent aux gens de rester
chez eux jusqu'à la fin de leur vie, et ainsi de suite. Est-ce qu'il y a
des limites concrètes techniques? Peut-être que Marcel pourrait
donner des réponses là-dessus.
M. Sénéchal: je pense qu'actuellement on a des
informations, que vous connaissez sans doute, qui nous montrent que c'est
faisable à certaines conditions, mais c'est faisable. le programme de
services intensifs de maintien à domicile a été
évalué de façon rigoureuse par des instances externes; non
pas par les clsc, mais par d'autres secteurs, par le milieu universitaire.
d'abord, on constate que la clientèle qui est desservie par ce
programme, c'est une clientèle qui connaît des problèmes de
détérioration sévère. dans les évaluations
qui ont été faites, 50 % de la clientèle, ce sont des
personnes qui sont âgées de 76 ans et plus; 80 ans et plus, 38 %
de la clientèle desservie par les simad. donc, là aussi, on peut
parler de cas lourds pour ce qui est du programme de services intensifs de
maintien à domicile.
L'enjeu, c'est le nombre d'heures qu'on est capables de fournir. Mais,
déjà, dans le programme existant, ça varie entre 12 heures
et 22 heures par semaine qui sont données à ces personnes par le
biais de ce programme. Je pense qu'on a le savoir-faire pour être capable
de garder à domicile des gens qui veulent et qui sont capables d'y
rester. On a le savoir-faire maintenant. Il s'agit ici de dégager les
marges de manoeuvre pour renforcer ça et on pense qu'on peut le faire,
ça aussi, par les moyens et les stratégies qu'on vous donnait
tantôt.
Mais le programme de services intensifs de maintien à domicile,
je pense que c'est là qu'il faut investir, quand on sait que, pour
l'ensemble de la clientèle âgée, les gens qui ont le plus
de poids sur le système, qui accaparent le plus de services, ce sont les
gens les plus âgés. Ce sont vraiment ceux qui constituent la
clientèle du programme de services intensifs de maintien à
domicile. Donc, je pense que c'est là prioritairement, en maintien
à domicile, qu'il faut investir, dans les services intensifs de maintien
à domicile.
M. Côté (Charlesbourg): Mais on est tous conscients
qu'on s'est donné un défi absolument extraordinaire:
institutionnaliser 33 % de moins que nous le faisons maintenant. Et M. Payette
en rajoute là, quand il dit qu'en Suède c'est 3 % au lieu de 5 %.
C'est dire qu'on se rend à quoi? À 60 %
d'institutionnalisés de moins. Évidemment, c'est une commande
absolument phénoménale. Je pense que le savoir-faire est
là, c'est clair, mais il doit y avoir une limite, j'imagine, à
nos capacités en termes d'économie de coûts - parce qu'on
parle de ça aussi - de ce support au maintien à domicile.
On a eu un témoignage, la semaine der-
nière, d'une personne handicapée qui avait plus ou moins
40 heures par semaine et qui souhaitait en avoir davantage pour le maintien
à domicile. Donc, ç'a aussi des limites même sur notre
savoir-faire, sur notre capacité et les économies qu'on peut
faire, d'où une institutionnalisation qu'on ne peut pas éviter,
de toute manière, puis dans des ressources qui vont être plus
lourdes, qui vont commander davantage de longue durée que ce qu'on
appelle communément un centre d'accueil d'hébergement.
Je veux revenir à la réallocation, parce que M. le
président de Saint-Louis du Parc nous a illustré un exemple tout
à fait extraordinaire de la réalité-terrain:
l'hôpital à domicile. On dit: Priorité CLSC. Il y a quand
même des hôpitaux, dans une saine compétition du
passé, qui ont développé l'hôpital de jour en
alternative à autre chose et on ait aujourd'hui que ça
coûte un peu plus cher. Évidemment, tout le monde des
hôpitaux est conscient qu'il va devoir laisser aller ce morceau, la
mission mais pas nécessairement les budgets. C'est un cas précis
où on parle de réallocation.
De votre point de vue, est-ce que je dois comprendre que le leadership
devrait revenir au ministère d'imposer le transfert financier en termes
de réallocation à ce moment-là? Si ça vaut pour
ça, ça vaut pour d'autres exemples aussi, parce qu'on n'est pas
au bout de nos peines quant à la séparation des champs avec tout
ce qui s'en vient: CLSC, CSS, CPEJ, et ainsi de suite.
Le Président (M. Joly): M. Sénéchal. (12 h
15)
M. Sénéchal: ce que je disais tantôt, c'est
qu'il pouvait y avoir de bonnes raisons pour ne pas réallouer, mais il
peut y avoir aussi de mauvaises raisons pour ne pas réallouer. et
l'exemple qui a été donné, je pense, c'est un exemple de
mauvaises raisons. et, dans ce sens-là, effectivement, je pense qu'il
revient au ministère de prendre les décisions qui s'imposent. il
n'y a pas de raison pour que, pour un budget comme celui des hôpitaux
à domicile, à partir du moment où on en est arrivé
à conclure qu'il y a dédoublement avec les services de maintien
à domicile, qu'on ne rejoint pas les clientèles pour lesquelles
c'est fait, il n'y ait pas réallocation.
M. Côté (Charlesbourg): Juste un dernier... Le
Président (M. Joly): S'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Oui? Oui, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Je m'excuse, M. le ministre, mais
on est forcés.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux juste prendre un
autre exemple, M. le Président. On parle, dans ce cas-là, de
désinstitutionnaliser, des comportements qu'on a eus au cours du
passé et qui coûtent assez cher. Prenons un autre exemple: lits de
longue durée, psychiatrie. Il y en a 1366 à travers le
réseau qui coûte x millions de dollars. Selon votre choix, dans le
mémoire, on pourrait avoir plusieurs avantages à tout simplement
les éliminer pour faire place à des ressources alternatives moins
dispendieuses. Quand on prend notre expérience de
désinstitu-tionnalisation, évidemment, il y a des gens qui
croient encore que le gouvernement, lui, a sauvé bien de l'argent quand
il a fait ça et que c'était l'objectif premier, alors qu'on a
désinstitution-nalisé et qu'on est allés dans des voies
alternatives, disons, mieux adaptées - je pense que ça
m'apparaît très clair - dont l'objectif premier est le
bénéficiaire lui-même, mais qui ont nécessité
des ressources additionnelles à la désinstitutionnalisation pour
être capable d'assurer un suivi. Et encore, dit-on, ce n'est pas
totalement parfait et il reste encore des conséquences de cette
désinstitutionnalisation. Est-ce qu'il n'y a pas un peu aussi ce
risque-là lorsqu'on souhaite avoir une désinstitutionnalisation
qui est quand même massive par rapport à nos principes actuels au
niveau des personnes âgées, ou si on est pas mal à l'abri
compte tenu du savoir-faire qu'on a et des expériences qu'on
connaît actuellement?
M. Payette: O. K. Dans un premier temps, nous parlons plus de
non-institutionnalisation que de désinstitutionnalisation, ce qui est
une grande différence. Nous, ce qu'on voudrait, c'est faire en sorte que
la vie dans la communauté et les ressources auxquelles les personnes qui
ont des difficultés peuvent avoir accès puissent être
suffisantes pour qu'il n'y en ait pas, d'institutionnalisation. Notre
idée, ce n'est pas de dire: On va prendre les malades qui sont dans des
hôpitaux psychiatriques et, du jour au lendemain, on va
désinstitutionnaliser. C'est beaucoup plus en termes d'une
prévention. Il y a des expériences qui ont été
faites et il y a des exemples de ressources de première ligne en
santé mentale, qui, actuellement, ne sont pas très nombreuses;
à part les cabinets privés des psychologues, il n'y en a pas tant
que ça, des ressources de support en santé mentale pour des gens
qui rencontrent des difficultés. On pense que, s'il y en avait davantage
sur le plan des ressources de première ligne, on serait en mesure,
peut-être pas du jour au lendemain, de viser l'objectif d'éviter
d'augmenter le taux d'institutionnalisation. Peut-être que Carole a des
notions plus précises là-dessus parce que c'est un dossier
qu'elle connaît bien.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, madame.
Mme Lalonde (Carole): Dans l'estimation de la libération,
effectivement, il y avait une partie
qui était de la désinstitutionnalisation, mais il y a
aussi une partie qui vise la non-institutionnalisation. Cette estimation venait
de la généralisation du plan de Robert-Gtffard qui a
libéré un certain nombre de lits pour créer des ressources
alternatives dans fa communauté plus en lien également avec les
centres de crise et les équipes de crise des CLSC. Évidemment, il
est un peu tôt pour savoir à quelle échelle sont les
économies, mais elles semblent être dans la bonne voie.
Dans le plan de désengorgement des urgences à
Montréal, il y a sept CLSC qui ont été impliqués
avec l'hôpital Louis-H. LaFontaine pour justement pouvoir recevoir des
patients qui étaient hospitalisés au niveau psychiatrique.
L'évaluation qui a été faite par l'hôpital Douglas
à Montréal montre qu'effectivement les services de
première ligne pourraient représenter une option rentable par
rapport au fait de garder ces patients-là au niveau du centre
hospitalier.
Je pense qu'il y a quand même quelque chose au moins à
aller voir. Les expériences en santé mentale sont plus
récentes. SIMAD, c'est déjà un peu plus poussé.
Quand vous parliez de limites tantôt, l'évaluation qui est faite
par le CHUL, le Centre hospitalier de l'Université Laval, à
laquelle on fait référence, montre que, finalement, SIMAD produit
même plus de services et voit plus de gens que ce qui était
initialement prévu. Et, dans la Montérégie, à titre
d'exemple, on offre 22 heures par semaine de services à une
clientèle qui est suivie principalement pour des soins palliatifs.
Alors, les expériences sont assez minimes, mais je pense que le
potentiel qui est là semble vraiment assez important. Et, quand vous
parlez du tiers, moi, je suis assez optimiste. Je pense même que, si on
investissait dans une autre région - parce qu'à l'heure actuelle
seulement trois ou quatre régions en bénéficient -on
pourrait, même dès l'année prochaine, montrer qu'il y a des
économies qui sont à faire.
Le Président (M. Joly): Brièvement, s'il vous
plaît, madame.
Mme Lalonde: Et les limites sont vraiment immenses, parce que
l'expérience des autres provinces canadiennes, de certaines autres
provinces canadiennes et de certains pays comme la Norvège montre que,
quand on peut investir plus massivement dans la clientèle du maintien
à domicile, on peut vraiment freiner l'hospitalisation.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Merci, M. ie
ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue,
s'il vous plaît.
M. Trudel: merci, m. le président. je souhaite la
bienvenue, au nom de l'opposition officielle, aux représentants des
clsc: m. le président, m. payette, m. le directeur
général, mesdames, messieurs. Évidemment, c'est un moment
assez important de cette commission lorsqu'on s'entretient avec les gens qui
ont la mitraille sur la première ligne de feu. Je veux bien
reconnaître que vous ayez appelé le repentir des
Îles-de-la-Madeleine - je dirais le repentir de Marie-Madeleine -
vis-à-vis des CLSC. Je crois qu'il est sincère et je souhaite
qu'il soit durable. Je n'ai pas de doute là-dessus qu'il soit durable,
quant à ce repentir, il est un peu plus spectaculaire que des vieux
croyants, évidemment!
M. Côté (Charlesbourg): C'est du
développement durable.
M. Trudel: C'est du développement durable. Et,
là-dessus, il faut se réjouir de ce virage-là et vous vous
souviendrez, dans la même foulée, au moment de la loi 120, que
nous avons voulu faire inscrire cette profession de foi et ce repentir dans la
loi en inscrivant bien que les CLSC sont les établissements de
première ligne dans la redéfinition et l'éclaircissement
des missions au niveau de chacun des établissements.
Et votre proposition globale, M. Payette, évidemment, votre
pyramide continue à faire son chemin comme une charrue. Et, maintenant,
la situation, c'est effectivement comment on va faire virer ça, parce
que, sur papier, ça se décrit bien et c'est un transfert
interétablissements ou inter grands secteurs. Et vous disiez, il y a
quelques instants - et c'est le premier élément sur lequel
j'aimerais vous interroger - en réponse à une question du
ministre: Eh bien, ça va être au gouvernement, à
l'État de donner le coup de barre puis de faire en sorte qu'on
gèle quelque part le niveau du complexe médico-hospitalier, puis
on passerait à l'action du côté du virage
prévention, du côté du modèle première ligne,
comme vous l'appelez dans votre document.
Et ça, je pense qu'il n'y a personne qui sous-estime la
difficulté de faire cela, pour n'importe quel pouvoir public, tout
ministre, tout gouvernement confondu. Est-ce que, vous, vous pensez que, sur le
plan local et régional, on pourrait, à tout le moins, lancer
très rapidement - ça s'appelle pour la prochaine période
budgétaire - une des ouvertures du document du 18 décembre,
c'est-à-dire prendre une région donnée, s'entendre avec
cette région sur un budget global fermé et dire: Dans cette
région avec - je donne un chiffre pour faire image - 300 000 000 $, vous
allez organiser la première, la deuxième, la
spécialité, vous allez organiser l'ensemble des services?
Somme toute, est-ce que vous pensez que nous serions prêts et
est-ce que vous êtes prêt à dire ceci: Nous, sur le terrain,
donnez-nous à titre expérimental, par exemple pour un territoire
de MRC ou un territoire de CLSC dans la région de Montréal,
l'ensemble du budget et les espèces de transferts, les espèces de
virages qu'il faut prendre dans le système, on pense qu'entre
intervenants, sur le terrain local, on pourrait réussir à
faire une démonstration pratique avec les moyens entre les mains?
À ce moment-là, on pourrait au moins dire au ministère, au
gouvernement, à l'État: Voyez, ça se fait!
M. Payette: J'aurais tendance à dire, dans certains cas,
oui puis, dans d'autres cas, non. Tout dépend, je dirais, de la
capacité d'ouverture de l'ensemble de ces intervenants-là. Il ne
faut pas se le cacher, moi, je pense que le virage axé sur le citoyen,
il n'est pas encore fait, bon) Pour faire ça, ça suppose qu'il y
a déjà un début de producteurs. Au fond, vous me demandez:
Est-ce que des producteurs pourraient se mettre ensemble en disant: Bon, bien
on prend le budget global quitte à renoncer à certains acquis et
à travailler à l'intérieur de ça pour
établir, à l'intérieur d'une région ou d'une
localité, un ensemble de services? Moi, je dirais qu'il y a des endroits
où c'est possible. Il y a déjà des exemples de
collaboration, de complémentarité entre les différents
producteurs sur le plan local qui, je crois, nous permettraient de dire qu'il y
a des chances dans ces endroits-là. Si on voulait faire ça comme
un projet-pilote, il faudrait le faire dans des endroits où on a toutes
les chances du monde que ça puisse marcher et que ça puisse
servir de stimulant et de moteur. Mais, je crois que ça demande quand
même un certain nombre de conditions pour arriver à faire
ça.
Moi, j'ai l'impression, comme je le disais tout à l'heure, qu'il
faut quand même qu'il y ait un signal clair de la part du gouvernement
concernant le fait qu'on s'en va par là. Il faut qu'il y ait ce
signal-là. Je crois que tant qu'il n'y aura pas ce signal... Je ne dis
pas que ça doit être nécessairement une loi ou des
restrictions. Que ce soit par des mesures, je dirais, incitatives ou des
mesures correctives, il faut qu'il y ait ce signal-là, parce qu'il n'est
pas encore clair au niveau des producteurs de services.
M. Trudel: Est-ce que vous ne considérez pas...
Excusez.
M. Payette: Michel, là-dessus.
M. Bissonnette (Michel): Peut-être un
élément. Quand on parle de virage, on parle d'un virage
provincial, on parle d'un virage majeur, d'un changement de cap et ça
signifie du changement. Commencer par une région ou une autre
région, ça apparaît peu approprié compte tenu des
importantes sommes dans le fond qui sont souhaitées pour faire ce
virage. Mais il y a des éléments importants: par exemple, la
façon d'harmoniser entre établissements et services, la
façon de rendre plus efficients et plus productifs des services qu'on
donne. Il y a un certain nombre de contraintes qui peuvent être
imposées et qui peuvent favoriser ce changement Par exemple, quand on
parlait de gel du recouvrement, à partir du moment où le budget
est gelé, ça pédale vite pour rationaliser. Ça,
c'est très clair et il n'y a pas d'autres moyens. La seule façon
de s'en sortir, c'est de rationaliser et de le rendre plus efficient.
Ça, c'est une contrainte que je calculerais peut-être d'incitative
mais importante.
M. Trudel: Dans les signaux à donner, moi, j'imagine que
ça pourrait faire partie de l'arsenal en disant rapidement: Puisqu'on
achète grosso modo le modèle et le virage à prendre... Et
je le répète, ça ne peut être facile socialement,
pour ne pas dire politiquement, de te planter, ce virage, de faire en sorte
qu'il soit concret. Ce n'est pas exclusif. Ce que je vous demande comme
question, c'est: Est-ce qu'on pourrait, par ailleurs, dans ces signaux, dire
à une région: Oui, 300 000 000 $ et vous vous occupez de
l'ensemble des services dans des conditions à discuter, parce qu'il y a
toujours des éléments de base? Bon!
Je voudrais préciser un petit peu votre affirmation de
tantôt. Vous avez dit: Ce virage-là, indéniablement, il est
à prendre si on veut s'en sortir, et vous avez dit: II faut donner
à tous des objectifs à atteindre. Vous ne croyez pas, d'abord,
qu'à travers une expérience de type régional on pourrait
également donner des objectifs à atteindre - les objectifs,
ça marche dans tous les sens - en disant: On bloque, par exemple,
l'institutionnalisation à tel niveau ou ça doit se faire à
travers un tel pourcentage de niveau d'institutionnalisation? Ça se dit
comme objectif, ça se partage avec les intervenants, cela. Ça,
ça pourrait être un élément. (12 h 30)
Une deuxième question: Ce serait quoi, le moyen de
contrôle, au niveau national si on prenait la piste: On fixe des
objectifs à atteindre à tel secteur, à tel autre secteur
et à tel autre secteur? Quels seraient les moyens de contrôle que
nous aurions pour faire en sorte que les résultats soient atteints dans
ce virage?
M. Payette: D'abord, avoir des objectifs très clairs,
très opérationnels et qui pourraient être
évaluables. Je pense que le moyen de contrôle, ce serait
l'évaluation après un tel exercice qui le ferait. Est-ce qu'on
pourrait aller jusqu'à dire que, dans les objectifs à atteindre,
le virage pourrait devenir un objectif? Si, à ce moment-là, il y
a une région, disons l'Abitibi-Témiscamingue, par exemple,
où II y a, en tout cas, une volonté suffisante de faire
ça, moi, personnellement, je pense que ça vaudrait la peine de
responsabiliser les gens de la région. Moi, je suis sûr que, pour
faire ce virage-là, il y a un ensemble d'acteurs qui doivent en assumer
la responsabilité parce que, autrement, on n'arrivera à rien.
Alors, si on avait ça comme objectif, par exemple, avec un
certain nombre de critères, de faire le virage vers la
prévention, vers les services de première ligne et d'avoir la
possibilité d'interagir avec d'autres, moi, je pense qu'on pourrait
tenter l'expérience et l'évaluer de façon rigoureuse
à partir des objectifs qui auraient été fixés.
M. Trudel: M. Sauvé?
M. Sauvé: Oui. Il y a peut-être des signaux. On
parle de signaux à donner. Il y a des choses qui ne sont peut-être
pas des aussi grands virages, aussi, à court terme. On pourrait
compléter le cadre de partage à Montréal, qui n'est pas
encore complété. C'est des petits virages, ça.
Compléter les effectifs médicaux à Montréal aussi.
On parle du maintien à domicile; c'est le seul programme qui est partout
dans les CLSC. On en parle et on est heureux de l'avoir, mais on pourrait
peut-être compléter de petites affaires aussi avant.
M. Trudel: Dans cette optique-là.
M. Payette: Les petits virages entraînent de grands
virages.
M. Trudel: Je vais même aller plus loin pour avoir votre
opinion sur le fait que des intervenants, ici, ont poussé un petit peu
plus loin la piste qui est déjà présente dans le document
de décembre, des HMO, c'est-à-dire, grosso modo, une allocation
par personne pour maintenir en santé une population donnée.
Est-ce qu'un CLSC au Québec, à votre avis, serait
prêt à relever le défi d'une expérience d'OSIS, la
formule québécoise, puisque la loi 120, qui a été
adoptée, le permet? Le ministre a dit: II n'y en aura pas, au niveau de
l'établissement politique de la ligne où il se situe, sauf que la
loi le permet. Est-ce qu'il y a un CLSC dans le réseau au Québec
qui serait prêt à tenter une expérience de HMO ou d'OSIS au
Québec, toujours parce que nous devons aller vers la prévention,
la santé, le développement de la première ligne, mais
vraiment le développement de la première ligne, pas les
à-peu-près, et à la tenter, cette
expérience-là, de façon contrôlée, avec les
différents responsables aux niveaux national, régional et
local?
M. Payette: Dans les années 1987-1988, quand il en
était sérieusement... je ne dis pas sérieusement question,
mais, en tout cas, c'était sur la table. Il y avait des CLSC qui
s'étaient pratiquement portés candidats pour faire ça. De
notre côté - notre opinion comme Fédération - on est
plutôt hésitants à faire une telle expérience. Les
raisons qui nous amènent à penser ça sont assez nombreuses
et je laisserais à Mme Lalonde le soin de nous les apporter parce que
c'est un dossier qu'elle connaît bien. Carole.
Le Président (M. Joly): Mme Lalonde, s'il vous
plaît.
Mme Lalonde: On a profité d'un stagiaire chez nous qui a
fait une étude relativement complète; il venait de passer un an
à Boston et avait étudié ces modèles. On se
réfère souvent au modèle des HMO comme une formule assez
gagnante, mais il faut voir qu'il y a à peu près 25 sortes
différentes de HMO. Celles qui sont rapportées comme étant
les plus rentables sont, généralement, les plus grosses et celles
qui s'éloignent le plus des formules, disons, qui seraient applicables
ici. C'est une des difficultés, l'application du modèle, dans les
travaux qu'on avait avec le ministère, qui semblait relativement
complexe d'application à cause du régime d'assurance public. Il
faut comprendre que les HMO fonctionnent à partir d'un modèle
d'assurance privé où ce sont les producteurs, dans le fond, qui,
à toutes fins utiles, reçoivent les cotisations des personnes qui
contribuent pour avoir une gamme de services précis et ont tout
incitatif, évidemment, pour que ce soient des services légers
plutôt que des services qui requièrent des hospitalisations. C'est
généralement des médecins, même, qui sont les
gérants, disons, de la formule.
Nous, on n'est pas rébarbatifs - comme M. Payette vient de le
dire - à une telle formule, mais, dans le cadre des travaux qu'on a
menés avec le ministère, l'application, en contexte
québécois, semblait relativement difficile et on en venait un peu
à la conclusion de dire: Bien si, dans le fond, on consolidait les
services médicaux courants dans les CLSC qui ont l'approche justement de
favoriser la prévention, une médecine familiale qui prescrit en
général pour de moins grandes périodes la
médication, donc c'est déjà philosophiquement proche, en
termes de formule, de ce que les HMO apportent comme élément
rentable, on atteindrait les mêmes objectifs.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Lalonde. M. le
député.
M. Trudel: Philosophiquement, vous dites: Ce n'est pas
impossible. Et je quitte le terrain de l'expérimentation qui
m'apparaît être nécessaire dans le contexte actuel. Il faut
au moins qu'on aille vers des expériences-pilotes dans un certain nombre
de formules et de secteurs de réponse à la demande de services.
Sauf que vous soulevez là, oui, effectivement, une dimension essentielle
de ce projet: les médecins en CLSC. La profession de foi du ministre
dans les CLSC ne s'est pas transformée sur le terrain de la
négociation jusqu'à inclure les omnipraticiens comme
activité particulière, pour être reconnu dans l'entente,
à la pratique en CLSC. Alors, à cet égard-là,
comment on va faire pour en arriver à avoir cette équipe de
médecins en
CLSC? Parce que vous êtes en déficience. Je le dis un peu
à la blague: Les optométristes veulent rentrer deux par la porte
chez vous, les pharmaciens m'ont dit de vous passer le message qu'ils veulent
bien rentrer chez vous aussi. Tout le monde veut aller aux CLSC, il y a juste
les médecins qui ne veulent pas y aller. Comment va-t-on y arriver,
à cette condition essentielle du virage également?
Le Président (M. Joly): M. Sénéchal, s'il
vous plaît.
M. Sénéchal: Bien, je pense que je fais la
distinction entre les médecins comme individus et les médecins
comme regroupement. Et nous, ce qu'on pense, si on prend strictement le
problème du recrutement des médecins en CLSC, ce sur quoi on a
travaillé et la formule qu'on a développée pour les
attirer, c'est qu'il faut offrir aux médecins en CLSC un lieu d'exercice
qui est intéressant, qui est attrayant et qui est attirant. Et c'est ce
qu'on a déposé auprès du ministre - vous en avez copie -
un projet médical en CLSC. Ce projet médical exige qu'on ait en
CLSC une gamme complète de services, dont des services médicaux
courants, dont des services médicaux qui s'adressent à des
clientèles à risque, dont des services médicaux aussi qui
sont préventifs. Parce que, qu'on le veuille ou pas, nous, on pense que
la prévention, ça vaut aussi pour le médical et ça
se fait dans le cadre de services médicaux. Alors, il faut avoir ce
projet médical et c'est à cette condition-là qu'on va
être capable d'intéresser des médecins. Ce n'est pas vrai
que des médecins vont venir en CLSC seulement pour faire de la
prévention, par exemple. On va avoir beaucoup de difficultés. Ce
n'est pas vrai que des médecins vont venir en CLSC, en tout cas pour une
bonne partie d'entre eux, seulement, par exemple, pour faire des services
à domicile. Ce sont des généralistes qui sont
intéressés à une pratique générale, à
une pratique de médecine familiale et, si on n'a pas ces
instruments-là pour les attirer en CLSC, on ne les aura pas. Donc,
ça veut dire qu'il faut développer des services médicaux,
une médecine familiale en CLSC, des services médicaux courants,
dans tous les CLSC.
M. Trudel: Et vous pensez que, dans ce cadre...
M. Sénéchal: Et, en plus, c'est rentable.
M. Trudel: Tel que vous l'avez décrit tantôt,
ça peut se faire. Vous pensez qu'avec ce cadre d'activités
médicales en CLSC, ce projet médical en CLSC, ça va
créer les conditions, disons, suffisantes pour faire en sorte qu'on ait
vraiment tous les effectifs médicaux nécessaires pour
véritablement opérer la première ligne?
M. Sénéchal: Nous, en tout cas, on est prêts
à jouer le jeu de la compétition, de la concurrence et du
marché là-dedans. Le projet médical qu'on a
développé l'a été avec la collaboration de
médecins. Il y a dans des CLSC - et M. le ministre a eu l'occasion d'en
visiter - des équipes importantes de médecins, en milieu rural
comme en milieu urbain. Une partie de ces médecins ont contribué
à l'élaboration du projet qui était là. Il y a
même la Corporation des médecins, en passant, qui a
travaillé à l'élaboration de notre projet
médical.
M. Trudel: Ah! Le diable s'est mêlé de
ça.
M. Sénéchal: Et on avait autour de la table les
gens qu'il fallait pour nous dire c'est quoi qui pouvait les attirer en CLSC,
à partir d'une expérience vécue et de projets qu'on a
développés déjà au cours des années.
M. Payette: Juste un élément de réponse.
Le Président (M. Joly): Oui, M. Payette.
M. Payette: Dans le sondage dont je parlais tout à
l'heure, on a posé la question aux gens, de même qu'en 1984, en
1989 et en 1991: Si vous aviez un problème de santé mineur, si
quelqu'un de votre entourage, vous-même ou votre famille avait un
problème de santé mineur, à qui vous
référeriez-vous? Et on donnait un ensemble de réponses:
l'urgence de l'hôpital, le cabinet privé, la clinique, le CLSC ou
autre chose. La progression de la réponse de la population est assez
forte. Alors qu'en 1989 15 % des gens disaient: Moi, je me
référerais aux CLSC, en 1991, en décembre dernier, c'est
27 % de la population qui disait: C'est le CLSC. Évidemment, il y a eu
depuis ce temps-là l'annonce de la réforme, des messages qui ont
été clairs et ces choses-là. Moi, je me dis que ça,
c'est un élément qui va être important, le fait que la
population va demander de plus en plus d'avoir des services courants en CLSC
pour des problèmes et ça va, en tout cas, permettre de pouvoir
modifier actuellement les forces qui sont en jeu, le marché au fond.
Conrad a une petite chose a ajouter.
M. Sauvé: Oui, simplement...
Le Président (M. Joly): M. Sauvé.
M. Sauvé: ...sur la question des omniprati-ciens aussi. On
sait qu'à Montréal il y a trop d'omnipraticiens, mais il n'y en a
pas assez en CLSC. Il faut faire la distinction. Il faut nous donner les moyens
quand on...
M. Trudel: Je veux juste, à ce chapitre, avoir une
confirmation. Vous dites: Si on fait - toujours selon votre langage - le virage
première ligne et qu'il y a réallocation de
ressources, la grande question matérielle de dire, sept jours par
semaine, 24 heures sur 24, on pourrait y arriver dans un laps de temps
relativement court?
M. Payette: O.K. Nous, comme utilisateurs, représentants
des usagers, on a toujours trouvé que nos CLSC ne sont pas assez
ouverts. Ça, c'est clair. Dans les conseils d'administration, on tente
de plus en plus de «prioriser» le problème de
l'accessibilité et, à mesure qu'on a des budgets de
développement, de mettre ça sur l'accessibilité. Pour
répondre à votre question, il y a deux façons d'augmenter
l'accessibilité et c'est deux façons complémentaires. Je
pense qu'il y a une première façon qui peut être au niveau
de la réorganisation des horaires, en autant qu'on a la collaboration du
personnel pour quitter une culture de 9 heures à 17 heures et entrer
dans une culture, je dirais, de services de première ligne. Il y a
ça qui peut être fait. Il y a plusieurs CLSC qui, à
l'intérieur des sommes qu'ils ont, ont réussi à agrandir
leur horaire d'une façon significative. Ça, c'est une
façon de limiter.
Mais il y a aussi, je pense, nécessairement un ajout de
ressources et, à mesure que les ressources vont s'ajouter, moi, je pense
qu'on va augmenter. On peut dire que, dans les 10 dernières
années, la moyenne d'heures d'ouverture dans les CLSC augmente
constamment. Dans le moment, je pense qu'on est rendu à 65 heures par
semaine et nous pensons qu'il faut se rendre à 95 heures avec le support
d'un système d'Info-Santé qui fonctionnerait sur une base
régionale, ce qui ferait que n'importe quel citoyen, quand il appelle
son CLSC, 24 heures par jour, sept jours par semaine, aurait une réponse
- mais pas un répondeur - d'une personne qualifiée pour l'aider
dans sa démarche. On pense que ça peut se faire assez rapidement,
particulièrement avec le support de l'info-services...
l'Info-Santé.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Payette.
M. Trudel: Info-Santé. Il ne faut pas se laisser fourcher
la langue pour aller dévier sur l'impôt-services.
Info-Santé.
M. Payette: Excusez, excusez. Un lapsus.
M. Trudel: M. Sauvé - je termine là-dessus - avec
une assez grande lucidité, vous dites: Je n'oublie pas, par ailleurs,
que, dans tout le système, il y en a un qui ne fait pas sa job. Et vous
dites: Nous, M. le ministre, on est prêts à vous appuyer pour
aller chercher notre juste part des points d'impôt dont nous aurions
besoin, de là où est la caisse, sur 25 000 000 000 $, pour nous
permettre de réaliser ce virage-là.
Vous savez que, depuis le début de la commission, M.
Sauvé, un peu à la blague, nous avons dit: On va organiser un
autobus et on va tous descendre à Ottawa pour aller les rencontrer.
Mais, à cet égard-là, il y a trop de monde qui a
manifesté, jusqu'à maintenant, l'intention d'au moins avoir les
explications, au Québec, du comportement du gouvernement
fédéral eu égard à notre système de
santé. Tout le monde a remarqué bien précisément,
à «Scully rencontre», une affirmation qui n'est pas neuve,
mais qui est répétée par le ministre: Juste pour
1991-1992, il y a 1 200 000 000 $ qui ne sont pas arrivés dans les
coffres. C'est pourquoi, entre autres, on se tortille les tripes et on est en
train de faire l'exercice qui est devant nous.
Motion proposant d'inviter le ministre de la
Santé nationale et du Bien-être social
du
Canada, M. Benoît Bouchard, à venir
expliquer
la position du gouvernement fédéral
alors, m. sauvé, il faut que ce soit concret, ces
choses-là. aujourd'hui, on est à la dernière
journée de la commission, je veux déposer une motion devant cette
commission, m. le président...
Le Président (M. Joly): Vous me surprenez, M. le
député.
M. Trudel: ...pour que la commission des affaires sociales de
l'Assemblée nationale, dans le cadre de son mandat de consultations
particulières et d'audiences publiques sur le document intitulé
«Un financement équitable à la mesure de nos moyens»,
invite le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social du
Canada, M. Benoît Bouchard, à venir témoigner afin
d'expliquer la position du gouvernement fédéral quant au
financement de notre système de santé et de services sociaux au
Québec. J'en fais motion, M. le Président, et je la dépose
devant vous.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie, M. le
député. Tous les gens présents dans cette salle, à
la lecture de cette motion, ont compris que je devrai rendre une
décision, premièrement, sur la recevabilité. Alors, comme
le temps presse et que tout le monde est pris, comme vous le disiez, par les
tripes, partant de là, je prends acte de votre motion et je rendrai mon
jugement lorsque nous reviendrons pour siéger, juste avant d'entendre
l'Association des manufacturiers du Québec. À moins que vous ayez
des remarques de clôture, si on peut dire, je pense que c'est...
M. Trudel: Merci, M. le Président, de recevoir la motion
pour l'instant.
Le Président (M. Joly): Pour le moment.
M. Trudel: Je vais attendre votre jugement et je reviendrai pour
les remerciements.
M. Côté (Charlesbourg): Je remercie la
Fédération des CLSC pour sa présentation. On va se
dire qu'il nous reste encore pas mal de chemin à faire, tout en faisant
le maximum pour ne pas faire en sorte que notre pyramide ne soit qu'un
amoncellement de parties de pyramide qui tombent par terre, mais qu'elle
demeure toujours pyramide inversée, selon ce qu'on souhaite.
En terminant, quant à la réflexion de mon ami Trudel,
pendant le lunch, quant à sa motion, moi qui suis un Gaspésien
d'origine et qui ai toujours été habitué de travailler
avec la mer et avec les rivières, c'est toujours plus facile de les
faire descendre que de monter. Et on ne descend pas à Ottawa, on monte
à Ottawa. Quand on veut agir en amont sur les déterminants, il
est clair qu'il y a une certaine convergence des points de vue et, dans ce
sens-là, on va analyser de très près la proposition qui
invite. Je ne pense pas qu'il faudra se faire beaucoup d'illusions sur le
niveau de recevabilité de la part du fédéral d'une
invitation comme celle-là, mais je serais particulièrement
heureux de voir deux «churns», qui étaient bras dessus bras
dessous en 1980, ou presque...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): ...qui, initialement, sur le
plan électoral, avaient choisi la même voie, d'aller au
fédéral, les deux, se retrouver à une table provinciale.
Probablement que celui qui sera le plus à l'aise, si jamais il accepte,
c'est moi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Merci à la Fédération des CLSC.
Vous allez comprendre qu'il y en a qui comprennent plus vite que d'autres; vous
allez le dire aussi. En remerciant la Fédération des CLSC, c'est
une proposition audacieuse que vous avez faite, étayée,
réaliste et réalisable. Il y a une grande part de la
réalisation de cette piste qui repose sur la volonté de le faire
et sur le virage, mais aussi sur la concertation et la
complémentarité sur le terrain. À cet
égard-là, je crois que les CLSC ont suffisamment
d'expérience de terrain pour être capables de pousser dans la
direction pour faire en sorte que ça appuie également le
nécessaire virage au niveau de l'allocation des ressources et du type de
ressources employées pour répondre à la demande. Merci
beaucoup de votre présentation.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
Au nom des membres de cette commission, à mon tour, je remercie les
membres de la Fédération des CLSC du Québec de nous avoir
communiqué leur mémoire et de nous avoir permis
d'échanger.
La commission suspend ses travaux. Nous reprendrons à 13 h
30.
(Suspension de la séance à 12 h 50)
(Reprise à 14 h 6) le président (m. joly):
la commission reprend ses travaux. bienvenue, m. le hir, de l'association
des manufacturiers du québec, et monsieur...
M. Le Hir (Richard): Gaston Charland, qui est le directeur de nos
études sur ces questions.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie. Peut-être
que vous n'étiez pas ici au moment où nous avons suspendu nos
travaux. Il y a une motion qui a été présentée par
M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue pour laquelle
je m'étais engagé à rendre une décision.
M'inspirant de l'article 170 de nos règles de procédure et
regardant la jurisprudence de l'ancien président, M. Jean-Pierre
Charbonneau, cette motion comme telle est irrecevable. Par contre, compte tenu
des ententes qui existent au niveau de cette sous-commission et compte tenu du
fait que ce sont des ententes unanimes, je suis prêt à
considérer que la motion telle que déposée puisse avoir
libre cours.
M. Trudel: M. le Président, je n'ai pas à rallonger
de beaucoup le débat.
Le Président (M. Joly): Par contre, je dois enregistrer
aux galées officielles comme quoi c'est bien unanime, les membres de
cette commission, tant du parti ministériel que du parti de
l'Opposition.
M. Paradis (Matapédia): Vous nous dites que, sur
consentement unanime des membres de la commission, cette motion pourrait
être rece-vable.
Le Président (M. Joly): Non, je n'ai pas dit que la
proposition comme telle était recevable. Si on se fie à la
jurisprudence comme telle, elle n'est pas recevable.
M. Paradis (Matapédia): O.K.
Le Président (M. Joly): Mais, compte tenu de la
façon dont nos travaux ont été amorcés et compte
tenu aussi que, tout au cours de ces derniers, il y a eu ce qu'on appelle cette
bonne volonté entre les deux formations, je serais prêt à
considérer, telle que libellée, la motion de M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Paradis (Matapédia): Vous connaissez notre très
grande magnanimité.
Le Président (M. Joly): Je n'en ai jamais douté, M.
le député de Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Alors, notre consentement vous est
acquis, mon cher ami.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que j'ai compris, c'est
que, dans la mesure où on réussit à avoir le ministre
fédéral de la santé et des services sociaux, ce sera une
bonne pilule pour le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Je ne veux rien de mieux que son
bien-être.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Matapédia): Puis on va sauver l'autobus.
M. Trudel: Vous savez que tout ce qui nous préoccupe,
c'est... C'est pour vous éviter un voyage en autobus.
M. Paradis (Matapédia): On va sauver l'autobus.
Le Président (M. Joly): Vous comprendrez que cette motion
s'adressait aussi à la sous-commission et non pas à la
commission. Correct?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui, oui. M. Trudel:
À la sous-commission. Le Président (M. Joly):
Merci.
M. Côté (Charlesbourg): S'il accepte le
débat, on va avoir du «fun»...
M. Trudel: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...de discuter de
souveraineté, d'indépendance, de fédéralisme,
d'asymétrie, de symétrie, et tout ça.
Une voix: II y a tout un lexique.
M. Côté (Charlesbourg): On va vous regarder, on va
avoir du «fun».
M. Trudel: Ah bon! Puis on va sortir le dictionnaire.
Le Président (M. Joly): Mais il faudrait peut-être
mentionner à M. Bouchard pour combien de jours vous en avez besoin.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: ah! on peut lui apporter un calendrier avec ça
s'il le veut. merci beaucoup. je comprends que c'est adopté à
l'unanimité. merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Donc, la motion est adoptée
à l'unanimité. Merci.
Donc, bienvenue aux membres de l'Association des manufacturiers du
Québec. Vous nous excuserez du retard. Vous avez sûrement compris
que nous avons fini pas mal tard avant l'heure du dîner. Alors, vous avez
le temps voulu, normalement une vingtaine de minutes, pour nous
présenter votre mémoire et, par après, les membres de
cette commission échangeront avec vous.
Association des manufacturiers du
Québec
M. Le Hir: Merci, M. le Président. Un mot, tout d'abord,
pour remercier la commission d'avoir accepté d'entendre notre
témoignage sur l'opportunité de revoir le financement de nos
services de santé et de nos services sociaux. L'Association avait tout
d'abord pris la décision de ne pas présenter de mémoire.
En effet, les sujets sur lesquels nous sommes présentement
appelés à nous prononcer en ce moment sont très nombreux
et ils revêtent, pour la plupart, une urgence plus grande pour les
manufacturiers et ont une relation plus directe avec leurs activités. De
plus, l'Association ne prétend à aucune expertise
particulière en matière de services de santé et de
services sociaux.
Cependant, un examen des propositions que le gouvernement soumet
à l'attention de la population et certains arguments qu'il invoque au
soutien des orientations qu'il propose nous ont rapidement convaincus de la
nécessité pour nous de ne pas nous désintéresser de
la question dans la mesure où nous sommes appelés à
participer au financement de ces services et où il nous apparaît
maintenant que la machine est hors de contrôle.
Nous vous soumettons donc ce mémoire qui n'a pas la
prétention de constituer une critique exhaustive du document
déposé par le gouvernement. Notre critique est
délimitée, bien sûr, par notre vision de ce qui est en jeu
pour nos membres et leurs besoins, de même que, bien humblement, par
notre absence de familiarité avec les besoins spécifiques de la
population en la matière, notre ignorance de la façon dont
fonctionnent les réseaux de services de santé et de services
sociaux au Québec et, dans un tout autre ordre d'idées, le temps
que nous avons pu consacrer à sa préparation vu nos autres
engagements.
Cela dit, nous savons tout de même lire, compter et écrire
aussi bien que bien d'autres et nous sommes à même de vous livrer
nos impressions sur cette importante réflexion dont nous sommes tout
disposés à admettre en premier lieu qu'elle s'imposait.
En effet, s'il est une crainte que nous partageons aisément,
c'est bien celle de notre capacité collective à soutenir le
rythme de la croissance de nos dépenses en services sociaux et de
santé. De la même façon, sommes-nous
préoccupés de la lourdeur du fardeau que nous laisserons aux
générations futures et du poids qu'il pèsera dans leur
capacité à créer une richesse au moins aussi grande que
celle que nous avons connue et à développer, à leur
tour,
les services dont ils profiteront et qu'ils laisseront en
héritage à leurs successeurs.
Vu les limites que nous avons évoquées plus haut, votre
commission ne sera sans doute pas surprise de nous voir aborder le
problème par l'angle qui nous est le plus familier. Il s'agit, bien
sûr, de l'angle économique. Sur ce point, nous souhaitons,
d'entrée de jeu, vous faire part d'un sentiment de malaise que nous
avons ressenti dès les premières pages de la réflexion du
gouvernement et qui ne nous a jamais quittés jusqu'à la fin. En
effet, les dés nous semblent pipés dès le départ et
le gouvernement utilise tous les arguments disponibles pour nous amener
à la solution de son problème, celui du
déséquilibre des finances publiques et de la
nécessité devant laquelle il se trouve d'identifier les moyens
devant lui servir à colmater des brèches de plus en plus
béantes. Quoique ce problème soit bien réel et que nous ne
souhaitions en rien le minimiser, il nous semble qu'il soit l'accessoire d'un
autre, bien plus fondamental, qu'en revanche le gouvernement semble presque
disposé à escamoter, coincé qu'il est à très
court terme par le premier.
Le défi que la société québécoise
doit affronter aujourd'hui est celui du maintien de la couverture de
sécurité sociale dont elle s'est dotée, sans en avoir eu
les moyens, tout en récupérant la marge de manoeuvre qu'elle a
perdue en s'endettant pour offrir cette sécurité à sa
population. Vous en conviendrez, il s'agit d'une grosse commande.
Exagéré, nous direz-vous? Pas le moins du monde. Bien sûr,
si l'on regarde les tableaux que le gouvernement a prépares, la
situation, quoique inquiétante, n'a rien d'alarmante. En effet, le
niveau de nos dépenses correspond, au dire du gouvernement, à
notre richesse relative et au comportement moyen des provinces et des pays
industrialisés; ce niveau est relativement modéré en
contexte nord-américain, mais on note quand même qu'il est
supérieur à celui des autres pays industrialisés; la part
des dépenses de santé supportée par les fonds publics se
compare à celle des autres pays, mais on admet qu'elle est
supérieure à celle de l'Ontario et du Canada.
Pourtant, à y regarder de plus près, on peut brosser un
tout autre portrait. D'ailleurs, le gouvernement en est bien conscient car il
ne néglige pas d'aborder la dimension du niveau de notre dette publique
dans la partie qu'il consacre à l'ensemble de cette
problématique, tous services publics confondus. Mais la
vérité toute nue et toute crue ne peut s'apprécier au seul
regard de la progression de nos coûts face à la croissance de
notre PIB. La progression de notre PIB ne fait que mesurer notre
capacité à créer de la nouvelle richesse; elle ne mesure
pas l'efficacité et l'efficience que nous pouvons avoir dans la gestion
de la richesse ainsi créée. Pour obtenir cette mesure, il nous
faudrait déduire de la richesse créée le niveau de
l'endettement con- tracté dans l'utilisation de cette richesse. Et
là il ne devrait faire aucun doute dans l'esprit de qui que ce soit que
notre performance est nettement moins bonne: si l'on tenait compte de la part
d'endettement que nous avons contractée au chapitre de nos
dépenses de santé et des services sociaux, notre performance
serait très nettement inférieure au comportement moyen des
provinces et des pays industrialisés, dans le sens où nous avons
dépensé trop; ce niveau serait plus élevé
relativement au contexte américain et il serait de beaucoup
supérieur à celui des pays industrialisés; la part des
dépenses de santé et de la dette contractée à ce
chapitre pour être supportée par les fonds publics
dépasserait nettement celle des autres pays industrialisés et
serait de beaucoup supérieure à celle de l'Ontario et du
Canada.
En effet, le niveau de notre endettement public au Québec et au
Canada est très élevé. Certes, le fait que la situation de
l'Ontario soit présentement en train de se détériorer de
façon accélérée nous permet de dire que notre
situation relative s'améliore. Mais il s'agit d'une bien piètre
consolation. Autant il peut être stimulant de comparer sa situation
propre face à une situation qui s'améliore rapidement, autant il
peut être périlleux de faire la même chose en rapport avec
une situation qui se détériore rapidement. Cette réflexion
nous amène d'ailleurs à souligner combien, tant à la
hausse qu'à la baisse, toute référence à un autre
modèle peut être source d'erreurs tant il est vrai que les
situations ne sont jamais véritablement identiques. Le «toutes
choses étant égales d'ailleurs» est une vue de l'esprit
avec laquelle la réalité s'accommode généralement
assez mal. Les références à l'Ontario pouvaient avoir un
certain sens lorsqu'il s'agissait d'avoir une référence pour
l'amélioration des services. Se référer à l'Ontario
alors que le système craque de partout, autant, d'ailleurs, en Ontario
qu'au Québec, et peut-être même plus en Ontario que chez
nous si l'on se fie aux mesures draconiennes annoncées par le premier
ministre Rae, nous mène tout droit à la catastrophe
financière.
Dans ces conditions, la réponse à la question
suggérée par le gouvernement devient assez facile: par rapport
à leur richesse collective, les citoyens du Québec consacrent
davantage de ressources économiques aux services sociaux et de
santé qu'ils n'ont effectivement les moyens de le faire.
Le niveau de ces dépenses est également susceptible
d'augmenter plus rapidement qu'ailleurs en raison de la situation
particulière du Québec au plan des ressources disponibles, que ce
soit en ce qui concerne le nombre d'omni-praticiens per capita par rapport
à la moyenne canadienne ou le nombre de spécialistes per capita
par rapport autant à la moyenne ontarien-ne qu'à la moyenne
canadienne. Cette situation pourrait constituer un avantage au plan de
l'accessibilité aux services si l'on n'avait pas à
déplorer, au Québec, de criantes disparités d'une
région à l'autre et si ces disparités n'étaient pas
à l'origine de distorsions importantes dans l'offre et la demande de
services avec les conséquences que ces distorsions peuvent avoir sur les
coûts.
À ce chapitre, d'ailleurs, le rapport du gouvernement est
singulièrement muet. En bonne logique économique, il y a une
relation directe entre l'offre et la demande. Et il est bien connu que tout
développement de l'offre stimule la demande. Ce phénomène
est d'autant plus aigu dans une situation où il n'existe aucune
régulation de la demande par le prix qu'a à supporter le
consommateur. On peut argumenter que l'impôt joue ce rôle, mais la
relation entre l'augmentation des impôts et la consommation des services
est tellement éloignée et tellement peu proportionnée
à la consommation réelle qu'elle n'est pas véritablement
perceptible par ce consommateur de services.
Dans ces conditions, le fait que le nombre de médecins au
Québec augmente à un rythme trois fois plus rapide que la
population constitue une source de préoccupation majeure dans la mesure
où le système en place leur garantit un accès à une
source de revenus dont la limite n'est pas fixée par la taille du
marché mais bien plutôt par leur ingéniosité
à exploiter ce marché en occupant des créneaux
particuliers, que ce soit par le choix d'un champ de spécialisation ou
par le mode d'organisation retenu pour la dispensation de leurs services.
Par ailleurs, le bon jugement économique des médecins les
amène aussi à privilégier, pour s'installer, les lieux
où les concentrations de la population sont les plus importantes pour
maximiser le potentiel de leurs revenus. Cette situation se traduit par des
écarts d'accessibilité qui, si les détails en
étaient bien connus, permettraient de faire un bon diagnostic sur les
moyens à prendre pour limiter l'offre dans certains cas et l'augmenter
dans d'autres. Et il est bien évident que la position du gouvernement
entre ceux qui offrent les services et ceux qui les demandent pourrait devenir
particulièrement inconfortable, ce qui peut expliquer pourquoi on semble
avoir rapidement glissé sur la question de l'équité
interrégionale dans l'accès aux soins de santé. le
chapitre du rapport consacré à l'allocation des ressources a de
quoi faire dresser les cheveux sur la tête de tout gestionnaire du
secteur privé. les aveux qu'on y trouve sont consternants et
suffiraient, à eux seuls, à justifier le renvoi sur-le-champ du
directeur des services financiers dans une entreprise privée. pour en
apprécier la gravité, il faut faire un retour en arrière
au début du document. en effet, il y est dit que «l'objectif
fondamental de l'état, en tant que fiduciaire du bien commun, c'est de
contribuer à améliorer la condition de santé et de
bien-être des citoyens, et ce, par les moyens disponibles qu'il juge les
plus efficaces possible».
On constate donc que l'action de l'État sera guidée par
deux notions, celle de fiduciaire du bien commun, et, selon nous, cette notion
de fiduciaire du bien commun s'étend à la gestion des deniers
publics, et une deuxième notion qui est celle de
l'efficacité.
Or, le document du gouvernement fait état de l'utilisation de
méthodes de gestion pour le moins discutables. On cite ici le rapport:
«la dynamique ne s'applique pas à définir explicitement des
objectifs précis de santé et ne s'interroge pas suffisamment sur
l'efficacité»; «les avantages sanitaires et
socio-économiques des services de santé et des services sociaux
se trouvent ainsi ne pas être maximisés»; «en ce qui
concerne les services hospitaliers, d'année en année, les budgets
sont reconduits dans le cadre d'un processus de dotation budgétaire
globale sur la base d'indexations uniformisées valables pour tous les
établissements, sans même que l'on s'interroge sur leurs bases
historiques»; «la reconduction mécanique des budgets
d'établissements [...] ne permet pas de prendre en compte de
façon adéquate l'évolution des besoins desservis et des
volumes d'activité»; «les mécanismes n'encouragent
pas adéquatement les gestionnaires en fonction des efforts fournis et de
leurs succès à améliorer la performance de leurs
établissements. Ils ne constituent donc pas un incitatif à
produire les services avec efficience, c'est-à-dire au meilleur
coût unitaire possible».
Alors, comme on ne sait pas trop ce qu'on veut faire, on fait un peu
n'importe quoi, en utilisant à peu près tous les moyens sans trop
savoir si c'est très efficace et si l'on en a pour son argent.
Voilà ce qu'on nous dit une fois éliminé le jargon
technico-économico-bureaucrati-que. Et voilà comment on finit par
endormir les populations pour leur faire accepter l'inacceptable. Sur la base
de son objectif fondamental qui était le sien, l'État a
lamentablement failli, il avoue lui-même avoir été un
mauvais fiduciaire et son action n'a pas été efficace.
Et nulle part sa mauvaise performance n'est-elle plus visible que dans
les abus auxquels le système ouvre la porte toute grande. La
carte-soleil dont disposent les Québécois est, en fait, un
chèque en blanc que tous les Québécois peuvent à
tout moment tirer sur le trésor québécois. Lequel d'entre
nous, ayant eu à laisser un chèque en blanc, n'a pas pris un
minimum de précautions? Pourtant, l'État québécois,
lui, en prend très peu: laxisme dans l'émission des cartes qui
fait que des personnes n'y ayant pas droit en obtiennent, laxisme dans
l'utilisation des cartes qui fait que des personnes n'ayant pas droit aux
services obtiennent ces services aux frais des Québécois en se
servant de cartes fausses, «louées» ou volées, et,
enfin, laxisme dans l'administration du système qui n'applique
pas de règles strictes et dissuasives sur l'extension de la
couverture en dehors des frontières du Québec où le
contrôle sur les coûts devient presque impossible. La
vérité, c'est qu'en dehors du contribuable personne n'a
intérêt à ce que les abus soient réprimés. Et
il est, à notre avis, beaucoup trop facile pour le gouvernement de se
laver les mains en mettant ces abus sur le compte des coûts du
système, à mettre en perspective avec ses avantages
intrinsèques. Aucun assureur privé n'accepterait une
réponse comme celle-là, justement en raison de ses obligations de
fiduciaire. L'État fiduciaire a-t-il moins d'obligations? Nous pensons
que c'est plutôt le contraire.
Dans un autre ordre d'idées, le gouvernement fait grand cas du
désengagement progressif de son partenaire fédéral qui,
à l'origine, participait au financement des programmes. Ce
désengagement est évoqué au chapitre de la stagnation des
transferts fédéraux qui représentaient 28,9 % du revenu
budgétaire du Québec en 1983-1984 et n'en représenteront
plus que 18 % en 1993-1994.
À ce sujet, le gouvernement du Québec ne peut plus
continuer à espérer naïvement que l'état des finances
publiques fédérales va finir par s'améliorer bientôt
et que les choses vont revenir à la normale. La vérité est
que la situation des finances publiques fédérales est
désespérée. Le gouvernement fédéral n'arrive
pas à prendre le contrôle de son déficit comme il en avait
annoncé l'intention. Chaque année, année après
année, le déficit de fin d'année excède le
déficit annoncé et la situation est encore plus grave une fois
les chiffres révisés par le Vérificateur
général. La mauvaise conjoncture économique des deux
dernières années n'améliore pas la situation, bien au
contraire, et le gouvernement fédéral sera incapable de
rencontrer les objectifs de réduction de déficit qu'il
s'était fixés pour 1995. Le gouvernement du Québec serait
donc bien avisé de commencer tout de suite à réduire sa
dépendance à l'endroit des transferts fédéraux dont
il est d'ores et déjà certain qu'ils vont encore baisser
sensiblement avant de, peut-être, un jour lointain, remonter.
Si nous partageons l'analyse du gouvernement quant à la
nécessité d'un redressement, nous sommes en revanche plus
circonspects sur les moyens à privilégier. Selon nous,
l'évolution des dépenses globales doit tenir compte non seulement
de la croissance de son PIB, mais également de la part de celui-ci qui
doit être affectée au remboursement de la dette publique.
Avant d'envisager toute réduction de la couverture des services
ou toute augmentation de ses services de financement, le gouvernement doit
démontrer à la population québécoise que la gestion
des services de santé et des services sociaux est au-dessus de tout
reproche. Autrement, il se trouve à demander à la population de
verser une prime à l'inefficacité.
Le gouvernement doit cesser d'utiliser l'indice des prix à la
consommation comme cadre de référence pour l'augmentation des
budgets. Non seulement cette référence est inflationnaire, mais
elle constitue une source profonde d'inéquité envers le secteur
privé lorsque la croissance du PIB est inférieure à
l'inflation. De plus, elle accentue le déséquilibre des finances
publiques et contribue à la perception de l'existence d'un secteur
public complètement isolé des contrecoups de
l'économie.
Le gouvernement doit s'engager avec tous ses partenaires dans une
démarche de qualité totale pour réduire tous les
coûts reliés à la dispensation des services.
Le gouvernement doit introduire des mécanismes qui vont permettre
de régulariser l'offre et la demande.
Le gouvernement doit donner aux Québécois des moyens de
prendre connaissance de la valeur des services qu'ils obtiennent
individuellement et de leur coût pour l'ensemble de la
société.
Le gouvernement du Québec doit se préparer à
gérer un désengagement du fédéral encore plus
important du financement des services de santé et des services
sociaux.
Le gouvernement doit réaliser que l'augmentation de la part de
notre richesse collective affectée au financement de ces services
apporterait peut-être un soulagement temporaire à ses
problèmes de gestion des finances publiques, mais, en revanche, aurait
pour effet, à plus long terme, de miner davantage la
compétitivité de notre économie. En effet, le fait pour
les Québécois d'avoir à puiser dans une autre poche pour
pouvoir obtenir les mêmes services ne peut mener qu'à un
affaiblissement de notre capacité concurrentielle.
Le gouvernement doit ajuster dès cette année les budgets
qu'il consacrera aux services sociaux et de santé pour refléter
la réalité économique actuelle et les recommandations
contenues dans le présent mémoire. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Le Hir. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. D'abord, je veux vous remercier d'avoir révisé
votre position et d'avoir accepté de venir nous voir pour nous donner un
point de vue qui, je ne peux pas dire que ça me fait dresser les cheveux
sur la tête parce qu'il ne me reste pas beaucoup de cheveux, mais,
à tout le moins, est bien différent de ce qu'on a entendu
jusqu'à maintenant. Évidemment, l'objectif de cette commission
est de faire intervenir des gens qui pourraient avoir des points de vue
différents et qui pourraient nous dire un certain nombre de
vérités, même s'il y a certaines vérités qui
ne font pas toujours plaisir à entendre. Je pense que vous avez bien
réussi, parce que le ton du mémoire est assez chargé et
que ce dernier fait
appel à un certain nombre de faits que l'on ne peut pas nier.
Même le constat qu'on fait nous-mêmes... Dans votre mémoire,
je me retrouvais, parce qu'on pourrait prendre des parties que vous mettez dans
votre présentation, les prendre du mémoire, et c'est la
même chose, donc, en termes de constat-diagnostic. C'est ce qu'on a voulu
faire à partir de la loi de la réforme, du cadre fiscal aussi,
pour qu'on soit bien conséquents quant aux gestes que nous allions
poser, en ce sens qu'il faut qu'ils partent d'un diagnostic.
Sur le plan de l'efficience et de l'efficacité, c'est clair qu'on
a, à l'intérieur du document, au-delà du diagnostic,
proposé un certain nombre de mesures, y compris dans la réforme
et dans le document sur le financement, donc proposé des mesures qui
accompagnent. Je pense que ce serait irresponsable de faire un diagnostic
où on dit, et je tiens à le répéter parce que je ne
veux pas que ça dérape non plus, que, de manière macro,
les dépenses sont sous contrôle... Et il n'y a pas personne qui a
fait la démonstration que les dépenses n'étaient pas sous
contrôle de manière macro. Mais, lorsqu'on regardait dans des
tiroirs, à gauche, à droite, un peu partout, là il y avait
un certain nombre d'interrogations assez pointues qu'on a faites sur
l'efficience du système et sur le questionnement d'un certain nombre de
choses. Je partage votre constat à plusieurs égards, tout en
disant que ça s'accompagne, dans le document, d'un certain nombre de
mesures d'efficience et d'efficacité, d'abord, et, si ce n'est pas
suffisant, par la suite, il va falloir regarder qui paie. Ce que j'ai compris,
c'est que, des Québécoises et des Québécois qui se
sont présentés devant nous, il n'y a pas grand monde qui est venu
nous dire: Oui, vous pouvez en amputer. C'est clair que c'est toujours
difficile, bien, bien difficile. Dans ce sens-là, on a un système
de santé qui est reconnu mondialement comme étant un bon
système. Les coûts sont sous contrôle, je tiens à le
répéter, globalement. Il y a peut-être la
Colombie-Britannique qui fait mieux que nous. Vous avez évoqué
tantôt l'Ontario qui n'était plus un exemple à suivre,
c'est ce que j'ai compris, et un certain nombre de mesures ont
été prises à ce niveau-là.
Vous évoquez, à l'intérieur de cela, donc, des
mesures qui devraient, d'abord et avant tout, s'adresser à l'efficience
et à l'efficacité. Ce que ça sous-tend, à un moment
donné, c'est qu'il faut trouver le moyen d'avoir un certain nombre
d'incitatifs, et les gens nous ont dit ça aussi. On retrouve ça
dans le privé, à l'occasion, des incitatifs. Quels sont des
exemples d'incitatifs que vous avez dans le privé qui vous permettent
d'avoir des gestionnaires performants et qui pourraient être applicables
dans le réseau de la santé et des services sociaux? On est
déjà avec un budget fermé. On l'est déjà
à la RAMQ, y compris au niveau des établissements, et,
finalement, les surplus, ils les conservent. Donc, il y a déjà
une dynamique de budget fermé et aussi une certaine incitation. Mais
qu'est-ce qu'on peut faire de plus pour faire en sorte qu'on sorte de notre
système, qu'on en fasse sortir davantage qu'on en a maintenant, avoir au
moins le sentiment qu'on puisse en avoir pour notre argent?
Le Président (M. Joly): M. Le Hir.
M. Le Hir: D'abord, je ne voudrais pas laisser passer
l'impression qu'on estime que la situation est sous contrôle, même
au plan macro. Compte tenu de notre niveau d'endettement et de la part de cet
endettement qui est reliée aux services de santé et aux services
sociaux, on ne pense pas que la situation soit aussi supportable que vous
l'estimez. Pour répondre spécifiquement à votre question,
dans le secteur privé...
M. Côté (Charlesbourg): Ça va être
important de faire des distinctions. «Sous contrôle» et
«supportable», c'est différent, pour moi. Peut-être
que notre société ne peut pas supporter le niveau
d'investissement qu'on fait maintenant; ça ne veut pas dire que, de
manière macro, ce n'est pas sous contrôle. Il y a des choix
à faire, et c'est un peu ce pourquoi cette commission-là invite
les gens. Je pense que votre point de vue est différent. Ce que vous
nous dites, c'est qu'on en met déjà trop, qu'il faut en mettre
moins.
M. Le Hir: Oui, effectivement. Bon, je veux bien admettre la
distinction que vous faites entre «sous contrôle» et
«supportable».
M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha!
M. Le Hir: Pour répondre spécifiquement à la
question que vous posiez, dans le secteur privé, on fonctionne encore,
et peut-être est-ce par manque de subtilité, avec des
systèmes de carotte et de bâton. Il y a des primes de rendement
qui sont accordées aux gens qui réussissent la performance qu'on
demande d'eux et il y a des sanctions appliquées à ceux qui ne
réussissent pas la performance qu'on exige d'eux. Dans ce
sens-là, disons, si vous me parliez du cas des gestionnaires des
services de santé, ce serait sans doute un moyen à regarder. Mais
je vous dirai quand même que ces systèmes-là sont de plus
en plus remis en question par la pratique de la gestion de la qualité
totale qui fait appel à un comportement beaucoup plus responsable de la
part des gestionnaires et qui exige, sur le plan démarche
méthodologique, une discipline beaucoup plus grande. C'est pour cette
raison que, nous, on a inscrit comme recommandation la nécessité
pour le gouvernement de s'engager dans une démarche de qualité
totale, et ça suppose l'existence de certains partenariats et le
développement d'une éthique qu'on semble avoir perdue en cours de
route dans notre système.
M. Côté (Charlesbourg): lorsqu'on parle
d'éthique qu'on semble avoir perdue, est-ce qu'à ce moment-ci on
s'adresse au niveau gestionnaire?
M. Le Hir: À tous les niveaux.
M. Côté (Charlesbourg): Ça pourrait
être aussi l'entrepreneur libre. (14 h 30)
M. Le Hir: Absolument. On vise autant les gestionnaires que les
consommateurs de services, que les médecins, que les pharmaciens, que
tout le monde, quoi! C'est toutes les parties prenantes.
M. Côté (Charlesbourg): Selon vous, quel devrait
être le niveau, de manière très claire et très
précise, que devrait consacrer le gouvernement du Québec aux
services de santé et aux services sociaux?
M. Le Hir: C'est une question qui est toujours délicate
dans la mesure où on se dit: Face aux services de santé et aux
services sociaux, on ne peut pas se permettre de ne pas donner aux gens ce dont
ils ont besoin. Malheureusement, la réalité économique a
des exigences également et il faut regarder la progression de notre
richesse collective et de quelle façon elle progresse. Quand on voit,
par exemple, des budgets indexés automatiquement sur la base inflation +
3 %, vous comprendrez que, dans le secteur privé où, depuis des
années, on vit avec des progressions budgétaires qui sont
systématiquement en bas de l'inflation pour les entreprises qui
réussissent - je ne parierai pas de celles qui ne réussissent
pas, on voit où ça les mène - on est bien obligé de
constater qu'il y a une situation déplorable qui s'est
développée dans le secteur public par rapport à l'aisance
qu'on pouvait prendre avec des réalités économiques de
base, comme la progression du produit intérieur brut qui est la
véritable mesure de notre richesse.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que vous nous dites,
c'est davantage en fonction du produit intérieur brut que de toute autre
mesure.
M. Le Hir: Exactement.
M. Côté (Charlesbourg): Ça permettrait,
finalement, d'avoir une variante à la hausse ou à la baisse,
dépendamment de...
M. Le Hir: Pour vous donner un exemple, l'an dernier, la
croissance économique, c'est - 1,5 %, - 2 %, selon l'endroit où
on se trouve. Si vous avez l'inflation + 3 %, l'inflation était de 5,5
%, + 3 %, ça fait 8,5 %, plus les deux points d'écart, vous
êtes à 10,5 % par rapport à la situation réelle du
produit Intérieur brut. Ça commence à créer un trou
qui, d'année en année, avec les déficits, s'agrandit et
qui fait qu'à un moment donné on perd toute marge de
manoeuvre.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, je
comprends là. Vous êtes des gens de l'entreprise privée et
vous souhaitez davantage qu'il y ait une gestion plus serrée et plus
réaliste, selon nos capacités de payer, de notre système
de santé et de services sociaux. Évidemment, à partir du
moment où on se dit ça, et vous avez pris soin de dire
tantôt: Les gens ont quand même des services, à partir du
moment où on coupe à quelque part ou on en enlève,
ça va signifier sur le terrain, de manière concrète,
quelqu'un qui, tantôt, à l'hôpital, n'aura pas accès
à des services qui sont supposément médicalement requis
parce que c'est le médecin seul qui peut en décider. Ça
aurait ces conséquences-là. Juste couper, demain matin, 500 000
000 $ dans le budget de la santé et des services sociaux, en termes
pratiques, ça va signifier un certain nombre de lits de courte
durée qu'on ferme avec une série de services qui ne seraient pas
là. Est-ce qu'il y a un niveau de tolérance que les individus
citoyens peuvent endurer?
M. Le Hir: Nous, on ne souscrit pas à votre
prémisse à l'effet que ça aurait nécessairement le
résultat que vous dites. Je comprends que vous la faites dans la
perspective qui est la vôtre, d'un ministre chargé de gérer
un système, mais il n'est pas automatique que ces 500 000 000 $, on ne
puisse pas les récupérer autrement par l'efficacité du
système.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Mais c'est parce que
l'on en parle depuis 10 jours, avec des gens qui sont dans le système;
peut-être qu'ils...
M. Le Hir: Oui, mais...
M. Côté (Charlesbourg): ...n'ont plus suffisamment
de distance pour être capables de...
M. Le Hir: Ils ont les doigts dans l'assiette au beurre, comme on
dit communément, et ce n'est peut-être pas nécessairement
toujours à ces gens-là qu'il faut poser les questions en premier.
On n'a pas de régulation - vous le dites vous-même dans votre
mémoire - de l'offre et de la demande et, effectivement, le
système est un chèque en blanc. À tout le monde!
M. Côté (Charlesbourg): C'est-à-dire que je
pense qu'il y a au moins une partie qu'on a. Elle peut être mal
ajustée, mais l'offre, en bonne partie, elle a commencé à
être contrôlée au cours des dernières années
par la limitation du nombre de médecins. Peut-être qu'il y a trop
de médecins aujourd'hui, mais l'offre commence à
être globalement contrôlée au niveau des
médecins, donc des dispensateurs, du nombre de lits qui sont disponibles
aussi, et ainsi de suite. Donc, de ce côté-là, il y
a...
M. Le Hir: mais vous dites vous-même dans votre
mémoire que le nombre de médecins augmente trois fois plus
rapidement que le rythme de la population.
M. Côté (Charlesbourg): Ah bien oui! Mais ça,
c'est clair. On n'a rien caché. C'est pour ça que le
document...
M. Le Hir: Non, non. Alors, ne venez pas dire qu'il y a de la
régulation de l'offre.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non. Il y en a. Parce
qu'on a commencé à réduire le nombre de médecins
qui entrent en faculté. Ça prend 6 ans au minimum pour être
un omnipraticien, ça prend 10 ans pour être un spécialiste.
Donc, avant que ces effets-là se fassent sentir, c'est clair que
ça prend un certain temps. J'admets volontiers qu'on aurait dû
prendre ces mesures-là bien avant, mais elles sont prises, parce qu'il y
en a un certain nombre, de mesures, qui sont en force, dont les
résultats vont venir progressivement.
M. Le Hir: Mais, M. le ministre, moi, j'admets et, effectivement,
je vous concède volontiers qu'il y a eu des mesures de prises et tant
mieux. Il était temps. Mais je vous dirai quand même que, moi, je
suis inquiet parce qu'on va perpétuer encore pendant des années
une situation du fait que ces mesures-là tardent à produire des
fruits, une situation où il va y avoir un déséquilibre,
qui va aller en se creusant, entre notre croissance économique et le
coût des services que nous payons. Ce creux qui va continuer de se
développer va miner notre capacité concurrentielle et ça
va compromettre de façon très certaine le niveau des services que
nous souhaitons avoir. Alors, peut-être faudrait-il faire un effort qui
donnerait des résultats à beaucoup plus court terme compte tenu
des vérités économiques que les nouvelles tendances sont
en train de nous assommer.
M. Côté (Charlesbourg): Vous savez que, si on vous a
invités à cette commission-là, c'était
définitivement pour aborder la fiscalité et la
«concurrençante» de nos entreprises. Je pense qu'il faut
déboucher là-dessus et qu'au sortir de cette commission il y a un
certain nombre de décisions qu'on devra prendre et qui devront avoir des
effets à court terme, à moyen terme et à long terme. Donc,
ce n'est pas un exercice pour le plaisir de se taper l'exercice d'une
commission parlementaire où on va entendre des gens et on va avoir la
paix pendant 10 ans.
L'urgence de la situation, on l'a démontrée dans le
document. Il y a une impasse qui est majeure et il faut tenter de
créer... Même si vous dites: Les dés sont pipés
avant même que ça commence, moi, je ne suis pas sûr de
ça. Évidemment, on peut toujours avoir cette
perception-là. Mais je ne veux pas perdre de temps là-dessus. Des
gens jugeront l'arbre à son fruit, ultérieurement.
Parce qu'on a beaucoup entendu parler des gens qui sont venus nous dire:
II y a de l'iné-quité au Québec; les travailleurs ou la
classe moyenne paie beaucoup trop d'impôt et de taxes et il y en a
à quelque part qui ne paient pas assez d'impôt et de taxes et
devraient en payer davantage. Par exemple, les gens à hauts revenus
comme individus. Comme exemple, les compagnies - on entend ça assez
souvent - en particulier dans le domaine bancaire, qui ne paient pas
d'impôt. Il y a donc une volonté d'un débat sur la
fiscalité qui recentrerait un certain nombre de choses et qui ferait un
meilleur équilibre. Ça, c'est un élément de
fiscalité. Et, quand on parle de fiscalité, on parle aussi de
concurrençante par rapport à l'Ontario, par rapport aux
États-Unis, par rapport à tout ce qu'on a entendu de
mondialisation des marchés, et ainsi de suite. Est-ce que nos
entreprises au Québec - je suis sûr que vous allez me dire non,
mais vous allez être obligé de m'étayer ça un petit
peu plus que le non - sont capables d'en prendre davantage?
M. Le Hir: Écoutez, je vais être obligé de
vous dire non, mais je peux vous dire pourquoi, par exemple.
M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est le
diagnostic, non. Mais, après ça...
M. Le Hir: La raison est, finalement, assez simple et, nous, on
la répète sur tous les toits, c'est que nous ne sommes plus
concurrentiels. La façon dont ce message-là nous est
livré, c'est par les fermetures, les abandons d'activités des
entreprises, les licenciements, les faillites, et ça, c'est une mesure
de notre non-compétitivité. Vous allez me dire: II y a une crise
économique à l'heure actuelle, il y a une récession, et
une récession, ça a un impact purement conjoncturel. Mais, en
vérité, c'est qu'on est en train de vivre un réajustement
profond des économies mondiales et de la façon dont elles
interagissent les unes avec les autres. Quand on parle, par exemple,
d'ouverture des marchés, de libéralisation des échanges,
il devient impossible de penser que les mesures fiscales qu'on adopte ne se
refléteront pas dans la compétitivité des entreprises.
Or, sur ce plan-là, si on regarde notre
compétitivité par rapport à celle des pays
industrialisés, au Canada la situation se détériore
systématiquement depuis 1968. En 1980, le Canada se situait au niveau de
la moyenne des pays industrialisés qui sont membres du Groupe des
Sept et, en 1991, nous avions perdu 16 % ou 17 % par rapport à
cette compétitivité. On le voit de la façon suivante. La
part de la production manufacturière que nous consommons, qui est
d'origine canadienne, au Canada, n'a cessé de diminuer depuis 10 ans.
Elle est passée de 57 % à 42 % à peu près. Donc,
ça veut tout simplement dire, que ce soit pour le prix, que ce soit pour
la qualité ou que ce soit pour d'autres raisons, que notre production
n'est plus compétitive. Et il faut récupérer cette
compétitivité-là parce que c'est la création de
biens qui est le principal facteur de la richesse collective d'un pays. Comme
on était très dépendant des ressources naturelles et que,
dans une conjoncture mondiale où c'étaient les richesses
naturelles qui étaient le principal facteur de la richesse...
Aujourd'hui, la situation a changé. C'est notre capacité
d'ajouter de la valeur. Quand on parle de valeur ajoutée, la
compétitivité et les coûts de production, la structure des
coûts de production devient déterminante dans les coûts de
productivité. Quand on compare la structure de nos coûts de
production avec celle de nos concurrents industriels, il nous est impossible de
concurrencer, le fardeau est trop lourd. Ajoutez à ça le dollar
qui augmente, puis, bien, vous avez la situation qu'on vit.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends que vous donnez
une explication au non qui fait en sorte qu'on est dans une situation
où, effectivement, nos entreprises, de manière
générale, et en particulier la PME, je pense, ont un certain
nombre de difficultés à ce moment-ci, dont une des causes est le
fardeau fiscal. Il n'y a pas beaucoup d'espoir de ce
côté-là pour être capable de financer notre
système de santé et de services sociaux après avoir
passé par les mesures d'efficience et d'efficacité. De toute
façon, je pense qu'on aura l'occasion d'en parler ultérieurement,
parce qu'un débat sur la fiscalité est souhaité et je
pense qu'on devrait l'avoir, et la démonstration qui en sortira ne sera
peut-être pas nécessairement celle que les gens souhaitent, mais
tant qu'à en avoir un, c'est aussi bien que ce soit cartes sur table, et
je suis favorable là-dessus.
D'après vous - et je vais vous poser toute ma question, au
complet, pour ne pas que j'aie l'air d'un gars qui veut essayer de vous
piéger - est-ce qu'il y a une place plus grande pour le privé
dans la dispensation de nos services de santé et services sociaux au
Québec, surtout - c'est pour ça que je vais aller jusqu'au bout,
parce que j'aurais pu poser celle-là, attendre et vous poser mon autre
après, mais ça aurait eu l'air de quelqu'un qui veut attraper
quelqu'un -lorsqu'on regarde ce qui se passe aux États-Unis? Aux
États-Unis, ils investissent beaucoup plus d'argent que nous dans le
domaine de la santé, le privé est pas mal plus présent
qu'actuellement et Dieu sait qu'ils ont des indicateurs de santé
nettement inférieurs à ceux qu'on connaît. Je pense que -
en tout cas, c'est mon opinion - c'est le système le pire, qu'il faut
l'éviter - alors, il y a bien loin des propos de M. Bush aux
nôtres - et que, somme toute, lorsqu'on est en situation d'entreprises
privées dans le domaine de la santé et des services sociaux, on
est dans une situation où il y a des masses beaucoup plus importantes
sur le plan financier et que la solution n'est pas nécessairement
là. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Le Hir: Je ne vous cacherai pas qu'au départ on a un
biais en faveur du secteur privé, mais, quand il s'agit des services de
santé et des services sociaux, il faut voir la situation dans laquelle
on est rendu. Et, pour le meilleur et pour le pire, il s'est établi un
genre de contrat social entre les Québécois, les gouvernements et
tous les partenaires qui participent. Je pense que, de façon
générale, si ce n'était pas de la question des
coûts, tout le monde se trouverait assez satisfait du système.
Aujourd'hui, il faut régler le problème des coûts et la
crainte qu'on a nous, comme manufacturiers, c'est qu'on ouvre la porte, d'une
façon ou d'une autre, à des mesures, que ce soit par la
privatisation partielle ou par des augmentations de taxes, qui auraient pour
effet d'augmenter fa part effective de notre richesse qui est affectée
au financement des services de santé et des services sociaux. Donc, on
est très circonspects par rapport à toute démarche qui
irait dans le sens de la privatisation parce qu'on craindrait, à l'heure
actuelle, compte tenu du système qu'on vit, que ce soit un moyen
détourné de verser davantage, faire verser aux
Québécois davantage dans le financement de ces
services-là. D'un autre côté, s'il y avait moyen
d'établir une relation directe entre l'efficience et la privatisation,
l'efficacité et la privatisation, c'est clair qu'on le favoriserait. (14
h 45)
M. Côté (Charlesbourg): Je pense qu'il y a des
syndicats qui vont être heureux de vous entendre - ils vont dire qu'au
moins vous avez un point en commun avec eux autres - sur une privatisation avec
les dangers, parce que, effectivement, il n'est pas clair qu'en privatisant
notre régime il y ait toujours des économies ou une part de la
richesse collective moindre qui va aller à la santé.
M. Le Hir: Exactement.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ça. M. le
Président, merci.
Le Président (M. Joly): Ça me fait plaisir, M. le
ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, avec la même ouverture d'esprit.
M. Trudel: Ah! certainement, surtout que...
M. Côté (Charlesbourg):... Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Ha, ha, ha! En souhaitant la bienvenue à
l'Association des manufacturiers du Québec au nom de l'Opposition, vous
avez, je pense, avec vos affirmations d'ouverture et votre texte, à tout
le moins déjà raccourci un certain nombre de mes interventions,
parce que, quand on constate que le problème financier strict, il est
à 92 % - je l'avais chiffré au début - du gouvernement
fédéral, vous nous dites: Là-dessus, c'est
désespéré, il n'y a plus rien à faire, ils ont
perdu le contrôle de toutes leurs patentes. Et vous comprenez qu'à
l'intérieur du projet que nous supportons, je dirai que la conclusion
que je tire, c'est: Quant à nous, il est donc urgent de ne rien faire,
ça coule et il n'y a rien à espérer de ce
côté-là, puisqu'ils sont littéralement en situation
de faillite. Et j'ai eu l'occasion, hier soir, de faire référence
au diagnostic de l'Association des manufacturiers quant à (a gestion du
gouvernement fédéral au cours des 20 dernières
années, et non pas du gouvernement actuel, mais du gouvernement
fédéral, où vous l'avez qualifiée, encore
là, de faillite quasi totale et de drame national. On n'a pas à
revenir là-dessus. Voilà pourquoi nous sommes un peu
condamnés, faut-il le dire, à regarder, c'est le moins que l'on
puisse dire, toutes les mesures d'efficience et d'efficacité que l'on
pourrait retrouver dans notre système si tant est que l'on veut en
sauver les caractéristiques principales et ce qu'il offre comme
réponse actuellement dans le domaine des services, très
immédiatement et sans aller au-delà, sans en ajouter pour sauver
l'essentiel.
Ceci étant dégagé du côté du
fédéral où c'est désespéré,
j'aimerais donc poursuivre un petit peu dans la même ligne que le
ministre, que les dernières questions du ministre. Le Montréal
Board of Trade, hier soir, allait encore, je pense, plus loin au niveau de
l'analyse en disant que notre système de santé et de services
sociaux, avec ses caractéristiques, est un avantage concurrentiel pour
les entreprises au niveau de l'Amérique du Nord dans le sens où
nos coûts sont relativement bien contrôlés, que la partie du
PIB qu'on y consacre est, par rapport aux pays industrialisés - le
document nous indique ça -somme toute, dans la même
«bracket», dans le même niveau, et qu'en autant que nous
poursuivions dans la même ligne de pensée, c'est-à-dire ne
pas aller au-delà de l'enrichissement collectif, du PIB, eh bien,
ça devient un avantage comparatif par rapport à d'autres
sociétés, compte tenu du fait qu'aux États-Unis, par
exemple, qui est une des principales sociétés auxquelles on fait
référence lorsqu'on parle de coûts, il en coûte
beaucoup plus cher au niveau des dépenses totales de santé. Je ne
parie pas des dépenses publiques, mais des dépenses totales de
santé. Ça aussi, vous l'avez vu dans le document, c'est autour de
12 % du PIB, les dépenses totales de santé. Est-ce que vous
êtes prêts aussi, est-ce que c'est votre constat de dire que, dans
les limites actuelles, pour le monde des manufacturiers, notre système
est, à bien des égards, un avantage dans la
«concurren-tialtté» des marchés
nord-américains et ce qu'on vit comme façon d'organiser la
production?
M. Le Hir: Écoutez, on ne peut pas dire que... Si le
financement ou, en tout cas, la part de notre richesse qu'on affecte au
financement de nos services de santé suivait la progression de notre
produit intérieur brut, je serais effectivement d'accord pour dire avec
vous que ça constitue un avantage concurrentiel, d'autant plus que j'ai
eu l'occasion, lundi, de visiter un groupe d'industriels de la
Nouvelle-Angleterre, au New Hampshire, et il est bien évident qu'ils ont
des problèmes de compétitivité importants, eux aussi. Il
ne faut pas se le cacher, ils sont même, à certains égards,
dans certains domaines - on pariait ici des industries de la forêt - dans
une situation pire que la nôtre. Malgré ça, nous, on a
réussi, avec un modèle qui nous est bien particulier, à
tirer notre épingle du jeu avantageusement. Le problème, c'est
qu'il y a, à l'heure actuelle, des excès, et ce sont ces
excès-là qu'il faut corriger. Et il ne faudrait surtout pas
penser qu'on souhaite, nous, qu'on jette le bébé avec l'eau du
bain, ce n'est pas le cas.
M. Trudel: Voulez-vous préciser le type d'excès
dans lequel...
M. Le Hir: À partir du moment où on se met à
affecter davantage au financement des services de santé et des services
sociaux, davantage que ne nous permet le rythme de notre création de
richesse, à ce moment-là, sur le plan économique, il y a
excès.
M. Trudel: Mais vous êtes prêts à constater
comme nous que, cependant, au niveau du pourcentage de la richesse collective,
du PIB, à cet égard-là, oui, les Américains vivent
des problèmes assez immenses. M. Poulin, un actuaire travaillant dans la
région de Washington, est venu, hier, avec la FTQ nous décrire
les maux de tête incroyables des entreprises manufacturières
américaines qui sont aux prises actuellement avec la négociation
de conditions «built-in» dans les conventions collectives,
d'avantages sociaux en ce qui regarde les services de santé, ce qui
n'est pas rare. Lui, il s'est présenté, il disait qu'il
était comme une espèce de «broker» de
négociations de ces conditions-là. De voir des conventions qui
garantissent jusqu'à 400 $ par mois par travailleur pour les services de
santé de ces travailleurs qui interviennent dans l'entreprise, on est
assez loin du compte en ce qui regarde le Canada et le Québec.
M. Le Hir: Écoutez, là-dessus, on est d'accord avec
vous. C'est le point que je viens de faire. Encore une fois, le problème
est simplement le suivant, c'est qu'il ne faut pas que nos dépenses
dépassent le rythme de notre accroissement de richesse.
M. Trudel: Alors, je conclus là-dessus en disant: Oui,
effectivement, comme disait le ministre tantôt, la version de Bush,
l'affreuse gangrène socialiste que constitue notre régime de
santé et de services sociaux, il faut moduler ça. C'est ce que
Bush disait à propos de notre régime, la semaine dernière.
Et c'est à se demander si ce n'est pas de son côté qu'il y
a un certain retard qui est en train de se prendre au niveau des services de
santé quand on pense qu'il y en a 45 000 000 qui passent dans le filet
et qui n'ont pas de services là-dessus. vous dites: ii n'y a pas, dans
la mécanique actuelle, de mécanismes de régulation.
qu'est-ce qui serait à mettre en place pour faire apparaître cette
régulation-là? vous ayez touché, je comprends, la question
du nombre de producteurs de services, mais, par rapport à offre-demande,
qu'est-ce qui pourrait, comme mécanisme, l'introduire, cette
régulation?
M. Le Hir: Bien, la définition d'objectifs précis
pour les services de santé et les établissements serait
certainement un moyen de réglementer l'offre. Également, une plus
grande transparence des besoins sur le plan régional qui permettrait de
voir qu'il y a des régions qui sont surdesservies, d'autres qui sont
sous-desservies, et qui permettrait également de voir qu'il y a des
spécialités qui se développent qui entraînent des
coûts sur les services qui sont peut-être plus grands qu'est grande
notre capacité de les supporter.
M. Trudel: Quant aux disparités régionales, 100 %,
je sais ce que c'est, je suis dans la partie de la disparité, moi, je ne
suis pas dans la partie des surplus. Alors, vous avez absolument raison
là-dessus. Mais, en matière de transparence, est-ce que
l'idée avancée par le document, par l'État, de la
création d'une case distincte, d'un impôt-santé, vous
apparaît comme une mesure heureuse eu égard à la
transparence? Je n'ai pas parlé de financement, pour l'Instant.
L'État l'a présentée comme une mesure de transparence
uniquement, pour identifier auprès du citoyen-payeur, de l'entreprise
qui paie la relation coût-service dans notre système. Est-ce que
ça vous apparaît une bonne idée, oui ou non, et
pourquoi?
M. Le Hir: Je pense qu'il y a d'autres moyens que
celui-là. On pourrait faire parvenir chaque année un bilan avec
l'impôt sur le revenu ou une autre façon qui permettrait à
chaque citoyen de voir exactement ce qu'il a coûté à
l'État et ce qu'il a reçu de l'État sous forme de
services. Autrefois, c'était une pratique qui existait; on recevait,
après quelques mois, un rapport. Qu'on le fasse sur une base
systématique, c'est peut-être coûteux et, là-dessus,
on l'admet, mais, sur une base annuelle, c'est peut-être envisageable.
C'est des moyens comme ceux-là qui permettraient de savoir exactement ce
que les gens paient comme services. Mais, quant à faire du
«earmarking», nous, on est plus réservés sur
l'efficacité de ça.
M. Trudel: II y a un autre point sur lequel vous vous entendez
avec les syndicats. Ils ont dit: Ça, c'est un gadget. C'est un gadget,
et vous suggérez un moyen, cependant, où vous dites: II faudrait
faire parvenir, en quelque sorte, la facture annuelle, il faut donner
crédit à certaines dispositions de la loi 120. Je ne donne pas le
crédit sur tout, mais c'est prévu maintenant de la part de
l'État, le ministre le relèvera certainement, c'est maintenant
autorisé à se faire et ça devrait se faire, j'imagine,
puisqu'on l'a adopté comme mesure législative.
Au niveau de la gestion, M. Le Hir, le ton de votre présentation
sur le technico-économico-bureaucratique, je pense bien, traduit une
pensée, une vision générale du monde des affaires quant
à la gestion de nos systèmes de santé et de services
sociaux. Remarquez que je ne vous en fais pas grief parce que peut-être
n'étiez-vous pas là. Je vais vous répéter comment
on peut en arriver peut-être à faire servir 1 $ qui vient du
gouvernement fédéral. Quand il y a 1 $ du gouvernement
fédéral qui pourrait servir à la santé, pour qu'il
arrive à l'usager, il fait le cheminement suivant. Il va d'abord au
ministère du Revenu national fédéral, il va au
ministère des Finances fédéral, il va au Conseil du
trésor fédéral, ce dollar se transporte à la
Chambre des communes d'Ottawa, il va au ministère de la Santé
nationale et du Bien-être social du Canada, il va ensuite au
ministère des Finances du Québec, il va ensuite, bien sûr,
au Conseil du trésor du Québec, il se rend ensuite à
l'Assemblée nationale pour être réparti, il va au
ministère de la Santé et des Services sociaux, il va se rendre
dans les régies régionales, il va passer par l'administration
d'un établissement et, s'il en reste, il touchera un usager.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Meu, meu!
M. Trudel: Vous avez raison... Meu, meu!
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez oublié le
Sénat.
M. Trudel: C'est ça. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez oublié le
Sénat.
M. Trudel: Ah! le Sénat, on ne touche pas à
ça. C'est s! on peut. C'est juste si on peut. Ça traduit un
état d'esprit de votre groupement. Est-ce que vous avez vraiment
l'impression - je vais le dire comme je le pense - que nos organisations de
santé et de services sociaux, nos établissements ne sont pas
gérés le diable ou sont gérés d'une façon
déficiente par nos gestionnaires dans le système public?
M. Le Hir: Écoutez, là-dessus, on ne peut pas faire
autre chose, pour nous qui ne sommes pas près de cette
réalité-là, que de s'en remettre au constat du
mémoire. Et je dois vous dire que, s'il fallait qu'un directeur
financier aille faire rapport à son patron qu'il a administré des
fonds de cette façon-là, je ne donnerais pas cher de sa peau.
M. Trudel: Mais, là, vous soulevez la...
M. Côté (Charlesbourg): La différence avec le
système public - je m'excuse, c'est juste parce que...
M. Trudel: Oui, allez-y.
M. Côté (Charlesbourg): C'est qu'ils font
faillite.
M. Le Hir: Exactement.
M. Côté (Charlesbourg): II faut quand même se
dire qu'il y en a un paquet qui ont fait faillite aussi.
M. Le Hir: Effectivement. Mais il y a une sanction dans le
système.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends, mais c'est
parce que...
M. Le Hir: Dans le vôtre, il n'y en a pas, ça
s'accumule sous forme de déficits.
M. Côté (Charlesbourg): C'est parce qu'il y a des
mesures aussi de mises en place sur le plan de la régulation.
M. Trudel: Oui. Je comprends qu'il y ait cette forme de
régulation dans le système, dans le privé. Mais, au niveau
du public, ce que vous touchez, donc, c'est l'imputabilité?
M. Le Hir: L'imputabilité, et c'est un aspect, mais ce
n'est pas le seul.
M. Trudel: Le document le fait assez bien ressortir aussi, M. Le
Hir. Grosso modo, moi, je dis: Le jugement est peut-être un peu
sévère. Je veux dire, on ne peut pas changer la perception, il va
falloir travailler là-dessus très certainement. Mais, dans la
mesure où on affirme que notre système à 12 000 000 000 $
est relativement et assez bien contrôlé en termes
d'évolution des coûts... Le paramètre, ça, il faut
en discuter sous un autre pan.
M. Le Hir: Comment pouvez-vous dire une chose pareille quand on
voit, par exemple, les usages auxquels peuvent servir... enfin, le trafic qui
entoure simplement l'utilisation de la carte? Je ne comprends pas.
M. Côté (Charlesbourg): C'était vrai. M. Le
Hir: C'est encore vrai.
M. Trudel: Remarquez que je pensais plus à la gestion des
établissements en soi...
M. Le Hir: Oui.
M. Trudel: ...de nos gestionnaires. On l'a soulevé nous
autres mêmes. On l'a soulevé nous autres mêmes,
effectivement. Vous dites: Bon, moi, j'hésiterais aujourd'hui... Vous
voulez dire: J'hésiterais à donner ma carte de crédit
à quelqu'un en disant à ce quelqu'un: Veux-tu t'en servir
à bon escient, s'il vous plaît? en me disant: Ça va
marcher, c'est numéro un. En 1992, peut-être qu'on devrait se
poser plus de questions là-dessus. Mais, sur l'offre de services via les
établissements, ce que vous dites, en tout cas, c'est: Avant que l'on
aille taxer davantage quiconque, l'État doit faire la
démonstration de son efficacité la plus complète. (15
heures)
M. Le Hir: Exactement.
M. Trudel: Comment il va devoir faire ça? C'est une
commande.
M. Le Hir: Écoutez, si l'État n'avait pas
lui-même fait le constat à l'effet que, sur le plan de
l'efficacité et de l'efficience, il y a des problèmes, on ne
serait pas ici à en discuter. Alors, l'aveu qui a été fait
nous amène à demander au gouvernement maintenant de faire la
preuve que, sur le plan de l'efficacité administrative et de
l'efficience, tous les moyens sont pris pour garantir que les services sont
dispensés avec la meilleure qualité possible, aux meilleurs
coûts. Et, à l'heure actuelle, cette preuve demeure à
administrer.
M. Trudel: II y a là, très certainement, oui, un
lien à créer, ne serait-ce qu'à partir de l'illustration
que vous en donnez du jargon où, d'évidence, il y a une distance
qui sépare le citoyen-payeur manufacturier, industriel, commercial et ce
monde de la prestation des services en matière de santé et des
services sociaux. C'est
clair qu'il y a un monde entre les deux et que la démonstration
de l'efficience et de l'efficacité du système reste à
faire jusque dans ses moindres détails là-dessus.
Quant à moi, M. Le Hir, j'aurais peut-être une
dernière question. Est-ce que vous pensez - je ne veux pas que vous vous
sentiez piégé ou que je veuille vous improviser
spécialiste - qu'à l'égard des services que nous assurons
actuellement au Québec, en matière de santé et des
services sociaux, l'aperçu global, on doit réviser et couper dans
la couverture de services que nous avons actuellement? Avez-vous regardé
ça?
M. Le Hir: Sur les services eux-mêmes, on a dit dès
le départ qu'on ne se considérait pas comme des
spécialistes. Je vous dirai tout de même qu'on a une perspective
du fait qu'on paie pour ces services-là, qu'on participe à leur
financement. C'est qu'avant d'enlever les choses il faut faire la preuve que
c'est vraiment nécessaire de les enlever. On a établi,
malgré tout, autour de ce service-là, un certain consensus social
et, quant à nous, on est satisfait qu'à l'heure actuelle il
existe un climat, une paix sociale au Québec, qui constitue un actif
pour le Québec. On serait très malheureux de voir cette paix
sociale remise en cause par l'ouverture de fronts sur la couverture des
services qui nous amènerait à des abus comme justement ceux qui
vous ont été signalés, ceux de votre spécialiste de
Washington qui est venu hier.
M. Trudel: Avec cette affirmation, j'ai presque envie de ne pas
vous poser d'autres questions parce que c'est une question de consensus social.
Là-dessus, oui, il existe assez nettement une ligne qu'on s'est
donnée comme société et vous dites - j'aime bien la
façon dont vous l'abordez - qu'avant de couper il va falloir s'assurer
du consensus social aussi et de la pertinence de.
Je pense qu'on pourrait aussi aller, pour ma part... On pourrait aussi
faire le même raisonnement pour en enlever, c'est-à-dire pas
couper des services en soi, mais, dans le médicalement requis pour
assurer le bien-être d'une personne, on pourrait, tous autour de la
table, payeurs, spécialistes et les gens généralement
concernés, regarder un certain nombre d'éléments du livre
d'à peu près cette épaisseur qui couvre l'ensemble des
actes assurés au cours des 20 dernières années. Il y a
peut-être des actes sur lesquels on pourrait se reposer un certain nombre
de questions. Est-ce que je dois conclure, par ailleurs, qu'au niveau d'autres
mesures de financement avancées dans la publication du 18
décembre, pour vous autres, les tickets, ça ne vous
intéresse pas beaucoup?
M. Le Hir: Ce n'est pas une question de mécanisme. Pour
nous c'est une question de s'assurer que, par ce mécanisme-là, on
ne se trouve pas, au fond, à augmenter le coût des services en
question. Autrement dit, on ne veut pas que ça devienne une prime
à l'inefficacité du système. S'il est
démontré que, effectivement, ça devient le dernier recours
nécessaire, bon, on acceptera. Mais il y a bien du travail à
faire avant que cette preuve-là soit démontrée.
M. Trudel: Avec cette réponse-là, c'est sûr
que je ne vous en pose pas d'autres. Merci beaucoup de votre contribution.
C'est lapidaire par moments, mais c'est clair, précis et ça
révèle, encore une fois, un certain nombre de problèmes de
communication évidents entre des groupes dans notre population quant au
comment faire et à l'efficacité. Bien, au moins, il va falloir
faire ce bout-là et, par ailleurs, il y a des jugements que vous nous
apportez, au nom des manufacturiers, qui sont à retenir, quant à
nous, en tout cas, et, bien sûr, du côté du gouvernement, je
le souhaite, dans les options qui seront à se dessiner et à
s'implanter dans les mois à venir. Merci beaucoup de votre contribution.
C'est très apprécié.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre, en conclusion, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): merci, m. le
président. moi aussi, je veux vous remercier. ça fait du bien,
à l'occasion, d'avoir un ton qui brasse, qui provoque même et qui
peut choquer. c'est comme ça que les idées se brassent et qu'on
réussit à sortir la vérité. évidemment, on
aura passablement de difficultés à résoudre notre ensemble
de problèmes parce que ce que je comprends du message - et
c'était le nôtre aussi - c'est que le plafond des dépenses
ne peut pas être supérieur à ce qu'on appelle le pib, sinon
on court à la catastrophe. ça, c'est clair. deuxièmement,
on dit: le système qu'on a, c'est un consensus social. faisons
attention, en enlevant une brique, pour ne pas faire éclater le
consensus social. j'en suis, mais, là, on prend le meilleur des deux
mondes. on fait le pari et c'est le pari auquel vous nous invitez, que, par '
des mesures d'efficience et d'efficacité, on puisse aller chercher ce
dont on a besoin pour être capable de faire cette job-là.
Alors, c'est un beau défi. C'est un défi extraordinaire.
Moi, je dis: Oui - et on ne l'a pas caché parce que notre document est
très honnête, très clair - par des mesures d'efficience et
d'efficacité, d'abord. Mon opinion, pour le vivre depuis deux ans et
demi, c'est que je suis pleinement convaincu que, par des mesures d'efficience
et d'efficacité, ce ne sera pas suffisant et qu'il va falloir envisager
autre chose. Mais je comprends les messages: Modérez vos transports sur
le plan de la dépense, soyez plus efficients sur le plan de ce que vous
avez, touchez le moins possible au consensus social. Je
pense que le message est assez clair à ce niveau-là. C'est
un message qui est loyal, qui est clair venant de l'entreprise et des
employeurs - disons-le en même temps - qui contribuent quand même
pour 2 600 000 000 $ dans la cagnotte avec leurs 3,75 %, ce n'est pas
négligeable non plus. Donc, c'est une voix de poids qu'on entend et on
va tenter d'être imputable le plus possible, d'être efficient,
efficace et de prendre les messages que vous nous avez passés. Merci
bien.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Au nom des
membres de cette commission, M. Le Hir, merci, M. Charland, merci, et au
plaisir. Alors, je demanderais aux gens représentant la
Conférence des CRSSS du Québec de bien vouloir s'avancer le plus
rapidement possible, s'il vous plaît. Nous sommes un petit peu en retard
sur notre cédule de temps. Alors, il me fait plaisir de souhaiter la
bienvenue à la Conférence des CRSSS du Québec. M. Fortin,
s'il vous plaît, je vous saurais gré de bien vouloir introduire
les gens qui vous accompagnent.
Conférence des CRSSS du Québec
M. Fortin (Gilles): Oui. Alors, je vais les introduire dans mon
début de texte, si vous me le permettez, M. le Président.
Le Président (M. Joly): On peut toujours faire ça.
D'ailleurs, je vais vous expliquer, par contre, la procédure. Vous avez
une trentaine de minutes.
M. Fortin: On va être plus court que ça.
Le Président (M. Joly): Plus court que ça?
Merveilleux. Ça va nous laisser un petit peu plus de temps pour jaser
avec vous autres.
M. Côté (Charlesbourg): Déjà
là, c'est l'efficience et l'efficacité dans le temps. Je suis
convaincu que, si vous parlez moins longtemps, ça va nous coûter
moins cher aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas fin, ça,
hein?
M. Fortin: On pourrait commencer tout de suite.
Le Président (M. Joly): Alors, d'entrée de jeu,
allons-y. M. Fortin, s'il vous plaît.
M. Fortin: Oui. Au nom des conseils régionaux de la
santé et des services sociaux, je tiens d'abord à remercier la
commission pour l'occasion que nous avons aujourd'hui de venir débattre
publiquement la difficile question du financement du système de services
sociaux et de santé. Les délais impartis pour l'analyse du
document soumis à notre attention ont certes été courts.
Néanmoins, les données, les analyses et les conclusions du
gouvernement sont dans l'ensemble sur la table. Elles permettent un
débat que nous estimons correct et auquel il nous importait de
contribuer dans la mesure de nos moyens.
Avant d'aller plus loin, j'aimerais vous présenter notre
délégation. D'abord, à mon extrême gauche, M.
Norbert Rodrigue, directeur général de la Conférence des
CRSSS; ensuite, M. Roger Bertrand, vice-président de la
Conférence et directeur général du CRSSS de Québec
et Chaudière-Appalaches; à mon extrême droite, M. Charles
Chamard, président de la table de concertation de la nouvelle
région Chaudière-Appalaches, une personne douée d'une
vaste expérience dans le domaine de la santé et qui, depuis des
années, fait une excellente carrière dans le milieu des
affaires.
M. Côté (Charlesbourg): C'est lui qui a la
responsabilité de contenir Garon. C'est tout un contrat.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Fortin: Enfin, à ma droite immédiate, M.
Floriant Saint-Onge, président du CRSSS Lauren-tides-Lanaudière
et administrateur de la Conférence. C'est d'ailleurs à ce titre
qu'il se joint à nous ici aujourd'hui. Il faut préciser que M.
Saint-Onge est bien connu aussi au niveau municipal, maire de Carillon,
préfet de la MRC d'Argenteuil et vice-président de l'Union des
MRC du Québec. M. Saint-Onge est une personne très
sollicitée, comme vous le savez sans doute. Je vous prie de l'excuser,
car il devra en principe nous quitter avant de terminer la présente
audience.
Nous nous présentons donc ici, M. le Président, avec le
souci de nous inscrire dans le fil des réflexions de la commission et de
ses audiences. Il aurait été plus facile de ne présenter
que le contenu du mémoire déjà déposé et de
répondre à vos questions. Nous avons choisi d'aller plus loin en
ciblant les enjeux tels que nous les comprenons actuellement après sept
jours de débat.
Notre représentation sera brève. Nous choisissons en
effet, malgré ses risques, la voie du dialogue et des échanges,
l'important n'étant pas d'avoir raison à tout prix, mais bien
d'apporter toute la lumière possible sur les principales questions que
la commission se pose encore aujourd'hui. Nous espérons ainsi contribuer
encore plus utilement a ses efforts. Bien sûr, nous tenterons de nous
rendre au désir souventefois exprimé par le ministre de descendre
des nuages dans le concret. Nous le ferons en jetant quand même de temps
à autre un oeil au-dessus de la cime des arbres pour
mieux trouver l'issue dans la forêt.
Qu'en est-il maintenant des résultats de cette réflexion
collective depuis quelques jours? D'abord, tous ceux qui sont passés
ici, sauf exception, conviennent qu'il y a assez d'argent dans le
système, du moins pour les services de santé. À 9 % de
notre richesse collective au total dans la santé, c'est assez.
Côté social, c'est une autre histoire en l'absence d'un portrait
vraiment clair de notre situation d'ensemble.
Ensuite, la très grande majorité souligne qu'il importe de
contrôler davantage la dépense que d'augmenter les finances. Ils
souhaitent le maintien du système actuel et nous disent et illustrent
par des exemples évidents que des marges de manoeuvre existent à
l'interne, qu'il faut rationaliser plutôt que tarifer, qu'avant d'aller
chercher davantage d'argent il faut faire notre ménage.
À part quelques divergences sur le caractère structurel ou
conjoncturel de la crise, on convient qu'il faut trouver solution à
l'impasse: un manque à boucler que le gouvernement estime entre 200 000
000 $ et 400 000 000 $ dans notre secteur annuellement selon les
paramètres qu'il nous présente. Ces réactions rejoignent
pour l'essentiel nos propres conclusions sur la base des analyses que nous
avons faites du document gouvernemental. Soulignons cependant que nous
n'étions pas en mesure dans le temps imparti de procéder à
un examen en profondeur de la situation d'ensemble des finances publiques et,
en particulier, de tout le volet fiscalité.
Nous recommandons le maintien du caractère public du
système actuel, incluant son financement général
fiscalisé. Nous proposons plusieurs mesures destinées à
régler l'impasse. Elles assureront la stabilisation et même la
réduction de la dépense totale de santé en proportion de
notre richesse collective.
Nous recommandons l'orientation des marges de manoeuvre
résultantes vers les activités et les secteurs ayant un effet
plus important sur les déterminants de la santé et du
bien-être. On devra s'assurer d'une contribution réelle de ces
secteurs à la réduction des problèmes en contrepartie de
l'espace financier ainsi dégagé. Nous insistons également
sur l'atteinte d'un meilleur équilibre dans la distribution de la
richesse comme facteur déterminant. (15 h 15)
Pour résoudre l'impasse dont il est question pour les cinq
prochaines années, nous recommandons des mesures visant tant la
production et la consommation que le financement. Les rendements
combinés de ces solutions permettraient également le financement
des mesures annoncées dans la réforme et le dégagement de
marges au bénéfice d'autres secteurs d'activité, un
potentiel que nous estimons à 500 000 000 $ sur une base
annualisée.
Les régimes d'incitatifs, particulièrement du
côté des services médicaux et hospitaliers, dont les modes
de rémunération des services médicaux, sont à
modifier. Un meilleur contrôle dans plusieurs champs d'activité
doit être assuré, et nombre d'exemples ont été
portés à l'attention de la commission à cet égard.
Nos concitoyens devraient être informés, sensibilisés et
instrumentés afin qu'ils se développent davantage comme
consommateurs avertis. Quant au financement, nous recommandons que le
Québec prenne les dispositions nécessaires pour qu'il assume le
plein exercice de ses pouvoirs dans le champ des services de la santé et
qu'à cette fin il rapatrie du gouvernement fédéral la
totalité du financement.
Au plan international, nos accords commerciaux devraient comporter des
mesures négociées d'harmonisation des programmes sociaux.
À défaut, des mécanismes compensatoires ou tarifaires
devraient être introduits pour garantir la
«concurrentialité» de nos entreprises face à d'autres
opérant dans des pays où la carence des mécanismes de
protection et de support social procure un avantage indu.
La Conférence des CRSSS recommande l'application conforme des
dispositions prévues dans la réforme, telles la
décentralisation des pouvoirs et des ressources, car celles-ci, à
long terme, auront un impact déterminant sur le financement du
système; la clarification des objectifs par la politique de santé
et de bien-être; la répartition équitable des ressources
entre les régions; la révision du panier des services et de leur
organisation pour tous les programmes; l'allocation des ressources en
conséquence; l'évaluation des résultats.
Nous appuyons l'impôt-santé et le fonds
général des services sociaux et de santé comme moyens
d'assurer une plus grande transparence, collectivement, entre la dépense
et le financement. La Conférence conclut enfin que ces solutions sont
à notre portée et qu'elles permettront de régler l'impasse
actuelle dans le respect des principes à la base de notre système
et d'une façon à atteindre une meilleure équité au
sein de la collectivité.
Ceci étant dit, nous comprenons que la commission se pose
actuellement les questions suivantes: Comment se donner de l'oxygène
financièrement à court terme? Comment contrôler
l'évolution de la dépense à plus long terme? Enfin,
comment identifier le panier des services assurés? À court terme,
par exemple, pour les deux prochaines années, le règlement de
l'impasse tient à une série de mesures destinées à
corriger les situations aberrantes à leur face même et auxquelles
nos prédécesseurs à cette table ont déjà
fait référence pour l'essentiel: utilisation frauduleuse des
cartes d'assurance-maladie; surconsommation des médicaments;
consommation de certains services médicaux et hospitaliers hors Canada;
utlisation inappropriée de certaines ressources ou de certains services,
le cas des services d'urgence, entre autres.
On pourrait aussi ajouter à cette liste que vous connaissez
déjà le ménage à faire du côté des
examens médicaux liés à l'emploi, un programme
complémentaire qu'il faut abandonner, selon certains, ainsi, de plus,
que l'accentuation des achats en commun de produits et services où des
économies de plusieurs dizaines de millions de dollars sont possibles
à court terme. Je tiens à vous préciser qu'on pourra, lors
de la période d'échanges, apporter des précisions quant
à ces deux éléments.
À plus long terme, cependant, il faut dépasser ces mesures
pour modifier l'essentiel de la dynamique actuelle des dépenses. Pour
cela, il faut d'abord imprimer une logique, une orientation, un sens des
priorités au système des services sociaux et de santé. La
politique de santé et bien-être en constitue d'ailleurs la pierre
d'assise.
La logique actuelle d'allocation des ressources financières est
à changer: avoir pour base de référence les
problèmes à régler et non les ressources à financer
a priori; distribuer les sommes d'argent équitablement en fonction des
problèmes observés, de la richesse déjà existante
et de la performance des réseaux de services. On allouera alors
davantage en fonction des besoins et de la contribution aux résultats
attendus.
En outre, l'équité dans la distribution des ressources est
une autre disposition importante déjà prévue dans la
réforme. Nous ne saurions trop insister sur cette question. Quel que
sort le niveau des ressources rendues disponibles, l'absence
d'équité conduit aux réclamations additionnelles ad hoc
plutôt qu'à l'examen rigoureux des possibilités de faire
davantage, compte tenu de l'argent disponible, de manière
équitable dans un milieu. Quand une collectivité, une
région reçoit sa juste part, elle peut, avec plus de conviction,
se retourner et questionner ces façons de faire pour retirer davantage
de chaque dollar investi. C'est aussi ce que la réforme propose
déjà et que nous remettons sur cette table. On parle alors
d'examiner nos organisations, nos services actuels autant que nouveaux et c'est
là qu'on se réfère au plan d'organisation de services.
Nous touchons alors directement par ce processus la détermination du
panier des services, ce sur quoi nous reviendrons plus loin.
D'ici à ce que ces mesures, à plus long terme, portent,
nous recommandons le maintien à l'IPC des coûts hospitaliers
médicaux, tout en permettant une certaine croissance de la
rémunération des médecins à même les
économies qu'ils pourraient certes générer par des
ajustements dans leur pratique. Une telle mesure juxtaposée à une
révision des modes de rémunération pour les services
médicaux aurait un effet réducteur considérable sur les
coûts hospitaliers. Parce qu'on touche alors aux incitatifs mêmes
à la base du comportement des médecins, l'effet serait structurel
et permanent. Cette seule mesure représente quelque 240 000 000 $
d'économie potentielle et cumulative dans le temps. À noter
également que la règle de l'IPC appliquée à
l'ensemble des services sociaux et de santé implique des
économies de 360 000 000 $ par rapport au cadre financier projeté
par le document gouvernemental.
Donc, en résumé, nous proposons des mesures à court
terme pour nous donner de l'oxygène sur le plan financier sans modifier,
cependant, la structure de la dynamique des dépenses. Puis, nous
proposons des mesures à moyen terme modifiant de façon un peu
plus fondamentale certaines dynamiques chez les producteurs et les
consommateurs. Nous recommandons aussi, à tout le moins, de juguler le
drainage actuel du gouvernement fédéral vers ces programmes.
Enfin, nous vous réitérons les mesures de la réforme qui,
à long terme, nous permettront de faire bien plus avec ce qu'on a
déjà et même de réduire la dépense totale en
santé, du moins.
Revenons maintenant à la définition du panier des
services. Cette question, à l'allure bien compliquée à
première vue, est pourtant bien simple. Le panier des services doit,
bien sûr, s'adapter dans le temps. Il doit aussi être
déterminé en fonction des problèmes jugés
prioritaires et des modes d'intervention jugés les plus performants et
les plus désirés par rapport au résultat
recherché.
Pour la Conférence, on voit mal comment on peut faire un exercice
de révision du panier des services en soi, indépendamment des
dispositions déjà prévues par la réforme. Le panier
des services peut très bien être la résultante de
l'organisation des services qu'on déterminera sur le territoire,
région par région, tout en s'as-surant d'une cohérence
globale sur l'ensemble du territoire québécois. En ce sens,
l'élaboration des plans d'organisation des services constituera
l'exercice par lequel le panier des services se déterminera finalement.
De même, la mise à jour régulière de ces plans
constituera la garantie de faire évoluer ce panier en fonction des
nouveaux problèmes, des nouvelles priorités, des nouveaux modes
d'intervention, tout en requestionnant les anciennes façons de faire.
Pour la Conférence, la question de comment identifier le panier des
services est donc déjà réglée dans ce que
prévoit la loi récemment adoptée.
Enfin, M. le Président, nous terminerons avec quelques
brèves remarques. Tout d'abord, nous n'aurons pu aborder au cours de ces
audiences les enjeux reliés au régime fiscal. Nous sommes d'avis
qu'un débat sur cette question devrait être entrepris
également afin d'examiner en profondeur non seulement l'aspect
dépense, mais aussi le volet fiscal de notre problème collectif.
Nous nous ferions un devoir éventuellement d'y participer dans la mesure
de nos moyens et de contribuer ainsi, comme d'autres ont dit, à
réhabiliter la fiscalité comme outil de
développement social.
Deuxièmement, nous réitérons la
nécessité de développer pour le secteur social des
comparaisons équivalentes, tant au niveau canadien qu'international,
à celles disponibles dans le secteur de la santé. D'ici à
ce que de telles comparaisons soient disponibles, il nous faut vous recommander
la plus grande prudence quant aux mesures à appliquer au secteur des
services sociaux sur la seule base de ce qu'on observe du côté des
services de la santé.
Troisièmement, nous souhaitons que, si le présent
débat doit se poursuivre éventuellement avec le GRIS, nous
puissions, comme d'autres, y assister car notre expérience des derniers
jours nous démontre qu'on peut retirer autant de la discussion
elle-même que de ses résultats.
Enfin, la question de la gestion des ressources humaines, pourtant
centrale dans la réforme, n'a pas beaucoup été
abordée au cours de ces audiences. Malgré les dispositions
réglementaires et celles des ententes collectives, on arrive à
progresser sans difficulté dans certains milieux alors qu'ailleurs, avec
les mêmes règles du jeu, en définitive, on reste
bloqué, paralysé.
L'harmonie, l'efficience et l'efficacité dans nos organisations
sont loin de ne dépendre que des règles du jeu établies.
Rien ne remplacera la compétence de nos organisations dans la gestion
des ressources humaines. L'ouverture, les attitudes proactives, l'implication
de chacun et de chacune, le souci du travail bien fait, le respect des
personnes dans nos organisations, nous avons là également tout un
défi. Il ne faudrait pas l'oublier. Merci de votre attention. Nous
sommes, bien sûr, disponibles pour répondre à vos
questions.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Fortin. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je suis très heureux qu'on puisse terminer cette
commission avec ceux qui ont des responsabilités sur le plan
régional et qui auront, lorsque la réforme sera appliquée,
un niveau d'organisation de services assez important et seront des acteurs sur
la première ligne de feu quant à l'organisation, quant à
l'efficience et l'efficacité.
Ce qu'on a souhaité dans la réforme, c'est de rapprocher
un certain nombre de décisions, je dirais, au ras les racines, pour
rejoindre les arbres dont on parlait tantôt, et faire en sorte que ce
soit davantage campé sur des réalités régionales et
locales qu'une vision plus centralisatrice venant de Québec. Comme vous
avez pu le constater par les constats de ceux qui vous ont
précédé à cette table, comme gestionnaires, on a
encore un petit peu d'ouvrage à faire d'après eux, et même
beaucoup. Dans ce sens-là, je pense qu'il y a des défis
très intéressants.
Vous nous dites, si j'ai bien compris, qu'il faut réduire les
augmentations à l'IPC, donc, des ressources consacrées
globalement au secteur de la santé, en particulier, et des services
médicaux, tout en apportant une variante aux services médicaux
où il pourrait y avoir une augmentation, mais qui serait
générée, qui serait financée par des
économies de pratiques qu'il pourrait y avoir à
l'intérieur de l'enveloppe globale.
Laissons de côté maintenant les services médicaux et
abordons l'autre aspect. Ce n'est pas sans conséquence, lorsqu'on parie
du recouvrement de la santé, que de passer d'une situation où on
est habitué à des augmentations un peu plus substantielles,
merci, et d'en arriver à l'IPC demain matin, parce que c'est ce que
ça signifie, demain matin, pour les lits de courte durée, par
exemple. Est-ce que vous n'avez pas l'impression que ça pourrait causer
un certain nombre de perturbations que la population ne pourrait pas
tolérer? J'aimerais avoir un petit peu plus d'explications. Comment
est-ce que ça pourrait se faire? Est-ce que c'est dans le temps, donc
graduel? Comment est-ce qu'on gère la période
intérimaire?
Le Président (M. Joly): M. Bertrand.
M. Bertrand (Roger): Alors, M. le ministre, il s'agit d'une
disposition qui viserait - je n'ose pas dire à s'attaquer - à
s'intéresser directement aux incitatifs à l'intérieur
même de ce système médical et hospitalier. On a souvent dit
que le fait, par exemple, d'avoir des entrepreneurs libres à
l'intérieur du système créait des pressions
considérables et que les règles du jeu quant à la
rémunération, principalement à l'acte, faisaient en sorte
qu'effectivement il n'y avait pas d'incitation à l'intérieur du
système pour vraiment rechercher toujours les meilleures formes
d'intervention de prise en charge des patients.
C'est un peu l'idée qui avait mené à l'origine, par
exemple, à la création des HMO. Bon. Jean Rochon a souvent dit,
d'ailleurs, que le Québec pris dans son ensemble, à quelques
détails près, pouvait être considéré comme un
HMO. On ne peut pas dire d'un côté qu'on attribue beaucoup des
pressions qu'on a, finalement, à la pratique médicale et en
même temps passer à côté de ça et ne pas
pouvoir essayer justement de modifier ces incitatifs-la.
Alors, en faisant un lien d'une certaine façon entre la
rémunération pour les services médicaux et pour les
médecins et justement l'ensemble des coûts hospitaliers
correspondants, en ne liant pas uniquement la rémunération des
médecins à la pratique à l'acte, on pense, nous, que
ça va avoir un effet éventuellement fort important dans le
comportement des producteurs. (15 h 30)
Là-dessus, les médecins réagissent ou agissent de
façon tout à fait rationnelle économiquement. Ils ne sont
pas pires ni meilleurs que
les autres. En fonction des incitatifs qui sont présents, ils se
comportent de la façon qu'on voit dans le moment. Il suffit de jouer sur
ces incitatifs-là pour que, structurellement, à moyen terme, on
puisse en retirer des bénéfices.
M. Côté (Charlesbourg): Si je veux tenter de
simplifier ça, essayer de faire une image - c'est toujours par des
images qu'on finit par bien comprendre - ce que vous êtes en train de
nous dire c'est qu'il faut trouver des moyens pour que le monde soit moins
malade et que, par conséquent, si on avait des incitatifs pour les
médecins, on aurait des incitatifs qui feraient en sorte que les lits
seraient moins occupés, donc ce serait une conséquence et c'est
comme ça qu'on réussirait à sauver une certaine somme
d'argent. Ce que je comprends, c'est que l'incitatif au médecin vise
davantage, par exemple, à moins hospitaliser. Ça pourrait
être ça, une des conséquences de ce que vous proposez.
M. Bertrand: Ça pourrait être un des effets. Il y a
aussi l'effet relié au fait qu'en modifiant, par exemple, les exigences
en termes, je ne sais pas, d'examens de laboratoire ou autrement, il y ait des
coûts associés également à l'hospitalisation sur
lesquels on pourrait voir des bénéfices, selon nous en tout cas,
assez substantiels.
M. Côté (Charlesbourg): Profil de pratique et ainsi
de suite.
M. Bertrand: Exactement. M. Côté (Charlesbourg):
O.K.
M. Bertrand: On vous avoue ici qu'on n'a pas eu,
évidemment, le temps de développer toute la mécanique et
la plomberie de tout ça, mais je pense que, si on fait le lien entre la
rémunération des médecins et l'évolution des
coûts hospitaliers puis qu'on essaie de faire un tout de cette
masse-là, on devrait en voir des effets assez rapidement. Maintenant,
c'est une mesure qui, bien sûr, n'est pas suggérée et on ne
prétend pas que ça puisse avoir des effets demain matin, mais on
pense que, dans un horizon de peut-être deux ans, ça pourrait
commencer à compter, en termes de réduction de pression sur les
coûts hospitaliers.
Le Président (M. Joly): M. Fortin, vous voulez ajouter
quelque chose?
M. Fortin: Ça permet de rejoindre aussi un des
commentaires de l'Association des manufacturiers qui nous
précédait, à l'effet qu'une partie de la
rémunération serait due au rendement, à une certaine forme
de rendement de la part du producteur. Au fond, on va joindre une partie des
préoccupations qui nous ont précédés.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je pense qu'une
des choses qui ressort de cette commission c'est qu'on est dans un
système où on n'a pas d'incitatifs pour les gens qui auraient des
bonnes idées et qui prendraient soin de bien gérer les
économies. On en a eu des exemples pendant cette commission. Je me suis
laissé dire par quelques intervenants que, si le regroupement des achats
que nous connaissons maintenant pour plus ou moins 300 000 000 $ sur le 1 400
000 000 $ avait plus ou moins de succès, c'était principalement
dû au fait que certains établissements qui s'associaient à
cette mécanique n'avaient pas d'incitatifs suffisants pour être de
la partie et pour jouer la «game», comme on dit, très
franchement et très ouvertement. Je me suis fait dire ça par le
D.G. d'un hôpital pas très petit à Montréal, qu'il y
avait moyen de passer maintenant à côté du
système.
Donc, c'est un message que j'ai compris au cours de la semaine
dernière et qui dit: Si vous voulez qu'on soit un petit peu plus
productifs, organisez-vous donc pour qu'il en retombe un petit peu dans notre
assiette aussi. Si vous voulez tout avoir, vous n'aurez rien et, s'il y a des
incitatifs, peut-être que vous pourrez en avoir plus. Est-ce que je me
trompe?
Le Président (M. Joly): M. Fortin.
M. Fortin: Je peux dire un bref mot. Je céderai la parole
à M. Bertrand après. En tout cas, c'est un réflexe que
j'ai en regard de ça. Ce n'est pas écrit dans le mémoire.
Quels que soient les incitatifs pour un centre hospitalier ou quel que soit
l'établissement qu'il peut y avoir dans le réseau de la
santé et des services sociaux, ce qui compte, d'abord et avant tout,
c'est de réussir à acheter un produit au meilleur coût
possible, qu'on en retire ou pas un avantage comme établissement. Ce qui
compte c'est d'abord et avant tout la société, et le
réseau, au sens large, en profite.
Alors, je me dis que ce n'est pas du tout une raison à invoquer
de la part d'un établissement, de dire: Si je n'en retire pas profit, je
vais acheter le même produit plus cher. À ce niveau-là,
c'est un constat que je fais et je trouve que c'est un genre de
réflexion qui est inacceptable dans un contexte où on travaille
justement pour faire des économies et gérer de façon plus
économe, entre guillemets. Sur les économies
générales qui peuvent être anticipées, je peux
céder la parole à M. Bertrand.
M. Bertrand: Juste aborder, M. le ministre, la question de la
dynamique derrière tout ça. La réaction que vous avez vue
est typique du genre de choses qu'il faut changer dans ce
réseau-là. On est des gens qui évoluons à
l'intérieur d'organisations, d'établissements et qui faisons
partie d'un réseau à un moment donné. L'important, c'est
de générer les économies qui vont
servir à l'ensemble du réseau de services, et à
l'ensemble, finalement, des concitoyens en termes de services et non pas tout
le temps être là à défendre sa propre chapelle.
Ce qui est important, à mon sens, et ce serait applicable
à un tas d'autres mesures qu'on mentionne là-dedans, c'est que
les marges de manoeuvre qu'on dégage à ce moment-là soient
mises dans un pot quelque part, sous une cloche de verre d'une certaine
façon, et qu'au moment de la répartition eux autres aussi soient
dans le coup. C'est ça qui est important.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends là et on
touche peut-être du doigt un des problèmes: changer les
mentalités. Évidemment, le message qui s'était largement
passé, c'est: Trouvez-nous des incitatifs et peut-être qu'on sera
plus productifs. Je ne pense pas avoir tiré une mauvaise conclusion de
ce que j'ai entendu, à la fois en me promenant et devant cette
commission.
Vous avez évoqué tantôt plus ou moins 500 000 000 $
de possible économie d'efficience et d'efficacité. J'aimerais
vous entendre un petit peu plus là-dessus parce que, là,
ça commence à être des niveaux qui méritent une
attention tout à fait particulière et qui commencent à
rejoindre de nos préoccupations. Évidemment, en tentant d'aller
au-delà de la nomenclature de ce que vous avez fait tantôt
à court terme ou en les incluant, j'aimerais avoir un petit peu plus de
précisions là-dessus.
M. Bertrand: II y a une distinction là-dessus. Il y a
effectivement des mesures à court terme. On vous en a déjà
mis depuis le début de la commission pour l'équivalent, me
dit-on, d'à peu près 500 000 000 $, pour ceux qui ont
calculé les affaires. Que ça donne ça ou pas, en tout cas,
il y a certainement une marge de manoeuvre là. Je vous mentionne en
passant que les deux mesures additionnelles qu'on vous propose peuvent
générer assez rapidement des rendements de l'ordre de 40 000 000
$ chacune. O.K.? Au net, peut-être un peu moins, mais c'est de l'ordre de
plusieurs dizaines de millions de dollars. Les 500 000 000 $ dont on parle ici
- et je pourrai développer un peu là-dessus tout à l'heure
- c'est les rendements anticipés des trois mesures les plus importantes
que la Conférence vous propose.
La première est de fixer à l'IPC le coût des
services médicaux et hospitaliers. Ça, ça rapporte 240 000
000 $ et, si on l'applique à l'ensemble du réseau santé et
social, ça signifie une marge de manoeuvre de déjà 360 000
000 $ ou une disponibilité. On verra quoi financer après,
O.K.?
La deuxième mesure qu'on propose auprès des consommateurs:
information, sensibilisation, instrumentation. On n'a jamais fait ça
jusqu'à présent. C'était une des principales
recommandations également de la commission Rochon. Les consommateurs,
peut-être, se comportent parfois de façon pas très avertie,
mais est-ce qu'on s'est vraiment donné la peine de les sensibiliser
là-dessus? À titre d'exemple, un médicament sur quatre de
moins, ce n'est pas la fin du monde, soit en termes de prescriptions, soit en
termes de consommation. C'est 120 000 000 $ par année. C'est un autre
exemple. Si on insère dans le système des réflexes de type
consommateur averti sur l'ensemble des services, imaginez les rendements que
ça peut éventuellement produire. Mais il faut vraiment cibler sur
des programmes particuliers et, là, y aller dans des stratégies
de communication qui vont faire en sorte que le monde va être mieux
équipé pour développer son libre arbitre.
La troisième mesure - je ne veux pas trop m'étendre
là-dessus - c'est celle qui concerne le rapatriement du financement
fédéral. On a une source de financement qui, depuis 1982, suite
à une modification des règles du jeu unilatérale de la
part de notre partenaire libéral... fédéral... On a une
atrophie...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): On peut dire que
c'était un lapsus pas «chrétien».
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bertrand: Alors, on se reprend. Donc, de la part du
gouvernement fédéral, une atrophie systématique
amène des points d'impôt, finalement, que les citoyens et
citoyennes du Québec paient. Le seul rapatriement des points
d'impôt au niveau du financement actuel, compte tenu de
l'évolution de la richesse collective du rendement des points
d'impôt actuels, pas ceux qu'on avait en 1982, représenterait 160
000 000 $ par année de plus au titre du financement des programmes
établis.
Entre moins 40 000 000 $ ou 45 000 000 $, la situation actuelle, et plus
160 000 000 $, est-ce qu'il est possible de penser qu'on puisse effectivement,
avec l'appui que vous avez maintenant - tout le monde vous en a parlé,
le train commence à être long pour Ottawa...
M. Côté (Charlesbourg): On est tellement forts qu'on
ne veut plus y aller, on veut les descendre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Au début, on partait
et on allait faire meu, meu, meu! Là, on est rendus assez forts à
la fin de cette commission qu'on dit: Aïe! venez nous voir! Viens-t'en
avec le «cash» sinon on te passe au «cash».
Le Président (M. Joly): M. Rodrigue, vous voulez rajouter
quelque chose?
M. Rodrigue (Norbert): Si vous me permettez, M. le
Président, je voudrais ajouter d'autres exemples, un exemple au moins
où on pourrait agir davantage à moyen terme et à long
terme. On ne vous reprocherait sûrement pas, M. le ministre, comme
ministère ou comme gouvernement, de prendre certaines décisions,
par exemple, si je donne l'exemple des services tertiaires. Prenons la
cardiologie, en termes de services tertiaires. À Toronto, il y a 4
hôpitaux qui se coordonnent pour desservir la clientèle en ce qui
concerne les besoins en cardiologie. À Montréal, il y a 10
hôpitaux. Je pense, à ma connaissance...
M. Côté (Charlesbourg): Et on n'en a pas assez.
M. Rodrigue: ...pour y avoir été un peu, qu'ils ne
sont pas trop coordonnés. Chacun a sa liste d'attente. Je pense bien
qu'ils ne confient la gérance à personne d'autre pour leur liste
d'attente. Il me semble qu'avec une décision clairement
arrêtée d'identification des CHU, par exemple, une fois ça
fait et un certain nombre de critères mis en place en termes de forcer
un peu la coordination - on n'enlève l'autonomie à personne quand
on dit ça - faire des efforts supplémentaires de cohésion,
on pense que ça nous conduirait vers des économies importantes,
très importantes.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que ça
explore des pistes où... Vous comprendrez que c'est des bonnes pistes,
mais ça ne sonne pas encore. Je me suis emballé depuis le
début et, moi, je suis un éternel optimiste, vous me connaissez.
Dans ce sens-là, je suis très optimiste pour tout ce que
j'entends, mais je n'ai pas encore de sous dans ma cagnotte, là. Donc,
je trouve rafraîchissant qu'un niveau régional comme le
vôtre en identifie, s'associe et veuille faire une démarche pour
tenter d'aller chercher ce qu'on devrait aller chercher, je pense, pour rendre
notre système plus efficient.
Dans la présentation, tantôt, mon oreille a tiqué un
petit peu quand vous avez parlé, M. le président, des plans
régionaux d'organisation de services en relation avec le panier de
services. Je n'ai pas tout à fait bien saisi et j'ai poussé mon
petit raisonnement un petit peu plus loin en même temps. Je vais vous
poser une question. Ça vous permettra de répondre de
manière plus large. Est-ce que ça pourrait signifier, par
exemple, que, dans cette proposition-là, on pourrait se retrouver - et
je vais prendre un exemple extrême, parce que, de prendre des exemples
plus serrés, on peut être sur la frontière - dans une
région comme Québec où les retrouvailles seraient
assurées, donc services...
M. Fortin: Je l'attendais, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): ...et se retrouver dans
Chaudière-Appalaches - c'est les plus pauvres, ça - où on
dirait non? Donc, on se retrouverait avec un panier de services
différents d'une région à une autre. Est-ce que j'ai bien
saisi ou s'il n'est pas question de ça, là?
M. Fortin: Je vous avoue, M. le ministre, que j'ai posé
exactement la même question quand on a fait nos réflexions. Est-ce
qu'ultimement on pourrait arriver avec 16 ou 17 paniers de services
différents, un panier de services différents d'une région
à l'autre? Il reste, en regard de l'exemple que vous venez de dire, que
ce ne serait pas souhaitable. Ce ne serait pas souhaitable qu'un citoyen, parce
qu'il change de région administrative, arrive dans un contexte où
il y avait un service et il n'y en a pas lorsqu'il change de région. Il
y a un danger de ce côté-là.
La base de notre réflexion est la suivante. Les plans
d'organisation de services vont être réalisés. Il y en a
qui sont enclenchés, qui sont déjà réalisés,
mais il reste que toute l'opération de planification qui devrait se
faire au cours des prochaines années devrait prendre base, prendre appui
sur l'enquête de santé et bien-être qui va être sur le
point de voir le jour.
Sur la base de ça, sur la base des plans de services, on pourra
être capable d'établir exactement quel genre de services, quel
genre de problématique, quel genre de soins sont à régler,
c'est-à-dire quel genre de soins sont requis. En faisant la sommation
par région, on pourra faire un genre d'arbitrage au niveau national pour
faire en sorte qu'on puisse arriver à un panier de services qui respecte
à la fois les besoins identifiés dans chacune des régions
et les objectifs de santé et de bien-être qu'on se serait
donnés par région et au niveau national et, à partir de
ça, faire une corrélation et arriver avec un panier de services
national qui respecterait à la fois tous ces éléments. Je
pourrais céder la parole à M. Bertrand pour avoir un peu plus de
détails.
Le Président (M. Joly): M. Bertrand, s'il vous
plaît.
M. Bertrand: Je voudrais peut-être juste mentionner, M. le
ministre, qu'il faut aussi, je pense, sortir d'une certaine illusion. Tout ce
qui est dans le panier de services, actuellement, il y a des niveaux
d'accès qui sont assurés différemment. On parle souvent de
listes d'attente. Ce n'est pas parce qu'un service est prescrit qu'il est
immédiatement consommé. (15 h 45)
Alors, il y a, à l'intérieur des plans d'organisation de
services, ce jugement-là à savoir jusqu'à quel point, sur
un territoire donné, on va assurer la disponibilité d'un service.
Il va être dans le panier, mais il y a une question de degré qui
doit se jouer à ce moment-là. Ça, je pense que ça
doit se faire avec, justement, les objec-
tifs de santé et de bien-être en tête et
également les forces de la région associées à un
exercice semblable, pour en faire vraiment un choix un peu collectif, je
dirais, compte tenu des contraintes financières.
M. Côté (Charlesbourg): Vous comprenez qu'il y a des
dangers qu'il va falloir bien mesurer avant même de s'embarquer
là-dedans. La révision du panier, c'est une chose,
l'inéquité d'accessibilité à des services, c'est
une chose, mais de se retrouver dans un système... Moi, j'ai tou|ours
compris que quand on parlait de nos plans régionaux d'organisation de
services et qu'on prenait l'exemple des personnes âgées, par
exemple, puis que les régions avaient la liberté de choisir entre
du béton, du maintien à domicile ou des ressources alternatives,
ça avait du bon sens, mais je pense qu'il va falloir y aller de
manière très, très prudente. Oui, M. Saint-Onge.
M. Saint-Onge (Floriant): M. le Président, la question
soulevée par le ministre m'amène peut-être à
être logique avec des positions que nous avons prises dans le
passé. Je pense qu'on ne peut pas aborder cette question-là sans
revenir avec la question de la décentralisation. En ce qui nous
concerne, je pense que nous avons fait connaître notre point de vue. Nous
sommes des tenants de la décentralisation et, personnellement, je suis
un des grands défenseurs de la décentralisation.
Alors, il faut être logique. On ne voulait pas et on ne veut pas
encore du mur à mur à travers toute la province. À ce
moment-là, je me dis: Le gouvernement a un rôle à jouer de
coordination dans l'ensemble des services pour l'ensemble de la province et,
après ça, tes régions ont des choix à faire,
à identifier en fonction des besoins qui sont demandés et
là aussi il peut y avoir, par rapport à la région,
certaines différences. Alors, c'est là en somme que ça
prend une coordination, mais aussi il ne faut pas que ce soit du mur à
mur à travers toute la province.
M. Côté (Charlesbourg): Non, si on est pour faire du
mur a mur... Je comprends ça, là. Je vous connais très
bien sur le plan de votre vision des régions. Je connais aussi ce que je
pense et on n'est pas très loin l'un de l'autre à ce
niveau-là. Évidemment, il y a quand même des
mécanismes à mettre en place pour s'assurer que tout se fasse de
manière à ce que ce soit le citoyen, au bout de la ligne, qui
soit le bénéficiaire de tout ça. Est-ce que vous me
signifiez que j'ai fini, M. le Président?
Le Président (M. Joly): J'ai même déjà
été un peu tolérant. C'est très intéressant.
Alors, peut-être qu'à la fin, si vous voulez revenir, M. le
ministre... Si vous en avez encore une courte...
M. Côté (Charlesbourg): Non, je reviendrai.
Le Président (M. Joly): Non? Vous aimez plutôt
revenir? Parfait. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Bienvenue au nom de
l'Opposition officielle. Oui, je pense bien que c'est une bonne façon de
capéer les affaires, d'avoir les Conseils régionaux de la
santé et des services sociaux comme dernier organisme qui vient se
présenter devant nous. Vous nous présentez un peu à votre
façon une espèce de synthèse de ce qui s'est
déroulé devant nous et de ce que vous en avez tiré en
quelque sorte pour quelques éléments de ce que vous avez entendu,
ce qui a été véhiculé durant cette commission.
Personnellement, en tout cas, je pense que ça nous fait progresser dans
le débat.
Est-ce que je comprends dans vos propositions, je dirais propres
à la Conférence, quand vous dites: Limiter le secteur hospitalier
à l'IPC, que ça veut dire qu'on irait vers un gel des salaires
à l'IPC pour tout le personnel dans ce secteur-là?
M. Bertrand: Ça veut dire qu'il faut composer avec ce qui
est signé comme entente sur le plan collectif. Je comprends que 75 % de
la masse est en rémunération et qu'une bonne partie de celle-ci
est liée à des ententes, mais, même à
l'intérieur de ça, il y a des économies qui sont possibles
à l'interne, sans nécessairement devoir réviser les
ententes. Ceci étant dit, je pense qu'on est devant un projet de
société aussi. Il va falloir que tout le monde - les syndicats
nous ont dit les gestionnaires, certains des gestionnaires nous ont dit les
travailleurs, les travailleuses et les employés - y mette du sien, je
pense, pour passer à travers les défis qui nous attendent.
M. Trudel: Ma question est moins sur l'applicabilité
immédiate, demain matin, de ça que sur l'esprit de la mesure qui
est proposée. Mais, quand même, pour le prochain exercice
budgétaire ou un exercice subséquent, il faut être
précis. Si vous dites: Geler à l'IPC les dépenses du
secteur hospitalier, ça ne veut pas nécessairement dire geler la
masse salariale et les salaires des concernés salariés à
l'IPC. Ça veut dire que la pression sur les 20 %, 22 %, 23 % des autres
dépenses qui devraient absorber cela, ça devient... On va avoir
du monde dans le gymnase, mais on n'aura peut-être pas de ballon. Ne
pensez-vous pas?
Le Président (M. Joly): M. Rodrigue, s'il vous
plaît.
M. Rodrigue: Comme M. Bertrand disait, c'est une question qui est
difficile, qui n'est pas
facile. C'est un appel à un certain nombre d'acteurs, à
tous les acteurs du réseau, dans le fond. Je dirais qu'il y en a un
certain nombre d'entre eux, probablement, qui préféreraient
être à l'IPC que d'être coupés de 20 % ou
d'être gelés pour un certain nombre d'années ou de mois. Ce
n'est pas simple, mais on pense que le dialogue peut s'amorcer. Comme disait M.
Bertrand, c'est un projet de société. C'est le dernier pan de
projet de société de la Révolution tranquille, au
Québec, qui demeure intact pour l'instant. Si on ne le protège
pas minimalement et si on n'appelle pas à l'adhésion à ce
système-là et aux efforts à faire pour le protéger
minimalement, je pense qu'on va passer à côté de la coche.
Alors, dans ce sens-là, c'est un appel. Ça va devoir exiger un
dialogue certain et peut-être des décisions difficiles.
M. Trudel: Oui, oui. Ce n'est pas mince, les deux
éléments de la perspective. Si cet appel collectif signifiait de
geler notre masse salariale et nos salaires individuels pour un certain nombre
de mois et d'années pour aller chercher ce que vous évaluez -
pour donner un ordre de grandeur - à 240 000 000 $, annuellement, en ce
qui concerne le réseau hospitalier, ou à 360 000 000 $, quand on
est à l'ensemble de la santé et des services sociaux, il faudrait
vraiment que tout cela soit mis dans la balance du pourquoi. Vous, ce que vous
dites, M. Rodrigue, c'est que c'est au dernier grand pan des acquis de la
Révolution tranquille auquel on est peut-être en train de
s'attaquer. Vous avez dit ailleurs - il y a les mouvements communautaires qui
vous ont cité - que ce serait un suicide collectif pour les
Québécois que de laisser aller ce pan de l'universalité,
de l'accessibilité et du financement universel de son système de
santé et de services sociaux. C'est en vertu de ça que vous
faites l'appel?
M. Rodrigue: Si le président me le permet...
Le Président (M. Joly): Oui, allez, M. Rodrigue.
M. Rodrigue: C'est certain que, pour moi, c'est une forme de
suicide collectif. Sans ça, on risque de verser dans des régimes
qui vont - je n'ai pas besoin de décrire ça - appeler à
des situations comme celle des États-Unis. Vous l'avez décrit ce
matin avec les manufacturiers. Pour moi, quand on parie des citoyens et des
citoyennes du Québec, on parle aussi des productrices et des
producteurs, et c'est un appel à l'ensemble de ce monde-là.
Alors, encore une fois, c'est discutable pour certains, mais c'est abordable,
comme dialogue. Moi, je pense qu'il y a là une marge possible de
discussion. Il s'agit de voir si on est capables de se convaincre
mutuellement.
M. Trudel: Oui. Je reconnais que c'est le seul angle sous lequel
on peut le prendre, cet appel ou cette façon de voir les choses. C'est
vraiment en termes de consensus social, en disant: La brique de
l'édifice est en train de s'effriter inexorablement et une des
façons, c'est la solidarité, c'est la corvée, comme on l'a
souvent fait au Québec dans différentes périodes de notre
histoire. C'est un peu ça, parce que, sur le strict plan des chiffres,
j'ai bien peur que vous ayez raison. Vous avez probablement raison.
La première ligne, quant à nous, l'an prochain, il faut
qu'il en entre 169 de plus ou qu'il en disparaisse 169 au minimum. Quand je dis
ça, je ne compte pas les 140 000 000 $ décrits par le ministre.
Le ministre dit, chiffres à l'appui: On est sur la vitesse de croissance
de 4,2 %, l'IPC + 4,2 % et, grosso modo, le PIB va dans les 3 %. Donc, j'ai un
premier 1,2 % à récupérer ou à aller chercher, ce
qui me donne quelque chose comme 140 ou 150 dans ce qu'on ne recevra plus comme
financement. Ce n'est pas là-dessus que je veux vous amener, là.
Je ne veux pas vous gosser là-dessus, vous avez fait vos professions
comme il faut. De ce qu'il faut ajouter, j'y reviendrai. Il y en a un autre 170
000 000 $. Dans ce sens-là, l'ampleur des chiffres se rapproche du
total. C'est en vertu uniquement de sauver les systèmes au complet qu'on
pourrait faire appel à l'ensemble des salariés. Vous vous
êtes bien expliqués là-dessus. C'est une perspective qui
est envisageable, cet appel à la solidarité, comme dernier pan
des acquis de la Révolution tranquille qui est en train de nous filer
entre les mains.
Sur le plan très pratique, est-ce que vous avez quand même
examiné la demande que nous avons faite ici, en particulier aux
centrales syndicales, de dire: À l'inverse, en retour de la garantie que
nous allons respecter les mécanismes de négociation et la
participation au partage de la richesse collective, si tant est qu'il y en ait,
est-ce que vous accepteriez de revoir ce qu'on appelle le normatif, le normatif
lourd ou la mobilité ou encore les questions de polyvalence des
tâches? Est-ce que, vous, vous avez regardé cet aspect-là?
Le fric est peut-être là en termes d'appel collectif.
Le Président (M. Joly): M. Saint-Onge.
M. Saint-Onge: M. le Président, la question qui est
posée me sensibilise peut-être à quelque chose. Si, dans le
dialogue, vous réussissiez à obtenir cet objectif,
évidemment, il pourrait y avoir certaines économies dans la masse
globale, dans la masse salariale. On pariait ce matin de la réallocation
des ressources, et ça peut-être des ressources humaines. Moi, je
me dis que, si l'on fait une réorganisation et qu'on réalloue
certaines ressources, qu'on déplace plutôt que simplement aborder
cette question-là - il peut y avoir aussi de ne pas remplacer des gens
qui s'en
vont - alors, à ce moment-là la masse salariale est
peut-être... Bon. Tant mieux si on a un dialogue avec les syndicats, etc.
et qu'on réussit quelque chose. Il peut y avoir aussi une diminution ou,
en tout cas, un non-remplacement de certaines ressources par attrition.
M. Bertrand: M. le Président, si vous me le
permettez...
Le Président (M. Joly): Oui, allez-y, M. Bertrand.
M. Bertrand: Sur cette question-là, nous n'avons pas eu
l'occasion d'en discuter entre nous alors c'est difficile de vous donner une
position officielle là-dessus de l'ensemble des conseils
régionaux. Il me semble tomber sous le sens que, quand vous vous
référez au grand pan de mur de ce côté-là,
ça puisse, effectivement, être au moins examiné. Il me
semble intéressant que ça puisse se faire un peu d'égal
à égal avec les centrales en question. Mais l'essentiel de notre
message, c'est de dire: N'oublions pas que, quelles que soient les
règles du jeu dont on conviendra, on a des devoirs à faire en
gestion des ressources humaines, quelles que soient les règles. On ne
voudrait pas que la discussion là-dessus masque ce défi qu'on a
à relever.
M. Trudel: ce qui est apparu aussi assez inévitable dans
la filière de conserver les acquis, c'est qu'il y aurait un certain
nombre de virages assez importants à prendre au québec. m. le
maire vient de faire allusion à un de ces virages, le virage de la
première ligne, le virage proposé par les clsc. est-ce que vous
autres vous croyez, comme les planificateurs régionaux - vous êtes
un peu au-dessus de la mêlée, au-dessus de la bataille; c'est
votre responsabilité et vous voyez tout ça - que ce type de
virage - je ne veux pas parler spécifiquement des clsc - que d'autres
appellent le virage prévention, le virage dans le social, le virage
assez bien découpé par les clsc ce matin, on peut collectivement
assez rapidement y arriver? d'abord, est-ce que c'est souhaitable? est-ce qu'on
peut y arriver? au bout du compte, est-ce que ça peut aussi
générer un certain nombre de réallocations de ressources
pour avoir plus d'efficacité et d'efficience pour répondre aux
services et, encore une fois, conserver les acquis? (16 heures)
M. Bertrand: M. le Président, si vous permettez.
Le Président (M. Joly): M. Bertrand, s'il vous
plaît.
M. Bertrand: La réponse là-dessus peut être
assez brève. On est depuis 25 ans dans un système privé
d'objectifs, carrément. Il n'y a pas une organisation petite ou grande
qui, privée d'objectifs, est capable de faire des virages. Je veux dire,
on continue rien qu'à gérer, à «processer» le
quotidien. En ayant d'abord clarifié les priorités de
santé et de bien-être. L'ACAQ en parlait, il faut, bien sûr,
pour réussir l'arrimage entre les ressources et les problèmes,
savoir «prioriser» un peu, ordonnancer ces
problèmes-là. C'est le premier outil qu'on doit développer
ensemble, clarifier ses objectifs de santé et de bien-être pour
donner un sens au travail qu'on fait, et, à partir de ce
moment-là, on peut effectivement faire des virages parce que ça
procède d'une logique. C'est vrai autant dans la conduite de votre
personne que dans la conduite d'un système à l'échelle de
la santé et des services sociaux.
M. Fortin: Au fond, lorsqu'on aura décidé, M. le
Président...
Le Président (M. Joly): M. Fortin.
M. Fortin: ...qu'est-ce qu'on a à faire, on pourra
décider qui est-ce qui est le mieux placé pour le faire dans un
contexte ou qui est-ce qui est le mieux placé pour le faire et de la
façon la plus rentable possible pour la société, au fond.
Mais on aura un objectif bien précis à régler.
M. Trudel: M. le maire avait quelque chose...
Le Président (M. Joly): Oui. S'il vous plaît, M.
Saint-Onge.
M. Saint-Onge: M. le Président, ce que je voudrais ajouter
à M. Trudel, c'est que j'ai l'impression que c'est un premier pas que
l'on fait. À votre question, précisément, moi, je me dis:
Je ne pense pas qu'on arrive demain matin... Parce que je reviens avec cette
question de décentralisation. Moi, je dis: C'est simplement un premier
pas. On n'a pas réussi, quand on a commencé à parler de la
réforme... et ce qui était exprimé, en tout cas, par nos
collègues, c'était beaucoup plus que ce qui se passe actuellement
et autant pour arriver à ça il faut avoir une
décentralisation avec la responsabilisation des gestionnaires. On a
critiqué les gestionnaires. Je pense qu'il faut exiger beaucoup. Il faut
contrôler les gestionnaires, mais, pour ça, il faut leur donner
les moyens d'avoir tout le contrôle de leurs ressources tant
budgétaires qu'humaines et, ensuite, en vertu de l'imputabilité,
on leur demande des comptes. Pour moi, actuellement, si la réforme, si
ce qui est appliqué ou ce qui s'en vient c'est un premier pas, il en
reste encore un autre grand à faire par la suite.
M. Trudel: Après avoir été dans un conseil
municipal pendant une dizaine d'années, je dirais: Ça, c'est
l'efficacité municipale à son meilleur.
M. Saint-Onge: Non, monsieur. Je pense bien que ce n'est pas le
municipal qui nous permet de parler ainsi. C'est que ce dont on discute
aujourd'hui, comme un peu la politique des achats tantôt... J'ai
oeuvré à la direction générale d'un grand organisme
dans le domaine scolaire et ce qu'on soulignait tantôt... Moi, je ne peux
pas blâmer les gens des établissements de craindre une question de
politique des achats, par exemple, parce que, si la moindre petite affaire,
ça ralentit d'un mois quelque chose dont ils ont besoin demain matin, je
ne peux pas les blâmer. On l'a vécu. Je peux bien vous le dire. En
fait, c'était au Conseil scolaire de l'île de Montréal avec
les commissions scolaires. Mais le jour, par exemple, où des
collègues s'aperçoivent qu'il y a un gain énorme en se
regroupant ensemble pour acheter, là on a un bon moyen de conviction, et
c'est un peu la même chose. Donc, c'est peut-être mon
expérience dans le domaine scolaire où j'ai vécu de la
décentralisation et tout qui me permet, justement, d'être un
défenseur de la décentralisation.
M. Trudel: Très bien. C'est impressionnant, cette
réponse. Mais, M. Bertrand, c'est impressionnant aussi ce que vous
dites. Vous dites: 25 ans sans objectifs. Ouf! Là, 25 ans sans
objectifs, je prends ça comme image, ce que vous dites, ce qu'il faut.
C'est comme l'association des DSC. Ils ont dit, là: Donnez donc la
direction, donnez du gouvernail et, quand vous aurez donné du
gouvernail, nous autres, on vous exécutera bien ça avec des
éléments précis de contrôle et
d'imputabilité. Alors, quand vous dites comme... Vous avez une
expérience assez considérable, vous, personnellement, monsieur,
du CRSSS de Québec, dans le système, avec un champ de compagnie
en disant: Ça fait 25 ans qu'on ne les a pas eus, ces
objectifs-là, et c'est d'abord ça qu'il faut se donner. C'est un
message très important à retenir.
Deux petites vites en terminant. À la page 13 de votre
mémoire, juste comprendre, quand vous terminez, vous avez fini
d'énumérer les trucs, les mesures à court terme qu'il faut
absolument regarder, vous dites: «Nous recommandons aussi, à tout
le moins, de juguler le drainage actuel du gouvernement fédéral
vers ces programmes.» Est-ce que vous parlez de quelque chose de
précis en santé et services sociaux ou si vous faites appel
à la question générale du débalancement des
finances fédérales? C'était quoi cette
phrase-là?
M. Bertrand: On se réfère essentiellement au
retrait progressif du fédéral dans le financement des programmes
à frais partagés.
M. Trudel: Ah! O.K. C'est parce que je pensais que vous faisiez
allusion à autre chose; à l'ensemble de l'intrusion du
fédéral dans le domaine des services eux-mêmes au
Québec, toxicomanie, etc.
M. Côté (Charlesbourg): C'est à part de ce
qu'il dépense, tout en nous coupant.
M. Trudel: C'est ça.
M. Bertrand: Bien, c'est ça. On s'est privé, sur
une base annuelle, de 1 700 000 000 $ par année, l'équivalent,
actuellement, depuis, bon... Moi, je n'ai pas vu réduire le
déficit fédéral depuis 10 ans, là. Alors, je ne
sais pas à quelle place est allé l'argent; il n'est
sûrement pas allé...
Le Président (M. Joly): M. Chamard.
M. Trudel: Je comprends, M. Bertrand, qu'il ne faut pas faire
le...
Le Président (M. Joly): M. Chamard voulait rajouter
quelque chose à ça, M. le député.
M. Trudel: Je regrette.
M. Chamard (Charles): Ce qu'on voudrait dire, M. le
Président, c'est: N'y aurait-il pas lieu que le gouvernement
légifère pour récupérer ses points d'impôt?
Il y a des gouvernements antérieurs qui ont fait ça il y a 40
ans, il y a 30 ans. Si la négociation est difficile, est-ce qu'il n'y a
pas lieu, à un moment donné, de dire: On va
légiférer et, après ça, on cède du terrain.
Non?
M. Côté (Charlesbourg): Peut-être qu'on ne
sera pas obligé de se rendre là. À ce que je comprends,
c'est qu'au fédéral il y a une révision du panier de
services.
M. Chamard: J'ai vu ça aussi, suite à la
réunion des premiers ministres. Mais il faut que ça bouge de ce
côté-là. Depuis plusieurs années, les gouvernements
ou le gouvernement du Québec a essayé d'intervenir sans
résultat. Il faut que ça débouche, ça, un bon
jour.
M. Trudel: On ne reprendra pas toute la série au complet
en disant... On va convenir que M. Lesage, en notre nom à tous, le 25
juillet 1960, avait fait tout ce message-là, et ça se
répétait à peu près à tous les ans.
Effectivement, il faut que les points d'impôt reviennent, mais,
là, on tombe dans le constitutionnel et on manque un petit peu de temps.
Juste pour vous dire que je suis d'accord avec vous; sur le moyen terminal,
ça, c'est une autre histoire.
M. Côté (Charlesbourg): Dans le constitutionnel,
puis c'est «mercredi».
M. Trudel: On verra. C'est «mercredi». Bon,
voilà!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: On a quelque chose ce soir à 600 milles plus
loin. Non, si vous voulez quand même faire allusion qu'en plus de cette
problématique fiscale... Équité, on n'en parle plus pour
l'instant. Il y a aussi un autre aspect qu'on n'a pas eu le temps de toucher du
tout dans cette commission, c'est l'intrusion directe du fédéral
dans certains programmes de santé et de services sociaux sur le terrain
qui dédoublent ce que vous faites, qui vont massacrer les
priorités: désinsti-tutionnalisation, personnes
âgées, médicaments aux personnes âgées,
polytoxicomanie, alcoolisme et toxicomanie, personnes handicapées, des
secteurs dans lesquels, en plus du problème fiscal, le gouvernement
fédéral vient intervenir directement. Il y en a pour une centaine
de millions au minimum là-dedans qui, très clairement, quand,
nous autres, on est tout organisés et que vous êtes, en quelque
sorte, les gérants de la planification régionale de ces services.
Je pensais que, quand vous parliez de ça, les programmes du
fédéral, c'était à ça que vous faisiez
allusion.
Une dernière petite question. Je l'ai posée aux CLSC ce
matin. Dans le réseau, les CRSSS, les régies, êtes-vous
prêts à une expérience régionale: On vous donne une
enveloppe fermée, santé et services sociaux, avec des objectifs
à atteindre? Est-ce que vous pensez qu'il y a une région, parmi
vous qui êtes à table, qui est prête à cette
expérience de gestion décentralisée au total, à
cette expérience-pilote? Êtes-vous prêts? Et nommez-les.
Nommez-la!
Le Président (M. Joly): M. Fortin, s'il vous
plaît.
M. Fortin: On se dispute pour répondre, M. le
ministre!
Le Président (M. Joly): Allez, M. Chamard, s'il vous
plaît.
M. Chamard: Pourquoi pas? Pourquoi pas? Non seulement sur le plan
régional, mais peut-être aussi, éventuellement, sur un plan
plus local, MRC, comme exemple. Moi, je viens du milieu rural. Quand je regarde
les MRC dans le milieu, est-ce qu'elles ne seraient pas... Elles sont plus
près de la population, d'abord, premièrement, et probablement
qu'elles sont capables d'identifier plus rapidement, plus facilement les
problèmes du milieu et d'y trouver aussi des solutions. À
présent, est-ce qu'on est rendu au point de tenter des
expériences-pilotes sur le plan de la décentralisation et de la
responsabilisation sur le plan local, sur le plan des communautés? Pour
moi, ça m'apparaît qu'il serait souhaitable qu'on évolue
dans cette direction-là.
Le Président (M. Joly): M. Bertrand.
M. Bertrand: M. le Président, toute l'économie de
notre mémoire, au fond, est dans ce sens-là. On dit,
premièrement, que, de l'argent, il y en a assez dans le système.
O. K. ? Deuxièmement, ce qui est important, c'est bien sûr d'avoir
des objectifs et tout ça, mais un élément très
important également, c'est d'avoir une répartition
équitable des ressources entre les différentes
communautés.
À partir de ce moment-là, on va se retourner de bord et on
va faire notre job. O. K. ? Je pense que c'est essentiellement ce qu'on
réclame, d'une certaine façon, les sommes d'argent que
l'Assemblée nationale estime nécessaire de rendre disponibles
dans le domaine de la santé, qu'on les répartisse correctement
et, à partir de ce moment-là, qu'on essaie de faire le plus
possible avec l'argent confié.
M. Trudel: Alors, merci de cette réponse. Je pense que,
oui, on doit y aller au moins pour une expérience. Assez rapidement, les
facteurs de contrôle ne sont pas faciles à établir, mais
relativement faciles a discuter et on peut en arriver à des consensus.
Je remercie l'association des CRSSS de sa présentation, à la fois
des éléments de synthèse et un appel général
que, moi, je ressens comme Québécois de façon
marquée. Lorsque j'entends une phrase comme «le dernier grand pan
des acquis de la Révolution tranquille», eh bien, ça me
fait vibrer quelque chose. Quand je vois des gens des régions, des gens
de partout au Québec, que vous représentez, qui viennent nous le
dire ici, c'est bien la tâche à laquelle on devra s'attaquer d'ici
quelques minutes, quelques heures. Merci de votre présentation.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
Maintenant, j'en suis rendu au dépôt des mémoires.
M. Côté (Charlesbourg): Puis-je les remercier moi
aussi, M. le Président?
Le Président (M. Joly): Ah bien, sûrement. Allez. Je
pensais que vous alliez profiter de la même occasion. Allez, allez.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Vous remercier et se dire ensemble qu'on a une tâche
assez ingrate et colossale qui nous attend au cours des prochaines semaines,
des prochains mois pour des rendements rapides, et c'est là qu'on
réussira à prouver notre efficience et notre efficacité
comme partenaires dans cette réforme. Je suis pleinement convaincu qu'on
va pouvoir compter sur votre collaboration pour changer les mentalités,
parce qu'il y en a à changer.
On sera très heureux de continuer de collaborer dans une
discussion très ouverte, très franche et pour améliorer le
bien-être de notre
citoyen, qu'il soit consommateur - et ce que j'ai compris au cours de
cette commission-là - ou surtout payeur. C'est à celui-là
qu'on va penser au cours des prochains jours, des prochaines semaines. Merci
bien.
Le Président (M. Joly): Moi-même, avant de
reconnaître M. le ministre pour les remarques finales ainsi que M. le
député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue, je tiens, au nom
des membres de cette commission, à vous remercier d'avoir
été présents parmi nous et de nous avoir apporté un
peu d'éclairage sur le sujet.
Mémoires déposés
J'en suis rendu au dépôt des mémoires. Donc, pour
les rendre publics et pour les faire valoir comme s'ils avalent
été présentés devant la sous-commission, je
dépose les mémoires des personnes et des organismes qui ont
transmis un mémoire dans le cadre des présentes consultations et
qui n'ont pas été entendus par la sous-commission, à
savoir: l'Association canadienne du diabète, division de Québec;
l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques;
l'Association médicale du Québec; l'Association des biochimistes
cliniques du Québec; l'Association des centres d'accueil privés
autofinancés inc.; MM. Louis Bernard et Gérald Guay; Mme Louise
Cayer; Centre de services sociaux Richelieu; Corporation professionnelle des
diété-tistes du Québec; Fédération des ACEF
du Québec; M. Louis Grondin; Ordre des audioprothésistes du
Québec; réseau La Relève; Services Présence
Famille; M. Nicolas Steinmetz; M. Fernand Turcotte et lettre d'appui du
Département de santé communautaire du Centre hospitalier
régional de l'Outaouais.
Maintenant, M. le ministre, je vous reconnais le droit de parole dans
vos remarques finales.
Conclusions M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je pense qu'on constatera que c'est un certain nombre de
conclusions qui ont pu se dégager en cours de discussion. Je voudrais
les étayer, M. le Président, à partir de sept
éléments principaux. Il faut donc faire un certain nombre de
constats à ce moment-ci et en même temps aussi un certain nombre
de mises au point.
Premièrement, le problème du financement est structurel et
non conjoncturel. D'abord, quant au niveau de nos dépenses, ce qui
représente un réel sujet d'inquiétude, ce n'est pas tant
le niveau per capita actuel que les perspectives par rapport à notre
richesse collective dans le nouveau contexte d'économie mondiale. (16 h
15)
À 9 % du PIB en termes de dépenses totales, le
Québec se situe au niveau le plus élevé au monde
après les États-Unis, ex aequo avec la Suède. La part des
dépenses publiques dans le PIB, qui se situe à 6,9 % selon les
bases statistiques reconnues - et non à 5,2 % comme certains groupes et,
en particulier, les médecins le laissent entendre - représente un
effort relatif plus élevé qu'en Ontario, qui est à 5,9 %,
qu'au Canada, à 6,5 %, et que dans la grande majorité des pays
industrialisés. Alors que de très fortes pressions s'exerceront
à la hausse sur les dépenses, il apparaît évident
que ce niveau ne pourra être dépassé sans risque
sérieux pour la compétitivité de notre économie et
notre capacité même à créer des emplois et du
bien-être à long ternie.
Concernant l'évolution des dépenses, sans parler de ceux
qui n'ont pas vu les dépenses bouger depuis 1971, il est
inquiétant de constater que, malgré la démonstration qui a
été faite, un bon nombre d'intervenants continuent de croire que
le problème actuel du financement est de nature conjoncturelle et qu'il
se résorbera de lui-même lors de la prochaine reprise
économique. l'on ne peut plus se soustraire à regarder la
réalité en face. nous avons accumulé 20 600 000 000 $ de
déficit d'épicerie depuis 1977-1978 et nos dépenses sont
appelées à augmenter à un rythme annuel composé de
l'ordre de l'ipc + 4,2 % - et, soit dit en passant, ipc + 6 % en 1991-1992 -
alors que révolution tendancielle de la richesse collective ne sera au
maximum que l'ipc + 3 % et que les disponibilités budgétaires du
gouvernement seront de l'ordre de l'ipc + 1 % au cours des prochaines
années.
Conséquence, si des dépenses de santé et de
services sociaux continuent aussi à augmenter à IPC + 3 %, les
autres secteurs d'activité du gouvernement ne pourraient augmenter plus
rapidement que l'IPC - 1 %, alors que ces secteurs font face à des
besoins prioritaires grandissants - mentionnons l'environnement, mentionnons la
formation de la main-d'oeuvre. Compte tenu du fardeau de la dette
accumulée qui, à 6700 $ par Québécois et par
Québécoise, représente le niveau le plus
élevé de toutes les provinces, dont l'Ontario à 4266 $, et
compte tenu également du fardeau fiscal de 2 100 000 000 $ de plus qu'en
Ontario qui, lui, est à 7 500 000 000 $, il doit être clair, au
terme de cette commission, que la société du Québec ne
pourra se payer le luxe de continuer sur cette lancée.
La problématique du financement de la santé et des
services sociaux ne pourrait être isolée de la
problématique des finances publiques et je partage l'avis qu'un
débat sur la fiscalité s'impose de plus en plus. Cependant, il
doit être clair que, si un tel débat ne permettait que
d'améliorer l'équité de la fiscalité, il ne
permet-
trait pas de procurer des revenus additionnels au gouvernement, ce qui
ne résoudrait pas l'impasse actuelle. Par contre, si une telle
révision avait comme conséquence d'augmenter les recettes, ce
serait par une augmentation de la fiscalité, ce qui, en ce cas,
compromettrait notre compétitivité et empirerait le marché
de l'emploi. Le problème du financement de la santé et des
services sociaux ne pourrait donc attendre les résultats d'un tel
débat sur la fiscalité.
Deuxièmement, la loi 120 et la politique de santé et
bien-être doivent être compatibles avec la politique de
financement. Alors que la présente commission s'adressait au
financement, certains ont dit regretter que l'on ne se soit pas
consacrés à la politique de santé et bien-être.
Alors que l'on examinait le projet de loi 120, ceux-ci réclamaient un
débat sur la question du financement. On ne peut tout faire en
même temps. Cependant, l'on doit connaître le cadre financier dans
lequel devra se situer l'application de la loi 120 et la politique de
santé et bien-être. Ces trois éléments fondamentaux
de notre politique doivent être convergents et respecter la
capacité de payer de notre société.
Troisièmement, la politique de santé et bien-être
devra tenir compte a long terme d'un virage réclamé vers les
déterminants de la santé. Si certains ont argumenté que
les dépenses globales devaient être maintenues au rythme minimum
du PIB, un bon nombre ont, au contraire, affirmé qu'il y avait assez
d'argent dans le système, qu'on ne devrait plus injecter tant de
ressources additionnelles dans le médico-hospitalier et qu'afin
d'améliorer les conditions de la population, il serait désormais
plus efficace d'investir plutôt en amont dans les déterminants
généraux de la santé ainsi que dans la prévention.
Ce virage graduel vers le social et l'économique s'impose et la future
politique de santé et bien-être ne pourrait pas ne pas en tenir
compte. Cependant, à court terme, l'évolution des dépenses
excède la marge de manoeuvre du gouvernement.
Quatrièmement, les mesures d'efficience et d'efficacité
doivent être appliquées en priorité. Je continue en disant
- parce que je suis sur mes gardes et, tant que je ne verrai pas ça
sonner, je vais continuer d'être sur mes gardes - que, cependant, elles
seront insuffisantes; la preuve de la suffisance est à faire dans le
concret. Si l'on pouvait, au cours des prochaines années, s'entendre sur
un cadre financier qui plafonnerait les budgets du réseau à un
rythme de croissance compatible avec la politique budgétaire du
gouvernement, soit IPC + 1 %, il est évident que la problématique
actuelle du financement serait résolue. Il ne serait plus
nécessaire de choisir entre une augmentation substantielle du fardeau
fiscal, une révision fondamentale du panier des services assurés
et une contribution liée à la consommation. Compte tenu de
l'écart entre la tendance actuelle de
IPC + 4,2 % et un tel objectif de IPC + 1 %, l'on doit réaliser
que ceci pourrait représenter un défi global de l'ordre de 385
000 000 $ par année, et ce, de façon récurrente et
cumulative.
S'il est un consensus établi, M. le Président, lors de
cette commission, c'est qu'il y a place à l'amélioration dans fa
pratique professionnelle et dans la gestion des établissements et que
des mesures d'efficience et d'efficacité doivent être
maximisées prioritairement au prélèvement de nouvelles
sources de financement. Face à ce défi colossal, il est
très encourageant de constater combien tous ont à coeur de
préserver les avantages de notre système. Un grand nombre de
propositions constructives ont été faites et nous devrons miser
sur cette volonté de nous serrer les coudes afin d'explorer les pistes
et de saisir les ouvertures qui ont été faites de la part des
intervenants.
On doit cependant être réalistes. Si certaines propositions
méritent d'être étudiées, d'autres, cependant,
exigeraient de nouveaux développements de l'offre de services et
n'entraîneraient pas d'économies nettes, substantielles; ne
prenons que pour exemple la chirurgie d'un jour. Les propositions qui nous ont
été faites ne seraient pas rapidement opérationnelles et,
bien qu'elles permettraient de réduire à long terme les pressions
sur les dépenses, elles ne permettraient pas un rendement suffisant au
cours des prochaines années pour combler un manque à gagner de
l'ordre de 200 000 000 $ à 400 000 000 $ par année,
cumulatifs.
Cinquièmement, le gouvernement fédéral, pas plus
que le gouvernement du Québec, n'a les moyens de soutenir les normes
actuelles. Certes, d'un point de vue strictement comptable, le problème
actuel apparaît provenir en majeure partie du désengagement
fédéral, lequel entraîne un manque à gagner de 1 200
000 000 $ en 1991-1992 et dont le gel annoncé entraînera un manque
à gagner supplémentaire de 1 000 000 000 $ en 1996-1997, soit 200
000 000 $ par année.
Le véritable problème cependant, c'est que le citoyen
québécois est, tant au palier fédéral que
provincial, surendetté et surtaxé, alors que son économie
subit un ralentissement tendanciel, étant soumise à un stress de
compétition internationale sans précédent. Dans ce
contexte, comment peut-on croire que le rapatriement, dans les finances
publiques du Québec, de notre part du déficit
fédéral et de points d'impôt, dont le rendement est de 15 %
inférieur à la moyenne canadienne, ainsi que l'ajout de
contraintes économiques supplémentaires permettraient aux
citoyens du Québec d'être plus avancés?
Sixièmement, de nouvelles sources de financement seront requises,
qui impliqueront nécessairement une révision du panier et une
contribution de l'usager. À la question fondamentale posée lors
de cette commission, l'on doit se dire les choses bien en face: Non, le
gouverne-
ment ne pourra continuer indéfiniment de compenser le
désengagement fédéral en améliorant la performance
de ce secteur, en demandant aux autres ministères de s'éteindre
à petit feu, en surchargeant l'endettement des générations
futures ou en augmentant le fardeau fiscal.
Plusieurs sont venus dire qu'une révision du panier des services
assurés de même qu'une tarification, même en excluant les
démunis et en tenant compte de la capacité de payer, seraient
absolument inéquitables vis-à-vis des usagers. Pourtant,
l'augmentation de la fiscalité qu'ils recommandent rendrait
l'économie moins compétitive et serait inéquitable
vis-à-vis des citoyens en recherche d'emploi. Par ailleurs, une
augmentation du déficit serait inéquitable pour les
générations futures. Il n'a jamais été question de
remplacer le système public actuel par un système privé de
type américain, mais de laisser respirer marginalement la
capacité financière de l'État qui est à bout de
souffle. Certains ont exprimé leur angoisse pour la moindre
défiscalisation qui plongerait le Québec dans
l'iné-quité. Pourtant, en maintenant les normes actuelles qui
sont au-dessus de nos moyens, nous entretenons, depuis plusieurs années
déjà, une situation inéquitable, et la situation du
chômage et de la dette accumulée le démontre très
bien. dans les circonstances actuelles, comment peut-on encore
considérer qu'il serait plus inéquitable de demander à un
usager qui a les moyens de contribuer de façon modeste pour les services
qu'il consomme, comme dans pratiquement tous les pays du monde, que de faire
payer les générations futures qui ne bénéficient
même pas de ces services? pourquoi une contribution modeste de ceux qui
retirent un bénéfice du système public ne serait pas
acceptable au québec, alors qu'elle l'est pour les médicaments,
par exemple, pour 90 % des citoyens des pays de l'ocde, excluant les
états-unis, notamment en suède, en france, en angleterre, en
allemagne, en suisse, en italie, en belgique et en finlande? ces pays n'ont-ils
pas, eux aussi, des valeurs sociales?
Comment peut-on encore, en 1992, défendre que le panier des
services assurés à la génération actuelle ne
devrait aucunement être révisé, quelles qu'en soient les
conséquences sur la capacité des générations
futures à s'offrir ces services et quel qu'en soit leur degré
d'efficacité? Toutes les organisations doivent constamment s'adapter.
Après 20 ans, une organisation qui ne réviserait pas son panier
de services en regard de l'évolution de l'utilité de ces services
et de sa capacité à les produire serait vouée à
l'échec. Il n'en saurait être autrement pour notre système
de santé et de services sociaux. en conclusion, de façon
prioritaire, mais absolument prioritaire, les mesures de contrôle et
d'amélioration d'efficience et d'efficacité proposées dans
le document et celles qui se sont ajoutées en cours de route devront
être con- crétisées. Plusieurs des pistes
suggérées lors de cette commission devront être
poursuivies. Par ailleurs, au début de cette commission, j'ai dit que
l'État devrait se préoccuper de la santé et du
bien-être de tous les citoyens et qu'il était de la
responsabilité de la société québécoise
toute entière de placer les droits et les intérêts
légitimes de nos enfants et de nos petits-enfants, (es futurs citoyens,
qui sont sans voix pour les faire valoir, sur un pied d'égalité
avec ceux de leurs contemporains. Dans des décisions qui devront
bientôt être prises, le gouvernement devra manifestement
prêter sa voix aux citoyens de demain afin de rétablir un juste
équilibre dans les droits de tous les citoyens, ceux d'aujourd'hui et
ceux de demain.
Nos choix collectifs devront également être
révisés sur une base régulière, afin de faciliter
l'implantation des mesures d'efficience et d'efficacité et de favoriser
une meilleure prise de conscience pour l'acceptation de nouvelles sources de
financement. Le fonds général des services sociaux et de la
santé sera un nouvel outil fort utile. À cet égard, il ne
me paraît pas concevable qu'on puisse, comme certains le proposent,
créer deux fonds distincts, santé et social, alors que la
conception moderne de la santé tend vers l'intégration de la
dimension sociale et que la population requiert un virage vers les
déterminants généraux.
J'aimerais souligner enfin que je suis très fier de la
façon dont s'est déroulée cette commission parlementaire
et du niveau du débat sur un sujet aussi complexe et sensible que le
financement des services sociaux et de santé. Je suis
particulièrement heureux que, malgré certaines divergences
concernant les solutions apportées, une volonté très nette
se soit exprimée de la part de tous les intervenants de ne pas s'isoler
et de travailler ensemble de façon plus étroite que jamais pour
solutionner le problème du financement, tout en faisant progresser notre
système. La création d'un conseil de santé et de
bien-être permettra sans doute d'actualiser cet esprit de partenariat
dans le meilleur intérêt de tous les citoyens du Québec. Je
vous remercie, M. le Président. (16 h 30)
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je serai bref dans ces
remarques terminales. C'est bien sûr que tes intervenants
concernés avaient plus hâte d'avoir les conclusions de la partie
gouvernementale quant aux choix qui commencent à s'opérer et
à se décider à la suite de ce débat que celles de
l'Opposition, mais je ne pourrais pas, bien sûr, terminer cette longue
session, ces séances de travail sans apporter certains
éléments de conclusion de la part de l'Opposition.
D'abord, il est, dans ces questions de débat autour
de grands enjeux sociaux, une remarque qui apparaît souvent lorsqu'on les
termine en disant: On n'a pas progressé d'un pouce, on n'a pas
avancé. Nous pouvons tirer très nettement la conclusion
aujourd'hui - c'est, du moins, celle de l'Opposition - que nous avons
progressé de façon sensible et, à cet égard,
lorsque nous avions réclamé ce débat sur le financement du
système de santé et des services sociaux au Québec, c'est
à ce genre d'illustration, à tout le moins, que nous pensions que
nous pourrions en arriver en termes de tenants et d'aboutissants pour nos
services de santé et nos services sociaux. Nous pensons que les six
journées que nous avons passées avec des partenaires des
différents groupes de la société sont finalement un
investissement qui va être profitable et qui va nous amener à des
conclusions qui peuvent être intéressantes, du moins sur le plan
du défi collectif.
Il est assez clair que tout ce que nous avons entendu
devant cette commission, d'abord, confirme non seulement le diagnostic
chiffré de l'État, du gouvernement à partir du mois de
décembre, mais confirme également celui que nous avions
nous-mêmes apporté en début de commission en disant que
notre impasse, sur le pian financier, est de 2 870 000 000 $ jusqu'à 5
561 000 000 $ sur les cinq prochaines années. Ces chiffres-là ont
plutôt été confirmés qu'infirmés. C'est
décrire toute l'ampleur du défi qui nous attend. C'est
décrire l'ampleur des difficultés.
Ce qui s'est dégagé quant à nous de
façon très claire au cours de ces audiences, au cours de ces
séances, c'est qu'il y a un certain nombre de virages à prendre
au Québec en matière de santé et de services sociaux, en
matière de financement de nos services de santé et de nos
services sociaux et qu'au cours des prochaines années, il sera difficile
d'échapper à ces remises en question, à ces virages qui
ont été proposés sous différentes formes, sous
différentes appellations.
Je veux en retrouver ou en noter les principaux virages,
d'une politique de santé et de bien-être. Le gouvernement aura
beau nous expliquer, nous réexpliquer qu'il ne pouvait faire autrement
qu'en même temps qu'on était sur une réforme de structures
et qu'on débattait sur le financement, ce que nous avions
nous-mêmes réclamé, il ne pouvait s'occuper de la politique
de santé et de bien-être, je dirais qu'à peu près
tous ceux qui sont intervenus ici devant cette commission ont dit qu'il aurait
fallu commencer par le commencement, à commencer par les derniers qui
sont passés ici, les conseils régionaux de la santé et des
services sociaux qui nous disent: Pendant 25 ans, avec une absence d'objectifs
ou l'absence d'objectifs pendant 25 ans, eh bien, la façon de s'en
donner, ça s'appelle une politique de santé et de
bien-être. Dans une politique de santé et de bien-être, le
premier virage - je suis heureux, le ministre vient de donner un des
éléments de la direction qu'il faudra entreprendre - est de
travailler sur les déterminants de la santé, sur les
déterminants d'abord, et ça, c'est un virage important.
Collectivement, que nous nous soyons dit,
répété, affirmé, confirmé, tout ce que vous
voulez, qu'il faut d'abord travailler en amont, qu'il faut d'abord travailler
sur les déterminants de la santé... Le premier déterminant
de la santé, le premier élément, c'est une
véritable politique de lutte à la pauvreté ou, dans le
sens positif, une véritable politique de développement du plein
emploi, parce qu'on le sait, une personne au travail est une personne qui
consomme moins. Virage important à prendre sur le plan des ressources
à consacrer quant aux déterminants de la santé. Virage
important également dans le système quant à ce qu'on a
appelé le complexe médico-hospitalier qui inclut les ressources
professionnelles médicales, qui comprend toutes ces ressources qui
tournent autour de la pratique médicale.
Qu'on le veuille ou non, qu'on soit justifiés ou
pas, si nous n'avons pas entendu ici, au cours des six dernières
journées, qu'il doit y avoir un virage sur le plan de la pratique
médicale, sur le plan du comportement du médico-hospitalier au
Québec... Je pense que le message n'aurait pas pu être plus clair
que ça, on ne peut pas être plus clair que ça sur ce que
nous avons entendu, et ça réclame un virage. Il va falloir s'y
attaquer. Je suis, quant à moi, et je continue à être
très inquiet sur l'espèce de
«désolidarisation» que nous avons au plan social, au
Québec, en particulier avec les médecins, et il y a du travail
à faire sur ce virage nécessaire, sur le plan du
médico-hospitalier, à réaliser au Québec.
Un troisième virage, c'est le virage de la
prévention de la première ligne, ce que d'aucuns ont
appelé le modèle de la première ligne. Il me semble assez
clair, compte tenu de l'état des ressources, ça aussi, que ce
virage nous interpelle, que tout ça est une question de temps, que nous
aurons à prendre ce virage et que nous sommes aussi bien de nous y
attaquer rapidement.
Le virage également de qui réalise quoi dans
le réseau de la santé et des services sociaux. Tous les groupes
ont été interpellés, de la pratique médicale
allé aux infirmières, allé aux auxiliaires, allé
aux préposés, allé aux différentes
catégories de personnel, allé aux gestionnaires
d'établissement, et ils nous ont à peu près tous
indiqué qu'il y avait un virage assez important, une remise en question
à faire et un virage important à prendre parce que, au
Québec, on pourrait réaliser plus avec ce que l'on a. On pourrait
peut-être réaliser mieux avec ce que l'on a et, dans ce
sens-là, le dernier virage qui me semble se dégager rapidement,
c'est, oui, le virage de la gestion des établissements où, si
on
procède soit par l'incitatif, sort par la détermination
d'objectifs très clairs, on pourra en arriver à des
résultats sensiblement différents et à une meilleure
utilisation des sous que le public nous confie et que nous avons
actuellement.
Dans le très court terme, il est évident, il est
très évident qu'on doit consacrer le maximum d'énergie
à sauver les pans qui s'appellent les yeux, les dents, les
médicaments aux personnes âgées. De façon
très précise, nous étions dans un débat et nous
sommes dans un débat sur le financement. À partir du moment
où on veut aller au-delà de la symbolique, bien sûr, et
qu'on veut aller dans le concret... Les optométristes nous ont
démontré ici que non seulement l'économie n'était
peut-être pas si substantielle que nous le prétendions ou qu'on le
prétendait du côté gouvernemental, mais, plus que cela,
qu'ils manifestaient une ouverture publique à la révision de leur
propre rémunération au niveau des actes. Avant de sabrer dans ce
programme du côté des optométristes, du côté
de l'oculo-visuel, s'il vous plaît, rendons-nous à l'extrême
des possibilités pour sauver ce pan du régime, sauver les enfants
au niveau des soins dentaires. Là aussi, il y a eu des ouvertures, il y
a eu des aménagements possibles au niveau des périodes d'examen
et, encore là, oui, les professionnels du secteur, les familles nous
l'ont réclamé. Chacun est prêt à faire son bout. Du
côté des médicaments aux personnes âgées, on
en a suffisamment parlé pour dire que contrôle et suivi peuvent
peut-être s'articuler d'une autre façon que par l'introduction
d'un ticket orienteur ou d'un ticket modérateur à la
consommation, tout en reconnaissant qu'il y a là un problème au
niveau de la consommation.
Je conclurai en disant que, sur le long terme, il est évident, M.
le ministre, que nous ne nous contenterons pas, au niveau des recettes,
d'explications aussi simplistes que celles que vous nous avez
présentées aujourd'hui. Nous ne nous contenterons pas de nous
faire dire que nous sommes petits et que, les milliards de dollars qui sont au
gouvernement fédéral, on en prendra notre juste part, 18 %, et
qu'on va refuser de prendre un point d'impôt qui, à la limite,
vaudrait 0, 85 $, qu'on serait capable de mieux gérer que le dollar
qu'on envoie là-bas et pour lequel, en matière de santé et
de services sociaux, on ne nous retourne que 14, 2 %. Nous n'accepterons pas ce
raisonnement simpliste de dire que nous ne sommes pas capables de le prendre en
main, que de toute façon, il n'y a pas d'économie, que la
théorie du pire est encore la meilleure et qu'on les laisse couler avec
notre argent. Non, au prix de saboter notre régime de santé et de
services sociaux, non, nous n'accepterons pas ce raisonnement. Jamais nous ne
l'accepterons et nous nous rendrons au bout du raisonnement.
Nous pensons, à cet égard, que le principal défi,
pour le gouvernement du Québec, non seulement en termes de sources de
financement, mais pour le réseau de la santé et des services
sociaux, pour les jours et pour les semaines à venir... Tous les
intervenants de ce réseau ont le droit de réclamer que ce ne
soient pas les services de santé et les services sociaux qui fassent les
frais du débalancement des finances publiques au Québec, compte
tenu des constats d'administration du contrôle et du niveau de
dépenses dans le régime de santé et de services sociaux au
Québec. Quant à nous, les intervenants, les citoyens ont le droit
de réclamer de leur gouvernement que ce ne soient pas les services de
santé et les services sociaux qui fassent les frais de la mauvaise
gestion, de la mauvaise administration et du débalancement structurel ou
conjoncturel des finances publiques du Québec.
En toute conclusion, oui, ce débat a été, comme
durant bien d'autres semaines que nous avons passées avec le ministre,
franc, ouvert, avec un certain nombre de conclusions qu'il ne faut pas avoir
peur de tirer, des exigences qu'il ne faudra pas avoir peur d'avoir pour les
prochaines semaines. On a eu, quant à moi, suffisamment de
démonstrations pour dire qu'on peut avoir confiance dans tous les
éléments du réseau de la santé et des services
sociaux pour que nous soyons capables de relever le défi, et qu'on
procède, dans les plus brefs délais, à la mise sur pied
des quatre comités que je suggérais, à l'ouverture de
cette commission, quant aux économies envisageables en matière de
gestion de l'appareil administratif, d'identification des dédoublements
et des irritants inutiles, et qu'on formule des recommandations, notamment en
regard des outils de gestion, qu'on évalue les économies
envisageables, à la suite de la révision de l'attribution de la
délégation des actes médicaux et paramédicaux, les
économies envisageables en termes de normatif dans le système de
santé et de services sociaux, si on garantit aux salariés que
nous allons respecter les mécanismes de négociations et leur
participation à l'enrichissement collectif, et économies
envisageables, bien sûr, avec les gens concernés, que nous
pourrions réaliser en réexaminant, avec tous les critères
requis, le panier de services actuellement compris en matière de
santé et de services sociaux assurés au Québec. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. te député.
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
après ces déclarations, je pense qu'il est de mise de remercier
tous ceux qui ont participé, y compris des collègues de la
majorité, de l'Opposition, se disant que c'est un au revoir, parce qu'on
a deux autres rendez-vous: la politique de santé et de bien-être
et les thérapies alternatives. Éventuellement, si on veut voir un
horizon des thérapies alternatives, possiblement en août
ou en septembre, à titre d'indication, on aura des
échanges ultérieurement. quant à la politique de
santé et de bien-être, je l'espère très
prochainement.
M. Trudel: Je voudrais remercier à mon tour M. le
Président...
Le Président (M. Joly): Très bien. Ça m'a
fait plaisir, monsieur.
M. Trudel:... qui, encore une fois, a présidé nos
cérémonies avec une grande efficacité. Merci aux gens qui
sont intervenus. Je voudrais dire aux gens à l'arrière: Ne
déchirez pas vos billets de saison, ne déchirez pas vos
tickets.
Une voix: C'est meilleur que les Nordiques.
M. Trudel: C'est aussi bon que les Nordiques et peut-être
qu'il y aura une rallonge de spectacle si Bouchard vient. Merci.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président.
Le Président (M. Joly): Oui, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, si
jamais Bouchard venait, c'est là où mon cinquième
élément, qui a semblé interpeller de manière assez
importante mon collègue...
Une voix: Tout à fait.
M. Côté (Charlesbourg):... prend toute son ampleur,
y compris dans ses bons et mauvais côtés. C'est un paragraphe
très équilibré, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie. Alors, la
sous-commission ayant rempli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Bon
voyage de retour.
(Fin de la séance à 16 h 45)