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(Dix heures six minutes)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît! La sous-commission des affaires sociales reprend ses travaux
pour entendre les différents groupes, établissements ou
intervenants impliqués dans la distribution des services de soutien et
de réinsertion sociale offerts aux personnes atteintes de troubles
mentaux et vivant dans la communauté.
Les membres de la sous-commission sont: Mme Lachapelle (Dorion), MM.
Lafrenière (Ungava), Laplante (Bourassa), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) et
M. Pratt (Marie-Victorin).
Le premier mémoire que nous entendrons ce matin est celui de la
Fédération des CLSC du Québec. J'inviterais les membres de
ladite fédération à venir à la table.
Bonjour, M. Charlebois. Je vais vous demander de présenter vos
collègues pour les fins du Journal des débats et ensuite vous
pourrez procéder à la lecture - enfin! je ne sais pas de quelle
façon vous voulez procéder - de votre mémoire.
Fédération des CLSC du
Québec
M. Charlebois (Maurice): D'accord. Je vais commencer par
présenter les gens qui m'accompagnent. À mon extrême
gauche, M. Hugues Robert, vice-président de la fédération
des CLSC; M. Jacques Hould, directeur général du CLSC de
Centre-Sud à Montréal; M. Yves Léveillé,
vice-président de la fédération des CLSC et
également directeur général du CLSC Saint-Hubert. À
mon extrême droite, M. Jean-Pierre Bélanger, directeur des
services d'analyse et de recherche à la fédération des
CLSC et M. Louis Côté, directeur général du CLSC La
Petite Patrie, à Montréal.
Mme la Présidente, mesdames et messieurs les
députés, c'est avec plaisir et un vif intérêt aussi
que la Fédération des CLSC du Québec se présente
aujourd'hui devant vous pour vous faire part du point de vue des CLSC sur la
distribution des services de soutien et de réinsertion sociale offerts
aux personnes atteintes de troubles mentaux et vivant dans la
communauté.
Les CLSC partagent la préoccupation de toutes les institutions du
réseau des affaires sociales vis-à-vis de la santé mentale
et des services à offrir aux personnes qui sont atteintes de troubles
mentaux. La désinstitutionnalisation des malades mentaux et leur
réinsertion sociale sont des problématiques qui non seulement
font l'objet de notre réflexion mais auxquelles plusieurs CLSC sont de
plus en plus confrontés dans leur pratique quotidienne.
Notre intervention d'aujourd'hui portera surtout sur l'orientation qui
doit présider, quant à nous, à une organisation
adéquate des services à mettre en place pour répondre aux
besoins des personnes affectées de problèmes mentaux et pour
impliquer également la communauté dans les solutions.
Ce n'est pas la première fois au Québec qu'on parle de
désinstitutionnalisation des malades mentaux. Depuis plusieurs,
années déjà, on a fait le constat qu'un internement
prolongé n'était souvent pas la meilleure solution aux
problèmes d'un bon nombre de ceux qui sont affectés de troubles
mentaux. On a même effectué quelques tentatives de
désinstitutionnalisation qui, pour avoir été trop massives
et pas assez planifiées, n'ont pas entraîné les
résultats escomptés. Il ne s'agit pas ici de faire le
procès du passé, mais il peut être utile d'en tirer des
leçons pour l'avenir.
Ainsi donc, avant d'accélérer le processus, il convient de
procéder à l'identification des services alternatifs à
l'institutionnalisation et à leur mise en place. Ce qu'il faut
éviter à tout prix, c'est l'abandon des individus à
eux-mêmes, à leur famille et au milieu de vie, sans soutien et
sans services adéquats, pour leur assurer les meilleures chances de
réinsertion sociale.
Avant d'aborder comme tel le cadre de notre présentation, il nous
apparaît utile de parler de la présence des CLSC en santé
mentale. Un préjugé veut que les CLSC soient absents du domaine
de la santé mentale et ne soient pas accessibles aux personnes les plus
gravement atteintes. Certains pensent encore que les CLSC ne s'occupent que de
prévention. En outre, on constate que rares sont ceux qui dispensent un
programme spécifique nommément appelé santé
mentale.
Dans les faits, de nombreux CLSC, dans un premier temps,
intègrent déjà la dimension santé mentale dans
leurs
programmes courants. Programmes de périnatalité,
d'éducation sexuelle, de resocialisation des personnes
âgées isolées, groupes de chômeurs, groupes de
croissance, etc., autant d'exemples qui ont une incidence sur la santé
mentale des individus et des groupes.
Nous avons tenu, il y a quelques mois, un important colloque sur la
question de la santé mentale et ce dernier a permis de mettre en
évidence plusieurs expériences très concrètes qui
se vivent dans les CLSC et aux quatre coins du Québec. Nous en avons
cité quelques exemples dans notre mémoire.
Bref, les CLSC sont déjà présents en matière
de réponses à apporter aux problèmes de santé
mentale des populations qu'ils ont à desservir. Cela résulte,
d'une part, de la nécessité de tenir compte de cette dimension
dans l'actualisation des programmes généraux des CLSC, mais aussi
de la nécessité de répondre plus adéquatement
à des problèmes spécifiques vécus de façon
plus aiguë à certains endroits.
Depuis quelques annnées, le cercle des personnes et des
institutions intéressées à discuter des questions de
santé ou de maladie mentale s'est élargi. Les CLSC en sont, par
la force des réalités avec lesquelles ils sont confrontés.
Et, avec les transferts d'effectifs des CSS vers les CLSC, ils le seront de
plus en plus dans la mesure où ils auront éventuellement à
assurer progressivement un plus grand rôle en matière d'urgence
sociopsychiatrique.
Il nous semble logique, avant d'aborder l'ordre des moyens
nécessaires pour assurer le soutien et la réinsertion sociale des
personnes atteintes de troubles mentaux et qui pourraient vivre dans la
communauté, d'essayer de cerner l'ampleur et la nature des
clientèles visées.
Au niveau de l'ampleur des besoins, l'incidence de plus en plus grande
des problèmes de santé mentale a été largement
démontrée et fait l'objet d'un consensus. Si on rappelle quelques
chiffres, en 1978-1979 par exemple, la prévalence des troubles mentaux
pour les 65 ans et plus est de 189 pour 1000. Le suicide est la deuxième
cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 30 ans. L'ensemble des
suicides au Québec, qui représentait 1, 5 % des suicides en 1974,
est passé à 2, 2 % en 1979. Un Canadien sur huit peut s'attendre
à être hospitalisé au moins une fois dans sa vie à
cause d'une maladie mentale. Ces maladies mentales sont la principale cause
d'hospitalisation chez les 15 à 44 ans, si on exclut les grossesses et
leurs complications. Près de 18 % du total des dépenses publiques
de santé en 1980-1981 sont imputables aux troubles mentaux. Ils
constituaient le groupe de maladies le plus coûteux, avant même les
maladies de l'appareil respiratoire.
Les intervenants des CLSC, pour leur part, trouvent dans leur pratique
quotidienne, confirmation de cet accroissement des problèmes d'ordre
mental chez les clientèles de tous âges. L'apparition de nouveaux
paramètres sociaux, reliée à la conjoncture
économique, à la modification du tissu social, à une
profonde mutation de la société, n'est pas
étrangère au phénomène et contribue à
accroître les facteurs de risque de la maladie mentale.
Déjà d'ailleurs, on peut évaluer chez nous, dans les CLSC,
à près de 10 % le nombre des usagers qui se présentent et
qui le font pour un problème relié à la santé
mentale.
Donc, les besoins quantitatifs de services en matière de
santé mentale sont énormes. Ils ne pourront que s'accroître
avec le viellissement de la population, si les tendances actuelles doivent se
maintenir. L'incidence croît en effet avec l'âge. Les CLSC sont
déjà impliqués avec ces clientèles et le seront par
la force des choses de plus en plus puisqu'ils sont les premiers responsables
des programmes de services et de maintien à domicile auprès des
personnes âgées. On n'insistera jamais assez sur les besoins en
santé mentale des personnes âgées, car non seulement leurs
besoins sont élevés, mais il s'agit aussi d'une clientèle
qu'on néglige parce qu'elle est déjà vieille.
Quant aux types de clientèles maintenant, il faut aussi
distinguer entre plusieurs types puisque chacune peut requérir une
approche et des modes d'intervention particuliers. On peut ainsi distinguer de
façon générale entre les personnes qui vivent des
problèmes de troubles mentaux, de celles qui vivent des problèmes
de déficience mentale. On peut aussi distinguer entre les personnes qui
peuvent guérir après un certain temps et celles qui seront aux
prises avec des problèmes chroniques tout au long de leur existence. Il
faut aussi considérer que les modes d'intervention requis peuvent varier
selon qu'il s'agit de problème de suicide, de misère sociale ou
de maladie mentale.
Les clientèles en matière de santé mentale sont
donc diversifiées. Par rapport à leur institutionnalisation
possible, il est une autre distinction qu'il nous semble importante de faire.
Il faut ainsi distinguer entre les personnes qui devront continuer à
être admises en institution pour des durées plus ou moins longues
à cause de l'ampleur de leurs problèmes; les personnes, d'un
autre côté dont on peut prévenir ou éviter
l'institutionnalisation avec un support adéquat d'elles-mêmes et
de leur environnement; les personnes actuellement hébergées en
institution et qu'il serait possible de réinsérer dans les
milieux de vie - pour une troisième catégorie - et, finalement,
les personnes déjà désinstitutionnalisées, mais qui
ont connu plusieurs séjours successifs en institution et qui ont encore
des problèmes
d'adaptation et qui peuvent présenter un certain caractère
chronique. (10 h 15)
La distinction fondamentale à faire, surtout entre les deux
derniers cas, réside dans les liens que ces personnes ont
conservés ou non avec leur milieu naturel. Les modes d'intervention
seront en effet fort différents, selon qu'il s'agira d'apporter un
support à l'individu, à sa famille ou à son entourage
immédiat qui demeurent alors les premiers responsables ou selon qu'il
s'agit d'aider une personne à se recréer un réseau de
soutien qu'elle n'a plus, à la suite d'une trop longue
institutionnalisation.
Rappelons simplement que le comité de santé mentale au
Québec situe entre 50 % à 75 % le nombre de personnes
actuellement hébergées pour des troubles mentaux qui auraient pu
être traitées dans leur milieu naturel avec un support
adéquat.
Cela nous amène à parler de la façon dont doit se
faire la désinstitutionnalisation. Nous avons évoqué dans
notre mémoire trois approches possibles que nous avons nommées la
désinstitutionnalisation sauvage à la "new-yorkaise"; la
désinstitutionnalisation paternaliste, par ailleurs, qui consiste dans
le fait qu'on désinstitutionnalise, mais que c'est l'institution
psychiatrique qui demeure responsable de l'usager et, finalement, une
troisième catégorie ou une troisième approche, qui est
nommée la désinstitutionnalisation communautaire, où ce
sont les institutions de première ligne qui sont responsables des
centres de crise et de la mise en place des supports communautaires
nécessaires.
Évidemment, c'est cette approche que nous privilégions.
L'institution psychiatrique dans ce contexte demeure, mais assume alors un
rôle de recours plus spécialisé, en cas de besoin.
L'intérêt de ce modèle, comme le démontrent
certaines expériences italiennes, c'est d'abord d'éviter
l'institutionnalisation des personnes qui n'ont pas absolument besoin de
l'être. Cela devient un dernier recours lorsqu'une autre solution n'est
pas possible.
Par ailleurs, les ressources communautaires qui sont
développées souffrent moins de rejet et permettent la
réintégration des ex-patients à un rythme que la
communauté peut absorber. Cette approche suppose qu'on respecte le
rythme d'absortion des communautés, mais cela, tout en intervenant de
façon dynamique pour influencer le mouvement de façon
positive.
La désinstitutionnalisation au Québec n'est pas un
problème théorique. En fait, le mouvement est déjà
largement amorcé depuis une vingtaine d'années. Louable dans ses
intentions, il n'a pas entraîné les effets escomptés. Il
s'est fait trop souvent sans préparation du milieu à recevoir les
patients des instituts psychiatriques, sans planification et sans mise sur pied
d'un réseau de ressources pour soutenir la réinsertion de ces
personnes, sans mise en place de services complémentaires,
préventifs et alternatifs à l'hospitalisation. Il s'est
soldé par un pourcentage si important de réadmission en milieu
hospitalier qu'on l'a appelé le "syndrome de la porte tournante".
Cette approche reposait pourtant sur des recommandations de rapports
sérieux. Le problème, c'est que les conditions qui sous-tendaient
cette approche n'ont jamais été réalisées.
Rappelons que cela supposait des équipes de santé mentale, dans
les CLSC, qui devaient permettre de répondre à une partie
substantielle des besoins des usagers en matière de santé mentale
et agir comme soutien aux ressources locales. Or, cela n'a jamais
été réalisé. Nous croyons toujours cependant
à la désinstitutionnalisation de type communautaire, dans la
mesure où on créera les conditions favorables
nécessaires.
Quels seraient les services requis pour procéder à cette
désinstitutionnalisation? Nous avons, en page 13 de notre mémoire
-sans reprendre la nomenclature - exposé finalement trois types de
services, trois niveaux de services qui devraient être fournis: les
services en milieu naturel, les services spécialisés et les
services ultraspécialisés.
Si on se concentre sur les services en milieu naturel, qui seraient ceux
dispensés par les CLSC, la préoccupation "santé mentale",
quant à nous, doit d'abord être véhiculée à
travers toutes les activités du CLSC: à travers les programmes de
périnatalité, par exemple, de services courants, de programmes en
santé ou en social. Nous voudrions aussi souligner l'importance
particulière du rôle que les omnipraticiens pratiquant en CLSC
peuvent jouer en matière de santé mentale, à la fois en
matière de diagnostic précoce des troubles mentaux, mais aussi
dans le traitement des problèmes ou des manifestations physiques qui
peuvent accompagner ces troubles. Dans ce contexte, les médecins
omnipraticiens des CLSC seraient des interlocuteurs privilégiés
dans les CLSC, pour les équipes de base en santé mentale.
En second lieu, une équipe multidisciplinaire en santé
mentale doit appuyer, au sein du CLSC, les efforts des autres intervenants.
Cette équipe multidisciplinaire devrait notamment fournir au personnel
du CLSC et aux bénévoles des groupes communautaires la formation
nécessaire. Les interventions psychosociales s'en trouveront
consolidées, ce qui devrait alléger la demande de services en
matière de soins psychiatriques; assurer également les
interventions en situation de crise et cela, notamment en favorisant la
coordination des ressources disponibles, travailler à l'émergence
de nouvelles ressources
alternatives qui pourront agir comme groupes de soutien et contribuer
à briser l'isolement des personnes aux prises avec des problèmes
de santé mentale; identifier aussi les besoins locaux en matière
de santé mentale et proposer les programmes d'intervention
nécessaires.
On ne mettra jamais non plus trop d'importance sur la
nécessité de l'intervention communautaire en matière de
santé mentale. C'est sûrement un des domaines où elle est
la plus indispensable. Elle se traduit, dans les faits, par la mise en place
d'organismes communautaires autonomes: des maisons de jeunes, des groupes
d'alcooliques anonymes, des maisons pour femmes violentées, et des
centres communautaires pour personnes âgées. Cela se traduit aussi
par la mise sur pied de groupes d'entraide. C'est là une pratique
déjà largement répandue dans les CLSC, comme en
témoigne un sondage que nous avons effectué il y a quelques
années, où près de 90 % des CLSC avaient
déclaré agir à ce niveau. 11 ne suffit pas, d'un autre
côté, de faire l'énumération des services requis. Il
faut aussi identifier par quel champ prioritaire d'action on doit commencer. Il
y a donc, quant à nous, certaines priorités et nous en
identifions deux. La première, c'est de venir en aide aux ex-patients
psychiatriques. On ne peut passer à côté de cette
priorité, car la désinstitutionnalisation se fait
déjà au Québec et c'est un mouvement irréversible.
Le problème, c'est qu'elle se fait mal, au moins en partie. Le taux
élevé de réadmission manifeste clairement les carences du
système actuel. Certains milieux, souvent défavorisés, en
sont davantage affectés et il est important d'y stopper au plus
tôt le processus de détérioration sociale et de
chronicisation de la misère sociale de certains.
Il faut pour cela compléter la gamme des services existants:
service d'hospitalisation de courte durée, les centres de crise, centres
de jour, centres de réadaptation, foyers de groupe, appartements
supervisés, services à domicile, groupes d'entraide,
thérapie de support, consultation budgétaire, etc. Les CLSC, en
fait, ont besoin de ressources pour répondre aux besoins des ex-patients
qui se présentent déjà chez eux et pour accroître
leur capacité d'intervention communautaire afin de développer les
ressources de soutien nécessaires.
Comme deuxième priorité, il faut développer la
prévention, la promotion et le traitement de première ligne.
Au niveau de la promotion en santé mentale, il s'agit
d'interventions qui visent à supporter les personnes, à
développer leur potentiel de santé mental et accroître le
potentiel de l'environnement des personnes sans chercher à
prévenir des troubles ou des problèmes spécifiques. En
bref, c'est tout ce qui peut favoriser la santé mentale.
Au niveau de la prévention, il s'agit, par des interventions
spécifiques auprès de l'environnement et des personnes, de
prévenir des difficultés ou des problèmes
spécifiques. Les activités proposées en prévention
dans les CLSC sont nombreuses et variées; elles s'adressent à des
clientèles à risque et, pour cette raison, ne doivent à
aucun prix être mises en veilleuse, sous prétexte d'intervention
à d'autres niveaux. La prévention se fait la plupart du temps par
le biais d'activités de groupe, lesquelles créent des
solidarités importantes. C'est une étape dans la prise en charge
de soi-même et on ne saurait trop insister sur son importance.
Au niveau du traitement, l'orientation générale à
suivre devrait être de garder les interventions dans le milieu naturel
tant que les intervenants croient qu'ils sont encore capables d'intervenir pour
le bien de l'usager. Cela suppose nécessairement qu'il reçoive
l'appui et la formation indispensable pour jouer ce rôle. Nous croyons
cependant que les équipes d'intervenants des CLSC peuvent jouer un
rôle précieux en matière de traitement puisqu'on y retrouve
les capacités d'intervenir tant au plan biologique que psychologique,
sanitaire que social, individuel que communautaire.
Un peu plus loin dans notre mémoire, nous avons tenté de
décrire quels seraient les paramètres du traitement dans le
milieu naturel. Les pistes qui doivent inspirer l'approche communautaire
seraient, quant à nous, les suivantes: Tout d'abord, que le traitement
s'effectue le plus près possible du milieu de vie de l'usager;
deuxièmement, que les parents et amis soient associés
étroitement au traitement, qu'on les aide à aider;
troisièmement, qu'un travail intense soit fait sur le tissu social pour
que la communauté joue son rôle; quatrièmement, que la
responsabilité du traitement puisse être assurée par
l'ensemble de l'équipe multidisciplinaire selon les capacités et
les disponibilités de chacun; cinquièmement, que le
préventif soit étroitement associé au curatif, puisque
c'est l'action curative qui permet de mieux connaître ce que l'on peut
ensuite chercher à prévenir; sixièmement, que l'approche
globale soit aussi respectée en matière de santé mentale,
mais qu'elle soit articulée en fonction des réalités
spécifiques qu'on y rencontre; septièmement, que la population
soit sensibilisée aux différentes facettes de la maladie mentale.
Cela peut se faire par des campagnes nationales qui chercheraient à
démystifier la folie, mais aussi par des actions locales
adressées plus spécifiquement à la communauté.
Chose certaine, il faut prendre le temps de travailler sur les
mentalités.
En conclusion, la mise en place de tels services nécessite des
ressources, des stratégies et des conditions de réalisation
particulières dont je voudrais maintenant toucher un mot.
Pour ce qui est des ressources, l'approche que nous proposons suppose
que la santé mentale devienne une préoccupation de l'ensemble des
intervenants et des programmes des CLSC, mais que ces intervenants soient
appuyés par une équipe multidisciplinaire qui prenne en charge la
dimension santé mentale à l'intérieur du CLSC. Ce qui veut
donc dire qu'il doit y avoir une équipe mise en place dans les CLSC.
Mais cela pose aussi la question de l'accessibilité des services des
CLSC et cela, notamment, en matière d'urgence socio-psychologique.
L'application du cadre de partage CSS-CLSC et les transferts d'effectifs
qui en résultent sont déjà un premier pas, mais ce ne sera
pas suffisant. Il faudra doter les CLSC des ressources requises. Ainsi, il
serait prioritaire que les CLSC puissent, au minimum, être accessibles
pour les urgences psycho-sociales de 17 heures à 22 heures tous les
soirs de la semaine; qu'une présence supplémentaire de cinq
heures soit assurée, par exemple, le samedi et qu'un système de
garde sur appel puisse être instauré en d'autres
périodes.
Il semble en effet que ce soit durant ces périodes, à la
suite de consultations que nous avons effectuées, que l'urgence
psychosociale doive être assurée en dehors des heures
normales.
En faisant l'hypothèse que ces deux conditions doivent être
assumées entièrement, c'est-à-dire la mise en place d'une
équipe et l'augmentation de l'accessibilité des services, nous
estimons que pour la mise en place des équipes, une somme additionnelle
de 40 000 000 $ doit être injectée et pour l'augmentation de
l'accessibilité, une somme additionnelle de 16 000 000 $.
Ces estimations sont des estimations maximales parce qu'elles ne
tiennent pas compte des transferts d'effectifs qui pourraient être
effectués au sein des CLSC, c'est-à-dire la réallocation
des ressources. Mais, il nous apparaissait important quand même de situer
l'ordre de grandeur de la mise sur pied de services concrets de base pour faire
face aux problèmes qui nous occupent.
Des stratégies d'implantation doivent aussi être
arrêtées. La mise en place d'une telle politique peut être
progressive, tenir compte de la capacité d'adaptation des
différentes communautés et du rythme de changement dans les
institutions. On aurait tort de précipiter le mouvement si on ne
s'assurait pas que les infrastructures sont en place. On ne ferait alors
qu'accentuer les maux actuels. Il est cependant important que la direction
choisie soit claire, afin que tous se préparent en conséquence.
On devrait aussi laisser les régions définir leur
stratégie d'implantation en tenant compte des particularités
spécifiques comme, par exemple, l'absence de ressources psychiatriques
en région périphérique. La situation ne se présente
évidemment pas de la même façon d'une région
à une autre.
Il y a aussi des conditions de réalisation qu'il nous
paraît utile de mettre en évidence. Parmi celles-ci, nous en
mentionnerons trois. La première, c'est l'existence d'un réseau
complet de services de première ligne, donc un réseau complet de
CLSC; deuxièmement, la mise à contribution des dynamismes de la
communauté et, troisièmement, la concertation de tous les groupes
et organismes concernés.
Quant à la première condition, c'est-à-dire le
parachèvement du réseau de CLSC, elle est en bonne voie de
réalisation.
Quant à la seconde condition, elle implique l'instauration d'une
politique de financement adéquat des organismes communautaires,
là où il n'y a pas seulement que des bénévoles et
de valorisation de ces initiatives essentielles.
Quant à la concertation, finalement, de tous les intervenants,
elle est absolument indispensable tant au niveau régional que
sous-régional, et cela non seulement entre les organismes publics, mais
entre les organismes du milieu. À cet égard, il faudrait, comme
cela a commencé à se faire à certains endroits, qu'on
favorise la mise en place de tables de concertation sous-régionales,
afin d'assurer la continuité d'interventions nécessaires.
En terminant, nous aimerions rappeler que si l'on parle de services de
soutien et de réinsertion sociale aux personnes atteintes de troubles
mentaux et qui vivent dans la communauté, c'est en bonne partie à
cause de l'échec de l'institutionnalisation. Il ne faut donc pas voir
que les faiblesses des expériences actuelles de
désinstitutionnalisa-tion, mais aussi leur origine. Nous n'avons pas le
choix comme système de services voué à répondre aux
besoins des personnes; nous devons continuer dans cette voie dans toute la
mesure du possible.
Mais nous avons, collectivement, la responsabilité
d'améliorer la façon dont nous le faisons. Il y a, nous
semble-t-il, des améliorations et des développements
sérieux à apporter. Il nous semble fondamental aussi que cette
démarche se fasse primordialement en fonction des besoins des patients
plutôt qu'en fonction de ceux des institutions ou des professions. Il
faudra aussi apporter une attention particulière, au cours de cette
démarche, à la question des ressources disponibles. Nous ne
sommes pas sûrs qu'elles sont globalement suffisantes pour que l'on
puisse simplement se contenter de faire des réallocations. Le domaine de
la santé mentale est, depuis longtemps, le parent pauvre et il faudra
évaluer sérieusement le
manque possible de ressources, surtout en régions
périphériques. (10 h 30)
Enfin, nous avons essayé de vous exposer aujourd'hui comment la
mise en oeuvre d'une telle approche pouvait être possible pour
répondre aux besoins des personnes atteintes de troubles mentaux et ce
qu'elle impliquerait pour les CLSC. Nous croyons toujours à la prise en
charge communautaire, mais nous voulons tenir sur la question un langage
réaliste. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup, M.
Charlebois, pour votre mémoire. Je tiens à remercier la
fédération. Je pense que c'est un mémoire qui a
été rédigé soigneusement et qu'on a tenté,
véritablement, de faire le tour de la question.
Je ne vous apprendrai rien en disant que, sur bien des points, vous
reprenez les constations ou les observations qui ont été faites
par d'autres groupes qui sont venus devant nous, par exemple, le manque de
ressources, parce que, s'il n'y en avait pas, on ne serait pas ici.
Le point qui m'apparaît crucial, même si on mettait les
ressources en place et qu'on avait l'argent pour le faire, c'est toute la
question de la sensibilisation et de l'ouverture de la population à ce
problème de la réinsertion sociale des personnes atteintes de
troubles mentaux et de troubles psychiques. C'est tellement ancré qu'on
avait l'impression que même des professionnels qui sont venus ici
disaient: On veut les aider, tout le monde comme nous autour de la table sommes
pleins de bonnes intentions, mais nous ne sommes pas sûrs que tout le
monde veuille les avoir dans sa cour, pour utiliser une expression un peu
populaire.
Il semble bien que les efforts soient voués à
l'échec, en dépit de bien des organismes ou bien des ressources
qui seraient mis en place, si cette opération n'est pas faite. Je pense
que les CLSC, par au moins un volet ou un aspect de leur vocation, ont un
rôle privilégié à jouer dans ce
domaine-là.
Évidemment vos énergies ont été prises par
de nombreux autres problèmes. Un bon nombre de vos CLSC sont encore
à l'état embryonnaire ou grandissent tranquillement. Même
pour ceux qui fonctionnent à temps plein, d'autres problèmes se
sont développés ou des problématiques sont devenues plus
aiguës qu'elles ne l'étaient peut-être au moment de la
fondation ou de l'ouverture de ces CLSC. On pense, par exemple, dans la
région de Montréal, à toute la question des personnes
âgées qui ne trouvent pas encore, même de la part des CLSC
avec les ressources qu'ils ont, des réponses adéquates. Si on
prend le domaine du maintien des personnes à domicile par exemple, ceci
est une clientèle qui s'y ajouterait et qui peut-être, je suis
certaine en certains cas, s'y ajoute déjà par la force des
choses.
Il y a eu la problématique du suicide, de l'alcoolisme, quoique
toutes ces choses ne sont pas toujours interreliées mais ne sont pas
toujours dissociées non plus. On a eu le témoignage de quelqu'un
qui nous a dit - si je ne m'abuse je pense que c'était du
côté de Verdun, de l'hôpital Douglas - que dans leurs
cliniques externes ou de secteur on constatait que chez les personnes atteintes
de troubles psychiques venaient se greffer, dans 40 % des cas, des
problèmes d'alcoolisme. Ce sont des choses qui se rejoignent.
J'aurais quelques questions à vous poser. J'aimerais que vous
parliez un peu plus sur les organismes volontaires ou les ressources
alternatives. On en parle tous, on a eu ici des représentants du
Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, pas plus tard
qu'hier soir, et d'autres groupes de bénévoles. Eux veulent
travailler. On sait qu'ils ont créé des réseaux
d'entraide, qu'ils assument des fonctions qui ne sont pas assumées
ailleurs, qu'ils comblent un vide dans bien des situations et que les
institutions elles-mêmes sont heureuses de référer à
ces organismes des cas à plus long terme ou qui ont un caractère
de chronicité avec lesquels ils ne savent pas quoi faire.
Compte tenu que vous avez déjà une bonne expérience
avec les organismes volontaires dans la communauté, quelles sont les
fonctions que vous aimeriez, dans ce domaine particulier, voir jouer par les
organismes volontaires? Vous allez peut-être me dire que c'est à
eux de décider des orientations ou, enfin, du rôle qu'ils veulent
jouer, d'accord; mais il reste qu'à un moment donné, il faut que
tout cela s'articule. Une autre constatation qui a été faite
à quelques reprises, c'est le fait qu'il existe entre les institutions
et les établissements du réseau et ces organismes-là
passablement de tensions, de luttes de pouvoir. On en veut bien pour autant
qu'ils nous rendent service, mais ils nous dérangent parfois. Enfin, je
pense que vous êtes peut-être même plus familiers... Cela
reste pour nous - pour moi, en tout cas et, je pense, peut-être pour les
membres de la commission - un problème parce qu'on peut, nous aussi,
faire un rapport avec une énumération de services qu'on pense
être requis. Mais comment articuler cela, et est-ce qu'on peut cerner un
peu mieux le rôle de chacun? Je laisse de côté, pour le
moment, votre rôle d'intervention en CLSC, dans les cas de crise et de
prise de contacts, etc. Je parle vraiment de l'articulation avec les organismes
du milieu.
M. Charlebois: Si vous me le
permettez, je pense que la meilleure façon de répondre
à cette question, c'est que certains témoignages vous soient
donnés. Je demanderais à certains de mes collègues, entre
autres M. Léveillé, de tenter de répondre à cette
question.
M. Léveillé (Yves): Avant de répondre
à la question, j'aimerais dire que les CLSC sont prêts,
contrairement à ce que vous abordiez tantôt. On est prêt
à s'occuper malgré les autres mandats qui nous sont
présentement accordés. On sait l'importance du problème,
on reconnaît l'importance du problème, et cela se relie
très bien aux groupes volontaires, parce que sans ces derniers on ne
pense pas, comme CLSC, pouvoir faire un job adéquat; et cela implique
nécessairement cela. Vu notre aspect d'intégration locale, on
pense - non pas seulement "on pense" - que les conflits avec les groupes locaux
sont beaucoup moins évidents et forts dans les CLSC, par rapport aux
CLSC que par rapport aux institutions qui sont là et qui doivent
conserver certains mandats absolument essentiels.
Dans le rapport qu'on vous soumet, ce qui est très important
c'est l'implication communautaire. Et l'approche communautaire implique que les
groupes locaux de soutien et les groupes locaux d'intervention douce
auprès des malades sont essentiels pour nous autres, et on ne fera que
les susciter et les appuyer dans ce sens-là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Écoutezl Je vais
vous référer au bas de la page 19. C'est un peu ce qui a
suscité ma réflexion, parce que je pense que c'est cela que vous
abordez d'une façon pe.ut-être un peu théorique, mais je me
demande si ce n'est pas ce problème que vous abordez. Enfin,
peut-être pourriez-vous m'expliciter ce que vous voulez dire au dernier
paragraphe de la page 19.
M. Hould (Jacques): Mon nom est
Jacques Hould, du CLSC Centre-Sud. La réinsertion sociale, on la
vit depuis quand même assez longtemps. Le centre d'accueil Simard, qui
est relié à l'hôpital Notre-Dame, a fait des travaux de
réinsertion sociale d'ex-patients dans le quartier. Automatiquement
aussi, lorsqu'il y a réinsertion sociale, souvent les gens viennent
vivre dans les milieux défavorisés où le logement est
moins cher, où les ressources communautaires sont assez présentes
et où il y a également un réseau où on peut acheter
des meubles à bas prix. Il y a beaucoup de raisons qui font en sorte
qu'à un moment donné quelqu'un qui est limité au point de
vue financier se retrouve dans un quartier défavorisé. Dans ce
sens-là, au CLSC Centre-Sud, on est confronté avec la situation.
On a eu plusieurs niveaux d'intervention.
Au CLSC, on a créé des groupes de réinsertion
sociale qui sont directement orientés vers des gens qui ont des
problèmes de santé mentale. On apporte aussi certains soutiens en
termes de gestion budgétaire. Les groupes, dans un premier temps, on les
formait pour leur faire visiter différentes ressources communautaires
qu'il y avait dans le quartier. On a aussi fait en sorte que les ressources
communautaires du quartier ne soient pas prises au dépourvu ou n'aient
pas une attitude de rejet par rapport à ces gens-là qu'on voit un
peu partout dans le quartier. À ce moment-là, dans certains
groupes populaires, ces individus peuvent être accueillis pour autant
qu'il y a un intervenant du CLSC qui vienne un peu faire le pont entre les
responsables de la ressource communautaire et cette clientèle. Cela a
été une façon de faire.
D'autres éléments. Au CLSC Centre-Sud, on a l'avantage
d'avoir un centre d'éducation populaire qui, lui, donne des cours
d'initiation aux citoyens du quartier. 11 y a eu des protocoles de
signés entre des ressources de centres d'accueil et ce centre
d'éducation pour que les gens viennent de temps à autre suivre
des cours. En fait, le but n'était pas nécessairement que les
gens apprennent un métier spécialisé, ce n'était
pas cela. C'était en même temps de faire qu'autour de ce
centre-là, les gens puissent prendre contact avec la cuisine, la salle
à manger. Les gens du quartier allaient manger, pouvaient prendre
contact avec d'autres intervenants, d'autres citoyens. À ce
moment-là, cela a été une certaine insertion avec le
milieu comme tel.
Cette stratégie de réinsertion sociale, on l'a aussi avec
des personnes âgées qui vivent dans le quartier, qui n'ont pas
connu le réseau institutionnel et qui vivent un certain isolement. On
tente de les réinsérer au niveau de la dynamique communautaire.
Ce sont différentes façons qu'on voit. C'est clair qu'une seule
ressource ne peut pas; il faut vraiment qu'il y ait un réseau et que les
gens se supportent ensemble. Dans ce sens-là, il faut miser sur cet
aspect: faire que le tissu social, le tissu communautaire soit
sensibilisé à ces questions.
Un des problèmes qu'on rencontre aussi au niveau des intervenants
du CLSC, c'est qu'au niveau du "case load", au niveau des cas qu'ils
rencontrent, ils rencontrent beaucoup de cas qui ont des problèmes de
santé mentale. Ils ne sont pas nécessairement habilités
à traiter les cas, ils sont pris au dépourvu par rapport à
des problèmes de démence ou des choses semblables. Cela nous a
amené à établir des relations avec le centre de
santé mentale relié à l'hôpital Saint-Luc pour qu'on
ait un support par rapport aux interventions qu'on peut donner.
On a aussi vécu des expériences au niveau de la
périnatalité, où on constatait
que les cours de périnatalité qui se donnaient au
département de santé communautaire ne rejoignaient pas une
clientèle à haut risque qui avait des problèmes de
santé mentale. À ce moment-là, on a eu une
stratégie pour les rejoindre. Concrètement, le ratio - parce
qu'on parle de ressources - le ratio pour un cours prénatal au CLSC est
de huit individus et on y affecte une infirmière et un travailleur
social; alors que dans un département de santé communautaire,
pour une population qui n'a pas ce problème-là ou qui fonctionne
d'une façon plus normale, le ratio est environ un intervenant pour vingt
familles. (10 h 45)
C'est clair que dans un milieu défavorisé, on a
reçu énormément de personnes avec des problèmes de
santé mentale. Et c'est clair qu'en retour, l'investissement est
très fort pour une clientèle à haut risque, de cette
façon.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vouliez-vous ajouter
quelque chose?
M. Côté (Louis): Oui, par rapport au dernier
paragraphe de la page 19...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Côté (Louis): ...où on parle de synergie.
Je pense que la synergie, dans le réseau des affaires sociales et dans
la communauté, c'est un élément qui est important à
tous les niveaux. D'une part, quand on dit que ce n'est pas étranger aux
résultats qu'on obtient, le fait de travailler en partnership
plutôt qu'isolément, je pense que c'est vrai sur le plan de la
planification et de la coordination des programmes, par exemple, au niveau
d'une sous-région ou au niveau d'une région.
Comme vous le savez, à Montréal, il y a une étude
récente qui vient de paraître, le rapport Aird, Amyot, Charland
qui recommande une extension même des modes de concertation qui sont
déjà en train de se mettre en place dans la région de
Montréal, où on retrouve autour de la même table, autour
d'une même clientèle aussi, et autour du développement de
projets conjoints les CLSC, les CSS, les centres hospitaliers. Les ressources
alternatives sont aussi représentées comme partenaires à
part égale.
C'est important, je pense, que chacun des partenaires dans cette
concertation soit à part égale et ait une base commune, qu'on ait
une base commune sur le plan de la clientèle à desservir. Il y a
souvent des pertes d'énergie, en particulier dans la région de
Montréal, dans le sens que chacun des réseaux a son
découpage territorial particulier. Vous savez que, quand on veut
collaborer avec, par exemple, une équipe de santé mentale de
clinique externe de psychiatrie, une équipe de CLSC et des ressources
communautaires ou alternatives, ce n'est pas accessoire le fait d'avoir une
base commune au point de vue géographique quand on sait que la
psychiatrie est sectorisée. Sauf que les secteurs, actuellement, dans la
région de Montréal, de CSS, de CLSC et d'hôpitaux
psychiatriques ne correspondent pas et, aussi, cela crée un
problème d'articulation avec les ressources communautaires.
Donc, c'est important sur le plan de la planification des projets comme
tels. Les partenaires se retrouvent ensemble autour d'une même table. On
peut prendre un exemple concret - quand on parle de synergie - qui donne de
meilleurs résultats. Si vous prenez l'exemple du pavillon Saint-Germain
à Montréal, où il y a eu des difficultés
d'implantation dans la communauté, c'est évident que ce projet a
plus de chance de s'implanter dans la communauté quand c'est fait
conjointement entre le CLSC du quartier, des groupes de citoyens du quartier,
ainsi que la ressource qui veut le mettre sur pied, par exemple un centre
d'accueil ou un CSS, dans le sens qu'un foyer de groupe ou un appartement
supervisé ou un pavillon n'est pas une institution, un organisme qui vit
en vase clos. Il doit être intégré dans la
communauté et les patients ou les personnes qui y vivent ne doivent pas
vivre dans un ghetto. Chacun a ses forces et ses faiblesses dans le
réseau. Dans ce cas, le CLSC peut jouer un rôle sur le plan de
l'implantation communautaire, c'est-à-dire sur le plan du travail
préparatoire à l'implantation de la ressource, de sensibiliser
les groupes de citoyens, d'aider à mettre sur pied un comité
conseil, comme tel, qui peut s'impliquer sur le plan de la santé mentale
dans le quartier, ce qui va supporter le travail de la ressource en question,
qui est un pavillon dans ce cas.
On peut prendre plusieurs exemples de la sorte. En ce qui concerne les
ressources alternatives, travailler en synergie cela peut vouloir dire
qu'à l'échelle locale ou à l'échelle
sous-régionale, le CLSC peut offrir tel support technique à tel
groupe de citoyens ou tel groupe dans la communauté qui a une
idée intéressante à mettre de l'avant pour venir en aide
aux ex-patients psychiatriques et les aider à passer à travers
tout le processus de planification de leurs projets.
Mais c'est aussi important que ces groupes puissent avoir accès
aussi à des ressources du CSS et à des ressources des centres
hospitaliers. Là-dessus, je pense qu'essayer de définir d'avance
un rôle spécifique aux ressources alternatives ou aux ressources
communautaires, cela pourrait être risqué en termes de tuer le
dynamisme. Si vous regardez le type de ressources communautaires ou
intermédiaires, il y a une
variété assez grande et, à chaque année, il
y a des nouvelles idées qui naissent.
Il y a des nouveaux projets qui naissent, soit à partir de
l'expérience d'ex-patients psychiatriques eux-mêmes ou à
partir d'expériences de familles ou de parents ou à partir
d'expériences de praticiens sociaux ou de praticiens de sciences de la
santé qui ont, à un moment donné,
expérimenté certaines approches qui leur paraissent prometteuses
et qui vont se lancer dans un projet, comme tel.
Je pense que c'est important de maintenir la multiplicité des
types d'interventions que peuvent faire des ressources communautaires. Une
ressource communautaire peut fort bien, comme cela existe dans certains
milieux, s'occuper d'un programme d'hébergement dans la
communauté, comme elle peut s'occuper d'un groupe d'entraide
d'ex-patients psychiatriques, par exemple Solidarité psychiatrique,
comme l'Association des parents et amis du malade mental; c'est une autre forme
d'intervention. Il y a aussi la Croix blanche. Il y a une multiplicité
possible d'interventions et de genres d'interventions et, justement, quand on
regarde les expériences qui ont été réussies sur le
plan de l'intégration dans la communauté de gens qui ont des
problèmes de santé mentale, on se rend compte que cela prend une
multiplicité de réponses différentes à des besoins
qui varient selon les milieux. Cela fait que les ressources communautaires, par
essence même, vont être portées à se définir
en complémentarité avec le réseau, les CLSC, les CSS et
les hôpitaux, puisqu'on occupe déjà un certain rôle
spécifique; par exemple, les soins médicaux et les services
à domicile. Donc, les promoteurs d'initiatives communautaires,
évidemment, quand ils feront leurs projets, vont tenir compte des
ressources des gens en place.
Il faut aussi créer, je pense, un forum, autant à
l'échelle locale qu'è l'échelle régionale, pour les
organismes de planification et de coordination, par exemple, les tables
sous-régionales de concertation et les commissions qui existent dans les
conseils régionaux, pour que les ressources communautaires alternatives
soient considérées sur le même pied, dans le fond, que les
autres ressources qui interviennent sur le plan de la santé mentale et
jouer la règle du jeu de la concertation et des décisions qui se
prennent à plusieurs. C'est-à-dire que les projets qui vont
être mis de l'avant par ces groupes communautaires ou ces ressources
alternatives vont être évalués un peu de la même
façon que sont évalués les projets ou les demandes faites
par les établissements du réseau. Il n'y a pas de raison... Il
faut juger au mérite les projets et non qui y a pensé. Est-ce que
le projet émane d'un hôpital, d'un CLSC ou d'un groupe de
citoyens?
Par contre, à ce moment-là, les mêmes règles
du jeu devraient s'appliquer à tout ceux qui demandent des fonds publics
pour intervenir en santé mentale. C'est-à-dire qu'il y a des
processus d'évaluation qui s'appliquent autant à ces ressources,
mais aussi qui s'appliquent aux ressources de l'État, disons, aux
ressources du réseau. Je ne sais pas si...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'une certaine
façon - et je pense que, là-dessus, on est d'accord - elles
existent, il faut leur permettre d'exister, il faut les soutenir, mais elles
doivent être soumises, jusqu'à un certain point, aux mêmes
règles que les autres, du point de vue de l'évaluation de leur
fonctionnement, de l'objet de leur action. Est-ce cela que vous dites?
M. Côté (Louis): Ce que je dis, c'est qu'on devrait,
autant sur le plan des ressources communautaires ou alternatives que sur le
plan des ressources, par exemple, du CLSC et des CSS, plutôt
évaluer les résultats et la réponse aux besoins de la
clientèle, beaucoup moins que le processus, que le mode de gestion et
que les moyens d'action, disons. Je pense que, l'ordre des moyens, cela devrait
être laissé beaucoup à l'initiative des gens qui pensent
à des projets; sans cela, on va tuer l'initiative. Par contre, on
devrait évaluer les résultats.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
M. Côté (Louis): Est-ce que, par exemple, un groupe
comme Solidarité psychiatrique a atteint les objectifs pour lesquels il
va demander la subvention X ou la subvention Y, ou pour lesquels il
reçoit du financement? Cela devrait être la même chose - je
pense, en tout cas - en ce qui concerne les projets qui émanent du
réseau. On devrait les évaluer sur les résultats, sur
l'impact que cela a par rapport aux problèmes qu'on veut régler,
beaucoup plus que sur les modes de gestion, que sur les modes d'encadrement du
personnel, que sur les processus administratifs qu'on utilise, que les
techniques ou les approches qu'on met de l'avant, disons. À ce
moment-là...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Écoutez,
je voudrais revenir sur un autre sujet. Les CLSC disent qu'ils sont prêts
à assumer - ils en assument déjà -davantage de
responsabilités dans le domaine de la santé mentale. À
présent, personne ne veut parler de maladie mentale, mais je pense qu'on
s'entend. Il reste que c'est une autre façon d'aborder les choses. Je
voudrais quand même vous demander... Évidemment, pour les
activités ou les responsabilités de première ligne, tout
le monde s'entend. Il y
a ceux qui vous arrivent - parce qu'ils arrivent au CLSC - et dont vous
détectez d'autres problèmes ou qui, peut-être, peuvent
arriver - quoique ce soit moins fréquent dans le cas des personnes ayant
des troubles psychiques de venir directement avec cela... Est-ce que vous
offrez aussi des services de deuxième ligne? Je voudrais vous demander
quels liens vous allez entretenir avec les services de psychiatrie des
hôpitaux, parce qu'il y a des services de psychiatrie dans les
hôpitaux. C'est-à-dire, comment vont se diviser les
responsabilités?
Vous dites que le CLSC pourrait mettre sur pied des équipes de
santé mentale sectorielles, c'est à la page 21, je pense, si je
ne m'abuse. On a entendu, hier ou avant-hier, des groupes, dans un cas
où il y a quinze équipes sectorielles - je peux donner les noms -
rattachées au pavillon Albert-Prévost de l'hôpital du
Sacré-Coeur qui vont même répondre à des demandes
à domicile. Dans le cas de l'hôpital Douglas vous avez -j'oublie
le nom, mais il me semble que c'est plus nombreux que cela encore - environ 18
ou 20 équipes sectorielles. À ce moment-là,
suggérez-vous que ces équipes sectorielles deviennent votre
responsabilité ou encore est-ce qu'il n'y aura pas une sorte de
chevauchement? C'est assez confus pour moi, comment tout ceci va
s'articuler.
L'autre chose: vous énoncez quelque part pour s'éloigner -
ce n'est peut-être pas votre expression, c'est la mienne - de l'approche
médico-institutionnelle - ce n'est peut-être pas exactement votre
terme - vous parlez de trois approches, dont l'approche paternaliste. On va
parler de l'approche paternaliste, c'est celle-là. C'est l'hôpital
qui développe son réseau de mesures ou de ressources
intermédiaires; je pense qu'elle s'appelle la ressource paternaliste.
Qui devrait être responsable de ces ressources? Est-ce vous autres qui
devriez en être responsables puisque vous suggérez que
l'hôpital, en gardant ses liens avec ces ressources d'hébergement,
maintienne une attitude paternaliste, le caractère
institutionnalisé du traitement de la maladie mentale, etc? Je
réalise que j'ai posé plusieurs questions, j'aimerais que vous y
répondiez. La première, si on veut refaire le tour, c'est la
question de savoir jusqu'où vous allez dans le traitement de la maladie
mentale. À cet égard, quels liens articulez-vous avec les
ressources psychiatriques des hôpitaux généraux?
Peut-être qu'avec les hôpitaux de longue durée, ce sont
évidemment des gens qui demandent un placement en permanence, on va les
laisser de côté pour le moment, mais avec les départements
de psychiatrie des hôpitaux généraux. C'est, ensuite, la
question des équipes de santé mentale sectorielles qui sont
déjà établies soit dans les hôpitaux
généraux, soit dans des hôpitaux psychiatriques de longue
durée. Finalement, qui assume dans l'établissement les plus
grandes ressources au plan de mesures intermédiaires ou même
alternatives? Je pense particulièrement aux ressources
d'hébergement, de familles d'accueil et tout cela. Qui assume ces
responsabilités-là? Présentement, elles sont
assumées par les institutions elles-mêmes, si je ne m'abuse.
M. Bélanger (Jean-Pierre): D'abord, quant à la
place où doivent se loger les équipes de secteur ou les liens qui
peuvent exister entre un CLSC et une équipe de secteur, il y a une
nuance à apporter au départ. La réflexion qu'on a faite
par rapport à l'implication des CLSC en matière de santé
mentale nous amène à poser la question à savoir: quelles
sont les ressources minimales dont un CLSC a besoin pour pouvoir jouer son
rôle dans ce secteur. Le consensus qui s'est dégagé, c'est
qu'un CLSC avait besoin d'une équipe minimale, de ce qu'on appelle une
équipe de base en santé mentale, qui lui permet d'appuyer les
actions des autres intervenants en cette matière et qui permet
d'apporter une réponse ou d'apporter les services nécessaires aux
personnes qui n'ont pas besoin d'être institutionnalisées. C'est
un premier niveau qui nous semblait un prérequis essentiel au
départ, donc, pour éviter que toute demande puisse, presque
inévitablement, aboutir à une ressource
spécialisée.
Il y a un autre type de besoin qui existe, qui est lourd, et qui est
actuellement assumé par les équipes sectorielles, soit des
patients qui ont un problème grave et qui nécessitent une
intervention beaucoup plus spécialisée. Vous avez fait
référence aux nombreuses équipes qui existaient ou qui
étaient rattachées à Albert-Prévost et à
Douglas; effectivement, à Montréal, il y en a beaucoup. On a
mentionné tantôt un problème particulier qui se posait dans
la région de Montréal et qui était le suivant,
c'est-à-dire que les territoires de ces équipes ne
correspondaient pas nécessairement à ceux des CLSC, ce qui pose
un problème de coordination.
Il y a déjà eu des expériences à
Montréal. Certaines ont cessé à certains moments pour des
raisons d'ordre administratif, à savoir que ces équipes-là
fonctionnaient sectoriellement et le faisaient dans les locaux physiques des
CLSC, ce qui favorisait beaucoup la coordination et la concertation entre les
différents intervenants à ce niveau-là. (11 heures)
Je pense que c'est le genre de choses qu'il faudrait encourager. De
plus, est-ce que cela veut dire que ce doit administrativement être
rattaché aux CLSC? Je ne pense pas que cela ait absolument besoin de
l'être. La même chose...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous n'avez pas
d'objection à ce que des institutions, en parlant des hôpitaux,
continuent le fonctionnement de leurs équipes sectorielles?
M. Bélanger: Non.
M. Charlebois: Ce qui se produit au niveau du CLSC, c'est qu'il y
a déjà des gens qui s'y présentent et il y a
déjà un travail utile qui peut être fait. Quant à
nous, on met en évidence le type de services que l'on doit mettre sur
pied pour que l'on puisse adéquatement laisser le CLSC répondre
aux problèmes. Mais cela n'empêche pas qu'à un
deuxième niveau - d'ailleurs on l'a mentionné dans notre
mémoire - il y ait des interventions de faites par de telles
équipes. M. Léveillé pourrait peut-être
compléter.
M. Léveillé: Dans certains secteurs, comme sur la
rive sud de Montréal, avec Charles-LeMoyne, il existe déjà
une collaboration interéquipe. Il y a une équipe du CLSC, une
équipe de Charles-LeMoyne qui travaille sur une clientèle de
référence. Alors, on se réfère les cas. Quand il
s'agit de traitement dans la collectivité, dans la communauté,
nous avons même un psychiatre qui est appelé au conseil pour le
traitement dans la communauté. Quand il s'agit d'un traitement plus en
deuxième ligne, d'un état de crise, c'est Charles-LeMoyne qui
opère dans ces cas-là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, c'est la
première et la deuxième ligne. Ce n'est pas toujours...
M. Léveillé: Mais, dans le contexte actuel, c'est
comme cela qu'on s'est entendu.
M. Charlebois: Cela me rappelle de vieux débats.
M. Léveillé: Mais on ne veut pas un autre
transfert.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, dans le fond,
théoriquement, pour moi, la première ligne, ce n'est pas juste
quelqu'un qui vient frapper à la porte, c'est quelqu'un qui a des
symptômes, puis c'est quelqu'un qui a besoin immédiatement d'une
attention quelconque, qui a besoin d'être référé
à une ressource appropriée ou à qui on doit fournir un
service...
M. Léveillé: C'est cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... réduit dans le
temps, c'est-à-dire dont la durée... En tout cas, moi, c'est
comme cela... Cela vaut ce que cela vaut...
M. Charlebois: Mais, finalement, à cet égard, c'est
une orientation qui est tout à fait partagée par les CLSC. On a
mentionné un colloque tenu il y a quelques mois et il y a des documents,
si on veut, d'orientation actuellement en voie d'être
complétés et qui vont être distribués aux CLSC. Le
terme qu'on utilise vaut ce qu'il vaut; on appelle cela la préoccupation
santé mentale. C'est-à-dire que tous les intervenants dans le
CLSC, que ce soit le médecin, que ce soit l'infirmière qui
travaille en périnatalité à l'école, peu importe,
aient cette préoccupation et soient capables de faire les
dépistages qu'ils soient sensibilisés à ce problème
et à ces phénomènes. Ce que l'on se dit, c'est que s'il y
a une équipe minimale dans le CLSC qui est capable d'accueillir les gens
qui sont, par exemple, en situation de crise, cette équipe sera
également un soutien à l'ensemble des autres intervenants, qui
sont nombreux, car le CLSC oeuvre dans tous les milieux. C'est ce qu'il faut
développer pour faciliter la réinsertion.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je suis d'accord. Dans
votre mémoire, je n'étais pas sûre jusqu'où vous
alliez. À un moment donné, j'avais l'impression que... Il se peut
qu'à un moment donné, vous ayez quelqu'un qui soit de
deuxième ligne et on ne laisse pas le monde...
M. Charlebois: Par exemple, en région
éloignée, les gens nous disent qu'ils doivent faire le traitement
là-bas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais sur l'orientation de
base des CLSC ou, enfin, la vocation fondamentale, vous restez à
l'intérieur de cela dans le traitement de la maladie mentale.
M. Charlebois: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À un moment
donné, il y a tellement un mouvement pour dire que l'hôpital, que
l'institution psychiatrique a tellement un caractère institutionnel, a
tellement un caractère de stigmatisation par rapport à cette
problématique qu'on dit: II faut essayer de rompre cela et, pour rompre
cela, d'une certaine façon, on veut aussi isoler l'hôpital, qu'il
soit général ou d'autre nature, et je ne suis pas sûre que
l'on n'accuserait pas un nouveau retard dans le sens qu'à ce
moment-là, on médicaliserait pour de bon si, à un moment
donné, eux non plus n'ont pas des responsabilités de
réinsertion sociale, que ce ne soit pas toujours une
délégation à d'autres, parce qu'à ce
moment-là on va retourner à un modèle médical
peut-être pire que ce qu'on n'a jamais connu dans les 25 dernières
années.
Mais, si vous avez ce document-là, ce
n'est pas complété, votre réflexion sur le
document...
M. Charlebois: C'est en voie de l'être. Ce sont des
documents que l'on pourrait certainement transmettre à la commission de
même que le rapport du colloque, qui fait état d'une multitude
d'expériences qui ont été tentées dans les CLSC et
dans des groupes, parce qu'on a demandé à des groupes de venir
témoigner sur ce qu'ils faisaient. Cela aussi, si le vous
désirez, il me fera plaisir de le transmettre à la
sous-commission.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Il reste ma
troisième question à laquelle vous n'avez pas répondu en
ce qui concerne le point de vue des ressources alternatives ou
intermédiaires. Où en sont-elles? Où se
raccrochent-elles?
M. Robert (Hugues): Je vais essayer d'y répondre, en ce
qui touche les régions éloignées, géographiquement
parlant et en termes aussi de répartition de la population. Je viens de
la région 02 et, même là, le CLSC pourrait devenir une
espèce de canalisateur infrastructurel par rapport aux organismes
alternatifs. On sait aussi qu'il n'y a pas d'appui, d'aide. Donc,
l'équipe à l'intérieur du CLSC serait primordiale par
rapport à la santé mentale.
M. Charlebois: On essaie de multiplier ces ressources. Elles
doivent travailler autour du CLSC finalement mais non pas dans une relation de
dépendance, et le CLSC devrait s'en servir. Plusieurs expériences
l'ont démontré comme, par exemple, de faciliter et d'appuyer la
mise en place de centres de crise, de centres d'hébergement temporaire
pour des femmes victimes de violence. On y a largement contribué par
toutes sortes de dynamiques qui ont été implantées dans
ces milieux. L'idée, finalement, ce n'est pas que ces
établissements, ces organismes soient dans une relation de
dépendance, mais dans une relation de collaboration avec le CLSC, c'est
qu'autant que possible on partage les mêmes visions des choses et les
mêmes approches. Je pense que c'est à ce niveau que se fait
effectivement un travail.
Lorsqu'on privilégie une approche d'une
désinstitutionnalisation dite de type communautaire, cela s'articule sur
une base locale entre tous ces organismes plutôt que sur une institution
spécialisée dans le traitement des maladies, qui développe
ses propres infrastructures qui vont exister en fonction, le plus souvent, de
l'institutionnalisation et qui vont favoriser le retour à l'institution.
Très souvent, ce qui va se produire, c'est que ces ressources que, par
exemple, l'hôpital va développer sont des ressources qui vont
exister pour ses ex-patients, mais non pas nécessairement pour ceux qui
n'auraient pas été ou qui ne devraient pas être ses
patients.
Ce sont le plus souvent des initiatives locales qui, comme on le disait
tantôt, peuvent être très différentes non pas
nécessairement d'une année à l'autre, mais, tous les ans.
Il y a d'autres initiatives et il faut les laisser émerger. Il faut que
les responsables et les promoteurs sachent qu'il existe dans le milieu, par
exemple dans le CLSC, une ressource sur laquelle ils peuvent compter pour
s'organiser et pour collaborer avec d'autres.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vais laisser la parole
au député de Marie-Victorin. Je reviendrai par la suite avec des
questions.
M. Pratt: Je dois vous dire, d'entrée de jeu, que j'ai
bien aimé votre mémoire. Il est très bien fait. Il y a des
idées très intéressantes là-dedans. Il en est une
que je retiens, c'est cette volonté, cette disponibilité que vous
voulez assurer pour donner des services d'urgence psychosociale en fin de
semaine. Remarquez que, dans les régions, ce dont on se plaint, c'est
que le CLSC ne fonctionne pas après telle heure, surtout en fin de
semaine, et les besoins sont grands à ce moment de la semaine. Je trouve
intéressant et stimulant ce que vous dites. Ma seule inquiétude,
c'est que vous dites que l'équipe devrait travailler étroitement
avec un psychiatre consultant à temps partiel. Comment peut-on penser
réaliser cela lorsqu'on sait que, surtout en zone
périphérique, on manque de psychiatres? J'ai fait une
tournée provinciale il y a quelques mois et c'est la doléance
qu'on nous soumet le plus souvent, que ce soit dans la région de
l'Abitibi ou dans celle de la Gaspésie. On manque de psychiatres
à ces endroits. Vous dites que cette équipe devrait être
rattachée à un psychiatre. Cela pourrait retarder les choses ou,
du moins, votre équipe serait peut-être incomplète pour
fonctionner. Je voulais vous entendre parler là-dessus.
M. Charlebois: Ce qu'on propose, c'est que les équipes en
place dans les CLSC puissent bénéficier de l'expertise des
psychiatres. Cela ne dispose pas, effectivement, du problème de la
disponibilité des psychiatres en région malgré qu'en
région, à ma connaissance, certains aient réussi, par une
forme d'entente ou une autre, à obtenir, peut-être pas
nécessairement sur une base régulière, une telle
collaboration.
M. Pratt: Est-ce que, pour vous, c'est idéalement la
formule avec un psychiatre ou si vous pouvez quand même fonctionner?
M. Léveillé: Oui. Je pense que ce qu'il
s'agit de développer, c'est un réseau de consultation et
pas seulement d'intervention avec les psychiatres. De fait, en région
éloignée, c'est presque impossible d'avoir des médecins de
toute façon, et des psychiatres, d'autant plus qu'ils sont moins
nombreux et sont aux prises souvent avec le cas à cas; or,
l'intervention cas à cas prend énormément de temps.
Ce dont on parle, c'est des intervenants qui peuvent faire cette
intervention cas à cas, mais le psychiatre, comme consultant, peut
intervenir ou faire intervenir ou faire une hospitalisation, lorsqu'il y a
lieu. C'est dans ce sens-là qu'on en parle.
M. Bélanger: L'expérience dans certains CLSC tend
à démontrer que c'est une forme de collaboration qui peut
intéresser davantage les psychiatres. Par exemple, c'est plus
intéressant de travailler avec une équipe que d'aller dans une
région quelques heures par semaine pour rencontrer des cas individuels.
À ce moment-là, le psychiatre qui sert de ressource à
l'équipe peut, à la rigueur, être rejoint au
téléphone aussi. Il n'a pas besoin d'être là
physiquement tout le temps.
M. Léveillé: À Saint-Hubert, le psychiatre
qui travaille à temps partiel chez nous ne rencontre pas ou à peu
près jamais de clientèle sauf des cas très, très
sérieux, qui deviennent très, très urgents ou une
dangerosité croissante.
M. Pratt: II n'en demeure pas moins que, du fait que ce CLSC
serait ouvert en fin de semaine, que vous pourriez y assurer des services
jusqu'à 2 heures du matin, comme vous dites, bien des gens iraient faire
appel à vos services plutôt que d'appeler la police pour
régler le cas; surtout là où il n'y a pas d'hôpital
psychiatrique, cela rendrait un très grand service.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: Sur le même sujet, concernant les heures
d'ouverture, je pense que ce sont les gens du centre hospitalier Douglas de
Verdun qui nous disaient que c'est justement la fin de semaine qu'il y avait un
peu plus de cas problèmes de santé mentale autant dans les
urgences des hôpitaux qu'en clinique. C'est justement la question que je
me pose moi aussi. J'ai hâte de voir le jour où les CLSC vont
peut-être fonctionner 60 heures par semaine. Est-ce que ce sont vos
budgets et votre personnel qui vous empêchent seulement de faire cela? Je
suis sûre que vous avez la volonté. Ce sont surtout les ressources
financières?
M. Charlebois: Au niveau des services courants, il y a des
contraintes budgétaires très réelles qui empêchent
que, globalement, les 137 CLSC qui existent aujourd'hui puissent ouvrir 168
heures par semaine.
Finalement, pour répondre à votre question, c'est clair
qu'il y a des contraintes budgétaires. Il reste qu'au niveau des
programmes, presque tous les CLSC ont fait des efforts très
sérieux depuis quelques années pour s'adapter le plus possible
aux besoins des clientèles. Pour les services de maintien à
domicile, qui constituent le programme le plus important des CLSC, presque tous
les CLSC peuvent offrir des services en dehors des heures et en offrent
effectivement à domicile en dehors des heures. C'est évident que
si vous allez au CLSC il se peut qu'il soit fermé à 17 heures,
mais il y a des infirmières ou des auxiliaires familiales qui sont
à domicile en dehors des heures.
La même chose pour des interventions qui seront faites
auprès de groupes. Les CLSC sont fort conscients de cette attente de la
population. On l'a déjà dit, on le répète, il n'y a
pas de résistance idéologique au fait d'ouvrir en dehors des
heures dites normales. Très loin de là! Il y a des projets
concrets qui sont en marche, notamment dans la région de
Montréal, pour rendre les services téléphoniques
accessibles 24 heures, par jour sept jours par semaine et, entre autres,
élargir considérablement l'accès au maintien à
domicile.
Au niveau de la santé mentale, quand les CLSC abordent la
question de la santé mentale, ils sont conscients du fait qu'il existe,
comme nous le disions tantôt, le poste de police. Le réseau des
services de santé et services sociaux - et non pas les affaires sociales
- n'offre pas de services actuellement et les CLSC sont d'accord pour
s'embarquer là-dedans. Il y a cependant un coût à cette
augmentation de l'accessibilité.
M. Léveillé: Ce qu'on dit, finalement, c'est qu'on
ne peut pas offrir un service adéquat en santé mentale sans qu'un
CLSC soit ouvert, au moins comme on le dit, jusqu'à 2 heures de la nuit;
sans cela, on n'offre pas un service adéquat.
Dans d'autres domaines ça peut être remplaçable, au
niveau médical et certaines cliniques, surtout dans la région de
Montréal et en périphérie, cela peut être
compensé, mais dans le domaine de la santé mentale, pas du tout.
(11 h 15)
Mme Lachapelle: Concernant le CLSC La Petite Patrie, je sais que
vous couvrez un territoire qui regroupe un grand nombre de personnes
âgées. Vous seriez peut-être en mesure de me
répondre, mais est-ce que vous avez beaucoup... Vous avez des
interventions à faire, j'imagine, auprès des personnes
âgées qui sont en période de crise
à un certain moment. J'imagine que c'est un peu de la
prévention. Ce ne sont pas nécessairement des gens qui ont
déjà été traités, mais qui sont, par
exemple, en période de dépression. Est-ce que vous avez plus de
personnes âgées à cause du secteur ou si vous avez autant
de jeunes adolescents qui ont recours à des services ou à des
soins?
M. Côté (Louis): Vous posez une question
précise concernant notre quartier. Pour les services, c'est
évident qu'à cause de la composition de notre population, on a
beaucoup plus de demandes et on donne aussi beaucoup plus de services aux
personnes âgées dans le cadre du programme de maintien à
domicile. Il y a aussi des facteurs historiques reliés à cela. La
plupart des nouveaux CLSC - il ne faut pas se faire d'illusions non plus - qui
sont apparus après 1980 et 1981 sont des CLSC qui ont
démarré avec des programmes très limités,
c'est-à-dire le programme de maintien à domicile et des
programmes qui étaient anciennement dans des départements de
santé communautaire. Si vous comparez les bases budgétaires des
nouveaux CLSC à la première génération, il y a des
différences énormes. Par exemple, dans la seule région de
Montréal, un CLSC comme le nôtre peut avoir une différence
d'environ 40 $ per capita par rapport au CLSC Hochelaga-Maisonneuve pour une
population égale d'un niveau de défavorisation égal. C'est
la même chose par rapport à la moyenne régionale. On peut
avoir une différence de 15 $ à 20 $ per capita. Cela fait des
millions de dollars. Cela fait 1 000 000 $, 20 $ per capita, pour une
population de 50 000 habitants. Alors, on est moins connu dans un nouveau CLSC
comme le nôtre que dans le CLSC Hochelaga-Maisonneuve, pour d'autres
choses que le maintien à domicile, puisqu'on n'a rien d'autre que du
maintien à domicile.
La problématique du maintien à domicile est une
problématique qui commence à être difficile aussi à
cause du volet santé mentale, parce qu'il faut penser que l'incidence de
la maladie mentale augmente en fonction de l'âge. Également,
contrairement à ce qu'on pense, il y a maintenant beaucoup de personnes
qui développent des problèmes de santé mentale à un
âge avancé. Elles font des dépressions à 50, 55 ou
60 ans. Ces gens-là ne sont pas nécessairement des gens qui ont
un passé de maladie mentale et qui ont obtenu antérieurement des
services dans des hôpitaux psychiatriques. Souvent, à cause de la
réaction des hôpitaux psychiatriques - c'est un peu normal aussi
compte tenu du nombre de demandes qu'ils ont - ce sont des cas qui restent
actuellement un peu sur la clôture. Dans le cas d'une personne de 67, 68
ou 69 ans qui vit un problème de santé mentale pour la
première fois, le pronostic est souvent moins bon que pour d'autres
groupes cibles. On compte actuellement sur les programmes de maintien à
domicile pour aider ces personnes qui sont dans les quartiers et, en même
temps, nos ressources de maintien à domicile sont quand même
beaucoup plus orientées, historiquement, vers l'aide et des soins,
disons, physiques. On a moins d'expertise, mais on commence à en
développer dans le domaine de la santé mentale, du maintien
à domicile. D'ailleurs, si on avait une équipe de base en
santé mentale dans un CLSC, c'est évident que cette équipe
pourrait desservir la clientèle de nos programmes de maintien à
domicile, qui présenterait des problèmes de santé
mentale.
Mme Lachapelle: Le contact avec les institutions en place, les
institutions de santé du milieu, est-ce que la coordination, je ne sais
pas... Est-ce que vous avez des contacts réguliers avec ces
gens-là et est-ce qu'ils participent à vos demandes?
M. Côté (Louis): Je vais vous donner un exemple de
la synergie relative au maintien à domicile par rapport à la
santé mentale. Au sujet du maintien à domicile, vous savez qu'il
y a une expérience pilote à Montréal concernant l'urgence
sociale pour les personnes âgées qui implique, dans notre cas,
l'hôpital Jean-Talon, nous et le centre d'accueil Gouin-Rosemont et
également des ressources de la communauté. C'est un programme qui
a été établi conjointement par ces trois centres. Cette
année, on a eu un budget du ministère pour faire cette
expérience. Ce qui nous permet de la faire, c'est qu'on a tous les trois
le même bassin de population, la même appartenance à une
clientèle commune; donc, la collaboration va très bien dans ce
projet. C'est déjà commencé depuis quelques mois et il y a
vraiment une entraide entre les différents partenaires qui travaillent
auprès des personnes âgées, que ce soit l'hôpital, le
CSS, le CLSC, le centre d'accueil et des groupes bénévoles du
quartier, pour faire face à ces problèmes d'urgence sociale pour
les personnes du troisième âge.
Dans le domaine de la santé mentale, je vous disais qu'une des
grandes difficultés, à Montréal, de la collaboration dans
certains endroits, c'est le non-recoupement, disons, des zones. Par exemple,
dans notre territoire, pour les adultes, on fait affaire avec trois
hôpitaux psychiatriques différents qui ont chacun un tiers de
notre territoire. Pour l'adolescence et les jeunes en pédopsychiatrie,
ce sont deux autres hôpitaux différents. Donc, on a affaire
à cinq hôpitaux psychiatriques différents dans un
territoire de peut-être un kilomètre carré. On va retrouver
cela à plusieurs endroits à Montréal, ce
phénomène-là où les découpages
ont été faits à des époques
différentes entre les diverses couches du réseau, et cela
complique la concertation même s'il y a actuellement une très
bonne volonté de collaboration entre les hôpitaux psychiatriques,
nous et d'autres partenaires pour se concerter, pour faire des projets communs
et pour travailler conjointement auprès de la clientèle.
Mme Lachapelle: Dans tout le Québec, au moins, cela se
fait comme cela, la collaboration est entière.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le dernier
problème que vous mentionnez est un problème réel mais,
celui-là, il me semble qu'il ne coûterait pas trop cher à
corriger.
M. Côté (Louis): C'est une question de
volonté.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y en a d'autres qui
sont plus coûteux. Écoutez! J'avoue mon ignorance au sujet du CLSC
Samuel-de-Champlain. Où est-il situé?
M. Charlebois: À Brossard.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela ne répond pas
à mon inquiétude. Je m'en cherchais un qui venait de plus
loin.
M. Charlebois: Du nom, du Pont?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parfait, vous êtes
tous des CLSC...
M. Léveillé: II y en a un de
l'extérieur.
M. Robert: Je suis de l'extérieur moi.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes
d'où, vous?
M. Robert: Lac-Saint-Jean, Alma.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bravo. Je n'ai pas
entendu quand on vous a présenté. Non, c'est que je voudrais vous
poser une question sur l'état justement -c'est une trop grande question
- pas sur l'état de la psychiatrie dans les régions
éloignées, mais sur le problème de la réinsertion
sociale des malades mentaux dans les régions éloignées.
Même si on n'a pas les réponses...
Toutes les représentations d'une façon
générale se regroupent autour des grands centres que ce soit
Québec, Montréal, Sherbrooke, Trois-Rivières, parce qu'il
y a là probablement un certain nombre de ressources et que les grandes
institutions sont là. Mais on n'a pas eu - il va y en avoir un qui va
vous suivre, un comité de citoyens qui vient de la région de
l'Abitibi - mais on n'a pas eu de représentations des régions
éloignées. Tout ce qu'on entend dire depuis X années c'est
que, comme le mentionnait mon collègue, il n'y a pas de ressources en
psychiatrie. On le connaît ce problème-là. Ce que je
voudrais savoir, c'est comment se fait la réinsertion sociale
là-bas? Est-ce que le besoin en ressources intermédiaires et
suppléantes sont les mêmes que dans les grands centres urbains?
Est-ce que vous avez le phénomène d'itinérance comme on a
dans le centre sud de Montréal, pas juste dans le centre sud de
Montréal, mais dans les grands centres particulièrement? On
pourrait parler de Québec, on pourrait parler des grands centre-ville.
Quelle est votre situation dans les régions éloignées?
M. Robert: Ce qui est bizarre, c'est que chez nous il y a
beaucoup de solidarité jusqu'à un certain point entre les
organismes communautaires, sauf que personne n'est attitré à la
santé mentale en tant que telle, excepté Chicoutimi où il
y a une institution psychiatrique, mais après cela il n'y a ni support
d'aide ni réinsertion sociale, ni organisme voué à telle
perspective. Je ne peux pas parler pour tout l'ensemble des régions
périphériques.
Ensuite de cela, aussi, le problème, c'est que, étant
très très éloigné, pas d'une façon
intellectuelle, d'accord, il faut dire qu'on attend beaucoup de la part des
services communautaires, c'est-à-dire au moins du gouvernement. On sait
fort bien qu'on n'aura pas d'hôpital psychiatrique ou un autre
hôpital et qu'on n'aura pas aussi, même à l'intérieur
des hôpitaux existants, un département qui va s'occuper du
côté de la psychologie, mais, au CLSC, vu qu'il y a
déjà une très forte intégration dans la
société, tout se passe là. C'est là qu'on attend,
donc, du gouvernement de l'aide en tant que telle - est-ce que ça va
être directement par un psychiatre ou plutôt une équipe
d'intervention; appelez-cela de première ou deuxième ligne, moi
je ne comprends rien là-dedans - et aussi à l'intérieur
des organismes publics sur la façon dont on peut
réintégrer un individu pour qu'il puisse au moins fonctionner
normalement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Où est-ce qu'une
grande partie de vos malades s'en viennent à Québec?
M. Robert: Je crois que cela reste... Non, je ne sais pas, je ne
connais pas assez le dossier pour...
M. Bélanger: Si vous permettez, peut-être. Il y a un
CLSC qui a vécu une expérience assez particulière à
ce sujet et qui était situé en milieu rural; c'est celui de
Portneuf qui est situé à Saint-Marc-des-Car-rières
et qui avait le problème suivant, c'est-à-dire qu'on avait
constaté qu'il y avait un grand nombre de patients sur le territoire qui
avaient été hospitalisés pour des raisons d'ordre
psychiatrique, qui étaient retournés dans leur communauté
et qui devaient être hospitalisés de nouveau à plusieurs
reprises.
Or, dans un premier temps, ce qu'on a fait, cela a été de
contacter les hôpitaux psychiatriques pour constater qu'il n'y avait
à peu près pas de contact entre le centre hospitalier
psychiatrique et le CLSC, c'est-à-dire que le CLSC n'était
même pas avisé quand quelqu'un était renvoyé chez
lui. On a d'abord conclu une entente plus formelle avec le centre hospitalier
pour Être avisé chaque fois que quelqu'un était
renvoyé dans sa famille, ce qui permettait au CLSC d'assurer un certain
suivi et un certain soutien au milieu immédiat.
Pour répondre à votre question au départ, qui
était de savoir si la problématique se pose de la même
façon en milieu rural qu'en milieu urbain, il semblerait, à
partir de cette expérience - je ne sais pas si on peut la
généraliser - qu'en milieu rural, il s'agit beaucoup plus
d'apporter le soutien à la famille, puisque les personnes sont
retournées dans leurs familles. C'est d'abord là qu'il faut
intervenir. Il est moins question de créer des foyers de groupe ou des
choses comme cela, parce que c'est vraiment un soutien à apporter
à la famille.
C'est quelque chose que les CLSC pourraient faire davantage avec le
minimum de ressources dont on parlait tantôt, c'est-à-dire une
équipe de base.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. D'après
ce que vous me dites, les doléances, qu'on entend et auxquelles
faisaient allusion le député de Marie-Victorin, de régions
éloignées au point de vue de ressources psychiatriques -
là, je l'entends dans un sens large - c'est une problématique
beaucoup moins grande que dans les grands centres.
M. Bélanger: Moins grave mais différente. Quand on
parle de soutien aux familles, cela peut être extrêmement exigeant.
Une famille qui est aux prises avec un grand malade psychiatrique, cela peut
demander énormément de soutien. Ce qui arrive et ce qui est
malheureux à la longue, quand ce soutien n'est pas apporté, cette
personne a des chances d'être hospitalisée à plusieurs
reprises et, éventuellement, d'être un peu appelée à
rester en milieu urbain, faute de soutien dans son milieu d'origine.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est pour cela qu'on les
retrouve dans les grands centres souvent. C'est cela, d'accord.
M. Hould: Sur cela, il y a peut-être un
élément supplémentaire. Un collègue qui est dans le
coin de la Gaspésie me disait dernièrement que, dans le domaine
de la santé mentale, à cause de l'éloignement des
institutions psychiatriques, il faudrait que le milieu local soit en mesure
d'investir énormément. Là, les distinctions de
première ligne et de deuxième ligne étaient très
difficiles à percevoir, parce qu'on n'était pas en mesure
vraiment de se référer... On prenait quasiment le cas au complet
et on était pris avec toute l'intensité du problème. Il
fallait que ce soit vraiment un cas de troisième ligne
d'institutionnalisation pour qu'on le transfère dans une
institution.
J'ai l'impression que les ressources qui sont à
l'extérieur des grands centres ont besoin d'une force précise au
niveau local pour compenser le fait qu'on ne peut pas avoir certains services,
à cause de la distance.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On a l'impression - je ne
parle pas de vous, mais je parle de monsieur et même de M.
Bélanger - que, finalement, c'est vrai que le soutien est important et
tout cela. Mais, il y a deux cas de la région de Rivière-du-Loup
qui ont été portés à mon attention, des cas
vraiment incroyables. Un cas psychotique, un jeune de 32 ans qui vit avec des
parents âgés, et qui devient violent. Alors, on le calme à
l'hôpital, on le renvoie chez lui et, après cela, on attend la
prochaine. Les ressources n'y sont pas et il y a des CLSC dans ce coin.
M. Bélanger: Mais ce qui fait, en
réalité...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quand les gens de
Rivière-du-Loup nous écrivent à Montréal pour nous
parler de cela, il y a quelque chose qui ne marche pas. (11 h 30)
M. Bélanger: Oui, mais pour les équipes de base ou
les intervenants en CLSC qui affrontent ces cas, bien sûr, l'absence de
psychiatre se fait sentir durement. On parle d'équipes de base. En
milieu urbain, finalement, ces équipes vont avoir un soutien en
deuxième ligne pouvant être accessible beaucoup plus facilement
qu'en régions éloignées. Les équipes, en CLSC... Je
me souviens d'une collègue, au CLSC de Grande-Vallée, dont le
témoignage était que les cas, ce sont les intervenants du CLSC
qui doivent les prendre presque en entier parce qu'il n'y a personne d'autre.
Cela exige, pour eux, une préparation et une formation peut-être
beaucoup plus poussée que ce qui est nécessaire en milieu urbain,
faute justement de ressources de deuxième ligne en régions, de
psychiatres disponibles et accessibles.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans ces cas-là,
comme c'étaient des personnes âgées, elles avaient connu
Saint-Michel-Archange, dans le temps. Alors, elles disaient: Comment se fait-il
que Saint-Michel-Archange ne veut pas les prendre? Parce que ce n'est pas dans
leur secteur. Vous savez, c'est une espèce de cercle vicieux. En tout
cas, on n'est pas pour entrer dans les détails, mais je pense que ce
n'est pas juste qu'on les intègre mieux. Tant mieux si on les
intègre mieux, mais je pense qu'il y a plus de problèmes que de
simplement ajouter un peu plus de soutien à la famille, dans bien des
cas. Ils ont leurs grands malades, comme partout ailleurs, j'imagine.
M. Hould: Le témoignage de cette collègue disait
aussi qu'un des problèmes, même si c'est sûr qu'il y a un
tissu communautaire qui est assez vivant, c'est que, par contre, cela avait
aussi un envers, dans le sens qu'il pouvait arriver que ce soit difficile de
réinsérer quelqu'un dans le village parce qu'il était
montré du doigt par tous. Donc, il y a un envers à la
médaille. Il y a un tissu social plus fort, plus sain, mais, en
même temps, la possibilité d'un rejet, s'il n'y a pas de
préparation de la communauté, peut être plus importante
aussi, tandis qu'à Montréal...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II faut voir ses deux
côtés, le bon et le mauvais. M. le député
d'Ungava.
M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. J'ai
seulement une question d'information. J'oublie le nom de ce monsieur d'Alma;
c'est M. Bélanger?
M. Robert: Non, Hugues Robert.
M. Lafrenière: Hugues Robert. Tout à l'heure,
après vous, on va entendre un groupe de citoyens de Malartic où
il semble y avoir certains problèmes de réinsertion dans le
milieu. Je sais qu'à Roberval, il y a un hôpital psychiatrique
d'assez gros calibre. Je ne sais pas si vous avez des informations et si vous
pouvez nous dire si, dans Roberval ou dans les environs, avec l'hôpital
psychiatrique de Roberval, il semble y avoir des problèmes de
réinsertion, dans le milieu? Est-ce qu'ils en font?
M. Robert: Je ne peux pas répondre à cela, je
m'excuse.
M. Lafrenière: Vous n'êtes pas au courant.
M. Robert: Non. Je vais vous dire quelle est ma fonction. Je suis
usager à l'intérieur du CLSC. Donc, n'étant pas dans le
réseau comme D. G. ou...
M. Lafrenière: C'est parce que c'est similaire à
Malartic, comme...
M. Robert: D'accord.
M. Lafrenière: Je me demandais s'il y avait des...
M. Robert: Oui, des comparaisons à faire?
M. Lafrenière: Oui.
M. Robert: C'est cela. Non.
M. Lafrenière: Je vous remercie.
M. Robert: D'accord, je m'excuse.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Seulement une
dernière question sur les fonds que vous prévoyez. Cela vous
semble-t-il réaliste - je pense que c'est de 48 000 000 $ dont vous
parlez... 56 000 000 $? - pour l'ensemble des CLSC, pour assumer ces nouvelles
responsabilités?
M. Charlebois: C'est ce qu'il en coûte pour mettre une
équipe minimale d'à peu près cinq personnes dans chacun
des CLSC. Évidemment, enfin, c'est ce qu'il en coûte.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Calculé sur 160
CLSC.
M. Charlebois: Sur 166 CLSC.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Charlebois: Comme c'est indiqué dans le mémoire,
nous n'avons pas soustrait les réallocations possibles. Très
certainement, avec l'opération de décentralisation des services
sociaux, il y a peut-être des ressources qui pourraient être
affectées à de telles équipes et qu'on pourrait justement
soustraire des 56 000 000 $, mais, dans les CLSC, actuellement, sans ces
nouvelles ressources qui viendront, il y a peu de réallocations
possibles. Finalement, c'est un montant maximal qu'on a indiqué. Peu
importe qu'il soit maximal ou non, cela indique ce que coûterait...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est l'ordre de
grandeur, en tout cas.
M. Charlebois: Cela indique ce que va coûter la mise en
place de services de base dans les CLSC, afin de faciliter la
réinsertion sociale.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. Bélanger
voulait ajouter quelque chose?
M. Bélanger: Oui, simplement pour mentionner que les
équipes sectorielles dont on parlait plus tôt, qui existent
uniquement en milieu urbain, sont déjà plus ce qu'on
prévoit. Si l'on prend sur le territoire de Louis-Hippolyte-Lafontaine,
à Montréal, les équipes sectorielles, qui sont
composées de cinq professionnels avec un psychiatre à plein
temps, desservent une population d'environ 15 000 personnes. Pour un CLSC moyen
de 38 000, il y aurait donc l'équivalent de deux équipes
sectorielles. Ce qu'on prévoit, nous, est quand même
inférieur à ce qui existe déjà en milieu urbain. Ce
qui est malheureux d'ailleurs, c'est qu'il n'y ait pas, en dehors des milieux
urbains, l'équivalent des équipes sectorielles en matière
de soins psychiatriques.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous croyez qu'ils
devraient être dans chaque CLSC, alors ils seraient dans tout le
Québec.
M. Bélanger: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. On vous
remercie beaucoup, messieurs. On peut suspendre une seconde.
(Suspension de la séance à 11 h 36)
(Reprise à 11 h 40)
Comité de citoyens de Malartic
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La commission reprend ses
travaux. Le deuxième groupe qui est invité à
présenter son mémoire est le Comité de citoyens de
Malartic, représenté par M. Chagnon, son président.
Bonjour, M. Chagnon.
M. Chagnon, avant que vous ne commenciez, je sais que vous venez de
loin. C'est probablement ce qui explique le fait que vous soyez seul aussi.
M. Chagnon (Jean-Marie): Absolument.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je tiens quand même
à vous remercier de votre déplacement, car je sais que cela est
fait sur une base tout à fait bénévole et volontaire et je
trouve cela important. Alors, vous pouvez y aller, M. Chagnon. Vous voulez
peut-être lire votre mémoire?
M. Chagnon: Non. J'ai quand même préparé un
document. En fin de compte, je parle de ce que le mémoire contient;
c'est peut-être plus précis.
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier au nom du Comité de
citoyens de Malartic d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui. Le
Comité de citoyens de Malartic est composé de monde
ordinaire.
Cependant, nous avons un vécu de quinze ans avec la
clientèle psychiatrique. Nous croyons que la meilleure ressource qui
puisse exister pour aider à la réinsertion sociale des malades
mentaux, c'est et ce sera toujours la population en général.
Mme la Présidente, qu'a-t-on fait pour informer et impliquer la
population dans le processus de réinsertion? Rien. Pourtant, les
professionnels du réseau des affaires sociales ainsi que les
bénéficiaires ont des budgets et des ressources humaines et
techniques pour se faire entendre. Par exemple, il y a l'Association des
directeurs d'hôpitaux, les corporations de professionnels, l'association
des handicapés, les ressources alternatives, etc.
A-t-on pensé que les citoyens font partie intégrante de la
nouvelle politique de réinsertion sociale? Quand une population en est
arrivée à son seuil de tolérance, comme c'est notre cas
à Malartic, les citoyens doivent faire comme moi aujourd'hui, assumer
seuls leurs dépenses, tout en y mettant de leur temps
bénévolement, sans compter le risque de se faire traiter dans les
médias d'information, comme cela a été notre cas à
Malartic, d'antipatients, de censeurs et d'incompétents.
Pendant des années, on nous a appris que les malades mentaux
étaient des fous dangereux, qu'il fallait les enfermer dans des asiles.
Aujourd'hui, on les sort des hôpitaux psychiatriques pour la
majorité des cas sans surveillance après les heures normales de
bureau de nos professionnels et sans leur donner les outils nécessaires
pour qu'ils puissent se reprendre en main et se revaloriser face à
eux-mêmes et face à la société. On les envoie en
société en boitant sans même leur offrir de
béquilles. On nous impose des malades mentaux sans nous en parler et
sans nous consulter, alors que la peur de la maladie mentale n'est pas encore
démystifiée. On ne connaît pas les réactions de ces
personnes face à nous et ce n'est pas écrit dans leur visage
qu'ils sont inoffensifs, qu'ils ne sont pas dangereux.
Mme la Présidente, une mentalité ne se change pas au
même rythme que les coffres du gouvernement se vident. Avant de vider les
hôpitaux psychiatriques, il faut, selon nous, premièrement, qu'il
y ait de la formation pour les directeurs et le personnel en place face
à cette nouvelle orientation, qu'ils apprennent et comprennent que
d'ores et déjà ils doivent composer avec les
réalités et les possibilités, ainsi que le rythme
d'acceptation de la population; deuxièmement, qu'il y ait
également de la formation pour les familles des ex-patients; qu'on leur
donne tout le soutien autant financier que moral dont ils ont besoin pour faire
face à cette intégration qui, pour eux, est si nouvelle.
Comment peut-on expliquer que l'on
donne présentement 28 $ par jour à des familles d'accueil,
alors que l'on ne donne rien aux familles naturelles? Est-ce plus facile pour
eux de s'occuper d'un malade mental? Cela leur coûte-t-il moins cher que
les familles d'accueil? Non. La famille naturelle n'est-elle pas, dans la
plupart des cas, la meilleure ressource de réinsertion sociale? Selon
nous, la meilleure méthode de réinsertion est que le malade
mental puisse se réintégrer dans sa propre famille, avec les
siens, son entourage et dans le milieu où il recevrait l'amour,
l'affection et la compréhension dont il a besoin pour bien
fonctionner.
Qu'on donne tout le soutien moral aux familles naturelles afin qu'elles
ne se sentent pas gênées de reprendre celui ou celle qui, un jour,
a eu un problème et s'est ramassé, sans le vouloir, dans un
hôpital psychiatrique. Pourquoi chercher de midi à quatorze heures
des ressources alternatives et ignorer à ce point la
réalité des familles naturelles?
Troisièmement, qu'il y ait de la formation et du soutien aux
familles d'accueil. Le réseau des affaires sociales réclame
chaque semaine par les médias d'information des familles d'accueil pour
ex-psychiatrisés. Nous croyons qu'avec cette méthode il y aura
toujours pénurie, car accepter d'être une famille d'accueil ne
s'improvise pas. Il devrait plutôt offrir des cours pour apprendre
à devenir famille d'accueil, sans obligation pécuniaire, pour
tous ceux qui désirent suivre la formation. Cela permettrait des foyers
d'accueil mieux structurés et mieux informés. Ne serait-ce pas
là un bon moyen de sensibiliser certains individus à prendre
conscience, au fur et à mesure que le cours avance, à savoir
s'ils sont aptes ou non à devenir famille d'accueil?
Ici, nous vous suggérons fortement qu'il y ait un suivi des
familles d'accueil qui acceptent de garder des malades mentaux, à savoir
si elles sont aptes ou non à s'en occuper convenablement, à les
aimer, à les comprendre afin que ce ne soit pas seulement pour la paie
à la fin du mois, de façon à éviter que la personne
atteinte de troubles mentaux ne soit exploitée, et aussi pour voir s'il
y a amélioration ou non de son état. Est-ce que l'on demande
à des individus de s'improviser psychiatre, psychologue,
thérapeute? Pourquoi le fait-on avec des familles d'accueil?
Quatrièmement, qu'on informe et sensibilise le personnel des
restaurants, des magasins et la population en général, afin qu'il
soit apte à faire face à cette nouvelle réalité.
Mme la Présidente, comment pensez-vous qu'une serveuse de restaurant,
par exemple, se sent devant un client qui parle tout seul? Comment pensez-vous
qu'elle se sent devant un malade mental qui refuse de payer sa note? Comment
pensez-vous qu'elle se sent quand elle fait face à une crise
d'agressivité? Comment pensez-vous qu'elle se sent devant une tentative
de suicide? Cela ne se passe seulement dans les films, mais dans les
restaurants de la municipalité de Malartic.
Comment pensez-vous que le citoyen réagit lorsqu'il s'assoit dans
un restaurant et qu'un malade mental vient brasser sa tasse de café avec
son doigt? Comment pensez-vous que les citoyens se sentent de devoir
côtoyer certains malades mentaux qui sentent mauvais, parce qu'ils sont
trop malades pour s'entretenir? Comment pensez-vous que les citoyens se sentent
en voyant circuler en pleine rue, en plein hiver, certains malades mentaux en
chemise ou en jaquette? Comment pensez-vous que le citoyen se sent quand un
malade mental entre à son domicile et exige de la nourriture et de la
bière? Comment le citoyen se sent-il devant des actes de violence? Cela
n'existe pas seulement dans les films, mais bel et bien à Malartic.
Devant chacun de ces actes, les citoyens se sentent impuissants, ne
savent pas comment réagir ni quoi faire. La peur s'empare d'eux, les
préjugés s'installent et il n'y a personne pour combler cette
lacune. Pourquoi exiger de la population des choses que même le personnel
des hôpitaux n'accepterait pas? Franchement, il se_ passe
présentement des choses dans le système de réinsertion
sociale et personne ne semble les voir. Qu'attendons-nous pour y
remédier immédiatement? Tant et aussi longtemps qu'on va ignorer
la population, nous croyons qu'aucune réinsertion sociale ne sera
positivement possible et nous osons même affirmer que la mentalité
des citoyens, au lieu de s'améliorer, va se détériorer,
puisqu'il y a de grandes chances qu'un jour on réclame à grands
cris le retour au système asilaire.
Nous croyons que les politiques actuelles de réinsertion se font
complètement à l'envers. On met les malades mentaux dans les rues
pour ensuite peut-être oser informer alors qu'on devrait informer, et
ensuite les placer dans des ressources adéquates. C'est comme si vous
bâtissiez le toit de votre maison avant de faire le solage. Il y a de
forts risques que tout s'écroule, n'est-ce pas?
Nous voulons également porter à votre attention le fait
que la formation et l'information devraient être dans des termes
accessibles au commun des mortels, c'est-à-dire vulgariser les termes
scientifiques tout en y mettant le moins de statistiques possible et surtout
éviter que les individus dits normaux se sentent culpabilisés
face à la maladie mentale; autrement dit, éviter le bourrage de
crâne. Lorsque la formation et l'information à la population en
général seront complétées et qu'on aura
impliqué des citoyens ordinaires dans le processus de décision
sur la réinsertion sociale, pourra
parler de mise en place de ressources alternatives.
Quant à la mise en place des ressources alternatives, elle
devrait être planifiée et vérifiée, selon nous. Que
pensez-vous, présentement, d'un organisme à but non lucratif,
comme la corporation Prorésol de notre région, qui décide,
sans consulter ni informer, de mettre en place des maisons d'appartements
supervisés pour y loger sept ex-psychiatrisés et cela, sans
surveillance autre que celle du propriétaire par l'entremise de son
locataire? Quelle autorité le réseau a-t-il sur eux? Rien pour
l'instant. Nous croyons que le MAS devrait avoir l'autorité sur toutes
les ressources alternatives, qu'elles soient grandes ou petites, et cela, sans
exception, afin d'éviter des foyers clandestins. Qu'on évite de
faire des mini-institutions ou des ghettos.
Nous sommes persuadés que le fait d'implanter de nouvelles
structures qui regroupent plus de deux ou trois individus ne fait que changer
le mal de place et peut mettre en péril l'équilibre social,
mental et économique d'un quartier ou d'une ville. Un trop grand nombre
d'individus à problèmes dans une même bâtisse
occasionne un refus systématique du voisinage et, par le fait
même, isole les ex-psychiatrisés dans une solitude encore plus
grande que celle qu'ils ont connue en institution. Car, cette fois-ci, ce n'est
qu'une fausse liberté. C'est leur clouer la porte vers l'avenir et vers
une meilleure vie.
Nous remarquons que, souvent, dans la population en
général, on abuse de ces personnes, on les ridiculise et on les
maltraite. Pour nous, il est primordial qu'on implante des centres
psychiatriques dans tout le Québec afin de ne pas mettre tout le poids
au même endroit et qu'on tienne compte de la densité et du
degré de tolérance de la population. Nous sommes d'accord pour
que certains malades mentaux se réintègrent, mais pas à
n'importe quel prix. Il serait important de ne pas laisser les personnes qui ne
sont pas autonomes se débrouiller seules sans aide en appartement comme
c'est souvent le cas chez nous. Plusieurs sont laissées seules à
elles-mêmes, alors qu'elles ne sont pas capables de se prendre en main.
Qu'on leur donne les outils nécessaires pour qu'elles puissent
fonctionner adéquatement tels que aide-cuisinière,
aide-ménagère, visite à domicile de professionnels de la
santé, ergothérapeute, etc.
Qu'il y ait création de centres d'activités tels que
pavillons où il y aurait menuiserie, artisanat, poterie, ateliers
protégés, centre de jour, etc.
Ferme thérapeutique à divisions multiples pour divers
ateliers: Endroit où les individus pourraient aller se
récréer en campagne, aller goûter l'air de la nature, aller
faire des activités, jardiner, cultiver, etc., et ce, avec l'aide de
personnes-ressources, ce qui leur permettrait de se valoriser et de se sentir
bien dans leur peau.
N'oublions pas que, parmi les personnes atteintes de troubles mentaux,
on retrouve des jardiniers, des cultivateurs, des fleuristes, des
bûcherons, des menuisiers, des mécaniciens, des peintres, des
sculpteurs, des écrivains, des professionnels, etc. Donnons-leur
l'occasion de se retrouver dans ce qu'ils aiment le mieux pour les aider
à se reprendre en main.
Parmi d'autres activités, il y a aussi les activités de
plein air comme, en été, plage, pique-nique, badminton, tennis,
partie de golf, cueillette de bleuets, etc.
Qu'il y ait des associations pour handicapés qui organisent des
soirées de danse, musique, cartes, théâtre, voyages.
Chez nous, présentement, le seul local mis occasionnellement
à la disposition des ex-psychiatrisés et des psychiatrisés
est un local administré par le Groupe-Soleil où il n'y a,
à notre connaissance, aucun atelier structuré à
l'intérieur. Comment voulez-vous que l'individu s'occupe quand il est
laissé de cette manière seul à lui-même?
Il lui reste comme seule alternative de se traîner les pieds sur
la rue principale et d'aller siroter des cafés à longueur de jour
dans les restaurants de la municipalité. Est-ce là la nouvelle
réalité de réinsertion sociale? On doit réapprendre
à ces personnes à fonctionner normalement, leur donner un but
afin de les aider à mieux se réintégrer en
société et à se revaloriser à leurs propres
yeux.
Lorsqu'on parle de ressources alternatives, il ne faudrait pas seulement
penser à des maisons et à des ateliers. Il faut également
penser a des ressources humaines pour les accompagner. Il est impensable que la
population soit encore longtemps les thérapeutes après les heures
normales de bureau. Il est également temps que les professionnels
sortent de leur bureau et aillent constater l'état moral et physique de
leurs patients dans leur milieu respectif: famille, famille d'accueil,
appartement.
Selon nous, le temps des professionnels en arrière de leur bureau
est dépassé car si nous parlons de réinsertion sociale des
malades mentaux dans la société nous devons également
parler d'implication des professionnels dans cette même
société. Pour nous, la réinsertion sociale se fait avec
une population, mais jamais contre. Tant et aussi longtemps que la politique de
réinsertion sociale sera à sens unique, il sera difficile de
croire à un résultat positif.
Pour terminer, encore une fois, merci de nous avoir
écoutés et nous souhaitons que cet exposé aura bien
complété la présentation de notre mémoire.
Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Merci beaucoup. Est-ce qu'on pourrait avoir une copie de votre
mémoire? On va le faire polycopier pour les membres de la commission et
on va vous le remettre après.
M. Chagnon: Du mémoire ou du document?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): De ce que vous venez de
lire.
M. Chagnon: D'accord.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. Chagnon, je pense que
le témoignage que vous venez de faire devant la commission est
très important. Vous m'avez peut-être entendue dire au groupe qui
vous a précédé qu'une constante qui était revenue
durant les auditions, c'est le problème de la préparation de la
population à partager cette responsabilité qu'on lui demande de
partager dans la réinsertion sociale des ex-psychiatrisés.
Je pense que tout le monde l'a dit, même les gens des
institutions, alors ils en sont conscients. On a eu le Comité de la
santé mentale, des gens du milieu hospitalier, plusieurs
représentants du réseau et tout le monde parle justement de cette
condition préalable pour réussir une véritable
réinsertion sociale. On pourra peut-être en réussir une
étape, les transférer de gîte, si on veut, de
l'hôpital à une maison supervisée ou à un foyer
d'accueil, mais si la population n'est pas prête, les autres
étapes ne se feront pas ou se feront très difficilement.
Je pense que ceci nous montre l'autre côté de la
médaille. Tout le monde disait: II faut préparer la population,
mais on n'avait peut-être pas eu de témoignage vécu.
D'abord, pour me situer un peu géographiquement, je sais
où est Malartic, pouvez-vous me dire quelle est la population de
Malartic?
M. Chagnon: 4800.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): 4800.
M. Chagnon: C'est cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si je ne m'abuse,
Malartic est la seule ville de l'Abitibi qui ait un hôpital
psychiatrique.
M. Chagnon: C'est cela, c'est l'hôpital
régional.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Qui est aidé, je
pense, à la suite d'une initiative de la région de l'Abitibi, qui
se trouvait sans ressources et démuni. Pouvez-vous me dire depuis
combien de temps on a commencé à... Évidemment, la
population de l'hôpital lui-même vient de toute la
région.
Une voix: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ces gens-là ne
sont pas tous de Malartic. C'est un hôpital de combien de lits?
M. Chagnon: Mon Dieu! Je l'ai ici. Il me semble que c'est...
Une voix: 49. M. Chagnon: 49.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): 49 lits.
M. Chagnon: Oui, c'est cela, 49.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À un moment
donné, j'ai vu des chiffres, je pense que c'était 116. Enfin,
tous les gens de la région vont là pour se faire soigner. Le
nombre de personnes qui ont été transférées de
l'hôpital dans la communauté de Malartic, vous n'avez pas ce
chiffre-là.
M. Chagnon: Non. Ce sont des statistiques qui sont assez... Le
centre hospitalier pourrait peut-être y répondre. C'est assez
difficile d'avoir ces renseignements d'eux. Ce qu'on a vu depuis un certain
nombre d'années, c'est que l'hôpital de Malartic est devenu un
hôpital psychiatrique. Il me semble que c'est en 1968 ou 1969, autour de
ces années. Avant, c'était un hôpital
général. Dans les premiers temps, cela se passait assez bien. Il
nous semblait, en tout cas, qu'il y avait des thérapeutes qui
s'occupaient des patients, des ex-patients. 11 y avait diverses
activités pour ces personnes.
Depuis quelques années, premièrement, un grand nombre de
personnes, au lieu de retourner chez elles, sont demeurées, ont pignon
sur rue chez nous, ce qui a réveillé la population et lui a fait
dire: Si on continue à offrir des choses à des
ex-psychiatrisés, à leur offrir plus que ce que d'autres villes
de la région n'offrent, cela va faire un village psychiatrique. Voyant
la dégradation, voyant plusieurs personnes à problèmes
circuler dans les rues de la ville, on s'est dit: Franchement, c'est assez; il
faudrait que les autres centres de l'Abitibi-Témiscamingue prennent
leurs responsabilités face à la maladie mentale et pensent
à des ressources, à des moyens pour attirer la clientèle,
les personnes qui y vivent. Je pense que ce serait louable et Malartic ne s'en
porterait que mieux.
Souvent, on s'est fait passer pour des personnes qui étaient
contre les personnes avec des troubles mentaux; au contraire. Malartic, je la
vois comme une grosse Cadillac pour eux autres, mais pas d'équipement.
C'est beau de les héberger, mais, finalement, ça se limite
à cela. Les activités
sont à peu près inexistantes. Les mises en valeur, comment
dirais-je? un suivi des personnes qui ont eu des problèmes d'ordre
mental n'existe à peu près pas. On se dit: Si des
thérapeutes pouvaient s'intéresser à eux pour qu'ils se
sentent valorisés, pour qu'ils se sentent revenir bien, autrement dit,
je pense que ce serait quand même quelque chose d'essentiel.
Cela rejoint un peu l'idée du groupe qui nous a
précédés, les CLSC. Chez nous, c'est un manque flagrant.
Nous espérons ardemment que le ministère des Affaires sociales
trouvera des solutions pour qu'il y ait une amélioration tangible chez
nous et pour que les autres centres de l'Abitibi-Témiscamingue puissent
avoir les éléments, autant financiers que le reste, pour offrir
à leur clientèle les ressources adéquates pour la
reprendre en main.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Deux questions d'ordre
pratique. Combien de membres le Comité de citoyens de Malartic
compte-t-il?
M. Chagnon: Nous sommes une douzaine.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une douzaine de
membres.
M. Chagnon: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que c'est
incorporé ou si c'est...
M. Chagnon: Non. Premièrement, le comité de
citoyens a été formé et on ne pensait jamais qu'il irait
jusqu'ici non plus. Il s'est formé à la suite - je pense que je
l'ai expliqué dans le mémoire - de l'achat par la corporation de
deux maisons d'appartements supervisés et cela, sans consultation de la
population. On s'est fait passer un sapin avec la maison de transition. En tout
cas, il n'y a pas eu de publicité de faite plus qu'il n'en fallait.
Personne ne savait ce qu'était la fameuse maison de transition, surtout
à côté d'une garderie pour enfants. C'est beau la
réinsertion sociale, mais pas à n'importe quel prix. On a dit: II
faut au moins que la corporation Prorésol informe la population des deux
maisons à appartements supervisées. (12 heures)
On a demandé qu'elle vienne en assemblée avec nous ainsi
que le centre hospitalier pour informer la population adéquatement et
répondre aux questions, ce qu'ils ont refusé. Donc, on a
continué de fil en aiguille et maintenant on est rendu jusqu'ici.
C'est une chose qui aurait pu se régler peut-être dans neuf
jours et cela fait neuf à dix mois que l'on travaille dessus. C'est pour
cela qu'on ne s'est pas encore fait incorporer.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est un groupe
spontané qui est né pour examiner ce
problème-là.
M. Chagnon: Exactement. On n'a pas l'intention de prendre la
place du conseil municipal ou quoi que ce soit. C'est qu'on a vu un
problème qui était réellement visible et on s'est
réuni et on a dit: Voilà, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on fait
quelque chose où si on ne fait rien?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Moi, quand j'entendais la
lecture de votre mémoire, j'avais l'impression, comme vous le disiez,
que c'était à la veille de devenir une ville
psychiatrisée. Avez-vous une idée du nombre de malades parce
que... Écoutez, on peut avoir été dans un hôpital
psychiatrique et être tout à fait remis et même fonctionner
très bien. Vous dites, vous avez donnez des exemples: Ils ne veulent pas
payer au restaurant, etc. Il y en a combien de gens, selon vous, qui circulent
dans la ville et que vous jugez qu'ils ne sont pas suivis d'assez
près?
M. Chagnon: C'est assez difficile à répondre
là-dessus, à donner un chiffre approximatif. C'est certain qu'on
voit souvent les mêmes. Je dirais qu'il y en a certainement 25 ou 30. Je
ne sais pas. C'est assez difficile de pouvoir comptabiliser cela. Une personne
réellement à problèmes, quand tu la côtoies, tu sais
que c'est une personne qui a eu des problèmes d'ordre mental. C'est
certain, quand vous me dites que ce n'est pas toutes les personnes qui passent
au centre hospitalier qui en ressortent non rétablies, c'est bien
sûr qu'il y a des cas de dépression, j'en connais.
Je trouve, en tout cas, qu'au lieu de se reprendre en main, d'en
reprendre, il y a des fois, on dirait, qu'ils en reperdent et hop!, ils se font
hospitaliser de nouveau. Ils ressortent. Ce n'est peut-être pas beaucoup
une vingtaine, mais dans une petite population de 4800, je trouve que c'est
beaucoup.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant, je voyais
dans votre document, le premier que vous nous avez envoyé, que vous
aviez fait des démarches auprès du centre hospitalier et vous lui
avez fait une demande de trois choses - je ne sais pas si je vais la retrouver
- qu'il y ait une ligne téléphonique pour répondre, c'est
de mémoire... Comment vous a-t-on accueilli au centre hospitalier? Ah
oui, de donner de l'information, c'est à peu près à la
sixième page, écouter ce que la population avait à dire,
le mandat que la population donnerait à son comité de citoyens.
Vous avez souligné aussi qu'il y ait un psychiatre à temps
plein
attitré au centre hospitalier et qu'il n'y ait qu'un seul endroit
pour recevoir les personnes en difficulté.
Je ne me prononce pas sur le bien-fondé de vos demandes, mais
comment est-ce que cela a été accueilli? Comment avez-vous
été accueilli au centre hospitalier quand, de vous-même,
vous avez fait cette démarche-là?
M. Chagnon: C'est certain qu'ils ont refusé
catégoriquement de venir en assemblée générale.
Nous autres, on avait demandé au centre hospitalier et à la
corporation Prorésol de venir en assemblée générale
avec nous autres, supervisée par une représentante du CLSC pour
établir les règles du jeu, pour ne pas que personne... Parce que
nous autres, notre but n'était pas de les amener sur la place publique
pour les lapider. Disons qu'un certain ordre de soirée avait
été préparé, pas par nous, mais
préparé par une tierce personne du CLSC, une animatrice
communautaire et puis ils nous ont répondu que c'était
inacceptable cette chose-là, qu'une assemblée telle qu'on voulait
l'avoir cela prendrait six à huit mois pour la préparer.
C'était évident qu'ils ne voulaient absolument pas venir à
une assemblée publique. On l'a fait quand même tout seul
l'assemblée publique.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous étiez combien
à votre assemblée publique?
M. Chagnon: Nous étions une soixantaine, soixante ou
soixante-dix. On a écouté les doléances de la population.
On voulait savoir réellement si on était seuls à penser
ces choses-là ou s'il y avait des choses différentes?
On remarque chez nous, en tout cas d'après ces réunions
publiques, que le degré de tolérance est à son maximum,
qu'il ne faudrait pas en mettre plus chez nous qu'il y en a là
présentement, puisque cela crée une certaine agressivité
dans la population et c'est réellement dangereux pour la personne
atteinte de troubles mentaux. Des deux côtés, c'est dangereux,
à notre avis, en tout cas.
Je trouve que s'il y avait justement des ressources plus
adéquates pour ces personnes et s'il y avait de l'information
sérieuse à la population, premièrement, la population
comprendrait plus la maladie mentale et je pense que tout le monde en serait
gagnant, le malade lui-même en premier, parce qu'il se sentirait
peut-être plus appuyé.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous mentionniez qu'il y
avait un CLSC à Malartic, parce que vous avez demandé... Est-ce
qu'on a pris position là-dedans? Est-ce qu'on a fait des tentatives
d'information de la population, de sensibilisation de la popula- tion? C'est
une question. La deuxième que je voudrais vous poser, c'est que vous
dites: Ces gens sont laissés... Il y aurait un centre pour les
accueillir, mais comme il n'y a à peu près rien qui se passe ou
qu'il est fermé, ils n'y vont pas. Est-ce que, du côté des
citoyens, il y a eu une tentative, par exemple, d'organiser quelque chose pour
eux? Il y a deux questions.
M. Chagnon: Le CLSC, non, il n'y pas encore eu... Je ne veux
quand même pas leur "garrocher" de cailloux, parce qu'ils viennent de
commencer. Cela vient de débuter au printemps. Donc, le temps qu'ils
s'installent, en fin de compte, j'imagine que c'est dans leurs
priorités. Deuxièmement, pour ce qui est de la population
à essayer d'elle-même quoi que ce soit, non. La population, face
à la maladie mentale - je pense que ce n'est pas juste à
Malartic; je pense que c'est partout -chez nous, à Malartic,
peut-être que c'est plus évident parce qu'on est une petite
densité de population et c'est sûr qu'on en voit plus que, moi, je
peux voir à Québec, c'est certain.
J'imagine que, après l'information que le centre hospitalier
donnerait ou le ministère donnerait, certaines personnes auraient envie
d'aider des personnes qui ont eu des problèmes d'ordre mental. Mais
à l'heure actuelle, tout le monde se dit - moi, le premier - c'est le
job de l'hôpital de faire cela. Ce n'est pas à nous; on n'est pas
payé pour faire cela. Il y a des thérapeutes pour les aider. Dans
un sens, c'est encore vrai, parce qu'on n'est pas des spécialistes.
Pour des personnes atteintes de troubles mentaux légers, c'est
sûr qu'il n'y a aucun problème. Ce sont des types qui ont eu des
troubles mentaux d'ordre exceptionnel qui n'en sont jamais revenus. Laissez-moi
vous dire qu'un citoyen normal aurait beaucoup de misère à
l'intéresser dans quoi que ce soit, parce que, premièrement, il
n'a pas la qualification pour le faire.
Tout à l'heure, je parlais de familles d'accueil, qu'elles aient
une formation. C'est un peu dans ce sens aussi, parce que si tu donnes les
outils nécessaires à une famille d'accueil ou à un groupe
concerné, je ne sais pas, par des cours donnés par des
professionnels en la matière, j'imagine qu'un certain groupe de la
population embarquerait.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. M. le
député d'Ungava.
M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. Tout
à l'heure, pour avoir relu le compte rendu de vos réunions, les
minutes, toute la correspondance qu'il y a eu, je ne sais pas... Il y a des
coupures de presse. Si on regarde les coupures de presse, on penserait que
c'est une guerre ouverte. Par contre, si on lit les comptes rendus des
réunions et les lettres, le dialogue semble civilisé,
à mon point de vue.
Quand je parle de Malartic, je pense que je m'y connais, pour avoir
passé la plus grande partie de ma jeunesse à Malartic, à y
être né avant l'hôpital psychiatrique, bien entendu.
Mais il y a des choses qui me font peur un peu. Je regarde un compte
rendu d'une réunion. Je ne nommerai pas de noms; les noms sont
là. Il se dit des choses. Il y a une personne ici qui dit: Elle a
rencontré un malade et il avait peur de s'en retourner parce qu'il avait
peur de se faire battre.
À un autre endroit, c'est écrit: On a souvent entendu dire
que les gars qui revenaient ou les femmes qui revenaient et qui étaient
sortis de l'hôpital - je sais pertinemment qu'ils circulent librement
à Malartic - se font maltraiter quand ils reviennent à
l'hôpital. Je ne sais pas si ce sont des affirmations gratuites ou si
c'est vrai. Il n'y a pas de preuve à l'appui. Cela m'inquiète de
voir que c'est cela. Cela peut certainement avoir une influence sur le
comportement des malades qui sont sortis. Est-ce qu'il y a vraiment quelque
chose qui a été vérifié là-dedans pour voir
si ces faits sont vrais ou si ce sont seulement des histoires.
M. Chagnon: C'est possible. Il y a certaines choses
là-dedans qui sont vraies, c'est certain. Il y a certaines choses qu'on
n'a pas pu vérifier, bien sûr. Â un moment donné, il
y a une dame qui parle d'un cas qui est arrivé il y a plus de deux ans.
Comment voulez-vous savoir si c'est vrai ou non? Nous autres, c'est une
espèce de procès-verbal qui servait comme outil de travail; ce
n'était pas pour en faire une publicité. Il y a certains cas...
Je ne les ai pas devant moi. Je serais peut-être plus en mesure de vous
dire si telle ou telle chose, tel ou tel extrait: Celui-là est vrai
parce qu'on l'a vérifié, ou celui-là ne l'est pas, il est
peut-être vrai, mais on ne le sait pas.
Dans l'ensemble, je peux vous dire que la population de Malartic, je
l'ai trouvée et je la trouve encore très tolérante face
à la maladie mentale, très et beaucoup. Sans accuser le centre
hospitalier, sans accuser le ministère des Affaires sociales de ne pas
avoir vérifié adéquatement, je trouve quand même que
s'il y avait eu une meilleure surveillance de ces personnes, de celles qui sont
sorties des hôpitaux, on n'en serait pas rendus où nous en sommes
aujourd'hui. Je pense qu'il y a eu un laisser-aller envers ces personnes, un
manque de ressources. Tout à l'heure, on parlait d'un petit local. C'est
un petit local bien minable qui vaut ce qu'il vaut. D'accord, ils se rejoignent
là, mais ils n'ont rien à faire. Qu'est-ce qu'ils font? Ils
s'assoient sur la grand-rue, ils se promènent, ils entrent dans les
restaurants, ils s'en vont... En fin de compte, on comprend pourquoi ils font
cela; ils n'ont pas de moyens pour se reprendre en main. Ils n'ont pas de quoi
passer le temps. À ce moment-là, il y en a certains qui font des
gaffes. D'un autre côté, il y a la population qui ne comprend pas
le malade mental, donc on se révolte face à lui.
Ce n'est pas tout le monde qui est compréhensif face à
cela; c'est certain. C'est tout nouveau qu'on parle de la maladie mentale
ouvertement. Auparavant, personne n'en parlait; tout le monde se cachait.
M. Lafrenière: Dans une des lettres de la correspondance,
ici, le directeur général, Claude Hamel, dit qu'il y a à
peu près dix malades qui pourraient causer des problèmes, sur
tout le groupe qui est en liberté. Ce serait un chiffre véridique
ou...
M. Chagnon: Premièrement, je ne sais pas ce qu'il appelle
des cas qui peuvent déranger réellement. Je trouve qu'il y en a
plus que cela. Tout à l'heure, j'ai avancé une vingtaine et,
d'après moi, je ne me trompe pas. Je vais seulement vous raconter une
petite anecdote. Il n'y a pas tellement longtemps, je vais porter un document
à une personne qui travaille au comité de citoyens. Il y a une
ancienne patiente qui demeure au sous-sol. Moi, comme de raison, je devais
seulement entrer et sortir. C'est vrai que j'aurais dû éteindre
mes phares, mais je n'y ai pas pensé. L'instant que je monte au
deuxième étage et que je remette le document a la dame,
j'entendais crier. Je me demandais bien... C'était à peu
près vers 21 h 30, le soir. Je descends. La madame était en bas
avec un couteau et elle criait après moi pour que j'aille fermer mes
lumières. Je suis allé les éteindre, j'ai dit: Je
m'excuse, franchement, je n'ai pas fait cela pour mal faire. Ce n'est pas
resté là; elle ne voulait plus me laisser monter. Elle a fait une
crise d'hystérie terrible. La madame du deuxième, étant
donné qu'elle la connaît, a réussi à la
contrôler pour qu'elle aille dans son logement. En fin de compte, on a
fait une plainte à la Sûreté du Québec.
Je dis que, à ce moment-là, s'il y avait eu - quand je
parle d'un seul numéro de téléphone - un seul endroit pour
avertir, je pense que, à ce moment-là, il aurait pu y avoir un
thérapeute ou quelqu'un qui connaît la personne atteinte de
troubles mentaux pour aller la réconforter ou la tranquilliser. En fin
de compte, le lendemain, cette personne n'était pas mieux du tout parce
qu'elle prenait sa propriétaire pour une Mme Unetelle; elle était
partie complètement, assez que la madame du deuxième a
téléphoné à la clinique externe pour qu'il y ait
une infirmière ou, en tout cas une personne qualifiée qui vienne
la voir. Effectivement, ils sont venus deux jours plus
tard et cette personne est déménagée. Je ne sais
pas si elle est déménagée dans un autre logement ou si
elle est entrée à l'hôpital, mais il reste que, sans doute,
cette personne, M. Hamel ne la comptait pas parmi ses dix parce qu'elle est
supposée être autonome. Ce sont des personnes qui ont eu des
problèmes, qui en ont encore, malgré qu'elles soient
contrôlées d'une manière, disons, satisfaisante mais qui
font des rechutes assez souvent et puis c'est un danger. Ce sont tous des
petits cas comme cela qui font que la personne qui ne s'occupe pas plus qu'il
faut de la maladie mentale a peur.
(12 h 15)
La dame qui reste au deuxième et qui a une petite fille de trois
ans, la même personne dont je vous parle et qui habite en bas, parce
qu'elle aime trop les enfants - sa maladie, c'est cela - elle l'a prise avec
elle et l'a enfermée dans sa maison à deux reprises.
Un monsieur de Prorésol a dit à la dame: À ce
moment-là, vous êtes mieux de déménager.
Franchement, si c'est cela la meilleure méthode, je ne la trouve pas
bonne du tout. En fin de compte, c'est pour dire que lorsque cela arrive chez
vous, cela fait réellement peur. Donc, c'est pour cela que... Il y a eu
beaucoup de faits vécus comme cela.
À notre réunion publique - la première des deux -
plusieurs personnes ont raconté leurs faits, ce qui s'est passé:
un malade est entré chez lui et ainsi de suite... Ce qui fait en sorte
que, maintenant, ils ont beaucoup de misère à accepter d'avoir
encore un plus grand nombre d'établissements ou quoi que ce soit pour la
maladie mentale. Pour eux, ce qu'il y a, c'est déjà trop. Ils ne
veulent absolument pas en avoir plus. Ce qu'il y a là
présentement, ils veulent que ce soit mieux rodé, si on veut,
qu'il y ait un meilleur équipement, un meilleur suivi des personnes qui
sont sorties du centre hospitalier.
M. Lafrenière: J'ai une autre question.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, d'accord.
M. Lafrenière: En lisant la correspondance qu'il y a eu
entre le comité des citoyens, Prorésol et la direction de
l'hôpital, cela laisse l'impression - c'est l'impression que j'en ai eu -
que l'hôpital se dégage de ses responsabilités d'insertion
sociale sur Prorésol. Est-ce l'impression que ça vous laisse?
Qu'elle dit: Là, vous les avez, occupez-vous-en, l'hôpital se
dégage de cela?
M. Chagnon: Le plus drôle là-dedans, ce sont les
mêmes personnes en fin de compte.
M. Lafrenière: C'est le même groupe.
M. Chagnon: C'est le même groupe, mais seulement ils ont
une charte qui s'appelle Prorésol. C'est drôle aussi parce que
quand je rencontrais des gens du centre hospitalier, on me disait: Cela ne
regarde pas le centre hospitalier, cela regarde Prorésol. À la
prochaine réunion avec Prorésol qui sont les mêmes
individus, je pose la même question. Autrement dit, ils n'étaient
absolument pas d'accord qu'il y ait un comité de citoyens qui, un jour,
se réveillent et disent: Franchement, on est prêt à
embarquer, mais seulement il va falloir que vous embarquiez vous autres
aussi.
M. Lafrenière: Si je vous nomme un nom comme Robert
Charron, c'est un administrateur de l'hôpital.
M. Chagnon: Oui, l'aumônier de l'hôpital. Il se
trouve à être président de Prorésol.
M. Lafrenière: Bon.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Je sens que vous n'êtes pas à l'aise de
venir ici aujourd'hui pour parler de ces choses-là de peur d'être
taxé d'anti...
M. Chagnon: Pardon?
M. Laplante: Je sens actuellement que vous n'êtes pas
tellement à l'aise de parler de ces choses-là parce que vous avez
peur d'être taxé de d'antimalade là-dessus.
M. Chagnon: Une chose est sûre, c'est que si vous
étiez passé où j'ai passé...
M. Laplante: Exact.
M. Chagnon:... on s'est fait traiter terriblement souvent
d'antipatient, de sans-coeur et d'incompétents sur toutes ces
choses-là. C'est sûr qu'à un moment donné, on dit:
Je ne sais pas comment je vais être reçu à l'autre bout.
C'est certain que...
M. Laplante: Vous allez être bien reçu parce que
vous apportez un témoignage qui nous ouvre les yeux sur une petite ville
comme Malartic qui est aux prises avec un problème alors qu'elle est
sans préparation. C'est plus complexe dans une petite ville comme chez
vous que dans une grande ville. Lorsque vous disiez tout à l'heure:
Quand je viens ici, à Québec, je n'en rencontre pas... Vous en
rencontrez peut-être plus qu'à Malartic en venant ici, à
Québec, mais ils sont moins identifiés.
M. Chagnon: C'est cela, exactement.
M. Laplante: Vous ne connaissez pas ces gens-là. Tandis
que dans une population comme chez vous, tout le monde se connaît. Je
suis né moi aussi dans un monde rural où on connaissait presque
tous les gens.
Vous avez fait appel au ministère des Affaires sociales ici
à Québec; vous avez eu des rencontres avec lui; une personne a
été déléguée chez vous pour essayer d'en
parler avec lui. Pourriez-vous me conter ce qui s'est passé avec cette
personne? Y a-t-il eu des engagements de pris?
M. Chagnon: Cela a très bien été.
D'ailleurs, il a fallu avoir cette personne-là justement pour que
Prorésol et le centre hospitalier disent: Bien oui, c'est tout le temps
cela qu'on a voulu, mais c'est tout le temps de cela qu'on a parlé. Cela
n'a pas changé, cela a toujours été la même chose.
En fin de compte, après la visite de la représentante du
ministère, le centre hospitalier admet qu'il y a eu un manque
d'information et accepte de venir en réunion publique au mois de
septembre ou octobre. Prorésol a été le plus
réticent en fin de compte parce que, les deux maisons, ils voulaient
absolument les faire avec les sept personnes ex-psychiatrisées et les
inclure dedans. On a fait un compromis. Dans notre mémoire on parle tout
le temps jamais plus que deux ou trois personnes à problèmes dans
un même lieu, sinon plus que cela fait un ghetto. Ils sont arrivés
à ce compromis. On accepte qu'ils fassent leurs deux maisons, mais qu'il
n'y ait pas plus de deux ou trois personnes ayant eu des troubles
psychiatriques qui soient logées là. Ils peuvent s'en servir pour
autre chose à des buts humanitaires, mais pas plus de deux ou trois
personnes à problèmes.
M. Laplante: Connaissant ce milieu-là, vous êtes
lucide dans ce que vous proposez comme organisme de ne pas en faire de ghetto
parce que c'est facile de faire un ghetto. Si on regarde, il y a plusieurs
années, c'est moins pire aujourd'hui ou c'est peut-être pareil,
parce que je suis sorti du milieu rural depuis un certain nombre
d'années pour vivre dans une grande ville. Mais il y avait toujours les
deux extrémités des villages qui, à un moment
donné, formaient des espèces de ghetto. C'était une
mentalité où on trouvait qu'il y avait toujours des gens bizarres
qui vivaient d'une extrémité à l'autre d'un village. Pour
nous, à ce moment-là, c'était une espèce de ghetto
qui se formait de gens qu'on aimait plus ou moins à ce
moment-là.
Mais, en vous donnant les outils voulus où l'hôpital va
laisser faire les déclarations de Mme la présidente tout à
l'heure parce qu'elle a toujours les mots justes pour décrire cette
situation par rapport à l'hôpital. Mais votre organisme qui a
été spontané et les douze membres qui ont
été là, en demandant les outils voulus, je serais
peut-être tenté de jouer un tour à l'hôpital à
un moment donné là-dessus et de tourner l'organisme en faveur de
ces ex-malades ou de ces malades qui veulent être
réinsérés dans la société, de former votre
comité en groupes suppléants pour aider justement ces gens. Vous
avez donné des points tout à l'heure qui sont significatifs en
disant: Oui, ils ont un local, mais ils n'ont rien dans ce local.
Peut-être que si vous preniez les devants, je suis certain qu'il y a des
subventions actuellement au ministère des Affaires sociales pour
organiser votre groupe. De là, avec tout ce qui s'est passé chez
vous de bouleversements, l'hôpital serait très mal placé de
ne pas vous fournir les ressources humaines qu'il vous faudrait pour en arriver
au but qu'il y avait là.
Je suis d'accord avec vous et je vous conseille même de garder ce
que vous avez en tête de ne pas faire des groupes de six ou sept dans un
village ensemble, dans deux ou trois maisons à 300 pieds de distance, de
les intégrer dans la société pour vrai, ne pas faire
semblant de les intégrer. Je suis d'accord avec vous là-dessus.
Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.
M. Chagnon: À un moment donné on parle d'une ferme
thérapeutique, d'une ferme expérimentale. Cela dépend du
point de vue où l'on se place. C'est un projet initial qu'on songeait
à lancer. C'est au moment où l'on a appelé les deux
maisons "appartements supervisés", c'est là que cela a
changé d'orientation. C'est certain, on voulait le régler ce
problème-là au plus sacrant parce qu'on ne voulait pas avoir de
ghetto de miniinstitutions. Mais, la ferme expérimentale ou
thérapeutique, j'en parle dans le document que j'ai lu tout à
l'heure, c'est une chose que je trouve très louable. Intéresser
l'individu à se prendre en main et à se valoriser. Comme
j'énumérais plusieurs métiers, il y a des peintres qui ont
été malades, il y a des sculpteurs et il y a un bûcheron,
mais si tu leur donnes l'occasion de commencer graduellement à reprendre
goût à la vie, ce sont des moyens qui peuvent donner un bon coup
de main à l'individu qui a malheureusement eu un problème. En
tout cas, ce n'est certainement pas à se promener sur la grand-rue, ce
n'est pas vrai.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député d'Ungava.
M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. J'aurais
juste deux ou trois petites questions. Comme Malartic est un hôpital
régional, j'aimerais savoir si l'hôpital
de Malartic a d'autres points de service à La Sarre, à
Ville-Marie, un peu partout dans la région, ou si c'est seulement
limité à Malartic?
M. Chagnon: Je sais que, depuis un certain temps, en tout cas
depuis la dernière réunion qu'on a eue justement avec le centre
hospitalier, la corporation Prorésol et un représentant du
ministère, il y a des efforts qui sont faits pour qu'il y ait un
déblocage systématique dans d'autres endroits de la
région. Parlez-vous d'hôpital ou si vous parlez des
dérivés après?
M. Lafrenière: Des maisons... L'hôpital
psychiatrique de Malartic est un hôpital régional. Il doit avoir
la responsabilité de tout le territoire?
M. Chagnon: Oui, d'accord.
M. Lafrenière: Je veux savoir si c'est seulement
concentré à Malartic, si la personne de Ville-Marie qui a des
problèmes est obligée de venir à Ville-Marie ou si elle
traverse du côté de l'Ontario?
M. Chagnon: Non, elle vient à Malartic.
M. Lafrenière: Elle vient à Malartic. Cela fait
à peu près 150 ou 200 milles?
M. Chagnon: Près de 200 milles, c'est certain.
M. Lafrenière: Une autre question. Le conseil
d'administration de l'hôpital de Malartic est-il composé
strictement de personnes de Malartic ou si c'est régional?
M. Chagnon: Presque exclusivement. Il y en a un, le
président - s'il n'a pas été remplacé
dernièrement - qui demeure à Val-d'Or, à 17 milles. Mais
à ma connaissance, je n'en connais pas qui vienne de Rouyn, d'Amos ou de
La Sarre.
M. Lafrenière: Ne pensez-vous pas qu'un hôpital
régional tel que celui-là, s'il veut être vraiment
représentatif, devrait avoir un éventail de personnes qui
viennent d'un peu partout dans la région?
M. Chagnon: Je suis bien d'accord.
M. Lafrenière: Vous êtes d'accord? Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Un petit mot pour
terminer. Je reprends les paroles exprimées par mes collègues.
Vous n'avez pas fait un voyage blanc - peut-être à vos yeux, mais
pas aux nôtres - car c'est un témoignage extrêmement
précieux pour nous. Comme je le disais tout à l'heure, c'est un
aspect qui va devoir être discuté en profondeur par la commission
et aussi, j'imagine, par tous les responsables à l'intérieur du
réseau. C'est assez intéressant. Il y a eu des discussions
où on disait que, dans de petits milieux, l'intégration se fait
mieux. D'un autre côté, il ne faut pas non plus noyer le petit
milieu. Il faut que le milieu puisse intégrer les gens au rythme dont il
est capable. Je pense que c'est extrêmement intéressant comme
problématique ce qui s'est passé à Malartic.
Je voudrais simplement terminer, M. Chagnon, en vous disant que je suis
allée consulter des gens du ministère. Je vous ai posé des
questions précises au début. Nous, on ne vous connaît pas
et ce que je réalise... Il dit: On est douze. On peut dire: Ils sont 12
sur 4000, mais on voit dans les notes que le ministère m'a remises qu'il
y a eu une pétition de 1125 noms de personnes de Malartic, qui a
été déposée pour demander à la corporation
Prosérol...
M. Chagnon: Prorésol, oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... en tout cas -
d'arrêter le projet. C'est vraiment un mouvement de masse de la
communauté quand on parle d'une pétition de 1125 noms sur une
population de 4000. Oui, monsieur?
M. Chagnon: Nous, ce qu'on demandait, en fin de compte,
c'était une enquête publique avant d'aller plus loin avec ces
maisons, parce qu'on sentait que c'était réellement trop, que
cela faisait déborder le vase. C'est pour cela qu'il y a eu, en un temps
record, 1125 signatures. Je vous dirai franchement qu'organisés comme on
l'était... Si on avait été mieux organisés, si on
avait fait cela d'une manière plus rigoureuse, on aurait
récolté environ 2000 ou 2500 signatures, j'en suis convaincu. On
l'a fait dans le brouhaha et rapidement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. En tout cas, c'est
bien suffisant. De toute façon, comme je vous le disais, le
ministère des Affaires sociales est bien conscient du problème.
Il a déjà envoyé quelqu'un pour servir
d'intermédiaire entre les deux groupes. Les recommandations qui suivent
ont été actualisées lors d'une rencontre tenue à
Malartic avec le comité des citoyens, le Conseil régional de
santé et de services sociaux et le ministère des Affaires
sociales, le 20 juin 1980. Je les lis dans l'intérêt des gens
présents: "... demander à la corporation, je lis,
"Prosérol", en tout cas, l'arrêt immédiat du projet;
demander que la corporation informe et consulte la population sur son
orientation actuelle et future; demander au conseil d'administration du centre
hospitalier ainsi qu'à ladite corporation d'assister à une
rencontre dont les buts
seraient les suivants: donner de l'information, écouter ce que la
population a à dire, mandat que la population donnerait à son
comité de citoyens. Il a été convenu que cette rencontre
d'information - vous l'avez mentionné - aura lieu à l'automne et
serait sous la responsabilité du centre hospitalier Malartic. Qu'un
compromis serait fait en ce qui concerne le projet des maisons de la rue Laval,
à savoir qu'il n'y aurait pas plus de deux ou trois personnes
présentant des problèmes d'ordre mental qui seraient
logées dans les maisons. (12 h 30)
Je pense que vous avez travaillé, mais il n'y a pas autant de
citoyens qui travaillent et qui arrivent à des résultats. Quand
même, vous allez dire que cela a été long parce que cela
remonte à 1969-1970, mais ce n'est pas à partir de ce
moment-là que vous avez eu des problèmes. Je pense que le
ministère des Affaires sociales a été sensible à la
situation. Il a probablement appris aussi cette situation, comment on
désinstitutionnalise et les problèmes auxquels on doit faire
face, etc. Je pense que ce que vous faites est extrêmement utile pour
tous et je voudrais vous remercier d'avoir pris la peine de vous
déplacer, de venir si loin pour ce témoignage. Je pense que vous
devez penser maintenant que vous avez avancé dans le travail que vous
avez fait ou dans les démarches que vous avez entreprises.
M. Chagnon: Oui, c'est certain qu'on a avancé. Je pense
aussi que l'erreur que le centre hospitalier a faite, c'est de ne pas nous
prendre au sérieux. S'il nous avait pris au sérieux, je pense
qu'on aurait pu travailler comme on travaille aujourd'hui, en équipe, et
on n'aurait pas été obligé de faire le brouhaha qu'on a
été obligé de faire pour se faire entendre dans
différents milieux.
J'apprécie que la commission se penche justement sur la
réinsertion sociale et j'espère qu'un jour l'ensemble de la
province de Québec aura fait un pas en avant concernant la maladie
mentale et que tout le monde y sera gagnant. C'est moi qui vous remercie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup, M.
Chagnon. Il reste un dernier groupe ce matin, l'Entraide pour vaincre la
dépression Inc., Self Help Against Depression Inc. J'invite les
participants à se présenter. Il s'agit de Mme Rubin et de M.
Bruman.
Bonjour, Mme Rubin. Est-ce que M. Bruman est avec vous?
Entraide pour vaincre la dépression
Mme Rubin (Sheila): He is, but he prefers to remain observer.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): O. K. So, you can
proceed, Mrs. Rubin.
Mme Rubin: Thank you. First, I have a very brief written
statement about our practical problems as a group.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Could you talk closer to
your microphone, please? So, we can hear you.
Mme Rubin: OK Thank you.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Thank you.
Mme Rubin: SHAD is a network of people helping people to overcome
depression and anxiety. We work with clients who have psycho-social problems,
people who find life too stressful. We talk with people who have problems
coping with family members, friends or neighbours. We help people who have no
family to speak of, no friends and no job. We work with men and women. Language
and religion are no barriers. Our service is free. We are a non-profit
charitable organization.
The purpose and method of SHAD were conceived and executed by myself
between 1977 and 1979. SHAD started officially on a trial basis in the autumn
of 1979. The experiment proved to be successful and it was decided by an ad hoc
board of directors that expansion was necessary to meet the needs of the
community. The expansion program was set in motion in March 1980. By late 1980,
SHAD had an office, a telephone and various supplies. With the assistance of a
lawyer, who volunteered his services, SHAD was incorporated in 1982.
The SHAD method was copyrighted in a handbook written by myself. It is
unique and is successful. We have had enquiries about our services from health
officials in Alberta, Ontario, Florida, Newfoundland, etc. We were invited to
speak on a panel at the Status of Women Conference in Gander.
SHAD teams compatible individuals for mutual help and support. Teams
work on a one-to-one basis, only over the telephone, using first names.
Anonymity must be assured to both volunteer and partner. SHAD is not an
emergency service. We also make hundreds of referrals a year.
In February of 1985, we entered the third year of our contract with
Employment and Immigration Canada. This covers one third of our budget and the
bulk of the other two thirds comes from MAS and OVFP grants. EVD was accredited
under the Programme d'aide aux organismes volontaires d'éducation
populaire in 1984.
Our problem is frustration because of lack of security. Much time is
spent applying for grants, researching where funds may be
available, reporting on activities, reporting on where funds are spent,
reporting and accounting. Sometimes we have to devise projects in order to see
if we can become eligible for certains grants, even though we already have a
successful program as it stands. We must continually worry about funds. At
times we have had to refuse funds we were granted because the grantor made
certain demands which would have added to our workload without providing any
increase in income.
We are just two employees in SHAD Inc. Although we have totally
different skills, education, background, etc., we make the same salaries. We do
not perform similar or comparable duties. For more than two years we have
earned 192 $ a week gross each and a diminishing net take-home pay. SHAD cannot
afford a typewriter and we must budget carefully for supplies and postage. We
must go begging for photocopies. We must pay for our own telephone and it is a
major expense for us.
Another concern we have has to do with the prospect of telephone calls
being charged for by the frequency and duration of calls. Our volunteers must
call their SHAD partners from their own homes. The average volunteer spends two
hours a week with each partner. Many of our SHAD volunteers cannot and may not
wish to continue, if, in addition to providing their time, interest and skills,
they would be required to increase the cost of their phone bills.
We are confident that we perform a valuable service to our community and
we are pleased to do it.
During 1984, we answered 370 calls, screened 34 people, checked back
with team members 165 times and opened 23 new teams. If we could spend less
time doing administrative and fund raising functions, we could have done a lot
more. There are times when we have 50 people, volunteers and partners, on our
waiting lists. We have approximately 45 teams working at this time.
It would help us if we knew where our funds were coming froTn next so we
could save our time to serve our clients. It would be very useful if we could
be assured of a more realistic salary, commensurate with our educations,
experience, duties and responsibilities. And it would be necessary that
telephone charges not be based on duration or frequency of calls, because, if
the system changes in that direction, it may put an end to our service.
That is the end of the practical written report that I have brought. I
would like to discuss with you, if I may. Our service does not only concern
itself with those who have been institutionalized, but with preventing clients
from having to be hospitalized. Our method is unique. Our philosophy may be
considered revolutionary by some as it is simple and rests on common sense. Our
philosophy is one of hope in the future, trust in ourselves, caring for one
another, not just an ideal, but practised everyday by our SHAD teams. Our
volunteers act as role models, encourage their partners to aim for independence
and, in calling their partners, they demonstrate that they care. The partners
show trust in sharing their most painful feelings with total strangers. The
only reward the volunteers get is our appreciation and the knowledge that they
are helping others.
I brought with me some samples of our literature if anybody would be
interested in having a copy or two.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Thank you very much. I
was wondering if you would mind that we make copies of -not the last part,
because I understand it is handwritten, but the first part that you read, as I
think it would stand as your brief to the committee.
First of all, I want to thank you for having come before the committee.
The mandate that the committee has given itself, is the problem of social
reinsertion of persons who have had psychiatric problems and are trying to
readdress to society. The committee knows that many ressources have to be made
available to the people in order, as you said yourself at the end, not only to
facilitate this social reinsertion but in order to stabilize and prevent the
rehospitalization that is happening too often because people are left with no
real support.
There are a few questions that I would like to ask you. When you talked
about teams, you said: Now, we have 23 teams. The team is not the partnership
between two persons, is that it?
Mme Rubin: There are 45 teams at the moment. That is our usual
average of 45 at any one time. The volunteer and his or her partner are
considered a team, so it is a two-person team.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes. So, you have some
sort of a secrétariat? Do you have an office or do you not have any
office?
Mme Rubin: We are allowed to use an office in an agency and we
just take calls there two and a half days a week. It is just a reception
office. It is not really a working office. I work out at a different place.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Now, people call you to
volunteer, to act as volunteers.
Mme Rubin: Yes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Then you screen them
before you match them with someone.
Mme Rubin: That is correct.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes. Your philosophy of
the whole relation between the volunteer and the person who is asking for help
to keep it anonymous, is it in order to make it easier for the people or do you
feel that some people needing help will not go there to get help but, if it is
anonymous, they might go and get that help? Could you explain the philosophy
behind the anonymous character of your organization?
Mme Rubin: We have about 10 or 12 points for the reason of the
anonymity. We have found that it works - I suppose it is one good reason - I
will give you some examples of why. Stop me when you have enough examples. The
SHAD volunteers deal with all kinds of callers including drunks, wives whose
husbands beat them and throw knives at them and so forth and our anonymity
protects the volunteer and SHAD.
Conversely, the partners are protected from dishonest and indiscreet
volunteers who may slip through our system. SHAD does not have a meeting
format. We do not want to duplicate any existing service, so we are not really
offering meetings where people can meet one on one or even in groups. (12 h
45)
SHAD volunteers are all considered non-professionals. Even if some of us
have had professional experience and training, we are not considered to be
equipped to make house calls or arrange professional consultations at our
office. SHAD's respect for anonymity of the partners assures them that we will
not pry into that which they do not wish us to know. This respect on the part
of the volunteers gives the partners confidence in their home volunteers and in
SHAD.
It is easier for the partner to express painful feelings as well as joy
and anger. The policy of anonymity is strictly enforced amongst us, because it
simply has been found to work well. There are more...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes. Is there a waiting
list for this type of service?
Mme Rubin: Yes, we have unfortunately, sometimes, as many as
fifty people waiting on our waiting list at one time. That is including the
volunteers and the partners, because we do not simply match somebody just
because they are on the waiting list. We will match them only when we find
somebody who is considered to be suitable for them, so that we do have people
waiting on both lists at the same time, and we cannot team them. There have
been some people, unfortunately, who have waited as much as a year.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): We have the bad habit,
here, probably because of the influence of the "fonctionnaires", to ask for
statistics and I am sure you do not keep statistics.
Mme Rubin: We try our best.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): But you have been going
on for about four years or five years?
Mme Rubin: We were incorporated in 1982. We were operating since
1980.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): How long... Do you know -
I mean, inasmuch as you can evaluate it - the length of time or the duration of
a relationship in a team?
Mme Rubin: We have some people who have been operating since the
beginning, from the very beginning, and some who have let go after a few weeks.
So it really depends on the needs of the client. We usually let the client
decide when it is time to fold. The only other time we would close a team is
when people have really broken our rules and they cannot operate within the
rules that we have.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): You said before that you
made quite a number of referrals to hospitals and other resources.
Mme Rubin: We act as a referral service. We have quite a complete
list of places to refer people in the Montreal area.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): So, actually, you fulfill
a role of "dépistage"; I cannot find the word in English.
Mme Rubin: We call it a referral service.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): A referral service and of
prevention too.
Mme Rubin: Yes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): I mean for the people who
might be having some psychic difficulties.
Mme Rubin: Yes, when a client calls, we also ask them to continue
any other treatment they are having at the time, seeing wichever professionals
they are seeing and if they are on any kind of medication, we ask them to
continue, unless
we start to observe that some particular problem is happening, in which
case we start to recommend some alternatives.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): You know about - and you
mentioned it, I believe - the service that exists at... I think it is CLSC
Métro-Guy, not CLSC Métro-Guy, but around somewhere.
Mme Rubin: Face à Face.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Face à Face.
Mme Rubin: Yes, we have referred people from there as well.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes. There is a
difference in the approach but what is the difference in the results?
Mme Rubin: I do not think you can really say there is a
difference in results because we all find that we get satisfaction in different
ways. What may be good for one person at the Face à Face may not be
successful for another. Some people can not say: We sit down in a public place
and face another person and say: You know, these are all my problems and I want
to just lay them on you. Some people can answer much more easily on the
telephone to this person that they will never see and who has an understanding
voice and also someone who will say to them: I am not just here as a volunteer
because I am good, I am here because I also went through what you are going
through and I know exactly what you are going through because I went through
it. All our volunteers have to have ' had some success, you know, for over
coming some emotional or social problem. So, before they are teamed, we know
something about them in that regard. So, they are not coming out saying: You
know, I am here, I am a social worker and this is my job and I have got to do
it for a living or I have got to do it because I am a goody goody or whatever
kind of expression. A person may be coming out and say: Who are you? Why are
you telling me all this? I heard that all from my doctor. But you can say: 1
have been through it and I know what your are talking about. We have people,
all kinds, who have gone through it an awful lot.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Thank you very much. M.
le député d'Ungava.
M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. Just a few
short questions. You said a little while ago that you had about 45 to 50 people
on the waiting list?
Mme Rubin: Sometimes, yes.
M. Lafrenière: These are people that need help?
Mme Rubin: Yes. Some volunteers and some who need help.
M. Lafrenière: And it is the volunteers that do help
people. Do you have any problem recruiting them?
Mme Rubin: Oh yes! It is always a hard job to find enough
volunteers. You can send out a city wide advertissement, or press releases and
so forth and get two volunteers in a large city like Montreal...
M. Lafrenière: And then, volunteers work out from what
place? Out of their homes?
Mme Rubin: At their own homes, using there own telephones.
M. Lafrenière: In another part of your brief you talk
about budget. What is an operating budget for an organization like yours?
Mme Rubin: Well, our major expenses are the salaries and I told
you wnat we make, it is 192 $ a week gross.
M. Lafrenière: Would you repeat that, please?
Mme Rubin: 192 $ a week gross, per employee. There are two
employees and that is our major expense. The other expenses are our telephone
and our postage, our major expenses...
M. Lafrenière: Your complete budget would be what?
Mme Rubin: Well, we have been working with about 23 000 $ for the
last three years.
M. Lafrenière: Thank you.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Who subsidized the 23 000
$.
Mme Rubin: The first year, it was Employment and Immigration
Canada and the second and third years, we have been augmenting the remainder of
a declining scale from Employment and Immigration Canada with grants from
MAS.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): You have a grant from
MAS?
Mme Rubin: Yes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): How much do you get from
MAS?
Mme Rubin: We have 5000 $ a year.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): O. K. M. le
député de Marie-Victorin.
M. Pratt: Do you operate mainly in Montreal, Côte-Saint-Luc
or do you go in the West Island and its vicinity?
Mme Rubin: Anybody can reach the 514 without incurring a long
distance charge is welcome to call. We however have encountered a new problem
in the last few days. We have noticed that, as the head office was moved to the
Dollard area, there is now a long distance charge to some areas such as Laval.
So that has already caused a problem.
M. Pratt: You exist since four or five years. By which means do
you publicize your services?
Mme Rubin: Mainly, we issue press releases and notices to various
organizations including hospitals, CLSCs and so forth.
M. Pratt: So you get in touch with the hospitals and CLSCS and
the other centers...
Mme Rubin: Hospitals, the media, radio stations, talk shows so
forth and words-mouth, some doctors referrals, etc.
M. Pratt: Your - I will say - customers or patients are mainly
depressed people or other kind of people having problems?
Mme Rubin: It is a combination of depression and social
problems.
M. Pratt: OK
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): That's all? I want to
thank you for your presentation. I think that it is a good illustration that
when people have initiative, there is a lot of new ideas that come about and I
think that is what make things progress and particularly in a field like this
one, any field actually where human well-being is concerned. I want to
congratulate you for your work. I think that around the table none of us were
aware of such a resource and it is a good example that the community itself can
stimulate and bring about services that the State could not even think about,
even if the State thought about it, probably it would never bring it into
effect because of financial reasons. It takes a lot of organization. I know
that people say: A team of 50 people, it is only 100 people, but, as you say,
volunteers change, the people who call change. To keep it really a service that
is stabilized and that people know they can call about it requires a lot of
volunteer work and a lot of organization.
On behalf of the committee, I want to express to you our thanks for the
work you do and also for the "témoignage" that you gave to this
committee. Thank you very much.
Mme Rubin: Thank you.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je suspends les travaux
jusqu'à 14 h 30. On va avoir beaucoup de temps ce midi.
(Suspension de la séance à 12 h 55)
(Reprise à 14 h 39)
Alliance Québec
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La sous-commission des
affaires sociales reprend ses travaux. J'invite Alliance Québec à
venir présenter son mémoire à la commission. Je crois
comprendre qu'on a un nouveau texte. Vous êtes M. Bourgo? Je ne sais pas
si c'est vous qui agissez comme président ou si c'est Mme Kelley?
Mme Kelley (Marylee): C'est moi, oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, Mme Kelley, si
vous voulez présenter vos collègues et ensuite vous pourrez
procéder à la présentation de votre mémoire.
Mme Kelley: Certainement, Mme Lavoie-Roux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci.
Mme Kelley: Au nom de la communauté d'expression anglaise
du Québec, Alliance Québec est heureuse de s'adresser à la
commission parlementaire qui étudie la réinsertion sociale des
personnes souffrant de troubles mentaux et vivant au sein de la
communauté.
Je voudrais présenter mes collègues: à ma gauche,
M. Ross Williams, directeur des affaires sociales d'Alliance Québec;
à ma droite, M. Jos Bourgo, membre du conseil d'administration
d'Alliance Québec, directeur général des centres
Shawbridge, vice-président de la Corporation professionnelle des
travailleurs sociaux du Québec; et puis Mme Joan Richards,
présidente du comité des affaires sociales de CASA, Committee for
Anglophone Social Action in Gaspé.
Mon nom est Marylee Kelley, présidente du Comité des
affaires sociales d'Alliance
Québec.
Alliance Québec est un organisme communautaire qui compte plus de
40 000 membres répartis dans 21 chapitres locaux et associations dans
toute la province. La politique d'Alliance Québec repose sur un certain
nombre de principes, dont quelques-uns concernent directement les questions
débattues ici aujourd'hui. Premièrement, le gouvernement du
Québec a la responsabilité d'adopter une loi qui garantirait la
pérennité du réseau des services et des institutions
d'expression anglaise capables de répondre aux besoins de la population;
deuxièmement, la prestation des soins de santé et des services
sociaux en anglais doit être garantie partout au Québec où
se trouve une population d'expression anglaise.
Cette présentation vise deux ordres de préoccupations
majeures: 1° l'efficacité du système en matière de
services psychiatriques; 2° la question linguistique quant à
l'accès et à la prestation de ces services.
Dans son examen de la situation, Alliance Québec a observé
l'absence complète d'une planification cohérente et exhaustive
dans le secteur de la santé mentale.
M. Bourgo (Jos): La situation actuelle. Actuellement, au
Québec, un grand nombre de patients psychiatriques vivent une urgence
sociale lorsqu'ils sont libérés par les institutions et qu'ils
n'ont pas les ressources suffisantes pour vivre adéquatement au sein de
la communauté. Il est devenu évident, depuis les cinq ou dix
dernières années, que les pressions exercées par les
logements de mauvaise qualité, le haut taux de chômage et
l'aliénation sociale causent de sérieuses difficultés
à cette population. Il est, par ailleurs, évident que notre
échec à établir des services adéquats de suivi
après l'hospitalisation pourrait bien annuler les avantages de cette
hospitalisation lorsque le patient est livré à des
communautés mal préparées à l'accueillir.
Depuis les débuts de l'application du principe de
désinstitutionnalisation, en 1965, les soins en milieu hospitalier ont
eu tendance à devenir de court terme, une sorte de gestion de l'urgence
qui a fait naître le syndrome de la "porte tournante". En 1972, les
réadmissions représentaient 64 % de toutes les admissions en
milieu hospitalier (rapport ARAFMI). En l'absence de ressources communautaires
adéquates, les patients deviennent extrêmement vulnérables
lorsqu'ils quittent les institutions.
L'une des causes majeures de ce syndrome de la "porte tournante" est la
gravité de la maladie de ceux qui sont réinsérés
dans la communauté. Les difficultés créées par le
nombre de patients gériatriques chroniques au sein de la section
psychiatrique signifient que le nombre de lits disponibles est absolument
inadéquat. À la libération du patient, le suivi
psychiatrique est très mince. Les patients doivent quelquefois attendre
de deux semaines à un mois avant d'obtenir un rendez-vous avec leur
psychiatre. La capacité des travailleurs sociaux à rencontrer les
patients après leur libération de l'hôpital est
problématique à cause de l'énorme charge de travail qui
leur est impartie. Les tracasseries administratives du système
lui-même accaparent les infirmières et les travailleurs sociaux au
point d'affecter leur moral. Il est donc évident que le système
lui-même crée des barrières dans la prestation des services
aux patients. Le manque de ressources communautaires place aussi un
énorme poids sur les familles des clients psychiatriques. Ces familles
sont souvent forcées d'offrir des soins et des services au meilleur de
leur connaissance. Les principales difficultés de ces familles portent
notamment sur l'absence de groupes d'appui et le manque de soins dits de
répit pour les dépendants.
Lorsqu'on examine la situation de certains centres hospitaliers
montréalais, il semble que les CLSC n'assurent pas
généralement le suivi auprès des patients psychiatriques
bien qu'ils soient conscients d'un besoin. Bien peu d'infirmières
travaillent dans la communauté avec ces patients, bien que des
infirmières visiteuses pourraient donner les médicaments et
s'occuper du bien-être général de ces patients. Cependant,
à cause de l'ampleur des services requis, il serait peut-être
valable de s'interroger sur la pertinence des CLSC en tant que lieu de
dispensation des services pour les patients qui ont reçu leur
congé à la suite de soins psychiatriques.
À Montréal, le processus de sectorisation qui fondait
l'accès aux services sur les territoires géographiques a
compliqué encore davantage le problème des patients d'expression
anglaise. La communauté elle-même est extrêmement confuse
quant à savoir ce que signifie la sectorisation dans le réseau
psychiatrique d'expression anglaise. Les différents centres hospitaliers
interprètent à leur façon cette question. La Commission
administrative de la santé mentale du Conseil régional de la
santé et des services sociaux de Montréal métropolitain
est, par aileurs, consciente de cette difficulté et, en désignant
le secteur du centre-ouest pour y inclure les centres hospitaliers d'expression
anglaise, la commission a reconnu partiellement de fait les besoins
socio-culturels de la communauté d'expression anglaise. Le centre-ouest
regroupe les centres hospitaliers Royal Victoria, Montréal
Général, St-Mary's, Reine Elizabeth, Reddy Memorial et
l'Hôpital général juif.
Cependant, la rigidité causée par un régime de
sectorisation strict n'accorde pas
suffisamment de flexibilité pour permettre aux
bénéficiaires d'avoir accès à un niveau maximal de
soins s'ils ne sont pas immédiatement accessibles dans leur territoire
de résidence. Sur le plan pratique il existe une grande
différence entre les plans et les structures des planificateurs des
affaires sociales et la réalité des services eux-mêmes qui
sont disponibles aux usagers et à leurs familles.
Mme Richards (Joan): Other region: For many areas outside of
Montréal, such as region 06B and 01, no psychiatric facilities exist at
all for English-speaking patients. In many cases, patients are given a
medication program by a local doctor and then left to their families for all
their care.
In region 06B, English-speaking psychiatric patients must rely upon
Montreal's English language establishments for institutional care. When
discharged back to their communities, psychiatric aftercare and community
support are virtually unavailable.
There is no English-speaking psychiatrist practising in the
Laurentides... I am sorry...
Une voix: Lanaudière.
Mme Richards: Lanaudière region. Patients either stay at
home or spend their days in local shopping centres.
In region 06C, some services are available from the Douglas Hospital
(foster home) and the Montreal General Hospital (psychiatrists once a week).
There is, however, no stable community resource of any kind able to give care
in English. Because of the direct connection between the Montreal-based
hospital and the patient, local CLSCs and other establishments are loath to
commit resources to these patients.
In region 01, English-speaking patients are sent to a French language
institution, in Rimouski, for establishment or regularization of a medication
program and, then, sent home again, where no professional or community support
programs exist in their language. It is important to note that the Gaspé
has the highest suicide rate in Quebec. In monitoring the situation on an
on-going basis, volunteers of CASA on the Gaspé Coast feel that the
chronic lack of psychiatric services in the region, either institutional or
community based, account for many of the suicides.
Obviously, the situation in the Gaspé is critical.
M. Williams (Ross): Dans l'ensemble du Québec, les
tendances de la thérapie semblent mettre toute l'importance sur une
vision étroite du traitement, comme la fourniture de médicaments,
alors que peu d'attention est accordée aux conditions plus
générales de vie du patient.
Pour ces patients, aucun système de soins ne peut être
considéré adéquat s'il n'offre pas une continuité
et un suivi des soins qui le porte de l'institution à sa
communauté. Un tel suivi de soins nécessite un système de
maisons de transition, de familles d'accueil, de suivis par des
spécialistes du service social, des résidences de transition, la
présence de la famille, des ateliers protégés ainsi que
des occupations de loisir. Une telle approche requiert aussi une coordination
entre l'institution et les besoins du patient alors qu'il est de retour dans
son milieu. Lorsque l'on parle des ressources communautaires, il faut souligner
ici qu'il ne s'agit pas de ressources alternatives à celles fournies par
les institutions, mais plutôt de ressources complémentaires. Il
s'agit plutôt d'un élément parmi l'ensemble des services
qui assurent la continuité des soins, comme nous l'avons
précédemment décrit.
Il a été établi qu'un système continu
complet de services est tout aussi coûteux que le placement en
institution. Une étude par le Dr Thomas, de l'université de
Géorgie, pour le National Institute of Mental Health sur les ressources
communautaires a prouvé que les services sont tout aussi coûteux
mais les ressources sont réparties d'une façon différente.
En fait, le Dr Thomas a dit que le double financement pour quatre ou cinq ans
est nécessaire pour mettre en place un modèle
désinstitutionnalisé. Cependant, en examinant le processus actuel
de récidivisme constant, un modèle
désinstitutionnalisé pourrait peut-être, à long
terme, s'avérer plus respectueux des ressources disponibles.
Afin de considérer le problème de planification en vue
d'établir des modèles de vie communautaire, nous suggérons
une approche intégrée où tous les professionnels
impliqués dans le bien-être des personnes souffrant de troubles
mentaux mettraient au point un système de prestation coordonné et
intégré de soins.
Mme Kelley: La langue d'usage dans la prestation des services
sociaux est d'importance primordiale, particulièrement dans le domaine
de la santé mentale. La langue est l'outil principal de diagnostic et de
thérapie dans la prestation des soins de santé et des services
sociaux.
Le processus de désinstitutionnalisation dont nous discutons ici
aujourd'hui constitue un excellent exemple du besoin de garanties
législatives à l'effet que les services seront disponibles en
anglais pour la population d'expression anglaise du Québec.
L'absence de ces garanties dans la langue des usagers et le fait qu'il
n'existe pas une politique administrative cohérente pour assurer
l'accès aux services constituent des préoccupations
sérieuses pour Alliance Québec, notamment dans le secteur des
troubles mentaux.
Il nous faut souligner ici qu'il n'existe pas de garanties
législatives, gouvernementales ou administratives en ce qui concerne la
question de la langue dans le secteur psychiatrique.
Nous devons rappeler ici que, la langue étant un outil
thérapeutique fondamental pour l'individu, qu'il soit en institution ou
vivant dans la communauté, toute planification en vue de la
désinstitutionnalisation des personnes d'expression anglaise doit
prendre en considération la composante linguistique.
Jusqu'à maintenant, une analyse en profondeur des besoins des
patients psychiatriques d'expression anglaise ainsi que du système dont
ils dépendent n'a pas été faite. Dans le rapport soumis
par le comité d'étude, avec un mandat du dernier ministre des
Affaires sociales, on reconnaît de façon systématique la
question des services en anglais, mais on n'y retrouve aucune analyse en
profondeur de la prestation des services à la population d'expression
anglaise. Nous recommandons que tous les intervenants de la communauté
et du réseau institutionnel s'adressant à ces
bénéficiaires professionnels, bénévoles, groupes
autonomes, familles, éducateurs, conseils régionaux,
ministère des Affaires sociales - mettent en marche un processus de
consultation afin de définir un modèle de vie communautaire dans
chacune des régions. Comme nous l'avons déjà
démontré, les ressources actuelles sont insuffisantes pour
permettre aux patients d'avoir une vie communautaire, qu'ils soient de langue
française ou de langue anglaise.
Nous devons souligner que les modèles envisagés par la
communauté d'expression anglaise de Montréal seront
différents de ceux des régions limitrophes 06B ou 06C, et
différents encore plus des régions encore plus
éloignées de la région 06. À l'extérieur de
la région de Montréal, les problèmes sont encore
augmentés par le nombre de bénéficiaires, ainsi que la
gravité des cas. Ce n'est qu'en considérant les besoins de notre
communauté région par région que des modèles
pourront être mis au point, permettant de desservir au mieux la
clientèle psychiatrique d'expression anglaise de la façon la plus
efficace.
L'institutionnalisation des patients mentaux d'expression anglaise doit
tenir compte du fait que, dans la majorité des cas, une relation
patient-institution-professionnel constituera un besoin permanent. Une
communication en langue anglaise doit être assurée. C'est pourquoi
nous serions disposés à recommander que les institutions et les
ressources communautaires puissent recevoir des mandats linguistiques clairs
pour servir la clientèle dans sa propre langue.
Le ministre de la santé et des services sociaux doit
définir des garanties législatives qui permettront aux
Québécois d'expression anglaise de recevoir leurs services
sociaux dans leur langue. Pour les personnes dans le besoin, ces garanties
législatives constituent une exigence minimale.
La demande appuyant les garanties législatives a fait l'objet de
résolutions de conseils d'administration et de conseils exécutifs
de plus de 340 institutions, municipalités, écoles, organismes
professionnels et groupes de bénévoles de toutes les
régions du Québec. Il faut mettre en place un mécanisme
législatif et administratif particulier pour s'assurer que les services
qui sont rendus, en totalité ou en partie, par le gouvernement du
Québec reflètent la diversité linguistique et culturelle
de la population qu'ils doivent servir.
M. Bourgo: La communauté d'expression anglaise
possède une longue histoire en matière d'implication
communautaire dans la planification et la prestation des services pour ses
membres dans le besoin. La tradition suivie par la communauté
d'expression anglaise a toujours tendu vers l'appui communautaire et la
désinstitutionnalisation et l'appel complémentaire qui relie les
ressources institutionnelles et communautaires. La consultation des
communautés comme partie d'un approche intégrée en vue de
la désinstitutionnalisation ne saurait être qu'un processus
fructueux. Ensemble, nous pouvons examiner d'une façon originale et
efficace les questions qui affectent les personnes souffrant de troubles
mentaux.
Cette commission parlementaire est un excellent point de départ
pour une réflexion qui examine la façon dont nous
répondons aux besoins des handicapés mentaux. Sans doute, ce
processus sera long et difficile, mais il faut résoudre, au cours de cet
exercice, la question de l'accessiblité linguistique, de façon
à répondre aux besoins de tous les Québécois.
Entre-temps, et comme partie intégrante des garanties
législatives, Alliance Québec soumet les recommandations
suivantes: 1. que le gouvernement du Québec définisse des
garanties législatives pour assurer la prestation de soins de
santé et de services sociaux des institutions d'expression anglaise; 2.
qu'une politique complète de prestation des services en matière
de santé mentale, tant pour la population d'expression française
qu'anglaise, soit définie immédiatement; 3. que chaque conseil
régional mette au point une politique claire en matière
d'accessibilité linguistique et établisse des modèles
régionaux appropriés de prestation de services pour les services
aux personnes souffrant de troubles mentaux dans les
institutions ou au sein de la communauté; 4. que le ministre de
la santé et des services sociaux dégage les fonds
nécessaires à l'établissement de ressources communautaires
appropriées pour répondre aux besoins de la population souffrant
de troubles mentaux;
(15 heures) 5. que l'objectif du processus soit l'établissement
d'un système de services continus à partir de
l'établissement jusqu'à l'insertion communautaire en tenant
compte de l'ensemble de la vie du bénéficiaire, y compris
sa langue d'usage; 6. que le gouvernement du Québec mette en marche un
vaste processus de consultation qui réunisse le ministère et des
représentants des institutions et des communautés pour discuter
de modèles interreliés pour le développement de programmes
et le partage des coûts dans la prestation des services à la
population souffrant de troubles mentaux vivant en institution ou au sein de la
communauté; 7. que le ministère de la santé et des
services sociaux, en collaboration avec la communauté, mette en marche
un processus capable d'établir un réseau d'assistance familiale
pour l'ensemble du Québec avec un sous-groupe s'adressant à la
population d'expression anglaise; 8. qu'une importante campagne d'information
publique soit mise en oeuvre pour sensibiliser la communauté aux besoins
des personnes qui sont réintégrées dans leur milieu.
Mme Kelley: Nous vous remercions de l'attention que vous nous
avez accordée cet après-midi ainsi que de l'occasion que vous
nous avez donnée de vous sensibiliser à un problème de
grande importance et d'intérêt commun.
Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions
concernant cette présentation. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, Mme Kelley. Au nom
de la commission, je désire remercier Alliance Québec de son
mémoire et de s'être présentée devant la commission,
qui est intéressée à obtenir tous les points de vue et
surtout à avoir l'occasion de considérer des aspects qui
peut-être lui auraient échappé, quoique je doive vous dire
que, dans le domaine de la question linguistique, il est évident que les
membres de la commission sont évidemment très sensibles au fait -
et il y en a d'autres avant vous qui nous l'ont dit, peut-être pas de la
même façon mais qui, justement, ont attiré notre attention
sur ce fait - que la langue, dans tout le domaine de la santé mentale,
est un élément de première importance.
Évidemment, vous revenez - et je vous comprends fort bien - avec
les objectifs d'Alliance Québec qui, à l'occasion d'autres
mémoires qui ont été présentés à la
commission, a fait valoir la nécessité d'une loi garantissant -
c'est très bien exprimé dans le premier point de votre
introduction "la pérennité du réseau des services et des
institutions d'expression anglaise capables de répondre aux besoins de
la population" et, le deuxième point, "la prestation des soins de
santé... qui doit être garantie partout au Québec où
se trouve une population d'expression anglaise, " c'est-à-dire garantie
en langue anglaise.
Je ne m'attarderai pas sur ces deux points-là, il est tout
à fait pertinent que vous les rameniez ici. Votre rôle, comme
groupe de pression, est vraiment justement la défense des droits des
groupes anglophones. C'est un débat - et vous en êtes tout aussi
conscients que moi - de nature politique, vraiment politique, dans le sens des
décisions qui pourraient éventuellement être prises par
l'État, quel que soit le gouvernement. Je ne voudrais pas faire
dévier le mandat de la commission sur cette question, sauf pour vous
dire que nous sommes évidemment très sensibles à cette
question et que déjà on a eu l'occasion de discuter de cette
question, particulièrement au moment de la commission sur la
distribution des CSS et des CLSS, entre autres, et, enfin, d'autres
questions.
J'aimerais peut-être juste passer à des questions
concrètes, plus rattachées aux problèmes concrets et
réels. C'est évident que, et cela je voudrais m'en informer en
région... À Montréal, j'ai l'impression que si on prend
les personnes qui ont des troubles psychiques, si on prend la région
06A, évidemment, il y a le manque de ressources alternatives,
complémentaires ou intermédiaires - on peut les appeler comme on
veut - mais je ne pense pas, et vous me corrigerez si vous n'êtes pas
d'accord, que la communauté anglophone, pour cette région
où se retrouve la grosse partie de la population anglophone, soit mieux
ou moins bien servie, mais elle est servie au moins de façon
égale à la communauté française dans la mesure
où les ressources alternatives existent. D'ailleurs, vous nous dites un
peu plus loin qu'au plan communautaire - c'est un peu plus loin dans votre
mémoire - les lacunes sont là tant pour les francophones que pour
les anglophones.
Maintenant, ce qu'il m'intéresserait de savoir, c'est ce qui
arrive véritablement dans des régions comme la Gaspésie,
la Côte-Nord et possiblement Rimouski - je conçois moins où
se trouve la population anglaise, à moins que Métis fasse partie
de Rimouski, ou enfin dans le bout de Campbellton, c'est dans la
Gaspésie, de toute façon. Qu'est-ce qui arrive strictement au
point de vue de l'attention psychiatrique immédiate? Oublions
même les ressources intermédiaires dans ces
milieux-là.
M. Williams: Avant de répondre à votre question, je
voudrais souligner deux points par rapport aux points que vous avez
exposés. Le débat en est un de services; la solution en est une
de politique, mais les débats concernent vraiment les services. Selon
les études que nous avons faites, il y a une grande carence de services.
Je ne voudrais pas entrer dans un débat sur les grandes positions que
nous avons très clairement exposées au public, mais je voudrais
mentionner ce point. C'est vraiment une question de services.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je suis d'accord
là-dessus: la décision sera politique au plan des points 1 et 2,
mais, ceci mis à part, quels sont les services là où il y
en a et là où il n'y en a pas? Qu'est-ce qui devrait être
fait?
M. Williams: Deuxièmement, sur les questions de la
région 06A, si la communauté d'expression anglaise a les
mêmes niveaux de services, nous avons trouvé une situation assez
intéressante sur cette question. Il n'y a aucune réponse à
cette question. Avec toutes les briques que nous avons lues dans notre
recherche, il n'y a jamais eu de question spécifique comme celle que
vous venez juste de poser. Nous avons notre point de vue sur cela, mais nous
n'avons jamais vu une vraie recherche sur cette question.
L'accessibilité des services, cela pourrait être
révisé. Je voudrais seulement souligner qu'il y a 500 000 membres
dans la communauté d'expression anglaise dans cette région, qui
est beaucoup plus importante que beaucoup de villes canadiennes. Avec cela, je
pense qu'avant que nous soyons capables de répondre à cette
question le CRSSS de Montréal doit faire la même
réponse.
Je voudrais parler de la situation de la région 06A aussi,
après celle de la région 01. Je pense qu'il y a une
possibilité, sans que ce soit une intention, que les services y soient
pires pour la communauté d'expression anglaise que pour la
communauté de langue française. J'ai dit qu'il y avait une
possibilité, mais notre recherche ne nous a pas donné de
réponse là-dessus jusqu'à maintenant. C'est pourquoi nous
avons dit que la communauté est dans la confusion sur cette question.
Je...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avant que vous passiez
aux régions éloignées, je voudrais poser... Vous dites que
c'est le CRSSS qui devrait avoir ces chiffres. Vous êtes quand
même, M. Williams, familier avec le travail du CRSSS et vous avez
probablement eu l'occasion d'avoir des contacts avec la Commission
administrative de la santé mentale du CRSSS.
M. Williams: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que c'est un
problème auquel le CRSSS s'est intéressé, non seulement
pour les anglophones mais pour l'ensemble de la communauté? Il ne nous
pas présenté de mémoire.
M. Williams: À propos du CRSSS, je voudrais expliquer que
je ne suis pas ici avec mon "chapeau" du CRSSS...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, mais...
M. Williams:... mais je veux expliquer que je suis un membre de
l'exécutif du Conseil régional de la santé et des services
sociaux de Montréal métropolitain. J'y représente toutes
les municipalités. J'ai eu à ce titre le privilège
d'étudier les briques que nous avons reçues, beaucoup
d'études, mais je n'ai jamais vu une étude sur cette question.
C'est pourquoi je ne suis pas certain, mais il y a certainement des
problèmes d'accessibilité pour atteindre un degré
élevé dans la qualité et la quantité des services.
J'ai aussi beaucoup d'exemples qui illustrent une plus grande carence chez la
communauté d'expression anglaise. Une autre affirmation que vous avez
faite, c'est de parler des secteurs où demeure la plus grande partie de
la communauté d'expression anglaise. Dans notre recherche, il y a
toujours plus de 1000 personnes dans chaque zone de CLSC. Dans les deux zones
qu'on dit anglaises, le DEC Lakeshore et le DEC Montreal General, il y a moins
de 50 % de la communauté d'expression anglaise qui y habite. Pour les
autres 52 % de cette communauté, c'est - entre guillemets - "la
communauté la moins privilégiée" dans l'autre secteur.
C'est pourquoi il y a une possibilité qu'il existe un sérieux
problème d'accessibilité aux services dans la région 06A.
C'est vraiment là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
M. Bourgo: Est-ce que je peux renchérir, Mme la
Présidente? Le grand danger pour la communauté anglophone
à Montréal ne réside pas au niveau des services existants.
Je pense que la communauté francophone et la communauté
anglophone sont également mal desservies par les services existants.
Mais le problème qui existe à Montréal, c'est
l'orientation du conseil régional et de ses commissions administratives,
qui cherchent à couper le lien historique entre les institutions de la
communauté anglaise et la population qu'elles
desservent pour les forcer à rendre leurs services non pas sur
une base socioculturelle, mais sur une base territoriale. Cela
représente notre grand danger dans le sens de couper le lien qui doit
exister, qui est essentiel, surtout pour la population dont nous discutons
aujourd'hui, entre l'institution, les groupes communautaires et les familles
des patients.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je vous avais
posé une deuxième question au sujet des régions
éloignées.
Une voix: Do you want to start?
M. Williams: Pour les autres régions...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): If you want to speak
English for the - how do you say? - far away regions'.
Mme Richards: The problems concerning the mentally ill in
Gaspé, for the anglophone, is that there are no services whatsoever and,
for the francophone, those services are critical, they are very limited.
We have 285 miles along the bottom of the Coast and we have one
psychiatric center with one psychiatrist who is an unilingual francophone. The
situation is critical both for the anglophone and the francophone. As you see,
there are statistics mentioned by the DSC. In 1984, Gaspé had the
highest rate of suicide in Québec and therefore in Canada.
I do not have the answer to the problem but I do know that the problem
exists both for the francophone and the anglophone. There are 15 000
English-speaking people in Gaspé who receive no services in their
language whatsoever in psychiatric services. As dated in here, when the problem
becames critical, we used to have reciprocity with Campbellton. That is no
longer a fact, we are no longer allowed to do that. Now, we have to go to an
institution in Rimouski which is unilingual French. For the most part, the
general practicians around the Coast will issue medication and try to stabilize
the person and then, if necessary, send her to Rimouski but they do not get any
therapeutic care after they return home, which they do. The problem is
critical.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Would they send some of
them, the long-term care cases, to Douglas Hospital?
Mme Richards: We used to.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): But they no longer do
it.
Mme Richards: No.
M. Williams: C'est la règle de l'exception et c'est
là le problème. Il n'y a aucune politique sur cette question. Un
bon exemple d'une relation avec une autre région c'est 06C,
Montérégie. Il y a beaucoup de travail de fait avec le centre
hospitalier Douglas. Pour les patients qui ont ce service, c'est assez
efficace, cela va assez bien. (15 h 15)
Où est la politique? Est-ce que la région 06C va mettre de
l'argent et fournir l'accessibilité à des institutions de cette
région ou est-ce que les institutions des communautés
d'expression anglaise auront le mandat d'offrir ces services à toutes
les populations des communautés d'expression anglaise du Québec?
Je pense que c'est peut-être la clé de la question. Ce serait
peut-être plus efficace d'avoir le système institutionnel, d'y
avoir l'accès pour les régions 01 ou 03, ou de mettre les
services en place.
Dans notre évaluation, nous sommes un groupe communautaire qui
n'a pas de caractère professionnel au niveau des Affaires sociales; nous
n'avons pas la réponse exacte, mais la question est là. Est-ce
que chaque CRSSS aura sa propre politique d'accessibilité ou est-ce que
nous voulons mettre un système d'institutions dans chaque région
afin d'y avoir l'accessibilité aux services? C'est vraiment un
problème à Gaspé. Quelquefois, si vous connaissez
quelqu'un, vous avez la possibilité de trouver un lit ou une place dans
un centre qui a le mandat d'être anglais, mais, si vous n'avez pas cette
relation officieuse, ça ne marche pas. C'est aussi le cas pour chaque
région du Québec. La région 06B, c'est un autre bon
exemple. Si vous avez quelque problème et que vous connaissez quelqu'un
à Montréal, vous avez une chance, si vous réécrivez
votre adresse, d'être dans le bon secteur. Si vous êtes dans le bon
secteur, vous avez la chance d'avoir les services. Sans ce processus officieux,
cela ne fonctionne pas car il n'y a aucune politique de services. C'est le
problème dans chaque région que nous avons
étudié.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. M. Bourgo.
M. Bourgo: Oui, Mme la Présidente. Je pense que le
problème est relié aussi en grande partie au processus
d'allocation budgétaire puisque chaque région est censée
être autonome en termes de ressources. La métropole est
réticente à accepter des patients qui viennent d'ailleurs, qui
n'apportent pas de fonds avec eux. C'est un problème dans les
hôpitaux de Montréal en termes d'allocation budgétaire et
en termes d'autosuffisance régionale, pour employer la terminologie du
CRSSS, qui est directement relié au fait que les budgets des
hôpitaux de
Montréal sont déterminés en termes de la population
de la région et non pas en termes des populations qu'ils sont
appelées à desservir et souvent ces patients viennent d'ailleurs
au Québec.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais vous poser une
question, je pense que c'est à la cinquième page. Vous
écrivez: "Dans le rapport soumis par le comité d'étude,
avec un mandat du dernier ministre des Affaires sociales, on reconnaît,
de façon schématique, la question des services en anglais... "
Pourriez-vous me dire de quel comité d'étude ou de quel rapport
il s'agit? Deuxièmement, toujours dans le même alinéa, vous
dites: Nous recommandons que tous les intervenants de la communauté et
du réseau institutionnel se mettent ensemble pour définir un
modèle de vie communautaire. Est-ce que ceci n'est pas
déjà possible, là où il y a des ressources
évidemment, par exemple la région de Montréal? Je me
demande si, déjà, ceci ne peut pas se faire
précisément pour développer ce modèle de vie
communautaire sans qu'on soit obligé d'intervenir de plus haut pour que
l'initiative soit prise.
M. Williams: Le comité qui a été
mandaté par l'ancien ministre des Affaires sociales, le Dr Laurin, avait
simplement soumis une étude sur la question de la psychiatrie, etc.,
dans le secteur... Il y a quatre auteurs, je pense. J'ai oublié les
noms. J'ai ici une copie, si vous la voulez, mais j'ai oublié... Il y a
quatre personnes qui ont été autorisées par le Dr
Laurin.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est le rapport sur
l'état de la psychiatrie à Montréal.
M. Williams: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela. On l'a
reçu hier. D'accord.
M. Williams: Je voudrais ajouter que c'est en consultation avec
le CRSSS de Montréal. Cette étude a été faite par
le petit comité. C'est l'étude à laquelle on se
réfère.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. L'autre
question concerne la recommandation que vous faites et qui suit: Nous
recommandons que tous les intervenants s'adressant à ces
bénéficiaires mettent en marche un processus de consultation avec
tous les gens des institutions et du milieu pour créer un modèle
de vie communautaire. N'est-ce pas une initiative qui doit venir du milieu? I
do not want to get...
M. Williams: Je n'ai pas le paragraphe, mais je...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): It is the same
paragraph.
M. Williams: Excusez-moi si je prends quelques minutes pour
répondre. Pour les questions de sectorisation, il y a la
prétention, dans cette méthode de planification, qu'il n'y a
aucune relation entre les groupes, les ressources communautaires et les
institutions, mais, dans ce que nous avons étudié, il y a
vraiment une relation permanente entre les groupes, les services communautaires
et les institutions. C'est pourquoi nous avons pensé que cela va prendre
tous ces sous-réseaux ensemble pour étudier et établir le
système le plus efficace. J'espère que c'est un point qui est
mentionné là.
C'est vraiment une idée que de mettre ensemble tous les groupes,
tous les intervenants, pour trouver la façon d'agir la plus efficace et
c'est important de ne pas avoir peur de dire que le système le plus
efficace est basé sur la question linguistique. Il faut commencer par la
question de prévention, d'intervention préliminaire, de
première ligne et de deuxième ligne, en résidence, avec
réinsertion sociale. C'est l'idée derrière ce point de
vue, d'avoir vraiment un système linguistique.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Bourgo: Je pense, Mme la Présidente, que vous avez
raison de dire que ce sont des initiatives qui doivent naître du milieu,
excepté que le problème des troubles mentaux est un
problème psychosocial très important. La difficulté, c'est
justement de faire le lien entre la psychiatrie ou les soins médicaux
proprement dits et les besoins sociaux des bénéficiaires et de
leur famille. C'est dans cette interrelation entre les soins médicaux
proprement dits et le service social au bénéficiaire et à
sa famille qui comprend la totalité de vie du patient que l'on retrouve
des querelles de chapelle, la guerre entre les CLSC, entre les CSS, entre les
institutions d'ordre public et le groupe communautaire, etc.
Si on veut trouver un modèle efficace de traitement, il va
falloir impliquer tous ces gens-là, entre autres les parents de ces
patients qui sont souvent ceux qui prennent le plus soin d'eux. Il faut
impliquer les parents, les groupes communautaires, il faut impliquer les
bénévoles, il faut impliquer les CLSC, les CSS, toutes les
institutions d'ordre public et il faut les forcer à travailler ensemble
pour pouvoir ériger un système qui puisse adéquatement
répondre aux besoins de cette clientèle.
Pour les hôpitaux, c'est simplement une question de dispensation
de médication. Les patients sont refoulés dans la
communauté,
ils vivent en chambre où ils sont exploités souvent en
termes de loyers déraisonnables parce que les propriétaires des
maisons savent exactement ce que ces gens-là retirent de l'assistance
publique. Ils sont dans des ghettos, ils sont laissés à
traîner dans les rues et dans les centres commerciaux. Les CLSC ne s'en
occupent pas parce que la clientèle est trop lourde. Les CSS ne s'en
occupent pas parce qu'ils n'ont pas assez de ressources et leurs
priorités sont l'enfance, la famille et les personnes
âgées. Ces personnes sont laissées pour compte et il n'y a
personne qui réponde à leurs besoins, sauf leur famille et
quelques bénévoles et d'une façon intérimaire, et
c'est leur réadmission à l'hôpital lorsqu'ils ne sont plus
capables de vivre au sein de la communauté.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord, je vous
remercie. M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Merci, Mme la Présidente. Je ne traiterai pas
de la première partie de votre mémoire, moi non plus, parce que,
s'il fallait que j'en traite, vu que cela touche aux droits humains des malades
mentaux, un humain, c'est un humain pour moi, quelle que soit sa langue, sa
religion, sa race, à ce moment-là, je serais obligé de
traiter des autres minorités, grecque, italienne, roumaine, espagnole,
parce qu'elles aussi ont besoin de protection actuellement. Si on en accordait
à un secteur de la société québécoise, il
faudrait voir à cela aussi afin que ces gens puissent être
soignés, puissent avoir des communications dans leur langue. Notre loi
sur l'immigration, ici, au Québec, n'oblige pas quelqu'un qui vient
vivre au Québec à parler seulement une langue en arrivant ici. Il
vient avec sa langue, il vient avec sa culture, avec tout cela. Il faut
l'accepter tel qu'il est.
Vous parlez beaucoup de la région de la Gaspésie. Vous
vous servez du rapport préparé par le DSC de Rimouski où
vous parlez de la fréquence des suicides dans cette région, qui
serait, en 1979, même pas en 1979, mais en 1984, à 37.
Attribuez-vous ces suicides à une majorité anglophone qui serait
là?
Si vous comparez ceux qui souffrent de troubles mentaux dans la
région de la Gaspésie qui se suicident, est-ce qu'il y a plus
d'anglophones comparativement aux francophones? C'est en bas de la page...
Mme Richards: No, I couldn't say that. We don't know the
statistics.
M. Laplante: Non, mais vous vous en servez quand même,
parce que, si on relit les revendications ici, les communications
vis-à-vis de ces gens et tout, vous vous servez d'un rapport du DSC de
Rimouski pour nous sensibiliser sur les suicides. Je voudrais savoir s'il y a
plus de suicides dans la communauté anglophone gaspésienne qu'il
y en a du côté francophone.
M. Williams: Avec ces chiffres, nous n'avons pas dit cela. Nous
avons juste dit qu'il y a un grand manque de services dans cette région
01, GIM. Dans cette phrase, nous disons qu'il a un manque de services pour
toutes les personnes qui restent là, mais il y a un plus grand manque
pour la clientèle d'expression anglaise, parce qu'il n'y a aucune
capacité de professionnels dans ce secteur pour vraiment avoir les
services en anglais.
Je ne veux pas dire que ce sont des mauvaises intentions; il y a une
bonne volonté de la part de tout le monde d'essayer de travailler
ensemble et tout cela. Mais il n'y a aucun système de services en
anglais sur cette question. Les chiffres en français, ce sont des
chiffres pour tous.
Autre chose. Je voulais juste... Mais avant...
M. Laplante: Je ne veux pas échapper ce petit bout. Vous
dites que les chiffres sont pour tous. Mais pourquoi avoir employé ces
chiffres? Parce que, lorsqu'on lit votre mémoire au complet, cela
revient toujours, en matière linguistique, sur la compréhension.
Pourquoi vous servir de chiffres comme cela pour nous sensibiliser sur le
suicide? C'est ce que je veux savoir. Vous prenez des chiffres du DSC de
Rimouski. C'est parce qu'il y a quelque chose là-dedans que j'ai besoin
de savoir, moi, pour la bonne compréhension de la commission, pour
essayer de m'éclairer, pour essayer de développer des services,
parce que je suis d'accord lorsque vous dites: On a besoin de se faire servir
dans notre langue. Je suis d'accord avec Cela à 100 %.
Mais je voudrais savoir pourquoi vous vous servez du DSC de Rimouski sur
le suicide pour nous sensibiliser encore plus. Cela me paraît
important.
M. Bourgo: Je pense, M. le député, que le sens de
notre mémoire dans cette section est de dire que la situation est
critique en Gaspésie, la situation est critique pour tout le monde. Le
problème de la santé mentale en Gaspésie, étant
donné le taux de chômage, étant donné les
difficultés économiques que connaît cette région,
est très sévère. Mais, en plus de cela, on dit que, pour
les Gaspésiens d'expression anglaise, il n'y a aucun service qui existe
du tout. On voulait souligner aussi que le problème de services est
là pour tout le monde et surtout en Gaspésie. Les chiffres sur le
suicide, c'est pour souligner la gravité du problème dans cette
région.
M. Laplante: Ce que je voudrais vous
faire dire absolument, c'est que le chiffre de suicide ne serait pas
plus élevé parce que ce sont des personnes unilingues anglophones
plutôt que des francophones. Il n'est pas plus élevé, ni
d'un bord ni de l'autre. Cela n'a pas de relation avec la langue.
M. Bourgo: On ne peut pas...
M. Laplante: Mais ils doivent avoir les noms si le DSC a sorti 37
personnes.
M. Bourgo: Nous ne sommes pas en mesure de répondre
à cette question et ce serait une conclusion erronée de tirer
cela de notre mémoire. Tout ce que nous avons, ce sont les chiffres qui
disent qu'il y a eu 37 suicides, sans différenciation selon la langue
d'usage de la personne. C'est simplement pour souligner là
gravité du problème de santé mentale dans la région
de Gaspé.
(15 h 30)
M. Laplante: D'accord. Les gens sont venus de Douglas et ils ont
présenté une image assez positive. Comme de raison, ils ont
exigé eux aussi un peu plus de fonds, un peu plus de
décentralisation. Ils voudraient avancer eux aussi, dans la
société québécoise, en matière
psychiatrique. Comme tous les organismes qui sont venus ici, ils veulent une
décentralisation, une réinsertion peut-être plus rapide.
Est-ce que, actuellement, du côté anglophone, parmi les
empêchements à l'organisation de services alternatifs que vous
pourriez donner ou d'autres services communautaires, la langue est une
barrière? On dit que le milieu anglophone est un des mieux
organisés au Québec en matière psychiatrique, parmi toutes
les organisations qu'il peut y avoir. Est-ce que, actuellement, la langue est
une barrière pour vous, pour continuer à vous organiser au
Québec?
M. Williams: Je pense que la question n'est pas là pour
nous. Nous parlons des services psychiatriques, nous parlons des personnes qui
ont des troubles mentaux, et, si nous voulons établir un système,
la question n'est pas de savoir comment nous voulons vivre au Québec,
mais plutôt de savoir comment nous allons établir un
système universel, pour tous les Québécois. L'esprit de
notre intervention est vraiment d'avoir des services communautaires pour chaque
région du Québec qui aient une base linguistique pour les
personnes souffrant de troubles mentaux. C'est exactement la façon dont
nous avons approché la question.
Pour les niveaux de services communautaires, nous voulons avoir des
services bien impliqués dans tout aspect communautaire, que ce soit une
question de langue ou de milieu. Nous voulons, avec la même force, avoir
les garanties, le soutien, le système, le "counselling" dans la langue
de l'usager; sans cela, ce ne sera pas vraiment la même qualité de
service. Il n'y a rien de caché dans cette position, nous voulons avoir
les services en anglais, mais bien impliqués dans le reste des services.
C'est très clair.
M. Laplante: Tout ce que je vois là-dedans, c'est un peu
comme... C'est une spécialisation, en somme. Si je regarde les
régions éloignées du Québec - je m'excuse de nommer
l'Abitibi, il y en a qui ne sont pas d'accord comme région
éloignée - s'il y a une maladie, à l'hôpital, qui
demande une spécialité, on prend les citoyens et on les
transporte dans les hôpitaux spécialisés, à ce
moment-là. Pour l'Abitibi, il n'est pas question de langue, il n'est
question de rien. C'est très onéreux. Si on prenait chaque
hôpital, chaque quartier... Montréal est un centre pour cela.
Même Québec, avec environ 3 % ou 4 % de population anglophone,
vous êtes très bien servis, je pense. Il devient de plus en plus
difficile... Je vois les services alternatifs ou communautaires dans les
groupes de citoyens qui peuvent s'entraider. Je ne dis pas que le gouvernement
ne doit pas fournir à travers cela des personnes-ressources. Je suis
d'accord qu'il en fournisse dans la langue des citoyens, mais, tel que vous
l'exprimez actuellement, c'est assez difficile parce qu'il faudrait tenir
compte aussi d'autres populations qui sont complètement francophones, en
spécialisation d'autres maladies. Cela peut être le coeur, le
rein, cela peut être en orthopédie, etc.; il n'y a plus de fin
à cela, à un moment donné.
M. Bourgo: Je pense, M. le député, que vous avez
raison d'une certaine manière. Il faut, je pense, distinguer entre les
types de services et la capacité des services et des groupes d'entraide
à répondre aux besoins de ces patients. C'est vrai que des
bénévoles et que des groupes d'entraide peuvent apporter un
certain appui, une certaine structuration de la vie des
bénéficiaires, ce qui est très important, surtout en ce
qui concerne le soutien et l'entraide à la famille. Si on examine les
problèmes des patients psychiatriques surtout chez les adultes, quand on
parle de schizophrénie, quand on parle de "manic-depression", ce sont
des maladies qui durent souvent 20, 25 ou 30 ans avec des périodes de
crise. Les médicaments peuvent résoudre la phase psychotique du
patient, mais il n'en est pas pour autant capable de bien fonctionner dans son
milieu naturel. Il a besoin de beaucoup d'appui, de la continuité d'une
thérapie de groupe; il a besoin d'aide pour chercher un emploi. Souvent,
ces gens-là sont incapables de travailler, ils vivent du bien-être
social, ils ont besoin de programmes qui puissent les aider à structurer
leur temps, à trouver quelque chose pour les occuper, qui donne un sens
à
leur vie et qui les fasse contribuer à la vie en
société. Ce type de programmes est souvent au-delà des
moyens d'un simple bénévole. 11 faut l'appui de professionnels
qui sont conscients, comme vous l'avez dit, de la vie culturelle de la
personne, de la communauté d'appartenance de la personne, et qui puisse
aider les bénévoles et les patients à bien tirer profit de
leur communauté et à bien s'y intégrer.
Il serait illusoire de croire que c'est simplement une question
d'ajouter un plus grand nombre de bénévoles dans le
système et qu'automatiquement les problèmes vont se
régler. Les problèmes ne se régleront pas de cette
façon.
M. Laplante: Je suis d'accord grosso modo avec ce que vous dites.
Si on regarde les chiffres qu'on reçoit, 1 % de la population serait
atteinte de déficience mentale.
M. Bourgo: Selon les études que je connais, c'est 10 % de
la population.
M. Laplante: 8%, c'est-à-dire un sur huit pourrait
être atteint, mais 1 % est atteint gravement, c'est-à-dire qu'il a
été hospitalisé. La population de la Gaspésie est
de combien? D'environ 200 000?
Une voix: La Gaspésie?
M. Laplante: Oui.
Une voix: 125 000.
M. Bourgo: Je ne sais pas.
M. Laplante: La grandeur de toute la péninsule? En tout
cas... Je vous remercie de votre mémoire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Marie-Victorin.
M. Pratt: Je m'adresse à M. Bourgo, je pense bien.
À la page 3 de votre mémoire, vous vous interrogez sur la
pertinence des CLSC comme lieu de dispensation de services pour les patients
qui ont déjà reçu des soins psychiatriques et qui ont
reçu leur congé. Ce jugement que vous portez vient-il à la
suite de constatations que vous avez faites principalement ou uniquement
à Montréal?
M. Bourgo: Principalement à Montréal.
M. Pratt: Principalement à Montréal. Nous avons
reçu ce matin un groupe appelé la Fédération des
CLSC du Québec et justement l'une des recommandations qu'il faisait,
c'était qu'on dote le CLSC de ressources supplémentaires afin
qu'il puisse assurer durant les fins de semaine, ce qu'il ne fait pas
actuellement, des services d'aide aux malades mentaux. C'est un fait que,
lorsqu'il y a un problème de cet ordre durant la fin de semaine, on
appelle la police et on s'empresse d'aller à l'hôpital le plus
près pour conduire le malade à la clinique d'urgence. Dans les
centres, sauf Montréal, Québec et les principales villes du
Québec, on n'a pas de ressources comme cela; c'est pour cela que si les
CLSC étaient dotés de ressources pouvant aider à ce
moment-là, c'est-à-dire s'ils étaient ouverts en fin de
semaine, cela deviendrait une porte d'accueil, une entrée et on pourrait
soigner ces cas. C'est une solution que je verrais d'un bon oeil, et je crois
qu'il faut vraiment faire quelque chose, principalement dans les régions
périphériques. Je suis de la région 06C de
Montréal; on n'a pas à se plaindre, on a deux hôpitaux qui
offrent des services psychiatriques, on a les CLSC, on a tout cela. Mais j'ai
fait la tournée provinciale et, quand on a été dans le
Bas-du-Fleuve et les autres régions, on se plaint qu'il n'y a même
pas un psychiatre dans certains coins. Alors, il faudrait assurer les services
d'ordre psychiatrique. On a dit ce matin qu'on peut quand même avoir un
psychiatre qui sert de ressource. On peut le rejoindre par
téléphone quand les problèmes de cet ordre arrivent. Mais
ce que vous notez ici, c'est que vous trouvez que les CLSC n'étaient
peut-être pas la porte d'entrée pertinente pour cela. Mais je
pense qu'avec un peu d'aide de ces CLSC qui sont mis en place - on a quand
même un réseau assez impressionnant: bientôt 166 dans toute
la province... Je pense bien que c'est un lieu de regroupement de services
d'ordre médical ou d'ordre social. En équipant un peu mieux
cela... C'est le sens de l'intervention que je voulais faire.
Dans Montréal, je crois qu'il y a lieu de s'interroger sur cette
pertinence. Cela peut quand même être un service parallèle
accordé.
M. Bourgo: Cette remarque a été fondée sur
des études auxquelles j'ai moi-même participé en tant que
membre d'un comité ad hoc du conseil régional des services de
santé et services sociaux de l'agglomération de Montréal
qui a étudié la question. C'était un comité ad hoc
du conseil d'administration qui a étudié la question du partage
des services entre les CLSC et les CSS. Une de nos conclusions majeures
était justement qu'il y avait une très grande différence
entre la clientèle desservie par les CSS et celle des CLSC et
qu'effectivement les CLSC, du moins dans l'agglomération de
Montréal, ne desservaient pas cette clientèle dans le moment.
Cela ne veut pas dire qu'ils sont incapables de les desservir, mais ce qui est
très vrai dans le moment, c'est que les CLSC évitent de desservir
une clientèle le moindrement lourde et qu'ils passent cette
clientèle soit aux hôpitaux, soit aux CSS. Ils
ne les desservent pas. C'est cela la pratique actuelle.
La Présidente (Mme La voie-Roux): M. le
député d'Ungava.
M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. Je
représente une région qui est défavorisée dans le
domaine de la santé mentale: le Nouveau-Québec, où il n'y
a même pas une clinique ni un psychiatre. De temps en temps, il y en a un
qui vient faire une voyage...
Une voix: Pour aller à la pêche.
M. Lafrenière: Oui, il faut qu'il ait un peu de temps pour
aller à la pêche, mais, dans 20 % du comté d'Ungava, les
résidents ne parlent ni anglais, ni français, ni italien, ils
parlent l'inuktitut ou le cri. Eux aussi revendiquent des services, pas juste
pour la santé mentale, mais tous les services de santé possibles.
Puis la position de ces peuples qui sont des peuples du Québec, il faut
bien s'entendre là-dessus, c'est qu'ils veulent des services. Pour eux,
la langue en ce qui a trait à la santé, ce n'est pas si important
que cela, pourvu qu'ils aient un service. Peut-être qu'après cela
pourrait venir. Votre association appuierait-elle une politique comme
celle-là? On donne les services et, après, si on peut les donner
en italien, en grec ou en tout ce que l'on veut, on le fera, mais la
première chose à faire, c'est de donner le service à toute
la population, pas juste dans la région de Montréal. Dans la
région de Montréal, si on regarde les services qu'il y a
là, tout le monde est mieux servi que dans les régions
périphériques.
M. Bourgo: Votre question est très pertinente.
Personnellement aussi, parce qu'en ma qualité de directeur
général des centres de jeunesse Shawbridge, je viens de conclure
un contrat avec le CSS cri pour l'établissement de foyers de groupes
pour jeunes délinquants de Chisasibi. Alors je suis conscient de la
nature du problème. Quant au fond de votre question, là encore il
faut faire une différence. Quand vous dites des services de
santé, ce qui est primordial, de prime abord, c'est de recevoir des
services. Si on parle d'une médication, d'un programme de
médicaments et qu'on pense que c'est cela soigner le problème,
c'est vrai, pour dispenser des médicaments, il n'est pas
nécessaire de parler la langue de la personne ni connaître sa
culture, mais, ce faisant, on ne touche pas au fond réel du
problème, parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, la
question de la santé mentale c'est une question psychosociale. Il y a
une dimension intrapsychique, mais il y a une très grande dimension
interpersonnelle au sein des familles et au sein des communautés. Il y a
une dimension sociale qui est presque prépondérante dans la
question. Qu'est-ce qui en fait un problème? Ce n'est pas ce qui se
passe à l'intérieur de l'individu; ce sont les retombées
sociales du comportement de l'individu et son incapacité d'être en
paix avec lui-même psychiquement.
(15 h 45)
Dans une deuxième composante du problème de la
santé mentale, la langue et la culture deviennent primordiales. C'est
impossible d'offrir une thérapie sans parler à la personne. C'est
impossible d'offrir une thérapie sans entrer en contact avec la
personne. La thérapie, c'est une relation personnelle entre le
thérapeute et son patient. Cela demande un don de soi, une relation
réciproque qu'il est impossible de franchir si on n'est pas capable de
parler la langue de la personne. Surtout en santé mentale, la langue est
l'outil de guérison. C'est la façon de forger la relation qui
aide la personne à guérir. C'est presque un non-sens que de
penser à un programme de thérapie qui ne tiendrait pas compte de
la langue de la personne.
M. Lafrenière: Vous avez parlé tout à
l'heure de Chisasibi?
M. Bourgo: Oui.
M. Lafrenière: J'ai mal compris. Voulez-vous
répéter ce que vous avez dit?
M. Bourgo: J'ai dit que j'étais très
sensibilisé à cette question en fonction des services et du
problème de dispensation des services sociaux aux communautés
autochtones, parce que, justement, mon établissement vient de signer un
contrat avec le CRSSS cri pour ouvrir des foyers de groupe pour jeunes
délinquants à Chisasibi.
M. Lafrenière: Des foyers de groupe sur le territoire, sur
les réserves?
M. Bourgo: Sur le territoire, oui.
M. Lafrenière: Mais, là, on arrive avec le
problème. On leur parle comment?
M. Bourgo: On leur parle en anglais.
M. Lafrenière: L'anglais. Ce sont des Cris.
M. Bourgo: C'est le CSS cri qui a demandé des services en
anglais.
M. Lafrenière: Je sais, mais c'est parce qu'ils n'ont pas
le choix. C'est cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Écoutez, on n'a
jamais abordé la question
linguistique depuis le début, sauf d'une façon incidente.
Je ne voudrais pas non plus qu'on en fasse un grand débat, aujourd'hui,
comme je l'ai dit au départ. Il reste que vous avez quand même
apporté un élément qu'on ne peut pas oublier non plus. Je
pense que je souscris complètement à ce que vous avez dit dans la
deuxième partie de votre intervention. Mon collègue d'Ungava dit:
Je pense que les Inuit seraient déjà contents d'avoir des
services. Peut-être que, si, en plus, ils pouvaient avoir la langue de
leur choix, cela leur rendrait service. Je voudrais simplement rappeler -
peut-être davantage aux membres de la commission - la commission
parlementaire sur la protection de la jeunesse qui s'est penchée sur les
problèmes de la jeunesse et l'aide qui devait lui être
apportée, il y a des recommandations très précises dans ce
volumineux rappport eu égard aux Inuit et aux populations
amérindiennes, dans le sens que des efforts devaient être faits
pour qu'ils soient servis dans leur langue et qu'il y ait vraiment un effort
dans le sens de former des gens de leur milieu, d'abord sur le plan culturel
mais aussi sur le plan linguistique.
Vous disiez que ce sont des peuples du Québec, et c'est vraiment
une reconnaissance que, comme Québécois, on leur accorde et gu'on
n'a pas de difficulté è leur accorder. Evidemment, il y a tout un
contexte historique, etc. Eux aussi ont à s'ajuster à nos
valeurs, comme nous aux leurs. Je pense que, dans le cas de la
communauté anglophone, il faut quand même réaliser qu'elle
a des institutions au Québec. Je ne fais pas un plaidoyer pour que ce
soit une loi ou non. C'est une décision politique, je la mets de
côté, ce n'est pas notre boulot à nous ici. Mais ils ont
des institutions et, historiquement, ils ont été servis dans le
domaine de la santé et des services sociaux, particulièrement
dans le domaine de la maladie mentale, dans leur langue. Quant au
problème que vous nous posez, je pense qu'on s'entend pour dire qu'il y
a des lacunes, surtout dans les ressources de réinsertion sociale, pour
tout le monde à Montréal. On a vu le rapport, il y a deux jours,
de ce comité que le Dr Laurin avait formé pour étudier la
situation mentale à Montréal, mais les problèmes sont
aigus et, sur le plan linguistique, ils le sont certainement davantage dans les
régions éloignées.
La seule chose que j'aimerais savoir -vous ne me donnerez pas la
réponse aujourd'hui - c'est au sujet des 15 000 personnes dans la
Gaspésie et il y en a un nombre plus élevé dans les
Cantons de l'Est, peut-être même dans d'autres régions, dans
l'Outaouais; on ne peut quand même pas ignorer cette
réalité-là. Au moins vous nous avez soulevé ce
problème-là. De quelle façon est-ce qu'on
l'intégrera dans notre rapport? C'est une autre chose, mais je dois vous
dire que je suis sensible à cette dimension linguistique,
particulièrement eu égard à la problématique de la
santé mentale. D'ailleurs, dans un autre rapport un peu ad hoc de la
Commission des affaires sociales touchant les CSS et CLSC, la commission avait
fait des recommandations à l'endroit des anglophones et aussi pour les
autres groupes culturels afin que des efforts soient faits pour que du
personnel de même culture et de même langue soit mis à leur
disposition. Évidemment, à un moment donné, la
réalité a des limites mais je ne voudrais pas que les gens
repartent d'ici avec le sentiment que c'est une dimension à laquelle,
que ce soit pour les Grecs, pour les anglophones ou les Inuit, on n'est pas
sensible. Je pense que le Québec fait des efforts remarquables dans ce
domaine-là pour tenter de respecter la culture des gens. Je tenais
à le dire.
Il y a juste une question et ce sera la dernière. Vous avez
parlé de la sous-régionalisation des ressources institutionnelles
à Montréal. Vous craignez un peu, somme toute, dans un avenir
rapproché, qu'il ne soit plus possible aux enfants d'expression
anglaise, par exemple, qui vivent dans l'est de Montréal d'être
accueillis dans des institutions anglophones mais ils le seraient dans des
institutions francophones.
Dans les premiers mémoires que nous avons entendus nous avons
reçu, du conseil de la santé et des services sociaux de
Montréal, un rapport de la commission administrative sur la
déficience mentale qui a un plan d'action sérieux auquel elle a
travaillé pendant de nombreuses années. Il nous a
été présenté ici - ils ne sont pas venus à
titre de représentants de la communauté anglophone, mais - par
des anglophones qui nous disaient que, pour eux, il leur paraissait
préférable - je ne voudrais pas déformer leur
pensée mais je pense que c'était ça - que les enfants de
l'est de Montréal, à la condition que dans les institutions
francophones on leur assure des services en anglais, puissent être servis
plus près de chez eux que d'être envoyés dans des
institutions anglophones qui seraient beaucoup plus loin de leur foyer de
résidence ou de leur résidence. J'aimerais savoir si cette
crainte que vous avez là-dessus est réelle et comment vous
réagissez à cette suggestion ou à cette analyse des choses
faites par ce groupe de travail du CRSSS de Montréal.
M. Bourgo: J'aimerais débuter en faisant deux
distinctions, Mme la Présidente. Premièrement, je pense qu'il
faut encore distinguer entre quels services et quel niveau de services. Si on
parle de programmes d'atelier protégé, si on parle de programmes
de centre de jour, il est très vrai que, plus ces programmes pourront
être approchés
géographiquement du lieu de résidence du patient, plus
c'est préférable. Ces programmes sont le type de programmes qu'il
est possible d'offrir sur une base bilingue ou la langue est cruciale mais n'a
pas autant d'importance.
Lorsqu'on parle d'hébergement, lorsqu'on parle de séjour
en centre d'accueil, là nous ne sommes pas tout à fait d'accord
au niveau du service rendu au patient qui est souvent noyé dans une
atmosphère francophone. C'est le suivi du plan de la Commission de la
déficience mentale. Les anglophones de l'est de Montréal seront
obligés d'aller chercher des services dans des institutions
essentiellement francophones. Lorsqu'on devra héberger un enfant, quand
il faudra le placer dans un centre d'accueil, il sera placé dans un
centre d'accueil francophone où les gens ne seront pas capables de lui
parler dans sa langue de connaissance. Surtout en termes de déficience
mentale, où il y a des problèmes de compréhension
déjà existants, cela fait un milieu qui est très peu
propice à la réhabilitation de cet enfant. C'est au niveau
individuel.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous interromps tout
de suite, parce que le temps presse et je voudrais... Ils ont quand même
apporté un argument qui m'a un peu, enfin, ébranlée -
c'est peut-être un grand mot - en disant: II reste que c'est bon que nos
enfants anglophones... Même un enfant profondément retardé
peut apprendre deux langues; ça, on le sait. S'il est
intégré à un milieu mixte, il va apprendre deux langues.
Il faut que nos enfants aient suffisamment "d'exposition" à la langue
française pour pouvoir l'acquérir, parce qu'on espère
qu'une partie de ces enfants, éventuellement, iront peut-être sur
un marché de travail limité, si on veut, ou un marché de
travail régulier. Qu'on leur enseigne les éléments plus
structurés dans leur langue, mais qu'ils aient des contacts avec une
autre langue, qui est la langue française en l'occurrence, je me disais
que cela... J'aimerais avoir votre réaction.
M. Bourgo: C'est toujours bien pour n'importe qui de
connaître plus d'une langue et d'être intégré
à un plus grand nombre de cultures et de langues possible. En
théorie, c'est très beau. Je doute très fort, surtout au
niveau d'une population de déficients mentaux, que cela porte des fruits
directs. D'ailleurs, n'importe quelle commission scolaire, même les
commissions scolaires anglophones, enseigne le français à ces
enfants.
Une deuxième réaction se situe au niveau de la
communauté. Je pense que ce qui est plus important pour nous au niveau
de la communauté, c'est le fait d'interdire l'accès à des
institutions qui sont reconnues comme étant anglophones, qui ont des
liens historiques avec la communauté anglophone, qui ont
été bâties souvent avec des fonds privés de la
communauté anglophone et qui ont un lien historique avec cette
communauté. Le fait de sevrer cette relation, cela veut dire que nous
n'existons plus en tant que communauté. Cela veut dire que l'État
nous dit: Vous pouvez avoir des services en tant qu'individus, mais, en tant
que communauté, on vous condamne à être atrophiés,
on vous condamne à ne plus exister en tant que communauté. Une
communauté qui n'a pas d'institutions, c'est un... Cela n'existe pas, il
n'y a pas d'épine dorsale. Les institutions reflètent la
volonté d'une communauté de se prendre en main, de s'occuper de
ses membres. Il y a une importance sociale des institutions anglophones qui
vont au-delà de la simple question de la "dispensation" des services,
mais qui vont directement à la notion de survie non pas d'individus,
mais de survie d'une communauté linguistique.
J'aimerais apporter une précision aux remarques de M. le
député tout à l'heure. Je pense qu'il y a deux groupes
linguistiques au pays qui sont très différents des groupes
ethniques. Les anglophones ne sont pas un groupe ethnique. Ils sont un groupe
linguistique officiellement reconnu au pays. Il y a une très grande
différence entre la communauté d'expression anglaise en tant que
communauté linguistique et un groupe ethnique italien auquel
j'appartiens, un groupe ethnique grec, sud-vietnamien ou n'importe lequel. Je
pense qu'il y a une différence très importante.
M. Williams: Une petite précision sur la question.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez le mot de la
fin, M. Williams.
M. Williams: D'accord. Vous avez posé une question
très importante et c'est basé sur le principe du choix. Je pense
aux personnes de Montréal-Est. Ce choix est établi dans la loi.
L'article 6 donne ce choix. Ma réponse à votre question, c'est
une autre question, mais c'est dirigé au CRSSS: Pourquoi le CRSSS
établit-il toutes les barrières contre ce principe du choix d'une
institution historique, comme M. Bourgo l'a mentionné, avec des liens
dans la communauté? Cette personne a le choix d'y aller ou d'aller dans
une institution plus proche. La sectorisation est absolument contre cet esprit.
Si nous avons l'esprit bien établi dans la loi, article 6, si cet esprit
était partagé dans le système des affaires sociales, cela
causerait beaucoup moins de problèmes pour notre communauté
concernant les questions d'accessibilité aux services.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je vous
remercie beaucoup, messieurs et mesdames. Thank you Mrs Kelley. Thank you,
(Suspension de la séance à 16 h 1)
(Reprise à 16 h 3)
FSPIIQ et CEQ
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous allons entendre le
mémoire suivant. J'invite donc la Fédération des syndicats
professionnels d'infirmières et d'infirmiers du Québec et la
Centrale de l'enseignement du Québec à présenter leur
mémoire.
Bonjour, madame. Je vais vous demander de faire les présentations
d'usage.
Mme Gagnon (Lucie): D'accord. À ma gauche, Mme Monique
Giroux, vice-présidente de la Centrale de l'enseignement du
Québec et M. Robert Beauregard, président de la section affaires
sociales à la Centrale de l'enseignement du Québec. À ma
droite, Francine Dufresne, conseillère syndicale à la
Fédération des syndicats professionnels d'infirmières et
d'infirmiers du Québec et, moi-même, Lucie Gagnon,
vice-présidente de la fédération.
Vous avez probablement noté qu'on n'a pas produit de
résumé, mais nous n'avons pas l'intention de vous faire la
lecture du mémoire. Nous vous ferons une présentation sommaire et
nous vous indiquerons régulièrement à quelle page nous
sommes. Mme Giroux et moi allons nous partager la présentation. À
la période des questions, selon qu'elles s'adresseront à elle ou
à moi, on pourra y répondre.
Mme Giroux (Monique): La Fédération des syndicats
professionnels d'infirmières et d'infirmiers du Québec de
même que la Centrale de l'enseignement du Québec regroupent des
syndiqués qui oeuvrent dans le secteur de la santé, des services
sociaux et de l'éducation et qui sont appelés à vivre
quotidiennement avec des politiques émises par le ministère des
Affaires sociales. À l'approche d'une politique de la santé
mentale au Québec, nous nous donnons la responsabilité, comme
intervenantes et intervenants directs dans ce secteur, de vous faire part de
notre perception de la réalité.
La création de cette sous-commission s'avère, selon nous,
fort pertinente, puisqu'elle permettra, nous l'espérons, de rendre
compte de la situation réelle vécue par les personnes atteintes
de troubles mentaux.
Les difficultés que nous avons rencontrées lors de la
cueillette d'informations sur les services actuellement offerts aux personnes
atteintes de troubles mentaux auprès du conseil régional de la
santé et des services sociaux de même qu'auprès du
ministère des Affaires sociales nous démontrent que les services,
lorsqu'ils sont disponibles, sont dans l'ensemble peu planifiés et peu
contrôlés. Une réorganisation s'impose et on sait que dans
différentes régions, entre autres, la Montérégie,
Rimouski, les Laurentides, il y a des plans de réorganisation de
services de santé mentale qui se mettent en place. Nos questions,
à partir de ces plans de réorganisation, sont: À partir de
quelles analyses et à partir de quelles évaluations,
déjà, des régions aussi importantes mettent-elles en place
une réorganisation?
De l'OPHQ, on a reçu aussi des statistiques qui concernent le
pourcentage de personnes au Québec qui souffrent d'un handicap physique
ou intellectuel. Cependant, on nous renseigne très peu ou pas sur les
services offerts, comme tels, à ces personnes. Les statistiques que ces
gens nous offrent sont des statistiques nord-américaines avec lesquelles
on fonctionne sur un taux d'incidence, prévalence, pour la population du
Québec, mais qui ne relèvent pas de façon
systématique de la situation vécue dans la province de
Québec. Donc, il y a des bémols à mettre pour ce qui
pourrait s'appliquer chez nous.
Par ailleurs, des appels maintes fois répétés dans
les différents services de données, au ministère des
Affaires sociales nous ont permis aussi de constater qu'il n'y a pas vraiment
de fichier qui comptabilise le personnel oeuvrant actuellement dans le domaine
de la santé mentale et qu'il n'y a pas non plus, en ce qui concerne la
liste des institutions qui donnent des services en santé mentale, un
fichier très clair sur les types de services qui sont donnés un
peu partout. Cela nous amène aussi à nous interroger sur les
possibilités de toutes les démarches que la clientèle
déficiente mentale a à faire pour finir par trouver, à un
moment donné, des services dont elle a besoin. Quant à notre
ministère des Affaires sociales, il n'a pas de fichier complet donnant
ces informations.
Quelqu'un a dit un jour: À s'élever contre les
déficiences, on en oublie souvent le handicap. Je pense qu'on ne doit
pas nier une déficience ou un handicap, mais qu'il faut plutôt
travailler à l'apprivoiser. Tout prouve que ce principe fondamental du
respect de la personne handicapée n'est pas actuellement
respecté. Des contraintes budgétaires, le coût des
services, le souci de rationaliser les ressources humaines ont tellement
accaparé l'attention et les énergies de l'appareil administratif
qu'on en est venu à tenir compte de ces éléments au
détriment de la qualité des services professionnels. La
réinsertion sociale s'est souvent transformée en politique de
placement, subordonnant les
droits et les besoins des individus à la disponibilité des
services offerts ou aux contraintes des établissements.
La fédération et la centrale vous présentent donc
dans ce mémoire le témoignage de leurs membres sur deux aspects
particuliers: l'état des services et la situation que vivent les
personnes handicapées et l'évaluation que nous faisons du
processus de désinstitutionnalisation.
Des constats sur quelques services qui sont présentement en
place, un premier sur l'hébergement en institution. Selon l'Office des
personnes handicapées du Québec, 88 % des personnes vivant avec
une déficience intellectuelle présentent un potentiel d'autonomie
fonctionnelle suffisante pour développer une intégration
complète à la vie sociale. Ce même organisme
considère que le fort taux d'institutionnalisation des personnes
déficientes mentales semble démontrer que l'on est encore loin de
favoriser l'intégration maximale de ce groupe, au Québec.
Si l'on regarde maintenant les chiffres, à la suite d'une telle
affirmation, nous sommes surpris que l'OPHQ parle d'un fort taux
d'institutionnalisation - à la page 6 - lorsque, en 1981, on estimait
à 191 599 le nombre de personnes qui avaient une déficience
mentale au Québec et que sur ce nombre 13 000 étaient en
institution. Donc, 6, 6 % bénéficiaient de services en
institution. Il faut donc considérer que 93, 4 % de la population
handicapée mentale vit à l'heure actuelle en
société. Donc, pour nous, une politique de santé mentale
ne doit pas viser uniquement les personnes suceptibles d'être
réintégrées 6 la société, mais aussi de
façon globale toutes les personnes qui sont présentement à
l'intérieur de la société avec un manque flagrant de
services. Il est à remarquer qu'en 1979-1980 4672 personnes
handicapées recevaient des services d'hébergement en centres
d'accueil et, en 1981, 3432 en centres psychiatriques, soit un pourcentage
d'environ 4 %. Quand on évalue la population de déficience
mentale sévère et profonde à l'intérieur de la
population globale de déficients mentaux qui est de 5 %, on peut se dire
que ce pourcentage n'est même pas couvert présentement par les
institutions.
C'est donc pour ces deux catégories de personnes que nous nous
interrogeons sur le discernement du ministère des Affaires sociales et
des établissements dans leur profession de foi sur la réinsertion
sociale.
En page 8, le constat que fait l'OPHQ est à savoir que non
seulement les personnes ayant une limitation intellectuelle continuent d'entrer
dans les institutions, mais encore que le nombre augmente plutôt que de
diminuer. Nous éprouvons aussi des difficultés avec cette
affirmation puisque, en 1979-1980, au chapitre des centres d'accueil seulement,
il y avait 4672 personnes vivant en internat et la réalité au 31
mars 1983 était de 3575, donc une baisse de 1097, soit 23 %, et ce sont
des données qui nous ont été fournies par des
représentants du ministère des Affaires sociales.
On est très conscient que le milieu institutionnel est de plus en
plus vertement critiqué et son rôle est fortement remis en
question. Cependant, dans la mesure où les critiques adressées au
milieu institutionnel sont méritées, elles n'écartent pas
à notre questionnement à savoir si la
désinstitutionnalisation est devenue la panacée à tous les
problèmes reliés à la maladie mentale. On est tenté
de reprendre les propos de Mme Martin-Godbout qui disait: "Le milieu naturel
serait-il donc devenu le remède miracle à la mode pour
guérir tous les maux dont notre société est
affligée et soulager les contribuables qui le sont encore plus?" Et nous
ne sommes pas les seuls à nous inquiéter devant cette
problématique de la désinstitutionnalisation. Le Regroupement des
parents et amis du malade mental qualifie d'aberrante la
désinstitutionnalisation pratiquée depuis quelques années.
L'Association des hôpitaux du Québec dresse elle aussi un constat
peu édifiant de l'intégration. Elle nous dit: "Les centres
hospitaliers qui ont tenté d'alléger leurs structures en
développant des pavillons, foyers, familles d'accueil soulignent combien
il est difficile de maintenir une qualité de vie de nature
thérapeutique. En effet, souvent ces ressources extérieures ou
intermédiaires ne s'inscrivaient pas dans une programmation d'ensemble
en santé mentale. " Cela amenait des problèmes de fonctionnement
importants.
L'OPHQ ne se réjouit pas non plus des constats qu'elle fait sur
le retour au milieu des personnes qui avaient des troubles psychiques et
émotionnels. Même si ce n'est pas de la même
catégorie dont nous parlons, on doit prendre aussi une part du bilan qui
est fait sur cette mécanique de réinsertion. Elle nous dit: "On
possède peu de données sur les personnes ayant des troubles
psychiques et émotionnels; on sait que 7400 d'entre elles sont
hébergées en centres hospitaliers psychiatriques. Il y a eu une
évolution très nette au cours des dernières années
vers un retour dans le milieu de vie. Elle ne s'est cependant absolument pas
traduite par une amélioration des conditions de vie des
ex-résidents de centres hospitaliers psychiatriques. Aucun service de
soutien n'a été mis sur pied pour leur venir en aide et aucun
suivi n'est assuré. Ils sont maintenant les pensionnaires des maisons de
chambre, à la remorque des tenanciers ou d'autres chambreurs pour qui le
bien-être n'est pas toujours une priorité. Une partie d'entre eux
retournent périodiquement au centre hospitalier. "
Malgré tout cela, malgré ce constat, il est important de
constater avec quelle
célérité les directions de centres d'accueil
procèdent à la désinstitutionnalisation des
déficients mentaux depuis un certain temps. (16 h 15)
Ce qui choque le plus dans ce qui nous semble être une
opération de "dumping", c'est l'absence de consultation la plus
flagrante, que ce soit au niveau du personnel syndiqué dans lequel on
retrouve les intervenants directs ou que ce soit avec les parents. Lorsque ces
intervenants directs ou les parents émettent des réserves
sérieuses dans le cas de personnes vivant avec une déficience
mentale profonde et ayant, de surcroît, des problèmes de
comportement, on les culpabilise et on s'efforce par tous les moyens
d'invalider leur expertise. Dans un tel contexte, que faisons-nous d'un des
objectifs mis de l'avant par l'ACAQ, à savoir de "dégager avec
les représentants syndicaux mandatés les conditions au chapitre
de la mobilité des ressources humaines, des conditions des conventions
collectives susceptibles de permettre la réinsertion communautaire des
ressources?" Bien sûr que dans un régime de décret les
employeurs auront certes plusieurs droits, mais est-ce ainsi qu'ils obtiendront
une réelle collaboration sur la mise en place de services de
qualité pour les bénéficiaires?
On parle également de l'application du principe à savoir
que les personnes doivent vivre en institutions en fonction de leurs besoins.
Si on se réfère encore une fois aux deux catégories sur
lesquelles nous avons canalisé notre attention, on a expliqué
précédemment que 1097 personnes ne bénéficiaient
plus du service d'internat en centre d'accueil. Il nous est toutefois
agréable de constater que le nombre de personnes vivant en foyers de
groupe rattachés à des centres d'accueil en 1979-1980 est
passé de 484 à 615 en 1983. Toutefois, le nombre de personnes
chez qui a été diagnostiquée une déficience mentale
sévère est passé de 7664 en 1981 à 7851 en 1984,
soit une augmentation de près de 200 personnes en deux ans. Le nombre de
personnes ayant une déficience mentale profonde est passé de 1981
à 1984 par une augmentation de près de 50 personnes, soit un
total de 235 environ pour les deux catégories de personnel, donc une
augmentation de la clientèle à servir qui est plus lourdement
handicapée sur le plan intellectuel. Toujours dans le réseau des
centres d'accueil, nous sommes passés de 5156 vivant soit en internat,
soit en foyer de groupe en 1980 à 4190 pour les mêmes
catégories en 1983 malgré une baisse de ressources pour ce genre
de services.
Pour ce qui est de la qualité de vie en foyer, lors d'un atelier
présenté au cinquième colloque régional de la
Montérégie, un document en date du 19 mars 1985, du centre
d'accueil Anne-LeSeigneur attire l'attention sur les faits suivants: "Lors de
la recherche d'un appartement - ce sont des gens qui sont allés
contacter des gens du milieu qui parlent - on a pu constater que les gens
étaient, de prime abord, un peu méfiants. Mais, dès qu'on
a pris le temps de leur expliquer ce qu'était la déficience
mentale ainsi que le suivi offert par le service d'adaptation communautaire,
les gens prenaient le temps de revenir sur leur première idée et,
bien souvent, ils étaient prêts à nous louer l'appartement.
" Là, on donne des exemples. Il y a même un propriétaire
qui a prêté des meubles à un client parce qu'il s'en allait
seul dans un appartement. Il y a une vieille dame qui a décidé...
Mais je pense que ce genre d'affirmation nous pose la question à savoir
qu'en sera-t-il quand ces gens-là n'y seront plus et est-ce que,
socialement, nous devons accepter de reporter notre responsabilité sur
des gens bénévoles qui, par un concours de circonstances, se
trouvent dans la même maison d'habitation ou dans un même
environnement et qui décident d'aider des gens qu'on veut
intégrer à la société? Dans
l'éventualité où ce texte rapporterait rigoureusement la
réalité, il n'en reste pas moins que, pour avoir la
véritable couleur de la désinstitutionnalisation dans ce centre
d'accueil, il est utile de regarder l'autre côté de la
médaille. Je vous réfère à un extrait de lettre
d'un infirmier de ce centre d'accueil qui pose des questions pour
l'amélioration des conditions de vie des
bénéficiaires.
Évidemment, lorsqu'un bénéficiaire prend seulement
un 7. up pour déjeuner, car personne n'est là pour influencer son
hygiène alimentaire, est-ce qu'on contribue à améliorer
ses conditions de vie? Lorsqu'on laisse les bénéficiaires
régler leurs différends à coups de boite à lunch,
est-ce qu'on les aide à améliorer leurs conditions de vie? Ce
sont peut-être des situations qui semblent simplistes, mais qui font
partie de la réalité de la réintégration. Lorsqu'un
bénéficiaire circule en manteau de printemps non attaché
à -15° parce qu'il n'y a pas de couturière au foyer pour
réparer son manteau d'hiver, est-ce qu'on améliore sa
santé? Est-ce qu'on améliore la sécurité lorsqu'on
laisse un bénéficiaire prendre des médicaments, une dose
de trois jours en une seule fois, un certain dimanche et qu'on est
informé de cette situation le mardi suivant? Est-ce qu'on aide un
bénéficiaire lorsqu'on le laisse travailler à
déblayer une voie ferrée? Est-ce qu'on laisse à un
bénéficiaire toute la sécurité qui lui revient
lorsqu'on le laisse prendre des médicaments à trop forte dose? Je
pense que ce sont des situations de fait, qui ont été
perçues par la réalité que vivait un infirmier, sur
lesquelles on doit s'interroger quand on parle de
désinstitutionnalisation.
Est-ce qu'on aide un bénéficiaire lorsque certains actes
faits habituellement par le personnel infirmier vont être
délégués à d'autres catégories de
travailleurs?
Curieusement - je pense qu'il est important de le noter - il nous
fallait obligatoirement, comme travailleurs, une
assurance-responsabilité de 500 000 $ annuellement, nous qui avions
trois années de formation dans ce domaine. Maintenant, des substituts
des parents vont le faire sans problème? Pourquoi ne nous appelle-t-on
pas "substituts de parents", nous, les infirmiers et infirmières, si
cela évite des poursuites judiciaires?
Nous précisons que cette lettre était adressée au
directeur général et que la réponse qui a
été faite n'a nié aucun des éléments
mentionnés.
Pour ce qui est de la situation du maintien à domicile, nous
croyons que les CLSC seront appelés à devenir la pierre d'angle
dans le service de maintien à domicile. Cependant, nous avons de fortes
interrogations. Quand on pense que, présentement, les CLCS ont comme
budget 12 $ par semaine par individu en maintien à domicile et qu'on
compare avec ce que les centres d'accueil ont, soit un minimum de 48 $ par
jour, quelle est la possibilité pour les CLSC d'assumer des
responsabilités comme celles qu'on voudrait leur transférer?
Quand on calcule aussi le nombre d'interventions que vont demander les
personnes qui vont vivre la réinsertion, un nombre d'interventions
beaucoup plus important avec une périodicité beaucoup plus
importante, on a, encore là, de fortes interrogations sur les
possibilités. On a deux craintes majeures: entre autres, l'engorgement
des services de santé mentale des CLSC et une mobilisation des effectifs
en ce sens au détriment d'autres catégories de
bénéficiaires. On pense que ces personnes doivent avoir des
services qui leur reviennent et qu'ils ne doivent pas leur être
donnés au détriment d'autres groupes qui doivent, eux aussi, se
référer aux CLSC pour avoir des services dans leur région.
Faute de soutien, les CLSC deviendront-ils les points de chute des
départements de psychiatrie et des centres d'accueil?
En ce qui concerne le loisir, le ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche a mis de l'avant un programme national de soutien
aux activités de loisirs en 1982. Remplaçant l'ensemble des
programmes de soutien dispensés par le ministère, ce programme
accentue le rôle des municipalités de maître d'oeuvre du
loisir. Une enveloppe budgétaire a été émise
à cet effet aux municipalités qui doivent se la partager au
prorata de leur population et de leur indice de richesse.
Le MLCP soutient de plus un programme de loisirs assistés qui
dessert les personnes lourdement handicapées. Ce programme attribue une
enveloppe budgétaire de 105 000 $ aux organismes qui en font la demande.
Mais qui, parmi ces organismes, aura la préoccupation des personnes
handicapées? Les organismes qui représentent le patin artistique,
l'âge d'or, le hockey mineur, les personnes handicapées physiques,
tous ces organismes seront contactés. Qui représentera la
personne handicapée mentale? Qui fera l'analyse de ses besoins?
Considérant les sommes attribuées et le mode de fonctionnement,
on pense qu'encore là les déficients mentaux seront les grands
oubliés dans l'application d'une telle politique.
Un préalable à l'intégration des personnes
handicapées intellectuelles s'impose donc, à savoir un mandat
clair et précis aux services externes de les représenter
auprès des instances décisionnelles et un programme de soutien
financier établi et assumé par l'établissement
répondant aux besoins qu'elles expriment en matière de
loisirs.
Pour ce qui est des services éducatifs -et c'est une grande
question - le ministère de l'Éducation publiait à
l'automne 1978 un énoncé de politique sur l'enfance en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Cette politique,
accompagnée d'un plan d'action, faisait suite au dépôt du
rapport COPEX qui avait été produit par le Comité
provincial de l'enfance inadaptée et rendu public en 1976. Le leitmotiv
de cette politique était de favoriser l'accès à un service
public d'éducation en vue d'une éducation de qualité dans
le cadre le plus normal possible. De plus, les dernières politiques du
ministère de l'Éducation sur les services en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage ont un peu plus explicité les principes
sous-tendus par le rapport COPEX.
Cependant, les enseignants et les enseignantes considèrent qu'au
fur et à mesure qu'on a des énoncés de politique en
enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage on a une dose
importante de poudre aux yeux qui nous est lancée. On pense que le
processus qui a été vécu depuis, entre autres,
l'avènement des décrets sur les politiques en enfance en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage ne nous laisse aucune marge
d'optimisme pour une politique d'intégration des handicapés
physiques ou mentaux.
La mécanique qu'on a vécue au niveau de l'enseignement en
enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, je pense que les
membres de la commission en sont informés, cela a fait en sorte que nous
avons dénoncé un type d'intégration sauvage parce qu'on
avait dans nos écoles des services, des ressources en enfance en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage qui ont été les
premières à passer dans le hachoir des coupures qui ont fait en
sorte qu'on a intégré des enfants en leur coupant des
possibilités et des responsabilités de services qu'on
avait.
Quand on en arrive comme enseignant et enseignante à envisager
l'intégration des handicapés mentaux, on a beaucoup de
problèmes à voir comment cela pourrait se vivre. On nous reproche
très facilement de dire que le premier réflexe que l'on a quand
on parle d'intégration de déficients mentaux c'est de dire non,
que ce soit au niveau de la direction de l'école, des commissions
scolaires ou des enseignants. Mais je pense que l'expérience qu'on a
vécue au niveau de l'enfance en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage nous fait mettre de fortes réserves. Non pas qu'on est
contre l'intégration des enfants au niveau des services publics
d'éducation, je pense que la société
québécoise a la responsabilité de les mettre en place,
sauf que cela amène des préalables importants d'information,
entre autres au niveau de la population et des parents. Dans ce cadre, nous
sommes prêts, comme organisation syndicale, à y contribuer.
Quand on fait face dans nos classes à des enfants
handicapés mentaux ou handicapés physiques qui sont
intégrés et que c'est souvent les parents des enfants dits
normaux qui interviennent ou qui réagissent, je pense qu'on est en droit
de dire qu'il y a une démarche d'information et de sensibilisation qui
revient au gouvernement d'assumer auprès de la population pour faire en
sorte que cette intégration puisse se faire correctement et qu'on
l'applique en faisant de plus en plus des pas très positifs. Qu'on
élimine des barrières. Peut-être que les
préjugés font partie de la société d'aujourd'hui.
Il faut composer avec. Je pense que, si on assume comme gouvernement ou comme
responsable au niveau de l'éducation une responsabilité
d'information et de sensibilisation des parents et de la population en
général, on contre déjà là un fort
pourcentage d'arrêt de cette mécanique d'information. De
même, une planification est aussi essentielle.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse de vous
interrompre. Je pense que les infirmières veulent en présenter
une partie aussi.
Mme Giroux: Oui. C'est fini.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Étant donné
qu'on a déjà pris au moins 25 minutes, j'aimerais
peut-être...
Mme Gagnon: Je vais reprendre à partir de la page 26
rapidement. On dit que, compte tenu de l'état des services offerts aux
personnes atteintes d'un trouble mental, il y a lieu de s'interroger sur
l'organisation actuelle des services de santé mentale. Dans la mesure
où c'est un processus amorcé depuis au moins 25 ans et qu'il
s'est poursuivi à une vitesse qui n'a pas tenu compte des aléas
et des difficultés, nous pensons qu'il est de notre
responsabilité de proposer un temps d'arrêt. Loin de nous
l'idée de retourner à l'époque des asiles, mais nous ne
voulons pas non plus que l'intégration des personnes handicapées
redevienne uniquement un problème d'ordre familial ou religieux comme il
l'était au XIXe siècle.
Si on regarde l'évolution dans le domaine des maladies mentales
au Québec, cela remonte à peu près à la
période de la révolution tranquille dans les années
soixante au cours de laquelle les secteurs de la santé, des services
sociaux et de l'éducation furent particulièrement touchés.
Il y a eu d'abord en 1962 la commission Bédard chargée de
l'étude sur les hôpitaux psychiatriques qui proposait entre autres
la dépopulation des asiles. Il y a eu bien des modifications avec
ça, mais cela a été marqué par la diminution de la
capacité des grands hôpitaux psychiatriques. (16 h 30)
On remarque que cette décennie soixante est encore nettement
marquée par l'approche médicale. C'est avec la réforme
Castonguay-Nepveu dans les années soixante-dix qu'on parle vraiment de
réinsertion des personnes handicapées. Le rapport Castonguay
conclut qu'il n'y a pas lieu d'accorder à la maladie mentale et aux
services psychiatriques un statut à part. Cela doit être
intégré. Cela doit s'inscrire dans une conception globale de la
santé qui considère la personne dans sa totalité et non
seulement sous son aspect physique. En 1971, la Loi sur les services de
santé et les services sociaux abolit non seulement la distinction entre
maladie mentale et physique, mais abolit également l'asile comme lieu
privilégié des soins psychiatriques.
L'orientation est véritablement donnée en 1977 par la
publication du livre blanc intitulé "Proposition de politique à
l'égard des personnes handicapées" et qui concluait à des
mauvaises conditions de vie des personnes handicapées. Mais 1977, c'est
également la période des coupures budgétaires. Alors, on
veut augmenter la productivité en diminuant les. ressources, mais
particulièrement en santé mentale. Alors qu'on veut couper
partout, la demande pour ces ressources continue de croître.
Il y a une distinction à faire en ce qui a marqué
l'intégration des personnes handicapées dans les années
soixante-dix par rapport à l'orientation de maintenant. Dans les
années soixante-dix, on a cherché à normaliser les
personnes handicapées en leur assignant un rôle social qui
correspond aux attentes de la société. Les résultats ne
furent pas probants et les personnes handicapées
s'intégrèrent mal à cette société
qui ne tolère que le normal et qui s'accommode peu du aussi
normal que possible. Depuis quelques années, le courant est de valoriser
le rôle social de la personne handicapée, c'est-à-dire de
la faire accepter par cette même société qui l'avait jadis
rejetée. L'intégration devra dorénavant se faire en
fonction des capacités de la personne et miser sur la part sociale des
personnes handicapées plutôt qu'en fonction des attentes de la
communauté. Je pense que c'est la distinction qui est à faire
entre les deux décennies quant à l'approche qu'on avait sur la
question des maladies mentales. Autrement dit, il faut reprendre le processus
de socialisation de ces personnes qui avait été interrompu
à un certain moment.
Mais des difficultés sont survenues par rapport à la
réinsertion. Cela n'a pas donné les résultats
escomptés. On peut s'interroger sur les objectifs de départ qui
ont donné lieu à cela et on peut s'interroger aussi sur le fait
que, depuis un certain temps, le milieu institutionnel constitue une lourde
charge financière pour l'État, et on ne voudrait pas que ce soit
le motif qui amène le courant de désinstitutionnalisation actuel.
Sur cette question, malgré les difficultés, le processus poursuit
son cours et, en 1981, c'est la Conférence socio-économique sur
l'intégration de la personne handicapée.
A la page 34, on soulève la question qui est posée lors de
cette conférence. Je ne vous ferai pas la lecture, mais la question
donnait aussi la réponse. D'abord, les ressources n'avaient pas
été mises en place par la société, mais par la
structure gouvernementale sans étude préalable. Ensuite, les
mandats n'étaient pas clairs, mais on peut également
présumer, comme ce fut le cas pour la réforme Castonguay, qu'il y
eut trop de mandats et trop d'instances. Autrement dit, la planification s'est
réduite à la création d'une superstructure administrative
trop occupée à se mettre en place pour se préoccuper des
véritables mandats. Enfin, les contraintes organisationnelles et
budgétaires, le cloisonnement entre les divers réseaux de
services, les ressources professionnelles et les agents sociaux expliquent
l'échec de la réinsertion sociale. Nous osons ici vous faire
remarquer que ce sont des raisons du même ordre qui expliquent
également l'échec de la réforme de tout le système
de santé qui suscitera des débats dans les prochains mois.
Il faut également s'interroger sur la politique d'ensemble de
"À part... égale" qui propose un véritable projet de
société, mais, depuis 25 ans, il y a eu des politiques. Est-ce
qu'on en a fait le bilan, parce qu'elles proposaient toutes un projet de
société, les politiques en santé mentale? Dans ce
sens-là, on dit: Les grandes orientations de la politique
proposée dans "À part... égale" font l'unanimité,
mais on devrait s'interroger sur certains des principes. Comment envisage-t- on
la participation des personnes handicapées aux décisions
individuelles et collectives quand les individus dits normaux n'ont pas la
possibilité de participer à ces mêmes décisions?
Peut-on présumer d'une qualité de vie décente pour les
personnes handicapées quand, déjà, une bonne partie de la
société vit toujours sous le seuil de la pauvreté? Est-ce
qu'on va mieux réussir une approche globale de la personne dans le cas
de troubles mentaux qu'on ne l'a fait dans le cas des problèmes courants
de santé? Que signifie exactement la protection maximale des personnes
handicapées contre les facteurs de risque d'apparition de
déficiences physiques et mentales?
Enfin, l'accessibilité universelle? Il ne suffit pas qu'un
service devienne gratuit pour être accessible, encore faut-il qu'il le
soit pour tous, qu'il soit disponible, pertinent et efficace.
On pourrait continuer longtemps dans ce sens-là, mais on dit:
Enfin, l'OPHQ démontre de façon générale l'actuelle
inaccessibilité aux services et, dans un certain sens, la discrimination
qui s'établit en fonction de l'âge, de la cause de la
déficience, du degré de limitation fonctionnelle ainsi que du
lieu du domicile.
L'OPHQ propose des solutions, il propose entre autres un plan de
services pour les personnes déficientes mentales et pour les personnes
handicapées. Nous devons admettre l'effort qu'il fait dans ce
sens-là pour prévoir des plans d'intervention dans tous les
domaines que ce soit en santé, loisir, adaptation et
réadaptation, éducation, travail et maintien dans le milieu. Mais
on s'interroge sur l'applicabilité de son plan de services parce
qu'entre autres il nous apparaît que ce plan est mieux adapté pour
les personnes handicapées physiques. Il ne tient pas compte des
catégories de personnes handicapées mentales qui auront toujours
besoin d'être guidées physiquement, d'être orientées
dans le temps et dans l'espace et qui nécessiteront une surveillance
continuelle.
Un autre aspect qui nous inquiète, au rythme où se
déroule la désinstitutionnalisation, on se retrouvera
confronté rapidement à des problèmes sociaux beaucoup plus
graves que ceux qu'on appréhende et qui seront engendrés par des
phénomènes imminents de rejet, de mésadaptation, de
dépendance et, en fin de compte, par une forte incitation à la
réinsertion en institution.
La fréquentation actuelle des services d'urgence psychiatrique
démontre ce dernier point et, dans tout le débat sur la question
de l'engorgement des urgences, on sait que c'est une des catégories qui
fait que les urgences sont engorgées, les malades psychiatriques et les
personnes âgées. Dans ce sens-là, il y a une erreur dans le
mémoire à la page 42. Dans les cas d'urgence psychiatrique, dans
les consulta-
tions en urgence, dans les cas de psychiatrie, 65 % ont des
antécédents psychiatriques, mais 40 % en interne; 40 % de ces 65
% sont des gens qui ont déjà été en
résidence et qui sont retournés en société.
Une autre difficulté quant à l'applicabilité de son
plan de services - c'est la constante qui ressort - c'est l'absence
d'étude épidémiologique sur le sujet. On ne connaît
pas exactement le type de population auquel on veut offrir ces services. Les
quelques statistiques que nous disposons sur le taux de maladies mentales sont
encore issues de pays étrangers et toujours basées sur le taux de
prévalence.
Un autre point sur la question de la réinsertion des personnes
handicapées qu'on n'a pas pu passer sous silence, c'est l'impact sur les
femmes. Dans ce sens-là, j'invite les membres de la commission à
prendre connaissance du mémoire qui a été
présenté par les organisations syndicales sur la politique
familiale. Quand on parle de réinsertion et de maintien à
domicile, en majeure partie, ce sont les femmes qui seront appelées
à assumer ces responsabilités. Est-ce que ce sera de façon
bénévole? C'est une question qu'on se pose.
Une autre question qu'on soulève quant à
l'applicabilité du plan de services qui est proposé pour les
personnes handicapées, c'est le droit aux soins. Dans ce sens, on a les
tableaux qui sont à la page 55 et 56 qui indiquent le nombre de
consultations pour des troubles physiques dans le cas des personnes
handicapées physiques et mentales, des troubles qui sont
détectés par le personnel des institutions. Qui va être
chargé de le faire, de suivre ces malades sur le plan du
dépistage d'autres troubles physiques en dehors de leur
déficience? C'est la question qu'on se pose.
Enfin, nous interrogeons l'organisation actuelle du réseau des
affaires sociales et sa capacité d'assumer une distribution efficace des
services aux personnes atteintes de troubles mentaux et qui vivent dans la
communauté. Ce qui nous fait nous interroger là-dessus, c'est
qu'il n'y a vraiment aucun lien qui a été créé
entre les divers établissements, entre les centres hospitaliers, entre
les centres d'accueil et les CLSC. Il n'y a pas de coordination, chacun tire de
son bord. Pour les centres hospitaliers, ils sont régis par des
impératifs budgétaires. Pour les centres d'accueil, on dit qu'ils
luttent pour leur autonomie, et qui plus est, pour leur reconnaissance sociale.
Enfin, les CLSC sont moins visibles qu'ils devraient l'être et sont,
à bien des égards, le déversoir des
bénéficiaires qui sortent des centres hospitaliers, alors qu'ils
devraient servir de porte d'entrée au système de santé et
s'occuper davantage de la prévention. Ma collègue a parlé
tantôt des budgets qui sont mis sur les services de maintien à
domicile.
Dans ce contexte, ce n'est pas sérieux quand on pense que 12 $
par semaine, ce n'est même pas une heure de soins infirmiers par semaine.
Alors, on peut s'interroger sur l'applicabilité de ces plans.
La conclusion, je ne vous en ferai pas la lecture. Ce qu'on dit, c'est
que, compte tenu de la confusion et du désordre qui caractérisent
actuellement la réinsertion des personnes qui souffrent de troubles
mentaux, nous souscrivons à votre idée de procéder
à une analyse de la distribution des services qui leur sont offerts,
mais on est un petit peu inquiet sur l'état d'avancement du processus de
désinstitutionnalisation, sur les possibilités qu'une telle
analyse puisse être utilisée. Nos craintes sont davantage
fondées quand nous considérons qu'au moins trois plans
régionaux de réorganisation des services en santé mentale
sont réalisés ou en voie de réalisation. À notre
avis, ce procédé défie toutes les lois de l'orthodoxie. Il
nous semble que vous devriez d'abord, à partir d'une consultation
élargie, établir une politique de santé mentale qui, elle,
pourrait servir de guide à l'élaboration des plans
régionaux. Il me semble qu'on a un petit peu devancé ce qui
devrait être un processus pour amener les choses sur ce plan. Enfin, une
telle étude doit être plus qu'une étude
épidémiologique, plus qu'une analyse des services. Elle devra
mesurer concrètement la réception que réserve la
population aux personnes qui seront réinsérées dans la
communauté.
Ce que nous suggère ce qui se passe actuellement, c'est qu'il y a
un temps d'arrêt qui est fait par rapport à la question de la
désinstitutionnalisation, que les activités à la
pièce cessent parce que je pense que les problèmes à
régler dépassent les stricts aspects techniques et administratifs
de l'organisation des services.
Dans ce sens, on arrive aux recommandations. Je ne vous ferai pas la
lecture des constats puisqu'ils reprennent, synthétisés, ce qu'on
a amené dans le texte. Pour ce qui est des recommandations, ce que
proposent la Fédération des SPIIQ et la Centrale de
l'enseignement du Québec, c'est qu'une étude systématique
de l'état actuel des services offerts aux personnes handicapées
mentalement soit effectuée; que les résultats soient
distribués aux principaux intéressés (parents, groupes de
promotion et syndicats); que soit entreprise une étude des besoins des
personnes handicapées mentalement qui corresponde à leur
réalité et non à des impératifs administratifs
financiers, de rationalisation ou à des intérêts
privés, qu'une campagne de sensibilisation et d'information soit
entreprise auprès de la population, qu'un moratoire soit
déclaré sur le processus de désinstitutionnalisation
déjà commencé à quelques endroits sans que les
intervenants se soient prononcés sur sa pertinence et son
bien-fondé et sans même
que soit, au préalable, défini le terme lui-même;
qu'une enquête soit menée auprès de ces
établissements où il semble que cela a pris l'allure d'un
placement en série uniquement en fonction de l'hébergement sans
autre préoccupation quant au bien-être et à la
capacité des personnes handicapées mentalement de vivre en
société; que ce moratoire soit effectif tant et aussi longtemps
qu'une consultation n'aura pas eu lieu sur l'état de la situation dans
le domaine de la santé mentale au Québec et que le rapport ait
été rendu public; que le gouvernement se penche sur la
possibilité d'inscrire le plan de services pour personnes
handicapées mentalement dans une véritable politique de
santé mentale qui, elle, devra nécessairement s'inscrire à
l'intérieur d'une politique globale de santé; que les
travailleuses et les travailleurs du secteur de la santé soient
étroitement associés à tout le processus de consultation
et non pas uniquement quand on se demande comment on va modifier le type
d'emploi dans notre convention collective pour s'adapter à cette
réalité.
Vous avez, en annexe, deux exemples que je ne prendrai pas, mais que les
membres de la commission peuvent consulter. C'est le cas de Contrefort et le
cas du centre d'accueil Anne-LeSeigneur où on a procédé
à une certaine forme de désinstitutionnalisation. Merci. (16 h
45)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je désire
remercier la Fédération des syndicats professionnels
d'infirmières et d'infirmiers du Québec, de même que la
Centrale de l'enseignement du Québec pour leur mémoire qui est
quand même un mémoire très intéressant qui
soulève des questions ou des réflexions sur lesquelles nous nous
arrêterons certainement.
Je voudrais, en premier lieu, vous dire comment cette commission a pris
naissance, très brièvement. Pour nous, ce n'est pas pour dire: On
réinsère les gens socialement parce que cela coûte moins
cher, etc. Évidemment, on ne peut pas faire abstraction des
préoccupations financières, mais c'est vraiment parce qu'on
sentait qu'il y avait, dans la communauté, des gens qui étaient
laissés pour compte, d'une part - je pense que tout le monde en est
conscient et la société se réveille quand, tout à
coup, il arrive des éléments plus dramatiques - à la suite
de différents rapports qui avaient été reçus.
D'autre part, on savait également que ce mouvement vers la
communauté allait en s'accélérant. Finalement, le
débat se trouve forcément à faire entrer en ligne de
compte tout le problème de la désinstitutionnalisation. Je dois
vous dire que, de notre côté, on veut vraiment regarder ce
problème en fonction de ce que la communauté a à offrir
à ces personnes, de sa préparation à les accueillir et,
enfin, d'une foule d'autres éléments qui vont entrer en ligne de
compte, et vous en avez souligné plusieurs dans votre
mémoire.
Jusqu'à maintenant, il y a un consensus - si on peut parler de
consensus, disons un certain consensus, pour ne pas être absolue dans mes
propos - qui se dégage de ce que nous avons entendu. C'est que les gens
disent: La vie en institution n'est certainement pas la vie la plus normale, la
plus bénéfique pour un citoyen, même s'il a un handicap.
Dans ce sens, des efforts doivent être déployés pour
l'amener à mener une vie la plus "normale" possible. On pourrait aussi
se chicaner sur la notion de normalité. Il y a aussi un consensus
à savoir que ceci ne doit pas se faire sans les préalables requis
et les gens sont conscients qu'il manque des ressources dans la
communauté pour étayer cette désinstitutionnalisation.
Il y a une question plus précise que je voudrais vous poser en
premier lieu. Dans votre mémoire, évidemment, vous êtes
très pessimiste vis-à-vis de la désinstitutionnalisation.
Il y a une chose en particulier que j'ai notée pour illustrer cela.
C'est peut-être en page 41 ou 33; non, c'est à la page 36. Quand
vous parlez de désinstitutionnalisation, je trouve qu'il y a presque un
sentiment de défaitisme là-dedans. Vous dites: Comment peut-on -
en dépit des bonnes intentions de l'OPDQ et des objectifs de "À
part... égale, " etc. - envisager de réaliser tous ces objectifs
quand les individus dits "normaux" n'ont pas eux-mêmes la
possibilité de participer à ces décisions, vivent toujours
sous le seuil de la pauvreté, n'ont pas d'emplois, etc?
Il est vrai qu'il y a cette réalité dans la
société, mais si on s'en tenait à cela ou à cette
crainte que ces problèmes nous posent on laisserait tous les autres en
institution pour ne pas en retrouver davantage qui, possiblement, peuvent
être dans des conditions similaires. Il y a là un jugement
à porter. Est-ce que la vie en institution - je pense qu'il faut faire
des différences entre les types d'individus qui sont dans les
institutions - elle-même n'est pas restreignante du point de vue d'une
participation quelconque à un monde plus normal?
Je pose la question d'une façon précise. En dépit
de ce qui m'apparaît comme d'un grand pessimisme à l'endroit de la
désinstitutionnalisation, il reste que toutes les
sociétés... Je pense qu'on ne peut pas tous nécessairement
penser que c'est pour des raisons financières ou budgétaires. Il
est vrai que quelquefois, en apparence, il semble y avoir des coïncidences
sur lesquelles il est permis de s'interroger, mais c'est un
phénomène trop général de l'évolution des
sociétés occidentales, si on regarde en Europe, aux
États-Unis et, évidemment, ici un peu moins mais, quand
même, de plus en
plus au Canada.
Est-ce que cela ne répond pas quand même à une
philosophie qui a évolué à l'endroit du respect de
l'autonomie qu'on doit aux individus, etc. ? Ce mouvement de
désinstitutionnalisation s'inscrit-il aussi là-dedans comme
philosophie de base? Vous-mêmes, êtes-vous en accord avec les
grands paramètres d'une politique de réinsertion sociale? Quel
rôle êtes-vous prêt à y jouer? À la fois les
enseignants, à titre d'éducateurs spécialisés, et
les infirmières ont un rôle de premier plan à jouer dans
cette réinsertion sociale.
Mme Gagnon: Ce qui peut apparaître comme une forme de
pessimisme, c'est lorsqu'on regarde les exemples qu'on a actuellement - on a
mis les plus flagrants en annexe. Ce n'est peut-être pas toujours aussi
dramatique. Ce qu'on dit, c'est qu'on est dans un processus où on va
regarder l'ensemble du système de santé au Québec; une
commission est chargée de s'y pencher. Ne serait-il pas possible de
prendre un temps d'arrêt au lieu de le faire sans qu'il y ait
évaluation des ressources disponibles, sans qu'il y ait
évaluation de quel type de ressources ces personnes-là vont avoir
besoin, sans savoir ce que les CLSC vont pouvoir leur offrir? Ne serait-ce pas
mieux? Au lieu de les réinsérer et, quelque temps après,
de les ramener en institution parce que cela n'a pas fonctionné pour
différentes raisons, ne serait-il pas possible de prendre un temps
d'arrêt et de regarder comment on pourrait faire pour éviter ce
qui s'est déjà produit dans les cas de
désinstitutionnalisation?
Bien sûr, comme intervenantes, nous avons un rôle qui est
difficile à jouer actuellement. Notre premier rôle, ce serait,
lorsqu'ils viennent en institution, de tenter de les garder autonomes, de leur
maintenir une forme d'autonomie. Mais, actuellement, c'est difficile, compte
tenu de la charge de travail et du nombre dont on a à s'occuper dans une
journée. C'est difficile de les garder autonomes. On aurait d'abord ce
grand rôle si on pouvait finir par regarder les soins de santé au
Québec et dire: Nous, comme intervenantes, quel devrait être notre
rôle dans chaque type d'institution de notre système de
santé?
En plus, si je parle comme intervenante au niveau des
infirmières, il serait prévisible que cela amène un
transfert de ressources vers les CLSC, si on avait des programmes de maintien
à domicile, parce que ce n'est pas l'équivalent de moins d'une
heure par semaine de soins infirmiers. Au niveau des éducateurs, il faut
prévoir des mécanismes de recyclage ou d'actualisation, parce
qu'on n'aborde pas ce rôle de la même façon selon qu'il est
tenu en institution ou en vue du maintien à domicile. Il y a des
politiques comme cela qui doivent être établies, des programmes
qui doivent être établis. On se demande s'il ne serait pas
possible de prendre un temps d'arrêt plutôt que de continuer et de
dire après: On reviendra et on corrigera les problèmes qui, au
niveau de l'administration, se corrigent peut-être assez facilement, mais
pour les bénéficiaires les rechutes sont souvent plus longues
à corriger que si cela avait été fait, dans un premier
temps, avec une politique d'ensemble.
On a vu aussi une autre chose, lorsqu'il y a eu des tentatives ou des
formes de désinstitutionnalisation: la résistance de la
population, particulièrement par rapport aux déficients mentaux.
Pour les déficients physiques, je pense qu'il y a un grand pas qui est
fait, que ce soit dans les édifices publics ou un peu partout, c'est
devenu "normal" - entre guillemets. Mais par rapport à la
déficience mentale la population a encore des réticences.
À ce niveau-là aussi, il y a un travail qui doit être
fait.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Votre suggestion, c'est
de dire qu'il y a présentement une commission - je crois que cela
s'appelle une commission; en tout cas! -d'étude sur la santé au
Québec pour peut-être mieux définir la politique de la
santé, mieux organiser la distribution, selon le mandat qui a
été donné. Je dois dire que l'Opposition officielle
était d'accord là-dessus aussi, parce qu'on pensait qu'il fallait
faire un point d'arrêt pour voir où on s'en allait. Vous dites:
Étant donné que ceci est en marche... Mais n'oubliez pas qu'ils
ont un mandat qui s'étend sur deux ans et demi. Connaissant le
fonctionnement, il se peut que, peu importe le gouvernement, après deux
ans et demi, on demande une extension de six mois. Cela fait trois ans et,
après cela, on revient au Conseil des ministres. On peut alors se
retrouver à quatre ans avant que... Ce mandat en est un qui est en
gestation depuis au moins mai 1984, parce que les problèmes sont
là. Vous avez dans la communauté des gens qui sont rendus
là, qui sont mal pris, qui sont rejetés. Enfin, cela ne sert
à rien de faire des descriptions dramatiques. Je pense que tout le monde
les connaît.
Il y aurait aussi ce danger d'un peu tout arrêter, d'un peu tout
immobiliser alors qu'on sait, par exemple, que - je donne cela comme exemple -
dans les centres d'accueil, on parle de l'abolissement de la clientèle,
qu'il faut apporter un peu plus de soutien dans les centres d'accueil, etc. On
n'est pas pour arrêter au cas où on se tromperait. Je pense qu'il
y a des problèmes qui sont réels, dont il faut s'occuper.
Maintenant, ce que vous dites, c'est peut-être que ces
expériences de désinstitutionnalisation soient faites dans des
meilleurs conditions, soient mieux encadrées, soient peut-être
plus à titre expérimental
que de la façon dont on procède aujourd'hui. Mais,
l'envers de la médaille, c'est aussi qu'on en a eu ici qui sont venus
nous dire, dans le cas justement de la désinstitutionna-lisation de
déficients mentaux... Je suis assez familière avec la
déficience mentale, je sais ce qu'est un déficient profond, en
fait, les différents niveaux de fonctionnement. À ma grande
surprise - je l'avais déjà entendu dire, mais, là, je l'ai
entendu de la bouche des intéressés - dans le cas des
déficients très sévères ou, enfin, ce
qu'autrefois... Peut-être pas les très sévères, mais
même les très sévères qui n'ont pas d'handicaps
multiples ou même avec des handicaps multiples, ceux-ci avaient
été placés dans des foyers. Il semble qu'on ait
créé autour les conditions nécessaires, parce que ces
enfants-là sont placés quelquefois dans des foyers de membres du
personnel de l'institution. Ils continuent de travailler avec eux, mais
à titre d'éducateurs - on va les appeler familiaux, ce n'est pas
comme cela qu'ils les appellent - et on note des progrès. Je suis
certaine que dans ces cas-là - je ne suis pas allé le mesurer -
probablement, on n'aurait pas noté de progrès en institution avec
cette clientèle. Alors, cela me laisse perplexe aussi. Je suis d'accord
avec vous qu'il ne faut pas aller vite. Il faut encadrer cela, mais même
dans ces cas très très profonds... Et peut-être que vous,
qui avez travaillé directement avec ces enfants-là... Au point de
départ, je me disais: Cela n'a presque pas de bon sens de placer ces
enfants dans des foyers nourriciers. Ils vont être déplacés
et replacés, etc. Mais on m'a parlé d'expériences
concluantes et positives. Alors, j'aimerais peut-être...
M. Beauregard (Robert): Ce à quoi vous faites allusion
probablement, ce sont les familles d'accueil de réadaptation. Or, on
sait que, dernièrement, des centres d'accueil ont mis sur pied,
justement, des familles d'accueil de réadaptation, permettant que les
intervenants soient un peu plus formés qu'une famille d'accueil normale.
Dans les familles d'accueil normales, on n'exige pas un diplôme
d'études collégiales en éducation
spécialisée ou autre chose. Je pense qu'on n'exige même pas
d'expérience pertinente dans le domaine. Alors, pour une famille
d'accueil ordinaire, personnellement, je serais tenté de remettre en
question les objectifs thérapeutiques qui y sont poursuivis, surtout
lorsqu'on parle de déficients profonds, sévères,
c'est-à-dire d'un quotient intellectuel de 0 à 37, supposons, si
on veut cumuler ces deux catégories de personnes.
J'ai lu un article, justement ce matin, qui disait que c'était
peut-être plus facile de placer des déficients profonds parce
qu'ils n'avaient pas nécessairement des comportements
inappropriés car ils étaient souvent isolés dans leur
maison - pas isolés, mais je cherche un terme qui... (17 heures)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ils peuvent
être...
M. Beauregard: C'est cela. Alors, ils n'étaient pas
confrontés à certaines épreuves sociales, si je peux me
permettre d'appeler cela ainsi. On sait aussi qu'au niveau de la famille
d'accueil de réadaptation cela nécessite une formation plus
grande. Les recommandations de certains centres d'accueil vont dans le sens de
ne pas trop pousser ce type de formule parce que c'est, justement, trop
onéreux. Il y a un paradoxe. Personnellement, je suis certain qu'un bon
suivi, avec des intervenants conscientisés et équipés,
donner des résultats intéressants. Mais, dans le cadre d'une
famille d'accueil ordinaire, je pense que c'est... Leurs conditions de travail
doivent être assez précaires puisque le soutien des CSS et des
centres d'accueil est souvent déficient. J'ai personnellement
rencontré et fréquenté des personnes qui ont vécu
en famille d'accueil normale et elles déploraient l'absence de soutien
de la part, soit du centre d'accueil, soit du CSS. Il y aurait peut-être
des nuances à faire. Je n'aurais pas tendance à faire une
profession de foi à l'égard du fait que la famille d'accueil,
c'est meille'ur. De prime abord, je pense qu'on aurait intérêt
à examiner cela plus à fond.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Par contre, si
c'était dans un contexte bien encadré, avec les ressources...
M. Beauregard: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... nécessaires,
vous n'êtes pas contre cela?
M. Beauregard: Absolument pas. J'ai eu l'occasion d'assister au
congrès de l'AQDM à Jonquière, il y a quelques mois. Un
individu est venu nous expliquer les bienfaits de la
désinstitutionnalisation. J'ai eu l'occasion de discuter un peu avec
lui. Ce qui ressortait, c'était que la désinstitutionnalisation
était profitable, mais il m'a apporté un exemple qu'il serait
assez difficile d'expérimenter dans la majorité des centres
d'accueil. Je vous fais un résumé du témoignage qu'il a
apporté. Cela concerne un jeune autistique qui avait plusieurs
comportements tout à fait inappropriés et violents. Ce qu'on a
fait pour en venir à bout, c'est qu'on l'a mis pendant trois ans avec
trois éducateurs spécialisés, qualifiés, jour et
nuit, durant les trois quarts de travail, continuellement avec lui. Au bout de
trois ans, la personne a pu être réinsérée
socialement. Dans ces conditions, je pense qu'on peut espérer des fruits
tout à fait intéressants de la désinstitutionnalisation.
Mais je m'interroge à savoir si le ministère
des Affaires sociales, les centres d'accueil ou les CRSSS peuvent
allouer les budgets nécessaires pour que non seulement des
expériences semblables se fassent dans un projet pilote... Si on veut le
faire sérieusement, allons-y, mais ce n'est pas comme cela que cela se
produit actuellement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vais laisser la parole
à mes collègues et je reviendrai ensuite. Merci. M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Oui. C'est un mémoire -je ne suis pas
psychiatre - qui comporte deux volets. Si on le lit d'une façon rapide,
on peut croire que vous êtes complètement contre la
réinsertion de ces malades dans la société. Par contre,
vous donnez une foule d'exemples de services d'appoint qui n'existent pas quand
les malades sont rendus dans cette société, ce qui fait que vous
n'êtes pas tout à fait contre. Mais vous avez une autre
préoccupation qui domine tout cela. C'est peut-être là que
vous êtes les plus mal pris. Vous êtes pris, vous aussi, entre le
pain et le beurre qui est votre milieu de travail. Je sens dans ce rapport une
inquiétude de déplacement, de perte d'emploi. C'est une grande
insécurité qui entoure les travailleurs. Il n'y a pas, dans le
mémoire, d'indices de réinsertion de ces travailleurs. Comment
pourrait-on faire un suivi tout en plaçant ces malades... Une autre
façon de voir... Comment pourriez-vous les suivre, vous aussi? Je trouve
un petit peu malheureux que les syndicats et les travailleurs ne puissent pas
trouver de formule pour accompagner ces malades où on pourrait donner un
service qui pourrait faire partie de tout ça. Ce qui me fait mal, c'est
que je ne peux presque pas prendre au sérieux le fait que vous compariez
en pages 4 et 5... Cela commence à la désinstitutionnalisation,
à la page 2, lorsque vous donnez deux attitudes à trois endroits,
Rosemère Carillon, et Saint-André-Avellin. Ce sont les deux
exemples que vous donnez.
Ensuite, vous donnez un tableau, en page 5, de la qualité de vie.
Vous parlez des finances, de 115 $, vous avez de l'aide sociale et, lui, il en
reçoit seulement 434 $. C'est certain qu'il y a là-dedans des
choses à améliorer, il y a quelque chose à voir. C'est
peut-être un but de la commission ici, aujourd'hui, de trouver des
solutions à ces choses-là, d'essayer de proposer des choses.
Vous parlez d'un service d'infirmerie de 24 heures. Vous dites qu'il n'y
en a pas pour l'autre. Qui fait la lecture de ses besoins de santé?
dites-vous. Vous donnez tout ça, ce qui est noir, et ce qui est beau
chez vous en institution. C'est certain que, s'il reste en institution, il sera
toujours dépendant. De qui? Toujours de vous, le personnel. Vous vous
attachez à ces gens-là comme des membres de votre famille. C'est
normal. Vous allez essayer de lui donner tous les services suivant votre
disponibilité.
Le travail en atelier de jour, c'est certain que vous allez lui donner
mais rien ne dit qu'à l'extérieur, si on donne les ressources
voulues, nous, et vous pouvez être les ressources... Je suis contre le
fait d'arriver demain matin et dire: On sort tous ces malades-là et on
les place individuellement dans des foyers. Je ne suis pas prêt à
ça. Je crois que ça peut prendre encore plusieurs années
avant que ça se fasse. Il y a déjà un chemin qu'on peut
parcourir ensemble mais, si vous les tenez toujours dépendants de votre
institution, comment voulez-vous que votre deuxième colonne de
ressources externes puisse...
C'est certain qu'il y a des échecs. On a tous des échecs
dans la vie; même les gens dits normaux ont des échecs. Il arrive
des moments où on s'ennuie, nous aussi. Il arrive des fois que,
même si on est normal, on ne se souviendra pas si on avait pris notre
médicament à 22 heures quand on s'en va se coucher à 23 h
30. On dit: Est-ce que j'ai pris mon médicament? Des fois, on va le
doubler parce qu'on ne s'en souviendra pas. Cela arrive, ça. Pourtant,
on se considère comme normal.
Au point de vue des achats, c'est encore pareil. Ces gens-là vont
apprendre, vont avoir une éducation. Ce qui manque, et vous le citez
dans votre mémoire, c'est le soutien, le suivi de ces gens-là
lorsqu'ils sont rendus dans des endroits comme ça. Des centres de jour,
il faut leur montrer le chemin pour y aller. Si personne n'est là pour
les conduire, les appeler de temps en temps et dire: Viens, on t'attend...
C'est certain que ce que vous apportez comme argumentation, j'y crois,
ça n'a plus de sens.
Ce que j'aimerais de la part des syndicats... Vous êtes tous
sensibilisés comme travailleurs, peut-être encore plus que
d'autres, à la santé mentale. Je me serais attendu qu'il y ait
des ouvertures chez vous là-dessus, qu'on puisse s'asseoir avec les
intéressés autour d'une table, autour des
bénéficiaires, des patrons, des parents qui s'occupent de ces
gens-là. Vous avez un droit de vivre, je ne le conteste pas, vous avez
droit à la sécurité, vous aussi, ça fait partie de
la vie, ça fait partie de votre bien-être mental. Vous avez
à vous en occuper, vous aussi.
En 1985, quand on voit l'évolution mondiale en Angleterre, en
Italie, en France, dans une partie des États-Unis... On nous citait, je
pense, le cas du Massachusetts où on est très très
avancé là-dedans. Je pense que, comme centrale syndicale, surtout
comme syndicat individuel, vous connaissez votre milieu comme il faut, ce n'est
pas le temps, sur le dos de ces malades... C'est le temps, je pense, de leur
donner une chance et de
vous donner une chance, vous autres aussi, de vous assurer que, demain
matin, vous aurez de l'ouvrage. Souventefois, ce qui arrive, c'est qu'on
propose, à un moment donné, dans les centres... Quand cela fait
dix ou quinze ans qu'une personne est auprès de ces malades, c'est
lourd. Moi, je ne voudrais pas les passer. Cela prend une patience, cela prend
des forces, cela prend...
Une voix: Une santé.
M. Laplante:... une santé énorme pour faire ce que
vous faites. Je vous admire énormément. J'en connais plusieurs
qui travaillent dans ces centres.
On refuse même de l'échange dans les départements.
On refuse d'aller travailler à un moment donné... Vous auriez
besoin d'un peu plus de repos; il y a des départements où vous
travaillez un peu moins fort; vous pouvez vous changer les idées. Mais
on refuse cela. Je dis que c'est une syndicalisa-tion mal placée. Vous
attaquez votre propre santé. Ce qu'il devrait y avoir, ce sont des
échanges. Il y a des travaux plus légers pour que vous soyez
moins en contact avec ces gens-là. Il y a tout cela. On a toute cette
misère-là. Il ne faut pas se le cacher, il faut le dire
ouvertement aussi, de notre part. La plus grande difficulté qu'on va
avoir à ce sujet, c'est d'abord l'argent qui devra être fourni par
le gouvernement pour les services additionnels qu'il va falloir pour ces
gens-là, mais aussi c'est au niveau syndical, et il ne faut pas se le
cacher; entre nous, il faut être francs, mais il faut aussi se
préparer mentalement à affronter ces choses-là, mais
toujours dans l'esprit du pain et du beurre pour vous autres et dans l'esprit
du malade mental qui est là.
Mme Gagnon: II y a une chose avec laquelle je suis d'accord avec
vous. Il n'y a pas de formule. On n'est pas venu donner une formule. On est
venu exprimer un point de vue, le point de vue de personnes qui travaillent
dans ce milieu. Je suis contente que quelqu'un du gouvernement parle de la
santé des personnes qui travaillent dans le réseau, mais
aujourd'hui on n'en parlera pas. On va vous parler de la santé d'autres
personnes avec qui on travaille et pour qui on travaille. Notre propre
santé, on va en parler dans la question du système de
santé et à la négociation provinciale. On n'est pas venu
donner une formule. Au niveau des syndicats, on nous a toujours dit qu'on parle
de nos conditions de travail. Je ne pense pas que, dans le mémoire, il y
ait beaucoup d'allusion à nos conditions de travail. On donne le point
de vue des personnes qui ont vu des exemples et qui ne voudraient pas que cela
se reproduise. Quand vous dites qu'il n'y a pas d'ouverture à la
réinsertion sociale, je pense que c'est faux. Ce qu'on veut, c'est que
ce soit planifié, qu'on nous demande ce qu'on en pense dans la
planification et non pas comment on pourrait modifier la convention pour aller
d'un département à l'autre. Je travaille en institution, comment
pourrais-je faire pour aller aussi à domicile, parce qu'effectivement ma
convention ne le prévoit pas? Mais j'aimerais qu'on me consulte à
l'étape précédente. C'est ce qu'on appelle un plan
organisé, planifié, où on tient compte des
intervenants.
Brièvement, je vais vous parler, au nom des infirmières,
de la question du pain et du beurre. Si les CLSC donnent ces services de
maintien à domicile, on va assister à un transfert d'effectifs
des centres d'accueil vers les CLSC. Nous n'en sommes point historiquement
à notre premier transfert. On était dans les unités
sanitaires. On est allé dans les CLSC. Là, on va partir des
centres d'accueil et on va aller dans les CLSC. À moins que vous ne
disiez que l'objectif soit une réduction d'effectifs si grande, je ne
pense pas que les membres en soient si affectés s'il y a des programmes
sérieux. De plus, chez les infirmières au Québec, il y a
un problème auquel vous allez être confrontés, les gens qui
sont plus près du MAS. Dans trois régions du Québec
actuellement, Montréal, l'Estrie et l'Abitibi, il y a une situation de
pénurie d'infirmières. C'est impossible de recruter des
infirmières. Aujourd'hui, je vous dis que la question du pain et du
beurre n'est pas le leitmotiv, n'est pas la trame de fond du mémoire.
Cela fait assez longtemps... La réforme Castonguay-Nepveu parlait de
l'égalité des professionnels, mais c'est faux en pratique. Les
professionnels qu'on écoute, ce sont les médecins; disons-le.
Nous, on ne nous consulte jamais. C'est ce qu'on dit là-dedans. Nous, ce
qu'on voit: Anne-LeSeigneur, Anne-LeSeigneurl On n'a pas tenu compte de
l'évaluation qui est faite, que le personnel a faite, pour
désinstitutionnaliser. Avant même qu'on ait eu les
résultats de ce que les éducateurs en pensaient, on parlait de
vendre l'édifice et on faisait des démarches en ce sens. (17 h
15)
Vous parliez d'erreur de médicament. Il y a une différence
entre savoir si j'ai pris mon antibiotique à 10 heures et, quand je fais
une gastro-entérite, prendre trois doses de lait de magnésie.
Vous savez, je dis qu'il y a des choses qui ne se comparent pas sur ce
plan-là.
Vous dites: On les tient dépendants. Moi, je l'ai souligné
tantôt, cela reviendra la place des intervenants dans le système
de santé, ce que voulait en faire Castonguay-Nepveu. Quand on fera
l'analyse de cela, quelle place a été faite? Actuellement, avec
les conditions dans lesquelles on travaille depuis 1977, avec les coupures
budgétaires,
je partage votre avis là-dessus. C'est que nos conditions de
travail ne nous permettent pas de maintenir l'autonomie des personnes.
On a d'autres problèmes. On a à la fois des patients
psychiatriques, des patients de soins aigus; on a à la fois, sur les
mêmes unités, des malades chroniques, des malades en soins
prolongés avec des malades de soins aigus. Alors, moi, si j'en ai huit
une journée, comment j'aborde cela? J'ai trois malades chroniques et
cinq patients de soins aigus. Qui est-ce que je privilégie? Alors, il y
a beaucoup de problèmes qui devront être corrigés. On est
d'accord avec la réinsertion sociale planifiée et qui tienne
compte des véritables besoins des gens à qui on s'adresse et non
pas uniquement de l'intérêt des gens qui pensent le
système. Vous autres, vous le pensez. Nous on y travaille. Et il y en a
pour qui on travaille. Et on devrait être là pour ces personnes,
autant les gens qui défendent des intérêts administratifs
que ce que vous appeliez le pain et le beurre tantôt.
M. Laplante: Nous autres, on est confondu en somme entre une
position que vous apportez ici et une autre position qu'on a vécue hier
lors de la présentation du mémoire de Terre des Jeunes du village
de Sainte-Julienne où on a pris des cas profonds du centre hospitalier
Rivière-des-Prairies. C'est certain qu'ils ne nous ont pas mis cela tout
blanc au départ, mais, aujourd'hui, ce sont les jeunes qui sont
là qui fonctionnent et qui ne fonctionnaient pas en institution
malgré tous les ateliers qu'il y avait, malgré toute la
physiothérapie, les loisirs, l'information, l'alimentation, etc. On nous
contait un exemple d'un bonhomme qui ne pouvait même pas accrocher une
chaudière sur un clou. Il n'avait même pas ce sens-là.
Aujourd'hui, on nous dit que c'est leur meilleur travailleur, celui qui se
débrouille le mieux, il est leader. Il ne parlait même pas. C'est
tout cela.
Après cela, vous donnez comme un exemple, justement, une terre
à Saint-André-Avellin, quelque chose de même. Sur cette
terre-là, depuis qu'il y a des jeunes, il n'y a plus rien qui se fait.
Tout est à l'abandon sur la terre. Vous avez pris un cas extrême
pour donner vos exemples. Pourquoi est-ce que le cas de Sainte-Julienne ne
serait-il pas venu là-dedans pour donner l'exemple? Il peut y avoir un
milieu un moment donné qui ne sera pas parfait. C'est difficile à
comprendre quand cela vient d'un milieu syndical. On est peut-être plus
sensible à ces choses lorsqu'on lit des mémoires semblables parce
que cela touche ce qui est plus précieux au monde, la santé
mentale de ces gens. On doit s'en préoccuper, on doit sensibiliser la
population à cela. J'aurais aimé cela, moi, avoir des exemples de
réussite contre des exemples d'échec, savoir pourquoi ils n'ont
pas réussi et pourquoi l'autre a réussi.
Mme Giroux: Au sujet des exemples que vous soulevez où il
y a eu de la réussite, je pense qu'il y a eu là une
préoccupation majeure d'allouer des ressources et de mettre du personnel
disponible pour ces jeunes ou pour les déficients mentaux qui ont eu des
réussites de façon à assurer un fonctionnement et un
cheminement adéquats. Vous dites, à un moment donné: Quand
on lit rapidement votre mémoire, on a l'impression que vous êtes
contre et, quand on le relit, on a l'impression qu'il y a une lueur d'espoir,
que vous êtes pour. Effectivement, le principe de la
désinstitutionnalisa-tion, ce n'est pas un principe auquel on s'oppose,
sauf qu'il y a des préalables importants à établir
concernant les services. Vous dites qu'on ne vous dit pas quoi faire, comment
le faire, quelles sont les étapes qu'on devrait passer. Entre autres -
Lucie l'a soulevé - une politique globale, une analyse, une
évaluation qui se fait à la sous-commission et qui amène,
à un moment donné, des politiques gouvernementales
là-dessus, par la suite, des plans d'application dans les régions
et, pour chacun des individus, des plans de services qui prévoient des
ressources, une mise en place de la désinstitutionnalisation pour chacun
des individus et un suivi, je pense que cela ne pourra en arriver qu'à
des succès. Toutefois, on se rend compte que, dans l'application...
C'est vrai qu'on soulève peut-être les problèmes, mais
c'est à partir de cela qu'on se dit: Arrêtez! Il va y en avoir de
plus en plus des problèmes. Prenons le temps de faire les choses
étape par étape. C'est vrai que cela va peut-être
être plus long. On n'a qu'à se souvenir du phénomène
inverse où on mettait tout le monde en institution. Est-ce qu'on a
réglé les problèmes? Est-ce qu'on les a tous
réglés? Ce n'est pas vrai. Est-ce qu'on va partir dans le sens
inverse sans faire une analyse, sans évaluer, sans mettre en place des
plans d'organisation, des plans de services et les ressources? Vous dites: Vous
n'êtes pas détachés du pain et du beurre. C'est
évident qu'on n'est pas détachés du pain et du beurre,
mais je vous dis, par exemple, que les principes qui sont sous-tendus dans
cela, s'ils sont acceptés, ne nous créent aucun problème
pour ce qui est du pain et du beurre parce qu'on est des ressources importantes
pour ces gens pour la désinstitutionnalisation.
Donc, la question ne se pose pas là, elle se pose au sujet de la
qualité des services. Je pense que c'est là qu'il faut le voir et
il faut que les exemples de désinstitutionnalisation qu'on vit nous
amènent à démontrer qu'il y a des étapes qui sont
sautées. On n'a pas assez de prudence, on n'a pas assez de
préoccupation
face à la mise en place de cela. On a l'hôpital
Robert-Giffard, à un moment donné, qui a eu une mécanique
de mise en place beaucoup plus établie, beaucoup plus par étapes.
Il y a des résultats beaucoup plus intéressants aussi. Je pense
qu'on a à tenir compte de cela. Il y a des résultats qui ne sont
pas intéressants, mais il y en a qui sont intéressants. Alors, je
pense qu'il faut tenir compte de cela. On ne veut pas nier cela, sauf qu'il
faut faire les choses par étapes, surtout avec ces gens. Je pense qu'ils
n'ont jamais eu de services adéquats et je pense que, comme gouvernement
et comme organisation syndicale, on n'a pas le droit de ne pas faire les
efforts qui vont faire qu'on ne manquera pas notre coup.
M. Laplante: Je vous remercie beaucoup, vous avez dit justement
ce que je voulais entendre. Si votre mémoire ne nous était pas
parvenu, il aurait fallu le quémander, parce qu'il nous en fallait un
mémoire de même. Je vous remercie.
M. Beauregard: Je voudrais apporter aussi quelques
précisions. Possiblement qu'il y a eu une interprétation, je ne
dirais pas erronée, mais peut-être que cela manquait de
clarté lorsque vous parliez du Domaine Carillon. Je voudrais simplement
préciser qu'avant 1983 il y avait une ferme qui fonctionnait très
bien, il y avait des vergers et des cabanes à sucre. Après 1983,
on a décidé... C'était cela la vie institutionnelle, qu'on
pouvait appeler institutionnelle au Domaine Carillon, c'est que les gens
travaillaient. Dans ce que vous trouvez à l'annexe concernant
Contrefort, à la page 4, c'est comme cela qu'ils vivaient, sauf
qu'à partir du moment où on en a désinstitutionnaliser on
a pris les gens, on les a sortis d'où ils étaient. Cela a l'air
un petit peu paradisiaque de la manière dont c'est décrit, mais
on les a sortis de ce milieu et on les a intégrés dans un milieu
résidentiel sans envisager des facettes comme le travail, comme les
loisirs. C'est peut-être une erreur qu'il y a eu là, mais je
voudrais préciser cela. Vous m'avez tendu la perche également
pour d'autres choses. Vous aviez dit tantôt qu'il faudrait
peut-être s'asseoir avec les patrons et qu'on discute. Je trouve
intéressant que vous disiez cela parce que, dans un des centres qui sont
mentionnés là-bas, les syndicats, justement, les travailleuses et
les travailleurs ne demandent pas mieux que de s'asseoir, de discuter, de
négocier et d'être consultés. Je ne voudrais pas faire une
charge virulente contre certaines administrations, mais il semble que beaucoup
d'administrateurs confondent la consultation avec ce qu'on pourrait appeler
l'information, c'est-à-dire qu'on se contentait de dire aux gens:
Écoutez, on va faire, cela, cela, cela... Pour eux, c'était une
forme de consultation, pour nous ce n'en est pas. Alors, dans un contexte,
comme vous disiez, où les gens pourraient s'asseoir comme des
partenaires et discuter de cela, je pense que les syndicats,
éventuellement, pourraient manifester un certain intérêt
dans la mesure également où ils sont protégés,
naturellement. Il y a des choses assez spéciales qui se sont
passées également. Comme vous le disiez tantôt, il y a des
choses probablement positives qui vous ont été
présentées, mais je pense qu'on pourrait peut-être appeler
ce qu'on vous décrit l'envers de la médaille. Comme solution
à l'intégration, il ne faudrait peut-être pas penser
à une intégration résidentielle, comme on se contente de
faire dans plusieurs milieux. Je ne dis pas dans tous, mais dans plusieurs
milieux, on se contente de sortir les gens des institutions et de les placer
dans des appartements. Il faudrait peut-être penser également au
travail et à leurs loisirs. Je pense que ce sont des carences. Ce qui
arrive actuellement, c'est que le jeune qui est sorti d'une institution, qui
est intégré - non pas dans un foyer de groupe parce que ce ne
sont pas des foyers - dans un appartement supervisé ou surveillé
est laissé devant un vide de services. Assez souvent, c'est
dramatique.
L'exemple de Contrefort a été expliqué là.
C'est un peu cela qui s'est produit au Contrefort. Les gens qui ont vu arriver
cela, je les rencontre fréquemment, nous témoignent de leur
insatisfaction devant l'espèce de mépris auquel ils ont à
faire face lorsqu'ils veulent faire certaines suggestions pour améliorer
leur sort. Non, c'est comme cela que cela se passe, et pas autrement. Dans ces
conditions, c'est très difficile d'établir une discussion saine
et franche dans l'intérêt de tous. Je peux vous assurer que les
travailleuses et les travailleurs des centres d'accueil et même à
l'externe sont tout à fait disposés à participer à
une véritable consultation et à amener des solutions.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense aussi qu'on n'a
pas eu le temps de souligner, dans votre mémoire, des observations qui
sont justes, par exemple quand vous dites: On n'a pas de données
très précises. Nous-mêmes, je ne sais pas comment on va
finir par en trouver qui soient le plus adéquates possible pour essayer
de quantifier cela et de savoir ce que cela peut demander en ressources, etc.
Je pense que c'est exact. Quand vous avez parlé de la résistance
du milieu, tout le monde en a parlé et nous aussi. Ce matin, on a eu un
témoignage assez intéressant, calme d'un milieu, d'une petite
ville où on disait, justement, que trop c'était trop, et qu'ils
n'étaient plus capables, etc. Je pense que cela a aussi
été une réalité pour nous. Vous parlez de plusieurs
autres et vous dites qu'il faut planifier ces
choses. Dans ce sens, je pense qu'on est sur la même longueur
d'onde, mais, d'un autre côté, je voulais aussi vraiment
vérifier si vous étiez quand même prêts à
faire ce cheminement dans des conditions raisonnables et prometteuses.
J'ai une dernière question concrète. Hier, on est venu
nous affirmer que - c'est parce que madame, tout à l'heure, a dit le
contraire - les enfants, enfin, les jeunes adultes ne sont pas sortis ou qu'on
ne décide pas de les réintégrer dans la
société avant qu'il y ait eu une évaluation
complète à partir de certains critères, j'imagine. Vous
avez affirmé un peu le contraire tantôt en disant qu'on
déplaçait ces personnes avant que les évaluations aient
été faites ou terminées. Je trouve que c'est important. Je
voudrais savoir... On n'est pas des juges, ici, mais quand même, si cela
se passe ainsi, je pense que c'est inacceptable. Par contre, est-ce qu'il faut
s'entendre sur ce qu'est une évaluation? On ne sait peut-être
même pas ce qu'est une évaluation aussi; il y a peut-être de
cela.
M. Beauregard: Je peux me contenter de vous donner un exemple,
à l'endroit où je travaille. Je pense que je pourrais facilement
vous amener au-delà de 150 témoins qui pourraient vous dire la
même chose que moi, à savoir qu'on a effectivement
décidé de la vente de l'établissement, du centre
d'accueil, avant même qu'on ait terminé les évaluations des
jeunes pour savoir s'ils étaient aptes à sortir ou non. Cela, je
vous le garantis.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'ils ont
été sortis avant que l'évaluation soit
terminée?
M. Beauregard: Je ne peux pas vous l'affirmer, mais on a quand
même décidé du principe de les sortir tous; le principe
était décidé. La mise en marche du processus de vente de
l'établissement était déjà amorcée avant
même que les évaluations des jeunes aient été
terminées.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux); Est-ce que, à ce
moment-là, on n'aurait pas pu aussi décider d'en tranférer
dans une autre institution?
M. Beauregard: Ce n'étaient pas des éléments
qui étaient en débat à ce moment-là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas, de toute
façon...
Mme Gagnon: II y avait aussi un grand écart entre
l'évaluation de l'administration et celle du personnel sur le nombre qui
pouvait effectivement être désinstitutionnalisé.
Là-dessus, cela ne correspondait pas, il n'y avait pas
d'évaluation commune qui était faite. (17 h 30)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie beaucoup
et je pense que votre mémoire nous sera très utile dans nos
réflexions. On va appeler le dernier groupe -parce qu'on a
déjà du retard - qui est formé de l'Association canadienne
pour la santé mentale, division du Québec, et de l'Association
canadienne pour la santé mentale, filiale de Québec. Bonjour, M.
le président, si vous voulez présenter vos collègues.
Association canadienne pour la
santé mentale, division du
Québec
et filiale de Québec
M. Lortie (Gilles): D'abord, l'Association canadienne pour la
santé mentale tient à vous remercier de l'avoir conviée
à présenter son mémoire sur la distribution des services
de soutien et de réinsertion sociale aux personnes atteintes de maladies
mentales.
Immédiatement à ma gauche, Mme Christine Berryman,
diplômée en service social et directrice exécutive de la
filiale de Québec de l'Association canadienne pour la santé
mentale. À mon extrême droite, Mme Lucette Côté,
bénévole par excellence, ex-présidente de la division du
Québec de l'Association canadienne pour la santé mentale,
présidente de la filiale de Québec et membre du conseil
d'administration national. Nous sommes heureux qu'elle ait choisi l'association
pour déverser son trop plein d'énergie et ses capacités de
travail.
Immédiatement à ma droite, Mme Mireille Doré,
infirmière psychiatrique et administratrice, qui est conseillère
à la direction de la programmation du conseil régional de
Montréal; elle a été autrefois coordonnatrice aux
commissions administratives en psychiatrie dans les centres des conseils
régionaux de Montréal et de la Montérégie; elle est
présidente du comité scientifique de la division du Québec
de l'Association canadienne pour la santé mentale. À mon
extrême gauche, M. Paul-Marcel Gélinas, travailleur social et
directeur général de la division du Québec pour la
santé mentale. Quant à moi, je suis Gilles Lortie, psychiatre et
président de la division du Québec de l'Association canadienne
pour la santé mentale.
Notre organisme est voué à la protection du malade mental
et de ses droits et privilèges, où qu'il soit dans le
système de distribution de soins. Il est aussi voué à la
prévention de la maladie mentale, en préconisant toutes les
pratiques qui favorisent le maintien de la santé mentale dans la
population. À cette fin, plusieurs programmes sont mis de l'avant et
implantés dans la population par l'intermédiaire des filiales qui
oeuvrent sur des territoires plus restreints de la province.
La division du Québec fait partie d'une association nationale qui
a les mêmes buts. Dans le domaine de la protection des droits et
privilèges du malade mental, l'association nationale a fait des
études marquantes au début des années soixante, dont est
sorti un document intitulé "Au service de l'esprit", qui fait
autorité encore aujourd'hui. Ses récents travaux sur la maladie
mentale et le monde du travail font aussi autorité.
Au Québec, la division de l'Association canadienne pour la
santé mentale a fait autrefois des recherches qui ont contribué
à l'établissement en 1962 de la Commission des services
psychiatriques. Depuis, elle n'a cessé de s'intéresser et de
surveiller les modes de distribution de soins psychiatriques dans la province.
Les mémoires que vous avez reçus de notre part et de la part de
la filiale donnent un reflet de cette préoccupation. Je vais demander
à Mme Mireille Doré de vous lire un résumé des deux
mémoires que vous avez déjà reçus.
Mme Doré (Mireille): Comme le Dr Lortie vient de le
mentionner, vous avez reçu de l'association certains documents et nous
vous en soumettons un autre aujourd'hui qui est le résumé de
notre allocution, justement pour éviter de reprendre tous les documents;
cela reprend les éléments essentiels de ces documents.
Mme la Présidente, si vous souhaitiez que des copies soient
distribuées aux observateurs, nous en avons encore. D'accord?
Comme introduction, on commence en disant que présenter un avis
sur les services de soutien des personnes atteintes de troubles mentaux nous
conduit très rapidement à reconnaître que la distribution
actuelle des services de santé mentale, malgré ses tentatives
d'évolution, est loin d'offrir une réponse satisfaisante et
adéquate aux besoins.
La mission de notre association, comme l'a mentionné le Dr
Lortie, étant de promouvoir la santé mentale et de
défendre les droits des personnes atteintes de troubles mentaux, il est
au coeur de nos préoccupations que les citoyens québécois
bénéficient d'un système de services de santé
mentale qui corresponde à l'évolution de notre
société et de ses valeurs et offre une réelle
réponse appropriée aux besoins dans le respect de la
dignité des personnes et du droit à une qualité de
vie.
L'association considère urgent que le gouvernement pose des
gestes concrets, dont le premier devrait être l'adoption d'une politique
de santé mentale, si nous voulons que les nombreuses réflexions
et débats qui ont eu cours durant les dernières années se
traduisent maintenant par une amélioration réelle des conditions
de vie des personnes qui présentent des problèmes d'ordre
psychiatri- que.
Alors, avant de vous présenter notre orientation sur les services
de soutien, nous allons faire un apparté sur une politique de
santé mentale, très brièvement.
Lors du colloque de l'Association des hôpitaux du Québec en
mars 1985, le sous-ministre à la santé et aux services sociaux,
M. Jean-Claude Deschênes, mentionnait la difficulté que comporte
l'élaboration d'une politique en santé mentale. Soyez certain que
nous n'en doutons pas. Néanmoins, il y a des priorités qui
ressortent de façon tellement évidente et la documentation est
tellement riche de concepts et d'expériences que nous sommes convaincus
que le Québec pourrait, s'il le veut, apporter à brève
échéance des améliorations significatives et
amorçer un changement profond du système actuel de dispensation
des services. Des choix devront être faits et des priorités
établies. On est bien conscient que tout ne peut pas se faire en
même temps dans l'année qui vient. Alors, c'est le sens de notre
propos que nous allons illustrer en vous présentant l'orientation qu'on
préconise, un bref rappel du contexte actuel, les besoins, les
programmes et les services requis dans la communauté, les obstacles au
développement des services dans la communauté, parce qu'il y en
a, et les prérequis essentiels au changement qu'on propose.
Alors, l'orientation que l'on préconise. Il nous apparaît
essentiel que le Québec mette tout en oeuvre afin de développer
des services qui favorisent de façon maximale le maintien et le retour
dans leur milieu des personnes atteintes de troubles mentaux. Pour atteindre ce
résultat, un virage doit s'effectuer dans notre mode de dispensation de
programmes et de services en santé mentale ainsi que dans les attitudes,
les habitudes et les mentalités. Ce virage doit reposer sur une approche
individuelle des personnes en besoin d'aide et une vue globale et
intégrée de l'organisation des programmes et des services. Ce
virage doit aussi s'inscrire dans le cadre d'une planification rigoureuse, avec
des étapes précises et un échancier de réalisation.
Ce virage doit enfin faire appel à une collaboration étroite du
gouvernement, des conseils régionaux, des établissements et des
organismes communautaires tout au long du processus de planification et de
réalisation.
Vous remarquerez que dans ma présentation je parlerai
plutôt du gouvernement que du ministère de la santé et des
services sociaux parce que, à notre avis, une politique vraiment
d'intégration sociale implique plus d'un ministère.
Évidemment, le premier concerné est probablement le
ministère de la santé et des services sociaux, mais aussi le
ministère de l'Éducation, le ministère du Loisir, le
ministère du Travail et aussi les municipalités.
Alors, dans cette perspective, il nous apparaît essentiel de
considérer, en plus de la prévention tertiaire qui fait l'objet
de la présente consultation, le développement des programmes
relatifs à la prévention primaire et secondaire. Pour une
meilleure compréhension, nous précisons ce que nous entendons par
ces trois niveaux de prévention. Alors, la prévention primaire
comporte des mesures qui ont pour but de promouvoir la santé mentale par
des programmes d'information, d'éducation, de développement
social et d'animation communautaire ainsi que de prévenir l'apparition
de troubles mentaux par de l'intervention auprès des groupes à
risque et encore de l'information, de l'éducation, du dépistage
et enfin, de la recherche sur les causes des maladies mentales. Il nous est
facile de constater que ce secteur est complètement
délaissé à l'heure actuelle au Québec.
Quant à la prévention secondaire, elle comporte des
mesures qui ont pour but, lorsque les problèmes ou la maladie sont
présents, d'éviter leur aggravation et de diminuer leur
durée. Il est pour cela primordial de faire un dépistage
précoce et d'intervenir rapidement. Vous comprendrez que les attentes de
six mois que l'on connaît actuellement pour des services
spécialisés en clinique externe sont tout à fait
inadmissibles. Il faut donc avoir des services facilement accessibles pour que
soit faite le plus rapidement possible une bonne évaluation et que soit
élaboré un plan d'intervention qui correspond aux besoins
spécifiques de la personne. Ce plan d'intervention pourrait comporter du
traitement, de l'aide à domicile, des activités dans un milieu de
jour, en milieu de soir, etc.
Au niveau de la prévention secondaire pour les adultes, le
système actuel de services offre, pour l'évaluation, les urgences
des hôpitaux et, pour l'intervention, des services soit en clinique
externe, soit une hospitalisation. Tenant compte de l'absence de services de
soutien adéquats dans la communauté, on réfère dans
50 % des cas à l'hospitalisation.
Le CLSC nous paraîtrait le lieu le plus pertinent et le plus
approprié pour faire ces interventions qu'on qualifie de première
ligne. En conséquence, l'association recommande que des équipes
de santé mentale soient implantées dans les CLSC dans les plus
brefs délais possible et pas seulement pour couvrir les fins de semaine,
comme l'autre groupe l'a mentionné précédemment.
On a parlé de prévention primaire et secondaire. Parlons
de prévention tertiaire maintenant. La prévention tertiaire
comporte des programmes de services qui visent à aider les personnes
à se réadapter, à maintenir leurs acquisitions, à
apprendre à vivre avec leurs limites et, enfin, à
développer leur potentiel. Ce niveau d'intervention est l'objet
principal de votre consultation. Par conséquent, tout le reste de la
présentation va s'attarder plutôt à ce niveau et on va vous
présenter: orientation, programmes, services, obstacles et
prérequis.
Le contexte actuel. On ne peut, à l'heure actuelle, dire qu'il
existe au Québec un système de services de soutien et de
réinsertion sociale pour les personnes atteintes de troubles mentaux. Il
en existe dans d'autres secteurs au niveau de la déficience mentale et
des handicapés physiques, mais très peu au niveau des troubles
mentaux. Ce sont des expériences vraiment isolées.
L'organisation actuelle des services de santé mentale va à
l'encontre du principe de l'approche globale qui voudrait considérer
l'individu dans son ensemble, tout en répondant aux besoins d'aide qui
lui sont spécifiques. Vous en avez eu, je crois, de nombreux exemples
depuis le début de la consultation. Au Québec, nous avons encore
le modèle traitement-hébergement. Les groupes d'entraide
commencent à émerger. La notion de réadaptation, quoique
présente dans l'esprit de plusieurs, ne trouve actuellement aucune
assise juridique en ce qui concerne les personnes aux prises avec des
problèmes psychiatriques. Il n'existe, en effet, aucun centre d'accueil
de réadaptation pour ces personnes, si ce n'est quelques places dans les
centres hospitaliers psychiatriques.
Au cours des dernières années, diverses tentatives de
développement de services de soutien et d'intégration sociale ont
été faites. L'ambiguïté de la situation, l'absence de
réglementation et le silence même de la réglementation
è ce sujet ont prêté à toutes les luttes
idéologiques et de pouvoir possibles, ce qui fait qu'en 1985 l'absence
de services de réadaptation, de soutien et d'intégration sociale
perdure.
En plus de ne pas offrir la diversité des services requis, le
système actuel offre des programmes fragmentés, insatisfaisants,
discontinus qui favorisent l'isolement, qui sont autoritaires, qui ne
permettent pas la participation de l'intéressé et qui sont
stigmatisants. On pourra peut-être mieux identifier dans le reste de la
présentation ce que signifient ces termes, ou bien on y reviendra au
moment des questions.
Les besoins. Nous n'insisterons pas, aujourd'hui, sur l'acuité
quantitative des troubles mentaux au Québec et la montée
alarmante de certains problèmes, comme le suicide chez les jeunes,
puisque cette question a été clairement décrite dans
certains documents. On pense, entre autres, aux documents produits par le
Conseil des affaires sociales et de la famille, "Des problèmes
prioritaires" et "Objectifs-Santé". Nous allons plutôt nous
attarder à faire un portrait type de la personne aux prises avec
des problèmes d'ordre psychiatrique, afin de mieux comprendre et
saisir la nature de ses besoins.
Le groupe d'âge qui nous semble subir de façon la plus
dramatique l'absence de services dans la communauté sont les adultes
entre 18 et 40 ans. Ce sont les enfants du "baby-boom" qui représentent
une couche importante de notre société. C'est assez
compréhensible qu'ils soient en nombre plus important.
Ils sont entrés dans le système de services il y a 15 ou
20 ans au moment où "les fous avaient déjà crié au
secours". On sortait les malades des asiles sans avoir planifié des
solutions de rechange valables. Leurs caractéristiques sont
principalement les suivantes. Ils sont, pour la plupart, peu scolarisés
ou bien ils ont évolué dans des polyvalentes avec un nombre
d'étudiants très important et ont "droppé", à un
moment donné. Ils ont des problèmes de travail. Lorsqu'ils
travaillent, ils ont souvent des tâches aberrantes. Ils sont
isolés. Les liens avec la famille et le milieu sont plus souvent rompus.
Ils ont des problèmes de comportement. Ils ont parfois peu de
contrôle de leurs pulsions. Ils sont par conséquent victimes
d'abus sexuels ou bien ils commettent des délits et se retrouvent dans
le réseau de la justice; ce qui est un problème, je pense, qui a
été souligné à quelques reprises au Québec
et qui est assez important. (17 h 45)
Ils ont de la difficulté à réaliser des
tâches quotidiennes. Ils ont de la difficulté à
gérer leur budget - ce n'est déjà pas facile 450 $ par
mois - et se retrouvent très souvent au milieu du mois sans argent de
poche et devant la nécessité de recourir à l'institution
pour trouver gîte et couvert.
Enfin, ils vivent en marge de l'institution, en marge de la
société, en marge de leur famille et nous n'avons pratiquement
rien à leur offrir. L'hospitalisation n'est pas requise. Le suivi en
clinique externe, et davantage le suivi médical, il est insuffisant pour
leur permettre une réelle réadaptation. L'hébergement en
famille d'accueil ou en pavillon est un milieu trop protégé dans
lequel ils sont incapables d'évoluer.
Quels sont leurs besoins? Ils ont des besoins comme la plupart des gens,
comme tous les citoyens, des besoins physiques: se loger, se nourrir, se
vêtir. Des besoins affectifs: avoir des relations interpersonnelles et
avoir des sentiments d'appartenance. Des besoins de formation, des besoins de
se réaliser par le travail, des besoins de loisir et, enfin, le besoin
qu'on les respecte dans leur rythme d'évolution et qu'on leur laisse le
temps d'élaborer leur stratégie de relation avec les autres et
les périodes de paix qui leur sont nécessaires.
Les services de soutien et d'intégration sociale qui seront mis
en place pour aider les personnes à répondre à leurs
besoins doivent couvrir l'ensemble de ces besoins et non qu'une partie comme,
par exemple, le logement. On les loge et ils sont
réinsérés. C'est nettement insuffisant.
Il est important de souligner que nous avons mis l'accent sur le groupe
des adultes de 18 à 40 ans parce qu'il nous semble prioritaire et nous
insistons sur le fait que ce groupe de personnes sera le groupe qu'on va
retrouver comme personnes âgées d'ici quelques années, dans
20 ans, et que, si on ne prend pas dès maintenant des mesures
d'intégration sociale, les problèmes seront doublement accrus
parce que leurs problèmes psychiatriques seront encore
amplifiés.
Cependant, notre préoccupation rejoint l'ensemble des personnes
atteintes de troubles mentaux et qui vivent dans la communauté ainsi que
ceux qui vivent dans les ressources institutionnelles et qui pourraient et
voudraient vivre dans la communauté.
Les programmes et les services requis dans la communauté. Pour
offrir une qualité de vie décente ainsi qu'une réponse
réelle et adéquate aux personnes atteintes de troubles mentaux,
il faudrait créer et maintenir un système de services qui offre
des garanties. Premièrement, des garanties quant aux principes qui y
seraient appliqués et, deuxièmement, quant à la
diversité des services offerts.
Quelles seraient les garanties quant aux principes? Premièrement,
une réponse rapide au besoin d'aide. Dès que la personne ou
quelqu'un de son entourage exprime un besoin qui fait appel à une
intervention relative au système de services de santé mentale,
nous devrions être en mesure de réagir immédiatement et de
mettre à la disposition de la personne les ressources et les services
dont elle a besoin. C'est un principe fondamental. Il y a neuf principes.
Deuxièmement, un plan de services individualisés. La
planification, l'organisation, la coordination et la prestation des services de
soutien sont en fonction des besoins spécifiques de
l'intéressé. La personne participe à l'évaluation
de ses besoins et à l'élaboration de son plan de services.
Actuellement, aucun mécanisme n'est prévu quant à
l'élaboration et à la coordination des plans de services pour les
personnes atteintes de troubles mentaux.
Le troisième principe, un système intégré de
services. Le système devrait répondre à l'ensemble des
besoins d'aide de la personne en lui offrant une gamme de services
diversifiés et en lui assurant le genre et le degré de soutien
nécessaire, quel que soit son âge ou la gravité de son
état.
Quatrièmement, une orientation qui vise l'intégration
sociale. La personne doit pouvoir participer à la vie communautaire dans
la
mesure du possible et selon son rythme d'évolution. Les
ressources du milieu sont toujours les premières examinées et
considérées. Ce n'est que face à une incapacité
totale de la personne à bénéficier des activités
communautaires que l'on offrira une solution de rechange. Cette solution devra
être réexaminée périodiquement. Ce principe doit
devenir une conviction pour les intervenants et leur attitude doit en
être imprégnée. Quelques exemples è l'appui de ce
principe: loisirs, travail, logement - on pourra le reprendre tantôt -
mais, dans une attitude traditionnelle au niveau du loisir, on va organiser
tous les loisirs, on peut même jusqu'à aller faire construire une
piscine dans un hôpital ou on réserve des heures à une
piscine municipale pour amener le groupe. C'est l'approche traditionnelle qui
ne permet pas l'intégration sociale. Dans une approche
d'intégration sociale, on apprend à l'individu à se rendre
à la piscine, à s'inscrire, à choisir ses compagnons qui
peuvent l'accompagner dans ses loisirs, etc. Pour la même
activité, c'est au niveau de l'approche que cela devient tout à
fait différent.
Un autre principe, une souplesse et une adaptation facile des loisirs
aux besoins de la personne. Les services doivent être ajustés de
façon qu'ils continuent a répondre aux besoins de la personne au
fur et à mesure de son évolution. Pour les personnes atteintes de
troubles mentaux, cet ajustement, cette souplesse est encore plus
nécessaire que ce qu'on peut retrouver, par exemple, au niveau de la
déficience mentale. Au niveau de la déficience mentale,
l'évolution est, jusqu'à un certain point, prévisible.
Après une étape, c'est une autre. Au niveau des personnes
atteintes de troubles mentaux, à cause de la présence de la
maladie, on peut osciller continuellement entre évolution,
régression, hospitalisation; la personne revient dans le milieu, elle
s'intègre au travail, elle a besoin d'un répit. C'est pour cela
qu'il est essentiel, si on veut vraiment faire une intégration sociale,
de s'ajuster à ce rythme d'évolution de l'individu. Ce principe,
vous le comprendrez, implique un changement profond de l'attitude des
administrateurs et "décideurs", parce qu'il exige une souplesse
continuelle de l'organisation des ressources. Ce principe fait aussi appel au
respect dans le développement des services, des couleurs et des
particularités régionales, surrégionales et de quartier.
Pour répondre à un même type de besoins, les moyens peuvent
être très différents selon qu'ils sont offerts dans tel ou
tel milieu, par exemple Montréal ou Amos, et à une personne qui a
telle ou telle culture.
Un autre principe, une attitude des "aidants" qui favorise l'utilisation
maximale du potentiel de la personne. Le traitement de la maladie devient un
des moyens d'aider la personne et non une fin. Il faut constamment inciter la
personne à acquérir les connaissances et les aptitudes
nécessaires pour vivre, travailler et fonctionner dans la
communauté. Par ailleurs, il faut éviter que cette personne, par
une trop grande pression que l'on pourrait mettre à un moment
donné, ait à vivre des échecs. Alors, cela implique le
respect de ses capacités et de son mode de fonctionnement.
Un autre des principes: une approche valorisante. Aucun effort ne doit
être épargné pour présenter les personnes atteintes
de troubles mentaux de façon positive et valorisante. Ce sont des
individus è part entière, avec leurs forces et leurs faiblesses.
Ils ne sont pas une maladie.
Un autre élément: la protection de leurs droits. Nous
devons veiller à ce que les droits et les intérêts des
citoyens atteints de troubles mentaux puissent être défendus par
une personne substitut lorsqu'ils ne sont pas en mesure de le faire
eux-mêmes. Les personnes substituts sont habituellement regroupées
au sein d'un organisme communautaire indépendant, par exemple une
corporation pour le parrainage civique.
Enfin, dernier élément: une répartition
adéquate des ressources. Quand on développe des ressources dans
la communauté, on ne développe pas des ressources qui comportent
une concentration importante de personnes avec des troubles mentaux, comme 15
ou 20 personnes dans une même ressource. De plus, on répartit les
ressources de façon à ne saturer aucun quartier. Autrement on
stigmatise les personnes, on engendre la réticence des citoyens du
quartier, on rend toute intégration sociale impossible, on vient de
reproduire l'institution dans la communauté.
Nous venons de présenter les garanties quant aux principes; nous
allons maintenant présenter certaines garanties nécessaires quant
à la diversité des services à offir en ce sens que, si on
développe seulement un type de services, on est aussi bien de se dire
que l'intégration sociale, d'abord, on ne répondra pas aux
besoins de l'individu et on ne la réussira pas.
Chaque sous-région devrait posséder une gamme de services
diversifiés et constituée de programmes de traitement, de
réadaptation et d'intégration sociale qui respectent les
particularités du milieu. Ce sont des services de traitement qui
permettent à la personne de demeurer dans son milieu de vie. Si on a
recours à l'hospitalisation, que les soins soient donnés dans une
perspective de réadaptation et de retour le plus rapidement possible
dans le milieu naturel.
D'autres services à développer sont les ressources
résidentielles pour l'acquisition des habitudes de base de la vie
quotidienne et ce sont, selon les besoins de la personne, des résidences
de groupes, des maisons de transition, des appartements supervisés,
des
communes thérapeutiques, etc., des milieux de jour et de soir
pour des programmes d'adaptation sociale, des programmes de formation avec la
collaboration du ministère de l'Éducation, des programmes
d'intégration au travail comme un centre de main-d'oeuvre
spécialisé, plateau de travail, atelier d'apprentissage aux
habitudes de travail, atelier de production, bénévolat - on
inclut "bénévolat" parce que ce sont des activités
auxquelles peuvent s'adonner les personnes qui ont des troubles mentaux -
soutien à domicile, service d'entraide, service de protection des droits
et des intérêts, service de soutien en situation de crise soit par
une équipe d'intervention à domicile, soit par une ressource
communautaire lorsqu'un retrait du milieu naturel est nécessaire.
Ayant parlé maintenant des services à développer,
des principes qui les sous-tendent, nous croyons qu'il est aussi
nécessaire de souligner qu'il y a une diminution de services à
réaliser. Nous pensons principalement au nombre de places dans les
hôpitaux psychiatriques. Selon une étude réalisée
par le Massachusetts Mental Health Centre et le Harvard Medical School, la
norme de 15 lits par 100 000 habitants pour les soins de longue durée
constitue une moyenne. Cette norme comprend le besoin en ressources de longue
durée psychiatriques pour les personnes âgées et les
déficients mentaux ayant des troubles sérieux de comportement. Si
nous appliquons cette norme à Montréal, nous obtiendrions le
résultat suivant: un besoin de 300 lits plutôt que d'environ 3600
lits, comme c'est le cas actuellement.
Néanmoins, l'adoption d'une orientation qui préconiserait
la diminution des places dans les hôpitaux psychiatriques devrait
nécessairement être associée à l'implantation de
ressources communautaires adéquates ainsi qu'à une planification
rigoureuse qui tienne compte à la fois des ressources humaines
impliquées et des personnes qui bénéficient de ces
services.
Les obstables au développement des services dans la
communauté. Il existe, c'est bien évident, des obstacles au
développement des services dans la communauté. Nous mentionnerons
ceux qui nous semblent les plus évidents et nous allons suggérer
certains moyens pour les atténuer, sinon les éliminer. Un des
obstacles, évidemment, c'est la résistance de la population.
Parmi les moyens, on retrouve l'information, la sensibilisation, l'implication
de la communauté dans le développement des ressources, un choix
judicieux du quartier et un nombre limité de personnes avec des
problèmes mentaux ou des handicaps dans un même quartier,
c'est-à-dire, que si vous avez déjà beaucoup de ressources
communautaires pour des déficients mentaux, vous n'irez pas, même
si c'était la ressource unique pour les personnes ayant des troubles
mentaux, l'associer à cette ressource qui est déjà
installée.
Un autre obstacle, c'est l'absence d'orientation claire du gouvernement
et le moyen, c'est l'adoption d'une politique de la santé mentale pour
le Québec. Un autre obstacle, c'est au niveau législatif. La loi
est silencieuse sur les services de réadaptation, de soutien et
d'intégration sociale pour les personnes atteintes de troubles mentaux.
La catégorie centre d'accueil de réadaptation n'existe pas pour
ces personnes. Quant à la Loi sur la protection du malade mental, elle
est insatisfaisante. Alors, nous demandons la révision des lois et des
règlements.
Un autre des obstacles, c'est la politique du ministère de la
santé et des services sociaux qui fait que la rémunération
des cadres est basée sur le nombre de lits de ces hôpitaux. On
demande d'établir des normes de rémunération qui tiennent
compte d'autres critères et qui favorisent plutôt la
désinstitutionnalisation.
Un autre obstacle, c'est un obstacle économique. Le
développement des ressources dans la communauté demande une
injection de fonds. Il ne faut pas se leurrer, on ne pourra pas
développer de nouveaux services sans injecter des montants d'argent
nouveaux. Par ailleurs, pour ce qui est des moyens, une injection de fonds
temporaire serait nécessaire pour la période de transition. Je ne
pense pas qu'il y ait besoin d'une injection de fonds qui devra perdurer
pendant toutes les années. Cette période de transition, on
l'évalue à environ cinq ans à partir du moment où
on entreprendra les mesures nécessaires.
Les obstacles technocratiques. On peut être tenté de
standardiser et d'uniformiser les services dans l'ensemble de la province, ce
qui est un obstacle important au développement de services qui se
voudraient une réponse aux besoins spécifiques d'un individu dans
son milieu. On demande de planifier et de programmer les services, en
collaboration étroite avec le milieu. Nous conseillons, nous
recommandons de confier -je regrette, vous ne l'avez pas dans votre texte -
à une autorité nommément désignée la
responsabilité de coordonner la réalisation du changement, en
confiant obligatoirement les responsabilités de planification, de
programmation, de gestion des fonds et de contrôle. Nous ne disons pas
que cette autorité doit nécessairement être dans un
ministère. On pense que, nécessairement, elle doit impliquer les
gens des régions et du milieu, ainsi que toutes les instances qu'on a
déjà mentionnées.
Enfin, un autre obstacle, c'est la résistance au changement
provenant des administrateurs, des professionnels et des employés. On
pense que, par de l'information, de la sensibilisation, des programmes de
formation et aussi la participation au changement, on pourrait venir
progressivement à bout de ces résistances. Il faut que les
employés y trouvent aussi un bénéfice et de
l'intérêt.
Nous concluons en disant qu'au début nous avons mentionné
qu'il était urgent que le gouvernement pose des gestes concrets si nous
voulons que le Québec se donne un système de services de
santé mentale qui s'inscrive dans un mouvement d'évolution et qui
soit une réponse réelle aux besoins des personnes. Il y a des
actions prioritaires à entreprendre dont le prérequis essentiel
demeure toutefois une volonté ferme du gouvernement d'apporter au
système les changements requis. Sans cette volonté, on ne
réalisera pas ce changement. (18 heures)
Quant aux actions, elles sont les suivantes: 1° adopter une
politique de la santé mentale dans les meilleurs délais; 2°
modifier la Loi sur les services de santé et les services sociaux;
3° réviser la Loi sur la protection du malade mental, statuer sur
l'avenir des CH psychiatriques, attribuer une enveloppe de développement
suffisante pour la période de transition, développer la structure
organisationnelle qui assurera la préparation et la coordination des
plans de services individualisés, planifier le développement du
système de services en collaboration étroite avec les
régions et organiser une campagne d'information, d'éducation et
de sensibilisation de la population.
Je vous remercie de votre attention et je redonne la parole au Dr
Lortie.
M. Lortie: Mme la Présidente, nous sommes prêts
à répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci. Je voudrais
d'abord solliciter le consentement des membres de la commission pour poursuivre
au-delà de 18 heures, c'est un rituel auquel il faut nous soumettre.
M. Lortie: Nous acceptons aussi.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pardon?
M. Lortie: Nous acceptons aussi.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'abord, je voudrais
remercier l'association de la santé mentale d'être venue se
présenter devant la commission. Je sais que c'est un problème qui
vous tient à coeur, vous y consacrez beaucoup d'énergie sur une
base bénévole et, pour certains, sur une base professionnelle. Je
ne doutais pas que le mémoire que vous nous présenteriez
traiterait de tous les éléments qui peuvent toucher à la
réinsertion sociale. Évidemment, il s'agit d'un mémoire
très complet. Ce ne sera pas ma première question, mais ma
première réaction, c'était de vous demander comment vous
chiffrez tout cela. Vous avez la réponse? Vous reviendrez
là-dessus.
Il y a un élément qui n'apparaît pas
-peut-être y est-il, mais pas d'une façon très explicite -
c'est la participation de la famille ou le soutien à la famille. C'est
un élément qui m'apparaît assez absent, en tout cas. Ce
n'est pas explicité. Si on veut désinstitutionnaliser des gens
et, surtout, si on veut prévenir l'institutionnalisation, je pense que
c'est un élément important.
Mme Berryman (Christine): Ce n'est peut-être pas explicite
dans le document, mais pour l'ensemble de l'association il est sûr qu'on
ne désinstitutionnalise pas et qu'on ne lèche pas la personne
dans un milieu sans avoir, au préalable, préparé le milieu
et sans continuer è travailler avec le milieu en y apportant un soutien.
Pour nous, c'est implicite, on le fait depuis tellement longtemps qu'il y a des
choses qu'on oublie de mettre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le milieu pouvant
être soit la famille ou un milieu substitut ou...
Mme Berryman: La famille, le milieu naturel. C'est cela.
M. Lortie: L'une des activités importantes de
l'association dans presque toutes les filiales, c'est justement l'existence
d'un service de parrainage et de parents et amis du malade mental qui sert
à la réinsertion du malade mental dans la société,
bien sûr, mais qui sert aussi, en collaboration avec les autorités
hospitalières et les autorités institutionnelles quelles qu'elles
soient, de chien de garde pour le malade mental pour dire à
l'institution ce qu'elle devrait faire ou ce qu'elle ne fait pas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Berryman: Ce que j'aimerais ajouter aussi, c'est que,
lorsqu'on parle de l'ensemble des besoins de la personne, cela fait partie,
cela aussi, de la problématique ou des composantes de la personne, son
milieu social et son milieu familial.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord, merci. Oui.
Vous voulez poser une question?Allez-y, M. le député de
Marie-Victorin.
M. Pratt: Le parrainage de la personne, est-ce que cela rejoint
l'idée du "case manager" dont on nous a parlé dans certains
autres mémoires. La formule utilisée que quelqu'un puisse
être un peu comme un tuteur ou un curateur amélioré pour
un
individu? Est-ce que votre idée de parrainage rejoint cela?
Mme Doré: Le parrainage, c'est vraiment un accompagnateur
dans la défense et le ssoutien de la personne. Par exemple, cela ne
prend pas quelqu'un qui ait nécessairement une formation, mais c'est
pour soutenir la personne dans toutes ses démarches. On parlait de plan
de services, ce qui nous semble être un point essentiel de cette
orientation. Cela veut dire, par exemple, que la personne n'est pas capable
d'évaluer tous les éléments et d'exprimer peut-être
tous ses besoins. C'est un peu comme un chien de garde qui veille sur cette
personne qui est vulnérable - on sait que les personnes qui ont des
troubles mentaux sont des gens vulnérables - qui ne possède
peut-être pas tous les éléments pour bien évaluer
certaines situations, des fois. Alors, ce sont habituellement des
bénévoles, le parrainage civique, qui accompagnent ces gens pour
les protéger.
M. Pratt; Si je comprends bien, ces parrains seraient
regroupés dans un organisme indépendant.
Mme Doré: Habituellement, ils le sont. Je disais qu'ils
n'avaient pas nécessairement une formation, mais ils peuvent avoir
besoin de rapport.
M. Pratt: Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. Gélinas voulait
ajouter quelque chose.
M. Gélinas (Paul-Marcel): À la base du service de
parrainage à domicile, nous avions, l'intention, à l'association,
de faire évoluer les professionnels dans les hôpitaux pour qu'ils
s'habituent un peu à travailler avec les bénévoles dans la
communauté, ce qui était un point un peu spécial et qui a
été réussi dans sept hôpitaux de Montréal
d'une façon très pratique. Ces personnes étaient
invitées à siéger pour une étude de cas avec les
infirmières, le psychiatre, le travailleur social. La
bénévole était prévenue de la conduite du malade
à domicile. On faisait cela surtout avec les personnes qui sortaient de
l'hôpital psychiatrique. Après un séjour de même
seulement trois ans, on est totalement désocialisé. On a peur
d'aller dans un parc, on ne sait pas comment aller à la banque, etc. Or,
le bénévole qui se présente là
régulièrement, toutes les deux semaines, par exemple, à
une heure fixe, a aidé à des rapatriements dans la
communauté. Cela rejoint ce que vous disiez tantôt: cela a
aidé les familles. On rejoignait l'hôpital, on rejoignait les
professionnels et on rejoignait la famille en même temps. C'est un effort
terrible qu'on demande aux bénévoles.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une question d'ordre plus
général. Est-ce que l'association de la santé mentale du
Québec a des statistiques un peu plus précises sur les personnes
qui vivent avec des problèmes psychiques, soit d'une façon
chronique ou, enfin, à partir peut-être de certains diagnostics ou
encore, d'une façon générale, par catégories
d'âge? Vous parlez beaucoup, par exemple, de la catégorie des
18-40 ans. On y reviendra parce qu'on ne l'a pas assez poussé. Il y en a
d'autres qui nous ont mentionné ce problème particulier. Est-ce
que vous avez des statistiques générales sur la maladie mentale
au Québec ou si vous avez d'autres statistiques, par
référence à d'autres milieux?
M. Lortie: Malheureusement, ces statistiques n'existent pas. Je
ne connais pas d'endroits où elles existent, non plus. Les
hôpitaux psychiatriques et leurs représentants, il y a plusieurs
années, ont essayé de mettre sur pied un système sur
ordinateur pour avoir un décompte de ce qui existe dans la population et
de ce qui existe dans les hôpitaux psychiatriques. La division des
hôpitaux psychiatriques, enfin ce que c'était en 1972, 1973, 1974,
a aussi essayé de faire ce décompte. C'est une entreprise
gigantesque, énorme, très difficile. Le fichier des malades au
ministère des Affaires sociales, direction des études
épidémiologiques, n'a pas, non plus, ces données. C'est
une recommandation qui n'est pas dans notre mémoire, mais que j'aimerais
soulever ici et proposer. Je pense que, si on veut faire un compte exact de ce
à quoi nous avons affaire, il faudrait reprendre ce système
informatisé pour avoir une meilleure idée de ce qui nous
confronte.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, dans le moment,
vous évalueriez cela en fonction de la statistique plus ou moins
officielle du 1 % de la population...
M. Lortie: C'est cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... qui souffre d'une
maladie chronique presque.
M. Lortie: C'est cela. C'est ce sur quoi nous nous basons
toujours. Ce sont les données qui ont été fournies, il y a
25 ans, par l'Organisation mondiale de la santé. C'est 30 malades
hospitalisés, 30 malades qui sont en clinique externe, 300 malades qui
sont en congé de l'hôpital et 3000 malades potentiels pour une
population de 100 000. Enfin, ce sont des chiffres de cet ordre-là. 11
n'y a rien de précis là-dedans. De plus, nous savons que la
maladie psychiatrique comme telle change de modèle. Les malades de 18
à
40 ans dont nous avons parlé ne présentent pas le
même genre de schyzophrénie, par exemple, que ce à quoi
nous étions habitués. Je serais obligé de
réapprendre ma psychiatrie pour travailler en milieu psychiatrique, dans
un hôpital psychiatrique. C'est la même chose pour les
maniacodépressifs. L'évolution est tellement grande qu'il
faudrait tenir compte de cela aussi dans les données qui nous sont
fournies par un ordinateur quelque part.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Et, puisque nous
sommes dans les statistiques, pour compléter cela, vous faites
référence à une étude du Massachusetts qui a
évalué ses besoins institutionnels à quinze lits par 100
000 habitants. J'ai eu l'impression que vous avez dû calculer 2 000 000
pour le grand Montréal; en tout cas, vous arrivez à 300 lits.
Premièrement, est-ce qu'ils ont atteint cet objectif au Massachusetts?
Deuxièmement, compte tenu de quelques statistiques de cet ordre qu'on a
eues hier, par exemple, on va nous dire que, dans un hôpital comme
Douglas - ils ont 800 patients - ils pourraient certainement en sortir 100, ils
vont travailler et peut-être que l'année d'après ils
pourraient en sortir 50, cela dépendra de l'évolution des choses.
Mais, à les écouter parler, on a l'impression qu'il n'y en avait
que 400 qui devraient rester à Douglas - c'est mon évaluation
personnelle - d'une façon permanente.
Maintenant, on avait, par contre, des représentants d'un autre
milieu psychiatrique qui disaient: On a vraiment des problèmes de
traitement de personnes à long terme que nos services dans les
hôpitaux de courte durée ne peuvent pas satisfaire, sauf qu'on les
garde parce qu'il y a toute la sectorisation, mais je ne veux pas entrer
là-dedans. On disait que, pour un bassin de 300 000 habitants, pour ces
personnes on aurait besoin de 60 lits. Cela allait en sus de ce qu'il y avait
à Douglas et, même en coupant Douglas de moitié,
Louis-Hippolyte-Lafontaine aussi serait probablement coupé... C'est
juste pour la sous-région nord.
Ce que je veux dire, c'est qu'avec 300 lits pour une population de 2 000
000 - et vous dites que vous tenez compte des personnes âgées qui
ont besoin de ressources de longue durée et des déficients
mentaux ayant des troubles sérieux de comportement - je me demande si
dans le fond vous ne dites pas qu'il n'y a pratiquement pas besoin de lits
permanents pour les personnes psychotiques.
Mme Doré: Ce qu'on a fourni ici est un résultat
d'étude. Je vous dirai qu'au moment où j'étais
coordonateur de la Commission des services psychiatriques on avait fait un tour
de table et au pifomètre on disait que cela prendrait effectivement
entre 200 et 300 lits de soins de longue durée à Montréal.
Mais, il faut s'entendre sur les soins de longue durée. Ce sont des
soins de longue durée, mais intensifs. Ce n'est pas de
l'hébergement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah bon!
Mme Doré: L'hébergement, c'est autre chose. Ce sont
des soins intensifs de longue durée, de deux, trois ou cinq ans, selon
la personne. Mais ce ne sont pas des soins à rabais. Je pense que c'est
une nuance qui est très importante de prime abord.
Deuxièmement, vous dites que Douglas présentait plus dans
le cadre de la désins-titutionnalisation. Si on prend Montréal,
Montréal a un héritage du passé. La population qui est
dans les hôpitaux psychiatriques de Montréal ne provient pas
essentiellement de Montréal. Vous devez savoir qu'il entre très
peu de personnes en soins de longue durée qui proviennent de
Montréal dans ces hôpitaux. Le nombre d'admissions provenant des
hôpitaux de courte durée vers ces hôpitaux... Je me souviens
que Louis-Hippolyte-Lafontaine en avait admis treize en deux ans, je pense.
C'est donc très minime. Dans les hôpitaux de courte durée,
toujours à Montréal, c'est autour de 10 % de leur
clientèle qui sont des patients de plus longue durée.
Je voyais madame qui faisait non. Vous me dérangez dans mon
développement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On a eu d'autres
chiffres. Dans certains endroits, on a dit que cela pouvait aller
jusqu'à 30 %.
Mme Doré: Évidemment, cela peut varier. Un
hôpital peut être à 5 %. C'est très important de
souligner que l'absence de ressources de soutien adéquats dans la
communauté, cela va évidemment fausser tous les chiffres. Il y
aurait peut-être des personnes qui sont en soins de longue durée
qu'on pourrait intégrer. Mais on ne peut pas le faire dans la situation
actuelle du réseau, ce qui fait qu'ils demeurent là.
Vous avez aussi toute la question autour des services aux personnes
âgées qui n'est peut-être pas réglée. Est-ce
que la démence sénile doit rester au niveau de la psychiatrie ou
est-ce qu'on devrait avoir des centres hospitaliers pour personnes
âgées, des CHSP, des unités de gériatrie, qui
offriraient ce service? C'est très large. Alors, quand on dit 300, c'est
300 dans un système où on a réglé beaucoup de
problèmes et où on a vraiment organisé des services. (18 h
15)
J'aimerais ajouter ceci - parce que j'avais commencé tantôt
- concernant Douglas. Alors, on ne dit pas que, demain matin, on devrait
diminuer les lits à Montréal et dire 300 lits, c'est suffisant.
Il
y a des gens - il va falloir travailler avec cela, composer avec cela -
qui sont en institution depuis quinze ou vingt ans et même plus. Dans
l'approche de l'association canadienne, on dit - on sait que plusieurs ont
présenté surtout la désinstitutionnalisation -mettons
d'abord les services dans la communauté pour les personnes qui,
actuellement, n'ont pas de services suffisants; deuxièmement, regardons
les personnes qui sont dans des ressources institutionnelles du type familles
d'accueil et pavillons et offrons-leur un service de plus grande
qualité, ce qui évitera qu'elles ne soient
réhospitalisées. À Louis-Hippolyte-Lafontaine, on avait
fait le calcul; le nombre de réhospitalisations de gens qui sont dans la
communauté occupe 600 lits par année. Alors, si on ferme le
robinet avant d'enlever le bouchon - je pense que c'est le premier pas -
ensuite, pour les gens qui sont hospitalisés depuis très
longtemps, on pourra voir justement quel type d'intégration faire. Mais
c'est clair que, pour nous, ce ne sont pas les personnes auxquelles devraient
s'adresser en premier lieu les ressources communautaires.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Au Massachusetts,
finalement, est-ce qu'on ne l'a pas...
Mme Doré: Je ne le sais pas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous ne le savez pas. Dr
Lortie.
M. Lortie: J'ai eu le privilège, au cours des
années cinquante, de faire ma résidence dans le Massachusetts, au
Worcester State Hospital. Quand j'y suis arrivé, il y avait 2800
malades. Quand je suis parti, quatre ans ou trois ans et demi après, il
en restait seulement 2400. Ce n'est pas moi qui les ai mis en congé,
mais c'est l'effort global de tous les psychiatres et résidents en
psychiatrie qui a fait que nous les avons mis en congé. Je suis
retourné visiter mon alma mater en 1972; ils étaient rendus
à 700 malades. Donc, cela s'est fait sur une longue période. Les
malades qui n'étaient plus là étaient dans des centres
d'accueil pour personnes âgées, pour la plupart; les autres -on
avait fermé le robinet avant de tirer le bouchon - étaient admis
dans des centres de jour ou des centres de soir, dans des institutions beaucoup
plus légères, de sorte qu'ils n'avaient pas recours à
l'hospitalisation. Les 700 malades qui demeuraient là étaient les
300 malades du service médico-chirurgical, qui sont restés
là parce que c'est un hôpital général en soi, et
aussi 400 malades difficiles à caser. Mais ils ne craignaient pas de ne
pas pouvoir les caser éventuellement. Mais il y avait à peu
près 125 lits qui étaient utilisés par la population
desservie par le Worcester State Hospital, qui est une population d'environ 1
500 000 habitants. Alors, c'est le genre de résultat auquel ils en sont
venus. Mais, c'était une politique qui était concertée,
qui était voulue de la part de tous les hôpitaux psychiatriques de
l'État, pas seulement pour le Worcester State. C'est ce qui fait qu'on a
pu bâtir des centres d'accueil appropriés aux personnes
âgées qui ne nécessitaient pas de soins psychiatriques.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, Dr Lortie. Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: Madame disait, tout à l'heure, que pour
elle, ce sont les CLSC qui devraient jouer le premier rôle, qui devraient
donner les soins de première ligne. Alors, je crois beaucoup à
cela. J'ai composé, il n'y a pas si longtemps, avec l'aide de la
population de mon quartier, le conseil d'administration de mon CLSC. Je l'ai
composé, naturellement, avec les gens du quartier - je me demande ce que
vous en pensez - donc avec des Néo-Québécois, des hommes,
des femmes, des jeunes et une mère de famille qui a un enfant
handicapé. Je ne voulais pas qu'on oublie cette clientèle. Je me
demande si vous pensez que c'est une bonne formule, pour que, justement, cette
dame puisse parler au nom des autres dans les CLSC. Donc, cela permettra
à ces derniers d'étudier des programmes de services, de les
mettre en place pour cette population. Si on le faisait un peu partout, si tous
les CLSC le faisaient, cela réveillerait et sensibiliserait aussi la
population de chacun des quartiers; ce serait peut-être
déjà une première démarche à faire. Parce
que j'ai toujours peur qu'on lance un peu tout le monde comme cela, qu'on
veuille les intégrer à la société, les laisser un
peu "libres", entre guillemets, mais qu'on se soit si peu organisé
qu'après cela on ait des pas de reculons à faire. Je ne voudrais
pas.
Alors, je ne sais pas si vous pensez que c'est une bonne formule
qu'à chacun des conseils d'administration, ces personnes, au même
titre que les autres, les Néo-Québécois, les femmes et les
hommes, soient représentées. Alors, comme cela, on est sûr
qu'on ne les oubliera pas.
Mme Berryman: Je trouve, personnellement, que c'est une formule
très intéressante et qu'il faut promouvoir, que des groupes qui
représentent des populations minoritaires siègent à des
conseils d'administration de CLSC. Dans la région de Québec,
l'association, par l'entremise de différents autres organismes qui
s'occupent de santé mentale et qui sont probablement venus ici
présenter des mémoires, travaille auprès des
comités d'implantation des nouveaux CLSC pour faire valoir la
problématique en santé mentale et
demander que des actions soient entreprises pour l'implantation des
nouveaux CLSC dans la région. Mais la formule que vous employez, je la
trouve très intéressante.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): S'il n'y a pas d'autres
questions, moi, j'en ai toujours. Ce n'est pas votre fonction, mais, par
hasard, vous n'avez pas d'inventaire de ce qui existe comme ressources
alternatives au Québec. Ce pourquoi je vous le dis, c'est parce que vous
les qualifiez. Je me suis dit: Peut-être qu'ils les ont examinées.
Vous dites, par exemple, que c'est sporadique, que ce n'est pas durable, que
c'est un peu éparpillé, qu'il n'y a pas de coordination. Vous
dites que les mouvements d'entraide commencent à émerger, qu'on
voit bourgeonner des choses, mais il n'y a rien de très organisé.
C'est tout ce que vous pouvez dire à ce moment-là.
Mme Berryman: Dans la région de Québec comme telle,
on est un peu plus organisé. On a créé un regroupement des
ressources dans la région immédiate de Québec. La
majorité des ressources alternatives et des ressources
bénévoles qui travaillent dans la région, on les
connaît; elles sont identifiées et elles sont assises autour d'une
table avec nous. Où il y a de la difficulté, c'est au niveau
provincial. Il y a quand même un regroupement des ressources alternatives
de Québec ou de Montréal, mais toutes les ressources qui
émergent ne sont pas recensées. Elles ne se font pas
nécessairement connaître aussitôt qu'elles viennent au
monde. C'est la difficulté, on ne connaît pas toutes les
nouvelles.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
Mme Doré: Si vous me le permettez, quand on soulignait que
les services étaient fragmentés, insatisfaisants, etc. - je pense
que c'est à cela que vous faisiez appel - on parle de la distribution
actuelle des services incluant autant l'institutionnel que le
non-institutionnel. On parle vraiment dans l'objectif d'un service
intégré. Même s'il existe certains services communautaires,
il n'y a pas de coordination. Chacun a ses critères d'admission, ses
critères d'exclusion, ce qui fait que vous pouvez trouver un nombre
important de personnes qui ne trouvent de réponse nulle part, autant
dans les services institutionnels, pour lesquels la personne peut faire le
choix que cela ne lui convient pas, que dans telle autre ressource. Ou si elle
s'adresse, par exemple, à tel type d'organisme communautaire, il y a
toute une autre partie qui ne sera pas couverte. Si, dans un groupe d'entraide,
elle reçoit du support, il y a des activités le soir, etc., elle
peut échanger, mais, pour son problème travail, son
problème loisir, son problème adaptation sociale, elle n'est pas
nécessairement supportée.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme Berryman.
Mme Berryman: D'où je vois, à partir de ces
constats, l'importance du plan d'action individualisé,
c'est-à-dire du plan de services individualisé pour la personne,
où on analyse tous ses besoins, où on voit où elle peut
avoir du service et où on voit avec elle ce qu'elle veut faire et ce
qu'elle peut faire à l'intérieur de ces services, et aussi ce que
les services peuvent faire pour elle. C'est très important pour moi de
faire cette évaluation des besoins et d'élaborer un plan de
services.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non seulement vous avez
abordé le groupe des 18-40 ans, mais vous avez dit: C'est sur ce groupe
qu'on attire davantage l'attention. D'autres groupes l'ont abordé et,
finalement, dans le feu de la discussion, on l'a un peu, nous aussi,
laissé pour compte. Au sujet des jeunes en particulier - peut-être
que cela s'appliquerait à ceux aussi de 40 ans - vous avez une
très bonne expression, vous dites: "Les fous crient au secours" avait
été écrit ou était passé quand eux ont eu
recours à des services. On nous a dit: II ne semble pas y avoir de
services dans la communauté -quand je dis "dans la communauté",
c'est autant institutionnels qu'autres - ou la façon de la
communauté de répondre aux besoins de ces jeunes est
inadéquate, et il faut leur trouver quelque chose. J'avais l'impression
qu'on leur donnait du soutien, ceux qui avaient des jeunes dans ces
groupes-là, mais je me demandais si, au plan thérapeutique, on
était aussi un peu perdu. Vous avez dit, Dr Lortie, qu'il a fallu
réapprendre la psychiatrie pour pouvoir s'en occuper. J'aimerais que
vous élaboriez sur les problèmes particuliers du groupe plus
jeune.
M. Lortie: La façon dont ce groupe d'âge m'a
frappé, c'est d'abord parce que j'ai participé à une
étude sur le suicide où on s'est rendu compte, justement, que
c'étaient les jeunes, dans les statistiques que nous avions, de 15
à 29 ans qui se suicidaient davantage.
J'ai lu beaucoup et j'ai consulté des
épidémiologistes et un démographe surtout qui m'a dit: La
population dont vous vous occupez, c'est celle qui est née après
1951 et c'est le groupe du "baby boom" d'après la guerre, c'est le
groupe le plus dépouillé, le plus mal partagé à
jamais venir au monde. Il n'y a jamais personne qui est allé dans une
école primaire où il y avait 1000 élèves, il n'y a
jamais personne qui est allé dans une
école secondaire où il y en avait 2500, cela n'a pas de
sens. Ce sont des chiffres aberrants, mais il a fallu faire cela et ce n'est
pas seulement au Canada, ni au Québec que cela s'est fait. Cela s'est
fait partout. C'est la population qui, on le sait, démographiquement se
marie le moins et divorce le plus. C'est aussi la population qui a le moins
d'enfants, c'est la population qui a le plus haut taux de criminalité
qu'on ait jamais vu et c'est aussi celle qui se tue davantage. C'est vraiment
un groupe d'âge qui est très à risque.
Évidemment, tout le monde n'est pas atteint. Dans
l'évolution des statistiques québécois sur le suicide, on
voit une pointe qui monte, en 1979, où, à 29 ans, on a un pic
très élevé. Ce pic, depuis 1979, s'est
déplacé avec le groupe d'âge, de sorte qu'on pense que le
pic en question va toujours se déplacer vers le groupe d'âge le
plus avancé, c'est-à-dire que, dans 5 ans, cela va être le
groupe d'âge de 39 ans, dans quinze ans cela va être le groupe
d'âge de 49 ans et ainsi de suite. C'est toujours ce groupe qui va se
suicider davantage et c'est toujours ce groupe qui sera le plus à
risque.
Je pense qu'on ne sait pas comment répondre à ce groupe
d'âge parce qu'il n'y a jamais eu suffisamment d'écoles
correctionnelles, appelons-les comme on voudra, d'écoles de
réforme ou de mécanismes de prise en charge de ce groupe
d'âge qui auraient pu faire en sorte qu'on les sorte de l'état
dans lequel ils sont. Je ne sais pas si on arrivera jamais à le faire,
mais je pense que c'est un groupe d'âge qui va mériter notre
attention parce qu'ils sont dérangeants, ils sont dérangés
et ils sont préoccupants, parce qu'ils ont une qualité de vie,
pour un grand nombre d'entre eux, qui est très mauvaise. Je ne sais pas
quel moyen on a, quel moyen on pourrait inventer pour les prendre en charge. Je
pense que c'est le même groupe d'âge qui a fait le "Flower Power"
et qui a fumé, qui a pris de la drogue, qui a fait tout cela. 11 y a un
taux d'alcoolisme énorme aussi dans ce groupe d'âge. Ce n'est
vraiment pas un cadeau. Et quand ils vont arriver à 65 ans, il n'y aura
pas assez d'argent dans les coffres pour leur payer une rente convenable, que
ce soit le bien-être ou que ce soit la pension de vieillesse. Ils sont
vraiment mal pris et ils ne contribuent pas, non plus, au trésor
gouvernemental pour alimenter leur caisse de retraite. Ils sont trop nombreux
sur le marché du travail, il y a un haut taux de chômage, enfin,
ils sont vraiment mal pris.
Qu'est-ce qu'on peut faire au point de vue société, au
point de vue groupe psychiatrique, groupe de santé pour les aider? Je
pense que c'est une question qui commence à alerter les autorités
de santé publique un peu partout en Amérique du Nord et aussi en
Europe et je pense qu'il va falloir qu'on emboîte le pas et qu'on cherche
avec eux comment faire pour les aider.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'ils se
présentent aux cliniques externes, par exemple?
M. Lortie: Non, ils ne se présentent pas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour une institution
donnée, vous avez sans doute des statistiques sur la courbe d'âge
des gens qui y vont. Est-ce que leur pourcentage est de beaucoup
inférieur, par exemple, au groupe de 35 ans à 45 ans ou de 35 ans
à 50 ans?
M. Lortie: Dans un hôpital général, je ne
pourrais pas vous le dire. Je ne connais pas de statistiques là-dessus,
mais je peux vous dire qu'à l'hôpital Sainte-Justine, où je
travaille depuis quelques années, on est obligé d'augmenter la
limite d'âge d'admission. C'est un débat qui est en cours à
l'hôpital Sainte-Justine. Est-ce qu'on va continuer à traiter ces
jeunes, ces adolescents qui ont 20, 22, 25 ans et qui sont encore des
adolescents, parce qu'on les a déjà pris en charge il y a
déjà 10, 15 ans ou si on les renvoie dans d'autres
hôpitaux? Le consensus, à l'hôpital Sainte-Justine, c'est
qu'on n'a pas le choix, il faut les garder parce que, si on les envoie dans
d'autres hôpitaux, ils n'iront pas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est un petit peu en
dehors du débat, mais on a dit que les 18-35 ans ont eu ceci, ont eu
cela et, finalement, ils sont déviants par rapport aux normes
officielles. Quelle est votre vision des 10 à 18 ans? Est-ce qu'on
recommence à rattraper la génération plus jeune ou si on
va se retrouver, finalement...
M. Lortie: Je ne sais pas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous ne savez pas? Eux,
ils ont un foyer séparé, des parents divorcés et...
M. Lortie: Oui, c'est toujours la même chose. Comme un
d'entre eux le disait, il y a une couple d'années: Moi, je suis un
enfant expérimental. Ils ont tout expérimenté sur moi, le
système scolaire, le travail des parents, tout. Alors, il ne sait pas
comment s'en sortir.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): S'il n'y a pas d'autres
questions, je veux vous remercier encore une fois.
M. Lortie: Est-ce que je pourrais faire un petit commentaire en
plus?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, Dr Lortie.
M. Lortie: Je voudrais insister - je ne sais pas si on l'a fait
suffisamment - sur la nécessité d'une autorité à un
niveau le plus élevé possible...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voulais vous poser la
question.
M. Lortie:... qui organiserait, contrôlerait, planifierait
et implanterait les ressources nécessaires. On a parlé de la
sécurisation, j'en ai entendu parler cet après-midi. Je pense que
c'est un bon système, à la condition qu'il y ait un
coordonnateur, quelque part, en haut, qui empêche les secteurs de se
"garrocher" les patients. Quand il y avait quelqu'un qui surveillait, il n'y
avait pas de "garrochage"; maintenant, il y en a.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'avais une question -
cela m'a échappé -justement dans cet ordre-là. Est-ce que
ce ne seraient pas, normalement, les CRSSS qui devraient faire cela? Ce sont
eux qui établissent, à l'intérieur d'un territoire
donné, les sous-régions et les secteurs. Est-ce que ce serait
à partir d'eux aussi? En tout cas, ce sont eux. Sans cela, qu'il y ait
une autorité au ministère - on doit l'appeler maintenant le MSSS,
je suppose, il va falloir que je m'habitue, c'est la première fois que
je dis cela - qui, évidemment, doit faire la planification
générale et établir les grandes politiques, etc., mais,
après cela, est-ce que ce ne serait pas beaucoup plus efficace que les
CRSSS qui ont la responsabilité de planification et de la distribution
des budgets, le fassent sur une échelle plus petite, au moins dans les
différentes régions du Québec, ou bien est-ce que,
jusqu'à ce moment-ci, cela a été le parent pauvre des
CRSSS? Je ne le sais pas.
M. Lortie: C'est une question qui n'est pas facile. Je pense que
cela va demander beaucoup d'ouverture d'esprit de la part de tous les
participants et des intervenants pour décider où devrait
être l'autorité. Je pense qu'après la disparition des
services psychiatriques du Dr Bédard, il y a eu un laps de trois ou
quatre ans où il n'y avait personne ou, enfin, quelques coordonnateurs
régionaux. On a repris ce service au sein du ministère des
Affaires sociales comme faisant partie à parts égales avec les
autres services et la première chose qu'on a su, c'est qu'il est
tombé. En tombant, il a essayé de passer la balle aux conseils
régionaux et les conseils régionaux l'ont ramassée avec un
peu de retard. Je pense que celui de Montréal a été le
premier à le faire. Je ne sais pas s'il a l'autorité
nécessaire, il faudrait le demander à la conseillère
à la programmation.
Mme Doré: Évidemment, on a établi comme
règle de fonctionnement, en ce qui concerne la sectorisation, qu'on ne
doit pas transférer de patients sans avoir établi une entente;
cela se fait par entente. Quand on parle d'autorité, je pense que le Dr
Lortie le signalait tantôt, vous dites: Est-ce que ce ne serait pas aux
conseils régionaux? Ce qu'on voulait dire, parce qu'on a parlé de
l'implication des milieux, c'est que, pour qu'il se fasse une gestion du
changement et qu'on n'aille pas en avant pour ensuite reculer, mais qu'on soit
toujours en processus d'évolution, cela pourrait être, par
exemple, un mandat de la conférence des CRSSS. C'est certain qu'on ne
dit pas: II y a quelqu'un au ministère qui planifie tout et cela descend
vers la base ensuite. C'est absolument nécessaire qu'il y ait vraiment
ce lien de tous les partenaires concernés.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Merci encore
une fois. Ah oui! Encore une fois, il faut que je suspende les travaux. Les
travaux sont suspendus jusqu'à 19 h 45.
(Suspension de la séance à 18 h. 35)
(Reprise à 20 heures)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La sous-commission des
affaires sociales reprend ses travaux.
Avant d'inviter le prochain groupe qui est prévu à notre
ordre du jour, je voudrais indiquer à la commission une modification
à l'ordre du jour, c'est qu'après le Regroupement des parents et
amis du malade mental (section Québec), représenté par les
personnes désignées, il faudrait enlever Mme Esther Taillon qui
viendra à titre privé, accompagnée de Mme Andrée
Dorion. Cela va?
M. Lafrenière: Cela va.
Corporation professionnelle des travailleurs sociaux
du Québec
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
J'invite immédiatement à la table la Corporation
professionnelle des travailleurs sociaux du Québec Mme
Brazeau-Patenaude.
M. Landry (Pierre): Je voudrais vous présenter Mme
Brazeau-Patenaude, la présidente de la corporation, et Mme
Françoise Hevey, vice-présidente à la corporation,
également praticienne en service social, en pédopsychiatrie,
à l'hôpital Albert-Prévost, ainsi que Mme Yolanda Sabetta,
qui
s'est jointe au groupe et qui est chef du service social psychiatrique
de l'hôpital Notre-Dame.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II faudrait vous
identifier.
M. Landry (Pierre): Je suis Pierre Landry, directeur de la
corporation. Je vais jouer le rôle d'animateur à ce bout-ci de la
table.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous pouvez
procéder, Mme Brazeau-Patenaude. Je pense que c'est vous qui
présentez le mémoire.
Mme Brazeau-Patenaude (Christiane): D'abord, je tiens à
remercier les membres de la commission de nous permettre de nous exprimer.
J'attire votre attention sur deux erreurs qui se sont glissées dans
l'impression du texte: une première à la page 9 dans une citation
en anglais, la citation du Dr Glenn, à la troisième ligne, on dit
"one agency leaving the ability"; c'est "having the ability". Je pense que
c'est important.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Brazeau-Patenaude: Ainsi que dans la bibliographie, au
quatrième point, à la troisième ligne, c'est
édité par John Abbott. Merci. On s'excuse de ces erreurs.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parfait.
Mme Brazeau-Patenaude: Pour nous, travailleurs sociaux, on trouve
bien important d'être présents ici ce soir parce que, entre
autres, la préoccupation et le travail auprès des gens ayant des
troubles mentaux ont toujours fait partie de notre travail. De par notre
formation, de par nos préoccupations, on a toujours eu à
travailler avec la communauté, les hôpitaux et les institutions
pour intégrer ou réintégrer les gens souffrant de troubles
mentaux.
Dans notre document, on a essayé de clarifier les troubles
mentaux, de voir qui cela touchait. De par nos réflexions et selon la
documentation, cela touchait autant les gens qui sont atteints de
déficiences mentales que de maladies mentales comme telles, bien que
chacun ait des problèmes particuliers et doive avoir des ressources qui
lui sont propres. Cependant, la clientèle actuellement
hospitalisée ou suivie en psychiatrie nous préoccupe
particulièrement, entre entres les jeunes adultes de 18 à 35 ans
qui sont souvent une clientèle délaissée par toutes les
institutions, à moins d'avoir une gravité au niveau de leurs
problèmes, comme des problèmes psychiatriques chroniques.
Il nous apparaît important que les personnes souffrant de troubles
mentaux aient des soins professionnels accessibles de façon continue et
permanente, que cela soit en situation de crise ou durant l'hospitalisation. Il
nous apparaît aussi important qu'il y ait un support continu à
leur famille et à leur environnement et qu'il y ait aussi un
réseau d'hébergement protégé pour ces
gens-là. Les activités de jour axées sur l'occupation, les
loisirs, le travail et la réadaptation doivent être
présentes dans la communauté.
Nous sommes certains - cela a aussi été
démontré dans les documents - que les gens souffrant de troubles
mentaux peuvent avoir une qualité de vie dans la communauté pour
autant qu'ils ont des services de façon continue et accessible. Il ne
faut pas, non plus, oublier que certains d'entre eux auront probablement
besoin, tout au long de leur vie, de soutien professionnel, de
bénévoles et d'un groupement communautaire.
Les travailleurs sociaux ont été présents
auprès des personnes souffrant de troubles mentaux en favorisant leur
maintien dans la communauté par les différents services qui sont
offerts soit dans les hôpitaux, les services psychiatriques, les
établissements comme les centres d'accueil pour les déficients
mentaux; par la participation à des équipes multidisciplinaires,
que cela soit par des services aux enfants ou aux adultes; par le recrutement,
la surveillance et le support, jusqu'à présent, aux familles
d'accueil; par l'implication récente - pas si récente que cela,
dans les faits - pour les ressources alternatives; par les services de
protection de la jeunesse; par les programmes de soutien aux personnes
handicapées intellectuelles; par les services offerts dans les
réseaux d'aide aux itinérants; par les services offerts en
collaboration avec les services d'apprentissage aux habitudes de travail; par
les groupes d'entraide et par l'intervention auprès de la famille et de
la communauté.
Compte tenu des ressources matérielles et de personnel
actuellement insuffisantes, on peut dire que les travailleurs sociaux portent
à bout de bras ces gens-là. Entre autres, la jeune
clientèle des 18-35 ans, nouvellement identifiée, qui n'a pas
nécessairement connu une institutionalisation et qui a des troubles
mentaux chroniques nous préoccupe souvent parce que les ressources sont
quasi inexistantes. On parle beaucoup de désinsti-tutionnalisation, mais
il y a des gens qui ont peut-être besoin d'un contexte institutionnel
alors qu'il y a peu de ressources actuellement.
Cependant, pour qu'il y ait au Québec un système
intégré de services pour maintenir ces gens dans la
communauté, il nous apparaît qu'il y a des obstacles à
éliminer. Entre autres, la négation, dans les termes ou les
discours, de la maladie mentale exprimée dans les textes émanant
des
différents paliers gouvernementaux nous préoccupe.
Aujourd'hui, on parle de commission de la santé mentale plutôt que
de commission de la maladie mentale. On se demande si, à plus ou moins
long terme, on ne minimisera pas l'impact et la présence de la maladie
mentale dans notre société.
De plus, il nous apparaît que la mise sur pied de services
destinés à promouvoir la santé mentale n'a pas du tout la
même portée, ni les mêmes coûts que l'instauration de
supports communautaires pour les personnes souffrant de troubles mentaux. Pour
nous, la maladie mentale est une entité réelle qui est
très présente dans notre société et qui prend une
importance de plus en plus grande. D'ailleurs, les études
américaines le démontrent assez clairement.
Il nous apparaît actuellement qu'il y a un mythe au niveau de la
déprofessionnalisation. Nous ne croyons pas que les gens souffrant de
troubles mentaux pourront être pris en charge exclusivement par des
groupes communautaires. Il nous apparaît que les groupes communautaires
doivent être présents, que les professionnels doivent être
présents, que les institutions aussi doivent être
présentes. D'ailleurs, les groupes communautaires reconnaissent
l'importance des services professionnels. Ils veulent qu'ils soient accessibles
et continus et ils nous demandent qu'il y ait une supervision responsable de
ces gens-là vivant dans la communauté.
Le contexte actuel n'est pas facile, parce qu'il existe quand même
une certaine rigidité chez certains intervenants dans le domaine de la
psychiatrie qui favorise le modèle médical et qui minimise
l'impact des supports familiaux et sociaux pour le maintien des personnes
souffrant de troubles mentaux dans la communauté. Pour nous, ce manque
d'ouverture ou cette compréhension restrictive de la maladie mentale
favorise une dépendance avec le milieu institutionnel et limite
l'utilisation des services sociocommunautaires. Il maintient ou limite, en tout
cas, les chances de succès d'une réinsertion pour certaines
personnes.
Il nous apparaît aussi qu'il va falloir sortir des modèles
traditionnels d'intervention, entre autres pour la clientèle des 18-35
ans qui, souvent, est sans domicile fixe, incapable de se soumettre à
des horaires rigides d'entrevue et qui, pourtant, est en besoin criant de
services, refusant les services tels que dispensés actuellement et
obligeant les intervenants à se remettre en question.
Nous dénonçons le déséquilibre
budgétaire actuel entre les programmes de santé et les programmes
de services sociaux. À notre avis, une politique gouvernementale de
maintien et de soutien des personnes ayant des troubles mentaux dans la
communauté devrait être appuyée par des budgets et des
effectifs suffisants. Par effectifs, on pense autant aux professionnels, aux
bénévoles, qu'à l'organisation comme telle de la vie dans
la communauté.
Il y a un autre obstacle, soit l'insuffisance au Québec de
recherche fondamentale et de recherche évaluative valables dans le
domaine des services communautaires. À l'heure actuelle, alors qu'on
pense à un tournant ou qu'on réévalue les services offerts
aux gens souffrant de troubles mentaux, il nous apparaît important qu'on
soit capable de réévaluer ou d'évaluer les tangentes ou
les directions qu'on va prendre pour s'assurer que les services sont
adéquats et efficaces.
Au Québec nous avons déjà une structure mise en
place pour les services de soins - on pense à la Loi sur la santé
et les services sociaux - mais que doivent être définis à
très court terme des objectifs clairs axés sur les
résultats, à obtenir que les responsabilités, les
pouvoirs, les budgets doivent être clairement identifiés pour
chacun des niveaux - on pense aux niveaux gouvernemental, régional et
local - et qu'il doit y avoir un leadership clairement désigné
à un organisme pour s'occuper des gens ayant des troubles mentaux.
Aussi, il est temps qu'il y ait une trève dans les guerres
idéologiques, les guerres institutionnelles, les guerres de pouvoir, et
que les responsabilités soient clairement définies. Dans le
développement des services communautaires intégrés, il
faudra préserver et maximiser les expertises existantes et cela,
à quelque niveau que ce soit. (20 h 15)
Je pense à un point important. Il faudra également tenir
compte de la capacité des populations d'accueillir et de supporter les
personnes souffrant de troubles mentaux. Notre communauté, notre
population du Québec doit être éduquée et mise
à contribution afin d'éviter la création de ghettos ou,
tout simplement, le rejet de ces gens-là. De plus, une
responsabilité d'éducation doit être donnée.
Pour nous, la réussite du maintien et de la réinsertion
des malades, des personnes souffrants de troubles mentaux arrivera lorsqu'il y
aura un véritable système d'aide communautaire à
l'intention ' de ces personnes.
Nous croyons que les querelles de leadership, les lenteurs
administratives, les décisions arbitraires doivent cesser et qu'on doit
travailler de plus en plus ensemble à la mise sur pied de ressources
alternatives à l'hospitalisation psychiatrique. Entre autres, nous, les
travailleurs sociaux, avons un rôle important "d'advacacy", comme on dit
dans notre jargon, pour ces gens-là. Souvent, c'est nous qui devons
défendre leurs droits et leurs besoins. Nous avons aussi un rôle
de "follow-up", de stimulation, d'intervention et de
"counselling". Nous sommes prêts à le jouer en
collaboration avec les différents intervenants.
En guise de conclusion, nous recommandons, pour les personnes ayant des
troubles mentaux et vivant dans la communauté, la mise en place d'un
système responsable de services de support communautaire. Ce
système devra avoir des niveaux de responsabilité clairement
définis entre les différentes instances du réseau, les
services communautaires, les groupes communautaires, les parents, la
communauté, etc. Il nous apparaît qu'une budgétisation
adéquate pour ces services doit être mise de l'avant, soit par
l'argent neuf, soit par un transfert de budget, à plus long terme,
provenant des grands hôpitaux psychiatriques au profit des services de
support.
La clientèle des 18-35 ans devra être "priorisée",
à notre avis. Parce qu'entre autres elle fait l'objet de
problèmes sociaux importants tels le chômage, l'itinérance,
l'isolement, la violence familiale, le suicide, la maladie mentale - on en a
parlé tantôt -et qu'elle est mal désservie par les services
du réseau actuel, cette clientèle nous semble très
vulnérable.
Il nous apparaît également qu'un échéancier
prudent face à la désinsti-tutionnalisation des
bénéficiaires actuels des grandes institutions est
nécessaire. Celle-ci ne devrait pas se faire avant que les supports
communautaires soient en place, que l'on pense à l'hébergement
protégé, que l'on pense à des centres de jour, à
des centres de travail adapté ou à toute autre ressource
répondant aux besoins de ces gens. Il nous apparaît aussi
important de ne pas minimiser le fait que certains individus auront toujours
besoin de services institutionnels à long terme, voire tout au long de
leur existence pour certains.
Il y aura un travail important à faire dans les changements des
attitudes et des mentalités. Entre autres, des programmes de formation
et de recherche pour les intervenants professionnels et pour les
bénévoles devront être mis sur pied. La population devra
être éduquée également.
En dernier lieu, l'utilisation rationnelle des travailleurs sociaux et
de leur expertise des supports communautaires devrait être mise à
contribution. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie, Mme
Brazeau-Patenaude. Je désire remercier la Corporation professionnelle
des travailleurs sociaux du Québec d'être venue devant cette
commission.
Il est vrai, du moins pour ce qui est des ressources
intermédiaires, que les travailleurs sociaux, depuis très
longtemps, ont contribué à la mise en place de ressources
intermédiaires, particulièrement de ressources
d'hébergement. Cela n'apparaît pas du tout dans votre
mémoire, mais je sais, par exemple, que certains de vos membres ont mis
sur pied des appartements supervisés ou d'autres types. Est-ce que vous
pourriez d'abord nous dire quelle sorte de ressources vous avez mises en place,
compte tenu de votre expérience passée, quelles
difficultés vous avez rencontrées à les mettre en place,
peut-être pas tellement de les mettre en place qu'à les maintenir?
Je ne pense pas nécessairement juste au plan financier; je pense
peut-être à d'autres problèmes qui peuvent survenir soit du
milieu ou d'ailleurs. Comme on l'a dit plusieurs fois, tout le monde s'entend
sur ce qui doit être mis en place et cela semble assez facile. On a
l'impression qu'on a l'argent et puis qu'on met en place A, B, C, D, E, F, G, H
et, après cela, que c'est le bonheur parfait pour tout le monde. Mais je
pense que c'est peut-être un peu plus complexe que cela. Je ne sais pas
si vous pourriez nous parler de cette expérience.
M. Landry (Pierre): Peut-être Mme Sabetta.
Mme Sabetta (Yolanda): Effectivement, si j'essaie de brosser un
peu un tableau des ressources qui ont été mises en place par les
services sociaux, je pense en premier aux familles d'accueil. Selon la loi, on
a une responsabilité de mettre sur pied des familles d'accueil pour la
protection des malades mentaux qui ne peuvent pas être autonomes. Par
contre, on a réalisé que les familles d'accueil, c'est
adéquat pour une certaine population, mais que ce n'est pas
adéquat pour une bonne majorité de la population. Effectivement,
on a mis de l'avant des foyers de groupe, des appartements supervisés
dans les dernières années, en s'écartant un peu de la loi
parce que, si on regarde les centres de services sociaux, c'était
spécifié qu'on devait rester au niveau des familles d'accueil.
Les foyers de réadaptation n'étaient pas inclus.
Ce qu'on s'est dit, c'est qu'il faut vraiment mettre sur pied des
ressources qui sont adaptées à la clientèle. Entre autres,
on peut parler des foyers de groupe qui ont été mis sur pied - si
on parle de Montréal -avec de l'argent qu'on a demandé aux
hôpitaux de fournir pour une partie et aux CSS pour l'autre partie. Il y
a eu vraiment une amorce de travail que j'appelle d'intégration de
différents établissements dans la communauté,
c'est-à-dire les CSS, les hôpitaux, pour essayer de mettre sur
pied quelques foyers de groupe - on n'en a pas assez - et des appartements
supervisés.
Vous dites: C'est quoi, les embûches? Je pense qu'il y a les
embûches financières, je ne peux pas les nier, pour avoir
passé plusieurs années avant d'avoir les apparte-
merits supervisés à Notre-Dame. Cela faisait depuis 1978
que j'avais proposé un modèle comme cela. Pour vous donner un
exemple très concret, j'ai frappé à la porte de
communautés religieuses en me disant: Peut-être qu'elles ont de
l'argent, on pourrait aller leur en demander et peut-être qu'on pourrait
avoir du service des communautés qui ne travaillent pas dans les
écoles, etc. Cela a pris plusieurs années. Si on regarde à
Montréal, c'est en 1981 à peu près qu'on a commencé
à mettre sur pied des foyers de groupe et des appartements
supervisés. Il y a eu Albert-Prévost et l'hôpital
Maisonneuve-Rosemont.
À ce moment, on a demandé la contribution de
l'hôpital en lui faisant voir que possiblement, si on avait des
ressources adéquates, on aurait peut-être moins de "turn over", la
porte tournante qu'on connaît très bien en psychiatrie où
les patients sortent un peu trop vite parce qu'on n'a pas assez de lits et que,
finalement, ils n'ont pas de place. On les renvoie dans la communauté,
mais ils ont besoin, vraiment, d'une certaine structure qui n'est pas
nécessairement, pour certains, très rigide, mais ils ont besoin
quand même d'un certain support. On a quand même mis à
contribution certains hôpitaux. Il y a eu, après le mouvement des
hôpitaux, certains hôpitaux psychiatriques, qui ont donné un
montant d'argent à Montréal pour développer des ressources
alternatives.
Je pense qu'à ce moment-ci on a encore un peu de
difficulté à savoir qui va être responsable de
l'hébergement. Il y en a qui disent que ce sont les centres de services
sociaux, qu'on a la mission de développer une partie des ressources. On
a une certaine expertise parce que, quand même, on a
développé des ressources; je pense que certaines fonctionnent
assez bien. Mais là, on se dit: Cela va être les CLSC qui vont
coordonner certaines ressources dans certaines régions; ailleurs, cela
va être quelqu'un d'autre. On va faire une autre expérience avec
quelqu'un qui a déjà un foyer de groupe. Je pense qu'il faut
qu'on mette à contribution tout le monde. Ce n'est pas vraiment exclure
les CLSC, les CSS, les hôpitaux; il faut qu'on se mette ensemble pour
vraiment arriver. Mais pour se mettre ensemble, je pense qu'il va falloir qu'il
y ait quelque part la volonté de vraiment dire: Vous avez une mission et
vous devez rendre des comptes. Il y a des études aux États-Unis
qui disent - en Angleterre aussi - que, s'il n'y a pas une attribution
très claire et nette des rôles, une définition des
rôles et des responsabilités et de l'argent, cela ne fonctionne
pas. On a tous du bon vouloir. Tout le monde veut faire quelque chose, mais on
doit mobiliser les forces des personnes pour vraiment travailler ensemble et
faire quelque chose qui va avoir de l'allure.
Dans les difficultés - cela rejoint un peu les budgets - il y a
le fait qu'on n'a pas de postes. Vous le savez aussi bien que nous, on parle de
désinstitutionnalisation, on parle d'éviter d'institutionnaliser,
mais au moment où l'on parle de cela, je peux vous dire qu'on se fait
couper des postes en service social. C'est très difficile de jouer notre
rôle dans la communauté quand on n'a pas de personnel. On est
obligé de mettre des priorités, à un moment donné,
pour essayer de viser la clientèle que l'on pense la plus
démunie. Mais il reste qu'il y a beaucoup de personnes qu'on ne suit
pas. Alors, je pense qu'il y a un problème de personnel.
Il y a un autre problème aussi. C'est que plusieurs intervenants
dans le milieu psychiatrique ont été habitués à
travailler individuellement et oublient qu'il y a une famille, qu'il y a des
ressources communautaires qu'il faut utiliser pour avoir vraiment un lien. Si
on désinstitutionnalise, cela veut dire qu'il faut continuer à
voir les patients. Il faut peut-être avoir une approche un petit peu
différente si on parle des malades psychiatriques qui ont des
problèmes assez graves. Il faut peut-être avoir une approche plus
agressive. Je n'aime pas trop le mot "agressif", mais c'est dans le sens de
faire un suivi continu, de faire du "reaching out" et pas seulement pour six
mois. Il y a des études qui ont été faites aux
États-Unis et en Angleterre où on s'est aperçu
qu'après deux ans il y avait des résultats mais que, si on
laissait les patients à eux-mêmes, après deux ans, ils
retournaient au même point où ils étaient avant. Alors, si
on parle de désinstitutionnalisation, il va falloir qu'on se mette dans
la tête que c'est un suivi à long terme. Le suivi n'a pas besoin
d'être aussi intensif. Je veux dire: Si cela va bien, tant mieux et on
les voit en période très espacée. Mais quand même,
s'il y a des crises, qu'on soit présent.
Je pense aussi qu'il y a la mentalité. Il y a une certaine
mentalité à changer et il y a peut-être aussi un lien entre
les services internes et les cliniques externes. On sort un peu des ressources,
des appartements. Je pense qu'on a des difficultés à trouver des
ressources et qu'il n'y en a pas assez. Il va falloir vraiment que quelqu'un en
mette en place pour les patients. Je ne sais pas si cela répond? (20 h
30)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a une autre question
que j'aimerais vous poser. Je pense que la totalité de vos membres
fonctionne à l'intérieur des grands centres hospitaliers, que ce
soient les hôpitaux psychiatriques ou que ce soient les hôpitaux
généraux de courte durée. Dans cette tendance que certains
appellent ou ont appelée antipsychiatrique ou anti-institution, on vous
identifie souvent à ces grands établissements et on vous reproche
de ne pas
être assez près des patients et peut-être
d'être trop collés à ces grandes institutions. Quelle est
votre réaction à cela?
Mme Sabetta: Écoutez, si on parle au nom des travailleurs
sociaux, je pense que nous sommes les professionnels de l'équipe de
psychiatrie les plus près de la communauté. Comme travailleurs
sociaux, notre rôle a toujours été cela avant même
que la psychiatrie existe, parce qu'on existait dans les hôpitaux, aux
États-Unis. Les travailleurs sociaux dans les hôpitaux, cela date
de 1910. On a toujours eu un lien entre l'hôpital, la famille, le patient
et la communauté. Les travailleurs sociaux ont souvent été
ceux qui ont promu des ressources dans la communauté, qui ont
essayé de faire développer dans la communauté des
ressources.
Ce n'est pas tout à fait vrai. Regardez seulement un exemple. On
n'est pas dans la communauté. Par contre, je peux vous dire que
l'Association québécoise des parents et amis du malade mental,
c'est quand même moi, qui suis praticienne et chef de service dans un
hôpital général, qui ai aidé - et je continue
à être très active, je fais les ateliers avec les parents -
à mettre sur pied cette association qui a été la
première association francophone au Québec. A Laval, il y a
l'ALPABEM qui a été également mise sur pied par un
travailleur social de Cité de la santé. Il y a des travailleurs
sociaux qui ont aussi aidé à mettre des groupes de patients
ensemble, qui ont travaillé avec des groupes d'entraide. C'est vrai
qu'il y a une partie de notre travail qui est à l'intérieur, mais
une grande partie du temps, on la passe avec des ressources dans la
communauté, avec les parents. On ne la passe pas assez. J'aimerais vous
parler un peu de ce que les parents... On a fait une recherche, j'étais
en charge de... Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, allez-y, justement,
parce que les parents, on n'en a pas beaucoup parlé et on n'en a pas
beaucoup entendu parler.
Mme Sabetta: D'accord. J'ai dirigé une recherche pour
l'Association des parents et amis du malade mental où on a eu comme
échantillonnage 100 personnes, 100 parents ou amis. Peut-être que
je peux vous lire un peu les recommandations qu'ils font. Je pense que c'est
quand même très pertinent. Il y en a 99 % qui souhaiteraient un
encadrement et un suivi régulier du patient hors de l'hôpital. Ce
que cela veut dire, c'est que beaucoup de parents se plaignent qu'une fois que
le membre de leur famille sort des services internes il n'y a pas de suivi
à l'externe. Il n'y a pas de lien entre l'équipe externe et
l'équipe interne, ce qui fait que les patients sont perdus entre les
deux. Comme souvent ils ne connaissent pas l'autre intervenant - car ils
doivent changer d'intervenant - cela ne fonctionne pas partout comme cela,
mais, dans certains hôpitaux, cela fonctionne ainsi - ils n'y vont pas.
Une fois qu'ils sont sortis, ils ont assez peur de se faire rentrer qu'ils
fuient. S'il y avait une meilleure articulation entre l'externe et l'interne,
peut-être que, effectivement, on pourrait raccrocher ces
patients-là.
Les parents ont aussi demandé d'avoir un service de consultation
adapté aux besoins des parents, où ces derniers pourraient
recevoir aide et compréhension; 95 % ont demandé cela.
Peut-être que cela va vous surprendre, mais j'entends, dans les ateliers
que je fais, des parents qui viennent me dire: Moi, j'ai demandé
à voir un travailleur social et on n'a pas voulu. On a dit: Non, ils
étaient trop occupés. L'un des intervenants de l'équipe a
dit: Non, vous n'avez pas besoin de travailleur social, etc.
Par contre, c'est dans la loi, mais cela existe présentement. Les
parents demandent, eux, de pouvoir avoir de l'aide. Ils ont besoin, eux,
disent-ils, de savoir comment agir avec leurs malades. Ils ont aussi tous leurs
problèmes personnels de déception; peut-être qu'ils
auraient espéré beaucoup d'autres choses pour leur enfant et il
faut qu'ils en fassent leur deuil. Pour certains, leur jeune ne pourra pas
rencontrer les aspirations qu'ils avaient. Ils ont aussi besoin d'être
aidés dans ce sens-là. On a toujours dit en service social qu'une
personne ne vit pas seule. "No man is an island", comme on dit en anglais. Pour
nous, la personne a des liens à l'extérieur; elle a une famille
ou, si elle n'en a pas, elle a quand même des liens, des amis, un
concierge ou quelqu'un, et c'est important de prendre le tout en
considération.
Un autre facteur a été suggéré. C'est que 72
% des répondants font des recommandations relatives aux liens entre
l'équipe traitante et la famille du patient. On demande une plus grande
collaboration entre l'équipe traitante et les familles. Les familles
veulent avoir de l'information adéquate, même si leur enfant est
majeur. On dit souvent: Ah! Il est majeur, on n'a donc pas affaire à
parler à l'épouse, on n'a pas affaire à parler aux
parents. Il reste qu'il s'en retourne dans son milieu. Si on n'a pas la
collaboration des membres de la famille, le traitement risque d'échouer.
D'ailleurs, il y a une étude qui a été très bien
faite aux États-Unis par Carol Anderson, qui nous démontre - ils
sont rendus à leur quatrième année - qu'un suivi de la
médication, un suivi du support pour le patient et un suivi familial
évitent environ 70 % des réhospitalisations. C'est ce que leur
recherche indique à ce moment-ci. Il est vraiment important d'inclure
les membres de la famille, d'essayer de les aider et qu'ils nous aident aussi,
de sorte qu'on travaille
ensemble, qu'on ne travaille pas contre. Il y a des parents qui vont
dire: L'éducation, ce n'est pas bon. Peut-être que, pour le
patient, c'est très approprié, sauf que, pour eux, ils ne
connaissent pas cela, ils ne savent pas. Prenons les effets secondaires.
Souvent, les patients vont arriver avec toutes sortes d'effets secondaires
importants, mais ils ne savent pas quoi faire parce qu'ils n'ont pas
été prévenus. Les parents demandent, eux, d'être
prévenus et, lorsqu'il y a une première hospitalisation, qu'ils
soient rencontrés. Il n'est pas possible de rencontrer tout le monde
parce qu'on n'a pas assez de personnel.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je ne veux pas vous
arrêter, mais je pense qu'on ne peut peut-être pas passer à
travers toute l'étude. Je vais demander à mes collègues
s'ils ont des questions à poser. Oui, M. le député
d'Ungava.
M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. À
la page 7 de votre mémoire, on parle de "rigidité d'attitudes de
certains intervenants dans le domaine de la psychiatrie". Si ma mémoire
est fidèle, c'est la première fois que cela vient sur le tapis;
tous ceux qu'on a entendus sont normalement pour l'insertion sociale et tout le
tralala et là, on nous dit qu'il y en a qui sont réticents
à cela. Pouvez-vous nous en parler et nous donner des exemples où
vous avez vu cela?
Mme Brazeau-Patenaude: Si on peut en parler, de par mon
expérience en psychiatrie, il est arrivé - et on le voit encore -
que des gens ne croient pas que l'intervention sociale, par exemple,
auprès d'une famille puisse aider un malade psychatrique entre autres,
que seule une médication peut le contrôler pour qu'il puisse
fonctionner. Moi aussi, j'ai vu des gens qui vont référer des
patients psychiatriques aux travailleurs sociaux uniquement pour un placement,
ne demandant pas qu'un travailleur social s'implique avant, soit en situation
de crise, auprès de la famille, mais qu'il place cette
personne-là, qu'elle soit mariée, qu'elle soit majeure, qu'elle
soit n'importe comment. Pour nous, c'est ce qu'on appelle la rigidité et
aussi le modèle médical traditionnel qui voit le patient comme
une personne malade, tandis que nous, ce qu'on voit comme travailleur social,
c'est qu'une personne est malade, mais qu'elle vit en communauté, elle
vit avec une famille, elle vit avec un conjoint et que la maladie a des
conséquences sur d'autres personnes aussi. On essaie de faire le
lien.
Tantôt, Mme Lavoie-Roux demandait s'il y avait des embûches
et des réactions. Il y a même des gens qui disent que nous sommes
associés aux institutions. Je peux vous dire de par mon
expérience que les travailleurs sociaux se sentent souvent seuls,
isolés dans une équipe psychiatrique, si l'équipe
travaille de façon individuelle. On a souvent l'impression que les
malades psychiatriques chroniques, les gens dont on parle ici,
c'est-à-dire avec une maladie qui sera toujours présente, tombent
sous la charge des travailleurs sociaux, parce que tout ce qui reste à
faire pour ces gens-là, c'est les placer. C'est très difficile
à vivre pour un professionnel parce que nous ne croyons pas
nécessairement que c'est la seule chose qu'il faut pour ces gens. On
pense que ces gens peuvent fonctionner à leur rythme, avec le handicap
qu'ils ont, avec les services qu'ils ont, avec une gamme de services continus.
Quand on parle de rigidité, mes collègues peuvent peut-être
apporter des exemples plus concrets, mais c'est, entre autres, à cela
qu'on se réfère.
M. Landry (Pierre): Françoise pourrait peut-être
nous dire quelques mots à ce sujet.
Mme Hevey (Françoise): J'ai de la psychiatrie des adultes
une expérience qui est un peu indirecte parce que je travaille en
psychiatrie infantile depuis quinze ans avec des enfants qui ont des
problèmes, des handicaps sérieux. J'ai été
frappée, au cours de mes années d'expérience, par le fait
que les enfants qui avaient les symptomatologies les plus sévères
que j'ai vues venaient toujours de familles où il y avait un parent
psychotique. J'ai été étonnée aussi de constater
que, quand on essayait de faire voir ces parents psychotiques au niveau de la
psychiatrie adulte, ils recevaient de la médication et retournaient chez
eux avec cela. Souvent, il y en a qui étaient en crise sérieuse
et cela avait beaucoup d'impact sur les enfants, comme désorganisation
de la vie familiale. De plus, le conjoint a à assumer les rôles de
deux personnes, puisqu'il y en a une qui n'est absolument pas fonctionnelle.
Cela m'a amenée à me poser des questions et, dans ce
sens-là, quand les gens qui ont plus d'expérience en psychiatrie
adulte parlent de rigidité, cela rejoint mon expérience.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez une proportion
de vos membres qui travaillent en CLSC. Je me suis surtout adressée
à ceux qui travaillaient en institution, c'est peut-être un peu
une déformation. Quel est le rôle que jouent ou que sont
appelés à jouer ceux qui travaillent en CLSC pour le maintien
à domicile ou dans la communauté de ces personnes?
Mme Hevey: Il y a des choses qui changent actuellement.
D'après les discussions que j'ai avec les collègues qui sont en
CLSC actuellement, ils se sentent
dépourvus quand arrive une clientèle dite psychiatrique.
Cela peut être souvent en psychiatrie, mais cela peut souvent être
des gens qui ne fonctionnent pas bien. Ils se sentent dépourvus parce
qu'ils doivent les maintenir chez eux et ils ne savent pas trop quoi faire.
Aussi, ce qu'ils trouvent, dans les échanges avec les services sociaux
hospitaliers, parce que souvent le travailleur social qui est en CLSC va
appeler un travailleur social d'une équipe hospitalière pour
savoir ce qu'on fait avec ces gens-là, c'est qu'il y a comme un manque
de connaissances par rapport à la maladie comme telle ou par rapport
à l'agissement ou au comportement de ces gens en difficulté. Je
peux vous dire qu'on observe cela. Souvent, ils font comme nous: ils essaient
par tous les moyens de les maintenir là où ils sont, mais avec
les moyens qu'ils ont. Si on se compare à quelqu'un qui travaille en
équipe multidisciplinaire dans un hôpital, il a peut-être
plus de support, d'une certaine façon, parce qu'il peut aller demander
un avis à un médecin psychiatre, à un collègue
psychologue ou à une autre personne-ressource, tandis qu'en CLSC il n'y
a pas nécessairement de psychiatre présent.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Serait-il juste de penser
que, historiquement, dans la mesure où on réduit le nombre des
années de l'histoire, dans le domaine de la maladie mentale, vous avez
toujours oeuvré à l'intérieur des institutions
officielles, que cela soit à l'intérieur des écoles, que
cela soit à l'intérieur des hôpitaux, et que cette
intégration ou cette pratique à l'intérieur des CLSC est
nouvelle pour les travailleurs sociaux? C'est un contexte différent. Ils
interviennent de façon différente et davantage en première
ligne, à la prise de contact ou encore ils ne trouvent pas à
l'intérieur du CLSC pour le moment - on a discuté aujourd'hui de
la nécessité de mettre des équipes, enfin, on ne les a pas
appelées des équipes volantes - des équipes de
santé mentale. Mais, comme elles sont inexistantes, ils sont un peu...
(20 h 45)
Mme Brazeau-Patenaude: Dépourvus.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... dépourvus.
Mme Brazeau-Patenaude: Actuellement, ils jouent vraiment un
rôle d'évaluation, de référence. Cela peut
être de l'intégration dans des ressources existantes. C'est
sûr que, s'ils ont besoin d'un placement, les travailleurs des CLSC
doivent passer par les CSS et il y a des références, à ce
moment-là, dans les CSS. Il y a aussi la clientèle qui avait des
difficultés. Je pense que le nombre de personnes ayant des troubles
mentaux et vivant dans la communauté était moins important ou
moins évident il y a quelques années et certains travailleurs
dans les CLSC n'étaient même pas confrontés à cette
réalité ou pratiquement pas. Il survenait un cas à
l'occasion. Lors de mes dernières discussions avec des intervenants dans
les CLSC, ils disaient: La clientèle change; on trouve que la
clientèle est plus désorganisée; on sait moins ce qu'il
faut en faire. Au fond, je pense que c'est la même clientèle qu'on
voit partout, qu'on soit dans une institution comme un CSS ou qu'on soit dans
une école où le tissu social change. Je pense aussi que le
problème de la maladie mentale ou des gens ayant des problèmes
mentaux est de plus en plus important. On le voit et on est tous
confrontés à la même réalité. Je ne pense pas
que ce soit l'apanage des CSS ou des CLSC. Je pense que tous les intervenants
du réseau et même de la communauté sont confrontés
à ces gens-là.
M. Landry (Pierre): Une des idées maîtresses qu'il y
a dans le document et dans notre pensée, c'est l'idée de
système. On entend souvent "réinsertion" ou
"désinsti-tutionnalisation" par rapport à l'établissement
comme si c'était une ou l'autre. À mon avis, c'est un fil
conducteur, c'est-à-dire que, quand on parle d'un système
intégré et coordonné, au fond, l'intervenant qui est en
communautaire a besoin de sentir qu'il peut retourner à un moment
donné son patient, son client en institution pour un bref séjour,
comme celui qui est en institution a besoin de savoir que l'intervenant en
communautaire est capable de l'accueillir et de le réintégrer a
brûle-pourpoint. Cela devrait être beaucoup plus souple, mais on
fonctionne avec des compartiments. Si on sort d'une boîte, on tombe dans
l'autre, et les ressources sont rares partout. Alors, chacun se passe la patate
chaude, jusqu'à un certain point.
Vous parlez du rôle du travailleur social dans les CLSC. Nos
travailleurs sociaux dans les CLSC, on n'en avait pas beaucoup jusqu'à
présent. Je crois savoir que le rôle de ceux qui étaient
là, c'était surtout d'essayer de coordonner du maintien à
domicile, se fiant que les gros cas, ils pourraient toujours les
référer à leurs collègues aux CSS ou aux
hôpitaux psychiatriques des environs. J'ai l'impression qu'on va tomber
bientôt dans une situation un peu différente, c'est-à-dire
qu'il va y avoir plus de travailleurs sociaux dans les CLSC. Je crois
également que la lourdeur des problèmes sociocommunautaires et
peut-être de la maladie mentale aussi va se transférer ou se
transporter. J'ai l'impression que, de toute façon, on va être un
peu démunis, comme on l'est toujours un peu, si on ne réussit pas
cette espèce d'agencement, cette espèce de coordination entre
groupes bénévoles, travailleurs sociaux et
établissements.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Marie-Victorin.
M. Pratt: Mme Patenaude, vous avez dit qu'un des groupes qui
présentaient un problème un peu particulier et aigu, c'est celui
des 18-35 ans. Y a-t-il une approche particulière que vous
préconisez face à ce groupe?
Mme Brazeau-Patenaude: Je pense que je vais laisser ma
collègue répondre. Elle est actuellement en psychiatrie. Elle est
active actuellement.
Mme Sabetta: Je pense qu'il faut vraiment avoir une équipe
stable, une équipe qui croit qu'elle est capable de faire quelque chose
pour aider les jeunes de 18-35 ans. Il faut être disponible. Il faut que
les membres de l'équipe soient disponibles afin de suivre les patients.
Quand les patients ne viennent pas à leur rendez-vous, il faut avoir une
certaine disponibilité afin de les accueillir quand ils vont frapper
à la porte. Parfois, ils nous reviennent en situation de crise et ce
n'est pas le temps de leur dire: Je n'ai pas le temps parce que j'ai quinze
patients. Peut-être qu'on va les faire attendre un peu, mais il faudrait
que l'équipe s'organise, qu'on soit assez de personnes pour assurer un
suivi, comme j'en ai parlé un peu plus tôt, continu et plus
agressif, plus "reaching out". On ne peut pas dire: Ils ne viennent pas, donc,
c'est fini. Ils ne sont plus sur notre liste parce que cela fait six mois. On
garde cela. Je pense qu'il faut avoir vraiment ce qu'Anthony et Pepper aux
États-Unis proposent: une équipe qui va vouloir travailler avec
ce genre de problématique qui est engagée. Je pense qu'il y a des
études qui ont été faites aux États-Unis disant
que, si l'équipe n'est pas engagée et ne croit pas à un
modèle, c'est très difficile. Ce sont des patients et il faut
utiliser beaucoup la communauté. On peut utiliser des
bénévoles, on peut utiliser des ressources dans la
communauté comme les ateliers protégés ou des centres de
jour adaptés, par exemple.
Si je pense aux schizophrènes, souvent on a des gens qui sont
très intelligents et on leur fait faire un peu des choses qu'on faisait
faire aux handicapés mentaux déficients. Cela n'est pas tout
à fait adapté pour eux. Je crois qu'il va falloir qu'on repense
à des activités qui peuvent les intéresser, qui peuvent
les accrocher aussi pour qu'ils viennent et qu'ils aient une place. À ce
moment-ci, quand ils sont dans la communauté, ils n'ont pas de place
où aller. Vraiment, je pense que c'est important.
Le message que je veux vous passer, c'est qu'il faut que ce soit une
équipe bien "staffée", qui est prête à
répondre aux urgences qui est vraiment, comme on dit en anglais,
"committed" et à long terme, pas seulement à court terme. Il faut
vraiment avoir une attitude suivie, aller dans la communauté et les
rencontrer quand cela ne va pas. Dans une situation de crise, c'est d'aller
dans la communauté et d'aller voir la situation. Je peux vous dire, par
expérience, que cela donne des résultats. Je peux vous dire que
j'ai des cas en tête que moi ou mes praticiens ont suivis de façon
vraiment continue. Au début, on a trouvé que cela ne donnait rien
parce qu'ils étaient réhospitalisés. Là, cela fait
dix ans, si je pense à deux cas, et ils n'ont pas été
réhospitalisés depuis cinq ans. Ils avaient eu de nombreuses
réhospitalisations les cinq années précédentes.
Avec la famille, on a fait un travail avec un suivi continu, une
médication et tout et on est arrivé à avoir quand
même une certaine stabilité. Je ne vous dirai pas qu'ils ne
peuvent pas...
Par exemple, souvent, on les envoie prendre un cours à
l'université ou au cégep. Cela a l'air drôle, mais je peux
vous dire que, pour nos schizophrènes qui ont souvent
décroché, qui ont souvent décompensé au moment
où ils étaient à l'entrée de l'université,
de pouvoir remettre les pieds là et de faire comme s'ils étaient
normaux, comme s'ils étaient capables de fonctionner, cela a un effet.
Je l'ai essayé sur plusieurs patients qui avaient, quand même, une
capacité intellectuelle en leur disant: Vous n'y allez pas pour aller
chercher un papier nécessairement, mais vous allez là pour
apprendre, pour regarder ce qui se passe, pour avoir un objectif dans la vie de
faire quelque chose. Ils sont revenus et ils étaient très
contents. Je ne sais pas si cela répond?
M. Pratt: Oui. Cela répond. Mais je trouve que cela est
très exigeant de votre part parce que cela demande une
continuité, cela demande une présence. Le jeune qui devient en
état de crise ou sent un besoin d'aide, il faut que vous soyez une
ressource repérable et tout de suite. Alors, c'est très exigeant
pour vous autres.
Mme Sabetta: C'est vrai que c'est très exigeant. Mais je
pense qu'à certains moments, quand les familles et les patients savent
qu'on est disponible, ils vont attendre aussi. Il peut y avoir des situations
de crise, mais quand ils savent, quand ils nous ont testés... On parle
d'une équipe comme celle de Lise Tessier, Fenton, au Montreal General;
on a fait une étude où il y avait une équipe comme cela de
quatre personnes, mais qui avaient dit qu'ils étaient disponibles 24
heures sur 24. Je vous ai parlé tout à l'heure de l'étude
de Carol Anderson où elle parlait de médication, support à
la famille, etc. C'est très important de leur dire qu'on est disponible,
qu'il y a quelqu'un sur appel. Cela ne veut pas dire qu'on va être
toujours appelé. Ils peuvent vous tester une fois; vous
êtes là, vous répondez, ils savent que vous
êtes là. Après cela, on essaie de leur dire: Penses-tu que
cela pourrait peut-être attendre au lendemain matin? On va être
là. Je veux dire qu'il y a des choses qui se travaillent aussi. Je pense
qu'il ne faut quand même pas partir en peur et dire: On va être de
garde. C'est vrai qu'une équipe, c'est très exigeant, oui, parce
qu'il faut se partager la garde. Je pense qu'il y a aussi une éducation
et les gens savent si on est motivé. Les patients sentent cela. Ils vont
vous le dire. Ils vont te dire: Un tel, il n'a pas l'air bien bien
intéressé à ce que je dis. Moi, il m'a donné telle
affaire et il m'a dit telle chose. Il m'a renvoyé. Il n'est pas
intéressé à ce que je vis.
M. Pratt: Les jeunes sont-ils réfractaires à des
nouveaux visages, à des nouveaux intervenants dans le portrait ou bien
s'ils se fient que c'est toujours la même personne qui est là, qui
va les accueillir quand ils en auront besoin?
Mme Sabetta: Lorsqu'on parle d'équipe, c'est qu'on peut
souvent, quand même, leur faire rencontrer les autres membres de
l'équipe en disant: Nous, on travaille en équipe, on travaille
ensemble. Si ce c'est pas moi qui suis de garde, cela va être lui ou
elle, un tel ou une telle. Il y a des façons de les apprivoiser, mais
c'est toute une mentalité, c'est vraiment une nouvelle approche.
Mme Brazeau-Patenaude: II y a juste une chose que j'aimerais
apporter. Par rapport aux 18-35 ans, qui sont de plus en plus nombreux, pour ne
pas qu'on vive une impuissance et qu'on se sente tout le temps
dépassé - tu parles de changement de mentalité, oui - il
faut qu'on croie qu'on peut vraiment aider ces gens à fonctionner comme
ils peuvent fonctionner. Dans notre travail, entre autres, dans les
équipes de psychiatrie, souvent, on cherche les beaux cas, les cas les
plus faciles parce que ces jeunes de 18 à 35 ans sont très
exigeants, ils sont très désorganisés et, par moments, ils
peuvent voler, ils peuvent entrer dans le système de la justice,
partout. Si on ne croit pas qu'on peut vraiment les aider à fonctionner
dans une communauté le plus normalement possible, je ne pense pas qu'on
puisse les aider. On les maintient, ils sont réhospitalisés et
cela continue.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: J'aurais une petite question. Tout à
l'heure, on parlait de foyers de groupe. J'habite Montréal et on en
entend souvent parler. Je trouve que c'est une bonne initiative, mais
j'aimerais avoir les résultats parce que cela existe, la population des
quartiers s'est faite à cela. Je pense que la population est prête
à les accueillir et à les considérer. J'aimerais savoir
les résultats, si le jeune ou la personne reste là pendant une
couple d'années, je pense, de 18 à 21 ans, avant d'être
autonome. On peut s'en aller en atelier supervisé. C'est quoi, les
résultats? En avez-vous? D'abord, il y a combien de ces foyers à
Montréal?
Mme Sabetta: Des foyers de groupe, il n'y en a pas tellement. Il
y en a très peu. C'est très nouveau pour les patients
psychiatriques, c'est une nouvelle expérience. Il y a des pavillons,
qu'on appelle, qui émanent du centre d'accueil, mais ce ne sont pas des
foyers de groupe. La différence, c'est que, dans un foyer de groupe, il
y a seulement neuf patients. Il y a un personnel qui est plus suivi, il y a
peut-être des personnes qui ne sont pas professionnelles et il y en a
d'autres qui sont des animateurs ou des éducateurs.
Au sujet de votre demande concernant les résultats, à ce
moment-ci, il y a une recherche qui est en cours, qui se fait pour ce qui
était, jusqu'à il y a six mois, la région est de
Montréal où on a mis des foyers de groupe et des appartements
supervisés. La recherche est en cours; alors, je ne peux pas vous donner
de réponse, mais je peux vous dire qu'en ce qui concerne les foyers de
groupe, pour nous, un foyer de groupe, c'est une étape. La prochaine
étape, c'est un appartement supervisé, d'accord. Il y en a qui ne
pourront peut-être jamais aller plus loin que l'appartement
supervisé. Je connais des patients qu'on a rentrés, à ce
moment-ci, qui fonctionnent, mais avant on avait eu à les
déménager vous ne savez pas combien de fois parce qu'ils se
sentaient persécutés. Cela n'allait pas, mais on a réussi
à les stabiliser, à ne pas avoir de réhospitalisation
parce qu'ils sont dans un appartement supervisé, mais où il n'y a
pas un personnel 24 heures par jour. Il y a un animateur qui est là 35
heures par semaine, qui y fait certaines activités, mais on encourage
les patients à faire des activités dans la communauté.
Mme Lachapelle: Je sais que même ces patients qui sont en
appartement supervisé continuent de communiquer avec le foyer de groupe
parce qu'ils ont toutes sortes...
Mme Sabetta: Oui, ils reviennent et je pense que cela est
important, quand ils partent, qu'ils ont leur congé, qu'on puisse
être réceptif à les recevoir parce que souvent ils s'en
vont dans la communauté et ils sont seuls, ils sont très seuls.
Les patients m'ont souvent dit, par rapport aux appartements supervisés:
Quand on s'en va dans un appartement avec tout le monde, les
gens ne nous comprennent pas. Là, au moins, les gens ont
vécu quelque chose qui ressemble à ce qu'on a vécu et on
se sent en confiance parce qu'on peut peut-être parler. Quand cela va
vraiment mal, on peut aller voir une copine ou on peut aller voir un voisin et
dire: Cela ne file pas. Mais l'autre ne sera pas en panique parce qu'il va
comprendre, il a vécu cela et ils peuvent s'entraider aussi. Il y a un
élément d'entraide qui est important, je pense, au niveau des
patients.
Mme Lachapelle: Avant de mettre d'autres services ou même
de répéter ceux-là, on a hâte d'avoir des
résultats. (21 heures)
Mme Sabetta: Je suis tout à fait d'accord avec vous,
madame, par rapport à cela. D'ailleurs, on avait vraiment promu
l'idée de faire une recherche pour savoir ce qui répond aux
besoins des patients, parce que c'est tout nouveau.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Sabetta: Je pense qu'on est à préparer des
plans. 11 faut vraiment regarder ce qui marche, ce qui ne marche pas et
pourquoi. C'est, quand même, tout un nouveau monde.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans la planification du
ministère, enfin, dans la répartition des nouvelles
responsabilités entre les CSS et les CLSC, est-ce que toute cette
dimension des foyers de groupe, des appartements supervisés demeure sous
la responsabilité des centres de services sociaux? Où est-ce que
cela s'en va?
Mme Sabetta: À ce moment-ci, ce qu'on vit à
Montréal, c'est qu'ils vont avoir une certaine responsabilité,
mais il va y avoir aussi le CLSC. Le coordonnateur des ressources, comme je
vous l'ai dit, ne relèvera pas nécessairement du CSS. Le
coordonnateur a une table de planification des ressources et il ne
relèvera pas nécessairement des CSS; il peut relever d'un CLSC ou
bien... Il y en a un dans l'ouest de Montréal qui va relever du conseil
régional. Je pense qu'il va falloir qu'on essaie de voir qui va
coordonner, parce qu'on n'arrivera pas à des recherches si tout le monde
part avec ses petites affaires. Je suis bien d'accord qu'on essaie des projets,
mais qu'ils soient approuvés par une instance administrative, qu'ils
soient suivis et qu'on essaie d'en évaluer la pertinence.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je vais vous
remercier. Vous nous avez donné des informations fort
intéressantes qu'on n'avait pas eu l'occasion de discuter jusqu'à
maintenant. Je vous remercie beaucoup.
Une voix: Merci beaucoup.
Association des psychiatres du Québec
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, le prochain
groupe, c'est l'Association des psychiatres du Québec. Bonsoir, Dr
Bourque et Dr Plante.
M. Morrisset (Raymond): Morrisset.
M. Bourque (Jean-Jacques): Dr Morrisset.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr Morrisset.
M. Bourque: Malheureusement, le Dr Plante n'a pas pu se joindre
à nous ce soir, il le regrette.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que nous avions
convenu - à moins que vous n'ayez eu le temps d'écrire cela la
nuit dernière - que vous feriez une présentation orale et que
vous nous feriez suivre par la suite...
M. Bourque: Oui, une partie de la nuit dernière, j'ai eu
le temps de composer certains commentaires. Comme entendu, si vous le
permettez, nous pourrons compléter. Les idées maîtresses
ont été écrites. Je peux vous en remettre une copie, si
vous le désirez.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est de
l'efficacité, parfait!
M. Bourque: Et le mémoire, en fait, si vous êtes
toujours d'accord, sera complété...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
M. Bourque:... avec ses idées maîtresses qui sont
ici.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parfait, je vous remercie
Dr Bourque. Alors, nous pouvons commencer, Dr Bourque.
M. Bourque: Merci bien. Discuter de la réinsertion sociale
des personnes atteintes de troubles mentaux est impossible sans parler de la
problématique de la désinstitution-nalisation. La
désinstitutionnalisation psychiatrique est un objectif très
valable pour autant que des ressources adéquates répondent aux
besoins de ceux qui conservent des séquelles de maladie mentale.
Les asiles ont été créés d'abord pour
répondre aux besoins de ceux qui étaient
rejetés de la société. Depuis vingt ans, plusieurs
patients psychiatriques sont retournés dans la société et
plusieurs autres pourraient les suivre. À la lumière de
l'expérience américaine et de la nôtre, nous devons
être prudents dans le déplacement de ces malades vers la
communauté, pour les raisons suivantes: plusieurs malades mentaux
végètent dans des taudis et n'ont pas ce qu'il faut pour vivre
convenablement; de nombreux malades mentaux sortent d'une institution
psychiatrique pour entrer dans une autre institution moins adaptée
à leurs besoins, par exemple, les prisons, les centres d'accueil; la
pénurie de ressources intermédiaires et de ressources
complémentaires.
Idéalement, le malade mental avec des difficultés
résiduelles devrait vivre dans sa famille et passer 35 heures par
semaine dans une occupation à l'extérieur de la maison. La
réalité nous montre, cependant, que cet idéal est
actuellement irréalisable dans bien des cas. Les familles, souvent, sont
incapables de le recevoir et les ressources occupationnelles adaptées a
ses capacités sont très limitées.
Pour améliorer la situation, il faut plus de ressources
intermédiaires pour préparer ces malades à vivre dans la
communauté et des ressources complémentaires pour leur donner un
logis et une occupation appropriés.
La psychiatrie est contestée et le sera toujours parce que la
folie fait peur. La psychiatrie est un terrain fertile pour alimenter des
débats passionnés et émotifs. Nous avons tous une crainte
de devenir fous. Ainsi, pour tenter d'éliminer la maladie mentale,
plusieurs personnes bien intentionnées proposent des solutions
généreuses en idéologie, mais sans rigueur intellectuelle.
Le psychiatre demeure, cependant, celui qui est le plus formé et le
mieux informé des connaissances scientifiques et actuelles de la maladie
mentale et de ses aspects biopsychosociaux.
Une analyse de la maladie mentale la plus courante va démontrer
l'importance d'être bien renseigné pour traiter et planifier les
soins des personnes qui souffrent de cette affection. Un bon nombre de maladies
mentales ont une origine génétique probable. Les facteurs
psychologiques et sociaux identifiés sont alors contributoires au
développement de ces perturbations psychiatriques.
La maladie mentale la plus fréquente est la maladie
dépressive sévère. Lorsqu'un jumeau identique souffre de
cette affection, son jumeau a 70 % de chance de faire une dépression.
Les enfants, les parents, les autres frères et soeurs n'ont que 15 % de
risque de développer une dépression. Pour les parents
éloignés, le risque diminue à 7 % et il n'est que de 2 %
à 3 % pour ceux qui n'ont aucun parent avec une histoire
dépressive; 10 % de la population souffriront dans leur vie d'une telle
dépression. Il est reconnu qu'à tout moment 5 % d'une population
donnée ont une dépression sévère.
Il y aurait donc au Québec plus de 300 000 personnes qui
souffrent actuellement d'une dépression grave. Les quelque 700
psychiatres québécois, même avec l'aide des omnipraticiens
et des autres professionnels des équipes psychiatriques, ne peuvent
réussir à s'occuper de tous ces Québécois qui sont
affectés par cette seule maladie. Pourtant, c'est une maladie qui peut
être traitée d'une façon satisfaisante dans plus de 80 %
des cas.
Le même exercice pourrait être fait pour chacune des
maladies mentales. Le taux de guérison varie d'une maladie à
l'autre.
Un Québécois sur cinq va souffrir d'une maladie mentale
pendant sa vie. Parmi ceux qui recevront des soins psychiatriques, plusieurs
seront guéris; d'autres seront améliorés suffisamment pour
fonctionner socialement. Par contre, un certain nombre vont conserver des
séquelles et des handicaps plus ou moins graves; ces derniers auront
besoin de ressources intermédiaires et complémentaires pour
empêcher une détérioration de la maladie et pour
améliorer la qualité de vie.
La qualité essentielle de ceux qui réussissent à
s'occuper des handicapés psychiatriques est d'avoir des attentes
réalistes. Les autres s'épuisent et se découragent lorsque
les malades ne répondent pas à leurs attentes. Lorsque les
séquelles sont importantes, les rechutes sont à prévoir.
Une collaboration active entre les intervenants au moment des phases
aiguës de la maladie permettra alors une intervention rapide et
efficace.
Conclusion. Les recommandations qui suivent ont pour objectif d'assurer
les meilleurs soins à ceux et à celles qui ont des
séquelles de leur maladie mentale. Les ressources proposées
doivent s'articuler avec les intervenants au moment des phases aiguës de
la maladie, c'est-à-dire les psychiatres, les omnipraticiens et les
autres professionnels des équipes psychiatriques.
Recommandations. 1. Améliorer la qualité de vie des
malades qui sont dans la communauté en leur offrant un logis, de la
nourriture, des ressources occupationnelles, un suivi médical et
psychiatrique, une hospitalisation rapide lors des rechutes
sévères. 2. Augmenter les effectifs psychiatriques pour que les
soins requis soient accessibles à tous ceux et celles qui en ont besoin.
3. Développer des ressources intermédiaires, c'est-à-dire
des centres de jour, des foyers thérapeutiques pour aider le malade
à faire la transition entre l'hôpital et la communauté. 4.
Accélérer le retour des patients
psychiatriques chroniques dans la communauté dès que les
services seront organisés adéquatement. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, Dr Bourque. Je
suis contente. Vous apportez des données sur le nombre de personnes qui
peuvent à un moment ou l'autre de leur vie souffrir de maladies mentales
ou qui souffrent de dépressions sérieuses ou d'autres maladies
mentales, ce qu'on n'avait pas eu jusqu'à aujourd'hui. Est-ce que ce
sont là des statistiques que vous inférez des statistiques
américaines?
M. Bourque: Oui. Ce sont des statistiques américaines. En
fait, je pars du principe que nous sommes dans le contexte
nord-américain et il est probable que ces statistiques-là
s'appliquent ici.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. La question que
j'aimerais vous poser, c'est: Quelle est, d'après vous, la proportion de
ces malades-là qui seront toujours appelés à vivre en
institution? Quel pourcentage de ces malades, avec des ressources
adéquates, peut-on espérer voir vivre dans la communauté?
(21 h 15)
M. Bourque: C'est une question à laquelle il est difficile
de répondre pour une raison principale, c'est qu'elle est un peu
théorique en ce sens que les ressources sont plus ou moins
adéquates. Je crois qu'il est difficile de mettre un chiffre parce qu'on
n'a pas eu l'expérience encore et les Américains, non plus, n'ont
pas eu cette expérience-là d'avoir de ces ressources
adéquates et de pouvoir être capables de savoir exactement combien
pourront vivre à l'extérieur d'un milieu psychiatrique. Par
exemple, l'une des considérations très importantes pour nous,
à l'extérieur du foyer, le cas de quelqu'un qui pourrait vivre
dans sa famille... Il y a deux conditions idéales que j'ai
mentionnées. D'une part, le contexte social: il faut qu'il y ait une
famille, il faut que la famille soit capable de recevoir ce malade. D'autre
part, nous croyons qu'il sera plus facile pour les familles de recueillir ou
d'accepter un malade handicapé mentalement s'il peut passer 35 heures ou
une trentaine d'heures à l'extérieur du foyer, dans une
occupation. D'après certaines expériences qui ont
été faites aux Etats-Unis, on croit que c'est possible de rendre
la tâche beaucoup plus facile à la famille si le malade n'est pas
toujours à la maison. C'est beaucoup plus facile aussi pour le malade de
pouvoir avoir un autre lieu, un autre endroit où il peut avoir des
contacts avec l'extérieur.
Or, pour arriver à cela, il faut absolument qu'il y ait de ces
ressources. Lorsqu'on parle de ces grands malades qui ont des séquelles,
on parle, en fait, de l'équivalent d'un handicapé physique. C'est
un handicapé psychiatrique. Il doit y avoir un endroit qui puisse
être capable de répondre à ces besoins. Pensez en fonction
de ces ressources, de permettre une occupation de 35 heures ou d'une trentaine
d'heures par semaine à l'extérieur du foyer, nous croyons que
nous pourrions...
Pour répondre directement à votre question, je crois qu'il
y aura toujours un certain nombre de malades qui auront besoin de soins
prolongés, malgré, en fait, ceci. Je m'excuse grandement de ne
pas pouvoir vous donner les chiffres exacts, parce que j'ai beaucoup de
difficulté à m'imaginer, à savoir quel serait le nombre de
ceux qui pourraient être capables...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, en fait, la
réponse que vous me donnez est que, dans l'état des connaissances
scientifiques ou de la maladie mentale, au moment où on se parle, il
faut prévoir un certain pourcentage qui, de toute façon, aurait
besoin d'une forme d'hébergement permanente, que ce soit dans nos grands
hôpitaux ou ailleurs. Oui?
M. Morrisset: Dans le processus de
désinstitutionnalisation qui s'est particulièrement fait depuis
les années soixante, si on revient aux chiffres américains de 500
000 en institution, ils sont actuellement à 160 000. On peut dire
à ce moment-là qu'ils ont un besoin qui frise peut-être 1 %
actuellement, mais ce besoin est difficile à identifier puisqu'on sait,
par exemple, que dans la seule ville de New York, actuellement, dans un article
qui a paru en juin 1985, il y a 6000 malades mentaux qui vivent strictement
dans la rue, qui n'ont aucun logement et pour lesquels on se prépare
à rouvrir les asiles pour qu'ils aient tout au moins un endroit
où vivre. Le besoin est difficile à quantifier parce qu'il y a eu
un mouvement très fort de désinstitutionnalisation et on en est
maintenant à regarder le résultat de tout cela et ce qui a
accroché. Le nombre de ceux qui sont dans la rue est difficile à
déterminer.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr Bourque, en page 2,
troisième paragraphe, vous dites...
M. Bourque: Est-ce que vous me permettez...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous en prie.
M. Bourque:... de faire un commentaire pour compléter ce
que je disais. J'aurais envie de vous dire ceci. De façon pratique, la
façon de procéder serait d'abord de s'occuper de ceux qui sont
déjà dans la com-
munauté, d'y aller d'un façon graduelle et progressive et
d'essayer de donner adéquatement des ressources pour ceux qui sont
déjà là et, à partir de là, à faire
une étape suivante, c'est-à-dire de sortir progressivement et
d'accélérer le processus pour qu'on puisse au moins s'occuper de
ceux qui souffrent et qui sont déjà dans la
communauté.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est une
réflexion qu'on a eue d'autres personnes. Il y a des gens, d'ailleurs,
qui sont dans la communauté et qu'on ne rejoint même pas, parce
qu'ils sont déjà trop détériorés, ils ne
viennent pas chercher de l'aide. Ils sont devenus des vagabonds, des clochards
ou des itinérants, selon le terme qu'on veut utiliser. Il y a ceux qui
se font suivre sporadiquement dans les cliniques externes des hôpitaux
généraux et dont une partie, je pense, revient dans la
communauté. Ceux-là, on a un contact avec eux, mais leur
stabilité est précaire. Si on peut rejoindre les premiers, je
pense qu'on doit faire un effort, mais les deuxièmes, je pense que c'est
de ceux-là que vous parlez, avant de songer à vouloir trop
accélérer la désinstitutionnalisation des autres...
M. Bourque: Oui, je pense qu'il serait avantageux d'être
prudent et de s'occuper de ceux qui sont dans le plus grand besoin,
actuellement, de besoins fondamentaux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Un psychiatre, hier, nous
faisait la remarque que souvent - souvent, c'est mon terme à moi -il
n'est pas rare que vous soyez même obligés d'hospitaliser des gens
parce qu'ils manquent des ressources sociales. Ce sont des gens qui souffrent
d'inadaptation, qui ont des problèmes psychiques, mais qui, pour des
raisons humanitaires, sont hospitalisés pour une courte période
de temps, alors que le problème le plus aigu, à ce
moment-là, ce n'est peut-être pas d'abord un problème
d'ordre psychique, mais peut-être un problème d'ordre social.
Est-ce que c'est une expérience que vous avez, vous autres aussi?
M. Bourque: Oui, c'est une expérience courante,
étant donné qu'il y a une pénurie de ressources sociales
et étant donné, évidemment, que nous donnons un service
-comme à l'urgence, nous avons une urgence qui est présente - les
gens viennent à notre porte, parfois, pour des raisons de misère
sociale. Bien sûr, nous les recevons et espérons les diriger
ailleurs.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En page 2 de votre
mémoire, au troisième paragraphe, vous dites: "Ainsi, pour tenter
d'éliminer la maladie mentale, plusieurs personnes bien
intentionnées proposent des solutions généreuses en
idéologie, mais sans rigueur intellectuelle. " Je voudrais d'abord que
vous développiez peut-être cela - je sais ce que vous voulez dire
mais enfin - d'une façon plus concrète.
En contrepartie, je dois vous dire qu'on a reçu un nombre de
témoignages à savoir que, par contre, il y avait peut-être
une surhospitalisation par les psychiatres de personnes souffrant de troubles
mentaux. On a parlé de surmédicalisation, on a parlé de
l'approche trop médicale de la psychiatrie. J'aimerais que vous
réagissiez à cela parce que, de part et d'autre, je ne sais pas
exactement où se situe le juste milieu, si on peut en trouver un.
M. Bourque: Oui, vous avez bien compris. C'est implicite dans ce
que je dis là. Je pense que c'est normal que nous voulions... C'est un
peu comme le cancer. Je pense que tout le monde voudrait trouver une solution
au cancer. Bien sûr, ce n'est pas tout le monde qui la trouve et nous
sommes un peu obligés de vivre avec lui en attendant. Je pense que c'est
un peu la même chose dans le cas des maladies mentales. Je vous ai
montré tout à l'heure qu'il y a quand même, dans le cas de
maladies dépressives sévères, 80 % de succès. Il y
a quand même plus de 30 %. Il y a environ 15 %, cela se reflète
dans d'autres maladies également, où il y a un insuccès.
Avec les connaissances actuelles que nous avons, c'est bien sûr que l'on
peut toujours dire: Mais si on faisait un peu plus de ceci, un peu plus de
cela, peut-être que cela changerait quelque chose. Alors, nous,
d'après les informations actuelles, on dit qu'on essaie tout ce qu'il y
a. On a besoin des médicaments. Par exemple, un des dangers qui
existent, à mon avis, à vouloir trop promouvoir la
démédicalisation, c'est que des gens ne prennent pas leur
médicament. Dans les cas, par exemple, de dépression majeure, il
est reconnu aujourd'hui que, dans plus de 70 %, seulement avec un
médicament, on peut traiter une dépression sévère
et qu'on peut améliorer cela avec une thérapie et de l'aide. On
peut monter cela jusqu'à 80 % et davantage. Mais déjà 70 %
peuvent être traités avec un médicament. Le danger qui
existe est que ceux qui souffrent de dépression sévère et
qui pourraient bénéficier de tel médicament particulier
pourraient ne pas prendre ce médicament parce qu'on dit qu'il ne faut
pas prendre de médicament. Il y a ce danger-là.
Par contre, je reconnais que nous sommes à une époque
où chacun a parfois de la difficulté à vivre une
anxiété normale, actuelle, existentielle et qu'il voudrait la
soulager et tout cela et que là, on utilise facilement des
tranquillisants, en fait, mineurs pour pouvoir se sentir mieux dans sa peau et
tout cela. Nous sommes à une
époque où le système de valeurs fait la promotion
très grande du je, du moi, de l'épanouissement de la personne et
de se sentir bien dans sa peau, d'avoir du "fun", si vous me permettez
l'expression. C'est un des critères de valeur, à tel point qu'un
ami sociologue m'a dit qu'il faudrait presque parler de l'éthique du
fun. Il a fait un jeu de mots en disant: C'est la "funéthique". C'est
l'éthique du "fun". Alors, c'est sûr qu'il y a eu cette
exagération d'utiliser des tranquillisants mineurs pour des malaises
existentiels qui n'avaient rien à voir avec une maladie. Il y a des
angoisses, il y a des anxiétés qu'on a tous à vivre.
Certains utilisent la cigarette, d'autres la pipe, d'autres la boisson, en
fait, pour toutes sortes d'affaires; d'autres, du jogging, de l'exercice pour
pouvoir diminuer, réduire cette tension. Mais ceci n'a rien à
voir avec un médicament qui est utilisé pour une maladie mentale
bien identifiée, là où il y a un médicament qui
peut aider, aussi bien dans les cas de psychoses maniaco-dépressives, le
lithium, qui se trouve à Être l'équivalent, en quelque
sorte, de l'insuline pour le diabétique.
Alors, mêler les deux risque de mettre de la confusion. Je pense
qu'en général, malgré qu'il y ait un problème de
surmédicalisation dans les tranquillisants mineurs, je crois que dans
les maladies mentales bien identifiées, à mon avis, il n'y a pas
de surmédicalisation.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais aussi que vous
me... On a eu ici, à plusieurs reprises, des représentations qui
nous ont été faites à savoir qu'il devrait y avoir quelque
part - exactement où, je ne le sais pas - une sorte de comité
directeur de tous les services de la santé mentale ou de la psychiatrie
pour mieux coordonner, planifier, etc. Est-ce que vous voyez un tel organisme
ou un tel comité? À votre avis, où devrait-il se situer?
Quel rôle y verriez-vous pour les psychiatres?
M. Bourque: Oui. Je pense qu'il serait avantageux de pouvoir bien
intégrer les efforts de chacun. Je pense qu'il y a beaucoup de
professionnels qui interviennent à l'intérieur de ces
établissements de soins, des distributeurs de soins. Je pense qu'il
faudrait qu'il y ait une intégration, une coordination, une
planification. (21 h 30)
Le rôle du psychiatre à l'intérieur de cela, je
pense qu'il devrait être important. Où exactement? Quel
rôle? Je n'ai pas de précision à vous donner
là-dessus, mais je pense qu'ayant cette expertise de la maladie mentale,
nous devrions avoir un rôle important à jouer à ce sujet.
Je n'ai pas de précision à vous donner, en fait, quel rôle
exactement. Cela peut être un rôle de consultant, mais je pense
qu'il devrait être écouté attentivement, parce que nous
avons des choses à dire et, en général, je crois que nous
sommes les plus informés de la maladie mentale actuellement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous avons entendu, il me
semble que c'est hier matin, en tout cas, le Comité de la santé
mentale, qui nous a exprimé que, selon lui la médication et les
supports sociaux sont aussi importants l'un que l'autre pour une action
efficace. Est-ce que c'est aussi votre conception des choses dans l'approche
thérapeutique, non seulement thérapeutique, mais de
réinsertion sociale aussi des malades mentaux?
M. Bourque: Je fais une distinction. D'abord, il y a ceux qui
sont guéris ou qui sont suffisamment améliorés et qui
n'ont pas besoin de ce support. En fait, évidemment, je pense que vous
faites allusion à ceux qui ont des séquelles, à ceux qui
ont des déficiences, à ceux qui ont des handicaps, à ceux
qu'on pourrait appeler des handicapés psychiatriques. Pour
ceux-là, je crois - et je serais d'accord avec cela - que l'aide sociale
est très importante pour empêcher la rechute et permettre de
maintenir ces personnes, ces individus parce que, en général,
ceux qui ont ces séquelles ont une très grande sensibilité
au rejet. S'ils se sentent acceptés et qu'ils ne se sentent pas mis de
côté, ils vont pouvoir utiliser les propres ressources, les
propres forces qu'ils peuvent avoir pour se maintenir et, à ce moment,
avec une médication appropriée, je pense que les deux ensemble
vont pouvoir aider. Dans ce sens, je suis absolument d'accord avec cela. Je ne
sais pas si mon collègue...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela, ce sont ceux qui
retournent dans la société.
M. Bourque: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous dites que la
communauté, que les ressources, appelons-les intermédiaires,
communautaires ou alternatives, viennent épauler leurs efforts de
réinsertion sociale.
M. Bourque: C'est cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes
prêts à mettre la main à la pâte, s'il y a des
problèmes particuliers, des états de crise qui surviennent ou de
ces choses. Mais, pour ceux qui viennent à l'hôpital dans un
premier contact, qui viennent chercher de l'aide, qui viennent frapper à
la porte de l'hôpital, à ce moment, soit que vous les preniez en
traitement, soit que vous les référiez à une autre source,
mais si vous les prenez en traitement, est-ce que, immédiate-
ment, vous sentez la nécessité - et je pense que c'est ce
que le Comité de la santé mentale nous disait - que dès le
point de départ, s'ils ont une famille, s'ils ont un milieu, il faut
déjà... Quand je dis le point de départ, ce n'est
peut-être pas la première entrevue que vous faites, mais, dans
toute l'organisation du traitement, il faut que le milieu, la famille, que ces
supports sociaux jouent immédiatement pour rendre votre action, qu'elle
soit psychothérapeutique ou médicale, plus efficace.
M. Bourque: Oui. Je ne sais pas si vous faites
référence, en fait, à ceux qui nous ont
précédés qui ont parlé un peu de la rigidité
et du fait...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non. Au moment où
je vous posais la question...
M. Bourque: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Évidemment, il y a
un lien, peut-être.
M. Bourque: II y a un lien.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'était vraiment
en référence à ce que le Comité de la santé
mentale... Dans la réponse que vous m'avez donnée, j'ai cru
déceler que c'était davantage après, c'est-à-dire
dans la phase de réinsertion sociale proprement dite, que vous voyiez ce
double rôle ou ces doubles fonctions, mais qu'au moment de
l'hospitalisation ou du traitement en clinique externe, vous sembliez ne pas le
voir, parce que vous avez pris soin de faire cette distinction, à moins
que je ne me trompe.
M. Bourque: Oui, j'ai fait la distinction parce que, en fait,
vous parliez un peu de l'équivalence. Dans les autres cas,
évidemment, je crois que, dans les cas de grands malades, il est
très important, dans la mesure du possible, que nous puissions impliquer
ceux qui ont des expertises, impliquer les familles et également les
professionnels, comme les travailleurs sociaux, qui travaillent avec nous, afin
de pouvoir aider ces familles. Je pense que, en théorie, c'est quelque
chose que nous trouvons très important. D'autre part, je dois dire qu'il
peut arriver, comme les travailleurs sociaux l'ont demandé, parce que la
rigidité... Ce qui a été mentionné me revient
à l'esprit et je pense qu'ils ont probablement raison en partie. Cela ne
me surprend pas qu'il puisse arriver parfois des cas où il y a
peut-être ce qu'on peut appeler une rigidité - j'appellerais cela
autrement -lorsque nous avons beaucoup de personnes à voir et que, en
fait, nous savons que les ressources sociales ne sont pas toujours disponibles
- car elles aussi ont beaucoup de travail à faire - on devient, à
un moment donné obligé d'être réaliste et de se
dire: Quelles sont les personnes que je vais référer? Parce que
si je les réfère toutes, toutes celles qui en ont besoin, les
travailleurs sociaux ne pourront pas répondre à la demande.
Alors, il y a une question de réalisme qui entre en ligne de compte,
à cause du fait de la pénurie des ressources qui existe, sur ce
qu'on doit vraiment décider.
En théorie, je suis absolument d'accord avec ce que vous avez
avancé.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je ne sais pas
si mes collègues... Le député de Marie-Victorin.
M. Pratt: Oui. Docteur, dans vos recommandations, a la page 4, il
y en a une qui me plaît énormément. C'est le "know-how",
augmenter les effectifs psychiatriques pour que les soins requis soient
accessibles à tous ceux et celles qui en ont besoin. Cela, c'est
indistinctement des régions, des milieux. Alors, quand vous parlez
d'effectifs psychiatriques, est-ce que vous parlez juste des psychiatres ou
d'autres personnes qui travaillent dans le milieu?
M. Bourque: Je parle des psychiatres en particulier.
M. Pratt: En particulier.
M. Bourque: En particulier. Ceci veut dire également, en
fait, que plus il y a de psychiatres, plus il y a besoin d'autres ressources
humaines dans les équipes psychiatriques.
M. Pratt: D'accord.
M. Bourque: Alors, cela inclut implicitement cela.
M. Pratt: Vous dites qu'actuellement vous êtes 700 dans la
province.
M. Bourque: Oui.
M. Pratt: Êtes-vous conscient qu'il en manque...
M. Bourque: Oui.
M. Pratt:... dans la province de Québec?
M. Bourque: Oui.
M. Pratt: Avez-vous des moyens d'aller en chercher d'autres?
Actuellement, c'est un problème.
M. Bourque: Oui, oui.
M. Pratt: En 30 secondes, avez-vous une...
M. Bourque: Oui, oui, je peux vous dire...
M. Pratt:... technique pour...
M. Bourque:... qu'en fait il y a 854 psychiatres qui sont
inscrits à la Corporation des médecins du Québec. Il y en
a 700 qui sont inscrits à l'Association des psychiatres. Nous avons
à peu près 600 psychiatres qui travaillent au moins à
moitié-temps. Alors, je voudrais vous expliquer pourquoi. Il y a 154
psychiatres qui sont inscrits à la corporation mais qui ont
déjà travaillé au Québec; ils gardent le contact au
cas où ils pourraient revenir. Alors, on pourrait peut-être aller
les chercher.
M. Pratt: Oui, mais d'actifs, vous en avez combien?
M. Bourque: Actuellement, pleinement actifs, on en a 600 et il y
a une diminution. Alors, nous avons proposé une façon qui nous
apparaît facile pour augmenter les effectifs. Ils sont de deux sortes:
1°, c'est d'ouvrir les portes à tous les candidats valables, pour
ceux qui finissent leur cours de médecine et qui demandent à
venir en psychiatrie, donc de leur permettre de venir; actuellement, il y a des
candidats valables qu'on ne reçoit pas; 2°, il y a un grand nombre
d'omnipraticiens qui, dans les régions éloignées,
travaillent dans des milieux psychiatriques, sont intéressés par
la psychiatrie, et qui, par une incitation financière - parce qu'ils ont
des familles -pouvant leur permettre de revenir à Montréal et de
faire leurs études, accepteraient un contrat de cinq ans pour retourner
dans ces régions, une fois qu'ils ont terminé leurs études
de psychiatrie; ils accepteraient cela. Cette solution a été
essayée dans les années soixante et a donné de bons
résultats. Il y a eu plusieurs omnipraticiens qui, à la suite
d'une incitation financière, sont devenus psychiatres, et cela a
donné de très bons résultats, d'autant plus que cet
omnipraticien travaille déjà dans le milieu, connaît le
milieu, vit dans une région donnée. Nous croyons que nous
pourrions augmenter sensiblement le nombre d'effectifs mais à condition,
évidemment, que la société le veuille bien.
M. Pratt: Ce que je souhaite, c'est qu'on mette ces moyens
pratiques à exécution. Évidemment, en faisant la
tournée de la province dans les différents milieux, on a
lancé des cris d'alarme dans certains coins où il n'y avait pas
de psychiatre et on ne voyait pas comment on pourrait régler le
problème. Je pense que c'est tous ensemble que nous devons nous pencher
sur le problème et essayer d'y concourir le mieux possible. Vous
êtes bien placés non seulement pour voir à ce qu'il y ait
de l'aide, mais aussi de la relève. Merci, docteur.
M. Bourque: Si vous le permettez, je pourrai inclure, en fait,
dans le mémoire qui va suivre un document en annexe qui explique notre
proposition.
M. Pratt: Cela étofferait la deuxième
recommandation. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: J'ai une petite question. Je sais que, comme
psychiatre, vous rencontrez le malade pendant un certain temps, mais par la
suite... Je me pose toujours des questions. Si c'est un jeune adulte entre 18
et 20 ans, après l'avoir examiné, après avoir compris
à quel degré est sa maladie, est-ce que vous parlez aux parents?
Expliquez-vous tout cela aux parents, ou si vous dressez plutôt un
tableau et que vous le remettez à quelqu'un d'autre qui se charge
d'informer ou de rassurer?
M. Bourque: Jusqu'à l'âge de 18 ans -vous parlez de
18 ans mais, si vous permettez, je dirai ceci - en général, nous
insistons beaucoup pour voir les parents dès le départ,
dès la première rencontre. Il arrive parfois qu'il y ait des
raisons importantes pour lesquelles l'adolescent ou l'adolescente nous demande
- il nous en explique les raisons - que ses parents ne soient pas là, et
nous accepterons. En général, on aime bien que les parents soient
là parce que cela nous apparaît bien important de pouvoir bien
situer au point de départ. L'expérience nous démontre que,
lorsque ces adolescents ont des difficultés, la famille est
impliquée émotivement et d'une façon dynamique. Il est
très important de voir aussi les parents pour pouvoir s'assurer que,
d'une part, les parents vont bien comprendre ce qui va se passer et être
capable de les voir plus tard au cas où ce serait nécessaire.
À partir de 18 ans - et c'est là que le problème se
pose, en fait - dans notre société, une personne est adulte. S'il
y a une insistance de la part de la personne pour qu'on ne voie pas les
parents, à ce moment-là, évidemment, cela pose un
problème. Je crois que nous devrions, en fait, essayer, dans la mesure
du possible, de voir les parents parce que c'est très important à
moins, évidemment, qu'il n'y ait pas d'implication et que le
problème soit vraiment individuel. Mais surtout lorsqu'il y a
des pathologies sérieuses qui risquent d'avoir des
séquelles, les parents vont être importants pour permettre
à ces gens-là de progresser. Je crois que votre intervention est
très à point, c'est sûr. (21 h 45)
Mme Lachapelle: Je pense souvent aux jeunes dans notre
société qui ont quelquefois des attitudes bizarres qui peuvent
être un abus de quelque chose, mais les parents, qui ne sont pas au
courant de ce qui arrive, peuvent argumenter pour rien avec le jeune sans
savoir quelles sont les raisons qui sont en arrière de cela.
M. Bourque: Absolument. J'arrive d'un congrès de
l'Association internationale de la psychiatrie de l'adolescence qui s'est tenu
à Paris, et il a été beaucoup question des
postadolescents. On a même eu l'occasion d'entendre Mme Christiane
Collange qui a écrit un volume que vous connaissez peut-être, "Moi
ta mère". Elle demandait à ces paychiatres: Qu'est-ce que je dois
faire avec mes quatre fils qui me collent, qui restent à la maison, qui
veulent toute leur indépendance, leur liberté, et qui
m'enchaînent à la maison?
Quand quelqu'un a passé 18 ans et reste encore à la maison
et qui ne va pas bien, je pense qu'il est probablement très important
d'avoir tout le tableau de ce qui se passe chez ceux qu'on peut appeler les
postadolescents et qui ont un peu des comportements d'adolescents, même
s'ils sont adultes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de... Non? J'aurais une question à vous poser. On
parle de la rareté des effectifs psychiatriques - mon collègue en
a parlé - pour les régions éloignées. Seriez-vous
capable de me donner - évidemment, je comprends que c'est toujours des
approximations - en moyenne, le temps passé par les psychiatres à
l'hôpital, cela peut être au CLSC, la proportion du temps
passé dans l'établissement et du temps passé en bureau
privé.
M. Bourque: C'est 85 %.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): 85 % du temps est
passé à l'hôpital?
M. Bourque: Oui, ou en établissement, pour les
psychiatres.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour les 600 psychiatres
qui sont là?
M. Bourque: Oui. Ce sont là mes chiffres.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Maintenant, il y a un problème dans les régions
éloignées, mais il semble aussi qu'il y ait un problème de
décroissance, d'après ce que vous avez dit tout à l'heure,
du recrutement des psychiatres, en général. À quoi est-ce
dû, selon vous? Il y a eu à un moment donné la question de
contingentement, mais la psychiatrie est finalement une des
spécialités... Vous n'avez pas l'air d'accord!
M. Bourque: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, votre
collègue. On m'avait donné l'impression ou donné la
nouvelle que cela avait été passablement
décontingenté pour la psychiatrie comme, d'ailleurs,
l'anesthésie ou je ne sais quoi.
M. Morrisset: Oui, cela avait été
décontingenté - c'est un mot qui me déplaît! - au
niveau du ministère, mais, effectivement, au niveau des
universités, entre la médecine, la chirurgie, etc., cela ne s'est
pas si bien passé que cela. Effectivement, sur 40 ou 45 candidats qui
peuvent avoir demandé à venir cette année,
l'université peut n'en avoir accordé accepté que vingt.
C'est un décontingentement...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Décontingentement.
M. Morrisset: Je ne le dirai pas!
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous, nous avons de la
difficulté avec la surmédicalisation!
M. Morrisset: Cela ne se produit pas tant que cela sur le
terrain, parce qu'il y a des demandes!
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je posais la question
parce que je me demandais si, à un moment donné, la pratique de
la psychiatrie devenant peut-être plus difficile, dans un contexte un peu
différent de ce qu'on a connu, par exemple, à la fin des
années cinquante ou au début des années soixante, et si le
recrutement était plus difficile à partir de ce type de
considération. Il y aurait des candidats, mais il n'y a pas de
place.
M. Morrisset: II y a des demandes, mais il n'y a pas de
place.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... de
spécialisation.
M. Morrisset: Les budgets universitaires sont distribués
de telle façon et c'est effectivement assez difficile à
traverser. Quand vous parlez du travail, quand on parle des jeunes qui
finissent actuellement en
psychiatrie, c'est un autre phénomène, ils ne sont pas du
tout prêts à faire le travail que nous faisons, nous, gens d'un
certain âge. Ils ne sont pas prêts à prendre la
relève et ils ne veulent plus faire la même chose qu'ils nous ont
vu faire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Comme quoi, par
exemple?
M. Morrisset: Pardon?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Comme quoi, par
exemple?
M. Morrisset: Ils ont tendance à avoir des exigences assez
grandes pour du travail précis. Ils ont très peur de ce qu'on
appelle le "case load", ils ont peur d'accumuler une clientèle qui
devient excessivement lourde, c'est vrai. Il n'y a pas eu ces migrations dans
les autres pays et dans les provinces, quand on parle des psychiatres, des
migrations d'un hôpital à l'autre. Le phénomène qui
explique cela, au fond, c'est le "case load". Après six ou sept ans dans
une bâtisse, tu es rendu à un certain nombre de patients qui finit
par t'écraser et tu changes de place, tu recommences. Les jeunes tentent
d'éviter cette forme de pratique, ceux qui finissent actuellement. Ils
font des choses bien, ils font des choses correctes, mais on est vraiment
devant un phénomène où il y a deux modalités de
pratique qui s'installent et qui peuvent être assez inquiétantes
pour nous.
M. Bourque: On se posait la question, en fait. En venant de
Montréal aujourd'hui, on se demandait: Est-ce que les jeunes sont plus
préoccupés par leur qualité de vie, d'une certaine
façon, et se limitent davantage, veulent éviter
l'épuisement professionnel ou je ne sais pas trop quoi? Mais il est
sûr qu'on voit cette tendance chez les jeunes à se limiter et
c'est peut-être mieux pour l'hygiène mentale également.
Peut-être que si tout le monde arrivait à pouvoir agencer les
responsabilités, le taux de travail, et partager cela avec d'autres
choses dans la vie et non pas uniquement faire une chose, je pense que c'est
bon pour l'hygiène mentale. On se demande si on n'en a pas trop fait, si
on en fait pas trop et si on n'a peut-être pas assez limité notre
champ d'action. Cela, c'est une question qu'on se pose. On n'a pas
répondu à la question encore.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On pourrait
peut-être se demander si c'est pour notre hygiène mentale, qu'on
se retrouve ici alors qu'il fait beau. On devrait peut-être être
ailleurs.
M. Morrisset: C'est une bonne question.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je n'ai pas d'autre
question à vous poser. Je veux vous remercier d'être venus et nous
n'hésiterons pas à vous recontacter au besoin. J'ai l'impression
que, sur la désinstitutionnalisation, je n'ai vraiment pas le pouls de
votre sentiment, c'est-à-dire que vous voulez plus de ressources, mais
même avec plus de ressources, vous voulez aussi une certaine prudence
quant à ceux qu'on peut désinstitutionnaliser ou non.
M. Bourque: Si vous me le permettez, nous allons vous envoyer le
mémoire complété. Adressé à vous, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Au secrétaire de
la commission, au Secrétariat des commissions parlementaires.
M. Bourque: Merci bien.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci bien.
(Suspension de la séance à 21 h 50)
(Reprise à 21 h 55)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je pense que nous avons
déjà à la table les représentants du Regroupement
des parents et amis du malade mental, section Québec. Alors, M. le
président Poirier, si vous voulez, pour les fins du Journal des
débats, afin qu'il puisse identifier les personnes, présenter
ceux qui vous accompagnent?
Regroupement des parents
et amis du malade mental,
section Québec
M. Poirier (Paul-Émile): Mme Thérèse
Poirier, M. Ronald Châteauvert, M. Gilles Dupont.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bonjour. Alors, si vous
voulez procéder avec la présentation?
M. Poirier: Alors, si vous permettez, j'aurais un petit
commentaire, au début. C'est que notre mémoire découle de
la concertation auprès de nos membres et ce que nous vivons dans la
région de Québec, parce que le regroupement existe surtout pour
la région 03, secteur de Québec.
Alors, un mot en ce qui concerne le regroupement. Si vous permettez, je
vais vous lire tout simplement les deux derniers paragraphes de cette page.
"Tous les professionnels sont organisés
en corporation ou en syndicat pour défendre leurs
intérêts. Le malade et sa famille sont toujours seuls pour
affronter les préjugés du public et les intérêts
parfois divergents des corps professionnels. " C'est là le Regroupement
des parents et amis du malade mental. "De plus, le malade mental est soit un
conjoint, une conjointe... " de fait, il est rattaché d'une façon
ou d'une autre à une famille. "La famille est l'institution la plus
durement affectée par la maladie d'un de ses membres. Nous comprenons
difficilement que les institutions spécialisées puissent se
passer de sa collaboration dans le traitement du malade mental. "
Dans le sommaire également, si vous permettez, je vais vous lire
les paragraphes 3 et 4. "Parmi les hôpitaux que nous avons visités
- de fait, cela ressemble peut-être à des conclusions - le
pavillon Antoine-Gauvreau à Lévis nous a paru le plus
adapté au traitement du malade. "Parmi les centres qui peuvent recevoir
le malade à sa sortie de l'hôpital, celui qui nous paraît le
mieux adapté et qui peut servir de modèle est la Maisonnée
à Charlesbourg. Un centre de réinsertion doit d'abord
répondre aux besoins du primum vivere, ensuite, il est possible de
parler de guérison et de réinsertion sociale. "
Alors, nous souscrivons difficilement au système actuel. 11 est
inutile de parler de services de soutien si on ne modifie pas la philosophie de
base. Tout en reconnaissant que tout le monde à l'intérieur du
système actuel fait son possible, le regroupement constate, en ce qui
concerne les coûts, et je pense bien que vous êtes aussi au courant
que nous, que, malgré les sommes dépensées pour la maladie
mentale, les résultats sont minimes.
Syndrome de la porte tournante. On dit que la réhospitalisation
à Robert-Giffard est de l'ordre de 80 %. Cette situation est due
à quoi? D'après la revue Santé mentale, dans le
numéro d'avril dernier, l'expérience des appartements
supervisés à Montréal a réduit le taux de
réhospitalisation à 20 %. Les quelques cas que nous avons
étudiés dans le secteur de Québec donnent des
résultats a peu près correspondants.
Les traitements inadéquats. Il découle des constatations
que nous pouvons faire que les traitements employés sont
inadéquats et se résument, la plupart du temps, à doser
des médicaments pour que le malade puisse avoir un comportement
acceptable et puisse vivre en société pour des laps de temps plus
ou moins longs sans déranger son entourage.
Hôpitaux inadéquats.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse, M. Poirier.
Je ne sais pas si c'est seulement moi qui suis perdue, mais pourriez-vous nous
indiquer ce que vous lisez?
Des voix: La page 3.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La page 3.
M. Poirier: Excusez, c'est le chapitre I, situation actuelle.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah bon! Excusez-moi de
vous avoir interrompu.
M. Poirier: Dans la pagination...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Continuez. Oui, oui, je
l'ai.
M. Poirier:... il y a eu une erreur.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je l'ai, c'est ma
faute.
M. Poirier: La page 2 du chapitre 1. Traitements
inadéquats et hôpitaux inadéquats. La majorité des
centres psychiatriques dans les hôpitaux furent formés de sections
qui étaient antérieurement attribuées aux malades
alités. Alors que l'on parle d'autonomie, l'hôpital est le milieu
où l'on devient le plus dépendant: dépendant d'un horaire,
d'un régime, d'une discipline, d'une équipe. La majorité
des hôpitaux que nous connaissons sont aliénants.
Le malade psychiatrique n'est pas un malade alité. Il ne souffre
ordinairement d'aucun handicap physique. Il lui faut un milieu où il
peut occuper son temps, se distraire, mener une vie normale tout en suivant sa
cure.
Alors, j'ai è l'image Robert-Giffard, où la
première institution environnante, si vous voulez, c'est le
cimetière. Comme facteur moralisant, c'est assez difficile. (22
heures)
Services insuffisants hors l'hôpital. Dès que l'on a
équilibré la médication, l'on donne congé au
patient sans autre recours. Ce dernier doit se trouver un logement, doit
réorganiser sa vie tout en subissant le poids de son handicap et
l'asservissement de sa médication. Les quelques services de soutien
adéquat ne répondent que dans une faible proportion aux
besoins.
Les travailleurs sociaux de Robert-Giffard nous disaient que 60 % des
patients retournaient dans leur famille. Cela veut dire que 40 % ont
effectivement... Peut-être que 10 % se trouvent des endroits dans des
familles d'accueil et autres organismes spécialisés, mais les
autres 30 % sont ceux qu'on retrouve très souvent dans l'indigence et
dans les milieux mal famés.
Une solution de rechange. Il se peut que les constatations faites dans
le premier chapitre ne soient pas conformes à la réalité.
Ceci est dû au manque d'information, au manque de communication des
services
concernés.
Une voix: Vous avez passé...
M. Poirier: Pardon?
Une voix:... ce que font les spécialistes.
M. Poirier: Ah! bien oui, excusez! Voici, justement à la
page 3, la mention des services insuffisants hors de l'hôpital. Que font
les spécialistes? C'est une question qu'on se pose parce que, de fait,
en ce qui nous concerne, tout ce qu'on constate, c'est que très souvent
ils réussissent à donner des médicaments et leur
discrétion nous empêche de savoir spécifiquement quel est
leur rôle.
Que font les CLSC, quels sont les liens des CLSC avec les hôpitaux
psychiatriques? Il ne semble y avoir aucune relation ni aucun service à
l'intérieur des CLSC pour les expatients des hôpitaux
psychiatriques. Pourtant, s'il y a un endroit où le CLSC aurait un
rôle social à jouer, c'est bien dans le domaine de la santé
mentale.
Une solution de rechange. Il se peut que les constatations faites dans
le premier chapitre ne soient pas conformes à la réalité.
Ceci est dû au manque d'information, au manque de communication des
services concernés. Les médecins ne parlent plus latin avec leurs
patients mais leur grande vertu de discrétion est un vice qui n'aide pas
à la compréhension ni à la connaissance du travail qu'ils
font.
De plus, le phénomène de santé semble tellement
compliqué que rares sont ceux qui désirent s'engager dans cette
voie. On se contente de soigner nos maladies car, surtout dans le domaine des
maladies mentales, on a l'impression que l'on soigne plus les maladies que l'on
soigne la santé.
La conception qu'a le regroupement d'une politique de santé
mentale doit être soutenue par les services suivants:
Éducation. Quels sont les éléments d'une bonne
santé sur le plan biologique, psychologique et social? Dès
l'école, on devrait donner des cours sur le "savoir-vivre". Tant et
aussi longtemps que la science de la santé ne fera pas contrepoids
à la science de la maladie, tant et aussi longtemps que nous ne
convaincrons pas les individus de soigner leur santé, le coût de
la maladie ira en augmentant. L'éducation est le seul moyen de rendre
les gens autonomes et des les amener à prévenir plutôt
qu'avoir à guérir. Avec l'assurance-maladie, c'est tellement
facile d'être malade et être en santé semble être une
vertu tellement austère que beaucoup de gens y renoncent.
Recherches. Il se fait quelques recherches en santé mentale mais
ces recherches semblent être décousues et ne font l'objet d'aucune
évaluation par les gens du milieu. L'on entend parler
d'expériences faites aux États-Unis, en Angleterre, en Italie, en
Europe, mais, la plupart du temps, les psychiatres disent que ces
expériences sont non concluantes. Par contre, dès qu'un nouveau
médicament est mis sur le marché, immédiatement la
publicité en fait la solution miracle et les psychiatres emboîtent
le pas.
Est-il possible de faire une classification des troubles mentaux afin
que nous puissions distinguer entre les troubles affectifs, les troubles de
comportement et les troubles mentaux proprement dits? Il semble que c'est mis
un peu dans la même sauce de par les commentaires qu'on en
reçoit.
L'on entend dire que ceux qui souffrent d'hypoglycémie peuvent
devenir dépressifs et qu'ils se guérissent par une alimentation
adéquate. Des psychiatres semblent avoir des objections à
consulter des endocrinologues. Pourquoi les patients ne pourraient-ils pas
avoir un rapport endocrinien lorsqu'ils le demandent? En plus de
l'évaluation psychologique du malade, que fait-on en ce qui concerne
l'aspect biologique?
Rôle de la famille. La première entité à
laquelle se rattache le malade mental est la famille. C'est soit un conjoint,
une conjointe, un père, une mère, un frère, une soeur, un
fils, une fille qui est malade. Or, cette famille est ignorée par les
praticiens qui ne la considèrent que comme une adresse de retour pour le
patient. Qu'on lui accorde au moins le même encadrement, le même
appui moral qu'aux familles d'accueil. Puisque 60 % des patients retournent
dans la famille naturelle, on aimerait que celle-ci ait un peu de soutien.
En théorie, elle devrait faire partie du réseau
thérapeutique mais, dans la pratique, elle est laissée
entièrement pour compte; elle est laissée complètement
ignorante de la maladie et du comportement qu'elle doit avoir vis-à-vis
du malade. Ceci crée parfois des contradictions. C'est que justement la
famille elle-même a sa conception de la maladie et le médecin a
une conception et le malade est pris entre deux feux.
Les membres de la famille sont près du malade, s'en
inquiètent, vivent dans l'angoisse, se posent des questions, n'ont
souvent aucun secours, aucun endroit où s'adresser.
Ces membres souffrent en silence dans un climat de
préjugés. Les problèmes occasionnés par le malade
perturbent le milieu, peuvent être l'objet de discorde entre les
frères et les soeurs et même, dans certains cas, amener la
dislocation du couple.
Information. Cette situation de la famille nous amène à
demander un service d'information pour la famille. Dès
l'hospitalisation, il devrait y avoir rencontre entre les membres de la famille
et le psychiatre. Je voyais tantôt qu'on faisait une
distinction entre le jeune de 18 ans et celui de 18 ans et plus. Le
problème est le même, que cela soit un mari et une épouse.
Ordinairement, le mari ou l'épouse sont âgés d'un peu plus
de 18 ans. Quant à l'information, pour les autres membres de la famille,
le problème est exactement le même en ce qui nous concerne. De
plus, cette famille devrait pouvoir compter sur l'aide d'un agent de quartier
ou d'un travailleur social, membre de l'équipe thérapeutique.
Trop souvent, malheureusement, les travailleurs sociaux ne font que
chercher les causes de la maladie et, de ce fait, culpabilisent la famille sans
lui apporter aucun secours. Il faudrait donc que les travailleurs sociaux aient
une formation adéquate pour pouvoir aider la famille et
l'intégrer dans le réseau thérapeutique.
Le CRSSS. Le CRSSS nous semble répondre plus aux demandes des
spécialistes qu'aux besoins du malade. À notre avis, cela doit
être le rôle du CRSSS de définir les politiques en maladie
mentale, de définir les besoins du malade, les besoins médicaux
et les besoins matériels. Les besoins médicaux et les besoins
matériels vont souvent de pair. L'insécurité
matérielle est souvent cause de rechute chez le malade. Nous croyons que
l'environnement est un facteur important.
Rôle des CLSC. À l'intérieur de tout CLSC, il
devrait y avoir un service psychiatrique où le patient est
référé lorsqu'il sort de l'hôpital. Le CLSC devrait
avoir pour mission de démystifier la maladie mentale auprès du
public et de se servir de tous les moyens de communication connus pour tuer les
préjugés qui sont parfois plus difficiles à supporter et
plus tenaces que la maladie.
Organismes de soutien. Il y a actuellement beaucoup de
bénévolat dans le champ de la maladie mentale. Sur le plan
humain, ces bénévoles font un travail bénéfique
mais, parfois, ont peine à se dégager de leurs propres
préjugés vis-à-vis de la maladie.
La plupart des organismes que nous connaissons sont nés au hasard
des événements et luttent fortement pour leur existence.
Malheureusement, un manque d'évaluation et de coordination et parfois de
compétence fait que leurs efforts sont très dispersés.
Il y aurait lieu que ces organismes se rattachent aux CRSSS, aux CH ou
aux CLSC selon leur objectif propre.
Un service de dépannage. Il arrive, pour diverses raisons, qu'il
soit impossible à des familles de reprendre un ex-patient psychiatrique.
Il arrive aussi que ce dernier préfère son autonomie face
à sa famille.
Malheureusement, quand il sort de l'hôpital, le malade n'a souvent
pas de logement, il a perdu ses amis, il n'a aucun moyen de se distraire et
d'occuper convenablement son temps. Il devrait y avoir un centre de
dépannage possiblement rattaché à un CLSC ou à un
autre organisme, pour voir à ce que l'ex-patient se trouve un logement
adéquat sans se faire exploiter. Ce centre pourrait aussi être un
lieu de distraction et offrir lecture, amusement, jeu, sport et des cours de
réinsertion tant au plan physique qu'au plan social.
Appartements supervisés. Montréal a une expérience
qui semble concluante en ce domaine. Ces appartements ne peuvent se
réaliser sans être subventionnés. Notre regroupement
insiste pour que cette solution soit étudiée incessamment et, si
l'étude est positive, que l'on mette de l'argent à leur
réalisation.
En plus des appartements supervisés, une autre solution serait
les fermes subventionnées pour certaines catégories de
malades.
Un travail adéquat. Comme le dit Félix Leclerc, le
meilleur moyen de tuer un homme, c'est d'en faire un chômeur.
Qu'advient-il de celui qui a un passé psychiatrique et qui, en plus de
subir les préjugés de la société, n'a aucun moyen
de se réaliser dans un travail?
Un certain nombre de postes devraient être réservés
aux patients, tout comme on le fait pour les handicapés physiques. La
fonction publique devrait être la première à donner
l'exemple. Nous devons cependant faire une distinction entre le
handicapé physique et le handicapé mental.
Nous savons que la majorité des schizophrènes sont des
gens très intelligents. En dehors de leurs périodes de crise, ces
gens peuvent être très constructifs et remplir un rôle
très valable. Avec la meilleure volonté du monde, souvent, on les
inclut dans des équipes de travail ne correspondant ni à leur
attitude ni à leur capacité physique. L'employeur qui engage un
malade mental doit être au courant de son handicap et des
conséquences. Le malade peut ainsi travailler dans un climat de
compréhension qui peut aider à son rétablissement.
Soutien financier aux organismes bénévoles. Le Regroupemnt
des parents et amis du malade mental aimerait pouvoir jouer un rôle
auprès du public et auprès des organismes concernés, mais
il est limité dans son action à cause de ses moyens
financiers.
Beaucoup de projets demeurent à l'état de projet à
cause d'un manque de moyens financiers. Nous ne demandons pas au gouvernement
d'injecter plus d'argent, mais de voir à ce que l'on fasse un emploi
plus profitable de l'argent que l'on dépense.
Nous demandons que l'on cesse de parler de la famille dans les rapports
et qu'on lui donne les moyens de se faire valoir.
Rôle du psychiatre. Le pouvoir du psychiatre semble être
assez étendu. C'est
lui, et lui seul, qui décide du traitement, prétendument
avec la collaboration du malade. La famille aimerait être
informée, car il se produit parfois des situations qui prêtent
à malentendus.
Dès que les parents posent des questions, veulent s'impliquer
dans la guérison d'un des leurs, on leur parle de l'autonomie du malade.
Est-ce qu'une personne handicapée mentalement, dopée par les
médicaments, seule contre le système, peut être autonome?
C'est le meilleur argument que peuvent employer les milieux médicaux et
les milieux sociaux pour motiver leur inaction.
C'est un droit et un devoir pour la famille d'aider un de ses membres
malades et nous demandons aux organismes concernés de le
reconnaître. Nous sommes d'accord que l'autonomie du malade doit
être un objectif à atteindre, mais lorsque chacun aura rempli ses
responsabilités. Nous ne voulons pas que ce soit un argument pour ne pas
répondre aux questions des parents, pour refuser leur collaboration,
pour se dégager de ses responsabilités professionnelles qui
consistent à soutenir le malade, dans la mesure du possible,
jusqu'à ce qu'il puisse être autonome.
Pour ce, il faut que l'hôpital soit un lieu propice à sa
guérison et qu'à sa sortie de l'hôpital, il ait à sa
disposition les services essentiels pour empêcher, dans la mesure du
possible, sa rechute.
Tels sont quelques-uns des services de soutien que le Regroupement des
parents et amis aimerait voir exister. Il y a plusieurs autres points sur
lesquels nous aimerions faire des suggestions. Parmi eux, il y a celui d'un
centre multidisciplinaire, d'un service d'information pour le public
organisé par l'hôpital Robert-Giffard. Ce service pourrait
être à l'intention des parents où, une fois par semaine, il
y aurait conférence, remise des documents et de l'information pour toute
personne intéressée de près ou de loin au malade mental
et, particulièrement, pour les parents qui ont un proche
hospitalisé. L'on parle également d'un centre pour des situations
de crise. Ce que nous en savons, c'est que ce centre répondrait
plutôt aux peines d'amour qu'aux malades en situation de crise. C'est que
l'on a une définition de dangerosité qui, en ce qui nous
concerne, nous semble ambiguë.
Conclusion. En guise de conclusion, nous demandons qu'à sa sortie
de l'hôpital, le malade soit dirigé vers le centre de
dépannage qui s'occupera de lui trouver une place dans un appartement
supervisé où des personnes qualifiées pourront lui donner
la sécurité essentielle à sa guérison.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On vous remercie
beaucoup. J'aimerais que vous me disiez combien il y a de membres dans votre
Regroupement de parents et amis du malade mental, section Québec?
M. Poirier: Si vous permettez un commentaire au début,
c'est qu'à l'intérieur du regroupement, nous avons une section
que nous appelons soutien-famille où des personnes rencontrent les
familles pour les soutenir et s'entraider. Alors, à l'intérieur
du mouvement, jusqu'à ce jour, il y a probablement une centaine de
personnes - je n'ai pas les chiffres - et il y a également un certain
groupe de parents en collaboration, en relation étroite, pour les
questions de soutien. Il y en a probablement une vingtaine ou une
trentaine.
M. Dupont (Gilles): II y en a à peu près une
quarantaine. Depuis que nous avons commencé cette aide, nous aidons 35
personnes ou familles.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais à
l'intérieur, vous en avez aidé 35, mais comme regroupement?
M. Dupont: Comme regroupement, nous avons une centaine de membres
qui ont signé des cartes d'adhésion.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah! une centaine de
membres.
M. Dupont: Nous avons des personnes qui n'ont pas signé de
cartes d'adhésion et que nous aidons.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Quel a
été l'origine de votre mouvement?
M. Dupont: On explique un peu l'origine du mouvement et ce qu'il
est dans le mémoire. En 1980, sous les auspices de l'Association
canadienne de la santé mentale, un groupe de parents se
réunissait pour assister à des conférences sur la maladie
mentale.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Excusez-moi. C'est
probablement pendant que je cherchais où vous étiez rendu,
que...
M. Poirier: À la suite de ces réunions, on s'est
connu et on s'est aperçu qu'on n'était pas seuls. Alors, on s'est
dit: C'est l'occasion de se regrouper et de s'entraider. C'est à la
suite de cela, justement...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'étaient surtout
des parents qui s'étaient regroupés, dans le fond, des parents de
personnes atteintes de maladies mentales.
M. Poirier: Oui, la majorité des membres ont un proche
atteint de maladie
mentale, beaucoup dans le secteur de la schizophrénie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez probablement
été associé d'assez près à tout le
problème de la désinstitutionnalisa-tion. Ce n'était pas
le problème de la désinstitutionnalisation, mais de l'orientation
de la désinstitutionnalisation ou de l'application de la
désinstitutionnalisation. Est-ce que vous avez des idées
précises? Est-ce qu'on procède trop vite? Est-ce qu'on devrait
être plus prudent?
M. Poirier: Est-ce qu'on procède trop vite actuellement?
Je pense qu'on ne procède pas du tout, excusez!
La Présidente (Mme Lavoie-Roux);
D'accord!
M. Poirier: Mais voici, je crois que, dans le futur, on doit y
aller prudemment dans le sens qu'il faut nécessairement mettre des
organismes de soutien, parce que, si la situation demeure la même, on
renvoie simplement le malade sans aucun soutien, sans aide. Alors, les aides
actuelles sont trop peu nombreuses. J'ai parlé, au début, d'un
organisme comme la Maisonnée à Charlesbourg, un organisme qui
nous semble très intéressant au point de vue du soutien qu'il
peut apporter aux malades. On a parlé des CLSC. On les a
consultés et, ils nous ont dit qu'ils avaient des projets.
Jusqu'à présent, ils n'avaient aucune réalisation
concrète relativement à une interrelation, si vous voulez, avec
les milieux psychiatriques. Il faudrait que les CLSC se rapprochent et que les
organismes définissent leur rôle et s'entraident eux-mêmes
pour en arriver à une certaine désinsti... tutionnalisation...
Excusez, le terme! Si vous êtes capable d'en trouver un autre... Je
bafouille chaque fois que j'arrive pour le dire. (22 h 15)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, vous n'êtes
pas le seul. Il y en a plusieurs qui nous ont fait le même aveu et,
même nous autres, on accroche de temps en temps dessus aussi.
Si j'essaie de résumer... Je suis sûre que vous allez
protester si vous n'êtes pas d'accord avec ce que je dis, je ne suis pas
inquiète. Ce que vous dites, vous avez donné des chiffres, vous
avez dit: 60 % des malades retournent dans leur famille. Il y a un 40 % dont
environ 10 % reçoivent un soutien qui vous semble adéquat et il y
en a 30 % qui sont laissés pour compte. Est-ce cela que vous m'avez dit
tantôt?
M. Poirier: C'est ça.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ceux qui sont dans leur
famille, le soutien qu'ils reçoivent c'est très inégal
d'après ce que vous dites.
M. Poirier: C'est très inégal, justement. C'est que
la famille le fait par dévouement parce qu'elle ne trouve aucune autre
solution. Imaginez-vous un jeune de 25, 30, 35 ans qui est obligé de
rester avec son papa et sa maman. Il cherche justement à avoir une
certaine indépendance, mais, cette indépendance, on ne peut la
lui donner. On recherche un milieu où on pourrait le diriger et il n'y
en a aucun.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Même pour ceux qui
retournent dans leur famille, c'est un peu une situation de solitude tant pour
les parents que pour les jeunes eux-mêmes.
M. Poirier: Que pour le patient.
M. Châteauvert (Ronald): J'aimerais ajouter à cela
aussi. Quand on parle de famille naturelle, on parle d'enfants, mais on peut
aussi parler de conjoints. Tout à l'heure, de la façon dont le
psychiatre en parlait - c'était plutôt un des travailleurs sociaux
- lorsque la famille justement est prête à accepter, est
prête à reprendre son malade mental et veut bien le soutenir, il
faudrait absolument qu'il y ait un suivi, un "follow-up", par le psychiatre ou
par les travailleurs sociaux pour que la famille ne devienne pas une famille
malade. Parce que si un des conjoints est malade et qu'on replante le conjoint
dans la famille et que tout repose sur l'autre conjoint, quand celui-ci va
tomber, toute la famille va tomber finalement. Il y a souvent de jeunes enfants
dans cela.
On parle à partir de nos expériences, actuellement, nous
autres, parce que c'est surtout de là qu'on part. C'est ça, le
grand manque. Finalement, le malade, lui, à cause de son autonomie parce
que c'est un adulte suivi par le psychiatre qui ne nous renseigne pas autant
qu'il devrait nous renseigner, à ce moment-là, le conjoint qui
soutient toute la famille n'a pas l'information, il ne sait vraiment pas quoi
faire. Lui-même, il peut en devenir malade.
Je pense que ce serait facile s'il y avait une communication entre le
psychiatre qui traite le malade et un groupe de soutien comme les travailleurs
sociaux. Cela pourrait être un suivi de très loin. Cela, c'est une
autre chose, c'est que le malade lui-même... Tu ne peux pas dire... Il a
commencé peut-être bien malade. La maladie évolue en bien
ou en mal. Mais jamais personne ne nous dit: Ton malade, tu peux bien constater
qu'il va un peu mieux, mais tu sais, en santé mentale, c'est difficile,
surtout s'il est sous médication et qu'il fait une vie qui est plate,
mais qui est plus ou moins normale
finalement dans son milieu.
C'est à cela que je voulais en venir, s'il y avait une meilleure
communication entre les différents groupes.... Tout à l'heure, de
la façon dont les travailleurs sociaux parlaient, il y en a des centres,
il y en a des choses pour nous aider, sauf qu'il semble y avoir très peu
de communication entre les différents paliers.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En fait, je parlais - et
mes collègues pourront me contredire, je n'ai aucune objection - des
ressources dont on nous a parlé depuis le début des auditions, il
y en a, mais elles sont clairsemées. Les ressources sont loin
d'être suffisantes pour répondre aux besoins existants. Il semble
y avoir plusieurs petites initiatives, plusieurs qui sont très bonnes,
qui sont prises. Hier soir, on rencontrait un groupe qui nous parlait justement
d'une initiative spontanée qui avait été prise et qu'ils
appuyaient eux-mêmes. C'était le CRSSS de la
Montérégie, mais on parlait de 11 ressources pour un bassin de
population de 1 200 000, ce qui veut dire finalement qu'ils peuvent très
bien aider un nombre X, mais le reste est un peu ballotté et s'en va au
hasard. Alors, c'est probablement la même chose dans votre région.
C'est un peu pour cela qu'on s'est penché sur ce problème et
qu'on a dit: On ne peut pas continuer à faire que les gens se ballottent
et, comme on les garde moins en institution, ils sont de plus en plus dans la
communauté, mais il va peut-être y en avoir de plus en plus; si on
ne leur donne pas les ressources, ils vont être mal pris dans la
communauté. Évidemment, à Québec, on avait entendu
parler des chambreurs de la basse-ville.
M. Poirier: À Saint-Roch.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Finalement, on a
découvert que parmi les chambreurs de la basse-ville, il y en avait un
bon nombre qui étaient des gens qui avaient obtenu leur congé de
Robert-Giffard. Alors, si on ne fait rien, on pourra un jour avoir beaucoup de
chambreurs ou, enfin, des situations analogues.
Avez-vous l'impression, vous qui avez un parent, un enfant ou un proche
qui est malade depuis un certain nombre d'années, que les choses
évoluent quand même un peu vers le mieux ou si vous trouvez qu'on
est toujours un peu...
M. Poirier: Les mentalités évoluent certainement.
On parlait d'appartements supervisés. Alors, nous sommes au courant
qu'actuellement il y a deux organismes à Québec qui
étudient la possibilité de mettre en place des appartements
supervisés. On me dit qu'il y en a actuellement une centaine à
Montréal.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce qu'on nous a dit ce
soir c'est qu'il y en avait moins de dix.
M. Poirier: Oh...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Des foyers de groupe.
M. Poirier: Des foyers de groupe, oui. Nous avons eu
dernièrement une conférence de Mme Le Tourneux qui s'est
occupée assez activement de mettre en place des appartements
supervisés.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On me dit qu'il y en a au
moins une centaine.
M. Poirier: Oui, on me dit qu'il y en a au moins une centaine
dans le secteur de Montréal. Ici, à Québec, je sais qu'il
y a des études de faites et que des projets ont été
présentés aux CRSSS, mais il n'y a aucune réalisation dans
ce sens-là. Alors, cela veut dire que lorsque l'enfant sort de
l'hôpital, il a trois choix: la famille d'accueil, sa famille naturelle
ou se trouver un logement lui-même.
Mme Marseille-Poirier (Thérèse): La solitude dans
une chambre en ville.
M. Poirier: Alors, avec les moyens qu'il a, il n'est pas capable
de se payer un logement de 400 $. Il y a une institution qui nous semble
recommandable...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est-à-dire
Charlesbourg.
M. Poirier:... La Maisonnée, mais elle a une
capacité de 20 patients.
Mme Marseille-Poirier: Mais c'est un foyer de groupe; ce ne sont
pas des appartements supervisés. Quand la personne n'est pas encore
assez autonome, elle va en foyer de groupe et, quand elle est assez autonome,
elle peut aller en appartement supervisé. Là, elle est autonome.
Il y a simplement une personne, un animateur, un certain nombre d'heures par
jour, mais le malade ne se sent pas abandonné. Il sent qu'il y a une
personne. Cette sécurité seule évite beaucoup de rechutes,
parce qu'il sait qu'il peut faire appel à cette personne si cela ne va
pas bien, mais, à part cela, il est indépendant. Il fait son
marché et s'occupe de son appartement. Il peut travailler si c'est
possible. Ce serait l'idéal.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, Mme la
députée.
Mme Lachapelle: Tout à l'heure vous nous disiez que votre
groupe aidait d'autres
familles. Quel genre d'aide apportez-vous à ces familles? Est-ce
seulement une aide morale, ou des conseils, ou des services de gardiennage?
M. Dupont: Nous avons des parents qui ont des malades et qui ont
accepté la maladie de leurs malades, qui l'ont dépassée et
qui aident moralement les familles. Ils les rencontrent, ils parlent avec eux
et ils les aident.
Mme Lachapelle: Ce sont des expériences que vous avez
vécues la plupart.
M. Dupont: Oui.
Mme Lachapelle: Alors, cela doit être très important
d'avoir un support moral parce que cela doit être difficile pour des
parents, à un moment donné, ou un conjoint de constater que
quelqu'un de la famille a une maladie mentale. Alors, c'est très
important le soutien que vous leur apportez.
M. Dupont: C'est très dur pour la famille.
Mme Lachapelle: Alors, continuez votre bon travail.
M. Poirier: Dans le même ordre d'idées, nous
aimerions également... Il y a beaucoup de familles qui sont ignorantes
des services qu'elles peuvent avoir, tant sur le plan juridique, parce que
parfois il y a des problèmes juridiques qui se posent, que sur le plan
de la curatelle, le rôle de tuteur. Présentement, il n'y a
pratiquement aucun organisme qui peut leur donner ces renseignements. Alors,
c'est un service qu'on voudrait mettre sur pied, pour informer nos membres de
ce qui existe, premièrement. Ici, à Québec, on a de la
difficulté à avoir une liste des services bénévoles
qui existent et des institutions qui, si vous voulez, peuvent aider le malade.
Il y en a peut-être une trentaine, une quarantaine, et, l'inventaire, en
ce qui nous concerne, on n'a jamais pu l'obtenir. Pourtant, on est assez bien
situés pour l'avoir. Cela prendrait nécessairement un
relevé pour déterminer chacun des organismes, quel est son
rôle. On pourrait donner une espèce de cahier ou de catalogue
à nos membres pour...
Mme Lachapelle: Au point de vue financier, parce que cela prend
quand même des sous, ne serait-ce que pour produire de la paperasse, je
ne sais pas, les déplacements et tout cela...
M. Poirier: Nous vivons de la pauvreté publique.
Actuellement, on est sous les auspices de l'association canadienne. On a un
bureau, une secrétaire là et, pour le reste, on est
récompensé par nos mérites ou je ne sais pas trop...
M. Dupont: II y a deux ans, on avait un budget de 1500 $...
M. Poirier:... spirituel qu'on peut y gagner.
M. Dupont:... et cette année on avait 1800 $ pour
fonctionner dans notre organisation.
Mme Lachapelle: 1800 $.
M. Poirier: Nous avons un journal aussi que nous distribuons avec
la collaboration de l'association canadienne. C'est que l'association
canadienne est subventionnée par Centraide et, apparemment, à
l'intérieur du budget qu'elle a, on a 1800 $ pour payer les timbres.
Mme Lachapelle: Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je veux vous remercier...
Excusez-moi, M. le député d'Ungava...
M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. J'aurais
juste une petite question. Au sujet de vos parents ou de vos amis qui
soutiennent des gens malades comme cela, avez-vous le problème, des
fois, de la personne qui est malade, qui rencontre ces personnes et qui se
colle à elles? J'ai vécu une expérience, non pas
personnellement, mais quelqu'un de proche, qui a aidé quelqu'un comme
cela et c'était rendu que la personne qui aidait - probablement qu'elle
manquait d'expérience - mais elle était tellement
accaparée par cela qu'elle-même était en train de tomber
malade. C'est que cela arrivait à l'heure du souper, c'était
trois ou quatre heures au téléphone, cela arrivait à 23
heures et cela repartait à 3 heures le matin. Elle s'accrochait.
M. Dupont: Notre façon de procéder, c'est que nous
fonctionnons avec le bureau de l'association et on ne donne pas notre
numéro personnel. C'est nous qui avons le numéro de
téléphone de la personne et on convient d'un moment pour appeler.
Il y a un échange de cette façon.
M. Lafrenière: Cela, c'est bien beau à
Québec, mais quand on reste dans un petit village de 3000 ou 4000
habitants, sans numéro de téléphone ou sans adresse, elle
te trouve. S'il y en a qui vivent ce problème, quand elles nous
connaissent, elles collent, elles cherchent... Je sais qu'elles sont perdues
des fois. Est-ce que vous avez ce problème avec vos membres?
M. Dupont: Pratiquement pas parce qu'on a une technique de
fonctionnement... On procède toujours de la même façon.
Mme Marseille-Poirier: Oui, mais peut-être que vous
pensez... On n'aide pas le malade, on aide la famille. On n'a rien à
faire avec le malade, on n'est pas préparé à cela. On aide
juste les familles à passer à travers.
M. Lafrenière: En fin de compte, la personne qui
était prise avec cela aurait dû aller vous voir pour avoir de
l'aide. Cela reviendrait à cela.
Mme Marseille-Poirier: Oui, mais pas la personne malade.
M. Lafrenière: Non, pas la personne malade, mais la
personne qui était prise avec le problème de cette personne.
Mme Marseille-Poirier: Oui, c'est cela. M. Lafrenière:
Ah! bon, merci.
M. Poirier: Voyez-vous, on adresse nécessairement la
personne malade au spécialiste concerné, pour autant qu'on sait
à qui s'adresser. Ce sont des informations qu'on est capable de fournir
à la famille, aux proches parents ou aux personnes du milieu.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je veux vous remercier.
En plus d'offrir des services d'entraide à d'autres familles, de leur
faire profiter de votre expérience, de leur servir de soutien, je pense
qu'une association comme la vôtre est extrêmement précieuse
pour aiguillonner, sensibiliser l'opinion publique, aiguillonner ceux qui sont
les décideurs, comme on les appelle, selon le nouveau terme à la
mode. Pour parler comme vous, des fois, ils ne décident pas toujours
grand chose, mais en tout cas... Je pense que c'est une oeuvre, une action
extrêmement importante que vous faites, même si des fois vous devez
vous sentir isolés et que vous devez vous battre contre vents et
marées. Il reste que vous tenez le coup, vous le tenez pour beaucoup
d'autres. Et même si, des fois, votre action peut vous sembler
peut-être limitée, elle est probablement plus importante que vous
ne le croyez. (22 h 30)
J'établis toujours une analogie entre les nouveaux groupes qui
surgissent et qui s'intéressent au problème de la maladie mentale
et des malades mentaux avec les premières associations des parents de
déficients mentaux. Je vous assure qu'ils étaient partis de loin,
eux. Cela remonte à la fin des années quarante. Quelquefois, ils
ont commencé à cinq dans un sous-sol d'église ou enfin
là où ils pouvaient se réunir. Aujourd'hui, même
s'il reste encore des problèmes, ils ont fait énormément
de pression, ils ont énormément sensibilisé la population,
ils ont fait bouger les gouvernements. Je pense que vous êtes à
peu près à ce même début qu'ils ont connu, sauf que
vous avec un atout de plus, c'est que la société est plus ouverte
et que, par le travail qui a été fait du côté de la
déficience mentale, même si c'est une chose tout à fait
différente du point de vue de l'ouverture de la société et
de l'acceptation de la société de personnes qui ne sont pas
exactement comme tout le monde ou enfin qu'on juge pas exactement comme tout le
monde, ils ont fait franchir des étapes à notre
société et, heureusement, dans notre société, en
dépit de tous les défauts qu'on lui trouve en 1985, il y a eu de
l'évolution. Dans ce sens-là, les étapes seront
peut-être moins longues à franchir.
Ce que je veux dire, c'est que je vous encourage à continuer
parce que toutes les personnes qui sont malades, qui ont des problèmes
psychiques ou des problèmes d'adaptation psychosociale, ont besoin de
groupes comme le vôtre pour faire avancer les choses. Je vous encourage
à continuer de le faire. Il y a ici des gens du gouvernement qui, sans
doute, enregistrent le fait que vous devez aussi vous battre pour survivre et
que, quelquefois, vous auriez des projets intéressants, mais que vous
n'avez pas les moyens de les développer. Je ne suis pas ministre, alors
je ne peux rien vous promettre. Ce que je veux, c'est que, même en venant
ici aujourd'hui, il y a des oreilles qui entendent et, dans la mesure où
les gens veulent faire quelque chose et peuvent le faire, vous pouvez
simplement gagner de l'appui de la part des pouvoirs gouvernementaux ou de
l'État. Je vous remercie beaucoup.
M. Poirier: Nous allons prier pour que vous deveniez
ministre.
Une voix:... Mmes Esther Taillon et Andrée Dorion
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous invitons Mme
Taillon, accompagnée de Mme Dorion. La députée du
comté de Dorion se souvenait bien de votre nom. Vous pouvez commencer,
madame.
Mme Taillon (Esther): Vous verrez que mon petit mémoire
est divisé en cinq parties. Je l'ai fait comme cela pour coller le plus
possible à la description qu'on avait vue dans les journaux,
c'est-à-dire la distribution des services de soutien et de
réinsertion sociale. Il y a bien d'autres
choses que j'aurais aimé ajouter. Si vous permettez, avant de
commencer, je vous dirais que, pour moi, je crois qu'on avancera vraiment dans
le domaine de la santé mentale quand on aura compris que l'accent doit
être mis sur la recherche des causes de la maladie mentale et sur un
programme de sensibilisation de l'opinion publique pour modifier les
mentalités face à la maladie mentale, et, aussi, quand
l'État pourra débloquer des fonds pour permettre, par exemple,
à un regroupement comme le Regroupement des parents et amis du malade
mental, de se structurer et d'embaucher du personnel qui pourrait travailler
à pousser pour qu'on fasse de la recherche, pour qu'on prépare un
programme d'intervention populaire et aussi, pour soulager la douleur des
proches du malade mental.
Le petit mémoire que j'ai présenté, je l'ai fait
à titre personnel parce que je suis la mère d'un patient. Ma
compagne, Mme Dorion, a connu à peu près les mêmes
expériences que moi.
En introduction, à la page 2, je pense que les services de
réinsertion sociale ne peuvent pas se dissocier des services de soutien
et vice versa. En tant que parent, je dois vous dire que cela m'a beaucoup
surprise qu'on parle dans l'annonce, par exemple, de l'étude de la
distribution des services de soutien et de réinsertion sociale. Je me
suis demandée ce qu'on pouvait bien avoir a planifier dans ce
domaine-là puisque, moi, comme utilisatrice je n'en trouvais pas.
D'après mon expérience, ils sont à peu près
inexistants ces services de soutien. J'ai cherché en vain un
répertoire régional ou national pour les quelques ressources
éparses qu'il pouvait y avoir. Je n'en ai pas trouvé,
peut-être qu'on ne peut pas en faire un puisqu'il n'y en a pas.
Je me suis aussi aperçu que les praticiens étaient
démunis au point d'être obligés quelquefois de prolonger
des hospitalisations faute d'alternative. J'ai pensé que c'était
peut-être une solution très coûteuse.
Je me suis aussi rendu compte que les quelques services qui existaient
à certains endroits étaient souvent mis sur pied par des
employés d'un centre hospitalier et qu'ils en limitaient jalousement
l'accès à leurs patients; c'est-à-dire si au centre
hospitalier Robert-Giffard on a réussi à monter une maison de
groupe, eh bien, les places seront réservées pour leurs patients.
Cela m'a bien surpris aussi.
Dans les services de soutien on a, en premier lieu, le suivi
médical. À sa sortie de l'hôpital, le patient, dans le
meilleur des cas, va être suivi en externe par un psychiatre. S'il est
suivi en externe - parce que ce n'est pas toujours le cas - cela va se faire
à une fréquence qui va varier beaucoup d'un médecin
à l'autre. À moins que la maladie mentale ne soit du ressort que
de la chimie organique, les entretiens fréquents avec un
thérapeute sont, je crois, primordiaux. On peut se demander si le
calendrier des entrevues, leur durée par séance - parce qu'une
entrevue peut durer dix minutes - la qualité de ces entrevues-là,
si c'est bien approprié aux besoins de chacun des patients. On peut
aussi s'interroger sur la qualité de la médication, quels sont
ses effets secondaires. Est-ce que la médication ne remplace pas la
camisole de force? Est-ce qu'il n'y a pa3 des retombées très
négatives à cette médication? Est-ce qu'elle est bien
choisie selon les cas où si elle ne reflète pas davantage les
habitudes d'ordonnance du médecin? Si on prescrit toujours de l'haldol,
eh bien, on en prescrit pendant dix ans, c'est toujours cela.
Je me demande aussi quels sont les critères d'évaluation
de ce service de base qu'est la psychiatrie? Qui est-ce qui est en
autorité pour en juger? On sait que la psychiatrie n'est pas une science
exacte, elle n'est pas mesurable comme un acte de chirurgie. Je m'interroge sur
la méthode de travail des psychiatres. Est-ce qu'elle s'éloigne
beaucoup d'une approche empirique? Est-ce que, par exemple, dans les tribus
primitives, la personne qui s'occupait de ces malades employait des
méthodes bien différentes? Est-ce que la sympathie naturelle et
occasionnelle envers un autre être humain, ou la simple bonne
volonté d'un intervenant n'est pas aussi bonne que la qualité des
soins psychiatriques?
Le malade qui aurait quelque chose à dire là-dessus, eh
bien, je pense qu'il est mal placé pour le faire, étant
donné qu'il ne sera pas pris au sérieux dans ses jugements.
Les recommandations ou, enfin, les propositions qu'on pourrait faire
seraient de demander aux psychiatres payés par l'État, puisqu'ils
sont des salariés, de se soumettre à la critique et d'accepter de
s'auto-évaluer par rapport à toutes les dimensions du suivi
dispensé au malade mental, d'étendre aussi la compétence
du Protecteur du citoyen au secteur hospitalier québécois, de
façon qu'une surveillance efficace soit exercée sur ce
dernier.
Souvent, je pense qu'on est juge et partie. Qu'un psychiatre va
être jugé par un autre psychiatre, est-ce qu'il y a vraiment de
l'impartialité? Le Protecteur du citoyen représente,
d'après nous, une autorité impartiale et digne de foi dont les
rapports et les recommandations ont toujours eu un poids important
auprès des instances gouvernementales.
Vient en deuxième lieu, l'hébergement. La famille
naturelle. Une manière de soutenir le patient atteint de troubles
mentaux et d'aider sa famille à le faire, car dans 60 % des cas,
l'enfant, le conjoint, le frère va retourner dans sa famille
après une
hospitalisation. Son propre milieu, sa famille l'aidera à
guérir ou sera défavorable à sa guérison. La
famille naturelle à qui on retourne un patient, quels que soient ses
motifs d'accepter ce patient, ignore souvent jusqu'à quel point ce geste
du coeur lui drainerait ses forces vitales. Aussi, en plus, elle devra,
tôt ou tard, faire face à des problèmes financiers. Elle
peut, cette famille, être précieuse dans le processus de retour
à la santé du patient. Mais, malheureusement, elle est souvent
tenue dans l'ignorance à peu près complète de ce qui
arrive à son parent. Il n'est pas rare qu'elle ne connaisse même
pas le diagnostic. Il faut dire que les diagnostics ne sont pas toujours
exacts, non plus.
La famille va se poser des questions sur la nature de la maladie, sa
durée prévisible, son évolution, ses causes, les formes
qu'elle pourrait prendre, son traitement. Elle s'interroge sur sa
responsabilité dans l'apparition de la maladie. La famille se sent
coupable. La plupart du temps, elle se sent très coupable et elle se
demande quel rôle elle pourrait jouer dans la régression de
l'aliénation. Elle est prête à aider, mais elle voudrait
qu'on lui dise quoi faire et comment faire et qu'on commence par lui expliquer
ce qui se passe.
L'ignorance dans laquelle elle est maintenue va augmenter
l'anxiété des membres de la famille et son sentiment de
culpabilité. Tout cela va contribuer à détériorer
le climat.
Les rechutes, il en arrive fréquemment. La famille est souvent la
première à pressentir au moyen d'indices mineurs l'imminence
d'une rechute. Comme le canal de communication entre elle et le médecin
est très souvent inexistant, la perception des proches ne va pas se
rendre à qui pourrait tenter de corriger la situation. Ou bien, dans les
cas contraires, les réactions de la famille vont être prises
à la légère avec ce qui s'ensuit qui est, bien sûr,
une rechute.
Alors, on recommande de faire comprendre au psychiatre la
nécessité d'établir des contacts faciles entre lui et la
famille à qui il retourne un patient, puisqu'elle prend la relève
du milieu hospitalier, sans moyens, sans connaissances; c'est elle qui prend la
relève du milieu hospitalier. On se demande quelquefois si
l'équipe thérapeutique n'essaie pas de se débarrasser de
son patient. (22 h 45)
On aimerait que la famille soit informée sur la maladie du proche
et sur le traitement prescrit afin de faciliter sa tâche auprès du
malade. On aimerait aussi s'assurer que, lorsque le patient est suivi par une
équipe thérapeutique, la famille qui l'héberge en fasse
partie à part entière si c'est le désir du patient et son
désir à elle. Il est bien évident, comme disait tout
à l'heure le médecin qui m'a précédée ici,
qu'un patient majeur peut refuser que ses parents soient dans l'équipe
thérapeutique et c'est tout à fait compréhensible. Par
contre, il y a d'autres cas où les patients seraient d'accord. Dans le
cas d'un mineur particulièrement, ce serait une chose à
faire.
Il faudrait aussi faire en sorte que le patient et sa famille
reçoivent régulièrement la visite d'un travailleur social
ou d'un autre intervenant de personnalité compatible j'aurais dû
le souligner - parce qu'il arrive quelquefois comme cela qu'un travailleur
social va s'amener et qu'il y ait une antipathie entre les deux et que la
relation ne mène à rien, au contraire. On pourrait ainsi
peut-être régler au fur et à mesure les problèmes
qui se présentent. Cette personne-là pourrait soutenir, encadrer
et encourager le patient aussi qui vit dans sa famille; elle pourrait
l'encourager dans ses efforts pour reprendre les activités à
l'extérieur.
On pense aussi qu'il serait bon de voir à l'implantation d'un
service d'urgence psychiatrique, 24 heures sur 24, sur tout le territoire du
Québec. On parle ces temps-ci de centres de crises, je pense que c'est
très bien, mais il faudrait peut-être aussi qu'il y ait un service
ambulant, un peu comme Télé-Médic, mais pour les maladies
mentales. Il y a quelquefois des crises où on ne peut pas faire sortir
le patient. Il refuse de sortir de la maison. À ce moment-là, on
est obligé soit d'avoir un jugement de cour ou d'appeler les policiers
qui, quelquefois, refusent de venir. Ce ne sont vraiment pas des situations
très agréables.
On pense aussi qu'il faudrait créer des modes de soutien
financier direct aux familles qui hébergent un proche parent atteint de
trouble mental. On donne de l'aide financière aux familles d'accueil,
mais il n'en est pas question pour les familles naturelles et pourtant, Dieu
sait si quelquefois elles en auraient besoin.
L'autre partie est intitulée: La famille d'accueil. Nous croyons
que les efforts du ministère devraient dorénavant porter
entièrement sur le soutien aux familles naturelles et au
développement d'un réseau de foyers de groupe et d'appartements
supervisés. Il faudrait peut-être délaisser ce mode
d'hébergement coûteux et difficilement évaluable qu'est la
famille d'accueil. Elle apparaît, quant à moi, comme un maillon
qu'il serait peut-être superflu de conserver. Qu'on déplace tout
simplement tous les efforts, l'argent et le soutien qu'on donne actuellement
aux familles d'accueil et qu'on le donne aux familles naturelles qui gardent
leur patient. Cela sera bien placé.
Il y a ensuite les foyers de groupe. Qu'elles s'appellent foyers
d'accueil, centres d'hébergement, maisons de transition ou foyers de
groupe, ces demeures se comptent
sur les doigts de la main à Québec; en tout cas, j'en ai
repéré trois. La situation ne semble pas meilleure à
Montréal, mais vous avez dit tout è l'heure, je pense, qu'il y en
avait une centaine, à moins qu'il ne s'agisse d'appartements
supervisés, je ne sais pas et probablement que dans les régions
excentriques, elle est encore pire qu'à Québec et à
Montréal. Je me demande comment on ose parler de la distribution des
services de soutien qui n'existent pas ici, je le répète. Il
faudrait d'abord en créer.
L'État croit-il suppléer à de pareilles failles en
se reposant uniquement sur le bénévolat? Vous avez entendu tout
à l'heure le Regroupement des parents et des amis du malade mental qui
est entièrement formé de bénévoles. Ce n'est pas
avec une poignée de bénévoles comme cela, de gens qui ont
eux-mêmes des problèmes... C'est sûr qu'un regroupement
comme cela peut faire des pressions, se faire entendre et avoir un poids
poilitique, mais je pense qu'il faut aussi injecter des fonds et ne pas compter
uniquement sur le bénévolat. C'est en train de se faire
actuellement, maintenant qu'on a moins d'argent, le bénévolat
devient tout à coup merveilleux, mais il ne faut pas compter que sur
cela. Je dis: Pourquoi vider les asiles si le patient n'a pas d'alternative au
sortir de l'institution? Je me demande aussi où va l'argent qui servait
naguère aux hôpitaux psychiatriques. Des sommes énormes
vont, je crois, à l'amélioration et à l'entretien des
édifices, au renouvellement des équipements, à de
meilleurs salaires et à des avantages sociaux aux employés de
l'État. Je pense que c'est bien, il faut le faire, je pense
qu'indirectement, le malade devrait en être gagnant, mais ce n'est pas
toujours ce qui se passe. Il serait peut-être temps d'ajuster sa
lorgnette maintenant directement sur le patient plutôt que sur les
institutions et se demander sincèrement comment on peut l'aider lui, le
malade, à se tirer de son aliénation. Le thérapeute le
mieux payé aura des difficultés dans ses missions si son
aidé, qu'est le patient, erre sur les bancs publics en quête de
pain et d'amis, de défenseurs et de respect.
Alors, je pense que l'on devrait avoir une implantation d'un
réseau de foyers de groupe dans toutes les régions du
Québec, afin que les patients puissent se trouver le plus près
possible de leur milieu naturel. Par exemple, je sais que pour les moins de 18
ans il y a un hôpital ici à Québec qui regroupe tout l'Est
du Québec. Je m'imagine mal, si je vivais à Havre-Saint-Pierre,
avoir un fils hospitalisé à Québec; je trouve cela
monstrueux. Il faudrait aussi que les foyers soient en nombre suffisant pour
répondre à la demande. Il faudrait que ces maisons soient de type
unifamilial sur des sites qui permettent un contact avec la nature. Il faudrait
que les normes d'occupation soient de densité légère afin
de pouvoir recréer une atmosphère de famille à
l'intérieur des foyers de groupe.
On en vient maintenant aux appartements supervisés. Ils sont
inexistants à Québec. On dit qu'à Montréal il y en
a quelques-uns dont Mme Marie-Claire Letourneux est l'instigatrice. Je vais
sauter ici, savoir comment cela se passe pour monter ces foyers. Vous avez
dû l'entendre bien souvent depuis que les audiences sont
commencées. Il semble que ce soit une expérience qui ait fait ses
preuves. Il serait étonnant qu'un seul patient atteint de trouble mental
qui vit dans un de ces appartements supervisés ait la nostalgie de
l'institution ou de l'isolement en société. Ces appartements
représentent certainement l'ultime affranchissement après
l'hospitalisation, le foyer de groupe ou la famille, parce que, en effet, ce
serait la guérison totale qui serait l'ultime affranchissement pour le
malade.
Il faudrait voir à l'implantation d'autant d'appartements
supervisés qu'il y a de patients dans le besoin au Québec et de
voir à encadrer, soutenir et motiver les résidents des
appartements supervisés dans la voie de la participation à des
activités récréatives et productives au sein de la
communauté. Parce que ce n'est pas tout de les parquer dans des
appartements, il faut aussi les encadrer et voir à les faire participer
aux activités. Il y a là, à mon avis, un genre de
crescendo dans l'hébergement, si je peux me permettre: la famille, des
foyers de groupe et des appartements supervisés.
Je veux maintenant toucher aux loisirs, parce qu'il n'y a pas de
réinsertion sociale possible sans toucher aux loisirs, à
l'étude et au travail. Ceux qui ont connu le temps de l'enseignement
religieux traditionnel se souviendront sans doute du vieil adage:
L'oisiveté est la mère de tous les vices. Eh bien, adapté
à un monde plus positif et moins sexiste, cela pourrait peut-être
donner: Les activités récréatives sont les parents de
toutes les vertus.
Retenons tout de même que des périodes de loisirs bien
remplies favorisent une meilleure hygiène mentale. C'est une forme de
thérapie de soutien qui aide à la réinsertion dans la
société. Aussi, est-il important que soit encouragée la
participation aux sports, à la musique et aux arts plutôt que leur
seule consommation. Le patient doit avoir la possibilité d'exercer un
loisir dans la communauté où il vit et non pas en retrait dans un
petit circuit enclavé et réservé à des patients.
Les efforts des intervenants auprès des patients doivent tendre à
le faire participer aux loisirs dans son milieu de vie.
L'étude et le travail. Le patient qui arrive à vivre
rapproché de la norme socialement admise généralement va
envisager un retour aux études ou une place
sur le marché du travail. Pour ce qui est des études, les
rechutes sont parfois l'unique cause d'échec sur le plan scolaire. Le
patient devra quelquefois reprendre au complet des sessions qu'il aura pourtant
presque achevées avec succès mais, d'une reprise à
l'autre, la motivation va diminuer et va survenir l'abandon forcé ou le
découragement. À notre avis, il s'agirait d'une simple
modification administrative pour corriger ce problème.
Le travail. Il y a actuellement ici et là quelques îlots
d'ateliers dits protégés. Ce sont de petites et moyennes
entreprises qui, étonnamment, choisissent leurs employés selon
des critères de spécificité du trouble mental. Cela a
été très surprenant pour moi aussi de constater cela.
Ainsi, des ateliers seront exclusivement réservés à des
déficients mentaux et il faut être nouveau dans ce milieu pour se
surprendre de classifications qui varient selon la profondeur de la
déficience. Le bonheur aura-t-il un jour ses échelles
d'intensité? Puis, il y a quelques programmes épars
pilotés par une poignée de personnes généreuses,
isolées dans la lutte qu'elles mènent à la maladie et aux
préjugés. Pensons au projet CARR actuellement à l'essai
dans la région de Québec. Il s'agit d'une approche pratique et
souple qui vise à développer l'autonomie et la confiance
nécessaire au patient vivant dans la communauté et
désireux d'apprendre à se présenter à un futur
employeur en mettant les meilleures chances de son côté. Pensons
aussi au projet ARBRE qui craint pour sa survie d'une année à
l'autre. Cette agence de placement fait le lien entre les patients et les
employeurs. La capacité de travail fluctuante du patient est
respectée et pourtant le travail est exécuté, semble-t-il,
à la satisfaction de l'employeur.
Je pense que tout ce qui manque là-dedans, ce serait
peut-être de réunir tous ces petits projets, de les
évaluer, de prendre ceux qui marchent bien, qui ont fait leur preuve et
peut-être de leur donner une petite poussée, d'en créer
d'autres dans d'autres régions et de les encourager s'ils sont bons. Il
faudrait arrêter la dispersion des énergies et des bonnes
volontés dans un cycle de reprise incessante de projets divers. Il
faudrait assouplir les procédures d'accès, de durée et de
reprise d'études secondaires et postsecondaires en tenant compte du
rythme propre au patient. Il faudrait procéder à un inventaire
des projets touchant l'apprentissage d'un métier et l'accès au
monde du travail destiné au patient. Il faudrait retenir et faire
fonctionner les projets qui collent à la réalité du
patient, imaginer et de mettre sur pied ce qui n'existe pas. Il faudrait
encourager par un appui financier et technique toutes les initiatives valables
dans ce domaine. J'ai terminé, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie
beaucoup. J'ai lu avec intérêt votre mémoire. Je pense
qu'il contient les éléments, je dirais, presque d'une politique
de la santé mentale. On voit que c'est un problème auquel vous
avez réfléchi beaucoup, surtout, comme vous l'avez indiqué
au début, que vous l'avez vécu. J'aimerais vous demander si vous
vivez encore cette même situation, ce même problème et si
l'absence de ressource dont vous parlez - je n'essaie pas de vous convaincre
qu'il y en a beaucoup, remarquez bien - est celle que vous avez vécue au
moment où vous aviez ce problème à vivre ou si c'est cela
actuellement.
Mme Taillon: Je l'ai vécue il y a environ deux ans.
Actuellement, mon patient, mon parent va assez bien. Donc, c'est une
période d'accalmie pour moi. Je sais, cependant, que dès qu'il y
aura rechute, je vais éventuellement retomber dans les mêmes
problèmes et comme c'est un être qui est encore jeune,
probablement que ces problèmes s'amplifieront avec l'âge. (23
heures)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cette accalmie, si on
peut dire, dont vous parlez à ce moment-ci, est-ce à cause du
fait qu'il vit chez vous et que le milieu familial l'aide? Est-ce à
cause de facteurs externes? Je ne veux pas entrer dans des détails
précis, mais j'essaie de voir quels sont les facteurs qui influencent
une espèce de rémission, en tout cas, pour le moment.
Mme Taillon: Qu'il y ait une rémission temporaire de la
maladie, je m'en réjouis, mais je saurais difficilement vous dire
à quoi c'est attribuable. Mon patient demeure en chambre, mais il a un
contact régulier avec la maison. Il vient à toutes les fins de
semaine. Il est aussi suivi par une équipe thérapeutique qui, je
pense, fait un excellent travail. Quand cela va bien, on dit toujours cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'il a toujours
été suivi par une équipe thérapeutique ou si c'est
une nouvelle approche qui fait que les choses vont mieux?
Mme Taillon: C'est une nouvelle approche, actuellement, depuis
environ un an.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Depuis environ un an.
Mme Taillon: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Par rapport aux
problèmes difficiles que vous avez vécus pendant de nombreuses
années, cela semble être une amélioration.
Mme Taillon: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, madame.
Mme Dorion (Andrée): On a parlé beaucoup de la
schizophrénie. J'aimerais parler de l'importance de la recherche dans le
domaine de la schizophrénie en particulier, parce que c'est une maladie,
dit-on, qui est l'effet d'un dérangement chimique dans l'organisme. Je
pense qu'il serait temps que les pouvoirs publics investissent des sommes comme
on en investit pour le SIDA, par exemple. Je voyais dans le journal ce matin
que dans trois ans, au Canada, il y a eu à peu près 300 cas de
SIDA et on dépense 2 000 000 $. Je ne suis pas contre le projet,
remarquez bien, je trouve qu'on doit faire de la recherche sur toutes les
maladies, mais pour 300 personnes on dépense 2 000 000 $ en recherche
pour le SIDA alors que la schizophrénie touche à peu près
une famille sur trois ou quatre au moins. Qu'est-ce qui se dépense pour
la recherche? Il me semble que c'est une dimension. Je pense que la dimension
thérapeutique psychiatrique est très importante, mais
l'importance de la recherche... On n'a pas assez accordé d'importance au
point de vue de la recherche biologique pour la schizophrénie en
particulier et ce serait important qu'on dépense des sommes valables
pour ce problème.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que le point que
vous soulignez a été apporté par d'autres. C'est excellent
que vous le répétiez et je pense que pour les choses qui sont
importantes, plus elles sont répétées souvent, plus les
gens sont obligés d'en tenir compte comme étant un facteur ou un
élément...
Mme Dorion: Je l'espère.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... autour duquel il y a
un consensus. À un moment donné, on perd un peu la notion du
temps, mais il y a déjà quelques mois ou l'an dernier, on avait
signalé le peu de ressources consacrées à la recherche sur
la maladie mentale comparativement à d'autres. On est encore un peu,
particulièrement à l'endroit de la schizophrénie - et ce
sont des spécialistes qui l'ont exprimé - dans l'inconnu. On peut
mieux contrôler les symptômes, on peut avoir des périodes de
rémission, etc., mais vous avez tout à fait raison...
Mme Dorion: La maladie ne peut jamais se soigner par les
médicaments qui sont actuellement sur le marché.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Taillon, j'ai l'impression que vous êtes une femme
énergique, vous êtes une femme qui avez de l'initiative et tout
cela. Aujourd'hui, vous avez une équipe thérapeutique qui
s'occupe de votre proche parent. Si vous étiez une personne beaucoup
plus démunie au plan de ces ressources personnelles, de son initiative
et tout cela, croyez-vous que vous vous trouveriez dans la même
situation, du point de vue du support qui vous est apporté actuellement?
En d'autres termes, pour le dire plus simplement, est-ce que ceux, finalement,
qui crient le plus fort finissent par obtenir plus et ceux qui crient moins
fort - parce que pour une foule de raisons ils ont moins d'initiatives ou ils
ont peut-être encore des problèmes d'un ordre plus
considérable - eux, souvent, vont être laissés pour compte?
Dans ce domaine, j'entends.
Mme Taillon: Oui, je pense que vous avez raison. L'équipe
thérapeutique qui s'occupe actuellement de mon parent, ce n'est pas un
hôpital qui l'a trouvée pour moi. Je l'ai trouvée
moi-même en lisant les journaux parce qu'il y avait eu un petit article
sur eux il y a deux ans. Alors, vous voyez que vous parlez de gens
démunis. Parce que je suis toujours au courant de l'actualité et
tout cela, j'ai repéré delà de moi-même. J'en ai
parlé à l'hôpital et on en est arrivé là,
voyez-vous. Je pense que vous avez raison quand vous dites cela. Ce sont ceux
souvent qui crient le plus fort - il se font peut-être des ennemis aussi,
par exemple - qui réussissent à se retrouver dans ce
dédale psychiatrique. C'est un monde fou, c'est le cas de le dire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Écoutez, je veux vous remercier. Si on ne vous pose pas plus de
questions, c'est, d'abord, parce qu'il y avait certains éléments
qui recoupaient le mémoire de l'organisme qui vous a
précédées. Nous allons certainement tenir compte de votre
témoignage. Nous, on aime - je l'ai dit ce matin, je ne sais pas si vous
étiez ici plus tôt - avoir des témoignages personnels dans
un domaine comme celui-là, parce que c'est le vécu des gens alors
que, quand ce sont les autres qui interviennent... Je pense que tout le monde
le fait de bonne foi, est intéressé, mais on assiste souvent
à un débat d'un autre ordre qui se fait peut-être plus
entre spécialistes ou entre personnes qui ne vivent pas dans la vie
quotidienne ce que vous vivez vous-mêmes. Je pense que cela vient... Par
exemple, on va faire un grand débat en demandant: Est-ce qu'on
désinstitutionnalise ou non? On peut aussi dire: II faut telles
ressources, de a à z, on désinstitutionnalise et ça va.
Quelquefois, on peut s'illusionner. Alors, quand les gens viennent
eux-mêmes nous dire ce qu'est la réalité, je pense que
cela a énormément de valeur. Je veux vous remercier pour
votre témoignage, ainsi que Mme Dorion. Est-ce qu'il y aurait autre
chose que vous aimeriez ajouter ou d'autres questions que vous voudriez nous
poser?
Mme Taillon: Non, si ce n'est que... Ce que je pourrais ajouter,
c'est que les soins médicaux en psychiatrie me semblent bien
inadéquats actuellement. Je pense qu'il faudrait peut-être mettre
plus d'accent sur la recherche.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. D'ailleurs, c'est un
élément que je voulais reprendre tout à l'heure et cela
rejoint la préoccupation de la recherche. Il y a toute une partie
où vous dites: On a l'impression que, peut-être, les psychiatres
vont à tâtons - ce n'est pas votre expression - vont à
l'essai; c'est très expérimental. Je pense que... Je ne sais pas
s'ils le diraient de cette façon. Il y a quand même des
psychiatres qui sont venus et qui ont dit: Dans l'état actuel des
connaissances que nous avons, en admettant justement un peu... vous le dites
d'une autre façon; avec ce qu'ils ont de connaissances, de soutien
médical ou autre par les médicaments ou autre chose, il y a un
élément d'inconnu, particulièrement dans le cas de la
schizophrénie. Je pense que cela rejoint la demande que vous faites.
Merci beaucoup d'être venues.
Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 9)