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(Treize heures quarante minutes)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît! La sous-commission des affaires sociales est réunie
pour entendre le ministère de la Santé et des Services sociaux
à titre d'intervenant impliqué dans la distribution des services
de soutien et de réinsertion sociale offerts aux personnes atteintes de
troubles mentaux et vivant dans la communauté.
Les membres de la sous-commission sont: Mme Lachapelle (Dorion), M.
Lafrenière (Ungava), M. Laplante (Bourassa), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)
et M. Pratt (Marie-Victorin). Il se peut qu'il y ait d'autres
députés qui viennent. M. Sirros avait dit que probablement il
viendrait, mais je ne sais pas ce qui est arrivé.
Le ministère devrait être représenté par M.
Lamonde, Mme Plante et M. Audet. Je vois que M. Lamonde n'est pas ici. Ah, il
va venir. Il y en a un que j'ai de la difficulté à
identifier.
Une voix: M. Édouard Champoux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II est responsable de
quoi au ministère?
Une voix: Du service de l'inadaptation mentale, de la
déficience mentale.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je le connais de nom.
M. Champoux (Edouard): Bonjour, madame!
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bonjour. Cela nous fait
plaisir de vous accueillir. Je voudrais profiter de l'occasion pour remercier
les fonctionnaires du ministère qui ont assisté aux auditions et
qui ont manifesté beaucoup de collaboration dans la mesure où le
contexte le permettait. Je dois dire que je regrette, d'une certaine
façon, qu'on vous ait un peu obligés à venir aujourd'hui
parce qu'à 15 heures hier après-midi je recevais un appel
téléphonique d'un attaché politique - je ne m'étais
pas trompé - du cabinet du ministre, M. Thibault je pense, qui nous
demandait de remettre à la fin de septembre cette réunion, Dans
un effort de bonne volonté, je pense que vos bureaux ont
été contactés pour savoir si, au moins, on pouvait
retarder d'une semaine. Il semblerait que personne du côté
ministériel ne pouvait être disponible. Peu importe. Après,
cela m'est revenu, je pense, que vous avez un caucus ou quelque chose du genre.
Je crois que c'est une raison tout à fait légitime.
L'attaché politique du ministre nous a demandé de retarder cette
rencontre jusqu'à la fin de septembre. Je comprends que le
ministère a ses échéanciers et ses obligations à
respecter, mais nous aussi, nous en avons. Déjà, j'avais
indiqué à plusieurs reprises durant les auditions qu'on
entendrait les gens du ministère. Nous vous avions convoqué le 15
août. Au mieux nous aurions pu aller au 18 septembre, mais de là
à retarder jusqu'à la fin de septembre, d'autant plus qu'à
la fin de septembre il se peut que les collègues du côté
ministériel aient aussi d'autres priorités. Alors, je m'excuse
d'avoir été obligée d'insister pour que ce soit ainsi,
compte tenu que le 18 septembre n'était pas satisfaisant même pour
la majorité de ce groupe. Tel est l'état des choses.
Pour faciliter la rencontre d'aujourd'hui, pour ne pas arriver avec une
série de questions qui, par la force des choses -compte tenu de
l'ampleur des chiffres qu'on demandait dans certains cas en particulier
-rendraient la rencontre peut-être un peu plus difficile, le 21
août nous vous avions fait parvenir une série de questions qui
touchaient soit la santé mentale, soit la déficience mentale. Je
sais que, dans certains cas, vous n'avez pas eu le ternp3 de faire cette
compilation. Est-ce qu'il y aurait possibilité d'obtenir de votre part
ce qui peut-être est déjà prêt? Il reste quand
même qu'il s'est écoulé au moins trois bonnes semaines
puisque nous sommes le 11 septembre aujourd'hui, mais je comprends qu'il y a eu
la fête du travail entre les deux. Alors, d'une façon
préliminaire si vous pouviez nous fournir les données que vous
avez et, après cela, on pourra procéder à un certain
nombre de questions.
M. Champoux: C'est un peu l'esprit avec lequel on s'amène.
Compte tenu, en fait, qu'on n'a eu que l'avant-midi pratiquement pour essayer
de faire l'assemblage des informations qui pourraient répondre aux
questions, on a dit: On va donner l'information que nous avons à ce
jour.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est
cela.
M. Champoux: On s'est appuyé sur les questions que vous
aviez posées, d'une part, en regard de la déficience psychique et
de la déficience mentale. On va donc vous fournir les données que
nous avons à ce jour, en espérant que vous nous donnerez le
temps, pour certaines questions plus spécifiques, de fouiller davantage
et de fournir cela dans les meilleurs délais.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous dites que vous
n'avez eu que l'avant-midi?
M. Champoux: C'est-à-dire qu'on avait espéré
que la commission accepterait un délai et, tenant pour acquis qu'on
pourrait avoir un peu plus de temps, on n'avait pas mis en chantier toute la
réflexion qu'on aurait dû faire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce que je comprends
difficilement, c'est que, hier après-midi, à 15 heures, on a
communiqué avec moi pour demander de remettre cette rencontre à
plus tard. Vous comprenez que nous aussi, on était pris de court.
Mme Plante (Marie): Ce sont peut-être les délais de
communication. Nous avons reçu extrêmement tardivement les
questions; donc, on n'avait que quelques jours pour ramasser les données
et c'est à ce moment-là qu'on a réagi conjointement pour
dire que cela nous prenait un délai.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais elles étaient
rendues au ministère.
Mme Plante: Bien, ici, vous voyez, j'ai la date de
réception du 26 août; donc, par le temps que cela s'est
rendu...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): L'attaché
politique m'a dit qu'il les avait reçues le 22.
Mme Plante: En tout cas, je veux dire que ce sont des causes de
cette nature-là qui font qu'on n'a eu que quelques jours.
Immédiatement, on a réagi pour dire que l'ampleur des
informations demandées nécessitait plus que quelques jours,
d'autant plus que, pour ma part, dans le moment, je suis en train de travailler
è la politique sur la santé mentale, au document de consultation
sur la politique. Alors, c'est un peu difficile. C'est dans ce sens-là
qu'effectivement, on n'a - je regrette, je ne les ai même pas en copies
suffisantes - que quelques données disponibles, les autres devront venir
par la suite.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans combien de temps
peut-on espérer les avoir?
Mme Plante: J'ai l'impression que cela ne pourra pas aller avant
octobre, en tout cas pour la déficience psychique. Il y a certaines
données qui demandent un traitement spécial à la RAMQ,
donc des délais de programmation. D'autres données, parce qu'on a
un budget global, ne sont pas accessibles; donc, elles demanderaient absolument
un traitement spécial en retournant à chaque
établissement, ainsi de suite. Je pourrai au fur et à mesure des
questions vous identifier lesquelles, mais ce sont des traitements de
données non standard.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, on va prendre ce
qui est prêt.
M. Champoux: II y a, quand même, plusieurs pièces,
à mon point de vue, adéquates qui vont vous donner un
éclairage voulu par rapport à certaines questions.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. J'aimerais
peut-être poser quelques questions générales quant à
l'orientation du ministère avant de procéder à ces
données plus factuelles.
La première question que j'aimerais poser particulièrement
à Mme Plante - elle a assisté à nos débats; alors,
les questions ne la surprendront pas beaucoup - porte sur toute la question de
la désinstitutionnalisation, la question des ressources
alternatives.
Je sais qu'il y a une grande politique du ministère qui doit
être rendue publique le 29. Mais eu égard à la
désinstitutionnalisation, est-ce qu'il y a une politique écrite
du ministère là-dessus, puisque plusieurs institutions ont
entamé ce processus? Bonjour, M. Lamonde, cela me fait plaisir de vous
voir.
M. Lamonde (Jacques): Excusez mon retard.
La désinstitutionnalisation
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous en prie.
Plusieurs institutions ont entamé ce processus de
désinstitutionnalisation. C'est pour cela que j'aimerais savoir s'il y a
une politique au ministère et s'il y aurait moyen d'en avoir copie. Si
ce n'est pas une politique globale, y a-t-il des directives et à quel
moment cette politique a-t-elle commencé?
Mme Plante: Je crois qu'il n'y a ni politique, ni directive. Il y
a simplement une orientation qui était de mise ou adoptée non
officiellement. On pouvait retrouver effectivement dans des documents du
ministère certaines orientations, en général, pour le
secteur de la santé mentale qui
tiennent, d'ailleurs, sur quelques pages et qui touchaient à la
première ligne, aux services spécialisés, aux
hôpitaux psychiatriques et aux ressources communautaires. Elles
étaient envoyées au réseau comme guides ou comme documents
de réflexion, mais n'étaient pas des documents adoptés
officiellement.
Je pense que le futur document sera le premier de la sorte depuis le
rapport Bédard qui en était un également. Mais il n'y a
pas un écrit spécifique sur la désinstitutionnalisation ou
quelque chose comme cela. Ce qui arrive, c'est lorsque certains hôpitaux
ont un problème d'une nature ou de l'autre, bien souvent, c'est une
question d'immobilisations, avec une demande de budget. Donc, avant d'autoriser
des rénovations, on dit: On va regarder quelle est la vocation de
l'établissement, ce qu'il y a dans le futur.
Alors, c'est à l'occasion de problèmes de cette nature
que, lorsqu'on se penche sur le problème de l'établissement, on
entreprend en même temps une perspective de transformation de
l'hôpital en mettant l'accent tant sur la qualité des services qui
devraient être maintenus et, dans le cas d'un hôpital
psychiatrique, toujours de nature spécialisée, que sur cette
réduction de la vocation d'hébergement des hôpitaux
psychiatriques. C'est plutôt dans ce contexte que ça se produit et
non pas par une directive officielle.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais il reste que le
sentiment qu'on a eu - mes collègues pourront diverger d'opinion, c'est
vraiment mon opinion personnelle ou mon interprétation personnelle -
quand on a entendu les différents groupes, c'est que c'était
assez répandu. Cela avait une extension telle qu'on avait vraiment
l'impression qu'il y avait eu, à un moment donné, soit une
directive eu égard à la désinstitutionnalisation, au
retour dans le milieu naturel - pas dans le milieu naturel,
nécessairement, mais dans un autre milieu -ou des recommandations de
réinsertion sociale qui avaient été données.
Je vais être plus précise, je vais vous donner un exemple.
Ce sont des représentations qui m'ont été faites
même depuis la commission. Le nom vous sera peut-être plus
familier. À Sainte-Anne-des-Monts, il y a une institution qui s'appelle,
je ne sais pas si c'est de la Montagne...
Une voix: Le Pavillon de la Montagne.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... le Pavillon de la
Montagne où les gens ont l'impression qu'énormément de
pression est mise par la direction de l'institution sur le conseil
d'administration pour que, justement, on envoie les patients; je présume
que ce sont des déficients mentaux, peut-être.
Mme Plante: C'est différent. Je vous répondais
vraiment pour la clientèle psychiatrique; c'est différent pour la
déficience intellectuelle. Je pense que M. Champoux est mieux
placé...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À ce
moment-là, les gens ont l'impression que le processus est
commencé, à moins que le ministère ou le ministre
n'intervienne d'une certaine façon pour dire: Écoutez, on va
peut-être mettre le holà pour un bout de temps, pour voir ce qu'on
peut rendre disponible et, à ce moment-là, continuer dans une
direction de désinstitutionnalisation. Mais là, les gens ont
l'impression que c'est un peu à la va comme je te pousse. Vous me dites
-peut-être que M. Champoux pourra modifier cela - qu'il n'y a pas
véritablement d'orientation précise ou de directive de quelque
nature que ce soit qui a été donnée dans ce
sens-là.
Mme Plante: Comme je vous l'ai dit, ce n'était qu'en
regard de la dimension psychiatrique. C'est différent; il y a un
historique bien différent dans le cas de la déficience
intellectuelle.
M. Audet (Gratien): Si - vous me le permettez, Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Audet:... effectivement, dans le secteur de la
déficience intellectuelle, qu'on appelait autrefois les personnes
handicapées mentalement, avec les confusions que cela a pu amener, les
orientations ministérielles datent du mémoire des services
à l'enfance de 1973; elles ont été
réitérées en 1976 dans le livre blanc "Proposition de
politique à l'égard des personnes handicapées". Dans ces
documents, on manifestait clairement que le ministère des Affaires
sociales, à l'époque, s'appuyait sur la philosophie de la
normalisation et, donc, sur le maintien des personnes dans leur milieu naturel
ou dans un milieu le plus normal possible compte tenu de leurs besoins.
Continuellement depuis cette époque, il y a eu des orientations ou des
actions gouvernementales et des actions régionales qui ont
été entreprises pour, graduellement, selon les milieux, permettre
de placer dans des ressources plus légères, plus
intégrées à la communauté, des personnes qui
avaient été autrefois placées en institution.
La clientèle qui était hébergée dans...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Y a- t-il eu une
directive précise d'envoyée?
M. Audet: II n'y a pas eu de directive; il y a eu un
mémoire des services à l'enfance qui a été
communiqué comme une orientation ministérielle. Si vous parlez
de
directives par la suite pour savoir comment le faire, non, mais il y a
eu des orientations fermes en termes de principe.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): De principe, mais il n'y
a jamais eu un cadre dans lequel devait se faire cette
désinstitutionnalisation.
M. Audet: Effectivement, il n'y a pas eu...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Chacun y allait un peu
comme il voulait.
M. Audet: Non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II n'y avait pas de
balises.
M. Audet: Je ne dirais pas que les gens faisaient les
opérations comme ils le voulaient, sauf que les opérations
étaient menées en concertation avec les conseils régionaux
et les établissements concernés, selon les circonstances, selon
la situation du milieu et selon les orientations ou la clientèle qui
était disponible. Dans certaines circonstances, il y avait une
approbation spécifique des plans proposés par les
établissements. Dans d'autres cas, ce n'étaient pas des
opérations de désinsitutionnalisation d'une façon
générale, mais le replacement dans la communauté de
certains des bénéficiaires qui étaient
hébergés qui, tout simplement, étaient
déplacés à l'intérieur de la communauté.
À la suite de l'évaluation de la clientèle, les
établissements disaient: II y en 50 % chez nous qui pourraient
très bien être placés dans des ressources davantage
intégrées. C'était leur mandat spécifique d'assurer
des services à cette clientèle-là. Donc, on n'avait pas
nécessairement besoin d'avoir une orientation ministérielle;
c'était leur mandat d'offrir des services de la meilleure qualité
possible aux personnes hébergées. Ce n'était pas une
orientation de dire: On ferme la botte, on ouvre la boîte. C'était
vraiment en fonction des besoins de chacun des individus en place.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pouvez-vous m'expliquer
comment il se fait que, par exemple, dans certaines institutions - je pense
à Doréa, j'en ai nommé une autre...
M. Audet: Pavillon de la Montagne.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... et il y en a d'autres
dont on a fait mention au cours des audiences et tout cela - les gens se sont
dit: On se trouve devant un fait accompli et, sans discussion, la
désinstitutionnalisation est devenue une politique, sans qu'elle soit
vraiment une politique bien définie, bien déterminée?
Vous dites que vous êtes partis d'un mémoire qui, en 1973,
disait: II faut normaliser ou permettre aux gens de vivre le plus possible dans
un milieu le plus normal possible. Je pense que c'est un peu comme la vertu,
tout le monde est pour cela. À partir de cela, il semble que cela ait
pris une telle ampleur qu'aujourd'hui on se trouve devant un
phénomène de résistance qui, peut-être, aurait
été moindre s'il y avait eu une meilleure coordination de la
politique qu'on voulait mettre en place eu égard à la
réinsertion sociale des gens.
M. Audet: Oui, c'est possible, il y aurait pu y avoir moins de
résistance à certaines occasions. Comme je le mentionne, on n'a
pas eu, justement pour ne pas créer de résistance, une politique
générale consistant à dire à l'ensemble du
Québec: On va fermer les établissements. Le ministère n'a
pas eu une telle attitude. Il a décidé plutôt de
procéder en fonction de l'évaluation des individus. Dans
certaines circonstances, pour des établissements qui, historiquement,
avaient hébergé des clientèles avec une déficience
assez légère, l'opération normalisation avait
peut-être, dans ce cas, un impact plus grand sur la clientèle et
sur le personnel travaillant pour ces établissements. Il y a plus de
personnes qui étaient touchées parce qu'il y avait plus de gens
qui devaient sortir pour être intégrés dans la
communauté. (14 heures)
Je dois vous dire qu'il n'y a pas seulement le ministère qui est
concerné. L'ensemble de l'évolution des professionnels
intéressés à ce secteur, leur meilleure connaissance du
comment faire pour desservir les personnes dans un milieu intégré
ont fait qu'avec le temps, depuis 1973, il y a eu un mouvement qui s'est
accéléré dans le milieu. Le ministère aurait eu
beau envoyer des directives positives ou négatives à cet
égard, cela se serait fait de toute façon, compte tenu de
l'évolution des mentalités.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans votre
évaluation des choses à ce moment-ci, est-ce que vous jugez que
cela se fait d'une façon satisfaisante?
M. Audet: Je vous dirais, d'une façon
générale, que cela dépend des milieux. Il y a des milieux
où les stratégies utilisées pour réinsérer
la clientèle dans le milieu pourraient susciter des questions. Il y a
des endroits où les opérations se sont faites parfois avec
certaines erreurs de parcours, on en convient. Par contre, on a
également beaucoup de succès à d'autres endroits.
Les critiques qu'on reçoit touchent peut-être 5 % à
10 % des cas. Pour toutes
sortes de raisons, il est tout à fait compréhensible que,
vis-à-vis ' des personnes qui ont été
hébergées pendant une quinzaine d'années et qui tout
à coup se retrouvent dans la communauté, il y ait une certaine
excitation ou que cela cause certains problèmes et des
résistances de l'environnement ou du personnel concerné.
Dans l'ensemble, je dirais qu'on a plus de succès qu'on n'a
d'échecs. Vous avez mentionné deux centres d'accueil, mais on
peut en mentionner à d'autres endroits, comme le Centre de
réadaptation du Contrefort. Dans chacune des régions, on a des
expériences...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le Centre de
réadaptation du Contrefort est venu ici et je pense que vous avez
raison. Cela rejoint un peu ce que Mme Plante disait tout à l'heure.
Cela a été à l'occasion d'un changement administratif,
l'institution passant du privé au public, on en a profité pour
que les ressources additionnelles qui s'y trouvaient soient affectées
à de la réinsertion sociale. Ils nous ont montré un
vidéo ou un diaporama, quand ils sont venus. Dans ce cas, cela semblait
être un succès.
M. Audet: C'est une des raisons, mais ce n'est pas la seule. La
principale raison, c'est qu'ils ont eu la volonté de le faire et ils ont
eu les professionnels concernés qui ont agi avec une stratégie
fort intéressante. Il y a eu aussi des résistances dans certains
milieux. Il y a certaines des installations ou des groupes qu'ils ont
déplacés qui ont créé des perturbations dans
certains milieux résidentiels.
Il est bien évident que, quand les gens n'ont jamais vu une
personne déficiente mentale de leur vie, la première fois qu'ils
en rencontrent une qui a certains troubles ou qui a un comportement
légèrement marginal, cela crée des résistances.
C'est tout à fait légitime et ce ne devrait pas être une
raison pour nier ou réduire le droit de ces personnes de vivre dans la
communauté.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous croyez
que les ressources alternatives qui sont mises - et ceci s'applique tant du
côté des ex-psychiatrisés que du côté de la
déficience mentale - à la disposition de ces personnes qu'on
désinstitu-tionnalise sont suffisantes? On a eu aussi un autre cas,
j'oublie le nom, où cela avait été un succès. Il
faudrait le retrouver dans le Journal des débats. On avait
désinstitutionnalisé - je le dis de mémoire -environ 150
personnes. Présentement, on dit: On est rendu sur la corde raide, on ne
peut pas continuer à moins d'avoir des ressources
supplémentaires. Je pense que vous vous en souviendrez, vous venez
peut-être de l'institution?
Une voix: La Maison Sainte-Clothilde?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'était
peut-être Sainte-Clothilde.
M. Audet: C'est possible. À la Maison Sainte-Clothilde,
c'est une opération qui a eu un grand succès. Si vous demandez
s'il y a des ressources suffisantes, encore là cela dépend des
milieux. Les ressources ne sont pas toujours, à notre grand
désarroi parfois, réparties aussi équitablement qu'on le
désirerait, pour toutes sortes de raisons. Parfois, ce sont des raisons
financières, mais parfois ce sont des questions de ressources humaines
ou de formation du personnel en place. Il y a des variations et on doit moduler
nos actions dans ce secteur. La Maison Sainte-Clothilde a fait une
opération de réinsertion dans le milieu de 80 % de sa
clientèle, sauf qu'on est rendu présentement à dire: Si
vous voulez que je fasse une étape, j'aurais besoin de ressources
additionnelles, soit financières, soit en personnel.
À ce moment, il faut faire une pause et regarder comment on
pourrait, à l'intérieur d'une région donnée et non
pas seulement à l'intérieur d'un seul établissement,
répartir d'une meilleure façon les ressources pour pouvoir
continuer l'opération, s'il y a lieu, toujours en tenant compte des
besoins des individus. Ce n'est pas une question de principe où on doit
absolument fermer les boîtes, on doit regarder chacun des individus. Je
reviens là-dessus, cela m'apparaît essentiel.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. Lamonde.
M. Lamonde: Pour compléter nos remarques sur les
ressources et sur l'évaluation que vous faites qui est en cours sur la
réinsertion sociale, c'est évident que, comme on l'a dit avant,
il y a des praticiens, des gens concernés par ce milieu, qui pensaient
et qui pensent toujours que la meilleure façon de traiter les gens est
de travailler avec eux dans la société et non pas à
l'intérieur des murs. Sauf que, quand cela s'est produit dans des cas
à la pièce, avec des gens qui avaient peu ou beaucoup de moyens,
les résultats ont été effectivement différents d'un
endroit à l'autre pour toutes sortes de raisons. Quand cela a
été mauvais, ce fut peut-être à cause d'un manque de
ressources financières, à cause d'une mauvaise gestion, à
cause du syndicat qui n'a pas coopéré ou parce que les gens du
quartier ont pu être rébarbatifs. On peut imaginer...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Les gens qui
résistent, etc.
M. Lamonde:... toutes sortes de motifs. D'ailleurs, les motifs
sont les mêmes dans les cas où cela a bien fonctionné;
quand les gens ont coopéré, le syndicat et le patron, tout le
monde, cela a généralement bien fonctionné. C'est
évident que, partant de cas d'espèce comme cela, alors que les
praticiens du réseau, à la suite des grandes orientations dont on
a parlé, ont agi d'une telle façon, on peut arriver, è un
moment donné, à dire qu'il y a eu une insuffisance de
ressources.
Dans la mesure où le ministère va affirmer - on
espère incessamment le faire -certains principes de façon plus
spécifique relativement à la réinsertion sociale ou
encore, de façon plus générale, au maintien dans le milieu
de vie naturel, il est bien évident qu'on ne pourra affirmer cela sans
constater en même temps qu'il n'y a pas suffisamment de ressources dans
le milieu, dans la communauté pour procéder comme cela. Si on
affirme cela comme une politique gouvernementale, c'est évident qu'il va
falloir investir des ressources dans la communauté pour le
réaliser. Cela ne signifie pas nécessairement des ressources
nouvelles; on peut utiliser des ressources institutionnelles en place
présentement qui peuvent être converties.
Mais jusqu'ici, même si, au niveau des individus du
ministère, plein de gens pensaient cela, il n'y avait quand même
pas de politique ou d'action gouvernementale arrêtée
là-dessus. Dans la mesure où il y en aurait une, c'est sûr
qu'on constate un manque de ressources. Toute la première ligne, tout le
communautaire doit être vraiment mis en place si on veut un
fonctionnement plus large. Il y a des gens, dans certains endroits, qui avaient
suffisamment de ressources pour faire de la réinsertion sociale,
d'autres endroits en manquaient.
Autre chose que l'on a mentionnée tantôt, en termes
d'évaluation des bénéficiaires, ce qui est très
important, c'est qu'en certains endroits on a peut-être fait de la
réinsertion sociale sans suffisamment tenir compte de
l'évaluation des bénéficiaires. Il y a des gens qui
peuvent être réinsérés dans la société
plus facilement, plus rapidement que d'autres; il y en a peut-être
même une certaine quantité qui, étant donné notre
passé et notre histoire, ne pourraient pas être
réinsérés demain matin. On n'a peut-être pas
toujours fait montre de discernement.
Du côté de l'évaluation, il faut être prudent.
On peut toujours évaluer des cas et c'est très sain de les
évaluer, cela nous instruit et cela nous permet de nous
améliorer. D'une part, il faut faire attention à ne pas associer
l'approche, l'esprit ou le moyen d'intervention que la plupart des gens
conviennent être le meilleur à des cas bien malheureux qui ont
existé et, d'autre part, c'est évident qu'il faut ajouter des
ressources, qu'il doit y avoir des ressources dans la communauté pour
faire ce genre de démarche. S'il n'y a pas de ressources dans la
communauté, nous sommes les premiers à dire qu'il ne faut pas
faire la démarche.
Mon dernier commentaire là-dessus est de dire que c'est
très voyant, une erreur de réinsertion sociale dans la
communauté; c'est beaucoup moins voyant une erreur en institution. Si on
comparait les erreurs dans la communauté avec les erreurs en
institution, je ne sais pas d'avance quel serait le résultat, mais il
faut faire bien attention à cela aussi parce qu'il n'y a pas de
système parfait, il y aura toujours des erreurs, quelle que soit
l'approche que l'on utilisera. Tout ce que je veux dire, encore une fois, c'est
que les erreurs dans la communauté sont très visibles, celles en
institutions le sont beaucoup moins.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je ne voudrais pas que
vous interprétiez les questions qu'on vous pose d'abord comme
étant des jugements sur le ministère; le ministère a
fonctionné avec les ressources qu'il avait. Mais il reste que tous les
gens qui sont venus ici étaient pour le principe de la
désinstitutionnalisation. C'est un peu comme la vertu, tout le monde
était pour. Je ne pense pas qu'il y avait des voix discordantes
là-dessus, si ma mémoire est bonne. Mais on discutait sur la
façon de la faire, sur l'encadrement qui devait permettre qu'elle soit
heureuse, qu'elle soit satisfaisante et qu'on ne déplace pas simplement
des problèmes.
Si je vous pose ces questions-là, c'est pour essayer vraiment de
mesurer ce vers quoi le ministère s'en va. Des fois, on avait
l'impression que tout le monde était impliqué dans un grand
processus de désinstitutionnalisation. Évidemment, on a entendu
le témoignage d'un nombre restreint d'institutions par rapport au nombre
total, mais c'est quand même important pour nous autres de savoir ce qui
existait, d'où est parti le mouvement, quelles sont les
difficultés rencontrées et ce vers quoi le ministère tend.
C'est un peu le sens de mes questions.
M. Lamonde: Sur la notion d'encadrement, je voudrais juste
revenir un petit peu là-dessus. C'est évident, encore une fois,
comme pour les ressources, que si on lance une politique gouvernementale
officielle qui appuie cela même dans l'action, il devra y avoir un
certain encadrement, qu'on ne pourra pas laisser cela aller n'importe
comment.
Par contre, je veux juste rappeler que la réinsertion sociale est
un moyen thérapeutique et les moyens thérapeutiques ne nous
appartiennent pas, à nous. Il y a des
gens qui sont spécialisés là-dedans. Notre mandat
est plus de donner un ensemble de ressources qui permettent è ces
gens-là d'intervenir et d'agir suivant leurs connaissances et leur
spécialité. Même les milieux seront différents. Je
suis convaincu que, suivant le milieu du quartier, de la localité, du
type de bénéficiaire, etc. les gens qui seront impliqués
auront envie d'intervenir différemment dans le processus de la
réinsertion sociale. Il serait très malheureux qu'on se mette
à normaliser tout cela ou à encadrer. C'est très
dangereux, l'encadrement. C'est à la fois positif, en ce sens que cela
peut éviter des écarts qu'on ne souhaiterait pas, mais cela
contraint beaucoup l'ingéniosité et même la connaissance,
la spécialisation et l'expertise des gens de ce milieu-là. Sur le
fait de donner des encadrements, je pense que le ministère sera
très prudent.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je partage votre point de
vue jusqu'à un certain point, M. Lamonde. J'ai dit le mot "encadrement"
et je le garde. Je pense qu'on pourrait aussi l'appeler autrement. Il faut
certains principes ou certaines balises qui soient sous-jacents à une
opération de désinstitution-nalisation. Par exemple, il peut y en
avoir un touchant la préparation du milieu. C'est un grand principe.
C'est dans ce sens-là que je parle d'encadrement. Je pense que je ne
voudrais pas de programme-cadre comme pour la lecture au primaire, où
chaque étape est déterminée. C'est dans ce sens-là
qu'il me semble important qu'il y ait ce type d'encadrement.
Je ne veux pas accaparer le temps de mes collègues. Est-ce que
vous avez des questions? Je reviendrai parce que j'en ai d'autres. Oui?
Évaluation des établissements
Mme Lachapelle: J'aimerais poser quelques questions. On parle
toujours des ressources humaines, c'est-à-dire de préparer les
bénéficiaires à aller vivre dans leur milieu le plus
naturel. Il existe des ressources, on en connaît, pour aider ces
gens-là dans le milieu. Est-ce qu'il y a une évaluation
périodique, peut-être mensuelle, de chaque organisme qui existe?
Par exemple, il y a les foyers, les ateliers protégés. Est-ce
qu'il y a des rapports qui vous arrivent pour savoir, avant de mettre cela sur
pied et créer d'autres ressources, quels sont les résultats de
chaque type d'établissement? Est-ce que vous avez des rapports à
savoir comment cela fonctionne, quelle est l'évaluation? Est-ce qu'au
bout d'un certain temps, si les gens fonctionnent bien, on continue de les
suivre? Sinon, ils retournent en institution parce qu'ils ont eu un paquet de
problèmes parce que c'est mal organisé. Est-ce qu'on a une
évaluation périodique des organismes existants?
(14 h 15)
M. Lamonde: Je peux essayer de répondre là-dessus.
Un premier point: du côté des organismes qu'on qualifie de
services sociaux, par opposition à santé (centres hospitaliers),
à ma connaissance, il n'y a pas généralement - on pourra
me corriger - de processus d'agrément de ces institutions. Du
côté des centres hospitaliers, il y a des corporations qui
agréent leurs pratiques professionnelles, que ce soit la corporation des
infirmières, la corporation des médecins, etc. Il y a un paquet
de gens qui circulent et qui examinent le comportement des gens qui sont
là et qui donnent des agréments positifs ou négatifs ou
qui font des recommandations d'ajustement. À ma connaissance, du
côté des établissements dits de services sociaux, donc des
centres d'accueil et de rédaptation, des ateliers protégés
- la liste dont vous parliez, des organismes bénévoles -il n'y a
pas ce genre d'agrément.
M. Audet: Sauf dans la mesure où il existe du personnel
professionnel qui est régi notamment des infirmières qui
visitent; mais il n'y a pas d'organisme central.
M. Lamonde: D'accord. Par rapport à cela, du
côté de l'information relative aux clientèles, on doit,
comme ministère, faire une affirmation qui est bien plate à
faire. On est très mal équipé pour l'instant de ce
côté et on n'a pas tellement d'information sur les
clientèles. On a, par contre, je dirais depuis deux ans, entrepris une
démarche d'envergure à l'intérieur du ministère et
avec le réseau quant à l'identification de tout un système
d'information relativement à ces clientèles. On a
identifié toutes les informations qu'il serait utile d'avoir. On est
à une étape d'informatisation là-dessus. À ma
connaissance, je pense qu'il y a eu aussi des contacts à l'occasion du
règlement sur l'organisation des établissements de santé
et de services sociaux qui avait été approuvé en
commission parlementaire. À cette occasion, il y avait eu une
requête auprès de la Commission d'accès à
l'information pour savoir si l'information qu'on réclamait
était... si on pouvait ou non le faire. Et on a eu là-dessus, je
pense, un avis de la commission qui disait: On s'est entendu avec la Commission
d'accès à l'information à savoir que l'information qu'on
va demander ou qu'on demande est acceptable et correcte. Donc, on est en train
de mettre en place ces moyens. Mais disons que, jusqu'à présent,
effectivement, on a manqué d'information de ce côté. On
pourrait aussi dire que du côté des centres hospitaliers
psychiatriques ou de la clientèle psychiatrique, notre information sur
la clientèle n'est pas très forte non plus et qu'on est à
l'améliorer. De ce côté, on a
fait des efforts.
Je voudrais faire une petite remarque en passant. Quand ce n'est pas en
institution, quand c'est dans la communauté, notre bon système
démocratique est une espèce de moyen d'information. Ce n'est pas
avec cela qu'on doit gérer, il faut avoir un meilleur système,
mais disons qu'il y a quand même eu là certaines démarches
qui ont fait qu'ils nous ont alertés à toutes sortes de moments,
nous disant: II y a un problème à tel endroit, etc. Ce n'est pas
suffisant, mais disons que cela a existé.
Ou côté psychiatrique, on a, il faut le savoir,
procédé récemment à une évaluation des
bénéficiaires en milieu psychiatrique. On est en train de
terminer cette évaluation pour les départements psychiatriques
è l'intérieur des hôpitaux généraux de
façon à savoir quel genre de clientèle il y a et ce que
cette démarche est en train de provoquer. C'est plein de
réajustements ou de questionnements, à tout le moins de la part
des établissements, pour voir dans quelle mesure les programmes qu'ils
offrent à leurs bénéficiaires sont adaptés
effectivement aux problématiques que ces bénéficiaires
vivent présentement.
Par ailleurs, ces évaluations vont servir, vont être
omniprésentes, justement, dans la fabrication ou la détermination
des programmes et aussi dans des opérations comme la réinsertion
sociale qui pourrait intervenir à plus ou moins court terme de ce
côté, de sorte qu'on n'essaie pas de réinsérer dans
la société... Autrement dit, il y a des gens qui sont plus
facilement réinsérables, étant donné leur statut
physique ou mental, que d'autres. Alors, les gammes de services adaptés
à ces gens-là varient. On va se servir de cela et d'études
encore plus poussées que les établissements sont en train de
faire pour, effectivement, réaliser cela.
Une autre chose que je dois dire, c'est que, du côté des
organismes communautaires ou bénévoles qui s'occupent
particulièrement de santé mentale, on a l'intention de structurer
pour eux un soutien financier plus adéquat que ce qui existe
présentement pour ce type bien spécifique d'organismes
bénévoles ou communautaires. Là-dedans, évidemment,
une des exigences qu'on aura sera de pouvoir avoir des rapports d'eux
déterminant un peu ce qu'ils font, de quelle clientèle ils
s'occupent, ce qu'ils font avec, quels sont les résultats.
Par contre, il faut être très prudent parce que, lorsqu'on
est avec de petits organismes comme ceux-là qui, parfois, comptent un
permanent à mi-temps et deux ou trois personnes bénévoles
- ce ne sont pas tous de grands organismes, ce sont même souvent de
très petits organismes - la grande valeur de ces gens, c'est
d'être en dehors de la société du papier que nous aimons
bien, nous les technocrates. Il ne faudrait pas les amener dans la
société du papier à nous faire plein de rapports
sophistiqués sur toutes sortes de choses parce qu'ils ne sont pas
équipés pour le faire. Il faut trouver un moyen terme qui nous
permette de savoir un peu ce qu'ils font, comment ils se comportent par rapport
à cela mais, en même temps, faire bien attention à ne pas
leur demander de travailler pendant six mois à faire un rapport et les
autres six mois à s'occuper des clients ou de leurs
bénéficiaires.
M. Audet: Si vous me permettez de compléter les
information, M. Lamonde, concernant le secteur dont je m'occupe en ce qui
concerne le contrôle des établissements, s'il n'y a pas
d'organismes d'accréditation", comme il en existe peut-être du
côté de la santé, disons extérieurs au
ministère, la Direction de l'agrément au ministère remplit
un rôle de contrôle et d'évaluation assez important au sein
des établissements dans notre direction générale. Il y a
eu une période où il n'y a pas eu de visites d'agrément
précisément parce qu'il n'y avait pas de normes ou de
critères sur lesquels ils pouvaient s'asseoir pour juger de la
qualité des services qui étaient distribués à
l'intérieur de ces établisements.
Depuis un an et demi ou deux ans, il y a des visites
systématiques qui sont faites dans l'ensemble de nos
établissements pour vérifier la qualité des services et la
conformité aux lois et règlements, disons davantage la
conformité aux lois et règlements.
Parallèlement à cela, nous avons présentement en
consultation au sein du réseau d'établissements un document de
travail qui est d'abord un guide d'actions et de normes qui sont
proposées à l'ensemble du réseau pour les personnes qui
présentent une déficience mentale. Le document s'intitule "La
personne et ses conditions de vie en milieu d'accueil et de
réadaptation". Il essaie, justement, de véhiculer la philosophie
dont on traite présentement, qui est celle de la normalisation ou,
encore, de la valorisation sociale de la personne, dans les divers milieux
où elle reçoit des services.
Cela complète peut-être l'aspect vérification de la
qualité des services. En outre de cela, il y a, bien sûr, les
rapports statistiques annuels qui nous sont fournis par les
établissements et les rapports financiers sur lesquels on se base, dans
certains cas, a posteriori pour savoir l'évolution des services à
la clientèle. C'est ce qui faisait que dans certains cas, avec une
clientèle que nous jugions analogue même si les statistiques
n'étaient pas très précises là-dessus, on essayait
de voir entre les différents établissements comment il se faisait
que l'un n'avait fait aucune démarche dans le sens d'une
réinsertion sociale alors qu'un autre
établissement, avec une clientèle semblable, avait
procédé déjà à une réinsertion
sociale, à la mise en place d'une gamme de services beaucoup plus
diversifiés.
Peut-être que dans certaines circonstances les
établissements visés se sont sentis un peu pressés par les
professionnels du ministère. C'est possible.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. C'est
peut-être ce qui est arrivé - comment l'appelez-vous - au Pavillon
de la Montagne.
M. Audet: Je n'en sais rien. Je ne porterai pas de jugement sur
ce cas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, non. D'accord.
Allez, M. Lamonde.
M. Lamonde: Est-ce que vous me permettez de donner un
élément de réponse additionnel? Sans dévoiler
immédiatement ce que pourrait être le document de réflexion
du ministère en santé mentale, disons qu'on est
préoccupé par ce volet. On va vraisemblablement suggérer
aux gens de s'interroger sur les choses suivantes. Pour nous, c'est très
important, les ressources communautaires, qu'elles soient familiales ou
vraiment communautaires dans un sens plus large. Sauf que ce qu'on souhaiterait
c'est que les gens dont c'est la vocation propre, la formation ou la mission ou
la spécialité, qui ont des connaissances spécifiques
puissent, sous différentes formes, supporter ces interventions
communautaires, que ce soit par de l'information, que ce soit par une certaine
partie de formation ou que ce soit par du travail commun auprès des
bénéficiaires, de façon à multiplier l'effort de
qualité.
Il y a des gens qui sont très dévoués. Les
organismes communautaires de façon générale - c'est leur
principale caractéristique - sont pleins de dévouement. Une de
leurs faiblesses à l'occasion, c'est les connaissances adaptées
pour faire face aux différentes situations d'importance, de crise. Les
experts, s'ils étaient mis en support à ces équipes,
pourraient certainement contribuer à améliorer de beaucoup la
situation. Et ce faisant, il est bien évident que les gens qui ont un
peu plus de connaissances et d'expertise pourraient non seulement
éduquer, aider, supporter, mais, évidemment, porter en même
temps un jugement. Je ne sais pas, porter un jugement, c'est peut-être
exagéré, mats en tout cas ils pourraient voir un peu comment les
gens se comportent et, s'il y a des choses qui sont déraisonnables dans
le mode d'intervention, évidemment, faire des démarches pour que
ce soit corrigé ou pour informer les gens qui sont en train de faire une
démarche qu'elle n'est peut-être pas correcte.
Mme Lachapelle: Si je comprends bien, si on pouvait avoir des
données ou comparer les établissements les uns par rapport aux
autres, les petits établissements qui des fois sont dans la
communauté, c'est là qu'on pourrait continuer. On pourrait juger
bon s'ils manquent de ressources financières, d'en apporter un peu plus
parce qu'il ne s'agit pas seulement de faire le travail ou de donner des
services, mais aussi qu'ils soient de qualité. Si, à un moment
donné, on peut faire tout cela, on peut penser â aller plus loin;
mais si déjà on n'est pas plus sûr que cela de certains
résultats, moi, je suis toujours un peu craintive de continuer. Vous
m'avez donné plusieurs renseignements. Je suis sûre qu'on aura
d'autres questions par la suite.
Les hôpitaux psychiatriques
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais
peut-être revenir du côté de la psychiatrie,
c'est-à-dire sur une question d'ordre plus général: Est-ce
que le ministère s'oriente vers une désinstitutionnalisation
générale - du côté de la déficience, je pense
que c'est déjà assez acquis - du côté des
bénéficiaires, des institutions psychiatriques?
M. Lamonde: Notre souhait - et c'est là-dessus qu'on va,
entre autres, demander aux gens de réfléchir - c'est toujours le
même. C'est qu'on veut que les services soient adaptés aux besoins
des bénéficiaires. Dans certains cas, le service devra être
institutionnel. Dans d'autres cas, nous pensons qu'il ne devrait pas être
institutionnel. Cela ne signifie pas qu'on souhaite
désinstitutionnaliser tout le monde.
Idéalement, on souhaiterait qu'il n'y ait pas eu
institutionnalisation. Sauf qu'il y a un état de fait, il y a des gens
qui sont institutionnalisés depuis 35, 40 ans et c'est loin d'être
sûr que ces gens, disons, même s'ils n'ont aujourd'hui que des
traumatismes physiques et qu'ils n'ont plus aucun traumatisme psychiatrique,
peuvent demain, s'ils ont passé 40 ans à
Louis-Hippolyte-Lafontaine, retourner dans la communauté. Cela n'est pas
sûr.
Par rapport à cela, il faut être extrêmement prudent
pour le bien-être même de ces bénéficiaires. Notre
idée, c'est de dire: On souhaiterait - et on y tient - que l'approche
auprès des bénéficiaires soit adaptée à leur
situation. Maintenant, pour faire cela, il y a plusieurs approches possibles.
Il y a des séquences dans le temps, il y a des stratégies dans le
temps à prendre, stratégies voulant dire des comportements
d'ensemble du réseau, de la communauté, de la
société, etc. qui vont faire cheminer les choses. Il y a des
partages de responsabilités, des formes différentes de partages
de responsabilités à établir entre les
différents intervenants, qu'ils soient institutionnels ou non
institutionnels. C'est vraiment sur ces modes qu'on veut interroger les gens
pour savoir ce qu'il serait préférable de faire. Suivant les
milieux, cela peut varier, cela peut être très
différent.
Notre idée, pour être bien clair, ce n'est pas de prendre,
demain matin, les 2000 patients de Louis-Hippolyte-Lafontaine, les -je ne sais
pas combien - 2000 patients de Robert-Giffard, les 700 de Saint-Ferdinand
d'Halifax etc. et de les mettre dans la communauté. C'est évident
que ce n'est pas cela qu'on veut faire. Ce qu'il nous faut faire, c'est avoir
des services dans la communauté, qui vont constituer une espèce
de barrière à l'entrée à l'institutionnalisation.
S'il y a des gens qui peuvent être maintenus dans leur milieu de vie
naturel présentement, bravo, tant mieux, il faut faire cela. (14 h
30)
II y a aussi une certaine quantité de gens qui sont
présentement en institution et qui, à notre avis, ne
reçoivent pas une intervention, un support adapté à leurs
besoins. Alors, il faut changer cela, en améliorant le service en
institution dans certains cas et, dans d'autres cas, en essayant de
désinstitutionnaliser ces gens. Mais désinstitutionnahser, cela
ne veut pas dire parquer au coin de la rue; cela peut vouloir dire avoir
recours à différentes sources intermédiaires, à des
maisons supervisées, à des familles d'accueil, à des
foyers de groupe ou, dans certains autres cas, peut-être plus
carrément dans la communauté. Je ne sais pas dans quelle mesure
cela répond à votre question.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quand on parle de
désinstitutionnalisation, on a plutôt à l'esprit le
portrait des gens qui ont été institutionnalisés
historiquement et qui sont encore en institution. On a eu ici, entre autres, le
Dr Laurin qui disait qu'à Prévost un certain pourcentage des lits
- de 20 % ou de 25 %, je vous le donne de mémoire, sous toutes
réserves, c'est peut-être 30 % ou 33 % - 33 % étaient
occupés par des patients, appelons-les "chroniques", entre guillemets,
avec toutes les nuances, mais des patients qui requièrent une
hospitalisation à long terme. À côté de ceux qui
n'ont jamais été institutionnalisés dans le sens de la
grande institution, il existe aussi ceux dont le comportement ou le
problème psychiatrique est tellement lourd que, dans l'état
actuel des connaissances, on ne semble pas être capable de les aider
suffisamment ou de les rendre suffisamment ou même partiellement
autonomes et qu'ils doivent vivre dans un certain milieu. Là-dessus,
j'aimerais vous entendre. On a parlé à plusieurs reprises du
problème grandissant des 18-35 ans ou des 18-40 ans qui vivent dans la
communauté avec le phénomène de la porte tournante.
M. Lamonde: Pour répondre à cela, d'abord, puisque
vous avez parlé du Dr Laurin, j'aimerais dire que j'étais
là et qu'effectivement il a fait ces commentaires. Mais je le vois
encore avoir certaines réticences. Le même individu, dans une
expérience à Roberval où il y a un centre psychiatrique, a
rencontré le personnel de l'établissement et on lui disait qu'il
y avait des gens qui étaient... Je ne me souviens, d'ailleurs, plus du
vocabulaire un peu, même, indécent qui avait été
utilisé à l'endroit des bénéficiaires cela n'avait
pas de sens. On disait essentiellement qu'il y avait là des chroniques
qui étaient irrécupérables. Il y avait un psychiatre, il y
avait des omnipraticiens avec des privilèges en psychiatrie qui
étaient là et qui tenaient cette discussion au Dr Laurin qui,
lui-même, leur a dit: Contrairement à ce que vous pensez, vous
devriez mettre la plus grande partie de vos énergies sur ces
bénéficiaires, ce sont ceux qui en ont besoin davantage.
Fondamentalement - on rapporte les opinions de quelqu'un d'autre, c'est
un peu difficile - je pense que le Dr Laurin ne croit pas que quelqu'un soit
dans une situation irrémédiable. Il reconnaît qu'il y a des
cas très difficiles. Cela étant dit, c'est évident qu'il y
a des gens qui ont des maladies, des problématiques qui font que ce
n'est pas simplement en allant faire un tour à la clinique externe une
heure par semaine ou quelque chose comme cela que vous allez les aider à
résoudre leurs problèmes. Peut-être qu'ils ont besoin
d'interventions beaucoup plus spécialisées, beaucoup plus
soutenues et qui nécessitent, dans plusieurs cas vraisemblablement, des
hospitalisations d'une certaine durée.
Mais il y a une différence entre de l'hospitalisation et de
l'institutionnalisation, Autrement dit, si je prenais un exemple du
côté de la médecine physique, vous pouvez avoir un accident
d'auto qui fait de vous un polytraumatisé et qui va faire que vous allez
passer un an dans un centre hospitalier en réhabilitation; mais vous
n'êtes pas institutionnalisé, en ce sens que vous avez
été hospitalisé pendant un certain temps pour subir un
traitement et que vous en ressortez. Pendant toute la période de temps
où vous étiez là, il était acquis que vous
étiez de passage. Tout le monde qui intervenait auprès de vous le
faisait auprès de quelqu'un qui a besoin temporairement d'un service,
mais qui va en sortir. L'institutionnalisation, c'est différent. On vous
regarde et on se comporte envers vous comme envers quelqu'un qui vient de
passer la porte et qui ne la passera plus dans l'autre sens, sauf les pieds
devant. L'institutionnalisation, ce n'est pas juste le fait d'être
couché dans un lit d'hôpital; c'est toute une mentalité,
c'est
tout un comportement et une approche.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On entre dans une
discussion un peu philosophique.
M. Lamonde: C'est parce que vous avez utilisé le mot
institutionnalisation.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Puisque vous étiez
là - je sais que vous êtes venu, c'est peut-être au moment
où le Dr Laurin était là - il reste que le Dr Laurin a
dit: Dans nos départements psychiatriques d'hôpitaux
généraux... Parce que, même à Prévost, s'ils
ont plus de lits qu'ailleurs historiquement, c'est quand même un
département de psychiatrie de l'hôpital Sacré-Coeur. C'est
considéré un peu comme...
M. Lamonde: Le département de psychiatrie de
Saint-Luc.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... Notre-Dame ou ce que
vous voudrez. Il a dit - il y en a d'autres qui l'ont dit, je ne peux pas citer
tous et chacun - on est obligé de repousser les gens trop rapidement
à l'extérieur - je parle des hôpitaux
généraux; je ne parle pas des hôpitaux psychiatriques
-parce qu'une partie de nos lits - je n'ai pas rêvé ça -
est accaparée par des patients. On a même parlé de gens qui
étaient là depuis deux ou trois ans. Je pense que ce
n'était pas l'exception dans les hôpitaux du Québec.
Je voudrais vous demander plus concrètement si vous avez des
statistiques. Normalement, quand on parle de département de psychiatrie
dans un hôpital général, on parle en termes d'une moyenne
d'hospitalisation. D'abord, quelle est la moyenne d'hospitalisation? Je vous
dirais qu'on peut considérer trois mois comme étant une norme
acceptable mais, quand vous dépassez six mois... Est-ce que vous avez
des normes eu égard, justement, à la longueur de séjour
des patients? On me dit que la moyenne provinciale est peut-être de 38
jours. Le nombre de patients qui, justement, font des séjours
prolongés au-delà de six mois, est-ce que vous avez des
statistiques là-dessus?
Mme Plante: Je ne les ai pas ici, mais, effectivement, on a des
données sur la durée de séjour en hôpital
psychiatrique certainement et en département de psychiatrie
également. Donc, ce seraient des statistiques qu'on pourrait vous
fournir.
Je vous souligne que toute cette notion d'hospitalisation de longue
durée pose le problème, justement, de savoir si c'est un
rôle qu'on reconnaît exclusivement aux hôpitaux
psychiatriques. Le Dr Georges Aird est venu présenter son
mémoire. Il soulève, dans le mémoire et dans le rapport
qu'ils avaient fait sur les services dans Montréal, cette question de la
nécessité de programmes de moyenne ou longue durée, qui
sont quand même différents de services de courte durée
comme tels qui s'adressent à des clientèles et à des
besoins différents. Il soulevait aussi la question de savoir s'il n'y a
que les hôpitaux psychiatriques qui devraient avoir une
responsabilité à l'égard de ces programmes-là et de
ces clientèles-là ou si on ne devrait pas, plutôt que
toujours concentrer des ressources de cette nature-là uniquement dans
des centres hospitaliers psychiatriques, penser davantage à une
espèce de sous-régionalisation de ces services-là et,
donc, reconnaître à certains départements de psychiatrie un
rôle spécifique dans l'élaboration d'un programme de longue
durée.
De la même manière que ce que rapportait M. Lamonde de la
conversation du Dr Laurin, ceux-ci soulignent que ce sont des services qui
requièrent un ratio de personnel supérieur à la courte
durée parce que, justement, les problématiques sont plus
complexes et qu'elles nécessitent une intervention d'autant plus
spécialisée et structurée. On devrait plutôt
envisager - c'était une des hypothèses - des unités plus
petites - ceci correspond aussi à d'autres principes visant la
normalisation et la gestion des ressources - sous-régionalement et qui
seraient liées à chacun des départements de courte
durée où il pourrait se faire une meilleure coordination des
services, une meilleure référence et qui régleraient en
partie cette situation où on retrouve un certain pourcentage de
clientèle dont l'hospitalisation est plus longue dans chacun des
départements de psychiatrie, parce que je pense qu'il s'en retrouve dans
chacun. À ce moment-là, ils n'ont pas une approche qui leur est
spécifique parce qu'ils sont parmi les autres, alors qu'il serait
préférable d'avoir des programmes de longue durée bien
spécialisés. On se pose la question à savoir s'ils doivent
être nécessairement en hôpital psychiatrique ou s'ils ne
pourraient pas être rattachés à des hôpitaux de
courte durée, mais qui géreraient un programme de longue
durée.
D'autre part, je pense qu'il n'y a pas que l'hospitalisation
complète comme formule ou comme modalité d'intervention et qu'il
y a des formules qu'on dit d'hospitalisation partielle, entendant par là
qu'on peut y aller soit de jour ou de soir. On retrouve des formules
d'hospitalisation de jour ou de soir, des centres de traitement de jour et de
soir. Il y a également ce qu'on peut appeler des foyers de groupe, mais
à caractère vraiment thérapeutique, qu'on classe
également dans de l'hospitalisation partielle. Ils prennent en charge
des clientèles qui ont des problématiques plus complexes ou de
plus longue durée pour lesquelles il y a un
programme spécifique d'établi, mais qui, au lieu de se
retrouver dans un hôpital, se retrouvent dans une installation qui est
beaucoup plus à caractère résidentiel, mais dans laquelle
se retrouvent des services spécialisés et un encadrement
constant. Il faut également considérer tous ces aspects quand on
parle des services de longue durée. Ce sont des questions que nous pose
notre modèle de service actuellement.
Les ressources alternatives
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour revenir à la
question des ressources alternatives qui devraient être mises en place,
je pense que tout le monde est un peu conscient que, du côté de la
psychiatrie, elles sont largement insuffisantes puisque les gens sont
continuellement revenus sur le phénomène de la porte tournante.
Concernant la désinstitutionnalisation des déficients mentaux, il
reste que d'une façon globale -il peut y avoir, on en a parlé,
des diagnostics différents - c'est plus facile de mesurer et de
prévoir le comportement, compte tenu de ses capacités, d'un
déficient mental qui va être replacé dans tel type de foyer
ou tel type de ressources, etc. C'est beaucoup plus difficile, surtout dans le
cas des schizophrènes et tout cela. Ce contrôle ou cette
appréciation restent, dans bien des cas, assez aléatoires. Je
voudrais vous demander dans quelle mesure, à votre point de vue, les
ressources alternatives existantes - on les connaît à peu
près, tous, elles sont très petites; souvent, elles ont une
existence précaire, elles vivent un bout de temps seulement -
permettent, justement, cette réinsertion satisfaisante ou si on est
encore dans un contexte où on va se retrouver... Je prends toujours
l'exemple le plus frappant, le cas des chambreurs de la basse ville; on
pourrait parler aussi des chambreurs de la rue Saint-Denis. Je voudrais avoir
votre appréciation là-dessus, dans l'état actuel des
choses. Pour l'avenir - peut-être que M. Lamonde pourrait nous
répondre là-dessus -est-ce qu'il y a des projections
budgétaires, si on veut mettre en place tout cet appareillage, quant aux
coûts qui seraient impliqués? La première question
s'adresse à Mme Plante et la deuxième à M. Lamonde ou, peu
importe, â qui voudra répondre.
M. Lamonde: Mme Plante peut répondre aux deux
questions.
Mme Plante: II y a deux choses. Les ressources alternatives, je
ne pense pas qu'on les conçoive comme la panacée. Je reviens
toujours à cette adéquation nécessaire par rapport aux
besoins. Puisque les besoins sont si variés, si diversifiés, je
pense qu'il est évident que c'est d'une gamme de services qu'on a
besoin, d'une gamme de services professionnels, d'une part, et communautaires,
d'autre part, avec toutes les nuances que cela peut impliquer.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quand je dis "services
alternatifs", je pense à la vieille notion où on englobe tous les
types de services qui ne sont pas dans l'hôpital même.
Mme Plante: D'accord. Oui, oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On a fait une distinction
très intéressante...
Mme Plante: Entre les ressources pures et les...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est cela. Moi, je
veux dire ce dont quelqu'un a besoin pour vivre d'une façon
satisfaisante...
Mme Plante: Bon!
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... compte tenu de son
potentiel et de son fonctionnement.
Mme Plante: Si c'est comme cela que vous l'entendez, je pense
qu'effectivement c'est en concevant un continuum de services ou une gamme de
services appropriés aux besoins qu'on est le mieux en mesure d'assurer
la réinsertion et de prévoir certains accidents de parcours. (14
h 45)
Vous dites que leur comportement est un peu imprévisible. Je
pense que, pour les gens qui sont près des personnes, leur comportement
n'est pas imprévisible. Je pense, d'ailleurs, qu'il y a des parents,
lors d'une audition, qui en ont fait mention. La famille, par exemple, dit: On
le sait, on le sent qu'il va se passer quelque chose. Mais si on n'a aucune
communication possible avec les professionnels, bien, c'est la journée
où cela éclate qu'il se passe une intervention. Mais si on avait
le moyen de le faire savoir avant, d'avoir une meilleure communication, on
pourrait prévenir ces explosions.
Dans ce sens, si les services sont plus près, s'ils sont mieux
adaptés, s'il y a une meilleure communication, je pense que, justement,
on va être en mesure de prévenir.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, dans l'état
actuel des choses, est-ce que...
Mme Plante: Bien, dans l'état actuel des choses, je pense
qu'on n'a pas la gamme complète. Ici ou là, à l'occasion,
oui, il y a une gamme un peu plus étendue de services, mais je pense que
c'est là le constat qu'un peu tout le monde fait: on a des services
institutionnels à l'interne qui fonctionnent
d'une telle façon, puis on a, après cela, la famille,
puis, à l'occasion, entre cela, d'autres services. Il y a des centres de
jour qui sont un peu plus répandus, des équipes de secteur, bien
que cela ne soit pas répandu dans toute la province. À
Montréal, par exemple, c'est un modèle beaucoup plus
répandu, mais, dans d'autres régions, c'est la consultation
externe comme du côté physique.
Donc, du côté de la gamme des services, il est
évident qu'il y a des carences importantes qui font que, justement,
lorsque les services ne sont pas présents, la réinsertion est
plus hasardeuse pour la personne aussi bien que pour son entourage. De ce
côté, en tout cas, c'est dans les perspectives d'avenir une
carence à combler.
Je vais revenir sur la porte tournante parce que chaque fois cela
me...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela vous
étourdit?
Mme Plante: La porte tournante, à l'origine, c'est une
politique - je n'entends pas une politique du ministère des Affaires
sociales - d'intervention professionnelle afin, justement, de diminuer la
durée des hospitalisations et de permettre un maintien dans la
communauté. Historiquement, donc, chez les professionnels, cette
manière de faire s'est répandue. On a dit: Plutôt que de
garder quelqu'un un an, deux ans, trois ans, etc., quand on voit qu'il va
mieux, même si on sait que possiblement il va éprouver d'autres
difficultés, il est préférable de le laisser retourner
dans son milieu quitte à le rehospitaliser lorsqu'il en aura besoin.
C'est ce qu'on a appelé la politique de la porte tournante, sauf
qu'évidemment...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le milieu n'était
pas fameux, non plus.
Mme Plante: D'accord. Sauf que, effectivement, quand on en parle,
on n'en parle que comme du syndrome de la porte tournante dans ce sens qu'on
dit que c'est la démonstration de l'échec. Je pense qu'il faut
aussi penser que la porte tournante, cela veut aussi dire la porte ouverte dans
ce sens qu'on va faciliter ce retour de la personne, mais en s'assurant - je
pense que c'est, d'ailleurs, une des conditions de succès de la
réinsertion - qu'on puisse toujours faire une intervention en cas de
crise ou quelque chose et non pas laisser les gens en panne dans le milieu.
Donc, il faut quand même, la porte tournante, y penser un peu aussi dans
sa dimension positive.
Je suis absolument d'accord que les taux de réadmission sont
peut-être également signe de l'insuffisance de tout le
système. Je pense que c'est, quand même, une façon de faire
à maintenir que de dire: Autant que possible, on retourne la personne
et, lorsqu'elle aura besoin de services, on va les lui donner. Je voulais faire
cette nuance.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant, j'avais
posé une autre question.
Mme Plante: Quant à l'évaluation des
coûts.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... sur les coûts.
M. Lamonde va se le rappeler, j'ai posé la question au Dr Laurin, lui
permettant de ne pas y répondre parce que je ne voulais pas le mettre
mal à l'aise, non plus. De la façon dont il est intervenu avant,
j'avais interprété que peut-être on pourrait faire
simplement, à un certain rythme, un déplacement des grandes
institutions vers... C'est ce que, souvent, les psychiatres dans les
hôpitaux généraux prétendent aussi, que tout
l'argent va aux grandes institutions. S'ils nous en donnaient, on ferait une
meilleure "job".
Mme Plante: Je pense qu'on peut faire des projections sur une
base normative, c'est une chose, donc, une base bien théorique. On
imagine un système conçu de telle façon, avec telles
normes par rapport à des lits dans un hôpital, des lits de courte
durée, des lits de longue durée, si on a des normes par rapport
aux équipes externes, par rapport aux centres de jour, par rapport
à des maisons de transition, ainsi de suite, par rapport aux
équipes en CLSC, toute la gamme des services. On peut avoir une approche
comme ça qui est normative et mettre des coûts au bout de cela.
Cela est une chose. On sait ce que ce système ou cette conception veut
dire en termes de coûts. Cela est possible de le faire. Mais le
problème, c'est qu'il y a des ressources en place. Leur distribution ne
correspond pas à celle du modèle théorique. Il y a le
comment faire.
D'autre part, quand en plus on regarde le secteur communautaire, je
pense que là les prévisions sont difficiles parce que je ne pense
pas que ce soit un secteur qu'on puisse planifier et mettre sous forme de
normes parce que, justement, il vient de l'initiative de la communauté.
Je ne pense pas qu'on puisse dire: Ici et là, on veut avoir tel
organisme, on a les sous. Maintenant, que cela existe. Ce n'est pas comme cela
que ça se passe. Au contraire, l'initiative vient de la
communauté et, lorsque cela correspond aux besoins, on devrait le
supporter financièrement.
Ce secteur est plus difficile à planifier même au point de
vue budgétaire. Ce qu'on peut faire, c'est dire: Quel effort est-on
prêt à accorder et à rendre disponible aux initiatives
existantes ou à celles qui se présenteront? Je pense qu'il est
bien connu aussi qu'une des conditions de la réinsertion
est l'existence préalable de certains services de support,
d'intervention en situation de crise, etc. Bien qu'on puisse penser qu'une
bonne partie puisse être financée par de la réallocation,
il semble nécessaire d'envisager ce qu'on pourrait appeler un budget de
démarrage, puisque cela en prend d'abord, justement, pour pouvoir
recevoir les premières personnes qui seront
réinsérées, donc, les ressources ne seront pas
libérées. Cela peut impliquer pendant un certain temps, ce que
l'on pourrait appeler un budget de démarrage de toute
l'opération, finalement, quitte à ce que, par la suite, ça
procède par réallocation.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous avez
évalué les coûts de cela?
Mme Plante: On est en plein dans cette opération. C'est ce
qu'on tente de faire, effectivement, avec les données qu'on
possède.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parce qu'il y a
certainement en place des ressources qui sont reliées au système
institutionnel: centres de jour, centres de réadaptation. Quand vous
tombez dans ce qu'on appelle les ressources alternatives dans la
communauté, c'est quasi inexistant.
Mme Plante: Les ressources...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Vous avez quelques
maisons; à Montréal, vous pouvez tes compter sur les cinq doigts
de la main. Enfin, je n'ai pas fait le tour de la province, mais on va les
obtenir. Oui, M. Lamonde.
M. Lamonde: Si je peux me permettre de compléter.
Première question: qu'est-ce qui existe et comment qualifier ce qui
existe? C'est évident que, sous l'angle de la gamme, c'est-à-dire
des types de services, c'est insuffisant. Sous l'angle des quantités de
services, c'est insuffisant. Je pense que, de ce côté, il y a un
consensus très clair. Du côté de ce qu'il faut faire et des
coûts attachés à cela, deux types de réponses. Un
peu comme Marie l'a dit, il y a une approche très normative, où
on peut faire des calculs, etc. Moi, je vous dirai que, par rapport à
cela, dans le fond, il faut mettre en place la première ligne en
santé mentale au Québec. Elle n'existe vraisemblablement pas.
Pour moi, la première ligne, elle est à la fois institutionnelle
et communautaire. Institutionnelle, disons que cela va beaucoup transiter par
les centres locaux de services communautaires, les CLSC et, évidemment,
par les organismes bénévoles de toute nature pour le
communautaire.
On va avoir, je ne sais pas, environ 160 - je ne sais plus combien - 166
CLSC au
Québec. Il y en a certains présentement qui ont quelques
ressources là-dedans, d'autres n'en ont pas. Si vous mettez, je ne sais
pas, une ou deux personnes par centre local, par CLSC, vous faites la
multiplication, je ne sais pas combien cela donne, cela doit donner plusieurs
millions, d'une part. D'autre part, c'est évident que les organismes
bénévoles vont devoir être soutenus financièrement
par l'État. Combien? Cela dépend du nombre d'organismes
bénévoles, de leur nature. Il y en a qui ont des rôles
beaucoup plus légers, d'autres beaucoup plus lourds, etc. Cela aussi
varie. Évidemment, aussi, certains centres de crise, hors centre
hospitalier, s'ajoutent à cela. Cela peut vouloir dire, par exemple, que
certains CLSC dans un territoire devront avoir un service de 24 heures en
santé mentale pour accueillir des bénéficiaires qui ont
des problématiques la nuit et pas juste le jour jusqu'à 4 h
30.
C'est quoi, l'évaluation de cela? Cela dépend du nombre
d'individus qu'on met. C'est certainement quelques dizaines de millions. Cela
m'apparaît évident qu'on ne peut pas aller en dessous de cela,
sauf que c'est la partie un peu plus normative. Dans la partie un peu plus
pratique, on est en train présentement de vivre ou d'essayer
d'opérationnaliser certaines opérations commes celles-là.
Il y a deux cas que je connais mieux, qui sont, l'un,
Louis-Hyppolite-Lafontaine, à Montréal, et le Centre
psychiatrique de Roberval, où d'ailleurs, en passant, on a eu des
remarques élogieuses de la part de la Fédération des
affaires sociales, ce qu'on a encaissé avec beaucoup de joie. Par
rapport à cela, dans le cas du CPR, c'est un peu moins avancé,
mais, dans le cas de Louis-Hyppolite-Lafontaine, on est en train, ces jours-ci,
d'essayer de finir le calcul de l'opérationnalisation et tout.
Ce qu'on constate, comme le disait Mme Plante, c'est que, si on injecte
temporairement une somme d'argent pour faire la transition, si, autrement dit,
à un moment donné, vous avez besoin, pour faire cette transition,
de mettre tout de suite des ressources disponibles dans la communauté
pour faire l'accueil ou pour s'occuper des bénéficiaires, vous ne
pouvez pas simultanément sortir les ressources du centre hospitalier
parce que ce ne sont pas juste des dollars. Dans le fond, les ressources, dans
ces milieux, ce sont des individus, c'est du personnel. Le personnel doit
être formé pour pouvoir être adapté à ces
situations; il y a toutes sortes de règles de relations de travail qui
existent qui font qu'il faut s'entendre sur plein de choses, etc.
Donc, si on prend un montant d'argent qu'on injecte pour une
période transitoire pour permettre d'avoir des ressources dans la
communauté, de première ligne ou autre, et qu'en même temps
vous maintenez vos
ressources dans votre milieu institutionnel, pendant une certaine
période, " vous pouvez agir. Ce qu'on est en train de constater -c'est
ce que je voulais dire dans le dossier Louis-Hippolyte-Lafontaine - c'est
qu'après un certain nombre d'années - dans le cas de
Louis-Hyppolyte-Lafontaine, cela va être cinq ans, si je ne trompe pas -
on pourrait récupérer la somme initiale qu'on a mise comme
étant une somme de transition, dans le fond.
Ce qu'on constate aussi, c'est qu'on ne peut pas faire l'échange
de 1 $ pour quatre 0, 25 $, pas parce qu'on fait ce genre d'approche, mais
parce que, essentiellement, on améliore la qualité des services.
Il y a une quantité considérable de gens qui vont rester en
institution pendant fort longtemps. Il faut améliorer la qualité
des services, là aussi. Quand on combine les phénomènes de
réinsertion sociale où il faut mettre des ressources en
communauté et l'amélioration des ressources en institution, c'est
évident que, dans l'ensemble, il faut ajouter des ressources, mais dont
la résultante n'est pas tout à fait semblable, d'après mon
vécu dans le cas de Louis-Hippolyte-Lafontaine, à l'approche
normative ou théorique dont je parlais avant. Elle a l'air
peut-être un peu moins gigantesque que celle qui est normative.
Tous les calculs, toutes les démarches ne sont pas finis dans
l'exemple que j'utilise, mais l'image actuelle, à ce jour, est de cette
nature. On parle certainement de quelques dizaines de millions de dollars pour
faire une opération comme celle-là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Qui pourrait
s'échelonner, évidemment. Dans le moment, compte tenu qu'on a
pratiqué dans le milieu de la psychiatrie une
désinstitutionnalisation qui était justifiée si on tenait
compte des diagnostics et tout, quels ont été les montants que le
ministère des Affaires sociales - prenons les cinq dernières
années sans remonter à vingt ans -a investis comme argent
supplémentaire pour permettre cette désinstitutionnalisation?
M. Lamonde: Par rapport à cela, je pense qu'on a
préparé au ministère une certaine quantité de
statistiques, une petite note à cet effet qu'on pourrait peut-être
déposer à la commission.
Une voix: Je pense qu'ils l'ont déjà.
M. Lamonde: Juste pour les fins de la trancription du
débat, peut-être que, Marie, tu pourrais mentionner quelques
chiffres.
Mme Plante: Il y a différentes actions qui ont
été menées au cours des cinq dernières
années, par exemple, d'équiper les départements de
psychiatrie en développe- ment, un effort a été fait pour
essayer de leur donner une gamme plus large de ressources. Il y a actuellement
quatre nouveaux départements qui ont eu les budgets pour avoir
l'internat, bien sûr, mais les équipes de secteur, le centre de
jour, les maisons de transition, la supervision à domicile ou en
appartement et un service de parrainage. (15 heures)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est Gatineau,
c'est...
Mme Plante: C'est Pierre-Boucher, c'est Repentigny c'est
Baie-Comeau. Ensuite, certains départements de psyschiatrie existants
ont eu des ajouts de budget précisément pour développer
ces services ambulatoires, le service externe et même ceux que je viens
de vous nommer. Donc, il y en a qui ont eu cela. D'autre part, il y a eu des
ressources alternatives, bien qu'elles soient peu nombreuses, qui,
malgré l'absence de directives ou d'un cadre financier le permettant,
ont quand même été endossées, compte tenu du besoin
et compte tenu de la pertinence des services qu'ils offraient. Il y a eu des
services de prévention du suicide qui ont été
développés dans différentes régions et sous
différentes formes. On connait peut-être un peu plus celui de
Québec, parce qu'on en entend davantage parler, mais il y en a à
Montréal, il y en a à Rimouski, il y en au Témiscamingue
et il y en a un dernièrement au Saguenay. Il y a donc eu ces centres.
À la suite de l'adoption des nouveaux règlements, il y a eu les
familles d'accueil, de réadaptation et des appartements
supervisés. Donc, pour une bonne part, ils sont développés
à Montréal mais, au cours de la dernière année, il
y a eu des budgets dans les différentes régions. Il y a eu
également dans les pavillons des budgets accordés pour des
programmes de développement de l'autonomie. On sait que les pavillons
sont des structures qui fonctionnent à titre privé. Il y a donc
eu des services professionnels d'ajoutés à ces ressources. Dans
le cadre des hôpitaux psychiatriques, il y a des développements
qui ont été accordés également dans certains cas
pour améliorer les services.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pouvez-vous nous envoyer
cela en détail?
Mme Plante: Vous avez la copie du document que je regarde, vous
l'avez déjà en main.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon d'accord.
Mme Plante: L'effort des cinq dernières années en
chiffres, c'est 16 175 748 $. J'ajoute à cela l'effort que
les CRSSS ont fait en réallocation de ressources. Je ne vous ai
pas mis le détail des services mais c'est également soit des
services externes à des hôpitaux, soit à des familles
d'accueil, soit à des organismes communautaires. Vous avez
également les montants qui ont été réalloués
par quatre différents conseils régionaux au cours des
dernières années, et là je dirais vraiment que ce serait
pour les deux ou trois dernières années.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce qui veut dire, si on
peut faire une espèce de projection, il faudrait peut-être
soustraire pour le type de projection que je veux faire, les 7 000 000 $,
puisque cela implique la création aussi de nouveaux lits etc. Je vais
les sortir des 16 000 000 $. Dans le moment, ici, en dessous, vous avez un
autre montant de 3 000 000 $ qui vient des CRSSS, cela voudrait dire 16 000 000
$ moins 7 000 000 $, il reste 9 000 000 $ plus 3 000 000 $, environ 12 000 000
$.
Mme Plante: Sauf que, dans les 7 000 000 $, vous en avez - mon
Dieu, je vais le dire un peu rapidement - sûrement 50 % qui...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... qui sont pour
le...
Mme Plante:... sont pour des services externes, l'autre tranche
de 50 % étant pour les lits.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela ferait finalement 15
000 000 $ globalement, enfin grosso modo.
Mme Plante: Oui, c'est cela, grosso modo, approximativement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Comme projection pour
l'ensemble et toutes les institutions, cela veut dire pas mal d'argent.
Mme Plante: Cela veut dire pas mal d'argent sauf qu'à ce
moment l'effort de réallocation n'est peut-être pas suffisamment
amorcé.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Plante: II est évident que, pour améliorer la
qualité des services, cela va requérir des montants nouveaux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela va requérir
des montants nouveaux. Pour le moment, je vais passer la parole au
député de Marie-Victorin, Je m'excuse.
M. Pratt: Ma question n'est pas du même ordre qu'on a
traité ici, je veux dire l'aspect financier. Je voudrais avoir une
appréciation et savoir si, depuis qu'on a commencé cet effort de
réinsertion sociale, par rapport à l'institutionnalisation, on a
des témoignages assez valables du côté du patient. Est-ce
que les patients eux-mêmes se sont sentis mieux en milieu naturel, quand
ils pouvaient donner un témoignage, ou bien est-ce que les familles ont
pu se prononcer aussi? Vous avez parlé tout à l'heure du
phénomène de la porte tournante. Il y en a qui entrent et qui
sortent. Il doit y en avoir qui sont plus à l'aise en institution et
d'autres un peu moins. Est-ce qu'on a un jugement ou des données au
ministère concernant tout cela?
Mme Plante: Sur la satisfaction des clientèles, je ne
pense pas qu'on ait des données compilées centralement. Je pense
qu'on n'a pas cela.
M. Pratt: Ou le progrès que le malade a pu faire.
Mme Plante: À ce moment-là, c'est plus des
témoignages, soit des personnes, des bénéficiaires ou soit
des professionnels qui étaient... C'est absolument variable, selon
justement quel appui ou quels services étaient accessibles. Il est
évident que les personnes qui se retrouvent sans service sont
démunies dans la communauté. Il y a peut-être un exemple
qui me vient à la tête et qui peut démontrer un peu cela
parce que... Il y a, par exemple, l'hôpital Saint-Luc qui a mis un
service relativement simple de l'avant et pour lequel ils ont effectivement
recueilli des données de satisfaction, si on veut, et qui était
un système de fiducie. Partant du fait qu'une personne se retrouve dans
une situation économique difficile, une personne qui a des
problèmes de santé mentale, cela va également la
désorganiser du point de vue mental. Elle ne sera pas seulement
désorganisée matériellement, mais du point de vue mental
aussi. Donc, ils ont mis sur pied, à l'aide d'une personne, un service
de gestion par fiducie du chèque de bien-être social des
personnes, parce que 95 % des personnes traitées, en psychiatrie du
moins, qui ont des hospitalisations vivent de l'aide sociale. Ils ont
géré avec ces personnes leur chèque de bien-être
social de sorte que leurs revenus soient équilibrés sur toute la
durée du mois en attendant le prochain chèque, ce qui a fait
diminuer de façon draconienne les réhospitalisations de ces
personnes, ce qui leur a permis une communication régulière avec
une personne de l'hôpital et ce qui a permis également de
solutionner toutes sortes de difficultés psychologiques ou sociales et
pour lesquelles l'hôpital dénote, en tout cas, une
efficacité et un rendement remarquables d'une mesure qui est absolument
simple et
peu coûteuse.
M. Pratt: Je pense que des mesures semblables, cela devrait
être connu. Cela devrait être publicisé. Je pose ces
questions parce qu'à la suite de la commission qu'on a tenue, il y a
quoi? un mois, cela a eu un certain retentissement dans les journaux. Des gens
m'ont abordé là-dessus et ils étaient curieux de
connaître le progrès qui a été fait ainsi. On a
trouvé bon d'aller vers la réinsertion dans le milieu naturel de
ces gens, mais les gens m'ont posé la question: Mais quel est le
succès de cela? Pour pouvoir investir tant et pour pouvoir continuer
à aller dans cette voie, est-ce que c'est vraiment rentable pour les
malades? Est-ce qu'ils s'en sont trouvés mieux? C'est là-dessus
que je posais ma question.
M. Audet: Si vous me permettez de compléter pour le
secteur dont je suis responsable, nous n'avons pas mené d'enquête
systématique pour connaître le taux de satisfaction des clients.
Vous comprendrez que dans le secteur de la déficience intellectuelle,
parfois, les enquêtes de cette nature doivent être menées
avec une certaine délicatesse. Cependant, ce qu'on doit dire, c'est
qu'il y a eu des enquêtes qui ont été faites dans d'autres
pays - aux États-Unis, notamment - sur des opérations d'envergure
comme cela pour voir quelle était l'évolution des
clientèles et quel était le degré de satisfaction non
seulement des clients, mais de leur entourage. Dans certains cas, on
mentionnait - je vous le dis à titre comparatif sans mettre de chiffres
trop en évidence - que s'il y en avait dans certains cas, mettons 80 %
des parents qui s'opposaient à une opération de
désinstitutionnalisation à cause de la crainte qu'ils n'aient pas
les services requis dans le milieu ou parce qu'ils craignaient qu'on leur
retourne leurs enfants chez eux ou pour toutes sortes de raisons, ce qu'ils
constataient, c'est qu'un an ou deux après, il y en avait 80 % de
ceux-là qui s'opposaient qui étaient maintenant favorables et qui
étaient satisfaits de la réinsertion sociale. Ce que je peux vous
dire aussi, c'est que dans certaines opérations - je pense notamment
à la maison Sainte-Clothilde qui a fait une enquête dans le milieu
avoisinant l'établissement, dans le coin de Drummondville - on a
vérifié le taux de résistance ou le taux d'acceptation de
la population à une réinsertion sociale des personnes et ce qu'on
a constaté, c'est que l'acceptation était plus forte parmi la
population que parmi le personnel lui-même de l'établissement.
C'était plus le personnel qui manifestait de la résistance que la
population environnante et jusqu'ici, selon les connaissances ou les contacts
que j'ai avec les établissements qui ont procédé à
des opérations, il y a, bien sûr, des poches de résistance.
Il y a des personnes qui ont connu des expériences peut-être moins
favorables, mais globalement, on peut dire que la majorité des
personnes, lorsque cela a été fait correctement, ont
été fort satisfaites de l'opération
réinsertion.
M. Pratt: L'expérience dure depuis combien de temps ici au
Québec? Enfin, l'opération?
M. Audet: Encore là, comme je l'ai dit tout à
l'heure, j'hésite à parler de l'opération. Des
opérations semblables datent à peu près d'une dizaine
d'années seulement...
M. Pratt: D'une dizaine d'années au Québec.
M. Audet: Oui.
M. Pratt: Aux États-Unis, est-ce depuis plus
longtemps?
M. Audet: Ah! C'est à peu près la même
période. Il y a un établissement psychiatrique que Mme Plante
doit connaître, à Penhurst, dont l'étude couvrant une
période de cinq ans sur les résultats de cette opération,
vient à peine de sortir. Donc, cela fait à peu près six ou
sept ans que cette opération a été mise en branle et
réalisée. Ces opérations sont donc somme toute assez
récentes. Celles qui ont réussi. Il y a eu des opérations
qui n'ont pas réussi et qui ont fait les manchettes pendant une certaine
période. Ce sont surtout de celles-là dont on a souvent fait
état dans les journaux. Mais je peux vous signaler que lorsque c'est
fait avec une certaine stratégie, une stratégie intelligente,
avec la formation du personnel, avec la préparation des parents et des
milieux recevants, en général, les résultats sont
très positifs sur le plan de la satisfaction. Même sur le plan du
développement des personnes concernées, des
bénéficiaires eux-mêmes.
L'étude de Penhurst semble mentionner un développement
considérable. Les résultats sont extrêmement favorables sur
le plan du développement des individus.
M. Pratt: C'est un souhait que je formule: On devrait publiciser
cela davantage et mettre l'accent sur les bons côtés.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Par contre, on a eu
là-dessus, si vous me permettez, cette étude qui avait
été faite et qui venait du Renfort. Cette étude
démontrait - il faudrait que je relise le Journal des débats
parce que j'ai été absente quinze jours et je n'ai pas
retouché à cela, je vous le cite de mémoire - que les
enfants qui avaient été sortis de l'institution - je ne
sais pas si c'étaient des enfants ou des jeunes adultes, il
faudrait que je le vérifie...
M. Audet: C'étaient des plus jeunes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ils avaient
progressé plus lentement en dehors de l'institution qu'à
l'intérieur de celle-ci.
M. Audet: Effectivement, cela dépend de la
clientèle dont on parle, parce qu'il faut avoir des clientèles
comparables. C'est toujours un peu la difficulté car, parfois, cela
dépend des personnes à qui l'on s'adresse. Par contre, je
pourrais peut-être vous citer des études qui ont été
faites dans un centre qui n'est pas tellement loin de là et qui
s'appelle le Centre d'accueil Butters où ils ont observé des
personnes tout aussi gravement handicapées, placées dans un
milieu très familial avec un, deux ou trois bénéficiaires,
où le niveau de comportement, toutes choses étant relativement
égales, par ailleurs, où la progression avait été
plus rapide dans le milieu plus intégré. Encore là, je
dirais que cela dépend de l'intensité de programmation offerte
aux bénéficiaires concernés. C'est pourquoi c'est
difficile à voir.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le cas de Butters,
enfin je ne sais pas dans quelle mesure, je n'avancerai rien parce qu'il n'y a
pas eu de pourcentage donné par le directeur général, mais
il a dit: On a même obligé certains membres du personnel à
prendre des bénéficiaires chez eux. Au lieu d'oeuvrer en
institution, ils oeuvrent à leur propre domicile, avec un certain nombre
de bénéficiaires. Je ne sais pas si c'est un ou plusieurs
bénéficiaires. Enfin, vous devez le savoir mieux que moi. Mais
cela a peut-être pu faire une différence aussi dans la
qualité de la progression à ces personnes, vu que comme vous le
dites, toutes ces choses sont relatives.
M. Audet: II est bien évident que, dans certains cas, nous
serions d'accord pour qu'il y ait des interventions intensives en milieu, non
pas institutionnel mais d'intervention ou d'encadrement, différent du
milieu familial régulier. Sauf que l'important, c'est que cela ne dure
pas. Il faut que cela dure seulement un temps. Il ne faut pas que ce soit fait
d'une façon permanente, ad vitam eaternam. L'intensité de
l'intervention est également majeure comme variable dans de telles
circonstances.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: J'aurais deux petites questions. La
première concerne toujours la sensibilisation du public. Je pense
qu'avant de faire quoi que ce soit, il faut déjà commencer
à sensibiliser le public en lui expliquant les différences entre
la déficience mentale et les malades mentaux, parce qu'il y a quand
même une différence. Souvent, les déficients intellectuels
peuvent avoir en même temps plusieurs handicaps physiques. Si on
commençait à sensibiliser le public par des courts messages
télévisés, autant que possible, parce que cela attire
toujours notre attention, comme on l'a fait pour les handicapés
physiques, je pense que ce serait une première étape à
franchir avant d'aller trop loin. J'ai toujours peur d'aller trop loin et
d'être obligée de reculer.
L'autre question concerne les personnes en état de crise. Je
reviens souvent là-dessus parce que je me dis qu'on pourrait
peut-être remédier à cela rapidement sans que cela
coûte une fortune. Il y a une dame qui était venue à une
commission nous expliquer que, quand son fils était en période de
crise, souvent, elle ne pouvait rejoindre personne et était
obligée d'avoir un mandat d'arrestation pour qu'on l'emmène. En
plus, il passait pour un criminel quand il ne l'était pas. Je me
demandais s'il ne serait pas possible qu'on adopte la formule
d'Urgences-santé: un unique numéro, que les
intéressés auraient et une équipe d'urgence qui pourrait
venir, prévenir dans certains cas, ou amener directement à
l'institution le malade en question. Est-ce que cela serait possible? Cela ne
coûterait sûrement pas si cher que cela. Cela serait un
première démarche. (15 h 15)
Mme Plante: Effectivement, quand on considère
l'intervention en situation de crise, on doit considérer l'intervention
sur les lieux de la crise autant que d'avoir un centre de crise ouvert pendant
24 heures. C'est effectivement une dimension importante de l'intervention. Ce
ne sont pas toutes les crises qui nécessitent l'intervention sur place,
sauf que je pense que lorsqu'il y a nécessité d'une intervention
sur place, c'est éminemment plus souhaitable que de faire appel aux
services policiers pour le faire, d'autant plus que la situation de crise n'est
pas vécue uniquement par une personne, mais bien par sa famille à
l'occasion ou en tout cas ses proches, les personnes avec qui cette personne
vit et souvent l'ensemble de ce qu'on pourrait appeler les acteurs de la crise
doivent être partie prenante de la résolution de la crise. Je
pense donc que c'est effectivement une modalité à prévoir,
sauf que... Encore là, dans quelle mesure, dans quelles circonstances et
sur quoi doit-on intervenir sur place plutôt que de demander ou d'offrir
aux personnes de se rendre à tel autre endroit. Il y a également
une ligne téléphonique ou un service d'information et de
références - c'est quelque chose de très pratique
et...
Mme Lachapelle:... qui serait ouvert pendant 24 heures. Tout
à l'heure, monsieur parlait des CLSC. Moi aussi, je rêve du jour
où quelques-uns, au moins dans les grandes villes, seront ouverts 24
heures par jour. Des cas de prévention, on peut corriger cela assez
rapidement quand les instutions sont ouvertes et quand les organismes
fonctionnent à temps plein. Cela ne serait pas - je demande cela comme
cela - un coût énorme pour mettre cela sur pied, dans les grandes
villes pour commencer, à Québec et Montréal.
Mme Plante: Oui.
Mme Lachapelle: Peut-être que je pense que cela ne
coûte rien, mais que c'est une fortune.
Mme Plante: Cela coûte certainement quelque chose quand on
parle d'un service de 24 heures pendant sept jours, cela est évident;
quand on parle d'une intervention professionnelle, également là,
il y a des coûts importants. C'est un service qui est dispendieux, mais
qui est nécessaire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'autres questions?
Mme Lachapeile: Non.
Relations entre hôpitaux
psychiatriques et départements
de psychiatrie
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a un problème
qui a été apporté ici à plusieurs reprises. Celui
que j'appellerais - ils ne l'ont pas qualifié comme cela, moi je le
qualifie ainsi - les relations entre les hôpitaux psychiatriques,
c'est-à-dire la communication entre les hôpitaux psychiatriques et
les départements de psychiatrie des hôpitaux
généraux, quant à la possibilité du passage de l'un
à l'autre. Je dois vous dire qu'il y a trois ans j'avais fait une
tournée des hôpitaux psychiatriques, des hôpitaux
généraux et ceux des soins prolongés, et cette même
remarque m'avait été faite. Finalement, ce qui arrive, c'est que,
en fin de compte, l'hôpital général qui est mal pris parce
qu'il n'a pas de lits, renvoie tant bien que mal la personne à la
communauté. Il ne faut pas se faire d'illusion. Dans le cas des patients
psychiatriques adultes, je vous assure que la famille n'est pas souvent
là; cela, je pense qu'il faut en être bien conscient. Même
dans le cas de déficience mentale, cela m'a frappée quand on nous
a dit qu'à Contrefort - vous corrigerez ma statistique -il me semble que
c'était 1 % des familles qui avait repris leur enfant; les autres
étaient tous placés soit en appartement ou peu importe. La
famille, particulièrement dans les cas de psychiatrie adulte en haut de
18 ans, certainement en haut de 25 ans, n'est pas souvent là; on a eu le
cas de la dame de Lakeshore qui s'occupe de son fils, mais c'est une femme
assez exceptionnelle. Mais en général, elles ne sont pas
là. Alors l'hôpital mal pris renvoie en disant: Les
symptômes sont contrôlés. Quelquefois, on ne voit pas le
bénéficiaire réapparaître, mais il faudrait
peut-être se demander dans quelle condition il vit n'est-ce pas? Il vit
dans des conditions extrêmement pénibles. C'est finalement la
police qui le ramasse de nouveau. On peut peut-être se satisfaire et
dire: on l'a sorti de l'institution et on lui donne une vie normale. Mais il y
a eu plusieurs témoignages à savoir que ce n'était pas une
vie normale pour ces gens. Ils ressortent et ils sont laissés à
eux-mêmes.
Je pourrais vous donner un cas très précis dans mon
comté où j'ai été obligée d'intervenir pour
faire ouvrir Douglas avec le Allan - c'est tout enregistré; je ne
devrais pas nommer l'institution, ce n'est pas mon genre, mais, je m'excuse, je
l'ai fait - parce que c'est le cas d'une adolescente de vingt ans dont personne
n'est capable de venir à bout, alors qu'elle fait toutes les
conciergeries de Côte Vertu la nuit, parce que...
En tout cas, je ne suis pas pour vous donner tous les détails,
mais il y a des situations extrêmement pénibles et, à un
moment donné, la police la ramasse. Lorsqu'on me dit, de part et
d'autre, qu'il n'y a pas les ressources pour ce genre de cas. Je voudrais
vraiment qu'on aille au fond des situations qui sont très
pénibles. Nous, ces cas nous arrivent exceptionnellement, mais je suis
convaincue qu'il y en a un bon nombre.
M. Lamonde: Tout d'abord, je pense que c'est exact. Il y a des
cas que je ne saurais pas dénombrer, mais qui sont certainement... Il y
en a plus d'un cas pathétique où, finalement, le
bénéficiaire se retrouve toujours entre deux chaises; il n'a
jamais la bonne caractéristique pour être au bon endroit. C'est
déplorable et il faut absolument corriger cela.
À Montréal, il y a eu un effort de sectorisation et,
conséquemment, de partage de la responsabilité des
établissements versus les bénéficiaires. À
Québec, on n'est même pas rendu là encore. Il y a
déjà eu des tentatives et cela n'a pas été
couronné de succès.
Ce qui se passe par rapport à cela, c'est que l'insuffisance de
ressources, d'une part, et l'insuffisance de consensus sur ce qu'il faut faire
avec les bénéficiaires et sur l'organisation ou la
responsabilisation des uns et des autres là-dessus fait que ces
phénomènes se produisent et que la grande tendance a
été, que ce soit pour le départe-
ment de psychiatrie d'un hôpital général, que ce
soit pour le policier qui en ramasse un sur le coin de la rue, etc., cela a
toujours été, évidemment, la grande image:
Montréal, c'était Carré Louis-H. -Lafontaine, la "dompe".
C'est "clean"; on allait là et on se débarrassait de cette
façon, ce qui n'était effectivement pas une approche très
thérapeutique, vous en conviendrez, et qui n'est pas la meilleure
approche. Elle a un avantage, c'est qu'elle offre le gîte à
l'individu, mais ce n'est pas mieux.
Pour solutionner cela, ce qu'il faut faire, c'est qu'effectivement le
département de psychiatrie d'un hôpital général qui
n'a pas suffisamment de personnel, qui n'a pas suffisamment de ressources ou de
services adaptés pour recevoir ce genre de clientèle...
évidemment, quand il reçoit une clientèle comme cela, s'il
essaie de la garder chez lui, cela va lui causer toutes sortes de
problèmes dans son fonctionnement interne. Alors, il y a une certaine
tendance à rejeter cette clientèle et connaissant la
difficulté de faire sortir quelqu'un de son établissement, il
essaie même de ne pas le faire entrer. Dans les départements de
psychiatrie, si vous avez en place des services ou des ressources mieux
adaptés pour recevoir des clientèles avec des
problématiques d'urgence, lourdes et des choses comme cela, ils vont
avoir davantage tendance à les garder.
D'autre part, si vous avez aussi des ressources un peu
spécialisées dans la communauté, qui peuvent s'occuper de
cas un peu lourds et non pas juste faire de l'accompagnement très
léger, à ce moment, elles aussi vont pouvoir, avec les centres
hospitaliers généraux, prendre en main ces clientèles.
Si aussi une entente intervient - je reprends l'exemple de
Montréal - entre les centres hospitaliers psychiatriques à
Montréal et les centres hospitaliers généraux qui ont des
départements de psychiatrie sur la vocation spécialisée
d'un centre hospitalier psychiatrique, peut-être pour les
schizophrènes ou pour des problématiques particulières,
cela devient beaucoup plus facile. Chacun a ses responsabilités, c'est
entendu, tout le monde ensemble et chacun a les ressources.
Dans le fond, les gens, s'ils ont une capacité de desservir,
personne ne va laisser quelqu'un à la porte. Présentement, ce
qu'ils craignent dans le processus, c'est que le consensus sur le partage des
responsabilités ne soit pas assez fort et dans certains cas on a
essayé de se refiler des bénéficiaires. C'est un jugement
très sévère que je porte, mais disons, évidemment,
que je ne parle pas de l'ensemble des bénéficiaires; l'exemple ou
les exemples que vous avez mentionnés existent mais ne sont pas la
généralité, de la même façon que le
commentaire que je viens de faire. Il s'applique, mais non pas pour l'ensemble
des bénéficiaires.
Ce phénomène existe et la façon de le
résoudre - il n'y en a pas deux - c'est par des ressources
adaptées et un partage de responsabilités bien clair entre les
intervenants. Si vous n'avez pas de partage de responsabilités clair,
vous allez avoir le même problème. Une des préoccupations
majeures que nous avons dans notre document de réflexion sur la
santé mentale, c'est la continuité des services ou la
préoccupation pour un bénéficiaire. Il ne faut pas que le
bénéficiaire soit celui qui s'adapte aux services mais il faut
que les services puissent prendre le bénéficiaire du début
jusqu'à la fin et s'adapter au bénéficiaire.
Présentement, un des problèmes que nous avons - ce n'est
pas simplement du côté de la santé mentale, mais du
côté de la santé physique aussi. C'est que très
souvent, il faut que le bénéficiaire s'adapte aux services
plutôt que les services s'adaptent au bénéficiaire. En
santé mentale, c'est plus criant, cela a plus d'effets. Pour nous, c'est
très important. Il va falloir qu'il y ait quelqu'un dans la
communauté - là, ce n'est pas au niveau provincial, c'est au
niveau très local - qui soit responsable, qui soit le parrain ou peu
importe les mots, le vocabulaire mais quelqu'un qui va devoir être
responsable d'un bénéficiaire et s'assurer qu'il va être
mis en contact avec les bonnes ressources.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela m'amène, M.
Lamonde, à vous poser une autre question. Je fais un peu un retour en
arrière, mais cela rejoint aussi ce que vous dites présentement.
Quand vous parlez du développement des ressources, quand vous dites
qu'il faut développer les services de première ligne, on pense
aux CLSC, qu'il faut développer telles choses, mais - cela nous est
peut-être venu du comité de la santé mentale mais d'autres
aussi - on disait que pour que ce soit vraiment efficace il faut qu'il y ait un
leadership en santé mentale. De la façon dont on se parle et dont
on le décrit, quand on dit qu'il en faudrait un peu plus ici et un peu
plus là, qu'il faudrait développer ceci et cela, cela rejoint
votre question: Qui est responsable? Finalement, qui va... On peut dire que
c'est le ministère des Affaires sociales, mais si on prend un plus petit
territoire, à qui allez-vous donner la responsabilité dans ce
domaine?
M. Lamonde: C'est peut-être le plus grand défi du
document de réflexion en santé mentale parce que sur les
problématiques et les orientations, je pense que les gens vont faire
consensus assez rapidement. Comment va fonctionner sur le territoire un tel
système? À mon avis, c'est là qu'est tout le défi,
c'est-à-dire qui assure le leadership, qui assure le service avec telle
spécialité ou
sans spécialité, etc. ? C'est vraiment la
problématique.
Nous, là-dedans - pour reprendre vos mots relativement à
l'encadrement souhaitons certains principes mais on ne voudrait pas avoir un
modèle organisationnel sur le territoire du Québec parce que les
réalités sont différentes partout. Prenez Québec et
Montréal, qui sont deux grands centres; vous avez plusieurs
hôpitaux psychiatriques à Montréal et vous n'en avez qu'un
è Québec, les départements de psychiatrie ne sont pas du
même nombre, toute la mise en place n'est pas la même et les
bénéficiaires, les quantités de
bénéficiaires, les réalités, les vécus, les
choses qui sont déjà vécues, ça compte! Autrement
dit, nous n'avons pas envie d'implanter une espèce de seconde nature
partout sur le territoire à des gens qui se sont comportés
historiquement depuis un certain temps d'une façon.
Il y a des modes de collaboration qui existent déjà
à Montréal. Par exemple, on me dit que déjà les
quelques CLSC qui sont sur le territoire du DSC Maisonneuve-Rosemont ont
déjà beaucoup travaillé du côté de la
santé mentale; en tout cas, passablement. Ils ont déjà des
mécanismes de relation avec le centre hospitalier, entre autres avec
Louis-Il. Lafontaine, etc. S'ils ont déjà quelque chose qui va
bien et qu'ils assument un leadership là-dedans et une prise en charge
du bénéficiaire, pourquoi leur imposerait-on un nouveau
modèle autre que celui qu'ils ont? (15 h 30)
Ailleurs, s'il y en a qui n'ont pas d'attitude ou de comportement, on
peut en proposer mais les gens vont faire des choix à mon avis qui
seront différents. Ce qui est important par exemple au niveau des
principes, c'est qu'il y ait un leadership assumé et que le partage des
responsabilités soit clair. Ce sont des exigences qu'on veut avoir. Qui
a le leadership? Je pense que le milieu devra se donner un leadership parce que
si on essaie d'en imposer un, je ne suis pas sûr qu'on aura beaucoup de
succès avec ça.
Ce qui est en train de se dessiner un peu... Peut-être que la
façon dont cela va se régler c'est qu'avant les gens
étaient tous monolithiques. Peut-être que les psychiatres ou les
hôpitaux psychiatriques... quand c'était un patient avec des
problématiques psychiatriques, c'était à eux et personne
d'autre n'avait affaire là-dedans. Aujourd'hui ces gens-là ont
des comportements, des attitudes, des pensées à savoir que
dépendamment du type de services à rendre, du moment où le
bénéficiaire se présente -est-ce qu'il est en crise,
est-ce qu'il ne l'est pas, est-ce un service en continu, ce genre de
choses-là - ils commencent à dire qu'une partie des services
à ce bénéficiaire pourrait être rendue par eux et
d'autres parties par d'autres. Je pense que ce processus-là... C'est
peut-être du côté du type de services plutôt que des
étiquettes psychiatriques, les psychiatres, ce genre d'étiquettes
qui est en train de diminuer à mon sens et c'est là-dedans qu'est
la solution. Plutôt des types de services. Par exemple, vous allez avoir
des ressources communautaires qui seront très légères,
vous pouvez en avoir d'autres qui offriront des services relativement
spécialisés. De la même façon que vous pouvez avoir
certains appartements supervisés - une ressource qui existe à
Montréal - qui offriront des services très légers,
d'autres offriront des services très lourds. Si ce sont des services
très lourds il est fort probable que les gens voudront qu'il demeure un
lien très très étroit avec le milieu hospitalier, avec les
psychiatres, etc. Si c'est un service beaucoup plus léger,
peut-être qu'on voudra que cela relève d'une autre entité
ou d'autres intervenants.
Je pense que ce sont des choses qui commencent à se dessiner sauf
qu'on a plus l'intention de proposer certaines balises ou certains principes
auxquels on tient en termes organisationnels plutôt que de dire: Voici le
grand modèle organisationnel, au niveau du Québec. On voudra
qu'il y ait de la concertation au niveau régional et
sous-régional, etc.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je suis portée
à être d'accord avec vous sauf que c'est plus facile quand les
ressources sont là que lorsqu'elles n'y sont que partiellement. Par
exemple, dans un milieu les ressources peuvent être un peu
différentes comme vous dites mais il y a quand même une
globalité. À ce moment-là, c'est plus facile mais
là où il y a des carences et on sait que dans des endroits c'est
accentué par rapport à d'autres, il y a des endroits où on
a fait des efforts spéciaux - je parle toujours de la psychiatrie, je ne
parle pas de la déficience - où on a pris des initiatives
intéressantes mais si on le prend globalement on sait que c'est
déficient partout, si on pensait à une situation idéale.
Dans ces endroits-là, quand il n'y a pas de leadership ou de
responsabilité bien précise assignée à quelqu'un,
vous vous retrouvez avec le cas dont je vous parlais qui était
relié à un autre type de problème.
M. Lamonde: Par rapport à la notion de leadership, le
premier commentaire est celui-ci: C'est évident qu'il n'y a rien de tout
ce dont on parle, de remise en cause, de réorientation, d'appui à
des orientations qui existent déjà en matière de
santé mentale, qui est possible si des ressources adéquates pour
les bénéficiaires ne sont pas là. Je pense que tout le
monde s'entend là-dessus. Mesurer combien cela prend exactement, on
va certainement avoir quelques petits débats, c'est
évident. C'est sûr qu'il faut ajouter des ressources à des
endroits, etc.
Par contre il y a un cercle vicieux là-dedans. C'est presque une
chance dans une certaine mesure. Si vous avez plein de ressources partout,
très bien structurées, etc., comment allez-vous déterminer
le leadership là-dedans? Qui va prendre le leadership? Si vous avez des
milieux où il y a des insuffisances, des ressources additionnelles
à mettre, une nouvelle dynamique à créer, etc., la
structure de rapport n'est pas encore complètement
sclérosée. Il y a des chances que ce soit plus malléable
en termes de partage de responsabilités que si tout le monde est
déjà tout en place partout et a un passé de X
années de...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On n'aurait pas le
débat qu'on a actuellement si tout était en place et bien
structuré.
M. Lamonde: Effectivement, peut-être qu'on n'aurait pas le
débat qu'on a actuellement, sauf que ce je veux dire, c'est que, s'il
n'y a pas les ressources suffisantes dans chacun des milieux pour s'occuper des
bénéficiaires, on va juste brasser un jeu de cartes dans lequel
il y a 50 cartes et on n'avancera pas beaucoup. Il me paraît
évident qu'il faut avoir des ressources, sauf qu'il faut faire
très attention à ne pas mettre les ressources sans l'organisation
ou l'opérationnalisation, parce qu'on pourrait les dilapider
facilement.
Un commentaire sur l'évaluation du fait qu'on manque de
ressources. Je veux être prudent par rapport à cela. Il y a eu
certaines études qui ont été faites au Québec qui
avaient tendance à démontrer qu'on dépensait beaucoup plus
que partout ailleurs au monde pour la santé mentale. Alors, il faut
faire attention. D'ailleurs, je voudrais juste...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si on dépense
plus, on dépense peut-être mal.
M. Lamonde:... rappeler une chose. Lors du dernier congrès
de l'Association des hôpitaux du Québec qui portait sur la
psychiatrie et dont j'oublie le thème, j'ai entendu plusieurs
psychiatres conférenciers dire: Nous ne manquons pas de ressources, nous
les utilisons mal. J'ai retenu cela parce que cela me faisait un peu plaisir et
que cela faisait mon affaire. Mais disons que ce n'est pas tout le monde qui
pense qu'il y a une insuffisance de ressources en santé mentale au
Québec. Ce n'est pas facile à évaluer quelles sont les
ressources nécessaires pour donner des vrais soins aux gens.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais... Oui, M. le
député de Laurier.
M. Sirros:... qu'il y a insuffisance de ressources en ce qui
concerne la prise en charge dans la communauté?
M. Lamonde: Je suis tout à fait d'accord.
M. Sirros: Il n'y a pas de doute là-dessus?
M. Lamonde: II n'y a aucun doute.
M. Sirros: Vous avez dit aussi qu'il était absolument
nécessaire qu'effectivement, il y ait une prise en charge, quelque part,
par quelqu'un.
M. Lamonde: C'est exact.
M. Sirros: D'un autre côté, on a dit tout à
l'heure qu'il y a une politique - on l'a même appelée une
politique de la porte tournante - qui veut que lorsque le patient est à
l'hôpital et que l'hôpital estime qu'on ne peut pas faire grand
chose pour lui en tant qu'institution, on l'envoie à l'extérieur.
Finalement, il va revenir, à un moment donné, s'il en a besoin.
C'est peut-être une façon de dire que quand cela va péter,
il va revenir. Ces deux choses me semblent être en grande contradiction,
parce que, si on maintient une politique de porte tournante, dans ce sens, sans
avoir au préalable déterminé une prise en charge dans la
communauté, cela me semble un cul-de-sac inévitable. On continue
à tourner en rond. Il me semble qu'il y a une nécessité...
Je suis tout à fait d'accord qu'il serait bien de souhaiter
l'émergence naturelle d'un leadership dans chaque communauté
selon les besoins de la communauté. Mais devant des situations comme
celles-là... Je pense que le genre de cas que Mme Lavoie-Roux
décrivait tout à l'heure ne sont pas des cas isolés. J'ai
parlé à des gens qui oeuvrent dans la communauté, soit
dans les CLSC ou dans des groupes bénévoles. D'autres
députés m'en ont parlé aussi. On en reçoit assez
fréquemment. Je me demande s'il n'y a pas lieu d'avoir, j'espère
le voir dans votre énoncé qui va sortir prochainement,
j'imagine... Malheureusement, j'étais absent aux autres séances
et j'ai peut-être manqué des bouts, ici et là. Mais, est-ce
qu'il y a une volonté de la part du ministère d'identifier un peu
plus clairement, en ce qui concerne la prise en charge dans la
communauté, la place où te leadership pourrait se manifester?
M. Lamonde: II est évident qu'il y a certaines
préférences qu'on va manifester. Mais, de là à
avoir un cadre absolument immuable, ce n'est pas notre intention.
M. Sirros: Dans mon esprit, ce n'est pas nécessaire non
plus d'avoir un cadre uniforme dans tout le Québec sur la façon
dont la prise en charge sera faite, mais il me semble que c'est essentiel qu'il
y ait quelque part une prise en charge, si on doit retenir ou orienter une
réinsertion dans la communauté.
M. Lamonde: Par exemple, c'est peut-être un
énoncé trivial, mais quant à la prise en charge dans la
communauté, il est vraisemblable qu'elle serait beaucoup plus du ressort
d'un CLSC que d'un centre hospitalier psychiatrique. Il y a un certain minimum
de ce type qu'on va énoncer qui nous paraît souhaitable. Mais il y
a peut-être des cas où cela pourrait être
légèrement différent, cela pourrait peut-être
être différent. Il y a des cas qui sont vécus
présentement sur le territoire où il n'y avait pas toutes ces
choses mais, dans le fond, au-delà des structures il ne faut pas oublier
les individus. C'est sûr qu'on est là pour proposer des choses
effectivement plus structurelles. Ces choses, évidemment, les individus
agiront dedans. Il ne faut pas seulement compter sur les individus.
Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a des choses qui
existent sur le territoire, qui se vivent présentement ou il y a des
individus, peu importe leur "situs"... Il y en a qui étaient dans des
CSS, d'autres dans des CLSC, d'autres dans des centres d'accueil et de
réadaptation, d'autres dans des milieux hospitaliers, pour ne pas dire
dans des milieux asilaires, qui ont fait démarrer des affaires, qui font
des choses, qui ont été le moteur, qui ont organisé cela
avec plein d'intervenants communautaires, professionnels, etc. Il y a des
choses fantastiques qui fonctionnent, qui vont bien, qui ont une approche
organisationnelle et fonctionnelle qui est un peu différente de
celles-là. Ce qu'on ne veut pas, c'est faire mourir des choses comme
cela et les empêcher.
C'est sûr qu'au-delà de cela, on va quand même
proposer un certain minimum d'encadrement ou de règles d'orientation
quant au fonctionnement sur un territoire donné de ces
problématiques. Ce qui est très important pour nous aussi, c'est
que la problématique d'un individu de cette nature, dans le fond, c'est
beaucoup sa relation avec son milieu. Ils ont beaucoup de problèmes de
relation avec leur milieu. C'est dans ce milieu qu'il faut que cela se
passe.
Plus les milieux vont être petits, les milieux d'intervention, les
équipes d'intervention, les gens, plus ce territoire
désigné, partagé, peu importe comment on l'appellera, plus
cette unité va être proche des gens qui ont des problèmes,
va être similaire à leur milieu de vie, à leur quartier,
mieux cela va être.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quant aux principes, avec
ce que vous dites, je suis d'accord. Mais n'oubliez pas que vous avez affaire
à des patients psychiatriques qui, justement, fondamentalement, ont des
problèmes de relation avec leur milieu aussi, leur milieu familial, leur
milieu social, enfin, le milieu où chacun de nous travaille, fonctionne.
Souvent, le problème... Ceux qui nous reviennent, qui sont
dépendants, on s'en occupe. Vous avez su aussi... J'en ai vu encore dans
mon bureau des gens qui étaient suivis dans des centres de jour. Ils ne
voulaient pas y aller. Ce que j'avais à faire, c'était de les
référer de nouveau mais ils ne veulent pas y aller. Il y a un
comportement qui est différent de la personne ordinaire qui, par
exemple, veut se faire dépanner parce que - la comparaison est
peut-être un peu simpliste - quelque chose dans la machine
gouvernementale qui ne fonctionne pas, ce n'est pas assez pour avoir son
allocation familiale ou ce que vous voulez. Cela est clair, c'est simple. Ils
font la démarche que la moyenne des individus vont faire qui ne savent
pas où aller.
Mais dans le cas des patients psychiatriques, particulièrement
les plus atteints, le fonctionnement n'est pas si direct qu'avec le petit
milieu qu'on préconise dans la majorité des problématiques
sociales comme étant la meilleure approche. En tout cas, je voudrais que
vous pensiez à ceux qui n'entrent pas dans le comportement habituel et
qui sont très déviants.
On me soufflait, je pense que c'est, juste que c'est un peu pour cela
qu'un grand nombre de ces personnes qui ont des problèmes plus
sérieux se ramassent dans les grandes villes, n'est-ce pas? Ils ne
restent pas dans leur petit milieu, chez eux. Peut-être que si leur petit
milieu était mieux équipé, ils y resteraient. Mais un des
problèmes des grandes villes, c'est l'anonymat qui fait que les gens se
retrouvent là; c'est pourquoi les problèmes sont plus aigus
particulièrement à Québec et à Montréal.
M. Lamonde: C'est très vrai ce que vous dites. Mais je
pense que cela va dans le sens de confirmer ce que je disais. Très
souvent, l'intervention doit être au moins aussi intense sur
l'environnement du bénéficiaire que sur le
bénéficiaire lui-même. L'intervention sur l'environnement
peut difficilement être télécommandée ou
téléguidée de loin. L'intervention sur le
bénéficiaire, à la limite, vous avez raison. On peut
prendre un bénéficiaire à Mont-Joli et l'amener à
Québec et cela va être dépersonnalisé comme milieu.
Peut-être que, temporairement, cela va l'aider. Je ne suis pas sûr
que lorsqu'il va retourner à Mont-Joli son problème va être
réglé, par exemple, d'une part.
(15 h 45)
D'autre part, s'il faut...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce n'est pas ce que j'ai
dit.
M. Lamonde: Non, je m'excuse.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je n'ai pas dit de
l'amener à Mont-Joli, mais j'ai dit que centrer sur le milieu est un bon
principe pour ta majorité des problématiques sociales, si on
veut, ou psychosociales. Parfois cette majorité n'est peut-être
pas exactement la même dans le cas d'un certain pourcentage de malades
psychiatriques.
M. Lamonde: Mais je pense qu'on s'entend sur une chose. Il est
souvent très important d'intervenir de façon intensive sur le
milieu du bénéficiaire aussi bien que sur le
bénéficiaire, d'une part.
D'autre part... J'ai perdu mon idée. Je passe.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que mes
collègues... Oui, Mme Plante.
Mme Plante: J'ajouterais peut-être que la clientèle
dont vous pariez, qui est très lourde et qui requiert souvent des
services, on peut peut-être l'estimer à 5 % de la clientèle
de la santé mentale. Ce n'est pas vraiment tout le monde qui va voir un
psychiatre, qui a ces problématiques. Ce n'est pas tout le monde qui a
des problèmes de santé mentale qui nécessitent autant de
soutien, disons. Donc, on peut estimer à 5 % à peu près
cette clientèle qui est beaucoup plus lourde et qui demande un suivi
beaucoup plus constant. Je vous rappelle ce que M. Lamonde disait qui
s'applique à cette clientèle. Je pense que, dans ces cas, cela
prend effectivement même un appui pour obtenir les services. Je vous
réfère à l'Office des personnes handicapées qui
préconise l'utilisation du plan de services et du responsable du plan de
services. C'est peut-être différent du leadership organisationnel
comme tel. C'est une coordination des services, mais vraiment au niveau
individuel. Cela peut être une proposition importante pour cette
clientèle que de s'assurer d'avoir quelqu'un responsable afin que la
personne obtienne l'ensemble des services dont elle a besoin en fonction de
chacun de ses besoins, qu'ils soient d'ordre thérapeutique ou
psychiatrique, d'une part, mais ce sont des besoins d'hébergement, de
dépannage ou je ne sais quoi, d'éducation, de travail ou autres,
et l'ensemble de ces besoins doit être évalué - c'est du
moins ce que propose l'Office des personnes handicapées - et inscrit
dans un plan de services. Ces interventions ne relève pas toutes de la
psychiatrie, sauf que ce qui est important pour cette clientèle, c'est
que ce soit bien coordonné. Ce n'est peut-être pas le même
type de coordination que la coordination organisationnelle de l'ensemble des
services d'un territoire. Pour cette clientèle dont vous parlez, je
pense que l'essentiel est la coordination des services comme tels à la
personne. Cela sera un point important également.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. Lamonde a
retrouvé sa pensée.
M. Lamonde: C'est cela. C'était très près de
ce que Mme Plante vient de dire. Il y a un danger à la notion de
leadership, parce qu'on parle de leadership organisationnel et, à un
moment donné, il va falloir que cela se matérialise dans quelque
chose. C'est qu'il faudrait éviter d'obliger le
bénéficiaire à aller quelque part. C'est très
dangereux. Lorsque le bénéficiaire a ses problèmes et
qu'il les vit, il se présente où il peut, où il veut,
où...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors la notion de
psychiatrie sectorielle va disparaître.
M. Lamonde: À ce moment-là, ce qui est très
important, c'est que, quel que soit l'endroit où il se présente,
il y ait là quelqu'un qui puisse le prendre en main et le
réorienter vers la ressource la meilleure pour lui. Par exemple, du
côté des personnes âgées, c'est un peu l'approche
qu'on a eue, c'est-à-dire qu'il y avait des gens qui se
présentaient à l'urgence, à un cabinet privé ou au
CL5C - il y avait toutes sortes d'approches - et ce qui se passait, c'est
qu'elles n'étaient pas nécessairement bien accueillies. Cela ne
veut pas dire qu'on les bafouait ou qu'on les battait, mais on n'avait pas la
structure adaptée pour les accueillir, ce qui faisait qu'on ne les
dirigeait pas vers la bonne ressource pour elles suivant leur
problématique. Parfois, on les gardait à l'urgence, parce qu'il
n'y avait pas d'autre chose à faire ou parce que le médecin dans
son cabinet privé ne savait pas trop quoi faire, parce qu'il ne
connaissait pas les ressources ou qu'il ne savait pas qui il était. Ce
qu'on fait, on dit à l'ensemble de ces intervenants: Voici un peu
comment cela devrait se passer; voici quelles sont les ressources
adaptées à..., etc. Si un bénéficiaire se
présente chez vous ayant des caractéristiques A, B, C, D, s'il
vous plaît, voulez-vous contacter telle personne, etc. C'est plus ainsi
qu'il faut procéder. C'est encore, je dirais, plus criant du
côté des personnes qui ont des problématiques de
santé mentale. Il faut qu'elles puissent frapper à la porte
où elles le veulent et où elles peuvent aussi et que, de
là, on les prenne et on les dirige aux bons endroits. Là, la
notion de plan de services est très
importante. Il y a un risque énorme à un leadership
organisationnel où vous auriez un endroit qui serait le centre
communautaire de santé mentale - je ne sais pas comment on pourrait
appeler cela - c'est parce que les gens qui sont mal pris, ils vont où
ils peuvent, etc., ils ne vont pas nécessairement à l'adresse que
le gouvernement leur donne. Je veux dire que c'est très dangereux comme
approche organisationnelle.
Ce qui est important, c'est qu'il y ait quelqu'un qui s'assure du
leadership et de ta continuité du service au bénéficiaire.
Il ne faut pas le laisser tout seul dans la nature, à un moment
donné. Il faut qu'il y ait toujours quelqu'un qui prenne le relai, qui
chemine avec lui par rapport à son plan de services. Il faut
éviter, je pense, de dire: Dans notre réseau, il y en a un
intervenant, c'est lui qui a le leadership, si vous êtes malade, allez
chez lui. D'abord, les gens n'ont pas toujours conscience qu'ils sont malades,
etc...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: Un peu pour dire dans le même sens que
monsieur. Moi aussi, je trouve que peu importe où ils doivent se
présenter, ils doivent être bien accueillis ou, enfin, les diriger
à la bonne place. S'il arrive des cas, j'en ai vu un dernièrement
où quelqu'un s'est dirigé dans un CSS sur la rue Saint-Hubert et
on lui a dit: Ce n'est pas notre territoire. Toi, il faut que tu descendes sur
la rue Ontario. Si la personne a besoin de soins tout de suite, elle a besoin
d'être prise en main. Il ne faudra plus que cela se produise. Il faudrait
que peu importe où ils aillent...
M. Sirros: Ils l'ont retiré. C'est entré comme
statistique de référence.
Mme Lachapelle: Là il est venu nous voir au bureau de
comté et c'est nous autres finalement qui avons dû l'aider.
D'être ballottés d'un bord et de l'autre, les patients n'aiment
pas cela non plus.
M. Lamonde: On peut le prendre comme exemple. Effectivement,
comme disait monsieur, ils l'ont référé. Sauf que quand je
parle de prendre en main un bénéficiaire, je ne veux pas dire:
Reprends la rue et va-t'en jusqu'à Ontario. Évidemment, ce n'est
pas à cela que je pensais comme référence. Je prends comme
référence la prise en main...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que c'est un
manque de sensibilité des personnes. Les gens viennent à notre
bureau. Vous devriez voir le nombre de démarches qu'on fait pour leur
ouvrir la bonne porte. On les regarde et on dit: On ne peut pas les laisser
dans la nature comme ça. On se démène et on le fait. Si
vous avez affaire à quelqu'un qui est stupide dans un endroit... Au
moins s'assurer qu'il se rend sur la rue Ontario. Au moins ça. Oui.
M. Lamonde: Parmi les ressources en place, on compte beaucoup sur
les bureaux de députés.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Est-ce que vous avez
d'autres questions? J'aurais une dernière question. Je ne sais pas si
c'est la dernière, parce que je n'ai jamais la dernière question.
Qu'est-ce que vous prévoyez recommander eu égard à la Loi
sur la protection du malade mental et la curatelle, d'une part?
Je mets toutes mes questions ensemble. La deuxième n'est pas
complètement dissociée, elle est un peu d'un autre ordre et elle
s'adresse à M. Champoux. C'est une préoccupation que j'ai et qui
a été exprimée ici. C'est la question qui rejoint la
question de continuité. Dans le cas des déficients mentaux
adultes dont les parents décèdent ou éventuellement vont
décéder. Cela demeure une préoccupation profonde des
parents, c'est ce qui explique un peu la résistance des parents aussi
à ce que leur enfant adulte soit désinstitutionnalisé.
Là au moins ils savaient qu'il partait. L'institution était
là pour cela. Là, j'ai l'impression qu'on se retrouve un peu dans
un vide. On a eu le cas de Contrefort où on nous a dit: Ils ne sont
jamais perdus de vue. On en a eu d'autres, même si c'était
Sainte-Clothilde, par exemple, où à un moment donné ils
étaient perdus dans la brume. Ils avaient été
placés, des déficients légers ou même assez en bas
des légers. Ils ont dit: Écoutez, ils sont devenus adultes, ils
ont 18 ans. Ils ne relèvent plus de nous. On dit: À quelle place
sont-ils rendus? Je ne les connais pas tous. On voulait laisser répondre
M. Lamonde.
M. Audet: Effectivement, ce que vous mentionnez est une
problématique à laquelle on réfléchit
présentement. La notion, surtout dans une période de
réinsertion sociale: quel type de supervision, de soutien ou d'aide
-dans certains cas c'est uniquement technique - les étblissements
devraient-ils offrir soit aux parents, au parrain civique, au
représentant de la personne adulte, dans le cas d'une déficiente
mentale, parce qu'elle n'en guérit pas et reste déficiente
mentale toute sa vie, en général... On a une réflexion
à faire. Je vous avoue, à cet égard, que, dans ce nouveau
contexte de réinsertion sociale, il y a des réflexions à
poursuivre.
Il y a présentement des établissements qui ont fait faire
des études notamment sur toutes les dispositions législatives en
ce qui concerne notamment la Curatelle publique pour savoir quelles seraient
les modalités qui
pourraient faciliter aux parents ou au parrain civique la gestion des
biens de la personne afin d'assurer la continuité dont vous mentionnez
la nécessité. C'est effectivement un problème.
Il y a des établissements dont l'attitude est de dire: Elle n'est
plus dans mes dossiers. Je ne m'en occupe plus. Je pense que, dans ce
cas...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On l'a entendu ici.
M. Audet:... il faut bien mentionner que ces
établissements continuent d'avoir la responsabilité d'offrir
à ces personnes des services de soutien. Elles ne sont plus admises dans
l'établissement. L'établissement n'en a pas la
responsabilité au même titre qu'il l'avait auparavant. Cependant,
il a certainement une responsabilité de leur offrir certains services de
soutien, à moins qu'elles soient réinsérées,
qu'elles soient rendues tellement autonomes. À ce moment-là, cela
peut être compréhensible, elles ont le même type de services
que tout autre citoyen. Mais dans le cas où vraiment les personnes ont
une déficience plus sévère ou qu'elles ont besoin d'un
appui constant, je pense qu'il y a des liens à établir, soit avec
des mécanismes de parrain civique qui leur fournit le soutien...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Il faut qu'il y ait une
pérennité qui soit assurée d'une responsabilité
quelque part vis-à-vis de ces gens.
M. Audet: Oui, mais, encore là, cela dépend des
clients ou du degré de responsabilité.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, je suis bien
d'accord, non pas vis-à-vis d'un... C'est parce que vous
réintégrez présentement les déficients moyens et
les déficients profonds.
M. Audet: Dans certains cas, des déficients
sévères.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Savez-vous
que...
M. Audet: Oui, mais souvent je pense que le rôle de
l'établissement va consister, dans un premier temps, à tout
simplement indiquer à l'entourage ou à ceux qui vont en
être responsables quelles sont les modalités. On peut, par
exemple, faire des conseils de famille dans certains cas pour déterminer
un responsable de la personne. Le Pavillon du Parc a fait une étude
récemment de cette nature pour se donner les outils de supervision des
adultes. On a un certain bout de réflexion additionnelle à
faire.
En ce qui concerne la loi du malade mental, je pense bien que je
pourrais compléter, mais je pense qu'il y a des révisions en
cours présentement au ministère pour au moins avoir une
uniformisation technique des modifications qui ont été
apportées au Code civil et je ne pourrais pas entrer dans le
détail, bien sûr.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela fait huit ans qu'on
en parle, au moins.
M. Audet: Oui. Le calendrier, je n'en suis pas responsable.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je n'exagère pas,
M. Lamonde, n'est-ce pas?
M. Lamonde: Pardon?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je n'exagère
pas.
M. Lamonde: Cela fait beaucoup plus longtemps que cela que les
gens en parlent.
M. Audet: Mais, idéalement peut-être...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La Curatelle
publique?
M. Audet: Pour la Curatelle publique, cela relève du
ministre des Finances, que je sache. Sûrement que le ministère
pourra fournir des commentaires.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, lorsque j'en ai
parlé au ministre des Finances - peut-être que M. Lamonde
était là dans le temps - il m'a dit: Non, je m'occupe strictement
de l'administration des biens, mais tous les autres aspects relèvent des
Affaires sociales.
Une voix: J'attends les commentaires.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Il m'avait
renvoyée aux Affaires sociales. Je n'ai jamais eu la réponse.
M. Lamonde: Les Affaires sociales vont s'assumer. Mme Plante va
vous donner la réponse.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Plante: Je pense que les recommandations vont absolument dans
le sens du projet de loi 20, donc la réforme du Code civil en ce qui a
trait aux droits de la personne. Je pense que les préoccupations
importantes étaient en rapport avec la notion même de cure
fermée, la notion de quand elle s'applique et de quelle façon.
C'était donc lié à toute la notion de consentement aux
soins également, parce que, actuelle-
ment, la cure fermée est une mesure de détention et non
pas une mesure de traitement. On se posait la question: Est-ce qu'il est normal
qu'on ait exclusivement une mesure de détention et non pas de
traitement? Ce que le projet de loi 20 dit et, finalement, ce que le
Comité de santé mentale ou l'Association des psychiatres ou
certains comités au ministère des Affaires sociales ou au
ministère de la Justice qui s'étaient penchés sur ces
révisions de la loi recommandaient, c'est à peu près tout
le temps dans le même sens, c'est d'abord de reconnaître qu'au
Québec, la maladie mentale n'est pas une maladie de traitements
obligatoires. C'était une première chose. Donc, tous les droits
et libertés reconnus par la Charte des droits et libertés de la
personne s'appliquent. (16 heures)
D'autre part, bien sûr, comme il est prévu dans le Code
civil, il y a certaines exceptions lorsque la personne est incapable et
lorsqu'il y a menace à la vie, on peut agir différemment. C'est
réitéré, sauf que le problème était le
suivant. Dans la loi on parlait de menace à la santé et à
la sécurité de la personne ou d'autrui et on supposait, des
rapports qu'on demandait au psychiatre, une certaine prédiction de la
dangerosité. Le consensus est à l'effet que cela se prédit
bien mal, la dangerosité à long terme, et de ramener cette notion
d'urgence, finalement, au risque immédiat, imminent et manifeste de
danger à la vie ou à la sécurité de la personne.
Donc, c'est une première recommandation, si on veut, de ne pas demander
au psychiatre de prédire des choses à long terme, mais bien de
faire des évaluations sur la situation actuelle de la personne. C'est
retenu.
D'autre part, toute la notion du consentement et de qui peut consentir
à la place, je pense que c'est également bien clarifié
qu'il doit y avoir une personne lorsque la personne est évaluée
incapable, selon certains critères à standardiser. Il doit y
avoir identification d'une personne légalement responsable du
consentement aux soins et qui soit différente de la gestion des biens de
la personne. Donc, c'est l'autre notion, de vraiment distinguer la gestion, de
la capacité à gérer les biens et la capacité
à consentir aux soins. Donc, c'est retenu comme tel. Toute la notion de
consentement de la personne capable doit être reconnue comme un droit,
que la notion de consentement de la personne incapable soit bien
identifiée à quelqu'un d'autre, que, d'autre part, il y ait des
recours. Peut-être que les recours étaient insuffisants et de la
façon dont cela se passait parfois, cela pouvait aller un peu vite pour
la personne concernée, en tout cas, à son goût. Je pense
que comme dans bien d'autres pays ou d'autres provinces qui se sont
penchés là-dessus, il était juste de reconnaître un
droit d'audition à la personne, que cette personne soit à jeun de
médicaments lors de cette audition et qu'elle puisse être
assistée de services juridiques pour se défendre, ce qui
impliquait également qu'elle connaisse les motifs qu'on invoquait contre
elle, qu'elle connaisse...
M. Sirros: Comme pour...
Mme Plante:... de l'ensemble des régimes de protection
parce que la Loi sur la protection du malade mental porte là-dessus.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... les ajustements
là-dessus.
Mme Plante: Donc, c'est... En tout cas, dans le premier
document...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous allez le
recommander, en tout cas.
Mme Plante:... cela va être proposé. Donc, par la
suite, cela devrait se faire, d'autant plus que la révision du Code
civil entraîne quasi automatiquement l'amendement des lois qui y sont
assujetties. Cela va aller dans ce sens. Il y a peut-être certains
éléments qui n'étaient pas prévus par le projet de
loi actuel, le projet de loi 20, qui vont être proposés
également en surplus, si on veut, et on verra quel consensus cela
rencontrera; mais c'est vraiment une préoccupation d'assurer les droits,
d'assurer des recours et également d'assurer des régimes de
protection diversifiés parce que avant on avait des régimes assez
absolus. C'était tout l'un ou tout l'autre, alors que là, c'est
divisé, la gestion des biens et le consentement, mais également
de prévoir des régimes de protection qui ne soient pas
nécessairement absolus, qui peuvent être partiels, qui peuvent
être vraiment adaptés...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela peut
être...
Mme Plante:... aux besoins ou aux capacités de la
personne.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... administrer son
salaire, mais ne pas administrer son...
Mme Plante: C'est cela et cela peut être soit d'avoir un
curateur, un tuteur ou simplement un conseiller. Le projet de loi le
propose.
Régions éloignées
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a une question qu'on
n'a pas abordée et le temps passe. C'est toute la question des
régions éloignées. J'imagine que vous allez
l'aborder, vous autres, dans votre rapport sur la santé mentale, sans
vous faire faire d'indiscrétion.
M. Lamonde: C'est-à-dire qu'on l'aborde également
dans le sens où on parle de l'ensemble des citoyens du Québec
là-dedans, de certaines carences un peu particulières, plus
accentuées de ressources dans certains milieux, mais en termes de
philosophie, d'orientation, de tout ce qu'on voudra, je ne pense pas qu'on
fasse de différenciation.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, c'est globalement.
Oui, c'est cela.
M. Lamonde: Il y a effectivement, quant à la
problématique, des carences additionnelles là, par exemple, les
ressources professionnelles, qu'elles soient psychiatriques ou autres. Il y a
des carences très importantes là et il faudra proposer des moyens
pour y donner suite.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, je vous en prie.
M. Champoux: Nous avons aussi apporté quelques
statistiques que vous aviez demandées.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, oui.
M. Champoux: Elles sont contenues dans des dossiers en nombre
suffisant. On pourrait vous les donner. On a également introduit
là-dedans toute la notion plan de services et plan d'interventions qui
fait référence à la question que vous aviez posée.
On peut vous laisser cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Et le reste, vous allez
nous l'envoyer le plus tôt possible? C'est ce qu'on peut... Est-ce que
cela peut aller avant le mois d'octobre? Oui?
Mme Plante: Pour les raisons que je vous ai données, je ne
le croirais pas, non, parce que, comme je vous l'ai dit, il y en a qui sont des
traitements spéciaux d'information et je ne croirais pas que cela puisse
être disponible avant d'octobre. Je pense qu'on peut essayer de se donner
un objectif à l'intérieur du mois d'octobre. Ce serait plus
réaliste.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'on pourrait
vous demander un objectif au début d'octobre?
M. Audet: Est-ce que je pourrais suggérer de couper la
poire en deux...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est parce que si vous
avez...
M. Audet:... et suggérer la mi-octobre?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est un peu comme les
ministres, je le dis sans partisanerie, quand ils nous disent que cela va
être au printemps ou à l'automne, mais le printemps dure du 21
mars au 21 juin...
M. Audet: Je parle de la mi-octobre 1985.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La mi-octobre est le 15
octobre.
M. Audet: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si vous me le donnez pour
le 15 octobre, c'est correct. Je ne sais pas si c'est un dimanche, mais...
Une voix: Vous allez avoir une réponse d'ici peu.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas, c'est parce
que nous avons aussi un échéancier serré. Il est
peut-être encore plus serré que le vôtre.
M. Audet: C'est un mardi.
M. Lamonde: Dans notre secteur, madame, il y a quelques
informations qui pourront être complétées. Dès que
nous les compléterons, nous pourrons les transmettre à mesure de
notre disponibilité.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Parfait.
M. Audet: Disons que les dernières seront disponibles le
15.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Ah! Bien! C'est
un peu plus encourageant.
M. Audet: II y a des choses dont nous ne sommes pas responsables,
c'est-à-dire qu'il y a des statistiques, que l'on voulait les plus
à jour possible, qui dépendent de l'envoi par les
établissements du rapport annuel sur les statistiques.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Audet: Dans la mesure où ils ne les envoient pas, il
nous paraît impossible dans certains cas de pouvoir... C'est pourquoi, au
lieu de vous remettre des données incomplètes, on
préfère ne pas vous les transmettre dans de telles circonstances,
quitte à ce que vous ayez des données qui datent de l'an dernier,
dans certains cas.
Mais ce ne seraient pas des statistiques très à jour.
Tout ce qu'on pourra vous fournir qui pourrait aider les travaux de la
commission, il nous fera plaisir de le transmettre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie beaucoup
et je vous remercie aussi de votre disponibilité cet après-midi
et de votre collaboration habituelle. Si on a besoin d'autres informations, on
se permettra de vous appeler directement. Merci beaucoup. Le reste ne sera pas
enregistré. On suspend nos travaux.
(Fin de la séance à 16 h 8)