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(Dix heures six minutes)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La sous-commission des
affaires sociales reprend ses travaux pour entendre les différents
groupes, établissements ou intervenants impliqués dans la
distribution des services de soutien et de réinsertion sociale offerts
aux personnes atteintes de troubles mentaux et vivant dans la
communauté.
Sont membres de la sous-commission: Mme Lachapelle (Dorion), MM.
Lafrenière (Ungava), Laplante (Bourassa), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M.
Pratt (Marie-Victorin).
Nous avons un ordre du jour assez volumineux. Le premier groupe que nous
entendrons est l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.
J'inviterais la présidente, Mme Pelland-Beaudry, ainsi que sa
collègue à se présenter.
OIIQ
Mme Pelland-Beaudry (Jeannine): Mme la Présidente, madame
et messieurs les membres de la sous-commission, je suis accompagnée de
France Fréchette-Duchesne qui est d'ailleurs l'auteure du
mémoire.
Nous n'avons pas l'intention de lire le mémoire. Par contre je
passerai rapidement du début à la fin en soulevant les points qui
nous semblent les plus importants. Je demandais tout à l'heure à
Mme la Présidente la possibilité de déposer un document
supplémentaire de trois pages qui est le résultat d'une
enquête de collecte de données qu'il nous semble pertinent de vous
communiquer. Je lirai celui-là avec vous. Je vais essayer de faire le
tour du mémoire sans vous obliger à courir trop rapidement d'une
page à une autre.
Notre mémoire comporte deux grandes parties. La première
concerne les perspectives d'ensemble des services offerts en santé
mentale et en psychiatrie et la deuxième est une discussion sur les
services de soutien et de réinsertion sociale dans la
communauté.
La première partie que je vous mentionnais est elle-même
divisée en quatre parties. Dans la première, nous parlons de
l'interaction de la prévention, du traitement et de la
réadaptation. Nous parlons également du caractère
régional de la planification et nous parlons du rôle de
l'institution psychiatrique dans la réinsertion sociale.
En ce qui concerne l'interaction prévention, traitement et
réadaptation, j'aimerais peut-être - c'est à la page 2 du
document - mettre en évidence notre intérêt pour la
prévention. Nous insistons beaucoup sur le facteur prévention.
Nous l'explicitons en disant que ce facteur prévention demanderait
certaines interventions qui seraient du type sensibilisation de la population
aux problèmes de la santé mentale, sensibilisation
également des groupes d'intérêt et sensibilisation des
groupes de citoyens.
Dans cette deuxième division de la première partie, nous
insistons sur la planification régionale; nous essayons de mettre en
évidence le caractère régional des besoins et des
ressources.
Dans la troisième division de cette première partie, nous
discutons du rôle de l'institution psychiatrique dans la
réinsertion sociale et nous essayons de mettre en évidence des
points importants tels que la vie, les soins et l'organisation des institutions
psychiatriques. Nous attirons l'attention sur le nombre de lits, les faibles
ratios personnel-bénéficiaires, les caractéristiques des
bénéficiaires qui doivent être bien connues. Nous insistons
également sur le fait que, pour travailler dans un tel milieu, pour
intervenir dans un tel milieu de façon efficace, il ne s'agit pas
uniquement d'avoir une attitude humanitaire, il faut également une
excellente formation.
Nous attirons l'attention également sur le fait qu'actuellement,
c'est dans l'institution même que les bénéficiaires ont
à récupérer leur capacité de vivre dans la
communauté. Nous rapportons que des infirmières nous mentionnent
que beaucoup de bénéficiaires restent dans les institutions,
faute de ressources dans la communauté.
Ces principaux points que je soulève nous amènent à
la deuxième partie de notre mémoire que j'ai mentionné
tout à l'heure et qui porte le grand titre: Services de soutien et de
réinsertion sociale dans la communauté.
Dans une première division, nous y voyons les types de
clientèles dont nous pourrions parler pour ces services de soutien et
nous en énumérons trois: les personnes atteintes de
déficience mentale, les personnes dont la condition psychique est
stabilisée et enfin, des personnes qui, ayant
présenté une perturbation temporaire, ne peuvent plus
réintégrer leur milieu familial à cause de ce milieu
même.
Nous regardons également dans les services, nous essayons de voir
une possibilité de services individualisés et la
nécessité de les avoir. Nous voyons comme condition que pour que
ces services soient individualisés, il devrait y avoir une
évaluation globale incluant la santé, le travail, le loisir, les
activités sociales, les contacts avec la famille, l'école et la
capacité d'autonomie dans les activités de la vie
quotidienne.
Nous voyons la nécessité de fournir ces services, de
donner ces services et les faire donner par des professionnels
qualifiés. Nous déplorons que dans ces services on ignore souvent
le volet santé physique.
Toujours dans la deuxième partie de notre mémoire, nous
discutons du soutien à donner aux familles en parlant de services de
réinsertion sociale. Nous voyons que ce soutien devrait être des
services d'aide dont les familles ont besoin pour se tirer d'une situation dans
laquelle elles vivent ou pour supporter cette situation. Ces services
pourraient être des services de garde, des services de soins
spécialisés, des ressources intermédiaires, des visites
à domicile, des centres de jour, des activités de loisir, des
centres de travail adapté.
Enfin, nous arrivons à la dernière division de cette
deuxième grande partie. Nous essayons de mettre en évidence les
préalables à l'implantation des ressources. Deux points sont
très importants pour nous: c'est la consultation et la participation de
la communauté. Nous voyons également des groupes très
importants qui devaient être consultés et participer tels que les
autorités municipales, les groupes de citoyens, les associations de
bienfaisance, les groupes de citoyens conseillers et, surtout, quand elle le
peut, la personne elle-même qui est concernée par ces
services.
Pour opérationaliser de tels services, nous voyons la mise sur
pied d'équipes multidisciplinaires toujours très bien
préparées. Enfin, nous voyons l'importance de fournir le soutien
de professionnels avertis et l'importance de déterminer des normes quant
au nombre de bénéficiaires pouvant être accueillis en
familles d'accueil, en pavillons, en foyers de groupe et en appartements
supervisés.
Je me permettrais de vous lire la conclusion avant de passer au document
supplémentaire dont je vous ai parlé. En conclusion, notre
connaissance de la problématique de la distribution des services et de
réinsertion sociale offerts aux personnes atteintes de troubles mentaux
et vivant dans la communauté nous amène aux conclusions
suivantes: La distribution des services de soutien et de réinsertion
sociale doit tenir compte de l'ensemble des services de santé mentale et
de psychiatrie et de l'interaction de la prévention du traitement et de
la réadaptation.
Les services doivent être l'objet d'une planification
régionale afin de tenir compte des besoins et des particularités
économiques, sociales et culturelles et des ressources pouvant agir en
complémentarité.
Les institutions psychiatriques doivent être l'objet d'une
attention particulière, en raison de l'influence de leur fonctionnement
sur les possibilités de réussite de la réinsertion
sociale. En ce sens, elles doivent adopter résolument les objectifs
thérapeutiques et comporter un ratio
infirmière-bénéficiaires adéquat pour ce faire.
Les services de continuité, de soutien et de
réévaluation des bénéficiaires
transférés vers des ressources intermédiaires doivent
constituer une règle générale à suivre.
Les services doivent être individualisés,
c'est-è-dire déterminés à partir d'une
évaluation de chaque personne concernée et avec la participation
et l'accord de celle-ci. Cette évaluation doit, de plus, être
globale, c'est-à-dire inclure la santé, le travail, le loisir,
les activités sociales, les contacts avec la famille, l'école et
la capacité d'autonomie dans les activités de la vie quotidienne.
En outre, cette évaluation doit être faite par des professionnels
qualifiés.
Les familles doivent recevoir les services qui leur sont
nécessaires pour faciliter l'épanouissement des personnes
atteintes de déficience mentale ou de troubles mentaux tout en
conservant l'équilibre familial et une qualité de vie.
La formation et le suivi des familles d'accueil doivent être
assurés de même que la supervision des plans d'intervention.
Ceux-ci doivent nécessairement tenir compte du volet santé
physique.
L'implantation de ressources intermédiaires dans la
communauté doit se faire avec la consultation et la participation des
citoyens du milieu. Le ministère de la santé et de services
sociaux devrait s'assurer que ce préalable est respecté.
Pour terminer, nous ne saurions trop insister pour que toute
démarche qui implique la réinsertion sociale des personnes
atteintes de troubles mentaux soit faite après une évaluation
minutieuse de leur situation et une réévaluation
périodique pour ajuster les ressources au fur et à mesure de
l'évolution de leurs besoins.
Je passe donc au document que je vous annonçais qui est une
enquête qui a été faite auprès des conseils de la
santé et des services sociaux et d'établissements directement
concernés par la problématique de la réinsertion sociale.
Nous y sommes tous à ce petit document, oui?
Au point de départ, il faut préciser que
notre recherche d'information s'est limitée au service de la
santé du réseau des affaires sociales. Cependant, nous
considérons que, quant au soutien et au maintien des
bénéficiaires dans la communauté, nous leur faisons le
privilège de le faire valoir. Quant aux services sociaux
dispensés via les centres de services sociaux, nous n'avons pas
été en mesure de les contacter faute de temps. Nous vous livrons
donc la synthèse des résultats de notre démarche. Vous
allez constater que les éléments qui sont rapportés
corroborent le contenu de notre mémoire, d'autres en renforcent certains
points.
Premièrement, d'abord les bénéficiaires des
services psychiatriques et les personnes atteintes de déficience mentale
constituent deux clientèles distinctes qui sont l'objet de dossiers
différents au niveau régional et de programmes différents
dans les établissements. La réinsertion sociale des personnes
atteintes de déficience mentale a été amorcée il y
a déjà quelques années. Aussi, les progrès
réalisés dans ce secteur sont plus marqués que pour les
bénéficiaires des soins psychiatriques de longue
durée.
Deuxièmement, dans l'ensemble les centres contactés ont
indiqué l'absolue nécessité d'établir un plan
d'intervention individualisé visant la réinsertion sociale et
ceci, pour tous les bénéficiaires. Même si certains d'entre
eux ne peuvent atteindre qu'un transfert en ressources plus
légères de type institutionnel, les autres
bénéficieraient d'un retour à une vie normale en
procédant par étapes, soit le transfert en ressources
intermédiaires puis celui en appartement ou dans leur propre
famille.
Troisièmement, tous, sans exception, ont émis comme
condition essentielle au succès de la réinsertion sociale la
disponibilité de services offerts par un établissement. Un suivi
doit être assuré aussi longtemps que cela est requis. D'ailleurs,
l'acceptation par la communauté environnante est reliée aux
services offerts aux personnes atteintes de troubles mentaux et vivant dans
cette communauté.
Quatrièmement, la nécessité de procéder par
étapes et progressivement à la réinsertion sociale est
acquise pour la plupart des gens contactés. Idéalement, cela
devrait comporter l'évaluation des bénéficiaires et la
création progressive de ressources intermédiaires dans un plan
d'ensemble de développement.
Cinquièmement, les ressources privilégiées sont les
familles d'accueil de réadaptation qui, en n'ayant que deux à
quatre bénéficiaires, peuvent donner suite à un plan
d'intervention individualisé, d'une part, et sont mieux acceptés
dans la population, d'autre part. Certaines régions bannissent les
pavillons et les foyers de groupe de leur plan de développement, parce
que ceux-ci constituent une autre forme d'institutionnalisation et
créent des résistances auprès de la population, à
cause du nombre de bénéficiaires qu'ils hébergent.
D'autres les considèrent comme des ressources intermédiaires pour
une partie des bénéficiaires qui sera éventuellement
réintégrée dans un milieu de vie familiale ou encore comme
une ressource de bout de ligne pour l'autre partie des
bénéficiaires qui ne pourront jamais vivre dans le cadre
institutionnel.
Sixièmement, une véritable réinsertion sociale doit
tenir compte de l'intégration ou de la réintégration des
bénéficiaires au monde du travail. Cette intégration
nécessite la mise en place de services de réadaptation
spécifiques permettant l'acquisition progressive d'habitudes et
d'habilités de travail en vue d'un fonctionnement normal dans un emploi
productif et rémunéré.
Septièmement, une politique de perfectionnement ou de recyclage
de la main-d'oeuvre infirmière contribuerait au succès de la
désinstitutionnalisation et à l'adéquation entre les
besoins des bénéficiaires et les services offerts. De plus, une
telle politique pourrait aplanir les résistances qui se manifestent dans
des conflits de travail, lesquels sont fortement conditionnés par une
préoccupation légitime de sécurité d'emploi.
Nous sommes maintenant en mesure d'estimer que la réinsertion
sociale et les services disponibles au bénéficiaire vivant dans
la communauté est bien engagée dans l'ensemble des régions
du Québec. Il reste à soutenir ce mouvement qui demeure une
entreprise délicate et progressive. L'ordre entend jouer son rôle
en y contribuant de façon significative auprès de ses
membres.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie
beaucoup, Mme Pelland-Beaudry, pour le mémoire de l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec. Cela ne m'a pas
étonnée que vous décidiez de vous présenter devant
la commission puisque les infirmiers et infirmières ont un rôle
important à jouer à l'intérieur des hôpitaux, que ce
soit les grands hôpitaux psychiatriques ou les hôpitaux
généraux, touchant les personnes atteintes de problèmes
psychiques ou de maladie mentale, selon la nomenclature ou la terminologie
qu'on veut bien utiliser.
Vous apportez des considérations qui nous ont été
exprimées par plusieurs autres organismes avant vous. Je ne les trouve
pas inutiles, car le débat sur la désinstitutionnalisation
n'ayant jamais été fait sur une très large échelle
ou d'une façon très ouverte, et ayant été fait
peut-être davantage à partir d'expériences, jusqu'à
un certain point, isolées, on a senti, à un moment donné,
que les gens opposaient de la résistance, on pouvait
l'interpréter à partir de toutes sortes
de considérations. Alors que ce qui se dessine - sans vouloir
tirer de conclusions, parce que même à la fin des auditions, nous
n'en tirerons pas - c'est certainement un constat que les gens ou, enfin, tous
les intervenants et même la population, en dépit de
résistances qu'on voit ici et là, sont en faveur de la
désinstitutionnalisation, c'est-à-dire favorisent une orientation
vers la désinstitutionnalisation des personnes qui peuvent la vivre.
Mais, évidemment, il y a des préalables auxquels on doit
répondre avant de procéder à cette
désinstitutionnalisation, et l'un de ceux-là, tous les groupes en
ont parlé, c'est la question de la sensibilisation du public à
cette réalité. C'était d'ailleurs un des objectifs de la
commission, mis à part, évidemment, d'aller chercher
l'information nécessaire pour tenter de faire des recommandations qui
soient un peu cohérentes et utiles. On se disait que c'est aussi une
occasion pour la population de saisir que ce problème, qui n'est pas un
problème isolé, qui tout à coup nous réveille quand
survient un événement dramatique quelque part, c'est une
réalité qui devient de plus en plus importante dans notre
société, compte tenu entre autres - et on en a parlé ici -
des personnes qui n'ont jamais connu l'institutionnalisation,
c'est-à-dire tout le groupe des 16 à 35 ans car, comme quelqu'un
le disait fort bien, "Les fous crient au secours" avait été
publié avant qu'eux ne viennent au monde. Alors, dès ce moment,
il y a eu un frein mis à l'institutionnalisation des personnes souffrant
de troubles mentaux.
Il y a par contre un élément sur lequel je voudrais
revenir, vous êtes peut-être les premiers à l'aborder aussi
directement: c'est la question de la vie à l'intérieur de
l'institution. Je pense que vous avez tout à fait raison, même si
vous ne le dites pas en ces termes, de croire qu'une
désinstitutionnalisation sera d'autant plus réussie et d'autant
plus rapide à l'intérieur de l'institution ou de l'hôpital
qu'on prendra les mesures nécessaires pour faciliter cette
réinsertion sociale.
J'aimerais peut-être que... Vous en parlez sous différentes
formes. Par exemple, vous faites allusion aux ratios
infirmiers-bénéficiaires, mais je ne voudrais pas qu'on entre
dans les détails à savoir quel devrait être le ratio. Ce
que je voudrais savoir, c'est: Quelles sont les conditions de travail à
l'intérieur des institutions qui favorisent ou qui favorisent moins
cette réinsertion sociale? J'aimerais vous entendre développer ce
point concernant la vie à l'intérieur de l'institution et les
conditions qu'elle crée pour faciliter la réinsertion
sociale.
Mme Pelland-Beaudry: Nous nous attendions un peu à une
question de ce genre. Dans la discussion que nous avons eue avant de venir ici,
pour essayer de pousser un peu plus nos arguments, je pense que nous sommes
allés encore plus loin que vous dans cette analyse. L'une des
conditions, même si vous ne voulez pas vous y attarder, Mme la
Présidente, c'est d'avoir le ratio voulu. Et je peux peut-être
amorcer...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous pouvez
répondre comme vous voudrez.
Mme Pelland-Beaudry:... des exemples que ma compagne va pouvoir
compléter. L'une de ces conditions, puisqu'on a dit dans notre
mémoire que la réinsertion sociale sera d'autant plus un
succès qu'elle aura été préparée en milieu,
qu'elle devra se vivre de façon intensive en milieu, être capable
de se vivre de façon intensive dans le milieu, c'est quand même un
ratio qui soit acceptable. Actuellement, les contraintes, si vous voulez que
j'en identifie quelques-unes, qui empêcheraient ce travail efficace,
sont, évidemment, des contraintes de ratio. On a essayé de voir
quels pourraient être les ratios acceptables, puisqu'on ne les a pas
là-dedans - on a simplement parlé de ratios acceptables - et on
en est arrivé à parler de ratio de 1 pour 4 ou 5 avec des adultes
et, probablement, 1 pour 3 avec des enfants. Si on vous donne quelques exemples
à l'heure actuelle de ratios de 1 pour 20, 25, 30, 40, 80, c'est un des
éléments absolument importants à mentionner pour
être capable de favoriser une réinsertion sociale. Je dirais que
c'est peut-être l'important. (10 h 30)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quand j'ai dit que je ne
voulais pas discuter de ratios - je suis contente que vous apportiez cette
réalité - c'est que nous, on ne se sent pas en mesure de dire si
cela doit être un ratio 1-6, 1-4, 1-9, 1-10. Mais la façon dont
vous décrivez cela, c'est tellement disproportionné que c'est un
problème en soi qui doit être examiné.
Mme Pelland-Beaudry:... une évidence... Je demande
à ma compagne de compléter, puisqu'elle a beaucoup
d'expérience dans ces milieux.
Mme Fréchette-Ducnesne (France): En fait, cette
première mise en évidence faite -parce qu'elle est là,
toute criante - on a vraiment fait une recherche auprès d'hôpitaux
généraux qui ont des unités de soins psychiatriques, de
grandes institutions psychiatriques et de moyennes institutions à
vocation psychiatrique, et les disproportions entre le secteur des
unités de soins généraux et le secteur des institutions
psychiatriques sont énormes. Elles vont de 2 à 4, à 10,
à 7, l'un par rapport à l'autre. Par contre, je dois dire que les
ratios infirmières-bénéficiaires ne doivent pas être
pris unique-
ment sous l'aspect d'une proportion ou nombre
d'infirmières-nombre de bénéficiaires parce qu'il y a
quand même tout un ensemble de facteurs qui jouent: La possibilité
d'avoir du personnel de soutien pour certaines tâches cléricales,
par exemple, ou le type de service alimentaire fourni sur unité de
soins. C'est la réalité quotidienne de vie sur unité de
soins de psychiatrie qui influence aussi les ratios. L'ampleur ou le gigantisme
d'une institution qui oblige à un moment donné les
déplacements de personnel pour accompagner des
bénéficiaires pour des consultations à l'extérieur
de l'unité ou même, parfois, à l'extérieur du
centre. La présence et la disponibilité d'autres membres de
l'équipe multidisciplinaire tels que l'ergothérapie, les
travailleurs sociaux, les psychologues et les psychiatres à
l'unité même influencent aussi tout ça. C'est un ensemble
de conditions qu'il faut regarder quand on analyse les ratios
nécessaires. Je dirais que l'âge des bénéficiaires
joue, l'intensité des problèmes qu'ils présentent joue
également.
Quant aux conditions de vie, parlons de conditions minimales. Je pense
que pour être réaliste on doit prendre en considération que
dans certaines institutions psychiatriques, dans le moment, pour 40
bénéficiaires sur une unité de soins, on dispose de un ou
deux bains pour procéder aux soins d'hygiène, ceci avec des
ratios quand même très bas aussi
d'infirmières-bénéficiaires. Ce sont des conditions
physiques d'aménagement des lieux qui doivent, à mon sens,
favoriser qu'on respecte la dignité des personnes humaines. On en est
là dans certaines institutions.
Ceci dit, disons que pour un ensemble d'institutions qui ne vivent quand
même pas de problèmes aussi aigus, on doit considérer aussi
la possibilité d'offrir, avec l'aménagement physique d'une
unité de soins, autre chose que des dortoirs ou des chambres pour
dormir. Il faut des lieux qui permettent l'exercice d'activités
sociales, d'activités thérapeutiques qui encouragent les familles
à venir visiter les bénéficiaires, parce que ce n'est pas
facile pour un membre d'une famille d'entrer sur une unité de soins
où 40 bénéficiaires sont plus ou moins ensemble dans une
seule salle de séjour. Il y a toutes sortes de conditions
d'aménagement physique qui peuvent défavoriser la
réinsertion sociale ou la favoriser.
J'aurais d'autres détails à considérer au point de
vue de l'aménagement physique, mais je laisse ce point-là de
côté pour aborder aussi la nécessité qui existe sur
les unités de soins des programmes d'activités de la vie
quotidienne ou une organisation de la vie quotidienne qui est la plus proche
possible de la vie normale.
Les bénéficiaires en psychiatrie peuvent perdre
très rapidement le sens de la réalité quotidienne juste
à cause du fait que les activités quotidiennes sont faites pour
eux ou encore qu'ils n'ont pas la possibilité de maintenir leurs
habilités courantes. Plus la vie en institution se prolonge plus ces
habilités se perdent. Ils perdent l'habitude de sortir dans la rue. Cela
arrive à des bénéficiaires en soins physiques qui,
après une semaine à l'hôpital, se retrouvent
désemparés en traversant la rue la première fois à
leur sortie. Imaginez ce qui arrive à quelqu'un qui eu une perturbation
émotionnelle importante, qui a fait un séjour prolongé en
institution et dans un encadrement tel que ces activités
n'étaient plus permises, n'étaient plus possibles ou
n'étaient plus encouragées. Ces gens devraient donc avoir une
ouverture vers l'extérieur et la possibilité de continuer,
d'avoir un milieu de vie normalisant. Nous parlons actuellement d'une
unité de soins pour des patients qui souffrent de problèmes
psychiatriques. Si nous abordions l'unité de soins pour un patient
atteint de déficience mentale, il faudrait, à ce
moment-là, penser à une programmation tout à fait
spécifique pour ce type de clientèle qui a à faire des
apprentissages en ce qui concerne ses habilités, pour prendre soin de
lui, s'habiller, se nourrir, s'alimenter, se procurer ce qu'il lui faut pour
subvenir à ses besoins. Ce sont quand même deux types de
programmes différents.
Je vais dire simplement un mot sur le nombre de
bénéficiaires dans une unité de soins. Malheureusement,
encore aujourd'hui, pour les unités de soins qu'on projette de
réaménager, au moment où je vous parle il est encore
envisagé de regrouper 40 bénéficiaires. Or, il faut tout
de suite considérer que le fait d'avoir 40 personnes qui vivent ensemble
24 heures par jour et qui ont à circuler dans un cadre physique
limité oblige automatiquement à adopter des normes
différentes de celles qu'on a habituellement dans un milieu de vie
familiale. Les heures de repas doivent être organisées en
conséquence. On doit être assez strict à l'heure du coucher
des bénéficiaires, parce que, compte tenu qu'il y en a 40, il
faut, à un moment donné, que la tranquillité se fasse afin
de permettre à tout le monde de dormir. On a, en plus, moins le temps de
percevoir ce qui se passe dans une unité de soins, de prévenir en
observant les indices qui nous sont émis par des
bénéficiaires, de percevoir les indices des situations de crise
qui se préparent et de les prévenir par des moyens autres que le
recours à de la médication ou le recours à des moyens de
contrainte physique.
Je n'expliciterai pas plus là-dessus. Je me rends compte que j'ai
pris beaucoup de temps pour le sujet.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, c'est
extrêmement intéressant, parce que
c'est un témoignage dont nous avions besoin. Pouvez-vous me dire
si, à l'intérieur des institutions, soit celles de longue
durée mais peut-être plus particulièrement celles de courte
durée, on est axé sur cette réinsertion sociale ou si on
est tellement accaparé par le quotidien, l'urgence, nourrir les
patients, voir aux crises, enfin un peu ce que vous avez décrit que,
finalement, cette réinsertion sociale, que ce soit dans une institution
de longue durée ou que ce soit dans un hôpital de courte
durée, qu'elle finit par s'estomper ou si on sent chez le personnel ce
désir que la vie doit être organisée de façon
à penser que ces gens doivent retourner dans la communauté?
Mme Fréchette-Duchesne: Je crois qu'il faut apporter
beaucoup de nuances. Il y a effectivement des institutions où le
personnel est démotivé, ne voit plus la possibilité de
voir des bénéficiaires s'engager dans des programmes de
réinsertion sociale, mais c'est surtout faute de ressources à
l'extérieur. Il est certain que tous les bénéficiaires,
à l'heure actuelle, dans certains établissements, ne peuvent pas
bénéficier d'un plan individualisé de réinsertion
sociale. Alors, dans certaines institutions, le personnel choisira d'aller
graduellement en misant sur deux ou trois bénéficiaires, faute de
ressources humaines, au début, pour ensuite entraîner le
départ d'autres bénéficiaires. Dans d'autres institutions,
il y a des programmes de réinsertion sociale et des plans de
développement qui sont vraiment résolument engagés. Bien
que ce soit encore à l'état de projet, il semble que le personnel
voit la possibilité d'arriver à la réinsertion sociale de
ces personnes. Je pense qu'une partie du personnel vit avec l'espoir de
diminuer le nombre de bénéficiaires à l'intérieur
de l'établissement, parce qu'il y a quand même à
l'intérieur de ce type d'établissement un nombre de
bénéficiaires qui peuvent être insérés demain
matin dans une ressource extérieure, si cette ressource-là
existe. On espère qu'avec la diminution du nombre de
bénéficiaires, on arriverait à un ratio
personnel-bénéficiaires suffisant pour procéder à
une programmation d'étapes pour les autres qui sont en institution.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Juste une petite question
supplémentaire. Est-ce que, actuellement, le départ des
bénéficiaires a un effet sur le ratio soignant-soignés ou
si, finalement, c'est un ratio officiel qui s'applique, de sorte que,
même si vous donnez congé à 200
bénéficiaires, au point de vue de ce ratio il n'y aura pas
d'amélioration dans l'institution?
Mme Fréchette-Duchesne: Je pense que ce que vous soulevez
est un fait. Cela sous-tend que les budgets, actuellement, sont prévus
pour tant de bénéficiaires avec un ratio tel. À ma
connaissance, il n'est pas prévu qu'en diminuant le nombre de
bénéficiaires, on maintienne le nombre de postes dans
l'institution afin de ramener le ratio personnel-bénéficiaires
à des proportions adéquates. C'est un fait, sauf dans un centre
en particulier qui n'a peut-être pas soumis son budget au
ministère encore, ou au gouvernement, mais qui prévoit utiliser
les ressources en place pour fournir un meilleur service une fois que le nombre
de bénéficiaires sera diminué. Je ne sais pas s'il y a eu
un accord ou une acceptation de cette façon de faire de la part du
conseil d'administration, du conseil régional ou du
ministère.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je reviendrai avec
d'autres questions. Mme la députée de Dorion.
Mme Lachapelle: Oui. Vous parliez dans votre document des
familles d'accueil et de réadaptation, c'est-à-dire des familles
qui accueillent de deux à quatre personnes tout en leur donnant un
service mieux adapté à leurs besoins. Que pensez-vous des
familles d'accueil traditionnelles qu'on connaît qui ont un plus grand
nombre de patients, de malades à recevoir, qui sont choisies plus ou
moins selon leurs aptitudes mais surtout selon leur disponibilité?
J'aimerais vous entendre un petit peu sur cela.
Mme Fréchette-Duchesne: Je pense qu'on favorise de plus en
plus, pour la réinsertion sociale de bénéficiaires qui ont
quand même un degré d'autonomie diminué et qui ont des
problèmes plus difficiles à régler, on favorise une
diminution du nombre. Mais il reste que les familles d'accueil de cinq à
huit bénéficiaires peuvent recevoir des personnes qui ont besoin
simplement d'un certain soutien et d'une certaine surveillance. Cela peut
constituer encore une ressource adéquate et des
bénéficiaires peuvent y être acheminés. Il ne faut
pas penser qu'on puisse avoir un plan thérapeutique, des objectifs
thérapeutiques et viser des améliorations sensibles de la
condition du bénéficiaire avec des ratios de sept à huit
bénéficiaires par famille d'accueil, surtout s'il s'agit d'une
clientèle ou disons de personnes qui ont des perturbations importantes.
Par contre, il ne faut pas négliger le fait qu'il en existe actuellement
de ces familles d'accueil dont certaines font un excellent travail et où
des bénéficiaires s'y retrouvent très bien, j'en suis
convaincue. Il y a toutes sortes d'autres possibilités de regrouper des
familles d'accueil pour offrir des services communs, pour mettre en commun des
activités de loisir, il y a toutes sortes de possibilités pour
les familles d'accueil, mais, comme ce secteur de suivi des familles d'accueil
et le
recrutement relèvent plus des centres de services sociaux, je
dois dire que ce n'est pas le domaine dans lequel je suis le plus... (10 h
45)
Mme Lachapelle: Vous favorisez naturellement les centres
d'accueil de réadaptation, mais vous n'êtes pas contre la famille
d'accueil traditionnelle qui accueille un...
Mme Fréchette-Duchesne: Au contraire.
Mme Lachapelle: Parfait. Vous avez parlé aussi de la
participation de la population. Moi, en tout cas, je ne vois pas la
réinsertion sociale sans que la population soit sensibilisée aux
handicapés, quels qu'ils soient. Alors, je ne sais pas si vous
êtes avec moi, je pense que tout cela relève de programmes
d'éducation que nos jeunes devraient recevoir dès le primaire, au
même titre qu'on les a aussi intégrés à la
communauté, quelle que soit leur couleur, quelle que soit leur religion,
parce qu'on a dû faire un travail - les parents, les éducateurs
-pour leur dire que tel enfant venait de tel pays et avait des conditions de
vie différentes.
Je pense que cela devrait faire partie aussi de ces programmes,
d'informer notre jeunesse, notre population, en général, sur la
situation des handicapés qu'on va intégrer graduellement. Le
ministère des Affaires sociales joue un rôle important, mais on ne
peut pas le faire sans le ministère de l'Éducation qui doit aussi
"embarquer" par des programmes.
Mme Pelland-Beaudry: Cela commence même dans la famille. Il
faut d'abord que le handicapé soit accepté dans sa propre
famille.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Merci. Vous parlez du rôle des
infirmières dans les institutions. Pour la bonne compréhension de
la commission, pouvez-vous nous faire une définition des tâches de
l'infirmière à l'institution?
Mme Fréchette-Duchesne: Le rôle de
l'infirmière en nursing psychiatrique est, je dirais, essentiellement
composé, comme ingrédient de base, de la relation
infirmière-bénéficiaire, c'est-à-dire que c'est le
contact qu'elle établit avec le bénéficiaire qui compte le
plus et par lequel le bénéficiaire a l'occasion de s'exprimer, de
se sentir compris et de progresser aussi par rapport à une meilleure
connaissance de lui-même et une meilleure perception de la
réalité environnante.
À part ce contact, ce contact avec le bénéficiaire
et ce contact avec les familles, il y a toute la question de
l'aménagement et de l'organisation d'un milieu thérapeutique pour
l'ensemble des bénéficiaires d'une unité de soins,
l'organisation d'activités et l'exécution d'activités qui
sont appropriées, selon les besoins spécifiques de chacun des
bénéficiaires.
Il existe aussi, en raison de la nécessité d'avoir du
personnel de soutien ou du personnel de surveillance ayant moins de
connaissances en nursing psychiatrique, une certaine supervision ou
surveillance ou de voir à l'organisation du travail des autres
catégories de personnel. Elle a un rôle aussi à jouer pour
interpréter auprès du bénéficiaire et pour
coordonner les activités des autres intervenants auprès du
bénéficiaire, que ce soit l'ergothérapeute, le travailleur
social, le médecin, le psychologue, le psycho-éducateur, à
l'occasion.
Elle a la responsabilité de voir à une certaine
cohésion dans l'ensemble des activités et d'interpréter
aussi auprès des familles le plan de traitement et les situations
particulières qui surgissent chez certains
bénéficiaires.
M. Laplante: Est-ce qu'il existe encore des
aides-infirmières et aides-infirmiers dans ces centres?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme Beaudry.
Mme Pelland-Beaudry: Je ne répondrai pas
immédiatement à la question de M. le député, mais
je vais lui répondre. Je voulais ajouter... M. le député,
vous avez demandé à ma compagne de vous énumérer
des tâches et je l'ai laissée aller.
M. Laplante: C'était, en somme, dans le sens...
Mme Pelland-Beaudry: Je ne crois pas qu'elle vous ait
énuméré...
M. Laplante:... syndical, si vous voulez.
Mme Pelland-Beaudry: D'accord.
M. Laplante: La réponse ne me satisfait pas tellement
parce qu'elle a répondu d'une façon vague, en somme, d'une
façon presque normale car vous aussi, les infirmières, êtes
encadrées par les conventions collectives et c'est ce que j'attendais
comme réponse. J'aurais posé une sous-question tout à
l'heure pour essayer de vous le faire dire. Maintenant, la question est
là.
Mme Pelland-Beaudry: Oui. La question est là et je vais y
répondre. Je vais revenir au fait que je suis très heureuse
qu'elle ne vous ait pas répondu sous forme de tâches...
Des voix: Ha! Ha!
Mme Pelland-Beaudry:... parce que, dans notre mémoire,
nous parlons d'un rôle et les tâches, c'est quelque chose de
très concret. On peut accumuler un tas de tâches et les mettre les
unes à côté des autres, mais on n'aura pas un rôle
pour autant. Le rôle que l'on définit comme étant le
rôle de l'infirmière, que ce soit en milieu psychiatrique ou
ailleurs, c'est un rôle d'approche globale d'un individu, c'est de
considérer un individu comme étant un être biopsychosocial
et de tenir compte de l'ensemble de ses besoins. Quand une infirmière
travaille en milieu où l'on requiert des soins physiques surtout et des
traitements, on a l'habitude de dire qu'elle en oublie le côté
psychosocial, elle doit insister pour penser à ce côté
psychosocial. Quand elle travaille en milieu psychiatrique, on dit qu'elle doit
penser à l'aspect des soins physiques. Elle doit donc avoir cette
approche globale pour rencontrer un individu, pour lui apporter l'aide dont il
a besoin, le considérer comme un être total et non pas un
être qui présente une maladie mentale ou un être qui
présente une maladie physique.
Je reviens maintenant à votre question: Y a-t-il des aides? Il y
a sûrement des aides dans les milieux. Je ne sais pas à quoi vous
vous référez. Parlez-vous de la catégorie de
professionnels qui travaillent avec des infirmières qu'on appelle les
infirmières auxiliaires? Il y en a dans certains milieux, il y a aussi
d'autres aides qui sont les préposés aux
bénéficiaires. Un aide, c'est très large. Je ne sais pas
de quoi vous voulez parlez, de quelle catégorie de personnes
aidantes.
M. Laplante: Moi, je veux parler aussi de la personne de soutien
qui peut entourer une infirmière. Différents psychiatres sont
passés ici depuis lundi et ils ont été presque unanimes
à dire qu'il y a un manque de psychiatres au Québec. On a
même avancé le chiffre de 300 psychiatres qui pourraient manquer.
S'il y a un manque flagrant de psychiatres - on dit que le psychiatre ne va pas
en institution, qu'il fait surtout du bureau - est-ce que cela voudrait dire
que l'infirmière...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, excusez-moi, M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: C'est le contraire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On a demandé des
chiffres hier et c'est totalement l'inverse: 85 en milieu hospitalier et 15
en...
M. Laplante: Je n'y étais pas hier soir, mais dans un
autre article que j'ai lu...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais, hier, on a eu
leur réponse.
M. Laplante: D'accord, je vous remercie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas, ils
étaient en commission parlementaire et c'est ce qu'ils nous ont dit.
M. Laplante: Je vais retirer cela parce que je n'y étais
pas, hier soir. Maintenant, vu le manque de psychiatres qu'il peut y avoir,
l'infirmière est-elle portée à poser des actes
médicaux qui seraient dévolus au psychiatre ou au médecin?
Selon les mémoires qu'on nous a donnés, on disait que, dans les
hôpitaux, les infirmières, pour renforcer leur position, posaient
des actes médicaux à la place du médecin. Est-ce que la
même chose se produit dans les centres hospitaliers en psychiatrie?
Mme Pelland-Beaudry: M. le député, ne me demandez
pas de vous dire en commission parlementaire que nos infirmières ont
l'habitude ou sont - j'oublie votre terme...
M. Laplante: Par la force des choses, là.
Mme Pelland-Beaudry:... portées à poser des actes
médicaux parce que ce serait faire une... Je devrais par la suite
intervenir à d'autres instances. Maintenant, sont-elles capables
d'être de bonnes intervenantes et d'être des intervenantes
très aidantes en psychiatrie? Je vais cependant vous dire oui. Quant
à toute la largeur de ce que cela veut dire, on en aurait pour longtemps
à parler. Je voudrais cependant ouvrir une toute petite
parenthèse et ma compagne pourra aussi compléter. Cependant, pour
être de bonnes aidantes en psychiatrie, elles ont besoin de
préparation, comme les psychiatres qui veulent être de bons
aidants en psychiatrie ont besoin de préparation.
Cette préparation-là, à l'heure actuelle, je dois
malheureusement dire qu'elle n'est pas le lot de toutes les intervenantes
infirmières en psychiatrie. Dans notre mémoire, d'ailleurs, nous
mentionnons que les infirmières devraient, comme tous les autres
intervenants qui faciliteront la réinsertion sociale, avoir accès
à une préparation supplémentaire en santé
mentale et en psychiatrie.
M. Laplante: Croyez-vous que dans une
désinstitutionnalisation, où les patients seraient placés
en famille d'accueil, ou en groupe, ou en appartement, l'infirmière qui
travaille actuellement dans ces milieux-là sera assez
préparée pour jouer justement un rôle dans ces
cas-là à la place du psychiatre
dans les cas légers? Je ne parle pas des cas aigus.
Mme Fréchette-Duchesne: Effectivement, et ce n'est pas
nécessairement à la place du psychiatre. Toutes les
infirmières qui font le suivi des bénéficiaires
procèdent à une évaluation de l'état du
bénéficiaire et sont capables de déceler très
adéquatement la nécessité de se référer
à un psychiatre. Elles font référence au psychiatre
seulement au besoin et ce sont les infirmières qui assurent le suivi
dans beaucoup de centres.
Vous avez fait référence à la pénurie de
psychiatres, dont il a été question et à l'effet de cette
pénurie sur les actes médicaux posés par les
infirmières en psychiatrie. Je dois dire qu'en psychiatrie les actes
médicaux, tel qu'on l'entend au règlement d'autorisation des
actes médicaux, sont quand même très limités. Il
s'agit plutôt de préévaluation des
bénéficiaires ou de premières cueillettes de
données à partir desquelles on peut déceler s'il y a lieu
de se référer au psychiatre ou à un autre professionnel.
C'est une pratique qui est quand même courante en psychiatrie.
Par ailleurs, je ne peux pas faire autrement que de vous mentionner
qu'il y a effectivement, dans un centre, des actes médicaux posés
par les infirmières, faute de psychiatres sur place. C'est un centre
dans le Nord-Ouest. C'est en clinique externe et elles le font dans un cadre
quand même contrôlé par la consultation
régulière d'un psychiatre en équipe volante et la
collaboration des omnipraticiens de la région.
M. Laplante: Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Marie-Victorin.
M. Pratt: Mme la Présidente, j'ai une petite question
reliée à votre texte complémentaire. À la page 2,
un des problèmes qui a été quelquefois relevé ici
concernant les difficultés de réinsertion dans le milieu d'un
malade atteint d'une maladie psychiatrique ou de troubles, c'était le
rejet par la société, par la communauté, une sorte
d'appréhension face à l'arrivée d'un ou de plusieurs
malades dans le milieu. Alors, vous dites très clairement ici qu'un
suivi doit être une des conditions requises. Vous dites: "D'ailleurs,
l'acceptation par la communauté environnante est reliée aux
services offerts aux personnes atteintes de troubles mentaux et vivant dans
cette communauté. " Avez-vous en mémoire des cas, des exemples,
où vous avez eu des réussites grâce, justement, à
ces services offerts? Vous avez rencontré les gens du milieu, alors, je
voudrais que vous détailliez un peu là-dessus.
Mme Pelland-Beaudry: Je vais demander à Mme Duchesne, qui
a d'ailleurs fait l'enquête, ce qu'elle a comme données. (11
heures)
Mme Fréchette-Duchesne: En fait, concrètement, je
vais vous donner un exemple qui nous a été transmis par
l'institut Roland-Saucier. On a procédé à l'implantation
d'un pavillon, mais avant cette implantation on a fait une rencontre avec des
gens de l'entourage où allait être situé le pavillon. On a
rencontré le dépanneur, on a rencontré le restaurateur,
les gens de la caisse populaire, les gens du bureau de poste, le curé en
plus de la rencontre de groupe dont il a été question, pour
sensibiliser ces personnes au fait qu'ils recevraient un certain nombre de
personnes ayant des troubles mentaux et qui vont avoir à apprendre et
à réapprendre à faire des choses de la vie courante. On
les invitait a communiquer avec le centre à l'institut Roland-Saucier
s'il y avait des problèmes qui se posaient. Cette implantation a
très bien fonctionné. Il y en a d'autres cas comme cela. Il y a
toutes sortes de modalités, cela dépend des régions. Il y
a eu d'autres exemples qui nous ont été rapportés. Entre
autres, je sais qu'à la maison Sainte-Clothilde qui est un centre
d'accueil pour la réadaptation de personnes atteintes de
déficience mentale, après une dizaine d'années de
réinsertion sociale de déficients mentaux, ils se sont
souciés de savoir si la population trouvait qu'il y avait trop de
personnes atteintes de déficience mentale dans leur entourage. Ils ont
procédé à un sondage fait par une firme extérieure
au centre. Ils ont tenu compte des résultats obtenus. La population ne
trouvait pas qu'il y avait trop de personnes atteintes de déficience
mentale dans leur entourage immédiat.
M. Pratt: Je vous arrête là-dessus. Je peux dire que
c'est excellent ce que vous nous donnez là et je pense que vous devriez
colliger ces exemples pour les donner, parce qu'on semble démuni face
à ces exemples positifs qu'on voudrait de nos gens. Cela nous arrive
très souvent d'après les mémoires qui nous ont
été présentés. C'est comme un mur à franchir
parce que ce n'est pas acceptable. Alors, si vous me dites: Oui, cela s'est
réalisé à un pavillon dans différentes situations,
cela supposait combien de personnes dans le pavillon?
Mme Fréchette-Duchesne: Un pavillon, cela supposait un
certain nombre de patients, c'est environ une vingtaine.
M. Pratt: Une vingtaine.
Mme Fréchette-Duchesne: C'est pour cela aussi que les
familles d'accueil et de petits nombres de bénéficiaires sont
privilégiés parce que les voisins et l'entourage acceptent
beaucoup plus facilement qu'il y ait deux ou quatre bénéficiaires
dans une région.
M. Pratt: Les réticences qui ont été
manifestées ici étaient autant vers des familles qui en
accueillaient un ou deux que des groupes plus nombreux.
Mme Fréchette-Duchesne: Ah! bon.
M. Pratt: Alors, je pense que ce serait faire oeuvre utile que de
nous donner ces exemples afin qu'on puisse les servir à ceux qui nous
disent: Bien, c'est impossible. On a affaire à un rejet de la part de la
société, on n'accueille pas le malade mental dans le milieu. Si
vous avez des exemples comme cela... Vous dites: À la condition qu'il y
ait un suivi...
Mme Fréchette-Duchesne: Oui.
M. Pratt:... è la condition aussi que les services qu'on
donne à ces malades soient connus. On ne les laisse pas de même
dans le trafic, on leur donne l'assistance et le support voulu. Ce serait
très apprécié d'avoir cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aurais deux questions
pour terminer. Remarquez bien qu'on pourrait en avoir beaucoup d'autres, mais
je vais les formuler toutes les deux en même temps. La première:
Est-ce que c'est dans votre mémoire ou dans vos trois pages... Je pense
que c'est dans vos trois pages. En tout cas, à la page trois, quelque
part, au septièmement, vous parlez de la politique de perfectionnement
et de recyclage de la main-d'oeuvre infirmière qui contribuerait au
succès de la désinstitutionnalisation. Je pense que vous l'avez
déjà abordé. Ce qui me préoccupe, dans le cas
où il y a eu de la désinstitutionnalisation assez importante,
c'est que des infirmières ont dû être affectées
à d'autres tâches. Il y en aurait combien à votre
connaissance, si vous avez le nombre? Est-ce que ces infirmière ont
été réaffectées à des tâches
associées aux personnes qui ont été
désinstitutionnalisées?
Mme Pelland-Beaudry: Je n'ai pas de données
précises, des statistiques là-dessus.
Mme Fréchette-Duchesne: Dans les expériences que
j'ai connues... Je ne connais pas toutes les expériences au
Québec non plus. J'ai quand même contacté une quinzaine de
centres; j'en connaissais, disons, cinq autres dans l'ensemble. C'est la
moitié, à peu près, des centres existants. On n'a pas eu
tendance à réaffecter les infirmières à d'autres
tâches à l'extérieur. Par ailleurs, je sais que dans un
centre, il y a eu entente avec le syndicat par rapport à une perspective
de développement de resssources alternatives où on envisageait
une coupure de postes, évidemment, à cause de la diminution du
nombre de bénéficiaires. Et il y a une entente de
développement avec le syndicat sur deux ans; le syndicat est
prévenu qu'il y aura une désinstitutionnalisation. On envisage
dans ce centre de procéder à une formation du personnel et de le
relocaliser dans des tâches qui impliquent un travail en externe et des
tâches différentes de celles qu'il fait actuellement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Les autres ont
été réaffectés à quoi? Est-ce qu'on les a
envoyés dans d'autres centres d'accueil d'hébergement de
personnes âgées? Qu'est-il arrivé à ces
personnels?
Mme Fréchette-Duchesne: Je dois dire que je l'ignore. Par
ailleurs, je sais qu'il y a eu des coupures de postes et beaucoup de
mécontentement et de soubresauts à la suite de cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Pourquoi je vous pose la question? Une chose nous a été
dite ici et sur laquelle il semblait y avoir un consensus - je pense qu'il ne
faut pas penser strictement en fonction de postes - c'est que les gens disent:
D'accord, désins-titutionnalisez, mais donnez à
l'extérieur, peut-être sous une autre forme. Si on va faire des
visites à domicile, ce n'est peut-être pas exactement comme la vie
dans une salle. Que ce personnel soit recyclé pour aider les
bénéficiaires qui sortent, justement, pour combler ces lacunes.
Ce ne sont pas de petites lacunes. Il n'y a pratiquement rien à
l'extérieur. Les gens nous ont dit que si on procédait à
la désinstitutionnalisation, il y a peut-être du personnel qui ne
voudra pas ce type de chose mais, d'une façon générale,
les ressources qui sont à l'intérieur doivent s'en aller vers
l'extérieur si on veut parler d'une désinstitutionnalisation. Il
ne semble pas, selon le peu de données que vous avez, que c'est ce qui
s'est produit dans le cas des infirmiers et des infirmières. Est-ce que
c'est à peu près cela?
Mme Fréchette-Duchesne: Oui, c'est à peu
près cela.
Mme Pelland-Beaudry: Mme la Présidente, je vous
mentionnais tout à l'heure que je n'avais pas de données
précises. Par contre, pour avoir rencontré des groupes, à
titre de présidente, je sais qu'il y a des personnes qui ont
profité de cette réinsertion pour s'orienter d'elles-mêmes
vers des études. Elles n'ont pas été
réorientées vers des centres, mais sont actuellement à
faire certaines études choisies
par elles-mêmes. Il y en a d'autres qui se sont nettement
réorientées par choix vers d'autres types d'exercice de leur
profession, parce qu'elles préfèrent ne pas oeuvrer dans le type
de travail que demande la réinsertion sociale. J'ai entendu dire cela.
Je n'ai pas de statistiques précises, mais tout de même, il y en a
qui le choisissent d'elles-mêmes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Pelland-Beaudry: Mais, de façon
générale, je vais répéter qu'elles demandent quand
même d'avoir à leur disposition des programmes qui leur permettent
de pouvoir se réorienter vers la réinsertion sociale avec de
meilleurs outils, un bagage différent de ce qu'elles ont actuellement!
la demande est très grande.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une dernière
question et vous n'êtes pas obligée de me répondre, si cela
vous met mal à l'aise, Mme Pelland-Beaudry. J'avais dit que je ne vous
poserais pas de questions à propos du ratio et on va finir par une
question sur le ratio. Compte tenu de votre expérience et d'une certaine
surveillance professionnelle sur la qualité des soins que l'ordre des
infirmières peut exercer sur les établissements, est-ce que vous
trouvez, si on compare les institutions, par exemple, ou les services... On
sait, par exemple, qu'il y a une souffrance de ratio dans les centres d'accueil
et d'hébergement. Je pense que c'est assez officiellement reconnu.
Est-ce que la carence dans le ratio
infirmières-bénéficiaires dans les institutions
psychiatriques, que ce soient des unités de soins à
l'intérieur des hôpitaux généraux ou des
hôpitaux psychiatriques eux-mêmes, vous semble plus aiguë ou
plus criante dans ce domaine que dans les autres domaines? En termes de
priorités, où la situeriez-vous? Sentez-vous libre de me
répondre ou non, parce que je sais que cela peut être difficile
pour vous.
Mme Pelland-Beaudry: Je ne dirais pas que c'est plus criant, mais
je pense que c'est important quand même comme situation. Surtout si on
pense à l'approche qu'on vient de décrire dans notre
mémoire, à celle qu'on souhaiterait.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
Mme Pelland-Beaudry: Je ne sais pas si France a quelque chose
à ajouter.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Voulez-vous ajouter
quelque chose?
Mme Fréchette-Duchesne: Je suis toujours défenseur
de la psychiatrie. Je dirais que c'est urgent pour certaines institutions
psychiatriques de rajuster les ratios. La qualité de vie est quand
même très basse. Mme Beaudry a plus la connaissance de l'ensemble
des besoins des différents secteurs.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Vous ne trouvez pas
qu'ils sont plus défavorisés que les autres, compte tenu du type
de clientèle, de l'effort au plan affectif, etc., que cela comporte?
Mme Pelland-Beaudry: Ils sont défavorisés. Vous
avez mentionné les centres d'accueil et d'hébergement tout
à l'heure, Mme la Présidente. Je pense qu'il y a des milieux qui
sont aussi très défavorisés. J'entends beaucoup de
demandes qui viennent de partout. Ce secteur-là est nettement
défavorisé. Je ne veux pas minimiser quand même.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela. Au nom de la
sous-commission, je vous remercie, Mme Beaudry et Mme Duchesne d'être
venues présenter votre mémoire. Est-ce qu'on pourrait se sentir
libre, si on a besoin d'information supplémentaire, de vous
recontacter?
Mme Pelland-Beaudry: Sûrement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci.
Mme Pelland-Beaudry: Merci de nous avoir reçues. Au
revoir.
CSN
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous invitons maintenant
la Confédération des syndicats nationaux a se présenter.
Mme Simard n'est pas là? C'est parce qu'on a son nom et je me disais:
À moins que je sois bien myope je ne la vois pas. Si vous voulez vous
présenter, s'il vous plaît.
M. Lessard (Yves): Oui. On doit tout d'abord excuser Mme Simard.
Étant à l'extérieur de la province présentement,
elle est remplacée par M. Roger Valois qui est vice-président de
la CSN aussi, à ma gauche. Ma compagne, Rolande Bourgault, est membre
d'un comité à la fédération et aussi
employée du centre d'accueil Dupuis, à Montmagny. J'ai, à
mes côtés aussi, Gilles Marsolais, qui est membre du comité
en santé mentale pour la Fédération des affaires sociales
et employé de l'institut Albert-Prévost. Pour vous livrer notre
rapport aussi, je suis président de la Fédération des
affaires sociales, je m'appelle Yves Lessard.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Bonjour.
M. Lessard: Bonjour, madame.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si vous voulez
procéder nous allons vous écouter.
M. Lessard: D'accord. D'abord on doit dire qu'on va faire une
présentation très sommaire du mémoire qu'on vous a fait
parvenir. Je crois que vous en avez une copie en main.
En premier lieu, je voudrais souligner que nous apprécions
énormément la tenue de cette sous-commission parlementaire. C'est
une des premières fois qu'on nous invite officiellement, dans le cadre
d'un organisme qui s'inscrit dans le processus de décision au
Québec, à nous exprimer en ce qui concerne toute la
problématique en santé mentale. Pourtant, il y a
déjà beaucoup de choses qui se sont faites de ce
côté-là en matière de
désinstitutionnalisation.
Nous pensons qu'on ne doit pas traiter ce débat comme quelque
chose qui est à venir, mais on doit tenir compte aussi du fait que le
phénomène de la désinstitutionnalisation, si je peux
m'exprimer ainsi, est déjà en cours, déjà en
marche, malgré qu'à peu près tous les intervenants
intéressés dans la société se soient dits
intéressés à donner leur opinion et, pour la presque
totalité, sont en désaccord avec la façon dont la
désinstitutionnalisation s'opère présentement. (11 h
15)
La CSN est d'autant plus intéressée à s'exprimer
là-dessus qu'elle représente une majorité de
salariés du réseau des affaires sociales qui oeuvrent en
santé mentale. Pour certains types d'établissements, c'est la
quasi-totalité des salariés que nous représentons. Ce
n'est pas à cause d'une préoccupation qui se limite à la
conservation des emplois que nous nous intéressons à cette
problématique, mais, comme nous l'avons fait dans le passé, c'est
par souci d'une qualité des services, d'un ratio de services qui
correspondent aux besoins réels des bénéficiaires.
Pour étayer cette affirmation, je veux vous rappeler les
positions et les travaux faits à la CSN relativement aux conditions de
vie des bénéficiaires tant en établissement qu'à
l'extérieur des établissements. Même des dispositions de
conventions collectives prévoient, de façon spécifique,
des moyens ou des mécanismes qui nous permettent d'intervenir pour
améliorer les conditions de vie des bénéficiaires. Je
voudrais rappeler en ce sens les cours d'approche aux malades,
spécifiquement pour les établissements de santé mentale,
que nous avons négociés et obtenus par la voie de conventions
collectives au début des années soixante. Nous nous sommes fait
un devoir, dans chacune des conventions collectives, de tenter de les maintenir
et de faire en sorte que le plus de gens possible aient accès à
ces cours d'approche aux malades.
Par la même occasion, je dois vous rappeler que, chaque fois, cela
a été un tour de force pour pouvoir maintenir ces cours, y
compris lors de la dernière négociation qui n'en fut pas une,
où on a perdu des possibilités de permettre à des gens,
après un certain nombre d'années, d'aller se rafraîchir en
ce qui concerne ces cours d'approche aux malades. Vous vous rappellerez aussi
des dispositions relativement au comité de bien-être, au
comité de nursing. Le comité de bien-être est particulier
aussi aux centres hospitaliers psychiatriques ou, encore, aux
établissements de santé mentale. Le comité de nursing a
fait un travail énorme à partir des années 1964 à
1969, je dirais. Il y a une foule de sentences arbitrales qui témoignent
aussi du fait qu'on a pu inverser le cours des choses un tant soit peu en ce
qui concerne souvent une détérioration des services ou, encore,
une amélioration des services qui tardait à venir.
Plus près de nous, nous avons aussi fait une enquête
à la Fédération des affaires sociales pour avoir une
meilleure vue d'ensemble de la situation. Au moment où on se parle,
à la fédération, nous avons pris une position relativement
à la désinstitutionnalisation. Nous entendons vous en faire part
dans le présent mémoire. De même, à la CSN,
très récemment, à la suite d'un travail qui a
été effectué sur une période d'au-delà de
cinq ans, nous avons adopté une politique de la santé qui traite
nommément aussi de toute la question de la santé mentale.
Je dois dire que c'est la première fois qu'on est invité
officiellement à ce débat, dans une instance comme celle-ci. Nous
avons pris soin, par ailleurs, de nous présenter là où il
y avait des forums qui permettaient à des gens d'intervenir
publiquement. C'est pourquoi, au printemps dernier, la CSN a participé
au sommet "À part... égale", ainsi qu'à une rencontre
provinciale des psycho-éducatrices et éducateurs qui portait sur
la réinsertion sociale.
De notre côté, à la Fédération des
affaires sociales, nous avons formulé publiquement au ministère
des Affaires sociales d'alors, qui est maintenant le ministère de la
Santé et des Services sociaux, une demande d'enquête sur
l'état général des soins dans les hôpitaux
psychiatriques et les centres d'accueil pour déficients mentaux.
C'était à la suite des dénonciations dans les
hôpitaux Louis-H. -Lafontaine et Robert-Giffard, dont on avait fait grand
état dans les médias d'information.
En avril 1985, devant la profusion de projets de sortie de
bénéficiaires et l'absence d'une politique claire du
ministère à ce sujet, la fédération a
demandé au ministre Chevrette un moratoire sur la
désinstitution-nalisation.
Pour nous ce moratoire devait permettre un débat public à
partir des positions du MAS et ce débat nous apparaît d'autant
plus nécessaire qu'il aurait abouti éventuellement à un
consensus social sur la question. Malheureusement, le ministre Chevrette n'a
pas cru bon de répondre par l'affirmative à notre demande.
Depuis un an, la Fédération des affaires sociales a
également amorcé un processus d'enquête sur la
désinstitutionnalisation dans les hôpitaux psychiatriques et les
centres d'accueil. Incidemment, une partie des résultats de cette
enquête a servi à alimenter le présent mémoire.
Nous croyons important de présenter un mémoire à
cette sous-commission parce que nous représentons de larges groupes de
syndiqués. Je dirais que nous représentons toutes les
catégories de travailleuses et de travailleurs des affaires sociales qui
sont en contact directement avec les bénéficiaires. Contrairement
à ce que certaines personnes essaient de faire croire, nous sommes
intéressés non seulement aux conditions de travail, mais aussi
aux conditions de vie des bénéficiaires que nous côtoyons
chaque jour et, finalement, parce que le problème de la
désinstitutionnalisation est un problème de
société.
Le point de vue que nous présentons fait partie d'une
démarche de la CSN, soit d'avancer des idées, des recommandations
afin d'améliorer l'état des services de santé. Au sein de
la CSN, nous entendons de plus favoriser un débat large, qui est
déjà commencé d'ailleurs, sur les moyens à prendre
et les conditions à respecter afin de procéder à une
véritable réinsertion sociale.
Pour évaluer le processus de désinstitutionnalisation et
de réinsertion sociale des bénéficiaires en santé
mentale, nous avons séparé ce qui se fait en psychiatrie, d'une
part, et ce qui se fait dans les centres d'accueil, d'autre part.
Dans les hôpitaux psychiatriques, la sortie des
bénéficiaires ne fait tout juste que s'amorcer dans le cadre des
programmes de désinstitutionnalisation du MAS. Toutefois, on
connaît depuis plusieurs années un processus de transfert des
bénéficiaires vers des ressources extérieures. Exemple:
Depuis 1975, à Robert-Giffard et Louis-H. -Lafontaine, ces
hôpitaux ont subi une diminution d'au-delà de 1000 lits.
Quelles furent les conséquences de cette opération pour
les bénéficiaires? Parfois bénéfiques, mais souvent
négatives. À cause du manque de ressources chargées de les
accueillir en dehors des hôpitaux, ceux-ci se sont retrouvés dans
une situation déplorable. Au mieux, ils sont dirigés dans des
ressources limitées à l'hébergement dont les conditions ne
sont pas toujours adéquates.
Au pire, c'est la rue. Dans la seule ville de Québec, on
compterait plus de 2000 de ces ex-bénéficiaires laissés
à eux-mêmes, parqués dans des maisons de chambres de la
basse-ville ou dans des refuges de nuit.
Les trois quarts de ces personnes ne sont suivies d'aucune façon.
Le résultat: un taux de réadmission énorme qui varie entre
60 % et 80 %, selon les régions, pour les personnes atteintes de maladie
mentale. Est-ce là la réinsertion sociale dont se gargarisaient
jusqu'à récemment les tenants de la
désinstitutionnalisation et porte-parole du MAS? Pourtant, aujourd'hui,
on parle à nouveau de désinstitutionnalisation quand même
massive dans les hôpitaux psychiatriques.
Les centres psychiatriques de Roberval, de Joliette et Louis-H.
-Lafontaine forment les trois hôpitaux pilotes de cette
expérience. À Louis-H. -Lafontaine, une coupure de 1000 lits est
possible, même de 1600 lits sur les 2200 existants. À Joliette,
1100 lits avec possibilité d'extension à 165 sur une
possibilité de 450. À Roberval, à peu près les
mêmes proportions.
Il faut dire ici que les projets ne sont pas encore complètement
arrêtés, même si on a déjà commencé
à mettre en place des structures pour accueillir les
bénéficiaires. C'est pour cette raison qu'il est difficile
d'évaluer à sa juste valeur ce qui est prévu. Certains de
ces projets sont intéressants et méritent d'être
étudiés. Cependant, nous avons deux questions: Est-ce que les
budgets suivront? Est-ce que la désinstitutionnalisation ne servira
qu'à empêcher l'hospitalisation pour cause de manque d'espace? Si
tel est le cas, nous ne ferons que répéter ce que le
réseau a créé depuis le début des années
soixante-dix.
Dans le cas des centres d'accueil pour déficients mentaux, les
centres d'accueil procèdent à une désinstitutionnalisation
importante depuis 1980. À l'institut Doréa de Hundington, par
exemple, le nombre de bénéficiaires à l'interne est
passé de 160, en 1979, à 106 à l'heure actuelle.
À Clair Foyer à Amos, 150 bénéficiaires
hébergés en 1981; il n'en reste que 59, tandis qu'au centre
d'accueil Contrefort de Rosemère les 80 bénéficiaires
hébergés auparavant ont tous été dirigés
vers des ressources extérieures.
L'objectif, nous dit-on, est de donner aux déficients mentaux et
aux déficientes mentales un statut égal aux personnes normales.
Le moyen: Permettre la réinsertion des bénéficiaires dans
un cadre de vie le plus normalisant possible par un hébergement en
famille d'accueil, en foyer de groupe, par l'école, le travail, la
possibilité d'avoir accès
au transport en commun, etc. Dans le milieu de la déficience
mentale, cela s'appelle la normalisation.
Au début, on a sorti les déficients mentaux légers
et le processus s'est étendu aux personnes déficientes moyennes
et sévères. Ces gens ont pris le chemin des familles d'accueil et
des foyers de groupe. Les derniers sont des structures légères
gérées par les institutions. Il y a eu également un
développement des ressources externes qui devaient assurer le suivi, de
même que d'autres ressources pour assurer une intégration scolaire
et au travail.
Pour les deux et trois prochaines années, il est prévu de
sortir les bénéficiaires plus lourdement handicapés, comme
les déficients mentaux sévères, profonds et
multihandicapés. En fait, dans plusieurs centres, il ne s'agit de rien
de moins que de fermer les lits et services à l'interne. D'ici à
1987, parmi les neuf centres où nous avons enquêté, cinq
devraient n'offrir que des services pour les ressources externes.
Pour se faire une idée des implications de ces mesures, rappelons
que la majorité des bénéficiaires encore en institution ne
peuvent pas parler. Un grand nombre doivent être nourris et lavés
par d'autres. Plusieurs sont inconscients, alités ou se promènent
en chaise roulante. D'autres présentent des problèmes de
comportement. Enfin, plusieurs sont épileptiques.
Voyons maintenant les conséquences, de ce qui s'est passé
jusqu'à maintenant dans ce secteur. Grosso modo, on pense que la sortie
des déficients légers et même moyens, pour un grand nombre,
a été bénéfique pour eux. De fait, le principe de
la normalisation en déficience mentale est intéressant à
plusieurs égards. Cependant, le contexte des compressions
budgétaires dans lequel la désinstitutionnalisation s'est
effectuée dans les centres d'accueil a amené des
conséquences néfastes majeures. D'abord, les administrateurs ont
commencé à afficher une volonté de réduire de
façon draconienne le nombre de bénéficiaires en
institution, allant jusqu'à vouloir leur fermer définitivement
les portes.
Ensuite, on a commencé à sortir ceux qui sont le plus
lourdement handicapés. Les éducateurs, les éducatrices et
les préposés se demandent s'il est vraiment bon de sortir ces
gens des institutions, alors que leur état nécessite une
protection et des soins que seule l'institution peut fournir.
Est-ce que, dans la volonté de normaliser, on va oublier la
présence du handicap de ces gens? Finalement, probablement pour les
mêmes raisons économiques, on a procédé souvent sans
préparation des bénéficiaires et sans préparation
de la population. Je pense qu'hier, avec le témoignage des gens de
Malartic, nous avons eu un exemple assez percutant à cet effet.
Vous verrez, dans le mémoire, que nous posons beaucoup de
questions sur le rôle des familles d'accueil dans la réadaptation
de ces bénéficiaires. Que faire alors? Premièrement,
à la CSN, nous sommes pour le principe de la
désinstitutionnalisation. Trop souvent, par le passé, les
institutions ont eu tendance à garder des gens qui n'en avaient pas
besoin. Mais ce processus doit tenir des pathologies individuelles.
Deuxièmement, ce processus de désinstitutionnalisation
doit cependant se faire par étapes. Il faut, au préalable,
bâtir de toutes pièces un réseau de ressources externes qui
n'existe pas encore. Ce réseau devra oeuvrer autant dans le domaine de
la prévention que dans celui de la réinsertion sociale. (11 h
30)
Troisièmement, en attendant la constitution d'un tel
réseau et pour les bénéficiaires qui devront demeurer dans
de tels établissements, il y a largement place pour des réformes
à l'interne.
Dans les hôpitaux psychiatriques, d'abord, il doit y avoir
transformation de l'organisation du travail afin de fournir des conditions
différentes en ce qui a trait au fardeau de tâches, au travail en
équipe, à l'approche du malade, l'abolition du système de
"car wash", le regroupement des bénéficiaires par pathologie pour
donner des traitements plus actifs, le regroupement des
bénéficiaires dans des unités plus petites, le droit des
bénéficiaires à la dignité, à
l'intimité, à la communication avec l'extérieur.
Dans les centres d'accueil pour déficients mentaux, nous croyons
qu'on doit adopter le principe de la normalisation aux conditions qui
prévalent à l'interne, particulièrement en ce qui a trait:
à l'approche du bénéficiaire, c'est-à-dire
respecter ses droits à l'intimité, à la dignité,
à la communication avec l'extérieur comme dans les centres
psychiatriques; à la qualité de vie à l'interne,
c'est-à-dire diversifier les activités de loisir,
considérer les aménagements physiques dans certains cas,
individualiser les interventions et les programmes.
Quatrièmement, pour nous, la désinstitutionnalisation est
donc un processus à moyen terme, au cours duquel une période de
transition doit être aménagée. Mais, au terme de ce
processus, un autre principe demeure important: l'ensemble des soins aux
malades mentaux doit rester sous la responsabilité du secteur public.
Nous nous opposons à une privatisation par la bande d'une partie du
réseau psychiatrique.
Je dois vous dire que je laisse à votre examen les autres
propositions que nous avons faites et qui nécessitent d'être
étudiées en profondeur et qui sont de nature à contribuer
à bâtir les ressources
nécessaires à la désinstitutionnalisation.
En conclusion, nous pensons que cette question doit faire aussi l'objet
d'un large débat afin de savoir où on va et d'avoir un consensus
sur la façon de faire la désinstitutionnalisation et de
responsabiliser aussi l'ensemble des gens qui doivent contribuer a faire que la
désinstitutionnalisation soit un succès. Pour ce faire, il nous
semble que le gouvernement doit décréter un moratoire sur ce qui
est en train de se faire. Sinon, tout le débat que nous espérons,
qui s'amorce avec cette sous-commission parlementaire -c'est notre souhait - va
perdre une partie de sa crédibilité et va décourager un
bon nombre de gens à intervenir puisque nous allons nous retrouver
devant une situation de fait, même si elle est partielle, mais quand
même passablement significative au rythme où vont les choses.
C'est là l'ensemble, en résumé, de notre
mémoire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, M. Lessard.
D'abord, je veux vous remercier de votre mémoire. Je veux remercier la
CSN d'être venue devant la commission. Je pense que vous allez avoir un
rôle important à jouer si l'on veut que la
désinstitutionnalisation s'effectue dans des conditions qui orientent
vers un progrès et non pas vers une régression. Vous êtes
aussi les personnes qui vivez à l'intérieur des institutions ou
des centres d'accueil, en général les établissements. Vous
êtes ceux qui vivez aussi 24 heures par jour avec ces gens, avec une
certaine rotation, et ceux qui connaissez aussi le mieux les patients parce que
vous êtes directement touchés, c'est-à-dire que vos
services sont dirigés directement vers les
bénéficiaires.
Je ne veux pas répéter ce que j'ai dit tout à
l'heure à l'autre groupe. Dans beaucoup de mémoires, on sent les
mêmes inquiétudes, la préparation de la communauté,
le manque de ressources, etc. Je vais plutôt revenir à des points
qui m'apparaissent plus spécifiques à votre mémoire.
La première question est plutôt une question d'information.
En page 4, tout à fait au bas de la page, quand vous parlez d'un nombre
indéterminé - d'abord vous dites qu'il y a 14 200 lits
actuellement qui sont occupés par différents types de
bénéficiaires au bas de la page, vous dites qu'il y aurait un
nombre indéterminé de 2000 à 5000 personnes provenant du
réseau des centres hospitaliers psychiatriques et des centres d'accueil
pour déficients mentaux qui seraient placés en famille d'accueil.
À part cette population, j'ai de la difficulté à
comprendre si c'est un projet pour les placer en centre d'accueil ou s'ils sont
déjà en centre d'accueil. C'est juste une question d'information.
Votre voisin semble vouloir répondre.
M. Marsolais (Gilles): Oui, ce sont des
bénéficiaires qui sont déjà placés en
famille d'accueil.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui et qui sont
déjà sortis des institutions?
M. Marsolais: Qui sont déjà sortis des institutions
à la suite de la désinstitutionnalisation commençant en
psychiatrie, principalement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La seule chose que je me
demande, c'est comment cela se fait-il - ce n'est pas un reproche que je vous
fais - que l'éventail soit si grand ou que la fourchette soit si grande
dans votre évaluation entre 2000 et 5000? Vous n'êtes pas capable
d'avoir de données plus précises que cela?
M. Marsolais: Non. Peut-être qu'il y en a, mais au moment
de la recherche, la seule donnée dont on a entendu parler venait du
recensement des familles d'accueil pour les enfants, qui, je pense, s'appelait
l'opération 20 000 ou 30 000.
En ce qui concerne l'ensemble des gens placés en famille
d'accueil, je ne pense pas qu'il y ait un recensement de façon vraiment
exhaustive au ministère des Affaires sociales. C'est possible qu'il le
soit, on n'avait pas la capacité d'énergie pour vraiment faire
une recherche exhaustive sur les données. D'autant plus que, par la
suite, après que le mémoire a été écrit, on
s'est aperçu qu'effectivement il y a différentes
interprétations des données ou des permis d'établissement.
Entre autres, sur la question du nombre de lits, si vous me faites les
mêmes réflexions: Est-ce que les chiffres sont vraiment
ceux-là? je vous dirais: Ce sont les chiffres qu'on a extrapolés
à la suite des données contenues dans le livre qui s'appelle "Le
portrait de la situation", je crois, publié lors de la conférence
socio-économique sur la personne handicapée. Mais, l'Association
des centres d'accueil a d'autres données en ce qui concerne le nombre de
lits dans les centres d'accueil pour déficients mentaux. Ce qui fait
qu'il y a peut-être une normalisation à faire, à un moment
donné, sur cette question du nombre de lits.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Normalement, le MAS devrait avoir ces données, j'imagine. En tout
cas, on s'informera, parce que je trouvais que la marge était
grande.
Vous savez, on n'est pas ici du tout un tribunal, mais on essaie
vraiment de s'éclairer. C'est la CEQ qui, je pense, est venue avec la
Fédération des SPIIQ, nous dire un peu la même chose que
vous, que les congés ou, enfin, la désinstitutionnalisation, trop
souvent, était improvisée sans une
évaluation adéquate, sans une préparation
adéquate. Par contre, on a eu l'envers de la médaille où
on nous a dit que jamais personne n'avait son congé et que les
décisions n'étaient pas prises, à moins d'avoir une bonne
évaluation.
De plus, en bas de la page 15, vous donnez deux exemples et,
particulièrement, le tout dernier qui m'apparaît encore plus
pénible que même la fin du repas du bénéficiaire,
soit que, sous prétexte d'une ballade en autobus, on a fait sortir des
bénéficiaires du centre pour les amener eux aussi en foyer de
groupe. Voulez-vous dire qu'ils n'avaient jamais eu vent du fait qu'ils
pourraient être déplacés et que cela s'est fait un peu
comme une sorte de kidnapping, si vous voulez? Si c'est vrai et que vous
m'affirmiez ici que c'est exactement cela qui se passe, même si, dans
d'autres, il ne faudrait pas non plus généraliser et dire que
chaque fois cela s'est fait comme cela, c'est quand même important de le
savoir. Puisque vous l'écrivez dans votre mémoire, je voudrais
que vous le disiez verbalement si c'est cela qui s'est passé.
M. Marsolais: Oui, c'est ce qui s'est passé. Je voudrais
juste mentionner, par rapport à cet exemple-là, qu'il
était possible je n'ai pas vérifié cela - que le
bénéficiaire en question ait été averti ou qu'on
lui a fait mention qu'il était pour sortir de l'établissement,
mais on a mis cet exemple parce que, effectivement, c'est ce qui s'est
passé. Les bénéficiaires s'en allaient pour une ballade et
ont abouti dans un foyer de groupe, et, dans d'autres centres d'accueil...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On me disait de
rapprocher mon micro, mais c'est le vôtre qu'on veut que vous
rapprochiez.
M. Marsolais: Je veux juste dire qu'il est possible que la
personne ait été avertie qu'elle était pour sortir.
C'était une période qui était particulièrement
difficile au centre d'accueil Contrefort en ce qui concerne la sortie des
bénéficiaires. On faisait des sorties qu'on pourrait quasiment
appeler sauvages, c'est-à-dire que c'étaient des sorties qui
n'étaient pas organisées. D'ailleurs, la première sortie
de bénéficiaires du centre d'accueil, elle a été
faite dans un chalet d'été dans la région de Joliette.
Cela devait être pour une période de trois mois et, finalement,
cela a duré beaucoup plus longtemps que cela. Je pense que ce qui est
donné là est vrai. Peut-être que le mémoire ne
souligne pas cela, mais il y a eu une certaine amélioration en ce qui
concerne la sortie des bénéficiaires dans ce centre d'accueil. Il
faut le dire, sauf qu'il y a quelque chose... Ce n'est pas possible qu'il y ait
autant de gens, autant d'employés qui nous aient parlé du manque
de préparation des bénéficiaires pour que ce soit quelque
chose qui soit juste anodin ou qui soit juste un incident. Il y a plus que
cela. Il y a vraiment une question de manque de préparation des
bénéficiaires. Je pense aussi que c'est un peu dans le même
sens de ce que les gens ont dit depuis deux ou trois jours, c'est le manque de
préparation de la population. Dans le fond, c'est un peu le même
tableau. On ne peut pas préparer des bénéficiaires en
oubliant de préparer la population. Quand on a un plan et qu'on dit que
c'est une opération majeure, que ce n'est pas juste une réforme
administrative, que c'est une opération majeure dans le sens d'une
transformation de la façon dont on donne ces soins, dont on fait les
traitements, à ce moment, on ne peut pas faire comme si cela passait en
catimini. Je pense que c'est un peu le sens qu'on veut donner par les exemples
qui sont dans le texte.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant...
M. Lessard: Si vous me le permettez...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, allez-y, M.
Lessard.
M. Lessard: Pour nous, la préparation, ce n'est pas
seulement d'informer. Vous comprendrez qu'une préparation, c'est plus
que cela. Il y a des bénéficiaires qui sont en mesure de recevoir
une véritable préparation dans le sens de savoir ce qu'implique
le transfert, ce que cela va changer dans leurs conditions de vie, leurs
conditions journalières. Alors, c'est plus qu'une simple information et
dire: On va te transférer à tel endroit.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce que j'ai de la
misère à comprendre au sujet de ces deux incidents que vous
apportez comme exemple, c'est qu'il s'agit de personnel syndiqué, qu'il
soit infirmier ou éducateur, qui travaille quotidiennement avec les
enfants. Enfin, vos membres devaient savoir qu'il était question que
quinze enfants - c'est moi qui mets le nombre - devaient être
transférés. Si vous le saviez ou si vos membres le savaient, vous
n'en aviez pas parlé ou on n'en avait pas parlé avec les enfants.
C'est parce que vous vivez avec eux dans leur quotidien et, même si vous
n'étiez pas d'accord parce que vous disiez que peut-être ces
quinze n'étaient pas prêts à partir, mais on a
l'impression... J'ai parlé de "kidnapping" tout à l'heure parce
que comme c'était une absence de connaissance totale, comme vous le
rapportez, tout à coup on vient prendre quinze enfants et on les
amène ailleurs. Cela me semble assez incroyable
que vos membres n'aient pas été au courant, étant
donné que vous deviez savoir que la décision était prise,
peut-être pas le moment de la journée, ni de quelle façon,
que cela n'ait pas été discuté avec les enfants qui
étaient capables, évidemment, ceux avec qui vous étiez
capables de communiquer.
M. Marsolais: Effectivement, dans des programmes de
réadaptation en ce qui concerne la réinsertion sociale en
déficience mentale, je sais qu'il y a des centres qui avaient des
programmes de trois à six mois de préparation du
bénéficiaire. Actuellement même, à Clair Foyer, il y
a une expérience assez intensive d'une préparation d'un an avec
un ratio de personnel de un pour un sur les trois quarts de travail pour une
réinsertion sociale. Je suis convaincu que, dans le cas de Clair Foyer,
cette personne, avant de partir, va savoir à quelle place elle va partir
et elle va en entendre parler probablement un an d'avance. Dans les cas dont on
a entendu parler où ce n'était pas le cas, où
c'était comme une désinstitutionna-lisation mal
préparée, il y a effectivement le fait que le temps des
programmes de réadaptation pour la sortie des
bénéficiaires a été réduit. Il y en a qui
avaient, au début, des programmes de six mois et cela a
été descendu à trois mois. Dans certains cas, maintenant,
c'est, semble-t-il, très court, c'est-à-dire qu'on prépare
le bénéficiaire pendant quinze jours ou un mois. (11 h 45)
Dans le cas qu'on a décrit, à la page 15, ce qui s'est
passé, c'est qu'effectivement, les bénéficiaires devaient
sortir, mais on ne savait pas exactement quand ils étaient pour sortir.
Il ne s'agit pas de dire que le bénéficiaire n'a pas
été averti, Je pense qu'on peut dire qu'il a été
averti, qu'il savait qu'il sortirait un jour ou l'autre...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le groupe aussi?
M. Marsolais: Pardon?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le groupe aussi qui a
été sorti?
M. Marsolais: Oui, oui, c'est cela. Sauf que, c'est comme...
Comment cela se fait-il qu'à un moment donné, c'est si pressant
cela? L'autobus arrive, il faut que les bénéficiaires
sortent.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est cela.
M. Marsolais: C'est comme une panique...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord, je comprends ce que vous voulez dire. D'accord. À la
page 17, au haut de la page, je l'aborde à partir de là, mais
vous en reparlez un peu plus loin, à la page... En tout cas. Toute la
question de ce que vous pensez être des considérations d'ordre
économique ou budgétaire de la part du gouvernement. D'un
côté, on dit: Les personnes qui sont syndiquées, c'est
normal aussi qu'elles pensent à leur sécurité d'emploi.
D'un autre côté, on n'est pas sûr non plus jusqu'à
quel point des considérations d'ordre économique peuvent entrer
en ligne de compte. Nous nous posons la question, nous, comme groupe. Vous
apportez un exemple à la page 17 et vous en parlez un peu plus
longuement. Est-ce que vous avez d'autres faits précis qui vous feraient
dire que, finalement, c'est vraiment la considération économique
qui prime dans ce processus de désinstitutionnalisation davantage que le
bien-être des bénéficiaires?
M. Lessard: L'expérience, dans l'ensemble, nous laisse
comprendre qu'à cause des conditions dans lesquelles se fait
présentement la désinstitutionnalisation, il ne peut y avoir
qu'un intérêt pour l'instant. Si c'étaient de
véritables intérêts pour les bénéficiaires,
il y aurait des dispositions "saprement" différentes de celles qui
existent actuellement qui seraient prises. Il est possible, dans certains cas,
qu'à court ou à moyen terme, dans les coûts, il n'y ait pas
tellement de différence. Mais, dans une planification plus
prolongée de la façon que cela se fait présentement, c'est
sûr que les coûts vont être minimes parce que ces
gens-là, à brève échéance, pour la plupart,
vont être laissés à eux-mêmes, comme les exemples
qu'on vous donnait pour Québec, entre autres.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Au haut de la page
20, vous parlez des conséquences pour les syndiqués. Vous dites
qu'à Joliette, 2 postes de préposés aux
bénéficiaires ont été coupés, 59 autres
suivront tout au long de la sortie des bénéficiaires, etc. Je
vais vous poser la même question que je posais à l'Ordre des
infirmiers et infirmières tout à l'heure. Est-ce que...
Évidemment, s'il y a des gens qui sortent, il se peut qu'il y ait des
postes coupés. Ce que je voudrais savoir, c'est si ces personnes ou les
postes... Enfin, est-ce que ces gens-là ont pu retrouver un emploi ou
sont replacés dans un cadre différent pour travailler avec les
enfants ou les adultes, selon le cas?
M. Lessard: Pas toujours. Dans certains établissements
où c'est survenu, il y a eu... Si votre question vise à savoir
s'il y a eu des mises à pied réelles au bout de la ligne, il y a
eu aussi des mises à pied réelles. D'autre part...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, c'est juste un
élément. L'autre élément, c'est que, si on
désinstitutionnalise et qu'en contrepartie, on crée des
ressources suppléantes, on va les suivre autant, mais dans la
communauté. Normalement - à moins que les gens ne veuillent pas,
c'est une autre chose - ce personnel qui a déjà de
l'expérience avec ce type de patients devrait trouver à se
replacer ou à occuper une fonction dans un cadre un peu différent
avec ces mêmes bénéficiaires. C'est là que je veux
savoir si le pont se fait ou si vraiment tous vos gens qui se trouvent
déplacés se retrouvent en dehors? Sauf l'exemple de l'institution
où on nous a dit qu'il y avait vraiment un plan d'intégration
avec le syndicat... Mais chez vous, vos membres se sont-ils retrouvés
dans d'autres emplois dans d'autres institutions?
M. Lessard: Oui, pour une part, il y en a qui se sont
retrouvés dans d'autres emplois, soit à l'intérieur de
l'établissement, soit dans d'autres institutions. D'autres se sont
retrouvés carrément sur le carreau.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parce qu'ils n'avaient
pas la sécurité d'emploi?
M. Lessard: Ou encore dans le cas où il y a eu sortie des
bénéficiaires et qu'il n'y a pas eu de suivi, on peut dire que
c'est une diminution de personnel réelle...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.
M. Lessard:... qui engendre des mises à pied et
l'abolition de postes. Ce fut le cas à Robert-Giffard, entre autres.
À Robert-Giffard, il y a encore un certain nombre de personnes qui sont
sur ce qu'on appelle le SPAS. Pour ces gens-là, on est en train de
tenter de négocier avec l'établissement une intégration
graduelle au fur et à mesure que des postes seront abandonnés par
d'autres salariés, soit en pré-retraite ou des choses
semblables.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une dernière
question parce que mes collègues veulent en poser. Vous dites: On
accepte le principe de la désinstitutionnalisation. On pense que c'est
une façon plus humaine de traiter les gens. Je pense que tout le monde
s'entend là-dessus. Tout le monde est pour la vertu, on est tous
pareils.
En parallèle, vous dites: Étant donné qu'on n'est
pas capable de faire une désinstitutionnalisation qui nous
apparaît bénéfique pour les patients, on demande au
ministre ou au ministère qu'il y ait moratoire sur la
désinstitutionnalisation jusqu'à ce qu'on ait vidé la
question, etc.
Par contre, si on tentait et si on pouvait démontrer qu'il y a
des expériences pilotes qui se font dans des conditions qui
réalisent les objectifs que vous mettez de l'avant et que je pense tout
le monde met de l'avant parce que tout le monde ne veut pas les envoyer se
perdre dans la société, est-ce qu'à ce moment-là
vous accepteriez que, sur cette base-là, on puisse continuer dans un
cadre bien défini, comme je le dis, des expériences de
désinstitutionnalisation?
M. Lessard: D'ailleurs, nous l'avons proposé au ministre
mais à la condition de savoir où se feront ces
expériences-là et de convenir ensemble de la façon dont
elles vont se faire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
M. Lessard: II se peut que les conditions qui sont
déjà en place soient les conditions adéquates pour
réaliser cette expérience, comme il se peut aussi que les
intervenants dans la société, autour de l'établissement,
aient des propositions intéressantes pour pouvoir permettre une
meilleure désinstitutionnalisation. C'est possible parce que nous ne
pensons pas que le MAS ait le monopole de la sagesse là-dessus. C'est
pourquoi on préconise que la population puisse être
mêlée au processus, puisse être impliquée.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Merci. M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: J'aime beaucoup votre mémoire parce qu'il
dresse un tableau complet et détaillé de la situation qui
prévaut au Québec dans le domaine de la psychiatrie.
Vous avez détaillé les projets de
désinstitutionnalisation des grands hôpitaux et des autres centres
dont vous traitez aussi dans votre mémoire, ce qui est un apport
important pour nous autres. Vous le traduisez d'une façon discutable,
claire et compréhensible pour tout le monde.
Dans le rapport syndical avec le MAS ou les maisons qui ont à
désinstitutionnaliser ce genre de malades, je vais vous donner un
exemple et vous me direz quelle approche on aurait dû prendre avec ces
gens-là d'un milieu syndiqué qui n'est pas le vôtre, qui
n'est pas dans votre fédération CSN, c'est un autre groupement.
On a eu à fermer une institution où il y avait 80 malades
atteints profondément, la plupart alités. Quelques-uns pouvaient
s'asseoir sur une chaise. C'était au milieu de la ville, c'était
renfermé, il n'y avait peut-être pas 20 pieds carrés de
pelouse autour, avec à peu près pas de services sauf que
quelqu'un venait de temps en temps visiter ces malades.
Pourtant, il y avait une autre institution avec un grand parc autour qui
avait tous les services qu'on pouvait donner à ces gens-là. Des
ergothérapeutes, psychiatres, etc., étaient à cet endroit
qui était à peu près vide. On avait décidé
de prendre tous ces malades et de les transporter dans cette institution pour
essayer de leur donner le plus de chance possible et une certaine progression.
Il y a eu un tollé épouvantable de la part du personnel contre la
volonté de changer l'orientation du centre, le fermer et l'ouvrir
à un autre endroit, si bien que cela a pris un an avant que cela se
fasse afin de temporiser avec tout le monde. On a trouvé des emplois
à peu près pour tout le monde, à l'exception des gens qui
travaillaient à temps partiel. Certains évoquaient qu'ils
devaient aller travailler quatre ou cinq milles plus loin. On ne pensait plus
aux malades à ce moment-là. Depuis que l'opération a
été faite, j'ai appris que des gens qui étaient
profondément atteints, peuvent, aujourd'hui, s'asseoir, se bercer dans
une chaise, boire un verre de lait. Cela a été au profit du
malade.
Dans des cas de désinstitutionnalisation, il ne peut pas s'agir
de ces cas profonds, parce que je ne crois pas que ces patients puissent sortir
de ces institutions et aller dans des foyers. Je crois à des
institutions beaucoup plus à dimension humaine, par exemple. Les
hôpitaux Robert-Giffard et Louis-Hippolyte-Lafontaine, je souhaite
ardemment, le plus tôt possible, que ces boîtes rapetissent, afin
qu'elles aient des dimensions humaines. Mais je vous demande ce que nous
pourrions faire nous autres là-dessus, en contact avec les centrales
syndicales ou les syndicats, pour essayer de mener à bon port, dans la
société, des gens qui pourraient avoir un certain
fonctionnement?
M. Lessard: Je trouverais très injuste pour le syndicat
qui est en place de porter un jugement, parce qu'il y a sûrement un
certain...
M. Laplante: Non, je ne voudrais pas que vous portiez de jugement
là-dessus, parce que je n'en porte pas. Le pain et le beurre, c'est cela
qui...
M. Lessard: C'est parce que vous avez commencé votre
question en disant: Qu'est-ce que vous pensez de cet exemple? Je pense qu'il y
a un ensemble d'éléments qui ont été
appréciés sur place. On ne les a sûrement pas en notre
possession pour pouvoir porter un jugement là-dessus.
Qu'est-ce qui doit être fait afin que cela se réalise? Je
pense qu'il n'y a pas de problème à ce type de transferts,
syndicalement, il n'y a pas de problème à partir du moment
où les salariés, par le truchement de leurs représentants
syndicaux, sont informés, sont parties prenantes non pas à la
décision proprement dite, parce que c'est rare. On se leurrerait
peut-être en disant qu'on va avoir un droit de veto sur la
décision finale, mais, à tout le moins, on devrait tenir compte
des réalités des travailleuses et des travailleurs dans ce
contexte.
Je pense que si cette disposition était prise dès le
début par ceux qui ont la responsabilité de faire les transferts
qui s'imposent, en partant, les gens mettraient les chances de leur
côté pour que ce soit une réussite. À partir du
moment où vous faites cela sans en informer les principaux
intéressés - je pense, foncièrement, que, dans ces cas,
les salariés sont parmi les principaux intéressés, parce
que c'est eux qui sont en présence immédiate avec les patients
et, souvent, pour le salarié... Une compagne ici peut même en
témoigner. On a eu les vrais témoignages avant-hier d'une
situation où les salariés peuvent apprécier
l'évolution des bénéficiaires ou d'un
bénéficiaire en particulier par leur présence, parce que,
souvent, vous êtes en présence de types de malades particuliers.
De perdre contact avec ces salariés, c'est faire régresser
très rapidement le bénéficiaire. C'est tout cela qu'on
doit prendre en considération.
Si vous parlez d'initiatives à prendre vis-à-vis du
syndicat, c'est d'abord de l'informer, de mettre les cartes sur table avec le
syndicat en disant: Voici notre projet, ce qu'on en pense; qu'en pensez-vous
vous autres? Et qu'on regarde ensemble les implication pour l'ensemble, tant
pour les malades que pour les salariés. Je pense que c'est une mesure de
base qui est susceptible de favoriser la réussite de quelque transfert
que ce soit. (12 heures)
M. Laplante: Je suis heureux, ce matin, de la façon dont
vous abordez ces questions. Vous les abordez avec une grande ouverture, une
ouverture de dialogue. Je pense que, pour nous autres, cela peut être
déjà une amorce actuellement, même si on ne vous donne pas
actuellement l'effet d'arrêter l'opération qui se fait, qu'elle
peut peut-être aller moins vite dedans, choisir les cas un petit peu plus
sérieusement. Cela nous donnera peut-être la chance, à un
moment donné, après les décisions qui se prendront
à la suite des représentations qui se font dans cette commission,
d'avoir une amorce encore plus sérieuse avec le MAS là-dessus
pour les malades et les travailleurs qui sont là. Il ne faut pas les
oublier. On ne peut pas les oublier à cause du travail qu'ils font
à ce niveau. J'ai beaucoup d'admiration pour le travail qui se fait dans
ce milieu-là. Il y a des travailleurs qui sont là depuis des
années qui sont là. C'est un travail dur psychologiquement,
même pour la direction
aussi, elle a sa part là-dedans, parce que lorsqu'il y a une
direction, il y a des travailleurs qui sont là aussi.
Maintenant, à la page 5, troisième paragraphe, vous parlez
des psychiatres qui sont largement concentrés dans les grands centres,
Montréal et Québec. Ils travaillent en majorité en dehors
des hôpitaux psychiatriques. C'est ce que j'avançais tout à
l'heure. Je voudrais que vous m'éclaircissiez cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bien oui...
M. Laplante: Les centres d'accueil sont-ils inclus
là-dedans ou est-ce que ce sont strictement les hôpitaux
psychiatriques?
M. Lessard: Je sais qu'il y a eu des affirmations faites hier, il
me semble. Je n'étais pas présent, mais on m'a rapporté
cela. C'est une évaluation que nous ne partageons absolument pas. On
n'est pas en mesure de donner un pourcentage précis, mais on peut
affirmer à tout le moins que les psychiatres ne travaillent pas à
80 % ou 85 % de leur temps dans les centres hospitaliers psychiatriques. On
peut affirmer cela.
M. Laplante: Remarquez que c'est par coïncidence que j'ai
posé la question. J'ai manqué la première soirée
depuis le début, celle d'hier soir. J'avais lu...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Bourassa, il manque une feuille dans mon mémoire
et c'est la page 5.
Une voix: Vous ne l'avez pas?
M. Laplante: Je ne me souvenais pas dans quel mémoire
j'avais lu cela et cela adonne que c'est le vôtre. Les questions se
posent là.
M. Marsolais: Je vais amener un peu d'éclaircissement sur
cette question. D'une part, effectivement, c'était très
surprenant d'entendre cela hier soir. La source qui nous amène à
l'affirmation de la page 5, je crois que c'est le rapport de l'Association des
hôpitaux du Québec, section psychiatrie. Je pense que ce rapport a
été publié l'année dernière ou il y a
environ six ou sept mois. Vous pourrez vérifier. C'est là-dedans
qu'on indique les pourcentages et aussi ce qui concerne la question du travail
des psychiatres en dehors des hôpitaux psychiatriques. Il y a plusieurs
études qui font cette mention, entre autres le rapport sur la
psychiatrie qui a été fait en 1979. Je ne me souviens pas du nom,
mais vous pourrez le retrouver facilement à l'intérieur du
MAS.
Pour la question des psychiatres, il faut ajouter quelque chose... Je
voudrais aussi mentionner qu'il n'y a pas de psychiatre dans les centres
d'accueil pour déficients mentaux, sauf pour répondre à
des questions bien spécifiques qui, règle générale,
sont des problèmes de comportement, des problèmes
d'agressivité. Quant à la question des psychiatres, en
psychiatrie, leur temps de disponibilité est une question à
double tranchant. Je voudrais juste mentionner un fait. Il y a plusieurs
personnes qui voudraient que les psychiatres soient moins présents. Je
pense que c'est une question qui est passablement importante dans le dossier de
la désinstitutionnalisation. Ce n'est pas notre propos ici, mais je
voudrais juste ajouter que, par expérience, dans les hôpitaux
psychiatriques, dans les départements de psychiatrie, le psychiatre a
tellement d'importance en termes de pouvoir thérapeutique, en termes de
pouvoir judiciaire et quasi judiciaire par rapport à tous les
privilèges et les permissions qu'on donne au patient, qu'effectivement,
la présence des psychiatres est importante à ce niveau.
Si on dit: On va changer des affaires, comme par exemple il y a des
études qui prouvent que les travailleurs sociaux sont capables de donner
des évaluations plus justes que les psychiatres par rapport à la
question de la cure fermée, des choses comme cela. Je pense qu'à
ce moment-là, si on change la question du pouvoir dans les
hôpitaux psychiatriques, celle-ci va moins se poser. Mais, étant
donné que cela fait longtemps que cette question est posée et
qu'il n'y a pas eu de changement jusqu'à maintenant par rapport à
toute cette question de hiérarchie médicale à
l'intérieur des hôpitaux, la question de la présence des
psychiatres est importante. Vous avez raison de le souligner. J'ai vu souvent
des patients rester dans les départements parce que le psychiatre
n'était pas là pour changer la prescription, pour donner le
congé, alors que tout le monde s'entendait que cette personne pouvait
sortir de l'hôpital. Je pense qu'il faut vraiment le regarder en fonction
de ce qui se passe et non pas seulement en fonction des...
M. Laplante: Une dernière question sur les femmes,
à la page 20.
M. Marsolais: Pardon?
M. Laplante: Sur les femmes.
M. Marsolais: Oui.
M. Laplante: Quand vous parlez de conséquences que cela
apportera, vous dites que ce sont encore les femmes qui vont écoper dans
une désinstitutionnalisation, soit
lorsque les patients sont gardés au foyer ou ailleurs; ensuite,
il y a le sous-paiement. La femme est sous-payée à la maison
aussi, si elle a à le garder, soit en obtenant une allocation
supplémentaire. Mais...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... M. le
député.
M. Laplante: Actuellement, vous êtes une majorité de
femmes qui travaillez dans les institutions. Déjà, il y a quelque
chose là-dedans qui est particulier encore aux femmes. Je ne sais pas si
je peux appeler cela une atteinte, je ne suis pas sûr. Pour que la femme
n'ait pas à subir les conséquences de cela, que
préconisez-vous comme solution? Vous ne donnez pas tellement de
détails aux pages 20 et 21 là-dessus.
M. Lessard: Je pourrais donner une première partie de
réponse et Gilles va compléter. D'abord, dans les
établissements...
M. Laplante: Je suis d'accord avec ce que vous dites.
M. Lessard: D'accord. 11 ne faut pas comparer, par exemple, avec
ce qui se passe dans les établissements relativement au fait que c'est
une majorité de femmes qui sont là. Si on prend l'ensemble des
catégories d'emplois, 76 % du personnel, c'est du personnel
féminin, effectivement. Il faut se dire que les femmes qui sont dans les
établissements de santé sont là pour huit heures de
travail dans une équipe de travail généralement. Elles
sont soutenues par d'autres sources dans leur travail.
Quand vous refoulez à la maison, par exemple, des personnes qui
ont des besoins de services en santé mentale, notamment -on pourrait
prendre l'exemple d'une personne âgée, etc. - puisqu'on traite de
la question de la santé mentale, forcément, ce sont les femmes
qui sont aux prises avec ces personnes sans ressources, sans encadrement, sans
soutien ou quoi que soit. C'est une façon pour l'État de se
débarrasser ou de se décharger d'une responsabilité,
sachant qu'en bout de ligne, il va falloir qu'elles se logent quelque part,
qu'elles se retrouvent quelque part. Dans ce quelque part-là,
généralement, ce sont des femmes qui entretiennent la maison; ce
sont des femmes qui tiennent le lieu.
Qu'est-ce qu'on suggère à cet effet ou qu'est-ce qu'on
propose? Il est évident pour nous qu'il y a des
bénéficiaires qui n'ont pas à sortir des murs, si on veut.
On indique les catégories de bénéficiaires dans notre
mémoire. Ceux qui sont handicapés lourdement, notamment, n'ont
pas à sortir des murs. Quant à ceux qui ont à sortir des
murs, les handicapés plus légers ou moyens, on dit: On doit
apporter un encadrement.
C'est bien sûr que vous allez y retrouver des femmes, mais des
femmes à qui on devra assurer un certain encadrement, comme on le fait
dans les institutions. C'est bien sûr qu'on ne peut pas arriver et dire:
Voici comment cela va se faire à la piste, si je peux m'exprimer comme
cela. Mais ce n'est plus possible de pouvoir dire exactement de quelle
façon on va le faire à partir du moment où on nous
présente le projet. On nous dit: Voici ce qu'on entend
désinstitutionnaliser, où ces gens doivent aller. Là, on
peut décrire quelles sont les ressources qu'on va mettre à leur
disposition.
M. Laplante: Merci, M. Lessard.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Marie-Victorin.
M. Pratt: Mme la Présidente, je n'ai pas de question
à poser. J'ai lu le mémoire et je le trouve très clair.
Vos positions sont très nettement décrites. Je tiens à
vous féliciter pour l'apport très grand à notre
commission. Cela a été fait d'une façon objective,
réaliste et sereine. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député d'Ungava.
M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente, ma
question, c'est à la page 27. Je pense que je suis un peu comme vous; je
crois à cela, mais je pense qu'on doit y aller par étapes. Il y a
aussi une chose que je vois, c'est un peu ce que vous pensez, mais par contre,
vous proposez d'autre chose dans les hôpitaux psychiatriques avant que
cela ne se fasse pour améliorer le service aux patients. Cette
proposition est pas mal intéressante parce que, souvent, à tort
ou à travers, on dit: Ceux qui sont dans les hôpitaux ne veulent
pas grouiller, ils s'assoient sur leur poste. Quand on voit cela, on comprend
que ce n'est pas exactement vrai.
J'aimerais que vous me donniez un peu plus d'explications
là-dessus et sur l'abolition du système "car wash" pour lequel je
ne comprends rien.
M. Lessard: Dans les établissements, faute de personnel,
avec les années - et ce n'est pas d'hier, ce n'est pas seulement depuis
les restrictions budgétaires, mais c'est peut-être plus manifeste
avec ces restrictions, cela a trait à l'organisation du travail pour
pouvoir être efficace - c'est le lavage des bénéficiaires
à la chaîne. Alors, vous ouvrez la douche, ils passent à la
queue leu leu - sans jeu de mots - et quelqu'un se charge de passer la
débarbouillette et un autre, en bout de ligne. C'est à peu
près comme suit: Vous avez un sac pour la
chemise, un sac pour le pantalon, un sac pour les sous-vêtements.
Au fur et à mesure que vous passez, vous mettez un morceau. Quand vous
arrivez près de la douche, vous êtes tout nu et là, il y a
un salarié qui, lui, va vous laver ce qu'il faut, un autre qui va
essuyer ce qu'il faut et un autre qui vous rhabille. C'est ce qu'on appelle le
système "car wash", qui n'est pas approprié en ce qui concerne la
rééducation de certains bénéficiaires parce qu'il y
en a à qui on peut apprendre à se laver et tout cela.
C'est le système "car wash" au mieux parce qu'il y a pire. J'ai
vu pire dans des endroits où, comme j'expliquais hier, vous avez une
série de lavabos, environ une quinzaine; il y a un préposé
aux bénéficiaires pour laver des personnes. On fait seulement la
toilette minimale. On remplit tous les lavabos, avec une débarbouillette
à chaque lavabo. On fait la figure; tout le monde se tourne de bord,
baisse ses culottes, les "foufounes" au-dessus du lavabo et on lave les
"foufounes". Quand on parle du système "car wash", ce sont des pratiques
semblables et cela n'a pas sa raison d'être. Ce n'est pas cela la... Il
est bien sûr qu'il faut prendre des mesures, se donner des moyens pour
encadrer les bénéficiaires qui sortent des murs, mais il va
toujours en rester à l'intérieur des murs, à ce qu'il nous
semble, à moins qu'on veuille charger des gens d'une
responsabilité qui est, en fait, inutile à la
société. Que ces gens soient à l'intérieur ou
à l'extérieur des murs, cela ne change rien à leur
état de vie; souvent, ce serait de les mettre dans des conditions de vie
plus pénibles parce qu'ils ne peuvent pas subvenir aux plus minimes de
leurs besoins les plus élémentaires. Étant donné
qu'il va toujours en rester à l'intérieur des murs, il va falloir
aussi changer des choses à l'intérieur des murs.
Je ne sais pas si cela répond à votre question. Quand vous
dites député d'Ungava, est-ce que cela couvre le territoire de la
baie James, de la baie d'Ungava et de la baie d'Hudson?
M. Lafrenière: Tout le Nord du Québec.
M. Lessard: Puisqu'on parle de santé mentale, nous
trouvons que dans ces régions-là le manque de ressources est
assez dramatique en ce qui concerne les services en santé mentale.
Souvent, les médecins qu'on va envoyer là, ce sont des gens qui
apprennent et ils ne connaissent pas la réalité de vie des gens
là-bas. Les gens des trois baies, je dirais, veulent être
traités en institution même si c'est à l'externe. Ils sont
obligés de se déplacer vers les grands centres et à cause
de toutes les transformations sociales de la venue des gens du Sud dans le
Grand-Nord. Toutes ces perturbations ont engendré des types de maladies
ou des chocs émotionnels, si on veut, qui ont amené certains
besoins des communautés autochtones notamment. Ils n'ont pas de services
adéquats au moment où on se parle pour répondre à
ces besoins. Il va falloir apporter une attention particulière pour ces
communautés-là.
M. Lafrenière: Je suis parfaitement d'accord avec vous. Ce
ne sont pas des services adéquats, il n'existe aucun service. Chaque
fois que cela se présente, on déporte le patient vers le sud pour
le soigner et je ne pense pas que ce soit la meilleure des solutions. On
l'arrache complètement de son milieu et on l'amène soit à
Montréal ou à Québec. Cela n'arrange pas grand-chose. (12
h 15)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. Lessard, il y a une
dernière question qui me... Remarquez bien, elle part peut-être de
mes propres préjugés. Est-ce que vous vous êtes
penché, comme syndicat, et là je veux faire abstraction de
quelque institution que ce soit, on n'est pas ici pour faire le procès
d'une institution ou de l'autre, mais sur nos membres qui travaillent en milieu
psychiatrique, année après année, en cinq ans, dix ans,
quinze ans, vingt ans, l'adaptation de vos membres... N'avez-vous jamais
pensé à des formules de rotation de vos membres entre
possiblement une institution ou une autre ou à une autre formule?
Peut-être que c'est moi qui, comme je le dis, à partir de mes
préjugés, pense que sur une durée trop longue, la
tâche devient très lourde psychologiquement ou autrement. Je ne
sais pas si vous saisissez ma préoccupation.
M. Lessard: Oui et non. Je vous avouerai que ce n'est pas facile
pour d'aucuns de ces salariés de dire que cela n'a pas d'effet à
long terme. Pour d'autres, effectivement, c'est devenu plus lourd et je pense
que ce n'est un secret pour personne de savoir qu'il y a des salariés
qui deviennent des bénéficiaires aussi. Ce n'est pas parce qu'ils
étaient prédisposés à cela de par la nature de la
fonction, mais ils ont été amenés à avoir recours
à ces services. De plus, oui, c'est un débat qui a cours
présentement peut-être, tout comme au début des
années soixante, à nouveau provoqué par les changements
qui s'annoncent notamment; mais oui, je vous avouerai que cela ne se fait pas
facilement.
Une des façons maintenant de voir les choses, une parmi tant
d'autres, c'est de pouvoir adopter les cours d'approche aux malades, notamment,
parce que même si cela fait 15 ou 20 ans, vous avez besoin de vous
refaire. C'est l'une de nos revendications dans nos négociations de
permettre à des gens qui sont déjà en poste depuis un
certain nombre d'années de pouvoir se rafraîchir de
ce côté-là. Je vous dirai que là-dessus on
n'a pas eu une écoute favorable jusqu'à maintenant.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si vous aviez un document
de réflexion sur les problèmes à long terme de
fonctionnement personnel ou professionnel de vos membres qui sont dans les
institutions depuis nombre d'années, même si c'est un document de
travail préliminaire, et que vous jugiez que vous pouvez nous l'envoyer,
je l'apprécierais.
M. Lessard: Nous allons le faire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une dernière
question et je pense que l'on pourrait passer beaucoup de temps, mais je ne
veux pas l'ignorer, c'est toute la question de votre inquiétude à
l'endroit de la privatisation. Est-ce qu'elle est fondée à partir
de faits réels? II y a eu des positions publiques. Ici, on est à
un comité neutre de privatisation d'alimentation, etc. Mettons cela de
côté, je pense que c'est plus loin que cela votre
inquiétude. La privatisation touche l'ensemble des services qui seraient
privatisés. Est-ce que dans le moment vous avez des indications qu'il y
aurait ce mouvement vers une privatisation assez massive des services en
santé mentale?
M. Lessard: Je peux peut-être donner un premier
élément de réponse. D'abord, la carence qui s'est
développée au niveau de l'ensemble des services de santé a
fait émerger un ensemble de cliniques et de polycliniques qui font en
sorte que vous avez un réseau que je qualifierais de parallèle
qui existe présentement.
La désinstitutionnalisation s'amorce en retournant des gens
souvent dans la société sur la base de l'appât du gain. Par
exemple, la publicité initiale du pavillon du Parc à Aylmer,
c'était dans les journaux: Être famille d'accueil, cela rapporte.
On avait l'impression que cela revalorisait humainement, mais cela se
traduisait en termes de sous en fin de compte. Ce sont des attitudes ou des
démarches qui, graduellement, amènent les gens, dans une
société comme la nôtre, à développer
effectivement un réseau parallèle, comme cela s'est fait pour
d'autres services sur la base de l'appât du gain. Cela prend toutes
sortes de formes. Maintenant, à partir du moment où vous
retournez les bénéficiaires comme cela dans la
société et que vous n'avez pas les services requis pour les
familles d'accueil, notamment, vous avez d'autres types de familles qui vont se
développer, comme pour l'accueil des personnes âgées. Les
familles qui, elles, ont des enfants, des oncles, des tantes ou qui que ce soit
à la maison, qui gardent et qui n'ont plus de place pour pouvoir se
faire aider, soit un service de garde pour une période de repos ou quoi
que ce soit, vont avoir tendance aussi à les placer, avec leurs propres
deniers, dans d'autres familles et cela se développe
déjà.
Je vous dirais que j'ai près de moi un compagnon de travail qui a
un enfant. Sa femme n'en peut plus de le garder, d'être à la
maison, elle n'en peut plus. Il prend des journées de congé pour
pouvoir s'occuper de l'enfant. Il essaie de le placer, c'est-à-dire
qu'ils ont parlé de le placer, forcément, mais ce qu'ils veulent
comme service, eux, c'est de la garde pour une fois par semaine ou deux ou
trois jours par mois, que quelqu'un vienne le garder pour pouvoir
récupérer. Là, ils sont à bout de nerf. Qu'est-ce
qu'ils pensent? S'ils ne peuvent pas le placer dans un établissement,
ils vont le placer chez quelqu'un qui va accepter de le garder sur la base
d'une rémunération quelconque. Ils pensent à tout cela.
C'est ce que cela engendre, à notre avis.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
M. Marsolais: Effectivement, on a des craintes à la suite
aussi de certains faits précis. La réorganisation psychiatrique
en déficience mentale nous apparaît donner jusqu'à
maintenant beaucoup d'ampleur sur la question des familles d'accueil et des
pavillons. En octobre dernier, je pense qu'il y a eu une nouvelle
classification des familles d'accueil. Il y a maintenant trois types de famille
d'accueil et il y a entre autres, là-dedans, ce qu'on appelle les
familles d'accueil spéciales où les institutions font des
contrats directement avec les familles d'accueil. J'ai entendu un chiffre et
j'ai demandé à la personne si vraiment cela s'était
passé comme cela. Je ne le crois pas encore, mais on a placé ou,
en tout cas, on a voulu placer - je ne sais pas si la famille d'accueil a
accepté - un déficient mental lourd pour 40 000 $ par
année.
D'une part, il y a la question de la privatisation là-dedans qui
est assez claire. C'est un mandat d'institution, d'après nous, d'un tel
type de clientèle, mais, d'autre part, c'est fort possible - disons que
là, vraiment, c'est vraiment une hypothèse - que le contrat ne
soit plus de 40 000 $ ou même s'il était à 20 000 $ parce
que c'est quasiment incroyable. C'est un enfant qui va être
abandonné.
Il y a l'école Peter Hall qui prend de plus en plus de place -
probablement qu'hier il en a été question avec la CEQ - autour
des centres d'accueil de la région sud, qui fournit des services
éducatifs. C'est une école privée. Il y a l'OPHQ qui a
mentionné, dans un de ses bulletins, la possibilité, pour les
handicapés, de faire des contrats de services directement avec des
personnes, dans le sens qu'on leur donnait de l'argent et
elles étaient des entrepreneurs par rapport à leurs
services comme les services d'ergothérapeutes, les services de
préposés, ou services d'infirmières. On trouve assez grave
la façon dont cela s'en va là-dedans.
La question de la privatisation aussi, sans vouloir partir un
débat là-dessus, est liée, d'après nous, à
la question du bénévolat dans le sens qu'il y a actuellement un
danger de se servir carrément du bénévolat, un peu comme
les centres de bénévolat l'ont dit cette semaine, pour se
départager de la responsabilité. Ce n'est pas juste une
idée en l'air. Je vais vous donner un exemple: actuellement, il y a un
centre de bénévolat qui est en train de s'ouvrir pour des
déficients mentaux qui restent à la maison, dont les mères
ne peuvent plus s'occuper, et le ministère des Affaires sociales les a
référés à l'OPHQ qui est en train d'ouvrir un
centre composé surtout de bénévoles pour s'occuper de ces
déficients mentaux. Comprenez-vous? Disons qu'il y a un accident. On
peut le mettre sous la couverte et dire que ce n'est pas grave, mais cela
commence à faire un peu trop. Il y a comme une tendance qui s'en va vers
cela. C'est un peu dans ce sens qu'on dit: Où est-ce que vous vous en
allez? Comprenez-vous?
Quand on dit tout le temps que le mouvement syndical est toujours contre
les changements, je pense qu'on a le plus bel exemple de dire... En tout cas,
nous, on a fait des efforts pour ouvrir nos cartes là-dedans et faire un
débat sur cette question afin de dire comment on se positionne par
rapport à cela. Finalement, la contradiction majeure c'est, dans tous
les cas - le gens revenaient tout le temps - c'est quoi le contrat par rapport
à cela? C'est quoi la confiance qu'on peut avoir sur des projets de
désinstitutionnalisation? On vous l'a dit dans la présentation,
il y a des projets qu'on trouve intéressants, entre autres celui de
Louis-Hippolyte-Lafontaine, celui de
Roberval, on ne se le cachera pas, sauf qu'on ne sait pas où va,
cette histoire. Est-ce que c'est vraiment cela qui va se passer? Je pense
qu'à la limite, on pourrait... Souvent, on mentionne le cas de Triest -
en tout cas, dans les couloirs du ministère, on mentionne le cas de
Triest sur la question de la syndicalisation et le rôle des syndicats par
rapport à toute cette question. Il y a quand même un certain
nombre de leçons qu'on peut tirer. Je pense que la plus importante,
c'est effectivement le fait que les travailleurs ont été
impliqués dans le processus. Une fois qu'on a dit cela, je pense qu'il
ne faut pas se cacher non plus qu'il peut y avoir des résistances. Il
peut y avoir des résistances au changement. Jusqu'à maintenant,
il y a peut-être eu des exceptions, mais le mouvement syndical n'est pas
là pour garder les types d'emplois comme des pièces de
musée. Si, effectivement, les soins sont meilleurs ailleurs, si on sait
où on va là-dedans, c'est clair qu'on va regarder si les gens
vont continuer à travailler. Cela, c'est clair. Mais à partir du
moment où on sent un peu plus où on s'en va et que cela
correspond un peu à ce qui a été dit jusqu'à
maintenant, dans le sens des ressources, dans le sens de l'argent en surplus -
au moins de transition - dans le sens d'un respect de la majorité des
intervenants là-dedans, je pense que, peut-être - c'est
peut-être naïf - il va se passer une désinstitutionnalisation
véritable.
La Présidente (Mme La voie-Roux): Je veux vous remercier.
Il y a bien d'autres points qu'on aurait pu soulever. On a lu attentivement
votre mémoire. On va le relire attentivement. La question de la
privatisation, évidemment, c'est un débat beaucoup plus large que
le mandat de cette commission. Il y a certaines choses qui ont
été dites qui... Je veux vous dire, parce qu'on n'est pas
habitué au fonctionnement d'une sous-comission jusqu'à
maintenant, que nous, on fonctionne indépendamment du MSSS. Par contre,
la réforme parlementaire nous permet de convoquer le ministère
des Affaires sociales pour, justement, lui poser des questions, savoir
où il s'en va, lui faire préciser des choses que bien des gens
nous ont demandées et sur lesquelles nous-mêmes on n'a pas de
réponse. C'est à partir de tout cela qu'on espère... On va
essayer, avec le plus de diligence possible, de produire notre rapport pour que
cela ait un effet véritable le plus tôt possible. Dans ce sens, on
va y mettre les efforts. On vous remercie d'avoir contribué aux travaux
de notre commission. Merci beaucoup.
M. Lessard: Nous, on veut aussi vous remercier. On l'a dit au
début, on apprécie d'avoir cette tribune pour parler à
ceux qui sont dans les rouages des décisions. On sait, Mme la
Présidente, que vous êtes pour beaucoup dans la tenue de cette
sous-commission. On voulait vous en remercier et vous dire comme on a
apprécié la pertinence de votre réflexion dans un document
que vous avez fait relativement à une analyse sur la question des
affaires sociales et où vous traitez, notamment, de la question de la
santé mentale. Je voulais souligner cela. On veut réitérer
notre opinion à savoir que, dans un débat semblable, il ne faut
pas qu'on se retrouve devant une évidence, soit devant le fait accompli.
Le débat va perdre tout son sens. C'est pourquoi on pense qu'il doit y
avoir moratoire. À nouveau, on vous en remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup. On va
suspendre pour deux secondes.
(Suspension de la séance à 12 h 29)
(Reprise à 12 h 34)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît! II semble que j'ai perdu tous mes députés.
J'inviterais le Syndicat de la fonction publique FTQ à se
présenter. Je vous demanderais de vous présenter, de
présenter vos collègues et de procéder
immédiatement à la présentation de votre
mémoire.
Syndicat de la fonction publique (FTQ)
M. Boudreau (Germain): Bonjour, Mme la Présidente et
membres de la commission. Je vais commencer par faire une certaine correction,
c'est le Syndicat canadien de la fonction publique...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Excusez-moi.
M. Boudreau: J'aimerais commencer par présenter les
membres qui sont avec moi. M. Claude Turcotte, président de la maison
Sainte-Clothilde-de-Horton, Louis Valiquette, présidente du Conseil
provincial des affaires sociales, qui regroupe toutes les institutions
affiliées au SCFP, M. Serge Morin, président du centre
hospitalier Rivière-des-Prairies; M. Théo Rosendaal,
président des Promotions Taylor-Thibodeau; ici à ma gauche Mme
Marjolaine Pellerin, vice-présidente du centre d'adaptation jeunesse de
Lauzon; Mme Paula Célani Capraro, présidente des Promotions
Taylor-Thibodeau; et moi-même, Germain Boudreau, coordonnateur du secteur
des affaires sociales au SCFP.
J'aimerais juste préciser de quelle façon on va
procéder. Il y aura certains petits changements à la suite du
mémoire que nous avons présenté. Nous allons faire un bref
survol de la première partie du mémoire. Ensuite, pour renforcer
nos positions qui sont contenues dans le mémoire, nous aurons de brefs
témoignages des quatre présidents des différentes sections
locales qui ont vécu la réinsertion sociale ou qui
s'apprêtent à la vivre de différentes façons. Vous
verrez que c'est très contradictoire la manière dont cela
fonctionne.
Juste pour commencer, j'aimerais vous dire que le Syndicat canadien de
la fonction publique regroupe environ 15 000 travailleurs et travailleuses dans
le secteur de la santé au Québec, dont environ 30 % travaillent
dans les différentes institutions pour la maladie mentale au
Québec. Si nous avons décidé d'intervenir devant vous,
c'est que nous sommes inquiets des conséquences des politiques actuelles
de désinstitutionnalisation qui sont, selon nous, improvisées,
irréalistes et contraires aux intérêts et au
mieux-être des bénéficiaires. Nos préoccupations ne
se limitent pas à cette seule question puisque déjà nous
avons fait état des problèmes de qualité et
d'accessibilité des soins et des services de santé au
Québec lors de sa publication, en mars dernier, de notre dossier noir
sur la santé intitulé "La santé est malade".
Dans ce dossier nous avons démontré, preuves à
l'appui, que le sous-financement du réseau des affaires sociales a
été lourd de conséquences pour les
bénéficiaires et ce, dans tous ces types d'institutions. Les
politiques mises de l'avant par le ministère semblent se
préoccuper davantage des plans de redressement que des plans de soins,
et des déficits que des déficients. Dans ce sens nous nous posons
de sérieuses questions sur les objectifs visés par la
désinstitutionnalisation. Nous ne sommes pas convaincus que les
objectifs de réduction des dépenses ne priment pas
carrément les objectifs de réinsertion sociale des
bénéficiaires.
Nous sommes aussi un peu inquiets du fait qu'il y aura une commission
d'étude sur l'état de la santé ou sur la santé au
Québec, à part la sous-commission sur la santé mentale, et
nous nous posons des questions comment tout cela va se rejoindre. Nous sommes
un peu inquiets que des éléments soient mis en place avant que le
tout, le portrait global ne soit précisé, soit les deux types de
commissions.
Si on parle de la situation actuelle au Québec, pour le SCFP, le
débat ouvert sur la santé, et notamment sur la santé
mentale, constitue la seule façon d'arriver à corriger des
situations alarmantes ainsi qu'à développer des
éléments de solution qui iront dans l'intérêt et le
bien-être de tous.
Notre mémoire s'appuie sur l'expérience des projets de
réinsertion sociale développés dans les centres et les
institutions psychiatriques où travaillent nos membres. Tout à
l'heure, vous aurez le témoignage de quatre personnes.
Premièrement, nous constatons, comme plusieurs autres
intervenants dans le milieu de la santé mentale, que les projets de
désinstitutionnalisation ont été développés
par bribes, sans la participation et la consultation des parents, de la
communauté ou des syndicats.
Deuxièmement, ce manque de consultation véritable, sauf
peut-être dans une institution, Sainte-Clothilde, dont vous allez
entendre le témoignage tout à l'heure, qui ne tient pas compte
des expériences vécues, a pour effet de susciter davantage
l'inquiétude et la méfiance que la confiance.
Troisièmement, dans ce contexte, nous croyons qu'un moratoire sur
la désinstitutionnalisation serait approprié tant et aussi
longtemps qu'une politique claire et consensuelle ne sera pas
énoncée sur le sujet. Dans le cadre de l'annonce par le
ministre d'une commission d'étude sur la santé, le
moratoire devient une nécessité absolue.
Comme les autres intervenants, on est déjà au courant
qu'une certaine forme de réinsertion sociale se fait, sans planification
ou quoi que ce soit. On aimerait qu'il y ait un moratoire, même si cela
peut sembler un peu utopique à ce moment-ci.
J'aimerais passer la parole à quatre personnes qui vont vous
faire un bref exposé de leurs expériences personnelles dans leur
institution. Nous allons commencer par celui de Mme Marjolaine Pellerin.
Mme Pellerin (Marjolaine): En janvier-février 1981, le
Centre d'adaptation jeunesse, établissement pour personnes
handicapées mentales, a présenté un plan de
désinstitutionnalisation en vue de transférer plusieurs
bénéficiaires en famille d'accueil.
Ce plan se basait sur les principes de normalisation. Il n'y avait pas
de normes fixées quant au maximum de bénéficiaires par
famille.
Ainsi, comme une seule famille s'est montrée
intéressée par le projet, huit handicapés y ont
été placés. Or, le fait de regrouper un grand nombre de
personnes handicapées n'est pas sans avoir des effets
négatifs.
Voici de quelle façon cela se vit chez nous. Les personnes
handicapées se retrouvent limitées dans leur espace physique et
vital. En raison du trop grand nombre, les bénéficiaires n'ont
pas accès à toute la maison où ils demeurent. Ils sont
localisés au sous-sol. Chambre et salle de séjour sont leur
appartement. Ils ont l'autorisation de monter seulement pour les repas et pour
faire leur vaisselle. Donc, il n'y a pas d'intégration familiale, comme
le principe de normalisation le propose.
En plus de vivre un isolement dans leur maison, les
bénéficiaires en vivent également un avec leur voisinage.
Ils n'ont pas de voisin à proximité de chez eux. Ils ne
traversent pas la rue. Donc, ils n'ont aucune relation avec les voisins d'en
face. Alors, comment vont-ils développer une interaction avec les gens
de leur voisinage et s'intégrer socialement? Même en famille
d'accueil, ces bénéficiaires vivent le même isolement qu'en
milieu institutionnel.
Un autre élément relevé, c'est le regroupement de
personnes handicapées dans le même environnement. Nous retrouvons,
en face de la demeure de ces huit bénéficiaires, deux autres qui
ont été placés plus tard. (Plan de
désinstitutionnalisation, décembre 1984, placement automne
1984).
Cela veut dire qu'il y a dix personnes handicapées
regroupées non seulement dans la même rue, mais aussi voisins d'en
face provenant tous du même centre d'accueil. Un fait à souligner,
les deux responsables de ces familles d'accueil sont deux frères.
Un élément très négatif qui résulte
de cette situation, c'est l'image que projette cette famille d'accueil. Quand
nous entendons des proches de la famille, c'est-à-dire la
parenté, tenir des propos comme ceux-ci et je cite: "II fait la passe
avec ses déficients. Il est gras dur", vous conviendrez avec moi que
c'est choquant.
À une réunion du conseil d'administration, au printemps
1985, M. André Boulanger, directeur des services professionnels, un des
instigateurs de ce projet, a admis leur erreur. Par la suite, le Centre
d'adaptation Jeunesse a présenté un autre plan de
désinstitutionnalisation, en décembre 1984, qui s'inscrivait dans
une ligne directrice au nom du ministère des Affaires sociales, le
principe de normalisation. Aujourd'hui, ce projet est encore en voie de
réalisation. Cependant, il n'y a pas eu de consultation de la part du
personnel quant à l'élaboration de ce plan comme dans le cas
précédent. Par contre, l'insertion sociale s'est faite en
collaboration avec le personnel éducateur et de façon graduelle,
transition qui n'avait pas eu lieu lors de la première expérience
de placement.
M. Boudreau: Si vous voulez passer la parole à Paula, s'il
vous plaît!
Mme Capraro (Paula): C'est pour les Promotions sociales
Taylor-Thibodeau. Le plan de réinsertion a été
adopté en avril 1985 lors d'une réunion du conseil
d'administration. L'objectif du plan, c'est l'intégration de la
clientèle dans la communauté dans trois à cinq ans. Avec
cela, il y aura la fermeture d'un centre et l'ouverture de résidences
communautaires.
Les Promotions sociales Taylor-Thibodeau ont le mandat de servir les
déficients mentaux. Dans leur mandat et responsabilités, elles
touchent aussi les familles ainsi que la communauté. La majorité
de notre clientèle n'est pas indépendante pour faire la cuisine,
l'hygiène personnelle, demander l'assistance médicale, ou
l'apprentissage et le transport. Notre clientèle a plusieurs handicaps.
Ils ou elles sont des déficients mentaux légers jusqu'à
profonds, épileptiques, avec des problèmes de comportement, etc.
Avec les problèmes de comportement, nous avons eu des refus de travail
où l'inspecteur de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail a dû ajouter des employés
supplémentaires.
Le plan d'intégration à la communauté nous
inquiète. C'est une grande responsabilité. Cela nous alarme de
penser à ce qui pourrait arriver dans la communauté dans le
futur.
L'administration des Promotions sociales Taylor-Thibodeau organise des
changements pour un type de clientèle qui, au temps où il
n'y avait pas de compression budgétaire, n'aurait jamais
été placée dans un milieu indépendant. Le
ministère des Affaires sociales demande aux Promotions sociales
Taylor-Thibodeau d'intégrer plus de 50 % de sa clientèle dans la
communauté. Le ministère des Affaires sociales demande aussi
à l'administration de garder le statu quo ou plus de services, mais avec
moins d'employés et un personnel sans expérience ou formation.
L'exemple, c'était la proposition d'un dormeur pour les
résidences communautaires. Le local 1841 de la SCFP a déjà
déposé une plainte au ministère et notre administration a
réitéré cette proposition.
Dans le plan d'équilibre, l'administration et le ministère
des Affaires sociales ont décidé d'épargner 60 000 $ en
retirant les préposés aux bénéficiaires qui
travaillent la nuit par des étudiants ou, comme l'exemple que j'ai
donné, un dormeur et un autre 60 000 $ en transformant les foyers de
groupes en résidences communautaires. Les chèques de
bien-être que les clients reçoivent vont être
utilisés pour financer les résidences. Alors, les chèques
de bien-être vont être utilisés pour couvrir le
déficit des Promotions sociales. Est-ce cela la normalisation?
Il n'y a pas assez de services dans la communauté et ceux qui
sont disponibles ne sont pas accessibles pour notre clientèle, sauf si
il ou elle est accompagné par un éducateur ou une
éducatrice pour la durée de l'activité. Étant
donné que les clients proposés à l'intégration ont
plusieurs problèmes médicaux, il n'y a pas présentement de
services médicaux rapides et disponibles. Il n'y a pas d'argent pour des
services directs. Exemple: éducateurs, éducatrices. Il n'y a pas
d'argent pour acheter des maisons. Déjà, en 1978, les Promotions
ont ouvert plusieurs foyers de groupe. L'expérience obtenue
jusqu'à ce jour nous montre que plusieurs communautés ont des
réserves envers les foyers de groupe. Exemple: Dorval. En plus, on peut
présentement voir que la majorité des foyers sont situés
à quelques rues les uns des autres. Cela ressemble beaucoup à un
ghetto.
Si cela continue, avec la possibilité de la réduction et
le "cheap labor", cela va restreindre l'intégration et l'expansion de
nos services communautaires. Nous, les employés professionnels, citoyens
concernés, comment allons-nous remplir nos mandats et équilibrer
les contraintes budgétaires?
C'est avec la communication continuelle, c'est avec des études et
des dialogues que nous allons participer efficacement pour mieux servir notre
clientèle. Nous devons assurer au minimum les soins de base, la
santé, la sécurité et le bien-être de notre
clientèle. C'est notre préoccupation première.
M. Boudreau: Merci beaucoup. M. Claude Turcotte.
M. Turcotte (Claude): La maison Sainte-Clothilde est un centre
d'accueil offrant des services à environ 185 déficients mentaux
situés dans la région 04. Le mouvement de
désinstitutionnalisation a débuté chez nous dès
1976, avec l'ouverture de six foyers de groupe. Il s'est, par la suite,
accentué en avril 1983 et en octobre 1984 par la fermeture de deux
groupes.
D'autres ressources se sont graduellement jointes au réseau:
services d'appartements, familles d'accueil spéciales, familles
d'accueil de réadaptation, centres d'animation, support aux familles
naturelles. Le taux d'occupation de l'institution est ainsi passé de 92
bénéficiaires en 1976 à 23 actuellement. Pour que
l'opération soit un succès, il fallait, selon nous, un certain
nombre de prérequis qui ont été acceptés de
façon loyale par l'employeur. Nous voulions que toute l'information
puisse être rapidement disponible à l'ensemble des
salariés. Nous voulions pouvoir participer à la
préparation du projet afin que celui-ci corresponde le plus possible
à la réalité que vivent tous les jours les intervenants et
les intervenantes. Nous voulions une garantie que cela n'entraînerait pas
de mises à pied. Nous voulions négocier des conditions
particulières pour ces travailleurs et travailleuses. Nous voulions
enfin nous assurer que les services offerts aux bénéficiaires
seraient supérieurs ou, à tout le moins, égaux à
ceux offerts en institution. Ainsi le projet de désinstitutionnalisation
retenu par la maison Sainte-Clothide contenait, quant à nous, des
éléments essentiels. Entre autres, un soutien important aux
familles d'accueil par des éducateurs et éducatrices, une
formation spécifique préalable pour ces derniers et
dernières, une évaluation complète des besoins des
bénéficiaires et une réintégration graduelle de ces
derniers et dernières dans la communauté, un maximum de quatre
bénéficiaires par famille d'accueil. La moyenne est actuellement
de deux.
Enfin, le processus d'information et de consultation actuellement
se...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avez-vous dit "de
quatre"... les familles d'accueil avaient "douze"...
M. Turcotte: Deux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Deux. Ah! Excusez.
M. Turcotte: Un maximum de quatre, mais la moyenne actuelle est
de deux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Excusez-moi.
M. Turcotte: Enfin, le processus d'information et de consultation
se poursuit actuellement afin d'ajuster le projet à la
réalité de tous les jours. Ce qui nous amène donc à
penser que le processus de désinstitutionnalisation souhaitable en soi
peu s'avérer un véritable succès. Merci.
M. Boudreau: M. Serge Morin.
M. Morin (Serge): L'hôpital Rivière-des-Prairies -
beaucoup de gens le connaissent maintenant - est un hôpital psychiatrique
pour enfants et adolescents qui regroupe approximativement 670 clients
internes, répartis entre 470 adultes et 130 enfants. La moyenne
d'âge est de 29 ans. Le temps d'hospitalisation est de 21 ans. 70 % de la
clientèle est déficiente mentale avec ou sans diagnostic
psychiatrique associé.
Comme le temps est limité, je vais aborder strictement la
question de la réinsertion sociale telle que véhiculée
à l'hôpital Rivière-des-Prairies.
Dans un premier temps, il y a eu au début des années
quatre-vingt le développement du service communautaire dans le projet
initial du développement des ressources de réinsertion sociale.
Par la suite, il y a eu la mise sur pied d'une équipe, choisie à
même le personnel, avec un programme de formation spécifique, qui
a donné lieu à la création d'un équipe qu'on
appelle "d'intervenants communautaires". C'étaient des éducateurs
et des éducatrices spécialisés, non
spécialisés, des infirmières, des infirmiers, etc. Cette
équipe avait comme tâche, entre autres, le développement de
programmes de services individualisés et la création de
ressources communautaires de réinsertion.
La deuxième phase. Cette équipe en est rapidement
arrivée à dire que le modèle traditionnel de famille
d'accueil était souvent jugé comme inapproprié et surtout
pour la clientèle adulte sur la base des critères de la
normalisation; à 25, 26, 27 ans, on ne vit plus avec ses parents. Le
modèle de résidence de quatre clients avec un éducateur ou
une éducatrice est devenu un modèle plus approprié dans le
développement du projet communautaire développé à
Rivière-des-Prairies.
Les acquis de cette démarche. Premièrement, il a
été prouvé la nécessité de la
réinsertion par petits groupes accompagnés d'un soutien effectif
soutenant la démarche de celui ou de celle qui en avait grandement
besoin. Parallèlement à cette démarche de petites
résidences, une démarche s'est développée au niveau
des ateliers de travail à l'hôpital Rivière-des-Prairies
pour sortir ces ateliers du contexte institutionnel et dans le cadre de
chercher de l'emploi pour la clientèle déficiente. Sur ce dernier
point, la réinsertion sociale ne s'accompagne pas seulement de
ressources d'hébergement, mais aussi de ressources de travail: 10 000,
20 000 ou 30 000 déficients mentaux vivant en résidence, sans
travail, condamneraient cette partie de la population à la
dépendance, ce que l'on reproche d'ailleurs au milieu
institutionnel.
Les erreurs du plan de désinstitutionnalisation à
l'hôpital Rivière-des-Prairies maintenant. Les services
communautaires ont voulu d'emblée couper les ponts avec l'hôpital.
Pour nous, bonne chose en soi, pour la clientèle aussi. Ils voulaient
couper les ponts avec l'approche de type institutionel et infirmier dominant,
mais, ce faisant, les services communautaires ont coupé les ponts avec
les intervenants et les intervenantes et leur expérience. Parmi les
conséquences qui ont été ressenties dès le
début, aucun éducateur et éducatrice de
l'établissement n'a été amené à participer
à l'ouverture des résidences, alors que nous avions donné
notre aval au projet.
Tout le personnel des nouvelles résidences a été
choisi à l'extérieur de l'établissement, au moment
même où le ministère lui-même disait qu'il fallait
cesser le recrutement dans les établissements de santé au
Québec, ce qui, pour les intervenants et intervenantes de
l'établissement a engendré l'inquiétude, alors qu'elles et
qu'ils étaient d'accord avec la désinstitutionnalisation, ce qui
a fait dire à plusieurs: Qu'on désinstitutionnalise la
clientèle, mais pas les travailleurs et les travailleuses qui
connaissent la clientèle.
Il n'y a eu aucune consultation avec le personnel et les organisations
syndicales de l'hôpital Rivière-des-Prairies. Il n'y a eu aucune
participation du personnel de l'établissement à la planification
de la sortie des bénéficiaires. Les intervenants et intervenantes
de Rivière-des-Prairies ont d'ailleurs énuméré ce
problème ainsi que d'autres dans la brochure "Végéter ou
se réadapter", qui pourrait être disponible pour la commission et
dans laquelle on a les témoignages des intervenants sur la
réinsertion sociale et sur la qualité de vie en institution.
Un an plus tard, lorsque nous avons obtenu la syndicalisation des
résidences, nous avons commencé à pouvoir discuter du
projet de désinstitutionnalisation et disons que plusieurs
éléments se sont drôlement clarifiés. On croit que
cette nouvelle ouverture a grandement amélioré l'approche et la
certitude qu'il y a un consensus possible qui va dans le sens
d'améliorer la qualité de vie des clients. Dans les six derniers
mois, à titre d'exemple, nous n'avons eu qu'un seul retour de
résidence réintégré à l'établissement
alors que nous avons eu dix retours de familles d'accueil de type traditionnel
où la présence d'un éducateur n'est pas requise. Cette
nouvelle
ouverture a certainement aidé à faire que les parents,
notre syndicat, les bénéficiaires de l'hôpital
Rivière-des-Prairies se placent maintenant ensemble pour changer le
milieu de vie à l'hôpital Rivière-des-Prairies. Passer
à côté d'une telle approche, c'est nécessairement
courir après de nouveaux problèmes.
M. Boudreau: M. Théo Rosendaal.
M. Rosendaal (Théo): Si la philosophie de la
réintégration sociale reste constante au ministère des
Affaires sociales, pourquoi, aujourd'hui, les éducateurs et les
éducatrices sont-ils confrontés avec la
réinstitutionnalisation des délinquants qui ont
déjà vécu avec succès dans la communauté?
L'exemple que je veux vous donner est celui qui est présentement
planifié et en discussion au centre d'accueil Horizon de la
jeunesse.
La fermeture du campus Mont-Saint-Bruno est en discussion depuis
plusieurs mois. La direction de Horizon de la jeunesse a enfin trouvé un
endroit acceptable et le projet Dorval Gardens était né. Le
transfert du campus Mont-Saint-Bruno à Dorval va être
réalisé dans les mois qui s'en viennent. Je voudrais souligner
ici que le campus Mont-Saint-Bruno donne un service aux jeunes
délinquants qui ne sont pas capables d'assumer des
responsabilités et les ententes de la vie quotidienne dans la
communauté et a l'école. Le processus de la
réinstitutionnalisation commence avec la proposition du centre d'accueil
qu'en plus du déménagement du campus Mont-Saint-Bruno au Dorval
Gardens, le foyer de groupe Rudel, un foyer pour adolescents placés en
urgence doit s'intégrer dans le même projet que Dorval Gardens.
Présentement, le foyer Rudel est une maison située dans une rue
résidentielle et les adolescents prennent en charge la maison et vivent
une expérience quotidienne de leurs responsabilités avec les
éducateurs.
En plus de cela, le foyer de groupe Réflexion, qui est
occupé par les clients qui ont traversé des situations de crise
et qui ont besoin d'une période de réflexion pour
réévaluer leur direction et leurs besoins sera aussi
intégré dans la même bâtisse de Dorval Gardens.
Finalement, le centre a aussi l'intention de déménager
l'école secondaire au même endroit. La clientèle de
Mont-Saint-Bruno, de Réflexion et de Rudel ainsi que les clients des
foyers de groupe Lachine Shelter et Amcal seront présents dans cette
école secondaire.
Enfin, le projet de Dorval Gardens sera composé de la
façon suivante: d'abord, les clients de Mont-Saint-Bruno iront à
l'école et résideront dans la même bâtisse.
Deuxièmement, la clientèle de Rudel et de Réflexion sera
aussi en résidence dans une autre partie de la même bâtisse
et ira aussi à la même école. Finalement, l'école va
avoir la clientèle des foyers Lachine et Amcal. Au total, 75
délinquants vont être intégrés au projet de Dorval
Gardens.
En conclusion, pour les éducateurs et éducatrices, c'est
un recul et un retour dans une institution. Cette planification, pour nous, est
contraire aux philosophies déjà inaugurées il y a quelques
années. Vous pouvez imaginer l'augmentation des problèmes de
comportement qu'on prévoit avec 75 délinquants de
différents niveaux réunis au même endroit. La question
principale qu'on se pose, c'est: Est-ce que la philosophie de la
désinstitutionnalisation est finie ou s'il y a des raisons
financières à cette réinstitutionnalisation?
M. Boudreau: Merci beaucoup, M. Rosendaal. Pour la conclusion,
Mme la Présidente et messieurs et madame de la commission, Mme Louise
Valiquette, présidente du Conseil provincial des affaires sociales, va
terminer la lecture. (13 heures)
Mme Valiquette (Louise): Je ne ferai pas un témoignage. Je
veux simplement récapituler tout ce qu'on vient d'entendre et
peut-être dire que, là où on en est actuellement, c'est
qu'on comprend difficilement ce qui se passe. C'est ce qui nous amène
à nous dire en faveur de la désinstitutionnalisation mais dans
l'optique d'une véritable réinsertion sociale. Du même
souffle, cela veut dire aussi qu'on demande un moratoire sur toutes les
questions de changement d'oeuvre pour la simple raison que, des cinq
témoignages que vous venez d'entendre ici, il y en a où cela a
marché, il y en a où cela ne marche pas, il y en a où il y
a eu des consultations, il y en a où il n'y en a pas eu, il y a des
places où on désinstitution-nalise. Aux discussions, on s'est
rendu compte qu'il y a quatre ou cinq sortes de familles d'accueil, que
même les termes ne veulent pas dire la même chose d'une institution
à l'autre.
On se rend compte qu'il y a des endroits où on revient à
l'institution. Donc, on s'est dit: ça ne se peut pas que ça
marche comme ça, il faut se brancher, il faut se faire une politique qui
a du bon sens. Après tout ce qu'on vit depuis tout ce temps-là et
à la suite des réflexions que vous allez entendre en commission,
on pense qu'il faut attendre qu'il y ait une politique claire, connue de tout
le monde, avant de faire des choses.
Ce que la politique devrait comprendre quant à nous, c'est un
petit peu dans le mémoire, mais je vous le redis de façon plus
concise peut-être. D'abord, politique claire, cohérente, connue de
tous les organismes, de tous les établissements, des intervenantes et
des intervenants, et qui soit le reflet d'un désir de réadapter
et non celui de coupures
budgétaires, comme c'est le cas dans certaines institutions.
On demande aussi que cette politique comprenne une véritable
consultation des personnes impliquées et une consultation
préalable. Il faut qu'on consulte les personnes qui travaillent
auprès des bénéficiaires et les organismes qui
représentent ces personnes. Évidemment, on s'attend que cela soit
fait avant que le conseil d'administration d'un établissement
décide des choses.
On demande aussi qu'il y ait la mise en place des ressources
complémentaires et de support nécessaires. On n'a pas envie de
voir des déficients mentaux parqués à huit, dix ou douze
dans des maisons qu'on appelle familles d'accueil, comme c'est le cas
actuellement, ou de retrouver tout ce monde-là dans le même
quartier et d'en faire un ghetto.
Comme tout le monde l'a mentionné avant nous, on demande un
programme d'information ou d'éducation pour la population. Il faut quand
même être prêt à recevoir ces gens-là. On
insiste aussi pour que la prévention, le traitement et la
réinsertion des personnes handicapées mentales ou
déficientes mentales demeurent sous la juridiction du secteur public. On
n'a pas envie que les familles d'accueil deviennent de petites entreprises
privées. On trouve important que ça demeure supervisé et
sous la juridiction du secteur public.
En terminant, ce qu'on voudrait rappeler aussi, c'est qu'on est
persuadé que tout le phénomène de
désinstitutionnalisation ne pourra pas entraîner de diminution de
personnel, peut-être même à la limite au contraire, parce
qu'il faudra des ressources extérieures, il faudra du support à
ces gens-là, il faudra de la transition aussi, parce qu'on ne peut pas
faire comme l'exemple qu'on entendait tantôt, mettre le patient dans
l'autobus et le ramener ailleurs. Ce sont des choses qui ne se font pas. Donc,
les économies de personnel dans ces cas-là, on pense que ce n'est
pas une bonne raison de le faire. La réinsertion sociale, c'est la bonne
raison de faire de la désinstitutionnalisation.
On rappelle que les travailleurs et travailleuses concernés
doivent recevoir la formation et le recyclage nécessaires pour pouvoir
travailler dans ce contexte-là, en plus de l'information dont on
parlait.
Dans le cas des établissements - c'est la toute dernière
note - qui sont touchés présentement, où il n'y a pas eu
de consultation et où on fait des changements qui nous semblent un peu
curieux, entre autres dans la même région de Montréal, deux
phénomènes inverses, Taylor-Thibodeau et Horizon de la jeunesse
entre autres, pour nous autres, il est indispensable que des enquêtes
soient faites sur la façon dont ces changements de philosophie se font.
Voilà.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup. Je
regrette d'avoir à faire ceci, parce que, même si c'est un peu une
coutume des commissions parlementaires, on a essayé avec nos groupes de
ne pas couper dans le milieu, même après la présentation du
mémoire. Certains de mes collègues avaient des engagements pour
13 heures. Si vous voulez, on pourrait reprendre la période des
questions dans une heure à partir de maintenant soit à 14 h 5.
Est-ce que cela vous convient?
M. Boudreau: Cela va.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup. Nous
suspendons nos travaux jusqu'à 14 h 5.
(Suspension de la séance à 13 h 5)
(Reprise à 14 h 14)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La sous-commission reprend ses travaux.
Je veux d'abord vous remercier pour votre mémoire et votre
présentation à la sous-commission. J'ai trouvé
intéressants les témoignages de vos collègues, surtout
qu'ils étaient variés et qu'ils mettent en relief
différents problèmes et non pas strictement des choses
négatives, mais aussi des choses positives qui peuvent se passer.
C'est un peu en dehors de votre mémoire, mais, dans votre
mémoire - je reviendrai sur les témoignages après - il y a
quand même une mise en garde contre les difficultés dont d'autres
nous ont fait part. On y trouve aussi vos suggestions - je pense que madame en
a fait un résumé assez complet à la fin - et on dit
quelles doivent être les ressources, etc. Mais il y a un aspect qu'on a
peu abordé à cette sous-commission. Je me demande pourquoi
maintenant. 11 a été abordé, mais toujours d'une
façon incidente. Comme vous travaillez avec les parents, j'aimerais
savoir comment ils réagissent non pas à ce
phénomène, mais à cette orientation de
désinstitutionnalisation.
M. Turcotte: Je peux témoigner de ce qui s'est
passé chez nous par rapport aux parents. Je pense que de prime abord, ce
n'est pas différent pour les parents, pour les salariés ou pour
le reste de la population. Je pense qu'il y a beaucoup
d'insécurité au départ. Je pense qu'ils ont besoin, eux
aussi, de sensibilisation, parce que, lorsqu'ils ont placé leur enfant
en institution, ils avaient l'impression qu'il aurait tous les services, qu'il
était en sécurité et, lorsqu'on parle de retour dans la
société, ils se posent des questions. Je pense que cela les
insécurise beaucoup, eux aussi. Je pense qu'il y a du
travail à faire à ce niveau aussi. Je ne parle,
évidemment, pas des représentants des parents qui, de
façon générale, sont favorables à la
désinstitutionnalisation et qui ont toute la sensibilisation
nécessaire, mais on s'aperçoit que, lorsqu'on sort le fils de Mme
ou de M. Untel, il y a toujours une forme d'insécurité, là
aussi.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La raison pour laquelle
je vous posais la question, c'est parce que, depuis que les travaux de la
sous-commission ont commencé, j'ai eu une couple d'appels. Je savais que
le problème devait être dans l'air. On en avait déjà
entendu parler un peu. Des personnes sont presque prises de panique de savoir
que, par exemple, leur fils de 27 ou 30 ans, qui a un âge mental de deux
ans et demi ou 3 ans, va être placé ou sorti de l'institution. 11
faut bien le réaliser. Ces parents-là s'étaient beaucoup
battus, ils avaient attendu des années pour voir leur enfant, souvent
devenu adolescent ou même plus vieux, admis dans une institution. Je me
demandais si c'était vraiment la mesure de l'insécurité
que cela créait pour les parents.
M. Turcotte: Oui, on veut compléter ici.
M. Morin: Je pense que la question est pertinente. Je peux donner
l'expérience de l'hôpital Rivière-des-Prairies où on
a effectivement deux groupes de parents très distincts maintenant dans
le contexte où le sujet de la désinstitutionnalisation est un
grand débat présentement. On a un groupe de parents qui
favorisent énormément cette démarche-là. On a eu,
du même côté, ce qu'on appelle une espèce de
mobilisation de tous les parents qui restaient peut-être un peu plus
muets parce qu'ils sentaient leur enfant en sécurité au sein de
l'institution. Ils ont décidé, dans le contexte de ce qui se
produit, de se mobiliser et de dire: Écoutez, pas trop vite, cela va
donner quoi? Quels services vont-ils avoir? Est-ce que cela va être la
même chose? Vraiment, on sent qu'on est obligé de faire du travail
en direction des parents plus insécures pour leur dire: Bien non, cela
peut se passer de telle autre façon, c'est possible.
Il y a vraiment deux groupes très distincts: des parents
inquiets, mais des parents aussi qui ont décidé maintenant de
pousser l'objectif plus loin. C'est certain, comme Claude le dit, qu'il y a
cette inquiétude très grande chez les parents des
bénéficiaires comme tels.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant, si un parent
s'oppose formellement, qu'est-ce qui arrive?
M. Turcotte: C'est une bonne question.
Selon la loi, madame, je crois que, si l'enfant est sous la Curatelle
publique, après l'âge de 18 ans, un parent peut toujours
s'opposer, mais un psychiatre peut toujours déterminer que, pour le soin
de l'enfant, de l'adulte finalement, il serait préférable, pour
lui ou pour elle, d'aller en résidence ou en intégration.
Là, c'est un problème de savoir si c'est imposé. Parce que
la plupart, comme chez nous à l'hôpital, sont sous la Curatelle
publique même s'ils ont des parents. Il y a simplement les parents qui
ont décidé de payer le montant qu'il faut, soit 1000 $, je crois,
pour avoir la curatelle privée de leur enfant même après 18
ans qui ont les décisions de tuteurs immédiats. Mais, en
règle générale, c'est la Curatelle publique qui est
directement le tuteur, donc, les parents n'ont pas juridiquement un mot
à dire là-dessus, sauf que dans la réalité c'est
plus complexe.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Maintenant, je
voudrais revenir à l'expérience de Sainte-Clothilde. Vous me
corrigerez si je me trompe. Est-ce que ce n'était pas une maison
où il y a eu, entre guillemets, "une enquête et des
problèmes particuliers, à un moment donné"?
M. Turcotte: Effectivement, il y a eu enquête au niveau de
l'administration en tant que telle.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon, d'accord. C'est
tout. Je ne veux pas entrer là-dedans. C'était juste pour
être bien sûre de celle dont je parlais.
M. Turcotte: J'aimerais juste compléter, quand même,
si vous me le permettez. Les deux dossiers ont toujours été
traités de façon séparée.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est cela et c'est
ce que j'ai l'intention de faire, mais c'était pour la situer. Chez
vous, si j'ai bien compris votre exposé, la
désinstitutionnalisation a quand même été
satisfaisante. C'est encore plus intéressant du fait qu'il y avait eu un
peu de problèmes qui m'étaient parvenus par des syndiqués,
à ce moment.
Pourriez-vous nous donner un petit peu plus en détail les
services externes qui sont offerts? J'ai bien compris tout à l'heure
qu'il y avait des foyers de groupe, qu'il y avait des appartements
supervisés. Est-ce que Sainte-Clothilde - c'est mon ignorance - est une
petite municipalité? Où est-ce situé?
M. Turcotte: Sainte-Clothilde est effectivement une petite
municipalité. C'est à mi-chemin entre Victoriaville et
Drummondville. Cela s'appelle Maison Sainte-Clothilde et je ne vous cacherai
pas que,
actuellement, on est en pourparlers pour changer le nom du centre
d'accueil. Cela s'appelait comme cela. Cela s'appelle toujours comme cela,
parce que c'est une partie de l'institution qui était située
à Sainte-Clothilde-de-Horton. Maintenant, avec le
phénomène de la désinstitutionnalisation, la très
grande majorité des services offerts par la Maison Sainte-Clothilde
n'est pas à Sainte-Clothilde, mais dans la région,
c'est-à-dire a Plessisville, Victoriaville et Drummondville.
Pour ce qui est de l'autre partie de votre question qui est d'expliquer
un peu les services externes offerts par la Maison Sainte-Clothilde, il y a,
comme vous l'avez mentionné, un service d'appartements pour les
bénéficiaires qui sont les plus autonomes, les plus près
d'être capables de se prendre en main seuls. Ce sont des
bénéficiaires qui, comme le service le dit, restent en
appartement. Il y a un éducateur qui leur rend visite - pas
nécessairement de façon statutaire - régulièrement
et selon les besoins. Évidemment, si un bénéficiaire a un
besoin plus urgent, l'éducateur peut passer un certain nombre de jours
là mais, de façon générale, il y a des contacts de
façon hebdomadaire.
On a le foyer de groupe qui est assez connu, mais il y a, tout au moins,
une mésentente sur l'appellation. En tout cas, je pense que c'est
peut-être une différence entre l'AHQ et l'ACAQ. Tout au moins, ce
qui est chez nous un foyer de groupe, c'est une maison dans laquelle demeurent
cinq ou six bénéficiaires avec des éducateurs qui ont des
horaires de travail, etc.
Il y a les familles d'accueil et de réadaptation. Un des deux -
on pourrait dire conjoints peut-être - doit être éducateur
spécialisé. Un éducateur de la Maison Sainte-Clothilde
donne un service là, en plus de l'éducateur qui doit être
soit l'homme ou la femme dans le couple.
Ce service est pour la clientèle qu'on pourrait considérer
comme la plus handicapée, mais qu'on retrouve quand même à
l'externe. C'est pour cela qu'il y a plus de services là que dans les
autres services, comme une famille d'accueil spéciale où ce n'est
pas nécessaire qu'un des deux, dans le couple, soit éducateur.
Mais, encore une fois, à la Maison Sainte-Clothilde, il y a un
éducateur ou une éducatrice qui donne un service important de
soutien à la famille d'accueil et aux bénéficiaires.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans une famille
d'accueil comme cela, à quel rythme cet éducateur visiterait-il
la famille d'accueil?
M. Turcotte: C'est sûrement, en moyenne, au moins une fois
par semaine.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Au moins une fois par
semaine.
M. Turcotte: Je dirais, généralement,
peut-être deux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Turcotte: C'est parce qu'il y a la visite de la famille, mais
il y a aussi des sorties avec les bénéficiaires.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Qui sont
organisées à partir du centre d'accueil?
M. Turcotte: Qui sont organisées à partir des
éducateurs de la Maison Sainte-Clothilde.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pouvez-vous me dire s'il
y a eu des pertes d'emplois dans ce...
M. Turcotte: II n'y a eu aucune perte d'emploi.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II n'y a eu aucune perte
d'emploi?
M. Turcotte: Non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parce que cela avait
été, comme vous l'avez expliqué, soigneusement
discuté avec le syndicat.
M. Turcotte: Oui, il y a eu des transferts, évidemment. Il
y a des gens qui étaient à l'interne et qui sont allés
travailler à l'externe. Ces gens-là ont reçu une formation
spécifique. C'est quand même un changement de travail important de
travailler à l'interne et de travailler à l'intégration
à l'externe.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Y avait-il des infirmiers
et des infirmières? Il devait y en avoir à Sainte-Clothilde.
M. Turcotte: II y a des infirmières; alors, il n'y a pas
d'infirmiers.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Turcotte: II n'y en a pas beaucoup, il y en a deux. Dans un
mémoire paru plus tôt ce matin, quelqu'un l'a mentionné.
Quant à nous, c'est un centre d'accueil pour déficients
mentaux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Alors sont-elles
parties complètement?
M. Turcotte: Non, elles sont restées à
l'interne.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Elles sont restées
à l'interne avec les autres.
M. Turcotte: En principe, un déficient mental n'est pas
malade...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Turcotte:... physiquement. Il peut avoir une maladie comme
tout être humain, mais ils ne sont pas malades. Donc, quand on vit en
communauté, il n'y a pas d'infirmière qui donne des services.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vais vous poser une
autre question. Évidemment, j'ai attiré l'attention sur la maison
où cela a bien fonctionné, ce n'est pas parce que j'ai
oublié les autres et que je ne veux pas vous laisser parler. Je veux
revenir à votre demande pour qu'il y ait un moratoire. Votre moratoire
irait même jusqu'au moment où la commission sur la santé,
celle qui a été créée au mois de mai ou juin,
aurait rendu son rapport. Cela peut facilement nous mener à trois ans,
puisque c'est un mandat de deux ans et demi. On peut faire trois ans et,
ensuite, cela revient et c'est discuté; cela peut être assez
long.
Quand on voit que, dans certains cas, quand l'expérience est bien
encadrée et bien planifiée et que le milieu est bon etc., cela
peut fonctionner, n'êtes-vous pas d'avis que, plutôt qu'un
moratoire général, à la condition que les choses se
passent de la façon dont cela s'est passé chez vous et qu'on
mette toutes les garanties et les balises nécessaires, ce serait
peut-être possible de continuer, évidemment, à un rythme
beaucoup plus lent plutôt que d'arrêter complètement?
M. Boudreau: La raison pour laquelle on demande un moratoire, ce
n'est pas pour l'empêcher, parce qu'effectivement la réinsertion
sociale se passe actuellement. Au commencement, lorsque j'ai
déposé le mémoire qui date du mois de mai 1985, on ne
connaissait pas les mandats de la commission sur la santé au
Québec. On ne les connaît toujours pas. On sait que cela va durer
jusqu'à environ 1987.
Comme vous le voyez par les témoignages de ce matin, il y a des
places où il y a eu consultation et où cela a très bien
fonctionné. On est ouvert à cela en tout temps. Sauf qu'il y a
d'autres institutions où cela se passe actuellement sans aucune
consultation pour cause de restrictions budgétaires. À d'autres
endroits, c'est en sens inverse. On demande un moratoire tant qu'il n'y aura
pas une politique claire, un encadrement clair du MAS ou du MSSS sur la
façon dont la réinsertion sociale doit se faire et avec qui elle
doit se faire. On veut qu'il y ait au moins un encadrement d'ordre
général pour que chaque institution ne le fasse pas à son
gré. On aimerait que ce soit plus encadré que cela. C'est dans ce
style-là qu'on demande un moratoire. Dans le document, on le demandait
jusqu'à ce qu'on connaisse les mandats de la commission sur la
santé.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Brièvement, vous
vous demandez si le mandat de cette sous-commission va vouloir dire que la
grande commission ne l'abordera pas. Je dois vous dire que ce mandat-là
était en gestation depuis mai 1984, alors même avant qu'il soit
jamais question de cette commission qui a été mise sur pied. Dans
ce sens-là, nous fonctionnons indépendamment du mandat de cette
grande commission. Si on pouvait arriver à des choses concrètes
plus rapidement, la vie continue aussi, on ne peut pas tout bloquer parce que
la grande commission va nous produire - on l'espère - des
suggestions.
M. Boudreau: Hier, selon les nouvelles, le ministre des Affaires
sociales, M. Chevrette, a annoncé qu'il déposerait un livre vert
cet automne sur la santé mentale au Québec. Alors, on ne sait
plus exactement où on s'en va.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela, je vous
comprends. M. le député de Bourassa.
M. Turcotte: Peut-être...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Voulez-vous ajouter
quelque chose? Allez-y.
M. Turcotte: ... seulement pour compléter. Notre intention
n'est vraiment pas d'essayer de renvoyer cela aux calendes grecques. Pour nous,
ce qui est important, c'est qu'il y ait les conditions, les prérequis
qu'on pense indispensables parce que, d'après nous, la
désinstitutionnalisation, c'est vraiment quelque chose qu'il faut faire,
mais c'est vraiment trop important pour essayer de précipiter les choses
ou de les faire sans consultation etc. À ce moment-là on risque
beaucoup d'aller vers un échec. On veut que ce soit un succès.
C'est dans ce sens-là qu'on demande que certains prérequis, que
l'on juge importants, soient acceptés. À partir du moment
où ces prérequis sont acceptés, il n'y a aucun
problème. (14 h 30)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce que vous dites, c'est
que, dans le fond, si on avait les balises, l'encadrement dont on parle, sur le
principe, on pourrait déjà être d'accord et, à ce
moment-là, on n'a pas besoin d'attendre que tout le monde se soit
prononcé sur l'ensemble du système. D'ailleurs, vous l'avez dit
vous-même, c'est
un problème. On a séparé, dans le cas de
Sainte-Clothilde, ce problème de tous les autres problèmes que
l'on pouvait avoir. Je pense qu'il y a d'autres institutions qui sont venues
ici qui ont des problèmes et qui ont fait la même chose. Elles ont
dit: On veut considérer cela comme une entité en soi parce que
cela touche des gens qui sont déjà en institution.
M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Merci, Mme la Présidente. Je m'adresserai
surtout à Rivière-des-Prairies, vu que cela touche des patients
du comté, l'hôpital est dans le comté de Lafontaine.
L'expérience que vous avez actuellement avec les appartements ou les
foyers de groupe, je sais qu'il y en avait le long du boulevard Gouin. Depuis
que cette partie de terre est vendue, à quelle place ces gens-là
sont-ils rendus, ceux qui habitaient ces maisons-là que vous aviez comme
expérience?
M. Morin: Avant même les projets de réinsertion
sociale, il y avait déjà ce que l'on appelait des espèces
d'unités de transition qui étaient des appartements où la
clientèle allait pendant la journée faire l'expérience,
dans un milieu de type résidentiel et familial, de ce que pouvait
être le vécu. Alors, elle pouvait retourner, par exemple, le soir
ou le jour. C'étaient vraiment des mesures transitoires pour leur
montrer: vous voyez, vous êtes dans une maison; le matin on
déjeune, le midi on dîne, chacun dîne à son rythme,
chacun peut apprendre à faire à manger. Donc, il y avait
déjà un contexte d'apprentissage qui était fait avec cette
espèce d'unité de transition. Ces unités de transition ont
été abolies, parce que ce qui, finalement, a été
dit, c'est qu'on avait déjà une clientèle qui était
prête d'emblée, au nombre de trois ou quatre, à vivre
entièrement dans une résidence; parce que ce que l'on peut faire
apprendre seulement en un bout de journée, il aurait quasiment fallu
faire six mois de jour et six mois de nuit et on se rend bien compte qu'il y
avait des contradictions dans le fait de les ramener à l'institution.
Donc, maintenant, ce sont des résidences à part entière 24
heures sur 24, où il y a un éducateur et une éducatrice en
présence où, le jour, par exemple, la majorité de la
clientèle va soit à l'école ou au travail dans les
ateliers de travail adapté, revient le soir, où il y a des
activités d'organisées comme pour toute la population normale.
Les gens peuvent aller au cinéma ou au théâtre, des trucs
comme cela.
M. Laplante: Combien cela touche-t-il de patients
actuellement?
M. Morire C'est un projet qui est encore très largement
minoritaire pour l'établissement. Je pourrais dire qu'il y a
approximativement - je ne m'avance pas dans les chiffres, mais je ne serais pas
loin - une dizaine de résidences actuellement. C'est à peu
près cela. Il y a peut-être trois ou quatre résidences en
pédopsychiatrie pour les jeunes et il y a peut-être sept ou huit
résidences pour adultes. Toutes les résidences n'ont pas plus de
quatre clients.
M. Laplante: Pas plus de quatre. Cela veut dire qu'il y aurait
autour de 35 à 40 patients.
M. Morin: Approximativement 35 à 40 personnes.
J'ajouterais que la raison est que le projet de subvention qui avait
été accordée pour les recherches pour les fins de la
désinstitutionnalisation à l'hôpital
Rivière-des-Prairies par le Scottish... - vous m'excuserez pour le reste
du nom de la firme qui a permis la subvention - qui investissait pour la
recherche, demandait qu'il y ait des études scientifiques qui soient
faites à partir de clientèles cibles, à savoir, s'il y a
une trentaine de bénéficiaires qui vivent en résidence,
qui ont le même âge, le même type de pathologie, le
même type de trouble de comportement, on trouve un groupe cible à
l'intérieur de l'institution qui a la même pathologie, le
même type de trouble de comportement pour voir sur deux ans, avec un
projet résidentiel, puis un projet institutionnel, l'évolution
graduelle qui pouvait être établie.
M. Laplante: Les résidences où ils demeurent,
est-ce qu'elles appartiennent à l'hôpital ou si ce sont des
locations?
M. Morin: Ce sont des locations qui sont faites. Par contre,
l'hôpital assure l'ensemble des services aux personnes qui ont
prêté un loyer disponible pour la location pour ces
bénéficiaires. 11 fait l'aménagement des locaux s'il y a
des modifications à faire. Si, par exemple, on a des résidences
de multihandicapés, souvent les appartements de tout le monde ne sont
pas adaptés. Ne serait-ce que l'oeil dans la porte qui est souvent trop
haut pour les chaises roulantes, ou bien les bains. Alors, il y a des
aménagements physiques. Dans ce cadre-là, effectivement, il y a
l'utilisation du personnel spécialisé dans les métiers de
l'hôpital qui, au lieu de juste travailler à l'intérieur de
l'hôpital, peut aller aider à aménager les appartements,
à réparer ou à supporter en termes techniques et
auxiliaires ces appartements loués.
M. Laplante: Avec les fonds de la fondation de l'hôpital,
êtes-vous au courant s'il y a des programmes nouveaux,
expérimentaux qui ont commencé? Ce ne
sont pas des fonds qui viennent du ministère; c'est le
résultat de la vente des terrains qu'il y a eu à la ville de
Montréal, la bande de terrains qui longe le boulevard Gouin
jusqu'à Maurice-Duplessis, je pense. Il y a une partie de ces sommes qui
est restée nette de la masse. L'usufruit de cela, l'intérêt
que cela pouvait rapporter allait à des programmes spéciaux.
Êtes-vous au courant s'il y a eu des programmes?
M. Morin: On n'a pas entendu parler de programmes
spécifiques de la fondation, disons, à l'égard de ces
trucs. Il y en a peut-être, mais je ne pourrais pas vous
répondre.
M. Laplante: C'est tout nouveau, ce que je vous dis là,
cela date peut-être de deux ans.
M. Morin: Oui, c'est la vente des terrains et je crois qu'il y a
plusieurs milliers de dollars en jeu. Je ne suis pas au courant s'ils ont
décidé d'investir cela pour ce qui est de la fondation dans des
programmes spécifiquement au sujet des résidences pour ce qui est
de la réinsertion sociale. Je crois que l'argent est utilisé pour
les fins internes, mais je ne pourrais pas dire, pour les fins externes, si la
fondation a décidé de le faire.
M. Laplante: Non, il n'y a pas d'argent, là-dedans, qui
serait utilisé, par la convention qu'il a pu y avoir entre le
ministère et le conseil d'administration de l'hôpital, pour des
fins internes. Obligatoirement, il est obligé de présenter des
programmes acceptés par le ministère pour pouvoir, après
cela, dépenser les revenus de ce montant placé au
bénéfice des malades.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La fondation serait mieux
en mesure de répondre.
M. Laplante: C'est pour cela que je lui demandais s'il avait eu
connaissance de ces choses.
M. Morin: Vous dites cela, mais la piscine extérieure de
l'hôpital Rivière-des-Prairies, une grande partie est
utilisée à même la fondation. Alors, je comprends mal votre
question, mais je ne pourrais pas vous dire si elle l'utilise.
M. Laplante: La fondation, c'est une autre chose. En tout cas,
c'est d'ordre administratif avec l'hôpital. J'aurais une autre question.
Quant à l'expérience qui se fait à Sainte-Julienne avec
les patients de l'hôpital Rivière-des-Prairies, êtes-vous au
courant de cela?
M. Morin: Non.
M. Laplante: Avec Terre des jeunes?
M. Morin: Non. On n'en a pas entendu parler et cela n'a pas
été très expliqué, en tout cas. Vous soulevez un
cas qui n'est pas très discuté dans l'hôpital. Je ne
pourrais pas vous répondre là-dessus.
M. Laplante: D'accord. Maintenant, les travailleurs. Connaissant
le milieu un peu pour y avoir été à plusieurs reprises
même, chez vous, ce sont des cas très lourds, la plupart des cas
qui sont là. Est-ce que les employés peuvent, avec
facilité, produire des programmes nouveaux, présenter à la
direction des essais nouveaux pour ces patients?
M. Morin: Vous me posez une question qui est débattue
aujourd'hui à l'hôpital Rivière-des-Prairies. C'est le
problème, justement...
M. Laplante: Je ne voudrais pas tomber là-dedans, par
exemple. C'est juste sur la...
M. Morin: C'est pour cela que j'aime mieux ne pas répondre
à votre question parce que le dilemme auquel on fait face, c'est
celui-là. On essaie toujours, par contre, d'améliorer les choses
comme on le fait pour les résidences. Je mentionnais, au début,
qu'on est allé directement recruter du personnel sortant des
cégeps ou des universités, qui était
rémunéré trois fois moins que les éducateurs dans
l'établissement, qui travaillait trois fois plus d'heures que ces
éducateurs jusqu'à ce que cela fasse un peu une espèce de
crise. Les gens sortaient du cégep, c'était beau, mais
après un an, à 50 heures par semaine, ils commençaient
à se poser des questions. C'est à partir du moment où on a
syndiqué les résidences qu'on a pu commencer à s'asseoir
et à dire: Une formation spécifique pour le personnel, des cours
d'apprentissage. 11 y a eu des processus qui ont été faits. Mais
sur les projets nouveaux, si on rentre dans ce débat, on va...
M. Laplante: Je ne veux pas entrer là-dedans. Avez-vous eu
connaissance ou avez-vous été consultés sur des projets
spéciaux pour des emplois d'été pour les
étudiants?
M. Morin: Oui.
M. Laplante: Est-ce que vous les avez acceptés?
M. Morin: Notre attitude était la suivante. Sur la base
des projets gouvernementaux, soit fédéraux ou provinciaux, parce
qu'il y avait les deux, je crois, des bons
d'emploi ou des formules de stages d'apprentissage au travail, si les
étudiants et les étudiantes qui étaient amenés
à faire cela venaient vraiment dans un but d'apprentissage et de stage,
venaient en surplus, c'est-à-dire non pas pour faire le travail à
la place de, parce qu'ils n'avaient pas l'expérience, mais venaient, par
exemple, en compagnie d'un éducateur pour apprendre à comprendre
les mécanismes du travail dans ce milieu, on n'a jamais refusé.
On a plusieurs cas de personnes qui ont pu faire un bon d'emploi d'un an, par
exemple, soit aux loisirs ou comme éducatrices, mais supportées
et supervisées par un autre éducateur ou éducatrice.
Il y avait des problèmes qui étaient plus complexes parce
qu'on nous disait: Vous travaillez à deux pour un groupe de douze,
admettons, on va vous mettre un étudiant de plus alors qu'en
réalité on demandait trois personnes depuis longtemps et ce
n'était vraiment pas un ajout, mais c'était une façon de
dire: On ne mettra pas l'éducateur qu'il faut à cet endroit; on
va vous mettre un étudiant. On n'avait pas grand choix, parce qu'ils
disaient: Si vous n'acceptez pas, de toute façon, vous allez travailler
à deux. On disait: On va le prendre, on n'est pas des fous, on veut
absolument que les gens aient les meilleurs services possible, sauf qu'il est
évident pour nous que ces bons d'emploi ou ces stages de travail pour
les jeunes doivent s'accompagner d'un nombre de personnes suffisant pour leur
apprentissage.
M. Laplante: Est-ce qu'il y a un gros taux d'absentéisme
chez vous?
M. Morin: On a noté, dans les études statistiques
des années 1982, 1983, 1984, qu'il y a eu une augmentation des maladies
à long terme et des accidents du travail. C'est un taux très
élevé. On note, au moins, un accident du travail par semaine
relativement important et c'est la même chose pour les maladies.
M. Laplante: À cause de la violence qui peut exister?
M. Morin: Pour nous, compte tenu de l'état dans lequel on
se trouve, il y a plus d'agressivité, moins de possibilité de
contrôler ces crises d'agressivité et il y a plus d'impatience de
la part du personnel, c'est-à-dire que les gens, plutôt que de
rester au travail pour rester au travail, prennent des congés de maladie
pour faire le point. On sent cela. Il y a plus de congés sans solde
aussi. On sent plus d'épuisement professionnel. On a fait la demande
d'études scientifiques et médicales pour établir des
statistiques et essayer de voir s'il y avait un rapport entre l'augmentation
des maladies et des accidents du travail et l'épuisement professionnel
dans le contexte dans lequel on est actuellement.
M. Laplante: À première vue, avez-vous
remarqué si cela se produisait surtout chez les employés plus
âgés, ayant plus d'expérience, disons 8 à 10 ans
d'expérience sur place?
M. Morin: Non. On note, je dirais de visu, ce que j'appelle
l'écoeurement le plus souvent chez les jeunes. Les jeunes sont
très stimulés par le fait qu'ils vont entrer et qu'ils vont
apporter des changements. Ils se disent: Je vais les prendre en charge et cela
va changer. Ils se rendent compte qu'il y a un essoufflement très
rapide. Beaucoup de jeunes, selon les chiffres qu'on a sur les postes fixes,
décident de travailler à temps partiel, parce qu'ils trouvent
cela trop essoufflant de travailler à temps plein, avec le type de
clientèle et les ratios qu'on a. C'est souvent chez ces
clientèles. Pourquoi ce ne sont pas les personnes plus
âgées? Je dirais que c'est peut-être parce que les besoins
financiers sont plus importants ou je ne sais trop et que les personnes
décident, à contrecoeur, de conserver leur emploi. Je ne dirais
pas, par contre, que leur motivation est plus élevée que les
autres. Elles n'essaient pas de faire le saut de façon aussi importante
que les jeunes qui se disent: Si cela ne marche pas, moi, je ne veux pas
travailler dans un tel contexte. Alors, j'y vais à temps partiel. Ils
utilisent davantage des congés de maladie ou des congés sans
solde pour aller faire du ressourcement. On connaît des gens qui sont
allés, qui pouvaient être payés environ 350 $ par semaine,
qui ont accepté d'aller travailler pour un an à 150 $ par
semaine, dans une petite ressource alternative. Ils se foutaient un peu du
salaire. Ils disaient: Moi, je veux aller me ressourcer dans quelque chose
d'autre pour un an et je reviendrai quand ce sera meilleur. Cela, on le vit
carrément.
M. Laplante: Seriez-vous d'accord pour que, dans un endroit
très lourd comme chez vous, il y ait une rotation du personnel,
c'est-à-dire que le personnel qui est là depuis tant
d'années puisse aller dans un département moins lourd pour faire
d'autres tâches, pour essayer de faire reposer ces personnes?
M. Morin: Vous savez, le problème ne se pose pas comme
cela. Nous, selon les études statistiques qu'on a faites et la
publication de notre petit livre, c'est la rotation constante du personnel qui
fatigue les gens. Quand vous entreprenez une démarche en fonction d'une
clientèle et que vous voyez les tenants et aboutissants de cette
démarche, que vous ayez une nouvelle clientèle, qu'elle soit
lourde ou non... Si,
après dix ans, vous avez connu des résultats tangibles,
quels qu'ils soient, vous avez une valorisation personnelle et vous vous sentez
le courage de continuer. Les gens qui sont là depuis 20 ans savent que
cela prend dix ans pour faire une évolution de tel type à tel
client. Ils ne se découragent pas quand ils voient l'aboutissement.
Nous, le problème qu'on a vécu, c'est qu'il y a eu tellement de
rotations de personnel, de changements de groupes, il y a des projets chaque
année et, chaque année, on défait et on refait. Le client
que tu as pris en charge durant deux ans, tu voyais l'évolution qui se
faisait et peut-être la sortie au bout, cela te claque dans les mains du
jour au lendemain parce qu'on décide de faire un nouveau projet. C'est
ce que les gens considèrent comme le plus difficile.
Ensuite, concernant les regroupements de pathologies, il y a un certain
sens à regrouper certaines clientèles, notamment les
psychiatriques et les déficients. Dans certains cas, on a
regroupé, ce qui a fait que les cas les plus lourds, on les a tous
regroupés ensemble. Quand vous avez treize clients très
sévèrement handicapés, c'est plus difficile de vous
motiver. Donc, il y a une mauvaise répartition de la clientèle.
Il faut alléger les groupes très lourds, si on veut de la
motivation. Je ne crois pas que la rotation soit une solution à long
terme.
M. Laplante: D'accord. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Marie-Victorin.
M. Pratt: Je veux simplement demander à M. Turcotte...
M. Turcotte: Oui.
M. Pratt:... à la suite de l'expérience de
Sainte-Clothilde, s'il peut nous faire parvenir une copie de son
exposé.
M. Turcotte: Avec plaisir.
M. Pratt: II pourrait peut-être y ajouter aussi - j'ai
peut-être manqué des petits bouts - un bref historique relatant ce
qui s'est passé chez lui lors de cette
désinstitutionnalisation.
M. Turcotte: Je pourrais envoyer quelque chose de plus
détaillé. Étant donné le peu de temps que j'avais
ce matin...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une dernière
question. De toute façon, on va avoir, au Journal des débats,
toutes les présentations que vous avez faites. Je voulais demander
à M. Rosendaal comment se sont prises les décisions de rassembler
pour arriver au résultat - je ne sais trop si c'est à Dorval
Gardens, mais peu importe - de regrouper finalement dans un même milieu
scolaire et même, je pense, jusqu'à un certain point,
résidentiel - j'ai compris que c'étaient des déliquants,
n'est-ce pas? -...
M. Rosendaal: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... 75
délinquants.
M. Rosendaal: II y aura finalement 75 délinquants qui
seront transférés dans ce qu'on appelle maintenant le projet
Dorval Gardens. On n'est pas au courant de toutes les raisons, mais l'une
d'entre elles, c'est la "subregionalization. C'est une politique, une directive
qui est mise de l'avant par le conseil régional de la santé et
des services sociaux. C'est une des raisons.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est pour la rive sud,
Beloeil.
M. Rosendaal: Oui, c'est cela, et le Mont-Saint-Bruno qui dessert
les délinquants.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, vous autres, vous
êtes à Dorval.
M. Rosendaal: Oui, c'est une autre région. Je pense
qu'étant donné qu'on parle de la communauté anglophone le
Mont-Saint-Bruno dessert les délinquants anglophones et cela peut
être aussi l'une des raisons. On n'est pas sûr que ce soit une
raison. Les éducateurs à Horizon de la jeunesse ont essayé
d'obtenir les vraies raisons du transfert. C'est le point de vue financier.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que cela ne serait
pas dû au fait aussi que la communauté anglophone... De toute
façon, 75 délinquants, cela me semble beaucoup de jeunes
adolescents tous dans la même école. En tout cas, on demandera des
explications au ministère des Affaires sociales, parce que cela me
semble être un problème un peu particulier et, comme vous dites,
recréer une autre institution alors qu'ils étaient dans des plus
petits groupes, finalement, à Beloeil ou à l'autre...
M. Rosendaal: II y avait deux chalets à Beloeil, à
partager entre à peu près 12 délinquants...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Rosendaal:... sauf qu'avec le transfert qui est proposé
maintenant il y aura plus d'enfants délinquants à un même
endroit. Le deuxième élément qu'on ne comprend pas,
finalement, c'est qu'il y a des services comme le foyer de groupe Rudel et
Réflexion que je viens de mentionner dans
ma présentation qui sont ajoutés à cet endroit et
ils ont un taux de succès très acceptable.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie, M.
Boudreau, et tous ceux qui vous accompagnent, même ceux à qui on
n'a pas eu l'occasion de poser des questions. On va relire vos
témoignages et je pense que la façon dont vous avez
présenté les choses, cela permet peut-être d'essayer
d'établir un équilibre ou, enfin, d'examiner les
possibilités d'équilibre dans toute cette problématique de
désinstitutionnalisation et de réinsertion sociale. Au besoin,
comme je l'ai dit à d'autres groupes, on se sentira à l'aise de
communiquer avec vous, s'il y a lieu. Merci beaucoup.
M. Boudreau: On tient à remercier la sous-commission de
nous avoir invités à déposer notre mémoire. On
espère que d'autres styles de commissions de ce genre sur d'autres
problèmes du réseau de la santé auront lieu, parce que
c'est en se parlant qu'on va finir par se comprendre et en se consultant. Je
pense que c'est une bonne initiative. J'espère qu'à l'avenir il
va y en avoir d'autres de ce style, surtout sur les centres d'accueil, pour les
personnes âgées et tout cela. On a beaucoup de problèmes
partout dans le réseau. Ce serait peut-être important de regarder
tout cela. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord, merci de la
suggestion. On suspend deux minutes, deux secondes.
(Suspension de la séance à 14 h 50)
(Reprise à 14 h 51)
Comité Inter-Église pour la
planification du service social
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'invite le Comité
Inter-Église pour la planification du service social à se
présenter. Bonjour! Il me fait plaisir de vous accueillir et je vais
vous demander de vous présenter, ainsi que vos collègues, et de
procéder à la présentation.
M. Johnston (John): D'accord. Nous sommes un peu moins nombreux
que l'autre groupe. Je m'appelle John Johnston. Je suis un travailleur
communautaire pour l'Église anglicane au centre-ville. Là, on a
plusieurs services dont, entre autres, un "drop-in centre" qui accueille le
plus souvent des personnes avec des problèmes psychiatriques.
M. Laurin (Jacques): Je suis Jacques Laurin. Je suis travailleur
social dans le centre-ville auprès des personnes seules
itinérantes. Je travaille en collaboration avec les Églises et
les ressources qui se préoccupent de cette problématique.
Mme Harrington (Sally): Je suis Sally Harrington. Je suis une
femme de maison. Mon français n'est pas très bien,
j'espère que vous m'excuserez.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si vous vous sentez plus
à l'aise de parler en anglais, il n'y a pas de problème non
plus.
Mme Harrington: Si j'ai de la difficulté, je vais
peut-être le faire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
Mme Harrington: Je suis associée avec une église au
centre-ville qui s'appelle St. James The Apostle. J'ai assisté à
la rédaction du rapport au commencement avec M. John Beach et M. Bill
Jay, qui ne sont pas ici. M. Beach, son père est presque mort et M. Jay
est en vacances. Ils s'excusent.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'ailleurs, on doit des
excuses un peu à tout le monde pour vous avoir déplacés en
plein été, mais on a choisi la plus belle'semaine quand
même. C'est bien.
Mme Harrington: C'est bien.
Une voix: II faisait chaud dans l'auto.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, si vous voulez y
aller.
M. Johnston: D'accord, je vais commencer. Ce que j'aimerais
faire, c'est de vous parler un peu de ce qui est écrit dans le rapport
et, après, continuer avec les recommandations qu'on a faites.
Nous représentons les églises et les missions, au
centre-ville, qui sont aux prises, présentement, avec des personnes
ayant de plus en plus de problèmes psychiatriques. D'habitude, dans une
église, on n'a pas de problème pour accueillir les gens qui sont
seuls, qui sont sans le sou. Avant, il n'y avait pas vraiment de grands
problèmes, mais, présentement, on trouve que le nombre devient de
plus en plus remarquable à un point tel qu'on commence à voir des
lacunes et des carences dans le système social.
Dans le rapport qui a été rédigé, on a
souligné quatre sections où on voit des problèmes. La
première, c'est dans la surveillance des personnes qui sont
désinstitutionnalisées - qui sortent de l'hôpital, c'est
plus facile - qui ne sont pas suivies. Souvent, il n'y a pas de suivi pour ces
personnes qui se retrouvent seules dans la rue. Avec la surveillance, il y a
égale-
ment le problème des médicaments qui ne sont pas
administrés d'une façon valable ou équitable à ces
personnes. Il y a des abus ou un rejet complet des médicaments. Souvent,
cela vient de la politique des hôpitaux. Ils ne peuvent pas suivre toutes
les personnes, ils ne peuvent pas s'assurer que chaque personne, une fois en
dehors de l'hôpital, prendra ses médicaments. Donc, ils donnent le
médicament et le patient doit s'occuper de ses affaires. C'est
évident, si les patients ne sont plus a l'hôpital. Donc, il est
question de la répartition des médicaments.
Il y a aussi la politique de sectorisation dans les hôpitaux.
Chaque hôpital s'occupe des itinérants de chaque secteur à
tous les mois. Cela change tout le temps. Quelqu'un qui n'a pas tout à
fait le contrôle de ses capacités a de la misère à
savoir à quel hôpital il doit s'adresser, s'il a une crise ou s'il
a un problème. Cela concerne le côté législatif un
peu.
Après le suivi de l'hôpital, il y a l'hébergement.
Surtout, au centre-ville de Montréal, les chambres, les maisons de
chambres la plupart utilisées par les personnes itinérantes, sont
rares, chères et insalubres. Dans ce domaine-là, on voit des
lacunes et on travaille encore pour en trouver d'autres. Cela prend pas mal de
temps.
Une chose qu'on trouve très intéressante pour ces
personnes-là dans les maisons de chambres, c'est le fait qu'il y ait une
espèce de communauté qui s'y établisse. Il y a des
oreilles qui écoutent ces personnes qui peuvent avoir des
problèmes. Ce serait un plus pour ce type de logement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pourriez-vous parler un
peu plus dans le micro? On a de la misère à vous suivre.
M. Johnston: D'accord. Je m'excuse, je n'ai pas l'habitude de
parler au micro.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci.
M. Johnston: Donc, on a le problème des hôpitaux,
des logements une fois qu'ils sont sortis des hôpitaux et, ensuite, c'est
la réintégration dans la société. Ce sont des
personnes qui sont déjà sorties, qui prennent un peu le
contrôle de leur vie et qui veulent mieux s'intégrer dans la
société. Présentement, c'est très difficile. Il n'y
a pas assez de services pour aider ces personnes à s'intégrer. Il
y a plusieurs projets. En venant, aujourd'hui, on se disait que dans les 20
projets...
M. Laurin: Les centres de travail adapté.
M. Johnston:... il y en a deux qui s'occupent plutôt des
personnes...
M. Laurin: On parlait des SEMO, à ce moment-là.
C'est pour aider à trouver de l'emploi.
M. Johnston: Cela vient avec la réintégration dans
la société. Donc, c'est très difficile, il n'y a
pas de services pour ces personnes.
Le dernier point où il y a des problèmes, c'est l'attitude
de la population. On parle toujours de cela, c'est peut-être la chose la
plus difficile à changer. C'est le stigmate qui va avec les personnes
qui ont des problèmes psychiatriques. On voit souvent la personne qui
change de côté de la rue quand elle voit quelqu'un qui a des
problèmes, qui est en crise ou des choses semblables. Les personnes
normales ont vraiment de la difficulté à accepter quelqu'un qui
n'est pas normal. C'est une question de sensibilisation. Ce n'est pas que la
personne est dangereuse pour autrui, c'est plutôt qu'elle est dangereuse
pour elle-même. L'ignorance joue un rôle très fort. Si la
population peut être plus sensibilisée à ces personnes, il
y aura peut-être moins de problèmes et une meilleure attitude.
En voyant ces quatre points, ces quatre idées, on a sorti
quelques recommandations possibles qui se trouvent à la fin du rapport.
(15 heures)
Évidemment, s'il s'agit de l'abus de médicaments, il doit
y avoir plus de contrôle. C'est beau à dire, plus de
contrôle sur les médicaments, mais il faut aussi tenir compte des
droits de la personne. On ne peut pas forcer quelqu'un à prendre des
médicaments. Mais, comme on le voit souvent, le problème avec les
malades psychiatriques, c'est qu'ils ne sont pas toujours assez en
contrôle d'eux-mêmes pour savoir si c'est une bonne idée de
prendre un médicament ou si ce n'est pas une bonne idée. On
trouve que pour ces personnes très particulières il vaut la peine
d'avoir un peu plus de surveillance, un peu plus de contrôle sur les
médicaments.
Concernant le côté affectif de la vie, afin
d'établir un meilleur lien avec la société, on a
pensé à des idées, des "club lunches" qui sont
effectivement des "drop-in", où des personnes qui se voient avec des
problèmes psychiatriques peuvent venir s'intégrer à un
côté social où il y aurait des repas fournis. Cela ne
coûterait rien, mais on leur demande de participer au fonctionnement du
club, soit en payant le repas ou en faisant une corvée pour le
repas.
Ainsi, on leur permet de se valoriser un peu plus. Ce n'est pas juste de
tout donner; il a la chance aussi de faire quelque chose pour lui-même,
d'avoir un certain "self-esteem". On a pensé aussi à des cartes
de membre pour ces clubs. Donc, cela
deviendrait plus un club. C'est une atmosphère de club au lieu de
juste un "drop-in", où il n'y a vraiment pas de suivi du tout. C'est
aussi pour établir un dossier sur chacune de ces personnes. En
même temps, les responsables de ces clubs peuvent être en contact
avec l'institution où la personne demeure.
Avec cela, bien sûr, on parle toujours des listes. C'est une liste
des ressources qui est régulièrement mise à jour et,
souvent, on a des problèmes avec les listes. Dans ce domaine,
particulièrement, on reçoit souvent les listes des ressources
disponibles, mais, parce qu'il y avait une subvention et qu'elle est finie, ce
projet n'est plus là. Donc, ce serait bon d'avoir quelque chose qui est
mis à jour constamment.
Les résidences adéquates, cela va avec le
côté hébergement où il y a un manque sérieux.
Dans ce sens, on pense a des appartements supervisés pour les cas qui
ont besoin de plus de surveillance. Il y a des cas plus lourds... Pour les
personnes qui sont capables de vivre d'une façon autonome, on pourrait
juste avoir un travailleur social volant, disons, qui sait où demeurent
ces clients et est capable de faire un tour une fois par semaine, supposons,
pour savoir comment cela va.
Il faut quand même un suivi, mais pas nécessairement dans
une résidence. C'est une espèce de palier entre l'hôpital
et l'étape où quelqu'un demeure tout seul et est capable de se
débrouiller seul. Il y a des appartements supervisés, très
supervisés, moins supervisés et non supervisés du tout.
Comme cela, on peut assurer, au moins, une certaine qualité de vie. Les
appartements restent propres; il y a toujours de la bouffe dans le frigo et on
sait quoi faire avec la bouffe au lieu de juste la regarder. C'est un peu une
façon d'assurer qu'on ne vise pas avec des coquerelles.
On a pensé qu'une partie de l'argent qui a été
économisé par la désinstitutionna-lisation pourrait
être utilisée à ces projets d'hébergement, parce que
c'est effectivement l'hébergement qui est visé. Avec la
sensibilisation du public, c'est difficile. C'est juste une question
d'information.
Avec la sortie de ce rapport, il y a eu quelques articles dans la
presse, des articles pas mal bien écrits qui traitaient du sujet.
C'était assez juste, et c'est l'explication du problème comme il
existe.
En résumé, on a deux fronts. Le côté de
l'amélioration des ressources comprend le "club lunch", une liste des
ressources, des appartements supervisés; on pourrait inclure aussi la
sensibilisation du public.
Du côté de la législation, il y a les
contrôles des médicaments, quoi faire avec l'argent, comment le
répartir, et ici aussi la sensibilisation du public. Cela va dans le
front ressources ou dans le front législatif.
C'est a peu près cela; c'est un résumé assez
rapide. J'aimerais seulement souligner qu'on n'est pas des experts. On est un
groupe qui fait face a ce problème. Je vous remercie beaucoup de m'avoir
donné le temps d'en parler; c'est un privilège pour nous.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie
beaucoup. Y a-t-il quelqu'un d'autre qui veut ajouter quelque chose?
M. Laurin: Je travaille depuis plus de dix ans dans le milieu du
centre-ville avec des organismes comme les églises, les missions, les
accueils: Accueil Bonneau; Old Brewery Mission, Armée du salut. Je suis
à même de constater que ces organismes sont vraiment les lieux
où les personnes qui sont laissées pour compte par le
réseau officiel se retrouvent finalement. Il est vrai que depuis une
dizaine d'années le nombre des patients, les personnes avec des
problèmes psychologiques graves, moins graves ou pas trop graves se
retrouvent finalement, surtout s'ils n'ont pas de famille autour d'eux pour les
soutenir, dans le milieu de l'itinérance. C'est presqu'une nouvelle
catégorie de clochards qui naît à Montréal. Il faut
vraiment essayer de faire quelque chose avec cela parce que, une fois qu'ils
sont entrés dans le réseau et qu'ils ont appris à vivoter,
si on peut dire, avec ce qu'on peut leur offrir... On essaie de les aider,
mais, a cause des moyens réduits qu'on a dans ces milieux-là, on
n'est pas en mesure de mettre sur pied des clubs, comme il disait tantôt,
où il y a des activités structurées, où on va
essayer de revaloriser la personne, travailler avec elle, garder des liens avec
l'hôpital, etc. On a plutôt développé des ressources
de survie, présentement. On s'aperçoit que ces ressources de
survie apportent une certaine amélioration à certaines personnes,
mais il faut faire plus que cela si on veut prévenir la
dépendance, si on veut prévenir que ces gens-la descendent plus
bas dans la société.
Ce qu'il disait d'une réallocation des ressources
financières, ce ne serait pas nécessairement que l'argent soit
donné aux Églises; mais les Églises sont prêtes
à collaborer. D'ailleurs, la plupart des ressources pour les personnes
itinérantes, les laissés-pour-compte, sont issues des
Églises: l'Accueil Bonneau, ce sont les soeurs Grises, avec la
Saint-Vincent-de-Paul; Old Brewery Mission c'est encore une autre église
qui la soutient avec des hommes d'affaires; l'Armée du salut, c'est
encore une autre chose; la Welcome Hall Mission, c'est la même affaire.
Les Églises sont placées pour reconnaître les besoins de
cette population qui est souvent laissée pour compte par le
réseau, comme je disais tantôt. Il faudrait leur ouvrir un peu la
porte à des ressources financières et à des ressources
humaines, et peut-être promouvoir la collaboration des CLSC, des
hôpitaux, pour que du personnel soit détaché pour
aller travailler dans ces milieux. C'est là qu'est le problème.
Il y a beaucoup de personnels des hôpitaux qui reconnaîtraient leur
clientèle s'ils allaient dans ces endroits-là, dans ces grandes
salles où les gens vont pour passer une journée, manger une
soupe, quémander un morceau de linge ou prendre une douche parce qu'ils
ont passé la nuit dehors. Cela arrive à Montréal. C'est
assez fréquent qu'on voit cela dans le milieu de
l'itinérance.
Mais les malades psychiatriques, si on veut les
désinstitutionnaliser, ce n'est pas normal qu'on pense qu'en voulant
normaliser leur situation on les retrouve dans une situation aussi anormale,
à demeurer dans des maisons de chambres où il n'y a aucune
sécurité, où il n'y a pas de supervision, où ils ne
mangent à peu près jamais comme il faut, où la
qualité de vie est à zéro, où il n'y a personne qui
s'inquiète s'ils vont prendre leur médication ou non ou s'ils en
prennent trop. Il faut faire quelque chose pour ces gens-là. Le
mémoire avait pour but de sensibiliser les dirigeants à ce
problème-là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je veux vous remercier
pour votre mémoire; je veux vous remercier de vous être
déplacés pour venir devant la commission. Je dois vous dire
qu'une des préoccupations de la commission, quand elle a
décidé d'assumer le mandat qu'elle s'est donné, c'est
peut-être parti au point de départ de ce groupe de personnes
itinérantes, comme on les appelle, qui à un moment donné
n'ont plus beaucoup de liens. Ils ont peut-être été
à un moment donné avec les institutions, mais ils ne sont
même plus motivés pour y retourner. Ils sont vraiment assez
désorganisés que, comme vous le disiez tout à l'heure, ils
vivotent. Les échanges que nous avons eues avec les groupes qui vous ont
précédés ont davantage, même si ce groupe-là
a été mentionné... Les solutions mises de l'avant, par
exemple, étaient l'énumération des ressources alternatives
qui devraient être mises en place, etc. L'attention a surtout
porté sur ceux qui étaient en institution, ceux dont on
prévoit la désinstitutionnalisation et ceux qui ont encore des
contacts avec les institutions officielles.
Alors, je pense que, en partie en tout cas, la population dont vous vous
occupez, ce sont vraiment des gens qui n'appartiennent à nulle part ou
très souvent à nulle part. Je lisais un peu ce qui se passait aux
États-Unis où cela - je devrais m'en souvenir, j'ai lu cela il
n'y a pas longtemps - va chercher certainement au-delà du million dans
l'ensemble des États-Unis. L'attitude de l'État, selon cette
lecture, c'est qu'il a tendance - je parle des États-Unis toujours
-à dire: Finalement, les Églises vont s'en occuper; les
organisations qui traditionnellement se sont occupées de bonnes oeuvres
vont finir par les récupérer et, de fait, si on est d'un certain
âge et qu'on est vraiment mal pris, le francophone va aller chez le
curé et probablement que l'anglophone protestant va se ramasser chez le
pasteur.
Je trouve cela intéressant que vous soyez ici parce que c'est
quand même un groupe important. Il va falloir être inventif pour
essayer de rejoindre ces gens. Vous les rejoignez parce qu'ils viennent
chercher de l'aide, mais cela doit être assez difficile aussi de les
retenir et d'établir des liens plus significatifs, compte tenu des
limites que vous avez pour votre travail.
J'aimerais vous demander en termes d'âge... Je ne demanderai pas
des statistiques fixes parce que vous avez une population mobile, mais
pouvez-vous nous dire un peu la clientèle qui se présente, c'est
quatre ou cinq églises ou missions dans lesquelles vous les retrouvez
dans le moment? Combien y a-t-il d'églises qui offrent ce type -
appelons-le ainsi - de refuge presque?
M. Johnston: Qui fait partie de ce comité, il y a, je
dirais, quatre ou cinq églises et deux missions.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Tous au centre-ville.
M. Johnston: Oui, tous au centre-ville.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, au point de vue de
l'âge de la clientèle, pourriez-vous me dire quelle
clientèle se retrouve là?
M. Johnston: D'après ce que je vois
régulièrement, cela commence aux alentours de 25 ans que l'on
voit des personnes avec des problèmes et cela monte jusqu'à
l'âge de 60 ou 65 ans.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais y a-t-il un plus
fort groupe chez les plus âgés? Chez les plus jeunes, y a-t-il...
?
M. Johnston: Cela doit plutôt se déplacer. Je dirais
que c'est plutôt au bout le plus âgé de l'échelle,
soit les personnes de 50 ans et plus qui ont déjà vécu des
problèmes d'alcool ou de drogue. Finalement, cela a
dérangé quelque chose dans leur cerveau. Ils se retrouvent
vraiment avec rien.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous vouliez ajouter
quelque chose?
M. Laurin: Oui. C'est qu'à l'Accueil Bonneau ils ont fait
une petite enquête dernièrement pour voir l'âge, puis les
problèmes. Je pense que les jeunes de 18 ans
à 30 ans, c'étaient 10 %. Puis il y a une moyenne dans
certains jours du mois: il peut y avoir à peu près 400 personnes
qui se présentent par jour pour manger. La moyenne serait autour de 40
ans. (15 h 15)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant, est-ce qu'ils
reviennent d'une façon assez régulière ou s'ils font le
tour des ressources? Si vous prenez une église, par exemple, combien
peut-elle accueillir de personnes par jour? Est-ce que c'est à peu
près toujours les mêmes qui reviennent ou s'il y a une rotation
entre les maisons d'accueil, je vais les appeler comme cela, les églises
d'accueil?
M. Laurin: Tu veux répondre?
Mme Harrington: Je crois que, quand on a décidé, au
départ, de faire ce rapport, c'était parce que nous avions
remarqué, aux portes des églises, des itinérants beaucoup
plus que des gens qui viennent pour manger. Nous les avons approchés,
frappé à la porte des appartements ou offert des caisses, quelque
chose comme cela. Souvent, ils ne veulent pas du tout quelque chose à
manger, ils ont beaucoup plus de besoins, mais, dans quelques églises au
milieu de la ville, on n'avait pas d'autres ressources à leur donner. Si
on leur donne 2 $ ou quelque chose comme cela, ils vont à une autre
église et ils font le tour des églises, puis reviennent. Il y
beaucoup de personnes qui ont fait cela et les Églises ont dit: Ce n'est
pas possible de continuer a faire cela. Il faut faire plus pour ces gens, mais
qu'est-ce qu'on peut faire? Il y avait des "drop-in centres", il y avait des
"missions" chez des Églises, mais il n'y en avait pas beaucoup au centre
de la ville. Au centre de la ville, il y avait beaucoup de gens qui faisaient
le circuit, cela veut dire la rue Sainte-Catherine, la rue Sherbrooke,
où ils allaient aussi. Juste au milieu, il y avait des gens qui
faisaient comme cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, monsieur.
M. Laurin: Je voudrais clarifier un point. Quand on parle
d'église, de mission et de "drop-in", par église, cela peut
être un lieu physique où c'est une Église dans la
tradition. Ce ne sont pas nécessairement des lieux où on va
offrir des repas et tout cela, c'est le lieu physique de l'église, et
certaines églises ne sont pas équipées du tout pour
recevoir des personnes. Donc, elles essaient de se préparer en
conséquence. Elles répondent au hasard des demandes et plusieurs
églises, à cause de leur situation dans le centre-ville,
reçoivent régulièrement des demandes de personnes qui
sont, justement, dans le centre-ville à quémander, à
chercher un peu d'argent, un peu de nourriture et du secours en
général. 11 y en a qui font cela régulièrement, ils
font le tour. C'est leur façon de survivre. Il y a des endroits qui sont
organisés pour recevoir comme celui dont je vous parlais tout à
l'heure, l'Accueil Bonneau, il y a la St. Michael's Mission, la Old Brewery
Mission. Ce sont des endroits aussi vastes qu'ici et où les gens peuvent
s'asseoir, manger une soupe ou plus que cela de temps à autre, selon ce
qu'on a à offrir. Il peut y avoir un vestiaire pour changer de linge, si
celui-ci est trop malpropre, des choses comme cela, et avoir quelqu'un avec qui
parler. C'est cela. Alors, quand on parle d'église, c'est l'ensemble des
Églises, qui peuvent être presbytériennes, qui peuvent
être l'Église unie, qui peuvent être... En tous cas, toutes
les Églises de Montréal se sont mises ensemble pour essayer de
trouver une solution à ce problème qui était
identifié un peu partout. On voulait voir quel serait, finalement,
l'idéal, comment on pourrait réagir à ce problème.
On ne peut pas fermer la porte à ces gens qui se présentent et
qui demandent de l'aide, mais on ne peut pas non plus entretenir une
dépendance chez des personnes qui, par habitude, font le tour et
quémandent. Donc, il faudrait avoir des ressources où les
orienter, où vraiment on va savoir qu'ils vont avoir l'aide qu'ils
requièrent et qu'ils vont être aidés pour grandir et non
pas pour rester où ils sont.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ces ressources, selon
vous, n'existent pas dans le moment?
M. Laurin: Pour le moment, ce sont des ressources de survie qu'on
a là, a part quelques exceptions.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, mais dans la
communauté, en dehors des Églises, ces ressources...
M. Laurin: II y a des missions, comme on l'a dit
tantôt.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Laurin: II y a des endroits qui sont organisés pour
subvenir aux besoins de personnes qui n'ont pas mangé ou qui n'ont plus
d'argent parce qu'elles ont dépensé leur chèque de
bien-être.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais pas au-delà
de cela.
M. Laurin: Le patient psychiatrique qui prend l'habitude d'aller
là ne s'en sort pas nécessairement avec cela. Il faut plus que
cela. Ces gens auraient besoin de ressources plus structurées avec des
gens qui vont les aider à progresser, mais, une fois qu'ils vont
là, souvent ils délaissent la thérapie, il n'y a
plus de traitement, ils laissent les médicaments. Dans certains cas, il
faut utiliser même les mandats, la police pour les faire retourner
à l'hôpital quand on sent qu'il y a trop de perturbation chez la
personne. Ce ne sont vraiment pas des lieux organisés pour venir en aide
à ces gens. Ils se mêlent aux alcooliques, aux ex-détenus,
avec tout ce monde et, finalement, rien ne se fait pour eux. Ils apprennent le
mode de vie itinérant des clochards et plusieurs d'entre eux le
deviennent. Ils désapprennent à se laver, à faire quoi que
ce soit.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous n'avez aucune
idée, j'imagine, dans le nombre de ces personnes qui se
présentent, que ce soit à l'Accueil Bonneau, que ce soit dans les
églises, de la proportion des ex-psychiatrisés, qui auraient
déjà reçu de l'attention médicale et les autres qui
sont peut-être seulement alcooliques ou...
M. Laurin: Une des qualités, si on peut appeler cela comme
cela, de ces endroits, c'est qu'on ne pose pas de questions.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Laurin: Autant que possible, on ne demande pas aux gens: C'est
quoi, tes antécédents?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, mais je veux dire
que, si eux, spontanément... Non?
M. Laurin: C'est un service qui est offert à tout le monde
qui vient là et on ne demande absolument rien, sauf qu'à la
longue on développe des liens avec les gens. Dans les ressources pour
femmes, on les a un peu plus longtemps, par exemple. Mentionnons la Maison
Marguerite, qui accueille des femmes en difficulté. C'est plus facile de
les identifier parce qu'elles y sont 24 heures, quelquefois sept jours, trois
semaines, plus ou moins. On a le temps de les observer et de voir en profondeur
quels sont leurs besoins. On identifie au moins 50 % et plus de personnes ayant
des antécédents psychiatriques. Certaines d'entre elles ont des
problèmes psychologiques assez graves.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Vous n'avez jamais
fait d'expérience comme, par exemple, de demander à une ressource
du milieu, que ce soit un CLSC, que ce soit un CSS, un hôpital ou les
autres établissements, là où il y a vraiment des
regroupements, de vous associer une équipe-ressource?
M. Laurin: II y a une expérience qui fonctionne
déjà et qui est encourageante. Par exemple, Le Chaînon a
une entente avec l'Hôtel-Dieu, avec le Dr Losson, qui fait que,
plutôt que d'aller à l'Hôtel-Dieu et de faire attendre les
gens des heures dans la salle d'attente, sans savoir s'ils vont les garder ou
non, le Dr Losson se déplace et, sur demande, il va venir évaluer
sur place les besoins de la personne. Il y a des collaborations qui
s'établissent comme cela. Mais ce n'est pas partout. Il y a encore
beaucoup de travail à faire. On a une approche avec l'Hôpital
Général où on essaie d'avoir une certaine collaboration.
On n'a pas encore identifié clairement ce que ce serait. Mais on a
commencé à faire des contacts avec quelques ressources: Chez
Doris, la Maison Marguerite, le Y des femmes (YWCA), pour voir s'il n'y aurait
pas moyen, justement, d'améliorer les collaborations et faire en sorte
que le patient puisse avoir un suivi une fois qu'il est sorti et que puissent y
entrer aussi les personnes qui pensent qu'elles auraient besoin d'une
évaluation et d'un certain traitement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup.
M. Laplante: J'aurais une courte question. Dans les cinq
Églises que vous avez, est-ce que vous avez déjà
formé un groupe pour envoyer tous ces gens-là au même
endroit, pour qu'il y ait une même réponse qui se donne?
M. Johnston: Je dois admettre que non. Le groupe qu'on
représente où les Églises sont... Peut-être qu'on ne
travaille pas assez ensemble dans ce sens pour vraiment être
organisés. On partage toujours des listes de ressources, mais,
effectivement, les listes de ressources ne comprennent pas plus que les
missions. C'est récemment qu'on a commencé à avoir des
lieux comme Le Chaînon ou qu'on commence du moins à être au
courant de ces ressources parce qu'on pose plus de questions, parce qu'on voit
plus de monde. Dans ce sens, on est nouveaux face au problème des
patients ex-psychiatrisés.
M. Laplante: Dans les églises catholiques que je connais,
quand elles en reçoivent... Celles du nord de la ville ne font rien,
d'abord, comme on le sait. Elles les retournent même à nos bureaux
ou à l'assistance sociale. C'est ce qu'ils en font. Dans le bas de la
ville, on les envoie au YMCA, on les envoie à Soeur Bonneau, à la
Maison du Père ou à la maison Lafontaine. C'est ça,
Lafontaine?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a la maison
Lafontaine, oui, Préfontaine, pardon.
Une voix: Au centre d'accueil
Préfontaine.
M. Laplante: Préfontaine. On les envoie là, mais,
chez vous, il n'y a pas de lieu où vous pouvez les référer
à ce moment-là?
M. Laurin: La St. Michael's Mission est dans une église.
Tout dépend aussi où la personne habite. Si elle habite un
quartier, ils ne vont pas l'envoyer à un endroit où ce n'est pas
dans son quartier. Comme on disait tantôt, il y a des personnes qui font
le tour des églises parce que c'est leur façon à eux. Il y
en a qui quêtent sur la rue, d'autres qui quêtent dans les
églises comme ça pour survivre.
Comme ils n'ont rien, tout à fait, ils savent qu'il n'y a rien
d'organisé pour cette clientèle-là, à part les
endroits qu'on connaît, que tout le monde connaît, que ces
gens-là souvent connaissent. Ce n'est pas tout à fait cela qu'ils
veulent avoir.
M. Johnston: C'est trop loin, les gens n'aiment pas leur
soupe.
M. Pratt: J'aurais une petite question, M. Laurin. Vous dites que
vous accueillez à peu près indistinctement ceux qui font appel
à vos services, ceux qui veulent avoir une aide, un repas. Est-ce que
vous êtes capables d'identifier, finalement, ceux qui sont des
ex-psychiatrisés des autres? Est-ce que vous êtes capables de les
reconnaître? Deuxièmement, ceux que vous reconnaissez, qui ont eu
des soins psychiatriques, cela veut dire qu'ils étaient auparavant en
institution; est-ce que cela veut dire qu'ils auraient eu leur congé,
qu'il n'y aurait pas eu de suivi qui a été fait et qu'ils ont
été lancés de même dans bien des cas?
M. Laurin: Bon! Si on regarde, par exemple, un endroit comme la
Old Brewery, la Maison du Père, les gens se présentent à
une heure donnée - on va dire cinq heures ou quatre heures et demie -
à la porte. Ils se mettent en rang et ils entrent. Ils ont droit
à une douche, ils ont droit à un repas, ils peuvent avoir un lit
net. Il n'y a pas de question. On leur demande leur nom, je pense, mais c'est
à peu près tout ce qu'on leur demande. On ne sait pas... Sauf
qu'on s'aperçoit, en discutant avec eux le moindrement, que certains ont
un problème. La personne divague un peu ou encore, durant la
soirée, elle va déranger les autres. Des fois, il y a
l'intoxication qui entre en ligne de compte, mais souvent c'est la question de
la maladie mentale.
Avec ces gens-là, comme vous disiez tantôt...
C'est-à-dire qu'il y a ceux qui se présentent dans des lieux
comme cela et il y a ceux qui sont envoyés dans des ressources, comme je
le disais tantôt, à la Maison Marguerite ou à la Maison
Duchesneau, où là, très souvent, il y a un appel
téléphonique qui précède l'arrivée de la
personne, parce que ces maisons ne se vident pas le matin pour se remplir le
soir au fur et à mesure que les gens se massent devant la porte. Il y a
des gens qui restent une journée, trois jours, un mois, trois mois.
Sachant cela, les gens qui prennent soin des patients psychiatriques appellent
pour demander s'il y a de la place. Souvent, dans les hôpitaux, une
personne peut refuser le traitement ou a terminé ce qu'on avait à
faire avec elle. Mais, vu qu'elle n'a pas de chèque de bien-être
social dans le mois - elle l'a dépensé avant d'entrer - pas de
place à rester, on va tâcher de la faire entrer dans une maison
comme cela, un centre d'accueil pour itinérants, pour que cette maison
se charge ensuite de lui trouver un endroit où rester.
Souvent, il n'y a plus de suivi une fois que la personne a quitté
l'hôpital pour aller vers ces maisons-là; le suivi est fini. C'est
la maison qui a comme la charge de trouver à la personne les ressources
de sa réintégration. Quand on parlait du suivi tantôt,
c'est là qu'est le problème. Il ne semble pas y avoir assez de
personnel dans les hôpitaux pour assurer le suivi de tous les patients.
Tous les patients ne passent pas par le service social, parce qu'il faut que le
psychiatre fasse une référence au service social pour un suivi,
pour une prise en charge, et ce n'est pas souvent le cas, parce qu'ils n'ont
pas assez de personnel.
M. Johnston: Je dois dire que c'est assez difficile de
reconnaître le patient au départ parce qu'on n'a pas posé
beaucoup de questions sur son histoire, parce qu'il est un peu
gêné de son histoire. Après une conversation d'à peu
près dix à quinze minutes, on peut voir s'il a des
problèmes. (15 h 30)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant, j'aimerais
vous demander si, dans le cas des femmes... D'abord vous avez dit que cela
faisait une dizaine d'années que vous travailliez un peu avec les
itinérants; est-ce que vous avez noté une augmentation? Est-ce
qu'elles sont plus mal prises du point de vue de l'hébergement, compte
tenu que les maisons d'hébergement pour les femmes sont de
création plus récente. Il y a la Maison Marguerite, il y a
peut-être Chez Doris aussi pour les femmes, mais les grands centres
d'hébergement, enfin les plus grands, comme Bonneau, la Maison du
Père, je pense que cela ne sert que les hommes, l'Armée du Salut,
la Old Brewery Mission, la même chose. Est-ce que le problème est
encore plus aigu ou si le nombre est relativement restreint?
M. Laurin: Ma perception, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de
ressources pour les femmes. Je ne dirais pas qu'il y en a
assez pour les hommes, mais ce n'est pas le problème. Il semble y
en avoir suffisamment pour les hommes pour le moment pour le type
d'hébergement de courte durée. Peut-être que, pour de
l'hébergement à plus long terme, il y aurait quelque chose a
faire, des appartements supervisés. Pour les personnes chroniques, il y
aurait quelque chose à faire aussi. Mais, pour les femmes, on tient de
plus en plus, dans ces milieux, des statistiques sur le nombre de demandes et
le nombre de refus, et il y a toujours trop de refus. Dans une même
journée, on peut refuser trois ou quatre personnes, alors qu'on va en
accepter une, pour les raisons que je donnais tantôt. En plus du fait
qu'il y a moins de lits pour les femmes à Montréal, elles sont
gardées en permanence, si possible, aussi longtemps qu'on n'a pas
trouvé de solution à leurs problèmes. Si une femme arrive
le 10 du mois et que son problème, c'est qu'elle a été
évincée de son logement ou qu'elle a dû quitter à
cause de problèmes avec son entourage et qu'elle doit attendre le
prochain chèque pour se tirer d'affaire, elle sera
hébergée du 10 jusqu'à la fin du mois et un lit est ainsi
bloqué. Cela fait qu'il y a beaucoup de refus pour les femmes. Il
faudrait encore plus de ressources que cela pour arriver à satisfaire
à la demande.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Qu'est-ce qui arrive
à ces femmes qui n'ont pas de...
M. Laurin: C'est une autre question assez embêtante. Il y a
une partie des femmes qui sont récupérées par la police et
qui se retrouvent en prison, et il y a une partie d'entre elles qui sont
peut-être récupérées par des hommes qui profitent
d'elles et d'autres qui s'organisent ou qui tolèrent des situations
intolérables. Il y en a une autre partie d'entre elles qui se
présentent à l'hôpital, probablement en état de
crise, parce qu'il n'y a pas de solution à leur problème, et ce
sont des clientes qui obstruent peut-être les salles d'urgence.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux); Oui, d'ailleurs on nous a
dit hier qu'il y avait assurément des hospitalisations qui
étaient dues à une pénurie de ressources dans le milieu et
que, finalement, on retrouvait les patients à l'hôpital, comme
vous le dites, et que, pour des raisons humanitaires, on hospitalisait ces
gens.
S'il n'y a pas d'autre question, je veux vous remercier. On vous a
écoutés attentivement. On n'a pas de solution à vous
offrir sur-le-champ, mais je pense que c'est important que vous vous soyez
rendus jusqu'ici afin qu'avec toute la recherche que notre
société fait cette partie de la population ne soit pas
oubliée. Je pense qu'on n'est peut-être pas obligé de faire
exactement comme les États-Unis en disant: II y aura toujours quelque
bonne âme charitable pour s'en occuper, que ce soient les Églises
ou d'autres groupes. Il y a certainement une part de responsabilité,
mais le problème, c'est de savoir comment rejoindre ces gens, comment
les stabiliser, mais il faut au moins empêcher d'en créer
davantage parce que les ressources qui devraient être là n'y sont
pas. On peut au moins envisager cette réalité. Je vous remercie
beaucoup.
M. Laurin: J'aimerais ajouter un mot.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, je vous en prie.
M. Laurin: Je vous remercie. Je veux souligner le fait que les
Églises sont encore désireuses de venir en aide à cette
clientèle. Elles offrent leurs locaux, leur personnel, mais elles ont
besoin de contribution d'autres niveaux de la société pour
arriver à satisfaire les besoins de cette clientèle. Je vous
remercie beaucoup de nous avoir accueillis et écoutés.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci. Les
Églises, votre financement vient strictement de vos ouailles, comme on
dit. Vous n'êtes pas considérés comme des organismes
volontaires ou quoi que ce soit. Il n'y a aucun financement qui vient
d'ailleurs que de la charité des Églises.
M. Laurin: En général, je pense que c'est cela,
oui.
M. Johnston: Parfois, on a des projets particuliers. Dans un
autre centre où je travaille, qui est plutôt un centre
communautaire, on fait des demandes pour des projets. Dans ce sens, si on
engage quelques étudiants ou certaines gens, on obtient des subventions
gouvernementales pour ces projets, mais, pour le fonctionnement des
Églises ou quoi que ce soit, en relation avec le fonctionnement de
l'Église, on dépend de nos "contribuables", de nos donateurs.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vos paroissiens.
M. Johnston: Nos paroissiens, c'est cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup.
M. Johnston: D'accord, cela nous a fait plaisir.
The Ezrah Foundation
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'invite maintenant The
Ezrah Foundation à se présenter. Bonjour. Vous êtes Mme
Cohen?
Mme Cohen (Kathy): Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme Cohen, je vous
demanderais de présenter vos collègues et votre
mémoire.
Mme Cohen: Dr Manuel Black, a consultant psychologist working at
Miriam School who works with mentally retarded children and autistic children;
Marilyn Belzberg, special education teacher who is working in homes and family
community support systems; Mrs. Frances Bloom, parent of an autistic child; Mr.
Nick Bruno, research specialist for the Ezrah Foundation. I am Kathy Cohen, I
am the executive director of the Ezrah Foundation.
What we wanted to talk to you about today was the problems that autistic
children are facing here in Québec. Québec is the only place in
Canada where autistic children are still being integrated in with the mentally
retarded or the psychiatrically ill, who do not have a residential center which
is specifically designed sale by for autistic children. Being that autistic
children have special needs, are different from the mentally retarded, we feel
that this is an important area, that these children deserve the treatment for
their particular problems.
Although we know that many autistic children function at a level of
mental retardation, it is a general consensus amongst professionals that
autistic children are not globally retarded in that they have areas of normal
intelligence, very often areas of intelligence above normal in the IQ
ratings.
For autism, there is no cure; we do not know the cause. We know it is
not a mental disease. We know it is not caused by external causes. There is a
great movement now in the psychiatric field that it is genetically linked or
that it is hereditarily linked and people are still trying to find out exactly
what is the cause and what we can do about it.
Leo Kanner, a psychiatrist who termed the coin infantile autism, said
that with the right type of environment and the proper type of input, these
children can attain various levels of independence. They need not be totally
dependent on the social system or a social structure.
National statistics for North America state that 95 % of autistic
children will spend the majority of their life in institutions, in totally
dependent situations. This does not have to happen. Basically, this is what we
are saying. We know, from looking at places in the United States, in Europe,
that places that offer these children the type of individual specialized care
that they need are having good success with these children. They move on to
supervized living settings. They move on to productive work in the field not in
sheltered workshops. They move on to being members of their family, not being
abandoned, in the institutions as are most mentally retarded adults or
psychiatrically ill adults. Once they are placed in institutions, family
contact is at a minimum.
Ezrah Foundation was founded to meet the needs of these children, based
on what parents who came to us told us that they wanted, their needs for their
autistic child.
We realize that autistic children run the gamut of range. There are
those who function at a very low level of intelligence. These children
justifiably need the institutional care that is provided. But there are
children who run in the middle area and in the high functioning area. These
children do not need the institutions. These are the children we are targeting
to care for.
We have a waiting list of 185 parents and we have not even publicized
that we are going to open in the fall. This is just by word of mouth, parents
who know of other parents, and some news articles that we have had of our
planning.
We intend that the home run to provide the children with an area in
which they can learn life skills. They go to school to obtain academic skills;
they need a structured learning setting to learn their life skills, like
bed-making, socialisation, cooking, personal hygiene.
What we propose is to run the home with professional staff, child-care
workers, consulting psychologists, psychiatrists, medical personnel, but depend
heavily on the parents and the input of the siblings to come and work in the
home with their child, so that there is a continuity between the home and the
child's home and so that parents remain the primary caretakers.
We do not see ourselves as taking over the child in our responsibility.
In institutions, they are not open to parents who come working on the floor or
to brothers and sisters coming and working on the floor.
At some time in the life of the autistic child, parents are no longer
going to be able to look after him. As they get older, as parents gets older,
as a child gets older, it befalls the siblings and if we start at a very young
age to sensitize these children to the needs of their brothers or sisters,
helping them to understand, forming a support network, we may find that we will
not have autistic children who are totally dependent on the social service
agency.
We know that simply sending a professional into the homes of these
parents once a week, three times a week, a couple of hours a week, will delay
institutionalization; it does not deter it. The children, eventually, as young
adults, will be institutionalized. Again, we do not feel that this is something
that really needs to
happen.
When we talk about residential care that is specialized for the autistic
child, we talk about care that deals with each individual's capacity to attain
various levels of independence. Unlike the mentally retarded, their
socialization skills and their lack of communication skills, what we consider
to be normal, very much hinder their ability to function well in large groups
as what happens in institutions. Even though many institutions will say they
have a ratio of three to one, actually, on the floor, it does not happen that
way. As these children are generally withdrawn, they do not tend to get the
type of intensive input that they need to go to their maximum potential.
I have a letter here that I would like to read an excerpt from; it is
from Dr Bloom who is a psychiatrist. It says: This letter is to attest that a
patient on my unit suffers from an autistic disorder. He is currently
hospitalized in an in-patient adult unit, mainly because of lack of suitable
outpatient facilities for him. His behaviour on the ward is quite acceptable
and he is well liked. He is fairly high functioning with respect to self-care,
feeding himself and being able to act appropriately when required to do so.
He requires a supervized setting in which to live and maybe ideally a
place in a group home or foster home that deals specifically with autistic
adults.
We have had many such correspondence from social workers, doctors,
psychiatrists, people who are in touch with the autistic child.
I would like to try and do the summary in French, if possible.
Cette fondation reconnaît le fait que, tout comme l'enfant atteint
de déficience mentale, les jeunes autistiques ont des capacités
intellectuelles inférieures à 90 de quotient intellectuel.
Cependant, contrairement à la personne atteinte de déficience
mentale, un grand nombre de personnes autistiques réussissent des tests
s'adressant à la normale et supérieurs à la normale.
L'accès aux ressources, à une formation, à une
éducation, à un personnel spécialisé est
pratiquement inexistant en ce qui touche ce groupe. Pourtant, cela aimerait ces
jeunes à un niveau élevé d'autonomie. (15 h 45)
La fondation Ezrah se propose de parer à cette solution pour les
jeunes qui requièrent des soins constants, 24 heures sur 24, qui peuvent
bénéficier d'un environnement thérapeutique, mais, en
raison de leur condition, n'exigent pas l'atmosphère restrictive d'un
centre psychiatrique.
Semblable à "Le projet", Ezrah s'écarte de la formule
institutionnelle, maintient que les parents sont un facteur important dans le
traitement et le développement de leurs jeunes. Conséquemment, le
centre aurait des politiques favorisant les parents dans leur rôle et les
enfants dans leur comportement et leur développement et fera appel
à la participation active de ceux-ci dans la vie de leur enfant.
Il est fondamental de reconnaître que les problèmes d'une
personne autistique ne s'identifient pas dans des termes simples. Il s'agit
plus que d'institutionnalisation ici ou de garder la personne à la
maison. La plupart des enfants atteints d'autisme se placent dans une zone de
diagnostic plutôt floue. À la maison, leur présence est
cause de tension insupportable pour les parents et les autres enfants.
Toutefois, ils ont trop de potentiel pour vivre en institution.
I know of one child who was placed in an institution because his parents
could no longer handle him at home - he was 19 years old; the parents were on
in years. -He was placed in an institution and at that point, attended all the
tasks at the institution, going to workshops and occupational therapy, doing
ward activities, and he remained at that level. When one particular worker
decided to work with him, it was discovered that he was quite good with
computers and he could do a lot of things with them. With training and input,
she taught him how to enter files onto the computer system. His job then at the
hospital began, transferring files from the dead files onto the computer
system.
Without this type of intensive treatment, this is the type of potential
that locks away, that does not get used to its maximum. He is now 24 years old;
he is living with one foster parent, a single foster parent; he goes to work
daily, doing work on a computer, comes home. He is supervised by the parent,
but does not need a 24-hour-a-day supervision, still needs contact, still needs
input, but certainly did not need the institution and could very well have been
one of the many autistic youths who remain in the institutions.
I believe that we have a legal and a moral right to give these children
the type of treatment that is demanded by their particular disorder.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie
beaucoup, Mme Cohen.
M. Laplante: Pourriez-vous lui faire expliquer réellement
quel type de malades cela comprend...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Laplante:... leur comportement et ces choses-là?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): One of my colleagues - I
am familiar with
autistic children because I have experience with them - would like to
know exactly... You said that they are different from the mentally retarded
and, as you said yourself at the beginning, it is difficult sometimes to
differentiate the two, so it is in terms of their behaviour. Could you explain
a bit or describe a bit what... ?
Mme Cohere The autistic child appears to be normal at birth.
Physically, he is normal; sometimes they are considered as very good-looking
children. By the time they are 24 to 30 months old, they develop behaviors
which are characteristic of autistic children. They withdraw from people. They
seem to have no need for human contact. They have great difficulty in forming
relationships with people. They would rather relationships with inanimate
objects, with a toy, with a ball. Their speech can virtually stop or be
disrupted by the age of three, being echolalic, repeating phrases, having
difficulty with pronouns or totally not speaking at all. They can be very
ritualistic. They can have a lot of self-stimulatory behaviors, rocking,
flapping, toe walking. They do not generalize their learned behaviors. You may
have to... Every single thing is a new learning experience.
An example of that is a child I know who was being taught to use a fork
to eat, which was fine. He learned to use the fork and one day, he was given a
hot dog in a bun and did not know that he could use his hands to eat that. He
had to be taught all over again that certain foods are OK this way and certain
foods are OK that way. Every single step is a new learning experience. They
have very disturbed sleep patterns at night. Very often, they do not sleep
throughout the night. They do not generally form a difference of relationships
between people, knowing the difference between mother or a stranger.
Now, there are about 18 different characteristics that an autistic child
can show. Very rarely do you have a child who shows all 18. One of the most
common ways of diagnosing children with autism is if they have six or more of
the autistic characteristics. Therefore, you can have five autistic children
sitting in front of you who are displaying no two of the same symptoms. That is
part of what becomes their diagnostic problem.
They generally have no sense of danger: crossing streets, hot water,
stoves, fire. They characteristically do not have imagination, do not play as
what we know play to be normally, as which requires imagination. All this makes
it very difficult to have a child like this at home when he reaches
adolescence.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, merci, Mme Cohen.
1 think you have gone a long way if your association is about to open a
residential home for them or a residential place for them and a school where,
apparently, they will be grouped. 1 think that the first effort that was
developed was at the end of 1955, somewhere around there.
Mme Cohen: Well, we have had a tremendous amount of support from
the community. The money to purchase the house came from the Federal
Government; the furnishings and the ongoing operations from the house have come
from the community. People are very receptive, very willing to help us out in
this project and the more they meet the children, the more they are willing to
help.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): So, what you say is that
there will be a home opened. I mean, that is decided, the opening is in
September.
Mme Cohen: Late September.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): How many people will you
accommodate there?
Mme Cohen: I have a permit from the city to accommodate up to 15
children. We put in an application to the ministère des Affaires
sociales for funding solely for the staff. How much staff I get will depend on
how many children I will take in the house. As I say, they need an intensive
type of care and I do not want to become a mini-institution.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes. It has been approved
by the...
Mme Cohen: We are working on it, not yet.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): You are working on it.
So, I gather that you hope that the message will be heard, do you not? You said
that you have about 190 people on a sort of waiting list. Have all these
children been evaluated and diagnosed as autistic children?
Mme Cohen: All these children have been diagnosed as autistic
children. Not all of them are appropriate for the home. Some are functioning at
a level which we would not be able to accommodate in the home, but parents are
looking for alternatives. I would say that there are only about 60 % of those
on the waiting list that are appropriate candidates for the type of services
that we want to offer. The rest are children who do need institutionalization.
That is a hard thing for parents to come to grips with.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): To what extent have the
public schools accommodated them? I think they have an obligation, I think
everybody will remember that case from Granby where, finally, the judge said
that the child had a right to school.
M. Black (Manuel): If I can address part of that question, I work
at Miriam School and our mandate is to service mentally retarded children as
well as autistic children. In the past several years, there has been quite an
increase in the number of children that cannot be handled by the normal school
system. Even though they have many different special classes, they are still
not able to handle severely autistic or severely mentally handicaped children.
In fact, in dealing with some of our parents that required or desired that
their son be sent to a less restrictive environment, that is a normal school,
going through negotiations with the principal, the social workers and their
educators, we find that they are not able to handle the autistic child as well
as our school can because our school, again, is designed specifically to deal
with retarded and autistic children in the educational sense.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): For the ones that have
been integrated in the public school... There are not any?
Mme Cohere There are none that are integrated in the normal
educational system. At Douglas Hospital, there is one pavilion, the educational
pavilion, Finley Pavilion which has a predominant number of autistic children.
There is a new school that opened in the last few years, called Giant Steps,
which is solely for autistic children, which is in a normal school, but it is
occupying another floor of the school. So, they are in the same building, but
there is no integration. There are some normal schools which have a classroom
set aside, such as Bedford School, where they have two or three autistic
children, but in terms of integration in the classroom, there is none that we
have come across in our research.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes, but what are the
results in terms of the learning process and personal progress of the child?
Though they are not in the regular class, I can see it, they are in the school.
In terms of being in a school of the public system, whether they are in a
regular class or a special class, what are the results?
M. Black: The only experience I do have with autistic children in
a regular school system is limited because few have been sent out. Of those who
have been sent out to a less restrictive environment, some of them have
developed severe problems and they are sent back to our school after two or
three years. In other words, lots of them cannot handle the educational system
as its stand in those particular school boards; they are just not able to deal
with lots of the social problems, or social skills that they lack and the
teachers themselves are not able to cope with these severe problems. For some
of these reasons, they are sent back to our school.
Mme Bloom (Frances): Regarding what you asked, you are asking
about a child being in a regular school?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): In a regular school, but
not necessarily in a regular class.
Mme Bloom: My son is autistic. He was in a regular school in a
special class.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes.
Mme Bloom: And that is what you are asking, is it not?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes, but you just told me
that they were not in regular classes. I am asking you about the result of the
ones that are in a regular school, but in a special class.
Mme Bloom: That is right, in a special class.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes.
Mme Bloom: And in this case, it really was not as successful as I
had hoped it would be. That is why I sent him to that school, because I felt
that he would have the opportunity to be in a school with normal children. The
problem was that the school itself did know how to handle this. We were told
that there would be some integration and that they would bring the normal
children into the special class and therefore, the children could benefit that
way, but it really did not work. The result is that I sent him to a special
school.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Are you going to serve
only English-speaking children or do you have also French-speaking children on
you waiting list? (16 heures)
Mme Cohen: We have French-speaking children on our waiting list.
The problem is that in terms of diagnosing autistic children, the French sector
uses a very different set of diagnostic tools for diagnosing autism and the
children that are presented by both sectors vastly different. What we have
done
is this, we have set up our own evaluation system. Any child who falls
within our evaluation of autism will be eligible, French or English.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes. I do not want to...
It would be interesting to discuss this further, but this is out of our
mandate. You know, the fact that they have a different way of diagnosing them,
whether you are in the French system or in the English system, I mean... Either
you have an autistic child or you do not have an autistic child.
Mme Cohen: That is the problem with autism and that is why there
are a lot of misdiagnoses...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes, that I know.
Mme Cohen:... because there is no real clear set way of testing
them as there is for the mentally retarded. So, it varies from the English
sector to the French sector, from Canada to the United States, from North
America to Europe.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): OK.
Do you have any figures in relation to the number of children who would
be requiring the same type of services in Québec?
Mme Cohen: We know that, in the English sector, from a survey
that we have sent out, there are approximately 450 children who would fall into
the category of services that we are offering and who could...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): But you have no
provincial statistics? 1 will ask the Minister of Social Affairs...
Mme Cohere No. What we have done is...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... in due time.
Mme Cohen:... that we have sent out surveys to the psychiatric
hospitals, to the schools, anywhere where there might be an autistic child,
asking them how many they had, what their functioning level is and that is
basically where we have our numbers from. In the literature that we have come
across, there has not been one particular statistic that we can quote.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes. So, your purpose in
coming to see us - 1 think you have done a lot of work for your group and I
know it has not been easy - is, actually, to take the occasion to sensitize the
commission to the fact that these children do exist and that proper resources
do not exist for them? Should I interpret your...
Mme Cohen: That is it.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... coming here as having
this particular goal?
Mme Cohen: Well, the proper residential resources do not exist.
We feel that these children have a right to that type of treatment, as dictated
by their specific problems, and that they should not be just intermingled with
those who have problems that vaguely resemble their problems. We feel that is a
gross injustice to the children and to the families.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): You would not know, of
course, if... You would not have an idea of how many would be in institution,
right now, that would have been wrongly diagnosed or...
Mme Cohere No.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): No. Even at the
Douglas...
Mme Cohen: No. There is no way of telling who misdiagnosed. It
depends on which diagnostic tool was being used, which psychiatrist was doing
the diagnosing at the time. If the child is over 20 or over 25, very likely,
there have been three or four diagnostic tools that have been developed in the
last fifteen years, depending on which one was used by who...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): One last question. In the
document "Autism in Québec", on page...
Mme Cohere OK.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... you say: "In fact,
national statistics indicate that 98 % of autistic children will spend the
majority of their adult life in institution. There, they receive care
appropriate to the nature and prognosis of their disturbance. " I mean, is it
in terms of the prognosis being so poor that 90 % of them run the risk of
spending their life in institution? What you say is that this percentage could
be largely decreased if they did get the proper attention or care when they
were younger?
Mme Cohere Yes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Is that so?
Mme Cohen: That is exactly what we say. They are generally placed
in the institutions in their early... Well, either they are placed very young,
if they are presenting severe behaviour problems. The next stage is in the
beginning of adolescence and the final stage is usually when they are young
adults, in the early twenties.
By the time the child is in his early twenties the parents are burned
out, the siblings are burned out. After the age of 21, he is no longer in the
school system. Sheltered workshop lines are very long. They do not integrate
well into the sheltered workshop because they do not socialize, they do not
adapt to group functioning. At the point when a parent has a dependent child at
home 24 hours a day, 7 days a week, who cannot live alone, this is where the
family becomes unduly stressed and looks for alternative placement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Thank you very much. M.
le député de Marie-Victorin.
M. Pratt: Do you provide services in Montreal only or do you
extend your services out of Montreal?
Mme Cohere: We will offer our services to anybody within the
Province of Quebec.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député d'Ungava.
M. Lafrenière: Non, non, c'est bien.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On behalf of the
commission, I want to thank you. You know, there are so many problems that,
though sometimes one is aware of this kind of situation, we tend to forget it.
There are a lot of questions that you suggested to us, that we will have to ask
the Ministry about, you know. When you say that in the English Community, there
could be 400, I am sure you did not pull that figure just out of your hat.
Mme Cohere No.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): You know, you probably
had some good grounds for that. How many would there be in the French
Community? It could be quite a larger number. I know that there have been
efforts to put them in a regular school, but I really do not know what happens
to them when they get to be... I mean, what is their perseverance in a regular
school, even if it is a special class?
So, I am pleased that you came and we will certainly inquire further or
ask further questions to the Ministry about these children. I wish you the best
of luck because
I know that it is quite an entreprise and I know that it is very
difficult for the parents. Thank you.
Mme Cohen: Thank you.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Just a moment please,
Mrs. Cohen. Do you have a written version of what you read us?
Mme Cohen: Yes, it was given to you.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): It is this one.
Mme Cohen: And there was one given out just before.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): There was a part in
French, that we got.
Mme Cohen: That is what 1 read.
Les Amis de la santé mentale
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): So, thank you very much.
Nous allons appeler le groupe suivant: les Amis de la santé mentale,
banlieue ouest, de Montréal. Mme Vien, je vais vous demander de
présenter vos compagnes.
Mme Vien (Françoise B. ): Mme la Présidente,
mesdames et messieurs, je suis Françoise Vien et je suis ici à
titre de présidente des Amis de la santé mentale, banlieue ouest,
de l'Ile de Montréal. À ma gauche, Mme Lucille Arsenault, qui est
membre fondateur de notre association et qui aussi représente le club
Bienvenue, une ressource alternative dont elle va vous parler sous peu.
À ma droite, Mme Geneviève Steventon, Mrs. Steventon is also a
founding member of our association and she still sits on our Board as past
president. Elle est notre présidente honoraire et membre fondateur de
notre association.
J'aimerais vous dire que nous ne ferons pas la lecture intégrale
du mémoire car vous en avez une copie, mais nous aimerions souligner
quelques grandes lignes.
Qui sont les Amis de la santé mentale? C'est un groupe d'entraide
qui est né en novembre 1981, qui se composait à ce
moment-là de cinq membres, essentiellement des parents ou époux,
épouse du malade mental, qui ont ressenti le besoin de se regrouper pour
s'entraider. Aujourd'hui, en 1985, nous comptons environ 35 membres actifs.
Nous organisons des rencontres une fois par mois où nous invitons des
conférenciers qui viennent avec nous partager leur expertise. Par
exemple, nous avons bénéficié des conseils d'un bon nombre
de psychiatres, de psychologues, de travailleurs sociaux, d'infirmières
psychiatriques, d'avocats, de pharmaciens, essentiellement des gens qui
viennent nous renseigner sur les
aspects de la maladie mentale qui aident à mieux la comprendre et
à mieux l'accepter. Je pense bien qu'on n'apprend rien à personne
en disant que, si on l'accepte mieux, on aide la personne avec qui on vit et on
prévient les rechutes.
On voudrait spécifier aussi que nous parlons bien de maladies
mentales. Nous avons eu l'occasion d'écouter les présentations de
ceux qui nous ont précédés. On ne fait pas allusion
à la déficience du tout. On parle de personnes qui ont un
quotient intellectuel normal, mais qui ont des troubles sur le plan psychique,
sur le plan psychiatrique.
Qu'est-ce que c'est que de vivre avec un malade mental? C'est vivre avec
une personne qui peut apparaître très normale sur le plan
physique, mais qui fait souvent des crises d'anxiété très
aiguës, très profondes, une personne qui souffre, une personne qui
se sent persécutée, vraiment persécutée, une
personne qui est très isolée, une personne qui fait des fugues,
qui peut décider de quitter la maison pour cinq, dix minutes. Au bout de
quatre, cinq, dix, vingt-quatre heures, quand la personne n'est pas revenue, on
se voit forcé de la mettre sur la liste des personnes disparues et
d'espérer pour le mieux. C'est vivre avec une personne qui peut souvent
être très agitée, qui a des tendances suicidaires, qui peut
décider d'aller faire une marche sur la voie ferrée. C'est vivre
avec une personne qui prend des médicaments dont le dosage doit
être drôlement bien suivi. C'est vivre avec une personne dont le
pouvoir de concentration est minime, qui a peu ou pas d'initiative qui,
à l'occasion et peut-être trop souvent, affiche un comportement
très bizarre, qui est aussi très cyclique, parce qu'il y a des
hallucinations qui entrent en ligne de compte, il y a des humeurs qui sont
très changeantes.
Pour les familles, qu'il s'agisse des époux ou des
épouses, car nous représentons les époux, les
épouses ou les parents des malades mentaux, c'est vraiment apprendre
à vivre avec une nouvelle personne. La personne qui a vécu des
épisodes phychotiques est vraiment marquée et il y a eu rupture
dans sa vie.
Parmi les thèmes principaux de notre mémoire, c'est bien
entendu que le premier, c'est celui dont le monde parle. Quant à moi, il
est tout aussi difficile à réaliser qu'à prononcer, c'est
la désinstitutionnalisation. Je vais essayer de le dire le moins souvent
possible parce que je bafouille quand je le dis. Il n'y a pas de doute que ce
programme de décider de donner des congés d'hôpital ou
d'institution à des patients n'a pas été accompagné
par la mise sur pied des ressources alternatives dont on a besoin. Pour que
cette histoire réussisse, il faut vraiment que les ressources
alternatives soient implantées avant que le patient sorte de
l'hôpital. On parle de ressources alternatives en ce qui concerne le
milieu résidentiel, le milieu de travail et le milieu social.
Il ne faut pas se tromper. On peut parler d'un patient qui vit dans une
institution à long terme ou on peut parler aussi du patient qui vit dans
l'aile psychiatrique de l'hôpital pour une courte durée de trois
ou quatre mois. Ce qui arrive, c'est que, quand ce patient se lève le
matin, il y a des psychiatres qui sont en devoir, il y a des infirmières
psychiatriques qui sont la, il y a des ergothérapeutes qui créent
des programmes, il y a des bénévoles spécialisés
qui vont l'amener pour des sorties, il y a toujours quelqu'un qui
réglemente la médication. Les médicaments sont pris
à la bonne dose, au bon moment. Tout cela se passe en institution.
Quand la personne a son congé de l'hôpital et qu'elle se
retrouve toute seule, dans son appartement au sous-sol, il n'y a plus personne
qui crée des programmes, il n'y a plus personne qui surveille les
médicaments et il n'y a plus personne qui offre le soutien dont - Dieu
le sait - elle a besoin. Ce qui arrive à ce moment-là, c'est
qu'il y a des récidives qui sont beaucoup trop nombreuses. En anglais,
on a trouvé l'expression "the revolving door syndrome"; je n'ai pas la
bonne traduction, mais je pense que si on parle de récidive - la porte
tournante? Bon. - si on pense à la porte tournante, elle tourne trop
souvent. Ce qui arrive, c'est que le patient qui est isolé dans son
appartement au sous-sol, avec ou sans coquerelles, à ce
moment-là, il se retrouve à l'hôpital parce qu'il n'a pas
de place où aller.
Par contre, s'il y a une famille qui l'accueille, il faut, tout de
même, penser qu'elle a déjà des exigences. On est tous
peut-être parents, frères ou soeurs, et on sait que quand on vit
dans une famille, il y a déjà une structure qui est
établie qui devrait peut-être être respectée.
Là, on accueille une personne qui a vécu en milieu psychiatrique.
11 n'y a pas de psychiatre qui est en devoir, il n'y a pas de psychologue, il
n'y a pas d'infirmière, il n'y a pas d'ergothérapeute, il n'y a
personne comme cela. La famille est obligée de devenir tout. Quand il
n'y a pas de ressources alternatives, la responsabilité est totalement
celle de la famille. (16 h 15)
II n'y a pas de doute qu'on doit toujours se souvenir qu'il y a une
fonction asilaire qui doit être retenue pour les cas lourds, les cas
adultes lourds, les troubles psychiatriques majeurs. Je pense qu'on ne devrait
pas l'oublier.
À ce moment-ci, je vais faire une parenthèse et je vais
vous demander seulement d'écouter Mme Arsenault et Mme
Steventon qui vont vous parler des ressources dont nous disposons,
seulement en milieu hospitalier, afin que vous sachiez ce qu'on a. Nous faisons
partie de la banlieue ouest de l'île de Montréal. Si on se reporte
un peu à la municipalité de Lachine jusqu'à
Sainte-Anne-de-Bellevue, on ne s'arrête pas là, parce que
l'hôpital Lakeshore dessert tout le territoire à l'ouest de
Sainte-Anne-de-Bellevue jusqu'à la limite de l'Ontario. C'est un
très grand territoire. Il y a 27 lits dans l'aile psychiatrique et ils
sont toujours occupés. Il y a une unité d'attente, parce qu'on a
bien voulu transformer la salle de conférence des administrateurs de
l'hôpital pour les patients psychiatriques, parce qu'ils traînaient
toujours dans les corridors. Attendre sur une civière pendant deux
semaines, c'est fréquent. Le patient psychiatrique, déjà,
il est dérangé et il est en attente à l'urgence. Ce n'est
pas un cadeau. Et il n'est pas sûr d'avoir son lit en haut au
quatrième, parce qu'il va peut-être recevoir son congé de
l'hôpital avant qu'un lit se libère. Ce qui arrive à ce
moment-là, c'est qu'il n'y a pas de ressources dans le milieu pour le
soutenir. Il y a une clinique externe qui fait le travail qu'elle peut, mais
avec le personnel dont elle dispose, c'est nettement insuffisant.
Vous allez maintenant entendre Mme Arsenault qui va vous parler du club
Bienvenue.
Mme Arsenault (Lucille): Bonjour. Je représente le club
Bienvenue, à Pierrefonds. C'est un petit groupe bénévole
de support et d'entraide pour les patients psychiatriques. Nous existons depuis
sept ans. Cela a débuté avec l'idée de travailleurs
sociaux au CLSC Pierrefonds et quelques personnes dans la communauté.
Nous travaillons en collaboration avec le CLSC, comme je l'ai dit, les
travailleurs sociaux de l'hôpital et aussi avec les Amis de la
santé mentale et les parents des patients.
Nous offrons un programme de maintenance surtout, de soutien pour ces
patients adultes qui ont de 25 à 60 ans. Voici quelques exemples de ce
que nous avons comme programme. Nous avons des exercices physiques avec l'aide
d'une auxiliaire familiale du CLSC. Ensuite, nous avons des activités
variant selon les bénévoles qui viennent chez nous avec leurs
talents. Nous enseignons des "living skills", des habitudes de vie, aussi des
"crafts". Je ne peux pas penser au mot français. Ce qui est aussi
important pour nous, c'est de préparer un repas le midi fait avec
l'équipe de patients. Il y a deux personnes qui préparent le
repas, deux personnes qui lavent la vaisselle. Cela fait un genre de travail
d'équipe. Nous faisons aussi souvent des sorties et des "parties",
à Noël et durant l'été. Nous invitons les parents,
les amis. On a aussi commencé un petit genre de "cottage industry".
C'est pour faire un peu de travail de réparation de petits articles
ménagers. On fait aussi le jardinage. Nous sommes dans une
église, à Pierrefonds. C'est dans une salle d'église, St.
Thomas Becket. C'est gratuit. Nous recevons une petite subvention du MAS. Dans
le moment, nous avons une coordonnatrice à temps partiel, mais, pour le
reste, ce sont tous des bénévoles qui s'occupent de ce
programme.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, Mme Arsenault.
Mme Vien: Mrs Steventon will speak to you on residences, le
milieu résidentiel pour les patients psychiatriques.
Mme Steventon (Geneviève): Mme la Présidente,
mesdames et messieurs, je regrette de ne pas parler français, je dois
donc parler anglais.
To close our four introductory remarks, 1 am going to speak to you about
residential facilities available for psychiatric patients who have to live in
the community on the West Island.
In our introductory remarks, we listed one group home. This is not quite
true in a sense that it is a group home as we generally think of a group home
which is supervised and staffed. This was one of the "foyer d'accueil" - I
think it is the correct French term - which had been set aside and designated
by the Ville-Marie Social Service Centre for the exclusive use of psychiatric
patients from the Lakeshore General Hospital and which would then receive extra
supervision and services from the Lakeshore General Hospital. The status of
this home has since changed. So, we no longer have even one group home as I
have described it. The group home still exists and does have some psychiatric
patients but not exclusively. So, outside of this, there are no, no facilities,
especially set up to shelter psychiatric patients who are living in the
community, who have been discharged from institutions.
If I may be personal and recite to you the experience that our own
family had, it may help you to realize what the situation is. In December of
1984, my son, who was then 21 years old, had suffered a second hospitalization.
His illness manifests itself with violence which he expresses outward rather
than inward. So, therefore, he had to be removed from the home setting. He was
hospitalized for a short period, stabilized and, then, after consultation with
the hospital, it was agreed that he could not return home, certainly not at
that time.
The Ville-Marie Social Service Centre had the responsibility of
arranging living quarters for him through their regional
resources department. We were referred to one home in LaSalle, and my
son and I went there with the social worker for an interview. The home was
obviously unsuited to my son and all parties agreed that he could not stay
there. The second home, in Pierrefonds, was run by a family. They lived in a
very small bungalow, considering the number of people living in the home. In
that family, there were a mother and a father, two children and an aged aunt,
living in a three bedroom bungalow, the basement, as we call it in English,
having been finished as living quarters. There were four - at that time -
patients leaving in this residence along with the family. My son was sharing a
room in which there was literally room for two single beds and nothing else.
The patients who were living in this residence spent their time in the finished
recreation room in the basement. My son was one of the fortunate ones in that,
once he left the hospital, he had a workshop placement, so he was able to leave
the home through the day. The other residents did not have that facility.
Therefore, unless they were able to go out into some community program, a
couple of them did go from time to time to club Bienvenue which Mrs. Arsenault
has just described to you, but for the most part they just spent their days
sitting and, in my opinion, deteriorating in health.
The family who was sheltering them was a very well-meaning family. But,
they were not... How do I describe this? I don't want to be pejorative because
the family did mean well, but they were not of a culture that their patients
were really accustomed to. They were a family from the West Indies, the food
was quite different and the family, unfortunately, from the view point of
psychiatric patients - I wish to make very clear that I am speaking from the
view point of psychiatric patients - was of a religious persuasion that had
them have, in their home, exorcism, and I use that word advisedly.
Now, 1 felt that this was a very inappropriate placement for psychiatric
patients. In fact, to our great shame, my husband and myself, when our son
first described this situation to us, we did not believe him and it was not
until he call us up in the middle of the night, at two o'clock in the morning,
and we could literally hear over the phone that this certainly was in
progress.
Now, this was a home that was supervised by Ville-Marie. In fairness to
Ville-Marie, they have a very difficult time in securing homes, particularly
for psychiatric patients. This family was willing to take psychiatric patients.
But, as a result of this experience, my son was rehospitalized. He had been in
this home, now, for a period of three months. The other psychiatric patients,
again, did not seem to react as badly as my own son did, but we were faced with
a young man who, rather than being helped by beeing placed in a community
living situation, in our opinion, had been further damaged as far as his
illness was concerned.
If I just may complete that we, of course, contacted the social workers
at Ville-Marie and they did some investigating. They had not been aware of
this, but they still have the same residents living there, who were there at
the same time as my son, simply because there is no other place to send them
and these residents do not seem to be affected by this type of thing. And I
think that the family has been advised to limit their religious practices to
some other places rather than where they are housing psychiatric patients. My
son was then placed in another home, the one group home which we refered to,
and, fortunately, by the end of the summer, after nine months, he was able to
return home to his family where he has been functioning ever since. That is now
a year ago.
Our concern, of course, is that my son had a family to come back to. Our
concern is that there are many patients living in our community who do not have
a family to come back to. I will let Françoise continue.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Thank you.
Mme Vien: Si on veut juste soulever certains problèmes que
nous avons énumérés dans le mémoire, nous avons
aussi des solutions que nous aimerions apporter.
Le premier problème, c'est que cela arrive, à un moment
donné, que les familles doivent faire face au fait de devoir vivre avec
quelqu'un qui est un malade mental. C'est peut-être vrai qu'il y a des
signes avant-coureurs, mais cela fait peur au tout début et il y a bon
nombre de questions qui se posent a ces personnes-là qui se demandent
quoi faire.
Il ne faut tout de même pas oublier que ce n'est
déjà pas tellement facile d'être parents dans des
situations normales; alors, quand on fait face à des comportements
bizarres, c'est encore plus difficile. Les familles ne sont pas
spécialisées, n'ont pas d'entrainement médical,
psychiatrique ou autre. Du jour au lendemain, elles sont obligées de se
servir de leur bon sens, de leur bon jugement, tenter des expériences en
espérant que cela marche. Et cela ne marche pas toujours.
La solution à cela serait, nous en sommes convaincus, que la
famille qui est bien supportée va vraiment promouvoir la
stabilité chez le patient avec qui elle vit. Si on pouvait avoir un
réseau de support aux familles, si les époux ou les
épouses qui
vivent avec quelqu'un qui montre vraiment qu'il est en train de faire
une rechute, étaient capables de prendre le téléphone,
d'appeler quelqu'un et de recevoir de bons conseils, on va prévenir des
rechutes, on va prévenir l'hospitalisation et on va économiser
des sous. Il faut dire aussi qu'on va sauver des vies, on va empêcher une
détérioration. Chaque épisode psychotique chez le patient
laisse de mauvaises cicatrices. 11 faut penser aussi qu'on parle d'époux
et d'épouses, mais si on dit que c'est un fils ou une fille qui est un
malade mental, il y a d'autres enfants dans la famille. Ces enfants-la ont
aussi droit à une éducation. Je comprends qu'ils sont à
l'école quand ils apprennent à vivre avec quelqu'un qui a un
handicap, mais ils ont aussi des besoins. Donc, un réseau de support aux
familles, c'est absolument essentiel. Si les familles ont le support, les
professionnels de la santé pourront faire encore mieux leur travail. Le
psychiatre qui suit le patient pourra s'occuper de la thérapie, de la
médication qui est bien surveillée. Les familles étant
bien supportées pourront vraiment aider le patient et empêcher les
rechutes. C'est très important.
Les familles vivent aussi le rejet de la société. On ne
vous apprend rien quand on dit qu'on se sent drôlement coupable,
premièrement, quand il y a quelqu'un dans une famille qui subit une
maladie mentale. On est rejeté souvent de ses proches, pour ainsi dire
aussi de ses voisins, de ses soi-disant amis qui se demandent vraiment ce qu'on
a fait pour mener les gens à bout comme cela. Cela prendrait une
éducation de la société, vraiment, sur ce qu'est la nature
de la maladie mentale, sur les besoins des malades mentaux. On aimerait voir
les médias d'information présenter un portrait réel de la
maladie mentale et ainsi la démystifier.
Un autre problème auquel les familles font face - j'y ai
touché un peu au début quand je vous ai décrit ce qui se
passe en institution et ce qui se passe dans la famille - c'est le manque
d'encadrement. Il faudrait avoir une accessibilité rapide, par exemple,
à un centre d'intervention de crise où on pourrait appeler en cas
de détresse. Il faudrait avoir des milieux de jour et de soir où
le patient qui est inapte au travail - il n'est pas prêt encore à
retourner au travail ou à un milieu scolaire - pourrait aller faire
quelque chose de ses dix doigts, avec des programmes flexibles parce que,
après tout, le patient qui vient de sortir de l'hôpital ne
fonctionne pas tout à fait au même degré d'autonomie que le
patient qui est sorti il y a six mois, qui s'est pris en main et qui va
beaucoup mieux. Cela prendrait aussi des plateaux de travail adaptés au
degré d'autonomie et une sensibilisation auprès des
employeurs.
En dernier lieu, on voudrait juste soulever un point. On a vu dans les
journaux cette semaine qu'il y avait certains parents ou certaines familles qui
avaient pris l'habitude - c'était écrit en anglais alors
j'utilise le mot "dumping" - de se décharger de leurs
responsabilités et d'aller reconduire les patients à
l'hôpital trop souvent. (16 h 30)
Si c'est vrai que cela existe... On n'a pas parlé des familles
qui assument leurs responsabilités et qui ne sont pas toujours rendues
à l'hôpital. Je pense qu'on devrait souligner que nous, on
représente un groupe de parents et d'amis du malade mental qui ont pris
leurs responsabilités. Oui, on peut aller à l'hôpital,
sûrement, et on se doit d'y aller quand la situation est très
grave. Mais il y a le vécu quotidien avec un malade psychiatrique. On ne
va pas à l'hôpital à toutes les minutes. Il n'y a qu'une
chose, c'est que les familles, ce n'est pas immortel. Les parents ne vivent pas
toujours; les époux et les épouses non plus. Je pense que ce
serait une très mauvaise société, celle qui se reposerait
uniquement sur des individus pour donner des services. Si l'époux ou
l'épouse décède, que celui qui est malade se retrouve seul
et qu'il n'y a rien dans la société... Les parents vieillissent.
Malheureusement, en vieillissant, on n'est pas toujours en très bonne
santé. Peut-être qu'on aurait droit à un certain
répit. S'il y a des ressources établies dans le milieu, elles
vont pouvoir prendre la relève des familles. Mais les familles n'ont
aucunement l'intention d'abdiquer leurs responsabilités.
Ce qu'on aimerait pour, justement répondre à ce besoin, ce
serait d'instaurer une maison de transition - on va commencer par une dans
notre région - pour le patient qui sort de l'hôpital. En passant,
souvent, ils sortent beaucoup trop vite. Il y a des congés
prématurés, parce qu'il y en a dix qui attendent pour entrer. La
maison de transition permet, justement, la transition et la réinsertion
sociale graduelle. Cela permettrait aussi peut-être un certain
répit en cas de maladie dans les familles. Il faudrait peut-être
que le patient ait un endroit où aller. Cela permettrait aussi au
patient qui vit complètement seul, qui a un mauvais épisode qui
dure deux ou trois jours à cause d'un changement de médicaments,
au lieu d'aller a l'hôpital où il ne veut vraiment pas aller,
d'aller dans une maison de transition où il sera stabilisé dans
deux ou trois jours et pourra retourner dans son appartement.
Pour les foyers de groupe, je n'irai pas plus loin, parce que vous en
avez eu une description de Mme Steventon. Quant aux appartements
supervisés, le patient qui réussit a vraiment accepter sa
maladie, a l'assumer et à être capable de vivre avec, assez bien
contrôlé avec des médicaments,
va être capable de vivre d'une façon autonome, sachant que
quelqu'un, de temps en temps, va passer pour savoir comment ça va.
Si les familles pouvaient avoir le support dont elles ont besoin, elles
se sentiraient mieux guidées, pourraient mieux comprendre, parce qu'au
tout début il faut s'adapter à ce phénomème. Elles
pourraient aussi mieux reconnaître les signes avant-coureurs de la
maladie et prévenir les rechutes.
J'aimerais terminer en posant une question. Si, par exemple, votre
époux, madame, ou votre épouse, monsieur, ou votre fils ou votre
fille, demain matin, était victime d'un accident de la route et devenait
paraplégique, est-ce que vous accepteriez que cette personne
reçoive son congé de l'hôpital sans avoir accès
à aucun programme de réhabilitation ou même à un
fauteuil roulant qui lui permettrait de regagner son autonomie? Le malade
mental a eu une rupture dans sa vie. Est-ce qu'on doit lui dire de sortir de
l'hôpital sans avoir accès à un "fauteuil roulant" qui
serait les ressources alternatives dont on a besoin?
On voudrait vous remercier de nous avoir permis de venir ici
aujourd'hui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est nous qui vous
remercions, Mme Vien. Je pense que vous avez donné des
témoignages qui sont extrêmement précieux, qui viennent des
gens qui vivent des problèmes, comme je le disais hier soir à un
autre groupe, les Amis de la santé mentale de la section de
Québec. Je pense que vous reprenez les problèmes et signalez des
difficultés qui nous ont été signalées par
plusieurs. Comme cela vient, comme je le disais tout à l'heure, de
personnes qui les vivent elles-mêmes, je pense que cela prend une
signification toute particulière.
I would like to thank you for your... 1 did not find out a word in
English for "témoignage". Comment dit-on le mot "témoignage" en
anglais?
Mme Steventon: Testimony.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Testimony. Merci à
Mme Arsenault également.
J'aurais juste quelques questions d'ordre pratique à vous poser.
Dans votre centre...
Mme Arsenault: Le club Bienvenue.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... le club Bienvenue,
combien pouvez-vous accueillir de personnes?
Mme Arsenault: On pourrait accueillir plus de personnes, mais,
parmi celles qui viennent régulièrement le mardi et le jeudi
matin, il y en a une douzaine. Mais nous avons sur notre liste au moins une
cinquantaine de personnes. Il y a aussi des gens qui vont un soir par semaine
au CLSC. Ce ne sont pas toujours les mêmes personnes qui viennent le jour
et le soir. Nous desservons à peu près 25 personnes à la
fois.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est ouvert deux jours
par semaine?
Mme Arsenault: Deux matins par semaine et un soir.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Et un soir.
Mme Arsenault: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant, j'aimerais
savoir quel est - je vais demander cela à Mme Vien; je suis toujours
tentée de l'appeler Mme Bienvenue -le bassin de population de la
banlieue ouest.
Mme Vien: On nous a donné 217 000 comme dernier
chiffre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela inclut de servir
jusqu'à la frontière de l'Ontario.
Mme Vien: On pense que oui. Vous allez comprendre qu'on est un
groupe bénévole et que les études statistiques, on ne les
a pas faites. On aurait aimé venir ici mieux armées, mais on nous
a donné 217 000 comme population des quatorze municipalités.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez 27 lits de
psychiatrie.
Mme Vien: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II n'y a rien à
Lachine, il n'y a pas de lit de psychiatrie à Lachine?
Mme Vien: Non, il n'y a pas de lit de psychiatrie à
Lachine, ni au centre hospitalier qui était autrefois Saint-Joseph. Non,
il n'y a pas de psychiatrie là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ni sur une base
externe?
Mme Vien: Non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, la seule ressource
psychiatrique est vraiment au Lakeshore Hospital.
Mme Vien: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a 27 lits. Est-ce
qu'il y a un centre de jour?
Mme Vien: Non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, il n'y a pas de
centre de jour dans la région, il n'y a pas de maison de
transition.
Mme Vien: Non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): De foyers de groupe non
plus, d'appartements supervisés?
Mme Vien: Non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon! Je ne vous ferai pas
continuer! On a l'impression de se retrouver sur la Côte-Nord.
Mme Vien: Oui. Ce n'est pas un milieu rural, mais on dessert un
territoire tellement grand que, quand on arrive en ville, par exemple, et qu'on
s'en va au Douglas Hospital parler de nos problèmes, ils ont
l'impression qu'on vit au diable vauvert. C'est qu'on a de grandes distances
à parcourir. Mme Arsenault, par exemple, son programme, c'est à
Pierrefonds-Ouest. Le client qui vit à Dorval a à peu près
une heure et demie d'autobus pour s'y rendre parce qu'on a le transport en
commun maintenant dans la banlieue ouest depuis quelques années, mais de
la façon dont c'est organisé, il faut se rendre à un
centre commercial. Alors, pour la personne de Dorval, si je ne me trompe pas,
c'est une heure et demie de trajet pour se rendre. Pour ce gens,
déjà, de la motivation, il n'y en a pas plus qu'il ne faut.
Alors, s'il y a une heure et demie de trajet...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous avez fait
l'inventaire des ressources?
Mme Vien: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a votre centre, il y
a votre association. Est-ce qu'il y a d'autres groupes? Je sais qu'il y a
des groupes qui s'intéressent au problème de la
déficience mentale, mais du côté...
Mme Vien: Ah, oui. Du côté de la maladie
mentale?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Vien: D'accord. C'est pour cela qu'on a demandé
à Mme Arsenault de venir avec nous parce que sa ressource est
bénévole et c'est vraiment la seule. Demain, vous allez entendre
une présentation du Parrainage civique.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Vien: Cela encore, c'est sur une base bénévole
où on jumelle un patient psychiatrique avec un bénévole
dans la communauté, qui prend vraiment les intérêts de
cette personne, mais ce n'est pas dans des programmes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'il y a d'autres
initiatives bénévoles?
Mme Arsenault: Non.
Mme Vien: Dans le moment, non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, d'accord. Il y a une
question sur laquelle je voudrais revenir. Je la pose à plusieurs et je
n'ai pas encore de réponse. Elle me préoccupe autant qu'elle
semble vous préoccuper. Quand vous avez dit: Les parents, ce n'est pas
éternel, ou les conjoints, ce n'est pas immortel, la question se pose
autant dans le cas de la déficience mentale que dans le cas de personnes
qui, d'une façon chronique et prononcée, avec récidives
plus ou moins fréquentes, par exemple, souffrent de psychose. Quelle
serait, pour vous, cette sécurité qui pourrait être
donnée à ces parents parce que, comme vous le dites, ils partent
et leurs enfants restent? Je pense que tous les parents, il ne faut pas se le
cacher, qui ont un enfant ou un membre de leur famille qui est - cela peut
varier - suffisamment dépendant pour qu'il puisse difficilement devenir
complètement autonome, se demandent toujours: Qu'est-ce qui arrivera
après que je serai parti? Est-ce que vous avez réfléchi
à cela? Dans cette orientation de désinstitution-nalisation qui a
beaucoup de bons côtés s'il y a les ressources, etc., il reste que
ce problème fondamental demeure. Quel est, d'après vous, le point
d'ancrage ou le point qui pourrait, justement, même dans une perspective
de désinstitutionnalisation, sécuriser les parents et
répondre à ce problème?
Mme Vien: Je pense bien que le point de départ, c'est le
milieu de vie. Alors, ce serait la maison de transition au tout début
parce que les périodes de crise sont spécialement graves
pour ces patients, car c'est le moment où ils souffrent le plus. Aller
à l'hôpital, peut-être, n'améliorerait pas tellement
leur situation. Il faudrait qu'ils puissent avoir un endroit où aller
où ils se sentiraient en sécurité. Par exemple, un parent
est malade et est hospitalisé, le jeune de 24 ou 25 ans se retrouve tout
seul. Il sera peut-être bien pour une, deux ou trois journées,
mais on accumule le stress et toutes les pressions, et, à un moment
donné, le verre déborde. Il n'ira peut-être pas à
l'hôpital et ce n'est pas là qu'il devrait aller, mais, s'il
pouvait aller à la maison de
transition, la place qui justement sera à mi-chemin entre
l'hôpital et la communauté, on verrait sûrement cela comme
un point de départ. On voit aussi bon nombre - parce qu'on fait surtout
affaires avec les schizophrènes et les maniaco-dépressifs - de
schizophrènes, par exemple, qui réussissent à être
assez bien contrôlés avec les nouveaux médicaments qui sont
donnés par injection intramusculaire aux quinze jours et qui
réussissent vraiment à stabiliser le comportement de la personne,
à stabiliser les symptômes, si on peut dire, pour que la personne
ait un comportement acceptable. Cela ne les rend pas, par exemple,
marchandables; ils ne sont pas prêts pour le marché du travail.
C'est bien assez de se lever le matin, de faire sa petite besogne. C'est beau
de manger trois repas par jour. On est exténué à la fin de
la journée et on n'a pas fait grand-chose. C'est tout ce qu'ils peuvent
faire. Mais, si le milieu de vie était sécurisant, maisons de
transition, foyers de groupe, appartements supervisés, les familles
seraient drôlement en paix de savoir qu'elles peuvent partir, mais que
ces gens-là ne deviendront pas les itinérants de demain dont vous
avez entendu parler tantôt. C'est la grande crainte des parents si jamais
ils partent. C'est bien beau de dire que les frères et soeurs sont
responsables, mais Dieu sait où ils seront à ce moment-là
dans leur vie. Alors, il faut des milieux de vie, des milieux de jour au point
de vue du travail, au point de vue occupationnel, mais des milieux de vie
sécurisés avec des degrés de supervision. L'appartement
supervisé, a ce moment-là, ne coûte pas trop cher. Bon
nombre de ces patients sont obligés d'être des
bénéficiaires de l'aide sociale; à ce moment-là,
l'aide sociale est appliquée pour payer le loyer; les médicaments
sont aussi couverts par l'aide sociale. Alors, ils ont des petites
dépenses pour pas grand-chose, mais ils vivent, ils ont un toit, il y a
quelqu'un dans la commuanuté qui va venir les voir. Vous savez les
signes avant-coureurs, on s'en aperçoit vite. Au bout de 48 heures, un
patient sans médicament commence à avoir tel comportement et les
familles qui sont sensibilisées à cela savent exactement à
quoi s'en tenir. Elles savent ce qui se passe maintenant et ce qui va arriver
demain. Elles peuvent intervenir. S'il n'y a personne qui les surveille, c'est
une détérioration et c'est bien plus difficile à ramasser
après.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Une toute
dernière question et probablement que vous n'avez pas la réponse.
Sur les 27 lits du Lakeshore, y en a-t-il qui sont occupés par des
patients à long terme?
Mme Vien: S'il y en a, il n'y en a pas beaucoup. Je vais
vérifier.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez un contrat avec
Douglas, à ce qu'on m'a dit.
Mme Vien: Oui, c'est ce qui arrive. On voit certains patients qui
sont vraiment à long terme ou qui n'ont pas de place où aller et
qui s'en vont à Douglas. S'il y en a, c'est minime. Ils n'ont pas la
chance, la rotation doit se faire parce que la liste d'attente en bas est
là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je vous
remercie. Oui, M. le député d'Ungava.
M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. Juste une
petite question. Je vous écoutais tout à l'heure et, dans le West
Island, il semblerait qu'il n'y a pas grand-chose: les maisons de transition,
cela n'existe pas, les foyers de groupe, il y en a très peu, les
appartements supervisés, cela n'existe pas. Je ne peux pas comprendre le
phénomène: pourquoi, dans une communauté comme le West
Island, il n'y aurait pas un peu de services qui seraient donnés
à ces gens-là. Je ne comprends pas ce qui peut arriver. Est-ce
les gens qui sont indifférents, qui ne veulent pas s'impliquer ou si
c'est l'hôpital qui ne fait pas tout à fait sa "job"? Qu'est-ce
qui fait que vous ayez si peu de services? On peut aller à
l'extérieur de Montréal, dans les régions
éloignées et, même si elles n'ont pas grand-chose, j'ai
l'impression qu'elles sont mieux organisées que vous autres.
Mme Vien: La réponse, je ne pense pas qu'on l'ait. C'est
peut-être qu'il n'y a pas eu de regroupement avant le nôtre, par
exemple, qui existe tout de même seulement depuis quatre ans.
M. Lafrenière: C'est vrai, vous êtes le seul. Je
m'excuse, j'ai...
Mme Vien: Non, non, il n'y a vraiment pas eu de regroupement des
familles. Quand certaines familles ont décidé de se
réunir, c'est vraiment parce qu'elles étaient en désarroi,
justement, de se faire dire: Demain, il revient à la maison sous votre
responsabilité totale, 24 heures sur 24. Et il n'y en a pas de
ressources. Cela prend un bout de temps à accepter cela; cela prend un
bout de temps à être capable de surmonter la peur, la
culpabilité. À un moment donné, on ose espérer
qu'on peut se ressaisir et dire qu'on va se mobiliser et voir à
établir des ressources, mais il n'y en a pas. (16 h 45)
L'hôpital Lakeshore General, ce n'est pas un hôpital qui est
tellement vieux, il a environ 20 ans d'existence à peine. Le
département de psychiatrie n'était pas gros au
début. Je pense que la population est assez sensibilisée
maintenant, que les gens ont beaucoup moins peur de dire: Moi, il y a quelqu'un
dans ma famille qui est schizophrène, qui est maniaco-dépressif.
Les gens en parlent, d'autres en parlent; cela mobilise tout le monde et les
gens sont prêts à bouger.
M. Lafrenière: Les gens qui demeurent dans ce district,
c'est surtout la peur. Pensez-vous que, si on établissait demain matin,
je ne sais pas, une maison de transition, des appartements supervisés -
je ne sais pas dans quel village, disons à Pierrefonds - cela causerait
un problème parmi la population ou si cela serait accepté?
Mme Vien: J'imagine qu'on va vivre les mêmes
problèmes que d'autres groupes ont dû vivre. Cela s'est
vécu au niveau des déficients mentaux pour qui on a essayé
d'établir des foyers de groupe. Il faut tout de même demander un
permis, par exemple, quand on parle de foyers de groupe dans une
municipalité. Je pense qu'il faut tout simplement être prêt
à se tenir debout et à combattre.
Pour les appartements supervisés, c'est probablement beaucoup
plus facile. Je pense qu'il faut éviter le modèle qui a
été établi, a Toronto, par exemple, où on a
regroupé tous ces gens-la ensemble dans un quartier. Ils sont devenus,
tout simplement, ségrégués dans le sens que
c'étaient tous des expatients qui vivaient ensemble. Le dernier
phénomène a été que ceux qui dépendaient de
la drogue allaient leur acheter leurs médicaments à bas prix, et
leur enlevaient leurs médicaments. Ils n'étaient plus
stabilisés et les drogués les prenaient.
Il ne faut pas, tout de même, les mettre ensemble pour les rendre
encore plus vulnérables. Je pense qu'il faut qu'ils soient bien
protégés.
M. Lafrenière: Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: Ma question s'adresse à Mme Arsenault.
Tout à l'heure, vous parliez de vos bénévoles. Est-ce que
les bénévoles, ce sont seulement des parents de handicapés
comme ça? Est-ce que vous avez réussi à aller chercher
d'autres personnes dans la population, qui viennent vous donner un coup de main
et qui n'ont aucun lien avec des parents de personnes handicapées?
Mme Arsenault: Ce sont des personnes qui sont un peu
sensibilisées aux problèmes, mais les bénévoles
nous viennent du CLSC, du bureau du bénévolat aussi,
peut-être des annonces dans les bulletins à l'église. Il y
a des personnes qui viennent parce qu'on leur parle de l'association et
qu'elles sont intéressées, des femmes surtout de mon âge
qui n'ont plus rien à faire.
Mme Lachapelle: Parce que c'est souvent les parents, en plus, qui
s'occupent des loisirs. Alors, comme vous le disiez tout à l'heure, il
n'y a pas de répit.
Mme Arsenault: Je crois que les parents sont déjà
assez fatigués aussi, ont assez de problèmes à la maison
que peut-être ce ne serait pas tout à fait une bonne chose de les
avoir pour travailler avec ces groupes. Parmi ceux qui viennent, nous avons eu
des infirmières, des professeurs, des personnes, par exemple, qui nous
enseignent la peinture ou la nutrition.
Mme Lachapelle: Est-ce que, par le CLSC, justement, il est offert
des services de gardiennage pour ces personnes, disons un jeune adulte? De
temps en temps, si la femme est seule à prendre soin de l'enfant, est-ce
qu'elle peut avoir un service de quelques heures, disons, pour aller faire ses
courses en toute tranquillité? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui...
Mme Vien: Bien, nous n'avons pas de CLSC dans notre
région. Il y en a seulement un dans le West Island et c'est à
Pierrefonds. Alors, pour les gens de Pierrefonds, peut-être que Mme
Arsenault pourrait répondre, mais je doute que cela se fasse.
Mme Arsenault: Je crois que le bureau du bénévolat
a un "friendly", des visiteurs. Parfois, aussi, dans les paroisses, on peut
trouver quelqu'un pour parrainer un peu ou bien on va au parrainage
civique.
Mme Lachapelle: Vous avez encore du chemin à faire pour
sensibiliser la population pour que tout le monde vous vienne en aide,
finalement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
J'aurais une dernière question à poser. C'est sur le
recrutement des familles d'accueil ou des foyers de groupe dans votre
région. Ça, évidemment, c'est la responsabilité des
services sociaux Ville-Marie parce que c'est le service social Ville-Marie qui
a la responsabilité de votre territoire. Il y a eu passablement
d'efforts déployés par le CSSMM. Est-ce que le service social
Ville-Marie a des difficultés particulières à recruter des
familles d'accueil ou des foyers de groupes? And perhaps, Mrs Steventon... Do
you understand French?
Mme Steventon: I understand some of it.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): I will say this in
English. I have had an experience with someone in my riding, an elderly person,
and they were looking for a home for her. All the homes that they could recruit
were people from the West Indies. It seems that they had a very hard time. I do
not think they had one home that was not called a home. So, I am wondering if
this can explain the situation that you run into. I mean what is the phemomenon
around this, because, normally, Ville-Marie should be working or be trying at
least to provide these..., maybe not "la maison de transition", because it
involves more funding, but they should normally be able to recruit this type of
home in the West Island.
Mme Steventon: I would agree that that would be the idea, "Mme la
Présidente". I think that the problem is that it is very hard to recruit
foster homes. As a fact, it is much much more difficult to recruit foster homes
that are willing to take psychiatric patients, because these patients are still
very, very stigmatized in the community and people are extremely reluctant to
take them. There is a great deal of fear. And this is why, in our presentation,
we also felt that there was a need for a great deal of education, in educating
people to the real facts about mental illness. I think it is a double barrel
thing. I think foster homes are hard to find, per say foster homes for
psychiatric patients are even more difficult to find.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je veux vous remercier au
nom de la sous-commission. Je pense que c'est un témoignage
intéressant. On va vous souhaiter bonne chance. Vous travaillez depuis
quatre ans. J'espère que votre équipe va s'élargir, parce
que je voyais que vous étiez 35 personnes seulement, ce qui est encore
très peu. Compte tenu des besoins, enfin, il faut que vous preniez le
leadership. Cela ne veut pas dire que l'État n'a pas de
responsabilité. Ce n'est pas ce que je veux dire à cet
égard, mais il reste aussi que c'est quand même vous autres qui
pouvez exercer le plus de pressions pour faire bouger les choses. Je pense que
c'est aussi un des objectifs de votre démarche, ici, et je vous en
remercie.
Mme Vien: On vous remercie, nous aussi, de nous avoir permis de
venir ici. Pour tous ceux qu'on représente, lorsqu'on leur a dit qu'on
avait l'occasion de venir dialoguer avec vous aujourd'hui, je peux dire qu'il y
a eu comme une lueur d'espoir, une lueur au bout d'un tunnel qui est souvent
beaucoup trop long et beaucoup trop sombre. On va tout simplement oser
espérer que les recommandations que vous allez faire vont transformer
cette lueur en un rayon resplendissant de ressources alternatives, bien
entendu.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci. On suspend pour
deux secondes, s'il vous plaît!.
(Suspension de la séance à 16 h 53)
(Reprise à 17 heures)
Regroupement Alternance
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant que les deux
secondes sont écoulées, nous allons reprendre nos travaux. Je
vais inviter le dernier groupe que nous allons entendre cet après-midi,
je pense, le Regroupement Alternance, à bien vouloir se
présenter. Bonjour, Mme Pageau, cela fait assez longtemps qu'on
espère se rencontrer, n'est-ce-pas?
Mme Pageau-Germain (Denise): C'est cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Enfin, cela y est. Si
vous voulez nous présenter ceux qui vous accompagnent.
Mme Pageau-Germain: Je vais vous dire, d'une part, que notre
présentation se situe sur le plan d'un collectif qui porte le nom
d'Alternance, à titre de regroupement de citoyens; je l'expliquerai un
peu plus tard. Parmi ces bons citoyens et citoyennes, plusieurs se sont
présentés cet après-midi. Comme on nous avait
convoqués à 14 h 30, certains ont dû retourner au travail
ou chez eux pour d'autres raisons personnelles. On est quand même
ici.
Je vais vous présenter M. Fabien Cannone, vice-président
de l'organisme, qui est un regroupement de gens, de citoyens qui travaillent en
santé mentale. À ma droite, se trouve Mme Sylvie Tremblay, qui
est responsable d'un projet en santé mentale, le Relais La Chaumine,
à Québec, et Mme Yvette Labrie, impliquée surtout
auprès des jeunes et des familles à problèmes
multiples.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme Pageau, avant que
vous ne commenciez, je voudrais simplement nous excuser auprès des
membres qui étaient ici et qui ont dû nous quitter. On vient de
m'informer que c'est coutumier, à l'Assemblée nationale, que ceux
qui sont convoqués pour le matin sont convoqués pour la
première heure, l'après-midi, pour la première heure et,
le soir, pour la première heure, au cas où des groupes ne se
présenteraient pas et au cas où cela
prendrait moins de temps que prévu, mais cela, je dois vous dire
que cela n'arrive pas très souvent.
Mme Pageau-Germain: Bon!. On va essayer d'avoir une bonne
expérience quand même. J'ai aussi une correction à
apporter. Nous avions fait l'enregistrement sur cassette. Je ne sais pas si ce
sont vos services, peu importe, ils ont eu la gentillesse de taper notre texte.
Sauf que, étant donné que c'est un texte oral, du fait de la
présentation comme telle, on a fait quelques corrections pour que cela
devienne un texte plus décent sur le plan de l'écriture. Je veux
savoir tout simplement si, en première page, vous avez la
définition du Regroupement Alternance, en page couverture.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non.
Mme Pageau-Germain: Est-ce que cela vous a été
remis? Je viens de les remettre à madame.
M. Pratt: Objectifs? C'est cela?
Mme Pageau-Germain: C'est cela. Le dernier point, à la
fin, à la conclusion... Est-ce que vous avez tous les pages 11 et
12?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous avons la page 11,
mais pas la page 12.
Mme Pageau-Germain: Madame va vous remettre la douzième
page, qui est la fin de la présentation. Vous retirez la page 11 que
vous avez et elle est remplacée par une nouvelle page 11, plus la page
12.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On vient de me remettre
cela, parce que cela a été ajouté par la suite,
n'est-ce-pas?
Mme Pageau-Germain: C'est cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que tout le monde
a le texte de la cassette qui a été retranscrit? Écoutez,
vous pouvez peut-être commencer la lecture, si vous voulez, Mme Pageau.
Entre-temps, ceux qui ne les ont pas, on va remettre les pages
supplémentaires qu'ils doivent avoir.
Mme Pageau-Germain: Est-ce que cela va? Oui?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parfait!
Mme Pageau-Germain: Ce ne sera pas long. C'est une lecture d'une
vingtaine de minutes au maximum. Je dois dire que, ce matin, je lisais, dans le
journal Le Soleil de Québec, un commentaire de la part de M.
Chevrette, qui notait, entre autres, le fait que, très souvent,
les citoyens réagissent plutôt négativement face aux
problèmes de la maladie mentale et aussi face au phénomène
actuel de la désinstitutionnalisa-tion. Concours de circonstances, nous
sommes ici comme regroupement de citoyens qui ont une perception
différente, si vous voulez, compte tenu du fait que notre regroupement
est, un regroupement de leaders, c'est-à-dire de gens qui ont
assuré la mise sur pied d'organismes communautaires dans la
région de Québec et, par le fait même, l'animation, la
gestion et la direction.
Essentiellement, nos objectifs sont de promouvoir la pensée
alternative par rapport à la santé mentale et de promouvoir
également le développement des ressources communautaires par le
biais de l'implication des citoyens. Je reviens une seconde là-dessus.
Ce sont tous des gens qui ont une expérience minimale de cinq ans dans
des boîtes diverses, soit au niveau des jeunes ou des personnes
âgées, des familles, des femmes et qui portent tous des
connotations dites psychiatriques.
Dans le débat actuel de la désinstitutionnalisation ou, si
vous préférez, de la déshospitalisation des malades
psychiatriques, le Regroupement Alternance se fait un devoir et une obligation
de participer à votre consultation dans le but de vous faire part de
notre expérience concrète dans le milieu au sein de
différentes ressources communautaires en santé mentale et ce,
depuis quelques années déjà. Pour ce faire, nous
illustrerons nos dires à partir d'expériences respectives dont
celles des regroupements Alternance, Entr'-Elles, Centr'-Elles, Renaissance,
Centre-Étape, Relais La Chaumine, où nous avons oeuvré
ensemble au cours des cinq dernières années et dont j'ai
assumé moi-même la présidence des conseils
d'administration.
Dans un deuxième temps, nous situerons le débat au niveau
de la collectivité, de la communauté, là où
très souvent on mésestime, pour ne pas dire qu'on méprise,
l'apport du citoyen face à cette problématique de la santé
mentale. Je dois rappeler que le titre de notre mémoire est "Laissons
à la communauté ce qui revient à la communauté. "
Nous retenons donc 20 minutes de votre attention.
Quand on parle de santé mentale, la majorité des gens
saisissent le concept au sens large du terme, c'est-à-dire le
mieux-être des individus et la qualité de vie des citoyens. On
confond souvent maladie mentale et santé mentale. Pour les uns, les
conditions de vie décentes, les revenus suffisants, les logis
adéquats, les loisirs, les relations familiales permanentes contribuent
à leur épanouissement personnel et à leur équilibre
psychologique. Pour les autres, l'absence de ces exigences minimales face
à
un mieux-être personnel ou à une harmonie fonctionnelle
contribue à leur échec et à leur détresse
personnelle.
Loin de nous l'idée de clarifier ce débat. D'autres ont
tenté de le faire avant nous. D'autres aussi ont tout le temps voulu de
le faire à notre place. Cependant, pour nous, une chose est certaine,
c'est que notre expertise se situe davantage au niveau de la maladie mentale,
qu'elle porte l'étiquette de la folie, de l'aliénation, du
handicap mental, de la psychose ou de la maladie psychiatrique. C'est face
à cette problématique que nous situerons l'apport de la ressource
communautaire.
Dans le discours actuel de la déshospitalisatsion et de la
politique de maintien à domicile, il faut réserver a tout prix
une place de premier choix à la communauté si on ne veut pas que
les institutions s'approprient ce droit, ce champ d'activité, ce champ
de gérance. Le débat est de taille puisque persistent toujours
les rivalités et les confrontations entre les tenants des ressources
institutionnelles et ceux des alternatives communautaires. Sans doute
serez-vous d'accord avec nous pour dire que, malgré la bonne
volonté, la générosité et l'implication de
plusieurs milliers de citoyens à l'intérieur des organismes
bénévoles et des groupes d'entraide à but non lucratif, en
aucun moment, les ressources du milieu ne sont de taille à rivaliser
avec les ressources institutionnelles, que celles-ci soient de l'ordre des
CLSC, des CSS, des DSC ou des hôpitaux psychiatriques.
La bataille devient donc celle de Don Quichotte. Ce n'est pas sur ce
terrain qu'il faut nous rencontrer. C'est beaucoup plus une question
d'idéologie. C'est dans ce cadre que les services de support,
d'entraide, de dépistage et d'information peuvent facilement être
assurés par les ressources de la communauté à des
coûts beaucoup moindres et dans des démarches souvent plus rapides
et plus accessibles aux familles, évitant ainsi un état de
panique, un processus de désorganisation, une rechute psychotique ou une
réhospitalisation en milieu psychiatrique.
C'est là que nous apparaissent les dynamiques et les forces de la
communauté. Cependant, au rythme où vont les
événements, plusieurs institutions se réclament
déjà de ressources externes, extérieures,
extrahospitalières, à des coûts faramineux qui ont
peut-être leur raison d'être mais qui n'ont rien à voir avec
les ressources du milieu parce que, somme toute, elles ne sont que le
prolongement de l'institution, c'est-à-dire du centre hospitalier, du
centre d'accueil et de l'asile. A priori, ce sont des ressources
essentiellement institutionnelles qu'il ne faut surtout pas confondre avec les
ressources communautaires. Dans le vrai sens du mot, pour nous, la ressource
com- munautaire signifie une ressource hors les murs, hors institution, hors
réseau, qui est essentiellement créée, animée,
orientée et supportée par les citoyens du milieu. C'est dans
cette perspective que se situent les groupes d'entraide et de support.
Je vous disais, il y a un instant, que j'ai assumé moi-même
la direction de quelques-unes de ces boîtes pendant plus de cinq ans et
que, si nous choisissons aujourd'hui de vous parler de certaines d'entre elles,
dont les regroupements Alternance, Renaissance, Relais La Chaumine,
Centre-Étape et autres, c'est qu'elles illustrent bien le cheminement de
ressources de quartier en santé mentale en milieu urbain, à
Québec.
De façon plus spécifique, nous vous dirons un mot du
Relais La Chaumine où, là aussi, dans le quartier
Saint-Jean-Baptiste, on a investi beaucoup, tant au niveau de la population
qu'au niveau de nos usagers. Cette boîte a été
incorporée le 29 mars 1977. Elle a pignon sur rue dans le quartier
Saint-Jean-Baptiste de Québec. Subventionnée par Centraide, elle
reçoit annuellement un budget de 10 000 $ à 15 000 $ pour ses
dépenses de fonctionnement. Tout le reste est assuré par des
bénévoles, tant au niveau de l'animation que de la coordination,
à l'exception du travail de deux animateurs à temps partiel
subventionnés récemment par un projet de développement
communautaire du CRSSS.
Les animateurs et les animatrices sont des citoyens de tous âges,
hommes et femmes de milieux différents, jeunes et moins jeunes,
travailleurs, étudiants, mères de famille, universitaires, qui
viennent offrir de leur temps parce que souvent plus conscientisés, plus
sensibilisés aux besoins du milieu. Ce qui caractérise l'ensemble
de ces aidants, tant au niveau du Relais La Chaumine que dans les autres
ressources mentionnées, et dans la majorité des organismes
bénévoles, c'est que ces citoyens ont tous ce que j'appelle la
piqûre du communautaire. Dans ces alternatives, on ne rêve pas de
la communauté, on n'en discute pas derrière nos bureaux, on ne
théorise pas à son sujet, on l'intellectualise encore moins, on
la vit intensément, engagés dans des projets divers et militant
au sein de comités de citoyens, de ressources de quartier, de
coopératives d'habitation, de comités d'école, de
regroupements de parents ou autres. À l'instar de bien des citoyens qui,
eux, s'impliquent dans le sport, le loisir ou les activités culturelles,
nous nous engageons dans le milieu auprès de nos concitoyens plus
défavorisés. (17 h 15)
La clientèle qui fréquente ces lieux, c'est-à-dire
au niveau de l'ensemble des ressources communautaires dites en santé
mentale, regroupe souvent des jeunes dont la
moyenne d'âge se situe autour de trente ans. Hommes et femmes, ils
ont tous été en psychiatrie. On dit d'eux qu'ils sont
schizophrènes, fous, malades mentaux, patients belliqueux, agressifs,
personnes déprimées, hostiles, etc. Essentiellement, ce sont des
personnes qui portent de fortes étiquettes psychiatriques et qui,
malgré leur jeune âge, ont déjà amorcé une
longue carrière psychiatrique. Bref, ce sont des
laissés-pour-compte, souvent abandonnés par leur propre famille,
rejetés de leur milieu scolaire, de leur milieu social, faisant
déjà partie de cette clientèle dite flottante des grands
hôpitaux psychiatriques et déjà enlisés dans ce
syndrome de la porte tournante. Quelques-uns travaillent, mais la
majorité est sans emploi. Ils végètent; ils vivent de
prestations de bien-être, en chambre, habitant dans les endroits les plus
insalubres et les plus minables de la ville de Québec, là
où ils sont la proie de toute forme d'exploitation: prêts
usuraires, vol, vandalisme, trafic de drogue et prostitution.
À cause de leur grande fragilité et de l'absence de
support moral, familial et social, méconnaissant souvent leurs droits,
ils deviennent la proie de tous les requins de la ville.
L'an dernier, le CLSC Basse-Ville de Québec
dénonçait le réseau insalubre des maisons de chambres
habitées par bon nombre de nos malades mentaux au centre-ville de
Québec et ce, souvent, avec l'appui tacite d'un bon nombre
d'intervenants. Quelque temps après, nous dénoncions, à
notre tour, la misère humaine et la détresse sociale de ces
indigents dans un secteur autre de la ville, c'est-à-dire en haut de la
Pente Douce, en haut du cap, comme disent les gens, soit dans le quartier
Saint-Jean-Baptiste de Québec. La réaction de la population a
été massive, nous appuyant, nous encourageant et nous supportant,
comme citoyens, à aller plus loin dans cette démarche, nous
félicitant également d'avoir eu le courage de cette
dénonciation publique vis-à-vis de la détresse sociale de
nos concitoyens sans parole. Cependant, nous ne pouvons pas en dire autant de
la réaction institutionnelle.
Quant à la clientèle féminine, il est
peut-être plus juste aujourd'hui de prétendre à un
continent noir, connaissant le contexte socio-économique des femmes
à l'heure actuelle, quand on sait qu'une femme sur dix, peut-être
sur six, peut-être sur cinq, est battue par son mari, qu'une autre vit
sous le seuil de la pauvreté, parce que femme chef de famille, veuve ou
à la retraite, vous comprendrez facilement que, lorsque celle-ci porte
en plus le stigmate de psychiatrique, c'est le monde du silence.
À l'heure actuelle, tout ce qui touche de près à la
vie de la famille, à la garde des enfants, à la visite des
adolescents, au statut des femmes en tant que locataires, chambreuses, au
processus de réintégration au travail ou de retour aux
études, toutes ces questions semblent totalement absentes du discours,
des démarches, de l'orientation et des préoccupations dites de
réinsertion sociale de la clientèle féminine
psychiatrique.
Le discours qui sous-tend cette ignorance ou, si vous
préférez, ce non-agir est à peu près le suivant.
Pour avoir participé moi-même à plusieurs de ces
rencontres, je vais vous dire un petit peu le niveau de discours qui
était en place à ce moment. Voyez-vous, une femme, ce n'est pas
trop compliqué. Cela ne fait pas tellement de bruit, cela s'arrange bien
avec le bien-être; elle ne pose pas trop de questions, elle ne
connaît pas ses droits et, souvent, on peut lui dire à peu
près n'importe quoi. Bref, la clientèle féminine dite
psychiatrique devient donc, à son tour, la cible facile à la
menace, au chantage, à la subjugation et au rapport de forces.
D'autre part, quand ces femmes ne sont pas tellement bien, le
moindrement confuses, perdues, anxieuses, aucune ressource temporaire ne
s'offre à elles dans la région de Québec. Comme elles ne
sont pas détenues, battues, violées, enceintes, elles peuvent
difficilement cadrer dans les critères sélectifs des centres
d'hébergement pour les femmes, ce qui explique que, depuis les trois
dernières années, plusieurs d'entre elles, dans des situations de
crise, ont été hébergées bénévolement
dans plusieurs de nos familles et, jusqu'à maintenant, sans aucun
problème de vol, de vandalisme et d'agression.
Évidemment, la situation ne peut durer plus longtemps. Nous
n'avons pas à jouer le rôle d'un service qui, normalement, devrait
être en place dans le milieu depuis quelque temps déjà.
Personnellement, j'ai pris l'initiative d'amorcer le projet d'un centre de
dépannage pour les femmes dites perturbées émotionellement
ou en détresse psychologique. Ce dernier est appuyé par notre
Regroupement Alternance et il fera prochainement l'objet de consultation
auprès des différentes associations féminines de la
région de Québec qui, il y a quelques mois à peine,
soulevaient en assemblée générale l'urgence d'une telle
ressource.
En guise de conclusion, il deviendrait excessif d'insister davantage sur
le rôle joué dans la communauté par les ressources du
milieu. Dans votre processus de réflexion, il nous apparaît
primordial que vous sachiez très bien que de telles initiatives de
quartier existent, qu'elles sont nombreuses dans le répertoire des
organismes bénévoles et qu'avec des moyens de fortune elles
jouent souvent le rôle dévolu à des ressources
institutionnelles, que ce soit par le biais de l'entraide mutuelle, de
l'information, du soutien de réseaux de dépannage informels, que
ce soit aussi par le biais de
l'accompagnement, du transport, de la popote volante auprès des
personnes âgées, de visites d'amitié à domicile ou
de menus gestes quotidiens contribuant ainsi à la prévention et
à la préservation de la santé.
L'organisation actuelle des services en santé mentale dans la
région de Québec nous apparaît déficitaire et tout
ce qui touche de plus près à la psychiatrie devient un imbroglio
inextricable. Bien qu'ils aient souvent été décriés
publiquement, ils demeurent inaccessibles, souvent teintés de lenteur,
de rapport de forces envers les usagers. Les individus souffrants, souvent en
détresse ou en panique, deviennent des cas ping-pong, trimbalés
d'un service à l'autre, ballottés entre la première, la
deuxième et la troisième ligne, entre l'intervention primaire,
secondaire, tertiaire, entre le curatif et le préventif,
transférant souvent les demandes d'un intervenant à un autre,
selon que celui-ci soit de garde, de service, un interne, un externe ou
rattaché à une équipe volante, de garde, de remplacement
ou de fin de semaine. Ajoutez à cela les mandats de tel centre
hospitalier par rapport à tel autre, ceux des CSS et des CLSC versus
leur secteur géographique, là aussi, vous comprendrez facilement
l'état de panique du malade et souvent celui de sa famille quant il veut
avoir accès à un service de santé.
Cette présentation n'a rien de caricatural. Elle ne traduit
malheureusement que le reflet d'une cuisante réalité. Ajoutez
à cela l'absence de services de dépannage 24 heures sur 24,
l'absence d'hébergement à court terme, surtout pour les femmes,
l'absence de service d'urgence sociale rapide et accessible en dehors des
heures régulières de travail et sur fin de semaine, l'absence
d'un centre d'information à la santé qui, dans bien des cas,
pourrait pallier l'hospitalisation d'un individu et l'absence de
spécialistes habilités à travailler dans le milieu.
Là aussi, vous conclurez facilement à un ensemble de
services incohérents, inaccessibles, inadéquats et, la plupart du
temps, "inefficients". Dans un cadre plus élargi de la santé
mentale, c'est-à-dire plus éloigné du contexte
psychiatrique dont je vous parle, la situation ne nous apparaît pas
nécessairement plus avantagée et les besoins les plus mal
desservis semblent ceux de la famille à problèmes multiples:
désorganisation familiale, démembrement de la famille, divorce,
division ou séparation des enfants, violence conjugale, violence
familiale, hausse de la criminalité chez nos adolescents, taux de
suicide croissant chez les jeunes et chez les personnes âgées,
l'inceste, les agressions sexuelles, les surcharges familiales chez les parents
de 50 ans et plus actuellement aux prises avec des jeunes qui leur reviennent
sans travail et sans projet d'avenir. Bref, tout un ensemble de
problèmes humains fort complexes tout aussi inquiétants les uns
que les autres dans ce contexte socio-économique difficile. La
santé mentale devient le reflet de cette réalité familiale
et sociale.
Quant aux mesures à développer pour améliorer de
telles conditions de vie, elles nous apparaissent de longue haleine,
rattachées bien sûr à des pouvoirs politiques et
interventionnistes tant dans le domaine de la prévention que de la
préservation de la santé.
Arrivés ë la fin de notre bilan, nous aimerions vous glisser
quelques mots du contexte actuel dans lequel oeuvrent bon nombre des ressources
communautaires. D'une part, elles sont les enfants pauvres du mode de
financement actuel le moindrement utile et décent. La plupart du temps
elles ne bénéficient que de la générosité de
Centraide, de quelques dons de particuliers ou de communautés
religieuses. On n'a qu'à penser à ce qui a existé
jusqu'à récemment au sujet des maisons d'hébergement pour
les femmes et ce qui prévaut toujours vis-à-vis des maisons des
jeunes et certaines ressources des gens retraités.
D'autre part, la clientèle de ces ressources s'alourdit face
à ce phénomène de la désinstitutionnalisation qui
est commencé depuis déjà plusieurs années où
toute une population fait les frais à l'heure actuelle de cette nouvelle
idéologie. À l'heure actuelle, on désinstitutionnalise
partout. On sort les malades mentaux des hôpitaux psychiatriques, les
délinquants des centres de protection des jeunes, les détenus des
milieux carcéraux et tous ces marginaux, souvent sans famille et
à problèmes multiples, se retrouvent dans le milieu, accentuant
ainsi les préjugés à leur égard et favorisant
l'émergence de ghettos.
Loin de nous, encore une fois, l'idée de jeter l'anathème
à qui que ce soit ou de nier le bien-fondé d'une telle politique
de maintien à domicile; cependant, nous mettons en doute les moyens de
le faire. C'est pourquoi nous déplorons l'absence de consultation
auprès de la population, l'absence de consultation auprès des
alternatives communautaires susceptibles d'accueillir ces gens, de les
supporter, de les orienter et souvent de les héberger. Nous
déplorons l'absence de concertation, l'absence de représentation
des organismes bénévoles et des groupes d'entraide au sein des
instances décisionnelles. Nous déplorons aussi
l'inaccessibilité des services, leur confusion et leur
incohérence et nous déplorons de façon plus
spécifique l'absence de leadership en santé mentale.
Également, comme citoyens, nous déplorons le fait que cet
objectif fort louable dit de la réinsertion sociale devienne souvent
l'objet d'élucubrations plus fantaisistes les unes que les autres chez
des théoriciens souvent "chronicisés" dans de
longues pratiques institutionnelles, ignorant tout de la dynamique du
quartier, du milieu, n'ayant jamais animé, amorcé et porté
la responsabilité de projets communautaires, ignorant tout aussi bien la
réalité familiale et sociale de ces marginaux, de ces expatients
psychiatriques, leurs besoins immédiats et leur difficulté
à réintégrer un milieu qui, souvent, les rejette a priori,
n'ayant pas été consulté à temps à cet
effet.
Et que dire de ces approches nouvelles en sociologie, en psychologie
clinique, en psychologie sociale et communautaire, n'ayant point réussi
à passer la rampe des recherches universitaires pour s'intégrer
réellement dans le milieu au service des familles en détresse? Et
pourtant, l'avenir immédiat leur appartient puisqu'il n'est plus
question pour nous d'approche individuelle, d'approche de cas à cas. Des
approches nouvelles, soit celles de type systémique, collectiviste ou
écologique, se doivent de prendre racine dans le milieu.
En terminant nous insistons à nouveau sur l'urgence de
l'organisation immédiate et fonctionnelle des services psychiatriques
communautaires dans la région de Québec. Nous insistons sur
l'urgence de ressources en hébergement accessibles 24 heures sur 24.
Nous insistons sur l'urgence du développement de ressources de quartier
comme mesures palliatives à une situation d'urgence ou à un
processus de désorganisation. (17 h 30)
Nous insistons également sur l'importance du développement
d'équipes mixtes, professionnels et aidants naturels, aptes à
travailler ensemble et à intervenir dans les petites boites de quartier.
Nous encourageons aussi le support adéquat en ressources humaines et
financières auprès des groupes d'entraide et de support. Dans ces
circonstances et pour tous ces malades jugés aptes à
réintégrer la société malgré leur
fragilité et souvent leur handicap fort sérieux, nous
encourageons le maintien à domicile en développant au maximum
l'autonomie de ces derniers à l'extérieur des maisons
hospitalières. Soyons vigilants à cet égard, insistons
davantage sur la création et la mise en place de tout programme de
réinsertion sociale dans la communauté, dans la
collectivité, là où se passe la vraie vie, que ce soit par
le biais d'organismes déjà existants, des maisons d'enseignement,
des centres de loisirs, des regroupements paroissiaux, des centres d'emploi,
des organismes familiaux, des services des maisons d'enseignement,
l'éducation permanente, l'éducation aux adultes, les services de
formation sur mesure.
Pour nous, tout ce qui concerne la réadaptation, la
réintégration, la réhabilitation, la réinsertion
sociale doit se faire exclusivement hors les murs, c'est-à-dire dans la
société, ce qui n'exclut pas pour autant le mandat des
institutions à mieux préparer leurs malades à franchir
cette étape.
Brièvement, il faut éviter à tout prix de laisser
ces personnes dans des situations inconcevables, de surprotéger ces
handicapés jusque chez eux, et souvent de les infantiliser dans leurs
moindres gestes et leurs moindres initiatives.
Quand on sait les efforts que font plusieurs de ces gens pour se
libérer de ces lourdes étiquettes psychiatriques,
s'éloigner du lieu de traitement et tenter de refaire incognito une
nouvelle vie devient pour plusieurs un nouveau défi. Évitons donc
de les institutionnaliser jusque chez eux en prolongeant cette prise en charge
institutionnelle, accentuant ainsi leur dépendance et leur
aliénation. Une politique de santé mentale qui se veut celle du
maintien à domicile doit permettre à ces citoyens de se
réapproprier leur santé, d'avoir droit à l'information,
d'avoir droit à des services adéquats et efficients dans la
communauté et de se responsabiliser davantage dans un processus de prise
de conscience individuelle, de démarche individuelle et d'engagement
collectif.
Mesdames, messieurs, laissons à la communauté ce qui
revient à la communauté. Cependant, donnons-lui les moyens d'agir
lorsque celle-ci intervient ou veut intervenir auprès de ses concitoyens
en mal de vivre. D'une part, consolidons les ressources de quartier qui
existent déjà et qui ont fait leurs preuves auprès de la
population, favorisons la dynamique du milieu, l'émergence de nouvelles
alternatives communautaires qu'elles soient d'ordre clinique, de l'information,
de l'entraide ou du support, favorisons leur gestion autonome par le biais de
leur exécutif respectif, de leur conseil d'administration et par le
biais également de fiduciaires indépendants quant à leurs
modes de financement.
Pour le Regroupement Alternance, tout processus de réhabilitation
ou, si vous préférez, de réinsertion sociale demeure
prioritaire pour ne pas dire exclusif à la communauté. C'est
là qu'il faut investir les deniers publics si l'on ne veut pas d'ici
quelques années réinstitutionnaliser de nouvelles
générations, réinvestir à nouveau à des
coûts prohibitifs pour désinstitutionnaliser celles et ceux que
l'on croyait libres et autonomes au départ et ce, au détriment
d'une population qui en fait les frais et ce, aussi, au détriment d'une
politique en santé mentale qui se veut celle du maintien à
domicile, de la désinstitutionnalisation, de la prévention et du
respect des personnes en tant que citoyennes et citoyens. Le Regroupement
Alternance.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je
tiens, au nom de la commission, à remercier le Groupement
Alternance, pour son mémoire, et Mme Pageau. Je pense que vous
êtes venus livrer à la sous-commission le message que la
communauté est prête à prendre la relève du point de
vue de la réinsertion sociale des personnes ayant des troubles mentaux.
Je pense que ce débat a eu lieu tout au cours de nos échanges
depuis quatre jours, parfois l'accent étant plus d'un côté
que d'un autre, mais, dans votre mémoire, c'est très clair.
Une voix: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est la
communauté qui doit reprendre en exclusivité la
responsabilité de la réinsertion sociale.
J'aurais quelques questions à vous poser. D'abord, j'ai
l'impression que vous trouvez que, finalement, l'implication des institutions
à l'extérieur, que ce soit par le truchement de leurs ressources
intermédiaires, etc., semble une continuité de l'institution et
que cela dessert les personnes. Mais ce qui me frappe aussi un peu, c'est que,
tout à l'heure - je vais revenir à cela - dans le
témoignage d'une des personnes que nous avons entendues avant, dans le
groupe qui vous a précédés, alors qu'il s'agissait de
parents, je pense, sauf pour une personne peut-être, qui avaient des
malades mentaux à leur charge ou dans leur famille, on sentait aussi
qu'en même temps que ces personnes réclamaient une plus grande
implication de la communauté et plus d'appui pour les organismes de la
communauté elles avaient aussi besoin des ressources institutionnelles.
Par exemple, du côté de la médication, ce qui a
été assez expliqué par celle qui a fait la
présentation du mémoire, c'était une
sécurité d'avoir ce suivi médical, compte tenu de la
condition sérieuse... Elle n'a pas précisé qui
c'était. On peut peut-être présumer que c'était un
enfant, enfin un jeune adulte. J'aimerais d'abord, d'une part, connaître
vos expériences. On ne peut pas rentrer dans le détail, si vous
voulez, mais il semble que vos expériences avec ce qu'on appelle le
réseau institutionnel traditionnel ont été mauvaises,
parce que vous voulez, d'une certaine façon, presque totalement
l'exclure. D'un autre côté, vous dites: On veut bien que ce soit
la communauté et que des professionnels viennent nous aider dans la
communauté aussi, mais vous voulez que ce soit vraiment sous
l'égide de la communauté. Je ne suis pas sûre que le
mariage... Je pense que, déjà, cela se fait dans des organismes
bénévoles ou des organismes de la communauté, qu'il y a
déjà mariage, si on veut, entre les professionnels et les
bénévoles.
Je voudrais vous poser une autre question. Vous êtes très
active dans votre milieu à Québec. Cela me semble fort
évident, mais est-ce que la communauté, à court terme ou
même à moyen terme - là, on ne pense plus seulement au
quartier Saint-Jean-Baptiste ou à certains quartiers de la ville de
Québec, mais on pense l'ensemble du Québec - serait prête
à assumer, d'une façon aussi grande, cette responsabilité?
En fait, il y a deux questions. La première, dans le fond, concerne vos
expériences avec les services institutionnels et, la deuxième,
non pas seulement la préparation, mais la disponibilité de la
communauté à assumer des responsabilités aussi
grandes.
Mme Pageau-Germain: Je pense que ce sont quand même deux
questions qui m'apparaissent extrêmement percutantes, si je peux dire,
parce qu'il ne faut pas non plus que notre présentation donne
l'impression qu'on fonctionne complètement à l'extérieur
des services institutionnels. Selon nous, il reste que, si on ramène
cela, par exemple, strictement à la clientèle psychiatrique dans
nos ressources communautaires, c'est-à-dire une clientèle qui
n'est peut-être pas nécessairement déficiente, mais qui est
très hypothéquée, il y a des services institutionnels
rattachés à certaines maisons hospitalières qui, à
mon avis, jouent un rôle de premier plan pour des gens qui ont moins
d'autonomie, pour des gens qui ont des problèmes sérieux. Nous,
on est impliqué vis-à-vis de la clientèle qui n'est pas
dans ces institutions, c'est-à-dire la clientèle qui est
complètement à l'extérieur des ressources. Comme je le
disais il y a un instant, elle n'a pas de famille, elle n'a pas de soutien,
elle n'a pas de travail, elle n'a rien. Comme la majorité de ces gens
ont des revenus très modestes, ils se retrouvent dans la
communauté. À ce moment-là, les services qui leurs sont
rendus relèvent presque exclusivement de la communauté, que ce
soit l'hébergement, l'entraide et l'information. Donc, ce sont vraiment
les citoyens, dans les organismes, qui vont pallier cela de façon
à éviter que la personne reste dans une maison plus
délabrée, à ce qu'elle ait droit à l'alimentation,
au vêtement, etc. C'est bien sûr que cela dépasse tout
cela.
Quand on parle de réinsertion de gens qui quittent le centre
hospitalier, cela veut aussi dire leur donner des habiletés. On essaie
de leur donner, à l'interne, des habiletés. Je sais que, par
exemple, il y a des cours d'alimentation, des cours d'hygiène de base,
des cours de relations humaines, etc. Notre philosophie, c'est de dire: Si, de
fait, on juge, à l'institution, que telle personne est apte à
revivre dans le milieu, il faut, dès sa sortie du centre hospitalier, si
elle le veut bien, l'intégrer tout de suite dans une population dite
normale. Sans cela, on va tout simplement prolonger le stigmate du malade
mental.
Personnellement, je ne vois pas du tout la nécessité que
tout ce qui touche de près la réinsertion au travail, les cours,
les habiletés de tous les jours, soit donné dans les
hôpitaux. La communauté peut le faire par le biais de ses
organismes, par le biais de ses maisons d'enseignement; on peut le faire dans
la communauté. Notre objectif, c'est de désinstitutionnaliser la
personne le plus rapidement possible. Donc, il ne faut pas lui donner des
ramifications jusque chez elle pendant toute sa vie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que je peux vous
interrompre, juste un moment? Vous venez de dire: Quand on
désinstitutionnalise quelqu'un, c'est qu'il est prêt à
vivre dans la communauté. À ce moment-là, que la
communauté le prenne en charge, que ce soit par son système
d'éducation...
Mme Pageau-Germain: C'est cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... que ce soit par vos
organisations. D'un autre côté, on a entendu ici... Il
m'apparaît, en tout cas, qu'il y a toute une étape...
Mme Pageau-Germain: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a plusieurs
étapes à franchir. Une personne peut sortir de l'institution X -
parlons de Robert-Giffard, à Québec - mais il y a des
étapes successives à franchir avant qu'elle devienne assez
autonome, par exemple, pour... Il y en a qui ne sont pas obligés de
passer par des appartements supervisés, mais il y en a qui sont
obligés de faire cette gamme. On en a eu des exemples très bien
décrits, le foyer de groupe, l'appartement supervisé, d'autres
qui resteront indéfiniment en appartement supervisé et,
finalement, ceux qui vont plus voler de leurs propres ailes. Vous faites la
coupure de l'institution; on les sort des institutions et, nous, on les prend
en charge. Je ne suis pas sûre... Ce serait trop beau si c'était
ainsi. Il y a vraiment toutes ces étapes qui doivent être
franchies, dans un bon nombre de cas.
Mme Pageau-Germain: C'est cela. Dans un grand nombre de cas, ces
étapes sont franchies. Aussi, dans un grand nombre de cas, ces
étapes ne sont pas franchies. Et c'est là que survient la
difficulté en ce qui concerne le vécu de tous les jours de ces
gens. Ce n'est pas tout le monde qui y a accès... Il n'y a pas
suffisamment - vous l'avez sûrement entendu au cours de vos auditions -
de maisons supervisées, de maisons de transition, etc. Nous n'avons
absolument rien contre cela. Là où on réagit, c'est quand
on trouve des malades, à l'extérieur - parce qu'on les appelle
des malades - qui n'ont plus de logis, qui sont parqués dans des
ghettos, dans des trous, sans services, que la police amène dans nos
ressources, en disant: Qu'est-ce qu'on fait avec lui? Qu'est-ce qu'on fait avec
elle? On n'a pas de ressources d'hébergement transitoire. On n'a pas
accès à des services. À ce moment-là, savez-vous,
madame, qui nous donne les meilleurs services, à l'heure actuelle, pour
dépanner des gens dans tous les états? Ce sont des organismes
comme l'Armée du salut, un organisme de charité, comme la maison
Revivre, de Colette Samson, qui aident des gens pouilleux, des gens malades,
des gens agressifs, parce qu'on ne réussit pas, à travers tout
cet imbroglio de services, à avoir une réponse dans un laps de
temps acceptable. Si, de fait, ces maisons peuvent déjà
héberger les gens, que d'autres peuvent les regrouper pour ce qui est de
l'entraide, de l'information, de l'aide juridique, de cours d'alimentation ou
autres, la communauté en fait déjà beaucoup et serait
prête à en faire plus. Ce qui n'exclut pas du tout, au contraire,
la nécessité de ressources pour encore mieux les sortir dans le
milieu. (17 h 45)
Le Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce que vous nous dites,
dans le fond, c'est que vous êtes appelés à combler des
besoins qui auraient dû être comblés par d'autres ou qui
devraient être comblés par d'autres avant que vous assuriez ce
support, ce réseau d'entraide, enfin, ce service d'orientation vers les
bonnes ressources ou ces choses-là. Mais c'est parce que les gens vous
arrivent avant les autres étapes et, là, que vous êtes pris
avec des gens qui ne sont pas hébergés... Oui, madame?
Mme Tremblay (Sylvie): Mais, il arrive souvent, madame, que les
personnes que nous recevons, je parle de La Chaumine en particulier, sont des
personnes qui ont été longtemps en institution, longtemps et
souvent - le syndrome de la porte tournante, c'est très réaliste
- et ces personnes, à un moment donné, ont voulu ne plus se
sentir malade mental, alors, elles décident de s'organiser
elles-mêmes. Inévitablement, elles arrivent dans nos organismes,
mais on peut avoir des problèmes d'hébergement avec les malades
mentaux, parce que, avec Lauberivière, pour ne pas le mentionner, on a
des problèmes pour envoyer des gens là, même si c'est un
organisme très bien organisé. Mme Pageau parlait de la maison
Revivre où les malades mentaux doivent côtoyer des repris de
justice, des clochards qui l'ont été toute leur vie, et le seront
jusqu'à leur mort, parce que c'est leur choix. Le jeune malade mental,
parce qu'on a des jeunes de 20, 21 ou 22 ans, un jeune qui pourrait sans doute
être récupérable, on ne peut rien faire avec parce qu'on
n'a pas de
ressources financières. On a des ressources humaines qui sont
prêtes à faire des choses pour ces gens-là, à
assurer des suivis. Quand je parle de suivis, je parle de suivis
sérieux. Même si les personnes qu'on a à notre service -
c'est beaucoup dire - les personnes qui s'offrent pour venir aider le malade
mental ne sont pas nécessairement des professionnels, ce sont des gens
qui ont beaucoup de bonne volonté, des gens qui ont été le
confident de quartier et qui ont décidé, un jour, par goût,
de travailler auprès de cette population. Ce sont des gens qui font
vraiment des suivis qui peuvent durer des mois, tous les jours, du moins aux
heures d'ouverture. Je parle toujours de La Chaumine. On a du monde qui est
prêt. Les gros problèmes rencontrés sont ceux que Denise a
mentionnés, toutes les ressources que nous n'avons pas. Le fait que nous
devons vivoter. Nous devons tenir nos organismes ouverts à force de
bras, à force de travail. Comme moi, par exemple, après huit
heures de travail, je m'en vais là encore quatre ou cinq heures, parce
que je crois qu'il y a des choses à faire avec ces gens-là. A La
Chaumine, la moitié des gens ne sont plus sur médication et ne
veulent plus aller en milieu hospitalier, pour différentes raisons, peu
importe. Les autres qui continuent à être suivis ont besoin de se
sentir moins malades. Mais, du fait de leur manque de sécurité,
ils doivent quand même aller dans un endroit où ils se sentent
épaulés, un peu encadrés durant certains moments de la
journée. Ces gens souffrent d'une grande insécurité, de
solitude, comme on ne peut pas croire. Nous essayons donc de combler ces choses
par des moyens qui se révèlent finalement être une
atmosphère amicale et familiale tout simplement. C'est cela qu'on essaie
de faire. j'ai remarqué, au cours de l'après-midi, que vous avez
souvent parlé des parents. J'ai eu assez souvent affaire à des
parents, des personnes dont c'était l'épouse, le fils ou
l'époux qui avait des problèmes de santé mentale. Quand
vous avez demandé, en disant que c'est un aspect peu abordé,
comment les parents réagissent-ils à la
désinsti-tutionnalisation... Ouf! le mot de 24 lettres!
Le Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a seulement
inconstitutionnellement qui est plus long. Je n'ai pas calculé les
lettres! Anticonstitutionnellement, oui.
Mme Tremblay: Désinstitutionalisation est plus difficile
à dire! Ce que j'ai entendu les parents dire, c'est que pour eux -
parlons de maladie mentale - leur enfant est atteint d'une maladie mentale.
Leur enfant est interné et les parents ont souvent l'impression qu'ils
sont exclus du processus de psychiatrisation, d'hospitalisation, et tout cela.
Dès que l'enfant a franchi les portes de l'institution psychiatrique, ce
n'est plus leur enfant, cela devient le patient de l'institution. Eux n'ont
plus vraiment rien à faire. Quand l'enfant est jugé apte à
réintégrer le foyer, on le lui redonne et le parent se sent... Il
y a tout un processus où le parent n'est pas là. Je pense
que dès l'instant où nos professionnels, parce qu'on en a besoin
des professionnels... Moi, de peine et de misère, je réussis
quelquefois à jaser avec des psychiatres de cas que j'ai à La
Chaumine parce que, qu'on le veuille ou non, je les vois plus souvent que les
psychiatres, ces bonshommes-là. Il y en a que je vois trois à
quatre fois par semaine, tandis que le psychiatre les voit une fois par mois.
Quand le bonhomme, il ne va vraiment pas, je suis obligée d'appeler le
psychiatre parce que, s'il décompense trop, il n'y a plus rien à
faire avec. Mais cela, c'est de peine et de misère.
Imaginez le parent qui se ramasse, peut-être pas
nécessairement du jour au lendemain, ou qui s'aperçoit - parce
qu'il n'a pas compris ce qui se passait avant - qu'un membre de sa famille est
pris avec des problèmes de santé mentale. Il est tout
simplement... Il ne comprend rien là-dedans. Qui va lui expliquer? C'est
compréhensible que le psychiatre n'ait pas toujours le temps, mais
peut-être que si on expliquait à ces parents ce que c'est.
D'accord, il peut y avoir des phases d'agressivité, de
dangérosité comme on entend dire, mais ce n'est pas toujours
comme cela. Si on avait des moyens pour leur expliquerl
Présentement, des organismes de parents sont formés. Ils
rencontrent maintes difficultés. Je ne crois pas qu'ils aient vraiment
peur de la sortie de tous les malades mentaux des hôpitaux. Ce dont ils
ont peur, c'est de ne pas savoir quoi faire, de ne pas savoir comment agir. Ils
se sentent dépourvus, tout simplement pour savoir comment lui parler.
Doit-on le considérer comme une personne normale? Doit-on adopter une
attitude particulière?
En tout cas, face aux parents, moi, c'est ce que j'ai ressenti à
travers tous les parents avec qui j'ai jasé et avec qui j'ai eu affaire
depuis.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Votre organisme comprend combien de membres?
Mme Tremblay: Vous parlez de La Chaumine?
M. Laplante: Lorsque vous parlez du groupe Alternance, c'est un
regroupement d'organismes? Cela comprend combien d'organismes?
Mme Pageau-Germain: Actuellement, il doit y en avoir une
trentaine.
M. Laplante: Trente organismes.
Mme Pageau-Germain: Ce sont les responsables des organismes.
M. Laplante: Cela veut dire que vous Êtes trente
membres...
Mme Pageau-Germain: C'est ça.
M. Laplante:... qui représentent trente organismes.
Mme Pageau-Germain: Une trentaine d'organismes.
M. Laplante: Cela m'amène à me poser une question.
La plupart des organismes depuis un certain nombre d'années sont apparus
dans le paysage sous des programmes de Canada au travail ou de Québec et
ce sont certains groupes de bonne foi qui, à un moment donné, se
sont dits voués à une vocation sociale pour porter secours
à certains groupes de la société en essayant de rendre
service. Je me trompe peut-être et c'est tout à fait personnel ce
que je vous dis là. Je ne voudrais pas engager la commission
là-dedans, d'aucune façon. Je suis porté à croire
aujourd'hui que tous les organismes qui passent demandent de l'argent,
demandent des ressources et personne ne dit: On a essayé quelque chose,
mais on va s'unir maintenant deux ou trois organismes sous une même
direction, avec un même secrétariat pour essayer de miser tous
ensemble, pour avoir plus de chances, pour venir au secours des gens. Je trouve
cela malheureux. Chacun tient à son chapitre et croit
énormément à ce qu'il fait.
Je trouve cela beaucoup, trente organismes voués à la
santé mentale actuellement dans la ville de Québec. Je trouve
cela épouvantable. C'est une division de toutes les forces de
bénévolat qui s'éparpillent un peu partout sous le
contrôle d'un chapiteau de Pierre, Jean, Jacques. C'est de l'argent
énorme qui s'en va, juste au point de vue des secrétariats, de la
paperasse, de tout ce que vous voudrez, des permanents. Si je regarde les
listes des Affaires sociales au point de vue des demandes de subvention. C'est
sûr que les Affaires sociales, l'Éducation et d'autres programmes
ne sont pas capables de suffire. Ce serait le "fun" si un organisme
gouvernemental, par une subvention québécoise, disait: Nous
allons essayer de faire une étude parmi tous ces organismes et, si on en
a besoin de trois, de quatre, essayer de regrouper cela afin
d'économiser des sous, pour redistribuer cet argent à ceux qui en
ont besoin, aux services sur place. Vous Êtes des organismes
indispensables pour une société. Le bénévolat, je
pense qu'on l'emploie mal depuis quelques années.
Je pense - c'est pour cela que je vous dis que c'est tout à fait
personnel - que vous en êtes de ceux-là, juste par la façon
dont vous avez fait votre mémoire et la difficulté que vous avez
eue avant de le distribuer. Je suis content que l'Assemblée nationale
ait pu vous rendre service pour cela. Cela dénote tout de suite qu'il y
a quelque chose qui ne fonctionne pas, à mon point de vue. J'aimerais
vous entendre là-dessus. N'oubliez pas que cela n'enlève pas,
dans mon esprit, tous les sacrifices, et les gros mercis que je dois à
ces gens, à ces bénévoles qui sont là. Je
souhaiterais qu'il y ait une meilleure organisation et une meilleure
dépense des deniers publics dans tout cela.
Mme Pageau-Germain: Je peux me permettre de répondre
partiellement et M. Cannone pourra sûrement donner la suite en ce qui
concerne l'aspect financement. Si on en est arrivé à contacter
une trentaine d'associations dans les organismes communautaires de
Québec, ce n'est pas beaucoup. J'ai le répertoire ici et il y en
a des centaines. On a essayé, justement, à cause de cette
difficulté, où de fait, on sent, dans les quartiers,
l'intérêt des citoyens pour s'impliquer davantage dans des
ressources envers les gens dits malades...
Deuxièmement, on sait très bien que, dans
différentes paroisses il y a aussi différentes initiatives.
Vis-à-vis de cela, compte tenu de ce que vous avez si bien
soulevé, on s'est dit, depuis un an ou deux, qu'on ne comprend pas que,
face aux besoins des gens - les gens sont là, les besoins sont là
- on n'a pas nécessairement les réponses qu'on veut de la part
des institutions. Quand je dis institutions, je peux vous dire que, dans la
région de Québec, dans tout le secteur de la haute-ville de
Québec, on n'a même pas de CLSC et, dans le secteur
Sainte-FoyCap-Rouge, il y a un mini-CLSC, dans un champ, qui est inconnu
des gens, et cela veut dire qu'il y a des centaines de milliers de citoyens,
monsieur, qui n'ont pas accès à ces services. Alors, il y a des
lacunes, et ce sont les citoyens qui, souvent, par la mise sur pied
d'organismes bénévoles, finalement, fournissent un service qui
n'est jamais rendu aux citoyens parce qu'il y a des coupures de postes, des
coupures d'argent, etc.
Les vieux, dans certains coins, crèvent à domicile. Les
malades mentaux crèvent à domicile. Pour les problèmes des
jeunes, dans les écoles sans services, il n'y a pas de psychologue, il
n'y a pas de soutien à la famille. Il n'y a pas de services autres que
ceux qui sont dans les grandes institutions. Dans les grandes institutions,
évidemment, il
y a déjà une clientèle énorme. Là
aussi, vous serez d'accord avec moi, ce n'est pas toujours nécessaire
d'avoir accès à l'hôpital psychiatrique pour des
problèmes familiaux, pour des problèmes de délinquance ou
autres. Alors, il n'y a pas de services dans le milieu, et c'est là que
se met sur pied, à un moment donné, un regroupement de parents
qui disent: Nous allons être des parents qui vont réfléchir
sur les problèmes de la violence avec leurs enfants. À
côté de cela, vous avez une popote volante qui dit: Nous nous
mettons sur pied parce que nos vieux, dans tel secteur, le curé nous
appelle... Les gens sont trop âgés et ils crèvent à
domicile.
Alors, nous, on a mis sur pied des alternatives de façon plus
particulière vis-à-vis des malades psychiatriques parce que, dans
le milieu, à l'occasion, les curés nous disaient: Écoutez,
faites quelque chose, ces gens-là se promènent, ils n'ont pas de
soutien, ils ne savent pas où aller, ils sont violentés et
maltraités. Alors, c'est cela le réseau d'entraide des
organismes. Cela répond à des besoins auxquels les services
publics et parapublics ne répondent pas. (18 heures)
Maintenant, je suis bien d'accord avec vous et cela a été
l'objectif du Regroupement Alternance de se dire, il y a trois ou quatre mois:
On va essayer de se regrouper ensemble pour voir à canaliser nos
énergies et pour voir à orienter nos demandes pour dire aux gens
qu'il y a une telle détresse dans le milieu. C'est beau de regarder une
"map" avec nos CLSC mais, s'il y a des centaines de milliers de gens qui n'ont
pas de CLSC, il faut prendre des initiatives si on est conscientisés
comme citoyens. C'est l'objectif d'Alternance: rassembler des groupes pour
essayer d'être plus solidaires et de faire des demandes en personnel,
peut-être moins à la pièce, mais beaucoup plus
cohérentes. C'est cela. M. Cannone va donner la dernière partie
du financement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. M. Cannone.
M. Cannone (Fabien): Mme la Présidente, au départ,
je ne sais pas si on s'est mal entendu tout à l'heure, mais vous posiez
la question à Mme Pageau à savoir quel était le rôle
des groupes...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... d'entraide.
M. Cannone:... populaires, des groupes d'entraide. Au
départ, il faut remarquer que, s'il y a des groupes d'entraide, c'est
justement parce qu'il manque de ces services qui proviendraient des
hôpitaux ou ces services de soutien immédiatement après
l'hospitalisation. Il est évident que les groupes d'entraide prennent la
relève. C'est là le niveau. On est obligé de fonctionner
avec ce qu'on a en main, avec les ressources du milieu. Si d'autres groupes
existaient, peut-être que ce serait un peu différent ou du moins
les objectifs seraient différents.
Quant aux questions que monsieur pose, je pense qu'effectivement il y a
lieu de regrouper des organismes. Il y a une chose cependant que j'aimerais
préciser. Je me suis occupé de l'administration et du financement
d'un organisme et j'aimerais savoir si vous êtes au courant des budgets
qui sont alloués aux organismes bénévoles. Je vous avoue
que je me suis occupé d'un organisme et on n'a pas eu un sou du
gouvernement. Les seules ressources qu'on a eues, ce sont les ressources de
Centraide. Mme Pageau, tout à l'heure, a indiqué que nous
fonctionnions, du moins au niveau du Relais La Chaumine, avec un budget de 10
000 $ à 12 000 $. J'aimerais cependant préciser une chose: Ce
n'est que cette année qu'on a fonctionné ou du moins que La
Chaumine a fonctionné avec un budget de 10 000 $ à 12 000 $. L'an
dernier, cet organisme avait reçu 6000 $; l'année
précédente, c'était 2500 $. Je ne sais pas si vous
connaissez le prix des loyers ici à Québec, mais je peux vous
dire cependant que c'est un peu plus cher que 5000 $ ou 6000 $ si l'on pense
simplement aux locaux physiques. C'est un aspect.
On a essayé d'obtenir des subventions soit en argent ou en
personnel de la part du gouvernement. On s'est heurté à un
mécanisme administratif extrêmement complexe. Si vous n'aviez pas
présenté la formule avec trois points et deux virgules, cela ne
marchait pas. Il fallait de plus se présenter exactement au
ministère et au service qui pouvait nous accorder des crédits ou
du personnel. Je vous assure que c'est extrêmement complexe, très
complexe. On s'est trouvé dans des périodes très
difficiles et on nous disait: Remplissez une formule -c'était au mois de
mars ou avril - que vous devez expédier avant le mois d'août; elle
sera vérifiée par le service au mois de septembre, ensuite elle
sera acceptée au mois de mars et, si cela correspond aux objectifs des
services des CLSC ou des CSS, on pourra, au mois d'octobre, essayer de vous
obtenir des subventions. Cela veut dire qu'il se passait plus d'un an pour
essayer d'obtenir quelque chose, alors que des organismes et des gens
bénévoles travaillaient dans le milieu depuis plusieurs
années et essayaient de faire quelque chose pour certaines
personnes.
M. Laplante: Juste pour vous répondre à savoir
combien le gouvernement émet aux organismes, c'est 25 000 000 $
seulement aux Affaires sociales. Je ne dis pas que c'est trop. On pourrait
peut-être faire encore plus. De plus, le ministère du Loisir, de
la Chasse
et de la Pêche, je crois, donne 4 000 000 $ en matière de
loisir. Ce chiffre est dit sous toutes réserves. Vous avez d'autres
ministères qui accordent des subventions aux organismes, selon leurs
programmes. Le ministère du Travail en est un aussi. Je voudrais
justifier chacun des organismes qui sont là. Je pense que ce n'est pas
être démagogue que de vous dire qu'à certains organismes on
accorde des subventions sous le bénéfice du doute, afin
d'encourager surtout le bénévolat. La moyenne des subventions
accordées aux organismes par le ministère des Affaires sociales
se situe entre 10 000 $ et 15 000 $. Cela veut dire qu'il y a plusieurs
organismes, si vous totalisez 25 000 000 $ au bout.
Ce sont les questions que je me pose. Je ne veux pas enlever le
mérite à ces organismes, ce n'est pas cela, mais c'est la
canalisation de ces deniers pour venir au secours de gens qui crient au
secours, comme vous le dites. Qu'est-ce qu'on fait avec notre argent? Est-ce
qu'on l'emploie à la bonne place?
M. Cannone: C'est difficile, effectivement, d'établir des
contrôles, je vous...
M. Laplante: C'est difficile.
M. Cannone:... comprends très bien.
M. Laplante: C'est difficile.
M. Cannone: Lorsqu'on parle...
M. Laplante: Si vous avez l'impression qu'il ne se donne pas
d'argent, c'est difficile d'avoir des... Les virgules, si elles ne sont pas
placées à la bonne place, vous n'en avez pas. Et je suis d'accord
avec vous, parce que c'est difficile pour le profane d'arriver avec toute cette
brique de demandes, de démêler tout cela. Je suis d'accord avec
vous là-dessus. Imaginez-vous, si c'était facile de les remplir,
combien il y aurait de demandes!
M. Cannone: Je parle uniquement des organismes qui oeuvrent
à la base.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que vous
êtes mieux de faire effacer cela au Journal des débats!
M. Laplante: Oui, oui, oui! C'est parce que les rires ne sont pas
enregistrés, mais là ils sont dits!
M. Cannone: Je parle peut-être des organismes qui
fonctionnent à la base, c'est-à-dire des petits organismes qui ne
sont pas encore regroupés. Lorsqu'on a un organisme qui est
déjà très structuré avec des gens qui sont
très bien payés, il est évident que ces organismes
connaissent tous les systèmes pour arriver à obtenir de l'argent.
Mais il reste tous les organismes de quartier. Et, à plus forte raison,
lorsqu'on me parle de 25 000 000 $, je pense que c'est distribué un
petit peu dans plusieurs organismes, mais, dans le domaine de la santé
mentale, je me demande s'il y en a effectivement beaucoup qui sont
subventionnés. Vous me parlez de loisirs où on subventionne de 4
000 000 $. Je ne peux donner que mon expérience, je n'ai qu'une toute
petite expérience et, en plus, je ne travaille même pas dans le
milieu. Sauf que ce que je constate, c'est que les petits organismes qui
travaillent dans différents secteurs de la ville, qui offrent en
même temps des services qui sont différents... Il est
évident qu'on ne concurrencera jamais l'hôpital Robert-Giffard ou
d'autres grandes institutions. Mais ces petits organismes ont beaucoup de
difficulté à obtenir un peu d'argent et il y a quand même
un potentiel humain, c'est-à-dire des bénévoles qui
travaillent, qui donnent énormément de temps. Je pense que c'est
quand même un potentiel très important, d'autant plus que,
finalement, ce sont des services qui auraient pu être compensés
peut-être par d'autres services que je nommerais officiels; mais,
actuellement, il en manque ou il n'y en a pas suffisamment.
Alors, il reste que les petits organismes qu'on représente, une
trentaine, ne sont pas tous des organismes qui demandent des subventions; il y
en a peut-être trois, quatre, cinq ou six qui demandent des subventions.
Cela peut s'identifier assez facilement. Quant aux autres, ils n'ont jamais vu
la couleur des subventions. Alors, on essaie de faire quelque chose et de
demander, mais c'est très compliqué.
Il y aurait peut-être lieu, je ne dis pas de créer encore
d'autres fonctionnaires pour essayer de trouver une solution, mais
peut-être d'avoir un organisme central qui, simplement, orienterait les
organismes, de façon à leur dire: Écoutez, il y a tel
programme, vous pouvez embarquer là-dedans. Dans le cadre du programme
de développement communautaire, le programme Déclic,
récemment, on a eu l'occasion de demander du personnel pour nous aider
un peu dans notre travail. On nous a, effectivement, envoyé très
rapidement, au bout de quelques mois, trois personnes dont une était
peintre en bâtiment, l'autre était photographe et une
dernière éleveur de moutons. Alors, je ne sais pas si cela
pourrait, lorsque vous travaillez auprès d'un organisme, vous
indiquer... On regarde cela et on se dit: Ce n'est pas possible. On fait des
demandes qui sont quand même très précises et on nous
envoie trois personnes qui n'ont absolument rien à voir avec ce qu'on
demande, mais alors absolument rien. Cela peut être prouvé.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Au moins, vous avez fait
peindre votre local.
M. Cannone: Non, il voulait se faire payer, parce qu'il cherchait
du travail payant. Le photographe travaillait déjà. On s'est
vraiment retrouvé avec ce genre de problème. La seule aide qu'on
a eue a été celle du CLSC qui nous a prêté une
personne pendant trois mois, et encore elle n'était pas du CLSC duquel
nous dépendions, parce qu'il n'y en avait pas dans le quartier
Saint-Jean-Baptiste, entre autres.
Mme Tremblay: Si tu permets, Fabien, monsieur parlait de se
regrouper. C'est évident que c'est la solution: "L'union fait la force".
Je peux dire que... Pardon?
M. Laplante: Vous allez peut-être amorcer un
débat.
Mme Tremblay: Non, je vais faire cela très vite.
Présentement, il y a des échanges de services entre organismes;
il y a des échanges d'employés de secrétariat et de tout
cela, mais si on regarde seulement face è Centraide, si les organismes
se regroupent et font une demande à Centraide, s'il y a dix organismes
à avoir entre 6000 $ et 10 000 $, ils n'auront pas nécessairement
le personnel pour chacun des organismes. On va dire: Non, vous aurez deux ou
trois salaires alors qu'il y a peut-être dix organismes qui vont avoir
trois personnes pour travailler et monter le système de
bénévolat et tout cela et qui aura ces personnes, combien
d'heures, etc. ? C'est bien important de comprendre aussi que chacun veut
garder son autonomie. Au Relais La Chaumine, par exemple, on échange
beaucoup de services avec les autres organismes. Il y a beaucoup
d'échanges de services, celui de la papeterie, du secrétariat, de
gens entre les gens qui les fréquentent, parce que ce sont des gens qui
fréquentent bien des endroits, évidemment. Il y a beaucoup
d'échanges comme cela, toutes les fois qu'il n'y a pas de permanence.
Présentement, la permanence, c'est une personne
rémunérée pour travailler 20 heures-semaine qui gagne 130
$. C'est la permanence au Relais La Chaumine. Cette personne sert de
psychanalyste, de psychologue, de psychiatre même si elle n'a pas les
habilités. Elle sert de maman, de soeur. Elle mange les bêtises
à titre d'épouse, d'amante, qu'elle n'est pas évidemment.
Elle fait de l'administration, elle gère tout pour 130 $ par semaine. Ce
n'est pas si mal, n'est-ce pas? Cela veut dire qu'avec le salaire d'une
travailleuse sociale du CLSC, qui est de combien? De 20 000 $, 25 000 $ par
année? En tout cas, je sais que ma belle-soeur gagne un très bon
salaire... Avec ce montant, on paie deux salaires, nous autres, on a deux
personnes qui travaillent. "To be or not to be", n'est-ce pas?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Là, vous soulevez
un autre problème de société. Je pense qu'on ne le
réglera pas ce soir.
Je veux vous remercier d'être venus devant la commission. Je pense
que, d'une certaine façon, non pas d'une certaine façon, ce que
vous êtes venus nous dire, c'est qu'il y a énormément de
problèmes qui ne trouvent pas de solution dans la communauté,
faute de ressources. Des efforts sont déployés par des groupes
comme le vôtre qui, à certains moments, deviennent terriblement
frustrés parce qu'ils ne fonctionnent avec pratiquement rien. Nous
autres mêmes, parfois on s'impatiente en disant: Est-ce que cela a du bon
sens de faire cela? Il y a tel besoin là et l'argent est mal
dépensé. On a ce même genre de réaction, mais,
lorsqu'on fait du travail bénévole comme vous autres, je pense
que la frustration doit être encore beaucoup plus élevée.
C'est une partie de votre message. La deuxième, c'est l'orientation que
vous souhaitez voir prise quant à la réinsertion sociale des
personnes souffrant de troubles mentaux.
On prend les deux messages. Comme dans tous les autres, on fait la part
des choses et on vous remercie d'être venus nous rencontrer.
Mme Pageau-Germain: Je vous remercie, madame.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci. Je suspends les travaux jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à 18 h 14)
(Reprise à 19 h 45)
Mme Priscilla Gravel et Bernadette Rusgal
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La sous-commission reprend ses travaux. Le premier groupe que nous
entendrons ce soir réunit Mme Priscilla D. Gravel, coordonnatrice des
soins infirmiers, et Mme Bernadette Rusgal, coordonnatrice des liens avec la
communauté, service de psychiatrie de l'hôpital Douglas, si je ne
m'abuse. C'est bien cela, n'est-ce pas?
Mme Rusgal (Bernadette): Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bonsoir!
Une voix: Bonsoir!
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous pouvez y aller,
parce que je pense vous avoir identifiées toutes les deux.
Mme Gravel (Priscilla): Hello! "Madam President, Members of this
subcommittee, Ladies and Gentlemen, I am Priscilla Gravel. I work as a nursing
coordinator at the Douglas Hospital in Verdun. 1 have been with the Douglas
Hospital for eleven years in that capacity.
M. Rusgal: Madam President, Members of the subcommittee, Ladies
and Gentlemen, my name is Bernadette Rusgal. I am Community Liaison Coordinator
for the Montreal General Psychiatric Rehabilitation Day Centre. I have behind
me a répertoire of twelve years in the field of mental health.
Mme Gravel: At the outset, we would like to make it clear to
everyone that we are here to deliver three messages. First, we both agree with
the principale of desinstutionalization or social reinsertion of psychiatric
patients.
Second, to be succesful, such a program must rely on an adequate
therapeutic support system in the community which is now insufficient.
Third, the cost of maintaining patients in the community may not
necessarily be less than that of keeping them in a hospital setting. Even in
these times of restraint, this should not be the area were budgets are cut.
With our long experience with psychiatric patients, we thought of
presenting this brief because we believe that, since we are dealing with the
day-to-day problems of these "most helpless of God's creatures", we may be able
in some ways to contribute to the improvement of their deplorable sad state in
the community.
As you understand mental illness, you will know what we mean when, on
top of his disease, a patient has to cope with trying to find a place to sleep
when he is thrown out of his apartment, or with looking for a job when he is
limited in his vocational capacity, or simply sometimes with taking the bus to
go to his clinic appointment.
Just being heard tonight will echo the plight of our sickly friends out
there wanting to be heard. Unless we listen to those who care, the condition of
the chronic mentally ill will go backwards like in the 18th Century, when they
were placed in prisons or isolated homes or back alleys.
We should not also repeat the Italian reinsertion experience which, for
the most part, failed because of the lack of proper resources in the
community.
Douglas Hospital has done tremendously over the years to help patients
reintegrate the community. After the advent of the drug, Largactil and
Imipramine of Tofranil by Dr Heinz Lehmann, the open door policy of the
hospital began. It became unnecessary to keep all patients behind locked doors.
Patients started to be discharged to relatives and proprietors.
In 1970, the hospital had already more outpatients than inpatients. From
the early sixties,, our bed capacity of approximately 1500 is now down to less
than 800. But there are problems once our patients are discharged. We know they
are going either to relatives, foster homes or on their own. They often come
back to us in a lamentable state, regressed, decompensated, dirty, unshaven,
dishevelled, confused, improperly clothed, thin, malnourished, hostile,
aggressive, depressed of extremely psychotic.
Obviously, they have not been taking their medication and they have not
been keeping their clinic appointments. Some complain they are not eating
properly at the private home where they were placed. They do not have money, no
bus tickets, no coats, no shoes, nowhere to go and they are lonely. All they do
is watch TV all day, smoke and drink coffee.
Also, while they are outside the hospital, we get a lot of calls from
the police and concerned citizens who blame us for letting out these poor sfck
patients. Some people complain that patients living in apartments are very
noisy. A lot of them have encounters with the law and they are brought to the
police station for stealing at shopping centres and eating at restaurants
without paying. As you know, more serious crimes are committed, sometimes out
of despair. They constantly reappear over and over again at emergency
psychiatric facilities. Some come back even the same day they are
discharged.
What do we have in the external services? In spite of the excellent
results of the new drug therapy, many patients relapse after discharge. In
order to prevent readmission, after care clinics for follow-up care were
opened. Patients who were not sufficiently ill to require hospitalization
treatment but still needed care were placed in surpervised foster homes.
Day-care for Douglas patients has been in existence for the last twenty years.
We have day-care programs, occupational and industrial therapy, home visiting
programs, remotivation therapy, family care programs, a rehabilitation centre,
a new start program, the community living program. We have three pavilions
directly supervised by the hospital and seventy faster homes housing 250
patients.
But it seems there are still not enough homes, facilities and programs
to accommodate the increasing number of these outpatients. As the number of
inpatients decreases and the number of outpatients increases, the necessary
manpower for
outpatient services does not increase accordingly.
Mme Rusgal: Mme Gravel and I both agree regarding the theories of
deinstitu-tionalization for we believe that the normalization of the patient's
environment and rehabilitation to the greatest extent should be the ultimate
goal of treatment.
My colleagues in the field of mental health and 1 have been attempting
our best to sustain the patients in the community since the process of
deinstitutionalization was implemented in the Province of Québec,
however, the lack of support and resources in the community make it difficult
to fulfill our goals.
We are aware that the decrease in the number of inpatients means an
increase in the number of psychiatric patients living in the community. In
addition, there is also a marked increase in the number of readmissions of
these patients.
The process of desinstitutionalization must consider several salient
points in order to successfully reinsert psychiatric patients in the community.
So far, our observations point to the fact that there are several elements that
hinder us from achieving our goals.
The majority of patients we deal with are chronic psychiatric patients.
This means they have had more than one admission for psychiatric care. They
share common characteristics such as apathy, lack of initiative, withdrawal,
feeling of worthlessness, submissiveness to authority, socially isolated,
vocationally inadequate and unable to meet even the simple demands of daily
living. There are many more, adjectives to describe the crippling effects of
mental illness and they all mean that these patients have to constantly walk on
a tight rope. For some, too much stimuli could trigger a relapse; for others,
too little stimuli cause them to exacerbate.
We are here therefore to outline some factors which we feel are of vital
importance for the reinsertion of psychiatric patients in the community. 1.
Preparation for discharge. Desinstitutionalization must start while the patient
is in the hospital. This means that the patient must be fully prepared to go
out there in the real world, the world which is often perceived by them as
cruel, hostile and scary. This is especially true for those who have been
confined to the hospital for many years. They must undergo some training to
learn how to integrate in a realistic social milieu. Family members, if there
are any, should be an integral part of this process. Activities of daily living
such as hygiene, grooming, etc., should be taught right from the start. The
patient must be reassured that there will be good follow-up and support when he
or she finally "goes out".
At the moment, transition is being carried out in day centres which are
either connected with hospitals or not. However, there are limitations to
admissions to such places. Furthermore, an increase in the number of patient
population does not imply an increase of manpower in these facilities. It only
means increase in case loads of mental health workers and increase of work. 2.
Community resources. I have subdivided these community resources into A, B, C,
and D.
A) Housing. The first and foremost resource in the community is a home
to receive the patient from the hospital. Blessed are those who have families
who are willing to accept their relative back in their homes. Unfortunately,
there are many families who refuse to do anything with a mentally ill
relative.
There must be a provision for adequate and appropriate living facilities
for those who will not return to a supportive and loving home. These facilities
may serve as a transitional resource to prepare those who might be able to live
independently in the future. But there should also be facilities for those who
will not be able to live on their own for the rest of their lives. Such
facilities should be equipped with meaningful activities to help the patient
gain some skills of daily living.
There now exists private homes, halfway houses, foster homes and the
like in the community. However, there are very few good ones and it is no
wonder that they are always full. Many of our patients are therefore placed in
what I call mediocre homes, as there is no alternative. I have seen so many of
these which are ill-equipped. Many of the proprietors are not trained to deal
with psychiatric patients. Other than lacking in skills and training to care
for and understand these patients, they also seem to lack skills in looking
after the physical needs. "The landlord threw me out. He does not want to hear
about my laundry. Supper is served at five o'clock and the fridge is locked
until breakfast. I had cream corn for breakfast three days in a row. "
These are just few examples of comments we hear from patients who live
in such places. Often, these places are overcrowded, lack privacy and the
surroundings are not conducive for healthy living. Yet, patients are being
placed here because, as the old saying goes, it is better than nothing. This
occurs many times especially when there is pressure to discharge a patient from
a psychiatric ward. (20 heures)
Institutionalization, therefore, has merely been displaced from the
hospital to small ghettos in the community. When these
places are ful, the worse happens: the patient is discharged to live on
his own. Usually, he or she takes a room somewhere, for this is an affordable
place for most of our patients who are welfare recipients. For individuals who
possess the characteristics of the chronically ill which I have mentioned
earlier, it becomes a real test of survival to try squeezing the meagre welfare
check for rent, food, clothing and other basic needs. I have seen so many
deplorable living quarters absolutely unfit for living and very little
surprises me anymore. It is no wonder that these patients living in such
pathetic dwellings do not last long outside. They decompensate very quickly and
soon they are back in the hospital, either on their own, brought by the police
or by a concerned citizen.
We all say that our living environment is a heavy determinant of our
lives. Ladies and Gentlemen, many of the environments I have seen only enhance
the feeling of worthlessness and dehumanization.
B. Work-oriented rehabilitation programs. There must be a provision for
work rehabilitation and work preparation programs. We have various levels of
patients whose work-oriented needs must be provided for: 1° those who are
high functioning, who held jobs before their illness, but need to relearn how
to reinsert themselves into the work force; 2° those who can be trained to
learn some skills or trade in order to learn a living; 3° those who
function minimally and can only work under supervision, such as a sheltered
workshop.
At the moment, we have been utilizing only the manpower programs for our
high functioning patients. They go to programs where they either learn some
work preparation skills or some trade. However, these programs are often
cramped with applicants and we must wait for the following sessions. Sometimes,
some useful courses are offered only in particular sections of the city, which
makes it difficult for our patients who live far away from these areas. It is
discouraging to see that, often, these waiting periods can cause a patient to
lose momentum and hope.
In addition, it has taken me many hours to convince some coordinators of
these programs to accept one psychiatric patient in the program because of the
stigma attached to them.
For those who will be able to function only under supervision, they need
structured settings where they can learn some meaningful work activity. At the
moment, there are not enough sheltered workshops to accommodate the rising
number of patients of this category in the community.
C. Academic opportunities. Our patients should be allowed to return to
school without the threat of losing their social aid benefits.
As its stands, they can only continue to receive social aid if they
attend school part-time.
One of our patients at the Montreal General Psychiatric Rehabilitation
Day Centre possesses tremendous artistic skills. He would very much benefit
from continuing to study Fine Arts which he often expresses. However, he dreads
the thought of incurring more expenses from his welfare cheque and, worse, the
thought of losing his benefits altogether. He is only one of the many who would
like to change their identity from that of a "former mental patient". Ladies
and Gentlemen, let us give them a chance.
In addition, rehabilition centres should have access to teachers who
could teach remedial classes to the patients who need it. There are plenty of
young adults in our population whose schooling has been interrupted because of
illness. It is important that they first get academic exposure in settings like
this in order to make a transition to the hectic bustling life of a normal
school or university.
D. Other transitional facilities. While existing rehabilitation day
centres provide meaningful programs and activities during the week, there are
very few facilities that offer activities for socialization during the weekend
and holidays. These gaps contribute to further social isolation and withdrawal
among our patients. It is not uncommon that, during Christmas and other long
breaks, patients deteriorate and the feeling of loneliness is enhanced. By
providing more drop-in centres, perhaps the number of lonely street wanderers
may decrease. 3. Educating the public. Although we often hear the cliché
"educate the public", I have not actively seen how it is being implemented.
Most of the media exposure we get are stories that are sensationalized about
former psychiatric patients being child molesters, thieves and murderers.
It is a common dilemma among patients making job applications whether to
mention that he or she has undergone or is undergoing psychiatric treatment. It
is a reality that when an employer is faced with two applicants for a job and
both have equal qualifications except that one is labelled a "psychiatric
patient", the latter has less chance of getting the job. I have posed this
question to many average employers and the most popular response was: Why
should I risk giving the job to someone mental when I can give the job to
someone normal?
While there is provision to employ physically handicapped individuals, I
am not aware of the same for the psychologically handicapped.
This prejudice does not stop at employment. Recently, a former patient
of ours went apartment hunting. She would have been able to pay rent for a
reasonably
modest apartment downtown where she looked. She was motivated to look
downtown as the felt too isolated where she lived in the East end. She reported
that landlords and apartment owners were leary to take her on as a tenant
because she was jobless, on welfare, and is a psychiatric patient. She jumped
off the roof of the last apartment building she saw and perished.
Mme Gravel: Concerning the economic aspect, we do not have the
data permitting us to compare costs between the treatment of patients inside
institutions and outside institutions. This is the work of economists, not
nurses. However, if we accept the proposition that it is preferable to treat
psychiatric patients outside institutions, we must also be ready to pay the
cost and not assume simply, as many are doing, that it will cost less.
On the contrary, if facilities and resources necessary to support and
supervise patients outside are put in place, such as home care, half-way
houses, sheltered workshops, day care centres, group homes, clinics, etc., even
bearing in mind those which already exist, we must count on an important
increase in the budget allocated to psychiatric care. We will need additional
well trained human resources and also additional facilities and equipment, such
as computers, for example, for implementation of individualized treatment plans
and support programs.
Moreover, in a community environment, we cannot profit from the
economies of scale of the institutional milieu. The cost per patient of a meal
prepared for 700 patients in a central kitchen surely is less than an
individual meal prepared outside. That is why there is group purchasing,
because it is cheaper to buy in bulk than retail. There is centralized laundry,
etc.
Also, interventions and follow-ups for patients outside are done on an
individual basis and require more personnel and more time. For example, just
the travelling alone is costly, if a nurse has to visit a patient at the
Ontario border or in Rawdon.
In cases where the patient might become productive through his work, we
could consider that as a positive economic element for society. But the most
important benefit of social réintégration resides in the
improvement of the quality of life for the patient himself and not a decrease
in net expenditures for society.
As for psychiatric hospitals, they will surely remain, because some
patients cannot ever be reintegrated and also others will need to come back for
treatment in the more controlled environment of the institution. So that, even
if the patient population of psychiatric hospitals is reduced, the global
budget of these institutions will not necessarily decrease in the same
proportion, if at all. In fact, we can even predict that a decrease in hospital
population may only result in nothing more than an increase in the average cost
per patient. We are warned by studies made in the United States, especially by
Dr Leona Bachrach of the Maryland Psychiatric Research Centre: it was found out
that it could actually be more costly to care for patients outside than inside
the hospital.
Mme Rusgal: In summary, therefore, Ladies and Gentlemen, in order
to achieve the highest quality of care towards the reinsertion of psychiatric
patients in the community, we must deliver: 1° good preparation for
discharge from the hospital; 2° good support for the families involved, so
that they become an extension of the therapeutic team; 3° adequate support
system in the community in terms of housing, schooling and working; 4°
adequate recreational facilities where they can learn to socialize and develop
interpersonal relationships; 5° educational and more positive feedback to
the public about psychiatric patients in the community an about mental illness;
6° provide the above-mentioned facilities with sufficiently trained
personnel to deal with the patients; 7° input of government funds to
develop these resources; 8° gradual implementation of these programs at the
pace of each patient and the community.
If the above-mentioned factors are adequately provided, perhaps there
will be a chance for many of our psychiatric patients to live, work, love and
play just like you and me.
Ladies and Gentlemen, we support the idea of deinstitutionalization, but
you must provide us with the necessary resources so that, together, we will be
able to implement deinstitutionalization to its fullest extent. Then,
deinstitutionalization does not become synonymous of dumping. Thank you.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On behalf of the Members
of the Commission, I want to thank you for your presentation tonight. I think
that you are two nurses, one involved in direct care or in the coordination of
the nursing care for the patients in hospital and you with the...
Mme Rusgal: Outpatients.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... outpatients, a link
with the community.
Mme Rusgal: Yes. (20 h 15)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): I am a little bit
concerned in the sense that you said that you were for
"désinstitutionnalisation" - I will not try to say it in English
- and on the other hand, you have so many reservations about doing it that I am
really wondering if we should not almost stop at this point, before putting in
new resources.
I would like to ask Mme Gravel particularly or either one of you: At
Douglas, you told us and we were told, I believe, on Tuesday night - or maybe
Monday night - that there had been an open-door policy, as you mentioned
yourself, since the fifties, anyhow. You talk about the number of homes and all
the outside resources that exist for your patients. I agree with you that there
probably are not enough to serve all these people that might come and have not
been institutionalized for the last fifteen or twenty years because of the
change in the orientation of the care of psychiatric patients. At least, they
have not been hospitalized on a long-term basis. I would like to understand why
you are so pessimistic. Are you telling us that these resources that have been
put into place are not producing results or are producing so little result that
unless we look over what is in existence and examine what exists we should not
carry on even on a gradual basis, as you mentioned, at the rythm of the
patient, of the population and of everyone involved? I would like you to tell
me this.
Mme Gravel: I think that we have quite a few resources but the
number of patients using them is overwhelming; it is not enough. I think we
would like to see more of it. The others who cannot benefit from it are hanging
around the hospital all the time and they say there are not enough places to
go, it is always full. So, they always wind up just hanging around the
hospital, even if there are quite a few of these places already. These places,
only admit a certain number of patients; almost a maximum, say, of 60. We cover
quite a few outpatients. The whole of outside patients is about 3000 in the
area.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Have you noticed any
difference in the readmission of the patients in the case of those who are in
transition homes or foster homes? Is there a difference in terms of the number
of readmissions of these patients, as compared to the ones for whom you have no
place and, as you described, who hang around and so on? What I would be
interested in knowing is where are the resources? No matter how limited the
resources are, where do they exist? Were you using them? Do you see any
difference in the recurrence of the symptoms compared to the ones who cannot
use them because they are not there?
Mme Gravel It is not really in the difference in the symptoms,
but it is in their habit of coming in every so often instead of using these
resources and their answer is that they hardly can go in and use these places
because it is always full.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): I did not make myself
clear, I will try again.
Mme Rusgal: Perhaps I can answer that. I have worked as a
community nurse in Verdun.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): OK.
Mme Rusgal: I was a front-line-worker. Indeed, the people who
have good resources have less readmissions.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
D'accord.
Mme Rusgal: All right? However, these places have criteria for
admission. They will take somebody who is almost medium functional. The ones
who do not meet the criteria of these homes are actually the worse and they are
the ones who need most a supervised setting but because they do not meet the
criteria, because they say they are unreliable, they create trouble, they are
the ones who say: You look for a place somewhere for 100 $ or 150 $, with 20
other people who hang around, and that is what they do. These are the people
that we see almost every week. You know, in a month, they come back to the
hospital. My job, when I was working as a community nurse, was to go and visit
them all over the place because they were not showing up for their appointment,
for example. You find out that they have not taken their medication, they have
been in trouble already, they have already moved to another house before I even
had the chance to go and visit them the week after they got a discharge.
So, to answer your question, yes, there is a difference in the
readmission of the people who are placed in appropriate facilities and, no,
there is no change in the readmission of the people who are living around. The
readmission is very frequent.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): You say there are about
3000 patients sort of ongoing, you know, coming in and out.
Mme Gravel: Attending the...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): The existing facilities
serve what percentage of this population that really need it? You have patients
who can go back to their family, the family is supportive. Maybe it is a small
number, but there are still some. So, maybe these can cope within their own
milieu. What
I want to do is to try and evaluate what the needs are. I mean, in terms
of the population that could require facilities or resources, what could be the
percentage? You say there are about 60 patients that can be in those homes and
you also have your day centres and your workshops. I am sure that some of these
people come to your workshops, they are not all in receiving homes. Some of
them are living in appartments and they function perhaps relatively well. We
know that there are not enough resources, but what are the needs?
Mme Gravel: The staff working directly with these patients say
they need more drop-in centres where they can spend more time to socialize; and
to spend more time instead of hanging around the hospital, spend more time
doing something, especially on weekends, especially after four o'clock,
especially on holidays. There should be more drop-in centres.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Marie-Victorin.
M. Pratt: Just a short question to Mrs. Rusgal. Regarding the
housing resources, according to you, who should be involved in the selecting
process of these houses? The hospital itself or the local CLSC or a group of
what?
Mme Gravel: It is the Ville-Marie Social Services. They are the
ones who find places for the patients.
Mme Rusgal: I believe that the staff of the hospital should have
an input in searching for these facilities. You see, we are the ones who work
directly with the patients. We already know their habits, we know how they are,
we know their characteristics. 1 think we should be involved in looking for
these places because if somebody, for instance, in the CLSC, goes to look for a
place, he will do it according to his own criteria. He will find a place, a
duplex with four bedrooms, look at the physical layout and say if it is
acceptable. Fine. Whereas, if I go, I will consider the personality of the
person running that house. They have to be trained. Right now, a lot of people
are opening these little homes, taking four people and sneaking in two, so they
can make more money. It is really pathetic because when I go and visit them, I
ask: How many people have you got here? They have four. The patient will say:
No, but a man drops in here several nights a week or, they say: There is a
little room there. It has a little settee, and somebody can go in there too
sometimes. So, I really feel that, myself, I want to be involved. If the
Montreal General is going to set up houses, I want to go there and look at the
place and meet the proprietor.
M. Pratt: And how do you recruit them? By adds or what?
Mme Rusgal: That is the difficulty. The process is that people
make applications. They say: All of a sudden, I have got some money; I can buy
a duplex where. I can carry on the maximum, nine, before it becomes a
"pavillon". I will go, I will say: I have this nice house. It is in your area.
I know how to take care of patients. Most of the time, that is the way people
get it, because of the shortage. When you get applications like this, I think
they are positively responded to.
M. Pratt: But you do give medical support to these families who
are receiving people?
Mme Gravel: Oh yes, we do. We get a lot of calls. When patients
are entrusted to the families, the hospital has the back-up and we tell them
that anytime they have a problem, they give us a call and if the patient gets
to be a difficulty, they send us back the patient right away without
question.
Mme Rusgal: Some.
Mme Gravel: We give them a lot of support.
Mme Rusgal: Some. With good homes, that happens. A lot of times,
I have to phone some landlords and say: Do you mind telling so-and-so to button
his shirt properly before he comes? Some patients have told me that they are
only allowed to take a shower once a week. We call and ask: Is that true?
Listen, the patients do not lie and I check it out a lot. Many times, we
entrust even medication to these proprietors. They are not trained, but there
are no other people.
M. Pratt: So that means you have to keep in touch with these
families.
Mme Rusgal: We do, we really do, and I have been really working
hard at this since I came to the Montreal General a year ago. I call them.
Because they have four houses, you cannot find them. The guy has just brought
his white Cadillac in for repair and so I cannot get hold of him. That is the
problem.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Merci, madame. J'aime bien -votre mémoire,
parce que vous y
apportez des suggestions qui me paraissent réalistes. Je voudrais
vous poser une question, parce que vous parlez beaucoup de la
désinstitutionnalisation, mais dans le sens que trop de malades sortent
et retournent, après cela, au centre se faire soigner. Je crois qu'on
nous a dit que tout près de 60 % retournaient à l'institution
après être sortis. Même s'il n'y avait que 10 % ou 15 % de
ces gens qui ne retourneraient plus à l'institution, qui pourraient
faire une vie presque normale, croyez-vous que le risque, avec les outils qu'on
a aujourd'hui, devrait être pris afin que ces malades puissent
réintégrer la société?
Mme Gravel: Well, if I understood your question...
M. Laplante: Ah oui! Vous comprenez tout:
Mme Gravel:... I think you are asking: What happens to the 15 %
who are coming all the time in the hospital? Is there a chance for them to
be...
M. Laplante: No.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Not exactly. What he said
is that even under the conditions we have right now, by putting them in the
community, even if only 15 % -we were told that 60 % keep coming back in and
out - of them stayed in the community and lived a more or less normal life,
with the facilities we have right now, should it be a risk that we should
take?
Mme Rusgal: Oh yes, we would be very happy. Listen, in this kind
of job that we are doing, there are very few fruit to be reaped, and I think if
one person out of 25 recovers, it is a laurel in our hat. You know, we really
feel good. I remember working three years in the community at Douglas
Hospital...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes, but do you take the
risk, as the facilities exist right now, to put them all back in the community
with the hope that maybe 15 % will be alright? (20 h 30)
Mme Rusgal: You cannot put them there. There are just not enough
facilities.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): OK.
Mme Gravel: Not right now. With the facilities we have, those who
are seriously ill, you know, not really prepared to go out, need quite a lot of
supervision. The mentally ill, the chronic mentally ill especially, need a lot
of prodding even while they are inside the hospital. They need constantly to be
reminded of what to do and they also have the habit of smoking. Their friends
are food and smoking. You know, if you deprive them of that, what else do they
have? So, they need supervision for smoking, especially those who smoke a lot,
and without supervision, really, it is very dangerous to let them out.
I visited the pavilions we run. We have three pavilions directly
supervised by the hospital and I am very pleased to tell you that they are
functioning well. For those patients who are there, the couple who runs it says
that actually if they were out, they would not be able to manage themselves.
Even if they wanted to go out on their own, in an apartment, they could not,
because they need a certain supervision, they need to be told: It is time for
your medication; it is time to take a bath, you know, it is time to go and take
a walk, because they would just mope and sit around, sit in their rooms and
sleep all day.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): But with more supervision
you would not mind sending these people out in the community.
Mme Gravel: I think so, yes, sure.
Mme Rusgal: Sure, yes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: In your document, you say a few times that you
are very worried about the population. You say that the population is not
really ready to receive those psychiatric people. How can you say that? They
call you back and they call the police?
Mme Gravel: Oh yes. In our area, I can say that in Verdun - I am
speaking about the area of Verdun - I really appreciate the people there
because they are a bit more tolerant now of our patients, but some of them are
very irate and not really happy that these patients are out. With the influx of
fires, they always think that perhaps it is our patients who have set the
fires. You know, they always blame the psychiatric patients that are in the
community and they suspect: Maybe they are the ones who set the fires around.
They say: Well, who would like to have a neighbour, you know, who is dangerous
to others? So, they have a second thought in mind. If they ever come to know
that their neighbour, their next-door neighbour is a child molester, do you
think that they will be happy about that? They will think twice and then start
to take action, maybe.
Mme Lachapelle: The reason is that the
people do not know anything about mental sickness.
Mme Rusgal: I would like to add to what Mrs. Gravel said and to
your question. As Community Liaison offices for the Montreal General, I visited
various resources: work, activities, everything. I have been going to places to
see what we can get for our patients, where we can integrate them. Naturally, I
went to the Manpower. They have community works programs. A welfare recipient
gets 150 $ to do community work. I have tried to say: Okay, what about if I
create a job, but I find the people to work there. They said: It is fantastic.
I said: I want to develop a receptionist job at the rehabilitation day centre,
but I have my own candidates. What kind of patients are these? Are they
handicapped? I said: They can answer the phone, they can take down messages,
they can slip messages under our doors, they are capable. I will not refer
anybody who is not capable of doing this. It took me four meetings to convince
them that this job could be carried out by these patients I was referring.
Okay, we have now the project. They are receiving 150 $.
I went to a work preparation program with the PSBGM. I said: OK, you
have a work preparation skill program; can I integrate some of our patients?
Patients? Yes, they are psychiatric patients! I think they should start doing
things normally, as the normal population does; come and learn how to work. I
assure you that they will be high functioning. I am told: Oh! They are violent,
you know, they may go berserk. I told them: Call me, do not receive anymore
referrals from me if these guys are going to be of trouble to you, because I
make sure that I am referring the right people to the right place.
We have four who have benefited from the PSBGM program, and this is not
a psychiatric resource, this is a resource for normal people, and we have four
who were very good at that program. They were there every day, they were
actually the four top-notch people in that program. You see how I can talk
about it, why I say that some can be rehabilitated. It is time to go and look
for a job and just because they are not as well-dressed as the other
applicants, the PSBGM was getting some questions like: Is there something wrong
with this guy? They do not look at the quality of their performance, they are
already leery about the fact that there is something weird about this fellow.
So these are the hassles that we are running into. Even if they found a job,
for example, some bosses are saying: There is something weird with this guy. In
fact, these two projects that I have good contact with are now saying: Alright,
we will accept them. That is the kind of education you need. You have to go one
by one to these people explaining to them. I am only one. If there were ten
like me, perhaps, to do this in a particular area, it would be faster, so that
they do not think that all psychiatric patients are incapable of doing
anything.
Mme Lachapelle: You should say more. The "patron" must talk about
that with the others. That is the way to change the mentality of the
people.
Mme Rusgal: Sure. I do, but there is only one of me. 1 am doing
it.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): One last question. We
talked a lot here about "les familles d'accueil". Do you still call them foster
homes, in English?
Mme Rusgal: Family care.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Family care. This is one
of the resources that we need in the process of reintegrating people in the
community. I would like to know... You said that a few are very good, but a lot
of them are really not so good. You are not the first one to tell us that. We
had someone this afternoon, we had another group - I forget whom now - who said
we should abolish family care for adults. We should use the money to develop
"des foyers de groupes".
Une voix: Coopératives.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Other types of resources.
Is it that it is getting to be more and more difficult to - I will call them
foster homes - develop good foster homes for individuals, for adults than it
used to be?
Mme Rusgal: I do not agree that we should abolish them. No.
Because the people who are staying in good foster homes really benefit from it.
I do not think that they should be abolished; however, we should develop good
ones.
Mme Gravel: Screen them. Screen those who are...
Mme Rusgal: Really. Say, for example, somebody...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): You say you should screen
them and I would like to pick up on something you said. I think that
Ville-Marie Social Services must be screening them, but, maybe, that is all
they have!
Mme Gravel: Yes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): And then we will say:
Refuse them.
Mme Rusgal: I think they should be refused. If somebody does not
look like the type of person who can take care of four people in his house, I
think he should be refused. I think if we are going to try to reach for
quality, we should sacrifice quantity for quality.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Did you say that you feel
there should not be more than two in a home? Did you say that? No?
Mme Rusgal: I did not, because they have different criteria: some
people get two, some people take four, some people take six.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): They are not allowed, I
think, to take six.
Mme Rusgal: You can take up to eight. It becomes a "pavillon"
urth nine.
Mme Gravel: No, nine is the limit.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): But then, it is not
called... I referred to it as a foster home; then, it is called a group
home.
Mme Gravel: Group home.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes.
Mme Rusgal: I think I have seen some foster homes where there
were two or three.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): OK.
I want to thank you for your presentation. I am still wondering if you
wanted to impress on us how, really, the patients can be badly treated,
particularly adult patients, when they go back to the community. On the other
hand, you gave us some very practical suggestions. I think that many points you
have made were right, in terms of what it is going to cost. What we have heard
is that for the first five years, from researches that were done in the States,
it is going to cost more. On the long run, it might sort of even off, but, at
the beginning, it is going to cost more if we are really going to proceed with
a greater number of people being kept in the community. We want to thank you
again and we will try to make good use of your brief.
Mme Rusgal: Can I ask a question?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes. Before you ask me
your question, before I forget, do you have a copy of the English text that you
have read?
Mme Rusgal: Yes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): So, if you... Yes, I will
take it.
Une voix: Do you mind, later?
Mme Rusgal: I would like to ask a question.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): I do not know if I will
be able to answer it, but you can ask it.
Mme Rusgal: Yes. We were asking questions that you have not been
able to answer yet, also, so, it is the same.
In terms of research about how much does it really cost to keep patients
outside versus inside the hospital, is there a research going on for this? Is
there a body really examining the cost of keeping patients in the hospital
versus letting them go out in the community?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): What they tell me is that
the one research that seems to exist has been done at the Montreal General and
it is called the "Fenton-Tessier Research". To answer your question, I could
not...
Mme Rusgal: That is with the DSC.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pardon?
Mme Rusgal: Le département de santé
communautaire?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non. For psychiatric
patients. Anyhow, I cannot answer you with certainty; I doubt it, personally.
But we could provide you with the exact answer, because we are going to meet
with the Department of Social Affairs early in September. But I doubt that
there is a rigorous complete study that has been made, because there are still
too many elements that we do not know, elements which should be included in
this, in order to give, you know, the proper care, though from one institution
to the other we could probably get figures. This afternoon, we had a group who
talked - it was this morning - about Sainte-Clothilde, where they have done the
complete transfer. It is the unionized people who came to tell us that
everything has been worked out to their satisfaction; there is proper
follow-up. So, it would be interesting. It was for retarded children, though;
it could be quite different in many aspects.
I think, probably, from case to case, we might be able to, but on a
large scale, I really do not think that there is a complete study.
Mme Rusgal: It would be very interesting to answer all of our
questions about financial cost.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes. Thank you very
much.
Mme Rusgal: Thank you. Mme Gravel: Thank you.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, j'invite
maintenant les représentants de l'hôpital
Rivière-des-Prairies à venir faire leur présentation.
Bonsoir Dr Mackay. Je vais vous demander de présenter vos...
Hôpital Rivière-des-Prairies
M. Mackay (Jacques): Mme la Présidente, honorables membres
de la commission, mon nom est Jacques Mackay; je suis le directeur
général de l'hôpital Rivière-des-Prairies. À
ma droite, Mme Ghislaine Saint-Cyr-Perreault, directrice des soins infirmiers
dans notre établissement. À ma gauche, le Dr Manuel Galiana,
directeur des services professionnels dans notre établissement.
Nous allons tenter d'établir certaines questions de fond sans
être toutefois trop théoriques, j'espère. À la
période de questions, si vous le souhaitez, nous pourrons être un
peu plus concrets.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je veux simplement vous
dire, Dr Mackay qu'on vous remercie du mémoire, mais on n'a pas eu le
temps de le lire. Alors, on va vous suivre. (20 h 45)
M. Mackay: Comme il est court, Mme la Présidente, je vais
tenter de le lire intégralement, peut-être en y ajoutant quelques
commentaires additionnels.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
M. Mackay: Soulignons que les désavantages de vivre en
institution ont été soulignés de façon très
insistante depuis au moins vingt ans. Les aspects nocifs du vécu
institutionnel sont principalement associés à des choses
très importantes: la perte d'autonomie, l'appauvrissement des rapports
interpersonnels et la perte souvent presque totale du sentiment
d'intimité. C'est très important, parce que cela appartient un
peu à la nature même de la situation de l'institution. On n'a pas
à le nier.
Historiquement, ce sont des conditions de vie matérielle
misérables quant à la nourriture, au logement, aux
vêtements et même aux loisirs qui confirmaient le sort lamentable
que nos sociétés réservaient à tous ceux qu'elles
excluaient de leurs rangs. Car il faut bien reconnaître qu'il s'agit
d'une véritable exclusion et que, dans les grands établissements
dont nous parlons, ceux qu'on y retrouve sont des gens qui ont
été rejetés de partout. Ce serait être naïf que
de l'oublier, puisque ce n'est pas sans des stratégies très
particulières qu'on pourra contrer cet élément de
rejet.
Les étiquettes qu'on a utilisées d'âge en âge,
j'oserais dire, pour caractériser ces personnes vouées à
l'enfermement, à l'internement ou à l'exclusion nous
ramènent toujours à la notion fondamentale d'un rejet par la
société. Qu'on rebaptise la prison du nom d'asile, l'asile du nom
d'hôpital psychiatrique, l'hôpital psychiatrique du nom de centre
d'accueil, le centre d'accueil du nom de pavillon, rien ne doit nous faire
oublier que la question fondamentale demeure celle de l'exclusion par la
société. C'est aussi la question du prix qu'une
société dite civilisée sera prête à payer
pour mieux tolérer ce qu'elle a tendance à exclure ou pour donner
au moins un vécu plus humain à ceux qu'elle ne peut pas
réussir à intégrer.
Lorsqu'en 1979 l'hôpital Mont-Providence devint l'hôpital
Rivière-des-Prairies, ce changement de nom voulait marquer une brisure
avec une certaine tradition. Il voulait marquer aussi un engagement
résolu dans la voie de l'insertion communautaire et de la
désinstitutionnalisation.
Dans le rapport de la commission Bédard, de 1962, on
dénonçait un entassement inacceptable de plus de 1100 malades au
Mont-Providence, dans les mêmes édifices qui sont maintenant les
nôtres, ainsi qu'une insuffisance flagrante de soins infirmiers et
professionnels.
Depuis, entre 1962 et 1968, le Mont-Providence a connu une
période de progrès intéressants: diminution de la
clientèle à environ 850 lits, recrutement de psychiatres et de
personnel professionnel de différentes disciplines, ouverture d'ateliers
thérapeutiques, etc. Mais des problèmes majeurs subsistaient.
Si on suit l'histoire, à n'importe quel endroit, des
établissements qui ont pour vocation d'accueillir les plus
perturbés des handicapés mentaux, on se rend compte partout que
ce sont, par définition, des clientèles tellement difficiles
qu'il faut investir des efforts humains et professionnels considérables
pour contrer la tendance inévitable au découragement, à la
perte d'intérêt humain et professionnel, en somme au rejet.
En 1969, il n'y avait plus au Mont-Providence qu'un seul psychiatre. La
liste d'attente pour hospitalisation s'élevait a plusieurs centaines et
les mises en congé étaient extrêmement rares. Les meilleurs
effectifs professionnels, comme c'est toujours
la tendance même aujourd'hui, cherchaient à travailler
auprès des clientèles les moins atteintes, celles dont les
pronostics de guérison étaient les meilleurs et celles dont le
comportement était le moins difficile ou le moins répugnant.
C'est pour ces raisons, comme partout ailleurs, qu'on connaissait le
genre de ségrégation implanté en fonction non seulement du
sexe, mais surtout de la sévérité de ladite pathologie, le
tout consacrant la mononotonie institutionnelle. Et surtout, ce même
rejet était intensifié davantage là où le patient
avait été classifié comme plus lourd. Plus le partient
était un cas lourd, moins on s'en occupait et moins ses conditions de
vie étaient décentes ou acceptables. Par cas lourds, j'entends
les gens qui sont intolérables par leurs crises, par leur comportement
imprévisible, par le fait qu'ils se jettent tout à coup sur les
murs, qu'ils peuvent agresser quelqu'un, qu'ils peuvent se mettre à
hurler tout à coup, qu'ils peuvent se mettre à avoir des
comportements que je n'oserais même pas décrire ici, des choses
qui sont la réalité de ces malades et qui sont ignorées de
la société qui a toujours cherché à les cacher
derrrière des murs, la plupart du temps très
éloignés des villes.
En clair - et c'est un problème que nous n'avons pas fini de
résoudre - plus la personne est sérieusement atteinte, moins le
personnel qui s'en occupe a l'habitude d'être compétent et
motivé pour s'occuper de son traitement ou de sa réadaptation.
Alors, toute tentative d'une société pour prétendre
maintenir dans son cadre ou reprendre dans son sein ces personnes dont le mode
de comportement, les attitudes, le fonctionnement social les rendent
naturellement vulnérables à un rejet social massif, toute telle
tentative doit prendre en considération de façon
systématique chacun de ces points cruciaux que nous venons
brièvement d'évoquer.
Si l'on prétend contrer ces tendances -c'est ce que fait la
désinstitutionnalisation -la condition préalable essentielle
consiste à augmenter considérablement la tolérance et la
capacité d'accueil des familles et des milieux sociaux pour les
clientèles présentant des perturbations
sévères.
Je vous dirai ici que dans un hôpital qui accueille des enfants la
situation est particulièrement évidente, car vous comprendrez que
ce n'est pas de gaieté de coeur que des parents se détachent de
leur enfant pour le placer dans une institution. C'est après des
déchirements terribles et ce sont des enfants très atteints en
général qui sont amenés pour demeurer longtemps en
institution. Nier cela, c'est se fermer les yeux sur une réalité
très importante.
À l'heure actuelle, dans notre société, on trouve
très peu de signes encourageants, selon moi, qui montreraient que nos
familles et nos regroupements sociaux ont augmenté de façon
significative leur tolérance envers le type de clientèle dont
nous parlons - c'est bien le type de clientèle dont nous parlons -ceux
qui sont vraiment très atteints.
Cependant - ici, je redeviens un peu optimiste - l'expérience
poursuivie depuis quinze ans à l'hôpital
Rivière-des-Prairies permet d'affirmer que des efforts
systématiques entrepris en ce sens peuvent donner et donnent des
résultats extrêmement encourageants, tant pour ce qui est de
conserver a l'intérieur d'un milieu social aussi normalisant que
possible les personnes présentant des attitudes et des comportements
déviants que pour établir des stratégies efficaces de
retour satisfaisant dans la société pour une clientèle
ayant jusqu'alors été considérée comme
infailliblement vouée - et je dirais condamnée - au vécu
permanent en institution. C'est dire que l'espoir, on ne l'abandonne pas
volontiers, mais cela ne veut pas dire non plus qu'on se fait des illusions
trop facilement. C'est pour cela que souvent, on a l'impression que cela tangue
un peu à droite et que cela tangue un peu à gauche, parce que le
juste milieu n'est pas facile à trouver.
Nous allons maintenant, si vous le voulez bien, résumer les
stratégies de base qui ont été utilisées chez nous
à l'hôpital Rivière-des-Prairies depuis quinze ans dans
cette perspective. Je voudrais faire allusion aux résultats que nous
avons obtenus, aux obstacles que nous avons franchis et vous souligner ceux qui
demeurent à franchir. Selon nous, l'histoire de ces quinze
dernières années reflète bien la problématique de
base de toutes les questions qui se posent présentement au sein de la
présente commission.
Du côté de la porte d'entrée, que faire? Il s'agit
de recourir le moins souvent possible à la mise en institution,
d'assurer que cette mise en institution est conçue comme une prise en
charge temporaire. Il s'agit d'éviter au maximum de refouler trop
facilement les cas difficiles vers des structures présumément
mieux expérimentées pour s'en occuper, alors que j'oserais dire
ici que c'est parfois simplement une façon de s'en débarasser. Il
s'agit de contrer la notion de permanence du placement et de maintenir à
chaque niveau du système un mécanisme prévoyant et
préparant le retour d'un patient, et cela dès que possible, dans
une structure plus légère et éventuellement dans son
milieu naturel chaque fois que c'est possible. Un des premiers prérequis
est qu'on maintienne un niveau raisonnable d'espoir dans les familles,
accompagné surtout d'une aide professionnelle technique
appropriée, de façon à rendre cet espoir autre chose qu'un
voeu pieux.
Si vous demandez à des gens de garder
un grand malade chez eux, il faut quand même avoir le
réalisme de les aider a le faire. Ce n'est pas toujours le cas. Cela
implique aussi que les professionnels de la santé cessent de recommander
trop facilement aux familles de placer leur enfant. Là-dessus, des
progrès évidents ont été effectués, dans les
dernières années, à plusieurs niveaux.
Je me souviens de rencontres avec des pédiatres d'un
hôpital important de Montréal, il y a quelques années,
où il fallait combattre une tendance à institutionnaliser un
jeune bébé dès qu'il manifestait des signes de
déficience. Là-dessus, Mme la Présidente, nous avons fait
des gains importants.
Mais, là encore, il convient d'apporter une aide
spécifique à ces familles et un support professionnel aux
équipes de première ligne. Sur ces deux seuls points, support aux
familles et équipes de première ligne, un travail énorme
reste à accomplir. À l'hôpital Rivière-des-Prairies,
l'hospitalisation est perçue comme le dernier recours et elle est
systématiquement conçue comme devant être la plus
brève possible.
Depuis plus de douze ans, nos équipes psychiatriques sont
implantées dans quatre CLSC et donnent des consultations sur contrat de
service à plusieurs centres d'accueil. Malgré un fonctionnement
harmonieux entre les équipes des CLSC et les équipes
psychiatriques de notre hôpital travaillant dans leurs murs - nous sommes
fiers de cette harmonie; elle est réelle - il n'est pas, selon nous,
exagéré de dire que, même dans ces conditions favorables,
les équipes dites de première ligne se sentent soit peu aptes,
soit peu désireuses de prendre en charge elles-mêmes les cas qui
se présentent comme trop, disons déviants, difficiles ou qui font
peur ou qui dérangent.
Par ailleurs, dans de nombreux cas, un appui suffisant de
l'équipe professionnelle et particulièrement du service social
facilite grandement un maintien dans la famille de façon
bénéfique pour le patient et bénéfique pour la
famille elle-même.
Nous insisterons maintenant davantage sur le volet du retour en
société de personnes pour qui cette société et les
professionnels avaient déterminé depuis longtemps leur inaptitude
permanente à vivre dans cette dite société. Encore
aujourd'hui, on a tendance à effectuer une ségrégation
dans des milieux institutionnels spécialisés de toutes les
clientèles déviantes: centres d'accueil spécialisés
et plus particulièrement hôpitaux psychiatriques.
On a cessé par ailleurs, et c'est très bien, de
considérer la déficience mentale en elle-même comme un
trouble psychiatrique. C'est ainsi que sur les 850 patients qui se trouvaient
à l'hôpital Rivière-des-Prairies en 1969, plus de 200
d'entre eux n'y auraient jamais été hospitalisés
d'après nos critères actuels. C'est important.
Il s'agit, en somme, de cas où ni le degré de
déficience mentale à l'époque, ni le degré des
troubles du comportement, de la pensée ou de l'affectivité
n'empêchent la réussite des stratégies traditionnelles de
réinsertion sociale. Et par stratégies traditionnelles de
réinsertion sociale, j'entends la famille d'accueil, les
stratégies que nous avons connues depuis vingt ans et qui sont efficaces
dans certains cas, insuffisantes dans d'autres.
C'est pourquoi, entre 1969 et 1972 -ces chiffres sont importants -
l'hôpital Rivière-des-Prairies a pu diminuer sa population
hospitalisée de 850 à 700 lits, en même temps qu'il
éliminait toute liste d'attente pour hospitalisation et en effectuant,
dans le même temps, plus de 200 hospitalisations de jeunes enfants
âgés de moins de dix-huit ans.
C'est dire qu'au net, nous avions pu, en un temps assez rapide,
effectuer la réinsertion sociale de plus de 300 personnes
institutionnalisées dont bon nombre avaient déjà atteint
l'âge adulte en institution. Nos stratégies principales
étaient simples: Le retour en famille naturelle avec du support et, plus
souvent encore, la mise en famille d'accueil, alors appelée foyer
nourricier ou foyer affilié. (21 heures)
Je me souviens de l'époque où notre service social
était considéré comme le plus apte à trouver le
genre de famille d'accueil qu'il pouvait, à telle enseigne que d'autres
services sociaux nous demandaient d'hospitaliser des enfants afin que notre
service social puisse leur découvrir un placement que les services
sociaux de l'époque ne pouvaient pas trouver sans passer par le biais de
notre établissement. Ce qui prouve, en passant, le besoin d'une certaine
expertise dans le domaine pour réussir ces
stratégies-là.
Ce processus, que nous avons vécu et que je viens de vous
décrire, de réduction du nombre des patients hospitalisés,
s'est effectué graduellement, mais de plus en plus lentement et plus
lentement que les objectifs que nous nous étions donnés. Nous
avons tout de même réussi, à la date de 1980, à
diminuer notre nombre de patients hospitalisés à 600, toujours
dans les mêmes murs. Pendant ces dix années, à
l'intérieur de l'établissement, nous avons fait essentiellement
trois choses: Nous nous étions attaqués directement à la
stagnation et à la monotonie institutionnelle en abolissant la
ségrégation selon les niveaux de pathologie et selon les sexes,
et en créant des conditions favorables à l'acquisition de
l'autonomie et de l'intimité au moyen de la formation de petits groupes
de douze à treize patients pour remplacer les grands ensembles de 40
à 50 malades. Dans le
même temps, la sortie des patients était
préparée par un accent systématique mis sur l'acquisition
des apprentissages permettant la vie en société, que ce soit par
le biais d'acquisitions au niveau du comportement alimentaire et vestimentaire
ou que ce soit au niveau plus complexe d'un comportement tolérable en
société. Car cela n'a l'air de rien, mais simplement d'apprendre
à un jeune à prendre l'autobus sans que cela fasse hurler tout le
monde peut être un progrès important, pour ne choisir qu'un
exemple.
Enfin, nous avions, d'année en année, augmenté
systématiquement le niveau de formation et de compétence de
toutes les équipes soignantes. Ce qu'il faut bien souligner maintenant,
c'est à quel type de résistance s'est heurté notre
volonté systématique de réinsertion sociale et de
désinstitutionnalisation. D'une part, comme on aurait pu s'y attendre,
nous avions réussi dans un premier temps la réinsertion sociale
des patients qui présentaient les degrés les moins marqués
de perturbation, c'est un peu normal. Ainsi, dès 1972, nous avions
déjà libéré tous les patients atteints de
déficience mentale légère ou de troubles psychiatriques
suffisamment légers pour permettre un accueil relativement facile
à l'extérieur. Nous avions déjà même
amorcé des réussites intéressantes dans le cas de
placement de patients beaucoup plus sévèrement handicapés
soit au niveau d'un déficience plus importante soit au niveau d'un
comportement social plus régressé ou plus inadéquat.
Ici, je souligne ce à quoi nous allions nous heurter de plus en
plus: c'était à la lourdeur de la pathologie elle-même. Il
faut bien ici, Mme la Présidente, se rappeler, en colligeant tous les
mémoires, que les mêmes mots ne couvrent pas toujours la
même réalité et que certains des patients que nous traitons
sont des personnes dont nous ne pouvons pas nous attendre à une
guérison totale. Ce qui est vrai en médecine physique et
n'étonne personne ne devrait pas nous étonner dans un domaine
comme la santé mentale. Personne ne s'attend qu'aucun docteur
guérisse le diabète. On s'attend qu'on maintienne le
diabétique en condition raisonnable de fonctionnement pendant un certain
nombre d'années. On n'a pas encore réussi à empêcher
qu'ils aient une espérance de vie moindre. Personne ne guérit le
diabète et personne n'en blâme qui que ce soit. Il y a certaines
pathologies psychiatriques très graves qui sont de cette même
nature, incurables. Cependant, il importe que, dans chaque cas, on ne se
permette jamais d'enlever l'espoir à la famille et au patient
lui-même. C'est la stratégie la plus humaine. C'est celle aussi
qui permet d'éviter l'erreur de dire: Lui, il ne pourra jamais sortir,
enferme-le là. On n'est pas toujours si prétentieux que de croire
que nous sommes toujours capables de prédire correctement; ce serait
plutôt modestement le contraire.
Dans un même temps, dans les années soixante-treize, et
nous avons terminé vers 1974, nous avons préparé une
étude effectuée par Gauthier, Laurendeau et Mackay
démontrant que - c'était une étude qui portait sur tous
les patients que nous avions, si vous voulez, réinsérés
socialement pendant les années précédentes - même
là où nous avions réussi la réinsertion sociale
selon toute apparence, parce que ce ne sont pas des patients qui revenaient;
ils semblaient ne pas déranger là où ils étaient,
nous avons été forcés de conclure par notre étude
qu'ils semblaient ne pas jouir d'une qualité de vie dans tous les cas
particulièrement satisfaisante. Les fameux foyers affiliés de
l'époque qui, lorsqu'ils dépassaient le nombre de neuf sont
devenus des pavillons, nous ont souvent paru des reproductions sur une petite
échelle de l'ancien asile que nous avions voulu détruire. Nous
étions donc forcés, je le souligne ici, de conclure qu'il ne
suffit pas que le nombre de patients soit réduit pour que la
qualité de vie en soit nécessairement améliorée.
Cela me paraît très important, quand on établit des grands
principes, de ne pas se faire d'illusion là-dessus non plus, sans tout
de même nier ce que nous avons déjà affirmé,
à savoir que c'est plus facile quand c'est petit que quand c'est trop
gros.
Par ailleurs, le vieillissement de la population sédimentaire
chez nous, ou ailleurs j'imagine, hospitalisée avant l'âge de 18
ans... Pour être hospitalisé de façon prolongée
avant l'âge de 18 ans, sans être des experts dans le domaine, cela
suppose effectivement des pathologies sévères. Donc, ces patients
qui avaient été hospitalisés avant l'âge de 18 ans
qui n'avaient pas pu être l'objet d'une réinsertion sociale,
devraient retenir, je pense, l'attention de cette commission comme un
phénomène hautement significatif sur les limites de nos pouvoirs.
En effet, comment expliquer que, malgré les mises en congé
relativement nombreuses, même parmi la clientèle ayant
déjà connu une vie de plusieurs années en institution,
nous avons assisté au cours des dix dernières années au
phénomène suivant: D'année en année, le nombre de
nos jeunes hospitalisés qui atteignent l'âge adulte dans
l'établissement dépasse le nombre de jeunes adultes que nous
sommes en mesure de mettre en réinsertion sociale. C'est la
réalité. Cette situation ne peut être attribuée
qu'à l'alourdissement de la clientèle, qui n'a pas chez nous
été masquée par le transfert de nos adultes dans d'autres
établissements, puisque la situation qui a prévalu depuis 1970 a
été que les établissements pour adultes, hôpitaux ou
centres d'accueil, tous effectivement déjà
débordés, n'ont jamais été en mesure d'offrir un
transfert de nos jeunes adultes de l'hôpital
psychiatrique Rivière-des-Prairies à un lieu de
psychiatrie adulte ou à tout autre milieu d'ailleurs qui n'était
pas celui que nous avions aménagé nous-mêmes.
Ce qu'il faut retenir, croyons-nous, de cette expérience
extrêmement significative et qui n'est pas des plus réjouissante,
c'est que plus la clientèle est sévèrement
handicapée, plus les stratégies de placement deviennent à
la fois complexes, aléatoires et coûteuses. Non seulement la
résistance du milieu augmente, mais dans le meilleur des contextes il
faut faire appel à un support professionnel et paraprofessionnel
important et effectuer un travail de préparation beaucoup plus
stratégique, tant pour préparer la sortie que pour maintenir le
patient dans son milieu social après sa sortie.
À une question que Mme la Présidente posait tout à
l'heure je répondrais qu'en effet il est nécessaire de faire des
tentatives même si neuf sur dix d'entre elles ou, comme M. Laplante le
disait, même si plusieurs vont échouer, il faut les faire. Mais,
il faut quand même les faire avec mesure, en calculant les chances de
réussite et en mettant les stratégies en place qui vont permettre
un maximum de réussite dans chaque cas. C'est du cas par cas; il n'y a
pas de règle absolue qui s'applique à chacun des patients.
C'est pourquoi, une fois la période de
déségrégation asilaire réussie, et j'entends par
là que nous avions dès 1969, je l'ai dit tout à l'heure et
je veux expliquer ce que cela veut dire... Il y avait traditionnellement des
gens qui étaient dans ce qu'on appelle les "backwards", c'étaient
des gens qui étaient tout nus, des gens qui criaient partout, des gens
qui faisaient leurs besoins sans contrôle. Cela allait dans des salles
très éloignées que personne ne voyait. Cela faisait une
salle. Ceux qui étaient un peu mieux étaient dans une autre salle
et ceux qui étaient un peu mieux étaient dans une autre salle.
Ceux qui étaient vraiment en espoir de sortie étaient dans la
meilleure des salles et c'était là que les professionnels, les
psychiatres et tous les gens compétents allaient travailler avec,
évidemment, une certaine mesure de succès. Le processus,
dès 1969, cela a été de défaire tout cela, cela a
été de prendre tout ce monde et de les brasser, de donner
à chaque équipe sa proportion de beaux cas, de moyens cas et de
cas épouvantables. Cela a été une opération que je
pense salutaire, qui a été vraiment difficile, extraordinaire et
féconde et qui a peut-être été le démarrage
d'une obligation pour des gens, ou d'un intérêt nouveau pour des
professionnels de s'intéresser à une clientèle que
jusqu'alors personne ne regardait parce qu'elle avait été
laissée définitivement dans l'oubli, définitivement
vouée à la mort asilaire, si on peut employer cette expression un
peu dramatique.
Bon! Je m'égare.
Ce que je veux vous dire, c'est que maintenant que nous avons
réussi cette opération, nous éprouvons le besoin, depuis
quatre ou cinq ans, de revenir à une étape de regroupement par
programme, de façon à articuler la formation du personnel autour
de certains besoins spécifiques. Là, il ne s'agit plus d'une
sédimentation par les degrés d'oubli, mais d'une
professionnalisation par les degrés de besoin, j'espère que c'est
clair.
En complémentarité, il a été essentiel, pour
nous, de développer davantage et de diversifier les ressources de notre
service des ateliers et d'encadrer nos patients devenus externes d'une
équipe de professionnels et d'intervenants communautaires qui se
préoccupent de la qualité de leur vécu, du maintien de
leur réadaptation, pour réussir, dans une large mesure, à
éviter les réhospitalisations que nous ne pouvons pas, de toute
façon, éviter complètement, auxquelles nous avons donc
tout de même à faire face de temps à autre et qui sont les
risques calculés que nous prenons.
Pour donner une image concrète et saisissante de la
difficulté accrue de faire la réinsertion sociale après
qu'on a vraiment réglé le problème des cas les plus
faciles, je vous dirai que notre objectif, comme hôpital, d'effectuer,
l'année dernière, pour 1984-1985, la réinsertion sociale
de 30 bénéficiaires adultes hospitalisés, c'était
notre objectif. On le savait ambitieux, quelques-uns d'entre nous
espéraient l'atteindre. Il n'a pu être atteint et, au net, en
tenant compte de nos échecs qu'on a toujours et qui conduisent à
une réhospitalisation, notre bilan effectif, pour l'année, n'a
été que de neuf bénéficiaires que nous avons pu
sortir, au lieu de 30. Et 30, ce n'était quand même pas 600.
Alors, vous avez une échelle de la difficulté et, au moment
où je vous parle, nous envisageons, nous allons être forcés
de maintenir ouvert, à l'interne, un groupe de treize patients que nous
avions tout mis en place pour fermer, parce que les 30 patients ne sont pas
sortis.
Ne perdons jamais de vue que ce qui permet le plus facilement à
une famille ou à une société de prendre le risque
d'intégrer une personne handicapée mentalement, c'est l'assurance
qu'une structure d'accueil demeure sur-le-champ disponible lorsque survient,
comme il arrive malheureusement de façon inévitable, certaines
désorganisations. Autrement dit, si vous voulez que les gens prennent le
risque d'accepter un handicapé mental dans leur famille ou même
dans leur famille d'accueil ou sur le coin de leur rue, il faut qu'ils sachent
que le jour où il va commencer à hurler et à tapocher
partout, il y aura une place où ils pourront venir tout de suite. Cela,
c'est une fonction qu'on a comprise et c'est un service qu'on offre,
c'est-à-dire que dès que cela se
désorganise, tu n'as pas besoin de passer par des comités,
cela revient immédiatement. Cela, c'est quand même
extrêmement important. (21 h 15)
Disons tout de suite quand même que l'ensemble du dispositif, je
parle du personnel de soutien, des services communautaires, des ateliers - je
n'ai même pas mentionné les questions de dispositifs comme le
projet Arrimage qui permet des placements dans le milieu du travail normal pour
des exbénéficiaires des hôpitaux - tout cela,
évidemment coûte cher. Soulignons, cependant, que l'hôpital
Rivière-des-Prairies n'a obtenu aucun budget additionnel pour effectuer
les développements auxquels nous venons de faire allusion. Ce n'est pas
un reproche que je fais à personne, c'est pour dire que, tout de
même, à partir de la réallocation de postes
libérés grâce à la diminution du nombre de patients
hospitalisés, nous avons pu créer des postes en ateliers, en
services communautaires et, plus récemment, dans notre système de
résidences dont je vous parlerai brièvement.
Avant d'en venir à ce réseau des résidences de
l'hôpital Rivière-des-Prairies, il conviendrait d'aborder
brièvement la question du cadre juridique dans lequel ces
résidences sont construites. 11 est clair que les familles d'accueil qui
sont prévues dans les règlements de la loi ne sauraient suffire -
nous en avons entendu des allusions intéressantes tout à l'heure
- aux types de clientèles dont nous nous occupons et,
particulièrement, à certains adultes.
Il est vrai que la notion nouvelle de famille d'accueil spéciale
et de famille d'accueil de réadaptation constitue un progrès par
rapport aux normes de simple famille d'accueil précédente, ce qui
voulait dire que papa et maman pouvaient s'occuper d'handicapés mentaux
tout d'un coup comme cela. Donc, on parle maintenant de famille d'accueil plus
spécialisée, mieux rémunérée, de famille
d'accueil de réadaptation. Mais cette notion même que c'est une
famille qui accueille, elle ne peut pas suffire. Il faut trouver des ressources
plus professionnelles pour s'occuper des clientèles lourdes; et les
règlements présentement ne le prévoient pas. Donc, des
ressources résidentielles d'un autre type doivent être mises sur
pied. Nous avons pu le faire avec la collaboration étroite du Conseil
des services sociaux du Montréal métropolitain et avec l'appui du
conseil régional. Nous avons pu aller aux limites juridiques des
règlements de la loi pour établir un modeste réseau de
douze résidences de quatre patients chacune et de quelques appartements
supervisés. Ce à quoi nous pouvons faire appel ici, c'est
peut-être à certains assouplissements dans les
réglementations qui rendent plus facile aux établissements de
créer certaines ressources utiles après, bien sûr, avoir
établi leur utilité et leur sérieux.
Quant à nous, nous sommes convaincus de l'importance de
créer tout un réseau de ressources intermédiaires. J'ai
mis en annexe des textes sur lesquels j'ai déjà apporté
une réflexion à des congrès de l'Association des
hôpitaux au cours des deux dernières années, parce que
ça discute un peu de ces questions-là. Un aspect fondamental de
ces textes-là, c'est qu'à mon avis, il faut une diversité
de ressources. Il nous faut bloquer les initiatives de personnes. Le
problème est tellement vaste, les étiquettes sont tellement
trompeuses parce que les uns parlent de déficience mentale, les autres
parlent de patient psychiatrique, les autres parlent de personne
psychiatrisée. En réalité, chacune de ces
personnes-là peut présenter des problèmes fort
différents. Certaines d'entre elles peuvent être
adéquatement aidées par des bénévoles, par les
associations qui se donnent le mandat extrêmement utile de
répondre à l'angoisse de ces gens-là, de leur offrir de la
chaleur humaine, des orientations ou de la sympathie. Je crois que rien ne doit
être rejeté. Il ne faut pas - c'est là-dessus que je
terminerai, Mme la Présidente - il ne faut pas tout de même, en
aucun cas, perdre de vue que les clientèles lourdement
handicapées mentalement sont des proies faciles - on en a entendu un
exposé tout à l'heure qui m'a beaucoup frappé - des proies
faciles.
Une institution hospitalière qui maintient des normes de
qualités dispose heureusement de certains moyens de contrôle, de
possibilités de mise en commun des compétences professionnelles
diversifiées qui permettent d'assurer un suivi adéquat de ces
personnes. Il ne faut pas prétendre vider les ressources
intermédiaires de l'appui de ces compétences-là et de la
supervision de ces compétences. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas
non plus favoriser l'émergence d'initiatives nouvelles à toutes
sortes de niveau; ce qui ne veut pas dire que les CLSC n'ont pas à se
tailler une place, dans le domaine de la santé mentale, que la loi leur
permet d'occuper et qu'à ma connaissance, ils n'ont pas encore
occupée particulièrement activement.
Donc, je crois - c'est là-dessus que je conclurai - qu'il y a de
l'ouvrage pour tout le monde et qu'il n'y a pas à s'arracher la
juridiction de tout ce vaste domaine où, de toute façon, on
n'arrivera jamais à répondre à tous les besoins, mais
où on peut quand même mettre un peu d'ordre, encourager la
créativité et l'initiative, faire surtout appel aux
compétences en place et permettre par une réglementation moins
rigide de favoriser des expériences nouvelles quand elles
émergent du milieu professionnel ou de certains établissements.
Je vous remercie de votre écoute.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie
beaucoup, Dr Mackay, d'être venu partager avec nous l'expérience
de Rivière-des-Prairies. Pour ceux qui ont connu
Rivière-des-Prairies ou Mont-Providence dans les années - on ne
dira pas en quelle année, parce que cela va nous faire paraître un
peu vieux ou vieilles - il faut bien réaliser qu'un énorme chemin
a été parcouru depuis ce temps.
J'aimerais, dans la mesure où c'est possible... D'autres
expériences nous ont été relatées ici des endroits
où cela ne fonctionne pas, où cela a mal fonctionné,
d'autres où cela a fonctionné. Quand vous parlez des cas les plus
lourds que vous avez réintégrés jusqu'à un certain
point dans la communauté, que vous avez
désinstitution-nalisés, est-ce qu'il s'agit de cas de
déficience profonde? Est-ce qu'il s'agit de cas d'enfants psychotiques,
de jeunes psychotiques qui ont vieilli en institution? De quoi s'agit-il?
M. Mackay: II s'agit de plusieurs choses. En
réalité, il y a, parmi cette clientèle, un certain nombre
de patients qui ont un diagnostic de déficience modérée ou
parfois même profonde. Ces diagnostics, Mme la Présidente - j'ai
insisté là-dessus pas trop lourdement tout l'heure - je reviens
sur le fait que ce n'est pas toujours le diagnostic qui est le plus
éclairant. Au fond, c'est la difficulté d'être
toléré par le milieu.
Vous avez des déficients qui ont un certain niveau de profondeur
et qui ne sont pas dérangeants. Vous avez certains psychotiques qui
peuvent halluciner dans leur coin et qui ne sont pas dérangeants. Nous
avons, à l'hôpital, des gens qui se promènent dans le
corridor et qui sont très gentils avec nous, mais que nous ne sommes pas
capables de mettre en familles d'accueil ou en foyers, parce que, tout à
coup, cela éclate à un moment que vous ne savez pas.
Effectivement, c'est plutôt, dans notre jargon à nous, du
domaine de la psychose, si vous voulez. Mais, en réalité, c'est
très difficile de discuter de ce genre de chose entre nous, même,
parce que nous ne parlons pas toujours de la même chose avec les
mêmes mots. Et je dois faire amende honorable pour la profession, ce
n'est pas parce qu'on ne voudrait pas, mais c'est parce qu'on s'y perd.
J'ai assisté à des séances où plusieurs
psychiatres devant le même vidéo posaient des diagnostics
différents. Il ne faut quand même pas penser que c'est parce
qu'ils sont de mauvaise foi; c'est parce que c'est extrêmement
imprécis, fluide. Il est très dangereux, quand on
légifère ou quand on fait des documents sur lesquels on va axer
toute une politique, de s'axer sur des statistiques basées sur des
diagnostics qui, de toute façon, ne reflètent pas toujours les
mêmes réalités.
Je peux vous dire qu'on peut vous sortir 300 dossiers chez nous
où c'est écrit "déficience mentale", mais cela ne veut pas
dire que ce sont des cas de déficience mentale. Si c'étaient
juste des cas de déficience mentale, cela ferait longtemps qu'ils ne
seraient plus là. C'est quand même cela qui est fondamental, parce
que le diagnostic ne reflète pas toujours la difficulté
d'organiser le vécu du patient.
Vous pouvez très bien avoir un patient psychotique qui n'est pas
dérangeant, alors que le mot "psychose" fait peur. Vous avez, dans la
société, probablement un certain nombre de gens très
dangereux qui circulent. Je dis probablement; nous le savons, parce que chaque
fois qu'il se commet des meurtres ou des choses extraordinaires qui sont
attribués, par la suite, à des troubles mentaux, ces gens, avant
qu'ils commettent leur action, n'avaient pas été
hospitalisés, dans la plupart des cas; ils n'avaient pas
été identifiés.
À l'inverse, les gens dans nos établissements sont
rarement les auteurs de méfaits. C'est assez intéressant que ce
sera rarement souligné. C'est vous dire où commence et où
s'arrête le danger, où commence et où s'arrête la
possibilité d'établir une stratégie pour donner à
quelqu'un la chance de vivre une vie & peu près raisonnable. Je
pense que c'est à juger de près dans chaque cas et que même
ceux qui connaissent le patient s'y trompe. C'est-à-dire que nous avons,
à l'intérieur même de nos établissements parfois,
des surprises avec des gens que le personnel connaît bien et dont il ne
s'attendait pas à certains moments que telle ou telle chose arrive.
Pourquoi s'en surprendre alors que c'est le cas dans la société
en général? Un monsieur qui, tout à coup, un bon matin,
apprend que son voisin a tué sa femme, ne s'attendait pas à cela
lui non plus et personne ne s'attendait à cela dans bien des cas. Je ne
veux pas dramatiser, mais je crois que c'est important, quand on envisage toute
cette problématique, d'avoir l'humilité de ne pas se cantonner
dans des catégories rigides.
Je m'égare un peu, mais à la question que vous posiez pour
savoir de quelle clientèle lourde il s'agit, il peut s'agir de ce
patient qui délire et qui faisait peur aux gens, mais qu'on a
réussi à placer parce que, finalement, son délire est
gentil et que c'est plus facile de le tolérer. Et finalement, cela se
passe assez bien en résidence. On a l'impression que c'est plus
agréable pour le patient et que même cela s'améliore, ses
crises sont moins nombreuses, ses désorganisations moins
fréquentes, son sourire est plus coutumier. On a pris quelqu'un de
psychotique qui est encore psychotique, mais qui peut vivre en
résidence. On vient d'éviter une place en institution, on vient
de
donner un peu plus de bonheur à quelqu'un. Il y a de tous les
cas: des handicapés, des aveugles, des sourds qu'on avait
enfermés là et on n'avait même pas essayé de leur
apprendre à entendre ou à parler ou à faire le langage
gestuel. On s'attaque à des choses qui nous avaient paru intouchables il
y a sept, huit ou dix ans.
La lourdeur vient de la difficulté de créer une situation
vivable. Parfois, c'est le délire, mais c'est plus souvent tout le
comportement imprévisible, c'est-à-dire le patient qui se
garroche tout à coup, le patient qui hurle, le patient qui agresse, le
patient qui fait peur. Souvent il fait peur même s'il n'est pas
dangereux, il fait peur parce que son attitude fait peur. Des gens qui viennent
visiter chez nous ont très peur de certains patients qui ont l'air
rébarbatifs, mais qui se promènent dans le corridor et qui n'ont
jamais fait mal à personne, alors qu'un autre qui ne vous fait pas peur
vous agressera sur la rue. D'où le mythe du danger du malade
psychiatrique. Les agressions qui se commettent dans une ville ne sont pas
majoritairement le fait des malades psychiatriques ni des handicapés
mentaux. Par contre, ce qui fait peur chez les psychiatrisés et les gens
étiquetés comme malades mentaux, c'est que leur
réalité nous échappe. Ce sont des gens qu'on ne comprend
pas, qui sont pris dans un monde qui nous échappe ou ils ne comprennent
pas le langage qu'on leur dit, et on les tolère mal, on est mal à
l'aise avec eux. Le rejet et la difficulté commencent là. Les
stratégies reposent essentiellement sur le fait de les apprivoiser de
nouveau. Qu'on soit de n'importe quelle école, la plupart des
stratégies qui réussissent contiennent un certain
élément d'apprivoisement comme cela.
C'est pour cela qu'à la question de la lourdeur de la
clientèle, je vous dirai qu'on en a de toutes les sortes qu'on
réussit à placer. Et pour d'autres avec qui on pensait
réussir, on ne peut pas. Il y en a qui sont psychotiques, il y en a qui
sont déficients, il y en a qui sont handicapés, il y en a qui
sont en chaise roulante, il y en a qui sont aveugles.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le fond ce que vous
essayez de mesurer, en tout cas l'un des éléments importants,
c'est la mesure de tolérance qu'ils recevront de la
société ou enfin de l'autre ressource, là où on
veut les envoyer.
M. Mackay: C'est fondamentalement cela et on peut expliquer
à des gens que la tolérance va réussir,
c'est-à-dire même avec des familles d'accueil. Quelquefois c'est
comme c'était... C'est un père, une mère qui sont
prêts maintenant parce que leurs enfants sont élevés
à prendre des malades chez eux. Il y a un apprivoisement qui se fait. Il
faut démystifier la peur et tout cela. Ils peuvent prendre de grands
malades et ils peuvent parfois réussir mieux parce que l'avantage, bien
sûr, sur l'institution, c'est qu'ils sont là tout le temps. Dans
la meilleure institution du monde, il y a trois quarts de travail, le personnel
change, il change de poste, il disparaît, il prend des vacances.
Évidemment, c'est l'avantage de la petite ressource où il y a une
stabilité. Là-dessus, on est tous d'accord sur le fond.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le cas des
déficients très profonds, en gardez-vous encore en institution
qui sont alités, par exemple? Est-ce que vous en avez encore? (21 h
30)
M. Mackay: II y en a quelques-uns qui ont des problèmes
neuromoteurs importants. Ce n'est quand même pas un nombre
considérable - peut-être que mes collègues pourraient vous
donner un chiffre - mais qui sont alités en permanence, c'est une
minorité. Chez nous il y en a quelques-uns à l'unité
somatique peut-être.
Mme Saint-Cyr-Perreault (Ghislaine): Oui, mais on ne peut pas
dire que ces patients sont alités. En fait, ce sont des patients qui
sont contraints à des chaises roulantes ou à des chaises
adaptées.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous en avez
placé de ceux-là?
Mme Saint-Cyr-Perreault: Non, handicapés physiques
alités ou contraints?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Saint-Cyr-Perreault: Non. Je ne crois pas. Soit qu'on doit
être quadraplégique ou hémiplégique. À moins
que je ne me trompe, le Dr Galiana pourrait répondre, mais c'est
très difficile.
M. Mackay: Ce n'est pas une clientèle que l'on trouvait de
toute façon en grand nombre chez nous. La clientèle que je
décris comme résiduelle, ce n'est pas une clientèle qui
est grabataire ou qui est élevée à l'état de
légume. Non, ce sont des gens quand même dont le niveau de
compréhension ou la capacité de se vêtir, de s'habiller ou
de se contrôler même parce que vous savez qu'on a beaucoup de
patients adultes à qui on est obligé de mettre des couches, qui
ne contrôlent pas leur sphincter. Alors c'est une autre chose, mais nous
n'avons pas de malades à l'état végétatif. Je crois
d'ailleurs que ce n'était pas le rôle d'un établissement
psychiatrique d'en garder, quoique je sois assez prêt à risquer de
dire que, quel que soit le genre de problème qu'on a chez nous,
c'est quand même extraordinaire comme c'est difficile de l'envoyer
ailleurs. Autrement dit, il n'y a pas dans notre réseau des affaires
sociales, avouons-le, une très grande facilité de se passer une
clientèle de l'un à l'autre parce que le patient serait mieux
à une place qu'à l'autre. Il y a quand même un peu de
réflexion à faire de ce côté-là. C'est
très difficile de prendre un patient chez nous et de dire: II serait
mieux à tel endroit; le prendriez-vous? Tout le monde en a plein les
bras.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous interromps,
excusez-moi. Parmi les 200 que vous avez hospitalisés ou, enfin, qui
sont entrés chez vous et auxquels vous faites allusion, je comprends que
vous ne vouliez pas me donner un diagnostic précis, mais est-ce qu'ils
sont généralement des déficients mentaux avec des troubles
de comportement très sérieux quels qu'ils soient?
M. Mackay: Non, je ne refuse pas de donner des diagnostics. En
réalité, je voulais simplement me mettre en garde contre la
tendance de trop simplifier, mais tous les patients que nous avons
hospitalisés depuis 1970 ont un problème psychiatrique. C'est la
raison principale de l'admission. On n'est pas hospitalisé à
Rivière-des-Prairies si on n'a pas un problème psychiatrique,
mais cela n'exclut pas, contrairement à d'autres endroits, qu'on ait
aussi de la délinquance, qu'on ait aussi de la déficience
mentale. Il n'y a pas chez nous de problème d'exclusion.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes
l'hôpital psychiatrique pour les jeunes.
M. Mackay: Nous n'hospitalisons qu'en bas de 18 ans. Nous sommes,
je crois, le seul hôpital au Québec qui hospitalise tous les cas
de psychiatrie de moins de 18 ans sans aucun critère d'exclusion.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Maintenant, on nous
disait qu'il y a des jeunes schizophrènes ou des jeunes psychotiques qui
doivent être gardés d'une façon prolongée dans
d'autres institutions pour adultes, parce que Rivière-des-Prairies ne
les reçoit pas. Avez-vous la limite de 18 ans?
M. Mackay: Nous avons la limite de 18 ans et hélas! je
dois dire que ce n'est malgré tout pas suffisant pour éviter un
problème qui est très angoissant à vivre, parce que,
effectivement, on n'a pas la solution. On la cherche ensemble, on se la pose de
plus en plus depuis un an ou deux: Que faire d'un établissement
psychiatrique qui n'admet que des enfants, mais dont les deux tiers de sa
clientèle ont atteint l'âge adulte à cause de cette
sédimentation, c'est- à-dire que nous pouvons mettre en
congé peut-être 90 % des gens que nous hospitalisons, mais ceux
que nous ne mettons pas en congé parce que la pathologie est trop
lourde, comme l'exemple que je vous donnais du diabète qui ne se
guérit pas ou de la schizophrénie qui ne se guérit pas ou
de l'autisme qui ne se guérit pas, certains de ceux-là aussi on
peut leur trouver un réaménagement, mais ceux pour qui cela ne
fonctionne pas deviennent adultes chez nous. À ce moment-là,
à quel moment cessera-t-on d'être un hôpital vraiment
pédopsychiatrique? C'est toute une question. Pour le moment on
équilibre assez bien les choses, mais c'est une question difficile. Je
crois que la seule solution sera que d'autres établissements prennent
une partie de nos adultes à un certain moment donné, si on veut
rester un établissement pour enfants. Mais, dans le moment, c'est
effectivement dû à la réalité qui est que nous
n'hospitalisons pas aussi facilement que dans les années soixante.
Évidemment, nous avons besoin d'un moins grand nombre de lits pour
desservir la même région, c'est-à-dire que les
stratégies sont différentes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais on se faisait dire,
ici, qu'il y avait des jeunes schizophrènes qui étaient
gardés dans des services de psychiatrie pour adultes de longue
durée parce qu'ils ne peuvent pas être admis chez vous et, par
contre, vous dites: On a annulé notre liste d'attente, on répond
à tout le monde. Il semble y avoir un manque...
M. Mackay: À ma connaissance, aucun enfant de 18 ans, de
la région de Montréal, qui a besoin d'être
hospitalisé en psychiatrie n'a été refusé chez
nous. Il faudrait que ces cas soient portés à notre connaissance
à savoir s'ils existent. Dr Galiana?
M. Galiana (Manuel): Je crois, Mme la Présidente, que vous
parlez des adultes qui ont 18 ans et plus.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, non, des jeunes de
16, 17, 18 ans.
M. Mackay: Jusqu'à 18 ans, je n'ai aucun exemple qui a
été porté à mon attention pour qui nous ayons
refusé l'hospitalisation dans l'agglomération de Montréal.
S'il y en a, il faudrait nous montrer les dossiers.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, je prends votre
parole. L'autre chose que je voudrais vous demander, c'est du point de vue des
ressources intermédiaires qui doivent être mises en place, des
ressources suppléantes ou complémentaires. Vous avez
développé à l'intérieur de l'hôpital
Rivière-des-Prairies, par le truchement de votre service social
et probablement avec d'autres organismes de la communauté, une
série ou, enfin, un certain nombre de ressources qui demeurent sous
votre égide d'une certaine façon.
M. Mackay: Exactement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant, on a eu des
représentations qui nous ont été faites que tant que ces
autres ressources demeurent sous l'égide d'un centre hospitalier, on
perpétue malgré soi, et au su de soi-même, l'approche
hospitalière. Du point de vue pratique, quelle est votre position
là-dessus? Vous allez peut-être me dire: On a
développé telle chose. Est-ce que vous auriez objection à
ce que cela ne relève pas...
M. Mackay: Non, notre perception correspond peut-être
à ce que les intervenants avant nous ont dit. Nous croyons important
d'être là quand nous sommes utiles, mais il m'apparaîtrait
souhaitable, dans le sens de ce que votre question laisse entendre, que nous
laissions aller certaines de nos clientèles ailleurs. En
réalité, nous tentons de le faire. Pour, par exemple, un patient
qui a eu son congé chez nous, qui a 25 ans maintenant, qui a
fréquenté nos ateliers, qui manifeste une certaine autonomie,
à mon avis, ce n'est pas nous, ce ne sont pas nos cliniciens - quand je
dis nous, j'inclus un peu tout le monde - qui désirons garder le cas ou
qui refusons de couper le cordon ombilical; c'est plutôt tout à
fait le contraire. Il a parfois été très douloureux de
dire: Écoutez, peut-être que ce patient devrait franchir le pont,
peut-être qu'on devrait lui donner son congé et, s'il retombe
malade, peut-être qu'il ira dans l'établissement de son secteur
géographique, peut-être qu'il ira à tel autre
hôpital.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le fond ce que vous
dites, Dr Mackay, c'est que tant que toutes ces étapes ne sont pas
franchies, vous voulez être associé de près à la
succession, s'il y en a une, ce n'est peut-être pas de dix, mais de deux
ou trois étapes de transition qu'il devra faire avant d'arriver au
moment... À ce moment, ce sera peut-être le système
d'éducation, ce sera peut-être un autre service du CLSC qui le
fera.
M. Mackay: Ce serait l'orientation, je pense, des
stratégies à établir et c'est dans ce sens qu'on aurait
besoin de la collaboration des autres. Effectivement, le problème que
nous vivons, c'est plutôt que les familles, et à bon droit, ne
veulent pas entendre parler qu'on ferme le dossier d'un de leurs jeunes parce
qu'elles disent: Si vous fermez le dossier, où est-ce qu'on va aller
après? Effectivement, les dossiers qui, parfois, à mon humble
avis, auraient dû être fermés demeurent ouverts et, quand le
patient se désorganise, c'est chez nous qu'il revient même s'il a
28, 29 ou 30 ans. Je me dis: Est-ce qu'on va continuer de les soigner
jusqu'à l'âge de 60 ans? Cela fait problème, mais ce n'est
pas notre désir de rétention. C'est un peu l'obligation où
nous sommes d'assurer le suivi. Il y a bien des gens qui disent: Vous le faites
tellement bien, pourquoi ne continueriez-vous pas? Il y a un problème
réel et je souhaiterais qu'il y ait une stratégie
régionale qui nous permette de déverser ailleurs une partie de
notre clientèle. Il est possible que certains cas devraient se retrouver
chez nous et que la demande n'ait pas été faite, qu'elle ait
été acheminée de façon incorrecte. Mais il est
très clair pour nous que nous sommes disponibles pour hospitaliser tout
jeune de 18 ans qui a besoin d'hospitalisation en psychiatrie dans
l'agglomération de Montréal. Cela, c'est très clair.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. M. le
député de Bourassa, je m'excuse.
M. Laplante: Non, non c'est correct. C'est
intéressant.
Dr Mackay, je suis allé quelquefois dans votre institution. Je
n'ai jamais pu m'habituer d'ailleurs. J'ai un serrement chaque fois que j'y
vais. Je ne peux pas m'habituer à toutes ces institutions. Il reste que
les premiers contacts qu'on avait eus... Vous aviez, à titre
expérimental, tout le long du boulevard Gouin, des maisons que vous
employiez le jour, je crois, pour essayer d'aider les malades à
reprendre la vie ordinaire. Vous aviez un projet de maisons et d'appartements
que vous avez mis sur pied pour ces gens. J'aimerais que vous m'en donniez le
résultat aujourd'hui, que vous me parliez de la réussite de votre
première initiative. Je suis également au courant que vous avez
réalisé un deuxième projet, parce que le premier avait
donné des résultats mitigés. Quant au deuxième
projet, on me dit qu'il est beaucoup plus fructueux. Pourriez-vous me dire
pourquoi le premier projet a été moins favorable et le
deuxième, plus fructueux?
M. Mackay: Je vais vous le dire. Je ne suis pas certain de quel
projet vous parlez. Peut-être que le Dr Galiana pourrait vous
éclairer là-dessus. Mais, en bref, on a fait toute une
série d'expériences positives dans bon nombre de domaines. Par
exemple, on a loué certains locaux afin d'établir des foyers pour
apprendre aux gens à faire la cuisine, des choses comme cela. C'est l'un
de ceux qui étaient situés sur le boulevard Gouin. On
a aussi eu des locaux pour établir nos ateliers d'entretien
ménager, les gens font des ménages dans des appartements, des
maisons de rapport. Ce sont des ateliers de travail. On a des résidences
où vont vivre les gens. Il y a nos anciennes familles d'accueil qui
durent toujours, maintenant sous le nom de..., dans certains cas, mais toujours
avec le service social. D'ailleurs, je dois dire à Mme la
Présidente que c'est avec la collaboration et par contrat de services
avec le CSS du Montréal métropolitain, que tout notre
réseau de résidences s'est développé. Je ne suis
pas sûr de bien répondre à la question de cette
expérience qui n'avait pas marché par rapport à la
deuxième. Ce que je peux vous dire, c'est que, dans le moment, nous
avons douze résidences de quatre personnes où c'est notre
personnel qui oeuvre. Ce sont ce que nous appelons nos résidences, parce
que ce ne sont pas vraiment des familles d'accueil, mais elles sont, avec
l'accord du CSS, sous l'étiquette de famille d'accueil. Il y a une
espèce d'équilibre qui s'est établi entre les deux et ce
financement est fait à même notre budget.
M. Laplante: Je veux simplement m'expliquer pour ne pas vous
induire en erreur. La première étape, vous l'aviez faite, je
crois, avec des employés de l'extérieur plutôt qu'avec des
employés réguliers de l'hôpital.
M. Mackay: Ah bon! Je vois ce que vous voulez dire.
M. Laplante: D'accord?
M. Mackay: Oui, je vois ce que vous voulez dire. Nous
étions propriétaires de terrains et d'un petit duplex où
nous avions établi un foyer qui s'appelait Le Goéland qui est un
foyer de transition pour les adolescents. Lorsque nous avons vendu ces
terrains, nous avons... Ce n'était pas vraiment un échec. Il y
avait des difficultés, parce que c'étaient des adolescents
difficiles. Il y a eu des moments de difficulté, mais cela n'a pas
été vraiment un échec. Quand on a dû laisser aller
ces espaces, on a loué ailleurs. Mais Le Goéland existe encore
comme foyer de transition pour des adolescents difficiles. C'est l'une de nos
expériences. Il y a eu deux expériences de résidence
à la campagne, à Terre des jeunes. C'est un autre type
d'expérience. Les expériences les plus innovatrices, ce sont nos
résidences où nos employés de l'hôpital qui ont
été recyclés et qui vont travailler à cet endroit,
rénumérés par l'hôpital et syndiqués chez
nous, oeuvrent en résidence avec quatre de nos
exbénéficiaires qui cherchent à avoir un vécu plus
normal. Je ne sais pas si je couvre tous les angles. Peut-être que le Dr
Galiana est plus au courant des détails.
(21 h 45)
M. Galiana: Ce que je veux ajouter, c'est que c'était la
première expérience qu'on faisait. Alors, on n'était pas
tout à fait prêt à faire cette expérience. Mais,
étant donné que c'était la première
expérience et qu'on savait qu'il y a beaucoup de jeunes patients qui
pouvaient bénéficier de ce genre de maison, on s'était
fixé une limite de séjour à la maison de six mois. Les
jeunes se sentaient pressés à faire des démarches
très rapidement parce qu'ils savaient qu'ils devaient quitter
après six mois. On s'est aperçu évidemment que
c'était une erreur technique de forcer la note sur les six mois. On a
laissé tomber cela et je pense que cela s'est replacé plus
facilement ensuite.
M. Laplante: Avez-vous l'intention d'augmenter le nombre de ces
maisons?
M. Galiana: On en a douze actuellement déjà dans
lesquelles il y a...
M. Laplante: Les maisons vous appartiennent ou sont-elles
louées?
M. Mackay: La plupart sont louées. Grâce au fonds
des terrains que nous avons vendus, nous avons deux projets en chantier qui ont
été autorisés par le ministère. L'un pour la
construction d'une résidence et l'autre pour la construction d'un
atelier. C'est une utilisation intéressante de ces fonds-là. Par
contre, il ne semble pas que ce soit une tradition bien établie dans les
affaires sociales que les établissements hospitaliers deviennent des
entrepreneurs en construction, même pour le bien de la cause. Il semble
qu'on a été l'objet de beaucoup de bienveillance en obtenant le
décret gouvernemental pour cela. Pourtant, j'en profite pour le dire, je
crois que cette compréhension qui nous a permis d'obtenir le
décret est de fort bon aloi. C'est le genre de souplesse dont je parlais
tout à l'heure. Je pense que lorsqu'une initiative permet la mise sur
pied d'un service intéressant à la clientèle, il est bon
que les règlements ne l'empêchent pas de façon absolue ou
que les traditions gouvernementales, à savoir qui a le droit
d'être propriétaire de quoi, fassent obstacle.
On a eu de sérieuses difficultés à faire
démarrer ce projet-là avec le CSS parce que cela ne
s'était pas fait avant.
M. Laplante: Comme cela, vous ne regrettez pas la transaction des
terrains.
M. Mackay: Non. Jusqu'à présent cela répond
jusqu'à un certain point à nos espoirs. On a pu réussir
quelque chose avec cela et il en reste encore.
M. Laplante: Vous avez fait allusion tout à l'heure au
projet Terre des jeunes. Est-ce que vous pourriez nous parler de Terre des
jeunes? On a reçu ces gens-là ici, c'était un accueil
sympathique. J'aimerais que vous nous parliez de la qualité des soins
qu'ils donnent ou si vous en avez encore qui sont sous leur coupole.
M. Mackay: Le Dr Galiana connaît peut-être le dossier
Terre des jeunes mieux que moi. Cela a été une expérience
avec des patients très très déficients, d'un genre qu'on
n'aurait pas normalement cru capables de vivre une telle expérience en
milieu autonome avec, finalement, très peu de personnel autour. Je dois
dire que cela a été grâce à l'initiative d'une ou
deux personnes qui y croyaient beaucoup. Cela a été un
succès étonnant dans le sens qu'on a vu que des personnes
présumées trop déficientes pour faire quoi que ce soit
étaient finalement capables de se faire cuire un repas et des choses
aussi surprenantes que cela, ce qui revient à la notion de tout à
l'heure qu'il ne faut jamais décider qu'il n'y a pas d'espoir dans tel
cas particulier.
Terre des jeunes a été quand même une preuve que des
espoirs inattendus étaient permis. C'était quand même
difficile. Ils ne vivaient pas dans des conditions parfaitement satisfaisantes.
Peut-être qu'au point de vue de l'hygiène, ce n'était pas
selon les normes mais c'était quand même, à mon sens, une
expérience positive. On l'a bonifié avec le temps. Des parents
ont demandé qu'on ouvre une deuxième résidence à
Terre des jeunes. On a augmenté les montants qu'on versait pour leur
rendre cela plus facile, pour avoir un peu plus de personnel. Selon les
dernières nouvelles, c'est très bien. Je pense que le Dr Galiana
connaît ce dossier-là mieux que moi. S'il veut ajouter quelque
chose...
M. Galiana: Non, c'est exact. Actuellement il y a deux
résidences là-bas avec un nombre de patients... Tantôt, le
Dr Mackay parlait des difficultés de se mettre dans le diagnostic. En
effet, je pense que maintenant la plupart de ceux qui sont là-bas sont
des patients psychotiques. C'est le problème qu'on a, même entre
deux psychiatres.
Le problème fondamental de ces patients, c'est la
difficulté qu'ils ont dans leur comportement qui, pour moi, n'a rien
à faire avec le diagnostic de base. On peut avoir une étiologie
d'arriération mentale d'origine organique à cause d'un
traumatisme cérébral et avoir un comportement tout à fait
bizarre sans que ce ne soit une vraie psychose et on peut avoir un psychotique
qui fonctionne de façon très acceptable.
Je reviens beaucoup à l'argument de diagnostic. Souvent le
diagnostic ne veut rien dire même si, en médecine, on tient
beaucoup à avoir un diagnostic, une cause, étiologie, etc. Bien
souvent, c'est le comportement réel qui va déclencher l'attitude
qu'on doit avoir et non pas le diagnostic de base.
M. Laplante: En tout cas, ils nous ont paru heureux du
résultat jusqu'à maintenant, même si cela a
été très difficile, et de ce qu'ils ont accompli. Je vais
vous poser, Dr Mackay...
M. Galiana: Je m'excuse. Est-ce que les jeunes eux-mêmes
étaient ici?
M. Laplante: Pardon? Ils sont venus ici.
M. Galiana: Les jeunes eux-mêmes?
M. Laplante: Non, pas les jeunes. Mais les jeunes, je vais aller
les voir chez eux. J'ai aimé la façon que cela s'est passé
et j'aimerais voir ce...
Je veux vous poser une question hypothétique, Dr Mackay. Avec la
grande expérience que vous avez dans le milieu, si on vous donnait carte
blanche demain matin sur la désinstitutionnalisation des patients,
qu'est-ce que vous feriez?
M. Mackay: Écoutez! Je pense qu'on serait quelques-uns
à s'asseoir pour voir par où on commence. Il y a des choses qu'on
sait déjà. On sait déjà qu'on pourrait
améliorer les programmes d'animation et de loisir, de recherche du
travail. On pourrait développer des ressources d'ateliers plus
sophistiquées, plus complètes. Il y a une partie de notre
clientèle qu'on n'arrive pas facilement à intégrer dans
des ateliers appropriés. Je pense que, si on avait carte blanche, on
développerait certainement nos ateliers davantage. C'est le genre de
direction qu'on prendrait. Mais carte blanche, cela veut beaucoup dire.
J'aimerais, dans le fonctionnement actuel de notre établissement, qu'on
puisse rééquilibrer la clientèle adulte et la
clientèle de pédo. Je pense que cela voudrait dire que certains
établissements nous déchargeraient d'une partie de notre
clientèle d'adultes, peut-être à un rythme très
modéré quand même. Peut-être qu'on pourrait regarder
si, effectivement, ce que Mme la Présidente disait tout à l'heure
est partiellement vrai, en ce sens que les demandes ne sont peut-être pas
toujours bien acheminées. Je ne serais pas étonné qu'il y
ait dans l'agglomération montréalaise des petits enfants dans des
centres d'accueil qui seraient mieux chez nous ou qui sont chez eux et qui
devraient être... Nous ne savons pas toujours si les demandes sont
acheminées. À ma connaissance, les demandes qui sont
acheminées sont accueillies et je ne connais pas de cas qui avait besoin
d'une hospitalisation et qu'elle ait été refusée. Je peux
vous dire quand
même que nos équipes en ont plein les bras et que nous
manquons de psychiatres. Effectivement, il y a des problèmes à
tous les niveaux. Si j'avais carte blanche, j'irais trouver les quelque quinze
psychiatres qui pourraient nous aider à fonctionner de façon plus
raffinée et plus satisfaisante. On compléterait nos ateliers et,
comme je l'ai dit, on équilibrerait la clientèle adulte et la
clientèle infantile. On développerait le réseau
communautaire. Ce serait déjà beaucoup, si on pouvait faire cela
au cours des dix prochaines années.
M. Laplante: Ce qui me surprend, c'est que vous ne parlez pas des
relations avec le personnel sur place. Quel rôle verriez-vous jouer
à l'extérieur, lors du déplacement d'un malade? Est-ce que
le personnel devrait suivre le malade? On nous dit que, quand cela fait dix et
quinze ans qu'ils travaillent avec le même groupe de patients, ils sont
attachés à ces patients. Ils ont souventefois découvert,
pour le bien-être de ces personnes, un fil conducteur au point de vue de
la compréhension. Est-ce qu'il y aurait des formules, lorsque ces
patients s'en vont soit en foyer privé ou en foyer à appartements
- appelez-le comme vous voudrez -pour que ce personnel puisse suivre de
près ou de loin les malades?
M. Mackay: C'est une question très difficile. Je me sens
embarrassé d'y répondre avec assurance. Je ne peux pas y
répondre avec assurance. Je dirais qu'effectivement nous parlons d'une
clientèle qui peut être très attachante, mais qui est
très exigeante aussi. Je ne suis pas en mesure de vous répondre
dans quelle proportion des cas cette espèce de mariage que cela
supposerait, c'est-à-dire cette espèce d'harmonie qu'on voudrait
permanente, parce qu'il s'agit presque d'une adoption dans ce que vous
décrivez... Je crois que c'est souhaitable et possible. Je serais
étonné que cela soit la règle. En tout cas, il y a aussi
une difficulté à vivre ces expériences. Je pense à
d'autres expériences dans d'autres milieux où des gens ont
vécu très intensément des relations parentales avec des
enfants psychotiques ou très malades et, au bout de sept ou huit ans,
ils veulent faire autre chose. Les deux sont possibles. Je ne crois qu'on ait
là, non plus, de réponse absolue et facile, mais Galiana est
peut-être encore plus près que moi de la clinique, ces temps-ci;
je ne sais pas s'il a une réponse.
M. Galiana: II n'y a pas de réponse. On utilise les deux
formules parce que dans le type de résidence, comme on l'expliquait
tantôt, qu'on a créé, au fond, ce sont les employés
de l'hôpital qui y travaillent. Alors, il y a un recyclage des personnes
qui travaillent à l'intérieur pour aller à
l'extérieur. Dans certains cas, c'est mieux de faire une brisure
complète et d'aller dans un endroit où une personne n'ayant
jamais travaillé à l'hôpital s'occupe des jeunes. Les deux
sont faisables et on utilise les deux.
Mme Saint-Cyr-Perreault: Je souhaiterais, comme directrice des
soins en tout cas, qu'il y ait un accompagnement des patients qui quittent
l'hôpital pour une intégration progressive; ce serait
sûrement souhaitable. Si on avait les moyens de le faire, cela pourrait
sûrement aider, dans bien des cas.
M. Laplante: Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une dernière
question. Vous avez dit tout à l'heure: On a réussi à
développer toutes ces ressources sans budget supplémentaire. Vous
avez passablement investi, probablement en tout cas, en ressources humaines et
aussi en ressources financières. Est-ce que cela s'est fait au
détriment des services qui étaient à l'intérieur de
la maison?
M. Mackay: Non. Je dirais que, dollar pour dollar, ce qui est
arrivé, c'est que l'ivestissement en postes a été
compensé par la diminution des lits. Autrement dit, heureusement que
nous ne vivons plus sous le régime du per diem et que notre budget ne
dépend pas du nombre de jours d'hospitalisation. Notre budget n'a pas
été ramené à la baisse alors que le nombre de jours
d'hospitalisation a été ramené à la baisse. Donc,
en passant de 700 à 600 lits, on a fermé quelques groupes et
c'est avec les postes tranférés à l'extérieur qu'on
a réussi cela. Donc, il y a un équilibre. Les restrictions
budgétaires qui ont frappé l'ensemble du réseau, on ne
peut pas dire que cela a été sans impact chez nous. Bien
sûr, à certains moments, on aurait peut-être pu se montrer
plus généreux sur certains remplacements; cela aurait
peut-être été préférable. On ne peut pas dire
à quel moment c'est idéal. Je ne peux pas dire non plus que nous
crions au drame et que, finalement, on a été obligés de
priver quoi que ce soit de quelque chose pour faire cette opération qui
est vraiment une opération de réallocation de ressources. C'est
serré, bien entendu et, comme tout le réseau, on a fait les
sacrifices là où c'était le plus facile d'abord, dans les
services où c'était peut-être moins essentiel.
Je faisais récemment le relevé des heures des soins
infirmiers et celui du nombre de jours d'hospitalisation et c'est relativement
stable. Cela varie un peu d'année en année pour toutes sortes de
raisons, mais c'est relativement stable.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En conclusion, Dr Mackay,
est-ce qu'on peut
dire qu'il faut mettre tous les efforts possibles dans la
désinstitutionnalisation comme étant un milieu plus normal, mais
qu'il faut y aller à la mesure des ressources qu'on peut mettre en
place, à la mesure de l'acceptation de la société, de sa
capacité de tolérance, et qu'il faut peut-être toujours
aussi penser, selon la connaissance qu'on a des choses actuellement en tout
cas, dans un avenir prévisible, qu'il restera toujours un certain nombre
de personnes en institution?
M. Mackay: Je pense que vous résumez bien l'essentiel de
notre message, Mme la Présidente. C'est cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Alors, on vous
remercie beaucoup.
M. Mackay: Merci de nous avoir entendus.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Voulez-vous suspendre
pour deux secondes? La séance est suspendue pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 21 h 55)
(Reprise à 22 h 5)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La sous-commission des
affaires sociales reprend ses travaux. J'invite les représentants du
Renfort Inc. à se présenter devant la commission. Ils ne sont pas
ici? Bonjour. On s'excuse, il est 10 heures. M. Laberge, je vais vous demander
de présenter les personnes qui vous accompagnent.
Le Renfort Inc.
M. Laberge (François): D'accord. Je vous présente
tout d'abord Mme Monique Rondeau, psychologue, qui a été
directrice des services professionnels au Renfort pendant sept ans; Mme Colette
Pelletier, à ma droite immédiate, psychologue, qui a
été conseillère en recherche et programmation au Renfort
pendant quatre ans et, à l'extrême droite, Mme Diane Buisson, qui
est actuellement directrice des services de réadaptation depuis deux ans
et qui a été pendant cinq ans coordonnatrice des services
externes. Je suis François Laberge, directeur général du
Renfort depuis huit ans.
D'abord, je voudrais vous remercier, Mme la Présidente et les
membres de la commission, d'avoir pris connaissance ou d'avoir accepté
nos documents - ce n'est pas vraiment un mémoire, ce sont deux documents
qu'on vous a déposés - et de nous accorder une audition en
fonction de ces documents.
Le Renfort est un centre de réadapta- tion pour handicapés
mentaux, bâti en 1970 et situé à Saint-Luc,
c'est-à-dire à une vingtaine de kilomètres au sud de
Montréal dans la Montérégie. Nous desservons actuellement
180 bénéficiaires à l'interne dans trois modules de
services différents, c'est-à-dire 120 à Saint-Luc et une
soixantaine dans la région de Bedford. On a également 150 clients
à l'externe. Nos services externes ont commencé à
être développés vers 1978. La plupart des
bénéficiaires en institution sont des handicapés mentaux
sévères ou profonds. La clientèle qu'on dessert, en
externe, est plus une clientèle handicapée moyenne, parfois
sévère et parfois même légère.
A priori, vous voyez tout de suite qu'on n'a pas, à
proprement dire, à offrir des services en santé mentale, mais
plutôt en déficience mentale, ce qui nous a incités
à quand même vous proposer nos réflexions. À notre
avis, les difficultés que vivent ces deux types de clientèle,
lorsque vient le temps d'être intégrés à la
société, sont passablement semblables, en ce sens que ce ne sont
pas des clientèles qui s'intègrent facilement et qui sont
facilement acceptables. Là-dessus, je pense que le Dr Mackay a fait un
exposé très éloquent, juste avant nous.
Parlons brièvement des documents, si vous me le permettez. Le
premier, c'est une recherche qu'on a menée, que Mmes Pelletier et
Rondeau ont menée en 1982-1983 sur la clientèle qui avait
quitté Le Renfort. Le second, c'est une conférence que je me suis
permis d'écrire et de présenter à un colloque sur la
désinstitutionnalisation.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pensais que vous nous
la redonneriez.
M. Laberge: Je ne vous la redonne pas, elle est trop longue.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, je ne disais pas
cela parce que je craignais que vous la redonniez. Je souhaitais que vous la
redonniez.
M. Laberge: Pas tout de suite. Allons-y, si vous voulez, un petit
peu avec la recherche. Je vous en fais juste un portrait très rapide.
Disons qu'en 1978 le conseil d'administration du Renfort, qui était aux
prises avec des problèmes d'engorgement parce qu'on avait une vocation
de donner des services à des enfants et la clientèle
vieillissait, a dû prendre des décisions pour permettre de
libérer un certain nombre de clientèles. Il a alors adopté
une politique de réinsertion sociale de la clientèle la plus
évoluée du centre. Cette décision marquait du même
coup la préférence des autorités à
développer des services externes plutôt que des services internes.
Les conséquences de la
politique ont été assez importantes; alors que de 1970
à 1977 le rythme de départ de l'internat était en moyenne
de six bénéficiaires par année, il est passé, dans
les cinq années suivantes, à 21 par année.
En 1982, le conseil d'administration, s'interrogeant sur la valeur de
ses décisions et ce qu'il était advenu des
bénéficiaires désinstitutionnalisés a
demandé à la permanence de faire une enquête sur la
destinée de ces 104 bénéficiaires, et ce sont les
résultats de cette enquête qui sont contenus dans le document
qu'on vous a donné. Sans entrer dans les détails, disons quand
même que la démarche nous a permis de vérifier un certain
nombre d'hypothèses et un certain nombre de mythes qu'entretiennent le
milieu et la population en général sur le traitement qui est fait
aux personnes handicapées en société ou en institution. Il
est intéressant, par exemple, de constater que la majorité des
bénéficiaires qui a quitté Le Renfort
bénéficie encore de la ressource résidentielle à
laquelle elle a été intégrée. Contrairement au
préjugé généralement répandu, la
stabilité des ressources externes est assez grande puisque les deux
tiers des bénéficiaires vivent encore dans la même
ressource. De plus, seulement 2 des 50 bénéficiaires
orientés vers des ressources externes ont dû être, par la
suite, réinstitutionnalisés. Quant à la clientèle
qui a été intégrée dans des ressources
institutionnelles, elle y est encore. Ce qui a tendance à prouver que,
lorsqu'on est transféré d'une institution à l'autre, on
n'en sort pas facilement.
Notons aussi que la presque totalité des
bénéficiaires qui habitait une ressource externe profite
actuellement de services de jour, soit une école ou un atelier. Il y en
a 3 sur 51 qui n'ont aucun service de jour, ce qui nous apparaît
absolument inacceptable, par ailleurs.
Quant à la qualité des ressources de jour, je parle des
ateliers surtout, c'est assez difficile de l'évaluer, mais il reste
quand même qu'on note que la majorité est dans des
activités occupationnelles plutôt que productives. Est-ce que cela
veut dire que le potentiel des bénéficiaires est trop bas? Est-ce
que cela veut dire que les programmes d'apprentissage sont inadéquats?
Ou est-ce parce que les ateliers protégés ont des critères
d'admission trop élevés? Nous ne savons pas. Il demeure cependant
que bien peu de bénéficiaires atteignent, même après
un très long séjour en atelier, un secteur régulier de
travail. Qui dit handicapé dit encore atelier protégé.
Finalement, dans la dernière partie de la recherche, on a pris un
échantillonnage de 29 bénéficiaires et on a voulu
vérifier dans quelle mesure ils utilisaient les services communautaires
comme les loisirs, le transport en commun et les restaurants. Â ce
chapitre, les résultats sont fort peu encourageants. Même
désinstitutionnalisés, les bénéficiaires demeurent
marginalisés parce qu'incapables de profiter des services en place ou
plus simplement parce que lesdits services sont inadéquats ou
inexistants.
Qu'est-ce qu'on peut conclure de notre enquête? Rien d'absolu
parce que, d'un côté, la population cible est trop petite et que,
d'un autre côté, la validité scientifique de la
démarche n'est pas assurée. Par contre, on peut risquer quelques
hypothèses: la stabilité des ressources alternatives est plus
grande qu'on ne l'imagine a priori, surtout quand on y met des moyens
financiers supérieurs à la normale - c'est-à-dire quand on
parle de familles d'accueil de réadaption et de familles d'accueil
spéciales et qu'on donne un encadrement suffisant à ces familles
d'accueil - le travail productif est peu accessible aux personnes
handicapées; finalement, il reste à faire
énormément de choses au niveau de l'infrastructure pour garantir
aux handicapés des services de soutien adéquats qui leur
permettent de vivre décemment dans la société. En ce
sens-là, on appuie un peu les idées qui ont été
dites précédemment par les deux groupes qui étaient ici
avant nous, à savoir que, quand des personnes s'en vont dans des
ressources externes, ce n'est peut-être pas beaucoup mieux tout le temps
que lorsqu'elles sont dans une ressource interne parce que l'infrastructure des
services n'est pas tout à fait adéquate.
Cela me permet d'enchaîner sur quelques idées que j'ai
tirées dans la conférence que j'ai faite sur la
désintitu-tionnalisation. Cette conférence s'adressait à
des professionnels du réseau. Elle se voulait davantage un
témoignage subjectif et personnel qu'une étude méthodique
et appuyée sur des observations quantifiables. Vous savez sans doute que
la mode actuelle est à la désinstitutionnalisation. Nous sommes
parfaitement d'accord avec cette mode et avec cette tendance, mais nous pensons
un peu, comme ceux qui nous ont précédés, qu'il est
important d'y aller de façon méthodique et mesurée.
Désinstitutionnaliser n'est pas et ne peut pas être, à
notre avis, un moyen de diminuer les coûts. Au contraire, une
véritable intégration sociale demande plus de ressources de
maintien que le maintien en institution. Peut-être qu'à long terme
on peut espérer des économies d'échelle étant
donné qu'on va se débarrasser de nos grosses boîtes qui
coûtent quand même une fortune, mais à court terme il faut
ajouter plus de ressources et plus de moyens si on veut garantir une
véritable intégration et non pas un dumping pur et simple.
Au niveau de ma conférence, j'insiste également sur la
nécessité de valoriser les professionnels du réseau afin
qu'ils deviennent les moteurs du mouvement.
Actuellement, on ne peut pas dire que ce soit très excitant de
travailler dans nos institutions. L'exposition publique est essentiellement
négative quand on parle de personnes handicapées ou quand on
parle de santé mentale présentement. Les enquêtes et les
tutelles sont peut-être fort nécessaires dans certains sens, mais
leur retombée ne donne pas toujours à notre réseau une
image très positive et très valorisante. Il faudrait
réfléchir là-dessus. Il y a des formes de
publicité, il me semble, qui, à long terme, nous nuisent
beaucoup.
Est-il bien essentiel de s'inscrire aussi dans la foulée des
idéologues qui réclament plus de décentralisation et de
liberté d'action au niveau des exécutants, moins de
contrôle de l'appareil bureaucratique gouvernemental, plus de feed-back
positif? Actuellement, les professionnels dans nos établissements ont
fort peu de liberté et sont obligés de faire des tonnes de
travaux qui ne sont pas directement reliés aux services aux
bénéficiaires et tout cet appareil-là, même s'il
grossit tout le temps, ne donne pas nécessairement, en fin de compte,
des services directs. Je me suis même permis une image. Je dis que, si on
compare le gouvernement et ses ministères à des entraîneurs
sportifs, les établissements et leurs professionnels en sont les
joueurs. Si on veut gagner la partie, il va falloir les laisser jouer un peu.
(22 h 15)
Permettez-moi de conclure en rappelant que les personnes
handicapées sont des individus différents les uns des autres et
que, peu importe les décisions que nous prendrons à leur endroit,
nous devons tenir compte de ces différences propres. Nous sentons bien
qu'après plusieurs années d'institutionnalisation le balancier va
vers l'intégration. Il faut qu'il en soit ainsi, mais il faut aussi que
le mouvement soit planifié. L'improvisation à ce chapitre a des
conséquences terribles pour les personnes handicapées. Elles
n'ont jamais droit qu'à une seule chance. Qu'une d'entre elles fasse une
gaffe, c'est la une des journaux, l'enquête, le scandale.
Évidemment, la personne normale, elle, a plus de possibilités de
s'en tirer.
Finalement, j'ose suggérer aux membres de la commission de faire
en sorte que les travaux n'aboutissent pas à une autre loi, à
d'autres règlements ou à d'autres règles encore plus
complexes qui vont alourdir davantage le système et nuire en fin de
compte aux personnes handicapées parce qu'on va être encore moins
en mesure de leur donner des services directs et appropriés.
C'est tout ce que j'avais à dire pour résumer
brièvement les deux textes que j'ai déposés.
Évidemment, on n'est pas habitué aux commissions parlementaires
et on n'a pas les moyens non plus de monter quelque chose de très
structuré, mais on a pensé qu'étant donné qu'on
travaille dans le réseau il était peut-être
intéressant qu'on vienne faire notre tour et qu'on vous permette aussi
de poser quelques questions. Les trois personnes qui sont avec moi sont plus
habituées à travailler avec les personnes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous faites cela d'une
façon très modeste.
M. Laberge: Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie beaucoup
d'être venus. Je trouve votre étude intéressante parce
qu'en fait il n'y en a pas à ma connaissance. Nous autres,
jusqu'à maintenant, on a demandé à tout le monde... La
seule étude dont on a entendu parler et qui ne touchait pas exactement
cela, c'était une étude de l'Hôpital général
de Montréal, mais, qui touche un centre d'accueil comme le vôtre
où on a procédé à la
désinstitutionnalisation, on est un peu obligé... On entend les
gens, et les gens qui viennent ici, ils y viennent de bonne foi. On les croit.
Parfois, il y a des contradictions. Finalement, il y a eu des études aux
États-Unis, mais des études au Québec et au pays, cela
n'existe pas ou à peu près pas. On peut bien; nous autres aussi,
de bonne foi, faire des recommandations, mais on sent qu'il faudrait que cela
soit étayé davantage et la recherche est très faible
partout.
La première question que j'aimerais vous poser est la suivante.
Moi, ce que je crains, à moins qu'on développe vraiment quelque
chose dans le cas des personnes encore passablement handicapées -
excusez les termes à cette heure-ci, parce que parfois il faut bien les
choisir pour ne pas heurter personne - que ce soit des problèmes de
nature psychique, de déficience mentale ou les deux combinés,
pour les plus faibles d'entre elles qu'on retourne dans la communauté,
qu'on fait vivre en appartement, pour lesquelles souvent on décide
qu'elles sont prêtes à vivre seules, ce que je crains le plus pour
elles, c'est l'isolement. Ce que je veux vous demander c'est, est-ce que...
Évidemment, vous avez gardé, vous autres, un lien avec chacune
d'entre elles ou est-ce qu'il y en a que vous avez perdues?
M. Laberge: II n'y en a pas beaucoup qu'on a perdues de vue, mais
on n'a pas nécessairement un lien avec chacune. Je veux dire qu'il y en
a certaines qui sont plus autonomes, qui vivent de façon plus autonome.
Il y en a d'autres qu'on a reprises par nos services externes comme l'aide
éducative à domicile, ou parce qu'elles viennent au centre de
jour ou des trucs comme cela, mais il y en a un certain nombre qui sont
demeurées plus autonomes,
qui ont intégré des ateliers ou des milieux de travail et
qu'on ne touche plus. Il faut dire que Le Renfort Inc. avait jusqu'à
tout dernièrement une vocation exclusivement centrée sur
l'enfant; alors, après dix-huit ans, on n'avait pas à les
superviser, on n'avait pas d'atelier, ce qui explique peut-être qu'on
n'ait pas gardé de liens. Je ne pourrais pas vous dire s'ils ont ou pas
des liens avec d'autres centres d'accueil de la région.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Vous dites:
Bien, finalement ils ne profitent peu de ce qu'il y a dans la communauté
pour un certain nombre d'entre eux. Ils vont peu aux loisirs, ils vont peu dans
des activités socialisantes, vous dites - là, je ne voudrais pas
déformer - que même le magasin du coin ou ces choses-là,
ils ne les utilisent peu. Je pense que c'est ce genre de choses que vous nous
avez dites. Vous savez, en institution, dans certains centres d'accueil... Vous
n'en aviez quand même pas 100 ensemble. Vous aviez des petits groupes
où il pouvait y avoir des facteurs de socialisation ou
d'échanges, de communication. Est-ce que le fait de se retrouver seul,
finalement, à toutes fins utiles - quoiqu'ils allaient le jour dans les
ateliers ou des choses comme cela -a développé chez certains
d'autres types de problèmes de comportement ou de retrait sur
eux-mêmes?
M. Laberge: Peut-être que Monique peut répondre.
Mme Rondeau (Monique): Très peu de notre clientèle,
étant donné que c'était des enfants, ont été
intégrés en appartement. La plupart se retrouvent en familles
d'accueil et très peu sont retournés chez eux aussi. Je dirais
que la proportion d'enfants qui retournent dans leurs familles naturelles est
à peu près d'un sur 100, pas beaucoup plus que cela. Alors, la
plupart se retrouvent en familles d'accueil et, dans certains cas, dans des
familles d'accueil où il y en a huit ou neuf.
Ce n'est pas vraiment un facteur d'isolement par rapport à
d'autres handicapés, mais ce dont on se rend compte, c'est qu'ils
utilisent très peu, les familles les amènent très peu
à utiliser les ressources existantes. Alors, ils vivent simplement dans
cette famille, allant à l'école ou à l'atelier, mais,
quand cette période de sorties extérieures est finie, c'est la
télévision ou on reste à la maison.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux); Neuf, est-ce
que cela ne vous semble pas beaucoup de monde?
Mme Rondeau: Cela m'apparaît énorme.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pensais qu'il y avait
un règlement du ministère où... Neuf, c'est ce qu'on
appelle les foyers de groupe?
Mme Rondeau: Non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La famille... Comment
s'appelle-t-elle?
Une voix: Une famille d'accueil va jusqu'à neuf.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Elle va jusqu'à
neuf?
Mme Rondeau: Oui et c'est énorme.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense qu'on m'avait
dit, dans des engagements financiers, qu'on était pour modifier cela et
que ce serait quatre.
Une voix: II me semble qu'il n'a pas dit quatre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, le ministre s'est
engagé... J'ai dit: Qui est-ce qui peut s'occuper de neuf enfants? Je
vais tout ressortir du Jounal des débats. De toute façon, c'est
un autre problème, et cela ne nous regarde pas. Mais il me semble que
neuf enfants aussi handicapés que ceux-là -ils n'ont pas toujours
cinq ans et, s'ils ont cinq ans, c'est déjà difficile - qui
peuvent être échelonnés en âge, neuf enfants
handicapés dans une famille qui, elle, généralement, n'a
pas d'autres enfants, probablement, n'a pas d'enfants à elle, oui ou
non...
Mme Rondeau: C'est variable.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est variable.
Mme Rondeau: Cela dépend vraiment des familles.
Habituellement, les familles de neuf, on les retrouve surtout avec de jeunes
adultes, c'est-à-dire que les bénéficiaires sont
intégrés là à partir d'à peu près
seize ans. Il vont graduellement devenir adultes et ils fréquentent
l'atelier; donc, une clientèle qui serait plutôt de niveau de
déficience moyenne, à la limite de légère.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, on peut retrouver
ces jeunes en dehors, finalement. S'il n'y avait pas des ateliers, on pourrait
les retrouver à se bercer toute la journée.
Mme Rondeau: Oui, tout à fait, c'est cela.
M. Laberge: Si on fait simplement
quelques calculs financiers à propos de ces familles d'accueil et
qu'on se dise que la moyenne d'une famille d'accueil régulière
est peut-être de 12 $ par jour par jeune, on peut peut-être se
demander - je me suis déjà posé la question - si pour 84 $
par semaine je serais intéressé à avoir une personne
handicapée chez moi. Je ne vous dirai pas ce que j'ai répondu.
Mais je pense qu'il y a deux hypothèses pour recruter des familles
d'accueil: ou bien on trouve des gens qui ont vraiment la vocation et qui sont
prêts à en prendre - je pense qu'il y a de telles familles
d'accueil dans la province de Québec - mais je ne croirais pas qu'il y
ait suffisamment pour ramasser toutes les clientèles; ou bien les autres
types de familles d'accueil qui vont ramasser cette clientèle, ce sont
celles qui ont un objectif économique, donc, en vivre ou avoir une
petite entreprise. Appelons cela comme on voudra. À 84 $ par semaine par
bénéficiaire, je ne suis pas certain que c'est une entreprise
très rentable si tu n'en as pas au moins huit ou neuf, parce qu'il faut
les nourrir. J'aurais l'impression, en tout cas, qu'une famille avec neuf
enfants qui mangent, même si on parle de 1000 $ par semaine, ne doit pas
être extrêmement à l'aise financièrement. C'est un
peu la réalité quand on met les "piastres" à
côté du monde qui va là. Deuxièmement, si on pense
qu'on met huit personnes handicapées ensemble, il est absolument
évident que ces bénéficiaires ont des problèmes ou
des modes de fonctionnement un peu plus complexes que les personnes normales,
ce qui veut donc dire que la tâche est lourde.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Autre chose - je prends
peut-être un peu des détails - vous dites: II n'y a pas ou il y a
peu d'entres eux, même s'ils fréquentent les ateliers, qui sont
devenus productifs. La question que... Vous en aviez encore des ateliers
à l'intérieur de votre centre d'accueil ou vous n'en aviez
pas?
M. Laberge: C'est-à-dire qu'on est en
complémentarité avec un autre centre d'accueil qui s'occupe de la
clientèle adulte et qui, lui, a des ateliers. C'est le centre d'accueil
Anne-LeSeigneur qui est près de chez nous et qui a déjà eu
aussi...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Alors s'ils avaient
continué de fréquenter des ateliers, en tout cas, que ce soit
celui d'Anne-LeSeigneur, mais qui étaient rattachés à
votre centre d'accueil, est-ce qu'ils auraient eu plus de chances de devenir
productifs?
M. Laberge: Je ne pense pas. Je pense qu'on n'en sort pas, des
ateliers. On y entre pour le reste de nos jours et on n'en sort pas. Je sais
qu'il y a d'autres recherches qui ont été faites au
ministère et qui semblent démontrer la même chose.
Même quand on a créé les centres de travail adapté,
les CTA, je ne pense pas que les handicapés mentaux en aient vraiment
profité et ceux qui y sont n'en sortent à peu près pas
pour aller sur des plateaux de travail ou aller dans du travail
régulier, en ce sens que la politique d'intégration des personnes
handicapées ne me semble pas, dans la réalité, être
un succès aussi grand que ce que l'on peut parfois croire dans le
public. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de personnes handicapées
qui travaillent à des emplois ou à des jobs normaux actuellement.
La plupart sont encore dans des ateliers protégés. Dans ces
ateliers protégés, la plupart font des travaux qui ne sont pas
très valorisants. Je pense encore à découper des sacs de
papier ou à coller, c'est vraiment...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ces enfants pourraient
faire beaucoup plus que cela, puisque vous avez dit qu'il y en a qui sont
à la limite de la déficience légère.
M. Laberge: Absolument.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avez-vous des
données sur d'autres pays ou les États-Unis - on pense toujours
aux Etats-Unis - où on arrive à de meilleurs résultats
dans ce type d'atelier?
M. Laberge: II y a des choses assez surprenantes qui se font
à des endroits. Je pense que Mark Gold a fait des choses assez
intéressantes aux États-Unis où il a
spécialisé des handicapés mentaux assez
sévères à faire du travail en électronique. Je sais
qu'il y a un atelier dans notre territoire qui, actuellement, a des
sous-contrats avec la compagnie IBM et où les
bénéficiaires font des choses assez sophistiquées comme
travail. Le problème est que IBM ne veut pas les prendre chez elle. Elle
est bien prête à envoyer des produits dans l'atelier pour dire:
Faites travailler vos bénéficiaires avec ces produits, mais quand
vient le temps de dire: Vous ne pourriez pas les prendre... ?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais au moins à ce
moment-là ils font un travail un peu plus valorisant que...
M. Laberge: C'est vrai, mais ils restent quand même chez
eux. Ils sont prêts à les faire travailler mais dans leur
sous-sol. Ils ne sont pas encore prêts à les intégrer.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Merci. Des 99 que vous avez placés de 1978
à 1982, tout à l'heure
vous avez dit qu'un enfant sur cent retournait dans son foyer naturel
permanent. Très peu de mémoires ont parlé des parents
naturels des malades mentaux. Avez-vous des réactions de ces parents
lorsque vous les placez dans des foyers? Quelle est leur réaction? Et,
si vous manquez à un moment donné et qu'ils soient obligés
de faire un retour au centre, quelle est l'attitude de la famille?
M. Laberge: Monique peut répondre.
Mme Rondeau: Effectivement, ce dont on se rend compte, c'est que
c'est très difficile de retourner des enfants dans leur famille quand on
parle de les sortir de l'institution, même si, au départ,
dès qu'ils entrent en institution, on leur dit que ce sera temporaire,
parce que, habituellement, quand les parents arrivent au placement, c'est
qu'ils ont déjà vécu des choses tellement difficiles que,
même si le bénéficiaire évolue, ils ne sont souvent
plus capables soit de voir les progrès, soit d'envisager de revivre
avec. Souvent les parents vont nous dire des choses comme: Mon enfant arrive
à sept ans en institution. On n'a jamais pu aller dans nos familles
à Noël ou à aucune fête parce que nos familles ne
l'acceptaient pas. Cela brisait la fête quand on arrivait avec l'enfant.
Alors, on est toujours restés chez nous, on n'a jamais pu trouver de
gardienne, alors on n'est jamais sortis, moi et mon mari, depuis huit ou dix
ans. Alors, ils ont un passé comme cela quand l'enfant arrive en
institution, parce que, habituellement, ceux qui arrivent en institution sont
des enfants assez difficiles. Il y a quelque chose de tellement fort qui s'est
vécu que, aussitôt qu'on laisse les parents exprimer s'ils
désirent vraiment que l'enfant revienne chez eux, la réponse est
habituellement non. (22 h 30)
Par contre, quand on parle de les envoyer en famille d'accueil, on a une
réaction assez forte de la part des parents qui préfèrent
de beaucoup les foyers de groupe, parce que, là encore, c'est
rattaché à une institution et c'est du personnel professionnel
qui s'en occupe. Pour eux, c'est moins un échec que l'enfant vive dans
un foyer de groupe, parce que ce sont des professionnels qui ont choisi de
faire cela comme métier. Cela les remet moins en question que s'ils se
disent: Pourquoi une autre famille accepterait de le prendre quand, nous, les
vrais parents, on n'est même pas capables d'envisager de le reprendre?
C'est sûr qu'il y a une forte réaction. Les parents,
habituellement, ne sont pas très enthousiasmés par la perspective
d'une famille d'accueil. Quand on vit un échec d'intégration,
c'est certain que cela devient extrêmement difficile d'avoir l'accord des
parents pour faire une deuxième tentative.
Indépendamment de cela, c'est même difficile d'avoir
l'assentiment du personnel pour faire une deuxième tentative.
Vous disiez tout à l'heure: Dans le fond, s'il n'y avait qu'une
réinsertion sur dix qui réussissait, est-ce que cela ne vaudrait
pas la peine de tenter l'expérience? Il faut se rendre compte que, pour
les intervenants, un enfant qui revient, cela veut dire que, durant
l'année qui va suivre, ils vont avoir leur échec tous les jours
devant les yeux alors que, de celui qui s'est bien intégré, bien
souvent, ils n'en entendent pratiquement plus parler. L'impact émotif
d'un échec de réinsertion chez une clientèle d'enfants -
je ne pourrais pas parler d'une clientèle adulte - est très grand
et rend les intervenants très... C'est très difficile pour eux.
Ils vont devenir méfiants et dire: On est peut-être mieux d'aller
doucement avec les autres. Ils deviennent réticents à essayer
toute forme d'intégration pour un bout de temps. Avec celui qui a
vécu un échec, c'est toute une histoire d'essayer de faire une
deuxième tentative. Et les parents et le personnel vont dire: On n'est
pas pour lui faire vivre un deuxième échec; il est bien ici et
tout cela. Cela a beaucoup d'impact. Ce que je veux vous dire, finalement,
c'est que les échecs ont beaucoup d'impact. Dans ce sens, il faut
pratiquement mettre toutes les chances de notre côté quand on fait
de la réinsertion et, actuellement, je trouve qu'on n'en met pas
beaucoup, c'est-à-dire qu'on a très peu de moyens pour faire la
réinsertion. On veut en faire et il faut en faire, mais on a très
peu de moyens. Ce sont des ressources très fragiles, externes. Quand
c'est sur le point de "péter", c'est difficile pour nous d'injecter
rapidement du personnel ou des ressources supplémentaires qui
permettraient de stabiliser la situation, parce que, finalement, tout ce qu'on
réussit à économiser en internat, on l'investit au maximum
en externe. On n'a pas de marge de manoeuvre qui permettrait, dans des
situations d'urgence, de mettre des ressources particulières et de ne
pas vivre d'échec.
M. Laplante: Une dernière question à propos des
foyers nourriciers. Cela concerne la femme. Il y a quelques groupes qui ont
noté dans leur mémoire que c'est la femme qui écopait,
encore une fois, du travail dans des foyers nourriciers. Quand vous avez neuf
enfants dans un même foyer, est-ce que l'homme est libéré
de son travail pour aider à sa femme ou si c'est un supplément
pour...
Mme Buisson (Diane): Ce n'est pas possible quand il y a neuf
enfants dans une maison que la femme s'en occupe seule. On a d'ailleurs eu ces
expériences et cela n'a pas fonctionné. Présentement, il y
a deux familles d'accueil spécialisées où il y a six
jeunes qui résident avec un couple dont le
mari ne travaille pas. Il travaille auprès de sa femme. À
ce moment-là, c'est plus possible, parce que le couple est capable
d'investir ensemble par rapport aux enfants. Mais une femme qui va prendre soin
de tout ce monde dans une maison, ce n'est pas possible à court
terme...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En connaissez-vous une
qui prend soin seule de neuf enfants?
Mme Buisson: Non.
M. Laplante: Mais il y a une chose que je ne comprends
plus...
Mme Buisson: Le maximum, c'est six enfants.
M. Laplante: II y a quelque chose...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous venez de nous dire
que c'étaient neuf.
M. Laplante: Oui.
Mme Buisson: Non. Il y a des familles d'accueil
régulières qui existent où il y a neuf jeunes qui peuvent
vivre. D'accord?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, vous en avez qui
sont plaçés là?
Mme Buisson: Non. Une voix: Bien oui.
Mme Pelletier (Colette): J'aurais une précision à
apporter. L'enquête a porté sur... On a fait un "follow-up", on
est allé voir ce qu'étaient devenus une cinquantaine de clients
qui étaient en ressource externe, qui ont été surtout
intégrés dans des familles d'accueil de type, entre guillemets,
"traditionnel" dans le sens où ce sont des familles d'accueil qui
relèvent du CSS et qui ont un contact avec, pour seul professionnel, le
travailleur social. C'étaient des familles qui ne relevaient plus du
Renfort. Dans ces familles de type un peu plus traditionnel qui existent quand
même comme ressources depuis plusieurs années, on peut retrouver
encore à l'occasion plusieurs bénéficiaires dans une
même famille.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce n'était pas
vous autres qui les aviez placés là, ils étaient
placés là par...
Mme Pelletier: Par le biais du CSS parce que, quand Le Renfort
intégrait une personne handicapée dans une ressource externe,
c'était toujours par le biais du CSS, par le biais d'un travailleur
social qui sélectionnait une famille d'accueil de type traditionnel,
c'est-à-dire une famille ordinaire, ne bénéficiant pas
d'éducateur comme dans les familles d'accueil spécialisées
par exemple ou les foyers spécialisés. C'était par le
biais du travailleur social qu'on plaçait le bénéficiaire
en ressource externe. Cette famille-là relevait par la suite du
travailleur social. On ne fournissait plus de service direct à ce
client-là. On est allé voir après plusieurs années
ce qu'étaient devenus ces clients-là.
Ce que je voulais passer comme message, pour la clarification, c'est
qu'au fond, étant donné que ces familles - les familles d'accueil
de type traditionnel - n'ont comme conseiller sur le plan professionnel qu'une
travailleuse sociale, la majorité ne sont pas sensibilisées au
principe de normalisation, à l'importance, avec une personne
handicapée mentale, de toujours continuer à l'alimenter, à
lui permettre de faire des apprentissages. Et, parmi les apprentissages
justement, il faut leur apprendre à aller au restaurant du coin,
apprendre à utiliser le transport en commun ou apprendre à
partager des loisirs avec des gens de la communauté. Ces familles ne
sont pas beaucoup sensibilisées à la normalisation, et c'est un
peu pour cela que...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a encore quelque
chose que je ne comprends pas.
M. Laplante: Oui mais là vous êtes après
m'enlever tout ça.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Allez-y!
M. Laberge: Je peux peut-être essayer de vous donner une
réponse à cela. Je pense qu'on parle d'une diversité de
ressources et qu'on se mêle dans nos appellations. On a des familles
d'accueil régulières, c'est-à-dire des familles d'accueil
qui relèvent du CSS et qui ont jusqu'à neuf
bénéficiaires chez eux. On retrouve surtout ce type de familles
d'accueil chez les adultes.
Dans la région immédiate de Saint-Jean, j'en connais au
moins deux. Je sais que, dans ces deux familles-là, le couple travaille
là. Il y en a sûrement d'autres mais j'en connais deux qui en ont
neuf. Je connais d'autres familles qui en ont un, deux, trois ou quatre. Cela
varie. C'est ce premier type de familles d'accueil qui s'appellent les familles
d'accueil régulières. Dans la recherche qu'on a menée il y
a une grande quantité de clients qui sont rendus dans ce type de
ressource où, généralement, l'argent qui est
dépensé par bénéficiaire, c'est en moyenne 12 $ par
jour.
Au bout d'un certain temps, voyant qu'il n'y avait plus de ce type de
ressource, ou, en tout cas, pour le type de clientèle qu'il
nous restait à placer, on ne trouvait plus de famille, on a
développé des familles d'accueil qu'on a appelées des
familles d'accueil spéciales, c'est-à-dire que ce sont des
familles d'accueil du CSS mais on contribue également d'un montant par
jour, qui peut être de 7 $ ou 8 $, ce qui ramène le total par jour
à 20 $.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah bon!
M. Laplante: Ah bon!
M. Laberge: Ce dont Diane parlait tantôt, c'est que dans
ces familles d'accueil spéciales qui relèvent à la fois du
Renfort et du CSS - on en a deux - il y a six bénéficiaires et on
leur donne 20 $ par jour et un éducateur aussi qu'on envoie dans la
famille à plein temps. Vous voyez que les ressources qu'on y met ne sont
plus du même ordre. Cela tient le coup, cela va bien, il se fait une
assez bonne réadaptation, mais cela reste quand même assez
fragile.
Le troisième type de ressource qui s'amène maintenant avec
la loi, c'est ce qu'on appelle les familles d'accueil de réadaptation
où on parlera de 28 $ par jour et où on parlera de deux à
quatre bénéficiaires. Tantôt vous en parliez à un
autre groupe et avec nous autres aussi. Ce type de famille d'accueil de
réadaptation nous semble assez intéressant aussi, bien qu'on
n'ait pas encore tout à fait départagé qui va faire quoi
entre le CSS et nous autres et la famille d'accueil de réadaptation
aussi. Cela revient à dire que ces mouvements nous semblent être
dans la bonne direction en ce sens qu'on commence à donner aux gens qui
s'occupent des personnes handicapées des nombres plus réduits et
des moyens financiers un peu plus acceptables, et que ces familles vont
commencer à penser à leur tour à faire des "affaires" -
entre parenthèses - peut-être un peu plus valorisantes et
rentables. Et on pourra peut-être exiger d'elles un "output"
supérieur également.
Je pense que c'est un mouvement vers lequel il faut aller et, si la
désinstitutionnalisation doit aller un petit peu plus loin, on devrait
développer ce type de ressource. Mais, quand on commence à parler
de 28 $ par jour, plus les services de soutien extérieurs, plus le
dépannage, plus les vacances, etc., on ne pense plus tellement à
faire des économies, on pense davantage à recycler des
budgets.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais cela n'est pas
encore en place.
M. Laberge: On se prépare à développer un
certain nombre de ces familles d'accueil à l'automne. Il y a des
endroits où c'est en place, où c'est commencé. Le
développement des familles d'accueil de réadaptation a dû
passer par l'ensemble des chicanes institutionnelles traditionnelles, à
savoir combien le CSS va dépenser, combien le centre d'accueil va
dépenser, qui va faire quoi, etc. C'est à peu près
toujours la même chose quand il sort un nouveau...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je veux revenir en
arrière.
M. Laberge: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez placé
des enfants qui étaient sous votre responsabilité dans des foyers
où ils étaient six. Appelons-les des foyers spéciaux. Ils
n'étaient pas encore aussi sophistiqués que vos
réadaptations. C'étaient des foyers pas ordinaires, mais des
foyers spéciaux. Ils n'étaient pas plus de six.
M. Laberge: On en a placé un certain nombre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À un moment
donné, puisque ces enfants se sont retrouvés même s'ils
avaient vieilli, dans un foyer d'accueil ordinaire où ils étaient
neuf, vous avez coupé votre responsabilité envers eux.
M. Laberge: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce que je veux savoir,
c'est jusqu'à quel point devriez-vous... Dans le cas d'enfants
handicapés qui ne se réintègrent pas totalement dans la
société - s'ils retournent sur le marché du travail, qu'on
les laisse comme les autres - ce sont des enfants qui auront toujours besoin
d'un certain encadrement, d'une certaine protection. À quel moment
allez-vous couper les liens avec ces enfants-là? Ils ont
été coupés parce qu'à un moment donné vous
les avez retrouvés dans des familles où ils étaient neuf
et où ils n'auraient pas dû être?
M. Laberge: Votre dernier petit bout me cause des
problèmes, mais jusqu'à ce que vous disiez cela...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Répondez au...
M. Laberge: On a peut-être une particularité dans
notre cas, étant donné qu'il y a ici deux établissements
autonomes qui ont des vocations complémentaires: nous pour les enfants,
et le centre Anne-LeSeigneur pour les adultes; c'est ce qui a fait qu'à
un moment donné on a peut-être perdu trace des adultes. Cette
forme de fonctionnement, on la repense actuellement
au niveau régional. On n'est plus certain que c'est la bonne
méthode. En tout cas, on a fonctionné de cette façon.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II ne faudrait pas perdre
trace de ces gens-là. Ils sont dans la communauté.
M. Laberge: Ce que je veux dire, c'est que le centre
Anne-LeSeigneur les a peut-être encore en supervision. Je ne peux pas
vous le dire. Il faudrait avoir l'information à ce sujet.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez peut-être
raison. Je ne vous blâme pas non plus.
M. Laberge: Je comprends.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce que je dis, c'est que,
quand on a des enfants - on va les appeler enfants adultes ou jeunes adultes -
qui sont aussi handicapés, il ne faut pas qu'à un moment
donné ils soient perdus dans la brume. Surtout leurs familles, sous
prétexte qu'ils ont 18 ans... Ils sont handicapés et il semble
que peut-être le centre Anne-LeSeigneur les supervise, mais on n'est pas
certain. Il y a eu un moment où les ponts ne se sont pas faits.
Mme Rondeau: Souvent, la clientèle qui est en famille
d'accueil régulière n'a plus de contact, même en services
externes, avec les centres d'accueil. Elle est vraiment prise en charge
uniquement par le CSS, qui peut avoir plus ou moins d'expertise selon le
praticien avec qui on fait affaires et qui peut avoir plus ou moins d'attentes
face aux bénéficiaires, selon la personne avec qui on fait
affaires.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je dois vous dire que
cela ne me dérange pas qui a la responsabilité de qui, mais je
veux m'assurer qu'il y a quelqu'un qui a la responsabilité d'une
personne handicapée.
Mme Rondeau: À ce moment-là, c'est le CSS.
Mme Pelletier: Plus précisément, le travailleur
social qui assure un soutien à la famille d'accueil au besoin. Sauf
qu'on se rend compte, par le biais de la recherche précisément,
qu'il y a un besoin chez les familles d'accueil au niveau professionnel,
à savoir comment développer, faire certains apprentissages avec
cette clientèle. Ils ont peu de moyens pour le faire. Alors, la
désinstitutionnalisation, le placement en famille d'accueil, ce n'est
pas un simple déménagement, finalement. Une fois que la personne
se retrouve dans une ressource externe...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce que vous nous dites,
c'est qu'il y a des trous.
Mme Pelletier: Oui, et ce dont on se rend compte, c'est qu'il
faudrait probablement que le centre d'accueil ou le service social assure un
suivi professionnel des programmes d'apprentissage, même quand le
bénéficiaire est rendu en famille d'accueil, alors que cela ne
s'est pas toujours fait ainsi. Il existe encore des familles d'accueil qui
n'ont pour seule ressource que le travailleur social, qui n'est pas toujours
à même de suffire à la demande et,
précisément, d'inciter la famille à faire des programmes
d'apprentissage avec la clientèle et à la sensibiliser à
utiliser les ressources communautaires.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II est déjà
passablement tard. J'ai lu une partie de vos documents. Je dois vous dire que
je n'ai pas lu toute l'enquête au complet, mais je vais certainement la
lire attentivement.
La désinstitutionnalisation - c'est un peu le message des autres
- c'est dans la mesure où les ressources sont là et, dans le
moment, elles n'y sont pas. Vous, quand vous avez fait votre
désinstitutionnalisation, avez-vous eu des ressources
supplémentaires?
M. Laberge: Non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors il y a quelque
chose que je ne comprends plus. On dit: II faut mettre de l'argent à
nouveau... Et vous désinstitutionnalisez et vous n'avez pas de
ressources supplémentaires. Comment procédez-vous? Faites-vous
des miracles?
M. Laberge: On ose prétendre qu'on a fait de la
rationalisation et qu'on a fait de la réorganisation de ressources
à l'interne. Peut-être que les gens du ministère pourront
vous confirmer cela, mais je peux vous dire que, depuis 1978, avec un ajout de
budget net de 20 000 $ au niveau de l'ensemble du Renfort, et avec des
compressions nettes de 123 000 $, ce qui nous fait 103 000 $ négatifs,
on a développé 145 places à l'externe. On a
développé deux centres de jour: un centre de jour à
Saint-Jean où on a affecté trois postes...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon. Alors ce que vous me
dites, c'est que cela va coûter moins cher.
M. Laberge: Non, je ne vous dis pas que cela va coûter
moins cher. Je vous dis que, par la volonté qu'on a exprimée
à l'interne, en augmentant la productivité de nos employés
dans différents secteurs, et en recyclant un petit poste par ci et un
petit
poste par là, on a réussi à développer huit
postes qu'on a affectés à l'externe, et ces huit postes font de
l'aide éducative à domicile, des centres de jour, ils font du
sport dans les familles d'accueil spéciales. On a trouvé le truc
des familles d'accueil spéciales en impliquant le CSS. C'est un truc,
c'est un "gadget", entre parenthèses, où il s'agissait de
combiner la formule de famille d'accueil avec un investissement que nous
faisions. Plutôt que de payer la bouffe à l'interne, on la payait
dans les familles d'accueil et, bon, on a développé nos services
externes un peu comme on a pu dans ce sens-là. Quant à nos
services externes, on avoue - et là on ne sera pas humbles - qu'on est
très contents et très fiers de nos services externes. L'une des
choses que l'enquête ne rend peut-être pas très bien, c'est
que grâce à des services externes et aux services qu'on offre
à la petite enfance, on a maintenant une trentaine de très jeunes
enfants de deux à six ans qu'on prend en charge et que les parents
gardent chez eux; ils continuent à s'y intéresser et ils ne se
démotivent pas et ne cherchent pas un placement. Ils veulent les garder
chez eux; ils viennent chez nous au centre de jour, ils font du
dépannage-répit les fins de semaine; ils ont de l'aide
éducative d'un professionnel à domicile. Ce sont des supports
suffisants qui font en sorte que le parent n'est pas tout de suite en train de
chercher et dire: Plaçons-le, c'est un déficient, on ne peut rien
faire avec. C'est une voie qu'il faut absolument développer.
Malheureusement, les budgets ne sont pas très centrés sur
le développement des services à la petite enfance.
Déjà, on commence à sentir qu'on n'a plus suffisamment de
ressources et il y a des listes d'attente qui commencent à arriver. Cela
me fait véritablement peur parce que je me dis que, si on n'investit pas
fortement sur la jeune clientèle, on va les retrouver en internat dans
pas grand temps. Il faut qu'on ramasse ces clients-là et qu'on leur
donne des services adéquats et qu'on continue à faciliter la
tâche aux parents pour qu'ils continuent à être
intéressés à les garder chez eux. Cela est une clé.
La recherche n'était pas centrée là-dessus et c'est
quelque chose où on n'était pas.
Quand vous parlez de services externes et de besoins de ressources
extérieures, c'est qu'on a plafonné aussi. Cela a marché,
pour en sortir 104. Mais, depuis deux ans, cela ne sort plus au même
rythme. Ce n'est plus 21, mais cela a ralenti. La clientèle qui reste
à l'interne, pour l'envoyer à l'externe il va falloir augmenter
les moyens, il va falloir donner deux éducateurs au lieu d'un, des plus
gros budgets, etc. Là, on n'a plus les moyens de le faire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela bloque la
démarche.
M. Laberge: Cela bloque, c'est cela.
Mme Rondeau: Cela tient un peu par la peau des dents par bouts.
Ce que je veux dire, c'est que, finalement, tout ce qui est
économisé à l'interne est investi à l'externe, mais
il n'y a aucune marge de manoeuvre. Avec des ressources aussi fragiles que ce
qu'on est capable d'avoir à l'externe, parce qu'elles n'ont quand
même pas la même solidité qu'une institution, on ne peut pas
se permettre de jouer aussi juste qu'on joue et on a vraiment l'impression
quelquefois qu'on est sur la corde raide et on ne sait jamais si on sera
capable de maintenir les choses. C'est vraiment très difficile de
fonctionner dans un contexte comme cela.
M. Laberge: Tous les établissements que je connais qui ont
fait des mouvements de désinstitutionnalisation massifs avec un certain
succès avaient des marges de manoeuvre importantes au niveau de leur
budget, en ce sens qu'il y avait eu une réduction importante de la
clientèle. Ce que le Dr Mackay vous expliquait tantôt, lorsqu'on
passe d'une clientèle de 700 à 600, il se dégage un
certain nombre de postes et de budgets et tu peux réaffecter ces postes
et budgets à développer des ressources différentes. Ce
sont des opérations qui peuvent se faire, pas facilement parce que les
conventions collectives ne sont pas très flexibles là-dessus,
mais avec de la patience et avec une certaine habileté on réussit
à faire des choses intéressantes de ce côté.
Autrement, les gens qui ont essayé de faire de la
désinstitutionnalisation sans moyens additionnels se retrouvent dans des
situations absolument délicates. Je ne veux pas nommer d'institutions,
mais je pense que vous pourrez toujours prendre des informations; le
ministère en connaît certaines. Ceux qui ont essayé des
opérations casse-cou, sans manoeuvres budgétaires, se sont
cassé la gueule royalement; ce n'était pas possible. Cela
engendre des coûts à court terme qui sont plus grands. Quand on
les prend dans une institution où ils ont vécu pendant dix ans et
qu'on les envoie dans une famille d'accueil, si on n'a pas une équipe
d'urgence pour aller régler certains problèmes inattendus, on a
un problème.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On vous remercie
beaucoup. Je pense que vous nous avez apporté, vous autres aussi, des
éléments nouveaux. On recommuniquera peut-être avec
vous.
M. Laberge: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci. La commission
ajourne ses travaux à demain matin, 9 h 30.
(Fin de la séance à 22 h 51)