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(Neuf heures quarante-sept minutes)
Le Président (M. Joly): La commission est réunie
afin de procéder à des consultations particulières et
tenir des auditions publiques sur le document de consultation intitulé
«Un financement équitable à la mesure de nos
moyens».
Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Ordre des pharmaciens du Québec
Le Président (M. Joly): Merci. Je vois que
déjà, nous avons l'Ordre des pharmaciens du Québec qui a
pris place. M. Lafontaine, que je connais, citoyen de Laval, je vous salue
particulièrement. Ça me fait plaisir.
Des voix: Ah! Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Et Laval, c'est grand! Je
présume, M. Lafontaine, que c'est M. Boisvert qui est avec vous...
M. Lafontaine (Claude): M. Boisvert, oui.
Le Président (M. Joly): ...directeur général
et secrétaire.
Une voix:...
Le Président (M. Joly): Je n'ai pas identifié
encore... Je vous rappelle que vous avez une vingtaine de minutes, un petit peu
plus, un petit peu moins, pour nous livrer votre mémoire et
qu'après les parlementaires échangeront avec vous. Correct? Je
vous cède la parole, M. Lafontaine.
M. Lafontaine: Merci. M. le Président de la commission, M.
le ministre de la Santé et des Services sociaux, messieurs et mesdames
les membres de la commission, l'Ordre des pharmaciens du Québec tient
à remercier la commission des affaires sociales de l'opportunité
qui lui est offerte de commenter le document ministériel intitulé
«Un financement équitable à la mesure de nos moyens».
Nos commentaires s'inscrivent dans la continuité de ceux que nous avons
déjà formulés précédemment auprès de
la commission Rochon et lors d'audiences publiques sur l'avant-projet de loi
sur les services de santé et les services sociaux, les orientations
ministérielles ainsi que sur le projet de loi 120.
L'exercice de la pharmacie comprend à la fois la fourniture d'un
bien et celle d'un service professionnel. Ces deux composantes sont intimement
reliées dans tous leurs aspects sociosanitai-res et économiques.
Toute analyse d'une problématique pharmaceutique doit
nécessairement tenir compte de la dualité de l'interaction de ces
deux composantes de l'acte pharmaceutique. Notre corporation a toujours
insisté sur cette dualité, qui trouve sa source dans la nature
particulière du médicament. Le médicament ne peut faire
l'objet d'une décision rationnelle par le consommateur, même le
plus instruit, et il recèle un potentiel élevé de
consommation irrationnelle qui s'avère alors coûteuse pour
l'État ou le contribuable, et dangereuse pour l'usager.
C'est ici que le service pharmaceutique prend toute sa valeur.
Lié à la fourniture des médicaments, il constitue le mode
de contrôle le plus efficace qui puisse être appliqué
à la fois aux coûts, à la sécurité et
à l'efficacité de ceux-ci. Toute intervention ne visant
qu'à contenir le coût des médicaments sans tenir compte du
service pharmaceutique que leur utilisation rationnelle doit impliquer comporte
le risque de voir disparaître ce mode de contrôle pourtant
essentiel. On reconnaît aujourd'hui que le contrôle des budgets
pharmaceutiques des établissements de santé ne peut être
envisagé sans des interventions constantes et vigoureuses des
pharmaciens exerçant dans ces établissements.
De même, toute réduction de la progression des coûts
des programmes d'assurance-médicaments devra passer par une telle
intervention de la part des pharmaciens oeuvrant en milieu communautaire. Or,
une analyse minutieuse des coûts des programmes québécois
d'assurance-médicaments au cours des 20 dernières années
démontre que l'État investit de plus en plus dans la fourniture
des biens et de moins en moins dans celle des services.
Ainsi, selon les statistiques annuelles publiées par la RAMQ, le
coût moyen d'une ordonnance a progressé de 3,90 $ en 1972 à
17,50 $ en 1990. Les coûts respectifs du bien et du service n'ont
cependant pas évolué de la même façon. En 1972,
alors que le coût du service, selon les statistiques, s'élevait
à 2,15 $, soit 55 % du coût total, celui du médicament
s'élevait à 1,75 $, soit 45 % du coût. Le service en 1990
ne coûtait plus que 4,51 $, soit 25 % du total, alors que le
médicament, lui, grimpait à 74 % du coût assumé par
la Régie, soit 12,99 $.
Au cours de cette période, toujours selon les statistiques de la
Régie, le taux global d'inflation du coût des médicaments a
été de 742 %, alors que celui applicable aux services
pharmaceutiques n'a été que de 209 %. Au total,
la facture assumée par l'État s'est élevée
de 449 %. Si l'on applique à ces statistiques un facteur correctif
tenant compte du profit moyen enregistré par le pharmacien sur la
revente du médicament, c'est-à-dire le prix chargé
à la Régie moins le prix réel de l'acquisition, soit en
moyenne, en 1990, 1,71 $, selon les données recueillies par l'AQPP, les
coûts réels des deux composantes facturées à
l'État ont évolué comme suit: en 1972, les
médicaments, 1,75 $, et les services, 2,15 $, ce qui représente
respectivement 45 % dans le premier cas et 35 % dans le deuxième cas -
il faudrait apporter ici la correction au tableau, parce qu'il y a eu inversion
des chiffres. En 1990, le coût des médicaments représente
maintenant 65 %, alors que le coût des services est tombé à
35 %. Donc, durant cette période, le coût réel des
médicaments a progressé de 630 %, et celui des services de 189 %.
L'indice des prix à la consommation, selon Statistique Canada, a, quant
à lui, progressé, au cours de cette période, de 357 %.
Il est intéressant de noter que ce phénomène de
progression plus rapide du coût d'un bien que celui d'un service n'est
pas isolé. L'État éprouve également des
problèmes de contention des coûts dans au moins un autre de ses
programmes impliquant la distribution de biens, soit celui assurant la
fourniture de prothèses. En effet, selon le rapport annuel 1990-1991 de
la RAMQ, en page 18, on peut noter que le coût des prothèses avait
augmenté de 59 % au cours de la période 1986-1987 versus la
période 1990-1991. En comparaison, les coûts des services
médicaux, dentaires et optométriques avaient respectivement
augmenté de 34 %, 2 % et 31 %, soit à un rythme beaucoup moindre
au cours de cette même période.
Nos sources ne nous permettent pas de pousser plus loin l'analyse de ces
données. Toutefois, l'écart entre les taux de progression des
coûts liés au remboursement de biens, c'est-à-dire
prothèses et médicaments, et ceux liés à la
fourniture des services, suggère une plus forte augmentation de la
demande des premiers ou encore une plus faible efficacité du
contrôle de leur coût par l'État par l'intermédiaire
des services. Ces observations sont troublantes et laissent craindre pour
l'avenir. Il faut en effet considérer qu'au cours de la période
étudiée, le coût des médicaments a crû de
façon difficilement contrôlable, malgré des coupures
considérables au niveau de la liste des médicaments
assurés. Nous nous demandons, à bon droit, s'il n'y a pas lieu
d'y voir les effets négatifs d'une diminution, en dollars constants, des
investissements de l'État en matière de services
pharmaceutiques.
Par contre, au niveau des établissements de santé, la
progression des budgets pharmaceutiques a été beaucoup mieux
contrôlée et ce, malgré une dotation intensive en
pharmaciens dans ces milieux. Les effectifs québécois en
pharmaciens d'établissements de santé sont en effet passés
de 300 en 1981 à plus de 900 en 1991, en dépit d'une conjoncture
budgétaire difficile pour les établissements tout au long de
cette période. Il ne fait aucun doute que cette meilleure utilisation
par l'État des services pharmaceutiques, au niveau de la
sélection et du contrôle de l'utilisation des médicaments,
a exercé un impact favorable sur les budgets globaux des
médicaments. Étant donné la similitude de formation et de
compétence des pharmaciens communautaires et d'établissements,
nous sommes portés à croire que l'État doit chercher la
source de cette différence de croissance des coûts au niveau du
contexte où s'exerce la profession. C'est là l'exercice que nous
proposons à la commission.
Parmi les considérations générales relatives au
programme d'assurance-médicaments, nous voulons d'abord insister sur le
rapport coûts-bénéfices favorable de la
pharmacothérapie. Pour que l'objectif d'une réforme globale du
système de santé québécois puisse être
atteint, l'analyse de ces composantes doit s'effectuer sur une base globale. Il
sera donc essentiel, lors de l'examen du programme
d'assurance-médicaments, de développer une vision macroscopique
de l'impact de ce programme sur les autres secteurs du système de
santé.
De par sa nature, le médicament représente l'outil
thérapeutique le plus fréquemment utilisé afin de pallier
un problème de santé. Prescrit rationnellement et utilisé
de la bonne manière, le médicament représente, la plupart
du temps, la moins coûteuse des thérapies disponibles parce
qu'elle fait appel à un nombre restreint de professionnels, soit le
prescripteur et le pharmacien. L'utilisation rationnelle des médicaments
prévient fréquemment le recours à des thérapies
beaucoup plus coûteuses comme la chirurgie, la radiothérapie, la
psychothérapie ou les thérapies de réadaptation
physique.
Ainsi, le remboursement par l'État d'un médicament et d'un
service pharmaceutique, pour coûteux qu'il puisse paraître,
s'avère très souvent une économie par rapport aux
alternatives. C'est pourquoi, avant de décider la désas-surance
d'un médicament, on devrait toujours chercher à mesurer son
impact global en comparaison avec les alternatives qui s'offriront au
médecin traitant.
Nous voulons également faire ressortir le coût de la
pharmacothérapie irrationnelle. La surconsommation des
médicaments, leur sous-consommation et, fréquemment, leur
mauvaise utilisation coûtent extrêmement cher à
l'État. Alors que les effets pernicieux de la surconsommation ne sont
plus à démontrer, ceux de la sous-consommation et de la mauvaise
utilisation sont peu reconnus du public et de l'État. Ils sont
néanmoins fréquents et nous avancerons quelques exemples
courants.
La prescription d'une dose trop faible d'un antibiotique de
première ligne utilisé afin de
traiter une otite chez un enfant: l'inefficacité de
l'antibiotique coûte alors à l'état une seconde visite chez
un médecin et le remboursement d'un second antibiotique habituellement
plus coûteux que le premier. deuxième exemple, l'inobservance
thérapeutique chez les dyslipémiques, les hypertendus ou les
diabétiques de type 2, qui entraîne des complications graves:
l'état se voit alors forcé d'assumer le remboursement de soins de
santé extrêmement lourds en cardiologie, en neurologie, en
néphrologie, en ophtalmologie ou en chirurgie. enfin, troisième
exemple, l'hospitalisation, souvent d'urgence, ou la mise en institution d'une
personne âgée suite à une incapacité de cette
dernière de bien gérer sa prise de médicaments.
Des dizaines d'autres exemples pourraient être avancés.
Nous nous limitons à ceux-ci à cause de leur caractère
explicite et quotidien, et à cause de leur coût énorme pour
l'État. La solution de ces problèmes passe par une approche
macroscopique de la portée d'un programme d'assurance-médicaments
sur laquelle devront s'appuyer les mesures envisagées par le
ministère. Par conséquent, dans un premier temps, nous
recommandons que la réforme comporte des mesures permettant de favoriser
la retransmission par les pharmaciens de l'information nécessaire
à la bonne utilisation des médicaments. Dans un deuxième
temps, la réforme devra comporter des mesures qui favorisent la
communication entre médecins et pharmaciens dans le but de rendre leurs
efforts plus efficaces et complémentaires. La carte-santé
à microprocesseur pourrait jouer ce rôle.
Voyons maintenant nos recommandations relatives à une
réforme du programme d'assurance-médicaments. Nos
premières recommandations ont trait aux catégories de
médicaments assurés. À notre avis, avec l'exception
possible des anxiolytiques et des hypnotiques, toutes les rationalisations qui
pouvaient être faites par le biais de la désassurance de certains
médicaments ou de certaines catégories de médicaments
l'ont déjà été. D'éventuels retraits de
médicaments de cette liste comportent un risque plus élevé
de stimuler une utilisation excessive d'autres médicaments encore
listés sur la simple base de leur gratuité, ou de forcer le
recours à des thérapeutiques plus coûteuses.
D'autre part, nous croyons nécessaire de rappeler de nouveau au
ministre que le recours à une double liste, une pour les
médicaments consommés par des bénéficiaires
ambulatoires et une autre, plus complète, pour les établissements
de santé, continue de créer un incitatif à
l'institutionnalisation pour certains bénéficiaires
âgés, à cause de la gratuité de classes de
médicaments n'apparaissant qu'à la liste des
établissements. Nous suggérons au gouvernement d'évaluer
les bénéfices nets de cette politique avant d'en décider
le maintien. (10 heures)
À cet effet, nous avons cru bon de vous citer dans notre
mémoire une étude publiée dans le New England Journal
of Medicine, où il a été démontré que la
désassurance d'un certain nombre de médicaments et de services
pharmaceutiques avait conduit, 11 mois plus tard, à un taux d'admission
en centres d'accueil de 10,6 %, dans le New Hampshire, contre 6,6 %, dans le
New Jersey, où le programme d'assurance-médicaments était
demeuré inchangé. Une telle expérience laisse à
réfléchir.
En second lieu, nous voulons rappeler au ministre une suggestion qui
paraîtra sans doute plus audacieuse dans le contexte actuel. L'Ordre a
prôné et prône encore l'extension de la gratuité des
médicaments à l'ensemble des Québécois souffrant de
dyslipémies, d'hypertension artérielle et de diabète. Ces
trois maladies ont en commun une symptomatologie silencieuse durant leur phase
initiale, une fréquence élevée d'inobservance
thérapeutique et le développement de complications graves
à long terme: infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, et j'en
passe. Lorsqu'elles apparaissent, ces complications sont la plupart du temps
irréversibles et nécessitent des traitements extrêmement
coûteux. L'extension de la gratuité à des
Québécois qui ne sont pas actuellement visés par le
programme lèverait les barrières économiques à
l'accessibilité à ces médicaments et réduirait
ainsi la fréquence de l'inobservance. À moyen et à long
terme, cet investissement de l'État aiderait à prévenir
les complications de ces maladies et leurs coûts. Une telle mesure
préventive vaut d'être étudiée avec soin.
Le cas des médicaments anxiolytiques ou hypnotiques constitue une
exception possible aux principes précédemment formulés. La
surconsommation de ces substances est manifeste, mais on ne doit pas oublier
qu'elle s'inscrit souvent dans la continuité de problèmes de
toxicomanie impliquant les drogues illicites ou l'alcool. Une
désassurance de ces médicaments comporte des risques très
nets liés au sevrage des bénéficiaires qui en consomment
de façon prolongée, comme en fait foi l'expérience
récente de l'État de New York dont il est fait mention dans notre
rapport.
Nos secondes recommandations ont trait aux catégories de services
pharmaceutiques assurés. À l'heure actuelle, l'entente liant
l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires et
le gouvernement du Québec ne porte que sur trois services
pharmaceutiques assurés. Nous devons rappeler à la commission
l'insuffisance de l'emphase placée au sein du programme sur les services
pharmaceutiques susceptibles de prévenir la mauvaise consommation de
médicaments et de favoriser l'optimalisation de celle-ci.
La valeur préventive du service pharmaceutique commence à
être bien documentée de façon quantitative, comme en fait
foi une étude américaine réalisée à
l'Université Purdue. Cette étude visait à quantifier les
économies pour le
système de santé générées par les
interventions des pharmaciens. Elle porta sur 33 000 nouvelles ordonnances
exécutées dans 89 pharmacies communautaires réparties sur
cinq États américains. Environ 2 % de ces ordonnances
comportaient des lacunes ou des erreurs et donnèrent fieu à des
interventions pharmaceutiques. La valeur en dollars de ces interventions fut
calculée en estimant le coût des soins qui auraient
été requis pour pallier les conséquences médicales
de chaque erreur, selon une grille adaptée à la gravité de
ces conséquences. Or, la valeur ajoutée totale de ces
interventions pharmaceutiques totalisa 76 000 $ US, soit 2,32 $ pour chacune
des 33 000 ordonnances exécutées.
Cette étude démontre de façon éloquente la
valeur ajoutée par des services pharmaceutiques à l'ensemble du
système de santé. Malheureusement, chez nous, des obstacles
subsistent à la prestation optimale de ces services, en grande partie
à cause des barrières bureaucratiques et administratives que
recèle la procédure de remboursement de ces actes.
Pourtant, toute réforme efficace du programme
d'assurance-médicaments et, à ta limite, du système de
santé québécois, passe indéniablement par un
rôle accru et par une meilleure utilisation des compétences des
pharmaciens. Nous vous référons a ce sujet au rapport de la
«Lowy Commission» et à celui de la «British Columbia
Royal Commission on Health Care and Costs».
L'expérience québécoise en pharmacie
hospitalière le prouve également: lorsque mis à
contribution dans un environnement où la rationalisation des coûts
des médicaments est clairement identifiée comme un objectif, et
lorsque doté d'une capacité d'intervention clinique, le
pharmacien québécois livre la marchandise et permet de
réduire effectivement ces coûts.
Force nous est cependant de constater que ce mandat et ces conditions
n'ont pas été réunis au niveau du programme
québécois d'assurance-médicaments. Et, ironiquement, alors
que les investissements de l'État en services pharmaceutiques
progressaient à un rythme inférieur de moitié au taux
d'inflation, ses dépenses de médicaments, elles, croissaient deux
fois plus rapidement. Une telle coïncidence est vraiment frappante.
Dans ce contexte, nous ne pouvons qu'insister sur l'urgente
nécessité pour l'État de s'orienter, au sein de son
programme d'assurance-médicaments, vers la reconnaissance et la
rétribution de nouveaux actes pharmaceutiques indépendants de la
fourniture du médicament. Tant que la rémunération du
pharmacien demeure prisonnière de la dispensation de médicaments,
sa capacité de lutter contre la surconsommation de ceux-ci sera
amoindrie par l'ambiguïté du mandat que lui confie
l'État-payeur.
Il nous apparaît également impérieux de rappeler
à la commission la nécessité de dégager
l'administration de l'opinion pharmaceutique du carcan bureaucratique dont elle
a fait l'objet jusqu'à maintenant, et celle d'instaurer, face à
la facturation de ce service et aussi des autres services discutés
présentement à la table de négociation, le même
climat de confiance que celui dont l'État fait preuve face aux autres
professionnels de la santé.
Il va de soi que de telles mesures doivent logiquement être
assorties à des moyens de contrôle des services facturés
à la RAMQ. Nous réitérons ici notre appui total à
la création d'un comité de révision des actes
pharmaceutiques, tel que prévu depuis 20 ans à l'article 41 de la
Loi sur l'assurance-maladie. Nous souhaitons aussi que la mise sur pied du
réseau hospitalier de revue de l'utilisation de médicaments
puisse se poursuivre et également qu'elle puisse s'étendre au
programme ambulatoire d'assurance-médicaments.
Enfin, nous recommandons au ministre d'élargir les expertises sur
lesquelles il peut s'appuyer, notamment au niveau de l'important Conseil
consultatif de pharmacologie où, à notre connaissance, on ne
dénombre actuellement qu'un seul pharmacien, autre exemple de
sous-utilisation de l'expertise pharmaceutique.
Dans les mesures visant à améliorer le contrôle des
volumes d'activités, le ministère propose de
généraliser, s'il y a lieu, l'application d'une carte
d'assurance-maladie avec microprocesseur intégré. Nous
reconnaissons les mérites associés à une telle carte.
Cependant, pour que les pharmaciens d'officine québécois puissent
contribuer davantage à l'amélioration de l'utilisation des
médicaments, nous devrons résoudre la question de l'accès
à l'information en matière de diagnostic. Contrairement aux
pharmaciens qui oeuvrent dans les établissements de santé, les
pharmaciens d'officine ne peuvent malheureusement pas s'appuyer sur
l'information diagnostique qui est pourtant essentielle à un jugement
éclairé sur la pharmacothérapie. En conséquence,
les pharmaciens d'office ne peuvent jouer pleinement leur rôle de
conseiller, faute d'information suffisante.
En Ontario, la Commission Lowy, déjà citée, en
arrivait à la même conclusion et recommandait l'accès par
les pharmaciens à cette information par le biais de la
carte-santé. Une telle mesure ne remet nullement en question la
confidentialité de l'information, le code de déontologie des
pharmaciens imposant à ces derniers un secret professionnel
équivalent à celui des autres professionnels de la
santé.
Nos dernières recommandations portent sur le financement. L'Ordre
tient à appuyer les mesures de transparence proposées par le
ministère, et qui visent à permettre aux Québécois
de réaliser les coûts inhérents aux services de
santé ou leur contribution personnelle à l'effort de
l'État en cette matière. L'Ordre favorise aussi la
divulgation aux bénéficiaires des coûts des biens et
services reçus de l'État, dans le but de mettre fin à la
notion illusoire d'une gratuité absolue.
Le projet d'impôt-services appliqué aux médicaments
et services pharmaceutiques n'est évidemment pas de nature a
générer l'enthousiasme en notre milieu. Il nous apparaît
difficile de le commenter sans un complément d'information sur sa
portée et sur ses modalités d'application. A priori, cependant,
nous ne rejetons pas cette option.
L'option d'une tarification des services pharmaceutiques associée
à un crédit d'impôt remboursable a le mérite
d'être plus facile à conceptualiser et celui d'avoir
déjà été appliquée sur le terrain. Quelle
que soit la mesure qui sera retenue, toutefois, les règles suivantes
devraient être observées. La participation de l'usager devra
nécessairement être adaptée à sa capacité de
payer sous peine de générer des barrières inacceptables
à des services essentiels. Nous ne pouvons, en effet, nous
résoudre au jargon ministériel de «services
complémentaires» dans le cas des médicaments et services
pharmaceutiques. Pour nous - et nous espérons que lorsque nous
quitterons les lieux, ici, pour vous aussi - les médicaments sont
considérés comme des services essentiels. Les services
pharmaceutiques à caractère préventif...
Le Président (M. Joly): Je m'excuse, M. Lafontaine...
M. Lafontaine: Pardon!
Le Président (M. Joly): ...vous remarquez que je vous
laisse largement déborder, mais ça va nécessairement
couper sur le temps d'échange avec les parlementaires.
M. Lafontaine: D'accord. Quelques minutes, seulement.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît!
M. Lafontaine: Les services pharmaceutiques à
caractère préventif (opinion, refus et nouveaux actes) devront
être exonérés de toute forme d'imposition ou de
tarification, sous peine de créer des désincitatifs majeurs
à leur prestation. Les médicaments plus facilement
associés à des comportements d'inobservance thérapeutique
devront eux aussi être exonérés de ces mesures. En
revanche, une plus grande contribution de l'usager à la fourniture de
médicaments à potentiel élevé de surconsommation
nous apparaît socialement acceptable, voire même souhaitable.
Enfin, les mesures précitées, sous réserve de
discussions plus élaborées quant à leur mise en
opération, nous paraissent préférables au ticket
modérateur qui possède, selon nous, le double défaut d'un
manque évident de flexibilité et d'un faible rendement. Nous
pensons notam- ment à son application aux services à
caractère préventif ou a la fourniture de médicaments
faisant fréquemment l'objet de sous-utilisation.
En terminant, je soulignerai deux points. La progression
incontrôlée du coût des médicaments en milieu
communautaire reflète, selon nous, les effets négatifs d'une
diminution, en dollars constants, des investissements de l'État en
matière de services pharmaceutiques. Mince consolation, le Québec
n'est pas seul au monde à sous-utiliser la compétence,
l'expertise et la grande accessibilité de ses pharmaciens. Les
Américains le reconnaissent de plus en plus; d'autres Canadiens
également, dont les deux commissions précitées.
L'Ordre, finalement, rappelle au gouvernement qu'il lui a pourtant
toujours offert sa pleine collaboration. Aussi, nous devons déplorer le
fait que dans l'élaboration et la mise en place de ses programmes, le
ministère de la Santé et des Services sociaux fasse si peu appel
à l'expertise de pharmaciens agissant sur le terrain et, par
conséquent, plus sensibles aux véritables besoins de notre
société en matière de services pharmaceutiques. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Lafontaine. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je suis très heureux de recevoir l'Ordre ce matin
parce que, à mes yeux, vous êtes peut-être l'un des exemples
d'ordre à suivre dans le sens que vous vous situez, à l'occasion,
au-dessus du débat. Et je pense que ça apparaît assez
évident dans certains des gestes que vous avez posés dans le
passé et qui ont soulevé un peu de fumée, mais qui,
définitivement, transcendent un certain nombre d'autres ordres qui ne
sont pas aussi audacieux dans les gestes qu'ils posent ou dans les propositions
qu'ils avancent.
Ceci étant dit, on est dans une situation, effectivement,
où la consommation de médicaments augmente à un rythme
très, très important. D'ailleurs, vous l'avez dit. Vous avez
tenté de donner certaines explications, mais je veux quand même
ajouter aux chiffres que vous avez déjà donnés dans votre
mémoire. En 1986, le coût: 284 000 000 $; en 1990: 500 000 000 $.
Ça, on dit que ça peut effectivement s'expliquer par une
augmentation du coût des médicaments, très
légère augmentation de la rémunération du
professionnel.
Une voix: En plein ça.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai mon voisin de droite
qui me confirme ça. Ce qui est assez étonnant lorsqu'on regarde
le nombre de personnes admissibles au programme: alors qu'il était de 1
334 000 en 1986, il est de 1 314 000 en 1990. On passe, au niveau des
ordonnances, en 1986,
de 16,4 par personne à 21,8 en 1990. Il y a quand même
là des phénomènes qui sont, je pense, inquiétants.
Si c'est nécessaire, c'est nécessaire, mais il n'y a pas grand
monde qui a fait la démonstration, jusqu'à maintenant, que
c'était nécessaire. On peut toujours expliquer que l'augmentation
du coût, c'est l'augmentation des médicaments - et il doit en
prendre une bonne partie - mais le nombre de bénéficiaires
admissibles n'a pas augmenté. Au contraire, il a diminué sur cinq
ans. Mais le nombre d'ordonnances, lui, a augmenté, de cinq en moyenne,
ce qui est quand même assez important.
Au delà des considérations que vous avez
évoquées tantôt sur l'augmentation du coût des
médicaments dont il faut tenir compte, est-ce qu'il n'y a pas des
phénomènes assez inquiétants qui, normalement, doivent
interpeller un ordre comme le vôtre, avec les limites qu'il y a
là? Parce qu'on reviendra dans d'autres questions tantôt sur les
limites, comme je pense que vous pouvez en faire plus, mais avec plus de
moyens, à ce que j'ai compris. (10 h 15)
M. Lafontaine: Oui. Je comprends votre situation. Les chiffres
que vous avez apportés sont des chiffres globaux qui prennent les
bénéficiaires du système et les personnes
âgées, mais on n'a pas séparé, dans ces
chiffres-là, quelle est la part des personnes âgées. Je
crois que les personnes âgées ont plus consommé, elles.
Dans l'augmentation, c'est plus attribuable aux personnes âgées
qu'aux bénéficiaires, aux prestataires du revenu.
Je pense, M. le ministre, que si le ministère veut
démontrer enfin la volonté de valoriser les actes pharmaceutiques
à caractère interventionniste auprès du prescripteur et
auprès du bénéficiaire, on devrait y gagner beaucoup de ce
côté-là. Si le ministère veut - et là, je
vais rester dans des termes d'équité - rétribuer de
manière équitable ces interventions en tenant compte, par
exemple, d'une estimation du coût des soins qui auraient
été requis pour pallier les conséquences médicales
de l'erreur corrigée par ladite intervention... Je pense, enfin, que si
le ministère voulait une fois pour toutes dégager le
côté administration du paiement des interventions du carcan
bureaucratique dont fait présentement l'objet, entre autres, l'opinion
pharmaceutique, on pourrait réduire le nombre d'interactions
médicamenteuses, on pourrait réduire les effets secondaires qu'on
rencontre dans la consommation des médicaments et on pourrait
réduire les hospitalisations coûteuses consécutives
à ces effets-là.
M. Côté (Charlesbourg): Entrons dans le concret.
Vous nous dites, dans votre mémoire, et je le partage: Les pharmaciens
d'hôpitaux ou de centres d'accueil et d'hébergement ont fait un
travail fantastique au cours des dernières années et ont
réduit la consommation médicamenteuse aux besoins de l'individu
parce que, ayant une complicité plus étroite entre le
prescripteur et le pharmacien, on est dans une situation où,
effectivement, on a pu le suivre, et il y a des bénéfices
certains, mais c'est auprès de bénéficiaires qui sont
déjà institutionnalisés. C'est clair, ça. Je pense
que tout le monde le reconnaît.
En contrepartie, les pharmaciens d'hôpitaux sont des gens qui sont
rémunérés à salaire fixe. Lorsqu'on fait la
transposition de cette proposition-la, on dit: II y a aussi des pharmaciens
d'officine, un peu partout à travers le Québec, qui travaillent
sur deux programmes en particulier, celui des gens sur l'aide sociale et celui
des personnes âgées, sur le plan des médicaments - donc,
500 000 000 $. Vous nous dites: II faudrait davantage faire appel au
professionnel qu'est le pharmacien. Dans la mesure où on fait appel au
professionnel avec une bonne jonction avec le prescripteur - donc, connaissance
du dossier de l'individu - il y a certainement des choses, aujourd'hui, qui se
prescrivent qui, demain, n'auraient pas besoin d'être prescrites et on
éviterait l'hospitalisation. Donc, à moyen terme et à long
terme, des économies assez appréciables.
Je vais y aller carrément avec... Comme vous êtes au-dessus
de la mêlée, est-ce que cette volonté-là est
compatible avec une rémunération à l'acte?
M. Lafontaine: Moi, je ne crois pas que la
rémunération à l'acte démontre une
incompatibilité. Si vous mettez l'accent sur les actes préventifs
plutôt que sur les actes de distribution, je pense que les
résultats vont être là. Je ne parlerai pas du montant
à mettre sur un acte préventif; c'est de la cuisine. Mais si vous
mettez l'accent sur les actes préventifs: détection des
interactions médicamenteuses, constitution élaborée d'un
dossier-patient, gestion des effets secondaires; si vous permettez au
pharmacien, par exemple, de participer à des revues d'utilisation
médicamenteuse, si vous permettez à des pharmaciens, par exemple,
d'aller dans des CLSC et de participer à la décision
d'institutionnaliser une personne ou de la garder à domicile. Parce que
souvent - je vais vous donner un exemple - il y a bien des gens qui veulent se
débarrasser de leurs bons parents, les envoyer en institution parce
qu'ils commencent à être lourds. Alors, ils vont aller dans deux,
trois pharmacies chercher des ordonnances d'anxiolytiques. Les gens deviennent
un peu plus confus. Alors là, on peut justifier leur
institutionnalisation. Si vous aviez des pharmaciens au niveau des
comités décideurs, à savoir: Est-ce qu'on
institutionnalise ou non, ou est-ce qu'on maintient à domicile, vous
auriez peut-être de meilleures réponses, à ce
moment-là. Il y a toute une série d'actes pharmaceutiques qui
peuvent être posés par le pharmacien, tout à fait
indépendants de la
fourniture du médicament comme telle, qui ne sont pas
exploités dans le système.
M. Côté (Charlesbourg): Ce qui a fait le
succès, je pense... Je peux me tromper, et ne vous gênez pas pour
me le dire, parce qu'il y en a d'autres qui ne se gênent pas pour me le
dire. À partir du moment où on a fait des progrès
substantiels en centre hospitalier, en centre hospitalier de longue
durée ou en centre d'accueil et d'hébergement, on l'a fait avec
des pharmaciens qui étaient rémunérés à
salaire. Il y a eu, effectivement - toutes les statistiques le
démontrent - partout où on va, on le voit, une progression assez
importante. ce que vous me dites, c'est que pour le privé, ça
pourrait être différent. on pourrait trouver un moyen de
rémunérer le professionnel qui est le pharmacien pour ses avis
concernant un dossier, toujours à l'acte, sans nécessairement que
ça occasionne au bout de la ligne la vente de médicaments. mais
vous vendez des médicaments comme pharmacien dans la mesure où
vous avez une prescription médicale. vous ne vendez pas de
médicaments si vous n'avez pas une prescription médicale,
à part de ce qui est en vente libre à l'intérieur de la
pharmacie, on le comprend bien. est-ce qu'on ne doit pas explorer cette
possibilité, pour des actes qui font appel au professionnel, à
l'opinion d'un pharmacien, de se diriger vers un certain salariat? je le mets
sur la table parce que je considère que vous êtes capables...
M. Lafontaine: Oui. M. le ministre, est-ce que vous pensez
à la capitation en particulier? On en a parlé ici. Je sais que
ça a déjà été dans l'air, ça, la
capitation.
M. Côté (Charlesbourg): Ça se pourrait.
M. Lafontaine: On peut peut-être prendre cet
exemple-là. Moi, je pense que je n'ai pas d'objection à aucun
système en autant que le système obtienne en bout de ligne la
protection du public et l'amélioration de la santé et de la
qualité de vie des Québécois. Si c'est ça qu'on
obtient en bout de ligne, le système, quel qu'il soit, je suis d'accord
avec.
Mais le système de capitation, pour prendre cet
exemple-là, dans un système où les pharmacies ne sont pas
zonées dans la province de Québec, j'en vois difficilement
l'application. L'entrepreneurship nord-américain, ce n'est pas
compatible avec le zonage des pharmacies. Si on zone les pharmacies et qu'on
donne à des pharmaciens un territoire, une responsabilité
territoriale à l'intérieur de laquelle des gens habitent, je
pense alors qu'on peut parler de salariat. Mais, dans le système actuel
où les pharmacies ne sont pas zonées, où vous allez
retrouver une densité de pharmacies supérieure à la
moyenne, telle qu'on la trouve à Québec présentement,
inférieure à la moyenne dans d'autres secteurs, je vois
difficilement comment on peut arriver avec des pharmaciens à salaire
dans un système semblable.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, ce
n'était pas pour vendre d'autres choses. C'était pour l'opinion
du professionnel, on se comprend bien, qu'est le pharmacien en rapport avec un
client qui consomme des médicaments, et peut-être pour des
programmes dont on parlait tantôt, ceux concernant les personnes
âgées et l'aide sociale.
Vous avez fait allusion à un certain nombre de médicaments
qui ont été enlevés de la liste, à un certain
dépoussiérage du panier de services. Il n'y a pas tellement
longtemps, on avait examiné la possibilité aussi, pour tout ce
qui est «ben-zo» - très bien connu - de voir si,
effectivement, on n'est pas dans une situation d'abus de consommation de ces
médicaments. Plus tu en discutes avec les gens, plus tout le monde est
bien conscient qu'il y a du monde qui en prend qui ne devrait pas en prendre
et, selon les avis, ça varie. Dans certains cas, on nous dit que l'effet
thérapeutique, c'est 15 jours; d'autres disent 4 semaines, 5 semaines.
Mais il y a quand même une indication très nette que ça a
un effet limité.
Tantôt, dans votre présentation, vous avez parlé de
faire attention au sevrage. Est-ce qu'on n'est pas dans une situation où
il y a véritablement des abus de consommation et d'utilisation de ces
médicaments, sachant fort bien qu'il y a des effets
thérapeutiques limités dans le temps et qu'on continue de les
donner pendant un an, deux ans, trois ans? Est-ce qu'il n'y a pas des choses
à faire à ce niveau-là? Qu'est-ce que l'Ordre peut faire
dans une situation comme celle-là, parce qu'elle est assez importante,
merci?
M. Lafontaine: Qu'est-ce que l'Ordre peut faire? Bien, d'abord,
vous savez, M. le ministre, qu'on a mis sur pied, à l'Ordre des
pharmaciens, le système Alerte pour détecter la fraude puis pour
détecter la surconsommation. Cependant, on croit que la
carte-santé à microprocesseur va être d'une utilité
très grande pour contrer l'abus de prescripteurs et l'abus de
consommation de ces médicaments-là.
Mais, entre-temps, nous avons suggéré, il y a deux ans, de
limiter le paiement de ces médicaments-là à peu
près 21 jours. On a dit entre 14 et 21 jours, et on vous a
suggéré aussi de ne pas payer le renouvellement, comme vous le
faites d'ailleurs pour les narcotiques. Vous ne payez pas les renouvellements
de narcotiques. Ça restreint, ça, la surconsommation des
narcotiques. Que des médicaments soient dans un système de
surconsommation, je pense qu'il y en aura probablement toujours, comme il y
aura probablement toujours de l'alcool et il y aura probable-
ment d'autres béquilles, je ne sais pas, les drogues illicites et
tout ça.
Nous, on vous a fait des suggestions. Elles n'ont pas été
appliquées, mais je crois qu'elles sont encore valables. Limitez le
paiement de ces médicaments-là à un maximum de 21 jours et
aucun renouvellement payant. Ça oblige la personne à retourner
chez le médecin. Je vois tout de suite que vous allez me dire que
ça va augmenter les actes médicaux. Je n'en suis pas certain
parce que c'est un frein psychologique. La personne est mal à l'aise de
retourner chez le médecin pour aller lui dire qu'elle en a encore
besoin. Parce que le médecin lui a dit: Écoutez, je vous en ai
prescrit pour 10 jours; il faut que ça dure un mois, ça. La
personne va essayer que ça dure un mois. Tranquillement, elle va se
déshabituer. Je vous parle comme quelqu'un qui est sur le terrain.
M. Côté (Charlesbourg): Je trouve très
intéressant que vous renouveliez, sur le plan public, une proposition
comme celle-là parce que si elle venait du ministre, ça aurait
l'air d'un gars qui veut couper. Quand elle vient d'un professionnel qui est
capable de donner des avis dans une situation comme celle-là, je pense
qu'elle va davantage capter l'intérêt public et être
davantage au-dessus de la mêlée. Évidemment, on n'est pas
et on ne souhaite pas être dans une situation où on enlève
des médicaments à des personnes qui en ont besoin. Mais ce que je
comprends dans votre proposition, c'est qu'à partir des 21 jours, dans
le cas d'un renouvellement, il y a l'obligation de retourner voir le
médecin et, à ce moment-là, d'interpeller à nouveau
le professionnel sur la nécessité de le faire ou pas. C'est
ça la solution.
M. Lafontaine: Oui, et ça porte la personne à
réfléchir. Pourquoi le professionnel m'a-t-il dit: Je t'en donne
juste pour 10 jours ou 15 jours, maximum 21 jours? La personne se pose des
questions. Il lui dit: Écoutez, il y a un risque d'habitude à
ça. Écoutez, faire de l'insomnie... Il n'y a personne qui est
venu au monde pour faire de l'insomnie tout le temps. Vous faites de l'insomnie
aujourd'hui. Vous n'en ferez pas dans deux ou trois semaines, la semaine
prochaine. On va vous aider à régler votre problème, bon,
bla, bla, bla. Mais il faut qu'il y ait un dialogue comme ça. Ce qui est
dangereux, dans le système actuel, c'est que si on en prescrit 30 puis
que c'est renouvelable trois fois, bon, bien là, c'est 120 jours de
traitement. C'est certain qu'au bout de la ligne la personne va commencer
à souffrir de dépendance.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que, d'après
vous, le prescripteur est toujours parfaitement conscient, en disant
«renouveler trois fois», des effets thérapeutiques presque
inexistants dans le renouvellement?
M. Lafontaine: Je ne croirais pas, mais il faut voir le service
pharmaceutique comme la continuation du service médical. Quand un
médecin prescrit un médicament, le service pharmaceutique,
l'exécution d'une ordonnance médicale, - et c'est là que
ce n'est pas pour nous un service complémentaire - c'est le prolongement
du service médical. À ce moment-là, je pense que le
médecin, quand il a été amené, par des petites
contraintes semblables, à réfléchir, à
conscientiser davantage les dangers d'un médicament, il a très
bien compris. Je rappellerai à cet effet à la commission les
contraintes qui ont été apportées sur les
médicaments utilisés pour diminuer l'appétit, les
anorexigènes, qu'on a mis dans la classe des drogues
contrôlées. Et la prescription est tombée
drasti-quement.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, on me
signale que... Je veux quand même compléter parce que ça
fait partie d'un tout. Il y a donc l'obligation d'un lien très intime
entre le prescripteur et le pharmacien. On voit les effets au niveau du milieu
hospitalier et on dit que dans le reste, à l'extérieur, il faut
que ce lien-là soit très étroit. La carte à
microprocesseur peut être un premier élément. Elle ne
réglera pas tout. Est-ce que, entre les deux ordres, puisque mon bon ami
Augustin est debout en arrière et écoute attentivement, vous avez
essayé de mettre un peu d'ordre là-dedans?
M. Lafontaine: Nous avons des réunions
régulièrement pour essayer de...
M. Côté (Charlesbourg): Ça n'accouche pas.
Ça prendrait probablement une sage-femme pour le faire!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Vous le dites dans votre
mémoire: II faut avoir accès au diagnostic et qu'il y ait une
complicité positive entre le médecin et le pharmacien, si on veut
s'assurer des résultats au bout de la ligne. Quand est-ce que vous allez
nous arriver, les deux ordres, avec une solution à un problème
comme celui-là?
M. Lafontaine: Moi, je pense que c'est dans le four. C'est en
train de cuire. Les rencontres qu'on a régulièrement avec la
Corporation des médecins nous laissent croire qu'il y a peut-être
une petite divergence d'opinion actuellement sur la confidentialité,
mais je pense que c'est en train de se rétablir. À mon point de
vue, le reste, ça va très bien.
M. Côté (Charlesbourg): La confidentialité,
on a vu ça au printemps, c'est un dossier qui leur est cher. (10 h
30)
M. Lafontaine: Oui, mais on est liés au secret
professionnel autant qu'eux, et je pense que, tranquillement, ils en arrivent
à ça.
M. Côté (Charlesbourg): Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je vais souhaiter la
bienvenue à MM. Lafontaine et Boisvert. Déjà, de par vos
remarques d'ouverture et les questions qui vous ont été
posées jusqu'à maintenant, on a un bon aperçu de votre
haute responsabilité professionnelle et de votre rôle dans notre
société. C'est important d'avoir cet éclairage de votre
part parce que, quand on se situe dans le continuum de ce que sont les services
pharmaceutiques, la pharmacologie et les médicaments, dans le
système de santé ou dans le continuum santé pour un
être humain, eh bien, devant cette commission, ici, on a
déjà entendu... Ça va du fait que vous êtes des
empoisonneurs publics jusqu'à l'opinion que vous nous donnez ce matin,
des supports et des éléments intrinsèques importants.
Alors, c'est important d'avoir votre opinion en tant que professionnels
du secteur parce que, comme dans d'autres éléments de notre
système, il y a des mythes qu'il faut abattre, il y a des mythes qu'il
faut détruire, il y a des stéréotypes ou il y a des images
qu'il faut écraser, et il faut reconnaître à chacun des
éléments du système son apport à l'effet global
recherché, qui est la santé et le mieux-être des personnes.
Vous le faites très bien, quant à moi, avec ce que vous avez fait
dans le passé et ce que vous faites ce matin et, je pense, ce qu'on peut
faire dans l'avenir.
Vous savez cependant, évidemment, que nous sommes maintenant
réunis ici moins pour réorganiser les structures, moins pour
regarder ce que nous pourrions faire en quelque sorte de plus dans le
système avec un certain nombre de catégories de professionnels,
mais parce qu'on est dans le trou, parce qu'il manque 2 800 000 000 $ d'ici
cinq ans. Et on va voir, d'ici la fin de la commission, probablement, l'option
du gouvernement. Si l'option du gouvernement, c'est de maintenir sa
contribution à partir du fonds consolidé à l'indice des
prix à la consommation plus 1 %, au cours des cinq prochaines
années, le trou va être de 5 500 000 000 $.
Dans ce contexte-là, oui, il faut donc rechercher, pour une
certaine période de temps, si on ne veut pas perdre les acquis du
régime, un certain nombre de mesures d'efficacité et
d'efficience, et ça, vous pouvez nous aider là-dedans parce que
le secteur professionnel dans lequel vous oeuvrez est, je dirais, probablement
le plus souvent pointé. Si on regarde ça à vue de nez, il
y a deux secteurs qui sont le plus généralement pointés
comme étant... Il faut le dire, comme les gens nous le disent ici, ou
selon la réflexion qui nous parvient. Ils nous disent: Les
médicaments et les médecins...
Hier soir, je disais à des groupes: Je trouve dramatique
l'espèce de cassure entre nos professionnels de la santé -
j'entends les médecins - et ce qu'un certain nombre de
représentants du mouvement communautaire et des organismes
bénévoles sont venus nous dire hier soir. Il y a moins de
journalistes vers 9 h 50, c'est moins croquant un petit peu. Mais j'ai
trouvé ça dramatique de dire qu'il y a 14 000
Québécois et Québécoises, professionnels de la
santé, qui sont directement liés à l'amélioration
de l'état de santé, qu'il y aurait comme une brisure. Il y a
comme une cassure entre ces deux catégories et, comme
Québécois et comme Québécoises, on ne peut pas
poursuivre indéfiniment cette séquence-là.
C'est ce qui m'amène à m'interroger sur ces
éléments-là, sur cette problématique du financement
de la santé et de nos services sociaux. À la page 11 de votre
mémoire, refaisant un petit peu l'historique de vos ententes et de vos
relations avec l'État, avec le gouvernement, vous dites:
«L'entente liant l'Association québécoise des pharmaciens
propriétaires - et on y viendra plus particulièrement
après - et le gouvernement du Québec ne porte que sur trois
services pharmaceutiques assurés: l'exécution ou le
renouvellement d'une ordonnance; l'opinion pharmaceutique; le refus
d'exécuter une ordonnance ou son renouvellement.»
À l'Ordre, comme dans l'expérience qui s'est faite
à Purdue, est-ce que vous avez quantifié le refus d'ordonnance
fait par les pharmaciens, compte tenu de ce qui vous arrive, vous autres, comme
exécuteurs et professionnels qui avez une opinion quant à la
personne qui est devant vous et quant à ce qui lui est prescrit?
M. Lafontaine: J'ai posé la question justement à M.
Boucher qui se lève, de la Régie de l'assurance-maladie du
Québec, il y a couple d'années, et le nombre de refus
payés par la Régie est d'environ 900 à 1000 par
année. Il faut dire, cependant, que quand un pharmacien envoie une
réclamation à la Régie de l'assurance-maladie du
Québec pour un refus d'ordonnance, c'est qu'il a la preuve d'un abus
flagrant chez un patient ou c'est qu'après avoir discuté avec un
médecin sur la non-opportunité d'exécuter l'ordonnance, le
médecin a refusé de modifier son ordonnance. Le pharmacien, lui,
s'est vu dans l'impossibilité de l'exécuter. Donc, il l'a
enregistrée comme un refus. Mais ces refus, si vous voulez, ou ces
accrochages, ces chocs entre médecins et pharmaciens, sont quand
même très rares parce que le médecin reconnaît: Oui,
j'ai donné le mauvais médicament dans ce cas-ci. Ou bien: Je ne
savais pas que cette patiente était
allergique à la pénicilline. Bon, vous me l'apprenez. Ou
bien: Je ne savais pas que cette personne prenait déjà tel
antiinflammatoire - donc, ça fait un deuxième antiinflammatoire.
Je vais modifier le dosage.
Il y a entente verbale, si vous voulez, entre le prescripteur et le
pharmacien. Les pharmaciens ne vont pas, à ce moment-là,
collecter à la Régie de l'assurance-maladie les honoraires qui
sont prévus parce qu'il y a eu entente. Bon, mais des relus, il y en a
à peu près 1000 par année qui sont réclamés;
c'est tout. Ce sont des refus qui sont véritablement des refus. Cela,
c'était un blocage entre les deux professionnels. L'un dit: C'est
ça qui devrait être. L'autre dit: Non, ce n'est pas ça et
je dois refuser. Alors, le patient, à ce moment-là, reprend son
ordonnance et s'en va voir un autre pharmacien ou s'en va voir un autre
médecin. Je ne sais pas ce qui se passe.
M. Trudel: Dans l'ensemble, quant à la quantité,
c'est négligeable.
M. Lafontaine: C'est ça. C'est négligeable,
oui.
M. Trudel: Ce n'est pas un problème majeur.
M. Lafontaine: Non, mais il reste que les 1000 cas
enregistrés méritaient de ne pas être
exécutés. Ça, c'est clair et net, par exemple.
M. Trudel: Et là, vous dites que c'est le comité
qui avait été prévu à l'article 41, à la
création de la RAMQ, si j'ai bien compris, à la page 14, sur
quant à la révision des actes pharmaceutiques. Ça n'a
jamais existé, ça ne s'est jamais réuni.
M. Lafontaine: Ça ne s'est jamais réuni et ce n'est
pas la faute des pharmaciens parce que ce comité-là doit
être réuni à la demande de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec. Ça, ce comité-là,
moi, je pense qu'il doit fonctionner. Il doit fonctionner
régulièrement parce que ce n'est pas un comité dans le
sens policier. C'est un comité qui peut aider la corporation à
voir les lacunes chez leurs professionnels, si, dans un profil de pratique...
Alors, ça a un effet dis-suasif - si vous le voulez, je le
conçois - mais ça peut avoir un effet beaucoup plus grand,
c'est-à-dire un effet facilitateur, aider la corporation à
améliorer la qualité de la pratique des professionnels. Moi, je
suis...
M. Trudel: À la RAMQ, là...
M. Lafontaine: ...je déplore beaucoup, je l'ai dit
à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, à M.
Cantin, que je déplorais beaucoup que ce comité, qui a
été prévu il y a déjà 20 ans, n'ait pas
encore commencé à fonctionner.
M. Trudel: C'est parce que c'est assez incroyable, compte tenu du
fait qu'on met 500 000 000 $ - 518 000 000 $ plus précisément -
dans nos programmes couverts par la Régie de l'assurance-maladie du
Québec, 518 000 000 $, et qu'un comité spécifiquement
prévu pour donner les avis par des professionnels du secteur et en
matière d'actes et, forcément, en matière de consommation
aussi - il y a une relation évidente entre les deux - ne se soit jamais
réuni depuis 20 ans. Alors, il ne faut pas se surprendre. M. le
président avait quelque chose à ajouter.
Le Président (M. Joly): M. Boisvert voulait ajouter
quelque chose.
M. Boisvert (Alain): C'est particulièrement important dans
le contexte de ce comité-là. Il faut le voir comme un actif, il
faut le voir comme une contribution réelle, comme une source de dialogue
sur le problème, justement, entre autres, de la contention des
coûts, mais aussi une façon pour la corporation et pour les
pharmaciens propriétaires de donner du «feedback» à
l'État sur la justification de certaines réclamations. Il y a
parfois des réclamations qui sont faites et qui ne sont pas
compréhensibles par l'État, mais qui, lorsqu'on les regarde avec
la perspective du terrain, peuvent être compréhensibles. On pense,
entre autres, à certaines réclamations qui ont été
faites à propos des piluliers hebdomadaires, des semainiers, ce qu'on
appelle dans notre jargon, les dosettes. C'est une façon de
présenter le médicament pour les personnes âgées,
qui en facilite la gestion et qui peut, dans certains cas, prévenir
l'institutionnalisation des personnes âgées. Il y a eu beaucoup
d'incompréhension sur cette pratique-là en pharmacie alors qu'en
réalité, dans la majeure partie des cas, cette pratique-là
avait un but préventif: elle permettait aux personnes âgées
de mieux utiliser leurs médicaments. Un comité de révision
qui aurait été saisi de cette question aurait pu la vider
rapidement et empêcher que l'incompréhension qui a pu exister
entre l'État et les pharmaciens, pendant un certain temps, se
perpétue.
M. Trudel: Une remarque simplement là-dessus. Je trouve
ça assez incroyable, même si ça a été
prévu formellement dans la loi, qu'on n'ait pas mis à
contribution les professionnels de la pharmacie au Québec. On
s'aperçoit aujourd'hui qu'on est aux prises avec une somme de questions
assez importantes et assez impressionnantes parce qu'on est alarmés,
évidemment, par l'impossibilité de continuer dans la même
direction au plan des coûts, vous le savez, grâce à qui, je
vous fais grâce de la démonstration. Mais aujourd'hui, on se dit:
Oui, peut-être qu'on aurait pu demander l'opinion des pharmaciens. Je
trouve ça scandaleux qu'on n'ait pas demandé l'opinion des
pharmaciens quant aux 518 000 000 $ que nous payons à titre de
services pharmaceutiques. par ailleurs, je suis obligé de vous poser la
question un peu globalement. quand je vous dis, parmi les grands
phénomènes qui sont pointés en matière de
coûts de services assurés au québec, c'est les
médicaments et, plus spécifiquement - ça, ça
revient de façon régulière dans le décor; on va en
entendre parler probablement 40 fois sur 44 au cours des prochains jours - les
médicaments chez les personnes âgées... est-ce que vous
croyez - on en a pour 396 000 000 $, 400 000 000 $ - qu'un meilleur suivi sur
le terrain du résultat et un meilleur contrôle, par exemple, par
les pharmaciens auprès des personnes âgées peuvent nous
amener à ce chiffre qui est avancé le plus fréquemment
d'une économie de 100 000 000 $ par année, en particulier chez
les personnes âgées où nous retrouverions la plus grande
partie des surconsommateurs de médicaments au québec? est-ce que
c'est réaliste ça? parce qu'à la fin de cette commission,
le gouvernement va avoir à établir le «score». il
sait déjà qu'il lui manque 1 200 000 000 $ parce que le
fédéral ne paie pas sa facture. bon, puis là, il faut
tenter de sauver les affaires. est-ce que c'est réaliste, 100 000 000 $
pour un meilleur contrôle et suivi des médicaments aux personnes
âgées dans le système actuel?
M. Lafontaine: Je ne peux pas chiffrer. Je ne peux pas vous dire
si 100 000 000 $ ou 85 000 000 $, c'est réaliste. Je ne peux pas
chiffrer ça. Mais je peux vous dire que le service pharmaceutique doit
être vu comme la continuation du service médical. C'est pour
ça que les services pharmaceutiques ne peuvent pas être
considérés comme des services complémentaires. Je ne sais
pas où la définition de «services
complémentaires» a été prise pour l'appliquer
à des services pharmaceutiques. Quand un médecin recommande la
chirurgie, je pense que la chirurgie est un service complémentaire
à son service médical. Quand il utilise la prescription
médicale, je pense que le médicament devient le service essentiel
lié a son acte précurseur. Alors, je pense que si la commission
voulait changer cette notion de services complémentaires pour les
services pharmaceutiques, moi, j'en serais très aise. Les services de
prévention, les services reliés à la prévention des
effets secondaires, à une meilleure gestion par les personnes
âgées de leur médication, que le pharmacien seul peut
assurer dans le système chez nous, pourraient certainement amener des
économies importantes. Pas seulement des économies chiffrables
dans le livre de la Régie de l'assurance-maladie en termes de
médicaments, mais des économies en termes de non-hospitalisation
consécutive.
M. Trudel: II me reste trois minutes, si vous me le
permettez.
Le Président (M. Joly): II y a M. Boisvert, je
pense, qui voulait intervenir peut-être, en complément de
réponse, rapidement. (10 h 45)
M. Boisvert: Très rapidement. Je voulais simplement
mentionner... Je ne sais pas, moi non plus, si une coupure de 100 000 000 $
dans les programmes destinés aux personnes âgées est
réaliste, si l'on considère que la première
catégorie de médicaments visés, c'est les
médicaments cardiovasculaires, où il ne devrait pas logiguement
ou rationellement y avoir autant d'abus qu'on le pense. Cependant, j'attire
l'attention de la commission sur un élément de notre
mémoire qu'on a évoqué, qu'on a souligné à
nouveau durant la période de questions, c'est notre suggestion de mettre
sur pied le plus rapidement possible, en milieu communautaire, un réseau
de revues de l'utilisation des médicaments. Un réseau comme
celui-là générerait l'information qui est
nécessaire pour répondre à la question que vous me posez.
Il nous permettrait de le faire d'une façon spécifique pour
certaines classes de médicaments ou certains groupes de
bénéficiaires plutôt que pour l'ensemble.
M. Trudel: Pour ramasser du fric, là, vous autres, vous
rejetez l'impôt-services sur les services complémentaires. Vous
venez de m'expli-quer ça. Vous dites à la page 17: «Le
projet d'impôt-services appliqué aux médicaments et aux
services pharmaceutiques n'est évidemment pas de nature à
générer l'enthousiasme en notre milieu.» C'est comme un
rejet, ça, là. Vous autres, vous optez pour la tarification.
Est-ce que la tarification sur un médicament, pour vous, c'est en vue de
faire baisser la consommation ou de faire entrer plus d'argent dans le
système? Est-ce que c'est une taxe ou si c'est un moyen de
réduire la consommation?
M. Boisvert: C'est beaucoup plus un moyen de réduire la
consommation. La tarification, si elle est appliquée selon les
règles qu'on a proposées ici, ce serait un moment de
réflexion de la part du consommateur sur la nécessité pour
lui de prendre ce médicament. Alors, je ne pense pas que la
tarification, si elle était appliquée au système,
générerait à ce point-là plus d'argent, parce qu'il
ne faut pas perdre de vue, dans notre mémoire, qu'on a insisté
sur le fait qu'il fallait demeurer sensible au fait que ça ne
crée pas de barrières à l'accessibilité aux
services essentiels.
M. Trudel: Parfait, c'est très clair. C'est pour qu'on
s'entende bien sur les mots, pour ne pas qu'on dise n'importe quoi. C'est un
ticket modérateur. Bon. Soyons clairs. Appelons les choses par leur
nom.
M. Lafontaine: Ce n'est pas un ticket modérateur au point
de...
M. Trudel: Si c'est pour faire baisser la consommation...
M. Lafontaine: ...réception du médicament. Parce
qu'à ce moment-là les personnes âgées vont se
refuser à ça. Ça a un incitatif négatif. Et un
incitatif négatif, dans les médicaments pour l'hypertension et
pour les troubles car-diovasculaires, je peux vous dire que vous allez avoir
des coûts d'hospitalisation beaucoup plus élevés.
Prévoyez une augmentation de ce côté-là. Ça,
c'est important.
Le Président (M. Joly): Merci. En conclusion, s'il vous
plaît, M. le député.
M. Trudel: Je conclurai, M. le Président, en disant que je
sais bien qu'en employant les mots «ticket modérateur»,
ça heurte vos oreilles un peu. Mais je vais employer ça au sens
positif. Ce n'est pas une mesure chargée d'apporter du fric dans la
caisse. C'est ce que vous m'avez répondu à ce titre pour
là tarification. Alors, je n'ai pas dit le mot
«modérateur», mais ça n'apportera pas de fric dans la
caisse.
Merci beaucoup de votre contribution. J'aurais aimé terminer en
disant que votre contribution, bien sûr, est importante, et nous verrons
probablement avec l'Association des pharmaciens propriétaires, qui sont
quand même dans votre famille, un peu plus loin, au niveau de la
capitation, ce que ça pourrait vouloir dire. Merci beaucoup de votre
contribution. C'est un mémoire très intéressant.
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup.
Évidemment, la dernière question aurait mérité
d'être continuée parce qu'il s'agit de voir aussi si ailleurs il y
a d'autres sortes d'études qui peuvent étayer ça ou
apporter d'autres éclairages. C'est une question qui reste là. Il
faut continuer de collaborer. Alors, j'attends beaucoup de résultats de
votre rencontre avec l'autre ordre. Peut-être que d'ici mardi soir,
où on aura le plaisir d'avoir Augustin en soirée, vous pourrez
vous voir et essayer de voir quel chemin on peut faire au
bénéfice de nos concitoyens consommateurs.
Je vous remercie de votre travail et de l'effort de vous mettre
au-dessus de la mêlée, et de vos offres de service aussi.
Merci.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup au nom des membres
de la commission. Je demanderais maintenant à l'Association
québécoise des pharmaciens propriétaires de bien vouloir
s'avancer, s'il vous plaît. Comme vous voyez, nous sommes un petit peu
bousculés par le temps. Alors, s'il vous plaît, j'ai un petit peu
de rattrapage à faire. Je vais demander la coopération de tout le
monde. Alors, M. Prud'homme, j'apprécierais si vous pouviez nous
introduire les gens qui vous accompagnent.
Association québécoise des pharmaciens
propriétaires
M. Prud'homme (Jean-Guy): Oui. Alors, les gens qui m'accompagnent
ici ce matin sont, à ma gauche, Mme Nancy Morissette et M. André
Descôteaux et, à ma droite, M. Raymond Chevalier.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Vous avez une
vingtaine de minutes pour nous livrer votre mémoire. Déjà,
la version révisée de votre mémoire a été
distribuée aux parlementaires.
M. Prud'homme: Parfait, merci. Le Président (M. Joly):
Merci.
M. Prud'homme: Alors, M. le Président, M. le ministre,
mesdames, messieurs de la commission, permettez-moi d'abord de vous remercier
de nous avoir invités à participer à cette commission.
Dans la foulée de la publication d'un document de réflexion
intitulé «Un financement équitable à la mesure de
nos moyens», le ministère de la Santé et des Services
sociaux sollicite les avis des différentes parties concernées par
l'évolution et le contrôle des coûts du système de
santé québécois. Dans le cadre de ce débat,
l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires,
l'AQPP, désire soumettre un ensemble de propositions dont l'objectif
général est d'améliorer l'efficacité et de
réduire les coûts du programme provincial
d'assurance-médicaments.
La pharmacie communautaire est un point de service vital du
système de soins québécois. Le pharmacien communautaire
est peut-être le professionnel de la santé qui est le plus
accessible aux citoyens, du fait de sa disponibilité, des longues heures
d'ouverture et du grand nombre de pharmacies - plus de 1400 à travers le
Québec. La dispensation de médicaments étant un acte
posé sur une base fréquente et régulière, elle
facilite le développement d'une relation de confiance entre le
pharmacien et son patient, contribuant à faire de l'officine
privée un véritable lieu d'information, de suivi et de
conseil.
En tant que professionnels de la santé, les pharmaciens
propriétaires du Québec sont préoccupés par la
croissance exponentielle des coûts associés à la
consommation de médicaments. Dans le présent mémoire,
l'AQPP entend rappeler quels sont les principaux facteurs d'augmentation des
coûts du programme d'assurance-médicaments et entend soumettre un
certain nombre de mesures pour freiner et même réduire
sensiblement les coûts. De l'avis de l'AQPP, ces mesures sont
réalistes et présentent l'intérêt de pouvoir
être appliquées à très court terme.
En tant que principaux dispensateurs de services dans le cadre du
programme, les pharmaciens propriétaires sont prêts à faire
plus que leur part dans les efforts de contrôle des coûts. En
même temps, les membres de l'AQPP tiennent à faire
reconnaître à leur juste valeur leurs interventions auprès
des bénéficiaires. Le mémoire abordera donc les
thèmes suivants: l'évolution des coûts du programme, les
principes d'intervention à respecter, les mesures relatives à la
clientèle bénéficiaire, les mesures relatives à la
consommation de médicaments, les mesures relatives au coût des
médicaments ainsi que les mesures relatives aux honoraires
professionnels des pharmaciens.
Le programme d'assurance-médicaments assure la gratuité
des médicaments et des services pharmaceutiques aux prestataires de
l'aide sociale depuis 1970 et aux personnes âgées depuis 1977.
Entre 1985 et 1990, le coût total du programme a doublé, passsant
de 245 000 000 $ à 500 000 000 $, soit une augmentation de l'ordre de 15
% par an - et c'est expliqué au tableau, au bas de la page 2. Les deux
facteurs responsables de cette hausse importante sont, dans l'ordre: une
inflation de 10 % par an du prix des médicaments et une demande accrue
d'ordonnances de la part des bénéficiaires. En l'espace de cinq
ans, le nombre d'ordonnances remplies annuellement pour chaque
bénéficiaire a augmenté de plus de 40 %.
Durant cette période, la clientèle du programme est
demeurée stable en raison d'une diminution du nombre de prestataires de
l'aide sociale. Néanmoins, les effets du vieillissement de la population
ont commencé à se faire sentir sur les coûts du programme,
puisque la proportion des coûts totaux imputable aux personnes
âgées est passée de 69 % à 76 % entre 1985 et
1990.
Le coût des services pharmaceutiques qui accompagnent la
dispensation des médicaments a pour sa part quasiment stagné au
cours des dernières années, passant de 4,05 $ par ordonnance en
1985 à 4,51 $ en 1990. Les honoraires professionnels versés aux
pharmaciens ne représentent plus que 26 % des coûts du programme,
contre 34 % en 1985. Cette situation résulte aussi du fait que les
honoraires n'ont pas été indexés depuis 1989.
L'AQPP est consciente que le programme d'assurance-médicaments
doit être réévalué et que des mesures doivent
être prises pour en contrôler les coûts pour les
contribuables. Néanmoins, l'AQPP estime que ce programme comporte des
aspects positifs qui méritent d'être sauvegardés, quelles
que soient les orientations privilégiées par ailleurs. Ainsi,
l'AQPP propose que toute réforme du programme soit inspirée des
principes de base suivants: maintenir l'accessibilité entière du
programme pour les citoyens les plus démunis; réaffirmer le
rôle primordial du pharmacien communautaire comme dispensateur de
médicaments dans le cadre du programme, encourager davantage les
interventions axées sur la prévention et le suivi des
bénéficiaires par rapport à celles axées sur la
stricte consommation de médicaments; établir la
prérogative de l'État en tant que tiers payeur quant au
contrôle des coûts des médicaments; respecter la
liberté d'entreprise des responsables de la distribution des
médicaments.
Dans la suite du présent document, l'AQPP entreprend une analyse
des différentes composantes du programme d'assurance-médicaments
et livre ses recommandations quant aux éléments d'une
réforme possible et souhaitable qui tienne compte des principes
énoncés ci-haut.
La clientèle bénéficiaire. L'AQPP croit qu'il est
du ressort ultime du gouvernement de décider quelles clientèles
doivent continuer à bénéficier de médicaments
gratuits dans le contexte budgétaire et financier actuel et
prévisible. Néanmoins, advenant qu'une désassurance
partielle soit envisagée, l'AQPP est d'avis qu'elle devrait s'orienter
selon deux axes gradués. Dans un premier temps, il serait possible de
faire contribuer financièrement la clientèle des personnes
âgées, tout en tenant compte de la capacité de payer, afin
de garantir l'accessibilité des services pour les personnes à
faibles revenus.
L'AQPP est prête à examiner avec le gouvernement les
modalités d'application d'un impôt-services ou d'une tarification
fixe sur le coût des ordonnances. À titre illustratif, une
tarification fixe de 3 $ qui serait appliquée à la moitié
des personnes admissibles permettrait de générer un revenu
estimé à environ 30 000 000 $ dès la première
année d'application, ce qui n'est pas négligeable.
Dans un deuxième temps, il serait possible d'établir des
mécanismes de contrôle plus sévères de la
consommation des services pharmaceutiques. En 1990, les pharmaciens
propriétaires ont conclu une entente avec le ministère pour
assurer le suivi de certains patients présentant un profil de
consommation exceptionnellement élevé. Toutefois, ce premier
effort est loin d'avoir éliminé entièrement les
problèmes pour l'ensemble du système de santé, car
certains bénéficiaires consultent plusieurs médecins et
paient eux-mêmes leurs médicaments dans diverses pharmacies. Il y
a lieu d'élaborer des mécanismes de contrôle plus efficaces
et de les appliquer à un plus grand nombre de
bénéficiaires. Le pharmacien est le partenaire idéal pour
développer et appliquer de tels mécanismes. entre 1985 et 1990,
le nombre d'ordonnances remplies annuellement pour chaque personne admissible
au programme est passé de 15,4 à 21,8. cette tendance pourra sans
doute être freinée en partie par l'instauration d'une tarification
pour ceux ayant la capacité de payer et par un contrôle plus
rigoureux de certaines
catégories de bénéficiaires. Néanmoins, une
intervention professionnelle est nécessaire pour enrayer le
phénomène de la surmédication, dont les
conséquences sont graves tant sur le budget de l'État que sur
l'état de santé des bénéficiaires. {11 heures)
Le pharmacien communautaire, grâce aux informations qu'il tient
à jour dans les dossiers de ses patients, est à même de
détecter les problèmes de consommation de médicaments. Les
Interventions professionnelles de la part du pharmacien peuvent
générer des économies importantes non seulement au niveau
du programme de médicaments, mais également dans les coûts
des consultations médicales et dans les frais d'hospitalisation. Par
exemple, le dépistage de l'inobservance au traitement chez les
hypertendus peut conduire à réduire la fréquence de prise,
à diminuer la dose ou à éviter le recours à un
médicament plus puissant et souvent plus coûteux. Certains
patients consommant un grand nombre de médicaments peuvent être
amenés à rationaliser leur consommation suite à la
préparation d'un profil pharmaco-thérapeutique
détaillé et complet. Un calendrier de sevrage pour un patient
prenant des médicaments hypnosédattfs sur une base
régulière peut permettre de réaliser une économie
annuelle d'une centaine de dollars, lorsqu'il s'avère efficace.
Uniquement pour ces trois cas, la clientèle visée
représente plus de 300 000 bénéficiaires du programme.
À l'heure actuelle, la complexité des modalités de
réclamation fait en sorte que les pharmaciens communautaires ne sont pas
incités à réaliser des interventions relatives à
ces problèmes, d'autant plus que ces interventions supposent
généralement un avis écrit au médecin traitant.
C'est pourquoi l'AQPP recommande la mesure suivante. Le gouvernement doit
encourager la réalisation d'opinions pharmaceutiques en adoptant une
codification type de réclamation et en haussant de façon
significative les tarifs d'honoraires applicables aux opinions.
De l'avis de l'AQPP, les économies réalisées suite
aux opinions pharmaceutiques dépasseront de beaucoup les honoraires
additionnels à verser aux pharmaciens. Alors que l'opinion n'est
payée que d'une façon ponctuelle, les économies
potentielles s'étalent sur plusieurs mois et même sur toute la
durée de vie du patient.
Le coût des médicaments. L'augmentation du coût des
médicaments est la principale source d'inflation du programme. Il en
coûte présentement autour de 400 000 000 $ pour rembourser aux
pharmaciens le coût d'achat des médicaments dispensés aux
bénéficiaires. Or, des économies substantielles sont
possibles à ce chapitre, et ce, à deux niveaux. D'une part,
l'élaboration de la Liste des médicaments devrait tenir compte de
critères clairs, objectifs et plus restrictifs pour la sélection
des médicaments couverts par le régime. Cette mesure pourrait
permettre des économies substantielles. De plus, des conditions
d'utilisation balisant la sélection des médicaments lors de la
prescription peuvent diminuer encore davantage les coûts du
programme.
D'autre part, le gouvernement pourrait réviser sa politique de
remboursement relative aux produits substituables de la Liste des
médicaments, en appliquant le prix de la source la moins chère,
comme le fait déjà le gouvernement ontarien. Le tableau 2,
à la page 7, compare justement les prix de 10 produits substituables
choisis parmi les 50 médicaments les plus utilisés au
Québec, avec les prix de ces mêmes produits en Ontario. On observe
des écarts de 25 % à 125 % dans les prix remboursés entre
les deux provinces, au détriment du Québec. Selon tes estimations
de l'AQPP, le coût de la politique actuelle du gouvernement
vis-à-vis des produits substituables est de l'ordre de 10 % de la
facture totale des médicaments, représentant une
dépensé excédentaire de 40 000 000 $ par an. L'AQPP ne
croit pas qu'il est justifié de faire un tel cadeau à l'industrie
pharmaceutique, surtout lorsque l'on considère que cette industrie
possède déjà un monopole de fait sur environ 60 % du
marché de la prescription au Québec, c'est-à-dire sur tous
tes médicaments pour lesquels il n'existe qu'une seule source possible
d'approvisionnement en vertu de la protection accordée sur les
brevets.
En ce qui a trait aux modalités de remboursement des pharmaciens,
ces derniers pourraient continuer à obtenir, comme c'est le cas à
l'heure actuelle, le prix réel d'acquisition plus une composante
relative qui y est directement liée. Cette méthode
éviterait que ne se creuse un écart trop important entre la
hausse des prix des frais d'administration des pharmaciens et la hausse de leur
rémunération, tout en maintenant l'administration simple d'un
système de paiement se référant à une liste de prix
unique.
En définitive, pour l'AQPP, il est nécessaire de
réviser la politique de remboursement du coût des
médicaments à partir des trois règles suivantes: T des
prix de vente garantis par les fabricants comme étant les plus bas prix
au Canada; 2° des prix plafonds, pour les produits substituables, selon la
source la moins chère disponible sur le marché; 3° une
composante liée au prix réel d'acquisition du médicament
comme une portion de la rémunération des pharmaciens.
Le coût des honoraires professionnels. Les honoraires
professionnels des pharmaciens propriétaires sont gelés depuis le
1er juin 1989. Cette situation signifie qu'en moyenne les membres de l'AQPP
traînent des arriérés d'honoraires avec la Régie de
l'ordre de 20 000 $. Par ailleurs, les honoraires des pharmaciens
québécois sont maintenus plus de 2 $ sous la moyenne canadienne,
et vous pouvez vérifier le tableau qui suit.
L'indexation des honoraires, selon les
paramètres qui ont été appliqués aux autres
employés de l'État de 1989 à 1992, devrait ramener la
rémunération des pharmaciens propriétaires au taux de 5,40
$ par ordonnance. De plus, pour refléter le manque à gagner
encouru au chapitre du coût des médicaments au moment de
l'implantation des prix réels d'acquisition, l'AQPP réclame une
compensation monétaire qui permettrait de rapprocher le tarif
d'honoraires de la moyenne canadienne. La rémunération des
pharmaciens propriétaires dans le cadre du programme doit comprendre une
composante liée au prix réel d'acquisition du médicament.
Il est à noter qu'une telle pratique est répandue dans toutes les
provinces, à l'exception de la Colombie-Britannique.
En conclusion, les coûts du programme
d'assurance-médicaments ont augmenté au rythme annuel de 15 %
depuis 1985, soit beaucoup plus rapidement que l'indice du coût de la vie
et que la croissance du produit intérieur brut. L'AQPP reconnaît
l'urgence de réévaluer le programme et d'appliquer des mesures de
contrôle des coûts. En même temps, l'AQPP désire
mettre en garde le ministère contre toute tentative de résoudre
l'équation du financement en sabrant dans les honoraires professionnels
des pharmaciens. Au tarif actuel de 4,50 $ par ordonnance, ces honoraires sont
déjà 2 $ sous la moyenne canadienne, ce qui en dit long sur le
rattrapage nécessaire à ce chapitre.
L'AQPP estime que les mesures de contrôle doivent s'adresser avant
tout aux deux principales sources d'augmentation des coûts du programme,
à savoir l'inflation sur les médicaments et l'augmentation de la
consommation. Parmi les mesures réalistes envisageables dès
maintenant, l'AQPP préconise notamment la tarification partielle pour
les personnes âgées, un contrôle plus rigoureux de la
consommation des prestataires de l'aide sociale, un suivi plus étroit
des bénéficiaires par les pharmaciens communautaires et le
remboursement des médicaments au plus bas prix possible.
De l'avis de l'AQPP, ce train de mesures est apte à
générer des économies substantielles dans les coûts
du programme, pouvant se chiffrer facilement à quelque 100 000 000 $
dès la première année d'application. À plus long
terme, on peut croire que des outils de contrôle et de suivi plus
sophistiqués, tels que la carte à puce, etc., permettront de
rationaliser davantage l'utilisation des services pharmaceutiques par les
bénéficiaires du programme.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Évidemment, on va se rassurer l'un et l'autre, on ne
négociera pas ici, on va tenter de faire abstraction de ce qui nous
divise ou nous unit dans la négociation que, je souhaite...
M. Prud'homme: Nous sommes tout à fait d'accord, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): ...on termine le plus
rapidement possible...
M. Prud'homme: Nous aussi.
M. Côté (Charlesbourg): ...pour aborder d'une
manière un petit peu plus générale, mais aussi
spécifique, un certain nombre de points qui sont soulevés dans
votre mémoire et qui ont le mérite d'être là et
d'alimenter notre discussion.
Tantôt, je disais à l'Ordre, et vous étiez ici
à ce moment-là, que, de 1986 à 1990, on est passé,
vous l'avez dit tantôt, de 250 000 000 $ à 500 000 000 $. Peu
importe si les chiffres varient un peu, on a quand même doublé en
termes de coûts. Ce n'est pas le nombre de prestataires admissibles qui a
augmenté; au contraire, il a diminué de 1 334 000 à 1 314
000. Donc, on a une situation où il n'y a pas plus de personnes qui ont
accès à cette gratuité de médicaments. Est-ce que
c'est la seule explication... Le nombre d'ordonnances par personne
admissible... Parce qu'on est passé, pendant cette
période-là, de 16,4 à 21,8. Je suis assez à l'aise
de vous la demander à vous, parce que ce n'est pas vous qui donnez les
ordonnances, c'est quelqu'un d'autre. Est-ce que ça s'expliquerait
uniquement par le vieillissement de la population, l'augmentation de 16,4
ordonnances par bénéficiaire à 21,8, quand on
considère qu'il y a 1 314 000 personnes qui bénéficient de
ces services-là?
M. Prud'homme: II reste que, oui, une grande explication est
fournie par, justement, la diminution des prestataires de l'aide sociale et
l'augmentation, finalement, des personnes âgées à
l'intérieur de l'enveloppe globale. Je pense qu'il y a une forte
augmentation qui est due à ça.
M. Chevalier (Raymond): Le phénomène qui se produit
aussi, c'est qu'au cours des années quatre-vingt, il y a plusieurs
nouvelles molécules qui se sont retrouvées sur le marché
et, au fur et à mesure que la décennie quatre-vingt a
avancé, on a traité des pathologies qui, anciennement,
requéraient des hospitalisations et des traitements chirurgicaux ou de
la radiothérapie avec des médicaments, ce qui fait qu'on a
évidemment beaucoup augmenté le nombre de médicaments si
on regarde ça. On a augmenté le montant d'argent qui a
été investi de ce côté-là, mais on a
diminué les coûts de certains soins en centres hospitaliers.
M. Côté (Charlesbourg): Ma question, je vais prendre
le soin de le dire, ne se veut pas vicieuse. Non, ce serait plus évident
que ça si elle l'était. Est-ce que le semainier n'a pas aussi
influencé cette augmentation-là?
M. Prud'homme: En effet, le semainier a évidemment une
influence, mais c'est une technologie nouvelle qui a été
présentée en pharmacie pour aider, justement, les consommateurs
à avoir un meilleur suivi de leur médication. Je pense qu'on ne
peut pas mettre de côté l'utilisation de ça.
M. Côté (Charlesbourg): On est quand même
passé avec des augmentations substantielles. C'a fait l'objet de nos
échanges et je pense que, là-dessus, à tout le moins, on
s'est pas mal entendus sur le semainier. Mais il y a eu une augmentation assez
substantielle de l'utilisation du semainier, qui n'était pas
nécessairement requis, je pense, dans tous les cas. Je comprends que la
base même de ça, c'est pour une sécurité de
l'individu qui en a besoin pour être capable d'avoir son suivi, mais pas
en volume aussi important que ce qu'on a connu au cours des dernières
années. Et le plus bel exemple, c'est qu'on s'entend sur une opinion
pharmaceutique et sur le moyen d'examiner de très près l'effet de
tout ça pour le donner aux personnes qui en ont besoin et non pas aux
personnes qui n'en ont pas besoin.
Ma deuxième question porterait sur une discussion qu'on a eue
tantôt avec l'Ordre, et j'ai l'impression que vous représentez
à peu près les mêmes personnes. Lorsqu'on parlait d'une
tarification, tout à l'heure, on disait qu'il y avait certains risques,
certains impacts, par exemple dans les maladies cardiovasculaires,
l'hypertension et même le cholestérol et on disait tantôt
qu'il y a ce risque-là. Est-ce que vous partagez cette opinion? Et je
vais vous donner ma deuxième question qui suit pour bien
démontrer qu'il n'y a rien de caché, il n'y a pas d'as
caché. Si c'est ça, est-ce que ça s'appuie sur des
études sérieuses? Parce que, lorsque je regarde le tableau qu'on
a rendu public, à la page 122 de notre document, et que je regarde les
autres provinces, dans toutes les autres provinces, sauf l'Ontario et le
Québec, sur le plan des médicaments, il y a ce genre de
tarification. Est-ce à dire que dans les autres provinces ils n'ont pas
tenu compte de ce phénomène-là, quant à la
tarification ou quant aux effets de la tarification? Moi, ça me
paraît un peu spécifique aussi dans ce domaine-là avec
l'Ontario par rapport aux autres provinces.
M. Prud'homme: Écoutez, je pense que la tarification,
telle qu'on l'a mentionnée, nous, pourrait aider justement à
conscientiser finalement un peu tout le monde de prendre leurs
médicaments comme il faut. C'est un outil qui est valable. Ce n'est
peut-être pas le meilleur moyen pour le gouvernement d'arriver à
ses fins, c'est-'à-dire de renflouer le système au complet, mais
il reste qu'une certaine tarification rend les gens conscients de prendre leur
médication comme il faut. Nous, nous croyons vraiment que, oui, c'est
valable. Dans le cas que l'Ordre avançait tantôt, au sujet des
trois pathologies principales dont ils ont parlé, il est vrai aussi que
le fait d'élargir le système à ces trois pathologies
ferait économiser dans tout le système général,
évidemment, des coûts importants. (11 h 15)
M. Chevalier: au niveau de l'impact d'un ticket modérateur
ou d'une tarification quelconque au niveau des services, il faut regarder qui
va être le plus touché. je pense qu'un des meilleurs exemples
qu'on peut prendre, c'est au niveau des services dentaires. actuellement, les
gens à faibles revenus sont les gens qui négligent le plus les
soins dentaires. et le fait que ce soit gratuit n'a rien changé à
ça. donc, les gens qui utilisent actuellement les soins dentaires
gratuits sont ceux qui auraient les moyens de se les payer. on se retrouverait
éventuellement avec le même phénomène. si on impose
une tarification au niveau des médicaments pour le cardio-vasculaire,
les gens qui ont le plus les moyens de se les payer et qui sont peut-être
plus conscients de leur santé vont payer ces frais-là et les gens
à faibles revenus vont tout simplement laisser tomber. et ce sont ces
gens-là qui vont se retrouver hospitalisés avec des
problèmes.
M. Côté (Charlesbourg): II y a du vrai dans tout
ça, mais vous n'avez pas connaissance d'études dans les autres
provinces autres que l'Ontario et le Québec sur l'effet. Parce qu'il y a
une tarification au niveau des autres provinces - et non la moindre, la
Colombie-Britannique - donc, dans toutes les autres provinces, sauf l'Ontario
et le Québec. Et j'imagine qu'il y a peut-être quelqu'un quelque
part qui a fait ces études d'impact. Il serait intéressant, si
vous ne les avez pas, mais si jamais vous les aviez à votre disposition,
de nous les faire connaître.
On est dans une situation où il y a, à tout le moins, pour
un certain nombre d'individus, surconsommation ou malconsommation. Ça se
traduit directement par des gens qui sont davantage hospitalisés et qui
coûtent très cher à l'État. D'autre part, on a
affaire à des gens qui sont des professionnels, les pharmaciens; que ce
soit en institution ou que ce soit dans les officines privées, on a
affaire à des professionnels qui ont exactement la même
compétence et qui ont les mêmes objectifs. Mais, on est quand
même dans une situation, avec le système qu'on a actuellement,
où il y a surconsommation ou malconsommation. Au-delà de nos
échanges sur d'autres choses, moi, j'aimerais savoir ce qui vous
empêche aujourd'hui comme professionnels d'éviter cette
surconsommation ou cette malconsommation de médicaments.
M. Prud'homme: Je ne pense pas d'abord qu'aujourd'hui les
professionnels que nous sommes ne font aucune intervention dans ce
sens-là. Nous avons quand même plusieurs preuves, tous les jours,
dans chacune de nos
officines où on aide un patient justement à
rétablir sa consommation d'une façon normale. il y a de la
surconsommation, il en reste toujours quand même, c'est vrai. il y a de
la sous-consommation qui est encore plus importante, à mon avis, parce
que souvent elle entraîne justement des hospitalisations. mais
actuellement, le pharmacien en fait quand même de l'intervention
nécessaire, sauf qu'il faudrait, à mon avis, que nous ayons de
plus grands moyens pour nous permettre d'agir dans ce sens-là. il est
important que le pharmacien puisse avoir une plus grande reconnaissance de sa
profession. comme on dit, aujourd'hui, on ne parle plus de services
pharmaceutiques, mais on parle de soins pharmaceutiques. alors, il faut
dégager des actes professionnels, comme disait l'ordre tantôt,
sans dispensation de médicaments pour qu'on puisse agir vraiment et
faire des interventions encore beaucoup plus importantes. aujourd'hui, c'est
certain que le pharmacien, dans son officine, va prendre le temps quand
même de mentionner à un patient, par exemple, que sa consommation
est erratique, mais il faudrait lui donner la chance de pouvoir, dans une
journée, rencontrer des patients et prendre le temps justement
d'être capable de lui parler et de lui expliquer comme il faut.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'à ce
moment-là, on ne fait pas appel à une nouvelle forme de
rémunération du professionnel? J'ai posé la question
tantôt à l'Ordre et elle se pose aussi à vous autres.
M. Prud'homme: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): À ce moment-ci,
est-ce qu'il ne serait pas question d'une rémunération
différente de ce qu'on connaît maintenant et qui inciterait
davantage le professionnel à être conseil plutôt que
vendeur?
M. Prud'homme: Écoutez, a priori je pense que
l'Association n'est pas contre ça, sauf que ce n'est pas un
régime universel que nous avons actuellement. Alors, il va falloir
travailler d'une certaine façon pour équilibrer. À notre
avis, je pense que ça mérite d'être discuté.
M. Chevalier: Pardon, M. le ministre. M. Côté
(Charlesbourg): Oui.
M. Chevalier: les grands succès qui ont été
accomplis par les pharmaciens d'établissements de santé pour le
contrôle des coûts et pour une meilleure rationalisation de
l'utilisation des médicaments sont venus en bonne partie par le
contrôle du formulaire de chaque institution. par exemple, dans un
hôpital il peut n'y avoir qu'un seul anti h2 de disponible pour traiter
les ulcères avec un autre qui est gardé en réserve en cas
d'échec du premier. ils ont pu hiérarchiser l'utilisation des
différents médicaments pour différentes pathologies, tenir
des produits hors du formulaire. actuellement, les pharmaciens communautaires
n'ont pas ce contrôle-là sur le formulaire. si on reprend toujours
l'exemple des anti h2 - je vous dis les années de mémoire - je
pense qu'en 1988 il y en avait un seul au formulaire, c'était la
cimétidine, qui était le moins cher des quatre produits qui sont
disponibles actuellement. on en a eu un autre qui s'est ajouté par la
suite, la ranitidine, qui est un médicament d'exception. pour avoir le
droit de l'utiliser ou pour avoir le droit de le prescrire, le médecin
devait avoir eu soit un échec à la cimétidine ou une
contre-indication absolue. sauf que la compagnie merck frosst, de
montréal, a mis sur le marché un nouvel anti h2 et, au niveau du
gouvernement, il y a eu acceptation quelque part de ce produit-là au
formulaire qui a court-circuité le système qu'on avait pour
contrôler l'utilisation des anti h2. du côté de la
ranitidine on s'est plaint de ça, et maintenant on a quatre anti h2 avec
une grande variation de prix, et la sélection d'un produit ou d'un autre
est laissée au bon choix du médecin, tandis qu'avec les guides
qu'on avait avant on utilisait le moins dispendieux en premier avant
d'envisager les autres alternatives. ce contrôle, ils l'ont encore en
hôpital et c'est avec ça qu'ils ont réussi à
contrôler les coûts.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Chevalier. M. le
député de Matapédia.
M. Paradis (matapédia): oui, m. le président. vous
avez compris aussi que j'étais en accord avec beaucoup des
avancés de mes honorables collègues. vous avez compris
ça.
Le Président (M. Joly): Un président, c'est
toujours neutre.
M. Paradis (Matapédia): Très bien, M. le
Président. Je voudrais continuer sur cette voie-là. Tout à
l'heure, l'Ordre a mentionné que le formulaire de la RAMQ avait
été pour le moins épuré, mais dans la pratique
courante, on voit qu'on pourrait peut-être diminuer l'arsenal
thérapeutique en utilisant mieux certains médicaments de telle
sorte qu'on pourrait justement venir contrôler les coûts des
médicaments.
M. Prud'homme: Ce n'est pas de diminuer l'arsenal. Il s'agit tout
simplement de revenir à un état que nous avions avant. Il n'est
pas question de retirer de la liste le médicament, mais de le rendre
accessible d'une autre façon. Alors, il pourrait y avoir des
médicaments de choix au début. S'il n'y a pas réponse
normale, par exemple, avec ce médicament-là qui, normalement,
doit régler les problèmes d'un fort
pourcentage de la pathologie, à ce moment-là on peut
passer à un médicament d'exception, comme on avait avant, et
l'exemple est toujours bon à mon avis. Ça n'est pas de l'enlever
complètement, il s'agit de le modifier...
M. Paradis (Matapédia): Et de se justifier, jusqu'à
un certain point.
M. Prud'homme: ...de justifier l'utilisation, finalement.
M. Chevalier: Les pharmaciens sont à même aussi de
vérifier sur le terrain la justification de l'emploi d'un produit. Dans
le cas du médicament d'exception, il fallait demander une autorisation
à la Régie, soit par téléphone ou par écrit,
tandis que le pharmacien est à même de vérifier. S'il est
capable de justifier avec son dossier-patient que, effectivement, il y a eu
emploi du premier choix et échec, à ce moment-là que le
pharmacien soit à même de contrôler la sélection des
produits.
M. Paradis (Matapédia): Les...
Le Président (M. Joly): Brièvement, s'il vous
plaît, M. le député...
M. Paradis (Matapédia): Oui, c'est ça.
Le Président (M. Joly): ...notre temps est
déjà révolu.
M. Paradis (Matapédia): Je regardais avec beaucoup
d'intérêt, parce qu'on a reçu, récemment, les
statistiques annuelles de la Régie pour 1990, l'opinion pharmaceutique,
en 1990: 309 opinions. Y a-t-il une raison pourquoi les gars ou les femmes, les
pharmaciens et pharmaciennes n'en font pas plus que ça?
M. Prud'homme: On a déjà expliqué...
M. Paradis (Matapédia): J'aimerais que vous le redisiez
pour les fins de la commission.
M. Prud'homme: Les raisons principales, d'abord, de ne pas avoir
une codification simple pour la réclamation de l'opinion pharmaceutique
est déjà un empêchement. Ensuite, ce que l'on a
suggéré à la table de négociation, justement,
ça a été de scinder l'opinion. Il pourrait y avoir une
opinion plus importante quand il s'agit de problèmes importants. Il
pourrait y avoir un avis pharmaceutique pour certaines raisons. Alors, à
ce moment-là, c'est plus facile, c'est plus accessible au pharmacien. Le
fait d'être obligé, par exemple, d'écrire un roman pour le
bénéficiaire, pour le médecin, pour son dossier, ça
complique énormément la tâche. Ce que nous
considérons plus simple, c'est une codification, une discussion avec le
médecin, avec le patient. peut-être un avis écrit, oui,
mais ensuite l'opinion demeure dans le dossier du patient à la
pharmacie, et on fait une réclamation par codification purement et
simplement.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Prud'homme. Je pense
qu'on va devoir peut-être demander aux membres de l'Opposition d'explorer
la même veine et, si nécessaire, on pourrait revenir. Je me dois
parce que là... Je sais ce qui va arriver tantôt.
M. Trudel: Le député de Matapédia est en
conflit d'intérêts c'est très clair.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît! M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous
plaît!
M. Trudel: Merci. Merci de votre présentation. Je pense
qu'effectivement on va mettre de côté toute la négociation
qui se déroule actuellement avec l'État en notant au passage
là-dessus, cependant, que vous, vous avez la chance de continuer
à pouvoir négocier avec le gouvernement en ce qui concerne vos
honoraires et votre rémunération. Vous savez que, pour les 250
000 salariés du réseau de la santé et des services
sociaux, le choix du gouvernement, compte tenu de l'impasse financière
due à vous savez qui, c'est le gel de leur salaire pour les cinq
prochaines années, à l'indice des prix à la consommation.
C'est ça, l'option qui a été choisie. C'est la fin de la
négociation pour ces gens-là. C'est ce qui est indiqué au
document, à la page 65. Alors, on n'ira pas vous enlever ça
à vous autres parce qu'on l'a enlevé à 250 000 autres
personnes. C'est le choix que nous avons fait, quant à nous, de dire: On
va laisser agir les mécanismes normaux de la négociation entre
les différents groupes de salariés ou de professionnels dans le
réseau de la santé et des services sociaux. On s'étonne
quand même un peu - ce n'est pas à vous que j'adresse le message -
qu'il y ait deux poids, deux mesures quant à cette façon de
fonctionner.
Alors, quant à la question, comme je le disais tantôt, qui
est le plus souvent soulevée, la consommation des médicaments
chez les personnes âgées, vous avancez une mesure qui est assez
difficile, quant à moi en tout cas. C'est, dans un premier temps, de
faire contribuer financièrement. Pour qu'on puisse avoir une discussion
claire, est-ce que votre suggestion de faire contribuer financièrement
la clientèle des personnes âgées c'est, pour vous, une
mesure de financement ou une mesure de compression visant à restreindre
la consommation des médicaments? C'est très important de faire
cette distinction parce que ça détermine le restant.
M. Prud'homme: M. le député, ce n'est pas nous qui
l'avançons finalement parce qu'on en
fait état déjà dans le livre vert. Alors, nous, ce
qu'on dit ici ce matin c'est que, oui, ça peut être une mesure
intéressante. Ce n'est pas nous qui l'avançons purement et
simplement. À mon avis, ce n'est pas négligeable non plus de
penser que cet argent pourrait à la longue être une partie du
financement, mais c'est d'abord et avant tout que les gens prennent vraiment
conscience de l'utilité et des coûts des médicaments. C'est
purement et simplement ça, à notre avis parce que, finalement, si
l'on parle de surconsommation, c'est évident que si les gens ont une
certaine tarification à payer, ça va les rendre conscients.
Maintenant, on dit aussi dans notre mémoire qu'il ne faut pas
empêcher les gens d'être capables de se procurer leur
médication. Alors, l'accessibilité ne doit pas être
court-circuitée par ça.
M. Trudel: M. Prud'homme, il faut appeler un chat par son nom
parce qu'on est tous des Québécois et des
Québécoises qui sommes tous appelés à dire: On va
tous faire une caisse commune pour payer des services, ou on va laisser,
suivant la capacité de chacun avec d'autres déterminants pour
tenter de sauver à travers le filet les plus démunis... Parce
qu'une mesure comme celle-là, si c'est une mesure de financement, c'est
la désuniversalisation du programme de médicaments. Il faut que
ce soit assez clair, à terme. (11 h 30)
Par ailleurs, si c'est une mesure visant à modérer la
consommation, il faut d'abord qu'on ait diagnostiqué de façon
assez claire que les citoyens et les citoyennes sont des abuseurs de services.
Pourquoi mettre un ticket modérateur ou des frais qui modèrent la
consommation si on n'est pas des abuseurs? Et peut-être avez-vous de
l'information à cet égard-là? En général,
quant aux services de santé au Québec, la première
affirmation du document publié par le gouvernement, le 18
décembre, c'est que, grosso modo, on peut faire l'affirmation que les
citoyens du Québec ne sont pas des abuseurs de leur système. Il y
a peut-être des petits coins ici et là où on peut regarder.
Moi, je me fie à ce qui est dit là. Et je trouve ça assez
important parce que, écoutez, le mythe est assez durable. Il faudrait
qu'on mette des tickets à gauche et à droite parce que les
citoyens et citoyennes seraient des abuseurs. Ce que le document
ministériel dit, c'est que c'est fini. Les citoyens et citoyennes ne
sont pas des abuseurs. Allons voir au niveau d'un programme qui s'appelle le
programme complémentaire d'assurance-médicaments. Je prends votre
suggestion et je dis: Est-ce que c'est une mesure de financement - et
là, il faudra regarder si c'est le meilleur endroit pour en arriver
à faire du financement - ou si c'est une question de modérer la
consommation? Moi, j'ai compris dans votre réponse, M. Prud'homme - je
ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit - messieurs, madame, que
c'est plus modérateur qu'une mesure de financement là, ce que
vous nous suggérez. c'est exact?
M. Prud'homme: M. Chevalier.
M. Chevalier: II faut voir que des frais modérateurs ne
s'imposent pas nécessairement sur une population qui abuse d'un
système. Il y a des études... Entre autres, le Dr Archambault a
présenté une conférence en fin de semaine. Il disait que
d'après des études autant européennes que canadiennes, il
y aurait à peu près 30 % des soins qui sont dispensés de
façon inutile, selon le terme qu'il a employé. Il ne s'agit pas
de gens qui abusent de ces soins-là, mais il s'agit de soins qui sont
consommés sans qu'il y ait une absolue nécessité à
leur dispensation. Au niveau des médicaments, c'est évident qu'un
patient qui a accès à un médicament qu'il peut prendre au
besoin, si le médicament est gratuit, il va remplir l'ordonnance, il va
l'amener chez lui et, s'il en a besoin, il va en prendre. S'il doit
débourser ne serait-ce qu'une somme symbolique pour l'obtenir, il va
être incité à dire: Je vais attendre et si j'en ai
réellement besoin, j'irai l'obtenir. Il ne s'agit pas de dire que celui
qui le prend actuellement abuse du système. Il utilise le système
dans la forme dans laquelle il a été créé, sauf que
si le système avait une forme un peu différente et qu'il y avait
des frais simplement à la consommation, les gens, on le croit,
consommeraient moins. Plusieurs études pan-canadiennes ont
démontré, dans d'autres provinces, que l'introduction de frais
modérateurs aussi faibles que 0,25 $ a entraîné des
diminutions de consommation des services de l'ordre de 20 %. Et ça, je
ne pense pas que les gens abusaient du système avant, mais ils
utilisaient simplement le système dans sa forme.
M. Trudel: Moi, je classe ça dans les frais
modérateurs et je prends la page 4 de votre mémoire, où
vous dites: Par ailleurs, il serait possible d'établir des
mécanismes de contrôle plus sévères sur la
consommation des services pharmaceutiques. J'aimerais bien savoir s'il est
possible d'envisager un certain nombre de mesures ou de mécanismes de
contrôle qui nous permettraient d'avoir à peu près le
même effet sur la consommation. Parce qu'on est dans une
problématique financière. Alors, je veux que vous m'en parliez un
peu. Il y a lieu d'élaborer des mécanismes de contrôle plus
efficaces et de les appliquer à un plus grand nombre de
bénéficiaires. Qu'est-ce que ça veut dire dans la pratique
de la consommation des médicaments, ça?
M. Prud'homme: Je pense que vous devez être au courant
qu'il existe actuellement un réseau que les pharmaciens ont aidé
à mettre sur j pied, c'est le réseau CAPSS, le Centre
d'autori-
sation et de paiement des services de santé, et aussi on parle de
la carte à puce. Ce sont deux outils qui, à notre avis,
pourraient être utilisés justement pour trouver des
mécanismes pour freiner un peu la surconsommation. Et ça,
ça fait partie justement de ce que nous voulons dire par ce paragraphe.
C'est un réseau qui est drôlement important et drôlement
efficace. Évidemment, ça va dépendre jusqu'où le
gouvernement voudra en faire l'utilisation. S'il s'en sert juste pour
transporter des données, ce n'est pas la même chose que de s'en
servir pour répondre aux professionnels en même temps. À ce
moment-là, on peut voir que des gens pourraient abuser du système
tout de suite. S'il y en a qui abusent, ça va évidemment se
répercuter sur les coûts totaux. Ce sont des outils qui sont
importants, je pense, et j'espère que le gouvernement va aller dans ce
sens-là.
M. Trudel: Est-ce que je fais un lien trop rapide en disant: Pour
peu qu'on s'intéresserait très fermement à des
mécanismes de suivi et de contrôle de la consommation de
médicaments, cette impression ou cette réalité de la
surconsommation, il y a moyen, en collaboration avec des professionnels comme
vous, d'en arriver au même résultat ou à peu près?
C'est ce que je conclus de ma série de deux questions, en disant: II y a
des mécanismes de contrôle auxquels nous, on participe
déjà, votre centre de données. Et vous avez employé
le mot «efficace» dans votre réponse. Les informations que
j'ai, moi aussi, de mon côté, me disent que c'est très
efficace et qu'on peut en arriver à contrôler. Soyons encore plus
précis. Le mécanisme qui a été mis en place pour
assigner un pharmacien à une personne assurée, dans le cas de
l'aide sociale, est-ce que c'est un programme qui fonctionne bien de votre
côté? On interrogera les bénéficiaires plus tard.
Est-ce que ça fonctionne bien de votre côté? Est-ce que
c'est accepté? Est-ce que ça marche, ce système-là?
Est-ce que c'est efficace?
M. Prud'homme: M. Chevalier va répondre
là-dessus.
M. Chevalier: Oui et non. C'est-à-dire que ce
système a été mis en place pour essayer de contrôler
les coûts chez les personnes qui abusent de médicaments. Il y
avait certains bénéficiaires de l'aide sociale qui voyaient
plusieurs médecins, obtenaient plusieurs ordonnances et se les
procuraient dans plusieurs pharmacies. Chaque fois, la prescription
étant valide, le pharmacien pouvait remplir cette ordonnance.
Maintenant, avec le phénomène des pharmacies
désignées, les patients qui voudraient abuser du système
de cette façon-là en sont incapables. Cependant, ils ont toujours
le loisir de voir plusieurs médecins, donc, au niveau du système
de santé, de générer encore des coûts. À ce
moment-là, ils se présentent dans des phar- macies et ne
s'identifient pas comme étant des bénéficiaires de l'aide
sociale et obtiennent leurs médicaments en les payant, comme n'importe
quel client qui n'est pas couvert. Donc, au point de vue de la diminution de la
consommation, ça a eu un certain impact. Au niveau du système
général de santé, il y a plusieurs de ces
bénéficiaires-là qui continuent d'abuser et qui continuent
de générer des coûts ailleurs dans le réseau. Au
niveau de la pharmacie et du contrôle des coûts du programme de
médicaments, ça a tout à fait bien fonctionné sans
avoir enrayé le phénomène.
M. Trudel: Alors, ce que vous nous dites, c'est que ça n'a
pas enrayé complètement le phénomène de la
surconsommation chez cette catégorie - entre guillemets - très
restrictivement définie comme étant des abuseurs, mais que c'est
de l'abus privé - si je peux me permettre l'expression - il faut qu'ils
paient eux-mêmes parce que l'État ne rembourse que les
médicaments qui sont pris chez un professionnel de la santé
identifié. Est-ce que c'est ça?
M. Chevalier: C'est vrai, au point de vue des médicaments,
mais le réseau de la santé continue à payer les visites
multiples chez les médecins, à payer les entrées d'urgence
à l'hôpital, lors de cas d'intoxication, et ce genre de
choses.
M. Trudel: Ça va. Et, là-dessus, on va s'en
occuper, si vous permettez, avec un autre groupe de professionnels que sont les
prescripteurs. Si vous permettez, on fera cet examen-là un petit peu
plus tard. O.K.? Voilà! Très bien. L'autre question,
évidemment, qui est extrêmement intéressante, c'est votre
tableau sur le coût des médicaments. Je vais faire une petite
question, et il y a ma collègue de Marie-Victorin, aussi, qui a une
question là-dessus, sur le coût des médicaments. On
s'aperçoit qu'au Québec on paie beaucoup plus cher - je pense que
c'est un jugement qu'on peut porter avec votre tableau - les médicaments
qui sont disponibles et qui sont remboursés, en comparaison avec
d'autres provinces. Est-ce qu'il existe un quelconque incitatif au
professionnel pharmacien pour choisir le médicament qui coûte le
moins cher? Vous avez la possibilité de quatre médicaments,
disons, au niveau de la prescription. Est-ce qu'il existe pour vous un
mécanisme incitatif disant: Quant au produit, moi, je pourrais livrer un
produit générique, par exemple, qui coûterait beaucoup
moins cher, mais ce qui est indiqué sur la prescription c'est
«médicament d'origine». Est-ce que, pour vous autres, comme
professionnels, en matière de rémunération, il existe un
incitatif? Sinon, est-ce que c'est envisageable, ça, que le
professionnel de la pharmacie puisse être incité, au niveau de sa
propre rémunération, au niveau de l'acte, à livrer le
médicament le
moins cher disponible?
M. Prud'homme: Vous parlez du système actuel. Il n'y a pas
vraiment d'incitatif à le faire, sinon que, dans la liste des
médicaments, il existe quand même la médiane qui est
là pour modérer le coût des médicaments. Si on parle
d'un système futur, comme on en a parlé dans notre mémoire
aussi, il va falloir sauvegarder cet aspect du système parce que,
évidemment, dans l'avenir, si on enlève cette médiane, il
n'y a pas vraiment plus d'incitatif à ce moment-là pour
quiconque. D'abord, il y a le prix réel d'acquisition. Alors, le prix
réel d'acquisition, ça veut dire qu'on est remboursé au
prix qu'on le paie, le médicament. Alors, il n'y a pas un incitatif
là pour acheter le moins cher, c'est évident. Et si, en plus, on
enlève la médiane, c'est-à-dire le prix plafond, à
ce moment-là, c'est encore pire. On peut retrouver toutes sortes
d'excès, c'est évident. Ça ne sera pas un incitatif pour
diminuer les coûts.
Le Président (M. Joly): merci. je vais maintenant
reconnaître mme la députée de marie-victorin.
brièvement, s'il vous plaît, le temps est déjà
terminé.
Mme Vermette: Vous dites qu'au niveau des incitatifs ce n'est pas
nécessairement un incitatif qui va être relié, en tout cas,
à baisser les coûts de toute façon. Quand vous parlez -
ça fait partie d'une de vos recommandations - par exemple, de la
rémunération des pharmaciens au niveau du prix réel
d'acquisition. Pourquoi voulez-vous vous en aller dans cette voie et qu'est-ce
que ça apporterait comme bénéfice, en fait, que ce soit de
cette façon?
M. Prud'homme: Le problème, c'est que nous, en pharmacie
communautaire, nous avons tous, finalement, une petite entreprise. Nous sommes
des professionnels, mais nous avons des stocks à gérer. Les
coûts d'administration, au niveau de la pharmacie, sont assez importants
et, si on se réfère aux années antérieures, ont
augmenté, finalement, beaucoup plus rapidement que les augmentations
d'honoraires qu'on a eues. Alors, cette espèce de profit qu'on pouvait
réaliser un peu avant, ça aidait le pharmacien, justement, sa
façon d'acheter, ça lui permettait de pallier un peu ces
augmentations de coûts d'administration. Alors, quand on demande,
évidemment, une portion qui reste rattachée à des frais
d'administration ou à l'administration de la pharmacie, c'est ce qu'on
veut dire. C'est que ces coûts, souvent, augmentent très
rapidement. Alors, il pourrait y avoir une composante qui ferait qu'il pourrait
y avoir rattrapage au niveau du coût plus rapidement, le coût se
reliant à l'administration plutôt qu'à l'honoraire pur.
C'est ce qu'on veut dire dans ce sens-là.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Chevalier. M. le
député...
M. Trudel: Alors, en vous remerciant beaucoup, madame, messieurs.
Le temps est toujours trop court ici, ne vous inquiétez pas avec
ça. Moi, je retiens une chose fondamentale. Comme professionnels et
comme association des pharmaciens propriétaires, moi, j'ai l'impression
qu'il y a une bonne partie du problème, en ce qui concerne les
médicaments, qui peut être réglée grâce
à votre excellente contribution, et que le tarif, ce n'est pas
nécessaire pourvu qu'on intensifie nos relations avec nos professionnels
qui sont capables de nous aider là-dedans. Merci.
M. Prud'homme: On dit que la qualité coûte 0, c'est
la non-qualité qui coûte très cher.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
veux ajouter à cela, comme mon collègue l'a dit, qu'en commission
parlementaire, c'est toujours court; en négociation, c'est toujours trop
long.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Souhaitant qu'il puisse y
avoir un moyen terme entre les deux pour régler vos malheurs et les
nôtres. Merci.
M. Prud'homme: Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Madame,
messieurs, merci beaucoup. Nous allons suspendre nos travaux pour cinq
minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 44)
(Reprise à 11 h 54)
Le Président (M. Joly): Alors, la commission reprend ses
travaux. S'il vous plaît!
Les membres représentant l'Institut canadien de recherches
avancées, s'il vous plaît. J'apprécierais que la personne
responsable veuille bien s'identifier et aussi nous présenter les gens
qui l'accompagnent.
Institut canadien de recherches
avancées
M. Contandriopoulos (André-Pierre): Je suis heureux, au
nom du groupe sur la santé des populations de l'Institut canadien de
recherches avancées, de remercier la commission des affaires sociales de
nous avoir invités. J'aimerais d'abord et très brièvement
présenter mes collègues: M. Marc Renaud, vice-président de
l'ICRA, président du Conseil québécois de la recherche
sociale et aussi professeur au département de sociologie de
l'Université de Montréal; Mme Ellen Corin, directrice du
groupe de recherche psychosociale de l'hôpital Douglas et professeur de
psychiatrie à l'Université McGill; et moi-même, je suis
directeur intérimaire du Département de l'administration de la
santé de l'Université de Montréal.
Je pense que la première chose, c'est de prendre deux minutes
pour vous dire ce qu'est Ii'ICRA, pour nous permettre, après la pause,
de passer d'un niveau de discussion à ce que vous allez voir, un peu
à un autre niveau, beaucoup plus macro. Vous dire que I'ICRA est un
institut canadien à but non lucratif dont l'ambition - et c'est ce qui
est inscrit à l'annexe I de notre rapport - est de permettre - et c'est
extrêmement ambitieux - à notre pays de conserver et
d'accroître sa prospérité au sein d'une économie
mondiale qui subit de profondes évolutions, en favorisant le
développement d'innovations scientifiques, c'est-à-dire
fondées sur le développement des connaissances aussi bien dans
les domaines techniques - intelligence artificielle, robotique,
supraconductivité, biologie - que dans le domaine social - loi et
société, croissance économique, et, entre autres,
santé des populations.
Nous sommes membres de ce programme de la santé des populations
de l'Institut canadien de recherche avancé, programme qui a comme
ambition de mieux comprendre quels sont les déterminants de la
santé d'une population, quel rôle jouent le système de
soins, les services médicaux, les services sociaux dans cet état
de santé; de voir comment l'impact des différents
déterminants évolue. Ces travaux nous ont permis, avec des
collègues canadiens, américains et anglais, de bâtir ce
qu'on peut appeler une espèce de vision beaucoup plus large, beaucoup
plus générale du système de santé. Nous avons
été très intéressés - ce qui va me permettre
de rattraper mon mémoire - de voir que le document sur le financement
adopte un point de vue semblable. Alors, dans la présentation, nous
allons montrer, nous allons indiquer que si nous sommes globalement d'accord
avec les idées qui servent de point de départ à l'analyse
du document, si nous partageons en gros l'état de la situation qui est
proposée et dressée et si nous acceptons le diagnostic
posé, nous avons par contre de très sérieuses
réserves sur les recommandations qui sont formulées et nous nous
inquiétons des conséquences de ces recommandations.
Le premier point, nous allons très brièvement être
d'accord avec vous: le statu quo ne peut plus durer. Cette affirmation repose
sur des fondements solides et convaincants. Ces fondements sont parfaitement
cohérents avec les travaux que nous faisons sur la santé des
populations. Les facteurs qui affectent la santé d'une population ne
peuvent être réduits aux services de santé. La santé
d'une population dépend, dans des proportions qui sont inconnues, de
facteurs environnementaux - environnement au travail; environnement culturel;
environnement social et économique - et de facteurs qui
caractérisent l'individu lui-même: son bagage
génétique, sa sensibilité au stress. Cet état de
santé dépend aussi de l'efficacité des services de
santé à prévenir et à guérir des maladies.
Ces travaux nous permettent de comprendre que si les services de santé
contribuent à l'amélioration de la santé d'une population,
ils sont insuffisants pour expliquer complètement l'évolution de
cette santé.
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il y a des relations - et on va
y revenir - entre les services de santé, leur effet sur la santé,
l'impact de la santé sur le dynamisme économique d'une
économie et, en retour, la capacité qu'a cette économie de
financer des services de santé. Le document du ministère - et
là, on est à la page 2 de notre texte - part exactement des
mêmes hypothèses. Je ne veux pas y revenir en détail, mais
on retrouve au début du texte les mêmes points comme quoi les
conditions générales de santé ne dépendent pas
uniquement des ressources qu'on consacre aux services de santé, et que
l'État a un rôle important dans la contribution à
l'amélioration de la santé du monde. On pourrait comme ça,
page après page, concevoir et voir que le document est parfaitement
cohérent avec cette vision large de ce qu'est la santé et ce que
sont les déterminants.
En résumé - page 3 - et en reformulant ce qu'on retrouve
dans le document, comme les travaux de I'ICRA, on arrive à la conclusion
que le point d'équilibre pour une société entre le niveau
de financement de son système de soins et les investissements dans les
autres secteurs de l'économie est très difficile à
trouver. En effet, trop investir dans notre domaine, dans le système des
soins, peut être contre-productif sur le plan de la société
globalement, peut réduire notre capacité à créer de
la richesse et, par conséquent, peut aussi avoir des effets
négatifs sur la santé. À l'inverse, si on n'investit pas
assez ou si on utilise des modalités de financement trop
régressives, il arrive d'accroître les inégalités
dans notre société. Là encore, des travaux récents
nous montrent que dans des sociétés trop inégales, trop
inéquitables, l'inégalité constitue un frein à la
croissance économique. Il est important donc de réaliser que sur
le plan macro, ce n'est pas la part du financement assumée par les
pouvoirs publics qui est vraiment importante, mais bien les dépenses
totales de santé. Nous y reviendrons. Ce sont elles, en effet, qui
peuvent priver des secteurs véritablement porteurs de richesses et de
ressources des moyens nécessaires pour générer des
innovations.
Alors, ce que nous allons faire maintenant, ça va être de
redire quelques mots très brièvement sur ce qui nous semble
être des points
importants sur lesquels s'accrocher pour continuer la discussion. Alors,
nous retrouvons dans le texte un certain nombre d'affirmations
caractérisant l'état du système de santé du
Québec. Les résultats: l'état de santé des
Québécois est globalement bon. Ressources: en gros, les
dépenses totales en santé sont élevées; elles sont
relativement bien maîtrisées; la part des dépenses
financées par le gouvernement est plus élevée au
Québec que dans les autres provinces; beaucoup de médecins; des
ressources physiques et technologiques en quantité suffisante.
Par contre, en ce qui a trait à l'efficacité et
l'efficience, nous partageons le point de vue développé durant la
Commission Rochon et d'autres travaux, comme quoi il y a encore de la place
pour l'amélioration de l'efficacité et de l'efficience. Le
document en parle et nous partageons ce point de vue tout à fait. Il
nous semble important de bien comprendre - et le document aussi le dit - que
les modalités de paiement des ressources, les budgets globaux, la
façon de payer à l'acte ou non les professionnels - on en a
parlé ce matin - n'incitent pas les acteurs à utiliser les
ressources de façon optimale. Il y a donc place là pour
l'amélioration.
Notre système se caractérise aussi par une
équité qui n'est pas parfaite. Les ressources ne sont pas
distribuées d'une façon optimale sur le plan interrégional
et on a l'impression qu'il y a un certain gaspillage qui constitue une sorte
d'iniquité dans l'utilisation des ressources.
En ce qui a trait à la situation financière, le document
affirme que les revenus du gouvernement du Québec augmentent moins vite
que le produit intérieur brut, entre autres à cause du retrait du
gouvernement fédéral des programmes à frais
partagés et d'une politique fiscale que l'on ne peut modifier sans
réduire la compétitivité de l'économie du
Québec. Nous avons analysé en détail ces données
et, en tant qu'universitaires, nous nous permettons de dire que le document
gagnerait en crédibilité si les sources des données
étaient présentées plus clairement et si les
périodes d'analyse étaient plus clairement identifiées. On
a beaucoup de mal à se retrouver dans les chiffres qui sont fournis. Les
dépenses du gouvernement s'accroissant plus vite que les revenus, la
dette augmente - on ne peut que l'observer. Le document prévoit que les
dépenses du ministère de la Santé et des Services sociaux
augmenteront dans les années futures plus vite que les recettes du
gouvernement. Leur part relative dans les dépenses aurait donc tendance,
dans le futur, à s'accroître.
Dans ces conditions, si l'on n'intervient pas, soit la dette du
gouvernement va continuer à augmenter, ce que tout le monde
considère comme étant inacceptable et constituerait une
hypothèque au développement économique du Québec,
soit la modification de la structure des dépenses du gouvernement va
s'accélérer, ce qui empêchera l'État d'intervenir
dans des domaines qui, en favorisant la prospérité
générale, lui permettrait d'accroître ses revenus et
l'obligerait de limiter ses dépenses dans de nombreux programmes
sociaux. Dans ces deux cas, augmentation de la dette ou débalancement de
la structure des dépenses, la progression trop rapide des
dépenses dans le système de soins qui se ferait au
détriment d'autres secteurs pourrait avoir, à long terme, des
effets néfastes sur la prospérité générale
et, indirectement, sur la santé de la population.
Nous comprenons donc dans quelle impasse nous nous trouvons. En effet,
d'une part, la dynamique de croissance du système de soins est nourrie
par le développement technologique, le vieillissement, la croissance du
nombre de médecins et, d'autre part, les possibilités
d'accroissement des recettes du gouvernement sont limitées. Je cite le
document: «Cette conjoncture signale pour le gouvernement, pour le
réseau, et pour la société québécoise tout
entière la nécessité d'entreprendre en priorité un
redressement et de réviser en profondeur les choix dans ce
secteur.» Jusque là, il s'agit de notre propre
résumé de ce qui était dans le document, rien de
très original.
Pour sortir de l'impasse, il nous semble qu'il y a trois grandes
stratégies possibles que le document, d'ailleurs, identifie: On pourrait
contraindre le rythme de croissance des ressources du système de soins
en améliorant son efficience; on pourrait réduire le domaine
couvert par le programme d'assurance-maladie; on peut trouver de nouvelles
sources de financement. Ces trois options ne sont bien sûr pas
indépendantes les unes des autres.
Alors, ces trois options sont discutées dans le document mais
leur traitement est différent. La première option, celle qui
porte sur l'amélioration de l'efficience du système, prend la
forme d'un long inventaire de tout ce que, théoriquement, il serait
possible de faire. Le chapitre III du document énumère une liste
impressionante de mesures sans que l'on puisse ni saisir par quels
mécanismes ces mesures agiraient sur l'efficience ni comprendre
très bien quelles sont leurs interrelations.
Alors, on a deux exemples. À la page 66, on lit: «Implanter
la rémunération à honoraires fixes lorsque
appropriée pour des catégories de médecins pratiquant dans
les centres hospitaliers universitaires.» Le document n'indique ni qui
doit décider du caractère approprié ni comment ce mode de
rémunération contribuerait à améliorer la
productivité. On ne sait pas quels sont les médecins qui seraient
affectés, et on pourrait en citer d'autres. À la page 70, on lit:
«Mettre l'accent sur la prévention, notamment en matière
d'utilisation des médicaments.» Le document ne donne pas beaucoup
d'indications sur la façon dont cela pourrait être fait et ne
précise pas pourquoi la prévention dans l'utilisation des
médicaments est plus importante que d'autres formes de
prévention.
En fait, la recommandation explicite qui est faite à la page 182
sur cette option d'amélioration de l'efficience prend la forme suivante,
et je cite: «L'ampleur du manque à pourvoir témoigne de
l'urgente nécessité de mettre en place le plus rapidement
possible un ensemble de mesures pour améliorer le contrôle des
dépenses, l'efficience et l'efficacité.» Étant
donné la nature de cette recommandation, qui est une recommandation de
principe, on ne peut qu'être d'accord, tout en comprenant que, de fait,
on ne sait pas très bien comment ça va se faire et que les
véritables recommandations viennent plus loin et touchent le
financement.
Les véritables recommandations portent sur les deux autres
stratégies possibles: la couverture des services et l'obtention, la
découverte de nouvelles sources de financement. La première
recommandation essentielle vise à trouver de nouvelles sources de
financement pour le système de santé de façon à
combler l'écart attendu entre le rythme de croissance des
dépenses du gouvernement, IPC + 1 %, l'objectif que l'on s'est
fixé, et celui des dépenses de santé, IPC + 3 %, qui est
une poursuite de la tendance actuelle.
Partant du postulat que le fardeau fiscal des Québécois ne
peut être accru, seules de nouvelles sources de financement doivent
être trouvées et elles ne peuvent provenir que du secteur
privé. En clair, la proposition principale du document consiste à
accroître la proportion des dépenses de santé qui sont
assumées par le citoyen-utilisateur. À court terme, et c'est
très clair, il s'agit d'agir sur la couverture des services et sur la
tarification de ce qu'on appelle les services complémentaires:
désassurance de services - optométrie, services dentaires pour
les enfants - tarification d'autres services - médicaments, on en a
parlé ce matin - et introduction d'un éventuel
impôt-services pour les services complémentaires.
Si on en restait là, on pourrait argumenter que c'est la chose
à faire dans l'immédiat pour sauver les meubles. Ce qui est
beaucoup plus inquiétant, c'est de s'apercevoir, à de nombreux
endroits dans le texte, qu'à plus long terme, et je cite, page 111,
«le ministère n'exclut pas a priori l'éventualité de
mesures de tarification sur les services de base.» Il parle aussi de la
généralisation de l'impôt-services, à la page 78:
«Le mécanisme pourrait s'étendre aux services
médicaux et hospitaliers, après révision des normes
fédérales...» Et là, alors, on se trouve dans une
situation assez paradoxale dans laquelle cette ouverture vers un accroissement
potentiellement important de la part du financement privé est
actuellement bloquée. En quelque sorte, les Québécois sont
protégés par la loi fédérale sur la santé
des Canadiens. Dans un avenir proche, 1996-1997, on sait que les programmes a
frais partagés au Québec feront en sorte que la composante en
nature de ce qui compose les transferts deviendra nulle. Donc, on peut admettre
qu'en 1996-1997 les conditions permettant au fédéral de s'assurer
du respect des cinq grands principes ne joueront plus pour le Québec. Le
fédéral perdra de ce fait sa capacité d'imposer au
Québec le respect des cinq principes fondateurs du système de
santé: gestion publique, intégralité, universalité,
transférabilité et accessibilité. À ce
moment-là, les points dont le texte est parsemé qui disent
qu'à long terme on pourra alors développer les mécanismes
du recours à la privatisation du financement pourront se faire sans
problème.
La deuxième véritable recommandation, en tout cas à
notre lecture du document, concerne la création d'un fonds
général des services sociaux et de santé. Le document
indique que ce fonds permettrait au ministre de la Santé de mieux
concilier les dépenses et le financement du système de
santé, qu'il obligerait à développer des mécanismes
d'imputabilité, et que, en quelque sorte, il serait indispensable si
l'on créait un impôt-santé étiqueté
«santé».
Alors, partant de là, nous avons beaucoup réfléchi
à ces propositions, beaucoup analysé la nature de l'impasse et,
compte tenu du cadre d'analyse dans lequel nous nous situons, nous avons la
conviction que suivre ces recommandations, c'est s'engager sur une pente
excessivement glissante et dangereuse.
Les deux principales recommandations nous inquiètent. Elles nous
semblent largement en contradiction avec les idées
énoncées au début du document sur le rôle de
l'État dans le domaine de la santé et des services sociaux. Dans
la mesure où l'analyse du système de soins montre qu'il existe
encore des gains importants de productivité et d'efficience, nous ne
comprenons pas pourquoi il faut de façon urgente prendre des mesures
dont les effets à long terme sont potentiellement en contradiction avec
les buts recherchés.
La première proposition: la privatisation du financement. Toutes
les connaissances que nous avons dans les travaux que nous faisons depuis
plusieurs années dans ce domaine nous indiquent que jamais la
privatisation du financement dans des pays riches n'a permis de réduire
les coûts totaux du système de santé. L'exemple
américain que tout le monde connaît est, à cet
égard, révélateur. Les tickets modérateurs - et
ça fera plaisir au député de l'Opposition - n'ont, de
notre point de vue, globalement, de modérateur que le nom. Ce sont, de
fait, des moyens pour trouver de l'argent.
M. Côté (Charlesbourg): Pas seulement de
l'Opposition.
M. Contandriopoulos: Mais c'est lui qui avait... M.
Côté.
M. Côté (Charlesbourg): vous avez un
préjugé?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Contandriopoulos: Absolument pas.
M. Trudel: Dites-le à lui surtout.
M. Contandriopoulos: Non, mais comme c'était le
député de l'Opposition qui avait pris le flambeau de ce point de
vue - je ne m'étais pas permis de l'associer à ce point de vue -
je suis heureux que vous le partagiez.
Le deuxième élément que la littérature nous
permet d'affirmer, c'est que l'élément critique qui permet la
maîtrise des coûts sans pouvoir toutefois l'assurer est d'avoir un
financement provenant d'une source unique dont l'ampleur n'est pas directement
reliée à l'utilisation des services. Plus les sources de
financement se multiplient, plus il est difficile de contrôler les
coûts totaux. Encore une fois, les Américains sont un exemple
criant, mais ce qu'on voit dans d'autres pays européens, entre autres en
France, devrait nous mettre la puce à l'oreille et prendre garde de ne
pas ouvrir le financement à des sources trop nombreuses.
Le troisième élément important concerne les frais
de gestion des systèmes de soins. On observe partout que les frais de
gestion des systèmes de soins dont les mécanismes de financement
sont diversifiés sont beaucoup plus lourds que ceux dont le financement
est assuré par l'État ou par une caisse nationale de
santé. Une étude récente publiée par Rinehardt dans
Health Affairs, récemment, nous indique que les écarts des
frais de gestion varient, aux États-Unis, de 5,5 % des cotisations
à 40 % des cotisations, selon la taille de la compagnie d'assurances qui
gère les risques. L'élément important pour
l'économie d'un pays, je l'ai déjà dit, n'est pas la
partie du coût du système assumée par l'État, mais
la totalité des coûts du système. Le plaidoyer actuel des
grosses sociétés américaines en faveur d'une
réforme du système de soins pour leur permettre
d'améliorer leur productivité est, encore une fois,
importante.
La principale conséquence de la privatisation, nous disent les
études internationales, est un transfert du fardeau financier des biens
portants vers les malades et, en réduisant le recours à la
fiscalité, un transfert des responsabilités des plus
fortunés vers les plus démunis. La privatisation a donc comme
effet essentiel d'augmenter les possibilités de financement ou de
ralentir les capacités de maîtriser les coûts et
d'accroître les iniquités dans le système. L'absence de
justification théorique...
Le Président (M. Joly): Excusez, monsieur... M.
Contandriopoulos: ...à cette proposition...
Le Président (M. Joly): ...votre temps est
déjà écoulé.
M. Contandriopoulos: Je termine.
Le Président (M. Joly): Je vois que vous avez encore
quelques pages à votre mémoire.
M. Contandriopoulos: Non, non. Ça va aller très,
très vite.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.
M. Contandriopoulos: Je passe ici. Donc, le financement, c'est
ça.
Deuxième proposition: création d'un fonds
général pour les services de santé et les services
sociaux. Nous avons l'impression que ce fonds a deux lacunes importantes. La
première, c'est qu'il empêcherait d'utiliser au maximum les fonds
publics pour travailler sur tous les secteurs qui sont porteurs de
santé. Il cloisonnerait, en quelque sorte, les fonds publics pour
être utilisés exclusivement dans le domaine médico-social.
On disait même qu'il pourrait être interprété par
certains presque comme un fonds de sécurité du revenu pour les
professionnels et pas comme un fonds de santé. En résumé,
ces mesures permettraient de trouver de nouvelles sources de financement, mais
elles retarderaient le moment à partir duquel on pourrait envisager de
vraiment réformer notre système. (12 h 15)
Alors, en conclusion, nous arrivons à dire que le Québec
n'a pas les moyens de ne pas faire une véritable réforme. La
réforme est en quelque sorte ce qui est équitable, compte tenu de
nos moyens. Nous avons la conviction que le Québec, comme se proposent
de le faire la Colombie-Britannique et l'Ontario, devrait définir ses
propres grands critères qui structureraient le système de soins.
Il devrait définir quels sont les services couverts, quels sont les
critères d'accessibilité, quels grands critères ils
devraient respecter. C'est dans la mesure où il existerait des
critères provinciaux que des négociations avec le
fédéral pourraient éventuellement s'ouvrir. Nous pensons
que la politique de santé sur laquelle le gouvernement travaille devrait
être discutée avant de s'engager dans des réformes
importantes du financement. Nous pensons que les gains d'efficacité et
d'efficience qui sont disponibles devraient être exploités
à fond avant d'aller à rencontre des grands principes qui
structurent notre système. Et, enfin, il faudrait entreprendre une
réforme.
Il faudrait entreprendre une réforme autour des quatre derniers
points. Il faudrait maintenir un système de financement
centralisé et fiscalisé du système de soins et organiser
un paiement des ressources, des médecins, des pharmaciens, des
hôpitaux en fonction des populations à desservir d'une
façon générale. Il faudrait décentraliser les
décisions concernant les façons de faire, permettre
l'innovation, la flexibilité et s'organiser pour exiger des intervenants
qu'ils nous rendent des comptes sur les résultats obtenus. H faudrait
trouver un moyen - et l'échec de l'été dernier renforce
cette idée-là - de respecter l'autonomie professionnelle de
l'ensemble des professionnels - médecins et les autres aussi - dans
leurs activités cliniques, mais en même temps de s'assurer que ces
activités cliniques sont en permanence critiquées de façon
à éliminer ce qui se fait de services inutiles et inefficaces.
Finalement, il faudrait développer et utiliser des systèmes
d'information permettant de suivre dans le temps l'évolution de la
santé des populations, des facteurs déterminants de la
santé et de l'utilisation des sciences. Nous vous remercions.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Con-tandriopoulos. Je
vais maintenant reconnaître M. le ministre. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
mesdames, messieurs, 15 minutes, c'est la rapidité de l'éclair,
mais comme j'ai l'impression qu'on pourra se revoir au cours de la semaine, on
va quand même se garder des choses pour d'ici...
M. Contandriopoulos: Là, vous voyez l'Institut canadien de
recherches avancées.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui, c'est ça.
Il y a un certain nombre de choses que je partage et d'autres que je ne partage
pas. Il y a un certain nombre de craintes qui sont dans le document que je
voudrais, en tout premier lieu, aborder parce qu'on sent dans le document une
crainte de la privatisation. Je pense que ça transcende. Il y a un
deuxième élément qui m'apparaît important: le
désengagement de l'État. Quand on fait la lecture à la
fois du premier texte et du deuxième aussi, même si ça me
paraît un petit peu plus nuancé dans le deuxième
texte...
M. Contandriopoulos: Le premier, il faut le déchirer,
logiquement.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui. Bon. On dit
«financement privé». C'est une crainte que vous avez. Alors
qu'on est dans une situation où le Québec, malgré
l'évolution des dernières années par rapport à
l'Ontario, par rapport à l'ensemble canadien, est quand même selon
les tableaux qui sont là et qui n'ont pas été
contestés... 77 % des dépenses sont des dépenses publiques
et même s'il y a eu un léger recul au fil des années, de 80
% à 77 %, on n'est pas dans une situation pour pouvoir conclure qu'on
s'en va vers une privatisation.
Moi, j'aimerais en entendre un petit peu plus pour que ce soit mieux
étayé, pour que je comprenne où sont les véritables
craintes, surtout compte tenu du fait que vous avez pris tantôt l'exemple
des États-Unis, qui n'est pas le meilleur exemple à ce
niveau-là. Ça me paraît très intéressant de
le mettre sur la place publique, mais on aurait pu aussi mettre en exemple la
Suède, qui a été le modèle de
référence pendant de nombreuses années et où il y a
aussi un certain paiement privé. À mon grand étonnement -
je viens de l'apprendre il n'y a pas tellement longtemps, et ce n'est pas
dû uniquement au fait d'un nouveau gouvernement, mais c'était
commencé antérieurement sous un gouvernement plus libéral
- il y a une tarification des services médicaux et les gens sont
obligés de payer, y compris dans les services spécialisés.
J'aimerais vous entendre davantage là-dessus parce que je ne voudrais
pas qu'on mette sur la place publique des choses aussi qui ne s'avèrent
pas. Donc, peut-être que vous avez davantage d'informations à ce
niveau-là à nous transmettre sur la privatisation. Le
désengagement, j'y reviendrai par la suite.
M. Renaud (Marc): Je peux essayer de répondre. Moi, je ne
fais pas partie du GRID d'aucune manière, là. Quand on lit le
document, à la première lecture, on est assez emballé
parce que, pour une fois, les programmes sont nommés clairement.
Ça prend des solutions à quelque part. On ne peut pas se
permettre de laisser ce système-là croître
indéfiniment. Quand on fait une deuxième lecture, les 70
premières pages sont extrêmement intéressantes. On nous
dit: II faut limiter l'expansion du secteur des soins, la prévention est
importante et il y a des mécanismes de contrôle à
instaurer. Tout à coup, autour de la page 70 - crac! - on dit: Oubliez
tout ça, ce dont on a besoin, c'est de billets verts. On a besoin de
nouvel argent. Là, le discours change et on cherche différentes
manières pour essager de trouver cet argent-là.
Nous, devant ça, la réflexion qu'on a passée
ensemble - et on en a discuté longuement -c'est de se dire: Est-ce qu'on
est allé assez loin en termes de contrôle des dépenses?
Est-ce qu'il faut dès maintenant se mettre à penser en termes
d'augmentation des revenus? Là, on se replace sur une carte
internationale.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais y arriver,
là, à ça. C'est juste la privatisation, la crainte de la
privatisation. Elle est apparente dans le document. Vous n'êtes pas les
seuls à avoir cette crainte-là. Je l'ai entendue ailleurs aussi.
J'aimerais davantage vous entendre sur ce qui vous fait craindre une
éventuelle privatisation.
M. Renaud: La crainte de fond, c'est ou on serre la vis et on
suit l'exemple de la Grande-Bretagne et du Japon, ou on privatise, on tarifie,
on charge encore plus d'impôts et on prend la «track» des
États-Unis. C'est l'idée de la pente glissante. Vous, vous
êtes ministre maintenant.
Qu'est-ce qui nous dit, dans 20 ans d'ici, si on ouvre la porte, qu'on
ne s'en va pas direct vers un système comparable à celui des
Américains?
M. Côté (Charlesbourg): II n'y a pas de danger. Dans
20 ans, ça va être M. Trudel.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: J'aime mieux laisser la barrure là.
M. Côté (Charlesbourg): La barrure à 20
ans.
M. Renaud: II y a des principes fondamentaux dont on s'est
doté, au Québec. Le système de santé, tel qu'il a
été construit, a été construit à partir de
valeurs communes aux gens du Québec et du reste du Canada. Ces
valeurs-là disent: On ne privatise pas. On mutualise les risques, on les
prend en charge publiquement. Ici, ce que vous proposez, ce n'est pas la
catastrophe, là. Il reste qu'on ouvre la porte. On dit: Les soins
optométriques, on ne les paie plus, les soins dentaires, on ne les paie
plus, excepté pour les questions de prévention. Tout ça
est renvoyé à la poche des gens.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais... M. Renaud:
Et vous dites...
M. Côté (Charlesbourg): ...c'est davantage des
appréhensions que le glissement vers la privatisation parce que ce n'est
pas ça que les chiffres nous donnent. D'ailleurs, il y a quand
même certains autres phénomènes à l'étranger.
Je comprends que l'exemple des États-Unis est là - et c'est
peut-être le plus mauvais exemple - mais il y a d'autres exemples
où il y a eu ce genre d'exercice qui n'ont pas mené au cataclysme
appréhendé.
M. Contandriopoulos: II faut bien s'entendre sur ce qu'on veut
dire par cataclysme. Ce qu'on est en train de dire... On lit le document et
vous faites des recommandations. Les recomman^ dations que vous faites ont
comme effet - et je pense que là, personne ne pourra ne pas l'observer -
d'accroître encore modérément, mais d'accroître la
tendance qu'on observe déjà depuis cinq ou six ans d'une part du
financement privé qui augmente. Donc, on le voyait. Là, il y a
des mesures qui vont dans ce sens-là. Dans le texte - c'est ça
qui nous faisait peur - on dit: Ça va nous permettre plus tard d'avoir
des principes qui nous permettront d'ouvrir encore plus.
Dans Le Devoir, hier - je ne sais pas si vous avez
été bien cité - vous disiez: Si on fait une bonne fois
pour toutes le débat, on n'aura pas, demain, besoin de le refaire. Je
lis ça en me disant: Si on fait comme il faut le débat sur la
possibilité et sur la nécessité d'introduire des
mécanismes comme ('impôt-services ou comme la tarification dans le
système de santé québécois, il n'y aura plus
qu'à négocier le taux de l'impôt-services ou le taux de la
tarification. Ce sont ces éléments-là qui nous font
craindre un dérapage vers la privatisation.
M. Côté (Charlesbourg): Mais on doit... Il y en a
d'autres vraies questions qu'il faut se poser et se les poser maintenant.
M. Contandriopoulos: O.K. Vous nous demandez: Qu'est-ce que vous
savez de l'étranger à propos de la privatisation? On sait de
l'étranger que ce qui se passe au Québec se passe aussi ailleurs,
qu'il y a un très fort courant actuellement de désengagement de
l'État dans certains pays mais, par ailleurs, que dans d'autres pays
comme la France, où j'étais l'année dernière en
année sabbatique, ils se posent des questions très
sérieuses sur les tickets modérateurs, sur les formes de
privatisation et actuellement ils pensent à l'enlever.
Le Président (M. Joly): excusez. si c'était
possible d'avoir des réponses plus concises de façon à ce
qu'on puisse vraiment aller dans le fond...
M. Contandriopoulos: On va essayer. Le Président (M.
Joly): ...s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que les vraies
questions se posent puis c'est la place pour être capable d'en discuter.
Non? On parle de désengagement de l'État et aussi dune crainte.
En tout cas, à ce moment-ci, je ne partage pas cette crainte-là,
surtout compte tenu du fait que le budget du ministère dans l'apport
gouvernemental est de 31 % et que le ministère de la Santé et des
Services sociaux s'est accaparé 40 % de tous les budgets de
développement du gouvernement. Donc, je pense que c'est des choses... Il
faut quand même faire attention quand on le dit parce que le
désengagement de l'État, il n'est pas si apparent que ça
au niveau du gouvernement du Québec - ça va faire plaisir
à mon ami Trudel - surtout que le gouvernement du Québec a pris
aussi à sa charge le désengagement, lui réel, du
gouvernement fédéral sur le plan financier. Ça, ça
me paraît extrêmement important. Au-delà de ça,
prendre les 40 % du développement... Ça me paraît gros de
dire le gouvernement du Québec est dans une situation de
désengagement.
Je veux arriver à mon point qui est celui de votre
évaluation qui dit que c'est davantage une situation conjoncturelle que
structurelle. Prenons les chiffres. Le rythme de croissance naturelle, au
moment où on se parie, c'est
IPC + 4, 2 %. Ce qu'on dit dans le document, on veut tenter de ramener
ça à IPC + 3 %. Il y a donc un premier 1, 2 % qu'il faut
absolument récupérer si on veut se maintenir à IPC + 3 %.
Celui-là, il représente 140 000 000 $ par année, additifs
qu'il nous faut aller chercher comme mesure d'efficience et d'efficacité
- premier problème. C'est du stock, merci, et on s'en rend compte. On
n'a pas sauvé bien des piastres depuis deux jours sur le plan de
l'efficience et de l'efficacité. Tous de beaux principes mais qui
touchent toujours les autres, qui ne touchent jamais celui qui nous en parle.
Premier élément.
Deuxième. À partir du moment où on est dans une
croissance du coût des dépenses gouvernementales à IPC + 1
% et qu'on se dit qu'il y a IPC + 3 %, il y a une obligation financière
minimum de 1 000 000 000 $ entre les deux. Ces 1 000 000 000 $, c'est 200 000
000 $ par année, donc additifs, sur cinq ans. À partir du moment
où on aura réussi à ramener le IPC + 4, 2 % - ce qu'il est
aujourd'hui - par de l'efficience et de l'efficacité à IPC + 3 %,
qui, de plus en plus... Quand on progresse, je m'aperçois que c'est
toute une commande à livrer. Il reste quand même un écart
entre les deux et ce n'est pas conjoncturel, c'est structurel depuis de
nombreuses années. C'est en bonne partie dû au transfert
fédéral qu'on a récupéré, mais on n'est plus
capable de le faire, là. Il me semble que la situation est plus
structurelle que conjoncturelle, et là-dessus, j'aimerais vous
entendre.
M. Contandriopoulos: Je pense qu'il ne faut pas non plus tirer ce
mémoire plus loin qu'il ne va. Dans ce mémoire-ci, nous n'avons
pas, consciemment et volontairement, fait un travail statistique sur les
sources de données, c'est clair. On aura l'occasion - vous l'avez dit
vous-même - d'en reparler dans la semaine. On va revenir un peu plus...
Je pense que quand on parle de conjoncturel et de structurel, on peut faire de
longues argumentations sur ce qu'on veut dire. Les chiffres que vous citez, si
je comprends bien, sont les chiffres de la dernière ou des deux
dernières années.
M. Côté (Charlesbourg): Les tendances, 4, 2 %.
M. Contandriopoulos: Si on part de plus loin dans le temps... Je
ne veux pas faire l'argument. Ce qu'on reconnaît là-dedans, ce
qu'on reconnaît avec vous, et on le dit, je pense, tout à fait
clairement, c'est que les tendances du système de soins, tel qu'il est
organisé aujourd'hui, sont les tendances qui poussent - et on le dit
depuis plusieurs années - très fort à l'inflation. C'est
clair que c'est un système qui a des forces de croissance
extraordinairement vigoureuses et les moyens que l'on a de les contraindre sont
extrêmement limités. On est d'accord avec ça. Ça, je
le partage à 100 %. Toutes nos analyses le montrent. On l'a
écrit, on l'a écrit dans plusieurs endroits, c'est clair.
La conviction qu'on a, c'est que pour arriver à sortir de cette
solution-là, si c'est un problème structurel, cette dynamique de
croissance du système, il faut y répondre par des réponses
structurelles. Les réponses structurelles, ce sont des réformes
en profondeur du système de santé. C'est un requestionnement - on
en pariait tout à l'heure - des modes de paiement des professionnels.
C'est un requestionnement des relations entre les établissements et des
modes de paiement des établissements. C'est un requestionnement des
relations entre les établissements et les professionnels dans
différentes régions. Il est question fondamentalement de changer
le système de santé, de faire une réforme en
profondeur.
Ce que vous me répondez: On n'a pas fait une réforme en
profondeur et, actuellement, on a du mal à contrôler. Je suis
d'accord avec vous. On vous répond: II faut faire la réforme. (12
h 30)
M. Côté (Charlesbourg): Oui, sauf qu'on voit...
D'ailleurs, je pense que votre voisin de gauche pourrait aussi nous en parier,
compte tenu des échanges publics qu'il a eus avec un certain ordre
établi, sur la difficulté de changer un certain nombre de choses.
Je ne mets pas en doute d'aucune manière votre volonté de vouloir
changer le système, vous aussi, et de prendre un virage que tout le
monde souhaite, sauf que ce dont il faut faire prendre conscience à
cette commission-ci, c'est que ce n'est pas une situation financière qui
est conjoncturelle, elle est structurelle, et depuis de nombreuses
années. Ce n'est pas uniquement par des mesures d'efficience et
d'efficacité qui ont déjà leur lot difficile à
livrer qu'on va régler le problème dans lequel on est
actuellement.
C'est pour ça qu'effectivement il y a un certain nombre de
propositions qui sont là-dedans et qui ne sont pas faciles. Le
politicien, il aimerait mieux être dans la situation où il arrive
avec son lot de 400 000 000 $ additionnels par année qui règlent
le problème des centres d'accueil et d'hébergement, qui
règlent le problème des pharmaciens et le problème des
médecins, et ainsi de suite. Mais on n'est pas dans une situation
où on est capables de le faire si on veut demeurer comme
société, un Québec concurrentiel, indépendant ou
pas, là. Indépendant ou pas, il va falloir être
concurrentiel, premièrement. Deuxièmement, il faut faire en sorte
aussi que les générations futures ne paient pas la note, et qu'on
ne continue pas de pelleter dans leur cour, ce qu'on est en train de faire
aujourd'hui, ce qu'on consomme, nous.
M. Contandriopoulos: On est d'accord avec ça. Il n'y a pas
de problème avec ça.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Mais,
évidem-
ment...
M. Renaud: Mais, ça se réforme un système.
M. Côté (Charlesbourg): Pardon? M. Renaud: Ça
se réforme un système. M. Côté (Charlesbourg):
Oui.
M. Renaud: Vous avez essayé... Vous avez des
problèmes et on comprend tous.
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Renaud: Mais il reste que... On a lu plusieurs des
mémoires qui s'en viennent ici. Les gens vont vous donner exemple
par-dessus exemple de contrôle des dépenses possible. Les
leçons à travers le monde sont claires: II faut arriver à
contrôler les dépenses, limiter le nombre de médecins,
limiter le nombre aigu de lits. La Colombie-Britannique va même
jusqu'à dire: 11 faut ramener ça à 2,75 %, etc. Il y a une
série de micro-ajustements.
Mais le cas le plus frappant de l'existence de réforme possible,
c'est le cas anglais. Vous y êtes allé, M. Côté, en
préparant votre propre proposition de réforme et je ne sais pas
si vous avez lu The Economist, la semaine dernière, qui disait:
À la grande surprise de tout le monde, ça marche. La
Grande-Bretagne, vous le savez, a régionalisé ses budgets, un peu
comme nous, incluant le budget de la RAMQ, si on prend une comparaison avec
ici. Ce que The Economist rapportait la semaine dernière... Il
disait que les travaillistes étaient très contents parce qu'ils
avaient le sentiment qu'ils gagneraient leurs prochaines élections parce
que la réforme était pour se casser la gueule. Tout le monde se
cache maintenant. Les médecins s'y opposaient et maintenant ils sont
rendus en faveur. Qu'est-ce qui se passe? Les chiffres qui nous sont
cités par l'économiste... Les listes d'attente ont
diminué, les hôpitaux ont réussi à s'occuper de plus
de patients qu'avant, les services sont humanisés. Il y a 48 % des
Anglais qui disent être satisfaits. Il y a une série
d'indicateurs. En d'autres mots, le cas anglais, et pourtant ça leur
coûte vachement moins cher que nous... Eux ont réussi par la
régionalisation à introduire des compétitions entre les
régions, faisant en sorte qu'elles se sont émulées l'une
l'autre et que, finalement, les dépenses ont été
contrôlées.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas...
M. Renaud: Moi, il me semble qu'au Québec il ne faut pas
fermer la porte et dire: On n'y arrivera jamais. C'est sûr que... mais on
va y arriver un jour.
M. Côté (Charlesbourg): Non, je ne la ferme pas,
mais j'aimerais bien ça être capable d'y retourner en angleterre
pour voir comment ils ont évolué aussi rapidement dans l'espace
d'un an parce que, je vais vous dire une affaire, à part la
région de cambridge, ça faisait dur. ça faisait dur un
petit peu. je vais fouiller un petit peu plus.
M. Renaud: Mais, regardez The Economist, c'est très
intéressant.
Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître madame
brièvement parce que le temps du ministre est...
M. Côté (Charlesbourg): C'est un virage.
Le Président (M. Joly): ...terminé et je ne
voudrais quand même pas empiéter sur le temps du...
M. Côté (Charlesbourg): Je finis, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): II y avait un virage
là-bas qui était spectaculaire, que j'ai adoré, sur le
plan de la qualité totale des services - là, je ne veux pas
imiter Gérald - y compris sur le plan universitaire. C'est assez
intéressant à voir, et avec des principes de base, effectivement,
qui sont loin d'être mauvais: vous devez avoir un abonnement à un
médecin, un omni. L'allocation est davantage en fonction de la
prévention que du curatif puisque le médecin qui a un maximum de
3000 citoyens abonnés qui lui rapportent un montant x a tout
intérêt à aller dans la prévention que dans le
curatif.
Évidemment, c'est un système qui a été
l'objet d'une contestation absolument farouche de la part du corps
médical. Mais, ce que j'ai compris et l'histoire nous le
répète, au Québec comme ailleurs, c'est que d'opposition
farouche on devient des défenseurs du statu quo par la suite quand il
nous apporte un certain nombre de profits. On a encore du chemin à faire
pour leur montrer que dans un système changé il y aurait des
profits. Donc, on a du travail à faire. Évidemment, on continuera
parce qu'il y a bien d'autres choses que je veux aborder et comme on aura
à se revoir, j'ai l'impression que ça sera le même fil.
Disons que la discussion n'est qu'entamée.
Le Président (M. Joly): Merci. Mme Corin.
Mme Corin (Ellen): je voulais juste ajouter le fait que quand on
parle d'une réforme ou d'un contrôle de l'intérieur du
système de santé on ne parle pas uniquement de contrainte
externe. ce qui est indiqué dans le document également, c'est
l'importance et l'intérêt de favoriser un contrôle de
la qualité des interventions et des soins de l'intérieur de la
profession médicale. Il y a une série de mesures concrètes
qui peuvent exister dans la ligne des contrôles des «small area
research» et, donc, d'une comparaison où on donne aux associations
de médecins également des outils pour contrôler
eux-mêmes ce qu'ils font.
Maintenant, pour que cet aspect-là, je dirais, du contrôle
du système de soins de l'intérieur puisse avoir lieu, ça
demande un certain esprit, ça demande que tout le monde embarque dans un
train de mesures qu'on estime nécessaires. Le message qui ressort de
l'ensemble du document qui est ici, c'est que cet aspect-là est
relativement mis en veilleuse et que l'accent est mis sur le fait d'aller
chercher d'autres sources de financement. Je pense qu'il y a là quelque
chose qui est potentiellement dangereux et qui risque de faire tourner les
solutions envisagées d'un côté au détriment de
l'autre côté.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Maintenant, compte
tenu que nous avons dépassé notre heure, j'ai besoin de la
permission des membres de cette commission pour déborder.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Joly): Je vais maintenant
reconnaître M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue. S'il vous plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. C'est extrêmement
intéressant parce que je pense que vous nous aidez à donner de la
perspective au débat sur le court terme, sur le moyen terme et sur le
long terme, sur le virage que l'on doit prendre. Mais, au niveau de l'analyse,
il y a quand même certains éléments - je pense qu'il faut
le dire - assez remarquables parce que, écoutez, depuis maintenant une
journée, il vient de s'ajouter - et ce matin, depuis une dizaine de
minutes - quelque chose de nouveau dans le débat au niveau des chiffres.
Et là, c'est majeur. Ce que le ministre vient de dire, c'est que le
diagnostic financier de la page 101 est plus grave que ce que ça montre
à la page 101. C'est-à-dire, le ministre a dit - et on va revenir
là-dessus - premièrement sur la question: Le Québec
fait-il son travail financier ou pas? Le ministre, grosso modo... Quant
à nous, le Québec a raison depuis 12 à 15 ans. Il fait son
devoir, son travail.
Dans la situation actuelle, dans le court terme, il y a 140 000 000 $
d'abord à compresser dans le système à chaque année
pour en arriver à établir un niveau de dépenses à
IPC + 3 %, puisqu'on est à IPC + 4,2 %. J'aurais peut-être
dû lire le document quatre fois au lieu de trois. Sauf erreur, je ne l'ai
pas lu dans le document, cet élément-là et c'est une
information factuelle importante. C'est très important parce que
l'ampleur de notre problème est encore beaucoup plus grande. Vous, vous
l'illustrez à partir des données mêmes du document. C'est
encore beaucoup plus grand que ce qu'on pourrait imaginer, et à cet
effet-là - et c'est votre thèse - on ne peut pas penser que de
simples mesures de rationalisation, d'efficience, d'efficacité vont nous
amener à relever le défi du financement de la santé et des
services sociaux quant au régime que nous avons actuellement.
Elément un.
Elément deux. Quant à moi, ça aussi, ça
m'apparaît majeur dans le débat que nous avons. C'est à la
page 4 de votre document. Vous nous avez dit en commentaire: Quand les revenus
du gouvernement du Québec augmentent moins vite que le PIB, et que les
dépenses de santé, elles, augmentent de façon beaucoup
plus rapide, c'est parce qu'il y en a un qui ne fait pas sa job. C'est
uniquement cela. Vous le diagnostiquez bien et vous dites: Ça là,
c'est comme caché. C'est l'expression que vous avez presque
employée tantôt dans votre intervention première. On a de
la misère à découvrir la vérité dans ce
tableau-là parce que tout est un peu mêlé et
intrigué dans ce tableau-là.
Ma question maintenant est la suivante. C'est à la page 7. Vous
dites: Heureusement, heureusement, actuellement, la loi fédérale
C-3 sur la santé des Canadiens protège la population du
Québec. On a vu hier, là-dessus... Vous n'étiez pas ici et
je vous le dis. Le ministre a reculé là-dessus, sur le 7
décembre 1990, et n'a plus l'intention de demander d'amender C-3. Est-ce
qu'il va falloir, au Québec, se donner... Bien là, il va
démentir... Est-ce qu'au Québec on doit se donner cette barrure
au niveau de nos programmes en matière de santé et de services
sociaux, et de l'universalité, de l'accessibilité et du
financement universel de ces programmes?
M. Contandriopoulos: Je pense que la question, on peut y
répondre. On dit clairement dans notre mémoire que le
Québec, dans la mesure où il conteste la loi C-3, dans la mesure
où la loi C-3 aura moins de dents dans les années qui viennent
qu'elle n'en a actuellement et le Québec, indépendamment de
l'option constitutionnelle que l'on peut avoir, devrait, dans le cadre d'une
réforme de son système de santé, se donner des
critères, des critères propres qui lui permettraient de discuter.
Alors, par rapport à ses propres critères, qu'est-ce qui est
service de base, qui n'est pas service de base... Ne pas essayer de s'enfarger,
comme on l'a fait ce matin. Est-ce que les médicaments, ce n'est pas de
base... Bon, ça n'a pas de sens.
Donc, ce qu'on dit, c'est que, si on veut discuter avec le
fédéral d'une façon raisonnable, on serait beaucoup mieux
placés si on avait nous-mêmes nos propres critères desquels
on
pourrait être fiers et qu'on pourrait amener en disant:
Voilà sur quoi est organisé notre système et ces
critères-là sont aussi bons ou meilleurs que les vôtres, et
puis c'est ceux-là qu'on travaille. Donc, ce qu'on dit, c'est que c'est
un peu paradoxal que d'avoir à se protéger d'une lecture
peut-être pessimiste du document qu'on voyait déraper vers la
privatisation par des mesures d'une loi qu'on veut contester.
M. Trudel: Très bien. Ça va toujours de
façon très rapide sur ce chapitre.
M. Contandriopoulos: M. le Président nous a dit d'aller
vite.
M. Trudel: Je peux bien me réjouir 20 fois de ce que vous
venez de dire, mais je me réjouis de ce que vous venez de dire. Bon,
voilà! Il y a un autre mythe que votre document nous permet de
détruire. Bon, on va être rendus à 12, parce que je l'ai
entendu pas mal souvent depuis hier. Grosso modo, vous êtes d'accord,
avec des réserves. C'est intéressant la réserve de danger
sur le fonds de santé. On appelle ça communément, dans le
langage, la caisse-santé.
M. Contandriopoulos: On n'est pas d'accord là-dedans.
C'est clair.
M. Trudel: Vous dites, au début, que c'est une
idée, mais c'est très dangereux...
M. Contandriopoulos: O. K. Donc, on n'est pas d'accord.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai compris qu'il
n'était pas d'accord. J'ai compris que c'était le premier.
M. Trudel:... à cause surtout de l'intersectoriel.
Beaucoup de groupes nous ont dit, depuis une journée et demie, que la
caisse-santé et l'impôt-santé, c'était, grosso modo,
une bonne idée.
M. Contandriopoulos: Ça dépend pour qui.
M. Trudel: II faut être capable de dire que
l'impôt-santé, comme élément séparé de
comptabilité, et la caisse-santé, ce n'est pas une mesure de
financement, à moins que l'État prenne la décision
d'augmenter cette partie de l'impôt. Alors, on est sur le débat du
financement de la santé. L'illusion qui est en train de se dessiner,
c'est que la création d'une caisse-santé et la création
d'un impôt-santé distinct, ce serait un élément de
solution de financement. C'est faux, ultra-faux. Vous, vous rajoutez pardessus
cela: La création d'une caisse-santé peut nous amener à
des difficultés assez grandes. Ça peut nous amener, au niveau de
l'intersectoriel en particulier, à des problèmes assez graves.
j'aimerais que vous rajoutiez un peu là-dessus sur le pourquoi du danger
de la création de la caisse-santé, le mythe du financement
étant détruit par ailleurs.
M. Renaud: Pour nous, le problème de la
caisse-santé, c'est qu'au Québec, on est très bon dans les
débats. On est très bon pour créer des structures, mais,
à un moment donné, ça dérape. Premièrement,
qu'est-ce qui nous dit que la caisse-santé ne deviendra pas une cagnotte
pour docteurs? Qui nous dit qu'elle ne deviendra pas, comme le disait
André-Pierre, dans des mots plus polis, un truc réservé
à certains professionnels? Deuxièmement, pourquoi isolerait-on
dans le budget des grands arbitrages de l'État, les fonds qui sont
spécifiquement réservés aux soins? Pourquoi ne pas laisser
à l'arbitrage général du gouvernement ce qui va aux soins
de santé?
M. Trudel: II faut retenir, quant à moi, ce que vous
affirmez et votre réponse. Il faut retenir ça dans notre
mémoire pour tout le restant du débat. Ça me semble
éminemment important. On est toujours pris avec des contraintes de
temps. Mais c'est juste... En fermant votre mémoire, je disais: En
conclusion, l'ICRA nous a dit, en particulier - parce qu'on l'a touché
aussi ce matin avec les personnes âgées puis les
médicaments: Oui, il y a moyen, à court terme, de faire des
efforts assez vigoureux au niveau de l'efficacité, de l'efficience, de
la rationalisation dans le système. Mais, par ailleurs, tout cela n'est
pas fa solution à notre problème dit de financement. Une autre
façon de dire les choses... Le ministre, lui, dit: Ce n'est pas
conjoncturel, c'est structurel. Ce serait plus juste de dire: Notre
problème n'est pas structurel, il est politique. Est-ce que c'est juste
quand je tire ça comme conclusion?
M. Renaud: C'est quasiment par définition.
M. Trudel: Ah!
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, il va
falloir définir la politique, là.
M. Contandriopoulos: Oui. Toute la politique alors.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Si je comprends votre
réponse avec sa question, je ne suis pas sûr qu'en
répondant oui c'est exactement à la question.
M. Trudel: Laissez faire les interprétations, je vais
rester avec, moi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Je vais m'occuper des interprétations.
Le Président (M. Joly): Alors, si vous voulez vous faire
plaisir, M. le député...
M. Trudel: Vous déguisez ça en structurel, nous
autres, on dira bien c'est quoi la structure.
M. Côté (Charlesbourg): II dit: On la connaît
déjà parce qu'elle était très claire au
début de votre exposé.
M. Trudel: Vous, vous appelez ça structurel, M. le
ministre. Nous autres, on va définir c'est quoi le problème de la
structure.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Nous autres, on va
être constitutionnels.
M. Trudel: Merci de votre présentation. Moi, je pense que
vous nous apportez des éléments au niveau de la réflexion
qui sont extrêmement importants, puisque ce n'est pas un débat qui
doit nous amener à des conclusions uniquement pour les quelques mois ou
pour la période financière très courte à laquelle
nous sommes confrontés, mais c'est vraiment pour le très long
terme. Votre mémoire, vos réflexions sont extrêmement
précieux à cet égard-là, quant à moi. Merci
beaucoup, messieurs, madame.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, moi
aussi, je veux les remercier. Je pense qu'on commence a rentrer dans un
débat qui est plus philosophique, d'idées, que ce qu'on a connu
jusqu'à maintenant. Même s'il y a des différences assez
appréciables entre vos perceptions et les nôtres, je suis
convaincu qu'au bout de la ligne on poursuit le même but. C'est ça
qui est stimulant, qui va continuer de nous stimuler de part et d'autre d'ici
vendredi matin, parce que ce sera notre prochaine rencontre. Ça va
très certainement s'inscrire dans la continuité de la discussion
qu'on a entamée et qu'on essaiera de finir vendredi matin. Merci
beaucoup.
M. Contandriopoulos: Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Merci, madame, merci, messieurs.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures précises, si
possible, et nous entendrons l'Association des hôpitaux du Québec.
Merci. Bon appétit!
(Suspension de la séance à 12 h 47)
(Reprise à 14 h 13)
Le Président (M. Joly): J'apprécierais si les
personnes représentant l'Association des hôpitaux du Québec
voulaient bien s'avancer, s'il vous plaît. Merci.
Alors, bienvenue à cette commission et merci d'être
présents. Je vois que M. Favre est déjà en place avec son
groupe. Alors, M. Favre, pouvez-vous nous introduire les gens qui vous
accompagnent, s'il vous plaît?
Association des hôpitaux du
Québec
M. Favre (Henri): Je vous remercie, M. le Président. Je
vous salue, ainsi que les membres de cette commission. Je vous remercie de nous
avoir invités et donné l'occasion de participer à un
débat que nous attendons depuis quelque temps. Nous y pensons, en tout
cas, depuis deux ans. Je remercie le ministre Côté de l'initiative
qu'il a prise de faire ce débat de société et je pense
qu'il s'impose. Il faut toutefois constater que nous nous limitons, dans ce
débat, à la santé et aux services sociaux, et que nous
avons des problèmes qui, probablement, sont des problèmes de
société dans son ensemble. Donc, ce sera sous-jacent à nos
interventions: nous nous limitons à un aspect de la question, mais nous
pensons à un problème qui est plus vaste.
La présentation de la table: à ma gauche, j'ai le
deuxième vice-président, M. Marcel Gagnon, qui est le
président de l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme; à
ma droite, M. Jacques Nadeau, vice-président exécutif de
l'Association; M. Léan-dre Nadeau qui est le vice-président aux
affaires administratives. M. Jean-Marie Lance faisait partie de notre petite
délégation, mais il se trouve une rangée
derrière.
Le Président (M. Joly): Je vous rappelle que vous avez
environ 30 minutes pour nous lire votre mémoire et que, par
après, nous échangerons avec vous.
M. Favre: C'est ça. Nous représentons 200
hôpitaux. Nous représentons, en plus, 30 associations du
ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous
représentons, en fait, ou nous utilisons 53 % du budget global de ce
ministère. Nous venons dialoguer par rapport à ce que le ministre
apporte comme enjeu. D'ici cinq ans, il y aura un manque à pourvoir de 1
000 000 000 $, peut-être de 2 000 000 000 $, et nous nous interrogeons
à savoir si ces chiffres sont récurrents, s'ils sont cumulatifs.
Si on est dans une impasse, dans le fond, quelle est l'origine de cette
impasse? Le désengagement du gouvernement fédéral? Mais,
nous pouvons nous interroger sur un désengagement possible du
gouvernement provincial, sur des modifications en profondeur qui seraient
apportées à notre régime de santé et de services
sociaux
Le document du ministère fait part de nombreuses solutions qui
vont de réductions de services à des améliorations dans
l'allocation des ressources, dans l'efficience. Il faudrait réviser le
panier des services assurés. Il y a également une discussion
à faire sur les sources de financement. Accroître le
déficit, compressions dans d'autres secteurs gouvernementaux,
accroître le fardeau fiscal, impôt-services, contributions
directes: nous avons examiné toutes ces questions-là et nous
sommes prêts à engager le dialogue sur chacune d'elles en y
apportant des solutions. Nous constatons toutefois que la question des services
qui sont non essentiels représente une très faible partie de la
somme qui est en jeu, et nous n'avons pas l'impression que les solutions qui
sont proposées dans le mémoire ministériel à ce
sujet sont vraiment à la mesure de la situation.
Ce que je veux affirmer, avant de donner la parole à M. Jacques
Nadeau, qui parlera de situations très précises et de solutions,
c'est que l'Association des hôpitaux du Québec est en faveur du
maintien du régime actuel et de ses caractéristiques
essentielles: l'accessibilité, le financement public, une couverture
large de services pour le maintien et l'amélioration de la condition
physique, psychique et sociale des individus.
Nous pensons qu'il est possible de maintenir le régime actuel, II
y faudra certains ajustements. Il convient de le rendre plus dynamique. Il
conviendra de mieux cibler nos interventions, à l'avenir, et d'en
calculer les coûts, de façon à ce que l'on puisse continuer
à assurer l'accessibilité avec des coûts qui sont
compatibles avec la capacité de payer des contribuables et des usagers.
Avec votre permission, M. le Président, je donne la parole à M.
Jacques Nadeau.
Le Président (M. Joly): M. Nadeau, s'il vous
plaît.
M. Nadeau (Jacques A.): m. le président, membres de la
commission. au départ, je pense qu'il est bien important de comprendre
l'impasse financière. le problème, chiffré entre 1 000 000
000 $ et 2 000 000 000 $, ce n'est pas un problème de liquidités.
ce n'est pas un problème passager, mais c'est un problème
structurel. à chaque année, un montant vient s'ajouter à
l'impasse et, pourtant, dieu sait si le québec contrôle bien ses
dépenses de santé! il provient de la baisse des transferts
fédéraux - 1 000 000 000 $ la cinquième année - et
il provient d'une croissance économique trop lente.
Pour illustrer, les dépenses de santé croissent à
IPC + 3 % ou 3,5 %, alors que les recettes du gouvernement croissent à
IPC + 2 % à cause de la baisse des transferts fédéraux.
À chaque année, environ 200 000 000 $ s'ajoutent. C'est donc
dramatique. Je pense qu'on est ici, aujourd'hui, pour essayer de trouver
ensemble un certain nombre de solutions qui vont rapporter des choses
rapidement, pas dans 10 ans, pas dans 5 ans, le plus rapidement possible.
L'AHQ a analysé trois sortes de solutions, certaines qu'il faut
écarter, certaines qu'il faut analyser et documenter, et certaines qu'il
faut privilégier tout de suite. Regardons-les. D'abord, les solutions
qu'il faut écarter. Le gouvernement pourrait accroître le fardeau
fiscal des Québécois, mais je pense qu'en vertu de la
compétitivité du Québec, étant donné la
mondialisation des marchés, c'est quelque chose qu'il faut rejeter. Le
gouvernement pourrait accroître le déficit, mais je pense qu'en
vertu du principe d'équité pour les générations
futures, il faut aussi rejeter cette solution.
Regardons maintenant des solutions qu'il faut analyser. Il ne faut pas
écarter certaines options dont les décisions devraient être
précédées d'analyses, d'études sérieuses.
Réduction, par exemple, du niveau des dépenses. Est-ce
souhaitable et possible de réduire les dépenses de santé?
Est-ce si vrai que nos dépenses de santé sont un peu plus
élevées que notre richesse nous le permet? On le sait, et on sait
pourquoi aussi. On a des normes canadiennes, et quand on est plus pauvre,
ça nous coûte plus cher pour respecter les normes canadiennes. On
a un contexte de consommation qui est nord-américain. On n'est pas en
Hollande, on n'est pas en Suède; on est au Canada, puis on est à
côté des États-Unis. On a un taux d'institutionnalisation
qui est plus élevé, qui est aux alentours de 7 %, alors que,
ailleurs, ça frise les 5 %. On a des réseaux spécifiques,
celui des DSC, celui des CLSC, qui n'existent pas ailleurs. Si on voulait
réduire les dépenses qu'on consacre à la santé,
comment on ferait ça? On couperait des salaires? On fermerait des
postes? On fermerait des lits? On réduirait les services? Ce que le
réseau hospitalier offre, ce sont des services de base
médicalement requis. Si on réduisait les montants qui y sont
consacrés, ça aurait des conséquences dramatiques sur
l'accessibilité, et on le sait.
Une autre voie qu'il faut étudier, c'est celle de la
réduction de l'utilisation abusive des services. Certains disent que des
citoyens abusent des services. Je pense que ça peut être vrai du
côté des médicaments, et ça, ce n'est pas
nécessairement la faute des citoyens; il y a lieu de regarder ça.
Mais je ne pense pas qu'en général il soit prouvé que les
citoyens abusent du système de santé. Si on veut prendre des
mesures dans ce sens-là, il faudrait mieux documenter ce qu'on pourrait
appeler des abus.
Troisième voie de solution analysée: la question de
l'amélioration dans l'allocation des ressources. Le ministre propose une
meilleure allocation entre les différentes régions et entre les
établissements. À cet effet, et c'est heureux, il a
créé un comité tripartite: ministère, CRSSS, AHQ.
Ça, c'est un exemple où on se donne les
moyens d'analyser un problème. La solution, elle risque
d'être beaucoup plus réaliste et beaucoup plus crédible
parce qu'on l'analyse avant de l'implanter.
Plusieurs parlent d'allocations entre les secteurs. Nous, on vous dit
que toute allocation doit répondre aux besoins et
préférences des consommateurs en privilégiant les moyens
les plus efficaces, c'est-à-dire des études
avantages-coûts. Vous savez, il n'y a pas beaucoup d'études sur
les préférences des consommateurs. Il n'y a pas beaucoup
d'études, non plus, sur l'efficience et l'efficacité. Pourtant,
ce sont des bases sur lesquelles on devrait prendre nos décisions. Quand
on n'a pas beaucoup d'études, on s'en remet souvent à des
comparaisons. Regardons certains cas. Par exemple, le taux
d'institutionnalisation. On sait qu'on a un taux d'institutionnalisation plus
élevé. On a investi plus dans le béton que certaines
autres sociétés, et ça nous a peut-être
enlevé les moyens de développer des alternatives à ne pas
favoriser l'autonomie des personnes comme, par exemple, un peu plus de centres
de jour, d'hôpitaux de jour pour les personnes âgées, la
physiothérapie, l'ergothérapie, la gériatrie active et le
maintien à domicile.
Un autre exemple, c'est la courte durée physique. On a un taux
d'hospitalisation en Ontario qui est de 24 % plus élevé qu'au
Québec. Québec a un des taux les plus bas de lits
dédiés à la courte durée, même si l'Ontario a
beaucoup avancé au niveau de la chirurgie d'un jour, beaucoup plus
avancé que le Québec - on en repariera, d'ailleurs,
tantôt.
Au niveau des services médicaux de première ligne, je
pense qu'on peut dire - tout le monde le reconnaît - que le Québec
a un réseau très bien doté de première ligne. Je
pense qu'il faudrait faire attention, avant d'agrandir cette première
ligne-là, de dupliquer, d'ajouter des ressources humaines et de
l'équipement. Il faut rentabiliser les équipements qu'on a
ailleurs et, si on doit le faire, il faut le faire cas par cas, en tenant
compte du coût-bénéfice. Si c'est plus avantageux de le
faire, faisons-le. Si ce n'est pas avantageux de le faire, je ne vois pas
pourquoi on le ferait.
Toute la question de la prévention. Certains disent que des
investissements additionnels pourraient sauver des millions. Ce qu'il faut se
demander, c'est dans quelle mesure ces investissements permettraient de
solutionner l'impasse. C'est sûr que c'est important d'investir dans la
prévention, c'est évident. Mais il faut reconnaître que,
comme société, on a fait des grands pas au Québec dans ce
domaine-là. Qu'on regarde ce qui s'est passé et ce qui se passe
au niveau de la consommation du tabac, de la diminution des accidents de la
route avec Opération Nez rouge, des pénalités plus
importantes, de la diminution de la gravité des blessures avec la
ceinture et avec le coussin gonflable qui s'en vient, de l'activité
physique - il y a beaucoup plus de gens qui font de l'activité physique
qu'il n'y en a jamais eu - de la taxation sur les produits néfastes.
Donc, en ce qui concerne l'allocation des ressources, la prudence est de mise
puisqu'on manque d'information. Il y a une expérience qui est connue, et
de laquelle on devrait s'inspirer, c'est celle de l'Orégon qui s'est
donné une méthodologie et une organisation pour prioriser les
services et procéder aux allocations. Si vous voulez qu'on vous en
parle, on vous parlera tout à l'heure de ce qui s'est passé en
Oregon, et de ce qui est en train de se passer.
Regardons enfin les solutions qu'il faut privilégier tout de
suite. D'abord, la première: l'amélioration de l'efficience, voie
qui permettra des bénéfices à moyen et à long
terme. Il s'agit de faire mieux avec les mêmes ressources. Il faut
dynamiser le système, créer des incitatifs, favoriser la
créativité et l'innovation. Moi, je peux vous dire que les
producteurs sont prêts à relever ces défis-là. Ils
l'ont fait et ils sont prêts à faire un pas de plus dans le
processus des soins.
Regardons un élément: l'alternative à
l'hospitalisation. Pensons d'abord à la chirurgie de jour. Dans le cadre
du projet OPTIMAH, auquel participent six centres hospitaliers et le
ministère, nous sommes en train d'identifier le potentiel de
développement de la chirurgie de jour et de la médecine de jour.
La chirurgie de jour: on estime qu'entre 22 000 et 65 000 interventions
pourraient être réalisées en chirurgie de jour, ce qui
permettrait de libérer entre 500 et 1500 lits. Aux État-Unis, 50
% des activités chirurgicales se font de jour; en Colombie-Britannique,
44 %; et, au Québec, moins de 30 %. Sur une période de trois ou
quatre ans, nous pensons qu'il y aurait moyen d'aller chercher le
potentiel.
La médecine de jour. Selon une démarche qui a
été entreprise dans un centre hospitalier, il y a trois groupes
de patients qui pourraient bénéficier de la médecine de
jour: les examens et diagnostics tels que les artériographies,
myélographies et bronchoscopies, d'autres comme l'initiation et le
dosage d'anticoagulothérapie - ce sont des expression savantes - le
traitement pour le diabète et l'asthme. Il y a un potentiel qui n'est
pas évalué, à l'heure actuelle, mais l'expérience
qui est vécue dans ce centre hospitalier nous démontre qu'il y a
aussi, au niveau de la médecine de jour, un potentiel
intéressant. (14 h 30) l'autotraitement à domicile. parlons
d'anti-biothérapie intraveineuse, de dialyse péritonéaie
et d'hémodialyse. l'hôpital à domicile. il y a des choses
à faire au niveau de l'hôpital à domicile qui pourraient
nous empêcher d'investir dans le béton et dans les lits par la
suite.
Parlons du projet RUM que nous travaillons en collaboration avec le
ministère et les établis-
sements, et qui est la revue de l'utilisation des médicaments.
Nous sommes en train de développer, dans notre réseau, une
approche pour utiliser un médicament de la manière la plus
efficiente possible. La meilleure utilisation possible pour un
médicament, là, nous pensons qu'il y a des sommes importantes
à sauver du côté des médicaments.
Parlons de l'allégement de la réglementation et de la
bureaucratie comme deuxième solution à appliquer le plus
rapidement possible. Regardons nos conventions collectives, nos bibles. Je
pense qu'on se doit de convaincre nos partenaires syndicaux qu'il faut
véritablement décentraliser l'organisation du travail, et de
faire en sorte qu'on puisse adapter à nos particularités propres
les conditions de travail en tout ce qui regarde l'organisation du travail. Je
peux vous dire qu'il y a des sommes - on ne peut pas évaluer ça -
importantes à sauver sur le plan financier et également sur le
plan humain. Toute la question d'alléger la réglementation. Je
pense que le ministère doit définir les objectifs en accord avec
les CRSSS, les programmes, les enveloppes, mais il doit laisser aux
établissements le choix des moyens, la marge de manoeuvre. Par exemple,
dans le cadre des projets autofinancés, pour en citer quelques exemples,
où on le fait sur une période de cinq ans. Mais, souvent ces
projets-là sont dépréciés sur une période de
dix ans. Est-ce qu'on ne pourrait pas élargir la marge qui nous
permettrait d'en faire un peu plus?
Le maintien d'actifs. Combien c'est long pour aller chercher un projet
pour, finalement, faire une réparation importante! Les directives.
D'ailleurs, M. le ministre, vous nous aviez dit à notre congrès -
je sais que vous allez le respecter - que, peu après l'adoption de la
loi 120, on s'assoira ensemble et on les regardera, ces directives-là.
L'objectif sera d'alléger les directives et de donner plus de marge de
manoeuvre aux établissements.
Le cloisonnement des missions, tel qu'il est prévu dans la loi
120. Il faut que ce soit appliqué avec souplesse pour que ça ne
soit pas un obstacle aux services. Je vais vous donner des exemples qui
pourraient se produire et que le cloisonnement des missions empêcherait
de faire. Par exemple, vous avez dans un établissement un
débordement à l'urgence et vous aimeriez retourner plus
rapidement des personnes à la maison, mais ça vous prendrait
quelqu'un pour s'en occuper. Si vous allez vous adresser à d'autres
ressources, avant d'avoir la réponse, ça peut prendre du temps.
Si vous pouvez affecter immédiatement deux infirmières, vous
allez retourner des patients chez eux. Vous allez les surveiller, ils vont
être là plus rapidement, vous allez désengorger votre
urgence, et ça va vous permettre de fonctionner. Mais, dans le cadre des
missions très rigides qu'on a, je ne suis pas sûr que ça
pourrait se faire, de sorte que la souplesse dans l'application des missions
rigides nous paraît extrêmement importante.
Les régies régionales. Je pense que dans le contexte de
l'impasse qui est appréhendée - M. le ministre, vous l'avez
répété, et je vous le redis, encore, moi aussi - il serait
tout à fait inapproprié d'investir de l'argent neuf dans des
structures administratives. Dans les ressources qui sont actuellement au niveau
des CRSSS et les ressources qui sont au ministère, il doit y avoir moyen
de faire en sorte qu'on puisse avoir les ressources qu'il faut pour
équiper les régies. Dans ce sens-là, si on en a un peu
moins, on va peut-être éviter la duplication, et ça sera
heureux.
Les achats de groupe. M. le ministre, il y a un potentiel important. Je
peux vous dire que nous allons collaborer énormément au niveau
des achats de groupe. Cependant, n'oubliez pas une dimension: la dimension
incitative. Il faut que ce soit incitatif. Il faut que ce soient les
établissements qui s'en occupent et les établissements qui
reçoivent, sinon la totalité, une partie importante des
incitatifs.
Pour dynamiser le système, M. le ministre, on va vous proposer
trois projets pilotes. Le premier, c'est un forfaitaire qui serait versé
directement à l'usager sur la base de plans de services
individualisés. Par exemple, les services à domicile; par
exemple, les handicapés. Le deuxième projet, c'est le financement
de services médicaux de première ligne à l'échelle
d'une région, sur la base d'un per capita pondéré.
Plusieurs OSIS dans la région seraient alors en compétition.
Expérience de complémentarité à l'échelle
d'une MRC. Il y a des établissements qui sont prêts à faire
en sorte que si vous leur donnez le budget à eux... Ils sont un certain
nombre d'établissements et eux ont à se le répartir entre
eux. Je pense qu'ils sont capables, en termes de complémentarité,
de mieux travailler et de faire mieux. Je pense que ça vaut la peine de
l'essayer.
Il y a une troisième solution qu'il faut regarder, M. le
Président, c'est des mécanismes de financement plus incitatifs.
C'est un outil pour dynamiser et atteindre les objectifs. C'est important que
les budgets des établissements soient ajustés partiellement en
tenant compte de la complexité, c'est-à-dire la base des DRG, et
on est en train de travailler un projet dans ce sens-là. Ça n'a
pas de sens qu'en 1992, on ait une base budgétaire qui soit, dans une
large mesure, historique. Il faut vraiment que ça tienne compte de la
complexité des cas traités. On est en train de se donner les
outils pour le faire et c'est important.
Le financement prospectif de la première ligne, je vous en
parlais tantôt. Une formule d'amortissement. Il me semble que ce serait
possible de laisser aux établissements la possibilité de prendre
un pourcentage, si minime soit-il.de leur budget et de se créer un fonds
d'amortissement. À ce moment-là, quand ils
auront des problèmes de maintien des actifs, ils pourront piger
là sans être obligés de demander à Pierre, Jean,
Jacques et de faire le tour de tout l'appareil pour se faire répondre
six mois après. Je pense que ça serait extrêmement
intéressant et extrêmement dynamisant.
Fonds d'encouragement à l'innovation. Il y a quelqu'un qui a
déjà mis ça sur la table, un fonds d'encouragement
à l'innovation. Pourquoi pas? La modulation de la tarification des actes
médicaux. Si on veut favoriser la médecine de jour, si on veut
favoriser la chirurgie d'un jour, est-ce qu'on ne pourrait pas faire une
modulation de la tarification en conséquence? Je pense qu'on pourrait
atteindre l'objectif.
Quatrième voie de solution qu'il faut regarder
immédiatement, M. le ministre, c'est la question de l'évaluation
des services assurés. C'est une voie essentielle pour prioriser les
services. Ça nous apparaît incontournable pour l'allocation des
ressources. L'expérience de l'Orégon peut nous servir et ils
estiment, eux autres, qu'ils vont sauver 20 % du coût de leurs
programmes. On pourra vous en parler tantôt si ça vous
intéresse.
Le Conseil des technologies a déjà montré son
utilité. Juste dans deux projets, les opacifiants et toute la question
qu'ils viennent de nous annoncer sur les radiographies pulmonaires, il y a 20
000 000 $ là-dedans. Est-ce qu'on doit créer un nouveau conseil,
élargir le mandat du Conseil des technologies ou inclure le Conseil des
technologies dans un autre conseil qui aurait un mandat plus vaste? Le moyen
est moins important. Ce qui est important, c'est l'objectif. Ça, c'est
absolument essentiel, l'évaluation des services assurés.
Cinquièmement, la source complémentaire de financement. M.
le ministre, vous avez parlé dans votre document, de créer un
fonds général. Je pense que c'est bon. Je pense que ça va
rendre plus transparent l'ensemble des montants qui sont consacrés
à la santé. Mais, entre nous, qui sait, par exemple, le montant
total qui est consacré à la RAMQ? Qui sait ça, à
part nous autres qui sommes très intéressés? Qui, dans la
population, va savoir le montant total qui est consacré à la
santé, qui est affecté à ce fonds-là? Je pense que
c'est important d'avoir une transparence au niveau global, nul doute. Mais nous
ne pensons pas que ça va influencer la dynamique des dépenses de
la santé. Nous pensons qu'il est essentiel d'établir un lien
transparent entre la consommation individuelle et le financement individuel.
Ça, ça risque d'influencer le comportement du consommateur et du
producteur. Tout ça, sans aucunement - c'est absolument essentiel -
brimer l'accessibilité au citoyen.
On peut envisager l'impôt-services avec plafond. On peut envisager
des contributions modestes. Nous en avons largement discuté sur la place
publique. Je peux vous dire que, quant à nous, nos membres favorisent
l'impôt-services parce que ça tient compte plus facilement de la
capacité de payer des individus, et on ne peut pas dire que c'est un
fardeau fiscal additionnel. Un agent économique qui viendrait
s'installer au Québec ne dirait pas, parce qu'il peut être
appelé à payer un montant additionnel sur son impôt s'il
consomme des services de santé, que le fardeau fiscal est
augmenté. Il aurait à peu près la même impression
que s'il donnait 10 $ chez le dentiste. On n'a pas l'impression que, parce
qu'on donne 10 $ quand on va se faire soigner chez un dentiste, on vient
d'augmenter notre fardeau fiscal.
Voilà, M. le Président, les réflexions de
l'Association des hôpitaux du Québec à cette commission. Je
m'en voudrais, en terminant, de ne pas souligner le caractère odieux de
la démarche unilatérale du gouvernement fédéral. Ou
il révise ses transferts au chapitre des programmes de santé - on
sait tous qu'il n'a pas les moyens - ou il donne aux provinces les moyens de
maintenir pour leurs citoyens un système de santé et de services
sociaux de qualité. Le refus de poser un tel geste serait irresponsable
de sa part. M. le Président, nous sommes à votre disposition pour
répondre à vos questions.
Le Président (M. Joly): Merci, messieurs. M. le ministre,
à vous la parole.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Tous les mémoires que nous entendons devant cette
commission sont, très certainement, des mémoires très
importants. Un certain nombre de ceux que nous avons entendus jusqu'à
maintenant pèche par convoitise, et, règle générale
- vous avez dit vous-mêmes que 53% des budgets étaient dans votre
secteur - il est bien évident que tout le monde trouve vos budgets assez
gros, merci, à la santé, et très peu importants, merci, au
niveau du social. Donc, on prendra le temps de faire le tour de la
question.
Mes premières constatations au niveau du mémoire. Il est
substantiel, il y a des efforts de réflexion très importants, et
ce n'est pas nouveau, d'ailleurs, je pense, de tenter de trouver des pistes de
solution. Sur les constats, }e pense qu'on y est, ou à quelques
variantes près. On parle beaucoup d'efficience et d'efficacité.
Si ma mémoire est fidèle - vous l'avez évoqué
tantôt - sur le plan du normatif, il y a, semble-t-il, un bon bout de
chemin à faire. Lorsqu'on parle de bout de chemin à faire,
oublions les salaires, 11 y a déjà des efforts qui ont
été faits à ce niveau-là. mais, sur le normatif, il
n'est pas évident qu'il n'y aurait pas avantage à ce que le
niveau local - vous le dites très bien, c'est une idée que je
partage - ait plus de pouvoirs. mais ça va à rencontre des
systèmes organisés, tant gouvernemental que syndical, d'un
pouvoir central fort par rapport à un pouvoir local. donc, on
délaisse toujours un bras; est-ce que
c'est deux bras et deux jambes qu'on délaisse au niveau local? Je
pense que ça, c'est une discussion qui était bien amorcée,
et qui, dans les prochaines rondes de négociations, va faire l'objet de
discussions très très serrées.
Je voudrais peut-être en arriver à des points plus
spécifiques au niveau du normatif. Deux exemples en particulier:
santé et sécurité au travail. Pas seulement pour votre
secteur, mais globalement, pour le ministère de la Santé et des
Services sociaux, c'est plus ou moins 150 000 000 $ par année. Dans le
cas de l'as-surance-salaire, c'est 350 000 000 $ par année. Ça
fait quand même partie du normatif. C'est un normatif assez lourd, merci,
parce que, si on additionne les deux, ça fait 500 000 000 $. Je pourrais
citer l'exemple de Verdun. Je vois M. Levine, ça me rappelle qu'il y a
eu des efforts de faits au niveau de la santé et de la
sécurité au travail là-bas, qui se sont
résumés à des économies de plus ou moins 800 000 $.
Je ne sais pas si mon chiffre est toujours bon, mais ça m'avait
frappé, l'initiative d'une administration qui décide de prendre
le taureau par les cornes, qui interpelle, et qui, dans une seule année,
sauve 800 000 $. C'est quand même considérable pour un
établissement.
Est-ce qu'il n'y a pas là du travail à faire?
Évidemment, les règles syndicales sont là, les normes sont
là, mais est-ce qu'il n'y a pas, dans ce panier de 500 000 000 $, des
efforts additionnels à faire? Qu'est-ce qu'on peut faire ensemble pour
améliorer cette situation-là? (14 h 45)
M. Nadeau (Léandre): Alors, M. le Président. Oui,
M. le ministre, je pense que, effectivement, pour la santé et la
sécurité au travail, il y a des efforts importants qui peuvent
être faits. Vous savez, comme nous, que le réseau a
été pris par surprise avec la nouvelle tarification de la CSST en
janvier 1990, qui a bouleversé les équilibres budgétaires
des établissements de santé et de services sociaux comme les
entreprises privées et qu'il y a, effectivement, une prise de conscience
à ce niveau-là qui est...
M. Côté (Charlesbourg): Ça n'a pas
nécessairement réglé le déficit de la CSST non
plus.
M. Nadeau (Léandre): Ça ne l'a pas
réglé, comme vous avez pu le constater, au contraire.
Paraît-il qu'on s'acheminerait là aussi vers un déficit,
une impasse de 1 000 000 000 $. On les accumule. Comme vous le savez, en ce qui
concerne le secteur santé et services sociaux, je voudrais quand
même vous préciser que le nombre d'accidents en santé et
sécurité au travail n'a pas augmenté depuis quatre, cinq
ans. C'est la tarification de la CSST qui a augmenté
considérablement depuis quatre, cinq ans. Si vous comparez le nombre
d'accidents et tout ça, au contraire, il y a eu une diminution au cours
des dernières années du nombre d'accidents du travail.
Cela étant dit, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas
d'améliorations importantes qui peuvent être faites et qui peuvent
être apportées. Nous avions proposé justement au
gouvernement de créer un régime rétrospectif collectif
dans le secteur hospitalier justement pour être en mesure de mieux
appuyer nos établissements dans les efforts en santé et
sécurité au travail. Vous avez donné l'exemple de Verdun,
c'est tout à fait vrai. Vous avez là un D.G. qui en a fait son
dossier principal au cours de la dernière année et qui a eu des
résultats excellents. Il y a d'autres hôpitaux, il y a au moins
20, 25 hôpitaux qui ont fait des progrès très importants en
santé et sécurité du travail en 1990 et 1991. Ça ne
se voit pas dans les chiffres pour la bonne raison que la tarification de la
CSST augmente très rapidement et les méthodes de calcul, au
provisoire comme on appelle, ont pour effet de créer des déficits
artificiels. Cela étant dit, M. le ministre, vous avez tout à
fait raison. On en a fait une priorité. La plupart des hôpitaux en
font une priorité également de la santé et de la
sécurité au travail puis, il y a le volet de l'assurance-salaire
qui est relié à ça. Quand on prend des mauvaises
habitudes, si vous voulez, qu'il y a un laisser-aller en santé et
sécurité au travail, ça se répercute
également en assurance-salaire. Donc, il y a des possibilités de
gain là, des possibilités d'amélioration.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, quand on
calcule les deux 500 000 000 $, si on avait un objectif demain matin d'en
sauver 10 %, c'est 50 000 000 $. Si on sauve 20 %, c'est 100 000 000 $.
Ça commence à être des chiffres assez appréciables,
merci. Dieu sait que certains sont après faire la démonstration
que dans la santé et la sécurité au travail,
effectivement, on était dans des situations d'abus, carrément et
clairement et que, avec une poigne assez serrée, on peut être
capable de rétablir des choses sans créer de préjudice
à personne. Il y a donc là, je pense, sur le plan de l'efficience
et de l'efficacité, des éléments assez intéressants
auxquels il faudrait s'attarder pour travailler ensemble, avec la collaboration
du monde syndical qui a démontré une ouverture à ce
niveau-là au cours des dernières années, et tenter de
corriger... Puis, il faut, je pense, prendre la porte à ce moment,
prendre la poignée de la porte, puis l'entrouvir.
M. Nadeau (Léandre): Si vous me permettez, M. le
ministre...
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Nadeau (Léandre): ...j'aimerais peut-être
ajouter une petite chose là-dessus. il y a un relâchement quand
même dans les indications qui ont été données par la
csst au niveau du
contrôle des accidents du travail. Quand un établissement
de santé, pour économiser des sommes, prend une accidentée
du travail, l'affecte à une autre tâche qui n'est pas incompatible
avec son accident du travail, et qu'il y a des appels qui sont faits à
l'accidentée pour lui dire: Tu n'es pas obligée d'accepter, il y
a comme des problèmes là. Dans l'entreprise privée - tout
le monde va vous le dire - depuis un an, un an et demi, il y a un
relâchement dans les orientations et la direction qu'il faut prendre dans
ce domaine-là.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, quand on
parle de relâchement, on voit comment ça se traduit aussi en
piastres et cents sur le plan du déficit.
M. Nadeau (Léandre): Voilà!
M. Côté (Charlesbourg): Donc, je pense qu'il y a des
messages qui doivent se rendre aux bonnes places. Comptez sur moi pour les
passer sur le plan gouvernemental.
Deuxième petite question. J'en ai des vicieuses à travers,
j'aime autant le dire tout de suite. Je ne veux pas que personne soit surpris
ou m'impute des motifs autres que l'unique vérité des faits et
tenter de faire progresser nos échanges et notre discussion. Vous nous
dites à plusieurs reprises, à l'intérieur du
mémoire, présenté de manière assez éloquente
par M. Nadeau: Laissez libre cours, laissez de la place à l'initiative,
à la créativité. Vous allez voir tout ce que c'est qu'on
est capables de faire. Ça me tenterait de vous dire que vous avez tout
ça aujourd'hui, puis c'est un budget global fermé. Qu'est-ce qui
fait que, au-delà des directives - je ne voudrais pas qu'on s'enfarge
dans...
M. Nadeau (Jacques A.): Au-delà de l'essentiel.
M. Côté (Charlesbourg): ...tout ça, mais
ça ne doit pas être la seule raison... Dans la santé et la
sécurité au travail - prenons cet exemple-là - il y avait
des directives, il y avait des lois, il y a toutes les contraintes, mais il y a
quand même du travail qui s'est fait. Qu'est-ce qui nous empêche de
le faire à ce moment-ci, de façon à ce qu'on voit clair
pour tenter de vous aider aussi à ce niveau-là? On est dans le
même bateau.
M. Nadeau (Jacques A.): Ce qu'on vous dit là-dessus... Si
vous nous dites: Faites abstraction de toutes les directives qu'on vous donne,
je pense que vous venez de donner une indication où on va avoir des
marges de manoeuvre extrêmement intéressantes. C'est justement
ça, c'est justement les directives qui font que c'est long, c'est lent.
Il y a des procédures, il y a tout un système. Je sais que
ça vous fait sourire parce que vous le savez très bien, ce qu'on
voulait dire, on a eu l'occasion d'échanger ensemble. Je pense qu'il y a
moyen de mettre de l'assouplissement dans un bon nombre de directives pour que
les gestionnaires, au niveau local, ne soient pas toujours obligés
d'aller à gauche et à droite pour demander s'ils peuvent faire
ci, pour demander s'ils peuvent faire ça. Je sais que vous allez me dire
tout de suite: Oui, mais il y en a qui en abusent de ce pouvoir-là. Bien
oui, c'est vrai. Il y a toute sorte de monde qui abusent de toutes sortes de
pouvoirs, mais il ne faut pas pénaliser l'ensemble des gens qui sont de
bonne foi et qui veulent bien faire parce qu'il y a quelques individus qui
abusent. Je pense que c'est une philosophie qui est à la base. C'est un
peu une relation de confiance entre le ministre, les organismes
régionaux et puis les établissements. Laissons, ne soyons pas
obligés de toujours demander, d'avoir l'autorisation de ci ou ça
laissons de la place pour travailler. Puis, je pense que ça va
améliorer la situation.
M. Côté (Charlesbourg): Mais il en manque un,
là-dedans. Vous dites le ministre, les régies régionales
et puis les établissements.
M. Nadeau (Jacques A.): Oui.
M. Côté (Charlesbourg): II ne faudrait pas imputer
au ministre tous les malheurs de la terre.
M. Nadeau (Jacques A.): Non, mais c'est parce qu'il est encore
là, le ministre.
M. Côté (Charlesbourg)-, il dit. m a te ministre, il
y le ministère, il y a les régies régionales, puis il y a
les établissements. donc, c'est un tout.
M. Nadeau (Jacques A.): Oui, oui, c'est un tout.
M. Côté (Charlesbourg): Mais, vous pensez et vous
m'affirmez, de votre fauteuil, devant un micro, que c'est uniquement des
directives bien achalantes, bien tatillonnes qui empêchent ou qui tuent
l'initiative, la créativité, et que si on faisait un bon
ménage là-dedans...
M. Nadeau (Jacques A.): On ne vous dit pas que ça la tue
complètement. La preuve, c'est qu'on vient de parler de projets
extrêmement intéressants d'individus qui en ont de la
créativité, qui en ont de l'imagination, et qui
réussissent à faire quelque chose. Nous, on vous dit: Faites donc
en sorte que l'ensemble de ces directives-là soient
allégé. Il me semble que c'est la preuve d'un leadership
où on veut faire de la place à l'initiative et à la
créativité. C'est un esprit qu'on communiquait. Dans ce
sens-là, je pense que ça serait heureux et bien
accepté.
si vous rencontriez l'ensemble des membres des conseils d'administration
et des directeurs généraux, ils vous diraient exactement la
même chose.
M. Côté (Charlesbourg): Sur les directives, je pense
qu'on n'a pas besoin d'échanger longtemps parce que je n'ai pas
changé d'idée depuis qu'on s'en est parlé.
M. Nadeau (Jacques A.): Je suis très heureux.
M. Côté (Charlesbourg): Mais c'est juste le temps
d'avoir le temps de faire des choses. Vous parlez d'un fonds
d'innovation...
M. Nadeau (Jacques A.): Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...d'initiatives. vous
pensez quoi de l'idée que si, demain matin... il faut prendre l'argent
quelque part, nous autres, on n'en a pas. on n'en a même pas pour
être capable de faire face à nos besoins d'aujourd'hui. c'est
clair que pour avoir de l'initiative, il faut mettre des choses en place.
ça prend de l'argent neuf ou de l'argent quelque part, puis on n'est pas
sûr que les résultats, au bout de la ligne, vont être
capables de renflouer le fonds, ou on en est sûr.
Moi, je prends l'hypothèse qu'on est sûr. Ce serait quoi
votre réaction demain matin si, par exemple, on s'entendait et on
décidait de créer ce fonds aux initiatives, et qu'on disait: Bon,
parfait, l'inflation, cette année, est de 4 %. On dit: Bon, parfait, on
indexe à 3,5 %, et on prend le 0,5 %, on le met dans un fonds
d'initiatives qui permettrait, effectivement, de saluer des initiatives qui
vont occasionner des économies, dont les économies serviraient
à rembourser, dans le fond, le fonds lui-même pour que le fonds
soit sans cesse là pour aider des initiatives comme celles-là et
faire en sorte qu'on puisse passer à travers. Je vais aller directement
à la question que ça amène, parce que ça va
être la deuxième, et vous répondrez en même temps.
Sinon, si ce n'est pas possible de le faire avec ça, ce moyen-là,
le seul moyen qu'on va avoir tantôt d'être capable
d'équilibrer nos comptes et de se donner une marge de manoeuvre, sera de
dire: On prend le réseau de A à Z, on prend 1 % de ce qui est
dans le réseau, puis on le coupe à tout le monde en même
temps. À ce moment-là, on se crée un fonds pour encourager
l'initiative et pour, effectivement, répondre à nos
priorités. Est-ce que c'est pensable, ça?
M. Nadeau (Jacques A.): Je pense que, sur le plan de la formule,
de dire qu'on va trouver un moyen de faire participer les établissements
à la création d'un fonds, je pense que, sur le plan du principe,
c'est quelque chose qui est regar-dable. Mais quand vous me dites 0,5 %, c'est
pas mal d'argent ça, c'est 25 000 000 $. La suggestion que vous aviez
faite...
M. Côté (Charlesbourg): Comment vous dites
ça? C'est beaucoup d'argent?
M. Nadeau (Jacques A.): Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Non, mais c'est parce que
des fois...
M. Nadeau (Jacques A.): La suggestion que vous avez...
M. Côté (Charlesbourg): ...on donne 25 000 000 $ et
les gens pensent qu'on veut rire d'eux autres.
M. Nadeau (Jacques A.): Nous autres, on ne rit jamais de vous
autres avec 25 000 000 $.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Nadeau (Jacques A.): La suggestion que vous aviez faite, M. le
ministre, de la part de votre gouvernement, dans un document qui a
été rendu public, c'était un fonds de 25 000 000 $. Si on
se donne une manoeuvre globale pour trouver un fonds d'innovations de 5 000 000
$, je pense qu'il y a moyen de regarder ça.
M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que vous avez
compris que vous n'êtes pas tout seul, même si vous avez 53 %. Il y
en a d'autres...
M. Nadeau (Jacques A.): Absolument.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, si c'est bon pour vous
autres, ça va être bon pour d'autres.
M. Nadeau (Jacques A.): Ça pourrait être bon pour
les autres aussi. Vous savez, l'efficience et l'innovation, c'est bon partout,
hein?
M. Côté (Charlesbourg): C'est bon partout. Sauf,
évidemment, qu'il y a plus de marge de manoeuvre à l'initiative
et à la création quand les budgets sont plus gros.
M. Nadeau (Jacques A.): Mais ça voudrait dire que tout le
monde pourrait contribuer au fonds, si j'ai bien compris aussi.
M. Côté (Charlesbourg): Bien sûr. M. Nadeau
(Jacques A.): C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): Bien sûr. Selon sa
proportion de budgétaire...
M. Nadeau (Jacques A.): Voilà!
M. Trudel: II n'y aura pas de vérifications
pour voir s» la progression...
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez abordé la
chirurgie d'un jour...
M. Nadeau (Jacques A.): Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...médecine d'un
jour. Je pense que c'est quand même suffisamment bien
étayé, à l'intérieur de votre document, sur les
économies, lorsqu'on regarde les pourcentages: 30 % au Québec, 44
% en Ontario, 50 % en Colombie-Britannique. Il y a donc beaucoup d'espace pour
travailler au Québec, pour être plus efficient, et faire en sorte
qu'on n'hospitalise pas quelqu'un trois jours pour une chirurgie d'un jour, et
ainsi de suite. Au bout de la ligne, c'est entre 500 et 1000 lits. Est-ce que
je dois tirer la conclusion que, dans la mesure où on irait dans une
démarche comme celle-là, c'est un ajout de services et que, par
conséquent, on serait peut-être dans une situation où on
pourrait éventuellement fermer entre 500 et 1000 lits de courte
durée de manière normale? Si tel était le cas, est-ce que,
à ce moment-là, on serait autorisé à aller fermer
là où on a des lits en surplus?
M. Nadeau (Jacques A.): C'est vrai, M. le ministre, que vous
aviez quelques questions vicieuses.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que...
M. Nadeau (Jacques A.): Ce que je pense... Non, mais c'est une
très bonne question.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, c'est parce que, juste
autrement... Si on fait juste ajouter, on va ajouter de l'argent.
M. Nadeau (Jacques A.): Bien, c'est ça. Mais, dans votre
document sur la réforme, M. le ministre, vous nous aviez dit que vous
sentiez le besoin, la nécessité de créer, au niveau de la
courte durée, au-delà de 2000 lits, au cours des prochaines
années. Je pense que, si on faisait ces investissements-là, vous
n'auriez pas besoin d'ajouter ces 2000 lits, on se les créerait. Donc,
on ne sauverait peut-être pas dans l'immédiat des sommes
importantes, mais on éviterait des sommes additionnelles
éventuellement.
M. Côté (Charlesbourg): Les 2000 lits étaient
prévus pour des places où il en manque, pas pour supporter des
places, des lits aux endroits où il y en a de trop. On se comprend
là-dessus?
M. Nadeau (Jacques A.): On les ajustera.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, il y aurait un
redéploiement certain, à ce moment-là, de lits que nous
pourrions faire, mais une économie nette, on se comprend bien, il y
aurait une économie nette de lits de courte durée.
M. Nadeau (Jacques A.): Oui, c'est évident.
M. Côté (Charlesbourg): Ça va bien. On
commence à sauver de l'argent un peu là, tout en étant
efficaces, efficients.
M. Nadeau (Jacques A.): Non, mais je veux dire, M. le ministre,
que c'est clair. En Colombie-Britannique, où il y a un taux
d'hospitalisation d'un jour, de chirurgie d'un jour qui est très
élevé, regardez la moyenne de lits de courte durée. C'est
la plus basse au Canada. C'est sûr que ça a des impacts sur le
nombre de lits, on est conscients de ça. Quand on vous le met sur la
table, c'est parce qu'on est conscients que ça a des impacts, sans
ça on n'en parlerait pas.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que c'est un
mémoire qui est très ouvert et je le salue, si je ne l'ai pas
suffisamment bien salué. On dit souvent à un ministre qui arrive
avec une mesure et qui met un peu d'argent: M. le ministre, c'est dans la bonne
voie, continuez. Il n'y en a pas assez, bien, remettez-en encore. Je dis que
votre mémoire est dans la bonne voie. Il n'y en a pas assez, continuez,
on va faire du chemin ensemble.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Nadeau (Jacques A.): Si on continue tous ensemble, M. le
ministre, si tout le monde fait autant d'efforts qu'on en fait, on va
peut-être trouver des solutions.
M. Côté (Charlesbourg): II y a un silence dans votre
mémoire que je veux mettre sur la table, qui m'apparaît un silence
assez important. À peu près tous ceux qu'on a entendus
jusqu'à maintenant interpellent un certain nombre de choses: protocoles
de soins, protocoles de tests, d'examens. On a des exemples qui sont
soulevés et, demain, on l'abordera aussi avec le regroupement
médical et ça, à coup sûr. Mais vous, qui avez la
responsabilité de la gestion des hôpitaux à travers le
Québec, votre mémoire n'en fait pas mention du tout. Donc, c'est
une absence à ce niveau-là. Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y
a là beaucoup d'espace ou de questionnement, à tout le moins?
Parce que tantôt, j'ai pris des notes sur toutes les choses dont il
fallait faire des analyses pour améliorer l'efficience et
l'efficacité. À moins d'avoir mal entendu ou d'en avoir
manqué un bout, je n'ai pas entendu cet aspect-là, qui me
paraît assez important. (15 heures)
M. Nadeau (Jacques A.): Nous, on pense, M.
le ministre, que le Conseil d'évaluation des services pourrait
jouer un rôle important là-dedans. Et, quant à nous, on
avait l'impression qu'on couvrait ce champ-là de cette
façon-là.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Oui. C'est clair qu'en
souhaitant... Oui. Ah, vous ne l'avez pas vu?
M. Nadeau (Jacques A.): Pour nous autres, ce n'était pas
une omission, c'était...
M. Côté (Charlesbourg): Vous l'aviez dans les
solutions, là.
M. Nadeau (Jacques A.): C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'était pas dans
les problèmes, mais c'était dans les solutions, ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Bon, l'autre affaire. Une
petite affaire pour laquelle je suis un peu plus réticent, c'est l'OSIS.
Évidemment, c'est toujours le principe d'arriver avec un beau petit
projet-pilote. J'espère que vous aurez moins de difficulté
à mettre au jour les OSIS que moi à mettre au jour les
projets-pilotes sur les sages-femmes, en passant.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ça pourrait
être un support mutuel sur le plan de l'ouverture, de la
compréhension, vers des modes alternatifs. Est-ce que vous ne croyez pas
qu'en faisant ça on se dirigerait carrément vers une ouverture
à une privatisation des services, que plusieurs ne veulent pas,
malgré les principes que M. Favre a mentionné dès le
début?
M. Nadeau (Jacques A.): Non. Dans notre esprit, il ne s'agit pas
d'une ouverture vers une plus grande privatisation, il s'agit de mettre en
compétition des individus du secteur public pour donner, au meilleur
coût possible, des services à la population. Et parce qu'on
crée des mécanismes de type marché, parce qu'on introduit
toute la question de la concurrence, on a l'impression qu'on va favoriser
l'efficacité. D'ailleurs, si on regarde aux États-Unis - qui
n'est pas un modèle, les États-Unis, et je ne vous cite pas
ça parce que c'est un modèle - la meilleure affaire, c'est
probablement les HMO. C'est peut-être la meilleure affaire qu'il y a aux
États-Unis. Vous savez que ces formules-là, ça a
sauvé jusqu'à 20 % des coûts. Alors, nous, on a
l'impression que c'est quelque chose qu'il faut regarder très
sérieusement et on a l'impression qu'il y a, dans cette
dynamique-là, moyen de sauver des sommes importantes. Et on pense que
ça vaudrait la peine d'essayer un projet-pilote dans ce sens-là.
C'est uniquement dans le but de créer, entre les producteurs de
services, de la concurrence, des mécanismes de type marché.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est un
très gros débat, celui-là, et je pense que tous ceux qui
sont passés jusqu'à maintenant ont une peur absolument morbide de
cette voie-là. Je sors mon portefeuille. Je suis un gars malade et,
à l'occasion, je vais faire un petit tour dans les centres hospitaliers.
Je sors ma propre expérience. Je suis supposé être un
consommateur non abusif...
M. Nadeau (Jacques A.): M. le ministre, peut-être sur le
dernier aspect, vous...
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Nadeau (Jacques A.): C'est qu'il faut dire aussi que, dans le
cadre des projets qu'on propose, c'est vous qui donneriez aux OSIS le
budget.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est
clair que vous trouverez le moyen de le soustraire à la régie
régionale qui, elle-même, attribuera les budgets.
M. Nadeau (Jacques A.): Passez par la régie si vous
voulez...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Nadeau (Jacques A.): ...mais en tout cas, ce qu'on veut
dire...
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est:
Passez-le par où vous voulez, en autant que ça marche.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Nadeau (Jacques A.): Non, mais en autant que ça reste
public. C'est des fonds...
M. Côté (Charlesbourg): Je sors ma petite
expérience personnelle. J'ai ma carte d'assurance-maladie.
Celle-là, avec une bonne vue, je vois qu'elle ne se détruit pas
tant que ça. Bon, ça, c'est une carte de Santa Cabrini;
ça, c'est une carte de l'Hôtel-Dieu de Québec; ça,
c'était pour mon coeur; l'Enfant-Jésus, c'était pour
d'excellents médecins en médecine interne; le Christ-Roi, bien,
j'avais des petits boutons que je me suis fait enlever par chirurgie
esthétique...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): ...et quand j'ai eu mal au
dos, ça m'en a pris deux à Saint-François.
M. Nadeau (Jacques A.): D'après ce que je peux voir, vous
n'avez pas une seule carte de CLSC?
Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: C'est cochon.
M. Côté (Charlesbourg): Je vous dirai
là-dessus que probablement qu'ils ont considéré qu'ils
n'avaient pas suffisamment de budget pour investir dans des cartes; ils ont
décidé de donner des soins à domicile.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Quand il s'est présenté, c'était
fermé. Il était passé quatre heures.
M. Nadeau (Jacques A.): C'est probablement le soir que vous
êtes allé là, vous, M. le ministre. Vous êtes bien
occupé dans le jour.
M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est un peu
mieux. Quand on fait faire l'analyse de ce que ça coûte
annuellement en cartes plastifiées pour être capable d'assurer un
certain contrôle des dossiers, c'est 32 000 000 $, plus ou moins, dans
nos établissements. C'est quand même beaucoup d'argent.
Évidemment, ça prend un certain contrôlé, puis notre
système ne nous permet pas beaucoup de souplesse à ce
niveau-là. Est-ce qu'on n'est pas rendu au point... Je sais que vous
êtes ouverts à ça, puis c'est pour ça que je la
pose, la question, au-delà de ma petite démonstration, parce
qu'il faut bien être capable de s'amuser de temps en temps aussi, dans
ces métiers très difficiles... En tout cas. Donc, on est dans une
situation où il y a 32 000 000 $ là, sur le plan des coûts.
Est-ce qu'on ne serait pas dans une situation pour avoir une carte pour un
individu, qui pourrait lui permettre d'aller dans n'importe quel
établissement, y compris les CLSC? Parce que d'après ce que j'ai
compris tantôt, vous n'êtes pas nécessairement contre, en
autant que ce soit complémentaire. Et, pour eux, je suis convaincu
qu'ils vont être très heureux. Ils vont prendre ça comme un
compliment.
M. Nadeau (Jacques A.): Coûts-bénéfices.
M. Côté (Charlesbourg):
Coûts-bénéfices. Est-ce qu'on ne serait pas dans une
situation où on pourrait avoir la carte d'un bénéficiaire?
Même l'Opposition a progressé depuis l'été en
disant: La photo, là, ça ne serait plus mauvais, maintenant, la
photo sur la carte, de telle sorte qu'on puisse en arriver...
Une voix: On évolue, nous.
M. Côté (Charlesbourg): Ah oui! Si vous saviez
comment j'ai évolué depuis le début. Ce n'est pas toujours
apparent mais, évidemment, il faut que je garde des secrets aussi.
Est-ce qu'on n'est pas dans une situation où il faut s'attaquer à
ça rapidement?
M. Nadeau (Jacques A.): Aucune difficulté avec ça,
M. le ministre. Il faut cependant que nous ayons des systèmes
informatiques qui nous supportent, qui fassent en sorte qu'on puisse
communiquer entre les établissements les informations qui sont
nécessaires. Il faut qu'on puisse communiquer électroniquement
aussi, j'imagine, avec la RAMQ. J'imagine que vous visez tout ça. Aucune
objection à ça, au contraire.
M. Côté (Charlesbourg): J'imagine qu'il y a beaucoup
de duplication de dossiers d'individus aussi qui disparaîtrait.
M. Nadeau (Jacques A.): Absolument.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Je termine avec une
dernière question, parce qu'on me signifie que je n'ai plus trop trop de
temps. Puisque vous avez soulevé l'exemple de l'Orégon, que vous
semblez l'avoir fouillé et que, eux, avec des mentalités
différentes - ce n'est quand même pas négligeable -
peuvent, dans certains cas, sauver jusqu'à 20 % des coûts,
qu'est-ce que vous retenez de l'Orégon qui est applicable au
Québec, qui nous ferait sauver des coûts sans pour autant avoir
des services de moindre qualité?
M. Nadeau (Jacques A.): Notre expert de l'Orégon va vous
expliquer ça, M. le ministre.
M. Nadeau (Léandre): voyez-vous, en oregon, ce qu'ils ont
fait, rapidement, ils se sont donné une loi dès juin 1989, dans
laquelle il était précisé qu'ils créaient la
commission des services de santé de l'orégon. et, deux ans plus
tard, déjà, ils avaient établi une liste des services
selon un ordre de priorité.
Les deux critères qui les ont guidés, en Oregon,
voyez-vous, c'est premièrement l'importance et la valeur que la
population accorde à chacun des services. L'autre critère, c'est
l'efficacité clinique de chacun des services. Et c'est sur cette
base-là que la Commission a réussi à établir un
ordre de priorité dans les différents services, et qui leur
permettra, justement, d'économiser à peu près 22 % des
coûts de leur système tout en couvrant une beaucoup plus large
partie de la population.
On nous dit qu'il y a à peu près 450 000 personnes de plus
qui vont être couvertes par le nouveau programme qu'ils sont en train de
mettre en place. 450 000 personnes dans des programmes qui s'adressent à
des gens qui ont de faibles revenus ou des travailleurs qui ont des revenus,
mais qui sont trop malades pour être assurés par le privé,
ou encore d'autres qui ont
des emplois trop instables pour se payer de l'assurance privée.
Donc, ils vont ajouter 450 000 personnes à leur programme puis,
malgré ça, le programme va coûter 22 % de moins.
Comment est-ce qu'on arrive à des résultats semblables?
Bien, c'est ça. C'est que, essentiellement, ils se sont donné une
démarche pour savoir ce que, cliniquement, chacun des services
rapportait, et ils ont consulté des experts. La profession
médicale a participé énormément à la
démarche, et la population a participé beaucoup. Parce qu'il y a
des services qui demeurent extrêmement prioritaires dans la liste.
Même si, cliniquement, ils ne sont pas très efficaces, ils
demeurent prioritaires pour la raison que la population a dit qu'elle trouvait
ça important. Par exemple, les services qui soulagent la souffrance en
phase terminale: même si, cliniquement, ça n'ajoutera pas
nécessairement beaucoup à la capacité de la personne, la
population a jugé que c'était extrêmement important de les
donner, ces services-là, et qu'ils devaient demeurer prioritaires.
Ils sont un peu comme dans notre situation. Ils ont demandé dans
les derniers mois à leur gouvernement fédéral une dispense
des normes fédérales de MEDICAID. Ils ne peuvent pas appliquer
leur programme si le gouvernement fédéral américain ne
leur accorde pas une dispense des normes de la loi fédérale sur
MEDICAID. Ils s'attendent à avoir une réponse positive ces
jours-ci, ce mois-ci, et ils mettraient en application le nouveau programme
dans six mois environ.
Ce qui est intéressant, c'est que cette commission-là a
pris seulement deux ans pour faire son boulot. L'assemblée
législative, la législature là-bas et le gouverneur de
l'État de l'Orégon ont approuvé la liste des services. Il
y a 706 services qui ont été mis sur une liste, et ça
pourra être mis en application dans environ 6 mois.
Qu'est-ce qu'on peut en retenir, de ça? Je pense que ce qui est
intéressant, c'est que ça nous permet de savoir ce qui est le
plus efficace en termes cliniques, ce qui est le plus important pour notre
population, et donc d'orienter, peut-être favoriser au plan
budgétaire, sans qu'on tire une ligne, mettons, au 600e service par
rapport aux 700 services qu'il y a sur la liste. On peut peut-être, les
Québécois, compte tenu qu'on a des valeurs différentes, si
vous voulez, ne pas tirer de ligne au 600e service comme, eux,
s'apprêtent à le faire; on peut peut-être tous les garder,
les services, sauf qu'on va savoir où on doit mettre nos
disponibilités budgétaires en priorité.
Alors, c'est ça qui peut être fort intéressant.
L'autre chose, c'est qu'ils ont fait le travail en deux ans. Ça a
coûté 600 000 $ seulement en 2 ans. On a eu des expériences
ici qui ont coûté peut-être dix fois plus cher, et je ne
suis pas certain qu'on est outillés pour passer à l'action.
Alors, voilà.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Nadeau. Merci, M. le
ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue,
s'il vous plaît.
M. Trudel: M. le Président, M. Favre. Messieurs, bienvenue
de la part de l'Opposition aussi. C'est un mémoire très
impressionnant. Oui, effectivement, j'ai l'impression qu'avec ce que vous nous
livrez aujourd'hui, au minimum, on peut dire qu'on fait un grand pas dans la
discussion. Il y a des gens qui nous ont fait faire des petits pas au cours des
derniers jours, et vous avez l'obligation, de toute façon, de nous faire
faire des grands pas parce que, comme on dit souvent, vous représentez
ici le complexe médico-hospitalier. Ce n'est pas un péché
de dire ça. C'est 8 000 000 000 $, alors, oui, il faut qu'à vous,
on vous en demande plus comme effort de réflexion. Vous avez
l'obligation, en quelque sorte, de nous en donner pour notre argent, comme vous
dites, par rapport à votre réflexion dans les services.
Jusqu'à maintenant, quant à moi, vous le faites très bien.
Surtout que je pense qu'au niveau de votre analyse, ce qu'il faut regarder, ce
qu'il faut analyser, ce qu'il faut écarter, vous saisissez bien
cela.
Je prendrai seulement vingt secondes pour dire que, même sur le
diagnostic, vous n'y allez pas de main morte. Quand vous dites que le
problème financier qu'on a, il est exclusivement dû au
fédéral - et vous y allez fort en disant:
«irresponsable» - je veux tout simplement dire que,
là-dessus, je serais moi-même irresponsable de vous en demander
plus. Quittons cette scène-là, on a tous compris. (15 h 15)
Maintenant, au chapitre 2, qui serait le chapitre sur: Est-ce que nous
pouvons rationaliser, rendre le service plus efficace, plus efficient?, il y a
un nombre de suggestions qui sont fort impressionnantes; elles sont tellement
impressionnantes qu'on se demande si quelquefois elles ne seraient pas de
nature à régler un très grand pourcentage de notre
problème. Je reviendrai sur quelques-unes.
Un aspect d'abord que je veux aborder, celui de la
réglementation. Tatillonne, bureaucratique, qui coûte cher, vous
en avez mis pas mal là-dedans, et la réaction, quand on est dans
un gros système, on réclame de l'assouplissement. C'est ce que
vous dites. Est-ce qu'on peut imaginer que vous soyez de la partie pour la
faire, cette réglementation? Pour faire ces directives? Ça
pourrait améliorer sensiblement les choses. Je vous le dis franchement.
C'est parce que, moi, je crains un peu, quand on est dans un très gros
système... Je vois mal comment, dans un système, on fait des
directives pour en faire. C'est parce que, souvent, il y a un problème
pour 5 personnes, comme vous dites, puis on le fait pour 800. Bon. Est-ce qu'un
rapprochement
au niveau de la planification et de ceux et celles qui sont
chargés, dans un ministère, de faire ces directives-là -
et que vous soyez de la partie - ça ne pourrait pas améliorer
sensiblement les choses?
M. Nadeau (Jacques A.): Je pense que c'est absolument essentiel,
vous avez raison. C'est certain que, dans un gros système, ça
prend quand même un minimum de directives et d'encadrement. Ça, on
est conscients de ça. On ne peut pas aller tous azimuts. Ça,
c'est clair. Mais il y en a des directives puis des règlements qui sont
«tatillonneux» et c'est ça qu'on veut éliminer. Et,
dans le cadre de la proposition que nous avait faite le ministre et dont j'ai
repris les discussions avec M. Dicaire, c'est, évidemment, de nous
associer très étroitement à la revue de ces
directives-là. Là-dessus, vous pouvez être assuré
que nous allons être disponibles parce que nous considérons que
c'est extrêmement important. C'est le climat qui va favoriser la
créativité, l'innovation et l'efficience.
M. Trudel:. Très bien. Là-dessus, parmi les mesures
que vous expérimentez déjà, en quelque sorte, dans
quelques endroits, il y a tout ce champ de la chirurgie d'un jour et de la
médecine de jour. On est toujours pris avec le temps, là. Et
c'est assez impressionnant, ce que vous avez mentionné tantôt et
les réponses que vous avez données au ministre - et on n'a pas
chiffré le total - pour les gens qui nous observent, ce que ça
veut dire. Si le développement de la chirurgie d'un jour ou de la
médecine de jour nous permettait de réaliser le travail, les
interventions de l'équivalent de 1000 lits de courte durée...
C'est ce qu'on a évoqué à peu près comme chiffre,
tantôt?
M. Nadeau (Jacques A.): Entre 600 et 1500.
M. Trudel: Bon. On s'entend sur 1000 pour les fins de la
démonstration.
M. Nadeau (Jacques A.): Voilà!
M. Trudel: Parfait! 1000 lits de courte durée. Le
problème ou l'élément de solution, ce n'est pas de faire
ces interventions et que d'autres personnes - parce qu'il faut tout se dire,
là-dedans, là - aillent occuper les lits de courte durée.
Et vous dites: À la limite, bien, les 2000 que vous, vous avez
prévus ou annoncés le 7 décembre 1990 - à la
limite, pour les fins du raisonnement - ne les construisez pas, puis on
s'organisera avec ça.
Est-ce que les établissements hospitaliers du Québec, dans
la situation extrêmement précaire du régime actuellement et
de la mise en danger des fondements de ce régime-là seraient
prêts à aller jusqu'au bout du raisonnement - de la part du
gouvernement aussi et du ministère, bien sûr - et dire: Oui, on
pourrait s'engager, en développant ces services-là, à
réduire de 1000 lits de courte durée sur une période
donnée dans nos établissements, les services que nous
offrons.
Et je conclus. Je vais employer la même expression que le
ministre, parce que cette mesure-là, de 1000 lits réduits par
année en courte durée, c'est 182 000 000 $. Ce n'est pas petit
comme suggestion. Et je complète en disant: Si vous preniez cet
engagement-là, il faudrait vraiment que ce soit un engagement collectif,
parce que ça peut peut-être supposer aussi - il faut dire toute la
vérité - qu'il y aurait peut-être un petit peu plus, au
minimum le maintien des listes d'attente en courte durée - parce que la
théorie des listes d'attente, ça existe aussi. Mais
essentiellement, si on coupe 1000 lits de courte durée puis qu'on
développe en même temps un service de chirurgie d'un jour, de
médecine de jour, on sauve 182 000 000 $.
Est-ce que vous êtes prêts, conjointement, à vous
engager dans cette direction? Je ne vous demande pas un engagement de tout
faire, là. Dans cette direction-là, mais qu'on
réduise.
M. Nadeau (Jacques A.): D'abord, j'aimerais que Léandre
vous explique les chiffres, les économies. C'est absolument
important.
M. Nadeau (Léandre): En chirurgie d'un jour et en
médecine de jour, comme pour l'hôpital à domicile, ce qu'il
faut bien comprendre, c'est que les économies qu'on fait, c'est d'abord
des économies dans les coûts de construction, c'est-à-dire
des lits qu'on n'a pas besoin de construire. Par exemple, si on sauve 1000 lits
à cause de la chirurgie d'un jour, en coûts de construction, c'est
170 000 000 $ d'économies.
La question qu'on peut se poser: Est-ce qu'on fait des économies
de fonctionnement? Bon, voilà! Sur les économies de
fonctionnement, on pense qu'avec 1000 lits, peut-être qu'on peut sauver
à peu près une dizaine de millions de dollars de fonctionnement,
pas plus que ça. Il faut faire attention parce que, voyez-vous, ce qui
est fait maintenant en hospitalisation et qui prend quatre ou cinq jours,
ça prend quatre ou cinq jours. En chirurgie d'un jour, ça va
prendre une journée. Mais, il faut faire attention. Il n'y a pas des
économies de quatre jours là-dedans parce que ce qui coûte
cher, c'est la salle d'opération, c'est le diagnostic, c'est toute
l'intervention dans les soins intensifs et tout ça. Alors, vous ne
sauvez pas les quatre cinquièmes, si vous voulez, de, mettons, 3000 $.
Nous, on calcule qu'on économise...
M. Trudel: Un point précis. Un lit de courte durée,
par jour, c'est grosso modo 500 $.
M. Nadeau (Léandre): Oui, 400 $; ça dépend
des hôpitaux. Disons 400 $ pour être plus près de
la moyenne.
M. Trudel: Le ministère dit 550 $. On va balancer.
M. Nadeau (Léandre): Un hôpital universitaire, oui,
c'est de ce prix-là.
M. Trudel: Pas loin de 600 $.
M. Côté (Charlesbourg): II y en a de 600 $.
M. Trudel: II y en a de 600 $. On est dans la
«bracket». Mais chirurgie d'un jour, médecine de jour...
M. Nadeau (Léandre): Oui.
M. Trudel: ...pour se faire une idée, là...
M. Nadeau (Léandre): Oui.
M. Trudel: ...on ne sauverait pas plus que 10 %avec cela?
M. Nadeau (Léandre): Si on parie de...
M. Trudel: Je comprends qu'il ne faut pas que le lit soit
occupé par un autre, là.
M. Nadeau (Léandre): Non, mais attendez une minute. 500 $,
si la personne est là 5 jours, ça veut dire que le cas nous
coûte 2500 $, si elle est sur une base d'hospitalisation. Si elle est en
chirurgie d'un jour, nous, on calcule qu'on sauve peut-être 200 $, 300 $,
en termes de coûts de fonctionnement parce qu'on a quasiment tous les
mêmes coûts. Mais ça, c'est des estimés
préliminaires. Il faut approfondir ça, là. Mais vous ne
faites pas des économies considérables de fonctionnement parce
que vous gardez à peu près tous les mêmes coûts. Vous
faites des économies de fonctionnement à la marge, qui sont
peut-être de l'ordre de 10 000 000 $, si on parle de 1000 lits, mais pas
plus que ça. Les grosses économies, c'est sur la construction. Si
on parle de 1000 lits, c'est des économies de construction de 170 000
000 $.
M. Trudel: En tout cas, il est important de saisir ce que
ça veut dire. C'est très important parce qu'il y a la question de
l'amélioration quant à la façon de faire les choses.
Prenons, par exemple, le service de chirurgie d'un jour. Et si on parle en
termes d'économies, il faut voir l'ampleur de ce dont on parle. Et on
n'était pas dans les 150 000 000 $ ou 175 000 000 $, ou 182 000 000 $.
On était dans les 10 000 000 $, 15 000 000 $, maximum.
M. Nadeau (Léandre): Absolument.
M. Trudel: Mais là il faudrait évaluer, si on
répartissait ça au niveau des constructions, des immobilisations,
ce que ça voudrait dire. Parce qu'il faut être conscient de
ça aussi; à un moment donné, il faut en arriver à
des chiffres quelque part. Ça veut dire combien quand on fait
ça?
M. Nadeau (Jacques A.): On les a, ces chiffres-là.
M. Trudel: Vous avez ces chiffres-là?
M. Nadeau (Jacques A.): On a un certain nombre de propositions
qu'on a faites. On a chiffré ça.
M. Trudel: II faudrait que j'y repense parce qu'il y avait un
certain étonnement des deux côtés. Il faudrait nous les
donner plus précisément, ces chiffres-là. En tout cas,
nous, on ne les a pas. On aimerait ça les avoir de façon plus
précise, vos chiffres là-dessus, sur les économies. Bon.
Mais il y a quelque chose là. Donc, il y a un service à
développer.
Revenons un peu aussi sur la question de l'Orégon,
l'expérience de l'Orégon, parce que je pense qu'il faut regarder
cela. On est en Amérique du Nord, et si d'autres sociétés,
dans un autre contexte... Vous l'avez dit tantôt, M. Nadeau, je ne prends
pas ça comme exemple. Mais est-ce que vous pensez vraiment qu'on peut en
arriver, assez rapidemement, à instituer cette espèce de
comité, d'équipe qui serait chargée d'évaluer
l'efficacité clinique des actes, relativement rapidement au
Québec, avec les médecins? Parce que ce sont des
éléments de base. Il n'y a pas à sortir de là. Ce
sont nos professionnels qui vont nous aider, essentiellement, à porter
un jugement là-dessus. Est-ce que vous pensez réellement qu'on
peut y arriver, à ces équipes d'évaluation de
l'efficacité clinique et qu'on puisse en arriver à un certain
arrangement? Est-ce que c'est une formule qui vous apparaît
véritablement applicable dans le cas du régime public du
Québec?
M. Nadeau (Jacques A.): Moi, je pense que oui, c'est faisable.
C'est faisable rapidement. Si l'Orégon l'a fait, je ne vois pas pourquoi
nous, Québécois, on ne serait pas en mesure de le faire. Et je
vous dis: C'est essentiel, c'est incontournable pour l'allocation des
ressources. Si on ne fait pas ça, on ne saura jamais où
«prioriser» nos ressources. C'est absolument essentiel qu'on le
fasse. Et dans la période qu'on vit, il me semble que s'il y a une
mesure qu'on devrait mettre en place le plus rapidement possible, c'est
celle-là.
M. Trudel: Je suis tenté d'ajouter: On se demande comment
ça se fait qu'on n'y est pas allé un petit peu plus rapidement,
à cette évaluation-là, à la fois sur
l'efficacité clinique
mais aussi sur le «médicalement requis». C'est assez
impressionnant, oui, pour le non-professionnel du secteur, d'examiner le
registre des actes qui sont couverts. On se dit bravo quand on regarde
l'ensemble des actes, mais on est quelquefois surpris de tout ce qui est
couvert, surtout quand quelqu'un nous a créé une impasse quelque
part et qu'on risque de mettre en cause les fondements mêmes de notre
régime de santé et de services sociaux.
Autre élément sur lequel il faut se pencher, on ne sait
trop dans quelle proportion, mais sur les actes médicaux on parle
beaucoup d'une assez grande proportion qui serait des actes médicaux
défensifs. On sait ce que c'est; c'est essentiellement le professionnel
qui commande ou réalise un certain nombre d'actes parce que - en
réaction - il a peur des poursuites judiciaires, il prend toutes les
précautions nécessaires pour se protéger et en fait plus
que moins. Dans les notes d'ouverture à cette commission, j'ai
parlé, quant à moi, de la création de façon
extrêmement rapide, d'ici un mois - parce qu'on est dans l'urgent - d'un
comité qui verrait à la mise sur pied d'un régime
d'assurance ou d'indemnisation collective pour les médecins ainsi que la
mise sur pied d'un régime de pensions.
Mais, je prends juste la partie du fonds d'indemnisation. Vous avez de
l'expérience dans ce secteur à l'Association des hôpitaux
du Québec. Je n'ai pas encore vu au Québec quelqu'un qui ait pu
diagnostiquer de façon extrêmement précise l'ampleur des
actes défensifs, mais lorsqu'on regarde ça, les gens qui en
parlent, ça fait peur parce qu'on parle de 20 % à 30 % d'actes
défensifs. Est-ce que vous êtes prêts, à
l'Association des hôpitaux du Québec, à vous asseoir avec
les responsables concernés, avec les intervenants concernés que
sont les professionnels de la médecine et à regarder ça
rapidement en vue d'en arriver à une solution, si tant est que tout cela
est une autre mesure d'efficacité et de rationalisation dans notre
système?
M. Nadeau (Jacques A.): Je pense qu'il n'y a aucun doute, nous
sommes prêts à regarder ça avec les médecins, avec
le gouvernement le plus rapidement possible. Cependant, j'aimerais vous dire
que c'est clair qu'il y a une certaine médecine défensive. C'est
clair qu'il y a un coût à ça. Cependant, c'est
évident qu'elle est plus importante aux États-Unis qu'elle peut
l'être au Canada et au Québec. Je ne peux pas vous dire, moi, si
c'est 20 % au Québec, si c'est 10 % ou si c'est 5 %. On peut le dire un
peu, nous autres, par rapport aux poursuites qu'on a, conjointes, dans notre
fonds des assurances. Les médecins au Québec, de façon
générale, ne sont pas beaucoup poursuivis. On est loin de parler
du système américain. Il y a des différences
énormes entre les deux. Malgré ça, il existe une certaine
médecine défensive. Et c'est certain qu'on est prêts
à s'asseoir avec les médecins, avec le gouvernement pour voir
s'il y a des formules qui permettraient de diminuer les coûts de cette
médecine défensive-là.
Aussi, on parle du système «no fault». Vous savez
qu'il existe en Nouvelle-Zélande et qu'il existe également en
Suède. J'ai eu l'occasion de lire certains documents par rapport
à ça. Vous savez, ce n'est pas nécessairement le
système parfait. Il faut faire attention. Il y a comme un
désavantage à déresponsabiliser les gens. Il ne faut pas
nécessairement s'imaginer que le système «no fault»,
c'est la grande solution à tous nos problèmes. (15 h 30)
II y a des formules, cependant, qui peuvent être regardées.
Je fais juste penser à la formule que nous avons introduite avec la
collaboration du gouvernement dans les centres hospitaliers. Je peux vous dire
que depuis 1985-1986, en créant le fonds
d'assurance-responsabilité civile et professionnelle de l'Association
des hôpitaux du Québec, c'est plus de 50 000 000 $ que nous avons
sauvés au gouvernement du Québec à date. Alors, je pense
que ça vaut la peine de regarder très sérieusement cette
dimension-là.
M. Trudel: En tout cas, pour ma part, j'espère que ce
message va être reçu parce que vous savez que 1 % des actes
à la RAMQ... Chaque fois qu'on sauve 1 % des actes à la
RAMQ...
M. Nadeau (Jacques A.): C'est beaucoup.
M. Trudel: ...on sauve 20 000 000 $. Alors, ne serait-ce que les
actes défensifs, réduisez ça à son strict minimum,
pour l'image, 1 %. On réduit ça, les actes défensifs,
parce qu'on a pris des moyens intéressants pour tout le monde
concerné. Chaque fois, à chaque tranche de 1 %, c'est 20 000 000
$. Ce n'est pas petit et on ne touche pas au panier de services.
M. Nadeau (Jacques A.): Absolument.
M. Trudel: Évidemment, on a quelques divergences par
rapport à l'ensemble de ce que vous avez présenté. Et si
on peut tout sauver ça, je suis sûr que vous allez être
d'accord vous aussi. Tout le monde va être d'accord. Si on peut arriver
à faire mieux les choses, à faire les choses d'abord, à
mieux les faire et qu'on sauve l'ensemble de notre régime, eh bien, tant
mieux! Mais on commence à multiplier les exemples de façon assez
sérieuse.
Il reste encore un peu de temps. Il y a aussi la question que vous avez
soulevée sur ce qu'on pourrait appeler la tarification des actes au
rendement, à l'efficacité, l'incitatif à réaliser
tel acte dans tel contexte. Est-ce qu'on pourrait, par exemple, dire: Si telle
intervention chirurgicale est réalisée à
l'intérieur de l'expérience d'une chirurgie d'un jour, ou
externe, en quelque
sorte, au système actuel, ça pourrait faire l'objet d'une
tarification? C'est dans les incitatifs que vous avez mentionnés,
ça.
M. Nadeau (Jacques A.): Oui.
M. Trudel: Est-ce qu'on peut penser que cette expérience
de l'incitatif au niveau des actes médicaux, ça pourrait aller
encore plus loin que cela? C'est-à-dire tarification et
efficacité? Lier ça à l'efficacité, à
l'efficience des actes? Vous n'en parlez pas beaucoup dans votre mémoire
aujourd'hui mais vous aviez soulevé ça dans votre document. Parce
que c'est vous qui avez lancé le débat sur le financement au
Québec, l'AHQ. Vous en parliez dans votre document et ça me
semblait une voie à explorer, inévitablement. Est-ce que vous
avez progressé dans cette réflexion-là?
M. Nadeau (Jacques A.): C'est-à-dire que ce qu'on visait
à ce moment-là, c'était de dire: Est-ce qu'on ne pourrait
pas rémunérer davantage des actes qui donnent des
résultats? Ceux qui n'en donnent pas, on devrait moins les
rémunérer, de sorte qu'on favoriserait plutôt les
professionnels à travailler dans des actes qui donnent des
résultats. D'abord, c'est humain, ce serait plus
rémunérateur. Je pense que nous n'avons pas abandonné
cette idée-là de regarder ça avec les professionnels de la
santé et les médecins. Cependant, ce qui est primordial avant,
c'est le comité d'évaluation. Il faut qu'on évalue les
résultats de nos services et il me semble que ça, ça
pourrait se faire par la suite.
M. Trudel: ça vous apparaît être une piste
encore éminemment envisageable, du moins au niveau de
l'évaluation? vous dites: on ne le fait pas aveuglément,
mais...
M. Nadeau (Jacques A.): En tout cas, c'est quelque chose à
regarder, je pense.
M. Trudel: Maintenant, sur le financement. Ça a l'air que
quand on sera passé à travers toutes les mesures de
rationalisation, d'augmentation de l'efficacité et de l'efficience,
compte tenu du désengagement fédéral, de la part à
combler entre la croissance de notre PIB - produit intérieur brut - et
l'inévitable croissance des dépenses de santé, il va en
manquer quand même. Et vous dites: la caisse-santé, le fonds
général, bonne idée pour la transparence. J'essaie de
répéter depuis quelques heures - parce qu'on a entendu ça
dans le décor - que l'impôt-santé, c'est une bonne
idée. L'impôt-santé, c'est une bonne idée, mais
ça n'apporte rien dans le financement, pas une cent, dans la mesure
où l'État, bien sûr, pourrait choisir de l'augmenter,
l'impôt-santé, la même chose que pour les impôts
généraux. Ça a des vertus de transparence, point à
la ligne.
Vous, vous favorisez l'impôt-services, et la raison principale sur
laquelle vous vous appuyez, c'est parce que ça tiendrait compte de la
capacité de payer ou, deuxièmement, ça nous permettrait
d'avoir, au niveau de l'affichage externe, au niveau de la fiscalité,
par exemple, pour les gens de l'extérieur qui viennent au Québec,
de leur dire: Non, notre fiscalité n'est pas plus élevée
ou est comparable à celle d'autres sociétés
généralement observées en Amérique du Nord, ou
d'autres provinces canadiennes.
Mais notre régime de fiscalité, notre régime
d'impôt général, il n'est pas progressif, lui, et il ne
tient pas compte de la capacité de payer? C'est-à-dire que plus
tu gagnes cher, plus tu en paies, de l'impôt. Pourquoi, à ce
moment-là, faire porter le poids de l'argent supplémentaire
uniquement sur les personnes qui doivent faire affaire avec le système
de santé et qui auraient telle catégorie de revenus? Notre
impôt, notre système d'imposition général au niveau
des particuliers - je ne parle pas du restant - est-ce qu'il n'est pas
progressif lui-même? Pourquoi alors s'en aller vers un
impôt-services, à ce moment-là?
M. Nadeau (Jacques A.): Évidemment, si on met ça
dans le fonds d'impôt général, à ce
moment-là, vous favorisez l'augmentation du fardeau fiscal des citoyens
pour payer l'ensemble du système de santé. Nous, on dit que dans
le cadre du libre-échange, dans le cadre de la mondialisation des
marchés, on ne veut pas augmenter le fardeau fiscal des
Québécois et des entreprises québécoises. On pense
que si on fait ça, on mettra en péril l'économie
québécoise. Les entreprises vont aller travailler ailleurs...
M. Trudel: M. Nadeau...
M. Nadeau (Jacques A.): ...et la fiscalité, c'est bien de
valeur, mais c'est important pour quelqu'un qui a à bâtir une
entreprise. Il en tient compte. Les cadres, où ils travaillent, ils en
tiennent compte.
M. Trudel: Oui.
M. Nadeau (Jacques A.): C'est tellement vrai que
vous-mêmes, quand le Parti québécois était au
pouvoir, vous avez diminué l'espace entre l'impôt... Vous avez
travaillé pour diminuer l'espace entre l'impôt de l'Ontario et
l'impôt du Québec. Donc, ça veut dire que le fardeau fiscal
est important.
M. Trudel: M. Nadeau, ce n'est pas ça que je conteste dans
le raisonnement. Votre raisonnement est soutenu par un très grand nombre
de personnes dans notre société. C'est très vrai. Mais il
ne faut pas oublier qu'on parle de dépenses. Il y a les dépenses
totales pour les personnes aussi. Bien sûr, je peux dire, pour
faire une image, à cette personne de l'Orégon qui s'en
vient au Québec: Mon taux d'imposition au niveau des particuliers n'est
pas plus élevé que chez vous. Mais, entre vous et moi,
strictement là-dessus, est-ce que je suis en train de lui dire qu'elle
ne paiera pas pour des services, par ailleurs, au niveau de
l'impôt-services? Elle va payer, de toute façon.
M. Nadeau (Jacques A.): Oui.
M. Trudel: Vous me dites: Elles ont la capacité de payer,
ces personnes-là. Alors, pourquoi «désuniversaliser»?
Pourquoi faire porter le poids du revenu supplémentaire
nécessaire sur les personnes qui se servent du système parce
qu'elles sont malades, parce qu'elles sont obligées, etc.? On
n'allège pas le poids des dépenses des individus. Vous pouvez
afficher - vous avez raison, M. Nadeau - à l'extérieur, sur le
tableau, que les impôts des particuliers au Québec se retrouvent
à tel niveau, mais sur les dépenses de santé, ce n'est pas
vrai, ça. Il va payer de toute façon. Et plus que cela - parce
qu'il ne reste pas beaucoup de temps - il va falloir examiner ça parce
qu'il y a une démonstration qui s'impose de plus en plus. Quand les
dépenses sont de plus en plus privées en santé, ça
coûte de plus en plus cher; ça coûte plus cher, par exemple,
l'expérience américaine.
M. Nadeau (Jacques A.): Oui.
M. Trudel: Je m'en tiens seulement, M. Nadeau, au raisonnement.
Pourquoi l'impôt-services quand notre impôt général
est déjà progressif?
M. Nadeau (Jacques A.): C'est sûr que c'est un long
débat. Juste cet élément-là, on pourrait en parler
longtemps. Moi, quand je vais chez le dentiste et que ça me coûte
50 $, je n'ai pas l'impression que je viens d'ajouter à mon fardeau
fiscal 50 $. Si j'ai un impôt-services qui tient compte de ma
consommation des services de santé, je n'ai pas l'impression que je
viens d'ajouter à mon fardeau fiscal. Absolument pas! J'ai des
dépenses que je fais; des fois que je choisis, des fois que je ne
choisis pas. Mais ce qui est important, c'est qu'il faut créer des
plafonds pour ne pas pénaliser la population. Je sais que vous ne voulez
pas que ça pénalise la population.
Et également, ça permet de créer une dynamique
entre les producteurs et les consommateurs. Vous savez, si le producteur sait
que le consommateur va devoir payer un petit montant pour aller quelque part,
il va y penser quand il va lui dire d'aller quelque part. Et le consommateur,
quand le producteur va lui dire d'aller à telle place, il va
peut-être lui dire: Docteur, est-ce que c'est absolument essentiel?
Alors, je pense que ça va créer une dynamique qui va faire
réfléchir davantage tant les consommateurs que les
producteurs.
M. Trudel: M. Nadeau, je suis content pour votre impression que
vous avez de ne pas payer, mais vous payez pareil.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Je suis bien content pour vous. Ceci étant dit,
dans la société nord-américaine, la perception, ça
joue un rôle aussi au niveau du développement et de
l'organisation. Mais la dynamique que vous soutenez est, je dirais... On peut
la mettre sur la place publique, et vous faites bien de la mettre sur la place
publique. Quant à moi, je n'y adhère pas du tout, pas du tout,
mais il faut... Le distinct de la société, c'est qu'au
Québec on peut être complètement différents, on se
parle dans le pif et on est capables de trouver la meilleure solution avec
cela.
Je dis que la dynamique peut être inverse aussi dans ce
cas-là, et qu'elle peut amener à créer des services
à deux vitesses, suivant qu'on l'a, le fric, ou qu'on ne l'a pas. C'est
un peu le choix qu'on a fait en 1971, de la solidarité. Mais la
solidarité, ce n'est pas rien que dans les services, dans le fait de
profiter des services, c'est aussi dans le financement des services. Comme je
trouve qu'il y a une certaine progressivité au niveau des tables
d'impôt des particuliers, il me semble qu'on pourrait davantage se
questionner sur l'équilibre de ceux et celles qui sont les pourvoyeurs -
quand je dis celles, je mets aussi les entreprises là-dedans. Se
questionner - je ne donne pas de réponse - là-dessus aussi pour
nous permettre d'arriver à s'offrir le plateau, étant
donné que le financement public ne nous amènerait pas, c'est le
constat qu'on fait après 20 ans...
Le Président (M. Joly): Conclusion, s'il vous plaît,
M. le député.
M. Trudel: ...à des dépenses
débridées dans ce secteur-là.
Le Président (M. Joly): Très brièvement, M.
Nadeau, s'il vous plaît, le temps est déjà
écoulé.
M. Nadeau (Jacques A.): Je pense qu'on pourrait en jaser
longtemps. Évidemment, l'idée, ce n'est pas de créer deux
systèmes. On parle de montants minimes. On parle d'un fardeau fiscal
québécois qui est déjà très
élevé et qui a la réputation d'être
déjà très élevé. Si on ne fait pas quelque
chose dans ce sens-là, votre consommateur, dont vous avez peur, n'aura
peut-être pas de services de santé tantôt.
Le Président (M. Joly): M. Nadeau...
M. Nadeau (Jacques A.): Merci. Je vais revenir pour la conclusion
tantôt, une minute.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
M. Atkinson: Merci, M. le Président. J'ai une question
seulement. À la page 43, chapitre 11, Liste des recommandations,
à la recommandation 7.3, vous dites être en faveur d'un plus grand
contrôle sur la carte d'assurance-maladie, laquelle devrait être
considérée plus comme une carte de crédit. Dans 7.4, vous
dites également que les liens entre le consommateur et le coût
devraient être plus évidents. Il me semble que ces deux
suggestions combinées nous rappellent la notion présentée
lors de la séance de la commission sur le projet de loi 120: que le
patient signe le compte du médecin avec le coût du traitement
indiqué. Quelle serait votre réaction à cela?
M. Nadeau (Jacques A.): nous, ce qu'on veut dire dans le cadre de
cette recommandation-là, c'est que quand des gens utilisent une carte
pour aller au restaurant et faire une dépense de 20 $ ou de 25 $, on
vérifie si la carte est bonne. quand ils entrent à
l'hôpital pour une dépense qui va peut-être être de
2000 $, 3000 $ ou 4000 $, on ne pourrait pas vérifier si leur carte est
bonne? il s'agit de créer des liens électroniques entre la ramq
et les établissements et il y a moyen de vérifier les cartes.
ça, c'est un des moyens.
Le deuxième, c'est peut-être la question de la photo. Il y
en a qui s'offusquent bien gros de ça, d'avoir une photo sur une carte
comme ça. Mais, vous savez, quand on est rendu au point où il y a
une impasse financière qui compromet nos services de santé, je
pense qu'il ne faut pas trop s'offusquer d'avoir une photo sur une carte. Il
faut le regarder très sérieusement, cet aspect-là.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Nadeau. M. Atkinson:
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue. (15 h 45)
M. Trudel: Merci beaucoup de cette importante contribution. Vous
aviez publié au départ un document fort important qui a
aidé à la discussion au Québec et qui continue d'aider.
Vous mettez sur la table des éléments de solutions. Ça
fait que je pense... Il y a des fois où on sent ça plus noir, des
fois un peu plus gris-blanc; on va vers l'ouverture. Moi, vous me faites voir
un peu de lumière. Un peu, beaucoup. En n'oubliant pas de mentionner
qu'évidemment, comme représentant d'une région, j'aurais
bien aimé discuter de la question d'un budget global pour une
expérience-pilote dans une MRC. Je vous appuie 400 % là-dessus.
Expérimentalement parlant, on ne peut pas tout décider en
même temps. Merci beaucoup de cette contribution.
Et en conclusion, je dirais: Dans tous les cas, vous allez être
obligés de nous aider et vous allez être obligés d'aider
aussi les citoyens que vous servez. Et, faites attention - quant à moi,
une dernière chose - on le sait, la classe moyenne est tout près
de décrocher au Québec. Si on en fait un petit peu, un petit pas
supplémentaire, socialement, quant à moi, on va y goûter.
Alors, il faut être très précieux sur ce qu'on fait comme
travail, eu égard à la fiscalité et aux services qu'on
rend. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, une
contribution tout à fait exceptionnelle, je pense, qui a abordé
un certain nombre de problèmes qui sont des problèmes
réels et tenté de mettre sur la table des solutions. Je trouve
ça très très heureux. Ce que j'ai compris, c'est: Le
partenariat est possible. L'incitatif a meilleur goût. Et ce que je
retiens de l'incitatif, même si l'ouverture n'est pas grande, c'est que
les économies de l'incitatif pourraient peut-être être
partageables. Donc, je retiens ça aussi comme ouverture, ce qui est
assez intéressant. Et Dieu sait qu'il nous reste encore passablement de
travail à faire, mais c'est l'un des premiers mémoires qui nous
donne des pistes intéressantes. On en a ajouté d'autres en cours
de route en se questionnant, mais le complément des deux fait qu'il y a
un peu d'espoir sur l'efficience et l'efficacité dans des choses
concrètes. Je vous remercie pour cette contribution-là, et on va
le rappeler aux autres aussi, soyez-en sûrs. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, messieurs de l'Association
des hôpitaux du Québec, au nom des membres de cette commission.
J'appellerais le plus rapidement possible l'Association d'hospitalisation du
Québec, Croix Bleue, de bien vouloir s'avancer, s'il vous
plaît.
La commission reprend ses travaux. S'il vous plaît! Est-ce qu'on
pourrait fermer la porte en arrière, s'il vous plaît? Merci.
Alors, à vous de l'Association d'hospitalisation du Québec.
Bienvenue à cette commission, merci d'être présents. M.
Ferron, j'apprécierais si vous pouviez nous introduire les gens qui vous
accompagnent, s'il vous plaît.
Association d'hospitalisation du Québec (Croix
Bleue)
M. Ferron (Claude): Oui, M. le Président, MM. les membres
de la commission. À l'extrême gauche, M. André Lafond, qui
est vice-président exécutif de l'assurance collective; Mme
Jacynthe
Michaud, qui est secrétaire de la compagnie et M. Pierre Julien,
qui est vice-président exécutif de l'assurance individuelle.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, M. Ferron. Vous
avez environ 30 minutes pour nous exposer votre mémoire et,
après, les parlementaires auront le plaisir d'échanger avec
vous.
M. Ferron: D'accord. L'Association d'hospitalisation du
Québec ou Croix Bleue est une société de secours mutuels
à but non lucratif et à charte provinciale oeuvrant
principalement dans le domaine de l'assurance accident-maladie au
Québec. Cet organisme est membre de l'Association canadienne des Croix
Bleue et de Blue Cross and Blue Shield Association, des États-Unis. Elle
est la propriété des Québécois et est
gérée par ceux-ci. Cette appartenance favorise les
échanges entre nos organisations dans le domaine de la santé.
C'est au nom de ses 800 000 membres et aux titres de principal assureur
en accident-maladie individuelle et d'assureur important en assurance-voyage et
en assurance collective qu'elle désire exposer à cette commission
parlementaire son point de vue sur le document intitulé «Un
financement équitable à la mesure de nos moyens».
Après 20 ans, personne ne remet en question les principes de base
qui ont servi a la naissance de notre système de santé. L'enfant
vient de passer sa crise d'adolescence et se questionne sur son orientation en
tant qu'adulte. Nous croyons que les soins de base devraient toujours
être inclus dans le régime public, avec les ajustements
proposés relativement au panier des services assures, mais, par contre,
nous remettons en question la couverture des soins complémentaires.
Nous réalisons que les objectifs de départ ayant
été atteints en partie face à la vision de
l'époque, nous nous devons d'aborder les 20 prochaines années
avec les connaissances acquises sur les faiblesses et les irritants du
système actuel, et surtout avec les besoins qui nous attendent dans les
prochaines décennies. Globalement, notre système de santé
fonctionne relativement bien avec les ressources financières que nous
voulons bien y consacrer. Le contrôle des coûts et des frais
d'administration rencontre les exigences gouvernementales, bien que la
qualité des soins demeure difficile à cerner.
Avant l'instauration d'un régime universel étatisé,
il y a un peu plus de 20 ans, Croix Bleue constituait pour les employeurs et
les citoyens le plus important fournisseur d'assurance accident-maladie au
Canada. L'ensemble des Croix Bleue canadiennes constitue encore aujourd'hui le
plus important assureur en accident-maladie. Le débat relatif aux
options de financement présentement envisagées semble vouloir
laisser plus de place aux contributions individuelles pour le finance- ment des
services sociaux et de santé. Nous croyons pouvoir contribuer au
débat en offrant le point de vue d'un assureur privé et certains
éléments de solution au problème du financement des
services sociaux et de santé.
Nous croyons que le domaine de la santé doit être une
responsabilité partagée entre le gouvernement, les citoyens, les
intervenants publics et privés, les dispensateurs de soins de
santé et les organismes privés d'assurance-santé. Ces
derniers jouent un rôle important dans le financement des soins de
santé non couverts par les programmes publics en plus d'assurer la
protection du revenu des individus lors d'invalidité à court
terme et à long terme. Dans les pages qui suivent, nous commenterons
à partir du document faisant l'objet de cette consultation le niveau des
dépenses de santé actuel. Nous soulignerons par la suite certains
éléments du contexte socio-économique ayant un impact sur
le débat. Nous débattrons ensuite du financement des services
sociaux et de santé et offrirons enfin quelques éléments
de solution.
Le niveau des dépenses des services sociaux et de santé.
La question est posée à juste titre. Consommons-nous trop,
globalement, et, par ricochet, le niveau actuel des dépenses
consacrées aux services sociaux et de santé est-il acceptable?
Comme l'indiquent les auteurs du document faisant l'objet de cette
consultation, le niveau actuel des dépenses de santé per capita
du Québec correspond à sa richesse relative et au comportement
moyen des provinces et des pays industrialisés. Par rapport au PIB, nous
nous classons bon deuxième après les États-Unis et devant
les autres provinces canadiennes. Par rapport à la dépense per
capita, nous sommes dans la moyenne canadienne. Par contre, il faut souligner
que l'ensemble des pays de l'OCDE ont enregistré une diminution entre
1987 et 1989, alors qu'au Canada et au Québec cela ne s'est pas fait
sentir.
Nous notons que la part des dépenses publiques de santé a
diminué, de 1984 à 1987, mais que cette baisse est probablement
causée par une augmentation des dépenses privées:
technologie, médicaments, soins dentaires. Au cours des dernières
années, la part des fonds privés dans les soins de santé a
encore augmenté, quand on regarde l'évolution du prix des
chambres d'hôpital semi-privées et privées.
Mentionnons aussi que, par rapport à certains indicateurs pouvant
servir de base de comparaison entre pays, le Canada et le Québec se
situent généralement dans le juste milieu: espérance de
vie ou longévité, taux de mortalité infantile, pourcentage
des dépenses de santé par rapport au PIB, nombre de
médecins par 10 000 habitants. Il faut cependant être prudent
lorsqu'on mesure les dépenses de santé par rapport au PIB. En
effet, de fortes augmentations du PIB, telles que nous en avons connues au
cours des années quatre-vingt, peuvent laisser croire
que les dépenses de santé augmentent raisonnablement alors
qu'elles peuvent, en réalité, augmenter
démesurément.
Ainsi, la question se pose: Contrôlons-nous bien ces
dépenses? Tel que mentionné dans le document, les dépenses
de santé ont augmenté plus vite que l'IPC entre 1980 et 1987, et
cette tendance ne s'est pas résorbée depuis. Nous avons
même entrepris un dérapage à cet égard puisque le
niveau des dépenses se situe à IPC + 3 % alors que, selon nous,
on devrait s'en tenir à IPC + 1 %. Nous tentons toujours d'avoir le
meilleur des deux mondes auxquels nous nous identifions: un régime
universel et accessible à tous, la technologie américaine, la
meilleure qui soit. Nous avons observé la naissance de plusieurs
fondations privées dans les années quatre-vingt, afin de nous
donner accès à cette technologie. Nous croyons que cette voie
devrait être encouragée dans le futur.
Les principaux éléments de contrôle des coûts
sont absents de notre système. Pas de coassurance; pas de
déboursés par l'utilisateur; facturation directe du fournisseur
de services aux tiers payeurs, privés ou publics; aucune sensibilisation
de l'utilisateur aux coûts des services consommés - relevés
de compte ou autres - ni aux coûts du régime-impôt distinct;
finalement, un choix illimité. En fait, les deux seules limites
inhérentes au système sont les limites aux montants des
dépenses d'immobilisation et, par conséquent,
l'impossibilité de répondre à une demande presque infinie,
d'où les listes d'attente.
Mais comment, justement, allons-nous réussir à conserver
l'équilibre en sachant que la courbe démographique nous
amène vers la réalité suivante: les 65 ans et plus, qui
représentent actuellement 11 % de la population, entraînent 30 %
des coûts de santé. En l'an 2000, c'est-à-dire dans moins
de huit ans, ce groupe représentera 15 % du total de la population. Deux
autres caractéristiques s'ajoutent, à notre avis, qui devraient
nous inciter au questionnement et à la prudence: l'accessibilité
au système, la rémunération à l'acte. (16
heures)
Accessibilité. La facilité avec laquelle on peut
adhérer au système est presque désarmante, mais le
contrôle, par la suite, l'est encore plus. Ainsi, il y aurait
présentement au-delà de 300 000 cartes-soleil en circulation dont
l'appartenance du titulaire au régime est discutable. Tout le monde a
également entendu parler du trafic de cartes-soleil aux
États-Unis, où des Québécois vont louer leur carte.
Un contrôle plus sévère s'impose et, avec la technologie
présentement disponible sur le marché et utilisée
abondamment par les émetteurs de cartes de crédit, beaucoup de
ces fraudes pourraient être arrêtées.
Rémunération. Les régimes de santé des
principaux pays industrialisés sont jalousement gardés par chacun
de ces pays et peu d'échanges prennent place. Pourtant, les
systèmes de santé font sporadiquement l'objet de réformes
importantes ou constituent, tout au moins, des sujets politiques
controversés. De plus, malgré de nombreuses différences,
beaucoup de problèmes semblables se posent d'un pays à l'autre.
Il nous semble important de comparer ces différences et d'en tirer le
meilleur parti.
Le sujet le plus discuté lors des réformes est sans doute
la rémunération des services médicaux. À notre
avis, une partie importante de l'inflation des coûts de santé est
reliée au fait que la rémunération des médecins
à l'acte n'incite pas beaucoup ces derniers à contrôler les
coûts. la quantité de services utilisés au québec
compte pour 60 % de l'augmentation annuelle de la hausse des dépenses de
services médicaux per capita entre 1970 et 1983, alors qu'elle
n'était que de 34 % au canada. la quantité de services
dispensés par médecin, quant à elle, constitue 35 % de
l'augmentation de la quantité de services utilisés - 14 % pour le
canada - alors que l'évolution des effectifs de médecins per
capita se situe à 24 % - 20 % pour le canada. c'est donc, comme le
soulignait le rapport rochon, qu'au québec la faiblesse relative de
l'effet prix a été en partie compensée par la force
relative de l'effet quantité.
Nous reviendrons sur ce sujet plus loin, mais mentionnons tout de
même qu'il nous semble que des notions de gestion intégrée
des soins - «managed care» - pourraient être introduites dans
le système et servir d'incitatif aux médecins et hôpitaux
à être plus efficaces et efficients. Nous nous inquiétons
également de l'écart de plus de 8 % qui existe entre le
Québec et l'Ontario relativement aux heures
rémunérées par jour-patient dans les hôpitaux,
sachant que les ressources humaines représentent 80 % des
dépenses du système de santé.
Finalement, pour terminer cette section relative au niveau des
dépenses, il convient de questionner l'universalité de notre
système. Peut-être est-il temps de remettre en cause
l'universalité de certains types de soins par rapport à leur
effet sur la santé collective. On s'aperçoit d'ailleurs que le
niveau des dépenses de santé ne garantit pas
nécessairement un meilleur état de santé collectif,
quoique ceci soit plutôt hasardeux à mesurer. Prenons le Japon,
par exemple, qui a un des plus bas pourcentages de dépenses de
santé par rapport au PBI et qui n'en détient pas moins le record
de l'OCDE en regard de la longévité et de la mortalité
infantile. Pourtant, ce pays a un régime mixte, privé-public, qui
fait place à des contributions du consommateur - copaiement - assorti
d'un plafond annuel.
Notre système pourrait, nous le croyons, laisser contribuer plus
le secteur privé pour atteindre un niveau comparable à celui de
l'Ontario, par exemple, en ne remettant pas en cause l'accessibilité du
système aux plus démunis.
Nous sommes d'accord avec le grand principe de l'universalité du
système. Mais n'y aurait-il pas lieu de considérer la
possibilité de permettre au citoyen qui veut payer plus d'avoir
accès à des soins électifs? Cette source de revenu non
négligeable permettrait de libérer les listes d'attente et
assurerait, du fait même, une plus grande accessibilité aux plus
démunis.
Nous croyons également que d'autres aspects de notre
société ayant un impact important sur l'état de
santé collectif peuvent être mis en cause: habitudes de vie,
alimentation, logement, toxicomanie, tabagisme, pauvreté. Ce sont
là des éléments qui ne sont pas nécessairement
reliés directement aux dépenses de santé, mais qui
influencent sérieusement la mesure la plus définitive de notre
santé: la longévité. Doit-on favoriser le préventif
plutôt que le curatif? L'espérance de vie en bonne santé
n'a pas beaucoup bougé en 15 ans, passant de 62 à 63 ans.
Les réalités socio-économiques. Certaines
caractéristiques socio-économiques influencent grandement notre
état de santé collectif et la part de la richesse que nous y
consacrons.
Géographie. Il peut paraître curieux de parler
géographie comme étant une réalité
socio-économique, mais, en Amérique du Nord, c'est le cas.
L'importance et l'influence de notre voisin du Sud se ressentent dans toutes
les facettes de notre vie, incluant le financement des soins de santé.
Souvenons-nous de l'importance et de l'omniprésence de nos
régimes sociaux, dont le système de santé, dans nos
discussions entourant le traité de libre-échange.
Technologiquement, notre médecine est d'abord américaine.
Et tant mieux puisqu'il s'agit de la technologie la plus avancée de la
planète. Faisons donc un bref tour d'horizon du système
américain. Les Américains consacrent aujourd'hui 12,3 % de leur
PIB à la santé, alors qu'en 1980 il s'agissait de 9,4 %. Comme
dans le reste de leur système économique, la santé est
soumise à la loi du marché avec le moins d'interventions possible
de l'État. Pour eux, seul un système privé garantit le
contrôle des coûts, quoique les chiffres mentionnés plus
haut semblent vouloir indiquer le contraire.
Malgré MEDICAID, pour les démunis, et MEDICARE, pour les
personnes âgées, 15 % de la population n'a pas de couverture
d'assurance-santé. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne peuvent pas obtenir
de soins pour autant. Mais on est loin de l'universalité. Les
régimes mentionnés plus haut drainent 38 % des 700 000 000 000 $
consacrés à la santé; ils sont
surréglementés et inefficaces en plus de ne pas suffire à
la demande.
La fraude, les abus et les coûts de
l'assurance-responsabilité professionnelle menant à une
médecine défensive sont probablement la maladie la plus grave
dont souffre le système américain. On estime à plus de 75
000 000 000 $ la fraude seulement.
Aujourd'hui, il y a deux fois plus de médecins aux
États-Unis qu'il y a 20 ans. Pourtant, on estime qu'il manque encore 35
000 omnipraticiens pour répondre à la demande. Ceci a pour effet
que beaucoup de citoyens se dirigent inutilement vers des spécialistes,
engendrant du gaspillage. Depuis que les médecins ne font plus ou font
rarement payer leurs patients, un élément de freinage naturel
important est disparu. On sait maintenant qu'il en coûte 17 % de moins de
traiter des citoyens membres de HMO - ils sont maintenant 40 000 000 - par
rapport au système traditionnel. En 1995, il est prévu que
probablement 80 % des groupes assurés le seront sur cette base et aussi
sur la base des PPO.
De par notre proximité, nous sommes très influencés
par le régime américain. En ce qui nous concerne, nous avons
introduit, dans nos régimes d'assurance-voyage, une notion
d'intégration des soins - «managed care». Nous avons pu
ainsi réaliser et faire réaliser à la RAMQ des
économies importantes au chapitre des soins hors Canada. Ce qui nous
permet d'ailleurs également d'assurer des personnes âgées
qui partent pour de longs séjours à un prix encore très
raisonnable.
En 1960, il y avait une personne sur 11 qui était
âgée de plus de 65 ans. En 1987, c'est une sur 7. En 1990, aux
États-Unis, 200 000 000 000 $ sur 700 000 000 000 $ sont
consacrés aux soins de santé pour les plus de 65 ans. On estime
que ce sera 600 000 000 000 $ sur 1,5 trillion $ en l'an 2000. Notre population
vieillit tout aussi rapidement et il y aura proportionnellement de moins en
moins de jeunes payeurs. Les sources de financement devront donc s'ajuster en
conséquence.
Au Québec, nous avons traditionnellement un taux de chômage
plus élevé qu'au Canada. La situation pourrait s'améliorer
à long terme, mais, dans l'immédiat, un nombre plus
élevé de travailleurs aptes à contribuer au régime
ne le font pas.
Le financement. Les sources de financement, telles que décrites
dans le document dont il est ici question, illustrent plusieurs malaises que
nous commenterons. D'abord, si l'on pouvait conclure que le niveau des
dépenses pour les services sociaux et de santé se situe à
un niveau acceptable comparativement à d'autres pays
industrialisés, la taxation, elle, a probablement atteint un point de
saturation, autant quant à son niveau qu'à sa diversité.
Nous avons inventé toutes les taxes qu'il y avait à inventer...
même la taxe sur la taxe!
Les effets de la rationalisation instaurées depuis le milieu des
années soixante-dix ont apporté les résultats
escomptés jusqu'en 1989-1990. Cependant, les règles du jeu
semblent se modifier depuis 1990-1991. D'abord à cause de la
récession qui affecte sérieusement plusieurs
secteurs d'activité. Les transferts fédéraux ont
régressé régulièrement et seront gelés au
niveau actuel pour les cinq prochaines années. Les déficits
gouvernementaux prennent, quant à eux, une part de plus en plus grande
de l'assiette budgétaire, et l'engagement de ne pas reporter sur les
générations futures nos dépenses actuelles sera
difficilement maintenu. D'autant plus qu'en pleine période de
prospérité et de croissance nous n'avons pas réussi
à diminuer les déficits gouvernementaux, mais nous les avons
maintenus.
Il nous semble que les revenus provenant des impôts et des taxes
au Canada ont atteint le maximum maintenant et que l'écart avec le
régime fiscal américain ne peut augmenter. Des choix s'imposent
donc entre la stabilisation des dépenses ou la diminution des services,
ou les deux. Nous acceptons difficilement l'idée avancée par le
gouvernement qu'éventuellement, en période de croissance, nous
pourrions rembourser les déficits que nous avons encourus en
période de récession. Les coûts de santé augmentent
beaucoup plus fortement que l'IPC et, en autant que le système de base
soit maintenu et même amélioré grâce au
contrôle des coûts, nous croyons que c'est de cette façon
que nous allons réussir à protéger les acquis des 20
dernières années.
Nous croyons, d'autre part, avoir le choix, comme société,
de rationaliser les ressources humaines et financières dans les domaines
de la santé et des services sociaux. Des mesures correctives s'imposent
donc et nous tenterons d'en dégager quelques-unes à partir des
constatations suivantes.
La gratuité complète d'un service entraîne une
consommation plus grande. Rendons l'électricité gratuite et
finançons-la à partir des impôts et la demande augmentera
dramatiquement. Nous sommes convaincus qu'une participation financière
du bénéficiaire, si minime soit-elle, lors d'une visite chez le
médecin, à l'hôpital ou à la pharmacie,
réduira la demande dans une certaine mesure.
Le paiement par le patient, en tout ou en partie, contribue à
diminuer les coûts. Dans notre domaine d'activité, nous pouvons
observer une demande plus grande dans les régimes
d'assurance-médicaments lorsqu'il y a paiement direct de l'assureur au
pharmacien, sans forme additionnelle de contrôle et sans
déboursé de la part de l'assuré.
La médecine rémunérée à l'acte
n'incite pas à une grande efficacité. L'expérience
vécue par nos voisins du Sud dans des régimes
intégrés de soins de santé, «managed care»,
dénote des changements de comportements importants de la part des
fournisseurs. Nous avons nous-mêmes, tel que mentionné
précédemment, expérimenté de tels changements, et
présentement, aux États-Unis, la transformation des
régimes traditionnels en régimes intégrés de soins
de santé, HMO-PPO, se fait à pleine vapeur. Nous n'en doutons
pas, l'efficacité du réseau peut être
améliorée en appliquant chez nous des formules similaires
adaptées à notre régime.
Le niveau de dépenses en santé seul n'a pas beaucoup
d'effet sur le niveau de santé d'une population. D'autres
paramètres influencent beaucoup la santé, dont le niveau de
pauvreté, les habitudes de vie, la criminalité, incluant la
drogue. Il faut mentionner de plus que, même si la
longévité s'est sensiblement améliorée au cours des
20 dernières années, le niveau de vie en bonne santé, lui,
n'a pas tellement changé et se situe toujours aux environs de 63
ans.
Une plus grande imputabilité contribuera à éviter
une explosion des coûts. Les citoyens ne savent
généralement pas combien il leur en coûte pour les soins de
santé pour lesquels ils ne déboursent rien. Cette impression de
gratuité combinée à l'absence à peu près
totale de contrôle contribuera à une explosion des coûts si
nous n'y prenons garde.
La contribution de la partie publique du financement est plus grande au
Québec qu'en Ontario et au Canada. L'écart atteint même 7 %
avec l'Ontario où les sources de financement privées constituent
une plus grande part du financement total. Cet écart représente
800 000 000 $ par année.
Ces grandes constatations nous indiquent déjà certains
éléments de solution. Nous sommes également d'accord avec
le gouvernement du Québec à l'effet que le retrait progressif du
fédéral devrait s'accompagner d'une plus grande latitude des
autorités de chacune des provinces et nous l'appuyons dans sa
démarche de faire modifier la loi C-3, puisque la santé est avant
tout un domaine de juridiction provinciale.
Les éléments de solution. Conscients que nous ne devons
pas mettre en péril l'essentiel du système actuel et que des
choix s'imposent, nous sommes d'accord avec les grandes orientations, mesures
et options exposées dans le document du ministère afin
d'améliorer l'efficacité du système. Nous y apporterions
de plus les commentaires suivants: la limitation de l'évolution du
coût global de la rémunération des salaires devrait tenir
compte de l'avance qu'ont présentement ces salariés par rapport
au secteur privé; la rémunération des cadres pourrait
être articulée autour d'un système de rétribution
stratégique semblable à ce que l'on trouve dans l'entreprise
privée en tenant compte des objectifs à atteindre; la
rémunération des professionnels pourrait, dans certains cas,
être inspirée du système utilisé par les HMO ou par
certains régimes privés de soins dentaires, la capitation.
En ce qui a trait à la nécessité d'un nouveau cadre
de régulation, nous croyons qu'il devrait en effet y avoir un
rapprochement entre la consommation et le financement des dépenses de
santé. Il nous apparaît important que les consommateurs, tant par
rapport au financement qu'à la consommation, soient en mesure d'en
connaître les coûts. Nous souscrivons donc
entièrement à l'idée de mettre en place un cadre
intégré de régulation des dépenses et du
financement des services sociaux et de santé.
Nous souscrivons également à l'idée d'un fonds
général pour l'ensemble des dépenses publiques de
santé. Ce concept est déjà appliqué avec
succès dans le domaine de l'assurance automobile avec la
Société de l'assurance automobile du Québec et nous
croyons qu'une telle transparence encouragera le processus de
responsabilisation des citoyens. D'autre part, le départage des
contributions entre bénéficiaires, employeurs et citoyens
assurés permettra une plus grande transparence. Nous croyons par contre
important de rétablir la contribution des employeurs et des
employés telle qu'elle existait auparavant en proportion
équivalente. Un transfert de points d'impôt serait alors
effectué aux contribuables, amenant ainsi une plus grande
équité en reconnaissant la responsabilité collective de
tous les Québécois et Québécoises. Le fonds
général des services sociaux et de santé sera
confronté à un grand défi budgétaire dans les
années à venir. En examinant le déséquilibre annuel
évalué entre 200 000 000 $ et 400 000 000 $, entre 1991-1992 et
1996-1997, nous croyons que les engagements existants feront en sorte qu'il
sera beaucoup plus près des 400 000 000 $. Des choix devront donc
être faits dans les plus brefs délais afin de ramener ce
déséquilibre à un niveau plus acceptable.
Considérant tout ce qui précède et tenant compte
des grandes contraintes exprimées dans le document du gouvernement, nous
proposons certaines recommandations qui, la plupart du temps, s'inscrivent dans
le cadre des orientations proposées. Nous avons donc regroupé nos
suggestions sous trois grands thèmes: rationalisation, financement et
imputabilité, privatisation progressive des services
complémentaires. (16 h 15)
Rationalisation. Contrôle des cartes d'assurance-maladie. Il ne
fait pas de doute que l'instauration d'un meilleur contrôle des cartes
d'assurance-maladie à l'émission, au renouvellement, au
remplacement et à l'utilisation entraînerait une économie
de montants substantiels. Une meilleure identification sur la carte
éviterait également une utilisation frauduleuse.
Désinstitutionnalisation. Les hospitalisations de longue
durée ne sont souvent que le résultat d'un manque d'alternatives.
Un support logistique - télésurveillance, par exemple - et fiscal
- incitatifs fiscaux pour les enfants à garder les parents à la
maison - sont des mesures qui permettraient aux centres d'accueil de mieux
suffire à la demande. De même, le développement d'autres
services alternatifs moins coûteux nous semble s'imposer. Nous aimons
beaucoup l'idée avancée récemment de permettre aux
citoyens de déduire pour fins fiscales des dépenses
reliées au maintien à domicile des parents et grands-
parents.
Soins intégrés. Il y a des leçons à tirer de
l'expérience américaine de «managed care». L'option
PPO, Preferred Providers Organization, semble plus prometteuse. Il s'agit d'une
méthode de rémunération des intervenants de type DRG,
c'est-à-dire un prix préétabli pour un ensemble de
services médico-hospitaliers en relation avec un diagnostic. Elle
pourrait constituer pour nous une source d'inspiration qui permettrait
d'introduire dans notre système des éléments incitatifs
à une meilleure utilisation de nos ressources.
Soins hors Canada. Le Québec est présentement la province
canadienne la plus généreuse à ce chapitre. Ramener le
niveau de couverture des Québécois et des
Québécoises au même niveau que celui des Ontariens, par
exemple, serait une mesure équitable qui ne pénaliserait pas les
moins nantis parmi nous. Une dizaine de millions de dollars pourraient
probablement être économisés.
Imputabilité. Fiscalité. Contrairement à ce qui
existait au début du système où les employeurs et les
employés contribuaient également, seuls les employeurs sont
maintenant identifiés directement au financement des soins de
santé. Cela nous semble d'abord inéquitable par rapport à
ceux qui n'ont pas, techniquement, d'employeurs: travailleurs autonomes,
associés dans des cabinets professionnels. Cette formule a
également l'inconvénient de ne pas sensibiliser le
contribuable-utilisateur aux coûts associés au système,
contrairement aux autres régimes étatiques majeurs:
assurance-chômage, Régie des rentes du Québec, SAAQ.
Nous recommandons donc que les soins de santé soient
financés à partir d'une contribution clairement identifiable par
le contribuable-utilisateur. On pourrait également y transférer
les excédents de Loto-Québec, de la SAAQ ou, encore, les
résultats de la perception de la taxe sur les cigarettes, d'autant plus
que les fumeurs coûtent plus cher en soins de santé. Les assureurs
l'ont déjà reconnu en établissant des taux
différents pour les fumeurs et les non-fumeurs.
Les gouvernements ont encouragé les citoyens à
prévoir leur retraite en leur permettant d'accumuler, à l'abri de
l'impôt, des épargnes-retraite en plus des régimes
gouvernementaux: régime de rentes du Québec, pensions de
vieillesse. Le RRQ est capitalisé et les pensions de vieillesse ne le
sont pas. Face aux déficits gouvernementaux qui ne semblent pas se
résorber, nous pouvons certes questionner la capacité des futures
générations à rencontrer ces coûts énormes
reliés aux pensions de vieillesse.
Nous aimerions donc suggérer l'idée d'un régime
enregistré d'épargne-santé qui, modelé sur le REER
en tant qu'abri fiscal, permettrait aux citoyens d'avoir les fonds libres
d'impôt pour se procurer des soins de santé, d'avoir accès
à des centres de santé reliés à la population
âgée ou encore de faire face à des dépenses
imprévues
suite à une maladie chronique. Un tel fonds pourrait
également servir à obtenir des soins électifs ou
complémentaires. Au décès, puisque ces fonds auraient
été exemptés d'impôt, la partie inutilisée
pourrait servir à la recherche, au développement de nouvelles
technologies ou à capitaliser des fondations privées.
Privatisation progressive des services complémentaires. Bien que
de suggérer l'instauration d'un système parallèle
privé en compétition avec le système public nous semble
intéressant - tel qu'en éducation, par exemple - il est
néanmoins plus réaliste de suggérer qu'une partie de plus
en plus importante du financement provienne du secteur privé. Certains
secteurs d'activité pourraient avantageusement être
transférés au secteur privé. Pensons, par exemple, au
transport médicalisé des malades au Québec. Des
activités, tel le traitement des réclamations hors Canada,
pourraient également faire l'objet de sous-traitance.
La redéfinition des services assurés devrait figurer en
priorité parmi les mesures envisagées par le ministère.
Les services complémentaires pourraient ainsi être progressivement
désassurés pour les bénéficiaires dont les moyens
ne font pas obstacle à l'obtention de ces services ou, encore,
l'instauration de certaines limites financières au-delà
desquelles le régime public ne couvre plus et le citoyen a toujours le
choix de se munir d'un régime privé ou d'assumer les coûts
lui-même. Mais, en aucun cas, la santé financière des
citoyens ne devrait être mise en péril suite à une
maladie.
Pour les hospitalisations de courte durée, nous croyons que nous
devrions envisager une participation des particuliers aux frais des repas et,
pour les hébergements de longue durée, la politique actuelle de
participation selon les revenus devrait être maintenue.
Nous sommes donc en accord complet avec les objectifs
stratégiques proposés par le ministère relativement aux
mesures portant sur le financement: faire appel à des ressources
complémentaires de financement, opter pour des modalités de
financement qui enlèveront ce faux sens de la gratuité et qui
inciteront à consommer avec circonspection. Un thème devrait
guider le législateur dans sa révision du régime actuel:
que ceux qui ont les moyens financiers de contribuer un peu plus au
système soient mis à contribution par la voie de contributions
personnelles ou de celle d'un régime complémentaire
privé.
En conclusion, il semble évident que les gouvernements, au
Canada, n'auront pas les moyens d'améliorer les programmes mis de
l'avant au cours des 20 dernières années. Durant la
décennie quatre-vingt, ils ont retraité dans certains programmes,
tels les soins dentaires pour les jeunes ou les soins médicaux d'urgence
hors Canada. La Croix Bleue du Québec a instauré récemment
un programme avec la Blue Cross and Blue Shield of Florida puisque 85 % de ses
assurés choisissent cette destination. Le programme est de type PPO et
est administré en collaboration avec la RAMQ. Il permet à nos
membres d'avoir accès rapidement aux soins de santé
appropriés en Floride sans débourser un sou. On pourrait
même ajouter que c'est probablement un HMO, mais il est en Floride.
Ceci est un exemple de complémentarité qui pourrait
être développé dans le futur entre le régime de
santé public et une organisation comme la Croix Bleue du Québec,
qui est une société de secours mutuels à but non lucratif,
qui appartient aux Québécois, et qui est bien connue du monde
médical. Le régime d'assurance automobile, partagé, lui
aussi, entre la Société de l'assurance automobile du
Québec et les assureurs privés, est un autre exemple de
complémentarité qui aurait avantage à être
imité. Nous croyons que le domaine de la santé doit être
une responsabilité partagée entre le gouvernement, les citoyens,
les intervenants dispensateurs de soins de santé et les organismes
d'assurance-santé. Ces derniers jouent un rôle important dans le
financement des soins de santé non couverts par les programmes publics,
en plus d'assurer la protection du revenu des individus lors d'une
invalidité à court terme et à long terme.
Il est curieux que nous acceptions des régimes mixtes, public et
privé, dans les secteurs de l'éducation, alors que les
écoles privées voisinent les écoles publiques...
Le Président (M. Joly): En conclusion, s'il vous
plaît, M. Ferron.
M. Ferron: ...créant une dynamique et un choix sans
pénaliser l'accès à tous.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. M.
Ferron: Oui?
Le Président (M. Joly): On a déjà pas mal
débordé.
M. Ferron: Oui. Alors, c'était la conclusion, à
toutes fins pratiques.
Le Président (M. Joly): Oui, mais je la trouvais longue.
On avait dit le mot «conclusion» il y a trois pages.
M. Ferron: Pas de problème, on l'avait déjà
dit avant.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. Alors, M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Il y a un
effort très important de communiquer du vécu, je pense, dans le
mémoire, et je pense qu'il faut le souligner et le saluer à ce
moment-ci, de manière particulière, ce avec quoi vous
avez terminé, l'expérience des Québécois en
Floride, et Dieu sait qu'il y en a quelques-uns. Si j'ai bien entendu, 80
%?
M. Ferron: 85 % des Québécois choisissent
ça, ce qui veut dire que nous, à la Croix Bleue, on doit assurer
chaque année probablement 400 000 Québécois qui vont en
Floride.
M. Côté (Charlesbourg): C'est considérable.
Je pense que...
M. Ferron: C'est considérable. Ça a augmenté
beaucoup depuis quelques années.
M. Trudel: ...on prend la Croix Bleue.
M. Côté (Charlesbourg): On prend la Croix Bleue. Ha,
ha, ha! Bon. J'imagine que, s'ils vous ont choisis, c'est possiblement parce
que vous avez une couverture qui est plus large ou plus adaptée à
leurs besoins que certains autres ou, à tout le moins, une plus grande
ouverture.
M. Ferron: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Une de vos recommandations
à l'intérieur du mémoire est à l'effet de mieux
contrôler les coûts hors Canada. Donc, on est en plein dedans,
à ce moment-ci. Est-ce que c'est la totalité des gens qui sont en
Floride qui sont assurés?
M. Ferron: Non, non.
M. Côté (Charlesbourg): parce qu'une des
problématiques, je ne vous apprendrai rien, à vous, mais je pense
que, sur le plan de la communication publique, ça m'apparalt
important...
M. Ferron: Nous, on...
M. Côté (Charlesbourg): ...c'était notre
inquiétude de couvrir l'ensemble de la population, puisque ceux qui ne
sont pas couverts sont probablement ceux qui ont plus de difficulté
à se trouver une assurance pour se couvrir, donc, des gens plus à
risque. Est-ce que les 85 % que vous couvrez peuvent nous permettre de
déduire qu'il y a 15 % des gens qui ne sont pas couverts parce qu'ils ne
sont pas assurables?
M. Ferron: Non, ce n'est pas... Les 85 %, ça veut dire
qu'il y en a 15 % qui vont vers d'autres destinations. Ça peut
être soit les Antilles, etc., un peu partout.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. C'est 85 % de vos
personnes assurées qui sont en Floride? Ah! Oui, oui.
M. Ferron: De ceux qui sont assurés qui sont en Floride.
Alors, c'est ça. Maintenant, vous avez souligné que pour les
personnes âgées c'est vrai que ça peut être un
problème à cause, des fois, des conditions préexistantes.
Sauf que, nous, depuis deux ans, on a développé, si vous voulez,
une forme de sélection, de façon à ce que, par un
questionnaire médical, on puisse rassurer les gens. Effectivement, on en
refuse quelques-uns, mais c'est très minime. Je ne pense pas que
ça dépasse 10 %. Et plus on avance, chaque année, ce
pourcentage-là diminue. Ce qui veut dire que, dans quelques
années, un peu comme en assurance-vie, il va y avoir un pourcentage de
gens qui ne pourront pas s'assurer parce que, vraiment, le risque est trop
grand. Mais la plupart des gens peuvent trouver... Chez nous en tout cas, on
est les plus gros assureurs, en fait, pour les personnes âgées et
on est continuellement au travail pour essayer d'assurer le plus de gens
possible.
Une des choses qui nous aident beaucoup, actuellement... Tantôt,
je disais: Ça ressemble peut-être à un HMO, on travaille
beaucoup avec la Régie, on travaille beaucoup en collaboration avec eux.
On les représente là-bas. On a développé une
compagnie qui s'appelle Canassistance. Nous, vis-à-vis de la Floride,
les gens doivent se rapporter à Canassistance. Je ne vous cacherai pas
qu'aux États-Unis, c'est la «big business», les soins
médicaux, les hôpitaux et tout ça. Nous, par l'entente
qu'on a avec la Croix Bleue de Floride, on fait probablement des
«savings» de l'ordre de 20 % ou 25 % pour les soins hospitaliers.
La Régie en prend la moitié parce qu'elle en assure à peu
près la moitié et on a un contrôle.
Je dois vous dire aussi qu'on a découvert - et je pense que tout
le monde s'en doute un peu - qu'il pouvait arriver parfois qu'il y avait des
opérations qui étaient faites inutilement. Alors, nous,
maintenant, ils doivent se rapporter... À moins que ce soit une urgence
impensable, on les met en contact avec leur médecin, ici, au
Québec. De cette façon-là, on s'aperçoit qu'on a un
contrôle beaucoup plus grand.
Maintenant, question de contrôle des coûts, il faut dire que
la Floride... Mais ça, c'est en train de s'étendre partout aux
Etats-Unis et c'est assez récent, c'est, comme on l'expliquait
tantôt, le DRG. Ils viennent établir, si vous voulez, un montant.
C'est négocié d'avance chaque année. Supposons une
fracture d'une cheville, ils vont dire: Nous, on va vous payer 1500 $ pour tout
ce qui entoure la fracture d'une cheville. Si l'hôpital est efficace et
que ça lui en coûte 750 $, tant mieux; s'il n'est pas efficace et
que ça en coûte 3000 $, tant pis. Mais, dans l'ensemble de tout
ça, on réalise qu'on a sauvé énormément et
avec des soins qui sont quand même vérifiés par les pairs,
ces choses-là. Alors, comme tel, ce qui était tabou il y a
peut-être 10 ou 15 ans, de discuter de coûts avec le
système
de santé, l'est de moins en moins, en tout cas aux
États-Unis, puis probablement ici aussi.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que vous êtes
dans une situation où, à l'occasion, vous procédez
davantage par évacuation médicale?
M. Ferron: Oui, ça arrive, mais l'expérience des
dernières années... Peut-être que M. Julien pourrait nous
donner un aperçu de ça.
M. Julien (Pierre): On procède à des
évacuations médicales quand le «break even» est
dépassé, c'est-à-dire que si on sait, à partir du
DRG, que ça va coûter plus cher de le faire traiter là-bas
que de le ramener ici, c'est à ce moment-là qu'on
détermine l'évacuation. C'est carrément une situation, une
décision économique. L'an dernier, pour fins de
démonstration, on a fait une quarantaine de rapatriements
médicaux sur... on disait tantôt 400 000 personnes
assurées. Donc, ce sont vraiment des exceptions.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, si je comprends, si on
en arrivait à dire, demain matin: Nous allons payer ce que nous payons
au Québec pour un citoyen qui peut être hospitalisé en
Floride ou qui a des problèmes en Floride, à ce moment-ci, des
gens qui ont décidé d'aller passer six mois en Floride, ou un
mois, ou deux mois, pourraient avoir accès de manière très
majoritaire à une couverture d'assurance qui est la vôtre et,
donc, être protégés à ce niveau-là.
M. Julien: Je vous dirai que ceux qui sont en santé, ceux
qui ont la santé pour voyager pourraient, oui, trouver de l'assurance.
Le gros drame, actuellement, c'est qu'il y a des gens qui partent en voyage et
qui devraient carrément ne pas partir. Il y a des gens qui nous
soumettent des questionnaires médicaux pour fins de sélection,
pour fins d'évaluation et on se demande s'ils vont vivre assez longtemps
pour avoir les résultats du questionnaire médical. C'est
incroyable de voir comment les gens qui voyagent en Floride considèrent
la Floride comme étant une extension du Québec: ce n'est pas plus
compliqué aller en Floride que d'aller à Drummondville. Sauf que
ce n'est pas vrai. On s'aperçoit, en réalité, que la
grande majorité des gens sont assurables, effectivement, et probablement
qu'en réalité il y a moins de 5 % des gens qui ne sont pas
assurables aux fins d'un contrat d'assurance hors Canada.
M. Ferron: Peut-être pour ajouter un peu à ce que M.
Julien disait, pour nous, actuellement, les moins de 65 ans, je crois que la
prime, c'est 1,50 $ par jour. Pour les gens entre 60 ans et 70 ans, c'est 2 $;
70 ans en montant, 3,25 $; 80 ans et plus - parce qu'on a même des gens
de 80 ans et plus - 6 $. Nous, on a calculé que si on se ramenait au
même niveau que l'Ontario, supposons, un per diem de 400 $ ou 500 $ par
jour, il faudrait probablement augmenter nos primes de pas plus de 25 %. Alors,
l'effet n'est pas majeur quand on regarde ça. En plus de ça, pour
nous, ça nous semble un principe d'équité. Autrement dit,
le gouvernement paierait le même montant que pour les citoyens du
Québec. (16 h 30)
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, ça me
paraît être une des mesures sur lesquelles on devra se prononcer
assez rapidement. Mais tant et aussi longtemps qu'on n'avait pas la garantie
qu'une compagnie d'assurances pouvait assurer les gens qui étaient
là-bas, je pense qu'on était dans une situation où
c'était assez difficile.
M. Ferron: Nous, il faut remarquer qu'on est certainement le plus
gros, pour les personnes âgées. J'ai l'impression que les autres
assureurs, éventuellement, vont aussi embarquer dans ce
marché-là. C'est sûr que, lorsque vous regardez
l'expérience des 65 ans et plus et que vous la comparez à celle
des 65 ans et moins, c'est deux mondes. Je peux vous dire que, dans un cas,
ça peut être au moins 75 % et, dans l'autre, 30 %, disons, en
gros. Alors, c'est évident qu'un assureur qui ne veut que faire de
l'argent, il va assurer les personnes qui sont en bas de 65 ans. La Croix
Bleue, c'est un organisme à but non lucratif; on est là pour
être au service des citoyens et pour trouver des façons de les
assurer dans ce domaine-là.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que, sur le plan de
la couverture, c'est une couverture totale des coûts ou s'il y a des
frais de base que les gens doivent payer, ou s'il y a un plafond, sur le plan
du paiement?
M. Ferron: Non, on rembourse intégralement. La partie de
la Régie nous est remboursée parce qu'on y va par subrogation.
Mais la différence entre le coût total et, si vous voulez, ce que
la Régie rembourse, c'est 100 %. Plus que ça, les gens, quand ils
se présentent en Floride - parce qu'on parle de la Floride, actuellement
- avec la Croix Bleue, on ne leur demande pas de déposer de l'argent ou
d'avoir une carte de crédit, ces choses-là. C'est tout de suite
la garantie. Ils sont tout de suite identifiés.
M. Côté (Charlesbourg): Le temps passe vite. Je
m'aperçois que c'est quand même... Mon ami Trudel a ouvert le
dossier de la Floride de manière spectaculaire hier, et pas à
tort non plus, je pense, compte tenu des documents qu'il avait entre les mains;
ça nous permet de clairer un certain nombre de choses à ce
niveau-là. Vous avez une proposition sur un régime
enregistré d'épargne-santé. Si j'ai bien compris, dans la
mesure où les sommes ne sont pas utilisées, ça pourrait
être utilisé pour des fins de recherche. Je comprends, mais
expliquez-moi donc comment
ça marche, dans la vie, cette affaire-là. Ça sert
à payer quoi?
M. Ferron: Écoutez, pour nous, disons que c'est le grand
concept. On permet au citoyen, chaque année, de contribuer, comme pour
un REER. Donc, les fonds sont accumulés, à l'abri de
l'impôt, en franchise d'impôt. Maintenant, contrairement au REER,
lors de la consommation, si vous voulez, ou du besoin de consommation suite
à une maladie chronique, ou une personne de 60, 65 ans qui aurait des
problèmes plus particuliers de santé, ou pour les centres
d'accueil, les montants seraient, là aussi, dégagés,
libres d'impôt. Sauf qu'au décès de quelqu'un ou si
quelqu'un se désenregistre, nous, on dit: Ces fonds-là devraient
être renvoyés à l'État ou à des fondations
privées, pour rester dans le domaine de la santé. Ils ont
été accumulés en franchise d'impôt, ils sont
consommés en franchise d'impôt, mais, pour les montants qui
restent, on dit: Envoyez ça pour servir aux autres
générations.
M. Côté (Charlesbourg): Mais ce que je comprends,
c'est qu'on serait dans une situation où les gens auraient quand
même des frais à payer dans le système. Parce qu'il faut
qu'ils paient quelque chose. Aujourd'hui, ils ne paient rien.
M. Ferron: Ils ne paient rien, mais il reste quand même
que, si vous regardez nos dépenses, c'est à peu près 2000
$ per capita, chaque année. Le gouvernement en paie à peu
près 77 %. Donc, il reste encore des montants importants. Et plus on
avance... Simplement une chambre semi-privée, c'est rendu à 50 $
par jour; ce qui veut dire que, pour quelqu'un qui passe un mois à
l'hôpital, ça fait déjà 1500 $.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Ce que je comprends,
c'est que ça pourrait être affecté à ce genre de
paiement là ou à d'autres. Si le gouvernement décidait,
par exemple, de désas-surer quelque chose, ça pourrait assumer
ça.
M. Ferron: Voilà!
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Vous évoquez,
dans une de vos propositions, la trop grande facilité de circulation des
cartes. Juste sur le plan de l'information, on en a parlé abondamment
ici, il y a quand même des mesures qui ont été prises.
À partir de 1993, il y aura l'obligation, aux quatre ans, de remplir une
demande de carte, donc pour s'assurer du contrôle. Depuis six mois,
évidemment, la RAMQ ne paie plus si la carte n'est pas valide. Donc, il
y a quand même un certain nombre de mesures qui ont été
mises en place et qui nous permettent de resserrer ça davantage.
Peut-être une dernière, M. le Président, si vous ne
me signifiez pas que j'ai dépassé mon temps. Vous évoquez
le contrôle des salaires et des rémunérations, avec
l'impression que, maintenant, les travailleurs des secteurs public et
parapublic sont pas mal au-dessus de ce qui s'apparente à leur travail
dans le privé. Ce n'est pas nécessairement encore toujours vrai.
C'était vrai dans certains cas très isolés, mais, de
manière globale, c'est passablement sous contrôle. Est-ce qu'il
n'y a pas plus à faire sur le plan des avantages ou des
bénéfices?
M. Ferron: Oui, probablement. Écoutez, lorsqu'on a
souligné ça, ce qui nous a frappés, à la lecture de
votre document, c'est qu'il y avait un écart avec l'Ontario quand
même de 8 %, ce qui est énorme. Ça ne veut pas
nécessairement dire que nos employés sont surpayés, loin
de là, peut-être. Il y a peut-être une efficacité que
nous n'avons pas par rapport à d'autres ou encore, il y a, comme vous
dites, les avantages sociaux qui, aujourd'hui, sont devenus importants. Les
avantages sociaux dans les entreprises, on ne parle plus de 10 %, 15 %, on est
rendu, avec les vacances et tout ça, que c'est au-dessus de 30 %, 35 %
par année. Alors, c'est évident...
M. Côté (Charlesbourg): Une petite dernière
sur une recommandation que vous faites qui me paraît être
dangereuse un petit peu: permettre au citoyen qui désire payer plus
d'avoir accès à des soins électifs. Est-ce que ce n'est
pas un peu ce qui se passe aux États-Unis, puis ça fait un
système parallèle qui coûte une fortune par rapport
à ce que ça nous coûte? Parce que le système
américain coûte très cher.
M. Ferron: Oui, mais, aux États-Unis, quand vous regardez
comme il faut le système... C'est vrai qu'il y a 35 000 000 $ qui,
actuellement, même parmi les gens qui travaillent... C'est un
problème majeur. Je peux vous dire qu'il n'y a pas une semaine où
il n'y a pas quelqu'un des États-Unis qui vient faire un tour ici, au
Québec. J'en ai un, de ce temps-ci, d'Oklahoma. Ils veulent regarder
notre système parce qu'ils réalisent que la base de notre
système est bonne. Mais ils ont des problèmes majeurs. Comme
MEDICAID, c'est mal fait, cette histoire-là. On en a parlé un
petit peu dans notre document, sur les 700 000 000 000 $ que ça
coûte actuellement, on a identifié, de façon assez
précise, au moins 75 000 000 000 $ qui étaient simplement de la
fraude ou de la médecine défensive ou, encore, d'autres montants
importants de «malpractice». Alors, quand vous regardez tout
ça, vous vous apercevez qu'il y a des paradoxes épouvantables.
Aux États-Unis, les hôpitaux sont remplis à 65 %. Puis,
c'est évident que... Soit qu'il y a trop d'hôpitaux, soit qu'il y
a quelque chose qui ne tourne pas comme il faut. C'est sûr que, lorsqu'on
dit qu'on veut comparer avec les Américains, ils sont quand même
conscients
actuellement et ils ont introduit ce qu'on appelle, le «managed
care» ou «DRG», et, à mon avis, ça, c'est la
bonne voie. Ils vont être capables... Nous, en tout cas, avec la RAMQ, on
a pu voir de façon précise que non seulement on avait des
économies, mais qu'il y avait un contrôle qui était
fait.
Alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit que la technologie
américaine aussi, c'est extraordinaire! On en bénéficie.
Il faut payer pour ça. Alors, lorsqu'on dit que les gens pourraient
avoir des soins électifs, ce qu'on veut dire, c'est que c'est un peu
comme pour le système d'éducation. Il y a quand même des
choix, des fois, que les gens veulent faire. Est-ce qu'il y a moyen de trouver
une façon de leur permettre de les faire tout en dégageant, si
vous voulez, le système? Parce que les listes d'attente, à ma
connaissance, sont encore très longues. Vous avez réglé
les urgences, mais il semble qu'il y ait encore des listes assez importantes.
C'est là qu'on se dit: Comment est-ce qu'on peut trouver une
façon de faire ça?
M. Côté (Charlesbourg): II y a eu quelques petits
cas de réglés. Effectivement, il en reste d'autres. Mais
ça me paraît être une pièce dangereuse parce que,
là, les riches vont avoir le moyen de se payer des services dont les
pauvres n'auraient pas le moyen. Et le glissement des professionnels... C'est
un peu ce qui est arrivé aux États-Unis. Quand on voit la cour
qui est faite, par exemple, à des orthopédistes du Québec
pour aller travailler aux États-Unis... On ne parle pas de les payer 200
000 $, aux États-Unis, c'est à coups de millions, ce qu'ils
pourraient gagner éventuellement. C'est un petit peu le danger qu'il
pourrait y avoir avec un système comme celui-là, y compris chez
nous, j'ai l'impression. Mais...
M. Ferron: Mais en éducation, on le vit, avec
contrôle.
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Ferron: Là, je ne dis pas que vous arrivez avec quelque
chose qui fait deux sortes de médecine. C'est évident qu'on
semble... En tout cas, on a l'impression qu'on pourrait avoir une forme de
privatisation dans ce sens-là sans déranger le système de
base, et peut-être même permettre que le système public
fonctionne mieux.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Ferron et M. le
ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue,
s'il vous plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Le deuxième
groupe d'assureurs. Il y a l'Association canadienne des compagnies d'assurances
de personnes qui est venue nous voir, au tout début de la commission. Je
dirais que, vous, vous êtes entre les deux parce que vous êtes une
entreprise à but non lucratif.
M. Ferron: Oui, c'est ça.
M. Trudel: Alors, ça fait peut-être une bonne
différence quelque part. C'est intéressant d'avoir des gens qui
sont dans le secteur du risque en matière de santé. Comme on a
une grosse compagnie d'assurances au Québec, notre régime
d'assurance-maladie du Québec, pour qu'on mette 12 000 000 000 $ de
primes dedans, on veut en avoir pour notre argent et être sûr qu'on
couvre bien ce qu'on veut couvrir collectivement.
Je veux revenir sur des éléments, bien sûr, de votre
représentation. On disait tantôt: Peu importe le pourcentage, on
entend souvent de nos personnes âgées... Elles ne disent
même plus: On va aller chercher une assurance complémentaire.
Elles disent: As-tu acheté ta Croix Bleue avant de partir? Donc, vous
couvrez une bonne partie de la clientèle dans ce secteur.
À la page 10 de votre document, toujours sur le contrôle
des cartes-soleil, vous dites que tout le monde a également entendu
parler du trafic des cartes-soleil aux États-Unis, où des
Québécois vont louer leur carte. Le ministre disait tantôt:
On a pris quelques mesures, depuis quelques mois, il faut remplir un
formulaire, etc. Mais là, vous n'y allez pas avec le dos de la cuiller.
Vous dites: Les rumeurs et ces histoires-là, nous autres, on vous dit
carrément: On a entendu parler du trafic des cartes-soleil aux
États-Unis: des Québécois qui louent leur carte. Moi, mon
expression pour décrire ça, c'est de dire: Quand il y a des gens
actuellement qui encourent des peines criminelles pour payer leur paquet de
cigarettes 3 $ au lieu de 6 $, ça ne me surprendrait pas qu'il y ait un
trafic sur les cartes d'assurance-maladie, n'est-ce pas, quant aux
bénéfices économiques qu'elles procurent. Avez-vous des
chiffres, des indications pour qu'on essaie de saisir ça quelque part?
Ou bien on va défaire le mythe parce qu'on risque de causer du tort, au
moins collectivement, à certains groupes en disant ça, parce que,
là, on en entend de toutes les couleurs là-dessus.
M. Ferron: Nous, on ne se référait pas
nécessairement aux gens en Floride. On se référait
à ceux qui prennent l'autobus à New York et qui s'en viennent ici
se faire soigner. On n'a pas de chiffres. On en a eu connaissance, comme
peut-être bien des Québécois qui sont dans le milieu, de
ces choses-là. On sait qu'il y a un nombre important de cartes qui sont
en circulation. Ça, c'est évident. On est conscients aussi que le
ministère et la RAMQ non seulement sont conscients, mais qu'ils ont
commencé à apporter des correctifs. Lorsqu'on souligne ça
ici, c'est beaucoup plus pour leur dire: Envoyez fort,
il est temps qu'on fasse des contrôles. Nous, les compagnies
d'assurances, comme tout le monde, on se fait prendre de temps en temps aussi.
On s'aperçoit qu'il faut avoir des contrôles très forts,
très adéquats parce que ce n'est pas long qu'il y en a qui
contournent le système. Mais je n'ai vraiment pas de chiffres.
M. Trudel: Bon. Collectivement, il va falloir bientôt qu'on
se donne des chiffres là-dessus pour savoir de quelle ampleur est ce
phénomène-là parce que, encore une fois, on peut causer
des torts, on peut bâtir des mythes avec ça. On reviendra à
propos d'un autre mythe qui a circulé pendant assez longtemps au
Québec, et depuis le 18 décembre, pourvu qu'on lise le document
gouvernemental sur les citoyens abuseurs au Québec. Ça a l'air
qu'on a parlé à travers notre chapeau assez longtemps
là-dessus, sur les citoyens abuseurs. Les citoyens n'abusent pas. Quant
à la fraude, il serait assez inimaginable que ça n'existe pas, le
moins qu'on puisse dire, et vous avez de l'expérience dans ce
secteur-là.
Un autre élément qu'il faut regarder, c'est toute la
question du «managed care», de la gestion intégrée
des soins. Est-ce que vous pensez que, dans le régime
québécois - pas besoin de refaire le tour des principales
caractéristiques du régime public - on peut vraiment penser qu'on
pourrait en faire? Parce que votre affirmation, c'est: Grosso modo, on ne fait
pas ça, au Québec. On va à la cafétéria et
on se sert du service, peu importe ce qu'il y a en amont. D'autres appellent
ça de la prévention, etc. Mais est-ce que, réellement,
vous dites: On peut, à travers le régime actuel, faire ça,
au Québec?
M. Ferron: Oui, je croirais. Moi, au départ, je suis
tombé sur ça un peu par hasard, il y a trois ou quatre ans,
lorsqu'on a pris une entente avec les gens en Floride. Ça m'a
intrigué un peu, au point de départ, parce que, comme tout le
monde, je suis un peu sceptique, tout ça. Mais, après trois ans,
je peux vous dire que, hors de tout doute, il y a vraiment un bien meilleur
contrôle et il y a un contrôle des coûts autant du
côté du dispensateur que de l'hôpital, ces choses-là.
Maintenant, c'est sûr que, lorsqu'on regarde ça, c'est assez
immense, mais n'oubliez pas qu'après les États-Unis on est
probablement les plus grands consommateurs de soins de santé. Nous, on
se dit...
M. Trudel: Vous l'avez dit, d'ailleurs: On fait ça
à meilleur prix aussi.
M. Ferron: Oui, c'est ça. Dans le fond, ici, il faut dire
que le système de base, quand on regarde un peu comment ça a
fonctionné, il y a eu quand même des contrôles assez
intéressants et, je pense bien, depuis plusieurs années.
Là, on commence à avoir peur parce qu'on dérape. Nous, on
ne dit pas que le système est vraiment hors de proportion encore, mais
il pourrait le devenir rapidement. Le DRG, nous, on y croit beaucoup et on l'a
expérimenté. Il y a quand même 300 000
Québécois en Floride, ça fait, comment dire, un bon HMO.
Dans le fond, c'est un peu comme ça qu'on fonctionne actuellement. Nous,
on leur fait payer une prime ici, qui est de x montant, et, là-bas, on
s'est assurés, nous, d'avoir tous les services. On sait d'avance combien
ça va nous coûter pour tel acte médical ou tel acte en
relation avec un diagnostic. Alors, ça, pour nous autres, je peux vous
dire que ça a été des «savings» de 20
%à25 %. (16 h 45)
M. Trudel: Bon. Vous allez me parler de ça un peu, en tout
cas. Vous allez m'en parler à moi. C'est quoi, l'entente que vous avez
avec la RAMQ? C'est la première fois que j'entends ça, qu'une
compagnie...
M. Ferron: La quoi?
M. Trudel: L'entente que vous avez avec la RAMQ. C'est la
première fois que j'entends parler de ça, dans le système,
quant à moi...
M. Ferron: Écoutez bien...
M. Trudel: ...qu'une entreprise privée à but non
lucratif...
M. Ferron: Oui.
M. Trudel: ...a une entente avec Cantin. Alors, je veux savoir
l'entente que vous avez avec Cantin.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ferron: Oui, oui. Regardez bien ça. L'entente est
très simple. Nous, on a pris une entente, il y a trois ou quatre ans -
puis les autres assureurs aussi, en passant - avec la RAMQ selon laquelle,
lorsque les assurés, nos assurés - on va prendre les
assurés de la Croix Bleue - s'en vont en Floride, lorsqu'ils s'en vont
à l'hôpital, nous, on s'occupe de tout payer, incluant la part de
la Régie. Après ça, on se retourne vers la Régie et
on lui remet les factures, tous les trucs et elle fait son travail, à
savoir est-ce qu'il y avait urgence? etc., selon les critères, et elle
rembourse selon les critères, à savoir les premiers 700 $, ou 50
% de l'excédent, ou encore selon les normes que nous avons. C'est pour
éviter que l'assuré qui est en Floride se fasse refuser. Il y a
quelques années, on avait deux problèmes. On avait le
problème, d'abord, des Québécois qui arrivaient à
l'hôpital là-bas et qui ne parlaient pas anglais. On a
réglé ce problème-là avec une Canassistance. Le
deuxième problème, c'est qu'ils leur demandaient: As-tu
une assurance? Comme tel, nous, on a réglé ça aussi
parce que la partie RAMQ est indiquée dans le contrat; c'est nous qui
remboursons au complet. Après ça, on se retourne vis-à-vis
de la Régie, au lieu que ce soit notre assuré. Notre
assuré nous donne une subrogation. C'est, je dirais, beaucoup plus
simple pour l'assuré. Il n'a pas à se préoccuper de
recevoir un chèque de la Régie, de venir nous rembourser, ces
choses-là. On lui a vraiment simplifié la tâche, vraiment,
à l'extrême.
M. Trudel: Au minimum, on simplifie l'administration. Le moins
qu'on puisse dire...
M. Ferron: Ça, on le souhaiterait.
M. Trudel: ...parce que c'est directement à...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ferron: Ça, on le souhaiterait.
M. Trudel: Ah! Vous en voudriez plus. À ce
compte-là, notre plus grosse compagnie d'assurances - elle est publique,
celle-là - la RAMQ, aurait pu aussi faire des ententes,
également, sauf que, là, elle passe par un assureur privé
qui, lui, par ailleurs, couvre une partie des soins à l'extérieur
pour une plus grande efficacité. Vous dites: On a sauvé quelque
chose comme 10 000 000 $, 15 000 000 $, 20 000 000 $ à la RAMQ
grâce à cela.
M. Ferron: Non, non. Ce qu'on pourrait sauver...
M. Trudel: Ce n'est pas ça que j'ai entendu
tantôt?
M. Ferron: Non. M. Trudel: Ah!
M. Ferron: Actuellement, l'an passé, il y a deux ans, on a
peut-être sauvé 1 000 000 $.
Une voix: 1 000 000 $?
M. Ferron: 1 000 000 $. Mais c'est 1 000 000 $ quand même
là.
M. Trudel: Oui, oui.
M. Ferron: Si le gouvernement, au lieu de payer les premiers 700
$ et 50 % de l'excédent, se ramenait à un niveau, si vous voulez,
un peu comme l'Ontario ou les autres provinces - il y a des provinces où
c'est beaucoup trop bas - d'environ, peut-être 400 $, ce qui est le
coût moyen de l'hospitalisation ici, au Québec, c'est dans ce
sens-là qu'on dit qu'on pourrait sauver beaucoup.
M. Trudel: O.KTantôt, sauf effeur, j'avais compris:
Ça, ça nous a permis de sauver 20 000 000 $, 30 000 000 $
à la RAMQ. J'ai dit: On les engage tout de suite, eux autres, puis on
les met à côté de Cantin puis on règle le trouble de
l'affaire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Alors, 1 000 000 $. Mais 1 000 000 $, c'est 1 000 000
$.
M. Ferron: Oui, oui.
M. Trudel: Alors, maintenant...
M. Ferron: Remarquez que si on faisait tout le travail pour eux
autres, là, on sauverait plusieurs millions.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Ce seraient juste les mauvais risques à Cantin;
vous autres, vous prendriez les bons. Est-ce que vous avez évalué
pour cette clientèle... Vous avez de l'expérience dans ce
secteur-là. Est-ce que vous avez évalué, effectivement,
supposons l'approche qui a été mentionnée hier par le
ministre, que nous rembourserions au Québécois, majoritairement,
pour les services de la Floride, le taux que nous payons au Québec, s'il
est hospitalisé au Québec, pour des soins au Québec?
Est-ce que vous avez déjà évalué l'augmentation de
prime que ça veut dire chez vous, pour vous... Tantôt, vous avez
dit - on va essayer d'être assez précis - 2 $ par jour, quelqu'un
à 65 ou 70 ans que...
M. Ferron: Oui. Mais ça, c'est le coût actuel. On a
calculé, nous, qu'il y aurait une augmentation d'à peu
près 25 %, ce qui veut dire que pour quelqu'un de 55 ans qui paie 1,50 $
par jour, vous ajoutez 25 % sur la piastre et demie et ça va tout
couvrir.
M. Trudel: Cinquante cents par jour sur 2 $ puis on est correct.
Ça couvre le restant.
M. Ferron: Oui.
M. Trudel: Bon. Ce serait terminé déjà, M.
le Président?
Le Président (M. Joly): Eh oui, malheureusement.
M. Trudel: Très bien. Évidemment, je ne peux pas me
permettre de conclure, M. le Président, en respectant vos
directives.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît. Je suis
assez flexible, quand même.
M. Trudel: Je sais que vous êtes assez flexible et que...
On s'entend bien, quoi! À la page 24... Et là, j'ai l'impression
que je m'adresse à vous. Je veux avoir un commentaire, plus comme
citoyen que... J'espère que je ne me trompe pas de page. Non, c'est
celle-là. Plus comme citoyen que comme membre de la Croix Bleue, mais
vous êtes dans le secteur, vous connaissez ça. Votre raisonnement,
sur le plan de la logique, quant au désengagement fédéral,
je ne peux pas dire grand-chose sur la logique du raisonnement. Vous dites:
«Nous sommes également d'accord avec le gouvernement à
l'effet que le retrait progressif du fédéral devrait
s'accompagner d'une plus grande latitude des autorités de chacune des
provinces et nous l'appuyons dans sa démarche de faire modifier la loi
C-3 - vous allez être déçu parce qu'il a dit qu'il ne
demandait plus de modification - puisque la santé est avant tout un
domaine de juridiction provinciale.» Vous n'avez pas l'impresssion que,
globalement, de se maintenir des verrous ou des niveaux en deçà
desquels on se fixe comme objectif de ne pas aller comme société,
ça demeure utile, sinon parfois nécessaire?
M. Ferron: Je m'excuse. Le sens de votre question... Vous voulez
dire?
M. Trudel: Est-ce que, quand on ferait sauter C-3... C-3, c'est
une barrure.
M. Ferron: Oui, d'accord.
M. Trudel: On fait sauter la barrure. Vous n'avez pas
l'impression comme citoyen que, dans une société, il faut se
donner des barrures comme celle-là, de maintenir un niveau en dessous
duquel on ne doit pas aller? Et ça veut dire qu'on fait tous des efforts
collectifs pour ne pas aller en dessous de ça. Et, dans ce
sens-là, faire sauter C-3 - C'est l'occasion, C-3, ou autre chose - vous
n'avez pas l'impression, comme citoyen, que c'est dangereux comme
société?
M. Ferron: Écoutez bien, moi, en tout cas, de toute
façon, je fais confiance au niveau provincial, si vous voulez, parce
que, dans le fond, la santé est de juridiction proviciale. Je pense bien
qu'on ne peut pas se permettre de faire n'importe quoi. Mais il y a
peut-être des besoins selon les endroits puis selon la démographie
et les gens. Ça dépend un peu des besoins de chacun. Mais, nous,
ce qu'on veut dire par ça, c'est que si le gouvernement
fédéral, qui avait un engagement d'à peu près 50 %
il y a 10 ou 15 ans, est rendu à 33 % ou 35 % puis s'en va en bas de 30
%, là, on dit: II y a quelque chose. Comment quelqu'un qui se
désengage, d'une certaine façon, peut imposer, à un moment
donné, des limites d'une autre façon? Ça ne veut pas dire
qu'il faut laisser sauter le système, loin de là. Il faut
garder... Nous, on croit... Puis, je peux vous dire que même les
Américains viennent nous voir. J'en ai vu un encore cette semaine, parce
que notre système de base... On s'est donné, à part de
ça, toute une infrastructure qui est extraordinaire. Il faut regarder
ça bien comme il faut: à travers le monde, c'est peut-être
un des meilleurs systèmes. Mais, on ne dit pas: Faisons sauter ça
dans ce sens-là. On dit: Rapatrions les points d'impôt qu'on a
besoin d'avoir et, à ce moment-là, après ça, ayons
peut-être un régime plus équilibré. Actuellement,
les employeurs, 22 %... Mais, vous devriez poser la question aux gens, à
savoir s'ils paient pour la RAMQ sur leur paie. Ils vont vous dire: Oui. Mais
ils sont toujours mêlés avec les régimes privés ou
autre chose. Alors...
M. Trudel: sur le plan fiscal strictement, vous complétez,
quant à moi. vous dites: envoyez-nous les points d'impôt avec, si
vous voulez qu'on s'en occupe.
M. Ferron: Bien sûr.
M. Trudel: Puis quand vous dites, au départ, et je conclus
là-dessus: Nous, on fait confiance au provincial - nous, on appelle
ça le national - vous avez raison. À l'inverse, on ne leur fait
pas confiance non plus au fédéral. Merci beaucoup de votre
contribution, c'est très apprécié.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous
plaît.
M. Atkinson: Merci, M. le Président. Monsieur, à la
page 35, au deuxième paragraphe, vous avez mentionné être
arrivé à une entente avec Blue Shield et Blue Cross de la Floride
pour que les Québécois, pendant qu'ils sont en Floride, puissent
avoir des soins de santé. Ma question: Avez-vous des statistiques sur le
nombre de Québécois qui se font traiter pendant qu'ils sont en
Floride? Et quels traitements reçoivent-ils?
M. Ferron: On doit... Je vais laisser répondre M.
Julien.
M. Julien: Les statistiques démontrent qu'une
assurance-voyage... Parce que, même si ce n'est pas de
l'assurance-voyage, on parle vraiment plus d'assurance-séjour quand on
parie de six mois et de trois mois. Quand on parle d'assurance-voyage, les
statistiques démontrent qu'il y a environ 2 % des contrats qui
réclament. Donc, il y aurait 2 % des gens qui font des
réclamations. Dans notre cas à nous, étant donné
qu'on assure une plus grande partie de personnes âgées, ce
pourcentage dans cette catégorie d'assurés, c'est-à-dire
les plus de 65 ans, monte à 7 %. Donc, on peut dire que, sur les 400
000
assurés qu'on assure en Floride, il y en a, grosso modo, 7 % qui
réclament.
Le type de soins, principalement, je dirais, probablement un ordre de
grandeur de 80 %, ce sont des problèmes cardio-vasculaires d'urgence.
Les autres 20 %, c'est d'autres problèmes d'urgence, des
problèmes intestinaux ou des problèmes
cérébro-vasculaires, mais surtout du cardio-vasculaire.
M. Atkinson: Merci. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci. Je pense que ce que M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce a aussi été
tenté de vous demander, c'est: Est-ce que c'est un marché
lucratif?
M. Ferron: C'est un marché, je ne dirais pas très
lucratif. Mais je peux vous dire que, depuis cinq ou six ans, on ne perd pas
d'argent avec ça. Je vais donner une autre raison. Alors que tout le
monde se plaint que le dollar est trop haut, nous, on ne se plaint pas parce
que nos actuaires avaient calculé leur prime à 0,80 $. Alors,
quand on paie avec 0,89 $, comme de raison, on gagne 9 %.
Le Président (M. Joly): Oui. Quel est le pourcentage, M.
Ferron, de gens qui voyagent qui s'assurent? Est-ce que tous ou la
majorité ont la présence d'esprit et l'intérêt...
Bien sûr, l'intérêt, ils l'ont à s'assurer, mais
est-ce qu'ils ont la présence d'esprit de poser le geste et d'aller vers
vous ou vers un autre assureur?
M. Ferron: Non.
Le Président (M. Joly): par exemple, s'il y a 700 000
personnes qui voyagent en floride, quel est le pourcentage des 700 000
personnes qui peuvent être assurées?
M. Ferron: Moi, je dirais à peu près
peut-être 65 %, 70 %. Il faut dire qu'il y a une catégorie qui est
difficile à identifier. Ce sont ce qu'on appelle les gens actifs, qui
ont déjà des contrats d'accident-maladie privés et qui
sont couverts aussi par ça, peut-être pas à 100 %,
peut-être à 80 % à cause de la coassurance. Alors,
finalement, il y a un bon nombre de gens. Je peux vous dire qu'il y a
simplement sept ou huit ans, il y avait beaucoup moins de gens qui
s'assuraient. Plus on avance, plus on s'aperçoit que les gens sont
responsables. Ils sont conscients qu'il peut arriver une maladie ou un accident
et que ça peut coûter très cher.
Le Président (M. Joly): Comment traitez-vous les gens qui
ont deux assurances, à savoir qui sont déjà assurés
par leur employeur et qui ne le savent pas, ou qui ne connaissent pas vraiment
leurs bénéfices? Ils font une réclama- tion chez vous. Qui
devient le premier payeur?
M. Ferron: Habituellement, il y a intégration.
M. Julien: On coordonne. M. Ferron: On coordonne.
M. Julien: On s'entend entre assureurs,
généralement à 50-50.
Le Président (M. Joly): Parfait. Merci. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Je pense que
c'est très éclairant, comme quoi il y a des pistes de solution
pour certaines problématiques. Je constate qu'il y a des
complicités qui se sont développées, productives pour l'un
et pour l'autre et, surtout, pour le bénéficiaire qui est mieux
garanti. Merci.
M. Trudel: Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Merci au nom des membres de cette
commission. À mon tour, je vous remercie.
M. Ferron: Alors, on remercie la commission.
Le Président (M. Joly): Merci. Je demanderais aux gens
représentant le Réseau des départements de santé
communautaire du Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît. Nous allons prendre un petit «recess» de trois ou
quatre minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 57)
(Reprise à 17 h 10)
Réseau des départements de santé
communautaire du Québec
Le Président (M. Joly): La commission reprend ses travaux.
Alors, je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Je demanderais
à la personne responsable du groupe de bien vouloir se présenter
et aussi d'introduire les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
M. Poupart (Gilles): Bonjour, mon nom est Gilles Poupart, je suis
chef du département de santé communautaire de l'Hôtel-Dieu
de Saint-Jérôme, également président du
Réseau des DSC qu'on appelle le Conseil de la santé
communautaire. J'ai avec moi M. Alain Poirier, qui est chef du DSC de
l'hôpital Charles-Lemoyne, Mme Christine Colin, qui est chef du DSC de
l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, et M. Robert Maguire qui
est chef du DSC de Rimouski.
Le Président (M. Joly): Alors, je vous donne le temps
nécessaire pour présenter votre mémoire. Normalement, on
dit 20, 25 minutes ou à peu près. Mais, dans le fond, on s'ajuste
assez facilement. Par après, eh bien, les parlementaires vont
échanger avec vous.
M. Poupart: On vous avait déposé un texte le 20
janvier, on a aussi déposé le texte de l'allocution qu'on va vous
présenter aujourd'hui. Malheureusement, vous allez vous apercevoir qu'on
a sauté quelques lignes ou quelques paragraphes pour être dans le
temps qui nous est alloué. Alors, au nom du Réseau des DSC, nous
aimerions tout d'abord vous remercier de nous avoir invités à
participer aux travaux de votre sous-commission. C'est pour nous un honneur et
un privilège de pouvoir échanger avec vous dans le but
d'identifier comment le réseau de santé publique du Québec
peut participer de façon efficace à ce nouveau défi que se
donnent les Québécois, soit de maintenir et d'améliorer
l'état de santé, et ce, à un coût moindre. Nos
propos se situent en continuité avec ceux du premier document que nous
avons fait parvenir le 20 janvier 1992.
Avant d'aller plus loin, nous voudrions profiter de l'occasion pour
rendre hommage et remercier devant cette commission ceux qui, il y a 20 ans,
nous ont donné le système de santé actuel qui est reconnu
mondialement. Les principes fondamentaux qui ont orienté ces
visionnaires, c'est-à-dire l'universalité, l'accessibilité
et la gratuité, sont toujours d'actualité et nous nous devons de
les préserver.
En débutant, nous aimerions vous faire part des principes qui
nous ont guidés dans cette réflexion et qui se résument
comme suit. La santé est une responsabilité sociale autant
qu'individuelle. Des facteurs comme l'environnement physique, biologique,
social et même économique ont une influence importante sur la
santé. La santé publique est une responsabilité
d'État qui s'exerce par la mise en place de politiques publiques et par
l'organisation de services adéquats. Le document du ministère
analyse bien l'état de la situation des dépenses en
matière de santé au Québec. Toutefois, pour
répondre aux questions quant à la pertinence des dépenses,
il aurait fallu comparer les indicateurs de santé des provinces
cités dans le mémoire. Nous reviendrons plus loin sur ces
comparaisons.
Dans la première partie de ce texte, nous préciserons
notre position sur les avenues de solution avancées par le gouvernement
pour combler le manque à gagner. Par la suite, nous ferons part de
quelques suggestions qui pourraient vous permettre de récupérer,
à même l'enveloppe budgétaire actuelle dévolue
à la santé, une partie des millions de dollars qui manqueraient.
Non seulement faut-il faire plus aujourd'hui avec le même budget, mais il
faut aussi viser à maintenir et à améliorer à long
terme l'état de santé de la population québécoise
tout en stabilisant les dépenses de la santé et, si possible, en
les réduisant.
Premièrement, nous tenons à redire devant cette commission
que nous sommes pour le maintien du régime universel d'assurance-maladie
et d'assurance-hospitalisation et que le financement de ce régime doit
être soumis à une organisation centrale forte. Les pays
industrialisés et en développement, tels l'Allemagne et le Japon,
qui ont réussi à contrôler leurs coûts l'ont fait de
cette façon. Ce contrôle central est des plus indispensables pour
orienter les dépenses vers les interventions les plus susceptibles de
maintenir et d'améliorer l'état de santé. La proposition
d'un fonds général des services de santé et des services
sociaux nous semble une piste intéressante puisqu'elle permettra
d'identifier les sommes allouées à la santé et qu'elle
pourra susciter la mise en place d'objectifs de santé mesurables. Une
telle initiative nous permettrait de voir si, dans un Québec moderne, le
ministère de la Santé réussirait à atteindre ses
objectifs et si les Québécois en auraient pour leur argent.
Deuxièmement, l'avance que nous avons prise dans le
développement et l'organisation de notre système de soins nous
apparaît importante à conserver. Il nous faut voir comment tirer
partie de cet investissement et le considérer non pas comme un passif
pour la société, mais comme un actif dont nous pouvons être
fiers. Cet investissement, si nous y faisons les ajustements
nécessaires, nous permettra d'améliorer de façon
significative et de maintenir la santé des Québécois et,
par ricochet, notre place dans le marché mondial. Un peuple en
santé a un avantage non négligeable dans une économie de
marché. J'attire votre attention sur un article d'un économiste
paru récemment qui mentionnait qu'il en coûte 2000 $ de plus aux
États-Unis qu'au Japon pour produire un véhicule, dont environ
700 $ sont reliés aux coûts de l'assurance-santé.
Troisièmement, nous sommes en accord avec le gouvernement pour ne
pas risquer de compromettre l'avenir économique de nos jeunes en leur
léguant une dette publique très lourde et une fiscalité
non concurrentielle.
Quatrièmement, nous partageons l'opinion de votre
prédecesseure, Mme Lavoie-Roux, à l'effet qu'il faudrait
clairement démontrer que le système de santé est
sous-financé avant de chercher des façons de faire payer
davantage les contribuables et les usagers. Le document ministériel sur
le financement pose, à notre avis, l'une des questions fondamentales qui
doivent être résolues avant de penser à faire payer
davantage les citoyens contribuables, à savoir: À
l'intérieur de la masse de 12 000 000 000 $, en avons-nous
réellement pour notre argent? Nous, c'est sur ce point que nous allons
nous questionner
Cinquièmement, nous souscrivons à l'idée que des
mesures doivent être prises afin d'améliorer l'imputabillté
du gouvernement du Québec envers les citoyens à l'égard de
sa gestion des dépenses et du financement. Toutefois, cette
imputabilité ne doit pas, à notre avis, reposer uniquement sur le
ministre de la Santé et des Services sociaux. Tous les administrateurs
du réseau de la santé, impliquant autant les
bénévoles des conseils d'administration que ceux qui sont
à salaire, devraient être imputables de leur gestion et de leurs
décisions administratives.
Sixièmement, nous sommes aussi d'accord avec le gouvernement
lorsque ce dernier veut limiter le taux de croissance des effectifs
médicaux et l'harmoniser au taux de croissance démographique de
la population. Dans son document sur le financement, le Conseil des affaires
sociales souligne, et je cite: «II est généralement reconnu
que le nombre de professionnels de la santé, et principalement de
médecins, influe directement sur les coûts du système. Au
Québec, il ne manque pas de médecins, c'est leur
répartition géographique qui fait défaut.» Fin de la
citation.
Septièmement, nous ne pensons pas que plus d'argent investi
actuellement dans le système de soins voudrait dire plus de santé
pour les citoyens consommateurs. Les Américains en dépensent 2200
$ - je pense que ça fait plusieurs fois qu'on vous le
répète, mais on va le répéter encore - les
Canadiens 1500 $ et les Japonais 900 $. Pourtant, les Japonais ont une
meilleure espérance de vie que les Américains. Ces chiffres
doivent nous faire réfléchir. Comme responsables de la
santé publique, nous pouvons vous assurer, M. le ministre, que la
santé des Québécois ne sera pas affectée si nous en
restons à l'investissement actuel. Pour supporter cette affirmation, il
faudra cependant s'assurer que les choix qui seront faits cherchent à
atteindre des objectifs précis de maintien, d'amélioration de la
santé des populations, et ce, par la mise en place de programmes
démontrés efficaces.
Huitièmement, nous avons bien compris que la
précarité de la situation actuelle est largement tributaire d'une
réduction des transferts fédéraux au Québec. Pas
besoin d'aller dans les détails sur ce fait. Là où nous
sommes inquiets, c'est lorsque le ministère propose de réduire la
part actuelle provenant des impôts généraux et de la
taxation et d'y aller avec une source de financement complémentaire.
Cette proposition s'apparente à une réduction de paiements de
transfert mais, cette fois-ci, l'auteur en est le gouvernement du
Québec. Si nous ne sommes pas favorables à ce que le gouvernement
consacre plus d'impôts des particuliers et des entreprises à la
santé, nous ne sommes pas plus favorables à ce que le
Québec réduise sa responsabilité. D'ailleurs, il est
clairement souligné dans le document que le fardeau fiscal du
Québec est déjà très élevé et que sa
réduction fait partie des objectifs prioritaires du gouvernement.
Enfin, neuvièmement, il nous semble important que le gouvernement
dépose au plus tôt sa politique de santé et de
bien-être qui, selon nous, sera le véritable fer de lance de cette
réforme.
Alors, je vais passer la parole à M. Alain Poirier.
M. Poirier (Alain): pour ceux qui suivent le document à la
lettre, on va faire un petit saut dans les pages et se retrouver à la
page 11 pour parler plus directement des suggestions où on pense qu'il y
a des bénéfices à court terme. la partie qu'on passe,
c'est celle qui décrit l'approche populationnelle de santé
publique. on ne veut pas vous refaire un cours, on s'est déjà
fait reprocher de le faire ici. alors, vous pourrez la lire tranquillement.
Dans les suggestions des bénéfices à court terme,
ce n'est pas exhaustif, mais il y en a quelques-unes sur lesquelles on voulait
insister. Les examens qu'on a appelés «moins utiles», c'est
peut-être un euphémisme pour dire «inefficaces».
Depuis plusieurs années, quelques chercheurs du réseau de la
santé publique questionnent sans grand succès la
nécessité et l'utilité de faire des examens
médicaux à certaines catégories de travailleurs. Plusieurs
de ces examens sont imposés par règlement dans plusieurs secteurs
de l'administration gouvernementale, et la révision de ces pratiques
nous permettrait de faire des économies appréciables. À
titre d'exemple, on cite ici une étude du Dr Turcotte, de
l'Université Laval, sur les examens qu'on impose aux policiers. Ses
conclusions sont à l'effet que ces examens, lorsqu'ils ne sont pas
néfastes pour le policier, sont dispendieux et souvent inutiles. Nous
pourrions à ce moment-ci requestionner la pertinence d'autres examens de
routine, la mauvaise utilisation de l'examen médical périodique,
les examens préopératoires et postopératoires. Il n'y a
pas de chiffres ici mentionnés, mais il y a sûrement des millions
dans ce domaine. À cet égard, l'élargissement du mandat du
Conseil d'évaluation des technologies de la santé nous semble
majeur, et on pense qu'il doit y avoir un investissement de ce
côté et qu'il va avoir un rendement important.
Le deuxième point, plus «touchy» pour un docteur,
c'est de parler de la rémunération des médecins. L'argent
étant le nerf de la guerre, la vraie réforme risque de venir avec
cette discussion-ci, la discussion actuelle sur le financement. La
réforme qu'on appelle la deuxième étape pourrait
être la vraie réforme en misant, cette fois, sur ceux qui
prescrivent nos 12 000 000 000 $ de services au Québec. Cette
réforme pourrait se faire par les médecins.
Le véritable consommateur, celui qui transforme les
symptômes des patients en visites, en consultations, en hospitalisations,
en tests, en examens de radio, en chirurgies, le véritable
consommateur qu'on pourrait appeler c'est le médecin. Je n'ai pas
dit que le médecin est coupable, j'ai dit que c'est le consommateur
éclairé. La réforme actuelle, celle du financement, devra
lui permettre maintenant de transformer ses gestes de clinicien en termes de
pertinence ou d'efficacité.
Le médecin a perdu une partie de son contrôle du menu
médical. Ce n'est pas toujours ce qu'ils disent, ils ont l'impression
qu'une autre forme de revenus le ferait. Mais, on pense qu'il a perdu
actuellement le contrôle du menu médical parce qu'il est
entraîné, d'une façon un peu malicieuse et perverse, dans
une production associée à un tarif. Le médecin a perdu une
partie de son autonomie scientifique dans le système actuel, un
système de tarification à l'acte. Il ne peut pas faire ce qui lui
semblerait plus pertinent ou plus profitable sans oublier pourquoi et comment
il est payé. Comprenons-nous bien. Nous ne disons pas ici que le
médecin ne mérite pas ce qu'il gagne, nous disons que le
système actuel lui dicte ce qu'il doit faire pour le gagner. La
rémunération à l'acte lui a enlevé une partie de
son autonomie professionnelle qu'une autre forme de rémunération
pourrait lui redonner.
On a ici quelques exemples qui, je pense, pourront démontrer ce
que n'encourage pas un tel système, le système actuel de
rémunération, il n'encourage pas, entre autres, un urgentologue
à déléguer 10 % des visites faites à l'urgence pour
des infections des voies respiratoires supérieures - si vous aimez mieux
les rhumes et puis les grippes - à des infirmières cliniciennes
ou à du personnel qui pourrait très bien voir ces cas. Il
n'encourage pas non plus un pédiatre à se départir de la
majorité de son travail qui consiste à voir des
bébés normaux. Il y a bien des endroits où ça se
fait. Il n'encourage pas un omni à créer des séances
collectives d'information plutôt que de voir ses patients un par un
lorsqu'il a à donner de l'information sur l'hypertension ou le tabac, ou
alors à organiser différemment 50 % de ses activités
jugées déléga-bles à d'autres types de personnel
comme des infirmières, selon plusieurs études internationales.
Ça n'encourage pas non plus un chef de département à
instaurer des règles cliniques et des revues hebdomadaires de dossiers
qui, lorsque ça a été fait, a diminué
instantanément de 64 % la prescription de tests diagnostiques, selon
d'autres études. Ça n'encourage pas non plus, par exemple, un
interniste à renvoyer à la maison, après deux jours, les
infarctus non compliqués, comme ça se fait dans d'autres pays, ni
l'obstétricien à hospitaliser à domicile des milliers de
femmes qui, après avoir accouché à l'hôpital -
entendons-nous - pourraient donc avoir un mécanisme de suivi ailleurs
que sur les étages. Ou encore à développer le
dépistage universel de la chlamydia plutôt que la fertilisation in
vitro.
Il y a d'autres exemples au niveau de la chirurgie: on sait qu'ici les
taux sont de 10 fois, au niveau de la cholécystectomie, que, pour ne pas
le nommer, par rapport au Danemark; 4 fois les amygdalectomies, par rapport
à la Suède; 2 fois les césariennes et les hysterectomies.
Et il n'y a rien qui encourage actuellement à ramener ces taux-là
à des taux comparables de pays comparables. Le système
n'encourage pas non plus un néonatologiste à lutter contre le
tabac, bref, les facteurs de risque, pour réduire les
bébés de petit poids.
Il n'y a pas que le système, il n'y a pas que la
rémunération à l'acte qui a cet effet pervers mais on
pense que c'est un effet majeur pour continuer de faire tourner la roue de la
dispensation actuelle des actes. De nombreuses Québécoises ont
démontré que, par exemple, avec les HMO, il y a des
transformations radicales des habitudes de pratique du médecin quand on
lui enlève la pression implicite et perverse de tarifer certains de ses
gestes, juste ceux qui sont tarifés selon les ententes actuelles. Et ce,
plusieurs études l'ont démontré, sans aucun impact
négatif sur la santé des gens; le contraire serait même
vrai. On obtient alors toute une série de diminutions par rapport aux
actes que j'ai mentionnés.
Troisième point: les taux d'encadrement. L'examen du
système de santé, dans l'optique de conserver les acquis, nous a
amenés aussi à considérer le taux d'encadrement. Et on
voit que dans différents établissements, ça varie
beaucoup. Alors, s'il faut rationaliser à différents endroits,
probablement qu'on peut rationaliser aussi dans les cadres du système
administratif hospitalier, de la RAMQ, et même du ministère, y
compris les départements de santé communautaire; en fait, la
disparition des départements de santé communautaire... Ce qui
reste, la nouvelle santé communautaire.
Quatrième point: De la programmation plus efficace.
L'enquête Santé Québec, en 1987, a fort bien
démontré que la prévalence des problèmes de
santé est identique d'une région à l'autre. Les variables
qui influent vraiment sur l'état de santé, ce n'est pas vraiment
des questions d'ordre géographique, mais elles sont plutôt
reliées à l'âge et à des considérations
socio-économiques. Or ces variables ont la même influence sur
l'état de santé, peu importe où on est.
Cette constatation ne justifie pas, selon nous, que les grands
programmes soient réinventés à l'échelle de chacune
des régions et des MRC, parce qu'on donnait aussi un exemple de MRC.
L'élaboration de ces programmes-cadres pour les problèmes de
santé prioritaires ou de certains services spécifiques
éviterait d'énormes duplications et assurerait une qualité
de base égale dans l'organisation et la dispensation des services. Les
économies ne sont pas chiffrées, mais on pense qu'il y en aurait
certaines qui sont loin d'être négligeables dans le contexte
actuel.
On va sauter par-dessus les services ultraspécialisés,
parce qu'on manque de temps, pour arriver aux médicaments. Dans son
dernier rapport statistique, la RAMQ rapporte que le programme de
médicaments et de services pharmaceutiques a coûté 500 000
000 $ pour les personnes âgées de 65 ans et plus. C'était,
par rapport à 1989, une augmentation de 15,6 %, ce qui n'est pas
négligeable. La RAMQ note que l'accroissement dans les coûts du
programme s'explique surtout par l'aspect inflationniste, donc 10 %, dans le
coût moyen des médicaments par ordonnance.
Nous croyons qu'avant de remettre en cause l'universalité du
programme de médicaments et de services pharmaceutiques, il y a
peut-être lieu de négocier avec les compagnies pharmaceutiques et
les pharmaciens un pourcentage raisonnable d'augmentation du prix des
médicaments. On donne un exemple ici. On pense que si ça avait
été fait par rapport au coût de l'inflation, l'État
aurait économisé 10 000 000 $.
Enfin, selon le Conseil des affaires sociales et de la famille, les
compagnies pharmaceutiques canadiennes auraient dépensé - c'est
une vieille statistique, mais je suis sûr que c'est encore pire
maintenant - presque 17 % de leur revenu de vente à la promotion,
principalement par des visites de promotion auprès des médecins.
On pense que là aussi il doit y avoir une certaine forme de limitation
parce qu'en bout de compte c'est le consommateur qui paie ces frais sur la
promotion des médicaments.
Je vais maintenant passer la parole à Christine Colin pour des
suggestions peut-être d'un autre angle.
Mme Colin (Christine): Venons-en, si vous le voulez bien
maintenant, à des suggestions à moyen et à long terme.
Certaines expériences, basées sur une approche de population
plutôt que sur une approche individuelle, nous ont permis de nous
impliquer dans des actions de prévention, ce qui nous amène
à faire quelques suggestions, toujours dans une optique de
réduction des coûts, tout en préservant les acquis actuels
du système de santé québécois.
En premier lieu, nous aimerions parler de cliniques de services
intégrés, que nous pourrions appeler aussi «cliniques de
soins primaires», pour des objectifs de santé bien
identifiés. L'organisation des services de santé, telle qu'elle
se présente à l'heure actuelle, pourrait être revue afin de
répondre plus adéquatement à la demande de soins, et ce,
tout en réduisant les coûts, à la fois pour le
système et à la fois pour les individus. Mais, cette
révision de l'organisation devrait être planifiée en accord
avec les objectifs de santé reliés aux problèmes de
santé prioritaires que la politique de santé et bien-être
va nous identifier. Sur ce plan, nous proposons un mode d'organisation sous le
modèle de cliniques - on pourrait aussi parler de programmes
éventuellement - pour offrir des services intégrés au sein
même du réseau public de santé, en particulier dans les
CLSC, mais éventuellement aussi les centres hospitaliers ou les centres
d'accueil.
Les cliniques sont ici définies comme un ensemble de services
destinés à répondre à des problèmes
spécifiques où différents professionnels, incluant les
médecins évidemment, sont regroupés en équipes
multidisciplinaires pour assurer le diagnostic et le traitement - traitement
curatif ou traitement préventif - dans une perspective de
continuité des services et des soins.
Avant de donner des exemples, mentionnons que de telles cliniques
évitent, d'une part, des examens, des déplacements, des
consultations inutiles et, d'autre part, assurent des traitements
adéquats rapides. De plus, les expériences actuelles ont permis
au personnel de ces cliniques de développer des expertises en
prévention et en traitement qui, dans un autre contexte,
d'éparpillement ou de morcellement de services, auraient difficilement
pu se développer. Il s'agit, somme toute, d'un modèle
d'organisation basé sur des standards de pratique qui évitent le
morcellement et favorisent des attitudes de services plus efficaces et moins
coûteuses.
À titre d'exemple, mentionnons les cliniques de vaccination qui,
quand elles sont exclusivement organisées en CLSC, favorisent l'atteinte
d'un taux de couverture vaccinale supérieur à un coût
moindre et permet de mesurer la couverture vaccinale de façon beaucoup
plus facile et efficace.
Les cliniques de MTS, quant à elles, quand elles existent et
là où elles existent, les cas de prélèvements des
MTS sont systématiquement référés à ces
cliniques par les médecins traitants. Et il a été possible
d'observer une diminution du nombre de cas de MTS à déclaration
obligatoire, comparativement au reste du Québec, où le
diagnostic, le traitement et la relance sont laissés à la
pratique privée. (17 h 30)
Le troisième exemple que j'aimerais citer est la clinique
santé-jeunesse, puisque l'expérience de ces cliniques en CLSC,
qui accueillent les jeunes et leur offrent des services dont ils ont besoin,
notamment en matière de contraception, des services adaptés
à leurs besoins, s'est révélée très efficace
et peu coûteuse. On pourrait développer, dans la même
optique, des cliniques adaptées pour la période de la grossesse
et la période postnatale. On sait que ce sont des périodes
cruciales pour le développement et la santé physique et mentale
de nos jeunes. Une telle clinique - je sors un peu du texte, excusez-moi -
multidisciplinaire, axée sur la prévention par rapport, en
particulier, à l'augmentation du poids de naissance et par rapport au
développement d'une relation parent-enfant efficace, une
clinique axée également sur la réponse aux besoins
globaux des futurs et des jeunes parents et, en particulier, aux besoins
alimentaires des femmes enceintes défavorisées, ces cliniques,
donc, ont fait leurs preuves ailleurs. Et si l'on en croit les
expériences étrangères, à moyen terme, ces services
économisent de 1 $ à 3 $ pour chaque dollar investi.
D'autres exemples pourraient être développés, et
même dans le secteur curatif - on pense, en particulier, aux maux de dos
- pour éviter à la population de courir de la clinique d'urgence,
en situation de crise aiguë, au médecin en cabinet privé,
quand il n'y a pas de crise aiguë, au chiropracticien, au
physiothérapeute, à l'acupuncteur, etc. Les maladies
ostéo-articulaires, le dépistage des cancers du col de
l'utérus et du sein, en particulier, pourraient bénéficier
de telles cliniques.
Pour tous ces problèmes et, en particulier, les derniers, qui
représentent une source importante de consultation et de restriction
d'activités, l'existence de telles cliniques permettrait aux
professionnels qui oeuvrent, et, en particulier, aux médecins, de
développer une expertise globale sur la prévention et sur les
meilleurs traitements à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs de
santé identifiés. Bien entendu, il est important de
préciser que ces cliniques doivent se situer en complément et non
en opposition à l'approche de santé primaire déjà
développée dans le réseau de santé publique
québécois.
Parmi les autres suggestions à moyen terme, on peut parler de la
fiuoration. Elle est recommandée, comme vous le savez, par toutes les
instances de santé publique et, selon nous, elle devrait
précéder une éventuelle désassurance des soins
dentaires curatifs puisqu'elle diminuerait le besoin de ces soins curatifs.
La prévention du tabagisme. Au Canada, et c'est vrai aussi au
Québec, 70 % des morts évitables sont dues à trois
maladies, les coro-naropathies, les cancers du poumon, de la trachée et
des bronches, les accidents cérébro-vasculaires, qui ont toutes
en commun un facteur de risque très important: le tabac. Il est donc
temps d'adopter diverses stratégies de santé publique
adaptées aux différents groupes cibles pour réduire
l'usage du tabac au Québec.
Les personnes âgées. S'il est exact que les personnes
âgées utilisent plus de services per capita que les personnes plus
jeunes, et s'il est exact que le pourcentage des personnes âgées
augmente dans la population, selon plusieurs économistes canadiens, il
est cependant faux de penser qu'il s'agit là d'une cause majeure
d'augmentation des coûts. Si le taux d'utilisation des services en
fonction de l'âge se maintient à l'avenir comme il est
aujourd'hui, l'augmentation globale des coûts qui résultera de
cette augmentation du nombre de personnes âgées ne serait que de 1
%, c'est-à-dire bien inférieur au taux annuel d'inflation.
En d'autres mots, ce n'est pas parce qu'il y aura plus de personnes
âgées dans cinq ans qu'il y aura plus de consommation de soins,
mais bien parce que, dans cinq ans, si les tendances se poursuivent, une
personne de 70 ans consommera plus de services qu'une personne de 70 ans
aujourd'hui. On peut parler, entre autres, de médicalisation. Donc, vu
sous cet angle, il est important d'expérimenter et d'évaluer de
nouvelles façons de rendre des services aux personnes
âgées. Dans ce sens, nous pouvons mentionner l'implantation
d'unités de gérontogériatrie dans certains centres
hospitaliers de soins de courte durée qui a eu pour effet de redonner
plus rapidement l'autonomie aux personnes âgées et de
réduire le temps d'hospitalisation.
Pourquoi aussi ne pas envisager d'expérimenter les services
d'infirmières cliniciennes dans le domaine des soins primaires de
santé aux personnes âgées? Des études ont
démontré que ces infirmières cliniciennes ont la
capacité d'exécuter un grand nombre de fonctions accomplies
actuellement par les médecins, ce qui pourrait réduire les
coûts reliés aux services médicaux et ambulatoires.
Alors, voici quelques-unes des suggestions à moyen et à
long terme qui permettraient d'économiser, et le docteur Maguire va
continuer.
M. Maguire (Robert): Je vous entends dire, M. le ministre: Pas
encore lui avec ses blessures!
M. Côté (Charlesbourg): C'est comme un
créneau qui vous est collé à la peau.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maguire: C'est presque, de ma part, de l'acharnement
thérapeutique.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: C'est de l'acharnement, oui. Les blessures à
Maguire! Tout le temps!
M. Maguire: La raison pour laquelle on a inclu aussi à
moyen et à long terme le problème des blessures, c'est parce
qu'il nous apparaît là qu'on a un projet gagnant. C'est 10 % des
hospitalisations au Québec. Nous pensons qu'il y a moyen de
développer très très rapidement des mesures efficaces qui
vont nous permettre de diminuer les blessures.
Vous avez été certainement bien sensibilisés, il y
a quelque temps, à l'importance de la vaccination, lors du dernier
épisode de méningite. Ce que nous vous proposons de promouvoir
aujourd'hui, c'est l'administration de vaccins technologiques qui
protégeront les Québécois de blessures éventuelles.
Cependant, il s'agit d'un genre de vaccin tout à fait particulier: il
n'est pas, la majorité du temps, financé par votre
ministère. Parmi les exemples de mesures effi-
caces de prévention des blessures, ce que nous appelons des
vaccins technologiques, notons, entre autres le coussin gonflable - on s'en est
déjà parlé - le port du casque de sécurité
à bicyclette, le retrait des marchettes pour enfants en usage au
Québec, un programme de prévention pour les chutes chez les
personnes âgées, l'installation d'extincteurs dans les nouvelles
maisons, la correction des endroits dangereux - c'est là où on
s'est rencontrés la première fois...
M. Côté (Charlesbourg): Dans un endroit dangereux,
oui!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maguire: ...le port obligatoire de vêtements individuels
de flottaison lors de la pratique d'activités nautiques, le
contrôle de la température de l'eau à la sortie des
robinets, l'application de normes municipales concernant les piscines
résidentielles, les dispositifs de retenue pour enfants. Il y a
beaucoup, beaucoup de choses là-dedans que souvent le ministère a
à payer mais, finalement, comme je le dis parfois, «les pitons
sont dans le champ des autres».
L'expérience que nous avons acquise au cours des dix
dernières années dans le domaine de la prévention des
blessures nous a permis de réaliser souvent, comme je le disais, que
celui qui paie n'a souvent pas les leviers nécessaires pour corriger la
situation. Le dossier des armes à feu et celui des coussins gonflables
sont assez révélateurs. Alors que la Société de
l'assurance automobile et le ministère de la Santé paient pour
les accidentés, celui qui décide de la mise en place de normes
sur le marché de vaccins technologiques est habituellement assis
tranquillement de l'autre côté de la rivière des
Outaouais.
Dans le remue-ménage actuel des commissions qui discutent de
notre avenir politique, il serait important d'analyser ce que nous ont
coûté et nous coûteront les lenteurs du gouvernement
fédéral - un autre dossier. Pour diminuer la majorité des
blessures, il faut comprendre que les normes sont les moyens les plus
efficaces, et il nous apparaît évident que la
société distincte a aussi des besoins distincts lorsqu'il s'agit
de revoir les normes qui nous régissent. Les deux dossiers cités
précédemment parlent d'eux-mêmes.
Évidemment, dans le dossier que vous avez, il y avait un autre
item à court terme où on pouvait récupérer de
l'argent et je voudrais ici le soulever. Je pense que si vous n'en avez pas
sauvé assez avec les deux journées que vous avez eues là,
il y aurait peut-être encore une couple de 1000 $ à sauver
là.
M. Côté (Charlesbourg): On vient juste de commencer
à en sauver, là.
M. Maguire: Vous venez juste de commencer à en sauver?
O.K. Il y a le coût des repas. Nous avons été surpris par
la mesure concernant le paiement des repas par les personnes
hospitalisées. Dans une perspective du client d'abord, nous pensons
qu'il serait plus acceptable de continuer de nourrir gratuitement ceux qui sont
malades et de charger les coûts réels des repas pris par les
employés à la cafétéria dans les centres
hospitaliers. On a fait un certain nombre de calculs et on pourra vous les
faire parvenir, mais on se dit que comme personnes qui invitons des gens
à vivre chez nous, il y a une espèce de règle
d'éthique, là-dedans, qu'on devrait surveiller.
En conclusion, M. le ministre, nous voulons vous dire que nous n'avons
pas eu beaucoup de temps pour parler d'un ingrédient indispensable
à l'atteinte de nos objectifs à long terme que l'on appelle
l'intersectorialité. Notre expérience en prévention des
blessures nous incite à vous recommander fortement la mise en place d'un
organisme qui aura la responsabilité de suivre l'évolution de la
politique de santé et qui aura surtout le pouvoir de susciter le
maillage entre les différents secteurs de la société qui
contrôlent les véritables leviers et qui semblent être
parfois si loin les uns des autres. Une politique de santé dans la
grande nature de l'appareil gouvernemental ne donnera des résultats,
selon nous, que si elle est située à un très haut
niveau.
En terminant, M. le ministre, nous voudrions vous remercier de
l'opportunité que vous nous avez donnée. Vous encouragiez aussi
le Dr Poirier à parler, tout à l'heure, d'une étude qui
avait été faite par le Dr Turcotte. Il y en a d'autres
études que le Dr Turcotte a faites, qu'on a lues, elles semblent valoir
leur pesant d'or. Je ne sais pas comment vous aurez l'occasion d'en entendre
parler, mais on pense qu'il y a là aussi des sources de financement
à récupérer. Et, pour finir, je voudrais vous dire que
demain matin, si on avait à investir de l'argent dans une région
qu'on connaît tous les deux très très bien et qu'on avait
100 000 $... Dans le fond, ce qu'on vous a démontré aujourd'hui
ou ce qu'on a essayé de vous démontrer, c'est qu'on dit: Pour
nous, en santé publique, l'argent qui devra être investi dans le
domaine de la santé, on ne devrait plus en investir beaucoup. Selon
nous, on pense qu'on en a suffisamment. Ce qu'on devrait faire, c'est qu'on
devrait investir beaucoup plus au niveau des agents économiques.
À Matane - je ne pense pas qu'ils en ont demandé un - ils
n'auraient pas besoin d'un «scanner». Ce dont ils ont besoin,
actuellement, ce sont des jobs. Et comme responsables de la santé
publique, on peut vous garantir que, si vous ne mettez pas plus d'argent dans
ce système-là, la santé des Québécois et des
Québécoises ne se détériorera pas beaucoup plus. On
vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, madame, messieurs. M le
ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je suis très heureux de vous voir là et je vous
remercie d'avoir apporté votre contribution dans si peu de temps,
à travers des préoccupations quotidiennes qui ont affecté
de manière plus dramatique certains d'entre vous. Je vais
peut-être en profiter pour remercier et féliciter les
départements de santé communautaire qui ont été aux
prises avec le problème de la méningite, qui ont fait un travail
assez exceptionnel et qui ont su rassembler aussi un certain nombre
d'éléments du réseau, comme quoi le réseau est
capable de se mobiliser derrière des causes et être
complémentaire les uns des autres pour faire face à certaines
situations. Je pense que j'aurais manqué une maudite bonne
opportunité si je ne l'avais pas dit d'entrée de jeu. Donc, merci
de cette contribution.
C'est un mémoire qui a ses pistes rafraîchissantes aussi.
Déjà, que des gens viennent nous dire «il y a assez
d'argent dans le réseau», on n'est pas bien bien habitués
à ça. Il faut quand même admettre qu'ils ont fait un virage
assez important, merci, parce qu'il n'y a pas tellement longtemps, tout le
monde criait pour en avoir, parce qu'ils n'en avaient pas eu assez, puis il en
manquait tout le temps. Je pense qu'on est dans une situation où il y a
un virage très important, et il faut le dire.
Vous nous dites de manière générale. Il y a assez
d'argent dans le système pour être capable de faire face à
nos besoins. Il y a définitivement de la réallocation d'argent
qui doit être faite. Je pense que c'est très très
présent à l'intérieur du document. Cependant, on est quand
même avec une croissance que, nous, on essaie de ramener à IPC + 3
%, avec des écarts très substantiels sur le plan financier, qui
ne peuvent pas être comblés, à tout le moins à court
terme, uniquement par l'efficience et l'efficacité. Je pense que ce qui
est clair, c'est qu'on commence à toucher à du solide sur des
sommes qu'on peut éventuellement récupérer, soit pour de
la réallocation, soit pour revenir à des pourcentages plus
acceptables, selon la capacité de payer.
Mais, il est bien évident qu'il reste quand même,
au-delà de tout ça, une marge assez importante qui n'est pas
conjoncturelle, mais qui est structurelle, c'est clair. On peut dire que c'est
la faute du fédéral, et ça, c'est structurel
constitutionnel. Pour tout dire à mon ami, et dans ce sens-là, il
y a ce problème-là, mais celui-là n'est pas suffisant non
plus. On doit donc faire face à une situation qui est celle-là et
on a proposé un certain nombre de pistes qui veulent bien sûr
protéger au maximum l'universalité, l'accessibilité, mais,
vous autres, vous ajoutez gratuité. Vous l'ajoutez. Vous êtes un
des premiers à dire «gratuité». Tout le monde a
toujours «flirté» et s'est marié avec
«universalité et accessibilité», mais sur le plan de
la gratuité, j'aimerais vous entendre un petit peu plus. qu'est-ce que
ça signifie pour vous autres «gratuité»? parce que,
ça a quand même quelques conséquences.
M. Poupart: M. le ministre, comme vous le disiez tout à
l'heure, on a été affectés évidemment par une crise
majeure et j'ai probablement été celui qui a été le
plus affecté. Comme je vous le disais tout à l'heure, on est
rendus à près de 90 000 vaccinés aujourd'hui, dans le
territoire de Saint-Jérôme que je dirige et, là-dessus
aussi, je veux insister pour remercier la collaboration des CLSC et du conseil
régional. C'est très emballant de voir ça et, sans eux, on
n'aurait pas été capables d'atteindre le succès qu'on a.
Cependant, évidemment, force oblige. J'ai eu un gros coup de main des
gens qui sont à côté de moi pour pouvoir être ici
présent aujourd'hui et, dans ce sens-là, je pense que je vais un
peu diriger certaines des questions, si vous le permettez, vers les gens qui
seraient davantage aptes à répondre. Vas-y, Robert. (17 h 45)
M. Maguire: À mon point de vue, M. le ministre, et comme
le disait la ministre précédente - on ne dit pas
«précédatrice», ça ne se dit pas cette
affaire-là - je pense que la santé, c'est une idée de
solidarité sociale. Je pense qu'on se doit d'offrir aux gens dans la
société des soins quand ils sont malades. Tout à l'heure,
les gens qui étaient avant nous parlaient des États-Unis. Je
pense que c'est un problème épouvantable qu'ils ont la, ça
n'a pas de sens. Pour nous, en termes de gens responsables de la santé
publique, on ne pense pas que si vous donnez un coup de vis pour serrer encore
plus, ça va effectivement rendre les gens plus malades. Et, dans ce
sens-là, c'est important pour nous qu'il n'y ait pas de nouvelles formes
de taxation auprès des gens. Parce que de la façon dont on
interprète ou on comprend ça, qu'on le prenne dans cette
poche-là ou dans cette poche-la... Je veux dire, c'est un peu le
problème qu'ils ont aux États-Unis. Finalement, ils avaient trois
poches, eux autres. Ce qui a fait que ça leur a coûté
très cher.
Et, pour nous, l'idée est que 31 % ou 32 % des sommes du
gouvernement du Québec allouées à la santé, c'est
un gros maximum. Et on pense, comme responsables de la santé publique,
qu'on pourrait même commencer à diminuer. Je vous donnais
l'exemple de Matane. C'est sûr qu'à Matane ou à Rimouski,
ou partout dans le Québec, si on n'est pas capables de développer
des jobs, je veux dire, c'est là que ça va nous coûter
cher. Dans ce sens-là, pour nous, ce qui nous apparaît important,
c'est que toutes les nouvelles formes de taxation qui pourront se
développer au Québec devraient aller dans le sens du
développement économique.
Je pense que l'exemple des Japonais parle
de lui-même. Quand ils ont fini la guerre, ils étaient pas
mal plus poqués que nous autres, et 40 ans plus tard, ils nous
dépassent. Dans ce sens-là, pour nous, et on l'a dit dans le
mémoire, plus d'argent dans le système de santé, ça
n'améliorera pas la santé des gens. C'est dans ce sens-là
qu'on pense que c'est extrêmement important de se dire une fois pour
toutes, comme société, que l'argent qu'on investit
là-dedans, c'est déjà beaucoup, et qu'on devrait faire
beaucoup mieux avec ça.
M. Côté (Charlesbourg): Si on décidait,
demain matin, par exemple - parce qu'il est clair que le système
santé est davantage développé que le système
social, et tout le monde réclame un virage sur le plan social avec une
politique de santé et bien-être qui va finir par venir et qui va
agir sur un certain nombre de déterminants - de prendre, je ne sais pas,
1 %, 2 % de l'indexation des budgets du réseau au complet, qu'on dise:
Parfait, on prend cet argent-là et on le rend disponible pour de
nouvelles initiatives dans le domaine du social, par exemple, est-ce que vous
pensez que les gens seraient plus malades? Je vais reprendre un peu la piste
que vous avez ouverte. Est-ce que vous pensez que le système est capable
de prendre ça? Et Dieu sait que 1 % ou 2 %, ce n'est pas gros en
pourcentage, mais à voir les contorsions que ça occasionne
à l'occasion... Bon, prenons un petit exemple récent. On a
parlé de 10 000 000 $ sur les bases budgétaires des CLSC.
Semble-t-il que c'a retardé un peu et c'a fait japper passablement.
Imaginez-vous, si c'était 2 % de 12 000 000 000 $, ce que ça
pourrait signifier! Est-ce que le système est capable de prendre
ça?
M. Maguire: Moi, je vous dirais, M. le ministre, que je ne
l'investirais pas dans le social. Je l'investirais dans l'éducation et
dans l'économie. Je pense que ça aurait beaucoup plus d'impact
à moyen et à long terme. Je pense que les questions qu'on se pose
par rapport au social... Avant d'en investir plus dans le social, je pense que
pour les programmes fossilisés de Mme Lavoie-Roux, on pourrait se poser
les mêmes questions. Il y a du ménage, je pense, à faire
là aussi, mais c'est plus délicat pour nous d'en parler. Pour
moi, les nouvelles sommes qui doivent être investies, c'est beaucoup plus
au niveau de l'éducation et de l'économie.
M. Côté (Charlesbourg): C'est majeur, comme prise de
position, parce qu'au début je pensais que ça pouvait
peut-être être davantage d'investir dans le système de
santé et de services sociaux. Mais, là, je comprends davantage
l'exemple de Matane et de Rimouski à l'effet que les gens veulent
travailler, et s'ils travaillent, peut-être qu'ils vont être un peu
moins malades. Sur le plan de la priorité, c'est peut-être
davantage une lutte à la pauvreté ou à la création
d'emplois qu'on devrait... Mais, là, ça signifie une baisse des
budgets de nos établissements qui seraient investis dans la
création d'emplois; c'est majeur.
Le Président (M. Joly): Dr Colin.
Mme Colin: M. le ministre, j'aimerais peut-être
compléter aussi. C'est clair que, dans le fond, on est effectivement en
faveur d'une réallocation pour agir sur les déterminants. Comme
votre document, d'ailleurs, les mentionne de façon très
importante, tout au long du document. C'est sûr qu'on est à
même, par notre présence actuellement dans les hôpitaux, de
constater que toute réduction des coûts alloués au
fonctionnement fait mal effectivement et qu'il y a des remaniements qui sont de
plus en plus difficiles. Bon, c'est vrai. Sauf qu'en même temps, dans le
fond, ce qu'on essaie de donner dans ce document-là, c'est des pistes
pour, peut-être pas dans le mois qui vient, mais disons dans les mois qui
viennent, aller chercher des économies qui feraient peut-être
moins mal justement et qui pourraient être allouées autrement.
Et ce qu'on voudrait aussi peut-être signifier, c'est que c'est
sûr que le système n'est pas gratuit, il a un coût et on
sait bien qu'on paie tous pour ce service. Mais la perte de la gratuité,
au niveau de certains services, pourrait avoir des effets pervers ou
risquerait, en tout cas, d'avoir des effets pervers. D'une part, il y aurait
possiblement une augmentation des coûts de gestion, puisqu'il va falloir
décider qui aurait accès aux services gratuits, qui n'y aurait
pas accès. D'autre part, il pourrait y avoir une augmentation des
dépenses globales de santé. Évidemment, il y aurait une
diminution, peut-être, des dépenses publiques de santé,
mais il pourrait y avoir une augmentation des dépenses globales de
santé.
Enfin, il y aurait sûrement une catégorie de personnes qui
ne serait plus assurée puisque, en fait, dans les effets pervers de la
désassurance de certains services, une catégorie de population,
la plus défavorisée, je pense, pourrait encore être
assurée via les services publics; je pense que c'est ce qu'il y a dans
le document et, ça, évidemment, c'est capital et on y est
très attachés. Une autre catégorie de population pourrait
être assurée via des services privés, mais il y a toute une
catégorie intermédiaire de population qui risquerait de
n'être assurée ni par l'un ni par l'autre et, donc, dans le fond,
d'avoir moins de possibilité d'accès aux services de
santé.
Le Président (M. Joly): Dr Poirier.
M. Poirier: Oui. J'aurais juste un commentaire. Pour revenir sur
la taxation, il y a une prémisse derrière ça, qui,
à mon sens, est fausse, qui est de dire que, quand le consommateur
va
payer un peu, ça va le responsabiliser et peut-être qu'il
va y penser deux fois avant de consommer. La santé, ce n'est pas comme
une auto. Une auto, moi, même si je ne sais pas comment ça
fonctionne, ou un appareil pour un disque laser, je n'ai pas besoin de le
savoir, je ne comprends pas ça. Peut-être qu'on va dire que les
services médicaux, c'est la même chose. Mais il n'y a que moi qui
peux savoir si c'est pertinent ou pas pour moi d'avoir une auto. C'est moi qui
suis le mieux placé, comme consommateur, quand j'achète une auto,
pour savoir si c'est pertinent ou pas Les services de santé, moi, quand
j'ai mal à la tête ou mal au ventre, je n'en sais rien, moi, s'il
faut que j'aille consommer ou pas. Je n'ai pas l'éclairage, je ne
connais pas la pertinence de la consultation, d'aller voir un service. Alors,
si ça me coûte 10 $, 15 $, 20 $... ça a l'air d'un petit
mal de tête, d'un petit mal de ventre, je ne sais pas si c'est pertinent.
mais si je m'achète une auto ou pas, il n'y a que moi qui peux le
savoir. donc, ça ne se compare pas, le bien-santé. et la logique
de l'offre et de la demande pour limiter la demande ne tient pas dans le
domaine de la santé, le consommateur n'étant pas assez
éclairé. 11 y a ce que les économistes appellent une
asymétrie d'information majeure qui fait que n'importe quelle forme de
tarification, de taxation individuelle ne peut pas se comparer aux mêmes
responsabilisations dans d'autres domaines.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Dr Poirier, je suis
pleinement convaincu que vous avez largement inspiré les pages 12 et
suivantes. De la manière dont c'est présenté, je ne
pouvais pas faire autrement que de souscrire à une présentation
comme celle-là. Et toute une piste très intéressante
d'interrogations. Qu'est-ce qui empêche le système, aujourd'hui,
de ne pas faire ce que vous nous recommandez de faire maintenant,
au-delà de la rémunération à l'acte? Est-ce que
c'est uniquement la rémunération à l'acte ou s'il y a
autre chose qui...
M. Poirier: Moi, je pense que la rémunération,
c'est un ingrédient. C'est juste pour dire que, dans la production des
services et la délivrance des services, actuellement, l'incitatif - et
quand je dis «pervers», ce n'est pas volontaire - qui est
là, c'est qu'il y a des montants rattachés à un acte ou
à tel autre, plus ou moins, et c'est ça qui entraîne le
fonctionnement: c'est l'incitatif de fonctionnement du producteur, celui qui
prescrit les 12 000 000 $.
Dans un autre système - on pense, par exemple, aux HMO -
l'incitatif devient la santé des gens, pour des docteurs qui peuvent
être à salaire dans un HMO, évidemment, s'il est à
non-profit. Parce que, l'incitatif... Les gens ont avantage à être
en santé, et pas juste à réduire les services en disant:
Ça va coûter moins cher. Parce que, si tu réduis les
services et que tu manques un problème et qu'il y a une complication,
ça coûte cher. Donc, l'incitatif, c'est la qualité des
services dans un autre système où les médecins ont une
autre pression à délivrer des services, c'est-à-dire
garder les gens en santé, pas juste par la prévention, mais par
le bon service, le bon diagnostic, pertinent et efficace, et ne pas faire dix
fois de cholécystectomies si juste une est bonne, dans certains cas,
alors que ça ne le serait pas.
Donc, les actes ne sont plus non seulement productifs... La
méthode des DRG dont nous parie l'AHQ, c'est bien beau pour la
productivité, mais la pertinence, elle, c'est ça qui nous fait
traduire la productivité en efficacité ou en efficience. C'est:
Est-ce que l'acte est pertinent? Et, dans un système où la
pression ou l'incitatif est autre chose que le revenu personnel... Il n'y a pas
que ça, évidemment, les médecins sont là pour la
santé des gens mais, l'effet pervers, dans leur mode actuel de
rémunération, c'est d'aller chercher à travers les actes,
tels qu'ils sont tarifés, leur revenu, et ça, on ne peut pas...
Ils ne sont pas plus purs ou moins que les autres.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai eu l'opportunité
d'avoir comme guide, en Angleterre, le Dr Lessard, qui travaille à la
Cité de la santé de Laval, que j'ai vu tantôt. À
travers le système qui est en mutation en Angleterre, il y a un principe
de base qui est celui de la capitation. Est-ce que la capitation
instaurée au Québec réglerait les problèmes que
vous soulevez?
M. Poirier: C'est une formule bien connue pour responsabiliser le
médecin par rapport à la santé de son patient, mais elle
peut avoir aussi des désavantages parce que c'est responsabiliser un
seul médecin par rapport à un seul patient, alors que le patient,
il n'a pas que le médecin pour aider à sa santé, il a
toute une série d'autres professionnels de la santé. La formule
plus élargie de capitation, c'est la capitation pour une organisation de
santé qui a d'autres ressources que le docteur. Parce que le docteur,
lui, il peut bien faire le maximum pour aider son patient, ce n'est pas
toujours lui qui est le plus utile, c'est peut-être le conducteur du
service de la HMO en question qui va livrer la nourriture aux personnes
âgées pour les garder à domicile et leur donner une
qualité de vie. Donc, il y a d'autres professionnels de la santé,
et la capitation associant juste un médecin et son patient, c'est
peut-être une formule qui responsabilise le médecin, mais qui ne
lui donne pas tous les outils, surtout par rapport aux autres secteurs et aux
autres professionnels de la santé, qui ont un effet important sur la
santé de l'individu.
M. Côté (Charlesbourg): D'où votre
proposi-
tion de cliniques intégrées, j'imagine?
M. Poirier: C'est une formule qui a été
élaborée et vous n'en avez probablement jamais entendu parler
avant, parce qu'on cherchait une façon différente de ne pas
ramener les HMO qui ont eu l'air d'être coulés récemment
ici, et de ne pas parler non plus des cliniques d'obésité que
vous avez décriées dans les journaux, il y a deux jours. On a
cherché la façon de le formuler. Ce qu'on veut dire, c'est de
mettre ensemble différents professionnels de la santé pour
fournir ce qu'il y a de plus pertinent et à moindre coût dans la
résolution d'un problème de santé.
M. Côté (Charlesbourg): Sur les cliniques
d'obésité, je veux juste vous rassurer, parce que je ne faisais
que dire publiquement ce que le Dr Richer m'avait dit privément.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): alors, j'imagine que s'il me
l'a dit, lui, il connaît ça. donc, je n'ai été que
le perroquet. oui, à travers tout ça, il y a des pistes
intéressantes qui, évidemment, ne donnent pas de résultat
à court terme, à plus ou moins... il y en a à court terme.
et je vais en prendre une. je vais terminer avec celle-là.
M. Maguire: On va avoir de la misère à passer
l'hiver!
M. Côté (Charlesbourg): Je vais terminer avec
celle-là, celle des repas. Évidemment, vous l'avez fait
probablement à votre corps défendant, là. Je comprends.
Tout le monde sait que, effectivement, dans nos centres hospitaliers, les repas
ne sont pas très chers. Le stationnement n'est pas très cher non
plus. Et ce que je comprends comme piste, vous dites: Au lieu de faire payer la
personne qui n'a pas le choix de venir à l'hôpital, vous devriez
davantage faire payer ce que ça coûte - pas de profit, mais au
moins ce que ça coûte pour ses repas ou pour son stationnement -
à la personne qui, elle, travaille et qui a quand même le
privilège de travailler, aujourd'hui, dans notre société,
compte tenu du nombre de chômeurs qu'on a. Cela a-t-il été
bien testé, ça, auprès des gens ou si c'est une bonne
idée déposée en disant: Coudon, c'est une bonne
idée, je la mets sur la table, sans savoir si, au bout de la ligne, les
gens vont bien réagir?
M. Maguire: La seule chose que j'ai faite, c'est que j'ai
essayé de vérifier combien ça nous coûtait dans
notre hôpital et on pense que ça nous coûte entre 100 000 $
et 150 000 $. Donc, si on multiplie ça par une centaine
d'hôpitaux, si je compte bien, on ramasse une dizaine de millions. Je me
dis que quand on cherche, 10 000 000 $, moi, je ne laisse pas passer ça
facilement. Si vous m'en donnez 3 000 000 $ pour faire de la prévention,
je vais vous en trouver quelques autres de même, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): donc, ce que je comprends,
c'est que si on était dans un système où il y avait
quelques incitatifs, ça nous permettrait peut-être d'en trouver
davantage.
M. Maguire: M. le ministre, tout à l'heure, vous avez
parlé des coûts. Et si vous me permettez, au niveau des
incitatifs, on a parlé des examens moins utiles. Je pense qu'un
incitatif excellent... Évidemment, le Dr Roy est toujours en
arrière de moi.
M. Côté (Charlesbourg): II va avoir son tour!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Maguire: Comme il dit souvent: On est des spécialistes
en santé publique tous les deux.
M. Côté (Charlesbourg): Vous n'êtes pas des
vrais médecins, vous autres, là!
M. Maguire: Je pense que, au niveau des examens moins utiles, une
piste qu'on pourrait explorer assez rapidement, ce serait d'offrir à
tous les médecins de laboratoire, demain matin, ce qu'ils gagnent et 20
% de plus. Et je vous garantis que vous allez sauver de l'argent encore. Puis
ça, je n'en prendrai rien que 5 % pour la prévention.
M. Côté (Charlesbourg): Y en a-t-il d'autres comme
ça, là?
M. Maguire: On ira déjeuner, une bonne fois.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai justement un caucus
à Rimouski.
M. Maguire: À un moment donné, vous savez, on ne
peut pas trop en dire en commission parlementaire.
M. Côté (Charlesbourg): Pas trop de pistes. Donc, je
m'organiserai pour prendre un déjeuner avec vous à Rimouski la
semaine prochaine. (18 heures)
M. Maguire: C'est beau!
M. Côté (Charlesbourg): Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue.
M. Trudel: on vous aurait regrettés, si on ne
s'était pas repris un peu. vous n'avez pas eu grand temps pour vous
préparer. ça aurait été une grande histoire si vous
aviez eu beaucoup de temps pour vous préparer.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: La première chose, même si c'est à
la blague un peu, quand on vous reçoit aujourd'hui, Dr Poupart, Dr
Poirier, Dr Maguire et Dr Colin - parce que, hier soir, on nous a dit que dans
la profession médicale, quand on se tournait vers le social, on
n'était plus des vrais docteurs - j'ai l'impression que je vous souhaite
la bienvenue en disant «mes chers défroqués».
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Vous nous amenez sur des pistes absolument
extraordinaires. Mais tant qu'à être dans l'original, j'aimerais
ça soulever une autre hypothèse pour voir comment vous
réagiriez à celle-là. Quand on a une piastre publique
à dépenser en matière de santé et de services
sociaux, grosso modo, sans qu'on se chicane trop trop politiquement, on cherche
toujours ce qu'on pourrait appeler le rendement marginal optimum de notre
dollar, en faire le plus possible avec la piastre qui m'est remise par le
public. Bon, je peux bien le chicaner 10 fois, 20 fois; ça, l'autre
bord, il m'engueulerait. La démonstration que vous nous faites
aujourd'hui, c'est qu'en termes de rendement optimum, on doit y aller beaucoup
plus sur le collectif, sur la prévention, sur le global, sur les
déterminants, finalement, de la santé.
Comment, vous autres, vous pensez qu'on peut finalement en
société, mais de façon individuelle quasiment,
«dealer» avec le fait que le ministre de la Santé et des
Services sociaux va se lever demain matin, va ouvrir Le Journal de
Québec et, sur la première page, ça va être
marqué: II n'y a plus d'argent pour la transplantation de coeur-poumons,
et il y a une personne qui attend ça? Ça aussi, il faut
gérer ça. Qu'est-ce qui fait que le ministre de la Santé
et des Services sociaux, dans cette approche-là, dit non quand il a
regardé le rendement marginal de son dollar et de son investissement?
Parce que, ça aussi, ça fait partie du phénomène.
Comment fait-il pour dire non à ce phénomène-là
aussi?
M. Maguire: C'est un peu pour ça qu'on avait abordé
la discussion alentour des équipements et des services
ultraspécialisés. Pour nous, on pense que, de plus en plus, la
société québécoise devra se rendre à
l'évidence que, comme vous le dites, il y a des déterminants pour
améliorer la santé d'un peuple, mais il y a aussi le
système de santé et ce système-là a une valeur
marginale, que ce soit entre 15 % et 25 %. Soyons généreux,
mettons 25 %, mettons 30 %, mais il y a d'autres déterminants. Dans ce
sens-là, si j'avais à prendre une décision - ce qui ne
m'arrivera jamais - sur ce qu'on fait par rapport à une transplantation
cardiaque, je pense qu'on devrait commencer - si on se dit que c'est un
système de solidarité sociale - à mettre dans la balance
aussi les 18 %, ou les 15 %, ou les 14 %, ou les 13 % de chômeurs qu'on a
parce que, finalement, il y a aussi, là, des choses qui sont moins
«glamour», mais qui sont tout aussi importantes. Je veux dire, moi,
face à une transplantation cardiaque... Et je pense qu'il faut
être extrêmement prudent quand on aborde ce sujet-là. C'est
un discours de société, mais, pour moi, c'est aussi important un
enfant qui vient de se faire fourrer une maudite volée. Et ça,
là-dessus, je pense que, graduellement, avec un taux de chômage
qui augmente, on va en voir de plus en plus. Dans ce sens-là, ces
décisions-là, on devra les prendre comme société et
essayer de les balancer. C'est juste ça que je pourrais vous donner
comme réponse.
Le Président (M. Joly): Dr Poirier.
M. Poirier: La transplantation cardiaque, évidemment,
c'est une solution qui est coûteuse, mais il faut aussi parfois la
comparer à d'autres formules. Par exemple, les coûts astronomiques
du patient chronique qui pourrait ne pas avoir de transplantation. Mais ce que
j'aurais le goût de répondre, c'est que dans le domaine du curatif
comme dans d'autres domaines, idéalement, ça ne devrait pas
être le ministre qui prend la décision. Dans la santé
publique ou dans les grandes entreprises de protection et de prévention,
le ministre s'appuie sur des officiers qui sont responsables de prendre des
décisions de santé publique.
Je pense que dans le domaine curatif... Je pense qu'il y a des failles
dans le système de l'Orégon, en tout cas ce que j'en comprends,
mais il y a un élément important, c'est que le jugement, ou
l'analyse, ou l'évaluation de la pertinence des actes et les choix qu'il
y a à faire, il ne faut pas que ça soit une décision
politique du ministre dans son bureau. Il faut que ce soit remis à la
société, premièrement, et, deuxièmement, avec ceux
qui peuvent - les fameux prescripteurs, tantôt - prendre des
décisions avec les gens qui ont les symptômes, qui ont les
maladies pour dire: Est-ce que c'est efficace, est-ce que c'est efficient,
est-ce qu'on devrait faire ce genre d'activité-là? Je pense
qu'une fois qu'on aura fait ces calculs-là - on ne les a pas maintenant,
puis le ministre ne pourrait pas répondre tout de suite - la
transplantation coeur-poumons sera probablement bénéfique en
coût-efficacité, mais on ne les a pas, ces
données-là. Le ministre ne les a pas non plus puis, moi, je ne
les ai pas. Donc, il faut probablement élargir le mandat, comme je le
disais tantôt, du Conseil d'évaluation des tech-
nologies de la santé pour arriver à cette
réflexion-là et surtout inclure les gens qui font les
études, qui les connaissent, et qui peuvent comparer et fournir ces
données-là. Tant qu'on laisse au ministre le soin de
décider, ça va rester une décision politique qui va
«insatisfaire» tout le monde: l'Opposition, les docteurs, puis le
citoyen. Alors, il faut trouver une mécanique pour, avec le
développement des nouvelles technologies, puis des nouvelles
thérapeutiques, des nouvelles chirurgies, trouver une façon un
peu plus objective de les évaluer puis que ça soit transparent
pour que les gens sachent comment les décisions vont se prendre sur ces
grandes manoeuvres-là, si on s'embarque, le mois prochain, dans la
transplantation du cerveau qui va coûter peut-être 10 fois plus
cher que la transplantation coeur-poumons. C'est une folie, là, mais
pour vous dire qu'il y a des choix, il y a des réflexions à faire
puis il ne faut pas les laisser, à mon sens, à une
réflexion purement politique ou administrative.
M. Trudel: C'était très intéressant sur le
plan social, ce type de décision, parce que, effectivement, notre
système démocratique a ses avantages incomparables, mais il a
aussi, quelque part, ses limites, par exemple, dans ce secteur-là. Et,
en tout cas, ça renforce un peu... On disait, à l'ouverture du
débat ici, que le Conseil d'évaluation des technologies de la
santé, là, on devrait au moins tripler, quadrupler son budget
parce que, en termes de rendement de dollars, là, il n'y a pas meilleur
placement par les temps qui courent, pour le rendement de notre
dollar-santé. Et, oui, en termes de décisions-santé, il
faut que ça devienne un phénomène social aussi, et il va
falloir qu'on s'associe et avec les producteurs et avec les usagers.
Regardez juste l'exercice. On a eu de la misère, un peu, nous,
à convaincre qu'il fallait faire un débat sur le financement de
la santé et des services sociaux au Québec. Moi, je pense qu'on
progresse avec ce qu'on fait là. Puis même, je réaffirme
que ce n'est pas la formule idéale. On n'atteint jamais la formule
idéale en termes de débat, mais on progresse beaucoup en termes
de ce qu'on met socialement au Québec, en santé et services
sociaux, dans notre régime et sur les acquis assez précieux qu'on
a là. On progresse pour conserver ces acquis-là, avec ce que vous
avez ajouté aussi. Dr Maguire, vous avez quelque chose. Je m'excuse.
M. Maguire: Vous parliez du Conseil d'évaluation des
technologies de la santé et d'ajouter du budget là-dedans. Je
pense qu'il y a une chose qui est extrêmement importante, en tout cas,
que je voudrais vous souligner. Au niveau de l'évaluation des
technologies, puis au niveau du fonctionnement des gens dans les
hôpitaux, je pense qu'il apparaît important d'établir le
plus rapidement possible des collaborations avec les gens qui travaillent dans
les hôpitaux. Dans plusieurs hôpitaux du Québec,
actuellement, il se fait de l'évaluation de la qualité de l'acte
médical. Et les véritables changements vont venir, à mon
point de vue, de la base. Même si on a un Conseil d'évaluation des
technologies qui est très fort puis qu'il publie de beaux rapports, ce
qu'on vous disait tout à l'heure pour le Dr Turcotte, ça fait 10
ans que c'est connu, O.K.? Puis la radiographie pulmonaire, ça fait une
couple d'années que c'est connu. Je pense que ce qu'il faut essayer de
faire, c'est de développer une collaboration entre les gens qui sont sur
le terrain.
On dit à la blague, on propose un certain nombre de choses, mais
régulièrement... Tout à l'heure, vous parliez de
«défroqués». J'ai toujours ma soutane, puis je
travaille toujours avec eux autres. Mais ce que je fais, et ce que je fais
depuis 15 ans dans ce centre hospitalier, c'est qu'à chaque fois qu'il y
a de nouvelles choses qui arrivent, j'essaie de les forcer à se poser
des questions comme étant un docteur qui s'occupe de la population.
Puis, je leur dis: Si on étend ça à tout le monde,
qu'est-ce que ça va nous donner puis qu'est-ce que ça va
coûter? Et, pour moi, de vouloir aller plus loin dans le sens des
technologies, c'est très rapidement de développer, avec la
Corporation des médecins du Québec et les syndicats, des
mécanismes qui vont nous permettre régulièrement de
questionner et de travailler avec les gens qui sont sur le terrain. Si on ne
fait pas ça, on va manquer notre coup. C'est avec les gens qui sont
là, qui prennent les décisions à chaque jour, c'est
extrêmement important de travailler avec ces gens-là
régulièrement. Et si on fait ça, probablement qu'on va le
sauver; si on ne fait pas ça, on va se revoir dans cinq ans.
M. Côté (Charlesbourg): Vous savez pourquoi.
M. Trudel: Oui. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Hier, on disait à un mouvement communautaire
à propos de... Bon. ils nous ont fait une espèce de caricature
pour nous montrer une direction, ce qu'ils appelaient le virage social, sur un
registre totalement différent. Mais, encore là, c'est très
surprenant. Je disais aux gens hier soir: Vous y allez aux
«toasts»! Vous aussi vous y allez aux «toasts» sur
l'administration de notre régime dans votre mémoire, à la
page 2. Vous dites: «Premièrement, nous tenons à redire
devant cette commission que nous sommes pour le maintien d'un régime
universel d'assurance-maladie et que le financement de ce régime doit
être soumis à une organisation centrale forte.» Financement.
Puis, plus tard, vous dites: «Ce contrôle central est des plus
indispensables pour orienter les dépenses...» Est-ce qu'au
niveau de la dispensation des services ce raisonnement vaut aussi?
M. Maguire: C'est moi qui ai écrit le bout «centrale
forte». Je vais essayer de vous l'expliquer.
M. Trudel: Bon, allez-y donc. J'ai bien pensé que
ça venait des blessures à Maguire, ça!
M. Maguire: Dans un excellent article de Bob Evants, qui regarde
l'évolution des différences des dépenses, au niveau des
différents systèmes de santé, au cours des
dernières années, que M. Evants nous dit: La façon de
contrôler les coûts du système universel: contrôle
central fort et, finalement, contrôle des médecins. Et pourquoi un
contrôle central fort? C'est parce que, finalement, comme le disait Alain
tout à l'heure, ce n'est pas un bien négociable, la santé.
Puis on se fera toujours brailler sur quelque chose qui est peut-être bon
ou qui n'est pas bon, on ne le sait jamais. Et, dans ce sens-là,
à un moment donné, on se dit: II doit y avoir quelque part
quelqu'un qui n'est pas sans coeur, mais qui prend des bonnes décisions
et puis qui dit: La récréation est finie. Qu'est-ce que qu'on va
mettre là-dedans? C'est ça. Mais pour s'avancer comme ça,
il faut qu'on ait vraiment la conviction que ce qui améliore la
santé d'un peuple, c'est qu'il y a d'autres choses aussi alentour de
ça. Et c'est dans ce sens-là qu'on dit: II faut que le
contrôle soit là, qu'il soit fort puis qu'on mette, une fois pour
toutes, la main sur le bocal, puis qu'il n'en entre plus, puis qu'il n'en sorte
plus, puis qu'on fasse avec ça! Puis qu'on mette l'argent dans
l'éducation puis dans l'économie. C'est de même que, dans
20 ans, on va être aussi bons que les Japonais.
M. Trudel: Très bien. On n'échappe pas non plus,
encore une fois, à une autre question. On est toujours prisonniers du
temps, ici, de façon assez incroyable. Évidemment, c'est à
la page 12: «La réforme actuelle, celle du financement, devra lui
permettre maintenant de transformer - pour le médecin - ses gestes de
clinicien» en autre chose. Bon. Alors, là, vous nous parlez d'un
certain nombre d'inefficacités, en quelque sorte, d'inefficacités
de la prestation du médecin. Et vous énumérez un bon
nombre de gestes qui appartiennent à ce qu'on pourrait appeler
l'attribution des actes».
Est-ce que, réellement, au Québec, dans la situation
actuelle des forces qui sont en présence, les enjeux qui sont contenus
dans vos propositions, on peut en arriver à mettre en oeuvre ces
évidences que vous décrivez ici? Est-ce que c'est réaliste
qu'on puisse dire - l'un ou l'autre de vos exemples - à un urgentologue
de déléguer 10 % de ses visites pour les grippes, les rhumes
à des infirmières cliniciennes - l'attribution des actes - et que
la compétence, par exemple, chez nos médecins soit
consacrée à ce que j'appellerais d'autres gestes significatifs?
Est-ce que, dans les conditions actuelles, on peut y arriver? Puis, donnez-moi
au moins un indice ou un élément par lequel on devrait commencer
pour y arriver? Parce que c'est fondamental, à mon avis, ce que vous
mentionnez là.
M. Poirier: Si vous voulez, je vais essayer de commencer à
répondre à ça. Les exemples qui sont là sont
justement pour montrer que, dans le système actuel, qu'on parle de la
pertinence des gestes, de la délégation d'actes - bon, les
différents exemples qui sont là - de la réduction d'actes
jugés moins efficaces ou autres, il y a un effet qui n'aide
sûrement pas, c'est l'incitatif à produire des actes pour amener
un revenu. Si un mode de rémunération différent - je ne le
nomme même pas - enlève cette pression-là et donne, par
exemple, comme les médecins qui travaillent en HMO, qui ont des
incitatifs à la santé des gens pour avoir un retour sur
l'investissement lorsque les gens sont en santé, bien, là, ils
ont toutes sortes d'avantages à s'assurer que les gens n'arrivent pas
avec la hanche cassée à l'hôpital parce qu'ils savent que
ça coûte cher. (18 h 15) alors, dans le mécanisme en
question, il y a toute une série de pressions et d'incitatifs pour
transformer leurs gestes, peut-être de dire: je vais peut-être
faire moins de chirurgies de la hanche l'an prochain. au lieu d'en faire 100
dans mon année, je vais peut-être en faire rien que 50 mais, somme
toute, l'organisation va faire plus d'argent, puis ça peut être un
retour sur l'investissement du médecin. c'est donc donner un autre
incitatif pour garder ces gens en santé qui peut être le paiement
global dans une organisation où lui est payé à salaire. il
peut avoir un retour sur le profit de l'organisation, je ne le sais pas. il y a
toutes sortes de mécanismes. les gens, ici, au ministère, qui ont
étudié les hmo, ont très bien étudié
ça puis ont produit des documents là-dessus. c'est une autre
sorte d'incitatif pour l'encourager, lui, parce que, dans le système
actuel, il n'a aucun intérêt à passer de 100 chirurgies de
la hanche à 50. je veux dire, ce qu'il connaît, ce qu'il sait
faire, c'est faire des chirurgies, opérer la hanche. alors, lui, que le
système lui dise: tu vas en faire 50 de moins, donc, tu vas avoir une
réduction de 50 % de ton salaire, il n'a pas d'intérêt dans
le système actuel. c'est ce qu'il sait faire. alors, dans un
système, que ce soit par capitation, ou comme les hmo dont l'incitatif,
c'est la santé des gens, il n'a pas avantage à faire plus de
chirurgies parce que ça coûte plus cher à l'organisation.
donc, il a avantage à prévenir. on prend l'exemple des
chirurgies, mais ça peut être n'importe quel autre service.
II a avantage aussi à déléguer certains gestes qui
sont plus pertinents, plus efficaces. Faire de l'éducation sur un rhume,
sur une grippe ou encourager les gens à ne pas venir à l'urgence,
ce n'est pas utile. Un médecin qui gagne son argent à l'urgence,
il ne veut pas encourager les gens à ne plus venir à l'urgence
pour un rhume ou pour une grippe, c'est comme ça qu'il gagne sa vie.
Mais il a peut-être avantage, dans un autre système où les
incitatifs sont différents, à dire: Vous n'avez pas besoin de
faire ça; on peut faire de l'éducation aux patients.
Peut-être pas lui, parce que ça revient cher, de
l'éducation faite par un docteur, mais par une autre personne. Le mode
de rémunération puis l'organisation, l'objectif de l'organisation
dans laquelle il travaille, si elle n'est plus individuelle - pour son revenu
seulement - peut permettre ça.
L'autre chose qui m'apparaît importante, c'est que si on cherche
par ça à couper le salaire des docteurs de moitié, je
pense que là, l'incitatif majeur, vous venez de le couper. Il faut les
mettre à profit pour ce qu'ils savent faire, dans une organisation avec
d'autres professionnels de la santé, puis sans dire que c'est par leurs
seuls revenus à eux qu'on va aller chercher de l'argent, c'est par la
roue qui tourne, la roue de la production de services qu'eux entraînent
malicieusement dans leur mode de fonctionnement. C'est ça, pour moi, des
incitatifs qui feraient que demain matin, c'est possible.
Le Président (M. Joly): Merci. Mme la
députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Vermette: Oui. Pour continuer un petit peu dans la même
veine que mon collègue, moi, ça me pose la question suivante:
Est-ce que vous croyez justement que ces incitatifs-là pourraient
favoriser, d'une part, que les médecins délaissent un petit peu
certains services de santé, notamment tout ce qui peut toucher certains
nouveaux phénomènes comme la dépendance? On trouve
beaucoup de nouveaux phénomènes qui font en sorte qu'on a tout
médicalisé. Tout ce qui est nouveau, maintenant, on le
médicalise. Actuellement, je pense à certaines formes de
dépendance: ça pourrait être des gens qui ont des
dépendances en toxicomanie. On fait des traitements, des
thérapies, en fait, puis on médicalise un peu. Les gens qui ont
des problèmes d'obésité aussi, on part des
thérapies dans ce style-là.
N'y aurait-il pas lieu, à un moment donné, qu'on regarde
tout ça, là, les interventions médicales, qu'on en fasse
une analyse? À partir de ça, il y a certaines formes de
phénomènes qui pourraient être attribuables à une
pratique médicale, mais il y en a d'autres qui pourraient être
pour d'autres formes de professionnels tout aussi compétents et qui
seraient peut-être justement à l'intérieur d'un
système qui serait l'efficience, l'efficacité et puis la bonne
place pour le bon traitement.
Mme Colin: Absolument. C'est un peu dans cette optique que
s'inscrivait notre proposition de cliniques intégrées,
c'est-à-dire qu'il y ait une équipe de professionnels, dans le
fond, avec des compétences différentes, qui travaillent ensemble
dans un même objectif et que ça ne soit pas seulement la
responsabilité d'un corps professionnel qui peut, s'il le veut, se
référer à d'autres personnes, mais que ce soit vraiment un
travail d'équipe. Puis, dans ce sens-là, je pense qu'il faut voir
les services comme un continuum. Vous parlez de toxicomanie, par exemple. On
doit établir un continuum entre la prévention puis la
réadaptation, parce que toutes les étapes sont
nécessaires, mais elles ne sont pas nécessaires ni en même
temps ni au même moment pour tout le monde. Et, là encore, si on
travaille plus dans une optique de soins intégrés, on devrait
être capable d'agir au bon endroit au bon moment. Donc, c'est
effectivement ça.
Et, par rapport au partage des tâches, je pense qu'on a des
exemples déjà concrets de prise en charge de certains
problèmes de santé par des équipes multidisciplinaires
qui, effectivement, augmentent l'efficacité de la prise en charge. Je
pense, en particulier, aux femmes enceintes de milieux
défavorisés où l'ajout de nutritionnistes ou
d'infirmières et le travail en équipe avec une approche
concertée diminuent de beaucoup le taux d'enfants de petit poids et,
donc, sont très efficaces.
Le Président (M. Joly): M. le député, pour
les remercier, j'imagine.
M. Trudel: Alors, pour terminer, je pense qu'on aurait pu passer
plusieurs autres minutes ensemble et, quant à moi, en vous remerciant,
je vous laisse sur une réflexion. Parce que, moi, je suis inquiet aussi
d'un autre phénomène dans notre système - je pense qu'il
n'y a pas un groupe qui est passé ici sans qu'on ne l'évoque - je
suis inquiet de cette espèce de désoli-darisation d'une grande
partie de la population québécoise d'avec ses médecins. Je
ne pense pas que, comme société, on va aller beaucoup plus loin
et on va être bien meilleurs si on encourage, si on fait en sorte qu'on
poursuit une espèce de désolidarisation d'avec nos
médecins. Je ne veux pas accuser qui que ce soit. Je ne veux pas
déculpabiliser qui que ce soit. Je dis que, comme société,
moi, c'est un phénomène qui m'inquiète
profondément. Et là-dessus, ce que vous nous avez
présenté aujourd'hui, quant à moi, m'apporte des
éléments d'espoir de pistes sur lesquelles on peut travailler, et
également sur le problème fondamental, évidemment, qui
nous réunit ici, le financement du système de la santé et
des services sociaux. Savez-vous, je pense qu'on peut le sauver. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): M. le président, vous
remercier de cette bonne contribution, compte tenu du temps que vous aviez
à votre disposition. Je tirerai comme conclusion qu'il y a plusieurs
pistes de solution avec des propositions audacieuses. Mais, évidemment,
ça dépendra aussi du niveau de résistance du public, du
citoyen qui, lui, est en attente d'un service, et de savoir jusqu'où on
peut prendre de la pression de l'individu qui est sur une liste d'attente en
cardiologie, et ainsi de suite, au moment où, dans le
préhospitalier, on se rejoindra très prochainement sur une
politique très bien articulée et assez extraordinaire. Assez
extraordinaire!
M. Trudel: Eh qu'on a hâte!
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Évidemment, on a
juste 24 heures par jour, nous autres aussi. Dans ce sens-là, en
néo-natalogie, on a des pressions assez importantes aussi dans
différents domaines pour toujours ajouter, pour répondre à
des besoins qui sont réels. Il y a un virage à faire.
Évidemment, pendant le temps du virage, jusqu'où va aller la
tolérance à la douleur? Je pense qu'il y a cette
question-là aussi à vivre, qui, ciel! est très,
très imprégnée du quotidien, qu'il y a ça aussi
qu'il faut considérer. Mais il y a des pistes intéressantes, et
je pense que tout n'est pas perdu. Effectivement, on progresse. C'est ça
qui est important, de progresser à chaque jour. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Dr
Poupart.
M. Poupart: Je voudrais juste vous remercier de nous avoir
entendus aujourd'hui. On a choisi, dans notre document, de sortir du champ de
la prévention et de toucher à tous les domaines. Je vais vous en
lancer quand même une dernière, puisque je risque de ne pas
être au déjeuner à Rimouski, peut-être une petite
piste, aussi, qu'on pourrait examiner. On a donné des pistes d'action en
prévention et dans le curatif; il y en aurait peut-être d'autres
dans le domaine du préventif. Entre autres, on pourrait envisager
d'avoir un organisme central de prévention qui pourrait donner avec
justesse les endroits où on doit intervenir pour éviter une
certaine forme de duplication. Les DSC, et d'autres organismes qui font de la
prévention, font un excellent travail. Mais je pense, malheureusement,
qu'il y a une duplication, et envisager un organisme central fort dans le
domaine serait certainement une avenue à explorer.
M. Côté (Charlesbourg): Pas au déjeuner, mais
après votre retour de vacances.
M. Poupart: Oui.
Le Président (M. Joly): Madame et messieurs, merci de vous
être présentés. Donc, au nom des membres de cette
commission, merci. Au plaisir de vous revoir. Nous suspendons nos travaux
jusqu'à 20 heures, dans cette même salle. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 24)
(Reprise à 20 h 18)
Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec
Le Président (M. Joly): La commission reprend ses travaux.
Alors, je souhaite la bienvenue à la Fédération nationale
des associations de consommateurs du Québec. Je vois que
déjà vous connaissez la procédure. Vous vous étiez
avancés et tout ça. Je demanderais donc à la personne
responsable de se présenter, et aussi de nous présenter les gens
qui l'accompagnent. S'il vous plaît.
M. Beaudoin (Roger): Oui. Bonjour, M. le Président,
bonjour, Mmes et MM. les députés et ministres membres de la
commission Alors, je vais vous présenter les membres de notre
délégation.
Le Président (M. Joly): Votre nom à vous,
monsieur?
M. Beaudoin: Moi, je suis Roger Beaudoin. Le Président
(M. Joly): Parfait!
M. Beaudoin: Je suis coordonnâtes de l'ACEF de
Québec et coordonnateur du comité santé et services
professionnels de la FNACQ À l'extrême gauche, il y a Mme Lucie
Dupré, qui est de Auto-Psy de Québec. Ensuite, il y a M. Gilbert
Martin, coordonnateur de l'ACEF Rive-Sud de Montréal, et, à ma
gauche, Mme Lise Pilon, qui est présidente de notre
fédération.
Mme Pilon (Lise): Bonsoir.
Le Président (M. Joly): Bonsoir, madame. Alors, vous
connaissez un peu la façon de procéder. Vous avez une vingtaine
de minutes pour nous présenter votre mémoire Si vous en prenez
moins, ça donne plus de temps pour échanger avec les
parlementaires. Si vous en prenez plus, je me dois de couper sur la
cédule de temps qui nous est allouée. Alors, je vous laisse la
parole, M. Beaudoin.
M. Beaudoin: Merci, M. le Président. Je voudrais juste
déposer aux membres de la
commission un petit texte de trois pages qui fait la liste des
recommandations qui sont éparpillées un peu partout dans notre
mémoire. ça serait peut-être utile pour les membres de la
commission.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.
M. Beaudoin: Je vais maintenant céder la parole à
Mme Lise Pilon qui est notre présidente.
Le Président (M. Joly): Mme Pilon, je vous reconnais.
Mme Pilon: La Fédération nationale des associations
de consommateurs est une fédération d'organismes voués
à la défense et à la promotion des intérêts
des consommateurs et consommatrices, en particulier ceux à faibles et
à modestes revenus. Notre fédération a vu le jour en 1978.
Elle compte aujourd'hui huit organismes membres et elle intervient dans
différents domaines comme l'agro-alimentaire, la
téléphonie, l'électricité, l'endettement, le
crédit, la santé, les services professionnels, le
libre-échange, les préarrangements funéraires, pour ne
nommer que quelques-uns des dossiers où on a été
appelés à intervenir.
Nous regroupons huit associations de consommateurs qui sont des
associations coopératives d'économie familiale, par exemple, dans
l'Estrie, à Granby, Québec, et Rive-Sud. On a Auto-Psy de
Québec. Nous avons l'Association pour la protection des
intérêts des consommateurs de la Côte-Nord, le Centre de
recherche et d'information en consommation de Port-Cartier et de
Sept-îles. Les associations membres de la FNACQ ont un membership
individuel ou de groupe, ou les deux à la fois, ce qui représente
au total pour la FNACQ environ 125 000 personnes, membres ou
affiliées.
La FNACQ a toujours défendu qu'il fallait conserver la
gratuité pour les usagers et les usagères des services sociaux et
des soins de santé. Nous nous sommes impliqués avec d'autres
organismes sociaux et syndicaux dans une coalition qui a défendu le
maintien de la gratuité et qui a organisé un rassemblement face
à l'Assemblée nationale et une rencontre avec l'Opposition et M.
le ministre en juin dernier. Nous avions alors manifesté notre ferme
opposition aux mesures de ticket orienteur et d'impôt-services.
À notre avis, la gratuité doit être maintenue parce
qu'il a été démontré de nombreuses fois que la
gratuité pour l'usager n'était pas la source des problèmes
insolubles que connaît notre système de santé actuellement,
mais que c'était davantage au niveau de l'organisation des soins et des
services qu'il fallait agir. La gratuité est un acquis pour la
population du Québec que nous entendons défendre. Quand un
principe aussi fondamental que celui-là est ébranlé, il
pourrait malheureusement devenir de plus en plus facile de l'oublier dans
l'avenir et ça serait le début du démantèlement et
de la privatisation d'un régime qui a tant fait pour améliorer
les conditions de vie de la population, et qui représente l'un de nos
acquis sociaux les plus importants. La FNACQ tient fortement aux grands
principes de base de notre régime public de services sociaux et de
santé, soit l'accessibilité, l'universalité et la
gratuité pour l'usager et l'usagère.
La FNACQ a demandé que le régime fiscal
québécois, ses tendances récentes et leurs impacts sur les
différentes catégories socio-économiques fassent l'objet
d'une commission d'enquête publique. Il est regrettable que cette
commission n'ait pas encore été mise sur pied. À notre
avis, le régime fiscal québécois devient de moins en moins
progressif et la réforme de la taxe de vente provinciale est un exemple
flagrant, comme, d'ailleurs, évidemment, la TPS fédérale.
Plusieurs éléments présentés comme de possibles
solutions dans le document de consultation sur le financement des services de
santé et des services sociaux au Québec rejoignent des tendances
récentes que nous avons combattues et que nous continuons de combattre,
car ces politiques contribuent à élargir davantage l'écart
entre les riches et les pauvres et constituent une pression trop forte sur le
pouvoir d'achat des ménages à revenus modestes et moyens. Nous
allons maintenant passer à l'étude du contenu du document de
consultation et M. Gilbert Martin va poursuivre.
Le Président (M. Joly): M. Martin.
M. Martin (Gilbert): Alors, nos commentaires suivent un peu
l'ordre de présentation du document ministériel, là.
Ça pourra peut-être vous sembler chaotique mais je vais essayer de
résumer le plus possible.
Alors, pour nous, la première chose qu'on a remarquée,
c'est que l'approche du document était éminemment comptable.
Évidemment, comme il est. question de financement, c'est difficile de
passer à côté. On traite quand même un domaine
très particuler à dimension très sociale et on l'a
très peu ressenti à la lecture du document. On cherche donc en
vain une vision sociale, mais la préoccupation majeure qui transpire
à travers tout le document, c'est la préoccupation qui concerne
la «concurrençante» - en français, c'est la
compétitivité économique. Nous aurions aimé
disposer, au préalable, d'une politique de santé et de
bien-être. Elle nous aurait permis de connaître les objectifs
à atteindre dans le domaine de la santé et du bien-être.
Elle nous aurait aussi permis de mieux évaluer les moyens à notre
disposition, ce dont on parle en quelque sorte, ce soir. Et enfin, on aurait pu
entrevoir quelle peut être l'allocation des ressources disponibles en vue
des résultats à atteindre.
Pour ce qui est de la perspective générale qui concerne le
financement, dans le document, on établit des comparaisons avec
l'ensemble des pays de l'OCDE. Somme toute, sans entrer dans les
détails, les comparaisons, pour le Québec, sont tout de
même avantageuses. On remarque qu'on ne fait ni mieux, ni vraiment pire
qu'ailleurs. Selon les auteurs, cependant, il y a un optimum qui est atteint.
Il faut voir si on doit continuer à consacrer des ressources et à
en injecter de nouvelles dans les soins curatifs et dans le système de
santé tel qu'on le connaît actuellement. Alors, c'est certes une
bonne question. Cependant, pour nous, les réponses qui nous sont
proposées nous inquiètent. On va comprendre pourquoi à
travers l'ensemble des commentaires.
Dans le document, on propose de s'orienter d'abord, par exemple, vers
l'intervention en amont des problèmes, donc, vers la prévention,
ce avec quoi nous sommes tout à fait d'accord. Mais, de quelle
manière? C'est là où, pour nous, on va peut-être se
distinguer de plusieurs propositions qui nous sont faites. Nous
privilégions une politique de lutte contre la pauvreté, par
exemple, d'amélioration des conditions de logement, une politique active
de développement de l'emploi - pour ne pas parler du plein emploi -
alors que ce qui nous est proposé vise plutôt d'autres types de
politiques économiques.
Dans un autre ordre d'idées, le document fait des observations
sur les pressions sur les coûts de santé et on aborde, en premier
lieu, la demande de services. On parle de la question de la surconsommation.
Même dans le document, on est obligé d'avouer qu'il n'y a
peut-être pas nécessairement une surconsommation de la part des
usagers. Pour nous, il est très important de faire une distinction entre
la consommation des services de santé et des services sociaux et les
autres types de consommation. Souvent, on n'a pas d'alternative. Le service de
santé constitue en quelque sorte un monopole. On fait affaire avec des
professionnels qui ont la maîtrise, la connaissance pour résoudre
les problèmes de santé. Alors, en tant qu'usagers, que malades,
on est un petit peu, peut-être pas à la merci, mais on doit quand
même faire confiance aux gens qui nous offrent les services. On veut
rappeler qu'on ne consomme pas les biens et services de santé par
plaisir, on les consomme tout à fait par nécessité. Je
rappelle qu'on ne peut pas avoir d'alternative ou de compensation.
On rappelle aussi - et le document en fait mention - que les
problèmes qu'on retrouve au niveau de la consommation ne relèvent
pas nécessairement de facteurs individuels. En fait, les facteurs sont
plutôt d'ordre collectif, et on le cite dans le document: le
vieillissement, l'alourdissement des problèmes de santé et des
problèmes sociaux, etc. Pour nous, c'est une dimension importante
à rappeler. Lorsqu'on parle de responsabiliser individuellement les
usagers, j'ai l'impression que souvent on oublie cette dimension de
préoccupation plus collective. Donc, pour nous - et le document en fait
mention aussi - c'est plutôt envers l'offre de services qu'on devrait
peut-être avoir des préoccupations. Je cite le document:
«Dans le domaine de la santé, la demande suit l'évolution
de l'offre.» Et nous, en tant qu'usagers, on est un peu pris dans cette
dynamique-là.
Des facteurs qui, au niveau de l'offre, seraient à mieux
évaluer sont, par exemple, la pratique médicale et le mode de
rémunération des professionnels de la santé. Cependant, on
note l'absence d'une réflexion approfondie, justement, sur la
rémunération des professionnels de la santé. On est
plutôt déçus à cet égard. On croit aussi
qu'il faut accorder une attention particulière à toute la
question de la technologie et de la pharmacopée. Tout ça, ce
n'est pas la panacée, alors que souvent, ça nous est
présenté comme ça.
Au plan de l'argumentation gouvernementale, la problématique est
intimement liée à toute la problématique des finances
publiques. C'est le noeud de l'argumentation dans le document. On nous parle,
là, de la part du PIB qui est consacrée aux dépenses dans
le domaine de la santé. Est-ce qu'on a les moyens de consacrer autant de
ressources? Pourtant, les statistiques sont équivalentes à celles
de plusieurs pays européens, quoique notre part du PIB soit moindre que
celle des États-Unis, ou peut-être plus que celle du Canada ou de
certaines provinces canadiennes. On dit que la très forte concentration
de dépenses par rapport au PIB fait en sorte que ça nuit à
la compétitivité.
Pour nous, il y a peut-être moyen de voir le problème
autrement. À la page 18 du document, on s'est permis de citer M.
Neufeld, de la Banque Royale du Canada, qui fait remarquer, dans une
comparaison des systèmes de santé des États-Unis et du
Canada, que même si au Canada on a une part très forte du PIB qui
est consacrée aux services de santé, quelque part, ça peut
devenir avantageux. Ce qu'il s'agit de savoir, ce n'est peut-être pas
nécessairement la part, en termes absolus, consacrée aux services
de santé, c'est plus l'efficacité des dépenses du
système de santé. C'est peut-être là-dessus qu'il
faudrait se pencher plutôt que strictement sur la part des
dépenses qui y sont accordées. (20 h 30)
D'autre part, le gouvernement fait aussi des propositions sur le
contrôle des dépenses des services sociaux et de santé afin
d'infléchir et de réallouer les ressources, ou même de
diversifier les sources de financement. Il y a des recommandations qui sont,
pour notre part, intéressantes, par exemple lorsqu'on parle du
contrôle de la rémunération des professionnels. Mais de
quelle façon cela se fera-t-il? L'amélioration du contrôle
des prix des médicaments, je pense que c'est un impératif, et le
contrôle des
technologies de la santé, là aussi, c'est un
impératif intéressant à considérer. On parle aussi
du contrôle de l'évolution de la main-d'oeuvre médicale et,
pour nous, c'est très important. Comme on le signalait, il y a des
associations qui sont en régions éloignées et elles se
sentent particulièrement concernées par cette dimension.
Pour les autres suggestions, les autres commentaires sur les diverses
suggestions qui nous ont été faites, mes collègues feront
d'autres commentaires. Je passe la parole à Lucie Dupré.
Le Président (M. Joly): Mme Dupré.
Mme Dupré (Lucie): Dans le même ordre
d'idées, une des voies à explorer, que le ministère
propose afin de contrer les dépenses globales, d'une part, et de
réorienter les ressources disponibles, d'autre part, est de se tourner
vers le réseau des organismes communautaires. Depuis qu'on a reconnu le
milieu communautaire, d'abord dans le livre blanc, puis dans la Loi sur la
santé et les services sociaux, on pouvait s'attendre à ce qu'on y
fasse référence dans le document de consultation sur le
financement. On y fait effectivement référence, pas dans une
optique de financement de ces organismes, mais plutôt dans la mesure
où les services que ces organismes dispensent sont moins
coûteux.
On propose même, dans le document, de remplacer les ressources
institutionnelles par un développement de services alternatifs moins
coûteux, par exemple, les organismes communautaires. Il est connu que les
organismes communautaires ont depuis longtemps réussi à faire
beaucoup avec peu. Le ministère ne pourra toutefois exiger que les
organismes communautaires qui sont déjà en place puissent
remplacer le réseau institutionnel sans que des moyens financiers
importants y soient associés. Il y va vraiment de la qualité des
services et, par conséquent, de la santé et du bien-être
des citoyens. C'est pourquoi on est surpris de constater qu'il n'est pas
question de financement au niveau des organismes communautaires.
C'est pourquoi il ne faudrait pas croire que le communautaire pourrait
dispenser de nouveaux services sans qu'il y ait un financement
supplémentaire. À ce sujet-là, on aimerait rappeler au
ministère l'engagement qu'il a pris dans le livre blanc
d'accroître de 8 000 000 $ par année, pendant cinq ans, les sommes
qui sont allouées aux organismes communautaires. C'est donc 8 000 000 $
sur un budget total, pour la santé et les services sociaux, de 12 000
000 000 $, et c'est bien peu. C'est vraiment étonnant de constater que
le document du ministère sur le financement n'en fasse pas mention.
C'est pourquoi nous recommandons un financement adéquat, sur une base
triennale pour les organismes communautaires oeuvrant dans le domaine de la
santé et des services sociaux.
D'autre part, pour ce qui est de la carte à mémoire, comme
nous l'avons déjà mentionné souvent, nous avons des
réserves quant à son utilité et à son application.
Nous avons deux préoccupations majeures: d'une part, la protection de la
confidentialité de l'information stockée dans la mémoire
de la carte et, d'autre part, le danger d'utilisation de cette carte comme
moyen de contrôle et de rationnement des services sociaux et de
santé.
Ainsi, considérant le manque d'information générale
sur le sujet et les dangers au niveau de la confidentialité des
renseignements, nous recommandons au ministre de la Santé et des
Services sociaux de promouvoir la tenue d'un véritable débat
public sur le développement de l'informatisation dans la vie de tous les
jours et, notamment, dans le domaine de la santé et des services
sociaux. En attendant la tenue de ce débat public, nous demandons un
moratoire sur toute nouvelle expérimentation d'informatisation touchant
les dossiers des usagers.
À un autre niveau, nous sommes tout à fait d'accord pour
que les usagers des services de santé et des services sociaux soient
sensibilisés au coût des services utilisés. Toutefois,
outre l'aspect éducatif d'une telle mesure, il faudrait éviter
que le message reçu par l'usager soit qu'il coûte trop cher
à l'État. C'est pourquoi on favorise un type d'information
directe et immédiate sur le coût des services, sous la forme d'un
bordereau ou d'une facture que l'usager devrait signer lors de chaque
consultation et sur laquelle on retrouverait le type de service reçu et
le coût associé. Il s'agirait donc d'une mesure de sensibilisation
aux coûts pour les usagers, d'une part, et d'un certain contrôle
sur le type et le nombre d'actes médicaux déclarés pour
les médecins, d'autre part.
Par ailleurs, nous maintenons notre opposition au ticket orienteur. Si
le ministre envisage d'appliquer le ticket orienteur afin d'orienter les
usagers vers des ressources autres que l'urgence pour des problèmes de
santé mineurs, nous croyons qu'il existe des moyens peut-être plus
adaptés, dont l'éducation, une campagne d'information
auprès de la population et surtout, peut-être, l'instauration,
d'abord, de services de première ligne, dont les CLSC, qui seraient
ouverts les soirs et les fins de semaine avec des services médicaux
disponibles. De plus, les frais d'administration du ticket orienteur pourront
être plus élevés que les revenus qu'il pourrait
engendrer.
D'autre part, pour la majorité des citoyens, ce n'est pas facile
de déterminer le degré d'urgence d'un problème de
santé. Est-ce que c'est une urgence d'hôpital ou davantage pour un
CLSC? De plus, le ticket orienteur risque de toucher davantage les personnes
à faibles et modestes revenus pour qui 5 $ est très significatif.
Finalement, le ticket orienteur constitue une brèche importante dans le
principe de
gratuité des services de santé et des services sociaux et
ça constitue un premier pas dangereux dans l'instauration d'un ticket
modérateur. Pour la suite, je cède la parole à Roger
Beaudoin.
Le Président (M. Joly): M. Beaudoin.
M. Beaudoin: Alors, pour tenter d'aller de façon
très succincte dans la suite... En tout cas, grosso modo, il y a
beaucoup de propositions ou de possibilités, dans le document de
consultation, mais il y a beaucoup de choses qui nous semblent être
inacceptables parce que certaines mesures envisagées sont plus
régressives que le financement actuel du système de santé,
qui est basé quand même, aujourd'hui, en grande partie du moins,
sur l'impôt sur le revenu, qui est quand même une mesure plus
progressive.
Quand on parle de tarification, quand on parie de ticket
modérateur, par exemple, il nous semble qu'il y a des gros
problèmes dans ce type de financement. Pratiquement toujours... Il y a
toujours des perdants et les gens aux revenus les plus élevés,
par exemple, n'ont jamais de problème avec ça, tandis que
d'autres personnes peuvent avoir des problèmes, incluant des gens
à modestes et moyens revenus. Par exemple, le ticket modérateur
dont il est question et qui est envisagé, ça a été
démontré de nombreuses fois que ça diminue la demande de
services, mais surtout celle des gens à revenus plus faibles. Si jamais
vous dites: Les gens à revenus plus faibles seront
protégés de cette mesure-là, à ce moment-là,
ce sont des gens juste au-dessus de la barrière que vous aurez
indiquée, que vous aurez mise. Ces gens-là, ce sont eux autres
qui vont être les victimes de cette mesure-là et il y aura des
problèmes à court terme pour ces gens-là, et aussi
à long terme pour l'ensemble de la santé publique au
Québec. Voilà!
D'autre part, la taxe de vente du Québec, pour nous, c'est
quelque chose de très grave, que ce soit fait comme ça, la
réforme. D'abord, il faut souligner qu'on s'est battus beaucoup contre
la TPS fédérale. D'ailleurs, le gouvernement provincial s'est
battu beaucoup contre la TPS fédérale, du moins en paroles.
Ensuite de ça, il s'est empressé de s'ajuster à la TPS
fédérale, et sans aucune consultation, quelle qu'elle soit.
Ça, pour nous, c'est grave, comme association de consommateurs, et pour
les consommateurs et les consommatrices, ça a été quelque
chose de très grave. À notre avis, et c'est très clair,
c'est une mesure très régressive pour toutes sortes de raisons,
mais je n'entre pas dans les détails.
Alors, pour nous, grosso modo, ces mesures-là ne sont pas
vraiment acceptables et on pense qu'en fait il faudrait maintenir les services
de base gratuits. Il faudrait aussi maintenir les services
complémentaires tels qu'ils sont et gratuits. Si on nous dit:
Écoutez, ça nous prend de l'argent de plus, d'abord, on vous dit
qu'on est d'accord avec une certaine partie des recom- mandations en termes de
contrôle des coûts. Si on nous dit qu'il y a un besoin d'argent
supplémentaire, à ce moment-là, on se dit: On aurait
dû faire un examen du régime fiscal québécois dans
son ensemble et pas seulement de la question du financement des services de
santé. Les entreprises ont eu des diminutions de leur part de charge
fiscale, entre autres, par la réforme de la taxe de vente et aussi,
quand même, il y a eu des diminutions importantes du taux d'imposition
maximum pour les gens à revenus élevés et d'autres types
d'abris fiscaux qui ont quand même facilité la vie des gens
à revenus élevés, tandis que les gens à revenus
modestes et moyens, eux autres, ça a été vraiment la
claque, si vous me permettez l'expression.
Donc, à ce, moment-là, s'il y a vraiment de l'argent
supplémentaire, bien, il faut aller le chercher du côté
d'une légère augmentation de la part des entreprises et d'une
légère augmentation de la part des gens à revenus
élevés. On ne parle pas de dizaines de milliards. Vous parlez de
200 000 000 $ à 400 000 000 $ par année. D'un autre
côté, c'est clair pour nous que le fédéral est un
des principaux responsables de la situation actuelle. Et, si vous voulez faire
des pressions encore auprès du gouvernement fédéral, comme
beaucoup de gens au Québec et probablement beaucoup de gens ailleurs
dans les provinces, on est prêts à les faire avec vous, parce que
c'est vrai que ça n'a pas de sens que le fédéral se soit
désengagé jusqu'à ce point-là du financement de la
santé.
Alors, donc, pour nous, le financement doit demeurer au niveau de la
fiscalité générale, mais s'il faut augmenter, c'est
vraiment ceux qui ont profité de diminutions qui doivent faire leur part
davantage. D'autre part, on est prêts, tout de même, à
examiner la possibilité de ce qu'on appelle l'impôt-santé,
mais évidemment, à condition qu'il y ait des modalités
très précises sur la table et à condition que les
modalités soient d'ordre progressif, soient vraiment progressives et pas
régressives comme, par exemple, la taxe de vente. Alors, en gros, c'est
ça qu'on a à vous dire. Pour les détails,
évidemment, on est prêts à échanger avec vous.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Beaudoin. M. le
ministre, à vous la parole.
M. Côté (Charlesbourg): merci, m. le
président. je pense ne pas me tromper en disant que de manière
générale vous souhaitez le statu quo. de manière
générale, excepté l'ouverture que vous avez faite à
la fin de votre présentation: en dernier recours et vraiment en ultime
recours, si on est bien mal pris, impôt-santé, si c'est vraiment
nécessaire.
Deuxième observation. Vous ne voyez pas de vision sociale dans le
document qui a été déposé. Je dois vous dire que je
ne sais pas ce que ça
prend pour en voir une. Lorsqu'on consacre 12 000 000 000 $, 31 % aux
services de santé et aux services sociaux, et qu'on ne voit pas de
vision sociale, ça me paraît inquiétant un petit peu
à ce niveau-là, alors que dans toutes les mesures
proposées à l'intérieur du document, il y a toujours la
notion très claire de protection des démunis. Si ça, ce
n'est pas une vision sociale, je me demande ce que c'est qu'une vision
sociale.
Ma première question va être la suivante: Est-ce que vous
considérez socialement acceptable que le gouvernement du Québec
continue d'avoir des déficits de 3 000 000 000 $, de 4 000 000 000 $ et
qu'on les fasse payer aux générations futures parce qu'elles vont
faire aussi partie de la société de demain?
Le Président (M. Joly): M. Beaudoin.
M. Beaudoin: Alors, M. le ministre, effectivement, on
s'aperçoit, dans votre question, que la question centrale est une
question de fiscalité et non pas spécifiquement de financement de
services de santé, même si les services de santé et les
services sociaux sont un gros morceau dans les dépenses de
l'État. Il aurait fallu, plutôt, regarder ce qui se passe au
niveau du régime fiscal actuel et ce qui s'est passé depuis
quelques années.
Je vais vous rappeler deux ou trois petites choses. Par exemple, ici,
j'ai devant moi une coupure de presse qui dit: «Les exemptions fiscales
aux grandes compagnies sont responsables de l'endettement du pays.» On
parle du Canada, à ce moment-là, Statistique Canada. C'est une
étude qui est sortie il y a à peu près quelques mois et
qui montre qu'il y a eu beaucoup d'avantages fiscaux qui ont été
consentis aux entreprises et qui ont nui aux entrées d'argent de
l'État fédéral.
Au niveau de l'État québécois, c'est
peut-être un peu moins pire, mais il y a certainement eu des diminutions
de ce côté-là. Donc, il faut vraiment évaluer la
part des entreprises dans la fiscalité. Il y a d'autres chiffres qui
sont sortis dernièrement. Par exemple, aux États-Unis, c'est 7,5
% du produit intérieur brut qui représente les charges fiscales
des entreprises et au Canada - au Québec, on manque de données,
mais ça doit être de cet ordre-là - c'est 6 %. Donc, il y a
une marge de manoeuvre au niveau de la fiscalité qui n'est pas
actuellement utilisée par le gouvernement du Québec. Il y a eu
aussi des diminutions d'impôt sur le revenu, surtout au niveau des gens
à revenus élevés, entre autres, le passage de 32 %
à 24 % du taux maximum d'imposition. Il y a toutes sortes de raisons
à ça. Nous, on ne dit pas de revenir à 32 %, on dit de
regarder la possibilité d'aller chercher un léger surplus. Donc,
actuellement, il y a une marge de manoeuvre présente au Québec et
au Canada qui n'est pas utilisée. Après ça, on se retourne
et on dit: Écoutez, vous voyez bien, on n'est pas capable d'aller plus
loin, on n'est pas capable de remettre en question la part des
différentes sources fiscales de nos revenus fiscaux. alors, on est
placé devant cette situation-là. il faut couper dans des choses,
ou bien il faut augmenter encore les taxes ou l'impôt des gens à
revenus modestes et moyens. alors, ça, ça va trop loin. ça
montre justement la nécessité de revoir ce qui se passe au niveau
de la fiscalité.
D'autre part, dernier élément, quand vous dites
«protéger les démunis», je suis bien d'accord que
c'est beaucoup mieux, quand on parle d'une TPS fédérale ou d'une
TVQ, de dire qu'il va y avoir des crédits d'impôt pour les gens
démunis. Je suis tout à fait d'accord par rapport à
ça. C'est moins pire, mais ça ne règle pas la question de
la régressivité de ces mesures-là et de l'appauvrissement
que ça cause au niveau de la classe moyenne.
Pour vous donner un exemple, ce serait peut-être utile que je vous
donne à tous et toutes un petit tableau que vous avez probablement
déjà vu. Je m'excuse, je n'étais pas sûr de m'en
servir, alors je ne sais pas si quelqu'un pourrait venir les chercher. C'est
tout simplement un tableau qui montre, au niveau de la TVQ, tel que
c'était proposé, à 7 % en 1992, l'impact que ça
aurait en pourcentage des dépenses des ménages suivant le revenu.
Ce qu'on constate par rapport à ça, c'est que les gens à
faibles revenus, même si on leur donne un crédit d'impôt,
ça veut dire une dépense, dans un an, ' supérieure, en
pourcentage de leurs revenus à celle des gens à revenus
élevés, de 100 000 $ par exemple, pour la TVQ en tant que telle.
(20 h 45)
Alors, c'est des questions comme ça qu'on devrait discuter quand
on parle du déficit et quand on parle de l'accumulation. C'est de choses
comme ça qu'on devrait parler et on aimerait avoir un cadre beaucoup
plus large que celui qu'on a actuellement.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est une
décision qui a fait beaucoup jaser, qui va continuer de faire jaser et
qui, supposément, doit garnir les coffres du gouvernement du
Québec. Malgré le fait que ça puisse garnir les coffres du
gouvernement du Québec, on a un déficit qui est réel - il
est là - de 4 000 000 000 $, qui ne peut pas être uniquement
l'affaire des compagnies sur le plan de la marge de manoeuvre supposée
au niveau des compagnies. Je ne vous dis pas qu'il n'y en a pas une. C'est la
bataille des chiffres des experts, et même, nous autres, on vient qu'on
ne sait plus si c'est vrai ou si ça ne l'est pas.
Il est clair qu'à ce niveau-là ce n'est pas uniquement
ça qui peut combler l'écart sur le plan financier et je vous dis
- vous n'êtes pas obligés de le partager - que c'est aussi
socialement inacceptable de prendre ces déficits et de les faire payer
par les générations futures. Moi,
je ne marche plus là-dedans, premièrement, et on va devoir
avoir au moins le minimum de déeence comme société
aujourd'hui, demain, de ne pas faire en sorte que ce qu'on consomme comme
services aujourd'hui soit payé par les générations
futures, en plus de payer tout ce qu'elles auront à payer pour se donner
les services. Pour moi, ça aussi c'est une vision sociale, la
société qu'il faut respecter, et ça, c'est nos enfants,
c'est vos enfants et c'est ceux qui feront le Québec de demain et le
Canada de demain.
On parle d'un certain nombre de choses dans le résumé. Une
partie disait: Accessibilité, universalité, gratuité pour
les usagers et les usagères, sinon il y a un danger pour l'accès
aux services pour une partie de la population qui a des revenus modestes et une
partie de la population qui est à faibles et moyens revenus. Comment
vous expliquez, par exemple, que dans les soins dentaires, qui est un programme
dont vous revendiquez le statu quo, alors que c'est accessible, c'est
universel, c'est gratuit, on se retrouve avec une population à faibles
revenus qui ne l'utilise pas? La démonstration a été faite
de manière très claire que c'est ceux qui ont des revenus moyens
et des bons revenus qui l'utilisent. Ce n'est pas un principe
d'universalité, d'accessibilité et de totale gratuité qui
fait qu'automatiquement les gens se servent de ces services de santé
là. Et j'imagine que ce n'est pas uniquement une question d'information
ou de manque d'information, certainement pas en 1992.
M. Beaudoin: Écoutez, s'il y a des gens qui veulent
rajouter... Moi, j'esquisserais une réponse. La problématique,
vous avez tout à fait raison, effectivement, c'est qu'il y a certains
services qui ne sont pas assez utilisés par les gens à faibles
revenus. J'aurais deux choses à dire par rapport à ça.
D'abord, il faut dire qu'il n'y a pas nécessairement tant de
publicité que ça qui se fait par rapport aux droits ou aux
services qui sont disponibles à l'ensemble de la population, une des
raisons étant qu'on ne veut pas trop, non plus, stimuler la demande. Les
gens à revenus moyens sont beaucoup plus informés, en
général, par toutes sortes de sources que les gens à
revenus faibles, pour toutes sortes de raisons. Il y a beaucoup de gens qui se
retrouvent dans les revenus faibles qui sont des gens analphabètes ou
des gens qui ont peu de contacts avec la presse de façon
régulière, ou avec des professionnels de façon
régulière. Il y a aussi le fait que quand on augmente...
Quand il y a une grosse partie de la population qui est pauvre, il y a
un sentiment, il y a une réalité d'exclusion sociale qui est
là, qui est présente et qui a été, d'ailleurs,
analysée par plusieurs chercheurs, entre autres, du ministère de
la Santé et des Services sociaux. Il y a des études qui ont
été faites qui ont montré que les messages ou
l'information qu'on fait circuler par rapport à manger mieux ou manger
telle chose sont perçus de façon différente par les gens
des quartiers populaires ou les gens à revenus faibles. Alors, ce qu'il
faudrait faire, ce n'est pas dire: On va remettre en question l'application
universelle de ce programme-là parce que les gens à revenus
faibles ne l'utilisent pas. Il faudrait plutôt dire: Comment pourrait-on
s'organiser pour que les gens à revenus faibles s'organisent pour,
effectivement, y avoir accès dans les faits réellement?
D'autre part, c'est évident que ce genre de mesures qui sont
intéressantes - l'assurance dentaire pour les enfants - ne
réglera pas fondamentalement la question des inégalités
sociales importantes, la question du chômage, la question de la
pauvreté. Ça prend aussi d'autres formes de politiques comme le
développement de l'emploi, comme la lutte contre les mauvaises
conditions de logement, d'autres mesures comme ça qui ne
dépendent d'ailleurs pas seulement du ministère de la
Santé et des Services sociaux, mais qui dépendent de l'ensemble
de l'État et de l'ensemble de la société. Je ne sais pas
si...
M. Côté (Charlesbourg): On me signifie qu'il ne me
reste pas grand temps. Il y a quand même une autre question que
j'aimerais poser, en particulier à madame qui représente
Auto-Psy.
Le Président (M. Joly): Mme Dupré.
M. Côté (Charlesbourg): vous nous dites: une carte
à microprocesseur, c'est presque un danger; c'est peut-être
davantage un instrument de contrôle qu'un instrument qui va
améliorer la qualité. or, plusieurs prescripteurs ou
dispensateurs de services nous vantent l'utilité d'un outil comme
celui-là sur le plan de la qualité de l'information,
effectivement, pour dispenser un certain nombre de services et s'assurer, par
exemple, de regroupements de médicaments qui auraient des effets
multiples pour une personne qui va consommer de multiples médicaments.
je pense que votre réputation n'est plus à faire sur le plan de
l'intérêt des clientèles que vous défendez.
regardons uniquement les médicaments. dieu sait que vous supportez et
défendez une clientèle qui a une certaine consommation de
médicaments. je vais éviter, là, la deuxième
recommandation disant: nous demandons que le ministère cesse d'invoquer
de présumés abus. on ne parle pas d'abus, à ce moment-ci,
on parle uniquement de surconsommation de médicaments.
À mon bureau de comté, comme ailleurs, j'ai reçu
des gens qui sont venus m'informer d'une consommation assez effrayante, merci,
de médicaments. On m'a même donné des cas de 27 pilules par
jour pour un bénéficiaire qui a été
désinstitutionnalisé, qui est en famille d'accueil. C'est
prescrit par quelqu'un, ça, avec le regroupement d'autres
médicaments. Il vient qu'il ne sait plus ce qu'il y a dans la maison,
si, effectivement, c'est un bénéficiaire qui est en con-
trôie. Est-ce que la carte à microprocesseur n'aurait pas
aussi des qualités d'une meilleure continuité des services
à dispenser à un individu et, finalement, d'augmenter la
qualité du suivi de l'individu et non pas du contrôle de
l'individu, premièrement? Deuxièmement, pour vous autres, est-ce
que la Commission d'accès à l'information est suffisamment
crédible pour donner des avis valables quant à la carte à
microprocesseur?
Le Président (M. Joly): Mme Dupré.
Mme Dupré: Je vais prendre la première partie de la
question. Ce qu'on dit dans notre mémoire, et on l'a déjà
dit aussi dans les mémoires précédents, c'est qu'on suit
quand même avec intérêt ce dossier-là. Aux
dernières nouvelles, je pense que le projet-pilote n'était pas
encore en application. D'ailleurs, on a peu d'information là-dessus et
c'est pourquoi on essaie de suivre le dossier. C'est sûr qu'on peut y
voir certains avantages. Si l'information était toute stockée
à la même place, on pourrait prévenir certains abus au
niveau de médicaments, d'ordonnances qui pourraient être
contraires, mais on y voit aussi de très grands risques. C'est cela
aussi qui fait que... On ne rejette pas complètement l'idée, mais
c'est ça.
J'aimerais dire aussi que, pour la clientèle qu'on dessert, c'est
vrai que les gens consomment parfois beaucoup de médicaments. Moi, je me
dis toujours que si les gens en consomment, c'est parce qu'il y a des
médecins, il y a des spécialistes qui les prescrivent. Ça
ne veut pas dire non plus que les gens les prennent toujours parce que,
effectivement, des fois, c'est des pharmacies ambulantes et il faut regarder
aussi de ce côté-là. Ça peut être le
contrôle. La carte peut servir à ça. Elle peut servir
peut-être à contrôler certains abus dont les
bénéficiaires pourraient se rendre coupables, soit parce qu'ils
vont voir plusieurs spécialistes, mais ça peut aussi permettre de
contrôler les actes que vont poser les médecins et aussi les
prescriptions. Peut-être qu'un médecin va voir qu'un autre a
prescrit des choses qui n'étaient peut-être pas convenables ou qui
étaient en trop grande quantité.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, c'est un bon
contrôle.
Mme Dupré: À ce niveau-là, ça
pourrait l'être. Comme je vous le dis, on essaie de voir le pour et le
contre, mais on y voit de très grands risques au niveau des usagers. On
nous a dit que l'information pourrait être compartimentée, qu'il y
aurait cinq ou six tiroirs. Ça, ça peut être une
sécurité parce que, par exemple, quelqu'un qui reçoit des
services en psychiatrie n'a pas besoin que son médecin, son dentiste ou
son pharmar-cien sache nécessairement toutes ces informations-là.
Il y a des choses comme ça qui nous rassurent.
M. Côté (Charlesbourg): Juste là-dessus, sur
le plan de l'information, effectivement, le projet vient de démarrer
à Rimouski sur le plan de l'expérience-pilote. Mais si jamais
vous passez par Sherbrooke, je vous invite à aller au CHUS, où
c'est peut-être le projet qui est le plus avancé au Canada sur le
plan d'un système informatisé, et à voir pour le
bénéficiaire de services tous les effets bénéfiques
quant à la qualité des actes, quant au contrôle non pas du
bénéficiaire, mais de la qualité des actes
dispensés à l'individu. J'ai eu l'opportunité d'y aller
avec l'autorisation d'un bénéficiaire, donc pas un cas fictif,
mais un cas réel avec les clés, avec les compartiments
surveillés par la Commission d'accès à l'information pour
protéger l'information confidentielle d'un individu. Je peux vous dire
que c'est assez étonnant ce que le bénéficiaire peut en
tirer, et ça m'a convaincu.
Mme Oupré: À ce niveau-là, moi, je trouve
ça dommage que la population en général, les citoyens, les
usagers n'aient pas accès à cette information-là, qu'on
n'ait pas plus de données sur ce qui se passe présentement, sur
ce qui s'en vient. C'est vraiment dommage parce que c'est quand même
majeur et ça nous concerne tous. D'autre part...
M. Côté (Charlesbourg): Mais, ce qu'il faut quand
même comprendre, c'est qu'on est dans une situation où c'est deux
projets-pilotes. On peut au moins leur laisser la chance de finir, et
après ça l'information circulera. S'il y a des biais à
constater au moment de l'expérience-pilote, ils vont être
corrigés. C'était ma dernière question tantôt. Vous
n'y avez pas répondu. Est-ce que, pour vous, la Commission
d'accès à l'information est suffisamment crédible pour
encadrer ce genre d'expérience et mettre les barrières qu'il faut
pour éviter qu'on aille dans les vices que vous appréhendez et
qu'on ne veut pas du tout nous autres non plus? Je pense que la Commission
d'accès à l'information, ça peut être
crédible un peu.
M. Martin: Est-ce que vous me permettez une question? Est-ce
qu'à ce moment-là on envisagerait une législation sur la
confidentialité des données? La FNACQ mène un autre
dossier et a déjà comparu auprès d'une commission en ce
qui regarde la confidentialité des informations personnelles. Il y a
certains aspects du Code civil qui y touchent, mais il y a comme un vide
législatif en général. C'est pour ça que, nous, on
a peut-être des réticences. On sait bien que peut-être la
carte à puces pourrait être un outil intéressant pour la
rationalisation des ressources etc., sauf que ce qui nous fait craindre, c'est
qu'on ne sait pas si au niveau législatif ce sera blindé. C'est
pour ça qu'on a des réticences.
M. Côté (Charlesbourg): Dépendamment de ce
que la Commission d'accès à l'information - je termine
là-dessus - nous fera comme recommandations, parce qu'à la fin du
rapport c'est elle qui donnera l'aval ou non, ou un aval conditionnel. À
ce moment-là, le législateur aura, lui, son travail à
faire et le parlementaire...
M. Martin: Est-ce qu'il y aurait à ce moment-là une
consultation publique et une consultation très serrée et
très conviviale, pourrait-on dire, des usagers, par exemple, des
services de santé ou des consommateurs en général?
M. Côté (Charlesbourg): Écoutez, je pense que
c'est une chose envisageable. On ne s'est pas privé de consulter au
cours des dernières années. On va en être la semaine
prochaine à notre 23e semaine de commission parlementaire sur le
système de santé et de services sociaux. Donc, sur 52 semaines
qu'il y a dans l'année, on va en avoir passé à peu
près 23 en commission parlementaire. On ne s'en est pas trop trop
privé et je pense qu'à ce moment-là ce n'est pas une ou
deux de plus qui vont nous empêcher de dormir. Donc, ça demeure
dans le domaine des possibilités.
M. Beaudoin: Est-ce que je pourrais faire ajouter une minute
d'information?
Le Président (M. Joly): Une courte minute, s'il vous
plaît.
M. Beaudoin: D'accord. Alors, ce sera très court. C'est
que, effectivement, la FNACQ, on a rencontré des gens de la Commission
d'accès à l'information pour parler du dossier de
l'informatisation des dossiers de l'usager et de l'usa-gère. On a fait
des recommandations. On a eu l'impression qu'on était bien accueilli. On
est content de voir que la Commission intervient un petit peu plus dans les
médias par rapport à des dossiers qui touchent un peu ces
choses-là. On la voit aller. On trouve ça plutôt positif,
mais on aimerait quand même que d'autres organismes puissent être
associés à ces démarches-là comme, par exemple, la
Ligue des droits et libertés ou, comme le disait mon collègue,
une possibilité de consultation plus large à un moment
donné.
Ceci dit, on se permettra, je pense, de vous envoyer copie de nos
recommandations à la Commission d'accès à l'information,
parce qu'il y avait aussi dans nos recommandations que la Commission se fasse
davantage connaître du grand public, non pas seulement sur la question de
l'accès à l'information, mais sur la question de la protection
des renseignements personnels. Ça, c'est très méconnu son
rôle là-dedans. Il faudrait qu'il y ait une affirmation plus forte
de ça et, enfin... Pour être bref, je m'en tiendrai à
ça pour le moment, mais ça nous fera plaisir de vous envoyer un
exemplaire de notre mémoire là-dessus.
M. Côté (Charlesbourg): merci.
Le Président (M. Joly): Merci. Merci, M. le ministre. Je
vais reconnaître M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue. S'il vous plaît, M. le
député. (21 heures)
M. Trudel: Merci beaucoup. Merci de cette présentation.
Lorsqu'on examine des modifications aux grands pans de notre
société, on retrouve dans le circuit, je dirais heureusement, la
Fédération nationale des associations de consommateurs. Vous
êtes toujours là avec - nous le savons aussi - des moyens qui sont
extrêmement faibles. Alors, c'est d'autant plus apprécié,
la vision que vous nous donnez ce soir. Je pense qu'il faut avoir, sur le
continuum, la vision de tout le monde parce qu'on touche au tiers de
l'État, on touche à un bien collectif absolument essentiel pour
le Québec. C'est ça qu'on discute ces jours-ci. C'est important
que des groupes comme vous viennent nous donner aussi leur vision des
choses.
J'essaie d'en faire un petit bout supplémentaire, toujours sur la
carte informatisée. Ce que vous dites, finalement, c'est que ce n'est
pas tout que des spécialistes nous rassurent, au niveau de la Commission
d'accès à l'information, par exemple. Mais ça, c'est aussi
une question sociale, une question de société, et c'est important
qu'on ait le débat qui favorise l'information et permet de voir dans
tous les recoins. C'est ça que je veux vérifier avec vous et,
aussi, que tout cela s'accompagne de garanties législatives. C'est assez
important, ce que vous avez mentionné.
Si on prend la loi de l'impôt, par exemple, la loi de
l'impôt est très très claire au niveau de la
confidentialité. Il y a même une responsabilité politique
qui est inscrite dans la loi au niveau de la confidentialité des
informations. Quand on est en matière de vie quotidienne des citoyens,
de leur santé, de ce qu'ils sont comme êtres humains dans notre
société, eh bien, le professionnel ne peut avoir le même
degré d'imputabilité. Alors, je pense que oui, il faut avoir un
débat assez large. Mais vous, vous dites: On est prêt à le
faire ce débat-là, il faudrait le faire rapidement. C'est
ça que vous dites? Vous êtes prêts à le faire ce
débat-là et à le faire très rapidement?
M. Martin: Très rapidement, je ne saurais dire, mais il
faut qu'il se fasse. Il faut qu'il se fasse aussi dans un ordre
général et non pas strictement en ce qui regarde la carte
à puce d'assurance-maladie, parce qu'on se dirige vers l'informatisation
de plusieurs types de transactions avec des cartes à mémoire.
M. Trudel: Je dis qu'il faut qu'il se fasse assez rapidement.
Peut-être que j'ai été de longs moments inattentif au cours
des 23 dernières semaines de commission parlementaire. Je vérifie
avec mon recherchiste. C'est la première fois que Sherbrooke est
mentionnée. Vous avez toujours mentionné Rimouski, Saint-Fabien.
C'a été bien nommé et bien dit sur la place publique, mais
Sherbrooke... Je ne questionne pas que ce soit Sherbrooke ou
Trois-Rivières. Ce n'est pas ça. Mais Sherbrooke, vous ajoutez un
élément d'information supplémentaire. C'est la
première fois que, publiquement, j'entends ça.
M. Côté (Charlesbourg): C'est un système qui
est en développement depuis déjà un certain temps, et qui
fait l'objet d'un développement avec les autorisations de la Commission
d'accès à l'information! Un suivi à l'intérieur
d'un centre hospitalier qui est différent de la carte à
microprocesseur.
M. Trudel: Le seul phénomène qui m'inquiète,
ce n'est pas qu'il soit en tel milieu ou que ce soit celui-là. Ce qui
m'inquiète, c'est que, par exemple, aujourd'hui, on apprenne
publiquement que ça aussi ça existe, sous bon contrôle et
tout...
M. Côté (Charlesbourg): Ça a
été annoncé publiquement.
M. Trudel: Je regardais des visages tantôt et ça
m'avait l'air qu'on était un certain groupe là-dedans. Ce n'est
pas ce projet-là, encore une fois, qui m'intéresse, c'est juste
le phénomène parce que la question suivante qui se pose, c'est: Y
en aurait-il d'autres, quelque part, par des entreprises, par des compagnies,
par des choses? C'est pour ça que moi je reçois très bien
votre demande de débat public, et je pense qu'on ne l'évite pas
là-dessus.
Toujours sur la carte, je pense qu'on a vidé un peu la question
de la puce. Mais, comme pièce d'identification, c'est moins lourd de
conséquences, en apparence. Vous dites, vous autres: Peut-être
qu'on ne fraude pas beaucoup le système. Peut-être qu'il y en a
beaucoup aussi. D'autres intervenants sont venus aujourd'hui et ils ont dit:
Oh, c'est assez magistral. Vous dites dans une de vos recommandations que la
carte devrait contenir une courte description du détenteur et de la
détentrice et ce, afin de contrer d'éventuels abus ou erreurs.
Ça élimine complètement la photo comme identification et
pourquoi?
M. Beaudoin: Pour être très franc là-dessus,
on n'a pas eu une grosse discussion entre les personnes qui sont
impliquées à la FNACQ et nos groupes membres qui sont
bénévoles, le plus souvent, avec quelques employés et tout
ça. On en a parlé brièvement. Il y avait des gens qui
étaient pour, qui disaient qu'effectivement il y avait trop d'abus, il y
avait trop d'erreurs ou d'emprunts - c'est proche de l'abus, ou des fois
ça l'est. Mais il y en avait d'autres aussi qui disaient:
Écoutez, c'est dangereux cette affaire-là parce qu'on ne
connaît pas beaucoup la problématique en termes de droits, de
libertés civiques. Mais on a souvent entendu parler d'associations comme
la Ligue des droits et libertés ou d'autres associations, comme quoi, si
on s'en allait vers ça... C'est sûr que ça facilite
l'identification, mais, à ce moment-là, est-ce qu'on s'en irait
vers une espèce de mécanisme qui serait utilisé à
toutes les sauces, y compris par la police et par à peu près
n'importe quel intervenant? Il y a déjà des gens que ça
dérange beaucoup de donner une carte d'assurance sociale ou une carte
d'assurance-maladie, un peu partout, comme pièce d'identité, pour
toutes sortes de raisons. Alors, on hésite à faire le pas, on
hésite à dire oui, à la photo, d'autant plus qu'on n'a pas
la preuve qu'il y a autant d'abus et de problèmes que ça. Alors,
pour s'éviter un autre genre de problème peut-être pire, on
ne va pas jusqu'à la photo.
Ceci dit, en fait, ce seraient des gens mieux placés, ce seraient
des groupes comme la Ligue des droits et libertés, par exemple. Il
faudrait nous-mêmes en discuter avec eux ou en discuter avec vous
publiquement. Il nous semblait que, comme pour le permis de conduire, d'avoir
une description écrite mais relativement détaillée
pourrait quand même diminuer le nombre d'abus possible. D'ailleurs, une
des raisons pour lesquelles le permis de conduire est utilisé comme
carte d'identité, souvent, c'est parce que ce n'est pas si facile que
ça de l'avoir, le permis. Mais c'est aussi parce qu'il y a une courte
description de la personne dessus.
Mme Dupré: Je voudrais juste ajouter un
élément sur quelque chose dont vous avez parlé. Vous
disiez que vous étiez surpris d'apprendre qu'il y avait un projet-pilote
au CHUS, à Sherbrooke. Il y en a 20 comme ça. Il y a 20
projets-pilotes, actuellement, d'informatisation au niveau de la santé,
au Québec. On en connaît quelques-uns. Entre autres, en
psychiatrie, il y en a un qui est en cours au centre hospitalier
Robert-Giffard.
M. Trudel: M. le ministre, il y a 20 projets-pilotes, au
Québec, d'informatisation des données sur...
M. Côté (Charlesbourg): En santé? M.
Trudel: En santé? Il y en a 20?
Une voix: II y a aussi de l'information sur le
bénéficiaire.
Mme Dupré: Ce sont les données qu'on a eues. Comme
je vous le dis, on a peu de données
là-dessus. Mais, ce qu'on sait, c'est qu'il y a à peu
près 20 projets-pilotes en cours, dont un qu'on connaît, ici, au
centre hospitalier Robert-Giffard, en psychiatrie. On a peu d'informations
là-dessus. Nous, ce qu'on se dit, c'est: Les gens qui sont
concernés, est-ce qu'on leur dit: Oui, vous participez au projet-pilote.
Oui, vous embarquez. Quelles sont les garanties que vous avez?
M. Trudel: C'est extraordinaire!
Mme Dupré: Je voulais juste le rapporter...
M. Trudel: On est parti à 1, il y a 10 minutes. On est
passé à 2. Je ne dis pas que vous ne dites pas la
vérité. Je ne cherche pas la... Je dis que vous, vous dites: II y
en a 20 quelque part...
M. Côté (Charlesbourg): II faut faire attention. Il
y a peut-être 20 centres hospitaliers d'impliqués, mais pas
nécessairement dans un projet. Quand on parle de 6 dossiers, par
exemple, c'est un projet qui a été annoncé sur la place
publique, qui implique Sainte-Justine, qui implique Maisonneuve-Rosemont. C'est
un système qui veut se développer, mais qui n'a que des cas
fictifs. Dans le cas de Anna-Laberge, en Monté-régie, il y a
aussi une expérience qui porte sur des cas fictifs. La seule place
où, effectivement, ils sont suffisamment avancés pour le faire
avec des cas réels de bénéficiaires, c'est au CHUS,
à Sherbrooke, avec une expérience qui est suivie par la
Commission d'accès à l'information, d'une manière
très serrée.
M. Trudel: Mais quand madame dit... Je ne veux pas confronter la
vérité. C'est juste parce que je veux illustrer le
phénomène que, à tout le moins... Madame vient de parler
de Robert-Giffard. C'est ça que vous avez dit? Bon. Il y aurait quelque
chose là, au niveau de l'informatisation des données des dossiers
des bénéficiaires. Ce n'est pas dans une optique de confrontation
que je fais cela. Le ministre dit: Non, non, il y a peut-être des centres
qui participent. Mais juste l'information qu'on se donne ce soir - oui, pour
moi - augmente mon degré d'inquiétude aussi et, j'espère,
à tort. J'espère, à tort, parce que c'est toujours en vue
d'améliorer, comme résultat, ce qu'on fait et ce qu'on donne.
Concluons ce chapitre en disant: II y a suffisamment, me semble-t-il, de
projets qui existent officiellement. Il y a suffisamment d'informations qui
sont véhiculées autour d'autres expériences, dans le
réseau public, dans le réseau privé, pour que, oui,
franchement, on y aille rapidement sur un large débat social. Plus on
pense qu'on va avoir besoin de cet instrument... Évidemment, le
sentiment de l'urgence se présente, il faut se dépêcher de
tenir ce débat-là. Tenir un débat, ça ne veut pas
dire nécessaire- ment s'installer en commission parlementaire pendant
20, 30 semaines. Mais il faut poser les paramètres de ce que nous sommes
comme société, où ça pourrait nous amener, et qu'on
lance ça publiquement en disant: De toute façon, dans des
semaines ou des mois à venir, nous serons, comme société,
confrontés à ce type de problème ou de situation. Qu'on y
aille largement et qu'on invite les organismes comme la Commission
d'accès à l'information à y aller largement dans
l'animation québécoise de ce débat-là.
M. Côté (Charlesbourg): II n'est pas
nécessaire que ce soit notre commission à nous. Ça peut
être celle de qui relève le ministre responsable ou le
ministère responsable des communications. Un débat davantage
public.
M. Trudel: Oui, oui. Sauf erreur, la France, là-dessus,
s'est donné comme mécanisme institutionnel ce qu'on appelle la
Commission de l'informatique qui travaille sur l'ensemble de ces domaines de
l'informatisation des fichiers, des contrôles. C'est très suivi
parce que c'est large.
Est-ce que vous pensez... Vous dites au début de votre
mémoire qu'il est regrettable que nous soyons à procéder
au débat sur le financement du réseau de santé et des
services sociaux en l'absence de politique de santé et de
bien-être. Pourquoi cela aurait-il été différent si
nous avions eu une politique de santé et de bien-être? Pourquoi
serait-il important d'en avoir une d'abord, de votre point de vue, avant de
procéder à ce débat sur le financement de nos
services?
M. Martin: C'est peut-être parce que, justement, à
partir du débat sur le financement, on ne sait pas exactement sur quoi
on pourra évaluer l'avenir du financement. On considère un
état de fait actuel, mais on ne sait pas comment évaluer des
résultats qui viendront. Par exemple, s'il y a des modifications
majeures quant au financement, s'il y a une réallocation des ressources
vers plus de prévention, on ne sait pas à partir de quels
paramètres au point de vue des objectifs et des résultats. Or,
ça devient difficile, je pense, de parler plus sereinement de la
question du financement. Les oeufs vont nous être donnés et il
faudra faire avec, alors que si on savait plus précisément quels
sont les objectifs généraux à atteindre, on aurait un
meilleur portrait de ce qu'il y a à faire. Compte tenu des ressources
qu'on aurait, on aurait des choix peut-être plus éclairés.
Je ne suis pas un spécialiste, mais c'est un peu une réaction
première.
Mme Pilon: J'ajouterais justement qu'une politique de
santé et de bien-être nous éviterait peut-être de
tomber dans la vision comptable des choses qui semble prédominer
actuellement, au niveau du gouvernement. On semble dire: Ça coûte
très cher, essayons de voir où on peut
couper ou comment augmenter les impôts et les taxes... Finalement,
le débat, ça devrait être: C'est quoi les objectifs qu'on
se donne en matière de santé? Quels sont les moyens qu'on prend
pour réaliser ces objectifs? Disons qu'en parlant d'abord de financement
sans parler de politique, à ce moment-là, on va se retrouver dans
une situation où on va dire: On va couper des services ou on va essayer
d'aménager le système un peu de façon à essayer de
voir avec des coupures budgétaires plutôt que de se donner des
services de santé. Finalement, en termes de résultats, ça
pourrait vouloir dire un retour en arrière, de 10 ans ou de 20 ans, une
certaine perte d'acquis au niveau de la santé et des services
sociaux.
M. Trudel: Ça me semble effectivement un préalable.
Le temps file toujours trop vite. La huitième recommandation, c'est que
vous êtes ouverts à une discussion sur l'impôt-santé.
J'ai envie de faire un petit test pour savoir... Peut-être que je suis
dans l'erreur. C'est quoi, ça, un impôt-santé? Qu'est-ce
que c'est ça un impôt-santé?
M. Beaudoin: On pourrait dire d'abord que ce n'est pas tout
à fait clair. C'est la première chose qu'on pourrait dire.
M. Côté (Charlesbourg): Même si vous
êtes ouverts.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Beaudoin: Mais, en fait, écoutez, ce à quoi on
est ouvert, c'est que c'est vrai quand même que les contribuables ou les
consommateurs, les usagers et les usagères sont intéressés
à une forme de transparence au niveau des coûts. On a
déjà parlé tantôt du bordereau ou de quelque chose
du genre quand on sort de chez le médecin. Effectivement, les gens sont
très soucieux de ce qui se dépense au niveau de la santé
et des services sociaux. Donc, il peut y avoir un intérêt à
regarder la possibilité de ce qu'on appelle un impôt-santé.
Mais là, il faut faire attention à ce qu'on appelle un
impôt-santé. Est-ce que ça veut dire que ce qu'on mettrait
là-dedans, ce serait une espèce d'enveloppe fermée,
éventuellement, un peu comme le régime d'assurance-chômage
qui fonctionnait pratiquement seulement à base de cotisations? Ce n'est
pas tout à fait ça qui est envisagé à court terme.
Mais jusqu'où ça irait? (21 h 15)
D'autre part, pour le type de financement de cet
impôt-santé là, effectivement, il y a différentes
possibilités. Il y a des possibilités qui sont proches de
l'impôt sur le revenu, que ce soit en partie, mais il faut voir les
modalités par rapport à ça. Il faut voir, effectivement,
à ce que l'impôt sur le revenu et l'impôt sur le revenu dans
l'impôt-santé... Il faudrait voir à ce qu'il y ait une
diminution d'un bord pour une augmentation de l'autre côté. Il y a
des modalités qui sont envisagées dans le document de
consultation, mais ce n'est pas toujours clair vers où on pourrait s'en
aller.
Ça prendrait effectivement une consultation sur le projet de loi,
si jamais il y avait un impôt-santé. On peut mettre un peu
n'importe quoi dans l'impôt-santé. Donc, c'est pour ça.
Mais, au fond, on met dès l'abord une forme de transparence. On pourrait
même dire: L'impôt-santé, ça pourrait être
seulement quand on reçoit le retour de notre rapport d'impôt,
qu'on nous précise sur nos tableaux la part de notre impôt ou de
nos taxes qui va à la santé et aux services sociaux. C'est une
façon minimale d'information et de transparence. Ça peut aller
jusqu'à la création d'une espèce de caisse strictement
pour ça. Mais là, il faut voir comment c'est financé.
Donc, en fait, ce sont les modalités qu'il faut regarder. Il y a
plusieurs choses d'envisagées. On peut toujours dire que, nous autres,
on veut un régime progressif, au niveau de la fiscalité, et qu'on
n'aime pas le type de financement qui repose beaucoup ou, en tout cas, presque
exclusivement sur les cotisations. Mais, encore là, il faut voir de
quelle manière ça s'organise. Donc, pour le moment, on n'a pas de
projet précis devant nous. C'est pour ça qu'on dit: On est
ouvert, mais, en même temps, on ne peut pas signer un chèque en
blanc.
M. Trudel: En tout cas, pour moi, pour le peu de consultations
que j'ai faites autour de moi, et un peu partout à travers le
Québec, votre réponse concorde très bien avec ce que j'ai
entendu. On ne sait pas trop ce que c'est et il y a autant
d'interprétations... Il y en a une, entre autres, qui me dérange,
c'est celle qui dit que l'impôt-santé, c'est une mesure de
financement. À l'opposé, vous venez de le dire, comme version,
c'est tout simplement une mesure pédagogique de transparence pour
illustrer les coûts de ce que nous avons comme dépenses en
santé, la petite case «impôt», au Québec,
divisée en deux: impôt Québec général,
impôt-santé. Là-dessus, oui, il faut avoir, quant à
moi, beaucoup plus d'explications sur le régime de
l'impôt-santé. Votre mot «progressif», il est comme
déterminant. Ça me semble important qu'on lève la
confusion là-dessus. Je souhaite vivement qu'au cours des prochains
jours on lève complètement la confusion qui s'est
installée autour de ce débat-là, autour de cette
idée-là, et qu'on puisse en voir la réelle couleur.
Je termine en vous remerciant et en regrettant de ne pouvoir vous
interroger sur C-3 du fédéral. Est-ce qu'on lève ça
ou on ne lève pas ça?
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le
député.
M. Trudel: Par ailleurs, comme les groupes nous l'ont dit hier
soir, ça a l'air qu'il va y avoir un autobus qui va s'organiser pour
aller marcher à Ottawa, pour aller chercher de l'impôt. Moi, je
pense que ça ne marchera pas, mais... Ça a l'air qu'il y a de la
place dans l'autobus. Il y a un autobus qui s'organise pour aller faire...
À Ottawa, il faut aller faire: Beuh! Beuh! Beuh!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Ça fait 32 ans que ça ne marche pas.
L'autobus va être conduit par M. Clair.
M. Côté (Charlesbourg): II faudrait peut-être
leur expliquer...
M. Trudel: M. Clair, merci, ça ne marche pas.
M. Côté (Charlesbourg): ...parce qu'ils ne
comprendront pas nos «beuh, beuh». Hier, il a dit: M. Lesage a fait
«beuh, beuh» en 1960; depuis ce temps-là qu'on fait
«beuh, beuh» et ça ne bouge pas fort à Ottawa. C'est
pour ça qu'il dit: À notre voyage à Ottawa, on va aller
faire: Beuh! Beuh!
Le Président (M. Joly): On va
«beu-beu-gler».
M. Trudel: En revenant, je vais être encore ici. Merci.
M. Beaudoin: Avec votre permission, M. le Président...
Le Président (M. Joly): Rapidement, s'il vous plaît,
j'ai déjà débordé.
M. Beaudoin: D'accord. J'aimerais rendre la parole pour une
minute à Mme Pilon qui aimerait parler d'une expérience
très brève par rapport à ce que l'Association des
hôpitaux du Québec a déclaré.
Le Président (M. Joly): Là, c'est une promesse, ce
n'est pas une promesse d'élections, c'est bref.
M. Beaudoin: Une minute.
Mme Pilon: C'est à propos de la déclaration de
l'Association des hôpitaux sur le fait de réduire les coûts
par l'hospitalisation d'un jour. Moi, j'ai eu une expérience, cet
été, avec ma fille. Justement, on l'a renvoyée
après deux jours, après une opération. On a dû la
rentrer d'urgence, trois jours après, parce qu'elle faisait une grave
infection. Disons que ça peut causer de graves problèmes de
santé aux gens si on procède et si on généralise
ça. À ce moment-là, si c'est uniquement une question de
coût, la santé de la personne va en souffrir
énormément. C'est une mise en garde qu'on fait pour ce genre de
solutions qui apparaissent des solutions miracles, mais qui pourraient se
révéler très désastreuses au niveau de la
santé des gens.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Pilon, vous avez
été respectueuse.
M. Paradis (Matapédia): M. le Président,
rapidement, un commentaire final.
Le Président (M. Joly): Rapidement.
M. Paradis (Matapédia): Ça va prendre cinq
mots.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Le jugement, ça ne
s'apprend pas à l'université, madame.
Mme Pilon: Je ne comprends pas.
M. Paradis (Matapédia): Si on a laissé partir votre
enfant trop tôt, ce n'est pas la faute du gouvernement, mais c'est la
faute de ceux qui ont pris la décision.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est une
décision...
Le Président (M. Joly): II y a quelqu'un qui a
manqué quelque part.
Mme Pilon: Oui, c'est ça.
Le Président (M. Joly): C'est ça. Ça ne veut
pas dire que ça ne peut pas être bon, mais il y a eu...
Mme Pilon: Oui, mais ce que l'Association des hôpitaux
propose, ça pourrait se généraliser. C'est ça le
danger.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense qu'il ne faut
peut-être pas généraliser ce que vous avez
vécu...
Une voix: C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): ...mais il faut au moins
éviter ce que vous avez vécu. Évidemment, 11 faut
comprendre que lorsqu'on est parents ou bénéficiaires des
services et qu'on se retrouve dans cette situation-là, on ne paie pas 12
000 000 000 $ pour se retrouver dans la situation que...
Une voix: C'est ça.
M. Côté (Charlesbourg): II faut tenter de
l'éviter à tout le moins. Je veux, à mon tour, vous
remercier même si on n'a pas beaucoup d'accord sur nos visions, et en
profiter pour dire que lorsque les choses ne sont pas claires dans un document
gouvernemental de consultation - ça ne s'adresse pas seulement à
vous autres, ça s'adresse à tout le monde - l'une des
contributions qu'on peut faire, c'est de tenter de les éclairer. Alors,
c'est ça l'exercice. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. À
vous de la Fédération nationale des associations de consommateurs
du Québec, merci d'avoir été présents. Bon voyage
de retour.
La Coalition - Réseau alternatif de
santé du Québec
J'appellerais maintenant La Coalition - Réseau alternatif de
santé du Québec, s'il vous plaît. Rapidement, s'il vous
plaît. Bonsoir madame, bonsoir messieurs. Bienvenue à cette
commission. Je présume, M. Bouffard?
M. Bouffard (Daniel): C'est ça.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, voulez-vous
introduire les gens qui vous accompagnent.
M. Bouffard: M. Yves Paré, qui est membre du C.A. et Mme
Brigitte Gilbert, qui est aussi membre du C.A.
Le Président (M. Joly): Bonsoir madame, bonsoir messieurs.
Vous avez le temps voulu pour nous présenter votre mémoire, le
plus brièvement possible, ça vous laisse plus de temps pour jaser
avec les parlementaires.
M. Bouffard: Oui, surtout à cette heure tardive... On
voudrait remercier les gens de la commission de nous avoir invités. Je
pense que c'est important qu'il y ait une vision alternative dans le dossier
sur le financement des coûts.
Présentement, les thérapeutes alternatifs essaient de
s'organiser, de se structurer et d'apporter des solutions au sein du secteur de
santé. Alors, c'est pour ça que nous avons réfléchi
sur le système, mais vous allez voir, comme n'importe quel groupe
autour, qui se présente ici, qu'on présente notre philosophie
mais, qu'en même temps, évidemment, on défend nos
intérêts. Alors, nous n'avons pas peur de l'avouer.
Vous avez, à la page 1, une présentation rapide de ce
qu'est La Coalition. Il faut dire que c'est quand même assez
récent, ça date de moins d'un an. On a regroupé, si vous
voyez les associations qui sont là, les principales associations de
thérapeutes alternatifs au Québec. On représente, à
l'heure actuelle, 2000 thérapeutes alternatifs. C'est la première
organisation structurée et organisée au niveau du milieu
alternatif.
La Coalition se fait un devoir de répondre à l'invitation
du ministère de la Santé et des Services sociaux et d'exposer
à la commission parlementaire ses avis et éléments de
solution en vue d'améliorer la condition générale de
santé et de bien-être des Québécois et des
Québécoises à l'intérieur des ressources
limitées disponibles.
La Coalition entend fournir à la commission parlementaire des
éléments de solution faisant appel à des ressources qui,
bien qu'externes par rapport au système, doivent, de toute
nécessité, être mises à contribution dans
l'intérêt même de ce système. Il s'agit des
ressources réelles et précieuses que constituent les
thérapies alternatives, ou médecines douces, et leurs milliers de
praticiens. On considère, à l'heure actuelle, au Québec,
qu'il y a environ, illégalement bien souvent, environ 7000
thérapeutes alternatifs.
M. Côté (Charlesbourg): Qu'est-ce que vous avez
fait? Vous avez regardé par-dessus votre épaule pour
savoir...
M. Bouffard: Je ne sais pas si on doit l'attendre, c'est pour
ça...
M. Côté (Charlesbourg): Vouliez-vous savoir si
Augustin était là ou pas? C'est ça que vous avez fait?
Une voix: II est parti. Il y était tout à
l'heure.
M. Bouffard: En marge du système de santé
établi par le corps législatif actuel, par toutes les diverses
lois qui sont là, s'est développé un véritable
réseau alternatif de santé au sein duquel, justement, 7000
thérapeutes dispensent à la population pas moins de 40
thérapies étrangères au système, dont
l'homéopathie, la naturo-pathie, la massothérapie, la
réflexologie, l'or-thothérapie, l'ostéopathie, les
psychothérapies, sans parler évidemment des dossiers plus
complexes que sont l'acupunture et les sages-femmes.
Véritable phénomène de société, les
thérapies alternatives sont utilisées par près du tiers de
la population: à peu près tous les sondages qui ont
été faits démontrent effectivement qu'un tiers de la
population utilise maintenant nos services. Bien qu'illégales au
Québec, les thérapies alternatives sont reconnues dans plusieurs
autres pays et réglementées dans certains d'entre eux, pour le
plus grand bienfait de la santé de leurs ressortissants. Ces
thérapies sont appuyées d'une expertise réelle et
apportent des résultats concrets. La commission Rochon, justement, a
établi, lorsqu'elle a fait son rapport, «qu'il existe maintenant,
parallèlement à la médecine, des activités qui
peuvent prétendre à un degré de connaissance
supérieur à celle-ci dans certains
domaines reliés à la santé.»
Au Québec, les thérapeutes alternatifs se sont
regroupés dans des associations dont plusieurs sont comparables, de par
leur structure et leurs normes de formation et de discipline, à de
véritables corporations professionnelles. La plupart de ces associations
font partie de La Coalition. Lorsqu'on parle justement d'organisation et de
structure, c'est que pour être membre de La Coalition, les associations
doivent montrer patte blanche concernant la protection du consommateur, et
avoir des normes de formation très élevées. D'ailleurs,
nous-mêmes, si, légalement, nous n'existons pas, nous avons nos
propres comités de discipline dans plusieurs des associations. Donc,
à ce niveau-là, on fonctionne déjà selon le
principe d'une corporation professionnelle.
Le réseau alternatif de santé a atteint un niveau de
cohésion et de compétence suffisant pour être
considéré comme un intervenant sérieux pour ce qui
concerne le système de soins et, surtout, la santé au
Québec. Déjà, en décembre 1990, le ministre de la
Santé et des Services sociaux a annoncé son intention de
consacrer une commission parlementaire à l'examen de ce réseau et
des modalités de son intégration éventuelle au
système de santé. Bien que cette intention semble avoir
été temporairement perdue de vue par le ministre, La Coalition
juge opportun, à l'occasion de la présente consultation publique
sur le financement du système de santé, de rappeler à son
bon souvenir le dossier des thérapies alternatives. M. le ministre, nous
aimerions vous rappeler que nous attendons toujours la commission parlementaire
promise. C'est la première fois, d'ailleurs, que nous nous
présentons en commission, et nous espérons pouvoir profiter de
cette expérience lors de futures commissions.
Cette intervention de La Coalition se justifie par les termes
mêmes du document «Un financement équitable à la
mesure de nos moyens» qui lui a été soumis pour fins de
consultation. On y trouve, en effet, à divers endroits, des
références à la nécessité pour la population
de prendre en charge sa propre santé, de prévenir les
problèmes de santé dans la mesure du possible, et de
réduire sa dépendance à la polymédication.
Or, ces préoccupations sont justement celles du réseau
alternatif de santé: mettre l'accent sur la prévention, aider la
population à prendre en charge sa propre santé et réduire,
sinon éliminer, sa dépendance vis-à-vis des
médicaments. Là, se situe la force, la caractéristique des
thérapies alternatives: grâce à des techniques, approches
ou produits naturels non invasifs, dénués d'effets nocifs ou
secondaires, amener la personne à maintenir ou à rétablir
d'elle-même l'équilibre nécessaire de la santé. Les
thérapies alternatives peuvent remédier efficacement à
nombre de maux et de malaises - psychosomatiques, chroniques, de stress ou
autres - que les traitements actuellement défrayés par
l'État sont impuissants à guérir ou à soulager.
Elles peuvent contribuer à empêcher ces maux et malaises de se
déclarer. Prévention, innocuité, approche globale et
naturelle, respect de la personne dans son intégrité,
autoguérison, tels sont les mots d'ordre. Or, plus ces mots d'ordre
seront diffusés et écoutés, plus la population prendra
charge de sa propre santé, moins elle sera dépendante du
sytème de soins médicaux, et plus les coûts de ce
système seront allégés.
Au moment où le système de soins craque de toutes parts et
qu'on songe à augmenter son financement et à réduire son
assiette, La Coalition estime qu'il est temps pour le ministère de
méditer sur la maxime «mieux vaut prévenir que
guérir». Les experts en matière de prévention, si
l'on donne à cette expression le sens d'«aider une personne
à ne pas avoir besoin de recourir au système de soins», ce
sont indéniablement les thérapeutes alternatifs.
Afin de permettre au réseau alternatif de santé de jouer
un rôle actif et constructif dans le système de santé, il
n'est pas nécessaire d'intégrer ce réseau dans le
système de soins dont le financement cause tant de soucis. Alors, pour
nous, notre position est claire: nous ne voulons pas être
intégrés dans ce système. Il suffit simplement de lui
permettre de mieux fonctionner, comme il le fait déjà, en marge
de ce système, quitte, par la suite, au terme des études et
consultations appropriées, à songer à l'intégration
de ses composantes compatibles et pertinentes. (21 h 30)
En pratique, cela signifie, dans une première étape,
reconnaître la légalité des thérapies alternatives
de manière à les soustraire à l'application de la loi
médicale; les qualifier pour fins de permis municipaux et régimes
privés d'assurance parce que nous rencontrons déjà
d'énormes problèmes à ce niveau-là; les soustraire
à la TPS et les rendre éligibles à la déduction
fiscale pour frais médicaux. Dans un deuxième temps,
réglementer les thérapies alternatives d'une manière
globale et autonome, de manière à fournir à la population
une information adéquate pour l'exercice de ses choix parmi les
thérapies et les thérapeutes; soumettre les thérapeutes
alternatifs à des règles strictes de conduite et de
déontologie - nous sommes prêts à nous soumettre à
ça, nous le faisons déjà; permettre au réseau
alternatif de la santé de consacrer son expertise à
s'autodéterminer sans formalisme excessif, c'est-à-dire sans nous
embarquer dans un carcan corporatif comme à l'heure actuelle.
Dans un troisième temps, permettre et réglementer
l'enseignement des thérapies alternatives. Nous ne sommes pas innocents,
nous savons très bien que nous devons avoir des normes de formation
rigoureuses et très strictes.
Procéder à une évaluation objective et impartiale
des thérapies alternatives quant à leur efficacité et aux
économies qu'elles peuvent permettre de réaliser. À
l'heure actuelle, nous n'avons pas les moyens de nous permettre des
études actuarielles pour voir effectivement ce que ça peut faire.
On a déjà vu, par exemple, certaines études faites par des
compagnies d'assurances, mais nous savons que nous pouvons nous permettre de
faire une réduction au niveau du système de soins.
Protéger l'intégrité des thérapies alternatives en
respectant leurs acquis, leur expertise et, surtout, leur philosophie, tout en
empêchant qu'elles soient récupérées et
dénaturées. Nous ne voulons pas devenir des techniques ou des
subalternes d'autres thérapies. La Coalition a, bien sûr, des
suggestions précises à soumettre sur tous ces points, qu'elle
sera heureuse de communiquer au moment opportun qui, nous l'espérons,
sera la commission parlementaire.
La Coalition estime que les mesures susmentionnées pourraient
être prises à court terme, et que leur mise à
exécution permettrait de faire un grand pas en avant dans le sens de la
prévention et de la prise en charge, par la population, de sa propre
santé, donc, dans celui du désengorgement du système de
soins. Pour l'État, les avantages d'adopter ces mesures seraient
multiples. Fournir d'abord à la population, sans déboursé
additionnel pour l'État, des services alternatifs de santé de
qualité plutôt que clandestins et inégaux. À l'heure
actuelle, nous ne coûtons rien à l'État, et nous avons
l'intention de continuer à ne rien coûter à l'État.
Respecter la liberté de choix de la population quant à sa
thérapie et à son thérapeute. Présentement, les
gens paient pour nos services et, à l'heure actuelle, ça
fonctionne très bien puisqu'il y en a déjà le tiers qui
paie pour utiliser nos services.
Réduire, sinon éliminer, le travail au noir des
thérapeutes alternatifs et, par conséquent, hausser les revenus
fiscaux de l'État. Ce n'est pas normal qu'à l'heure actuelle nous
soyons illégaux et que l'État perde de l'argent concernant les
revenus qu'on pourrait générer en se déclarant
travailleurs autonomes. Nous ne sommes pas encouragés
présentement par les services de réglementation, entre autres,
municipaux. À l'heure actuelle, si on prend l'exemple de
Montréal, il y a des locaux vides sur les rues commerciales, et les
thérapeutes alternatifs ne peuvent même pas opérer des
locaux et fournir des services professionnels à cause des
réglementations qui existent.
Favoriser la prévention et la prise en charge, par la population,
de sa propre santé. Réduire la dépendance de la population
par rapport au système de soins financés par l'État, donc
réduire les dépenses pour ce système.
Éventuellement, au fur et à mesure que les études et
évaluations appropriées suggéreront de ce faire, remplacer
certains traitements défrayés par l'État par des
traitements alternatifs aussi ou plus efficaces, et surtout moins
coûteux.
La Coalition ne réclame nullement l'addition des thérapies
alternatives aux soins couverts par le système de soins actuels. Elle
considère qu'une telle mesure serait néfaste à la
dimension humaine de ces thérapies et contraire à la philosophie
d'autoresponsabilisation qui les sous-tend.
La Coalition abonde dans le même sens que le ministère
lorsque, dans son document de consultation, il dénonce l'effet nocif du
faux sens de la gratuité sur la prise en charge de la santé par
la prévention. Sans prendre parti pour l'une ou l'autre des formules de
financement soumises dans ce document, La Coalition se base sur
l'expérience de ses membres pour souligner qu'une implication, si minime
soit-elle, dans le paiement des soins qu'elle requiert incite la population
à prendre davantage conscience de la nécessité de se
responsabiliser pour sa propre santé.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Bouffard. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je suis très curieux de nature. J'aimerais ça,
pour notre bénéfice, si vous pouviez, après vous
être présenté - parce que vous vous êtes
présenté - nous dire... Je pense que vous êtes
massothérapeute.
M. Bouffard: C'est-à-dire que je suis directeur
général de la Fédération québécoise
des masseurs et massothérapeutes.
M. Côté (Charlesbourg): O.K.
M. Bouffard: Praticien en massages, en année sabatique
à cause des dossiers politiques qui prennent de l'ampleur.
M. Côté (Charlesbourg): Ceux qui vous
accompagnent?
M. Bouffard: M. Yves Paré qui est gouverneur, je crois, de
l'Ordre des orthothérapeutes AMS, et Mme Brigitte Gilbert, de
l'Académie de réflexologie du Québec.
M. Côté (Charlesbourg): Merci. À la page 3,
vous me rappelez mes engagements?
M. Bouffard: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, c'est en
1992 que ça va se passer. On termine celle sur le financement. Il y a la
politique de santé et de bien-être qui s'en vient bientôt et
en août, septembre, en principe, nous devrions tenir la commission
parlementaire sur les thérapies alternatives, de façon à
occuper mon ami Augustin pendant l'été un peu aussi. On va
s'ennuyer
si on ne le voit pas pendant quelques mois...
Une voix: On s'est habitués. On est bons pour 30 semaines
cette année.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, on s'est
habitués. Donc, faire en sorte que ce ne soit pas une commission
parlementaire qui va durer indéfiniment. Je pense qu'on est capable, en
des temps raisonnables, de se donner une bonne idée de ce que les gens
pensent, de ce que les gens souhaitent. C'est une commission parlementaire qui
va se tenir, et elle va être déterminante pour les
séquences futures.
Vous évoquez une quarantaine de thérapies alternatives
dans votre mémoire, et je me rappelle, lorsqu'on avait fait l'audition
sur l'avant-projet de loi sur la réforme, qu'on nous avait
déposé une liste d'à peu près 107 ou 117...
C'était épeurant un peu parce qu'il y avait des noms bien
bizarres là-dedans. Je ne sais pas trop trop ce que ça
faisait...
M. Bouffard: On en épure nous-mêmes, d'ailleurs.
M. Côté (Charlesbourg): Comment?
M. Bouffard: On en épure nous-mêmes, d'ailleurs.
M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que c'est
réaliste, 40? On entend très souvent parler - et vous les nommez,
d'ailleurs - d'homéopathie et ainsi de suite, masso, acupuncture. Est-ce
qu'on n'est pas dans un contexte où c'est davantage limité que
40, au niveau d'une pratique... J'aimerais peut-être juste... À ce
moment-ci, ça va nous donner un avant-goût de ce qu'on vivra au
mois d'août ou au mois de septembre, lorsqu'on aura la commission
parlementaire.
M. Bouffard: Oui, mais sans trop s'avancer parce qu'on ne veut
pas régler ça ce soir non plus. Celles qui sont nommées
présentement, ici, ce sont les principales, c'est-à-dire celles
où on a recensé quand même une certaine formation,
où ce ne sont pas des gens qui s'improvisent à gauche et à
droite. Alors, elles sont nommées. Mais on en a déjà
répertorié à peu près une quarantaine qui pourrait
se pratiquer au Québec. Nous ne comptons pas là-dedans les
«pipithé-rapeutes» et autres qui ont fait les manchettes,
mais il reste que c'est ça. On en a à peu près une
quarantaine qui... C'est le terme «thérapeute» qui nous
agace, nous aussi, dans bien des cas.
M. Côté (Charlesbourg): C'était une de celles
qui étaient dans la liste des 107 ou des 117.
M. Bouffard: Peut-être.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, ce que je
comprends, c'est qu'on est dans une situation où c'est une affirmation
qui est générale. Il y a des thérapies alternatives qui
peuvent régler un certain nombre de problèmes. Elles ne peuvent
pas régler tous les problèmes.
M. Bouffard: Je pense qu'il faut surtout voir ça du
côté de la prévention.
M. Côté (Charlesbourg): Aussi aussi. J'ai
déjà fait affaire, moi, avec un chiro. Il m'a réglé
un problème de santé - un nerf coincé, le sciatique qui
était coincé - qu'un omni n'avait pas pu me régler. Le
chiro l'a réglé de la bonne manière. À chacun sa
place. La plus belle preuve que les chiros sont devenus des gens qui peuvent
exercer, alors que dans le passé on disait que ça ne se pouvait
pas, c'est que l'Ordre des médecins compose très bien maintenant
avec les chiros, à ce que j'ai compris, ou passablement.
Donc, la société évoluant, il y a peut-être
d'autres thérapies alternatives qui, aussi, peuvent être efficaces
dans notre système, surtout que vous proposez qu'elles soient à
la charge de l'individu qui consomme. Elles pourraient apporter un certain
soulagement et, aussi, faire de la prévention. Évidemment, on ne
pourra pas quantifier demain matin c'est quoi les économies parce que je
pense que vous n'avez pas ce qu'il faut pour le faire et on ne l'a pas, nous
autres non plus.
M. Bouffard: II y a des compagnies d'assurances qui l'ont fait,
sauf que les études ont été un peu biaisées. Ce
qu'on a remarqué, suite à ces études actuarielles, c'est
que les compagnies disaient qu'il n'y avait pas de diminution de coûts,
mais, à la base de ça, je pense que c'était une question
d'éducation. Si je regarde, entre autres, l'étude qui a
été faite par l'Assurance-vie Desjardins, c'est que la personne
allait voir un médecin - donc, elle avait une prescription de
médicaments - mais elle allait voir aussi un homéopathe et avait
une prescription, si on veut, de granules. Elle consommait les deux alors que
les deux ne vont pas ensemble. Donc, au niveau du consommateur, on n'avait pas
fait, à ce moment-là, je pense, une bonne éducation pour
lui faire comprendre qu'il y avait un choix à faire.
M. Côté (Charlesbourg): C'est un débat qu'on
pourra... De toute façon, l'avis est donné pour ceux qui veulent
se préparer. Il ne s'agit pas d'attendre que l'avis soit donné
à la commission parlementaire - ça va se passer à
l'automne. J'inviterais tous ceux et celles qui veulent se présenter
à se préparer, pour la simple et bonne raison qu'il va falloir
avoir des choses concrètes sur le plan des démonstrations
à faire quant à l'utilité, quant à l'efficience,
sur ce que ça prend sur le plan de la formation et ainsi de suite,
sur
la protection... Parce qu'il est clair qu'on est dans une situation
où il y a une pratique qui n'est pas encadrée - dont les gens
sont formés, oui, mais il y en a un certain nombre, puis on ne sait pas
comment - et qu'on a une obligation de réagir. Si on dit que ça
n'existe pas puis que ça ne doit pas exister, on prendra les moyens pour
le faire respecter. Par contre, si certaines doivent vivre une
expérience au Québec, les encadrer pour protéger les gens
qui utiliseront ces services-là.
Alors, c'est ça. Donc, c'est un rendez-vous qu'on se donne au
mois d'août ou au mois de septembre.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Merci d'avoir
répondu à l'invitation des membres de la commission à nous
présenter votre point de vue. Ça couvre un bon morceau,
déjà, de ce que le ministre disait. Vous, votre principal
problème, c'est d'abord votre existence, être reconnu pour
exister. Alors, je comprends que le message est maintenant passé. De
toute façon, c'est une situation sociale sur laquelle il faut bien se
pencher. Le nombre d'intervenants, à partir de méthodes ou
d'approches alternatives en santé, étant suffisamment
répandu, il faut, à tout le moins, que, ça aussi, on
essaie d'y voir clair publiquement et qu'on s'aide tous à mettre, je
dirais, de l'ordre là-dedans. Puis, je ne pense pas qu'en employant ce
mot-là, ça vous choque parce que...
M. Bouffard: Absolument pas. On va plus loin, nous. On parle de
faire du ménage.
M. Trudel: Dans ce sens-là, moi, j'aurais une question.
Comme réseau alternatif de santé du Québec, vous autres,
vous avez déjà des mesures de protection du consommateur. Est-ce
que vous avez des comités de protection pour les gens qui vont vous voir
afin de s'assurer qu'il n'y a pas de fraudes, qu'il n'y a pas d'abus? Comment
ça fonctionne, ça, chez vous?
M. Bouffard: C'est-à-dire que nous avons
déjà un système à l'intérieur de chaque
association, au niveau de la protection du consommateur. Il y a des documents
qui existent. Par exemple, chez les massothérapeutes, des documents -
comment choisir un massothérapeute, comment choisir une école de
formation, et tout ça - qui informent le consommateur. Ça existe
aussi dans les autres associations. On a établi un comité de
discipline au niveau de La Coalition. On est en train de tâter le terrain
avec les associations de consommateurs. C'est une formule un peu
révolutionnaire, c'est-à-dire que ce serait comme six membres,
dont trois consommateurs, trois thérapeutes alternatifs. Si, par
exemple, on recevait une plainte contre un masssothérapeute, il n'y
aurait qu'un massothérapeute sur les six, c'est-à-dire que les
gens ne se jugeraient pas entre eux, ce seraient des gens vraiment externes
à la profession.
Alors, face à ça, pour nous, c'est quand même
intéressant. C'est vraiment prendre en charge le consommateur à
ce niveau-là, c'est-à-dire le protéger.
M. Trudel: Ça va se mettre en branle quelque part?
Ça existe?
M. Bouffard: La Coalition n'existant que depuis quelques mois,
présentement, nous sommes à le faire. On est aussi en train de
s'assurer un financement parce qu'un comité de discipline ça
coûte des sous. Alors, présentement, on a voté un montant
pour chaque membre de chaque association, pour être capable de payer une
partie, justement, des frais du comité.
Le Président (M. Joly): M. Paré.
M. Paré (yves): dans le moment, m. trudel, nous, chez les
orthothérapeutes, du moins, ça marche depuis assez longtemps. on
continue de faire ça jusqu'à ce que la coalition ait son propre
mode. je suis président de ce comité-là, le comité
de discipline, puis nous avons des inspections qui sont faites
régulièrement par au moins deux membres, une fois par
année, une quinzaine choisie «at random», comme ils diraient
en anglais, je veux dire, au hasard. nous arrivons là puis nous
constatons l'équipement, la propreté des lieux, la
compétence des thérapeutes et autres choses du genre. nous
faisons un rapport au comité de discipline et ça reste dans les
records.
Deuxièmement, nous avons installé une ligne 800. Nous
faisons de la publicité assez facile dans les petits journaux. Vous
savez, les petites feuilles de chou hebdomadaires dans les différentes
villes de la province, au moins une quinzaine, où nous les invitons
à utiliser la ligne 800. Si vous avez quelque chose qui ne fait pas avec
un thérapeute, voyez-vous, vous nous appelez à 1-800-461-1312. On
va répondre, puis on va vous dire quoi... On va aller voir s'il y a
quelque chose qui ne fait pas. Ça arrive, de temps à autre, qu'il
y en a qui nous demandent: Est-ce que c'est normal que telle chose arrive de
telle façon? On a vu à ça pour assurer la protection du
public, qui est la première chose. Alors, c'est pour ça que nous
avons mis des structures. Nous avons insisté beaucoup là-dessus
afin de toujours être capable de répondre, à un moment
donné, à une ligne de conduite rigide. Nous sommes maintenant
sous le chapeau de La Coalition. C'est exactement la même chose, le
même esprit, la même philosophie, mais qui va faire pour les
autres.
Vous avez remarqué, dans la liste à la page 1, qu'il y a
seulement huit associations de thérapeutes. M. le ministre a dit qu'il y
en avait une centaine mais, nous, on parle d'une quarantaine. Il y en a qui
avaient des noms longs comme ça. Il y en a qui, d'un coup sec, se
bombardaient thérapeutes d'une sorte. Comme il n'y a pas de loi, on n'a
pas de pouvoirs pour l'empêcher, sinon aller l'égorger ou
l'assommer avec un «bat» de baseball. Donc, on est obligés
d'endurer. Mais, lorsqu'est arrivée La Coalition, on a dit: On ne les
veut pas. Alors, nous avons épuré et, comme disait mon ami
Daniel, nous souhaitons faire un plus grand ménage encore pour
être sûrs. Ceux et celles qui sont là sont sujets... Nous
avons mis de l'avant, nous avons soumis des critères assez rigides pour
leur compétence. Le problème... Vu que c'est toujours pour un
problème de financement qu'on est ici, j'ai fondé
l'Académie de massage scientifique et j'ai dû entraîner
environ 950 personnes depuis 1976. Je peux vous dire que J'en ai autour de 160
qui sont des cliniques ayant pignon sur rue. Les autres sont au noir. Alors,
qu'est-ce que l'État perd? Il perd d'abord l'impôt sur les revenus
qui seraient déclarés. Il perd aussi les taxes de vente parce
qu'il se vend. beaucoup de produits de phytothérapie, d'herbages et de
choses du même acabit là-dedans. L'État perd ça,
c'est malheureux.
M. Trudel: C'est des éléments qu'on va voir dans le
débat de l'automne, au niveau de la reconnaissance.
M. Paré (Yves): Oui, sans doute, alors...
M. Trudel: Pour l'instant, ajoutez donc à ma culture.
Qu'est-ce que ça fait un palingéné-siste?
M. Paré (Yves): C'est le mot français pour
«rebirth», les «rebirthers».
M. Bouffard: C'est l'Office de la langue française qui a
obligé d'utiliser ce nom.
M. Paré (Yves): II a dit: Appelez ça un
palingénésiste. Ça fait peur.
M. Trudel: Alors, c'est le «rebirth».
M. Bouffard: C'est les gens qui travaillent avec la
respiration.
M. Trudel: Très bien. Alors, je pense qu'on va avoir
beaucoup de temps à l'automne pour faire le tour, et il faut faire le
tour de ça. Une toute dernière question. Si vous voulez, on va
fermer les livres sur les thérapies alternatives. On va interroger les
citoyens: deux citoyens et une citoyenne. On ferme ça parce qu'on se
revoie à l'automne sur un grand débat. Est-ce que vous pensez
qu'on a un problème de financement de notre système de
santé et de services sociaux au Québec?
M. Bouffard: Nous avons passé évidemment à
travers le livre blanc. Si on regarde honnêtement... J'ai une formation
en science politique, alors ça aide un peu. Évidemment, avec
l'approche holistique, ça aide encore plus. Il est bien évident
qu'à l'heure actuelle l'État a des problèmes au niveau du
financement. Nous, sur le principe de la gratuité... Je sais que
même si, des fois, des groupes de consommateurs ont peur des termes, je
pense que c'est important de considérer... Nous, par notre pratique
alternative, on sait que le consommateur qui vient nous voir, il est prêt
à payer quelque part. Je ne dis pas sur tout, puis ce n'est pas tout le
monde. Ça c'est très clair, et on sait que, quelque part, la
personne qui paie, elle se responsabilise à ce niveau-là. C'est
pour ça que nous, quand on regarde le dossier, on a comme de la
misère à se brancher. Oui, on est d'accord un peu avec la
philosophie qui est en arrière de tout ça mais, en même
temps, on sait que, d'un autre côté, on risque de perdre des
appuis. On pense que, logiquement, oui, il y a un problème de
financement. Nous pensons que la reconnaissance des thérapies
alternatives n'ayant...
M. Trudel: Non, non. On n'aura pas de misère avec
ça pour faire le débat. Donnez-moi votre opinion de citoyen.
M. Bouffard: Non non, mais c'est l'intégration de
ça.
M. Trudel: Ne mêlez pas les thérapeutes à
ça. On va avoir un bon débat là-dessus, puis on est
capables de faire ça entre Québécois et
Québécoises. Mais, comme citoyens et citoyennes, vous êtes
des payeurs de taxes.
M. Bouffard: Une expérience personnelle, M. Trudel. Juste
la veille du Jour de l'an, j'ai été obligé d'aller
à la clinique parce que je faisais de l'hypertension. Je n'avais pas le
choix, c'était la veille du Jour de l'an. Comme je ne consomme pas de
soins de santé au Québec, ma carte était expirée.
J'ai dû payer 27,50 $ pour une consultation de dix minutes, avec petite
prescription au bout. Je dois vous avouer que, maintenant, je sais ce que c'est
la valeur de cette carte, juste pour dix minutes. Alors, en tant que citoyen,
je sais effectivement que ça coûte très cher. À ce
niveau-là, je pense que, effectivement, il doit y avoir une
réduction des coûts du système.
M. Trudel: Madame, vous avez une dernière opinion
là-dessus?
Mme Gilbert (Brigitte): Moi, monsieur, j'ai un vécu de
santé très large comme consom-
matrice de médecines douces. C'est ce qui m'a amenée,
d'ailleurs, à être praticienne et à me faire comprendre,
à travers tous les cheminements que j'ai dû traverser, que je
devais prendre ma santé en main, sans quoi je serais vite devenue
accrochée à un psychiatre et tout ce que cela nécessite:
médication, etc. Je dois vous dire que j'ai une pratique de près
de 15 ans. Nombreuses sont les personnes qui ont recours à nos services
pour se prendre en main. Le malaise se situe au niveau des gens qui sont
déchirés envers un thérapeute, qui ne savent pas comment
l'évaluer par ses qualificatifs. Les gens ont peu d'informations pour
évaluer un thérapeute et savoir quelles sont les informations
essentielles sur les critères de formation. Aussi, les gens ont bien du
mal à se sentir libres du choix de leur propre médecine pour leur
santé.
En ce qui me concerne, monsieur, j'aimerais vous dire que,
d'après tous les débats que j'ai pu entendre concernant la
santé, je me tourne vers moi-même pour regarder ce que j'ai
dû vivre jusqu'à maintenant. J'en conclus que, tous, nous sommes
venus sur la planète terre pour cheminer. Dû à ce
cheminement, à un moment donné - vous savez, je résume
tout ça à une action très philosophique, mais c'est quand
même l'essence même de la vie - qui nous permet... Les
problèmes de santé sont là pour nous dire: II y a une
cause à ton problème. Je pense que le fait de comprendre et de
remonter à la cause fait que nous avons une grande chance de solutionner
le problème. Je ne parle pas des problèmes, des incidences
profondes physiques là, mais il y a quand même beaucoup de
circonstances qui méritent, d'une part, qu'on puisse se pencher sur
ça. On sait que les gens sont très heureux lorsqu'ils peuvent
avoir une oreille - que ce soit par le prétexte d'un massage -
lorsqu'ils arrivent à se libérer pour commencer à dire
certaines choses qu'ils ont au fond d'eux-mêmes. Seulement cela,
seulement cette petite démarche est très aidante.
M. Trudel: Merci beaucoup de votre présentation. À
l'automne, tôt. Avant la chasse, j'espère.
Le Président (M. Joly): M. Bouffard.
M. Bouffard: Juste un petit mot, peut-être, pour
terminer.
M. Côté (Charlesbourg): La chasse au vote
référendaire?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: J'ai pris mon permis là. J'ai pris mon permis
de chasse.
M. Bouffard: Nous espérons, effectivement, qu'il n'y aura
pas de contretemps à la commis- sion. C'est peut-être pour vous
mentionner aussi que s'il y a un système alternatif de santé, il
y a parallèlement, je crois, des gens qui travaillent pour fa
santé du public. Juste une petite chose que j'aimerais vous dire, c'est
que nous appuyons des groupes comme Info-Croissance et Info-Secte, qui font du
travail admirable au niveau de la prévention. J'espère que ces
groupes-là vont aussi servir à l'intérieur du
réseau. C'est peut-être comme des sous-traitants, quelque part,
mais je pense qu'ils méritent et qu'ils valent la peine, comme les
théapeutes alternatifs, d'être financés, d'être
quelque part dans le système.
M. Côté (Charlesbourg): D'être
financés?
M. Bouffard: Ces groupes-là, pas nous. Nous, on ne veut
pas l'être. Mais ces groupes-là ont le droit, je crois, de faire
le travail qu'ils font avec certaines subventions.
Le Président (M. Joly): M. le ministre. M.
Côté (Charlesbourg): J'entends... M. Bouffard: C'est de
la prévention.
M. Côté (Charlesbourg): ...mais je ne change pas ma
lettre.
Le Président (M. Joly): Madame, messieurs, à mon
tour, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier
d'avoir été présents et de nous avoir enrichis de votre
mémoire. Merci, au plaisir! Au revoir!
La commission ajourne ses travaux à demain, 9 h 30, dans cette
même salle. Bonsoir, bonne nuit!
(Fin de la séance à 21 h 53)