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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le vendredi 9 août 1985 - Vol. 28 N° 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la distribution des services de soutien et de réinsertion sociale offerts aux personnes atteintes de troubles mentaux et vivant dans la communauté


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-neuf minutes)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La sous-commission des affaires sociales reprend ses travaux. Pardon mesdames! A l'ordre, s'il vous plaît! La sous-commission des affaires sociales reprend ses travaux pour entendre les différents groupes, établissements ou intervenants impliqués dans la distribution des services de soutien et de réinsertion sociale offerts aux personnes atteintes de troubles mentaux et vivant dans la communauté.

Les membres sont Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M. Laplante (Bourassa), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Pratt (Marie-Victorin).

Le premier groupe que nous entendrons ce matin est l'Association du Québec pour les déficients mentaux. J'inviterais la présidente ainsi que les personnes qui l'accompagnent à se présenter à la table, s'il vous plaît!

Bonjour, Mme Robitaille-Rousseau. Si vous voulez bien présenter vos collègues et ensuite procéder à la présentation de votre mémoire pour lequel vous avez 20 minutes. Je pense que vous nous avez demandé de prolonger de dix minutes afin de nous présenter une partie d'un vidéo qui a été préparé sur le sujet et je pense que les membres de la commission sont prêts à acquiescer à cette demande.

AQDM

Mme Robitaille-Rousseau (Monique): Mme la Présidente, nous voudrions tout d'abord remercier la commission d'avoir accepté de nous entendre sur un sujet qui est aussi important pour les personnes qu'on représente. Je vous présente donc, à ma gauche, Mme Madeleine Girard qui est parente d'une adolescente et vice-présidente de notre association; M. Allen Hanley, qui est parent d'une fille adulte et membre de notre conseil d'administration; à ma droite, Mme Françoise Gilbert, directrice générale de notre association; à sa suite, M. Denis Laroche, une personne handicapée et qui a vécu pendant 20 ans en institution; M. Robert Flynn, consultant bénévole, professeur a l'Université d'Ottawa en psychologie et en médecine de réadaptation et moi-même qui suis présidente de l'AQDM et parente d'un jeune enfant de huit ans, handicapé par une déficience intellectuelle.

L'Association du Québec pour les déficients mentaux est un organisme à but non lucratif qui, depuis près de 35 ans, s'est donné comme mandat de défendre et de promouvoir les droits des personnes handicapées par une déficience intellectuelle et de veiller à ce que ces personnes puissent bénéficier de services qualitativement et quantativement satisfaisants. L'association regroupe une cinquantaine d'organismes régionaux et locaux dévoués à la même cause. L'AQDM considère que les personnes handicapées par une déficience intellectuelle ont les mêmes besoins que les autres, mais nécessitent des services spécifiques pour y subvenir. Leur problématique est également spécifique et ne doit pas être aggravée par des préjugés et des fausses croyances liés à d'autres problématiques.

Malgré une évolution importante des politiques et orientations et le développement de services d'aide, la situation n'a pas considérablement évolué dans le sens d'une intégration active. La valorisation sociale des personnes reste à faire.

L'AQDM propose que le gouvernement du Québec et particulièrement le ministère des Affaires sociales s'engagent de façon définitive et fermement dans un processus d'intégration sociale et de désinstitu-tionnalisation des personnes handicapées par une déficience intellectuelle. Ce processus doit prévenir l'internement ou le réinternement de personnes pour cause de besoin de services spécifiques, rendre ces services accessibles dans la communauté et dans le cadre des services généraux, et favoriser la pleine participation des personnes à la vie communautaire. C'est en regard de ces objectifs que nous avons déterminé les moyens, critères de qualité, conditions à respecter, etc., résumés dans le présent mémoire et consignés dans différents documents produits par l'AQDM et l'Institut québécois de la déficience mentale. Il ne sera possible d'atteindre ces objectifs qu'à travers un engagement précis de tous, gouvernement, services publics, groupes d'action communautaire, organismes de promotion, basé prioritairement sur l'intérêt de la personne handicapée.

Notre société se veut et se croit préoccupée par le bien-être de tous ses

citoyens, mais les réalités de fait sont souvent cruelles pour les plus faibles et les plus démunis d'entre nous. Beaucoup de ces personnes sont oubliées dans le dénuement et la solitude. Au Québec, il existe encore aujourd'hui une centaine de ghettos résidentiels, au-delà de 150 écoles spéciales, plus de 80 installations d'ateliers de travail souvent occupationnels et un grand nombre de familles d'accueil hébergeant plus de cinq personnes et même au-delà de dix.

Ces milieux de vie n'assurent parfois même pas la simple sécurité physique des bénéficiaires. Que l'on pense seulement aux épidémies comme l'hépatite virale et aux nombreux accidents. Pour un grand nombre de ces personnes, la vie se résume à des fonctions biologiques et à la satisfaction des besoins primaires comme le manger et le dormir. Pas d'apprentissage, pas d'éducation, pas d'instruction, pas de formation au travail, pas de loisirs et pas de vie affective. Les parents peuvent-ils accepter cela pour leur enfant? Vous-mêmes l'accepteriez-vous?

Je vous présenterai maintenant Mme Françoise Gilbert qui va poursuivre dans notre intervention.

Mme Gilbert (Françoise): Mme la Présidente et honorables membres de cette commission, tout d'abord, je vous remercie de votre attention. Je m'excuse si la suite va vous paraître peut-être un peu décousue, mais nous allons essayer de synthétiser au maximum le mémoire de façon à permettre, je pense, les discussions qui vont suivre avec les parents de personnes handicapées.

Donc, à travers les siècles et les différentes sociétés, la conception de la déficience mentale a lentement évolué en entraînant graduellement une modification de la perception sociale des personnes handicapées par une déficience intellectuelle et des attitudes de la collectivité à leur égard.

Considérées au départ souvent, comme des êtres sans âme, étiquetées menaçantes, improductives, définitivement infantiles, ces personnes étaient au mieux tout juste tolérées. Le plus souvent, elles ont dû subir l'intolérance, la dérision, le rejet poussé jusqu'à la persécution et parfois même la torture et l'extermination.

C'est donc dans un souci d'humanisme que sont apparus les modèles institutionnels, au départ. Ce modèle évidemment, n'est plus efficace de nos jours. Il ne l'a d'ailleurs probablement jamais été. Nous tenons aussi à préciser ce que nous entendons par intégration, car la clarté conceptuelle du terme n'apparaît pas évidente à travers les différents écrits ou exposés sur le sujet. Si on interprète librement Yanicki, un texte de 1981, l'intégration permet à une personne handicapée d'évoluer et d'agir librement dans sa communauté, de communiquer à la façon de ses pairs, d'utiliser tous les services publics et privés, établissements scolaires, commerces, transports publics, services de santé, services sociaux, etc. Outre cette dimension matérielle, la personne doit aussi être en mesure de vivre une vie affective, de valoriser son image, d'établir des rapports avec autrui, d'appréhender aussi le monde artistique et culturel, etc.

La déficience intellectuelle. Ce sont les médecins, je pense, qui en premier ont abordé l'étude de la déficience intellectuelle. On en a dénombré 200 causes qui sont classifiées selon l'étiologie du déficit. Les besoins des personnes intellectuellement déficientes ont été longtemps définis en regard des causes, et l'intervention de type médical s'est centrée sur la ou les causes de la déficience. Ces personnes étaient alors admises dans les hôpitaux où l'on se préoccupait de leur maladie mais cette origine historique a encore, actuellement, des conséquences. Puisqu'on ne pouvait les guérir de leur déficience, on les maintenait en internat. C'est ainsi que leur problématique fut rapidement comprise comme étant du domaine de la maladie mentale, et elles portent encore aujourd'hui le poids de cet héritage de préjugés et de tabous reliés à tous les troubles mentaux.

Avec la montée des sciences humaines, et particulièrement la pédagogie et les sciences sociales, est apparu un concept différent de la déficience intellectuelle tenant compte de la réalité de la personne et de ses besoins. En même temps, on commençait à penser en termes de réadaptation, de rétablissement d'une fonction ainsi que d'un statut social et d'un rôle social valorisé.

Je vous passerai la définition de l'Organisation mondiale de la santé, que vous avez dû entendre déjà, bien sûr, et qui est une conception pédagogique où la déficience est définie comme une limitation organique fonctionnelle, l'incapacité comme une limitation de l'activité et le handicap comme une limitation sociale.

Selon la définition de Grossman, de l'Association américaine de la déficience mentale, une personne est réputée handicapée par une déficience intellectuelle lorsqu'elle manifeste un faible potentiel intellectuel et des difficultés d'adaptation importantes, de deux écarts types sous la moyenne. Cette définition exclut donc toutes les incapacités apparaissant après la période de développement de l'enfant.

Si nous convenons que la problématique des personnes déficientes intellectuellement présente certaines similitudes avec celle de l'ensemble des personnes handicapées, elle possède néanmoins des spécificités qui l'a différencient. Elle ne peut en aucune façon être assimilée à la maladie mentale ou à un trouble mental. Donc, la personne handicapée

par une telle déficience peut minimiser ses retards en développant des apprentissages. Elle peut accéder à l'autonomie, elle peut répondre adéquatement aux exigences de son milieu et assurer sa pleine participation aux activités de la communauté.

Pour la personne et pour son entourage, les besoins sont les mêmes que pour toute autre famille, mais il convient de comprendre que les limites d'apprentissage, les limites de développement peuvent amener les familles à avoir des besoins spécifiques liés à ce problème-là.

Il y a un très bon exposé de la problématique d'une famille ayant un déficient intellectuel qui a été fait par Mme Lucie Bargiel dans un document intitulé "La politique familiale quand on est une famille différente" et qui est disponible à la demande de la commission. La famille qui a un membre handicapé n'échappe pas plus que les autres familles en difficulté qui sont le lot de toutes les familles dans le contexte social actuel. Mais, que représente cette charge additionnelle d'un être qu'on a appris à aimer malgré ses imperfections et parfois même à cause d'elles?

L'un des parents, en général la mère, doit renoncer à sa carrière, à ses ambitions professionnelles pour assurer une présence en permanence auprès de l'enfant. Comme corollaire, on assiste donc à une réduction des revenus du ménage alors même que les besoins financiers augmentent à cause des besoins de l'enfant. Les gardiennes sont peu disposées à s'occuper de ce genre d'enfant, les prix sont généralement plus élevés, les besoins éducatifs sont accrus alors que les services de stimulation précoce sont peu disponibles. Qu'on pense seulement à la Côte-Nord où deux éducateurs assurent des services de stimulation à domicile sur une distance de 1200 kilomètres.

Les consultations de spécialistes peuvent être aussi nombreuses et nécessitent de fréquents déplacements. Ce sont encore des coûts additionnels. Puis, c'est la série de batailles: la bataille pour l'accès aux services généraux, le refus de l'enfant dans les garderies, le refus de l'enfant dans les classes régulières ou même dans les écoles de quartier, le refus de l'enfant dans les loisirs municipaux, dans les transports publics. Les parents doivent alors alourdir encore leur charge en faisant du bénévolat dans des organismes qui se battent pour ces droits et ces services. Ils se retrouvent souvent seuls avec leur épreuve, leur anxiété, leur découragement. Ils sont mal informés, mal soutenus et difficilement considérés comme des partenaires par des professionnels qui, eux, savent mieux.

C'est cet ensemble de difficultés, de rejet social, d'isolement, de batailles sans cesse recommencées qui amène les familles à prendre parfois la cruelle décision de placer leur enfant, par épuisement, par "burn out", mais certainement pas par rejet.

Les principes généraux défendus pour l'intégration des personnes handicapées par une déficience intellectuelle. Depuis plusieurs années, l'AQDM préconise d'abord et avant tout le respect des droits de la personne. Elle possède les mêmes droits, les mêmes privilèges que tous les membres de la collectivité incluant le droit à la différence. Ensuite, la présomption de la compétence de la personne est un élément essentiel. Elle possède en elle-même des potentialités de développement. Il faut croire à ces potentialités de développement et essayer de développer au maximum ses capacités pour l'aider à accéder à la pleine autonomie. Aussi, l'implication de la personne et de ses parents. Cette personne handicapée doit être impliquée dans la projection de son propre avenir et pouvoir infléchir en tout temps les orientations de sa vie. Les parents des enfants déficients intellectuellement sont concernés au premier chef par les projets de vie établis pour eux.

Le principe de normalisation qui est issu de pays Scandinaves dont vous avez certainement entendu parler a été amorcé simplement par une association de parents, l'Association nationale des parents de Suède. C'est un principe qui est. généralement reconnu, qui reconnaît les mêmes droits et privilèges aux êtres handicapés qu'à tous les autres citoyens. Ce qui ne veut pas dire que la normalisation implique la négation des difficultés, pas du tout, mais reconnaît le milieu naturel comme le contexte le plus propice à assurer l'accès à l'autonomie et le bien-être des personnes.

Pour l'Association du Québec pour les déficients mentaux, la normalisation exige d'accorder une importance prioritaire à la personne et à ses capacités plutôt qu'à sa déficience. C'est en développant au maximum ses capacités que l'on obtiendra de la personne les comportements et les compétences requis pour son autonomie et c'est par un système éducatif et non dans un modèle médical.

Je pense qu'il est temps, il est plus que temps de retirer le domaine de la déficience mentale de la psychiatrie, non pas pour repartir une lutte psychiatrique, ce n'est pas du tout l'objectif de cette déclaration. C'est que la psychiatrie est une spécialité, une discipline qui n'est pas une discipline éducative alors que l'évolution de l'enfant handicapé par une déficience intellectuelle est liée, d'abord et avant tout, à l'éducation, un processus d'éducation. Ce n'est pas récent. Déjà, il y a dix ans, le Dr Woltis qui est un psychiatre mondialement reconnu déclarait que l'éducation devait mener, en déficience mentale, et que la psychiatrie devait se contenter d'un rôle auxiliaire.

Je pense que c'est pour nous un point très important. Il s'agit, pour la personne, d'être éduquée et non pas suivie par une discipline médicale axée sur un traitement de pathologie. Les découvertes, les développements qui ont eu de l'impact en déficience intellectuelle originent des sciences de l'éducation, des sciences sociales et des sciences humaines, pas de la psychiatrie.

Parmi les critères de qualité des services aux personnes dans la communauté, je pense qu'un des critères très importants, c'est l'individualisation de ces services et leur pertinence et leur cohérence en fonction des besoins de la personne et non pas en fonction de ce que les gens de l'extérieur pourraient penser de ses besoins. Ils doivent être accessibles, disponibles, continus, extensifs, mais surtout flexibles, fournis dans une approche novatrice et non plus dérivés ou greffés sur des vieux modèles. C'est maintenant qu'il faut faire preuve d'originalité. Il faut innover.

Si l'on pense à la réponse de la société québécoise actuelle aux besoins des personnes handicapées, on reconnaît qu'il y a maintien en internat de façon permanente de milliers de personnes présentant une déficience intellectuelle, même s'il y a eu, dans l'ensemble, une évolution appréciable des services au cours des dernières décennies.

Cette évolution s'est manifestée notamment sur le plan de la reconnaissance des droits des personnes ayant une déficience intellectuelle. L'ensemble de cette législation, autant de la législation mondiale que de la législation québécoise, reconnaît les personnes handicapées intellectuellement comme des citoyens à part entière et leur accorde les mêmes droits que tout autre citoyen.

En ce qui concerne les politiques et orientations, le gouvernement québécois et plus particulièrement le ministère des Affaires sociales n'ont pas défini de façon officielle une politique globale pour l'ensemble des personnes handicapées par une telle déficience.

Quelques documents, comme les services à l'enfance inadaptée ou le mémoire de programmes et de services à l'enfance, ont énoncé un principe de base des objectifs et orientations généraux que le ministère des Affaires sociales désire privilégier auprès des services à l'enfance en général, incluant les enfants handicapés, sans que soit particularisée la problématique des personnes handicapées par une déficience intellectuelle.

Donc, les principes et objectifs s'inscrivent dans le respect et la promotion des droits de la personne handicapée et ils sont d'emblée entérinés par l'AQDM. Cependant, nous nous devons de dire que nous n'avons pas constaté jusqu'à ce jour une volonté politique fermement exprimée et surtout concrètement étayée par un plan d'action précis destiné à traduire ces principes par des réalisations. Cette condition fondamentale nous apparaît primordiale, car elle sous-tendra l'ensemble des actions entreprises en vue d'une véritable intégration sociale de ces personnes.

Si l'on considère les diminutions, enfin, si on parle de diminutions qui sont apparues dans les centres asilaires, on constate que les deux réseaux santé et services sociaux, qui ont été souvent étroitement reliés, agissent, comment dirai-je? un peu en parallèle. C'est-à-dire que si l'on observe une diminution de la clientèle interne d'un réseau, il se produit une augmentation de la clientèle dans l'autre réseau, ce qui fait qu'il n'y a pas eu énormément de désinstitutionnalisation au cours des dernières années et le chiffre que l'on peut avancer qui date de 1981, c'est 19 % des personnes.

Il demeure toujours au-delà de 10 000 enfants et adultes en établissement de santé, internat et pavillon. La désinstitutionnalisation reste à faire. Au Québec, il existe 63 centres pour personnes déficientes intellectuelles. On assiste aussi à un vieillissement de la population dans ces centres qui est passé de 53, 5 % en 1970 à 79, 9 % en 1981. C'est un problème assez cruel actuellement. (10 heures) .

Les conditions de vie dans les centres asilaires sont pour nous inacceptables, comme le démontrent clairement certains documents, dont le mémoire de M. Arthur Amyot concernant l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine - il a d'ailleurs déclaré son intention de se retirer du domaine de la déficience mentale - et le rapport du comité visiteur, MAS-OPHQ-organismes de promotion, déposé en novembre 1984.

Selon certaines études, le syndrome institutionnel est caractérisé par l'apathie et a pour effet de rendre la personne handicapée inadaptée à la vie en société en dehors de l'institution. Plus spécifiquement, le type de socialisation encouragée par les institutions - dépersonnalisation, distance sociale, absence de contact avec l'extérieur, ségrégation - diminue considérablement le répertoire d'habileté sociale des personnes institutionnalisées. Elle est généralement moins réactive au renforcement social.

La situation actuelle: on vient d'en parler, on va passer par-dessus. Il y a dans l'avenir une nécessité d'action gouvernementale. Le ministère des Affaires sociales fait état de politiques très intéressantes et encourageantes, mais tarde à se doter des outils indispensables à leur réalisation. Or, en regard des éléments précités, une action s'impose dans les plus brefs délais.

Les propositions de fermeture d'institutions ou de réduction importante du nombre de personnes institutionnalisées ont eu jusqu'à maintenant peu de succès au

Québec, sauf lorsqu'il s'agissait d'un ordre du ministère des Affaires sociales justifié par des conditions de vie et d'hébergement tout à fait inacceptables. Dans la plupart des cas, il s'agissait de petits centres à but lucratif et la politique de réinsertion dans la communauté était actualisée par des directions de ces centres.

Au Canada, cinq provinces se sont déjà donné des politiques pour une totale désinstitutionnalisation. Il s'agit de la Colombie britannique, du Manitoba, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve. Il est intéressant d'observer comment on a appliqué avec succès les programmes de désinstitutionnalisation dans ces provinces. La gestion des services a été confiée à un organisme communautaire où les personnes directement concernées jouent un rôle important. Ces Community Living Board ou Community Living Society gèrent habituellement, non pas les services directs à la clientèle, mais les plans de services. Par un exemple très simple, une personne doit sortir de l'institution. Le comité a la responsabilité d'élaborer l'ensemble des services résidentiels, réadaptatifs, médicaux, récréatifs, etc.; d'établir le coût de l'ensemble de ces services; c'est donc un coût d'opération individualisé qui a l'avantage de répondre aux besoins à la fois généraux et spécifiques de chacune des personnes.

L'ensemble de cette opération s'appelle le plan de services. On ne finance donc pas des programmes dans lesquels on insère les personnes, mais au contraire, on examine le besoin et on établit les programmes des services en conséquence. Le budget est accordé donc au Community Living Board qui achète les services dans la communauté; ce qui garantit davantage avec l'éventail des fournisseurs la satisfaction de l'usager par rapport au service.

Donc, la stratégie d'action gouvernementale devrait porter sur trois volets: principalement, la prévention de l'institutionnalisation, extrêmement importante - et notons aussi ici l'extrême importance du maintien des liens familiaux - en second lieu, la réintégration dans la communauté des personnes déficientes intellectuellement présentement admises dans les centres asilaires, hôpitaux psychiatriques ou autres internats - encore ici on favorise au maximum la reprise des liens familiaux -et, en troisième lieu, la mise en place de services d'aide et d'assistance dans la communauté, afin d'assurer l'intégration physique à une participation effective de la personne dans les diverses activités de la vie courante.

Il est évident qu'on va avoir à faire face à des résistances. En premier lieu, il y a la notion de risque. Nous en sommes conscients, mais je pense et nous pensons tous que toute vie comporte des risques et que l'on doit accorder à chacun le droit de les affronter avec dignité, d'autant plus que ces risques peuvent être minimisés par des mesures précises d'aide en milieu intégré et non en aliénant la personne sous le couvert de la protection préventive.

C'est un argument, cette notion de risque, qui est souvent défendu par les parents à qui l'on n'a pas présenté de substitut à l'image de stabilité et de sécurité que présente un centre asilaire. Il est intéressant de noter ici l'expérience de Penhurst aux États-Unis où, entre parenthèses, dans 20 États l'asile a été déclaré inconstitutionnel. En 1980, lors de l'annonce de la fermeture du centre de Penhurst, 83 % des familles se disaient satisfaites de l'institution, 72 % déclaraient qu'il était peu probable qu'elles acceptent l'intégration d'un de leurs membres interné dans la communauté. Six mois après la fermeture, 85 % des familles exprimaient leur accord avec cette décision et déclaraient que les personnes semblaient bien plus heureuses.

On parle souvent aussi des résistances dans la collectivité. Il y a bien des sortes de résistances, des résistances ouvertes, que l'on peut rencontrer aussi dans d'autres catégories d'individus, qui est un refus ouvert et public de voisiner avec une personne handicapée. Nous considérons que cela tombe directement sous l'article 15 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne qui stipule que "Nul ne peut diffuser, publier ou exposer en public un avis, un symbole ou un signe comportant discrimination ni donner autorisation à cet effet".

Ce refus n'est d'ailleurs pas aussi catégorique que certains le laissent entendre. Un récent sondage effectué par la corporation maison Sainte-Clothilde, après une période de sensibilisation, démontre des résultats étonnants et très encourageants. Je vous en donne seulement quelques-uns, parce que le temps presse.

Je vais les écouter s'ils s'adressent à moi: sur un échantillon de 619 personnes, 97 %, oui; je serais porté à leur rendre service: 96 %, oui; j'essaie de les traiter comme des personnes normales: 93 %; je ne sais pas comment me comporter avec eux: 67 %; je me sens gêné: 46 %; j'ai peur de leur réaction: 32 % seulement; accepter de côtoyer régulièrement des personnes déficientes intellectuellement dans la rue: oui, 87 %; dans un parc: oui, 83 %; dans un centre commercial: oui, 84 %, etc.

Les répondants démontrent de la cohérence avec eux-mêmes. En privilégiant la désinstitutionnalisation, ils accep-

tent également l'insertion des déficients mentaux dans la vie de la communauté.

D'autres résistances sont déguisées, d'autres sont dues à la méconnaissance fondée sur certaines incapacités et beaucoup de préjugés. Il y a lieu, à ce moment, de voir, avec les organismes de promotion et le gouvernement, à des programmes de sensibilisation. Pour les résistances dues è l'intérêt comme une perte d'emploi ou une baisse de l'économie locale, l'argument lui-même est assez inacceptable. Cependant, tout en reconnaissant le droit des personnes à la liberté, tout employé peut s'inquiéter un peu de son avenir. 11 y a lieu de les rassurer car de nombreuses preuves existent que la désinstitutionnalisation n'est pas accompagnée d'une diminution du nombre d'emplois, au contraire. Il y a un phénomène intéressant enregistré dans certains centres qui ont entamé ce processus et ils ont de la difficulté à trouver du personnel pour travailler à l'interne. Les gens qui ont goûté à l'approche communautaire continuent de goûter à l'approche communautaire.

Parmi les conditions, mécanismes et règles à respecter, dans les conditions préalables, on a parlé d'une volonté politique fermement exprimée. Toutes les réalisations positives reconnues aux États-Unis se situent dans les cas où la magistrature a fait preuve de leadership. Il y a ceux des comités de coordination dans la communauté dont on a parlé tout à l'heure, la création d'un comité de coordination national, la création de comités régionaux, les plans de désinstitutionnalisation. C'est très important, je pense, que chaque établissement psychiatrique ou autre établissement possédant un internat mette au point ce plan de désinstitutionnalisation et sans attendre que la personne soit prête à sortir.

Je vais vous introduire une anecdote tragi-comique d'un homme qu'on a préparé à sortir d'une institution. Il en est sorti è 88 ans. Il a 92 ans maintenant, il vit dans un appartement protégé, surveillé. À une dame qui allait voir comment cela allait, qu'est-ce qu'il pensait maintenant de sa vie comparativement à celle en institution, il a répondu: Ma brave dame, une journée de plus là-dedans et je serais devenu fou.

Donc, les études portant sur les facteurs de succès de la désinstitutionnalisation démontrent que ce succès dépend plus de la qualité des services offerts dans la communauté que des caractéristiques individuelles des personnes handicapées. Par ailleurs, l'expérience de Penhurst précédemment citée démontre que les personnes présentant des déficiences les plus prononcées se sont trouvées être celles qui profitaient le plus du placement dans la collectivité. Il est évident qu'on apprend la réalité par la réalité et on n'apprend pas à prendre un autobus ou un métro dans une rame de métro en carton installée dans un gymnase.

Les règles à respecter. Passons rapidement. Bien sûr le respect des droits de la personne, la prépondérance de l'intérêt de la personne sur toute autre considération, l'implication...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je ne voudrais pas vous arrêter...

Mme Gilbert: J'ai presque terminé. C'est que c'est plus long que je pensais. Je pense que je passerai à la conclusion rapidement. Les éléments ont été exposés presque globalement.

Ce que nous recommandons, c'est la reconnaissance sans équivoque des personnes handicapées intellectuellement comme citoyens à part entière à l'affirmation de leurs droits, une volonté gouvernementale claire, la reconnaissance de l'intérêt des personnes comme élément devant prévaloir, des structures d'administration et de planification intégrées dans la communauté, une gamme de services planifiés, la formation et le recyclage du personnel. Vous aurez tout cela dans le mémoire que vous avez dans les mains.

À l'AQDM, nous appuyons pleinement nos espoirs de voir réussir pleinement l'intégration sur des fondements essentiellement humanistes et démocratiques de la société québécoise. La bonne volonté, la maturité sociale et les capacités de jugement que nous rencontrons tous les jours chez nos compatriotes nous induisent à penser que très prochainement les personnes handicapées par une déficience intellectuelle pourront franchir une double porte, celle de l'établissement asilaire, pour en sortir, et celle de la communauté, pour y entrer.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci bien.

Mme Robitaille-Rousseau: Mme la Présidente, vu que le temps nous presse, je ne sais pas si ce serait possible de vous laisser notre vidéo afin de permettre aux membres de la commission de pouvoir le regarder de façon intégrale dans un autre moment...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Écoutez...

Mme Robitaille-Rousseau:... et permettre à Denis Laroche, qui a vécu vingt ans en institution, de vous faire part...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense qu'on peut faire les deux. Vous m'avez dit que ce serait dix minutes? Ensuite, on

pourra entendre M. Laroche. Voulez-vous qu'on entende M. Laroche avant le vidéo?

Mme Robitaille-Rousseau: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Combien de temps allez-vous parler, M. Laroche?

M. Laroche (Denis): Cela sera court.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Alors, on va écouter M. Laroche.

Mme Gilbert: Je dois dire que M. Laroche a un gros problème visuel; il ne peut lire ses notes lui-même. Je lui donnerai, à l'occasion, ses notes.

M. Laroche: J'ai été vingt ans en institution et cela a été vingt ans gâchés complètement. C'est une vie qui a été complètement gâchée. Ce fut une perte de temps, en fin de compte. Cela ne m'a pas permis d'apprendre à lire ni à écrire. J'ai été considéré déficient mental par les psychiatres. À ce moment-là, ils m'ont placé en institution. Mes parents pensaient que c'était bon pour moi. Ma mère disait: II n'est pas capable d'aller à l'école Louis-Braille. J'étais trop voyant pour Louis-Braille et je n'étais pas assez voyant pour l'école normale. À ce moment-là, on m'a placé en institution pour m'apprendre des choses et on n'apprenait absolument rien. Ma mère m'a placé dans plusieurs institutions. À un moment donné, cela ne fonctionnait pas, on me sortait pour aller dans une autre institution et c'était à recommencer.

En fin de compte, la vie qu'on avait dans ces bâtiments, c'était qu'on n'apprenait absolument rien. Pour nous, c'était un peu normal de se révolter. On faisait des crises parce que, au moins, on avait quelque chose à dire. On se sentait pris. C'est comme si on avait été de grands criminels, mais on ne l'était pas en réalité. Quand je faisais des crises, c'était pour dire que ce n'était pas ma place. Je me retrouvais souvent avec la camisole de force ou avec des doses de piqûres pour dormir pendant des journées entières. Dans ces moments-là, c'était assez pénible. Quand j'étais dans ces endroits-là, on n'avait pas d'activités comme telles.

Un peu plus tard, quand j'ai commencé à sortir dans la société, graduellement, c'est un éducateur qui était un de mes amis qui, à un moment donné, a dit: On serait capable de faire quelque chose avec ce gars-là. Il m'a appris le scoutisme; j'ai fait du scoutisme avec lui dans le bâtiment du CEV, le Centre d'entraînement à la vie, à Chicoutimi. On a fait du scoutisme dans le bâtiment. (10 h 15)

Le directeur général ne croyait pas à cela, il a dit: Ils ne seront jamais capables d'apprendre le scoutisme, c'est impossible, ils ne seront même pas capables d'utiliser une boussole.

Mon ami croyait beaucoup qu'on était capables de le faire et, à ce moment-là, cela m'a montré graduellement à connaître un petit peu de choses de ce côté. Quand on allait faire des excursions dans le bois, à un moment donné, on ne savait pas se mettre les pieds l'un en avant de l'autre. Je voyais un petit peu plus dans ce temps, mais on n'était pas capable de se mettre un pied en avant de l'autre.

Graduellement, on faisait nos camps et cette personne nous donnait des responsabilités. Lui, il m'avait toujours aidé, il m'amenait toutes les fins de semaine chez eux. Là, je me suis senti un peu valorisé, mais ce n'était pas encore assez pour moi. Quand j'ai eu 20 ans, cela a commencé à virer et je commençais à faire une intégration. Ce qui est arrivé à ce moment, c'est qu'il m'a amené à sa maison privée avec sa famille et je me sentais vraiment bien avec eux parce que je me disais: J'ai quelque chose à prouver et il faut que je le fasse.

Quand je faisais une crise, il disait: Denis, essaie d'éloigner tes crises, évite-les. Il me disait: Éloigne-les et tu vas voir ce que cela va faire. À la minute que je les éloignais, graduellement, je venais à ne plus en faire. Après cela, il m'a fait sortir de là, je suis allé en atelier protégé. Il s'est réuni avec ma travailleuse sociale, mes parents et tout cela. Ils ont eu une grosse discussion: Est-ce que vous croyez qu'il est capable? Il n'y a personne qui croyait que j'étais capable d'aller en appartement. Quand je suis entré en appartement, je ne connaissais absolument rien. Je me rappelle un fait, je n'avais pas de matériel pour me faire à manger. C'étaient les professionnels qui m'avaient aidé, en fin de compte, à trouver du matériel, de la vaisselle et toutes sortes d'affaires comme cela. Ils m'avaient même fait avoir un stagiaire qui venait m'aider à faire des recettes, à mettre des lignes pour voir les mesures dans les tasses à mesurer. Après cela, graduellement, j'ai appris à faire la popote. Quand j'ai pris le premier appartement, cela a été curieux, je n'avais pas beaucoup d'ustensiles. Je me rappelle la première fois que la travailleuse sociale est venue, je faisais du café à peu près et je brassais cela avec une fourchette.

Graduellement, je suis venu à bout d'avoir du matériel. Autrement dit, il y a eu là un gros changement tout de suite. Quand je suis entré dans cet appartement, j'ai dit: Là, je peux respirer. J'avais un peu peur de rentrer dans la société parce que je ne savais pas comment les gens autour de moi, mes parents, allaient m'accepter avec un problème visuel et un problème intellectuel. Je ne savais pas comment ils allaient

m'accepter, parce que je ne voyais pas beaucoup mes parents. Je ne les voyais à peu près pas. Quand je suis arrivé, à un moment donné, j'ai essayé de faire la conversation, des fois, avec ma mère, quand j'avais la chance de l'appeler. Des fois, le contact n'était pas toujours facile. Bien souvent, quand c'est ta mère... Je pleurais au téléphone, les larmes voulaient me couler sur le bord des yeux. Après cela, le contact s'est fait graduellement avec mes parents.

Quand j'ai eu appris toutes ces choses comme faire à manger, il y a un autre bénévole qui est venu, une personne qui était de l'extérieur, qui n'était pas du CEV dans ce temps. Elle est venue me montrer à lire et à écrire. Je me rappelle la façon dont j'apprenais, la façon dont elle me montrait. Elle est allée acheter des lettres en plastique qu'on collait sur le réfrigérateur, parce que je ne pouvais pas les voir, dans ce temps-là, sur du papier. C'étaient des gros chiffres. Je m'accotais à deux pouces du réfrigérateur et j'épelais les lettres. Je me rappelle quand je lisais les premières lettres de l'alphabet qu'elle m'avait apprises, er, ir, ur. C'était quelque chose pour moi dans ce temps-là. Je disais: Au moins, je vais apprendre à signer mon nom. J'allais en atelier protégé, je faisais de la poterie. Cela m'a beaucoup aidé aussi parce que cela me montrait à travailler, à me rendre utile malgré mon handicap. Je savais qu'il n'y avait pas de limite à mon handicap. Je voulais toujours prouver quelque chose, parce qu'on a un peu d'orgueil en nous quand on veut apprendre quelque chose malgré un handicap visuel ou n'importe quel handicap. Après cela, graduellement, il y a eu un projet pour handicapés. On fabriquait des chandelles, des lampions pour les églises. C'était mon premier emploi. Le premier emploi, c'est quelque chose pour une personne qui n'a jamais été dans la société.

Quand j'ai signé mon premier chèque, c'était tout un événement pour moi. C'est comme si j'avais eu un gros cadeau du ciel. Ensuite, j'ai arrêté de travailler à temps plein. J'ai travaillé un an et, ensuite, j'ai été obligé d'arrêter de travailler à cause d'une crise de glaucome aigu. Je suis appelé à perdre ma vision au complet. Je me suis inscrit à l'assurance-chômage. J'ai connu une fille au projet. On est sorti ensemble. Ensuite, on s'est marié en comptant sur notre assurance-chômage. Dans ce temps-là, je ne connaissais pas ces choses-là. On s'est mis à jaser ensemble, à prendre du café. Elle venait chez nous. C'était la rengaine. Ensuite, elle arrive un soir et me dit: Denis, est-ce cela t'intéresserait de te marier? J'ai dit: Attends un peu, il faut que j'y pense.

Des voix: Hal Hal Hal

M. Laroche: Je trouvais cela pas mal vite. Je trouvais que j'avais fait beaucoup d'étapes pas mal vite et, à un moment donné, cela arrive: Boum, de même! J'ai dit: OK. D'abord, je t'aime d'abord... Ensuite, on s'est marié, à l'aide de notre assurance-chômage. Ses parents, face à moi, n'avaient pas de réticence. C'étaient comme des amis. Autrement dit, ils n'étaient pas contre notre mariage. Il faut que je vous dise que ma femme est handicapée physique. Cela veut dire qu'on est deux personnes handicapées. Présentement, on a un loyer, on s'occupe de notre budget. Ma femme m'aide à apprendre à compter, aujourd'hui. Grâce à elle, j'apprends à jouer avec de grosses cartes, j'apprends à compter en jouant aux cartes. On s'aide mutuellement. L'intégration est possible. J'ai prouvé que c'était possible. Peut-être que, pour d'autres cas... C'est vraiment possible pour d'autres cas, parce qu'il y a des foyers de groupe qui existent, des maisons d'accueil qui existent. Je ne vois pas pourquoi on serait encore dans un ghetto.

J'ai été déclaré irrécupérable. C'est dur pour un gars. Tu t'aperçois qu'ils te disent cela, tu ne t'en rends pas compte au début, tu laisses faire, parce que tu n'en as pas conscience. Mais, du moment que tu sors et qu'il y en a qui disent: II est déficient et irrécupérable, à ce moment-là, tu as une grosse frustration. On n'ose pas parler au public. On se fait dire qu'on n'est pas capable d'avoir un sujet de conversation avec les gens ou telle affaire...

En fin de compte, aujourd'hui, je peux dire une chose: L'intégration, j'y crois. Laissez-nous la chance de vivre en société. Moi, je sais ce que les autres vivent dans les boîtes, comme on dit. J'ai vécu avec eux et je sais... Les crises, on ne les faisait pas pour rien. On les faisait parce que, maudit, on se disait: Ce n'est pas notre place. Il y en a qui ne comprennent pas assez. Ils savent ce qu'ils ressentent là. C'est pour cela que je vous dis que l'intégration est possible.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup. Je pense que je vais accepter votre invitation qu'on puisse retenir votre vidéo et nous vous le retournerons.

Mme Robitaille-Rousseau: Je voudrais situer le vidéo.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

Mme Robitaille-Rousseau: Le vidéo vous présente Norman et Tom, qui vivent en institution. Norman, entre autres, est une personne multihandicapée qui fait peut-être l'inverse par rapport à Denis. Beaucoup de gens vont dire: Denis était peu handicapé, il n'avait pas de raison d'être dans une institution à ce moment-là. On sait qu'il a

été déclaré irrécupérable à cause de trop grands problèmes à l'intérieur de l'institution. Le vidéo vous montre Norman, qui est multi-handicapé. Vous allez voir ce que représente sa vie en institution. Vous voyez le moment où Norman quitte l'institution après que ses parents, qui étaient insatisfaits de cette vie-là pour leur jeune, se sont mis à rêver pour leur enfant et ont entrepris de réaliser ces rêves-là. Vous allez voir comment la vie est complètement transformée pour ces jeunes. Cela se voit dans les yeux. La personne handicapée, quelle qu'elle soit, ressent les choses comme nous autres. Souvent on pense qu'ils ne ressentent pas les choses autant que nous, mais c'est vraiment la même chose que nous. Vous verrez toute cette situation et je pense que cela répond à beaucoup d'interrogations qu'on peut avoir.

Il a été dit cette semaine à un moment donné qu'on va croire plus à l'intégration pour la personne moins handicapée mais on se pose beaucoup d'interrogations sur la personne sévèrement et profondément handicapée, à savoir si ce sera bénéfique. Il y a l'expérence de Penhurst aussi qui vient le prouver encore une fois.

Depuis le film qui a été réalisé par l'Institut canadien de la déficience mentale, on sait que maintenant Norman travaille dans un restaurant MacDonald dans son milieu, qu'il va lui-même chez le barbier et qu'il paie lui-même. Je pense qu'il a fait bien des progrès qui auraient été impensables à l'intérieur de l'institution. C'est ce que le vidéo va vous présenter et nous serions heureux que les membres de la commission puissent le visionner.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup.

Mme Robitaille-Rousseau: Nous sommes maintenant prêts pour répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je veux remercier l'Association du Québec pour les déficients mentaux de son mémoire et de s'être présentée devant la commission. Je voudrais dire au départ, c'est même souligné, qu'il faut détacher la déficience mentale de la maladie mentale et là-dessus, on est tout à fait d'accord avec vous, même si parfois viennent se greffer des problèmes de comportement sérieux aussi chez un certain nombre de personnes qui souffrent de déficience mentale.

Quand votre mémoire et plusieurs autres mémoires ont été déposés à la commission sur la déficience mentale, on s'est dit que, dans le fond, les deux groupes de personnes font face à des problèmes semblables. D'abord il y a eu de la confusion souvent dans les diagnostics. Deuxièmement, les deux groupes ont vécu la vie institutionnelle. Ils sont exposés aux mêmes problèmes de rejet de la société. Comme il s'agissait d'un handicap mental, de toute façon, on s'est dit: On va les accepter. Je pense que cela a été fort utile. Sans vouloir présumer de ce qu'on mettra dans notre rapport, je pense qu'on ne pourra pas ignorer justement dans la réinsertion sociale ces deux groupes de personnes, d'un côté, les personnes qui souffrent de troubles mentaux et, de l'autre, ceux qui ont une déficience mentale.

Je voulais juste faire cette petite clarification au point de départ mais on est tout à fait d'accord avec vous.

Je voudrais remercier Mme Gilbert et M. Laroche. En quelle année avez-vous été placé en institution?

M. Laroche: Je ne me rappelle pas la date mais j'avais deux ans quand j'ai été placé à l'orphelinat de Chicoutimi.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Je ne veux pas vous demander votre âge, mais j'imagine que cela fait au moins une vingtaine d'années.

M. Laroche: Oui. Aujourd'hui, j'ai 30 ans.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon! Cela s'est passé il y a 25 ou 28 ans. Je pense que même les ressources institutionnelles étaient surtout d'un type, celui de l'institution à long terme. Aujourd'hui, dans les ressources du réseau, il y en a quand même qui sont des ressources intermédiaires. Il y avait aussi des erreurs de diagnostic. On est heureux de voir que des éducateurs aient réalisé que cela se passait dans certaines institutions. (10 h 30)

À un moment donné, on s'intéressait à un enfant ou à un jeune qui réagissait mal ou qui semblait présenter un potentiel plus élevé. Finalement, vous avez pu faire le cheminement qui s'amorçait. J'ose espérer qu'aujourd'hui on ne fait plus ces erreurs. Il reste encore des difficultés de diagnostic, mais j'espère qu'on ne fait plus ces erreurs graves de diagnostic. Il semble bien qu'au point de départ, vous aviez un problème de vision qui vous handicapait beaucoup et qui, finalement, a retardé votre développement. Je ne veux pas, moi non plus, jouer au diagnostic, mais je pense qu'il y avait ce type de problème qui se posait dans les institutions et dans le placement des jeunes; parfois, on allait beaucoup trop vite pour les entrer dans les institutions. Oui, madame.

Mme Robitaille-Rousseau: Je voudrais ajouter un mot là-dessus. Étant parent d'un enfant trisomique 21, il faut savoir comment on a recommandé de façon systématique à des parents de placer leur enfant et c'est encore trop présent à mon esprit aujourd'hui. Plutôt que de privilégier des ressources

d'accompagnement et de soutien aux parents, on va leur offrir de se débarrasser du problème comme si c'était la solution. Le phénomène est encore un peu là. Je me souviens, j'ai eu à faire face à un médecin qui m'a dit: Vous n'avez plus le choix. Sans cela, j'aurais fait comme tout le monde, parce que toute la pression a été autour de l'idée qu'on devait placer ces enfants-là. C'était en 1977. Étant responsable, à Québec, d'un groupe parents-soutiens, je sais que cette recommandation est encore présente de placer le jeune. Je me souviens du jour où j'ai eu, dans la première année de vie de notre enfant, l'occasion de voir sur place, dans une école, la différence entre des enfants placés en institution depuis le début et un autre jeune qui était dans sa famille depuis toujours. Cela m'a frappée jusqu'à quel point, au point de vue de son fonctionnement, de ses habilités développées? C'était aussi différent que le jour de la nuit. C'est là que, vraiment, j'ai su que jamais notre enfant n'irait vers cette ressource. Cela ne fait pas référence à la compétence. Cela ne remet pas en cause la compétence des gens quand on parle de l'institutionnalisation. Cela fait référence au contexte dans lequel on vit, un contexte où on entretient la personne dans son handicap plutôt que de lui permettre de vraiment dépasser ses limites. C'est axé sur les limites. C'est le plus petit dénominateur commun. Vous avez vraiment la chance à l'extérieur. Comme Mme Gilbert le disait tout à l'heure, c'est dans la vraie vie, avec le vrai monde, qu'on apprend à vivre. Tout comme on n'a pas vu encore de gens qui ont appris à nager en dehors de l'eau, je pense que ce sont des choses qui sont très logiques.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Remarquez bien qu'à partir de ce que vous dites concernant la différence entre les enfants en institution et les enfants en dehors des institutions, même pour en enfant qui n'a aucun handicap, celui qui a connu, par exemple, une série de placements ou qui a connu - mais moins aujourd'hui - des séjours en institution très longs, même dans une institution pour enfants non handicapés, il y a une différence notoire. Pour un enfant en bas âge, je pense que la famille demeure certainement, si les conditions sont bonnes, sa meilleure stimulation. 11 faut bien se rappeler qu'à ce moment-là, les parents étaient laissés seuls. Il y avait les tabous, etc. Là-dessus, je dois dire que l'Association des parents pour les déficients mentaux... Vous parliez des 35 ans d'existence de celle du Québec. Il y en a d'autres localement -cela a été le regroupement - qui ont débuté bien avant... À quelques occasions, j'ai visité des associations pour les malades, les ex-psychiatrisés, enfin les réseaux d'entraide pour les personnes qui ont des troubles mentaux, pour les encourager à cause de leur travail énorme et pour leur dire comment ils leur avaient fait une place au soleil. Maintenant, la population réagit, non pas totalement, mais quand même différemment de la façon dont elle le faisait il y a certainement 20 ans, même il y a 15 ans ou 10 ans. Aujourd'hui, évidemment, il y a encore des préjugés. Ce serait trop beau s'il n'y en avait pas. Il y a encore aussi des problèmes d'intégration, etc.

Votre mémoire contient beaucoup d'éléments. Je voudrais vous poser deux questions. La première concerne la réaction des parents dont on veut désinstitutionnaliser les enfants.

Il ne faut pas oublier le contexte dans lequel ils ont été placés. Ces enfants sont rendus souvent à un âge adulte et même plus. Hier, un centre d'accueil est venu nous dire que, ayant procédé à une bonne partie de la désinstitutionnalisation des enfants, un pour cent des enfants qui avaient été sortis - je pense que c'est à peu près une centaine -ont pu retourner dans leur famille, les familles ne voulant pas les reprendre. On nous a expliqué toute la dynamique autour de cela. Vous représentez quand même les parents. N'oubliez pas que vous êtes tellement actifs ou actives dans l'association ou dans les différentes filiales de l'association que, je pense, votre cheminement se fait plus rapidement que chez la moyenne des parents qui n'ont pas ce genre de contact. J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus.

Mme Robitaille-Rousseau: Je pense que, effectivement, pour nous, la désinstitutionnalisation ne veut pas dire de rentrer chez soi pour tout le monde, obligatoirement; il y a cela à respecter. Je pense qu'il est aussi très important de mettre en place des programmes de formation ou de sensibilisation, d'accompagnement de ces parents. Justement, on a situé le problème dans l'étude de Penhurst, et je pense que cela s'est produit aussi pour Ark Eden en Ontario, les parents étaient majoritairement contre la désinstitutionnalisation, contre la sortie de leurs enfants et je pense que c'était logique. Les gens étaient convaincus que leur choix, ils l'avaient fait pour le mieux. Cela se situe dans un contexte historique et les gens ne doivent pas se sentir culpabilisés pour cela. C'est souvent le premier réflexe qu'on a de penser qu'on n'a pas fait un bon choix. C'était la solution qu'on préconisait dans ce temps-là.

On s'aperçoit combien c'est très fort par après aussi. Six mois après, plus de parents s'aperçoivent que leurs enfants sont plus heureux à l'extérieur et que la vie est changée. Je pense qu'il y a toujours cette crainte, cette peur de l'inconnu, d'où l'importance de la sensibilisation et de l'accompagnement des parents. Je crois que

cela ne se fait pas du jour au lendemain, il y a une période préparatoire à cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'ai posé la question à quelqu'un d'autre. Dans le cas de parents qui refuseraient la désinstitu-tionnalisation, que se passerait-il?

Mme Robitaille-Rousseau: Je ne sais pas, peut-être que...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Évidemment, je pense è de jeunes adultes très...

Mme Robitaille-Rousseau: Vous voulez parler de ceux qu'on empêcherait de rentrer chez eux?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, de retourner dans la communauté. Qu'est-ce qui se passe? Comme vous le disiez, surtout dans le cas de déficiences plus graves, d'enfants plus handicapés qui, finalement, ont l'impression d'avoir acquis une sécurité et que, à un moment donné... Nous avons des retours de parents qui viennent nous voir et qui nous disent: Cela n'a pas de bon sens, etc. Évidemment, on essaie des les orienter où il faut les orienter, ce n'est pas notre... Qu'est-ce que c'est...

Mme Robitaille-Rousseau: Je vais demander à Mme Girard de répondre.

Mme Girard (Madeleine): J'aimerais répondre. Ma fille est en institution depuis neuf ans parce que je n'ai pas eu le choix, je pense. Si on m'avait donné des ressources, à la maison, Guylaine ne serait sûrement pas en institution aujourd'hui. Je me débats pour la faire sortir le plus vite possible. Ce que je peux vous dire, c'est que, quand les parents refusent... On a sorti 20 ou 30 personnes, depuis à peu près quatre ans, qui avaient été 30 ans en institution et dont les parents ne voulaient pas du tout.

Je crois qu'il faut amener les parents à cela, il faut leur donner de l'information, de la formation et leur prouver, je pense, qu'il y a un suivi et que ce qui se fait, c'est bien fait. Il y a toute une sensibilisation à faire en ce qui concerne les parents. On ne dit pas aux parents: Votre fils, cela fait vingt ans qu'il est en institution et, demain matin, on l'amène sur la rue Saint-Denis. Ce n'est pas comme cela qu'il faut procéder. Il faut les amener tranquillement et il faut les respecter aussi dans cela. Il y a un cheminement à faire. S'ils ne sont pas prêts, je pense qu'il faut peut-être aussi leur prouver que leur enfant est capable de faire des choses. On lui apprend à prendre l'autobus, on lui apprend à aller à l'école à l'extérieur de l'institution et on lui prouve qu'il peut faire des choses.

On m'a dit que ma fille était une idiote, qu'elle ne marcherait jamais, qu'elle n'apprendrait jamais rien. Aujourd'hui, elle marche très bien, elle va dans une école, elle commence à assumer son autonomie de base et, pour Guylaine, je pense que cela va très bien. Tout l'espoir qu'on nous a enlevé... Il y a quatorze ans, si j'avais cru à cela, ma fille serait un légume aujourd'hui. Sauf que je pense qu'il faut croire que ce sont nos attitudes aussi. Je pense qu'il faut apprendre aux parents à avoir confiance en leur enfant et non pas à le surprotéger. Cela ne se fait pas, je pense. Il faut donner beaucoup d'information et de formation aux parents et les sensibiliser. Je pense que c'est notre rôle à nous de l'Association du Québec pour les déficients mentaux de le faire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous parliez tout à l'heure de la maison Sainte-Clothilde. On nous en a parlé ici. C'est une expérience, en tout cas, qui semble réussir dans une bonne mesure. Cela a été également le témoignage du représentant syndical, si je ne m'abuse. Qu'en est-il, par exemple, d'autres parents reliés à des centres moins bien équipés ou qui ont moins de ressources pour faire la désinstitutionnalisation?

Mme Robitaille-Rousseau: Je pense qu'on a insisté tout à l'heure sur la qualité des services offerts. Je pense que c'est ça qui est prioritaire au niveau des administrateurs, c'est-à-dire du pouvoir décisionnel, du gouvernement, si on veut que le réseau soit un réseau de qualité. Je pense que cela doit être une préoccupation partout de justement amener ce réseau-là à en être un de qualité.

Mme Girard disait au niveau des parents: Je pense que, nous, on a une large part de responsabilité en termes de formation, de soutien, d'appui. Je pense qu'au niveau du ministère des Affaires sociales, il y a aussi une grosse responsabilité de formation des intervenants et de mise en place en tout cas des critères pour assurer des services de qualité. Je pense que c'est la clé de la réussite.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est ça. Je vois en page 2 de votre mémoire que vous dites: "Au Québec, il existe encore aujourd'hui une centaine de ghettos résidentiels, au-delà de 150 écoles spéciales, plus de 80 installations d'ateliers de travail souvent occupationnels et un grand nombre de familles d'accueil hébergeant plus de cinq personnes et même au-delà de dix. "Ces milieux de vie n'assurent parfois même pas la simple sécurité physique des bénéficiaires. Et pour la majorité des personnes, la vie... "

Enfin, vous l'avez écrit... Moi, la question que je me pose est celle-ci: Est-ce

que nos énergies ne doivent pas s'appliquer d'abord à mieux servir ceux qui sont là et, dans la mesure où on n'a pas de ressources plus adéquates à offrir aux gens et qu'on change simplement l'institution de place, des fois ne peut-on pas les mettre dans des conditions, finalement, plus misérables qu'avant? Est-ce qu'il n'y a pas lieu, à ce moment-là, de décider, momentanément ou pour une période temporaire, de ne pas faire de désinstitutionnalisation? Si on peut tous les sortir, on peut... Si on paie assez, on peut trouver toutes les familles qu'il nous faut pour les placer et dire: Ils ne sont plus en institution. Mais la description que vous nous faites ici est assez sombre pour un bon nombre. Ce sont là des gens qui sont sortis du réseau, c'est-à-dire de l'institution, et pour qui on fait une tentative de réinsertion.

Mme Robitaille-Rousseau: Quand on parle de ghettos résidentiels, c'est aux institutions qu'on fait référence. Quand on parle des ateliers de travail, cela vient des institutions aussi. Quand on parle des familles d'accueil, on parle des familles en termes de plus de cinq personnes et au-delà de dix. On fait référence à la quantité du regroupement des personnes parce que, pour nous, que ce soient les écoles spéciales ou que ce soit l'institution, on parle quand même de désinstitutionnalisation aux deux endroits ou aux ateliers de travail parce que, finalement, ce sont des regroupements importants de personnes handicapées par une déficience intellectuelle. Moi, je ne peux pas voir comment on va penser attendre que nos personnes deviennent autonomes dans des conditions comme cela avant de les sortir. Cela veut dire qu'on ne les sortira jamais. C'est à travers tout le monde, à travers la société que les personnes vont apprendre des comportements adéquats et vont pouvoir s'ajuster.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La question que je vous pose c'est si on doit les sortir pour aller dans ce type de ressources.

Mme Robitaille-Rousseau: Je veux dire qu'on parle d'institution.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Écoutez, avant qu'ils en soient rendus à être en appartement, on a bien des étapes à franchir.

Mme Robitaille-Rousseau: II y a des ressources intermédiaires.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On parle de ressources intermédiaires, ici, ou de moyens de réinsertion, l'atelier de travail ou, enfin, ces choses-là. Vous nous faites une description assez sombre de ce qui existe. Je comprends que ces ressources sont dans le réseau, qu'elles sont financées par le réseau, ainsi de suite, mais les autres personnes qu'on va sortir vont s'en aller là aussi, si on n'améliore pas ces ressources-là. (10 h 45)

Mme Robitaille-Rousseau: Mais il est important de penser à un continuum de services; je veux dire que cela s'inscrive dans une logique. Il faut penser à la fréquentation de l'école ordinaire et non pas à une école spéciale. Il faut penser, après, en termes de loisirs. Il faut penser en termes de travail qui soit vraiment valorisant.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je suis d'accord avec vous, Mme Robitaille, que...

Mme Robitaille-Rousseau: Je vais demander à M. Robert Flynn de compléter notre exposé par rapport à la question.

M. Flynn (Robert): Je pense que cette question, on en discute depuis au moins un siècle; c'est toujours le problème classique. Si on a des ressources très limitées, comment, dans un sens, réallouer les ressources? Dans un sens, la question me semble un piège important à éviter, parce que si on veut éviter ce qu'on appelle le "dumping", en gardant les gens en institution, on n'aura probablement jamais les ressources pour construire des réseaux communautaires convenables.

C'est saisissant au Canada et aux États-Unis et même en Europe, mais l'expérience américaine et canadienne surtout nous en apprend beaucoup. C'est là où on a gelé carrément l'entrée dans les institutions et qu'on a consacré de nouveaux fonds, à court terme au moins, pour prévenir l'institutionnalisation, que la désinstitutionnalisation a vraiment réussi.

L'État du Michigan - le Michigan est un État, comme vous savez, qui était sur le bord de la banqueroute totale, n'est-ce pas, pendant la récession - a réussi à fermer déjà, au cours de la récession, plusieurs institutions, et le Michigan a ainsi évité le piège de financer un système parallèle à long terme, ce que je pense personnellement impossible.

Alors, il faut carrément soutenir, à court terme, les deux systèmes, mais, à mon avis, il faut que la Législature d'une province ou d'un État fasse preuve d'un certain esprit de décision, que la Législature soit vraiment capable de prendre des décisions et dise: Non, on gèle l'entrée et on va libérer les gens. C'est comme la ministre des services communautaires du Manitoba, elle, qui est en poste depuis peut-être deux ans, on lui a demandé de construire une grosse aile à l'institution au Manitoba. Il y avait eu un débat stérile d'au moins dix ans là-dessus et,

finalement, elle a annoncé que l'on ne construirait pas une nouvelle aile; mais qu'on allait sortir 220 personnes dans un délai de trois ans de l'institution au Manitoba. Je suis consultant sur ce projet depuis deux ans et cela marche, mais difficilement, car on a trouvé, pour éviter de nouvelles entrées à l'institution, qu'il fallait donner des services à peu près à 440 personnes déjà dans la communauté et qui risquaient d'entrer à l'institution.

Ce n'était pas suffisant de juste dire: Non, on va geler les entrées è l'institution. Il fallait donner des services communautaires aux familles, ayant déjà des membres dans la communauté. Il fallait donner davantage d'appui, de soutien à 440 personnes et en même temps sortir 220 personnes de l'institution. Il ne faut pas choisir soit un volet, soit l'autre. Il faut choisir les deux en même temps, mais il ne faut pas, à mon avis, consacrer à long terme des ressources à une solution stérile telle que l'institutionnalisation.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense qu'on est d'accord là-dessus. Sauf dans des cas extrêmement difficiles, d'une certaine façon, l'institutionnalisation est un peu gelée, dans le sens que vous le dites. C'est pour cela qu'on prévoit des services en bas âge dans les familles, etc.

Il reste que, par contre, on a eu beaucoup de représentations qui nous été faites alléguant qu'on désinstitutionnalisait, dans bien des cas, sans vraiment avoir des ressources adéquates dans la communauté et que, souvent, on reproduisait dans un autre milieu, sur une plus petite échelle généralement l'institution et qu'à ce moment-là on mettait même en péril des personnes au plan social. Alors, est-ce que, dans le fond, tout le monde marche dans cette voie-là, mais à condition qu'on y mette les ressources dont on a besoin?

M. Flynn: Ce que je voudrais juste ajouter, c'est que c'est ce que l'on appelle du "dumping", n'est-ce pas, une mauvaise désinstitutionnalisation. C'est trop courant, je suis absolument d'accord, mais, quand même, au Canada et aux États-Unis, on a quelques exemples de réussite, je ne dis pas de réussite sans problème. On va toujours avoir des problèmes à régler; c'est la condition humaine, mais on a des exemples déjà de nos jours, dans notre pays et aux États-Unis, que le Québec pourrait étudier avant de commettre les mêmes erreurs qu'on a faites ailleurs. Je pense qu'on a des modèles robustes à adopter. On peut éviter une désinstitutionnalisation abusive. Ce n'est pas facile, mais c'est possible.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je veux d'abord vous remercier pour votre mémoire. Ma première question s'adresse à M. Laroche: Est-ce qu'on vous invite de temps à autre à aller raconter votre expérience dans les centres à l'intention des patients qui sont prêts à réintégrer la société?

M. Laroche: C'est surtout à des congrès que je fais mon témoignage et, très souvent, il y a beaucoup de personnes handicapées qui y assistent et qui sont dans des foyers de groupe ou des centres d'accueil.

M. Laplante: Vous leur faites part de votre expérience? Est-ce que vous fréquentez les centres de jour pour essayer d'encourager ceux qui veulent vivre la même expérience que vous?

M. Laroche: On a créé à Chicoutimi un mouvement qui s'appelle "Personnes d'abord". Notre mouvement ne fait que commencer. Nous en sommes à notre neuvième réunion et ce sont des personnes handicapées intellectuellement qui se prennent en main et qui prennent des décisions. Notre objectif, comme mouvement, c'est d'aller chercher d'autres personnes, soit dans les foyers de groupe ou dans les centres d'accueil pour donner l'information sur l'aide sociale, si elles veulent avoir des renseignements sur l'aide sociale, ou sur les lois sur les consommateurs. On va surtout les renseigner sur ces sujets et on va leur parler de notre vécu; on fait beaucoup d'échanges.

M. Laplante: Mais, à l'intérieur des institutions, vous n'y allez pas?

M. Laroche: Comme je vous dis, à l'intérieur des institutions, c'est un mouvement qui ne fait que commencer, mais on a l'intention d'y aller. On prépare un projet au mois de septembre puis on invite toutes les personnes déficientes mentales, les professionnels et tous les intéressés, pour expliquer le mouvement "Personnes d'abord" et pour que les personnes handicapées aient leur mot à dire, ce qu'elles aiment et ce qu'elles n'aiment pas. On fait justement cela en septembre dans un centre d'accueil.

M. Laplante: Merci à vous les parents, que j'admire énormément. Si vous aviez un message tout particulier à faire aux autres parents qui ont de ces enfants et à la société, quel serait votre message aujourd'hui?

Mme Robitaille-Rousseau: Mon premier message serait de ne pas rester isolés. C'est la pire décision que l'on peut prendre parce que toute la crainte de l'inconnu, comme je le disais tout à l'heure, nous empêche d'agir, on est complètement déboussolés, puis on ne

connaît pas le lendemain. On voudrait savoir pour 20 ans d'avance. On ne se pose pas toutes ces questions pour nos autres enfants. Pourquoi nous faudrait-il être axés uniquement sur cela face à l'autre et ne pas bénéficier de chaque jour qui passe? En ne restant pas isolés et en bénéficiant de l'appui et du soutien que l'on peut se donner entre parents et de la force que l'on peut avoir pour revendiquer les services de qualité pour nos jeunes, on n'a pas idée de ce que cela représente au départ, comment cela peut être un renforcement dans notre vie et nous apprendre... C'est toute la différence entre maîtriser une situation et se laisser maîtriser par une situation. Quant à moi, aujourd'hui, après huit ans de vie avec notre enfant, je peux dire que le fait d'avoir partagé, d'avoir rencontré d'autres parents et des professionnels qui travaillent dans le milieu, cela nous a donné encore plus de ressources qu'une famille qui n'a pas d'enfant handicapé et nous a aidés à travers toute notre vie quotidienne. C'est très fort. Quant à la société, c'est d'accepter de se laisser apprivoiser par la personne handicapée intellectuellement. C'est d'accepter de remettre nos valeurs en question, parce que notre société ne privilégie pas ces valeurs-là. Cela ne court pas les rues. On est axé sur de la productivité, sur de la rentabilité. Tu vaux quelque chose pour autant que tu produis. On cherche beaucoup ces années-ci à investir là où cela va rapporter énormément. Il est sûr que lorsqu'on en demeure à cette dimension avec la personne handicapée intellectuelle, on passe facilement à côté d'elle et on va l'oublier parce qu'elle ne dérangera pas elle-même, si on ne lui donne pas la chance de voir ce qu'elle peut nous apprendre.

M. Laplante: D'accord, merci, Mme Gilbert.

Mme Girard: Mme Girard. M. Laplante: Mme Girard.

Mme Girard: Si j'avais un message à laisser aux parents...

M. Laplante: Si je vous pose la question directement, c'est parce que vous sembliez tout à l'heure, dans votre courte intervention, avoir énormément de regret au placement de votre enfant, et si c'était à recommencer...

Mme Girard: Oui. C'est parce que je n'avais pas de ressources et beaucoup de parents se retrouvent sans ressources. Ce qui est primordial, c'est que les parents ne restent pas isolés, mais aussi qu'ils ne se sentent pas coupables d'avoir un enfant handicapé. Dès qu'on se sent coupable, qu'on sent qu'ils ne sont pas comme les autres enfants, qu'ils sont différents, beaucoup de personnes aux alentours, même dans notre parenté, se chargent de nous dire: Je pense qu'avec cette personne-là, il n'y a pas grand-chose à faire. Vous êtes mieux de ne pas la garder, cela va nuire aux autres membres de la famille. Il est important que les parents sachent que leurs enfants sont peut-être exceptionnels, mais il faut les accepter parce que c'est incroyable ce qu'ils peuvent nous apporter et moi aussi, j'ai appris beaucoup et, pour les personnes qui... J'ai eu la chance aussi de faire de la désinstitution-nalisation, d'accompagner des parents, et j'en fais encore dans un centre à Laval qui s'appelle Le Relais Laval Inc., où on intègre depuis deux mois des personnes en résidence de quatre. Le cheminement que les parents ont fait depuis six mois, c'est incroyable. Ils ne croyaient pas du tout que leur fils ou leur fille pouvait aller faire le marché, pouvait aller à la banque et, déjà, les attitudes ont changé en un mois. Des personnes souffraient d'un handicap sévère, profond... Il faut laisser l'espoir aux parents pour que les parents ne se sentent pas coupables et aient confiance aussi en leurs jeunes. Il y a des enfants handicapés qui peuvent avancer selon leur rythme. Dans la vie, si on a des enfants normaux, il faut les respecter et les aimer tels qu'ils sont. C'est le message que j'avais à faire.

M. Laplante: Vous sortez l'enfant de temps en temps, vous allez le chercher. Combien avez-vous d'enfants chez vous?

Mme Girard: Je prends Guylaine toutes les fins de semaine. Je l'ai placée à l'âge de cinq ans, parce que je n'avais pas d'autres ressources. Cela faisait...

M. Laplante: Oui. Combien d'enfants avez-vous?

Mme Girard: J'ai quatre enfants.

M. Laplante: Comment est-ce accepté dans la famille?

Mme Girard: Les garçons aiment beaucoup leur soeur. Guylaine a 14 ans et mes autres fils ont 23, 26 et 27 ans. Guylaine est très bien acceptée.

M. Laplante: Madame...

Mme Robitaille-Rousseau: J'aimerais ajouter quelque chose. J'ai deux autres enfants qui sont plus vieux que Rémi. Actuellement, nous faisons face à un problème d'intégration scolaire. Quand cela fait huit ans que vous investissez sur un enfant, ce n'est pas pour le voir régresser en classe ou en école spéciale. Ce n'est pas

vrai, on ne peut pas accepter cela. Son frère et sa soeur ne comprennent absolument pas les difficultés qu'on fait à Rémi pour entrer à l'école. Ils disent: Maman, cela n'a pas de bon sens, c'est criminel de faire cela; on lui enlève toutes ses chances d'apprendre et de pouvoir vivre comme tout le monde. Ils trouvent que c'est complètement injuste de ne pas donner la chance au coureur comme eux l'ont eue. Ils ne comprennent pas pourquoi on dresse des obstacles à Rémi et qu'à eux, on n'en fait pas. Dans leur tête, Rémi, c'est Rémi. Rémi a des forces et des faiblesses et eux aussi ont des forces et des faiblesses et cela leur a permis d'en prendre conscience. Quand on peut apprendre à vivre et à accepter des différences, la différence devient une richesse au lieu d'être une affaire terrible, un fardeau. (11 heures)

M. Laplante: C'est cela. Merci beaucoup de vos témoignages.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je veux remercier l'Association du Québec pour les déficients mentaux de son mémoire. Nous nous sentirons libres, au besoin, de communiquer de nouveau avec vous. Je pense que ce serait superflu de dire que vous avez fait, à travers les ans, un travail fantastique et que vous continuez de le faire. Depuis les débuts, la pensée des membres de l'association a évolué, et je trouve cela excellent. Merci beaucoup.

Mme Robitaille-Rousseau: Nous vous remercions, nous aussi, d'avoir accepté de nous écouter ce matin.

Association de parents

du centre d'accueil

Anne-LeSeigneur

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'appelle immédiatement l'Association de parents du centre d'accueil Anne-LeSeigneur de Chambly Inc.

Alors, M. Paquette.

M. Paquette (Real): Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous prierais de bien vouloir présenter les personnes qui vous entourent.

M. Paquette (Real): Je vais confier à Mme Solange Boucher-Guérin la présentation des personnes.

Mme Boucher-Guérin (Solange): Est-ce qu'on peut revenir à l'horaire qui avait été prévu? Nous avions été convoqués pour 9 h 30 aujourd'hui. Est-ce que tout va de la même façon? Est-ce que nous avons une heure à notre disposition pour la présentation? Nous voudrions, premièrement, vous remercier, Mme la Présidente, et remercier votre commission de nous recevoir. Nous l'apprécions beaucoup. Mais nous voudrions savoir si nous avons une heure à notre disposition, è partir de 11 heures au lieu de 9 h 30?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous allons être obligés d'arrêter à 11 h 30 pour rencontrer la presse. Si vous n'aviez pas terminé, il faudra vous donner...

Mme Boucher-Guérin: Une autre demi-heure?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... un petit bout de temps au retour du lunch.

Mme Boucher-Guérin: Cela peut se faire comme cela?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

Mme Boucher-Guérin: D'accord. Je vais présenter le groupe qui est ici aujourd'hui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour votre présentation, j'aimerais quand même que vous vous limitiez à 20 minutes, s'il y a moyen.

Mme Boucher-Guérin: C'est autour de 25 minutes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

Mme Boucher-Guérin: Nous avons deux parties dont l'une est le mémoire proprement dit et, la deuxième partie, ce sont...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon, allez-y pour ne pas qu'on perde de temps.

Mme Boucher-Guérin:... des recommandations et des commentaires...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

Mme Boucher-Guérin:... parce que tout se tient. Alors, nous vous présentons M. Real Paquette, président de l'Association de parents du centre d'accueil Anne-LeSeigneur de Chambly Inc., qui a doté l'association de sa charte provinciale; Mmes Thérèse Paquette, secrétaire de l'association, membre du conseil d'administration, membre du comité des bénéficiaires, mère et curatrice d'un bénéficiaire, maintenant en appartement supervisé; Aline Clouâtre, mère et curatrice d'un bénéficiaire et directrice à l'association; M. Jacques Lauzon, beau-frère d'un bénéficiare, directeur à l'association - il lit, aujourd'hui, la correspondance citée dans notre mémoire. Je suis Solange Boucher-Guérin, mère et curatrice d'un bénéficiaire,

ex-membre du comité des déficients, directrice à l'association et votre lectrice aujourd'hui.

Après les présentations, il y aura la deuxième partie qui s'intitule "Questions et réponses déjà obtenues" et, la troisième partie, "Questions et recommandations des parents" qui a une valeur projective par rapport au mémoire.

L'Association des parents du centre d'accueil Anne-LeSeigneur de Chambly Inc. est formée en corporation sans but lucratif poursuivant les buts suivants: travailler au bien-être des bénéficiaires; collaborer à l'organisation de leurs loisirs; faire la cueillette de fonds pour favoriser les deux précédents objectifs. Tous les documents sont en annexe.

Six parents des bénéficiaires du centre d'accueil Anne-LeSeigneur ont été désignés pour présenter ce mémoire à la commission parlementaire déjà identifiées: Mmes Aline Clouâtre, Yvette Monette, Gemma Arsenault, Thérèse Paquette, MM. Louis Arsenault et Jacques Lauzon. Solange Boucher-Guérin est chargée de la préparation dudit mémoire. Toutes les annexes approuvent cela.

L'historique des demandes parentales. Depuis plus d'un an, les parents et le public en général sont informés, par des assemblées publiques du centre d'accueil Anne-LeSeigneur et autres réunions d'information, des nouvelles politiques de désinstitu-tionnalisation sur lesquelles s'oriente le centre. Ces politiques sont présentées dans des textes annexés et assurent les bénéficiaires de tous les services dont ils auront besoin dans l'avenir tout en prévoyant leur relocalisation.

Les parents désirent faire remarquer qu'ils ont été informés de ces orientations mais qu'ils n'ont pas été consultés systématiquement et collectivement sur elles. Dans les nouveaux projets de réadaptation individualisée, on nous assure cependant qu'en tant que parents "... vous recevrez toute l'information pertinente et même de la formation préalablement à la désinstitu-tionnalisation de votre enfant (notre adulte client)". Avec les références.

Le présent historique informe donc la commission parlementaire des questions qui ont été posées par écrit, à ce jour, concernant les grandes orientations de principe mises de l'avant.

Vous trouverez en page suivante ces recommandations. Une copie a été transmise au CRSSS de la rive sud.

M. Lauzon (Jacques): Une lettre du dimanche 24 février 1985. L'objet est la mise en vente du centre d'accueil Anne-LeSeigneur: "Nous apprenions par le biais de la Presse du 26 janvier 1985, l'intention arrêtée du ministère des Affaires sociales de mettre en vente l'édifice du centre d'accueil Anne-_eSeigneur de Chambly, cette décision étant dans la lancée de la politique de désinstitu-tionnalisation du ministère. "Cette décision n'est pas sans soulever de nombreuses protestations. Nous désirons, par la présente, soumettre notre désaccord devant ce projet de relocalisation qui nous apparaît franchement précipité. Que l'édifice paraisse désuet et mal adapté à d'aucuns est compensé par l'agrément du site occupé par le centre qui se présente comme un milieu de vie relativement sain et sécuritaire, bien orienté et paysagé, possédant boisé près de rivière, sans compter l'espace adjacent assez vaste pour y construire quelques bâtiments ou un atelier protégé. "D'autre part, en tant que parents de bénéficiaire, conscients du fait qu'un bon nombre de jeunes hébergés au centre ne pourront jamais être aptes à résider convenablement en foyer de groupe mais nécessiteront la sécurité de l'institution à vie, et conscients également que d'autres jeunes adultes viendront nécessairement se joindre aux occupants actuels, puisque la déficience mentale continue toujours de faire des victimes, nous désirons manifester clairement aux personnes responsables du ministère, combien la perspective de familles d'accueil pour les bénéficiaires lourdement handicapés nous est antipathique. "À vrai dire, nous avons la profonde conviction que cette alternative ne doit pas être retenue. Les éducateurs qui se relaient dans un milieu qui favorise l'encadrement, l'émulation et les comparaisons, est souhaitable. Et comment, dans de petites unités, pourrait être assuré le suivi médical de tous les bénéficiaires qui sont dépendants des médicaments et de traitements? Comment pourraient-ils être amenés régulièrement aux soins infirmiers et comment contrôler adéquatement les diètes associées aux médicaments? Les plus handicapés ne risquent-ils pas d'être prématurément réunis aux vieillards très dépendants des centres de soins prolongés et d'être mobilisés en fauteuils roulants, sanglés et saturés de calmants pour les faire tenir tranquilles: l'énergie de la jeunesse ne faisant pas défaut aux personnes ayant des anomalies cérébrales? "Nous voudrions tous que tous les ieunes aillent vers l'autonomie, mais nous savons bien que ce ne sont là que de beaux mots pour une bonne partie des occupants actuels du centre d'accueil. Il faut donner l'opportunité de normalisation à tous ceux qui peuvent en profiter, soit. Mais il y aura toujours les autres... "Nous vous prions de considérer sérieusement notre point de vue en tout réalisme et rationalité et d'en tenir compte dans vos décisions à venir. "Membres de l'Association des parents

du centre d'accueil Anne-LeSeigneur. "

La réponse du secrétaire du conseil d'administration, M. Jacques Boily à Mme Boucher-Guérin: "Madame, "À leur assemblée du 20 mars dernier, les membres de notre conseil d'administration ont pris connaissance de la lettre du 24 février 1985, dont vous étiez signataires et m'ont mandaté pour y répondre. "

J'enchaîne, je ne vous lirai pas tout. "À cet effet, je vous reproduis ici trois des nombreuses recommandations du comité d'évaluation du centre d'accueil Anne-LeSeigneur, rapport du 15 juin 1983 de MM. Eugène Arsenault, René Grenier et Jean Robert. "

Je voudrais d'abord vous lire un paragraphe: "Je vous informe aussi qu'à ma connaissance, en date d'aujourd'hui, nous n'avons reçu aucun avis à l'effet que le ministère des Affaires sociales aurait autorisé la vente. Par contre, notre conseil d'administration est favorable à la vente car il nous serait très onéreux d'entretenir de tels bâtiments ne répondant plus à nos besoins d'espace. "

Je reviens aux recommandations: "Recommandations sur le plan des conditions de vie des bénéficiaires: 1. Désinstitu-tionnaliser les bénéficiaires du centre d'accueil Anne-LeSeigneur; 2. Quitter l'édifice actuel et relocaliser les bénéficiaires dans une structure éclatée et intégrée à la communauté selon la philosophie prônée par l'établissement; 3. Poursuivre le modèle de plan de programmation individualisé en y intégrant la participation des services de santé de la sous-région, celle des parents et celle du système d'éducation. "Quelques mois plus tard, vint la tutelle ou l'administration provisoire, qui devait entre autres actualiser ces recommandations. "Nous sommes aussi très conscients et nous croyons très légitimes les craintes ou insécurités que vous ressentez face à la désinstitutionnalisation. Un tel changement de philosophie et de modèle de dispensation des services implique, c'est bien sur, que vous receviez toute l'information pertinente et même de la formation préalablement à la désinstitutionnalisation de votre enfant (notre adulte client). "À cet effet, nous vous rappelons qu'aucun de nos clients internes n'intégrera la communauté sans que ne soit faite l'analyse de ses besoins et des ressources de services qui lui seront nécessaires dans son nouveau milieu de vie, et ceci à tout point de vue. "Vous aurez la possibilité de recevoir la formation spécifique que nous avons élaborée dans un programme s'adressant aux parents de nos clients visés par la désinstitutionnalisation. "Nous avons prévu aussi tous les suivis médicaux, alimentaires, d'hygiène, de sécurité et autres dont nos clients auront besoin en quittant l'internat. "Je vous prie, madame, d'agréer l'expression de mes sentiments les meilleurs. "

C'est signé, Jacques Boily, secrétaire du conseil d'administration.

Mme Boucher-Guérin: Dès le mardi 12 mars suivant, un autre commentaire ou ajout mentionnant un cas particulier a été adressé au responsable du service de réadaptation. Les questions ont reçu réponse la semaine suivante.

M. Lauzon: "Au directeur du service de réadaptation, M. Paul Thériault. "Monsieur, "Suite à l'exposé donné au public ce 27 février dernier et à la prise de position qu'ont exprimée les parents de jeunes handicapés mentaux, je désire ajouter un point de réflexion à ceux qui ont déjà été évoqués dans la lettre donnée aux membres du conseil d'administration. "Avant tout, nous désirons que vous soyez encouragé dans votre effort de réadaptation tout à fait louable. "Dans mon cas personnel, qui est celui de mon fils, Michel, et après de longues années de réflexion sur le thème, je suis fermement convaincue que la médication maintenant nécessaire pour contrôler les absences cérébrales de mon fils est un obstacle majeur à des possibilités d'adaptation normative. "C'est ce point qui m'inquiète le plus: Comment pourra-t-on venir à bout du carcan chimique qui emprisonne mon fils? "Et si on retire précipitamment la camisole chimique, mon fils subit une série de petites crises après laquelle sa mémoire est visiblement affectée, de même que sa conscience, principe même d'une possible réadaptation? "Serait-il vraiment avantageux qu'on risque les méfaits du sevrage pour mettre en place les prérequis d'une véritable réadaptation? Je le souhaiterais, quant à moi, mais reste la responsabilité de la surveillance, plus simple en institution. "J'espère que mon point de vue va dans le sens de vos objectifs de réadaptation. "Je demeure à votre disposition... "

C'est signé, Mme Guérin.

Il y a une réponse de M. Paul Thériault, directeur des services de réadaptation. "Madame, "Vos interrogations, vos préoccupations et votre intérêt pour que votre fils obtienne des services de qualité sont très bien entendus et très bienvenus. "Aujourd'hui, je vous envoie cette lettre comme accusé réception et aussi pour

apporter un éclairage sur un des points soulevés dans votre lettre, c'est-à-dire la médication de votre fils. Je tiens à vous assurer que l'intégration de Michel dans la communauté - ou de n'importe quelle personne handicapée - n'implique pas de mettre fin à la médication et un suivi médical sera toujours fait. "Dans le cadre du plan de service individualisé, nous voulons identifier les besoins particuliers de chaque personne handicapée et développer, dans la mesure du possible, les ressources qui conviennent, que ce soit sur le plan médical, sur le plan résidentiel, sur le plan social, sur le plan familial. "Votre intérêt pour les services apportés à votre fils est très louable, puisque dans bien des cas plusieurs parents ont déjà démissionné. J'espère qu'avec les besoins et les préoccupations de service que vous manifestez, ainsi que les ressources limitées dont nous disposons, nous pourrons continuer de travailler en collaboration afin de donner un service de qualité à votre fils. "

Mme Boucher-Guérin: Pendant ce temps, une visite de Mme Aline Clouâtre a été rendue à l'honorable ministre, M. Gérald Godin, député de son comté. Mme Solange Boucher-Guérin l'accompagnait.

Ces mères de jeunes déficients ont exprimé ouvertement à leur député leurs appréhensions face à la politique de désinsti-tutionnalisation mise en place par le ministère des Affaires sociales sous la responsabilité de l'honorable M. Guy Chevrette.

M. Godin a immédiatement réagi à ce problème et a acheminé une lettre éloquente à M. Chevrette, commentaire dont la copie suit.

M. Lauzon: "Cher collègue, une citoyenne de mon comté...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Monsieur, je ne voudrais pas vous... Si vous voulez la lire, lisez-la, mais je pense que les membres de la commission ont pris connaissance de ces lettres.

Mme Boucher-Guérin: Si la chose est faite, nous poursuivons avec les autres questions et recommandations des parents. (11 h 15)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

Mme Boucher-Guérin: Les questions déjà posées et les réponses rassurantes déjà obtenues ne jettent pas de lumière sur les intentions à long terme du ministère des Affaires sociales, surtout du point de vue des prévisions budgétaires.

Si nous portons le débat au niveau des personnes sévèrement handicapées mentalement, il nous paraît évident que la politique de désinstitutionnalisation mise de l'avant ne puisse, dans ce domaine, faire espérer réaliser quelque économie aux contribuables sans détérioration des soins de santé et sans risque pour le bien-être de base des bénéficiaires des services, ces jeunes qui nous tiennent à coeur.

Beaucoup d'intervenants, professionnels et travailleurs de la santé et de l'éducation font parvenir à la commission ad hoc leur opinion et mise en garde. Les parents prennent connaissance de ces documents et apprécient leur bien-fondé: ils voient là des textes qui font écho à leurs propres inquiétudes tirées de leur expérience auprès de leurs enfants handicapés.

Voici, très résumées, les questions les plus souvent exprimées.

Comment les éducateurs en foyers pourront-ils assurer la préparation et le service de repas équilibrés tout en surveillant, et sans gaspillage des restes, entre autres? Nous savons tous combien la santé est liée à l'alimentation.

Comment assurer à ces jeunes déficients souvent superactifs sinon agités, l'exercice dont ils ont besoin? Les exercices contribuent souvent à prévenir les crises toujours néfastes et préviennent également un recul dans la réadaptation.

Comment éviter aux déficients le rejet social, la mise au rancart aussi menaçante que l'enfermement? En effet, qui peut prédire la réaction de leurs futurs voisins? Bien des personnes sont mal disposées à accepter les enfants en général. Comment accepteront-elles les enfants ayant des problèmes de fonctionnement?

La relocalisation des bénéficiaires, telle que projetée, va à un rythme accéléré, à ce qu'il nous semble, par le souci financier que représente l'édifice du centre d'accueil Anne-LeSeigneur. Ces contraintes matérielles vont-elles dans le même sens que le fait de percevoir le côté souhaitable de la normalisation sur le plan théorique? Dans ce cas, les données ne sont-elles pas biaisées? Est-ce qu'on évalue bien l'écart entre la théorie souhaitable et la pratique?

En résumé, les parents de jeunes lourdement handicapés mentalement ont énormément de difficulté à imaginer le scénario par lequel vont se réaliser la désinstitutionnalisation et la normalisation de leurs jeunes.

La crainte des parents et de bien d'autres personnes aimant les déficients est qu'on projette en haut lieu des refontes financières qui prévaudraient sur la qualité de vie et la sécurité des bénéficiaires démunis et bien souvent sans voix.

Les jeunes adultes dont il est question, bien encadrés et entourés, sont naturellement obéissants, sentant probablement, et

inconsciemment peut-être, les limites que leur impose leur handicap. Ces jeunes que nous observons prennent d'eux-mêmes peu d'initiatives et cela explique souvent leur survie, si on y joint la bienveillante attention de leurs éducateurs. Leur réadaptation dans le milieu naturel de la société sera lente, nécessairement.

Les parents recommandent à la commission de prendre leur opinion en considération et de ne pas envisager d'économie de moyens dans la normalisation des jeunes déficients.

Les parents pensent toujours que si les personnes qui planifient les politiques voyaient leurs jeunes déficients, cela leur apporterait un élément de discussion nouveau: nos jeunes sont attachants, mais ils sont comme de tout petits enfants, incapables de se protéger eux-mêmes, de manifester leurs besoins, mais néanmoins capables de souffrir de la malveillance, de la brusquerie et du ridicule qui les caractérisent. Ils n'ont pas de méchanceté - on ne peut en dire autant de bien des gens dits normaux - et ils sont à notre merci. Ils nous donnent souvent des leçons par leur manque d'exigence face à la vie.

Nous laissons ces réflexions à votre jugement. Sachez qu'il y a toujours des parents prêts à venir discuter de ces positions quand on leur en offre l'occasion. Veuillez croire en notre désir du mieux-être des jeunes adultes mentalement handicapés.

Que veulent donc les parents? À ce point de notre exposé, on nous demande ce que veulent les parents. Pour tout dire, les parents de déficients mentaux sévères apprécient le site et les services qu'offre le centre d'accueil Anne-LeSeigneur de Chambly et les parents ont peur de la structure éclatée et de l'urbanisation de leurs jeunes.

Les parents aiment les éducateurs qui entourent leurs enfants et demeurent des années à leur service, comme s'il s'agissait de leur propre famille. Ils aiment aussi la joyeuse cafétéria et la centralisation des repas. Ils aiment l'équipe médicale, médecins et infirmières dévoués qui connaissent leurs jeunes par leur nom ainsi que leur cas et s'en préoccupent.

Les parents de jeunes déficients mentaux sévères, compris et appuyés par les autres parents en général, recommandent qu'on laisse les jeunes déficients mentaux sévères assez regroupés et encadrés d'une façon ou d'une autre, par petits ou grands modules, avec structure d'organisation centralisée permettant l'interchangeabilité des éducateurs en cas d'urgence et que les jeunes restent regroupés comme en une famille jusqu'à ce qu'il soit évident pour tous qu'un peu plus d'autonomie puisse les faire progresser.

Qu'on laisse ces jeunes assez regroupés pour leur permettre l'accessibilité à un suivi des services médicaux afin que leurs dossiers soient rapidement connus des intervenants et que le suivi des médicaments ne pose pas d'obstacles majeurs, car nous voyons mal ces jeunes attendre dans les cliniques d'urgence en cas d'accidents ou pour les consultations médicales, dentaires et autres qui leur sont nécessaires.

Qu'on prévoie aussi pour eux un système de préparation de repas équilibrés. Pour beaucoup de ces jeunes, des repas qui arrivent tout préparés simplifient la tâche de leurs éducateurs. Pour d'autres cependant, pouvoir participer à la préparation du repas pourrait être un pas vers plus d'autonomie. Bien distinguer le potentiel et les avantages de l'une ou l'autre méthode et ne pas rejeter prématurément la notion de cuisine centralisée.

Qu'on prévoie aussi des lieux d'exercices pour les jeunes, lieux qui n'occasionnent pas de conflits avec la communauté, surtout si les conflits créés ne peuvent apporter d'avantages à long terme pour les jeunes et se rappeler qu'il y a des frais pour accéder en règle aux services communautaires.

À la suite d'une réunion de consultation organisée par le CRSSS de la rive sud et de la connaissance des diverses communications qui ont été apportées, l'Association des parents du centre d'accueil désire prendre part formellement aux propositions de tous ordres qui ont été exprimées par notre énoncé d'une recommandation générale, une sorte de synthèse en rapport avec le plan quinquennal de désinstitutionnalisation du ministère des Affaires sociales.

Attendu que les parents d'enfants déficients mentaux ont été convoqués le vendredi 17 mai 1985 à une réunion de consultation du CRSSS à propos du plan quinquennal de désinstitutionnalisation et d'intégration des déficients mentaux dans la communauté, dans un objectif de normalisation;

Attendu que les parents qui gardent leur enfant à domicile, les familles d'accueil et les différentes associations de parents de déficients mentaux et intellectuels, ceux dont les jeunes sont en institution, en école, en atelier, etc., ont tous témoigné de la difficulté d'obtenir des services et des suivis de la part des ressources communautaires;

Attendu que ces parents ne peuvent encore moins trouver des substituts en dépannage dans les situations imprévues ou inhabituelles comme, par exemple, pour se faire soigner, aller à des rendez-vous ou simplement pour prendre un congé, la recommandation générale que fait l'association des parents du centre est: 1. Centraliser toutes les informations sur les ressources communautaires régionales et autres;

2. D'évaluer dès maintenant toute la clientèle, même celle qui est en attente de service avec celle des parents qui ont besoin de support actuellement et que tous ces parents soient rejoints par une information adéquate; 3. De prévoir des ressources proportionnées à la clientèle potentielle, même celle qui n'est pas encore répertoriée jusqu'ici, et d'évaluer les besoins en prévoyant au moins cinq ans à l'avance; et, enfin: 4. De réévaluer les besoins en ressources institutionnelles à la lumière de ces nouvelles données.

Explications et commentaires sur les recommandations des parents.

En tout premier lieu, les membres de notre association de parents demandent à avoir une assurance écrite que leurs recommandations soient prises en considération et étudiées dans des projets qui touchent les déficients mentaux et intellectuels au même titre que les recommandations issues des conseils d'administration d'établissements du ministère des Affaires sociales.

La dernière recommandation générale, en quatre points, exige quelques précisions. 1. Centraliser toutes les informations sur les ressources régionales:

Ce que les usagers de services souhaiteraient, c'est un centre de référence qui serait informé de toutes les ressources disponibles dans son secteur et qui aurait pour mandat de présenter sur demande ces informations qui devraient être du domaine public.

Ce centre de référence serait alors capable de prévoir plus aisément les besoins en ressources à venir et pourrait informer les usagers sans délai. Cette structure dissiperait immédiatement les inquiétudes liées au fait qu'un usager doit bien souvent référer ses demandes à différents organismes ayant chacun leur juridiction et leur champ de compétence. Cette situation sème le plus souvent la confusion, en particulier pour les organismes qui désirent avoir de la lumière sur une question précise ou générale. 2. Évaluer toute la clientèle:

Cette recommandation vient appuyer celle qui a été faite de vive voix à la réunion publique d'avril dernier du CRSSS. Une recommandation demandait justement qu'on mette sur pied un système de consultation de la région en utilisant une concertation de tous les organismes gouvernementaux et bénévoles, et que cette concertation touche toutes les personnes concernées par une information pour les déficients mentaux.

Beaucoup de personnes ne savent même pas où s'adresser pour avoir des réponses à leurs demandes, surtout si elles n'ont pas de contacts avec un travailleur social. 3. Prévoir des ressources propor- tionnelles à la clientèle en devenir. À l'aide des structures précédentes, il devrait être possible d'avoir un tableau assez clair des besoins en services futurs et possible d'y voir clair pour au moins cinq ans à l'avance.

Les ressources nécessaires dont il est question ici sont pour les principales:

Les CLSC, qui doivent avoir les ressources en personnel qualifié pour être en mesure de considérer toutes les demandes raisonnables sans imposer aux usagers des délais d'attente tels qu'il soit pratiquement impossible de se prévaloir de leurs services. Déjà, les agendas de leurs praticiens sont souvent hors de proportion. Les parents se demandent comment ces organismes-filtres des besoins de la population réussiront à donner des services si on leur refile encore davantage de clientèle;

Les cliniques pour les services médicaux et paramédicaux, comme ceux des psychiatres, psychologues, etc. L'important dans l'efficacité de ces organismes est d'être en mesure d'assurer des suivis aux prescriptions données. Vu l'engorgement des cliniques actuellement, nous nous demandons comment elles pourront surveiller leur clientèle, surtout si celle-ci doit courir après ses dossiers et si elle doit changer de praticien ou de clinicien. De plus, qui sera responsable des prescriptions de médicaments pour les usagers qui manquent de discernement et qui prendra le temps de surveiller les effets des médicaments sur eux?

Ce sont toutes ces implications qui inquiètent les parents des bénéficiaires et ils veulent être assurés que leurs jeunes ne deviendront pas plus malades à cause des médicaments qu'on leur fait prendre pour améliorer leur comportement. 4. Réévaluer les ressources en institution. Cette recommandation est très importante car les parents de notre association ont la nette impression que l'évaluation des ressources en institution pour les déficients mentaux et intellectuels a été sous-documentée et sous-estimée.

Beaucoup de personnes sont en attente de services. La population vieillissant, il nous semble que beaucoup de personnes qui, actuellement, ont charge personnelle de déficients auront, d'ici cinq ans, besoin de plus en plus de ressources en termes d'institutions pour leurs protégés.

Les bénéficiaires des services pour déficients, en vieillissant eux aussi, voient leur cas physiologique se détériorer, quelle que soit la qualité de services reçus. Les parents ont souvent l'impression qu'on considère, chez les planificateurs, les bénéficiaires comme sur une courbe toujours ascendante vers plus d'autonomie. Les parents s'inquiètent de savoir qui peut prévoir les paliers atteints en termes d'autonomie psychologique et physique et encore les méfaits de la dégénérescence

physiologique, des accidents et des médicaments.

Dit plus simplement, nous pensons que les déficients ne feront pas indéfiniment des progrès même s'ils reçoivent de bons soins. Beaucoup, même s'ils en gagnent au niveau du fonctionnement en société, en perdent en capacité physique comme beaucoup de personnes qui vieillissent, et ceci arrive encore plus tôt chez les déficients que chez les adultes en général et dépend de la personne, de son bagage génétique et de ses handicaps.

Tout ceci pour bien faire comprendre que les prévisions doivent continuellement être remises à jour et qu'il est important de ménager une bonne marge d'erreur à toute prévision dans le domaine des services à offrir aux déficients mentaux.

Il apparaît clair aux parents que des institutions du type du centre d'accueil Anne-LeSeigneur, de Chambly, auront encore leur raison d'être pour une nombreuse clientèle. C'est signé, Réal Paquette.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie pour votre mémoire. Comme je vous en avais avisés au début - j'espère que cela ne vous ennuie pas trop - nous pourrions reprendre à 13 heures. C'est inutile de commencer. Nous avons rendez-vous à 11 h 30.

Mme Boucher-Guérin: Merci beaucoup pour votre intérêt.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux); Nous reprendrons nos travaux à 13 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 29)

(Reprise à 13 h 22)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons procéder à la discussion avec l'Association des parents du centre d'accueil Anne-LeSeigneur de Chambly.

J'ai eu l'occasion, dans le passé, d'avoir des contacts avec des représentants du centre d'accueil Anne-LeSeigneur, que ce soit l'administration, les parents ou même des syndiqués. Je sais qu'à un moment donné il y a eu des problèmes. Je voudrais que nous les laissions de côté complètement, parce que l'objet de la commission est vraiment d'obtenir les sentiments des parents, dans votre cas, sur le processus de désinstitutionnalisation.

Vous nous avez fait valoir ce matin, avec des lettres et des témoignages à l'appui, que les parents sont inquiets de la désinstitutionnalisation. Ils semblent être inquiets, d'une part, à cause de la lourdeur des bénéficiaires que l'on voudrait retourner dans la communauté et, d'autre part, ils invoquent la nécessité de consultation et d'information plus adéquates si on veut procéder.

La première question que j'aimerais vous poser est la suivante: Si vous aviez l'information nécessaire - je ne dis pas que ces conditions-là existent - la préparation nécessaire, si vous étiez certains, avec preuves tangibles à l'appui, que les enfants qui sont retournés dans la communauté ont des soutiens valables et vraiment de qualité, est-ce qu'à ce moment-là le problème se présenterait de la même façon pour vous autres?

M. Paquette (Real): Mme la Présidente, je crois qu'actuellement il ne s'agit pas de dire si on avait ces services-là. La normalisation est déjà commencée et il n'y a aucun bureau qui peut nous donner l'information. Nous autres, ce qui nous inquiète, c'est que c'est déjà en cours et que personne ne peut nous donner l'information sur les questions qui inquiètent un peu l'ensemble des parents. À la dernière assemblée que j'ai faite, il y avait des personnes qui avaient leur enfant chez elles et tout ce que remarquent les parents, c'est le manque d'information.

Dans notre recommandation, on détaille un peu nos pensées. Ce serait d'avoir, à part entière, comme n'importe quel citoyen, des bureaux d'information dans chaque région, qui centraliseraient tous les services qui peuvent être donnés aux déficients, autant de garderie que de dépannage. Il y a des familles, actuellement, qui nous téléphonent et qui demandent de l'information: On voudrait prendre des vacances cet été, à quelle place pourrait-on avoir un service de dépannage?

Dans le cas de la région dont nous nous occupons en particulier, on les a déjà référés aux CLSC. Les CLSC les envoient aux CSS. Les CSS disent: Je pense qu'il y a une association. On a vu des parents qui nous ont dit avoir frappé à quinze portes et ils n'ont pas eu la réponse voulue. C'est un manque d'information et un manque de services, qui ne sont pas en marche ni en fonction, mais la normalisation est déjà commencée. C'est cela, l'affaire. On met sur pied des programmes de normalisation, mais on n'a pas les services pour les desservir. J'ai plusieurs exemples, dont celui d'un déficient intellectuel, en même temps qu'il est handicapé physique; il est en fauteuil roulant, il n'y a pas de place adéquate pour lui. Où frapper pour qu'il ait des services adéquats?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce jeune est-il sorti de l'institution, monsieur?

M. Paquette (Real): Oui, actuellement, il est sorti, mais ce n'est pas le centre et

cela a l'air qu'il faut frapper à une autre place qu'à la Montérégie. Là, c'est en attente depuis sept ou huit mois, déjà, dans ce cas. Là, deux autres bénéficiaires descendent ce patient, ce bénéficiaire dans un escalier, parce qu'ils attendent. Les demandes sont tellement nombreuses que répondre à la demande, cela va déjà à huit mois et ils n'ont pas de réponse. Est-ce qu'on attend qu'il y ait un accident grave pour s'occuper de cela?

Ce sont toutes des choses comme cela qui inquiètent les parents. La première chose, c'est un centre d'information comme a droit d'en avoir tout citoyen. Vous avez des centres d'information pour touristes, vous avez des centres d'information du ministère du Tourisme. Pourquoi n'y aurait-il pas un centre d'information qui serait centralisé?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Excusez-moi de vous interrompre. Dans le cas du jeune dont vous parlez...

M. Paquette (Real): Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... est-ce l'institution qui a dit: Lui, il est prêt à aller dans la communauté? C'est ce que je comprends. Il était dans l'institution et on l'en a sorti?

M. Paquette (Real): Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais est-ce que l'institution ne garde pas une responsabilité, dans ce cas, pour s'assurer qu'il est dans un milieu adéquat, compte tenu de son handicap?

M. Paquette (Real): II se trouve à être comme inscrit encore au centre, mais pas à part entière. S'il a besoin de revenir au centre, il a toujours sa place. Les organismes gouvernementaux sont censés aller visiter les lieux. Cela fait déjà huit mois d'attente et ils ne sont pas encore passé.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que c'est une demande qui a été faite à l'Office des personnes handicapées?

M. Paquette (Real): Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est probablement pour l'équipement physique dont il a besoin.

M. Paquette (Real): La demande est à l'OPHQ depuis déjà huit mois, mais personne n'y est allé. Le centre, ce n'est pas à même son budget, mais c'est l'OPHQ...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant, ce sont des situations qu'on a lues dans une lettre qu'on a vu inscrite non pas dans votre dossier, mais dans un autre dossier. On disait: Les enfants ont leur congé, il n'y a personne pour suveiller leur médication, il n'y a personne pour ceci, certaines choses comme cela. Il semble que vos réserves se situent sur le fait que vous trouvez que la clientèle qui est à Anne-LeSeigneur, selon votre évaluation, est trop handicapée pour être mise dans la communauté. Est-ce que c'est cela?

M. Paquette (Real): Non, ce n'est pas seulement la clientèle d'Anne-LeSeigneur qu'on représente. Il y a des ateliers, les parents des enfants qui vont aux ateliers et qui ont leurs enfants chez eux. On recouvre tout ce qui concerne la déficience de la région 06C, autant pour les parents. On a des demandes de parents qui ont les enfants chez eux. Ils demandent un service de dépannage qui n'est pas sur pied. Cela devrait être dans la planification quinquennale d'ouvrir des centres de dépannage. Ce n'est pas dans notre mémoire, mais cela répond un peu aux inquiétudes. Vous nous demandez ce qu'il en est des inquiétudes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Paquette (Real): Ce ne soit pas seulement les parents d'Anne-LeSeigneur, c'est l'ensemble...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse, c'est l'association de parents du CAAL. Qu'est-ce que c'est, le CAAL?

M. Paquette (Real): Le centre d'accueil Anne-LeSeigneur.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Anne-LeSeigneur. Vous venez de dire que vous représentiez les parents de la rive sud qui ont...

M. Paquette (Real): II y a en a qui viennent en ateliers protégés.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, alors c'est un regroupement pour ces parents-là.

M. Paquette (Real): La gestion des ateliers protégés, c'est le centre d'accueil qui l'a actuellement. C'est politisé, la gestion; ils veulent centraliser les sous-régions et un peu tout. C'est cela qui est l'inquiétude. On est allé, un groupe à la Montérégie, au CRSSS de la rive sud pour faire nos recommandations. D'ailleurs, on vous en a donné une copie. Quand on est arrivé là, c'est une séance d'information qu'on a eue et non de consultation. On s'est fait dire par ceux qui étaient sur place que tout était déjà décidé. On a dit: Pourquoi

nous faites-vous venir ici pour une séance d'information? C'est une des choses qui inquiètent les parents et quelques enfants; cela les inquiète.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pourriez-vous me dire quel est le processus ou la façon dont Anne-LeSeigneur procède avec les parents - je ne sais pas si vous avez eu l'expérience - quand on veut désinstitutionnaliser un enfant? Est-ce qu'on les avertit en disant: Écoutez, la semaine prochaine, Jean-Pierre va être envoyé dans un foyer d'accueil ou s'il y a une préparation de longue haleine? De quelle façon les parents sont-ils impliqués dans cela?

M. Paquette (Real): Pour les premiers bénéficiaires qui sont sortis, il y a eu une bonne collaboration entre les parents et le centre. Une étude de chaque bénéficiaire a été faite en présence des parents pour définir les besoins. D'après les besoins, il était proposé qu'il y ait tant d'heures pour chaque bénéficiaire en supervision. Mais là, les coupures de budget ne permettent plus au centre de définir exactement le nombre d'heures pour chaque bénéficiaire qui est rendu en appartement. Alors, c'est une crainte additionnelle. 11 ne faudrait pas que le ministère des Affaires sociales s'en prenne aux bénéficiaires déficients mentaux dans ses coupures budgétaires. Ce que nous, les parents, pensons - c'est ma pensée et celle d'autres parents aussi - c'est que les budgets soient mieux répartis et équitablement pour avoir des services. Les CLSC et les CSS sont actuellement à faire une gestion, leur structure n'est même pas terminée. Ils n'ont même pas de personnel pour répondre aux demandes d'information dans le secteur des déficients. L'affaire est grave. Quelqu'un va se présenter dans un CLSC et on ne peut pas lui dire où trouver un centre de dépannage, où s'informer directement pour avoir un fauteuil roulant. Ils vont dire: Allez à l'Office des personnes handicapées. Ce sont toutes des choses comme celles-là, des choses à peu près.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

M. Paquette (Real): La première chose, ce serait un centre d'information qui centraliserait les fonctions de toutes les associations qui peuvent donner les informations justes aux parents sur n'importe quel sujet: dépannage, certains soins ou médicaments, des informations en général que les parents voudraient avoir.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le processus de désinstitutionnalisation est-il arrêté à Anne-LeSeigneur ou s'il continue? Combien y avait-il de bénéficiaires au début et combien en reste-t-il?

M. Paquette (Real): II sont environ 25 qui sont en appartement actuellement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais ceux qui sont en institution, qui sont dans le centre?

M. Paquette (Real): En institution, ils étaient 210. Alors, actuellement, ils sont à peu près 160.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, il y en aurait eu à peu près 70 qui auraient eu leur congé?

M. Paquette (Real): Pas 70.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pas 70, n'est-ce pas?

M. Paquette (Real): C'est parce qu'il y a 210 lits, mais ils n'étaient pas occupés au complet.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah oui. Alors une cinquantaine peut-être qui ont été désinstitutionnalisés. Est-ce qu'on continue régulièrement à le faire ou si c'est plutôt arrêté?

M. Paquette (Real): Non, ce n'est pas arrêté, mais il n'y a pas de service d'établi pour cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

M. Paquette (Real): C'est là qu'est notre crainte.

M. Pratt: Je veux simplement dire au monsieur que, concernant l'Office des personnes handicapées pour la Montérégie, depuis un mois, il y a une équipe de neuf personnes qui est à Longueuil, sur la rue Saint-Jean. Si vous voulez avoir l'adresse, je vous la donnerai.

M. Paquette (Real): Oui, on va la prendre, s'il vous plaît!

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Lorsque vient le temps de la désinstitutionnalisation, vous avez une préparation avec la direction. On vous fournit le dossier de l'enfant ou de la personne à désinstitutionnaliser. Vous avez des contacts avec les travailleurs de la base, ceux qui s'occupent de vos enfants tous les jours, les moniteurs et tous ces gens-là. Comme comité de parents - je vous appelle un comité de parents pour les bénéficiaires -

est-ce que dans les discussions que vous avez avec eux ils vous encouragent au placement de l'enfant ou si, à un moment donné, dans les discussions ils vous découragent plutôt en disant: Ne vous laissez pas faire, ne vous laissez pas avoir? Quelle approche y a-t-il avec les travailleurs.

M. Paquette (Real): Non. Normalement, ils collaborent assez bien. Ils ne nous disent pas de les normaliser. Pour certains, comme dans toute place, cela ne fait pas leur affaire et là ils vont nous dire: Ne vous laissez pas faire; un tel n'est pas prêt à sortir, mais, en général, c'est assez bien. Notre association a déjà participé en 1980 à un foyer de groupe et le foyer de groupe, cela a très bien été. On pensait que la normalisation se ferait par un passage au foyer de groupe. Ceux qui ont passé au foyer de groupe en 1980 sont pratiquement tous à l'ouvrage; je pense qu'il y en a seulement un qui n'est pas à l'ouvrage. Cela fait qu'on avait pensé que la normalisation se ferait comme cela: du foyer de groupe à l'appartement et au travail. Là, cela se fait subitement, puis trop vite pour ce qui est des services et des suivis. C'est là qu'est l'inquiétude.

M. Laplante: À quel pourcentage à peu près? Vous avez vécu des cas personnels où les travailleurs, pour une raison ou pour une autre, vous disent: Ne vous laissez pas avoir! Il y a l'espèce d'insécurité qui entoure tout cela aussi au point de vue des travailleurs. Le ministère ne joue peut-être pas son rôle vis-à-vis de ces travailleurs en les sécurisant, d'abord, sur qui arriverait après le placement de tous ces enfants.

M. Paquette (Real): Actuellement, tous ceux qui font la supervision sont d'accord, mais vous savez que, quand vous arrivez dans un centre, que ce soit Anne-LeSeigneur ou que ce soit n'importe lequel, et que vous dites: On va faire une normalisation, il arrive un conflit syndical par rapport aux anciennetés. Ceux qui ne nous l'ont pas conseillée à telle ou telle place, c'est plutôt par rapport à un conflit de travail qu'ils nous disent cela, mais, en général, cela va assez bien. On n'en a pas trop, trop. Comme président, quand ils me disent des choses de même, je leur demande des écrits et je ne les reçois pas.

M. Laplante: Je pense que monsieur a d'autre chose à rajouter là-dessus.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Madame ou monsieur.

Mme Paquette (Thérèse): Je me demande, Mme la Présidente, quand le ministère demande au centre d'accueil Anne-

LeSeigneur une désinstitutionnalisation avec structure éclatée, comment c'est possible qu'on ait des préparations valables sans être bousculé, sans se sentir garroché par les coupures, par le temps. On nous demande de désinstitutionnaliser dans une structure éclatée, mais tout cela, c'est vite, ce qui veut dire que nous, les parents, cela nous bouscule, cela bouscule les bénéficiaires, cela bouscule la direction, cela bouscule les éducateurs, cela bouscule un peu tout le monde, cela insécurise tout le monde.

À partir de là, je pense que ce n'est pas facile. On sent que ce n'est pas facile d'avoir des formations idéales. On n'a pas des suivis qui seront valables, non plus, parce qu'on se sent toujours bousculé par le temps, bousculé par l'argent, bousculé par un peu toutes sortes de choses. Je pense que ce n'est facile pour personne.

M. Laplante: Avez-vous un de vos membres qui fait partie du conseil d'administration?

Mme Paquette: Moi, j'en fais partie, monsieur.

M. Laplante: Vous en faites partie. Mme Paquette: Oui.

M. Laplante: Est-ce que vous faites partie de votre comité aussi? Vous représentez directement les parents là-dessus.

Mme Paquette: Le comité de bénéficiaires.

M. Laplante: Les recommandations que vous faites en tant que comité de parents, sentez-vous qu'elles sont les bienvenues là-dedans? Est-ce que vous sentez que vous êtes écoutés?

Mme Paquette: Jusqu'à maintenant, on a 22 recommandations de faites du comité des bénéficiaires. On a reçu les réponses aux 22 transmissions.

M. Laplante: C'est formidable, cela!

Mme Paquette: C'est formidable. Entre autres, on a demandé un comité de loisirs, qu'on a eu, un comité de formation sociale et sexuelle qu'on a eu! Mais on sent aussi que tout le monde est bousculé. Quand je dis "bousculé", c'est que les gens n'ont pas assez de temps. C'est pour cela qu'on s'adresse au ministère en se disant: En réalité, ce n'est pas notre centre d'accueil qui n'est pas correct dans tout cela et ce n'est pas la direction. Je me dis qu'on est tout le temps poussé par des normes, par des directions. Quand ce n'est pas le ministère, c'est le CRSSS; quand ce n'est pas cela, c'est autre

chose. Tout le monde se sent bousculé et je me dis que, quand on se sent bousculé, je pense qu'on n'est pas capable de faire un travail qui est valable, qui est de qualité.

M. Laplante: Vous vivez, en somme, ce qu'on a vécu dans l'éducation dans les années soixante quand on a fait l'opération 55.

Mme Paquette: Probablement, mais c'est vite.

M. Laplante: Cela a été trop vite.

Mme Paquette: C'est un rythme de croisière très vite.

M. Laplante: Les parents ne se retrouvaient plus là-dedans.

Mme Paquette: C'est cela.

M. Paquette (Réal): C'est exactement cela.

M. Laplante: Je pense que c'est peut-être cela.

Mme Paquette: Même les bénéficiaires aussi.

M. Paquette (Réal): C'est à peu près sur le même principe.

M. Laplante: Cela peut être ce qui arrive.

Mme Paquette: Je me dis - si je suis là pour parler du bénéficiaire, j'oublie le parent - le bénéficiaire dans tout cela? On nous dit que le bénéficiaire doit être, dans la société, normalisé, sans privilège, à parts égales. Je veux bien suivre tout cela et je suis pour la désinstitutionnalisation, pour leur donner la chance à tous, parce qu'ils le méritent. Cela fait quinze ans que je travaille pour cela. Mais je me dis: Comment voulez-vous qu'ils soient sans privilège et à parts égales quand nous, qui sommes soi-disant, entre guillemets, "normaux", on a de la difficulté à vivre en société sans privilège, à parts égales? On a beaucoup, beaucoup de difficultés. Moi, j'ai de la difficulté à suivre. Je suis impliquée dans l'association de parents, le comité des bénéficiaires, le conseil d'administration. Ils sont transparents, ils sont ouverts, ils nous écoutent, mais ils sont bousculés. Tout le monde est bousculé.

M. Laplante: D'accord. Cela répond à beaucoup d'interrogations que j'avais.

Mme Paquette: Ce qui veut dire qu'ils manquent de temps. On se dit: Comment voulez-vous qu'on ait un suivi valable? On est inquiet. J'ai un fils qui est en appartement, je suis contente. Il est là, cela ne fait pas un mois. II y a d'autres bénéficiaires, je vais les chercher, je les amène au comité des bénéficiaires. Dans tout cela, c'est difficile d'avoir une qualité de soins, une qualité de suivi avec le manque de temps, de personnel, avec les coupures. On est toujours sur le qui-vive. Pour le personnel, c'est pareil. De là viennent des conflits entre patronat, syndicat, parents, bénéficiaires. C'est très, très difficile à vivre.

M. Laplante: Merci.

Mme Paquette: Bienvenue.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Juste une question. Est-ce que c'est vous, madame, qui vous sentez bousculée ou si c'est aussi le conseil d'administration qui se sent bousculé par les instances supérieures, le CRSSS, le MAS, ainsi de suite?

Mme Paquette: Je ne peux pas répondre au nom des autres. Je peux juste répondre en mon nom personnel. Moi, je dis, comme cela, que je sens qu'on est vraiment bousculé.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pensais que peut-être cela avait pu être exprimé comme commentaire général par le conseil d'administration.

Mme Paquette: Je pense que je n'ai pas le droit de répondre pour les autres.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, monsieur.

M. Lauzon: Moi, disons que, dans l'association - c'est assez récent, cela fait à peu près six mois que je m'implique - ce dont je me suis aperçu, c'est qu'on parle de cette transformation, de la désinstitutionnalisation. Il va y avoir à un moment donné, dans un foyer de groupe, chez certaines catégories de handicapés, des veilleurs de nuit qui vont être là; dans d'autres, cela va être des dormeurs, des gens qui vont être payés 1 $, 2 $ ou 3 $ l'heure pour aller dormir là.

Ce qui nous inquiète un peu, c'est lorsqu'on fait un critère d'évaluation au niveau du handicapé mental, quand on dit qu'il est léger, moyen, profond ou sévère, le critère d'évaluation pour l'association n'est peut-être pas le même que pour le ministère.

Un parent, qui a vu son enfant évoluer, sait que, s'il le laisse la nuit proche du réfrigérateur, il va se rendre malade à manger parce qu'il n'a pas de contrôle ou, que, s'il y a une bouteille de pilules, il va peut-être en prendre démesurément. Nous, on va le considérer comme profond, tandis qu'au ministère cela sera peut-être un handicapé

moyen. Peut-être que les critères ne sont pas les mêmes pour des associations ou des groupes différents. C'est un point qui cause beaucoup d'insécurité.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Est-ce qu'il y a d'autres questions? Est-ce qu'il y a d'autres commentaires que quelqu'un d'entre vous aimerait faire?

Alors, écoutez, nous avions lu votre mémoire avant que vous veniez et je vous remercie comme parents d'être venus témoigner devant la commission. Il y aurait peut-être une dernière chose que j'aimerais vous demander: Est-ce que vous iriez, vous autres, jusqu'à demander un moratoire sur la désinstitutionnalisation ou si simplement vous appuieriez une désinstitutionnalisation mieux encadrée où on aurait l'assurance des choses dont vous parlez? (13 h 45)

M. Paquette (Réal): Je pense qu'on appuierait un moratoire. Déjà, la demande a été faite pour que, dans la planification du plan quiquennal, les parents participent aux décisions. En ayant un moratoire, je ne sais pas si on pourrait faire accepter...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

M. Paquette (Réal):... que les parents participent aux décisions sur les structures à prendre pour la normalisation pour les cinq ans à venir.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On sent, d'après les parents qu'on a entendus, qu'ils ne sont pas divisés sur le principe de base. Tous les parents sont heureux que leurs enfants vivent dans les conditions les meilleures possible, les plus normales possible, mais il y en a qui sont plus impatients de le faire tout de suite et d'autres disent: Allez-y plus tranquillement. C'est selon l'expérience que chaque groupe de parents a eue dans son milieu. Je pense que c'est cela qui se produit.

M. Paquette (Réal): La crainte d'un parent, c'est que, souvent, ils nous disent: Nous sommes seuls; on n'a pas tout à fait le droit de parole. II vont nous obliger à le reprendre chez nous. Certains sont âgés, ils ont 60 et 65 ans. Au centre d'accueil, ce sont des adultes, la majorité est au-dessus de 20 ans: ils ont de 29 à 32 ans; ce sont presque tous des adultes. Les parents de ces enfants-là sont dans la soixantaine. C'est quasiment impossible de les reprendre. Il y en a qui sont malades, soit l'homme ou la femme. Ils nous téléphonent à l'association et ils nous font part de leur ressentiment. Nous sommes leur porte-parole.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Au nom de la sous-commission, je désire vous remercier pour votre témoignage et à la prochaine, comme on dit. Merci.

M. Paquette (Réal): On vous remercie et nous vivons dans l'espérance que certaines de nos recommandations soient retenues par la commission.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Il y en a beaucoup qui ont fait des réflexions dans le même sens que les vôtres. Cela vient appuyer un bon nombre de réflexions qui ont été faites. Cela nous oblige à examiner tout cela plus en profondeur. Merci.

M. Paquette (Réal): On vous remercie beaucoup.

Les Centres de réadaptation du Contrefort

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'invite les Centres de réadaptation du Contrefort à se présenter. M. Lippé, je pense, si vous voulez nous présenter vos collègues. C'est vous qui nous réservez un vidéo?

M. Lippé (Marcel): Un diaporama.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Un diaporama.

M. Lippé: Il me fait plaisir de vous présenter les membres de notre délégation. Vous avez, à ma droite, M. et Mme Joyal, qui représentent les parents. M. Joyal est vice-président de notre conseil d'administration. Vous avez un usager de nos services qui a vécu en institution et qui, maintenant, vit dans la communauté, M. Claude Vallée, et Mme Murielle Godin, qui est présidente du conseil consultatif du personnel clinique. À l'autre bout, à ma gauche, vous avez M. Gilles Painchaud, qui est responsable de nos opérations dans la région de Lachute-Mirabel; M. Guy Charlebois, qui est également responsable de nos opérations dans la région de Saint-Jérôme-Sainte-Agathe; M. Lalonde, qui est le directeur des services professionnels. Vous avez M. Denis Lévesque, qui est un usager de nos services, et M. Jerry Noël, qui est responsable des services administratifs.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bienvenue.

M. Lippé: Avant le visionnernent du diaporama, on voudrait vous situer. Nous sommes issus du réseau Ambar. Pour ceux qui connaissent bien le réseau des affaires sociales, il y a eu une décision en 1978-1979 de procéder à l'achat de ce réseau parce qu'on considérait que la situation n'était pas

nécessairement très bonne. Notre équipe a hérité de cela et a procédé à un bon nombre de transformations. Donc, nous oeuvrons dans la région des Laurentides. Nous sommes un centre d'accueil et de réadaptation pour handicapés intellectuels et nous avons un certain nombre de bénéficiaires qui sont multihandicapés. On a amorcé une démarche d'intégration il y a quatre ans. Je sais que cette démarche a fait l'objet de plusieurs discussions. Il y a du pour et il y a du contre.

On voudrait peut-être souligner que la démarche est en deux temps. On a fait -c'est presque terminé - l'intégration physique de 250 bénéficiaires. On a amorcé parallèlement l'intégration sociale, et c'est loin d'être fini, d'une part. D'autre part, dans ce domaine, il n'y a pas d'expérience pilote qui aurait pu nous servir d'exemple. En d'autres mots, ce n'est pas écrit dans un livre comment faire ce genre de transformation.

Donc, on a procédé, en étant tout à fait respectueux des droits des bénéficiaires, à des intégrations et on a associé beaucoup de monde à cela. Au départ, cela ne faisait pas l'unanimité. Aujourd'hui, il y a beaucoup de gens qui sont pour; il y a encore des gens qui sont contre. Ce qu'on veut livrer à la commission, c'est notre expérience, sans vanité aucune. Il reste que les 250 personnes sont dans la communauté maintenant et il est clair pour nous et pour tous ceux qui côtoient ces personnes qu'il y a une amélioration considérable de leur situation par rapport à celle qu'elles ont vécue pendant quinze ou dix-huit ans dans l'ancien réseau.

Si vous le permettez, on vous présenterait un diaporama qui se veut un outil qui sert énormément à nos travaux d'intégration sociale. Ce n'est pas toujours facile de convaincre la population et on a tenté de vulgariser ou de rendre accessibles les principes de normalisation. Ce diaporama a été constitué dans ce sens. Par la suite, on serait tout à fait disposé à répondre à vos questions.

Présentation audiovisuelle

(Nous reproduisons ci-dessous une transcription aussi fidèle que possible de la trame sonore de la présentation audiovisuelle faite devant la commission. ) — Quand j'ai le temps, j'aime cela regarder les enfants qui jouent. Des fois, je m'installe sur le bord de la fenêtre et je les regarde. C'est surprenant de voir à quel point ils aiment cela se donner de la misère! On dirait que les jeux, il faut qu'ils soient difficiles pour être amusants. Quand ils sont trop faciles, les enfants disent qu'ils sont "plates".

Comme si ce n'était pas assez dur comme cela dans la vie, il faut que les jeux aussi soient difficiles. Les jeux d'enfants, c'est un peu le reflet de la vie des adultes.

Ce n'est pas toujours facile. Vous connaissez le jeu de la pomme suspendue par une ficelle qu'on doit croquer les mains derrière le dos? Vous allez rire. Bien, moi, cela me fait penser à quelqu'un qui n'aurait pas de bras. Mais quoi? C'est leur réalité, à eux. OK, ils n'accrochent pas les pommes à des ficelles pour les manger, mais quand même...

Les enfants, eux, ils ne pensent pas à cela. Ils ne font pas cela pour se moquer, c'est bien sûr. Mais pensez-y comme il faut. Vous allez voir qu'elles ne sont pas si bêtes que cela, mes comparaisons. J'irais même jusqu'à dire que, si on cherchait un peu, on verrait peut-être que, dans chacun des jeux des enfants, il y a un peu de la réalité de la vie. Oui, mais, pourtant, je n'ai jamais vu un enfant jouer à un jeu qui aurait pu s'inspirer de la réalité d'une personne vivant avec un handicap intellectuel. Oh, des jeux de manchot, de cul-de-jatte, oui, mais des jeux de handicapés intellectuels, non, cela, jamais!

Une des principales raisons de cela, c'est que ces personnes, on ne les voyait jamais. Elles étaient considérées comme une honte, une épreuve qu'il fallait endurer en silence et, surtout, le plus discrètement possible. La plupart des familles, autrefois, prenaient la précaution de placer dans des institutions leurs enfants handicapés. Il ne fallait pas que personne les voie. — Il y avait des autorités qui étaient consultées, telles que notaires, médecins, infirmières, avocats, curés qui, eux, recommandaient fortement à la famille, pour et au nom des personnes handicapées, leur placement en institution, parce que c'était considéré comme le milieu par excellence pour le développement de ces personnes, pour un aspect. Mais pour un deuxième aspect, c'est que, si vous ne les placiez pas, c'était quasiment considéré comme contagieux pour les autres enfants. Cela pouvait être dangereux pour le voisinage, cela pouvait même être dangereux pour les parents: Cela va affecter votre moral, etc., etc. Cela les mettait, à un moment donné, dans la situation de quasiment passer pour des parents dénaturés s'ils n'allaient pas au placement. — De toute façon, cette décision de placer ces indésirables, il n'y avait pas juste les familles qui la prenaient; il y avait aussi les professionnels de la santé et l'esprit de l'époque qui insistaient fortement sur les parents pour qu'ils la prennent, cette décision. Tout concordait pour qu'on les conserve, nos préjugés.

Si on remonte encore plus loin dans le temps, on croyait que les handicapés intellectuels, c'étaient des malades, des possédés du diable, des dangereux, des criminels, voire même des tueurs, des violeurs, des voleurs ou encore que c'était la

malédiction du ciel qui les avait rendus ainsi. Bien entendu, ce genre de préjugés n'était pas réservé seulement aux handicapés intellectuels; c'était aussi vrai pour à peu près tous les handicapés, tous ceux qui étaient différents. Vous pensez que cela a beaucoup changé? - À un moment donné, on a instauré un foyer de groupe sur une rue donnée. Pis, les voisins sont venus nous voir en nous disant: Écoutez, on n'a rien contre le fait que vous les intégriez dans la société, mais quand même, pas sur notre rue. Êtes-vous en train de devenir fous? Si on veut vendre nos maisons, elles vont perdre de la valeur; ce ne sera plus vendable. Aie! On a des droits, nous autres aussi. Allez-vous-en d'ici, carrémentl — Il y en a d'autres préjugés. Ils sont souvent considérés comme des maniaques sexuels, des obsédés. Il y a des voisines qui nous ont dit: On ne pourra plus se faire "griller", cela va être bien trop dangereux; ils vont vouloir nous violer et tout. La seule réponse qu'on a à tout cela, c'est le temps. A force de les côtoyer, ils vont voir que cela ne se concrétise pas, leurs appréhensions.

Nos préjugés sont encore très forts. Ils nous empêchent de vivre des expériences enrichissantes, mais ce qu'il y a de plus grave encore, c'est que ces mêmes préjugés empêchent d'autres personnes de vivre. Ils les empêchent de vivre comme des personnes à part entière et les empêchent de vivre comme du vrai monde, de vivre comme ils ont droit. Parce que la personne vivant avec un handicap intellectuel, c'est d'abord et avant tout une personne; une personne qui a les mêmes droits et les mêmes besoins que tous les autres, une personne qui a le droit à des soins médicaux, à de bons traitements, à une éducation, à une formation pour travailler et d'être payée aussi pour son travail, le droit à des loisirs qu'elle aime. Elle a aussi le droit à l'amitié, le droit de vivre dans une atmosphère de famille et de participer à la vie communautaire. En fait, elle a droit à la vie, à une qualité de vie. Ce n'est pas seulement de droits qu'il s'agit, mais de besoins essentiels comme de vivre en santé, de manger, de dormir et de se vêtir, sans oublier les besoins de développer ses capacités, son autonomie, les besoins d'être compris, aimé et valorisé, d'avoir une sécurité économique.

Dans notre région, il y a les Centres de réadaptation du Contrefort qui offrent des services qui vont, justement, permettre à la personne handicapée intellectuelle de développer au maximum ses capacités, de se débrouiller toute seule autant sur le plan physique, intellectuel, psychologique que socio-économique; tout cela, pour qu'elles puissent prendre leur place dans notre société. — Les parents ont des inquiétudes que je trouve tout à fait légitimes, de voir leur enfant intégré à la communauté, avec tout ce qui a été dit dans le passé, tous les préjugés. C'est que ce n'est pas facile, en tout cas, d'expliquer à un père de famille ou à une mère de famille que son garçon ou sa fille de 25, 30 ans s'en va vivre en appartement tout à fait..., c'est sûr, avec un support, avec l'aide d'un intervenant communautaire, mais... Je pense que leurs inquiétudes, c'est quand même légitime; il faut les partager, elles sont là. En tout cas, on les vit et on se les fait dire aussi. (14 heures) -- Au Contrefort, en plus de bien loger ces personnes handicapées intellectuelles, on parle aussi de réadaptation et d'intégration dans la société, autrement dit, permettre à ces personnes de vivre normalement, non plus dans des salles pouvant contenir jusqu'à 100 personnes, mais dans des logements normaux avec un salon, une cuisine, une salle de bain, un vrai logement, situé dans un vrai quartier, avec des vrais voisins, ben, comme vous, pis comme moi. -- Il y a certains bénéficiaires qui n'avaient même pas le réflexe de répondre au téléphone; ils attendaient, ils nous regardaient: Qu'est-ce que je fais là? Est-ce que je réponds? C'est son téléphone. On lui disait: Ben, réponds, c'est à toi, t'es chez vous. Dans une institution, c'est l'éducateur qui répond quand le téléphone sonne, tandis que, chez eux, ils s'attendaient encore que ce soit l'intervenant qui réponde. À un moment donné, il y a un bonhomme qui s'en va au marché, puis il voit des betteraves; il demande au vendeur: C'est quoi, cela? Le vendeur répond: Des betteraves. Il dit: Voyons, ce n'est pas comme cela. C'est fait tout en petits morceaux, en petits carrés! Parce que, toute sa vie durant, en institution, on achète cela au gallon et c'est toujours servi en cubes. Quand il en voit une toute reconstituée, il ne reconnaît pas cela, il n'a jamais vu cela, une betterave. Qu'est-ce que tu veux? Il a toujours vu cela en cubes dans son assiette, lui. - Certaines de ces personnes que l'on tente d'intégrer dans la société ont vécu en institution depuis leur petite enfance. Ils ont beaucoup de travail à faire avant d'être capables de vivre de façon autonome, mais nous autres aussi; nous avons des choses à faire. Nous devons changer notre manière de penser. Il faut se débarrasser de nos préjugés. Il faut arrêter de se sentir menacés par tout ce qui est différent. Il faudrait, en plus d'apprendre à accepter la personne

vivant avec un handicap intellectuel, apprendre aussi à l'apprécier, à voir tout ce qu'elle peut nous apporter et lui permettre d'avoir sa place, d'être considérée comme différente et semblable à la fois.

Au Contrefort, quand on parle d'un plan de programme individualisé, on veut tout simplement dire qu'il y a une équipe formée, premièrement, de la personne handicapée intellectuelle elle-même, de sa famille, d'une personne du Contrefort et d'autres personnes de la société. Cette équipe participe à une démarche continuelle régulièrement révisée et modifiée. Le but est de permettre la réinsertion sociale de la personne vivant avec un handicap intellectuel. -- Cela prend la collaboration de tout le monde qui est autour de la table. Chaque personne a son importance, mais il faut que ce soit dans ses propres paroles que le bénéficiaire... Ben, qu'on ne parle pas pour que lui soit à l'écart. C'est important de s'adresser à lui, puis de ne pas parler entre intervenants pour voir si les gens sont d'accord, mais d'abord savoir si lui, le bénéficiaire, est d'accord avec ces décisions-là qu'on prend avec lui pour lui donner des services à l'intérieur de ce plan de programme individuel.

Pour chacun des bénéficiaires, correspond une équipe et un plan différents. On parlera de leur force et de leurs besoins et non pas de leur incapacité ou de leurs problèmes. Ce qui marque réellement le changement, c'est que le handicapé intellectuel est vu comme une personne en évolution, une personne qui change, qui peut apprendre et se modifie et non pas, comme par le passé, comme une personne qui ne peut changer, une irrécupérable. — Il y a un bonhomme avec qui on travaille, qui a aucune espèce de nation de calcul, qui ne sait pas compter - un plus un pour lui, cela ne veut rien dire - qui va faire sa commande, qui a 30 $, qui achète tout ce qu'il a besoin et qui balance. La technique est simple: on lui a montré à prendre une calculatrice. Il marque 30 dessus et toutes les fois qu'il achète quelque chose, il fait un petit moins et il répète les chiffres qu'il y a sur la boîte. Quand il voit les zéros apparaître, il arrête, mais il ne sait pas qu'il a dépensé 30 $. Il ne sait pas que cela vaut 30 $, mais il a tout ce qu'il faut pour manger. — Quant à la normalisation, c'est tout simplement de permettre à une personne handicapée intellectuelle de vivre normalement, comme tout le monde. Vivre normalement, c'est de sortir de son lit le matin, c'est de s'habiller, d'aller à l'école ou d'aller travailler, pas de rester à la maison, encore moins au lit comme quelqu'un de malade. Le handicap intellectuel, ce n'est pas une maladie. -- Ben, écoute! Tu joues à l'autobus dans un gymnase. Cela fait assez spécial. Tu dis au gars: Écoutel parce que si tu manques ton autobus, tu ne te rendras jamais. Quelque part, tu te demandes en bout de ligne, quand tu regardes cela avec du recul, lequel des deux était le plus handicapé, tu sais, celui qui essayait de faire accroire à l'autre que c'était un vrai autobus ou celui que cela ne dérangeait pas de manquer son autobus. — La normalisation, c'est de vivre une journée avec des activités qui se suivent, mais qui ne se ressemblent pas. C'est surtout pas une suite interminable de 24 heures qui ne finit jamais. — Un autre, à un moment donné, à qui on voulait faire prendre une police d'assurance, parce qu'on lui disait: S'il y a quelqu'un qui va chez vous, tu as des responsabilités civiles, et pis gnangnan, gnangnan et tout cela, disait: Oui, mais je vais payer pour rien; ils n'ont rien qu'à rester chez eux; ils n'ont pas d'affaire à venir se casser la gueule chez nous; pourquoi je paierais? Etc., etc. Quand on lui a dit: Ben oui, si tu vas ailleurs et que la même chose arrive, à ce moment-là, les gens paieraient si tu te blessais. Ah! c'est une bonne idée cela; je peux venir riche vite.

Il y a le fait d'avoir un compte de banque, d'aller à la banque, de déposer, de retirer de l'argent, d'avoir le sentiment de posséder quelque chose: C'est à moi, cela, c'est mon compte, c'est mon livret. Ils n'ont jamais eu cette chance-là à l'intérieur d'un centre d'accueil, tandis que là, ils commencent à découvrir que, quand le compte d'électricité arrive, il faut que je le paie, le compte de téléphone, mon loyer; j'ai des responsabilités; je suis comme tout le monde.

La normalisation, c'est aussi de demeurer à un endroit, de travailler dans un autre, d'avoir des loisirs et aussi d'avoir hâte à la fin de semaine, d'avoir des vacances.

La normalisation, c'est de faire des activités d'enfant quand on est un enfant, des activités d'adolescent quand on est un adolescent et des activités d'adulte quand on est un adulte. Pour un adulte, on parle de travail et de responsabilités, on parle aussi d'activités de loisir, d'avoir des amis, des amies, de faire des sorties. Vivre normalement, c'est se montrer aux autres en prenant le risque d'apprendre à partir de la différence qui marque chacun de nous. La richesse de la diversité des êtres constitue une source d'épanouissement à laquelle la personne vivant avec un handicap

intellectuel a droit de référer. En somme, se débarrasser de nos préjugés face à ces personnes, ce serait de nous permettre, nous aussi, de vivre un peu plus normalement. (Fin de la présentation audiovisuelle)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci. On pourrait peut-être le montrer au moins à tous les membres de l'Assemblée nationale, votre diaporama. Je pense qu'il est très éloquent.

Une voix: On n'est pas contre cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On n'est pas contre cela. Avant de vous poser des questions, un simple formalité. Il faudrait inscrire Mme Dougherty.

Je voudrais vous demander d'où vous êtes exactement. Tantôt, je n'ai presque pas entendu ce que vous disiez. Rapprochez donc votre micro.

M. Lippé: De la région des Laurentides.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais où se trouvent vos maisons?

M. Lippé: C'est situé dans la région des Laurentides. Sur le diaporama, il y a des ressources à Lachute et il y en a dans la région de Saint-Jérôme.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans la région de Saint-Jérôme.

M. Lippé: On couvre Sainte-Agathe également, Sainte-Thérèse et Saint-Eustache.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce sont les maisons Contrefort qui desservent toute la région de Laurentides-Lanaudière pour la déficience mentale ou est-ce juste une partie que vous desservez?

M. Lippé: C'est, pour une partie, nos services, mais ce n'est pas exclusif. Il y a d'autres établissements aussi dans la région de Laurentides-Lanaudière qui offrent des services aux personnes handicapées intellectuelles.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon!

M. Lippé: Nous, on couvre le territoire des Laurentides, le secteur des adultes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Vous aviez combien d'enfants quand vous avez pris la responsabilité des maisons Ambar?

M. Lippé: Environ 230 bénéficiaires au mois de mai 1979.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II vous en reste combien qui n'ont pas été intégrés?

M. Lippé: II en reste peut-être un ou deux actuellement, disons, à notre résidence de Carillon. Tous les autres ont été intégrés dans la communauté.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'elles ont toutes le type de services que nous avons vus sur le diaporama?

M. Lippé: Comme je vous le disais au tout début, on a une première phase de notre opération qui est terminée, qui est l'intégration physique. Pour ce qui est de l'intégration sociale, le diaporama s'est réalisé en partie, mais il reste des choses à faire à l'intérieur de cela, entre autres des questions comme le nombre de bénéficiaires, des questions de continuité de services. On a fait, l'automne dernier, le tour des classes de secondaire V et des clubs sociaux parce que l'intégration sociale, ce n'est pas nécessairement facile à faire. Il faut utiliser des publics cibles pour essayer dans des communautés... Je pense qu'une communauté comme Lachute, par exemple, a un bon bout de chemin de fait. Cela me semble différent d'une communauté comme Saint-Jérôme et Sainte-Agathe. Du côté de Sainte-Thérèse et de Saint-Eustache, à cause du fait que ce sont des villes de banlieue, il n'y a pas le même tissu social. Donc, pour ce qui est de l'intégration sociale, il faut s'ajuster à cela et il nous reste du chemin à faire de ce côté.

Mais, physiquement, tous les bénéficiaires sont dans différentes ressources. Je pense que M. Lalonde, tout à l'heure, pourra vous décrire les types de services qu'on a faits. Un peu comme on le mentionnait dans le diaporama, pour chaque bénéficiaire, il y a eu un plan de services individualisé de fait où tout le monde a été associé, les parents l'ont été. Je suis ici depuis hier après-midi et on a écouté les différents groupes qui ont comparu. Tout ce qui se dit ou qui se vit, on l'a vécu au cours des quatre dernières années. Ce n'est pas facile, on se rappelle tous un certain dimanche après-midi où on avait rencontré l'association de parents pour leur faire part de nos intentions. On s'est fait traiter de tous les noms et de tous les mots et aujourd'hui les mêmes parents vont nous dire: Vous aviez raison, il s'est passé des choses à partir de cela.

Comme je l'ai expliqué au début, on a hérité du réseau Ambar et on doit vous dire que ce n'était pas un bel héritage. C'était extrêmement difficile, ce qu'on a eu à faire. On était, en 1978-1979, à l'époque des compressions budgétaires et il fallait, à ce moment, prendre une option pour venir à bout de donner des services de qualité à la

clientèle. On a eu, au départ, beaucoup d'adversaires, des critiques même. Si, aujourd'hui, les bénéficiaires sont tous dans la communauté, tout le monde regarde cela et, pour moi, c'est une source de sécurité. Je sais que, si cela ne va pas bien, on va le savoir, parce qu'il y a tellement de gens qui regardent ce qui se passe qu'on sait à peu près tout ce qui arrive. Dans ce sens, autant le conseil d'administration, l'ensemble des cadres, les employés aussi, on a beaucoup de satisfaction.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Il y a ici des représentants des parents, M. et Mme Joyal. J'aimerais peut-être qu'ils nous apportent aussi leur point de vue, comment ils ont vécu cette expérience de désinstitutionnalisation. C'est un fils, dans votre cas, je pense.

M. Joyal (Edgar): Depuis que je fais partie de l'administration de Carillon ou de Contrefort, si vous voulez, disons depuis à peu près trois ans je trouve qu'il y a eu beaucoup de changements du côté des enfants. Vous allez prendre, par exemple, le cas de Carillon. Au début de tout, à Ambar-Carillon, on arrivait là et il y avait à peu près 190 enfants dans la même bâtisse. Après que cela a commencé à se diviser, à se partager, si vous voulez, j'ai trouvé, à Ambar, qu'avoir soin de 190 enfants c'était beaucoup pour le peu de personnes, de professeurs qu'il y avait là, tandis qu'aujourd'hui, avec notre organisation, cela a été partagé. Disons que les enfants sont intégrés soit dans des logements, soit dans des pensions, selon leurs besoins naturellement, au lieu d'avoir un professeur pour 30, 50 ou 60 enfants. (14 h 15)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela, c'était du temps où c'était Ambar.

M. Joyal: Oui, à l'époque. À présent...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Moi, je voudrais que vous compariez avec... Évidemment, il n'y a jamais eu, comme dans les autres institutions... Vous êtes passés immédiatement à la réinsertion sociale dès que vous êtes arrivés. Il n'y pas eu l'institution publique...

Une voix: Oui. M. Joyal: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... un peu plus traditionnelle?

M. Lippé: À partir de mai 1970, on a administré cela comme un établissement public, sauf que les budgets, le personnel et tous les équipements étaient ceux du réseau

Ambar. Il y a eu un geste d'achat, mais on a acheté le réseau Ambar tel qu'il était au moment où M. Joyal en parle. Au moment où on est arrivé...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais à ce moment-là, vous avez eu les apports financiers du ministère qui ont fait que vous avez ajouté du personnel et de l'équipement, j'imagine.

M. Lippé: Pas nécessairement, puisque, à l'époque, les compressions budgétaires étaient déjà commencées. Il y a eu effectivement des ajouts d'argent, mais cela a été plus dans le sens de donner à une autre corporation qui s'appelait La Maisonnée Laurendière des budgets pour intégrer des bénéficiaires dans la communauté. Nous, à un certain moment, on a travaillé à l'interne et La Maisonnée Laurendière, elle, a obtenu des budgets du ministère pour intégrer graduellement dans la communauté les bénéficiaires qui étaient chez nous. Déjà, l'orientation avait été prise en 1978-1979, à savoir que l'achat du réseau Ambar ne signifiait pas la consolidation d'un centre d'accueil du type traditionnel. On voulait, à ce moment-là, procéder à l'intégration de la clientèle.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, c'est cela. Cela a été un peu différent des autres...

M. Lippé: C'est cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... centres et il y a eu, comme vous dites, des ajouts de ressources pour permettre de créer cet autre centre.

M. Lippé: Cela a permis de démarrer. Les premières intégrations ont démarré dans ce contexte.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Cela aurait peut-être été différent si vous aviez été pendant un nombre X d'années, même dans le secteur public, une institution plus traditionnelle. Vous, vous avez fait tout de suite la transition.

M. Lippé: C'est cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. et Mme Joyal, j'aimerais vous demander: Selon vous, quels sont les services qui manquent? Quand il y a des pépins, comment cela fonctionne-t-il? Quand des problèmes surgissent concernant les enfants, comment cela fonctionne-t-il?

M. Joyal: Comment les problèmes se règlent entre...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

Supposons que des problèmes surviennent dans l'un des logis des enfants, c'est-à-dire des jeunes, car ils ne sont plus nécessairement des enfants.

M. Joyai: Il y a certainement des problèmes, mais il y en a très peu. D'ailleurs, quand on a intégré les enfants pour les mettre dans des logements, tous les parents ont été consultés. Automatiquement, on a demandé l'avis des parents, s'ils étaient d'accord pour que leur enfant vive en logement, par petits groupes de deux ou trois. Je n'ai pas eu connaissance qu'il y ait eu des problèmes majeurs à ce sujet. Pas du tout. Réellement, depuis que je suis là, cela a bien été, parce qu'on a informé les parents quand on voulait changer d'endroit les enfants. Ceux avec qui on a eu quelques problèmes, c'est ceux qui ne voyaient pas cela d'un bon oeil. Mais, après un bout de temps, ils se sont aperçus qu'on avait raison de les sortir du groupe.

Je ne vois pas un groupe qui vit ensemble, qui ne peut pas apprendre, qui ne peut pas aller sur le marché du travail. Dans le diaporama qu'on vous a présenté, ils peuvent aller sur le marché du travail quand on le leur montre. Pour cela, il ne faut pas qu'un professeur en ait plus qu'une dizaine. Quand il en a une dizaine, il en fait le tour tous les jours. Il va à leur maison privée voir comment cela va, comment la maison est entretenue. C'est beaucoup. D'ailleurs, si le professeur en avait un peu moins, ce serait un avantage. Il aurait le temps de rester plus longtemps pour leur expliquer et leur montrer des choses. Vous savez qu'il y a des élèves qui, quand ils sont sortis de Carillon, d'Ambar, savaient jouer aux cartes mais ne savaient rien faire d'autre. Aujourd'hui, ils s'administrent seuls. Mon fils s'administre seul.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Votre fils... quoi?

M. Joyal: Mon fils, Marcel, s'administre seul.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah oui!

M. Joyal: Marcel, justement, que vous avez connu. Pourquoi s'administre-t-il seul? Parce qu'il a été sorti du groupe.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Joyal: S'il était resté avec le groupe, il n'y aurait pas eu de développement. Il serait resté fermé. D'ailleurs, il a toujours été fermé, il ne se serait pas ouvert du tout. Maintenant, il administre son budget, il fait ses commissions, il paie son logement, il fait tout seul. C'est surprenant.

On l'appelle de temps en temps et tout va bien. Réellement, c'est beaucoup pour les parents. Je ne suis pas seul...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme Joyal, vous voulez dire quelque chose?

Mme Joyal (Hélène): Ils ont toujours une surveillance en arrière.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela. C'était l'autre question que je voulais poser. Est-ce que vous gardez contact... Évidemment, ça varie avec les enfants.

M. Joyal: Tout le temps.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'hésite à l'appeler l'institution. Est-ce que le centre garde contact avec chacun des enfants si bien que les parents se sentent aussi en sécurité et que s'il se présente un pépin... On a eu des exemples où, finalement, on a l'impression, des fois, que des enfants ont été renvoyés dans la communauté et ils sentent qu'à un moment donné les liens se rompent avec le centre. Est-ce que vous gardez systématiquement un lien, qui peut être différent selon le cas des enfants, comme je l'ai dit, avec chacun d'entre eux?

M. Lippé: Oui et je pense que M. Charlebois ou M. Painchaud peuvent vous donner des exemples particuliers dans leur territoire respectif.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour aller plus vite, pouvez-vous me dire s'il y en a qui sont intégrés sur le marché du travail?

M. Painchaud (Gilles): À Lachute, actuellement, on a 75 bénéficiaires qui sont tous intégrés dans la communauté. Chacun des bénéficiaires est suivi de façon régulière par un éducateur communautaire ou les éducateurs en foyer de groupe ou même dans d'autres types de ressources qu'on appelle les appartements à supervision continue. Il y en a quelques-uns qui sont en plateau de stage avec l'atelier Capar, mais il n'y en a pas qui travaillent de façon régulière, un travail rémunéré, sauf des stages. Ils passent tous par l'atelier.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Vous avez avec vous deux des usagers. Si cela vous tente, est-ce que vous voudriez nous parler de votre expérience? J'ai l'impression que vous vivez dans ces appartements-là, que vous vivez en groupe. Est-ce que vous auriez quelque chose à nous dire?

M. Vallée (Claude): J'aurais quelque chose à dire. Ça va faire cinq ans dimanche que je suis en foyer d'accueil. J'ai fait 18

ans à l'institut Ambar, au domaine Carillon. Je suis sur le marché du travail dans le moment.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci.

M. Claveau (Jean): Denis, veux-tu dire quelque chose?

M. Lévesque (Denis): Oui.

M. Claveau: Parle dans le micro.

M. Lévesque (Denis): Je travaille à Lachute. Je travaille assez fort...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui?

M. Lévesque (Denis):... dans mon travail. Je fais du ménage.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quelle sorte de travail fais-tu?

M. Lévesque (Denis): Je fais du ménage.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah bon!

M. Lévesque (Denis): Je fais tout.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est toi qui fais tout.

M. Lévesque (Denis): Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Les autres ne t'aident pas?

M. Lévesque (Denis): Non ils n'aident pas; c'est moi qui fais tout.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Combien êtes-vous dans l'appartement où tu habites?

M. Lévesque (Denis): On est deux.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes deux.

M. Lévesque (Denis): Dans un cinq et demi.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes bien à deux dans un cinq et demi.

M. Lévesque (Denis): Oui, c'est dans un haut.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce toi qui vas faire ton marché, qui vas à l'épicerie?

M. Lévesque (Denis): Je le fais.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Fais-tu ta cuisine aussi?

M. Lévesque (Denis): Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Qui t'a montré à faire la popote, à faire la cuisine?

M. Lévesque (Denis): Les moniteurs.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'ils vont te voir souvent, les moniteurs?

M. Lévesque (Denis): Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon! Merci.

M. Lippé: Je voudrais ajouter qu'au niveau du suivi de la clientèle, c'est une norme qu'on s'est donnée: il n'y a aucun bénéficiaire qui ne fait pas l'objet d'un suivi. On a même un service téléphonique 24 heures par jour, sept jours par semaine. S'il arrive des pépins dans les communautés, les groupes de la communauté, la police ou les autres groupes peuvent nous rejoindre facilement par rapport à cela. j'écoutais hier un peu ce qui se passait dans le centre-ville de Montréal à l'Accueil Bonneau et autres. Évidemment, on n'a pas de normes dans ce domaine-là, mais je pense que chez nous on est vraiment à l'autre extrême au niveau du suivi par rapport à cela. Le conseil était très spécifique là-dessus: si on faisait de l'intégration, on faisait du suivi et c'est évident qu'on en fait.

Où il y a encore des divergences d'opinions, c'est sur le nombre d'employés versus le nombre de bénéficiaires. Vis-à-vis de cela, vu que l'expérience est nouvelle, il n'y a vraiment pas de tradition ou de façon de faire. Je pense que Mme Godin, qui est également éducatrice communautaire, peut vous parier de ce qu'elle vit avec les bénéficiaires qu'elle suit dans la région de Sainte-Thérèse par rapport à cela.

Mme Godin (Murielle): Moi, ce que je peux dire présentement, j'ai connu un peu ce que c'était, du temps, quand je travaillais à l'interne. Finalement, on travaillait et on était toujours bousculé par le temps; il fallait arriver à la cafétéria à telle heure; là, il fallait se dépêcher parce qu'il y avait un autre groupe qui arrivait; on n'avait pas le temps de faire des apprentissages, de montrer comment se nourrir ou des trucs comme ça parce qu'on était toujours bousculé. Tandis que, maintenant qu'on va dans les familles ou dans les appartements supervisés, on peut prendre le temps de voir

avec chacun de quoi il a besoin et sur quoi on doit passer du temps, ce qui est bien différent.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci. Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui veut poser des questions? Oui, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: D'abord, je voudrais remercier la direction d'avoir donné la chance aux parents et aux usagers de se faire entendre dans cette commission. Pour nous autres, c'est précieux comme apport qu'on peut recevoir d'à peu près tous les gens.

Vous avez parlé de l'institut Ambar. Je sais qu'à Montréal, de l'institut Ambar, il reste cinq ou six centres qui sont devenus les centres Chénier. Maintenant, ils sont à peu près tous relocalisés, eux aussi. Mais, Ambar avait une spécialisation aussi dans les cas très lourds, ce qu'on appelle un peu les cas "légumes" - je n'aime pas cette expression, mais je n'en trouve pas d'autre -les cas profonds ou alités. Est-ce que vous en aviez aussi lorsque vous avez pris possession des centres de l'institution Ambar dans votre secteur?

M. Lippé: Oui, on en avait. Je vais demander à M. Lalonde, peut-être, de vous décrire comment on a intégré des cas dits légumes ou grabataires. Il y avait tout un langage à ce moment-là. Moi, je me rappelle qu'à mon arrivée, en 1979, il y avait des bénéficiaires qui étaient alités depuis quinze ans. M. Lalonde va vous dire où sont rendus aujourd'hui les mêmes bénéficiaires.

M. Lalonde (Michel): Effectivement, il y avait des gens alités, des multihandicapés et, dans le langage courant, des multihandicapés très lourds tant sur le plan physique que sur le plan intellectuel, qui étaient nourris - ils ne se nourrissaient pas par leurs propres moyens - et passaient leur vie dans un lit. On parle d'adultes, on ne parle pas d'enfants.

Ils ont suivi des techniques de positionnement avec le personnel et tout cela. Ils sont en chaise roulante, il n'y en a plus dans les lits, ils vivent dans des maisons avec un couple. Actuellement, ils sont tous sortis.

M. Laplante: Même les cas qui sont en couche et tout cela.

M. Lalonde: II n'y en a plus.

M. Laplante: Comment cela se vit-il dans les familles actuellement?

M. Lalonde: On n'a qu'à le demander aux gens qui travaillent avec ces personnes-là, qui vivent 24 heures sur 24 avec elles. Ils font des choses absolument extraordinaires. Ils leur donnent tout le temps nécessaire. Ils leur font faire des apprentissages pour se débrouiller un peu plus par elles-mêmes, y compris, par exemple, amener une dame handicapée intellectuelle chez la coiffeuse, s'occuper un peu plus de son corps, ce qui n'avait jamais été fait avant, et s'entretenir un peu plus. Elle y prend plaisir.

M. Laplante: Combien peut-ii y en avoir dans une famille d'accueil de même?

M. Lalonde: Deux au maximum.

M. Laplante: Deux au maximum. Vous leur donnez toutes les ressources possibles.

M. Lalonde: Oui, médicales, etc., tout. Sur consultation, évidemment, parce que ce n'est pas nous qui distribuons tous les services. Ils vont les chercher dans la communauté comme tout le monde. Pour les services médicaux, par exemple, ils vont dans les centres où il y a des médecins, des spécialistes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, non, vous pouvez y aller.

M. Laplante: Moi, voici ce que je voudrais aussi dire à Claude et à Denis: Vous êtes devenus des personnes importantes aujourd'hui. Vous venez nous informer de ce que vous avez vécu comme expérience ce que d'autres n'ont pas eu encore la chance de venir nous expliquer. Vous avez intégré le marché du travail et d'autres peuvent le faire. Vous êtes venus nous dire ces choses-là. Pour nous autres, vous êtes des personnalités importantes.

Claude ne nous a pas dit, par exemple, ce qu'il faisait. J'aimerais ça le savoir.

M. Vallée: Je travaille à Capar à Lachute sur la rue Béthanie.

M. Laplante: Qu'est-ce que tu fais comme travail à Capar.

M. Vallée: Je fais les chambres de bain, mon travail c'est le ménage.

M. Laplante: Oui. (14 h 30)

M. Vallée: À Lachute, j'ai déjà travaillé à Villa-Montjoie, où l'on soigne des vieillards. J'ai travaillé avec eux autres.

M. Laplante: Et tu leur rends ces services?

M. Vallée: Oui, je fais cet ouvrage.

M. Laplante: C'est bien. Est-ce que tu

demeures en appartement, toi aussi?

M. Vallée: Non, je reste en foyer d'accueil. On est six gars d'occasion.

M. Laplante: Comment cela va, les six ensemble?

M. Vallée: Bien.

M. Laplante: Cela va bien?

M. Vallée: Bien, il y en a juste un qui ne travaille plus; il a fini de travailler.

M. Laplante: Est-ce que vous allez l'aider, vu qu'il ne travaille pas?

M. Vallée: Mais, il est pas mat âgé, lui. M. Laplante: Oui, ah!

M. Vallée: Mais, nous cinq, on travaille là-bas à Capar.

M. Laplante: Oui, mais tu as un compte de banque, toi aussi?

M. Vallée: Oui.

M. Laplante: Est-ce que tu vas aider au monsieur qui est trop âgé pour travailler?

M. Vallée: Bien oui.

M. Laplante: Tu vas l'aider, lui aussi.

M. Vallée: II travaille à la maison, le monsieur.

M. Laplante: Oui. Qui fait les commissions?

M. Vallée: C'est la femme où je reste, Mme Agathe Décoste.

M. Laplante: Est-ce qu'elle vous amène, des fois, faire les commissions?

M. Vallée: Oui.

M. Laplante: Qu'est-ce que tu choisis, toi, lorsque tu fais les commissions?

M. Vallée: Je l'aide à pousser son carrosse.

M. Laplante: Oui, merci, Claude. Puis, Denis, c'est quoi, ton mets préféré, toi? Qu'est-ce que tu aimes à manger?

M. Lévesque (Denis): À manger?

M. Laplante: Oui. Quand tu fais ton manger toi-même. Vous êtes deux dans votre appartement. Tu fais ta cuisine, toi. Qu'est- ce que tu aimes à manger.

M. Lévesque (Denis): De la pizza.

M. Laplante: De la pizza. C'est toi qui la fais, la pizza, Denis?

M. Lévesque (Denis): Des fois.

M. Laplante: Ah, des fois!

M. Lévesque (Denis): Du "Kraft Dinner".

M. Laplante: Es-tu capable de faire un pâté chinois?

M. Lévesque (Denis): Non.

M. Laplante: Si tu m'invitais à aller manger chez vous, qu'est-ce que tu me servirais?

M. Lévesque (Denis): Un poulet.

M. Laplante: Un poulet, c'est bon! Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Marie-Victorin.

M. Pratt: Une question à M. Lalonde. Quant à ces cas que vous avez placés en résidence particulière, est-ce que vous avez un suivi, vous-mêmes, avec ces familles ou bien si ce sont les familles qui font les contacts avec les différentes ressources du milieu, médicales ou autres?

M. Lalonde: Les personnes qui travaillent, les contractuels sont suivis par des chefs de service en réadaptation. Il y a des contacts réguliers avec les chefs de service et c'est la famille qui fait les contacts, si nécessaire. Ce sont eux qui les amènent, par exemple, chez le médecin, si nécessaire, et qui les voyagent partout.

M. Pratt: Mais vous conservez toujours un contact avec eux?

M. Lalonde: Ah, oui.

M. Pratt: Vous vérifiez la qualité des services et tout cela?

M. Lalonde: Tous les bénéficiaires... Je voudrais ajouter, en ce qui concerne le suivi: pour qu'il n'y ait plus de services donnés, il faut qu'il y ait un refus écrit de la part du bénéficiaire. C'est l'inverse, il faut que ce soit un refus écrit et, habituellement, motivé; c'est discuté avant.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Joan.

Mme Dougherty: Seulement une petite

question. Sur le plan de la communauté, est-ce que vous avez vécu des problèmes, de la part des gens ordinaires, des préjugés, des difficultés de coopération avec votre programme?

M. Lippé: On a eu des difficultés sérieuses - cela a fait l'objet d'écrits dans les journaux - pour ce qui est de l'intégration dans ce qu'on appelle les résidences de groupe, où on intégrait six bénéficiaires. Notre expérience nous permet de dire que plus le nombre de bénéficiaires est petit moins il y a de réactions, au départ, de la communauté et plus c'est facile en termes d'intégration.

On a eu, effectivement, des luttes épiques à mener, parce qu'on était les premiers ou presque les premiers à le faire. Les gens, au départ, ont des réserves. Â ce moment, ces réserves, plus les inquiétudes étaient, un peu comme on le dit dans le diaporama: On va se faire violer ou ils vont s'attaquer aux petits enfants.

Aujourd'hui, les mêmes personnes... Je pense à un projet où on avait créé un comité conjoint, les citoyens et nous, en disant: La moindre difficulté, on va en discuter en comité conjoint. Il y a eu une réunion du comité conjoint depuis deux ans. Cela fonctionne quand même relativement bien. Comme je le disais au début, c'est une expérience qu'on a faite à partir de notre bonne volonté et vraiment des meilleurs éléments qu'on pouvait avoir è l'époque. Je pense qus le nombre de bénéficiaires est fondamental et je pense que votre commission aura à se prononcer là-dessus. Plus le nombre est petit, plus les chances sont grandes. Parallèlement à cela, plus il y a une stabilité parmi les intervenants, plus le bénéficiaire progresse. M. Lalonde parlait tout à l'heure des contractuels. Nous, on a utilisé un nouveau segment, si vous voulez, du marché du travail. C'est évident, pour nous, que pour certains bénéficiaires, les conventions collectives ne permettent pas de donner des services de façon acceptable en continuité, et on a opté pour des contractuels.

Il y a des gens, chez nos contractuels, qui ont pris des congés sans solde de certains milieux pour venir faire une expérience à fond avec nous et on les paie comme contractuels, à ce moment-là. Je pense qu'il y a tout un marché du travail qui n'est pas exploité, que nous avons commencé à exploiter et qui est un marché où les gens, sous une forme de libre entreprise, s'engagent. On sait que, pour des fins fiscales, cela peut être fort intéressant. Il y a une certaine rémunération qui peut, finalement, apporter à ces individus des revenus substantiels. Il est évident pour nous que, si les prochaines négociations ne nous permettent pas d'avoir des ententes avec les syndicats qui soient vraiment adaptées, cela va créer des difficultés; chez nous, cela en a créé. C'est évident que le cadre conventionnel qui a été négocié en 1977-1978, alors qu'il n'y avait pas ce genre de ressources - par la suite, cela a été des décrets - pose des problèmes d'ajustement.

Je pense que M. Noël, notre spécialiste, peut vous donner des exemples où il est bien difficile d'arrimer les droits des bénéficiaires à des services et la convention collective. À un moment donné, on est obligé de procéder autrement pour vraiment donner des services individualisés.

M. Noël (Jerry): C'est bien sûr que, à un moment donné, par exemple - je pourrais l'aborder sous l'angle budgétaire et des conventions - on peut avoir une organisation qui a les budgets nécessaires pour faire à peu près n'importe quoi, sauf que les budgets sont attachés. Vous devriez opérer des transferts budgétaires, mais vous ne pouvez pas parce que le mouvement du personnel ou vos sommes d'argent sont attachés à des structures qui sont difficilement flexibles, d'une part.

D'autre part, il y a les horaires, l'utilisation rationnelle du personnel. Tout à l'heure, on entendait parler de dormeurs de nuit ou de veilleurs de nuit; c'est sûr que la nuit, il ne se fait pas un travail de fond auprès des bénéficiaires, sauf que les conventions collectives nous obligent à utiliser des syndiqués pour cela et à les payer à gros salaire, en fin de compte, alors qu'en réalité ces sommes d'argent pourraient peut-être être mieux utilisées. Évidemment, à brûle-pourpoint, comme cela...

M. Lippé: Je pense que c'est un exemple. Si vous payez un dormeur de nuit conventionné 8 $ ou 9 $ l'heure et si vous pouvez engager un étudiant qui fréquente le cégep, à côté, pour dormir avec les bénéficiaires 2 $ l'heure, là il y a une grosse différence. En plus, ce qui est très difficile, ce sont les changements de personnel. Dans certains ressources, il peut y avoir dix intervenants différents par semaine. Ce serait un peu comme si un enfant avait dix mères différentes. Les gens de l'équipe de nuit acceptent peut-être certaines conduites et les gens de l'équipe de jour... Il n'y a pas de continuité. Nous en avons fait une règle d'or dans les choix qu'on fait: la plus grande stabilité du personnel et le plus petit nombre de bénéficiaires, cela nous semble la clé du succès dans ce domaine. Il y a des bénéficiaires - je pense à Claude et à Denis - qui, au moment où ils étaient à Carillon, étaient considérés comme deux des quinze bénéficiaires de leur unité et on leur donnait, à ce moment-là, un service de 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Il est évident - je pense que M. Laplante sera

d'accord avec nous - que ces jeunes n'ont pas besoin d'un encadrement aussi intensif. Un peu partout au Québec, dans les institutions, il y a cette formule. C'est une organisation standard pour la moyenne, mais on ne tient pas compte des caractéristiques des plus forts ou des plus faibles à l'intérieur de cela. Cela nous semble nécessaire, dans la prochaine ronde de négociations, de vraiment s'arrêter à cela; sinon, les prochains mouvements d'intégration vont devenir difficiles, parce que le cadre de travail n'est pas prêt è cela, n'est pas ajusté à cela. Je ne vous parle pas des mentalités et des changements qu'il faut effectuer. Quand cela fait quinze ans que vous travaillez à la cuisine à cinq minutes de votre domicile et que vous êtes obligé d'aller travailler à 25 ou 30 minutes de chez vous, dans un autre contexte, le bouleversement que des changements comme ceux-là ont amené chez le personnel est considérable.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avez-vous une responsabilité pour les nouvelles clientèles, dans la région, enfin, le coin que vous desservez?

M. Lippé: Oui. On admet et on a admis plusieurs clients. Je pense que M. Lalonde peut en parler.

M. Lalonde: II y avait environ 200 bénéficiaires, au début, en 1979; cela a diminué à environ 150 et actuellement, c'est un peu supérieur à 230. On a fait de nouvelles admissions en faisant le mouvement, ce qui était très risqué, d'ailleurs, parce que ce n'est pas recommandé. Habituellement, quand on désinstitutionnalise, c'est...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vos nouvelles admissions sont aussi dans la communauté.

M. Lalonde: Oui. Cela passe par le comité régional d'admission...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est cela.

M. Lalonde:... selon les structures habituelles.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): L'autre question que je voulais vous poser: Pouvez-vous me dire si le fait que vous êtes passé d'une institution privée, qui était syndiquée apparemment, à une institution publique, qu'immédiatement vous avez décidé du type d'orientation que vous donneriez et que, par la force des choses, parce que les standards étaient différents, il y a eu des ajouts financiers - évidemment, je ne veux minimiser en aucune façon votre initiative et votre dynamisme, c'est une autre chose - au plan pratique, au plan économique vous a facilité la tâche par comparaison avec le centre d'accueil "plus traditionnel", entre guillemets? Est-ce que ça vous a facilité la tâche?

M. Lippé: Il est difficile de vous répondre. Aucun des collègues n'a travaillé préalablement dans des centres publics traditionnels. Quand je jase avec mes collègues, il est évident que, si cela va bien et que vous avez un établissement qui est en place depuis quinze ans, et que vous pouvez vous permettre de vivre assez allègrement, cela peut être un peu plus facile. Nous, en prenant le réseau Ambar - vous entendiez les gens d'Anne-LeSeigneur; M. Laplante parlait tout à l'heure de Jean-Olivier-Chénier à Montréal - c'est évident qu'on était au bâton, si on peut prendre l'expression, puisque le gouvernement, en procédant à l'achat de ces établissements, avait créé des attentes chez les parents et chez les employés, mais on n'avait pas défini ce qui allait se passer exactement. La tendance moderne étant vers les services d'ordre communautaire, dans l'esprit de la normalisation, le personnel n'était pas du tout préparé à cela. En termes d'attente chez nous, les gens croyaient que le gouvernement allait injecter encore beaucoup d'argent pour faire un centre d'accueil traditionnel, qu'on allait investir dans les bâtisses et que ce serait un centre traditionnel, public, ni bon ni mauvais, mais moyen. À mon avis, quand je suis arrivé en 1979, les gens ne s'attendaient pas à plus que cela. Maintenant, quand ils ont appris que les compressions budgétaires allaient arriver et qu'ils n'allaient pas avoir la manne qu'ils avaient espéré avoir... Je n'étais pas là au moment de l'achat; seulement, on m'a dit...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ma question était plus précisément en fonction des réflexions que vous aviez faites au sujet des conventions collectives dans la réponse précédente.

M. Lippé: Selon mon impression, c'est égal. Vis-à-vis de cela, il y a un leadership qui doit être pris et on doit donner primauté aux droits des bénéficiaires à s'intégrer et tenter avec les conventions collectives de s'accommoder le mieux possible. Je peux vous donner un exemple qui illustre comment c'est difficile à l'intérieur des conventions. Quand on a annoncé la fermeture de notre résidence de Carillon, le personnel devait être dispersé un peu partout sur le territoire. Des gens devaient aller à Sainte-Agathe, Saint-Jérôme, Lachute et Sainte-Thérèse. On a fait une assemblée avec le personnel et on lui a expliqué le projet. On a demandé aux employés s'ils étaient d'accord pour qu'on y

aille au gré des gens - par exemple, quelqu'un qui était à loyer è Lachute aurait pu déménager facilement à Sainte-Agathe -sans tenir compte de l'ancienneté. Les employés se sont réunis pendant plusieurs heures et l'exécutif est venu nous dire: Malheureusement, ils ne sont pas capables de s'entendre entre eux. Donc, ce sera l'ancienneté qui va prévaloir. Effectivement, des gens qui avaient des maisons, qui étaient propriétaires à Lachute, ont dû vendre leur maison pour aller s'installer à Sainte-Agathe, alors qu'à côté des gens qui étaient locataires et célibataires, qui auraient pu facilement vivre à Sainte-Agathe, ont refusé de le faire, faisant état du principe de l'ancienneté comme étant une règle sacro-sainte dans toute transformation de service.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Tout à l'heure, vous avez dit que vous en aviez plusieurs en foyer d'accueil. Vous avez dit: II y a deux parents qui s'en occupent activement et qui les stimulent. Est-ce ce qu'on appelle maintenant des foyers spécialisés ou de réadaption sociale ou si ce sont des foyers... Est-ce que les parents sont des éducateurs qui étaient dans le centre avant et qui servent de parents aujourd'hui?

M. Charlebois (Guy): On a, quand même, certains couples d'éducateurs qui ont accepté de le faire, mais il y a aussi, tout simplement, des parents dans la communauté qui ont accepté de fonctionner dans un système comme cela, et souvent on ne voit pas la différence à cause de l'implication qu'ils peuvent avoir auprès de ces gens-là. C'est tantôt l'un, c'est tantôt l'autre. Il n'y a pas de règle comme telle. À venir jusqu'ici, ce sont des expériences au maximum de deux ans; sur le nombre, il y a peut-être un ou deux couples qui se sont désistés au bout d'un an, mais il y en a qui ont continué et qui sont rendus dans la troisième année. (14 h 45)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais est-ce toujours avec les mêmes enfants?

M. Charlebois: La plupart du temps, oui, avec les mêmes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On n'a pas encore de statistiques sur la rotation à l'intérieur. Votre expérience remonte à deux ans, ce n'est pas très vieux.

M. Charlebois: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je veux vous remercier et je pense que cela a été extrêmement intéressant de vous entendre. Je veux remercier les parents, Claude et Denis, je pense, et tous les membres du personnel. Je veux vous souhaiter la meilleure des chances pour continuer.

M. Lippé: On vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci. J'invite maintenant l'Association des centres de services sociaux du Québec. Alors, bonjour, M. Bernard. Si vous voulez présenter vos collègues?

Association des centres de services sociaux du Québec

M. Bernard (Philippe): Mme la Présidente, je voudrais, selon l'usage établi, pour les membres de la commission et pour les fins du procès-verbal, identifier les personnes qui m'accompagnent. À droite, Danielle Gagnon, responsable des services sociaux à l'hôpital Louis-Il. -Lafontaine; Marie-Claire Létourneux, responsable des services psychiatriques au CSS de l'agglomération de Montréal, et, à ma gauche, M. Claude Lancop, conseiller aux affaires professionnelles à l'Association des CSS.

Je suis moi-même président du conseil de ladite association qui, comme vous le savez, regroupe les dix-sept centres de services sociaux du Québec, dont les responsabilités vous sont connues, elles sont prévues par la loi, et qui ont développé en particulier des expertises dans le domaine de l'accueil, de l'évaluation, de l'orientation et du placement.

Dans notre mémoire, on établit au préalable un certain nombre de distinctions qu'il nous semble important de rappeler. Une politique de santé mentale est autre chose que des interventions concernant la maladie mentale. Une politique de santé mentale va au-delà de la santé et des services sociaux, mais comprend également un système éducatif adéquat, comprend un système judiciaire adéquat et comprend des conditions de travail. Bref, à la limite, une politique de santé mentale c'est un projet de société.

La maladie mentale est quelque chose de beaucoup plus spécifique et ne comprend pas, entre autres, la déficience mentaie ou les handicapés mentaux; elle ne comprend pas les gens souffrant ou ayant des problèmes socio-économiques ou socio-affectifs.

Dans la maladie mentale, nous distinguons deux grandes catégories, dans le jargon psychiatrique, les névrotiques et les psychotiques. Notre mémoire s'adresse de façon spécifique aux psychotiques, c'est-à-dire ce que l'on pourrait appeler les malades mentaux chroniques ou dont la maladie est irréversible, autrement dit, des cas lourds.

Nous formulons quelques remarques sur le discours actuel dans la société au Québec, mais aussi dans la société occidentale en

général, de la désinstitutionnalisation et du maintien ou du retour dans la communauté. Ces remarques sont de trois ordres. On estime qu'il y a une grande confusion dans l'utilisation du vocabulaire qui n'aide pas les choses: déficients handicapés, malades, mésadaptés, caractériels, ressources alternatives, intégration, retour, etc. Nous estimons également - vous l'avez constaté sûrement en écoutant les autres groupes qui sont venus témoigner - une grande ambivalence dans la perception de la maladie mentale, ambivalence entre confiance et insécurité et ambivalence entre accueil et rejet, et j'en passe.

Il y a, il faut le reconnaître également, dans ce discours de désinstitutionnalisation, un fondement idéologique qu'il vous appartiendra d'évaluer, mais qui colore les interventions des uns et des autres.

Dans notre mémoire, on formule un certain nombre de postulats. Je vais en présenter quelques-uns rapidement qui peuvent paraître évidents, mais qu'il nous apparaît utile de souligner. Les causes de la maladie mentale sont multiples. En fait, il y a des malades mentaux et ces malades mentaux ont des existences spécifiques; leur maladie a un caractère spécifique. Dans les cas qui nous préoccupent, c'est-à-dire les malades mentaux chroniques, on peut normalement et idéalement viser comme objectif, mais guère plus, une amélioration du fonctionnement social des individus. Au-delà des coûts d'ordre thérapeutique ou autres, il y a également des coûts sociaux qu'il ne faut pas négliger. L'encadrement et le traitement: la thérapie des malades mentaux implique une diversité d'intervenants. La réinsertion dans la société, dans la communauté, des malades mentaux implique que ceux-ci soient mis en relation avec des groupes et des personnes qualifiés de significatifs.

Je vais vous donner quelques chiffres, mais à prendre avec toutes les précautions. Ce sont des chiffres, des extrapolations de modèles qui ont été développés dans d'autres sociétés, donc il faut les prendre avec une certaine précaution. On peut estimer au Québec qu'il y a environ 200 000 personnes ayant souffert ou souffrant de maladie psychique grave. Nous estimons que sur ce nombre il y en a environ 5 %, c'est-à-dire environ 10 000, pour qui la désinstitutionnalisation nous apparaît impensable pour un certain nombre de raisons qu'on pourra expliquer si vous le désirez. Il faudra donc maintenir en institution environ 10 000 personnes au Québec. La grande majorité des autres, à notre avis, peut retourner ou être maintenue dans la communauté, dans sa famille si possible avec un soutien léger. Le soutien léger, c'est le soutien existant soit dans le réseau des affaires sociales ou dans le réseau éducatif ou simplement dans la communauté locale, village, ville ou quartier. Il y a, selon nos évaluations, environ 30 000 personnes à qui on souhaite offrir des services de soutien et d'encadrement qu'on appelle, dans notre mémoire, les ressources d'hébergement protégé. Donc, ce sont des gens qui, à notre avis, ne devraient pas demeurer en institution, mais qui également ne peuvent pas vivre de façon autonome ou quasi totalement autonome dans la communauté.

Le Centre de services sociaux du Montréal métropolitain a développé un certain nombre de ces ressources d'hébergement protégé. Je les présente sommairement, c'est à la page 18 de notre mémoire. Il y a trois types qu'on présente. La résidence de groupe pour jeunes psychotiques, résidence où séjournent huit jeunes sous la surveillance permanente d'une équipe d'animateurs qui assurent également des services d'intégration sociale, d'apprentissage aux activités de la vie quotidienne, etc. Vous allez un peu retrouver le modèle qu'on vient d'entendre sauf qu'on ne touche pas la même clientèle. Un deuxième type de ressources d'hébergement protégé est l'appartement satellite, c'est-à-dire un lieu situé à proximité de la résidence de groupe où réside un jeune adulte jouissant d'une plus grande autonomie. Le jeune adulte continue cependant d'avoir accès au support de l'animateur de la résidence de groupe afin de faciliter sa réinsertion.

Enfin, le troisième type de ressources, c'est l'appartement supervisé, lieu où habite un client adulte. Ce lieu est situé dans un endroit où sont physiquement regroupés plusieurs autres appartements de même type. Un appartement communautaire est mis à la disposition de ces clients comme lieu de rencontre et d'animation. Le support quotidien d'un animateur est assuré.

Nous présentons également dans notre mémoire un certain nombre de conditions et d'objectifs à poursuivre ou à respecter pour encadrer et faciliter la réinsertion sociale de cette catégorie de malades mentaux intermédiaires. Donc, ils ne doivent pas rester en institution parce que c'est contre-indiqué, mais ils ne sont pas en mesure de réintégrer la communauté. Nous pourrons y revenir, si vous le jugez utile.

Je termine, pour favoriser le plus grand nombre d'échanges de propos possible, par une double conclusion dont une première conclusion qui est de l'ordre, je n'oserais pas dire de la mise en garde, mais de la suggestion au législateur. Il y a deux écueils à éviter et je pense que vous l'avez déjà saisi en écoutant les autres témoignages. Le premier écueil, c'est que le processus de désinstitutionnalisation, de retour dans la communauté, ne doit pas se faire de façon improvisée, de façon rapide, sans qu'il y ait des structures d'accueil déjà en place. Les

structures doivent précéder le mouvement et non pas l'inverse. On a l'impression, parfois, que le mouvement qui est déjà en cours précède les structures. Il y a un deuxième écueil également à éviter, plus qu'un écueil, c'est de ne pas croire que tout ce processus va coûter moins cher à la société. Cela peut se traduire par des réductions de coût, mais cela peut également se traduire, surtout dans la période de transition, par une augmentation de coût. Fermer un centre psychiatrique, cela peut coûter plus cher que de le maintenir en place.

Cela dit, notre message principal est de prendre conscience qu'entre les deux extrêmes il y a une population qui doit recevoir des ressources qu'on qualifie d'intermédiaires, c'est-à-dire, entre l'extrême de l'institution et l'extrême du milieu naturel, cela prend un système intermédiaire, temporaire ou permanent, selon les individus. Nous croyons que les centres de services sociaux, de par leur responsabilité à la fois juridique et historique et par les expériences que les CSS ont développées d'équipes multiples, mais également de relation avec les organismes communautaires du réseau des affaires sociales, que ce soient les CLSC, les centres d'accueil, les centres hospitaliers, les organismes du réseau éducatif, les commissions scolaires ou les familles d'accueil, bref, que les CSS soit bien équipés - c'est dans leur mandat de toute façon - pour prendre en charge cette responsabilité et l'assumer, bien sûr, en relation étroite - pour nous c'est essentiel - avec les autres intervenants de notre société.

Voilà, Mme la Présidente, l'essentiel de notre mémoire. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions et à celles de vos collègues. Vous comprendrez que, si des questions sont d'ordre plus professionnel ou plus vécu, je passerai la parole à mes collègues qui vivent quotidiennement ces situations.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je veux remercier l'Association des centres de services sociaux pour son mémoire. Je dois vous dire que nos invités ont souvent fait référence à leurs contacts avec les centres de services sociaux, souvent d'une façon positive, d'autres fois avec des réticences, particulièrement à l'endroit des familles d'accueil, mais je reviendrai là-dessus. Par contre, on en a entendu parler dans le domaine de la maladie mentale, parce qu'il y a eu aussi passablement de présentations touchant la déficience mentale. Dans le domaine de la maladie mentale, évidemment, j'ai réalisé que vous aviez amené Mme Létourneux. On a aussi entendu parler de ses initiatives et, hier soir, on entendait parler des initiatives qui avaient été prises... Vous avez dit que vous étiez à...

Mme Létourneux (Marie-Claire): Comme chef du service social à Louis-H. -Lafontaine.

Mme Gagnon (Danielle): Chef du service social au centre hospitalier Louis-H. -Lafontaine.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes à Louis-H. -Lafontaine. J'avais dans l'esprit l'hôpital Rivière-des-Praîries, c'est pour cela. Alors, on a moins entendu parler de vous. Peut-être que cela va me suggérer plus de questions. (15 heures)

II est vrai que les premières initiatives qui ont été prises... Et, là, on retourne plusieurs années en arrière, au tout début des efforts d'intégration que les centres de services sociaux... Ils n'étaient peut-être même pas organisés sous le chapeau des centres de services sociaux à ce moment-là. Les initiatives étaient prises par des travailleurs sociaux dans les milieux hospitaliers, justement pour tenter de débloquer certaines ressources. Je ne serais pas étonnée que les efforts de Mme Létourneux aient... Je ne sais pas s'ils ont précédé ou accompagné la création des centres de services sociaux. J'aurais tendance à penser que ses efforts ont précédé l'organisation.

Mme Létourneux: Ils ont presque mon âge, madame.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pensais... Les centres des services sociaux, cela fait quinze ans? Cela fait plus longtemps que quinze ans...

Mme Létourneux: Oui, madame.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez 15 ans, ce n'est pas vieux!

Ici, c'est une remarque générale. Le problème qui se pose, c'est à savoir si... Il ne fait pas de doute dans notre esprit qu'il y a un besoin de ressources intermédiaires. Je pense que tous les intervenants sont d'accord là-dessus, même ceux qui vont à l'autre extrême où on veut exclure les professionnels. Finalement, quand on questionne d'un peu plus près, ils veulent être impliqués là-dedans, mais ils veulent aussi... Enfin, cela, je pense.... On sait fort bien qu'on ne peut pas les sortir de l'institution et les envoyer seuls en appartement ou en chambre. Malheureusement, c'est ce qui arrive dans bien des cas, mais ce n'est pas cela... Par contre, il y en qui disent: On a l'impression que les institutions - appelons-les les hôpitaux - ont tendance à vouloir développer ce réseau de services - je ne sais pas si on peut l'appeler satellite, celui-là - un peu raccroché à l'institution afin de pouvoir garder un contact plus

assidu, plus régulier. Il y en a qui ont même parlé d'aller évaluer eux-mêmes les foyers, etc. Par contre, on sait que la structure actuelle prévoit que c'est par le truchement des centres de services sociaux que se fait le recrutement de ces foyers, enfin, de toutes ces ressources intermédiaires. C'est peut-être vous mettre dans une situation difficile, parce que vous êtes rattaché au centre de services sociaux, mais j'aimerais que vous nous disiez les avantages d'une formule ou de l'autre. C'est quand même un débat qui a pris une partie du temps des travaux de la commission. Cela irait pour d'autres ressources. Est-ce que, en général, elles doivent être rattachées au centre hospitalier pour faciliter, justement, la continuité de ce contact ou si on peut les détacher facilement de l'institution, à condition qu'on trouve une articulation cohérente?

Mme Létourneux: Si vous me posez la question, c'est que...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À qui voudra répondre.

Mme Létourneux: Oui, d'accord. Dans l'expérience que j'ai vécue, disons que j'ai tendance à dire qu'il faut des liens très étroits avec l'hôpital pour la catégorie de clientèle dont nous vous parlons. Mais liaison non pas par le développement par l'hôpital. Absolument pas. Il doit y avoir cette espèce de coupure pour que la clientèle sente qu'en même temps elle est dans son réseau qui est un réseau autre que l'hôpital. Ce qui est arrivé, c'est qu'on a eu tendance à penser que l'hôpital était l'espèce de point central. Ce qu'il faut faire pour cette clientèle, c'est qu'il faut lui donner un autre point central qui est le réseau des ressources à l'extérieur, mais toujours avec la possibilité d'avoir des liens étroits avec l'hôpital quand c'est nécessaire. L'un des principes qu'on avait mis de l'avant par rapport aux ressources qu'on a mises sur pied, c'est de dire: Voudriez-vous, s'il vous plaît, évaluer les besoins et essayer de répondre aux besoins des clientèles, mais pas plus que leurs besoins. Je tiens à vous donner un exemple à ce niveau. Une patiente de 70 ans, par exemple, qui est encore capable de se faire è manger, de quel droit allez-vous la placer dans une famille d'accueil alors que, là, elle vient de perdre cette capacité qu'elle avait? Il ne faut pas leur donner des services qui soient plus que les besoins qu'ils expriment et qui leur sont nécessaires. C'est extrêmement important. À partir du moment où vous avez un lien trop étroit avec l'hôpital, un lien de direction, de structure et qui est trop près de l'hôpital, la tendance est de faire pour eux. C'est toujours un des dangers. Je dis qu'il faut absolument que l'hôpital reste présent, c'est ce qu'on a fait dans les ressources, présent selon les besoins de la clientèle. Un jeune psychotique est capable de venir à ses rendez-vous.

Je vous raconterai une très courte anecdote du tout début, quand j'ai ouvert le foyer de groupe. À l'hôpital Maisonneuve, les infirmières, les gens m'ont dit: Mais nous autres, est-ce qu'on va y aller dans ce foyer de groupe? Non. Je ne voulais à l'intérieur de ça aucun professionnel parce qu'il s'agissait de jeunes capables de venir chercher leurs services à l'hôpital. Si on était allé sur place leur donner, mais pourquoi? Cela me pose un problème vraiment important de ne pas donner des services au-delà des besoins de la clientèle.

On a tendance des fois à aller ou trop d'un côté ou trop de l'autre. Ou on les met en congé avec rien ou, si on met une ressource sur pied, on a l'impression qu'elle sera investie par tous les professionnels. Je dis qu'il ne faut pas qu'elle soit trop investie et c'est un des dangers. Je ne sais pas si cela répond bien à votre question.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Le fait que vous releviez d'une structure administrative étrangère à l'hôpital, quoique vous êtes attachée à Maisonneuve-Rosemont toujours...

Mme Létoumeux: J'étais.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah vous ne l'êtes plus. Bon! Est-ce que ceci a été un obstacle pour vous au développement des ressources que vous ou que votre équipe, parce que ce n'était pas juste vous, souhaitiez voir se développer pour servir de...

Mme Létoumeux: Non, absolument pas. J'ose dire qu'au tout début, madame, c'était en 1979, le premier foyer de groupe qu'on a ouvert... À ce moment-là, si je n'avais pas eu l'appui et de l'hôpital et du centre des services sociaux, on n'aurait jamais pu l'ouvrir ni d'un côté ni de l'autre, c'est-à-dire que l'hôpital seul n'aurait pas pu le faire et le CSS ne pouvait pas le faire à cause de ses structures et des possibilités financières. À partir de ce moment-là, cela a été une espèce d'entente tout à fait de bon aloi qui a dit: 50-50 au niveau financier, mais on a confié aux services sociaux la responsabilité de ce foyer-là.

Immédiatement, j'ai demandé qu'il y ait à l'intérieur de ce foyer des animateurs qu'on a formés, qu'on continue à voir très régulièrement mais qui ne relèvent ni de l'hôpital ni du CSS, c'est-à-dire d'aucune structure administrative. Je trouve que c'est extrêmement important. Cela faisait comme cette espèce de troisième niveau qui arrivait où ces animateurs étaient supportés par nous autres. Au point de vue administratif, on leur a aidé mais ce sont eux qui dirigent le

foyer de groupe. Actuellement, si quelqu'un veut venir au foyer de groupe il faut passer et par les jeunes et par les animateurs. Aucun professionnel ne peut rentrer dans cette ressource-là sans y être invité et par les animateurs et par les jeunes du foyer.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Où recrutez-vous les animateurs? Quelle est leur formation?

Mme Létourneux: On s'est posé de nombreuses questions là-dessus. On s'est demandé si ça devrait être des professionnels, etc. Le premier que j'ai recruté était un bonhomme qui avait un DEC en théâtre. Il s'appelait Pierre Deschamps. Un DEC en théâtre ne conduit pas nécessairement à la psychiatrie mais cependant il avait... Vous savez, peut-être, ça peut conduire è tout. Dans son cas à lui, il avait cette espèce de facilité d'approche et on lui a donné la formation sur le terrain. Je le voyais trois heures par semaine régulièrement en supervision pour en connaître plus parce qu'aimer la clientèle c'est essentiel mais, madame, ça n'est pas suffisant. Il faut aussi savoir comment se comporter avec cette clientèle-là. Il l'a appris jour après jour, mois après mois.

Ensuite, ce que nous avons fait pour le recrutement des animateurs, c'est que nous n'avons pas demandé que ce soient des professionnels. Nous sommes même allés par annonces dans les journaux. Cependant, étant donné la situation actuelle de l'emploi que vous connaissez, nous avons eu, par exemple pour un poste d'animateur, 300 demandes dont plusieurs venaient d'éducateurs spécialisés, de travailleurs sociaux, qui avaient fini et qui n'avaient pas d'emploi, etc. Si bien qu'actuellement, comme animateurs, nous avons des gens qui ont une formation, pour la plupart, en éducation spécialisée, en service social et en ergothérapie. Mais cela n'était pas notre demande du début. Quelques-uns des animateurs - parce que là je parle aussi des appartements, de ce qu'on a ouvert par la suite - n'ont pas cette formation de base. Nous la leur donnons sur le terrain.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant, vous dites qu'actuellement cette sous-région compte 104 personnes vivant en appartements supervisés, 8 personnes vivant en appartements satellites, etc. En ce qui a trait aux personnes vivant en familles d'accueil, j'y reviendrai. Pour l'ensemble de l'île de Montréal ou de la région 06A, il y en a combien de ressources? Est-ce que les ressources sont suffisantes en appartements supervisés?

Mme Létourneux: Oh! madame! C'est là, le grand problème. C'est là que nous avons commencé comme expérience pilote dans la sous-région est. C'est pour cela que vous comprendrez qu'on ne vous a pas parlé de ce qui n'est pas commencé, hélas! Mais, ce sont quatre sous-régions qui ont été divisées pour Montréal, la région 06A, et, dans les autres sous-régions, c'est en voie de développement, mais vraiment en voie de développement, et il n'y en a à peu près pas, sinon exceptionnellement, par l'Institut Albert-Prévost qui a déjà un programme d'appartements supervisés. Pour les autres sous-régions, ce n'est pas encore développé.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'il avait été question que le ministère des Affaires sociales donne un mandat beaucoup plus large aux CSS pour développer davantage ces appartements supervisés? Est-ce que c'est une chose qui est réglé, si c'est encore en suspens ou si on ne sait pas encore à qui on va en donner la responsabilité?

Mme Létourneux: Justement, c'est là le problème. C'est que le mandat, actuellement, est entre les mains de la Commission des services de santé mentale qui relève du CRSSS. Il n'est pas encore clarifié que c'est un mandat donné aux CSS.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, là, il est entre deux chaises ou il est en suspens?

Mme Létourneux: Pour une partie, il n'est pas entre deux chaises parce que la région est, qui a été commencée depuis 1979, on n'ose plus y toucher, comprenez-vous, parce qu'on a mis les pieds dedans et qu'on continue de façon très ferme à y rester. Mais, pour ailleurs, on se pose de nombreuses questions en disant: Est-ce que cela devrait être le CSS, bon, peut-être oui, peut-être non? Les questions sont encore posées à ce sujet.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II me semblait que c'était même dans le fameux rapport - je ne me rappelle plus le... le fameux cadre de partage - que cette partie des services alternatifs, du développement de services de ressources intermédiaires devait être donnée aux CSS?

Mme Létourneux: C'est qu'on a tendance à dire que le partage... Ce qui regarde les familles d'accueil - vous voulez y revenir - cela appratient typiquement et juridiquement appartenant aux CSS. Quand il s'agit des autres formules, formules d'appartements supervisés, de foyers de groupe avec les appartements satellites, c'est nouveau et il n'y a rien qui nous confirme dans ce rôle-là, actuellement, de façon vraiment décisionnelle. Actuellement, ce n'est pas fait de façon décisionnelle.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'il y en a d'autres qui, à part vous, ont ce type d'expérience?

Mme Létourneux: Actuellement, dans la région 06A, non.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, bon. Maintenant, arrivons aux familles d'accueil. Écoutez, ce n'est pas que je veuille négliger d'autres principes. Vous faites des définitions de la maladie mentale. C'est utile. Vous nous donnez des statistiques qu'on a bien de la misère à trouver, etc. Mais, ça ce sont des problèmes qui sont revenus souvent. Je ne voudrais rien exagérer, mais il y a eu beaucoup de critiques sur la qualité des familles d'accueil. Ça, c'est un type de remarque. Ensuite, ma deuxième, c'est qu'on a dit: Les familles d'accueil, finalement, avec la désinstitution-nalisation, cela va retourner les femmes au foyer, etc. C'est la considération féministe autour de ce phénomène-là. La troisième inquiétude qu'on a, c'est la pérennité du système de familles d'accueil, compte tenu des changements qui surviennent dans notre société. J'aimerais, comme c'est vraiment votre domaine, que vous nous donniez votre point de vue là-dessus. (15 h 15)

Mme Létourneux: Concernant les familles d'accueil, il y a quand même tout un historique et cela existe depuis longtemps. Je ne vous parlerai que des familles d'accueil pour adultes. Je ne veux pas vous parler des familles d'accueil de l'enfance qui relèvent d'une tout autre approche et d'une façon tout à fait différente de penser. Je veux vous parler des familles d'accueil pour adultes. Dans les familles d'accueil pour adultes à Montréal, actuellement, nous avons à peu près 900 patients psychiatriques placés dans la région 06A. Il y en a à peu près 1800 qui sont des personnes âgées ou des personnes qui ont d'autres formes de handicaps.

La famille d'accueil, au tout début, cela a été une espèce de volontariat payé d'une certaine façon, qu'on connaît tout le monde, où il y a eu un nombre assez important de patients placés. C'était ordinairement huit ou neuf patients et on savait que, financièrement, ces familles, cela les aidait d'être des familles d'accueil.

De plus en plus, on va vers des familles d'accueil qui sont beaucoup plus petites, de quatre ou cinq patients. C'est la moyenne maintenant; dans les centres de services sociaux, on n'accepte pas au-delà de cela. La famille d'accueil, ce sont des gens ordinaires à qui vous demandez de garder une clientèle lourdement affectée. Il y a dix ans, on ne leur envoyait pas du tout la même clientèle qu'on leur envoie depuis au moins, je dirais, les cinq dernières années, en ce qui regarde la psychiatrie.

Depuis les cinq dernières années, on demande à des familles d'accueil, 24 heures sur 24, de garder des clients psychiatriques de plus en plus difficiles. Alors, la situation est la suivante: Ces familles sont prises avec le dilemme d'être obligées d'assurer le gîte et la nourriture. Une fois qu'elles ont assuré cela, s'il vous plaît, qu'est-ce que vous pouvez leur demander de plus? C'est vraiment leur demander, d'une façon...

C'est épouvantable ce qu'on leur demande en 24 heures. Les jeunes psychotiques, qui composaient la clientèle la plus difficile et la clientèle qu'on demandait de sortir de l'institution, c'étaient les 18-35 ans. Dans une famille d'accueil, ces jeunes, on sait très bien pourquoi on ne les retourne pas dans leur milieu, c'est parce que les milieux d'où ils viennent sont très souvent des milieux moyens, des milieux qui ont tout essayé. Ils ont absolument épuisé leur milieu.

Dans les familles d'accueil, ils ne s'adaptaient absolument pas. Ils avaient souvent tout ce problème avec leur famille d'origine et ils reproduisaient le même problème avec la famille d'accueil. Ce sont ces familles à qui on demandait de garder des jeunes adultes et on était obligé de demander - cela allait aussi loin que ça - à des psychiatres d'augmenter la dose d'un médicament, parce que ce qu'on demandait, c'était d'avoir des gens tranquilles, des gens qui finissent par ne plus être en crise pendant 24 heures ou de ne plus faire de crise le soir, et, surtout, de dormir le soir.

En ce qui concerne les médicaments dans les familles d'accueil, quand vous avez passé toute une journée, on passe les médicaments à huit heures le soir. Trouvez-vous que c'est une vie normale pour des jeunes?

Alors, c'est une situation où rien ne devient normalisant ni normal. Et on ruinait nos familles d'accueil, si bien que, très souvent, on avait une demande en familles d'accueil, mais on ruinait celles qu'on avait. On épuisait nos familles d'accueil et on était devant un dilemme absolument épouvantable.

C'est d'ailleurs devant ce dilemme que je suis intervenue pour demander, supplier les gens de modifier cette approche pour les jeunes. La famille d'accueil pour des jeunes psychotiques, à moins d'exception, ne répond pas à leurs besoins. C'est aussi clair que cela, dans l'expérience que j'ai eue, sauf exception.

La famille d'accueil répond à une clientèle qui ne peut pas se faire à manger, une clientèle, comment dirais-je? où il n'y a plus de réadaptation active à faire. Il y a des gens de 50 ans qui veulent... On ne peut plus... On ne mettra pas des systèmes de réadaptation à tout casser.

Alors, cette espèce de résidence, de sorties, de loisirs une fois par semaine, etc.,

leur convient très bien et la famille d'accueil répond pour des gens qui ne peuvent pas se faire à manger et qui ne peuvent pas y voir. Vous avez là des familles d'accueil exceptionnelles qui répondent très bien sur ce plan, mais jamais pour des gens... La psychose est une maladie qui n'est pas guérie actuellement, ne peut pas être guérie et il y a des phases difficiles, des phases de rémission et des phases d'exacerbation. Au moment des phases d'exacerbation, c'était le retour continu à l'hôpital.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela rejoint un peu la question que je vous ai posée, mais je vous en ai posé d'autres sur la famille d'accueil. On trouve trop souvent que la famille d'accueil n'est pas adéquate. Là, on commence à parler de plusieurs catégories, les familles d'accueil spécialisées et les autres, je ne sais pas si elles sont surspécialisées, mais il y en a trois, la troisième, c'est la réadaptation.

Mme Létourneux: C'est cela, madame.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon. Ce dont je parle, c'est de la famille d'accueil traditionnelle. Vous nous dites: Dans certains cas, pour les personnes âgées de 50 ans...

Mme Létourneux: Pour certaines personnes âgées, mais certainement pas pour les personnes âgées. Je suis très prudente sur cela parce que...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Quel est l'avenir des familles d'accueil traditionnelles, dans une perspective de développement de ressources intermédiaires pour la réinsertion sociale des malades psychiatriques?

Mme Létourneux: Je pense qu'il y a un avenir pour les familles d'accueil traditionnelles, nous en avons besoin. À ce moment-là, nous avons besoin de la famille qui peut répondre aux besoins des clients, leur offrir le vrai service, c'est-à-dire le gîte et la nourriture, et créer une atmosphère dans la maison, pour un nombre de patients qui ne serait pas au-delà de quatre ou cinq, pour des clientèles qui ont un certain potentiel de stabilité. Pour ceux-là, il y en a plusieurs. Il y en a 600 placés à Hippolyte-Lafontaine, madame. Il ne faudrait que, demain matin, on les sorte tous.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... de les sortir, mais on s'inquiète de celles qui y sont, par exemple.

Mme Létourneux: Pas au complet, pour certains, je dirais. Il y a deux problèmes. C'est qu'il faut leur donner la clientèle qui leur convient et que ce ne soit pas une clientèle trop lourde. Le deuxième problème, c'est le suivi de ces familles, madame. Dans le suivi de ces familles, il faudrait leur donner la façon de procéder avec les patients, les voir régulièrement, voir ce qu'est la vie d'un groupe de quatre patients dans une famille d'accueil. Cela demande un suivi très régulier pour soutenir nos familles d'accueil, leur donner des temps de répit. Par exemple, au CSS, cela fait trois ans qu'on demande que nos familles d'accueil aient ce qu'on appelle des services de répit pour pouvoir permettre un suivi régulier. On en a encore besoin et il y a là un avenir immense, à la condition qu'elles soient très bien suivies.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous les avez obtenus, ces services de répit pour vos familles?

Mme Létourneux: Non, madame.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le suivi est sur quelle base? Il y a eu beaucoup de critiques sur le suivi des familles d'accueil.

Mme Létourneux: Oui, madame, avec raison.

Mme Gagnon: Je peux vous donner l'exemple de Louis-Hippolyte-Lafontaine. À Louis-Hippolyte-Lafontaine, on a 600 patients en famille d'accueil, avec actuellement 40 appartements supervisés. Cela veut dire que ce sont 40 autres patients qui sont plus jeunes. J'ai d'autres projets pour les jeunes, quand on parle de la désinstitutionnalisation. Pour s'occuper de tout cela, j'ai cinq travailleurs sociaux pour les ressources. Quand on dit le suivi des ressources, cela veut dire qu'ils doivent superviser les familles d'accueil. Ce n'est pas...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez cinq travailleurs sociaux pour combien de familles d'accueil?

Mme Gagnon: Je pense que c'est pour 600 patients en famille d'accueil. Cela veut dire environ 150 familles d'accueil.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): 150 familles, plus vos appartements supervisés, plus votre projet de développement.

Mme Gagnon: Oui. J'ai sept travailleurs sociaux qui s'occupent des bénéficiaires, dans les ressources. C'est divisé ainsi. Quand on parle du soutien auquel Marie-Claire fait allusion, c'est-à-dire le soutien aux familles elles-mêmes, cela me donne cinq praticiens

qui développent toutes les ressources, qui sont responsables de développer des foyers de groupe, des appartements supervisés, en plus des familles d'accueil qu'ils doivent suivre. Ce n'est pas énorme; on ne peut pas...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, ce n'est pas énorme.

Mme Létourneux: II faut faire le recrutement des familles d'accueil, il faut faire leur éducation, il faut faire le suivi de ces familles d'accueil, et il y a cinq praticiens. Ensuite, il faut donner la supervision aux animateurs et à tout ce monde-là. Aux problèmes aigus qui se présentent, il faut répondre. Maintenant, on vous a dit que le suivi des familles - je suis totalement d'accord avec vous - a souvent été extrêmement déficient. À ce moment-là, cela a toujours été à cause d'un manque de personnel. Par exemple, nous en sommes arrivés quelquefois à avoir des praticiens qui avaient 70, 80 et 100 patients en familles d'accueil à suivre. Madame, cela veut dire faire la ville. Elles ne sont pas toutes dans le même territoire. Il faut quand même aller les voir. Nous avons encore des familles d'accueil à l'extérieur de la ville, c'est-à-dire qu'elles sont un peu éparpillées. Quand un travailleur social, un après-midi, va visiter trois familles d'accueil, parfois, il a fait à peu près 60 milles.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: J'ai seulement une courte question parce que vous avez répondu à plusieurs de mes préoccupations. C'est sur les chambreurs errants, comme on les appelle, ceux qui vont chez soeur Bonneau, à l'Oeuvre de la soupe, ceux qu'on voit un peu partout dans le bas de la ville, qui se ramassent dans les hôpitaux, surtout à l'hôpital Saint-Luc; avez-vous une attention spéciale pour eux pour essayer de recenser ces gens ou un programme pour venir à leur secours?

Mme Létourneux: Le service de réseau d'aide est un service qui est extrêmement intéressant et qui fait des choses très positives. Quand vous nous demandez si on a des projections vis-à-vis de cela, c'est que nous nous sommes occupés d'une clientèle venant des hôpitaux par l'entremise des départements de psychiatrie. La clientèle dont vous parlez, ce sont souvent ceux qui viennent peut-être une fois de temps en temps à l'urgence, mais qu'on appelle les gens qui ne veulent pas d'un suivi psychiatrique, qui sont du type des itinérants. Pour ces gens-là, après avoir parlé très longuement avec ce service du réseau d'aide, il faudrait penser aux ressources qui seraient encore beaucoup plus souples que les appartements supervisés, des ressources qui seraient comme ces hôtelleries où il y a le respect de l'itinérance de cette clientèle qui refuse totalement la sédentarité. Il faut permettre cette approche, leur dire qu'il est possible de venir habiter à tel endroit quand ils en ont besoin. Mais quand ils n'en veulent plus, monsieur, ils n'en veulent plus! Il faut respecter cette attitude d'itinérance pour toute une catégorie de cette clientèle et il faudra accepter de vivre avec une clientèle qui forme cette espèce de marginalité, mais qui ne veut pas des services, même si on est prêt à lui en offrir. Il y a environ 8 % de la clientèle des urgences psychiatriques qui refusent, mais catégoriquement, tout suivi par n'importe quel thérapeute. Ce qu'il faut leur offrir, c'est cette espèce de service qui est un service au besoin. Ce service disponibile du style hôtellerie où, vous savez, on n'en demande pas trop à la porte d'entrée et où on a une porte de sortie aussi quand ils en ont besoin. On respecte cela. C'est vraiment leur besoin. Il faut savoir que, pour ces gens-là, il ne faudra pas mettre tout un système de réadaptation avec les... C'est un peu comme le retour au travail des psychotiques. Je pourrais vous parler longuement de l'expérience qu'on a faite. C'est un peu penser, monsieur, dans l'idéal.

M. Laplante: Je suis un peu beaucoup d'accord avec ce que vous dites. La forme d'hôtellerie dont vous parlez - je me suis même amusé un soir à écrire un projet de sept ou huit pages chez moi, j'aurais dû l'apporter ici, cela aurait peut-être été utile...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous l'apporterez aux travaux de la commission, on pourra s'en inspirer.

M. Laplante: C'était détaché, ce sont des idées... Cela me faisait aussi penser à une époque où je travaillais dans le bas de la ville et que je côtoyais continuellement ces gens-là. Je me demandais quelle forme d'aide on pouvait donner à ces gens-là. Un soir, en prenant des notes, je m'étais inspiré de tout cela, j'en suis venu à cette conclusion: l'hôtellerie. Mais la forme qu'elle pouvait prendre, franchement, je ne pouvais pas la définir, le genre d'hôtellerie qu'on pourrait avoir pour eux.

Mme Létourneux: On a une idée actuellement. On sait, par exemple, que, pour cette clientèle-là, la rue Saint-Hubert, la rue Saint-Denis et les chambres et pension... Je rêve qu'un jour on puisse offrir des chambres et pension qui soient bien tenues et qu'on les aide avec quelques animateurs qui viendraient faire une sorte de supervision dans les chambres et pension. Si

vous me donniez un réseau de chambres et pension avec deux animateurs, dans quinze jours je pourrais organiser cela, je vous assure. À ce moment-là, dire comment est-ce qu'on leur offre cette espèce de liberté à l'intérieur de cela? je ne sais pas, vous me dites que vous les avez vus...

M. Laplante:... côtoyés même.

Mme Létourneux:... et moi, j'ai vu beaucoup d'intinérants, et, le goût que j'avais, c'était de respecter cette espèce de goût qu'ils ont de l'itinérance. Quand il fait beau, il ne faut pas les mettre dans un système que nous avons décidé. Parler de travail à ces gens-là, monsieur, moi cela ne me fait rien, mais je vous assure qu'on apprend, c'est une tout autre philosophie de la vie qu'ils ont et, à ce moment-là, je ne suis pas sûre qu'il faille leur passer la nôtre nécessairement. Il faut avoir ce respect, comme je dis, de la porte d'entrée et de la porte de sortie, où on ne leur demande rien. (15 h 30)

II y a même des familles d'accueil où on est allé parce qu'il y avait des plaintes, figurez-vous, sur une famille d'accueil où il y avait cette grande liberté. J'ai interrogé les patients, parce que la plainte laissait croire que cela ne devait pas être très bien tenu, parce qu'on n'était pas assez strict sur les heures d'entrée et de sortie. Mais les patients étaient tellement heureux là, vous savez. Il y en a une qui m'a dit: Oui, mais, une fois de temps en temps, aller me promener sur la "main", j'ai toujours fait cela dans ma vie. Écoutez, qu'elle aille donc se promener sur la "main" et qu'elle revienne donc seulement le lendemain matin; elle avait 43 ans et elle avait toujours fait cela. Quel respect on pourrait peut-être avoir de cela et dire: Elle est revenue le lendemain matin, puis après? C'est cette espèce de liberté qui dit: Pas de porte fermée. Dans mon foyer de groupe, par exemple, il y a des jeunes. Vous savez, il y en a un qui avait commencé à travailler. Il est arrivé avec son premier salaire. Tout le groupe qui a travaillé, une fois, est arrivé avec le premier salaire, figurez-vous. C'est sûr, madame, ce sont des Québécois, ils sont entrés avec la caisse de bière au foyer de groupe en disant: On fête ce soir. Enfin, on a notre premier salaire. Ce qu'on leur a montré? C'est comment boire, comment on boit de façon normale, sans se saouler, comment avoir du plaisir puis vivre une vie normale.

Au foyer de groupe, est-ce défendu? Non, ce n'est pas défendu, c'est contrôlé. C'est fait avec une espèce... Comme on ferait chez nous. Le premier salaire de votre jeune gars ou de votre jeune fille, qu'est-ce qu'ils ont fait, vous pensez, s'ils ne sont pas allés fêter cela? Pourquoi mes gars au foyer de groupe ne feraient-ils pas pareil?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Votre enthousiasme vous emporte.

M. Laplante: Elle est intéressante, que diable!

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, Mme la Présidente. À la page 26 de votre mémoire vous avez constaté, et je crois que c'est très important, que le mouvement de désinstitutionnalisation et la mise sur pied du système de soutien qu'il présuppose exigent, au moins pour les premières années, un investissement financier supplémentaire, principalement dans le secteur social.

Alors, avez-vous des modèles réels ou théoriques que vous avez analysés pour en arriver à cette conclusion?

Mme Létourneux: Oui, l'expérience qui a été menée depuis maintenant cinq ans dans la région sud-est a prouvé ceci: c'est que, si vous ouvrez un foyer de groupe actuellement, le coût d'un foyer de groupe pour son existence et son fonctionnement est d'à peu près 150 000 $ à 160 000 $ par, année: salaires des animateurs, etc. Mais ce foyer est voué à l'échec si vous n'avez pas un travailleur social pendant la première année à temps plein sur ce travail. Il faut absolument qu'il soit d'une présence continue, ne serait-ce que par rapport à l'intégration et par rapport aux voisins. Il faut y penser aux voisins qui voient arriver un foyer de groupe. Il faut que le praticien social soit extrêmement présent. Il faut absolument un choix de la clientèle au tout début. Alors, au tout début, l'expérience que cela nous a donnée, c'est que cela a demandé un praticien social à temps plein pendant un an. Alors, à ce moment-là, on vous dit que c'est un investissement. Dans la deuxième année, déjà, il peut prendre un peu de recul quand cela va bien, et, maintenant, on en est à un travailleur social qui donne trois jours par semaine à un foyer de groupe pour huit clients, pour six appartements satellites et pour ceux qui reviennent maintenant, parce que cela fait tout un groupe à un moment donné. Ils sont maintenant à l'extérieur en appartements, mais ils reviennent souvent au foyer de groupe pour l'animation, etc. Là c'est trois jours par semaine.

Alors, quand vous dites l'investissement que cela a demandé au tout début, à ce moment-là, j'ai dû me priver, j'ai été à Maisonneuve-Rosemont et j'ai dit à ce moment-là: On ne répondra plus à la clientèle d'une équipe pluridisciplinaire. Ils ont accepté cela à Maisonneuve. Ils ont dit: Pour ton expérience, on va te le donner,

mais, pendant ce temps-là, on ne répondait pas aux 60 % de la clientèle qui retournent chez eux et qu'il faut voir aussi.

Alors, quand on dit: II faut l'investissement, c'est un investissement extrêmement massif au tout début, ne serait-ce que pour se faire accepter dans le milieu par les voisins. Il y a toute une histoire au foyer de groupe. Comment on s'est fait accepter par les voisins? Alors il faut que le travailleur social soit extrêmement présent. Dès qu'il y avait la moindre crise, nous étions immédiatement sur place. Des patients qui font des crises avec la police qu'on appelle, etc., cela arrive. Ce sont des cas lourds, ces jeunes-là. Alors, il y a un jeune qui a fait un vol à main armée, à un moment donné, et il est revenu au foyer avant que la police arrive. À ce moment-là, il faut une présence continue, savoir quoi répondre, ce qu'on fait immédiatement. Il faut cette présence pour continuellement soutenir les animateurs. Si je vous donne cet exemple, cela vous fait comprendre la présence des travailleurs sociaux que l'ouverture des appartements supervisés demande.

Mme Dougherty: Et à long terme? Vous parlez uniquement de l'hébergement protégé. Si on examine la possibilité d'établir toute une gamme de services de plus en plus légers selon le cheminement de chacun, est-ce que vous avez calculé le coût à long terme?

Mme Gagnon: Je voudrais ajouter à ce qu'on disait pour répondre dans ce sens-là. Il y a deux choses. Actuellement, dans la documentation qu'on a pu lire, surtout américaine, sur les expériences en Californie et à New York avec une clientèle de jeunes adultes schizophrènes chroniques, s'ils sont des jeunes adultes schizophrènes toute leur vie, ils peuvent vivre dans la communauté, mais il est prouvé maintenant que ces jeunes adultes pourront continuer à y vivre pour autant que les programmes continueront d'être maintenus. On ne peut pas penser, même s'il y a des coûts supplémentaires plus élevés dans les deux ou trois premières années, qu'ensuite on diminue beaucoup. Les coûts peuvent être diminués un peu, mais les programmes doivent continuer à exister. Nous parlons d'hébergement, mais c'est l'hébergement avec des services associés. C'est clair, parce que la personne qui vit dans la communauté doit avoir des lieux où aller -j'aime moins parler de travail, parce que c'est plus difficile - des activités occupa-tionnelles significatives pour elle.

Je voudrais ajouter que ce qui m'a beaucoup frappée quand j'ai lu la documentation, ce qui est un peu différent d'ici, c'est que toutes les expériences, même celles qui ont été faites à Montréal, ont toujours exclu jusqu'à maintenant les clientèles qui n'avaient pas de famille, qui avaient des problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie ou qui avaient des tendances suicidaires et homicidaires. La désinstitution-nalisation, c'est peut-être un terme nouveau, qui est à la mode, si on veut, mais les travailleurs sociaux, je pense que cela fait longtemps qu'ils en font. Maintenant, ce qu'on nous demande, ce qu'il y a de désinsti-tutionnalisé... Je prends l'exemple de Louis-Il. où il reste 2500 patients. Ce sont des clientèles très difficiles, c'est-à-dire des clientèles qui ont des problèmes de comportement, qui sont dangereuses, qui peuvent avoir des tendances suicidaires ou homicidaires ou qui souvent n'ont plus de famille. Dans la documentation américaine, la famille c'est extrêmement important. Les psychiatres et les travailleurs sociaux travaillent beaucoup avec les parents même si les jeunes ne demeurent plus chez les parents. Ce sont des choses qui jouent, auxquelles on ne pense pas toujours, mais on est aux prises avec cela à l'heure actuelle.

Mme Dougherty: Merci. C'est très important, parce que...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voulais simplement dire à Mme la députée de Jacques-Cartier qu'on a posé à plusieurs groupes la question de l'évaluation des coûts. Il n'y en a pas, sur une base assez... En général, ce que les gens nous disent, c'est qu'au moins dans la phase de transition ou pour une période de cinq ans cela exige des coûts supplémentaires. Peut-être qu'à moyen et à long terme cela pourrait se rééquilibrer, mais penser faire cela en économisant, on va finir en fin de compte... Au point de départ, parfois, ils arrivent. Il semble, d'après les expériences qui ont été faites, qu'ils peuvent faire des réaménagements. Hier soir, on a accueilli un groupe de déficients mentaux qui nous a dit: On en a réintégré 100, on est déjà sur la corde raide et on est obligé d'arrêter parce qu'ils ont fait les réaménagements qu'ils pouvaient faire avec les... Enfin, les détails, je ne vous les donnerai pas.

Mme Dougherty: Je crois que c'est un point très important parce qu'on accuse souvent - je crois que plusieurs mémoires l'ont fait - le gouvernement d'être motivé par une volonté d'économiser. Effectivement, c'est l'inverse qui va se produire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est-à-dire...

Mme Dougherty: C'est peut-être un meilleur service pour les clients, mais cela coûte plus cher à la société.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Évidemment, ce sont des intentions qu'on a...

Une voix: C'est cela.

Mme Dougherty: Pour être réaliste, il faut savoir cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais c'est à la condition... On peut désinstitutionnaliser, faire du - que disaient-ils cet après-midi? - dumping.

Mme Dougherty: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À ce moment-là, cela va peut-être finir par faire faire des économies, mais si on parle d'une véritable réinsertion sociale, c'est ce que M. Bernard disait, on ne peut pas penser dans la période de transition - c'est ce que vous disiez - à des économies, sinon on entre dans le circuit ou le cycle de la porte tournante.

M. Bernard: Si vous me le permettez, ce n'est pas que ce domaine. On peut imaginer, par exemple, que la politique scolaire viserait à démanteler les polyvalentes pour le bien des enfants. Imaginez-vous ce que peut coûter la période de transition pendant le morcellement des polyvalentes pour recréer les écoles de village. Cela va être énorme. Fermer la Faculté de médecine à Sherbrooke, cela va coûter une fortune, beaucoup plus cher que le coût actuel. C'est dans tous les domaines. Cela, à cause des économies d'échelle qu'on a voulu développer dans les années soixante, à juste titre, peut-être, pour améliorer les services en concentrant et en faisant des économies d'échelle. À partir du moment où, je ne dirais pas qu'on revient en arrière, mais qu'on retrouve un modèle qui est beaucoup plus décentralisé, là, il y a deux modèles en parallèle qui continuent et c'est cela qui coûte cher. Peut-être qu'à moyen terme c'est difficile à chiffrer parce qu'il y a des comportements de société là-dedans, mais peut-être qu'en l'an 2000, effectivement, cela coûtera moins cher, compte tenu des autres facteurs. Ce qu'on vous dit et ce qu'on dit au gouvernement, et je pense que c'est l'ensemble des députés qui est concerné, c'est: Allez-y "mollo", faites attention.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On a eu à la commission parlementaire... C'est parce que notre collègue nous a rejoints, on en est fort heureux aujourd'hui, c'est le Dr Laurin, à qui on a posé la question. À un moment donné, j'avais eu l'impression qu'on pourrait le faire par une réallocation de l'argent qui est accordé aux grandes institutions, aux grands hôpitaux psychiatriques, en faveur des ressources intermédiaires. Il nous a dit: Non, c'est un ajout de ressources que cela prend. Je pense que c'est assez général comme sentiment. Ce qu'on ne sait pas, c'est l'ordre, comment on va chiffrer cela. Il ne faut pas s'illusionner si on veut vraiment parler sérieusement de réinsertion sociale. Y a-t-il d'autres questions?

M. Pratt: Non, je n'ai pas d'autres questions. Remarquez que ce n'est plus le syndrome des portes tournantes, c'est le principe de la porte ouverte, je retiens cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On vous remercie beaucoup pour la présentation de votre mémoire et au besoin, comme je l'ai dit à plusieurs autres, quand la commission continuera" ses travaux sur un plan plus interne, si on. a besoin d'informations supplémentairaire on se permettra de vous contacter. Merci beaucoup.

M. Bernard:. Nous sommes à votre disposition et si on peut vous donner des chiffres, on essaiera.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci bien. On va suspendre la séance pendant deux minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 43)

(Reprise à 15 h 49)

Conseil consultatif des citoyens de l'ouest de l'île de Montréal

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La commission reprend ses travaux et le Conseil consultatif des citoyens de l'ouest de l'île de Montréal est déjà rendu à la table. C'est Mme Smith qui est présidente?

Mme Smith (Evelyn C): Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous voulez bien présenter vos collègues avant de passer à la présentation de votre mémoire?

Mme Smith: Oui. Est-ce que vous m'entendez?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Très bien.

Mme Smith: Bon. À gauche, Mme Lucille Arsenault. V.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On se connaît déjà.

Mme Smith: Ah bon! Vous l'avez rencontrée hier après-midi.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.

Mme Smith: Pour le bénéfice de l'assemblée, je dirai qu'elle fait partie de la Commission pour la santé mentale du CRSSS de Montréal. Elle est aussi responsable du Club Bienvenue, comme vous le savez déjà. À sa droite, Mme Francesca Farish, ex-présidente du conseil; elle fait aussi partie du Parrainage civique, l'organisme qui va vous parler après nous, et aussi de Friends for Mental Health, que vous avez entendu hier après-midi. À sa droite, M. Francis Caporale, conseiller et éducateur au Lakeshore Vocational Projects Association inc.

Pour commencer, ce qu'on veut dire... Vous avez déjà vu notre titre, vous savez qui nous sommes. J'avoue que c'est un peu petit. Je ne sais pas si vous pouvez voir. Vous remarquerez qu'on a 15 tableaux; ce ne sera pas trop long. Presque tous sont bilingues. Pour nous, dans le West Island, évidemment, c'est important. On a des malades psychiatriques anglais et français, enfin qui parlent l'anglais et le français. Tout le monde compte. Je vais lire simplement en français nos recommandations que vous avez déjà à la dernière page de notre mémoire.

Premièrement, des fonds gouvernementaux suffisants pour la mise sur pied de services communautaires postpsychiatriques recommandés par la communauté. Deuxièmement, un nombre égal de représentants de la communauté et de professionnels dans chaque comité chargé de décider de la dépense des fonds pour des ressources alternatives. Troisièmement, réalisation d'une campagne d'éducation pour le grand public en matière de maladie et de santé mentales - les deux sont importants - et formation des professionnels, à chaque étape de leur carrière, afin d'améliorer leur connaissance et leur compréhension des services communautaires. Je dois dire qu'on va évidemment parler de ces trois recommandations une à une.

On arrive au tableau 3: Services communautaires. J'ai choisi une petite partie du discours que M. Jacques Grand'Maison, de l'Université de Montréal, fait au congrès de la FCLSC, l'année dernière. C'est assez récent.

Ce sont des services - les services communautaires - offerts par un exemple magnifique de partenariat entre les réseaux naturels d'entraide, les groupes bénévoles et les services institutionnalisés. A real partnership of self-help groups, voluntary groups and professional services. So, we have a slightly different slant. Le partenariat, pour nous, cela veut dire partenaires égaux. Tout le monde là-dedans décide quels services sont nécessaires, met ces services sur pied, est responsable pour leur gestion. Je ne dirai pas cela en anglais, ce n'est pas nécessaire.

Ce qui est important là-dedans c'est que pour nous le partenariat veut dire que les professionnels ne sont pas plus importants que les autres ou que la communauté. Us travaillent ensemble pour aider ceux qui comptent le plus, évidemment les malades. En anglais on appellerait ça "a caring community".

Le quatrième tableau est pour vous rappeler que notre mémoire est basé sur le séminaire que le CAC a organisé, à la fin du mois d'avril justement pour la communauté entière du West Island afin qu'elle puisse décider ce qui est nécessaire.

Ici, vous voyez les priorités à court et à long termes des besoins psychiatriques posthospitaliers décidés par la communauté du West Island. Ici j'ai mis: groupes d'entraide, "volontaires" et professionnels. On a eu quatre ateliers: Le premier pour les problèmes d'hébergement; le second, travail et occupations professionnelles parce que quelquefois il est essentiel de trouver du travail pour les malades; le troisième, loisirs et le quatrième, famille.

Remarquons qu'il y a des différences entre les problèmes d'hébergement et les problèmes de loisirs. L'extraordinaire, ce qu'on a trouvé, c'est que tous les ateliers ont rencontré les mêmes difficultés comme on verra plus tard.

Quatrième tableau, c'est simplement en français. Il s'agit des priorités qui ont été choisies par l'atelier sur l'hébergement. C'est ce qu'on a demandé à tous les ateliers à la fin de la journée pour la réunion plénière pour simplifier un petit peu toutes les idées qu'ils avaient données partout. Cela a été choisi par l'atelier sur l'hébergement.

Qu'est-ce qu'on a à court terme? En premier, des programmes de soutien de jour et de soir. En second, un réseau de soutien structuré pour parents de foyers d'accueil et parents naturels parce qu'ils ont besoin de quelque chose d'autre que ce qu'ils offrent chez eux. Troisièmement, une meilleure communication entre psychiatres, familles et foyers d'accueil.

À long terme, ils ont d'abord demandé un réseau de familles d'accueil, auquel participe le client, avec programme structuré. En second, soins pour malades chroniques - j'expliquerai cela dans une minute. Troisièmement, éducation du public.

Ce qu'on voudrait ajouter, c'est qu'évidemment les programmes sont très importants parce que, si on habite chez soi ou dans un foyer d'accueil, il faut quand même quelquefois qu'on sorte, si c'est possible, pour ne pas devenir - normalement, on dirait pour ne pas devenir fou. Évidemment, si on est un malade psychiatrique, cela devient encore plus important.

Il ne faut pas oublier que ces malades sont si mal organisés qu'ils ne savent pas choisir pour eux-mêmes. Il faut que quelqu'un

d'autre fasse un programme pour eux. Sans programme de soutien, les familles de malades sont encore plus seules qu'auparavant parce qu'alors tout retombe sur elles sans relâche.

On voudrait signaler, malheureusement, le besoin urgent de meilleures communications entre les psychiatres et les familles. Ce n'est pas le seul groupe qui a dit cela.

Quant on parle de malades chroniques, au moins dans le West Island, on parle de jeunes schizophrènes. La maladie commence à paraître d'habitude entre les âges de 25 et 35 ans et, à cause du "baby boom" juste après la guerre, évidemment, il y a toute une population nouvelle de schizophrènes, laquelle on aurait dû vraiment planifier. Évidemment, c'est à cause de cela qu'il y en a une plus grosse proportion qu'auparavant.

Il faudrait signaler aussi que dans cet atelier il n'y a pas eu de grandes demandes pour des appartements avec surveillance, etc., mais c'est peut-être une caractéristique du West Island. C'est peut-être différent pour cela.

Je passe au tableau 6. C'est l'atelier pour travail et occupations professionnelles. Ils ont choisi, à court terme, un programme de jour structuré pour qu'on puisse apprendre ou réapprendre comment aller au travail, etc. Deuxièmement, l'éducation du public et, troisièment, le transport. Le transport, ici, cela veut dire deux choses: il faut avoir un meilleur réseau de transport public parce que dans le West Island, par exemple - c'est sûrement ainsi ailleurs dans la province - si on a un très mauvais système de transport public, cela veut dire que c'est très difficile pour les malades de se rendre à un centre de jour, évidemment. Alors, s'ils ne peuvent pas y aller, il n'y a pas de programme. D'ailleurs, ils auraient besoin d'un programme de soutien pour leur apprendre à se servir de ce transport public. L'idéal, c'est d'avoir, d'une part, des autobus et, d'autre part, un programme de soutien. À long terme, un centre de réhabilitation générale pour mettre à exécution ces priorités à court terme. Alors, on a besoin de quelque chose de vraiment plus grand pour faire tout cela.

Le 7e tableau, c'est l'atelier sur les loisirs. À court terme, on voulait une brochure sur la santé mentale. Deuxièmement, un comité de direction avec mandat d'établir un centre de jour. Troisièmement, un centre de jour offrant des programmes flexibles et variés, le jour et le soir, et è long terme un centre de jour qui serait un point de mire pour le développement des ressources communautaires. Ce qu'on voyait à court terme, c'était quelque chose qui offre au moins une certaine flexibilité, mais, comme l'atelier sur le travail, on voulait un centre de jour qui soit capable d'être développé beaucoup beaucoup plus que cela. Ils avaient toutes sortes d'idées excellentes que vous retrouverez à la page 6 de ce mémoire. Je n'ai pas envie de tout répéter. On reprendra une de ces idées plus tard. (16 heures)

Puis, c'est la famille. À court terme, une meilleure communication pour contrebalancer l'insensibilité des professionnels. 2. Service téléphonique de 24 heures pour répondre lors de crises et pour écoute et information. 3. Programmation d'un centre de jour. 4. Réseaux de ressources et de soutien communautaires pour la communauté francophone. Dans le West Island, il y a fort peu, tout court, mais, pour les francophones, il y a encore moins. À long terme, ils voulaient un centre de jour polyvalent. Alors c'est la même idée que l'atelier de loisir. Cela revient toujours. En second, une maison de transition sous surveillance pour clients en voie de réintégration.

Ce qui était vraiment effrayant pendant cette journée du séminaire, c'est l'insensibilité des professionnels; cela a été signalé tout au long de la journée du séminaire et c'est cet atelier-ci qui l'a dit le plus fort et encore plus amèrement que les autres.

Tableau 9, ce sont les décisions des ateliers. Comme je le disais, ils ont travaillé séparément, mais chaque atelier trouve essentiel en premier d'établir un centre de jour polyvalent; 2. de mettre sur pied un système de services intégrés et coordonnés; 3. d'améliorer la communication et la collaboration entre psychiatres et professionnels et les malades et les familles des malades; 4. d'organiser une énorme campagne d'éducation sur la santé mentale et les maladies mentales.

Franchement, cela dit tout sur ce tableau. 10. Nous reprenons la seconde recommandation où on parlait du nombre égal de représentants de la communauté dans les comités. Un nombre égal de représentants de la communauté et des professionnels dans chaque comité chargé de décider la dépense des fonds pour ressources alternatives, et pourquoi? Pour répondre aux besoins particuliers de la communauté parce que, s'ils se sentent impliqués, ils penseront un peu plus à ce qu'ils font. En second, pour permettre une approche intégrée des services postpsychiatriques. Sur cette approche intégrée, on trouve très important... C'est bien joli d'avoir quelque chose là et ailleurs, mais, s'ils ne savent pas exactement ce qu'ils offrent, cela veut dire qu'il y a des lacunes un peu partout. On entend toujours que cette approche intégrée des services qu'on offre est absolument essentielle. Elle nécessite la collaboration de la communauté, des paraprofessionnels, des professionnels et du gouvernement pour être bien faite.

Quand on parle d'égalité, du nombre de

représentants, cela dépend un peu. D'un point de vue, on peut dire égalité pour l'égalité du nombre et ailleurs évidemment, par exemple à la commission de la santé sociale, Mme Arsenault est presque seule comme représentante de la communauté parmi tous les professionnels, mais cela ne fait rien puisque, pour nous au moins, elle a une valeur égale à celle de tous les professionnels qui sont là. Ailleurs, on parle d'égalité dans ce sens-là. 11. On donne un mauvais exemple actuel d'un comité aviseur pour ressources alternatives. En noir, j'ai mis ici P pour professionnel et C pour représentant communautaire. Le premier, c'est un psychiatre de l'hôpital A, professionnel évidemment; directeur des services professionnels, hôpital B; département de santé mentale, DSC; 4. Clinique communautaire, qui n'est pas une clinique communautaire dans notre sens à nous, ce sont des professionnels qui font tout... On pourrait dire une clinique locale. Centre D, c'est un centre dans un hôpital où les malades vont pour un programme qui est structuré pour eux; 6. Un conseiller du service de santé mentale du CRSSS; 7. Coordonnateur régional pour ressources alternatives; enfin, un représentant communautaire qui a été nommé. Pendant longtemps, c'était le seul. 9. Organisateur communautaire d'un CLSC. Le dixième représente un groupe d'entraide communautaire aussi. Qu'est-ce qu'on a? On a huit professionnels et deux représentants communautaires.

Remarquez que seulement les deux représentants communautaires habitent dans le West Island. Vous voyez qu'ils n'ont pas le sens de... C'est pour nous qu'on voudrait qu'ils l'aient.

Il y a deux solutions évidemment. Ou on réduit le nombre des professionnels à cinq et on en nomme cinq de la communauté, on pourra en avoir dix comme auparavant, ou on garde les huit professionnels, on en ajoute pour avoir huit représentants de la communauté et on en aura seize. C'est possible. On devrait cependant ajouter que déjà le CAC - c'est nous - a obtenu du CRSSS de Montréal la réponse qu'il est prêt à augmenter le nombre des représentants communautaires. Il s'agit simplement maintenant pour les communautés du West Island et de Verdun de se rassembler et de décider qui seront les six autres représentants communautaires.

Ici c'est la troisième recommandation. En premier, la réalisation d'une campagne d'éducation pour le grand public en matière de maladie et de santé mentales. En second, la formation des professionnels à chaque étape de leur carrière afin d'améliorer leur connaissance et leur compréhension des services communautaires.

Franchement, on est venu ici à la sous- commission qui représente le gouvernement et, à part évidemment les fonds - sans les fonds c'est difficile de faire quoi que ce soit - nous trouvons que votre grande tâche c'est peut-être d'essayer de réaliser cette campagne d'éducation pour le grand public. Ce serait peut-être une priorité très sérieuse à laquelle vous devriez songer parce que maintenant la maladie mentale est devenue un des trois sujets tabou de la fin du siècle. Les deux autres sont la mort et AIDS.

Une voix: Le SIDA.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le SIDA.

Mme Smith: Oui, vous savez, cette nouvelle maladie. Vous connaissez Rock Hudson?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je connais davantage sa maladie que lui-même.

Mme Smith: Enfin, vous avez compris. Ce qu'on dit, c'est que, si on veut lancer une campagne efficace sur la maladie mentale, ce n'est pas assez de parler, comme on l'a fait auparavant, surtout de santé mentale. On entend beaucoup parler de santé mentale mais pas de maladie mentale, et c'est là qu'on a besoin d'éducation.

Il faut expliquer à tout le monde qu'il y aura toujours une proportion de malades psychiatriques qu'il faudra garder à l'hôpital. Il faut reconnaître cela sans discussion; mais, pour faire accepter et réintégrer les autres, leur communauté et le grand public devraient savoir aussi que quelquefois la maladie mentale ne frappe qu'une seule fois et elle ne revient plus.

Il y a les maladies chroniques qui devront toujours être contrôlées de manière efficace avec les drogues, mais ces malades-là peuvent aussi être réintégrés dans leur communauté. Qu'ils soient malades une fois seulement ou de façon chronique, ils auront tous les deux besoin de programmes de soutien structurés pour eux selon les différents types de maladie.

Quand on parle de la formation des professionnels, pour ne pas mâcher mes mots, il faut en même temps une transformation complète des manières de penser et d'agir des psychiatres en particulier, on dira envers tout le monde. Qu'ils travaillent avec des travailleurs sociaux, les familles, le malade, on dirait qu'ils n'ont pas le don de savoir comment communiquer avec ces gens-là pour pouvoir travailler et collaborer avec eux.

Il faut absolument qu'ils soient convaincus eux-mêmes du moment qu'ils commencent à faire des études en psychiatrie que, si on montre la sorte d'indifférence qu'ils montrent, c'est une espèce de cruauté.

On voudrait donner des exemples. Vous reconnaissez sûrement celui-ci: Affaires sociales du Québec. Il nous a semblé que cela dit très bien combien le tabac est dangereux. C'est pour cela qu'on voudrait beaucoup que le gouvernement s'occupe, parce que tout cela coûte très cher...

M. Laplante:... Mme Smith: Pardon?

M. Laplante:... Mme Smith: Oh oui!

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Jim ne fume plus...

Mme Smith: J'ai ici une petite note, monsieur, qui dit: On comprend tout de suite, sans parole.

Ce qu'on voudrait vous demander, c'est de commencer maintenant à préparer de la publicité semblable pour expliquer la maladie mentale au grand public. Alors, évidemment, des affiches comme celle-ci, on peut les distribuer un peu partout. Celle-ci nous vient d'un CLSC. Cela peut aller dans les salles d'attente et même, quelquefois, si vous avez des campagnes, on peut les mettre dans les marchés, enfin partout... En plus grand, on peut faire la même chose sur les panneaux d'affichage. J'ai remarqué dans l'autobus en arrivant à Québec qu'on les voit tout de suite.

Troisièmement, évidemment, les annonces à la télévision, à la radio. En ce moment, à la fin de chaque programme de la CBC, on entend "Help Jerry's kids". C'est pour la dystrophie musculaire. On demande à tout le monde de donner jusqu'au 5 septembre, le Labor Day. Si on peut faire quelque chose comme cela pour la dystrophie musculaire, on pourrait sûrement faire quelque chose de semblable pour les maladies mentales. Les journaux pourraient faire paraître des annonces. Évidemment, c'est simplement pour expliquer en gros ce qu'est la maladie mentale. On pourrait reprendre l'idée de l'atelier des loisirs et demander une brochure sur la maladie mentale, parce que cela pourrait donner des détails beaucoup plus sérieux, des détails nécessaires pour qu'on n'ait pas trop peur de la maladie mentale. C'est cela qui se produit dans le grand public: on a peur. C'est pour cela qu'on ne veut pas savoir.

Le tableau 14. On y est presque.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II faudrait que vous vous hâtiez un peu.

Mme Smith: Oui, je n'en ai plus qu'une après cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parce que vous avez déjà dépassé de cinq minutes le temps qui vous était alloué.

Mme Smith: D'accord. J'ai presque fini. Ici, pour faire voir que la communauté devrait faire des efforts pour la publicité, on vous donne des exemples d'éducation populaire. Ce sont trois projets que le CAC espère réaliser l'année prochaine - enfin, en commençant en septembre - avec des fonds du ministère de l'Éducation, OVEP. Premièrement, la recherche sur la formation particulière de bénévoles. Pourraient-ils offrir des soins de répit aux familles de malades psychiatriques adultes? En même temps, recherche dans les soins de répit offerts par les établissements. Un travailleur social nous a, une fois, demandé s'il y avait une forme de "baby sitting" pour les adultes qui habitent chez eux et qu'on ne peut pas laisser tout seuls le soir si on veut sortir. On a dit: Franchement, on ne peut pas. On a besoin de bénévoles très dévoués pour cela, comme, par exemple, ceux qui offrent le service deux fois par semaine pour les familles de ceux qui souffrent du Alzheimer's Disease au West Island. En second lieu, mise sur pied d'un comité de conférenciers pour parler au grand public de santé et de maladie mentale. On va examiner cela pour voir ce qu'on peut faire. Ils seraient 'chargés de parler à toutes sortes de groupes. Par exemple, il y a beaucoup de groupes maintenant: les Grands frères et les Grandes soeurs du West Island iraient partout parler de ce qu'ils font, de leur travail pour trouver des bénévoles, etc. Peut-être qu'on devrait essayer de faire quelque chose de semblable. Troisièmement, un séminaire sur les problèmes de la jeunesse en 1986, surtout en santé mentale. Vous aurez remarqué que, dans notre mémoire, on a parlé justement des problèmes des jeunes. D'accord, ce n'est pas la peine de répéter.

Le dernier tableau. C'est ce que je voulais vous faire voir, parce que c'est "La collaboration générale", "All around collaboration", "Formation de tout le monde", "Everybody needs training". Au centre, vous avez le malade avec les belles flèches rouges, le psychiatre, la famille, les paraprofessionnels, l'hôpital, le réseau d'entraide professionnelle, le grand public, le gouvernement, les ressources communautaires et les travailleurs sociaux, tout le monde y met quelque chose. Si, par exemple, quelqu'un du grand public montre qu'il n'aime pas s'asseoir à côté d'un malade psychiatrique, c'est quand même une réaction, une mauvaise réaction, mais cela existe. Alors, évidemment, il y a cela. Mais, en même temps, l'important, c'est ce cercle ici, où tout le monde au moins commence à se rendre compte de ce que font tous les autres, pour éviter cette ignorance affreuse.

C'est ce qu'on a trouvé pendant le séminaire.

(16 h 15)

Les conclusions, très rapidement. Si le gouvernement veut vraiment faire des efforts pour réintégrer les malades qui en sont capables, on trouve qu'il a bien raison. Évidemment, on trouve que ce serait moins cher pour le gouvernement de les réintégrer dans la population, dans la communauté parce qu'un lit d'hôpital coûte très cher. D'autre part, c'est excellent parce que c'est tellement plus compatissant. C'est ça qu'on oublie le plus souvent.

Il faut signaler certaines nécessités urgentes. En premier, il faut adopter l'idée générale de services et ressources communautaires où c'est la communauté même qui prend ses malades en charge. Ils lui appartiennent. Deuxièmement, il faut se dépêcher d'établir ces services communautaires. On en a besoin de façon urgente aujourd'hui, pas dans cinq ou dix ans; chaque délai empire la situation. Troisièmement, il est essentiel de simplifier la méthodologie de la prise des décisions. On en a franchement marre d'être ballotés d'un comité à l'autre. Chaque comité dit qu'il peut faire des recommandations, mais il ne peut pas prendre des décisions. On finit par remonter jusqu'au ministre, c'est franchement ridicule et cela coûte très cher. Quatrièmement, l'éducation générale doit commencer tout de suite parce qu'il faut que le gouvernement comprenne que la maladie mentale est aussi réelle pour la personne et dangereuse que les drogues, l'alcoolisme, le tabac et il devrait être prêt à faire de la publicité là-dessus.

Je vous remercie de nous avoir écoutés.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie beaucoup, Mme Smith, et on remercie le Conseil consultatif des citoyens de l'ouest de l'île de Montréal. Il y a juste une première remarque que je voudrais faire. Après, je laisserai notre collègue de Jacques-Cartier poser les questions. Comme elle est très familière avec votre milieu, peut-être qu'elle nous mettra sur les bonnes pistes.

Eu égard à la question de l'éducation du public, c'est vraiment un point qui est revenu et qui a été souligné d'une façon importante - je n'ai pas fait de révision -par tous les groupes qui sont venus ici, je pense que je ne me trompe pas beaucoup, comme étant une condition essentielle de la réinsertion sociale et qu'il fallait briser ce mur, non seulement d'indifférence, mais parfois de rejet.

Je dois vous dire que la commission avait plusieurs objectifs, mais elle en avait un en particulier qui était, par cette consultation générale - on ne s'illusionne pas sur l'influence que cela aurait pu avoir - au moins apporter dans le public d'une façon organisée tout ce problème de la maladie mentale. À notre connaissance, c'est probablement la première fois que ce problème de la maladie mentale est discuté un peu plus en profondeur à l'intérieur de l'Assemblée nationale. Dans ce sens-là, c'est simplement pour vous démontrer que cette préoccupation que vous avez, comme tout le monde ou tous les gens qui sont venus ici, nous la partageons et que - enfin, je ne peux pas présumer des recommandations - cela entrera certainement dans les recommandations de la commission.

Je vous remercie encore une fois d'être venus. Je vais demander à la députée de Jacques-Cartier de prendre la parole.

Mme Dougherty: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais vous accueillir chaleureusement aux audiences de cette sous-commission.

Mme Smith: Would you like to talk to us in English?

Mme Dougherty: Pardon?

Mme Smith: Would you like to talk to us in English?

Mme Dougherty: Non, vous avez parlé français, je crois que je vais continuer en français.

Mme Farish (Francesca): Je ne comprends pas le français très bien.

Mme Smith: Would you prefer... Mme Dougherty: As you wish.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Sorry! I could have spoken English.

Mme Farish: J'ai compris madame, mais c'est parce que je ne comprends pas très bien.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): That is okay, the next time.

Mme Dougherty: I want to welcome you warmly here on behalf of the Commission and congratulate you for the quality of your brief and your presentation. I think that obviously your colloque, a couple of months ago, has jelled a lot of thinking and you have come up with some very concrete proposals which I think are very valuable. I was pleased to have been able to, very briefly, take part, be present at that seminar. I want to congratulate you for that initiative, as well as for the tremendous work that I know you and your colleagues do in the community of the West Island.

My first question touches on something

which appears to me to be fundamental here in your brief. You have made reference several times to what seems to be a gap in perception or a mentality gap. Actually, there are two, but it is the first one. You have the professionals and the community effort, and, then, the public at large. It is the gap that you have underlined in the mentality - I will use that word - between the professionals and the community-based effort. On page 2 - I do not know where it is in the English part; I have identified it in the French one - you have really made a statement which is very hard on professionals. I would like you to elaborate a little bit. You have said: "... Nous faisons preuve d'un optimisme modéré parce que, malgré l'existence d'un comité aviseur - you have reserves about the "comité aviseur" which gets the things off on the wrong foot sur les ressources psychiatriques alternatives pour la région sud de Montréal, l'expérience a démontré que les représentants d'organismes qui forment majoritairement ces comités sont incapables de saisir le concept de services communautaires. " Now, I think that is a tough observation and it seems to me to be fundamental to your criticism. It seems to me, unless some sort of a "rapprochement", a coming together, a facility, a community of minds and approach can be accompiished, that, despite all of the lack of resources, all of the other material things and human resources that are needed, that, until we have attacked that problem, if it, indeed, is a reality, we are not going to get very far. What I want to know in my first question is: What do you see as the mechanism or the vehicle by which we start to change, or bring together, or have a sort of meeting of the minds so that professionals and community-based effort can be complementary and not seen as separate or antagonistic?

Une voix: Do you want to answer that? Go ahead.

Mme Farish: I have been working with psychiatric patients for many years. I am a social worker - I used to be - I worked in the United States and I worked here. The problem seems to be that the hospitals are overcrowded, the psychiatrics are overcrowded, they do no have enough time to answer all the questions they should. They do not feel that they should take the family part of it. They are - I am sorry to say it -little gods. They say: You do that and this is that! The family, in their viewpoint, yes, is there but is not really part of it. They would not explain to the family what to do and what not to do, how to do it. Many times, I have a patient with... I work with Citizen Advocacy. I had a psychiatric patient which was a schizophrenic, a paranoiac, a manic-persecution - you name it, he had it. When I had him six years and a half ago, he was catatonic. I do not know if anybody knows the term "catatonic". You do? He was 38 years old. I practically had to drag him from the house, hold him by the hand, take him shopping, taught him how to cook, how to do anything. Now, this gentleman had been in a hospital for the last ten years, in and out, in and out, but nobody had followed him up. He was in and he was out. He had to take pills, 5, 6, 10 pills a day. Excuse me, were you trying to ask me something?

Mme Dougherty: Yes, you started up by saying they do not have time. Is it a matter of time? Is it a matter of attitude?

Mme Farish: I think it is both, a little bit of both. It is a matter of time and attitude. They feel that they have so many patients and they have to get through them. And as you know, I have to be critical of the system. They get paid according to how many patients they have. And as a soul, my patient should have 45 minutes. He barely gets 15 minutes and I have checked on the clock.

Mme Dougherty: So, what do we do about it?

Mme Farish: I do not know.

Mme Smith: I can pick you up on that, because, I think, in some ways, this is what came out during that day. You may have to make a sharp difference between the psychiatrists who are in a position which could be unassailable and, on the other hand, all the other sorts of professionals who could also improve their attitudes because - I was thinking while Francesca was talking - on this advisory committee we where talking about, where there are those eight professionals, that is a good opportunity, when you think about it, to bring people who are thinking about what kind of resources to give to the two DSC areas of Lakeshore and Verdun... It gives them that the more community reps who are on it, who can makes them feel that they got to think in a community way, the more they are going to start to do it. For a long time, as you know, the DSC Lakeshore was very reluctant to do anything with the community. Well, I have seen myself, over the last 18 months to 2 years, they started to want to come to meetings with the community and we more or less welcome them with open arms, and they liked it. And it works and they come up with good ideas. 5o that, now, with the two pre-CLSCs, we really do not feel the kind of anxiety that we would be pushed around, bossed about - you pay the taxes, you do as you are told - attitude that was

there before.

So that is a beginning and, far example, I think that, when this advisory committee of course oversees the funds for these two areas... But they are going to have to be either ad hoc committees to decide how to plan, for example, a day center. Well, that is not just made up of community reps, it is also got social workers on it, etc. The real difficulty is going to be to get the psychiatrist to come on to these committees and to understand in some way that it is a moral duty to come and take part. They are part of the community. They may live elsewhere, they may only work that part of the day but, so long, as we are talking about alternative resources, they are part of that community. That is really going to be the hard thing to do.

Mme Dougherty: What is the "Community Psychiatry Model" that you mentioned at the end of your brief in the recommendations? It is on the last page. Would you tell us about this?

Mme Smith: I will ask Francesca what she has about it.

Mme Dougherty: Is this the sort of a model of partnership that you envisage? Where does this operate? Tell us more about it?

M. Caporale (Francis): It has been the model in the United States for about the past twenty years and, when the effects of deinstitionalization were being felt in the United States, the model of community psychiatry was instituted. It involves the entire community. It has local centers where different kinds of services are provided. Different approaches are all used in the same place or locally so that simply a medical approach is not considered sufficient, but a medical approach, a social approach, an approach that involves the community, involves the use of existing resources, involves the normal community and its resources as much as possible. It responds to the community needs, develops specialized ones and essentially is working in the community with patients during culturally relevant things, things that are suited to them, more or so. (16 h 30)

Mme Doughterty: But, you are referring to it. What is this organism? What is this body that puts it all together? That is what I have not quite got hold of?

M. Caporale: All right. We have talked about a rehabilitation centre, a comprehensive rehabilitation centre, one that looks at the whole person, takes the person essentially where he is, does not have a preset program and, then, try to squeeze somebody into it.

Mme Dougherty: Yes, but who runs this? I am trying to look at the...

M. Caporale: The community, members...

Mme Dougherty: I understand what you are driving at in terms of service but it is a question of who is it? Because...

M. Caporale: The community.

Mme Dougherty:... it is not an extension of the Government.

M. Caporale: No.

Mme Dougherty: You are trying to get at some sort of community-based outfit. But I want you to define it a little bit?

Mme Farish: Who is it, a community-based outfit?

Mme Dougherty: Is it run, is it headed by the community? Does it have a community board of directors?

Mme Farish: Yes.

Mme Dougherty: Are they professionals on it? Or do the community hire the professionals? How does it work?

M. Caporale: It has a community board of directors. It employs professionals, it uses volunteers, it uses all sorts of different resources to make it work. It does not have the kind of hierarchical or authoritarian structures, let us say that an hospital or institution has. It does, not have the constraints of union, it does not have the waste of money that those things can bring about. So it is more responsive to the community, and it involves the community and it is run by the community.

Mme Dougherty: As a last point here, because I am sure my colleagues have some questions too. You put a stress on the need to reeducate or educate professionals, and I presume volunteers and everybody who is in the mix. Who should be responsible for this kind of... In a way what you are suggesting I think, in terms of professionals, is a kind a deprofessionalization. You hate a lot that our society is too professionalized: if you are not a professional you are nobody and so on, and what we need is a sort of, like the deinstitutionalization, a deprofessionalization to a certain extent. But who do you see as being responsible? Would this body that you are talking about in the community also have

a responsibility for reorienting or changing attitudes and the training even of people?

Mme Smith: Could I just pick up on that? I think, again, we are going to come to the differences between the different sorts of professionals. We had, as our first speaker for that seminar, an excellent psychiatrist, Dr. Kussin. The reason we asked him to come from Toronto was because he does precisely what only a trained psychiatrist can do and appreciate in the training of other psychiatrists. And that is, that, when they have done their theoretical stage and whatever it is you have to do when you are being trained to be a psychiatrist, you then carry on and learn what it is to be a mental patient and everything that, appertains to that because he does what you might call the training of adult psychiatrists in community resources and everything that that entails. What we are saying is that this is a really vital part of the new young psychiatrist training these days. The work he is doing, I do not know how much is a pioneering thing to do but it is very much needed because, unless you go to hospital, as we do have one in our area, where there are some young psychiatrists who are themselves willing to go out and seek new methods either of treatment or since part of the treatment can be how people react by going out of hospital into the community and all of that, unless they are themselves willing to do it, you get a nasty impression that nobody else can exactly force them to. So, what we are saying is that right from before they leave to go in practice in the community these psychiatrists need to understand that it is not just the patient, that the patient is surrounded by a mass of other things which are all important and it is the duty of the psychiatrist, who all through will be the closest contact for a period of time with that patient, to find out to know ail about these things, because, you see, he can use them. If he does not, he is actually depriving himself of a whole lot of resources. So, we put over... I think that the psychiatrists have to be seen slighty differently.

Mme Dougherty: A catalyst. Mme Smith: I beg your pardon?

Mme Dougherty: A person who catalyzes the whole thing.

Mme Smith: And then, at some point, of course, the patient does not need the psychiatrist quite so much or perhaps the hospital therapy quite so much. So, then you move on to something else. But, obviously, if you are having a kind of follow-up from the psychiatrist who is still responsible for you, you need to know about it. At the moment, you get the impression that it is disconnected where it should not be. I know that other groups have talked about the lack of follow-up. I mean, you matter as a patient, if you are in a group home or if you are living at home or ought to, to all these professionals, the social workers and the others who are less, say, remote. I think the community has to make more benefits, perhaps to give them the opportunity to welcome them when they come or to push at them if it is necessary.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député d'Ungava.

M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. Ma question s'adresserait è Mme Smith. Si vous êtes plus à l'aise pour répondre en anglais, il n'y a pas de problème. Je vais vous poser ma question en français.

Dans votre exposé tout à l'heure, vous mentionniez que, dans le West Island, il y a un sérieux manque de ressources au niveau de la réinsertion sociale. Il y a d'autres groupes du West Island qui sont venus devant nous, hier ou avant-hier, qui nous ont fait part de la même chose. En tout cas, votre séminaire semble avoir sensibilisé une partie de la population au problème. Il me semble qu'il y a encore quelque chose qui accroche parce qu'on sait qu'il n'y a rien là. En fin de compte, c'est tout de même pire qu'une région éloignée en fait de services. Est-ce que ce serait le manque de dialogue, je ne sais pas, entre les intervenants, le centre médical, le CLSC ou le CSS? On n'en entend pas souvent parler. Est-ce que ce monde-là se voit ou essaie d'implanter quelque chose? Il semblerait que, là, on parle sur le plan des idées, des grands projets, mais la base même, personne ne semble se préoccuper qu'il y ait des foyers, des centres d'accueil. Est-ce que certains hôpitaux dans d'autres régions font des efforts de ce côté-là? Les CSS? Dans votre région, est-ce qu'eux font des efforts avec la population pour essayer d'amener au moins un minimum de services?

Mme Smith: Quand on parlait de ce comité aviseur et les responsables de deux DSC, celui de Lakeshore qui appartient au Lakeshore General Hospital et l'autre, le DSC de Verdun, qui a la chance d'appartenir au Douglas Hospital, l'impression très forte qu'on a eue, c'est que - Verdun n'est pas vraiment dans le West Island, mais on est ensemble pour les ressources alternatives, évidemment - on dirait que le Douglas Hospital fait beaucoup plus d'efforts pour obtenir des ressources additionnelles dans la communauté. Il a un centre. Tandis que le Lakeshore General Hospital a charge d'une énorme population - cela va jusqu'en Ontario,

c'est ridicule. En plus, comme disait Mrs. Farish, les psychiatres n'ont pas vraiment le temps de faire ce qu'ils devraient faire. Alors, tout retombe sur la "outpatient clinic". Eux aussi n'ont vraiment pas le temps de faire, et c'est pour cela qu'on a encore plus besoin des ressources alternatives.

En plus de cela, j'ai pensé en venant ici, aujourd'hui, par exemple, que, moi, j'habite une ville, Dollard-des-Ormeaux, qui célèbre cette année son 25e anniversaire. Ce qu'on a, c'est une population du West Island qui est si récente qu'il faut faire encore plus d'efforts pour trouver quelque chose pour tout ce monde-là. Ce n'est pas comme une population bien établie, par exemple, quelque part à Montréal. On a un peu cela en plus. D'autre part, on a beaucoup de bonne volonté communautaire. Dans le West Island - on parlait des handicapés adultes cet après-midi - il paraît que les services pour enfants handicapés sont parmi les meilleurs de l'Île de Montréal; c'est parce qu'il y a eu assez de parents du West Island qui avaient vraiment beaucoup de soucis pour cela et qu'ils ont fait des efforts énormes. Alors, il y a des écoles spéciales, ceci et cela. Il y a même des parents qui habitaient à Montréal même et qui sont allés vivre dans le West Island parce qu'ils avaient des enfants qui avaient besoin des services qu'il y a là.

Évidemment, on n'a jamais eu assez de fonds dans le West Island pour une population croissante et, franchement, on a souvent un peu l'impression qu'on est oublié dans le West Island. On a toujours l'impression que nous, nous sommes trop riches, nous avons trop d'éducation, etc. Mais, au fond, la santé mentale, c'est comme si on se cassait une jambe; cela arrive. Qu'est-ce qu'on peut faire? Il faut bien faire quelque chose, on ne peut pas laisser tomber les gens. Tout ce que nous avons dit, ce sont les mêmes problèmes partout au Québec, évidemment.

M. Lafrenière: Juste une autre petite question. Vous m'avez dit, pour les enfants, que vous aviez de bons services et, pour les adultes...

Mme Smith: Les enfants handicapés. M. Lafrenière: Les enfants handicapés?

Mme Smith: Handicapés, ce n'est pas la même chose.

Une voix: Retardés.

Mme Smith: Retardés, oui.

M. Lafrenière: Les handicapés mentaux.

Une voix: Intellectually handicapped.

Mme Smith: Yes.

M. Lafrenière: Oui, et pour les adultes, vous n'avez pas cela?

Mme Smith: Non.

M. Lafrenière: Est-ce que cela peut être dû au fait que, je ne sais pas, dans les années cinquante ou soixante, on cachait nos malades et qu'aujourd'hui on a moins peur de les sortir et de s'en occuper?

Mme Smith: Peut-être, mais pour les malades psychiatriques, franchement, il y a eu si peu dans le West Island que c'était vraiment difficile. Les efforts du Club Bienvenue, bien, c'est le Club Bienvenue. Il y aurait toute une partie de la population qui n'aurait rien du tout et on va... Bientôt, on espère bien que le centre de jour qui avait été ouvert pendant six mois seulement avec des fonds du gouvernement fédéral, bien, les fonds étaient épuisés au bout de six mois... Impossible de trouver des fonds en plus. Plus de centre de jour! Pourtant, cela avait bien aidé une autre section de la population adulte. Mais, il faut bien faire quelque chose.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une seule question, parce que le temps passe et on a pris un petit peu de retard. Est-ce que vous avez tenté des démarches auprès des municipalités du West Island? On a eu ici des gens qui sont venus nous dire qu'il fallait impliquer les municipalités dans tout cet effort de développement de ressources et de réinsertion sociale. Comme vous parlez beaucoup de la communauté et qu'il faut que cela parte de la communauté, etc., est-ce que vous avez impliqué ou tenté d'établir des contacts avec les municipalités ou comment réagissez-vous à cette suggestion qui est faite pour que les municipalités occupent plus de place dans tout ce problème de réinsertion sociale?

Mme Farish: There is not only one municipality. It is all in the West Island. There are so many and it is impossible to ask each one. What we need is homes, foster homes for what we need. In the municipalities, first of all, they always fight between themselves, so we cannot get it. Secondly, it will be too much for them, because what we need is after-care, is a foster home, a support for the system, people that look after those psychiatric patients after they come out of the hospital.

At the moment, we don't have anything. It is all volunteer. Whatever we do is on a one-to-one basis, but it is a volunteer effort. We don't...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): You

must have public leisure... Une voix: Recreation.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... recreation?

Mme Farish: Not for the psychiatric patient.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux: No, but the municipality must have some.

Mme Farish: Well, I suppose they have, but the psychiatric patients do not go there, because they feel... They are unable to participate.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): That is why I am asking... Anyhow, is an avenue that should be explored?

Mme Farish: It is a possibility, but I don't think we will get anything!

Mme Smith: One of the problems, I think, is that you get different reactions in any case from different municipalities. There are some which are very much geared to voluntary service and will do an enormous amount, who like to be kept informed not just of this, but, for example, CLSCs, setting up CLSCs and so on and so forth. You have others which stick like glue to their mandate that they only have to worry about sewage systems, water supply and leisure.

And, yes, you have a point that, perhaps, if they wanted to... My town, for example, they could certainly, but they don't. They don't, you know, provide facilities, leisure facilities for the mentally ill.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): No, but I think... Il me semble que, si les municipalités étaient approchées - je comprends qu'elles ne sont pas toutes prêtes et tout cela; il faut faire leur éducation comme les autres - il y a des ressources qu'elles pourraient mettre à la disposition...

Mme Arsenault (Lucille):... l'éducation des adultes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela, ou encore les commissions scolaires. Il y a des ressources dans le milieu qui pourraient être mises à contribution. Mais, enfin, c'était juste une suggestion. Oui, madame?

Mme Arsenault: J'aimerais dire que si nous avions les ressources de base, par exemple, les foyers et les centres de jour et tout ce qu'il nous faut, les maisons de transition, l'information, les centres de crise et tout ça, nous pourrions certainement aller aux municipalités pour les loisirs, c'est entendu, mais il nous faut des ressources de base, premièrement. (16 h 45)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Au nom de la commission, je désire vous remercier pour votre présentation. Nous réexaminerons en commission privée, si je peux dire, ce mémoire-là. Merci.

Parrainage civique de ta banlieue ouest de Montréal

J'invite le groupe du Parrainage civique de la banlieue ouest à se présenter. Mme Farley? Mrs. Farley, would you like to introduce your...

Mme Farley (Joan): Yes, I was going to ask her to introduce me, because she happens to be my daughter. We have one supporter with us here today, my husband and her father. So, I will let her start. Marie-Claire Tanguay.

Mme Tanguay (Marie-Claire): My name is Marie-Claire Tanguay, as my mother has just told you. I think that we should try to keep it short and sweet, so I will just go over the brief in English, just to, refresh your memory a bit. Citizen Advocacy is a very small organization in the West Island. We have five permanent staff members, at times augmented by other people who are working on grant, but we have five permanent employees. We have two satellite offices: one in Roxboro and one in Dorval, with one person working at each-Citizen Advocacy attempts to match volunteers, citizens on a one-t-one basis with people who are handicapped. The handicap is not limited necessarily to psychiatric patients, although as you can see, we do have about 50 psychiatric patients who are matched with citizen volunteers, one of whom is Mrs. Farish, whom you just heard before. We do have now about 265 handicapped people in the West Island who are matched with citizen volunteers who help them on a one-to-one basis. Some of them are seniors and some of them are intellectually handicapped and so on. It depends. The numbers are all here, if you want to refer to them.

In regard to psychiatric outpatients or any other psychiatric patients that come in contact with our offices, Advocacy, we would like to say that their general needs are in support, in the support areas, once they have been discharged from the hospital. I am sure you have heard - I heard it this afternoon - mentioned times several revolving door syndromes and the problems with deinstitutionalization. Once people are out of the hospital, they are in great need

of support in order not to return to the hospital.

In regard to the services in the West Island, we did have, about two years ago, a day centre, called Omega Centre, and we did send in the back of the brief some information, details about the returns to hospital for the people who were at the day centre. I think it is Annexe 2. You can see there that for the people who went to Omega, which was a psychiatric day centre run for six months, there was only one read mission. In the control group run by the hospital, the Lakeshore General, people who did not for whatever reason want to go to Omega, there were four réadmissions. So you can see that once support systems are in place in the community, the recidivism rate goes down dramatically. This is one of the things that we have recommended in our brief.

I do not know whether you want me to go into all the details of the background of deinstitutionalization, because I am sure you have heard it all week many times, so I will refrain from going into that.

On page 4, the third part of our brief deals with the present state of community-based programs for psychiatric patients in the West Island. We mention in there that there are now only two community-based services for persons; they are very small. One is for older women, club Bienvenue, and the other one is ourselves; we provide the matching service. We have, since May, instituted a proposal for another day centre much like Omega; it has been accepted and it is going to open in September. So, we are very happy about that. I think that it is fantastic that another day centre like Omega will open in the West Island and it will be a service provided.

The problem is that the great number of psychiatric patients in the West Island cannot be dealt with properly by the Lakeshore Hospital. Every three months, they have 150 new admissions. That does not count people that are going back in, being readmitted. Every month, the outpatient clinic sees 800 people; 800 appointments are made. This is an incredibly large number of people. We have 50 people matched. 5o, you can imagine the great number of other people in the community who need to be served. So, the day centre is a beginning and this is something that we are very pleased about.

The recommendations that we made all deal with support systems in the community that people need, because that is what we are directly involved with, providing support for psychiatric patients in the community via our citizen advocates. So, we see a great need there. All of our recommendations revolve around this, a support system which we feel is very necessary. I think that I should just mention that we have included families here as deserving of support in respite care, in financial assistance or in any other kind of assistance that they might need because we think that is very important too.

I rest my case. If there are any questions, please ask.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Thank you very much. We are very interested in getting a brief from a group that works with - how do you say it in English - "parrainage civique"?

Mme Tanguay; "Parrainage civic".

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Citizen advocacy. We have heard about it quite a few times during these audiences; we had another group that came to us. I would like to ask you to what extent you get involved with the patient? Is it in terms of a sort of support or to really help the patient get through all this obligations? I mean, to what intensity do you work with them?

Mme Tanguay: Perhaps we might give you a few examples.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes.

Mme Tanguay: For instance, going back now a few years, we had a lady who had been referred to us, she was a psychiatric patient and she lived in Dorval. She had two young sons; her husband was long since gone and she had been in and out of hospital many times. The social worker that was dealing with that case felt that those children should be removed and put into a foster home and that the mother should be put into a hospital. I said: Over my dead body will that happen!

These two boys loved their mother very much. She loved them. They had no problems. They were good kids; they did well in school, but their mother was very ill. So, what we did in that case was, first of all, we decided with the advocate that we had gotten for her what her main problems were and we decided there were two. We brought this lady with her advocate to our office to discuss all that. One of them was that she could not control the spending of her money, which was welfare, and the other one was that she did not take her medication. So, we arranged with the welfare office for the advocate to get the cheque and when that cheque arrived each month, she would sit down with this lady and they would pay her rent and her Hydro and telephone bills, etc., and then, she would give her X number of dollars. I think she gave her the money every two weeks for her food and so on.

That went on for probably at least two

years. The two boys agreed to take on the chore of making sure that their mother took her medication. This did not work. It was too easy for the mother to say no to the children, you see, and so, what we did was that we recruited seven nuns who lived in a convent near her and we had one of those nuns go in every night to watch her take the medication, have a little chat with her for just five or ten minutes. That relationship built up to the point where the sisters were inviting the family over for dinner and kept track of the boys at school, because they happened to be teaching in the school they were in. So, there was this great group that were all involved.

Now, today, if you met that lady, you would never dream that she was a psychiatric patient. She still is a psychiatric patient and always will be, but she came to our Christmas party last year and I did not even recognize her. She just looked absolutely gorgeous, all dressed up, and she was able, out of her welfare money, to save enough money to take a trip out to Winnipeg and she is just doing beautifully. She still has her advocate who does not see her now nearly so often, but at least sees her once a week, maybe has lunch with her or they go out to a shopping centre or something like that.

We have another team like that who are working with another psychiatric patient in the area near where I live, with a lady who was out on the street brandishing sticks. All the neighbours around were terrified of her. They would not let their children out to play because they were afraid this lady was going to kill them. The daughter of this lady came to see me and said: Mrs. Farley, do you think you could help my mama? I said: We can help your mama and we will. Again, we went to all her neighbours. We got about six neighbours, all who knew this lady quite well. They had lived in this neighbourhood for many years, but they did not know what to do for her and they did not know how to help her and they did not know how to approach her or how to talk to her. They were afraid of her.

We brought them all down to our office. We had one of the VON nurses come in and give them a session on how they could help her, what kind of things they could do for her and so on and so forth. Again, today, that lady is in great shape, but she has to have that help. They monitor her medication all the time and they take her sort of... One day, one of them will go over and have coffee with her. Another one will take her out for lunch. It is the relationship that is the key. It is the love, the caring of that person, for that person that is the answer to helping psychiatric people and, in my opinion, it is the only thing that helps them. They can take pills from now until a hundred years from now, if they do not have somebody who cares about them, who is not being paid to care about them, they just are not going to be able to come to the kind of stable state that these people have been able to come to. (17 heures)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Do you have a hard time recruiting your advocates?

Mme Farley: Yes, we do. It is a very difficult job to recruit advocates. It is an ongoing thing that we have to be doing constantly. We do it all the time. We do have publicity campaigns. We are preparing for one now for the fall, but it is something you do all the time. Everybody you talk to -I am sure Joan would back me up on that because she knows I am always after people. So, I always say: You do it everywhere you go: you do it at parties, you do it at wakes, you do it everywhere. If you do not do that, you know, it is the one-to-one that gets people involved.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Have you recruited the Deputy for Jacques-Cartier?

Mme Farley: Not yet, but we are going to. It is not an easy thing to be an advocate. It is difficult, it is lonely. You are out there by yourself. It is not like being a volunteer in a group, where you have maybe staff people around and people to help support you and so on and so forth. And even though we follow up on all of our advocates and we do give them a good training course and try to help them as much as we can, in the final analysis, when they are out working as advocates, they are doing it alone. I am not with them, nobody is with them. They are there with the person on their own.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Perhaps not here in Québec, but in the United States or in some other countries, I do not know, do the advocates go as far as taking some type of legal responsibility for their...

Mme Farley: Yes, they do that. We have three that are doing that right now. They are curators.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): They are curators?

Mme Farley: Yes, private curators.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes.

Mme Farley: That is something that is very difficult, of course, as you know. We

ran two public meetings this spring. One of them was on curatorship and we had the Public Curator's Office come and do a presentation. We also ran a meeting on wills and trusts, because parents of handicapped people are not really... They are really in a bind to know what to do with their will or how to leave their money and so on and so forth. I happen to be a parent of a handicapped person. I have a 35 year old son who is both intellectually retarded and psychiatric and he is at home. Many people say to me: Well, Joan, why have you still got Paul at home? After all, he is 35 and you are getting old. I say: There is nothing out there good enough that I would let him go into. And I mean that, sincerely.

As far as deinstitutionalization is concerned and normalization, they are a joke and they should be stopped until the proper plans are made, the proper kinds of money are put forth to make the services run properly and well. I see people out there who have been deinstitutionalized, who are living in abject poverty, filth. You would not live like that and you would not let anbody you know live like it, nor would I. I would not want to see my kid out living like that. I think it should be stopped. I think it is a scandal and it is the whole philosophy that was grabbed on to by governments right across North America, because it was going to save millions and millions of dollars. But it has been at the expense of the handicapped people and their families who suffer enormously just watching what is happening to them. I will not allow that as long I am alive. When I am dead, there is nothing I could do about it, but I hope...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): I wonder, Mrs. Farley, if you were here earlier?

Mme Farley: Yes, I was.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Did you see the...

Mme Farley: The audiovisual?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes.

Mme Farley: Yes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): I am not trying to convince you that deinstitutionalization, if it is the time to do it or do it as fully as, perhaps, some people plan to do it but, on the other hand, we have had testimonies, at least on a couple of occasions, of what appears, for as much as we could judge, as good success in deinstitutionalization.

Mme Farley: I will not quarrel with that. There propably are instances where it is done well and it is good. I know that just two weeks ago, we had an advocate, for instance, who was working on behalf of an intellectually handicapped young man who had been put out into an appartment and because of her, that young man was taken out of that appartment and put back into a group home because he should never have been in an appartment. He was a severe epileptic, he was having very bad seizures all the time and he was at great risk.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): I think that what you are pointing out is the fact that - I think that we are all aware of this, like the group before you and everyone that has come - resources are still very sparse.

Mme Farley: Well, you see, the whole think...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): They are scarce and before we do proceed with general deinstitutionalization, it seems that we have to think of bringing in more resources. It is not only a matter of money...

Mme Farley: No.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): I am talking for myself because I have not discussed this with my colleagues. I also get the impression that there could be a better utilization of resources if there was a better coordination, better consultation and perhaps less rivalry - I cannot think of another word...

Mme Farley: You are right on. First of all, I am the president of the corporation that is going to run the day centre in West Island. I am also the president of a corporation called Connection 3, which came out of a coalition that we started last year at Citizen Advocacy. We have been doing a program now for about five years which we call Citizen Advocacy in Industry, where we have been going into companies, trying to educate them to the problems of the handicapped on the job market. I am very into public education. So, what I did was I brought together all the groups on the West Island that were concerned with finding jobs for handicapped people, all handicaps. After much carrying-on, we put a proposal together to start an employment agency for handicapped people and disadvantaged people, which we sent to both the Federal Government and the Provincial Government.

The proposal was vetoed at the local manpower office federally and the Provincial Government never even responded. We have not even had a letter, an answer saying: "Go

to hell" or "We think this is terrible or great" or anything. I called and called and called and never got an answer.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Which government?

Mme Farley: It was just completely ignored. So, at the end of last year, I got a charter for this organization which we call Connexion 3, the connexion 3 being the employer, the employee and the agency. Now, we have expanded that board and we are trying to bring in business people. We have, for instance, the director of personnel from Pfizer. We are trying to get other personnel people from different companies. That is going to have different components. First of all, we are going to, hopefully, be getting a fair amount of money from the Commission de formation professionnelle, to do training programs with all the different kinds of handicapped people to prepare them to go to work. Each one of the organizations involved in this corporation has outlined on own courses, the kinds of training courses they want for their people, including psychiatric patients. Then, there will be that phase, there is the education in industry. I would like to see our industry program into that corporation. Then, we would want to get into the job search, the placement and the follow up.

What you were mentioning a few minutes ago about working together, this is very difficult because each one of those people have got their own turf and they really do not want to work together. I am having an awful time trying to push and shove them to say: Do you not see that we can be more successful, it will cost a lot less money, we can do a better job if we have X number of placement officers out looking for jobs. If the person involved with psychiatric patients finds a job that is not suitable for psychiatric patients she could then hand it over to the group of intellectually handicapped or physically handicapped people or single women who are trying to get back into the work force. It is not an easy thing to do. We are having a hard time getting them to do this. But I hope it is going to be a success. We have no money, I mean like not one nickel. So far, the monies that have been used have come out of Citizen Advocacy: the stamps and whatever, letters and so on. That is a project that we are trying very hard to get going.

The other one that we have done is the curriculum for the schools, which Marie-Claire has written, with me pushing and shoving her, and it is a curriculum for grade 1 right through to grade 11. We have it in both English and French. This is a program that hopefully, if we can ever get it into the schools, would make certainly a more caring society. Any child that would have this program for eleven years could work with any kind of handicapped person, could be a caring person, would have all the skills of how to get services, how to be an advocate, how to speak out on behalf of people, how to run a publicity campaign, how to form a coalition, how to do almost anything you would mention.

However, we cannot get it into the schools now. We have it approved by the Ministry of Education to be used as a local program, but we have not got the money to market it. There is our proposal. As you can see, it is just done on a Xerox machine. The other problem we have with this course is that we come from this little organization stuck in a little corner down in Pointe-Claire and we come to educators and said: We have this marvelous curriculum. They say to themselves: It is impossible. How could those people know anything about education? We do not have any credibility with them because they think we are stupid. So, what do we do with that?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Thank you, Mrs. Farley. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Seulement une courte question. Vous desservez les Français et les Anglais avec le parrainage civique que vous pouvez faire. Avez-vous des hommes dans votre recrutement?

Mme Farley: II y a un homme qui travaille dans cela.

M. Laplante: Dans le recrutement des bénévoles?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parmi les avocats, est-ce qu'il y a des hommes?

Mme Tanguay: Oh yes! Do we have men in that?

Mme Farley: Oh, yes, of course.

M. Laplante: Des fois, c'est juste dévolu aux femmes. Ils peuvent avoir gardé ce concept. D'accord.

Dans les comités de citoyens, tous les bénévoles que vous avez... Le "West Island", pour nous et pour la plupart des gens, on y voit tout de suite un coin où les gens sont beaucoup plus à l'aise qu'ailleurs au Québec. On y voit un coin d'argent. Les bénévoles que vous rejoignez se trouvent dans quel milieu? Est-ce qu'ils se trouvent dans un milieu professionnel? Est-ce qu'ils se trouvent dans un milieu de travailleurs?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): I will translate it for you.

Mme Tanguay: They are from all classes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): The deputy assumes that you live in an area that is more prosperous, where there are more prosperous people living. He is wondering from which social group do you recrute your volunteers? Is it from professionals? Is it from the business world or is it from workers, from where? (17 h 15)

Mme Tanguay: It could be from anywhere. We have advocates who are accountants; we have advocates who are housewives; we have advocates who are teachers, people who work in institutions. We have advocates from all walks of life and all social strata.

Mme Farley: We have some that are welfare people, retired people...

Une voix: Retired people.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Retired.

Mme Tanguay:... all different kinds of people. It is quite interesting, really.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: First of all, you mentioned here in your brief the project Omega that operated for a short while, seemingly, according to your evaluation, very successfully. I think in the back of your brief you cited some figures even as to how it appeared. At least, you did a bit of a study on the Omega versus a controll group which cut down what you call "the revolving door syndrome". Could you tell us a little bit about the Omega program and why you think it was so successful? Was it - I have forgotten it myself - government supported for a short time, where you got a grant from the...

Mme Farley: It is a work grant that we got for six months and when we got that grant, we were under the impression that we were going to have Provincial Government moneys by the time it was finished. Actually, I would not have accepted the money because I would not have taken that money to just start something and then have to close it up. I mean, in my opinion, it would have been a waste of my tax dollars, but we were assured that these moneys were going to be forthcoming and, of course, as you know, they were not. So we had to close up, but it was strictly a community-based project and I think - considering it had to be done in quite a great hurry - that the programs were good. Marie-Claire did the evaluation. She has that kind of expertise to be able to do that.

Mme Tanguay: Well, it was a Day Centre that was run on the idea that psychiatric patients who had just been discharged could go there at their leisure. They were not forced to go there. They could go if they wanted to. For instance, the animators might encourage them to go one day a week at the beginning, when they were just out of the hospital. Then, they might start going two days a week or three days a week. Those who had trouble with transport were given help or shown how to go on the bus. Somebody went to pick them up and brought them and so on.

The kind of programs they had were largely social, recreational, prevocational. The prevocational programs were not as strong as the social development programs and the recreational programs because the people were not ready. They had just come out of the hospital. As the day centre progressed, the programs became a little bit more heavily into prevocational things, like how to go to a job interview and what would you say, how would you dress and things like that. But, at the beginning, the day centre evolved, which is good, according to the needs of the people that were there.

At the beginning, at the opening of Omega, there were about eight people who came and towards the end, there were almost thirty every day. So, you can see that over not even a six month period, but maybe a five month period, something that began in a very small way became very large, so that we can see that the Day Centre was a good resource for these people because it gave them a chance to learn how to accept their handicap and how to relate to other people in a good way and, maybe, how to go out and get a job. So, the programs were very much geared towards getting people back into society, being able to talk to people in the community and then, going out and getting a job.

The Omega Centre used community resources as much as possible. For instance, they used a gym. They got on the bus and went to a community gym. They got to know the people at the gym, they played tennis, they ran or they did whatever. But it was good for them, because they got out in the community, they went to a library, they went to the shopping centre, so that when you were talking before about using existing community resources, they certainly did use them to a great extent, they ran all their programs around what they could use

Mme Dougherty: If folded because of lack of funds or the funds ran out?

Mme Tanguay: Right, the grant ran out and the provincial monies where not available to continue the day centre.

Mme Dougherty: Then, was it staffed professionally and voluntarily? Where was the cost?

Mme Farley: Oh yes, it was staffed by animators and a director.

Mme Tanguay: But, they were not social workers.

Mme Farley: Oh no.

Mme Dougherty: No, but I mean there was a cost involved in the staff.

Mme Farley: Oh yes, it was 60 000 $. That is what the grant was.

Mme Dougherty: Can I have one more?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes.

Mme Dougherty: One of your suggestions is that the Government contract to the private sector certain services, programs. I was interested in that; I do not know whether other groups made this suggestion...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): I think that the group from Contrefort...

Mme Dougherty:... do a certain amount of that.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... are doing this.

Mme Dougherty: Have you any examples...

Mme Farley: Well, the Omega is...

Mme Dougherty:... I mean, to contract a service with the private... You call it the private sector, it could be even a voluntary group that would be given some support...

Mme Farley: Well, that is, I think, what we...

Mme Dougherty:... as opposed to a grant...

Mme Farley: Well, that is...

Mme Dougherty: What do you see as the difference? I mean, why are you suggesting this as opposed to a grant?

Mme Tanguay: Because I think that the community-based groups know what the needs are and I do not feel that the Government can hope to meet all the needs in the community. The community-based people are there. They are working there. They are the front-line people. In fact, I would say Omega is an example of this kind of a contractual thing, because the people who made up the council, who got the grant from Omega knew what the needs were. They were the mothers, the fathers and they had these people in their houses. They were people who work with them in the hospitals who knew that they could not hope to meet the needs of the people.

So, those are - that is your base for getting at the needs - the community-based groups and if they get the contracts to run the services, you can be assured, in some way, of a quality service and you are getting at the needs...

Mme Dougherty: You do not think that a contract is more restrictive or has the potential of being more restrictive than a grant...

Mme Farley: Well, I think that...

Mme Dougherty:... restrictive in terms of the freedom of operation?

Mme Farley: Yes, well, I think you are absolutely right on that point and it is something that I am very conscious of now, as president of the West Island Council for Psychiatric Needs, because I do not know whether you know it or not, but our project has been approved and we are going to get the money to run the Day Centre. Now, this is going to be... There are certain things that we have been told we must do, okay?

Now, I have been trying to make it very clear to the people at the regional council that if they are going to give this money to a board of directors who are legally responsible for this service, they have to know that and appreciate that and they have to be willing to let that board of directors make its decisions. If it falls down and the thing goes kaput, well, that is the board of directors' fault.

Mme Dougherty: Yes.

Mme Farley: But, there is a danger there, yes, absolutely. I hope that if there is more and more of this done by the Government, this will certainly be addressed, this problem will be addressed to make sure that they just do not put all these irons in the spire, you know: You have to do this and you have to do that.

I have no problem with reporting on how the money is spent, on how the program is going, having it evaluated, any of those kinds of things. I mean, we have an

evaluation process in our proposal. But, I do have a problem with having government telling our board what kind of decisions they should make, because if that happens, I will remove myself immediately, because I would not work with it, because it is not fair and, also, I do not intend to take on legal responsibility for someone else's decisions.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): I want to thank you for your presentation. I think it was interesting for us because we had not heard of an Advocate before, a Citizen's Advocate, as you call them. I am sure it is something that we are going to go into further, to really find out...

Mme Farley: You know, we do have quite a few offices in the province. I started a few years ago, a provincial organization of Citizen Advocacy offices because our office was the first one. We have about ten offices that are bona fide offices, and we have others that are just trying to get going. This summer, at our office, we have had people from about four different places in Québec. We have given them a day or half a day, explaining to them how the whole thing works, giving them all of our documentation. It probably saved them six or seven months of work. So, it is growing.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Thank you very much Mrs Farley and Mrs Tanguay.

Mme Farley: Thank you.

Centre hospitalier Pierre-Janet

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Centre hospitalier Pierre-Janet. Je vais inviter le Centre hospitalier Pierre-Janet. Il nous fait plaisir de vous accueillir; vous êtes les derniers, mais vous n'êtes pas les moins importants. On a été obligé de vous déplacer; paraît-il qu'on a congé en Ontario - mais pourtant vous n'êtes pas en Ontario - le lundi.

Mme Saint-Laurent (Francine): Mais on a une influence ontarienne.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si vous voulez présenter ceux qui vous accompagnent et procéder immédiatement.

Mme Saint-Laurent: À ma gauche, M. Louis Dubois, psychologue du côté des adolescents et Mme Aurore Laura, infirmière psychiatrique en clinique externe adulte; à ma droite, le Dr Faudry Pierre-Louis, pédopsychiatre, et Mme Louise Letarte, chef de service des consultations externes au Centre hospitalier Pierre-Janet; moi-même, directrice des services hospitaliers.

Mme la Présidente, je voudrais d'abord vous remercier au nom de mes collègues et en mon nom personnel d'avoir retenu notre mémoire pour fins d'audition devant cette sous-commission. Vous avez sans doute remarqué, à la lecture de notre document, que l'ensemble de notre démarche s'articule autour de trois grands thèmes, à savoir la tolérance sociale, la dimension biopsychosociale dans le continuum santé et maladie mentale, et la notion de services intégrés et intégrants sur la personne souffrant de troubles mentaux en besoin de réinsertion sociale.

Au cours de notre étude, nous avons été à même de constater de nombreuses lacunes et déficiences dans notre système de soins. Le clivage entre les concepts de santé mentale et de maladie mentale contribue à entretenir les préjugés et l'intolérance sociale envers les individus souffrant de troubles mentaux. Il y a lieu de modifier ces attitudes, et nous aurons l'occasion d'y revenir et de vous proposer quelques solutions à cet état de choses.

Nous avons utilisé le concept de la personne humaine comme entité biopsychosociale, car c'est, à notre avis, l'une des voies prometteuses d'analyse des troubles mentaux et de la santé mentale dans une perspective d'intégration de la personne humaine. Ce concept est surtout présent dans notre discours sur la philosophie de l'intervention, et on le retrouve en filigrane lorsqu'il s'agit de définir les services à offrir à notre clientèle-cible, c'est-à-dire les personnes en besoin de soutien et de réinsertion sociale. (17 h 30)

Finalement, nous nous sommes attardés à définir une gamme de services: intégrés dans le rapport qu'ils ont avec les autres partenaires sociaux, et intégrants parce qu'ils sont sous la gouverne d'une équipe plurifonctionnelle qui se rend disponible aux divers partenaires sociaux. Étant donné la situation géographique particulière de la région de l'Outaouais, frontière d'Ottawa, nous avons aussi tenu compte des services déjà offerts de l'autre côté de la rivière. Nous savons qu'une bonne partie des résidents du Québec vont se faire traiter du côté de l'Ontario, étant donné que plusieurs de ces services ne sont pas dispensés du côté québécois. Je crois donc que notre région doit être regardée dans le statut particulier qui la caractérise. Cependant, la gamme de services intégrés proposés pourrait s'appliquer dans toute la province tout en tenant compte des particularités régionales.

De plus, nous ne croyons pas qu'à court terme, les moyens que l'on vous propose coûteront moins cher et ce, pour les raisons suivantes: la nécessité de maintenir l'ancienne structure de services pendant que la nouvelle structure s'installe; la création de nouvelles structures et de types de services peuvent entraîner une augmentation des

demandes. Mais nous pouvons vous affirmer qu'à moyen et à long terme, l'investissement serait rentable au niveau économique, social et humain. Prenons l'exemple dans le domaine de la santé physique où plusieurs programmes santé, action et publicité furent mis de l'avant. Aujourd'hui, les statistiques démontrent que la santé des gens s'est nettement améliorée. Tenant compte de la contrainte de temps, nous avons retenu quatre sujets sur lesquels nous vouions davantage attirer votre attention qui sont: le système d'information par le biais de la publicité, l'accessibilité des services spécialisés en santé mentale au sein des polycliniques, la déconcentration et la régionalisation des équipes des cliniques externes et le centre de réadaptation. C'est là l'ensemble des éléments de notre document qu'il me semble important de retenir aujourd'hui pour votre bénéfice.

Comme vous avez pu le constater à la lecture du mémoire, l'une des modalités proposées était la mise en place d'un système d'information. Nous voulons mettre l'accent sur l'importance d'une telle publicité qui visera à sensibiliser la population à la santé mentale, à la conscientiser face à cette maladie et ce, afin d'augmenter la tolérance sociale face aux patients qui souffrent de troubles mentaux. Les thèmes de cette publicité couvriraient les volets de traitement suivants: prévention primaire, connaître et prévenir les causes de la maladie, prévention secondaire, connaître les différentes modalités de traitement; prévention tertiaire, connaître les moyens pour atténuer les troubles résiduels. Nous croyons que par l'influence de la publicité le comportement et les attitudes des gens pourront être modifiés positivement. Cette publicité devra être sous la responsabilité du gouvernement, à savoir que des sommes d'argent soient consacrées uniquement à cette fonction, ce qui pourrait démontrer l'une des préoccupations majeures du gouvernement. Celle-ci devra se situer à deux niveaux: au niveau provincial et au niveau fédéral. Au niveau provincial, cela pourrait être à caractère général, où le bien-être de l'individu est la cible. Les spots publicitaires viseraient le développement du bien-être optimal, tenant compte des crises de vie que nous visons. À titre d'exemple, nous savons que le taux de suicide au Québec est le plus élevé. Nous pourrions, à l'intérieur de messages publicitaires, expliquer le déséquilibre biopsychosocial qui se produit et éduquer les gens sur les moyens à prendre pour retrouver cet équilibre afin que le suicide n'apparaisse pas la seule solution à cet état de déséquilibre.

Au niveau régional, cette publicité est particulière à chaque région où les établissements de santé doivent faire connaître les services dispensés dans cette région. Cette publicité s'attarderait surtout à informer la population sur les services disponibles dans sa région. Pour notre région, nous devons tenir compte de la concurrence ontarienne. Actuellement, les outils de promotion utilisés sont peu nombreux et les messages publicitaires ne se font que par périodes intermittentes, par exemple, la semaine de la santé mentale. Nous croyons que la publicité parlée, en utilisant la télévision et la radio, serait le moyen le plus approprié, étant donné que ces médias rejoignent un plus grand public. La fréquence de ces messages publicitaires devrait être continue, c'est-à-dire quotidiennement.

Après avoir consulté les tarifs de messages publicitaires auprès des chaînes de télévision, un budget de 500 000 $ devrait suffire pour une année de sensibilisation à la télévision. Il est sûr qu'il faudrait prévoir un financement pour les années subséquentes qui pourrait être moins quant à sa fréquence. Le succès de cette action dépend d'une intervention agressive de la part du gouvernement. Le gouvernement pourrait donc obliger les centres qui dispensent des services de santé mentale à consacrer des sommes d'argent à l'intérieur même de leur budget de fonctionnement pour fins de publicité. Tout ce projet devrait être sous la responsabilité du ministère, tenant compte de sa préoccupation dans ce dossier.

Je tiens à attirer votre attention sur un avis publié en 1983 par le Comité de la santé mentale du Québec concernant un programme d'information de masse en santé mentale. Après en avoir pris connaissance, vous y retrouverez un listage très intéressant de termes proposés pour les messages publicitaires. Ce projet de mise en place d'un système d'information n'est qu'une étape à la réalisation d'un service intégré de soins de santé. Vous pourrez inventer tous les modes de traitement, mais à quoi servent-ils si la population n'en connaît pas l'existence et encore moins sa raison d'être?

Le deuxième sujet dont nous allons vous entretenir, Mme la Présidente, est l'accessibilité aux services spécialisés en santé mentale au sein des polycliniques. Comme vous le savez sans doute, tout être humain aura à vivre des périodes de crise durant son existence. Ces périodes peuvent être situationnelles, et souvent d'ailleurs ces personnes souffrantes ont besoin d'aide pour leur permettre de surmonter ces difficultés. À l'heure actuelle, le soutien professionnel existant n'est possible qu'à travers les centres hospitaliers sous sa forme médicale ou dans un bureau privé de professionnels, d'où le coût excessif pour la moyenne de la population. La présence et l'accessibilité de professionnels de la santé au sein des polycliniques permettraient aux personnes souffrant de troubles mentaux de recevoir un soutien professionnel dans leur quartier et,

de plus, permettraient un dépistage précoce de troubles mentaux sévères. Ce mode proposé aurait pour effet de décongestionner les listes d'attente de demandes de consultation et de traitement que nous connaissons dans nos centres hospitaliers et de donner un accès direct aux soins psychologiques. Les modalités de ce service pourraient être qu'un clinicien salarié, spécialiste en psychothérapie soit localisé dans une polyclinique et rattaché administrativement à un centre hospitalier. À ce moment, le psychiatre serait un consultant, ce qui pourrait alléger de beaucoup son travail. Ce soutien peut donc se dispenser au moment où la personne souffrante fonctionne relativement bien dans son milieu naturel. L'implantation de ce type de services ne pourra réussir qu'avec la collaboration et la coopération des corps professionnels. Il faudra laisser de côté les guerres professionnelles pour desservir une population nécessitant ce type de soins.

Le troisième volet concerne, Mme la Présidente, la déconcentration et la régionalisation des équipes des cliniques externes. Une des politiques qu'il devient important de prioriser est la déconcentration et la régionalisation d'équipes plurifonctionnelles en psychiatrie communautaire. Actuellement, la majorité des équipes de cliniques externes se situent à l'intérieur même des centres hospitaliers qui se retrouvent en milieu urbain. Géographiquement, la province de Québec s'étend sur un large territoire, ce qui favorise les gens de la ville. Le concept de déconcentration et de régionalisation de ces équipes répond aux besoins de la population selon ses localisations, ce qui peut la différencier du milieu urbain au milieu rural.

Les centres hospitaliers délégueraient des équipes de cliniques externes permanentes dans les régions éloignées. Ces équipes devront tenir compte des ressources sur place ainsi que de la mentalité de cette communauté. De plus, l'accessibilité aux soins se verrait de beaucoup améliorée, étant donné que le client est traité à proximité de son milieu naturel. Cette régionalisation n'affecte en rien la raison d'être des centres hospitaliers. Ceux-ci demeurent donc les centres de traitement où l'on retrouve de l'ultraspécialisation et les équipes externes régionalisées ajoutent une complémentarité des soins qui est plus près du milieu de l'individu.

Comme vous avez pu le constater, Mme la Présidente, nous proposons une gamme de services intégrés les uns aux autres, gamme qui ne saurait être complète sans la création de ce que nous nommons un centre de réadaptation et de réinsertion sociale. Nous classifions les services intégrés selon quatre niveaux: le dépistage, l'urgence et la consultation; le soin proprement dit lorsque le handicap est reconnu et déterminé; la réadaptation, qui se veut un apprentissage du vécu avec un handicap mental; et la réinsertion sociale, entièrement liée au processus de réadaptation, en ce sens qu'elle permet au bénéficiaire une intégration sociale pratique et concrète qui tient compte du handicap dont il est affecté. C'est à ce stade que la personne perdra son statut de malade mental.

Nous voulons donc de nouveau attirer votre attention sur le type de clientèle à laquelle devraient s'adresser les services d'un centre de réadaptation. Nous nous adressons en priorité à la personne qui se reconnaît une certaine mésadaptation, en ce sens qu'elle ne fonctionne plus de façon adéquate pour elle-même et pour son environnement. Ces personnes souffrent d'insuffisance ou de diminution de leurs capacités physiques ou mentales. La réadaptation reconnaît donc le handicap et vise une intégration et une maîtrise de ce handicap par la partie saine de la personne. Le handicap prend souvent la forme d'une perte de travail, du rejet de la famille, d'un isolement social aigu ou progressif qui mène la personne à une forme de retrait et de chronicisation qui s'accompagne le plus souvent d'une perte de désir et de la capacité au plaisir.

Le bilan réadaptatif nous paraît comme l'outil clinique essentiel pour, d'une part, définir aussi clairement que possible la situation individuelle de chaque personne et, d'autre part, de déduire l'articulation des différentes modalités de succès qui permettront à la personne de progresser.

Ce bilan doit comporter différents volets: l'évaluation du problème clinique du malade, l'évaluation de la motivation de l'équipe clinique face à ce malade et l'évaluation de l'environnement social. Ce bilan doit tenir compte des aspects biopsychosociaux reliés à la personne et des ressources disponibles auprès de l'équipe clinique qui constitue la plaque tournante du travail à effectuer auprès de ces personnes.

L'un des principes fondamentaux d'un centre de réadaptation tel que nous le concevons est de permettre l'émergence de la capacité de désirer. Pour ce faire, il faut être en mesure d'offrir une gamme variée d'activités réadaptatives qui visent à permettre un nouvel apprentissage pour la personne, apprentissage qui doit aussi être fondé sur la reconnaissance du handicap et la nécessité de dépasser ce handicap. Nous croyons - et ceci pourrait être analysé par un projet de recherche - qu'il faut une phase d'immersion préalable dans un milieu de réadaptation afin de laisser émerger ce désir avant d'orienter la personne vers le processus de réinsertion sociale. Cette période d'immersion nous paraît nécessaire pour que ces personnes aient la chance de s'éveiller en même temps à elles-mêmes.

Afin d'actualiser un tel projet, notre source de référence est l'application pratique

du Centre de postcure et de réadaption agricole de l'ouest de Villiers, en France, qui existe depuis 24 ans et qui semble être un succès. De façon plus pratique, il pourrait s'agir d'une ferme qui pourrait accueillir un maximum de 25 à 30 personnes en hébergement en même temps. Le programme d'activité de réadaptation serait à multiples volets. Pour vous en citer quelques-unes: atelier de cuisine, d'hygiène, de menuisierie, jardin, basse-cour, serre, électricité, plomberie, etc. Tous ces ateliers visent à favoriser un accroissement du champ sensoriel et expérienciel de la personne, lequel lui permettrait d'avoir accès à son désir, à sa motivation et de donner l'élan nécessaire à la réadaptation. (17 h 45)

L'admission du bénéficiaire se fait sur une base volontaire et un comité d'admission établit son bilan réadaptatif. Nous tenons à souligner que tous peuvent bénéficier de ce centre, à l'exclusion des alcooliques, épileptiques et débiles profonds et ce, pour des raisons de réadaptation.

Le volet de la réinsertion sociale doit s'articuler avec les ressources du milieu dans des lieux de travail et d'activités qui permettront une transition à la fois en termes d'hébergement et de réintégration au tissu social lorsque la personne en est à cette étape de développement.

Pour animer ces activités il faut compter sur une équipe plurifonctionnelle tant au niveau professionnel qu'à celui de création de programmes et d'actualisation de ceux-ci. Cette équipe doit pouvoir compter sur les ressources humaines suivantes: psychiatres, omnipraticiens, infirmières, psychologues, ergothérapeutes, orienteurs professionnels, agents communautaires, douze moniteurs, un couple permanent, un éducateur physique, un travailleur social.

Dans l'énumération que je viens de vous faire, il y en a qui se retrouvent sur une base contractuelle et d'autres qui peuvent se retrouver sur une base permanente.

Au niveau des coûts de l'achat de la ferme et autant au niveau des pavillons et des salaires, des coûts d'opération, cela peut totaliser 985 000 $. Par contre il serait bon de souligner que dès la deuxième année de fonctionnement, des revenus seront possibles grâce à la vente de certains produits de cette ferme.

En terminant» Mme la Présidente, j'aimerais souligner que le travail effectué à la réalisation de ce mémoire nous a permis de constater l'inexistence de certains services dans le domaine du soutien et de la réinsertion sociale. Cette absence et le manque d'articulation et d'intégration des services rendent aléatoire la réussite du soutien et de la réinsertion sociale des personnes atteintes de troubles mentaux.

L'autre élément qui nous est apparu important est la tentative de négation de la maladie mentale qui s'exprime à la fois par les tabous sociaux qui l'entourent et par l'insuffisance de budgets de recherche.

Pour éviter ces pièges il nous semble important de faire comprendre les troubles mentaux dans leur dynamique biopsychosociale ainsi que les chances de réadaptation des personnes souffrant de ces troubles. De plus il faut investir des sommes dans la recherche afin de trouver de nouveaux modes de traitement d'un mal qui afflige de plus en plus la population.

Finalement, nous voulons souligner notre préoccupation face au mouvement de désins-titutionnalisation et de normalisation. Nous croyons qu'il faut aider les personnes en besoin de services le plus près possible de leur milieu et éviter le déracinement, dépaysement, sources supplémentaires de difficultés.

Par contre, nous ne croyons pas souhaitable de vouloir une normalisation à tout prix, ce qui pourrait être une autre forme d'institutionnalisation dans la mesure où elle s'appliquerait à contraindre la personne aux normes de l'environnement.

En réalité, l'institutionnalisation nocive commence dès qu'on se cloisonne dans une façon de comprendre, de penser, de voir, de faire, de sentir et qu'on ignore les informations nouvelles de la réalité qui ne cadreraient pas avec notre modèle. Ainsi germent l'intolérance, la dictature psychiatrique ou sociale.

La désinstitutionnalisation ne se produit pas seulement en changeant de lieu mais surtout en changeant les lieux, en changeant les mentalités.

Mme la Présidente je vous remercie de l'attention portée à ce mémoire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci. Je désire remercier les représentants du Centre hospitalier Pierre-Janet pour leur mémoire. Je le trouvais déjà fort volumineux et je pense que vous avez ajouté des éléments nouveaux dans votre présentation lesquels, d'ailleurs, sont venus déjà clarifier certaines questions que j'avais à l'esprit.

Je pense que vous présentez dans son ensemble ce qui devrait être les principes sous-jacents à une politique de réinsertion sociale. Vous suggérez également des moyens de mettre en oeuvre un tel programme.

Avant d'aller dans les questions plus générales touchant le mémoire, je voudrais savoir combien vous avez de lits psychiatriques à Pierre-Janet.

Mme Saint-Laurent: 85 lits, incluant les lits adultes, adolescents et enfants.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est un hôpital de combien de lits?

Mme Saint-Laurent: 85 lits à court terme.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est uniquement psychiatrique chez vous.

Mme Saint-Laurent: C'est uniquement psychiatrique à court terme.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est assez récent de fondation.

Mme Saint-Laurent: C'est le 20e anniversaire de la fondation cette année.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): De cette population, combien de patients à long terme êtes-vous obligés de garder? Normalement j'imagine que dans un petit hôpital comme ça, vous essayez, compte tenu de votre population, de maintenir le plus possible une rotation. Est-ce qu'il y a d'autres hôpitaux dans votre région au Québec qui offrent des services psychiatriques?

Mme Saint-Laurent: À long terme, c'est l'hôpital des Laurentides, L'Annonciation.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais à court terme.

Mme Saint-Laurent: À court terme, non; on est le seul pour la région 07.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon! Ce que je pensais est le cas. Vous ne pouvez pas laisser les patients à long terme s'additionner parce que, à un moment donné, vous serez paralysés dans votre fonctionnement. Avez-vous des problèmes de ce côté-là?

Mme Saint-Laurent: Non, on a justement beaucoup de problèmes. Pour parler au niveau de la paralysie, on vit justement actuellement un engorgement au niveau des lits à cause des patients à long terme qui nécessitent des soins plus prolongés: soit qu'on ne peut pas faire de transfert avec les hôpitaux à long terme ou ils ne sont pas prêts, à cause de leur pathologie, à sortir tout de suite.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

Sur les 85 lits, combien seraient présentement occupés par des bénéficiaires qu'on va appeler de long terme - je pense qu'on se comprend - qui ont une chronicité qui les oblige à rester pour des périodes dépassant six mois ou...

Mme Saint-Laurent: Actuellement dépassant six mois c'est entre 10 % et 15 %.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous avez une urgence, des services d'urgence?

Mme Saint-Laurent: On a des services d'urgence qui sont dispensés par un centre hospitalier général. Ce sont nos psychiatres qui vont donner le service d'urgence dans une autre salle d'urgence annexée à un centre hospitalier.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Des lits psychiatriques...

Mme Saint-Laurent: D'urgence, il n'y en a pas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non. Combien y en a-t-il dans la région?

Mme Saint-Laurent: On n'en a pas de consacrés comme tels.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Au lieu de dire d'urgence j'aurais dû dire de courte durée, à part les 85 lits...

Mme Saint-Laurent: II n'y en a pas, ce sont les seuls dans la région.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce sont les seuls. Alors ils vont donner des consultations à la clinique externe du centre hospitalier voisin.

Mme Saint-Laurent: Pour la consultation externe, la consultation d'urgence. Le patient qui a besoin d'être vu en psychiatrie en urgence doit se présenter dans un autre centre hospitalier à vocation générale où on a un service de garde, des psychiatres de chez nous qui se présentent là-bas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quelle est le bassin de population de la région 07?

Mme Saint-Laurent: 250 000.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Et vous avez 85 lits.

Mme Saint-Laurent: 85 lits incluant la pédopsychiatrie et le...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, je comprends que cela doit...

M. Dubois (Louis): Cette situation nous force à être innovateurs.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela. Vous disiez qu'une partie de votre population va du côté de l'Ontario - je ne voudrais pas ne pas répéter fidèlement vos propos, mais c'est à peu près ceci - "qui

offre plus de services" que nous en offrons dans notre région.

Mme Saint-Laurent: Pas "qui offre plus de services", mais à cause de l'absence de services de notre côté. Ayant, à cause de la structure géographique, la possibilité d'aller chercher certains services de l'autre côté de la rivière, ils y vont.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quel type de services vont-ils chercher de l'autre côté de la rivière?

Mme Saint-Laurent: Justement au niveau des patients à long terme, vous avez des hôpitaux du côté ontarien qui sont... En fait de proximité de chez nous, certains hôpitaux d'Ottawa sont plus près que l'hôpital des Laurentides.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

Mme Saint-Laurent: Je donne cela à titre d'exemple. Il y a aussi certaines modalités de traitement qu'on n'a pas, comme la psychogériatrie. On n'en a pas de ce côté-ci et de l'autre côté, il y en a.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous m'amenez à un autre point et, puisque vous êtes les derniers à être entendus, c'est vous qui allez écoper. Vous avez parlé de la psychogériatrie. On a eu 45 mémoires, comme vous le savez. On a eu des mémoires d'organismes sérieux. Tous les mémoires étaient sérieux, mais particulièrement ceux de grands organismes, de grands établissements, si je puis dire. Vous me dites: De notre côté, on n'a rien pour la psychogériatrie. Eux, effleuraient cela. J'aimerais avoir votre point de vue sur les services qui devraient être développés du côté de la psychogériatrie et aussi en termes de réinsertion sociale. J'ai l'impression qu'on les laisse un peu de côté ou qu'on les traite comme de vieilles personnes que, de toute façon, l'État va prendre en charge. Est-ce que vous n'en avez pas parce que vous n'avez pas de ressources suffisantes ou parce que... Vous ne m'avouerez pas que vous ne vous y intéressez pas. Je voudrais simplement savoir quels seraient vos projets dans ce domaine, s'il y avait des possibilités.

Mme Saint-Laurent: Je demanderais au Dr Faudry Pierre-Louis de répondre à votre question.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

M. Pierre-Louis (Faudry): II faut dire que le développement des services de psychogériatrie est l'une des préoccupations de notre département de psychiatrie et de l'hôpital en général. Plusieurs efforts ont été tentés pour activer certains psychiatres, d'une part, et aussi pour avoir des consultations de la part des services de psychogériatrie du côté d'Ottawa. Mais, jusqu'à présent, on n'a pas pu, justement, gagner des psychiatres qui seraient intéressés à faire ce genre de travail.

Deuxièmement, cela demande aussi une certaine conceptualisation de ces services sous différents angles, ce qui demande aussi beaucoup de ressources. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il est certain qu'il y a l'aspect psychiatrique, c'est-à-dire pouvoir détecter chez les patients âgés certains problèmes soit de comportement ou de dépression qu'ils pourraient présenter. Souvent, justement, il y a de ces patients qui présentent des problèmes de dépression et qui prennent la forme de problèmes physiques, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de déprimés qui aboutissent dans des cabinets de médecine générale. Je pense que cela va être extrêmement important d'avoir un service de diagnostic bien articulé comprenant non seulement les psychiatres, à cause du versant physique, mais aussi des consultants sur le plan de la médecine physique et, en particulier, en ce qui regarde la neuropsychologie, c'est-à-dire la capacité de voir quels sont les signes de détérioration qu'une personne peut présenter. Quelquefois, il y a des personnes qui souffrent de dépression et qui se présentent comme des cas de démence qui seraient de nature neurologique. Donc, vraiment, un très bon service de diagnostic, d'une part.

De plus, étant donné que, comme nous l'avons dit dans notre mémoire de façon générale, nous considérons la personne comme un être biopsychosocial, il serait très important que l'intervention ne soit pas uniquement physique ou psychiatrique. Il faut regarder tout l'aspect du contexte de vie de la personne âgée présentant certains problèmes affectifs ou de comportement. C'est-à-dire que l'hospitalisation serait quelque chose qu'on éviterait le plus souvent possible. À cela, il faudrait des alternatives qui pourraient être, justement, des interventions à domicile, en gardant la personne le plus possible dans son contexte de vie, en relation avec ses objets, avec son cadre de référence, avec ses voisins, avec tout ce qui représente, en fait, son histoire personnelle et qui est investi de façon affective d'une façon très importante. (18 heures)

Donc, il y a un travail social et domiciliaire qu'il serait bon aussi de développer. Au fond, je ne fais qu'esquisser certains aspects de ce service. Comme j'ai dit, c'est l'une de nos préoccupations et je crois qu'on va continuer à le faire, parce que dans la région du côté québécois de l'Outaouais, on n'a aucun service de ce

genre.

Les personnes âgées qui ont besoin de soins psychiatriques, parfois, sont placées dans une salle où il y a toutes sortes de patients et où la programmation, finalement, n'est pas conçue, n'est pas bâtie en fonction des besoins spécifiques de cette population. Alors, c'est pourquoi, je pense qu'on va continuer à travailler dans ce sens.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr Pierre-Louis, est-ce que je me trompe en pensant que, du côté des personnes âgées, si on avait, comme vous dites, de meilleurs services diagnostics à leur endroit, sur le plan des symptômes psychiques, même dans nos centres d'accueil, des gens pourraient être réintégrés dans la communauté et un certain nombre - on dit toujours qu'on n'a pas de place dans nos centres d'accueil, etc. - enfin, un certain pourcentage de ces personnes se réinséreraient socialement, même plus facilement que beaucoup de patients dont on a parlé au cours de ces audiences et qui sont, sur plan psychique, des gens plus malades et d'une façon plus chronique? Est-ce que je me trompe en disant cela?

M. Pierre-Louis: Je pense que votre point de vue est très juste. Je crois que dans ce sens, un service de psychogériatrie devrait comporter une dimension sociale justement très importante. On ne devrait pas se contenter uniquement de diagnostics et de psychothérapie individuelle, verbale. Il y a tout l'aspect organisation du milieu de vie, d'une part.

Deuxièmement, en parlant des centres d'accueil, par le passé, l'organisation de l'hôpital amenait presque les gens à venir à l'hôpital pour certaines évaluations. Actuellement, nous privilégions des consultations sur place dans les centres. En d'autres termes, il y a certains médecins qui se déplacent pour aller dans les centres d'accueil pour voir un certain nombre de personnes, d'une part.

Deuxièmement, ce qu'on voudrait aussi, c'est que, en attendant que nous ayons notre propre service, des consultants travaillent avec le personnel de ces centres d'accueil, en termes d'attitude, en termes de compréhension plus grande des tableaux que ces personnes peuvent présenter. Donc, je partage votre point de vue dans ce sens.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parce qu'on ne s'est plus intéressé à cette question, mais je pense qu'eux aussi peuvent être réinsérés dans la communauté...

M. Pierre-Louis: Certainement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... et fonctionner d'une façon autonome, en tout cas. Pour laisser du temps à mes collègues, il y a une dernière question. Vous êtes - je ne veux pas être injuste envers les autres -ceux qui étiez le plus, de mémoire, sur toute la dimension ou le volet réadaptation, parce que presque tous les autres groupes ont beaucoup parlé de réinsertion sociale et tout cela, mais à partir des ressources intermédiaires et des ressources de la communauté, mais tellement d'attention a été apportée à ce qui m'apparaît une étape ultérieure qui est une véritable réadaptation, parce que, dans votre esprit à vous, il m'apparaît que vous pensez qu'un bon nombre d'entre eux peuvent être réinsérés sur le marché du travail. Est-ce que j'interprète bien.

M. Pierre-Louis: Oui.

Mme Saint-Laurent: Et nous croyons, justement, qu'il est possible, quand on a souffert de troubles mentaux, de se réadapter et d'être réinséré en société.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): L'exemple auquel vous vous référiez ou le modèle auquel vous vous référiez, c'est un modèle français, je pense?

Mme Saint-Laurent: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'ils ont des statistiques, eux, à partir des catégories, enfin, du type de clientèle qu'ils ont, sur la réinsertion au travail, des personnes qu'ils ont eues, par exemple, sur leurs fermes?

M. Pierre-Louis: II n'y a pas de statistiques détaillées quant à la réinsertion de ces personnes. Par contre, ce qu'il faut savoir, c'est que c'est un centre, disons, national presque, c'est-à-dire où beaucoup de personnes viennent de plusieurs coins de la France. C'est un centre qui a un nombre assez élevé de résidents, comme tels et, chaque année, ils font des admissions de l'ordre de 90 nouveaux patients, je pense, sur 150. Cela veut dire que chaque année, il y a 90 personnes qui partent, qui sortent pour aller s'intégrer dans des milieux de travail. Ils ont des ateliers, comme Mme Saint-Laurent a présenté tout à l'heure, qui se rapprochent le plus possible de la réalité de travail, de la réalité sociale des gens. Ce n'est pas simplement de l'occupationnel, c'est-à-dire donner quelques petits trucs pour guider les gens, c'est de les placer dans des conditions très semblables aux conditions réelles de vie sociale, de vie de travail.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ils ont probablement un programme de réinsertion dans le milieu de travail réellement.

M. Pierre-Louis: Absolument.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce qui permet probablement de dire que la majorité des gens qui sort se rend sur le marché du travail.

M. Pierre-Louis: Certainement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, Mme Saint-Laurent.

Mme Saint-Laurent: C'est au niveau du fonctionnement, et c'est là l'importance d'avoir un orienteur professionnel afin de découvrir d'autres aptitudes de travail pour orienter le patient vers un atelier d'électricité. Par la suite, iors de la réinsertion, il y a des contacts qui se font avec des compagnies d'électricité, avec les gens qui donnent ce genre de services où l'individu est appelé par contrat à aller donner ce genre de service et qui, à moyen et long terme, peut se trouver un emploi.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'ai vu que vous étiez prêt à partir dans une... mais vous n'êtes pas devant les bonnes personnes. On peut faire la recommandation.

Des questions rapides. Oui, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Dubois (Louis): Oui, je voudrais juste ajouter que ce type de projet de réadaptation s'adresse à une clientèle chronique qui, habituellement, se chronicise davantage et aboutit dans ce qu'on appelle des familles d'accueil ou des pavillons, et ils deviennent très inactifs et attendent, finalement, la mort dans ces familles d'accueil. Cela s'adresse d'abord à ces personnes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je trouve ça intéressant parce que - je ne sais pas si mes collègues vont coucourir à ça -on a eu l'impression qu'on pouvait les rendre autonomes, qu'ils peuvent vivre en appartement. J'ai eu l'impression des gens qui sont venus ici - on ne l'a peut-être pas abordé beaucoup en détail - que, finalement, la réinsertion sur le marché du travail, il fallait presque l'oublier. Cela n'apparaissait pas. Je trouve intéressant que vous alliez jusqu'à ce point.

C'est très court comme question: Est-ce que L'Annonciation prend de vos patients chroniques? Ils en acceptent?

Mme Saint-Laurent: Ils en acceptent, mais eux aussi, à l'heure actuelle, vivent un engorgement de leurs lits. C'est pour ça qu'il y a un reflux de notre côté.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vos jeunes psychotiques, est-ce que vous aussi avez cette impression d'augmentation du résultat - je ne sais pas qui le disait, je pense que ce sont les gens du Lakeshore -du "baby-boom" qui amène un assez grand nombre de psychotiques de 18 à 35 ans. À Montréal, il semble y avoir des problèmes pour leur hébergement. Je me demandais, chez vous, comment est-ce que ça se présentait?

M. Pierre-Louis: II est certain qu'il y a - je pense qu'au Québec, en général, on fait ce constat - une augmentation, une incidence plus grande. Par contre, pour comprendre les raisons, je pense qu'il faut vraiment penser davantage cette question. Au centre hospitalier Pierre-Janet, face à cette clientèle qui monte, nous voulons justement proposer certaines modalités d'intervention qui pourraient prévenir la chronicisation. C'est dans ce sens, par exemple, que nous avons parlé d'une équipe d'intervention de crise.

Une équipe d'intervention de crise, même si elle ne va pas guérir tous les maux, ça permet d'intervenir tout de suite auprès du jeune patient dans sa famille. Quand il y a une crise et que vous pouvez tout de suite apporter aux gens un certain soutien, une certaine façon de voir le problème, vous les aidez aussi à trouver d'autres alternatives, au lieu d'attendre, au lieu de couper le patient de son monde et de vouloir, par la suite, le réintégrer. L'équipe d'intervention de crise se veut une équipe qui intervient sur l'individu et son système environnemental. Nous pensons qu'à long terme, ça pourrait diminuer l'augmentation, justement, des hospitalisations, comme c'est le cas au Lakeshore.

Deuxièmement, nous avons un certain nombre de chroniques qui restent dans nos lits et qui devraient être là pour une courte durée. Actuellement, nous esquissons un projet d'unités de patients à perte d'autonomie, c'est-à-dire des patients qui ont de la difficulté à s'adapter, mais qui devraient bénéficier d'un certain programme pour les aider activement à récupérer certaines ressources qu'ils avaient, mais aussi à développer d'autres ressources. Naturellement, cela ne pourrait pas remplacer un centre de réadaptation tel que nous le définissons ici, mais ce serait déjà une orientation vers une plus grande réadaptation, une réadaptation plus active pour prévenir cette chronicisation.

Bref, nous pensons que dès qu'un patient est hospitalisé ou qu'il se trouve dans une crise, il faut penser à la réadaptation, à la réinsertion. À ce moment-là, l'attitude est différente parce que tout de suite, on essaie de voir quels sont les leviers sur lesquels on peut s'appuyer pour permettre ce retour et le retour d'une plus grande compétence, la tolérance, etc.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Voulez-vous ajouter quelque chose? M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Vous avez un projet qui mérite une grande attention. Il y a une espèce de réalisme dans ce projet-là qu'il faudrait analyser. Pour les 85 lits que vous avez, y a-t-il souvent un retour de patients qui s'effectue? Après la libération du patient, si cela fait trois mois qu'il est là, trente jours ou deux ans comme vous avez dit tout à l'heure que cela s'était produit, y a-t-il souvent des rechutes? Le même patient revient-il souvent?

Mme Saint-Laurent: Vous parlez au niveau de l'hospitalisation...

M. Laplante: Oui, c'est cela.

Mme Saint-Laurent: Actuellement le taux de la réadmission est de 60 % à 70 %.

M. Laplante: La réadmission est de... ?

Mme Saint-Laurent: La réadmission, actuellement. C'est pour cela que nous croyons qu'en centre de réadaptation, on peut habiliter le patient à se trouver de nouvelles aptitudes, des nouvelles habilités où il sera beaucoup plus valorisé et pourra beaucoup plus se réinsérer. Actuellement, on parle beaucoup de réinsertion sociale comme objectif de traitement, mais qu'est-ce qui se fait de concret pour le réinsérer?

M. Laplante: Avec 70 % de réadmissions dans les lits déjà occupés, cela voudrait-il dire qu'il se donne beaucoup de médicaments?

Mme Saint-Laurent: Non. Pas plus...

M. Pierre-Louis: Oui, je dirais que, par la force des choses...

M. Laplante: Honnêtement, vous êtes pris dans une situation actuellement...

M. Pierre-Louis C'est cela.

M. Laplante:... avec peu d'équipement en main. Un moment donné, si vous avouez qu'il y a une surmédicamentation - ce n'est pas un reproche que je veux vous faire, pas du tout - c'est pour voir le constat qui va nous aider à apporter des solutions à des problèmes que vous n'êtes pas capables de régler autrement qu'avec une surmédicamentation. C'est dans ce sens-là que je vous pose la question.

M. Pierre-Louis: II est vrai que lorsqu'il n'y a pas suffisamment de ressources pour faire le "follow-up"... Pour un patient qui vient de sortir de l'hôpital, si on avait un système de "follow-up" très actif, de travail avec la famille et aussi avec d'autres agences de la communauté qui pourraient faire du support comme, par exemple, soit la main-d'oeuvre, le CLSC etc., il est certain que le taux de réadmission pourrait diminuer. On a fait un travail avec les familles d'accueil - c'est l'un de nos constats - et souvent, il n'y avait pas un service de suffisant de "follow-up". Ces patients-là retournaient à l'hôpital. Il est certain qu'il faut aller au plus vite. Quelquefois, ce plus vite, c'est un médicament. Sans critiquer nos confrères qui l'utilisent, car dans les circonstances, c'est le moindre mal, je dirais. Par contre, nous croyons qu'avec le développement de nouvelles ressources, un soutien plus actif dans la communauté, un aspect plus grand de la réadaptation, il est certain que le nombre de réadmissions pourrait diminuer parce qu'il y aurait moins de stress, la personne serait plus compétente dans sa fonction sociale. Il est certain que l'utilisation des médicaments devrait tomber.

M. Laplante: Je vous remercie de votre réponse.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On pourrait continuer les questions, mais il est déjà très tard. Nous -allons prendre votre rapport en sérieuse considération. C'est une contribution qui est précieuse pour la commission. Je vous remercie d'être venu d'assez loin quand même pour venir nous le présenter. Je vais vous souhaiter un bon voyage de retour. Au moins, vous avez du beau temps pour retourner. Je ne sais pas si vous retournez en avion ou en voiture, mais si nous voulions d'autres informations, on communiquera avec vous. Je vous remercie beaucoup au nom des membres de la commission.

M. Pierre-Louis: Merci, madame.

Mémoires déposés

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avant de clore nos travaux, il y a certains petits rituels ou quelques formalités. Il y aurait deux mémoires que je voudrais déposer, celui de l'Institut Pinel de Montréal, le mémoire 10M, 10MA, 10MB et celui du Centre d'accueil Anne-LeSeigneur, 47M, 47MA, 47MB, 47MC, 47MD, 47ME et des annexes.

Je voudrais également vous faire part -j'en ai fait mention ce matin lors de notre rencontre avec la presse - de la communication de l'Association des hôpitaux du Québec qui est à préparer un mémoire qu'elle nous fera parvenir d'ici la fin d'août.

Remerciements

En terminant, même si tous les organismes sont partis, je tiens, comme on dit... Les rires ne paraissent pas, je pense... Je voudrais remercier toutes les personnes, è titre individuel, et les organismes qui ont présenté un mémoire à la commission et cela me fait plaisir de réitérer que... Je pense que tous les mémoires que nous avons reçus étaient de qualité et sont certainement une contribution à ce débat important qui était déjà amorcé, mais qui, je pense, sera davantage sur la place publique et permettra peut-être la recherche et la mise en oeuvre de solutions plus rapides. Je voudrais remercier les membres de la sous-commission et les autres députés qui ont participé aux travaux de la sous-commission. Je pense que la collaboration de chacun a fait que la communication avec nos invités a toujours été très bonne, je crois, et nous a permis de faire des échanges extrêmement fructueux avec eux. Je voudrais remercier la tribune de la presse et l'équipe de journalistes qui ont couvert nos travaux. Je voudrais également remercier les membres du ministère de la Santé et des Services sociaux dont certains ont été d'une fidélité exemplaire -la plupart, d'ailleurs - qui ont suivi les travaux, et qui, à l'occasion, ont pu nous fournir des informations qui seront complétées en temps et lieu par une convocation pour répondre à tous les points d'interrogation qui restent avant que nous puissions produire notre rapport de façon définitive.

Également mes remerciements à la direction de la radiotélévision des débats, à son équipe technique qui, elle aussi, a été très patiente - je pense qu'ils vont être heureux de partir ce soir - à la direction du Journal des débats et son équipe de transcription, à la direction de l'aménagement, à la direction des communications, au secrétariat des commissions et à son service de documentation, aux services auxiliaires et de soutien et au service de la sécurité, parce que ce qu'on oublie, nous autres ici... On entre le matin, mais la sécurité étant devenue... comment dirais-je? Elle a adopté des procédures plus complexes. On accompagne les gens, etc..

Une voix: C'est du sport.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, et les services de messagerie, le service de reproduction et sa division de la photocopie qu'on a mise è contribution à plusieurs reprises, le service d'accueil et des restaurants et finalement, je ne sais pas, je pense que bien que c'est au Créateur, pour la belle température qu'il nous a donnée et qui nous a permis de travailler en plein début du mois d'août avec enthousiasme. Je pense que la séance...

Une voix: Vous en avez oublié une, Mme...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah! Je voulais protéger...

Une voix:... qui a été un appui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... sa modestie. Je l'avais sur ma liste. La coordonnatrice de recherche de la sous-commission, Mme Madeleine Rivard-Leduc, dont le soutien nous a été très précieux. Mais elle ne fait que commencer... Est-ce qu'il y a d'autres noms que vous voudriez ajouter à la liste?

M. Lafrenière: Mme la Présidente, avec le consentement des membres de la sous-commission, j'aimerais proposer une motion de félicitations à l'endroit de la présidente qui a su mener nos travaux à bon port et avec une main de maître. Y a-t-il consentement?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. C'est très gentil.

Nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 21)

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