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(Neuf heures quarante minutes)
Le Président (M. Williams): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La sous-commission des affaires sociales se réunit afin de
procéder à des consultations particulières et tenir des
auditions publiques sur le document de consultation intitulé «Un
financement équitable à la mesure de nos moyens». Est-ce
qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui. M. Joly (Fabre) est remplacé
par M. Tremblay (Rimouski).
Une voix: Ah bon?
Une voix: Ça va changer d'allure.
Le Président (M. Williams): Aujourd'hui, nous avons la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
pour une heure; après ça, la Confédération des
syndicats nationaux et la Centrale de l'enseignement du Québec; à
14 heures, la Fédération des infirmières et infirmiers du
Québec, la Corporation professionnelle des infirmières et
infirmiers auxiliaires du Québec et, à 16 heures, la Corporation
professionnelle des travailleurs sociaux du Québec; à 17 heures,
l'Alliance des communautés culturelles pour l'égalité dans
la santé et les services sociaux; à 18 heures, le Montreal Board
of Trade, Bureau de commerce de Montréal et, à 20 h 30, nous
aurons la Corporation professionnelle des médecins du Québec.
FTQ
Je voudrais maintenant inviter la Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec à se présenter.
Ils sont déjà en place, alors bienvenue à la commission.
Est-ce que vous pouvez vous identifier, s'il vous plaît?
M. Daoust (Fernand): Avec plaisir.
Le Président (M. Williams): Comme vous le savez, vous avez
une heure: 20 minutes pour votre présentation, 20 minutes pour les
questions du côté ministériel et 20 minutes pour le
côté de l'Opposition. Bienvenue.
M. Daoust: Merci beaucoup, M. le Président. Madame, M. le
ministre, MM. les députés, je vous présente ceux qui
m'accompagnent: Lauraine Vaillancourt, vice-présidente de la FTQ, Louis
Duval, président de l'Union des employés de service, section
locale 298, Claude Poulin, actuaire-conseil de la FTQ, Jean-Guy Frenette,
conseiller politique, Henri Massé, vice-président de la FTQ,
directeur québécois du Syndicat canadien de la fonction publique,
et Dominique Malboeuf, du SCFP, le Conseil provincial des affaires sociales,
dont elle est la présidente.
Je vous remercie, M. le ministre, de nous avoir invités à
cette commission chargée de discuter du financement des services de
santé et des services sociaux. D'entrée de jeu, nous
déplorons que vous nous confiniez à un débat sur le
financement sans, simultanément, nous inviter à
réfléchir sur la politique des services de santé et des
services sociaux du Québec. Comment pouvons-nous, dans ce contexte, nous
assurer que les moyens dont nous allons nous doter correspondent effectivement
aux objectifs de la population en matière de santé? Même si
nous déplorons l'illogisme de cette démarche, l'importance du
débat qui touche à la fois nos 450 000 membres ainsi que
l'ensemble de la population nous incite, malgré tout, à vous
exprimer nos réflexions à l'égard du financement des
services de santé et des services sociaux.
Depuis les débuts des travaux sur la réforme des services
de santé et des services sociaux, la FTQ a été de toutes
les consultations, et nous n'en sommes pas à notre premier
mémoire. Or, le principe qui a toujours animé nos interventions
est le maintien d'un système public accessible et universel. À
notre avis, les propositions d'un financement privé et individuel telles
qu'énoncées dans le document ministériel sont
inacceptables.
La FTQ s'oppose donc à toute forme de tarification qui ouvre
ainsi la porte à une privatisation accrue du système de
santé. Par conséquent, nous nous opposons à l'utilisation
de la tarification, de l'impôt-services et du ticket modérateur
qui déplacent le fardeau financier vers les seuls usagers et
usagères des services de santé et services sociaux. Ce sont des
mesures inéquitables et injustes.
L'actuel système de santé: un prix d'excellence. Nous
n'avons pas l'intention de présenter une montagne de statistiques pour
vous démontrer l'excellence de notre système de santé.
Nous estimons que vous avez bien fait vos devoirs à cet effet dans le
document ministériel. Il nous semble aussi bien établi que notre
système public de santé offre un large éventail de
services à des coûts inférieurs à ceux de l'Ontario
et de façon plus efficace que le modèle américain, par
exemple.
Au chapitre de l'équité et de l'universalité, des
études canadiennes, québécoises et américaines
récentes démontrent que les points forts de
notre système sont la protection universelle de la population,
les normes nationales de soins, la transférabilité de la
protection, la large gamme des services, la liberté de choix du
professionnel, la liberté de traitement de la part des médecins,
et le reste. Ces points forts sont la base d'un système que nous ne
voulons pas troquer.
De façon générale, les constats formulés
dans le document gouvernemental militent en faveur de notre système de
services de santé et de services sociaux. Nous croyons que les seuls
facteurs qui motivent le gouvernement à infléchir la dynamique
des dépenses de santé sont la volonté politique à
courte vue de réduire la taille de l'État conjuguée
à la récession et à ses répercussions sur la
croissance ralentie du PIB. À notre avis, ce désengagement de
l'État découle donc, d'abord et avant tout, d'un discours
politique et non d'une analyse socio-économique rigoureuse.
Les finances publiques, le véritable problème. Il nous
apparaît évident que la problématique du financement des
services de santé et des services sociaux s'explique en majeure partie
par l'évolution des finances publiques. Nous reconnaissons que le
désengagement fédéral constitue une perte
financière importante pour le Québec. La FTQ déplore
vivement que votre réflexion sur le financement des services de
santé ne se soit pas articulée autour d'une vision globale du
désengagement fédéral, surtout que ce processus a
été amorcé depuis déjà plusieurs
années.
De plus, nous regrettons que le gouvernement n'ait pas poursuivi sa
réflexion sur l'évolution de ses recettes et de ses
dépenses globales. À notre avis, la mise en oeuvre de
différentes mesures d'assainissement budgétaire conjugée
à une reprise prochaine de l'activité économique
créeront, dans un avenir assez rapproché, la latitude
financière nécessaire pour maintenir votre engagement en faveur
d'un système de santé. Bref, nous considérons que le
gouvernement tente de résoudre un problème de finances publiques
et non un problème de financement qui résulte du fonctionnement
interne du système des services de santé et des services sociaux,
et nous refusons de vous suivre dans cette voie.
Nos propositions, elles sont justes et réalistes. Dans votre
réflexion sur le financement, vous souhaitez changer les
modalités de financement. Au risque de nous répéter, nous
vous réitérons que nous sommes en profond désaccord avec
toute forme de tarification qui viole systématiquement les principes
d'accessibilité et d'universalité sur lesquels notre
système s'est édifié. À la FTQ, nous croyons
sincèrement que plusieurs mesures autres qu'une hausse de taxes ou
d'impôt et qui s'inscrivent dans une perspective de long terme sont plus
appropriées au financement des services de santé et des services
sociaux.
Accent sur la prévention. La FTQ estime que le niveau de
santé et de bien-être d'une population s'explique en grande partie
par son environnement physique et socio-économique et non seulement par
le niveau des services de santé et des services sociaux disponibles.
même si elle arrive tardivement dans le processus de réforme, la
formulation d'une politique des services de santé et des services
sociaux devra mettre l'accent sur la prévention pour améliorer la
santé et le bien-être des québécois et des
québécoises. nous ne répéterons jamais assez
combien il est primordial de créer des emplois, d'offrir une
éducation adéquate, d'assainir nos milieux de travail, de nous
doter d'une véritable politique de l'environnement, et le reste. c'est
là que, essentiellement, doivent porter les efforts du gouvernement. le
volet coût. vos propres conclusions tirées de l'examen du
système de santé ont permis d'identifier un certain nombre
d'inefficacités dans le fonctionnement de la prestation des services de
santé et des services sociaux. nos propositions pour réduire ces
inefficacités sont les suivantes: coordonner et favoriser
l'intégration des services de santé et des services sociaux par
le biais des clsc; axer la prestation des soins de santé sur la
prévention; réviser le paiement à l'acte des
professionnels de la santé et proposer un mode de
rémunération plus approprié aux objectifs du
système; restreindre l'accroissement du nombre de professionnels de la
santé à un niveau compatible avec l'augmentation de la
population; resserrer les contrôles de l'utilisation de la carte
d'assurance-maladie; accentuer la pratique des achats groupés et
établir des normes dans l'implantation de nouvelles technologies. nous
sommes d'avis que le gouvernement ne doit pas seulement réfléchir
à ces propositions. nous croyons que vous devriez les mettre rapidement
en application.
Au chapitre de la visibilité, la FTQ est, en principe, d'accord
avec l'idée d'accroître la transparence du système
comptable du gouvernement afin de sensibiliser la population aux coûts
des traitements et services. Cependant, nous tenons à faire une mise en
garde. En aucun cas, ce nouveau mode de fonctionnement ne doit maintenir
l'attention gouvernementale au seul volet des coûts. Le gouvernement doit
également s'engager à informer les citoyens et les citoyennes des
améliorations sur la santé et le bien-être qui
résultent des sommes investies. la contribution fédérale.
le redressement des finances publiques prévu pour le milieu des
années quatre-vingt-dix devrait inciter le gouvernement du québec
à maintenir une pression constante sur le gouvernement
fédéral pour qu'il revienne à son engagement initial dans
le système de santé.
La réforme fiscale. De plus, parce que le réel
problème du gouvernement est lié à la gestion des finances
publiques, vous devez immédiatement vous engager dans une
révision de la fiscalité du Québec. On devrait y retrouver
le
souci que les entreprises paient leur juste part des recettes fiscales
et que la progressivité de l'impôt sur les revenus soit
rétablie. Dans le cadre de cette réforme, vous devriez aussi
examiner attentivement la possibilité d'introduire de nouvelles formes
d'Imposition telles i'impôt sur l'actif net des personnes ou les droits
de succession et les droits de donation.
Impôt sur les revenus. Finalement, et seulement si toutes les
mesures précédentes s'avèrent insuffisantes pour maintenir
et améliorer notre système de santé, il est clair pour
nous que les moyens accrus de financement devront provenir d'une source
collective. La FTQ préférerait donc l'utilisation d'un
impôt sur les revenus des particuliers et des entreprises à toute
autre forme de tarification. Nous sommes très conscients qu'une hausse
de la taxation ou de l'impôt n'est jamais populaire. Cependant, nous
croyons fermement qu'après une démonstration que les autres
mesures n'arrivent pas à combler les attentes les
Québécois et les Québécoises seront prêts
à payer davantage pour préserver leur système public de
services de santé et de services sociaux.
M. le ministre, la FTQ croit en l'importance de maintenir et
d'améliorer le système de santé au Québec. En
refilant au secteur privé la prestation des services ou leur
financement, l'État se désengage de certaines de ses
responsabilités mais ne résout pas le problème de fond.
Les enjeux demeurent les mêmes; les pressions à la hausse sur les
dépenses et la problématique du financement pour rencontrer ces
obligations continuent d'exister. D'ailleurs, aucun fait ne vient étayer
l'hypothèse à l'effet que le secteur privé est mieux
habilité à composer avec ces contraintes. L'expérience
américaine tend plutôt à nous démontrer le
contraire. Nous sommes d'avis que notre système des service de
santé et des services sociaux remporte la médaille d'or au
chapitre de la comparaison des coûts et des bénéfices entre
un régime public et un régime privé comme, par exemple,
celui des États-Unis.
À cet égard, je souhaiterais bien, s'il nous reste
quelques minutes, que M. Poulin puisse nous présenter brièvement
le système de santé des États-Unis et établir
quelques comparaisons éloquentes qui pourraient nous éclairer
à ce sujet-là.
M. Poulin (Claude): Bonjour, madame, messieurs, M. le ministre.
Mon nom est Claude Poulin, je suis actuaire et ma société a des
bureaux à Montréal et à Washington depuis 1980, mais je
travaille aux États-Unis depuis plus d'une vingtaine d'années
dans les avantages sociaux.
Présentement, un des problèmes les plus graves qui secoue
la société américaine, c'est dans ie domaine de la
santé. C'est probablement un des cinq problèmes les plus graves,
avec le déficit. Depuis trois ou quatre années, les conflits
ouvriers ont eu pour cause l'augmenta- tion des coûts de la santé.
Présentement, les employeurs américains paient 300 $, 400 $ et
même jusqu'à 1000 $ par mois, par employé, pour les
services de santé. Ce qui caractérise le système
américain, c'est l'absence de système. Les coûts
augmentent, pour les employeurs, d'environ 20 % à 25 % par
année.
Les Américains envient énormément le système
canadien. Les caractéristiques qu'ils apprécient le plus dans le
système canadien sont l'universalité, l'accessibilité et
la transférabilité. Par exemple, si un employé quitte son
employeur aux États-Unis, à ce moment-là, si
l'employé a des antécédents médicaux comme le
diabète ou un souffle cardiaque, ça va être impossible pour
cet employé de se payer de l'assurance. Il va être refusé
par les compagnies d'assurances, soit la Croix Bleue ou les compagnies
commerciales. Les Américains, depuis une quinzaine d'années, ont
essayé de résoudre le problème en mettant sur pied ce
qu'ils appellent des HMO, Health Maintenance Organizations, où l'accent
est mis sur la prévention. Ça a joué. Dans certains cas,
les HMO ont aidé énormément le système
américain mais, d'un autre côté, les coûts ont
continué à augmenter et, maintenant, on se trouve dans la
situation où les coûts des Health Maintenance Organizations sont
presque aussi élevés que pour les autres compagnies
commerciales.
Un des problèmes les plus difficiles présentement, c'est
que les caisses de bien-être, ce qui s'appelle les Welfare Funds, des
gros syndicats - je pense aux mines, aux Teamsters - sont toutes en faillite.
Les syndicats, les employeurs, les États, les municipalités,
présentement, se servent des surplus dans les régimes de retraite
pour financer les caisses de bien-être. C'est un problème à
long terme qui est résolu par une solution à court terme, puis
ça ne fait qu'accentuer le problème. Les passifs des caisses de
bien-être augmentent. Les actifs diminuent d'une façon
draconienne. Présentement, aux États-Unis, il y a un groupe, une
industrie en particulier, l'industrie des mines, qui est
caractérisée par une foule de petits employeurs, peut-être
une dizaine d'employés par employeur et, dans les 40 dernières
années, il y en a beaucoup qui ont fait faillite. À ce
moment-là, ce qu'on appelle la caisse des orphelins, qui est la caisse
des retraités des employeurs qui ont fait faillite depuis 20 ans, est
totalement à sec; présentement, il y a deux projets de loi au
Congrès pour financer les prestations de ces mineurs-là, environ
15 000 mineurs. Présentement, ils n'ont absolument aucune forme
d'assurance-maladie parce que leurs employeurs ont fait faillite dans le
passé.
On pourrait penser, à cause des coûts élevés
des soins de santé aux États-Unis - 700 000 000 000 $ en 1991,
c'est-à-dire plus de 2500 $ par citoyen américain - que les
Américains auraient un service de santé qui est supérieur
à ce qui existe ailleurs dans le monde.
Ce n'est pas le cas. Il y a deux mesures Importantes de la
qualité de la santé, c'est l'espérance de vie et la
mortalité infantile. Au niveau de l'espérance de vie, les
Américains sont au 17e rang, tandis que le Canada, incidemment, est au
5e ou au 6e rang, tandis qu'au niveau de la mortalité infantile, de 1980
à 1990, les Américains sont passés du 16e rang au 22e
rang. The Center for Decease Control d'Atlanta a publié des chiffres la
semaine dernière, disant que même si la mortalité infantile
a diminué aux États-Unis, comparativement au reste du monde, ils
sont passés du 16e ou 17e au 22e rang en 1990. Incidemment, le pays qui
est en tête de file est le Japon. Le Canada est au 5e ou 6e rang à
ce titre-là.
À ce moment-là, je pense qu'avant de faire des
changements... Évidemment, le monde entier, présentement, vit la
récession, l'Amérique du Nord en particulier. Il y a des
problèmes à court terme; tout le monde a des problèmes
budgétaires. Il y a des déficits qui s'amoncellent dans toutes
les juridictions, que ce soft au fédéral, au provincial, dans les
États ou les municipalités. Il serait malheureux, je pense,
d'essayer de résoudre des problèmes à court terme -
c'est-à-dire la récession qui, éventuellement, on
l'espère, va se terminer - en prenant des mesures qui affecteraient le
système à long terme. Je vous remercie. (10 heures)
Le Président (M. Paradis, Matapédia): M.
Oaoust.
M. Daoust: C'est complet.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Vous
êtes prêts pour l'échange?
M. Oaoust: Oui.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. La présentation qu'on a entendue ce matin est dans la
lignée de ce que la FTQ nous avait présenté le 20 mars
1990, donc. II y a à peu près deux ans, avec la même
logique parce que j'ai pris soin de relire ce matin cette présentation
et elle contient certains passages et certaines ouvertures qu'il y avait dans
le mémoire aussi à l'époque. C'est une contribution qui
pose un certain nombre de questions, de bonnes questions. Et c'est un peu
l'objet de la commission de tenter de répondre à certaines de nos
interrogations sur un système qui, effectivement, a fait ses preuves et
dont les bénéfices sont très clairs pour les usagers. Et
surtout, moi, j'en rajouterais même à votre comparaison par
rapport aux États-Unis: je ne suis pas intéressé du tout.
Le gouvernement n'est pas intéressé du tout à avoir les
États-Unis comme modèle sur le plan de la santé et des
services sociaux. Cependant, II faut examiner aussi un petit peu ce qui se
passe ailleurs, en Suède, au Japon. Vous avez donné certains
exemples tantôt, et quant à moi le modèle américain
dans le domaine de la santé et des services sociaux, ce n'est
certainement pas le modèle à suivre. ceci étant dit, on
est dans un processus de transformation de notre système qui fait en
sorte que, depuis six ans, sept ans, tout le monde étudie, tout le monde
ausculte pour tenter de trouver ce qui serait le meilleur système au
niveau du québec; et on est, depuis deux ans, donc, dans la phase de
réalisation. la réforme elle-même s'est adressée, il
faut l'admettre, à une révision de la loi 120 et à une
révision des structures. on est dans le deuxième
élément, qui est majeur, le cadre financier qui m'apparaît
extrêmement important pour les prochaines années, qu'il faut
régler. et le troisième élément est la politique de
santé et bien-être. vous dites: ça prend une politique de
santé et bien-être pour être capable de... ce que je veux
vous dire, c'est qu'à mon point de vue ça converge. j'aurais,
bien sûr, préféré avoir une politique de
santé et bien-être d'abord, et ensuite réforme et cadre
financier, mais ce que nous souhaitons, à ce moment-ci, c'est davantage
que ça converge et c'est ce que nous faisons. nous rendrons publique
très prochainement la politique de santé et bien-être de
telle sorte que nous aurons les trois éléments, cadre financier,
réforme et politique de santé et bien-être, pour nous
permettre d'aller plus avant.
Ceci étant dit, il y a un certain nombre de constats que vous
faites sur lesquels il nous faut revenir puisqu'on commence notre semaine avec
ça, et je pense que les discussions que nous avons eues la semaine
dernière sont des discussions très ouvertes, très,
très ouvertes. Je souhaite que ça continue de la même
manière pour tenter de voir où se situe la vérité,
évidemment, vérité financière sur les
capacités financières de l'État aussi. Et je voudrais
commencer par ça parce que vous semblez dire qu'il y a peut-être
un problème financier d'ordre gouvernemental, mais il n'est pas
nécessairement lié au ministère de la Santé et des
Services sociaux. La semaine dernière, ce qu'on entendait davantage,
c'était que la situation financière était davantage
conjoncturelle que structurelle et que, par conséquent, il fallait faire
attention aux gestes que nous allions poser parce que ça peut, bien
sûr, conditionner le milieu de vie des prochaines
générations. Je pense que c'est extrêmement important
aussi.
Moi, je pense - et on l'a dit dans le document le plus honnêtement
possible - qu'on a un problème structurel au niveau des finances
publiques. On l'a dit, 20 000 000 000 $ depuis 1977-1978, c'est quand
même majeur par rapport aux 37 000 000 000 $ de déficit qui sont
occasionnés par l'épicerie, les dépenses
d'épicerie.
Donc, on est dans ces dépenses d'épicerie là et
c'est structurel de cette manière parce que 20 000 000 000 $, ce n'est
pas de la petite bière. C'est extrêmement important et ça
pèse lourd dans les finances publiques. Evidemment, le ministère
de la Santé et des Services sociaux est un élément
important de cette problématique financière, de manière
globale, parce qu'on fait partie du même gouvernement: 31 % du budget. SI
on exclut le service de la dette, c'est 40 % des dépenses de programmes
gouvernementaux. C'est quand même considérable. On doit absolument
être de la partie pour tenter de régler certains problèmes
financiers du gouvernement.
Votre mémoire nous dit: On devrait maintenir les niveaux de
dépenses à IPC plus 3, 5 %. Les orientations gouvernementales -
je dis bien gouvernementales - c'est davantage d'être à IPC plus 1
% si on veut demeurer concurrentiels à la fols pour nos travailleurs et
pour les entreprises aussi. Quand on parle, nous, dans notre document, de IPC
plus 3 %, dans un gouvernement qui décide IPC plus 1 %, ça
signifie que les autres ministères vont devoir payer la facture.
Ça veut dire que, dans le reste, ça devra être IPC moins 1
%. Est-ce qu'il n'y a pas certaines difficultés ou ne devrait-on pas
avoir certaines appréhensions vis-à-vis d'autres travailleurs?
Vous l'avez dit tantôt: II faut intervenir sur des déterminants en
matière environnementale, par exemple, et dans d'autres domaines. Mais,
pour ce faire, il faut être capable de dégager des marges quelque
part pour intervenir. Est-ce que vous ne croyez pas que, à IPC plus 3, 5
%, c'est une invitation directe au gouvernement, pour être capable de
combler la différence, d'aller dans l'augmentation du déficit,
premièrement, ou au niveau des taxes et des impôts, soit par un
impôt - je pense que vous ouvrez une possibilité à ce
niveau-là - ou par de la tarification? Il faut que ça balance
quelque part. Pendant 15 ans, ça n'a pas balancé; on paie la note
aujourd'hui. N'y a-t-il pas cette responsabilité-là que nous
avons comme gouvernement aussi? J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Daoust: Dans un premier temps, M. le ministre, permettez-moi
de vous dire que l'état des finances publiques, aussi bien au
Québec qu'au Canada, nous préoccupe au plus haut point. Nous ne
sommes pas les seuls, mais nous en subissons les conséquences
peut-être plus dramatiquement que l'ensemble de la population. Quand je
dis «nous», à ce moment-ci, je parle des travailleurs et des
travailleuses de notre société. Est-ce que la crise des finances
publiques que nous connaissons à ce moment-ci est conjoncturelle ou
structurelle? C'est peut-être un malheureux mélange des deux. Je
n'Insisterai pas beaucoup plus longtemps là-dessus pour faire quelque
démonstration que ce soit, sauf pour vous dire que, quant à nous,
il est important que le Québec - puisque nous sommes ici au
Québec - il est essentiel que tous ensemble, collectivement -
mais que ce soit d'abord une initiative gouvernementale - on déclenche
un processus de réflexion profonde sur la fiscalité. On ne peut
pas y échapper, sinon on va se perdre dans toutes sortes de
considérations, le temps va porter et on n'en sortira probablement pas
aussi rapidement qu'on le souhaiterait.
Quand je dis «une enquête sur la fiscalité»,
nous avons nos vues à l'égard des phénomènes que
peut provoquer la fiscalité dans notre société, mais II
faut absolument, à un moment donné, un temps d'arrêt.
Entendons-nous. Je ne dis pas qu'il faut cesser tout ce qu'il y a à
faire et ne penser que fiscalité, mais un temps d'arrêt qui peut
durer quelques mois, peut-être une année, où tous ensemble
nous allons aborder fondamentalement le problème de la fiscalité.
Par exemple, nous le disons dans notre mémoire, depuis 6 ans le fardeau
fiscal des particuliers a augmenté de 27 % - vous me corrigerez; je me
trompe peut-être de 3 % - alors que le fardeau fiscal des entreprises,
lui, pendant la même période, a diminué de 14 %.
Écoutez, ou bien il y a six ans, nous étions carrément
dans l'erreur, les entreprises payaient trop et il fallait diminuer leur
fardeau fiscal, ou bien c'est le contraire et il y a quelqu'un qui en profite
à ce moment-ci. Ce n'est pas des sujets simples, on en convient; ils
doivent être abordés avec énormément de
sérieux et avec énormément de rigueur.
Alors, concernant le budget et la fiscalité, on estime
qu'à l'égard des coûts des soins de santé et des
services sociaux il y a là, sans aucun doute, une piste qu'il faudrait
absolument examiner de très, très près de telle sorte que
ceux qui peuvent et qui doivent payer - et, quant à nous, vous allez
trouver ça peut-être un peu normal, on pense que les entreprises
ne font pas leur bout de chemin et le font de moins en moins - devraient
assumer un fardeau fiscal plus élevé qui nous permettrait, entre
autres, de tenir compte des problèmes que nous connaissons à
l'égard des coûts de la santé et des services sociaux au
Québec.
À l'égard du deuxième sujet, si M. le
président me le permet, je demanderais à Jean-Guy Frenette de
l'aborder.
M. Frenette (Jean-Guy): M. le ministre, nous avons bien
précisé notre option, c'est-à-dire que, pour les soins de
santé et les services sociaux, c'est IPC plus 3, 5 % qui est notre
option, notre choix privilégié. On comprend très bien la
contrainte; si les dépenses gouvernementales sont à IPC plus 1 %,
il y a 2, 5 % quelque part de plus à cette mission-là. Il faut
maintenir cette mission-là à 3, 5 %; on ne veut pas qu'elle aille
attaquer d'autres budgets sociaux et tout aussi importants que
l'éducation. C'est bien évident pour nous.
Par contre, l'hypothèse que les autres
dépenses augmentent à I PC plus 1 % nous paraît
faible et discutable car, au cours des dernières années et de
façon assez constante, la richesse nationale, le PIB augmente à
plus que le 1 %. Ça augmente à 2 %, 2,5 % si on évite les
récessions dans lesquelles on se met nous-mêmes, parfois,
là. Notre hypothèse est que, probablement, le PIB pourra se
maintenir à un niveau de 2 % ou 2,5 % au cours de la prochaine
décennie. L'écart ne sera pas aussi grand avec un choix et une
option à dépenses de la santé à IPC plus 3,5 % et
bien-être collectif qui augmente à 2,5 %. Mais il faut maintenir
quand même le cap sur les 3,5 %, parce que c'est un investissement
fondamental pour le Québec, la bonne santé des citoyens et des
citoyennes. C'est à peu près notre seul gage de réussite
dans les années à venir pour être en mesure, avec la
formation professionnelle et l'adaptation des travailleurs, d'être
capables de relever, et de façon efficace, la
compétitivité à laquelle on sera confrontés.
L'investissement dans les ressources humaines, il faut vraiment le voir comme
un investissement important: la santé, l'éducation et la
formation professionnelle. C'est pour ça que ces missions-là nous
paraissent fondamentales et qu'à la lumière d'une révision
de la fiscalité, s'il y a un effort à faire pour cet
investissement-là, II faut collectivement le faire. C'est notre
survie.
M. Daoust: Si vous me le permettez, encore une fois, M. Henri
Massé.
Une voix: II est généreux, ça n'a pas de bon
sens!
M. Côté (Charlesbourg): Les réponses sont
à plusieurs volets; Je ne pourrai plus avoir de questions!
M. Massé (Henri): Ça va être très
court. Vous parlez de compétitivité. Vous ne vouliez pas parler
de l'expérience américaine, mais c'est 9 % du PIB, les
dépenses de santé au Québec, alors que c'est 11 % aux
États-Unis. Mais, si on prend les pays de l'OCDE, c'est 34 % du PIB; les
pays de la CEE, 40 % et la même chose pour les dépenses sociales.
Au Canada, c'est 21 % du PIB, l'OCDE c'est 25 % et la CEE, 30 %. Je pense qu'il
y a encore une grosse marge de manoeuvre.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, moi, ce
qui me préoccupe - et j'ai toujours compris que la FTQ, c'était
aussi sa préoccupation - c'est qu'on puisse être suffisamment
compétitifs pour s'assurer que notre monde ait de l'ouvrage. D'ailleurs,
ce n'est pas pour rien que vous avez mis un fonds sur pied. Nous autres, on
attendait des résultats au cours des dernières semaines. Donc,
à ce moment-là, il faut continuer d'être très
compétitifs, non pas vis-à-vis les pays de l'OCDE, d'après
moi, mais davantage vis-à-vis de l'Ontario, vis-à-vis des
États-Unis aussi. C'est nos plus proches compétiteurs et
c'est des marchés sur lesquels on peut espérer vendre nos
produits.
M. Massé: C'est parce que vous ne vouliez pas en
parler.
M. Côté (Charlesbourg): Comment?
M. Massé: C'est parce que vous ne vouliez pas en parler,
des États-Unis. (10 h 15)
M. Côté (Charlesbourg): Santé! J'ai dit, du
système de santé, parce qu'on ne se compare pas à pire que
nous, on essaie de se comparer à mieux. Mais on va aussi traverser
l'Atlantique tantôt sur les systèmes de santé; j'y
arrive.
Donc, on parle de fardeau fiscal, et je pense qu'un des
éléments qui revient et qui va nous revenir tout l'avant-midi,
qui n'est pas nouveau dans le discours parce que vous le revendiquez depuis un
bon moment, c'est un débat sur la fiscalité pour que les chiffres
soient clairs, sur la place publique. Je ne parie pas au nom du gouvernement
parce que je ne suis pas autorisé à ça. J'en ai assez
entendu, mol aussi. Je me dis que, peu Importe la thèse, on doit
être capable de la démontrer. Moi aussi, je suis favorable
à un débat sur la fiscalité, très clair, public,
à livre ouvert, de façon à ce qu'on sache où on en
est pour être capable de prendre des décisions. Je vais le
supporter, moi, le débat. Les gens viendront défendre leur cause
avec leurs chiffres puis, évidemment, on le fera transparent. Quant
à moi, je pense qu'à ce moment-là ça va permettre
d'avoir certaines données qu'on peut valider sur la place publique pour
nous permettre de progresser.
Ceci étant dit, est-ce que, dans votre esprit, un débat
sur la fiscalité va davantage interroger ou interpeller
l'équité fiscale à l'intérieur de ce qu'on fait
déjà ou si on va pouvoir aller plus loin? Si on s'en va dans un
débat sur la fiscalité, ou dans des échanges -
«débat», c'est un grand mot - pour tenter de voir la
vérité, si on y va davantage sur l'équité - puis je
pense qu'il faut en parler, d'équité à l'intérieur
de ce qu'on ramasse aujourd'hui, salariés plus riches par rapport aux
plus pauvres et, de manière globale, les compagnies par rapport à
leur responsabilité collective - je pense qu'il faut y aller. Mais si on
y va uniquement dans un débat qui porte sur la fiscalité et qui
porte sur l'équité à l'intérieur de la masse
déjà payée, moi, je pense qu'on ne règle pas
grand-chose, là. On n'a pas réglé nos problèmes sur
le plan budgétaire et, par le fait même aussi, on n'a pas
réglé certains problèmes du ministère de la
Santé et des Services sociaux. J'aimerais vous entendre
là-dessus, si c'est un débat qui vise uniquement
l'équité à l'intérieur d'une masse
déjà connue ou si c'est un débat plus large?
M. Daoust: C'est sans aucun doute un débat plus large. Il
ne s'agit pas de voir et d'examiner sous toutes les facettes imaginables cette
masse qui est déjà payée et de dire: Bon, qui devrait en
payer plus à l'intérieur de cette masse et qui devrait en payer
moins? Il faut peut-être examiner, je ne dirais pas l'orientation, mais
le mouvement de cette masse qui, peut-être inévitablement, doit
augmenter, compte tenu des volontés qui s'expriment, des besoins qui se
manifestent dans notre société et des interventions tellement
nécessaires.
Alors, c'est un débat plus large, plus fondamental aussi, et je
suis fort heureux qu'une proposition comme celle que nous mettons de l'avant
reçoive un accueil très ouvert, sinon enthousiaste - je ne veux
pas vous mettre des mots dans la bouche. Nous connaissons tous le poids que
vous avez au sein du gouvernement actuel.
Une voix: 40 % des dépenses.
M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est très
enthousiaste.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Daoust: De voir que vous allez véhiculer une
idée comme celle-là, en tout cas, ça nous réjouit.
Mais ça nous semble fondamental qu'il y ait un débat
là-dessus, encore une fois, très rigoureux et très
transparent, afin que soient dissipés tous les malentendus qui peuvent
exister de part et d'autre et que des débats comme ceux-là ne
soient empreints d'aucune espèce de démagogie. Ça me
semble fondamental, encore une fois, qu'on l'ait au Québec.
M. Côté (Charlesbourg): Mais je pense qu'on est
rendu à un stade où la maturité de tous les intervenants
est à un niveau suffisamment intéressant pour être capable
d'avoir un débat comme celui-là, transparent et ouvert. Je le
dis; ça n'engage personne d'autre que moi, mais juste avec mon petit
poids...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): ...je suis favorable parce
que je pense qu'on est rendu là. Lorsqu'on fait appel à une
responsabilité collective pour maintenir des acquis, ce que nous voulons
tous, il est clair qu'il faut faire des démonstrations de part et
d'autre. On en est rendu là et je vais personnellement supporter une
démarche comme celle-là.
M. Poulin (Claude): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Poulin (Claude): Au chapitre de la
compétitivité...
M. Côté (Charlesbourg): II ne me reste pas grand
temps; j'ai d'autres questions. Et ça peut être intéressant
pour vous, ma question, à part ça.
Le Président (M. Paradis, Matapédla): M.
Poulin.
M. Poulin (Claude): Présentement, c'est les employeurs
américains qui paient la note au niveau de l'assurance-maladie.
Ça leur coûte, je l'ai dit tout à l'heure, 500 $ ou 600 $
par mois, et les statistiques dont on parle, c'est 11 % du produit
Intérieur brut; et c'étaient même les statistiques de 1989.
Maintenant, ça dépasse 12 % du produit Intérieur brut aux
États-Unis. Puis, c'est en dépit du fait qu'en 1988 il y avait 35
000 000 d'Américains qui n'étaient couverts par absolument aucune
forme d'assurance; ça a passé, depuis trois ans, à 40 000
000 d'Américains. Alors, les coûts sont énormes.
Évidemment, les 40 000 000 d'Américains reçoivent
un minimum de soins de santé qui sont payés par les employeurs.
Toutes les études démontrent présentement que les
employeurs américains, au chapitre de la sécurité sociale
et aussi au chapitre des services de santé, sont
désavantagés par rapport aux employeurs canadiens.
M. Côté (Charlesbourg): On va avoir l'occasion, dans
un débat plus large, de s'en reparler abondamment, avec grand
plaisir.
Je vais m'adresser à vous. D'abord, ce que je comprends, c'est
que, si on a un débat sur la fiscalité, on vient de vous trouver
de l'ouvrage pour quelques mois, avec toute l'expérience et l'expertise
que vous avez. Vous avez cité l'exemple du Japon tantôt; ça
m'a éveillé une question qui ne se veut d'aucune manière
vicieuse. Il faut que je le dise avant parce qu'on me prête des motifs de
cette nature-là, à ^occasion.
Vous favorisez davantage le retour à l'impôt-santé,
si jamais on devait aller dans ce créneau-là, et vous
éliminez la tarification. Oublions l'exemple des États-Unis. Pour
moi, ce n'est pas un exemple. Je le répète, ce n'est pas un
exemple et ce n'est pas un modèle à suivre. Vous avez
parlé du Japon. Je vais ajouter la Suède qui a quand même
des indicateurs de santé assez élevés, merci, et qui a
aussi une tarification. En Suède, c'est avant même que ça
change de régime - donc un régime plus libéral, dans le
sens très politique du terme - qu'on a introduit une tarification, par
exemple, sur les visites et services médicaux, que ce soit de base ou en
spécialité. Le Japon, depuis le début des années
quatre-vingt, a introduit aussi une tarification et, pourtant, les indicateurs
de santé ont continué à s'améliorer, ayant une
tendance à faire la démonstration que la tarification n'a pas
de
conséquences dramatiques sur les indicateurs de santé.
J'aimerais, là-dessus, vous entendre.
M. Poulin (Claude): Je pense que la tarification non plus n'a pas
d'impact sur les coûts. Des études ont démontré aux
États-Unis que le...
M. Côté (Charlesbourg): Sortez des
États-Unis. Ne me donnez pas les États-Unis. Je ne veux plus rien
savoir de ça.
M. Poulin (Claude): Moi, je travaille aux États-Unis.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas le
modèle, ça.
M. Poulin (Claude): Non, mais des études ont
été...
M. Côté (Charlesbourg): Je vous parle de la
Suède, je vous parle du Japon. Parlez-moi de ça. Les
États-Unis, oubliez ça.
M. Poulin (Claude): Des études ont démontré
que les tickets modérateurs, partout, ça ne comprime pas vraiment
les coûts. C'est que les décisions au niveau de la santé ne
sont pas prises par les individus. On n'achète pas une journée
d'hôpital comme on achète une automobile. Les décisions
sont prises par les professionnels de la santé. À ce
moment-là, qu'il y ait ticket modérateur ou non, la personne va
aller à l'hôpital, la personne va utiliser les services de
santé.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais ça, c'est
le beau grand principe du ticket modérateur, de l'objectif d'un ticket
modérateur. Moi, je vous parle d'une tarification. On peut, bien
sûr, l'identifier à l'objectif premier qui est celui d'amener de
l'argent, mais on est dans une situation où, sans qu'il y ait de
consommation abusive de manière globale, il y a une certaine
consommation qu'on peut éliminer et qui n'apporte rien à ia
santé. Je pense que, dans ce sens-là, il y a peut-être du
chemin à faire et l'exemple de la Suède et celui du Japon sont
des exemples qu'il faut aussi examiner de près. Sans pour autant dire
qu'on se lance directement dans la tarification, on l'a mis comme option, on
l'a mis au même titre que les autres pour tenter de voir les
expériences des uns et des autres et tenter d'éviter les
conséquences de tout ça, aussi.
M. Daoust: Est-ce que je pourrais demander à...
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Très
très rapidement, le temps qui nous était imparti est
malheureusement terminé.
M. Daoust: II nous restait quatre ou cinq minutes, nous
autres.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Non, non. Il
reste l'Opposition. Il reste notre collègue.
M. Massé: C'est un des éléments qu'on trouve
très important, la tarification. Très important. D'abord, il y a
une étude canadienne qui nous démontre que, même avec la
tarification, les coûts sont demeurés les mêmes. C'est les
plus défavorisés qui ont diminué la consommation des
services.
M. Côté (Charlesbourg): M. Massé, dans notre
document on dit qu'on protège les démunis.
M. Massé: Oui. Ça, on peut le dire mais,
au-delà de ça, qu'est-ce qui va arriver si on met une
tarification? Qu'est-ce qui va arriver? J'écoutais cette semaine
l'entreprise d'assurances qui est venue devant vous la semaine passée,
et ils veulent entrer dans le marché. Qu'est-ce qui va arriver s'il y a
une tarification? Il faut se le dire bien ouvertement, là. La classe
moyenne va mutuallser les risques. Ce n'est pas vrai que chaque individu va
payer. Dans les syndicats où on va négocier des conventions
collectives, on va négocier des assurances qui vont venir couvrir la
tarification. Finalement, au Québec comme aux États-Unis, on va
se ramasser avec 80 % ou 85 % des gens, des personnes qui auront ia chance
d'avoir une assurance. Mais là on est loin d'être sûrs, M.
le ministre. On est loin d'être sûrs que, si c'est des assurances
privées qui entrent dans ce marché-là, elles feront la job
que le gouvernement du Québec a fait depuis une couple d'années.
Ça, il faut le reconnaître. Je ne pense pas qu'il y aura grand
monde qui aura peut-être le courage politique de le faire. Vous ne voulez
pas entendre parler de l'expérience américaine, mais c'est un peu
ce qui se passe. Aujourd'hui, si on prenait le régime du Québec
et qu'on essayait de l'amener aux États-Unis demain matin, d'un coup
sec, moi, je pense que ça ne pourrait pas marcher parce que les
médecins, par exemple, il n'y a pas eu de contrôle au niveau des
médecins. Ça coûterait beaucoup trop cher, un régime
comme ça, de l'implanter demain matin.
La même chose au niveau des compagnies d'assurances. Je veux dire,
ils n'ont pas contrôlé, ils n'ont rien fait à ce
niveau-là. Il y aurait une levée de boucliers aux
États-Unis de la part des médecins, de la part des assureurs. Et,
là, on nous parie d'un régime. On dit: C'est bien beau une
tarification, mais c'est ça qui va arriver et, à moyen terme, on
se ramassera devant la même situation. Personne n'aura le courage
politique de contrôler ça. Quand le monde dira: On manque d'argent
dans le réseau hospitalier...
Le Président (M. Paradis, Matapédia): En
conclusion.
M. Massé: ...bien, c'est plus facile de monter les tarifs,
à ce moment-là, peut-être, que de serrer la vis, tu sais.
C'est ça qui nous fait peur dans tout ce système-là.
M. Côté (Charlesbourg): On va continuer avec ceux
qui vont vous suivre. Évidemment, J'aurais pu parler du normatif lourd,
mais je pense qu'on aura l'occasion d'en reparler ce matin. Mais
fondamentalement, ce qui est dans le document, c'est un système public
qui est maintenu public. Je pense que, dans le document, ça ne peut pas
être plus clair que ça. Ce n'est pas l'idée de glisser vers
la privatisation. Je vous comprends, dans vos rôles respectifs, de
craindre. Évidemment, s'il n'y avait personne qui craignait aujourd'hui
et qui nous l'exprimait de la manière dont vous le faites, il y aurait
peut-être possibilité d'en arriver là. Mais c'est quand
même un système dont on parie qui est maintenu public, de
manière substantielle, avec des hypothèses d'impôt et de
tarification, et protégeant les plus démunis. C'est quand
même pas mal avancé sur le plan social aussi...
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): ...et en termes de
responsabilité de l'État.
Le Président (M. Paradis, Matapédia):
Maintenant, la parole est au député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. M. le président
de la FTQ et les gens qui vous accompagnent, bienvenue. C'est un document assez
remarquable que vous nous présentez ce matin, avec une vision qui nous
donne de la profondeur sur les acquis du système de santé et des
services sociaux public au Québec et les dangers qui le guettent. Voyez,
même le ministre, dans la dernière phrase qu'il vient d'employer,
dit: Notre document... La première moitié de sa phrase, c'est:
Dans notre document, nous préconisons le maintien d'un système
public de santé et des services sociaux. Et il dit dans la
dernière phrase: Le système va demeurer substantiellement public.
«Substantiellement public»; c'est ce qu'on appelle la
dérive, parce que ça commence par être public,
substantiellement public, à peu près public, presque public et,
tantôt, on le fait dériver. On le fait dériver vers
d'autres sources, tel que vous le mentionnez, je pense, dans votre document. Si
c'est heureux de constater que le ministre n'achète pas
l'hypothèse Bush sur la «gangrène socialiste que constitue
le régime de santé et de services sociaux au Canada et au
Québec», il faut se garder des éléments de politique
qui sont clairement préconisés dans le document et qui vont nous
amener, mais on ne peut plus clairement, à une
«bushilisation» du régime de santé et des services
sociaux, à n'en pas douter.
Une première question quant à moi sur la
concurrentialité, néologisme inventé par ce document.
Est-ce qu'il vous apparaît que les modes, les nouveaux modes de
financement annoncés ou tâtés dans le document vont mettre
carrément en danger cette espèce de notion de concurrence de la
part des entreprises, et donc aussi des travailleurs qui sont dans ces
entreprises, dans le contexte actuel du développement de la production
nord-américaine? Est-ce que ça vous apparaît comme un
problème grave de dire que, si on ajoute un sou au niveau fiscal, on
vient, en quelque sorte, de briser l'économie générale de
la concurrentialité dans l'Amérique du Nord de la part des
entreprises et des travailleurs au Québec? (10 h 30)
M. Daoust: Non. Nous abordons le sujet que vous soulevez dans
notre mémoire; pas de façon intensive, parce qu'un
mémoire, tout de même, ce n'est pas une étude de centaines
de pages, mais, à l'égard de ce qu'on appelle la
compétitivité ou la concurrentialité de l'économie
québécoise, nous l'avons mentionné: Quand on examine ce
qui se passe aux États-Unis, où le pourcentage du PIB qui est
consacré aux soins de santé et aux services sociaux est de 2 % ou
3 % plus élevé qu'au Québec, et qui est assumé donc
par l'ensemble de la collectivité québécoise, les citoyens
et les citoyennes du Québec, aussi bien que les entreprises, le
Québec, de ce côté-là, est nettement concurrentiel
et compétitif. À l'égard de ce qui se fait dans les pays
de l'OCDE, Henri Massé vous a donné quelques données, vous
a donné quelques statistiques, précédemment, qui
établissent carrément que, là aussi, le Québec
n'est pas au-delà de ce qui se fait dans la plupart des pays avec
lesquels il est en concurrence sur le plan des soins de santé et des
services sociaux. Ça ne nous semble pas être-un danger, oui, il
est souligné dans le document du ministre, mais on ne le perçoit
pas comme un danger; loin de là, on réfute cette orientation
qu'on retrouve dans le document du ministre.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Effectivement, je ne
pense pas que la démonstration a été faite
là-dessus et vous n'y voyez pas non plus, vous n'avez pas vu, vous
n'avez pas observé d'éléments qui nous permettent de
justifier une telle conclusion pour l'instant. J'aimerais, moi, aller un petit
peu plus loin du côté des États-Unis. Je veux le regarder
un petit peu parce que c'est le voisin le plus proche. C'est très clair
que, dans ce document-là, qu'on le veuille ou non, il y a de
l'américanisation là-dedans. C'est très clair.
M. Poulin, vous semblez et vous avez, d'évidence, par vos
réponses, une connaissance assez profonde, exacte du non-système
américain en matière de santé et de services sociaux.
Les
quelque 45 000 000 d'américains qui passent à travers le
filet, qui sont, si on comprend bien, ni à medicare-âgés ni
à medicald-démunis, qui sont-ils? c'est quelle classe? c'est quel
monde? je vais vous dire pourquoi je pose cette question-là. on a
souvent l'impression dans le débat public que, quand on parie des 46 000
000 d'américains qui ne sont pas couverts par ce merveilleux monde de
l'entreprise privée qui couvre les gens qui ne sont pas à risque,
forcément - les gens des assurances nous ont expliqué ça
de façon très claire et c'est normal puisqu'ils sont en business,
dans ce sens-là... c'est qui, ces 45 000 000 d'américains qui ne
peuvent, qui n'ont pas de système et qui n'ont pas les moyens de se
servir d'un système?
M. Poulin (Claude): Comme vous l'avez mentionné, les 40
000 000 ou 45 000 000 d'Américains, ce ne sont pas les personnes
âgées qui sont couvertes par le système Medicare, les
personnes de 65 ans et plus, ce ne sont pas non plus les indigents qui sont
couverts par le système Medicald, c'est-à-dire tous ceux qui sont
en dessous du seuil de la pauvreté ont un système Medicald,
État par État. Ces 40 000 000 d'Américains, c'est la
classe moyenne, c'est les travailleurs dans les petites entreprises, ce sont
les chômeurs, ce sont ceux qui ont changé d'emploi, ce sont ceux
qui ont été frappés par la récession dans les trois
dernières années, mais ce sont aussi des avocats, des
médecins, qui, même s'ils font des salaires faramineux, ne peuvent
pas ou qui décident de ne pas s'assurer parce que les coûts sont
prohibitifs. Si, par exemple, vous avez eu une crise cardiaque, que vous avez
45 ans et que vous êtes à votre compte, ne pensez pas pouvoir
acheter une police d'assurance-maladie, c'est impossible, à moins de
payer 25 000 $ par année; à ce moment-là, on est aussi
bien de rencontrer les frais soi-même. Alors, c'est un
«cross-section», c'est la population américaine qui, en
grande partie... C'est la classe moyenne qui est affectée par l'absence
de système, présentement.
M. Trudel: Moi, ça me semble fondamental de refaire cette
description parce que, effectivement, au niveau du débat public, on a
toujours l'impression que ce sont les plus démunis. Quand on dit, au
Québec, qu'on va, par exemple, désassurer un certain nombre de
services, on sait comment ça commence, on ne sait pas comment ça
finit, mais qu'on va toujours s'assurer que, par les crédits
d'impôt, on va protéger ce qu'on appelle
généralement les plus démunis, il faut bien se rendre
compte que ce système a comme effet de flouer la classe moyenne et de
faire en sorte que ceux qui passent à travers les trous du filet, c'est
les gens de la classe moyenne qui vont devenir, soit non assurables, comme vous
le dites, qui n'auront pas les moyens ou encore qui vont payer l'augmentation
substantielle des coûts parce qu'ils devront s'assurer ou faire en sorte
que ce soit de source privée qu'ils se donnent tes soins, et que ce sera
ta classe moyenne. dans le débat de la fiscalité actuel -
admettons que ce n'est pas une petite question, une petite conséquence
de dire que c'est encore la classe qui est sur le... vous le savez très
bien, c'est vos gens, c'est nos gens, c'est la majorité de fa
société qui est sur le bord de la révolte - on franchira
peut-être un pas irréversible là-dessus. ça me
semble important de le dire.
Qu'est-ce qui fait, à votre avis, M. Daoust, M. Poulin, ou les
gens qui vous accompagnent, que plus les dépenses de santé sont
publiques mieux on contrôle les coûts, et c'est bien
reflété dans le document? Parce qu'on peut avoir des reproches
à faire sur le document, mais il y a quand même des
éléments, des descriptions qui sont assez bien. C'est bien
démontré que plus la part des dépenses publiques de
santé est grande mieux on contrôle nos coûts. Qu'est-ce qui
fait, à votre avis, que plus nos dépenses de santé sont
publiques mieux on contrôle nos coûts, et l'inverse, plus on
privatise, par exemple les États-Unis, je ne sais pas si on peut dire:
plus on perd le contrôle, mais ça augmente substantiellement? Quel
serait l'élément majeur du système qui ferait qu'on en
arrive à un meilleur contrôle des dépenses publiques?
M. Daoust: Bien, écoutez, Claude pourra vous en dire
quelques mots, mais il y a la notion de profit. Dès le moment où
on parle de privatisation et d'intervention du secteur privé dans le
domaine de la santé, il y a inévitablement des
rentabilités qu'on va exiger des capitaux qui sont investis, des
investissements qui sont faits. Et, de temps à autre, ces
profits-là n'ont pas de limite, vous le savez fort bien, ils sont
limités par les lois du marché, sans aucun doute. Mais c'est un
des facteurs qui doit être pris en considération quand on fait la
comparaison entre les systèmes. Il y a le fait que, quand c'est
assumé par un organisme public, il y a une volonté politique qui
se manifeste, il y a un examen public de tout ce qui se fait, il y a un
contrôle démocratique qui est exercé, if y a un
débat qui accompagne toutes les dépenses de santé, il y a
une transparence inévitable qui dort s'instaurer dans le système.
Somme toute, il est la propriété collective de l'ensemble des
citoyens et des citoyennes d'un pays. Et moi, je trouve ça
extrêmement stimulant de voir que les organismes publics de cette
nature-là - et ce n'est pas le seul et je ne ferai pas une longue
intervention là-dessus - font la preuve que, dans leur fonctionnement,
c'est moins coûteux que si c'était privatisé. Il n'y a pas
rien que la notion de profit non plus. Il y a une conception fondamentale d'un
fonctionnement en société et d'un examen méthodique
quotidien rigoureux et d'un contrôle, évidemment, qui est
assumé par l'ensemble de l'appareil démocratique dans notre
société. En tout cas, le système
québécois fait bien la preuve qu'il est moins coûteux que
le système privé américain et Claude Poulin pourra
compléter la réponse là-dessus.
M. Poulin (Claude): Ce qui caractérise présentement
le système américain, c'est un gaspillage énorme des
ressources au niveau de la santé. Il y a une bureaucratie, des millions
de fonctionnaires qui s'occupent de la paperasse au niveau des services de
santé. Il y a une étude qui a été faite il y a deux
ans, au Massachusetts, par Blue Cross/Blue Shield, la Croix Bleue. Ils se sont
aperçus qu'il y avait plus d'employés de Blue Cross/Blue Shield
au Massachusetts qu'il y avait d'employés de l'OHIP en Ontario. C'est
aberrant, et c'est en plus des employés de Aetna, puis Metropolitan et
Equitable qui ont toutes leurs petites polices, qui sont toutes des polices
indéchiffrables. Ce sont des documents d'une trentaine de pages. Il y a
des consultants, comme moi, qui font de l'argent aux États-Unis
même si on ne fait pas du tout partie du secteur de la santé,
parce que des gens viennent nous voir soit pour négocier des
augmentations ou pour contrer des transferts de coûts de l'employeur aux
employés, même si c'est tout à fait inefficace au niveau
fiscal. Si c'est un employeur qui paie 10 $ pour une prime d'assurance-maladie,
c'est avant impôt; si un employé paie 10 $, c'est après
impôt. Mais en dépit de ça, présentement, il y a un
transfert, ce qu'ils appellent «cost shifting». Ensuite, l'absence
de rationalisation quand c'est privatisé.
Je demeure dans une région de Washington où il y a quatre
hôpitaux. Chacun des quatre hôpitaux a son CATscan. Il y a des
machines de diagnostic qui coûtent 5 000 000 $ à 6 000 000 $
chacune, même s'il y en a une autre à un quart de mille de
là. Chacun des hôpitaux a son unité de radiologie, de
cardiologie, de psychiatrie; à ce moment-là, il y a
dédoublement des services. Et ce qui arrive, c'est que les
hôpitaux, maintenant, annoncent dans les journaux et annoncent à
la radio, pour faire venir les patients, et là ça va être
une piscine, ça va être des choses tout à fait aberrantes.
Vous ne pouvez pas imaginer Ici ce qui se passe là-bas. Pour attirer les
gens, à ce moment-là, Ils ont des télévisions en
couleur, le câble, la piscine. C'est ça qui augmente les
coûts.
M. Trudel: Ils ont avantage à être malades,
quoi!
Des voix: Ha, ha, ha! M. Trudel: Quasiment!
M. Poulin (Claude): Présentement, ça coûte
700 000 000 000 $, probablement plus de 700 000 000 000 $, parce que je suis
certain qu'il y a des coûts déguisés là-dedans.
Ensuite, il y a les procès aussi. Il y a des gens qui font
carrière à témoigner comme experts dans des cas de
«malpractice», d'assurance professionnelle, et aussi dans les cas
où un employeur, parce que les coûts des retraités sont
tellement élevés... Il pouvait y avoir une convention collective
qui avait été entérinée il y a cinq ans et qui
disait que tous les retraités étaient pour être couverts
à vie. Là, maintenant, arrive un nouveau règlement du
Financial Accounting Standards Board, FASB, qui dit aux compagnies
américaines: Là, maintenant, vous allez devoir comptabiliser la
valeur présente, la valeur actuarielle de tous les coûts de la
santé que vous allez payer à vos retraités et aux
employés dans les 25, 30 prochaines années. Alors, tout à
coup, ça va faire partie des états financiers, puis ce sont, pas
des milliards, des trillions - je ne sais pas le terme en français -
mais c'est des montants extraordinaires. Donc, ce qui arrive, c'est que les
compagnies transfèrent les coûts à leurs employés
parce qu'elles ne peuvent pas... Ce qui arrive aussi, c'est que là les
syndicats et les employés poursuivent l'employeur et on se retrouve en
cour, d'autres coûts.
M. Trudel: Oui. C'est à se demander de quel
côté de la frontière est la gangrène socialiste,
n'est-ce pas?
Des voix: Ha, ha, hal
M. Poulin (Claude): C'est très idéologique, c'est
un problème Idéologique.
M. Trudel: Tout à fait.
M. Poulin (Claude): Les Américains, depuis 1918, parce
qu'ils avaient peur du bolchevisme, parlent de «socialized
medicine» et ils ne s'aperçoivent pas et ils ne veulent pas voir
que la médecine au Québec, de fait, est moins socialisée,
que les professionnels de la santé ont plus de latitude Ici qu'ils en
ont dans le système d'un HMO aux États-Unis, que la population a
plus de latitude ici qu'elle en a aux États-Unis, parce que, quand on
est dans un HMO, on ne peut pas aller voir le psychiatre de notre choix ou le
dermatologue de notre choix, c'est le HMO qui a son propre staff. Dans un sens,
c'est une atteinte à la liberté privée, mais on a
dépassé ça là.
M. Trudel: Si on est des affreux socialistes, Dieu merci! ils
nous protègent de ce système.
Le Président (M. Paradis, Matapédia):
Peut-être une dernière question, M. le
député?
M. Trudel: Une dernière question et je vais passer la
parole à ma collègue de Marie-Victorin. Écoutez, c'est
incroyable qu'on manque de temps ici parce qu'il aurait fallu parler du virage
CLSC
que vous proposez dans votre mémoire. Il nous aurait fallu parler
de l'Inévitable question, à la page 102 du document: la
proposition gouvernementale, c'est de geler tout votre monde, pour le prochain
cycle budgétaire, à IPC au niveau des salaires. La question,
c'est, comme j'ai envie plutôt de ia poser: Comme il faut sauver les
acquis du régime, est-ce qu'une garantie du respect de la
négociation et de participation à la richesse collective pourrait
nous amener à une table pour réexaminer - je n'ai pas dit
«réviser» - réexaminer ce qu'on appelle
généralement la polyvalence, la rigidité des conventions
collectives? Enfin, il y a un ensemble de questions et d'éléments
de réponses que vous soulevez dans votre mémoire qui me semblent
particulièrement Intéressants. Je vais vous laisser
là-dessus. Si vous avez l'occasion de me répondre à
travers la question de ma collègue de Marie-Victorin, vous irez. J'ai
promis, alors je lui laisse, M. le Président. (10 h 45)
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Tantôt, je vous écoutais parler, dire
qu'ici les médecins ont beaucoup plus de latitude et de facilité
pour faire leur pratique même si on dit qu'on est, entre guillemets,
socialisant. Ce qui m'amène à vous parler d'une question, le
panier de services. Vous dites qu'on a un éventail de services et qu'on
produit mieux à des frais plus petits que ceux de l'Ontario,
malgré tout, malgré notre éventail de services. Souvent,
le ministre pense qu'il faudrait réduire notre panier de services.
D'après vous, est-ce qu'il y aurait, justement, nécessité
de réduire ou s'il faudrait regarder davantage, d'une façon plus
globale, avant de réduire le panier de services?
Une voix: Revoir, ce n'est pas... Mme Vermette: Non?
M. Côté (Charlesbourg): Revoir, c'est bien
différent.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): M.
Massé.
Mme Vermette: O.K. Revoir. Écoutez, je vais reprendre le
terme parce que je ne veux pas offusquer le ministre, d'aucune
façon.
Oes voix: Ha, ha, ha!
Mme Vermette: Alors, je vais reprendre, je vais dire revoir le
panier de services, si vous voulez.
M. Trudel: Ce n'est pas gênant de le faire...
Une voix: Revoir à la baisse ou à la hausse?
Mme Vermette: Ah bien! là... Des voix: Ha, ha,
ha!
Mme Vermette: On peut faire des transferts aussi.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): M.
Massé.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non, juste pour
être bien clair. C'est que, si on est pris avec des problèmes de
coûts et que tu veux ajouter des problématiques nouvelles dans ton
panier, il va falloir que tu questionnes quelles problématiques sont un
petit peu vieillottes dans notre panier. C'était ça, la question.
Je vais avoir des bons exemples avec les prochains groupes.
M. Massé: Effectivement, on pense qu'on devrait revoir
notre panier, mais à la hausse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Massé: je pense que, pour le moment, on est encore au
creux de la récession, et tout ça. mais on pense que la question
devrait être posée autrement. c'est la question: nos
contrôles sont-ils encore aussi assez efficaces? et, effectivement, au
niveau des dépenses de santé, dans notre mémoire on vous
présente plusieurs suggestions sur la carte d'assurance-maladie. on sait
qu'h y en a encore 400 000 en circulation au québec. vous pourrez
vérifier ça, je vous donne ça dans le mille, la carte de
rené lévesque, ii y a quelqu'un de nos connaissances qui nous a
dit dernièrement qu'il recevait encore chez lui le renouvellement de la
carte de rené lévesque. et ça, on volt ça un peu
partout. il y a toute la question aussi des actes médicaux. moi, je suis
convaincu que la majorité des médecins, c'est du monde fiable,
c'est du monde honnête, mais on sait quand même qu'il y a une
fraude là. des examens médicaux: dernièrement, dans ma
parenté proche, j'allais chercher des certificats médicaux pour
ramener à un autre médecin et on voulait me charger une visite.
et ça, c'est courant, on voit ça à tous les jours.
ça, c'est des affaires qu'il faudrait réviser. toute la question
d'aller chez un généraliste qui nous envoie chez un
spécialiste qui nous retourne chez le généraliste, on voit
ça à tous les jours aussi. on pense qu'il faut resserrer des
contrôles à ce niveau-là.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): En
terminant.
M. Massé: En tout cas, je pense que toute la question est
là. Vous avez soulevé tantôt la question de l'organisation
du travail. Quant à
nous, à la FTQ, on est prêts à regarder et à
réfléchir de façon très sérieuse sur
l'organisation du travail. On se cherche un partenaire pour
réfléchir, en face de nous autres.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci.
M. Trudel: Je veux vous remercier tout de suite...
Le Président (M. Paradis, Matapédia):
Rapidement.
M. Trudel: ...parce que notre temps, évidemment, est aussi
précieux et ça s'écoule rapidement. Peut-être le
ministre aura-t-ii une question, lui, en terminant? Je vous remercie. Je pense
que la phrase la plus simple qu'on peut dire ce matin, c'est: fidèle
à la tradition de la FTQ. La qualité: fouiller des avenues qui
sont assez originales, bien saisir le problème. Et d'avoir amené
avec vous, ce matin, M. Poulin, actuaire, nous démontrer les
véritables acquis du système et comment on peut les
protéger, ça aussi, c'est encore fidèle à
l'ouverture d'esprit et à la créativité de la FTQ. Merci
beaucoup de cette contribution.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): M. le
ministre, rapidement.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, M. le Président,
tout en remerciant la FTQ de sa contribution, ce que je comprends, c'est que ce
n'est pas la dernière parce qu'il y aura d'autres débats encore
plus larges, nous le souhaitons. Premièrement, un petit défi
très simple à tous ceux qui vont venir, parce qu'on en a encore
pour deux jours, y compris la FTQ, y compris ceux qui sont passés:
Trouvez-moi dans ce document-là une place où on dit: C'est le
modèle américain qu'on veut prendre. Je mets au défi tout
le monde.
Une voix:...
Le Président (M. Paradis, Matapédia): On remercie
les gens...
M. Côté (Charlesbourg): Un instant. Je n'ai pas
fini. S'il vous plaît!
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Oui. On est
(ci jusqu'à jeudi.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non. SI on veut un
débat ouvert, transparent et non démagogique, on va pouvoir se
dire un certain nombre de choses et, lorsqu'on tire la conclusion qu'à
partir du moment où le régime est à 77 % public et qu'on
le maintient substantiellement public, on ne tirera pas la conclusion qu'on
glisse vers un système privatisé. S'il vous plaît,
là! Je pense qu'il y a un certain nombre de choses qu'on va se dire au
cours de la journée. Finalement, je pense que c'est assez
intéressant, lorsqu'on regarde la page 115, M. le Président, on a
tendance à vouloir se comparer aux États-Unis alors qu'on dit que
c'est le pire. Alors, regardons ce qui se passe en bas, la page 115 est assez
révélatrice à ce niveau-là, et on va voir ce qu'on
peut faire pour améliorer notre système.
En terminant, un petit message à la FTQ: Dites à vos gars
de construction que je ne peux pas en même temps vous recevoir ici et
vous recevoir à mon bureau de comté, parce qu'ils sont là
puis Ils m'attendent.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Bon.
Très bien. Merci aux gens de la FTQ. J'invite maintenant la
Confédération des syndicats nationaux.
Bienvenue à la Confédération des syndicats
nationaux. M. Larose, vous avez des Invités qui vous accompagnent?
CSN
M. Larose (Gérald): Je vous présente, à ma
gauche, la vice-présidente responsable à l'exécutif de la
CSN du dossier santé, Mme Céline Lamontagne, accompagnée
de Francine Lévesque, responsable politique et vice-présidente
à la Fédération des affaires sociales, accompagnée
de Hélène Choquette, du service de la recherche de la CSN, et de
Suzanne Clément, qui est la présidente du secteur des
technologies médicales à la CSN; à ma droite, Claude
Saint-Georges, du service de la recherche de la CSN, et Serge Landry, de la
Fédération des professionnels salariés et des cadres du
Québec.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Alors, vous
connaissez la procédure. Allons-y.
M. Larose: On vous a fait parvenir un mémoire d'un certain
nombre de pages. C'est mon intention plutôt de le résumer, un peu
à ma manière, pour ouvrir le débat et y participer
pleinement avec l'ensemble de la délégation qui m'accompagne.
Je n'ai pas à élaborer longtemps sur
l'intérêt que la CSN porte à cet acquis social fort
important. Depuis 30 ans qu'on s'y intéresse, on s'est largement
Impliqué dans chacune des opérations, plus
particulièrement notamment à la faveur de (a commission Rochon;
notre organisation en a profité à ce moment-là pour
pouvoir développer l'ensemble de ses positions sur chacun des
éléments. De cette opération, nous attendions une
politique de la santé et du bien-être qui se fait toujours
attendre. On nous la promet pour mai-juin, mais il faut déplorer qu'on
soit appelés
à disposer d'éléments qui pourraient être la
conséquence d'une politique de santé et de bien-être, mais
on procède un peu à l'envers pour l'instant.
On s'est beaucoup Investis dans le dossier de la restructuration, la loi
120. Aujourd'hui, on nous demande de disposer de la question du financement. On
a devant nous un document ministériel fort Imposant, mais ce qui nous
surprend un peu, c'est le rythme de la réflexion que le ministre
souhaite faire. Il souhaite mener ça tambour battant. On a très
exactement deux mois. Vous l'avez déposé le 18 décembre;
le 14 février, tout doit être emballé. C'est beaucoup pour
un contrat social qui lie les riches et les pauvres, les jeunes et les vieux,
les bien-portants et ceux qui le sont moins. Il me semble que deux mois, c'est
pas mai. Mais, si ça augure d'une certaine célérité
pour d'autres débats, celui de la fiscalité, on est prêts
à relever ce défi-là et en comptant que vous serez un
partenaire efficace pour précisément commettre le gouvernement
sur une réflexion sur la fiscalité.
Mais, pour l'instant, sans être soupçonneux outre mesure,
on pense qu'il y a là une job de bras qui est en train de se faire avec
beaucoup, je dirais, de fantaisie dans les mouvements, mais il nous semble que
la tendance lourde nous conduit à quelque chose qui va
représenter un moins plutôt qu'un plus pour la
société québécoise.
Rentrons dans le vif du sujet. Apparemment, nous aurions des
problèmes de financement. On va en convenir rapidement, mais II faudrait
d'abord se l'expliquer. Je vous rappelle que, lorsque vous êtes
arrivés au pouvoir, vous nous avez soumis à deux traitements de
choc: un document qui s'est appelé «L'urgence d'un
redressement», c'était un énoncé de politique
budgétaire qui disait qu'il fallait casser le cercle infernal de la
taxation-chômage-taxation, et là il y avait un certain nombre de
mesures très libérales, plutôt
rétrolibérales; en même temps, vous nous avez fait subir la
lecture de trois flopées de sages qui ont commis toutes sortes de
propositions. Mais tout ça était la même sauce. C'est le
privé qui génère la richesse, l'emploi, le
bien-être. Les investissements sont bien plus productifs quand ils sont
faits par le privé que par le public. Le public a le grave défaut
de procéder à des ponctions sur la richesse collective. Donc,
moralité: il faut que le public se retire pour laisser toute la place au
privé, mais, si possible, en aménageant quand même quelques
bonnes conditions pour permettre au privé de faire sa job. Donc, la
privatisation, la déréglementation, puis une fiscalité
moins pénalisante pour les gagnants.
Puis, vous n'avez pas tout fait, mais vous en avez fait des grands
bouts, précisément sur la fiscalité. Je vous rappellerai
que, si on a des problèmes dans la caisse en 1992, c'est parce que vous
avez couru après. Vous avez très exacte- ment
procédé à une réforme fiscale et, là-dessus,
vous n'étiez pas très société distincte, vous avez
copié le fédéral, en abaissant radicalement les
«brackets» d'impôt pour les hauts salariés, en
abaissant également du côté des entreprises et en
procédant également à un transfert de la fiscalité
vers la consommation. C'est ce qu'on a appelé des pratiques fiscales
rétrolibérales qui étaient supposées nous amener
vers un mieux-être collectif sensible. (11 heures)
Résultat net, au moment où on se parle, c'est 20 %
d'exclus du marché du travail, c'est un appauvrissement réel de
l'ensemble de la population, c'est un taux de morbidité sociale qui a
augmenté, c'est une sollicitation accrue auprès des services
publics qui, entre-temps, eux, ont quand même continué à
subir des restrictions. On manque d'argent. C'est parce que, pour la
période de croissance économique la plus longue depuis la
dernière guerre, où les taux de profit, notamment, ont
augmenté de 132 % alors que le produit intérieur brut a
augmenté de 35 %, le gouvernement a décidé de faire des
cadeaux. C'est ça qu'il a fait, il a décidé de faire des
cadeaux, et il se retrouve, en 1992, avec une caisse qui, apparemment, ne
pourrait plus supporter l'ensemble de ses responsabilités.
Il est clair qu'on est dû pour un débat sur la
fiscalité. L'exécutif de la CSN est en tournée. Hier, nous
étions à Sherbrooke; demain, nous serons à
Trois-Rivières; la semaine dernière, nous étions à
Québec; la semaine d'avant, à Rimouski. Nous sommes en
tournée sur la fiscalité pour réhabiliter la
fiscalité dans l'opinion publique et, là-dessus, j'ai hâte
qu'une couple de politiciens prennent le relais parce que c'est leur job. La
fiscalité, ce n'est pas une maladie honteuse pour une
société, c'est l'outil principal de la vie en
société parce que c'est la caisse commune qui nous permet de
financer nos choix collectifs. On reviendra sur la fiscalité dans le
débat si ça vous intéresse.
Parions du coût du système de la santé et des
services sociaux. On prend pour acquis que l'ensemble est sous contrôle,
puis tout le monde nous le dit et vous l'affirmez aussi dans votre document;
grosso modo, l'ensemble est sous contrôle. On note, par ailleurs, qu'il y
a une expansion accélérée du secteur privé dans le
domaine de la santé. Le Québec a gagné ses galons
là-dedans depuis les dernières années. Mais on note que
depuis au moins 10 ans II y a une offensive permanente des gouvernements
à vouloir agresser le régime tel qu'il existe. On nous parie de
ticket modérateur. Les rapports des sages avaient toutes sortes de
propositions pour en privatiser des grands bouts. On parle
d'impôt-services. Bref, on note qu'il y a une offensive qui se met en
place depuis un certain temps pour essayer de diminuer les coûts, nous
dit-on, et diminuer le financement par les impôts et les taxes. Nous, on
ne se paye pas d'illusions,
et on vous le dit carrément, on ne peut pas diminuer les
coûts, on ne peut pas diminuer le financement par les impôts et les
taxes. Il va falloir en mettre davantage parce que les besoins évoluent
et changent, le vieillissement de la population est une réalité,
le renouvellement des installations, des équipements est une
réalité également. Mettre l'équivalent de l'IPC
plus 3, 5 %, il n'y a pas là de scandale. Il s'agit de savoir ce qu'on
fait avec ce qu'on a et ce qu'on va faire avec les 3, 5 % qu'on veut rajouter.
Je pense que vous vous adressez à des gens qui connaissent un peu le
réseau. La CSN en représente 100 000 dans toutes les
catégories. On sait c'est quoi la situation actuelle de l'ensemble des
réseaux.
Il n'y a aucune démonstration qui a été faite, soit
dit en passant, contrairement à ce que le Conseil du patronat essaie de
valider, que la gratuité nuit à l'accessibilité ou que la
gratuité invite à la surconsommation. Il n'y a pas d'étude
très évidente qui conclut à ça. Nous, on pense que,
s'il y a des abus dans les entournures, il y a moyen de les régler. Vous
avez réglé les urgences, oui ou non? En ajoutant beaucoup ou bien
en réorganisant autrement? Alors, on pense que c'est la piste à
exploiter.
Alors, c'est quoi nos objectifs à nous? Nos objectifs sont les
suivants: faire plus avec ce qu'on a, parce qu'il n'y a pas de drame au niveau
des coûts, c'est sous contrôle; on veut élargir le
régime parce que c'est «capitaliste-ment» rentable et,
surtout, on voudrait que ceux qui sont les responsables politiques des services
publics redonnent la fierté de nos instruments collectifs. Ça,
ça fait trop longtemps qu'il y a des gens qui ont méprisé
et qui dévalorisent un acquis aussi important.
Faisons quelques critiques d'un certain nombre de propositions que vous
nous faites. La première, un impôt-santé, c'est un gadget.
C'est un gadget, l'impôt-santé. On n'est pas du tout d'accord pour
une fiscalité éclatée. Pourquoi on n'aurait pas un
impôt-SQ avec une case «combien nous coûtent les
délateurs»? Pourquoi pas? Bon! Alors, on trouve que c'est farfelu,
un impôt-santé.
Deuxième critique qu'on va vous faire. Vous dites: II ne faut pas
augmenter les impôts, les taxes, mais on pourrait faire tarifer un
certain nombre de services. Donc, en fait, taxer la maladie. Bien, taxer la
maladie! Vous taxez les spectacles, c'est des taxes. On pense que
celle-là est plus dégradante, par ailleurs, au plan social.
Les éléments de privatisation, je viens d'entendre le
débat sur le système américain, je n'en rajoute pas. Un
autre, c'est de faire payer les médicaments pour les personnes
âgées, on vous trouve un peu... un peu Rambo là. Je ne
voulais pas le dire trop fort.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Coté (Charlesbourg): J'ai...
M. Larose: On trouve ça gros. Parce que, quand on est une
personne plus âgée, qu'on a payé ses médicaments par
des assurances quand on était au travail, y «aurait-u» moyen
de profiter de la solidarité
«intergénérationnelle», si on peut dire? Il me semble
que c'est là une certaine qualité de civilisation qu'on s'est
donnée et qu'on peut continuer à se donner.
Maintenant, ces critiques étant faites, 10 propositions. On n'est
pas rien que des «criti-queux», on fait des propositions. Nous, on
dit qu'il faut d'abord prendre les problèmes par le gros bout, pas
prendre le problème par tous des petits bouts, le prendre par le gros
bout, revoir l'utilisation des ressources. Lors de la commission Rochon, nous,
on avait fait des grands plaidoyers pour dire que, globalement, notre
système souffrait du fait qu'il était trop
médico-hospitalier. Il n'y a rien que des docteurs dans votre patente.
C'est important des docteurs, mais la maladie, ce n'est pas rien qu'un
«body» qui ralentit et qui tombe en panne. La maladie, c'est
quelqu'un qui a mal dans tout son être et ça a des questions
d'environnement, puis ça a des questions de vie en
société. Bref, c'est une réalité biopsychosociale.
Donc, trop médico-hospitalier, pas assez de prévention,
sous-développement du secteur social et sous-alimentation des
institutions de première ligne, notamment les CLSC. Depuis que ça
a sorti, ce rapport-là, aucun correctif n'a été
apporté. Je vous rappelle que, dans le socio, ça a
augmenté de 60 %, mais, dans le médical, de 73, 5 %. À
part de ça, les médecins, eux autres, par rapport à la
population qui a augmenté de 0, 44 %, ont augmenté de 2, 7 %.
Mais on n'en veut pas aux médecins, là. On veut seulement qu'ils
occupent la vraie place qu'ils doivent occuper. on prend note qu'on n'a pas de
pénurie au niveau des médecins, ni des spécialistes, ni
des généralistes, mais notre premier point, par exemple, c'est de
revoir leur statut et leur salaire. oh, mon dieu! ça va faire mal
là. on est dans un système qui permet
l'«entrepreneurship» privé dans un système, disons,
de gestion collective. ça a des graves défauts. il y a des
études qui nous disent que, de 1970 à 1983, 33 % de
l'augmentation des frais est due à l'augmentation des actes. on ne veut
pas dire qu'il y a des actes superflus, mais, si c'est la stratégie
principale pour maintenir le niveau de revenu, on trouve qu'il y a là un
vice de mécanique.
Notre proposition, c'est de promouvoir le salariat. D'ici deux ans, 50 %
des médecins devraient être à salaire. Et, au plan des
salaires, eux autres, ça monte en escalier roulant alors que le monde
ordinaire, ils y sont par l'escalier de secours. Par rapport à la
moyenne salariale, les médecins sont, à l'heure actuelle...
attendez que je retrouve mes chiffres, à 3, 85 %. En 1981, ils
étaient à 3, 57 % par rapport au salaire moyen.
Savez-vous qu'au Danemark et en France - tout le monde connaît la
France - c'est autour de 2 %? Alors, II faudrait peut-être à un
moment donné qu'on trouve le moyen d'attacher au minimum la moyenne
salariale des médecins à la moyenne qui est payée dans le
réseau. Je pense que ça ne serait pas une mauvaise affaire. On se
faisait des calculs. Au lieu de 3,85 %, si c'était 3,50 %, il y aurait
là une économie de 144 000 000 $. Imaginez-vous si c'était
à 2 %! On n'ose pas... ce n'est pas ça qu'on propose, mais...
Deuxième proposition: réallouer les ressources. Il faut
déplacer vers les CLSC, il faut déplacer vers les centres
d'accueil d'hébergement, il faut déplacer en région, en
même temps qu'on doit déplacer des services ambulatoires et de
chirurgie mineure. Là-dessus, votre saga de cet été,
ça n'a pas été un succès. Votre restructuration
pour permettre des déplacements de ressources comme ça, ça
n'a pas été tout à fait un succès. Comme vous le
disiez, ils allaient rencontrer Jésus-Christ; comme de fait, ils l'ont
rencontré et ils l'ont crucifié.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larose: Troisième proposition...
M. Côté (Charlesbourg): Mais on va compléter
le cycle tantôt.
M. Larose: O.K.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que
l'histoire...
Une voix: II ressuscite.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, il ressuscite
aussi.
Une voix: La résurrection.
M. Larose: Ah, il est ressuscité après!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larose: Bien, on a hâte. On a hâte. On va se faire
des agapes.
Une voix: Pâques s'en vient.
M. Trudel: II faut dire que le diable s'en est mêlé
aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larose: Troisième proposition...
M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est
Augustin?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larose: Troisième proposition...
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Je ne veux
pas être l'empêcheur de tourner, mais II vous resterait deux
minutes...
M. Larose: Deux minutes?
Le Président (M. Paradis, Matapédia): ...si vous
voulez échanger par la suite avec les parlementaires.
M. Larose: O.K. Bien, je vous résume ça. La
délégation d'actes. Il faudrait qu'on slaque sur la poulie pour
permettre à d'autres professionnels d'assumer des actes qu'ils sont
capables d'assumer; on pense aux infirmières, notamment aux
médecines alternatives.
Quatrième proposition, la régionalisation qui est
déjà en route. On espère qu'en bout de ligne ça va
vouloir dire plus de transparence.
Cinquième proposition: accroître des ressources dans le
social. Je vous rappelle que 1 $ dans la prévention, c'est 3 $ de
sauvés dans le curatif. Et on a à peine 22 % de notre budget qui
va dans le social, encore moins dans le curatif. Alors, il faudrait faire des
«moves» de ce côté-là.
Sixième proposition: nous, on veut que vous bloquiez les
ressources dans le secteur hospitalier à IPC, un point c'est tout. Les
3,5 %, ça, ça devrait aller du côté du maintien
à domicile, dans le psychosocial et dans la prévention.
Septième proposition: une assurance-responsabilité pour
les médecins, type «no fault», pour ne pas qu'on connaisse
les folles que les Américains se paient de ce temps-là.
Huitième proposition: dans le but, précisément, de
réduire l'écart au niveau de la santé et de réduire
les coûts globaux, nous, nous proposons que le système
s'élargisse pour le système dentaire et pour les
médicaments. Si on convertissait toutes les assurances privées et
que ces assurances privées là étaient investies dans le
système public, on pourrait couvrir toute la population. Donc,
élargir pour les dents et pour les médicaments.
Neuvième proposition: la commission sur la fiscalité. Vous
en avez parlé tantôt, on pourra en parler.
La dixième proposition, c'est: oui, au plus sacrant, à une
politique de santé et de bien-être pour qu'on puisse travailler
sur l'environnement à toute cette réalité-là, pas
rien que sur les pots cassés qu'on a à ramasser. Je vous
remercie.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci, M.
Larose. M. le ministre. (11 h 15)
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Évidemment, c'est une présentation très
imagée et on n'en attendait pas moins...
M. Larose: Et synthétique, hein?
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Dans un premier temps,
est-ce que je vous saisis bien en disant: II y a peut-être un
problème de finances publiques, mais, s'il y en a un, c'est de votre
faute, comme gouvernement?
M. Larose: Oui. Et vous n'êtes pas tout seul, il y a
l'autre aussi de l'autre bord.
M. Côté (Charlesbourg): L'autre bord de l'Outaouais,
là?
M. Larose: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Mais il peut y avoir un
problème, effectivement, de finances publiques, et on fait porter le
débat sur la fiscalité, ce qui est votre affirmation, en disant
qu'il y a peut-être eu des mauvais choix sur le plan de la
fiscalité qui ont été faits et les marges de manoeuvre, ce
que j'ai compris tantôt, qui se sont dégagées sont
davantage allées vers le développement davantage privé, ce
que vous appeliez tantôt le miracle privé. Est-ce que je vous
saisis bien quand on dit ça? Et je vais vous dire où je veux
déboucher. Le débat sur la fiscalité - je n'ai pas
caché mes couleurs, tantôt, sur le plan personnel - est-ce que
vous êtes du même avis que la FTQ, puisque, tantôt, on a
abordé la question sur le plan de la fiscalité... Si l'exercice
d'une discussion publique sur la fiscalité doit nécessairement
déboucher sur une même masse de revenus, globalement, et que c'est
la répartition de la charge fiscale qui doit être vue, si
ça nous mène vers un meilleur équilibre,
dépendamment des points de vue dans notre société, un
meilleur équilibre entre le riche et le pauvre, entre la compagnie et
l'individu, mais, au bout de la ligne, ça ne débouche pas sur des
revenus additionnels dont le gouvernement aurait besoin, est-ce que votre
ouverture est aussi grande que celle de ceux qui vous ont
précédés à la barre sur... À partir du
moment où on fait une discussion, on en fait une qui est large et on
ouvre des portes, dans le sens que si elle doit être transparente, fa
discussion, on va l'être, mais, évidemment, elle va aboutir sur un
certain nombre de constats, j'imagine.
M. Larose: O.K. On est en train de faire une tournée,
nous, à travers le Québec, précisément sur la
fiscalité. On sent qu'il y a un ras-le-bol par rapport à tout ce
qui est taxe, impôt, TPS, TVQ. D'où vient ce ras-le-bol? Le
ras-le-bol ne vient pas du fait, contrairement à un cliché que
les lignes ouvertes essaient de répandre rapidement, que le
Québec serait la province la plus taxée au monde. On est les 17e
sur 23. Notre problème, ce n'est pas qu'on est trop taxés. Notre
problème, c'est que la répartition est mal faite. Il y a du monde
qui paie trop d'impôt pour d'autres qui n'en paient pas assez. Donc, le
premier objectif, oui c'est un objectif d'équité. Le
deuxième objectif, c'est un objectif de volume. Nous, derrière
notre proposition, notamment pour la santé, c'est de dire: Si on en met
plus dans le système pour assumer davantage de responsabilités
comme société, nous faisons des économies. Alors, c'est
ça, notre objectif, nous, c'est de régler d'abord, et c'est
évident qu'il faut le régler parce que c'est dangereux
d'alimenter une révolte populaire comme celle qui se dessine à
l'heure actuelle, régler la question de l'équité. À
partir du moment où on règle la question de
l'équité, on pense qu'on aura bien moins de problèmes
à discuter de la question du volume de la taxation.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, c'est presque un
rendez-vous qu'on se doit d'avoir, à mon point de vue, pour,
effectivement, faire en sorte que les gens en aient pour leur argent et qu'il y
ait aussi la démonstration qu'ils en aient pour leur argent. Je pense
que c'est un débat que nous devons avoir au Québec actuellement.
Encore une fois, avec la distinction que c'est mon opinion personnelle et
j'aurai mon travail à faire sur le plan de convaincre des
collègues de cela aussi.
M. Larose: II paraît que, quand vous vous exprimez,
ça compte.
M. Côté (Charlesbourg): Bah! On verra. Une
voix:...
M. Côté (Charlesbourg): Oui, M. Morin? Des voix:
Ha, ha, ha!
M. Larose: II ne fait pas partie de notre
délégation, hein!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Je vais y aller d'une
question qui nous amène à parler d'efficience,
d'efficacité. Je me retrouve dans plusieurs des mesures que vous
proposez. Évidemment, il y a des variantes. Sur le plan médical,
je pense qu'il faut quand même dire, au-delà de notre
interpellation du corps médical, que, lorsque dans le document on dit
que nos coûts sont sous contrôle, dû en bonne partie au
contrôle qui a été imposé sur le plan des salaires,
ça inclut aussi les médecins sur le plan du contrôle de la
rémunération. Je pense qu'on ne serait pas corrects aujourd'hui
si on ne le répétait pas. Ils en font partie aussi. Ils sont
peut-être en nombre supérieur par rapport à nos
besoins, mais, de manière globale, sur le plan de la
rémunération, lorsqu'on compare à ce qui se fait en
Ontario, à ce qui se fait aux États-Unis, je pense qu'on est dans
une situation aussi où il y a eu des contrôles qui sont assez
importants. Ceci étant dit, ça ne veut pas dire qu'il ne reste
pas de l'espace et du travail à faire a ce niveau-là.
Si, demain matin, on disait au chef d'une centrale qui représente
plus ou moins 100 000 personnes dans le réseau de la santé et des
services sociaux qu'il y a des gains de productivité à avoir,
qu'il y a une interpellation du normatif lourd qu'H faut avoir, et qui soit une
discussion très ouverte à ce niveau-là, et qu'on remette
un certain nombre de choses dans la discussion, est-ce que vous seriez ouvert
à ce genre de discussion? Et je vais aller plus loin.
Tout le monde qui est passé ici la semaine dernière est
venu nous dire: Voici telle place où on peut avoir des économies.
Les médecins sont venus nous le dire, l'AHQ est venue nous le dire,
à peu près tous les intervenants, les médecins de
départements de santé communautaire. On nous a identifié
un certain nombre d'endroits où il y avait des économies
possibles. Ils ont dit: Votre problème, c'est que vous n'avez pas
à l'intérieur de vos systèmes de l'Incitatif. Donc, si
vous avez de l'incitatif, il va peut-être y avoir des chances qu'au bout
de la ligne on vous indique des pistes et de travailler ensemble à avoir
ces rendements-là sur le plan des économies. Est-ce que vous
seriez ouvert à une discussion plus large sur l'ensemble des mesures -
oublions le salarial, ça, c'est une autre affaire - mais des discussions
sur le normatif lourd et qu'on puisse, au bout de la ligne, trouver le moyen
d'avoir certains incitatifs pour les travailleurs dans la mesure où il y
a des mesures qui pourraient être revues?
M. Larose: Quand vous parlez d'Incitatifs, c'est quoi ces
incitatifs?
M. Côté (Charlesbourg): C'est-à-dire que
ça pourrait être... S'il y a des économies, II pourrait y
avoir un partage de ces économies-là.
M. Larose: D'abord, je vais vous dire: Nous, on ne croit pas du
tout aux incitatifs économiques. C'est-à-dire, si on se donnait
des stratégies pour que les gens soient fiers de leur travail, c'est le
principal incitatif. Donc, c'est tout le dossier de l'organisation du travail.
Je pense que notre organisation, dans le passé, a fait un certain nombre
de propositions pour essayer de travailler sur l'organisation du travail. Je
vous donne juste l'exemple de la précarisation des emplois ou les
emplois à temps partiel sur lequel on a essayé, puis on a
réussi en partie, à faire en sorte qu'on puisse recomposer des
postes à temps complet, etc. Il y a eu bon nombre de propositions pour
améliorer ou réorganiser le travail.
En étant très clairs entre nous, la CSN et, je suis
sûr, les travailleurs du réseau, dans un débat, j'allais
dire, d'égal à égal, dans un débat où on met
sur la table toute la réalité, on sera toujours heureux d'ouvrir
le dossier de l'organisation du travail. Mais, si ça veut dire la
consolidation de la structure telle qu'elle existe, de la structure très
médicalisée, si ça veut dire le renforcement de
l'autoritarisme de la structure d'encadrement, ça, on ne fera pas partie
de ce voyage-là, pas du tout! Les intuitions que nous avons
concrétisées dans bon nombre d'Institutions et d'entreprises,
c'est lorsqu'on réfléchit une organisation du travail qui
responsabilise les travailleurs et les travailleuses, qui leur donne une
autonomie d'action et une capacité, je dirais, collectivement d'assumer
leurs responsabilités. Bref, un cadre de travail qui fait en sorte qu'on
investit davantage dans la mafn-d'oeuvre. Là-dessus, je suis sûr
que les gens vont être heureux de faire ces débats-là.
M. Côté (Charlesbourg): J'aborde cette
question-là parce qu'elle me paraît au coeur de nos
échanges futurs. Quand on regarde ce qui se passe en parallèle
dans le secteur privé, les syndicats ont fait une démonstration
de leur ouverture à un contrat qu'on dit social avec l'entreprise
privée, et il y a des exemples dans lesquels vous êtes
impliqués, où il y a eu, bien sûr - j'imagine que ça
a été fait d'égal à égal, comme vous venez
de l'évoquer - une révision d'un certain nombre de choses qui
permettent, à l'occasion, de sauver l'entreprise privée et de
continuer à procurer de l'emploi aux travailleurs. Quelles sont les
conditions qu'on devrait mettre sur la table pour qu'on puisse entreprendre une
démarche comme celle-là dans le secteur public, disons pour celui
qui nous préoccupe actuellement, santé et services sociaux? Puis
le message de la fierté que l'AHQ est venue nous dire aussi, et d'autres
intervenants la semaine dernière, des cadres intermédiaires, sont
venus nous dire aussi que c'était une question de fierté, qu'il y
avait des travailleurs qui étaient moroses et qui, à l'occasion,
prenaient une journée de congé de maladie parce qu'ils n'en
pouvaient plus à l'intérieur du système ou de la
manière dont ça s'exerçait. Quelles sont les conditions
qu'il faut mettre sur la table pour qu'on puisse amorcer un échange
comme celui-là, comme vous le souhaitez, d'égal à
égal? C'est quoi les conditions qu'il faut mettre là?
M. Larose: Bon. Mol, je pense que la première chose, c'est
qu'il faut d'abord qu'on reconnaisse l'héritage qu'on a à
gérer. Dans le secteur public, particulièrement dans le
réseau des affaires sociales, on a un héritage très lourd.
Je ne veux pas remonter trop loin, mais le matraquage systématique que
les salariés du secteur public ont subi, les agressions carac-
tértsées notamment à travers la loi 160, je vous
dirai que ça a passablement - j'essaie de trouver le terme parlementaire
- perturbé, disons, les climats, et la dose de scepticisme est
très forte. Je pense que la première condition, en mettant en
plan... En tout cas, si on prend notre propre expérience dans d'autres
lieux de travail, c'est d'abord la reconnaissance pleine et entière des
parties qui se font face et, ensemble - quand je dis ensemble, c'est au niveau
de ceux qui sont mandatés pour ça - il faut qu'il y ait un
diagnostic très précis de partager à la fois sur
l'héritage et c'est quoi qu'on veut atteindre comme objectif. Parce que,
derrière votre question, je soupçonne que vous aimeriez que je
vous dise qu'on va renvoyer ça dans le champ, comme ça, puis
chacun va faire ce qu'il va vouloir. Là, on va scraper tout le
procédé.
M. Côté (Charlesbourg): C'est-à-dire que,
quand on parle de normatif lourd, vous savez ce dont on parle et on parle aussi
de mobilité parce que ça a été la question qui a
été évoquée à quelques reprises.
M. Larose: Oui, mais...
M. Côté (Charlesbourg): Quant à
l'inquiétude de dire: On va envoyer ça dans le champ sur le plan
local, moi, je pense qu'il y a des choses à faire sur le plan local et,
évidemment...
M. Larose: Mais à partir du moment où on s'est
entendus en haut: C'est quoi qu'on fait...
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui, c'est
ça.
M. Larose: ...c'est quoi qu'on veut faire et c'est quoi les
objectifs qu'on veut atteindre?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, et je pense que
ça prend un cadre assez clair en termes d'orientation. Évidemment
aussi, il ne faut pas que, tant du côté syndical que du
côté gouvernemental... parce que le pouvoir central fort,
ça vaut aussi au niveau des gouvernements et ça vaut aussi au
niveau des syndicats - ça, c'est clair, bon, il faut se le dire de
manière très très claire. Par nos parties patronales ou
par des organismes centraux, c'est toujours plus facile de gérer sur le
plan central puis de descendre en bas, et j'imagine pour vous autres aussi, que
de laisser du souffle un peu sur le plan local pour faire un certain nombre
d'aménagements qui pourraient être profitables au système.
Si ça prend un cadre général pour être capable
d'aller en bas, de discussions à votre niveau et au niveau
gouvernemental, que l'ouverture soit là, je trouve ça bon et il
va falloir finir par s'adresser à ça.
M. Larose: Est-ce que vous permettriez?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui.
M. Larose: Je pense que Céline, c'est là-dessus
que...
Mme Lamontagne (Céline): Je veux ajouter peut-être
deux ou trois remarques. D'abord, quand on parie de remettre en question ou de
discuter du normatif, je voudrais juste rappeler que, dans le passé, les
travailleurs et les travailleuses du réseau ont fait la preuve qu'ils
étalent capables de s'asseoir et de s'ajuster à de nouvelles
réalités. Je prends la question de la
désinstitutionnalisation où c'était toute une nouvelle
façon de voir, une nouvelle organisation des services dans ce
secteur-là, et où on s'est assis et on a regardé comment
on pouvait réorganiser notre propre travail. Les succès de la
«désins», on pourra en reparier à une autre table, ce
n'est pas si merveilleux que ça, sauf qu'il y a eu un effort puis il y a
une volonté encore des éducateurs et des éducat rices,
particulièrement dans ce réseau-là, de se
réorganiser pour donner de bons services, quitte à ce que leur
travail soit transformé ou changé. Je pense que c'est un
témoignage qu'on est capable de faire ça. (11 h 30)
Deuxièmement, l'organisation du travail, Gérald en a
glissé un mot. Actuellement, c'est les médecins - on revient
toujours là - qui décident des actes de chacune des professions
dans le réseau, en tout cas, qui en décident une bonne partie.
Donc, c'est subordonné continuellement à la décision du
cadre médical. Ça aussi, il faut regarder ça si on veut
rendre les autres professions autonomes et confortables avec le travail qu'ils
ont à faire.
Troisième remarque, c'est qu'il faut aussi que les
administrations locales changent. Je sais que, la semaine passée, vous
avez parié de la santé et de la sécurité au travail
et que ça coûtait bien cher dans le réseau. Bien, je
comprends que ça coûte très cher dans le réseau
parce que, entre autres dans les centres hospitaliers, les employeurs se
comportent comme les plus arriérés du secteur privé face
aux accidentés du travail. Je peux sortir des tas d'exemples. Vous
pariiez de mobilité, tout à l'heure. Il y a un cas qui a
été porté à ma connaissance, celui d'une
travailleuse. Ses camarades de travail étaient prêtes à
changer l'organisation du travail pour permettre qu'elle revienne au travail
parce qu'il y a des tâches qu'elle ne pouvait pas faire dans la cuisine;
l'employeur ne veut pas la reprendre et on va payer sur la CSST pendant deux
ans. Il y a plein de cas de même dans les hôpitaux. Je pense qu'il
y a aussi des attitudes qu'il faut changer chez les administrateurs.
M. Côté (Charlesbourg): On prenait l'exemple de un
qui a été très actif, la semaine dernière, et qui a
donné des résultats. C'est clair
que ce n'est pas blanc et noir. Je pense qu'il y a du travail à
faire d'un côté comme de l'autre. C'est là qu'on est rendus
aujourd'hui. Quand on s'Interpelle de cette manière-là, c'est
pour bonifier ou tenter de bonifier le système ou maintenir des acquis.
Donc, l'objectif est, à ce nlveau-là, très
intéressant. Merci.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci, M. le
ministre. M. le député de Rouyn-Noran-d
a-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue
à la délégation de la CSN. C'est particulièrement
agréable parce que c'est la première fois, pendant cette
commission, qu'on peut dire, en souhaitant la bienvenue: Bienvenue, mesdames et
messieurs. C'est la première délégation à se
présenter devant nous où il y a une majorité de femmes.
Les gens qui sont venus, nonobstant le contenu, c'était très
masculin, merci. Je pense que ça reflète non seulement un
discours, mais une pratique chez vous, et ça, il faut le noter, aussi
parce que, comme représentants de 100 000 personnes qui font le
réseau de la santé et des services sociaux au Québec,
c'est largement féminin. Et ça, il faut le noter aussi parce que,
quand on va s'adresser aux gens du réseau pour faire le débat,
pour le compléter et, possiblement, pour employer votre expression, pour
en faire plus avec ce que l'on a, eh bien, on va s'adresser, comme souvent dans
notre société, à des femmes majoritairement. Et ça,
il faut le noter.
À la mode de la CSN, je dirais: C'est franc, c'est clair, c'est
direct. Allons-y dans le même sens, quant à moi, et
commençons par poursuivre, je dirais, un petit peu dans le sens du
diagnostic en premier. Comme disaient les collègues de la FTQ
tantôt, «le trou», il faut bien diagnostiquer d'où
vient le trou. Grosso modo, la table des matières du document, les 10
premiers points abattent 10 mythes qui sont véhiculés plus ou
moins largement. On était rendus à 12, la semaine passée,
12 mythes, à aller des citoyens abuseurs jusqu'au mauvais contrôle
financier, je vous l'ai rappelé, à aller jusqu'à: Les
Québécois, tous gouvernements confondus, ne font pas si mal les
affaires. Ma question est double. Dans la mesure où, et on reviendra
là-dessus, on va essayer de... on devrait faire plus avec ce qu'on a,
est-ce qu'on doit aller nécessairement vers IPC plus 3,5 % au niveau des
dépenses de santé publique au Québec au cours des
prochaines années et avez-vous l'Impression qu'on va y arriver
financièrement, compte tenu de l'ampleur du trou? Est-ce que c'est vrai
qu'on peut sauver les bases, qu'on peut poursuivre et conserver les acquis
précieux à IPC plus 3,5 %, compte tenu de la situation
financière dans laquelle nous sommes et, apparemment, la situation
financière dans laquelle nous serons au cours des prochaines
années?
M. Larose: II est évident qu'on fait le présent
débat dans une conjoncture plutôt déprimante. Ça, on
le reconnaît. Mais on ne pense pas qu'on doive profiter de cette
période-là pour sabrer dans des acquis Importants qui,
précisément dans ces périodes déprimantes, ont un
rôle capital à jouer. Ce qui va faire la différence, c'est
le courage et la détermination que les élus peuvent avoir pour
faire le débat avec la population et lui montrer leur
intérêt à consentir les revenus nécessaires pour
assumer cette responsabilité collective.
Nous, ce qu'on dit, IPC plus 3,5 %... Et là je veux qu'on soit
clair entre nous. Quand je prends l'expression «en faire plus avec ce
qu'on a», ça ne veut pas dire sortir le fouet, etc. Ça veut
dire mieux s'organiser pour que les gens puissent - j'allais dire -
agréablement assumer leur métier, leur profession et, ce faisant,
être effectivement plus productifs. Alors, le trou dont on parle est un
trou qu'il nous faut combler collectivement et il n'y a pas 36 façons de
le faire; c'est effectivement en levant les revenus qu'il faut.
Je sais que, pour une réforme de la fiscalité, on ne
pourra pas faire ça dans les 15 jours qui viennent. Mais H y a un
minimum de décisions qu'on devrait prendre pour faire en sorte qu'on
assume quand même, dans cette période difficile, nos
responsabilités. Ceci dit, j'espère qu'on n'est pas en
récession pour cinq ans. Il y aura peut-être une conjoncture plus
favorable qui sera peut-être plus généreuse pour les
revenus de l'État, indépendamment des décisions qu'il aura
prises itou.
Dans ce sens-là, on ne pense pas que ce soit insurmontable ou que
ce soit la catastrophe. Il n'y a pas là un impossible devant nous.
M. Trudel: En faisant remarquer que votre proposition est dans
l'ordre du superraisonnable, si je peux employer l'expression, parce que votre
proposition, c'est d'augmenter de 0,5 % les dépenses de santé, de
0,5 % supérieures à la progression du PIB. Il ne faut pas oublier
que les hypothèses du ministre, à la page 101 du document du
gouvernement, c'est comme dans les contrats d'assurance, c'est dans les petites
écritures qu'est la vérité. Quand on dit IPC plus 3,5 %,
c'est basé sur l'hypothèse que le PIB va augmenter de 6,5 % au
cours du prochain cycle budgétaire et que l'Inflation va être
à 3,5 %. Ça veut dire que la proposition de IPC plus 3,5 %, elle
n'est que de 0,5 % supérieure à la croissance du PIB et au
rendement général des impôts. Il n'y a pas de drame
là.
Évidemment, je vais vous amener sur un autre terrain, M. Larose,
en disant cela. Mais d'où vient le trou? Voilà. D'où vient
le trou? On le sait d'où il vient, le trou. Dans ce sens-là, il
vient du gouvernement fédéral qui, lui, a décidé
que, pour les Québécois, la santé et les services sociaux,
c'est uniquement 14,2 % de nos impôts,
au lieu de 31 % comme on a fait comme choix collectif.
Si on veut conserver les acquis, si on veut poursuivre dans le sens
où vous l'avez décrit, je dirais assez simplement: Mais qu'est-ce
qu'on va leur faire? Parce que la seule solution qui est apparue jusqu'à
maintenant pour le grand fauteur de troubles qui est en train de provoquer la
chicane de famille ici, c'est un voyage organisé en autobus avec le
ministre pour aller faire beuh! beuhl beuh! à Ottawa. Qu'est-ce qu'on va
faire pour faire en sorte qu'ils révisent leur position et qu'ils
respectent le choix des Québécois et des
Québécoises en matière de santé et de services
sociaux et qu'on arrête de se faire accroire que le drame, c'est les
dépenses publiques en santé et en services sociaux, au
Québec, qui causent notre débalancement des finances publiques?
Qu'est-ce qu'on leur fait? Et, du même coup - vous n'en avez pas
parlé beaucoup dans votre mémoire, il faut que vous nous le
disiez, je pense, là-dessus - la dérive est aussi
commencée avec ce qui s'est passé hier. Voilà qu'on
commence à dire: Bien, C-3, peut-être... peut-être qu'on
pourrait réviser ça, comme l'a suggéré d'ailleurs
le gouvernement actuel à partir du 7 décembre, l'an passé.
On devrait faire sauter cette barrière pour nous permettre d'aller vers
la tarification, les impôts-services et des trucs comme cela. Double
question.
M. Côté (Charlesbourg): 7 décembre 1990.
M. Trudel: 1990, je m'excuse.
M. Larose: Pour répondre à la première, je
serai bref. Je pense que, dans la dynamique politique du Québec, une
erreur a été commise. C'est qu'il y a un parti politique qui a un
projet constitutionnel que l'autre parti ne veut absolument pas partager,
d'aucune manière. Si le premier parti ne s'était pas
emparé de cette question, le deuxième, vraisemblablement,
l'aurait fait. Mais, dans le parlementarisme britannique que nous avons, j'ai
l'impression que c'est le principal frein. Ceci étant dit, je pense
qu'ils vont tomber en panne d'arguments tantôt. Le
fédéralisme, tel qu'il se pratique, est malheureusement moins
rentable qu'il ne l'était. Certains disent que c'est devenu un boulet.
Nous avons adhéré à ces analyses. On espère que la
panne d'idées des fédéraux fera en sorte que le
gouvernement au pouvoir actuellement au Québec procédera tel
qu'il s'est engagé dans la loi 150 et peut-être que ça va
clarifier une partie du paysage. Il est clair, à terme, qu'if n'y a pas
de solution de ce côté puisque... Quand est-ce qu'il ferme le
robinet au grand complet?
M. Trudel: 1997. M. Larose: 1995?
M. Côté (Charlesbourg): 1995-1996, 1996-1997.
Ça dépend de...
M. Trudel: 1997.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas le robinet au
grand complet. C'est celui sur...
M. Trudel: Les transferts.
M. Côté (Charlesbourg): ...les transferts concernant
la santé.
M. Larose: Oui. Mais disons que, quand ça occupe... C'est
vous... Quand vous disiez que ça occupe à peu près 40 % si
on enlève le financement de la dette.
M. Côté (Charlesbourg): Je n'essaie pas d'amoindrir
ni de défendre aucune thèse à ce moment-ci.
M. Trudel: On a un pas de fait.
M. Larose: Mais on aimerait ça que vous défendiez
des thèses, les nôtres.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): J'ai compris ça
depuis longtemps.
M. Larose: Alors, sur la...
M. Trudel: La C-3.
M. Larose: Pardon?
M. Trudel: Sur la C-3, après ça.
M. Côté (Charlesbourg): On ne veut quand même
pas vous arrêter sur ce débat de fond parce que...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larose: Non. Mais ça, je pense que...
M. Côté (Charlesbourg): ...compte tenu des
idées qui sont partagées.
M. Larose: Sur la tarification et tout, je vous entendais parler
tantôt de la Suède. C'est habituellement un des modèles
qu'on met de l'avant. On va vous dire que, sur la santé, à
éviter, pourri, régime deuxième plus cher au monde,
largement tarifé. Moralité: la tarification, ça ne m'a pas
l'air d'être - vous parliez d'autobus - le jet...
M. Côté (Charlesbourg): II y a le salariat des
médecins aussi.
M. Larose: Oui. Alors, imaginons le salariat des médecins
sans tarification.
M. Côté (Charlesbourg): Ça fait pas mal de
variantes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larose: Moi, je suis prêt à travailler cette
hypothèse...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larose:... surtout pour des objectifs de
prévention.
M. Trudel: Un morceau de robot!
M. Larose:moi, je vous dirai que mon médecin de famille
est un médecin de clsc à salaire. en plus, il est
homéopathe. je trouve que c'est bon en monsieur parce que, lui, il est
là pour l'art en même temps que pour la prévention. il
n'est pas là pour faire tourner une machine. je ne veux pas dire que le
monde fait tourner la machine. non. je pense que je suis démagogique
quand je dis ça, mais il est clair que la pratique médicale, qui
pourrait se faire avec un autre incitatif que celui qu'on a, pourrait
dégager des avenues plus intéressantes, y compris au plan de la
prévention, y compris au plan des médecines alternatives. (11 h
45) alors, je reviens à la tarification et je n'insiste pas sur le
modèle américain, vous en avez abondamment parié
tantôt, mais il est clair qu'à partir du moment où on met
une tarification on met en place une bureaucratie. si on met en place une
bureaucratie, c'est autant de ressources disponibles qui ne vont pas en termes
d'intervention, mais qui vont en termes de gestion, et il y a des études
qui le disent. quand c'est un «single provider» c'est bien mieux
que lorsque c'est une série de sources de financement. alors,
là-dessus, si c'est pour satisfaire certaines velléités
idéologiques - parce que, moi, j'ai lu les mémoires patronaux, il
n'y a rien d'écrasant comme logique là-dedans, y compris pour des
gens qui sont supposés savoir compter. la meilleure, c'est le paragraphe
7 du conseil du patronat qui nous renvoie à une démonstration
éclairante du paragraphe 2; je retourne au paragraphe 2, il y avait
«affirmer idéologique-ment leurs prémisses». non,
c'est bon de venir faire un peu d'idéologie ici, mais je pense que vous
vous attendez à ce qu'on chiffre un peu plus les affaires. alors, ce
qu'on vous dit, c'est qu'au plan de la tarification ça va vous
coûter cher et c'est des ressources qu'on va consacrer collectivement
à de la gestion plutôt qu'à de l'intervention directe.
M. Trudel: Un petit mot supplémentaire, parce qu'on est
comme, à mon avis, trappe aussi sur c-3, il faut en parier. on voit
qu'encore une fois ça se gruge vite, à partir d'hier, mckenna qui
dit: oui, je pense qu'on va enlever le verrou, on va le faire sauter. je le
répète, le québec avait initié cette
procédure le 7 décembre 1990 en disant: nous, on va demander la
révision, l'ouverture de c-3 pour nous permettre d'aller du
côté de l'impôt-services, la tarification. je vois votre
réponse, bien sûr, sur la tarification, mais on est obligé,
actuellement... on serait comme obligé de dire: faites attention
à c-3 parce que, qu'il soit placé où l'on veut, le verrou,
ii existe quand même. je pense qu'il faut être capable de dire,
dans le débat actuel, à ceux qui ont les poignées entre
les mains: c'est correct, allez-y pour faire sauter c-3 ou: prenez garde, c'est
le dernier verrou qu'il nous reste sur l'universalité,
l'accessibilité dans le système actuel. comme vous, vous dites
que ce n'est pas nécessairement structurel, ce qu'on vit, que c'est
conjoncturel, il faut faire attention.
Alors, est-ce qu'il faut que le gouvernement du Québec, en clair,
embarque dans le train, fasse réviser C-3, fasse rouvrir C-3 et
débarre le système?
M. Larose: Non. Nous, ce qu'on veut, c'est conserver
intégralement les caractéristiques actuelles du régime -
intégralement - l'accessibilité, la gratuité, la gestion
publique, etc. Ouvrir C-3, si j'ai bien compris l'opération, pour
précisément échapper, la modifier pour échapper
à certaines caractéristiques, on ne fera pas partie de ce
voyage-là. On n'en fera pas partie pour des considérations
sociales; on n'en fera pas partie pour des considérations
économiques. Ça s'adonne que, quand on entre - c'est ce que
j'essayais de dire tantôt - des éléments de tarification
notamment, de privatisation, etc., globalement, ça nous coûte plus
cher. Alors, nous, on n'est pas du tout de ce voyage-là.
M. Trudel: très bien. il me reste combien de temps, m. le
président?
Le Président (M. Paradis, Matapédla): Trois
minutes.
M. Trudel: Ah! Trois minutes.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Ou quelque
chose comme ça.
M. Trudel: C'est quand même rafraîchissant de
décrire la réalité au niveau de ce qu'on appelle
généralement les services complémentaires: les yeux, les
dents, les médicaments. Contrairement à ce qui est avancé
dans le document, ce qui s'est assez largement promené en disant: Ah,
écoutez, c'est dans le complémentaire, ça; ça, on
pourrait y toucher parce que c'est dans le complémentaire... Beaucoup de
gens
sont venus nous dire ici: Ne touchez pas à la base, mais, s'il le
faut, touchez au complémentaire, les yeux, les dents et les
médicaments. Vous, vous dites: Non, non; non seulement il ne faut pas
toucher aux yeux, aux dents et aux médicaments, mais par souci - j'adore
votre expression, il faut que je la répète - c'est parce que
c'est «capftallstement» rentable de mettre ça dans le panier
de base. Est-ce que, cependant, sur ce qu'on appelle généralement
le panier de services, il vous apparaît qu'il y a un certain nombre
d'actes qui sont actuellement assurés, couverts par le régime, et
qui auraient avantage à subir le test ou un examen supplémentaire
pour continuer d'être couverts? L'exemple le plus spectaculaire, c'est le
ministre lui-même qui l'a employé: Est-ce qu'on doit conserver
dans le panier de services le collage des oreilles, par rapport à couper
les dents, les yeux et les médicaments? Est-ce que vous êtes
ouvert à une révision des actes, à un examen et à
une révision des actes contenus dans le panier de services?
M. Larose: Combien ça nous coûte, le
décollage des oreilles?
M. Trudel: Ça a l'air qu'il y en aurait pour 6 000 000 $
d'oreilles.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larose: II ne veut quand même pas proposer qu'on fasse
ça à moitié?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Pour quelqu'un qui est
débalancé, oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larose: Écoutez, moi, je ne répugne pas à
regarder des choses qui pourraient paraître aberrantes. le
décollage des oreilles, moi, ça ne me paraît pas aberrant.
c'est-à-dire que, compte tenu... il faut dire que, pour nous deux,
ça ne nous influence certainement pas, mais, compte tenu des
canons...
M. Côté (Charlesbourg): II ne vous reste plus rien
pour les cacher.
M. Larose: ...de beauté ou des canons, disons, physiques
qui sont imposés, ça se peut qu'il y ait du monde qui vive
très mal avec ça. Moi, je n'ai pas nécessairement des
problèmes. Si ça faisait capoter le système, ah bon! S'il
y en avait pour 600 000 000 $, peut-être que je dirais, dans une
période de déprime économique, il faudrait peut-être
faire des...
M. Côté (Charlesbourg): On manquerait d'oreilles.
À 600 000 000 $, on manquerait d'oreilles.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Larose: On manquerait d'oreilles. Alors, je ne voudrais pas
qu'on prenne un bout du fil pour détricoter tout le gilet. Alors, dans
ce sens-là, le décollage des oreilles ne m'impressionne pas plus
que ça, là.
M. Trudel: Je termine là-dessus parce que le temps
est...
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Très
bien.
M. Trudel: ...fini. J'aime aussi votre précision parce
qu'il y a... À l'occasion, si on a défait 10, 11 ou 12 mythes, il
s'en dresse d'autres pendant cette commission où, quand on dit: Dans le
panier de services, il y aurait peut-être à réexaminer un
certain nombre d'actes, ça ne signifie pas, du moins de notre
côté, des pans de services complets. L'expression
«réviser le panier de services lorsque médicalement
requis», si c'est médicalement requis ou non, moi, je pense
qu'effectivement ça peut se faire, mais II faut bien préciser que
ça ne doit pas nous amener à détricoter le gilet au
complet et que, pour ce faire, il va devoir y avoir dans le processus des gens
comme vous, des gens qui sont sur le terrain et qui vont être capables de
donner c'est quoi la mesure du socialement acceptable et du non acceptable dans
le médicalement requis ou non. Sans ça, on ne s'en sort pas.
Alors, merci de votre contribution. C'est on ne peut plus clair. Quant à
moi, l'essentiel, c'est que vous avez continué de clairement
démontrer qu'il y a un certain nombre de mythes, dépenses
publiques, dépenses privées, dépenses totales de
santé au Québec, et je pense qu'on aura à se retrouver
rapidement encore sur la place publique pour faire virer le système et
empêcher ceux et celles qui veulent le détruire d'aller au bout de
leur oeuvre dans les moments actuels.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci, M. le
député. M. le ministre, rapidement.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je vous remercie. C'est
toujours très intéressant de vous entendre et de pouvoir
échanger, même si, à l'occasion, il y a une rivière
qui nous sépare sur le plan idéologique, sur certains dossiers
spécifiques. Une chose est certaine, c'est que c'est un système
qu'on questionne depuis un certain nombre d'années. On est à
prendre un certain nombre de décisions. Tout l'éclairage qui peut
nous être apporté et toutes les mises en garde aussi sont
importantes et l'expérience des uns des autres aussi. C'est pour
ça que l'exercice de la commission parlementaire est assez extraor-
dinaire à ce niveau-là. Je pense qu'il nous reste encore
passablement de travail à faire sur le plan de l'efficience et de
l'efficacité. Dans la mesure où on le fait, j'imagine qu'on aura
fait progresser notre système et qu'on nous permettra de protéger
des acquis. La question financière globale du gouvernement reste
là pour un débat plus large. Je pense que les prochains mois
seront très captivants. On va entendre parler d'autre chose que de la
Constitution. Dans ce sens-là...
M. Larose: Mais, il ne faudrait pas oublier de la régler
quand même.
M. Côté (Charlesbourg): Comment?
M. Larose: II ne faudrait pas oublier de la régler quand
même.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais ça ne
réglera pas nécessairement tous les problèmes parce
qu'à partir du moment où ça est réglé, si on
rapatrie les points d'impôt, on rapatrie aussi le trouble sur le plan
financier. Parce qu'il y en a...
M. Larose: Mais, un coup qu'on l'aura réglée,
peut-être qu'on pourra consacrer davantage d'énergie à
régler les autres problèmes itou.
M. Côté (Charlesbourg): Mais c'est une question de
santé pour le Québec.
M. Larose: Exact. Merci.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci, M.
Larose. J'Invite maltenant la Centrale de l'enseignement du Québec
à prendre place.
Bienvenue à la Centrale de l'enseignement du Québec. Je
reconnais Mme Pagé. Je l'invite à présenter les gens qui
l'accompagnent.
CEQ
Mme Pagé (Lorraine): Parfait. Je suis accompagnée,
à ma droite, de Mme Monique Richard, vice-présidente à la
Centrale et responsable des dossiers du secteur santé; à
côté d'elle, M. Richard Langlois, économiste à la
Centrale; à ma gauche, Mme Béatrice Chiasson, conseillère
syndicale à la CEQ dans le secteur santé. je voudrais tout
d'abord vous remercier de nous avoir invités à cette commission
parlementaire puisque c'est une commission parlementaire sur invitation. pour
celles et ceux qui se demandent que fait la ceq à une commission
parlementaire sur la santé, simplement rappeler que nous
représentons du personnel dans le secteur de la santé,
au-delà de 7000 personnes, mais que, également, l'ensemble de nos
membres sont des utilisateurs ou des utilisatrices des services de santé
à un moment ou l'autre de leur existence, mais également,
à titre de contribuables appartenant à la classe moyenne, ils
contribuent au financement de ce service de santé. Donc, notre
présence ce matin est tout à fait justifiée puisque nous
avons le sentiment de contribuer à un débat public, donc de
contribuer à l'exercice de la démocratie.
Ça fait longtemps qu'on parle de santé au Québec,
de services de santé, de politique de santé, de financement de la
santé. Ça fait plus de sept ans, quand on compte la commission
Rochon, les rapports, les enquêtes, les tournées, ainsi de suite.
Malgré tout ça, je dois vous dire qu'on a parfois eu l'Impression
d'être mis un peu en entonnoir avec peu de temps pour scruter, de
façon très fouillée, la question du financement des
services de santé. Donc, nous allons y aller de notre contribution en
vous signalant les endroits où nous avons davantage de questionnement
parce que nous n'avons pu creuser toute l'analyse comme nous aurions voulu le
faire. (12 heures)
Tout d'abord, vous dire que, pour notre part, nous faisons un bilan
positif de l'évolution de notre système de santé.
D'ailleurs, le ministère le reconnaît et de nombreuses recherches
le démontrent. Le bilan est positif, ce que ne laissaient pas croire les
déclarations publiques du président du Conseil du trésor,
par exemple, qui laissait croire que la moitié des finances de
l'État s'engouffreraient dans les dépenses de santé si on
n'y mettait pas bon ordre. Cela a pu ébranler la confiance de la
population, a pu l'inquiéter. Je pense qu'il faut tout d'abord
rétablir les faits et montrer que, somme toute, les contrôles des
dépenses ont relativement bien fonctionné dans notre
système de santé et qu'on a réussi à maintenir les
dépenses de façon satisfaisante. Par exemple, les crédits
accordés dans la santé, nous dit-on, auraient augmenté
plus rapidement au cours des dernières années que le PIB. Le
ministre donne lui-même, dans son document, des explications à
cette situation. Nous croyons également qu'au cours des dernières
années les sommes qui ont été nécessaires pour
l'entretien, les réparations, l'agrandissement des immeubles, de
nouvelles constructions qui étaient nécessaires - on avait besoin
de restaurer nos équipements - ont pu contribuer à cette
augmentation des crédits légèrement supérieure au
pourcentage qu'on avait connu dans le passé par rapport à notre
PIB.
Par ailleurs, quand on regarde l'étude du GRIS, on
s'aperçoit que nos dépenses de santé sont restées
stables. En 1971, le Québec dépensait 1088 $ per capita pour les
soins de santé; en 1987, quand on met ça en dollars constants, on
a dépensé 1094 $, soit 6 $ de plus qu'en 1971. On
s'aperçoit donc très bien comment les dépenses ont
réussi à être contenues. Ce qui a diminué, par
ailleurs, c'est la part assumée par les fonds publics. Alors qu'en 1981
le ministère de la Santé et des Services sociaux dépensait
1020 $, en 1989
ce montant était rendu à 920 $. Cela a certainement eu un
effet sur une certaine réduction de l'accès aux services et
à une diminution de la portée et de l'efficacité de
certaines mesures.
Même si le ministre nous a rassurés sur le système
de santé américain, je voudrais juste le conforter dans ses
bonnes intentions en lui disant, par exemple, que le New York Times a
fait état dernièrement d'une augmentation de 1 300 000, au cours
de la dernière année, du nombre de personnes non assurées
aux États-Unis contre les risques de la maladie. Je pense que, M. le
ministre, c'est un élément de plus pour vous conforter dans vos
bonnes intentions. Un deuxième élément, l'Association des
assureurs de santé a révélé que la prime moyenne
d'assurance pour une famille aux États-Unis est de 3816 $ par
année. La contribution des employeurs au financement du secteur de la
santé, selon une autre coupure du New York Times, montre que
cette contribution monte jusqu'à 4066 $ dans certains États
américains. Donc, voilà des raisons qui montrent bien pourquoi il
faut se décoller d'un système à l'américaine avec
la privatisation de nombreux services.
Par ailleurs, je crois utile de m'attarder quelques minutes sur la
stratégie financière du gouvernement du Québec. Nous
pensons que depuis 1986, depuis le dépôt de «L'urgence d'un
redressement» par le ministre des Finances, Gérard D. Levesque, on
a placé la toile de fond en nous disant que la fiscalité
québécoise devait être plus concurrentielle, qu'on devait
redresser la situation financière du gouvernement, gérer les
dépenses publiques en fonction de la capacité de payer.
Voilà des objectifs fort louables. Malheureusement, on en a fait des
fétiches, à notre avis. Les résultats sont
particulièrement désastreux. Ils ont été
inefficaces au plan économique, ils ont été injustes
socialement. Quand on regarde le délabrement de notre économie
québécoise, la vague d'appauvrissement qui frappe une partie
importante de notre population, je pense qu'il faut inviter le gouvernement
à changer de cap au niveau de la stratégie financière. on
a beaucoup parlé de fiscalité, ce matin. je ne m'y attarde pas,
sinon pour vous rappeler qu'à notre avis il n'y pas d'abord au
québec un problème de niveau de fiscalité. nous ne sommes
pas trop taxés. nous sommes mal taxés. la répartition est
injuste, inéquitable et c'est à cet aspect de la question qu'il
faut s'attarder en priorité. nous l'avons réclamé souvent,
nous le réclamons encore. il nous semble qu'il devrait y avoir un
débat public sur la fiscalité, une commission d'enquête sur
la fiscalité; on en a déjà connu une dont m. bourassa
était le secrétaire, si je ne me trompe. donc, ce serait
peut-être un juste retour des choses qu'on puisse encore faire une
commission d'enquête sur la fiscalité. u nous semble que ça
nous permettrait de réhabiliter la fiscalité dans la population,
mais également de faire le débat public qui nous permet de faire
les choix sociaux, économiques et fiscaux qui nous permettent d'assurer
notre croissance économique et notre développement
économique et social.
Par ailleurs, nous savons que le gouvernement n'a jamais caché le
fait qu'il préconisait un désengagement de l'État dans
l'économie pour laisser plus d'espace au secteur privé. Il nous
semble que la taille de l'État n'a pas véritablement à
voir avec la compétitivité d'un pays ou la performance
économique d'un pays; je serais même portée à dire
que c'est une vision d'une autre époque. On a beaucoup parlé, au
cours des dernières semaines, des visions périmées de la
souveraineté, des visions d'un autre siècle de la
souveraineté. Je pense qu'on a une vision d'un autre siècle du
rôle de l'État quand on s'imagine, avec les besoins accrus en
santé, en services sociaux, en environnement et en éducation,
qu'on pourra ramener l'État à la taille d'un bureau de
gérant. Il me semble que c'est une vision qui s'accroche au passé
plutôt qu'une vision de l'avenir.
Les impasses financières. Vous avez fait des prévisions
disant qu'il y aurait impasse financière. Nous voulons simplement vous
rappeler que les prévisions économiques ne sont pas science
exacte, que, bien souvent, les experts n'ont jamais réussi à
prédire la récession qui s'en venait trois mois plus tard, que,
souvent, ils nous prédisent la fin de la récession un an avant
qu'elle finisse. Donc, à cet égard, vos propres prévisions
ne doivent pas être plus certaines que celles que beaucoup d'experts font
en cette question. On invite donc à la prudence sur la justesse ou la
vérité absolue quant aux prévisions que vous faites.
Les orientations maintenant. Vous parlez du contrôle des
dépenses de santé. Nous reconnaissons la nécessité
de surveiller l'évolution des dépenses de santé, d'exercer
des contrôles adéquats, mais contrôle ne veut pas dire
n'importe quel contrôle. Le contrôle des salaires et des
rémunérations, je serais portée à vous
résumer ça très facilement: nous avons déjà
donné. S'il y en a d'autres à donner, qui doivent donner,
à notre avis, ce n'est plus nous. Si vous pouviez en même temps
parler au président du Conseil du trésor, ce serait bien. Par
ailleurs, il y a peut-être d'autres personnes qui n'ont pas donné.
Quand on regarde la situation d'un hôpital dans la région de
Montréal, à Lachine plus précisément, on peut
croire que certains cadres du réseau ont pas mal moins donné que
les salariés du réseau.
Par ailleurs, sur la rémunération des médecins,
nous pensons qu'il y a un examen à faire. C'est sûr que les
médecins ont une scolarité très longue, qu'ils ont des
responsabilités, qu'ils ont des stages très exigeants qui font
partie de leur formation, qu'ils sont requis en disponibilité, ainsi de
suite, mais il faut quand
même voir que, dès leur entrée sur le marché
du travail, ils ont des revenus supérieurs à ce que d'autres
personnes à formation égale et souvent supérieure
n'atteindront jamais tout au long de leur carrière. Ils
réussissent même à échapper aux mesures qui
pourraient affecter leur revenu. On peut citer des exemples de médecins
qui prennent des vacances aux trois mois pour échapper au plafonnement
trimestriel. Bien sûr, ça baisse les dépenses, mais, en
même temps, ça montre comment ils ont une capacité de
s'ajuster aux mesures qui viennent affecter leur revenu. Dans les pays
où le niveau de santé est comparable au nôtre, où le
système est public, le revenu moyen des médecins se situe autour
du double du salaire moyen de la population. Au Canada et aux
États-Unis, il est de quatre à cinq fois plus élevé
que le salaire moyen. Même si le revenu est moindre que ce qu'on peut
constater aux États-Unis, il nous semble quand même qu'il y a un
espace pour travailler et poser des questions sur la rémunération
globale des médecins.
Le contrôle des prix des médicaments. Vous entendez revoir
les méthodes de fixation des prix des médicaments payés
aux pharmaciens. C'est un pas dans la bonne direction. Nous pensons même
qu'il pourrait y avoir des mesures vigoureuses à l'égard des
compagnies pharmaceutiques. À cet égard-là, je pense que
l'actualité des derniers jours nous montre bien, tout d'abord, comment
le fait d'avoir eu un système public nous a permis de voir plus
rapidement des fraudes en cours. Je pense que, si on avait eu un système
complètement privé ou privatisé en partie, il y a un
élément de transparence et de contrôle des fraudes qu'on
n'aurait pas pu exercer aussi rapidement. Mais ça montre aussi qu'il y a
une possibilité de travailler à cet égard-là. Par
exemple, la protection des brevets qui confère un monopole sur le prix
des produits brevetés est injustifiable. L'aspirine qui existe depuis
100 ans se vend encore à un prix plus élevé que l'acide
acétylsalicylique qui est le produit générique de
l'aspirine.
Je voudrais attirer votre attention, à la page 20, sur une
expérience qui s'est faite en Allemagne. Je pense qu'il y a là un
modèle intéressant pour contenir les dépenses au niveau du
remboursement des médicaments. En Allemagne, depuis 1990, les caisses de
maladie ont fixé un prix plafond de remboursement par catégorie
de médicaments. Tout médicament dont le prix est inférieur
au prix plafond est remboursé à 100 % et, quand on dépasse
le prix plafond, le consommateur doit défrayer la différence.
Ça a eu un effet très rapide. La part du marché des
médicaments chers a chuté de 25 %, les laboratoires ont
rajusté leurs prix et l'Influence des malades a été
déterminante à cet égard. Je pense que les
Québécoises et les Québécois pourraient
développer le même type de comportement qu'on a pu observer chez
les Allemands. Voilà un exemple de chose que nous pouvons faire en nous
Inspirant d'expériences heureuses qui ont cours ailleurs. Vous pariez de
groupes d'achats en commun, de mécanisme provincial d'achats. Nous
souscrivons à cette approche.
La privatisation, contrôle de l'offre de services par la
privatisation, pour nous, c'est non. Ça réduit la portée,
l'efficacité des mesures de contrôle. À cet égard,
à la page 22 de notre mémoire, nous donnons l'exemple de la
privatisation des coûts de physiothérapie. Alors que ces
traitements étaient remboursés à 16,50 $ par la RAMQ,
maintenant, il faut débourser jusqu'à 35 $ pour avoir droit
à ces traitements dans les cliniques de physiatrie. Donc, ça
montre bien comment la privatisation n'a pas diminué les coûts,
bien au contraire.
Contrôle de la croissance du nombre des médecins. Nous
sommes d'accord avec cette mesure. Contrôle de l'implantation des
technologies de la santé. Vous pariez de contrôle sur la
quantité, sur l'implantation, sur le degré de sophistication
inutile d'équipements, toutes des approches qui pourraient être
retenues. Nous pensons également que le niveau d'utilisation de ces
technologies, soit parce que les médecins ont une pratique
défensive, soit parce qu'on fait de l'acharnement thérapeutique
dans certains cas, devrait nous amener à nous poser certaines questions,
à faire certaines réflexions. Mais je voudrais également
vous donner un exemple très précis de pratiques médicales
qui pourraient être révisées. Nous avons
présentement des syndicats qui ont contesté les examens
médicaux à l'embauche exigés par certaines commissions
scolaires. Je m'excuse. Parfait.
Une voix: On est des auditifs. Mme Pagé: Vous
êtes des auditifs.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Très
bien.
Mme Pagé: Vous étiez en même temps des
pariant.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): On est
auditifs. On vous entendait très bien.
Mme Pagé: Mais c'est une habitude d'enseignante,
j'arrête quand je sens que...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Vous n'avez pas perdu vos réflexes de base.
Mme Pagé: Non, pas du tout. Je disais donc que,
présentement, dans le réseau public, il y a des pratiques
médicales, qui sont supportées par des employeurs, qui
génèrent des coûts très Importants et qui pourraient
être révisées. Les
examens médicaux à l'embauche, par exemple, qui sont
exigés par certaines commissions scolaires. Nous avons un jugement de la
Commission d'accès à l'information qui prouve que ces examens
à l'embauche sont non pertinents pour la fonction postulée;
deuxièmement, qu'ils constituent une atteinte à la vie
privée. Or, ces examens sont très exigeants, c'est
l'équivalent d'un examen complet. Ils sont donc facturés à
un taux très élevé par les médecins à la
RAMQ. Voilà un exemple de pratique qui pourrait être remise en
cause et qui nous permettrait d'atteindre une certaine efficience.
Contrôle du volume d'activités. Nous ne sommes pas d'accord
avec la généralisation de la carte d'assurance-maladie avec
microprocesseur. D'abord, des coûts importants pour l'informatisation du
réseau, mais, deuxièmement aussi, des risques importants
concernant la protection de la vie privée et le droit à la
confidentialité du dossier médical. Si vous avez des questions
plus particulières là-dessus, pendant la période de
questions, Mme Chlasson pourra répondre à vos questions. Elle a
creusé davantage cet aspect-là. (12 h 15)
Vous y allez de propositions de désas-surance, services
optométriques, services dentaires, désassurance partielle par
l'introduction de tarifs variés, ticket orienteur, ticket
modérateur, ticket services pharmaceutiques... Il y en avait tellement.
Les termes étaient très diversifiés et très
généreux. Nous nous opposons à ces approches. Il nous
semble que ce n'est pas du tout compatible avec les objectifs qu'il faut
poursuivre. J'attire votre attention sur les soins dentaires aux enfants.
Souvent vous avez fait valoir que c'est surtout la classe moyenne qui
profite de ces soins dentaires. Tout d'abord, les soins dentaires ont
déjà connu deux révisions à la baisse et, en
même temps, les services de prévention dans les CLSC et dans les
écoles n'ont pas été implantés.
Deuxièmement, il n'y a pas un drame en soi à ce que la classe
moyenne qui paie pour des services y recoure, c'est tout à fait normal,
mais si je voulais faire une comparaison avec l'école, les enfants qui
décrochent le plus à l'école, c'est les enfants de milieu
pauvre. On n'aurait jamais comme réflexe de dire: Puisque les enfants
pauvres ne restent pas à l'école, on va abolir la scolarisation
obligatoire. La question qu'on se pose, c'est: Comment faisons-nous pour avoir
des mesures incitatives, des mesures de soutien pour que les clientèles
qui ont le plus de besoins réussissent à recourir aux services
qui sont disponibles pour améliorer leur état de santé? Je
pense que c'est dans cette voie-là qu'il faut carrément
s'engager.
Ticket orienteur, nous pensons que c'est inapplicable comme approche.
Ticket modérateur, je ne vous parlerai pas des États-Unis, mais
de la Corée du Sud qui a dû instaurer un tarif jusqu'à 65 %
pour réussir à contrôler ou à modérer. Donc,
c'est tellement élevé que ça vient vraiment priver
certaines catégories de la population du recours aux services. En plus,
la France, un des pays qui a le plus utilisé cette approche,
d'après une enquête de 1991 - qui est pas mal plus récente
que celle du Conseil du patronat, je vous le signale en passant - conclut que
les pays qui ont eu l'approche du ticket modérateur sont en même
temps les pays qui ont été le moins efficaces dans le
contrôle de leurs dépenses de santé. C'est le cas de la
France et des États-Unis.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): En terminant,
Mme Pagé.
Mme Pagé: Oui. Ticket sur les services pharmaceutiques. On
serait capable d'envisager cette approche dans le cadre d'un régime
universel d'assurance-médicaments. Dans ce cas-là, on pourrait
penser à une contribution des usagers et des usagères. Frais aux
personnes hospitalisées. À notre avis, 50 % des personnes au
Québec n'ont pas d'assurance pour couvrir des invalidités en cas
de maladie. Elles connaissent une perte de revenu dans ces cas-là,
souvent des dépenses additionnelles - pensons aux mères qui ont
de jeunes enfants dont elles doivent s'assurer de la garderie - leur imposer
des frais en plus, il nous semble que c'est une approche à
éliminer. Ticket modérateur pour les services médicaux,
même chose. Impôt-services, même chose. Exemption pour les
plus démunis avec des frais. Quand on voit le plafond où vous
voulez placer ça, 28 000 $, il nous semble que c'est absolument
inenvisageable. Et je vais conclure sur un exemple.
Il y a quelques années, une amie à moi qui
séjournait à Paris a assisté à la démolition
de la gare Montparnasse. La gare Montparnasse avait des fondations tellement
profondes dans le sol, tellement bien ancrées que, pour la
démolir, on n'a pas pu recourir à une technique du bélier
parce qu'on aurait vraiment agité tout le quartier et
ébranlé tout le quartier avoisinant. Alors, on y est allé
de la démolition brique par brique. Au bout d'un certain temps, la gare
s'est effondrée parce qu'on avait enlevé assez de briques pour
que ça puisse se faire sans ébranler tout le quartier. Nous ne
voudrions pas que les approches qui se développent présentement
au gouvernement du Québec et au ministère de la Santé
constituent une nouvelle démolition d'une gare Montparnasse. Nous
pensons que les fondements et l'attachement de la population à un
service public de santé sont tels que nous devons voir à le
préserver.
En ce sens-là, nous pensons que ce qu'il nous faut
réaffirmer, c'est un financement public des services de santé qui
garantit l'accessibilité sans barrière financière, un
service transparent sans culpabilisation des victimes et, enfin, un
système progressif, donc fiscal. Nous serions
prêts à envisager, à certaines conditions, dans le
cadre d'un débat plus large sur la fiscalité, la formule de
l'impôt-santé. voilà, ça complète la
présentation.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci, Mme
Pagé. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témlscamlngue.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
compte tenu des obligations qu'a mon collègue de faire «La
politique provinciale» - on va l'annoncer tout de suite, ça va
très certainement être bon - l'enregistrement va lui permettre,
à ce moment-ci, de passer en premier sur le plan de l'interrogation.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci, M. le
ministre. Allez-y, cher collègue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre,
de me donner l'occasion de questionner tout de suite les représentants
de la CEQ, en leur souhaitant la bienvenue. Les représentantes et le
représentant de la CEQ. C'était le premier tantôt, mais,
là, c'est vraiment majoritaire, débordant.
Mme Pagé: Débordant! Pas trop, par exemple.
M. Trudel: C'est à 3-1. Là, je pense que c'est une
illustration non seulement de ce que vous êtes comme Centrale, mais
également de cette préoccupation que vous avez dans le
système de la santé et des services sociaux; ça se
reflète bien aussi dans les affirmations et les avancés de ce
matin en termes d'acquis du régime. Comme c'est toujours trop rapide,
ces présentations, vous nous avez tout de suite mis, Mme Pagé,
sur une première piste. Il ne faut pas se priver de ça s'il y a
quelqu'un qui a regardé ça plus précisément. J'y
vais sur un élément particulier, la carte à
microprocesseur, la carte à puce. Vous avez dit: Mme Chiasson a
particulièrement creusé cela, c'est non. C'est non pourquoi et
quels sont les éléments du danger qui nous guetterait, les
éléments qu'on devrait prendre en compte, auxquels on aurait
éventuellement à réfléchir?
Mme Pagé: Mme Chiasson va répondre à la
question.
Mme Chiasson (Béatrice): La carte à microprocesseur
est souvent avancée comme quelque chose qui permettrait
d'améliorer les soins, mais, derrière la carte, il se cache des
enjeux sociaux qui sont rarement débattus et qui devraient être
débattus publiquement. La transformation du dossier médical sur
support papier en dossier informatisé et en dossier médical
unique qui regrouperait les informations médi- cales concernant une
personne provenant de tous les établissements et de tous les cabinets
privés où elle aurait pu consulter constitue une modification de
la nature du dossier médical. D'un instrument de traitement entre le
médecin et le malade, le dossier devient un dossier pouvant être
utilisé pour des évaluations, pour des planifications. On peut
faire des couplages de données, on peut faire plein de choses avec
ça. On sait qu'il n'existe aucun système Informatique garanti
étanche en ce moment. Sur cette question, j'ai un peu fouillé,
mais je vous signale que le Groupe de recherche informatique et droit de
l'Université du Québec à Montréal a
travaillé de façon encore plus fouillée que j'ai pu le
faire, de même que la Ugue des droits et libertés.
La question de la nature du changement des dossiers,
premièrement, mérite un débat public parce qu'on ne fait
plus la même chose avec le dossier. Deuxièmement, la
non-étanchéité des systèmes Informatiques fait que
les assureurs privés qui aiment beaucoup ce genre de données
parce que, comme ils vous l'ont dit, ils ne veulent pas assurer les gros
risques, eh bien, ça leur serait beaucoup plus facile de connaître
les dossiers médicaux, à partir du moment où le dossier
médical unique serait constitué, ce qui accompagne
l'informatisation et lesquelles deux conditions sont nécessaires
à la carte à microprocesseur. Voilà. Ça semble un
peu complexe, c'est dit un peu rapidement, mais je pense que c'est une question
sur laquelle il y a un débat à faire avant d'aller plus loin.
M. Trudel: Merci de la précision parce qu'on ne peut pas
régler ça, vous avez bien raison, en cinq minutes, en
répondant à une question. J'en suis et nous en sommes, au niveau
de l'examen de ce que veut dire l'introduction de carte à puce, et on y
ajoute généralement le bout de phrase suivante: À
condition qu'il y ait complète étanchéité du
système. Vous, ce que vous dites, ce matin, et il faudra soumettre
ça au débat inévitablement, c'est: C'est impossible.
Actuellement, on ne peut pas dire: Ça existe ça, un
système de nature informatisée...
Mme Chiasson: Les experts sont unanimes.
M. Trudel: Bon. Ça veut dire aussi - je note au passage -
qu'il va donc falloir amplifier de beaucoup ce que j'appellerais la
surveillance de l'expérience Saint-Fabien...
Mme Chiasson: Oui.
M. Trudel: ...à Rimouski. Parce que, jusqu'à
maintenant - et je ne mets personne en cause, quant à moi -
l'expérience qui se déroule - Saint-Fabien ou encore Sherbrooke -
toutes les garanties nous ont à peu près été
données publiquement. Le fait que vous disiez, ce matin: Ça
n'existe pas et les experts sont d'accord là-
dessus, un système étanche, le minimum, ça va
être d'avoir un contrôle, mais extrême, sur
l'expérience qui se déroule à Saint-Fabien. Je pense qu'il
va falloir rapidement réexaminer dans quel cadre se fait
l'expérience, non pas pour la remettre en question, mais au niveau du
contrôle des éléments de cette expérience-là.
Vous avez quelque chose à ajouter?
Mme Chiasson: Oui, c'est ça. J'ai participé
à une consultation de la Commission d'accès à
l'information sur l'informatisation du dossier médical. Le dossier qui
était soumis à la consultation, malheureusement, ne parlait pas
des grands enjeux que j'ai signalés tout à l'heure. Le dossier de
consultation portait essentiellement sur la suggestion de toutes sortes de
clés et cadenas qui auraient pour effet d'essayer de rendre le
mécanisme étanche. Mais, quand on a rencontré les gens de
la Commission, on nous a appris que non seulement ils n'allaient pas vers plus
de clés, mais qu'ils allaient vers moins de clés et cadenas.
Alors, c'est encore plus angoissant, d'une certaine façon, parce qu'au
lieu d'améliorer les éventuelles protections ils s'en allaient
vers moins de protection. En plus, on sait que ça ne peut pas être
étanche. Alors, mollo, mollo! s'il vous plaît.
M. Trudel: Vous me faites tomber une couple de cheveux en
arrière, là, parce que ce n'est pas tout à fait ce qu'on a
entendu dans le discours public jusqu'à maintenant, y compris celui de
la Commission d'accès à l'information. Je pense que c'est le
ministre qui avait employé cette expression - si ce n'est pas le cas, il
rectifiera - en disant: Dans la mesure où la Commission d'accès
à l'information nous dit que l'affaire, c'est barré dur, est-ce
qu'on peut y aller, au moins en termes d'expérimentation? Ce ne sont pas
ces mots-là, mais c'était cette pensée...
M. Côté (Charlesbourg): La garantie de la Commission
d'accès à l'information.
M. Trudel:... la garantie de la Commission d'accès
à l'information. Je note, pour tout de suite, qu'il faut aussi
requestionner cela très sérieusement. Par ailleurs, pour le
contrôle de l'utilisation de notre système, est-ce que vous avez
les mêmes réticences pour les photos d'identification pour les
utilisateurs?
Mme Chiasson: Personnellement, j'en ai beaucoup.
M. Trudel: Mais collectivement, disons.
Mme Chiasson: Peut-être à cause de mon âge et
de mon expérience historique. Il me semble que les
événements d'octobre 1970 ne sont pas si lointains. Les pays de
l'Est qui viennent de voir tomber les régimes totalitaires avaient comme
pratique d'instaurer des passeports intérieurs. Même si on vit
dans une société qui, pour le moment, est démocratique, on
ne sait jamais ce qui nous pend au bout du nez. Je pense que la tradition
britannique du maintien de la protection de la vie privée, dans ce
cas-là, est à suivre. Je connais les événements
d'octobre 1970. Si on avait eu des cartes avec photo, ça aurait
peut-être fait plus dur que ça a fait dur. L'armée est
encore venue à Oka, il n'y a pas si longtemps. On s'Imagine
peut-être être à l'abri de bien des choses dont nous ne
sommes pas forcément à l'abri. Si les juifs, en France, lors de
la guerre de 1939-1945, avaient eu, à l'époque, des cartes
d'identité avec photo, iI y en aurait probablement un bon nombre qui
n'auraient pas échappé. Je m'excuse d'aller à des exemples
extrêmes, mais je pense que, dans le domaine public, il faut aussi
prévoir les exemples extrêmes. Alors, pour quelques fraudeurs, on
ne peut pas imposer à l'ensemble de la population des mesures qui
peuvent avoir des effets pervers.
Mme Pagé: Je pense que le type de question que vous posez,
le type de réponse qu'on doit vous fournir sur ces questions montrent
bien qu'on ne peut pas parler de ça par Incidence pendant qu'on parle
d'autres choses. Je reviens simplement sur l'exemple de l'informatisation et du
microprocesseur. Vous savez, l'informatique, c'est trop souvent
présenté comme un jeu de Nintendo. On a fait une guerre qui ne
faisait pas de morts avec ça, il n'y a pas longtemps, dans le Golfe. Il
ne faudrait pas non plus que ça devienne un processus qu'on met en
branle pour s'apercevoir, après ça, qu'il a constitué une
atteinte grave à la vie privée ou qu'il a permis du couplage de
données. Dans ce sens-là, il faut dépasser le cercle
magique et la pensée magique autour de l'informatisation et être
capable de montrer les incidences que ça peut avoir dans nos vies. Mais
ce n'est pas un débat qu'on peut faire, compte tenu de la
complexité des questions et des recherches qu'il faut lire et des
documentations qu'il faut construire pour faire ça à travers
mille autres questions.
M. Trudel: Vos mises en garde font passer quelques frissons, mais
il faudra très certainement, quant à moi, les examiner en termes
d'argumentation parce que, vous avez raison, on ne peut pas traiter ça
comme une autre question parmi les nombreuses qu'on soulève. (12 h
30)
Les médicaments, les médicaments, les
médicaments... Dans l'efficience et l'efficacité du
système, il y a deux idées, en quelque sorte, dans vos
affirmations. Il y a, d'abord, le cas de la piste allemande. Si j'ai le temps,
j'y reviendrai. C'est la première piste qu'il m'intéresserait de
regarder un petit peu. Est-ce que vous avez analysé, de votre
côté, la grande problématique
des medicaments, les producteurs de médicaments? Essayons de la
résumer brièvement. C'est: ou je m'en vais vers l'achat et le
remboursement de médicaments les moins chers - ça s'appelle les
médicaments génériques - ou je vais vers un mélange
de générique et d'origine et J'établis grosso modo - ce
n'est pas ça la méthode uniquement, mais c'est pour l'image - un
prix médian ou même je vais à des médicaments dits
d'origine qui sont protégés pour 10 ans au Canada. Voilà
pour un élément.
L'autre élément, c'est de dire: Quand nous irons tous
comme système vers le meilleur prix disponible, on va
nécessairement acheter du générique et rembourser du
générique et, à ce compte-là, on va aller saboter
toute l'industrie de la recherche pharmaceutique, en particulier au
Québec. Est-ce que vous avez examiné ces aspects-là de
dire: Au niveau du système de santé et de services sociaux, ce
qui va coûter le moins cher, ça va être de rembourser
uniquement le générique, mais, par ailleurs, ça pourrait
arriver que, technologiquement, en matière de recherche et
développement, ça nous coûte pas mal cher au Québec
parce qu'on ne supporterait plus en quelque sorte le financement de la
recherche ou la recherche en matière de médicaments au
Québec? J'aimerais ça avoir l'état de votre
réflexion parce que c'est toujours les deux éléments du
débat.
Mme Pagé: Oui. Il y aura probablement des ressources qui
pourront compléter la réponse que je vais vous donner. Tout
d'abord vous dites que, quand on aborde la question des médicaments, il
faut voir qu'il y a tout un système autour des médicaments: les
fabricants en fabriquent, investissent des sommes très importantes dans
la publicité directe auprès des médecins pour faire
connaître leurs produits, les médecins prescrivent des
médicaments sans nécessairement avoir comme réflexe de
prescrire un médicament équivalent à un meilleur
coût, compte tenu de tout ce réseau de publicité qui
fonctionne bien; les pharmaciens jouent de moins en moins leur
rôle-conseil auprès des consommateurs quant à l'utilisation
d'un médicament par rapport à l'autre, et il y a certainement des
habitudes de consommation de certains médicaments qui se sont
développés au sein de nos sociétés où la
pilule est souvent présentée comme le remède à tous
les problèmes plutôt que de la prévention ou d'autres types
de comportement ou de développement de médecine alternative. Il y
a tout un système autour de la production, la prescription et la
consommation des médicaments qui fait partie presque d'un débat
éthique qu'il faut être capable de faire correctement.
Deuxièmement, bien sûr les compagnies productrices disent
toujours qu'elles ont besoin des brevets pour leur permettre de faire la
recherche et le développement. Là, il me semble que l'exemple
qu'on a donné sur l'Allemagne... Ce n'est pas un pays du tiers monde
là. Ce n'est pas un pays où on peut dire que cette
société a vu s'effondrer toute son Industrie pharmaceutique. En
même temps, on a introduit des incitatifs par la loi qui ont permis de
changer des comportements et de venir transformer la logique du système
qui pousse à la consommation de certains types de
médicaments.
Je pense qu'il y a des coûts élevés sur certains
médicaments brevetés qui durent une époque tellement
longue dans le temps qu'à mon avis ça montre très bien
qu'il n'y a pas là de lien direct avec la capacité de faire de la
recherche et du développement. L'aspirine qui existe depuis 100 ans est
encore plus élevée que le produit générique. Bayer
a-t-elle encore besoin d'avoir ce prix-là sur les aspirines pour
réussir à développer la recherche et le
développement? Je pense qu'il y a des considérations qu'il faut
avoir en mémoire, mais je pense que les résultats de ce qui se
passe doivent nous amener à questionner et à introduire un
changement dans la logique du système. Il y a infiniment plus à
faire de ce côté-là que de l'autre côté.
Maintenant, si Béatrice a creusé davantage, ou Richard...
Le Président (M. Paradis, Matapédia):
Peut-être rapidement, oui.
Mme Chiasson: Ce ne sont pas forcément des recherches
très fouillées, mais j'ai une petite anecdote en passant. Il y a
une trentaine d'années, dans le cadre de mes études, j'ai
visité un laboratoire pharmaceutique, puis quand ils nous ont fait
visiter la salle où ils faisaient les aspirines, justement, ils
étaient très fiers de nous annoncer qu'ils faisaient 1000 % de
profits sur les aspirines. Alors, c'est quelque chose.
Le Président (M. Paradis, Matapédia):
C'était juste...
Mme Chiasson: II y a 30 ans de ça, 1000 %. Je suis
sûre que ça n'a pas diminué. Sur la question des montants
consacrés à la publicité pour les médecins, on
mentionne la somme de 5000 $ dans notre document. Je n'ai pas pu le mettre
à jour. C'est un minimum de 5000 $. L'information la plus récente
que j'ai obtenue concernant seulement les médicaments prescrits et ne
comprenant que quelques éléments de la publicité ou de
l'information faite aux médecins est autour de 3800 $. Je continue les
recherches pour avoir des informations plus précises. Mais, dans les
3600 $ pour les médicaments de prescription, ça ne comporte pas
tous les voyages à l'étranger, les repas fins qui sont
payés par les compagnies pharmaceutiques aux médecins, sous
prétexte de colloques autour d'une partie de golf ou en faisant du ski
dans les plus belles stations de ski. C'est pratique courante.
Il y a aussi beaucoup d'équipement de bureau qui est donné
aux médecins dans le cadre
de la publicité. Ça finit par faire beaucoup de sous. Je
pense qu'un régime public universel permettrait d'avoir plus de
contrôle et il y aurait moyen, dans le cadre d'un régime public
universel, de trouver la possibilité de maintenir le niveau de la
recherche aussi, sans que ça se fasse comme maintenant, souvent des
recherches un peu sommaires, plus de l'ordre de la recette de cuisine que de
l'ordre de la recherche fondamentale, ce qui sert aussi à justifier les
coûts élevés des médicaments.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Alors, M. le
député, en conclusion peut-être.
Une voix: Richard.
M. Langlois (Richard): J'aurais un petit ajout, M. le
député. Bon. Sur la question de la recherche et
développement j'en suis, mais il me semble que de financer la recherche
et le développement en encourageant des pratiques inflationnistes,
ça ne m'apparaît pas le moyen le plus efficace pour stimuler la
recherche et le développement. Même si je ne suis pas un partisan
des concessions fiscales aux entreprises, ça m'apparaît quand
même une méthode moins pire que de générer de
l'inflation.
Deuxième point. Si je ne me trompe pas, l'industrie
pharmaceutique au Québec a déjà été -
là je dis ça sous toutes réserves, mais j'en suis presque
sûr - identifiée comme étant l'une des grappes
industrielles concurrentielles par le ministre Tremblay dans son schéma
de grappes industrielles. Donc, nous ne sommes pas en présence d'une
industrie qui a nécessairement besoin des coups de pouce dont d'autres
domaines auraient besoin.
M. Trudel: Merci, au nom de l'Opposition, de votre
présentation sur ce dernier aspect. C'est clair qu'il faut questionner
toute la chaîne, ce que Mme Pagé nous soulève. Il faut
questionner toute la chaîne partout parce que c'est gros, gros, gros ce
à quoi nous sommes confrontés socialement et
financièrement parlant. Merci beaucoup de cette contribution
aujourd'hui. Ça va nous être très précieux. Du moins
de ce côté-ci, nous en sommes assurés.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Je vous souhaite
une bonne émission.
M. Trudel: C'est sûr que ça va être bon. Les
cotes vont monter.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Lorsqu'on reçoit la CEQ, c'est plus qu'aborder nos
problèmes de santé, c'est aussi tout le voiet instruction,
éducation de ceux qui prendront la relève demain. C'est donc
extrêmement important comme témoignage. À ce moment-ci, je
voudrais, dans un premier temps, puisque vous avez cité le GRIS, qui est
ce groupe de recherche, commencer d'abord par cela.
Je ne sais pas si c'a été porté à votre
connaissance, mais nous les avons reçus vendredi dernier et il y a
quelques petites discussions d'entamées sur la méthodologie, sur
les résultats, par conséquent. Il y a un petit écart entre
eux et nous et on s'est convié à un débat
ultérieur, un bon après-midi, en présence de l'Opposition,
avec eux comme participants dans mes bureaux pour qu'on puisse faire un certain
nombre de choses pour tenter de clarifier - et ça m'apparaît
important - parce qu'à partir du moment où on va chercher des
chiffres qui viennent de gens qui font de la recherche, c'est pour avoir le
plus de clarté possible pour que le débat soit ouvert et
transparent.
Commençons juste par ça. L'affirmation de dire qu'il n'y a
pas eu d'augmentation, pour nous elle est grosse, parce qu'il faut comparer des
choses qui se comparent. Tout ce que je veux faire à ce moment-ci, c'est
ramener des données comparables pour qu'on en arrive à des
conclusions, pas parce que ça fait l'affaire du gouvernement, mais le
gouvernement aussi bien que la CEQ et le GRIS cherchent la
vérité. Je pense que c'est à partir de ça qu'on va
réussir à progresser.
À ce moment-ci, il y a une première chose qui me
paraît indispensable. Si on veut faire en sorte qu'on connaisse les
dépenses sociosanitai-res, sur la période identifiée par
le GRIS de 1971 à 1987, pour qu'on ait des choses comparables, je pense
que les deux éléments sur lesquels on doit s'attacher, c'est les
dépenses réelles per capita par rapport au PIB réel per
capita. Là, à ce moment-ià, on compare les mêmes
choses. Quand on fait ça à partir de 1971 jusqu'à 1987, on
est dans une situation où il y a eu, sur des dépenses
réelles per capita, 64 % d'augmentation alors que le PIB réel per
capita, lui, a été de 49 %. Donc, on est loin d'une conclusion
telle que l'estimait le GRIS, selon notre vision. Évidemment, on va
certainement avoir du plaisir à échanger éventuellement,
mais je tenais à le camper dès ce moment-ci, de telle sorte qu'on
puisse discuter de mêmes choses et qu'on puisse évoluer, par la
suite, et pouvoir dire: Oui, effectivement, il y a eu une augmentation et des
efforts substantiels de la part du gouvernement du Québec dans ses
dépenses sociosanitaires. On ne peut pas rester sous l'impression qu'il
n'y a pas eu d'efforts substantiels. Il y en a eu et je pense que ces
indicateurs-là le démontrent.
Vous êtes de ceux qui réclamez un débat sur la
fiscalité depuis un certain temps, un débat plus large. Vous
l'avez repris ce matin et, très souvent, on vous entend
répéter le même dis-
cours sur d'autres tribunes. Donc, je ne suis pas étonné,
ce matin, et j'ai dit, quant à moi, que je souhaitais que ce
débat-là sur la place publique ait lieu. Évidemment, il va
falloir aussi se rappeler, quand on parle d'ajouter dans la dépense
gouvernementale en santé, qu'on est le dossier majeur du gouvernement et
que nous et le service de la dette, ça fait plus ou moins 50 %, j'allais
dire de la problématique, mais je ne veux pas qu'on nous vole d'abord
comme un problème. On est aussi des solutions à l'occasion. Mais
c'est quand même plus ou moins 50 % du budget gouvernemental.
Il faut se rappeler aussi que la dette sur le PIB, on est, au
Québec, à 29 %. Nos voisins, en Ontario, c'est 15 %. Notre dette
per capita en dollars, au Québec, est de 6700 $ alors qu'elle est de
4266 $ en Ontario. Évidemment, on ne vit pas dans un monde isolé
et je ne fais aucunement allusion aux choix fondamentaux sur le plan politique.
Ça, c'est une autre affaire. Mais, de toute manière, peu importe
l'avenir du Québec, on va vivre à côté de l'Ontario,
à côté des États-Unis et, par conséquent,
c'est des éléments dont on doit tenir compte sur notre
capacité d'en ajouter plus sur le déficit. Il est
déjà passablement chargé, dans un premier temps.
Donc, dans ce débat plus large... Quand je m'adresse aux gens qui
forment nos générations de demain, c'est eux autres qui vont
travailler demain et qui vont payer. On est dans une situation où on
dit: II faut maintenir notre système tel qu'il est et même en
ajouter un petit peu, parce que j'ai l'Impression qu'on souhaite qu'on en
ajoute un peu sur le plan des services. Quand on les prend isolément, je
pense qu'on pourrait porter le jugement que, oui, effectivement, si on avait
les moyens de se les payer, ce ne serait peut-être pas mauvais.
On va donc ajouter à notre pression sur le système et on
Invite le gouvernement, donc, à aller sur le plan de la
fiscalité. SI on va sur la fiscalité, on va nécessairement
alourdir cette fiscalité parce qu'il est bien évident qu'à
partir de l'assiette qu'on a on n'est pas capable de tout faire ça. On
aura donc deux choix: le déficit, qui est déjà assez
important, merci, pour les générations futures, ou on va alourdir
le fiscal. Bon. Prenons pour acquis que les compagnies n'en paient pas assez et
qu'on va en pelleter un peu dans leur cour pour une équité entre
les moins riches et les plus riches sur le plan individuel et aussi sur le plan
des compagnies. Est-ce qu'il n'y a pas autant d'inéquités dans
l'une comme dans l'autre des solutions que de pelleter sur le déficit
par rapport à nos générations futures?
Ça aussi, c'est un débat de société
extrêmement important qu'on essaie de faire à ce moment-ci.
Là-dessus, sur le plan du débat sur la fiscalité qu'on
aura, j'espère bien - en tout cas, je vais être un de ceux qui va
le réclamer, je vais embarquer dans votre autobus - sans
nécessairement que ce soit une commission d'enquête, mais
davantage un débat public - il y a des forums qui... Est-ce qu'on n'est
pas dans une situation où on est passablement coincé et que c'est
plus un problème structurel que conjonturel auquel il faut s'attaquer?
J'aimerais vous entendre davantage là-dessus.
Mme Pagé: Tout d'abord, je ne voulais pas vous laisser
croire qu'au Québec nous n'avions pas fait un effort substantiel dans
notre service de santé, dans le développement et le maintien de
notre service de santé. Oui, nous avons investi dans un service de
santé au fil des ans et je pense que les Québécoises et
les Québécois sont attachés à cet acquis, à
cet outil de développement social qui est nôtre, mais je pense
qu'il faut aussi réhabiliter notre service de santé. C'est un
service de santé qui a donné de bons résultats, somme
toute, qui nous a permis de donner des services accessibles, universels,
d'améliorer globalement la condition de santé des
Québécoises et des Québécois au fil des ans, dont
les dépenses sont restées relativement sous contrôle et qui
ne nous coûtent pas tellement plus cher que des systèmes qu'on
nous présente comme plus économiques dans d'autres parties du
monde. Quand on fouille davantage, on s'aperçoit que ce n'est pas du
tout le cas. (12 h 45)
Bien sûr, ça nous renvoie à des questions de
financement du service de santé. Nous avons dit, quant à nous,
que la voie qu'il faut privilégier, ce n'est ni la voie de la
privatisation, ni la voie de la tarification, mais vraiment une voie qui est
fondée sur la fiscalité, parce que c'est une voie qui appelle
à l'équité et à la solidarité entre nous,
qui introduit aussi des variables de transparence et de choix collectifs.
Ça, c'est très Important pour nous. Comme je le disais
tantôt, il n'y a pas tout d'abord un niveau de fiscalité à
régler, mais bien une répartition de la fiscalité.
Donc, il y a des groupes qui, présentement, soit par des
politiques fiscales d'exemption, soit par des politiques d'abris fiscaux, ou
par un taux d'imposition, ou par le fait qu'on ne taxe pas de la même
façon un dollar qui est gagné par un salaire qu'on taxe un dollar
qui est gagné par un dividende ou par un placement... Toutes ces
questions-là doivent être abordées dans la fiscalité
pour nous permettre d'augmenter notre assiette fiscale, mais en partageant le
fardeau fiscal de façon différente. Bien sûr, si on le
partage de façon différente, j'ose espérer que ce ne sera
pas la classe moyenne qui va en donner plus, mais qu'on va s'apercevoir qu'il y
a des catégories de personnes ou d'entreprises dans la population qui
n'ont pas fait tout à fait la part qu'il y aurait à faire. C'est
dans ce sens-là qu'il faut faire le débat sur la
fiscalité. Mais on ne peut pas prendre ça juste par un petit
bout, juste par le bout de la santé, comme on ne peut pas le prendre
juste par le bout de l'éducation.
M. Côté (Charlesbourg): C'est un gros bout,
ça.
Mme Pagé: II faut le prendre dans son ensemble. C'est vrai
qu'il y a la solidarité à l'égard des
générations futures. Si on laisse à la
génération future une société où le monde
est moins instruit parce que l'éducation coûte cher, une
société où tout le monde est malade parce que la
santé coûte cher et une société où on a
délabré toutes nos ressources naturelles parce que la protection
de l'environnement coûte cher, je trouve que le fardeau qu'on leur
laisse, il n'est pas diable, bien, bien plus économique que celui qu'on
leur laisserait si on faisait des choix en faveur de l'éducation, de la
santé, de la protection de l'environnement et du développement
durable.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends tout ça.
Je reviens à mon gros bout, parce que ce n'est pas un petit bout, la
santé. On dit 31 %, 32 % du budget. Je suis convaincu qu'à
l'éducation vous devez être jaloux de notre budget - je suis
convaincu de ça - en termes de masse, évidemment. Quand on
regarde ça, est-ce que je vous saisis bien en disant que le débat
sur la fiscalité est davantage un débat qui doit porter sur un
rééquilibre de la fiscalité qu'un ajout à la
fiscalité? Ça m'apparaît extrêmement important. Un
débat sur la fiscalité qui n'aurait pour but que de revoir
l'équilibre à l'intérieur, je pense que c'est
nécessaire. Je pense qu'on doit avoir ce débat-là, mais,
s'il doit porter uniquement là-dessus, on n'a pas réglé
nos problèmes de santé et de gouvernement.
Aussi, l'ouverture vise davantage à aussi... Qu'on mette des
priorités, qu'on dise dans un premier temps de revoir, à
l'intérieur, l'équilibre, ça me paraît être
indispensable, si on a un débat comme celui-là, qu'on la fasse,
la démonstration. Si les tenants de l'entreprise disent qu'effectivement
ils en paient plus, ils feront la démonstration. Mais à partir de
ça, ceci étant fait, ça ne met pas plus d'argent dans le
système pour être capable de faire face à nos besoins
d'aujourd'hui et de demain.
Mme Pagé: Un rééquilibrage peut aussi se
traduire par un ajout. Il y a des formules présentement qu'on a
utilisées au niveau de la fiscalité et, si on avait l'occasion de
s'en parler un peu plus, on s'apercevrait qu'elles n'ont pas eu vraiment
l'efficacité qu'on leur prêtait, par exemple, des crédits
d'impôt pour la formation professionnelle. Non seulement elles ont
privé l'État d'un certain nombre de revenus, mais, en plus, le
bilan qu'on peut faire après un certain temps d'usage de cette formule,
c'est que ça n'a pas eu l'efficacité qu'on escomptait aussi au
niveau de la formation professionnelle. À ce moment-là, renoncer
à certaines approches qui ont privé de revenus, mais en
même temps n'ont pas été efficaces, non seulement ça
introduit un partage différent, mais ça peut aussi amener des
ajouts dans les revenus.
Nous ne voulons pas faire les conclusions du débat de la
fiscalité avant de l'avoir commencé et d'avoir
considéré tous les éléments. De toute façon,
je pense que la population est consciente d'une chose: l'éducation,
comme la santé, comme la protection de l'environnement, ce n'est pas
gratuit, on la paie. La question, c'est: Qu'est-ce qu'on est prêts
à donner pour se payer ça ensemble en ayant des objectifs
d'efficacité, mais des objectifs d'équité, des objectifs
de justice? Ce qu'on ne paie pas par l'impôt, on le paie d'une autre
façon, par des tarifs ou par de la privatisation. Je pense que, quand on
fait le débat de cette façon-là, ça nous place
à un autre niveau de discussion et ça nous permet d'aborder les
questions sur le fond.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense qu'on va finir par
y arriver et je trouve ça très intéressant.
Évidemment, on voit l'ampleur du problème. C'est qu'en
révisant tout cela et en voulant maintenir notre système tel
qu'il est... Je suis de ceux-là qui souhaitent le maintenir le plus
intégralement possible, sans nécessairement vouloir maintenir la
gare Montparnasse telle qu'elle était. Je pense qu'à l'occasion
un petit rafraîchissement ne fait pas tort ou peut-être une petite
vérification de l'entrée électrique pour savoir si elle a
encore le pouvoir pour être capable d'alimenter ce qui va éclairer
les gens la nuit, pour savoir si on va être avec des ampoules de 2 watts
ou des 100 watts à l'occasion. Donc, je pense qu'il y a des petites
vérifications comme ça qu'on doit faire.
Mme Pagé: on ne vous demande pas de transformer la gare
montparnasse en gare d'orsay et en musée d'orsay. on n'en demande pas
tant.
M. Côté (Charlesbourg): Une chose est certaine,
c'est qu'on est dans une situation où il y a un certain nombre de
questions qu'on doit se poser à ce moment-ci. On a dit: D'abord sur le
plan de l'efficience et l'efficacité qu'on interpelle tout le monde.
Ça, c'est notre premier objectif. Délaissons le débat sur
le financement, il viendra à son heure. Mais il y a des risques. Il y a
des risques sur le plan de la compétitivité de nos entreprises,
et ça, je pense qu'on doit continuer d'avoir ces risques.
Ce qui va me faire glisser sur médecins et pharmaciens. Ils sont
ceux qui sont interpellés, en particulier les médecins, depuis le
début de la commission de manière assez importante. Il faut quand
même dire un certain nombre de choses aussi qui leur revient, et Dieu
sait que je n'aurais pas beaucoup, beaucoup d'Intérêt à
faire ça. H est clair que sur le plan de la rémunération
les médecins sont passés, toutes proportions
étant gardées, par le même collimateur que tout le
monde ou à peu près. Dans le document on le dit et je veux le
répéter pour que ce soit assez clair. S'il y a eu un
contrôle des coûts, c'est parce qu'on a contrôlé les
salaires et on a contrôlé la rémunération des
médecins. Ce qu'on a moins contrôlé, c'est l'ajout de
médecins, ce qui fait qu'au bout de la ligne ça fait une
enveloppe plus grande.
Mais, sur le plan de la rémunération des médecins,
il y a aussi un certain nombre de risques, surtout quand on se compare à
la moyenne canadienne, à ce qui est payé en Ontario, à ce
qui est payé aux médecins aux États-Unis. Il y a des
écarts quand même assez considérables et le danger c'est
qu'on perde la main-d'oeuvre qu'on a payée pour la former au niveau du
Québec et qu'il puisse y avoir un glissement ailleurs sur le plan de la
pratique. Ce n'est pas tellement sur la rémunération des
médecins que je pense qu'il nous faut travailler, c'est sur les
conséquences d'un certain nombre d'actes posés par les
médecins, pas sur le plan salarial, mais ce que ça entraîne
comme dépenses. Je pense que c'est là qu'il y a beaucoup de
travail à faire et on aura très certainement, je pense, leur
concours.
Quant aux pharmaciens, compte tenu des récentes informations, je
pense qu'il faut être prudent. À notre avis, les compagnies
pharmaceutiques, celles qui méritent d'être interpellées
doivent l'être de la même manière qu'un autre citoyen. S'il
y a des pratiques qui ne sont pas acceptables, elles ne sont pas acceptables et
elles doivent passer par le même créneau de la justice que le
citoyen ordinaire. Je ne voudrais pas qu'on tire comme conclusion que tous les
pharmaciens au Québec ont été ou sont dans une situation
qui a fait qu'ils ont abusé de leur pouvoir pour soutirer de l'argent au
gouvernement. Je pense qu'il y a peut-être des cas, mais ce n'est pas une
situation générale et la négociation actuelle avec les
pharmaciens porte précisément sur une revalorisation du
professionnel qui va conseiller la personne et qui ne sera pas un vendeur de
pilules. Je pense aussi qu'au niveau des pharmaciens c'est leur volonté
d'en arriver à ça. Il y a du travail à faire et ça
peut très certainement se traduire par des économies sur le plan
financier, mais davantage d'économies de consommation de
médicaments qui vont détériorer la santé d'un
certain nombre d'individus parce qu'il y a mélange et qu'on va les
retrouver dans nos hôpitaux.
Ceci étant dit, quand je m'adresse à une centrale
syndicale, je me demande: Sur le plan de l'efficience et de
l'efficacité, dans le normatif lourd - assurance-salaire, CSST - est-ce
qu'il n'y a pas possibilité d'une mobilité de la maln-d'oeuvre?
Est-ce qu'il n'y pas possibilité d'un nouveau contrat avec les centrales
syndicales pour faire en sorte qu'on puisse, au bout de la ligne, sur le plan
de l'efficience et de l'efficacité qui se traduit par une
révision du normatif lourd, révision de la mobilité, avoir
des gains assez appréciables qu'on pourrait partager? La
démonstration qu'on nous a faite la semaine dernière, c'est: Si
vous voulez avoir des résultats, donnez-nous des incitatifs. J'imagine
que ça doit être vrai dans votre domaine aussi. Est-ce que c'est
possible?
Mme Pagé: je suis tentée de vous dire que je suis
bien contente que vous me posiez la question. on est une centrale qui s'est
d'abord implantée dans le secteur de l'éducation et qui, depuis
quelques années, s'implante dans certains domaines des services de
santé. je dois vous dire qu'on a été
sidérées par la culture des relations du travail qui existe dans
le réseau de la santé. c'est un réseau où
l'autoritarisme gestionnaire règne en roi et maître, où la
hiérarchisation des fonctions amène non seulement des frictions,
mais conduit à des aberrations, où il y a également une
déresponsabilisation au niveau des relations du travail. il n'y a
presque pas de mécanismes au plan local ou au plan régional pour
régler des problèmes. c'est vraiment: si tu n'es pas content,
fais un grief. et on empile les griefs. il n'y a pas vraiment de dialogue qui
se fait entre les représentants des travailleurs et des travailleuses et
le réseau des employeurs. il y a vraiment une culture des relations du
travail qui est d'une autre époque et d'une autre conception même
par rapport aux rapports qu'il faut développer avec les
employés.
Le Japon... On se sert souvent de l'exemple japonais, du concept de
qualité totale. La qualité totale, c'est zéro rejet, c'est
zéro erreur, c'est zéro défaut, mais c'est aussi
zéro mépris. Ça veut dire, ça, un rapport qui est
tout à fait différent avec les employés. Je pense qu'il y
a là une voie qu'il faut privilégier dans le secteur de la
santé parce que quand on est capable de créer des rapports
différents, non seulement on met fin à la
déresponsabilisation, à la démotivation, au pourrissement
du climat, mais on crée des conditions pour que les choses se fassent
autrement. On est à mille lieues du réseau de la santé
quant à la conception de la gestion des ressources humaines. On ne peut
pas engager un dialogue comme ça, par exemple, quand on apprend à
tous les ans, dans le journal, qu'on va être convoqués pour nous
faire dire qu'il faut être raisonnables une fois de plus. Ça, si
vous tenez à en profiter pour expliquer ça à certains de
vos collègues...
M. Côté (Charlesbourg): II dit: De quoi vous parlez,
là?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Pagé: Lisez votre journal, vous allez l'apprendre.
M. Côté (Charlesbourg): Ça ne veut pas
nécessairement dire que c'est vrai.
Mme Pagé: Mme Richard, qui est vice-présidente,
pourra peut-être compléter par des exemples plus concrets sur ce
que je viens de vous dire au niveau de l'organisation du travail, des rapports,
des voies qu'on pourrait également privilégier. Monique.
Mme Richard (Monique): Oui, je pense qu'au niveau de la
mobilité il y a des négociations qui sont envisageables, mais je
pense que vous parlez beaucoup, dans vos écrits, de
décentralisation. Au niveau de la Centrale, je pense que la
réaction, là-dessus, n'a pas été négative,
mais elle a été très prudente a dire - vous me direz que
c'est comme toujours - que la décentralisation, ça doit
répondre à un certain nombre de conditions. Ça doit
être organisé et non dit de façon péjorative, mais
de façon positive pour permettre aux différents intervenants dans
les milieux d'être entendus, d'être reconnus et d'être
considérés. Je pense qu'il y a là peut-être une voie
à discussion, un lieu de discussion entre nous sur le comment doit se
faire la décentralisation, comment doit se faire la mise en place de vos
politiques en regard de la loi 42.
Nous, on est présentement à vivre, avec nos intervenants
en santé, des séminaires régionaux concernant la
participation. Qu'elle est sa signification? Comment lie-t-on ce que vous
proposez avec ce qu'on a déjà dans nos conventions collectives?
Je pense qu'il y a beaucoup d'intérêt, mais, en même temps,
il y a beaucoup de méfiance parce que l'expérience fait en sorte
que dans l'application, quand on a eu un certain nombre de mécanismes de
consultation, ça n'a pas été très concluant. Je
pense qu'il y a beaucoup d'énergie à mettre là-dessus.
Quand Lorraine disait tantôt: C'est non au mépris, je pense qu'il
y a une certaine reconnaissance des rôles. On a du travail à faire
auprès de nos membres pour une ouverture, mais, en même temps,
ça doit avoir son pendant de l'autre côté pour qu'on soit
en mesure de se rencontrer. Je pense que, là, il y aura des lieux de
discussion qui pourront être mis en place et qui pourront être
intéressants.
M. Côté (Charlesbourg): Le temps est toujours trop
court, parce qu'on pourrait aller plus loin sur ce questionnement-là.
Évidemment, la carte à microprocesseur c'est à mon point
de vue l'élément le plus étonnant dans le dossier de la
Centrale. Je suis un peu perturbé par votre intervention sur la carte
à microprocesseur et je vous trouve bien pessimiste quant à
l'utilisation et aux vertus - parce qu'il y a des vertus à la carte
à microprocesseur - au dossier de l'individu qui pourraient être
facilement admissibles à... Celui à qui on reproche de poser trop
d'actes, de donner trop de médicaments, en l'informant de bonne
manière sur tout ce qui a pu se faire sur le dossier de l'individu, je
pense qu'on améliore la qualité du diagnostic et, par
conséquent aussi, du traitement de l'individu.
Il y a donc des vertus à une carte comme celle-là et c'est
un peu pour ça qu'on a décidé de le soumettre à une
surveillance très serrée de la Commission d'accès à
l'information, d'en faire un projet-pilote, par exemple, au niveau de Rimouski
et de Saint-Fabien, qui lui, au bout de la ligne, va nous donner quels sont les
revers, je l'espère bien à tout le moins... une étude
très serrée de ce que ça peut être. Mais il ne faut
pas penser qu'aujourd'hui notre dossier est en parfaite sécurité
et à l'abri de tous les regards indiscrets qui automatiquement avec une
carte à microprocesseur les rendrait accessibles... J'ai compris qu'il y
a bien du monde qui a de l'information et ça ne prend pas la photo,
là. Ils ont développé au fil des années toute une
série d'astuces pour être capables d'aller dans nos dossiers et,
quant à moi, ça serait davantage une sécurité.
Je suis allé visiter moi-même le dossier du CHUS à
Sherbrooke qui est sous la surveillance d'employés. Quant à
l'accès de l'information, je peux vous dire que le
bénéficiaire, qui n'était pas un
bénéficiaire imaginaire - c'était un vrai - qui a permis
qu'on vive l'expérience avec lui et qu'on entre dans son dossier... Je
peux vous dire que la profession médicale et tous les intervenants du
centre hospitalier nous ont fait la démonstration assez rapide des
avantages, sur le plan qualitatif, des services donnés à un
individu dans ce système-là. Moi, j'ai hâte de voir les
conclusions et qu'on fasse la vraie expérience et, par la suite, mettre
les balises qu'il faut pour éviter que des gens se servent de ça
à d'autres fins que ce pourquoi il serait implanté.
Mme Pagé: Je ne voulais pas vous perturber ce matin, ce
n'était pas mon objectif. Simplement, le débat doit nous
permettre de poser des questions pour qu'ensemble, soit dans des
expériences-pilotes, soft dans des forums de discussions, on soit
capables d'avoir les réponses à ces questions. Je pense que c'est
là un élément de transparence. Vous avez parlé
tantôt du GRIS. Je sais que vous allez poursuivre vos travaux avec eux.
Je pense que ça aussi c'est un élément où il serait
intéressant que plus de personnes puissent assister à ces
débats. Nous-mêmes, quand nous creusons certaines questions, nous
constatons que nous sommes un peu tributaires des chiffres des uns et des
autres et, quand le débat est public, quand les échanges
d'information se font publiquement, on est capables d'arriver à des
points de vue qui sont mieux étayés et où, au lieu de
faire une discussion de cinq minutes sur les batailles de chiffres, on est
capables d'aller tout de suite sur le fond des questions.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci.
M. Côté (Charlesbourg): Soyez sûre que c'est
avec grand plaisir que je vais vous donner un compte rendu de notre rencontre,
ce qui va vous permettre d'avoir les bons chiffres.
Mme Pagé: S'il vous plaît, pas de surprises
malheureuses dans le discours du budget par rapport au financement de la
santé.
Le Président (M. Paradis, Matapédia):
Malheureusement, c'est le temps qui nous manque.
Mme Vermette: ...demander qu'il y ait des gens qui soient
conviés à cette rencontre au niveau du GRIS.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): M. le
ministre, rapidement, en concluant.
M. Côté (Charlesbourg): C'est à dire qu'on a
accepté que le porte-parole de l'Opposition soit assis à la table
et qu'il puisse poser les mêmes questions et qu'on parle des mêmes
chiffres.
Mme Vermette: Oui, mais ce qui peut être aussi
souhaitable...
Le Président (M. Paradis, Matapédia): M. le
ministre, remerciez nos invités.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Pardon?
Mme Pagé: Ce serait intéressant qu'on soit nombreux
à parier.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ce qu'on va faire.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Nous
suspendons nos travaux à 14 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 5)
(Reprise à 14 h 23)
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Alors, la
commission des affaires sociales reprend ses travaux. J'invite donc la
Fédération des infirmières et infirmiers du Québec
à prendre place. Le Dr Roy passe devant la caméra encore. Oui.
Alors, j'invite la porte-parole à s'identifier et à
présenter les personnes qui l'accompagnent.
FIIQ
Mme Boulanger (Sylvie): Oui, alors, je suis Sylvie Boulanger, la
première vice-présidente de la Fédération. J'ai
deux conseillères qui m'accom- pagnent. Il s'agit de Marie-Andrée
Comtois et de Lucie Mercier, conseillères au secteur santé.
J'excuse tout d'abord Mme Diane Lavallée, qui devait être
présente aujourd'hui, mais, comme nous tenons à partir
d'aujourd'hui un conseil fédéral au Sheraton Laval, elle a
dû être présente là-bas.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Vous
connaissez les règles de procédure. Vous avez 15 à 20
minutes pour faire une présentation. Par la suite, vous échangez
avec les deux formations politiques.
Mme Boulanger: Parfait. Bonjour, M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les membres de la commission. C'est avec plaisir que la
Fédération des infirmières et infirmiers a accepté
de participer à cette commission pour y amener le point de vue des
infirmières. La RIO. est une fédération syndicale qui
regroupe 44 000 infirmières. Elle représente donc 71 % de toutes
les infirmières du Québec et 95 % de celles qui sont
syndiquées. Finalement, plus de 90 % de nos membres sont des femmes.
Notre membership s'étend à la grandeur du Québec et
est composé exclusivement d'infirmières qui travaillent dans 450
établissements du réseau, centres hospitaliers, centres
d'accueil, CLSC, établissements privés et centres de services
sociaux. C'est donc dire que notre expertise se nourrit d'expériences de
travail très variées auprès des divers types d'usagers et
d'usagères des services de santé du réseau. Témoins
privilégiés du système de santé quotidien, nous
sommes à plus d'un titre préoccupés par la qualité
des soins dispensés. Le débat actuel sur le financement nous
interpelle parce que l'avenir du système nous concerne directement en
tant que professionnelles de la santé, en tant que femmes et aussi
qu'usagères des services.
Nous aimerions d'abord attirer votre attention, comme plusieurs groupes
l'ont fait depuis le début des travaux de la commission, sur le fait
que, malheureusement, nous discutons du financement en l'absence d'une
politique de santé et de bien-être. L'absence de cette politique,
pourtant promise depuis déjà tant d'années, est pour nous
significative de l'orientation du ministre quant à l'objectif
visé par cette commission, à savoir trouver à court terme
des solutions aux problèmes financiers actuels du gouvernement. De plus,
nous trouvons que cette commission est à la fois trop courte dans le
temps et à la fois trop restreinte quant au nombre d'intervenants. Dans
le cadre du lien que le ministre dit vouloir établir entre le citoyen
payeur et le citoyen consommateur de services, nous espérons que la
présente commission n'est pas représentative de la place qui sera
accordée aux citoyens payeurs et consommateurs face à tous les
décideurs qui se retrouvent ici.
Le contexte économique actuel est certes difficile et nous
reconnaissons qu'il est on ne peut plus normal, en période de crise,
telle que celle que nous traversons actuellement, de chercher les moyens de
s'en sortir à un moindre coût. Mais la crise ne sera pas
éternelle et nous devons aussi regarder le long terme. En ce sens, nous
déplorons vivement que les propositions avancées par le ministre
ne correspondent en très grande partie qu'à des
aménagements à l'intérieur du système actuel,
qu'à des modifications en fonction des effets les plus directs et les
plus à court terme possible sur le financement du système.
La FIIQ, quant à elle, a exploré une autre voie. Celle-ci
devrait nous conduire au-delà d'un redressement, aussi radical soit-il,
à une transformation majeure des orientations de notre système de
santé. L'accent que nous entendons mettre sur la nécessité
d'investir dans la prévention n'est pas nouveau. Nous avons maintes fois
répété notre conviction que trop souvent le curatif
supplée à l'absence de prévention ou à une
prévention inadéquate. Mais, aujourd'hui, nous voulons aller plus
loin et mettre la prévention au coeur de notre système de
santé. Mais, avant de vous présenter notre réflexion, nous
examinerons les grands choix qui nous sont présentés dans le
document ministériel. Contrairement à notre position axée
sur la prévention et le long terme, ces propositions, comme nous vous le
démontrons à partir de la page 7 de notre mémoire,
s'articulent autour du curatif et du court terme.
Pire encore, plusieurs mesures mises de l'avant menacent les acquis
importants de notre système de santé en s'attaquant aux principes
fondamentaux d'accessibilité, d'universalité et de
gratuité - mettez-le entre guillemets parce qu'on sait tous qu'on paie
par nos impôts. Ces principes devraient, selon nous, demeurer entiers
dans leur application, préservant ainsi le caractère public de
notre système. La crise économique que nous connaissons
actuellement ne doit pas être le prétexte pour faire basculer ces
acquis sociaux en matière de santé. Bien sûr, les plus
démunis, nous promet-on, ne seraient pas touchés. Mais où
s'arrête la pauvreté dans un contexte où le chômage
est une menace et où les difficultés économiques des
entreprises obligent les travailleurs et les travailleuses à accepter
une diminution de leurs conditions de travail? La pauvreté atteint aussi
les petits salariés. Il est difficile de croire qu'en 1992 le salaire
minimum soit suffisant pour faire vivre une famille, suffisant pour assurer
à chacun des membres les conditions nécessaires au maintien d'une
bonne santé.
Choisir entre la réduction du panier de services, l'augmentation
des impôts ou la contribution directe des consommateurs de services
constitue un piège dans lequel il serait très dangereux de
tomber. Comme nous vous le disons à la page 10 de notre document, M. le
ministre, nous croyons que le questionnement entourant le financement des
services gouvernementaux devrait s'articuler autour de l'élaboration
d'un projet de société qui situerait la place du système
de santé et celle des politiques sociales.
Voyons maintenant nos réactions aux propositions
ministérielles. En ce qui concerne le contrôle des salaires, nous
tenons à vous rappeler que les infirmières, tout comme les autres
salariés des secteurs public et parapublic, ont démontré
qu'elles acceptaient de faire leur part en ce qui concerne la
rémunération de tous les intervenants du système.
L'exemple du printemps dernier ne devrait pas être oublié. Par
contre, c'est à la table de négociations que les salaires devront
être discutés. Permettez-nous également de vous exprimer
notre surprise de constater que ce n'est qu'à l'égard des
salariés que des propositions précises sont faites. Pour ce qui
est des cadres, des autres professionnels et même des médecins,
aucun chiffre ni pourcentage n'est avancé. Pourtant, leur
rémunération dépasse de loin celle des simples
salariés du secteur de la santé.
De plus, en ce qui concerne les modalités de
rémunération des médecins, le ministre glisse tout au plus
la nécessité d'un' meilleur contrôle en regard des besoins
réels de la population et avance l'idée d'un horaire pour
certaines activités de gestion d'enseignement et de prévention.
Mais au niveau des soins curatifs, où se concentre la majeure partie de
leur activité, n'y aurait-il pas lieu, après 20 ans
d'expérience, d'évaluer si le mode de rémunération
à l'acte convient toujours?
La FIIQ ayant déjà fait connaître son opposition au
ticket orienteur, nous ne nous y attarderons pas ici. Qu'il nous suffise donc
de réitérer cette opposition en raison des entraves à
l'accessibilité que cette mesure entraînerait. Le problème
de mauvaise utilisation des services auquel cette mesure voudrait
répondre devrait, selon nous, trouver sa solution dans une
accessibilité accrue aux services de première ligne des CLSC
ainsi que par des mécanismes de tri dans les urgences, les services de
consultation et de référence téléphonique et de
larges campagnes d'information quant aux services appropriés et
disponibles dans chaque région du Québec.
Par contre, notre position envers la cotisation des travailleurs et
travailleuses, l'impôt-santé ou l'utilisation d'une partie de la
TVQ pour financer le système de santé en est une d'ouverture,
mais aussi d'extrême prudence. D'un côté, nous
apprécions que ces moyens s'inscrivent dans une responsabilisation
collective, mais, d'un autre côté, nous pensons que l'étude
de ces options est encore prématurée.
Par ailleurs, nous sommes en désaccord avec tout moyen de
financement qui ferait appel à une contribution directe
Individualisée à l'égard des
usagères et des usagers des services de santé et des
services sociaux. C'est une piste qui devrait être abandonnée et
ce, d'autant plus qu'une fois encore l'absence de l'axe prévention dans
la philosophie du réseau est responsable en bonne partie des besoins en
services curatffs. quant à savoir s'il convient ou non de créer
un fonds général des services sociaux et de santé, nous en
reportons aussi la réponse au débat entourant la question de la
fiscalité. mais il nous apparaît contradictoire de vouloir isoler
les coûts des soins curattfs des investissements qui
nécessiteraient une véritable politique de prévention. en
effet, l'environnement, le revenu, l'emploi, les conditions de travail,
l'éducation sont autant de déterminants de la santé et ii
nous semble très difficile de séparer dans les dépenses
publiques les coûts associés aux différentes
responsabilités de l'état. mais des améliorations sont
possibles entre autres en ce qui concerne l'efficience. ainsi en est-il du
contrôle des prix. bien appliqués, dans le respect de la
sécurité des bénéficiaires et de la qualité
du matériel utilisé, les achats de groupe peuvent en effet
permettre une diminution intéressante des prix pour l'achat des
médicaments, notamment par la négociation avec les
fournisseurs.
La voie d'un impôt-services sur les services
complémentaires nous semble par contre à écarter parce que
réduisant l'accessibilité et allant à rencontre d'un
objectif de prévention. D'autre part, pour contrer la hausse des
dépenses engendrée par une mauvaise utilisation des
médicaments, la pratique médicale devrait être
questionnée, des Informations devraient être fournies aux
consommateurs et consommatrices, la voie des médecines alternatives
devrait être explorée et un meilleur contrôle de la
distribution des médicaments sur ordonnance développé.
Il nous apparaît aussi justifié de vouloir limiter le
rythme d'augmentation du nombre de médecins. D'ailleurs, ce n'est pas un
problème de pénurie qui se pose chez les médecins, mais
plutôt un problème de répartition géographique. Les
champs de pratique des différentes professions représentent
également un terrain où il y a place pour des
améliorations au niveau des coûts. Ainsi en est-il de la
reconnaissance de la profession des sages-femmes. Le gouvernement a certes fait
un pas dans cette direction, mais il n'en demeure pas moins que, deux ans et
demi après l'adoption de la loi, les projets-pilotes ne sont toujours
pas démarrés. La pratique des accouchements en maison de
naissance, en plus d'apporter une nouvelle approche moins
médicalisée de la grossesse normale et de l'accouchement, nous
semble également un moyen de diminuer les coûts par rapport
à l'approche interventionniste qui prévaut en mJlieu
hospitalier.
Il y a d'autres catégories d'intervenants également qui
peuvent offrir des services différents et à moindre coût.
On pense notamment aux médecines alternatives qui, malheureusement au
Québec, ne peuvent se développer que sous l'oeil vigilant et
protectionniste du corps médical. L'Implantation des consultations
téléphoniques est aussi une initiative qui, non seulement devrait
viser et canaliser les consultations vers les services appropriés, mais
devrait avoir un objectif plus large d'éducation, contribuant ainsi au
développement de l'autonomie de la population en ce qui concerne la
santé. À partir des besoins exprimés lors des
consultations téléphoniques, le personnel pourrait
également référer les personnes aux bons endroits,
diminuant ainsi la mauvaise utilisation des services. Finalement, ces services
pourraient évaluer les besoins d'Information de la population et
collaborer à la sélection de thèmes qui pourraient donner
lieu à de plus vastes campagnes d'information.
Au chapitre de l'amélioration des volumes d'activité et
dans l'objectif d'assurer la responsabilisation collective et la transparence
des dépenses, nous croyons que les consommateurs et consommatrices, une
fois leur accessibilité au régime établie, devraient
utiliser leur carte d'assurance-maladie avec autant de parcimonie qu'une carte
de crédit et devraient signer, après le traitement ou la
consultation, le talon qui va à la Régie de l'assurance-maladie
du Québec. C'était une proposition du ministère inscrite
au livre blanc et qui a été retirée, suite aux
négociations avec les médecins, à l'été
1991. L'envoi d'un bilan annuel des services reçus pourrait assurer une
plus grande transparence, mais il devrait être assorti de mesures
garantissant la confidentialité des données et du dossier de
l'usager.
Finalement, nous croyons que nous ne pouvons pas faire un débat
sur le financement sans questionner l'état de la pratique
médicale et de la technologie diagnostique et thérapeutique qui
la supporte. La question des technologies se pose d'une manière
différente en médecine par rapport à d'autres domaines
parce que, ici, elles se superposent les unes aux autres au lieu de se
remplacer. Par exemple, le scanner ne remplacera pas le rayon X, mais
s'ajoutera à la panoplie d'examens. De plus, les médecins ont
tendance à moins se fier à leur jugement clinique qu'ils ne le
faisaient auparavant et, de ce fait, multiplient les examens; on a juste
à penser à la médecine défensive.
Passons maintenant à notre piste de réflexion, la
prévention. Ceci n'a rien de spectaculaire et ce n'est pas non plus une
idée nouvelle. Privilégier la prévention telle que nous
l'envisageons signifie agir en aval de la maladie, sur les causes et, partant,
sur les déterminants de la santé. Privilégier la
prévention pour améliorer la santé de la population nous
Impose une nouvelle philosophie par rapport à l'approche de la
santé. Cette option s'associe à une vision large de la
santé qu'il faut situer à un niveau social et collectif
plutôt qu'individuel, puisqu'elle
se réfère au milieu et non à la personne ou au cas
par cas. L'approche sociale de la santé s'effectue par le biais des
déterminants de la santé, c'est-à-dire les facteurs de
risque liés à l'environnement social, économique, culturel
et physique. C'est donc l'ensemble du milieu de vie qui influence l'état
de la santé d'une population et non pas uniquement le niveau des
dépenses pour les soins curattfs. Le revenu, le logement, la
scolarité, le travail et le soutien social sont donc autant de facteurs
qui, à travers les conditions de vie qui leur sont associées,
influencent l'état de santé. L'amélioration des conditions
de vie ne peut donc se faire sans une meilleure répartition de la
richesse collective. Elle implique une nécessaire concertation de
l'action Interministérielle, une concertation de l'ensemble des
politiques gouvernementales et ce, à partir d'une véritable
politique de santé.
Il ne faut pas oublier que des économies à court terme
dans un secteur peuvent générer des coûts additionnels dans
un autre. Prenons pour exemple la réforme de l'aide sociale. Elle a
contribué à la détérioration des conditions de vie
et à l'effritement du tissu social en milieu défavorisé
et, partant, elle a contribué à la détérioration
des conditions de santé. Globalement, les groupes
défavorisés cumulent un maximum de risques et l'écart de
santé entre riches et pauvres s'accroît. C'est pourquoi le virage
vers la prévention entendue au sens large ne peut être
dissocié d'un virage vers l'équité sociale, tant au niveau
de l'emploi, de l'éducation, du logement, des conditions de travail que
celui du revenu.
C'est pourquoi le débat sur le financement doit s'insérer
dans un projet de société. De plus, la prévention entendue
dans son sens large, contrairement au modèle curatif très lourd
et très coûteux, est de nature à permettre des
améliorations de la santé de la population à un meilleur
prix, puisqu'elle agit en aval de la maladie, sur les déterminants de la
santé, avant même que celle-ci ne se détériore.
En abordant la santé sous l'angle de la prévention, nous
devons prendre en considération la contribution qui peut être
faite par les praticiens et praticiennes des médecines douces et des
pratiques alternatives. Le livre blanc «Une réfome axée sur
le citoyen» avait annoncé qu'il faudrait définir le
rôle et la place des thérapies alternatives. Un débat doit
donc être tenu en ce sens. Ces thérapies reposent sur une
conception plus globale de la personne, une philosophie moins
interventionniste. En ce sens, ne sont-elles donc pas susceptibles de
contribuer à l'amélioration de la santé de la population
autant qu'à la diminution des coûts?
Il serait illusoire de croire, en recentrant les objectifs du
système de santé sur une vision sociale large des objectifs de
résultat, que nous parviendrons en peu de temps à des
améliorations substantielles. C'est pourquoi, à court terme, nous
devons maintenir les soins curatifs au niveau actuel afin de préserver
une certaine équité entre les groupes sociaux. Leur
évolution doit pourtant être contrôlée de
façon à pouvoir dégager des ressources
transférables au chapitre de la prévention. Actuellement, 5 % des
dépenses du gouvernement sont faites au chapitre de la prévention
et 95 % des dépenses sont engagées dans les soins curatifs. C'est
une approche qui va à l'encontre d'une philosophie axée sur le
mieux-être collectif par la prévention. Le manque de coordination
des efforts des divers ministères du gouvernement et des divers paliers
de l'administration publique nous amène à penser qu'il faut
absolument que se dégage une volonté politique du gouvernement
qui ait pour effet d'assurer une coordination des politiques à
caractère social et économique, qu'elfes concernent directement
ou Indirectement la santé.
En conclusion, il nous apparaît urgent de remettre le
système de santé sur les rails qui conduisent vraiment à
une amélioration de la santé, ce qui, selon nous, passera
inévitablement par une politique de santé axée sur la
prévention. Mais d'ici là, nous demanderez-vous, qu'est-II
possible de faire pour comprimer les dépenses et surtout comment, en
investissant dans la prévention, pourrions-nous faire de plus grandes
économies que celles proposées dans le document?
Nous devons tout d'abord veiller à ce que les mesures mises de
l'avant pour résoudre les problèmes actuels ne viennent pas
contrecarrer des objectifs de prévention. Bien sûr, il faudra
attendre quelques années avant de toucher les dividendes d'un
investissement majeur dans la prévention. C'est en regard des
générations futures et, dans certains cas, on peut même
parler de la génération montante, que les effets d'un virage
radical en faveur de la prévention pourront se faire sentir. À ce
moment, nous pourrons parler avec fierté d'un système de
santé qui, en s'attaquant à tous les déterminants
importants de la santé, aura contribué à améliorer
la santé de la population du Québec dans son ensemble.
En résumé, le message que la FIIQ vous transmet est
simple. Premièrement, nous croyons que les coûts du système
sont encore sous contrôle et que la collectivité
québécoise tient toujours aux principes fondamentaux
d'accessibilité, de gratuité, d'universalité qui
préservent le caractère public de notre système de
santé. Deuxièmement, nous pensons qu'il faut de toute urgence
modifier la philosophie du système pour investir dans la
prévention, laquelle pourra, à long terme, amener une diminution
substantielle des coûts. Par la prévention, nous investissons dans
le futur et, tout comme le ministre le souhaite, nous travaillons aujourd'hui
pour les générations de demain. Troisièmement, nous
déplorons l'absence d'une politique de santé et de
bien-être et nous réitérons notre demande au
ministre pour que celle-ci soit rendue publique le plus rapidement
possible avant que les décisions sur le financement ne soient
prises.
Finalement, avant de mettre de l'avant les nouvelles sources de
financement et même de songer à augmenter l'impôt sur le
revenu, il y aurait lieu d'attendre un débat sur la fiscalité
dans la recherche d'une meilleure équité dans la
répartition du fardeau fiscal des Québécois.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Je vous
remercie, Mme Boulanger. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Très heureux de recevoir des représentantes de
la FIIQ qui ont été à peu près dans tous les
débats sur la réforme et qui ont toujours eu une contribution
extrêmement positive. C'est dans ce courant-là que nous allons
tenter de passer les 15 prochaines minutes à vous interroger. La
politique de santé et de bien-être, évidemment, je
répète que ça va venir. C'est convergent. J'aurais
souhaité qu'elle le soit avant Mais, ceci étant dit, elle s'en
vient et elle sera donc là pour terminer les grands documents de la
réforme: la réforme elle-même, la politique de santé
et de bien-être et le débat sur la fiscalité. (14 h 45)
Réglons une chose immédiatement, je pense. Ça
m'apparaît très important. Je n'ai pas pu le faire ce matin parce
que ça ne m'apparaissait pas suffisamment clair, mais en disant:
Ça ne presse pas, ça ne presse pas tant que ça sur le plan
de la fiscalité, non, un débat plus large et, après
ça, on interviendra... Le débat sur le financement du
réseau était, en partie, incorporé à la
réforme en décembre 1990. Au printemps 1991, l'Opposition, en
particulier, et les gens ont souhaité qu'on fasse un débat
distinct sur le financement du réseau, ce qu'on a accepté.
D'ailleurs, dans les équilibres financiers, il y avait des sommes
d'argent prévues pour ces mesures qui ont été
reportées dans le temps pour être capable de faire un débat
très large sur le financement du système de santé, ce que
nous avons maintenant. Mais il ne peut pas être question, à ce
moment-ci, à tout le moins pour nous, de reporter ou d'attendre la fin
du débat plus large sur la fiscalité que souhaitent les
syndicats, auquel j'adhère de manière publique depuis au moins ce
matin. On ne peut pas... il n'est pas question de reporter des décisions
que nous avons à prendre dans ce contexte-là. Donc, il faut
qu'à ce niveau-là ce soft très clair et nous devons
poursuivre nos échanges quant au débat que nous avons
maintenant.
Est-ce que, pour la FIIQ, ce que je crois comprendre, c'est que les
finances publiques, à ce moment-ci, c'est davantage conjoncturel que
structurel? Si j'ai bien tenté de décoder, !à, en disant
qu'il y a une crise économique... On pourrait tirer la conclusion que,
si c'est une crise, il y aura reprise éventuellement et que les finances
publiques ne seront pas dans l'état où elles sont maintenant si
on est dans une situation de croissance économique. Est-ce que je dois
comprendre que, pour vous autres, c'est davantage conjoncturel que
structurel?
Mme Boulanger: Effectivement, à la lueur de ce qui a
même été démontré aussi dans votre document,
jusqu'au tout début de la crise en 1990, il y avait un maintien,
là, une stabilité dans les dépenses en ce qui concerne la
santé. En ce sens-là, on nous dit: Oui, effectivement, ça
a empiré avec la crise économique. Mais je pense qu'il y a lieu,
là, avant de tout chambarder, avant d'aller essayer de chercher du
financement dans la poche du citoyen, directement, autrement que par
l'impôt... On s'entend bien? Je pense qu'il y a moyen de regarder le
contrôle qu'on peut faire à l'intérieur du système
même, là.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, moi, je suis
d'avis que c'est davantage un problème structurel, qu'on le traîne
depuis de nombreuses années, le plus bel exemple étant la facture
qu'on a à payer aujourd'hui pour les 15 dernières années.
Uniquement au niveau du financement de nos dépenses courantes, de notre
épicerie, c'est 20 000 000 000 $ qu'on a pelletés pour les
générations futures, qui devront payer. Donc, c'est quand
même beaucoup d'argent. Et on a, au fil des années,
traîné ça.
Bon, ajoutez à cela - et je pense qu'on s'entend assez bien
là-dessus, au moins là-dessus - le meu, meu, meu du
fédéral qui est un des éléments importants dans le
système où, effectivement, le gouvernement du Québec a
récupéré le désengagement du fédéral
et l'a pris à même ses deniers. C'est une partie Importante de nos
troubles sur le plan financier. Mais reste néanmoins que c'est une
problématique qui est beaucoup plus structurelle que conjoncturelle.
Donc, à partir de ce moment-là, le débat sur la
fiscalité, pour les centrales syndicales que nous avons entendues ce
matin, est réclamé parce que ça se répand, parmi la
classe moyenne en particulier, qu'eux, ils en paient trop par rapport à
ce que les compagnies paient, par rapport à ce que les gens plus riches
paient. On dit: À partir de ce moment-là, on veut avoir un
débat public sur la fiscalité. Moi, j'ai dit: Je suis rendu que
j'y crois, là, pour qu'on finisse par avoir un plancher ou une base sur
laquelle tout le monde s'entende.
Si c'est vrai que les compagnies en paient déjà trop,
elles viendront en faire la démonstration. Si c'est vrai qu'elles ne
peuvent pas en payer plus pour continuer de demeurer concurrentielles par
rapport à l'Ontario, nos voisins, et les États-Unis, avec qui on
est en compétition, la démonstration se fera. Donc, chacun
viendra faire sa démonstration. Est-ce qu'à votre point
de vue un débat sur la fiscalité devrait avoir pour seul
objectif une meilleure répartition ou une meilleure équité
de l'assiette fiscale actuelle? Ou, au contraire, est-ce que ce
débat-là pourrait déboucher sur la possibilité
d'aller chercher des recettes fiscales additionnelles?
Mme Boulanger: Je pense qu'il y a un petit peu des deux. En
premier lieu, oui, évidemment, on va faire un débat sur la
fiscalité. On souhaite un débat sur la fiscalité pour
qu'il y ait davantage d'équité entre tous les payeurs
d'impôt de la province. Puis ça peut arriver qu'en bout de ligne
on décide, en tout cas, qu'il y ait des décisions qui se
prennent, soit qu'on paye assez d'Impôt, soit qu'on doive augmenter les
impôts, soit de part et d'autre les corporations ou au niveau des
particuliers. Mais ça doit s'Inscrire aussi dans un projet de
société. Il faudra, quand on va faire ce débat-là,
qu'on puisse se dire, tout le monde, les Québécois, sur quoi on
veut investir, sur quoi on est prêts à investir et si ça
doit nécessiter de l'impôt. Si on a une augmentation, par exemple,
d'impôt, on aura décidé tout le monde de la faire. On ne
fera pas ça individuellement. Mais je pense que les deux sont
très intimement liés: d'une part, l'équité et,
d'autre part, oui, ça peut arriver qu'on doive aller chercher des
sources supplémentaires de financement, mais ça dans un projet de
société global.
M. Côté (Charlesbourg): Dans votre esprit, la
possibilité d'aller chercher des sommes additionnelles sur le plan de
l'impôt vient donc... Et je le comprends, je le partage aussi. Il faut au
moins s'assurer, dans un premier temps, que ce qu'on a est bien réparti.
Dans un deuxième temps, une possibilité... Mais, entre-temps, ce
n'est pas un débat qui risque, disons, de se régler dans l'espace
de deux ou trois mois, j'ai l'impression. Alors, ça va être un
très grand débat.
On dit, dans l'intervalle, qu'il faut maintenir le niveau de
dépenses dans le curatif, dans le système que nous connaissons
maintenant et même ajouter des sommes dans la prévention, de telle
sorte qu'on puisse agir sur les déterminants et se retrouver, dans
quatre, cinq, six ou sept ans, dans une situation où on commence
à renverser la pyramide et où on a des gains. Ce qui veut dire
qu'entre-temps on augmente notre déficit parce que ça va
être la seule possibilité. Si on ne joue pas sur l'impôt ou
sur les taxes maintenant, l'autre possibilité, ce sera d'augmenter le
déficit et, par conséquent, de taxer les
générations futures, parce que, inévitablement, un
déficit, il faut qu'il se paye par quelqu'un, à un moment
donné. On en sait quelque chose. Nous autres, on paye pour les
déficits des années passées et on va payer pendant toute
notre vie.
Est-ce qu'il n'y a pas non plus une certaine inefficacité aussi
vis-à-vis des générations futures qu'on veut
protéger? C'était clair dans votre démonstration,
là, qu'il fallait agir sur la prévention maintenant pour les
générations futures, mais est-ce qu'en ajoutant au déficit
maintenant on n'hypothèque pas non plus les générations
futures?
Mme Boulanger: Vous avez peut-être oublié que dans
la démonstration qu'on a faite aussi on a dit qu'il y a des endroits
où on peut davantage contrôler, où on peut améliorer
l'efficience...
M. Côté (Charlesbourg): Mais je vais y arriver,
là.
Mme Boulanger: Oui. Vous allez y arriver?
M. Côté (Charlesbourg): Je ne l'ai pas
oublié. Je vais y arriver.
Mme Boulanger: Mais alors, avant de renverser complètement
la vapeur ou de dire: J'en ajoute en prévention, mais je laisse
actuellement mon système curatif, mon système curatif, oui,
là, j'en ai besoin, les gens ne sont pas habitués à la
prévention... O. K. Mais, là-dedans, il y a moyen de rationaliser
et de contrôler, en tout cas, rendre ça un peu plus efficient. Cet
argent-là qu'on récupère, oui, il va aller à la
prévention. Actuellement, je n'ai pas parlé de dépenses
supplémentaires.
M. Côté (Charlesbourg): Mais évidemment, on a
passé la semaine dernière à s'interroger et à
interpeller, là, et il y a des chiffres qui se sont promenés. On
a dit: Bon, parfait, il y a peut-être possibilité dans certains
éléments, mais évidemment, ce qu'on s'est fait dire, c'est
que ça prenait des incitatifs. Si vous voulez avoir de bons rendements
par les mesures que vous avez proposées, s'il y a des incitatifs,
ça pourrait donner des résultats assez intéressants.
D'autre part, ce qu'il faut constater, c'est qu'on a exploré un
grand nombre de pistes. Il y en a d'autres qu'on ne connaissait pas qui nous
ont été mises sur la table. Bravo! Je pense que la commission
aura au moins permis ça. Mais ce n'est pas des mesures qui rapportent
demain matin. Vous qui vivez quotidiennement dans des centres hospitaliers,
dans des centres d'hébergement et de soins de longue durée et
ainsi de suite, quelles sont les mesures au-delà de celles qu'on a
évoquées tantôt, là? L'Info-Santé, ça,
c'est investir pour informer le monde pour aller à la bonne place. C'est
clair qu'il y aura des économies. Mais dans le quotidien, demain matin,
quelles sont les mesures qui nous permettraient d'économiser et de
dégager des marges de manoeuvre qui vont nous permettre de ramener, par
exemple, le niveau de dépenses à IPC plus 3 %? C'est
déjà un exercice assez laborieux, merci, puisqu'on est davantage
à IPC plus 4, 2 %, à ce moment-ci. En plus de ça, quelles
sont les
mesures qui nous permettraient de dégager des marges de manoeuvre
pour effectivement aller dans la prévention? J'ai l'impression que notre
système, c'est un peu ça son problème. Il n'a jamais
dégagé les marges de manoeuvre pour être capable d'agir sur
la prévention de manière aussi importante qu'on l'aurait
souhaité, et c'est davantage le curatif ou le secteur santé qui
s'est accaparé des marges de manoeuvre que le gouvernement a
dégagées au fil des années.
Alors, J'aimerais ça, moi, de manière concrète,
au-delà des achats regroupés, là, dans le quotidien...
Vous avez parlé tantôt des sages-femmes...
Mme Boulanger: Entre autres.
M. Côté (Charlesbourg): les sages-femmes, moi, je
pense que ça peut améliorer l'offre de services aux femmes qui
pourront choisir des modes alternatifs, selon ce qu'elles souhaitent. je ne
suis pas sûr nécessairement que ça apporterait des
économies dans le système. je ne suis pas sûr que, demain
matfn, on va se retrouver avec une rémunération qui peut
être différente ou moindre pour un omni, éventuellement,
que pour une sage-femme. il s'agira de voir ce que ça donne; sur le plan
des tarifs, on verra ça. mais dans d'autres mesures, de par votre
expérience quotidienne, où est-ce que c'est qu'on peut sauver
demain matin en disant: oui, on va arriver avec tel cas particulier et on va
sauver?
Mme Boulanger: SI on faisait l'exercice d'ouvrir juste un petit
peu, justement, les champs de pratique... Vous parliez de sages-femmes. On va
ouvrir les champs de pratique. Si on était capables d'utiliser juste
dans le réseau les infirmières à bon escient, juste les
infirmières pour tout ce qu'elles sont capables de faire, je pense que,
déjà là, on sauverait beaucoup d'argent.
M. Côté (Charlesbourg): Donnez-moi des exemples,
là.
Mme Boulanger: Bon. On va parler d'enseignement. On a lu les
journaux. Vous parliez par exemple des diètes, les fameuses
diètes, les cliniques d'obésité où les madames vont
chez le médecin à toutes les semaines. L'infirmière
pourrait tout aussi bien être nutritionniste, infirmière-conseil
en nutrition - on ne passe pas la castonguette, là. Il y a ces
éléments-là. Il peut y avoir de l'Information, de
l'enseignement.
Actuellement, c'est sûr que la médecine à l'acte ne
prête pas à faire de la prévention, de l'enseignement ou de
la formation chez le bénéficiaire. Ça, c'est des choses
que les infirmières sont capables de faire. Il y a différents
champs comme ça où on peut déjà intervenir et, si
on peut avoir un peu plus d'autonomie dans notre pratique, je pense qu'il y a
beaucoup de marge de manoeuvre et de sous qu'on va gagner là.
M. Côté (Charlesbourg): Je suis convaincu que vous
me voyez venir. Si l'infirmière peut récupérer un certain
nombre d'actes posés par le médecin comme gestes, est-ce qu'on
peut penser que l'infirmière auxiliaire pourrait avoir le même
niveau, à ce moment-là, au niveau de toute la chaîne, parce
que ça doit agir sur l'ensemble de la chaîne des services? Est-ce
que vous pensez que c'est possible?
Mme Boulanger: Ce n'est pas impossible dans la mesure où
on a l'assurance, effectivement, qu'on ne soit pas juste celles du milieu qui
se font dégarnir d'un côté et sans se faire ajouter
d'autres actes.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends. C'est une
logique...
Mme Boulanger: Si c'est une logique, je pense que c'est
très faisable et si, dans la mesure où les infirmières,
effectivement, ouvrent davantage leur champ de pratique, sont plus autonomes
dans leur pratique professionnelle, effectivement, moi, personnellement, je
vous dirais: II n'y aura pas de... Les discussions devraient être
faciles, plus faciles à ce moment-là.
M. Côté (Charlesbourg): On me signifie qu'if reste
une minute, mais je veux aller jusqu'au bout de ma logique. À partir du
moment où, effectivement, on en arrive à dire: On ouvre - II y a
effectivement des gestes posés par des médecins actuellement et
qui peuvent êtres posés par des infirmières - et on est
dans une situation où on va reconnaître des actes posés par
des infirmières auxiliaires, certains actes qui sont posés par
des infirmières maintenant, donc, on monte... Est-ce qu'on pourrait se
retrouver dans une situation où, dans nos éventuelles
négociations, on dirait: Parfait, «asteur» qu'on pose tel
geste par rapport à un tel, est-ce que ça pourrait signifier
demain matin que ce qu'on aurait gagné pourrait être
revendiqué sur le plan salarial justement parce que, posant des gestes
plus importants que ceux qui étaient posés auparavant et pour
lesquels vous étiez payés... Est-ce qu'il n'y a pas un danger
de... Vous pourrez toujours me dire que ce sera toujours moins cher de payer
une infirmière qu'un médecin.
Mme Boulanger: Bon, là, vous vous répondez en
partie. Deuxièmement, je vous rappellerai qu'on est encore seulement
à 85 % aussi du salaire des professionnels. Mais, de toute façon,
ça, ce sera du ressort de la négociation.
M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que
là
on va être dans un système où on essaie, par une
série de mesures, de le rendre plus efficient et plus efficace pour le
même prix. C'est un peu ça qu'on essaie de faire, dégager
des sommes à gauche et à droite, et c'est clair que le point que
vous avez soulevé, la délégation d'actes, est au centre de
toutes les préoccupations et interpellations au cours des
dernières années. C'est pour ça que je voulais tenter de
pousser la logique le plus loin possible pour savoir qu'est-ce que c'est qu'on
pouvait en tirer.
Mme Boulanger: Mais, M. le ministre, même augmenter un tant
soit peu, pour des actes qu'on récupérerait, qui nous seraient
délégués des médecins, ça va quand
même coûter moins cher. (15 heures)
M. Côté (Charlesbourg): Oui, j'imaginais que vous ne
fermeriez pas la porte à une augmentation... une augmentation de la
tâche, une augmentation du salaire ou des conditions aussi! Une petite
dernière. Demain matin, au-delà de ce qu'on s'est parlé,
là, c'est quoi la première mesure qu'on devrait appliquer pour
être capable de sauver de l'argent pour investir dans la
prévention?
Mme Boulanger: La première mesure dans laquelle on devrait
investir? Bon, je pense qu'on va regarder, vous l'avez dit, au niveau des
achats de groupe. Ça, je pense qu'il y a beaucoup d'argent à
récupérer là. On va regarder peut-être au niveau de
la pratique médicale, dans le sens de l'Information. Vous disiez: Les
personnes âgées, effectivement, consomment beaucoup de
médicaments. Je pense qu'il y a davantage de l'information et de prendre
le temps de les écouter puis, finalement, de rassurer les personnes.
Parfois, ça vaut plusieurs pilules. Je pense que là-dessus on
peut sauver des sous.
Quand on regarde, par exemple... C'est sûr que ça
nécessite un investissement. Quand on regarde les femmes enceintes dans
les milieux défavorisés... On sait qu'il y a une incidence de
naissances de bébés de petit poids, de bébés
prématurés. Le prix que ça coûte, avoir un
bébé prématuré, aujourd'hui, versus le prix qu'il
faudrait investir, par exemple, pour lui assurer des vitamines, un peu de
nourriture, du lait en quantité suffisante durant sa grossesse, c'est
sûr que c'est des économies qui se font sentir, je dirais,
dès le départ de la grossesse et pour les années à
venir. Là, l'enfant part mieux dans la vie.
M. Côté (Charlesbourg): Merci.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci, Mme
Boulanger. Merci, M. le ministre. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Mesdames, bienvenue, au
nom de l'Opposition officielle, à cette commission parlementaire sur le
financement de la santé et des services sociaux. On va faire aussi un
petit 15 minutes. On va essayer de voir par quel bon bout on pourrait commencer
en vous disant que quand le ministre disait, tantôt: Bon, on va aller
jusqu'au bout dans le cheminement... Je voyais M. Régis, des
infirmières auxiliaires... Vous allez l'avoir, la question, vous autres
aussi, vers les préposés. On va aller jusqu'au...
Une voix: On s'était préparés.
M. Trudel: Vous vous êtes préparés.
Préparez-vous à aller jusqu'au bout. On peut commencer en disant
que c'est la faute des médecins partout. Après ça, on va
en récupérer un autre bout et la délégation
d'actes, on pourrait... C'est un reproche qu'on a eu de... Un reproche, une
observation qui s'est faite de la part d'un bon nombre d'intervenants, c'est
que nous n'utiliserions pas, dans le système, toutes les
capacités que recèle le système à tous les niveaux
et qu'en quelque sorte la motivation du personnel à tous les niveaux
n'est pas utilisée ou n'est pas suffisamment élevée parce
qu'on ne fait pas appel suffisamment aux compétences que l'on retrouve
à tous les niveaux du système. Dans ce sens-là, vous
autres, vous prenez l'engagement, aujourd'hui, de dire: Oui, on est prêts
à regarder ça. Les médecins ont répondu qu'ils
étaient prêts à regarder ça aussi. D'autres groupes
ont dit qu'ils étaient prêts à regarder ça.
Tantôt, il va falloir... Devinez quoi? Il va falloir regarder ça.
Bon.
Revenons à la question du débat sur la fiscalité.
J'aimerais avoir une précision dans le sens, surtout, où le
ministre a lui-même posé un certain nombre de balises depuis ce
matin. De son côté, sans engager le gouvernement, il dit oui
à ce débat, finalement, sur la fiscalité que l'on
réclame tous depuis un bon moment, en particulier au nom de la classe
moyenne, qui en a mais jusque-là et qui risque de tout faire
péter le système au niveau fiscal. Moi, je ferais pour l'instant
un parallèle en disant: Le ministre dit: J'aurais bien aimé
ça faire une politique de santé et de bien-être et
déterminer les objectifs, mais j'ai comme été
obligé de le faire à l'envers. Je fais la structure, je fais le
financement et je vais faire la politique en dernier. N'avez-vous pas de
crainte qu'actuellement on fasse la même chose au niveau de la
fiscalité en disant: Là, il faut aller chercher du fric, mais on
vous le promet, on va faire le débat sur la fiscalité par
après? Dans un deuxième temps, on dirait: Oui, il aurait
peut-être été bon qu'on fasse le débat sur la
fiscalité, mais, voyez-vous, on n'a pas eu le temps et on a dû
augmenter les impôts avant cela. Est-ce que vous avez peur de cette
façon de faire les choses?
Mme Boulanger: Bon, c'est malheureusement
une pratique courante, effectivement, de procéder souvent
à l'envers. On est un peu comme ie chien qui court après sa
queue, à savoir quand est-ce que, finalement, on va s'arrêter et
on va tourner dans le bon sens ou... Bon. Là, on a entamé un
processus, oui, qui, selon nous, était parti à l'envers. Tout
n'est peut-être pas perdu, là. Dans la mesure où on fera le
débat sur la fiscalité en se donnant des objectifs de
société, on réussira peut-être, là, à
repartir la machine sur le bon pied. Mais il faut se donner un projet de
société. Il faut savoir sur quoi on veut aligner nos demandes. Il
faut savoir sur quoi la population du Québec veut qu'on investisse, dans
quels programmes sociaux, dans quels...
M. Trudel: Est-ce que pour vous, dans ce débat sur la
fiscalité au Québec qui se profile maintenant et qui est une
nécessité sans l'ombre d'un doute, il va être
impératif que le gouvernement fédéral soit du
débat? Je voudrais qu'on se rappelle une réalité. Quand on
a comme une espèce de chicane de famille ici, au niveau de nos services
de santé, de nos services sociaux et qu'on se repose la question
à travers la fiscalité, il ne faut pas oublier que le
gouvernement fédéral nous «clenche» bon an, mal an
pour 25 000 000 000 $. Le document le décrit bien à cet
égard-là. Les priorités du gouvernement
fédéral ne sont pas les mêmes priorités que celles
que les Québécois et les Québécoises ont faites.
Alors, à cet égard-là, premièrement, est-ce qu'il
va être de rigueur que le gouvernement fédéral sort de la
partie dans ce débat sur la fiscalité, compte tenu qu'il nous
«clenche» pour 25 000 000 000 $ par année?
Mme Boulanger: C'est une question que je qualifierais de 64 000
$.
M. Trudel: Non. 25 000 000 000 $.
Mme Boulanger: Bon. Alors, voici. Actuellement, dans la structure
où nous sommes, nous faisons partie du Canada et, effectivement, nous
versons des impôts au Canada. Que le fédéral fasse partie
du débat sur la fiscalité, je pense, à tout le moins,
qu'il va falloir, s'il veut... en continuant de maintenir ses exigences, on
voudra, de toute façon, pour le Québec, quel que soit son avenir,
que ces exigences-là soient, se maintiennent. Je ne sais pas si,
finalement, le fédéral doit être du débat sur la
fiscalité. Mais II est clair, d'une part, que ça donne une
orientation, par exemple, aux Québécois et
Québécoises qui se disent: Bon, là, on regarde nos sous
à nous, on en verse tant au fédéral et il ne veut plus
nous les retourner parce que, évidemment, ses priorités sont tout
autres.
Nous, évidemment, à la Fédération des
infirmières, on a pris position pour la souveraineté du
Québec. En ce sens-là, il est clair que, dans l'avenir que se
donnera le Québec, les mêmes principes qui sont appliqués
par la loi c-3 au niveau canadien devront aussi être appliqués au
niveau de la province, mais ce sont les québécois qui vont se les
donner, ces principes-là aussi.
M. Trudel: A cet égard-là, je me permettrais
d'ajouter, pour ma part... Je veux répéter ici que, dans le
débat sur le financement de la santé et des services sociaux au
Québec, le sabotage qu'a fait le gouvernement fédéral
jusqu'à maintenant en ne payant pas la juste part de la facture oblige
Benoît Bouchard, le ministre fédéral de la Santé,
à répondre à une invitation de venir témoigner
devant cette commission parlementaire et de venir expliquer la logique de ses
choix et pourquoi le gouvernement fédéral nous a placés
dans une telle situation. Ce défi demeure sur la table, et le ministre
fédéral de la Santé doit répondre, s'il veut venir
s'expliquer devant les Québécois et les
Québécoises, pourquoi on fait ça à notre
régime de santé et des services sociaux.
Ma question à vous, c'est la suivante: Est-ce que vous pensez
qu'en termes de financement, en attendant qu'on fasse la fête au
fédéral... On peut, comme dirait l'autre, résister
à la tempête. En chiffres très précis, est-ce qu'on
pourrait se rationaliser dès l'an prochain? Pour 140 000 000 $, en ce
qui concerne le 1,2 % supérieur à l'indice des prix à la
consommation et à la croissance du PIB qui est affecté aux
dépenses actuellement, est-ce qu'on pourrait tout de suite, l'an
prochain, penser qu'on peut se rationaliser pour 140 000 000 $ pour en arriver
à conserver les acquis de l'universalité, de
l'accessibilité et du financement public de notre régime, en
attendant qu'on fasse la fête au fédéral ou encore qu'il
s'explique sur ses priorités et qu'il paye sa juste part? Est-ce que
vous pensez qu'on peut y arriver de façon réaliste?
Mme Boulanger: Honnêtement, je trouve là que c'est
une question difficile. Je ne suis pas comptable, je ne suis pas fiscaliste ni
économiste. Ce qu'on a suggéré dans nos recommandations,
c'est que... Je pense qu'au niveau, par exemple, des naissances
prématurées, des bébés de petit poids, il y avait
là des économies importantes à faire et je pense que
ça pourrait se faire rapidement. Une grossesse, c'est quand même
neuf mois, là. Ça veut dire moins d'un an, ça. Sur les
médicaments, les renseignements aux personnes âgées, je
pense que là aussi il y a des économies à faire.
Au niveau, par exemple, de la santé et de la
sécurité au travail, je pense que là aussi il y a des
économies à faire. Tout le monde, on fait notre grande part, en
tout cas, du côté des organisations syndicales, je pense que les
patrons aussi, pour s'asseoir et travailler de façon paritaire, si vous
voulez, pour mettre des mesures en place pour régler les
problèmes à la
source, éviter les risques à la source. Donc, on sauve
là-dessus. Quoi d'autre il me manquerait?
Une voix: C'est déjà...
Mme Boulanger: De toute façon, ça en fait
déjà pas mal. Tu sais, les achats de groupe aussi. Ça en
fait quand même pas mal. Je n'ai pas fait le total, là,
mais...
M. Trudel: Bien, on pourrait en faire un petit bout,
effectivement. Si on additionne plusieurs petits bouts qui ont
été faits ici, qui vont nous demander du courage, tout en
répétant - et je ne lâche pas le morceau - que ce
courage-là, je pense qu'on va l'avoir, mais on se l'impose parce qu'il y
en a un autre qui a choisi de faire des Spicer, Dobbie-Dobbie et toutes sortes
de commissions et gaspiller 27 000 000 $ juste à faire ça pour
une commission. Nous autres, on va être obligés de se rogner
ailleurs. Mais je pense que, comme Québécois et
Québécoises, on va y arriver. On a déjà un bon bout
de suggestions avec vos affirmations. Si on additionne tous ces
bouts-là, je pense qu'on va y arriver.
Dans ces éléments plus précis que vous avez
suggérés, ce qu'on appelle la révision du panier de
services - vous savez de quoi on parle, je veux dire - est-ce qu'on
désassure un certain nombre de services actuellement assurés par
notre régime? Sauf erreur - ça passe rapidement - vous dites:
Non, n'allons pas vers une révision du panier de services, c'est des
acquis trop importants de notre société, ne touchons pas à
ça. Est-ce que vous pensez cependant que présenté sous
l'angle suivant: Réviser le panier de services avec la définition
de: Examinons les actes qui sont médicalement requis pour le
mieux-être d'une personne...
Je vais prendre l'exemple du ministre parce que je l'ai trouvé
bon. Dans le panier de services, actuellement, on pale pour le collage et le
décollage des oreilles. Est-ce que vous pensez qu'on devrait
procéder à un examen très précieux, particulier,
avec les intervenants concernés pour réviser le panier de
services actuellement assurés au Québec avec la définition
que j'en ai donnée, il y a quelques secondes?
Mme Boulanger: Je ne pense pas qu'on soit rendu au stade de
réviser le panier de services. Hier, c'est quoi? Le Conseil
d'évaluation des technologies de la santé, je pense, pourrait
peut-être faire davantage élargir son mandat et faire une
évaluation, par exemple, de la nécessité de
différents examens, comme les types d'examens de routine. Je pense que
là-dessus il y a des économies à faire. Il y a plusieurs
examens qui sont faits et qui ne sont pas toujours absolument essentiels pour
permettre de poser un diagnostic.
M. Trudel: Sans aller trop loin, on dit la même chose
là-dessus, c'est-à-dire, si c'est désassurer des pans
entiers du régime, c'est non. S'il s'agit d'examiner l'efficience, la
pertinence d'un certain nombre d'actes ou le protocole diagnostic - on prendra
le mot qu'on voudra - vous dites: Oui, on pourrait, par exemple, avec notre
conseil de la technologie médicale, réviser au moins ce qui est
déjà dans la brique là-dessus. On pourrait regarder
ça. C'est ça que vous dites?
Mme Boulanger: Non, ce n'est pas ça que je dis. Là,
vous êtes en train de me faire dire qu'il y a des examens...
M. Trudel: Je ne veux pas.
Mme Boulanger: ...qui ne sont peut-être pas
nécessaires et, quand on les voudrait, II faudrait payer pour. Ce n'est
pas ça que je veux dire. Moi, ce que je veux dire, c'est qu'il y a des
examens qui ne sont peut-être pas nécessaires pour poser un
diagnostic à un moment précis, mais qui, à un moment
donné, pourraient s'avérer nécessaires. Mais quand on les
fait, par exemple, d'emblée à tous les patients qui se
présentent à l'urgence, ça, c'est des sous qui sont
dépensés pour rien.
M. Trudel: C'est plus la pertinence de certains actes...
Mme Boulanger: On va regarder là... M. Trudel:
...que la couverture?
Mme Boulanger: ...les économies à faire avant
d'aller couper dans le panier de services.
M. Trudel: Très bien. Dernière question...
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Très
bien. (15 h 15)
M. Trudel: ...trop... Enfin, ça se répond assez
rapidement. Ça revient souvent, cette question, donc, de la
rémunération des médecins. Vous autres, vous dites: Bon,
on devrait plus passer du côté du salaire que du côté
de l'acte. Vous autres, comment vous envisagez ça, la question de la
rémunération des médecins? Est-ce que vous avez conduit
des études spécialisées là-dessus? Vous êtes
allés un peu en profondeur avec ça ou... Comment vous voyez
ça?
Mme Boulanger: Oui. Effectivement, là, là-dessus,
je ne suis pas capable... On n'a pas fait d'études
spécialisées et on l'amène en questionnement. Ce qu'on
sait, par ailleurs, c'est que, par exemple, la rémunération
à l'acte des médecins ne favorise pas, par exemple, une option de
prévention. L'information, l'enseignement, finalement, ce n'est pas
nécessairement payant payant
pour un médecin. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit:
Peut-être qu'il y a lieu de questionner probablement pour certaines
choses, mais je n'ai pas de solution. La Fédération n'a pas de
solution là-dessus. On se questionne. On se demande: Est-ce que,
après 20 ans, il y a lieu de réviser ça?
M. Trudel: Très bien. En concluant, vous remercier de
cette présentation. C'est extrêmement intéressant. Vous
remercier à nouveau pour votre énorme contribution comme corps
professionnel dans notre système. Tout le monde reconnaît
l'essentiel de vos services dans le système. Vous avez également
souffert votre bout pour être capable de la maintenir, cette place dans
le système. C'est très Intéressant. Je conclurai en disant
que, sur cette dernière question, je pense que, là aussi, il va
falloir la vider, cette question-là, effectivement, et regarder
ça à sa face même, tout cet aspect de la pratique
médicale et de la rémunération médicale. Il va
falloir qu'on ait le portrait entre Québécois et
Québécoises, le portrait clair là-dessus de façon
à en faire plus, à faire davantage, au moins avec ce qu'on a
actuellement, en attendant de «clencher» et de régler nos
comptes avec l'autre. Merci beaucoup.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci,
monsieur. M. le ministre, en conclusion.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je veux remercier la FIIQ et souhaiter pouvoir continuer de
compter sur leur collaboration dans ces débats qui sont très
instructifs, très importants aussi, qui ne viennent peut-être pas
dans la séquence qu'on souhaiterait, mais qui viennent et ont à
tout le moins le mérite de venir, ces débats. Je me rappelle que,
quand on a fait la réforme, on a dit: II faut qu'il y ait une discussion
sur le financement du réseau. On l'a. On fait le financement du
réseau. Il faut qu'il y ait une discussion sur la politique de
santé et bien-être. On l'a. En disant cela, il dit: II faut qu'il
y ait une discussion sur la fiscalité au niveau du Québec. Et
là, quand on s'élargit, je vois mon «chum» d'en face
qui dit: II faudrait bien faire la fête du fédéral un de
ces bons jours. Il faudrait même l'inviter puis inviter Benoît
Bouchard ici. On va inviter la reine d'Angleterre tantôt pour être
capable de venir départager tout ça, qu'on en finisse. une chose
est certaine - et c'est peut-être l'élément qui, pour moi,
me paraît un petit plus négatif, où j'ai un peu plus de
difficulté à vivre avec - c'est évidemment cette fermeture
sur la révision du panier de services. moi, je trouve ça
inquiétant parce que, après 20 ans, il me semble bien qu'il
faudrait le questionner, notre panier de services. quand on le questionnera, on
va peut-être trouver des choses dans le panier qui n'ont plus de valeur
thérapeutique. c'est ça finalement l'objectif qui est
recherché pour dégager des marges de manoeuvre pour intervenir,
comme vous le souhaitez, dans la prévention. Moi, je dis que n'importe
quelle organisation qui, après 20 ans, n'a pas suffisamment de
maturité pour être capable de revoir son panier de services... On
a vu des empires américains qui n'ont pas fait ça et ils ont
croulé littéralement, et c'est peut-être la mort de notre
système. Je pense qu'il faut revoir le panier de services,
évidemment, avec des professionnels, en s'assurant que ce qui est
médicalement requis demeure dans le panier sur le plan du service
à donner aux citoyens.
Donc, c'est peut-être l'élément le plus important,
mais je pense que les discussions vont pouvoir continuer, et souhaiter profiter
de votre expérience pour être capable de cheminer à nouveau
et de souhaiter intervenir dans la prévention comme...
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci, M. le
ministre. Merci à la Fédération des infirmiers et des
infirmières du Québec. J'invite maintenant la Corporation
professionnelle des infirmières et infirmiers auxiliaires du
Québec.
Peut-être aussi informer les membres de la commission et nos
distingués invités qu'il y a eu un changement à l'horaire
de la séance de la commission des affaires sociales. L'Alliance des
communautés culturelles pour l'égalité dans la
santé et les services sociaux ne peut se présenter, de telle
sorte qu'à 17 heures nous entendrons le Montreal Board of Trade. Nous
suspendrons à 18 heures pour reprendre, à 19 h 30, avec la
Corporation professionnelle des médecins du Québec.
Alors, j'Invite immédiatement le porte-parole ou la porte-parole
de la Corporation professionnelle des infirmiers et infirmières
auxiliaires à se présenter et à présenter aussi
ceux et celles qui l'accompagnent.
M. Paradis (Régis): M. le Président...
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Vous
êtes M. Paradis?
M. Paradis (Régis): Oui, j'y arrivais.
Le Président (M. Paradis, Matapédia):
D'accord.
CPIIAQ
M. Paradis (Régis): Alors, M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les membres de la commission des affaires sociales, nous
vous remercions aujourd'hui de l'invitation que vous nous avez faite de venir
rencontrer les membres de la commission des affaires sociales.
Les membres aujourd'hui de notre délégation sont les
suivants: tout d'abord, M. Paul Thé-
riault, qui est le directeur général de notre corporation,
Mme Diane Levasseur, qui est la directrice des services aux membres de la
même organisation, et moi-même, Régis Paradis,
président de la Corporation des infirmières et infirmiers
auxiliaires du Québec.
La Corporation professionnelle des infirmières et infirmiers
auxiliaires du Québec profite de l'occasion qui lui est donnée
pour rappeler brièvement l'essentiel de son mémoire. Depuis
maintenant près de sept ans, le régime québécois de
la santé et des services sociaux est l'objet d'analyses et
d'études en vue de le réformer. La Corporation est intervenue
à chacune des étapes du processus, principalement pour faire
valoir la contribution de ses membres et le rôle accru qu'on devrait leur
confier pour améliorer la qualité des soins infirmiers, tout en
visant également une plus grande efficience.
Cette préoccupation de la Corporation demeure toujours
présente. Aujourd'hui cependant, c'est plutôt à titre de
témoin privilégié et surtout de représentant d'un
groupe important de Québécoises et de Québécois,
à la fois payeurs, dispensateurs de soins et, pour plusieurs,
consommateurs ou utilisateurs de services, que nous soumettons nos
réflexions à la commission.
Il est Important de situer, dès le départ, les grands
principes auxquels souscrit la Corporation et auxquels elle ne saurait accepter
de dérogation en ce qui touche le régime public de santé
et de services sociaux du Québec, c'est-à-dire
l'accessibilité et l'universalité des services de base ainsi que
leur gratuité, évidemment, apparente au moment où ils sont
requis et dispensés.
Avant d'accroître le budget visant le financement du
système de santé et des services sociaux, nous sommes convaincus
que le financement actuel est suffisant. Un budget de dépenses
d'au-delà de 12 142 000 000 $ en 1992 pour desservir une population de
10 500 000 citoyens qui, évidemment, ne sont pas tous malades, donc, qui
ne sont pas tous des utilisateurs de services, nous semble suffisant.
Nous sommes très surpris également aussi de la
façon dont la problématique nous est présentée
parce que, à en croire le document, l'essentiel du problème se
résume à la fois au rythme de croissance actuel et
prévisible des dépenses, ajouté également à
la réduction de la participation fédérale au financement
des services de santé. De ce point de vue, nous comprenons
évidemment le ministre de rechercher de nouveaux financements. Ce qui
est Inquiétant cependant dans la proposition gouvernementale, c'est
l'absence de perspective à long terme. C'est pourquoi nous demandons au
gouvernement ce qu'il adviendra dans cinq ans et au-delà de cette
période. Serons-nous plus près du régime de la meilleure
qualité au moindre coût ou serons-nous encore appelés
à fournir un effort additionnel pour trouver une solution
immédiate à une autre crise budgétaire?
À notre avis, le vrai problème, la vraie crise n'en est
pas une de régime, mais davantage de système, de système
de gestion entre autres. Les cadres et les professionnels ne sont
peut-être pas suffisamment informés et surtout ne sont pas
suffisamment imputables des coûts de leurs décisions. Nous sommes
convaincus que les valeurs sociales ont présentement profondément
changé et que cette gestion, conforme au modèle
développé à l'ère de l'État-providence des
années soixante, ne répond probablement plus aux besoins ni aux
valeurs d'aujourd'hui.
À la faveur de l'évolution de la situation
économique des quelques dernières années et d'un discours
politique, depuis la récession du début des années
quatre-vingt, à l'effet que les ressources financières et
budgétaires du gouvernement du Québec avaient atteint et
même excédé leur limite, on a vu émerger un nouveau
modèle de valeurs sociales fondé davantage sur la concertation
des principaux dirigeants de groupes de notre société, alors que
la confrontation était souventefois à l'avant-scène
auparavant. L'émergence d'un nouveau contrat social qui est issu de la
concertation entre les syndicats, les milieux d'affaires et le gouvernement en
est un exemple. Effectivement, les valeurs sociales ont changé.
Il faut donc poser un regard neuf sur la dynamique du système
afin de trouver des solutions Innovatrices. Il n'est pas Impossible de croire
que les intervenants du réseau invités à venir s'asseoir
avec les représentants gouvernementaux n'auraient pu trouver les
solutions originales pour relever le défi du financement. Par exemple,
l'évolution, durant la dernière décennie, de la formation
des professionnels de la santé reliée aux besoins changeants de
la population et à l'apparition de nouvelles technologies commande de
revoir les champs de pratique des professionnels, afin de viser une meilleure
allocation des ressources humaines et de réduire les coûts. Le
rapport coûts-bénéfices serait, de cette façon,
maximisé.
Une autre composante fondamentale et aussi essentielle au système
de santé que les effectifs médicaux et les technologies est
complètement absente des analyses gouvernementales. Ce sont les soins
infirmiers. Le document que l'on nous soumet ne traite presque à aucun
moment de cette dimension du système. D'ailleurs, nous pouvons faire le
parallèle avec le document «Une réforme axée sur le
citoyen» où on définit un centre hospitalier comme un
établissement où l'on offre des services diagnostiques et des
traitements médicaux spécialisés - c'est à la page
53. Cette définition ignore les soins infirmiers qui, pourtant, sont
largement reconnus dans les centres d'hébergement et de soins de longue
durée.
Pour la Corporation, cette omission confirme le peu
d'intérêt porté à une dimension pourtant
fondamentale du système de santé, fondamentale car les soins
infirmiers sont
l'essence même du séjour en établissement et que la
philosophie des soins infirmiers est justement d'accélérer le
processus d'autonomie de la personne malade et donc, évidemment, la
réduction du temps de séjour. Le personnel infirmier a, dans ce
sens, une importance capitale dans la diminution des coûts de la
santé et les infirmières auxiliaires, qui dispensent des soins de
chevet aux malades, savent à quel point leur contribution est
importante, voire même essentielle, dans le processus de guérison.
comment expliquer, maintenant, cette absence de considération pour les
soins infirmiers? sans doute parce que le gouvernement craint une augmentation
des coûts dès qu'il s'intéresse plus aux soins infirmiers.
jamais il n'a tenté d'évaluer les retombées des soins
infirmiers en termes d'autonomie retrouvée pour les malades et de
capacité de se prendre en charge. peut-être juste un exemple,
rapidement. suite à une intervention chirurgicale d'un patient qui a
subi, par exemple, une discoïdectomie, plus vite les soins infirmiers vont
le prendre en charge, plus vite ils vont le lever, le faire marcher, plus vite
il va retrouver l'appétit, il va retrouver plus de force. donc,
évidemment, son séjour à l'hôpital va être
écourté. donc, par le fait même, peut-être moins de
traitements d'inhalothérapie, de physiothérapie et autres choses;
donc, une diminution du séjour, donc, une diminution du coût
également à cet effet-là.
A notre avis, le fait de n'avoir pas reconnu les soins infirmiers comme
une dimension fondamentale du système de santé a
empêché des décideurs de connaître les
véritables retombées des soins infirmiers. Avant de penser
à de nouvelles formes de financement, nous croyons que le gouvernement
doit s'assurer de l'utilisation maximale de toutes les ressources en place
pouvant permettre à la population d'atteindre un meilleur état de
santé.
À cet égard, pouvons-nous espérer que les travaux
de la table de concertation en soins infirmiers mise sur pied depuis plus de
trois ans se concentrent concrètement sur la contribution des soins
infirmiers au système de santé. Nous avons, de notre
côté, la profonde conviction que les soins infirmiers sont une
solution aux coûts du système de santé. Pour assurer une
bonne continuité de soins, on doit d'abord les reconnaître comme
une dimension fondamentale du système de santé. En outre, il faut
des équipes stables où l'on reconnaît la contribution de
chacun, c'est-à-dire augmenter finalement les postes à temps
complet réguliers plutôt qu'au détriment, comme on le fait
actuellement, des postes a temps partiel, un milieu qui intégrerait
davantage également les jeunes diplômés. Il faut un milieu
aussi qui préserve et augmente la compétence de ses membres par
un programme de perfectionnement, de formation de main-d'oeuvre plus
adéquat.
Voilà, à notre avis, le gage d'un système efficace
et efficient. À cet effet, la formation des infirmières
auxiliaires s'est également adaptée aux nouveaux besoins du
milieu et contribue, par son programme de 1800 heures en soins infirmiers,
à habiliter les infirmières auxiliaires à dispenser des
soins de haute qualité. Nous somme prêts à relever, de
notre côté, le défi afin que les soins infirmiers soient
à l'avant-scène du système de santé. Cependant, le
succès de cette démarche ne dépend pas uniquement de nous.
(15 h 30)
Avant de conclure, j'aimerais que nous regardions ensemble les
recommandations que nous voulons soumettre, qui sont les suivantes: que les
principes d'accessibilité, d'universalité des services de base et
de gratuité apparente soient maintenus; nous demandons également
que les solutions au problème du financement soient trouvées dans
le cadre du budget actuel, évitant ainsi toute nouvelle forme de
taxation; que le cadre de gestion du système de santé soit revu
selon les principes de l'émergence d'une nouvelle force, soit celle de
la concertation; que les champs de pratique des professionnels de la
santé soient revus afin d'accroître la
complémentarité interprofessionnelle; enfin, que le
perfectionnement en cours d'emploi soit disponible pour les infirmières
auxiliaires, plutôt que, souven-tefois, d'opter pour le
phénomène de la substitution.
En conclusion, les hypothèses de solutions que la Corporation a
formulées tiennent plus adéquatement compte de la crise
réelle que nous devons tous ensemble contribuer à
résoudre. À partir de l'hypothèse du gel des
dépenses globales de santé et des services sociaux, nous serons
collectivement à même de dégager les ressources requises
pour répondre aux autres besoins urgents que sont l'élimination
de la pauvreté, la résorption du chômage, la
réinsertion des assistés sociaux aptes au travail, la formation
professionnelle de la main-d'oeuvre, et également l'élimination
du décrochage scolaire.
Nous sommes convaincus qu'une population au travail retrouve
évidemment beaucoup plus vite sa dignité et sa santé,
contribuant ainsi à la réduction des coûts de la
santé et des services sociaux. Ça fait le point, M. le
Président. Merci.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci, M.
Paradis. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je pense que je me dois de vous dire, à ce moment-ci,
que vous êtes l'un des groupes audacieux, dans le sens que vous
êtes logiques. On dit: Pas d'augmentation d'impôt, pas de taxe, pas
de tarification non plus; par conséquent, dans la mesure où c'est
ça, il faut, bien sûr, s'assurer que le niveau des dépenses
n'augmente pas et vous dites: Parfait - si j'ai bien compris - IPC sur le
budget actuel, point, sans
augmentation additionnelle. Et, par conséquent, je pense que
c'est une logique qui se défend, de votre point de vue. Si c'est
ça, qu'il y ait un gel à l'IPC de l'augmentation
budgétaire au lieu d'être à l'IPC plus 3 %, ça
signifie que vous n'avez pas besoin de recourir au champ de taxation, à
un impôt additionnel, et vous avez parfaitement raison.
Évidemment, ça signifie, sur 12 000 000 000 $, au lieu d'IPC plus
3 %, 360 000 000 $ d'écart, tout en prenant pour acquis qu'on est
à 4,2 % actuellement. Donc, c'est plus ou moins globalement 500 000 000
$ dont il est question à ce moment-ci. C'est quand même
considérable. Demain matin, ça aurait des effets assez importants
dans le système, merci. Est-ce que, selon votre point de vue...
M. Trudel: ...l'avenir politique du ministre, comme ils
disent.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que, à ce
moment-ci, on est dans une situation où vous pensez qu'on est capable de
demander ça au système et que le système pourra nous
libérer ça tout en maintenant une qualité de services que
nous considérons tous comme bonne, globalement?
M. Paradis (Régis): Nous croyons que oui.
Évidemment, ça va prendre beaucoup de courage politique, beaucoup
de volonté aussi. Mais, derrière tout ça, ça va
prendre encore davantage que le courage et la volonté, surtout des
gestes politiques, évidemment. Nous croyons que oui. Évidemment,
il va falloir faire un meilleur contrôle sur les abus du système.
Je pense, entre autres, par exemple, à l'utilisation des cartes
d'assurance-maladie, les cartes-soleil. On sait qu'il se passe toutes sortes de
choses avec ça - vous en avez parlé vous-même aussi - au
niveau des services payés aux Québécois qui se
promènent en Floride. Ça, je pense, ce sont toutes des choses
qu'on peut, évidemment, revoir. Et il y a une volonté aussi de
revoir, au niveau des médecins, les coûts engendrés par
beaucoup de consultations, beaucoup d'examens. Je pense que ça, c'est
des solutions qui devront être envisagées à force de
concertation avec les médecins, mais auxquelles il est possible sans
doute d'arriver. Et vous devez y arriver, je pense, en mars ou avril 1993,
à cet effet-là.
Mais, derrière tout ça, Je pense également qu'il
est très important d'accroître tout de suite, demain matin, la
polyvalence des travailleurs. Et ça, je pense que ça peut
être également des infirmières, des infirmières
auxiliaires, puis aussi tout le monde. Et on serait sans doute surpris,
justement, de tout l'argent qu'on pourrait dégager de là.
Je vais donner quelques exemples, finalement, quand je pense à
accroître la polyvalence, donc à accroître également
l'utilisation plus adéquate des ressources qui existent actuelle- ment.
Dans un centre hospitalier près de Montréal on intègre
l'informatique, et alors que dans le privé, de la première
à la dernière secrétaire, on leur demande de
maîtriser l'informatique, dans notre cas on remplace les
infirmières auxiliaires par d'autres personnes parce qu'on Introduit
l'informatique, alors qu'au lieu de complexifier ça vient simplifier la
pratique des soins. À un autre endroit, dans le Saguenay, à
Roberval, dans le centre hospitalier où il y a 213 infirmières
auxiliaires, on décide un bon matin qu'on prend le virage de la
technologie, on remplace toutes les infirmières auxiliaires - c'est la
volonté - et, en plus, on dit: C'est les orientations du
ministère et on n'aura aucun problème à convaincre le
ministre, à cet effet là, de payer les coûts additionnels.
Et à d'autres endroits, en médecine, en chirurgie, on
décide de remplacer... bon, et tout ça.
On pense que, justement, si on revoit cette façon de faire, pour
cela, évidemment, il va falloir modifier les mécanismes de
délégation d'actes que nous connaissons actuellement. Ça
fait partie également, depuis de nombreuses années, de nos
recommandations. Et je pense que, de cette manière-là, ce serait
sans doute très surprenant toutes les sommes que l'on pourrait
dégager et ça permettrait de faire en sorte de maintenir le
coût à l'IPC seulement.
M. Côté (Charlesbourg): Parmi les exemples, on va en
prendre un au hasard, celui que vous avez soulevé, Roberval. J'aimerais
ça qu'on aille plus loin dans la démonstration de ce qui peut
être fait par rapport à ce qui est fait sur le plan des
économies qu'on pourrait dégager, parce que c'est 213 - c'est ce
que vous avez dit, 213 - infirmiers et infirmières auxiliaires.
M. Paradis (Régis): Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que les 213
disparaissent demain matin, là? Ils vont avoir de la facilité
à convaincre le ministre?
M. Paradis (Régis): Bien, c'est ce que la direction
générale prétend, à tout le moins. Elle ne dit pas,
demain matin...
M. Côté (Charlesbourg): Elle doit le dire un peu
moins maintenant.
M. Paradis (Régis): ...et elle dort sans doute le dire un
peu moins, parce que lorsqu'elle le disait, évidemment, le débat
qui est entamé depuis la semaine dernière, M. le ministre,
n'était pas encore envoyé, n'était pas encore parti.
Ceci dit, regardez, et il y en a de nombreux, parce qu'on veut
atteindre, justement, un niveau de bacheliers aux alentours, dit-on, de 30 %,
et tous les autres seraient remplacés par d'autres professionnels de la
santé que vous
connaissez, sans évidemment les nommer. Regardez sur l'ensemble.
Et dans d'autres cas...
M. Côté (Charlesbourg): Ne sortons pas de Roberval,
là.
M. Paradis (Régis): O.K. Oui, je reste toujours à
Roberval, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Faites-moi la
démonstration à Roberval, là.
M. Paradis (Régis): Je fais la démonstration
à Roberval. C'est qu'à chaque fois qu'on remplace une
infirmière auxiliaire par quelqu'un d'autre, dépendant si c'est
une bachelière ou, par exemple, une infirmière, là, on va
chercher un coût additionnel hebdomadaire d'environ 175 $ pour chaque
personne. Et dans le cas - parce que ça existe aussi - où on va
favoriser le recyclage, on dit: Si tu te recycles, on va te garder, mais, si tu
ne te recycles pas, on va te remplacer. C'est un peu un recyclage par...
presque du chantage, finalement - là, il ne me vient pas d'autre mot
à l'esprit. Et à chaque fois, également, qu'on recycle une
infirmière auxiliaire, ce qui ne règle rien, finalement, en bout
de piste, au niveau de la qualité des soins, on parle à tout le
moins de tout près de 45 000 $ que ça coûte à
l'État pour recycler cette personne-là; et ensuite, bien, elle se
retrouve sur le marché du travail avec un salaire additionnel.
Donc, M. le ministre, je ne suis pas en mesure, si vous me demandez, au
bout d'une année, combien ça va économiser de centaines,
de dizaines de milliers de dollars, je ne peux pas vous le dire, au moment
où on se parle. Je pense que vous êtes mieux équipé
que nous autres pour faire l'analyse là-dessus, mais je peux vous dire
que, par exemple, si aujourd'hui on utilisait mieux l'ensemble des ressources,
dont nous, je suis convaincu que vous pourriez dégager des sommes
très importantes.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas par manque de
respect, je vous entends pareil...
M. Paradis (Régis): Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...mais je veux
vérifier avec mon président combien il me reste de temps, parce
que j'en ai encore une couple de...
M. Paradis (Régis): Oui, d'accord.
M. Côté (Charlesbourg): Bon, délaissons
Roberval. À tout le moins, notre Intérêt sera total pour le
cas particulier de Roberval.
Vous avez évoqué tantôt le peu de place qui est
réservé dans la loi 120 aux soins infirmiers en milieu
hospitalier, avez-vous dit tantôt en citant l'article... je ne sais plus.
C'était l'article 55, à l'époque; je ne sais plus à
quel numéro il est rendu maintenant. Ça m'étonne un petit
peu; je suis dans une bonne journée, parce qu'autrement je me serais
choqué.
M. Paradis (régis): ha, ha, ha! je suis content que vous
soyez dans une bonne journée, parce que quand vous êtes
choqué, m. le ministre, je vous al déjà vu, hein, et je
n'ai pas aimé ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Mais compte tenu de ce
qu'on a vécu de l'autre côté, et en transit de l'autre
côté à cette salle-ci l'été passé, au
mois de mai et au mois de juin, j'avais bien compris, moi, que quand on
faisait... et que vous étiez... Disons que ça n'a pas
été facile; on peut au moins dire que ça a pris des
forceps pour être capables d'y arriver. J'avais compris, moi, qu'on
faisait une place quand même assez extraordinaire aux soins infirmiers.
Est-ce que je me trompe ou pas? Situez-moi ça par rapport à ce
que vous avez dit tantôt, parce que je ne suivrai pas.
M. Paradis (Régis): Si vous me permettez, M. le ministre,
je vais vous le dire plus dans le sens que nous le voyons. O.K.? Ce qu'on
disait, finalement, au niveau des soins infirmiers, on les regardait davantage
en termes de considérations budgétaires et peut-être moins
en termes de voir, si les soins infirmiers sont plus efficaces, plus
efficients, qu'on va retrouver l'autonomie des bénéficiaires plus
rapidement. Donc, ça va écourter la durée de séjour
mais, également, ça va apprendre à la personne malade
à mieux vivre avec son handicap si on ne peut pas, justement, la
guérir totalement. C'était dans ce sens-là.
Je dois dire qu'effectivement, M. le ministre, on attendait beaucoup, il
y a trois ans, de la table de concertation, et je pense qu'on n'a pas encore
abordé vraiment le problème trois ans plus tard. C'est la raison
également pour laquelle on dit que concernant les soins infirmiers, oui,
il y a eu une volonté avec la table de concertation, mais ça n'a
jamais, finalement, vraiment décollé - donc jamais atterri - et
on n'est pas arrivé à démontrer qui fait quoi.
M. Côté (Charlesbourg): La table, c'est sûr
que c'est à pas de tortue, d'après ce que j'ai compris,
peut-être à cause de sa composition, peut-être le fait que
ce soit très large.
M. Paradis (Régis): Oui, 60 intervenants, ou presque.
M. Côté (Charlesbourg): alors, à partir de
ça, je pense qu'il faudra réajuster un certain nombre de choses
pour finir par aboutir. si on abordait les actes? je vois mme boulanger qui
est demeurée présente. J'imagine qu'il y a un certain
intérêt pour la continuité de la discussion de tantôt
sur l'action en amont et en aval, sur le plan de la délégation
des actes. Mon ami Trudel l'avait évoqué, tantôt, que la
question viendrait; évidemment, c'est celle-là: Est-ce
qu'à partir du moment où il y a une révision des actes
pour en monter, est-ce qu'il y a possibilité que le bas monte aussi?
Vous avez des revendications vis-à-vis des infirmières, vous
savez que les préposés en ont vis-à-vis de vous autres.
Ça se situe comment, ça, dans tout ce système-là?
Ça va être quoi, le gain, tantôt, au-delà du gain
pour les travailleurs - ce que je considère normal, parce que vous
êtes là pour ça - le gain du système, ce serait
quoi? Et, à partir du moment où il y a de l'ouverture vers le
haut, est-ce que vous faites de l'ouverture vers le bas?
M. Paradis (Régis): Évidemment, c'est des
coûts beaucoup moindres. Mme Boulanger vous l'a dit tout à
l'heure, je ne le répéterai pas nécessairement, mais c'est
évident que certains actes médicaux faits par des
infirmières - et d'ailleurs, c'est une demande aussi au niveau du
Nouveau-Brunswick - vont toujours coûter moins cher, et plus d'actes
infirmiers posés par des infirmières auxiliaires vont
également coûter moins cher.
Aussi, M. le ministre, au-delà des coûts... Et nous, soit
dit en passant, je pense que ça mérite d'être
précisé, jamais nous n'avons voulu, quand on se tournait vers
nous pour nous enlever des actes infirmiers, minimiser notre champ de pratique,
jamais on ne s'est tourné vers les préposés,
jusqu'à date, pour tâcher qu'ils en aient moins. Parce
qu'effectivement les préposés sont pour les soins de base, point.
Nous, finalement, on est des professionnels de la santé, on appartient
à l'Office des professions, et c'est différent à ce
sujet-là.
Mais derrière tout ça aussi - et tout à l'heure,
vous l'avez manifesté - est-ce que, finalement, on ne se retournera pas
et on ne voudra pas plus d'argent pour faire ce qu'on fait? En tout cas, je ne
suis pas convaincu et je crois que non. Essentiellement, je pense qu'il faut le
voir en termes de motivation et, surtout, de valorisation pour les individus;
et, dans mon cas, je parle davantage pour les infirmières auxiliaires.
(15 h 45)
Savez-vous, M. le ministre, qu'on a fait deux années de cours,
1800 heures? On a été, dans le passé, vous savez,
autorisés à poser jusqu'à 102 actes infirmiers. On en
arrive à peu près - je ne dirais pas du jour au lendemain, mais
avec, finalement, un processus de déqualification lent mais très
efficace - à poser trois, quatre ou cinq actes infirmiers. Comment
pensez-vous que ces personnes-là se sentent dans leur peau? Elles ne
sont pas bien, c'est évident. Et ça, on le dit et on le
répète, et vous le savez.
Je pense qu'il faut le voir en termes, également - en outre de
diminuer les coûts - de valorisation et de motivation. Si tout le monde
se sent mieux dans sa peau, je pense que tout le monde va être plus
heureux et tout le monde va en profiter au niveau de la population.
Le Président (M. Paradis, Matapédla): Merci,
monsieur. M. le député de Rouyn-Noranda-Témlscamingue.
M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue
à la Corporation professionnelle des infirmières et infirmiers
auxiliaires. Oui, effectivement, votre court mémoire est empreint d'une
logique implacable. Le ministre est même généreux en disant
que vous suggérez le gel des dépenses à plus IPC; vous
dites même: pas d'IPC. Je comprends que vous passez là un message
qu'il y a de la rationalisation et encore de l'efficience à aller
chercher dans le système.
Sur la délégation des actes, vous venez d'en ajouter un
bout, mais je voudrais être un petit peu plus précis
là-dessus, monsieur et mesdames. Dans la mesure où on
s'attaquerait à l'ensemble du phénomène, à tous les
niveaux il y a des actes qui pourraient être réalisés
à meilleur coût, avec à peu près le même
degré d'efficience, par une autre catégorie de personnel. Donc,
des catégories de professionnels - il faut appeler un chat par son nom -
perdraient un certain nombre d'actes qui leur sont actuellement
réservés. Cela voudrait dire que ça descendrait jusqu'en
bas et qu'il y a des préposés à qui on demanderait de
réaliser des actes qui sont actuellement, entre guillemets,
réservés aux auxiliaires. C'est bien ça que vous voulez
dire quand vous dites: «On a de l'ouverture à»? C'est
important de donner la précision parce qu'on a demandé la
question aux médecins, on a demandé la question à l'Ordre
des infirmiers et infirmières et à la FIIQ, tantôt. On vous
demande la question et on a aussi demandé la question au syndicat ce
matin. C'est bien ça, comme message, que vous nous donnez? Que, dans la
mesure où ça se fait par le haut, vous êtes prêts
dans l'ensemble, quant à votre participation, à vous rendre
jusqu'aux préposés?
M. Paradis (Régis): Ma collègue, Mme Levasseur, va
vous répondre.
Mme Levasseur (Diane): Je pourrais peut-être vous
répondre là-dessus. Étant donné qu'on n'est pas une
corporation à titre exclusif, on ne pourrait pas déléguer,
nous, d'actes aux préposés. Il faudrait demander cette
question-là davantage aux infirmières - qui sont une corporation
à exercice exclusif - qui, elles, pourraient décider de
déléguer ou non à d'autres professionnels ou à
d'autres personnes dans le réseau de la santé. Quant à
nous, on n'aurait pas, à ce chapitre-là, notre mot à dire.
Nous, on pense que ce qui est évident, c'est qu'il va falloir que les
gens s'assoient puis travaillent ensemble. De tout
temps, en tout cas, on a travaillé avec les
préposés, on a travaillé avec les infirmières et,
de par mon expérience, toutes les fois qu'il y avait un travail
d'équipe, je pense que les patients étaient gagnants. À
cet effet-là, on n'a absolument aucun problème à discuter
comment on pourrait faire en sorte que la tâche de tous et chacun soit
bonifiée et, finalement, que le patient puisse en retirer plus
d'avantages. À ce titre-là, il n'y a pas de problèmes pour
nous, pas de problèmes pour que les préposés aient de la
formation en cours d'emploi - absolument pas -pas de problèmes qu'on en
ait et que les infirmières aient de la formation supplémentaire
en cours d'emploi.
M. Trudel: Très bien. Parce que, quant à moi, bien
sûr, ça ne se pose pas toujours en termes de
délégation d'actes à chacun des niveaux concernés
parce que ce n'est pas le même type d'encadrement professionnel pour
chacune des personnes qui intervient dans le système. Sauf que, en
général, au niveau du système, est-ce qu'on peut
réexaminer qui réalise tel acte? Et peut-on envisager, dans ce
réexamen-là, de dire en conclusion qu'if pourrait y avoir des
actes qui sont réalisés par tel type de personnes et de
professionnels actuellement qui seraient réalisés par d'autres,
par tout le système? Vous dites: Nous sommes prêts à
regarder ça, à nous asseoir et à regarder ça avec
les autres Intervenants. Avec vos intentions et les volontés de
développement de votre profession également, bien sûr.
Je remonte ça vers le haut. Vous avez dit tantôt, M. le
président, que dans les éléments d'efficience du
système II y a toute la question de l'imputabilité des
gestionnaires. Vous avez parlé de ça, au départ. Je ne
sais pas si je vous ai bien suivi. Vous avez dit: On n'a pas l'impression que
nos gestionnaires sont vraiment imputables de leurs gestes, répondent de
leur gestion. Et ça me laissait poindre, comme question, cette
observation-là, qu'il y aurait des questions à poser sur
l'efficacité de la gestion, en particulier sur l'utilisation des
ressources humaines dans notre réseau, notre vaste système. C'est
250 000 salariés. C'est comme un peu de monde; c'est 80 % des
dépenses du système de 12 000 000 000 $. Voulez-vous commenter un
peu plus là-dessus? Qu'est-ce que vous vouliez lever comme lapin,
là, quand vous parliez de l'imputabilité des gestionnaires? Il y
avait quelque chose quelque part, là. Levez-nous ça, ce
lapin-là, pour qu'on en parle un peu.
M. Paradis (Régis): Je pense que je ne sortirai pas, comme
un magicien, bien bien des lapins de mon chapeau. Ce que je voulais
peut-être dire essentiellement, M. Trudel, c'est que parfois,
effectivement, des gestionnaires prennent des décisions sans être
tout à fait informés des coûts. J'en parlais tout à
l'heure. Quand on décide, justement, de substituer des gens à
d'autres, lorsqu'on dit: Vous autres, vous ne touchez plus... Justement, on
parlait de l'informatique; ce sont des décisions qui, en bout de piste,
entraînent des coûts considérables et on ne connaît
pas toujours ces coûts-là. Quand je dis «Imputable»,
vous savez, ça remonte à quand qu'une personne, à la fin
d'un exercice financier, même si elle a créé un
déficit... Ce n'est pas arrivé souvent, finalement, que le
siège éjectable s'est actionné. Hein? On lui demande de
résorber le déficit et puis on dit: Bien, continue; on se lave
les mains et on recommence. C'est dans ce sens-là, finalement, que je
disais: J'ai parlé d'imputabilité, mais on devrait
peut-être parler encore davantage de responsabiliser les décideurs
dans ce sens-là. C'est ça, essentiellement, que je voulais vous
dire.
Également aussi, lorsqu'on parle - si vous me permettez, M. le
député - à ce niveau-là de l'imputabilité
responsabilisée, lorsqu'on décide... Je vais souvent en
tournée provinciale. Je le vois, le phénomène de
surprofessionnalisation et de surspécialisation. Présentement, je
ne sais pas combien II y a d'hôpitaux universitaires à travers le
Québec. 24, 25 peut-être; 30, à tout le moins. Je n'ai pas
le chiffre exact. Désolé. Pardon?
M. Côté (Charlesbourg): 41.
M. Paradis (Régis): 41. Bien, évidemment, à
chaque fois qu'un centre hospitalier devient universitaire, ça
coûte effectivement beaucoup plus cher qu'un centre
général. Et lorsqu'on regarde, finalement, avec les centres
hospitaliers... Je discute avec eux autres. Un peu tout le monde veut prendre
cette vocatlon-là et plusieurs - et ça, vérifiez-le -
veulent devenir centres universitaires, ce qui entraîne évidemment
des coûts considérables. On devient universitaire, on demande de
nouveaux équipements, H y a de nouveaux spécialistes qui
rentrent, il y a de nouveaux examens, et ça suit, ça suit, ce qui
entraîne également... Parce que la surspécialisation
entraîne également la surprofessionnalisation. Donc, quand je
parlais de décisions au niveau des coûts, que je disais que les
gestionnaires ne sont peut-être pas toujours suffisamment
responsabilisés, je faisais allusion à ça. On peut se
poser la question: Est-ce qu'on a besoin, justement, de tant de centres
hospitaliers universitaires? Je n'ai pas nécessairement la
réponse, mais on peut poser la question, évidemment.
M. Côté (Charlesbourg): La réponse est
non.
M. Paradis (Régis): Et je la partage.
M. Trudel: Ne tentez pas le diable, là, vous.
M. Côté (Charlesbourg): Le diable est en moi, le
diable c'est moi?
M. Trudel: Effectivement, c'est sûr, surtout qu'il y a
comme une logique quelque part. C'est qu'au premier moment de la consultation,
avant la présentation de la loi 120, II y a des établissements
qui sont venus nous dire que, quand on était un établissement
universitaire, c'était difficile à supporter parce que ça
appauvrissait. Alors, on se demande pourquoi il y a tant de monde qui court
après la pauvreté comme ça. Il y a certainement un certain
nombre de questions à poser là-dessus.
Je vais tenter d'aller un petit peu plus loin encore, parce que c'est
vous qui avez employé le terme «imputabilité», et je
comprends le sens que vous voulez lui donner. Comme illustration, vous dites:
Écoutez, la dernière fois qu'il y en a eu un qui a fait un
déficit dans le réseau, le siège éjectable n'a pas
marché vite vite. On ne se souvient plus s'il y a un piton ou s'il n'y a
pas de piton sur le siège. Comment pensez-vous que ça devrait se
faire, ça, l'exercice de l'imputabi-lité, dans le système
de santé et de services sociaux? On peut dire ça, comme image,
que le siège éjectable a perdu sa qualité d'être
éjectable. Sauf que, en réalité, dans le quotidien et dans
la gestion, la responsabilité de budgets publics, comment verriez-vous
ça, de façon à ce qu'on corrige? Il y a peut-être de
l'argent, là, effectivement, au minimum.
M. Paradis (Régis): Mon collègue, M.
Thériault, va vous répondre, M. le député.
M. Thériault (Paul J. ): M. Trudel, la Corporation se pose
des questions sur ce sujet-là parce qu'on a l'impression que certaines
décisions sont prises sans nécessairement que la personne qui
prend les décisions... Bien souvent, ce sont les cadres, les
professionnels qui prennent les décisions dans un établissement,
sans nécessairement être conscients des coûts reliés
à ces décisions-là. Ça peut être le
professionnel qui dit: On a besoih dé tant d'analyses pour le patient ou
un cadre qui décide: J'ai besoin de tant de spécialistes dans mon
département. Ça peut être des adjoints. Alors, nous, on se
dit, par rapport à cette question-là: Est-ce que les cadres ont
l'information, premièrement? Est-ce que leur marge de manoeuvre de
décision est reliée à un budget, en termes de
mécanismes de contrôle? Est-ce qu'ils ont à répondre
des décisions qu'ils prennent s'ils ont des écarts aux budgets
à l'intérieur desquels ils doivent opérer au niveau de
leur service?
La question nous est venue dans le contexte où l'étude qui
a été faite par le ministère, reliée au
financement, disait: On a des opérations au niveau de la santé et
des services sociaux et, pour continuer nos opérations, ça nous
prend tant d'argent de plus. Nous, on s'est dit: II faut se poser des questions
sur les opérations en elles-mêmes, comment ça fonctionne.
Reliée à ça, on veut se poser la question aussi par
rapport au taux d'encadrement dans le réseau. Qu'on regarde le nombre
d'adjoints qu'il y a, par exemple, dans les services. Reliée à
ça, qu'on regarde l'ancienneté du personnel dans les
établissements du réseau; on croirait qu'avec le temps les gens
apprennent à développer une plus grande autonomie et demandent
moins de supervision. Est-ce que ça se reflète dans le taux
d'encadrement? Alors, c'est ce genre de questions, par rapport aux
mécanismes de gestion, qu'on se pose au niveau de l'imputabilité
et des mécanismes de contrôle.
M. Trudel: Très bien, merci. Une dernière question.
Pas de ticket, pas de tarif, pas d'impôt-services. Puis, encore une fois,
vous êtes dans une logique, vous dites: Pas d'augmentation des
ressources. Alors, on ne peut pas vous blâmer là-dessus. Vous ne
parlez pas de l'impôt-santé. Et ce n'est pas une mesure de
financement, l'impôt-santé. M. Larose a appelé ça ce
matin un gadget pour faire paraître sur la feuille de paie combien
coûtent les services de santé. Est-ce que vous l'avez
examinée, cette question de l'utilisation d'un impôt-santé
distinct de l'impôt général sur la feuille de paie T4,
comme mesure de transparence?
M. Paradis (Régis): Oui, M. Thériault.
M. Thériault: M. Trudel, par rapport à ça,
dans le fond, la question qui est a se poser, c'est par rapport au consommateur
parce qu'on parle d'impôt-services. Le consommateur serait conscient du
coût relié aux services qu'on lui donne. S'il était
conscient du coût, on présume qu'il ferait peut-être
attention. On a regardé ce phénomène-là d'une autre
façon. On s'est dit: Étant donné qu'on a des statistiques
sur la santé des Québécois et des
Québécoises, on est en mesure d'identifier des endroits où
ça coûte plus cher. Quelles mesures a-t-on prises collectivement
pour allumer des signaux d'alarme? Par exemple, nos habitudes alimentaires; on
sait qu'il y a des incidences à ta façon dont on mange, selon des
études du gouvernement qui datent de deux, trois ans; c'est quand
même très récent. Prenons le tabagisme, prenons
l'alcoolisme, les toxicomanies, des choses comme ça. Quel genre de
mesures a-t-on prises pour inciter les gens à changer et à
modifier leurs habitudes? Alors, plutôt que de dire: C'est juste la
question d'impôt-services, question d'argent... Cette question-là,
on ne l'a pas regardée de façon spécifique mais on dit que
ce qui est le plus important, c'est qu'on change nos habitudes pour avoir une
meilleure santé. C'est là, peut-être, la question. C'est
sous ce revers-là qu'on a regardé la question.
M. Paradis (Régis): Me permettez-vous juste un
complément? À ce nlveau-là, aussi, la question que l'on se
pose, pour de la transparence,
l'impôt-santé, est-ce qu'il va être totalement
diminué de l'impôt que l'on paie actuellement? C'est une autre
grande question qu'on est en droit de se poser.
M. Côté (Charlesbourg): Je peux vous
répondre.
M. Paradis (Régis): Peut-être que oui. La
démonstration n'a pas été faite.
M. Côté (Charlesbourg): Je peux vous répondre
à ça tout de suite. C'est non. C'est bien sûr que c'est
additif...
M. Paradis (Régis): Ah! C'est non.
M. Côté (Charlesbourg):... parce que, s'il y a un
problème actuel et que tu cherches à avoir des impôts
additionnels, c'est pour avoir plus de revenus, pas pour en avoir moins,
hein.
M. Paradis (Régis): O. K.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Et en
conclusion, M. le député. (16 heures)
M. Trudel: Oui, merci beaucoup de votre présentation.
J'aimerais réviser tout le curriculum de votre formation. Pour moi, vous
avez un cours de logique quelque part dans votre formation, vous autres,
là. Et vous avez également un cours qui doit s'appeler G6S, gros
bon sens. Par exemple, cette dernière observation sur les impôts,
est-ce que ça ne pourrait pas être la patente pour les faire
monter quand on va rendre ça distinct? Sérieusement, merci de
votre présentation. Je pense que vous adoptez, comme la majorité
des groupes qu'on a entendus ici, une attitude absolument responsable non
seulement vis-à-vis votre profession mais vis-à-vis le
système. On comprend bien que vous l'avez à coeur et que vous
souhaitez en faire plus dans le système avec ce que nous avons
actuellement. Et, sans l'ombre d'un doute, entre Québécois et
Québécoises, on va avoir à vous demander ça. On va
avoir à faire des efforts et à sauver un des biens les plus
précieux qu'on a au plan collectif au Québec, notre régime
de santé et services sociaux. Merci beaucoup.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): très
bien. merci. m. le ministre, pour conclure.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, merci, M. le
Président. Je veux remercier la Corporation parce que, avec votre
proposition de base, normalement, vous n'auriez pas à vous
inquiéter des impôts. Il faut que ce soit clair. Non, non mais, en
termes clairs, à IPC, c'est 500 000 000 $ de moins par année que
ce qu'on a actuellement. C'est ça, là. Il n'y aurait pas de
croissance de la dépense. Et à IPC, ne vous inquiétez pas,
à IPC par rapport à aujourd'hui, c'est 4, 2 %; et 4, 2 %, c'est
500 000 000 $. Donc, on est dans une situation où, si on était
capable de vivre avec ça ou si nos établissements étaient
capables de vivre avec ça, c'est bien sûr qu'il n'y aurait pas
d'impôt additionnel demain matin. Le problème serait
réglé. C'est logique partout. Il faudrait que le gouvernement le
soft aussi.
Évidemment, de là à le dire et à le livrer,
vous aurez compris qu'il y a un peu de travail à faire. D'après
ce que j'ai entendu, il y a des pistes. Vous en avez évoqué
d'autres vous autres aussi. Sur le plan de l'efficience et de
l'efficacité, à tout le moins, ç'a le mérite
d'être là et c'est logique. Et dans ce sens-là, si jamais
en cours de route vous aviez quelques tuyaux additionnels à me passer,
moi, je serais un vendeur au gouvernement de ça si j'étais
capable de lui garantir le produit final, au bout de la ligne. Sur le pian du
résultat financier, Je pense qu'on ferait bien du chemin, bien bien du
chemin.
Alors, merci, et ç'a le mérite, comme le disait M. Trudel
tantôt, d'être logique tout le long et de s'adresser à la
problématique de fond elle-même, sur le plan des coûts.
Merci.
M. Paradis (Régis): Merci beaucoup.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Donc, au nom
des membres de la commission, merci à la Corporation professionnelle des
infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec. J'invite
à prendre place la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux
du Québec.
Alors, j'invite le ou la porte-parole de la Corporation professionnelle
des travailleurs sociaux du Québec à se présenter et
à présenter les gens qui l'accompagnent.
Corporation professionnelle des travailleurs sociaux
du Québec
Mme Dauphinais (Renée): Oui, merci, M. le
Président. M. le Président, M. le ministre, M. le
député de l'Opposition, je vous présente mes
collègues: René Pagé, qui est D. G. à la
Corporation des travailleurs sociaux; Pierre Pinard, qui est notre
président du comité des enjeux et qui est D. S. P au CSS du
Centre du Québec, et moi-même, présidente de la
Corporation, Renée Dauphinais.
La Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec
est heureuse de Joindre sa voix aux autres groupes de Québécois
qui devront choisir entre une révision fondamentale du panier des
services sociaux et de santé, la désassurance totale ou partielle
de certains services, une augmentation importante du fardeau fiscal et
l'introduction d'une tarification liée à la consommation. Nous
avons choisi, dans notre mémoire, de nous adresser uniquement aux
problèmes des services sociaux.
D'entrée de jeu, la Corporation constate que le document du
ministère traite globalement du social et de la santé sans faire
de distinction en termes de besoins, de services et de dépenses entre
l'un et l'autre. Or, le diagnostic que porte le ministère sur
l'évolution des dépenses s'adresse d'abord et avant tout aux
services de santé. Aussi, les comparaisons qui suivent portent-elles sur
les services de santé qui représentent la majeure partie des
dépenses du ministère. Il apparaît nécessaire que le
ministère entreprenne une étude équivalente pour analyser
l'évolution des besoins et des dépenses pour les services
sociaux. La lumière doit être faite sur les proportions du budget
qui sont consacrées aux problèmes sociaux en regard de ce qui est
dévolu aux problèmes de santé, tant du côté
des consommateurs de services que de celui des producteurs de services.
Les points de vue convergents avec le document du ministère. La
Corporation appuie l'objectif fondamental recherché par le
ministère: améliorer les conditions de santé et les
conditions sociales des citoyens tout en maintenant un niveau de services
comparable et en contrôlant, sans augmentation, les dépenses
publiques. Elle appuie également les moyens proposés pour la
régulation des dépenses et du financement: la création
d'un fonds général des services sociaux et de santé et la
diversification des sources de financement. La mise en place d'un tel fonds
favoriserait une plus grande transparence pour la gestion des fonds publics et
une sensibilisation accrue des citoyens aux coûts de notre système
sociosanitaire.
La Corporation réaffirme les principes qui sont à la base
de notre système: universalité, accessibilité et
gratuité d'une gamme définie de services. Pour maintenir cette
ligne directrice, la Corporation souscrit à la notion d'assurance
collective et de responsabilisation collective face aux risques hors du
contrôle des individus pour leur santé et leurs conditions de
vie.
Enfin, la Corporation ne peut qu'être d'accord avec la recherche
d'un équilibre régional dans le partage des services de
santé et des services sociaux ainsi qu'avec la perspective de
réallocation des ressources vers la prévention des
problèmes sociaux en particulier. les points de vue divergents. la
corporation rejette la compétitivité comme seul critère
pour évaluer la valeur du système sociosanitaire, tel
qu'énoncé dans le document de consultation. il est aussi
nécessaire de considérer le niveau et la qualité des
services au regard des coûts assumés par l'ensemble des citoyens.
la corporation est en désaccord avec la comptabilisation globale des
services sociaux et de santé, l'une étant noyée dans
l'autre.
La logique d'évaluation des besoins et de la dispensation des
services dans le champ social étant différente de celle du champ
de la santé, la Corporation s'oppose à la distinction entre
services de base et services complémentaires pour ce qui est des
services sociaux. D'ailleurs, le MSSS reconnaît que cette distinction
n'est pas à point pour le plan social. Notre Corporation
préférerait la notion de panier de services au niveau des
services sociaux que la notion de services de base et services
complémentaires.
Enfin, la Corporation s'oppose à ce que les consommateurs de
services soient autant ou davantage mis à contribution dans le
réaménagement proposé que les producteurs de ces services.
C'est précisément là où le bât blesse, selon
le diagnostic du ministère.
Alors, les recommandations de la Corporation au ministère sont
les suivantes: Afin de pousser plus loin la transparence recherchée par
le ministère, que deux systèmes séparés de
comptabilité soient mis en place pour les services sociaux et les
services de santé. Les médecins demandent la même chose que
nous, pour les mêmes raisons, mais probablement pour des convictions
opposées.
Dans la perspective où la société
québécoise ferait le choix de s'assurer collectivement, que
soient réduits les coûts associés à la technologie
de pointe pour répondre aux besoins de santé d'une
minorité de citoyens et que soient réinvesties ces sommes dans la
prévention de problèmes sociaux pour un plus grand nombre de
citoyens. Tel que préconisé par le rapport Bouchard, que soit mis
en place un budget protégé pour la prévention,
prévention primaire, c'est-à-dire qui agit sur les
déterminants du bien-être et de la santé.
Afin de préserver les principes d'universalité et
d'accessibilité à des services de qualité
équivalents pour tous, que soit assuré collectivement un panier
de services sociaux définis, révisables et sans contribution
financière, même symbolique. Que les services sociaux de ce panier
soient définis dans le cadre de la politique de santé et de
bien-être que le gouvernement proposera aux citoyens, et
révisés par la suite par l'Instance politique, sur recommandation
du Conseil de la santé et du bien-être. la société
québécoise est à l'heure des choix pour le financement de
son système sociosanitaire. les besoins prioritaires devront être
identifiés par l'ensemble de la société, selon une
nouvelle hiérarchie de valeurs adaptée aux réalités
contemporaines.
Il y a une chose que j'aimerais ajouter, en terminant. Les services
sociaux, à notre point de vue, ne coûtent pas cher. Ils
s'adressent toujours seulement aux gros bobos, tandis que les services de
santé s'adressent aux petits et aux gros bobos. Les services sociaux
sont des services faciles à couper, très bien
contrôlés par le ministère. Et, avant de penser couper au
niveau des services sociaux, je pense que ça serait important d'y
réfléchir à deux fois.
Maintenant, une des inquiétudes qu'on a. Comme, dans votre
document, M. le ministre, il
n'y a pas beaucoup d'études d'impact sur les services sociaux par
rapport aux services de santé, on serait très inquiets que vous
fassiez des coupures dans les transferts des services sociaux et, dans
l'application de votre politique de bien-être, que vous fassiez des
coupures avant d'avoir fait des études qui évalueraient les
Impacts de ces coupures-là, autant au niveau des services sociaux
qu'à celui des services de santé. Il ne faut pas se le cacher,
les services sociaux, les besoins psychosociaux mal traités
génèrent aussi des services de santé et des services
médicaux. Merci beaucoup.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Alors, merci,
Mme Dauphlnais. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Madame, messieurs, je n'ai pas beaucoup de difficultés
avec le premier énoncé disant que le document n'est pas
très bien étayé quant aux dépenses dites sociales
et à la distinction qu'on pourrait faire ou à l'analyse qu'on a
faite dans le domaine de la santé par rapport au social. Je suis
très très à l'aise avec cette affirmation-là. Je
pense qu'on a tenté de le faire, nous aussi, à l'intérieur
du document, en disant qu'il n'y a pas eu suffisamment de préoccupations
à ce niveau-là au fil des dernières années pour
être capable d'avoir des chiffres et des études qui se tiennent et
pour tenter de faire des démonstrations. Ce qu'on dit, c'est qu'à
partir du moment où ça n'existe pas il faut bien s'assurer qu'on
puisse, effectivement, faire du travail dans l'avenir à ce
niveau-là. Je pense que ça, ça m'apparaît, au niveau
du document, assez clair. D'ailleurs, ça a été une des
constatations qu'on a faites en travaillant sur le document. Donc, ceci
étant dit, le meilleur est à venir.
Ce que J'ai compris sur le plan de ces études-là, c'est
qu'il va falloir les faire et ce sera aussi une responsabilité du
ministère. Ceci étant dit, de manière globale, le document
- Je ne suis pas prétentieux - tente de faire une démonstration
qui nous apparaît assez claire mais qui, pour nos intervenants, ne l'est
pas toujours, sur le plan de la problématique financière globale
du gouvernement. Et là-dessus, moi, ça me paraît important
que chacun de nos Intervenants puisse nous dire ce qu'il en pense puisqu'on a
davantage parlé, quant à nous, du problème structurel des
finances publiques dans lequel le ministère de la Santé et des
Services sociaux est impliqué par rapport à un problème
qui est supposément conjoncturel, selon d'autres. J'aimerais
peut-être savoir si vous avez eu l'opportunité d'examiner cela et
quel est votre positionnement là-dessus.
Mme Dauphinais: Je vais demander à M. Pinard de
répondre, M. le ministre.
M. Pinard (Pierre): Je pense que je peux affirmer, au nom des
travailleurs sociaux, que l'analyse que vous faites dans votre document de
présentation nous paraît juste; ça nous apparaît
davantage un problème structurel que conjoncturel, encore que, de
façon spécifique, à ce moment-ci... Tantôt, on
parlait du retrait du fédéral, de la crise économique;
c'est sûr que ça aggrave les difficultés. Ça, je
réponds clairement, oui, c'est structurel.
Je voudrais faire un commentaire que je n'ai pas eu l'occasion de faire
tout de suite après la présentation de notre présidente.
C'est que vous disiez, M. Côté, tout juste tantôt, qu'on
parle d'un problème de financement de l'État du Québec et
non pas seulement du ministère de la Santé et des Services
sociaux. A ce sujet-là, il me semble que l'exercice que vous faites
comme ministre devrait être fait par chacun des autres ministres, de la
même façon, avec la même rigueur, parce que, finalement, les
choix qu'on a à faire comme société
québécoise et les valeurs qu'on a à promouvoir ne
dépendent pas uniquement de la santé et des services sociaux.
Ça regarde tous les ministres.
Je crois savoir que le ministre de la Justice fait une démarche
assez semblable à celle-ci, et qui va aboutir tantôt, mais
j'aimerais ça aussi que les autres... En tout cas, je recommanderais que
les autres fassent le même exercice. Ça me paraîtrait
essentiel parce que c'est vraiment, pour nous, un problème de
société, d'enjeux majeurs et de valeurs majeures ou de choix
qu'on a à faire.
Je dis qu'on a à questionner, par exemple, les mesures de
subventions en agriculture, en industrie et commerce, en éducation,
finalement, partout. On a abordé antérieurement des questions de
fiscalité; on a à se questionner si on va toujours maintenir
l'état de fait qui fait que d'avoir des enfants et être
marié, c'est pénalisant par rapport à ne pas l'être
ou ne pas avoir d'enfants. Maintenir des enfants à l'université
ou au cégep, c'est pénalisant pour ceux qui sont à
salaire. C'est des questions, je pense, qu'il faut qu'on se pose aussi comme
société. (16 h 15)
M. Côté (Charlesbourg): Finalement, confidence pour
confidence, j'ai, pendant quatre ans, eu la responsabilité d'autres
ministères, en particulier les Transports et le Développement
régional. Et, à l'époque, je trouvais qu'on n'investissait
pas assez dans le transport et dans le développement régional et
que nos énergies et nos efforts additionnels étalent
consacrés à la santé et aux services sociaux.
C'était la perception que j'avais comme ministre, vu de
l'intérieur et, j'imagine, probablement celle de tous les fonctionnaires
oeuvrant dans les autres ministères par rapport à Santé et
Services sociaux.
Et ce qui a été assez révélateur, c'est les
plus ou moins 500 000 000 $ qui ont été investis dans les
urgences sans pour autant qu'on règle les problèmes. On s'est
retrouvé, deux ans plus tard, avec la même problématique
des urgences,
ayant englouti littéralement plus ou moins 500 000 000 $.
Aujourd'hui, je me dis: Oui, il faut le faire; on l'a fait, on l'a mis sur la
place publique, on questionne, et je pense qu'il faut que chaque
ministère soit capable de le faire aussi. C'est clair, c'est un exercice
qui est d'ordre gouvernemental et pas uniquement de la santé, mais il
fallait, bien sûr, être capable de le faire aussi au niveau de la
santé. C'est ce que nous sommes en train de faire, et tant mieux si les
autres emboîtent le pas, parce que c'est une responsabilité
collective. Il n'y a personne, je pense, qui souhaite que notre système
sorte diminué, quant à la qualité des services qui sont
dispensés aux citoyens, de l'exercice qu'on fait actuellement.
Évidemment, en contrepartie, lorsqu'on regarde la situation
économique, qu'on regarde les emplois qui disparaissent, je pense qu'il
faut s'interroger sur notre capacité financière de continuer
à supporter, de la manière dont on le fait, un système
comme le nôtre. Et c'est pour ça que l'exercice est, je pense,
très utile sur le plan du questionnement et il permet d'avoir une action
directe, interactive avec nos intervenants. Si on admet - je pense que c'est
assez clair - qu'il n'y a pas suffisamment de ressources dans le domaine
social, qu'il faut faire un virage prévention - et ça, je pense
qu'à peu près tout le monde le dit, y compris les
médecins; ils ne sont pas à l'écart du débat sur te
plan de la prévention; eux en parlent aussi - il va falloir quand
même, à l'intérieur de ce système-là, avec
l'argent qu'on a, tenter de dégager certaines sommes qu'on pourra
investir dans la prévention. Mais, pour en investir, II va falloir en
sauver à l'intérieur du système.
De vos postes d'observation, comme travailleurs sociaux, quelles sont
les mesures qu'on pourrait mettre en place pour nous permettre d'avoir des
économies, par l'efficience, par l'efficacité à
l'intérieur du système, le plus rapidement possible? Et Dieu sait
que c'est vrai aussi dans le domaine social, même si les budgets sont
plus petits, qu'on peut peut-être avoir un petit peu plus d'efficience et
d'efficacité. J'aimerais ça si vous aviez quelques petits
exemples à nous donner pour voir ce qu'on peut avoir en cagnotte, quand
on aura fini notre commission demain soir, pour aborder l'avenir avec
optimisme.
M. Pinard: évidemment, vous le reconnaissez facilement, il
y en a moins dans la cagnotte sociale que dans la cagnotte santé. on
devrait normalement s'attendre à ce qu'il y en ait un peu moins. je ne
veux pas essayer de me défiler, mais vous avez fait faire une
étude que vous connaissez bien, et moi aussi, sur l'application de la
protection de la jeunesse, où on a regardé le système
vraiment de façon très serrée, où je pense qu'on ne
peut pas conclure qu'il y a des économies à faire là. je
pense que non.
Je pense qu'on peut regarder aussi les autres systèmes sociaux
pour voir s'il y a des économies. Ma conviction à moi, c'est que
la réforme que vous êtes en train d'enclencher, au niveau
structurel à tout le moins, selon moi, si elle est faite intelligemment,
elle devrait générer des marges de manoeuvre. Je ne dis pas qu'on
va pouvoir ponctionner beaucoup d'argent et le transférer ailleurs, je
ne le crois pas. Mais je pense que ça pourrait dégager des marges
de manoeuvre qui nous permettraient une plus grande efficience et,
probablement, des services accrus et meilleurs.
Je vous souligne que, dans notre rapport, on vous parte d'un panier de
services révisable, évidemment, et en social et en santé;
on pense plus en social. Vous allez me demander lesquels, évidemment.
Moi, je vous dirais là-dessus qu'il y en a déjà. Il y a
déjà des services pour lesquels les citoyens paient au niveau
social. Je pense à la contribution parentale pour un enfant
placé. Je pense à la contribution des parents adoptifs, en vertu
de l'adoption internationale. Et j'ai cru entendre que, possiblement, en
médiation, il y aurait un petit quelque chose aussi. Bon!
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas
complètement timbré, ça, comme hypothèse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pinard: Autrement dit, il y a des services qui, à notre
point de vue, pourraient être payés par le citoyen lui-même.
Il faudrait le regarder dans l'ensemble, et des services sociaux et des
services de santé. Nous, on vous dit qu'on est ouverts à regarder
ça. Ce n'est pas facile à trancher et je pense que, dans votre
document, vous reconnaissez aisément qu'avant d'établir quels
services vont être du panier de services en social et en santé et
lesquels n'y seront pas il faut regarder ça de proche. Mais nous, on
vous dit: II y en a. Je vous en al donné quelques-uns.
On a parlé aussi dans notre mémoire des hautes techniques
utilisées pour un groupe très minime de citoyens.
Personnellement, je pense aux nouvelles techniques de reproduction qui
pourraient éventuellement être assumées plus par les
personnes qui y recourent.
M. Côté (Charlesbourg): Oui...
Mme Dauphinais: J'ajouterai peut-être aussi, M. le
ministre, que dans les services sociaux, par exemple, en 1981, quand la Loi sur
la protection de la jeunesse a été mise sur pied, il y avait un
budget afférent à cette loi. Sont arrivées les
compressions budgétaires et la récession de 1981 et, au fond, on
a demandé au système, avec les mêmes effectifs, de prendre
la responsabilité de l'application de la loi de la jeunesse.
Alors, dans les services sociaux, même si ce
n'est jamais une décision qui a été
évaluée et débattue socialement, il y a des paniers de
services qui, de façon pragmatique, sont déjà faits. La
«priorisation» de certaines clientèles, la
«priorisation» de l'urgence, la «priorisation» des cas
graves font que les familles qui n'ont pas d'enfants abusés, où
II n'y a pas de violence familiale et conjugale, où il n'y a pas de
personnes âgées en besoin de protection sont sur des listes
d'attente longtemps pour avoir des services sur le plan des relations humaines,
conjugales, parce qu'ils ne sont pas en situation de crise.
Alors, le système, du côté des besoins
psychosociaux, a déjà, de façon pragmatique, sans l'avoir
débattu sur le plan social, coupé beaucoup des services. Mol, je
me souviens, au SSSF, au moment où les coupures ont été
faites, au CSSMM, il y avait un service très surspécialisé
de thérapie conjugale et familiale - des gens extrêmement experts
- et, au moment où les budgets ont été coupés, ce
service-là a sauté. Alors, les besoins des gens en
thérapie de couples... ! Je vous garantis que, dans le réseau,
même si c'est très justifié, II n'y a pas beaucoup moyen
d'avoir de l'aide, à moins d'avoir des enfants, et des enfants en
difficulté.
M. Côté (Charlesbourg): Dieu sait que dans d'autres
domaines... Par exemple, les CLSC nous parient beaucoup de prévention,
mais les postes d'hygiénistes dentaires sont disparus aussi au profit
d'autres activités. Peut-être qu'ils n'avaient pas les budgets
suffisants pour être capables de faire face à tout, mais, quand on
parle d'un virage social et qu'on a fait disparaître les
hygiénistes dentaires, ça aussi, je pense qu'on peut s'Interpeler
sur les choix qui ont été faits à ce moment-là.
Je vous en pose une petite vite, parce que je ne sais pas la
réponse. Peut-être que ça n'a pas de bon sens, mon affaire.
Dans d'autres cas, quand je suis intervenu, je savais où j'allais; dans
ce cas-là, je ne le sais pas. En examinant l'ensemble du système,
je me suis dit: On veut mettre davantage de travailleurs sociaux dans nos
écoles pour intervenir là où sont les problèmes et
tenter d'intervenir sur le plan de la prévention. Quand on se met
à réfléchir à ça, comme administrateur, on
se dit: Qu'est-ce qu'ils font nos travailleurs sociaux dans les écoles,
de la 181e journée à la 365e? SI, demain matin, comme on souhaite
le faire, on met plus de travailleurs sociaux dans nos écoles, ça
fonctionnera comment? On sait que c'est à peu près 180 jours de
classe par année. Bon. C'est 220, 240 jours ouvrables par année.
Il reste quand même un différentiel assez important. Je ne sais
pas si vous avez la réponse à ça, vous autres. J'ai
essayé de l'avoir, je ne l'ai pas.
M. Pagé (René): À notre connaissance, les
travailleurs sociaux en milieu scolaire, il y en a depuis au moins 25 ans au
Québec et ils s'occu- pent. Ils ne sont pas en vacances trois mois par
année. Je pense que...
M. Côté (Charlesbourg): Non, mais...
M. Pagé (René): Non, mais je pense que c'est
ça. On parte des choses concrètes. Il y en a à l'heure
actuelle, dans le réseau, à l'extérieur de la grande
région de Montréal, qui sont intégrés dans les
CLSC. Parfois, Us ont un mi-temps avec les écoles et parfois un mi-temps
avec d'autres services psychosociaux. Par contre, à Montréal, il
y en a qui sont encore dans CSSVM, CSSMM. Vous connaissez la situation. Si on
regarde dans le milieu scolaire à l'heure actuelle, II n'est pas rare de
voir des travailleurs sociaux, des travailleuses sociales qui ont sept, huit
écoles dont ils s'occupent. Donc, je ne pense pas qu'ils se croisent les
bras à travailler dans ces systèmes-là. Et, avec les
professionnels qui sont là...
Je pense que la question n'est pas seulement celle des journées
d'école comme telles, mais, si on parie d'un travail de
prévention avec le milieu, le rôle du travailleur social n'est pas
que dans l'institution dans laquelle il est. Qu'il soit dans une école,
dans un hôpital, dans un centre d'accueil, H a souvent à
travailler avec le milieu familial, le milieu avec le conjoint, avec les
enfants, avec les professionnels qui sont dans l'institution. Il fait un lien
aussi avec les ressources de la communauté puis il intervient
lui-même, en termes d'intervention thérapeutique. Et je pense que
le rôle, on peut le définir comme ça. Donc, ce n'est pas
relié simplement à des journées d'école mais
à tout un processus tout au long de l'année, à notre
avis.
M. Pinard: Est-ce que je peux, en complément, intervenir?
De 1982 à 1984, où j'étais responsable des services
sociaux en milieu scolaire, entre autres choses, comment ça se passait
à ce moment-là? C'est que les travailleurs sociaux en milieu
scolaire suivaient les étudiants du début de septembre au 24
juin, hein, ils étaient là. Ils avaient quatre semaines de
vacances. Ça nous amène...
M. Côté (Charlesbourg): Il reste le mois
d'août.
M. Pinard: II reste le mois d'août. Au mois d'août,
les profs et les directions d'école entrent vers le 15 août pour
préparer l'année. Donc, il reste 15 jours concrets, là,
où, moi, je demandais à mes intervenants sociaux en milieu
scolaire de me préparer et de formater un plan d'activités
détaillé de ce qu'ils entendaient faire au cours de
l'année à partir des priorités qu'on avait établies
vers la fin de juin. C'est à ça qu'ils occupaient leurs 15 jours,
là... Oui? Ou on ne savait pas ce qu'ils faisaient. Ou vous, en tout
cas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): O.K. C'est une
comptabilité...
M. Pinard: Juste, vraie, réelle.
M. Côté (Charlesbourg): ...qui a un certain
réalisme. j'ai été dans l'enseignement moi aussi,
là. alors... pas pour longtemps mais j'étais là. m. le
président, une dernière question.
Le Président (M. Paradis, Matapédia)): Oui, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Ce qui m'étonne le
plus de votre présentation, puis j'ai besoin d'explications, puis on en
a besoin de bonnes, à part ça... J'ai dit à un groupe de
médecins qui voulaient avoir leur caisse la semaine dernière
qu'ils paraissaient être de 20 ans en retard. Vous autres, vous
m'arrivez, vous autres les démunis du système, les mal
financés, les pas compris, vous m'arrivez avec une proposition: vous
voulez avoir votre caisse à vous autres aussi. Je veux bien croire que
vous me dites, dans votre présentation, tantôt, que c'est
probablement pour des convictions opposées. Bon! Ça, c'est bien
beau, les convictions opposées, mais moi, tout ce que j'ai entendu
depuis 2 ans... Puis Dieu sait qu'on s'est astreint à un exercice
démocratique assez exceptionnel, en l'espace de 2 ans: 23 semaines de
commission parlementaire, c'est assez exceptionnel, merci, à
écouter tout le monde. Tout ce que j'ai entendu, c'est que la personne,
c'est une personne globale, avec des problèmes de santé, oui,
mais qui fait appel à l'ensemble des intervenants, puis il faut, au lieu
de faire des cloisons, abattre les cloisons pour le bénéfice de
celui qui aura les services. Vous autres, vous arrivez aujourd'hui et, contre
toute attente, vous voulez avoir votre caisse à vous autres. Pour le
moins, ça mérite un petit peu beaucoup d'explications. S'il vous
plaît.
M. Pinard: Je vais essayer. D'abord, on ne veut pas notre caisse
à nous, M. le ministre Côté, on veut notre
comptabilisation. Ce n'est pas la même chose. On ne veut pas un budget,
une enveloppe fermée et séparée, mais on voudrait savoir
véritablement. ce que coûte le social et pouvoir se comparer avec
l'Ontario, avec les Etats-Unis, avec la Suède, avec les autres avec
lesquels vous avez comparé le système de santé. C'est
ça l'idée. Ce n'est pas d'avoir quelque chose de tout à
fait à nous, qu'on va gérer. Ce n'est pas ça du tout,
l'idée. C'est vraiment dans un esprit de comparaison et pour savoir ce
que coûtent les services sociaux. Quand on entend dire que c'est
ça qui coûte cher, on trouve ça... ça nous crochit
les oreilles un petit peu. (16 h 30)
M. Côté (Charlesbourg): Moi, en tout cas, je n'ai
pas dit que je partageais ça, là, que ça coûtait...
mais...
M. Pinard: Non, non. Je ne dis pas que c'est vous qui dites
ça non plus.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ça. Mais c'est
parce que, là, ça fait deux petites comptabilités.
Ça fait deux belles colonnes de dépenses dans la grande colonne
des dépenses, là. Je comprends qu'on est dans une situation
où on véhicule toutes sortes de choses. On ne sait même
plus si c'est vrai, 5 % du budget qui est dévolu au social.
D'après moi, ce n'est même pas vrai. Bon. C'est peut-être
plus que ça. Ça doit probablement être plus que ça.
Mais c'est vrai qu'on ne le sait pas sur le plan des comptabilités, sur
le plan de savoir ce qui se met dans le social par rapport à la
santé. Ce que je comprends, c'est que vous êtes toujours, on est
toujours dans la même logique où la personne doit pouvoir faire
affaire, sans qu'elle-même s'enfarge dans les colonnes, avec les services
des différents professionnels qui vont s'adresser à la
problématique qu'elle a, puis tenter de la solutionner.
Mais je m'adresse à madame, là, parce que tantôt
j'ai pris la peine de prendre une petite note. Qu'est-ce que ça veut
dire «probablement pour des convictions opposées»?
J'aimerais ça, moi, avoir un petit peu d'explications
là-dessus.
Mme Dauphinais: Moi, j'ai lu dans les journaux la semaine
dernière que les médecins trouvaient que les services sociaux
coûtaient très cher, que, vraiment, si on dégraissait
ça, là, ça ferait faire beaucoup d'économie au
ministère de la Santé et des Services sociaux. Alors,
peut-être que j'ai mal lu...
M. Côté (Charlesbourg): Vous n'avez pas le
journal?
Mme Dauphinais: Non, je ne l'ai pas.
M. Côté (Charlesbourg): Parce que je n'ai pas
entendu ça ici. Je ne sais pas si c'a été mal
rapporté quelque part.
Mme Dauphinais: Alors, je ne sais pas où j'ai entendu
ça, où j'ai vu ça, mais nous, on pense qu'ils ne
coûtent pas cher et que... Une conviction, ça s'étaie,
alors, les chiffres pour étayer une conviction, on pense qu'en
proportion les services sociaux ne coûtent pas très cher, qu'ils
s'adressent aux gros bobos, vraiment aux gros bobos. Et les études pour
le démontrer ne sont pas facilement accessibles, c'était surtout
dans cette perspective-là.
M. Côté (Charlesbourg): Parce que, si je me
souviens, j'ai surtout entendu le Dr Richer, la semaine dernière, qui
pariait d'une Intervention
avec plusieurs professionnels, aussi, d'une nécessité
d'une intervention avec plusieurs professionnels, qui incluait aussi des gens
du social pour certaines problématiques. Je pense qu'il y avait
davantage d'ouverture qu'une fermeture. C'est pour ça que... Ça
va, M. le Président.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Très
bien. Merci, M. le ministre. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: merci, m. le président. bienvenue, au nom de
l'opposition, à la corporation professionnelle des travailleurs sociaux.
donc, un mémoire court, mais qui affirme bien vos convictions comme
intervenants en première ligne et souvent, je dirais, qui nous
empêche d'avoir des coûts un peu plus loin au niveau de la
santé. on connaît les efforts que vous faites dans ce
secteur-là et il faut saluer ces efforts que vous faites dans le
système. j'étais aussi, moi-même, étonné de
la question du fonds santé et du fonds social pour les services sociaux.
peu importe qui a dit ou n'a pas dit ce que vous avez perçu dans
l'actualité ou ce qui a été écrit, il y a des
efforts assez immenses qui ont été faits au cours des
dernières années pour dire: on ne peut pas délier la
problématique santé et services sociaux. ce que vous voulez dire,
vous, c'est plutôt... vous voudriez qu'un jour on calcule comme il faut
et qu'on illustre le chiffre, c'est quoi les services sociaux et vous dites,
comme illustration: on veut savoir c'est quoi, le bas de la colonne
«services sociaux». à la blague, pour le ministre, il dit:
on va avoir la colonne «santé», la colonne «services
sociaux», et ne pas oublier la colonne du coût des délateurs
de la sûreté du québec que la csn a suggérée
ce matin. alors, ça commence à faire des colonnes, mais on
comprend qu'il faut illustrer ce que coûtent les services en
matière de services sociaux au québec.
À la page 2, sur les points de vue convergents. Vous appuyez
également, en plus de la création d'un fonds
général santé et services sociaux, la diversification des
sources de financement. Alors, vous êtes d'accord avec la tarification
des services, vous êtes d'accord avec l'impôt-services, vous
êtes d'accord avec le ticket modérateur, parce que, dans le texte
du 18 décembre, la diversification des sources de financement, sauf
erreur, c'est bien à ça qu'on fait référence. Il y
en a, des sources, actuellement, et l'État dit: Une des options,
ça pourrait être de diversifier la source de financement: les
frais d'hôtellerie, la tarification d'un certain nombre d'autres
services, l'impôt-services, enfin, la diversification des sources. Vous
êtes d'accord avec ça?
Mme Dauphinais: On vous remercie, M. le député de
l'Opposition, de nous donner l'occasion d'éclaircir cette apparente
contradiction. Ce n'est pas du tout ce qu'on a voulu dire. Les sources de
financement versus la gratuité, c'est que déjà, dans le
système, il y a des sources de financement comme, par exemple, le
paiement des placements pour les parents d'enfants placés. Alors, on
parlait, que ça pouvait venir de différentes sources, le fonds
constitué pour la santé et les services sociaux, mais on n'est
pas du tout pour le ticket modérateur, ni pour l'impôt-services.
Je pense que vous nous donnez l'occasion de l'affirmer clairement et je vous
remercie. C'est une contradiction qui nous a échappé dans les
formes.
M. Pinard: De fait, ici, on réfère à la page
94 du document ministériel où on dit: Du côté des
sources de financement, ce fonds enregistrerait, pour chacun des intervenants,
leur contribution respective imputable aux services sociosani-taires,
notamment... Et, là, il y a six descripteurs. C'est à ça
qu'on réfère. Dans le fond, ça vient appuyer notre
position à l'effet qu'on voudrait que la part que les contribuables
donnent pour les services sociaux et de santé soit plus visible. C'est
dans cette ligne-là.
M. Trudel: Ah, bon. C'était bien de le préciser
parce que la diversification des sources et la transparence, c'est
évidemment deux éléments complètement distincts.
C'est comme l'illustration de ce que l'on a eu à moult occasions ici
devant cette commission à propos de l'impôt-santé. À
des gens à qui je demandais: Mais c'est quoi,
l'impôt-santé? moi, j'ai eu quelques réponses bizarres sur
l'impôt-santé. L'Impôt-santé, tel qu'il est
présenté et tel que j'ai pu l'observer, c'est tout à fait
uniquement une mesure de transparence, je le souhaite, pour l'instant. Mais
ça ne finance rien, ça, si le concept de
l'impôt-santé proposé c'est juste de distinguer dans
l'impôt général ce qui sert à la santé.
Ça ne finance rien, à moins - et j'ai bien peur, mais ça,
c'est un autre problème - que l'État ne décide d'augmenter
la partie impôt-santé pour financer les services. En soi,
ça ne finance rien.
La même chose au niveau du dernier paragraphe de la page 2. Un
petit éclaircissement, mais je vais passer par une autre voie pour
essayer de l'avoir. M. Pinard, vous avez dit tantôt: On pense que la
réforme de 120 va amener des économies, des marges de
manoeuvre.
M. Pinard: Oui, c'est plutôt ça que je dis.
M. Trudel: Expliquez-moi ça. Un exemple, expliquez-moi
comment ça pourrait nous amener des marges de manoeuvre.
M. Pinard: Bon, dans n'importe quelle région
économique, si on rapproche administrati-vement - appelons ça
comme on voudra, rappro-
chôment administratif, fusion, intégration - trois ou
quatre établissements, d'abord sous un même conseil
d'administration, dans un premier temps, avec un même directeur
général, dans un deuxième temps, et avec des fusions
éventuelles ou des économies de fonctions
répétées d'un établissement à l'autre... Par
exemple, si quatre établissements sont gouvernés par un seul
conseil d'administration, qu'ils engagent un directeur général,
il y a trois postes de directeurs généraux qu'il va falloir
réallouer ou réaffecter autrement. C'est en ce sens-là que
je pense qu'il peut y avoir des marges de manoeuvre qui vont se dégager
si c'est fait intelligemment, et si c'est fait de façon vivable aussi
pour les gens qui ont à le faire. C'est à ça que je
référais.
M. Trudel: M. Pinard, juste pour l'illustration, croyez-vous
vraiment qu'au futur CPEJ francophone de Montréal - vous, Mme
Dauphi-nais, vous êtes de la région de Montréal si j'ai
bien compris, vous avez parlé de MM tantôt -croyez-vous vraiment
qu'au niveau CPEJ francophone de Montréal, et des 11
établissements qui vont être regroupés sous un seul conseil
d'administration, il va disparaître 11 directeurs généraux
d'établissement et qu'ils vont être remplacés par une ou
deux personnes qui vont diriger tout ça? Est-ce que le portrait le plus
exact qu'on voit actuellement se dérouler ne serait pas plutôt que
nous allons nous ramasser avec 11 directeurs de centre - Ah c'est vrai!
ça ne serait plus des directeurs généraux, vous avez
raison, ça va être 11 directeurs de centre - un D.G., et, pour
coordonner les 11 établissements, ça va prendre deux adjoints au
D.G., ça va de soi, et là on ne se réveillera plus
à 11 D.G., on va se réveiller à 14 personnes dans le
système? Est-ce que vous pouvez dire, vous qui avez l'expérience
- je sais que vous avez travaillé dans ce secteur-là au Centre du
Québec - est-ce que vous pensez vraiment qu'à la direction des
boîtes, au-delà du titre qui va changer, il va y avoir un seul
poste qui va disparaître de façon significative au plan des
économies de sytème, ou si on n'est pas en train de s'embarquer -
moi, je pense, là - dans d'autre chose? M. Pinard, ou madame, aussi, qui
êtes à Montréal.
M. Pinard: c'est fort difficile, c'est sûr, je l'ai dit
tantôt. si on procède intelligemment... là, vous me sortez
de mes attributions de cet après-midi. la corporation professionnelle
des travailleurs sociaux n'est pas très préoccupée de ces
questions-là, je dois le dire.
M. Trudel: II y a du fric, là.
M. Pinard: Vous allez m'obliger à parler de façon
personnelle.
M. Trudel: Allez-y.
M. Pinard: Moi...
M. Trudel: je ne veux pas vous piéger, c'est parce que
c'est vous qui avez dit tantôt que 120 - la réforme - devrait nous
apporter des économies. votre expression, ça a été
«des marges de manoeuvre».
M. Pinard: À moyen terme, je pense que oui, j'y crois
fermement. Je pense que ça va passer par une amélioration de
services, mais, je le répète, il faut que les choses soient
faites humainement dans le respect des individus aussi. Moi, je pense qu'il y a
beaucoup de monde qui va accepter d'occuper d'autres fonctions essentielles
nécessaires et pas du tout inutiles à condition qu'on ait un
minimum de respect pour ces individus-là. Moi, je pense qu'il y en a qui
vont accepter, je suis convaincu.
M. Trudel: Mais l'élément, le bout de
politique-fiction que je vous ai fait, évidemment ce n'est pas dans la
réalité, c'est de la politique-fiction que je vous ai
décrite pour la région de Montréal.
Une voix: Ça pourrait être...
M. Trudel: Parce que là ça semble étonner
tout le monde. C'est de la politique-fiction, mais ça semble toucher
à la réalité. Est-ce que vous pensez vraiment, encore une
fois je vous le répète, ou madame, qu'il va y avoir moins de
monde dans le système après l'opération qu'il n'y en a
actuellement au niveau des boîtes et des responsables de chacune des
boîtes?
Mme Dauphinais: M. le député, moi, par rapport au
CPEJ de Montréal et aux centres d'accueil où ils veulent
regrouper les C.A., je sais que ça a été beaucoup
débattu, que beaucoup de gens qui sont à l'intérieur ont
donné des analyses extrêmement poussées. Moi, je ne me suis
pas penchée là-dessus. Je ne sais pas si les recommandations du
CRSSS de Montréal étaient la meilleure façon d'harmoniser
la question. Je dirais que je n'ai pas la réponse. Je ne le sais
pas.
M. Trudel: Je ne veux pas vous asticoter avec ça, sur cet
aspect-là, mais, pour moi, je réfute clairement toute
interprétation qui viserait à dire, pour l'instant, que la
réforme en matière de conseils d'administration unifiés va
nous apporter des économies en termes de postes. Je crois fermement le
contraire et, pour avoir eu des échanges sur le terrain à peu
près partout au Québec, il n'y a pas bien bien de monde de
nerveux dans le système quant à la disparition de postes. Tout le
monde a plutôt le regard tourné vers les nouveaux postes qui vont
s'ouvrir et if n'y a personne de bien bien nerveux dans le système. Tout
ce qui me fait le plus de peine,
actuellement, c'est que dans 10 ou 20 jours, jusqu'au 9 mars, il y a
2000 ou 3000 bénévoles sur les conseils d'administration qui vont
retourner chez eux et on va se retrouver à 4 ou 5, pardon, 6 dans ce
secteur-là, sur les conseils d'administration unifiés. Ça
m'inquiète beaucoup plus. Dans le sens de financement du système,
je pense bien qu'on ne va rien sauver là. Au contraire, ça va
avoir des coûts, je suis à peu près assuré de
ça.
Dernière question, quant à moi, parce que le temps file
rapidement. À la page 3, sur le divergent, avec la proposition ou le
document qui a été déposé, vous vous opposez
à la distinction entre les services de base et les services
complémentaires en ce qui concerne votre secteur. Vous voulez dire que
tous les services sociaux actuellement assurés doivent être
considérés dans ce qu'on pourrait appeler la partie 1 et ne pas
toucher à ça si on désassure un certain nombre de
services? Parce que je ne comprends pas lesquels des services sociaux ne sont
pas dans le panier de base. Parce que ce qui est communément
défini comme étant le panier de base ou dans les
complémentaires, c'est plus court de décrire les
complémentaires, ce sont les yeux, les dents, les médicaments et
les orthèses-prothèses. C'est ce qui est classé,
d'après la nomenclature. Vous autres, vous dites: On veut que les
services sociaux ne soient pas dans le complémentaire, mais qu'ils
soient dans la base.
M. Pinard: Non, c'est-à-dire que nous, on opte plus pour
le concept de panier de services assurés révisables que pour le
concept de services de base et de services complémentaires. Parce que je
ne vois pas très bien, M. le député de Rouyn-Noranda,
comment on pourrait distinguer des services de base et complémentaires
en protection de la jeunesse, en intervention auprès des ex-patients
psychiatriques, en placement des personnes âgées, placement des
personnes déficientes. Je ne vois pas comment appliquer ça.
Alors, nous optons donc pour un autre concept qui est celui des paniers de
services où ça nous paraît plus facile, quoique
déchirant, de définir quels sont les services qui sont dans le
panier et quels sont les services qui ne le sont pas.
M. Trudel: Mais, somme toute, là-dessus, pour être
très clair, tous les services sociaux étant dans le panier de
base actuellement, c'est gardez-les là, dans le panier de base. Vous le
savez, ça.
M. Pinard: Jusqu'à ce qu'on puisse en faire l'étude
d'impact et la nécessité avec les autres services à
inclure dans les services sociaux et services de santé. Mais,
tantôt, j'ai identifié des services qui n'étaient plus
déjà dans le panier de base.
M. Trudel: Très bien. À la page 4, Mme la
présidente, je ne sais pas si c'est tout simplement un lapsus que vous
avez fait, mais, quand vous avez lu le troisième paragraphe, vous avez
dit: «afin de préserver des principes d'universalité et
d'accessibilité à des services de qualité
équivalente pour tous, que soit assuré collectivement un panier
de services sociaux définis [...] révisables - vous venez d'en
parler - et sans contribution financière.» Vous avez sauté
par dessus le mot «curattfs». Est-ce parce que vous l'avez
retiré de votre mémoire?
Mme Dauphinais: Oui.
M. Trudel: expliquez-moi donc ça, pourquoi vous l'avez
retiré de votre mémoire.
Mme Dauphinais: Parce qu'on trouve que certains des services
préventifs devraient être considérés dans les
services assurables, pas seulement les services curatifs. Probablement surtout
au niveau des écoles, au niveau des jeunes mères, des jeunes
parents de famille monoparentale, il devrait y avoir une disponibilité
de services qui s'occupent autant de prévention que de curatif. C'est
dans ce sens-là qu'on a enlevé «curattfs», comme
étant restrictif.
M. Trudel: merci beaucoup de votre présentation, des
éclaircissements surtout - fiouf! vous m'avez fait peur à
certains paragraphes, vous là - que vous nous avez faits. je constate
cependant - pour moi, loin d'être un reproche, au contraire - qu'on a
encore beaucoup de chemin à faire en général pour
s'édaircir sur la définition d'un certain nombre de concepts pour
que l'on comprenne tous de quoi on parle. je parle du public en
général. c'est difficile, ça, politiquement et
publiquement parlant, mais il faut faire un effort supplémentaire
collectivement pour éclaircir les concepts auxquels on fait appel pour
saisir les enjeux dans lesquels nous sommes... votre prestation, cet
après-midi, est très appréciée. merci beaucoup de
cette présentation et de ces éclaircissements. merci.
M. Pinard: Est-ce que je peux juste faire un commentaire
là-dessus?
Le Président (M. Paradis, Matapédia):
Rapidement.
M. Pinard: la première lecture que j'ai faite du document
ministériel - vous savez, pour des travailleurs sociaux, ce n'est pas
digestible du premier coup, il faut revoir et se reprendre, ce n'est pas
aisé...
M. Trudel: Imaginez pour les citoyens.
M. Côté (Charlesbourg): C'est presque un choc
culturel.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
vous remercie de votre présentation. Vous dire qu'on va continuer de
travailler, je pense que c'est le seul moyen de tenter de clarifier un certain
nombre de choses et d'en arriver à des résultats positifs. Quant
à moi, je trouve ça très intéressant; la question
du député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue était
empreinte d'un certain réalisme, surtout lorsqu'on l'applique au CPEJ
Montréal, avec...
M. Trudel: Cas au hasard.
M. Côté (Charlesbourg): non, non. cas au hasard qui
n'est pas débranché de la réalité. c'est là
qu'est tout le défi de certaines économies qu'on aura de la
réforme, et moi, je gagerais un «deux» frimé sur la
proposition de monsieur qu'il va y avoir des économies
appréciables, et je peux vous dire rien qu'une affaire: je vais avoir
beaucoup de plaisir à vous en faire la démonstration, puisque
vous avez interpellé l'ensemble des structures de la réforme sur
le plan des économies. et je ne demande pas mieux, mon cher ami, qu'on
puisse-
Une voix: collègue, néanmoins ami.
M. Côté (Charlesbourg): ...se revoir, et vous faire
ta démonstration par quatre, compte tenu de nos obligations
vis-à-vis des travailleurs qui seront touchés, de certaines
économies. Si vous voulez, bien sûr, élargir le
débat à l'ensemble de la réforme sur le plan de toutes les
structures, et non pas uniquement CPEJ Montréal. Et encore, dans ce cas
précis, c'est tout un défi de vous faire cette
démonstration et je relève le défi.
M. Trudel: Je dis: je mets un «deux»
supplémentaire, juste pour voir, comme on dit aux cartes.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Moi, je trouve que
c'est un «deux» bien investi, très bien investi. Je suis
convaincu que vous allez le perdre, mais il aurait été bien
investi.
M. Trudel: Je veux voir.
Le Président (M. Paradis, Matapédla): Très
bien. Merci à la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du
Québec. Nous allons suspendre quelques minutes et reprendre
immédiatement après, avec une présentation du Montreal
Board of Trade.
(Suspension de la séance à 16 h 49)
(Reprise à 16 h 59)
Bureau de commerce de Montréal
Le Président (M. Paradis, Matapédia): La commission
des affaires sociales reprend ses travaux et nous entendrons maintenant, du
Bureau de commerce de Montréal, M. Alex Harper. Alors, M. Harper est
déjà en place.
M. Harper (Alex): Oui.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Alors, je
vous invite à nous livrer votre mémoire.
M. Harper: Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et
MM. membres de la commission, ce que j'ai à vous dire, je l'ai
écrit et ce n'est pas tellement long. Je vais le lire dans quelques
secondes, mais j'aimerais juste dire que le fil conducteur qui est dans ce
document que je veux présenter est que nous croyons qu'il faut regarder
le côté coûts, évidemment,' ce que vous faites dans
la commission, mais aussi le côté: Qui paie pour ces
coûts-là? Et je pense que ce qu'on essaie de dire d'une
façon ou d'une autre, c'est qu'il faut être compétitif.
Donc, pour moi, c'est un plaisir d'être devant vous et de vous
présenter le point de vue du Bureau de commerce de Montréal sur
les coûts de santé au Québec et pour offrir quelques
suggestions quant à la voie à suivre dans l'avenir.
Peut-être que je peux présenter d'abord brièvement
notre organisme. Nous sommes une association qui existe à
Montréal depuis 1822. Depuis sa fondation, elle a toujours eu à
coeur les intérêts économiques de la grande région
de Montréal, de la province et du pays entier. Notre liste de quelques
3000 entreprises membres - 75 % d'entre elles étant des PME ayant
à leur emploi 50 employés ou moins - reflète tous les
secteurs de l'industrie, du commerce et des firmes de services de la
région. Et, même si nos racines sont anglophones, 50 % des
délégués actuels des entreprises membres de notre
organisation sont francophones.
Aujourd'hui, nous sommes partagés entre le plaisir et le devoir.
Même si nos points de vue rejoignent ceux du Conseil du patronat du
Québec, dont nous sommes membres et présents au conseil
d'administration, nous avons quand même cru bon d'appuyer leur
présentation précédente et vous faire part de nos propres
préoccupations.
Nous voulons dire d'abord que nous croyons que les services de
santé sont pour tous. Il n'est nullement dans notre intention de
remettre en question le bien-fondé d'une politique qui veut que les
services de santé soient accessibles à tous, quelle que soit la
capacité de payer. Cela étant dit, nous croyons par ailleurs
qu'il incombe au gouvernement d'explorer toutes les avenues possibles, de
concert avec ses divers partenaires,
pour trouver des moyens de maintenir et pourquoi pas améliorer la
qualité des services à des coûts moindres et sans nuire
à notre capacité d'être compétitifs sur la
scène mondiale.
Nous sommes d'avis que le gouvernement a atteint le plafond, pour ce qui
est du fardeau fiscal des employeurs, et qu'il ne doit pas leur en demander
davantage pour financer les services de santé. Déjà, les
taxes de la masse salariale au Québec sont trop élevées.
Le fardeau fiscal est lourd, puisque l'entreprise est imposée même
si elle ne génère aucun profit. C'est une entrave à notre
capacité d'être concurrentiel et la situation a des incidences
négatives sur l'emploi et, par voie de conséquence, sur notre
capacité de payer pour de tels services. Pour cette raison, nous croyons
qu'il faut explorer d'autres choix et en débattre sérieusement.
Parmi ces solutions, il y a, bien sûr, le ticket modérateur. C'est
une approche qui a l'avantage de faire participer l'utilisateur du service. Et,
le moyen de ne pas imposer les moins bien nantis d'entre nous n'est
sûrement pas difficile à trouver. Peut-être que je devrais
dire: Pas si difficile que ça. C'est peut-être difficile mais on
peut le trouver. une autre approche qui peut être intéressante
à explorer est la franchise. je veux être certain qu'on comprend
ce que ça veut dire. j'ai appris ce mot-là et, pour moi, le mot
en anglais, c'est «deductible». donc, si franchise veut dire
ça, c'est ça qui est l'idée. donc, la franchise
calculée d'après ie revenu imposable du contribuable, le reste
pouvant être assuré par le secteur public, comme c'est le cas pour
les régimes privés d'assurance. et on donne quelques exemples:
aucune franchise, jusqu'à 25 000 $; franchise de 150 $ pour un revenu de
25 000 $ à 50 000 $; de 350 $ pour des revenus de 50 000 $ à 75
000 $ et ainsi de suite. c'est à titre d'exemple. le ticket
modérateur ou tout autre moyen de facturation des services
utilisés aurait également comme conséquence, nous ie
croyons, de réduire substantiellement les consultations médicales
inutiles et pourrait contribuer à rétablir un certain
équilibre dans le système. nous croyons aussi qu'il faut regarder
le côté coûts. avant de conclure qu'il faut
nécessairement plus d'argent et, par conséquent, taxer davantage,
ii serait opportun d'analyser en profondeur l'ensemble des coûts. nous
croyons que ni m. ou mme tout-le-monde, ni les fournisseurs de santé
n'ont vraiment compris la situation. je ne dis pas tous, néanmoins. nous
ne pouvons compter augmenter éternellement les taxes pour financer des
coûts qui ne cessent de grimper. il nous faut tout simplement vivre selon
nos moyens, une formule qui signifie que tous et chacun ont un rôle
à jouer pour y arriver.
Dire aujourd'hui que les services de santé sont gratuits et qu'il
revient à l'État de les payer est dépassé. La
réalité, c'est que le niveau d'endettement du Québec et du
Canada est tel que nos enfants et nos petits-enfants en ont pour des
décennies à rembourser. Il est grand temps d'endiguer cette
hémorragie de fonds et le gouvernement ne peut suffire seul. Ce qu'il
peut faire, par contre, c'est démontrer son leadership en faisant preuve
de sa volonté d'agir en éliminant le gaspillage, les
dédoublements d'efforts, en détectant les abus du système
ainsi que l'inefficacité. Les mots que je dis là sont
certainement des mots que vous avez dits vous-mêmes, mais je pense que
c'est important de le souligner, c'est un aspect que nous croyons être
très important à regarder.
On peut, par exemple, réfléchir sur les méthodes de
gestion des établissements de santé. Il n'est pas
nécessaire que les gens travaillent plus mais qu'ifs travaillent plus
efficacement. Il faut responsabiliser les gens, tant les utilisateurs que les
fournisseurs des services de santé. Nous savons que le système de
santé a été beaucoup amélioré, mais il y a
encore de la place pour d'autres améliorations. Dans le monde des
affaires, on utilise de plus en plus l'approche de la qualité totale.
Même, je sais qu'un de nos membres donne des cours de formation dans un
hôpital, à Montréal, sur la qualité totale. Donc,
ça démontre qu'il y a déjà un certain
intérêt. Mais je crois que c'est un exemple des choses qu'on peut
regarder. Il serait sage de poursuivre ces méthodes; c'est par le biais
de cette approche que nous pourrons ensemble trouver de meilleurs moyens pour
maximiser l'utilisation de nos ressources limitées. Dans ce secteur, il
faut préconiser l'amélioration continue. une
nécessité s'impose aujourd'hui aux entreprises: réduire
leurs coûts tout en maintenant un niveau de services qui réponde
aux besoins des clients - même les associations à but non lucratif
sont obligées de faire ça, je peux vous le dire - ce qui a
amené à la réduction de certaines entreprises et à
une rationalisation de leur exploitation en conséquence. nous croyons
que le secteur de la santé devrait prendre l'exemple sur le secteur
privé et s'efforcer de réduire la bureaucratie tout en misant
davantage sur les ressources pour les services. bien que ce ne soit pas
l'avenue la plus facile ni la plus populaire, elle demeure (a plus
appropriée pour continuer à exercer un contrôle et, en bout
de ligne, pour réduire les coûts ou au moins les garder au
même niveau. tout le monde doit être sensibilisé au fait que
c'est l'affaire de chacun. fini ie temps où on mettait le blâme
sur les autres.
Je pense que c'est aussi important de souligner un autre aspect que vous
avez aussi mentionné dans votre document, le vieillissement de la
population. Nous savons tous que notre population vieillit. Cela signifie pour
les années à venir - et beaucoup plus près qu'on ne le
croit - que le besoin de services de santé ira en augmentant. De plus,
le nombre de personnes ayant la capacité de payer pour les services
aura
diminué si les tendances démographiques actuelles se
maintiennent. Pour y arriver, c'est donc maintenant qu'il faut agir, arriver
à mieux contrôler nos coûts, à augmenter notre
efficacité et trouver des moyens innovateurs qui ne mettront pas en jeu
notre capacité de concurrencer mondialement.
Parler sans cesse de globalisation semble un lieu commun, presque un
cliché, mais c'est une réalité. En fait, à la
vitesse où le monde évolue, nous n'avons pas le temps de nous
reposer sur nos lauriers. On ne peut se permettre d'avoir un système
quelconque qui nous désavantage par rapport à d'autres
collectivités au Canada ou ailleurs. Tous, industries, entreprises,
gouvernements, syndicats, sans oublier la population, doivent faire preuve de
souplesse et doivent pouvoir s'ajuster aux nouvelles réalités. Ce
ne sont pas des mots vides de sens, c'est un appel au sens commun qui est la
prise de conscience collective.
Nous sommes d'avis qu'en faisant preuve d'un esprit de collaboration et
de concertation - sans jamais perdre de vue que la population doit être
traitée dignement et recevoir des soins de santé efficaces - il
est possible d'y arriver. Le Bureau de commerce de Montréal est
prêt à continuer ses efforts pour influencer les femmes et les
hommes d'affaires qu'il représente et participer activement à la
recherche collective de façons d'envisager les enjeux de demain. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Paradis, Matapédla): Merci, M.
Harper. Alors, j'Invite M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Vous ne
serez certainement pas étonné que je passe le temps qui m'est
imparti à vous questionner un peu sur la fiscalité puisque nous
avons eu un certain nombre de débats où tout le monde parlait
d'une crise financière qui était davantage conjoncturelle que
structurelle, alors que nous estimons qu'elle est davantage structurelle au
niveau des finances publiques au Québec, et que, finalement, il semble
bien que plusieurs espèrent, dans un débat sur la
fiscalité au niveau du Québec, y trouver là un certain
rééquilibrage des payeurs de taxes, que ce soient des individus
pauvres comme des bien nantis, ou des entreprises.
On sait qu'on a à faire face à de la concurrence
ontarlenne. On a à faire face à de la concurrence au niveau des
États-Unis, peut-être demain le Mexique, à ce que j'ai
compris au cours des dernières 24 ou 48 heures. Est-ce qu'en tenant
compte des gens que vous représentez - parce que c'est quand même
majeur là, on est dans une situation où 75 % des gens que vous
représentez ont moins de 50 employés, 50 employés et
moins... Je ne suis pas sûr qu'il y ait, à ce niveau-là,
des fortunes absolument... des trésors qui n'ont pas été
trouvés par personne encore et qu'on puisse aller voler
littéralement la caisse de ces gens-là pour dire que, demain
matin, on va pouvoir financer notre système de santé avec
ça.
J'aimerais ça peut-être s'il y avait une distinction qui
était faite entre des entreprises qui ont 50 employés et moins,
qu'on peut considérer PME, et les autres entreprises sur le plan de la
fiscalité. Est-ce qu'il y a de la marge de manoeuvre au niveau de nos
PME, sur le plan fiscal, en n'affectant pas le niveau de concurrence? Parce que
demain matin on va continuer de concurrencer avec les Américains et avec
les Ontarlens. J'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus
parce que c'est un débat qui est - on le disait pendant toute la
journée - un débat de société où il faut
questionner la fiscalité. Ce que je comprends de votre message, c'est
qu'il n'y a plus bien bien d'espace là. J'aimerais vous entendre
davantage.
M. Harper: M. le ministre, le vrai problème et le vrai
défi, pour les gens qui sont dans les PME, les entreprises de 50
employés ou moins, que nous avons ciblées dans cet
échange, c'est que ces gens-là doivent être capables de
concurrencer pas juste avec leurs voisins Ici, mais leurs voisins partout au
monde. Et ça, ça veut dire que tous les coûts qui sont
impliqués dans l'opération d'une entreprise de cette
grandeur-là sont un facteur sur sa capacité d'être
compétitive. À Montréal, récemment, qu'est-ce qui
est arrivé à la ville de Montréal? Ils ont augmenté
les taxes foncières de près de 10 %. Ce que ça
représente c'est qu'il y a des compagnies qui sont allées en
faillite juste à cause de ça. Quand on parie d'une taxe sur la
masse salariale, qui représente 22 % des revenus pour les services de
santé, ce que ça fait, c'est une taxe sur l'entreprise qui est en
fait une augmentation au point de vue de l'engagement du personnel. Chaque
personne additionnelle qui est engagée devient un coût
additionnel. Et c'est un coût additionnel même si l'entreprise ne
fait pas un profit. Et, au bout de la ligne, c'est le profit qui
détermine si l'entreprise va continuer à vivre ou non. et je
pense que le mot profit est un mot qui est souvent mal compris. pour moi, ce
n'est pas un péché que quelqu'un fasse un profit, même une
société à but non lucratif peut faire un profit.
même je dirais un gouvernement peut faire un profit, on l'appelle
surplus, et dans notre cas c'est un surplus aussi, mais c'est un profit qui
veut dire qu'on a fait des choses qui permettent qu'on a réussi dans les
différentes prévisions qu'on a faites. dans une entreprise de
petite envergure, c'est les individus. on parle de bien-être humain.
c'est des gens qui prennent des risques, c'est des gens qui sont prêts
à payer leur part égale à d'autres sur les
différents aspects de notre société. et je pense que ce
qui est essentiel de faire, c'est de ne pas les taxer
au moment où Ils viennent juste de commencer à
réaliser un profit. Après qu'ils ont fait un profit, il y a des
taxes sur les profits. Ça, c'est normal, personne ne critique ça.
C'est une question d'être compétitifs. Et la taxe sur les masses
salariales, c'est une taxe qui rend nos entreprises moins compétitives,
les petites, les moyennes et les grandes, et particulièrement les
entreprises qui ont une quantité de main-d'oeuvre plus
élevée que dans d'autres cas. Et quel est notre problème
dans notre société, dans notre économie ces jours-ci?
C'est évidemment la création d'emplois et de garder les emplois
qu'on a. (17 h 15)
J'aimerais juste ajouter un autre élément. Nous
travaillons avec une firme de consultants pour essayer de regarder
l'économie québécoise et canadienne, les différents
enjeux parce que, je n'ai pas besoin de vous le dire, c'est très
compliqué. Et une des choses qui sort, et ça, c'est une chose qui
me préoccupe beaucoup et je pense que c'est une chose dont vous allez
entendre parier beaucoup plus dans les semaines à venir parce que
l'étude que nous réalisons va être disponible à la
mi-mars à peu près, c'est que notre crise économique
actuelle n'est pas juste une crise économique. Nous sommes dans une
crise structurelle. Nous savons qu'il y a beaucoup d'entreprises qui
disparaissent actuellement. Ces entreprises ne reviendront pas après la
crise. SI nous voulons avoir une économie qui continue d'être
forte, II faut qu'on encourage l'entrepreneurshlp, il faut qu'on aide les PME.
Au contraire, ce qu'on devrait faire, c'est de trouver des moyens pour les
encourager à se créer. Nous faisons beaucoup de ça
déjà mais 97 % des entreprises au Québec sont des PME.
Donc, il faut encourager ces entreprises, pas en les taxant davantage mais en
leur donnant des incitations à créer d'autres emplois et
d'investir plus chez nous.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que vous êtes
après nous dire, c'est que parce que c'est la majorité de nos
emplois qui sont dans nos PME, à ce moment-ci et chaque fois qu'il y
aura une charge sociale additionnelle, ça va mettre en péril un
certain nombre de ces entreprises-là et qu'avant d'exiger davantage que
les 2 800 000 000 $ qui sont investis par les 3, 75 % de la part des employeurs
il faut voir les effets sur la stabilité de l'emploi. C'est ce que vous
êtes après nous dire.
M. Harper: Exactement.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que ça serait
le même cas pour des entreprises qu'on peut ne pas considérer
comme des PME mais davantage des plus grosses entreprises? Est-ce que c'est le
même phénomène ou si la capacité ou la marge de
profit des grosses entreprises n'est pas plus Importante à ce
moment-ci?
M. Harper: avec les grandes entreprises, particulièrement
les grandes entreprises qui n'ont pas nécessairement le même
pourcentage de personnel comparé avec le revenu qu'elles ont, c'est
peut-être moins évident. mais, encore là, si on parie des
multinationales, et on a beaucoup de multinationales à montréal,
vous savez les multinationales décident de s'installer où c'est
le plus compétitif pour fins de toutes les dimensions, soit les taxes,
soit les coûts de main-d'oeuvre, soit l'efficacité de
main-d'oeuvre, formation de main-d'oeuvre qu'on va discuter dans un autre
commission tantôt. tous ces facteurs de compétitivité sont
imponants pour décider où l'entreprise va s'installer, où
elle va prendre de l'expansion. et je pense que ce qui est important, c'est que
nous regardions... et il faut faire le bilan. il y avait un monsieur dans une
des grandes entreprises, qui m'a dit, et je vous parle franchement: nous
autres, comme association d'affaires, on a tendance à dire: ii y a des
grandes entreprises, elles ont beaucoup de ressources, donc, on va les
approcher pour nous aider dans différents programmes qu'on a. il m'a
dit: vous savez, quand vous venez aux tlm, les tlm commencent à
être tannés que c'est toujours eux autres qui sont choisis. les
tlm, c'est «toujours les mêmes». il y a 27 entreprises
à montréal, à ce qu'il m'a dit - je ne savais pas que
c'était ça - qui sont des tlm et ensuite de ça, vous
pourriez les nommer. donc, tout le monde fait exactement la même chose.
les gouvernements, les associations, les différentes organisations de
charité et éventuellement ces entreprises-là sont
obligées de dire: on ne peut pas tout faire. il y a une limite aux
ressources qu'elles ont. même si elles ont certaines capacités,
les capacités ne sont pas illimitées. c'est la
réalité.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, si je comprends, sur
le plan de la fiscalité, la démonstration dans le débat
public qui va venir prochainement, j'espère, les entreprises ont une
démonstration à faire parce que, dans l'opinion publique, II
n'est pas clair qu'à leur point de vue les entreprises en paient
suffisamment. Et probablement que ce qui les achale davantage, c'est lorsque
les banques déclarent des profits assez impressionnants. Il y a
peut-être l'image qui reste par rapport aux PME. Il y a une distinction
très nette, je pense, entre la capacité des PME et ce que vous
nous dites, c'est qu'il n'y a pas beaucoup d'espoir de ce
côté-là. Ou, si on ajoutait des charges additionnelles,
ça va se traduire par des pertes d'emploi, dû au fait qu'ils ne
seront plus concurrentiels.
M. Harper: C'est le danger. Il faut, comme je l'ai dit
tantôt, être compétitif. Donc, il faut être en mesure
de mesurer ça. Si j'étais à votre place, c'est une des
choses que je ferais. J'essaierais de faire une analyse de ce que ça
peut
représenter. Prenez des exemples de certaines banques, certaines
grandes entreprises, comparez le fardeau avec le fardeau ailleurs au Canada ou
ailleurs au monde. Parce que n'oubliez pas qu'on est dans un monde,
aujourd'hui, où la liberté de choix, où l'entreprise va
s'installer... Même les entreprises québécoises. Regardez
Bombardier. Combien d'opérations de Bombardier ne sont pas ici. Ce n'est
pas arrivé par accident. Ils ont regardé les différentes
occasions qui existaient et ils ont fait leur choix.
M. Côté (Charlesbourg): Vous parlez, dans les
mesures qui pourraient nous apporter certains revenus additionnels, d'une
franchise qui est graduée selon le niveau de revenu des individus qui
s'apparente, somme toute, à un impôt-santé. Est-ce que vous
avez à l'esprit des exemples ailleurs où cette mécanique
et cette proposition sont appliquées?
M. Harper: Non, pas tellement. J'ai parlé avec deux ou
trois comptables agréés qui ont dit que ça les intriguait,
que l'idée les intriguait. En fait, comment est-ce qu'on le mettra en
marche? Je vous laisse le soin de le déterminer. Je n'ai pas besoin
d'avoir toutes les réponses, juste donner des suggestions. Mais
l'avantage qu'on voyait et que les gens voyaient dans ça c'est que c'est
peut-être possible de l'intégrer à l'intérieur du
système fiscal, c'est-à-dire que ça fasse partie du
système actuel, au Heu que ce soit une autre bureaucratie, un autre
coût, en fin de compte, pour l'administrer. Mais comment, exactement? Si
jamais vous voulez le poursuivre, je suis sûr que je peux trouver les
gens qui m'ont donné cette idée...
M. Côté (Charlesbourg): Les comptables.
M. Harper: Je pourrais les mettre ensemble pour vous aider.
M. Côté (Charlesbourg): Vous évoquez la
possibilité d'un ticket modérateur. Et je sais que le Conseil du
patronat nous l'a évoquée avec un sondage qui était sorti
dans le journal Les Affaires du matin même. D'après vous,
est-ce qu'il existe des revers, des côtés négatifs à
l'application d'un ticket modérateur?
M. Harper: C'est peut-être possible que des gens n'aillent
pas chercher un soin à cause du fait qu'il y a un coût,
dépendant du montant du ticket modérateur. Mais je serais
étonné si... Particulièrement, comme le Conseil du
patronat l'a souligné aussi, il faut avoir un certain niveau où
ça continuera d'être, entre guillemets, gratuit. Mais après
ça quand il y aura le ticket modérateur, nous le croyons, et
c'est l'expérience que j'ai eue en parlant avec les gens, ça aura
un impact positif sur l'utilisation du système de services de
santé. Donc, je pense qu'il y a plus d'avantages que de
désavantages et peut-être que le moment est propice, étant
donné qu'il semble que le gouvernement fédéral soit au
moins intéressé à en discuter, si j'ai bien compris.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, pour
le moment je n'aurais pas d'autre question, sauf une seule observation qui est
assez intéressante de par votre témoignage. Vous avez bien pris
soin de nous dire que vous aviez témoigné tout à l'heure
dans une autre commission. Ce que je comprends, c'est que vous avez su, vous,
représentant de l'entreprise privée, vous assurer que votre
présence à deux commissions parlementaire se fasse la même
journée. Ça occasionne, j'imagine, moins de coûts. Il y a
probablement du monde dans notre réseau qui pourraient prendre le
même message et s'assurer de faire ça la même journée
quand ils ont à venir. Ça éviterait un voyage. Ça
serait de l'efficience et aussi de l'efficacité. C'est un bel exemple de
ce qui peut être sauvé comme piastres et cents.
M. Harper: M. le ministre, j'aimerais, par contre, donner le
crédit où il est dû. C'est les commissions parlementaires
qui nous ont convoqués la même journée. Donc...
M. Côté (Charlesbourg): Donc, on doit dire merci
à l'efficience des commissions parlementaires, alors que ce n'est pas
une initiative privée. Merci beaucoup.
Le Président (M. Paradis, Matapédla): Merci, M. le
ministre. M. le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamlngue,
vous avez une quinzaine de minutes.
M. Trudel: Merci, M. Harper, de vous présenter devant
nous, du secteur des affaires et des manufacturiers, pour nous parler de votre
vision du problème, de la situation que nous examinons actuellement en
matière de financement de nos systèmes de santé et de
services sociaux. J'y reviendrai, mol aussi, tantôt, en disant que le
mémoire que vous nous présentez nous donne une vision assez
à froid du système; grosso modo, ça me semble, en tout
cas, être un excellent reflet de ce qu'on entend
généralement sur la place publique. On appelle ça le
«monde des affaires». C'est-à-dire que, sur le plan de la
taxation, sur le plan des charges publiques, on en a assez. C'est un discours
qui est conforme à ce qu'on entend et, par ailleurs, il y a des pistes
sur lesquelles vous nous invitez à nous engager et c'est
celles-là que j'aimerais examiner un peu avec vous, en notant d'abord
votre bon sens de l'humour au départ. Vous dites qu'au Montreal Board of
Trade «50 % des délégués actuels des entreprises
membres sont francophones. Aujourd'hui, nous sommes partagés entre le
plaisir et le devoir». Apprécions ce caractère distinct du
Montreal Board of Trade!
II y a une question qui me chicote sur le plan de la concurrence, de la
compétitivité. Il n'y a pas de piège dans ma question, M.
Harper. C'est qu'on a entendu, ici, différents points de vue sur cette
question de la compétitivité. Somme toute, ce que vous nous dites
au niveau de l'imputation des coûts, c'est: N'en mettez pas plus sur le
dos des entreprises parce qu'il nous faut maintenir une capacité de
compétitivité, être capable de concurrencer le restant du
Canada et les États-Unis. Est-ce que vous avez remarqué dans le
document qui a été présenté par le gouvernement, le
18 décembre dernier, que les dépenses de santé aux
États-Unis sont relativement plus élevées qu'au
Québec et au Canada et que, dans ce sens, toute mesure allant vers la
privatisation, soit du financement ou des services, n'est pas
nécessairement une garantie d'abaisser les coûts et, donc, de
maintenir une capacité de compétition avec nos voisins? Avez-vous
vu cette question, l'avez-vous examinée et quelle est votre
réflexion à cet égard?
M. Harper: Oui. En fait, je suis au courant de ça. Mais il
faut dire que nous n'avons pas proposé la privatisation des services de
santé dans notre document et même le Conseil du patronat a
proposé peut-être certaines voies à regarder mais ils n'ont
pas vraiment privilégié une vole. On ne critique pas tellement le
système actuel. Je pense qu'il faut être conscient du fait que le
système actuel... Vous savez qu'il faut aussi être
compétitif avec les choses qu'on offre aux citoyens. Et le fait qu'on
ait un service de santé qui est ouvert à tout le monde, à
des frais pour les individus via d'autres moyens de financement, est un des
avantages compétitifs que nous avons. Donc, si on veut regarder les deux
côtés de la médaille, avoir un service de santé
efficace et accessible à tous est un avantage comparatif et
compétitif qu'on a. Donc, on ne questionne pas ça. Je pense que
la seule chose qu'on essaie de dire, et de plusieurs façons, et
peut-être qu'en me posant d'autres questions j'aurai une façon de
le dire plus clairement, c'est qu'il faut être en mesure de ne pas avoir
des coûts qui créent un fardeau sur notre système entier,
pas juste sur les entreprises, mais sur notre capacité
générale d'être compétitifs. (17 h 30)
M. Trudel: Remarquez que ce que vous venez de nous dire, de mon
point de vue, est absolument remarquable, M. Harper, et c'est la
première fois, ici, que, du monde en général des affaires,
on ait une affirmation aussi claire que notre système public et la
façon dont nous le contrôlons, c'est un avantage au niveau de la
concurrence et de la compétitivité. Et les chiffres,
effectivement, semblent confirmer cela et je dirais que votre
déclaration et votre affirmation contribuent à détruire un
mythe qui, par définition, est largement répété
dans notre société, que c'est le coût de nos
systèmes de santé et nos services sociaux qui nous enlève
cette marge de compétitivité. Ce matin, il y a M. Poulin, un
actuaire travaillant particulièrement auprès des
Américains, qui nous a fait la démonstration chiffrée
à l'appui de votre thèse et de votre affirmation, ici, ce qui ne
nous empêche pas, par ailleurs, oui, de regarder des mesures d'efficience
de notre système.
À cet égard-là, moi aussi, j'aurais une petite
question au sujet des franchises ou du "deductible'' que vous avez
suggéré. Vous le suggérez simplement comme étant
une autre approche qui peut être intéressante à explorer,
une imposition d'un certain déductible suivant le niveau de revenu des
particuliers. Vous êtes, M. Harper, particulièrement, certainement
témoin, comme tout le monde au Québec, de cette espèce -
je ne veux pas grossir trop trop - de révolte des contribuables de la
classe moyenne. N'avez-vous pas l'impression que d'adopter une telle
suggestion, de la regarder ou de la mettre en application, ce serait contribuer
à attiser la révolte des contribuables? Parce que vous n'avez pas
l'impression que - et je sais bien que c'est à titre d'exemple que vous
nous les donnez, les montants, ce n'est pas à ça que je m'attache
- d'en faire payer davantage à la classe moyenne, qui en a
jusque-là comme vos PME, ce serait de la provocation, actuellement?
M. Harper: Si on comprend bien ce que nous disons quand on parle
de franchise, ma réponse à votre question serait: Non. Et je dis
ça dans le sens suivant: Ça veut dire que c'est quelqu'un, un
contribuable, qui a pris avantage du système des services de
santé, c'est-à-dire qu'il a utilisé ou elle a
utilisé les services de santé pour un montant qui était
plus élevé que le montant de la franchise. Et ceci étant
le cas, ce sera une façon... D'abord, c'est une façon de
démontrer qu'il y a un coût, parce que, vous savez, souvent, les
gens ne pensent pas, ils pensent que c'est gratuit et c'est un peu ça
qui est-Même le ticket modérateur, une façon de
démontrer qu'il y a un coût derrière tous les services
qu'on reçoit est d'avoir un ticket modérateur. Même chose
avec ça. Et la seule raison pour laquelle nous avons proposé
ça comme une alternative au ticket modérateur, c'est que ce
serait peut-être plus facile à administrer. Évidemment, ce
sera important de l'avoir en fonction des services rendus aux citoyens, mais
vous savez que beaucoup de gens ont des plans privés d'assurance. J'ai
une assurance dentaire. Il y a un déductible de 100 $. Donc, ce 100 $,
il faut que je le paie. Après ça, c'est compris dans le plan.
C'est un peu ça, le principe. Ça prendra une certaine
période de formation, parce que, de changer d'un système à
un autre, ça prendra une période de formation. Mais c'est une
question de responsabiliser les gens, qu'ils réalisent que, quand on
prend
avantage d'un système quelconque, il y a un coût
rattaché à ça.
Et, pour un certain groupe de gens qui sont mieux nantis que d'autres,
ce serait approprié, il me semble, qu'il y ait un coût
rattaché à ça. Vous avez raison quand vous dites que les
contribuables moyens sont certainement... S'ils ne sont pas là, ils sont
là! Quand on est là, on ne peut même pas sortir, mais
là, au moins, on peut sortir! Mais je pense qu'il faut être
très réaliste et que souvent nous avons tendance à croire
que, juste parce qu'on a une réaction négative à quelque
chose, la même chose va arriver ici. Je dirais qu'on a plus de chances de
réussir si c'est bien présenté. Évidemment c'est
votre défi collectif.
M. Trudel: Vous nous renvoyez la balle, mais je comprends que
c'est surtout en termes de mesures de transparence ou de relation entre le
coût pour un service et l'utilisation de ce service que vous nous faites
la suggestion. C'est que vous dites que la gratuité, ce n'est pas vrai
ça, évidemment, parce que tout le monde paie quelque part et on
n'a pas toujours, dans notre système, la relation entre le coût du
service et l'utilisation de ce service-là.
Vous nous dites, plus loin dans votre mémoire, avoir l'oeil sur
les coûts. Je pense que, quand on est dans un système qui bouffe
12 000 000 000 $ par année, c'est un conseil tout à fait sage que
vous nous passez là d'avoir l'oeil sur les coûts. Et - vous le
dites à tout le monde d'ailleurs - vous dites, dans le deuxième
paragraphe sous cette rubrique: «Dire aujourd'hui que les services de
santé sont gratuits et qu'il revient à l'État de les payer
est dépassé. La réalité, c'est que le niveau
d'endettement du Québec et du Canada est tel que nos enfants et nos
petits-enfants en ont pour des décennies à rembourser.
»
M. Harper, je vais laisser le problème du Québec, parce
que c'est lui qui est au gouvernement et puis il se défendra avec ses
affaires. Dans le cas du Canada, est-ce que vous êtes d'accord avec le
jugement de M. Le Hir, de l'Association des manufacturiers
québécois, qui dit que depuis 20 ans la gestion des affaires
publiques du gouvernement fédéral est une faillite à tous
les points de vue? M. Le Hir a déclaré ça le 9
décembre dernier. Est-ce que, chez vous, on porte à peu
près le même jugement sur la gestion des fonds publics au
gouvernement fédéral?
M. Harper: Bien, pas tout à fait. On dit qu'il y a des
déficits. J'ai entendu cette déclaration de M. Le Hir, avec qui
j'ai beaucoup de relations parce qu'il est dans notre édifice à
Montréal. Nous croyons que le déficit, au niveau du gouvernement
fédéral, a besoin d'être abaissé beaucoup plus que
ce n'était le cas jusqu'à date, sauf que je pense qu'on peut dire
- et c'est sur ce point-là qu'on ne sera pas si sévères
que Richard - que les efforts ont dernièrement été pris.
Il y a certainement des actions qui sont en voie d'être faites, et je
pense qu'il faut donner un peu de temps. Je pense qu'il faut mettre beaucoup
plus de pression, continuer à mettre de la pression, et qu'on a beaucoup
de chances d'être en mesure de voir des réalisations. Mais ce
n'est pas une chose facile, hein. Je ne prends pas la part du gouvernement
fédéral, ni du Québec, mais je crois qu'un des aspects
dans tout ça, c'est que les politiciens ont besoin d'être capables
de vraiment communiquer aux citoyens, quand ils font des coupures, et les
citoyens corporatifs aussi bien que les individus. Parce que les coupures
affectent tout le monde, mais, si ça affecte quelqu'un d'autre, ce n'est
pas tellement un problème, c'est juste quand ça m'affecte. Et
à tous les niveaux de gouvernement c'est la même chose. Donc, je
pense qu'il y a des efforts qui ont été faits et je ne suis pas
si pessimiste que Richard l'est envers l'action du gouvernement
fédéral à cet égard.
M. Trudel: Merci.
M. Harper: Sur d'autres points peut-être que j'aurai
d'autres commentaires.
M. Trudel: En terminant, M. Harper, je ne peux m'empêcher
de vous dire qu'il y a quatre mots, moi, qui m'ont impressionné dans
votre mémoire, peu importent les options que l'on choisit à
savoir comment on va gérer ça. C'est les mots
«responsabiliser», «sensibiliser»,
«souplesse» et «traiter dignement les personnes». Il y
a là une approche qui est empreinte d'une sagesse que l'on ne peut
renvoyer du revers de la main lorsqu'on examine un système, encore une
fois, qui implique 250 000 salariés et qui coûte 12 000 000 000 $.
Et moi, je veux le noter, parce que, venant d'un organisme comme le
vôtre, ça m'atteint, comme mots.
Et je termine en vous posant une question. Vous dites, par rapport au
vieillissement de la population, qu'il faudrait que l'on essaie de trouver des
moyens innovateurs qui ne mettront pas en jeu notre capacité de
concurrencer mondialement mais, en même temps, de répondre aux
besoins des personnes âgées. Est-ce que vous avez vu une piste de
solution quant à ces moyens innovateurs qu'on pourrait mettre sur pied
en rapport avec la situation du vieillissement de la population et, donc, de
l'augmentation de services que cela entraîne?
M. Harper: Franchement, je ne suis pas un expert dans ça.
Je pense que c'est vraiment un défi de l'avenir et il faut absolument
regarder la façon dont on gère le système. Je n'habite pas
loin de Huntingdon, dans le sud-ouest du Québec, et dernièrement
il y a un petit hôpital, qui était un hôpital de 13 lits, je
crois, qui a été converti
en un hôpital pour les vieillards - c'est ça qu'on dit? -
les personnes âgées. Ma fille, qui a 15 ans, va (à à
toutes les semaines pour travailler deux heures comme bénévole et
c'est incroyable comment ils ont converti ce petit hôpital-là.
C'est maintenant rendu qu'il y a une centaine de personnes âgées
qui sont dans cet hôpital. Ça, c'est un exemple de quelque chose
qui, je pense, a été bien fait. Ce n'est pas Montréal,
mais j'habite là et je peux en parler. J'aimerais juste dire, si vous me
le permettez, que j'aimerais ça vous engager pour écrire la
conclusion de mes textes, parce que vous avez très bien dit ce que
j'aurais dû dire comme conclusion à ce texte que j'ai
présenté tantôt. Merci beaucoup.
M. Trudel: Je suis prêt à faire certains autres
échanges ailleurs, moi. Merci beaucoup, M. Harper.
Le Président (M. Paradis, Matapédia):
Peut-être une question. Vous avez mentionné la franchise tout
à l'heure. Est-ce que, à l'instar des sinistres d'accidents,
où on paie une franchise à toutes les fois qu'on consomme ou
qu'il y a un sinistre, c'est la même chose que vous
préconisez?
M. Harper: Non, ce n'était pas l'esprit qu'on avait.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): C'est une
fois l'an selon le salaire.
M. Harper: Pardon?
Le Président (M. Paradis, Matapédia): C'est une
fois l'an selon le salaire.
M. Harper: Oui, mais basé sur le fait qu'il y a des
services...
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Qui ont
été consommés.
M. Harper: ...de santé qui ont été
consommés.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Très
bien, merci. M. le ministre, pour conclure.
M. Côté (Charlesbourg): Très bonne
précision, parce que, par la suite, on examinait aussi avec M.
Dicaire... On se demandait à chaque fois si ce ne serait pas difficile
à gérer pour être capable de suivre tout ça. Merci
beaucoup de cette contribution. Je retiens un certain nombre de choses, c'est
qu'il faut faire bien attention aux gestes que nous allons poser sur le plan de
la fiscalité, pour bien s'assurer que ça ne viendra pas
défaire ce qu'il a été difficile de conserver comme emploi
dans le secteur privé, en particulier au niveau des PME, et qu'il faut
être extrêmement prudent quand on pose un geste à ce
niveau-là, parce qu'au bout de la ligne on va se retrouver avec des
chômeurs, des chômeurs qui vont peut-être devenir des
assistés sociaux et qui vont, eux aussi à leur tour, consommer
davantage de services. Il y a une chaîne, là, qui est
inquiétante et qui... Vous nous avez mis en garde contre un certain
nombre de choses. Merci beaucoup et bon voyage de retour à
Huntingdon.
M. Harper: Merci pour votre intérêt.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Alors, merci,
M. Harper.
M. Trudel: C'était une bonne illustration, le petit centre
transformé. C'était très bon.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Alors, merci,
M. Harper. La commission des affaires sociales suspend ses travaux
jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de ia séance à 17 h 44)
(Reprise à 19 h 41)
Corporation professionnelle des médecins du
Québec
Le Président (M. Paradis, matapédia): la commission
des affaires sociales reprend donc ses travaux. nous avons invité, et
ils sont déjà là, la corporation professionnelle des
médecins du québec. j'inviterais le dr augustin roy, que je
semble reconnaître, à nous présenter les gens qui
l'accompagnent.
M. Roy (Augustin): M. le Président, M. le ministre,
messieurs de l'Opposition, mesdames, messieurs, je vais vous présenter
les membres qui m'accompagnent. À ma droite, le Dr Pierre Saint-Georges,
directeur du Service de l'inspection professionnelle à la corporation;
le Dr Louis Cossette, adjoint à la direction générale;
à ma gauche, le Dr André Lapierre, directeur
général adjoint, et le Dr Joëlle Lescop, directrice du
Service des études médicales.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): AJors, Dr
Roy, vous êtes suffisamment familier avec nos commissions parlementaires
pour savoir que vous avez à peu près 30 minutes pour nous
présenter votre mémoire. Par la suite, vous pourrez
échanger avec votre...
M. Côté (Charlesbourg): Peut-être même,
dans votre cas, vos mémoiresl
Le Président (M. Paradis, Matapédia): ...grand
ami.
M. Roy: Ça en fait presque une vingtaine
ou plus, même, alors, je commence à avoir une certaine
habitude. Mais je dois vous dire que celle-ci me plaît
particulièrement.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Très
bien, très bien.
M. Roy: Alors, je porterai quand même un jugement final
à dix heures. On présente, la corporation et les membres du
regroupement, un mémoire conjoint. D'ailleurs, le Dr Robert Marier est
ici pour participer également à cette audition en commission
parlementaire. Le Dr Aubry, je ne sais pas si je l'ai vu, il devait être
ici également. Le Dr Jean-Hugues Brassard - malheureusement, à
cause des événements d'hier soir - a dû s'absenter, mais il
est représenté par M. Jean Blouin. Le Dr Richer, qui est
malheureusement absent, est représenté par le Dr Dutil.
Alors, nous sommes solidaires du mémoire qui a été
présenté, jeudi dernier, par les membres du Regroupement des
fédérations de médecins. Nous croyons que, dans un domaine
comme le financement des services de santé, il ne pouvait pas être
dit la même chose de 100 000 manières. D'ailleurs, la plupart des
mémoires de tous les groupes se rejoignent sur un bon nombre de points,
surtout sur les questions purement statistiques et fiscales. Nous sommes
heureux de cette commission parlementaire qui a été
demandée par les médecins, particulièrement par le Dr
Robert Marier, demande qui a été également reçue
avec beaucoup d'attention par M. le ministre, nous l'en remercions, et
appuyée beaucoup également par le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, comme c'est son devoir évidemment de
bien s'assurer que le gouvernement fait son travail. nous félicitons le
ministre pour le ton de son livre vert. le ministre a l'air heureux. c'est rare
que je fais ça, mais c'est un excellent document. c'est un document
honnête, objectif, transparent, avec beaucoup de franchise et qui ouvre
au dialogue. je souhaite que les échanges qui vont avoir lieu ce soir
soient dans le même sens.
Un mot de la Corporation des médecins pour tous ceux qui ne
connaîtraient pas exactement ce que la corporation fait. Nous sommes une
corporation publique, créée par une loi du Parlement, et soumise
à une certaine vérification de l'Office des professions. Nous
existons depuis 1847 et la corporation est financée en totalité,
au coût d'à peu près... un peu plus de 8 000 000 $, par les
médecins. Nous n'avons aucune subvention gouvernementale. Sans fausse
modestie, je dois dire que, dans le domaine médical - parce que je ne
voudrais même pas palier des autres domaines - nous sommes la meilleure
corporation au monde. Je le dis sérieusement. D'ailleurs, ça me
ferait plaisir de visiter d'autres corporations, dans d'autres pays du monde,
avec le ministre - je sais qu'il l'a fait dans d'autres domaines - pour qu'on
puisse regarder ensemble... Entre parenthèses, je l'invite, chez nous,
à venir voir le travail extraordinaire qui s'accomplit à la
Corporation des médecins.
Nous avons souvent la visite de délégations de
différents pays: France, Espagne, Argentine, Italie. Tout le monde est
estomaqué vis-à-vis le travail fait par la Corporation des
médecins. Notre rôle, c'est de nous assurer de la qualité
des soins médicaux, de la qualité de la médecine
exercée au Québec, et je peux vous dire que cette médecine
est excellente. J'en suis fier et toute la population québécoise
doit en être fière. Nous nous occupons des études
médicales. Pour admettre les étudiants, nous travaillons en
collaboration avec les facultés de médecine, et nous encourageons
la dispersion des étudiants en médecine et des résidents
au cours de leur formation. Nous pensons que c'est extrêmement Important
que les étudiants en médecine soient au courant de la
médecine qui se pratique en dehors des grands centres universitaires de
Québec, Montréal et Sherbrooke.
Nous nous occupons également d'enseignement continu. Nous nous
occupons des plaintes, de la discipline et, à cet égard, nous
dépensons à peu près 1 500 000 $ par année au
service du public pour vérifier les plaintes qui sont portées
à notre attention. Nous avons également un service d'inspection
professionnelle dirigé par le Dr Saint-Georges. En 1990-1991, les
membres de ce service - à plein temps et avec l'aide d'experts qui sont
des médecins en exercice - ont visité 117 établissements
au Québec, des CHCD, des CLSC, des centres d'accueil et des centres de
soins prolongés touchant 5471 médecins. Nous avons visité
individuellement 131 médecins, c'est quand même beaucoup de
travail. Nous avons également publié des monographies que j'ai
avec moi et dont certaines, par exemple, sont utilisées par d'autres
organisations comme celle qui s'occupe des technologies. J'ai celle-là,
ici, «Guide d'utilisation des substances de faible osmolarité
comme agents de contraste». C'est une monographie que la corporation a
publiée un an avant que le conseil de technologie ne se penche sur la
question. D'ailleurs, ce conseil s'est inspiré de ce que la corporation
avait déjà fait. Nous avons déjà beaucoup de
monographies dans le cas des laboratoires de cathété-risme
cardiaque, dans le cas de l'obstétrique. Je vous en fais grâce,
j'en ai au moins une dizaine, ici, qui sont distribuées aux
médecins pour en arriver à des meilleurs standards de pratique
médicale.
Je dois aussi ajouter qu'en plus du contrôle de la corporation
chez ses membres, dans les hôpitaux, il y a également un
contrôle local fait par les conseils des médecins et dentistes qui
est un travail bénévole des médecins dans chaque
établissement pour s'assurer de la qualité des services rendus
dans ces établissements. Je dois vous dire que c'est
bénévole alors que les
infirmières, que j'ai vues parader Ici à une couple de
reprises, sont payées pour faire ce service.
Je voudrais peut-être faire une petite mise au point en
commençant cette commission. Une erreur s'est glissée dans le
texte de mon bon ami de Rouyn-Noranda-Témlscamingue, dans sa
présentation, à l'effet qu'il y avait 172 médecins de 75
ans et plus qui avaient fait une moyenne de revenus de 204 000 $ par
année. Effectivement, c'est une moyenne de 35 180 $. Je me sens
obligé de le faire parce que ça été quand
même repris dans les journaux. Je pense que c'est important que la
vérité ait ses droits. D'ailleurs, le député de
Rouyn-Noranda-Témlscamingue est tout à fait au courant de cette
statistique que je voulais corriger.
La même chose en ce qui concerne un rapport dans La Presse
de vendredi sur les revenus moyens nets des médecins, qu'on disait
après impôt. Évidemment, c'est avant impôt, ce sont
des revenus nets moyens avant impôt comme pour tous les citoyens. Si on
calcule ça à l'heure, étant donné la moyenne de 45
heures de travail des médecins, en général, ça ne
fait pas des très grosses moyennes à l'heure. Ça fait des
revenus d'à peu près 50 $, 60 $ de l'heure, pas plus cher que
bien des techniciens qui viennent nous visiter à la maison, pas plus
cher que bien des fonctionnaires ou des professionnels dans notre
système de santé et dans notre système d'éducation,
dont je vols les postes affichés de temps en temps dans les
journaux.
Je voudrais aussi dire que le rythme de croissance des médecins
n'est pas 3,2 fois plus rapide que celui de la population. C'était le
cas jusqu'en 1988. Actuellement, c'est 1,5 fois la vitesse de la population
parce que le rythme de croissance a baissé radicalement depuis les deux
ou trois dernières années.
Je voudrais détruire, une fois pour toutes, ce qui a
été dit quand même à plusieurs reprises au sein de
cette commission, le mythe que la santé coûte cher. Quand on
ventile les dépenses de la santé et les dépenses sociales,
qui sont importantes, on se rend compte que c'est moins de 5,2 % du produit
intérieur brut, alors qu'on nous l'estime à 6,88 % du PIB. On
n'est pas contre les dépenses sociales, mais on voudrait qu'il y ait une
meilleure comptabilité, une comptabilité séparée.
D'ailleurs, la corporation des travailleurs sociaux l'a demandé, et je
suis très heureux qu'elle ait compris que ce que nous demandons avait
bien du bon sens. C'était dans l'intérêt de la
société d'avoir une comptabilité séparée
pour les services sociaux et les services de santé.
Je comprends que, actuellement, c'est très difficile de ventiler
ces chiffres parce qu'ils sont mélangés, ils sont
imbriqués dans les statistiques de la Régie, dans les rapports du
gouvernement. Malgré toutes les bonnes publications
fédérales et provinciales - depuis quelques années, quel-
ques mois, le ministère de la Santé fait de très belles
publications - il est très difficile de s'y retrouver en ce qui concerne
les dépenses de santé et les dépenses sociales. Dans
l'imagerie populaire, c'est important. Quand on parle du ministère de la
Santé, les gens pensent à «médecins», Ils
pensent à «hôpitaux». Les autres secteurs sociaux ont
des problèmes et ont besoin d'argent, également, mais il reste
que nous, on voudrait quand même qu'on nous impute les vraies
dépenses de la santé parce que ces dépenses et ces
coûts sont raisonnables, ils sont stables, vous le savez très
bien, M. le ministre, malgré l'augmentation de la population,
malgré le vieillissement de la population, malgré le
développement de la technologie, avec la gratuité,
l'accessibilité et l'universalité qui sont dans le système
actuel, le système de santé.
Il faut garder intact ce régime de santé que l'on a au
Québec et au Canada. Il faut, tout au plus, l'ajuster pour tenir compte
de la situation actuelle et du vieillissement du régime. Il a
peut-être besoin d'un petit «tune-up», d'un petit «fine
tune-up», mais de quelque chose de gentil - pas de quelque chose de trop
radical - qui ne mettrait pas en péril le système de santé
dont on a hérité et pour lequel bien des gens ont
travaillé très fort au cours des 25 ou 30 dernières
années.
J'en profite pour faire un petit historique de ce système de
santé. C'est assez récent, le système de santé
canadien, mais ça remonte quand même à une quarantaine
d'années. Je me souviens, quand j'étais étudiant en
médecine, qu'on parlait déjà de
l'assurance-hospitalisatlon. Mais, bien avant ça, dans les années
quarante, le gouvernement fédéral, qui est l'Initiateur de nos
systèmes sociaux au Canada et que les provinces ont
agréés, ont acceptés, avait publié plusieurs
monographies, fait plusieurs commissions sur les régimes de santé
dont la population devait se prévaloir. Alors, il y a eu plusieurs
commissions d'enquête, mais la première véritable loi
fédérale, c'est celle sur les services hospitaliers et
diagnostics qui, en 1957, a donné lieu à l'instauration des
programmes d'assurance-hospitalisation. Le Québec a été,
je pense, la dernière province à s'en prévaloir en 1961,
sous le régime de M. Lesage.
Je me souviens, en particulier, en 1961... J'étais, à ce
moment-là, un employé du gouvernement - imaginez-vous! -
j'étais un employé du ministère de la Santé
à l'Unité sanitaire de Saint-Hyacinthe-Rouville. Je me souviens
très bien de la mise en oeuvre de ce régime
d'as-surance-hospitallsation où il fallait changer les habitudes des
gens. Je me souviens, en particulier - vous allez sûrement trouver
ça dans vos archives, au ministère, M. le ministre - de la
publicité que le ministère de la Santé a faite dans les
journaux pour attirer les gens à l'hôpital. Le citoyen, à
ce moment-là, s'appelait M. Tout-le-Monde. Je pense qu'il s'appelait
Thomas
Tout-le-Monde. Des grandes pages de journaux pour dire: M.
Tout-le-Monde, maintenant, l'hôpital c'est gratuit. On vous invite
à aller à l'hôpital. On vous sollicite à
l'hôpital. Ne vous gênez pas, l'hôpital est à votre
disposition. Pas surprenant que les gens aient, à ce moment-là,
délaissé les bureaux des médecins pour les services
d'urgence, et aient commencé a aller à l'hôpital pour des
bagatelles dès qu'ils avaient un problème! Pas surprenant que les
médecins aient abandonné les soins d'urgence dans leur cabinet
privé et dans leur clinique parce qu'à ce moment-là
c'était gratuit à l'hôpital et il fallait payer dans le
cabinet du médecin! Alors, si on a des encombrements, c'est
évidemment parce qu'on a changé les mentalités et il
faudrait peut-être, encore une fois, responsabiliser tout le monde au
sujet des coûts engendrés par la fréquentation des services
d'urgence des hôpitaux.
Il y a eu ensuite l'enquête Boudreau sur l'assurance-santé,
l'enquête Castonguay, que tout le monde connaît, sur
l'assurance-maladie. C'est ça qui a donné lieu à notre
régime d'assurance-maladie d'aujourd'hui.
À ce moment-là, on faisait des enquêtes pour
établir un système d'assurance-maladie, pas un système
d'assurance sociale, pas un système qui couvrait les services sociaux.
On voulait empêcher les gens de se ruiner parce qu'ils avaient le malheur
d'être malades. C'est bien sûr qu'avant 1970, et
particulièrement avant 1961, avoir un infarctus, avoir un accident,
avoir le cancer, ça pouvait être catastrophique pour une personne
et pour sa famille. Alors, l'État a voulu protéger les gens
contre les soins médicaux catastrophiques, je dis bien les soins
médicaux. C'est comme ça qu'on a appelé ça les
services médicaux de base. Par opposition, les autres services, qui
n'étaient pas inclus parce qu'ils n'étaient pas catastrophiques
au point de vue des coûts, se sont appelés des services
complémentaires. Alors, ils ont été baptisés
complémentaires et non essentiels, c'est tout simplement la raison. Ils
n'étaient pas essentiels, ils se sont appelés
complémentaires. Pas parce qu'ils n'étaient pas bons, mais parce
qu'ils n'étaient pas assez essentiels pour que les gens les aient
gratuitement, parce que ce n'était pas essentiel qu'on ait des services
optométriques gratuits, ni des services dentaires, ni des
médicaments, même si ce sont des choses qui sont quand même
intéressantes à avoir gratuitement.
C'est pour ça qu'après ces discussions très longues
le système qui a été construit à l'aide d'efforts
des citoyens du temps - il y a 20 ans, il y a 30 ans - c'est pour ça
qu'à l'heure actuelle il ne faut pas toucher aux personnes
âgées. Il ne faut pas aller taxer de nouveau les personnes
âgées qui ont contribué toute leur vie au financement du
système de santé qu'elles ont mis en place; ce sont elles qui
l'ont bâti. Au moment où elles vont peut-être avoir besoin
d'utiliser le système, je pense que ce serait inacceptable, odieux,
qu'on aille les taxer alors qu'elles ont contribué toute leur vie
à bâtir ce système.
Le problème, actuellement, M. le Président, ce n'est pas
la santé, ce ne sont pas les dépenses de la santé. Le
problème, ce sont - je devrais dire - les gouvernements que je ne
qualifierai pas. «Les» gouvernements, je n'ai pas dit
«le» gouvernement, je n'ai pas dit «un» gouvernement.
C'est sûr qu'il y en a un qui est plus coupable que l'autre. Je pense que
je vais faire plaisir au député de
Rouyn-Noranda-Témis-camingue en identifiant le gouvernement
fédéral. C'est bien évident que le gouvernement
fédéral, depuis plusieurs années, depuis une dizaine
d'années, n'a pas fait sa job. Depuis une quinzaine d'années, il
n'a pas fait son travail, et il est en train de contaminer tous les
gouvernements de tout le pays. (20 heures)
Mais il ne faudrait pas faire subir ces déficiences des
gouvernements aux malades. Actuellement, M. le ministre, avant que vous ne me
posiez la question, je vais vous répondre. C'est de problèmes
structurels dont souffre l'économie. J'ai rencontré un
président, un économiste d'une grosse banque, en fin de semaine,
et je lui ai posé la question. Il m'a clarifié clairement que
c'était structurel le problème de l'économie. Il m'a
même dit que le cycle actuel n'était pas terminé, et qu'il
durera encore un certain temps. Je suis certain que vos économistes du
Conseil du trésor en sont informés. Les changements structurels
dans notre système économique vont durer plus longtemps qu'on
pense. C'est bien sûr que c'est actuellement entouré de
problèmes conjoncturels et le moindre n'est pas celui ou ceux
causés par nos ineffables et interminables débats
constitutionnels qui, j'espère, vont se terminer un jour. Actuellement,
ça monopolise l'énergie de bien des honnêtes citoyens, et
ces énergies pourraient être mieux utilisées à
développer l'économie de notre pays.
Comme citoyens, nous médecins, nous devons aider le gouvernement,
quel qu'il soit, de quelque couleur qu'il soit. Nous comprenons l'impasse
budgétaire actuelle. Nous comprenons qu'il soit nécessaire de
contrôler les coûts, mais II ne faut quand même pas bloquer
l'évolution normale des dépenses de santé qui sont
causées par l'évolution, tout simplement, des problèmes de
santé et des besoins des malades.
Par exemple, à la page 11 de notre mémoire, on note un
certain nombre de problèmes qui nécessitent de l'argent nouveau
parce que bloquer le budget actuel à IPC plus 1 % serait insuffisant.
Par exemple, le développement des nouvelles technologies; le
problème de la vétusté des immobilisations ou des
équipements; les nouvelles maladies, le sida qui a coûté
une fortune au ministère de la Santé qui a investi 150 000 000 $
au cours des quatre ou cinq
dernières années; les nouveaux médicaments; le
financement Insuffisant dans la recherche médicale; le vieillissement de
la population; les délais dans l'accessibilité aux services
diagnostiques et thérapeutiques. Donc, II faut quand même garder
de l'argent pour régler ces problèmes qui sont encore
existants.
Entre parenthèses, pendant que j'y pense, l'opération que
vous faites dans le domaine de la santé, il faudrait qu'elle se fasse
dans le domaine de l'éducation parce que, là aussi, il y a
presque 28 % ou 30 % du budget du Québec qui y passe. Je suis certain
que, si on faisait la même opération, si on était aussi
critique et aussi sérieux dans l'évaluation de ce qui se passe en
éducation, on sauverait des millions. Je dirais même des centaines
de millions de dollars, ne serait-ce qu'en regardant, qu'en révisant la
structure des cégeps qui, d'après moi, comme citoyen, est quelque
chose d'absolument aberrant, quelque chose d'inutile, dont on devrait se
débarrasser et qui pourrait facilement sauver beaucoup d'argent,
beaucoup d'argent. Ça a été une erreur de M. Lesage
d'avoir été trop vite en écoutant un de ses ministres fort
dans le temps, M. Gérin-Lajole.
De toute façon, il ne faut pas faire subir aux malades les
contrecoups de la mauvaise gestion des gouvernements. Les malades ne doivent
pas servir de bouc émissaire aux erreurs des gouvernements. Il ne faut
pas prendre, par ailleurs, l'argent de la santé ou l'argent qu'on
pourrait épargner dans la santé et l'envoyer ailleurs, dans le
social... à condition qu'on garde la part de la santé. Il ne
faudrait pas l'envoyer ailleurs en diminuant la part de la santé. Il ne
faudrait pas l'envoyer dans le social, dans l'éducation, dans la
justice.
Il y a le Sommet de la justice la semaine prochaine. Je sais qu'il va y
avoir énormément de demandes qui vont être drainées
par les avocats pour améliorer la justice au Québec. Il ne
faudrait pas que ça se fasse au détriment de l'argent qui est
déjà dans la santé.
Des routes! C'est bien sûr que les routes sont mauvaises au
Québec. On le sait très bien. Mais, qu'est-ce que vous voulez? Il
faudrait bien trouver de l'argent spécial pour les routes, malgré
le fait qu'on est déjà taxé et surtaxé...
M. le ministre, il ne faut surtout pas blâmer les médecins
pour les dépenses de la santé. Les médecins sont
formés pour traiter les malades et c'est normal qu'ils engendrent des
coûts et des dépenses dans le domaine de la santé, tout
comme on ne doit pas blâmer les ingénieurs pour le coût des
routes, ni les architectes pour le coûts des édifices. Le
médecin répond tout simplement à la demande des patients.
Il ne court pas après les patients, nonobstant ce que disent certaines
personnes, et sa profession, son rôle, c'est de soigner des malades.
Bien sûr, le nombre de médecins a augmenté, mais
à la demande des gouvernements. Ce n'est pas la Corporation des
médecins qui a le contrôle sur le nombre des médecins et
sur l'admission des médecins à la faculté de
médecine. C'est le gouvernement qui, d'année en année,
dicte le nombre d'étudiants en médecine. C'est le gouvernement
qui, par ses politiques, fait en sorte qu'il y ait plus ou moins de
médecins. Dans le passé, c'est le gouvernement qui,
volontairement, a augmenté le nombre de médecins au
Québec. Il faut dire, par ailleurs, qu'au Québec le nombre de
nouveaux médecins est fort bien contrôlé.
Je voudrais faire part, tout de suite, aussi, d'une correction qui
apparaît à la page 20 de notre mémoire sur
l'évolution... Attendez une minute, là! À la page 20 de
notre mémoire, on a une correction sur la comparaison entre le
Québec et l'Ontario, au niveau du nombre de médecins. On dit
très bien, à ce moment-là, et en citant un rapport de M.
Contandriopou-los - que vous aimez bien, M. le ministre. Est-ce que vous avez
le goût de l'inviter de nouveau? Entre parenthèses, puisque
ça me passe par l'idée, par l'esprit, j'aimerais ça que,
si vous Invitiez M. Contandriopoulos, vous invitiez également la
profession médicale à donner sa contrepartie. On cite le rapport
de M. Contandriopoulos: «La proportion des médecins
spécialistes en Ontario continue donc à augmenter alors qu'elle
diminue au Québec. Quand on compare les ratios population par
médecin en tenant compte des différences dans le temps de travail
des médecins et des différences dans la structure par âge
de la population, l'écart entre l'Ontario et le Québec
disparaît. La disponibilité de services médicaux par
habitant est alors identique dans les deux provinces. Par ailleurs, les
coûts des services médicaux per capita sont plus
élevés et croissent plus rapidement en Ontario qu'au
Québec. De plus, les différences dans les politiques de formation
des médecins dans les deux provinces font en sorte que le nombre de
médecins augmentera plus vite dans les années qui viennent en
Ontario qu'au Québec, particulièrement chez les
spécialistes». C'est à la page 17, dans le rapport du
ministère préparé par M. Contandriopoulos qui compare
l'offre de services médicaux au Québec ou en Ontario.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): C'est parce
qu'on ne semble pas avoir le document à la même page que vous.
M. Roy: non, je ne l'ai pas, en fait, malheureusement. c'est le
résumé, en fait, du mémoire qu'on a déjà
présenté collectivement. alors, je fais des... comment je dirais
ça...
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Alors, la
page 20 que vous mentionnez, ce n'était pas pour nous, c'était
pour vous. Ah! très bien.
M. Roy: La page 20? Ah! Ce n'est pas la même. C'est notre
mémoire, ça, ici? Apparemment, c'est à la page 9. C'est
parce que c'est un autre texte que j'ai. C'est à la page 9; c'est une
autre édition que vous avez.
M. Côté (Charlesbourg): C'est 21 de l'édition
que vous avez.
M. Roy: C'est ça. 21, c'est l'édition qui a
été circulée à tous les médecins.
M. Côté (Charlesbourg): Je suis chanceux, j'ai un
médecin dans mon équipe. Je pouvais en avoir une copie!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lapierre (André): La page à laquelle le Dr Roy
faisait référence, c'est la page 26 du mémoire.
M. Roy: C'est ça, du mémoire.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci. Vous
pouvez poursuivre.
M. Roy: Comme je vous disais tout à l'heure, la croissance
actuelle des médecins n'est pas 3, 2 fois plus rapide que la population
mais bien 1, 5 plus rapide que la population.
Juste un mot sur la prévention. On a entendu beaucoup parler de
la prévention au cours des dernières journées. Ce n'est
pas une mauvaise idée la prévention, mais il y a un mythe
à détruire au fait que la prévention, ça va
régler tous les problèmes. D'ailleurs, j'ai moi-même une
formation d'hygiéniste et de santé communautaire. J'ai
pratiqué la prévention déjà et je la pratique
encore d'ailleurs. La prévention, les médecins la pratiquent tous
les jours dans leur cabinet, elle est intégrée au curatif. La
prévention n'empêche pas la maladie, surtout quand une population
vieillit parce que, en fait, à ce moment-là, plus on fait de
prévention, plus les gens vont vieillir, plus on est victime de nos
succès, plus les gens vont peut-être être malades, à
moins qu'il n'y ait une recette idéale...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roy:... à moins qu'il n'y ait une recette
idéale, que le gouvernement aurait et qui serait, en fait, que les gens
meurent subitement, à 90 ans, en bonne santé. Là, on
réduirait les coûts. En fait, on pourrait parler plus longuement
de la prévention, je ne veux pas prendre trop de temps sur ça,
mais il reste que c'est un facteur important. On en a parlé à
plusieurs reprises ici, et c'est une fausse idée que de croire que
développer trop la prévention, investir trop d'argent dans la
prévention réduirait les coûts de la santé, au
contraire. Maintenant, que pouvons- nous faire comme médecins? Beaucoup,
M. le ministre. Je pense qu'il est temps de parler du partenariat parce que ce
partenariat est essentiel et que c'est même une condition sine qua non du
succès des politiques de santé. Il faut que les gouvernements
impliquent les médecins dans la gestion de la santé. Il n'y a pas
d'autre réponse, il n'y a pas d'autre recette magique pour tenter de
résoudre les problèmes de la santé.
Il faut impliquer les médecins dans la gestion de la
santé. Entre parenthèses, je pense qu'il faut, au plus vite,
rémunérer les médecins pour les tâches
médico-administratives qu'ils font bénévolement depuis
longtemps. Il ne faut surtout pas écouter les infirmières quand
elles disent qu'elles vont vous sauver 50 000 000 $ en ne
rémunérant pas les médecins, ce que j'ai entendu vendredi
dernier, parce que les infirmières, elles, elles sont payées.
De toute façon, M. le ministre, les médecins veulent
collaborer avec le gouvernement et avec les établissements. Nous pouvons
faire beaucoup ensemble. Nous sommes au courant des problèmes du
système de santé et si la réforme - vous connaissez ma
résistance à la réforme - veut être une
réussite, il faut un véritable partenariat. Il ne faut pas que ce
soit seulement un mot. Il faut que ce soit vraiment mis en application. Nous
vous l'offrons cette collaboration, nous vous l'offrons ce partenariat, sur un
plateau d'argent, M. le ministre. Après tout, quand le gouvernement a
décidé de faire la réforme du Code civil, il n'a pas
consulté des fonctionnaires, des gestionnaires puis des sociologues. Il
a consulté des avocats. Quand le gouvernement veut refondre les lois de
l'impôt, il consulte des comptables, pas des avocats, pas des
médecins, pas des ingénieurs et pas des sociologues, encore une
fois. Il consulte des gens qui sont connaissants du régime. Donc, dans
le domaine de la santé, s'il vous plaît, si vous voulez que
ça fonctionne bien, consultez les médecins.
En terminant, je vais vous faire quelques suggestions pratiques pour
réduire les coûts. Par exemple, un contrôle
sévère de l'utilisation de la carte-soleil. On l'a dans notre
mémoire. Ç'a été dit et redit. On est tout à
fait d'accord avec un contrôle très sévère de
l'utilisation de la carte-soleil. C'est une carte de crédit, on l'a dit
encore, avec la photo sur cette carte-là. On vient de la mettre en
vigueur, la photo, sur le permis de conduire. Je pense qu'actuellement il y a
trop d'abus, il y a trop de fraude avec cette carte. Il y a trop de personnes
qui utilisent la carte pour se faire soigner, trop de personnes de
l'extérieur utilisent la carte pour se faire soigner avec l'argent des
Québécois.
Des anecdotes, vous en avez. Moi aussi, j'en ai. Je connais des gens
qui, déjà, ont prêté leur carte-soleil à
d'autres personnes, particulièrement à des Américains.
Mais ça existe aussi pour des gens d'autres pays. Il faut aussi
encourager l'usage de la carte à puce. Une expérience
va commencer bientôt. Il va falloir pousser dans ce sens-là
pour être capable de donner un meilleur contrôle du patient, de son
dossier médical, pour que le médecin soit capable de
connaître le genre de consultations que le patient a eues, au point de
vue médical et au point de vue ordonnances pharmaceutiques, en
particulier.
Il faut revoir les mécanismes de négociation des
conventions collectives. Je pense qu'il est important... Vous avez entendu les
syndicats ce matin. Vous avez vu qu'ils n'étaient pas très
ouverts. Je pense qu'il est important de revenir, peut-être, à la
négociation locale. C'est clair que, actuellement, les
négociations nationales donnent un pouvoir de pression
extraordinaire-ment grand, énorme aux syndicats. Je pense qu'il faut
réviser ces conventions collectives. J'emprunte ici au mémoire de
Ghislain Dufour sur la question du manque de mobilité du personnel, sur
la question de la multiclpllclté des types d'emploi, sur les mutations
internes, sur le coûts des arbitrages inutiles, les libérations
syndicales. Vous savez les coûts énormes que ces conventions
collectives trop rigides et trop généreuses donnent au
régime actuel des soins médicaux. Ils coûtent au
système.
Il faut aussi réviser et revoir le régime d'avantages
sociaux. Il y a 500 000 000 $ en cause, M. le ministre, et vous le savez
très bien, 500 000 000 $ en ce qui concerne l'utilisation de la CSST et,
également, les congés, des remplacements. C'est extrêmement
important et je pense qu'il y a beaucoup d'argent là-dedans. Je pense
que ce système, ses avantages semblent excessifs et le système
semble mal géré. Je m'aperçois que je suis en train de
faire votre job. (20 h 15)
M. Côté (Charlesbourg): Ce dont je me rends compte,
c'est que vous avez pris pas mal de notes la semaine passée.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Dr Roy,
est-ce qu'il vous reste beaucoup de recommandations?
M. Roy: J'achève... trois minutes. Je pense qu'il faut
également augmenter la productivité des employés du
système de santé. Il faut viser l'efficience et
l'efficacité, tout le monde l'a dit. À part les
médecins... Évidemment, il ne faut pas augmenter leur
productivité, bien là, parce qu'on va vraiment faire sauter la
cagnotte, comme on dit. À part les médecins, il reste 10 000 000
000 $ dans le système de santé pour tous les autres intervenants.
Si on augmentait la productivité de 1 % seulement, on sauverait 100 000
000 $; de 2 %, 200 000 000 $. Vous avez là, à 2 % par
année, votre 200 000 000 $ que vous n'avez pas du fédéral.
Si vous êtes capable d'avoir les deux, tant mieux.
Il y a également toute la question des médicaments. Les
médicaments coûtent 500 000 000 $ et augmentent à un rythme
de 15 % par année. En Ontario, c'est rendu plus de 1 000 000 000 $. Dans
ces 500 000 000 $, il y a 100 000 000 $ de rémunération pour les
pharmaciens et le reste sert à l'achat des médicaments. Il y a
certainement là des épargnes à faire, en négociant
avec les compagnies pharmaceutiques, en vérifiant avec la liste des
médicaments approuvés, en diminuant peut-être cette liste,
en faisant en sorte que les médicaments ne soient approuvés, ne
soient mis sur la liste que s'ils sont absolument essentiels et, surtout, en
négociant mieux, je pense, avec les compagnies pharmaceutiques. Ce sont
elles qui, vraiment, coûtent cher dans ce système-là. Ce
sont elles qui bénificient des largesses du gouvernement.
I! y a aussi à regarder du côté des dentistes. Il
n'y a pas beaucoup d'argent à sauver là, pas beaucoup. Je pense
que le système est assez bon mais peut-être que si vous
étendiez le délai entre les examens, et que vous limitiez surtout
les enfants à un dentiste par examen, à ce moment-là, par
délai, par année ou par deux ans, il y aurait de l'argent
à épargner, un peu.
Il y a aussi de l'argent à épargner du côté
des optométristes, pas en désassurant complètement, mais
en gardant les services au moins assurés pour les enfants et les
personnes de 65 ans, et en étendant peut-être les examens aux
trois ans, comme ça se fait dans d'autres provinces. Vous pourriez
peut-être, en même temps, faire la même chose pour les
ophtalmologistes qui, d'ailleurs, sont d'accord pour une désas-surance
des services, des examens visuels.
Vous pourriez sauver de l'argent - vous l'avez dit très bien au
début de la commission - avec les remboursements à
l'étranger, 5 000 000 $. Vous pourriez sauver de l'argent - et
ça, on va vous aider à le faire - avec le paiement des
radiographies pulmonaires de routine. D'ailleurs, en ce sens-là, quand
le rapport du conseil des technologies est sorti récemment... Je dois
vous dire que nous, on a un règlement, à la corporation, depuis
1982, sur les examens de routine. Il est clairement dit que les radiographies
pulmonaires ne doivent pas être faites de routine et ça fait
partie, d'ailleurs, des règlements du gouvernement. Nous espérons
tout simplement que les hôpitaux vont faire leur travail, que les CMDP
vont faire leur travail, et qu'on va pouvoir épargner probablement 10
000 000 $ par année de ce côté-là. Il y a d'autres
recettes, mais je les garde pour un autre moment. En terminant, je me pose la
question. On a le meilleur système de santé au monde, tout le
monde le dit. Pourquoi tant se questionner? Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci Dr Roy.
Maintenant, je laisse le soin au ministre de la Santé de s'entretenir
avec son grand ami, le Dr Roy.
M. Côté (Charlesbourg): merci, m. le
président. je pense que, dans un premier temps, il m'apparaft opportun
de dire pourquoi j'ai insisté pour recevoir la corporation de
manière indépendante du regroupement. on s'est
échangé quelques petites politesses la semaine dernière.
mais, à ce moment-ci, pour moi, je pense qu'il était capital,
dans cette discussion extrêmement importante, alors que la corporation a
à défendre le public, de pouvoir l'interpeller de manière
différente. donc, elle seule, par rapport au regroupement des
fédérations de médecins qui, au-delà de
l'intérêt public, ont quand même des clientèles de
dispensateurs de services à défendre - je pense que c'est leur
droit bien légitime. c'est pour ça que j'ai souhaité voir
la corporation de manière indépendante. bien sûr, compte
tenu de l'amitié qui nous lie et qui a défrayé
passablement les manchettes au cours des dernières années, je me
suis fait sortir mon évangile selon saint augustin, aussi-dès
voix: ha, ha, hal
M. Côté (Charlesbourg): ...alors j'ai fait le tour
passablement pour qu'on puisse effectivement échanger sur un certain
nombre de dossiers. Vous le comprendrez très certainement.
M. Roy: C'est «Les confessions de saint
Augustin»?
Des voix: Ha, ha, hal
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, une chose est
certaine, c'est que vous êtes presque rendu au paradis, compte tenu du
qualificatif que j'ai pu recevoir en cours de route. C'est Jésus-Christ
qui reçoit saint Augustin. Donc, au paradis les deux, je pense qu'on va
tenter de trouver le meilleur des mondes pour les Québécois, sans
nécessairement que ce soit le paradis, mais un meilleur environnement
sur le plan fiscal qui aura très certainement des conséquences
sur les déterminants de la santé et du social aussi, parce que,
évidemment, il y a un ensemble de dossiers dont on devra se parler.
D'entrée de jeu, il y a un certain nombre de constats que je fais
à votre présentation. D'abord, je vous lance le même
défi qu'au Dr Marier, 5 200 000 000 $ par rapport à 5 600 000 000
$. C'est sûr que c'est ouvert; dans la mesure où on fait la
démonstration à l'un, j'imagine qu'on la fait à l'autre
aussi. Dans la mesure où c'est effectivement 5 600 000 000 $ qui sont
dépensés au Québec, je pense qu'on est dans une situation
où le défi sera... Le défi est lancé et sera
prouvé aussi par rapport aux 5 2000 000 000 $ qui sont
évoqués. On va faire la clarification des chiffres en souhaitant
pouvoir vous faire cette démonstration-là.
Deuxièmement, ce qui me surprend un peu, c'est que, dans toute la
présentation qui a été faite au niveau des mesures
où on pourrait sauver un certain nombre de choses, il y en avait pour un
petit peu tout le monde. mais j'ai bien compris, quand on est arrivé
à la fin... puis, on est arrivé dans le pulmonaire à la
fin, et c'était la seule mesure qui pouvait concerner les 2 000 000 000
$. ça, je dois vous dire que ça m'inquiète un petit peu,
donc on va travailler ça en cours de route, de manière certaine.
il ne peut pas y en avoir juste pour les dentistes, juste pour les
optométristes, juste pour les travailleurs du réseau de la
santé et des services sociaux. ce que je trouve extraordinaire, et je
commencerais peut-être par cette question-là, vous nous avez dit:
oui, sur le plan de la négociation, sur le plan local, il y aurait
probablement un certain nombre d'avantages. est-ce que, sur le plan
régional, il n'y aurait pas eu aussi certains avantages? par exemple, un
petit budget fermé à la ramq, au niveau régional, sur le
plan de la rémunération? commençons par ça parce
que j'imagine que, si c'est bon sur le plan local, ça peut
peut-être être bon aussi, avoir certaines vertus sur le plan
régional, tel qu'on le souhaitait, mais qu'on n'a pas fait.
M. Roy: Vous savez bien, M. le ministre, que, malheureusement, ce
n'est pas moi qui négocie pour les médecins. Mais II reste que la
négociation, sur le plan régional, ou les enveloppes
budgétaires, sur le plan régional, la régionalisation des
services, en fin de compte, ce n'est pas une affaire nouvelle. On en a
parlé dans le temps de M. Castonguay, le débat a
été fait longtemps. Les gens étaient d'accord pour une
régionalisation, mais à une condition: c'est que les
régions soient autofinancées, que les régions aient le
pouvoir de taxation. Or, aucun gouvernement n'a voulu aller dans ce sens
jusqu'à maintenant. Les régions ne sont pas autonomes parce
qu'elles recevraient leur argent du grand frère ou du grand prêtre
à Québec, qui déterminerait d'avance...
M. Côté (Charlesbourg): Pour rester dans la
religion.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roy: ...quel est l'argent qui sera attribué à
tel région plutôt qu'à telle autre. Il y a aussi tous les
problèmes des personnes qui auraient à consulter en dehors de la
région. Dans notre système actuel, les médecins ont le
droit de choisir leurs malades, les malades ont le droit de choisir un
médecin. Les malades ont le droit de choisir leur centre de
santé, leur établissement, et ce serait très lourd sur le
plan gestionnaire, sur le plan administratif. Je ne pense pas que ça
amènerait grand-chose.
Je pense qu'on peut régler et améliorer le système
de santé sans donner des pouvoirs exorbitants aux régies
régionales qui, déjà, en
ont beaucoup de pouvoirs et ont relativement fait peu au cours des
dernières 20 années. Je ne pense pas qu'il soit justifié
qu'elles dépensent encore 60 000 000 $ comme elles veulent le faire, en
fonctionnaires additionnels, pour tenter de faire plus de travail. Je ne pense
pas que ce soit nécessaire d'aller dans ce sens-là.
Dans un petit pays comme le Québec - on n'est quand même
pas si nombreux et si grand - je pense qu'on peut gérer de
Québec. Une gestion raisonnable m'apparaît correcte en partant de
Québec, sans trop décentraliser au niveau des budgets et au
niveau des régions.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne peux pas
m'empêcher de tirer la conclusion suivante: Pour les médecins,
centralement, pour les autres, localement. Ça me paraît
être... Mais je ne veux pas m'étendre là-dessus
indéfiniment, là.
M. Roy: Je parle des budgets, M. le ministre. Je parlé des
budgets. La négociation, je ne sais pas... Vous pourriez
négocier, actuellement, avec les résidents, avec les
omnlpraticiens, avec les spécialistes. Ça dépend des
structures de négociation que se sont données les gens. Mais vous
venez de signer et d'adopter la loi 120, vous avez fait une négociation
centrale avec les fédérations. Vous aviez tenté d'amener,
peut-être par inadvertance, une possibilité de négociations
avec des groupes de médecins. Vous avez vu la réaction des
syndicats médicaux. Je dois vous dire que ce n'est vraiment pas dans mon
domaine de parier de syndicats et de négociation.
M. Côté (Charlesbourg): Changeons... Comme je n'ai
pas beaucoup de temps, j'ai quand même une douzaine de bonnes questions
que je pense bonnes. Évidemment, je vous laisse le soin de juger. Mais,
en premier lieu, pour être bien clair quant à la démarche
de notre échange, il m'apparaît important de souligner un certain
nombre de domaines où la corporation fait un travail assez exceptionnel.
Pour que ce soit clair, pour ne pas que tout le monde pense que le ministre est
en chicane absolument ouverte avec la corporation, et qu'il pense qu'il ne se
fait pas des choses de bien, à la corporation.
C'est peut-être bon de les rappeler, parce que, souvent, on va
davantage tirer un petit bout pour passer à la TV ou un beau petit
paragraphe dans le journal qui va faire... là où on s'accroche et
on se tire les oreilles que ce qu'on reconnaît comme ayant
été bien fait. Je ne veux pas vous retourner la pareille parce
que vous m'avez dit que le document était bon, mais je pense qu'il
m'apparaît important, à ce moment-ci, pour rendre justice à
la corporation, de souligner que, sur le plan de l'introduction de la
médecine familiale pour tous, en termes de formation médicale,
c'est un des points extrêmement importants pour lesquels la corporation
s'est battue et a été à l'avant-scène du Canada.
Les autres provinces, au Canada, l'imitent maintenant. Il y avait de quoi,
là, assez intéressant.
D'autre part, c'est assez audacieux, aussi, de faire un colloque sur la
pertinence. Il est en voie d'élaboration et se tiendra très
prochainement. Bravo, je pense que ça fait partie de vos
responsabilités et vous les prenez. La carte à puce, vous en avez
parié. Le projet Optima... Finalement, j'imagine que vous pourriez en
ajouter bien d'autres sur une collaboration, donc, un partenariat qui est tout
à fait exceptionnel, et qui donne un certain nombre de fruits. J'arrive
maintenant à ma question, à une de mes questions.
M. Roy: Elle doit être salée.
M. Côté (Charlesbourg): Comment?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ah non, elle n'est pas si
pire que ça, surtout... Finalement, je ne voulais pas la poser, mais je
l'ai remise dans mon ordre de priorités - c'est pour ça que j'ai
travaillé tantôt - très haut sur le plan prioritaire. Vous
m'avez évoqué, et ce n'était pas nécessairement
très clair dans l'article que vous avez donné à Martin
Gagnon, dans La Presse du 8 décembre 1990, quand vous disiez que
vous aviez rêvé d'être ministre.
M. Roy: Vous me prêtez des intentions.
M. Côté (Charlesbourg): Oui oui. On pourrait
s'étendre longtemps sur le sujet. Comme vous m'avez évoqué
qu'à Saint-Hyacinthe vous avez été dans la santé
communautaire et que, si j'ai bien entendu dans la présentation, il y
avait aussi de l'intérêt aujourd'hui, vous étiez là
lorsque les départements de santé communautaire ont
présenté leur document... À la page 11, il est dit ceci -
je veux relire pour être bien sûr qu'on se comprend bien. La
rémunération des médecins. Il est dit ceci:
«L'argent étant le nerf de la guerre, la vraie réforme
risque de venir avec cette discussion sur le financement. La réforme,
deuxième étape, pourrait être la vraie réforme en
misant cette fois sur ceux qui prescrivent nos 12 000 000 000 $ de services au
Québec.» Évidemment, c'est des médecins qui le
disent. Si c'était moi, ce ne serait pas bon.
M. Roy: Ça doit être bon.
M. Côté (Charlesbourg): On se comprend? Normalement,
il y a des chances que ce soit bon. Donc, ce n'est plus une question de 2 000
000 000 $ pour les médecins, c'est une question de 12 000 000 000 $ pour
les médecins. «Cette réforme pourrait se faire par les
médecins. En effet, le véritable consommateur, celui qui
transforme les symptômes des patients en
visites, consultations, hospitalisations, tests de laboratoire, examens
radiologiques, chirurgie, le véritable consommateur, c'est le
médecin.» Je pourrais continuer, mais vous avez le texte, avec
toute une série d'exemples qui sont donnés en dessous de
ça, - il y en a une dizaine - assez percutants, merci. (20 h 30)
Comme ça vient des médecins, je me demandais si le
président de la Corporation aurait quelques idées à nous
transmettre sur la valeur de ces affirmations ou d'actualisation de ces
informations.
M, Roy: Moi, je respecte les opinions de tout le monde, y compris
celle de mes collègues de santé communautaire. Il y a quand
même de bonnes choses dans leur document, mais ce qui est important de
noter, M. le ministre, et vous l'avez lu d'ailleurs, c'est que cette
réforme pourrait se faire par les médecins, non pas par le
gouvernement ou par les fonctionnaires, mais par les médecins. Donc, le
partenariat dont on parlait au début, c'est extrêmement important
parce qu'on sait qu'il y a des choses à faire. On n'est pas idiot. Mais
ça, ça doit se faire avec les médecins, par les
médecins. Je suis certain que mes collègues des
fédérations médicales sont prêts à regarder
toute cette question de la rémunération des médecins.
Il n'y a pas de mode de rémunération magique, vous le
savez très bien. La rémunération à l'acte a ses
bons côtés; elle a aussi ses côtés pervers, c'est
bien évident. C'est une question de choix. Quel est le meilleur
système? La rémunération à l'acte encourage la
productivité, c'est bien évident. Quand le médecin ne
travaille pas, il n'est pas payé; quand le médecin est malade, il
n'est pas payé; quand il est en vacances, il n'est pas payé,
contrairement à toutes les autres personnes qui sont, dans la
société, payées à rémunération.
Bien sûr que la rémunération salariale, ce n'est pas
mauvais non plus. Je suis à salaire, moi. Si j'étais à
l'acte dans mon travail, je ferais probablement le double; si j'étais
payé au téléphone, à la commission parlementaire et
aux lettres que j'écris, aux heures que je travaille, peut-être
que je ferais plus. Mais il reste...
M. Côté (Charlesbourg): ...aux déclarations
faites.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Roy: II n'y a pas de système magique. C'est une
question de...
M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est à la
vacation.
M. Roy: ...conscience professionnelle. Ça ne serait pas
pensable, dans notre société québécoi- se, de
salarier les médecins, de salarier l'ensemble des médecins. Ce
n'est pas pensable. Ça prendrait trop de contrôle et ça
coûterait trop cher. Évidemment, il y a déjà
beaucoup de médecins à salaire; il y a quand même un bon
nombre de médecins à honoraires fixes aussi ou à salaire.
Il y a aussi des médecins à la vacation. Donc, il n'y a pas de
magie à ça. C'est une question d'organisation et de discussion
entre le gouvernement et les médecins. Je pense que les médecins
gagnent leur vie, mais ils travaillent fort pour la gagner; ils étudient
longtemps. Quand on ventile les revenus versus les dépenses versus les
responsabilités et le temps de travail, se lever la nuit, travailler les
fins de semaine, travailler de bonne heure le matin, être toujours en
forme et ne pas faire d'erreur, ça demande beaucoup.
Alors, il n'y a pas de recette magique, mais je pense que les
médecins sont productifs. D'ailleurs, ils sont tellement productifs
qu'on s'en plaint. Alors, les mettre à salaire ne serait pas bon parce
qu'on a le système des pays européens, du régime
socialiste, à ce moment-là, où ça a
été une catastrophe.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Je ne veux pas qu'on se
perde là-dedans parce que j'ai carrément dit à plusieurs
reprises, devant cette commission-là, et les chiffres le
démontrent, que, si on a réussi à contrôler les
coûts du système au cours des dernières années,
c'est parce qu'on a réussi à contrôler fa
rémunération et que ça incluait aussi la
rémunération aux médecins. Donc, pour moi, ce n'est pas
une question de masse globale dévolue aux médecins.
C'est peut-être davantage, à ce moment-ci... Je pense que,
par mon introduction, vous aurez compris que je voulais en arriver au mode de
rémunération, sur le questionnement du mode, sans pour autant
vouloir tomber dans ce qui est arrivé en Suède où,
à salaire, on n'a pas nécessairement réglé les
problèmes. Je pense qu'il y a un système mixte qu'on doit tenter
de bonifier pour faire en sorte qu'on en ait véritablement, là
aussi, pour notre argent. Par exemple, compte tenu du fait que plus ou moins
200 000 000 $ par année sont versés à vacation, est-ce que
vous seriez d'accord pour que nous puissions élaborer une feuille
d'activités qui découleraient de ces vacations? J'irais plus loin
que ça en vous disant: Est-il normal qu'on puisse, aujourd'hui, se
retrouver, la même journée, avec quelqu'un qui soit
rémunéré à la fois à l'acte et à la
vacation?
M. Roy: Ce n'est pas moi qui ai instauré le
système. Ce n'est pas moi qui signe les conventions avec les
médecins. Il reste, je pense, que ça devrait être
discuté avec les fédérations médicales. S'il y a
des choses à corriger, je suis certain que mes collègues sont
prêts à le faire, mais je pense qu'il faudrait s'asseoir à
une table
et en discuter sérieusement sans aucune par-tisanerie et dans un
véritable cadre de partenariat. les médecins sont de bons
citoyens; ils sont des payeurs de taxes. alors, je pense que c'est important
qu'on puisse s'asseoir ensemble. n'oubliez pas qu'en ce qui concerne la
vacation le contrôle se fait au niveau de l'endroit où se fait la
vacation, par le dsp et, surtout, par la direction générale qui
signe ses feuilles avant de les envoyer à la régie.
écoutez, ça prend un contrôle, le salariat ou la vacation,
et c'est un des effets pervers de la vacation, le contrôle que ça
exige. alors, est-ce qu'on devrait, comme corporation, s'intéresser
à ça? de toute façon, je ne dis pas non. je pense qu'il
faudrait s'asseoir ensemble avec le gouvernement puis avec les
fédérations médicales pour en parler.
M. Côté (Charlesbourg): Je vous posais la question
parce que, le printemps dernier, vous n'avez pas été le dernier -
ou en décembre 1990 - à prendre le champ pour défendre les
médecins. Je pense que vous êtes allé sur la place publique
pour effectivement sensibiliser les médecins. À l'époque,
vous croyiez à un danger pour la pratique médicale, mais
c'était votre plein droit. Évidemment, à partir du moment
où on fait ça, je pense qu'il faut avoir la logique jusqu'au bout
de bien faire en sorte que, s'il y a dans le système des choses qui sont
à corriger, on puisse, bien sûr, protéger la pratique, mais
aussi faire en sorte qu'on puisse protéger le citoyen qui est un
citoyen-consommateur, mais aussi un citoyen-payeur.
M. Roy: je suis tout à fait ouvert de ce
côté-là, m. le ministre. j'aime bien ça quand vous
dites «sensibiliser» les médecins parce que, moi, je n'ai
jamais protégé les médecins, dieu m'en garde! j'aimerais
bien ça, des fois, mais je protège le public qui a droit à
des médecins heureux et satisfaits pour faire une bonne pratique
médicale.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends l'ouverture
puis on va en profiter pour saisir cette ouverture. La Loi médicale,
à l'article 15, nous dit ceci à l'alinéa a: «En
outre des fonctions prévues à l'article 86 du Code des
professions, le Bureau: «a) donne avis au ministre de la Santé et
des Services sociaux sur la qualité des soins médicaux fournis
dans les établissements et sur les normes à suivre pour relever
le niveau de la qualité de ces soins.» En lisant, je
m'aperçois qu'il y a quelque chose qui doit mal sonner à vos
oreilles, certain. «Donne avis au ministre de la Santé et des
Services sociaux - donc, c'est assez exceptionnel, merci - sur la
qualité des soins médicaux fournis dans les établissements
et sur les normes à suivre pour relever ie niveau de la qualité
de ces soins.» Est-ce que, dans votre esprit, qualité peut
signifier pertinence?
Ça va peut-être vous rappeler un certain nombre de petits
échanges que nous avons eus dans cette recherche du partenariat.
J'aimerais avoir une réponse la plus précise possible, s'il vous
plaît.
M. Roy: je pense que c'est important, la pertinence des actes.
c'est clair que c'est le débat qui s'en vient. c'est le débat
qu'on doit avoir ensemble, médecins, syndicats et corporations avec le
gouvernement, avec les établissements. ça fait certainement
partie d'une certaine qualité générale des services
médicaux. mais la pertinence en ce sens qu'on décide si tel ou
tel acte est nécessaire et justifié, il faut faire le
débat. il y a des débats d'éthique là-dedans. vous
avez l'expérience de l'oregon, à l'heure actuelle. on parie de
l'oregon, on ne sait pas ce qui va arriver exactement. ça a
peut-être des chances de réussir, en oregon. peut-être,
ça va être dur. vous savez pourquoi on a peut-être des
chances de réussir en oregon? parce que le premier ministre est un
médecin. il y a des chances. le premier ministre, en oregon, c'est un
médecin, ou le président de la chambre, c'est un médecin.
mais ça va être difficile.
M. Côté (Charlesbourg): C'est plus acceptable si
c'est fait ou proposé par un médecin. C'est ça que vous
voulez dire?
M. Roy: ça va être difficile, mais quand même.
si c'est un médecin, évidemment, peut-être qu'il est
capable de discuter plus avec ses collègues pour les convaincre. ce
n'est pas le ministre de la santé, c'est le premier ministre. mais c'est
une grosse affaire. il reste qu'on a demandé des rencontres avec le
ministère pour en parier puis on est ouverts pour en parier, non
seulement nous, mais la profession médicale dans son ensemble.
C'est bien sûr qu'opérer un cancéreux en phase
terminale, c'est discutable. Opérer un sidéen en phase terminale,
on peut également se poser des questions. Alors, ce ne sont pas des
affaires faciles à décider. Est-ce qu'on doit décider si
une transplantation est pertinente ou non? Ça dépend de beaucoup
de facteurs. Mais on est absolument ouvert pour en discuter et je pense que
ça s'impose.
M. Côté (Charlesbourg): Mais vous ne pouvez pas me
répondre de manière très claire que la qualité
inclut la pertinence? Je vais tenter de vous donner un exemple pour permettre
de préciser ce que je voudrais avoir comme réponse. Prenons un
exemple. Une césarienne, ça peut être bien fait, mais
ça peut ne pas être pertinent. Donc, ça peut être un
travail de qualité, une césarienne...
M. Roy: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...mais ça peut ne
pas être pertinent.
M. Roy: Oui, comme bien des actes, d'ailleurs.
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Roy: Comme une intervention à quelqu'un qui est en
phase terminale d'une maladie peut être très bien faite, mais ne
pas être pertinente. Alors, la qualité, c'est un peu
différent. C'est sûr que, dans le vocable général
«qualité», on peut impliquer la pertinence. Mais c'est un
peu différent. Comme vous dites très bien, une césarienne,
ça peut ne pas avoir été jugé essentiel
après. Ce n'est pas toujours facile sur le champ, mais il reste que - je
dis toujours la même chose - je ne connais pas un médecin qui a
été poursuivi pour avoir fait une césarienne. Ce n'est
jamais facile à décider, la pertinence d'un tel acte. Il y a
d'autres cas où c'est plus facile. Je ne sais pas si le Dr Saint-Georges
voudrait élaborer.
M. Saint-Georges (Pierre): Si vous le permettez, j'aimerais
ajouter un certain nombre d'éléments parce que je pense qu'on est
sur un terrain qu'on connaît assez bien tous les deux. Effectivement,
dans les discussions que nous avons eues cet été, nous sommes
tombés d'accord facilement pour dire que la pertinence était
incluse à l'Intérieur de la qualité. J'Irais même
plus loin, je pense que la pertinence réfère à
l'efficacité et à la possibilité d'atteindre le
résultat. Dans l'exemple que vous avez donné, si on peut le
reprendre, il est bien évident que de faire une césarienne dans
une situation où on n'a pas la possibilité d'atteindre un
résultat qui soit acceptable, ça pourrait même être
contre-indiqué, donc impertinent.
D'autre part, lorsqu'on parle de pertinence, on doit se rappeler que
l'exercice de la médecine doit se faire selon des principes
scientifiques. Dans la mesure où il existe des données acquises
de la science, le médecin doit exercer selon ces
données-là. On sait, d'autre part, que, dans plusieurs
circonstances, il n'existe pas de données acquises de la science. Il
appartient au médecin, dans ces cas-là, de faire en sorte qu'il
puisse aider dans toute la mesure du possible son patient. Et là je me
réfère à ce que vous connaissez bien et qu'on appelle
l'effet placebo, qui existe chez 35 % à 65 % des patients, ce qui est
loin d'être négligeable.
On peut revenir à l'élément prévention dont
on parlait tantôt. La prévention, moi, je pense que c'est
excellent, mais à la condition aussi que l'on fasse de la
prévention quand on a l'assurance de succès éventuels,
parce que scientifiquement démontrés. Tout le monde con-
naît des éléments de prévention où on peut se
bourrer de vitamines qu'on sait absolument ne rien donner pour la santé
des individus. Donc, c'est dans ce contexte-là que, nous, à titre
d'exemple, on visite les centres hospitaliers, les divers établissements
de la province, à partir d'objectifs qui ont été
établis, d'ailleurs, et qu'il est important de rappeler, dans le livre
d'orientation déposé par Mme Lavoie-Roux et,
antérieurement, par la commission Rochon.
M. Lapierre: M. le ministre, si vous le permettez, il faudrait
faire une nuance entre la pertinence et l'efficacité. Comme le Dr
Saint-Georges le dit, et le Dr Roy, la pertinence fait partie de la
qualité. Mais le médecin, en fait, lorsqu'il traite un malade, a
une obligation de moyen et non pas une obligation de résultat. Alors, il
ne peut pas promettre l'efficacité. Il peut s'assurer de la pertinence
d'un acte, mais il ne peut pas en garantir l'efficacité, et je pense que
c'est même inscrit dans le code de déontologie. d'autre part, il
faut ajouter qu'en ce qui concerne la pertinence des actes notre service
d'inspection professionnelle, qui visite les hôpitaux de façon
systématique et périodique, s'inquiète de la pertinence
des actes posés, dans l'analyse des dossiers qu'il fait, et fait des
recommandations régulièrement sur ces sujets-là. la
corporation, comme l'a dit le dr roy, a publié de nombreux guides.
alors, si vous voulez voir la pertinence des actes posés, nous, nous
nous référons à nos guides que nous publions à
l'avance. les médecins savent à quoi s'en tenir lorsque nous les
visitons, ils savent qu'on se réfère à ces
guldes-là. d'autre part...
Le Président (M. Paradis, matapédia): rapidement,
peut-être, parce que plus vous allongez les réponses, plus on
manque les questions.
M. Lapierre: Ce que je veux dire, M. le Président, c'est
qu'il y a des actes qui sont aujourd'hui disparus parce que les médecins
se sont questionnés sur la pertinence.
M. Côté (Charlesbourg): En enchaînant.
Tantôt, le Dr Roy nous disait que, par exemple, sur les radios
pulmonaires, la Corporation avait fait un certain travail à ce
niveau-là, était même avant le CETS. Évidemment,
ça a été constaté, ça, je pense que tout le
monde le dit, par la Corporation. Mais quels sont les mécanismes de
suivi? C'est bien beau de le constater et de dire: Ce n'est pas utile, mais
qu'est-ce qu'on a comme mécanismes de suivi pour vérifier si,
effectivement, c'est appliqué ou ça ne l'est pas? (20 h 45)
M. Roy: C'est en 1982 qu'on l'a publié comme norme. On l'a
envoyé au ministère. C'est publié dans les
règlements du gouvernement. Il
faut que ce soit appliqué à l'intérieur de chaque
établissement qui est également autonome. évidemment, il y
a un contrôle du conseil des médecins et dentistes, il y a des
chefs de département. mais ça prend le leadership des
établissements. on ne peut pas aller chercher et guider chaque
établissement par la main.
M. Côté (Charlesbourg): Le leadership du CMDP.
M. Roy: Mais ce n'est pas le CMDP qui dirige
l'établissement. C'est le conseil d'administration. Le CMDP est
là pour évaluer la qualité de la médecine, de la
pratique de la médecine. Mais, qu'est-ce que vous voulez? Les
médecins ont du travail à faire. Ils ne sont pas
rémunérés pour faire ce travail-là. Alors,
ça peut arriver qu'il y en ait qui ne l'aient pas su. D'ailleurs, il y a
un médecin qui me disait l'autre jour: Nous, nous l'avons appris il y a
deux ans seulement. On a passé un règlement pour faire en sorte
qu'il n'y ait pas de radiographies pulmonaires de routine. Mais je peux vous
dire qu'il y a deux semaines, à la dernière réunion de
notre bureau, on a adopté à nouveau une résolution pour
entériner le rapport du Conseil des technologies et envoyer à
chaque président de conseil d'administration une résolution
concernant les radiographies pulmonaires de routine de façon à ce
qu'il y ait une réglementation interne à chaque
hôpital.
M. Côté (Charlesbourg): À partir du moment
où on s'engage dans cette voie, si vous sentez le besoin de faire un
colloque sur la pertinence, je pense qu'il sera bienvenu. Il y aura un certain
nombre de décisions qui découleront de ce colloque. Il faut
s'assurer que, dans la mesure où il y a de ces avis qui sont
validés par des pairs et qu'on les achemine un peu partout, ce soit
appliqué. Sinon, ça ne donne pratiquement rien de le faire. Je
vous rappellerai que nos discussions... Quand on dit que ce sont les
établissements qui mènent par rapport au CMDP, on se rappellera
certaines discussions quant à tout le pouvoir qu'on voulait donner au
directeur général qui a été un petit peu
affaibli.
M. Roy: Mais, encore là, M. le ministre, il faut faire un
véritable partenariat intérieur. Un D.G. tout seul ne peut rien
faire.
M. Côté (Charlesbourg): oui, mais un partenariat -
juste là-dessus - ce n'est pas à sens unique. c'est dans les deux
sens. il faut bien se comprendre.
M. Lapierre: m. le ministre, en ce qui concerne les examens
pulmonaires, à partir du moment où la donnée est connue
qu'il y a 10 000 000 $ qui sont dépensés en radiographies
pulmonaires de routine, et si elles sont réelle- ment de routine,
là, à partir du moment où la donnée est connue, il
suffît d'introduire un programme d'action, en partant de la Corporation,
des CMDP et du ministère. Il y a moyen d'organiser un programme d'action
pour convaincre la population médicale de réaliser cet
écart et de corriger, s'il y a lieu. C'est ce qu'on dit. Votre livre,
d'ailleurs, fait état d'une sensibilisation des données. C'en est
une qu'il m'apparaft important de transmettre à tout le monde.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais regrouper deux
questions parce que vous avez commencé à me regarder avec des
gros yeux. Il m'en reste encore une douzaine, mais...
Le Président (M. Paradis, Matapédia):
Rapidement, M. le ministre.
M. Roy: Prenez votre temps, M. le ministre. Il est de bonne
heure.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Ce sera sur
le temps de l'Opposition.
M. Roy: II y en a qui ont eu deux heures.
M. Côté (Charlesbourg): Je regroupe les deux
questions pour permettre à mon collègue de vous interroger; lui
aussi a vécu tout ce qu'on a vécu au même rythme que
nous.
On parie de pertinence. Vous nous faites état d'un certain nombre
de visites dans les établissements afin de vérifier un certain
nombre de choses de la problématique des urgences. Cette
question-là m'est venue au moment où vous avez si brillamment
pris la défense des personnes âgées, tantôt, sur les
acquis de ces générations qui ont bâti le Québec et
qui, demain, pourraient se voir interpeller pour payer certaines parties de
médicaments. Je trouvais ça touchant. Je voyais que vous avez
été marqué par la présence de la Coalition des
aînés, jeudi soir.
M. Roy: Je défends mes intérêts. Je m'en
viens dans ce groupe-là moi aussi!
M. Côté (Charlesbourg): Je ne voulais pas le dire,
mais...
M. Roy: Là, je suis gentil. Attendez-moi pour
défendre les aînés!
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Donc, est-ce que vous
êtes un peu préoccupé par la problématique des
personnes âgées aussi qui sont à l'urgence, sur des
civières, de 48 à 72 heures, et qui, bien souvent, doivent faire
place à des décisions électives? Ça me paraît
aussi être une préoccupation que nous devons avoir quant à
cet arbitrage que je ne peux pas faire parce que je n'ai pas la
compétence qu'il faut. Vous nous
l'avez répété tantôt, c'est bien plus
important et ça a bien plus de poids quand c'est dit par un
médecin à un médecin. dans ce sens-là, j'imagine
que, lorsque la corporation parle à ses médecins, on peut donner
des avis de cette manière-là. ça peut être assez
important. et ma dernière question, je la regroupe à
l'intérieur. à la page 21 du document que vous avez cité
tantôt, dans le mémoire, sous la rubrique 4, «pour une
politique incitative», il est dit, dans le troisième paragraphe:
«la dispensation des services médicaux est moins coûteuse en
cabinet privé qu'en clsc et moins en clsc qu'en centre
hospitalier.» ça m'a inspiré une petite question qui est
vicieuse. je vous la pose pareil, même si elle est vicieuse. à
partir du moment où vous supportez une affirmation comme celle-là
qui, je pense, sur le plan des coûts, peut s'avérer
véridique, ça peut se démontrer... donc, moins cher en
clsc qu'en centre hospitalier et moins cher en cabinet privé qu'en clsc.
dites-moi donc ce que la corporation a fait quand on a été pris
avec le dossier de sainte-marie où c'étaient des cabinets
privés qui devaient assurer une garde et il n'y en avait pas. ça
me paraît aussi important et ça me paraît relever de la
défense des intérêts du public aussi.
M. Roy: Je dois vous dire, M. le ministre, que, quand c'est
arrivé, on m'a appelé; d'ailleurs, j'étais au courant
parce que j'avais parlé à la dame en question une ou deux
semaines avant. Je lui avais dit qu'il y avait un problème
évidemment de négociations entre le gouvernement et les
omnipraticiens et d'organisation des services, parce qu'il y a un CLSC à
Sainte-Marie de Beauce. H y a un problème évidemment, la
désignation de CLSC, à un moment donné, pour les
omnipraticiens où les gens sont payés pour la garde ou non. Mais
ce n'est pas du domaine de la Corporation de négocier des ententes entre
les médecins et le gouvernement. D'ailleurs, je sais que, depuis ce
temps-là, il y a eu une entente qui fart qu'il y a une couverture
à Sainte-Marie de Beauce. Je suis sensible à ce cas-là
parce que, venant moi-même de la Beauce, on m'a
téléphoné et le journaliste... J'ai parlé a la dame
et j'ai fait des pressions. Les syndicats ont bien répondu et ils sont
allés voir le gouvernement puis, malheureusement, il y avait eu un
problème. Il n'y a pas eu de mortalité, il n'y a rien eu, mais le
fait qu'il y a eu un problème a fait régler le cas. Mais
qu'est-ce que vous voulez, c'est une question de...
M. Côté (Charlesbourg): Mais vous savez comment
est-ce que ça a été...
M. Roy: ...désignation, c'est une question de convention
collective.
M. Côté (Charlesbourg): Mais vous savez comment
est-ce que le cas a été réglé? Par l'ajout
d'argent. Ce n'est pas vrai qu'on peut régler tous les problèmes
du système de santé uniquement et toujours en ajoutant de
l'argent, alors qu'on est dans une situation où il y a suffisamment de
médecins à travers le Québec pour répondre aux
besoins de la population. Ça aussi, ça fait partie de la
protection des intérêts de la population, que d'avoir des services
égaux sur le territoire.
M. Roy: Je suis conscient de ça, M. le ministre. La partie
médicale d'aujourd'hui est différente de celle que j'ai faite il
y a 30 ans, 35 ans, alors que les médecins se levaient la nuit et les
fins de semaine, alors qu'on n'était presque pas payé.
C'était vraiment une vocation puis on n'a rien en retour, sauf de
l'ingratitude. Mais qu'est-ce que vous voulez, les médecins, de nos
jours, pratiquent différemment. Je ne négocie pas pour les
médecins, mais je pense que le gouvernement doit s'asseoir à la
table avec les médecins. On est sensible à ça pour qu'il y
ait une couverture dans les endroits...
M. Côté (Charlesbourg): Les urgences?
M. Roy: ...la nuit, le soir ou les fins de semaine.
M. Côté (Charlesbourg): Les personnes
âgées dans les urgences?
M. Roy: Ça, c'est un problème. C'est un peu mieux
depuis le groupe d'intervention, mais, là, il y a un problème de
lits pour loger ces personnes âgées. Est-ce qu'on va les garder
à domicile? Est-ce qu'on va les garder dans les hôpitaux de soins
aigus? Il y en a déjà trop, 10 %, 15 % des gens...
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas un
problème de lits, c'est un problème d'admission dans les
lits.
M. Roy: Oui, mais, l'admission, écoutez, il faut qu'il y
ait de la place pour admettre des gens. Actuellement, demandez aux chirurgiens
comment ils ont de la misère à faire admettre leurs malades. Je
connais un cas aujourd'hui où je vous parle, une personne à
Montréal qui est dans un hôpital universitaire depuis deux
semaines, elle ne peut pas sortir, elle n'a pas été
opérée encore. C'est un accident de travail. Elle est là
parce qu'il y a un problème pour une opération qu'elle doit
avoir. Son opération est remise de semaine en semaine parce que son
chirurgien a une journée pour opérer. Elle ne va pas sortir. Le
chirurgien lui dit: Ne sors pas, tu vas perdre ta place. C'est difficile
d'entrer à l'hôpital pour de la chirurgie. Il y a un
problème d'organisation...
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'il n'y a
pas...
M. Roy: ...problème de ffts.
M. Côté (Charlesbourg): ...dans ces
conditions-là, un autre chirurgien qui pourrait faire la même
intervention dans un autre hôpital où il y a des
possibilités?
M. Roy: Essayez donc ça!
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que ce n'est pas
aussi le problème du système que de réserver un certain
nombre de choses?
M. Roy: M. le ministre, H y a des problèmes de listes
d'attente pour la chirurgie, je dirais, quasiment élective, non urgente,
partout, partout. Les problèmes de CSST qui attendent huit mois, un an,
à 90 % du salaire net, c'est scandaleux. C'est pour ça que le
déficit de la CSST est de 1 000 000 000 $. Il y a quelque chose à
faire dans ce coin-là. Il n'y a pas d'erreur là-dedans. Ce n'est
pas seulement un problème qui vous regarde, vous, mais c'est un
problème général d'organisation. Je suis certain que les
médecins sont sensibles à ça, mais il faudrait s'asseoir
avec les gestionnaires, avec le gouvernement, avec les administrateurs
d'hôpitaux pour tenter de trouver une solution. Il reste que c'est un
fait: à l'heure actuelle, c'est difficile d'admettre des malades dans
les hôpitaux. Les médecins doivent se battre pour les admettre
puis se battre pour les faire sortir.
M. Côté (Charlesbourg): Ça ne répond
pas à ma question de mes personnes âgées. Est-ce que c'est
socialement acceptable que des personnes âgées soient dans des
corridors d'hôpitaux plus de 48 heures avant d'être amenées
dans des lits? Parce qu'il ne manque pas de lit, il y en a des lits.
M. Roy: Pas du tout.
M. Côté (Charlesbourg): C'est une question de choix
qu'il faut faire à ce moment-là.
M. Roy: Ce n'est vraiment pas acceptable, M. le ministre. Je suis
d'accord avec vous. Mais ce n'est pas moi qui suis ministre, ce n'est pas moi
qui peux régler les problèmes. Je pense que le problème se
règle avec les médecins, avec les administrations
hospitalières.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci, Dr
Roy. Merci, M. le ministre...
M. Lapierre: vous êtes conscient, m. le ministre, que c'est
un problème sur lequel la corporation n'a aucun pouvoir.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci.
M. Côté (Charlesbourg): C'est-à-dire que je
ne suis pas convaincu que la Corporation n'a pas certains pouvoirs sur un
certain nombre de choses.
M. Lapierre: Elle a certains pouvoirs, mais elle n'a pas
celui-là.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Le temps qui
nous était...
M. Côté (Charlesbourg): On aura l'occasion d'en
rediscuter en partenariat.
Une voix: Je ne suis quand même pas le bon Dieu parce
que...
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Le temps qui
nous était imparti est malheureusement terminé. Je cède la
parole au député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Il y a un bon nombre de
pistes qui ont été examinées déjà, en
saluant votre présence, Dr Roy, ainsi que celle de vos collègues
de la Corporation professionnelle, en saluant aussi le Dr Aubry, qui s'est
joint à nous, de l'Association des CMDP. Oui, c'est une circonstance
assez exceptionnelle, même les journalistes de Radio-Canada, à 21
heures... Il y a quasiment juste vous qui pouvez faire ça, faire venir
un journaliste, à 21 heures, et c'est rare...
M. Côté (Charlesbourg): Le Soleil.
M. Trudel: Le Soleil. C'est rare que, de toute façon, ici,
une institution en reçoit une autre. Vous êtes une institution au
Québec et on ne vous lâchera pas comme ça. Quand le
ministre vous dit qu'il y avait de l'échange entre Jésus-Christ
et saint Augustin, moi, je dis: Non, c'est le diable en personne qui est
là, ce n'est pas mêlant.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Trudel: Compte tenu de tout ce que vous dites et d'un certain
nombre d'affirmations, oui, il y a un bon nombre de questions à poser.
Plus sérieusement, Dr Roy et vos collègues, plus souvent
qu'autrement, au cours de ce débat, oui, effectivement, les
médecins ont été interpellés de façon
vigoureuse. C'est le terme le plus poli, je pense, qu'on peut employer. Vous
avez assisté à la plupart des comparutions, des audiences ici, et
je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de mémoires où on n'a pas
fait allusion à la pratique médicale ou aux médecins comme
corps professionnel dans notre système de santé et de services
sociaux. C'est pour ça que je pense... Effectivement, vous êtes
des piliers dans le système. Il nous faut vous interpeller de
façon particulière parce que,
répétant un peu ce qu'on a dit cet été, il
ne saurait exister, bien sûr, de système de santé et de
services sociaux sans la présence des professionnels de la
médecine et de tout ce que vous faites auprès de la population.
C'est parfois difficile par rapport aux critiques que vous recevez. Un bon
nombre sont probablement justifiées, mais d'autres doivent être
justifiées, en particulier dans des débats publics comme nous les
avons depuis quelques jours.
Je reviens tout de suite sur cette question de la disponibilité
de lits ou de l'alourdissement des clientèles, dans les institutions
hospitalières en particulier. Vous dites, dans votre mémoire,
avec les associations de médecins, à la page 30, que 15 %
à 20 % des lits de soins aigus dans les hôpitaux sont
occupés par des patients en attente d'hébergement ou par des
patients qui nécessitent des soins de longue durée. Ce n'est pas
petit, 15 % à 20 % de l'ensemble des lits. Double question: Est-ce que
vous pensez vraiment que nous pourrions, au Québec, développer
une vigoureuse politique de maintien à domicile - vous en parlez
d'ailleurs un petit peu plus loin dans votre mémoire - de façon
à libérer un certain nombre de places en centres d'accueil ou en
hébergement et soins de longue durée, d'une part, et, d'autre
part, comme on est en matière de financement du système, est-ce
qu'on peut penser de façon réaliste que nous pourrions
libérer, mais complètement libérer, sinon fermer un
certain nombre de lits de courte durée au Québec parce que nous
développerions, avec les professionnels de la médecine, des
services appropriés, qui tournent autour de la chirurgie d'un jour ou de
la médecine d'un jour? C'est deux éléments sur lesquels
j'aimerais que vous nous donniez des réponses. (21 heures)
M. Roy: Une grosse question d'organisation, M. le
député. C'est sûr que, s'il y avait une gestion tout
à fait parfaite, il pourrait y avoir un meilleur roulement des malades
à l'intérieur des hôpitaux. Mais n'oubliez pas que, si vous
gardez les malades moins longtemps et que vous remplissez les lits au fur et
à mesure qu'ils se vident, ça va vous coûter plus cher.
Alors, il y a un problème de coûts importants. Il faut par
ailleurs être capable de s'occuper vraiment des malades et que ces
malades soient aptes à retourner chez eux, qu'ils aient quelqu'un pour
s'occuper d'eux. Du côté des personnes âgées, il y a
des gens qui sont lourdement handicapés, qui ne sont pas capables
d'être seuls à domicile, alors il faut leur trouver une place.
Mais celles qui sont capables de rester à domicile, il va falloir
encourager les services à domicile. Ça, tout le monde le dit,
tout le monde est d'accord avec ça, il faudrait avoir des mesures
d'encouragement pour garder les gens à domicile. Il faudrait
peut-être avoir des mesures fiscales, également, pour encourager
les enfants à garder leurs parents, avec des déductions fiscales,
ou des personnes qui pourraient garder des personnes âgées
à domicile. Parce qu'il y a des personnes qui pourraient rester à
domicile au lieu d'aller dans un centre d'accueil, mais elles ne sont pas
capables de rester seules.
C'est un problème de société, en fait; c'est vrai
qu'on institutionnalise plus au Québec qu'en Europe, qu'en Angleterre.
Mais, question d'organisation, qu'est-ce que vous voulez, les cas sont lourds,
ce n'est pas par plaisir que ces gens-là sont dans les hôpitaux,
malgré tout le respect qu'on a pour ces personnes âgées
malades, la plupart des gens et surtout les médecins aimeraient mieux
qu'elles soient ailleurs qu'à l'hôpital de soins aigus. Ce n'est
pas la vocation de l'hôpital de soins de courte durée. Mais,
là, il y a un problème de lits dans les hôpitaux de soins
prolongés, de centres d'accueil, c'est une chaîne, ça.
Alors, c'est une question d'organisation, une question de
société, une question d'argent. On sait tous qu'on ne peut pas
imprimer de l'argent neuf constamment, alors il va falloir qu'il y ait un
effort de concertation de tous les intervenants pour faire en sorte qu'on
trouve une solution à l'hospitalisation des personnes âgées
et à l'institutionnalisation, surtout, des personnes âgées
et des personnes malades. Je ne sais pas si tu as un mot à dire.
M. Saint-Georges: Si vous permettez, M. le Président.
J'abonde dans le sens que vous donnez à votre question pour plusieurs
raisons et c'est une des raisons pour laquelle, dans le mémoire, on
parle de développement d'unités gériatriques actives. Tout
le monde peut fort bien comprendre qu'un centre hospitalier de soins aigus
n'est pas instauré et n'est pas organisé pour traiter des
personnes âgées présentant de multiples pathologies et
susceptibles d'y séjourner longtemps.
J'irais même jusqu'à dire que c'est probablement le pire
endroit pour faire traiter des personnes âgées, si on parle de
qualité d'exercice. En rapport avec les constatations que l'on peut
faire chez nous, lors des visites d'inspection professionnelle, on
réalise que, dans les endroits où il y a des unités de
gériatrie active et où on a développé une approche
multidisciplinaire, bien, ces gens-là reçoivent des soins d'une
qualité hautement supérieure à celle des soins qu'ils
peuvent recevoir dans des centres hospitaliers de soins aigus qui n'ont pas de
telles unités.
M. Trudel: Oui. J'allais enchaîner là-dessus, sur
les unités d'évaluation gériatrique, pour bien
évaluer et, dans le fond, donner le type de soins et de services que
requiert l'état des personnes. Mais quelles sont les conditions qu'il
faut mettre en place pour que ça existe, ça, les unités
d'évaluation gériatrique? Je comprends, moi, dans ce que je lis
ici, qu'il ne s'agit pas d'une chose énorme à mettre au monde. Il
s'agit essentiellement que des professionnels de la santé,
particulièrement, bien sûr, les médecins, s'entendent
avec l'établissement pour la mise sur pied de telles
unités d'évaluation. Quelles sont les conditions qui doivent
exister pour qu'on puisse procéder? Est-ce que vous êtes
déjà attaché à faire en sorte que ça existe,
ces unités-là? Et quelles sont les difficultés que l'on
rencontre, actuellement, pour la mise sur pied de telles unités?
M. Saint-Georges: Remarquez que l'on revient à une
question que M. le ministre posait tantôt par rapport aux personnes
âgées et pour laquelle on a voulu lui répondre que,
malheureusement, on n'avait pas toutes les solutions à tous les
problèmes. On doit comprendre que c'est un problème
multifactoriel qui relève, d'une part, de l'organisation et qui
relève, d'autre part, des professionnels. Nous, ce que l'on fait
lorsqu'on visite les établissements, c'est de constater que des
déficiences existent dans des secteurs donnés, tâchant
d'indiquer à l'établissement de prendre en compte ces
différentes déficiences là pour effectivement y
pallier.
Le moyen de pallier ces déficiences-là est de rassembler
les ressources nécessaires en personnel de la santé, d'une part,
tant infirmières que médecins, qui sont intéressées
par la gériatrie, qui est quand même une discipline relativement
nouvelle, et d'avoir des accommodements qui sont propices aux personnes
âgées.
M. Trudel: En tout cas, le sens des affirmations que vous faites
dans votre mémoire, une évaluation plus juste de ces personnes
quant au diagnostic et, bien sûr, quant aux services qui sont requis,
cela pourrait amener, au niveau de l'efficacité, au niveau de
l'efficience, très certainement une amélioration sensible de ce
taux d'efficience et un type de services qui soit plus adéquat pour ces
personnes. Actuellement, ce qu'on dit, c'est qu'on leur donnerait un certain
nombre de soins qui ne sont peut-être pas les soins que requiert leur
condition.
M. Saint-Georges: J'ajouterais même que cette
évaluation plus juste doit se faire dans un temps relativement court, au
moment où la personne consulte la ressource qu'elle croit être la
meilleure pour elle, à savoir l'urgence dans le cas présent.
M. Trudel: Très bien. On va changer de rubrique, si vous
voulez bien. Dr Roy, vous avez, dans votre présentation,
écorché à peu près tout le monde. Je vais
m'intéresser au bout où vous avez écorché le
secteur de la pharmocologie, des produits pharmaceutiques, des compagnies
pharmaceutiques. Vous avez dit à peu près ceci, pour autant que
j'aie bien noté, que nous pourrions probablement avoir des
économies assez substantielles si le gouvernement savait mieux
négocier avec les entreprises qui sont fournisseurs de produits. Alors,
finissez ce que vous avez commencé.
M. Roy: Je n'ai rien inventé. J'ai écouté
les pharmaciens, moi aussi, quand ils sont venus jeudi ou vendredi dernier.
J'en ai parlé avec plusieurs. Il reste que les 500 000 000 $ sont
ventilés en 100 000 000 $ d'honoraires aux pharmaciens et 400 000 000 $
d'achat de médicaments, à peu près, pour les personnes
âgées et pour les gens de l'aide sociale. Le gros coût donc,
c'est l'achat des médicaments. C'est clair qu'au Québec, à
l'heure actuelle, on ne paie pas seulement le médicament
générique, on paie tous les médicaments qui sont
listés dans le formulaire. et là il y a certainement un choix
politique, c'est clair, parce que, si on ne payait que les
génériques, on se trouverait - et là je suis très
honnête en le disant, peut-être que je ne devrais pas le dire - on
se trouverait à encourager des compagnies pharmaceutiques de l'ontario
où sont logés la plupart des fabricants de produits
génériques, alors qu'on a, au québec, une industrie
pharmaceutique, surtout dans l'ouest de montréal, qui investit, qui
donne de l'emploi à un certain nombre de personnes. alors, quel que soit
le parti politique qui va gouverner au québec, il va falloir qu'il
tienne compte de ces données, mais c'est clair qu'on pourrait
peut-être négocier avec les compagnies pharmaceutiques, les
grosses compagnies pharmaceutiques, des achats à meilleur compte. on
faisait état du cardizem qu'on payait non pas deux fois, mais pas mal
plus cher au québec qu'en ontario; c'est le même
médicament. de toute façon, il y aurait peut-être une
négociation à faire avec les compagnies pharmaceutiques.
L'autre chose que je n'ai pas dite tout à l'heure et qui pourrait
peut-être aussi être de mise dans le cas des médicaments, on
a dit qu'on est contre les tickets modérateurs et qu'on est contre
l'impôt-services, mais ça ne veut pas dire qu'on est tout à
fait contre la participation à certains services. Peut-être que,
dans le cas du médicament, comme dans le cas de bien des provinces au
Canada et d'autres pays du monde-on a la Suède, on a la France - ce
n'est pas gratuit, le médicament, s'il y avait une participation - et
j'appelle ça une participation, non pas un ticket modérateur ni
un ticket orienteur - une participation du citoyen ou du malade à la
prescription de 3 $, et l'exemple a été donné par les
pharmaciens propriétaires, ça rapporterait, si ma mémoire
est bonne, 60 000 000 $ sur l'ensemble des bénéficiaires. 60 000
000 $, c'est quand même beaucoup, à 3 $ par prescription. Ce n'est
quand même pas la fin du monde. Ce serait même bon pour les
assistés sociaux parce que les assistés sociaux peuvent s'acheter
des billets de loterie ou une bière; un paquet de cigarettes, c'est 6 $.
Je pense que ça aiderait à la participation des coûts, si
on veut garder la couverture des
médicaments qui est quand même essentielle. On aurait beau
aller voir un médecin, si on n'a pas le médicament qu'il faut
pour la condition qui prévaut, particulièrement dans le domaine
des médicaments cardiovasculaire, à ce moment-là, on
n'avance pas beaucoup. En fait, je ne suis pas le gouvernement, je ne peux pas
négocier avec les compagnies pharmaceutiques, mais il y a
peut-être quelque chose à faire là-dedans. Ce n'est pas
simple, mais il y a 500 000 000 $ et c'est un budget qui augmente de 15 % par
année. C'est un gros item dans le budget, ça.
M. Trudel: Oui, sauf que ça m'apparaft, Dr Roy, et vous
m'excuserez, un peu simpliste de dire: On pourrait mieux négocier. Je
pense qu'en termes de négociation, au Québec, on s'y
connaît assez bien, merci. Ce n'est pas uniquement un truc de
négociation avec les entreprises fabrican-tes. Il y a aussi des
décisions à prendre sur le type de médicament qu'on veut
bien rembourser, sur le type d'achat qu'on veut faire chez tel type de
producteur. Est-ce que c'est davantage cela que vous voulez dire ou si,
vraiment, vous ne vous limitez qu'à la négociation? Sur 400 000
000 $, effectivement, il y a beaucoup de sous.
M. Roy: C'est un domaine complexe, les médicaments.
D'ailleurs, je pense que le gouvernement est très généreux
dans le domaine des médicaments qu'il donne gratuitement aux
Québécois. Le gouvernement vient d'ajouter récemment de
nouveaux médicaments pour les séropositifs et puis les
sidéens. C'est un ajout, je pense, de 12 000 000 $ par année que
le ministre a annoncé, cet automne, à une conférence
où j'étais présent. Le gouvernement va bientôt
ajouter les médicaments gratuits pour toutes les MTS. Alors, c'est
peut-être ça, la solution de l'avenir. C'est d'avoir des
médicaments gratuits ou avec participation minime pour des
catégories de maladies. C'est bien sûr, quand on parle des
problèmes du système cardiovasculaire qui affectent un grand
nombre de personnes âgées, ce n'est pas de l'abus. C'est essentiel
de les prendre, ces médicaments. C'est sûr qu'on pourrait
argumenter différemment dans la question des médicaments du
système nerveux central. Peut-être que les gens pourraient payer
les benzodiazépines puis le diazépam qu'ils achètent.
Peut-être, à moins que ce ne soit absolument essentiel pour une
semaine, deux semaines ou trois semaines, mais pas pour un an, pas pour la vie.
Mais, là, il y a des discussions qui doivent avoir lieu. C'est sûr
qu'on ne peut pas régler ça ici, autour de la table, mais je suis
certain que le ministre est tout à fait inquiet de ce qui se passe dans
le domaine des médicaments puis qu'il va regarder ça d'un oeil
très ouvert avec ses experts. Mais il y a quelque chose à faire.
On parle beaucoup de l'abus de consommation de médicaments et je suis
resté surpris que le ministre n'ait pas posé une question sur
ça. Il s'en consomme, des médicaments, mais il ne faudrait pas
nécessairement dire qu'il y a des abus. Ce n'est pas prouvé qu'il
y a des abus, nonobstant l'étude de l'Enfant-Jésus qui n'est pas
bonne. Ça fait trois fois que j'entends le ministre en parler. Elle
n'est pas bonne, l'étude que vous citez, M. le ministre. De toute
façon, je répondrai à ça à un autre
moment.
Mais il reste que c'est un problème complexe, le problème
des médicaments.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Vous aviez oublié de l'écorcher, cette
étude-là à l'Enfant-Jésus! Vous dites que le
ministre va certainement s'intéresser à cela et en discuter en
partenariat avec vous autres?
M. Roy: Oui, nous et les pharmaciens également. C'est bien
sûr qu'ils ont un mot à dire là-dedans. D'ailleurs, on
travaille en collaboration étroite avec les pharmaciens. On n'est pas
toujours d'accord, mais on travaille ensemble.
M. Trudel: Dr Roy, vous êtes donc à la Corporation
professionnelle en matière de contrôle de la qualité des
actes et, également, la protection du public là-dessus.
J'aimerais ça m'intéresser à un autre secteur et
peut-être, allez-vous me dire, détruire un autre mythe, si tant
est que c'en serait un. Les actes défensifs, les actes médicaux
de nature défensive. Il y a des chiffres qui se sont promenés. On
a vu dans certaines littératures comme le «Second opinion»,
qui circule beaucoup comme document au Québec, qu'au Canada - sans
parler particulièrement du Québec, mais ça l'inclut, bien
sûr - il y avait jusqu'à 20 % des actes médicaux qui
pouvaient être de nature défensive. J'aimerais connaître la
version de la Corporation professionnelle des médecins sur l'ampleur de
ce phénomène. Deuxièmement, le remède qui est
généralement accolé à ce diagnostic, si tant est
qu'il était exact, c'est le «no-fault», c'est l'instauration
d'un régime sans égard à la faute professionnelle.
Alors, le phénomène existe-t-il? A-t-il cette ampleur et
quel est le remède, quant à vous, quant à ce
phénomène des actes défensifs en médecine? Parce
que, là aussi, si tant est que c'est vrai, il y aurait donc du fric. Si
on parle de 20 %, c'est gros.
M. Roy: C'est une étude anglaise, je pense, ou de
l'extérieur. De toute façon, c'est très facile a
posteriori de dire: un résultat d'examen négatif. Une
radiographie ne montre pas de fracture ou c'est un examen qui ne montre pas de
lésion ou un examen de laboratoire, il est négatif. C'est facile,
après qu'il a été fait. Mais, lorsque le médecin
voit un malade, il faut qu'il fasse un diagnostic. Il faut qu'il examine le
malade, qu'il regarde ses symptômes. Il regarde
les signes que présente le malade et, là, la
médecine moderne prescrit les examens de laboratoire et la radiologie
qui sont à la disposition de nos médecins. Nos bons vieux
médecins de campagne d'autrefois n'avaient malheureusement pas
ça. Il n'y avait pas grand-chose à leur disposition. Donc, les
médecins d'aujourd'hui sont scientifiques, ils ont des Instruments
à leur disposition, ils sont obligés de s'en servir pour
établir le diagnostic. (21 h 15)
Alors, c'est facile de dire: Tel examen n'était pas
nécessaire, il est revenu négatif. Mais il fait partie de la
kyrielle d'examens qui doivent être demandés pour établir
un diagnostic différentiel. Peut-être qu'on pourrait se poser plus
de questions avant de prescrire certains tests, mais ça demande beaucoup
de réflexion avant de dire ce qui est valable, ce qui n'est pas valable,
quel est le pourcentage qui ne devrait pas être fait par rapport a ce qui
devrait être fait.
M. Trudel: Vous avez toujours fait des enquêtes, à
la Corporation professionnelle, là-dessus, parmi vos membres...
M. Roy: Non.
M. Trudel: ...faire un diagnostic...
M. Roy: Non, mais c'est a posteriori qu'on peut le savoir,
ça, seulement. Après tout, ça fait partie de la pratique
de la médecine comme telle. Actuellement, je dois vous dire, il y a un
comité qui siège depuis quelques mois, à peu près
cinq ou six mois, qui étudie cette question des examens pertinents ou
non pertinents, le comité SIRACDOF... Peut-être que le Dr
Saint-Georges pourra en dire un mot. Le Dr Saint-Georges est à ce
comité-là, où il y a une collaboration avec le
gouvernement - je pense qu'il est là-dedans - et les
établissements, un comité qui se penche sur ça.
M. Saint-Georges: En fait, il s'agit d'un projet de recherche,
justement, qui est en cours, en collaboration avec le ministère, pour
tâcher d'identifier quels sont les examens complémentaires qu'on
peut accoler à ce qu'on appelle les DRG dont vous avez sûrement
déjà entendu parler. Ça a été à
l'initiative de la Corporation si, effectivement, on a initié cette
étude. On manque d'information d'une façon importante, à
cet égard-là. Dans toute cette problématique du
financement et de la réforme, nous, on croit que l'amélioration
des systèmes d'information est importante, autant au niveau des
responsabilités que les chefs de département peuvent avoir
à assumer pour contrôler l'exercice de leur pratique, et
même le séjour de leurs patients dans leur département...
que la Corporation pourrait utiliser. On utilise des données de la
Régie de l'assurance-maladie de façon fréquente. Mais ce
n'est pas simple. Ce n'est pas facile et il n'existe pas de programmes
établis à cet effet-là. Chaque fois, ce sont des
spéciaux qu'on est obligé de faire et qui sont probablement
beaucoup plus coûteux que si on s'assoyait pour établir un
système d'information approprié.
M. Trudel: Allons-y, d'abord, plus subjectivement. Vous avez
raison, probablement que c'est difficile à saisir, le
phénomène. Les médecins québécois ont-ils
peur des poursuites?
M. Roy: Pas tellement. En fait, ils y pensent, c'est bien
évident. Qu'est-ce que vous voulez, on ne peut pas faire autrement que
de penser aux poursuites. Quand arrive un incident, le médecin est
très facilement poursuivi. Mais il reste que, contrairement à ce
qui se passe aux États-Unis, c'est sous contrôle. Le nombre de
poursuites est infime par rapport aux millions d'actes qui sont posés
dans une année par les médecins. C'est clair que la
société est revendicatrice. Les gens ont accès à
des avocats très facilement. Les gens savent que les médecins
sont assurés. Alors, la plus petite erreur est susceptible d'engendrer
une poursuite et, dans certains cas, ça peut être
extrêmement coûteux, même si l'erreur est faite tout à
fait de bonne foi. C'est sûr que, quand c'est une faute majeure, ce n'est
pas pardonnable. Les médecins y pensent, mais, encore là, les
médecins... J'ai déjà été en cour, moi, dans
le cas d'un médecin poursuivi. On lui reprochait, presque 10 ans
après, de ne pas avoir fait un examen de laboratoire qui aurait
aidé à l'établissement du diagnostic de cette
personne-là, mais, à ce moment-là, ce n'était
absolument pas Indiqué de le faire. L'avocat, en fouillant dans le
dossier, a dit: Si vous aviez fait cet examen-là, vous auriez
peut-être eu le résultat. Alors, qu'est-ce que vous voulez, les
médecins qui sont là et qui écoutent, ils se disent:
Maudit! ils ne me prendront pas une deuxième fois, je vais les
prescrire, les examens. Mais ce n'est pas facile. Comme on vous dit, on se
penche sur la question. S'il y avait, par ailleurs, des chefs de
département dans chaque hôpital, qui auraient beaucoup de temps et
qui seraient payés en conséquence, peut-être qu'il pourrait
y avoir des dialogues avec les médecins de l'hôpital pour faire en
sorte qu'il n'y ait pas de tests diagnostiques, par exemple, d'examens non
indiqués, non pertinents. Mais ce n'est pas simple.
Si je reviens, maintenant, à votre deuxième question,
l'assurance-responsabilité, ça aussi, c'est un problème
difficile. Les médecins du Québec sont actuellement
assurés. Je peux vous dire que la Corporation a reçu, au cours du
mois de novembre, une proposition d'un courtier d'assurances du Québec
pour une assurance-responsabilité médicale de tous les
médecins de la province, avec coassurance par des compagnies
américaines. Alors, on a le projet. On a reçu les
courtiers, on en a parlé avec les fédérations de
médecins qui sont en train de regarder les propositions. On doit
rencontrer prochainement la Canadian Medical Protective Association,
l'Association de protection médicale canadienne, pour en discuter, parce
que c'est elle qui assure à peu près 90 % des médecins
québécois. Alors, c'est quand même très
conséquent. Le gouvernement lui paie une certaine partie de la prime en
haut de tel montant et il y a beaucoup d'argent là-dedans. On se demande
ce qu'il faut faire. On attend d'avoir toutes les données. On sait par
ailleurs, par le livre du ministre et son livre blanc de l'année
dernière, que lui aussi pensait à une
assurance-responsabilité médicale gouvernementale, comme on a
fait dans le cas des hôpitaux. Là, vous amenez la question du
«no-fault», comme dans le régime de l'assurance automobile.
Le «no-fault» existe, si ma mémoire est bonne, en
Suède ou en Nouvelle-Zélande. J'ai déjà
participé, il y a une couple d'années, à une rencontre
avec ces gens-là. Ce ne sont pas des systèmes parfaits. Ce sont
des systèmes très, très coûteux. En tout cas, avant
de s'embarquer dans une voie semblable, II faut certainement explorer ce qui se
passe à l'heure actuelle et penser que, peut-être, la meilleure
protection est celle qu'on a actuellement ou celle qui sera donnée par
une protection qui engloberait tous les médecins et qui serait
québécoise.
M. Trudel: Là-dessus, au minimum, comme disait votre
collègue, il faut faire un bon diagnostic, pour commencer, quant
à l'ampleur du phénomène des actes défensifs.
Là, il faut sélectionner, M. le Président, parce qu'il ne
doit pas rester grand temps.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): C'est
ça. Il faudrait peut-être accélérer un petit
peu.
M. Trudel: Alors, on va essayer de choisir les meilleures dans ce
qui reste parce qu'il y en a beaucoup. Il y a deux ou trois lignes, dans le
document ministériel du 18 décembre, quant à des mesures
d'efficience que nous pourrions avoir dans le système. Tout à
coup, il y a: Virgule, supprimer les dessous de table pour le recrutement des
médecins dans un certain nombre d'institutions. Vous, Dr Roy,
êtes-vous au courant de ça, les dessous de table? C'est quoi,
ça? Quelle en est l'ampleur et comment se fait-il que ça
arrive?
M. Roy: Jamais les médecins n'auraient pu faire une chose
semblable! Ce qui se passe, ce qui s'est passé déjà -
c'est fait au vu et au su du ministère depuis très longtemps
d'ailleurs, il n'y a pas de cachette là-dedans - c'est que, pour
recruter les médecins dans certains milieux - et je connais très
bien un hôpital de votre comté, M. le député, qui
l'a fait avec beaucoup de succès en ajoutant, évidemment,
certains montants à la rémunération des médecins,
à même les budgets - il n'y a pas de secret là-dedans -
à même les budgets de l'hôpital. actuellement, c'est
interdit par la loi depuis septembre dernier. mais, qu'est-ce que vous voulez,
c'était une méthode pour ces hôpitaux de recruter, d'avoir
des médecins, particulièrement des médecins
spécialistes. puisque vous me parlez de recrutement, au cas où
vous ne me poseriez pas la question, vous savez, quand les médecins et
les hôpitaux font bien leur travail et recrutent des médecins
spécialistes, surtout dans les régions, ça amène
des dépenses supplémentaires et, souvent, ils sont
pénalisés après parce qu'ils ont fait des
dépassements budgétaires. vous avez eu le cas, chez vous, m. le
député, à rouyn-noranda, au cours de l'automne dernier
où on m'a appelé et on a fait une conférence de presse
pour dire: ça n'a pas de bon sens. on a recruté des
médecins et maintenant on est pénalisés. récemment,
à sept-îles, au cours de l'été à aima... bon.
il reste que c'est une méthode de recrutement des médecins qui
est interdite maintenant.
M. Trudel: Oui, oui. Pour l'instant, là-dessus, votre
médico-administratif et les équipements nécessaires pour
les médecins spécialistes, vous négocierez ça avec
le titulaire. Mais je comprends que ça existe comme situation. Le
message est passé. Il va s'occuper de ses affaires. Cependant, sur votre
réponse quant aux dessous de table, vous dites: Ça n'existe plus,
c'est défendu formellement avec une modification à la loi 120.
Ça m'inquiète que, le 18 décembre, un document
gouvernemental, ministériel, le mentionne encore comme étant un
problème. Si vous dites que ce n'est pas secret, je me demande pourquoi
ils appellent ça un dessous de table. Ça devrait être un
dessus de table! Si c'était légal et reconnu par les
établissements...
M. Roy: La Corporation n'a rien à voir là-dedans,
de toute façon. C'est une question qui regarde le gouvernement et les
établissements hospitaliers.
M. Trudel: Alors, je terminerai par la question du nombre de
médecins. Les indications, les chiffres donnés dans le document
ministériel nous indiquent qu'il y aurait, quand on ferait la
comparaison avec l'Ontario, quelque chose comme 400 à 500
médecins de plus, d'autres vont dire de trop, par rapport à la
norme ontarienne et aux normes généralement observées dans
les pays industrialisés. Vous nous avez répondu tantôt par
l'étude du GRIS, en disant: Oui, mais, écoutez bien, il ne faut
pas écouter seulement celui-là, il faut également aller
relire le GRIS. Chez vous, y a-t-il un nombre de médecins au
Québec qui est supérieur à la moyenne
généralement reconnue dans les pays industrialisés en
comparaison avec l'Ontario? Deuxièmement, est-ce que vous con-
sidérez, effectivement, que c'est là une source de
croissance des coûts de ce nombre de médecins?
Troisièmement - parce que je ne veux pas vous échapper
là-dessus, le ministre, lui, a sa bible selon saint Augustin, moi, j'ai
rien que ma mémoire - je me rappelle, il y a quatre ans, vous avoir
entendu dire, à Rouyn-Noranda, devant 300 personnes - je trouvais que
vous aviez un front de boeuf, vous l'avez encore - que le principal
problème de la profession médicale, c'était la
féminisation de la profession, que c'était le fait qu'il y avait,
entre autres choses, beaucoup de médecins féminins qui
pratiquaient et qui entraient dans la profession qui nous causait un certain
nombre de problèmes, je dirais, de disponibilité d'actes? Trois
questions en ligne, s'il vous plaît.
M. Roy: Je vais commencer par la dernière. Des fois, on
est mal Interprété, mal cité. Vous savez, ça fait
juste trois ans ou quatre ans, ça, à Rouyn-Noranda, mais la
première fois que j'ai parlé...
M. Trudel: II y a un vieux proverbe qui dit: A beau mentir qui
vient de Rouyn.
M. Roy: bien oui, c'est bien sûr. pourtant, c'est un coin
que je connais, c'est là que j'ai fait mes premières armes en
médecine, vous savez, dans votre beau comté de
témiscamingue. la première fois qu'on a parlé des
effectifs médicaux féminins, je pense que c'est en 1976. la
corporation avait publié une revue, comme on en fait souvent une
étude, sur la féminisation de la médecine. ça fait
longtemps de ça. il y avait beaucoup moins de femmes médecins,
à ce moment-là, qu'aujourd'hui. c'était à peu
près 10 % dans la profession alors qu'aujourd'hui c'est 23 %. ça
monte à peu près de 1 % par année, 1,5 % par année.
ce que j'avais dit, c'était que le fait d'avoir plus de femmes en
médecine que d'hommes - et ça, c'était en 1976,
c'était le langage des économistes que j'utilisais - ça
avait un effet sur la productivité. c'est tout à fait normal que
les femmes ont droit d'avoir des enfants - il en faut, en fait, qui aient des
enfants - alors, pour toutes sortes de raisons, elles travaillaient moins
d'heures, à ce moment-là, que les hommes. là, revenons en
1991-1992. il y a plusieurs facteurs dont il faut tenir compte pour les
effectifs médicaux. la féminisation en est un, c'est bien
évident. actuellement plus de 50 % de nos étudiants en
médecine sont des femmes. on ne doit pas penser que les femmes vont
travailler 45 heures, en moyenne, par semaine comme le font les médecins
actuellement. de toute façon, cette tendance diminue même chez les
hommes médecins. alors, les médecins qui, dans le temps
où, moi, je pratiquais, travaillaient 60 heures, on ne verra plus
ça. se tuer à la tâche, ce n'est pas
rémunérateur. de toute façon, on a des problèmes
à ce moment-là avec la régie, avec les journalistes qui
nous traitent de gros méchants parce qu'on est trop productifs, on
travaille trop. de toute façon, on n'en verra plus de ces
genres-là. donc, le temps de travail des médecins a
diminué pour une question de qualité de vie, la
féminisation est un fait, les jeunes médecins aussi, ce
«patern» de pratique est différent. c'est tout le
problème de la société, il faut vivre avec ça. ce
qu'il faut dire au québec, c'est qu'on ne manque pas de médecins,
généralement partant. mais on n'a pas trop de médecins,
par ailleurs. on n'a pas trop de médecins. on peut dire qu'il y a une
assez bonne répartition des médecins omnlpraticlens partout dans
le québec, tout le monde le constate, l'accepte. la distribution des
spécialistes n'est pas aussi bonne. ça représente un
certain problème et c'est facilement compréhensible. la
disponibilité des médecins a diminué, comme je le disais
tout à l'heure. il est question de vieillissement aussi des effectifs
médicaux, et c'est particulièrement vrai du côté des
spécialistes. comme la croissance des médecins est beaucoup moins
grande qu'elle ne l'était avant, on va avoir des problèmes au
québec, en ce qui concerne les effectifs médicaux, dans à
peu près 15 ans. si je regarde les cohortes de médecins que la
corporation vient de publier pour usage interne - je pourrais vous en donner
une copie - on voit très bien que les médecins de 45 ans et plus
se... dans les médecins de 45 ans et plus, les cohortes, il y a beaucoup
plus de spécialistes que d'omnipraticiens et, en descendant vers 40 ans,
35 ans, à ce moment-là, on a presque 2 omni-praticiens pour 1
spécialiste. donc, il y a eu pendant quelques années une
désaffection des spécialités. et ça, on risque de
le payer très cher, pas tout de suite, dans 15 ans ou dans 20 ans parce
que ça prend 10, 12 ans pour former un spécialiste. (21 h 30)
II y a eu un rajustement du ministère, cette année, dans
les politiques d'entrée en spécialité, c'était le
temps. Ce n'est pas facile de former des spécialistes. Il y a des
spécialités qui manquent d'attrait, parce que ce n'est pas assez
rémunéré, c'est trop dur, pour toutes sortes de raisons.
Prenez l'anesthésie, ce n'est pas facile, c'est très dangereux,
il faut que vous soyez toujours alerte, vous ne pouvez pas vous permettre de
veiller le soir, il faut que vous soyez en forme à 7 heures le matin et
c'est la vie du patient qui en dépend. Il y a d'autres
spécialités évidemment.
Il reste que beaucoup de facteurs... Moi, je prédis que, dans 20
ans, si on continue le même système, 15 ans, on va manquer de
spécialistes. Ça peut être dramatique pour fa population
québécoise, à moins qu'on ne fasse des rajustements en
changeant le mode de pratique, en faisant en sorte que tous les gens soient
obligés de voir des praticiens de première ligne. Il y a toutes
sortes de changements qui pourraient
être faits. Dans le contexte actuel de la pratique de la
médecine, on ne manque pas de médecins, mais on n'en a pas de
trop. La raison que je pourrais vous donner, c'est que... Toutes les semaines,
régulièrement, je reçois des lettres ou des
téléphones, non pas de Québec et de Montréal, mais
d'autour de Québec et de Montréal, pas seulement
nécessairement en Abitibi ou sur la Côte-Nord, de maires. J'en ai
eu un, récemment, de la région de Saint-Basile, je pense, un qui
m'appelle, qui m'écrit pour avoir des médecins.
Une voix: Donnacona.
M. Roy: Donnacona aussi, mais Saint-Basile, le dernier, au
début de la semaine ou vendredi dernier. Le médecin qui
était là, c'était un de mes confrères qui
travaillait 80 heures par semaine... par jour, par semaine.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roy: On ne verra plus ça. Mais il reste qu'il y a
certains problèmes. En plus, M. le député, pendant que
vous me parlez, c'est qu'il y a un problème au niveau des admissions en
médecine. Vous parlez du rapport Stoddart...
M. Trudel: Ça, ça m'intéresse aussi.
M. Roy: ...ce rapport-là est 10 ans en retard pour les
Québécois. D'ailleurs, tout ce qui se fait sur la scène
fédérale, c'est toujours 10 ans en retard, vous le savez
très bien, ça va vous faire plaisir, ça. C'est 10 ans en
retard parce que ce qui est recommandé dans ça se fait à
Québec depuis 10 ans. Le ministre le sait très bien,
d'ailleurs.
M. Trudel: Quand on va leur dire qu'on s'en va, ils vont avoir
une surprise 10 ans plus tard, eux autres.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roy: Les facultés de médecine ont
commencé leur contingentement en 1983, je pourrais vous donner des
chiffres exacts, et il y a eu des contingentements de 15 %, des diminutions de
15 % à la Faculté de médecine, de 1983 à 1985. Il y
a eu un contrôle très serré sur l'entrée des
médecins étrangers. Vous le savez très bien, tout le monde
était d'accord qu'à un moment donné on ne pouvait
malheureusement pas ouvrir la porte à tous les médecins de tout
le monde alors qu'on empêchait nos Québécois d'entrer en
médecine.
Il y a, par ailleurs, deux phénomènes nouveaux. C'est
qu'autrefois on recevait des médecins des autres provinces alors que,
maintenant, on n'en reçoit plus. Pourquoi? Je ne sais pas. C'est
peut-être plus politique que médical, je vous laisse le soin de
répondre. On ne reçoit plus de médecins de l'Ontario qui
viennent pratiquer au Québec, mais on a des Québécois qui
s'en vont ailleurs, par exemple. Un petit peu moins en Ontario depuis un mois.
Depuis que la catastrophe est annoncée en Ontario, depuis qu'il y a une
catastrophe appréhendée au point de vue du budget et des soins de
santé, on en reçoit moins, depuis ce temps-là, de demandes
pour aller en Ontario. Mais il reste qu'il y a eu une sortie des
médecins québécois vers les autres provinces et vers les
États-Unis, en particulier, et on n'importe plus de médecins
d'ailleurs.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): En
conclusion, Dr Roy.
M. Roy: Alors, tout ça pour vous dire...
Le Président (M. Paradis, Matapédia): J'ai
été d'une énorme patience, mais, là,
voilà.
M. Roy: ...que c'est très complexe, le problème des
effectifs médicaux. Je ne sais pas si Joëlle voulait ajouter des
choses. Je voulais laisser parler mes collègues, mais je me suis
aperçu qu'en parlant j'ai dit pas mal de choses.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Très
bien. Oui, en concluant peut-être? Conclusion rapide, une rapide.
M. Trudel: Merci de votre présentation. À la
blague, je disais, au départ, que c'est rare qu'une institution en
reçoit une autre. Je conclurai en disant que, si vous n'existiez pas, Dr
Roy, il faudrait vous inventer. Plus sérieusement, vraiment, en
conclusion, je demeure cependant inquiet de tout ce que j'ai entendu pendant ce
débat ici. Oui, je le dis bien ouvertement. Vis-à-vis de nos
médecins et de la profession médicale, vous m'avez entendu le
dire quelquefois pendant cette commission, je suis inquiet dans une
société quand je sens une brisure entre ses professionnels de la
santé et des groupes de partout à travers la population. Je ne
suis pas de ceux qui pensent qu'on va aller bien loin si on ne refait pas cette
soudure, cette solidarité avec la profession médicale. Je pense
que des responsables dans la profession, ça s'appelle la Corporation,
chez vous, et je souhaite qu'il s'amorce quelque chose. Vous êtes hommes
de services, vous êtes femmes de services auprès des
Québécois et des Québécoises depuis de nombreuses
années et il faut que ce lien solidaire se refasse avec la
société québécoise. Ça m'inquiète,
à cet égard-là, et je souhaite que vous puissiez poser des
gestes. Merci de votre prestation. Je ne dis pas qu'on va tout retenir. Si j'en
crois votre profession de foi ce soir, au prochain référendum,
ça va être oui, cette fois-là, Dr Roy? Merci beaucoup.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci, M. le
député. M. le ministre, pour conclure.
M. Roy: Trop aimable. Je vous remercie, M. le
député...
Le Président (M. Paradis, Matapédia):
Rapidement.
M. Roy: ...des bons mots que vous avez eus pour les
médecins au cours de cette commission parlementaire; ça pourrait
être payant aux prochaines élections. Il reste que je voulais
juste dire un petit mot sur...
M. Côté (Charlesbourg): Voulez-vous être
candidat pour le PQ?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roy: Ça dépend où ça va
être, ces élections-là. On ne sait plus rien, actuellement.
On attend le référendum. Je voulais dire, pour l'information de
M. le ministre, qu'il y a actuellement presque 200 médecins à
contrat pour des postes de spécialité et pour des postes de
médecine générale qui sont en train de terminer leur
formation. Ça veut dire que, pour les réglons, ça devrait
faire quand même pas mal de monde, ça, dans les prochaines
années. Entre parenthèses, M. le ministre, peut-être
pourriez-vous tordre le bras de vos conseillers juridiques pour qu'ils
poursuivent les 17 médecins qui sont partis du Québec en
n'honorant pas leur contrat après leur formation.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): M. le
ministre, pour conclure.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. J'accepte volontiers toutes les suggestions qui peuvent
être profitables aux citoyens du Québec. Force m'est de constater,
malgré l'ouverture à des discussions, à un partenariat,
qu'il n'y a pas bien, bien d'argent dans la cagnotte, après nos
échanges de deux heures. Il y a un certain nombre de pistes qui sont
à être explorées, qu'il va falloir explorer. Heureusement,
il y a des Initiatives qui, je pense, sont possiblement porteuses de bonnes
nouvelles, comme votre colloque qui peut être extrêmement important
puisque c'est une très bonne initiative, en espérant que
ça débouche sur des choses concrètes. Mais, si j'ai bien
compris la présentation, il faut garder le système intact.
Ça veut dire aussi, sur le plan du financement, le financement intact;
ça signifie, sur le plan de la demande, qu'il y a des besoins nouveaux
qu'il va falloir aussi financer.
Donc, on est dans une situation où il faudra
nécessairement ajouter des sommes d'argent qui sont appréciables.
Chaque 1 % additionnel, c'est 120 000 000 $; par conséquent, les
finances publiques, quant à elles, ont une problématique assez
particulière qui est structurelle. Je pense que les gens commencent
à s'en rendre compte assez aisément, et qu'on n'a pas pour autant
réglé tous nos problèmes. Il en reste encore un bon paquet
qu'il va falloir tenter de solutionner. Quant à moi, j'accepte
volontiers de continuer de dialoguer et d'échanger, mais pas seulement
pour les autres, pas seulement pour les autres travailleurs, mais aussi pour la
profession médicale. Je pense qu'en travaillant avec la profession
médicale il y a des choses qui sortent, qui sont assez
intéressantes.
Vous avez soulevé, tantôt, le fait qu'il y avait plus de
postes en spécialités de base au niveau de la médecine
où, nous autres aussi, on a fait des pas assez importants dans la
négociation avec la Fédération des médecins
spécialistes en particulier. Et qu'en ajoutant des postes en
spécialité pour 1992-1993 en médecine interne et en
chirurgie générale et en éliminant une... la coercition
par davantage d'incitatifs, c'est une première mesure dont nous avons
convenu et, évidemment, ça ne s'est pas fait tout seul. Il a
fallu que le gouvernement accepte aussi, son ministre, défendre cela
auprès du gouvernement en vous disant que c'est un geste de confiance
dans l'avenir, en souhaitant qu'on ne soit pas déçus.
Évidemment, il reste encore passablement de chemin à faire. Je
pense que ça va devoir se faire pour les travailleurs sociaux, pour les
travailleurs des établissements, mais aussi pour ceux de la profession
médicale sur le plan d'un certain questionnement. Ce n'est pas
uniquement 2 000 000 000 $ de financement pour du paiement des salaires, on l'a
dit tantôt, c'est ce que le reste occasionne. Les 10 000 000 000 $ qui
sont dépensés sont aussi dépensés un peu par les
médecins dans le réseau, pour le bénéfice des
citoyens.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci.
M. Côté (Charlesbourg): L'Enfant-Jésus, on
s'en reparlera, on verra qui va prendre sa pilule.
Le Président (M. Paradis, Matapédia):
D'accord, d'accord. On s'en reparlera un petit peu plus tard parce que,
vraiment, notre temps...
M. Roy: J'aurais aimé vous donner le résultat de
l'étude, mais on pourra vous le donner privément. Je vous
remercie, M. le ministre, de nous avoir entendus. On peut faire beaucoup de
choses ensemble. J'espère que votre nouveau préjugé
favorable aux médecins va porter fruit. Nous, on vous offre notre
collaboration. On commence à s'apprivoiser, on s'apprivoise parce que
peut-être on est semblables. De toute façon, il reste qu'on est
à votre disposition, et la Corporation et les fédérations
médicales et toute la profession, et c'est ensemble qu'on pourra faire
quelque chose. C'est certain
qu'on a à coeur, nous aussi, l'intérêt des citoyens,
la santé des citoyens. On sait fort bien qu'il y a des choses à
faire dans le système de santé et on vous offre notre
collaboration. Je vous remercie beaucoup, M. le ministre.
Le Président (M. Paradis, Matapédia): Merci, Or
Roy. Merci, M. le député. Merci, M. le ministre. La
sous-commission des affaires sociales remercie la Corporation professionnelle
des médecins du Québec de s'être présentée
devant nous et elle ajourne ses travaux à demain, le 12 février,
9 h 30. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 41)