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(Neuf heures quarante minutes)
Le Président (M. Joly): Alors, bonjour à toutes et
à tous et bienvenue à cette commission. Je vous rappelle le
mandat de notre commission. Donc, la sous-commission des affaires sociales se
réunit afin de procéder à des consultations
particulières et tenir des auditions publiques sur le document de
consultation intitulé «Un financement équitable à la
mesure de nos moyens». Mme la secrétaire, avons-nous des
remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vois que
déjà les intéressés du Conseil du patronat ont pris
place. L'expérience étant là, alors on connaît toute
la procédure. Quand même, je vous rappelle que vous avez une
vingtaine de minutes pour nous exposer votre mémoire et que, par
après, les parlementaires échangeront avec vous. Alors, M.
Dufour, pourriez-vous nous introduire les gens qui vous accompagnent, s'il vous
plaît?
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): Alors, merci, M. le Président.
À ma gauche, Mme Denise Turenne, qui est présidente du Centre
patronal de santé et de sécurité du travail et
présidente du conseil d'administration de l'hôpital Fleury.
Le Président (M. Joly): Bonjour, madame.
M. Dufour (ghislain): à ma droite, m. jean tremblay, qui
est vice-président exécutif de l'association provinciale de
l'industrie du bois ouvré du québec.
Le Président (M. Joly): Merci.
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, nous tenons d'abord
à féliciter le gouvernement et son ministre de la Santé et
des Services sociaux d'avoir préparé le document qui est,
aujourd'hui, soumis à la consultation. Le financement de nos services de
santé et de nos services sociaux pose, en effet, un problème au
Québec. Ce document sera donc des plus utiles, d'autant plus qu'il
s'agit d'une analyse fouillée, bien documentée et qui explore bon
nombre d'avenues quant à de nouvelles sources de revenus qui pourraient
nous permettre de préserver les deux caractéristiques
fondamentales de notre régime de santé et de services sociaux,
à savoir l'accessibilité et l'universalité.
Dans ce bref mémoire, M. le Président, le CPQ n'entend pas
porter un jugement sur la problématique même des dépenses
globales engagées au Québec dans le réseau de la
santé et des services sociaux. Il fait, à cet égard,
généralement siennes, à moins qu'on lui prouve le
contraire à partir d'autres sources, les conclusions
générales du document. Nous limiterons plutôt nos
commentaires à la question même des modes de financement possibles
des dépenses de santé et de services sociaux puisque tel nous
apparaît être l'objet essentiel de la consultation qu'entreprend le
gouvernement dans ce dossier.
Ces commentaires se situent dans la perspective suivante: Les
dépenses de santé et de services sociaux, comme l'indique
l'énoncé gouvernemental, ont atteint un niveau à ne pas
dépasser si l'on ne veut pas affecter négativement la
compétitivité de l'économie québécoise et
mettre en péril nos finances publiques. Mais si nous avons atteint un
sommet à ne pas dépasser en termes de dépenses, sans
risquer des conséquences négatives importantes, où sont
les solutions? Efficience? Efficacité? Impôt-services? Ticket
modérateur? Autant de mots qui prennent alors toute leur importance et
qui ne signifient pas la catastrophe, comme voudront nous le faire croire
certains groupes tout au long de ce débat. À cet égard,
d'ailleurs, il faut saluer le courage politique du ministre qui n'hésite
pas à lancer le débat.
Notre présentation est faite sous forme de six commentaires. Le
premier commentaire: les employeurs et le financement des dépenses de
santé. Les employeurs financent actuellement 22,2 % des dépenses
des services sociaux et de santé au moyen, faut-il le rappeler, d'une
taxe sur la masse salariale de 3,75 % depuis septembre 1991 qui leur est
imposée par le gouvernement du Québec et dont le produit est
versé au fonds consolidé. Cette contribution spéciale des
employeurs au fonds des services de santé représente presque le
quart des dépenses en santé et services sociaux au Québec.
C'est énorme, surtout si l'on considère qu'ils participent
également, par leurs impôts, au financement des trois autres
quarts. Ce n'est donc pas de ce côté qu'il faut aller chercher les
ressources nécessaires à l'amélioration du financement des
services sociaux et de santé au Québec. Déjà cette
taxe de 3,75 % est extrêmement pénalisante pour les entreprises,
surtout celles à forte teneur de main-d'oeuvre. Notre objectif collectif
doit être de la réduire, non de l'augmenter.
Le deuxième commentaire est sur l'absence de liens entre la
consommation de services et les coûts. Nous partageons pleinement
l'analyse du
document suivant laquelle l'absence de tout lien entre la consommation
de services de santé et leur coût a permis le
développement, chez les consommateurs, d'un faux sens de la
gratuité et l'affaiblissement éventuel du sens de la prise en
charge de la santé par la prévention et par l'adoption
d'habitudes de vie saines. Le fait que les producteurs ne soient plus sujets,
ne serait-ce qu'indirectement, aux contraintes budgétaires des
bénéficiaires n'apparaît pas susceptible non plus de
favoriser l'utilisation la plus efficiente des ressources.
Cette analyse, M. le Président, véhicule un message clair:
Les services sociaux et de santé ne sont pas gatuits. Les citoyens
devraient en être informés, individu par individu, et leur
contribution financière, équitable, II va sans dire,
sollicitée sans pour autant remettre en cause les principes
d'universalité et d'accessibilité.
Troisième commentaire: un meilleur contrôle des
coûts. Dépenses susceptibles de croître, baisse des
transferts fédéraux, affaiblissement de la croissance
économique et des ressources de l'État, contraintes juridiques et
socio-économiques, voilà presque la quadrature du cercle.
D'où l'absolue nécessité pour le réseau de la
santé et des services sociaux d'être extrêmement efficient
et efficace. À cet égard, nous trouvons tout à fait saine
l'analyse présentée dans le document et qui propose des mesures
très sévères pour infléchir le rythme
d'évolution des dépenses.
Mais là où il y a certes place à l'efficience et
à l'efficacité, c'est dans l'important domaine de la gestion des
ressources humaines. Or, à cet égard, le gouvernement
lui-même, grand maître d'oeuvre des négociations au cours
des 20 dernières années, doit faire son mea culpa. Une grande
partie des contraintes coûteuses auxquelles font face aujourd'hui les
gestionnaires provient en effet de la rigidité des conventions
collectives dont a hérité le réseau de la santé et
des services sociaux depuis 1966 et qui rend très difficile une gestion
efficace des ressources humaines. Comme le disait un jour un gestionnaire
hospitalier, nos conventions collectives ressemblent aujourd'hui ni plus ni
moins à des encyclopédies Grolier qui régissent dans les
moindres détails les rapports entre les parties, et c'est devenu plus ou
moins vivable.
Citons quelques exemples des dispositions de ces conventions collectives
qui représentent des coûts astronomiques: le manque de
mobilité du personnel, la multiplication des titres d'emplois, les
mutations internes qui se font selon les critères d'ancienneté et
non de compétence, le coût des arbitrages inutiles - rappelons
tout simplement que tous les arbitrages sont payés par les employeurs,
donc, c'est évident qu'à ce moment-là on provoque presque
le dépôt des griefs - les libérations syndicales trop
nombreuses, etc.
Pourtant, le document gouvernemental est tout à fait muet
à ce sujet. Tout au plus y signale-t-on une intention de limiter
l'évolution du coût global de la rémunération des
salariés à un rythme maximal ne dépassant pas l'IPC. Je ne
veux pas critiquer cette orientation-là, elle est très
intéressante, mais, quant à nous, elle est insuffisante parce que
les coûts ne sont pas nécessairement des coûts qui
découlent des augmentations possibles de salaires mais des
rigidités qu'on retrouve dans les conventions collectives.
Commentaire no 4: mesures portant sur le financement. Le document
gouvernemental propose quelques pistes de réflexion quant aux mesures
à envisager pour mieux financer notre régime de santé et
de services sociaux, mais, quant à nous, nous restons sur notre
appétit. Le document propose en effet pour l'essentiel, et je cite:
«une responsabilisation collective du financement des services de base et
un certain nombre de modalités de financement général
visant à établir des liens transparents et systématiques
avec l'évolution des besoins spécifiques de financement des
dépenses socio-sanitaires». Le ministère dit
privilégier cette approche.
On la comprend peut-être mal, mais tel n'est pas notre choix. En
effet, cette approche globale, qui ne dégage aucune source de revenus
supplémentaires, même marginaux, ne permet pas d'établir un
lien entre la consommation individuelle et le financement et son impact sur la
responsabilité individuelle risque d'être nul alors qu'on a vu
plus tôt combien l'absence de liens entre la consommation de services et
les coûts peut être excessivement coûteuse. Nous
préférons donc plutôt, et sans hésitation, cette
piste proposée par le document quant à une contribution
individuelle modeste reliée à la consommation, avec des mesures
assurant l'accessibilité de tous les citoyens. Cette contribution
pourrait notamment prendre la forme d'un impôt-services que le CPQ a
déjà eu l'occasion, en d'autres circonstances, de proposer sous
la forme d'un Impôt à rebours.
Le document gouvernemental identifie essentiellement trois obstacles
à la réalisation d'une telle approche. Le premier obstacle tient
aux difficultés pratiques d'application d'un tel impôt. Nous en
sommes conscients, mais elles ne sont sûrement pas insolubles. On
pourrait demander aux officiers du ministère de la Santé et des
Services sociaux de se mettre en contact avec le ministère du Revenu.
Ça fait très longtemps qu'ils ont trouvé les façons
de régler ce genre de problèmes là. Ils nous rejoignent
tous, soit dit en passant.
Le second tient aux dispositions de la loi C-3 qui prévoit des
réductions des transferts fédéraux correspondant à
tous les revenus que pourraient percevoir les provinces au moyen de
modalités, directes ou indirectes, faisant obstacle à
l'accessibilité aux services. L'obstacle est de taille. Mais ces
dispositions sont-elles négociables
ou immuables? Faut-il baisser les bras devant une mesure qui avait
peut-être du sens il y a quelques années mais qui n'en a plus?
Comment le fédéral peut-il se désengager de ses
responsabilités financières vis-à-vis le Québec
sans lui permettre de compenser le manque à gagner? Si le gouvernement
québécois, sans créer de remous insurmontables, a
réussi à négocier des arrangements satisfaisants en
matière d'Immigration, pourquoi ne pourrait-il pas le faire en
matière de santé et de services sociaux?
Le troisième obstacle, M. le Président, tient en une
phrase: «À la suite de consultations effectuées par le
ministère auprès d'assureurs privés, il apparaît
également que les bénéficiaires pourraient très
difficilement contracter des assurances pour se prémunir contre les
risques associés aux coûts des services complémentaires, si
on appliquait la formule de l'impôt-services». Tel n'est cependant
pas le résultat de la consultation que nous avons menée
nous-mêmes auprès des assureurs privés, du moins en ce qui
concerne les services de base même complémentaires. Et ce n'est
pas parce que l'impôt-services n'a pas été appliqué
ailleurs à ce jour, comme le dit le document, que nos assureurs ne sont
pas capables de l'implanter. Le CPQ est convaincu que nos assureurs
privés peuvent faire preuve d'énormément d'initiatives au
Québec. Nous sommes allés les voir et ils nous ont
confirmé cette possibilité d'initiative.
Commentaire 5, les tickets modérateurs. Le document
gouvernemental aborde sous plusieurs formes, dont le ticket modérateur
ou le ticket orienteur, la fameuse question des tickets modérateurs dans
les services de santé et les services sociaux. Le ministère
rappelle dans le document sa position traditionnelle d'opposition au ticket
modérateur. Je ne la rappelle pas parce que cette position
traditionnelle, le ministère la revoit cependant dans son avis de
l'annexe 3. J'aime mieux citer l'annexe que le document. Dans l'annexe, il
écrit: «Le ministère estime qu'il est devenu important de
sensibiliser les bénéficiaires au coût des services et de
rétablir les liens entre la consommation et la responsabilité de
leur financement. C'est pourquoi, dans l'éventualité où la
loi C-3 serait modifiée, une contribution modeste des usagers qui ne
ferait pas obstacle à leur accessibilité et qui tiendrait compte
de leur capacité de payer pourrait être envisagée. Le
ministère reconnaît également comme légitimes les
préoccupations des citoyens vis-à-vis de l'importance de
minimiser les augmentations du fardeau fiscal, et la tarification de certains
services permettrait de tenir compte de ces préoccupations».
M. le Président, je peux dire aussi M. le ministre, nous
endossons pleinement cet avis du ministère, d'autant que le sondage
SOM-Les Affaires de ce matin vient de confirmer alors que vous avez 80 %
des Québécois qui sont favorables au ticket
modérateur.
Une voix: Combien?
M. Dufour (Ghislain): 80 %. Je pourrai le déposer au
président.
Le Président (M. Joly): Ha, ha, ha!
M. Dufour (Ghislain): II existe d'ailleurs des études sur
le ticket modérateur et, lorsqu'on les passe en revue, on constate
qu'elles contredisent les arguments de ceux qui s'y opposent. On y apprend
entre autres que le ticket modérateur existe sous une forme ou sous une
autre dans plus de 40 % des systèmes de santé nationalisés
des pays de l'OCDE, y compris la Suède, auquel on réfère
constamment. La conclusion de ces études, c'est que le ticket
modérateur fait diminuer la demande des services ambulatoires et des
médicaments, mais pas les soins hospitaliers. C'est ça qui, dans
le fond, est important.
Sixième commentaire, M. le Président, la privatisation. Le
document n'aborde presque pas - et c'est de bonne guerre pour le gouvernement -
la possibilité de réduire les coûts en privatisant certains
services. Pourtant, l'introduction ou l'accentuation de la concurrence, dans
une certaine mesure, pourrait sans doute stimuler le secteur public des soins
de santé, ne serait-ce qu'en raison de sanctions possibles de la part
d'usagers aujourd'hui dépourvus de solution de rechange. Disons d'abord,
et c'est important pour nous de le dire, qu'il est politiquement impensable et
définitivement indésirable socialement que l'ensemble des
services de santé soit privatisé. Ce n'est pas de ça qu'on
parle. Il y a peu de gens, d'ailleurs, dans le secteur privé qui pensent
différemment, mais il y a une espèce de peur maladive de la
privatisation partielle et nous, évidemment, ça nous crée
un certain nombre de problèmes.
Si on oublie cette peur maladive et on se demande plutôt dans quel
cas l'utilisation des services du secteur privé peut être rentable
et compatible avec la mission des établissements de santé, on en
arrive à un certain nombre de réponses. Il s'agit de s'assurer au
départ que le système demeure lui-même essentiellement
public, accessible et universel. Mais au-delà de ce qui est
déjà monnaie courante dans les services, par exemple, d'entretien
ménager, de buanderie, de cafétéria - ça existe
déjà beaucoup - il y a lieu, quant à nous, d'explorer
d'autres champs d'action.
Pourquoi se limiter à la seule privatisation de certains services
auxiliaires? Au nom de quel principe certaines activités
médicales et paramédicales ne pourraient-elles pas
également être privatisées? En quoi les usagers du service
de radiologie d'un hôpital seraient-ils affectés si un tel service
leur était dispensé par une clinique privée oeuvrant
à l'intérieur de l'hôpital? Qui oserait affirmer a priori
qu'une telle clinique privée de radiologie, à l'intérieur
de
l'hôpital, non soumise aux règles bureaucratiques de
l'institution, serait moins efficace et plus coûteuse que ia clinique
publique traditionnelle interne de l'hôpital? Pourquoi, en tout cas, ne
pas mener certaines expériences-pilotes et non pas seulement en
radiologie, mais en physiothérapie, en cardiologie, en
encéphalographie, etc.? Quant à nous, il s'agit là de
mesures d'efficacité et d'efficience qui peuvent sûrement
être ajoutées aux propositions du gouvernement qui sont faites
actuellement.
Pour d'aucuns, on pourrait même aller plus loin. On rappelle
toujours l'expérience de Hawkesbury en Ontario. On sait que c'est une
société privée qui gère l'hôpital,
l'hôpital étant public et ce, depuis plusieurs années.
Appelés à la rescousse pour sortir l'hôpital du gouffre
financier dans lequel l'hôpital s'était embourbé, ses
gestionnaires ont rétabli la situation budgétaire,
amélioré le service à l'urgence, modernisé
l'équipement et agrandi l'Immeuble. En somme, la majorité des
problèmes que connaissait l'hôpital n'existent plus. Voilà
un exemple de gestion dont on pourrait peut-être tirer quelques
conclusions utiles sans - je le répète - d'aucune façon
remettre en cause les principes d'accessibilité et d'universalité
et qui n'a rien du cheval de Troie que craignent tant certains groupes.
En conclusion, M. le Président, nous voudrions de nouveau
féliciter le gouvernement d'entreprendre cet exercice de révision
du financement de nos services sociaux et de santé. Le document de
réflexion qu'il nous propose à cet égard est un bon
document de travail. Pour notre part, nous avons voulu, dans ce bref
mémoire, affirmer bien haut qu'il est devenu nécessaire, d'une
part, d'améliorer l'efficience et l'efficacité de la gestion de
nos services sociaux et de santé et, d'autre part, de trouver des
sources nouvelles de revenus si nous voulons maintenir les acquis et faire face
aux besoins futurs.
Si l'efficience et l'efficacité de la gestion passent, notamment,
selon nous, par une meilleure gestion des ressources humaines et des
conventions collectives, nous croyons qu'il est également devenu
essentiel d'établir un meilleur lien entre la consommation individuelle
de services et les coûts, ce qui nous amène à accueillir
positivement toute proposition d'impôt-services, de ticket
modérateur - et, dans ce sens-là, je le répète, on
ne se distingue pas de la population - étant bien entendu que ces
mesures ne feront pas obstacle à l'accessibilité des services
pour les plus démunis. Par ailleurs, dans ce débat sur le
financement de nos services sociaux et de santé, il ne faudrait pas
oublier la part consi dérable que pourrait représenter une
certaine privatisation. (10 heures)
Terminons, M. le Président, en signalant que le gouvernement du
Québec aura tout le soutien du Conseil du patronat s'il entend faire
valoir auprès du gouvernement fédéral la
nécessité d'une révision de la collaboration
fédérale-provinciale en matière de services de
santé et de services sociaux, notamment, pour obtenir des amendements
à la loi C-3. Il n'y a aucune raison, en effet, pour que le gouvernement
fédéral, suite à son désengagement financier face
au Québec, s'oppose à ce que la province s'adresse
désormais à ses citoyens pour que ces derniers injectent, en
quelque sorte, des fonds supplémentaires à ceux qu'ils consentent
déjà globalement au financement de leurs besoins en
matière de santé. Il y va du droit le plus strict des citoyens
québécois de décider eux-mêmes des moyens de combler
ce manque à gagner s'ils veulent maintenir des services de santé
accessibles et de qualité. L'universalité et
l'accessibilité actuelles, M. le Président, sont mieux vues dans
ce contexte de relations fédérales-provinciales si on est
capable, ensemble, de cheminer.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Dufour. Même si le
document que vous avez cité est un document public, pour le
bénéfice des parlementaires, j'apprécierais si on pouvait
l'avoir. Ça va nous avancer.
M. Dufour (Ghislain): Celui-là?
Le Président (M. Joly): Oui, le journal Les Affaires
que vous avez mentionné.
M. Dufour (Ghislain): 1,50 $.
Le Président (M. Joly): On va vous le payer. Je vais vous
le payer moi-même. Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Merci,
mesdames et messieurs. Je pense que c'est égal au Conseil du patronat
comme présentation dans le but de faire des constats, mais aussi pour
tenter de trouver des solutions à la problématique dans laquelle
on est.
Je commencerai d'abord par tenter de questionner sur la situation
financière, qui m'apparaît importante, parce qu'à chaque
année le Conseil du patronat rencontre le gouvernement pour lui dire un
certain nombre de choses et aussi se préoccuper de l'état des
finances publiques. Certains groupes - ils sont quand même relativement
nombreux et, parmi ceux-là, le GRIS, qui est un groupe de recherche qui
a une bonne crédibilité - tentent de nous faire la
démonstration - parce que je ne partage pas leur point de vue,
évidemment - que la situation actuelle des finances publiques est une
situation conjoncturelle et non pas une problématique structurelle.
J'aimerais peut-être vous entendre davantage là-dessus, vous qui
suivez de manière très régulière l'évolution
des finances publiques du Québec.
M. Dufour (Ghislain): Je pense que ce qui
est campé dans le document est tout à fait vrai. Nous
avons atteint une capacité budgétaire dans les domaines de
l'éducation et de la santé qui ne saurait être
dépassée sans compromettre la compétitivité des
entreprises québécoises. Est-ce que c'est conjoncturel? Est-ce
que c'est structurel? Sous le gouvernement antérieur, on est allé
tout près de 5 000 000 000 $ de déficit. À cause de la
conjoncture actuelle, on va se retrouver au-delà de 4 000 000 000 $,
soit 4 200 000 000 $. Moi, je n'appelle plus ça conjoncturel quand
ça fait à peu près 10 ans qu'on est dans cette
situation-là. Alors, non, je ne partage pas cette analyse-là. Je
pense qu'on ne reprendra pas du poil de la bête au plan économique
en 1992. Ça va aller au début de 1993. Quand ça s'amplifie
au fédéral, ça s'amplifie en Ontario, etc. On a des
retombées qui sont au Québec.
Alors, la situation économique, il faut se le dire, M. le
Président, est difficile. Nous avons beaucoup investi en santé et
en éducation. Il faut conserver les acquis, mais il faut être
davantage efficace, efficient. Il faut trouver des façons de conserver
ces acquis-là, mais pas en augmentant les impôts des citoyens. Je
pense que s'il y a unanimité dans la société
québécoise, actuellement, c'est que les impôts, les
citoyens et les entreprises ont atteint un degré qui ne saurait
être dépassé.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que de calculer et
d'additionner les déficits au cours des dernières années,
les 10 dernières années, ça nous donne suffisamment un
point de vue sur le plan financier. C'est quoi? C'est 2 000 000 000 $ par
année que nous payons, actuellement, au service de la dette, à
partir d'un budget de 35 000 000 000 $ ou 36 000 000 000 $. Je pense que c'est
là et on l'a pour plusieurs années. C'est donc une
problématique financière...
M. Dufour (Ghislain): Qui est exacte.
M. Côté (Charlesbourg): ...qui est au-delà de
l'ampleur d'une conjoncture. En tout cas, pour nous, c'est davantage
structurel. J'aborderai le deuxième point, qu'il m'apparaît
important d'aborder avec vous parce qu'on a entendu, au cours des deux
premières journées, un certain nombre de mémoires de gens
qui venaient nous dire: accessibilité, universalité,
gratuité, maintenez tout ce qui est le statu quo et faites des mesures
d'efficience et d'efficacité. Si jamais vous êtes obligé
d'aller chercher de l'argent additionnel, bien, on veut un débat sur la
fiscalité parce que les entreprises, elles ne paient pas assez. C'est
elles qui ont bénéficié des subventions. C'est elles qui
ont bénéficié des rabais au cours des années
dernières, d'une manière très importante. Dans ce
sens-là, s'il y a une marge de manoeuvre, c'est les compagnies qui
doivent payer ça sur le plan de la fisca- lité.
Je raccroche, pour avoir une réponse plus globale, avec votre
entrée en matière: Les employeurs paient 22 %, donc 3,7 %, ce qui
équivaut à 2 800 000 000 $ par année payés par
l'employeur pour notre système de santé et de services sociaux.
Vous l'avez dit tantôt, à part de ça, ils paient des
impôts de particuliers et ils paient d'autres sortes d'impôts de
compagnies. Je raccroche avec mon petit exemple parce que, hier soir, les
départements de santé communautaire nous ont rappelé une
étude récente qui a été faite, en particulier dans
le domaine de l'automobile. Aux États-Unis, il en coûte, sur le
plan des avantages sociaux pour les employés, 2000 $ par employé,
dont 700 $ pour les frais de santé et de services sociaux. Est-ce que la
charge n'est pas plus importante aux États-Unis dans un système
qui est pas mal plus privé que le nôtre, par rapport à ce
qu'on vit? Globalement, sur le plan de la fiscalité, est-ce que vous
croyez - je sais que vous en êtes capable avec toute la
sincérité que vous pouvez avoir et avec la connaissance du
dossier - qu'on pourrait en exiger davantage des entreprises?
M. Dufour (Ghislain): Je suis content que vous parliez du 3,75 %
que les entreprises versent à partir de leur masse salariale pour les
fins des services de santé et des services sociaux. Ce n'est pas connu
dans la population. C'a été initié au début des
années quatre-vingt par M. Parizeau un soir de budget. Depuis, tous les
ministres des Finances qui se sont succédé ont augmenté
cette part-là pour en arriver aujourd'hui à 3,75 %, qui est
énorme comme revenu de l'État, ce que ça rapporte. C'est
là que les entreprises, dans le fond, font leur plus grande contribution
au financement des services de santé. Il ne faut jamais oublier que dans
l'autre partie aussi, ils sont des payeurs d'impôt et qu'ils versent
aussi... Alors, on peut estimer facilement à 35 % le financement par les
entreprises des coûts des services de santé et des services
sociaux au Québec.
Évidemment, c'est le débat actuel qui s'est amorcé
par les centrales syndicales et certains de leurs groupes associés qu'on
ne fait pas assez payer les entreprises et pas assez, évidemment, les
hauts salariés, mais c'est un faux débat. Ce n'est pas ça
qu'il faut faire comme débat actuellement, c'est: Est-ce qu'on peut se
payer plus comme société? Après ça, on verra qui
peut payer davantage. Quant à nous, évidemment, si on veut
demeurer compétitif, ce n'est pas purement avec le budget de
l'État, c'est avec les impôts que vont aussi payer les
entreprises. Actuellement, la compétitivité est bonne. Pour les
entreprises québécoises, c'est à peu près le
même niveau d'impôt, si on veut, que dans les autres provinces.
C'est plus qu'aux États-Unis, par ailleurs. On paie plus d'impôt
ici qu'aux États-Unis. Or, on se demande, actuellement, comment
il se fait que ça ne marche pas, le traité de
libre-échange avec les États-Unis. C'est un des volets.
Donc, pour nous, on ne saurait d'aucune façon aller chercher des
impôts additionnels chez les entreprises, quoique dans notre formule
d'impôt-services ou d'impôt à rebours, avec les
paramètres qu'on lui donne, ce sont quand même les mieux nantis
qui, à ce moment-là, paieraient la note parce qu'il ne s'agit pas
d'aller chercher de l'argent additionnel chez les moins bien nantis. Alors,
dans ce sens-là, ce n'est pas les entreprises qu'il faut viser, c'est
plus les citoyens capables de payer un peu plus et aussi de s'assurer
auprès du secteur privé, justement, pour cet éventuel
risque.
Quant à votre question relative aux États-Unis, je
demanderais à Mme Turenne, qui regarde ce dossier-là de
très près, qui est aussi attachée à l'AHQ, de nous
en parler.
Le Président (M. Joly): Mme Turenne, s'il vous
plaît.
Mme Turenne (Denise): bon. du côté des
états-unis, m. le ministre, je pense que les correspondances, les
comparaisons qu'on peut faire sont, au départ, relativement boiteuses.
aux états-unis, le système de santé et de services sociaux
coûte plus cher qu'ici et la faiblesse fondamentale de ça c'est
que ça ne couvre pas l'ensemble des citoyens. vous dites que le
département de santé communautaire vous a présenté
hier soir une étude où ça coûte à peu
près 2000 $ par employé au niveau des services sociaux. ce que
j'en sais ici, c'est que ça coûte environ 1500 $ par personne pour
les services de santé et les services sociaux. je pense qu'on compare
des choses qui peuvent difficilement être comparées comme
telles.
M. Côté (Charlesbourg): N'empêche qu'on est
dans une situation où on compétttionne avec les États-Unis
au niveau des entreprises. Une des grandes plaintes de l'industrie automobile
aux Etats-Unis est le coût du social qu'ils sont obligés de se
donner comme protection - parce que pas assurée par le public - comme
entreprise, à leurs employés, qu'ils négocient dans les
conventions collectives. C'est pour eux une charge supposément
extrêmement importante et, dans ce sens-là, eux disaient - je le
répète - pour chacune des voitures, c'est 700 $ qu'il en
coûte pour la protection des services de santé et des services
sociaux aux États-Unis par rapport à chez nous. Ce que j'essayais
de voir c'est que, si les États-Unis sont capables de se payer
ça, quelle est la marge de manoeuvre qu'on a au Québec au niveau
de nos entreprises quant aux 3,75 %? Elle est plus ou moins? Vous autres, vous
dites moins.
M. Dufour (Ghislain): On n'a pas, M. le ministre, de marge de
manoeuvre. C'est vrai que l'industrie automobile paie 700 $ par travailleur,
mais il faut regarder ça de façon globale. Au Québec, sur
le continent nord-américain, on est de ceux, dans les entreprises, qui
payaient le plus de taxes sur la masse salariale pour les fins dont on parle ce
matin: assurance-chômage, etc. Leur CSST coûte pas mal moins cher
que la nôtre. Il y a beaucoup de santé là-dedans. Ils n'ont
pas à payer les nonnes du travail comme nous on a à payer. Ils
n'ont pas à payer le taux d'assurance-chômage que nous payons.
Alors, quand vous campez la compétitivité dans votre
document, M. le ministre, vous ne le campez pas purement en termes de
coûts de services de santé, vous le situez dans une
problématique globale. Déjà au Québec, nous payons
2 % à 2,5 % de plus en taxes sur la masse salariale que nos
collègues ontariens, par exemple. On est la province qui est la plus
taxée au plan des taxes sur la masse salariale. On est plus taxés
que les États-Unis. Alors, si on prend un petit dossier comme ça,
c'est possible. Mais je veux dire que, dans un contexte de
compétitivité ou de concurrence, on ne peut pas aller chercher ce
qu'il nous plaît. Il faut regarder l'ensemble.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends. Mais ce que
vous nous dites c'est que, finalement, globalement, les compagnies ne sont pas
capables d'en payer plus. C'est peut-être davantage vers les hauts
salariés qu'il faut examiner s'il y a possibilité ou pas.
M. Dufour (Ghislain): Tout en admettant que les hauts
salariés vont toujours chercher leur argent dans l'entreprise. Il n'y a
que l'entrepri-see qui crée de la richesse et il faut toujours qu'elle
soit concurrentielle.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui,
définitivement.
M. Dufour (Ghislain): M. Tremblay va...
M. Tremblay (Jean): Si vous me permettez, M. le ministre, dans
l'exemple que vous donnez au niveau de l'automobile, l'exemple n'est
définitivement, je pense, pas vraiment applicable si on regarde
l'ampleur des compagnies aux États-Unis et l'ampleur des compagnies
qu'on a ici au Québec. Dans le secteur manufacturier, actuellement,
depuis deux ans, la majorité des entreprises - enfin, dans le secteur
des portes et fenêtres où je travaille actuellement - fonctionnent
avec à peu près zéro de marge de bénéfice.
Si on augmente encore la charge sociale, on va risquer définitivement
d'atteindre et d'attenter à la compétitivité.
Avec le libre-échange, ce sont les compagnies américaines
avec qui on doit compétttion-ner. Si je regarde Donat Flamand que tout
le
monde connaît, qui a un volume de vente de 40 000 000 $, 50 000
000 $, il doit maintenant compétitionner une compagnie qui s'appelle
Andersen aux États-Unis qui a un chiffre d'affaires de 1 200 000 000 $.
Je pense que c'est peut-être plus juste de répartir au niveau des
entreprises américaines, que chacune puisse négocier localement,
que chacune puisse véritablement, selon son pouvoir, négocier un
régime avec ses employés. Je pense qu'on a évolué
beaucoup plus avec notre régime universel, notre régime
totalement accessible. De surcharger encore les employeurs serait d'attenter
à leur compétitivité sans donner véritablement plus
de services. (10 h 15)
M. Côté (Charlesbourg): O.K. On parle... Vous avez
fait largement état, dans votre mémoire, d'organisation du
travail, donc mobilité de la main-d'oeuvre, plus de souplesse sur le
plan local. On va l'aborder carrément avec les syndicats lorsqu'on va
les rencontrer la semaine prochaine, y compris avec les administrateurs
d'hôpitaux. Ça me paraît être une piste
intéressante à ce niveau-là.
Normatif lourd... Quand j'ai la chance d'avoir avec moi en plus le
président du Conseil du patronat, qui est un membre très
important de (a CSST, et qu'on parle de santé et sécurité
au travail où, dans notre réseau à nous autres, ça
nous coûte 150 000 000 $ par année, ça me paraît
être un dossier important. De la même manière aussi, on l'a
évoqué hier, l'assurance-salaire, 350 000 000 $ par année,
ce qui fait 500 000 000 $, c'est quand même des éléments
majeurs de notre système. À la lumière de vos
expériences, est-ce qu'il n'y a pas là aussi des mesures
d'efficience et d'efficacité qu'on pourrait appliquer et qui pourraient
très bien nous servir?
M. Dufour (Ghislaîn): À la CSST?
M. Côté (Charlesbourg): J'inclus... Je dis
CSST...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Je n'ai pas dit
l'organisation de la CSST. Ça, je vous laisse ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Dans notre réseau
à nous autres, parce qu'il s'agit de notre réseau maintenant, sur
des objets spécifiques de santé et sécurité au
travail, de la même manière sur le plan de l'assurance-salaire,
est-ce qu'il n'y a pas là aussi de la place à une meilleure
efficience et à une meilleure efficacité?
M. Dufour (Ghislain): II y a sûrement place à une
meilleure efficacité. Je vais dire que le Conseil du trésor vient
de découvrir ce dos- sier-là, le dossier de la CSST, auquel ils
avaient attaché très peu d'importance à ce jour. Comme
vous le dites, il y a énormément d'argent. Ce que vous comptez,
c'est juste de l'argent qui est envoyé à la CSST. Ça vous
coûte quatre fois plus cher pour gérer ce dossier-là
à l'interne, à l'intérieur des structures.
Alors, moi, je dois dire avec plaisir que le Conseil du trésor
ayant mis sur pied maintenant un comité particulier pour les fins de
santé et de sécurité au travail, ça va beaucoup
mieux. En tout cas les échanges, la connaissance qu'on peut avoir des
problèmes du gouvernement est très améliorée. Il y
a encore beaucoup de travail à faire. Si vous voulez nous aider aussi,
il faudrait peut-être un petit peu moins d'intervention politique des
fois dans la boîte parce que ça vous retombe sur le nez. Ça
coûte cher parce qu'il y a des interventions qui se font - je ne parle
pas de vous, M. le ministre... Tout ça est intégré et
ça pose, en bout de ligne, des coûts. On ne peut pas acheter la
paix sociale à tout prix et avoir des travailleurs accidentés qui
sont parmi les mieux payés au monde pour ne pas avoir de
problème. Dans ce sens-là, il faudrait peut-être certaines
interventions politiques plus pondérées.
Ceci étant sur...
M. Côté (Charlesbourg): Si vous continuez, je vais
vous demander des noms, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour (Ghislain): Je vous les donnerai après.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour (Ghislain): En fait, si je comprends bien votre
question, c'est qu'au-delà de ce qui est déjà dit dans le
document, par exemple...
M. Côté (Charlesbourg): Robin des bois.
M. Dufour (Ghislain): ...pour regroupement d'achats, pour... Vous
avez deux ou trois exemples précis. Vous demandez: Est-ce qu'il y aurait
d'autres suggestions? Comme je ne suis pas... Je vais demander à Mme
Turenne comment elle vous voit.
Le Président (M. Joly): Mme Turenne, s'il vous
plaît.
M. Côté (Charlesbourg): On pourrait parler de Fleury
en même temps.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Turenne: Oui, oui. Si je comprends bien votre question, vous
dites: Qu'est-ce qu'on
peut faire en matière d'efficience, d'efficacité, du
côté du réseau de la santé et des services
sociaux?
M. Côté (Charlesbourg): Oublions la santé et
sécurité au travail.
Mme Turenne: Oui, ouf.
M. Côté (Charlesbourg): M. Levine nous a
donné l'exempte.
Mme Turenne: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Parlons d'assurance-salaire,
par exemple. 350 000 000 $ par année que ça coûte dans le
réseau de la santé et des services sociaux.
Mme Turenne: je le sais. je vous dirais même dans ce
sens-là - je suis absolument consciente de ça - que ça
fait partie du déficit chez nous, cet aspect-là des choses et on
a réalisé que... on a même réalisé, lors de
l'analyse un peu plus approfondie de ce dossier-là, qu'il y avait eu une
augmentation importante des gens qui étaient en absence de maladie.
là, les gestionnaires du réseau nous disent: ça a trait
à la motivation du personnel infirmier qui est décroissante. les
conventions collectives sont excessivement larges en matière
d'assurance, d'absence comme ça. les conventions collectives sont
très larges aussi par rapport à des absences pour... comment ils
appellent ça? les gens partent une année...
M. Côté (Charlesbourg): Sabbatique.
Mme Turenne: Des sabbatiques, bon. Dans le réseau,
ça crée excessivement de difficultés au niveau de la
continuité des services, parce que les gens qui s'en vont, bien
sûr, il faut les remplacer. Des mesures d'efficience et
d'efficacité, je vous dirai, a priori, il y en a tellement que, si je
vous parle de façon plus particulière de chez nous, on a
réalisé qu'on pouvait être beaucoup plus performant dans le
réseau. C'est certain, M. le ministre, qu'il y a encore des
démarches qui peuvent être faites en ce sens-là, mais, au
niveau de la rigidité, au niveau de la mobilité du personnel,
tout devient très difficile à gérer. Je pense que M.
Dufour l'a très bien exprimé cette idée là
tantôt.
M. Côté (Charlesbourg): Une petite question bien
vfte qui pourrait nous faire sauver quelques piastres. L'examen
préemploi quand je m'adresse à des patrons, est-ce que ça
signifie encore quelque chose aujourd'hui?
M. Dufour (Ghlslaln): Plus que jamais. Plus que jamais parce que
l'environnement dans lequel on oeuvre est devenu plus difficile; l'environne-
ment santé et sécurité du travail par exemple,
l'environnement protection des autres travailleurs. la loi le prévoit de
façon implicite dans la santé et la sécurité du
travail. alors, les examens de préemploi sont devenus plus
nécessaires qu'ils l'étaient dans le fond d'autant que les
chartes et fédérale et provinciale interdisent de plus en plus de
faire des examens en cours d'emploi. on est de plus en plus obligés de
les faire en préemploi pour bien s'assurer que si on embauche un
chauffeur d'autobus éventuellement il sera capable de conduire à
bon port. de plus en plus l'industrie québécoise aussi est une
industrie plus spécialisée. ça devient de plus en plus
essentiel. ce n'est pas là que vous devez faire de l'économie
parce que...
M. Côté (Charlesbourg): Je vais finir parce que je
voulais vous amener sur mon terrain un petit peu aussi, là.
M. Dufour (Ghislafn): Vous êtes là depuis le
début sur votre terrain.
M. Côté (Charlesbourg): oui. à partir du
moment où ces examens-là sont nécessaires, est-ce que
ça ne devrait pas relever du ressort des entreprises, effectivement?
M. Dufour (Ghislain): Moi, je vous ramène sur le mien, on
est d'accord. C'est vous autres qui avez nationalisé la médecine
privée du travail, vous autres comme gouvernement, pas vous. Ce n'est
pas vous qui étiez au gouvernement à ce moment-là.
M. Côté (Charlesbourg): On prend les
héritages bons comme mauvais.
M. Dufour (Ghislain): Les entreprises avaient d'excellents
services de médecine du travail. Les grandes compagnies avaient tout
ça. On jour on a dit: Non. Il faut que la santé privée, la
médecine privée du travail tombe sous le réseau public.
Alors, ça a tout été transféré. On demande
rien d'autre que de le faire et d'en assumer les coûts, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, vous m'amenez sur votre
terrain, effectivement. Donc, ça serait à coût moindre.
Bon.
M. Dufour (Ghislain): Définitivement.
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière petite
question. Ce n'est pas parce que je n'en ai pas d'autres, mais le temps file.
Dans votre mémoire vous faites référence à une
étude de l'OCDE qui date de 1979 sur le ticket modérateur. Vous
dites: II y a plus ou moins 40 pays qui avaient sous une forme ou sous une
autre un ticket modérateur. En pourcentage, je pense qu'on va tenter de
mettre ça à jour. On serait probable-
ment à beaucoup plus aujourd'hui, mais on va tenter de voir ce
que c'est surtout lorsqu'on arrive avec un exemple comme la Suède que
vous prenez, que j'ai fait sortir pensant que dans le cas de la Suède
c'était tout récent compte tenu du changement du gouvernement
alors que c'était mis en application antérieurement sous un
gouvernement qui avait une vision pas mal plus socialiste, ce qui était
le modèle de tant de Québécois.
J'aimerais en entendre davantage sur l'impact du ticket
modérateur parce que, mol, je me suis prononcé contre. C'est
clair, il n'y a pas d'équivoque là-dessus compte tenu que les
démunis sont des gens qui seraient davantage affectés. Mais
évidemment ça progresse dans l'opinion par le dépôt
de votre sondage de ce matin. On ne peut pas dire que parce que c'est aussi
important les gens ne le veulent pas. Alors, en démocrates on est
obligés de regarder ce qui se passe un peu et puis d'être
sensibles à cette opinion-là.
M. Dufour (Ghislain): Êtes-vous en train de me dire que
vous n'êtes pas d'accord avec l'annexe au document?
M. Côté (Charlesbourg): Non, non. Je suis d'accord
avec ce qu'on a déposé sur la table comme des
éléments de discussion. C'est clair et ça a toujours
été clair. C'est une commission de discussions et
d'échanges et après ça on va se positionner.
M. Dufour (Ghislain): En tout cas, je répète que
les trois pages de l'annexe sur le ticket modérateur sont excellentes.
Ils se sont sûrement inspirés de ce document auquel on se
réfère. C'est vrai qu'il est de 1979 mais nous on n'en a pas
trouvé d'autres pour en faire dépôt ici. Là-dedans
ça comprend justement des pays de l'OCDE avec lesquels on peut
facilement se comparer. Ce n'est pas avec tout autre pays. Dans ces
pays-là il y a ce que vous appelez la Suède antérieure, la
Norvège antérieure, donc des pays qui étaient très
ouverts à des programmes de ce genre-là.
La conclusion, je la répète, c'est ce que je disais tout
à l'heure: Ça ne fait pas disparaître, c'est-à-dire
on baisse un peu sur les médicaments, on baisse un peu sur les services
de cliniques externes, etc., mais, sur les vrais services, ça ne les
affecte d'aucune façon. Alors, pour nous, le message est ciair.
Mais ce n'est pas ce qu'on privilégie, je voudrais bien qu'on se
comprenne. Nous, ce qu'on privilégie, c'est que vous indiquiez au
ministère de la Santé, à la fin de l'année, sur le
T4, que M. X ou Mme Y a reçu tant en valeur de services de santé.
Déjà là, il y aurait une information extraordinaire, il
n'y a pas grand citoyen qui sait ce que ça coûte une
journée d'hospitalisation à l'hôpital Saint-François
d'Assi- se. Alors, ne serait-ce que leur donner ça, II y aurait à
ce moment-là beaucoup d'information. Après ça, on dit:
Pourquoi ne pas aller carrément à l'impôt-services, avant
même le ticket modérateur, ce qui permettrait à ce
moment-là de faire des paramètres que vous contrôleriez,
qui d'aucune façon ne mettraient en cause l'universalité et
l'accessibilité et qui iraient chercher de l'argent chez les mieux
nantis, sachant pertinemment que ces mieux nantis peuvent faire protéger
ce risque par l'entreprise privée? Alors, c'est notre approche
globale.
On conclut en disant que ce n'est plus vrai que c'est universel et
accessible, le réseau de la santé. Qu'on arrête de nous
dire ça. On le sait très bien. Je voyais l'autre jour, dans
L'actualité, une déclaration du président de la
Fédération des cardiologues, qui est à Sacré-Coeur
à Montréal, qui disait que la période d'attente pour des
gens qui ont des problèmes cardiaques importants, c'est rendu de six
mois à un an. Je ne le sais pas, mais qu'on lance ça
publiquement, c'est majeur, je pense.
M. Côté (Charlesbourg): Ça mérite...
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît...
M. Côté (Charlesbourg): Même si c'est dit par
une autorité, ça mérite d'être
vérifié. On sait pourquoi il y avait des listes d'attente
à l'occasion. C'est une bonne occasion de mettre de la pression sur le
système pour avoir de l'argent aussi. Là-dessus, je pense que
ça mérite une bonne vérification.
M. Dufour (Ghislain): La prochaine fois, je citerai un autre
exemple.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. Dufour.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Bienvenue aussi au
Conseil du patronat. C'est toujours un plaisir de vous voir même si on ne
s'accorde pas sur tout. Vos mémoires, ce que vous présentez
généralement, sont toujours ancrés dans le coin du
réalisme de la situation. On peut avoir des divergences de vues, mais la
contribution que vous apportez au débat est essentiellement importante.
Je l'ai répété à plusieurs groupes aussi hier, sur
le continuum du débat qu'on a installé ici, il est important
qu'on ait toutes les positions et toutes les visions, même si,
d'entrée de jeu, vous dites finalement: Je pensais que le ministre
n'aurait pas de questions à poser tellement les fleurs l'enterraient au
début, tellement vous étiez d'accord en
disant: C'est excellent! C'est extraordinaire! Je pensais qu'on
était pour dire: Merci beaucoup. Nous allons poursuivre dans le sens du
document gouvernemental, un peu à la blague.
Votre présentation cerne, quant à moi, des aspects du
débat de façon très importante - et j'y reviendrai -
particulièrement le coeur à la page 4, à votre
troisième commentaire. Ça saisit essentiellement toute la
situation quand vous dites, sous le titre «un meilleur contrôle des
coûts»: «Dépenses susceptibles de croître,
baisse des transferts fédéraux, affaiblissement de la croissance
économique [...] contraintes...» On est pris avec ça dans
une espèce de quadrature du cercle, en vous disant d'entrée de
jeu qu'il semble qu'on ne soit pas seul non plus comme société
occidentale à être pris avec ce problème-là en
matière de santé et de services sociaux. Quand je lis des titres
comme «Le système de santé: ruiné et malade. Il
coûte de plus en plus cher, il est loin d'être un modèle.
Les remèdes proposés sont impopulaires et inefficaces. En fait,
personne n'ose s'attaquer aux racines du mal», sauf que c'est la revue
Le Point et c'est la France. Alors, vous voyez, on a une
problématique qui est assez répandue sur ce continent-là.
(10 h 30)
II est assez rare - et c'est ma première question - qu'on va
entendre les représentants du patronat nous suggérer des
impôts. Vous dites: Oui, il faut rationaliser, il faut augmenter
l'efficience et quand, il va nous manquer de l'argent, il faut aller vers la
formule de l'impôt-services. D'ailleurs, je pense qu'on peut dire qu'au
départ ça s'appelait Impôt à rebours. Vous
êtes le parrain de cette formule-là. Ce que j'aimerais que vous
m'expliquiez, c'est que j'ai de la misère à réconcilier
votre affirmation de la page 2, où vous dites: Nos dépenses en
services de santé et services sociaux représentent une part
importante de la richesse collective à ne pas dépasser et, par
ailleurs, le niveau de financement public à travers les impôts est
aussi un niveau à ne pas dépasser, compte tenu du maintien d'une
certaine, «concurrentialité» à maintenir avec
d'autres pays Industrialisés. Comment vous réconciliez le fait de
dire: On ne peut pas augmenter les impôts en général et,
d'autre part, votre première suggestion pour en arriver à
financer ce qui manquerait dans le système: allez-y avec un
impôt-services sur les utilisateurs de services? C'est un impôt, de
toute façon. Ça augmente la facture à la fin de
l'année. Il y a de l'argent de plus. C'est ça que je voudrais
essayer de réconcilier comme méthode, là, comme approche
que vous avez, que vous nous faites ce matin.
M. Dufour (Ghislain): O.K. D'abord, je dois dire qu'il nous fera
toujours plaisir de vous lancer des fleurs sur certains documents lorsque vous
nous en déposerez. On analyse toujours un document pour sa valeur,
alors... Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour (Ghislain): Sur la question de la contradiction
apparente, II n'y en a pas, M. Trudel, parce que notre première vision
des choses - c'est celle, d'ailleurs, qui se dégage du document - il
faut éviter d'augmenter les dépenses de santé, et la
façon d'y arriver, pour nous, c'est l'efficience, l'efficacité,
les conventions collectives, c'est une forme de privatisation qui pourrait
permettre de réduire les coûts, etc. Tous les
éléments qu'on retrouve, dans le fond, dans notre mémoire.
C'est ça, l'objectif premier, sauf qu'il y a aussi un besoin qui est un
besoin de freiner la consommation. On ne dit pas qu'elle est abusive, on ne dit
pas qu'elle est frauduleuse, on dit: II y a quand même un besoin de
prévention en santé qui permettrait de freiner la
consommation.
Deux éléments à ce moment-là. Le premier
élément, c'est d'être certain que tes individus sont
informés que ce n'est pas gratuit, la santé, parce qu'il y a une
conception populaire qui veut que, parce que ça vient du gouvernement,
c'est gratuit. Ils paient, et drôlement. Donc, une information qui est le
lien entre la consommation individuelle et les coûts. Et, après,
une participation sous la forme de ce qu'on appelle, nous, l'impôt
à rebours, qui n'a pas nécessairement comme objectif
d'accroître les revenus non plus, qui peut être un contrôle
de la consommation.
Mais, par ailleurs, il faut être réaliste. On sait que les
budgets des services de santé et des services sociaux grimpent de 6 %,
6,5 % par année. C'est beaucoup plus que l'Inflation, ça. Il va
falloir aller chercher de l'argent quelque part. Alors, ce qu'on pense
actuellement être la meilleure formule, après avoir informé
les gens, donc fait un lien entre consommation et coûts, c'est
l'impôt-services, l'impôt à rebours avec, je vous l'ai dit
tout à l'heure - non pas à vous mais à M.
Côté - des paramètres très précis. On ne veut
pas que ce soit pour la personne qui gagne 10 000 $, 15 000 $ ou 20 000 $.
Ça peut être pour la personne qui gagne 30 000 $, 35 000 $. De
façon automatique, cette personne-là, qui gagne 30 000 $, 35 000
$, elle est au travail. SI elle travaille, elle a un régime d'assurance
qui la protège. Alors, il s'agit d'insérer dans nos
régimes de protection collective cet élément neuf auquel
on serait amenés à participer.
C'est là que je dis qu'on diffère du document du ministre
parce qu'on dit: Vérification faite dans le secteur privé, il y a
des assureurs qui sont prêts à prendre ça. Alors,
voilà, c'est le cercle. C'est pour freiner un peu la consommation parce
qu'on aura donné de l'information, mais il faudra toujours des sources
additionnelles, ne serait-ce que pour respecter la croissance des coûts
de santé qui sont là, et on n'y peut
rien. Et la formule privilégiée pour nous n'est pas te
ticket à 5 $ parce que, justement, il va y avoir des coûts pour
aller les chercher, les 5 $. Mais on n'est pas contre le principe. Il y a des
débats de société où les gens sont contre. Nous, on
dit: On est pour, sauf que, dans le choix des formules, ce n'est pas ce qu'on
privilégie, M. Trudel. On privilégie d'aller chercher chez les
mieux nantis, sachant que ceux-là n'auront pas de problème parce
qu'ils pourront faire assurer par les assureurs privés cette
partie-là qu'ils pourraient être appelés à payer
à l'État.
M. Trudel: M. Dufour, vous avez probablement, comme tout le monde
au Québec, regardé ou entendu parler avec une assez grande
intensité de cette émission de la semaine dernière
où on disait que la classe moyenne, au niveau des impôts, en a
jusque-là. Vous n'avez pas l'impression - ce que vous venez de dire, au
niveau de l'impôt-services, des utilisateurs - que, finalement, ce qu'on
dit, c'est: On va finir par faire payer plus au niveau de la classe moyenne?
Vous n'avez pas l'impression que c'est extrêmement dangereux de pousser
cette classe moyenne au-delà de la limite raisonnable? Il y a cette
espèce de sentiment, cette espèce de courant au Québec
où la classe moyenne est en train de décrocher et, pire que cela,
de se désolidariser des plus démunis parce qu'on l'a trop
provoquée, on en a trop fait, on en a trop mis sur le dos de la classe
moyenne et l'impôt-services, à cet égard-là,
ça pourrait être la goutte qui fait déborder le vase. Trop,
c'est trop.
M. Dufour (Ghisiain): Non. Moi, je suis d'accord avec votre
analyse quant aux revenus moyens. C'est vrai, ils sont surtaxés. Le
problème est très réel, je partage l'analyse avec vous.
Mais le choix, il est double. Vous avez besoin d'argent en santé. Vous
faites quoi? Vous augmentez les impôts? En augmentant les impôts,
vous allez les toucher de façon automatique. C'est là qu'est
l'argent, dans la classe moyenne. Alors, à l'inverse de vous, au lieu de
les taxer, on suggère, nous, que l'on aille dans une protection possible
d'assurance collective où vous allez avoir exactement les mêmes
revenus. Et c'est très différent comme approche, parce que vous
n'avez pas le choix. Vous allez être obligé d'aller en chercher,
de l'argent.
M. Trudel: M. Dufour, on ne poursuivra pas très longtemps
là-dessus parce que je comprends très bien votre approche. Mais
on s'entend au moins pour dire que ce sont deux impôts que nous allons
lever, soit l'impôt-services... ou si c'était l'impôt
général? Parce que l'impôt général, on peut
avoir des critiques sur la progressivité de l'impôt, mais notre
régime d'imposition générale pour l'impôt des
particuliers, il est progressif. C'est-à-dire que les gens qui gagnent
plus cher dans notre société, ils en paient plus; les gens qui
sont dans la classe moyenne, évidemment qu'ils en paient un peu plus que
les démunis. Pour certaines catégories, on a même
exempté. Moi, je suis d'accord au moins pour la question de la
transparence. Là-dessus, parfait accord, parfait accord sur la
transparence. Mais pourquoi on ne passe pas par notre régime,
étant donné qu'on met la transparence sur le chèque de
paie, sur le T4? Pourquoi on ne passe pas par l'impôt
général progressif?
M. Dufour (Ghisiain): Si vous passez par l'impôt
général, vous démolissez votre propre argument. Vous allez
aller chercher l'argent, justement, chez la classe moyenne. Nous, ce qu'on vous
dit, on vous offre une possibilité même de le faire payer par
l'employeur, parce que les 1000 $ maximum, disons, qu'il devra payer à
50 000 $, parce qu'il a eu des soins de santé, ça tombera sur la
police d'assurance collective de l'employeur et, à ce moment-là,
dans bon nombre de cas, l'employeur paie, même en totalité,
l'assurance.
Alors, c'est un choix délibéré qu'on fait où
on répartit le risque plutôt que d'aller chercher, justement... Et
je vous donne parfaitement raison sur cet éiément-là que
la classe moyenne est surtaxée.
M. Trudel: Là-dessus...
M. Dufour (Ghisiain): Et on a des beaux tableaux
là-dessus, dont on pourra débattre hors commission parlementaire
pour montrer l'impact sur un revenu, par exemple, de 50 000 $, entre votre
proposition puis la nôtre.
M. Trudel: Allons à la deuxième partie de votre
raisonnement, à la page 3, la baisse des transferts
fédéraux. Évidemment, vous comprenez que c'est un sujet
favori de ce côté-ci, parce que vous avez bien lu le document qui,
à cet égard-là, nous donne des informations
extrêmement précieuses. Ce qu'il faut constater, c'est que, grosso
modo - je pense bien qu'on va s'accorder là-dessus - le Québec,
en matière de dépenses de santé, a fait son travail, je
dirais, correctement. On a envoyé dans les dépenses de
santé à peu près l'équivalent de l'augmentation du
PIB. Ce qui nous cause ce drame financier et qui nous amène à
avoir des questions déchirantes au niveau des revenus, entre autres,
l'augmentation du financement, c'est le gouvernement fédéral qui,
lui, a décidé que ce n'était pas sa priorité et
qu'au lieu de mettre 31 % comme nous dans les services de santé et les
services sociaux il ne met que 14 %; c'est ce qu'il nous envoie, 14,2 %.
Alors, ça, ça nous amène à ce que vous
traitez un peu dans votre document, sur la loi C-3. Le 7 décembre 1990,
le gouvernement actuel, le ministre de la Santé et des Services sociaux
disait: On va demander la modification de
la loi C-3. Or, il semble, là, que le gouvernement ait
reculé là-dessus et dise: Je ne touche plus, je ne fais plus de
demande de modifier la loi C-3 au niveau du gouvernement fédéral
et je reste dans cette espèce de barrière. Quelle est votre
position là-dessus, vous autres, par rapport au paiement de transferts
fédéraux et à la loi C-3?
M. Dufour (Ghislain): Bien, je pense que dans le cas de la loi
C-3 notre position est claire dans notre document. Moi, j'ai eu l'occasion de
discuter avec certains porte-parole du Québec dans le dossier de la loi
C-3. Je ne peux pas parler pour M. Côté, je n'en al pas
jasé avec lui, mais ce n'est pas l'Information que j'ai. L'information,
c'est qu'on continue à débattre avec le gouvernement
fédéral de ce problème-là. Notre mémoire dit
tout simplement que, si le gouvernement du Québec décide de faire
une bataille sur la loi C-3, on va la faire parce que, de toute façon,
en ce qui nous concerne, la question de la santé dans le partage des
pouvoirs qu'on débat actuellement, ça devrait être
provincial. Dans ce sens-là, on supporte le gouvernement du
Québec. Mais ce n'est pas ça, là, et il faut vivre la
situation actuelle. Alors, on est prêt à rejoindre et le
gouvernement et l'Opposition pour aller modifier la loi C-3. Ça n'a pas
de bon sens qu'on baisse de cette façon-là les transferts vers le
Québec et qu'on ne permette pas de quelque façon, à ce
moment-là, au gouvernement du Québec d'aller chercher des revenus
additionnels. À sa face même, ce n'est pas défendable.
M. Trudel: À cet égard-là, II semble,
justement - vous nous amenez sur ce terrain-là -que dans le débat
constitutionnel actuel on veuille même aller beaucoup plus loin que la
loi C-3 parce que le ministre des affaires constitutionnelles canadiennes a
l'air d'avoir cette grande oreille ouverte pour inscrire dans la Constitution
une charte sociale. Vous, à cet égard-là, est-ce que vous
allez aussi recommander au gouvernement du Québec de rejeter cette
approche-là puisque, je dirais, un cran plus bas, vous dites: II faut
revoir tout ça, il faut débarrer, en quelque sorte? Vous, au
niveau de la charte sociale, est-ce que vous allez aussi recommander au
gouvernement du Québec de rejeter cette approche-là en
matière de protection?
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, je pense qu'on
déborde beaucoup. Je pense exprimer clairement ma pensée sur la
loi C-3 en disant qu'actuellement H y a des contraintes qui ne sont pas
acceptables pour le gouvernement du Québec et on est prêt à
en discuter. J'ai dft, en plus, que la santé devrait être un
dossier de juridiction de prépondérance provinciale.
Évidemment, on peut toujours penser que la santé, pour certaines
maladies, si on a l'immigration, il faut aussi qu'il y ait une
responsabilité nationale, fédérale, mais pour l'essentiel
nous sommes d'accord avec la position que je connais, moi, du gouvernement du
Québec, à savoir que la loi C-3 n'a pas d'allure dans le contexte
actuel. Sur la question de la charte sociale, bien, je vous pose juste une
question. Quelle charte sociale?
M. Trudel: Si la charte sociale, c'était de
constltutionnaliser la loi C-3?
M. Dufour (Ghislain): C'est la charte de M. Rae, c'est la charte
de la CSN? C'est la charte de qui? Moi, tant et aussi longtemps que je n'ai pas
un document pour faire un débat, je m'y refuse, M. Trudel.
M. Trudel: Merci. Mais on a de bonnes indications, vous dites,
jusqu'à maintenant.
M. Dufour (Ghislain): Pardon?
M. Trudel: On a quand même de bonnes indications. Vous nous
donnez la piste: Nous appuyons la position actuelle du gouvernement du
Québec, pour ceux qui la comprennent. Allons maintenant dans un autre
chapitre, sur le terrain des conventions collectives.
M. Dufour (Ghislain): Oui.
M. Trudel: Est-ce que vous pensez, M. Dufour - je vais m'exprlmer
très carrément - que ce serait un bon «deal»,
à propos des masses salariales dans le domaine de la santé et des
services sociaux, dans le débat actuel, de dire aux 250 000
salariés: Si vous voulez, on va vous garantir, pour le prochain cycle
budgétaire, qu'on va respecter les mécanismes de
négociation et leur résultat? Ce que ça veut dire - je
fais une petite parenthèse - concrètement, c'est que, s'il y a de
l'enrichissement, ça va, et le partage de cet enrichissement collectif
on le discutera aux tables de négociation. Mais, en retour, nous vous
demandons de vous asseoir avec nous, très rapidement, pour revoir ce que
vous avez appelé la rigidité de l'application des conventions
collectives ou, enfin, on sait de quoi on veut parler: des coûts
intérieurs aux conventions collectives, à leur application
normative. Est-ce que vous pouvez dire si ce serait un bon «deal»
de faire ça, de dire: On compte sur vous, on va respecter les
mécanismes pour le prochain cycle budgétaire sauf que, tout de
suite, on veut s'asseoir? Venez regarder avec nous autres l'argent qu'il y a
à l'intérieur au niveau de l'application des conventions
collectives. (10 h 45)
M. Dufour (Ghislain): Vous me demandez de me substituer au
président du Conseil du trésor, ce que je ne ferai pas. Sauf que
j'ai vu tout à l'heure, dans les indications du ministre, à peu
près la même chose que vous: ce besoin de
s'asseoir avec les centrales syndicales et de regarder tout ce dossier
de la rigidité des conventions collectives. Mais je pense qu'il serait
plus habile de dissocier les deux. Je pense qu'on devrait débattre,
à sa face même, dans le cadre de cette commission parlementaire,
des rigidités, des contraintes actuelles et séparer ça
d'un objet de négociation parce que, là, vous allez
négocier la rigidité contre autre chose. Alors, si vous ne
réussissez pas à négocier autre chose, vous gardez la
rigidité. Moi, je distinguerais très nettement les deux dossiers,
je pense, en termes d'efficacité. C'est ça qu'on cherche.
M. Trudel: oui, tout à fait. en disant qu'on ne peut pas
toujours réclamer tout du même coup à un ensemble de
salariés qui constituent, oui, c'est vrai, 80 % des dépenses de
notre système; 250 000 employés, c'est quelque chose. c'est
tellement bien illustré, quant à moi, la partie que ça
coûte, le normatif, là, au sens large, la rigidité, la
question de la mobilité et de la polyvalence des tâches, que je
pense... quand vous pariez de cela au conseil du patronat, vous en parlez aussi
largement avec le secteur privé. il semble que, dans le secteur
privé, avec les centrales syndicales, on ait fait un petit pas au niveau
de ce que d'aucuns appellent le nouveau contrat social. est-ce que ce ne serait
pas, donc, une façon de dire: là, l'espèce de nouvelle
définition du contrat social en matière des relations du travail
avec nos 250 000 employés de ce secteur-là, ça ne pourrait
pas prendre cette tangente-là, de transporter sur le terrain du secteur
public cette possibilité de dire: c'est correct, on va respecter, on va
s'engager, les deux parties, sauf qu'il faut qu'on regarde quelque chose, c'est
la partie qu'on va vous demander, comme on va en demander d'autres aux
médecins, comme on va en demander peut-être au niveau des
utilisateurs par l'impôt-services, selon votre suggestion, etc.?
Dans ce sens-là, vous dites qu'on les distingue, mais c'est une
bonne piste.
M. Dufour (Ghislain): Ah, c'est une bonne piste! C'est ce que
j'avais vu un peu dans l'intervention du ministre tout à l'heure, de
s'asseoir avec les centrales en dehors des négociations comme telles et
de regarder. Eux aussi, ils tiennent à l'accessibilité, à
l'universalité, ils tiennent au contenu du régime actuel. Alors,
ils vont être obligés de faire une contribution. Cette
contribution-là, quant à moi, passe par une meilleure gestion du
réseau. Or, la meilleure gestion du réseau passe par le contenu
des conventions collectives. Alors, il faudra sûrement en débattre
avec eux.
M. Trudel: oui, j'ai regardé l'information que vous nous
avez distribuée à propos du sondage dans les affaires de ce
matin. donc, à la question «si vous aviez à décider
de la manière de réduire le déficit qu'accumule le
gouvernement à l'égard des soins de santé, auriez-vous
tendance à exiger des frais fixes de 5 $ par jour d'hospitalisation,
etc.?», ça varie selon la dimension et, grosso modo, on en tire la
conclusion que 80 % sont d'accord avec un ticket modérateur.
Il faut bien regarder la question, je pense. C'est: «Si vous aviez
à baisser le déficit». Or, il est bien
démontré que ce n'est pas une mesure de financement, un ticket
modérateur. Et j'ajouterais comme dimension, aussi, dans le même
sondage, que 74 % sont contre l'abolition de la gratuité des soins
dentaires pour les enfants, et 63 % n'acceptent pas la suggestion de supprimer
la gratuité des examens de la vue.
Ce que je veux juste faire ressortir par là, M. Dufour... Bon, on
ne peut pas ignorer qu'il y a 80 % des gens qui disent: Un ticket
modérateur, on n'a pas peur de cela. Je pense qu'il faut faire attention
- je veux avoir votre opinion là-dessus - en disant: Ce serait un moyen
pour financer, pour régler nos problèmes. En ce sens-là,
le document ministériel... Nous autres aussi, il y a de bons bouts qu'on
trouve bons là-dedans; on ne rejette pas tout au complet. Dans sa
réflexion sur le ticket modérateur, le ministre a dit: Moi, mon
nid est fait, il n'y aura pas de ticket parce que j'ai regardé tout
ça. C'est heureux, ça. S'il a dit ça, il n'y aura pas de
ticket modérateur; il n'y en aura pas. Tout le monde est à
l'écoute tout le temps parce que... On nous dit que ce n'est pas
durable, l'effet d'un ticket modérateur; ce n'est pas durable et
ça n'a pas des effets qui nous permettent de régler un
problème de financement. Alors, à cet égard-là,
pourquoi y aller quand même avec l'idée du ticket
modérateur quand les effets recherchés ou les effets obtenus ne
régleront pas le problème que nous avons au Québec?
M. Dufour (Ghislain): II est évident que ça ne
donnera pas des sources de revenus énormes mais, ça, le document
le dit, je pense. En tout cas, nous, on le dit. Ce n'est pas l'objectif d'aller
chercher des revenus additionnels, c'est l'objectif d'essayer de freiner une
certaine consommation. C'est ça qui est clairement établi dans le
document auquel nous nous référions tout à l'heure. Et
c'est pour ça, d'ailleurs, que nous, on privilégie aussi
l'impôt-services plutôt que le ticket modérateur. Mais
faites attention; le ticket modérateur, il faut savoir de quoi on parle
aussi. Moi, je lisais ce matin Mme Lysiane Gagnon dans sa chronique. Elle
était d'accord, par exemple, pour un ticket modérateur sur le
logement, sur la nourriture. Parce que, disait-elle, si on le prend à la
maison, pourquoi pas à l'hôpital, etc.
Moi, je ne veux pas embarquer dans les différences, sauf que je
dis: Vous faites un mauvais débat, hommes politiques, quand vous dites
que la population ne veut pas de ticket modérateur. Je veux dire, ce
n'est pas la premiè-
re fois, hein? Aujourd'hui, c'est ça, mais il y a eu Léger
& Léger il n'y a pas tellement longtemps. Plusieurs sondages
confirment qu'il y a une ouverture de la population. Alors, il ne faut pas
faire un faux débat en disant que la population n'en veut pas.
M. Trudel: Juste un commentaire, et ce n'est pas sur votre
réponse, M. Dufour, c'est sur le sentiment général que
m'inspirent les résultats de ces sondages. Ces sondages me semblent
renforcer un préjugé, un mythe largement répandu au
Québec et qui, heureusement, est complètement détruit par
le document du 18 décembre: que les citoyens et citoyennes sont des
abuseurs de services de santé. Et ça, ça renforce ce
sentiment qu'il faut mettre un ticket parce que les citoyens et citoyennes sont
des abuseurs de services. Le document nous démontre que c'est faux, que
c'est fini, ce mythe. On ne peut plus parler de cela. Il y a au moins ça
comme mérite dans ce document-là, en plus d'autres
mérites, bien sûr. Les citoyens du Québec ne sont pas des
abuseurs, et on a l'impression que la spirale de l'appui sur un ticket, c'est
une autre mesure de renforcement de la désolidarisation sociale qui est
en train de se produire au Québec à l'égard, par exemple,
de nos services de santé et services sociaux. Et je le dis, je ne fais
pas ça en réplique à votre remarque mais il y a une
espèce de spirale là-dessus.
M. Dufour (Ghislain): Mme Turenne.
Le Président (M. Joly): Mme Turenne, une courte
réponse, s'il vous plaît. Un commentaire.
Mme Turenne: Oui, M. Trudel, vous avez raison et je pense qu'il
faut que ça soit clairement établi. Un ticket modérateur,
une forme de participation quelconque du citoyen-consommateur aux services de
santé, ça ne veut pas dire que les gens fraudent et abusent.
L'objectif recherché, encore une fois, c'est de faire le lien et de
faire comprendre à la population consommatrice que les services de
santé et services sociaux, ce n'est pas gratuit. Alors, ce lien de
transparence et ce lien de participation de la population... Ce que le sondage
nous dit, c'est que la population est d'accord pour participer lorsqu'elle
consomme un service quelconque. Je pense que c'est comme ça qu'il faut
le prendre, positivement.
M. Trudel: Je conclus...
Le Président (M. Joly): Terminé, M. le
député.
M. Trudel: ...je conclus en disant.
Le Président (M. Joly): C'est déjà conclu,
M. le député.
M. Trudel: Ce n'est pas mon...
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.
M. Trudel: Je n'ai pas été difficile sur le temps,
M. le Président.
t
Le Président (M. Joly): Non, mais, là, c'est que
j'ai une demi-heure à rattraper...
M. Trudel: Oui.
Le Président (M. Joly): ...et j'ai laissé
déborder tout le monde. Je suis prêt à avoir cette latitude
mais, d'un autre côté, la minute par-dessus la minute fait en
sorte que, tantôt, je ne pourrai pas donner satisfaction aux autres
groupes qui vont se présenter.
M. Trudel: On s'est bien entendus.
Le Président (M. Joly): Très, très courte
conclusion.
M. Trudel: très courte conclusion. merci beaucoup de votre
présentation.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Non, non, elle est éclairante. Je regrette,
parce j'aurais évidemment une question extrêmement
intéressante à propos de la page 9 de votre document, en disant:
Là, il y a moyen d'aller chercher au fédéral l'argent
qu'ils nous doivent. Le ministre a organisé un autobus pour aller faire
une parade à Ottawa. Alors, si vous voulez embarquer pour aller faire
Beuh! Beuh! à Ottawa et penser qu'on va les avoir... Je pense que
ça fait 32 ans que nous, on n'est pas d'accord. C'est assez. Mais votre
contribution, messieurs, madame, est très importante. Merci beaucoup de
votre présentation.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Merci. Le message est
passé. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce,
s'il vous plaît.
M. Atkinson: Merci, M. le Président. Madame, messieurs,
à la page 13, au paragraphe 3 sur la privatisation, j'ai de la
difficulté à suivre vos arguments en ce qui a trait à la
privatisation de bons soins à moindres coûts. Vous citez l'exemple
du Worthing District Hospital où les patients vont à
l'hôtel pour leur convalescence suite à une chirurgie. Ceci a
démontré que les patients se rétablissaient beaucoup plus
rapidement qu'à l'hôpital, et non que le secteur privé
était mieux que le secteur public. Il semble que le système le
plus économique et humain soit celui avec des fonds publics et
l'individu qui récupère à la maison.
Cependant, disons pour le moment que nous adoptons un tel
système; allez-vous recommander que tout le monde soit obligé de
passer sa convalescence à l'hôtel ou auront-ils le choix? Si vous
optez pour le premier, je crois que plusieurs vont renoncer à la
chirurgie à cause du coût et, avec le deuxième, vous
créez des services de santé à deux classes. J'ai de la
difficulté à comprendre votre concept de la clinique
privée à l'intérieur des hôpitaux, mais je crois
comprendre que les patients devront payer directement pour les services de
laboratoire, de physiothérapie, etc. En d'autres mots, la Régie
paiera pour votre chirurgie du coeur si vous payez pour les rayons X.
M. Dufour (Ghislain): MmeTurenne.
Le Président (M. Joly): Mme Turenne, s'il vous
plaît.
M. Dufour (Ghislain): Mme Turenne, sur des grands principes,
parce qu'on n'entrera pas dans l'expérience du Worthing District
Hospital.
Mme Turenne: Je pense que ce que nous avons essayé
d'exprimer ici, monsieur, c'est de faire référence à de
nouvelles façons d'offrir des services de santé. Est-ce que c'est
absolument essentiel que les gens vivent une convalescence dans un centre
hospitalier alors que, tout simplement, ils pourraient être suivis a leur
domicile? On connaît maintenant les expériences qui ont
été faites pour des centres hospitaliers à domicile, et
c'est l'essence de ce qu'on exprime ici.
Maintenant, sur l'autre question par rapport à la privatisation,
ce qu'on lance, finalement, comme idée, c'est de dire: Est-ce que
ça ne serait pas intéressant de penser à privatiser
certaines activités médicales qui sont offertes à
l'intérieur des centres hospitaliers actuellement, que ce soit au niveau
de la radiologie, au niveau de l'électroencéphalographie ou en
physiothérapie? À la condition, toutefois, que les deux types de
systèmes, le système privé et le système public, ne
vivent pas ensemble à l'intérieur d'une même Institution.
C'est une ouverture d'esprit, dans ce sens-là, que, je pense, le Conseil
du patronat met sur la table aujourd'hui.
M. Dufour (Ghislain): Mais je veux juste être certain qu'on
se comprenne bien parce que vous avez parié, encore là - c'est un
discours que, nous, on ne peut accepter - de médecine de riches, dans le
fond, dans le sens que la personne s'en va à l'hôtel. Bien non,
elle ne s'en va pas à l'hôtel, c'est l'hôtel qui est
intégré au réseau hospitalier.
Une voix: Ah!
M. Dufour (Ghislain): Bien oui. On ne défendrait pas qu'on
envoie les gens au Reine Elizabeth, là.
M. Atkinson: Oui, oui, ce n'est pas le Rftz-Carfton.
M. Dufour (Ghislain): Ça peut être le Ritz-Cariton,
tant mieux, sauf que c'est intégré à l'hôpital et
que c'est le même prix qu'une chambre d'hôpital. Il ne s'agit pas
d'avoir des coûts additionnels. Inversement, on vous dit que, dans une
formule comme ça, ça coûte 344 $ de moins. Alors, c'est des
moyens pour réduire les coûts, mais surtout pour réduire
les listes d'attente, parce que les listes d'attente sont épouvantables.
Les médecins ne peuvent pas opérer, il n'y a plus de lits
disponibles. Alors, là, tu es en attente trois mois, six mois, huit
mois. Alors, on dit: Est-ce qu'il n'y a pas possibilité de meilleurs
soins à domicile, de service d'hôtellerie à
l'extérieur, etc., ce qui est une certaine privatisation? Ce n'est pas
pour les riches mais pour tout le monde. Ça existe déjà,
d'ailleurs, soit dit en passant, au Québec. Dans beaucoup
d'hôpitaux les hospitalisations sont d'un jour et, le soir, on
transfère le malade dans des centres privés qui ont de la
physiothérapie, etc. Tout le monde étant égal par
ailleurs.
M. Atkinson: Merci, madame; merci, messieurs. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux vous remercier.
Juste en conclusion, je veux quand même faire une distinction: s'il n'y a
pas d'abus, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une consommation
excédentaire de services. Je pense qu'il y a une distinction très
nette à faire. Oui, c'est vrai que, globalement, on a conclu qu'il n'y
avait pas d'abus; ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une consommation
excédentaire de services et ça, ça me paraît aussi
assez important. Merci de votre contribution.
Tout simplement, sur la charte sociale, je veux dire que votre ancien
chef, Mme McLaughlin, a dit que ce n'était pas nécessairement
à mettre dans la Constitution ce matin, d'après ce que j'ai pu
comprendra-Une voix: Pas nous autres, vous autres.
M. Côté (Charlesbourg): ...et quand à madame
que vous citiez, de La Presse, évidemment, vous me permettrez de
m'abstenir compte tenu de la grande amitié qui nous lie.
Des voix: Ha, ha, hal (11 heures)
Le Président (M. Joly): M. Dufour, Mme Turenne et M.
Tremblay, au nom des membres de
cette commission, merci d'avoir été présents. Bon
voyage de retour!
J'appelle maintenant les gens représentant l'Association des
directeurs généraux des services de santé et des services
sociaux du Québec et je les invite à bien vouloir prendre place
rapidement, s'il vous plaît.
S'il vous plaît, si vous voulez prendre place! M. Levine et votre
groupe, bienvenue à cette commission. Alors, M. Levine, auriez-vous la
gentillesse de nous introduire les gens qui vous accompagnent, s'il vous
plaît?
Association des directeurs généraux des
services de santé et des services sociaux du Québec
M. Levine (David): Merci beaucoup, M. le Président.
À ma gauche, M. Jean-Pierre Mont-petit, directeur général
de l'hôpital Charles-LeMoyne, ainsi que Mme Micheline Larose, directrice
générale du centre de réadaptation Mont Saint-Antoine;
à ma droite, à l'extrême, M. Lucien Lessard, directeur
général du CLSC de Forestville, et, directement à ma
droite, M. Michel Denis, directeur général de l'Association des
directeurs généraux.
Le Président (M. Joly): Merci. Alors, je vous rappelle que
vous avez une vingtaine de minutes pour nous exposer votre mémoire et
que, par après, les parlementaires échangeront avec vous.
M. Levine: Merci beaucoup, encore une fois, M. le
Président, M. le ministre et membres de la commission. Ça me fait
grand plaisir d'être parmi vous aujourd'hui pour exprimer quelques-unes
de nos opinions.
Je vous rappelle que l'association des D.G. représente presque
l'ensemble des établissements du Québec, l'ensemble des D.G. des
établissements du Québec. Ça veut dire: les CLSC, les
centres d'accueil, les conseils régionaux, les hôpitaux et les
CSS.
Notre orientation nous permet de parler de l'ensemble de la question du
financement en ce qui concerne le système de santé, et non pas
sur un groupe d'établissements pris individuellement. Vous savez que le
problème du cloisonnement des établissements au Québec
était là avant la réforme, il est là après
la réforme, et ça reste encore un des dilemmes qu'on doit
regarder de près. À titre de président de l'Association,
je vais essayer de parler plutôt globalement de l'ensemble de la
question.
J'aimerais aussi vous rappeler une petite citation de M. Henry Mintzberg
qui, lors d'une rencontre avec les professeurs de l'Université de
Montréal, a dit: «II est plus complexe de gérer une
organisation de santé que de gérer General Motors».
J'aimerais qu'on garde ça en tête pendant notre discussion
d'aujourd'hui.
On va essayer d'aller très vite au coeur du sujet pour souligner
le titre de notre mémoire «Avant d'investir davantage».
Présomption un peu trop rapide. On a eu tendance depuis les derniers
jours, dans les autres mémoires, à sauter trop vite à
l'idée que ça prenait plus d'argent. On dit: II faut être
plus efficaces, il faut être plus efficients. Oui, c'est vrai. Mais on
n'a pas l'air de donner suffisamment d'importance à ces mots et, tout de
suite, on dit: Comment on va aller chercher d'autre argent? Évidemment,
à titre de gestionnaires dans le réseau, notre
préoccupation est de voir comment on peut faire mieux avec ce qu'on a et
ce dont on a besoin pour faire mieux avec ce qu'on a. Et nous, on est ici
aujourd'hui pour exprimer cela. il est évident - et je ne resterai pas
longtemps là-dessus - que l'impasse que le fédéral nous a
imposée exige un leadership fort de la part du Québec; elle exige
que... Je ne sais pas si, en autobus, on se ramasse à Ottawa tous
ensemble... Mais sûrement, c'est une partie du problème, et ce
leadership à travers les provinces canadiennes et ce leadership que le
Québec peut démontrer, peut-être qu'on doit le prendre sur
nos épaules et le faire actuellement.
Si je regarde maintenant les efforts de redressement et de
rationalisation, on va parler de cinq points particuliers - je sais que
ça intéresse beaucoup le ministre et l'ensemble de son
équipe - et on va essayer de souligner des points assez importants. Pour
nous, la clef de la réponse est ici; c'est un sujet très
sérieux et on va souligner à plusieurs reprises à
l'intérieur de ce chapitre que c'est le leadership du gouvernement qui
est la clef. Sans le leadership du gouvernement, on n'y arrivera pas.
Premièrement, le contrôle de l'offre de services et la
question des médecins. J'aimerais, au départ, tracer un petit
modèle qui peut vous expliquer un peu notre compréhension de la
problématique. Aux États-Unis, vous avez un système de
santé où les hôpitaux sont des entrepreneurs qui,
eux-mêmes, cherchent un profit. Vous avez les médecins
salariés de ces hôpitaux qui, eux-mêmes, cherchent un
profit. Ils sont tous les deux ce qu'on appelle «à volume
dépendant». Ils cherchent tous les deux à augmenter le
volume, avec un coût qu'on sait être de 12 % à 13 % du PIB
et avec 35 000 000 non assurés.
Si on se tourne vers l'Angleterre, vous avez des hôpitaux qui
fonctionnent à budget global avec le reste du système; vous avez
les médecins à salaire, encore une fois, mais, cette fois-ci,
à salaire de l'État; vous avez un système qui est à
volume opposé: ni l'un ni l'autre ne veut avoir du volume dans le
système - 6 % du PIB - et vous avez des listes d'attente absolument
terribles. Si vous êtes malade en Angleterre, c'est mieux de venir au
Canada pour être soigné.
Dans notre système, vous avez des établissements de
santé à budget global qui sont fermés
dans leur fonctionnement en termes de budget et qui sont à volume
opposé; vous avez le corps médical et le mode de
rémunération qu'on a, qui est à volume dépendant,
qui cherche a augmenter le volume. C'est en harmonie aux États-Unis;
c'est en harmonie en Angleterre. Au Canada, au Québec, ce n'est pas en
harmonie. Il y a une disharmonie, il y a une certaine tension. On dit tous que
cette tension est bonne. Elle est très bonne. Ça nous a permis
d'offrir la gamme complète de tous les services à un prix de 8 %
à 9 %. C'est une dynamique qu'il faut maintenir, mais il faut quand
même regarder comment l'ajuster.
Pour nos médecins en chirurgie, qui travaillent à l'acte,
c'est excellent; ils veulent réduire le séjour moyen. Ils veulent
avoir plus de cas; ils sont payés par intervention chirurgicale. Pour
nos médecins en médecine qui sont payés pour leur
journée de présence à l'hôpital, ce n'est pas
nécessairement dans leur intérêt de réduire le
séjour moyen et d'avoir plus de cas. Pour nos médecins qui
travaillent à l'urgence, qui travaillent à l'acte, on peut dire
que ça devient à volume dépendant et peut-être
qu'à l'urgence on doit être à volume opposé. Dans ce
sens-là, je pense qu'il y a des choses à regarder sur le plan de
la rémunération, sans remettre en question la dynamique qu'on a
actuellement et qui est excellente pour le Québec.
Si on continue et qu'on regarde la question des patients en centre
hospitalier, et qu'on parle de la question de la réduction du
séjour moyen, tout le monde a indiqué, surtout l'AHQ hier, qu'il
y a un montant important qu'on peut sauver en termes de séjour moyen, en
termes de cette réduction, il y a plusieurs programmes, pas juste les
chirurgies de jour. Je vous donne l'exemple des programmes de gestion de cas
qui sont une manière de gérer chaque cas par un protocole
développé avec les médecins, les infirmières et
l'ensemble de l'équipe, qui permet de réduire d'environ 20 % le
séjour moyen de chaque patient traité. Il y a moyen de tourner
ça en argent liquide.
Ce n'est pas juste d'éviter d'ajouter des lits dans le
réseau. Il y a moyen que ça, ça nous donne une masse
importante. On peut arriver, au centre-ville de Montréal, à
fermer 500 lits et à demander aux autres producteurs d'absorber ce
volume par une réduction du séjour moyen. Ça prend une
certaine réallocation des ressources, ça prend un support aux
soins à domicile et d'autres choses pour lesquelles on peut aller dans
le détail.
Quand on réalise l'importance de ça, c'est quoi
l'élément clé de la réussite, ici? Et ça,
personne ne l'a mentionné jusqu'à date. L'élément
clé de ça, c'est une décision de la part du gouvernement
de déterminer des objectifs clairs de réduction de séjour
échelonnés sur une période de temps à laquelle,
nous, comme administrateurs, on peut souscrire. C'est très difficile
pour mol d'entrer dans un établissement et de vouloir introduire toutes
sortes de réductions ou redressements si mol et mon conseil
d'administration n'avons pas l'appui du gouvernement et qu'il n'y a pas un
objectif clairement déterminé. Si, après cette commission,
on arrive à faire une nouvelle loi ou un ajout, il faudra quand
même penser à concrétiser l'ensemble des choses dont on
parle dans des objectifs très concrets.
Si on parle de la question de l'alternative aux ressources
institutionnelles - et ça, je pense que tout le monde en parle, de ces
questions - il faut rajouter les soins à domicile, c'est évident.
Je pense que tout le monde est d'accord là-dessus. Le fait qu'on soit en
arrière de l'Ontario... Je vous rappelle que, dans le document,
c'était indiqué que ça coûtait moins cher d'aller
dans les hôpitaux en Ontario que d'aller dans nos hôpitaux du
Québec. Ça nous coûte plus cher ici, dans nos institutions
de santé. Ça coûte le double. Mais ils investissent le
double, en Ontario, pour les soins à domicile, ce qui indique clairement
qu'il y a une piste là, et je pense qu'on est tous d'accord
là-dessus.
Mais où il faut regarder dans ces ressources alternatives, c'est
dans l'exemple suivant, et je cite le document des CLSC qui vont venir à
la fin des discussions. J'ai trouvé ça très frappant. Il
indique que, paradoxalement, le Québec qui possède l'un des
meilleurs taux mondiaux de sauvetage des bébés de petit poids
à la naissance a aussi le double privilège de figurer parmi ceux
qui ont le plus fort taux de naissance de bébés de petit poids.
Je vous rappelle que Mme Lavoie-Roux a investi 8 000 000 $ pour 23 lits de
néonatalité dans la région de Montréal. 8 000 000 $
récurrents par année, chaque année. Résultat: on a
fait des articles fantastiques, on a sauvé des enfants de petit poids,
on a une renommée internationale. Et, en même temps, on a le plus
grand taux d'enfants nés à un petit poids. Il faut investir
autrement et je pense que ça souligne très clairement les
alternatives qui doivent être recherchées. Ce leadership du
gouvernement dans ces alternatives est très important, et on peut
souligner plusieurs autres exemples, évidemment. On comprend la
dynamique qui existe, surtout la dynamique politique, mais ce leadership est
extrêmement important.
Si on veut parler de l'acharnement thérapeutique et du
développement technologique, je pense que ce qui est important, et tout
le monde le souligne, c'est qu'il faut qu'on commence à évaluer
ce qu'on fait. On demande le nombre d'examens radiologiques, on demande le
nombre de tests en laboratoire. Est-ce qu'on pose la question à savoir
combien de ces tests sont positifs et combien de ces tests sont
négatifs? Et, si le taux d'examens négatifs est trop
élevé, ça veut dire clairement qu'on demande trop
d'examens. Si le nombre de tests donne un nombre positif approprié,
ça va indiquer que le nombre de tests qu'on demande est à la
mesure
des besoins.
La question, c'est qu'on ne cherche pas ces informations et on ne met
pas sur pied des mécanismes pour les discuter. Et ça, c'est
carrément dans le domaine médical. C'est aux médecins,
peut-être au nouveau conseil médical qui a été
suggéré, de faire ce type d'évaluation et de nous donner
des barèmes, des «guidelines». Je pense que les
médecins cherchent ces barèmes, et ce n'est pas nous autres,
comme administrateurs, qui pouvons les développer. Je pense que, de plus
en plus, si on regarde, comme je l'ai mentionné, les programmes de
gestion de cas, les médecins participent. Ils participent beaucoup dans
le développement des protocoles, dans le développement des
algorithmes, et c'est par ce développement-là qu'on va arriver
à trouver le moyen de contrôler l'ensemble des dépenses. Je
pense que le gouvernement est très conscient de ça et a
déjà subventionné des projets-pilotes dans le
développement de gestion de cas. Il y a plusieurs protocoles qui sont
déjà développés et en utilisation et II faut les
extenslonner. (11 h 15)
Je parle très brièvement de la délégation de
certains actes médicaux et je fais référence à
l'Ontario où, tout récemment, finalement, les sages-femmes ont
été inscrites dans la loi: On va tenter bientôt un
projet-pilote au Québec, on le sait. Il y a du chemin à faire
à ce sujet-là et pas seulement pour les médecins. Il y a
un rôle qui peut être joué par plusieurs autres intervenants
professionnels dans le domaine, et peut-être que cette
réallocation, si elle est regardée sérieusement, peut nous
amener des économies importantes.
J'aimerais qu'on parie très brièvement de la question du
contrôle de la demande des services. Je pense que tout le monde a
indiqué que ce n'est pas le citoyen qui abuse du système. Quand
on est malade, on va chercher des services qu'on a le droit de recevoir, et
j'espère que ça va rester un droit au Québec et non pas un
privilège d'aller chercher ces services. Ce qu'on doit réaliser,
c'est que les médecins, confrontés par les citoyens qui demandent
des services, ont tendance à demander un ensemble d'examens. Et la
suggestion du gouvernement d'avoir une assurance collective pour les
médecins est une excellente suggestion. Même si le taux de
poursuites au Québec n'est pas élevé comme aux
États-Unis, cette préoccupation est toujours présente. Et,
très souvent, les médecins dans nos institutions nous servent cet
argument pour expliquer le nombre d'examens et le nombre de tests qu'ils
demandent. Je pense qu'il faut suivre cette voie d'une façon, encore une
fois, très importante.
Encore une fois, le leadership gouvernemental en ce qui concerne la
consommation de la population. On a créé un niveau d'expectation
parmi nos citoyens. À qui la faute? Premièrement, le
gouvernement, en créant le système qu'on a, qui est un
système dont on doit être fier; les administrateurs, qui voulaient
toujours agrandir leurs structures; les médecins, qui sont à
volume dépendant et qui cherchent toujours à accroître
leurs revenus. On a un système qui a créé un niveau
d'expectation parmi la population et ce niveau d'expectation est très
présent. Pour le contenir, il faut que le gouvernement soit conscient de
son rôle et de ses responsabilités. Et, comme on le dit, il faut
montrer aux citoyens ce que ça coûte, puis il faut mettre
ça dans son impôt pour qu'ils comprennent ce que ça
coûte. C'est tout à fait vrai. Il faut l'indiquer. Et je vous dis
simplement qu'en indiquant ce que ça coûte on atteint nos
objectifs. Il ne faut pas en arriver à leur charger sur leurs
impôts ce que ça coûte quand ils sont malades.
Quand, pour les médecins, on a introduit les programmes de revue
d'utilisation des médicaments, surtout pour les antibiotiques, puis
qu'on a créé ce qu'on appelle les «Infomed» dans les
hôpitaux pour expliquer ce que ça coûte, les
médicaments, les médecins ont changé leur comportement de
pratique pour choisir les médicaments moins chers parce que, eux aussi,
ils comprennent le dilemme dans lequel on se retrouve. Et je pense que c'est
là qu'on doit regarder.
Je vais aller un petit peu plus vite, M. le Président, avec le
temps qui reste, pour dire qu'on pense qu'avec 12 000 000 000 $ on est capable
d'en faire plus. On pense qu'on est capable, avec ça, de couvrir nos
besoins. Une mise en garde. Il ne faut pas investir dans de nouvelles
structures. Il faut utiliser l'argent qu'on a pour couvrir les nouveaux besoins
de la Régie, pour couvrir les nouveaux besoins des structures qu'on est
en train de créer avec la loi 120. Il est incompatible d'aller chercher
de l'argent parmi les citoyens du Québec pour payer des structures et de
ne pas payer directement les services qu'on offre à la population.
Si on touche maintenant la question du panier de services, on ne veut
pas s'embarquer longuement mais simplement dire qu'il faut l'étudier, il
faut l'étudier de près. L'Orégon, qui était
mentionné hier et où un ensemble d'études a
été fait, je ne suggère pas et je suis très loin de
suggérer ce type d'approche. Ce qui est quand même important,
c'est que cette analyse faite avec le corps médical, avec les
fédérations, avec les corporations est fondamentale. Il faut
qu'on commence à comprendre les priorités et ce qu'on offre. Qui
va prendre la décision d'offrir à quelqu'un de 92 ans, atteint
d'un cancer, un programme de dyallse rénale? Actuellement, il n'y a
aucun «guideline» qui permette aux médecins de prendre ces
décisions difficiles. Et, plus souvent, c'est plus facile de ne pas
prendre ce type de décision. Ça, encore une fois, ça prend
ce leadership et c'est criant; les médecins eux-mêmes le
demandent.
Finalement, si on touche la question des
administrateurs de réseau, le ministre a souligné à
plusieurs reprises la grande importance des ressources humaines, la grande
importance de la formation de ces ressources humaines, l'encouragement, la
motivation. C'est les Individus qui gèrent le système. C'est les
individus qui offrent les services. La qualité, l'efficacité et
l'efficience des services ne viennent pas des règlements, des
décrets ni de toutes les choses qu'on a besoin de suivre sur le plan
financier. Ça vient des individus. Ça coûte cher, mais il
faut payer la note. Le ministre a parlé à plusieurs reprises de
la santé et de la sécurité au travail. Donner des cours
sur les maux de dos à l'intérieur de mon institution coûte
86 000 $, et 30 000 $ par année, récurrents, pour des cours sur
le déplacement des malades: comment les employés peuvent
déplacer les malades pour ne pas avoir de maux de dos.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.
M. Levine: II faut les payer, ces 86 000 $. Si on n'a pas
d'argent parce qu'il y a ces restrictions-là, on n'arrive pas à
faire des économies.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. Levine,
en conclusion.
M. Levine: En conclusion, je vais toucher le dernier sujet qui
est: S'il y a manque à gagner, qui paie la note? Au nom de l'ensemble
des directeurs, on veut suivre la philosophie, la dynamique que le
Québec a développée depuis 200 ans en ce qui concerne
l'ensemble de notre culture. Le Québec est un des seuls endroits qui ait
supporté autant la coopération entre les citoyens, le mouvement
coopératif, l'attitude où on doit partager nos
responsabilités. Dans ce sens-là, on ne supporte pas
l'impôt-services individuel quand on est malade et on supporte la
mutualisation des risques qui se doit d'être ajoutée à une
responsabilité de l'ensemble de la société. Merci
beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Levine. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je pense que c'est une occasion privilégiée que
nous avons d'échanger avec ceux qui ont une responsabilité
très grande de gérer ces 12 000 000 000 $. Je pense que c'est peu
dire comme responsabilité.
M. le Président, plus souvent qu'autrement on est
confronté, règle générale, à travers
l'information quotidienne, à être davantage questionné sur
un cas, disons-ie, isolé, de mauvaise administration alors qu'on parie
très peu souvent des bons coups. On a la chance d'avoir avec nous ce
matin deux exemples de bonne gestion et de volonté d'innovation que je
salue en la personne du porte-parole et en la personne aussi du directeur
général de Charies-LeMoyne qui, lui aussi, a mené son
expérience de rationalisation à l'intérieur, d'efficience
et d'efficacité, en collaboration avec les médecins et l'ensemble
des employés, ce qui n'a pas été facile mais ça a
donné des résultats. Évidemment, tu vas trouver ça
dans les paragraphes quelque part, mais pas en «front page». Il
faut bien se le dire et profiter de l'occasion ce matin pour le redire,
même si je le dis à l'occasion et que ça passe
inaperçu. Donc, après cette reconnaissance que certains
pourraient appeler des flatteries, mais une reconnaissance bien
méritée, il y a d'autres expériences comme celle-là
dans le réseau, qui sont peut-être plus petites mais faites dans
différents autres domaines et d'autres secteurs. Et ça, ça
m'apparaissait important de le dire à ce moment-ci. On a la notion d'un
budget global fermé, et je pense que nos administrateurs font des
efforts surhumains pour être capables d'en arriver à respecter le
budget global fermé. Dieu sait que ce n'est pas toujours facile. Et dans
ce sens-là, je pense qu'on a atteint des rendements assez exceptionnels
à ce niveau-là de la part de l'ensemble des Intervenants.
Même s'il y en a, à l'occasion, à gauche ou à
droite, un certain nombre qui réussissent à s'échapper, ce
n'est pas majeur; il n'y a pas de dérapage absolument condamnable
à ce moment-ci.
Au moment où on entre dans les mesures d'efficience et
d'efficacité - et votre message ce matin dit: Oui, effectivement, on
peut faire plus, on peut faire mieux avec ce qu'on a - cependant, il y a des
conditions de leadership du central, parce qu'il y a un message assez clair
là aussi. Vous vous attendez à davantage de leadership du
central, y compris dans la non-réglementation, dans les directives,
ainsi de suite. Il y a un certain dépoussiérage à faire,
on en a déjà parlé. Et ça, je le comprends, le
message, et je le prends tel quel. Je le crois très sincère et
inspiré du vécu.
Vous avez donné un certain nombre d'exemples des choix politiques
qui ont été faits, qui n'ont pas nécessairement
été ceux qu'on aurait dû faire. La néonatalogie est
un exemple particulier. Je pourrais vous en ajouter un qui, lui, a
été un choix plus politique, sur le plan de la cardiologie
tertiaire où on a dit: Maintenant, pour être bien sûr que
l'argent qu'on attribue politiquement ne soit pas utilisé à
d'autres fins dans les centres hospitaliers, au niveau de la cardiologie
tertiaire, parfait, on va vous donner x centaines de milliers de dollars
additionnels mais vous allez devoir traiter tant de cas additionnels. Ça
aussi, ça donne des résultats intéressants quand on assume
un leadership. Je comprends.
Ceci étant dit, parlons d'efficience et d'efficacité. Vous
me connaissez, l'objectif est très clair: D'en avoir plus pour notre
argent. C'est exactement dans la même lignée que vous
autres. Je voudrais aborder des problèmes spécifiques.
C'est ça qu'on essaie de faire, voir jusqu'où on peut aller dans
l'efficience et l'efficacité sur le plan de notre économie.
Après ça, des décisions s'Imposeront sur le manque
à gagner, des décisions qu'on devra prendre
ultérieurement. Donc, de notre efficience et de notre efficacité
de commission parlementaire découleront un certain nombre de
décisions qui conditionneront votre avenir et le nôtre.
Parlons de politique de gestion des ressources humaines,
financières et matérielles. Je pense que, si on n'en parle pas
avec vous autres, on va peut-être avoir de la difficulté à
en parler avec d'autres en connaissance de cause. On va donner l'exemple de la
CSST. Je pense que vous abordez un exemple et, comme on vous a devant nous
autres, on va arrêter de vous flatter. C'est clair que c'est un
succès fantastique. Vous avez été obligés
d'investir, comme vous l'avez dit tantôt, mais pour sauver, on me disait,
plus ou moins 800 000 $, ce qui est quand même considérable.
Dites-moi donc: Qu'est-ce qui fait que, si vous avez pu, vous, le faire chez
vous, ça ne se passe pas ou ça ne semble pas se passer ailleurs?
Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas d'efforts de faits ailleurs. Qu'est-ce qui
fait que, chez vous, c'a réussi d'une manière extraordinaire et
qu'on ne semble pas réussir autant ailleurs, exception faite de vos
qualités personnelles pour être capables de gérer un
dossier comme celui-là? Est-ce que ça prend le leadership du
ministère pour régler ça?
M. Levine: Dans ce type de dossier, je pense que la
responsabilité reste entière, à l'Intérieur de
l'organisation, aux gestionnaires, à un conseil d'administration
convaincu de la nécessité de faire, disons, ce ménage. Je
pense que, oui, il y a un effort important à faire dans ce
dossier-là. Effectivement, sur 150 000 000 $ II y a 25 000 000 $
à 30 000 000 $ à sauver; il y a une gestion à faire dans
ce réseau. D'ailleurs, votre sous-ministre adjoint aux ressources
humaines a déjà fait un projet avec nous autres de 600 000 $,
où H y avait un CLSC, deux centres d'accueil et un hôpital
d'impliqués à dresser un processus qui permettrait aux autres
établissements du réseau de connaître l'ensemble des
dangers pour chacun des postes de travail et, par la suite, d'implanter les
mesures qui s'imposent pour réduire les accidents. Je pense que, dans ce
sens-là, il y a des efforts qui sont faits, qui pourraient être
faits. Voilà, vous avez un montant Important à
récupérer, garanti.
M. Côté (Charlesbourg): Mais par une volonté
aussi qui viendrait, qui serait assumée en tenues de leadership par le
gouvernement en donnant la ligne de conduite à partir des
expériences vécues, ce que je comprends.
M. Levine: Le leadership, dans ce cas-là, était
nécessaire à cause du régime rétrospectif qui a
créé un fardeau tellement fort sur les institutions qu'on n'avait
d'autre choix que de réagir d'une façon extrêmement
immédiate et importante. Mais, au-delà de ça, nous avons
une responsabilité comme employeurs face à nos employés.
Si on veut créer la qualité totale et une atmosphère de
participation dans l'organisation, il faut éviter des accidents à
nos employés, même si ça relève juste d'un mal de
dos.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais vous en lancer comme
ça, pour le temps que j'ai, des dossiers: assurance-salaire.
M. Levine: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): 350 000 000 $ par
année. (11 h 30)
M. Levine: Ça, c'est un dossier où, effectivement,
il y a des efforts importants qui doivent être faits. Les efforts dans
ça, vous savez... L'assurance-maladie est pour des gens qui sont
vraiment malades, c'est vrai. Beaucoup de congés sont aussi pris par des
gens qui appellent et qui disent: Je n'entre pas aujourd'hui. Des fois, on
découvre qu'il y a deux semaines ils ont demandé un congé
sans solde et on n'a pas accordé le congé sans solde pour aller
au mariage le samedi parce qu'on avait des problèmes de main-d'oeuvre.
L'individu, le samedi matin, il a appelé puis il a dit: Je ne viens pas
à l'hôpital. De toute façon, s'il est prêt à
perdre son salaire pour la journée, il appelle et il n'est pas
là. Moi, j'ai l'impression que ce qu'on doit faire dans le dossier de
l'assurance-maladie, c'est une surveillance très minutieuse de ce
dossier-là. Les 9,6 jours qui sont accordés dans les conventions
collectives, multipliés par le nombre de travailleurs, sont une partie
importante de vos 350 000 000 $. S'ils ne sont pas malades, on leur donne de
l'argent au 1er décembre. Alors, veut, veut pas, une grande partie de
cet argent sort.
L'autre partie, qui est la maladie à long terme de deux semaines,
trois semaines, où c'est l'assurance-maladie qu'on pale à
l'intérieur de nos organisations, ça, il faut simplement
s'assurer qu'il y a une bonne surveillance. Les organisations ont des
médecins qui font l'évaluation de la validité de ces
maladies à long terme, mais, quand ils sont valables, ils sont valables.
De l'autre côté, créer une atmosphère de travail
stimulante, créer une atmosphère de travail où les
travailleurs aiment ça aller au travail, où c'est
Intéressant de rester à l'Intérieur, on aura beaucoup
moins de «burnout», on aura beaucoup moins de frustration, on va
avoir beaucoup moins de maladie. Ça relève de la gestion des
ressources humaines globalement.
Une voix: Je pense que M. Lessard a de quoi à
rajouter.
M. Lessard (Lucien): J'ajouterais ceci, M. le ministre. C'est
que, dans le secteur des accidents de travail, je pense qu'il y a des efforts
qui peuvent être faits. Mais, en ce qui concerne I assurance-maladie, les
directeurs généraux, on n'a pas beaucoup de pouvoirs,
excepté le pouvoir d'essayer de mobiliser nos employés. En
retrait préventif, M. le ministre, nous n'avons pas le choix. C'est la
CSST, concernant par exemple une personne qui tombe enceinte, qui communique
avec nous et nous demande: Avez-vous un travail à offrir à cette
personne-là, un autre travail que le travail qu'elle fait actuellement?
Dans d'autres petits établissements, nous avons le choix. Si nous lui
offrons un travail, on va devoir payer deux salaires. Il y a plus que
ça, M. le ministre. C'est que j'ai vu un petit établissement qui
a contesté chez nous un retrait préventif et je vous avoue que le
directeur général y a goûté parce qu'il y a eu des
procédures, etc. Donc, dans le secteur de la maladie, on est soumis aux
billets des médecins. Je vous avoue que moi, j'ai essayé
d'établir un système où je pouvais contester le billet
qu'on avait du médecin et je vous avoue que ce n'est pas facile. Donc,
sur ça, on est pieds et poings liés. On n'a pas grand-chose
à dire. C'est automatique et je vous avoue qu'il y a une certaine
complaisance là-dedans qu'on ne dénonce pas trop des fois parce
que c'est nous autres qui allons être attaqués directement. Il y a
une complaisance, je vous l'avoue, et une complaisance qui doit coûter
terriblement cher à l'État.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que la
problématique... Effectivement, dans un grand établissement vous
pouvez offrir des alternatives, alors que dans un petit établissement il
est clair que ça a ses limites. Donc, ce n'est pas miraculeux. Ça
a ses limites, mais, quand on parle de l'ordre de 25 000 000 $, 30 000 000 $,
c'est quand même assez important, merci, sur le plan de... Et tout
ça additionné fait des choses intéressantes.
On est donc dans une situation où deux dossiers en particulier,
l'assurance-salaire et santé, sécurité au travail, 500 000
000 $ comme enveloppe, c'est quand même considérable. De par le
contact que vous avez avec les employés de manière
régulière, est-ce que la base syndicale serait ouverte, elle,
à échanger sur des conditions aussi importantes que
celle-là, pour peu qu'il puisse y avoir au bout de la ligne un partage
des économies? Et ça, ça me paraît être... Si
le gouvernement décide de faire ça, de tout sauver et garder pour
lui, il est clair qu'on va aller directement sur un mur. Mais, sur le partage
des économies, est-ce que vous pensez que la base, dans votre
vécu, évidemment, serait ouverte à ce genre de discussion
là?
M. Levine: Je pense, surtout pour la santé et
sécurité au travail, que les syndicats sont très
conscients de la problématique. Eux aussi veulent éliminer...
mieux, qu'il n'y ait aucun accident à l'intérieur de
l'organisation. Je pense qu'avec les programmes qui sont faits actuellement il
y a une bonne collaboration là-dessus.
Sur la question de l'administration de la CSST, qu'on fait de
l'assignation à l'intérieur de l'organisation, des fois, oui, il
y a de la contestation, il y a des griefs et il faut aller en arbitrage
là-dessus. Vous savez, c'est l'assignation qui est la manière
avec laquelle nous autres, on a sauvé ce qu'on a sauvé.
L'assignation est la façon de trouver un travail autre à
l'intérieur de l'organisation, même s'il y a un surplus, que
d'aller à la CSST et payer deux fois et demie ou trois fois et demie le
coût du salaire de l'individu en termes de primes à la CSST.
Je pense que, sur la question de la maladie, il devient plus
compliqué, plus difficile... C'est là où le syndicat veut
sûrement défendre les travailleurs non pas en ce qui concerne le
harcèlement de la part de l'administration, en ce qui concerne... Je
pense qu'il serait prêt à collaborer en créant une
atmosphère de travail convenable et en créant cette
atmosphère qui permette de diminuer...
Il y a une conséquence, à mon avis, directe de ces vases
communicants entre la maladie, l'atmosphère et la qualité de vie
au travail qui sont liées. Là-dessus, je pense que le syndicat
est prêt à nous aider.
M. Côté (Charlesbourg): Si c'étaient des
négociations locales sur des conditions comme celles-là, avec des
paramètres sur le plan national - on se comprend bien - mais plus de
souplesse sur le plan d'une négociation locale pour chacun des
établissements, est-ce qu'on serait dans une situation où ce
climat que vous évoquez serait plus favorable?
M. Levine: Moi, je dis oui dans le sens qu'à
l'intérieur de la vie de l'organisation, de l'établissement,
c'est là où ça se passe et c'est la dynamique entre les
individus qui compte. Toutes les boîtes ne sont pas pareilles. Il y a des
boîtes où il va y avoir une distance entre les deux et une
attitude plus rigide. Il y en a d'autres où II va y avoir une beaucoup
plus grande collaboration et ça peut avancer beaucoup. Moi, je pense que
d'aller vers ce niveau local est une approche fort intéressante.
M. Côté (Charlesbourg): Quand on continue dans ce
genre de dossier, ça peut être une conséquence directe de
qu'on vient de mentionner, mais j'ai fait sortir des chiffres. Ils sont
approximatifs. Je pense qu'il ne faut pas les prendre nécessairement au
pied de la lettre, mais on serait dans une situation à peu près
d'un paiement de 70 000 000 $ de salaires supplémentaires, de temps
supplémentaire au niveau du réseau. Est-ce qu'il n'y a pas
là une situation
aussi à laquelle on peut s'attaquer? Il est inévitable que
si quelqu'un prend sa journée de congé, qu'il vous appelle le
matin et que vous soyez dans une situation de remplacement, ça a des
conséquences directes, mais ça, ça s'ajoute à tout
ça. 70 000 000 $, est-ce que ça vous apparaît un dossier
sur lequel on peut travailler puis avoir un certain nombre d'économies
à ce niveau-là?
M. Levine: je pense que pour chaque gestionnaire d'une
organisation, s'il ne travaille pas la question de la main-d'oeuvre
indépendante, s'il ne travaille pas la question du temps
supplémentaire utilisé, s'il a essayé de ne pas faire ce
qu'on appelle la reconversion des heures sur la liste de rappel pour
créer des emplois, où vous avez cinq descriptions de tâches
regroupées ensemble, on ne gère pas bien nos organisations. c'est
sûrement un élément qui doit être regardé. il
est quand même compliqué, sept jours par semaine, 24 heures sur 24
et, des fois, le samedi soir, de minuit à 8 heures, quand il y a trois
personnes qui ne sont pas là... on demande à des gens s'ils sont
prêts à travailler ces huit heures de plus à temps et demi
et on est heureux quand ils acceptent. souvent, ils n'acceptent pas et
ça, ça nous pose des fois des dilemmes. mais oui, c'est un
dossier qu'il faut travailler absolument.
M. Côté (Charlesbourg): Comme je parle à des
cadres supérieurs, le taux d'encadrement, mol, j'entends ça,
là... Quand je me promène, que je discute avec des
salariés dans les établissements, on nous parle d'un taux
d'encadrement qui est élevé. Je sais que les statistiques
mêmes du ministère nous disent qu'au cours des dernières
années il y a eu une légère diminution du taux
d'encadrement. Mais on entend ça - et vous n'êtes pas sans fe
savoir aussi - très très souvent de la part des travailleurs que
les cadres... Commencez donc par couper chez les cadres. Quand tu fermes
quelque part, c'est toujours l'infirmière auxiliaire, pour prendre cet
exemple-là, qui, elle, va être coupée, alors que les cadres
ne sont jamais coupés, eux autres. Est-ce qu'on est dans une situation
avec un taux d'encadrement où il y a aussi de l'espace ou de la marge de
manoeuvre?
M. Levine: Je peux parler beaucoup plus facilement du
réseau hospitalier. Je vais peut-être demander à mes
collègues de regarder dans leur réseau respectif la tendance de
la gestion aujourd'hui où on parle de la qualité totale. C'est
d'éliminer les paliers intermédiaires de décision et,
à la place d'avoir cinq paliers, II y a trois paliers et on
élimine les coordonnatrlces au niveau des soins pour avoir les
Inflrmlères-chefs qui relèvent directement de la directrice.
Ça, ça se fait et je pense que des gestionnaires du réseau
hospitalier l'ont bien réalisé. Autant on est capable
d'éliminer des cadres, on les élimine. Ça ne touche pas
les services à la clientèle. Je pense d'ailleurs que les gens
sont très conscients de ça. Il y a d'autres réseaux comme
le CSS qui a peut-être un taux d'encadrement différent de celui
dans le milieu hospitalier. Je ne suis pas prêt à me prononcer
là-dessus. Vous pouvez poser les mêmes questions à des gens
qui gèrent les CSS. Pour les centres d'accueil ou de
réadaptation, je ne sais pas si Micheline...
Le Président (M. Joly): Mme Larose, s'il vous
plaît.
Mme Larose (Micheline): On observe la même tendance que
celle que David vient d'expliquer dans les centres de réadaptation pour
jeunes, entre autres où l'on tente le plus possible d'éliminer le
palier qu'on appelle Intermédiaire, si vous voulez, pour responsabiliser
davantage les cadres de premier niveau que sont, dans notre cas, les chefs
d'équipe. Ça ne se fait pas du jour au lendemain parce que, quand
les gens sont habitués de vivre dans un système
centralisé, ça prend un certain temps de formation pour que les
gens de premier niveau acceptent et accèdent de façon efficace
à la prise de décision sans trop se sentir insécures. Mais
c'est certain que c'est la tendance du réseau, à mon point de
vue, et que c'est vers ça qu'il faut continuer d'aller.
M. Lessard: M. le Président.
Le Président (M. Joly): M. Lessard, brièvement,
s'il vous plaît.
M. Lessard: M. le ministre, j'ajouterais ceci. Je n'aime pas,
moi, parler comme ça, à savoir: II paraît que le taux
d'encadrement est très fort. C'est certain qu'on dit: Jamais dans notre
cour. Mais je regarde chez nous, en tout cas, dans notre secteur, notre taux
d'encadrement est très, très minime. C'est certain qu'il faudrait
regarder ailleurs, par exemple. Je pense que ce dossier-là, il faut
qu'il se regarde secteur par secteur. Est-ce que le taux d'encadrement des
CRSSS est plus fort? Je ne pourrai pas répondre, je ne suis pas
sûr non plus. Mais je voudrais, par exemple, avant de parler d'un taux
d'encadrement global...
M. Côté (Charlesbourg): Vous nous donnez des pistes,
là, je comprends.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lessard: II faudrait qu'on regarde secteur par secteur. C'est
certain que le taux d'encadrement dans certaines structures bureaucratiques
peut être assez élevé. Mais je poserais la question aux
personnes et je le regarderais, par exemple.
M. Côté (Charlesbourg): Comme je m'adresse...
M. Lessard: Quand vous me dites ça comme ça, vous
me lancez ça comme ça, je ne peux pas vous répondre parce
que je n'ai pas de chiffres.
M. Côté (Charlesbourg): Comme je m'adresse à
quelqu'un qui a toujours le sens politique assez aigu, ça ne se sort pas
de son homme, ça!
M. Lessard: Je ne suis pas sûr encore, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Ah oui. Ça ne se sort
pas de son homme. Évidemment, est-ce que je comprends que vous suivez la
même logique que l'employé qui dit que l'encadrement est toujours
au-dessus de nous autres?
M. Lessard: Non, non.
M. Côté (Charlesbourg): C'est un peu la logique que
vous me donnez, je veux dire. La première piste, vous me dites, le
CRSSS. Allez donc voir au CRSSS; c'est ceux qui vous encadrent.
M. Lessard: Je pense que... Non, non. Ce que je veux illustrer,
M. le ministre, je pense que, pour discuter d'un dossier comme celui-là,
il faut le regarder secteur par secteur. On ne peut pas lancer un chiffre comme
ça, que nous n'avons pas d'ailleurs. Mais lancer un chiffre comme
ça sans nous regarder... Ça fait plusieurs fois que j'entends
dire ça, un taux d'encadrement très fort. Or, je n'ai jamais
reçu de chiffres de la part du ministère qui me prouvent que nous
avons un taux d'encadrement très fort. Moi, je pourrais vous donner des
exemples précis chez nous où nous avons un taux d'encadrement
très, très faible, en tout cas, au niveau de nos
établissements.
Le Président (M. Joly): Parfait. Merci. On pourra revenir
sur le temps de l'autre formation parce que vous savez comment ça
fonctionne. Je vais reconnaître M. le député de
Matapédia, s'il vous plaît.
M. Paradis (Matapédia): Oui, une seule question. M.
Levine, vous avez parlé de meilleure efficacité, de meilleure
efficience et avec le défi de le faire avec l'argent qu'on a. Puisque
vous représentez la continuité des services... Bon, ça
peut être un CLSC ou un centre hospitalier. En tout cas, on se sert des
CLSC. Comment vous faites ça?
M. Levine: Dans la continuité, dans l'intégration
entre les différents secteurs?
M. Paradis (Matapédia): Pour la continuité du
service à donner au patient, à notre client. Parce que mol, je me
bute toujours à quelque chose. J'avais assisté au forum des
aînés à Montréal et j'avais été
ébahi d'entendre que lorsqu'un patient sort d'un hôpital, lui, il
n'a plus de responsabilité. On le met sur le trottoir et, si le patient
a besoin d'un service de soins à domicile, il faut qu'il appelle
lui-même au CLSC pour dire: Bien là, je viens de me faire mettre
sur le trottoir. Y a t-il quelqu'un quelque part qui va venir me donner un
service? Comment va t-on faire ça cette interrelation
d'établissements, cette complémentarité de services avec
le défi que vous nous dites? On a assez d'argent pour le faire?
Expliquez-moi ça.
M. Levine: La question que vous demandez, c'était la
question de la loi 120, c'était la question d'un des objectifs de
correction soulignés par la commission Rochon et soulignés par de
multiples intervenants. Mme Lavoie-Roux a suggéré un conseil
d'administration par CLSC qui regroupe un hôpital, un CLSC, des centres
d'accueil; tout le monde sous le même chapeau. Énorme
résistance de réseaux, regroupement d'établissements par
regroupement d'établissements, pour finalement arriver à un
regroupement d'efficience ou d'efficacité des centres d'accueil et qui
laisse tous les autres réseaux complètement indépendants.
Là, on dit: Ah! Responsabilité de la Régie. C'est eux
autres maintenant qui vont être capables par le POS, par le plan
d'organisation de soins, de coordonner les activités, doigts
croisés, pour espérer que ça va arriver.
M. Côté (Charlesbourg): Toujours en disant que les
missions sont un peu plus claires dans la loi pour chacun des
établissements. (11 h 45)
M. Levine: La mission est claire, mais la clarification de la
mission, quand on a dit: Oui, II est important de clarifier, mais cela amplifie
le problème de cloisonnement et ne le réglera pas. Et ça,
c'est quelque chose à regarder. Je pense que la Régie, s'il y a
cette bonne coordination, peut créer des programmes et si on va vers une
gestion par programme, tel qu'il a été suggéré, et
un financement par programme, tel qu'il a été prôné,
on va y arriver parce qu'à ce moment-là, quelqu'un qui n'est pas
chez moi, sans qu'il soit branché avec les soins à domicile, sans
que le CLSC ne soit pas impliqué puis que ce soit une personne
âgée, sans que le réseau de centre d'accueil n'ait pas
été averti...
Le Président (M. Joly): Merci, M. Levine. On pourra
élaborer davantage. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.
M. Trudel: Merci beaucoup. Le temps file très rapidement.
Vous n'étiez pas nécessairement là pour reconnaître,
oui, aussi... Puis ce n'est
pas parce que vous êtes là que je le dis. Je vais vous
relire le seul paragraphe, le bon paragraphe qui vous concernait dans mon
discours d'ouverture. Alors, ça ne fait pas partie de la flatterie.
«D'aucuns ont dénoncé la bureaucratisation du réseau
de la santé et des services sociaux, les technocrates étant la
source de tous nos malheurs. Il faut se garder de jugements aussi lapidaires,
car gérer un système engloutissant 12 000 000 000 $ n'est pas
facile et nécessite des ressources abondantes. Si le réseau a
réussi à bien contrôler ses coûts, c'est en grande
partie grâce à la vigueur et à la qualité de nos
gestionnaires.»
Je ne sais pas si vous allez vous rendre à General Motors, mais
effectivement je pense que, globalement, puisque j'ai dit que, pour ma part, au
départ, il y avait un certain nombre, dans les mérites du
document... il y a beaucoup de démérite, mais il y a des
mérites aussi. Un des mérites, c'est d'abattre un bon nombre de
mythes et de faussetés quant à notre réseau de
santé et de services sociaux, et un des mythes, c'était que
ça s'en allait tout chez le diable, ce régime-là, que
c'était géré... On entend ça aussi: Ah! C'est
géré... C'est quasiment... Vous autres, vous n'avez rien à
faire, c'est incroyable! Il faut replacer, et le document replace cela aussi.
Nos gestionnaires d'établissements sont de bons gestionnaires parce que,
par le résultat, on fait bien notre affaire; on gère bien nos
choses, grosso modo.
Premièrement, maintenant, je pense que vous portez, quant
à moi - et je ne peux pas vous en demander beaucoup beaucoup plus au
niveau du discours. Je le sais. Mol, Je suis en politique; vous autres, vous
êtes en gestion. Vous le dites au départ: L'impasse de notre
système de santé et des services sociaux est essentiellement due
au désengagement du gouvernement fédéral. J'oserais
même dire: L'espèce de chicane de famille qu'on a au Québec
entre les gestionnaires, les usagers, les associations, ceux qui veulent taxer,
ceux qui ne veulent pas taxer: Est-ce qu'on finance ou on ne finance pas... Il
nous manque Ici, autour de la table, le témoin qui est venu semer le
diable dans la cabane, qui est venu mettre le feu à la cabane. On n'est
pas obligé - j'aime votre raisonnement, je vous le dis - de mettre le
feu au complet au système parce qu'il y en a un qui ne fait pas sa job,
mais on peut faire davantage. alors, c'est pour ça que je dis que je
sais que, comme gestionnaire, je ne peux quand même pas vous demander de
faire une autre profession d'un cran plus haut. tout le monde a compris votre
discours là-dessus, et ça fait pas mal de monde qui passe
à la table ici et qui nous répète ce message-là;
c'est très clair. c'est à se demander, en conclusion, comme
élément de commentaire là-dessus, si, avant la fin de
cette commission, il ne faudrait pas demander au gouvernement
fédéral d'être là, parce que c'est lui le
responsable. Qu'il vienne donc se présenter puis qu'il vienne donc nous
le dire que, dans notre responsabilité à nous autres, au
Québec, c'est lui qui met la responsabilité. Alors, s'il a la
capacité de relever le défi, qu'il vienne nous le dire à
cette même table de famille, au Québec, en matière de
santé et de services sociaux.
Ma question est la suivante, M. Levine, pour les gestionnaires de notre
système de santé et de services sociaux: Quand on prend la piste,
les nombreuses et excellentes pistes, je pense, que vous nous suggérez,
est-ce que c'est suffisant pour sauver les dimensions essentielles de notre
système de santé et de services sociaux au Québec? On va
les regarder par après, mais cette question: Est-ce que c'est suffisant,
ces mesures, à votre avis, ce que vous vivez là, pour sauver le
système?
M. Levine: Si je veux être très honnête, M.
Trudel, à ce sujet-là, je ne peux pas vous répondre. Je
sais que mes collègues et plusieurs disent: Fais l'effort, fais
l'effort, mais il va nous en manquer encore. Mais on ne chiffre pas l'effort,
on ne donne pas des objectifs d'atteinte dans l'effort et on n'a pas
parlé, à un moment donné, de ce qu'on offre
réellement à nos citoyens. Est-ce qu'on peut regarder ce qu'on
offre? Si quelqu'un arrive, après étude, et dit: Écoute,
30 % de tous les examens qu'on fait, on peut les éliminer... Wow!
Ça se peut que oui, on réponde à ça. Mais, avant de
dire ça, il faut qu'on analyse combien de ces examens sont positifs ou
négatifs. Si juste 2 % de tous les examens qu'on donne sont positifs,
ça veut dire que 98 % disent que tout est correct. Peut-être qu'on
pourra avoir évité ces examens au départ. Je n'ai pas les
données. Alors, pour vous répondre, ce serait malhonnête,
en ce moment, de ma part.
M. Trudel: Très bien. C'est ce qui transperce de votre
discours et de votre profession. Il y a M. Lessard qui veut...
Le Président (M. Joly): M. Lessard.
M. Lessard: M. le Président, j'ajouterais ceci, je pense,
qui est un problème fondamental actuellement dans le secteur de la
santé. J'ai l'impression, des fois, qu'on parle toujours à
l'envers du système. Là, on parle de financement, on a
parlé de la loi 120 et on nous dit, dans le document du
ministère: La politique de santé viendra après. Bien,
comment voulez-vous qu'on en arrive à des résultats de
santé et qu'on en arrive à des décisions logiques dans ce
secteur-là si on ne s'est pas établi des critères de
mesure, si on ne s'est pas établi une politique de santé? C'est
ça et c'est pour ça que, depuis le début de cette
commission parlementaire, chacun des groupes vient demander de plus en plus
d'argent, de plus en plus d'argent.
Je termine en disant un peu ceci. Ça me faisait penser, ce matin,
à une phrase de Saint-Exupéry qui dit: Fais construire une tour
à ton peuple et il deviendra frère, ils deviendront
frères. Donne-leur du grain et ils s'entretueront. Des fois, j'ai cette
impression-là, moi. C'est qu'ils viennent... encore plus d'argent,
encore plus d'argent. J'ai l'impression qu'il faudrait peut-être se poser
la question: Avec plus d'argent, c'est quoi qu'on va faire? C'est quoi les
objectifs qu'on vise dans le secteur de la santé? Est-ce que c'est de
rendre le monde de plus en plus malade? Si c'est de rendre le monde de plus en
plus malade, envoyons tous les budgets dans le recouvrement de la santé
et dans les hôpitaux, qui ont vu leur budget doubler depuis 10 ans avec
53 % du budget du Québec, de telle façon que, dans 10 autres
années, ça sera un budget de 14 000 000 000 $ probablement, au
lieu d'être un budget de 7 000 000 000 $ actuellement. Mais les objectifs
de santé ne sont pas définis. Il faudrait qu'on les
définisse, et là je lance la serviette au ministre.
M. Trudel: Ça m'évite une question, votre
complément de réponse.
M. Côté (Charlesbourg): II est là, l'argent,
là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Effectivement, on procède à l'envers et
comment le faire? Le leadership de l'État que vous réclamez du
gouvernement, le premier élément de cela, c'est évidemment
une politique de santé et de bien-être. Qu'est-ce qu'on
privilégie et qu'est-ce qu'on priorise? Est-ce qu'on priorise d'aller
travailler parce que ça empêche d'être malade? Est-ce qu'on
priorise la prévention et on va aller mettre le fric là?
Actuellement, il y a autant de bonnes versions de «où mettre le
fric» qu'il y a d'intervenants, qu'il y a de tensions dans le
système, et on n'est pas sortis du constat de Rochon pantoute, pas une
seconde. C'est «check and balance», là, et puis au plus
fort. Il semble qu'on soit encore dans ce mode d'intervention.
M. Lessard: Le corporatif est plus fort qu'il l'était
avant.
M. Trudel: On n'a pas changé depuis quelques jours
là-dessus et il semble tout le temps... Ça me permet de me
rattacher à votre mémoire. Et la conclusion de ça, c'est
que c'est toujours l'usager qui va payer plus. Ça, ça semble
être rendu là. C'est toujours la classe moyenne, c'est toujours
l'usager, c'est toujours les citoyens. On va leur en mettre plus sur le dos
encore, de nouvelles taxes, parce qu'on n'a pas fait ces
priorités-là.
Allons vers un autre chapitre maintenant, à l'interne du
système, parce que je pense que je partage, quant à moi, cette
vision des choses. On peut probablement en faire un bon bout avant de frapper
le mur de briques. On va le frapper de toute façon; ça, c'est
certain. Si le gouvernement fédéral ne fait pas sa job et se
défile encore, on ne pourra pas y arriver. Mais même le ministre,
le ministère disait hier: Au-delà des 3 % de dépenses
supplémentaires qu'on doit faire, au-delà des 3 % plus l'indice
des prix à la consommation que pourrait - parce qu'on ne sait pas le
choix du gouvernement encore - investir l'État, il y a au moins 1,2 %
à comprimer. C'est 140 000 000 $ par année. Ça, ça
s'ajoute à nos 200 000 000 $. C'est ce qu'on disait hier. Ça
s'ajoute à nos 200 000 000 $.
Travaillons là-dessus un peu et allons jusqu'au bout d'un certain
raisonnement ou d'une suggestion faite par l'Association des hôpitaux du
Québec hier, et vous en avez parlé un peu aujourd'hui, tout ce
qu'on appelle la médecine d'un jour, la chirurgie d'un jour. Vous dites:
II faut que tout cela finisse par se transformer en des économies
véritables, n'est-ce pas? Parce que, explorant cette voie-là avec
l'AHQ, hier, on disait: C'est un service qui coûte beaucoup moins cher et
qui nous empêche théoriquement de faire occuper un lit de courte
durée - théoriquement, je dis bien - par quelqu'un parce qu'on le
fait à l'externe. On le fait venir une journée, on lui fait
l'opération et on le renvoie chez lui.
Comment peut-on en arriver avec cette piste-là à vraiment
dire qu'on serait plus efficients et qu'il y aurait, au total, au bas de la
ligne, moins d'argent de dépensé pour rendre ce
service-là? Voulez-vous nous la faire, la séquence, et aller
jusqu'au bout, s'il vous plaît?
M. Levine: La réponse à donner à cette
question est d'assurer que les établissements réussissent
à réduire le séjour moyen, cas par cas, qui maintient les
taux d'occupation dans leurs établissements à 92 % ou 93 %, ce
qui va générer une capacité, disons, de 500 lits nouveaux
dans le réseau. Pour avoir de l'argent, là, il faut trouver un
endroit où on ferme 500 lits, on ramasse les 100 000 000 $ que ça
donne. On prend 20 000 000 $ ou 25 000 000 $ de ces 100 000 000 $ pour payer
les soins à domicile, les médicaments de plus, les interventions
chirurgicales de plus aux hôpitaux qui ont augmenté leur nombre
d'admissions en réduisant les séjours moyens, et on aura 75 000
000 $ dans notre poche, année après année, dans cet
exercice. Le courage politique que ça implique, peu importe le
gouvernement, de fermer une institution de 500 lits quelque part est... Je n'ai
pas besoin de le souligner.
M. Trudel: Merci pour la réponse et la clarté de la
réponse parce qu'il faut aussi que, quand on préconise des
mesures comme celles-là, on donne le raisonnement au complet,
c'est-à-
dire que les services moins coûteux, quant à la
façon de les rendre, impliquent qu'il y a des modifications à ce
que nous faisons actuellement. Ce n'est pas tout de dire: La personne qui
occupe un lit de courte durée, je rendrai le service à l'externe
avec une même efficacité et une même qualité, en se
disant que, par ailleurs, le lit de courte durée, il sera tout
simplement occupé par d'autres. Là, on n'a pas gagné un
rond. Alors, le bout du raisonnement, c'est de dire: Ça correspond,
cependant, tout cela à une baisse réelle du nombre de lits de
courte durée, en ayant fait la démonstration très claire
qu'on serait capable de rendre le service avec une qualité égale
d'une autre façon, remplacé par un autre mode d'intervention. Il
faut être très clair là-dessus. Ça correspond
à des fermetures de lits de courte durée.
M. Levine: Si je peux juste rajouter là-dessus, sur la
question, il faut, dans ce sens-là, avant de fermer ces 500 lits,
regarder les lits qu'on est en train de construire et poser la question: Est-ce
qu'on devrait construire ces lits-là? Parce que si on dit: II y a un
potentiel de réduction, II y a un potentiel d'augmenter le volume qu'on
est capable de supporter dans le réseau actuel... Repose la question sur
les lits et, si ce n'est pas réellement dans une région
éloignée qui n'a pas l'accessibilité aux services, regarde
ça de près, n'investis pas de l'argent neuf avec des budgets
d'opération récurrents. C'est beaucoup plus facile de couper
quelque chose qui existe déjà.
Le Président (M. Joly): M. Lessard.
M. Lessard: M. Trudel, simplement pour répondre en
politicien, c'est certain qu'obtenir du ministre la construction d'un
hôpital de 300 lits dans notre comté, c'est payant politiquement.
Mais ce n'est pas payant de se battre pour réduire les lits, par
exemple, dans notre... Alors, c'est certain que ça demande beaucoup de
courage politique.
M. Côté (Charlesbourg): Surtout réduire les
lits là où il y en a de trop!
Une voix: C'est ça, M. le ministre!
M. Trudel: oui, ça, là-dessus, ça fait
partie... on se posait des questions là-dessus hier. Je ne peux pas
reprendre ça. Je vais manger mon propre temps.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Mais je ne peux pas m'empêcher de dire que...
Mais c'est encore tout de la faute du gouvernement fédéral qui a
mis le feu dans la cabane, puis on doit se chicaner entre nous autres, parce
que c'est eux autres qui ont mis le feu dans la cabane. Merci beaucoup. Mon
message est passé. C'est celui-là. (12 heures)
Le Président (M. Joly): Je vous rappelle, M. le
député, qu'il vous reste 4 minutes et 30 secondes.
M. Trudel: Très bien. L'autre élément... Je
peux y aller... Il faut que j'y aille en général, vous
requestionner autour de la pratique médicale, le mode de
rémunération et aussi la question de l'attribution ou de la
délégation des actes, sujet brûlant s'il en est un,
n'est-ce pas? Ué à cela, je pense qu'on ne peut pas ignorer -
quant à moi, je le porte de façon lapidaire - le jugement
suivant: la désastreuse expérience de la loi 120 eu égard
à la profession médicale et aux autres corps dans le domaine de
la santé et des services sociaux, et des citoyens en
général.
Bref, il s'est développé - ça s'est
répété ici de façon majeure - une
désolidarisation profonde au Québec, avec nos professionnels de
la santé que sont les médecins. Comment on essaierait de se
conter des histoires, moi, je ne cherche pas, pour l'instant, les coupables,
mais je dis: II s'est Installé, au Québec, une
désolidarisation. Je pourrais employer des mots encore plus forts que
ça. Vous autres, vous dites que ça vaudrait aussi la peine de se
requestionner sur l'attribution.
Là, il y a des exemples que les DSC nous ont donnés hier,
qui sont extraordinaires, et je fais juste les citer. Par exemple, le chef de
département pourrait instaurer des règles cliniques et des revues
hebdomadaires de dossiers qui diminueraient de 64 % la prescription des textes
diagnostiques, selon des études. Je donne ça à titre
d'exemple. Vous en avez donné tantôt. Est-ce que vous pensez que
nous avons les conditions nécessaires au Québec, actuellement,
pour opérer ce virage que vous suggérez dans les pistes à
examiner? Sinon, quelles seraient les conditions à mettre en place pour
effectuer ce qui m'apparaît, comme vous, pour l'instant, être un
virage nécessaire?
M. Levine:pour répondre à cette question, moi, je
pense que le corps médical du québec est très conscient du
problème. il ne se sent pas dégagé du problème,
mais vraiment en plein milieu. je pense que les recommandations qui ont
été faites par la fmsq et la fmoq sur la création du
conseil médical, sur la création des structures
régionales, indiquent la nécessité d'avoir ce regroupement
des médecins dits sages pour regarder ces questions. évidemment,
la corporation doit être très impliquée là-dedans,
même pour admettre qu'ils mettent pour les fédérations un
peu quelque chose autour du cou. il ne devient pas l'unique porte-parole. il
devient un nouveau type de structure qui est capable d'arriver et dire: dans
tel protocole, c'est telle chose et, dans tel autre protocole, c'est telle
chose, comme le groupe d'évaluation sur la haute technologie,
actuellement. Quand il se prononce et dit: Le lavage des filtres, c'est
correct, on peut laver des filtres, ne vous inquiétez pas sur le
formaldehyde, bien, ça, ça vaut 10 OQQ 000 $, cette
phrase-là. Ça nous permet, comme établissement, de le
faire parce qu'avant de se prononcer là-dessus j'avais tout un ensemble
de cas dialyses chez moi qui refusaient qu'on lave leur filtre. Alors, ce type
de structure est nécessaire pour nous aider à guider l'avenir du
Québec en matière de médecine et je pense qu'on est en
train de créer les embryons de ces structures. Je pense, actuellement,
qu'il y a une collaboration à ce sujet-là. Tout le monde est
maintenant conscient de ça.
Le Président (M. Joly): En conclusion, s'il vous
plaît, M. le député.
M. Lessard: J'ajouterais ceci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): M. Lessard, s'il vous
plaît.
M. Lessard: J'ajouterais ceci, M. Trudel. Je pense que c'est
certain qu'il y a eu du remue-ménage. C'est normal, quand on fait une
réforme comme celle-là, ça dérange des gens. De
notre côté aussi, comme directeurs généraux,
ça a dérangé les établissements, etc. Il y a eu du
remue-ménage et c'était nécessaire. Je ne donnerai pas mon
opinion concernant un peu le dossier des médecins vis-à-vis du
ministère, vis-à-vis du gouvernement, etc., mais cependant je
reviens encore sur le fait que, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas des
objectifs de santé partagés par l'ensemble des acteurs du
réseau, on n'en arrivera pas à construire une tour ensemble. Le
jour où on se partagera des objectifs de santé, le jour où
on dira, comme on l'a fait, d'ailleurs, en périnatalité, comme on
l'a fait au niveau de la vaccination, que chacun des acteurs va devoir
s'intégrer à l'intérieur de ça, puisque ce sera
partagé par l'ensemble des acteurs, y compris la population...
Le Président (M. Joly): Merci, M. Lessard.
M. Trudel: Alors, compte tenu du peu de temps qu'il nous reste,
je vais vous remercier. Il y aurait eu beaucoup d'autres choses sur lesquelles
nous aurions pu échanger. Je pense qu'on pourrait boucler la boucle en
disant: Le titre de votre mémoire, «Avant d'Investir
davantage», ça aurait pu être aussi: Avant d'en charger plus
ou avant de couper des services. Moi, je pense qu'il faut prendre cette
piste-là. On peut continuer pour un bout de temps. On n'a pas besoin de
couper les yeux, les dents et un certain nombre de services assurés, pas
avant qu'on ait fait le tour complet de ce que nous pouvons faire de mieux dans
notre réseau. Vous êtes, à cet égard-là, des
partenaires importants. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
M. Atkinson: M. le Président, ma question est très
brève. Mesdames et messieurs, à la page 24, vous faites allusion
à la délégation de certains actes médicaux à
d'autres professionnels de la santé. Ma question est la suivante: Quelle
est votre position vis-à-vis de la sage-femme et vis-à-vis de
l'infirmière clinicienne? La sage-femme, en premier.
M. Levine: Je pense qu'on a déjà souligné, de la
part des gestionnaires, un appui à ce sujet. On a cité ce qu'en
Ontario le gouvernement NDP vient de faire en acceptant cette
législation. Et les efforts au Québec, on commence très
bientôt un projet-pilote à ce sujet. Il y a d'autres
projets-pilotes qui sont en vue d'être implantés.
En ce qui concerne l'infirmière clinicienne, elles deviennent de
plus en plus importantes. Regardez simplement nos infirmières de triage
qui sont dans nos urgences et le niveau d'implication qu'elles ont. Elles
travaillent avec des protocoles qui sont déterminés conjointement
avec le corps médical. Je pense qu'il y a un rôle à jouer
quand II est regardé de près. SI tu regardes l'association des
médecins de l'Ontario, elle appuie la législation; il n'y a pas
une grande remontée à ce moment-là. J'ai l'impression, une
fois que c'est très clairement discuté, que tout le monde voit
clairement le rôle de chacun. Ouf, il y a un terrain de compromis fort
intéressant là-dessus.
M. Atkinson: Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. J'ai
l'impression qu'il nous reste encore passablement de travail à faire,
mais des pistes s'ouvrent pour nous faire voir le bout du tunnel, en
espérant qu'elles seront suffisamment productives pour éviter ce
que les policitiens redoutent toujours: de poser des gestes qui, politiquement,
ne sont pas payants.
M. Levine: Merci beaucoup, M. le ministre.
Le Président (M. Joly): Merci, au nom des membres de cette
commission, à vous, M. Levine, et à votre groupe. Merci d'avoir
été parmi nous.
Alors, je demanderais à l'Association des cadres
intermédiaires des affaires sociales de bien vouloir prendre place, s'il
vous plaît. S'il vous plaît, ceux qui ont terminé, veuillez
libérer la salle. Merci de la coopération. Est-ce qu'on
peut fermer la porte à l'arrière, s'il vous plaît?
Alors, bonjour, M. Cloutfer.
M. Cloutler (Réal): Bonjour.
Le Président (M. Joly): Bonjour. J'apprécierais si
vous pouviez nous introduire les gens qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
Association des cadres intermédiaires des
affaires sociales
M. Cloutler: M. le Président, mon nom est Réal
Cloutler. Je suis président de l'Association des cadres
intermédiaires des affaires sociales. Je travaille au centre de
réadaptation Le Phare à Québec. J'aimerais vous
présenter mes collègues. À ma gauche, le
vice-président provincial de l'Association, M. Jean-Yves Ruault, qui
représente la région de Montréal au niveau de
l'Association; il est cadre au centre hospitalier Côte-des-Neiges
à Montréal. Mme Claude Chattier, présidente de la
région 3 des cadres Intermédiaires; elle travaille comme cadre
à l'Hôpital du Saint-Sacrement à Québec. À ma
droite, notre nouveau responsable aux communications, M. Paul Gagnon.
Le Président (M. Joly): Merci. Vous avez une vingtaine de
minutes, M. Cloutier, pour présenter votre mémoire.
M. Cloutier: Dans un premier temps, je voudrais remercier M. le
ministre Marc-Yvan Côté, pour avoir initié cette
consultation. De plus, nous tenons à mentionner notre reconnaissance
pour le travail effectué par l'équipe qui a collaboré
à l'élaboration du document de consultation mis à notre
disposition. Sa formulation peut laisser transparaître un certain
dirigisme. Cependant, il n'en demeure pas moins une base de
référence et de discussion appréciable.
L'Association a vu le jour le 19 juin 1970 sous le nom de l'Association
du personnel cadre intermédiaire du milieu hospitalier du Québec.
Elle compte alors 25 membres. Elle réclame un régime de retraite,
un régime collectif d'assurance et une formule pour venir en aide
à ses membres victimes de congédiement.
En 1974, elle prend son nom actuel, Association des cadres
Intermédiaires des affaires sociales, ACIAS. Sa mission est simple:
représenter ses membres dignement et de façon responsable; dans
un esprit de justice, promouvoir et défendre fermement leurs
intérêts; en tout temps, les tenir informés et,
naturellement, gérer sagement les biens de l'Association pour assurer la
survie et l'efficacité de son action.
La fin des années soixante-dix et le début des
années quatre-vingt ont permis de développer une structure
permanente apte à répondre aux besoins engendrés par une
forte croissance de membership. Aujourd'hui, 20 ans après sa fondation,
avec au-delà de 7000 membres, l'ACIAS est devenue la plus importante
association de personnel d'encadrement au Québec.
Notre présence aujourd'hui à cette commission a deux buts
bien précis. Premièrement, faire reconnaître notre
association et les membres qui la composent comme partenaires à part
entière du réseau de la santé et des services sociaux et,
de ce fait, corriger les iniquités à leur égard qui
perdurent depuis des années. Deuxièmement, contribuer, par une
approche réaliste et positive, à la recherche de solutions
efficientes au problème de financement du réseau de la
santé et des services sociaux.
D'un point de vue pragmatique, que ce soit dans le cours normal des
opérations ou lors de situations de crise, suite au débrayage des
employés syndiqués, nos membres demeurent les
personnes-ressources indispensables assurant la continuité des
opérations. Nous avons pris connaissance du document «Un
financement équitable à la mesure de nos moyens».
D'entrée de jeu, il nous faut souligner que le chapitre III traitant des
orientations, mesures et options a fait l'objet d'une attention
particulière de notre part.
Quatre grandes orientations apparaissent s'imposer à la lecture
de ce chapitre: 1e les dépenses; 2° les contrôles;
3° l'allocation et l'utilisation des ressources; 4° le financement.
Parlons, dans un premier temps, des dépenses. Le ministère
de la Santé et des Services sociaux entend faire porter ses efforts sur
les principales variables stratégiques du contrôle des
dépenses et dont la première concerne l'amélioration du
contrôle des salaires et de la rémunération. J'ai
été très heureux de vous lire, car nous sommes dans
l'attente depuis cinq ans du règlement de ce célèbre
dossier.
À notre avis, les choix stratégiques du ministère
devront tenir compte au préalable des iniquités et des correctifs
à apporter au système de rémunération des cadres.
De plus, la question des mises à jour, de la classification et de
l'évaluation des fonctions types du réseau reste à ce jour
un dossier non réglé et en suspens, sans motif valable depuis
plusieurs années. Plusieurs postes, compte tenu des délais
occasionnés par l'ajustement de leur classification, subissent les
effets d'une politique discriminatoire, tel que, par exemple, le personnel
cadre Infirmier composé en majorité de personnes de sexe
féminin. Bien plus, aucune disposition concernant l'indexation de la
rémunération au coût de la vie n'est prévue dans la
réglementation sur la rémunération des cadres. C'est
pourquoi nous vous soumettons qu'aucune mesure de contrôle des salaires
et de la rémunération du personnel cadre ne pourrait être
mise en place sans qu'une révision des classifications et des fonctions
types des cadres intermédiaires ne soit effectuée de façon
à rendre équitable sa rémunération et ce, compte
tenu des responsabilités que nous assumons dans le réseau.
Deuxièmement, parlons des contrôles. Les cadres
intermédiaires sont plutôt considérés actuellement
comme des outils de transmission sur lesquels on peut compter même en
situation de crise. Ils sont de plus les personnes-ressources tampons à
qui les usagers adressent leurs récriminations lorsque insatisfaits.
Pourtant, à quelques cas d'exception près, ils ne sont pas
consultés ni impliqués comme partenaires à la
planification et à la gestion pour la bonification de
l'efficacité et de la rentabilité du système de
santé et des services sociaux. (12 h 15)
En conséquence, nous croyons que les penseurs du ministère
de la Santé et des Services sociaux auraient tout avantage à
réfléchir sur un mode de gestion participative où les
compétences, le talent, les connaissances pratiques du milieu pourraient
être mises à contribution. À titre d'exemple, je cite:
«La moyenne du nombre d'années d'expérience de nos membres
à un poste de cadre est de 11,8 années et de 18 années de
service dans le réseau. De plus, trois cadres sur quatre de notre
association sont détenteurs d'un diplôme universitaire, dont
plusieurs de maîtrise.» Ceci dit, nos membres partagent votre
volonté d'améliorer le réseau.
Troisièmement, l'allocation et l'utilisation des ressources. Le
chapitre III, section 3, visant à apporter les correctifs
nécessaires afin de répondre efficacement au problème des
ressources disponibles, nous est apparu comme un baume sur les plaies que nous
cause la section détermination des dépenses. On y oppose le
direct à l'indirect, le qualitatif au quantitatif mais, finalement, on a
l'air de remuer beaucoup d'air pour pas grand-chose. En pratique, nous aurions
aimé connaître la pertinence de ces mesures.
Néanmoins, il faut relever que c'est dans cette section qu'on
propose de canaliser la consultation envers les CLSC et les cabinets
privés au moyen notamment d'un ticket orienteur. En tant qu'association
de cadres, nous croyons qu'un tel principe démontre une
méconnaissance inquiétante de la réalité des CLSC.
La réalité actuelle, depuis l'annonce de la réforme
Côté, confronte ces derniers à une forte croissance de
demande de services. Cependant, aucune mesure quant à l'affectation des
ressources humaines et financières n'a été mise en place
par le ministère.
Quatrièmement, le financement. Peu importe l'option de
financement retenue, il est un principe de société auquel nous
tenons. Ce principe est que les personnes à faibles revenus et les
personnes les plus démunies doivent être protégées.
Cependant, la question de rétablir un lien transparent et
systématique entre les dépenses globales et les contributions
globales des particuliers nous est apparue des plus pertinentes et
mérite, de ce fait, notre entière approbation. Il est plus que
temps que le consommateur sache combien coûtent les services sociaux et
de santé, ce qui lui permettra de mieux juger des implications des
services qu'on dit «gratuits». Cette campagne de sensibilisation
visant à démontrer que la santé coûte cher nous
semble un pas dans la bonne direction.
Parmi les diverses options proposées par le ministre, nous
rejetons celle de l'assignation d'une majoration de la taxe de vente du
Québec et celle de l'impôt-services pour des questions de
gérance et de partage équitable de la charge fiscale. Cependant,
nous appuyons la tarification des services pharmaceutiques et l'option d'une
désassurance des services optométriques et des services dentaires
curatifs, si ces mesures sont associées à un crédit
d'impôt ou à toute autre mesure remboursable en accord avec le
principe énoncé.
De plus, deux mesures, qui ne sont ni l'une ni l'autre sans faille dans
une approche globale du problème de l'utilisation des soins de
santé et des services sociaux et de leur financement, nous apparaissent
intéressantes en soi, selon l'objectif qui dit primer à court,
moyen et long terme. Premièrement, le ticket modérateur; le
deuxième, l'impôt-santé.
Dans l'éventualité où les contraintes
imposées par la loi fédérale C-3 étaient
levées, nous recommandons l'option d'un ticket modérateur. Quant
à l'argument voulant que cette contribution entraînerait une
réduction de la consommation des services, nous sommes persuadés
que cette réduction, le cas échéant, ferait uniquement la
part des choses et permettrait de distinguer les vrais malades des
hypocondriaques légers. Par ailleurs, les avantages d'un ticket
modérateur, tels que présentés par le ministère,
nous apparaissent assez éloquents en eux-mêmes. Notre seule
réserve tient surtout à sa perception. Qui déterminera le
mécanisme d'implantation et de gestion et à quel coût
humain et financier?
Deuxièmement, l'impôt-santé.
L'impôt-santé nous apparaît être une solution à
court terme pour régler le manque à gagner du réseau de la
santé et des services sociaux. Nous considérons cependant que,
pour appuyer une telle mesure, elle devrait être assortie d'un
mécanisme d'information, dans un premier temps, et de contrôle de
l'utilisation des soins afin d'être efficiente et non discriminatoire
à l'égard de l'ensemble des payeurs de taxes.
Nous croyons que seule une combinaison de saine utilisation et de saine
gestion permettra à l'ensemble de la population qui
bénéficie des soins et à l'ensemble des payeurs de taxes
qui en assument les frais de trouver l'équilibre pour le
mieux-être de tous et chacun et pour celui de nos
générations futures.
En conclusion, notre Association, qui représente la
majorité des cadres intermédiaires qui oeuvrent dans tous les
établissements de santé et de services sociaux, souhaite que le
ministre de la Santé et des Services sociaux et les membres de la
commission mettent à profit
l'avis que nous leur soumettons. Par contre, il est clair que nous
ferons tout ce qui est en notre pouvoir afin que nos membres ne soient pas
victimes de mesures qui pourraient devenir coercitlves. La nature des
défis engendrés par la réforme commande que toutes les
compétences et l'expérience de nos membres soient mises à
contribution en fonction des objectifs poursuivis par le législateur
pour le mieux-être des usagers, de ceux qui oeuvrent dans le
réseau de la santé et des services sociaux et de ceux qui en
assument les coûts. M. le ministre, mesdames et messieurs, merci.
Le Président (M. Joly): M. Cloutler, je vous remercie. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je suis très heureux qu'on puisse échanger avec
des cadres qui sont à chaque jour près du terrain. Je pense que
vous l'avez très très bien mentionné à ce
moment-ci, chaque niveau de cadre a son mérite, ses vertus et ses
défauts, et je pense que, dans ce cas-ci, vous êtes ceux qui,
effectivement, comme vous le disiez, êtes très près de
l'action. C'est pour ça que ça m'apparaît assez
intéressant. Quand j'ai vu le premier bout du mémoire, j'ai dit:
Ils profitent de notre commission pour nous passer quelques petits dossiers de
négociation. Je trouve que vous l'avez fait. Je la laisse de
côté, cette partie-là. Ça vous a permis de passer
votre message, mais on va aller plus directement à l'objet de la
commission.
M. Cloutler: ...pour la reprendre. M. Côté
(Charlesbourg): Comment?
M. Cloutier: On va la reprendre, cette partie-là, oui?
M. Côté (Charlesbourg): Ah! C'est
inévitable...
M. Cloutier: O.K.
M. Côté (Charlesbourg): ...parce que, si on ne la
reprend pas, vous allez nous interpeller.
M. Cloutier: Merci.
M. Côté (Charlesbourg): On se comprend, là.
On parle beaucoup de mesures d'efficience, d'efficacité dans notre
système. Je vais aborder, dans un premier temps, des questions qu'on a
abordées tantôt: santé et sécurité au travail
et assurance-salaire. Tantôt, on s'est fait dire - et je n'ai pas raison
d'en douter - que la morosité dans l'organisation du travail
était un des phénomènes Importants qui faisait en sorte
qu'on se retrouvait avec de la santé et sécurité au
travail ou avec de l'assurance-salalre pour aller prendre une petite
journée de temps en temps pour relaxer et essayer de voir autre chose.
On comprend ça; on a le même phénomène dans nos
métiers. Est-ce que c'est votre appréciation à vous aussi,
à votre niveau, et quelles sont les mesures qu'on pourrait prendre
maintenant qui nous permettraient d'améliorer ces
situations-là?
M. Cloutier: Moi, mon point de vue là-dessus, M. le
ministre, je vous dirais que ce qui est le problème des cadres
Intermédiaires, apparemment, c'est plus au niveau de la reconnaissance
et de l'appréciation du travail qu'ils font. Dernièrement,
d'ailleurs, malheureusement, on nous disait qu'on devait nous couper nos
semaines de vacances additionnelles parce que certains employeurs avaient pris
une entente concernant le temps supplémentaire en cas de conflit,
concernant la disponibilité, parce qu'une Infirmière ou quelqu'un
d'autre ne rentre pas au chiffre de travail. De plus en plus, on nous encadre
dans une cage de verre, comme gestionnaires, ce qui fait qu'il y a des gens,
effectivement, comme vous dites, qui sont moroses et qui font comme l'ensemble,
ils vont prendre des maladies plutôt que...
C'est sûr qu'il y a du travail à faire, je pense qu'il y a
beaucoup de travail à faire - et ça, je tiens à vous le
dire - il faut absolument qu'on implique notre monde. Les gens ne sont pas
Impliqués. Ils n'ont aucune espèce de considération sur
leur valeur de gestionnaires. Ça, je trouve que c'est terrible parce
que, vous savez, notre monde, c'est fini le temps des religieux qui
mènent les établissements au Québec. C'est des laïcs
et des laïcs, entre autres, qui sont très bien renseignés,
qui vont à l'université, qui ont des cours sur les nouveaux modes
de gestion, qui sont prêts à appliquer ça dans leur
établissement, mais Ils n'ont pas d'écoute.
M. Côté (Charlesbourg): Ils n'ont pas
d'écoute?
M. Cloutier: Alors, il y a des régies et les
régies, ça, c'est un mot qui est interdit aux cadres
intermédiaires, malheureusement. Donc, moi, je pense que, si on
reconnaît plus le travail des cadres intermédiaires, si on ne les
encourage plus et si on en prend soin surtout, il va y avoir pas mal moins de
monde qui va être malade. Ça, c'est sûr.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Mais ça, c'est
une question de gestion de ressources humaines à l'intérieur d'un
établissement.
M. Cloutler: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, est-ce que vous
êtes après me dire que c'est généralisé
à travers le Québec, que ça ne se parte pas et que ce que
vous recevez, c'est des ordres, des
commandes sans que vous soyez partie prenante à un certain
processus de décision? C'est ça que vous êtes après
me dire?
M. Cloutler: Oui, effectivement.
M. Côté (Charlesbourg): Et c'est
généralisé?
M. Cloutier: Oui, généralisé, et je vous
dirai... Quand on dit qu'on est une transmission, on est une transmission. Une
transmission, ce n'est pas autre chose qu'une transmission parce qu'on
reçoit d'en haut, on impose en bas ou on dirige en bas, c'est vrai.
D'ailleurs, on a fait une étude dernièrement et je vous dirai que
nos cadres se sentent plus appréciés par leurs collègues
et par leurs employés que par leur cadre supérieur, par leur
supérieur immédiat. Quand j'entendais tantôt qu'on disait
que dans les réseaux, présentement, la vague va vers la coupure
de cadres intermédiaires, je vous dis que j'ai pris des notes et que je
vais m'assurer d'être le chien de garde pour les prochains mois.
M. Côté (Charlesbourg): Ça serait quoi, dans
ce domaine précis, la mesure qu'il faudrait prendre pour
améliorer cette condition-là? Parce que ce que j'ai compris aussi
des gens tantôt, au-delà du point que vous avez soulevé,
parce que moi aussi je l'ai compris, c'est qu'il y avait une volonté
très claire et très nette de mieux harmoniser les rapports
à l'intérieur pour que ça fasse une équipe au lieu
de plusieurs équipes à l'intérieur de la même
bâtisse. C'est quoi la mesure qu'il faut prendre, dans un premier
temps?
M. Cloutier: Ce dossier-là est un dossier quand même
positif, sauf que nous, on attend depuis cinq ans parce qu'on nous parle et on
a fait, d'ailleurs, plusieurs études, autant le ministère que les
associations, sur des nouvelles descriptions de fonctions types. En ayant une
nouvelle description de fonctions types, effectivement, on a ajouté ou
on a enlevé des tâches. On a surtout ajouté des nouvelles
tâches et on a aussi enrichi la tâche des cadres, sauf que tant
qu'on n'aura pas déposé ça de façon officielle pour
qu'on puisse les commenter et surtout former notre monde en fonction de
peut-être d'autres fonctions... Présentement, ça se passe
comme ça dans le réseau. Moi, je pense qu'on n'aura pas le choix,
M. le ministre. C'est le travail qui reste à faire et ce
travail-là, on ne le fait pas. On ne s'assoie pas à des tables de
travail.
Mol, ça fait six mois que je suis président de cette
associatlon-là et j'ai eu à peu près deux rencontres pour
travailler, pas pour me faire dire ce que j'avais à faire. Je veux
travailler, moi, à des solutions concrètes que je pourrais
suggérer avec mon monde. Ça, c'est sûr.
M. Côté (Charlesbourg): Mais, tantôt, on se
faisait dire qu'à l'occasion ça prend un leadership qui vient du
central. Est-ce que je comprends que ce leadership-là doit d'abord venir
au niveau de l'établissement?
M. Cloutier: Définitivement, oui. Oui, surtout, moi, je
pense... Nous, on se croise les doigts puis on est positifs dans la
réforme, en pensant que, d'abord, on parle, entre autres,
d'éliminer plusieurs directeurs généraux, éliminer
par voie de retraite ou autre, ou même, entre autres, par voie naturelle.
Ce que je pense aussi, c'est que, si la nouvelle forme de qualification des
directeurs généraux prend en considération le mode, le
nouveau mode de gestion des années 2000, ça va nous aider. Mais
je suis sincère, M. le ministre, quand je vous dis que, dans l'ensemble
des établissements, on n'est pas sur des comités de gestion. On
gère notre unité, on gère notre petit coin et c'est
tout.
Mais je pense qu'avec toutes les nouvelles formes de gestion, entre
autres, qu'on pense seulement à la qualité totale... La
qualité totale, ça part du gars qui fait le ménage dans le
corridor en passant par le médecin qui fait une prescription assis
à... Alors... Mais, ça, ça existe partout, ça
fonctionne. Chez nous, c'est un langage qui est dur à retenir, en tout
cas, parce qu'on ne nous écoute pas. (12 h 30)
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Je pense qu'on a fait
un point qui est quand même très important dans tout ça. On
a à travailler avec des humains et, qu'on le veuille ou pas, il y aura
toujours des structures et il va falloir que quelqu'un commande à
quelque part. Mais ce que je comprends, c'est qu'il faut, autant que possible,
que tout ce monde-là se concerte et qu'il y ait des économies
appréciables sur le pian des rendements. Si je vous disais,
au-delà de ce qu'on vient de se dire, de votre vécu à
vous, sur le plan de l'efficience et de l'efficacité... Ce n'est pas
évident qu'on progresse. Quand on parle d'impôt additionnel, quand
on parle de ticket modérateur, qu'est-ce que vous voulez, c'est toujours
des mesures qui amènent du pour et du contre. Ce qui semble se
dégager depuis le début de la commission, c'est que tout le monde
est d'accord pour des mesures d'efficience, d'efficacité. On dit: On
peut aller chercher beaucoup d'argent avec ça. Selon votre
expérience à vous, dans les différents domaines que vous
représentez, quelles seraient les principales économies qu'on
pourrait faire, sur quoi? Nommez-m'en deux. Commençons par deux.
M. Cloutier: Pour vous en donner une effective... Mol, je
travaille dans un centre de réadaptation pour jeunes, où on a une
gestion décentralisée. Je vous dirai que c'est efficace au
maximum. Entre autres, efficace parce que, présentement, à
l'unité que je dirige, nous avons
nos budgets annuels et nous gérons notre argent, avec un certain
contrôle, mais pas un contrôle continu comme j'ai vécu,
avant, dans un autre établissement où tout était
contrôlé: la réquisition d'achat, la commande d'achat, la
commande de transport, la livraison d'un ballon pour faire du sport avec les
jeunes, voyez-vous? Ça, c'est un exemple concret.
Dans les hôpitaux, entre autres, toute la question tourne autour
de la gestion d'un département. À partir des
débarboulllettes qui entrent dans le département en passant par
les médicaments et autres. C'est toujours contrôlé par un
paquet de personnes qui ne sont pas nécessairement les premiers
utilisateurs. Alors, la perte de matériel, le vol de matériel et
autres, quand je rencontre - c'est de ça qu'on parle - quand on parie
d'efficience et quand on parle d'améliorer le réseau, je suis
persuadé qu'avec un nouveau mode de gestion où tout le monde est
participant à cette gestion-là...
Vous savez, ce qui est un peu aberrant, c'est que nos cadres sont
obligés de faire une demande, de faire la preuve qu'ils ont
été efficaces pour avoir un boni. Ça veut donc dire que
c'est vraiment grave. Il n'y a personne qui est capable de les apprécier
tous les jours dans leur travail. Je trouve ça terrible. C'est
peut-être parce qu'on entre trop de bonne heure le matin et qu'on part
trop tard le soir. Quand tu entres trop de bonne heure le matin, ton boss n'est
pas là; quand tu pars trop tard le soir, ça fait longtemps que le
boss n'est plus là.
À la fin, on nous dit: Si tu veux avoir un rendement
exceptionnel, on te demande de nous faire la preuve. Je ne peux pas faire la
preuve. Où je pourrais faire la preuve, il n'y a personne qui me voit
aller? Je trouve ça terrible. Alors, ça, c'est l'autre partie
aussi. C'est l'autre partie que je trouve terrible parce que, pour
améliorer le système, il faut que tout le monde participe, il
faut que tout le monde aussi soit responsable, il faut responsabiliser les
gens. On ne nous donne pas de responsabilités. On a des directives, on a
des notes de service, on a des mémos.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, ce que
vous nous dites, ce qui est réclamé de la part des
établissements, de la part du ministère, moins de paperasse,
moins de formules de réquisition, moins de règlements; si jamais
on allait vers ça, ce que vous souhaitez, c'est que ça
n'arrête pas à la haute administration de l'hôpital, mais
que ça puisse aussi descendre au niveau des cadres intermédiaires
avec des redditions de comptes.
M. Cloutier: Définitivement. Oui, effectivement. Il y a
aussi des processus à réétudier. Je pense que les nouveaux
systèmes - et tantôt les gens en parlaient - maintenant, les
nouvelles pyramides sont abaissées au maximum. Ça n'enlève
pas les chefs, ça. Mais les chefs sont responsables. Ils sont vraiment
responsabilisés.
M. Côté (Charlesbourg): Vous nous dites: Le ticket
modérateur, ça peut être intéressant, si j'ai bien
compris. Vous nous dites que ça nous permettrait de distinguer les vrais
malades - et vous avez pris un grand mot - de ceux qui ont peut-être un
peu moins besoin. J'aimerais vous entendre davantage, parce que vous devez
être en contact assez régulièrement avec ces
situations-là et avec des expériences peut-être
diversifiées parce que vous avez des gens qui représentent aussi
des hôpitaux. J'aimerais ça...
M. Cloutier: Pour ma part, voyez-vous, depuis que je suis
président, j'ai fait le tour de 10 régions du Québec.
Notre association est dans 12 ou 13 régions du Québec. Quand je
rencontre les cadres et qu'on parle un peu de la réforme, on me dit:
Écoutez bien, on est là, nous, à l'urgence, et on est
là aussi, entre autres, sur le plancher. On voit les personnes qui
viennent. On voit, des fois, des patients qui viennent rencontrer, dans
l'espace de deux ou trois semaines, peut-être trois ou quatre
médecins différents et ils veulent qu'on leur trouve une maladie.
Ceux-là, on les connaît, nous autres, on les volt, on les
accueille.
On parie de ticket modérateur. On n'en a pas parié
beaucoup, sauf que je vous dirai aussi, je vous ai entendu le dire, que la
carte d'assurance-maladie avec une espèce de bit informatisé, on
aurait de l'information importante là-dessus. C'est incroyable de voir
les gens qui sollicitent des services et qui n'en ont peut-être pas
besoin. Ceux qui sont vraiment malades et les démunis, moi, je leur dis:
Oui, on est là. Oui, on va les aider. Oui, on va même prendre de
l'impôt parce qu'on en paie, de l'impôt, nous autres, c'est
sûr, pour les aider. Mais pas les autres.
Les autres, il faut qu'il y ait un système. On est même
entré... Dans des endroits où je suis allé, il y a
même des médecins qui gardent les cartes des patients en disant:
Ils sont vieux, ils n'ont pas de mémoire, donc ils vont les perdre, on
est mieux de les garder. Qu'on ne signe pas notre facture à payer, parce
que, à ce que je sache, on ne la signe pas, notre facture à
payer, je trouve ça important, moi. J'étais très heureux,
après 25 ans que je payais au gouvernement, d'avoir une lettre, un jour,
qui m'a dit: M. Cloutier, est-ce que c'est vrai que votre fille a eu des
services de tel médecin, à telle heure, à telle place?
J'étais enchanté de ça. Je disais: Mon Dieu Seigneur!
Enfin, quelqu'un vérifie si cette carte-là a vraiment servi
à la bonne chose.
M. Côté (Charlesbourg): Mais est-ce que vous n'avez
pas une crainte qu'en mettant un ticket modérateur il y ait des gens qui
aient besoin de services qui soient privés de ces
services-là?
M. Cloutier: Je ne pense pas, si on met en place des principes,
surtout, entre autres, un mécanisme qui va assurer que les
démunis vont avoir des services. C'est ça qui est le plus
important, d'après moi.
M. Côté (Charlesbourg): Mais, en même temps,
on pense, à tout le moins, qu'il y a... et les gens qui sont pour un
ticket modérateur pensent que ça va s'appliquer davantage aux
démunis parce que c'est davantage les démunis qui consomment les
services. Donc, dans la mesure où il y aurait un ticket
modérateur et qu'on protégerait les démunis, ça
veut dire que ça va s'appliquer à ceux qui veulent le voir
appliquer à d'autres, mais ce n'est pas nécessairement
très efficace. Il y a quand même des risques à ce niveau.
Mais, dans votre esprit à vous, ce que je comprends, c'est qu'au niveau
du ticket, s'il était imposé, à tout le moins, il serait
modérateur pour ceux qui ont moins besoin de services.
M. Cloutier: Je pense que le mot «modérateur»
est très important. Il est très important parce qu'il a sa
signification et c'est ça qui est le plus... Je ne peux pas vous le dire
ce matin parce que, effectivement, avant de mettre en place tous les
mécanismes qui vont régir ça, c'est une autre chose.
Est-ce qu'on parle de 2 $, de 3 $, de 5 $ ou de 10 $? Il y a des gens qui me
disaient, en région, aux alentours du Saguenay... On me disait:
Réal, d'après nous autres, on dirait comme opinion: Le minimum,
10 $. N'allez-y pas avec 2 $, ça n'a pas d'allure. Comme échange
libre, on ne le sait pas. C'est sûr que vous avez même
regardé l'application de ça dans d'autres pays. Mais, moi, je
pense que... Nous autres, on croit... Parce que... Et je le
répète encore. On est là quand les gens viennent chercher
des services... Il y aurait sûrement une différence.
M. Côté (Charlesbourg): On a beaucoup parlé
du virage - et je finis là-dessus - social par rapport au virage
santé. Ce n'est pas toujours facile pour une association qui
représente des gens d'un secteur... L'impression qu'on en tire, c'est
que, et cela tend à se démontrer par les faits aussi, les
chiffres, le secteur santé s'est accaparé du gros lot au cours
des dernières années puis que le social est le parent pauvre. Si
vous étiez au gouvernement demain matin et que vous vous retrouviez avec
des économies réalisées par l'efficience et
l'efficacité, quelles seraient les premières mesures qui
verraient matérialiser votre générosité dans le
domaine du social?
M. Cloutier: Vous tombez bien. Je suis dans le social, alors,
ça tombe bien. Je vous dis...
M. Côté (Charlesbourg): C'est pour ça que je
vous pose la question.
M. Cloutier: Je dis que ça prend des programmes
d'éducation, des programmes de prévention. Je trouve fantastiques
les nouveaux programmes d'éducation concernant, entre autres, le tabac.
Je viens de prendre un exemple concret encore. Il faut avoir beaucoup de
programmes comme ça. Présentement, je suis tout près du
CLSC Sainte-Foy-Sillery où, entre autres, on a beaucoup de sollicitation
sur les programmes de prévention sur la consommation de la drogue. Je
pense que, si on a fait des économies, il faut commencer à
éduquer les gens sur la façon de gérer leur vie, comment
bien gérer leur vie.
Bien gérer sa vie, c'est peut-être, entre autres, à
partir de son alimentation, en passant par le sport. Je pense qu'il faut
apprendre aux gens. Il faut réapprendre aux gens comment bien
gérer leur vie.
M. Côté (Charlesbourg): donc, la priorité
devrait aller à la prévention sous à peu près
toutes ses formes. ça devrait être ça, notre
priorité.
M. Cloutier: II y a la prévention. Je vous dirai aussi
que, la prévention, c'est un mot qui, des fois, est un petit peu
inquiétant dans l'application... Je dis que ça prend de
l'éducation aussi. Ça, c'est Important.
M. Côté (Charlesbourg): O. K. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président. On va laisser
vos affaires en négociation avec le ministre. Vous avez l'air d'avoir
une porte quelque part. Vous ferez vos affaires. Vous négocierez avec
lui, c'est important. Le message est passé. On comprend, à
travers ce message, que vous vous sentez, disons, comme à
côté d'un système et un peu partout. Nul doute que le
message est reçu pour le très, très court terme; pour le
long terme, il faut regarder ça sous un autre angle. Merci d'avoir pris
la peine d'écrire un mémoire et de vous présenter devant
nous. Vous nous donnez des éléments importants, d'autant plus que
vous autres, effectivement, vous êtes proches du terrain. J'aimerais
mieux dire que vous êtes entre deux.
Alors, s'il y a un endroit où la frustration peut s'accumuler de
façon assez fantastique, c'est bien à cet endroit-là.
Peut-être qu'on découvre là un certain nombre de
symptômes dans le système à travers ce que vous contribuez,
ce que vous faites dans ce système-là.
La première question, ça va être à peu
près la première qu'on a posée tantôt aux directeurs
généraux. Il y a cette impression, comme on dit,
généralement répandue et généralement
reconnue, qu'il y a bien trop de cadres dans le domaine de la santé et
des services sociaux. Vous autres, vous êtes particulièrement bien
situés, je pense, pour essayer de nous donner, appelons ça
l'heure juste là-dessus, à savoir que le taux d'encadrement, au
niveau de la santé et des services sociaux, a évolué
beaucoup plus rapidement, en général, que les personnels. Vous
savez, de toute façon, que c'est une notion très répandue.
Alors, y a-t-il, messieurs, mesdames, trop de cadres dans le réseau de
la santé et des services sociaux au moment où on se parle?
M. Cloutier: À cette question-là, je vous dirai que
ce qui est important... On entend beaucoup parler de ça, effectivement,
depuis quelque temps. J'aimerais probablement qu'on me donne les statistiques
réelles et qu'on fasse aussi la preuve. Présentement, nous, on
vient de faire une étude parallèle concernant les fonctions
types, entre autres, de nos chefs infirmières. Je vous dirai que,
lorsqu'on va déposer ça à nos amis du ministère, on
va leur donner la vraie réalité. Ce n'est pas vrai, dans les
faits, parce qu'on a des gens qui vont superviser jusqu'à 50 personnes.
Alors, je dis que ce n'est pas vrai. En contrepartie, par contre, si on fait
vraiment le tour du jardin au complet, il s'agirait, entre autres, de regarder
ça, mais, effectivement, ce dossier-là, je le
répète, traîne. Donc, on ne peut pas faire de constat. Il
faut refaire les descriptions de fonctions types. Il faut repositionner notre
monde. Peut-être qu'à des places, effectivement, il y a un ou deux
postes de cadre qu'on pourrait réaffecter à d'autres endroits
pour rendre le système plus efficace, mais, nous, on ne pense pas
qu'éliminer des cadres, ça va régler le problème
d'efficience, surtout pas l'efficience, mais les problèmes de
financement. Ce n'est pas vrai, au contraire. Pas nous, en tout cas.
D'ailleurs, présentement, on est aux aguets par rapport à
ça parce qu'on pense qu'on est la catégorie de cadres où
on va peut-être essayer de vouloir regarder le plus possible les
regroupements d'unités. On parle beaucoup, présentement, de
regroupement de programmes. Je vous dirai qu'il y a des cadres pour lesquels
j'ai beaucoup d'admiration. Il y a des cadres en CLSC, présentement, qui
vont gérer sept ou huit programmes. Je vous dirai, monsieur, que c'est
du monde, ça. C'est du monde à gérer. On est des
gestionnaires. Qu'on arrête de penser qu'on est des intervenants. On est
des gestionnaires avant tout.
M. Trudel: ce que vous me dites, c'est qu'il n'y a pas de
démonstration qui est faite et il faudrait le faire rapidement, ne
serait-ce que pour détruire le mythe ou rétablir la
vérité, parce que, quotidiennement... nous autres aussi, du
côté de l'opposition, on a posé cette question-là.
on a fait le ratio et on a dit: hél il s'en promène du monde. On
cherchait les réponses et, effectivement, ce n'est pas extrêmement
clair là-dessus par une contribution, ce qui m'amène à
dire... Vous allez éclaircir une expression qui est reliée
à celle-là. Vous avez dit: Chez nous, ce qui est à bannir,
c'est le mot «régie». Ça veut dire quoi,
ça?
M. Cloutier: Je dis «régie» parce que
«régie», c'est le mot que ça porte dans les
établissements et la régie, ce sont les décideurs, ceux
qui décident des orientations. Une fois les orientations faites, les
gens font des politiques, des notes de service et, nous, on applique. Moi, ce
que je dis, c'est un comité de régie élargie. Des fois, on
l'entend. Par contre, il ne faut pas dire que ce n'est nulle part. Ce n'est pas
vrai. On l'entend. Présentement, je fais un peu le tour des
établissements et quand je vais dans un établissement qui a une
régie élargie, qu'on parle de gestion participative, de
qualité totale, je n'ai pas besoin de vous dire que c'est
différent. On le voit. En visitant l'établissement, on le voit.
On le voit aussi au niveau de ce que j'appelle le «feeling» du
travail de l'établissement. On le sent. On sent que les gens sont
impliqués là-dedans et, ça, c'est différent.
M. Trudel: très bien. c'est la correspondance de votre
description dans votre texte. vous dites: la gestion participative, il faudrait
que ce soit la base...
M. Cloutier: Oui.
M. Trudel: ...de la réorientation et de la gestion de nos
ressources humaines à partir de nos ressources dans le système.
Je vous avoue bien franchement que ce n'était pas là que je
voulais vous amener. Je vous pose la question très carrément
parce que, avec les gens de l'Association des directeurs
généraux, encore tantôt, on n'a pas eu le temps d'aborder
ça et ils nous ont dit une espèce de phrase lapidaire: Là,
ce n'est pas le temps d'investir dans les nouvelles structures. Ils ont dit:
Également, la loi 120. Est-ce que, vous, vous pensez que la loi 120, en
matière de structure, va nous amener à la création de
nombreux nouveaux postes qui vont servir ou qui seront inutiles? En tout cas,
à tous le moins, est-ce qu'on va avoir une augmentation sensible, de
votre point de vue, pour gérer cette nouvelle structure dans le
réseau de ia santé et des services sociaux, suite à la loi
120? (12 h 45)
M. Cloutier: Nous, on considère la loi 120 comme
étant valable. Ce qu'on dit aussi, c'est que si on prend le temps de
vraiment faire l'exercice complet... Il faut faire l'exercice complet, entre
autres.
Ce que je vous dirai... Présentement, je pense et je sais par
personne interposée que ça
travaille fort. Les associations d'employeurs, les directeurs
généraux, ça travaille fort à ce niveau-là.
Moi, je le vis personnellement, je travaille dans un centre de
réadaptation à Québec. On a déposé, cette
semaine, au ministère un plan fonctionnel et technique et, en aucun
temps, personnellement, je n'ai été consulté. Excusez-moi,
ça fait 20 ans que je travaille dans cet établissement-là.
«C'est-u» fantastique ça? C'est sûr que je peux vous
dire comment fonctionne un groupe de 22 jeunes avec 12 éducateurs, mais
je ne suis pas capable de dire comment devrait fonctionner une nouvelle
infrastructure à Charlesbourg, avec un supercentre d'accueil incroyable
où on va réunir trois centres d'accueil. Alors, en plus de ne pas
être informé...
M. Trudel: Lui non plus ne le sait pas.
M. Cloutier: Ce que j'appelle la classification-rumeur, il n'y a
rien de pire que ça parce qu'on est classifié-rumeur les
cadres.
M. Côté (Charlesbourg): Êtes-vous après
m'annoncer un Investissement à Charlesbourg, vous là?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cloutier: 35 000 000 $. Entre les deux, entre Charlesbourg et
Québec, dans le coin de Beauport et Giffard, je pense.
M. Côté (Charlesbourg): Ah non, ce n'est pas
Charlesbourg. Faites attention.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cloutier: Excusez-moi, oui, c'est assez à
Charlesbourg.
M. Côté (Charlesbourg): Ils vont penser que c'est le
ministre qui a encore tiré ça chez lui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Ce n'est pas fini. À Québec, les projets
ont des roulettes.
M. Cloutier: je vous dirai, premièrement, que, si les gens
avaient de la reconnaissance comme j'en ai entendu tantôt de votre part
auprès des cadres, je pense que ça pourrait aider. on a aussi les
cadres qui sont prêts présentement à quitter le
réseau. c'est une question d'avancement. il y a des gens qui ont
présentement 30 ans de service de faits. c'est sûr que,
malheureusement, on a un plan de retraite qui a démarré sur le
tard, comme on dit, mais on a peut-être aussi des cadres qui pourraient
effectivement avoir des agencements de...
M. Trudel: Aussi, votre groupe dit: Le problème, c'est le
financement. Il faut bien toucher à ça là.
M. Cloutier: Oui.
M. Trudel: J'essaie de faire un petit test depuis quelques
heures. J'aurais au moins deux questions à cet égard-là.
Vous dites oui à l'impôt-santé, mais... Le
«mais», j'y reviendrai plus tard. C'est quoi,
l'impôt-santé? Qu'est-ce que c'est?
M. Cloutier: L'impôt-santé, pour moi qui ne suis
surtout pas un expert en comptabilité, c'est de dire: Oui, je veux
conserver un régime de santé comme celui que j'ai
présentement, entre autres. Il va peut-être falloir que
j'investisse pour conserver des choses, des acquis. Présentement,
j'investis, j'ai un régime de base d'assurance comme cadre et je choisis
de me payer du luxe.
M. Trudel: ça va. mais on s'entend bien, vous comprenez
bien que l'impôt-santé, c'est l'impôt général
actuel qui fait juste changer de nom pour une partie. c'est juste
ça.
M. Cloutier: Oui. On s'entend bien, oui.
M. Trudel: Oui? On s'entend bien là-dessus? Alors, quand
on dit oui à l'impôt-santé, on dit oui à
l'augmentation des impôts généraux. Il y a beaucoup de
monde qui ne comprend pas ça comme ça.
M. Cloutier: Maintenant, il faut bien s'entendre que si on me
collecte un impôt-santé, compte tenu que je suis dans le
système de santé, je vais vérifier que mon
impôt-santé va vraiment à la bonne place aussi. Ça,
c'est très important.
M. Trudel: Là, vous ne parlez pas de revenus, vous parlez
de transparence.
M Cloutier: Oui.
M. Trudel: Ça aussi, c'est un autre volet.
L'impôt-santé, dans ce document-là, à moins que
quelqu'un ne nous démente, c'est un impôt général,
progressif, comme il l'est actuellement, sauf que sur le ticket de paye, puis
sur le T4 à la fin de l'année, au lieu d'avoir une petite case
qui s'appelle ministère du Revenu du Québec, impôt
général au Québec, il va y avoir une petite case
divisée en deux qui va être: petite case impôts
généraux, et petite case impôt-santé. Mais ce n'est
pas différent comme méthode. Quand vous dites... Parce que c'est
ça qui m'inquiète, entre autres. Vous dites:
L'impôt-santé, oui pour régler le problème du
financement temporairement. Vous savez, quand un gouvernement
commence à lever des impôts, c'est à peu près
comme faire l'amour, c'est rare que ça arrête en cours de chemin.
Ça continue tout le temps. Ça n'arrête pas. Il faut
être très conscient de ça. Lever un nouvel impôt,
vous dites temporaire. Les impôts temporaires au Québec...
Souvenez-vous de notre expérience à partir de Duplessis au
fédéral: c'était temporaire pour le temps de la guerre.
C'est rare que les États, tous gouvernements confondus, arrêtent.
Alors, quand on dit: On est d'accord avec l'impôt-santé, il faut
bien qu'on comprenne tous ce que cela veut dire. Il y a un monsieur qui avait
un commentaire.
Le Président (M. Joly): M. Gagnon.
M. Gagnon (Paul): Oui. Tout simplement pour préciser
justement pour avoir ce type d'interprétation là. Dans l'esprit
du mémoire qu'il y a là, l'impôt-santé est que, s'il
y a un manque à gagner... Là, on n'a pas les fiscalistes avec
nous, on n'a pas les comptables avec nous, mais on va y aller avec un exemple
type. Si, dans le réseau de la santé, après qu'on a
établi, et c'est pour ça que vous ne pouvez pas dissocier, si
vous voulez, la condition qu'on y met, sinon ça devient totalement
discriminatoire à l'égard des «contributeurs» de
dire: L'année prochaine, il manque 400 000 000 $, on majore les
impôts de 2 %, ces 2 % comblent les 400 000 000 $... On continue à
gaspiller, II en manque 600 000 000 $, on majore de 4 %, on comble les 600 000
000 $. Ce n'est pas du tout ce qu'on dit. Oui, à un régime de
santé. Oui, s'il y a un manque à gagner, à court terme, de
200 000 000 $ pour protéger le système de santé qu'on a et
que le gouvernement décidait de majorer l'impôt de 1 % ou 2 % pour
combler... Là, comme je vous dis, je n'ai pas les chiffres. C'est
ça qu'est dans notre esprit l'impôt-santé. C'est ce 1 % ou
2 % qui vient combler ce manque à gagner qu'on a à court terme.
On comprend que, dans l'assiette fiscale, il y a déjà une portion
importante qui va au régime de la santé. Mais il faut bien se
comprendre que l'impôt-santé dont on parie est celui... si on a,
à court terme, à régler un manque à gagner.
Cependant, ça ne peut pas se faire, dans notre esprit, si ce
n'est pas associé à des mesures très claires quant
à la gestion et tout, les économies et la saine utilisation des
soins de santé. Donc, c'est là qu'on parle d'une campagne
d'information.
M. Trudel: C'est juste pour m'éclalrer davantage, parce
que vous dites: L'impôt-santé, oui, mais à condition que ce
soit non discriminatoire, à condition qu'il n'y ait pas de
discrimination. Ça s'applique à tout le monde, n'est-ce-pas? Je
cherche votre paragraphe. Donnez-moi quelques secondes. Votre paragraphe
où vous dites: Oui à l'impôt-santé, mais notre
condition pour y aller, en plus de celle de contrôler nos dépenses
de santé...
M. Gagnon: Oui. Mais, là, vous lisez le paragraphe
à l'envers. Pour ne pas que cet impôt-santé devienne
discriminatoire...
M. Trudel: Discriminatoire.
M. Gagnon: ...il doit s'y associer des mesures quant à la
saine utilisation des soins de santé. Si vous ne faites, comme
gouvernement, qu'imposer un impôt-santé et que vous ne faites pas
le ménage dans la cabane, ça devient discriminatoire à
l'égard des payeurs de taxes. C'est tout ce qu'on dit.
M. Trudel: Ah bon! Discriminatoire dans ce sens-là.
M. Gagnon: Oui.
M. Trudel: Alors, on s'entend que, quand on dit oui à
l'impôt-santé pour combler les besoins manquants, c'est un
impôt général avec des mesures pour que ça
s'applique à la santé. Alors, je comprends qu'on est en termes de
mesures de transparence et non pas uniquement en ternies de mesures de
financement.
M. Gagnon: Exact.
M. Trudel: C'est ça qu'il faut bien préciser, qu'il
faut qu'on se précise dans le débat...
M. Gagnon: C'est ça.
M. Trudel: ...c'est que l'impôt-santé, c'est d'abord
une mesure de transparence. L'autre morceau, quant au financement, c'est des
augmentations d'impôt au niveau général, les impôts
généraux des particuliers. Alors, on augmente les impôts
des particuliers s'il le faut. Je trouve que vous y allez pesant aussi sur le
livret de tickets. On va sortir nos machines à imprimer parce que le
ticket orienteur, imprimez-nous ça au plus vite, que vous dites. Le
ticket modérateur, imprimez-nous ça au plus vite. Vous dites:
Ticket orienteur, «let's go». Ticket modérateur,
«let's go». À la page... au niveau des frais
d'hôtellerie, «let's go». Chargez. Au niveau de
l'hébergement, au niveau des repas, dans les hôpitaux,
«let's go», allez-y. Et vous dites, en même temps: Mais II
faut protéger les plus démunis.
M. Cloutier: Remarquez bien... M. Trudel: J'ai de la
misère ià.
M. Cloutier: ...moi, je pense... Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce
qui est important aussi, vous l'avez dit tantôt de façon
très éloquente concernant un partenaire qui n'est pas ici
aujourd'hui... On dit bien, entre autres, c'est sûr qu'en
fonction de la loi C-3, si la loi C-3 est levée, oui. Si la loi
C-3 n'est pas levée, on ne peut pas faire grand-chose.
M. Trudel: La loi C-3 levée, vous autres, vous dites: On
est d'accord; le ticket orienteur, allez-y.
M. Cloutier: Oui.
M. Trudel: Ticket modérateur, allez-y; paiement des frais,
à la page 16, paiement pour les services hospitaliers de soutien,
allez-y; paiement des services hospitaliers d'accommodement, allez-y. Mais vous
dites, malgré tout ça... C'est ça que vous dites?
M. Cloutier: Oui, oui, c'est ce que je dis. Oui.
M. Trudel: Réellement, je trouve que ça en fait
beaucoup et savez-vous, défaites-moi ce jugement-là parce que
c'est important. Quand vous me dites, après tout ça, il
faut...
M. Cloutier: Je pense que vous avez une bonne perception, mais il
ne faut pas oublier le principe de société auquel, nous, on tient
avant tout. On tient avant tout à ce que les personnes à faibles
revenus et les personnes les plus démunies soient
protégées. Ça, c'est bien important.
M. Trudel: Oui, et c'est précisément
là...
M. Cloutier: Je ne collecterai pas un ticket modérateur
à tout le monde. C'est celui qui peut.
M. Trudel: Oui, c'est précisément là que
ça m'amène comme... Je vous dis l'image que je me suis faite
quand j'ai additionné tout ça. Aux États-Unis, ils ont
deux régimes pour protéger ces clientèles-là:
Medicare pour les personnes âgées, Medicaid pour les plus
démunis. À ce compte-là, on s'en irait vers une
médecine à l'américaine, c'est-à-dire un Medicaid
pour les plus démunis et un Medicare pour les personnes
âgées. Le système américain a la prétention
aussi de protéger les plus démunis avec Medicaid et Medicare,
sauf que le ministre me reprenait lui-même, hier, lorsque je disais: Oui,
mais on en laisse 30 000 000 sur le carreau. Le ministre disait: Même
plus proche de 50 000 000 que j'aurais mis. Ces mesures-là, je pense,
quant à moi, nous amèneraient dans cette direction-là.
Est-ce que vous pensez qu'on peut stopper tout ça pour ne pas franchir
cette barre, quant à moi, de l'universalité d'un certain nombre
de services qu'on se donne de façon solidaire et collective au
Québec?
M. Cloutier: Je vous dirai que oui, à la condition qu'on
mette en même temps et dans la même foulée toute la question
des programmes de prévention et d'éducation. je pense que c'est
ça qui est le plus important, mol aussi. on oublie ça souvent,
malheureusement.
M. Trudel: Très bien. Merci beaucoup de votre
contribution. Continuez votre beau travail souvent méconnu. Dans le
réseau, vous êtes entre les deux, mais vous avez aussi l'avantage
d'avoir l'information des deux côtés. Donc, votre rôle est
Important, non pas comme courroie de transmission, mais pour faire en sorte que
toute l'histoire avance. Merci beaucoup de votre contribution.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Moi, je veux vous remercier.
Je pense que c'est toujours bon de parler au palier qui parle à celui
qui travaille, qui dispense, mais qui est largement syndiqué et
défendu par rapport à ceux qui doivent veiller à ce que le
travail se fasse sur le terrain. Ça me paraît être
très, très important. On aura très certainement l'occasion
de se reparler d'un certain nombre de choses assez précises quant
à la gestion de l'efficience et de l'efficacité.
Mais, si j'ai compris que les D.G. pouvaient nous passer des messages,
on va probablement en avoir des cadres supérieurs et les cadres
intermédiaires aussi nous ont passé un certain nombre de
messages. Il va falloir que tous ces messages-là soient bien
regroupés si on veut faire disparaître des barrières; c'est
vers ça qu'il faut tendre. Il faut tendre vers la disparition d'un
certain nombre de barrières, mais laisser aussi une latitude aux
différents niveaux pour être capables de gérer sur le
terrain. Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Au nom des membres de la
commission, à mon tour de vous remercier d'avoir été
présents et de nous avoir éclairés. Nous suspendons nos
travaux jusqu'à 14 heures, dans cette même salle.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise à 14 h 23)
Regroupement des fédérations de
médecins du Québec
Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Il me fait plaisir d'accueillir la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec, la Fédération
des médecins résidents du Québec et la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec. Je vois que le Dr Richer et les gens qui l'accompagnent sont
présents tel que promis, tel qu'engagé. Dr Richer, s'il vous
plaît, j'apprécie-
rais si vous pouviez introduire les gens qui vous accompagnent.
M. Richer (Clément): Merci, M. le Président. Mmes
et MM. les membres de la commission parlementaire, vous aurez remarqué
que la profession médicale vous a présenté un seul
mémoire. Donc, je voudrais vous présenter ceux qui y ont
contribué et qui m'accompagnent: M. Frédéric Faucher,
président de la Fédération des associations des
étudiants en médecine, donc, la relève; le Dr Robert
Marier, à ma gauche immédiate, président de la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec, et le Dr Jean-Hugues Brossard, président de la
Fédération des médecins résidents du Québec.
Dans la salle, pour nous soutenir comme cinquième participant au
mémoire, le Dr Roy, président de la Corporation, et le Dr Marc
Bois, délégué, si vous voulez, de l'Association des
conseils des médecins, des dentistes et des pharmaciens. Ces deux
organismes professionnels ont travaillé à vous présenter
le mémoire que nous défendrons cet après-midi.
Le Président (M. Joly): Dr Richer et Dr Marier, depuis le
temps vous connaissez la règle de procédure. Vous avez à
peu près 45 minutes pour livrer votre mémoire et, par
après, le temps qui restera sera imparti entre les deux formations.
Alors, je vous laisse la parole. Vous avez le droit aussi de passer la parole
à qui bon semblera vouloir Intervenir.
M. Richer: Très bien, M. le Président. Nous allons
procéder par une rapide Introduction. Nous persistons à dire, en
introduction dans notre mémoire, qu'il eût été
préférable d'établir d'abord des politiques de
santé et de dispensation de services médicaux. Ça nous
aurait permis, dans un deuxième temps, une fois ces politiques connues
et ces politiques digérées, de tenir ce débat sur le
financement pour voir comment articuler les politiques avec les sommes d'argent
qui sont disponibles. Et, dans un troisième temps, de procéder
à une réforme du cadre légal. Il nous semble que cette
séquence logique aurait été préférable.
Nous en profitons également pour réitérer le fait
que nous supportons que les grands principes du régime
d'assurance-maladie au Québec soient maintenus, c'est-à-dire:
l'universalité, l'accessibilité, l'intégralité, la
transférabilité et la gestion publique pour les services de base.
Nous soulignons que nous avons compris, quand nous avons été
convoqués pour ce débat, qu'il s'agissait de débattre sur
le système de santé au Québec. Bien sûr, nous sommes
conscients qu'il y a d'autres missions dans le gouvernement,
particulièrement au ministère de la Santé et des Services
sociaux, mais nous pensons que le débat actuellement est
«focussé» sur le régime de santé. Nous en
profitons pour dire qu'il devrait cependant probablement être
élargi à un débat sur l'ensemble des finances publiques du
gouvernement parce qu'on ne pense pas que la santé puisse être le
seul débiteur de certaines économies dans un grand débat
comme ça.
Je demanderai au Dr Brossard de présenter succinctement le
premier chapitre de notre mémoire.
M. Brossard (Jean-Hugues): Le premier chapitre du mémoire
porte sur le coût du système de santé. Il s'agit d'un
exercice de constat pour savoir d'où l'on part avant de décider
où l'on doit aller. Le premier constat qu'on fait, c'est que notre
système de santé est plutôt performant. Il est performant
si on considère les indices de santé tels que l'espérance
de vie ou la mortalité périnatale. Il est aussi performant si on
considère la satisfaction que les patients expriment lorsqu'ils
l'utilisent. La question n'est pas de savoir si la marchandise est
livrée, c'est plutôt de savoir à quel prix on obtient ces
résultats, quel est le coût de ce système. Quant à
nous, on pense que c'est à un coût fort raisonnable qu'on obtient
ces résultats-là.
Dans le livre vert, on dit que 6,9 % du PIB servent aux dépenses
publiques du système de santé et que, lorsqu'on se compare aux
pays de l'OCDE, c'est plus que la moyenne. En fait, la définition de
l'OCDE en dépenses de santé est plus restreinte que ce qu'on a
utilisé pour calculer les 6,9 %. Si on exclut une partie des
dépenses qui devraient être considérées comme
sociales dans ces 6,9 %, on s'aperçoit, en fait, qu'il n'y a que 75 % de
ces 6,9 % du PIB qui vont vraiment à la santé. Ce n'est pas pour
dire que ce qui va au social ne devrait pas y aller, mais pour pouvoir se
comparer avec les pays de l'OCDE. Donc, en fait, le Québec
affrète à la santé 5,2 % de son PIB, ce qui le place au
seizième rang des 21 pays de l'OCDE et ce qui le place en
deçà de la moyenne de 5,6 % que les pays de l'OCDE affectent
à la santé.
Donc, quand on se compare, la quantité d'argent, dans les
dépenses publiques, qui va à la santé, est, somme toute,
modeste. De plus, en plus d'être raisonnables, ces coûts sont
stables, et ce, depuis de nombreuses années. Les dépenses totales
de santé en 1971 étaient de 8,4 % du PIB et, en 1987, de 8,86 %,
ce qui est une stabilité remarquable. Si on regarde en argent
pondéré, en 1971, le citoyen investissait 1089 $ et, en 1987,
1094 $. Donc, il y a une stabilité. Les coûts, en plus
d'être raisonnables, sont restés stables avec les
années.
Coûts raisonnables, coûts stables et, comme le
reconnaît le livre vert et comme on l'endosse, pas non plus d'abus de
consommation flagrant et, nous pensons, pas non plus d'abus de production
flagrant. Les services médicaux utilisés par chaque
Québécois comptent pour 250 $, alors que, pour les Ontariens,
c'est 375 $. En médicaments, les médecins québécois
prescrivent pour 83 $ par citoyen, alors que, pour les médecins
ontariens, c'est 141 $. Le nombre de visites à chaque
médecin omnipraticien est de 4500 par année pour 15 minutes par
visite, alors que, dans d'autres pays, ça oscille en haut de 5000 par
année.
Donc, nous avons réussi à maintenir le système de
santé à un coût raisonnable, à un coût stable
et à contrôler la production de façon à ce qu'il n'y
ait ni surproduction ni surconsommation. Toutefois, il est clair qu'au
Québec on offre souvent plus de services complémentaires qui sont
financés par un mécanisme public et, à ce niveau, on est
plus généreux que les autres. Si les coûts sont sous
contrôle et que, globalement, ils sont à un niveau qui est
déjà inférieur, en moyenne, à ce qu'investissent
les autres pays de l'OCDE et qu'ils sont aussi inférieurs ou, en tout
cas, proches de ce qu'on doit investir en fonction de notre richesse
collective, il faut se demander si couper plus dans les coûts, dans ce
qu'on met comme argent, ne risque pas d'entraîner des coupures ou
d'entraîner un manque de financement flagrant pour maintenir des services
médicaux essentiels. On dit qu'il faut être prudent. Les
coûts investis sont limites, sont à un seuil critique
au-delà duquel ce sont les services qui seront perturbés.
Une part de la situation actuelle difficile que connaissent les finances
de l'État est due, bien sûr, à la dette qui s'est
accumulée au fil des ans, est due aussi au fait que les transferts
fédéraux ont diminué et est, en partie, due aussi à
une conjoncture économique qui est mauvaise, qui, on peut
l'espérer, ne le restera pas toujours. Il reste que même si elle
s'améliore, la situation économique, il faudra continuer à
surveiller étroitement les coûts parce que, dans les années
qui vont venir, II va y avoir des pressions croissantes sur notre
système de santé pour faire face à des
réalités qui ne vont faire que progresser. La population va
vieillir, les listes d'attente ne seront peut-être pas toujours
tolérées avec la même patience par les patients, les
immobilisations seront vétustés, les équipements pas
toujours suffisants, il y a de nouvelles maladies qui peuvent apparaître
- ce n'est pas qu'on le souhaite, mais ça pourrait survenir - les
nouveaux médicaments devront pouvoir être offerts à la
population du Québec et il y a des chances que les
rémunérations des professionnels qui oeuvrent dans le
système de la santé, qui sont souvent parmi les plus basses et
injustes par rapport à ce qui existe ailleurs, vont peut-être
devoir être redressées. Dans ce contexte, la place qu'il y a pour
rationaliser les coûts dans le système de santé... L'argent
qui pourra être récupéré, en faisant une
rationalisation, une gestion plus serrée, ne devrait pas être
versé à la dette ou versé à d'autres secteurs de
financement du gouvernement, mais bien être planifié pour une
utilisation pour faire face à ces nouvelles pressions qui vont
apparaître dans le système. Il ne faut pas être trop
serré dans la planification des coûts. Il y a des pressions neuves
qui vont apparaître et si, oui, il faut rationaliser, ce n'est pas pour
verser ces économies au service d'une dette.
En somme, de notre point de vue, les coûts de la santé sont
sous contrôle, mais à un seuil critique, un seuil critique qu'il
ne faut pas dépasser. Nous sommes déjà en
deçà de la moyenne des pays de l'OCDE pour la santé, nous
ne croyons pas qu'il faille descendre plus bas. La production de services est
raisonnable et la rationalisation qu'on pourra faire devra permettre de faire
face à l'avenir et non à la dette, de faire face aux nouvelles
pressions qui vont être générées au fil des ans pour
faire fonctionner le système de santé.
En un sens, la solution au financement et aux problèmes de
financement du gouvernement ne passe pas, à notre avis, par une
diminution de l'investissement en santé mais plus par l'exploration de
nouvelles sources de financement, de nouvelles sources de financement qui
permettront de maintenir les coûts de la santé à ce qu'ils
sont actuellement pour ne pas hypothéquer les services essentiels, les
services médicaux essentiels offerts à la population.
Le Président (M. Joly): Dr Richer.
M. Richer: Comme source de financement, nous essayons de proposer
quelques instruments et quelques nouveautés, si vous voulez, dans le
système pour voir s'il n'y aurait pas moyen de trouver du financement
complémentaire. Le premier principe qui doit nous guider, c'est que la
mécanique de gestion des finances en termes de santé devrait
être transparente. Je pense qu'actuellement, pour le commun des mortels,
c'est très difficile de se retrouver là-dedans. Il y a des
transferts du fédéral qui ont été rendus beaucoup
plus compliqués avec la loi de 1977: points d'impôt pour
l'ensemble du pays, points d'impôt plus points d'impôt pour le
Québec, compte tenu d'une formule un peu différente, plus
transferts en argent comptant, le financement qui vient du fonds
consolidé de la province, les contributions des employeurs. Donc, pour
les citoyens que nous sommes, c'est complexe de se retrouver à
l'intérieur de ça. On souhaiterait donc qu'il y ait un
mécanisme qui permette la transparence des sources et de la gestion des
sommes d'argent qui sont investies dans la santé.
On sait que les sondages nous disent que les citoyens sont prêts
à un effort additionnel en termes monétaires pour la
santé, mais on pense qu'ils sont prêts pour la santé. On ne
pense pas qu'ils soient prêts à investir davantage dans les
structures ou dans la bureaucratie. Donc, les instruments qu'on
privilégie, c'est l'établissement de caisses-santé, autant
au niveau national... Bien sûr, on sait bien qu'on n'est pas dans la
bonne instance pour parler du fédéral, mais on pense qu'il est
temps de passer le message à Ottawa
aussi pour qu'il fasse un peu de ménage dans sa cour, et qu'il y
ait donc des mécanismes clairs, qu'on puisse analyser tranquillement et
comprendre surtout, pour savoir combien il y a d'argent qui est
transféré d'Ottawa en points d'impôt, qu'est-ce que
ça signifie, un point, deux points, 13,5 points d'impôt, qu'est-ce
que ça signifie, les transferts en argent comptant, et à quels
domaines c'est dévolu au Québec.
Ceci dit, on est devant une commission parlementaire du Québec et
on revient chez nous. On pense qu'il devrait y avoir également une
caisse santé, au Québec, qui serait composée de deux fonds
principaux: un fonds général qui servirait à financer
l'ensemble du système et un fonds particulier qui servirait pour des
financements qu'on a appelés «spécifiques». Il faut
comprendre, par là, le financement de certains équipements lourds
dans des établissements, le financement de la recherche, par
exemple.
Comment serait alimenté le fonds général? Bien
sûr, la première source de fonds du fonds général
serait les transferts de sommes d'argent qui nous viennent du
fédéral. Ces transferts-là devraient inclure, bien
sûr, non seulement les sommes versées au comptant, qui vont
d'ailleurs disparaître d'ici 1995-1996, mais devraient comprendre les
points d'impôt qui sont transférés du fédéral
au Québec aux fins de la santé et de l'enseignement
supérieur. Donc, la partie santé devrait être
affectée à la caisse santé, donc, dans le fonds
général de la caisse santé.
Deuxièmement, les contributions actuelles des employeurs, selon
le prorata qui les cotise. Troisièmement, nous pensons qu'on devrait
créer un impôt santé distinct qui serait, bien sûr,
soustrait de l'impôt général. Donc, nous ne
préconisons d'aucune façon une augmentation de la taxe, soit
directe, par l'impôt, ou soit indirecte, par les autres mécanismes
de taxation. On pense à quelques points, quelques pourcentages de
l'impôt général des citoyens du Québec dont la
totalité correspondrait, ma foi, à peu près à ce
que le fonds consolidé, actuellement, verse aux fins de l'administration
de la santé. Donc, on partirait avec un système qui est
équivalent avec le financement de l'année zéro, si vous
voulez, et l'impôt qui serait dévoué à la
santé serait la partie d'impôt qui est nécessaire pour
faire les sommes que verse le fonds consolidé aux fins de la gestion du
système de santé.
Il devrait y avoir probablement aussi une quote-part de taxes de
certaines choses dans notre système. On sait que le tabac, en
particulier, l'alcool et les accidents de véhicules moteurs taxent assez
lourdement le système de santé. On pense qu'il devrait y avoir
une quote-part de ces taxes sur les cigarettes, les boissons alcooliques et
l'essence qui soit versée dans le fonds général. Tout
ça constituerait le fonds pour payer pour le système
général de la santé au Québec.
Le fonds particulier, avec une vocation plus spécifique, pourrait
être financé par des dons qui seraient faits par des citoyens et
des corporations. Il pourrait être financé aussi par une formule
qu'on vous suggère, cette espèce de placement, si vous voulez,
des placements offerts aux seuls citoyens du Québec qu'on appelle les
bons santé qui seraient par analogie une espèce de régime
d'épargne santé. Donc, le gouvernement pourrait, pour les
citoyens québécois, dire jusqu'à un plafond donné,
2000 $, 3000 $, 4000 $ par année, si vous voulez, si vous investissez
dans les bons santé, cet argent-là serait déductible de
l'impôt.
Bien sûr, on se rend compte qu'il y a une perte fiscale pour le
gouvernement de faire ça, mais où est-ce que le gouvernement y
trouverait son profit? On pense que ces bons pourraient rapporter un
intérêt qui serait inférieur au loyer courant de l'argent.
Donc, si le loyer courant est de 6 %, 7 %, 8 %, le taux d'intérêt
pourrait être de 4 % ou 5 % sur ces bons. Évidemment,
l'intérêt ne serait pas taxable tant que le capital et les bons ne
seraient pas encaissés. Le gouvernement est garant de ces
bons-là, exactement comme les bons du trésor, et il assure donc
cette espèce de marché secondaire, pour employer les termes des
gens de la Bourse. C'est un impôt qui est donc différé. Le
gouvernement ne perd pas. Il perd dans l'immédiat, mais il ne perd pas
à long terme. C'est un impôt différé. Donc, c'est
différent un peu du régime d'épargne-actions. C'est un peu
comme un REER, si vous voulez. Alors, tant que les sommes d'argent sont
investies dans des bons santé, II n'y a pas d'impôt à payer
pour le citoyen, le contribuable, et il ne pale pas d'impôt non plus sur
les intérêts tant qu'ils sont avec le principal. Quand le citoyen
juge bon de retirer ses bons, d'encaisser ses bons santé, c'est à
ce moment-là qu'il serait taxé. Alors, ce serait à lui de
choisir le moment le plus opportun sur le plan fiscal pour retirer ses
bons.
La loto santé. Il y a des lotos dans à peu près
tout au Québec. On pense que trois ou quatre fois par année, il
pourrait bien y avoir une loto santé dont les profits seraient tout
simplement versés au fonds particulier pour aider à financer
certains éléments spécifiques de notre système de
santé.
Bien sûr, il y a d'autres formes de financement et une de
celles-là, je pense, intéresse davantage la commission: la
contribution directe du patient. Nous ne sommes pas, comme profession, à
rencontre du fait que le patient puisse être appelé à
contribuer directement pour les services de santé. Ceci dit, ça
se ferait toujours dans le respect de la capacité de payer. Donc, II
faut trouver une formule pour dégager de cette obligation les gens qui
sont démunis et qui seraient moins capables de payer ça. Donc,
cette formule-là repose cependant sur une réévaluation,
une redéfinition de la gamme et de l'étendue des services
assurés.
Le livre vert nous suggérait qu'on puisse parler de services de
santé de base et de services de santé complémentaires.
Nous sommes d'accord avec cette approche. Dans les services de santé de
base, il y en a qui sont essentiels et d'autres qui sont moins essentiels. Les
services essentiels, en général, c'est les services
médicaux, diagnostiques, thérapeutiques, autant en
établissement qu'en cabinet privé et c'est la plupart des
services médicaux qui sont essentiels dans notre livre. Cependant, on
est conscients que tous les services médicaux n'ont pas la même
qualité d'essentialtté, si vous voulez, et on offre la
collaboration de la profession au ministère pour définir
lesquels, parmi les services médicaux, seraient les moins
essentiels.
Quant aux services complémentaires, pour nous, ils sont
composés de deux principaux éléments: les services de
soutien dans les établissements (services de repas, d'hôtellerie,
de buanderie, etc.) et les programmes complémentaires qui sont
actuellement administrés par la Régie de l'assurance-maladie (les
médicaments, les services dentaires, optométriques, etc.). Nous
pensons que ces programmes-là doivent être révisés
pour accorder notre générosité à notre
pauvreté relative par rapport à d'autres provinces et nous
pensons également qu'il y a lieu de discuter assez longuement des
services de soutien.
En somme, nous appuierions le fait que le patient puisse être
appelé à contribuer directement pour des services médicaux
non essentiels, donc moins prioritaires, et pour des services
complémentaires, soit les programmes ou soit les services de soutien. En
contrepartie, dans la même logique, nous rejetons toute idée de
ticket orienteur ou de ticket modérateur. Pourquoi? Parce que ça
ne respecte pas le principe qu'on défend. Le ticket orienteur ou
modérateur n'a pas de sélectivité. Il veut modérer
tout, il veut orienter tout et, à ce moment-là, on pense que
ça pourrait toucher également des services médicaux
essentiels. Donc, ne faisant pas la part des choses, nous rejetons cette forme
de taxation.
Quant à l'impôt-services, nous disons non actuellement,
sauf que nous ne le rejetons pas comme principe. Ça pourrait être
utile plus tard, si jamais les autres formules de financement
échouaient, ce dont nous doutons, cependant.
Et, en terminant, la TVQ, quant à nous, quand elle sera
appliquée au Québec, devrait avoir la même vocation que sa
soeur fédérale, c'est-à-dire être employée
à réduire le... je ne dirai pas «réduire le
déficit», parce que je pense qu'on en est arrivé à
un point où il ne faut plus viser à réduire des
déficits dans les gouvernements, il faut viser à faire des
surplus pour réduire la dette, parce que c'est la dette qui est notre
problème particulier, autant au Québec - moins, heureusement -
qu'à Ottawa. Donc, on pense que la TVQ, que tous les produits de la
TVQ devraient être affectés à la réduction de
la dette pour développer à long terme - on s'en rend bien compte
- une marge de manoeuvre qui serait plus intéressante. Alors, Dr Marier,
sur la performance.
Le Président (M. Joly): Dr Marier.
M. Marier (Robert): Je vais essayer d'être performant.
D'abord, on ne l'a peut-être pas assez souligné, mais je me
permets de le répéter, c'est que le document que le
ministère a présenté sur le financement du système
de santé est un bon document, c'est un document qui est sérieux
et qui va dans l'esprit qu'on souhaite d'avoir plus de transparence et plus
d'échanges qualitatifs permettant à tous les intervenants de
pouvoir réfléchir avec les bonnes données sur des
problèmes aussi importants que le financement.
Quand on lit les journaux et qu'on participe à une commission
comme celle-là, la première réflexion qui me vient
à l'esprit, c'est a l'effet qu'il va falloir investir encore dans la
communication. Il faut croire qu'on ne l'a pas fait assez le printemps dernier
et cet été. Je pense qu'il va falloir vraiment informer la
population de ce qui se passe dans notre système de santé. (14 h
45)
Pour reprendre...
M. Côté (Charlesbourg): II y a certaines fois que
vous n'avez peut-être pas investi à la bonne place en
communication.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Marier: Vous voyez qu'on vous a compris, M. le ministre, parce
que, actuellement, c'est National qui nous sert d'agent communica-teur.
M. Côté (Charlesbourg): De ce que j'ai compris,
c'est que vous autres, vous avez les moyens; les politiciens, non.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Marier: Mais, se fiant sur votre expérience, on a mis
au point les limites des dépenses qu'on avait à faire avec
National. On a dit, nous, qu'on n'était pas le gouvernement, avant de
commencer à faire affaire avec eux.
M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est glissant,
ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Marier:lorsqu'on parle actuellement - on va reprendre les
termes qui sont utilisés dans les journaux - de «complexe
médico-hospitalier», on a l'impression, quand on
fit ça ou qu'on écoute parler les gens, que le complexe
médico-hospitalier est parti avec la caisse de santé. Moi, quand
je regarde ça comme praticien, je me dis, si on regarde la partie
«medico» du médico-hospitalier: II me semble qu'il y a des
choses qui ne tournent pas rond la-dedans. J'ai commencé à
exercer en 1976 comme médecin spécialiste et les médecins
spécialistes, en 1976, étaient les mieux payés au Canada.
On est en 1991 actuellement, 15 ans plus tard, et on est les plus mal
payés au Canada. Alors, si quelqu'un est parti avec la caisse, je me
dis: Ce n'est pas nous autres, ce n'est pas moi.
Si je regarde la partie «hospitalier» du complexe
médico-hospitalier, et qu'on entend ce que l'AHQ a
véhiculé en commission parlementaire et dans ses excellents
mémoires également, je pense que ça tient compte de la
réalité. Mais je voudrais vous souligner que, comme
médecin spécialiste, quand on parle - et mon compagnon ici, le Dr
Brassard, en parlait - de la vétusté du parc immobilier,
ça paraît très théorique, mais si je vous raconte un
fait clinique, vécu... Je suis un ex-gynécologue et
j'étais en train de faire un examen gynécologique sur la table
d'examen et la patiente qui regarde au plafond dit: Docteur, est-ce que
ça va être encore bien long? Parce que je pense qu'il y a un
morceau de plâtre qui va tomber bientôt. On était dans la
clinique d'un hôpital. À ce moment-là, des exemples... Dans
le fond, on la vit, cette vétusté, et elle est réelle.
Mais, essentiellement, pour être un petit peu plus sérieux,
c'est que, comme médecin spécialiste, mon problème, moi,
commence non pas lorsque je dois poser un diagnostic ou lorsque je dois
opérer quelqu'un, parce que, ça, je sais faire ça, mais
lorsque je dis: Cette patiente-là, je devrai l'amener en salle
d'opération. Alors, quand est-ce que je vais réussir à
l'amener à la salle d'opération, compte tenu des listes
d'attente, compte tenu de la disponibilité des lits, compte tenu de la
diponlbilité des salles d'opération? Et le problème se
complique également lorsque le cas est suffisamment sérieux.
Ça peut être, par exemple, un problème de cancer et que
j'aie besoin d'une tomographie axiale, communément appelée un
«scan». Là, je dois dire: Maintenant, il va falloir que je
négocie pour essayer de faire passer cet examen-là dans des
délais acceptables.
Ma difficulté est là également quand je suis
à l'urgence, que j'examine une patiente et que je me dis: Ayoye! Pour
celle-là, il faut aller en salle d'opération. Il est 16 h 30, 17
heures. Là, je suis obligé de prendre un numéro parce
qu'avant ça il y a déjà un appendice, avant ça, il
y a déjà une fracture, et, avant ça, il y a
déjà un autre... Si tout se déroule comme dans le livre,
je vais peut-être passer à 22 heures ou à 23 heures sinon,
peut-être à 2 heures ou 3 heures du matin. La pression que le
patient met sur moi quand il dit: Comment ça se fait que c'est si long?
Comment ça se fait qu'on attend? Eh bien, on vit le problème de
gestion dans notre système hospitalier.
Donc, quand on regarde ça tant sur le plan médical, tant
sur le plan de la gestion du cadre hospitalier, on comprend qu'il y a de la
pression dans le système. On comprend qu'il y a des limitations. Vous
savez, on a des fermetures de lits à Noël, dans le temps des
congés de neige, à Pâques, l'été. Finalement,
on ne fait plus des listes de quand seront les congés dans
l'hôpital, on fait la liste de quand on va travailler. À ce
moment-là, on n'est pas présent et il n'y a pas vraiment de
disponibilité pour rendre les services qu'on souhaiterait. Donc, la
pression, elle est là dans le système.
Les études que l'on fait, et on l'a dit dans le premier chapitre,
c'est qu'en fait, en santé, quand on se compare aux pays de l'OCDE - je
ne parle pas des services sociaux - on investit autour de 5,2 % et, ça,
c'est inférieur à ce qui se fait dans les pays de l'OCDE parce
qu'on sait que la moyenne des pays de l'OCDE, c'est 5,6 %. On peut comprendre
que, sur le terrain actuellement, on vit dans un contexte de pression parce
qu'on est inférieurs à la moyenne des pays de l'OCDE. Ça
nous place non pas au deuxième rang, comparativement à ces
pays-là, mais bien, comme on l'a dit tout à l'heure, au 16e rang
sur 21. Quand on est rendus à 5,2 % ou à 5 % de notre
investissement en santé, on pense qu'on est rendus à seuil
critique et, si l'on va plus bas, on va peut-être mettre en péril
des services de soins de qualité.
On pense qu'ici c'est pour ça qu'on fait appel à un
concept de transparence. Pour nous, c'est important; c'est important qu'on
identifie vraiment ce qu'on met en santé, d'abord pour se comparer, si
ce n'était que pour une rigueur comptable, mais également pour
identifier aussi ce qui se fait du côté social. Ce qu'on vous dit,
ici, c'est que c'est aussi important les services sociaux que les services de
santé. Mais, si on a éventuellement des choix à faire,
pour les faire il faut savoir exactement où ça se situe et
où on devra couper. À ce moment-ci, il nous apparaît qu'il
n'est pas exagéré ou qu'il n'est pas exorbitant de penser qu'un
jour on pourrait, compte tenu des pressions qui existent dans le
système, penser à viser 5,6 % en dépenses de santé
proprement dites. Mais on comprend actuellement qu'on vit un contexte
économique. On comprend qu'on vit en récession. On comprend que
le gouvernement du Québec vit ces problèmes-là et que le
gouvernement fédéral les vit également et même qu'il
se déresponsabilise en passant une partie de ses dettes au Québec
avec les transferts fédéraux qui sont diminués. On
comprend que, si on essaie de vivre avec nos 5,2 %, c'est bien de le faire
actuellement, et on doit essayer de dégager des marges de manoeuvre pour
atteindre cet objectif-là. Toutes les suggestions qui ont
été faites, celle du Dr Richer tout à
l'heure, celle de l'AHQ et des autres, Je pense que ce sont des pistes
valables que le gouvernement doit examiner pour vraiment prendre les bonnes
décisions et le bon éclairage. Je pense que c'est à lui de
faire ça.
Nous, enfin, ce qu'on dit là-dessus, c'est qu'il y a
peut-être une marge de manoeuvre importante qu'on a identifiée et
c'est celle de l'institutionnalisation. On constate que, lorsqu'on se compare
à l'Ontario, il y a 1,2 % de plus du produit intérieur brut qui
va à l'institutionnalisation. Ça, quand on sait que 1 % du
produit intérieur brut équivaut à 1 300 000 000 $, je
pense que là il y a matière à regarder sérieusement
et à voir comment on peut faire ça différemment ou
autrement.
Ce qu'on dit, d'autre part - et, ça, je pense que la profession
médicale est très claire là-dessus - c'est que, si le
gouvernement pense qu'en dégageant des marges de manoeuvre on va
réussir à financer la dette provinciale, pour nous, c'est
inacceptable. Si la population nous dit «oui, c'est correct, coupez dans
la santé pour financer la dette du Québec actuellement»,
nous nous plierons à ce jugement public, mais nous croyons
qu'actuellement ce n'est pas ce qu'il faut faire et c'est pour ça qu'il
faut avoir de la transparence lorsqu'on met sur la table des chiffres comme
ceux qui sont présentés dans ces dossiers-là.
Le deuxième concept dont je voudrais vous parler, c'est le
partenariat, et ce n'est pas de la philosophie. Pour nous, le partenariat,
c'est un concept économique. C'est peut-être un concept qui est
vieux. On dira que c'est une recette ancienne servie à la moderne, mais,
pour nous, c'est bien important. Depuis 1970, progressivement, la profession
médicale a tenté de faire du partenariat et, si on relevait tous
les colloques et toutes les réunions qui se sont tenues sur le
partnership médico-administratif, je pense que nous aurions des tonnes
de papier. Cependant, ce partenariat ne s'est pas concrétisé tant
qu'il n'y a pas eu un problème de gestion de décroissance de
notre système de santé. Et, là, on a commencé
à parler aux médecins. On a vécu, suite à
ça, des expériences quand même heureuses à un niveau
local, à un point tel qu'on voulait faire profiter les régions et
le national, le niveau provincial, si vous voulez, de cette
expérience-là. Mais on avait l'impression que ça tombait
dans l'oreille d'un sourd parce que, lorsque le rapport Rochon a
été écrit, la profession médicale était
absente. On parlait de nous dans une phrase, on était la clé de
voûte du système, mais, dans les 800 autres pages, on était
absents. Et, comme le projet de loi 120 découlait directement du rapport
Rochon, eh bien, on ne s'y retrouvait pas non plus et, plus que ça,
même de façon structurelle, on était balayés de tous
les postes où on pouvait avoir une certaine influence dans la
gestion.
Cet été, ce qui s'est passé, pour ceux qui
étalent inquiets de ce qui s'est passé derrière les portes
closes, ce n'est pas de la négociation qu'on a faite; on a fait des
échanges avec le ministère pour mettre en place un partenariat.
La profession médicale croit que, si on met en place un partenariat, on
va être en mesure de régler de gros problèmes comme celui
des effectifs médicaux et d'autres problèmes de financement de
systèmes de santé comme on en discute aujourd'hui. Quand on parle
de partenariat, pour nous, ce n'est pas une question de dire que la balle est
dans le camp du ministre ou que la balle est dans le camp des docteurs. Du
partenariat, pour nous, c'est un partage 50-50 des responsabilités,
c'est un partage 50-50 des succès et des échecs de l'entreprise,
et c'est à ce niveau-là qu'on est rendus. On doit vous dire que,
depuis cet été, au niveau local, il y a eu une sorte de regain
d'énergie, d'espoir qui a été créé puisque,
depuis neuf ans, bien qu'on disait dans une loi qu'il faudrait accentuer la
collaboration médico-administrative, ça ne s'était jamais
mis en application. Actuellement, on pense qu'on va pouvoir débloquer de
ce côté-là.
Au niveau des conseils régionaux actuellement, les conseils
régionaux essaient de mettre en place, même avant la lettre si on
veut, l'application du projet de loi 120, les commissions médicales
régionales. Notre problème actuellement, c'est au niveau du
ministère; on ne sait pas encore si le ministère veut vraiment
faire du partenariat. On a fait nos déclarations d'amour, la bague est
là, mais on n'a pas encore vu la main tendue pour la prendre.
Pour nous, donc, le partenariat, ce n'est pas une question de
philosophie, ce n'est pas une question de pouvoir, c'est une question de
rentabilité, c'est une question d'investir dans l'expertise
médicale pour mieux gérer le système de santé. Des
exemples de ça, ce n'est pas de la philosophie, c'est concret. Si on
regarde dans une région comme Montréal, où il y a beaucoup
de salles d'urgence, il serait probablement plus pertinent d'en avoir
quelques-unes d'ouvertes 24 heures par jour, 7 jours par semaine, pour donner
un meilleur service en mettant en commun des ressources. Il serait probablement
beaucoup plus pertinent de mettre en commun des ressources, par exemple, en
neurochirurgie ou en chirurgie cardiovasculaire dans le but de donner un
service adéquat, avec les bonnes ressources et au bon endroit. Mais
ça, ces décisions-là, ça ne se fait pas par des
fonctionnaires ou certains fonctionnaires dans un bureau; ça se fait en
collaboration avec les experts, parce que ça a des impacts sur la
qualité des services de santé.
D'autre part aussi, quand on veut responsabiliser les gens comme
ça au niveau régional, ça demande des incitatifs, et
l'incitation pour le médecin, c'est de réaliser que si on dit
qu'on va faire dans 2 endroits de la neurochirurgie, à Montréal,
plutôt que dans 8 ou dans 10 et que,
finalement, ça va être aussi difficile de la faire dans 2
endroits qu'actuellement dans 6 endroits, eh bien, à ce
moment-là, c'est sûr que ça ne marchera pas. Si on met
ensemble nos ressources et qu'on nous assure qu'il va y avoir des ressources
matérielles, si on nous assure qu'on va avoir des ressources humaines,
qu'on va avoir des espaces et que les patients vont vraiment avoir de
l'accessibilité à ces services, eh bien, je pense que, là,
on va avoir de l'incitation, il va y avoir la possibilité d'aller de
l'avant.
La même chose aux niveaux national et provincial. On pense que
dans chacun des établissements il s'est fait des politiques positives.
Quand on parte des rayons X du poumon, dans beaucoup d'hôpitaux ça
fait longtemps, ça fait huit ans qu'on ne fait pas, de routine, ce genre
d'examen en préopératoire parce que le
coût-bénéfice n'était pas là, mais la
profession médicale n'avait aucun moyen concret d'imposer ou de faire
des dialogues interétablissements, ou régionalement, ou
même au niveau provincial pour donner ce genre de directives. C'est
sûr que la Corporation émet des orientations, mais c'est
très différent de ceux qui sont sur le terrain.
Au niveau gouvernemental, évidemment, des politiques nationales
en traumatologie, en cancérologie, on est certains que, ça,
ça peut apporter des impacts coûts-bénéfices
très importants. Là-dessus, on pense que le ministère doit
donner l'exemple. Quand le ministère prend des décisions, on
pense qu'il devrait traiter un peu la santé comme la justice,
s'élever au-dessus de ça et ne pas se servir de la santé
pour prendre des décisions avec intérêt politique, soit du
saupoudrage d'équipement ou des décisions qui, finalement, ne
relèvent pas de la rationalisation des ressources.
Ce que je voudrais vous dire, en terminant, c'est que ce qui est
important pour la santé, c'est qu'elle soit de plus en plus un moteur
économique. On pense qu'actuellement on investit quand même
beaucoup d'argent dans ce secteur et que cet argent, tant qu'à
l'investir, devrait devenir rentable. On pense que la santé est
créatrice d'emplois. On pense que la santé peut mettre en valeur
la petite et la moyenne entreprise. On sait ce que ça prend, un
hôpital: ça prend des équipements, ça prend des
vêtements chirurgicaux, ça prend du mobilier. Donc, il y a
création d'emplois, impact sur l'économie et on ne devrait pas,
à cause de problèmes financiers, niveler par la base,
empêcher les pointes d'excellence. Au contraire, on devrait stimuler les
pointes d'excellence, stimuler la recherche. Ce qui se développe
actuellement au point de vue recherche biomédicale à
Montréal, c'est très important et, à ce moment-là,
ça va dans le concept de développer des grappes
économiques, ça va dans le concept d'exporter des produits de
qualité et ça va dans le concept de la valeur ajoutée,
d'ailleurs, que votre gouvernement a mis de l'avant ces derniers mois.
Alors, écoutez, c'est le message qu'on voulait vous passer, en
vous disant que la profession médicale est prête à la
collaboration. On est prêts à regarder... On a parlé dans
notre mémoire des services de base, du panier de services. On est
prêts à regarder ces choses-là, mais, à ce
moment-ci, c'est un véritable partenariat que l'on veut et non pas
simplement une gestion de contrôle comme on a déjà connu ou
qu'on a failli connaître avec ce qui avait été
déposé antérieurement. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. Dr Richer,
avez-vous quelque chose à ajouter? (15 heures)
M. Richer: En guise de conclusion, M. le Président, on se
rend compte que le coût de notre système de santé, bien
qu'il soit élevé, est un coût qui est
contrôlé, qui se compare avantageusement avec ce qui se fait
ailleurs au pays, en Amérique et dans le monde occidental. La
performance du système, elle est également bonne. Elle est
même excellente, je pense. L'indice de satisfaction, d'ailleurs, des
patients le démontre bien. Les indicateurs de santé qu'on a ici,
au Québec, même si ce sont des indicateurs qui sont imparfaits,
comme l'augmentation de l'espérance de vie et la diminution de la
mortalité périnatale le démontrent bien aussi. Les
problèmes principaux qui nous affectent actuellement et qui sont
sérieux, c'est la croissance insuffisante de notre PIB. Donc, on
s'appauvrit; on n'est pas assez riches. Je pense qu'on devrait travailler
davantage à augmenter notre richesse collective. Et je suis conscient
que ce n'est pas le travail unique du ministère de la Santé et
des Services sociaux, c'est un travail de gouvernement pour nous sortir de la
dèche. Ce n'est pas vrai qu'on doit rester pauvres puis être
contents de l'être. Si on est pauvres, sortons-nous-en. Et, pour faire
ça rapidement, il faut payer notre dette publique au plus coupant pour
nous dégager une marge de manoeuvre de sorte qu'on respire un petit peu.
C'est probablement le seul domaine au Québec dont les dépenses
ont crû d'une façon désordonnée et compriment tout
le reste. Ce n'est pas le système de santé qui comprime, le
système de santé est comprimé par ('augmentation du
service de la dette. et je pense, en terminant, que ce que nous disait le dr
marier, au fond, pourrait se résumer à une phrase: mieux
intégrer le médecin à la gestion du système de
santé. voilà un système qui coûte 12 000 000 000 $.
on sait qu'on est des générateurs de coûts, pour reprendre
l'expression qui est souvent employée par les technocrates. on est des
générateurs de coûts peut-être, mais on n'est pas
responsables de la maladie des patients du québec. on essaie tout
simplement, avec la formation qu'on a eue, de les soigner du mieux qu'on peut.
et ceci génère des dépenses de 12 000 000 000 $ dans notre
système. je pense que la contribution des médecins
à la gestion de ce système-là peut faire qu'on peut
peut-être trouver des solutions qui rendraient la gestion plus efficace
et plus efficiente pour employer d'autres termes à la mode. Et
voilà, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, Dr Richer, merci,
messieurs. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): D'entrée de jeu, M.
le Président, je pense qu'il faut peut-être dire que mon
collègue et moi avons convenu que je ferais la première
demi-heure, qu'il ferait la deuxième demi-heure et qu'on se partagerait
le reste par la suite, étant tous les deux concernés par les
problèmes que nous soulevons aujourd'hui. C'est à n'en point
douter un moment très important de cette commission, puisque vous avez
été, depuis le début, le point de mire, et même en
votre absence. Lorsqu'on fait la lecture des mémoires qui viennent, vous
êtes, plus souvent qu'autrement, Identifiés comme étant des
générateurs de coûts assez importants dans le
système.
Je suis très heureux qu'on se revole, effectivement, et de
constater à nouveau qu'il y a une main tendue et que, si j'ai bien
compris, M. Marier, il n'y ait pas nécessairement la main tendue du
côté du ministère. Je voudrais, d'entrée de jeu,
pour bien s'assurer qu'il n'y a pas d'équivoque, rappeler qu'on a quand
même réglé un dossier qui n'est pas sur la place publique,
mais qui est assez intéressant sur l'entrée de
spécialités en médecine. Il a fallu qu'il y ait
certainement une main qui aille rejoindre l'autre sur le plan de la
compréhension des problèmes et de la volonté de
régler les problèmes des médecins en
spécialité de base dans les réglons du Québec. Et
il faudrait peut-être faire attention avec ce genre d'affirmation
là, parce que les technocrates à l'occasion, eux aussi, peuvent
être irrités d'un certain nombre de propos.
Dans ce sens-là, je suis très heureux, et je dois vous
dire que je l'attendais ce moment-là, moi aussi, depuis un certain
temps, sur le plan des échanges que nous pourrions avoir sur - pas les
structures, parce que, là, on n'est pas dans les structures - ce qui
conditionne véritablement le système quant à 12 000 000
000 $. Et les 12 000 000 000 $, on en parle et on va en parler pendant tout le
temps qu'on va échanger ensemble de manière très ouverte.
Puis je sais que vous le faites et c'est votre volonté. Dans ce
sens-là, oui, c'est très ouvert, ça va l'être. Les
questions vont être assez précises, merci, aussi, à partir
du moment où on aura éliminé ce qui m'apparaît
être une affirmation dans votre document, d'entrée de jeu, qui
n'est pas bonne, que je conteste. Et c'est clair qu'on pourrait se parler de
chiffres pendant bien longtemps, que vous pourriez m'arriver avec: Si ce n'est
pas 75, ça peut être 80, ça peut être 65, ça
peut être 70. Et on va se chicaner pendant une éternité. Le
Dr Marier m'a fourni une très bonne occa- sion. est-ce que c'est 5,2 %?
est-ce que c'est 5,6 % est-ce que c'est 6,2 %? est-ce que c'est 6,9 %? si j'ai
bien compris, vous avez dit qu'à 5,6 %, si on faisait la
démonstration des 5,6 %, que 5,6 %, c'était très
acceptable. je relève le gant, cette main tendue de 5,6 % par rapport au
pib, bien sûr. on se comprend bien, parce que c'est de ça dont il
était question. je relève le gant et nous allons vous faire la
démonstration que 5,6 %, c'est au-delà de ça que nous
investissons au québec. et à partir du moment où ce sera
5,6 % et plus, on devra comprendre que ce que nous investissons est selon la
capacité ou au-delà de la capacité des
québécois d'investir dans leur système de santé et
de services sociaux. donc, je ne me chicanerai pas plus longtemps que ça
sur ces chiffres-là; je voulais quand même qu'on en parle, puisque
vous les mettez dans votre document d'entrée de jeu, qui est
inspiré, si j'ai bien compris, en bonne partie, de chiffres que rochon a
publiés il y a quatre ans, qui, depuis, ont été mis
à jour. ils sont très défendables de la part du
ministère et on va faire cette démonstration avec le plus grand
des plaisirs. donc, là-dessus, on va se revoir. je comprends
qu'aujourd'hui vous nous dites publiquement que, dans la mesure où cette
démonstration de 5,6 % est faite, ça irait selon la
capacité de payer des québécois. moi, ça me
convient. en autant que je vous ai bien compris, on va tenter de faire la
démarche ensemble, de se comprendre sur les chiffres et, à partir
de ça, il est clair que dans la mesure où, ça, ce serait
établi - je ne présuppose pas qu'on va réussir à
vous en faire la démonstration, on va le tenter, soyez-en sûr - je
suis pas mal sûr de relever mon pari à ce moment-ci.
Mais plaçons-nous dans cette hypothèse-là, que
c'est celle-là qui a 12 000 000 000 $ dans le système et que ces
12 000 000 000 $, c'est ce qu'on peut faire au maximum ou exiger des citoyens
du Québec pour leur système de santé et de services
sociaux. Il faut donc, par conséquent, aborder un certain nombre de
questions avec vous, qui sont sur toutes les lèvres depuis le
début de la commission, même avant la commission, et qui le seront
aussi après puisque vous êtes au centre de ce
système-là. Donc, ce sont des mesures d'efficience et
d'efficacité, parce qu'il semble bien que dans les mesures d'imposition,
de taxation, de ticket modérateur - on ne parle pas de ticket orienteur
parce que, lui, il visait à ne pas avoir une cent - même si
l'opinion publique est très favorable au tichet modérateur, de ce
qu'on comprend ce matin, c'est des mesures qui sont plus difficiles. Ça
ne veut pas dire qu'on les met de côté, mais allons voir ce qu'on
peut aller chercher, ce que le système actuel peut nous donner.
Donc, dans ces mesures d'efficience et d'efficacité, avec votre
permission, je commencerai pas vous interpeller sur le mode de rému-
nération et non sur la rémunération.
D'entrée de jeu, je pense qu'il faut dire de manière très
claire que si nous avons réussi, au cours des dernières
années, à contrôler nos dépenses de manière
macro - je pense qu'il faut le dire de manière très claire -
c'est en bonne partie dû au travail qui a été fait sur les
salaires des employés et aussi sur la rémunération des
médecins. Donc, ceci étant dit, c'est clair que les
médecins, dans cette période, ont collaboré au
contrôle des coûts. Ceci est très clair et les chiffres le
démontrent de manière très nette.
Quand je parie de mode de rémunération, c'est davantage le
mode dans lequel nous sommes actuellement. Il nous incite à une
dynamique inflationniste. Donc, lorsqu'on est à l'acte, le
système peut nous interpeller à l'acte. Je comprends que je n'ai
pas, quant à moi, la formation et toute la crédibilité
qu'il faut pour convaincre des médecins. Je comprends que mes
technocrates, peu importe qui ils sont - parce qu'on parle souvent des
technocrates - n'ont pas toute la crédibilité qu'il faut pour
être capables de vous convaincre. Laissons parier des médecins.
Laissons parier les médecins qui se sont présentés devant
nous hier soir.
Des médecins en santé communautaire nous disaient, hier
soir - et je vais vous lire un petit bout de texte au cas où ça
vous aurait échappé, parce que je sais que vous avez
été assez présents à cette commission depuis le
début - sous le titre «La rémunération des
médecins», ce qui suit: «L'argent étant le nerf de la
guerre, la vraie réforme risque de venir avec cette discussion sur le
financement. La réforme, deuxième étape, pourrait
être la vraie réforme en misant, cette fois, sur ceux qui
prescrivent nos 12 000 000 000 $ de services au Québec. Cette
réforme pourrait se faire par les médecins. «En effet, le
véritable consommateur, celui qui transforme les symptômes des
patients en visites, consultations, hospitalisation, tests de laboratoire,
examens radiologlques, chirurgies, le véritable consommateur, c'est le
médecin. La réforme actuelle, celle du financement, devra lui
permettre maintenant de transformer ses gestes de clinicien. Le médecin
a perdu le contrôle du menu médical. Il est malicieusement
entraîné malgré lui dans une production associée
directement à un tarif. Le médecin a perdu son autonomie
scientifique, il ne peut pas faire ce qui lui semblerait plus pertinent, plus
profitable, sans oublier ce pourquoi il est payé. Comprenons-nous bien,
nous ne disons pas que le médecin ne mérite pas ce qu'il gagne,
nous disons que le système actuel lui dicte ce qu'il doit faire pour le
gagner. La rémunération à l'acte lui a enlevé son
autonomie professionnelle. Quelques exemples pourront démontrer que le
système n'encourage pas: le pédiatre...» Il y a toute une
série d'exemples. J'en ai pris trois évidemment qui font mon
affaire. J'imagine que je pourrais prendre les huit et les huit feraient
l'affaire aussi, «...le pédiatre, à se départir de
la majorité de son travail qui consiste à voir des
bébés normaux; l'omnipraticien, à créer des
séances collectives d'Information pour ses patients hypertendus,
fumeurs, obèses, ou à organiser différemment les 50 % de
ses activités jugées délégables à des
infirmières, selon certaines études; l'internlste, à
renvoyer à la maison après deux jours les infarctus non
compliqués.»
Là, ce n'est pas moi, ce n'est pas mes technocrates, c'est des
médecins qui le disent et je pense que, si on n'aborde pas aujourd'hui
le mode de rémunération, est-ce que le mode de
rémunération n'est pas effectivement, dans notre système,
un des problèmes très importants quant au contrôle des
coûts et à l'efficience ou l'efficacité de ce qu'on peut
gagner à l'intérieur du système?
M. Richer: Je peux bien en parier un petit peu. Le mode de
rémunération, nous autres, ça fait longtemps qu'on est
assis à la table avec le ministère pour en discuter. On a une
certaine expérience, probablement pas mai plus que les médecins
qui vous ont parié hier, en santé communautaire, surtout s'il
faut qu'on reproche à des médecins de faire des séances
d'information sur l'hypertension et le danger de la cigarette, ça
m'étonne beaucoup d'un médecin qui vient de la santé
communautaire. S'ils connaissent autant les chiffres que la pratique de la
médecine, je pense qu'ils perdent de leur crédibilité.
Enfin, on pourra y revenir. nous, nous n'attachons aucune vertu, et vous le
savez, à un mode de rémunération plutôt qu'à
un autre. on a 2000 médecins omnlprati-ciens, pour votre information,
qui sont rémunérés à salaire actuellement dans le
système. il y en a un certain nombre, et ce nombre-là atteint un
plateau, qui sont rémunérés à la vacation. encore
là, la vacation, c'est un mode de rémunération au temps,
et les autres sont rémunérés à l'acte. je pense
qu'il y a des avantages et des désavantages. il m'apparaît
inopportun de rejeter complètement le blâme sur le mode de
rémunération à l'acte dans notre système comme
générateur de coûts. je pense qu'il y a des avantages dans
la rémunération à l'acte. entre autres, avec nos
systèmes de plafonnement, vous le savez, nos systèmes de revenus
moyens, quand on dépasse l'objectif collectivement comme cette
année d'ailleurs, les 5 % d'augmentation négociée se
traduisent par une augmentation de 3,54 %, parce qu'on a dépassé
de 1,41 % l'année passée.
Donc, il y a un remboursement au ministère de la Santé des
sommes qui sont perçues en trop. Par ailleurs, il faut bien admettre que
la rémunération à l'acte est un mode de
rémunération qui favorise aussi la production et, dans notre
système actuel, la productivité, ce n'est quand même pas
une chose à rejeter. On dirait que c'est péché
d'être productif dans notre système. 51 le ministère est
assez riche pour se permet-
tre - et ça, vous pourrez en parler à un de vos
prédécesseurs, M. Castonguay, et peut-être M. Forget aussi
- de mettre tous les médecins à honoraires fixes, allez-y, je
vous souhaite bonne chance. Vous allez vous rendre compte qu'il y aurait
peut-être intérêt à mettre certains fonctionnaires
à l'acte. Ça augmenterait la productivité et ça
nous empêcherait d'attendre aussi longtemps, des fois, pour avoir des
services publics ailleurs. Ce n'est pas toujours mauvais l'acte. Je sais que
ça peut générer des coûts, mais je pense qu'on a
démontré qu'il n'y a pas d'abus dans notre système, autant
par les dispensateurs de soins que par ceux qui les consomment, et je ne vois
pas pourquoi, alors que les trois modes sont permis et alors qu'on essaie de
préserver une certaine équivalence actuarielle - et vous en savez
quelque chose - on mettrait tous les maux sur la rémunération
à l'acte. Elle a des faiblesses, elle a des avantages, exactement comme
la rémunération à honoraires fixes. Vous les connaissez
très bien, d'ailleurs, les faiblesses et vous connaissez aussi les
avantages.
M. Côté (Charlesbourg): Par ma question, je n'ai pas
dit que c'était la source de tous nos maux. J'ai bien
spécifié que c'était le mode globalement et que
celui-là en était un. Il y a d'autres pays qui sont allés
vers le salariat de médecins et qui n'ont pas réglé pour
autant leurs problèmes de santé, leurs problèmes
d'accessibilité. Je pense que ça m'apparaît à ce
niveau-là assez clair.
Le Président (M. Joly): M. Marier.
M. Marier: Là-dessus, M. le ministre, et puisque vous avez
lancé le débat, je pense que la profession médicale est
sûrement prête actuellement à s'asseoir autour de la table
et à évaluer les avantages et les désavantages des types
de rémunération des médecins, d'autant plus que, comme je
vous le disais tout à l'heure, comme médecins
spécialistes, nous, avec la rémunération à l'acte,
on a vraiment l'impression d'avoir été roulés parce que,
comme on vous le disait tout à l'heure, on est passés de la
première place à la dernière place. Et on n'était
pas à salaire, on était à l'acte. Donc, pour nous, ce
n'est sûrement pas une façon extraordinaire d'être
rémunérés. (15 h 15)
Le deuxième point, c'est parce qu'on a toujours l'impression - et
ça été véhiculé évidemment largement
- que les médecins sont à la «castonguette» et,
à ce moment-là, qu'ils peuvent produire et travailler jour et
nuit et se faire des revenus importants. C'est vrai qu'il y a des individus qui
peuvent peut-être faire ça. Mais s'il y a beaucoup d'individus qui
font ça, en même temps, à cause du cadre de
négociation qu'on a avec le ministère depuis 1976, avec les
objectifs tarifaires, avec les revenus moyens bruts, les dépassements
qui sont faits, on les repaie l'année passée et, comme on l'a dit
tout à l'heure, les revenus sont diminués en conséquence.
C'est-à-dire que si on dit: On a eu une augmentation de revenu de 5 %,
on a dépassé de 2 % l'année d'avant, à ce
moment-là, ça nous donne 3 % d'augmentation. Alors, c'est pour
ça que je vous dis qu'on se sent très à l'aise d'en parler
ouvertement. Malheureusement, nous, ce qui nous frustre le plus, c'est ce qui a
été véhiculé dans la population, comme si on
pouvait délibérément, disons, faire sauter la cagnotte
à chaque fois. Plus que ça, on travaille dans les hôpitaux.
On ne contrôle pas. Avec les fermetures de lits, avec les fermetures de
salles d'opération, les fermetures de soins intensifs, les limitations
des congés, etc., on n'a pas accès, ad lib, si on veut, à
toutes les ressources comme ça peut paraître lorsqu'on regarde
ça de l'extérieur. Alors, on pense actuellement qu'il y a des
contrôles d'entrée d'étudiants en médecine, il y a
des contrôles dans les postes de résidence, il y a des
contrôles qui, au niveau de la gestion des hôpitaux, ont
été bâtis. Et, en plus de ça, avec le gouvernement,
les objectifs tarifaires, ça permet d'arriver à des
résultats, justement, de contrôle de rémunération
pour laquelle on se dit: Écoutez, dans nos prochaines
négociations, M. le ministre, on va revenir, parce qu'on a l'intention
de faire des pressions pour changer ça.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends. Le
système qui a été établi, de plafonnement avec
indexation, récupération l'année suivante, est un
système qui a permis de contrôler de manière macro la
rémunération. Je l'ai dit au départ et ça me
paraît très clair de le répéter aussi. Et, par
conséquent, ça ne s'est pas fait sur le dos des travailleurs
sociaux, ça s'est fait sur le dos des médecins qui travaillent.
Bon. Une chose est certaine, c'est que, par le mode de
rémunération, ce que vous me signifiez c'est qu'il y a une
ouverture à revoir les modes de rémunération, les
différents modes, que ce soit à vacation, que ce soit à
l'acte ou que ce soit à salaire, pour tenter de corriger les lacunes que
nous pouvons avoir dans le système. Moi, j'en suis bien heureux, et je
pense que c'est dans ce sens-là qu'on va réussir à
progresser pour tenter de dégager des marges de manoeuvre à
l'intérieur de ce qu'on a maintenant.
J'ai une autre série de questions de ce genre-là, et vous
m'en avez presque volé une, dans votre présentation, M. Marier,
sur le pulmonaire. Le CETS, qui a fait son rapport sur les radiographies
pulmonaires de routine, nous a fait la démonstration qu'il y avait pour
à peu près 10 000 000 $ d'examens qui ont été faits
et qui étaient, à toutes fins pratiques, inutiles. Vous l'avez
évoqué tantôt comme un des exemples où on pouvait
être plus performants et utiliser l'argent à d'autres fins. Ce que
vous me dites,
c'est que dans certains cas on pouvait le détecter dans un centre
hospitalier, par exemple, en particulier, où ça a peut-être
même été corrigé avant que le cets l'analyse.
qu'est-ce qui fait, par exemple, que nos cmdp, qui sont là justement
pour être dans des situations d'évaluation de ces
choses-là, ne l'ont pas détecté avant ou ne l'ont pas
transféré comme expérience dans les autres centres
hospitaliers?
M. Marier: Bien, c'est une des raisons pour lesquelles on se
demandait pourquoi vous ne les avez pas invités ici. C'est que les CMDP,
dans la loi, dans chacun des centres hospitaliers, ont un rôle
précis, bien clair. Les CMDP ont réalisé que ce
rôle-là devait absolument déboucher sur une
régionalisation. Ils ont travaillé depuis sept, huit ans à
mettre en place des associations régionales de CMDP, et même une
association provinciale pour passer des messages. Mais sauf que...
M. Côté (Charlesbourg): Je vous retourne la balle
parce que, l'été passé, vous étiez bras dessus,
bras dessous dans toutes vos démarches.
J'imagine que vous auriez pu l'être aujourd'hui aussi. Pourquoi
ils ne sont pas là?
M. Marier: Parce que vous ne les avez pas invités.
M. Côté (Charlesbourg): Comment, je ne les ai pas
invités? Je n'ai invité personne d'autre. Vous avez
décidé de venir ensemble comme coalition, et, dans ce
sens-là... Le seul que j'ai voulu avoir tout seul, c'est Augustin, de la
Corporation professionnelle. Vous le savez, je vous l'ai dit.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): il ne faut pas se faire de
cachette et il le sait aussi.
M. Marier:écoutez, on va dire au dr bois de venir
s'asseoir avec nous et à ce moment-là... écoutez, c'est
ça le problème. ça fait longtemps que la profession
médicale essaie de mettre en place des mécanismes pour avoir un
impact régional et un impact national. ça s'est fait à
petits pas et là on en est rendus là. je pense que l'ouverture
que vous avez faite cet été en disant «oui, on va aller
dans les commissions médicales régionales, oui, on va aller avec
une loi particulière et un conseil médical du
québec», je pense que ça va dans le sens des objectifs que
vous vous donnez. on devrait encore être plus productifs... ça,
c'est un exemple, les rayons x des poumons, mais il y a beaucoup d'autres
exemples qu'on peut faire au niveau national.
M. Côté (Charlesbourg): J'en ai d'autres; ne vous
inquiétez pas, je ne vous laisserai pas partir comme ça, pour une
fois qu'on peut se parler. Soyez sûrs de ça, j'en ai d'autres.
Ce que je comprends, quand vous évoquez le Conseil
médical, c'est une question de main tendue aussi et le ministère
a quand même réagi assez rapidement merci pour vous livrer le
Conseil médical.
M. Marier: Oui, c'est un point positif.
M. Côté (Charlesbourg): Alors, il ne faut pas se
gêner pour le dire aussi de temps en temps quand il y en a.
M. Marier: Non, non, mais on cherche à
établir...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Marier: C'est ce que je venais de vous dire, cher ministre, on
cherche à établir un partenariat et on a cité ce point
positif il y a quelques instants; que vous le souligniez encore, on est bien
d'accord là-dessus.
M. Côté (Charlesbourg): Les tests de routine, ce qui
est communément appelé des «tests de routine. Selon
certaines études de l'Angleterre, on parle de plus ou moins 20 % de
tests de routine qui sont questionnables et qui pourraient nous permettre de
faire un certain nombre d'économies au niveau du Québec. Ce que
je comprends, c'est qu'au Québec c'est plus ou moins 700 000 000 $ dont
il est question en termes de tests de routine. Si on applique - soyons
généreux, on ne prendra pas 20 %, nous autres, on est bien
distincts; disons qu'on est bien performants et qu'on en fait moins que les
autres - juste 10 %, ça signifierait au bout de la ligne 70 000 000 $
d'économie. J'aimerais vous entendre là-dessus. Vous allez me
dire oui, et je vais vous le faire dire sur la place publique. Je me suis
commis à l'occasion sur la place publique et ça aide un peu. Je
vais vous faire commettre sur la place publique. Quelle est votre
appréciation de cette situation spécifique des tests de routine
qui impliquent 700 000 000 $ et, selon les études - on peut les
contester - que plus ou moins 20 % de ces tests-là - je le mets entre
guillemets parce que je ne suis pas médecin et je ne peux le juger
moi-même - on pourrait s'en dispenser, donc avec des impacts sur le plan
financier assez importants? Quelle est votre opinion là-dessus?
M. Brossard: Je peux répondre. Écoutez, je pense
qu'il y a un grand pas qui a été fait il y a quelques
années et qui continue à se faire dans plusieurs milieux
hospitaliers où on a commencé à offrir des tests
scindés et non pas des tests en «package deal»: 36 tests
d'un coup. On envoyait le sang et on recevait 36 tests d'un coup. C'est le
changement d'habitude qui fait en sorte qu'on
peut maintenant obtenir un test à la fols et bien distinguer
l'utile de l'Inutile dans des «package deal» de 36 tests; cela a
fait en sorte que, oui, on peut commencer maintenant à apprécier
et à ne demander que l'essentiel dans ces tests-là.
Ce qui ressort de ce que vous mentionnez, que de 10 % à 20 % de
certains tests seraient inutiles, c'est le fruit d'un domaine de recherche
relativement récent qui est la recherche evaluative
coûts-bénéfices des actes médicaux qui est un
domaine de recherche qui est en explosion dans le milieu médical depuis,
je dirais, une dizaine d'années à cause des pressions
économiques qui existent partout et dans tous les pays. Cette
recherche-là nous apprend des choses qu'on a constamment et
d'année en année. Je suis prêt à reconnaître
que l'ajustement ne se fait pas, une fois que le papier ou que le produit d'une
recherche est sorti, en une semaine dans l'ensemble du monde. C'est un pan de
recherche relativement récent qui est en évolution et qui,
à mon avis, devrait peut-être être financé parce
qu'il y a là des changements d'habitudes médicales qui ne
pourront se faire que le jour où la science va montrer que c'est
inutile. On ne peut pas faire plus en médecine que ce que la science
nous dit qu'on doit faire à ce jour. Comme de fait, quand on apprend un
élément neuf, ça demande un changement de conduite et ce
changement de conduite demande une latence, je voudrais que, dans un domaine de
recherche qui est en progression comme celui-là, l'évolution de
nos connaissances fasse en sorte que, oui, il y a des changements d'habitudes
qui sont possibles.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'un objectif...
M. Marier: Si ça peut vous rassurer... M.
Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Marier: ...M. le ministre, ça fait plusieurs
années qu'au sein des CMDP, au niveau des comités
d'évaluation médicale, il y a du travail qui se fait de
façon systématique là-dessus et que, comme on le dit, on
s'ajuste évidemment à nos notions. Mais ce qui va probablement
accélérer le phénomène, c'est la possibilité
de se parier au niveau régional et la possibilité aussi d'avoir
une concertation au niveau provincial parce que le travail qui se faisait dans
un hôpital devait être recommencé dans l'autre et chacun
multipliait les expériences en parallèle, si on veut, et c'est
ça qu'on va pouvoir corriger avec ce qu'on a mis de l'avant.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Mais est-ce qu'il est
pensable que l'on puisse à peu près avoir comme objectif 10 % de
réduction de ces examens? Est-ce que c'est possible et qu'est-ce qu'il
faut faire demain matin?
M. Richer: C'est bien difficile à dire, ça, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): De ce que je comprends,
c'est encore plus difficile à réaliser.
M. Richer: Non, ce n'est pas ça. Vous pensez que la
profession médicale a de la mauvaise volonté au départ,
j'ai l'impression.
M. Côté (Charlesbourg): Absolument pas, absolument
pas!
M. Richer: Ce que je veux vous dire c'est...
M. Côté (Charlesbourg): Absolument pas, c'est
d'autres études ailleurs.
M. Richer: O.K., peut-être, mais comme le laissent entendre
le Dr Marier et le Dr Brossard, quand on fait une recherche dans un
hôpital, on a un petit bassin de population. On n'a aucun moyen, nous
autres, les médecins, de faire véhiculer toute cette recherche,
de faire que de l'hôpital Notre-Dame ça se rende le lendemain
matin à l'hôpital à Sainte-Anne-des-Monts. Ce n'est pas si
facile que ça, la régionalisation, vous le savez)
M. Côté (Charlesbourg): C'est en région
ça!
M. Richer: C'est en région ça! De sorte que ce
qu'on dit, le CETS, c'est une excellente initiative. On vous a proposé
le Conseil médical du Québec, que vous avez accepté
d'ailleurs. C'est tout à votre honneur. On pense qu'au niveau de ce
Conseil on peut très certainement diffuser que si la radiographie
pulmonaire de routine «préhosp» qui était un dogme
dans mon temps, M. Côté... C'est vrai que je suis vieux, moi! Mais
c'était un dogme dans mon temps. La médecine, ce n'est pas une
science prospective. On ne peut pas dire: Aujourd'hui, je décide en me
levant un matin que c'est dangereux de fumer. Ce n'est pas vrai. On le sait
aujourd'hui parce qu'on a de l'expérience en aval. On ne peut pas
arriver et penser qu'en amont on va décider de ce qui va être
dangereux pour le monde. On n'a pas la science infuse. Donc, il faut, si vous
voulez, marcher comme des scientifiques et dire: Voici, on va faire de la
recherche là-dedans. Et on se rend compte que la radiographie pulmonaire
qu'on a faite, avec toute la meilleure volonté du monde - c'est nos
professeurs qui nous ont enseigné ça à l'université
- ce n'est plus utile. Bon! À partir de ce moment-là, je pense
que là on serait insignifiants et vous auriez raison de dire que
ça ne marche pas, notre système, si on continue à les
prescrire. Mais il faut quand même trouver un véhicule qui fait
que cette information est transmise.
Aux analyses de routine. Je vais vous parler comme un omni qui a
pratiqué 22 ans dans une
grande ville, Montréal. D'abord, au début, on pouvait
prescrire une hémoglobine et une héma-tocrite, c'était
possible pour un patient qui faisait de l'anémie. Mais, plus tard, c'est
devenu presque impossible parce que, là, il y a eu les SMA 12, les SMA
24. C'était tout mécanisé. On nous disait à
l'hôpital que ça ne coûtait pas plus cher de faire un SMA 12
- moi, je n'ai jamais cru ça - de faire 12 analyses plutôt que
d'en faire une ou deux. Mais, ça, c'était le principe.
Mais l'autre affaire qui est encore plus importante que ça, c'est
que dans une ville comme Montréal on a des listes d'attente. Ça
prend 31, 32, 35 jours quand on prescrit une pauvre formule sanguine à
un patient dont on veut vérifier l'anémie, si vous voulez.
Ça prend 30 et quelques jours. Quand le patient a son rendez-vous 30 et
quelques jours plus tard et qu'on reçoit le test, parce qu'on a voulu
pratiquer comme il faut et qu'on n'a pas demandé le fer sérlque,
à ce moment-là, en même temps, parce qu'on s'est dit,
«je vais voir, Je n'aurai peut-être pas besoin de le
demander», on se rend compte que, là, il faut le demander et
ça prend un autre 30 et quelques jours. Qu'est-ce qu'on fait au point de
vue pratique? On prescrit les trois analyses ou les quatre analyses en
même temps pour éviter les 30 et quelques jours d'attente
supplémentaire à notre patient. C'est une réalité
avec laquelle on est pris. Il va falloir aussi qu'on discute de
l'opportunité de rendre l'accessibilité aux tests de laboratoire
dans les établissements, soit les hôpitaux, soit les CLSC, plus
facile dans les grandes villes comme Montréal.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense qu'on est dans la
bonne ligne. On a de l'argent. Il faut faire la démonstration au peuple,
aux payeurs de taxes que l'argent qu'on a est utilisé à la bonne
place. Je n'ai pas la conviction que l'argent qu'on dépense aujourd'hui
est toujours utilisé à la bonne place, même si de
manière macro il est sous contrôle. À l'intérieur de
ça - et c'est mon discours depuis deux ans - je pense qu'il faut
s'interroger, et c'est ce qu'on fait. Je trouve ça intéressant
qu'on puisse le faire de cette manière et qu'on se soit
réservé le temps qu'il faut pour le faire avec vous autres qui
vivez sur le terrain.
J'en ai une autre petite.
M. Richer: Allez-y!
M. Côté (Charlesbourg): Ah! J'en ai encore pour un
bout de temps. Obésité. Là, je m'adresse au Dr Richer. Je
suis à l'aise pour vous en parier, vous êtes l'un des premiers
à m'en avoir parié dans les rencontres que nous avons eues. On
estime à plus ou moins une centaine de médecins qui ont des
cliniques qu'on peut apparenter à des cliniques d'obésité.
Il faut être bien clair, il n'est pas question pour moi de questionner le
«médicalement requis». Je pense que c'est assez clair. Mais,
selon les analyses que nous faisons ou les données que nous avons, il y
a plus ou moins 10 000 000 $ qui se perdent dans ce genre de cliniques
là. C'est quoi qu'il faut faire pour s'assurer que ça ne se fasse
pas?
M. Richer: ce n'est pas simple, on en a parié depuis un
petit bout de temps. on est conscients qu'il y a un problème là.
exactement comme les «fast-food» de la médecine. je n'ai
jamais été gêné de vous en parier. ce n'est pas
gênant non plus, c'est gênant que ça existe, tout
simplement. quand on essaie de proposer quelque chose qui va lier la
rémunération complète du médecin à une
certaine appartenance à un établissement, je pense qu'on propose
quelque chose qui est d'avant-garde. nulle part ailleurs au canada ça ne
s'est fait. c'est dans ce sens-là qu'on veut, si vous voulez, participer
à l'élimination de ces faux «fast-food» qui logent
au-dessus de chez jean coutu, gratuitement souvent. ça, je pense qu'on
doit le reconnaître, la profession médicale. on a une faiblesse
là qu'on essaie de corriger, on vous le dit bien honnêtement. (15
h 30)
Comment le faire? Bien sûr, il ne faut pas encourager les
obésologues de Québec, comme il y en a qui l'ont
déjà fait, vous le savez, qui vont faire du cabinet à
Baie-Comeau et à Rimouski, comme si les médecins de Baie-Comeau
et de Rimouski n'étalent pas capables de traiter l'embonpoint qui peut
nécessiter un traitement médical. Le problème, c'est
qu'ils encombraient en plus les laboratoires. Vous savez ce que c'est, quand on
veut éliminer des problèmes endocriniens... Je parie de quelque
chose que je ne connais pas, mais mon collègue, ie Dr Brassard, peut en
parier longtemps. Si on prescrit un certain nombre d'analyses pour voir s'il
n'y a pas des déficiences endocriniennes qui produisent cette
obésité-là, qu'est-ce qu'on fait dans une petite ville
comme Baie-Comeau ou Rimouski? On bloque les laboratoires pour les vraies
analyses courantes dont on a besoin le lendemain, puis pendant le mois suivant.
Ces obésologues viennent faire du bureau. Ils reviennent la semaine
suivante, puis deux semaines après, comme ils le font à Rimouski.
Donc, on ne pense pas que ce soit un service intéressant pour la
population. On est prêt, à ce moment-là, à discuter
avec le ministère de moyens précis pour tenter d'enrayer
ça, dans le respect de la liberté des pratiques. Je pense qu'il y
en a qui font d'excellentes pratiques là-dedans, mais il y en a qui se
sont réfugiés dans ça.
M. Côté (Charlesbourg): On me signale que mon
premier bloc est déjà terminé. Alors, je vais laisser la
chance à mon collègue de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
Le Président (M. Joly): C'est ça. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter,
à mon tour, la bienvenue aux représentants des médecins.
Oui, c'est important que vous soyez là. D'entrée de jeu, je
dirais que ce que vous nous faites savoir aujourd'hui, et la façon dont
vous le faites, c'est empreint de responsabilité et de respect. Je note,
par exemple, au départ, un élément de votre
responsabilité. L'un des vôtres, le Dr Brossard, est en
négociation avec le gouvernement, et il n'a pas fait le quart d'un
dizième d'allusion parce qu'il sait que ce n'est pas de ça qu'on
discute ici. Ça, il faut le dire. C'est un conflit sérieux de ses
membres avec l'employeur qui s'appelle le gouvernement du Québec, mais
on n'a pas profité de la tribune qui est créée ici.
Ça, c'est un signe - je veux le relever - de la profession
médicale lorsqu'elle se présenté devant nous, pour essayer
de voir - oui, finalement - ce qui arrive à notre système de
santé et de services sociaux et pourquoi nous sommes ici
aujourd'hui.
Quant à moi, vous avez bien saisi l'essence de la situation, et
je veux le répéter, peut-être sous un angle
différent. Il y a, au départ, dans cette commission et dans le
document du ministre, au moins 10 mythes, 10 éléments qui courent
dans la société et qui ont été détruits par
le document du 18 décembre dernier. Entre autres, un des mythes par
rapport à la profession médicale, c'est que c'est surpayé.
C'est le mythe le plus fréquent. Ce qui est indiqué: les citoyens
non abuseurs; on contrôle bien nos affaires au Québec. Vous le
répétez ici: on contrôle même plus que relativement
bien; on contrôle très bien l'évolution de nos coûts.
Du côté de la profession médicale, les discussions, les
dépenses capées ou les salaires, la masse salariale
enfermée dans un tout comme ça s'est fait au cours des
dernières années, ça nous indique qu'on a un bon
contrôle là-dessus et que, relativement parlant, par rapport aux
autres provinces canadiennes en Amérique du Nord, nos médecins
gagnent leur argent, et ils n'en gagnent pas des tonnes de plus, au contraire,
que ce qui se passe dans les autres provinces ou ailleurs au Québec.
Cela ne nous empêche pas, par ailleurs, de se questionner sur
l'efficience. Mais, avant d'arriver à cet élément de la
séquence, vous diagnostiquez très bien qu'on fait nos affaires
comme il faut, au Québec, sur le plan administratif. Du
côté de la profession médicale, vous avez fait votre part
aussi dans l'évolution du contrôle des dépenses - il y en a
encore à faire aussi, chez vous et ailleurs. Sur le plan de ce que vous
êtes comme consommateur de coûts, eh bien, c'est, en termes
relatifs, bien proportionné par rapport à ce qui se passe
ailleurs. Notre problème, c'est celui de la croissance insuffisante des
revenus au Québec. Vous avez bien raison sur deux aspects. La croissance
de notre PIB, ça s'appelle l'emploi. On n'ira pas vous imputer ça
indirectement au... c'est la job d'autres. Deuxièmement, le
désengagement magistral du gouvernement fédéral.
Là-dessus, non plus, je n'irai pas très loin parce que vous
diagnostiquez cette situation très bien. J'ose dire, cependant, avant de
passer à la première question, qu'avec le malaise qui est
introduit dans notre société par le désengagement
fédéral, ce qui est introduit comme problème parce que les
choix de dépenses du gouvernement fédéral ne sont pas les
mêmes que les choix que nous avons faits au Québec - mettre 31 %
de nos dépenses publiques en santé et services sociaux; eux, ils
ont décidé de n'en mettre que 14 % - il ne faudrait pas que cela
nous divise au Québec, en particulier avec nos professionnels de la
santé.
Vous dites - et nous sommes d'accord avec cela: Regardons ce que nous
pouvons faire avec les dollars que nous avons, en termes de rationalisation et
d'efficience. Je voudrais revenir un peu aussi sur l'élément qui
nous a été apporté hier par les départements de
santé communautaire, sérieux et à la blague, parce que des
mouvements étaient venus ici, à cette commission, pour nous dire:
Ah! ceux-là, ce ne sont pas des vrais docteurs, ils sont virés au
social. Il faut travailler avec ça aussi dans la société
parce que ça existe. Il faut prendre ça comme des indices pour
être capables de trouver la vérité et surtout les bonnes
solutions.
À la réponse du ministre, Dr Richer, vous
répondiez: Mais, la rémunération à l'acte, ce n'est
pas générateur de coûts parce qu'il y a la
productivité et il y a la limite supérieure qui est fixée.
Il faut rétablir ça aussi. Mais ce que ces gens-là nous
disaient, c'était: Nos médecins... le système oblige
peut-être à poser un certain nombre de gestes qui ne sont pas
assez productifs, compte tenu des problèmes que nous avons à
affronter. Alors, ce n'est pas que c'est générateur de
coûts, ce n'est pas qu'ils ne méritent pas, ce n'est pas qu'ils
gagnent trop - c'est bien dit dans le document - c'est que les gestes qu'on les
force un peu à poser médicalement ne sont pas les gestes les plus
efficients pour l'ensemble des gens qu'ils ont à rencontrer, de la
population du Québec.
C'est dans ce sens-là qu'ils donnaient cet exemple de
l'omnipraticien qui a créé des séances collectives
d'information pour ses patients hypertendus, fumeurs ou obèses, ou a
organisé différemment les 50 % de ses activités
jugées délégables à des infirmières. Moi, ma
question est la suivante: Dans le contexte de l'efficience, dans le contexte de
l'augmentation de l'efficacité de notre travail et du dollar qu'on y
investit, est-ce que c'est réaliste de penser que, dans un temps
relativement court, les professions médicales pourraient s'asseoir avec
les intervenants concernés pour examiner l'attribution d'un certain
nombre d'actes - d'actes dits médicaux, actuellement - pour faire en
sorte qu'ils puissent
être attribués, peut-être, comme
responsabilités à d'autres, de façon, je dirais, à
garder ceux et celles qui sont préparés pour des interventions et
des actes beaucoup plus spécifiques et d'une qualité ou d'une
efficience plus grande, et qu'ils puissent avoir le temps de le faire? Est-ce
que c'est pensable, ça, dans le contexte de ce que nous sommes et des
dangers qui guettent notre régime, qu'on puisse s'asseoir et regarder
ça avec d'autres professions et, disons-le carrément, par
exemple, avec les DSC, avec les infirmières?
M. Richer: Oui, je pense que c'est tout à fait pensable,
M. Trudel. D'ailleurs, on a commencé à le faire. Il n'y a pas
très longtemps, on rencontrait, avec le sous-ministre
délégué aux relations du travail, les gens de la
Corporation d'urgences-santé. On nous demandait, dans un premier temps,
si la profession médicale était prête à s'impliquer
dans la formation des techniciens ambulanciers - à Montréal,
entre autres, mais ça pourrait être à l'échelle du
Québec - pour apprendre à ces techniciens ambulanciers certains
actes médicaux qu'on doit faire en situation d'urgence, ce qui
permettrait de retirer graduellement, au fur et à mesure de
l'augmentation de la formation des techniciens ambulanciers, des
médecins de la route. On a dit oui à cette question-là,
sous réserve de discussions approfondies avec la corporation
professionnelle. Nous n'avons pas le pouvoir, comme fédération...
Ce n'est pas dans notre mandat de discuter, vous en conviendrez, de la
délégation des actes, mais on n'est pas du tout contre ce
principe. On vit avec ça à l'année longue, les
médecins. On délègue des actes, de temps
immémoriaux, à des infirmières dans les hôpitaux et
à des aides-infirmières, etc. Donc, le concept en soi, c'est un
concept avec lequel on est habitué de vivre. On est ouvert à
cette discussion actuellement. On l'a démontré, il n'y a pas plus
longtemps que le 15 janvier, quand, avec M. Charlebois, nous rencontrions la
Corporation d'urgences-santé.
M. Brassard: Nous sommes très très disponibles
à la délégation des actes. Il y a beaucoup
d'hôpitaux où la liste d'actes délégués n'est
pas la même d'un hôpital à l'autre, ce qui fait qu'il y a
des médecins qui doivent passer des journées, des nuits à
faire des ponctions veineuses ou à faire des prélèvements
ou des gestes qui sont délégués ailleurs. Probablement que
leur utilité serait plus grande s'ils étaient à poser des
tâches diagnostiques et des tâches thérapeutiques qui sont
d'un autre type. L'examen de la délégation des actes, en tout
cas, pour ce qui est des médecins résidents, est quelque chose
qui nous apparaît important parce qu'il y a une grande partie des
tâches que nous faisons qui s'apparentent seulement lointainement
à la médecine.
M. Marier: D'autre part, M. Trudel, je voudrais vous dire qu'une
de nos 30 associations, à la fédération, c'est
L'Association des médecins spécialistes en santé
communautaire et que ces gens-là font partie du groupe quand même,
de façon générale. Il peut arriver qu'il y ait des groupes
de médecins qui se prononcent sur des sujets qui diffèrent de
l'harmonisation de toute la profession médicale. Mais ça, comme
je vous dis, on est dans une démocratie, puis il peut y avoir des
nuances de pensées. Encore une fois, là-dessus, c'est à
ça qu'on travaille actuellement, même entre nous, entre
associations, pour essayer de voir comment on peut corriger des biais qui sont
faits par l'attribution de certains actes, de certains tarifs, etc.
Actuellement, on travaille énormément sur ce qu'on appelle
la valeur relative des actes chirurgicaux, ce qu'on appelle la VRAC; la valeur
relative des actes diagnostiques, ce qu'on appelle la VRAD; et la valeur
relative des actes médicaux, la VRAM, pour essayer justement
d'harmoniser, pour donner une juste valeur, pour ne pas qu'on se retrouve avec
des écarts inclus. De la même façon, même avant que
le ministre nous le suggère, on avait déjà commencé
à regarder des orientations quant à Inciter... parce qu'on a des
problèmes dans nos distributions de services de santé. Puis, on
se dit: Les médecins qui veulent aller en région, c'est
important. Donc, il faut essayer de rémunérer les
spécialités de base, en tenir compte. On travaille
là-dessus également.
On travaille sur la rémunération pour essayer, dans
certains secteurs où, justement, l'acte est plus difficile à
définir ou qu'il y a des modalités différentes... Donc, on
travaille sur des modes de rémunération pour favoriser un service
qui, autrement, serait mal rémunéré. Alors, ce sont tous
des dossiers auxquels on s'attaque actuellement et auxquels on est ouverts
à la discussion.
M. Trudel: En tout cas, moi, je suis heureux de voir
réitérer cette volonté de s'asseoir et de continuer ce
travail parce que vous notez que l'ouverture est là et qu'on peut
poursuivre. Je pense qu'on peut faire plus avec les choses que nous avons
actuellement, surtout avec la compétence que nous avons dans l'ensemble
du corps médical. Comme le disait le Dr Brossard, eh bien, il y a un
certain nombre de gestes qu'on perçoit, en tout cas, comme étant
des gestes de routine qui requièrent moins de grandes qualifications, au
sens général du terme, qui pourraient nous amener à
économiser, en quelque sorte, de l'énergie, du temps et de la
compétence pour les mettre aux bons endroits. Si vous me dites: Bon, on
fait la VRAC, la VRAD, la VRAM, etc., j'espère que ça va faire
VROUM! VROUM! VROUM! à la fin, et qu'on va pouvoir en avoir plus en
termes de services.
Maintenant, quant au nombre de médecins. Ça, c'est une
question importante qui est soulevée dans le document et qui est
présentée comme
une piste quand on parle du niveau de dépenses ou, encore,
lorsqu'on parle de l'efficience ou de la rationalisation dans le
système. Grosso modo, quand on fait les bonnes divisions dans le
document par rapport à l'Ontario, il y aurait au Québec, plus ou
moins, 500 médecins de plus, entre 400 et 500. Ça dépend
où on situe la virgule puis le point, 400 à 500 médecins.
C'est une partie importante de ce qui serait notre masse supplémentaire
de dépenses dans le système.
Bien sûr, je sais qu'il faut coupler ma question avec la question
de la répartition des médecins au Québec, mais, moi,
là-dessus, je fais juste une parenthèse en disant: Vous avez
relevé le défi à l'occasion de la 120 et on verra. On
verra, il y a des choses qui se font actuellement. On vous voit un peu partout
dans le circuit faire des propositions avec votre monde. Il faut qu'on en
arrive à la solution, mais ce n'est pas ça, notre
problème. Le problème, c'est, pour l'Instant, le nombre de
médecins. Pour vous, est-ce qu'il y a trop de médecins au
Québec, premièrement? Deuxièmement, est-ce que
l'idée de contingenter davantage, un petit peu plus, l'entrée en
faculté, c'est une idée qu'on doit continuer à examiner
pour en arriver à une moyenne de médecins par tranche de
population qui soit à peu près celle des pays
industrialisés? (15 h 45)
M. Richer: Ce n'est pas facile de répondre à cette
question-là avec des indices de certitude qui soient
élevés. Il est sûr qu'on se multiplie à un rythme
plus rapide que la population, en général. Ça, on en a
parié au ministre - dans le temps, c'était M. Johnson - en 1980.
Si les statistiques démontrent qu'on va 3,2 fois plus vite que la
population, en termes d'accroissement, je ne sais pas quand on va
dépasser un seuil critique. Mais la simple loi mathématique va
faire qu'un jour on va dépasser. Est-ce quand on va être 50 000
docteurs au Québec? Je pense qu'on va l'avoir dépassé
depuis très longtemps, à ce moment-là. Est-ce qu'on l'a
dépassé, actuellement? C'est difficile à dire, compte tenu
qu'il faut aussi prendre en considération d'autres facteurs qui
viennent, si vous voulez, mettre une sourdine à ça.
Il y a le vieillissement de la population médicale, il y a le
vieillissement de la population en général. Il y a aussi les
changements de valeurs chez les médecins. Dans notre temps, on
travaillait facilement 70 ou 72 heures. Ce n'était pas plus intelligent
qu'il le faut, mais c'était ça, les circonstances, dans ce
temps-là. Ce n'est peut-être pas souhaitable que ces moyennes
soient maintenues, mais je pense que les jeunes médecins, comme tous les
autres éléments de la population, veulent avoir une vie
personnelle un peu plus satisfaisante, si vous voulez. Donc, il faut tenir
compte de ces facteurs-là.
Il faut également tenir compte de la grandeur de notre province.
Évidemment, on est la province la plus grande du Canada. On est aussi
distinct par ça. On est la province la plus grande, avec des territoires
qu'il faut desservir, vous le savez, de la façon la plus satisfaisante
possible. Ceci dit, je pense que mon collègue spécialiste aura
d'autres interventions à faire là-dessus, mais il faut agir avec
beaucoup de précautions sur ces facteurs de multiplication des
médecins avant d'arriver à dire: C'est quoi, le chiffre absolu,
idéal? On se rend compte qu'on est beaucoup, actuellement, mais est-ce
qu'on est trop? Encore, ce n'est pas facile à dire.
M. Marier: Là-dessus, j'aimerais ajouter que l'information
de 3,2 fois l'accroissement de la population date déjà de
quelques années et, actuellement, on serait beaucoup plus près du
chiffre de 1,7 fols l'accroissement de la population, ce qui est
déjà moindre. Si on ajoute les facteurs correctifs que le Dr
Richer vient de mentionner, soit la féminisation de la profession, le
changement de valeurs et d'habitudes de vie, le vieillissement... Lorsqu'il
parie des spécialistes, de la médecine spécialisée,
à ce moment-là, il va falloir être prudent, encore une
fois, avant de prendre des décisions qui auront des répercussions
sur plusieurs années. Ce que je voudrais également ajouter, c'est
que, déjà, il existe au Québec... Si vous faites mention
du rapport Barer-Stoddart qui a été publié et dont les
ministres de la Santé ont adopté les grandes lignes, c'est qu'on
est déjà 10 ans en avance là-dessus, au Québec.
Déjà, le ministère a le pouvoir de contrôler les
entrées dans les facultés de médecine. Déjà,
le ministère contrôle les postes de résidence avec les
cadres de référence qu'il avait mis en place. Déjà,
ces contrôles étaient là.
Ce que je voulais vous dire également, c'est que cet
été, quand on a abordé le dossier des effectifs
médicaux, on s'est rendu compte comment,
désespérément, on manquait de données fiables et
valables pour porter un jugement. Alors, nous, rapidement, on a essayé
de ramasser les données parce qu'il fallait travailler vite. On avait
des délais très courts. Le ministre voulait qu'on soit efficace
et efficient et, à ce moment-là, on a donc consulté les
DSP, nos présidents d'associations, la Corporation, les statistiques
disponibles au GRIS, avec M. Contandriopoulos. À ce moment-là,
c'est que, si on superposait ça, on n'arrivait pas aux mêmes
chiffres.
Actuellement, on est en train de travailler à avoir des banques
réelles de ce que sont les besoins en effectifs et de ce que sont
vraiment nos effectifs médicaux. Moi, je suis toujours un
gynécologue, officiellement. Je suis supposé être à
temps plein pour faire de la gynécologie, mais je suis un
président de fédération et je n'en fais plus de la
gynécologie. C'est toutes des choses comme ça qu'on doit
évaluer. Il y a des gens qui sont malades, qui travaillent à
demi-temps. Il y a des gens qui, pour des raisons X, ont des profils
de pratique très différents. Ce sont toutes ces
données-là qu'on va devoir faire, établissement par
établissement, association par association, région par
région. C'est ce travail-là auquel on s'est attaqué depuis
l'été dernier. Ce qu'on a fait, c'est qu'on est sorti des grandes
lignes et on a essayé de dire: Prudence pour ne pas nuire aux services
de qualité que la population est en droit d'attendre des médecins
du Québec.
M. Trudel: Ça veut donc dire, à cet
égard-là, que vous ne recommandez pas au ministre actuel de la
Santé d'adhérer à l'entente avec les neuf autres ministres
de la Santé au Canada, qui ont décidé à Banff, la
semaine dernière, par consensus, de couper de 10 % les inscriptions dans
les facultés universitaires à travers le Canada.
M. Richer: On dit que ça a été fait, M.
Trudel, pour nous autres, ici, en 1983-1984. il y a eu des coupures de 5 % par
année pendant trois ans dans les facultés de médecine. On
est en avant des autres, ce n'est pas pour rien. Dans ce sens-là, on dit
tout simplement au ministre: Soyez prudent en considérant ces
chiffres-là parce qu'on a besoin d'études complémentaires.
Il se peut que ces études-là confirment qu'on est trop, mais,
avant de faire ça, je pense qu'on est mieux de regarder comme il faut.
Comme le dit le Dr Marier, il y a beaucoup d'autres considérants
à examiner comme il faut avant de déterminer exactement quelle
est la population médicale au Québec.
M. Brassard: Je vous dirai, M. Trudel, que quand je suis
rentré en médecine, il y a déjà 11 ans - ça
ne paraît pas, comme ça - notre groupe était de 210.
L'année suivante, le groupe qui entrait après moi, ils
étaient 200. Le groupe suivant, ils étaient 180. Le dernier
groupe qui est rentré était de 160, dans la même
école de médecine. Oui, les entrées, les admissions en
médecine ont été coupées. Oui, la gestion des
postes de résidence a été faite très
étroitement. Oui, nous avons tous participé à ça
dans le cadre de la table de concertation qui s'en occupe, et nous avons bien
compris qu'il fallait contrôler le nombre de médecins. Toutefois,
il y a des choses qui sont des imprévisibles: ce sont le vieillissement
de la population, les nouvelles maladies, le fardeau que la population
présente, les demandes en soins médicaux s'accroissent, les
médecins travaillent de moins en moins d'heures, et ils ont
changé. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut être très
prudent, ne pas couper plus parce qu'on risque de se trouver finalement dans
une situation déficitaire en termes de capacité à donner
des services médicaux. Ce n'est pas si évident que ça
qu'on a un surplus extraordinaire et ce n'est pas aussi évident que
ça, au fond, avec les changements d'habitudes en pratiques
médicales, qu'on n'est pas en train de couper, qu'on ne se coupe pas
nous-mêmes, en fait, en pratiquant différemment au fil des ans et
qu'on ne risque pas, en coupant aussi en nombre, de dépasser une limite
critique.
M. Trudel: II s'agit, dans un premier temps, d'établir ce
qu'est le véritable médecin équivalent à temps
complet, pratiquant sur le terrain, avant de porter un jugement
définitif là-dessus. C'est important que les chiffres soient mis
sur la place publique pour les gestionnaires publics. Deuxièmement,
c'est un mythe durable ça. Pour ne pas s'aventurer dans des voies qui
pourraient nous coûter cher... Effectivement, si on s'aventurait dans une
coupure supplémentaire au niveau des places en faculté de
médecine, sur la foi de chiffres qui ne traduisent pas la
réalité, ça va être dramatique dans 15 ou 20 ans,
tout en constatant qu'on a été sept ou huit ans en avant des
autres, si j'ai bien compris, une autre fois au Québec. Bon!
Voilà! C'est bien établi pour ce bout-là qu'on a
commencé, oui, surtout que ça prend 10 ans pour former un
spécialiste. Alors, on n'a pas le droit de se tromper au départ
parce que ça fait long avant de pouvoir se reprendre. Il faut être
absolument sûr là-dessus. C'est important. Si vous faites ce
travail-là, Dr Marier, là-dessus, il faut nous le communiquer, je
pense, très rapidement.
Ça va achever, pour moi aussi, ma portion dans pas grand temps.
Je voudrais qu'on touche un petit peu à la question de - expression
maintenant consacrée - la révision du panier de services en
essayant de trouver les bonnes définitions de ce que ça veut dire
réviser le panier de services. Pour d'aucuns, réviser le panier,
ça veut dire, comme image, actuellement, dans le contexte: couper les
services d'optomé-trie, l'examen de la vue; couper le curattf au niveau
des dents pour les moins de 16 ans. Ça veut dire couper des pans de
services qui sont actuellement assurés. Pour d'autres, ou d'une
façon plus raffinée, réviser le panier de services,
ça veut dire: Est-ce qu'on peut - je vais essayer de faire une image
pour décrire la situation - prendre la brique de l'ensemble des actes
qui sont couverts par la RAMQ? Est-ce qu'on peut se reposer la question sur la
pertinence, l'efficience, le médicalement requis, pour le
mieux-être de la personne, de l'ensemble des actes qui sont actuellement
couverts? Première question, quant à moi: Est-ce que, oui, il est
possible, dans un premier temps, et souhaitable que l'on repasse à
travers l'ensemble des services assurés, qu'en quelque sorte l'on fasse
le ménage à partir du critère «médicalement
requis pour le mieux-être», et qu'on puisse donc procéder
à cet examen de révision du panier de services assurés en
matière de santé au Québec à partir du
critère «médicalement requis pour le mieux-être de la
personne». Est-ce que c'est possible, est-ce que c'est souhaitable d'en
arriver à faire cela?
M. Richer: C'est certainement possible, on vous le propose
d'ailleurs dans notre mémoire. Il y a plusieurs façons, vous
dit-on. En fait, notre mémoire aurait pu comporter 300, 400 pages, mais,
par déférence pour les commissaires, on s'est dit:
Peut-être qu'on va le résumer un petit peu.
M. Trudel: Merci, vous avez compris ça.
M. Richer: Mais on pourrait développer chacun des items
qu'on a mis, pas comme contribution, si vous voulez, mais comme analyse qu'on
fait de la situation. Quand on dit qu'on est prêt à participer
à une redéfinition des services médicaux de base pour
établir lesquels sont essentiels et lesquels sont moins essentiels et
que, dans ce contexte-là, les moins essentiels pourraient appeler une
contribution monétaire du patient, ça répond exactement
à votre question. Il y en a, des services comme ça. On en a
déjà fait, des assurances sélectives, si vous voulez.
Pensez à la phlébologie qui a été
désassurée, dans le temps que M. Lazure était ministre de
la Santé, donc en 1978 ou autour de... Il y en a eu d'autres. Tout ce
qui touche l'esthétique n'est pas assuré.
Regardez l'exemple qui se passe au Manitoba actuellement. Au Manitoba,
on a jugé bon de désassurer les verrues, les petites tumeurs
bénignes, l'exérèse des kystes sébacés, des
choses vraiment bénignes. Pour une clientèle donnée,
disons, les moins de 14 ans, je pense que c'est resté assuré; je
ne voudrais pas vous induire en erreur, mais c'est verifiable. Pour les plus de
14 ans, on dit: C'est bénin, c'est de l'esthétique, une verrue,
il nous pousse toujours quelque chose, finalement, sur la peau. D'abord que
c'est bénin, que ce n'est pas dangereux, je pense que le patient peut
avoir la responsabilité de payer pour se faire enlever ça. Oui,
à votre question, on peut réviser le livre des services.
Mais on vous propose davantage, si vous voulez. Quand on dit qu'il
devrait y avoir des unités d'évaluation gériatrique au
moins dans chacune des sous-régions du Québec, si ce n'est pas
dans chacun des hôpitaux, c'est exactement pour être plus
efficients, pour que les patients gériatriques soient mieux
évalués, à savoir s'ils doivent rester dans un centre
hospitalier de soins de courte durée parce qu'ils ont besoin de soins
conformes à leur diagnostic, ou si on ne peut pas les rediriger, s'ils
ont besoin d'hébergement, dans un CHSLO, ou alors les rediriger à
domicile. Ça, c'est une mesure à laquelle on peut contribuer
rapidement.
Le maintien à domicile, l'hôpital à domicile. On
fait des expériences-pilotes avec le ministère, depuis quelques
années, sur l'hôpital, l'hospitalisation carrément à
domicile, et le maintien, mais du vrai maintien à domicile. Le maintien
à domicile devrait répondre à des critères
d'admissibilité dans le maintien. Ne se fait pas maintenir à
domicile qui veut. Il faudrait qu'on dise que le maintien à domicile est
fait pour éviter l'institutionnalisation d'un patient. Sinon, ça
va coûter plus d'argent au contribuable, ça ne rendra pas plus
service. Alors, ça, ce sont des choses auxquelles on est prêt
à contribuer; on en discute à la table des
négociations.
Les services ambulatoires. Quand on dit, dans les hôpitaux, qu'il
y a probablement trop de services ambulatoires, qu'est-ce que ça veut
dire? Les cliniques externes, dans le langage courant, si vous voulez. Il y a
bien des choses qui ne devraient pas être faites dans les cliniques
externes, on est bien conscients de ça. Ça coûte beaucoup
plus cher, cas par cas, dans la clinique externe d'un gros
établissement, le Royal Vie ou Saint-Sacrement, que dans une clinique de
CLSC, par exemple. Plus l'établissement est gros, plus ça
coûte cher. Donc, c'est plus cher dans les hôpitaux que dans les
CLSC, quoiqu'on dise l'AHQ, et c'est plus cher dans les CLSC que dans les
cabinets, quoiqu'on dise la Fédération des CLSC. Alors, celui qui
va nous contredire, il va falloir qu'il soit dans le hangar, si vous voulez,
à ce moment-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Richer: Mais on vous propose de revérifier ça,
et très rapidement.
Le développement technologique. Là aussi, on vous dit
qu'on devrait être capable d'amortir les chicanes interrégionales
ou même intrarégio-nales. On est prêt à collaborer
à ça, la profession médicale. Il n'est probablement pas
nécessaire d'avoir des scanners partout; il est nécessaire d'en
avoir un certain nombre. Je pense qu'on n'a pas à décider
où, mais on a à participer à la discussion qui ferait que
ce serait plus opportun de l'avoir dans cette sous-région. En
médecine de première ligne, on vous propose la
complémentarité entre les hôpitaux, les CLSC et les
cabinets privés. Ce ne sont pas juste des mots, ça, H faudrait
que ce soit vrai. On en discute avec la Fédération des CLSC,
actuellement, et ce n'est pas évident que le message passe.
Le Président (M. Joly): Merci.
M. Trudel: Merci, on va y revenir. Merci, jusqu'à ce
moment-ci.
Le Président (M. Joly): Je passe la parole à M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président.
M. Paradis (Matapédia): M. le Président, avant de
poursuivre, j'aurais une courte question, à la suite de ce que le
l'honorable député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue...
Le Président (M. Joly): C'est sur le temps de notre
formation. Je vous reconnais, M. le député de Matapédia.
(16 heures)
M. Paradis (Matapédia): Rapidement. Mon collègue,
le député, a parlé tout à l'heure d'effectifs
médicaux, chose qui me préoccupe énormément aussi.
Trouvez-vous ça normal qu'un centre hospitalier - pour ne pas le nommer,
Sainte-Anne-des-Monts - dépense, en 1991, 135 000 $ pour recruter des
médecins, les inviter chez eux, leur payer leurs billets d'avion, leur
donner un paquet d'incitatifs, leur faire visiter la région quelques
jours? Est-ce que c'est normal qu'ils dépensent 135 000 $ pour recruter
des médecins?
M. Richer: Je pense que la loi 120 a répondu à
cette question-là, monsieur. Il n'y a plus de dessous de table. Est-ce
que c'est normal? C'est normal qu'un hôpital s'implique pour essayer de
faire de la publicité pour avoir des effectifs médicaux, oui.
Comment? En donnant des primes... je ne sais pas là. Mais je pense que
la loi 120 a bien répondu à ça.
M. Paradis (Matapédia): Ce n'est pas des primes. Ils les
invitent.
M. Richer: II est très normal, il est normal qu'il y ait
des efforts qui soient faits par le local pour essayer d'attirer des gens.
Ça se fait partout ça. La Banque Nationale, quand elle veut avoir
un gérant de banque aux Îles-de-la-Madeleine, elle fait quelque
chose. Elle l'attire et elle le fait venir. Il faut quand même aller voir
ce qui se passe. Si Sainte-Anne-des-Monts, comme localité, ne peut pas
générer le nombre de docteurs dont elle a besoin en termes
d'omnis et de spécialistes, il est normal qu'elle en invite d'ailleurs.
Pour les inviter et leur faire comprendre ce que c'est que
Sainte-Anne-des-Monts, qu'on paie le billet d'avion, si on peut y aller en
avion, qu'on paie l'autobus, ça ne m'apparaît pas un gros gros
problème.
M. Paradis (Matapédia): Mais le problème avec la
Banque Nationale, c'est que, s'ils ont besoin de 100 gérants, ils vont
en engager 100, contrairement à la pratique médicale où il
y a plus d'effectifs médicaux dans une sous-région; dans une
région donnée, il va y en avoir plus, ce que vous allez corriger,
m'a-t-on dit.
M. Marier: Ce qui nous préoccupe le plus, au niveau des
effectifs médicaux, c'est qu'on se retrouve à réussir
à faire du recrutement, à amener des médecins en
région, mais, finalement, on a de la difficulté à leur
fournir les outils pour travailler, les espaces, les salles d'opération
parce que les budgets des hôpitaux sont limités et qu'il y a des
contraintes. Alors, on vit un problème à Sept-îles
actuellement. On vit des problèmes aussi à Rouyn-Noranda. C'est
des problèmes qui sont réels. Il y a des gens qu'on amène
en région et, à ce moment-là, c'est que l'hôpital -
parce qu'il y a plus d'activités, c'est sûr - de courte
durée a des besoins accrus pour faire fonctionner ses salles
d'opération, pour faire fonctionner ses cliniques externes, pour faire
fonctionner... À ce moment-là, on est mal placé.
Nous, ça nous préoccupe plus cet
élément-là parce que si on livre la marchandise en
effectifs - pour lesquels on s'est engagé à travailler activement
- à ce moment-là, il va falloir qu'il y ait un pendant à
ça et, pour nous, c'est une préoccupation qui est plus
grande.
Le Président (M. Joly): Merci, Dr Marier. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ce qu'on essaie de
faire par la même logique. Évidemment, les gens qui allaient en
centre-ville où les médecins spécialistes sont davantage
installés et qui recevaient des services, il va falloir couper les
budgets de ceux-là et les réallouer en région, là
où les gens maintenant vont être soignés parce qu'il va y
avoir des spécialistes. Ça aussi, ça fait partie du
même monde. Donc, c'est la même masse qui doit répondre aux
mêmes besoins. Donc, la logique, il va falloir qu'elle se
transfère aussi.
Le cas de Sept-îles est un cas qui est dans les journaux ce matin.
Il est assez intéressant. Il y en a d'autres aussi qu'on pourrait nous
donner. Il me reste plus que ça, mais comme je n'ai pas beaucoup de
temps, je me suis gardé trois questions.
La première. On en a entendu parler beaucoup, même lorsque
nous avons lancé la réforme en disant que nous allions sur le
complémentaire, les médicaments, faire en sorte de changer un
certain nombre de choses. La réaction des personnes âgées,
vous vous en souviendrez, ç'a été de dire: Vous allez nous
pénaliser, nous autres, alors que des pilules, on ne peut pas en avoir
si on n'a pas une prescription pour se rendre à la pharmacie. On en a
rediscuté depuis le début de la commission, évidemment, ce
phénomène des médicaments où il y a plus ou moins -
uniquement dans les programmes de personnes âgées et au niveau des
gens sur l'aide sociale - 500 000 000 $ qui sont là avec la pratique du
semainier qui s'est développée et que vous connaissez très
bien.
Vous êtes passablement, à ce niveau-là,
pointés du doigt. Je veux aller encore plus pointu avec une situation de
médicaments: tout ce qui est «benzo» - on en a parlé
là - avec des effets thérapeutiques limités dans le temps,
reconnus. L'Ordre des pharmaciens, hier, nous disait: Oui, effectivement, c'est
vrai que la durée est limitée sur le plan de l'effet. Des gens
disent 14 jours, d'autres disent 21 jours. Eux recommandaient
l'obligation - ça va peut-être vous faire plaisir - de
retourner voir le médecin au bout des 21 jours pour être capable
d'avoir un renouvellement de cette prescription-là. Ça peut
être une solution à tous ces problèmes-là. En
prenant l'exemple du «benzo», qu'est-ce que c'est qu'il y a
à faire et qu'est-ce que vous pouvez faire? Au bout de la ligne, s'il
n'y a pas votre petit papier, il n'y a pas de médicaments.
M. Richer: II y a des problèmes avec les personnes
âgées pour les réactions médicamenteuses, c'est
reconnu. On dit que de 10 % à 20 % des hospitalisations sont dues
à des réactions médicamenteuses chez les patients
âgés de 65 ans et plus. Il y a 675 000 personnes
âgées au Québec, peut-être un peu plus. Je vous parle
de statistiques de 1987. Il faudrait voir combien il y a de personnes
âgées qui sont hospitalisées d'une façon absolue
pour des réactions médicamenteuses. Trop? Sûrement.
Mais il y a des raisons qui expliquent ça. Les personnes
âgées sont souvent porteuses de plusieurs maladies. Donc, elles
ont des ordonnances qui tiennent compte de ça, qui sont multiples. Il y
a des erreurs qui sont de plus en plus faciles à faire parce qu'il n'y a
pas de soutien ailleurs, souvent, pour les aider. Des erreurs, si vous voulez,
de dose, des erreurs de moment de la prise du médicament, de la
séquence dans laquelle ces médicaments différents doivent
être pris.
Il y a aussi beaucoup de médicaments en vente libre. Si la
moyenne des ordonnances de médicaments sur prescription en 1987 -
ça ne fait pas si longtemps - était de 81 $ par citoyen,
prescrits par les médecins du Québec, il faut croire qu'il s'en
procurait d'une façon bien meilleure que ça. 81 $, vous admettrez
avec moi que ce n'est pas long qu'on dépense ça, en termes de
médicaments, même au prix de 1987. Alors, les médicaments
en vente libre viennent compliquer le tableau; on en est conscient aussi. Il y
a souvent un double système de prescriptions: à l'hôpital
et quand le patient est congédié de l'hôpital. Souvent, on
recommence parce que les supports à domicile sont à peu
près inexistants. Il faut bien admettre aussi que, plus on devient
âgé, généralement, plus on devient sensible à
la médication. Avec une dose normale d'adulte, pour une personne plus
âgée, ça peut devenir une surdose. Donc, tous ces facteurs
ensemble, si vous voulez, expliquent un certain nombre de ces cas-là qui
seront hospitalisés, sans égard au fait qu'ils prennent beaucoup
de médicaments.
Ceci dit, il y a certainement des ordonnances, d'une part,
peut-être trop nombreuses - oui, on a un devoir à faire
là-dedans aussi. Il y a certainement des patients qu'il va falloir
supporter davantage pour tenter de se déprendre dans ce fouillis de
médicaments. Vous savez que les gens âgés conservent leurs
médicaments.
Souvent, ils ne les prennent pas - ils ne sont pas
«compilants», comme on dit en médecine - ils ne suivent pas
la façon dont ils devraient les prendre, et ils n'en jettent jamais un.
Quand vos parents meurent, c'est facile d'aller voir ça. Moi, les miens
sont morts il n'y a pas longtemps et j'ai été voir la pharmacie:
ça fait peur!
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est
parce qu'on est dans un marché, aussi, où c'est facilement
accessible. Il faut quand même se le dire.
M. Richer: C'est exact.
M. Côté (Charlesbourg): Comme c'est gratuit, c'est
aussi très accessible. Est-ce qu'on n'est pas rendu à un point
où il faut qu'il y ait un maillage? On sait qu'il y a un maillage plus
serré, en établissement, entre le médecin et le pharmacien
public. Est-ce qu'on n'est pas rendu au point où on devrait avoir un
maillage plus serré entre le médecin et le pharmacien d'officine
privée?
M. Brossard: Vous savez, il y a une question, je dirais, de
formation là-dedans. Il n'y a pas si longtemps que ça, quand un
patient était hospitalisé à l'hôpital, sa
prescription initiale comprenait une «benzo».
M. Côté (Charlesbourg): Une quoi?
M. Brossard: Tous les patients, quand ils étaient
hospitalisés, recevaient une «benzo». On ne dort pas
à l'hôpital, paraît-il. Tout le monde en recevait une.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai vécu ça,
moi.
M. Brossard: Vous savez, ça a changé. Ce n'est plus
vrai, aujourd'hui, que tout le monde reçoit une «benzo» en
entrant à l'hôpital. Une «benzo» qui était
prescrite et qui le restait éternellement, par la suite, qui ne
disparaissait plus jamais du carnet de médicaments du patient. Il y a
une évolution qui a été faite, ça ne se fait plus
comme ça. Il est vrai que les ben-zodiazépines sont un
problème de médicament qui n'existe pas qu'au Québec, mais
qui existe partout en Occident. En ce qui touche la surconsommation de
benzodiazépines, c'est clair qu'il y a une éducation
médicale, une formation qui a beaucoup évolué, et il s'en
prescrit nettement moins. C'est clair, toutefois, que les patients qui viennent
nous consulter et qui désirent avoir une «benzo» repartent
très déçus. C'est bien sûr, il faut
«dealer» ça durement, je dirais, des fois, avec des demandes
médicales, mais ça fait partie de la tâche, ça fait
partie du travail d'un médecin. Il y a une évolution dans
l'enseignement qui a été fait à la population et dans le
domaine
médical. En ce sens-là, tous les médecins passent
par le milieu hospitalier et tous les médecins sont en contact avec ce
mariage plus étroit pharmacien-médecin, comme vous dites. Je
pense qu'il y a une évolution des moeurs importante, à ce
niveau-là, qui se fait. On le constate quand on va dans le milieu
hospitalier où ces habitudes-là de prescription de
«benzo» ont changé.
M. Marier: En fait, pour répondre plus
précisément à votre question sur le mariage avec les
pharmaciens d'établissement versus de cabinet privé, il est clair
que - enfin, J'écoutais ce qui se disait hier - ce n'est pas
relié au salariat, s'il y a une amélioration. Ce n'est pas le
salariat des pharmaciens d'établissement qui est la réponse au
problème de qualité qui peut se faire en établissement.
C'est justement la présence sur place, les liens beaucoup plus directs
de l'approche médicamenteuse en établissement qui donnent ces
objectifs-là. En cabinet privé, c'est clair qu'on n'a pas un
pharmacien à côté de nous, chaque fois. À ce
moment-là, par contre, il se fait spontanément, dans un secteur,
dans un réseau, des contacts parce que la majorité des
médecins sont en contact avec deux ou trois pharmaciens de leur secteur
puisque les patients vont faire remplir leurs prescriptions dans ce
secteur-là. Mais il y aurait sûrement place à de meilleurs
échanges entre les pharmaciens et les médecins sur le territoire,
ceux qui pratiquent en cabinet privé. Ça, on est d'accord
là-dessus.
M. Côté (Charlesbourg): Dans une petite revue que
vous connaissez, j'imagine...
M. Marier: Ça nous apparaît être une
excellente revue.
M. Côté (Charlesbourg): Bon, alors je suis
très heureux. Ça va bien introduire ma question.
M. Marier: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): à la page 6, c'est
«l'heure des comptes», signé par m. morgan que vous
connaissez très bien. on a eu le plaisir d'être ensemble lorsqu'on
a signé la fameuse entente qui fait tant jaser, de l'été
dernier. il est dit - je passe un bout que vous connaissez certainement, parce
que vous avez l'air de connaître la revue, donc je suis convaincu que
vous connaissez totalement son contenu - mais pour arriver à ce que je
veux, il dit: la comparaison très défavorable avec le revenu des
collègues canadiens, les distorsions à l'intérieur des
spécialités, la dévalorisation de la clinique et la perte
d'attrait pour les spécialités de base sont autant de cancers qui
rongent le fragile édifice de la médecine
spécialisée. j'aurais dit ça, je n'aurais pas
été cru, c'est clair. je suis à peu près sûr
de ça. s'il avait fallu que je dise ça...
M. Marier: Pensez-vous que parce que c'est le Dr Morgan qui
l'écrit qu'on le croit?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): D'après ce que j'ai
compris, c'est que vous allez peut-être faire juste un mandat.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Marier: Le temps nous le dira.
M. Côté (Charlesbourg): Oui oui, c'est sûr. La
pratique, chez vous, c'est comme ailleurs. Ce n'est pas celui qui se
présente qui gagne. C'est celui qui est là qui se
défait.
M. Marier: C'est celui qui prépare les élections.
Vous, vous avez l'avantage de les bâtir et de les gagner. C'est un
avantage.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne les ai pas toutes
gagnées. J'en ai perdu aussi. Mais on tire beaucoup de leçons des
défaites aussi. À partir de ça, il me paraît y avoir
deux questions que je me dois de vous poser - je ne serais pas honnête
envers moi-même si je ne les posais pas, donc, vous devez avoir la
même ligne. Est-ce qu'il n'y a pas une problématique de
tarification? Est-ce qu'on n'est pas dans une situation, à ce moment-ci,
où un certain nombre d'actes, à l'époque, étaient
des actes qui demandaient davantage de travail et qui ont été
rémunérés à un taux, et le sont encore, qui a
été indexé depuis ce temps-là et qui ne
nécessitent pas autant de travail de la part du spécialiste,
compte tenu de l'évolution de la technologie? J'ai quelques exemples
qu'on m'a fournis, et j'imagine que vous pourriez en ajouter passablement
à celui-là. Il me paraît y avoir... On organise toujours,
quand on négocie, toujours à la hausse, jamais à la
baisse, sur le plan de la valeur des actes posés. Je pense qu'il faut
l'examiner. Dans un premier temps, est-ce qu'on est dans une situation
où il n'y aurait pas un certain nombre d'actes qui sont encore
rémunérés à un taux x qui pourrait être revu
aussi à la baisse en termes de rémunération? Ça,
c'est mon premier point d'argument. Toujours pour tenter de satisfaire Morgan'
sur ce qu'il a dit là, j'essaie de connaître la
vérité un petit peu partout là.
La deuxième. À Scully, la semaine dernière, il y a
des choses qui m'ont frappé - parce que, pour moi, ce n'est pas toujours
évident non plus. Le Dr Richer disait. La moyenne de revenus des omnis
est de 87...
M. Richer: 89 700 $.
M. Côté (Charlesbourg): ...89 000 $, et celle des
spécialistes? 100...
M. Richer: 110 000 $.
M. Côté (Charlesbourg): ...110 000 $. Là,
j'ai dit, je vais fouiller un petit peu, je vais demander à la RAMQ. Je
suis un petit peu renversé et je veux qu'on les partage ensemble pour
savoir s'il n'y a pas un petit peu de travail à faire là aussi.
Commençons par les spécialistes. C'est vrai qu'ils sont moins
bien payés qu'en Ontario. On l'a dit tantôt. C'est vrai que, sur
le plan collectif, ils nous ont aidés de manière collective, en
termes de masse, à contrôler nos coûts de santé au
Québec. Mais quand tu les regardes de plus près... J'ai dit:
Sortez-moi donc ça. Combien il y en a, par tranche, qui gagnent
au-delà de 200 000 $, au-delà de 300 000 $, au-delà de 400
000 $. Quand on joue avec des moyennes comme celles-là, j'imagine qu'il
y en a qui doivent se retrouver aussi assez bien
rémunérés, merci. Il y a, au-delà de 200 000 $...
Entre 200 000 $ et 300 000 $, il y a 1569 médecins spécialistes,
juste - je vais finir, ça ne sera pas long...
M. Richer: Brut ou net, M. le ministre? M. Côté
(Charlesbourg): Non, sans... M. Richer: Brut. On comprend ça
là.
M. Côté (Charlesbourg): Votre montant de 89 000 $
était quoi?
M. Richer: II est net.
M. Côté (Charlesbourg): Net.
M. Richer: II est net parce que c'est comme ça qu'on est
payé dans la société, généralement. (16 h
15)
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui, peut-être.
Je ne parle même pas des omnis, donc c'est juste des
spécialistes.
M. Richer: Non, non, c'était juste pour fins de
clarification.
M. Côté (Charlesbourg): Si vous voulez qu'on en
parte, je les ai demandés aussi. Je les ai demandés aussi. Il y a
six omnis qui gagnent plus de 300 000 $. J'imagine qu'il sont en région.
Eux autres, ça doit être vrai qu'ils sont morts à
l'ouvrage.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Donc, à partir de
ça, il y en a 1569 entre 200 000 $ et 300 000 $. Je pense qu'on est
encore dans des «brackets» de revenus qui sont acceptables dans la
société québécoise. Entre 300 000 $ et 400 000 $,
il y en a quand même encore un nombre de 354. Au-delà de 400 000
$, il y en a 125, dont, en particulier les radiologistes. Il y en a 26 qui
gagnent au-dessus de 500 000 $. Est-ce qu'il n'y a un peu de travail à
faire à ce niveau-là? De toute façon, si on le regroupe
dans la masse, j'imagine qu'on va pouvoir s'aider pour revaloriser ce que mon
ami Morgan pouvait dire éventuellement: médecine interne,
chirurgie et ainsi de suite, c'est peut-être là qu'on pourrait
régler un certain nombre de problèmes.
M. Marier: Quand on regarde ça de l'extérieur,
comme ça, je pense que vos questions sont pertinentes. Je pense que la
revue La 2e ligne, qui est la revue de la Fédération des
médecins spécialistes, c'est une revue pour s'exprimer. Je pense
que le Dr Morgan est le directeur des affaires professionnelles de la
Fédération. On a fait des blagues tout à l'heure, mais je
pense qu'il émet des opinions pour, justement, ouvrir la discussion. Je
pense que c'est dans cette optique-là qu'il faut le voir.
Je pense également que, pour votre première question -
est-ce qu'on peut envisager, compte tenu du travail qui est fait et des revenus
à la hausse et à la baisse... Je l'ai souligné tout
à l'heure, quand je parle du VRAC - le VROUM! VROUM! de M. Trudel -
quand je parle du VRAC...
M. Côté (Charlesbourg): ...des VROUM! VROUM!
beu-beu...
M. Marier: ...c'est la valeur relative des actes chirurgicaux.
Dans cet exercice-là, il est clair qu'il y a eu un effort
d'objectivité, à savoir: Qu'est-ce qu'un geste qui est
posé par rapport à une autre spécialité, par
rapport à une autre spécialité... À ce
moment-là, on se dit: II y en a des gestes qui doivent augmenter et
d'autres, par conséquent, qui doivent diminuer. C'est à ça
qu'on travaille actuellement. C'est déjà avancé du
côté chirurgical. C'est en train de se faire au niveau des actes
diagnostiques, et c'est en train de se faire au niveau des actes
médicaux. Alors, c'est à ça qu'on travaille actuellement.
Donc, il est clair qu'il y a des gestes qui vont baisser. Jusqu'à
maintenant, vous avez parfaitement raison, les augmentations étaient sur
une base historique. Si vous aviez 15 $ pour faire un geste et que là
vous négociez, bien, vous dites: Ça va être 17 $ et,
l'année prochaine, ça va être 18 $. C'est comme ça
que ça allait. Ce qu'on refait actuellement, c'est une harmonisation de
tous ces actes-là en essayant de trouver des critères objectifs
pour avoir des comparaisons, et pour mettre un chiffre qui soit relativement
valable, compte tenu de la masse disponible. Pour nous, on pense que, des fois,
c'est sous-payé malgré tout, mais compte tenu du type de masse
dans laquelle on joue... pour qu'on puisse en arriver à un chiffre
adéquat. Ça, c'est pour votre première question.
Pour là deuxième question. C'est cer-
tain - on l'a dit tout à l'heure - que le système, de la
façon qu'il est bâti, permet à certains individus d'avoir
des dépassements. Le problème, c'est que, s'il y en a trop qui
font ça, ça a un impact direct sur l'association concernée
parce qu'on fonctionne avec des objectifs tarifaires. À ce
moment-là, les associations concernées sont très
préoccupées par ce genre de problème parce qu'il
pénalise la majorité de l'ensemble de leurs membres. Donc, il y a
des comités d'évaluation de cela. Les gens sont rencontrés
et sont évalués pour savoir s'il n'y a pas un biais de contexte.
Comme vous le dites, peut-être qu'un individu qui est en zone
isolée, qui doit poser plus de gestes parce qu'il n'a pas la demande...
La population est là. Il n'a pas le support, mais, s'ils étaient
deux, ça aurait l'air bien normal. S'il est tout seul, ça peut
amener un total plus élevé ou, encore, compte tenu qu'il rend un
service particulier où tous les confrères se
réfèrent à cet individu-là, il se retrouve avec un
profil déviant.
Mais, dans ce genre de choses là, il y a des contrôles qui
sont faits au niveau des associations. Eux ont avantage à régler
ces problèmes-là, encore une fois, parce que ce sont les membres
de l'association qui s'en trouvent pénalisés. Encore une fois, je
le répète, avec l'objectif tarifaire qui leur est donné,
ils sont obligés de diminuer leurs actes, en conséquence, par
après. De la même façon, on sait que la Corporation fait
ça aussi. Elle va évaluer ces gens qui pratiquent au-delà.
À ce moment-là, ils nous disent... En tout cas, ils
évaluent ça à la pièce, et ils nous disent:
Là, il n'y a pas de problème; là, il y a des
problèmes. Il y a quand même du travail qui est fait dans ces
choses-là.
Quand vous pariez, mettons, de la radiologie, là il faut faire
attention. Vous pariez du brut. Vous savez que, quand on est dans des choses de
laboratoire, il y a des équipements, de la technologie. Là-dedans
entrent les revenus et les frais des instruments techniques qu'ils doivent
assumer. À ce moment-là, c'est la partie technique des actes.
Alors, là, ça peut donner des chiffres qui sont plus
élevés par rapport à d'autres, surtout dans ce genre de
spécialité. Donc, ce que vous devez savoir, c'est qu'on s'attaque
à ça. Peut-être que le travail qui a été fait
jusqu'à maintenant n'a pas été efficace, peut-être.
Mais je dois vous dire, qu'actuellement c'est l'un des dossiers majeurs que la
fédération mène, c'est-à-dire: Comment gérer
la masse monétaire? Comment mieux la répartir? En même
temps, selon les objectifs - comme je le disais tout à l'heure - soit
pour avoir des médecins en région éloignée, donc
des spécialités de base, pour revaloriser les gestes qui sont
plus importants sur le plan scientifique et éviter les biais qui ont
été créés par le modèle historique.
M. Richer: J'aurais peut-être un commen- taire à
ajouter, M. le ministre, là-dessus. La révision à la
baisse, chez nous, ça s'est fait par l'entremise de la table de
négociation. Par exemple: des ponctions artérielles et certains
tests auditifs qui sont passés de 15 $ à 2,30 $. Ce
n'était pas à peu près, là. On a fait des
révisions parce qu'on trouvait que la valeur relative de certains actes,
ça avait changé avec le temps.
Quant au revenu moyen des omnipraticiens, si on en parie, il est bien de
89 700 $. Tous les chiffres que vous pourrez sortir de la Régie diront
ça. On parie toujours du revenu moyen net. Je pense que nous sommes des
gens qui assumons un certain nombre de dépenses, et ce sont des taux
moyens de dépenses aussi. Or, c'est sûr qu'on comprend que
certains médecins qui sont isolés dans des régions
où ils ont beaucoup de travail à faire peuvent dépasser
les moyennes. Mais, vous savez, ce n'est pas péché de gagner de
l'argent. Si on fait le travail pour, il n'y a pas de problème dans mon
livre à moi.
M. Côté (Charlesbourg): Si on compare ça
à certains joueurs de hockey ou de baseball, il est bien évident
que je trouve que je ne gagne pas cher, non plus, compte tenu de ce que je
fais.
M. Richer: C'est vrai! Vous avez parfaitement raison.
M. Côté (Charlesbourg): J'imagine qu'il y a bien de
mes sous-ministres adjoints qui trouvent qu'ils ne gagnent pas cher par rapport
à ce qu'ils font et ce que je fais.
Une voix: Ça, c'est des...
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière
question. Vous évoquez la création d'une caisse santé.
Tous ceux qui ont écrit un mémoire - ou à peu près
- sont en faveur d'une caisse santé, d'une meilleure transparence. Ce
qui est différent dans votre proposition, c'est que vous voulez la
limiter à la santé. Je trouve ça dangereux. Je pense que
l'idée d'une caisse, c'est une bonne idée. Ça permet une
meilleure transparence, mais on s'adresse toujours à la même
personne, que ce soit dans le social ou dans la santé. Qu'est-ce qui
ferait qu'on devrait, aujourd'hui, le séparer au-delà de ce que
j'ai entendu tantôt, que vous nous avez présenté dans votre
mémoire? Il me semble que ça me paraît aller à
contre-courant de ce que les gens souhaitent un peu partout à travers le
Québec. Je comprends que ceux qui le souhaitent, c'est le social. Ils
sont toujours considérés comme un peu les parents pauvres du
système par rapport à vous autres, qui êtes du secteur
santé.
M. Richer: M. Côté, c'est parce qu'on pense qu'il
est beaucoup plus facile, dans un premier temps, d'évaluer
l'efficacité, l'efficience d'un
système de santé. Les critères, comme vous le
mentionnez d'ailleurs dans votre livre vert, sont des critères qui sont
actuellement connus. Comme vous le mentionnez aussi dans votre livre vert, les
critères pour évaluer les services sociaux sont encore, si vous
voulez, des critères à inventer. C'est beaucoup plus difficile
d'être précis. On ne pose pas de jugement de valeur sur la
nécessité d'avoir des services sociaux, mais on se dit que c'est
la caisse santé. Quand vous posez une question aux gens dans les
sondages: Êtes-vous d'accord pour faire un effort additionnel pour votre
santé? il faut bien comprendre que les gens comprennent santé.
Ils ne comprennent pas services sociaux. Ils disent oui parce qu'ils
comprennent ça. Mais je ne suis pas sûr, si on leur demandait et
qu'on leur expliquait que c'est pour les services sociaux aussi, qu'ils
diraient la même chose. Alors, ça ne veut pas porter un jugement
de valeur du tout sur l'importance des services sociaux. Au contraire, on n'a
pas proposé de dissocier le ministère en deux ministères,
comme on l'a déjà fait antérieurement: services sociaux et
santé. On pense que ça serait plus humain pour un seul homme,
mais on ne l'a pas proposé. On a délaissé cette
idée-là. Alors, on se dit que la caisse santé serait
beaucoup plus facile à évaluer dans sa gestion qu'une caisse
service social. Ça nous empêchera de nous chicaner dans quelque
temps sur les 5,2 %, les 5,6 % et les 6,9 %. Nous autres, les 5,2 %, M.
Côté, c'est l'évaluation santé, ça exclut les
services sociaux. Je pense qu'on se comprend bien là-dessus.
M. Côté (Charlesbourg): On prend le temps, on a pris
le pari.
M. Richer: Parfait! On prétend, nous autres, que, s'il y a
un ministère au Québec qui s'appelle le ministère de la
Santé et des Services sociaux, il doit y avoir une petite fraction de ce
ministère, quelle qu'elle soit - ça varie entre 20 % et 30 %,
selon les sources - qui s'en va dans les services sociaux, sinon... Ça
s'appelle le ministère de la Santé, on ne crée pas des
noms pour rien. C'est ce qu'on nous apprend, en tout cas. Chez les politiciens,
il paraît que tout a une signification.
M. Côté (Charlesbourg): Rappelez-moi ça. J'ai
mal compris, j'ai mal entendu là! La fin, reprenez ça parce
que...
M. Richer: Chez les politiciens, tout a une signification, comme
le législateur.
M. Trudel: II ne parle pas pour rien dire.
M. Côté (Charlesbourg): II ne parle pas pour rien
dire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Le politicien, pas nécessairement.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais vous dire une
affaire, les politiciens ne sont pas toujours ceux qui sont élus pour
l'Assemblée nationale.
M. Richer: C'est très vrai. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Côté (Charlesbourg): J'ai vu ça
l'été passé.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Richer: C'est très sain, ça, dans une
société.
M. Côté (Charlesbourg): Je n'ai rien contre
ça. C'est pour ça que j'adore le genre de réunion comme
celle de cet après-midi, et j'en souhaite d'autres. Alors, merci pour le
moment, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. le ministre. M.
le député de Rouyn-Noranda-Té-miscamingue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: II y a d'autres aspects aussi, messieurs, que
j'aimerais examiner avec vous, puis d'une façon assez rapide parce que
je crois bien qu'il nous reste une dizaine de minutes au total, quelque chose
de même.
Le Président (M. Joly): Vous pouvez prendre le temps dont
vous avez besoin, M. le député.
M. Trudel: Très bien. Très bien. Au niveau du
financement et des contributions, à la page 21 de votre mémoire,
vous dites: La notion de contribution directe des patients aux services
complémentaires, donc non essentiels, est envisageable. Mais là,
très carrément, est-ce que la proposition du livre vert du
gouvernement de désassurer l'optométrie et les frais de dentiste
pour la catégorie des moins de 16 ans, sur le curatif, est-ce que
déjà, vous autres, comme opinion, vous avez fait votre lit
là-dessus en disant: Ça, pour nous autres, ça appartient
à la catégorie des services essentiels? J'ai compris tantôt
que l'essentiel et le non-essentiel... en tout cas, ça me plaisait
d'entendre que vous embarquiez dans notre définition du
médicalement requis pour le mieux-être. Alors, je pose la question
très précisément parce qu'il y a une proposition
précise. Dents et examen des yeux, vous autres, vous êtes pour
qu'on désassure ça?
M. Richer: Ce qu'on vous dit dans notre mémoire, c'est que
les services complémentaires sont à réviser pour ajuster
ce qu'on donne gratuitement ici - enfin, gratuitement, il faut le souligner
entre guillemets - aux citoyens du
Québec par rapport à ce qui est donné dans les
autres provinces. Il faut ajuster ça à notre richesse. On en
donne un peu plus que dans les autres provinces et il semble qu'on est moins
riche. Dans les services complémentaires, font partie les programmes qui
sont administrés par la Régie, dont les médicaments et les
services optométriques auxquels vous faites référence.
À ce moment-là, si ça doit être
désassuré... Prenons l'exemple des services optométriques.
Au Québec, je pense que notre système fait que ce n'est pas le
citoyen qui est assuré, c'est le service. Si le service est
désassuré, il le sera désassuré autant chez
l'optométriste que chez l'ophtalmologiste. C'est notre point de vue, si
on en arrivait à cette décision-là.
Maintenant, Je pense qu'il faut examiner... Ce qu'on vous propose, c'est
d'examiner comment on peut organiser nos services complémentaires - dans
les programmes actuellement - pour les rendre à peu près
conformes à ce qui se fait dans la moyenne des autres provinces
canadiennes.
M. Trudel: Oui, mais, à cet égard-là, j'ai
l'Impression qu'il faudrait aller un petit peu plus loin. Lorsqu'on regarde les
annexes du document du 18 décembre, c'est sûr qu'il faut examiner
ce qui est dans les services de base et dans le complémentaire. Mais,
dans le complémentaire, à peu près toutes les provinces
canadiennes ont une couverture au niveau des frais dentaires, au niveau des
services dentaires, puis des services d'examen.
M. Richer: Pas aussi étendue. Il y en a qui demandent une
contribution, d'ailleurs, du...
M. Trudel: Certains.
M. Richer: ...citoyen. Certains demandent une contribution.
Certains...
M. Trudel: D'autres cas aussi.
M. Richer: Oui, c'est ça. Pas tous. Mais, souvent, ce
n'est pas aussi étendu. Par exemple, les examens de réfraction,
les examens de la vue ne sont pas convenus dans toutes les provinces
actuellement. Je pense que ce qu'on essaie de dire là-dedans, c'est que,
si on a des problèmes de financement, peut-être qu'on est plus
généreux que les autres provinces par rapport à notre
richesse collective dans le panier. C'est ce que semble nous dire l'analyse
qu'on fait du panier de chacune des provinces quand on les compare à ce
qu'on donne pour les services complémentaires.
M. Trudel: En tout cas, à cet égard...
M. Marier: Plus que ça. Au Québec, actuellement, on
fait payer 77 % par le public, dans notre système. En Ontario, c'est 70
%. Donc, on a quand même 7 %, si on voulait au moins se comparer à
l'Ontario de ce côté-là, où on aurait une marge de
manoeuvre pour que d'autres approches par des systèmes d'assurance non
publics puissent financer. Donc, on pourrait jouer encore. On a une place pour
l'imagination, la créativité. (16 h 30)
M. Trudel: Oui, mais on ne peut pas penser qu'on a autant
d'imagination pour revoir le non-essentiel dans ce qui est couvert actuellement
dans la partie panier de base, ce qui nous amènerait à
dégager l'espace pour ne pas prendre tout de suite la décision
suivante: Examen de la vue, soins dentaires aux moins de 16 ans, ne touchons
pas à ça parce qu'il y a peut-être de l'espace ailleurs.
Encore là, on ferait une erreur de sortir ça même si,
actuellement, il est classé dans le panier complémentaire.
M. Richer: Oui. Je pense qu'on ferait peut-être une erreur
de prendre la décision cet après-midi, mais on ferait
certainement une erreur de ne pas regarder, par exemple, s'il n'y a pas quelque
chose qu'on peut faire avec ça, comme on a proposé au ministre de
la Santé de regarder les services médicaux de base. On a
déjà proposé, il n'y a pas si longtemps, de
désassurer les services de physiothérapie en cabinet et
c'était accepté du côté ministériel. Il y a
eu des raisons politiques, que je respecte, de ne pas donner suite à
ça, à ce moment-là. C'est parfait, je peux vivre avec
ça, mais il est bien sûr que, nous autres, on regarderait
ça, la physiothérapie en cabinet privé, ce n'est pas une
nécessité de très grande priorité dans le
système. Ça doit être fait, ça doit être
offert, mais est-ce que le patient peut contribuer à ça? La
réponse, c'est peut-être oui, toujours en termes
pécuniaire.
M. Trudel: En tout cas, en matière de restriction de
services assurés, avec l'exemple que vous venez de nous donner, la
physiothérapie en cabinet, c'est qu'il ne faut pas vous faire porter
tous les péchés du monde, politiquement vous respectez ça,
mais il y a aussi une part de responsabilité, par exemple, parce que,
vous, vous avez accepté de réviser cela. Je ne sais pas pour
combien il y a de millions là-dedans, mais il y en avait en
matière de services assurés.
Je m'en voudrais, par ailleurs, de ne pas toucher à une autre
question extrêmement importante, qui est la possible introduction de la
carte d'assurance-maladie, la carte à puce. Vous êtes,
évidemment, les utilisateurs. Notre façon de fonctionner
actuellement, grosso modo, n'a guère évolué depuis, je ne
sais pas, 5, 10, 15, 20 ans. Chacun a ses dossiers confidentiels,
répétitifs quelquefois. Ce n'est pas pire chez vous que dans
d'autres organisations et dans d'autres organismes ailleurs. Compte tenu,
cependant, des problèmes auxquels nous avons à faire face
actuellement en matière de financement, en matière de
disponibilité de fonds, en matière de services, est-ce que, vous,
vous souhaitez l'introduction de la carte à puce avec le dossier
médical au complet de l'usager sur cette carte à puce et que vous
puissiez intervenir avec cet instrument et en termes d'informations et je
reviendrai, je vous le dis tout de suite, tantôt, en matière de
contrôle également? Est-ce que vous souhaitez cela? Je vous
demanderais de ne pas me répondre uniquement en tant que professionnel
de la santé. Je vous demanderais de me répondre socialement
également si vous trouvez ça souhaitable. Parce que vous
êtes aussi... Parce qu'on vous a dit pendant un certain temps que vous
n'étiez pas des citoyens, vous autres, au conseil d'administration. Vous
êtes aussi des citoyens, là. Alors, comme citoyens, socialement,
qu'est-ce que vous pensez de cette question-là aussi?
M. Richer: Je vais vous faire peut-être les mêmes
remarques là-dessus qu'on avait faites au tout début quand on a
parlé du projet-pilote auquel on s'est intéressé,
d'ailleurs. Il est bien sûr que la technologie moderne doit être
bâtie de telle sorte que ce soit «full proof» par la
confidentialité des données et, ça, on l'a toujours
défendu. On n'est pas les seuls à le dire. Il y en a d'autres qui
le mentionnent. Il faut s'assurer que l'information qui concerne une personne
soit sa seule et unique propriété. Et on sait que, quand on
informatise des systèmes, il paraît que c'est plus facile, un
petit peu, de pénétrer là-dedans. Il y a des experts qui
disent que même des adolescents de 15, 16 ans peuvent rentrer dans des
systèmes informatiques relativement facilement. De sorte que la
confidentialité, il faut s'organiser pour qu'un tel système soit
vraiment à l'épreuve des balles pour nous permettre de l'appuyer.
Cependant, ce qu'on a dit en même temps, il y a un projet-pilote qui est
proposé dans la région de Rimouski pour des clientèles
cibles. Quand M. Cantin, qui avait reçu le mandat d'étudier
ça, je pense, du ministère, l'an passé, nous a
invités à participer à ça avec les médecins
spécialistes, on a accepté, bien sûr, avec plaisir de
collaborer à ça parce qu'on n'a pas le monopole de la
vérité là-dedans et on se dit: II faut regarder ce qu'une
telle expérience peut donner dans une population relativement close, si
vous voulez, de Rimouski - trois niveaux de population différente - pour
voir ce que ça va donner. Est-ce qu'on peut découvrir des
faiblesses là-dedans? Et est-ce qu'on peut les améliorer? C'est
uniquement après avoir vu l'expérience et après avoir fait
l'analyse critique de ce qui se sera passé à Rimouski pendant
l'année et demie ou les deux ans que ce sera en vigueur, si vous voulez,
que, là, on pourra vous répondre d'une façon beaucoup plus
précise. Comme citoyen, je vous avoue que j'ai une certaine crainte
à cause de la confidentialité. comme professionnel, ça
serait un outil fantastique si on pouvait avoir les données
là-dessus qui nous permettent de savoir surtout les examens
récents qui ont été faits chez les patients pour
éviter le dédoublement.
M. Trudel: vous êtes aussi de l'expérience de
sherbrooke, au centre hospitalier universitaire. les médecins sont dans
cette expérience d'informatisation du dossier et de carte à puce
aussi à sherbrooke?
M. Richer: Pas la carte à puce, le dossier
médical.
M. Trudel: Le dossier médical?
Une voix: Le dossier médical informatisé.
M. Trudel: Le dossier médical informatisé. Et vous
suivez ça d'extrêmement près actuellement.
M. Richer: On regarde ça, parce que, comme je vous dis,
comme citoyen, encore une fois, pour nous autres, l'informatisation - pour le
citoyen que je suis en tout cas - c'est toujours dangereux. Il y a des
données qui circulent partout. Et il faut s'organiser pour qu'on ait
vraiment un système très valable en termes de respect de la
confidentialité.
M. Trudel: Et il faut que ça déborde, parce que
cette question porte sur le financement. Est-ce que vous avez l'impression
qu'effectivement, quand nous aurons tous les verrous souhaités,
souhaitables, à l'épreuve des balles, comme vous dites, il y aura
de l'argent à sauver dans le système grâce à ce
moyen, d'une façon significative?
M. Richer: Oui, d'abord que la carte à puce, il n'y en
aura pas 400 000 copies de trop qui vont circuler dans le public. Carte
à puce ou pas à puce, s'il y en a 400 000 de plus qu'il y a de
citoyens au Québec, ça va causer des problèmes très
sérieux sur le financement. Mais, ceci dit, je pense qu'il serait
peut-être plus facile de contrôler la carte à puce que la
carte ordinaire, parce qu'il y a des moyens là-dedans qui sont
insérables, si vous voulez, dans l'informatique de cette
carte-là, pour s'assurer que le porteur est bien celui qui nous
consulte. Et je pense que, sur le plan de l'économie de système,
elle pourrait être énorme, parce que ça permettrait aux
médecins de savoir et d'avoir accès aux analyses récentes,
valables dans les derniers six mois ou dans les derniers trois mois qui ont
été faites et commandées par un autre médecin qui
n'est pas disponible au moment où le patient se présente à
l'urgence. Si on avait ça... Nous autres, on l'expérimente. Comme
citoyens, moi-même, je l'ai expérimentée et je pense que
M.
Côté en a fait état publiquement. Si on avait notre
carte avec nos renseignements, peut-être qu'on éviterait d'avoir
une reprise d'examens. On ne peut pas blâmer le médecin à
ce moment-là, celui qui les commande. Il fait de la bonne
médecine. Il ne les a pas, les analyses. Et on est conscients qu'il y a
une duplication non nécessaire et involontaire d'un certain nombre
d'analyses qui sont coûteuses pour le système et ça,
ça aiderait vraiment, sans compter les effets bénéfiques
pour l'état de santé du patient.
M. Trudel: Et, ça, c'est ma dernière question. Vous
m'engagez sur cette piste-là. Je ne vous demande pas de sortir votre
oeil de détective. On ne vous demande pas de jouer aux policiers. Ce
n'est pas votre travail. Mais est-ce que vous avez l'impression... Parce qu'il
y a aussi quelque chose qui se promène dans l'air. Il y aurait un assez
bon montant de fraudes et fraudeurs qui utilisent notre système de
santé et des services sociaux. Évidemment, lorsque le
spécialiste, lorsque l'omnipraticien examine la personne, il est
là pour sa santé. Il n'est pas là pour vérifier
sa... pour jouer à la police. Mais quand même, au niveau de la
perception, vous parlez à votre personnel. Est-ce que, vous, quand on
traite du problème de la fraude puis du commerce... Il y a quelqu'un qui
disait hier: Écoutez, on loue des canes. Est-ce que vous avez
l'impression que c'est significatif comme mouvement que, oui, la carte-soleil
avec l'absence d'identification personnalisée, ça, actuellement,
ça fait l'objet d'un trafic de louage de cartes de services d'une
façon importante?
M. Richer: Là-dessus, je pense que Je vais demander
à des gens plus compétents que mol de vous répondre, pour
la bonne raison que les médecins omnipraticiens, leur vocation de base,
c'est de donner les services de première ligne. Et ce n'est pas
là qu'on loue une carte, vous comprendrez, 400 $ ou 500 $ qu'on me dit,
des fois même plus que ça. Une carte d'assurance-maladie, ce n'est
pas pour aller chercher des services de première ligne à la salle
d'urgence ou dans un cabinet, on connaît nos patients pour le suivi.
Donc, mol, je ne peux pas répondre. J'ai des Idées
là-dessus. M. Cantin est plus compétent... ou, alors, dans les
hôpitaux. Là, quand les patients sollicitent l'usage d'une carte
d'une façon frauduleuse, c'est pour des interventions qui sont beaucoup
plus coûteuses. Je ne sais pas si vous avez cette perception-là
dans les hôpitaux. Le Dr Brossard et le Dr Marier sont plus en mesure que
moi d'évaluer cette réponse.
M. Marier: On n'a pas de données précises à
fournir, évidemment, parce que le problème, c'est que la carte
dont les gens se servent, elle est bonne. Le problème, c'est qu'on n'est
pas capable de savoir si la personne qui maintient la carte, c'est vraiment la
bonne personne et c'est ça qui... Alors, évidemment, quand on
exerce dans un milieu où c'est cosmopolite, où beaucoup de
personnes viennent de différentes nationalités, c'est encore plus
difficile à objectiver, sauf que, à notre expérience, il
est clair qu'on se rend compte qu'il y a probablement des abus, mais on ne peut
pas les quantifier, parce qu'on n'a pas les preuves de cela.
M. Brossard: Ce n'est pas possible de reconnaître un
fraudeur d'un autre, parce que c'a l'air d'un individu qui a une carte
ordinaire. Mais ce n'est pas...
M. Trudel: C'est pour ça que je faisais la prémisse
qu'on ne veut pas vous demander et il ne faut surtout pas vous demander de les
identifier, parce que ce n'est pas votre travail puis on ne veut pas que vous
fassiez cela. Mais, dans l'exercice de votre profession, il y a quand
même des échanges avec les confrères, avec les autres
membres des différentes spécialités qui nous
amènent à dire: Bien oui, écoutez, ça commence
à être significatif. Je veux savoir si on a quelque chose de plus
sérieux là-dessus, parce que les montants qui sont
évoqués, le phénomène lui-même, suivant qui
on interroge ou avec qui on essaie de voir l'ampleur, ça varie et c'est
très grand. On nous dit, dans certains milieux, que c'est d'une ampleur
assez considérable. SI tout cela nous amenait à nous priver d'un
certain nombre de services essentiels, par ailleurs, bien, il faudrait le
regarder de très près. Alors, quant à moi, merci. Je ne
sais pas si le ministre a d'autres...
Le Président (M. Joly): Excusezl II y a M. le
député de Notre-Damende-Grâce qui voudrait prendre la
parole.
M. Atkinson: Merci, M. le Président. MM. les docteurs,
à la page 28, vous déclarez que les soins médicaux dans un
cabinet privé coûtent moins cher que les mêmes traitements
dans un CLSC. Pourriez-vous nous donner plus de détails en comparaison
avec les coûts en cabinet privé et en CLSC?
M. Richer: Toute l'infrastructure d'un CLSC, il faut que
ça se paie, bien sûr. C'est plus lourd, c'est
compréhensible. C'est un établissement, au sens de la loi, et,
quand on avait fait des enquêtes sur les coûts relatifs de soins de
première ligne donnés en CLSC par rapport à ce qui
était donné en cabinet privé, il y avait une
différence d'à peu près trois pour un, dans ces
termes-là. D'ailleurs, si vous voyez l'enquête du CETS sur les
radiographies pulmonaires inutiles dont on a parlé tout à
l'heure, on dit que la même radiographie pulmonaire
préopératoire coûte 23,11 $ à l'hôpital alors
qu'elle coûte quelque 18 $ en clinique privée. C'est la même
radiographie pulmonaire, qui donne exactement
les mêmes résultats, interprétée par le
même radiologiste. Là, il y a une différence de 23 %
uniquement dans un petit Item. Donc, je pense que c'est compréhensible,
si vous voulez. On ne dit pas que ça doit être ramené au
même taux, mais on dit que pour des services qui doivent être
rendus en CLSC, par exemple, pour le maintien à domicile, on pense que
la coordination du maintien à domicile, c'est la vocation du CLSC et,
malgré les coûts, ça doit être fait là. C'est
l'endroit le plus efficace pour produire ces soins-là. Mais la
première ligne d'urgence ou les urgences mineures, c'est probablement
plus efficace de les faire, quand c'est possible, dans un cabinet privé
ou, alors, qu'il y ait une complémentarité, dans une
région donnée. On pense à Montréal, par exemple,
où on a fait une enquête là-dessus, de ne pas avoir un CLSC
qui ait la vocation de faire l'urgence de première ligne 12 heures par
jour quand il y a 60 cabinets privés de médecins ou des cliniques
qui peuvent donner ce service-là. (16 h 45)
M. Atkinson: Merci. Deuxièmement, c'est à la page
28 également. Vous suggérez de revaloriser la
rémunération des médecins. Pensez-vous que les honoraires
des médecins devraient être augmentés?
M. Richer: Bien, je pense que, ça, c'est un objet de
négociation, oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Atkinson: Vous dites oui.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît!
M. Richer: Compte tenu de notre pauvreté relative, oui, je
pense qu'ils doivent être augmentés.
Le Président (M. Joly): On va revenir à la
pertinence.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Atkinson: Une dernière question, M. le
Président. Je vais poser cette question en anglais. Because so many
parents and young people asked me this question, because the question is
confusing and in many ways is a complementary to my colleague from
Rouyn-Noranda-Témiscamingue. On pages 26 and 27 of your mémoire,
you dressed the issue of the number of physicians. You refer to the GRIS, the
Groupe de recherche interdisciplinaire en santé, which compares the
number of doctors in Québec with the number of doctors in Ontario. Now,
you put forth the proposition of by looking at different factors such as the
growth rates, the age of population and so forth, the difference between
Ontario and Québec seems to disappear and, therefore, you conclude that
Québec does not have an over-supply of physicians. Now, six years ago,
approximately, we seemed to be In a panic. We did not seem to have enough
doctors. Then, about two years later, there was another panic that said: We had
too many doctors. The young people are wondering whether they should enter the
profession. I am wondering how relevant is the comparison that you make with
Canada as a whole because, according to the Canadian Medical Association in
their report of 1989, they said: Canada had an over-supply of physicians. And,
more recently, the 1991 McMaster University paper written by Barer and Stoddart
seems to confirm that. And I would also ask for a response from M. Faucher, le
président de la Fédération des associations des
étudiants en médecine du Québec, because he is one of
them: What Is the future of the youths of Québec in medicine if we
cannot make up our mind whether we have too many or too few?
Des voix: Ha, ha, hal
M. Faucher (Frédéric): Un des plus importants
facteurs au niveau des étudiants en médecine, c'est le profil de
pratique qui est en évolution depuis quelques années, entre
autres, au niveau du nombre d'heures. On a parlé aussi de la
féminisation de la profession. Si on regardait les chiffres qui
étaient publiés dernièrement aussi, on voyait que dans le
coin des années 2000 à peu près, 2006, on
prévoyait, même avec les chiffres actuels des entrées en
médecine, une pénurie relative encore ici au Québec
d'effectifs médicaux. Alors, je ne crois pas que la situation... Dans
les facultés de médecine actuellement, je ne pense pas qu'il y
ait trop d'étudiants et je ne pense pas non plus qu'il y ait lieu de
diminuer encore plus le nombre d'entrées qui ont déjà
été diminuées grandement au cours des dernières
années.
M. Atkinson: Dr. Richer, would you answer the question: Who is
right on the number of doctors, the Canadian Medical Association or GRIS?
M. Richer: C'est très difficile de répondre. Il y a
une chose qui est sûre, c'est que quand on regarde l'étude - et
c'est ce que le Dr Marier disait tout à l'heure - qui a
été faite par les médecins spécialistes sur les
pyramides d'âges - pas de la société
québécoise, ça c'est facile à faire, c'est de la
démographie, puis c'est assez simple - de chacune des
spécialités, il semble que la structure d'âges de nos
spécialistes ici au Québec est différente de la structure
d'âges des spécialistes des mêmes spécialités
en Ontario, de sorte que, bien sûr, un cardiologue qui aurait
actuellement 60 ans est aussi utile, sinon plus, à la
société, qu'un cardiologue de 30 ans. Mais son
«outlook» de cardiologue est sans doute un petit
peu plus court. Donc, il compte pour une tête de pipe, bien
sûr, quand on fait une étude juste sur le nombre absolu, mais on
doit aussi prendre en considération qu'on devra remplacer
éventuellement ce cardiologue-là par un autre cardiologue, toutes
autres considérations étant égales par ailleurs.
Comme ça prend 10 ans - on l'a mentionné tout à
l'heure - à former un spécialiste, on doit être
extrêmement prudent et faire une bonne évaluation de la structure
d'âges par spécialité, des changements de valeurs des
jeunes médecins, qui sont comme le restant de la société,
et de la féminisation très grande de la profession
médicale qui produit des pyramides de travail également
différent, pour des raisons évidentes.
M. Atkinson: If I can just have one quick last question.
Le Président (M. Joly): Très très courte, M.
le député.
M. Atkinson: There is not anybody in this room who does not
recognize a community in Québec that is short of general practitioners.
And I am not talking about «spécialisations», I am talking
about the general practitioners. Do we have enough to service the
community...
M. Richer: Yes. We do not have too many, but I guess we have
enough. Actuellement, il n'y a pas de pénurie de médecins
omnlpratriciens autour du lac Saint-Jean, ce qui est un gain par rapport aux
récentes années. Il y a très peu de pénurie sur
l'ensemble de la Côte-Nord, quelques petites exceptions. Il y a encore
des pénuries dans le Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie, en termes
de régions, et en Abitibi. Il y a encore des pénuries locales.
Beaucoup moins qu'auparavant. On n'a pas de problème actuellement
à faire installer des médecins dans les régions pour les
médecins omnipraticiens. On a des problèmes à les retenir
et on proposera sans doute au ministère dans nos prochaines rencontres
de changer les primes d'Installation qui ne devraient plus être là
- on n'a pas de problème à les faire installer, pourquoi les
payer pour qu'ils s'installent - en prime de rétention, d'une
façon différente, si vous voulez, pour essayer de garder un peu
plus longtemps ceux qui s'installent là. Mais je pense que d'une
façon absolue, pour les GPs, il y en a assez dans le Québec, il
suffit de les répartir un peu mieux.
M. Atkinson: Thank you very much. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le député
de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.
M. Trudel: Juste pour vous remercier de votre présence cet
après-midi. L'information que nous avons échangée va
certainement nous servir, en tout cas, j'espère qu'elle va servir pour
orienter l'État dans ses choix qui sont décisifs parce que -
ça, on peut dire ça aux médecins - c'est clair, notre
système de santé et de services sociaux, dans les conditions
actuelles, est aux soins intensifs. C'est très clair. Il est aux soins
intensifs et il faut au moins avoir toutes les dimensions du diagnostic bien
posées quant au remède qu'on va lui administrer, quant au
pronostic qu'on va faire. Alors, merci pour cette contribution, cet
après-midi.
En terminant, sur une réflexion, Dr Marier, en particulier, qui a
assisté, à peu près à toutes nos
délibérations - et je l'ai, pour ma part,
répété à plusieurs occasions - il n'en demeure pas
moins que vis-à-vis de la profession médicale, moi,
personnellement, je suis inquiet de cette espèce de brisure de
solidarité que nous avons avec une certaine catégorie de
professionnels au Québec, qui s'appelle la profession médicale.
Je ne cherche pas à distribuer les blâmes, je ne cherche pas
à pointer personne, je fais un constat que, comme société,
ce n'est pas cette absence de solidarité avec nos professionnels qui va
nous amener plus loin et être meilleurs. Et, dans ce sens-là, je
pense qu'il va y avoir toute sorte de monde qui va avoir des gestes à
poser et on va n'en ressortir, encore une fois, que meilleurs et plus forts. Et
jamais une société ne va pouvoir prétendre être
forte si, en particulier, parce que c'est vous autres les professionnels de la
médecine, on ne fait pas corps avec eux et on n'est pas collectivement
fiers. Et il y a là une brisure qui s'est faite, à mon avis, au
cours des dernières années et on est amplement capables, non
seulement de réparer mais de projeter dans l'avenir, parce que, si on a
de si bons indicateurs de santé, si on a une si bonne relation au plan
individuel avec les membres du corps médical, c'est parce que nous avons
une force médicale compétente qui est en avance dans l'ensemble
du Canada, et il faut en être fier, quant à moi. Merci beaucoup de
votre prestation.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je vous remercie très sincèrement. C'est clair
que c'est toujours des rencontres très intéressantes, à
l'occasion avec des points de vue différents, mais qui ont toujours le
même objectif et qui convergent vers le même objectif: avoir un
système meilleur pour des meilleurs services à nos concitoyens,
selon notre capacité de payer, bien sûr. Et, quant à moi,
il y a plusieurs signes encourageants sur le redressement de notre
système. Et ça aussi c'est dû en partie aux
résultats de nos échanges, très corsés, merci, au
cours de l'année 1991, mais iI y a des signes très encourageants
- je le dis tel que je
le pense - des signes très encourageants. Et on a eu l'occasion
d'échanger cet après-midi sur des problèmes
spécifiques qui vont nous permettre d'améliorer, je pense,
peut-être davantage nous éclairer quant aux décisions
à prendre, et c'est clair que ça devra se faire dans une
continuité de partenariat sans cesse amélioré, de mains
tendues de part et d'autre en y allant progressivement. C'est clair que je
pense qu'on est sur la bonne voie. Et je souhaite rester là suffisamment
longtemps encore pour bien m'assurer que la consommation du mariage puisse
être faite puisqu'on est encore à se voisiner et à
s'apprivoiser, mais c'est sur la bonne voie. Alors merci bien.
Le Président (M. Joly): À mon tour, moi aussi, au
nom des membres de la commission, je tiens à vous remercier d'avoir
été présents et j'espère que si le mariage se
consomme je serai encore témoin.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Au plaisir et merci. Nous allons
suspendre les travaux pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 55)
(Reprise à 17 h 3)
Comité provincial des malades
Le Président (M. Joly): II me fait plaisir de souhaiter la
bienvenue au Comité provincial des malades. Je présume que c'est
M. Clavel. M. Clavel, si vous voulez bien nous présenter les gens qui
vous accompagnent.
M. Clavel (Jean): Je vous remercie, M. le Président. Je
suis accompagné de M. Paul-Marcel Dessane, qui est membre du conseil
d'administration du CPM et qui est aussi président du comité des
bénéficiaires du centre Dorchester. Nous avons aussi M. Louis
Grondin, handicapé qui vit en domicile. M. Grondin est parti de
Montréal ce matin, dans un fauteuil roulant mobile, mais il s'est rendu
à Québec en se servant d'un fauteuil ordinaire parce que nous
avons eu un pépin, son fauteuil a fait «kaput».
Le Président (M. Joly): Ah bon.
M. Clavel: Nous espérons que, grâce aux bons soins
et aux bons services du système de santé du Québec, son
fauteuil pourra être réparé dans les meilleurs
délais. Merci.
À ma droite se trouve une personne que la plupart d'entre vous
connaissez bien, le directeur général du Comité provincial
des malades, Mme Michèle Lamquin-Éthier. Merci.
Le Président (M. Joly): Je vous explique. Vous avez
environ une vingtaine de minutes. Si vous prenez moins de temps à
exprimer votre mémoire, ça laisse un petit peu plus de temps pour
l'échange. Alors...
M. Clavel: Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): ...je vous laisse aller,
monsieur.
M. Clavel: Le mémoire que nous avons préparé
est assez volumineux. Ce n'est pas dans notre intention de vous le lire en
détail. Cependant, je voudrais vous signaler que le mémoire
contient deux chapitres principaux, le premier qui traite d'un examen de la
situation et le deuxième qui traite de l'impact des modifications au
principe de la gratuité des soins de santé pour les personnes
hébergées. Le chapitre no 1 est divisé en six
sections.
M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission, en
décembre 1991, le ministre a publié un document de
réflexion sur le financement du système de santé et des
services sociaux, document qu'il soumet à la discussion publique.
Après étude et analyse, nous avons réalisé que nous
ne saurions aborder toutes les questions et chacun des aspects soulevés
dans le document ministériel dans des délais aussi courts, compte
tenu de l'insuffisance de nos ressources humaines et financières.
D'autres, nous en sommes certains, sauront évaluer les propositions
soumises et leurs impacts sociologiques, économiques, juridiques ou
leurs effets sur la fiscalité. Nous nous en tiendrons aux
éléments correspondant davantage aux champs couverts par notre
expertise propre en vous transmettant le plus fidèlement possible le
message des personnes âgées hébergées que nous
représentons.
Nous croyons fondamental de rappeler qu'au delà des statistiques,
du langage savant, des grilles d'analyse ou des enjeux propres aux divers
groupes d'intérêts il y a les réalités des malades
qui, eux, ont des attentes légitimes, des droits et des craintes face
à l'avenir.
Dans la section I, où nous traitons de la situation des personnes
hébergées. Depuis la prise en charge complète du
réseau de la santé et des services sociaux par l'État dans
les années soixante-dix, le profil des personnes hébergées
s'est grandement modifié. Des personnes nécessiteuses en besoin
de protection placées dans des hospices ou des asiles, on est
passé à l'hébergement de personnes relativement jeunes et
présentant une situation clinique acceptable pour, finalement, se
retrouver aujourd'hui avec une population hébergée
présentant des manifestations importantes de perte d'autonomie. Le
vieillissement de la population, l'éclatement des familles, le
changement des valeurs sociales qui a permuté la prise en charge des
personnes âgées par leur famille par celle de l'État, le
peu de succès de la
médecine face aux maladies dégénératices
dont sont souvent affectées ces personnes âgées
malgré l'espoir qu'elle avait fait naître, ont contribué
à ce que s'installe la situation actuelle. sans refaire l'analyse de
l'évolution du réseau de la santé depuis la
révolution dite tranquille jusqu'à nos jours, nous devons
cependant dire que le choix retenu par les membres de la commission
castonguay-nepveu, qui n'a jamais été modifié depuis,
était d'organiser le réseau de santé autour des
modèles institutionnels. tout sera centré sur l'organisation des
services en établissement au détriment du développement
des services de maintien à domicile. ce n'est qu'en 1966 que les
services externes seront couverts par ce programme. parallèlement,
à cette époque, les dispensateurs de soins en
établissement commencent à s'organiser en associations et en
fédérations, et l'état s'immisce de plus en plus dans ce
qui était alors exclusivement une relation médecin-patient.
En même temps que s'installe l'État-provi-dence, les
découvertes médicales font naître des espoirs et des
attentes face à la solution de problèmes de santé
jusque-là jugés incurables. La médecine peut tout, ou
presque. Mais, pour cela, on doit investir dans le développement de la
technologie nécessaire à l'établissement d'un diagnostic
scientifique.
On voit également se développer la croyance que seule la
médecine est habilitée à régler la presque
totalité des problèmes humains. Pour obtenir un soin ou un
service, on doit obligatoirement obtenir une prescription médicale.
Tout, ou presque, devient un acte médical. Avec la spécialisation
de la médecine, avec la perception qu'elle est omnipotente, avec la
prise en charge ou presque complète des personnes en perte d'autonomie
par l'État, les personnes hébergées ont acquis la
certitude qu'elles sont impuissantes à interagir sur leur propre
situation et qu'elles ne possèdent aucun pouvoir de modifier
l'irréductible. Les médecins refusent souvent de partager leur
savoir médical, surtout avec des personnes âgées moins
scolarisées qu'eux. Ils possèdent de grandes connaissances et ils
ont souvent la certitude qu'il est inutile de tenter de les vulgariser. Ce
réflexe des professionnels de la santé de ne pas associer le
patient et ses proches aux démarches le concernant n'a pas
contribué à les rendre responsables.
Les médecins n'ont pas toujours pris le temps de sensibiliser
leurs patients à la prévention, lorsqu'il était encore
temps. Les informer que la modification de certains de leurs comportements,
entre autres, pouvait contribuer à améliorer leur blen-âtre
n'a pas souvent fait partie des échanges entre le médecin et ses
patients. Le réflexe curattf est prépondérant. Et,
même après la manifestation des premiers symptômes de la
maladie, on se limite souvent à prescrire une pilule, seule responsable
de la guérison, croit-on. Combien de personnes igno- rent le diagnostic
que l'on a posé après l'analyse de leur cas? Combien de familles
doivent encore se battre pour rencontrer le médecin traitant et obtenir
des précisions sur le diagnostic et les méthodes de traitement
utiles en la circonstance?
Lorsqu'on se penche sur le présent, on a misé presque
exclusivement sur le développement d'un réseau institutionnel
d'hébergement. On a à peu près mis de côté le
développement du maintien à domicile ou de l'hébergement
dans des ressources plus légères et plus conformes aux
réalités de la vie dans la communauté.
Le regroupement des professionnels et des services dans des
établissements de santé et d'hébergement a
contribué à retirer aux personnes en perte d'autonomie toute
liberté de choisir leur milieu de vie, tout en les forçant
à vivre en groupe, dans des lieux institutionnels qui ne
répondent pas toujours à leurs aspirations et à
l'expression de leur personnalité propre. On a vu apparaître les
examens diagnostiques de routine, les prescriptions récurrentes, les
soins dispensés à la chaîne, le
«découpage» du patient en fonction des actes
réservés ou exclusifs à certains professionnels et pas
à d'autres, les heures de visite, le nombre et la qualité des
visiteurs, l'heure des repas, les heures obligatoires du lever et du coucher,
la liste des activités autorisées, et j'en passe.
Nous ne saurions terminer le présent volet sans évoquer le
peu de place faite aux familles et aux proches. L'organisation
hospitalière n'encourage pas toujours leur participation. On ne pense
pas que cela pourrait être profitable aux patients et
bénéfique à l'ensemble de la distribution des soins.
Regard sur l'avenir. Actuellement, les personnes hébergées
que nous représentons nous disent vivre une insécurité
importante occasionnée par les changements inclus dans la réforme
et par les discussions actuelles. Elles reçoivent au compte-gouttes
l'information nécessaire à leur compréhension par du
personnel qui, souvent, ne possède pas plus qu'elles les données
justes. La fusion des conseils d'administration et le regroupement des
établissements d'hébergement et de soins de longue durée
leur fait craindre qu'elles ne pourront plus recevoir de services
médicaux. Perdront-elles l'accès à certains services que
le rattachement à des hôpitaux de courte durée leur
assurait? Ces inquiétudes peuvent paraître futiles à
certains, mais elfes n'en affectent pas moins les personnes qui ont dû
tout abandonner et à qui on a limité le droit de conserver leurs
biens. Il ne leur reste qu'un lit, une table, une chaise, une armoire et
quelques bibelots.
Le deuxième volet traite des milieux d'héberqement, dans
le domaine de l'hébergement privé. A plusieurs reprises, nous
avons dénoncé l'absence de contrôle sur les
activités des établissements privés. Certaines personnes y
étant hébergées ne reçoivent pas tous les soins que
leur état nécessite et sont souvent victimes
d'abus. Notre expérience dans le traitement des plaintes
déposées par des personnes hébergées partout en
province nous permet de dire qu'il est à peu près impossible
d'obtenir que des correctifs soient rapidement apportés à des
situations d'abus, d'exploitation, d'absence de services répondant aux
besoins des personnes lorsque ces dernières sont hébergées
dans des ressources privées ou clandestines. Les personnes qui y vivent
paient souvent des sommes importantes pour obtenir des services qu'elles ne
reçoivent pas ou qui sont dispensés par des personnes qui n'ont
pas la formation adéquate. Nous profitons de l'occasion, M. le ministre,
pour demander, encore une fois, qu'un ménage soit fait dans les
établissements privés et clandestins pour que toutes les
personnes hébergées au Québec ne soient plus
exploitées et qu'elles obtiennent la satisfaction de tous leurs besoins.
(17 h 15)
Services exigibles par les personnes hébergées. Avant
1984, aucune disposition réglementaire ne venait définir quels
étaient les services médicaux que les usagers étaient en
droit de recevoir en hébergement. Puis des services médicaux,
pharmaceutiques et infirmiers ont, par la suite, été rendus
obligatoires. La réforme et la loi 120 ont apporté des
modifications importantes à cet égard. Le droit aux services pour
les personnes hébergées est donc
prédéterminé par des règles, des normes, des
procédures internes, des protocoles, des directives, des circulaires,
des règlements de conseils d'administration, des pratiques et des
procédures administratives adoptés dans le respect des plans
d'organisation de services des établissements. Une personne
hébergée qui aurait besoin d'un service non disponible ou non
prévu dans l'organisation interne de l'établissement doit souvent
s'en passer. En conséquence, actuellement, les personnes
hébergées reçoivent uniquement les soins et services
disponibles dans les établissements où elles se trouvent.
Considérant qu'actuellement les personnes hébergées
ne reçoivent pas toujours tous les services requis par leur condition,
nous faisons nôtre la recommandation du rapport Pelletier, et je cite:
«Que soit implantée une gamme de services accessibles aux
aînés en perte d'autonomie, indépendamment de leur milieu
de vie.» Nous souhaitons également que soit prise en compte la
réalité des personnes hébergées. Il est peu
fréquent que des services ultraspécialisés leur soient
offerts. Est-on prêt à accepter qu'en raison d'une
rationalité économique on en vienne graduellement à perdre
de vue l'ensemble de la personne humaine, à extraire de plus en plus
tout ce qui est intimement lié à la satisfaction de tous ses
besoins en privilégiant uniquement les services curatifs ou de
réadaptation à caractère uniquement médical?
Nous souhaitons cependant que les personnes actuellement
hébergées ne voient pas passer sous leur nez les
améliorations consenties par cette réforme et ne puissent jamais
avoir accès à ces services essentiels parce que, d'une part, tout
l'argent disponible sera encore une fois massivement utilisé pour les
soins de courte durée ou, d'autre part, parce qu'elles n'auront pas les
moyens de se les offrir.
Dans le chapitre qui traite du revenu des personnes âgées
au Québec, on ne peut questionner le financement actuel du réseau
de la santé et des services sociaux avec, comme toile de fond, une
possibilité que soient modifiés les services assurés, donc
gratuits, sans parler de la capacité de payer de la clientèle que
nous représentons. Après leur admission en hébergement,
ces personnes voient leur situation financière se modifier à plus
ou moins brève échéance. Elles doivent épuiser
leurs économies et les revenus générés par la vente
ou la location de leurs biens puisqu'ils sont inclus dans le calcul de leurs
revenus établissant leur contribution à l'hébergement.
Au sujet de la contribution des personnes hébergées,
toutes les personnes hébergées contribuent financièrement
à leur hébergement et certaines de façon substantielle.
Cette contribution a pour objet d'établir un équilibre,
semble-t-il, entre les sommes dépensées par les personnes vivant
dans la communauté et celles vivant dans les milieux
d'hébergement. On fixe donc le tarif d'hébergement en fonction
des dépenses courantes moyennes d'un adulte au Québec. Cette
façon de faire nous semble inacceptable puisque les services que les
personnes hébergées reçoivent en contrepartie ne peuvent
que difficilement se comparer à ce que peut se payer une personne dans
la communauté. Bien qu'elles n'utilisent souvent pas l'ensemble des
services disponibles dans rétablissement, les personnes
hébergées en assument collectivement les coûts. Aucune
facturation individualisée n'est disponible. Actuellement, elles paient
des sommes identiques, compte tenu de la chambre qu'elles occupent et ce,
indépendamment des services disponibles dans l'établissement.
Depuis de nombreuses années, nous avons demandé au ministre, sans
succès, de modifier la méthode servant à déterminer
la contribution des personnes hébergées.
Les personnes hébergées contribuent à l'achat de
biens considérés comme «spéciaux»: lunettes,
appareils auditifs, prothèses dentaires. On retrouve alors des personnes
peu nanties, privées de prothèses dentaires, limitées
à s'alimenter avec des purées. Elles peuvent également se
voir privées du remplacement de leurs verres correcteurs. Elles ne
peuvent plus lire, regarder la télévision, ou se déplacer
de façon sécuritaire. Elles ne sont plus appareillées en
cas de défaillance auditive. En conséquence, plus personne ne
leur parle, les privant de toute vie sociale.
En ce qui trait à l'allocation des dépenses personnelles
et les biens et services devant être
assumés par l'établissement, le texte réglementaire
prévoit que la contribution des personnes hébergées ne
peut excéder le montant correspondant au prix de la chambre et qu'une
somme de 125 $ par mois en allocation de dépenses personnelles doit leur
être laissée. De nombreuses démarches ont été
faites auprès du ministre pour que cette somme soit ajustée au
coût de la vie. Le ministre n'a pas reçu positivement nos
demandes.
Encore une fois, notre expérience nous démontre que les
dispositions contenues dans les circulaires qui traitent des articles dont il a
été question plus haut sont souvent bafouées et que les
personnes hébergées doivent assumer les coûts reliés
à l'achat des articles essentiels.
Le cinquième volet a trait aux dispensateurs de services. Les
personnes hébergées actuellement ne peuvent obtenir l'assurance
qu'elles recevront des soins médicaux qui tiennent compte des
données actuelles de la gériatrie et de la
psychogériatrie. L'absence de médecins dans plusieurs lieux
d'hébergement nous fait craindre que les services qui demeureront
assurés, c'est-à-dire les services dits médicaux,
diagnostiques et thérapeutiques obtenus à la suite d'une
prescription médicale, soient de moins en moins disponibles dans les
centres d'hébergement et de soins de longue durée. Le ministre
nous disait dernièrement, lors du dernier colloque de la commission
d'hébergement, et je cite: «qu'il privilégiera les
personnes âgées et qu'il entend démédicaliser le
phénomène du vieillissement par le renforcement des
mécanismes d'assistance et de maintien à domicile».
Nous espérons que son désir de démédicaliser
le phénomène du vieillissement ne contribuera pas à ce que
les professionnels de la santé désertent les milieux
d'hébergement. Nous le répétons, les services autres
qu'infirmiers ne peuvent être dispensés que suite à une
prescription médicale. Cette règle nécessiterait
peut-être un certain assouplissement. Nous souhaitons également
que de plus en plus de médecins compétents, dynamiques
s'intéressent à la situation des personnes
hébergées.
En ce qui a trait aux autres professionnels de la santé,
l'ouverture des postes ou le recours à des professionnels consultants ou
contractuels sont hétérogènes. Ils sont définis
dans le plan d'organisation. Cependant, ces choix se font en fonction de
ressources financières dont l'établissement dispose. Certains
médecins nous disent qu'ils ne peuvent offrir des services
multidis-ciplinaires puisque peu de professionnels de la réadaptation,
par exemple, sont disponibles dans leur établissement.
Le Président (M. Joly): Excusez, M. Clavel. Est-ce que
c'est encore bien long?
M. Clavel: Pas très long. Je vais terminer dans trois ou
quatre minutes.
Le Président (M. Joly): Je vous laisse aller, M.
Clavel.
M. Clavel: Nous souhaitons également que certaines
dispositions contenues dans les conventions collectives soient revues. Nous
avons, à maintes reprises, demandé aux principaux syndicats
d'accorder plus de latitude aux établissements et d'exprimer plus de
souplesse dans l'interprétation de leur convention collective.
Je passe maintenant à la fin, à l'impact des
modifications. Nous craignons que le désir de modifier le principe de la
gratuité dans un esprit d'économie touche de façon directe
l'universalité des soins. Les personnes hébergées n'ont
pas souvent le pouvoir d'effectuer des choix ou de mofifier les orientations
que l'on retient pour elles. Le personnel médical et professionnel
contrôle les soins et services qu'elles reçoivent. Les
administrateurs et les gestionnaires des établissements prennent des
décisions affectant directement la qualité des soins qu'elles
reçoivent de même que leur qualité de vie, sans qu'elles
puissent souvent exprimer leurs préférences.
Elles craignent qu'une modification au contenu du panier de services
assurés les affecte directement et qu'elles aient à subir une
diminution du service si elles ne peuvent contribuer davantage. Lorsque la
guérison n'est souvent plus possible pour elles, compte tenu de leur
âge et de leur diagnostic, elles craignent qu'il ne reste plus d'argent
pour que leur soient fournis les services de support et d'accompagnement qui
font souvent toute la différence entre la qualité de vie
acceptable et une mort dans la souffrance et l'oubli.
Et, en conclusion, nous voulons dire que, bien sûr, il faut mieux
allouer les ressources, mieux les gérer, mieux les utiliser et mieux les
contrôler. Mais la relative rareté des ressources de l'État
et de la société ne peut justifier le sacrifice de nos valeurs
collectives à cet égard. S'il faut couper, que le gouvernement
fasse les choix qui s'imposent, mais qu'il coupe dans d'autres secteurs que
celui de la santé et des services sociaux. Le tout respectueusement
soumis.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Clavel. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci bien, M. le
Président. Ce n'est pas la première fois qu'on reçoit le
Comité provincial des malades, parce qu'à mon souvenir nous
avions ouvert notre large commission, à l'époque, par le
Comité provincial des malades.
M. Clavel: Nous avions apprécié la chose, à
l'époque.
M. Côté (Charlesbourg): II nous apparaissait
que c'était l'organisme qui pouvait le mieux s'exprimer pour ceux
qui n'ont pratiquement pas de voix. Il y a des voix organisées qui
viennent nous voir et se faire entendre. Il y a donc des gens qui sont sans
voix s'ils n'ont pas le Comité provincial des malades. On l'avait fait
à l'époque et on est encore très heureux de le faire sur
le financement.
Ma première question serait la suivante, et j'en ai
quelques-unes, là. Est-ce que vous avez l'impression, dans votre
vécu, que nous en avons pour notre argent, pour les 12 000 000 000 $
qu'on investit dans ce système? Parce que c'est la question
fondamentale. Avant d'en ajouter, il faut, bien sûr, avoir la
satisfaction de savoir que celui qu'on a est bien utilisé et qu'il est
utilisé pour les fins pour lesquelles on l'a donné. Est-ce que
vous avez cette impression-là?
M. Clavel: M. Dessane, vous qui passez une grande partie de vos
journées dans une résidence à voir les problèmes
qu'ont les malades, les hébergés, j'aimerais que vous
répondiez à M. le ministre.
Le Président (M. Joly): M. Dessane, s'il vous
plaît.
M. Dessane (Paul-Marcel): Merci. Moi, ça fait
au-delà de 12 ans que je suis dans un centre d'accueil et je suis
toujours surpris de voir que l'argent que le gouvernement donne ne semble pas
nécessairement toujours atteindre le but désiré. Quand il
y a des changements, dans bien des cas, c'est au niveau, disons, de
l'administration, mais, quand il y a des coupures, c'est au niveau des
bénéficiaires: coupures de personnel, coupures dans les loisirs
et j'en passe. Moi, j'ai travaillé avec deux ministères, celui de
l'Éducation et celui-ci. Celui de l'Éducation, il était
payant, pour moi, mais actuellement, évidemment, ça s'appelle du
bénévolat. Et, de part et d'autre, je n'en revenais pas de voir
le gaspillage.
Vous savez, quand on manipule l'argent des autres, je pense qu'on est
plus à l'aise que lorsqu'on manipule son propre argent. C'est ça
qui me surprenait, de voir qu'on remplaçait des choses qui
étaient encore bonnes, mais ce n'était plus à la mode. On
enlevait des tapis parce qu'ils étaient un petit peu
défraîchis. Mais d'où cet argent venait-il et à qui,
normalement, cela aurait-il pu s'adresser? Est-ce que les soins étaient
meilleurs? Non. Là, au centre où je suis, il y a un changement,
disons, que j'appellerais pratiquement radical. Il y a beaucoup de bonnes
volontés qui se font valoir. Le personnel, à mon idée,
disons, d'après le travail qu'il donne, est très bien
payé. Ils n'en ont jamais assez, pas plus que moi, quand j'étais
professeur, je ne reculais devant une possibilité d'augmentation. Mais
il me semble que, lorsqu'on reçoit un montant d'argent, on doit donner
en retour, tant au point de vue de soins de qualité que d'attention
auprès du bénéficiaire. Là, je peux vous dire une
chose. Je suis en contact avec d'autres centres et c'est à peu
près la même réflexion que l'on passe. On est toujours
surpris de voir que, dans le fond, l'argent ne manque pas, mais s'il arrive
quelque chose on coupe et c'est toujours le bénéficiaire qui en
subit les conséquences. On enlève du personnel, comme je le
mentionnais tout à l'heure, mais par contre, au niveau de
l'administration, on est peut-être prêt à ajouter du
personnel.
M. Côté (Charlesbourg): Je pourrais peut-être
vous demander, si c'est possible, quand vous parlez de votre centre, c'est quel
type? Est-ce que c'est un centre public ou privé?
M. Dessane: C'est un centre, disons, qui relève du
gouvernement. (17 h 30)
M. Côté (Charlesbourg): Donc, un centre public.
M. Dessane: Public, oui, oui.
M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est un
sentiment qui semble être partagé par ceux à qui vous
parlez où on ferait davantage d'investissements dans l'administration,
ce qui pourrait occasionner des coupures dans le service aux
bénéficiaires.
M. Dessane: Oui. Si vous le permettez, M. le ministre, il y a une
chose que je tiens à souligner. À la fin de l'année
budgétaire, lorsqu'il reste de l'argent, on se lance dans toutes sortes
de dépenses des fois qui sont intelligentes, des fois moins
intelligentes, de peur que le ministère ou le gouvernement vienne
chercher ce qui reste. Moi, je me suis posé la question: Si le
gouvernement n'ouvre pas les yeux, il perd des millions.
M. Côté (Charlesbourg): Vous qui êtes
très près et qui suivez de très près le quotidien,
quelle est la meilleure suggestion que vous pourriez nous faire dans ces
cas-là?
M. Dessane: Je vais vous dire une chose. Je n'ai jamais
été bon en mathématiques, puis du côté
argent, tout ce que je vois c'est le bien-être du
bénéficiaire. Je remets entre des mains responsables le soin de
dispenser l'argent à bon escient de façon que le
bénéficiaire ne manque de rien, puis que, du moins, dans les
circonstances, il puisse vivre heureux et non pas toujours dans une crainte,
comme on le mentionnait tout à l'heure, à savoir: Est-ce qu'on
sera en mesure d'avoir nos médicaments? Serons-nous en mesure d'avoir un
médecin? C'est ça qui est important pour nous. Le
côté argent, en tout cas, pour ma part, je n'y touche pas.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Juste... Je veux bien
comprendre. Vous m'avez fait une démonstration qui nous a
été donnée à quelques reprises sur le plan des fins
d'année budgétaire et effectivement on accélère un
certain nombre de choses pour ne pas que le gouvernement mette la main sur
l'argent qu'on n'aurait pas normalement dépensé dans les
soins.
M. Clavel: ...ou qui pourrait affecter le budget de
l'année suivante.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ça. C'est clair
que, si vous l'amputez, si vous ne le dépensez pas une année,
l'année prochaine vous n'en avez pas besoin, supposément.
M. Clavel: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, il faut trouver des
techniques administratives qui vont permettre de protéger un budget mais
dont les services vont aller en soins aux personnes et non pas à
d'autres fins. Je trouve ça achalant. Je trouve ça même un
petit peu odieux dans certaines circonstances, parce que là on parle,
effectivement, de sommes d'argent. Ils ont ce qu'il faut sur le plan
budgétaire. Ce que je comprends c'est que, s'il en reste 100 000 $, 150
000 $ ou 200 000 $ à la fin de l'année, on va l'investir dans
autre chose que des soins qu'on pourrait procurer aux personnes
âgées. Ce que vous me dites, ce n'est pas un
phénomène isolé, c'est un phénomène qui
pourrait être un peu plus répandu qu'on pense.
M. Clavel: Oui. C'est un peu le même principe qui
s'applique à tous les ministères du gouvernement.
M. Côté (Charlesbourg): j'ai vu ça au
ministère des transports à l'époque. à tout le
moins, ils achetaient des tuyaux qui, l'année suivante, pouvaient
servir.
M. Clavel: Oui, mais il y a des dépenses qui se font qui
ne sont pas nécessaires, mais ils les font parce qu'ils ont l'argent. M.
Untel change les tapis de son bureau, parce qu'il a assez d'argent au budget ou
il s'achète un nouvel ameublement, des choses comme ça.
Vous savez, le gouvernement devrait peut-être, à
l'occasion, prendre l'exemple de l'entreprise privée qui,
périodiquement, fait un regard sur elle-même et fait de la
rationalisation, chose qui ne se fait pas toujours dans les différents
ministères gouvernementaux.
M. Côté (Charlesbourg): On va finir par y arriver
avec des méthodes de contrôle.
M. Clavel: Oui, mais les méthodes sont lentes.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, elles sont lentes, mais
c'est un système qui ne peut pas se revirer de bord du jour au
lendemain.
M. Clavel: Non, j'en conviens.
M. Côté (Charlesbourg): C'est un système qui
a été un peu beaucoup laissé à lui-même
pendant de nombreuses années, du temps où on avait suffisamment
d'argent pour dire: On en met par-dessus le tas, puis on en met par-dessus le
tas, et il n'y a pas de problème.
M. Clavel: Puis ça ne dérangeait personne.
M. Côté (Charlesbourg): On ne peut plus, là.
Vous avez dit tantôt que les personnes âgées, ce qu'elles
souhaitaient c'est, premièrement, pouvoir avoir leurs médicaments
et, deuxièmement, avoir accès aux médecins sur le plan du
conseil, du diagnostic. Quand vous dites avoir accès à des
médicaments, quand on est dans un centre d'accueil public, c'est quoi la
problématique d'avoir accès à ses médicaments? Il
me semble qu'il n'y a pas de problématique là. Il n'y a pas de...
Dites-m'en donc davantage sur les situations où on ne peut pas avoir
accès à nos médicaments.
Mme Lamquin-Éthier (Michèle): M. le ministre,
puis-je ajouter un complément à ce qui a été dit
précédemment?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui, oui, aucun
problème.
Mme Lamquin-Éthier: II est exact que des coupures sont
faites et que ces coupures-là, de façon tout à fait par
hasard, affectent toujours les soins ou les services directs qui sont
donnés aux bénéficiaires. Vous ne seriez, j'imagine,
même pas surpris de voir le nombre d'établissements où on
compte les culottes d'incontinence. Il y a des parents qui prennent soin d'en
acheter et de les mettre en réserve sur la tablette parce que leur
époux ou leur mère n'en aura pas, parce que c'est 4 par 24 heures
et c'est tout. C'est de ça que les bénéficiaires sont
insatisfaits et vous leur annoncez...
Bon, il y a une réforme qui arrive à grand fracas, qui les
insécurise. On parle de fusion, d'intégration, d'arrimage
d'établissements. Ces gens-là ne savent plus s'ils auront ou pas
des services, s'ils les auront encore du centre hospitalier duquel ils
dépendaient, si ces services-là vont être affectés,
de quelle façon ils le seront. Eux ont une capacité
financière qui est limitée. Ils ne sont plus productifs et leur
capacité de dépenser n'augmentera pas. Alors qu'ils n'ont pas
plus ils paient de plus en plus au niveau de la contribution à
l'hébergement. En plus, ils assument des sommes qu'ils ne devraient pas
pour des services qu'ils n'auraient pas à
payer.
La clientèle que nous représentons n'est pas
habituée à revendiquer et elle n'est pas habituée à
vous dire: J'ai le droit de. Pourtant, ce droit-là est clairement
inscrit. C'est une clientèle à qui on impose des choix et qui
craint, encore une fois, d'être la solution aux problèmes actuels
qu'on connaît. Elle craint, encore une fois, de devoir payer plus alors
qu'elle recevra de moins en moins. Ça c'est le message qu'elle nous a
donné et elle insiste pour qu'on puisse vous le livrer. Il y a une
absence flagrante de contrôles. S'il y en a, ils ne sont pas
exercés. S'ils ne le sont pas c'est parce que c'est mou quelque part. Il
n'y a pas assez de personnel ou...
M. Côté (Charlesbourg): Je veux qu'on se suive,
là. Je ne veux pas qu'on...
Mme Lamquin-Éthier: Oui, oui, c'est parce qu'il est
important de compléter...
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui, je comprends, mais
je veux juste...
Mme Lamquin-Éthier: O.K.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais vous donner la
chance parce que je sais que vous parlez de vécu et d'expérience.
Donc... C'est parce que juste sur les médicaments...
Mme Lamquin-Éthier: O.K. parfait.
M. Côté (Charlesbourg): ...je veux comprendre. On
est dans une situation de centres d'accueil publics où il n'y a pas de
barrières à ce moment-ci à l'accès à des
médicaments pour des personnes qui en ont besoin. Je veux juste
comprendre. Si on est dans un centre d'accueil autofinancé,
privé, c'est peut-être le cas, mais pas dans le centre d'accueil
public. Sinon je ne comprends pas, surtout que les médicaments pour les
personnes de plus de 65 ans sont gratuits. C'est parce que c'est un point qui
est quand même important. Quand on parle des couches, je comprends
ça, mais lorsqu'on parle des médicaments, je m'interroge un peu.
Je voudrais en savoir davantage.
Mme Lamquin-Éthier: Bon, vous avez annoncé vos
intentions de démédicaliser, comme on vous le soulignait tout
à l'heure dans notre mémoire. Si la
démédicalisation équivaut à enlever les
médecins ou à faire en sorte que les médecins se
désintéressent des centres d'accueil d'hébergement, c'est
bien sûr que ces gens-là vont être privés de
services. La médication, à l'heure actuelle, elle est
donnée pour plusieurs raisons. En supposant qu'on enlève cette
médication-là, notre clientèle va se trouver
contention-née, attachée. Dans quelles conditions va-t-elle se
retrouver?
M. Côté (Charlesbourg): Non, non, mais
écoutez...
Mme Lamquin-Éthier: Vous envisagez quoi comme
modifications?
M. Côté (Charlesbourg): Non, non, il faut quand
même faire attention. Il ne faut pas partir après des peurs qui
n'existent pas non plus. Ce n'est pas le ministre qui va enlever les
médicaments.
Mme Lamquin-Éthier: Ça existe, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): non, non, mais attendez un
petit peu. ce n'est pas le ministre qui va enlever les médicaments. un
médicament c'est un médecin qui prescrit ça...
Mme Lamquin-Éthier: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...et c'est lui qui va
décider s'il l'enlève ou pas. L'une des principales plaintes qui
a été évoquée pendant longtemps dans les centres
d'accueil ou centres hospitaliers de soins de longue durée, c'est qu'on
les tenait dans des lits en les droguant littéralement de
médicaments.
Mme Lamquin-Éthier: C'est vrai, ça se fait
quotidiennement.
M. Côté (Charlesbourg): Quand on parlait de
démédicaliser, c'est de s'assurer qu'on ne soigne pas par des
médicaments quelqu'un qui n'en n'a pas besoin. Donc, ce n'est pas plus
que ça. C'est le bien-être de la personne toujours, en ayant
à l'esprit que c'est d'abord et avant tout le bien-être de la
personne et que c'est le médecin qui peut décider de la
nécessité ou pas du médicament. Je pensais qu'on se
retrouvait dans une situation où il y a des gens qui pouvaient
être privés de médicaments en centre d'accueil public alors
que tout est supposément gratuit a ce niveau-là.
M. Dessane: C'est la peur que ça soit coupé,
ça.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Mais ça... Je
pense qu'il faut être clair. Il n'en est pas question, d'aucune
manière, puisque ça fait partie des acquis du système.
Cependant, là où il y a abus, là où il y a une
consommation qui peut avoir des conséquences pour le bien-être de
l'individu... Il est bien évident qu'il n'en est pas question, d'aucune
manière. L'autre dossier...
M. Dessane: Vous êtes bien sûr, M. le ministre?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui. Comment?
M. Oessane: Vous êtes bien sûr?
M. Côté (Charlesbourg): Ah bien, chez nous...
Écoutez, je ne peux pas être plus...
M. Dessane: On a lu les journaux et puis... M.
Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Dessane: ...on a vu à un moment donné qu'il
était fortement question qu'il y ait des conditions pour la
médication gratuite.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non. Là on parle
de programmes à des personnes de plus de 65 ans qui ont accès au
programme public, à domicile ou pour les personnes qui sont sur l'aide
sociale. On parle des 500 000 000 $. Quand on parle de médicaments dans
les centres d'accueil d'hébergement ou dans les centres hospitaliers de
soins de longue durée à travers le Québec, on ne parle pas
de ce budget-là. C'est un budget qui est totalement à part.
Donc, les 500 000 000 $ dont il est question, c'est les personnes
autonomes qui ont plus de 65 ans, qui ont accès à la
gratuité des médicaments à leur domicile et, en plus, des
personnes qui sont, pour des raisons qu'on connaît, sur l'aide sociale,
parce que c'est une nécessité, qui ont aussi accès
à ces médicaments-là. Il n'a jamais été
question de la vie de toucher aux médicaments dont les personnes avaient
besoin. Au contraire ce qu'on souhaitait c'est renforcer le lien entre le
médecin et le pharmacien en centres d'accueil d'hébergement et en
CHSLD pour bien s'assurer que la médication soit la médication
Indiquée en suivant la personne de telle sorte qu'il n'y ait pas
surconsommation ou ajout de consommation, ce qui va faire en sorte que... Elle
est dans le lit, on ne sait pas ce qu'elle a, mais elle est
littéralement droguée de médicaments. C'est uniquement
là qu'on souhaite intervenir, mais pas pour sauver de l'argent, pour la
qualité de vie du bénéficiaire. Ça, je ne peux pas
vous le dire avec plus de sincérité que je le fais maintenant.
Ça, c'est très clair. Très clair.
Mme Lamquin-Éthier: M. le ministre... M.
Côté (Charlesbourg): Oui.
Mme Lamquin-Éthier: ...il va falloir aussi que vous
envisagiez la question du changement des attitudes. Le réflexe premier
de donner une pilule, c'est toujours plus facile que d'écouter,
d'essayer de comprendre. Ça achète la paix. Ça procure des
temps de loisir au personnel. À beaucoup d'endroits, on
surmédicamente. Pourquoi? Parce qu'il y a une insuffisance flagrante de
personnel ou que le personnel ne sait pas se comporter face à des
personnes, par exemple, qui ont des problèmes cognitlfs. Ils n'ont pas
été préparés à ça.
M. Côté (Charlesbourg): Non. On a besoin...
Règle générale, on a du bon personnel à travers le
Québec qui s'occupe de nos personnes âgées. Ce qu'il faut
admettre cependant, c'est qu'il y a eu un alourdissement des clientèles
qui sont hébergées et la formation ou l'encadrement des personnes
qui travaillent auprès des bénéficiaires n'a
peut-être suivi au rythme où il aurait dû suivre. Là
où on a, règle générale, des problèmes... On
ne nommera personne puisque vous en avez surveillé quelques-uns et mis
sur la sellette quelques-uns. Ils avaient de bonnes intentions, mais ils
n'avaient pas la préparation et le suivi qu'il fallait pour être
capable de faire le travail qu'ils avaient a faire.
Mme Lamquin-Éthier: Bien, c'est épouvantable,
ça...
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
Mme Lamquin-Éthier: ...en termes de conséquences
pour la clientèle.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ça. Mais
à partir du moment où on est dans cette situation-là... Le
gouvernement a décidé d'augmenter les budgets en termes
d'alourdissement de clientèles. Ça, c'est un budget qui
évolue depuis un certain nombre d'années - on va continuer dans
ce sens-là - pour davantage avoir le personnel qu'il faut compte tenu
des gens qui sont dans les lits et qui nécessitent plus de soins
qu'avant. Ça demeure toujours une relation d'un professionnel, que ce
soit une infirmière, une Infirmière auxiliaire,
préposée - allez dans toute la hiérarchie - qui dispense
des soins, on fait appel à des professionnels qui doivent se comporter
en professionnel vis-à-vis des gens qui sont un peu démunis et
malades.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le
ministre...
M. Côté (Charlesbourg): C'est pour ça que...
Oui.
Le Président (M. Joly): ...je me dois,
malheureusement...
M. Côté (Charlesbourg): Je vais aller à ma
question qui ne serait pas la dernière, mais... Je veux quand même
profiter du temps que vous êtes là - et vous l'avez abordé
- pour parler de centres d'accueil publics, de centres d'accueil privés
conventionnés, de centres d'accueil autofinancés...
Évidemment, vous avez ajouté à ça des foyers
clandestins. On sait que dans des foyers clandestins on se retrouve avec des
situations où, effectivement, il y a des personnes de moins de 65 ans
qui se retrouvent en dif-
ficulté, des gens de 55 ans et plus, qui n'ont pas beaucoup de
revenus mais qui se retrouvent dans des foyers clandestins - on en retrouve
beaucoup - qui ne sont pas sous notre responsabilité, mais qui font
appel à une responsabilité gouvernementale et aussi municipale
parce que ça prend des permis sur le plan municipal pour être
capable d'y arriver. Est-ce que vous avez des constats différents quant
à la qualité... Si on est en centre d'accueil privé
conventionné... Pour un privé conventionné, il y a
sensiblement le même budget qu'un public par rapport à un centre
d'accueil privé autofinancé qui, lui, ne reçoit qu'un
permis. J'aimerais vous entendre là-dessus parce que ça va
être très conséquent pour les gestes qu'on a à poser
et qui seront posés très, très prochainement. (17 h
45)
Mme Lamquin-Éthier: On vous a remis le cumulatif des
plaintes et des demandes d'information que nous avons eu à traiter
durant la dernière année. La demande que nous avons reçue
à notre bureau, ça équivaut à 476 demandes
reçues et traitées. Nous avons départagé le nombre
total d'établissements privés visés, sur ces 476
là. Nous en avions 24 l'année dernière. Au niveau des
établissements publics visés nous en avions 96. C'est assez
difficile. On n'a pas départagé entre les conventionnés et
les autofinancés. Il faudrait peut-être que je refasse un examen
visuel.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas... Ma question
est toujours bonne. La réponse peut venir plus tard là, mais je
pense que ma question demeure. Pour nous, sur le plan du contrôle - parce
qu'on s'en va vers des contrôles beaucoup plus stricts - c'est clair
qu'il y aura des priorités d'intervention. Il va falloir le faire
là où le bât blesse davantage.
Mme Lamquin-Éthier: Ce qui est important c'est de
s'assurer qu'il y ait un contrôle efficace réel qui soit fait, une
volonté claire arrêtée et que des actions concrètes
soient posées. C'est ça. C'est bien sûr que ces
établissements-là sont gérés et leur droit de
gérance qu'ils nous objectent souvent, on ne peut pas toujours s'y
intéresser. Vous, votre mandat c'est de vous assurer de la santé
et du bien-être de ces gens-là et de vous assurer que les services
qu'ils reçoivent soient des services adéquats qui correspondent
à leurs besoins. Quand on est conventionnés on a une obligation
qui est probablement plus lourde et les contrôles devraient être
plus serrés. On ne pense que, quand on est autofinancés,
ça constitue une porte de sortie qui nous permet de dire à ces
gens-là: Écoutez, nous on ne demande rien à personne.
M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que le
conventionné c'est le ministère qui impose la clientèle
plus lourde alors que l'autofinancé c'est une clientèle qui est
choisie par le privé lui-même.
Mme Lamquin-Éthier: Mais on retrouve aussi de plus en plus
dans certains types de résidences des...
M. Côté (Charlesbourg): II y a des cas lourds, je
suis tout à fait d'accord avec ça.
Mme Lamquin-Éthier: Absolument et très lourds
même.
M. Côté (Charlesbourg): D'ailleurs c'est pour
ça qu'on a voulu ouvrir le maintien à domicile à des
ressources privées aussi parce que c'est la personne d'abord qui
compte.
Mme Lamquin-Éthier: C'est ça la
préoccupation, et de faire en sorte que cette personne-là qui est
au centre des préoccupations reçoive les soins et services
auxquels elle a droit. Il ne faut pas se fermer les yeux.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne peux pas vous dire
autrement que je partage votre opinion. Évidemment, ce sont des
systèmes qui ne sont pas faciles à mettre en place et là
aussi il faut être extrêmement prudents de ne pas dépenser
beaucoup trop d'argent en contrôles administratifs alors que ce qu'on
vise c'est de donner du bien-être et des services à l'individu. Le
message est assez clair et je le partage aussi. Dans nos moyens il faut
équilibrer nos gestes.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je veux vous souhaiter
la bienvenue également, M. Clavel, le président, Mme
Lamquin-Éthier, M. Dessane et M. Grondin. Ça va finir par se
réparer la mécanique, j'imagine, à quelque part. Si
ça ajoute à des barrières à franchir pour venir
jusqu'à nous, il faut vous remercier avec plus d'intensité
d'avoir franchi ces barrières pour vous rendre jusqu'à nous.
C'est important qu'on ait votre vision des choses parce que vous
voyez... Au moment où vous êtes arrivés... Il n'y a pas
autant de caméras et il n'y a pas autant de monde, hein? Après
tout, vous êtes rien que les usagers, quoi, hein? Ça, c'est un peu
le drame de notre système. C'est la parfaite illustration.
M. Clavel: Les humbles.
M. Trudel: Pardon?
M. Clavel: Les humbles sont mis de côté.
M. Trudel: Oui, c'est ça. C'est-à-dire que
tout le système est supposé être organisé
pour vous. À voir l'affluence cet après-midi, pour moi la
pyramide est à l'envers à quelque part. On ne se pose pas la
question s'il va y avoir une pilule de payée ou non. Le ministre posait
des questions sur des «brackets» de rémunération. Il
parlait d'autour de 500 000 $ quelque part. On n'a pas de problèmes de
fourniture à ce niveau-là, au niveau des médicaments.
C'est pour ça que c'est important que vous nous donniez le plus
simplement du monde votre vécu et ce que, comme usagers du
système, vous avez à nous demander.
J'aurai quelques questions spécifiques tantôt, bien
sûr. La commission parlementaire actuelle porte sur le financement du
système de santé et des services sociaux au Québec. Vous,
comme usagers et membres de la communauté québécoise,
est-ce que vous avez conscience que notre système de santé et de
services sociaux est vraiment en danger, qu'il est aux soins intensifs? Est-ce
que les gens avec qui vous vivez quotidiennement ont cette impression? Bien
sûr avec cette question: Qu'est-ce qui serait le plus urgent de redresser
dans le système si tant est que le diagnostic serait oui, il est aux
soins intensifs, notre système? Vous l'avez lu le document. Est-ce que
vous avez d'abord cette impression-là, très clairement?
M. Clavel: Je ne crois pas que nous ayons cette impression quand
on se base sur certaines données qui ont été
préparées par le ministère qui donne certaines
statistiques, qui établit des coûts. Je ne les ai pas de
mémoire, mais Mme Lamquin, vous me parliez d'un coût de 29 $ par
habitant. Peut-être référer...
M. Trudel: Vous pourriez compléter, mais,
déjà, ça amorce bien, quant à moi. Ce n'est pas
tellement sur les chiffres précis. On ne peut pas demander ça
à vous autres...
M. Clavel: Non.
M. Trudel: ...de jouer les économistes et...
M. Clavel: D'ailleurs, on n'est pas des gestionnaires.
Une voix: Exactement.
M. Trudel: C'est ça. Vous n'êtes pas des
gestionnaires et il ne faut pas vous demander ça...
M. Clavel: Non. D'accord.
M. Trudel: ...sauf que vous êtes - on ne dit pas un
échantillonnage - des citoyens ordinaires...
M. Clavel: Oui.
M. Trudel: ...des usagers.
M. Clavel: Oui. On représente les citoyens ordinaires.
M. Trudel: Quand vous me dites, tout de go, comme ça, sur
l'élan: Nous, on n'a pas l'impression que le système est en
danger, c'est bien ça que vous me dites?
M. Clavel: Oui.
M. Trudel: Là, je vais prendre le complément de
réponse de madame là-dessus. Je vais revenir après cette
impression-là.
Mme Lamquin-Éthier: Vous avez vous-même fait
état récemment - et ça a été rapporté
par la pressa - des 12 mythes qui sont disparus. Il demeure qu'il y a un
problème et nous, on n'est pas, comme vous le disiez, des fiscalistes.
Nous ne sommes pas des économistes ni des historiens. On n'a pas de
compétence provinciale ou fédérale. On n'est donc pas les
mieux placés pour vous donner une opinion là-dessus. On ne
pourrait pas cependant passer par-dessus le fait que le fédéral
se désengage de plus en plus et que ça, ça constitue un
problème. Pour en avoir parlé à certaines personnes, la
réponse de ces gens-là, c'est: Écoutez, pourquoi est-ce
qu'Hs ne s'assoient pas ensemble, qu'ils ne voient pas ensemble à
négocier ça et ce qu'ils pourraient faire ensemble? Ils nous
disent que la santé est un bien-être collectif, que c'est un choix
qui a été fait et que les principes qui ont été
établis doivent être respectés. Ils conviennent que le
gouvernement est en position délicate, qu'il y a un manque à
gagner. Pour eux - une des solutions dont on nous a fait part - c'est de
recommander que les parties s'assoient et conviennent ensemble d'une
façon d'accommodement ou d'une façon de se sortir de ce
dilemme-là.
La commission va entendre des experts dans ces domaines-là. Il y
a 50 groupes qui ont été convoqués. Sept groupes
représentent les usagers. La balance, c'est ça, l'expertise. Je
pense que vous allez avoir des occasions idéales de leur soumettre des
questions dans ces domaines-là, sauf que nous, la clientèle qu'on
représente, on vous a dit quelles sont ses inquiétudes. Les
usagers nous disent, par ailleurs, qu'ils tiennent aux acquis, qu'ils tiennent
à l'universalité, à la gratuité et à
l'accessibilité. Ils savent qu'il y a des problèmes: Assoyez-vous
et discutez-en entre vous. Ils sont persuadés que des solutions
concrètes peuvent être trouvées.
M. Trudel: En tout cas, si on part du point de vue du document du
18 décembre - et c'est loin d'être un reproche que je vous fais
parce que vous êtes, quant à moi, témoin moyen de ce que
j'entends dans la rue, moi aussi, un peu partout - il y a une espèce
d'incrédulité de la
situation. Le système ne serait pas en danger. L'État dit:
Pour l'instant, au niveau du manque à gagner, dans le meilleur des cas,
il va nous manquer 200 000 000 $ par année. Puis là, ajoutez
ça, 400 000 000 $, 600 000 000 $, 800 000 000 $, 1 000 000 000 $. Nous,
on prétend qu'au niveau des chiffres c'est encore pis que ça, que
c'est entre 2 800 000 000 $ et 5 500 000 000 $. Alors, il y a comme un
sentiment d'urgence quelque part quant au maintien des caractéristiques
fondamentales de notre régime. Bon.
Ça nous amène donc à constater une autre fois qu'il
y a un manque de liens entre notre système et les usagers et même
la population en général. C'est comme si c'était
donné, que ce serait là pour toujours et que ce serait dans le
système, mais ce n'est pas comme cela. Bon. Ça me mène
à la question suivante: Votre clientèle, c'est surtout la
clientèle hébergée que vous défendez. Mais il y a
M. Grondin qui est avec nous qui est, si je comprends bien - on l'a dit
tantôt... maintien à domicile.
M. Grondin (Louis): Maintien à domicile, oui, c'est
ça.
M. Trudel: Bon. Le Comité provincial des malades
aussi...
M. Grondin: Exactement.
M. Trudel: ...défend ces gens-là. Est-ce que vous
pensez, M. Grondin, à partir du diagnostic... Prenons comme
prémisse qu'il y a vraiment du danger. Le maintien à domicile,
est-ce qu'on y met les ressources, le fric, l'aide nécessaire
actuellement et est-ce qu'on devrait prendre surtout cette direction pour
répondre aux besoins des personnes en détresse - je ne qualifie
pas le niveau de détresse - dans le système de santé et de
services sociaux?
M. Grondin: Moi, je vous dirais que c'est sûr qu'il y aura
toujours un besoin d'institutions, mais pour des personnes qui, comme moi, ont
choisi de vivre à domicile, je pense qu'à cet effet-là
c'est le meilleur endroit pour vivre. Aujourd'hui, je vous arrive et...
Je vais sortir un petit peu de ça, rien que pour faire une
parenthèse. Je suis arrivé en chaise roulante d'un
établissement conventionné, fournie par le gouvernement,
réparée par le gouvernement hier, brisée encore
aujourd'hui, réparée encore par le gouvernement aujourd'hui et
qui va finir peut-être par m'être remise entre les mains. Il va
avoir un an à peu près le 1er avril, ce fauteuil-là, et
ça a l'air d'être un poisson parce qu'il ne fait même pas sa
première année et, le deuxième, je ne sais pas quand
est-ce qu'il va arriver. C'est un sacré fauteuil et je dois vous dire
que ça m'a pas mal un petit peu mêlé cette
histoire-là.
Maintenant, pour revenir aux soins en maintien à domicile, c'est
un petit peu comme du centre d'accueil élargi, cette affaire-là,
parce que je suis encore soumis à toutes les règles du
gouvernement. Le CLSC, c'est un établissement de santé comme les
autres, en somme, et, étant un établissement de santé
comme les autres, je dirai à M. le ministre comme je peux vous le dire
à vous aussi que quand on a choisi comme moi de vivre à domicile
et, en plus de ça, de gérer son propre budget de services et
d'embaucher son propre monde - on nous fait des employeurs comme si on pouvait
avoir tous les talents - et, en plus de ça, on nous donne 9 $ l'heure
alors qu'on donne plus que 14 $ l'heure aux CLSC pour se procurer la même
qualité de services...
Ce n'est pas très, très fort de la part du gouvernement de
penser que, nous autres, on est capables, parce qu'on est handicapé, de
faire des miracles. On va imprimer de l'argent, ou quoi? C'est ça que je
ne comprends pas là-dedans. Il me semble que, là, à
quelque part, le gouvernement... Je ne sais pas comment ça se fait qu'il
y a besoin de tant d'argent que ça dans les CLSC et qu'il faut qu'on en
remette encore et qu'on en rajoute. Comment se fait-il que quand ça
arrive pour le donner au bénéficiaire, lui, il a besoin rien que
de 9 $ et, quand ça arrive aux CLSC, c'est 14 $ que ça prend?
C'est ça que je ne comprends pas.
M. Trudel: Je vais revenir. Il y a deux temps forts, deux temps
très forts dans votre intervention. D'abord, vous dites: Moi, j'ai
choisi de vivre à domicile. Comment s'est passé ce
choix-là? Vous étiez en établissement et vous avez choisi,
vous avez décidé - parce que c'est important cette
séquence-là - d'être en maintien à domicile, de
rester dans votre milieu.
M. Grondin: J'ai choisi de continuer de vivre à domicile
parce que je n'ai jamais été en institution et je ne veux jamais
y aller de ma vie. Je veux mourir même à domicile, si c'est
possible. Je n'ai pas l'intention d'aller vivre ailleurs. Vivre à
domicile, c'est là que tout le monde choisit de vivre. Ici, je pense
qu'il n'y a personne qui doit vivre en institution. Alors, le meilleur endroit
pour vivre, ça doit être à domicile. Moi, je veux continuer
de vivre à domicile et, pour ça, il faut avoir des services de
qualité autant à domicile et autant quand c'est payé par
soi... pas par moi parce que c'est le gouvernement quand même qui me
donne de l'argent. Je suis obligé d'arriver à faire des miracles
et trouver du monde qui va s'étirer de façon, je trouve, plus que
raisonnable. Le gouvernement devrait accorder plus au
bénéficiaire qui se donne la peine de faire son propre travail
que d'en donner autant aux CLSC. Je ne sais pas quelle sorte de transparence il
va falloir qu'il y ait un jour pour qu'on puisse savoir ce
qui se passe dans ces boîtes-là. On n'est jamais capable de
savoir ce qui se passe là.
M. Trudel: bon. reprenons cette deuxième séquence
pour que je comprenne bien moi-même. vous dites: moi, ça me
coûte 9 $ l'heure quand je m'achète...
M. Grondin: C'est-à-dire que c'est ce qu'on me donne.
M. Trudel: C'est ce qu'on vous donne et ça vous en
coûte 14 $.
M. Côté (Charlesbourg): Non. M. Trudel: Non?
M. Côté (Charlesbourg): Ça en coûte 14
$ aux CLSC.
M. Trudel: Ça en coûte 14 $ aux CLSC. M. Grondin:
Oui.
M. Trudel: Vous demandez comment ça se fait que ça
peut coûter 14 $ aux CLSC...
M. Grondin: Oui.
M. Trudel: ...et que, vous, vous n'en avez rien que 9 $.
M. Grondin: Oui.
M. Trudel: Vous avez l'impression qu'il y a quelque chose entre
les deux.
M. Grondin: Exactement.
M. Trudel: L'impression, c'est qu'on prendrait ça en
administration, en encadrement, ou... (18 heures)
M. Grondin: J'ai bien l'impression que c'est une question
d'administration dans le CLSC. Non, on pourrait penser que c'est une question
d'administration, pardon. Ce n'est absolument pas ça. Pour
l'administration, le CLSC a un budget d'administration pour sa boîte et
pour ses employés. Le budget qui est accordé pour le
bénéficiaire, c'est un budget protégé. Ce n'est pas
un budget qui est tout d'une même enveloppe ou - en tout cas, appelez-le
comme vous voulez - tout d'un même bloc. Ça, cet argent-là,
c'est divisé en deux. Le budget pour le bénéficiaire,
c'est un budget qui est protégé et qui est accordé pour
ses soins. Ces soins-là, ce sont les besoins qui sont
déterminés par le CLSC comme probablement dans les centres
d'accueil d'hébergement de toutes sortes. Ce sont les professionnels qui
déterminent les besoins des personnes, comme ça l'a
été dans mon cas. Ce sont eux qui ont déterminé et
mes besoins et le nombre d'heures de soins dont j'avais besoin alors qu'on est
supposé faire ça en collaboration. Je dois vous dire que la
collaboration, je m'en ai pas vu puis pas du tout, absolument pas. Il n'y a eu
aucune collaboration. Ils sont venus me dire de but en blanc ce qui
était bon pour moi puis ce qui n'était pas bon pour moi.
M. Trudel: Ah bon! Il y a Bissonnet qui frissonne des yeux en
arrière, là. Non, je comprends que votre... Le ministre pourrait
le dire aussi. Il y a différents degrés pour évaluer ce
phénomène-là et c'est important, votre témoignage,
à cet égard-là. Oui, on reçoit souvent des gens
dans nos bureaux de comté qui tout simplement nous disent: Aïe!
Comment ça marche, la patente? Comment ça marche cette
affaire-là? «C'est-u» le CRSSS? «C'est-u» le
CLSC? Est-ce que ça passe par le CSS?
M. Grondin: Le DSC puis le CSS et tous les autres.
M. Trudel: Alors, le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est
mêlant pour les usagers.
M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que c'est un cas
qui est quand même assez important puis Dieu sait qu'il se débat
avec beaucoup de vigueur pour faire valoir ses droits. Je pense que c'est un
régime qui permet ça. Évidemment, ce qu'il faut dire,
c'est qu'il y a une évaluation puis... C'est quoi? Vous avez quoi? Vous
avez 44 ou 45 heures de services par semaine?
M. Grondin: Moi, dans le moment, ce que j'ai?
M. Côté (Charlesbourg): Oui. M. Grondin: J'ai 38
heures.
M. Côté (Charlesbourg): Bon. 38 heures de services
par...
M. Grondin: Le maximum, c'est 44, M. le ministre, qu'on pourrait
avoir.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, si sur le plan des
besoins les heures sont bien évaluées, ce que je crois
comprendre, c'est que vous préféreriez avoir les 14 $ puis
peut-être en arriver à 9 $ puis vous allonger les heures.
M. Grondin: C'est-à-dire que, là, ce n'est rien
qu'un jeu. Vous faites un jeu, vous là, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Non, je veux savoir,
là.
M. Grondin: Écoutez, je veux bien embarquer, moi aussi,
mais...
M. Côté (Charlesbourg): Non... Des voix: Ha,
ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Non, mais, c'est parce
que... Non, mais, je vous la pose. Je vous donnais la chance. On pourrait
penser puis ça ne serait pas vrai que vous, ce que vous voulez, c'est
que le CLSC vous donne 14 $ de l'heure comme lui ça lui coûte pour
vous donner les services pour 38 heures...
M. Grondin: Exactement.
M. Côté (Charlesbourg):... alors que vous n'en avez
rien que 9 $.
M. Grondin: Bien oui.
M. Côté (Charlesbourg): Mais, ça, ça
vous permettrait d'avoir plus de services. C'est ça?
M. Grondin: Des services de meilleure qualité, des
personnes plus compétentes et mieux rémunérées,
comme il se doit. On vise le monde d'aujourd'hui, au coût de la vie
d'aujourd'hui. Ça, c'est de la qualité. Je pense bien que vous
visez ça, vous aussi?
M. Côté (Charlesbourg): Ah, bien sûr! M.
Trudel: D'accord, d'accord sur ce...
M. Côté (Charlesbourg): Ne vous choquez pas, parce
que ce n'était pas pour ça. Ça vous a donné la
chance de le dire.
M. Trudel: Oui. Vous avez pu faire valoir votre revendication
là-dessus.
M. Grondin: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Ce que je voulais voir, moi, c'est l'aspect de
l'allocation directe...
M. Grondin: Oui.
M. Trudel:... par rapport à l'institutionnel, par rapport
au fait que ça passe par un établissement. Vous, vous dites qu'en
dehors de la réclamation vous en voudriez plus. On en veut tous un petit
peu plus dans la vie et ça, ça se discute et ça peut
s'échanger. C'est que vous dites: Moi, j'ai choisi de vivre à
domicile.
M. Grondin: Oui.
M. Trudel: Je reçois une allocation directe avec laquelle
je m'achète des services.
M. Grondin: Oui.
M. Trudel: Ce n'est pas tout à fait insuf- fisant, mais
c'est une formule que je suis capable de gérer moi-même. C'est
ça que vous nous dites?
M. Grondin: Que je préfère gérer. Je trouve
qu'elle est coûteuse en mautadit pour moi, mais...
M. Trudel: Je veux juste tirer comme conclusion qu'il me semble
que, compte tenu de l'ampleur des besoins au Québec, cette formule du
maintien à domicile, ça me semble une formule qu'il faut explorer
jusqu'au bout, jusqu'au bout en faisant confiance aux personnes et je dirais
aussi aux personnes et aux associations qui les concernent et qui, souvent,
nous aident à avoir la protection nécessaire. Il y a des dangers
qui nous guettent à travers cela. Et compte tenu du fait, selon une
évaluation qui a été faite par le ministère et
présentée par le ministre le 7 décembre 1990, qu'il y
aurait des besoins, il faudrait qu'on ait 30 000 places supplémentaires
dans nos établissements d'ici l'an 2000, compte tenu du vieillissement
de la population en termes d'hébergement, particulièrement des
personnes âgées, et qu'on ne pourra jamais se permettre ça.
Le gouvernement propose 7000. Ça veut donc dire comme indication qu'il
faut faire un investissement massif dans le maintien à domicile avec
tout ce que cela suppose comme guide de protection au niveau des abus possibles
ou des difficultés dans l'application de ça. Vous êtes
d'accord avec ça?
M. Grondin: Bien, je suis plus ou moins d'accord. Je vais vous
dire une chose. Je pense qu'il n'a pas besoin de rajouter véritablement.
Je pense qu'il y a moyen de réassortir la formule de versement et la
formule de paiement. Je pense que si je pouvais m'avancer à faire une
couple de suggestions... Je vais vous en faire une couple de suggestions, moi.
Principalement, c'est difficile d'être employeur et quand on est
handicapé comme moi, là... Même si j'ai travaillé 15
ans dans la fonction publique, ce n'est pas important.
Ce que je veux vous dire, c'est que si on me donnait l'argent, comme
l'aide sociale est donnée, au lieu que ça traîne partout
sur les bureaux du gouvernement, de haut en bas de la pyramide au
ministère... Quand ça remonte, ces petites retenues à la
source que je fais et que les autres feront, ça va faire quoi? Ça
va être à peine des cents. Si on me donnait le montant global et
qu'on me le donnait comme aide sociale pour mes services sociaux
déterminés déjà par le CLSC avec un nombre d'heures
qui est à peu près suffisant, disons, bien, je pense que,
là, déjà on aurait réglé bien des affaires.
On éliminerait bien de la paperasserie administrative. Ça, il y
en a beaucoup de ça. On pourrait en éliminer et ça
pourrait, je pense, permettre à beaucoup plus de personnes de vivre
à domicile et de gérer eux-mêmes leurs services. Ce serait
une sacrée bonne affaire.
M. Trudel: Très bien.
M. Grondin: Ça, c'en est une formule et peut-être
que je pourrais vous en suggérer une deuxième.
M. Trudel: Allez-y donc avec la deuxième. Faites ça
vite, là.
M. Grondin: La deuxième, c'est que la formule demande
encore un peu de paperasserie, malheureusement. Je pense, si je m'en souviens
bien, que j'en avais envoyé copie à M. le ministre. Je l'ai dans
mon document, dans mon sac à dos. Je ne sais pas où il est rendu.
Il est justement là. En tout cas, de toute façon, M. le ministre,
vous avez déjà eu copie des deux formules que j'ai
suggérées pour qu'on puisse arriver à faire quelque chose
qui soit passablement mieux. Je pense bien que, déjà, dans la
première partie que je vous mentionnais, c'était d'avoir 14 $ au
lieu d'en avoir 9 $ et, dans la deuxième partie, c'était tout
simplement qu'on ait ça sous forme d'aide sociale et qu'on n'ait pas
à essayer de devenir ou de faire de toutes les personnes des employeurs
comme tels, de plein titre. Ça demande de la compétence pour
être employeur. Il faut savoir compter un peu.
Le Président (M. Joly): Merci, monsieur. M. le
député, oui.
M. Trudel: Alors, c'est terminé.
Le Président (M. Joly): Terminé, vraiment.
M. Trudel: Alors, pour ma part, en terminant, je vais vous
remercier de votre présence aujourd'hui. Je retiens principalement le
niveau d'inquiétude. C'est principalement cela que je retiens. Il y a
lieu d'être inquiet un peu, beaucoup, quant au système. Oui, il y
a lieu. Je ne vous demande pas d'être ceux et celles qui vont contribuer
à solutionner totalement l'espèce de problème dans lequel
on est situé. Je ne veux pas en faire l'exégèse ici.
Je pense que le débat que nous menons actuellement devrait nous
amener - je le souhaite vivement - à ce que nous n'ajoutions pas de
charge ou de désengagement vis-à-vis de ce que vous êtes
comme catégorie de personnes et que nous puissions arriver, par
ailleurs, à répondre au système en vertu du fait que
chacun ferait sa part, y compris les partenaires - que vous souligniez
tantôt, Mme Lamquin - parce qu'essentiellement on se retrouve dans cette
situation aujourd'hui parce qu'il y en a un qui ne fait pas sa job. C'est le
gouvernement fédéral qui ne paie plus ses affaires comme il faut
au Québec. Merci de votre prestation. Ça a été
très intéressant.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci au Comité
provincial des malades qui est toujours un organisme très vigilant,
même si, à l'occasion, ça ne fait pas toujours notre
affaire, comme gestionnaires, de se faire interpeller. J'ai toujours compris
que vous étiez là pour l'intérêt des
bénéficiaires et je pense que ça a été votre
marque de commerce. C'est ça qui est rafraîchissant. On ne
progresse pas dans la complaisance. On progresse à mettre des choses sur
la table, qui sont véridiques, pour tenter de les corriger. C'est ce que
vous faites et c'est ce que vous faites bien. Dans ce sens-là, c'est
stimulant pour nous.
Moi, je vois l'avenir avec optimisme malgré le fait que le
gouvernement n'ait pas de machine à imprimer l'argent. Il faut
protéger les générations futures et il faut avoir le
respect de nos aînés, peu importe leur état de santé
à ce moment-ci. C'est ce que nous tentons de faire et, dans ce
sens-là, continuez votre excellent travail. Vous nous avez passé
un certain nombre de messages qui sont entendus. C'est clair que dans les
solutions, même pour moi, le résultat n'est pas toujours aussi
vite que je le souhaiterais, alors, imaginez pour vous autres. Je comprends
qu'à l'occasion on piaffe d'impatience, mais c'est un bateau qu'on est
après virer de bord. On va réussir à le virer de bord.
Ça suscite des inquiétudes, c'est normal, mais, si ça
suscite des inquiétudes, c'est que les gens sont vigilants et je vous
invite à continuer de l'être et de nous signifer tout ce qui
pourrait vous apparaître anormal ou qui mériterait d'être
redressé. Merci bien.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre.
M. Clavel: m. le ministre, merci de votre compréhension
et, au nom de mes associés, merci à tous les membres de la
commission de nous avoir entendus.
Le Président (M. Joly): Au nom des membres de cette
commission, à mon tour je vous remercie et vous souhaite bon retour.
Alors, je vais demander aux gens de la Coalition des aînés du
Québec de bien vouloir s'avancer et prendre place, s'il vous
plaît.
Nous allons suspendre les travaux quelques minutes.
(Suspension de la séance à 18 h 14)
(Reprise à 18 h 18)
Coalition des aînés du
Québec
Le Président (M. Joly): La commission reprend ses travaux.
Alors, il me fait plaisir, au nom de la commission, de souhaiter la
bienvenue
à la Coalition des aînés du Québec. Alors,
Mme Brunet, j'apprécierais si vous pouviez nous introduire les gens qui
vous accompagnent, s'il vous plaît.
Mme Brunet (Yvette): M. le Président, ce n'est pas moi qui
a été désignée pour présenter la
délégation. Je vais laisser la personne qui a été
désignée faire son travail.
Le Président (M. Joly): Bonsoir, madame. Votre nom, s'il
vous plaît.
Mme Farmer (Gisèle): Gisèle Farmer.
Le Président (M. Joly): Mme Farmer, s'il vous plaît,
est-ce que vous pourriez nous introduire les gens qui sont avec vous?
Mme Farmer: M. le Président, à ma droite, Yvette
Brunet, présidente de l'Association québécoise de
défense des droits des retraités, l'AQDR; à
l'extrême droite, Rêva Gesser, de Golden Age Association.
Rêva va s'adresser à vous en anglais. À ma gauche, à
côté de moi, Santo Arcoragi, de l'Association des retraités
du gouvernement du Québec, l'ARGQ. Santo est le trésorier de la
région Montréal métropolitain pour l'ARGQ. À
l'extrême, gauche, Fernande Pelletier, de la Fédération de
l'âge d'or du Québec, la FADOQ. Fernande est la secrétaire
du conseil d'administration. Moi-même, Gisèle Farmer, je suis de
l'Association des retraités de l'enseignement du Québec. Je suis
la coprésidente des débats à la Coalition.
Le Président (M. Joly): Merci. Comme vous savez, on a
déjà reçu le mémoire. Ça a
déjà été lu. Ça déjà
été même annoté. Alors, si vous voulez tomber dans
le vif du sujet, peut-être soulever certains points majeurs, par
après, autant le côté ministériel que le
côté de l'Opposition échangeront avec vous. Alors, si vous
pouviez faire ça le plus concis possible...
Mme Farmer: M. le Président, si vous permettez, nous avons
l'intention de lire le mémoire...
Le Président (M. Joly): Bien.
Mme Farmer: ...et nous voulons travailler en
collégialité, c'est-à-dire l'un ou l'autre de nous va
s'adresser à vous et ce sera la même chose pour les questions.
L'un ou l'autre répondra...
Le Président (M. Joly): Pourra répondre.
Mme Farmer: ...selon notre expertise.
Le Président (M. Joly): Parfait, madame.
Mme Farmer: Nous vous signalons l'absence de Evelyn McQuat, qui
était dans la liste. Elle est la présidente du Forum des citoyens
âgés de Montréal. Elle s'excuse de ne pas pouvoir
être présente, pour cause de maladie.
Le Président (M. Joly): Je vous laisse aller, Mme Farmer.
Vous avez la parole.
Mme Farmer: C'est moi qui commence pour l'introduction. Depuis
les trois dernières années, la Coalition des aînés
du Québec est intervenue plusieurs fois auprès des ministres de
la Santé et des Services sociaux, c'est-à-dire Mme Lavoie-Roux et
M. Côté. Bien qu'on retrouve plusieurs de nos recommandations dans
la loi sur la santé et les services sociaux, les plus importantes n'y
sont pas, comme un support accru aux programmes de prévention de la
santé et une plus grande implication des organismes communautaires et de
la famille autrement que par l'intermédiaire des établissements
publics.
Au cours de l'année dernière, le ministre a
présenté trois importants documents pour établir une
politique de gestion de la santé et des services sociaux et aussi pour
proposer des changements dans la façon de les financer: «Une
réforme axée sur les citoyens», «Loi sur les services
de santé et les services sociaux» et, finalement, «Un
financement équitable à la mesure de nos moyens». Un
thème majeur se retrouve dans chacun des trois documents, à
savoir que les coûts des soins de santé augmentent si rapidement
qu'ils menacent l'économie. Selon les documents du ministre, cette
hausse est due au vieillissement de la population et au fait que les personnes
âgées consomment une part disproportionnée des soins de
santé.
Voici notre réponse: Premièrement, le ministre a
été très sélectif dans l'utilisation des
données qui concernent le taux d'augmentation des coûts et leur
justification. Il n'a pas prouvé non plus qu'il existe une crise telle
qu'elle demande un changement majeur de politique. Deuxièmement, les
remèdes proposés reposent sur une fausse conception de la
manière dont les coûts sont produits. Deux de ces fausses
conceptions sont qu'une population vieillissante amènera
nécessairement une augmentation des coûts et que les augmentations
proviennent des choix que font les usagers. Troisièmement, sa
volonté de favoriser une tarification des soins et services laisse
entendre que les fonds publics ne devraient pas offrir la gratuité et
l'universalité des soins de santé. En conséquence, il ne
porte pas assez attention aux solutions alternatives telles que nous vous en
proposons nous-mêmes.
M. Arcoragi (Santo): La population vieillissante. On a beaucoup
parlé des changements démographiques qui ont cours
présentement au Québec, de ceux qu'on prévoit, et qui
indiquent que les personnes de plus de 65 ans formeront de 17 % à 20 %
de la population totale d'ici 30
ans. Bien plus, parce qu'on dit que les aînés utilisent une
part disproportionnée des soins de santé, ils ont souvent
porté le blâme pour l'augmentation des coûts. C'est ce qu'un
auteur a déjà appelé «une démographie
alarmiste» - Stephen Katz, «Alarmist Demography: Power, Knowledge,
and the Elderly Population» - dans une présentation à
l'Association canadienne de gérontologie, octobre 1991. C'est
très récent.
Comme l'ont signalé plusieurs auteurs comme Robert Evans -
«Strained Mercy: The Economies of Canadian Health Care»; Toronto,
Butterworth, 1984 - l'augmentation de la population âgée au cours
des quatre prochaines décennies sera compensée par une diminution
du nombre des enfants. En conséquence, la proportion de la population
dépendante, au total, n'augmentera pas essentiellement. «La
proportion de l'ensemble de la dépendance vers l'an 2050, alors qu'on
nous prédit des sommets, sera moindre que les années 1950 et
1960.» - Schultz, James H, «The Economies of Aging», 1988,
cité par Katz. En tenant compte des coûts de l'éducation
des enfants et de la jeunesse ainsi que des soins de santé, les
coûts ainsi engagés ne prendront pas une plus grande part du
revenu national. Il y aura plutôt un déplacement des coûts
reliés à la dépendance. Les prévisions
basées uniquement sur l'accroissement de la population âgée
ou sur l'hypothèse que la consommation des soins de santé par les
personnes âgées gardera le même profil sont par
conséquent trompeuses.
Les coûts. Les données contenues dans les documents du
ministre... Les documents de la politique du ministre ne se rapportent qu'aux
coûts de 1987 et ne donnent pas une idée juste des coûts sur
une plus longue période de temps. Il soutient que les coûts
devraient tenir compte de la capacité collective de payer et ajoute que
les coûts des soins de santé sont légèrement
supérieurs, par rapport au produit intérieur brut, à ce
qu'ils sont dans l'ensemble du Canada. Il reconnaît cependant qu'ils sont
considérablement plus bas que le taux qu'on trouve aux
États-Unis, où les sources de fonds privés sont
répandues. Il signale que la proportion du produit intérieur brut
qui allait aux soins de santé était de 9 %en 1987.
Mais, comme les coûts depuis n'ont pas augmenté
indûment relativement au produit intérieur brut, il change
d'argument pour justifier son besoin de contrôle et se
réfère à l'indice des prix à la consommation et met
en garde qu'on ne doit pas laisser aller les coûts au-delà des 3 %
actuels. Le taux d'augmentation du coût de la vie varie sur de bien
courtes périodes de temps et un changement majeur de politique
basé sur cette mesure au cours de trois ou quatre années est
injustifié, tout particulièrement quand notre rendement, comme
l'indique la productivité, demeure à peu près le
même. Selon les mesures auxquelles il se réfère, il
prévoit que l'insuffisance des fonds alloués à la
santé atteindra de 2 000 000 $ à 4 000 000 $ par année. Ce
n'est pas un gros montant par rapport au produit intérieur brut, au
coût total des soins de santé ou au budget. Cela ne justifie
certainement pas qu'on veuille s'éloigner à ce point d'une
politique de soins universels et gratuits.
Décrire les coûts comme une spirale incontrôlable est
nettement contredit par une analyse demandée par la
Fédération des CLSC - François Champagne et al,
«Évolution et projections des dépenses socio-sanitaires au
Québec», 1991 - qui fait remarquer que le coût de la
santé en 1987, que les auteurs donnent comme étant 8,7 %
comparativement aux 9 % du ministre, était alors plus bas qu'en 1983,
9,3 %. Tenant compte à la fois de la population, de l'augmentation du
coût de la vie et du produit intérieur brut, la même
étude en arrive à la conclusion que, malgré une
augmentation des coûts au milieu des années quatre-vingt, le
coût per capita des soins de santé était à peu
près le même qu'en 1970. On note aussi que le coût des soins
de santé était notablement plus bas au Québec que dans le
reste du Canada, et cela en dépit du fait que les services au
Québec sont offerts plus librement que partout ailleurs au Canada. Le
ministre reconnaît également que l'augmentation des coûts au
Québec durant les années quatre-vingt était plus basse que
dans la plupart des autres provinces - «Un financement équitable
à la mesure de nos moyens», page 12.
Il est bien de noter également que l'étude de la
Fédération des CLSC montre que le principal facteur de
l'augmentation des coûts dans le budget de la santé au
Québec réside dans les soins en établissements. En 1987,
57,1 % des coûts allaient aux hôpitaux et autres
établissements, comparativement à 13,6 % pour les services
médicaux professionnels. Bien que nous soyons d'accord avec le souhait
du ministre de réduire l'usage abusif des services médicaux, il
semble que même des changements majeurs dans les règlements de la
profession médicale, sur lesquels le ministre a mis tant d'emphase,
n'auraient pas les effets désirés sur la réduction des
coûts à moins que de plus amples efforts ne soient faits pour
changer la façon de faire des établissements. (18 h 30)
Le ministre a souligné fortement le besoin de situer le budget de
la santé dans le contexte des dépenses globales du gouvernement
ainsi que de limiter les coûts de la santé tout comme les autres
domaines de dépenses du gouvernement, et cela du fait que les payeurs de
taxes se sentent déjà surchargés, tout spécialement
en comparaison avec ceux de l'Ontario. Il n'a toutefois pas
présenté assez d'information sur le budget total, tout
particulièrement au sujet des modes d'imposition. L'étude de la
Centrale de l'enseignement du Québec, «La CEQ et l'enjeu
fiscal», décembre 1991, fait ressortir des domaines où
le
gouvernement a abandonné des formes alternatives de financement,
notamment en réduisant les taxes des corporations et des individus
à hauts revenus et en leur accordant des exemptions et des
évasions fiscales. L'étude montre, par exemple, une diminution
des taxes pour les individus dont le revenu dépasse 100 000 $, de 22,96
% en 1978 à 15,45 % en 1988 (CEQ, table 10). Au Québec, seulement
6,7 % des taxes proviennent des corporations (CEQ, table 9). Ces chiffres
illustrent que le gouvernement a laissé tomber des sources possibles de
revenus beaucoup plus considérables que celles dont il dit avoir besoin
pour récupérer les changements à la loi de la
santé. En effet, le ministre préférerait taxer les
aînés à partir de l'usage qu'ils font des
médicaments plutôt que les corporations sur leurs profits.
Toutes les remarques ci-dessus laissent entendre que les documents
préparés par le ministre ont traité l'information de
façon sélective dans le but de montrer qu'il faut contrôler
les coûts et transférer une partie de ces coûts du
trésor public aux usagers des services. En fait, les données
présentées par d'autres chercheurs indiquent que: a) les
changements démographiques ne veulent pas nécessairement dire une
augmentation des coûts de la santé; b) les coûts n'ont pas
crû de façon disproportionnée par rapport au produit
intérieur brut ni comparativement aux autres provinces du Canada; c) les
coûts sont beaucoup moindres que ceux des États-Unis qui
dépendent beaucoup plus des contributions privées; d) le
principal facteur des coûts réside dans les services fournis par
les établissements qui ne sont pas sous le contrôle ou le choix
des usagers; e) le gouvernement a choisi de laisser tomber les taxes de la part
des corporations et des individus fortunés bien au-delà des
prévisions du manque à gagner dans les coûts de la
santé. Tous ces facteurs nous amènent à soutenir qu'on ne
doit pas considérer comme valides les données du ministre.
D'autres sources de données et d'analyses ne nous permettent pas
d'accepter ses chiffres comme base suffisante de sa politique.
Mme Pelletier (Fernande): Propositions. Le ministre a souvent
affirmé l'importance d'établir clairement dans l'esprit des
usagers le lien entre la consommation et les coûts. C'est, en effet, une
de ses principales raisons pour justifier un transfert des frais aux usagers,
puisqu'il admet que les sommes ainsi récupérées seraient
une petite partie du budget. Il propose d'exiger 5 $ pour chaque traitement, de
ne plus assurer les soins optiques et les soins dentaires pour enfants et
d'imposer des frais pour les services à domicile. Il propose
également de distinguer entre les soins de base et les soins
complémentaires dans les hôpitaux et d'imposer des frais pour ces
derniers. La raison des frais à l'usager s'appuie sur le fait que les
choix des usagers pour certains types ou quantités de biens et de
services de santé influent grandement sur les coûts. Le ministre
lui-même le reconnaît. Il est difficile d'imaginer comment le
ministre fera la différence entre les soins de base, la nourriture et
l'hébergement qui sont les soins complémentaires. La personne qui
se remet d'une opération ou d'une maladie devra-t-elle choisir entre
manger ou ne pas manger? ou qu'on change son lit ou non?
Le document de la Fédération des CLSC nous dit que 70 % de
tous les coûts de la santé relèvent des institutions. Il se
peut que, de façon inconsidérée, on envoie des gens dans
les institutions, qu'on ne leur donne pas les prescriptions ou les traitements
appropriés ou qu'on les réfère à un
spécialiste sans nécessité. On doit, bien sûr,
corriger ces abus de ressources et nous appuyons certaines suggestions du
ministre à cet égard, comme celles de réaliser des
économies dans les procédures des institutions et d'informer les
usagers sur les frais encourus. Mais les abus ne viennent pas des
décisions des usagers. Les décisions concernant les traitements
sont prises en fonction des normes professionnelles ou institutionnelles.
L'imposition de frais à l'usager ne peut donc avoir que très peu
d'effet sur le taux d'utilisation des services. Par ailleurs, elle pourrait,
comme le note le ministre, être une lourde charge pour les pauvres et les
décourager d'utiliser les services, avec les conséquences
négatives que cela pourrait avoir pour la santé publique. Cela
affecterait également les choix et la santé des gens moyennement
fortunés. L'offre du ministre d'un crédit de taxe remboursable
est une piètre consolation sauf pour ceux qui font un rapport
d'impôt chaque année et qui, de plus, peuvent se permettre de
payer les frais et d'attendre une année pour être
remboursés. En pratique, l'argument en faveur des frais à
l'usager est beaucoup plus politique qu'un facteur nécessaire et
même recommandable pour la promotion de la santé.
Le ministre affirme à maintes reprises qu'il appuie le principe
de la responsabilité collective pour les coûts des soins de
santé, tout comme il redit sa préoccupation pour les pauvres et
les personnes âgées qui ne peuvent se permettre de payer. Ces
affirmations ne prouvent rien, puisqu'il conclut qu'il faut donner une
leçon aux individus en les forçant à payer, par
l'intermédiaire du ticket orientateur, pour l'usage qu'ils font des
services.
Dans le livre blanc, «Une réforme axée sur le
citoyen», le ministre tient des propos prometteurs sur le
développement des services préventifs, le recours aux soins
à domicile et le recours aux organismes communautaires. Malheureusement,
il n'a pas beaucoup tenu compte de cette priorité dans la loi et dans le
document «Un financement équitable...» Par ailleurs, le
ministre propose d'ajouter 2000 lits pour soins aigus et 7000 lits pour soins
prolongés. Il le fait même s'il reconnaît que le
Québec a plus de lits de
longue durée que la plupart des autres provinces. Nous ne voulons
pas dire que ces lits ne sont pas nécessaires et nous avons
déjà soutenu qu'on pouvait trouver les sommes requises à
même les sources de taxes existantes. Mais l'allocation de budget du
ministre pour augmenter la capacité institutionnelle semble renforcer
l'idée que les soins institutionnels devraient continuer à
prévaloir sur les soins préventifs et communautaires. Bien que
les sommes allouées aux CSLC dans les six dernières années
aient augmenté plus rapidement que celles allouées aux
hôpitaux, le livre blanc propose d'augmenter les allocations aux CLCS, de
4,7 % à seulement environ 6,7 % du budget de la santé (Champagne
et al., figure 2). Ce transfert de fonds nous semble insuffisant si les CLSC
doivent réellement offrir des soins préventifs et des services
sociaux.
Les arguments apportés par Champagne et ses coauteurs nous
impressionnent. Ils consistent essentiellement à mettre beaucoup plus
d'emphase sur l'utilisation des services sociaux au niveau local en incluant
les soins à domicile comme partie du programme de soins
préventifs. Ils estiment qu'on pourrait sauver jusqu'à 2 000 000
$ par année en favorisant...
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, Mme
Pelletier...
Mme Pelletier: ...de maintenir les aînés hors des
soins résidentiels ou de longue durée.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, Mme
Pelletier, en conclusion. On a déjà débordé.
Mme Pelletier: Pardon?
Le Président (M. Joly): On a déjà
débordé du temps qui nous est alloué. Alors, si vous
voulez avoir un petit peu de temps pour qu'on échange avec vous, parce
qu'il vous reste...
Mme Pelletier: Ce ne sera pas tellement long, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Non? Alors, parfait. Je vous le
permets.
Mme Pelletier: Je vais simplement terminer ici et dire que...
Attendez un petit peu. Nous pensons qu'il y a plus d'argent à
économiser par une telle politique - je veux dire, les taxes qui sont
déjà existantes et tout ça - qu'il y en aurait à
gagner par les frais aux usagers. Ce serait également plus en accord
avec le concept de santé, tout en sauvegardant le principe de la
gratuité et de l'universalité des soins de santé.
Le Président (M. Joly): Merci, madame.
Mme Gesser (Rêva): I am going to be very short.
Le Président (M. Joly): O.K. Permission granted.
Mme Gesser: In relation to the cost of home care, the minister
proposes to subsidize individuals in order to permit them to employ their own
home helpers. While this is appropriate for some, it is important that there
should be careful supervision of such arrangements so that seniors who need
support are not made vulnerable to inadequate care. It is not a good idea. The
money will not go for the purpose it was intended. How can we pretend that
there will be supervision? When there are not enough inspectors to supervise
«centres d'accueil», how are you going to supervise
individuals?
In summary, we recommend that approval should be denied to the charging
of deterrent user fees for medical care, prescription drugs, optical and dental
services and complementary services in hospitals, as proposed, and that the
«ticket orienteur» should not be implemented. Instead, we propose
that the allocations to the CLSCs and community groups should be increased to
the point that they are able to provide services necessary to keep many more
people, especially seniors, in their own homes. In order to avoid institutional
care, I want to tell you that seniors fear dependency more than death and that
the tax policies should be made more progressive, that economies should be
effected in the use of hospitals and other institutions. And I just have to end
by telling you that seniors well remember the premedicare days. We well
remember the humiliating means tests. We well remember friends and relatives
who could not afford health care and got none and we considérer
universal health care our most precious possession.
Le Président (M. Joly): Thank you, Mrs. Gesser.
Mme Farmer: Mme Brunet va terminer avec les recommandations. Ce
ne sera pas long.
Mme Brunet: Je ne pense pas que vous ayez l'intention de
raccourcir notre temps. Non?
Le Président (M. Joly): D'ailleurs, il n'est pas
raccourci.
Mme Brunet: On reste avec une heure.
Le Président (M. Joly): madame, votre temps n'est pas
raccourci. les conditions ou, enfin, les ententes étaient que je vous
concédais 20 minutes.
Mme Brunet: O.K.
Le Président (M. Joly): Moi, je n'ai pas d'objection. On
va vous l'enlever ailleurs.
Mme Brunet: Bon. Ce serait important que je les lise, mais vous
semblez...
M. Côté (Charlesbourg): Allez-y! Allez- yi
Mme Brunet: Non, mais si c'est pour...
Le Président (M. Joly): Si les deux formations sont
d'accord, je vous laisse aller, madame. Allez.
Mme Brunet: O.K. Mais je pense qu'on doit aussi se garder du
temps pour discuter avec M. le ministre. C'est bien important pour nous
autres.
Le Président (M. Joly): Bien, allez, Mme Brunet.
Mme Brunet: Alors, je lis les recommandations, si j'ai bien
compris?
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.
Mme Brunet: O.K. Afin de rencontrer les objectifs
d'amélioration de la santé des personnes, d'efficacité des
interventions et du contrôle de l'évolution des coûts, nous
affirmons que des changements d'orientation doivent être faits au niveau
du système de la santé et des services sociaux. Il faut
développer une approche de médecine sociale qui, tout en
englobant le curatif, l'institutionnel et le médical, accorderait un
rôle accru au préventif, au social, à la prise en charge de
la santé par les individus, au communautaire et aux ressources plus
légères et alternatives. En ce sens, nous tenons à faire
remarquer l'absence presque totale du social dans le document du ministre,
comme ce fut le cas dans les documents antérieurs. Nous croyons que le
développement de mesures sociales aurait des incidences importantes sur
l'évolution de l'état de santé des personnes et des
coûts du système.
Dans les choix de solutions au financement du système de
santé et des services sociaux, la Coalition des aînés du
Québec opte pour maintenir le principe de la solidarité et de la
responsabilité collective et s'oppose à toute tarification
assumée directement par les usagers. Cette orientation
nécessitera, pour réaliser un partage équitable des
risques et des coûts, une réforme fiscale qui ne favorisera plus
les personnes à hauts revenus, comme le font présentement les
modalités de notre fiscalité. Ça se termine là.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Brunet. Je vais
maintenant reconnaître M. le ministre. S'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je ne cacherai d'aucune manière mon étonnement
du contenu du mémoire et de certains constats que vous faites. Il est
complètement à l'inverse de tout ce qu'on a entendu
jusqu'à maintenant sur le plan du document qui a été
déposé. Si j'ai bien compris, le document déposé,
sur le fond, ça ne vaut pas cher, ça cache des choses, c'est
intentionné. Finalement, ce que tout le monde est venu dire, c'est que
c'est un document de base transparent, avec des chiffres réels, une
situation réelle. Tout le monde l'a dit, même ceux qui sont pour
une charge sociale plus importante, pour des virages, parce qu'on en a eu
d'autres qui sont venus nous dire: Ne nous touchez pas, mais touchez aux
autres. Vous n'êtes pas les premiers à venir nous dire ça;
il y en a d'autres qui sont venus. Mais au moins, à la base, ils ont
dit: Le document qui est là, c'est un document qui est crédible.
Tout le monde est venu nous dire ça. Quand j'ai entendu ça
tantôt, j'ai été obligé de m'arrêter un petit
peu pour me contenir, parce que je me dis, je ne sais pas: On ne vit pas dans
le même monde et on n'a pas les mêmes données. Il y a
quelque chose qui ne marche pas quelque part sur le plan de ce que ça
concerne. Il me semble bien que tout le monde est venu dire ça de
manière unanime. Vous êtes les seuls à nous dire qu'on est
à l'envers dans nos chiffres, dans nos prédictions, dans
l'analyse de la situation. Je ne sais pas, là. Expliquez-moi un petit
peu. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas pantoute. Alors, vous avez
pigé tantôt aux États-Unis, tantôt en Angleterre,
tantôt à gauche, la CEQ, la CSN, et ainsi de suite. Mais je ne
comprends pas. Je vous le dis là, à la base même, je ne
comprends pas. (18 h 45)
J'ajoute que c'est un document de consultation qui met des pistes et des
hypothèses et que vous avez parfaitement la liberté d'être
en accord ou en désaccord. Mais une chose est certaine, au-delà
de me dire ce qui ne va pas... Y a-t-il quelque chose qui marche dans le
système? Dites-le moi tout de suite. Au moins, on va partir de ça
et on va s'entendre là-dessus. Vous avez l'impression qu'il n'y a rien
qui marche. Les 12 000 000 000 $ sont complètement
dépensés, pas aux bonnes places, et il faut recommencer le
système au complet; c'est un peu ce que je comprends. Je trouve
ça désolant. Je vous le dis tel que je le pense, je trouve
ça désolant pour des gens qui essaient de virer un système
et de faire en sorte qu'on mette l'argent aux bonnes places, aux bonnes
priorités, en particulier pour protéger ceux qui seront demain
matin - aujourd'hui et demain - des plus de 65 ans. Et, s'il y a quelqu'un qui
le sait, c'est bien quelqu'un qui a siégé au comité
Pelletier dont on a les rapports qui visaient ça. Moi, je vous le dis,
je suis très, très, très étonné, à
moins que ce soit moi qui sois complètement à l'envers, et c'est
possible. Je n'écarte pas ça comme pos-
sibilité, non plus.
Le Président (M. Joly): Mme Brunet.
Mme Brunet: Je pense qu'il faut comprendre qu'il est 18 h 45, que
vous siégez depuis le matin, que vous avez été deux heures
et quelques avec les médecins. Je comprends votre réaction parce
que je pense qu'elle est accompagnée d'une grande fatigue.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Brunet: Ce que vous dites présentement, sur notre
mémoire...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Brunet: Ce qu'on dit dans le mémoire, que vous n'avez
peut-être pas compris parce que ce n'est pas dit clairement dans votre
dernier document... En passant, après la lecture de ce
document-là, on est d'accord avec les autres pour dire: C'est un bon
document. Mais ce qu'on n'a pas retrouvé, nous autres, dans le document,
c'est ce qu'on voudrait et dont on n'a pas beaucoup parlé,
principalement la prévention. Bon. On dit que ça coûte cher
dans les centres d'accueil. On dit que, dans les hôpitaux, ça
coûte cher, qu'on y retrouve trop souvent des personnes
âgées, et tout ça. Mais, nous autres, on a un message
très court et très clair. On dit qu'il faut que la
prévention, dans le cas des personnes âgées qui veulent
rester à la maison... Vous le savez, ça, M. le ministre, qu'on en
a parlé justement très largement dans le comité des
experts, puisque vous faites référence à ce comité.
On en a parlé largement et tout le monde a convenu que, oui, les
personnes veulent rester chez elles, mais pas à n'importe quel prix.
Quand c'est à n'importe quel prix et qu'elles se sentent
complètement démunies, alors, qu'est-ce qui arrive, au bout de la
ligne? Ces personnes-là font application pour aller dans un centre
d'accueil parce qu'elles se disent: Finalement, fini les troubles! On n'a pas
assez d'argent, on n'est pas capables d'avoir des services du CLSC, il faut
faire état de notre situation jusqu'au dernier sou pour prouver qu'on
n'est pas capables de payer, finalement. Alors, les gens se disent: Bon, bien,
moi, je vais m'en aller dans un centre d'accueil, je vais régler la
situation. Ça ne règle pas la situation. Ça la
règle quand les gens sont mal pris, mais, à long terme, ça
ne la règle pas. Moi, je peux vous dire que Mme Gesser, à ma
droite, elle a 78 ans, et que Mme Pelletier en a 75; elles ne sont pas dans les
centres d'accueil, ces personnes-là, elles sont encore très
vivantes et très actives. Mais, malheureusement, on ne retient pas qu'il
y a encore des personnes qui sont assez actives pour rester chez elles, mais
avoir tout ce qu'il faut. Alors, là, vous dites, dans votre document,
d'un couvert à l'autre: les défavorisés ne paieront pas,
ça ne leur coûtera rien, on va s'en occuper. mais est-ce que vous
avez pensé que ceux qui vont payer, qui sont juste en haut de la bra-
quette des défavorisés, vont en devenir, des
défavorisés? est-ce que vous voyez les coûts, au bout de la
ligne?
M. Côté (Charlesbourg): Écoutez, la
prévention ne réglera pas tous les problèmes que vous
soulevez. Quand on parle de prévention, dans le domaine des personnes
âgées en particulier, c'est pour éviter une surconsommation
de médicaments, en particulier, qui vont occasionner tantôt une
brisure de hanche, parce que surconsommation... C'est clair, je l'ai dit aux
médecins tantôt. Vous étiez là quand je l'ai dit aux
médecins, tantôt.
Mme Brunet: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Les personnes
âgées, quand elles vont chercher des médicaments, c'est
parce qu'il y a un prescripteur à quelque part qui est le
médecin.
Mme Brunet: Bien, il faut le dire.
M. Côté (Charlesbourg): Non, mais on l'a dit,
ça, tantôt. À partir de ça, la prévention
peut régler certaines situations comme celle-là. Mais, lorsque
vous poussez votre jugement, je me dis: Oui, effectivement, il arrive un
certain âge où on n'a pas le choix que de se retrouver en centre
d'accueil d'hébergement parce que notre autonomie ne nous permet plus...
Oui, dans le document, on dit qu'il faut protéger les démunis. On
va commencer par qui quand on parle des démunis? Il y en a parmi vous,
ou que vous représentez, qui ont eu l'avantage d'être des
travailleurs de grandes sociétés, y compris du gouvernement, avec
des régimes de retraite qu'ils se sont gagnés au fil des
années. J'en conviens, je suis un de ceux-là, et je serai un de
ceux-là comme des collègues qui auront payé toute leur
vie. Et abondamment, s'il vous plaît! Et, en plus de ça, quand il
sera temps d'avoir des services, je ne suis pas sûr qu'il y aura l'argent
pour être capable de nous donner les services à nous autres.
Alors, je suis à même de comprendre, lorsqu'on réagit,
étant des retraités de grandes compagnies avec un salaire x qui
est au-dessus des démunis - parce que ça monte ça,
ça monte aussi au-dessus des démunis - qu'on soit un petit peu
inquiets lorsqu'on parle de nouveau partage des responsabilités du
système de santé et de services sociaux. Je comprends
ça.
Mais, dans le livre, elles sont claires, les propositions. C'est une
demande qui pourrait être éventuellement, sans que ce soit
arrêté, progressive, avec des remboursements d'impôt. C'est
sûr que c'est une maigre consolation, Mme Pelletier le disait
tantôt. Mais il y en a qui, au moins,
vont avoir une maigre consolation alors que d'autres n'en auront pas
pantoute. Et c'est un peu ça notre système d'universalité,
d'accessibilité; c'est un partage, c'est une mutuelle. Que ceux qui ont
un peu plus les moyens en paient davantage par rapport à ceux qui n'en
ont pas pour avoir accès à une qualité de services qui est
égale pour tout le monde. C'est ça le choix qu'on a fait. Je
pense qu'on a fait les bons choix et qu'il faut continuer de le faire. Mais,
à partir du moment où on se questionne sur ce qu'on est
aujourd'hui et qu'on doit avoir des services additionnels, moi, je ne suis pas
de la théorie de ceux qui essaient d'équilibrer les comptes en
disant qu'ayant moins de jeunes, mais plus de personnes âgées qui
vont demander des services, les choses vont s'équilibrer. Ce n'est pas
vrai. C'est une fausse réalité parce que les jeunes, aujourd'hui,
sont des jeunes qui ne sont pas issus de familles comme nous l'étions,
nous, davantage unies. Il y a l'éclatement de la cellule familiale avec
toutes les conséquences que ça impose au niveau des jeunes, avec
tous les problèmes de toxicomanie, avec tous les problèmes de
délinquance au niveau des jeunes, et on a aujourd'hui des jeunes qui
sont plus lourds et qui exigent davantage. Et, dans ce sens-là, on a
voulu, au niveau de la politique, dire: On va protéger deux
catégories: nos personnes âgées et nos jeunes.
Évidemment, à partir de ça, ce qu'on essaie, c'est
de trouver des solutions pour ne pas hypothéquer des
générations futures. On est chanceux, on est encore chanceux
malgré tout, et vous autres aussi, parce que, depuis les 10
dernières années, les gouvernements ont pelleté pour
l'avenir les déficits d'exploitation, puis pas à peu près,
à coups de 3 000 000 000 $, à coups de 4 000 000 000 $ et
à coups de 5 000 000 000 $, pour donner des services à vous
autres et à nous autres, alors que c'est nos jeunes qui, demain, vont
devoir travailler pour payer ces déficits, travailler et payer encore
davantage pour se donner un certain nombre de services. Ça aussi, c'est
une responsabilité collective. Et moi, je dis: Oui, l'État doit
mettre en priorité des services pour ses aînés. Mais est-ce
que - et je vais arriver avec une question précise - vous trouvez
normal, au-delà de la prescription du médecin qui est
nécessaire pour les médicaments, qu'il en coûte aujourd'hui
aux citoyens du Québec, à part de tout ce qui est payé
dans tout le système en institution, 500 000 000 $ - et vous le savez -
pour des médicaments dont 380 000 000 $ pour les personnes
âgées? Il y a à quelque part quelque chose qui ne
fonctionne pas dans notre système. Et les victimes sur le plan de la
qualité, c'est les personnes âgées. Parce que ce n'est pas
les médecins qui prennent les pilules. Ce n'est pas les pharmaciens qui
les prennent, les pilules. C'est les personnes âgées. Et Dieu sait
que tout le monde nous fait des témoignages. Si on a le malheur de
perdre un de nos parents et qu'on va faire le ménage de la pharmacie
après, on se retrouve avec des pharmacies de médicaments bien
pleines. Mais est-ce qu'il n'y a pas une responsabilité qu'on a,
collective, et vous autres aussi, pour s'adresser à des questions comme
celle-là?
Le Président (M. Joly): M. Arcoragi, s'il vous
plaît.
M. Arcoragi: Vous nous dites que ce sont les usagers qui ont une
surmédicalisation, puis c'est eux autres qui prennent les prescriptions
et ainsi de suite. Mais, en réalité, c'est le médecin qui
décide pour celui qui est malade. C'est lui qui décide.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ce que je viens de
dire.
M. Arcoragi: D'accord. Entre-temps, si nous critiquons votre
rapport, c'est parce que vous avez changé le problème du produit
intérieur brut avec le problème de l'indexation du prix pour le
consommateur. C'est pour ça qu'on a calculé que votre document a
eu sa faiblesse. C'est à partir de ce moment-là que vous avez
changé vos arguments. C'est pour ça que notre document se
réfère surtout à ça sur le côté
technique.
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, quitte à
ce qu'on puisse échanger éventuellement pour clarifier les
choses, je pense que la même logique est toujours là sur le plan
des documents. On n'a certainement pas voulu cacher des choses, surtout pas
avec un document qui a mis les chiffres là et qui peuvent, à
l'occasion, nous desservir de manière très claire. Donc, à
partir de ça, il y a des choses... Je suis un de ceux qui veut
protéger les personnes âgées, il faut le faire. On n'aurait
pas mis le comité Pelletier sur pied si on n'avait pas eu cette
volonté-là avec des choses qu'on voulait concrètes. Ce
n'est pas facile. Vous étiez représentés sur le
comité Pelletier et vous avez vu comment c'était difficile d'en
arriver à des propositions concrètes qui vont atterrir sur le
terrain. Quand tu restes dans les nuages, c'est facile d'avoir le consensus de
tout le monde. À partir du moment où tu descends en bas des
nuages, il faut avoir des mesures concrètes. Vous le savez, vous qui
étiez sur le comité, ce n'est pas facile d'avoir des solutions
concrètes, non plus pour les administrateurs publics qui ont le
même objectif que vous autres, protéger nos personnes
âgées, faire le maximum avec ce qu'on a et tenter de l'utiliser de
la bonne manière. Il y a des progrès là-dessus. Il reste
encore des choses à faire, c'est ce qu'on va tenter de faire.
Le Président (M. Joly): Mme Farmer, s'il vous
plaît.
Mme Farmer: Tantôt, M. le ministre, vous disiez qu'on avait
un contrat social, que, depuis les années soixante-dix, on avait
accepté que tous ceux qui versaient de l'impôt en versaient selon
leurs moyens et, ensuite, les gens allaient chercher des soins, des services
sociaux, selon leurs besoins. On est d'accord et on est encore d'accord avec ce
système-là et on ne voudrait pas qu'il change, on ne voudrait pas
que vous alliez chercher de l'argent ailleurs que dans cet endroit-là.
On propose là-dedans de continuer à imposer, de façon
progressive, pour qu'encore ce soit le même principe
d'équité qui soit mis de l'avant pour qu'on puisse financer nos
soins de santé. Ensuite, quand on propose, nous, les soins de
prévention, pensons à des maladies dont les personnes
âgées sont souvent menacées, par exemple, la migraine, les
maux de dos, les allergies; ce sont des maladies qui n'ont pas besoin
d'intervention chirurgicale ou de haute technologie, qui pourraient très
bien se soigner sans médicament si on allait vers les médecines
douces. Mais on ne met pas tellement d'emphase là-dessus, sur la bonne
alimentation, l'exercice, le sport, bon...
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve ça le
fun... Cette proposition-là, je la trouve le fun et je vois Augustin
rire, qui est là...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg):... parce que les
médecines alternatives, il aime bien ça, lui...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg):... il en mange, mais pas
nécessairement pour en pratiquer. C'est clair, la prévention, je
suis totalement d'accord avec vous autres. On ne se chicanera pas
là-dessus, pas longtemps en tout cas. C'est clair qu'il faut faire un
virage prévention et, à ce moment-là, on aura des
conséquences dans deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans.
Là-dessus, on ne se chicanera pas longtemps. Il est clair qu'il faut le
faire. Sauf que, comme État, évidemment, ça prend des sous
pour être capable d'agir. Tout le monde nous dit qu'à 12 000 000
000 $ c'est assez et ils ne veulent plus en payer d'impôt. D'autre part,
on est constamment l'objet de pressions additionnelles pour en ajouter
par-dessus le tas, en termes de dépenses, mais il va falloir le trouver
à quelque part, cet argent-là, si on veut être capable d'y
aller, sachant fort bien que, dans certains programmes spécifiques,
l'argent est peut-être mal dépensé - parce que ça
arrive, on a eu une démonstration tantôt - que, d'autre part, on
est dans des situations d'abus aussi - ce ne sont pas des abus
généralisés, mais dans des situations d'abus, soit par
certains dispensateurs, soit aussi par certains consommateurs - et que,
globalement, les coûts sont pas mal sous contrôle. On va tenter de
faire de notre mieux avec tout ça.
Le Président (M. Joly): Mme Brunet, s'il vous
plaît.
Mme Brunet: Lundi, lors de l'ouverture de la commission - c'est
un article dans Le Devoir - vous avez dit, bien sûr, qu'en
même temps il fallait penser changer les mentalités, et je pense
que c'est très important. Et si les médecins coopéraient
à changer les mentalités plutôt que de prendre un petit
carnet et de prescrire des médicaments... parce qu'il faut dire que les
patients, quels que soient les patients, les personnes âgées,
entre autres, s'ils passent cinq minutes dans le bureau, ils ne peuvent pas
expliquer au médecin ce qui ne va pas, souvent moralement, souvent
mentalement. C'est dans leur tête. Souvent, c'est dans la tête,
parce qu'ils vivent tout seuls, parce qu'ils sont isolés, pour toutes
sortes de raisons. Et ces personnes-là n'ont souvent personne à
qui elles peuvent parler. La seule personne, c'est le médecin. Je pense
que nous autres, les associations, on a un travail. D'ailleurs, les personnes
qui sont dans nos associations n'ont pas grand problèmes. Elles n'ont
pas de maux de ci et de ça parce qu'elles sont bien trop
occupées. Mais il y a bien d'autres personnes en dehors des associations
qui vont rencontrer les médecins souvent parce qu'elles ne comprennent
pas ce qu'elle sont en train de vivre. Elles ne savent pas pourquoi elles ont
constamment des maux. Le médecin n'aide pas ces personnes-là
à voir ce qui se passe aussi dans la vie des personnes. Alors, moi,
ça, ça m'apparaît très important de changer les
mentalités mais, pour ça, il faut prendre des moyens. Il pourrait
y avoir des petits dépliants qui seraient publiés un peu partout
pour que les gens en prennent connaissance. Moi, je crois beaucoup à des
flashs très courts à la télévision sur la
consommation des médicaments. Il y en a sur la drogue; il devrait y en
avoir sur ce qui coûte le plus cher à l'État. Mais qu'on
avertisse les gens. Les gens ne savent pas en général ce qui se
passe. (19 heures)
Là, je vais tomber dans un autre domaine, parce que
j'étais très contente de vous lire quand vous avez dit que, dans
les transferts fédéraux, cette année, il y a un manque
à gagner de 1 700 000 000 $, et vous avez ajouté: On ne penserait
pas qu'on va manquer de 200 000 000 $ à 400 000 000 $ cette
année. Mais vous ne pensez pas, M. le ministre, que nous autres, qui
venons vous parler aujourd'hui, on ne pourrait pas vous aider de ce
côté-là? Est-ce que c'est acceptable que le
fédéral qui a mis sur pied la santé en 1960, parce que les
Canadiens avaient
une très mauvaise santé et n'avaient pas d'école et
d'université pour faire avancer les Québécois dans la
société... Vous êtes tous là aujourd'hui... parce
qu'on est presque en l'an 2000. Mais, en 1960, ce n'était pas comme
ça. Les familles n'étaient pas capables de faire étudier
les Québécois et c'est d'autres qui prenaient la place.
Alors...
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve ça
très intéressant parce qu'on a commencé...
Mme Brunet: Moi aussi, je trouve ça bien
intéressant. C'est pour ça que je vous en parle.
M. Côté (Charlesbourg): On a commencé au
début de la commission avec un autobus et on va finir avec un train,
là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Avec le nombre de personnes
qui embarquent, c'est clair.
Mme Brunet: Non, mais je trouve, M. le ministre, que ce n'est pas
les petits 5 $ que vous allez aller chercher chez les personnes, c'est le 1 700
000 000 $, et ça fait cinq ans que le gouvernement fédéral
diminue les fonds. En l'an 2000, s'il continue comme ça, il n'y aura
plus une cent qui va être envoyée aux provinces.
M. Côté (Charlesbourg): Avant ça.
Mme Brunet: On va laisser faire ça? On va laisser faire
ça? C'est inadmissible, inacceptable. Vous le dites dans votre document.
Vous employez exactement ces mots-là.
M. Côté (Charlesbourg): Vous allez finir par me
gagner là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): M. le ministre, votre temps est
écoulé. Mme Brunet. Je demande au député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue de bien vouloir prendre la
relève.
M. Trudel: En vous souhaitant la bienvenue...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: ...en vous souhaitant la bienvenue et, avec ce que
vous venez de dire, je vais me lever debout...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: ...pour vous saluer, saluer votre grande sagesse,
votre clairvoyance, votre perspicacité...
Mme Gesser: J'ai juste un petit message.
Le Président (M. Joly): Oui, madame. Je m'excuse, M. le
député, Mme Gesser aimerait intervenir.
Mme Gesser: Juste un petit message. Je vais dire la moitié
en français et la moitié en anglais.
Le Président (M. Joly): Oui, allez, madame.
Mme Gesser: O.K. Une chose, one thing that troubles us very much
comme aînés, c'est d'être toujours un groupe. C'est les
aînés, un groupe, on coupe les médicaments pour le groupe
des aînés. Nous ne sommes pas un groupe, nous sommes des
individus. Nous sommes des personnes. Aging is not a sickness.
Le Président (M. Joly): I hope.
Mme Gesser: Some of us are well and some of us are sick, and our
message to you is: Do not treat us as a group of sick people, failing people.
For myself, I do not want 38 hours a week home care in my home. I do not want
to live that long. You know? What we are asking for... We know that there is
not a lot of new dollars in the budget, we know that you want to find how to
finance it and we are with you. We agree when the Minister says to have an
insurance for malpractice for doctors so that they do not have to be that
afraid, that they can practice better. We agree with that. But do not target us
as a group. Do not forget that we are individuals. We pay taxes too.
Le Président (M. Joly): The message is there.
Mme Gesser: This is really the message that I am leaving with
you.
Le Président (M. Joly): You got the message across, Mrs.
Gesser. O.K. Thank you. M. le député, s'il vous plaît.
M. Trudel: Donc, en vous accueillant, au nom de l'Opposition
officielle à l'Assemblée nationale, en saluant votre
présence, je ne pouvais pas commencer par autre chose que ce mot que je
vous ai dit il y a quelques secondes, compte tenu de ce que je m'évertue
à dire depuis bien longtemps, mais depuis le début de la
commission, quant à la situation et quant aux solutions. Je vais y
revenir, vous pouvez être sûrs, parce que les personnes
âgées ont trop de sagesse d'accumulée pour en arriver
à cette conclusion-là, pour ne pas qu'on retienne cela.
Le ministre vous a parlé, bien sûr, des données dans
le document. Il s'est expliqué avec vous, il va continuer à
s'expliquer. C'est ses problèmes, mettons, bon!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: En quelque sorte. Ce que je retiens, moi, c'est que,
cependant, malgré tout, il faut bien sentir que c'est un cri d'alarme.
Vous avez peur qu'on perde les acquis de notre régime. Si vos
prémisses, selon certains, ne sont pas tout à fait exactes, bon,
là-dessus, je le disais tantôt, il y en a certaines sur
lesquelles, et bien honnêtement... parce que, souvent, les gens disent:
Ah! vous autres, dans l'Opposition, vous êtes toujours là pour
critiquer et toujours contre toutes les affaires, puis vous ne proposez jamais
rien, vous êtes rien que là pour planter le gouvernement. On est
aussi capables de reconnaître des fois que les faits sont les faits. Mais
ce qui est plus inquiétant dans la situation actuelle par rapport au
message que vous nous laissez, c'est: On a peur, peur de perdre les acquis du
régime. Nous qui sommes dans une telle situation, les personnes
âgées, on a travaillé tout le temps de notre vie, on a
contribué au régime, on a peur du remède que vous
êtes en train d'appliquer ou que vous voulez appliquer, et que vous
sentez à travers ce document.
La perception et le sentiment de quelque chose, ça fait aussi
partie de la réalité, ça. Ça aussi, c'est un
phénomène. On peut bien dire: On est en absolu désaccord
et vous n'êtes pas corrects avec tel ou tel fait, mais ça
n'enlève pas la peur, ça n'enlève pas le sentiment
d'insécurité, ça n'enlève pas cette espèce
de conception des choses en disant: Nous autres, est-ce qu'on compte dans ce
régime-là ou si on ne compte pas? Et vous avez l'impression que
vous ne comptez pas?
Mme Brunet: Pas juste l'impression.
M. Trudel: Et ça, c'est grave. Ça, c'est grave.
Moi, je reçois ça, je suis de l'Opposition et c'est grave quand
j'entends des choses comme cela. Je ne veux pas aller trop loin dans ce
domaine-là en disant: Bon, bien, au secteur particulier de la
santé et des services sociaux, c'est le document qui a été
publié le 18 décembre qui a provoqué ça. Même
si vous, vous le dites, je respecte votre opinion, mais, en
réalité, oui, il faut se le dire entre nous. Oui, notre
régime est en danger, notre régime est aux soins intensifs et si
on n'y apporte pas un certain nombre de correctifs dont le plus majeur,
l'essentiel, quant à moi, est celui que vous venez de mentionner, Mme
Brunet, il faut bien savoir, donc, d'où vient le mal.
Alors, je pourrais faire le tour d'un certain nombre de
problèmes, d'un certain nombre de situations. Ce que nous, on a dit
depuis le début de cette commission, c'est qu'on pense que, dans
l'ensemble du système, 12 000 000 000 de piastres, ce n'est pas des
pinottes, hein? et, quand on dépense ça, il y a un risque que ce
soit, soit mal dépensé, mal orienté ou mal
administré. Ça peut arriver. On pense que là-dessus - vous
en faites des suggestions, d'ailleurs, dans votre document - on peut
réorienter un certain nombre de dollars pour en faire plus avec le
même dollar. Cependant, il faut aussi se dire la vérité.
Même si on faisait tout cela, il est inévitable qu'il va en
manquer à quelque part pour maintenir le régime comme il est
là actuellement, parce que, essentiellement - on peut parler de
n'importe quel gouvernement depuis une quinzaine d'années - on a assez
bien fait notre travail au Québec - c'est rare que l'Opposition dit
ça: On a assez bien fait notre travail: rouge, bleu, vert, jaune,
carreauté - au sens où on contrôle assez bien nos
coûts. On a peut-être mal orienté à des places, mais
il y a des fautes à gauche et à droite. Mais il y en a un qui n'a
pas fait son travail, c'est le gouvernement fédéral parce que,
lui, il a choisi de faire d'autres choses avec notre argent, et c'est pour
ça qu'on est pris ici... ça me fait de la peine qu'on soit pris
un petit peu pour se chicaner entre nous autres parce que c'est un autre qui a
mis le feu dans la cabane.
Ma question est la suivante. Je le disais au départ; vous, vous
dites: On va y aller avec vous. Je taquine un peu le ministre avec ça,
mais il y a, bien sûr, un fond de la réalité. Ça
fait 32 ans qu'on dit au gouvernement fédéral: Donnez-nous nos
points d'impôt - Mme Farmer, nos impôts à nous autres - pour
qu'on s'occupe de nos services de santé et de nos services sociaux.
Toutes les années, je les ai relevées. Toutes les années,
sous n'importe quel gouvernement, il y a un ministre des Finances ou un premier
ministre qui va dire, à partir de Duples-sis: Donnez-nous notre butin,
on va s'en occuper comme du monde. Ça n'a jamais marché.
Le Président (M. Joly): La question, s'il vous
plaît, M. le député.
M. Trudel: ça n'a jamais marché. la question,
c'est: pensez-vous, si on y va en train cette fois-là, que ça
peut marcher, qu'ils vont nous le redonner? mme brunet?
Mme Brunet: Non. Moi, je dis qu'ils vont le redonner à la
condition que les gens âgés n'acceptent pas qu'ils ne nous le
donnent pas. C'est comme ça que ça marche aujourd'hui. Si la
population ne dit rien - même la population des gens âgés se
laisse dire qu'elle abuse des médicaments, qu'elle abuse des soins de
santé; elle se laisse dire ça - si elle n'est pas capable de se
lever debout, bien, tant pis pour ceux qui vont payer. Mais, nous autres, on
est des groupes, des associations. L'AQDR existe depuis 12 ans; on
défend les droits des retraités puis on leur explique la
situation, et je peux vous dire que les retraités sont de plus en plus
informés, et c'est ça qui est un peu dangereux pour les
gouvernements...
Des voix: Ha, ha, ha!
(19 h 15)
Mme Brunet: ...parce qu'ils sont capables d'être sur la
place publique aujourd'hui et de dire ce qu'ils pensent, ce qui n'existait pas
il y a une vingtaine d'années. On le sait, on est issu d'une
génération de gens soumis pour toutes sortes de raisons que je
n'étalerai pas sur la table aujourd'hui, mais vous savez ce que je veux
dire. Mais on en est sorti de ça et on ne veut plus rien savoir. Vous
dites, M. Côté: Vous avez été
représentés sur le comité des experts par des personnes
âgées. Mais souvenez-vous que je vous ai dit que, cette
fois-là, on n'accepterait pas, dans un comité d'experts pour les
aînés, que ce soient les gens de 40 ans qui parlent de nous
autres. On n'acceptera plus jamais ça, jamais.
M. Côté (Charlesbourg): Mais...
Mme Brunet: Et d'être raisonnables, comme certains
députés nous le disent: Soyez raisonnables, les personnes
âgées. Non! On veut notre dû comme si on était encore
des gens qui font partie de cette société parce qu'on est
convaincus qu'on en fait partie, on est convaincus que l'expérience
acquise pendant toutes ces années-là, ça a plus que la
valeur d'une piastre et de deux piastres. Ça a plus de valeur que
ça. Depuis beaucoup d'années, on n'a pas tenu compte, il y a des
gens qui appellent ça de la sagesse, moi, je n'appelle pas ça de
la sagesse, j'appelle ça du vécu, puis c'est important qu'on
échange entre les générations. Je ne veux pas qu'on soit
là tout seuls à prendre la place...
M. Côté (Charlesbourg): Non, non, mais...
Mme Brunet: ...mais que les autres soient là puis qu'on
échange entre nous autres pour arriver à des meilleures solutions
et avec un meilleur système.
M. Côté (Charlesbourg): Sur le rapport Pelletier, je
vous ai nommées, vous et Mme Leblanc, comme expertes.
Mme Brunet: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Hein?
Mme Brunet: Oui, oui, à la suite de notre
recommandation.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Quant à moi, Mme Brunet - parce que j'ai fait
aussi promesse à notre bon ami de Notre-Dame-de-Grâce, M. le
député Atkinson, qui a quelques questions à poser - je
peux quasiment juste conclure que vous représentez maintenant non
seulement un groupe important dans notre société, mais de plus en
plus impor- tant en termes de nombre, et ça, ça se traduit
politiquement. Je vous en prie, je me prosterne à vos pieds...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: ...je requiers que vous vous mobilisiez tous au
Québec pour que le gouvernement fédéral, enfin, comprenne
le bon sens, sinon il va y en avoir une bonne consultation bientôt, un
référendum sur la souveraineté. On ne le demandera plus,
on va le prendre. Mais, en attendant, j'accepte quant à moi. Mais vous
avez réussi sur la colline parlementaire à faire reculer Mulroney
avec une seule phrase: Écoute bien, Charlie Brown, tu ne toucheras pas
à ça. Là, c'est le temps de dire: Écoute bien,
Charlie Brown, ne touche pas aux affaires du Québec; ne touche pas
à nos acquis collectifs les plus importants. Vous avez ce
pouvoir-là aussi. Merci.
Mme Brunet: Bon. Là, je ne sais pas, M. Trudel, si vous
êtes en train d'essayer de nous embarquer sur une question
nationaliste...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Brunet: ...mais on ne s'en va pas là-dedans.
M. Trudel: Je ne suis pas en train; je vous embarque.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Brunet: On ne s'en va pas là-dedans. On se contente de
défendre nos droits, puis c'est déjà une grosse job. Mais
on a l'intention de la faire jusqu'au bout.
M. Trudel: Merci.
M. Côté (Charlesbourg): Si j'ai compris, vous allez
être prêts pour l'autobus, mais pas pour le train.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Mme Trudel, vous avez... Pas Mme
Trudel, je m'excuse, Mme Brunet.
M. Trudel: II l'appelle Mme Trudel. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Vous avez compris que c'est un
coup de pratique ça, là, hein?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
M. Atkinson: Merci, M. le Président. Avant de poser ma
question, je suis très sympathique à la Coalition. Je suis aussi
membre de la grande société du Québec des personnes
âgées. J'ai plus de 70 ans et pas un jeune membre de cette
commission.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Atkinson: J'ai été le modérateur durant
six ans à la conférence annuelle, the Conference on Aging,
à Montréal. It has been my pleasure to have worked with Reva
Gesser and also with Mme Pelletier and everyone else on this Commission. I am
only sorry that David Woodsworth was not well enough to come and make the
presentation today.
J'aimerais d'abord vous féliciter pour la clarté et les
précisions de votre mémoire. Je suis particulièrement
heureux de voir que vous abordez le problème de la surconsommation des
services de santé par les aînés. Comme on a tendance
à blâmer les aînés pour la hausse des coûts, je
suis content de voir que vous apportez l'argument contraire. J'aimerais
souligner pour votre information et l'information de cette commission qu'une
étude approfondie sur les coûts des soins médicaux pour
personnes âgées faite par Barer, Evans, Hertzman et Lomas, en
1987, a conclu que l'augmentation des coûts attribuables au
vieillissement de la population serait de 1 % pendant les prochains 40 ans.
Maintenant, ma question. Plusieurs fois dans votre mémoire,
à la recommandation 18, vous mentionnez que l'aspect social semble
complètement mis de côté. Pensez-vous qu'un
ministère des services sociaux comme plusieurs provinces
allégerait ou aggraverait ce manque? Un ministère, un
sous-ministère ou un ministère adjoint des services sociaux? Un
ministère, un sous-ministère des services sociaux?
Mme Brunet: Pas à la page 18. Une voix: Le no
18.M. Atkinson: La recommandation 18. Mme Brunet: O. K. Le no
18.
M. Atkinson: Excusez-moi, madame, la recommandation 18.
Mme Brunet: Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui veulent
répondre. C'est un peu ce que je disais tantôt quand je parlais de
la prévention, c'est ça qu'on veut dire, une médecine
sociale, c'est-à-dire que la personne, quand elle entre dans le bureau
du médecin, elle n'est pas là pour cinq minutes et, actuellement,
c'est comme ça. On fait clic-clic et: Assoyez-vous, madame. Qu'est-ce
que vous voulez? Bien, là, je ne comprends pas trop... Bon, c'est
très bien, on va vous prescrire des psychotropes, parce que les femmes
sont prises avec les psychotropes et ça agit sur le système
nerveux central. Ça, qu'est-ce que ça fait? Ça rend les
femmes très amorphes, ça fait des femmes qui restent à la
maison, elles ne sont pas capables de sortir, alors c'est une espèce de
cercle vicieux où ces femmes-là se trouvent, en très grand
nombre, isolées. Alors, c'est pour ça qu'on dit: La
prévention qu'on veut, ça comprend la médecine, ça
comprend une approche très différente de celle qu'on a
présentement pour essayer d'avoir des personnes âgées qui
ne coûtent pas trop cher et qui sont capables de se valoriser dans la
société et de continuer à faire des choses. Mais
ça, ça prend, entre autres, la médecine pour faire
comprendre aux personnes ce qu'elles sont en train de vivre.
M. Atkinson: Vous êtes satisfaits de M. le ministre, du
ministère de la Santé et des Services sociaux? C'est
adéquat pour les services aux personnes âgées?
Le Président (M. Joly): Oui, Mme Gesser.
Mme Gesser: We know that the Minister, M. le ministre, is
sympathetic to prevention. We know that he knows as well as us that to keep
people healthy is cheaper than curing them. We know that there are not a lot of
new dollars. I mean, we know that. But we are saying to you: It is cheaper to
take some of those dollars and put them into prevention and, when we are
talking about prevention, we are not only talking about heavy cases just
discharged from hospitals, but the kind of services, small services that help
people stay in the community to prevent them from breaking down, and this is
what we are saying to you. Take some of that money; we know there is no new
money and you cannot be magicians. We understand your problems. We are not here
just to say that you must give us the world. We say: Take some of that money
from the medical model and put it into the preventive model, because we as
seniors do not want to go into institutions. We do not want to be
over-medicated and most of us do not want to be going running to doctors. And
we do not want charity... We just want the change in priorities so that we can
remain as people in the community. And as I told you before and I say it again,
we are not a group; we are individuals; we are citizens; we are people. We want
you to look at it. Do not target us as «le groupe des
aînés». We are not, we are people.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Gesser. Merci, M.
Atkinson. Mme Pelletier, vous vouliez. ajouter un dernier mot.
Mme Pelletier: Justement, en plus de la prévention, nous
parlons...
Le Président (M. Joly): Je voudrais dire à Mme
Brunet que je lui ai donné pleinement son heure.
Mme Brunet: Oh oui! mais je ne me plains pas non plus.
Des voix: Ha! ha! ha!
Mme Pelletier: Ce ne sera pas long, c'est très court. Le
maintien à domicile, nous travaillons beaucoup beaucoup sur ça.
Les gens récupèrent beaucoup plus vite quand ils sont dans leur
milieu et ce qu'il y a de bon en même temps pour le ministère,
c'est que ça coûte énormément moins cher. Alors, le
même argent qui est dépensé pour les institutions et les
hôpitaux pourrait l'être à domicile. En même temps, et
pour cette raison-là, il faudrait probablement penser aux organismes
communautaires qui, eux aussi, dans le moment... On me disait, justement, que
les CLSC, en général, refusent et renvoient des gens dans les
centres d'action bénévole, puis tout ça, parce que leur
budget... Mais ce sont souvent des gens qui ont besoin de
physiothérapie, d'ergothérapie, enfin, de quelque chose. Les
organismes communautaires comme les centres d'action bénévole
sont pris avec ça. Ils n'ont même pas d'argent pour le transport,
pour envoyer ces gens-là, puis les centres d'action
bénévole n'ont pas à faire les traitements. Il faut qu'ils
les envoient quelque part. Alors, le transport, voyez-vous, pour ces
gens-là, c'est une chose à laquelle on devrait voir.
Une autre chose que je voulais ajouter, tantôt nous avions l'air
contre tout. Le rapport de la commission Pelletier, c'est fameux, c'est quelque
chose...
Le Président (M. Joly): M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je veux vous remercier des éclaircissements dans nos
échanges. On comprend Mme Brunet qui insistait pour qu'on ait des
échanges pour tenter d'éclaircir des choses. Il est clair que la
prévention, non pas uniquement pour les personnes âgées,
mais pour l'ensemble de la société, doit être une
priorité et un réajustement de notre système par rapport
à ce qu'on connaît aujourd'hui.
Ce que je veux seulement dire à Mme Brunet et à ceux qui
l'accompagnent, si vous vous imaginez avoir un pouvoir et vous l'avez
auprès des hommes politiques, des hommes et des femmes politiques,
auprès des pouvoirs politiques, si vous mettez autant d'efforts
auprès du pouvoir médical, vous allez pouvoir, là aussi,
changer des choses que peut-être nous autres, on a de la misère
à faire changer. Et je pense que, dans ce sens-là, il y a aussi
un travail à faire d'éducation des personnes âgées
auprès de leurs méde- cins. Vous nous dites: Ce n'est pas 5
minutes qu'on veut, 10 minutes, on veut davantage prendre le temps de nous
expliquer des phénomènes qui vont nous amener de la
prévention et une meilleure consommation, non pas une consommation dont
personne ne veut, mais on n'a pas le choix parce que nos pathologies l'exigent!
Je pense que vous avez un travail tout à fait extraordinaire à
faire de ce côté-là et, effectivement, vous avez un pouvoir
tout à fait exceptionnel que vous avez commencé à utiliser
de manière plus importante que ce qu'on a connu dans le passé,
tout cela étant accompagné par des gens qui, à la retraite
aussi, ont des conditions un peu mieux que ceux qui vous ont
précédés à la retraite. Et je pense que ça
aussi, c'est un des bénéfices de la société
québécoise dont vous devez vous servir. Et je vous laisse sur
Augustin, parce que c'est le grand patron des médecins. Je suis
convaincu que vous allez pouvoir l'instruire davantage. Merci de votre
présentation et je vous dis que le rapport Pelletier, oui, c'est un bon
rapport qu'on va commencer à mettre en application très
prochainement.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Au nom de l'Opposition officielle à
l'Assemblée nationale, je veux vous remercier d'avoir pris le temps de
rédiger ce mémoire, de venir ici et de prendre toute l'heure que
nous avions réservée pour que nous puissions échanger. Et,
oui, servez-vous de ce pouvoir dans toutes les directions, Mme Brunet. Merci
beaucoup.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Au nom des membres de cette
commission, Mme Farmer et votre groupe, je tiens à vous dire que, si,
dans la société, on vous donne votre dû tout comme on vous
l'a donné aujourd'hui, vous allez même en avoir un peu plus.
Une voix: On le sait.
Une voix: On le savait.
Le Président (M. Joly): au plaisir et merci beaucoup
d'avoir été avec nous. alors, nous ajournons nos travaux à
demain matin, 9 h 30, dans ce même salon. merci et bonne
soirée.
(Fin de la séance à 19 h 25)