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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mercredi 7 août 1985 - Vol. 28 N° 5

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la distribution des services de soutien et de réinsertion sociale offerts aux personnes atteintes de troubles mentaux et vivant dans la communauté


Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il vous plaît! La sous-commission des affaires sociales reprend ses travaux pour entendre les différents groupes, établissements ou intervenants impliqués dans la distribution des services de soutien et de réinsertion sociale offerts aux personnes atteintes de troubles mentaux et vivant dans la communauté.

Les membres de la sous-commission sont: Mme Lachapelle (Dorion), MM. Lafrenière (Ungava), Laplante (Bourassa), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) et M. Pratt (Marie-Victorin).

Le premier mémoire que nous entendrons ce matin est celui de la Fédération des CLSC du Québec. J'inviterais les membres de ladite fédération à venir à la table.

Bonjour, M. Charlebois. Je vais vous demander de présenter vos collègues pour les fins du Journal des débats et ensuite vous pourrez procéder à la lecture - enfin! je ne sais pas de quelle façon vous voulez procéder - de votre mémoire.

Fédération des CLSC du Québec

M. Charlebois (Maurice): D'accord. Je vais commencer par présenter les gens qui m'accompagnent. À mon extrême gauche, M. Hugues Robert, vice-président de la fédération des CLSC; M. Jacques Hould, directeur général du CLSC de Centre-Sud à Montréal; M. Yves Léveillé, vice-président de la fédération des CLSC et également directeur général du CLSC Saint-Hubert. À mon extrême droite, M. Jean-Pierre Bélanger, directeur des services d'analyse et de recherche à la fédération des CLSC et M. Louis Côté, directeur général du CLSC La Petite Patrie, à Montréal.

Mme la Présidente, mesdames et messieurs les députés, c'est avec plaisir et un vif intérêt aussi que la Fédération des CLSC du Québec se présente aujourd'hui devant vous pour vous faire part du point de vue des CLSC sur la distribution des services de soutien et de réinsertion sociale offerts aux personnes atteintes de troubles mentaux et vivant dans la communauté.

Les CLSC partagent la préoccupation de toutes les institutions du réseau des affaires sociales vis-à-vis de la santé mentale et des services à offrir aux personnes qui sont atteintes de troubles mentaux. La désinstitutionnalisation des malades mentaux et leur réinsertion sociale sont des problématiques qui non seulement font l'objet de notre réflexion mais auxquelles plusieurs CLSC sont de plus en plus confrontés dans leur pratique quotidienne.

Notre intervention d'aujourd'hui portera surtout sur l'orientation qui doit présider, quant à nous, à une organisation adéquate des services à mettre en place pour répondre aux besoins des personnes affectées de problèmes mentaux et pour impliquer également la communauté dans les solutions.

Ce n'est pas la première fois au Québec qu'on parle de désinstitutionnalisation des malades mentaux. Depuis plusieurs, années déjà, on a fait le constat qu'un internement prolongé n'était souvent pas la meilleure solution aux problèmes d'un bon nombre de ceux qui sont affectés de troubles mentaux. On a même effectué quelques tentatives de désinstitutionnalisation qui, pour avoir été trop massives et pas assez planifiées, n'ont pas entraîné les résultats escomptés. Il ne s'agit pas ici de faire le procès du passé, mais il peut être utile d'en tirer des leçons pour l'avenir.

Ainsi donc, avant d'accélérer le processus, il convient de procéder à l'identification des services alternatifs à l'institutionnalisation et à leur mise en place. Ce qu'il faut éviter à tout prix, c'est l'abandon des individus à eux-mêmes, à leur famille et au milieu de vie, sans soutien et sans services adéquats, pour leur assurer les meilleures chances de réinsertion sociale.

Avant d'aborder comme tel le cadre de notre présentation, il nous apparaît utile de parler de la présence des CLSC en santé mentale. Un préjugé veut que les CLSC soient absents du domaine de la santé mentale et ne soient pas accessibles aux personnes les plus gravement atteintes. Certains pensent encore que les CLSC ne s'occupent que de prévention. En outre, on constate que rares sont ceux qui dispensent un programme spécifique nommément appelé santé mentale.

Dans les faits, de nombreux CLSC, dans un premier temps, intègrent déjà la dimension santé mentale dans leurs

programmes courants. Programmes de périnatalité, d'éducation sexuelle, de resocialisation des personnes âgées isolées, groupes de chômeurs, groupes de croissance, etc., autant d'exemples qui ont une incidence sur la santé mentale des individus et des groupes.

Nous avons tenu, il y a quelques mois, un important colloque sur la question de la santé mentale et ce dernier a permis de mettre en évidence plusieurs expériences très concrètes qui se vivent dans les CLSC et aux quatre coins du Québec. Nous en avons cité quelques exemples dans notre mémoire.

Bref, les CLSC sont déjà présents en matière de réponses à apporter aux problèmes de santé mentale des populations qu'ils ont à desservir. Cela résulte, d'une part, de la nécessité de tenir compte de cette dimension dans l'actualisation des programmes généraux des CLSC, mais aussi de la nécessité de répondre plus adéquatement à des problèmes spécifiques vécus de façon plus aiguë à certains endroits.

Depuis quelques annnées, le cercle des personnes et des institutions intéressées à discuter des questions de santé ou de maladie mentale s'est élargi. Les CLSC en sont, par la force des réalités avec lesquelles ils sont confrontés. Et, avec les transferts d'effectifs des CSS vers les CLSC, ils le seront de plus en plus dans la mesure où ils auront éventuellement à assurer progressivement un plus grand rôle en matière d'urgence sociopsychiatrique.

Il nous semble logique, avant d'aborder l'ordre des moyens nécessaires pour assurer le soutien et la réinsertion sociale des personnes atteintes de troubles mentaux et qui pourraient vivre dans la communauté, d'essayer de cerner l'ampleur et la nature des clientèles visées.

Au niveau de l'ampleur des besoins, l'incidence de plus en plus grande des problèmes de santé mentale a été largement démontrée et fait l'objet d'un consensus. Si on rappelle quelques chiffres, en 1978-1979 par exemple, la prévalence des troubles mentaux pour les 65 ans et plus est de 189 pour 1000. Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 30 ans. L'ensemble des suicides au Québec, qui représentait 1, 5 % des suicides en 1974, est passé à 2, 2 % en 1979. Un Canadien sur huit peut s'attendre à être hospitalisé au moins une fois dans sa vie à cause d'une maladie mentale. Ces maladies mentales sont la principale cause d'hospitalisation chez les 15 à 44 ans, si on exclut les grossesses et leurs complications. Près de 18 % du total des dépenses publiques de santé en 1980-1981 sont imputables aux troubles mentaux. Ils constituaient le groupe de maladies le plus coûteux, avant même les maladies de l'appareil respiratoire.

Les intervenants des CLSC, pour leur part, trouvent dans leur pratique quotidienne, confirmation de cet accroissement des problèmes d'ordre mental chez les clientèles de tous âges. L'apparition de nouveaux paramètres sociaux, reliée à la conjoncture économique, à la modification du tissu social, à une profonde mutation de la société, n'est pas étrangère au phénomène et contribue à accroître les facteurs de risque de la maladie mentale. Déjà d'ailleurs, on peut évaluer chez nous, dans les CLSC, à près de 10 % le nombre des usagers qui se présentent et qui le font pour un problème relié à la santé mentale.

Donc, les besoins quantitatifs de services en matière de santé mentale sont énormes. Ils ne pourront que s'accroître avec le viellissement de la population, si les tendances actuelles doivent se maintenir. L'incidence croît en effet avec l'âge. Les CLSC sont déjà impliqués avec ces clientèles et le seront par la force des choses de plus en plus puisqu'ils sont les premiers responsables des programmes de services et de maintien à domicile auprès des personnes âgées. On n'insistera jamais assez sur les besoins en santé mentale des personnes âgées, car non seulement leurs besoins sont élevés, mais il s'agit aussi d'une clientèle qu'on néglige parce qu'elle est déjà vieille.

Quant aux types de clientèles maintenant, il faut aussi distinguer entre plusieurs types puisque chacune peut requérir une approche et des modes d'intervention particuliers. On peut ainsi distinguer de façon générale entre les personnes qui vivent des problèmes de troubles mentaux, de celles qui vivent des problèmes de déficience mentale. On peut aussi distinguer entre les personnes qui peuvent guérir après un certain temps et celles qui seront aux prises avec des problèmes chroniques tout au long de leur existence. Il faut aussi considérer que les modes d'intervention requis peuvent varier selon qu'il s'agit de problème de suicide, de misère sociale ou de maladie mentale.

Les clientèles en matière de santé mentale sont donc diversifiées. Par rapport à leur institutionnalisation possible, il est une autre distinction qu'il nous semble importante de faire. Il faut ainsi distinguer entre les personnes qui devront continuer à être admises en institution pour des durées plus ou moins longues à cause de l'ampleur de leurs problèmes; les personnes, d'un autre côté dont on peut prévenir ou éviter l'institutionnalisation avec un support adéquat d'elles-mêmes et de leur environnement; les personnes actuellement hébergées en institution et qu'il serait possible de réinsérer dans les milieux de vie - pour une troisième catégorie - et, finalement, les personnes déjà désinstitutionnalisées, mais qui ont connu plusieurs séjours successifs en institution et qui ont encore des problèmes

d'adaptation et qui peuvent présenter un certain caractère chronique. (10 h 15)

La distinction fondamentale à faire, surtout entre les deux derniers cas, réside dans les liens que ces personnes ont conservés ou non avec leur milieu naturel. Les modes d'intervention seront en effet fort différents, selon qu'il s'agira d'apporter un support à l'individu, à sa famille ou à son entourage immédiat qui demeurent alors les premiers responsables ou selon qu'il s'agit d'aider une personne à se recréer un réseau de soutien qu'elle n'a plus, à la suite d'une trop longue institutionnalisation.

Rappelons simplement que le comité de santé mentale au Québec situe entre 50 % à 75 % le nombre de personnes actuellement hébergées pour des troubles mentaux qui auraient pu être traitées dans leur milieu naturel avec un support adéquat.

Cela nous amène à parler de la façon dont doit se faire la désinstitutionnalisation. Nous avons évoqué dans notre mémoire trois approches possibles que nous avons nommées la désinstitutionnalisation sauvage à la "new-yorkaise"; la désinstitutionnalisation paternaliste, par ailleurs, qui consiste dans le fait qu'on désinstitutionnalise, mais que c'est l'institution psychiatrique qui demeure responsable de l'usager et, finalement, une troisième catégorie ou une troisième approche, qui est nommée la désinstitutionnalisation communautaire, où ce sont les institutions de première ligne qui sont responsables des centres de crise et de la mise en place des supports communautaires nécessaires.

Évidemment, c'est cette approche que nous privilégions. L'institution psychiatrique dans ce contexte demeure, mais assume alors un rôle de recours plus spécialisé, en cas de besoin. L'intérêt de ce modèle, comme le démontrent certaines expériences italiennes, c'est d'abord d'éviter l'institutionnalisation des personnes qui n'ont pas absolument besoin de l'être. Cela devient un dernier recours lorsqu'une autre solution n'est pas possible.

Par ailleurs, les ressources communautaires qui sont développées souffrent moins de rejet et permettent la réintégration des ex-patients à un rythme que la communauté peut absorber. Cette approche suppose qu'on respecte le rythme d'absortion des communautés, mais cela, tout en intervenant de façon dynamique pour influencer le mouvement de façon positive.

La désinstitutionnalisation au Québec n'est pas un problème théorique. En fait, le mouvement est déjà largement amorcé depuis une vingtaine d'années. Louable dans ses intentions, il n'a pas entraîné les effets escomptés. Il s'est fait trop souvent sans préparation du milieu à recevoir les patients des instituts psychiatriques, sans planification et sans mise sur pied d'un réseau de ressources pour soutenir la réinsertion de ces personnes, sans mise en place de services complémentaires, préventifs et alternatifs à l'hospitalisation. Il s'est soldé par un pourcentage si important de réadmission en milieu hospitalier qu'on l'a appelé le "syndrome de la porte tournante".

Cette approche reposait pourtant sur des recommandations de rapports sérieux. Le problème, c'est que les conditions qui sous-tendaient cette approche n'ont jamais été réalisées. Rappelons que cela supposait des équipes de santé mentale, dans les CLSC, qui devaient permettre de répondre à une partie substantielle des besoins des usagers en matière de santé mentale et agir comme soutien aux ressources locales. Or, cela n'a jamais été réalisé. Nous croyons toujours cependant à la désinstitutionnalisation de type communautaire, dans la mesure où on créera les conditions favorables nécessaires.

Quels seraient les services requis pour procéder à cette désinstitutionnalisation? Nous avons, en page 13 de notre mémoire -sans reprendre la nomenclature - exposé finalement trois types de services, trois niveaux de services qui devraient être fournis: les services en milieu naturel, les services spécialisés et les services ultraspécialisés.

Si on se concentre sur les services en milieu naturel, qui seraient ceux dispensés par les CLSC, la préoccupation "santé mentale", quant à nous, doit d'abord être véhiculée à travers toutes les activités du CLSC: à travers les programmes de périnatalité, par exemple, de services courants, de programmes en santé ou en social. Nous voudrions aussi souligner l'importance particulière du rôle que les omnipraticiens pratiquant en CLSC peuvent jouer en matière de santé mentale, à la fois en matière de diagnostic précoce des troubles mentaux, mais aussi dans le traitement des problèmes ou des manifestations physiques qui peuvent accompagner ces troubles. Dans ce contexte, les médecins omnipraticiens des CLSC seraient des interlocuteurs privilégiés dans les CLSC, pour les équipes de base en santé mentale.

En second lieu, une équipe multidisciplinaire en santé mentale doit appuyer, au sein du CLSC, les efforts des autres intervenants. Cette équipe multidisciplinaire devrait notamment fournir au personnel du CLSC et aux bénévoles des groupes communautaires la formation nécessaire. Les interventions psychosociales s'en trouveront consolidées, ce qui devrait alléger la demande de services en matière de soins psychiatriques; assurer également les interventions en situation de crise et cela, notamment en favorisant la coordination des ressources disponibles, travailler à l'émergence de nouvelles ressources

alternatives qui pourront agir comme groupes de soutien et contribuer à briser l'isolement des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale; identifier aussi les besoins locaux en matière de santé mentale et proposer les programmes d'intervention nécessaires.

On ne mettra jamais non plus trop d'importance sur la nécessité de l'intervention communautaire en matière de santé mentale. C'est sûrement un des domaines où elle est la plus indispensable. Elle se traduit, dans les faits, par la mise en place d'organismes communautaires autonomes: des maisons de jeunes, des groupes d'alcooliques anonymes, des maisons pour femmes violentées, et des centres communautaires pour personnes âgées. Cela se traduit aussi par la mise sur pied de groupes d'entraide. C'est là une pratique déjà largement répandue dans les CLSC, comme en témoigne un sondage que nous avons effectué il y a quelques années, où près de 90 % des CLSC avaient déclaré agir à ce niveau. 11 ne suffit pas, d'un autre côté, de faire l'énumération des services requis. Il faut aussi identifier par quel champ prioritaire d'action on doit commencer. Il y a donc, quant à nous, certaines priorités et nous en identifions deux. La première, c'est de venir en aide aux ex-patients psychiatriques. On ne peut passer à côté de cette priorité, car la désinstitutionnalisation se fait déjà au Québec et c'est un mouvement irréversible. Le problème, c'est qu'elle se fait mal, au moins en partie. Le taux élevé de réadmission manifeste clairement les carences du système actuel. Certains milieux, souvent défavorisés, en sont davantage affectés et il est important d'y stopper au plus tôt le processus de détérioration sociale et de chronicisation de la misère sociale de certains.

Il faut pour cela compléter la gamme des services existants: service d'hospitalisation de courte durée, les centres de crise, centres de jour, centres de réadaptation, foyers de groupe, appartements supervisés, services à domicile, groupes d'entraide, thérapie de support, consultation budgétaire, etc. Les CLSC, en fait, ont besoin de ressources pour répondre aux besoins des ex-patients qui se présentent déjà chez eux et pour accroître leur capacité d'intervention communautaire afin de développer les ressources de soutien nécessaires.

Comme deuxième priorité, il faut développer la prévention, la promotion et le traitement de première ligne.

Au niveau de la promotion en santé mentale, il s'agit d'interventions qui visent à supporter les personnes, à développer leur potentiel de santé mental et accroître le potentiel de l'environnement des personnes sans chercher à prévenir des troubles ou des problèmes spécifiques. En bref, c'est tout ce qui peut favoriser la santé mentale.

Au niveau de la prévention, il s'agit, par des interventions spécifiques auprès de l'environnement et des personnes, de prévenir des difficultés ou des problèmes spécifiques. Les activités proposées en prévention dans les CLSC sont nombreuses et variées; elles s'adressent à des clientèles à risque et, pour cette raison, ne doivent à aucun prix être mises en veilleuse, sous prétexte d'intervention à d'autres niveaux. La prévention se fait la plupart du temps par le biais d'activités de groupe, lesquelles créent des solidarités importantes. C'est une étape dans la prise en charge de soi-même et on ne saurait trop insister sur son importance.

Au niveau du traitement, l'orientation générale à suivre devrait être de garder les interventions dans le milieu naturel tant que les intervenants croient qu'ils sont encore capables d'intervenir pour le bien de l'usager. Cela suppose nécessairement qu'il reçoive l'appui et la formation indispensable pour jouer ce rôle. Nous croyons cependant que les équipes d'intervenants des CLSC peuvent jouer un rôle précieux en matière de traitement puisqu'on y retrouve les capacités d'intervenir tant au plan biologique que psychologique, sanitaire que social, individuel que communautaire.

Un peu plus loin dans notre mémoire, nous avons tenté de décrire quels seraient les paramètres du traitement dans le milieu naturel. Les pistes qui doivent inspirer l'approche communautaire seraient, quant à nous, les suivantes: Tout d'abord, que le traitement s'effectue le plus près possible du milieu de vie de l'usager; deuxièmement, que les parents et amis soient associés étroitement au traitement, qu'on les aide à aider; troisièmement, qu'un travail intense soit fait sur le tissu social pour que la communauté joue son rôle; quatrièmement, que la responsabilité du traitement puisse être assurée par l'ensemble de l'équipe multidisciplinaire selon les capacités et les disponibilités de chacun; cinquièmement, que le préventif soit étroitement associé au curatif, puisque c'est l'action curative qui permet de mieux connaître ce que l'on peut ensuite chercher à prévenir; sixièmement, que l'approche globale soit aussi respectée en matière de santé mentale, mais qu'elle soit articulée en fonction des réalités spécifiques qu'on y rencontre; septièmement, que la population soit sensibilisée aux différentes facettes de la maladie mentale. Cela peut se faire par des campagnes nationales qui chercheraient à démystifier la folie, mais aussi par des actions locales adressées plus spécifiquement à la communauté. Chose certaine, il faut prendre le temps de travailler sur les mentalités.

En conclusion, la mise en place de tels services nécessite des ressources, des stratégies et des conditions de réalisation

particulières dont je voudrais maintenant toucher un mot.

Pour ce qui est des ressources, l'approche que nous proposons suppose que la santé mentale devienne une préoccupation de l'ensemble des intervenants et des programmes des CLSC, mais que ces intervenants soient appuyés par une équipe multidisciplinaire qui prenne en charge la dimension santé mentale à l'intérieur du CLSC. Ce qui veut donc dire qu'il doit y avoir une équipe mise en place dans les CLSC. Mais cela pose aussi la question de l'accessibilité des services des CLSC et cela, notamment, en matière d'urgence socio-psychologique.

L'application du cadre de partage CSS-CLSC et les transferts d'effectifs qui en résultent sont déjà un premier pas, mais ce ne sera pas suffisant. Il faudra doter les CLSC des ressources requises. Ainsi, il serait prioritaire que les CLSC puissent, au minimum, être accessibles pour les urgences psycho-sociales de 17 heures à 22 heures tous les soirs de la semaine; qu'une présence supplémentaire de cinq heures soit assurée, par exemple, le samedi et qu'un système de garde sur appel puisse être instauré en d'autres périodes.

Il semble en effet que ce soit durant ces périodes, à la suite de consultations que nous avons effectuées, que l'urgence psychosociale doive être assurée en dehors des heures normales.

En faisant l'hypothèse que ces deux conditions doivent être assumées entièrement, c'est-à-dire la mise en place d'une équipe et l'augmentation de l'accessibilité des services, nous estimons que pour la mise en place des équipes, une somme additionnelle de 40 000 000 $ doit être injectée et pour l'augmentation de l'accessibilité, une somme additionnelle de 16 000 000 $.

Ces estimations sont des estimations maximales parce qu'elles ne tiennent pas compte des transferts d'effectifs qui pourraient être effectués au sein des CLSC, c'est-à-dire la réallocation des ressources. Mais, il nous apparaissait important quand même de situer l'ordre de grandeur de la mise sur pied de services concrets de base pour faire face aux problèmes qui nous occupent.

Des stratégies d'implantation doivent aussi être arrêtées. La mise en place d'une telle politique peut être progressive, tenir compte de la capacité d'adaptation des différentes communautés et du rythme de changement dans les institutions. On aurait tort de précipiter le mouvement si on ne s'assurait pas que les infrastructures sont en place. On ne ferait alors qu'accentuer les maux actuels. Il est cependant important que la direction choisie soit claire, afin que tous se préparent en conséquence. On devrait aussi laisser les régions définir leur stratégie d'implantation en tenant compte des particularités spécifiques comme, par exemple, l'absence de ressources psychiatriques en région périphérique. La situation ne se présente évidemment pas de la même façon d'une région à une autre.

Il y a aussi des conditions de réalisation qu'il nous paraît utile de mettre en évidence. Parmi celles-ci, nous en mentionnerons trois. La première, c'est l'existence d'un réseau complet de services de première ligne, donc un réseau complet de CLSC; deuxièmement, la mise à contribution des dynamismes de la communauté et, troisièmement, la concertation de tous les groupes et organismes concernés.

Quant à la première condition, c'est-à-dire le parachèvement du réseau de CLSC, elle est en bonne voie de réalisation.

Quant à la seconde condition, elle implique l'instauration d'une politique de financement adéquat des organismes communautaires, là où il n'y a pas seulement que des bénévoles et de valorisation de ces initiatives essentielles.

Quant à la concertation, finalement, de tous les intervenants, elle est absolument indispensable tant au niveau régional que sous-régional, et cela non seulement entre les organismes publics, mais entre les organismes du milieu. À cet égard, il faudrait, comme cela a commencé à se faire à certains endroits, qu'on favorise la mise en place de tables de concertation sous-régionales, afin d'assurer la continuité d'interventions nécessaires.

En terminant, nous aimerions rappeler que si l'on parle de services de soutien et de réinsertion sociale aux personnes atteintes de troubles mentaux et qui vivent dans la communauté, c'est en bonne partie à cause de l'échec de l'institutionnalisation. Il ne faut donc pas voir que les faiblesses des expériences actuelles de désinstitutionnalisa-tion, mais aussi leur origine. Nous n'avons pas le choix comme système de services voué à répondre aux besoins des personnes; nous devons continuer dans cette voie dans toute la mesure du possible.

Mais nous avons, collectivement, la responsabilité d'améliorer la façon dont nous le faisons. Il y a, nous semble-t-il, des améliorations et des développements sérieux à apporter. Il nous semble fondamental aussi que cette démarche se fasse primordialement en fonction des besoins des patients plutôt qu'en fonction de ceux des institutions ou des professions. Il faudra aussi apporter une attention particulière, au cours de cette démarche, à la question des ressources disponibles. Nous ne sommes pas sûrs qu'elles sont globalement suffisantes pour que l'on puisse simplement se contenter de faire des réallocations. Le domaine de la santé mentale est, depuis longtemps, le parent pauvre et il faudra évaluer sérieusement le

manque possible de ressources, surtout en régions périphériques. (10 h 30)

Enfin, nous avons essayé de vous exposer aujourd'hui comment la mise en oeuvre d'une telle approche pouvait être possible pour répondre aux besoins des personnes atteintes de troubles mentaux et ce qu'elle impliquerait pour les CLSC. Nous croyons toujours à la prise en charge communautaire, mais nous voulons tenir sur la question un langage réaliste. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup, M. Charlebois, pour votre mémoire. Je tiens à remercier la fédération. Je pense que c'est un mémoire qui a été rédigé soigneusement et qu'on a tenté, véritablement, de faire le tour de la question.

Je ne vous apprendrai rien en disant que, sur bien des points, vous reprenez les constations ou les observations qui ont été faites par d'autres groupes qui sont venus devant nous, par exemple, le manque de ressources, parce que, s'il n'y en avait pas, on ne serait pas ici.

Le point qui m'apparaît crucial, même si on mettait les ressources en place et qu'on avait l'argent pour le faire, c'est toute la question de la sensibilisation et de l'ouverture de la population à ce problème de la réinsertion sociale des personnes atteintes de troubles mentaux et de troubles psychiques. C'est tellement ancré qu'on avait l'impression que même des professionnels qui sont venus ici disaient: On veut les aider, tout le monde comme nous autour de la table sommes pleins de bonnes intentions, mais nous ne sommes pas sûrs que tout le monde veuille les avoir dans sa cour, pour utiliser une expression un peu populaire.

Il semble bien que les efforts soient voués à l'échec, en dépit de bien des organismes ou bien des ressources qui seraient mis en place, si cette opération n'est pas faite. Je pense que les CLSC, par au moins un volet ou un aspect de leur vocation, ont un rôle privilégié à jouer dans ce domaine-là.

Évidemment vos énergies ont été prises par de nombreux autres problèmes. Un bon nombre de vos CLSC sont encore à l'état embryonnaire ou grandissent tranquillement. Même pour ceux qui fonctionnent à temps plein, d'autres problèmes se sont développés ou des problématiques sont devenues plus aiguës qu'elles ne l'étaient peut-être au moment de la fondation ou de l'ouverture de ces CLSC. On pense, par exemple, dans la région de Montréal, à toute la question des personnes âgées qui ne trouvent pas encore, même de la part des CLSC avec les ressources qu'ils ont, des réponses adéquates. Si on prend le domaine du maintien des personnes à domicile par exemple, ceci est une clientèle qui s'y ajouterait et qui peut-être, je suis certaine en certains cas, s'y ajoute déjà par la force des choses.

Il y a eu la problématique du suicide, de l'alcoolisme, quoique toutes ces choses ne sont pas toujours interreliées mais ne sont pas toujours dissociées non plus. On a eu le témoignage de quelqu'un qui nous a dit - si je ne m'abuse je pense que c'était du côté de Verdun, de l'hôpital Douglas - que dans leurs cliniques externes ou de secteur on constatait que chez les personnes atteintes de troubles psychiques venaient se greffer, dans 40 % des cas, des problèmes d'alcoolisme. Ce sont des choses qui se rejoignent.

J'aurais quelques questions à vous poser. J'aimerais que vous parliez un peu plus sur les organismes volontaires ou les ressources alternatives. On en parle tous, on a eu ici des représentants du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, pas plus tard qu'hier soir, et d'autres groupes de bénévoles. Eux veulent travailler. On sait qu'ils ont créé des réseaux d'entraide, qu'ils assument des fonctions qui ne sont pas assumées ailleurs, qu'ils comblent un vide dans bien des situations et que les institutions elles-mêmes sont heureuses de référer à ces organismes des cas à plus long terme ou qui ont un caractère de chronicité avec lesquels ils ne savent pas quoi faire.

Compte tenu que vous avez déjà une bonne expérience avec les organismes volontaires dans la communauté, quelles sont les fonctions que vous aimeriez, dans ce domaine particulier, voir jouer par les organismes volontaires? Vous allez peut-être me dire que c'est à eux de décider des orientations ou, enfin, du rôle qu'ils veulent jouer, d'accord; mais il reste qu'à un moment donné, il faut que tout cela s'articule. Une autre constatation qui a été faite à quelques reprises, c'est le fait qu'il existe entre les institutions et les établissements du réseau et ces organismes-là passablement de tensions, de luttes de pouvoir. On en veut bien pour autant qu'ils nous rendent service, mais ils nous dérangent parfois. Enfin, je pense que vous êtes peut-être même plus familiers... Cela reste pour nous - pour moi, en tout cas et, je pense, peut-être pour les membres de la commission - un problème parce qu'on peut, nous aussi, faire un rapport avec une énumération de services qu'on pense être requis. Mais comment articuler cela, et est-ce qu'on peut cerner un peu mieux le rôle de chacun? Je laisse de côté, pour le moment, votre rôle d'intervention en CLSC, dans les cas de crise et de prise de contacts, etc. Je parle vraiment de l'articulation avec les organismes du milieu.

M. Charlebois: Si vous me le

permettez, je pense que la meilleure façon de répondre à cette question, c'est que certains témoignages vous soient donnés. Je demanderais à certains de mes collègues, entre autres M. Léveillé, de tenter de répondre à cette question.

M. Léveillé (Yves): Avant de répondre à la question, j'aimerais dire que les CLSC sont prêts, contrairement à ce que vous abordiez tantôt. On est prêt à s'occuper malgré les autres mandats qui nous sont présentement accordés. On sait l'importance du problème, on reconnaît l'importance du problème, et cela se relie très bien aux groupes volontaires, parce que sans ces derniers on ne pense pas, comme CLSC, pouvoir faire un job adéquat; et cela implique nécessairement cela. Vu notre aspect d'intégration locale, on pense - non pas seulement "on pense" - que les conflits avec les groupes locaux sont beaucoup moins évidents et forts dans les CLSC, par rapport aux CLSC que par rapport aux institutions qui sont là et qui doivent conserver certains mandats absolument essentiels.

Dans le rapport qu'on vous soumet, ce qui est très important c'est l'implication communautaire. Et l'approche communautaire implique que les groupes locaux de soutien et les groupes locaux d'intervention douce auprès des malades sont essentiels pour nous autres, et on ne fera que les susciter et les appuyer dans ce sens-là.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Écoutezl Je vais vous référer au bas de la page 19. C'est un peu ce qui a suscité ma réflexion, parce que je pense que c'est cela que vous abordez d'une façon pe.ut-être un peu théorique, mais je me demande si ce n'est pas ce problème que vous abordez. Enfin, peut-être pourriez-vous m'expliciter ce que vous voulez dire au dernier paragraphe de la page 19.

M. Hould (Jacques): Mon nom est

Jacques Hould, du CLSC Centre-Sud. La réinsertion sociale, on la vit depuis quand même assez longtemps. Le centre d'accueil Simard, qui est relié à l'hôpital Notre-Dame, a fait des travaux de réinsertion sociale d'ex-patients dans le quartier. Automatiquement aussi, lorsqu'il y a réinsertion sociale, souvent les gens viennent vivre dans les milieux défavorisés où le logement est moins cher, où les ressources communautaires sont assez présentes et où il y a également un réseau où on peut acheter des meubles à bas prix. Il y a beaucoup de raisons qui font en sorte qu'à un moment donné quelqu'un qui est limité au point de vue financier se retrouve dans un quartier défavorisé. Dans ce sens-là, au CLSC Centre-Sud, on est confronté avec la situation. On a eu plusieurs niveaux d'intervention.

Au CLSC, on a créé des groupes de réinsertion sociale qui sont directement orientés vers des gens qui ont des problèmes de santé mentale. On apporte aussi certains soutiens en termes de gestion budgétaire. Les groupes, dans un premier temps, on les formait pour leur faire visiter différentes ressources communautaires qu'il y avait dans le quartier. On a aussi fait en sorte que les ressources communautaires du quartier ne soient pas prises au dépourvu ou n'aient pas une attitude de rejet par rapport à ces gens-là qu'on voit un peu partout dans le quartier. À ce moment-là, dans certains groupes populaires, ces individus peuvent être accueillis pour autant qu'il y a un intervenant du CLSC qui vienne un peu faire le pont entre les responsables de la ressource communautaire et cette clientèle. Cela a été une façon de faire.

D'autres éléments. Au CLSC Centre-Sud, on a l'avantage d'avoir un centre d'éducation populaire qui, lui, donne des cours d'initiation aux citoyens du quartier. 11 y a eu des protocoles de signés entre des ressources de centres d'accueil et ce centre d'éducation pour que les gens viennent de temps à autre suivre des cours. En fait, le but n'était pas nécessairement que les gens apprennent un métier spécialisé, ce n'était pas cela. C'était en même temps de faire qu'autour de ce centre-là, les gens puissent prendre contact avec la cuisine, la salle à manger. Les gens du quartier allaient manger, pouvaient prendre contact avec d'autres intervenants, d'autres citoyens. À ce moment-là, cela a été une certaine insertion avec le milieu comme tel.

Cette stratégie de réinsertion sociale, on l'a aussi avec des personnes âgées qui vivent dans le quartier, qui n'ont pas connu le réseau institutionnel et qui vivent un certain isolement. On tente de les réinsérer au niveau de la dynamique communautaire. Ce sont différentes façons qu'on voit. C'est clair qu'une seule ressource ne peut pas; il faut vraiment qu'il y ait un réseau et que les gens se supportent ensemble. Dans ce sens-là, il faut miser sur cet aspect: faire que le tissu social, le tissu communautaire soit sensibilisé à ces questions.

Un des problèmes qu'on rencontre aussi au niveau des intervenants du CLSC, c'est qu'au niveau du "case load", au niveau des cas qu'ils rencontrent, ils rencontrent beaucoup de cas qui ont des problèmes de santé mentale. Ils ne sont pas nécessairement habilités à traiter les cas, ils sont pris au dépourvu par rapport à des problèmes de démence ou des choses semblables. Cela nous a amené à établir des relations avec le centre de santé mentale relié à l'hôpital Saint-Luc pour qu'on ait un support par rapport aux interventions qu'on peut donner.

On a aussi vécu des expériences au niveau de la périnatalité, où on constatait

que les cours de périnatalité qui se donnaient au département de santé communautaire ne rejoignaient pas une clientèle à haut risque qui avait des problèmes de santé mentale. À ce moment-là, on a eu une stratégie pour les rejoindre. Concrètement, le ratio - parce qu'on parle de ressources - le ratio pour un cours prénatal au CLSC est de huit individus et on y affecte une infirmière et un travailleur social; alors que dans un département de santé communautaire, pour une population qui n'a pas ce problème-là ou qui fonctionne d'une façon plus normale, le ratio est environ un intervenant pour vingt familles. (10 h 45)

C'est clair que dans un milieu défavorisé, on a reçu énormément de personnes avec des problèmes de santé mentale. Et c'est clair qu'en retour, l'investissement est très fort pour une clientèle à haut risque, de cette façon.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vouliez-vous ajouter quelque chose?

M. Côté (Louis): Oui, par rapport au dernier paragraphe de la page 19...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Côté (Louis): ...où on parle de synergie. Je pense que la synergie, dans le réseau des affaires sociales et dans la communauté, c'est un élément qui est important à tous les niveaux. D'une part, quand on dit que ce n'est pas étranger aux résultats qu'on obtient, le fait de travailler en partnership plutôt qu'isolément, je pense que c'est vrai sur le plan de la planification et de la coordination des programmes, par exemple, au niveau d'une sous-région ou au niveau d'une région.

Comme vous le savez, à Montréal, il y a une étude récente qui vient de paraître, le rapport Aird, Amyot, Charland qui recommande une extension même des modes de concertation qui sont déjà en train de se mettre en place dans la région de Montréal, où on retrouve autour de la même table, autour d'une même clientèle aussi, et autour du développement de projets conjoints les CLSC, les CSS, les centres hospitaliers. Les ressources alternatives sont aussi représentées comme partenaires à part égale.

C'est important, je pense, que chacun des partenaires dans cette concertation soit à part égale et ait une base commune, qu'on ait une base commune sur le plan de la clientèle à desservir. Il y a souvent des pertes d'énergie, en particulier dans la région de Montréal, dans le sens que chacun des réseaux a son découpage territorial particulier. Vous savez que, quand on veut collaborer avec, par exemple, une équipe de santé mentale de clinique externe de psychiatrie, une équipe de CLSC et des ressources communautaires ou alternatives, ce n'est pas accessoire le fait d'avoir une base commune au point de vue géographique quand on sait que la psychiatrie est sectorisée. Sauf que les secteurs, actuellement, dans la région de Montréal, de CSS, de CLSC et d'hôpitaux psychiatriques ne correspondent pas et, aussi, cela crée un problème d'articulation avec les ressources communautaires.

Donc, c'est important sur le plan de la planification des projets comme tels. Les partenaires se retrouvent ensemble autour d'une même table. On peut prendre un exemple concret - quand on parle de synergie - qui donne de meilleurs résultats. Si vous prenez l'exemple du pavillon Saint-Germain à Montréal, où il y a eu des difficultés d'implantation dans la communauté, c'est évident que ce projet a plus de chance de s'implanter dans la communauté quand c'est fait conjointement entre le CLSC du quartier, des groupes de citoyens du quartier, ainsi que la ressource qui veut le mettre sur pied, par exemple un centre d'accueil ou un CSS, dans le sens qu'un foyer de groupe ou un appartement supervisé ou un pavillon n'est pas une institution, un organisme qui vit en vase clos. Il doit être intégré dans la communauté et les patients ou les personnes qui y vivent ne doivent pas vivre dans un ghetto. Chacun a ses forces et ses faiblesses dans le réseau. Dans ce cas, le CLSC peut jouer un rôle sur le plan de l'implantation communautaire, c'est-à-dire sur le plan du travail préparatoire à l'implantation de la ressource, de sensibiliser les groupes de citoyens, d'aider à mettre sur pied un comité conseil, comme tel, qui peut s'impliquer sur le plan de la santé mentale dans le quartier, ce qui va supporter le travail de la ressource en question, qui est un pavillon dans ce cas.

On peut prendre plusieurs exemples de la sorte. En ce qui concerne les ressources alternatives, travailler en synergie cela peut vouloir dire qu'à l'échelle locale ou à l'échelle sous-régionale, le CLSC peut offrir tel support technique à tel groupe de citoyens ou tel groupe dans la communauté qui a une idée intéressante à mettre de l'avant pour venir en aide aux ex-patients psychiatriques et les aider à passer à travers tout le processus de planification de leurs projets.

Mais c'est aussi important que ces groupes puissent avoir accès aussi à des ressources du CSS et à des ressources des centres hospitaliers. Là-dessus, je pense qu'essayer de définir d'avance un rôle spécifique aux ressources alternatives ou aux ressources communautaires, cela pourrait être risqué en termes de tuer le dynamisme. Si vous regardez le type de ressources communautaires ou intermédiaires, il y a une

variété assez grande et, à chaque année, il y a des nouvelles idées qui naissent.

Il y a des nouveaux projets qui naissent, soit à partir de l'expérience d'ex-patients psychiatriques eux-mêmes ou à partir d'expériences de familles ou de parents ou à partir d'expériences de praticiens sociaux ou de praticiens de sciences de la santé qui ont, à un moment donné, expérimenté certaines approches qui leur paraissent prometteuses et qui vont se lancer dans un projet, comme tel.

Je pense que c'est important de maintenir la multiplicité des types d'interventions que peuvent faire des ressources communautaires. Une ressource communautaire peut fort bien, comme cela existe dans certains milieux, s'occuper d'un programme d'hébergement dans la communauté, comme elle peut s'occuper d'un groupe d'entraide d'ex-patients psychiatriques, par exemple Solidarité psychiatrique, comme l'Association des parents et amis du malade mental; c'est une autre forme d'intervention. Il y a aussi la Croix blanche. Il y a une multiplicité possible d'interventions et de genres d'interventions et, justement, quand on regarde les expériences qui ont été réussies sur le plan de l'intégration dans la communauté de gens qui ont des problèmes de santé mentale, on se rend compte que cela prend une multiplicité de réponses différentes à des besoins qui varient selon les milieux. Cela fait que les ressources communautaires, par essence même, vont être portées à se définir en complémentarité avec le réseau, les CLSC, les CSS et les hôpitaux, puisqu'on occupe déjà un certain rôle spécifique; par exemple, les soins médicaux et les services à domicile. Donc, les promoteurs d'initiatives communautaires, évidemment, quand ils feront leurs projets, vont tenir compte des ressources des gens en place.

Il faut aussi créer, je pense, un forum, autant à l'échelle locale qu'è l'échelle régionale, pour les organismes de planification et de coordination, par exemple, les tables sous-régionales de concertation et les commissions qui existent dans les conseils régionaux, pour que les ressources communautaires alternatives soient considérées sur le même pied, dans le fond, que les autres ressources qui interviennent sur le plan de la santé mentale et jouer la règle du jeu de la concertation et des décisions qui se prennent à plusieurs. C'est-à-dire que les projets qui vont être mis de l'avant par ces groupes communautaires ou ces ressources alternatives vont être évalués un peu de la même façon que sont évalués les projets ou les demandes faites par les établissements du réseau. Il n'y a pas de raison... Il faut juger au mérite les projets et non qui y a pensé. Est-ce que le projet émane d'un hôpital, d'un CLSC ou d'un groupe de citoyens?

Par contre, à ce moment-là, les mêmes règles du jeu devraient s'appliquer à tout ceux qui demandent des fonds publics pour intervenir en santé mentale. C'est-à-dire qu'il y a des processus d'évaluation qui s'appliquent autant à ces ressources, mais aussi qui s'appliquent aux ressources de l'État, disons, aux ressources du réseau. Je ne sais pas si...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'une certaine façon - et je pense que, là-dessus, on est d'accord - elles existent, il faut leur permettre d'exister, il faut les soutenir, mais elles doivent être soumises, jusqu'à un certain point, aux mêmes règles que les autres, du point de vue de l'évaluation de leur fonctionnement, de l'objet de leur action. Est-ce cela que vous dites?

M. Côté (Louis): Ce que je dis, c'est qu'on devrait, autant sur le plan des ressources communautaires ou alternatives que sur le plan des ressources, par exemple, du CLSC et des CSS, plutôt évaluer les résultats et la réponse aux besoins de la clientèle, beaucoup moins que le processus, que le mode de gestion et que les moyens d'action, disons. Je pense que, l'ordre des moyens, cela devrait être laissé beaucoup à l'initiative des gens qui pensent à des projets; sans cela, on va tuer l'initiative. Par contre, on devrait évaluer les résultats.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

M. Côté (Louis): Est-ce que, par exemple, un groupe comme Solidarité psychiatrique a atteint les objectifs pour lesquels il va demander la subvention X ou la subvention Y, ou pour lesquels il reçoit du financement? Cela devrait être la même chose - je pense, en tout cas - en ce qui concerne les projets qui émanent du réseau. On devrait les évaluer sur les résultats, sur l'impact que cela a par rapport aux problèmes qu'on veut régler, beaucoup plus que sur les modes de gestion, que sur les modes d'encadrement du personnel, que sur les processus administratifs qu'on utilise, que les techniques ou les approches qu'on met de l'avant, disons. À ce moment-là...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Écoutez, je voudrais revenir sur un autre sujet. Les CLSC disent qu'ils sont prêts à assumer - ils en assument déjà -davantage de responsabilités dans le domaine de la santé mentale. À présent, personne ne veut parler de maladie mentale, mais je pense qu'on s'entend. Il reste que c'est une autre façon d'aborder les choses. Je voudrais quand même vous demander... Évidemment, pour les activités ou les responsabilités de première ligne, tout le monde s'entend. Il y

a ceux qui vous arrivent - parce qu'ils arrivent au CLSC - et dont vous détectez d'autres problèmes ou qui, peut-être, peuvent arriver - quoique ce soit moins fréquent dans le cas des personnes ayant des troubles psychiques de venir directement avec cela... Est-ce que vous offrez aussi des services de deuxième ligne? Je voudrais vous demander quels liens vous allez entretenir avec les services de psychiatrie des hôpitaux, parce qu'il y a des services de psychiatrie dans les hôpitaux. C'est-à-dire, comment vont se diviser les responsabilités?

Vous dites que le CLSC pourrait mettre sur pied des équipes de santé mentale sectorielles, c'est à la page 21, je pense, si je ne m'abuse. On a entendu, hier ou avant-hier, des groupes, dans un cas où il y a quinze équipes sectorielles - je peux donner les noms - rattachées au pavillon Albert-Prévost de l'hôpital du Sacré-Coeur qui vont même répondre à des demandes à domicile. Dans le cas de l'hôpital Douglas vous avez -j'oublie le nom, mais il me semble que c'est plus nombreux que cela encore - environ 18 ou 20 équipes sectorielles. À ce moment-là, suggérez-vous que ces équipes sectorielles deviennent votre responsabilité ou encore est-ce qu'il n'y aura pas une sorte de chevauchement? C'est assez confus pour moi, comment tout ceci va s'articuler.

L'autre chose: vous énoncez quelque part pour s'éloigner - ce n'est peut-être pas votre expression, c'est la mienne - de l'approche médico-institutionnelle - ce n'est peut-être pas exactement votre terme - vous parlez de trois approches, dont l'approche paternaliste. On va parler de l'approche paternaliste, c'est celle-là. C'est l'hôpital qui développe son réseau de mesures ou de ressources intermédiaires; je pense qu'elle s'appelle la ressource paternaliste. Qui devrait être responsable de ces ressources? Est-ce vous autres qui devriez en être responsables puisque vous suggérez que l'hôpital, en gardant ses liens avec ces ressources d'hébergement, maintienne une attitude paternaliste, le caractère institutionnalisé du traitement de la maladie mentale, etc? Je réalise que j'ai posé plusieurs questions, j'aimerais que vous y répondiez. La première, si on veut refaire le tour, c'est la question de savoir jusqu'où vous allez dans le traitement de la maladie mentale. À cet égard, quels liens articulez-vous avec les ressources psychiatriques des hôpitaux généraux? Peut-être qu'avec les hôpitaux de longue durée, ce sont évidemment des gens qui demandent un placement en permanence, on va les laisser de côté pour le moment, mais avec les départements de psychiatrie des hôpitaux généraux. C'est, ensuite, la question des équipes de santé mentale sectorielles qui sont déjà établies soit dans les hôpitaux généraux, soit dans des hôpitaux psychiatriques de longue durée. Finalement, qui assume dans l'établissement les plus grandes ressources au plan de mesures intermédiaires ou même alternatives? Je pense particulièrement aux ressources d'hébergement, de familles d'accueil et tout cela. Qui assume ces responsabilités-là? Présentement, elles sont assumées par les institutions elles-mêmes, si je ne m'abuse.

M. Bélanger (Jean-Pierre): D'abord, quant à la place où doivent se loger les équipes de secteur ou les liens qui peuvent exister entre un CLSC et une équipe de secteur, il y a une nuance à apporter au départ. La réflexion qu'on a faite par rapport à l'implication des CLSC en matière de santé mentale nous amène à poser la question à savoir: quelles sont les ressources minimales dont un CLSC a besoin pour pouvoir jouer son rôle dans ce secteur. Le consensus qui s'est dégagé, c'est qu'un CLSC avait besoin d'une équipe minimale, de ce qu'on appelle une équipe de base en santé mentale, qui lui permet d'appuyer les actions des autres intervenants en cette matière et qui permet d'apporter une réponse ou d'apporter les services nécessaires aux personnes qui n'ont pas besoin d'être institutionnalisées. C'est un premier niveau qui nous semblait un prérequis essentiel au départ, donc, pour éviter que toute demande puisse, presque inévitablement, aboutir à une ressource spécialisée.

Il y a un autre type de besoin qui existe, qui est lourd, et qui est actuellement assumé par les équipes sectorielles, soit des patients qui ont un problème grave et qui nécessitent une intervention beaucoup plus spécialisée. Vous avez fait référence aux nombreuses équipes qui existaient ou qui étaient rattachées à Albert-Prévost et à Douglas; effectivement, à Montréal, il y en a beaucoup. On a mentionné tantôt un problème particulier qui se posait dans la région de Montréal et qui était le suivant, c'est-à-dire que les territoires de ces équipes ne correspondaient pas nécessairement à ceux des CLSC, ce qui pose un problème de coordination.

Il y a déjà eu des expériences à Montréal. Certaines ont cessé à certains moments pour des raisons d'ordre administratif, à savoir que ces équipes-là fonctionnaient sectoriellement et le faisaient dans les locaux physiques des CLSC, ce qui favorisait beaucoup la coordination et la concertation entre les différents intervenants à ce niveau-là. (11 heures)

Je pense que c'est le genre de choses qu'il faudrait encourager. De plus, est-ce que cela veut dire que ce doit administrativement être rattaché aux CLSC? Je ne pense pas que cela ait absolument besoin de l'être. La même chose...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous n'avez pas d'objection à ce que des institutions, en parlant des hôpitaux, continuent le fonctionnement de leurs équipes sectorielles?

M. Bélanger: Non.

M. Charlebois: Ce qui se produit au niveau du CLSC, c'est qu'il y a déjà des gens qui s'y présentent et il y a déjà un travail utile qui peut être fait. Quant à nous, on met en évidence le type de services que l'on doit mettre sur pied pour que l'on puisse adéquatement laisser le CLSC répondre aux problèmes. Mais cela n'empêche pas qu'à un deuxième niveau - d'ailleurs on l'a mentionné dans notre mémoire - il y ait des interventions de faites par de telles équipes. M. Léveillé pourrait peut-être compléter.

M. Léveillé: Dans certains secteurs, comme sur la rive sud de Montréal, avec Charles-LeMoyne, il existe déjà une collaboration interéquipe. Il y a une équipe du CLSC, une équipe de Charles-LeMoyne qui travaille sur une clientèle de référence. Alors, on se réfère les cas. Quand il s'agit de traitement dans la collectivité, dans la communauté, nous avons même un psychiatre qui est appelé au conseil pour le traitement dans la communauté. Quand il s'agit d'un traitement plus en deuxième ligne, d'un état de crise, c'est Charles-LeMoyne qui opère dans ces cas-là.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, c'est la première et la deuxième ligne. Ce n'est pas toujours...

M. Léveillé: Mais, dans le contexte actuel, c'est comme cela qu'on s'est entendu.

M. Charlebois: Cela me rappelle de vieux débats.

M. Léveillé: Mais on ne veut pas un autre transfert.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, dans le fond, théoriquement, pour moi, la première ligne, ce n'est pas juste quelqu'un qui vient frapper à la porte, c'est quelqu'un qui a des symptômes, puis c'est quelqu'un qui a besoin immédiatement d'une attention quelconque, qui a besoin d'être référé à une ressource appropriée ou à qui on doit fournir un service...

M. Léveillé: C'est cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... réduit dans le temps, c'est-à-dire dont la durée... En tout cas, moi, c'est comme cela... Cela vaut ce que cela vaut...

M. Charlebois: Mais, finalement, à cet égard, c'est une orientation qui est tout à fait partagée par les CLSC. On a mentionné un colloque tenu il y a quelques mois et il y a des documents, si on veut, d'orientation actuellement en voie d'être complétés et qui vont être distribués aux CLSC. Le terme qu'on utilise vaut ce qu'il vaut; on appelle cela la préoccupation santé mentale. C'est-à-dire que tous les intervenants dans le CLSC, que ce soit le médecin, que ce soit l'infirmière qui travaille en périnatalité à l'école, peu importe, aient cette préoccupation et soient capables de faire les dépistages qu'ils soient sensibilisés à ce problème et à ces phénomènes. Ce que l'on se dit, c'est que s'il y a une équipe minimale dans le CLSC qui est capable d'accueillir les gens qui sont, par exemple, en situation de crise, cette équipe sera également un soutien à l'ensemble des autres intervenants, qui sont nombreux, car le CLSC oeuvre dans tous les milieux. C'est ce qu'il faut développer pour faciliter la réinsertion.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je suis d'accord. Dans votre mémoire, je n'étais pas sûre jusqu'où vous alliez. À un moment donné, j'avais l'impression que... Il se peut qu'à un moment donné, vous ayez quelqu'un qui soit de deuxième ligne et on ne laisse pas le monde...

M. Charlebois: Par exemple, en région éloignée, les gens nous disent qu'ils doivent faire le traitement là-bas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais sur l'orientation de base des CLSC ou, enfin, la vocation fondamentale, vous restez à l'intérieur de cela dans le traitement de la maladie mentale.

M. Charlebois: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À un moment donné, il y a tellement un mouvement pour dire que l'hôpital, que l'institution psychiatrique a tellement un caractère institutionnel, a tellement un caractère de stigmatisation par rapport à cette problématique qu'on dit: II faut essayer de rompre cela et, pour rompre cela, d'une certaine façon, on veut aussi isoler l'hôpital, qu'il soit général ou d'autre nature, et je ne suis pas sûre que l'on n'accuserait pas un nouveau retard dans le sens qu'à ce moment-là, on médicaliserait pour de bon si, à un moment donné, eux non plus n'ont pas des responsabilités de réinsertion sociale, que ce ne soit pas toujours une délégation à d'autres, parce qu'à ce moment-là on va retourner à un modèle médical peut-être pire que ce qu'on n'a jamais connu dans les 25 dernières années.

Mais, si vous avez ce document-là, ce

n'est pas complété, votre réflexion sur le document...

M. Charlebois: C'est en voie de l'être. Ce sont des documents que l'on pourrait certainement transmettre à la commission de même que le rapport du colloque, qui fait état d'une multitude d'expériences qui ont été tentées dans les CLSC et dans des groupes, parce qu'on a demandé à des groupes de venir témoigner sur ce qu'ils faisaient. Cela aussi, si le vous désirez, il me fera plaisir de le transmettre à la sous-commission.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Il reste ma troisième question à laquelle vous n'avez pas répondu en ce qui concerne le point de vue des ressources alternatives ou intermédiaires. Où en sont-elles? Où se raccrochent-elles?

M. Robert (Hugues): Je vais essayer d'y répondre, en ce qui touche les régions éloignées, géographiquement parlant et en termes aussi de répartition de la population. Je viens de la région 02 et, même là, le CLSC pourrait devenir une espèce de canalisateur infrastructurel par rapport aux organismes alternatifs. On sait aussi qu'il n'y a pas d'appui, d'aide. Donc, l'équipe à l'intérieur du CLSC serait primordiale par rapport à la santé mentale.

M. Charlebois: On essaie de multiplier ces ressources. Elles doivent travailler autour du CLSC finalement mais non pas dans une relation de dépendance, et le CLSC devrait s'en servir. Plusieurs expériences l'ont démontré comme, par exemple, de faciliter et d'appuyer la mise en place de centres de crise, de centres d'hébergement temporaire pour des femmes victimes de violence. On y a largement contribué par toutes sortes de dynamiques qui ont été implantées dans ces milieux. L'idée, finalement, ce n'est pas que ces établissements, ces organismes soient dans une relation de dépendance, mais dans une relation de collaboration avec le CLSC, c'est qu'autant que possible on partage les mêmes visions des choses et les mêmes approches. Je pense que c'est à ce niveau que se fait effectivement un travail.

Lorsqu'on privilégie une approche d'une désinstitutionnalisation dite de type communautaire, cela s'articule sur une base locale entre tous ces organismes plutôt que sur une institution spécialisée dans le traitement des maladies, qui développe ses propres infrastructures qui vont exister en fonction, le plus souvent, de l'institutionnalisation et qui vont favoriser le retour à l'institution. Très souvent, ce qui va se produire, c'est que ces ressources que, par exemple, l'hôpital va développer sont des ressources qui vont exister pour ses ex-patients, mais non pas nécessairement pour ceux qui n'auraient pas été ou qui ne devraient pas être ses patients.

Ce sont le plus souvent des initiatives locales qui, comme on le disait tantôt, peuvent être très différentes non pas nécessairement d'une année à l'autre, mais, tous les ans. Il y a d'autres initiatives et il faut les laisser émerger. Il faut que les responsables et les promoteurs sachent qu'il existe dans le milieu, par exemple dans le CLSC, une ressource sur laquelle ils peuvent compter pour s'organiser et pour collaborer avec d'autres.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vais laisser la parole au député de Marie-Victorin. Je reviendrai par la suite avec des questions.

M. Pratt: Je dois vous dire, d'entrée de jeu, que j'ai bien aimé votre mémoire. Il est très bien fait. Il y a des idées très intéressantes là-dedans. Il en est une que je retiens, c'est cette volonté, cette disponibilité que vous voulez assurer pour donner des services d'urgence psychosociale en fin de semaine. Remarquez que, dans les régions, ce dont on se plaint, c'est que le CLSC ne fonctionne pas après telle heure, surtout en fin de semaine, et les besoins sont grands à ce moment de la semaine. Je trouve intéressant et stimulant ce que vous dites. Ma seule inquiétude, c'est que vous dites que l'équipe devrait travailler étroitement avec un psychiatre consultant à temps partiel. Comment peut-on penser réaliser cela lorsqu'on sait que, surtout en zone périphérique, on manque de psychiatres? J'ai fait une tournée provinciale il y a quelques mois et c'est la doléance qu'on nous soumet le plus souvent, que ce soit dans la région de l'Abitibi ou dans celle de la Gaspésie. On manque de psychiatres à ces endroits. Vous dites que cette équipe devrait être rattachée à un psychiatre. Cela pourrait retarder les choses ou, du moins, votre équipe serait peut-être incomplète pour fonctionner. Je voulais vous entendre parler là-dessus.

M. Charlebois: Ce qu'on propose, c'est que les équipes en place dans les CLSC puissent bénéficier de l'expertise des psychiatres. Cela ne dispose pas, effectivement, du problème de la disponibilité des psychiatres en région malgré qu'en région, à ma connaissance, certains aient réussi, par une forme d'entente ou une autre, à obtenir, peut-être pas nécessairement sur une base régulière, une telle collaboration.

M. Pratt: Est-ce que, pour vous, c'est idéalement la formule avec un psychiatre ou si vous pouvez quand même fonctionner?

M. Léveillé: Oui. Je pense que ce qu'il

s'agit de développer, c'est un réseau de consultation et pas seulement d'intervention avec les psychiatres. De fait, en région éloignée, c'est presque impossible d'avoir des médecins de toute façon, et des psychiatres, d'autant plus qu'ils sont moins nombreux et sont aux prises souvent avec le cas à cas; or, l'intervention cas à cas prend énormément de temps.

Ce dont on parle, c'est des intervenants qui peuvent faire cette intervention cas à cas, mais le psychiatre, comme consultant, peut intervenir ou faire intervenir ou faire une hospitalisation, lorsqu'il y a lieu. C'est dans ce sens-là qu'on en parle.

M. Bélanger: L'expérience dans certains CLSC tend à démontrer que c'est une forme de collaboration qui peut intéresser davantage les psychiatres. Par exemple, c'est plus intéressant de travailler avec une équipe que d'aller dans une région quelques heures par semaine pour rencontrer des cas individuels. À ce moment-là, le psychiatre qui sert de ressource à l'équipe peut, à la rigueur, être rejoint au téléphone aussi. Il n'a pas besoin d'être là physiquement tout le temps.

M. Léveillé: À Saint-Hubert, le psychiatre qui travaille à temps partiel chez nous ne rencontre pas ou à peu près jamais de clientèle sauf des cas très, très sérieux, qui deviennent très, très urgents ou une dangerosité croissante.

M. Pratt: II n'en demeure pas moins que, du fait que ce CLSC serait ouvert en fin de semaine, que vous pourriez y assurer des services jusqu'à 2 heures du matin, comme vous dites, bien des gens iraient faire appel à vos services plutôt que d'appeler la police pour régler le cas; surtout là où il n'y a pas d'hôpital psychiatrique, cela rendrait un très grand service.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la députée de Dorion.

Mme Lachapelle: Sur le même sujet, concernant les heures d'ouverture, je pense que ce sont les gens du centre hospitalier Douglas de Verdun qui nous disaient que c'est justement la fin de semaine qu'il y avait un peu plus de cas problèmes de santé mentale autant dans les urgences des hôpitaux qu'en clinique. C'est justement la question que je me pose moi aussi. J'ai hâte de voir le jour où les CLSC vont peut-être fonctionner 60 heures par semaine. Est-ce que ce sont vos budgets et votre personnel qui vous empêchent seulement de faire cela? Je suis sûre que vous avez la volonté. Ce sont surtout les ressources financières?

M. Charlebois: Au niveau des services courants, il y a des contraintes budgétaires très réelles qui empêchent que, globalement, les 137 CLSC qui existent aujourd'hui puissent ouvrir 168 heures par semaine.

Finalement, pour répondre à votre question, c'est clair qu'il y a des contraintes budgétaires. Il reste qu'au niveau des programmes, presque tous les CLSC ont fait des efforts très sérieux depuis quelques années pour s'adapter le plus possible aux besoins des clientèles. Pour les services de maintien à domicile, qui constituent le programme le plus important des CLSC, presque tous les CLSC peuvent offrir des services en dehors des heures et en offrent effectivement à domicile en dehors des heures. C'est évident que si vous allez au CLSC il se peut qu'il soit fermé à 17 heures, mais il y a des infirmières ou des auxiliaires familiales qui sont à domicile en dehors des heures.

La même chose pour des interventions qui seront faites auprès de groupes. Les CLSC sont fort conscients de cette attente de la population. On l'a déjà dit, on le répète, il n'y a pas de résistance idéologique au fait d'ouvrir en dehors des heures dites normales. Très loin de là! Il y a des projets concrets qui sont en marche, notamment dans la région de Montréal, pour rendre les services téléphoniques accessibles 24 heures, par jour sept jours par semaine et, entre autres, élargir considérablement l'accès au maintien à domicile.

Au niveau de la santé mentale, quand les CLSC abordent la question de la santé mentale, ils sont conscients du fait qu'il existe, comme nous le disions tantôt, le poste de police. Le réseau des services de santé et services sociaux - et non pas les affaires sociales - n'offre pas de services actuellement et les CLSC sont d'accord pour s'embarquer là-dedans. Il y a cependant un coût à cette augmentation de l'accessibilité.

M. Léveillé: Ce qu'on dit, finalement, c'est qu'on ne peut pas offrir un service adéquat en santé mentale sans qu'un CLSC soit ouvert, au moins comme on le dit, jusqu'à 2 heures de la nuit; sans cela, on n'offre pas un service adéquat.

Dans d'autres domaines ça peut être remplaçable, au niveau médical et certaines cliniques, surtout dans la région de Montréal et en périphérie, cela peut être compensé, mais dans le domaine de la santé mentale, pas du tout. (11 h 15)

Mme Lachapelle: Concernant le CLSC La Petite Patrie, je sais que vous couvrez un territoire qui regroupe un grand nombre de personnes âgées. Vous seriez peut-être en mesure de me répondre, mais est-ce que vous avez beaucoup... Vous avez des interventions à faire, j'imagine, auprès des personnes âgées qui sont en période de crise

à un certain moment. J'imagine que c'est un peu de la prévention. Ce ne sont pas nécessairement des gens qui ont déjà été traités, mais qui sont, par exemple, en période de dépression. Est-ce que vous avez plus de personnes âgées à cause du secteur ou si vous avez autant de jeunes adolescents qui ont recours à des services ou à des soins?

M. Côté (Louis): Vous posez une question précise concernant notre quartier. Pour les services, c'est évident qu'à cause de la composition de notre population, on a beaucoup plus de demandes et on donne aussi beaucoup plus de services aux personnes âgées dans le cadre du programme de maintien à domicile. Il y a aussi des facteurs historiques reliés à cela. La plupart des nouveaux CLSC - il ne faut pas se faire d'illusions non plus - qui sont apparus après 1980 et 1981 sont des CLSC qui ont démarré avec des programmes très limités, c'est-à-dire le programme de maintien à domicile et des programmes qui étaient anciennement dans des départements de santé communautaire. Si vous comparez les bases budgétaires des nouveaux CLSC à la première génération, il y a des différences énormes. Par exemple, dans la seule région de Montréal, un CLSC comme le nôtre peut avoir une différence d'environ 40 $ per capita par rapport au CLSC Hochelaga-Maisonneuve pour une population égale d'un niveau de défavorisation égal. C'est la même chose par rapport à la moyenne régionale. On peut avoir une différence de 15 $ à 20 $ per capita. Cela fait des millions de dollars. Cela fait 1 000 000 $, 20 $ per capita, pour une population de 50 000 habitants. Alors, on est moins connu dans un nouveau CLSC comme le nôtre que dans le CLSC Hochelaga-Maisonneuve, pour d'autres choses que le maintien à domicile, puisqu'on n'a rien d'autre que du maintien à domicile.

La problématique du maintien à domicile est une problématique qui commence à être difficile aussi à cause du volet santé mentale, parce qu'il faut penser que l'incidence de la maladie mentale augmente en fonction de l'âge. Également, contrairement à ce qu'on pense, il y a maintenant beaucoup de personnes qui développent des problèmes de santé mentale à un âge avancé. Elles font des dépressions à 50, 55 ou 60 ans. Ces gens-là ne sont pas nécessairement des gens qui ont un passé de maladie mentale et qui ont obtenu antérieurement des services dans des hôpitaux psychiatriques. Souvent, à cause de la réaction des hôpitaux psychiatriques - c'est un peu normal aussi compte tenu du nombre de demandes qu'ils ont - ce sont des cas qui restent actuellement un peu sur la clôture. Dans le cas d'une personne de 67, 68 ou 69 ans qui vit un problème de santé mentale pour la première fois, le pronostic est souvent moins bon que pour d'autres groupes cibles. On compte actuellement sur les programmes de maintien à domicile pour aider ces personnes qui sont dans les quartiers et, en même temps, nos ressources de maintien à domicile sont quand même beaucoup plus orientées, historiquement, vers l'aide et des soins, disons, physiques. On a moins d'expertise, mais on commence à en développer dans le domaine de la santé mentale, du maintien à domicile. D'ailleurs, si on avait une équipe de base en santé mentale dans un CLSC, c'est évident que cette équipe pourrait desservir la clientèle de nos programmes de maintien à domicile, qui présenterait des problèmes de santé mentale.

Mme Lachapelle: Le contact avec les institutions en place, les institutions de santé du milieu, est-ce que la coordination, je ne sais pas... Est-ce que vous avez des contacts réguliers avec ces gens-là et est-ce qu'ils participent à vos demandes?

M. Côté (Louis): Je vais vous donner un exemple de la synergie relative au maintien à domicile par rapport à la santé mentale. Au sujet du maintien à domicile, vous savez qu'il y a une expérience pilote à Montréal concernant l'urgence sociale pour les personnes âgées qui implique, dans notre cas, l'hôpital Jean-Talon, nous et le centre d'accueil Gouin-Rosemont et également des ressources de la communauté. C'est un programme qui a été établi conjointement par ces trois centres. Cette année, on a eu un budget du ministère pour faire cette expérience. Ce qui nous permet de la faire, c'est qu'on a tous les trois le même bassin de population, la même appartenance à une clientèle commune; donc, la collaboration va très bien dans ce projet. C'est déjà commencé depuis quelques mois et il y a vraiment une entraide entre les différents partenaires qui travaillent auprès des personnes âgées, que ce soit l'hôpital, le CSS, le CLSC, le centre d'accueil et des groupes bénévoles du quartier, pour faire face à ces problèmes d'urgence sociale pour les personnes du troisième âge.

Dans le domaine de la santé mentale, je vous disais qu'une des grandes difficultés, à Montréal, de la collaboration dans certains endroits, c'est le non-recoupement, disons, des zones. Par exemple, dans notre territoire, pour les adultes, on fait affaire avec trois hôpitaux psychiatriques différents qui ont chacun un tiers de notre territoire. Pour l'adolescence et les jeunes en pédopsychiatrie, ce sont deux autres hôpitaux différents. Donc, on a affaire à cinq hôpitaux psychiatriques différents dans un territoire de peut-être un kilomètre carré. On va retrouver cela à plusieurs endroits à Montréal, ce phénomène-là où les découpages

ont été faits à des époques différentes entre les diverses couches du réseau, et cela complique la concertation même s'il y a actuellement une très bonne volonté de collaboration entre les hôpitaux psychiatriques, nous et d'autres partenaires pour se concerter, pour faire des projets communs et pour travailler conjointement auprès de la clientèle.

Mme Lachapelle: Dans tout le Québec, au moins, cela se fait comme cela, la collaboration est entière.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le dernier problème que vous mentionnez est un problème réel mais, celui-là, il me semble qu'il ne coûterait pas trop cher à corriger.

M. Côté (Louis): C'est une question de volonté.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y en a d'autres qui sont plus coûteux. Écoutez! J'avoue mon ignorance au sujet du CLSC Samuel-de-Champlain. Où est-il situé?

M. Charlebois: À Brossard.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela ne répond pas à mon inquiétude. Je m'en cherchais un qui venait de plus loin.

M. Charlebois: Du nom, du Pont?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parfait, vous êtes tous des CLSC...

M. Léveillé: II y en a un de l'extérieur.

M. Robert: Je suis de l'extérieur moi.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes d'où, vous?

M. Robert: Lac-Saint-Jean, Alma.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bravo. Je n'ai pas entendu quand on vous a présenté. Non, c'est que je voudrais vous poser une question sur l'état justement -c'est une trop grande question - pas sur l'état de la psychiatrie dans les régions éloignées, mais sur le problème de la réinsertion sociale des malades mentaux dans les régions éloignées. Même si on n'a pas les réponses...

Toutes les représentations d'une façon générale se regroupent autour des grands centres que ce soit Québec, Montréal, Sherbrooke, Trois-Rivières, parce qu'il y a là probablement un certain nombre de ressources et que les grandes institutions sont là. Mais on n'a pas eu - il va y en avoir un qui va vous suivre, un comité de citoyens qui vient de la région de l'Abitibi - mais on n'a pas eu de représentations des régions éloignées. Tout ce qu'on entend dire depuis X années c'est que, comme le mentionnait mon collègue, il n'y a pas de ressources en psychiatrie. On le connaît ce problème-là. Ce que je voudrais savoir, c'est comment se fait la réinsertion sociale là-bas? Est-ce que le besoin en ressources intermédiaires et suppléantes sont les mêmes que dans les grands centres urbains? Est-ce que vous avez le phénomène d'itinérance comme on a dans le centre sud de Montréal, pas juste dans le centre sud de Montréal, mais dans les grands centres particulièrement? On pourrait parler de Québec, on pourrait parler des grands centre-ville. Quelle est votre situation dans les régions éloignées?

M. Robert: Ce qui est bizarre, c'est que chez nous il y a beaucoup de solidarité jusqu'à un certain point entre les organismes communautaires, sauf que personne n'est attitré à la santé mentale en tant que telle, excepté Chicoutimi où il y a une institution psychiatrique, mais après cela il n'y a ni support d'aide ni réinsertion sociale, ni organisme voué à telle perspective. Je ne peux pas parler pour tout l'ensemble des régions périphériques.

Ensuite de cela, aussi, le problème, c'est que, étant très très éloigné, pas d'une façon intellectuelle, d'accord, il faut dire qu'on attend beaucoup de la part des services communautaires, c'est-à-dire au moins du gouvernement. On sait fort bien qu'on n'aura pas d'hôpital psychiatrique ou un autre hôpital et qu'on n'aura pas aussi, même à l'intérieur des hôpitaux existants, un département qui va s'occuper du côté de la psychologie, mais, au CLSC, vu qu'il y a déjà une très forte intégration dans la société, tout se passe là. C'est là qu'on attend, donc, du gouvernement de l'aide en tant que telle - est-ce que ça va être directement par un psychiatre ou plutôt une équipe d'intervention; appelez-cela de première ou deuxième ligne, moi je ne comprends rien là-dedans - et aussi à l'intérieur des organismes publics sur la façon dont on peut réintégrer un individu pour qu'il puisse au moins fonctionner normalement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Où est-ce qu'une grande partie de vos malades s'en viennent à Québec?

M. Robert: Je crois que cela reste... Non, je ne sais pas, je ne connais pas assez le dossier pour...

M. Bélanger: Si vous permettez, peut-être. Il y a un CLSC qui a vécu une expérience assez particulière à ce sujet et qui était situé en milieu rural; c'est celui de

Portneuf qui est situé à Saint-Marc-des-Car-rières et qui avait le problème suivant, c'est-à-dire qu'on avait constaté qu'il y avait un grand nombre de patients sur le territoire qui avaient été hospitalisés pour des raisons d'ordre psychiatrique, qui étaient retournés dans leur communauté et qui devaient être hospitalisés de nouveau à plusieurs reprises.

Or, dans un premier temps, ce qu'on a fait, cela a été de contacter les hôpitaux psychiatriques pour constater qu'il n'y avait à peu près pas de contact entre le centre hospitalier psychiatrique et le CLSC, c'est-à-dire que le CLSC n'était même pas avisé quand quelqu'un était renvoyé chez lui. On a d'abord conclu une entente plus formelle avec le centre hospitalier pour Être avisé chaque fois que quelqu'un était renvoyé dans sa famille, ce qui permettait au CLSC d'assurer un certain suivi et un certain soutien au milieu immédiat.

Pour répondre à votre question au départ, qui était de savoir si la problématique se pose de la même façon en milieu rural qu'en milieu urbain, il semblerait, à partir de cette expérience - je ne sais pas si on peut la généraliser - qu'en milieu rural, il s'agit beaucoup plus d'apporter le soutien à la famille, puisque les personnes sont retournées dans leurs familles. C'est d'abord là qu'il faut intervenir. Il est moins question de créer des foyers de groupe ou des choses comme cela, parce que c'est vraiment un soutien à apporter à la famille.

C'est quelque chose que les CLSC pourraient faire davantage avec le minimum de ressources dont on parlait tantôt, c'est-à-dire une équipe de base.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. D'après ce que vous me dites, les doléances, qu'on entend et auxquelles faisaient allusion le député de Marie-Victorin, de régions éloignées au point de vue de ressources psychiatriques - là, je l'entends dans un sens large - c'est une problématique beaucoup moins grande que dans les grands centres.

M. Bélanger: Moins grave mais différente. Quand on parle de soutien aux familles, cela peut être extrêmement exigeant. Une famille qui est aux prises avec un grand malade psychiatrique, cela peut demander énormément de soutien. Ce qui arrive et ce qui est malheureux à la longue, quand ce soutien n'est pas apporté, cette personne a des chances d'être hospitalisée à plusieurs reprises et, éventuellement, d'être un peu appelée à rester en milieu urbain, faute de soutien dans son milieu d'origine.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est pour cela qu'on les retrouve dans les grands centres souvent. C'est cela, d'accord.

M. Hould: Sur cela, il y a peut-être un élément supplémentaire. Un collègue qui est dans le coin de la Gaspésie me disait dernièrement que, dans le domaine de la santé mentale, à cause de l'éloignement des institutions psychiatriques, il faudrait que le milieu local soit en mesure d'investir énormément. Là, les distinctions de première ligne et de deuxième ligne étaient très difficiles à percevoir, parce qu'on n'était pas en mesure vraiment de se référer... On prenait quasiment le cas au complet et on était pris avec toute l'intensité du problème. Il fallait que ce soit vraiment un cas de troisième ligne d'institutionnalisation pour qu'on le transfère dans une institution.

J'ai l'impression que les ressources qui sont à l'extérieur des grands centres ont besoin d'une force précise au niveau local pour compenser le fait qu'on ne peut pas avoir certains services, à cause de la distance.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On a l'impression - je ne parle pas de vous, mais je parle de monsieur et même de M. Bélanger - que, finalement, c'est vrai que le soutien est important et tout cela. Mais, il y a deux cas de la région de Rivière-du-Loup qui ont été portés à mon attention, des cas vraiment incroyables. Un cas psychotique, un jeune de 32 ans qui vit avec des parents âgés, et qui devient violent. Alors, on le calme à l'hôpital, on le renvoie chez lui et, après cela, on attend la prochaine. Les ressources n'y sont pas et il y a des CLSC dans ce coin.

M. Bélanger: Mais ce qui fait, en réalité...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quand les gens de Rivière-du-Loup nous écrivent à Montréal pour nous parler de cela, il y a quelque chose qui ne marche pas. (11 h 30)

M. Bélanger: Oui, mais pour les équipes de base ou les intervenants en CLSC qui affrontent ces cas, bien sûr, l'absence de psychiatre se fait sentir durement. On parle d'équipes de base. En milieu urbain, finalement, ces équipes vont avoir un soutien en deuxième ligne pouvant être accessible beaucoup plus facilement qu'en régions éloignées. Les équipes, en CLSC... Je me souviens d'une collègue, au CLSC de Grande-Vallée, dont le témoignage était que les cas, ce sont les intervenants du CLSC qui doivent les prendre presque en entier parce qu'il n'y a personne d'autre. Cela exige, pour eux, une préparation et une formation peut-être beaucoup plus poussée que ce qui est nécessaire en milieu urbain, faute justement de ressources de deuxième ligne en régions, de psychiatres disponibles et accessibles.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans ces cas-là, comme c'étaient des personnes âgées, elles avaient connu Saint-Michel-Archange, dans le temps. Alors, elles disaient: Comment se fait-il que Saint-Michel-Archange ne veut pas les prendre? Parce que ce n'est pas dans leur secteur. Vous savez, c'est une espèce de cercle vicieux. En tout cas, on n'est pas pour entrer dans les détails, mais je pense que ce n'est pas juste qu'on les intègre mieux. Tant mieux si on les intègre mieux, mais je pense qu'il y a plus de problèmes que de simplement ajouter un peu plus de soutien à la famille, dans bien des cas. Ils ont leurs grands malades, comme partout ailleurs, j'imagine.

M. Hould: Le témoignage de cette collègue disait aussi qu'un des problèmes, même si c'est sûr qu'il y a un tissu communautaire qui est assez vivant, c'est que, par contre, cela avait aussi un envers, dans le sens qu'il pouvait arriver que ce soit difficile de réinsérer quelqu'un dans le village parce qu'il était montré du doigt par tous. Donc, il y a un envers à la médaille. Il y a un tissu social plus fort, plus sain, mais, en même temps, la possibilité d'un rejet, s'il n'y a pas de préparation de la communauté, peut être plus importante aussi, tandis qu'à Montréal...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II faut voir ses deux côtés, le bon et le mauvais. M. le député d'Ungava.

M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. J'ai seulement une question d'information. J'oublie le nom de ce monsieur d'Alma; c'est M. Bélanger?

M. Robert: Non, Hugues Robert.

M. Lafrenière: Hugues Robert. Tout à l'heure, après vous, on va entendre un groupe de citoyens de Malartic où il semble y avoir certains problèmes de réinsertion dans le milieu. Je sais qu'à Roberval, il y a un hôpital psychiatrique d'assez gros calibre. Je ne sais pas si vous avez des informations et si vous pouvez nous dire si, dans Roberval ou dans les environs, avec l'hôpital psychiatrique de Roberval, il semble y avoir des problèmes de réinsertion, dans le milieu? Est-ce qu'ils en font?

M. Robert: Je ne peux pas répondre à cela, je m'excuse.

M. Lafrenière: Vous n'êtes pas au courant.

M. Robert: Non. Je vais vous dire quelle est ma fonction. Je suis usager à l'intérieur du CLSC. Donc, n'étant pas dans le réseau comme D. G. ou...

M. Lafrenière: C'est parce que c'est similaire à Malartic, comme...

M. Robert: D'accord.

M. Lafrenière: Je me demandais s'il y avait des...

M. Robert: Oui, des comparaisons à faire?

M. Lafrenière: Oui.

M. Robert: C'est cela. Non.

M. Lafrenière: Je vous remercie.

M. Robert: D'accord, je m'excuse.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Seulement une dernière question sur les fonds que vous prévoyez. Cela vous semble-t-il réaliste - je pense que c'est de 48 000 000 $ dont vous parlez... 56 000 000 $? - pour l'ensemble des CLSC, pour assumer ces nouvelles responsabilités?

M. Charlebois: C'est ce qu'il en coûte pour mettre une équipe minimale d'à peu près cinq personnes dans chacun des CLSC. Évidemment, enfin, c'est ce qu'il en coûte.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Calculé sur 160 CLSC.

M. Charlebois: Sur 166 CLSC.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Charlebois: Comme c'est indiqué dans le mémoire, nous n'avons pas soustrait les réallocations possibles. Très certainement, avec l'opération de décentralisation des services sociaux, il y a peut-être des ressources qui pourraient être affectées à de telles équipes et qu'on pourrait justement soustraire des 56 000 000 $, mais, dans les CLSC, actuellement, sans ces nouvelles ressources qui viendront, il y a peu de réallocations possibles. Finalement, c'est un montant maximal qu'on a indiqué. Peu importe qu'il soit maximal ou non, cela indique ce que coûterait...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est l'ordre de grandeur, en tout cas.

M. Charlebois: Cela indique ce que va coûter la mise en place de services de base dans les CLSC, afin de faciliter la réinsertion sociale.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. Bélanger voulait ajouter quelque chose?

M. Bélanger: Oui, simplement pour mentionner que les équipes sectorielles dont on parlait plus tôt, qui existent uniquement en milieu urbain, sont déjà plus ce qu'on prévoit. Si l'on prend sur le territoire de Louis-Hippolyte-Lafontaine, à Montréal, les équipes sectorielles, qui sont composées de cinq professionnels avec un psychiatre à plein temps, desservent une population d'environ 15 000 personnes. Pour un CLSC moyen de 38 000, il y aurait donc l'équivalent de deux équipes sectorielles. Ce qu'on prévoit, nous, est quand même inférieur à ce qui existe déjà en milieu urbain. Ce qui est malheureux d'ailleurs, c'est qu'il n'y ait pas, en dehors des milieux urbains, l'équivalent des équipes sectorielles en matière de soins psychiatriques.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous croyez qu'ils devraient être dans chaque CLSC, alors ils seraient dans tout le Québec.

M. Bélanger: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. On vous remercie beaucoup, messieurs. On peut suspendre une seconde.

(Suspension de la séance à 11 h 36)

(Reprise à 11 h 40)

Comité de citoyens de Malartic

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La commission reprend ses travaux. Le deuxième groupe qui est invité à présenter son mémoire est le Comité de citoyens de Malartic, représenté par M. Chagnon, son président. Bonjour, M. Chagnon.

M. Chagnon, avant que vous ne commenciez, je sais que vous venez de loin. C'est probablement ce qui explique le fait que vous soyez seul aussi.

M. Chagnon (Jean-Marie): Absolument.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je tiens quand même à vous remercier de votre déplacement, car je sais que cela est fait sur une base tout à fait bénévole et volontaire et je trouve cela important. Alors, vous pouvez y aller, M. Chagnon. Vous voulez peut-être lire votre mémoire?

M. Chagnon: Non. J'ai quand même préparé un document. En fin de compte, je parle de ce que le mémoire contient; c'est peut-être plus précis.

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier au nom du Comité de citoyens de Malartic d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui. Le Comité de citoyens de Malartic est composé de monde ordinaire.

Cependant, nous avons un vécu de quinze ans avec la clientèle psychiatrique. Nous croyons que la meilleure ressource qui puisse exister pour aider à la réinsertion sociale des malades mentaux, c'est et ce sera toujours la population en général.

Mme la Présidente, qu'a-t-on fait pour informer et impliquer la population dans le processus de réinsertion? Rien. Pourtant, les professionnels du réseau des affaires sociales ainsi que les bénéficiaires ont des budgets et des ressources humaines et techniques pour se faire entendre. Par exemple, il y a l'Association des directeurs d'hôpitaux, les corporations de professionnels, l'association des handicapés, les ressources alternatives, etc.

A-t-on pensé que les citoyens font partie intégrante de la nouvelle politique de réinsertion sociale? Quand une population en est arrivée à son seuil de tolérance, comme c'est notre cas à Malartic, les citoyens doivent faire comme moi aujourd'hui, assumer seuls leurs dépenses, tout en y mettant de leur temps bénévolement, sans compter le risque de se faire traiter dans les médias d'information, comme cela a été notre cas à Malartic, d'antipatients, de censeurs et d'incompétents.

Pendant des années, on nous a appris que les malades mentaux étaient des fous dangereux, qu'il fallait les enfermer dans des asiles. Aujourd'hui, on les sort des hôpitaux psychiatriques pour la majorité des cas sans surveillance après les heures normales de bureau de nos professionnels et sans leur donner les outils nécessaires pour qu'ils puissent se reprendre en main et se revaloriser face à eux-mêmes et face à la société. On les envoie en société en boitant sans même leur offrir de béquilles. On nous impose des malades mentaux sans nous en parler et sans nous consulter, alors que la peur de la maladie mentale n'est pas encore démystifiée. On ne connaît pas les réactions de ces personnes face à nous et ce n'est pas écrit dans leur visage qu'ils sont inoffensifs, qu'ils ne sont pas dangereux.

Mme la Présidente, une mentalité ne se change pas au même rythme que les coffres du gouvernement se vident. Avant de vider les hôpitaux psychiatriques, il faut, selon nous, premièrement, qu'il y ait de la formation pour les directeurs et le personnel en place face à cette nouvelle orientation, qu'ils apprennent et comprennent que d'ores et déjà ils doivent composer avec les réalités et les possibilités, ainsi que le rythme d'acceptation de la population; deuxièmement, qu'il y ait également de la formation pour les familles des ex-patients; qu'on leur donne tout le soutien autant financier que moral dont ils ont besoin pour faire face à cette intégration qui, pour eux, est si nouvelle.

Comment peut-on expliquer que l'on

donne présentement 28 $ par jour à des familles d'accueil, alors que l'on ne donne rien aux familles naturelles? Est-ce plus facile pour eux de s'occuper d'un malade mental? Cela leur coûte-t-il moins cher que les familles d'accueil? Non. La famille naturelle n'est-elle pas, dans la plupart des cas, la meilleure ressource de réinsertion sociale? Selon nous, la meilleure méthode de réinsertion est que le malade mental puisse se réintégrer dans sa propre famille, avec les siens, son entourage et dans le milieu où il recevrait l'amour, l'affection et la compréhension dont il a besoin pour bien fonctionner.

Qu'on donne tout le soutien moral aux familles naturelles afin qu'elles ne se sentent pas gênées de reprendre celui ou celle qui, un jour, a eu un problème et s'est ramassé, sans le vouloir, dans un hôpital psychiatrique. Pourquoi chercher de midi à quatorze heures des ressources alternatives et ignorer à ce point la réalité des familles naturelles?

Troisièmement, qu'il y ait de la formation et du soutien aux familles d'accueil. Le réseau des affaires sociales réclame chaque semaine par les médias d'information des familles d'accueil pour ex-psychiatrisés. Nous croyons qu'avec cette méthode il y aura toujours pénurie, car accepter d'être une famille d'accueil ne s'improvise pas. Il devrait plutôt offrir des cours pour apprendre à devenir famille d'accueil, sans obligation pécuniaire, pour tous ceux qui désirent suivre la formation. Cela permettrait des foyers d'accueil mieux structurés et mieux informés. Ne serait-ce pas là un bon moyen de sensibiliser certains individus à prendre conscience, au fur et à mesure que le cours avance, à savoir s'ils sont aptes ou non à devenir famille d'accueil?

Ici, nous vous suggérons fortement qu'il y ait un suivi des familles d'accueil qui acceptent de garder des malades mentaux, à savoir si elles sont aptes ou non à s'en occuper convenablement, à les aimer, à les comprendre afin que ce ne soit pas seulement pour la paie à la fin du mois, de façon à éviter que la personne atteinte de troubles mentaux ne soit exploitée, et aussi pour voir s'il y a amélioration ou non de son état. Est-ce que l'on demande à des individus de s'improviser psychiatre, psychologue, thérapeute? Pourquoi le fait-on avec des familles d'accueil?

Quatrièmement, qu'on informe et sensibilise le personnel des restaurants, des magasins et la population en général, afin qu'il soit apte à faire face à cette nouvelle réalité. Mme la Présidente, comment pensez-vous qu'une serveuse de restaurant, par exemple, se sent devant un client qui parle tout seul? Comment pensez-vous qu'elle se sent devant un malade mental qui refuse de payer sa note? Comment pensez-vous qu'elle se sent quand elle fait face à une crise d'agressivité? Comment pensez-vous qu'elle se sent devant une tentative de suicide? Cela ne se passe seulement dans les films, mais dans les restaurants de la municipalité de Malartic.

Comment pensez-vous que le citoyen réagit lorsqu'il s'assoit dans un restaurant et qu'un malade mental vient brasser sa tasse de café avec son doigt? Comment pensez-vous que les citoyens se sentent de devoir côtoyer certains malades mentaux qui sentent mauvais, parce qu'ils sont trop malades pour s'entretenir? Comment pensez-vous que les citoyens se sentent en voyant circuler en pleine rue, en plein hiver, certains malades mentaux en chemise ou en jaquette? Comment pensez-vous que le citoyen se sent quand un malade mental entre à son domicile et exige de la nourriture et de la bière? Comment le citoyen se sent-il devant des actes de violence? Cela n'existe pas seulement dans les films, mais bel et bien à Malartic.

Devant chacun de ces actes, les citoyens se sentent impuissants, ne savent pas comment réagir ni quoi faire. La peur s'empare d'eux, les préjugés s'installent et il n'y a personne pour combler cette lacune. Pourquoi exiger de la population des choses que même le personnel des hôpitaux n'accepterait pas? Franchement, il se_ passe présentement des choses dans le système de réinsertion sociale et personne ne semble les voir. Qu'attendons-nous pour y remédier immédiatement? Tant et aussi longtemps qu'on va ignorer la population, nous croyons qu'aucune réinsertion sociale ne sera positivement possible et nous osons même affirmer que la mentalité des citoyens, au lieu de s'améliorer, va se détériorer, puisqu'il y a de grandes chances qu'un jour on réclame à grands cris le retour au système asilaire.

Nous croyons que les politiques actuelles de réinsertion se font complètement à l'envers. On met les malades mentaux dans les rues pour ensuite peut-être oser informer alors qu'on devrait informer, et ensuite les placer dans des ressources adéquates. C'est comme si vous bâtissiez le toit de votre maison avant de faire le solage. Il y a de forts risques que tout s'écroule, n'est-ce pas?

Nous voulons également porter à votre attention le fait que la formation et l'information devraient être dans des termes accessibles au commun des mortels, c'est-à-dire vulgariser les termes scientifiques tout en y mettant le moins de statistiques possible et surtout éviter que les individus dits normaux se sentent culpabilisés face à la maladie mentale; autrement dit, éviter le bourrage de crâne. Lorsque la formation et l'information à la population en général seront complétées et qu'on aura impliqué des citoyens ordinaires dans le processus de décision sur la réinsertion sociale, pourra

parler de mise en place de ressources alternatives.

Quant à la mise en place des ressources alternatives, elle devrait être planifiée et vérifiée, selon nous. Que pensez-vous, présentement, d'un organisme à but non lucratif, comme la corporation Prorésol de notre région, qui décide, sans consulter ni informer, de mettre en place des maisons d'appartements supervisés pour y loger sept ex-psychiatrisés et cela, sans surveillance autre que celle du propriétaire par l'entremise de son locataire? Quelle autorité le réseau a-t-il sur eux? Rien pour l'instant. Nous croyons que le MAS devrait avoir l'autorité sur toutes les ressources alternatives, qu'elles soient grandes ou petites, et cela, sans exception, afin d'éviter des foyers clandestins. Qu'on évite de faire des mini-institutions ou des ghettos.

Nous sommes persuadés que le fait d'implanter de nouvelles structures qui regroupent plus de deux ou trois individus ne fait que changer le mal de place et peut mettre en péril l'équilibre social, mental et économique d'un quartier ou d'une ville. Un trop grand nombre d'individus à problèmes dans une même bâtisse occasionne un refus systématique du voisinage et, par le fait même, isole les ex-psychiatrisés dans une solitude encore plus grande que celle qu'ils ont connue en institution. Car, cette fois-ci, ce n'est qu'une fausse liberté. C'est leur clouer la porte vers l'avenir et vers une meilleure vie.

Nous remarquons que, souvent, dans la population en général, on abuse de ces personnes, on les ridiculise et on les maltraite. Pour nous, il est primordial qu'on implante des centres psychiatriques dans tout le Québec afin de ne pas mettre tout le poids au même endroit et qu'on tienne compte de la densité et du degré de tolérance de la population. Nous sommes d'accord pour que certains malades mentaux se réintègrent, mais pas à n'importe quel prix. Il serait important de ne pas laisser les personnes qui ne sont pas autonomes se débrouiller seules sans aide en appartement comme c'est souvent le cas chez nous. Plusieurs sont laissées seules à elles-mêmes, alors qu'elles ne sont pas capables de se prendre en main. Qu'on leur donne les outils nécessaires pour qu'elles puissent fonctionner adéquatement tels que aide-cuisinière, aide-ménagère, visite à domicile de professionnels de la santé, ergothérapeute, etc.

Qu'il y ait création de centres d'activités tels que pavillons où il y aurait menuiserie, artisanat, poterie, ateliers protégés, centre de jour, etc.

Ferme thérapeutique à divisions multiples pour divers ateliers: Endroit où les individus pourraient aller se récréer en campagne, aller goûter l'air de la nature, aller faire des activités, jardiner, cultiver, etc., et ce, avec l'aide de personnes-ressources, ce qui leur permettrait de se valoriser et de se sentir bien dans leur peau.

N'oublions pas que, parmi les personnes atteintes de troubles mentaux, on retrouve des jardiniers, des cultivateurs, des fleuristes, des bûcherons, des menuisiers, des mécaniciens, des peintres, des sculpteurs, des écrivains, des professionnels, etc. Donnons-leur l'occasion de se retrouver dans ce qu'ils aiment le mieux pour les aider à se reprendre en main.

Parmi d'autres activités, il y a aussi les activités de plein air comme, en été, plage, pique-nique, badminton, tennis, partie de golf, cueillette de bleuets, etc.

Qu'il y ait des associations pour handicapés qui organisent des soirées de danse, musique, cartes, théâtre, voyages.

Chez nous, présentement, le seul local mis occasionnellement à la disposition des ex-psychiatrisés et des psychiatrisés est un local administré par le Groupe-Soleil où il n'y a, à notre connaissance, aucun atelier structuré à l'intérieur. Comment voulez-vous que l'individu s'occupe quand il est laissé de cette manière seul à lui-même?

Il lui reste comme seule alternative de se traîner les pieds sur la rue principale et d'aller siroter des cafés à longueur de jour dans les restaurants de la municipalité. Est-ce là la nouvelle réalité de réinsertion sociale? On doit réapprendre à ces personnes à fonctionner normalement, leur donner un but afin de les aider à mieux se réintégrer en société et à se revaloriser à leurs propres yeux.

Lorsqu'on parle de ressources alternatives, il ne faudrait pas seulement penser à des maisons et à des ateliers. Il faut également penser a des ressources humaines pour les accompagner. Il est impensable que la population soit encore longtemps les thérapeutes après les heures normales de bureau. Il est également temps que les professionnels sortent de leur bureau et aillent constater l'état moral et physique de leurs patients dans leur milieu respectif: famille, famille d'accueil, appartement.

Selon nous, le temps des professionnels en arrière de leur bureau est dépassé car si nous parlons de réinsertion sociale des malades mentaux dans la société nous devons également parler d'implication des professionnels dans cette même société. Pour nous, la réinsertion sociale se fait avec une population, mais jamais contre. Tant et aussi longtemps que la politique de réinsertion sociale sera à sens unique, il sera difficile de croire à un résultat positif.

Pour terminer, encore une fois, merci de nous avoir écoutés et nous souhaitons que cet exposé aura bien complété la présentation de notre mémoire. Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Merci beaucoup. Est-ce qu'on pourrait avoir une copie de votre mémoire? On va le faire polycopier pour les membres de la commission et on va vous le remettre après.

M. Chagnon: Du mémoire ou du document?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): De ce que vous venez de lire.

M. Chagnon: D'accord.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. Chagnon, je pense que le témoignage que vous venez de faire devant la commission est très important. Vous m'avez peut-être entendue dire au groupe qui vous a précédé qu'une constante qui était revenue durant les auditions, c'est le problème de la préparation de la population à partager cette responsabilité qu'on lui demande de partager dans la réinsertion sociale des ex-psychiatrisés.

Je pense que tout le monde l'a dit, même les gens des institutions, alors ils en sont conscients. On a eu le Comité de la santé mentale, des gens du milieu hospitalier, plusieurs représentants du réseau et tout le monde parle justement de cette condition préalable pour réussir une véritable réinsertion sociale. On pourra peut-être en réussir une étape, les transférer de gîte, si on veut, de l'hôpital à une maison supervisée ou à un foyer d'accueil, mais si la population n'est pas prête, les autres étapes ne se feront pas ou se feront très difficilement.

Je pense que ceci nous montre l'autre côté de la médaille. Tout le monde disait: II faut préparer la population, mais on n'avait peut-être pas eu de témoignage vécu.

D'abord, pour me situer un peu géographiquement, je sais où est Malartic, pouvez-vous me dire quelle est la population de Malartic?

M. Chagnon: 4800.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): 4800.

M. Chagnon: C'est cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Si je ne m'abuse, Malartic est la seule ville de l'Abitibi qui ait un hôpital psychiatrique.

M. Chagnon: C'est cela, c'est l'hôpital régional.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Qui est aidé, je pense, à la suite d'une initiative de la région de l'Abitibi, qui se trouvait sans ressources et démuni. Pouvez-vous me dire depuis combien de temps on a commencé à... Évidemment, la population de l'hôpital lui-même vient de toute la région.

Une voix: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ces gens-là ne sont pas tous de Malartic. C'est un hôpital de combien de lits?

M. Chagnon: Mon Dieu! Je l'ai ici. Il me semble que c'est...

Une voix: 49. M. Chagnon: 49.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): 49 lits.

M. Chagnon: Oui, c'est cela, 49.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À un moment donné, j'ai vu des chiffres, je pense que c'était 116. Enfin, tous les gens de la région vont là pour se faire soigner. Le nombre de personnes qui ont été transférées de l'hôpital dans la communauté de Malartic, vous n'avez pas ce chiffre-là.

M. Chagnon: Non. Ce sont des statistiques qui sont assez... Le centre hospitalier pourrait peut-être y répondre. C'est assez difficile d'avoir ces renseignements d'eux. Ce qu'on a vu depuis un certain nombre d'années, c'est que l'hôpital de Malartic est devenu un hôpital psychiatrique. Il me semble que c'est en 1968 ou 1969, autour de ces années. Avant, c'était un hôpital général. Dans les premiers temps, cela se passait assez bien. Il nous semblait, en tout cas, qu'il y avait des thérapeutes qui s'occupaient des patients, des ex-patients. 11 y avait diverses activités pour ces personnes.

Depuis quelques années, premièrement, un grand nombre de personnes, au lieu de retourner chez elles, sont demeurées, ont pignon sur rue chez nous, ce qui a réveillé la population et lui a fait dire: Si on continue à offrir des choses à des ex-psychiatrisés, à leur offrir plus que ce que d'autres villes de la région n'offrent, cela va faire un village psychiatrique. Voyant la dégradation, voyant plusieurs personnes à problèmes circuler dans les rues de la ville, on s'est dit: Franchement, c'est assez; il faudrait que les autres centres de l'Abitibi-Témiscamingue prennent leurs responsabilités face à la maladie mentale et pensent à des ressources, à des moyens pour attirer la clientèle, les personnes qui y vivent. Je pense que ce serait louable et Malartic ne s'en porterait que mieux.

Souvent, on s'est fait passer pour des personnes qui étaient contre les personnes avec des troubles mentaux; au contraire. Malartic, je la vois comme une grosse Cadillac pour eux autres, mais pas d'équipement. C'est beau de les héberger, mais, finalement, ça se limite à cela. Les activités

sont à peu près inexistantes. Les mises en valeur, comment dirais-je? un suivi des personnes qui ont eu des problèmes d'ordre mental n'existe à peu près pas. On se dit: Si des thérapeutes pouvaient s'intéresser à eux pour qu'ils se sentent valorisés, pour qu'ils se sentent revenir bien, autrement dit, je pense que ce serait quand même quelque chose d'essentiel.

Cela rejoint un peu l'idée du groupe qui nous a précédés, les CLSC. Chez nous, c'est un manque flagrant. Nous espérons ardemment que le ministère des Affaires sociales trouvera des solutions pour qu'il y ait une amélioration tangible chez nous et pour que les autres centres de l'Abitibi-Témiscamingue puissent avoir les éléments, autant financiers que le reste, pour offrir à leur clientèle les ressources adéquates pour la reprendre en main.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Deux questions d'ordre pratique. Combien de membres le Comité de citoyens de Malartic compte-t-il?

M. Chagnon: Nous sommes une douzaine.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une douzaine de membres.

M. Chagnon: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que c'est incorporé ou si c'est...

M. Chagnon: Non. Premièrement, le comité de citoyens a été formé et on ne pensait jamais qu'il irait jusqu'ici non plus. Il s'est formé à la suite - je pense que je l'ai expliqué dans le mémoire - de l'achat par la corporation de deux maisons d'appartements supervisés et cela, sans consultation de la population. On s'est fait passer un sapin avec la maison de transition. En tout cas, il n'y a pas eu de publicité de faite plus qu'il n'en fallait. Personne ne savait ce qu'était la fameuse maison de transition, surtout à côté d'une garderie pour enfants. C'est beau la réinsertion sociale, mais pas à n'importe quel prix. On a dit: II faut au moins que la corporation Prorésol informe la population des deux maisons à appartements supervisées. (12 heures)

On a demandé qu'elle vienne en assemblée avec nous ainsi que le centre hospitalier pour informer la population adéquatement et répondre aux questions, ce qu'ils ont refusé. Donc, on a continué de fil en aiguille et maintenant on est rendu jusqu'ici.

C'est une chose qui aurait pu se régler peut-être dans neuf jours et cela fait neuf à dix mois que l'on travaille dessus. C'est pour cela qu'on ne s'est pas encore fait incorporer.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est un groupe spontané qui est né pour examiner ce problème-là.

M. Chagnon: Exactement. On n'a pas l'intention de prendre la place du conseil municipal ou quoi que ce soit. C'est qu'on a vu un problème qui était réellement visible et on s'est réuni et on a dit: Voilà, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on fait quelque chose où si on ne fait rien?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Moi, quand j'entendais la lecture de votre mémoire, j'avais l'impression, comme vous le disiez, que c'était à la veille de devenir une ville psychiatrisée. Avez-vous une idée du nombre de malades parce que... Écoutez, on peut avoir été dans un hôpital psychiatrique et être tout à fait remis et même fonctionner très bien. Vous dites, vous avez donnez des exemples: Ils ne veulent pas payer au restaurant, etc. Il y en a combien de gens, selon vous, qui circulent dans la ville et que vous jugez qu'ils ne sont pas suivis d'assez près?

M. Chagnon: C'est assez difficile à répondre là-dessus, à donner un chiffre approximatif. C'est certain qu'on voit souvent les mêmes. Je dirais qu'il y en a certainement 25 ou 30. Je ne sais pas. C'est assez difficile de pouvoir comptabiliser cela. Une personne réellement à problèmes, quand tu la côtoies, tu sais que c'est une personne qui a eu des problèmes d'ordre mental. C'est certain, quand vous me dites que ce n'est pas toutes les personnes qui passent au centre hospitalier qui en ressortent non rétablies, c'est bien sûr qu'il y a des cas de dépression, j'en connais.

Je trouve, en tout cas, qu'au lieu de se reprendre en main, d'en reprendre, il y a des fois, on dirait, qu'ils en reperdent et hop!, ils se font hospitaliser de nouveau. Ils ressortent. Ce n'est peut-être pas beaucoup une vingtaine, mais dans une petite population de 4800, je trouve que c'est beaucoup.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant, je voyais dans votre document, le premier que vous nous avez envoyé, que vous aviez fait des démarches auprès du centre hospitalier et vous lui avez fait une demande de trois choses - je ne sais pas si je vais la retrouver - qu'il y ait une ligne téléphonique pour répondre, c'est de mémoire... Comment vous a-t-on accueilli au centre hospitalier? Ah oui, de donner de l'information, c'est à peu près à la sixième page, écouter ce que la population avait à dire, le mandat que la population donnerait à son comité de citoyens. Vous avez souligné aussi qu'il y ait un psychiatre à temps plein

attitré au centre hospitalier et qu'il n'y ait qu'un seul endroit pour recevoir les personnes en difficulté.

Je ne me prononce pas sur le bien-fondé de vos demandes, mais comment est-ce que cela a été accueilli? Comment avez-vous été accueilli au centre hospitalier quand, de vous-même, vous avez fait cette démarche-là?

M. Chagnon: C'est certain qu'ils ont refusé catégoriquement de venir en assemblée générale. Nous autres, on avait demandé au centre hospitalier et à la corporation Prorésol de venir en assemblée générale avec nous autres, supervisée par une représentante du CLSC pour établir les règles du jeu, pour ne pas que personne... Parce que nous autres, notre but n'était pas de les amener sur la place publique pour les lapider. Disons qu'un certain ordre de soirée avait été préparé, pas par nous, mais préparé par une tierce personne du CLSC, une animatrice communautaire et puis ils nous ont répondu que c'était inacceptable cette chose-là, qu'une assemblée telle qu'on voulait l'avoir cela prendrait six à huit mois pour la préparer. C'était évident qu'ils ne voulaient absolument pas venir à une assemblée publique. On l'a fait quand même tout seul l'assemblée publique.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous étiez combien à votre assemblée publique?

M. Chagnon: Nous étions une soixantaine, soixante ou soixante-dix. On a écouté les doléances de la population. On voulait savoir réellement si on était seuls à penser ces choses-là ou s'il y avait des choses différentes?

On remarque chez nous, en tout cas d'après ces réunions publiques, que le degré de tolérance est à son maximum, qu'il ne faudrait pas en mettre plus chez nous qu'il y en a là présentement, puisque cela crée une certaine agressivité dans la population et c'est réellement dangereux pour la personne atteinte de troubles mentaux. Des deux côtés, c'est dangereux, à notre avis, en tout cas.

Je trouve que s'il y avait justement des ressources plus adéquates pour ces personnes et s'il y avait de l'information sérieuse à la population, premièrement, la population comprendrait plus la maladie mentale et je pense que tout le monde en serait gagnant, le malade lui-même en premier, parce qu'il se sentirait peut-être plus appuyé.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous mentionniez qu'il y avait un CLSC à Malartic, parce que vous avez demandé... Est-ce qu'on a pris position là-dedans? Est-ce qu'on a fait des tentatives d'information de la population, de sensibilisation de la popula- tion? C'est une question. La deuxième que je voudrais vous poser, c'est que vous dites: Ces gens sont laissés... Il y aurait un centre pour les accueillir, mais comme il n'y a à peu près rien qui se passe ou qu'il est fermé, ils n'y vont pas. Est-ce que, du côté des citoyens, il y a eu une tentative, par exemple, d'organiser quelque chose pour eux? Il y a deux questions.

M. Chagnon: Le CLSC, non, il n'y pas encore eu... Je ne veux quand même pas leur "garrocher" de cailloux, parce qu'ils viennent de commencer. Cela vient de débuter au printemps. Donc, le temps qu'ils s'installent, en fin de compte, j'imagine que c'est dans leurs priorités. Deuxièmement, pour ce qui est de la population à essayer d'elle-même quoi que ce soit, non. La population, face à la maladie mentale - je pense que ce n'est pas juste à Malartic; je pense que c'est partout -chez nous, à Malartic, peut-être que c'est plus évident parce qu'on est une petite densité de population et c'est sûr qu'on en voit plus que, moi, je peux voir à Québec, c'est certain.

J'imagine que, après l'information que le centre hospitalier donnerait ou le ministère donnerait, certaines personnes auraient envie d'aider des personnes qui ont eu des problèmes d'ordre mental. Mais à l'heure actuelle, tout le monde se dit - moi, le premier - c'est le job de l'hôpital de faire cela. Ce n'est pas à nous; on n'est pas payé pour faire cela. Il y a des thérapeutes pour les aider. Dans un sens, c'est encore vrai, parce qu'on n'est pas des spécialistes.

Pour des personnes atteintes de troubles mentaux légers, c'est sûr qu'il n'y a aucun problème. Ce sont des types qui ont eu des troubles mentaux d'ordre exceptionnel qui n'en sont jamais revenus. Laissez-moi vous dire qu'un citoyen normal aurait beaucoup de misère à l'intéresser dans quoi que ce soit, parce que, premièrement, il n'a pas la qualification pour le faire.

Tout à l'heure, je parlais de familles d'accueil, qu'elles aient une formation. C'est un peu dans ce sens aussi, parce que si tu donnes les outils nécessaires à une famille d'accueil ou à un groupe concerné, je ne sais pas, par des cours donnés par des professionnels en la matière, j'imagine qu'un certain groupe de la population embarquerait.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. M. le député d'Ungava.

M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. Tout à l'heure, pour avoir relu le compte rendu de vos réunions, les minutes, toute la correspondance qu'il y a eu, je ne sais pas... Il y a des coupures de presse. Si on regarde les coupures de presse, on penserait que c'est une guerre ouverte. Par contre, si on lit les comptes rendus des

réunions et les lettres, le dialogue semble civilisé, à mon point de vue.

Quand je parle de Malartic, je pense que je m'y connais, pour avoir passé la plus grande partie de ma jeunesse à Malartic, à y être né avant l'hôpital psychiatrique, bien entendu.

Mais il y a des choses qui me font peur un peu. Je regarde un compte rendu d'une réunion. Je ne nommerai pas de noms; les noms sont là. Il se dit des choses. Il y a une personne ici qui dit: Elle a rencontré un malade et il avait peur de s'en retourner parce qu'il avait peur de se faire battre.

À un autre endroit, c'est écrit: On a souvent entendu dire que les gars qui revenaient ou les femmes qui revenaient et qui étaient sortis de l'hôpital - je sais pertinemment qu'ils circulent librement à Malartic - se font maltraiter quand ils reviennent à l'hôpital. Je ne sais pas si ce sont des affirmations gratuites ou si c'est vrai. Il n'y a pas de preuve à l'appui. Cela m'inquiète de voir que c'est cela. Cela peut certainement avoir une influence sur le comportement des malades qui sont sortis. Est-ce qu'il y a vraiment quelque chose qui a été vérifié là-dedans pour voir si ces faits sont vrais ou si ce sont seulement des histoires.

M. Chagnon: C'est possible. Il y a certaines choses là-dedans qui sont vraies, c'est certain. Il y a certaines choses qu'on n'a pas pu vérifier, bien sûr. Â un moment donné, il y a une dame qui parle d'un cas qui est arrivé il y a plus de deux ans. Comment voulez-vous savoir si c'est vrai ou non? Nous autres, c'est une espèce de procès-verbal qui servait comme outil de travail; ce n'était pas pour en faire une publicité. Il y a certains cas... Je ne les ai pas devant moi. Je serais peut-être plus en mesure de vous dire si telle ou telle chose, tel ou tel extrait: Celui-là est vrai parce qu'on l'a vérifié, ou celui-là ne l'est pas, il est peut-être vrai, mais on ne le sait pas.

Dans l'ensemble, je peux vous dire que la population de Malartic, je l'ai trouvée et je la trouve encore très tolérante face à la maladie mentale, très et beaucoup. Sans accuser le centre hospitalier, sans accuser le ministère des Affaires sociales de ne pas avoir vérifié adéquatement, je trouve quand même que s'il y avait eu une meilleure surveillance de ces personnes, de celles qui sont sorties des hôpitaux, on n'en serait pas rendus où nous en sommes aujourd'hui. Je pense qu'il y a eu un laisser-aller envers ces personnes, un manque de ressources. Tout à l'heure, on parlait d'un petit local. C'est un petit local bien minable qui vaut ce qu'il vaut. D'accord, ils se rejoignent là, mais ils n'ont rien à faire. Qu'est-ce qu'ils font? Ils s'assoient sur la grand-rue, ils se promènent, ils entrent dans les restaurants, ils s'en vont... En fin de compte, on comprend pourquoi ils font cela; ils n'ont pas de moyens pour se reprendre en main. Ils n'ont pas de quoi passer le temps. À ce moment-là, il y en a certains qui font des gaffes. D'un autre côté, il y a la population qui ne comprend pas le malade mental, donc on se révolte face à lui.

Ce n'est pas tout le monde qui est compréhensif face à cela; c'est certain. C'est tout nouveau qu'on parle de la maladie mentale ouvertement. Auparavant, personne n'en parlait; tout le monde se cachait.

M. Lafrenière: Dans une des lettres de la correspondance, ici, le directeur général, Claude Hamel, dit qu'il y a à peu près dix malades qui pourraient causer des problèmes, sur tout le groupe qui est en liberté. Ce serait un chiffre véridique ou...

M. Chagnon: Premièrement, je ne sais pas ce qu'il appelle des cas qui peuvent déranger réellement. Je trouve qu'il y en a plus que cela. Tout à l'heure, j'ai avancé une vingtaine et, d'après moi, je ne me trompe pas. Je vais seulement vous raconter une petite anecdote. Il n'y a pas tellement longtemps, je vais porter un document à une personne qui travaille au comité de citoyens. Il y a une ancienne patiente qui demeure au sous-sol. Moi, comme de raison, je devais seulement entrer et sortir. C'est vrai que j'aurais dû éteindre mes phares, mais je n'y ai pas pensé. L'instant que je monte au deuxième étage et que je remette le document a la dame, j'entendais crier. Je me demandais bien... C'était à peu près vers 21 h 30, le soir. Je descends. La madame était en bas avec un couteau et elle criait après moi pour que j'aille fermer mes lumières. Je suis allé les éteindre, j'ai dit: Je m'excuse, franchement, je n'ai pas fait cela pour mal faire. Ce n'est pas resté là; elle ne voulait plus me laisser monter. Elle a fait une crise d'hystérie terrible. La madame du deuxième, étant donné qu'elle la connaît, a réussi à la contrôler pour qu'elle aille dans son logement. En fin de compte, on a fait une plainte à la Sûreté du Québec.

Je dis que, à ce moment-là, s'il y avait eu - quand je parle d'un seul numéro de téléphone - un seul endroit pour avertir, je pense que, à ce moment-là, il aurait pu y avoir un thérapeute ou quelqu'un qui connaît la personne atteinte de troubles mentaux pour aller la réconforter ou la tranquilliser. En fin de compte, le lendemain, cette personne n'était pas mieux du tout parce qu'elle prenait sa propriétaire pour une Mme Unetelle; elle était partie complètement, assez que la madame du deuxième a téléphoné à la clinique externe pour qu'il y ait une infirmière ou, en tout cas une personne qualifiée qui vienne la voir. Effectivement, ils sont venus deux jours plus

tard et cette personne est déménagée. Je ne sais pas si elle est déménagée dans un autre logement ou si elle est entrée à l'hôpital, mais il reste que, sans doute, cette personne, M. Hamel ne la comptait pas parmi ses dix parce qu'elle est supposée être autonome. Ce sont des personnes qui ont eu des problèmes, qui en ont encore, malgré qu'elles soient contrôlées d'une manière, disons, satisfaisante mais qui font des rechutes assez souvent et puis c'est un danger. Ce sont tous des petits cas comme cela qui font que la personne qui ne s'occupe pas plus qu'il faut de la maladie mentale a peur.

(12 h 15)

La dame qui reste au deuxième et qui a une petite fille de trois ans, la même personne dont je vous parle et qui habite en bas, parce qu'elle aime trop les enfants - sa maladie, c'est cela - elle l'a prise avec elle et l'a enfermée dans sa maison à deux reprises.

Un monsieur de Prorésol a dit à la dame: À ce moment-là, vous êtes mieux de déménager. Franchement, si c'est cela la meilleure méthode, je ne la trouve pas bonne du tout. En fin de compte, c'est pour dire que lorsque cela arrive chez vous, cela fait réellement peur. Donc, c'est pour cela que... Il y a eu beaucoup de faits vécus comme cela.

À notre réunion publique - la première des deux - plusieurs personnes ont raconté leurs faits, ce qui s'est passé: un malade est entré chez lui et ainsi de suite... Ce qui fait en sorte que, maintenant, ils ont beaucoup de misère à accepter d'avoir encore un plus grand nombre d'établissements ou quoi que ce soit pour la maladie mentale. Pour eux, ce qu'il y a, c'est déjà trop. Ils ne veulent absolument pas en avoir plus. Ce qu'il y a là présentement, ils veulent que ce soit mieux rodé, si on veut, qu'il y ait un meilleur équipement, un meilleur suivi des personnes qui sont sorties du centre hospitalier.

M. Lafrenière: J'ai une autre question.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, d'accord.

M. Lafrenière: En lisant la correspondance qu'il y a eu entre le comité des citoyens, Prorésol et la direction de l'hôpital, cela laisse l'impression - c'est l'impression que j'en ai eu - que l'hôpital se dégage de ses responsabilités d'insertion sociale sur Prorésol. Est-ce l'impression que ça vous laisse? Qu'elle dit: Là, vous les avez, occupez-vous-en, l'hôpital se dégage de cela?

M. Chagnon: Le plus drôle là-dedans, ce sont les mêmes personnes en fin de compte.

M. Lafrenière: C'est le même groupe.

M. Chagnon: C'est le même groupe, mais seulement ils ont une charte qui s'appelle Prorésol. C'est drôle aussi parce que quand je rencontrais des gens du centre hospitalier, on me disait: Cela ne regarde pas le centre hospitalier, cela regarde Prorésol. À la prochaine réunion avec Prorésol qui sont les mêmes individus, je pose la même question. Autrement dit, ils n'étaient absolument pas d'accord qu'il y ait un comité de citoyens qui, un jour, se réveillent et disent: Franchement, on est prêt à embarquer, mais seulement il va falloir que vous embarquiez vous autres aussi.

M. Lafrenière: Si je vous nomme un nom comme Robert Charron, c'est un administrateur de l'hôpital.

M. Chagnon: Oui, l'aumônier de l'hôpital. Il se trouve à être président de Prorésol.

M. Lafrenière: Bon.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je sens que vous n'êtes pas à l'aise de venir ici aujourd'hui pour parler de ces choses-là de peur d'être taxé d'anti...

M. Chagnon: Pardon?

M. Laplante: Je sens actuellement que vous n'êtes pas tellement à l'aise de parler de ces choses-là parce que vous avez peur d'être taxé de d'antimalade là-dessus.

M. Chagnon: Une chose est sûre, c'est que si vous étiez passé où j'ai passé...

M. Laplante: Exact.

M. Chagnon:... on s'est fait traiter terriblement souvent d'antipatient, de sans-coeur et d'incompétents sur toutes ces choses-là. C'est sûr qu'à un moment donné, on dit: Je ne sais pas comment je vais être reçu à l'autre bout. C'est certain que...

M. Laplante: Vous allez être bien reçu parce que vous apportez un témoignage qui nous ouvre les yeux sur une petite ville comme Malartic qui est aux prises avec un problème alors qu'elle est sans préparation. C'est plus complexe dans une petite ville comme chez vous que dans une grande ville. Lorsque vous disiez tout à l'heure: Quand je viens ici, à Québec, je n'en rencontre pas... Vous en rencontrez peut-être plus qu'à Malartic en venant ici, à Québec, mais ils sont moins identifiés.

M. Chagnon: C'est cela, exactement.

M. Laplante: Vous ne connaissez pas ces gens-là. Tandis que dans une population comme chez vous, tout le monde se connaît. Je suis né moi aussi dans un monde rural où on connaissait presque tous les gens.

Vous avez fait appel au ministère des Affaires sociales ici à Québec; vous avez eu des rencontres avec lui; une personne a été déléguée chez vous pour essayer d'en parler avec lui. Pourriez-vous me conter ce qui s'est passé avec cette personne? Y a-t-il eu des engagements de pris?

M. Chagnon: Cela a très bien été. D'ailleurs, il a fallu avoir cette personne-là justement pour que Prorésol et le centre hospitalier disent: Bien oui, c'est tout le temps cela qu'on a voulu, mais c'est tout le temps de cela qu'on a parlé. Cela n'a pas changé, cela a toujours été la même chose. En fin de compte, après la visite de la représentante du ministère, le centre hospitalier admet qu'il y a eu un manque d'information et accepte de venir en réunion publique au mois de septembre ou octobre. Prorésol a été le plus réticent en fin de compte parce que, les deux maisons, ils voulaient absolument les faire avec les sept personnes ex-psychiatrisées et les inclure dedans. On a fait un compromis. Dans notre mémoire on parle tout le temps jamais plus que deux ou trois personnes à problèmes dans un même lieu, sinon plus que cela fait un ghetto. Ils sont arrivés à ce compromis. On accepte qu'ils fassent leurs deux maisons, mais qu'il n'y ait pas plus de deux ou trois personnes ayant eu des troubles psychiatriques qui soient logées là. Ils peuvent s'en servir pour autre chose à des buts humanitaires, mais pas plus de deux ou trois personnes à problèmes.

M. Laplante: Connaissant ce milieu-là, vous êtes lucide dans ce que vous proposez comme organisme de ne pas en faire de ghetto parce que c'est facile de faire un ghetto. Si on regarde, il y a plusieurs années, c'est moins pire aujourd'hui ou c'est peut-être pareil, parce que je suis sorti du milieu rural depuis un certain nombre d'années pour vivre dans une grande ville. Mais il y avait toujours les deux extrémités des villages qui, à un moment donné, formaient des espèces de ghetto. C'était une mentalité où on trouvait qu'il y avait toujours des gens bizarres qui vivaient d'une extrémité à l'autre d'un village. Pour nous, à ce moment-là, c'était une espèce de ghetto qui se formait de gens qu'on aimait plus ou moins à ce moment-là.

Mais, en vous donnant les outils voulus où l'hôpital va laisser faire les déclarations de Mme la présidente tout à l'heure parce qu'elle a toujours les mots justes pour décrire cette situation par rapport à l'hôpital. Mais votre organisme qui a été spontané et les douze membres qui ont été là, en demandant les outils voulus, je serais peut-être tenté de jouer un tour à l'hôpital à un moment donné là-dessus et de tourner l'organisme en faveur de ces ex-malades ou de ces malades qui veulent être réinsérés dans la société, de former votre comité en groupes suppléants pour aider justement ces gens. Vous avez donné des points tout à l'heure qui sont significatifs en disant: Oui, ils ont un local, mais ils n'ont rien dans ce local. Peut-être que si vous preniez les devants, je suis certain qu'il y a des subventions actuellement au ministère des Affaires sociales pour organiser votre groupe. De là, avec tout ce qui s'est passé chez vous de bouleversements, l'hôpital serait très mal placé de ne pas vous fournir les ressources humaines qu'il vous faudrait pour en arriver au but qu'il y avait là.

Je suis d'accord avec vous et je vous conseille même de garder ce que vous avez en tête de ne pas faire des groupes de six ou sept dans un village ensemble, dans deux ou trois maisons à 300 pieds de distance, de les intégrer dans la société pour vrai, ne pas faire semblant de les intégrer. Je suis d'accord avec vous là-dessus. Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.

M. Chagnon: À un moment donné on parle d'une ferme thérapeutique, d'une ferme expérimentale. Cela dépend du point de vue où l'on se place. C'est un projet initial qu'on songeait à lancer. C'est au moment où l'on a appelé les deux maisons "appartements supervisés", c'est là que cela a changé d'orientation. C'est certain, on voulait le régler ce problème-là au plus sacrant parce qu'on ne voulait pas avoir de ghetto de miniinstitutions. Mais, la ferme expérimentale ou thérapeutique, j'en parle dans le document que j'ai lu tout à l'heure, c'est une chose que je trouve très louable. Intéresser l'individu à se prendre en main et à se valoriser. Comme j'énumérais plusieurs métiers, il y a des peintres qui ont été malades, il y a des sculpteurs et il y a un bûcheron, mais si tu leur donnes l'occasion de commencer graduellement à reprendre goût à la vie, ce sont des moyens qui peuvent donner un bon coup de main à l'individu qui a malheureusement eu un problème. En tout cas, ce n'est certainement pas à se promener sur la grand-rue, ce n'est pas vrai.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député d'Ungava.

M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. J'aurais juste deux ou trois petites questions. Comme Malartic est un hôpital régional, j'aimerais savoir si l'hôpital

de Malartic a d'autres points de service à La Sarre, à Ville-Marie, un peu partout dans la région, ou si c'est seulement limité à Malartic?

M. Chagnon: Je sais que, depuis un certain temps, en tout cas depuis la dernière réunion qu'on a eue justement avec le centre hospitalier, la corporation Prorésol et un représentant du ministère, il y a des efforts qui sont faits pour qu'il y ait un déblocage systématique dans d'autres endroits de la région. Parlez-vous d'hôpital ou si vous parlez des dérivés après?

M. Lafrenière: Des maisons... L'hôpital psychiatrique de Malartic est un hôpital régional. Il doit avoir la responsabilité de tout le territoire?

M. Chagnon: Oui, d'accord.

M. Lafrenière: Je veux savoir si c'est seulement concentré à Malartic, si la personne de Ville-Marie qui a des problèmes est obligée de venir à Ville-Marie ou si elle traverse du côté de l'Ontario?

M. Chagnon: Non, elle vient à Malartic.

M. Lafrenière: Elle vient à Malartic. Cela fait à peu près 150 ou 200 milles?

M. Chagnon: Près de 200 milles, c'est certain.

M. Lafrenière: Une autre question. Le conseil d'administration de l'hôpital de Malartic est-il composé strictement de personnes de Malartic ou si c'est régional?

M. Chagnon: Presque exclusivement. Il y en a un, le président - s'il n'a pas été remplacé dernièrement - qui demeure à Val-d'Or, à 17 milles. Mais à ma connaissance, je n'en connais pas qui vienne de Rouyn, d'Amos ou de La Sarre.

M. Lafrenière: Ne pensez-vous pas qu'un hôpital régional tel que celui-là, s'il veut être vraiment représentatif, devrait avoir un éventail de personnes qui viennent d'un peu partout dans la région?

M. Chagnon: Je suis bien d'accord.

M. Lafrenière: Vous êtes d'accord? Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Un petit mot pour terminer. Je reprends les paroles exprimées par mes collègues. Vous n'avez pas fait un voyage blanc - peut-être à vos yeux, mais pas aux nôtres - car c'est un témoignage extrêmement précieux pour nous. Comme je le disais tout à l'heure, c'est un aspect qui va devoir être discuté en profondeur par la commission et aussi, j'imagine, par tous les responsables à l'intérieur du réseau. C'est assez intéressant. Il y a eu des discussions où on disait que, dans de petits milieux, l'intégration se fait mieux. D'un autre côté, il ne faut pas non plus noyer le petit milieu. Il faut que le milieu puisse intégrer les gens au rythme dont il est capable. Je pense que c'est extrêmement intéressant comme problématique ce qui s'est passé à Malartic.

Je voudrais simplement terminer, M. Chagnon, en vous disant que je suis allée consulter des gens du ministère. Je vous ai posé des questions précises au début. Nous, on ne vous connaît pas et ce que je réalise... Il dit: On est douze. On peut dire: Ils sont 12 sur 4000, mais on voit dans les notes que le ministère m'a remises qu'il y a eu une pétition de 1125 noms de personnes de Malartic, qui a été déposée pour demander à la corporation Prosérol...

M. Chagnon: Prorésol, oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... en tout cas - d'arrêter le projet. C'est vraiment un mouvement de masse de la communauté quand on parle d'une pétition de 1125 noms sur une population de 4000. Oui, monsieur?

M. Chagnon: Nous, ce qu'on demandait, en fin de compte, c'était une enquête publique avant d'aller plus loin avec ces maisons, parce qu'on sentait que c'était réellement trop, que cela faisait déborder le vase. C'est pour cela qu'il y a eu, en un temps record, 1125 signatures. Je vous dirai franchement qu'organisés comme on l'était... Si on avait été mieux organisés, si on avait fait cela d'une manière plus rigoureuse, on aurait récolté environ 2000 ou 2500 signatures, j'en suis convaincu. On l'a fait dans le brouhaha et rapidement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. En tout cas, c'est bien suffisant. De toute façon, comme je vous le disais, le ministère des Affaires sociales est bien conscient du problème. Il a déjà envoyé quelqu'un pour servir d'intermédiaire entre les deux groupes. Les recommandations qui suivent ont été actualisées lors d'une rencontre tenue à Malartic avec le comité des citoyens, le Conseil régional de santé et de services sociaux et le ministère des Affaires sociales, le 20 juin 1980. Je les lis dans l'intérêt des gens présents: "... demander à la corporation, je lis, "Prosérol", en tout cas, l'arrêt immédiat du projet; demander que la corporation informe et consulte la population sur son orientation actuelle et future; demander au conseil d'administration du centre hospitalier ainsi qu'à ladite corporation d'assister à une rencontre dont les buts

seraient les suivants: donner de l'information, écouter ce que la population a à dire, mandat que la population donnerait à son comité de citoyens. Il a été convenu que cette rencontre d'information - vous l'avez mentionné - aura lieu à l'automne et serait sous la responsabilité du centre hospitalier Malartic. Qu'un compromis serait fait en ce qui concerne le projet des maisons de la rue Laval, à savoir qu'il n'y aurait pas plus de deux ou trois personnes présentant des problèmes d'ordre mental qui seraient logées dans les maisons. (12 h 30)

Je pense que vous avez travaillé, mais il n'y a pas autant de citoyens qui travaillent et qui arrivent à des résultats. Quand même, vous allez dire que cela a été long parce que cela remonte à 1969-1970, mais ce n'est pas à partir de ce moment-là que vous avez eu des problèmes. Je pense que le ministère des Affaires sociales a été sensible à la situation. Il a probablement appris aussi cette situation, comment on désinstitutionnalise et les problèmes auxquels on doit faire face, etc. Je pense que ce que vous faites est extrêmement utile pour tous et je voudrais vous remercier d'avoir pris la peine de vous déplacer, de venir si loin pour ce témoignage. Je pense que vous devez penser maintenant que vous avez avancé dans le travail que vous avez fait ou dans les démarches que vous avez entreprises.

M. Chagnon: Oui, c'est certain qu'on a avancé. Je pense aussi que l'erreur que le centre hospitalier a faite, c'est de ne pas nous prendre au sérieux. S'il nous avait pris au sérieux, je pense qu'on aurait pu travailler comme on travaille aujourd'hui, en équipe, et on n'aurait pas été obligé de faire le brouhaha qu'on a été obligé de faire pour se faire entendre dans différents milieux.

J'apprécie que la commission se penche justement sur la réinsertion sociale et j'espère qu'un jour l'ensemble de la province de Québec aura fait un pas en avant concernant la maladie mentale et que tout le monde y sera gagnant. C'est moi qui vous remercie.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup, M. Chagnon. Il reste un dernier groupe ce matin, l'Entraide pour vaincre la dépression Inc., Self Help Against Depression Inc. J'invite les participants à se présenter. Il s'agit de Mme Rubin et de M. Bruman.

Bonjour, Mme Rubin. Est-ce que M. Bruman est avec vous?

Entraide pour vaincre la dépression

Mme Rubin (Sheila): He is, but he prefers to remain observer.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): O. K. So, you can proceed, Mrs. Rubin.

Mme Rubin: Thank you. First, I have a very brief written statement about our practical problems as a group.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Could you talk closer to your microphone, please? So, we can hear you.

Mme Rubin: OK Thank you.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Thank you.

Mme Rubin: SHAD is a network of people helping people to overcome depression and anxiety. We work with clients who have psycho-social problems, people who find life too stressful. We talk with people who have problems coping with family members, friends or neighbours. We help people who have no family to speak of, no friends and no job. We work with men and women. Language and religion are no barriers. Our service is free. We are a non-profit charitable organization.

The purpose and method of SHAD were conceived and executed by myself between 1977 and 1979. SHAD started officially on a trial basis in the autumn of 1979. The experiment proved to be successful and it was decided by an ad hoc board of directors that expansion was necessary to meet the needs of the community. The expansion program was set in motion in March 1980. By late 1980, SHAD had an office, a telephone and various supplies. With the assistance of a lawyer, who volunteered his services, SHAD was incorporated in 1982.

The SHAD method was copyrighted in a handbook written by myself. It is unique and is successful. We have had enquiries about our services from health officials in Alberta, Ontario, Florida, Newfoundland, etc. We were invited to speak on a panel at the Status of Women Conference in Gander.

SHAD teams compatible individuals for mutual help and support. Teams work on a one-to-one basis, only over the telephone, using first names. Anonymity must be assured to both volunteer and partner. SHAD is not an emergency service. We also make hundreds of referrals a year.

In February of 1985, we entered the third year of our contract with Employment and Immigration Canada. This covers one third of our budget and the bulk of the other two thirds comes from MAS and OVFP grants. EVD was accredited under the Programme d'aide aux organismes volontaires d'éducation populaire in 1984.

Our problem is frustration because of lack of security. Much time is spent applying for grants, researching where funds may be

available, reporting on activities, reporting on where funds are spent, reporting and accounting. Sometimes we have to devise projects in order to see if we can become eligible for certains grants, even though we already have a successful program as it stands. We must continually worry about funds. At times we have had to refuse funds we were granted because the grantor made certain demands which would have added to our workload without providing any increase in income.

We are just two employees in SHAD Inc. Although we have totally different skills, education, background, etc., we make the same salaries. We do not perform similar or comparable duties. For more than two years we have earned 192 $ a week gross each and a diminishing net take-home pay. SHAD cannot afford a typewriter and we must budget carefully for supplies and postage. We must go begging for photocopies. We must pay for our own telephone and it is a major expense for us.

Another concern we have has to do with the prospect of telephone calls being charged for by the frequency and duration of calls. Our volunteers must call their SHAD partners from their own homes. The average volunteer spends two hours a week with each partner. Many of our SHAD volunteers cannot and may not wish to continue, if, in addition to providing their time, interest and skills, they would be required to increase the cost of their phone bills.

We are confident that we perform a valuable service to our community and we are pleased to do it.

During 1984, we answered 370 calls, screened 34 people, checked back with team members 165 times and opened 23 new teams. If we could spend less time doing administrative and fund raising functions, we could have done a lot more. There are times when we have 50 people, volunteers and partners, on our waiting lists. We have approximately 45 teams working at this time.

It would help us if we knew where our funds were coming froTn next so we could save our time to serve our clients. It would be very useful if we could be assured of a more realistic salary, commensurate with our educations, experience, duties and responsibilities. And it would be necessary that telephone charges not be based on duration or frequency of calls, because, if the system changes in that direction, it may put an end to our service.

That is the end of the practical written report that I have brought. I would like to discuss with you, if I may. Our service does not only concern itself with those who have been institutionalized, but with preventing clients from having to be hospitalized. Our method is unique. Our philosophy may be considered revolutionary by some as it is simple and rests on common sense. Our philosophy is one of hope in the future, trust in ourselves, caring for one another, not just an ideal, but practised everyday by our SHAD teams. Our volunteers act as role models, encourage their partners to aim for independence and, in calling their partners, they demonstrate that they care. The partners show trust in sharing their most painful feelings with total strangers. The only reward the volunteers get is our appreciation and the knowledge that they are helping others.

I brought with me some samples of our literature if anybody would be interested in having a copy or two.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Thank you very much. I was wondering if you would mind that we make copies of -not the last part, because I understand it is handwritten, but the first part that you read, as I think it would stand as your brief to the committee.

First of all, I want to thank you for having come before the committee. The mandate that the committee has given itself, is the problem of social reinsertion of persons who have had psychiatric problems and are trying to readdress to society. The committee knows that many ressources have to be made available to the people in order, as you said yourself at the end, not only to facilitate this social reinsertion but in order to stabilize and prevent the rehospitalization that is happening too often because people are left with no real support.

There are a few questions that I would like to ask you. When you talked about teams, you said: Now, we have 23 teams. The team is not the partnership between two persons, is that it?

Mme Rubin: There are 45 teams at the moment. That is our usual average of 45 at any one time. The volunteer and his or her partner are considered a team, so it is a two-person team.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes. So, you have some sort of a secrétariat? Do you have an office or do you not have any office?

Mme Rubin: We are allowed to use an office in an agency and we just take calls there two and a half days a week. It is just a reception office. It is not really a working office. I work out at a different place.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Now, people call you to volunteer, to act as volunteers.

Mme Rubin: Yes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Then you screen them before you match them with someone.

Mme Rubin: That is correct.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes. Your philosophy of the whole relation between the volunteer and the person who is asking for help to keep it anonymous, is it in order to make it easier for the people or do you feel that some people needing help will not go there to get help but, if it is anonymous, they might go and get that help? Could you explain the philosophy behind the anonymous character of your organization?

Mme Rubin: We have about 10 or 12 points for the reason of the anonymity. We have found that it works - I suppose it is one good reason - I will give you some examples of why. Stop me when you have enough examples. The SHAD volunteers deal with all kinds of callers including drunks, wives whose husbands beat them and throw knives at them and so forth and our anonymity protects the volunteer and SHAD.

Conversely, the partners are protected from dishonest and indiscreet volunteers who may slip through our system. SHAD does not have a meeting format. We do not want to duplicate any existing service, so we are not really offering meetings where people can meet one on one or even in groups. (12 h 45)

SHAD volunteers are all considered non-professionals. Even if some of us have had professional experience and training, we are not considered to be equipped to make house calls or arrange professional consultations at our office. SHAD's respect for anonymity of the partners assures them that we will not pry into that which they do not wish us to know. This respect on the part of the volunteers gives the partners confidence in their home volunteers and in SHAD.

It is easier for the partner to express painful feelings as well as joy and anger. The policy of anonymity is strictly enforced amongst us, because it simply has been found to work well. There are more...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes. Is there a waiting list for this type of service?

Mme Rubin: Yes, we have unfortunately, sometimes, as many as fifty people waiting on our waiting list at one time. That is including the volunteers and the partners, because we do not simply match somebody just because they are on the waiting list. We will match them only when we find somebody who is considered to be suitable for them, so that we do have people waiting on both lists at the same time, and we cannot team them. There have been some people, unfortunately, who have waited as much as a year.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): We have the bad habit, here, probably because of the influence of the "fonctionnaires", to ask for statistics and I am sure you do not keep statistics.

Mme Rubin: We try our best.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): But you have been going on for about four years or five years?

Mme Rubin: We were incorporated in 1982. We were operating since 1980.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): How long... Do you know - I mean, inasmuch as you can evaluate it - the length of time or the duration of a relationship in a team?

Mme Rubin: We have some people who have been operating since the beginning, from the very beginning, and some who have let go after a few weeks. So it really depends on the needs of the client. We usually let the client decide when it is time to fold. The only other time we would close a team is when people have really broken our rules and they cannot operate within the rules that we have.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): You said before that you made quite a number of referrals to hospitals and other resources.

Mme Rubin: We act as a referral service. We have quite a complete list of places to refer people in the Montreal area.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): So, actually, you fulfill a role of "dépistage"; I cannot find the word in English.

Mme Rubin: We call it a referral service.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): A referral service and of prevention too.

Mme Rubin: Yes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): I mean for the people who might be having some psychic difficulties.

Mme Rubin: Yes, when a client calls, we also ask them to continue any other treatment they are having at the time, seeing wichever professionals they are seeing and if they are on any kind of medication, we ask them to continue, unless

we start to observe that some particular problem is happening, in which case we start to recommend some alternatives.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): You know about - and you mentioned it, I believe - the service that exists at... I think it is CLSC Métro-Guy, not CLSC Métro-Guy, but around somewhere.

Mme Rubin: Face à Face.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Face à Face.

Mme Rubin: Yes, we have referred people from there as well.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Yes. There is a difference in the approach but what is the difference in the results?

Mme Rubin: I do not think you can really say there is a difference in results because we all find that we get satisfaction in different ways. What may be good for one person at the Face à Face may not be successful for another. Some people can not say: We sit down in a public place and face another person and say: You know, these are all my problems and I want to just lay them on you. Some people can answer much more easily on the telephone to this person that they will never see and who has an understanding voice and also someone who will say to them: I am not just here as a volunteer because I am good, I am here because I also went through what you are going through and I know exactly what you are going through because I went through it. All our volunteers have to have ' had some success, you know, for over coming some emotional or social problem. So, before they are teamed, we know something about them in that regard. So, they are not coming out saying: You know, I am here, I am a social worker and this is my job and I have got to do it for a living or I have got to do it because I am a goody goody or whatever kind of expression. A person may be coming out and say: Who are you? Why are you telling me all this? I heard that all from my doctor. But you can say: 1 have been through it and I know what your are talking about. We have people, all kinds, who have gone through it an awful lot.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Thank you very much. M. le député d'Ungava.

M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. Just a few short questions. You said a little while ago that you had about 45 to 50 people on the waiting list?

Mme Rubin: Sometimes, yes.

M. Lafrenière: These are people that need help?

Mme Rubin: Yes. Some volunteers and some who need help.

M. Lafrenière: And it is the volunteers that do help people. Do you have any problem recruiting them?

Mme Rubin: Oh yes! It is always a hard job to find enough volunteers. You can send out a city wide advertissement, or press releases and so forth and get two volunteers in a large city like Montreal...

M. Lafrenière: And then, volunteers work out from what place? Out of their homes?

Mme Rubin: At their own homes, using there own telephones.

M. Lafrenière: In another part of your brief you talk about budget. What is an operating budget for an organization like yours?

Mme Rubin: Well, our major expenses are the salaries and I told you wnat we make, it is 192 $ a week gross.

M. Lafrenière: Would you repeat that, please?

Mme Rubin: 192 $ a week gross, per employee. There are two employees and that is our major expense. The other expenses are our telephone and our postage, our major expenses...

M. Lafrenière: Your complete budget would be what?

Mme Rubin: Well, we have been working with about 23 000 $ for the last three years.

M. Lafrenière: Thank you.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Who subsidized the 23 000 $.

Mme Rubin: The first year, it was Employment and Immigration Canada and the second and third years, we have been augmenting the remainder of a declining scale from Employment and Immigration Canada with grants from MAS.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): You have a grant from MAS?

Mme Rubin: Yes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): How much do you get from MAS?

Mme Rubin: We have 5000 $ a year.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): O. K. M. le député de Marie-Victorin.

M. Pratt: Do you operate mainly in Montreal, Côte-Saint-Luc or do you go in the West Island and its vicinity?

Mme Rubin: Anybody can reach the 514 without incurring a long distance charge is welcome to call. We however have encountered a new problem in the last few days. We have noticed that, as the head office was moved to the Dollard area, there is now a long distance charge to some areas such as Laval. So that has already caused a problem.

M. Pratt: You exist since four or five years. By which means do you publicize your services?

Mme Rubin: Mainly, we issue press releases and notices to various organizations including hospitals, CLSCs and so forth.

M. Pratt: So you get in touch with the hospitals and CLSCS and the other centers...

Mme Rubin: Hospitals, the media, radio stations, talk shows so forth and words-mouth, some doctors referrals, etc.

M. Pratt: Your - I will say - customers or patients are mainly depressed people or other kind of people having problems?

Mme Rubin: It is a combination of depression and social problems.

M. Pratt: OK

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): That's all? I want to thank you for your presentation. I think that it is a good illustration that when people have initiative, there is a lot of new ideas that come about and I think that is what make things progress and particularly in a field like this one, any field actually where human well-being is concerned. I want to congratulate you for your work. I think that around the table none of us were aware of such a resource and it is a good example that the community itself can stimulate and bring about services that the State could not even think about, even if the State thought about it, probably it would never bring it into effect because of financial reasons. It takes a lot of organization. I know that people say: A team of 50 people, it is only 100 people, but, as you say, volunteers change, the people who call change. To keep it really a service that is stabilized and that people know they can call about it requires a lot of volunteer work and a lot of organization.

On behalf of the committee, I want to express to you our thanks for the work you do and also for the "témoignage" that you gave to this committee. Thank you very much.

Mme Rubin: Thank you.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je suspends les travaux jusqu'à 14 h 30. On va avoir beaucoup de temps ce midi.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 14 h 39)

Alliance Québec

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La sous-commission des affaires sociales reprend ses travaux. J'invite Alliance Québec à venir présenter son mémoire à la commission. Je crois comprendre qu'on a un nouveau texte. Vous êtes M. Bourgo? Je ne sais pas si c'est vous qui agissez comme président ou si c'est Mme Kelley?

Mme Kelley (Marylee): C'est moi, oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, Mme Kelley, si vous voulez présenter vos collègues et ensuite vous pourrez procéder à la présentation de votre mémoire.

Mme Kelley: Certainement, Mme Lavoie-Roux.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci.

Mme Kelley: Au nom de la communauté d'expression anglaise du Québec, Alliance Québec est heureuse de s'adresser à la commission parlementaire qui étudie la réinsertion sociale des personnes souffrant de troubles mentaux et vivant au sein de la communauté.

Je voudrais présenter mes collègues: à ma gauche, M. Ross Williams, directeur des affaires sociales d'Alliance Québec; à ma droite, M. Jos Bourgo, membre du conseil d'administration d'Alliance Québec, directeur général des centres Shawbridge, vice-président de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec; et puis Mme Joan Richards, présidente du comité des affaires sociales de CASA, Committee for Anglophone Social Action in Gaspé.

Mon nom est Marylee Kelley, présidente du Comité des affaires sociales d'Alliance

Québec.

Alliance Québec est un organisme communautaire qui compte plus de 40 000 membres répartis dans 21 chapitres locaux et associations dans toute la province. La politique d'Alliance Québec repose sur un certain nombre de principes, dont quelques-uns concernent directement les questions débattues ici aujourd'hui. Premièrement, le gouvernement du Québec a la responsabilité d'adopter une loi qui garantirait la pérennité du réseau des services et des institutions d'expression anglaise capables de répondre aux besoins de la population; deuxièmement, la prestation des soins de santé et des services sociaux en anglais doit être garantie partout au Québec où se trouve une population d'expression anglaise.

Cette présentation vise deux ordres de préoccupations majeures: 1° l'efficacité du système en matière de services psychiatriques; 2° la question linguistique quant à l'accès et à la prestation de ces services.

Dans son examen de la situation, Alliance Québec a observé l'absence complète d'une planification cohérente et exhaustive dans le secteur de la santé mentale.

M. Bourgo (Jos): La situation actuelle. Actuellement, au Québec, un grand nombre de patients psychiatriques vivent une urgence sociale lorsqu'ils sont libérés par les institutions et qu'ils n'ont pas les ressources suffisantes pour vivre adéquatement au sein de la communauté. Il est devenu évident, depuis les cinq ou dix dernières années, que les pressions exercées par les logements de mauvaise qualité, le haut taux de chômage et l'aliénation sociale causent de sérieuses difficultés à cette population. Il est, par ailleurs, évident que notre échec à établir des services adéquats de suivi après l'hospitalisation pourrait bien annuler les avantages de cette hospitalisation lorsque le patient est livré à des communautés mal préparées à l'accueillir.

Depuis les débuts de l'application du principe de désinstitutionnalisation, en 1965, les soins en milieu hospitalier ont eu tendance à devenir de court terme, une sorte de gestion de l'urgence qui a fait naître le syndrome de la "porte tournante". En 1972, les réadmissions représentaient 64 % de toutes les admissions en milieu hospitalier (rapport ARAFMI). En l'absence de ressources communautaires adéquates, les patients deviennent extrêmement vulnérables lorsqu'ils quittent les institutions.

L'une des causes majeures de ce syndrome de la "porte tournante" est la gravité de la maladie de ceux qui sont réinsérés dans la communauté. Les difficultés créées par le nombre de patients gériatriques chroniques au sein de la section psychiatrique signifient que le nombre de lits disponibles est absolument inadéquat. À la libération du patient, le suivi psychiatrique est très mince. Les patients doivent quelquefois attendre de deux semaines à un mois avant d'obtenir un rendez-vous avec leur psychiatre. La capacité des travailleurs sociaux à rencontrer les patients après leur libération de l'hôpital est problématique à cause de l'énorme charge de travail qui leur est impartie. Les tracasseries administratives du système lui-même accaparent les infirmières et les travailleurs sociaux au point d'affecter leur moral. Il est donc évident que le système lui-même crée des barrières dans la prestation des services aux patients. Le manque de ressources communautaires place aussi un énorme poids sur les familles des clients psychiatriques. Ces familles sont souvent forcées d'offrir des soins et des services au meilleur de leur connaissance. Les principales difficultés de ces familles portent notamment sur l'absence de groupes d'appui et le manque de soins dits de répit pour les dépendants.

Lorsqu'on examine la situation de certains centres hospitaliers montréalais, il semble que les CLSC n'assurent pas généralement le suivi auprès des patients psychiatriques bien qu'ils soient conscients d'un besoin. Bien peu d'infirmières travaillent dans la communauté avec ces patients, bien que des infirmières visiteuses pourraient donner les médicaments et s'occuper du bien-être général de ces patients. Cependant, à cause de l'ampleur des services requis, il serait peut-être valable de s'interroger sur la pertinence des CLSC en tant que lieu de dispensation des services pour les patients qui ont reçu leur congé à la suite de soins psychiatriques.

À Montréal, le processus de sectorisation qui fondait l'accès aux services sur les territoires géographiques a compliqué encore davantage le problème des patients d'expression anglaise. La communauté elle-même est extrêmement confuse quant à savoir ce que signifie la sectorisation dans le réseau psychiatrique d'expression anglaise. Les différents centres hospitaliers interprètent à leur façon cette question. La Commission administrative de la santé mentale du Conseil régional de la santé et des services sociaux de Montréal métropolitain est, par aileurs, consciente de cette difficulté et, en désignant le secteur du centre-ouest pour y inclure les centres hospitaliers d'expression anglaise, la commission a reconnu partiellement de fait les besoins socio-culturels de la communauté d'expression anglaise. Le centre-ouest regroupe les centres hospitaliers Royal Victoria, Montréal Général, St-Mary's, Reine Elizabeth, Reddy Memorial et l'Hôpital général juif.

Cependant, la rigidité causée par un régime de sectorisation strict n'accorde pas

suffisamment de flexibilité pour permettre aux bénéficiaires d'avoir accès à un niveau maximal de soins s'ils ne sont pas immédiatement accessibles dans leur territoire de résidence. Sur le plan pratique il existe une grande différence entre les plans et les structures des planificateurs des affaires sociales et la réalité des services eux-mêmes qui sont disponibles aux usagers et à leurs familles.

Mme Richards (Joan): Other region: For many areas outside of Montréal, such as region 06B and 01, no psychiatric facilities exist at all for English-speaking patients. In many cases, patients are given a medication program by a local doctor and then left to their families for all their care.

In region 06B, English-speaking psychiatric patients must rely upon Montreal's English language establishments for institutional care. When discharged back to their communities, psychiatric aftercare and community support are virtually unavailable.

There is no English-speaking psychiatrist practising in the Laurentides... I am sorry...

Une voix: Lanaudière.

Mme Richards: Lanaudière region. Patients either stay at home or spend their days in local shopping centres.

In region 06C, some services are available from the Douglas Hospital (foster home) and the Montreal General Hospital (psychiatrists once a week). There is, however, no stable community resource of any kind able to give care in English. Because of the direct connection between the Montreal-based hospital and the patient, local CLSCs and other establishments are loath to commit resources to these patients.

In region 01, English-speaking patients are sent to a French language institution, in Rimouski, for establishment or regularization of a medication program and, then, sent home again, where no professional or community support programs exist in their language. It is important to note that the Gaspé has the highest suicide rate in Quebec. In monitoring the situation on an on-going basis, volunteers of CASA on the Gaspé Coast feel that the chronic lack of psychiatric services in the region, either institutional or community based, account for many of the suicides.

Obviously, the situation in the Gaspé is critical.

M. Williams (Ross): Dans l'ensemble du Québec, les tendances de la thérapie semblent mettre toute l'importance sur une vision étroite du traitement, comme la fourniture de médicaments, alors que peu d'attention est accordée aux conditions plus générales de vie du patient.

Pour ces patients, aucun système de soins ne peut être considéré adéquat s'il n'offre pas une continuité et un suivi des soins qui le porte de l'institution à sa communauté. Un tel suivi de soins nécessite un système de maisons de transition, de familles d'accueil, de suivis par des spécialistes du service social, des résidences de transition, la présence de la famille, des ateliers protégés ainsi que des occupations de loisir. Une telle approche requiert aussi une coordination entre l'institution et les besoins du patient alors qu'il est de retour dans son milieu. Lorsque l'on parle des ressources communautaires, il faut souligner ici qu'il ne s'agit pas de ressources alternatives à celles fournies par les institutions, mais plutôt de ressources complémentaires. Il s'agit plutôt d'un élément parmi l'ensemble des services qui assurent la continuité des soins, comme nous l'avons précédemment décrit.

Il a été établi qu'un système continu complet de services est tout aussi coûteux que le placement en institution. Une étude par le Dr Thomas, de l'université de Géorgie, pour le National Institute of Mental Health sur les ressources communautaires a prouvé que les services sont tout aussi coûteux mais les ressources sont réparties d'une façon différente. En fait, le Dr Thomas a dit que le double financement pour quatre ou cinq ans est nécessaire pour mettre en place un modèle désinstitutionnalisé. Cependant, en examinant le processus actuel de récidivisme constant, un modèle désinstitutionnalisé pourrait peut-être, à long terme, s'avérer plus respectueux des ressources disponibles.

Afin de considérer le problème de planification en vue d'établir des modèles de vie communautaire, nous suggérons une approche intégrée où tous les professionnels impliqués dans le bien-être des personnes souffrant de troubles mentaux mettraient au point un système de prestation coordonné et intégré de soins.

Mme Kelley: La langue d'usage dans la prestation des services sociaux est d'importance primordiale, particulièrement dans le domaine de la santé mentale. La langue est l'outil principal de diagnostic et de thérapie dans la prestation des soins de santé et des services sociaux.

Le processus de désinstitutionnalisation dont nous discutons ici aujourd'hui constitue un excellent exemple du besoin de garanties législatives à l'effet que les services seront disponibles en anglais pour la population d'expression anglaise du Québec.

L'absence de ces garanties dans la langue des usagers et le fait qu'il n'existe pas une politique administrative cohérente pour assurer l'accès aux services constituent des préoccupations sérieuses pour Alliance Québec, notamment dans le secteur des

troubles mentaux.

Il nous faut souligner ici qu'il n'existe pas de garanties législatives, gouvernementales ou administratives en ce qui concerne la question de la langue dans le secteur psychiatrique.

Nous devons rappeler ici que, la langue étant un outil thérapeutique fondamental pour l'individu, qu'il soit en institution ou vivant dans la communauté, toute planification en vue de la désinstitutionnalisation des personnes d'expression anglaise doit prendre en considération la composante linguistique.

Jusqu'à maintenant, une analyse en profondeur des besoins des patients psychiatriques d'expression anglaise ainsi que du système dont ils dépendent n'a pas été faite. Dans le rapport soumis par le comité d'étude, avec un mandat du dernier ministre des Affaires sociales, on reconnaît de façon systématique la question des services en anglais, mais on n'y retrouve aucune analyse en profondeur de la prestation des services à la population d'expression anglaise. Nous recommandons que tous les intervenants de la communauté et du réseau institutionnel s'adressant à ces bénéficiaires professionnels, bénévoles, groupes autonomes, familles, éducateurs, conseils régionaux, ministère des Affaires sociales - mettent en marche un processus de consultation afin de définir un modèle de vie communautaire dans chacune des régions. Comme nous l'avons déjà démontré, les ressources actuelles sont insuffisantes pour permettre aux patients d'avoir une vie communautaire, qu'ils soient de langue française ou de langue anglaise.

Nous devons souligner que les modèles envisagés par la communauté d'expression anglaise de Montréal seront différents de ceux des régions limitrophes 06B ou 06C, et différents encore plus des régions encore plus éloignées de la région 06. À l'extérieur de la région de Montréal, les problèmes sont encore augmentés par le nombre de bénéficiaires, ainsi que la gravité des cas. Ce n'est qu'en considérant les besoins de notre communauté région par région que des modèles pourront être mis au point, permettant de desservir au mieux la clientèle psychiatrique d'expression anglaise de la façon la plus efficace.

L'institutionnalisation des patients mentaux d'expression anglaise doit tenir compte du fait que, dans la majorité des cas, une relation patient-institution-professionnel constituera un besoin permanent. Une communication en langue anglaise doit être assurée. C'est pourquoi nous serions disposés à recommander que les institutions et les ressources communautaires puissent recevoir des mandats linguistiques clairs pour servir la clientèle dans sa propre langue.

Le ministre de la santé et des services sociaux doit définir des garanties législatives qui permettront aux Québécois d'expression anglaise de recevoir leurs services sociaux dans leur langue. Pour les personnes dans le besoin, ces garanties législatives constituent une exigence minimale.

La demande appuyant les garanties législatives a fait l'objet de résolutions de conseils d'administration et de conseils exécutifs de plus de 340 institutions, municipalités, écoles, organismes professionnels et groupes de bénévoles de toutes les régions du Québec. Il faut mettre en place un mécanisme législatif et administratif particulier pour s'assurer que les services qui sont rendus, en totalité ou en partie, par le gouvernement du Québec reflètent la diversité linguistique et culturelle de la population qu'ils doivent servir.

M. Bourgo: La communauté d'expression anglaise possède une longue histoire en matière d'implication communautaire dans la planification et la prestation des services pour ses membres dans le besoin. La tradition suivie par la communauté d'expression anglaise a toujours tendu vers l'appui communautaire et la désinstitutionnalisation et l'appel complémentaire qui relie les ressources institutionnelles et communautaires. La consultation des communautés comme partie d'un approche intégrée en vue de la désinstitutionnalisation ne saurait être qu'un processus fructueux. Ensemble, nous pouvons examiner d'une façon originale et efficace les questions qui affectent les personnes souffrant de troubles mentaux.

Cette commission parlementaire est un excellent point de départ pour une réflexion qui examine la façon dont nous répondons aux besoins des handicapés mentaux. Sans doute, ce processus sera long et difficile, mais il faut résoudre, au cours de cet exercice, la question de l'accessiblité linguistique, de façon à répondre aux besoins de tous les Québécois.

Entre-temps, et comme partie intégrante des garanties législatives, Alliance Québec soumet les recommandations suivantes: 1. que le gouvernement du Québec définisse des garanties législatives pour assurer la prestation de soins de santé et de services sociaux des institutions d'expression anglaise; 2. qu'une politique complète de prestation des services en matière de santé mentale, tant pour la population d'expression française qu'anglaise, soit définie immédiatement; 3. que chaque conseil régional mette au point une politique claire en matière d'accessibilité linguistique et établisse des modèles régionaux appropriés de prestation de services pour les services aux personnes souffrant de troubles mentaux dans les

institutions ou au sein de la communauté; 4. que le ministre de la santé et des services sociaux dégage les fonds nécessaires à l'établissement de ressources communautaires appropriées pour répondre aux besoins de la population souffrant de troubles mentaux;

(15 heures) 5. que l'objectif du processus soit l'établissement d'un système de services continus à partir de l'établissement jusqu'à l'insertion communautaire en tenant compte de l'ensemble de la vie du bénéficiaire, y compris sa langue d'usage; 6. que le gouvernement du Québec mette en marche un vaste processus de consultation qui réunisse le ministère et des représentants des institutions et des communautés pour discuter de modèles interreliés pour le développement de programmes et le partage des coûts dans la prestation des services à la population souffrant de troubles mentaux vivant en institution ou au sein de la communauté; 7. que le ministère de la santé et des services sociaux, en collaboration avec la communauté, mette en marche un processus capable d'établir un réseau d'assistance familiale pour l'ensemble du Québec avec un sous-groupe s'adressant à la population d'expression anglaise; 8. qu'une importante campagne d'information publique soit mise en oeuvre pour sensibiliser la communauté aux besoins des personnes qui sont réintégrées dans leur milieu.

Mme Kelley: Nous vous remercions de l'attention que vous nous avez accordée cet après-midi ainsi que de l'occasion que vous nous avez donnée de vous sensibiliser à un problème de grande importance et d'intérêt commun.

Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions concernant cette présentation. Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, Mme Kelley. Au nom de la commission, je désire remercier Alliance Québec de son mémoire et de s'être présentée devant la commission, qui est intéressée à obtenir tous les points de vue et surtout à avoir l'occasion de considérer des aspects qui peut-être lui auraient échappé, quoique je doive vous dire que, dans le domaine de la question linguistique, il est évident que les membres de la commission sont évidemment très sensibles au fait - et il y en a d'autres avant vous qui nous l'ont dit, peut-être pas de la même façon mais qui, justement, ont attiré notre attention sur ce fait - que la langue, dans tout le domaine de la santé mentale, est un élément de première importance.

Évidemment, vous revenez - et je vous comprends fort bien - avec les objectifs d'Alliance Québec qui, à l'occasion d'autres mémoires qui ont été présentés à la commission, a fait valoir la nécessité d'une loi garantissant - c'est très bien exprimé dans le premier point de votre introduction "la pérennité du réseau des services et des institutions d'expression anglaise capables de répondre aux besoins de la population" et, le deuxième point, "la prestation des soins de santé... qui doit être garantie partout au Québec où se trouve une population d'expression anglaise, " c'est-à-dire garantie en langue anglaise.

Je ne m'attarderai pas sur ces deux points-là, il est tout à fait pertinent que vous les rameniez ici. Votre rôle, comme groupe de pression, est vraiment justement la défense des droits des groupes anglophones. C'est un débat - et vous en êtes tout aussi conscients que moi - de nature politique, vraiment politique, dans le sens des décisions qui pourraient éventuellement être prises par l'État, quel que soit le gouvernement. Je ne voudrais pas faire dévier le mandat de la commission sur cette question, sauf pour vous dire que nous sommes évidemment très sensibles à cette question et que déjà on a eu l'occasion de discuter de cette question, particulièrement au moment de la commission sur la distribution des CSS et des CLSS, entre autres, et, enfin, d'autres questions.

J'aimerais peut-être juste passer à des questions concrètes, plus rattachées aux problèmes concrets et réels. C'est évident que, et cela je voudrais m'en informer en région... À Montréal, j'ai l'impression que si on prend les personnes qui ont des troubles psychiques, si on prend la région 06A, évidemment, il y a le manque de ressources alternatives, complémentaires ou intermédiaires - on peut les appeler comme on veut - mais je ne pense pas, et vous me corrigerez si vous n'êtes pas d'accord, que la communauté anglophone, pour cette région où se retrouve la grosse partie de la population anglophone, soit mieux ou moins bien servie, mais elle est servie au moins de façon égale à la communauté française dans la mesure où les ressources alternatives existent. D'ailleurs, vous nous dites un peu plus loin qu'au plan communautaire - c'est un peu plus loin dans votre mémoire - les lacunes sont là tant pour les francophones que pour les anglophones.

Maintenant, ce qu'il m'intéresserait de savoir, c'est ce qui arrive véritablement dans des régions comme la Gaspésie, la Côte-Nord et possiblement Rimouski - je conçois moins où se trouve la population anglaise, à moins que Métis fasse partie de Rimouski, ou enfin dans le bout de Campbellton, c'est dans la Gaspésie, de toute façon. Qu'est-ce qui arrive strictement au point de vue de l'attention psychiatrique immédiate? Oublions

même les ressources intermédiaires dans ces milieux-là.

M. Williams: Avant de répondre à votre question, je voudrais souligner deux points par rapport aux points que vous avez exposés. Le débat en est un de services; la solution en est une de politique, mais les débats concernent vraiment les services. Selon les études que nous avons faites, il y a une grande carence de services. Je ne voudrais pas entrer dans un débat sur les grandes positions que nous avons très clairement exposées au public, mais je voudrais mentionner ce point. C'est vraiment une question de services.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je suis d'accord là-dessus: la décision sera politique au plan des points 1 et 2, mais, ceci mis à part, quels sont les services là où il y en a et là où il n'y en a pas? Qu'est-ce qui devrait être fait?

M. Williams: Deuxièmement, sur les questions de la région 06A, si la communauté d'expression anglaise a les mêmes niveaux de services, nous avons trouvé une situation assez intéressante sur cette question. Il n'y a aucune réponse à cette question. Avec toutes les briques que nous avons lues dans notre recherche, il n'y a jamais eu de question spécifique comme celle que vous venez juste de poser. Nous avons notre point de vue sur cela, mais nous n'avons jamais vu une vraie recherche sur cette question. L'accessibilité des services, cela pourrait être révisé. Je voudrais seulement souligner qu'il y a 500 000 membres dans la communauté d'expression anglaise dans cette région, qui est beaucoup plus importante que beaucoup de villes canadiennes. Avec cela, je pense qu'avant que nous soyons capables de répondre à cette question le CRSSS de Montréal doit faire la même réponse.

Je voudrais parler de la situation de la région 06A aussi, après celle de la région 01. Je pense qu'il y a une possibilité, sans que ce soit une intention, que les services y soient pires pour la communauté d'expression anglaise que pour la communauté de langue française. J'ai dit qu'il y avait une possibilité, mais notre recherche ne nous a pas donné de réponse là-dessus jusqu'à maintenant. C'est pourquoi nous avons dit que la communauté est dans la confusion sur cette question. Je...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avant que vous passiez aux régions éloignées, je voudrais poser... Vous dites que c'est le CRSSS qui devrait avoir ces chiffres. Vous êtes quand même, M. Williams, familier avec le travail du CRSSS et vous avez probablement eu l'occasion d'avoir des contacts avec la Commission administrative de la santé mentale du CRSSS.

M. Williams: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que c'est un problème auquel le CRSSS s'est intéressé, non seulement pour les anglophones mais pour l'ensemble de la communauté? Il ne nous pas présenté de mémoire.

M. Williams: À propos du CRSSS, je voudrais expliquer que je ne suis pas ici avec mon "chapeau" du CRSSS...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, mais...

M. Williams:... mais je veux expliquer que je suis un membre de l'exécutif du Conseil régional de la santé et des services sociaux de Montréal métropolitain. J'y représente toutes les municipalités. J'ai eu à ce titre le privilège d'étudier les briques que nous avons reçues, beaucoup d'études, mais je n'ai jamais vu une étude sur cette question. C'est pourquoi je ne suis pas certain, mais il y a certainement des problèmes d'accessibilité pour atteindre un degré élevé dans la qualité et la quantité des services. J'ai aussi beaucoup d'exemples qui illustrent une plus grande carence chez la communauté d'expression anglaise. Une autre affirmation que vous avez faite, c'est de parler des secteurs où demeure la plus grande partie de la communauté d'expression anglaise. Dans notre recherche, il y a toujours plus de 1000 personnes dans chaque zone de CLSC. Dans les deux zones qu'on dit anglaises, le DEC Lakeshore et le DEC Montreal General, il y a moins de 50 % de la communauté d'expression anglaise qui y habite. Pour les autres 52 % de cette communauté, c'est - entre guillemets - "la communauté la moins privilégiée" dans l'autre secteur. C'est pourquoi il y a une possibilité qu'il existe un sérieux problème d'accessibilité aux services dans la région 06A. C'est vraiment là.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

M. Bourgo: Est-ce que je peux renchérir, Mme la Présidente? Le grand danger pour la communauté anglophone à Montréal ne réside pas au niveau des services existants. Je pense que la communauté francophone et la communauté anglophone sont également mal desservies par les services existants. Mais le problème qui existe à Montréal, c'est l'orientation du conseil régional et de ses commissions administratives, qui cherchent à couper le lien historique entre les institutions de la communauté anglaise et la population qu'elles

desservent pour les forcer à rendre leurs services non pas sur une base socioculturelle, mais sur une base territoriale. Cela représente notre grand danger dans le sens de couper le lien qui doit exister, qui est essentiel, surtout pour la population dont nous discutons aujourd'hui, entre l'institution, les groupes communautaires et les familles des patients.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je vous avais posé une deuxième question au sujet des régions éloignées.

Une voix: Do you want to start?

M. Williams: Pour les autres régions...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): If you want to speak English for the - how do you say? - far away regions'.

Mme Richards: The problems concerning the mentally ill in Gaspé, for the anglophone, is that there are no services whatsoever and, for the francophone, those services are critical, they are very limited.

We have 285 miles along the bottom of the Coast and we have one psychiatric center with one psychiatrist who is an unilingual francophone. The situation is critical both for the anglophone and the francophone. As you see, there are statistics mentioned by the DSC. In 1984, Gaspé had the highest rate of suicide in Québec and therefore in Canada.

I do not have the answer to the problem but I do know that the problem exists both for the francophone and the anglophone. There are 15 000 English-speaking people in Gaspé who receive no services in their language whatsoever in psychiatric services. As dated in here, when the problem becames critical, we used to have reciprocity with Campbellton. That is no longer a fact, we are no longer allowed to do that. Now, we have to go to an institution in Rimouski which is unilingual French. For the most part, the general practicians around the Coast will issue medication and try to stabilize the person and then, if necessary, send her to Rimouski but they do not get any therapeutic care after they return home, which they do. The problem is critical.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Would they send some of them, the long-term care cases, to Douglas Hospital?

Mme Richards: We used to.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): But they no longer do it.

Mme Richards: No.

M. Williams: C'est la règle de l'exception et c'est là le problème. Il n'y a aucune politique sur cette question. Un bon exemple d'une relation avec une autre région c'est 06C, Montérégie. Il y a beaucoup de travail de fait avec le centre hospitalier Douglas. Pour les patients qui ont ce service, c'est assez efficace, cela va assez bien. (15 h 15)

Où est la politique? Est-ce que la région 06C va mettre de l'argent et fournir l'accessibilité à des institutions de cette région ou est-ce que les institutions des communautés d'expression anglaise auront le mandat d'offrir ces services à toutes les populations des communautés d'expression anglaise du Québec? Je pense que c'est peut-être la clé de la question. Ce serait peut-être plus efficace d'avoir le système institutionnel, d'y avoir l'accès pour les régions 01 ou 03, ou de mettre les services en place.

Dans notre évaluation, nous sommes un groupe communautaire qui n'a pas de caractère professionnel au niveau des Affaires sociales; nous n'avons pas la réponse exacte, mais la question est là. Est-ce que chaque CRSSS aura sa propre politique d'accessibilité ou est-ce que nous voulons mettre un système d'institutions dans chaque région afin d'y avoir l'accessibilité aux services? C'est vraiment un problème à Gaspé. Quelquefois, si vous connaissez quelqu'un, vous avez la possibilité de trouver un lit ou une place dans un centre qui a le mandat d'être anglais, mais, si vous n'avez pas cette relation officieuse, ça ne marche pas. C'est aussi le cas pour chaque région du Québec. La région 06B, c'est un autre bon exemple. Si vous avez quelque problème et que vous connaissez quelqu'un à Montréal, vous avez une chance, si vous réécrivez votre adresse, d'être dans le bon secteur. Si vous êtes dans le bon secteur, vous avez la chance d'avoir les services. Sans ce processus officieux, cela ne fonctionne pas car il n'y a aucune politique de services. C'est le problème dans chaque région que nous avons étudié.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. M. Bourgo.

M. Bourgo: Oui, Mme la Présidente. Je pense que le problème est relié aussi en grande partie au processus d'allocation budgétaire puisque chaque région est censée être autonome en termes de ressources. La métropole est réticente à accepter des patients qui viennent d'ailleurs, qui n'apportent pas de fonds avec eux. C'est un problème dans les hôpitaux de Montréal en termes d'allocation budgétaire et en termes d'autosuffisance régionale, pour employer la terminologie du CRSSS, qui est directement relié au fait que les budgets des hôpitaux de

Montréal sont déterminés en termes de la population de la région et non pas en termes des populations qu'ils sont appelées à desservir et souvent ces patients viennent d'ailleurs au Québec.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais vous poser une question, je pense que c'est à la cinquième page. Vous écrivez: "Dans le rapport soumis par le comité d'étude, avec un mandat du dernier ministre des Affaires sociales, on reconnaît, de façon schématique, la question des services en anglais... " Pourriez-vous me dire de quel comité d'étude ou de quel rapport il s'agit? Deuxièmement, toujours dans le même alinéa, vous dites: Nous recommandons que tous les intervenants de la communauté et du réseau institutionnel se mettent ensemble pour définir un modèle de vie communautaire. Est-ce que ceci n'est pas déjà possible, là où il y a des ressources évidemment, par exemple la région de Montréal? Je me demande si, déjà, ceci ne peut pas se faire précisément pour développer ce modèle de vie communautaire sans qu'on soit obligé d'intervenir de plus haut pour que l'initiative soit prise.

M. Williams: Le comité qui a été mandaté par l'ancien ministre des Affaires sociales, le Dr Laurin, avait simplement soumis une étude sur la question de la psychiatrie, etc., dans le secteur... Il y a quatre auteurs, je pense. J'ai oublié les noms. J'ai ici une copie, si vous la voulez, mais j'ai oublié... Il y a quatre personnes qui ont été autorisées par le Dr Laurin.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, c'est le rapport sur l'état de la psychiatrie à Montréal.

M. Williams: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela. On l'a reçu hier. D'accord.

M. Williams: Je voudrais ajouter que c'est en consultation avec le CRSSS de Montréal. Cette étude a été faite par le petit comité. C'est l'étude à laquelle on se réfère.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. L'autre question concerne la recommandation que vous faites et qui suit: Nous recommandons que tous les intervenants s'adressant à ces bénéficiaires mettent en marche un processus de consultation avec tous les gens des institutions et du milieu pour créer un modèle de vie communautaire. N'est-ce pas une initiative qui doit venir du milieu? I do not want to get...

M. Williams: Je n'ai pas le paragraphe, mais je...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): It is the same paragraph.

M. Williams: Excusez-moi si je prends quelques minutes pour répondre. Pour les questions de sectorisation, il y a la prétention, dans cette méthode de planification, qu'il n'y a aucune relation entre les groupes, les ressources communautaires et les institutions, mais, dans ce que nous avons étudié, il y a vraiment une relation permanente entre les groupes, les services communautaires et les institutions. C'est pourquoi nous avons pensé que cela va prendre tous ces sous-réseaux ensemble pour étudier et établir le système le plus efficace. J'espère que c'est un point qui est mentionné là.

C'est vraiment une idée que de mettre ensemble tous les groupes, tous les intervenants, pour trouver la façon d'agir la plus efficace et c'est important de ne pas avoir peur de dire que le système le plus efficace est basé sur la question linguistique. Il faut commencer par la question de prévention, d'intervention préliminaire, de première ligne et de deuxième ligne, en résidence, avec réinsertion sociale. C'est l'idée derrière ce point de vue, d'avoir vraiment un système linguistique.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

M. Bourgo: Je pense, Mme la Présidente, que vous avez raison de dire que ce sont des initiatives qui doivent naître du milieu, excepté que le problème des troubles mentaux est un problème psychosocial très important. La difficulté, c'est justement de faire le lien entre la psychiatrie ou les soins médicaux proprement dits et les besoins sociaux des bénéficiaires et de leur famille. C'est dans cette interrelation entre les soins médicaux proprement dits et le service social au bénéficiaire et à sa famille qui comprend la totalité de vie du patient que l'on retrouve des querelles de chapelle, la guerre entre les CLSC, entre les CSS, entre les institutions d'ordre public et le groupe communautaire, etc.

Si on veut trouver un modèle efficace de traitement, il va falloir impliquer tous ces gens-là, entre autres les parents de ces patients qui sont souvent ceux qui prennent le plus soin d'eux. Il faut impliquer les parents, les groupes communautaires, il faut impliquer les bénévoles, il faut impliquer les CLSC, les CSS, toutes les institutions d'ordre public et il faut les forcer à travailler ensemble pour pouvoir ériger un système qui puisse adéquatement répondre aux besoins de cette clientèle.

Pour les hôpitaux, c'est simplement une question de dispensation de médication. Les patients sont refoulés dans la communauté,

ils vivent en chambre où ils sont exploités souvent en termes de loyers déraisonnables parce que les propriétaires des maisons savent exactement ce que ces gens-là retirent de l'assistance publique. Ils sont dans des ghettos, ils sont laissés à traîner dans les rues et dans les centres commerciaux. Les CLSC ne s'en occupent pas parce que la clientèle est trop lourde. Les CSS ne s'en occupent pas parce qu'ils n'ont pas assez de ressources et leurs priorités sont l'enfance, la famille et les personnes âgées. Ces personnes sont laissées pour compte et il n'y a personne qui réponde à leurs besoins, sauf leur famille et quelques bénévoles et d'une façon intérimaire, et c'est leur réadmission à l'hôpital lorsqu'ils ne sont plus capables de vivre au sein de la communauté.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord, je vous remercie. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, Mme la Présidente. Je ne traiterai pas de la première partie de votre mémoire, moi non plus, parce que, s'il fallait que j'en traite, vu que cela touche aux droits humains des malades mentaux, un humain, c'est un humain pour moi, quelle que soit sa langue, sa religion, sa race, à ce moment-là, je serais obligé de traiter des autres minorités, grecque, italienne, roumaine, espagnole, parce qu'elles aussi ont besoin de protection actuellement. Si on en accordait à un secteur de la société québécoise, il faudrait voir à cela aussi afin que ces gens puissent être soignés, puissent avoir des communications dans leur langue. Notre loi sur l'immigration, ici, au Québec, n'oblige pas quelqu'un qui vient vivre au Québec à parler seulement une langue en arrivant ici. Il vient avec sa langue, il vient avec sa culture, avec tout cela. Il faut l'accepter tel qu'il est.

Vous parlez beaucoup de la région de la Gaspésie. Vous vous servez du rapport préparé par le DSC de Rimouski où vous parlez de la fréquence des suicides dans cette région, qui serait, en 1979, même pas en 1979, mais en 1984, à 37. Attribuez-vous ces suicides à une majorité anglophone qui serait là?

Si vous comparez ceux qui souffrent de troubles mentaux dans la région de la Gaspésie qui se suicident, est-ce qu'il y a plus d'anglophones comparativement aux francophones? C'est en bas de la page...

Mme Richards: No, I couldn't say that. We don't know the statistics.

M. Laplante: Non, mais vous vous en servez quand même, parce que, si on relit les revendications ici, les communications vis-à-vis de ces gens et tout, vous vous servez d'un rapport du DSC de Rimouski pour nous sensibiliser sur les suicides. Je voudrais savoir s'il y a plus de suicides dans la communauté anglophone gaspésienne qu'il y en a du côté francophone.

M. Williams: Avec ces chiffres, nous n'avons pas dit cela. Nous avons juste dit qu'il y a un grand manque de services dans cette région 01, GIM. Dans cette phrase, nous disons qu'il a un manque de services pour toutes les personnes qui restent là, mais il y a un plus grand manque pour la clientèle d'expression anglaise, parce qu'il n'y a aucune capacité de professionnels dans ce secteur pour vraiment avoir les services en anglais.

Je ne veux pas dire que ce sont des mauvaises intentions; il y a une bonne volonté de la part de tout le monde d'essayer de travailler ensemble et tout cela. Mais il n'y a aucun système de services en anglais sur cette question. Les chiffres en français, ce sont des chiffres pour tous.

Autre chose. Je voulais juste... Mais avant...

M. Laplante: Je ne veux pas échapper ce petit bout. Vous dites que les chiffres sont pour tous. Mais pourquoi avoir employé ces chiffres? Parce que, lorsqu'on lit votre mémoire au complet, cela revient toujours, en matière linguistique, sur la compréhension. Pourquoi vous servir de chiffres comme cela pour nous sensibiliser sur le suicide? C'est ce que je veux savoir. Vous prenez des chiffres du DSC de Rimouski. C'est parce qu'il y a quelque chose là-dedans que j'ai besoin de savoir, moi, pour la bonne compréhension de la commission, pour essayer de m'éclairer, pour essayer de développer des services, parce que je suis d'accord lorsque vous dites: On a besoin de se faire servir dans notre langue. Je suis d'accord avec Cela à 100 %.

Mais je voudrais savoir pourquoi vous vous servez du DSC de Rimouski sur le suicide pour nous sensibiliser encore plus. Cela me paraît important.

M. Bourgo: Je pense, M. le député, que le sens de notre mémoire dans cette section est de dire que la situation est critique en Gaspésie, la situation est critique pour tout le monde. Le problème de la santé mentale en Gaspésie, étant donné le taux de chômage, étant donné les difficultés économiques que connaît cette région, est très sévère. Mais, en plus de cela, on dit que, pour les Gaspésiens d'expression anglaise, il n'y a aucun service qui existe du tout. On voulait souligner aussi que le problème de services est là pour tout le monde et surtout en Gaspésie. Les chiffres sur le suicide, c'est pour souligner la gravité du problème dans cette région.

M. Laplante: Ce que je voudrais vous

faire dire absolument, c'est que le chiffre de suicide ne serait pas plus élevé parce que ce sont des personnes unilingues anglophones plutôt que des francophones. Il n'est pas plus élevé, ni d'un bord ni de l'autre. Cela n'a pas de relation avec la langue.

M. Bourgo: On ne peut pas...

M. Laplante: Mais ils doivent avoir les noms si le DSC a sorti 37 personnes.

M. Bourgo: Nous ne sommes pas en mesure de répondre à cette question et ce serait une conclusion erronée de tirer cela de notre mémoire. Tout ce que nous avons, ce sont les chiffres qui disent qu'il y a eu 37 suicides, sans différenciation selon la langue d'usage de la personne. C'est simplement pour souligner là gravité du problème de santé mentale dans la région de Gaspé.

(15 h 30)

M. Laplante: D'accord. Les gens sont venus de Douglas et ils ont présenté une image assez positive. Comme de raison, ils ont exigé eux aussi un peu plus de fonds, un peu plus de décentralisation. Ils voudraient avancer eux aussi, dans la société québécoise, en matière psychiatrique. Comme tous les organismes qui sont venus ici, ils veulent une décentralisation, une réinsertion peut-être plus rapide. Est-ce que, actuellement, du côté anglophone, parmi les empêchements à l'organisation de services alternatifs que vous pourriez donner ou d'autres services communautaires, la langue est une barrière? On dit que le milieu anglophone est un des mieux organisés au Québec en matière psychiatrique, parmi toutes les organisations qu'il peut y avoir. Est-ce que, actuellement, la langue est une barrière pour vous, pour continuer à vous organiser au Québec?

M. Williams: Je pense que la question n'est pas là pour nous. Nous parlons des services psychiatriques, nous parlons des personnes qui ont des troubles mentaux, et, si nous voulons établir un système, la question n'est pas de savoir comment nous voulons vivre au Québec, mais plutôt de savoir comment nous allons établir un système universel, pour tous les Québécois. L'esprit de notre intervention est vraiment d'avoir des services communautaires pour chaque région du Québec qui aient une base linguistique pour les personnes souffrant de troubles mentaux. C'est exactement la façon dont nous avons approché la question.

Pour les niveaux de services communautaires, nous voulons avoir des services bien impliqués dans tout aspect communautaire, que ce soit une question de langue ou de milieu. Nous voulons, avec la même force, avoir les garanties, le soutien, le système, le "counselling" dans la langue de l'usager; sans cela, ce ne sera pas vraiment la même qualité de service. Il n'y a rien de caché dans cette position, nous voulons avoir les services en anglais, mais bien impliqués dans le reste des services. C'est très clair.

M. Laplante: Tout ce que je vois là-dedans, c'est un peu comme... C'est une spécialisation, en somme. Si je regarde les régions éloignées du Québec - je m'excuse de nommer l'Abitibi, il y en a qui ne sont pas d'accord comme région éloignée - s'il y a une maladie, à l'hôpital, qui demande une spécialité, on prend les citoyens et on les transporte dans les hôpitaux spécialisés, à ce moment-là. Pour l'Abitibi, il n'est pas question de langue, il n'est question de rien. C'est très onéreux. Si on prenait chaque hôpital, chaque quartier... Montréal est un centre pour cela. Même Québec, avec environ 3 % ou 4 % de population anglophone, vous êtes très bien servis, je pense. Il devient de plus en plus difficile... Je vois les services alternatifs ou communautaires dans les groupes de citoyens qui peuvent s'entraider. Je ne dis pas que le gouvernement ne doit pas fournir à travers cela des personnes-ressources. Je suis d'accord qu'il en fournisse dans la langue des citoyens, mais, tel que vous l'exprimez actuellement, c'est assez difficile parce qu'il faudrait tenir compte aussi d'autres populations qui sont complètement francophones, en spécialisation d'autres maladies. Cela peut être le coeur, le rein, cela peut être en orthopédie, etc.; il n'y a plus de fin à cela, à un moment donné.

M. Bourgo: Je pense, M. le député, que vous avez raison d'une certaine manière. Il faut, je pense, distinguer entre les types de services et la capacité des services et des groupes d'entraide à répondre aux besoins de ces patients. C'est vrai que des bénévoles et que des groupes d'entraide peuvent apporter un certain appui, une certaine structuration de la vie des bénéficiaires, ce qui est très important, surtout en ce qui concerne le soutien et l'entraide à la famille. Si on examine les problèmes des patients psychiatriques surtout chez les adultes, quand on parle de schizophrénie, quand on parle de "manic-depression", ce sont des maladies qui durent souvent 20, 25 ou 30 ans avec des périodes de crise. Les médicaments peuvent résoudre la phase psychotique du patient, mais il n'en est pas pour autant capable de bien fonctionner dans son milieu naturel. Il a besoin de beaucoup d'appui, de la continuité d'une thérapie de groupe; il a besoin d'aide pour chercher un emploi. Souvent, ces gens-là sont incapables de travailler, ils vivent du bien-être social, ils ont besoin de programmes qui puissent les aider à structurer leur temps, à trouver quelque chose pour les occuper, qui donne un sens à

leur vie et qui les fasse contribuer à la vie en société. Ce type de programmes est souvent au-delà des moyens d'un simple bénévole. 11 faut l'appui de professionnels qui sont conscients, comme vous l'avez dit, de la vie culturelle de la personne, de la communauté d'appartenance de la personne, et qui puisse aider les bénévoles et les patients à bien tirer profit de leur communauté et à bien s'y intégrer.

Il serait illusoire de croire que c'est simplement une question d'ajouter un plus grand nombre de bénévoles dans le système et qu'automatiquement les problèmes vont se régler. Les problèmes ne se régleront pas de cette façon.

M. Laplante: Je suis d'accord grosso modo avec ce que vous dites. Si on regarde les chiffres qu'on reçoit, 1 % de la population serait atteinte de déficience mentale.

M. Bourgo: Selon les études que je connais, c'est 10 % de la population.

M. Laplante: 8%, c'est-à-dire un sur huit pourrait être atteint, mais 1 % est atteint gravement, c'est-à-dire qu'il a été hospitalisé. La population de la Gaspésie est de combien? D'environ 200 000?

Une voix: La Gaspésie?

M. Laplante: Oui.

Une voix: 125 000.

M. Bourgo: Je ne sais pas.

M. Laplante: La grandeur de toute la péninsule? En tout cas... Je vous remercie de votre mémoire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Marie-Victorin.

M. Pratt: Je m'adresse à M. Bourgo, je pense bien. À la page 3 de votre mémoire, vous vous interrogez sur la pertinence des CLSC comme lieu de dispensation de services pour les patients qui ont déjà reçu des soins psychiatriques et qui ont reçu leur congé. Ce jugement que vous portez vient-il à la suite de constatations que vous avez faites principalement ou uniquement à Montréal?

M. Bourgo: Principalement à Montréal.

M. Pratt: Principalement à Montréal. Nous avons reçu ce matin un groupe appelé la Fédération des CLSC du Québec et justement l'une des recommandations qu'il faisait, c'était qu'on dote le CLSC de ressources supplémentaires afin qu'il puisse assurer durant les fins de semaine, ce qu'il ne fait pas actuellement, des services d'aide aux malades mentaux. C'est un fait que, lorsqu'il y a un problème de cet ordre durant la fin de semaine, on appelle la police et on s'empresse d'aller à l'hôpital le plus près pour conduire le malade à la clinique d'urgence. Dans les centres, sauf Montréal, Québec et les principales villes du Québec, on n'a pas de ressources comme cela; c'est pour cela que si les CLSC étaient dotés de ressources pouvant aider à ce moment-là, c'est-à-dire s'ils étaient ouverts en fin de semaine, cela deviendrait une porte d'accueil, une entrée et on pourrait soigner ces cas. C'est une solution que je verrais d'un bon oeil, et je crois qu'il faut vraiment faire quelque chose, principalement dans les régions périphériques. Je suis de la région 06C de Montréal; on n'a pas à se plaindre, on a deux hôpitaux qui offrent des services psychiatriques, on a les CLSC, on a tout cela. Mais j'ai fait la tournée provinciale et, quand on a été dans le Bas-du-Fleuve et les autres régions, on se plaint qu'il n'y a même pas un psychiatre dans certains coins. Alors, il faudrait assurer les services d'ordre psychiatrique. On a dit ce matin qu'on peut quand même avoir un psychiatre qui sert de ressource. On peut le rejoindre par téléphone quand les problèmes de cet ordre arrivent. Mais ce que vous notez ici, c'est que vous trouvez que les CLSC n'étaient peut-être pas la porte d'entrée pertinente pour cela. Mais je pense qu'avec un peu d'aide de ces CLSC qui sont mis en place - on a quand même un réseau assez impressionnant: bientôt 166 dans toute la province... Je pense bien que c'est un lieu de regroupement de services d'ordre médical ou d'ordre social. En équipant un peu mieux cela... C'est le sens de l'intervention que je voulais faire.

Dans Montréal, je crois qu'il y a lieu de s'interroger sur cette pertinence. Cela peut quand même être un service parallèle accordé.

M. Bourgo: Cette remarque a été fondée sur des études auxquelles j'ai moi-même participé en tant que membre d'un comité ad hoc du conseil régional des services de santé et services sociaux de l'agglomération de Montréal qui a étudié la question. C'était un comité ad hoc du conseil d'administration qui a étudié la question du partage des services entre les CLSC et les CSS. Une de nos conclusions majeures était justement qu'il y avait une très grande différence entre la clientèle desservie par les CSS et celle des CLSC et qu'effectivement les CLSC, du moins dans l'agglomération de Montréal, ne desservaient pas cette clientèle dans le moment. Cela ne veut pas dire qu'ils sont incapables de les desservir, mais ce qui est très vrai dans le moment, c'est que les CLSC évitent de desservir une clientèle le moindrement lourde et qu'ils passent cette clientèle soit aux hôpitaux, soit aux CSS. Ils

ne les desservent pas. C'est cela la pratique actuelle.

La Présidente (Mme La voie-Roux): M. le député d'Ungava.

M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. Je représente une région qui est défavorisée dans le domaine de la santé mentale: le Nouveau-Québec, où il n'y a même pas une clinique ni un psychiatre. De temps en temps, il y en a un qui vient faire une voyage...

Une voix: Pour aller à la pêche.

M. Lafrenière: Oui, il faut qu'il ait un peu de temps pour aller à la pêche, mais, dans 20 % du comté d'Ungava, les résidents ne parlent ni anglais, ni français, ni italien, ils parlent l'inuktitut ou le cri. Eux aussi revendiquent des services, pas juste pour la santé mentale, mais tous les services de santé possibles. Puis la position de ces peuples qui sont des peuples du Québec, il faut bien s'entendre là-dessus, c'est qu'ils veulent des services. Pour eux, la langue en ce qui a trait à la santé, ce n'est pas si important que cela, pourvu qu'ils aient un service. Peut-être qu'après cela pourrait venir. Votre association appuierait-elle une politique comme celle-là? On donne les services et, après, si on peut les donner en italien, en grec ou en tout ce que l'on veut, on le fera, mais la première chose à faire, c'est de donner le service à toute la population, pas juste dans la région de Montréal. Dans la région de Montréal, si on regarde les services qu'il y a là, tout le monde est mieux servi que dans les régions périphériques.

M. Bourgo: Votre question est très pertinente. Personnellement aussi, parce qu'en ma qualité de directeur général des centres de jeunesse Shawbridge, je viens de conclure un contrat avec le CSS cri pour l'établissement de foyers de groupes pour jeunes délinquants de Chisasibi. Alors je suis conscient de la nature du problème. Quant au fond de votre question, là encore il faut faire une différence. Quand vous dites des services de santé, ce qui est primordial, de prime abord, c'est de recevoir des services. Si on parle d'une médication, d'un programme de médicaments et qu'on pense que c'est cela soigner le problème, c'est vrai, pour dispenser des médicaments, il n'est pas nécessaire de parler la langue de la personne ni connaître sa culture, mais, ce faisant, on ne touche pas au fond réel du problème, parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, la question de la santé mentale c'est une question psychosociale. Il y a une dimension intrapsychique, mais il y a une très grande dimension interpersonnelle au sein des familles et au sein des communautés. Il y a une dimension sociale qui est presque prépondérante dans la question. Qu'est-ce qui en fait un problème? Ce n'est pas ce qui se passe à l'intérieur de l'individu; ce sont les retombées sociales du comportement de l'individu et son incapacité d'être en paix avec lui-même psychiquement.

(15 h 45)

Dans une deuxième composante du problème de la santé mentale, la langue et la culture deviennent primordiales. C'est impossible d'offrir une thérapie sans parler à la personne. C'est impossible d'offrir une thérapie sans entrer en contact avec la personne. La thérapie, c'est une relation personnelle entre le thérapeute et son patient. Cela demande un don de soi, une relation réciproque qu'il est impossible de franchir si on n'est pas capable de parler la langue de la personne. Surtout en santé mentale, la langue est l'outil de guérison. C'est la façon de forger la relation qui aide la personne à guérir. C'est presque un non-sens que de penser à un programme de thérapie qui ne tiendrait pas compte de la langue de la personne.

M. Lafrenière: Vous avez parlé tout à l'heure de Chisasibi?

M. Bourgo: Oui.

M. Lafrenière: J'ai mal compris. Voulez-vous répéter ce que vous avez dit?

M. Bourgo: J'ai dit que j'étais très sensibilisé à cette question en fonction des services et du problème de dispensation des services sociaux aux communautés autochtones, parce que, justement, mon établissement vient de signer un contrat avec le CRSSS cri pour ouvrir des foyers de groupe pour jeunes délinquants à Chisasibi.

M. Lafrenière: Des foyers de groupe sur le territoire, sur les réserves?

M. Bourgo: Sur le territoire, oui.

M. Lafrenière: Mais, là, on arrive avec le problème. On leur parle comment?

M. Bourgo: On leur parle en anglais.

M. Lafrenière: L'anglais. Ce sont des Cris.

M. Bourgo: C'est le CSS cri qui a demandé des services en anglais.

M. Lafrenière: Je sais, mais c'est parce qu'ils n'ont pas le choix. C'est cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Écoutez, on n'a jamais abordé la question

linguistique depuis le début, sauf d'une façon incidente. Je ne voudrais pas non plus qu'on en fasse un grand débat, aujourd'hui, comme je l'ai dit au départ. Il reste que vous avez quand même apporté un élément qu'on ne peut pas oublier non plus. Je pense que je souscris complètement à ce que vous avez dit dans la deuxième partie de votre intervention. Mon collègue d'Ungava dit: Je pense que les Inuit seraient déjà contents d'avoir des services. Peut-être que, si, en plus, ils pouvaient avoir la langue de leur choix, cela leur rendrait service. Je voudrais simplement rappeler - peut-être davantage aux membres de la commission - la commission parlementaire sur la protection de la jeunesse qui s'est penchée sur les problèmes de la jeunesse et l'aide qui devait lui être apportée, il y a des recommandations très précises dans ce volumineux rappport eu égard aux Inuit et aux populations amérindiennes, dans le sens que des efforts devaient être faits pour qu'ils soient servis dans leur langue et qu'il y ait vraiment un effort dans le sens de former des gens de leur milieu, d'abord sur le plan culturel mais aussi sur le plan linguistique.

Vous disiez que ce sont des peuples du Québec, et c'est vraiment une reconnaissance que, comme Québécois, on leur accorde et gu'on n'a pas de difficulté è leur accorder. Evidemment, il y a tout un contexte historique, etc. Eux aussi ont à s'ajuster à nos valeurs, comme nous aux leurs. Je pense que, dans le cas de la communauté anglophone, il faut quand même réaliser qu'elle a des institutions au Québec. Je ne fais pas un plaidoyer pour que ce soit une loi ou non. C'est une décision politique, je la mets de côté, ce n'est pas notre boulot à nous ici. Mais ils ont des institutions et, historiquement, ils ont été servis dans le domaine de la santé et des services sociaux, particulièrement dans le domaine de la maladie mentale, dans leur langue. Quant au problème que vous nous posez, je pense qu'on s'entend pour dire qu'il y a des lacunes, surtout dans les ressources de réinsertion sociale, pour tout le monde à Montréal. On a vu le rapport, il y a deux jours, de ce comité que le Dr Laurin avait formé pour étudier la situation mentale à Montréal, mais les problèmes sont aigus et, sur le plan linguistique, ils le sont certainement davantage dans les régions éloignées.

La seule chose que j'aimerais savoir -vous ne me donnerez pas la réponse aujourd'hui - c'est au sujet des 15 000 personnes dans la Gaspésie et il y en a un nombre plus élevé dans les Cantons de l'Est, peut-être même dans d'autres régions, dans l'Outaouais; on ne peut quand même pas ignorer cette réalité-là. Au moins vous nous avez soulevé ce problème-là. De quelle façon est-ce qu'on l'intégrera dans notre rapport? C'est une autre chose, mais je dois vous dire que je suis sensible à cette dimension linguistique, particulièrement eu égard à la problématique de la santé mentale. D'ailleurs, dans un autre rapport un peu ad hoc de la Commission des affaires sociales touchant les CSS et CLSC, la commission avait fait des recommandations à l'endroit des anglophones et aussi pour les autres groupes culturels afin que des efforts soient faits pour que du personnel de même culture et de même langue soit mis à leur disposition. Évidemment, à un moment donné, la réalité a des limites mais je ne voudrais pas que les gens repartent d'ici avec le sentiment que c'est une dimension à laquelle, que ce soit pour les Grecs, pour les anglophones ou les Inuit, on n'est pas sensible. Je pense que le Québec fait des efforts remarquables dans ce domaine-là pour tenter de respecter la culture des gens. Je tenais à le dire.

Il y a juste une question et ce sera la dernière. Vous avez parlé de la sous-régionalisation des ressources institutionnelles à Montréal. Vous craignez un peu, somme toute, dans un avenir rapproché, qu'il ne soit plus possible aux enfants d'expression anglaise, par exemple, qui vivent dans l'est de Montréal d'être accueillis dans des institutions anglophones mais ils le seraient dans des institutions francophones.

Dans les premiers mémoires que nous avons entendus nous avons reçu, du conseil de la santé et des services sociaux de Montréal, un rapport de la commission administrative sur la déficience mentale qui a un plan d'action sérieux auquel elle a travaillé pendant de nombreuses années. Il nous a été présenté ici - ils ne sont pas venus à titre de représentants de la communauté anglophone, mais - par des anglophones qui nous disaient que, pour eux, il leur paraissait préférable - je ne voudrais pas déformer leur pensée mais je pense que c'était ça - que les enfants de l'est de Montréal, à la condition que dans les institutions francophones on leur assure des services en anglais, puissent être servis plus près de chez eux que d'être envoyés dans des institutions anglophones qui seraient beaucoup plus loin de leur foyer de résidence ou de leur résidence. J'aimerais savoir si cette crainte que vous avez là-dessus est réelle et comment vous réagissez à cette suggestion ou à cette analyse des choses faites par ce groupe de travail du CRSSS de Montréal.

M. Bourgo: J'aimerais débuter en faisant deux distinctions, Mme la Présidente. Premièrement, je pense qu'il faut encore distinguer entre quels services et quel niveau de services. Si on parle de programmes d'atelier protégé, si on parle de programmes de centre de jour, il est très vrai que, plus ces programmes pourront être approchés

géographiquement du lieu de résidence du patient, plus c'est préférable. Ces programmes sont le type de programmes qu'il est possible d'offrir sur une base bilingue ou la langue est cruciale mais n'a pas autant d'importance.

Lorsqu'on parle d'hébergement, lorsqu'on parle de séjour en centre d'accueil, là nous ne sommes pas tout à fait d'accord au niveau du service rendu au patient qui est souvent noyé dans une atmosphère francophone. C'est le suivi du plan de la Commission de la déficience mentale. Les anglophones de l'est de Montréal seront obligés d'aller chercher des services dans des institutions essentiellement francophones. Lorsqu'on devra héberger un enfant, quand il faudra le placer dans un centre d'accueil, il sera placé dans un centre d'accueil francophone où les gens ne seront pas capables de lui parler dans sa langue de connaissance. Surtout en termes de déficience mentale, où il y a des problèmes de compréhension déjà existants, cela fait un milieu qui est très peu propice à la réhabilitation de cet enfant. C'est au niveau individuel.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous interromps tout de suite, parce que le temps presse et je voudrais... Ils ont quand même apporté un argument qui m'a un peu, enfin, ébranlée - c'est peut-être un grand mot - en disant: II reste que c'est bon que nos enfants anglophones... Même un enfant profondément retardé peut apprendre deux langues; ça, on le sait. S'il est intégré à un milieu mixte, il va apprendre deux langues. Il faut que nos enfants aient suffisamment "d'exposition" à la langue française pour pouvoir l'acquérir, parce qu'on espère qu'une partie de ces enfants, éventuellement, iront peut-être sur un marché de travail limité, si on veut, ou un marché de travail régulier. Qu'on leur enseigne les éléments plus structurés dans leur langue, mais qu'ils aient des contacts avec une autre langue, qui est la langue française en l'occurrence, je me disais que cela... J'aimerais avoir votre réaction.

M. Bourgo: C'est toujours bien pour n'importe qui de connaître plus d'une langue et d'être intégré à un plus grand nombre de cultures et de langues possible. En théorie, c'est très beau. Je doute très fort, surtout au niveau d'une population de déficients mentaux, que cela porte des fruits directs. D'ailleurs, n'importe quelle commission scolaire, même les commissions scolaires anglophones, enseigne le français à ces enfants.

Une deuxième réaction se situe au niveau de la communauté. Je pense que ce qui est plus important pour nous au niveau de la communauté, c'est le fait d'interdire l'accès à des institutions qui sont reconnues comme étant anglophones, qui ont des liens historiques avec la communauté anglophone, qui ont été bâties souvent avec des fonds privés de la communauté anglophone et qui ont un lien historique avec cette communauté. Le fait de sevrer cette relation, cela veut dire que nous n'existons plus en tant que communauté. Cela veut dire que l'État nous dit: Vous pouvez avoir des services en tant qu'individus, mais, en tant que communauté, on vous condamne à être atrophiés, on vous condamne à ne plus exister en tant que communauté. Une communauté qui n'a pas d'institutions, c'est un... Cela n'existe pas, il n'y a pas d'épine dorsale. Les institutions reflètent la volonté d'une communauté de se prendre en main, de s'occuper de ses membres. Il y a une importance sociale des institutions anglophones qui vont au-delà de la simple question de la "dispensation" des services, mais qui vont directement à la notion de survie non pas d'individus, mais de survie d'une communauté linguistique.

J'aimerais apporter une précision aux remarques de M. le député tout à l'heure. Je pense qu'il y a deux groupes linguistiques au pays qui sont très différents des groupes ethniques. Les anglophones ne sont pas un groupe ethnique. Ils sont un groupe linguistique officiellement reconnu au pays. Il y a une très grande différence entre la communauté d'expression anglaise en tant que communauté linguistique et un groupe ethnique italien auquel j'appartiens, un groupe ethnique grec, sud-vietnamien ou n'importe lequel. Je pense qu'il y a une différence très importante.

M. Williams: Une petite précision sur la question.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez le mot de la fin, M. Williams.

M. Williams: D'accord. Vous avez posé une question très importante et c'est basé sur le principe du choix. Je pense aux personnes de Montréal-Est. Ce choix est établi dans la loi. L'article 6 donne ce choix. Ma réponse à votre question, c'est une autre question, mais c'est dirigé au CRSSS: Pourquoi le CRSSS établit-il toutes les barrières contre ce principe du choix d'une institution historique, comme M. Bourgo l'a mentionné, avec des liens dans la communauté? Cette personne a le choix d'y aller ou d'aller dans une institution plus proche. La sectorisation est absolument contre cet esprit. Si nous avons l'esprit bien établi dans la loi, article 6, si cet esprit était partagé dans le système des affaires sociales, cela causerait beaucoup moins de problèmes pour notre communauté concernant les questions d'accessibilité aux services.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je vous remercie beaucoup, messieurs et mesdames. Thank you Mrs Kelley. Thank you,

(Suspension de la séance à 16 h 1)

(Reprise à 16 h 3)

FSPIIQ et CEQ

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous allons entendre le mémoire suivant. J'invite donc la Fédération des syndicats professionnels d'infirmières et d'infirmiers du Québec et la Centrale de l'enseignement du Québec à présenter leur mémoire.

Bonjour, madame. Je vais vous demander de faire les présentations d'usage.

Mme Gagnon (Lucie): D'accord. À ma gauche, Mme Monique Giroux, vice-présidente de la Centrale de l'enseignement du Québec et M. Robert Beauregard, président de la section affaires sociales à la Centrale de l'enseignement du Québec. À ma droite, Francine Dufresne, conseillère syndicale à la Fédération des syndicats professionnels d'infirmières et d'infirmiers du Québec et, moi-même, Lucie Gagnon, vice-présidente de la fédération.

Vous avez probablement noté qu'on n'a pas produit de résumé, mais nous n'avons pas l'intention de vous faire la lecture du mémoire. Nous vous ferons une présentation sommaire et nous vous indiquerons régulièrement à quelle page nous sommes. Mme Giroux et moi allons nous partager la présentation. À la période des questions, selon qu'elles s'adresseront à elle ou à moi, on pourra y répondre.

Mme Giroux (Monique): La Fédération des syndicats professionnels d'infirmières et d'infirmiers du Québec de même que la Centrale de l'enseignement du Québec regroupent des syndiqués qui oeuvrent dans le secteur de la santé, des services sociaux et de l'éducation et qui sont appelés à vivre quotidiennement avec des politiques émises par le ministère des Affaires sociales. À l'approche d'une politique de la santé mentale au Québec, nous nous donnons la responsabilité, comme intervenantes et intervenants directs dans ce secteur, de vous faire part de notre perception de la réalité.

La création de cette sous-commission s'avère, selon nous, fort pertinente, puisqu'elle permettra, nous l'espérons, de rendre compte de la situation réelle vécue par les personnes atteintes de troubles mentaux.

Les difficultés que nous avons rencontrées lors de la cueillette d'informations sur les services actuellement offerts aux personnes atteintes de troubles mentaux auprès du conseil régional de la santé et des services sociaux de même qu'auprès du ministère des Affaires sociales nous démontrent que les services, lorsqu'ils sont disponibles, sont dans l'ensemble peu planifiés et peu contrôlés. Une réorganisation s'impose et on sait que dans différentes régions, entre autres, la Montérégie, Rimouski, les Laurentides, il y a des plans de réorganisation de services de santé mentale qui se mettent en place. Nos questions, à partir de ces plans de réorganisation, sont: À partir de quelles analyses et à partir de quelles évaluations, déjà, des régions aussi importantes mettent-elles en place une réorganisation?

De l'OPHQ, on a reçu aussi des statistiques qui concernent le pourcentage de personnes au Québec qui souffrent d'un handicap physique ou intellectuel. Cependant, on nous renseigne très peu ou pas sur les services offerts, comme tels, à ces personnes. Les statistiques que ces gens nous offrent sont des statistiques nord-américaines avec lesquelles on fonctionne sur un taux d'incidence, prévalence, pour la population du Québec, mais qui ne relèvent pas de façon systématique de la situation vécue dans la province de Québec. Donc, il y a des bémols à mettre pour ce qui pourrait s'appliquer chez nous.

Par ailleurs, des appels maintes fois répétés dans les différents services de données, au ministère des Affaires sociales nous ont permis aussi de constater qu'il n'y a pas vraiment de fichier qui comptabilise le personnel oeuvrant actuellement dans le domaine de la santé mentale et qu'il n'y a pas non plus, en ce qui concerne la liste des institutions qui donnent des services en santé mentale, un fichier très clair sur les types de services qui sont donnés un peu partout. Cela nous amène aussi à nous interroger sur les possibilités de toutes les démarches que la clientèle déficiente mentale a à faire pour finir par trouver, à un moment donné, des services dont elle a besoin. Quant à notre ministère des Affaires sociales, il n'a pas de fichier complet donnant ces informations.

Quelqu'un a dit un jour: À s'élever contre les déficiences, on en oublie souvent le handicap. Je pense qu'on ne doit pas nier une déficience ou un handicap, mais qu'il faut plutôt travailler à l'apprivoiser. Tout prouve que ce principe fondamental du respect de la personne handicapée n'est pas actuellement respecté. Des contraintes budgétaires, le coût des services, le souci de rationaliser les ressources humaines ont tellement accaparé l'attention et les énergies de l'appareil administratif qu'on en est venu à tenir compte de ces éléments au détriment de la qualité des services professionnels. La réinsertion sociale s'est souvent transformée en politique de placement, subordonnant les

droits et les besoins des individus à la disponibilité des services offerts ou aux contraintes des établissements.

La fédération et la centrale vous présentent donc dans ce mémoire le témoignage de leurs membres sur deux aspects particuliers: l'état des services et la situation que vivent les personnes handicapées et l'évaluation que nous faisons du processus de désinstitutionnalisation.

Des constats sur quelques services qui sont présentement en place, un premier sur l'hébergement en institution. Selon l'Office des personnes handicapées du Québec, 88 % des personnes vivant avec une déficience intellectuelle présentent un potentiel d'autonomie fonctionnelle suffisante pour développer une intégration complète à la vie sociale. Ce même organisme considère que le fort taux d'institutionnalisation des personnes déficientes mentales semble démontrer que l'on est encore loin de favoriser l'intégration maximale de ce groupe, au Québec.

Si l'on regarde maintenant les chiffres, à la suite d'une telle affirmation, nous sommes surpris que l'OPHQ parle d'un fort taux d'institutionnalisation - à la page 6 - lorsque, en 1981, on estimait à 191 599 le nombre de personnes qui avaient une déficience mentale au Québec et que sur ce nombre 13 000 étaient en institution. Donc, 6, 6 % bénéficiaient de services en institution. Il faut donc considérer que 93, 4 % de la population handicapée mentale vit à l'heure actuelle en société. Donc, pour nous, une politique de santé mentale ne doit pas viser uniquement les personnes suceptibles d'être réintégrées 6 la société, mais aussi de façon globale toutes les personnes qui sont présentement à l'intérieur de la société avec un manque flagrant de services. Il est à remarquer qu'en 1979-1980 4672 personnes handicapées recevaient des services d'hébergement en centres d'accueil et, en 1981, 3432 en centres psychiatriques, soit un pourcentage d'environ 4 %. Quand on évalue la population de déficience mentale sévère et profonde à l'intérieur de la population globale de déficients mentaux qui est de 5 %, on peut se dire que ce pourcentage n'est même pas couvert présentement par les institutions.

C'est donc pour ces deux catégories de personnes que nous nous interrogeons sur le discernement du ministère des Affaires sociales et des établissements dans leur profession de foi sur la réinsertion sociale.

En page 8, le constat que fait l'OPHQ est à savoir que non seulement les personnes ayant une limitation intellectuelle continuent d'entrer dans les institutions, mais encore que le nombre augmente plutôt que de diminuer. Nous éprouvons aussi des difficultés avec cette affirmation puisque, en 1979-1980, au chapitre des centres d'accueil seulement, il y avait 4672 personnes vivant en internat et la réalité au 31 mars 1983 était de 3575, donc une baisse de 1097, soit 23 %, et ce sont des données qui nous ont été fournies par des représentants du ministère des Affaires sociales.

On est très conscient que le milieu institutionnel est de plus en plus vertement critiqué et son rôle est fortement remis en question. Cependant, dans la mesure où les critiques adressées au milieu institutionnel sont méritées, elles n'écartent pas à notre questionnement à savoir si la désinstitutionnalisation est devenue la panacée à tous les problèmes reliés à la maladie mentale. On est tenté de reprendre les propos de Mme Martin-Godbout qui disait: "Le milieu naturel serait-il donc devenu le remède miracle à la mode pour guérir tous les maux dont notre société est affligée et soulager les contribuables qui le sont encore plus?" Et nous ne sommes pas les seuls à nous inquiéter devant cette problématique de la désinstitutionnalisation. Le Regroupement des parents et amis du malade mental qualifie d'aberrante la désinstitutionnalisation pratiquée depuis quelques années. L'Association des hôpitaux du Québec dresse elle aussi un constat peu édifiant de l'intégration. Elle nous dit: "Les centres hospitaliers qui ont tenté d'alléger leurs structures en développant des pavillons, foyers, familles d'accueil soulignent combien il est difficile de maintenir une qualité de vie de nature thérapeutique. En effet, souvent ces ressources extérieures ou intermédiaires ne s'inscrivaient pas dans une programmation d'ensemble en santé mentale. " Cela amenait des problèmes de fonctionnement importants.

L'OPHQ ne se réjouit pas non plus des constats qu'elle fait sur le retour au milieu des personnes qui avaient des troubles psychiques et émotionnels. Même si ce n'est pas de la même catégorie dont nous parlons, on doit prendre aussi une part du bilan qui est fait sur cette mécanique de réinsertion. Elle nous dit: "On possède peu de données sur les personnes ayant des troubles psychiques et émotionnels; on sait que 7400 d'entre elles sont hébergées en centres hospitaliers psychiatriques. Il y a eu une évolution très nette au cours des dernières années vers un retour dans le milieu de vie. Elle ne s'est cependant absolument pas traduite par une amélioration des conditions de vie des ex-résidents de centres hospitaliers psychiatriques. Aucun service de soutien n'a été mis sur pied pour leur venir en aide et aucun suivi n'est assuré. Ils sont maintenant les pensionnaires des maisons de chambre, à la remorque des tenanciers ou d'autres chambreurs pour qui le bien-être n'est pas toujours une priorité. Une partie d'entre eux retournent périodiquement au centre hospitalier. "

Malgré tout cela, malgré ce constat, il est important de constater avec quelle

célérité les directions de centres d'accueil procèdent à la désinstitutionnalisation des déficients mentaux depuis un certain temps. (16 h 15)

Ce qui choque le plus dans ce qui nous semble être une opération de "dumping", c'est l'absence de consultation la plus flagrante, que ce soit au niveau du personnel syndiqué dans lequel on retrouve les intervenants directs ou que ce soit avec les parents. Lorsque ces intervenants directs ou les parents émettent des réserves sérieuses dans le cas de personnes vivant avec une déficience mentale profonde et ayant, de surcroît, des problèmes de comportement, on les culpabilise et on s'efforce par tous les moyens d'invalider leur expertise. Dans un tel contexte, que faisons-nous d'un des objectifs mis de l'avant par l'ACAQ, à savoir de "dégager avec les représentants syndicaux mandatés les conditions au chapitre de la mobilité des ressources humaines, des conditions des conventions collectives susceptibles de permettre la réinsertion communautaire des ressources?" Bien sûr que dans un régime de décret les employeurs auront certes plusieurs droits, mais est-ce ainsi qu'ils obtiendront une réelle collaboration sur la mise en place de services de qualité pour les bénéficiaires?

On parle également de l'application du principe à savoir que les personnes doivent vivre en institutions en fonction de leurs besoins. Si on se réfère encore une fois aux deux catégories sur lesquelles nous avons canalisé notre attention, on a expliqué précédemment que 1097 personnes ne bénéficiaient plus du service d'internat en centre d'accueil. Il nous est toutefois agréable de constater que le nombre de personnes vivant en foyers de groupe rattachés à des centres d'accueil en 1979-1980 est passé de 484 à 615 en 1983. Toutefois, le nombre de personnes chez qui a été diagnostiquée une déficience mentale sévère est passé de 7664 en 1981 à 7851 en 1984, soit une augmentation de près de 200 personnes en deux ans. Le nombre de personnes ayant une déficience mentale profonde est passé de 1981 à 1984 par une augmentation de près de 50 personnes, soit un total de 235 environ pour les deux catégories de personnel, donc une augmentation de la clientèle à servir qui est plus lourdement handicapée sur le plan intellectuel. Toujours dans le réseau des centres d'accueil, nous sommes passés de 5156 vivant soit en internat, soit en foyer de groupe en 1980 à 4190 pour les mêmes catégories en 1983 malgré une baisse de ressources pour ce genre de services.

Pour ce qui est de la qualité de vie en foyer, lors d'un atelier présenté au cinquième colloque régional de la Montérégie, un document en date du 19 mars 1985, du centre d'accueil Anne-LeSeigneur attire l'attention sur les faits suivants: "Lors de la recherche d'un appartement - ce sont des gens qui sont allés contacter des gens du milieu qui parlent - on a pu constater que les gens étaient, de prime abord, un peu méfiants. Mais, dès qu'on a pris le temps de leur expliquer ce qu'était la déficience mentale ainsi que le suivi offert par le service d'adaptation communautaire, les gens prenaient le temps de revenir sur leur première idée et, bien souvent, ils étaient prêts à nous louer l'appartement. " Là, on donne des exemples. Il y a même un propriétaire qui a prêté des meubles à un client parce qu'il s'en allait seul dans un appartement. Il y a une vieille dame qui a décidé... Mais je pense que ce genre d'affirmation nous pose la question à savoir qu'en sera-t-il quand ces gens-là n'y seront plus et est-ce que, socialement, nous devons accepter de reporter notre responsabilité sur des gens bénévoles qui, par un concours de circonstances, se trouvent dans la même maison d'habitation ou dans un même environnement et qui décident d'aider des gens qu'on veut intégrer à la société? Dans l'éventualité où ce texte rapporterait rigoureusement la réalité, il n'en reste pas moins que, pour avoir la véritable couleur de la désinstitutionnalisation dans ce centre d'accueil, il est utile de regarder l'autre côté de la médaille. Je vous réfère à un extrait de lettre d'un infirmier de ce centre d'accueil qui pose des questions pour l'amélioration des conditions de vie des bénéficiaires.

Évidemment, lorsqu'un bénéficiaire prend seulement un 7. up pour déjeuner, car personne n'est là pour influencer son hygiène alimentaire, est-ce qu'on contribue à améliorer ses conditions de vie? Lorsqu'on laisse les bénéficiaires régler leurs différends à coups de boite à lunch, est-ce qu'on les aide à améliorer leurs conditions de vie? Ce sont peut-être des situations qui semblent simplistes, mais qui font partie de la réalité de la réintégration. Lorsqu'un bénéficiaire circule en manteau de printemps non attaché à -15° parce qu'il n'y a pas de couturière au foyer pour réparer son manteau d'hiver, est-ce qu'on améliore sa santé? Est-ce qu'on améliore la sécurité lorsqu'on laisse un bénéficiaire prendre des médicaments, une dose de trois jours en une seule fois, un certain dimanche et qu'on est informé de cette situation le mardi suivant? Est-ce qu'on aide un bénéficiaire lorsqu'on le laisse travailler à déblayer une voie ferrée? Est-ce qu'on laisse à un bénéficiaire toute la sécurité qui lui revient lorsqu'on le laisse prendre des médicaments à trop forte dose? Je pense que ce sont des situations de fait, qui ont été perçues par la réalité que vivait un infirmier, sur lesquelles on doit s'interroger quand on parle de désinstitutionnalisation.

Est-ce qu'on aide un bénéficiaire lorsque certains actes faits habituellement par le personnel infirmier vont être délégués à d'autres catégories de travailleurs?

Curieusement - je pense qu'il est important de le noter - il nous fallait obligatoirement, comme travailleurs, une assurance-responsabilité de 500 000 $ annuellement, nous qui avions trois années de formation dans ce domaine. Maintenant, des substituts des parents vont le faire sans problème? Pourquoi ne nous appelle-t-on pas "substituts de parents", nous, les infirmiers et infirmières, si cela évite des poursuites judiciaires?

Nous précisons que cette lettre était adressée au directeur général et que la réponse qui a été faite n'a nié aucun des éléments mentionnés.

Pour ce qui est de la situation du maintien à domicile, nous croyons que les CLSC seront appelés à devenir la pierre d'angle dans le service de maintien à domicile. Cependant, nous avons de fortes interrogations. Quand on pense que, présentement, les CLCS ont comme budget 12 $ par semaine par individu en maintien à domicile et qu'on compare avec ce que les centres d'accueil ont, soit un minimum de 48 $ par jour, quelle est la possibilité pour les CLSC d'assumer des responsabilités comme celles qu'on voudrait leur transférer? Quand on calcule aussi le nombre d'interventions que vont demander les personnes qui vont vivre la réinsertion, un nombre d'interventions beaucoup plus important avec une périodicité beaucoup plus importante, on a, encore là, de fortes interrogations sur les possibilités. On a deux craintes majeures: entre autres, l'engorgement des services de santé mentale des CLSC et une mobilisation des effectifs en ce sens au détriment d'autres catégories de bénéficiaires. On pense que ces personnes doivent avoir des services qui leur reviennent et qu'ils ne doivent pas leur être donnés au détriment d'autres groupes qui doivent, eux aussi, se référer aux CLSC pour avoir des services dans leur région. Faute de soutien, les CLSC deviendront-ils les points de chute des départements de psychiatrie et des centres d'accueil?

En ce qui concerne le loisir, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a mis de l'avant un programme national de soutien aux activités de loisirs en 1982. Remplaçant l'ensemble des programmes de soutien dispensés par le ministère, ce programme accentue le rôle des municipalités de maître d'oeuvre du loisir. Une enveloppe budgétaire a été émise à cet effet aux municipalités qui doivent se la partager au prorata de leur population et de leur indice de richesse.

Le MLCP soutient de plus un programme de loisirs assistés qui dessert les personnes lourdement handicapées. Ce programme attribue une enveloppe budgétaire de 105 000 $ aux organismes qui en font la demande. Mais qui, parmi ces organismes, aura la préoccupation des personnes handicapées? Les organismes qui représentent le patin artistique, l'âge d'or, le hockey mineur, les personnes handicapées physiques, tous ces organismes seront contactés. Qui représentera la personne handicapée mentale? Qui fera l'analyse de ses besoins? Considérant les sommes attribuées et le mode de fonctionnement, on pense qu'encore là les déficients mentaux seront les grands oubliés dans l'application d'une telle politique.

Un préalable à l'intégration des personnes handicapées intellectuelles s'impose donc, à savoir un mandat clair et précis aux services externes de les représenter auprès des instances décisionnelles et un programme de soutien financier établi et assumé par l'établissement répondant aux besoins qu'elles expriment en matière de loisirs.

Pour ce qui est des services éducatifs -et c'est une grande question - le ministère de l'Éducation publiait à l'automne 1978 un énoncé de politique sur l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Cette politique, accompagnée d'un plan d'action, faisait suite au dépôt du rapport COPEX qui avait été produit par le Comité provincial de l'enfance inadaptée et rendu public en 1976. Le leitmotiv de cette politique était de favoriser l'accès à un service public d'éducation en vue d'une éducation de qualité dans le cadre le plus normal possible. De plus, les dernières politiques du ministère de l'Éducation sur les services en difficulté d'adaptation et d'apprentissage ont un peu plus explicité les principes sous-tendus par le rapport COPEX.

Cependant, les enseignants et les enseignantes considèrent qu'au fur et à mesure qu'on a des énoncés de politique en enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage on a une dose importante de poudre aux yeux qui nous est lancée. On pense que le processus qui a été vécu depuis, entre autres, l'avènement des décrets sur les politiques en enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage ne nous laisse aucune marge d'optimisme pour une politique d'intégration des handicapés physiques ou mentaux.

La mécanique qu'on a vécue au niveau de l'enseignement en enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, je pense que les membres de la commission en sont informés, cela a fait en sorte que nous avons dénoncé un type d'intégration sauvage parce qu'on avait dans nos écoles des services, des ressources en enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage qui ont été les premières à passer dans le hachoir des coupures qui ont fait en sorte qu'on a intégré des enfants en leur coupant des

possibilités et des responsabilités de services qu'on avait.

Quand on en arrive comme enseignant et enseignante à envisager l'intégration des handicapés mentaux, on a beaucoup de problèmes à voir comment cela pourrait se vivre. On nous reproche très facilement de dire que le premier réflexe que l'on a quand on parle d'intégration de déficients mentaux c'est de dire non, que ce soit au niveau de la direction de l'école, des commissions scolaires ou des enseignants. Mais je pense que l'expérience qu'on a vécue au niveau de l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage nous fait mettre de fortes réserves. Non pas qu'on est contre l'intégration des enfants au niveau des services publics d'éducation, je pense que la société québécoise a la responsabilité de les mettre en place, sauf que cela amène des préalables importants d'information, entre autres au niveau de la population et des parents. Dans ce cadre, nous sommes prêts, comme organisation syndicale, à y contribuer.

Quand on fait face dans nos classes à des enfants handicapés mentaux ou handicapés physiques qui sont intégrés et que c'est souvent les parents des enfants dits normaux qui interviennent ou qui réagissent, je pense qu'on est en droit de dire qu'il y a une démarche d'information et de sensibilisation qui revient au gouvernement d'assumer auprès de la population pour faire en sorte que cette intégration puisse se faire correctement et qu'on l'applique en faisant de plus en plus des pas très positifs. Qu'on élimine des barrières. Peut-être que les préjugés font partie de la société d'aujourd'hui. Il faut composer avec. Je pense que, si on assume comme gouvernement ou comme responsable au niveau de l'éducation une responsabilité d'information et de sensibilisation des parents et de la population en général, on contre déjà là un fort pourcentage d'arrêt de cette mécanique d'information. De même, une planification est aussi essentielle.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse de vous interrompre. Je pense que les infirmières veulent en présenter une partie aussi.

Mme Giroux: Oui. C'est fini.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Étant donné qu'on a déjà pris au moins 25 minutes, j'aimerais peut-être...

Mme Gagnon: Je vais reprendre à partir de la page 26 rapidement. On dit que, compte tenu de l'état des services offerts aux personnes atteintes d'un trouble mental, il y a lieu de s'interroger sur l'organisation actuelle des services de santé mentale. Dans la mesure où c'est un processus amorcé depuis au moins 25 ans et qu'il s'est poursuivi à une vitesse qui n'a pas tenu compte des aléas et des difficultés, nous pensons qu'il est de notre responsabilité de proposer un temps d'arrêt. Loin de nous l'idée de retourner à l'époque des asiles, mais nous ne voulons pas non plus que l'intégration des personnes handicapées redevienne uniquement un problème d'ordre familial ou religieux comme il l'était au XIXe siècle.

Si on regarde l'évolution dans le domaine des maladies mentales au Québec, cela remonte à peu près à la période de la révolution tranquille dans les années soixante au cours de laquelle les secteurs de la santé, des services sociaux et de l'éducation furent particulièrement touchés. Il y a eu d'abord en 1962 la commission Bédard chargée de l'étude sur les hôpitaux psychiatriques qui proposait entre autres la dépopulation des asiles. Il y a eu bien des modifications avec ça, mais cela a été marqué par la diminution de la capacité des grands hôpitaux psychiatriques. (16 h 30)

On remarque que cette décennie soixante est encore nettement marquée par l'approche médicale. C'est avec la réforme Castonguay-Nepveu dans les années soixante-dix qu'on parle vraiment de réinsertion des personnes handicapées. Le rapport Castonguay conclut qu'il n'y a pas lieu d'accorder à la maladie mentale et aux services psychiatriques un statut à part. Cela doit être intégré. Cela doit s'inscrire dans une conception globale de la santé qui considère la personne dans sa totalité et non seulement sous son aspect physique. En 1971, la Loi sur les services de santé et les services sociaux abolit non seulement la distinction entre maladie mentale et physique, mais abolit également l'asile comme lieu privilégié des soins psychiatriques.

L'orientation est véritablement donnée en 1977 par la publication du livre blanc intitulé "Proposition de politique à l'égard des personnes handicapées" et qui concluait à des mauvaises conditions de vie des personnes handicapées. Mais 1977, c'est également la période des coupures budgétaires. Alors, on veut augmenter la productivité en diminuant les. ressources, mais particulièrement en santé mentale. Alors qu'on veut couper partout, la demande pour ces ressources continue de croître.

Il y a une distinction à faire en ce qui a marqué l'intégration des personnes handicapées dans les années soixante-dix par rapport à l'orientation de maintenant. Dans les années soixante-dix, on a cherché à normaliser les personnes handicapées en leur assignant un rôle social qui correspond aux attentes de la société. Les résultats ne furent pas probants et les personnes handicapées s'intégrèrent mal à cette société

qui ne tolère que le normal et qui s'accommode peu du aussi normal que possible. Depuis quelques années, le courant est de valoriser le rôle social de la personne handicapée, c'est-à-dire de la faire accepter par cette même société qui l'avait jadis rejetée. L'intégration devra dorénavant se faire en fonction des capacités de la personne et miser sur la part sociale des personnes handicapées plutôt qu'en fonction des attentes de la communauté. Je pense que c'est la distinction qui est à faire entre les deux décennies quant à l'approche qu'on avait sur la question des maladies mentales. Autrement dit, il faut reprendre le processus de socialisation de ces personnes qui avait été interrompu à un certain moment.

Mais des difficultés sont survenues par rapport à la réinsertion. Cela n'a pas donné les résultats escomptés. On peut s'interroger sur les objectifs de départ qui ont donné lieu à cela et on peut s'interroger aussi sur le fait que, depuis un certain temps, le milieu institutionnel constitue une lourde charge financière pour l'État, et on ne voudrait pas que ce soit le motif qui amène le courant de désinstitutionnalisation actuel. Sur cette question, malgré les difficultés, le processus poursuit son cours et, en 1981, c'est la Conférence socio-économique sur l'intégration de la personne handicapée.

A la page 34, on soulève la question qui est posée lors de cette conférence. Je ne vous ferai pas la lecture, mais la question donnait aussi la réponse. D'abord, les ressources n'avaient pas été mises en place par la société, mais par la structure gouvernementale sans étude préalable. Ensuite, les mandats n'étaient pas clairs, mais on peut également présumer, comme ce fut le cas pour la réforme Castonguay, qu'il y eut trop de mandats et trop d'instances. Autrement dit, la planification s'est réduite à la création d'une superstructure administrative trop occupée à se mettre en place pour se préoccuper des véritables mandats. Enfin, les contraintes organisationnelles et budgétaires, le cloisonnement entre les divers réseaux de services, les ressources professionnelles et les agents sociaux expliquent l'échec de la réinsertion sociale. Nous osons ici vous faire remarquer que ce sont des raisons du même ordre qui expliquent également l'échec de la réforme de tout le système de santé qui suscitera des débats dans les prochains mois.

Il faut également s'interroger sur la politique d'ensemble de "À part... égale" qui propose un véritable projet de société, mais, depuis 25 ans, il y a eu des politiques. Est-ce qu'on en a fait le bilan, parce qu'elles proposaient toutes un projet de société, les politiques en santé mentale? Dans ce sens-là, on dit: Les grandes orientations de la politique proposée dans "À part... égale" font l'unanimité, mais on devrait s'interroger sur certains des principes. Comment envisage-t- on la participation des personnes handicapées aux décisions individuelles et collectives quand les individus dits normaux n'ont pas la possibilité de participer à ces mêmes décisions? Peut-on présumer d'une qualité de vie décente pour les personnes handicapées quand, déjà, une bonne partie de la société vit toujours sous le seuil de la pauvreté? Est-ce qu'on va mieux réussir une approche globale de la personne dans le cas de troubles mentaux qu'on ne l'a fait dans le cas des problèmes courants de santé? Que signifie exactement la protection maximale des personnes handicapées contre les facteurs de risque d'apparition de déficiences physiques et mentales?

Enfin, l'accessibilité universelle? Il ne suffit pas qu'un service devienne gratuit pour être accessible, encore faut-il qu'il le soit pour tous, qu'il soit disponible, pertinent et efficace.

On pourrait continuer longtemps dans ce sens-là, mais on dit: Enfin, l'OPHQ démontre de façon générale l'actuelle inaccessibilité aux services et, dans un certain sens, la discrimination qui s'établit en fonction de l'âge, de la cause de la déficience, du degré de limitation fonctionnelle ainsi que du lieu du domicile.

L'OPHQ propose des solutions, il propose entre autres un plan de services pour les personnes déficientes mentales et pour les personnes handicapées. Nous devons admettre l'effort qu'il fait dans ce sens-là pour prévoir des plans d'intervention dans tous les domaines que ce soit en santé, loisir, adaptation et réadaptation, éducation, travail et maintien dans le milieu. Mais on s'interroge sur l'applicabilité de son plan de services parce qu'entre autres il nous apparaît que ce plan est mieux adapté pour les personnes handicapées physiques. Il ne tient pas compte des catégories de personnes handicapées mentales qui auront toujours besoin d'être guidées physiquement, d'être orientées dans le temps et dans l'espace et qui nécessiteront une surveillance continuelle.

Un autre aspect qui nous inquiète, au rythme où se déroule la désinstitutionnalisation, on se retrouvera confronté rapidement à des problèmes sociaux beaucoup plus graves que ceux qu'on appréhende et qui seront engendrés par des phénomènes imminents de rejet, de mésadaptation, de dépendance et, en fin de compte, par une forte incitation à la réinsertion en institution.

La fréquentation actuelle des services d'urgence psychiatrique démontre ce dernier point et, dans tout le débat sur la question de l'engorgement des urgences, on sait que c'est une des catégories qui fait que les urgences sont engorgées, les malades psychiatriques et les personnes âgées. Dans ce sens-là, il y a une erreur dans le mémoire à la page 42. Dans les cas d'urgence psychiatrique, dans les consulta-

tions en urgence, dans les cas de psychiatrie, 65 % ont des antécédents psychiatriques, mais 40 % en interne; 40 % de ces 65 % sont des gens qui ont déjà été en résidence et qui sont retournés en société.

Une autre difficulté quant à l'applicabilité de son plan de services - c'est la constante qui ressort - c'est l'absence d'étude épidémiologique sur le sujet. On ne connaît pas exactement le type de population auquel on veut offrir ces services. Les quelques statistiques que nous disposons sur le taux de maladies mentales sont encore issues de pays étrangers et toujours basées sur le taux de prévalence.

Un autre point sur la question de la réinsertion des personnes handicapées qu'on n'a pas pu passer sous silence, c'est l'impact sur les femmes. Dans ce sens-là, j'invite les membres de la commission à prendre connaissance du mémoire qui a été présenté par les organisations syndicales sur la politique familiale. Quand on parle de réinsertion et de maintien à domicile, en majeure partie, ce sont les femmes qui seront appelées à assumer ces responsabilités. Est-ce que ce sera de façon bénévole? C'est une question qu'on se pose.

Une autre question qu'on soulève quant à l'applicabilité du plan de services qui est proposé pour les personnes handicapées, c'est le droit aux soins. Dans ce sens, on a les tableaux qui sont à la page 55 et 56 qui indiquent le nombre de consultations pour des troubles physiques dans le cas des personnes handicapées physiques et mentales, des troubles qui sont détectés par le personnel des institutions. Qui va être chargé de le faire, de suivre ces malades sur le plan du dépistage d'autres troubles physiques en dehors de leur déficience? C'est la question qu'on se pose.

Enfin, nous interrogeons l'organisation actuelle du réseau des affaires sociales et sa capacité d'assumer une distribution efficace des services aux personnes atteintes de troubles mentaux et qui vivent dans la communauté. Ce qui nous fait nous interroger là-dessus, c'est qu'il n'y a vraiment aucun lien qui a été créé entre les divers établissements, entre les centres hospitaliers, entre les centres d'accueil et les CLSC. Il n'y a pas de coordination, chacun tire de son bord. Pour les centres hospitaliers, ils sont régis par des impératifs budgétaires. Pour les centres d'accueil, on dit qu'ils luttent pour leur autonomie, et qui plus est, pour leur reconnaissance sociale. Enfin, les CLSC sont moins visibles qu'ils devraient l'être et sont, à bien des égards, le déversoir des bénéficiaires qui sortent des centres hospitaliers, alors qu'ils devraient servir de porte d'entrée au système de santé et s'occuper davantage de la prévention. Ma collègue a parlé tantôt des budgets qui sont mis sur les services de maintien à domicile.

Dans ce contexte, ce n'est pas sérieux quand on pense que 12 $ par semaine, ce n'est même pas une heure de soins infirmiers par semaine. Alors, on peut s'interroger sur l'applicabilité de ces plans.

La conclusion, je ne vous en ferai pas la lecture. Ce qu'on dit, c'est que, compte tenu de la confusion et du désordre qui caractérisent actuellement la réinsertion des personnes qui souffrent de troubles mentaux, nous souscrivons à votre idée de procéder à une analyse de la distribution des services qui leur sont offerts, mais on est un petit peu inquiet sur l'état d'avancement du processus de désinstitutionnalisation, sur les possibilités qu'une telle analyse puisse être utilisée. Nos craintes sont davantage fondées quand nous considérons qu'au moins trois plans régionaux de réorganisation des services en santé mentale sont réalisés ou en voie de réalisation. À notre avis, ce procédé défie toutes les lois de l'orthodoxie. Il nous semble que vous devriez d'abord, à partir d'une consultation élargie, établir une politique de santé mentale qui, elle, pourrait servir de guide à l'élaboration des plans régionaux. Il me semble qu'on a un petit peu devancé ce qui devrait être un processus pour amener les choses sur ce plan. Enfin, une telle étude doit être plus qu'une étude épidémiologique, plus qu'une analyse des services. Elle devra mesurer concrètement la réception que réserve la population aux personnes qui seront réinsérées dans la communauté.

Ce que nous suggère ce qui se passe actuellement, c'est qu'il y a un temps d'arrêt qui est fait par rapport à la question de la désinstitutionnalisation, que les activités à la pièce cessent parce que je pense que les problèmes à régler dépassent les stricts aspects techniques et administratifs de l'organisation des services.

Dans ce sens, on arrive aux recommandations. Je ne vous ferai pas la lecture des constats puisqu'ils reprennent, synthétisés, ce qu'on a amené dans le texte. Pour ce qui est des recommandations, ce que proposent la Fédération des SPIIQ et la Centrale de l'enseignement du Québec, c'est qu'une étude systématique de l'état actuel des services offerts aux personnes handicapées mentalement soit effectuée; que les résultats soient distribués aux principaux intéressés (parents, groupes de promotion et syndicats); que soit entreprise une étude des besoins des personnes handicapées mentalement qui corresponde à leur réalité et non à des impératifs administratifs financiers, de rationalisation ou à des intérêts privés, qu'une campagne de sensibilisation et d'information soit entreprise auprès de la population, qu'un moratoire soit déclaré sur le processus de désinstitutionnalisation déjà commencé à quelques endroits sans que les intervenants se soient prononcés sur sa pertinence et son bien-fondé et sans même

que soit, au préalable, défini le terme lui-même; qu'une enquête soit menée auprès de ces établissements où il semble que cela a pris l'allure d'un placement en série uniquement en fonction de l'hébergement sans autre préoccupation quant au bien-être et à la capacité des personnes handicapées mentalement de vivre en société; que ce moratoire soit effectif tant et aussi longtemps qu'une consultation n'aura pas eu lieu sur l'état de la situation dans le domaine de la santé mentale au Québec et que le rapport ait été rendu public; que le gouvernement se penche sur la possibilité d'inscrire le plan de services pour personnes handicapées mentalement dans une véritable politique de santé mentale qui, elle, devra nécessairement s'inscrire à l'intérieur d'une politique globale de santé; que les travailleuses et les travailleurs du secteur de la santé soient étroitement associés à tout le processus de consultation et non pas uniquement quand on se demande comment on va modifier le type d'emploi dans notre convention collective pour s'adapter à cette réalité.

Vous avez, en annexe, deux exemples que je ne prendrai pas, mais que les membres de la commission peuvent consulter. C'est le cas de Contrefort et le cas du centre d'accueil Anne-LeSeigneur où on a procédé à une certaine forme de désinstitutionnalisation. Merci. (16 h 45)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je désire remercier la Fédération des syndicats professionnels d'infirmières et d'infirmiers du Québec, de même que la Centrale de l'enseignement du Québec pour leur mémoire qui est quand même un mémoire très intéressant qui soulève des questions ou des réflexions sur lesquelles nous nous arrêterons certainement.

Je voudrais, en premier lieu, vous dire comment cette commission a pris naissance, très brièvement. Pour nous, ce n'est pas pour dire: On réinsère les gens socialement parce que cela coûte moins cher, etc. Évidemment, on ne peut pas faire abstraction des préoccupations financières, mais c'est vraiment parce qu'on sentait qu'il y avait, dans la communauté, des gens qui étaient laissés pour compte, d'une part - je pense que tout le monde en est conscient et la société se réveille quand, tout à coup, il arrive des éléments plus dramatiques - à la suite de différents rapports qui avaient été reçus. D'autre part, on savait également que ce mouvement vers la communauté allait en s'accélérant. Finalement, le débat se trouve forcément à faire entrer en ligne de compte tout le problème de la désinstitutionnalisation. Je dois vous dire que, de notre côté, on veut vraiment regarder ce problème en fonction de ce que la communauté a à offrir à ces personnes, de sa préparation à les accueillir et, enfin, d'une foule d'autres éléments qui vont entrer en ligne de compte, et vous en avez souligné plusieurs dans votre mémoire.

Jusqu'à maintenant, il y a un consensus - si on peut parler de consensus, disons un certain consensus, pour ne pas être absolue dans mes propos - qui se dégage de ce que nous avons entendu. C'est que les gens disent: La vie en institution n'est certainement pas la vie la plus normale, la plus bénéfique pour un citoyen, même s'il a un handicap. Dans ce sens, des efforts doivent être déployés pour l'amener à mener une vie la plus "normale" possible. On pourrait aussi se chicaner sur la notion de normalité. Il y a aussi un consensus à savoir que ceci ne doit pas se faire sans les préalables requis et les gens sont conscients qu'il manque des ressources dans la communauté pour étayer cette désinstitutionnalisation.

Il y a une question plus précise que je voudrais vous poser en premier lieu. Dans votre mémoire, évidemment, vous êtes très pessimiste vis-à-vis de la désinstitutionnalisation. Il y a une chose en particulier que j'ai notée pour illustrer cela. C'est peut-être en page 41 ou 33; non, c'est à la page 36. Quand vous parlez de désinstitutionnalisation, je trouve qu'il y a presque un sentiment de défaitisme là-dedans. Vous dites: Comment peut-on - en dépit des bonnes intentions de l'OPDQ et des objectifs de "À part... égale, " etc. - envisager de réaliser tous ces objectifs quand les individus dits "normaux" n'ont pas eux-mêmes la possibilité de participer à ces décisions, vivent toujours sous le seuil de la pauvreté, n'ont pas d'emplois, etc?

Il est vrai qu'il y a cette réalité dans la société, mais si on s'en tenait à cela ou à cette crainte que ces problèmes nous posent on laisserait tous les autres en institution pour ne pas en retrouver davantage qui, possiblement, peuvent être dans des conditions similaires. Il y a là un jugement à porter. Est-ce que la vie en institution - je pense qu'il faut faire des différences entre les types d'individus qui sont dans les institutions - elle-même n'est pas restreignante du point de vue d'une participation quelconque à un monde plus normal?

Je pose la question d'une façon précise. En dépit de ce qui m'apparaît comme d'un grand pessimisme à l'endroit de la désinstitutionnalisation, il reste que toutes les sociétés... Je pense qu'on ne peut pas tous nécessairement penser que c'est pour des raisons financières ou budgétaires. Il est vrai que quelquefois, en apparence, il semble y avoir des coïncidences sur lesquelles il est permis de s'interroger, mais c'est un phénomène trop général de l'évolution des sociétés occidentales, si on regarde en Europe, aux États-Unis et, évidemment, ici un peu moins mais, quand même, de plus en

plus au Canada.

Est-ce que cela ne répond pas quand même à une philosophie qui a évolué à l'endroit du respect de l'autonomie qu'on doit aux individus, etc. ? Ce mouvement de désinstitutionnalisation s'inscrit-il aussi là-dedans comme philosophie de base? Vous-mêmes, êtes-vous en accord avec les grands paramètres d'une politique de réinsertion sociale? Quel rôle êtes-vous prêt à y jouer? À la fois les enseignants, à titre d'éducateurs spécialisés, et les infirmières ont un rôle de premier plan à jouer dans cette réinsertion sociale.

Mme Gagnon: Ce qui peut apparaître comme une forme de pessimisme, c'est lorsqu'on regarde les exemples qu'on a actuellement - on a mis les plus flagrants en annexe. Ce n'est peut-être pas toujours aussi dramatique. Ce qu'on dit, c'est qu'on est dans un processus où on va regarder l'ensemble du système de santé au Québec; une commission est chargée de s'y pencher. Ne serait-il pas possible de prendre un temps d'arrêt au lieu de le faire sans qu'il y ait évaluation des ressources disponibles, sans qu'il y ait évaluation de quel type de ressources ces personnes-là vont avoir besoin, sans savoir ce que les CLSC vont pouvoir leur offrir? Ne serait-ce pas mieux? Au lieu de les réinsérer et, quelque temps après, de les ramener en institution parce que cela n'a pas fonctionné pour différentes raisons, ne serait-il pas possible de prendre un temps d'arrêt et de regarder comment on pourrait faire pour éviter ce qui s'est déjà produit dans les cas de désinstitutionnalisation?

Bien sûr, comme intervenantes, nous avons un rôle qui est difficile à jouer actuellement. Notre premier rôle, ce serait, lorsqu'ils viennent en institution, de tenter de les garder autonomes, de leur maintenir une forme d'autonomie. Mais, actuellement, c'est difficile, compte tenu de la charge de travail et du nombre dont on a à s'occuper dans une journée. C'est difficile de les garder autonomes. On aurait d'abord ce grand rôle si on pouvait finir par regarder les soins de santé au Québec et dire: Nous, comme intervenantes, quel devrait être notre rôle dans chaque type d'institution de notre système de santé?

En plus, si je parle comme intervenante au niveau des infirmières, il serait prévisible que cela amène un transfert de ressources vers les CLSC, si on avait des programmes de maintien à domicile, parce que ce n'est pas l'équivalent de moins d'une heure par semaine de soins infirmiers. Au niveau des éducateurs, il faut prévoir des mécanismes de recyclage ou d'actualisation, parce qu'on n'aborde pas ce rôle de la même façon selon qu'il est tenu en institution ou en vue du maintien à domicile. Il y a des politiques comme cela qui doivent être établies, des programmes qui doivent être établis. On se demande s'il ne serait pas possible de prendre un temps d'arrêt plutôt que de continuer et de dire après: On reviendra et on corrigera les problèmes qui, au niveau de l'administration, se corrigent peut-être assez facilement, mais pour les bénéficiaires les rechutes sont souvent plus longues à corriger que si cela avait été fait, dans un premier temps, avec une politique d'ensemble.

On a vu aussi une autre chose, lorsqu'il y a eu des tentatives ou des formes de désinstitutionnalisation: la résistance de la population, particulièrement par rapport aux déficients mentaux. Pour les déficients physiques, je pense qu'il y a un grand pas qui est fait, que ce soit dans les édifices publics ou un peu partout, c'est devenu "normal" - entre guillemets. Mais par rapport à la déficience mentale la population a encore des réticences. À ce niveau-là aussi, il y a un travail qui doit être fait.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Votre suggestion, c'est de dire qu'il y a présentement une commission - je crois que cela s'appelle une commission; en tout cas! -d'étude sur la santé au Québec pour peut-être mieux définir la politique de la santé, mieux organiser la distribution, selon le mandat qui a été donné. Je dois dire que l'Opposition officielle était d'accord là-dessus aussi, parce qu'on pensait qu'il fallait faire un point d'arrêt pour voir où on s'en allait. Vous dites: Étant donné que ceci est en marche... Mais n'oubliez pas qu'ils ont un mandat qui s'étend sur deux ans et demi. Connaissant le fonctionnement, il se peut que, peu importe le gouvernement, après deux ans et demi, on demande une extension de six mois. Cela fait trois ans et, après cela, on revient au Conseil des ministres. On peut alors se retrouver à quatre ans avant que... Ce mandat en est un qui est en gestation depuis au moins mai 1984, parce que les problèmes sont là. Vous avez dans la communauté des gens qui sont rendus là, qui sont mal pris, qui sont rejetés. Enfin, cela ne sert à rien de faire des descriptions dramatiques. Je pense que tout le monde les connaît.

Il y aurait aussi ce danger d'un peu tout arrêter, d'un peu tout immobiliser alors qu'on sait, par exemple, que - je donne cela comme exemple - dans les centres d'accueil, on parle de l'abolissement de la clientèle, qu'il faut apporter un peu plus de soutien dans les centres d'accueil, etc. On n'est pas pour arrêter au cas où on se tromperait. Je pense qu'il y a des problèmes qui sont réels, dont il faut s'occuper.

Maintenant, ce que vous dites, c'est peut-être que ces expériences de désinstitutionnalisation soient faites dans des meilleurs conditions, soient mieux encadrées, soient peut-être plus à titre expérimental

que de la façon dont on procède aujourd'hui. Mais, l'envers de la médaille, c'est aussi qu'on en a eu ici qui sont venus nous dire, dans le cas justement de la désinstitutionna-lisation de déficients mentaux... Je suis assez familière avec la déficience mentale, je sais ce qu'est un déficient profond, en fait, les différents niveaux de fonctionnement. À ma grande surprise - je l'avais déjà entendu dire, mais, là, je l'ai entendu de la bouche des intéressés - dans le cas des déficients très sévères ou, enfin, ce qu'autrefois... Peut-être pas les très sévères, mais même les très sévères qui n'ont pas d'handicaps multiples ou même avec des handicaps multiples, ceux-ci avaient été placés dans des foyers. Il semble qu'on ait créé autour les conditions nécessaires, parce que ces enfants-là sont placés quelquefois dans des foyers de membres du personnel de l'institution. Ils continuent de travailler avec eux, mais à titre d'éducateurs - on va les appeler familiaux, ce n'est pas comme cela qu'ils les appellent - et on note des progrès. Je suis certaine que dans ces cas-là - je ne suis pas allé le mesurer - probablement, on n'aurait pas noté de progrès en institution avec cette clientèle. Alors, cela me laisse perplexe aussi. Je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas aller vite. Il faut encadrer cela, mais même dans ces cas très très profonds... Et peut-être que vous, qui avez travaillé directement avec ces enfants-là... Au point de départ, je me disais: Cela n'a presque pas de bon sens de placer ces enfants dans des foyers nourriciers. Ils vont être déplacés et replacés, etc. Mais on m'a parlé d'expériences concluantes et positives. Alors, j'aimerais peut-être...

M. Beauregard (Robert): Ce à quoi vous faites allusion probablement, ce sont les familles d'accueil de réadaptation. Or, on sait que, dernièrement, des centres d'accueil ont mis sur pied, justement, des familles d'accueil de réadaptation, permettant que les intervenants soient un peu plus formés qu'une famille d'accueil normale. Dans les familles d'accueil normales, on n'exige pas un diplôme d'études collégiales en éducation spécialisée ou autre chose. Je pense qu'on n'exige même pas d'expérience pertinente dans le domaine. Alors, pour une famille d'accueil ordinaire, personnellement, je serais tenté de remettre en question les objectifs thérapeutiques qui y sont poursuivis, surtout lorsqu'on parle de déficients profonds, sévères, c'est-à-dire d'un quotient intellectuel de 0 à 37, supposons, si on veut cumuler ces deux catégories de personnes.

J'ai lu un article, justement ce matin, qui disait que c'était peut-être plus facile de placer des déficients profonds parce qu'ils n'avaient pas nécessairement des comportements inappropriés car ils étaient souvent isolés dans leur maison - pas isolés, mais je cherche un terme qui... (17 heures)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ils peuvent être...

M. Beauregard: C'est cela. Alors, ils n'étaient pas confrontés à certaines épreuves sociales, si je peux me permettre d'appeler cela ainsi. On sait aussi qu'au niveau de la famille d'accueil de réadaptation cela nécessite une formation plus grande. Les recommandations de certains centres d'accueil vont dans le sens de ne pas trop pousser ce type de formule parce que c'est, justement, trop onéreux. Il y a un paradoxe. Personnellement, je suis certain qu'un bon suivi, avec des intervenants conscientisés et équipés, donner des résultats intéressants. Mais, dans le cadre d'une famille d'accueil ordinaire, je pense que c'est... Leurs conditions de travail doivent être assez précaires puisque le soutien des CSS et des centres d'accueil est souvent déficient. J'ai personnellement rencontré et fréquenté des personnes qui ont vécu en famille d'accueil normale et elles déploraient l'absence de soutien de la part, soit du centre d'accueil, soit du CSS. Il y aurait peut-être des nuances à faire. Je n'aurais pas tendance à faire une profession de foi à l'égard du fait que la famille d'accueil, c'est meille'ur. De prime abord, je pense qu'on aurait intérêt à examiner cela plus à fond.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Par contre, si c'était dans un contexte bien encadré, avec les ressources...

M. Beauregard: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... nécessaires, vous n'êtes pas contre cela?

M. Beauregard: Absolument pas. J'ai eu l'occasion d'assister au congrès de l'AQDM à Jonquière, il y a quelques mois. Un individu est venu nous expliquer les bienfaits de la désinstitutionnalisation. J'ai eu l'occasion de discuter un peu avec lui. Ce qui ressortait, c'était que la désinstitutionnalisation était profitable, mais il m'a apporté un exemple qu'il serait assez difficile d'expérimenter dans la majorité des centres d'accueil. Je vous fais un résumé du témoignage qu'il a apporté. Cela concerne un jeune autistique qui avait plusieurs comportements tout à fait inappropriés et violents. Ce qu'on a fait pour en venir à bout, c'est qu'on l'a mis pendant trois ans avec trois éducateurs spécialisés, qualifiés, jour et nuit, durant les trois quarts de travail, continuellement avec lui. Au bout de trois ans, la personne a pu être réinsérée socialement. Dans ces conditions, je pense qu'on peut espérer des fruits tout à fait intéressants de la désinstitutionnalisation. Mais je m'interroge à savoir si le ministère

des Affaires sociales, les centres d'accueil ou les CRSSS peuvent allouer les budgets nécessaires pour que non seulement des expériences semblables se fassent dans un projet pilote... Si on veut le faire sérieusement, allons-y, mais ce n'est pas comme cela que cela se produit actuellement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vais laisser la parole à mes collègues et je reviendrai ensuite. Merci. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Oui. C'est un mémoire -je ne suis pas psychiatre - qui comporte deux volets. Si on le lit d'une façon rapide, on peut croire que vous êtes complètement contre la réinsertion de ces malades dans la société. Par contre, vous donnez une foule d'exemples de services d'appoint qui n'existent pas quand les malades sont rendus dans cette société, ce qui fait que vous n'êtes pas tout à fait contre. Mais vous avez une autre préoccupation qui domine tout cela. C'est peut-être là que vous êtes les plus mal pris. Vous êtes pris, vous aussi, entre le pain et le beurre qui est votre milieu de travail. Je sens dans ce rapport une inquiétude de déplacement, de perte d'emploi. C'est une grande insécurité qui entoure les travailleurs. Il n'y a pas, dans le mémoire, d'indices de réinsertion de ces travailleurs. Comment pourrait-on faire un suivi tout en plaçant ces malades... Une autre façon de voir... Comment pourriez-vous les suivre, vous aussi? Je trouve un petit peu malheureux que les syndicats et les travailleurs ne puissent pas trouver de formule pour accompagner ces malades où on pourrait donner un service qui pourrait faire partie de tout ça. Ce qui me fait mal, c'est que je ne peux presque pas prendre au sérieux le fait que vous compariez en pages 4 et 5... Cela commence à la désinstitutionnalisation, à la page 2, lorsque vous donnez deux attitudes à trois endroits, Rosemère Carillon, et Saint-André-Avellin. Ce sont les deux exemples que vous donnez.

Ensuite, vous donnez un tableau, en page 5, de la qualité de vie. Vous parlez des finances, de 115 $, vous avez de l'aide sociale et, lui, il en reçoit seulement 434 $. C'est certain qu'il y a là-dedans des choses à améliorer, il y a quelque chose à voir. C'est peut-être un but de la commission ici, aujourd'hui, de trouver des solutions à ces choses-là, d'essayer de proposer des choses.

Vous parlez d'un service d'infirmerie de 24 heures. Vous dites qu'il n'y en a pas pour l'autre. Qui fait la lecture de ses besoins de santé? dites-vous. Vous donnez tout ça, ce qui est noir, et ce qui est beau chez vous en institution. C'est certain que, s'il reste en institution, il sera toujours dépendant. De qui? Toujours de vous, le personnel. Vous vous attachez à ces gens-là comme des membres de votre famille. C'est normal. Vous allez essayer de lui donner tous les services suivant votre disponibilité.

Le travail en atelier de jour, c'est certain que vous allez lui donner mais rien ne dit qu'à l'extérieur, si on donne les ressources voulues, nous, et vous pouvez être les ressources... Je suis contre le fait d'arriver demain matin et dire: On sort tous ces malades-là et on les place individuellement dans des foyers. Je ne suis pas prêt à ça. Je crois que ça peut prendre encore plusieurs années avant que ça se fasse. Il y a déjà un chemin qu'on peut parcourir ensemble mais, si vous les tenez toujours dépendants de votre institution, comment voulez-vous que votre deuxième colonne de ressources externes puisse...

C'est certain qu'il y a des échecs. On a tous des échecs dans la vie; même les gens dits normaux ont des échecs. Il arrive des moments où on s'ennuie, nous aussi. Il arrive des fois que, même si on est normal, on ne se souviendra pas si on avait pris notre médicament à 22 heures quand on s'en va se coucher à 23 h 30. On dit: Est-ce que j'ai pris mon médicament? Des fois, on va le doubler parce qu'on ne s'en souviendra pas. Cela arrive, ça. Pourtant, on se considère comme normal.

Au point de vue des achats, c'est encore pareil. Ces gens-là vont apprendre, vont avoir une éducation. Ce qui manque, et vous le citez dans votre mémoire, c'est le soutien, le suivi de ces gens-là lorsqu'ils sont rendus dans des endroits comme ça. Des centres de jour, il faut leur montrer le chemin pour y aller. Si personne n'est là pour les conduire, les appeler de temps en temps et dire: Viens, on t'attend... C'est certain que ce que vous apportez comme argumentation, j'y crois, ça n'a plus de sens.

Ce que j'aimerais de la part des syndicats... Vous êtes tous sensibilisés comme travailleurs, peut-être encore plus que d'autres, à la santé mentale. Je me serais attendu qu'il y ait des ouvertures chez vous là-dessus, qu'on puisse s'asseoir avec les intéressés autour d'une table, autour des bénéficiaires, des patrons, des parents qui s'occupent de ces gens-là. Vous avez un droit de vivre, je ne le conteste pas, vous avez droit à la sécurité, vous aussi, ça fait partie de la vie, ça fait partie de votre bien-être mental. Vous avez à vous en occuper, vous aussi.

En 1985, quand on voit l'évolution mondiale en Angleterre, en Italie, en France, dans une partie des États-Unis... On nous citait, je pense, le cas du Massachusetts où on est très très avancé là-dedans. Je pense que, comme centrale syndicale, surtout comme syndicat individuel, vous connaissez votre milieu comme il faut, ce n'est pas le temps, sur le dos de ces malades... C'est le temps, je pense, de leur donner une chance et de

vous donner une chance, vous autres aussi, de vous assurer que, demain matin, vous aurez de l'ouvrage. Souventefois, ce qui arrive, c'est qu'on propose, à un moment donné, dans les centres... Quand cela fait dix ou quinze ans qu'une personne est auprès de ces malades, c'est lourd. Moi, je ne voudrais pas les passer. Cela prend une patience, cela prend des forces, cela prend...

Une voix: Une santé.

M. Laplante:... une santé énorme pour faire ce que vous faites. Je vous admire énormément. J'en connais plusieurs qui travaillent dans ces centres.

On refuse même de l'échange dans les départements. On refuse d'aller travailler à un moment donné... Vous auriez besoin d'un peu plus de repos; il y a des départements où vous travaillez un peu moins fort; vous pouvez vous changer les idées. Mais on refuse cela. Je dis que c'est une syndicalisa-tion mal placée. Vous attaquez votre propre santé. Ce qu'il devrait y avoir, ce sont des échanges. Il y a des travaux plus légers pour que vous soyez moins en contact avec ces gens-là. Il y a tout cela. On a toute cette misère-là. Il ne faut pas se le cacher, il faut le dire ouvertement aussi, de notre part. La plus grande difficulté qu'on va avoir à ce sujet, c'est d'abord l'argent qui devra être fourni par le gouvernement pour les services additionnels qu'il va falloir pour ces gens-là, mais aussi c'est au niveau syndical, et il ne faut pas se le cacher; entre nous, il faut être francs, mais il faut aussi se préparer mentalement à affronter ces choses-là, mais toujours dans l'esprit du pain et du beurre pour vous autres et dans l'esprit du malade mental qui est là.

Mme Gagnon: II y a une chose avec laquelle je suis d'accord avec vous. Il n'y a pas de formule. On n'est pas venu donner une formule. On est venu exprimer un point de vue, le point de vue de personnes qui travaillent dans ce milieu. Je suis contente que quelqu'un du gouvernement parle de la santé des personnes qui travaillent dans le réseau, mais aujourd'hui on n'en parlera pas. On va vous parler de la santé d'autres personnes avec qui on travaille et pour qui on travaille. Notre propre santé, on va en parler dans la question du système de santé et à la négociation provinciale. On n'est pas venu donner une formule. Au niveau des syndicats, on nous a toujours dit qu'on parle de nos conditions de travail. Je ne pense pas que, dans le mémoire, il y ait beaucoup d'allusion à nos conditions de travail. On donne le point de vue des personnes qui ont vu des exemples et qui ne voudraient pas que cela se reproduise. Quand vous dites qu'il n'y a pas d'ouverture à la réinsertion sociale, je pense que c'est faux. Ce qu'on veut, c'est que ce soit planifié, qu'on nous demande ce qu'on en pense dans la planification et non pas comment on pourrait modifier la convention pour aller d'un département à l'autre. Je travaille en institution, comment pourrais-je faire pour aller aussi à domicile, parce qu'effectivement ma convention ne le prévoit pas? Mais j'aimerais qu'on me consulte à l'étape précédente. C'est ce qu'on appelle un plan organisé, planifié, où on tient compte des intervenants.

Brièvement, je vais vous parler, au nom des infirmières, de la question du pain et du beurre. Si les CLSC donnent ces services de maintien à domicile, on va assister à un transfert d'effectifs des centres d'accueil vers les CLSC. Nous n'en sommes point historiquement à notre premier transfert. On était dans les unités sanitaires. On est allé dans les CLSC. Là, on va partir des centres d'accueil et on va aller dans les CLSC. À moins que vous ne disiez que l'objectif soit une réduction d'effectifs si grande, je ne pense pas que les membres en soient si affectés s'il y a des programmes sérieux. De plus, chez les infirmières au Québec, il y a un problème auquel vous allez être confrontés, les gens qui sont plus près du MAS. Dans trois régions du Québec actuellement, Montréal, l'Estrie et l'Abitibi, il y a une situation de pénurie d'infirmières. C'est impossible de recruter des infirmières. Aujourd'hui, je vous dis que la question du pain et du beurre n'est pas le leitmotiv, n'est pas la trame de fond du mémoire. Cela fait assez longtemps... La réforme Castonguay-Nepveu parlait de l'égalité des professionnels, mais c'est faux en pratique. Les professionnels qu'on écoute, ce sont les médecins; disons-le. Nous, on ne nous consulte jamais. C'est ce qu'on dit là-dedans. Nous, ce qu'on voit: Anne-LeSeigneur, Anne-LeSeigneurl On n'a pas tenu compte de l'évaluation qui est faite, que le personnel a faite, pour désinstitutionnaliser. Avant même qu'on ait eu les résultats de ce que les éducateurs en pensaient, on parlait de vendre l'édifice et on faisait des démarches en ce sens. (17 h 15)

Vous parliez d'erreur de médicament. Il y a une différence entre savoir si j'ai pris mon antibiotique à 10 heures et, quand je fais une gastro-entérite, prendre trois doses de lait de magnésie. Vous savez, je dis qu'il y a des choses qui ne se comparent pas sur ce plan-là.

Vous dites: On les tient dépendants. Moi, je l'ai souligné tantôt, cela reviendra la place des intervenants dans le système de santé, ce que voulait en faire Castonguay-Nepveu. Quand on fera l'analyse de cela, quelle place a été faite? Actuellement, avec les conditions dans lesquelles on travaille depuis 1977, avec les coupures budgétaires,

je partage votre avis là-dessus. C'est que nos conditions de travail ne nous permettent pas de maintenir l'autonomie des personnes.

On a d'autres problèmes. On a à la fois des patients psychiatriques, des patients de soins aigus; on a à la fois, sur les mêmes unités, des malades chroniques, des malades en soins prolongés avec des malades de soins aigus. Alors, moi, si j'en ai huit une journée, comment j'aborde cela? J'ai trois malades chroniques et cinq patients de soins aigus. Qui est-ce que je privilégie? Alors, il y a beaucoup de problèmes qui devront être corrigés. On est d'accord avec la réinsertion sociale planifiée et qui tienne compte des véritables besoins des gens à qui on s'adresse et non pas uniquement de l'intérêt des gens qui pensent le système. Vous autres, vous le pensez. Nous on y travaille. Et il y en a pour qui on travaille. Et on devrait être là pour ces personnes, autant les gens qui défendent des intérêts administratifs que ce que vous appeliez le pain et le beurre tantôt.

M. Laplante: Nous autres, on est confondu en somme entre une position que vous apportez ici et une autre position qu'on a vécue hier lors de la présentation du mémoire de Terre des Jeunes du village de Sainte-Julienne où on a pris des cas profonds du centre hospitalier Rivière-des-Prairies. C'est certain qu'ils ne nous ont pas mis cela tout blanc au départ, mais, aujourd'hui, ce sont les jeunes qui sont là qui fonctionnent et qui ne fonctionnaient pas en institution malgré tous les ateliers qu'il y avait, malgré toute la physiothérapie, les loisirs, l'information, l'alimentation, etc. On nous contait un exemple d'un bonhomme qui ne pouvait même pas accrocher une chaudière sur un clou. Il n'avait même pas ce sens-là. Aujourd'hui, on nous dit que c'est leur meilleur travailleur, celui qui se débrouille le mieux, il est leader. Il ne parlait même pas. C'est tout cela.

Après cela, vous donnez comme un exemple, justement, une terre à Saint-André-Avellin, quelque chose de même. Sur cette terre-là, depuis qu'il y a des jeunes, il n'y a plus rien qui se fait. Tout est à l'abandon sur la terre. Vous avez pris un cas extrême pour donner vos exemples. Pourquoi est-ce que le cas de Sainte-Julienne ne serait-il pas venu là-dedans pour donner l'exemple? Il peut y avoir un milieu un moment donné qui ne sera pas parfait. C'est difficile à comprendre quand cela vient d'un milieu syndical. On est peut-être plus sensible à ces choses lorsqu'on lit des mémoires semblables parce que cela touche ce qui est plus précieux au monde, la santé mentale de ces gens. On doit s'en préoccuper, on doit sensibiliser la population à cela. J'aurais aimé cela, moi, avoir des exemples de réussite contre des exemples d'échec, savoir pourquoi ils n'ont pas réussi et pourquoi l'autre a réussi.

Mme Giroux: Au sujet des exemples que vous soulevez où il y a eu de la réussite, je pense qu'il y a eu là une préoccupation majeure d'allouer des ressources et de mettre du personnel disponible pour ces jeunes ou pour les déficients mentaux qui ont eu des réussites de façon à assurer un fonctionnement et un cheminement adéquats. Vous dites, à un moment donné: Quand on lit rapidement votre mémoire, on a l'impression que vous êtes contre et, quand on le relit, on a l'impression qu'il y a une lueur d'espoir, que vous êtes pour. Effectivement, le principe de la désinstitutionnalisa-tion, ce n'est pas un principe auquel on s'oppose, sauf qu'il y a des préalables importants à établir concernant les services. Vous dites qu'on ne vous dit pas quoi faire, comment le faire, quelles sont les étapes qu'on devrait passer. Entre autres - Lucie l'a soulevé - une politique globale, une analyse, une évaluation qui se fait à la sous-commission et qui amène, à un moment donné, des politiques gouvernementales là-dessus, par la suite, des plans d'application dans les régions et, pour chacun des individus, des plans de services qui prévoient des ressources, une mise en place de la désinstitutionnalisation pour chacun des individus et un suivi, je pense que cela ne pourra en arriver qu'à des succès. Toutefois, on se rend compte que, dans l'application... C'est vrai qu'on soulève peut-être les problèmes, mais c'est à partir de cela qu'on se dit: Arrêtez! Il va y en avoir de plus en plus des problèmes. Prenons le temps de faire les choses étape par étape. C'est vrai que cela va peut-être être plus long. On n'a qu'à se souvenir du phénomène inverse où on mettait tout le monde en institution. Est-ce qu'on a réglé les problèmes? Est-ce qu'on les a tous réglés? Ce n'est pas vrai. Est-ce qu'on va partir dans le sens inverse sans faire une analyse, sans évaluer, sans mettre en place des plans d'organisation, des plans de services et les ressources? Vous dites: Vous n'êtes pas détachés du pain et du beurre. C'est évident qu'on n'est pas détachés du pain et du beurre, mais je vous dis, par exemple, que les principes qui sont sous-tendus dans cela, s'ils sont acceptés, ne nous créent aucun problème pour ce qui est du pain et du beurre parce qu'on est des ressources importantes pour ces gens pour la désinstitutionnalisation.

Donc, la question ne se pose pas là, elle se pose au sujet de la qualité des services. Je pense que c'est là qu'il faut le voir et il faut que les exemples de désinstitutionnalisation qu'on vit nous amènent à démontrer qu'il y a des étapes qui sont sautées. On n'a pas assez de prudence, on n'a pas assez de préoccupation

face à la mise en place de cela. On a l'hôpital Robert-Giffard, à un moment donné, qui a eu une mécanique de mise en place beaucoup plus établie, beaucoup plus par étapes. Il y a des résultats beaucoup plus intéressants aussi. Je pense qu'on a à tenir compte de cela. Il y a des résultats qui ne sont pas intéressants, mais il y en a qui sont intéressants. Alors, je pense qu'il faut tenir compte de cela. On ne veut pas nier cela, sauf qu'il faut faire les choses par étapes, surtout avec ces gens. Je pense qu'ils n'ont jamais eu de services adéquats et je pense que, comme gouvernement et comme organisation syndicale, on n'a pas le droit de ne pas faire les efforts qui vont faire qu'on ne manquera pas notre coup.

M. Laplante: Je vous remercie beaucoup, vous avez dit justement ce que je voulais entendre. Si votre mémoire ne nous était pas parvenu, il aurait fallu le quémander, parce qu'il nous en fallait un mémoire de même. Je vous remercie.

M. Beauregard: Je voudrais apporter aussi quelques précisions. Possiblement qu'il y a eu une interprétation, je ne dirais pas erronée, mais peut-être que cela manquait de clarté lorsque vous parliez du Domaine Carillon. Je voudrais simplement préciser qu'avant 1983 il y avait une ferme qui fonctionnait très bien, il y avait des vergers et des cabanes à sucre. Après 1983, on a décidé... C'était cela la vie institutionnelle, qu'on pouvait appeler institutionnelle au Domaine Carillon, c'est que les gens travaillaient. Dans ce que vous trouvez à l'annexe concernant Contrefort, à la page 4, c'est comme cela qu'ils vivaient, sauf qu'à partir du moment où on en a désinstitutionnaliser on a pris les gens, on les a sortis d'où ils étaient. Cela a l'air un petit peu paradisiaque de la manière dont c'est décrit, mais on les a sortis de ce milieu et on les a intégrés dans un milieu résidentiel sans envisager des facettes comme le travail, comme les loisirs. C'est peut-être une erreur qu'il y a eu là, mais je voudrais préciser cela. Vous m'avez tendu la perche également pour d'autres choses. Vous aviez dit tantôt qu'il faudrait peut-être s'asseoir avec les patrons et qu'on discute. Je trouve intéressant que vous disiez cela parce que, dans un des centres qui sont mentionnés là-bas, les syndicats, justement, les travailleuses et les travailleurs ne demandent pas mieux que de s'asseoir, de discuter, de négocier et d'être consultés. Je ne voudrais pas faire une charge virulente contre certaines administrations, mais il semble que beaucoup d'administrateurs confondent la consultation avec ce qu'on pourrait appeler l'information, c'est-à-dire qu'on se contentait de dire aux gens: Écoutez, on va faire, cela, cela, cela... Pour eux, c'était une forme de consultation, pour nous ce n'en est pas. Alors, dans un contexte, comme vous disiez, où les gens pourraient s'asseoir comme des partenaires et discuter de cela, je pense que les syndicats, éventuellement, pourraient manifester un certain intérêt dans la mesure également où ils sont protégés, naturellement. Il y a des choses assez spéciales qui se sont passées également. Comme vous le disiez tantôt, il y a des choses probablement positives qui vous ont été présentées, mais je pense qu'on pourrait peut-être appeler ce qu'on vous décrit l'envers de la médaille. Comme solution à l'intégration, il ne faudrait peut-être pas penser à une intégration résidentielle, comme on se contente de faire dans plusieurs milieux. Je ne dis pas dans tous, mais dans plusieurs milieux, on se contente de sortir les gens des institutions et de les placer dans des appartements. Il faudrait peut-être penser également au travail et à leurs loisirs. Je pense que ce sont des carences. Ce qui arrive actuellement, c'est que le jeune qui est sorti d'une institution, qui est intégré - non pas dans un foyer de groupe parce que ce ne sont pas des foyers - dans un appartement supervisé ou surveillé est laissé devant un vide de services. Assez souvent, c'est dramatique.

L'exemple de Contrefort a été expliqué là. C'est un peu cela qui s'est produit au Contrefort. Les gens qui ont vu arriver cela, je les rencontre fréquemment, nous témoignent de leur insatisfaction devant l'espèce de mépris auquel ils ont à faire face lorsqu'ils veulent faire certaines suggestions pour améliorer leur sort. Non, c'est comme cela que cela se passe, et pas autrement. Dans ces conditions, c'est très difficile d'établir une discussion saine et franche dans l'intérêt de tous. Je peux vous assurer que les travailleuses et les travailleurs des centres d'accueil et même à l'externe sont tout à fait disposés à participer à une véritable consultation et à amener des solutions.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense aussi qu'on n'a pas eu le temps de souligner, dans votre mémoire, des observations qui sont justes, par exemple quand vous dites: On n'a pas de données très précises. Nous-mêmes, je ne sais pas comment on va finir par en trouver qui soient le plus adéquates possible pour essayer de quantifier cela et de savoir ce que cela peut demander en ressources, etc. Je pense que c'est exact. Quand vous avez parlé de la résistance du milieu, tout le monde en a parlé et nous aussi. Ce matin, on a eu un témoignage assez intéressant, calme d'un milieu, d'une petite ville où on disait, justement, que trop c'était trop, et qu'ils n'étaient plus capables, etc. Je pense que cela a aussi été une réalité pour nous. Vous parlez de plusieurs autres et vous dites qu'il faut planifier ces

choses. Dans ce sens, je pense qu'on est sur la même longueur d'onde, mais, d'un autre côté, je voulais aussi vraiment vérifier si vous étiez quand même prêts à faire ce cheminement dans des conditions raisonnables et prometteuses.

J'ai une dernière question concrète. Hier, on est venu nous affirmer que - c'est parce que madame, tout à l'heure, a dit le contraire - les enfants, enfin, les jeunes adultes ne sont pas sortis ou qu'on ne décide pas de les réintégrer dans la société avant qu'il y ait eu une évaluation complète à partir de certains critères, j'imagine. Vous avez affirmé un peu le contraire tantôt en disant qu'on déplaçait ces personnes avant que les évaluations aient été faites ou terminées. Je trouve que c'est important. Je voudrais savoir... On n'est pas des juges, ici, mais quand même, si cela se passe ainsi, je pense que c'est inacceptable. Par contre, est-ce qu'il faut s'entendre sur ce qu'est une évaluation? On ne sait peut-être même pas ce qu'est une évaluation aussi; il y a peut-être de cela.

M. Beauregard: Je peux me contenter de vous donner un exemple, à l'endroit où je travaille. Je pense que je pourrais facilement vous amener au-delà de 150 témoins qui pourraient vous dire la même chose que moi, à savoir qu'on a effectivement décidé de la vente de l'établissement, du centre d'accueil, avant même qu'on ait terminé les évaluations des jeunes pour savoir s'ils étaient aptes à sortir ou non. Cela, je vous le garantis.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'ils ont été sortis avant que l'évaluation soit terminée?

M. Beauregard: Je ne peux pas vous l'affirmer, mais on a quand même décidé du principe de les sortir tous; le principe était décidé. La mise en marche du processus de vente de l'établissement était déjà amorcée avant même que les évaluations des jeunes aient été terminées.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux); Est-ce que, à ce moment-là, on n'aurait pas pu aussi décider d'en tranférer dans une autre institution?

M. Beauregard: Ce n'étaient pas des éléments qui étaient en débat à ce moment-là.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En tout cas, de toute façon...

Mme Gagnon: II y avait aussi un grand écart entre l'évaluation de l'administration et celle du personnel sur le nombre qui pouvait effectivement être désinstitutionnalisé. Là-dessus, cela ne correspondait pas, il n'y avait pas d'évaluation commune qui était faite. (17 h 30)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie beaucoup et je pense que votre mémoire nous sera très utile dans nos réflexions. On va appeler le dernier groupe -parce qu'on a déjà du retard - qui est formé de l'Association canadienne pour la santé mentale, division du Québec, et de l'Association canadienne pour la santé mentale, filiale de Québec. Bonjour, M. le président, si vous voulez présenter vos collègues.

Association canadienne pour la

santé mentale, division du Québec

et filiale de Québec

M. Lortie (Gilles): D'abord, l'Association canadienne pour la santé mentale tient à vous remercier de l'avoir conviée à présenter son mémoire sur la distribution des services de soutien et de réinsertion sociale aux personnes atteintes de maladies mentales.

Immédiatement à ma gauche, Mme Christine Berryman, diplômée en service social et directrice exécutive de la filiale de Québec de l'Association canadienne pour la santé mentale. À mon extrême droite, Mme Lucette Côté, bénévole par excellence, ex-présidente de la division du Québec de l'Association canadienne pour la santé mentale, présidente de la filiale de Québec et membre du conseil d'administration national. Nous sommes heureux qu'elle ait choisi l'association pour déverser son trop plein d'énergie et ses capacités de travail.

Immédiatement à ma droite, Mme Mireille Doré, infirmière psychiatrique et administratrice, qui est conseillère à la direction de la programmation du conseil régional de Montréal; elle a été autrefois coordonnatrice aux commissions administratives en psychiatrie dans les centres des conseils régionaux de Montréal et de la Montérégie; elle est présidente du comité scientifique de la division du Québec de l'Association canadienne pour la santé mentale. À mon extrême gauche, M. Paul-Marcel Gélinas, travailleur social et directeur général de la division du Québec pour la santé mentale. Quant à moi, je suis Gilles Lortie, psychiatre et président de la division du Québec de l'Association canadienne pour la santé mentale.

Notre organisme est voué à la protection du malade mental et de ses droits et privilèges, où qu'il soit dans le système de distribution de soins. Il est aussi voué à la prévention de la maladie mentale, en préconisant toutes les pratiques qui favorisent le maintien de la santé mentale dans la population. À cette fin, plusieurs programmes sont mis de l'avant et implantés dans la population par l'intermédiaire des filiales qui oeuvrent sur des territoires plus restreints de la province.

La division du Québec fait partie d'une association nationale qui a les mêmes buts. Dans le domaine de la protection des droits et privilèges du malade mental, l'association nationale a fait des études marquantes au début des années soixante, dont est sorti un document intitulé "Au service de l'esprit", qui fait autorité encore aujourd'hui. Ses récents travaux sur la maladie mentale et le monde du travail font aussi autorité.

Au Québec, la division de l'Association canadienne pour la santé mentale a fait autrefois des recherches qui ont contribué à l'établissement en 1962 de la Commission des services psychiatriques. Depuis, elle n'a cessé de s'intéresser et de surveiller les modes de distribution de soins psychiatriques dans la province. Les mémoires que vous avez reçus de notre part et de la part de la filiale donnent un reflet de cette préoccupation. Je vais demander à Mme Mireille Doré de vous lire un résumé des deux mémoires que vous avez déjà reçus.

Mme Doré (Mireille): Comme le Dr Lortie vient de le mentionner, vous avez reçu de l'association certains documents et nous vous en soumettons un autre aujourd'hui qui est le résumé de notre allocution, justement pour éviter de reprendre tous les documents; cela reprend les éléments essentiels de ces documents.

Mme la Présidente, si vous souhaitiez que des copies soient distribuées aux observateurs, nous en avons encore. D'accord?

Comme introduction, on commence en disant que présenter un avis sur les services de soutien des personnes atteintes de troubles mentaux nous conduit très rapidement à reconnaître que la distribution actuelle des services de santé mentale, malgré ses tentatives d'évolution, est loin d'offrir une réponse satisfaisante et adéquate aux besoins.

La mission de notre association, comme l'a mentionné le Dr Lortie, étant de promouvoir la santé mentale et de défendre les droits des personnes atteintes de troubles mentaux, il est au coeur de nos préoccupations que les citoyens québécois bénéficient d'un système de services de santé mentale qui corresponde à l'évolution de notre société et de ses valeurs et offre une réelle réponse appropriée aux besoins dans le respect de la dignité des personnes et du droit à une qualité de vie.

L'association considère urgent que le gouvernement pose des gestes concrets, dont le premier devrait être l'adoption d'une politique de santé mentale, si nous voulons que les nombreuses réflexions et débats qui ont eu cours durant les dernières années se traduisent maintenant par une amélioration réelle des conditions de vie des personnes qui présentent des problèmes d'ordre psychiatri- que.

Alors, avant de vous présenter notre orientation sur les services de soutien, nous allons faire un apparté sur une politique de santé mentale, très brièvement.

Lors du colloque de l'Association des hôpitaux du Québec en mars 1985, le sous-ministre à la santé et aux services sociaux, M. Jean-Claude Deschênes, mentionnait la difficulté que comporte l'élaboration d'une politique en santé mentale. Soyez certain que nous n'en doutons pas. Néanmoins, il y a des priorités qui ressortent de façon tellement évidente et la documentation est tellement riche de concepts et d'expériences que nous sommes convaincus que le Québec pourrait, s'il le veut, apporter à brève échéance des améliorations significatives et amorçer un changement profond du système actuel de dispensation des services. Des choix devront être faits et des priorités établies. On est bien conscient que tout ne peut pas se faire en même temps dans l'année qui vient. Alors, c'est le sens de notre propos que nous allons illustrer en vous présentant l'orientation qu'on préconise, un bref rappel du contexte actuel, les besoins, les programmes et les services requis dans la communauté, les obstacles au développement des services dans la communauté, parce qu'il y en a, et les prérequis essentiels au changement qu'on propose.

Alors, l'orientation que l'on préconise. Il nous apparaît essentiel que le Québec mette tout en oeuvre afin de développer des services qui favorisent de façon maximale le maintien et le retour dans leur milieu des personnes atteintes de troubles mentaux. Pour atteindre ce résultat, un virage doit s'effectuer dans notre mode de dispensation de programmes et de services en santé mentale ainsi que dans les attitudes, les habitudes et les mentalités. Ce virage doit reposer sur une approche individuelle des personnes en besoin d'aide et une vue globale et intégrée de l'organisation des programmes et des services. Ce virage doit aussi s'inscrire dans le cadre d'une planification rigoureuse, avec des étapes précises et un échancier de réalisation. Ce virage doit enfin faire appel à une collaboration étroite du gouvernement, des conseils régionaux, des établissements et des organismes communautaires tout au long du processus de planification et de réalisation.

Vous remarquerez que dans ma présentation je parlerai plutôt du gouvernement que du ministère de la santé et des services sociaux parce que, à notre avis, une politique vraiment d'intégration sociale implique plus d'un ministère. Évidemment, le premier concerné est probablement le ministère de la santé et des services sociaux, mais aussi le ministère de l'Éducation, le ministère du Loisir, le ministère du Travail et aussi les municipalités.

Alors, dans cette perspective, il nous apparaît essentiel de considérer, en plus de la prévention tertiaire qui fait l'objet de la présente consultation, le développement des programmes relatifs à la prévention primaire et secondaire. Pour une meilleure compréhension, nous précisons ce que nous entendons par ces trois niveaux de prévention. Alors, la prévention primaire comporte des mesures qui ont pour but de promouvoir la santé mentale par des programmes d'information, d'éducation, de développement social et d'animation communautaire ainsi que de prévenir l'apparition de troubles mentaux par de l'intervention auprès des groupes à risque et encore de l'information, de l'éducation, du dépistage et enfin, de la recherche sur les causes des maladies mentales. Il nous est facile de constater que ce secteur est complètement délaissé à l'heure actuelle au Québec.

Quant à la prévention secondaire, elle comporte des mesures qui ont pour but, lorsque les problèmes ou la maladie sont présents, d'éviter leur aggravation et de diminuer leur durée. Il est pour cela primordial de faire un dépistage précoce et d'intervenir rapidement. Vous comprendrez que les attentes de six mois que l'on connaît actuellement pour des services spécialisés en clinique externe sont tout à fait inadmissibles. Il faut donc avoir des services facilement accessibles pour que soit faite le plus rapidement possible une bonne évaluation et que soit élaboré un plan d'intervention qui correspond aux besoins spécifiques de la personne. Ce plan d'intervention pourrait comporter du traitement, de l'aide à domicile, des activités dans un milieu de jour, en milieu de soir, etc.

Au niveau de la prévention secondaire pour les adultes, le système actuel de services offre, pour l'évaluation, les urgences des hôpitaux et, pour l'intervention, des services soit en clinique externe, soit une hospitalisation. Tenant compte de l'absence de services de soutien adéquats dans la communauté, on réfère dans 50 % des cas à l'hospitalisation.

Le CLSC nous paraîtrait le lieu le plus pertinent et le plus approprié pour faire ces interventions qu'on qualifie de première ligne. En conséquence, l'association recommande que des équipes de santé mentale soient implantées dans les CLSC dans les plus brefs délais possible et pas seulement pour couvrir les fins de semaine, comme l'autre groupe l'a mentionné précédemment.

On a parlé de prévention primaire et secondaire. Parlons de prévention tertiaire maintenant. La prévention tertiaire comporte des programmes de services qui visent à aider les personnes à se réadapter, à maintenir leurs acquisitions, à apprendre à vivre avec leurs limites et, enfin, à développer leur potentiel. Ce niveau d'intervention est l'objet principal de votre consultation. Par conséquent, tout le reste de la présentation va s'attarder plutôt à ce niveau et on va vous présenter: orientation, programmes, services, obstacles et prérequis.

Le contexte actuel. On ne peut, à l'heure actuelle, dire qu'il existe au Québec un système de services de soutien et de réinsertion sociale pour les personnes atteintes de troubles mentaux. Il en existe dans d'autres secteurs au niveau de la déficience mentale et des handicapés physiques, mais très peu au niveau des troubles mentaux. Ce sont des expériences vraiment isolées.

L'organisation actuelle des services de santé mentale va à l'encontre du principe de l'approche globale qui voudrait considérer l'individu dans son ensemble, tout en répondant aux besoins d'aide qui lui sont spécifiques. Vous en avez eu, je crois, de nombreux exemples depuis le début de la consultation. Au Québec, nous avons encore le modèle traitement-hébergement. Les groupes d'entraide commencent à émerger. La notion de réadaptation, quoique présente dans l'esprit de plusieurs, ne trouve actuellement aucune assise juridique en ce qui concerne les personnes aux prises avec des problèmes psychiatriques. Il n'existe, en effet, aucun centre d'accueil de réadaptation pour ces personnes, si ce n'est quelques places dans les centres hospitaliers psychiatriques.

Au cours des dernières années, diverses tentatives de développement de services de soutien et d'intégration sociale ont été faites. L'ambiguïté de la situation, l'absence de réglementation et le silence même de la réglementation è ce sujet ont prêté à toutes les luttes idéologiques et de pouvoir possibles, ce qui fait qu'en 1985 l'absence de services de réadaptation, de soutien et d'intégration sociale perdure.

En plus de ne pas offrir la diversité des services requis, le système actuel offre des programmes fragmentés, insatisfaisants, discontinus qui favorisent l'isolement, qui sont autoritaires, qui ne permettent pas la participation de l'intéressé et qui sont stigmatisants. On pourra peut-être mieux identifier dans le reste de la présentation ce que signifient ces termes, ou bien on y reviendra au moment des questions.

Les besoins. Nous n'insisterons pas, aujourd'hui, sur l'acuité quantitative des troubles mentaux au Québec et la montée alarmante de certains problèmes, comme le suicide chez les jeunes, puisque cette question a été clairement décrite dans certains documents. On pense, entre autres, aux documents produits par le Conseil des affaires sociales et de la famille, "Des problèmes prioritaires" et "Objectifs-Santé". Nous allons plutôt nous attarder à faire un portrait type de la personne aux prises avec

des problèmes d'ordre psychiatrique, afin de mieux comprendre et saisir la nature de ses besoins.

Le groupe d'âge qui nous semble subir de façon la plus dramatique l'absence de services dans la communauté sont les adultes entre 18 et 40 ans. Ce sont les enfants du "baby-boom" qui représentent une couche importante de notre société. C'est assez compréhensible qu'ils soient en nombre plus important.

Ils sont entrés dans le système de services il y a 15 ou 20 ans au moment où "les fous avaient déjà crié au secours". On sortait les malades des asiles sans avoir planifié des solutions de rechange valables. Leurs caractéristiques sont principalement les suivantes. Ils sont, pour la plupart, peu scolarisés ou bien ils ont évolué dans des polyvalentes avec un nombre d'étudiants très important et ont "droppé", à un moment donné. Ils ont des problèmes de travail. Lorsqu'ils travaillent, ils ont souvent des tâches aberrantes. Ils sont isolés. Les liens avec la famille et le milieu sont plus souvent rompus. Ils ont des problèmes de comportement. Ils ont parfois peu de contrôle de leurs pulsions. Ils sont par conséquent victimes d'abus sexuels ou bien ils commettent des délits et se retrouvent dans le réseau de la justice; ce qui est un problème, je pense, qui a été souligné à quelques reprises au Québec et qui est assez important. (17 h 45)

Ils ont de la difficulté à réaliser des tâches quotidiennes. Ils ont de la difficulté à gérer leur budget - ce n'est déjà pas facile 450 $ par mois - et se retrouvent très souvent au milieu du mois sans argent de poche et devant la nécessité de recourir à l'institution pour trouver gîte et couvert.

Enfin, ils vivent en marge de l'institution, en marge de la société, en marge de leur famille et nous n'avons pratiquement rien à leur offrir. L'hospitalisation n'est pas requise. Le suivi en clinique externe, et davantage le suivi médical, il est insuffisant pour leur permettre une réelle réadaptation. L'hébergement en famille d'accueil ou en pavillon est un milieu trop protégé dans lequel ils sont incapables d'évoluer.

Quels sont leurs besoins? Ils ont des besoins comme la plupart des gens, comme tous les citoyens, des besoins physiques: se loger, se nourrir, se vêtir. Des besoins affectifs: avoir des relations interpersonnelles et avoir des sentiments d'appartenance. Des besoins de formation, des besoins de se réaliser par le travail, des besoins de loisir et, enfin, le besoin qu'on les respecte dans leur rythme d'évolution et qu'on leur laisse le temps d'élaborer leur stratégie de relation avec les autres et les périodes de paix qui leur sont nécessaires.

Les services de soutien et d'intégration sociale qui seront mis en place pour aider les personnes à répondre à leurs besoins doivent couvrir l'ensemble de ces besoins et non qu'une partie comme, par exemple, le logement. On les loge et ils sont réinsérés. C'est nettement insuffisant.

Il est important de souligner que nous avons mis l'accent sur le groupe des adultes de 18 à 40 ans parce qu'il nous semble prioritaire et nous insistons sur le fait que ce groupe de personnes sera le groupe qu'on va retrouver comme personnes âgées d'ici quelques années, dans 20 ans, et que, si on ne prend pas dès maintenant des mesures d'intégration sociale, les problèmes seront doublement accrus parce que leurs problèmes psychiatriques seront encore amplifiés.

Cependant, notre préoccupation rejoint l'ensemble des personnes atteintes de troubles mentaux et qui vivent dans la communauté ainsi que ceux qui vivent dans les ressources institutionnelles et qui pourraient et voudraient vivre dans la communauté.

Les programmes et les services requis dans la communauté. Pour offrir une qualité de vie décente ainsi qu'une réponse réelle et adéquate aux personnes atteintes de troubles mentaux, il faudrait créer et maintenir un système de services qui offre des garanties. Premièrement, des garanties quant aux principes qui y seraient appliqués et, deuxièmement, quant à la diversité des services offerts.

Quelles seraient les garanties quant aux principes? Premièrement, une réponse rapide au besoin d'aide. Dès que la personne ou quelqu'un de son entourage exprime un besoin qui fait appel à une intervention relative au système de services de santé mentale, nous devrions être en mesure de réagir immédiatement et de mettre à la disposition de la personne les ressources et les services dont elle a besoin. C'est un principe fondamental. Il y a neuf principes.

Deuxièmement, un plan de services individualisés. La planification, l'organisation, la coordination et la prestation des services de soutien sont en fonction des besoins spécifiques de l'intéressé. La personne participe à l'évaluation de ses besoins et à l'élaboration de son plan de services. Actuellement, aucun mécanisme n'est prévu quant à l'élaboration et à la coordination des plans de services pour les personnes atteintes de troubles mentaux.

Le troisième principe, un système intégré de services. Le système devrait répondre à l'ensemble des besoins d'aide de la personne en lui offrant une gamme de services diversifiés et en lui assurant le genre et le degré de soutien nécessaire, quel que soit son âge ou la gravité de son état.

Quatrièmement, une orientation qui vise l'intégration sociale. La personne doit pouvoir participer à la vie communautaire dans la

mesure du possible et selon son rythme d'évolution. Les ressources du milieu sont toujours les premières examinées et considérées. Ce n'est que face à une incapacité totale de la personne à bénéficier des activités communautaires que l'on offrira une solution de rechange. Cette solution devra être réexaminée périodiquement. Ce principe doit devenir une conviction pour les intervenants et leur attitude doit en être imprégnée. Quelques exemples è l'appui de ce principe: loisirs, travail, logement - on pourra le reprendre tantôt - mais, dans une attitude traditionnelle au niveau du loisir, on va organiser tous les loisirs, on peut même jusqu'à aller faire construire une piscine dans un hôpital ou on réserve des heures à une piscine municipale pour amener le groupe. C'est l'approche traditionnelle qui ne permet pas l'intégration sociale. Dans une approche d'intégration sociale, on apprend à l'individu à se rendre à la piscine, à s'inscrire, à choisir ses compagnons qui peuvent l'accompagner dans ses loisirs, etc. Pour la même activité, c'est au niveau de l'approche que cela devient tout à fait différent.

Un autre principe, une souplesse et une adaptation facile des loisirs aux besoins de la personne. Les services doivent être ajustés de façon qu'ils continuent a répondre aux besoins de la personne au fur et à mesure de son évolution. Pour les personnes atteintes de troubles mentaux, cet ajustement, cette souplesse est encore plus nécessaire que ce qu'on peut retrouver, par exemple, au niveau de la déficience mentale. Au niveau de la déficience mentale, l'évolution est, jusqu'à un certain point, prévisible. Après une étape, c'est une autre. Au niveau des personnes atteintes de troubles mentaux, à cause de la présence de la maladie, on peut osciller continuellement entre évolution, régression, hospitalisation; la personne revient dans le milieu, elle s'intègre au travail, elle a besoin d'un répit. C'est pour cela qu'il est essentiel, si on veut vraiment faire une intégration sociale, de s'ajuster à ce rythme d'évolution de l'individu. Ce principe, vous le comprendrez, implique un changement profond de l'attitude des administrateurs et "décideurs", parce qu'il exige une souplesse continuelle de l'organisation des ressources. Ce principe fait aussi appel au respect dans le développement des services, des couleurs et des particularités régionales, surrégionales et de quartier. Pour répondre à un même type de besoins, les moyens peuvent être très différents selon qu'ils sont offerts dans tel ou tel milieu, par exemple Montréal ou Amos, et à une personne qui a telle ou telle culture.

Un autre principe, une attitude des "aidants" qui favorise l'utilisation maximale du potentiel de la personne. Le traitement de la maladie devient un des moyens d'aider la personne et non une fin. Il faut constamment inciter la personne à acquérir les connaissances et les aptitudes nécessaires pour vivre, travailler et fonctionner dans la communauté. Par ailleurs, il faut éviter que cette personne, par une trop grande pression que l'on pourrait mettre à un moment donné, ait à vivre des échecs. Alors, cela implique le respect de ses capacités et de son mode de fonctionnement.

Un autre des principes: une approche valorisante. Aucun effort ne doit être épargné pour présenter les personnes atteintes de troubles mentaux de façon positive et valorisante. Ce sont des individus è part entière, avec leurs forces et leurs faiblesses. Ils ne sont pas une maladie.

Un autre élément: la protection de leurs droits. Nous devons veiller à ce que les droits et les intérêts des citoyens atteints de troubles mentaux puissent être défendus par une personne substitut lorsqu'ils ne sont pas en mesure de le faire eux-mêmes. Les personnes substituts sont habituellement regroupées au sein d'un organisme communautaire indépendant, par exemple une corporation pour le parrainage civique.

Enfin, dernier élément: une répartition adéquate des ressources. Quand on développe des ressources dans la communauté, on ne développe pas des ressources qui comportent une concentration importante de personnes avec des troubles mentaux, comme 15 ou 20 personnes dans une même ressource. De plus, on répartit les ressources de façon à ne saturer aucun quartier. Autrement on stigmatise les personnes, on engendre la réticence des citoyens du quartier, on rend toute intégration sociale impossible, on vient de reproduire l'institution dans la communauté.

Nous venons de présenter les garanties quant aux principes; nous allons maintenant présenter certaines garanties nécessaires quant à la diversité des services à offir en ce sens que, si on développe seulement un type de services, on est aussi bien de se dire que l'intégration sociale, d'abord, on ne répondra pas aux besoins de l'individu et on ne la réussira pas.

Chaque sous-région devrait posséder une gamme de services diversifiés et constituée de programmes de traitement, de réadaptation et d'intégration sociale qui respectent les particularités du milieu. Ce sont des services de traitement qui permettent à la personne de demeurer dans son milieu de vie. Si on a recours à l'hospitalisation, que les soins soient donnés dans une perspective de réadaptation et de retour le plus rapidement possible dans le milieu naturel.

D'autres services à développer sont les ressources résidentielles pour l'acquisition des habitudes de base de la vie quotidienne et ce sont, selon les besoins de la personne, des résidences de groupes, des maisons de transition, des appartements supervisés, des

communes thérapeutiques, etc., des milieux de jour et de soir pour des programmes d'adaptation sociale, des programmes de formation avec la collaboration du ministère de l'Éducation, des programmes d'intégration au travail comme un centre de main-d'oeuvre spécialisé, plateau de travail, atelier d'apprentissage aux habitudes de travail, atelier de production, bénévolat - on inclut "bénévolat" parce que ce sont des activités auxquelles peuvent s'adonner les personnes qui ont des troubles mentaux - soutien à domicile, service d'entraide, service de protection des droits et des intérêts, service de soutien en situation de crise soit par une équipe d'intervention à domicile, soit par une ressource communautaire lorsqu'un retrait du milieu naturel est nécessaire.

Ayant parlé maintenant des services à développer, des principes qui les sous-tendent, nous croyons qu'il est aussi nécessaire de souligner qu'il y a une diminution de services à réaliser. Nous pensons principalement au nombre de places dans les hôpitaux psychiatriques. Selon une étude réalisée par le Massachusetts Mental Health Centre et le Harvard Medical School, la norme de 15 lits par 100 000 habitants pour les soins de longue durée constitue une moyenne. Cette norme comprend le besoin en ressources de longue durée psychiatriques pour les personnes âgées et les déficients mentaux ayant des troubles sérieux de comportement. Si nous appliquons cette norme à Montréal, nous obtiendrions le résultat suivant: un besoin de 300 lits plutôt que d'environ 3600 lits, comme c'est le cas actuellement.

Néanmoins, l'adoption d'une orientation qui préconiserait la diminution des places dans les hôpitaux psychiatriques devrait nécessairement être associée à l'implantation de ressources communautaires adéquates ainsi qu'à une planification rigoureuse qui tienne compte à la fois des ressources humaines impliquées et des personnes qui bénéficient de ces services.

Les obstables au développement des services dans la communauté. Il existe, c'est bien évident, des obstacles au développement des services dans la communauté. Nous mentionnerons ceux qui nous semblent les plus évidents et nous allons suggérer certains moyens pour les atténuer, sinon les éliminer. Un des obstacles, évidemment, c'est la résistance de la population. Parmi les moyens, on retrouve l'information, la sensibilisation, l'implication de la communauté dans le développement des ressources, un choix judicieux du quartier et un nombre limité de personnes avec des problèmes mentaux ou des handicaps dans un même quartier, c'est-à-dire, que si vous avez déjà beaucoup de ressources communautaires pour des déficients mentaux, vous n'irez pas, même si c'était la ressource unique pour les personnes ayant des troubles mentaux, l'associer à cette ressource qui est déjà installée.

Un autre obstacle, c'est l'absence d'orientation claire du gouvernement et le moyen, c'est l'adoption d'une politique de la santé mentale pour le Québec. Un autre obstacle, c'est au niveau législatif. La loi est silencieuse sur les services de réadaptation, de soutien et d'intégration sociale pour les personnes atteintes de troubles mentaux. La catégorie centre d'accueil de réadaptation n'existe pas pour ces personnes. Quant à la Loi sur la protection du malade mental, elle est insatisfaisante. Alors, nous demandons la révision des lois et des règlements.

Un autre des obstacles, c'est la politique du ministère de la santé et des services sociaux qui fait que la rémunération des cadres est basée sur le nombre de lits de ces hôpitaux. On demande d'établir des normes de rémunération qui tiennent compte d'autres critères et qui favorisent plutôt la désinstitutionnalisation.

Un autre obstacle, c'est un obstacle économique. Le développement des ressources dans la communauté demande une injection de fonds. Il ne faut pas se leurrer, on ne pourra pas développer de nouveaux services sans injecter des montants d'argent nouveaux. Par ailleurs, pour ce qui est des moyens, une injection de fonds temporaire serait nécessaire pour la période de transition. Je ne pense pas qu'il y ait besoin d'une injection de fonds qui devra perdurer pendant toutes les années. Cette période de transition, on l'évalue à environ cinq ans à partir du moment où on entreprendra les mesures nécessaires.

Les obstacles technocratiques. On peut être tenté de standardiser et d'uniformiser les services dans l'ensemble de la province, ce qui est un obstacle important au développement de services qui se voudraient une réponse aux besoins spécifiques d'un individu dans son milieu. On demande de planifier et de programmer les services, en collaboration étroite avec le milieu. Nous conseillons, nous recommandons de confier -je regrette, vous ne l'avez pas dans votre texte - à une autorité nommément désignée la responsabilité de coordonner la réalisation du changement, en confiant obligatoirement les responsabilités de planification, de programmation, de gestion des fonds et de contrôle. Nous ne disons pas que cette autorité doit nécessairement être dans un ministère. On pense que, nécessairement, elle doit impliquer les gens des régions et du milieu, ainsi que toutes les instances qu'on a déjà mentionnées.

Enfin, un autre obstacle, c'est la résistance au changement provenant des administrateurs, des professionnels et des employés. On pense que, par de l'information, de la sensibilisation, des programmes de

formation et aussi la participation au changement, on pourrait venir progressivement à bout de ces résistances. Il faut que les employés y trouvent aussi un bénéfice et de l'intérêt.

Nous concluons en disant qu'au début nous avons mentionné qu'il était urgent que le gouvernement pose des gestes concrets si nous voulons que le Québec se donne un système de services de santé mentale qui s'inscrive dans un mouvement d'évolution et qui soit une réponse réelle aux besoins des personnes. Il y a des actions prioritaires à entreprendre dont le prérequis essentiel demeure toutefois une volonté ferme du gouvernement d'apporter au système les changements requis. Sans cette volonté, on ne réalisera pas ce changement. (18 heures)

Quant aux actions, elles sont les suivantes: 1° adopter une politique de la santé mentale dans les meilleurs délais; 2° modifier la Loi sur les services de santé et les services sociaux; 3° réviser la Loi sur la protection du malade mental, statuer sur l'avenir des CH psychiatriques, attribuer une enveloppe de développement suffisante pour la période de transition, développer la structure organisationnelle qui assurera la préparation et la coordination des plans de services individualisés, planifier le développement du système de services en collaboration étroite avec les régions et organiser une campagne d'information, d'éducation et de sensibilisation de la population.

Je vous remercie de votre attention et je redonne la parole au Dr Lortie.

M. Lortie: Mme la Présidente, nous sommes prêts à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci. Je voudrais d'abord solliciter le consentement des membres de la commission pour poursuivre au-delà de 18 heures, c'est un rituel auquel il faut nous soumettre.

M. Lortie: Nous acceptons aussi.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pardon?

M. Lortie: Nous acceptons aussi.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'abord, je voudrais remercier l'association de la santé mentale d'être venue se présenter devant la commission. Je sais que c'est un problème qui vous tient à coeur, vous y consacrez beaucoup d'énergie sur une base bénévole et, pour certains, sur une base professionnelle. Je ne doutais pas que le mémoire que vous nous présenteriez traiterait de tous les éléments qui peuvent toucher à la réinsertion sociale. Évidemment, il s'agit d'un mémoire très complet. Ce ne sera pas ma première question, mais ma première réaction, c'était de vous demander comment vous chiffrez tout cela. Vous avez la réponse? Vous reviendrez là-dessus.

Il y a un élément qui n'apparaît pas -peut-être y est-il, mais pas d'une façon très explicite - c'est la participation de la famille ou le soutien à la famille. C'est un élément qui m'apparaît assez absent, en tout cas. Ce n'est pas explicité. Si on veut désinstitutionnaliser des gens et, surtout, si on veut prévenir l'institutionnalisation, je pense que c'est un élément important.

Mme Berryman (Christine): Ce n'est peut-être pas explicite dans le document, mais pour l'ensemble de l'association il est sûr qu'on ne désinstitutionnalise pas et qu'on ne lèche pas la personne dans un milieu sans avoir, au préalable, préparé le milieu et sans continuer è travailler avec le milieu en y apportant un soutien. Pour nous, c'est implicite, on le fait depuis tellement longtemps qu'il y a des choses qu'on oublie de mettre.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le milieu pouvant être soit la famille ou un milieu substitut ou...

Mme Berryman: La famille, le milieu naturel. C'est cela.

M. Lortie: L'une des activités importantes de l'association dans presque toutes les filiales, c'est justement l'existence d'un service de parrainage et de parents et amis du malade mental qui sert à la réinsertion du malade mental dans la société, bien sûr, mais qui sert aussi, en collaboration avec les autorités hospitalières et les autorités institutionnelles quelles qu'elles soient, de chien de garde pour le malade mental pour dire à l'institution ce qu'elle devrait faire ou ce qu'elle ne fait pas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

Mme Berryman: Ce que j'aimerais ajouter aussi, c'est que, lorsqu'on parle de l'ensemble des besoins de la personne, cela fait partie, cela aussi, de la problématique ou des composantes de la personne, son milieu social et son milieu familial.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord, merci. Oui. Vous voulez poser une question?Allez-y, M. le député de Marie-Victorin.

M. Pratt: Le parrainage de la personne, est-ce que cela rejoint l'idée du "case manager" dont on nous a parlé dans certains autres mémoires. La formule utilisée que quelqu'un puisse être un peu comme un tuteur ou un curateur amélioré pour un

individu? Est-ce que votre idée de parrainage rejoint cela?

Mme Doré: Le parrainage, c'est vraiment un accompagnateur dans la défense et le ssoutien de la personne. Par exemple, cela ne prend pas quelqu'un qui ait nécessairement une formation, mais c'est pour soutenir la personne dans toutes ses démarches. On parlait de plan de services, ce qui nous semble être un point essentiel de cette orientation. Cela veut dire, par exemple, que la personne n'est pas capable d'évaluer tous les éléments et d'exprimer peut-être tous ses besoins. C'est un peu comme un chien de garde qui veille sur cette personne qui est vulnérable - on sait que les personnes qui ont des troubles mentaux sont des gens vulnérables - qui ne possède peut-être pas tous les éléments pour bien évaluer certaines situations, des fois. Alors, ce sont habituellement des bénévoles, le parrainage civique, qui accompagnent ces gens pour les protéger.

M. Pratt; Si je comprends bien, ces parrains seraient regroupés dans un organisme indépendant.

Mme Doré: Habituellement, ils le sont. Je disais qu'ils n'avaient pas nécessairement une formation, mais ils peuvent avoir besoin de rapport.

M. Pratt: Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. Gélinas voulait ajouter quelque chose.

M. Gélinas (Paul-Marcel): À la base du service de parrainage à domicile, nous avions, l'intention, à l'association, de faire évoluer les professionnels dans les hôpitaux pour qu'ils s'habituent un peu à travailler avec les bénévoles dans la communauté, ce qui était un point un peu spécial et qui a été réussi dans sept hôpitaux de Montréal d'une façon très pratique. Ces personnes étaient invitées à siéger pour une étude de cas avec les infirmières, le psychiatre, le travailleur social. La bénévole était prévenue de la conduite du malade à domicile. On faisait cela surtout avec les personnes qui sortaient de l'hôpital psychiatrique. Après un séjour de même seulement trois ans, on est totalement désocialisé. On a peur d'aller dans un parc, on ne sait pas comment aller à la banque, etc. Or, le bénévole qui se présente là régulièrement, toutes les deux semaines, par exemple, à une heure fixe, a aidé à des rapatriements dans la communauté. Cela rejoint ce que vous disiez tantôt: cela a aidé les familles. On rejoignait l'hôpital, on rejoignait les professionnels et on rejoignait la famille en même temps. C'est un effort terrible qu'on demande aux bénévoles.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une question d'ordre plus général. Est-ce que l'association de la santé mentale du Québec a des statistiques un peu plus précises sur les personnes qui vivent avec des problèmes psychiques, soit d'une façon chronique ou, enfin, à partir peut-être de certains diagnostics ou encore, d'une façon générale, par catégories d'âge? Vous parlez beaucoup, par exemple, de la catégorie des 18-40 ans. On y reviendra parce qu'on ne l'a pas assez poussé. Il y en a d'autres qui nous ont mentionné ce problème particulier. Est-ce que vous avez des statistiques générales sur la maladie mentale au Québec ou si vous avez d'autres statistiques, par référence à d'autres milieux?

M. Lortie: Malheureusement, ces statistiques n'existent pas. Je ne connais pas d'endroits où elles existent, non plus. Les hôpitaux psychiatriques et leurs représentants, il y a plusieurs années, ont essayé de mettre sur pied un système sur ordinateur pour avoir un décompte de ce qui existe dans la population et de ce qui existe dans les hôpitaux psychiatriques. La division des hôpitaux psychiatriques, enfin ce que c'était en 1972, 1973, 1974, a aussi essayé de faire ce décompte. C'est une entreprise gigantesque, énorme, très difficile. Le fichier des malades au ministère des Affaires sociales, direction des études épidémiologiques, n'a pas, non plus, ces données. C'est une recommandation qui n'est pas dans notre mémoire, mais que j'aimerais soulever ici et proposer. Je pense que, si on veut faire un compte exact de ce à quoi nous avons affaire, il faudrait reprendre ce système informatisé pour avoir une meilleure idée de ce qui nous confronte.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, dans le moment, vous évalueriez cela en fonction de la statistique plus ou moins officielle du 1 % de la population...

M. Lortie: C'est cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... qui souffre d'une maladie chronique presque.

M. Lortie: C'est cela. C'est ce sur quoi nous nous basons toujours. Ce sont les données qui ont été fournies, il y a 25 ans, par l'Organisation mondiale de la santé. C'est 30 malades hospitalisés, 30 malades qui sont en clinique externe, 300 malades qui sont en congé de l'hôpital et 3000 malades potentiels pour une population de 100 000. Enfin, ce sont des chiffres de cet ordre-là. 11 n'y a rien de précis là-dedans. De plus, nous savons que la maladie psychiatrique comme telle change de modèle. Les malades de 18 à

40 ans dont nous avons parlé ne présentent pas le même genre de schyzophrénie, par exemple, que ce à quoi nous étions habitués. Je serais obligé de réapprendre ma psychiatrie pour travailler en milieu psychiatrique, dans un hôpital psychiatrique. C'est la même chose pour les maniacodépressifs. L'évolution est tellement grande qu'il faudrait tenir compte de cela aussi dans les données qui nous sont fournies par un ordinateur quelque part.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Et, puisque nous sommes dans les statistiques, pour compléter cela, vous faites référence à une étude du Massachusetts qui a évalué ses besoins institutionnels à quinze lits par 100 000 habitants. J'ai eu l'impression que vous avez dû calculer 2 000 000 pour le grand Montréal; en tout cas, vous arrivez à 300 lits. Premièrement, est-ce qu'ils ont atteint cet objectif au Massachusetts? Deuxièmement, compte tenu de quelques statistiques de cet ordre qu'on a eues hier, par exemple, on va nous dire que, dans un hôpital comme Douglas - ils ont 800 patients - ils pourraient certainement en sortir 100, ils vont travailler et peut-être que l'année d'après ils pourraient en sortir 50, cela dépendra de l'évolution des choses. Mais, à les écouter parler, on a l'impression qu'il n'y en avait que 400 qui devraient rester à Douglas - c'est mon évaluation personnelle - d'une façon permanente.

Maintenant, on avait, par contre, des représentants d'un autre milieu psychiatrique qui disaient: On a vraiment des problèmes de traitement de personnes à long terme que nos services dans les hôpitaux de courte durée ne peuvent pas satisfaire, sauf qu'on les garde parce qu'il y a toute la sectorisation, mais je ne veux pas entrer là-dedans. On disait que, pour un bassin de 300 000 habitants, pour ces personnes on aurait besoin de 60 lits. Cela allait en sus de ce qu'il y avait à Douglas et, même en coupant Douglas de moitié, Louis-Hippolyte-Lafontaine aussi serait probablement coupé... C'est juste pour la sous-région nord.

Ce que je veux dire, c'est qu'avec 300 lits pour une population de 2 000 000 - et vous dites que vous tenez compte des personnes âgées qui ont besoin de ressources de longue durée et des déficients mentaux ayant des troubles sérieux de comportement - je me demande si dans le fond vous ne dites pas qu'il n'y a pratiquement pas besoin de lits permanents pour les personnes psychotiques.

Mme Doré: Ce qu'on a fourni ici est un résultat d'étude. Je vous dirai qu'au moment où j'étais coordonateur de la Commission des services psychiatriques on avait fait un tour de table et au pifomètre on disait que cela prendrait effectivement entre 200 et 300 lits de soins de longue durée à Montréal. Mais, il faut s'entendre sur les soins de longue durée. Ce sont des soins de longue durée, mais intensifs. Ce n'est pas de l'hébergement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah bon!

Mme Doré: L'hébergement, c'est autre chose. Ce sont des soins intensifs de longue durée, de deux, trois ou cinq ans, selon la personne. Mais ce ne sont pas des soins à rabais. Je pense que c'est une nuance qui est très importante de prime abord.

Deuxièmement, vous dites que Douglas présentait plus dans le cadre de la désins-titutionnalisation. Si on prend Montréal, Montréal a un héritage du passé. La population qui est dans les hôpitaux psychiatriques de Montréal ne provient pas essentiellement de Montréal. Vous devez savoir qu'il entre très peu de personnes en soins de longue durée qui proviennent de Montréal dans ces hôpitaux. Le nombre d'admissions provenant des hôpitaux de courte durée vers ces hôpitaux... Je me souviens que Louis-Hippolyte-Lafontaine en avait admis treize en deux ans, je pense. C'est donc très minime. Dans les hôpitaux de courte durée, toujours à Montréal, c'est autour de 10 % de leur clientèle qui sont des patients de plus longue durée.

Je voyais madame qui faisait non. Vous me dérangez dans mon développement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On a eu d'autres chiffres. Dans certains endroits, on a dit que cela pouvait aller jusqu'à 30 %.

Mme Doré: Évidemment, cela peut varier. Un hôpital peut être à 5 %. C'est très important de souligner que l'absence de ressources de soutien adéquats dans la communauté, cela va évidemment fausser tous les chiffres. Il y aurait peut-être des personnes qui sont en soins de longue durée qu'on pourrait intégrer. Mais on ne peut pas le faire dans la situation actuelle du réseau, ce qui fait qu'ils demeurent là.

Vous avez aussi toute la question autour des services aux personnes âgées qui n'est peut-être pas réglée. Est-ce que la démence sénile doit rester au niveau de la psychiatrie ou est-ce qu'on devrait avoir des centres hospitaliers pour personnes âgées, des CHSP, des unités de gériatrie, qui offriraient ce service? C'est très large. Alors, quand on dit 300, c'est 300 dans un système où on a réglé beaucoup de problèmes et où on a vraiment organisé des services. (18 h 15)

J'aimerais ajouter ceci - parce que j'avais commencé tantôt - concernant Douglas. Alors, on ne dit pas que, demain matin, on devrait diminuer les lits à Montréal et dire 300 lits, c'est suffisant. Il

y a des gens - il va falloir travailler avec cela, composer avec cela - qui sont en institution depuis quinze ou vingt ans et même plus. Dans l'approche de l'association canadienne, on dit - on sait que plusieurs ont présenté surtout la désinstitutionnalisation -mettons d'abord les services dans la communauté pour les personnes qui, actuellement, n'ont pas de services suffisants; deuxièmement, regardons les personnes qui sont dans des ressources institutionnelles du type familles d'accueil et pavillons et offrons-leur un service de plus grande qualité, ce qui évitera qu'elles ne soient réhospitalisées. À Louis-Hippolyte-Lafontaine, on avait fait le calcul; le nombre de réhospitalisations de gens qui sont dans la communauté occupe 600 lits par année. Alors, si on ferme le robinet avant d'enlever le bouchon - je pense que c'est le premier pas - ensuite, pour les gens qui sont hospitalisés depuis très longtemps, on pourra voir justement quel type d'intégration faire. Mais c'est clair que, pour nous, ce ne sont pas les personnes auxquelles devraient s'adresser en premier lieu les ressources communautaires.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Au Massachusetts, finalement, est-ce qu'on ne l'a pas...

Mme Doré: Je ne le sais pas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous ne le savez pas. Dr Lortie.

M. Lortie: J'ai eu le privilège, au cours des années cinquante, de faire ma résidence dans le Massachusetts, au Worcester State Hospital. Quand j'y suis arrivé, il y avait 2800 malades. Quand je suis parti, quatre ans ou trois ans et demi après, il en restait seulement 2400. Ce n'est pas moi qui les ai mis en congé, mais c'est l'effort global de tous les psychiatres et résidents en psychiatrie qui a fait que nous les avons mis en congé. Je suis retourné visiter mon alma mater en 1972; ils étaient rendus à 700 malades. Donc, cela s'est fait sur une longue période. Les malades qui n'étaient plus là étaient dans des centres d'accueil pour personnes âgées, pour la plupart; les autres -on avait fermé le robinet avant de tirer le bouchon - étaient admis dans des centres de jour ou des centres de soir, dans des institutions beaucoup plus légères, de sorte qu'ils n'avaient pas recours à l'hospitalisation. Les 700 malades qui demeuraient là étaient les 300 malades du service médico-chirurgical, qui sont restés là parce que c'est un hôpital général en soi, et aussi 400 malades difficiles à caser. Mais ils ne craignaient pas de ne pas pouvoir les caser éventuellement. Mais il y avait à peu près 125 lits qui étaient utilisés par la population desservie par le Worcester State Hospital, qui est une population d'environ 1 500 000 habitants. Alors, c'est le genre de résultat auquel ils en sont venus. Mais, c'était une politique qui était concertée, qui était voulue de la part de tous les hôpitaux psychiatriques de l'État, pas seulement pour le Worcester State. C'est ce qui fait qu'on a pu bâtir des centres d'accueil appropriés aux personnes âgées qui ne nécessitaient pas de soins psychiatriques.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, Dr Lortie. Mme la députée de Dorion.

Mme Lachapelle: Madame disait, tout à l'heure, que pour elle, ce sont les CLSC qui devraient jouer le premier rôle, qui devraient donner les soins de première ligne. Alors, je crois beaucoup à cela. J'ai composé, il n'y a pas si longtemps, avec l'aide de la population de mon quartier, le conseil d'administration de mon CLSC. Je l'ai composé, naturellement, avec les gens du quartier - je me demande ce que vous en pensez - donc avec des Néo-Québécois, des hommes, des femmes, des jeunes et une mère de famille qui a un enfant handicapé. Je ne voulais pas qu'on oublie cette clientèle. Je me demande si vous pensez que c'est une bonne formule, pour que, justement, cette dame puisse parler au nom des autres dans les CLSC. Donc, cela permettra à ces derniers d'étudier des programmes de services, de les mettre en place pour cette population. Si on le faisait un peu partout, si tous les CLSC le faisaient, cela réveillerait et sensibiliserait aussi la population de chacun des quartiers; ce serait peut-être déjà une première démarche à faire. Parce que j'ai toujours peur qu'on lance un peu tout le monde comme cela, qu'on veuille les intégrer à la société, les laisser un peu "libres", entre guillemets, mais qu'on se soit si peu organisé qu'après cela on ait des pas de reculons à faire. Je ne voudrais pas.

Alors, je ne sais pas si vous pensez que c'est une bonne formule qu'à chacun des conseils d'administration, ces personnes, au même titre que les autres, les Néo-Québécois, les femmes et les hommes, soient représentées. Alors, comme cela, on est sûr qu'on ne les oubliera pas.

Mme Berryman: Je trouve, personnellement, que c'est une formule très intéressante et qu'il faut promouvoir, que des groupes qui représentent des populations minoritaires siègent à des conseils d'administration de CLSC. Dans la région de Québec, l'association, par l'entremise de différents autres organismes qui s'occupent de santé mentale et qui sont probablement venus ici présenter des mémoires, travaille auprès des comités d'implantation des nouveaux CLSC pour faire valoir la problématique en santé mentale et

demander que des actions soient entreprises pour l'implantation des nouveaux CLSC dans la région. Mais la formule que vous employez, je la trouve très intéressante.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): S'il n'y a pas d'autres questions, moi, j'en ai toujours. Ce n'est pas votre fonction, mais, par hasard, vous n'avez pas d'inventaire de ce qui existe comme ressources alternatives au Québec. Ce pourquoi je vous le dis, c'est parce que vous les qualifiez. Je me suis dit: Peut-être qu'ils les ont examinées. Vous dites, par exemple, que c'est sporadique, que ce n'est pas durable, que c'est un peu éparpillé, qu'il n'y a pas de coordination. Vous dites que les mouvements d'entraide commencent à émerger, qu'on voit bourgeonner des choses, mais il n'y a rien de très organisé. C'est tout ce que vous pouvez dire à ce moment-là.

Mme Berryman: Dans la région de Québec comme telle, on est un peu plus organisé. On a créé un regroupement des ressources dans la région immédiate de Québec. La majorité des ressources alternatives et des ressources bénévoles qui travaillent dans la région, on les connaît; elles sont identifiées et elles sont assises autour d'une table avec nous. Où il y a de la difficulté, c'est au niveau provincial. Il y a quand même un regroupement des ressources alternatives de Québec ou de Montréal, mais toutes les ressources qui émergent ne sont pas recensées. Elles ne se font pas nécessairement connaître aussitôt qu'elles viennent au monde. C'est la difficulté, on ne connaît pas toutes les nouvelles.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

Mme Doré: Si vous me le permettez, quand on soulignait que les services étaient fragmentés, insatisfaisants, etc. - je pense que c'est à cela que vous faisiez appel - on parle de la distribution actuelle des services incluant autant l'institutionnel que le non-institutionnel. On parle vraiment dans l'objectif d'un service intégré. Même s'il existe certains services communautaires, il n'y a pas de coordination. Chacun a ses critères d'admission, ses critères d'exclusion, ce qui fait que vous pouvez trouver un nombre important de personnes qui ne trouvent de réponse nulle part, autant dans les services institutionnels, pour lesquels la personne peut faire le choix que cela ne lui convient pas, que dans telle autre ressource. Ou si elle s'adresse, par exemple, à tel type d'organisme communautaire, il y a toute une autre partie qui ne sera pas couverte. Si, dans un groupe d'entraide, elle reçoit du support, il y a des activités le soir, etc., elle peut échanger, mais, pour son problème travail, son problème loisir, son problème adaptation sociale, elle n'est pas nécessairement supportée.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme Berryman.

Mme Berryman: D'où je vois, à partir de ces constats, l'importance du plan d'action individualisé, c'est-à-dire du plan de services individualisé pour la personne, où on analyse tous ses besoins, où on voit où elle peut avoir du service et où on voit avec elle ce qu'elle veut faire et ce qu'elle peut faire à l'intérieur de ces services, et aussi ce que les services peuvent faire pour elle. C'est très important pour moi de faire cette évaluation des besoins et d'élaborer un plan de services.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non seulement vous avez abordé le groupe des 18-40 ans, mais vous avez dit: C'est sur ce groupe qu'on attire davantage l'attention. D'autres groupes l'ont abordé et, finalement, dans le feu de la discussion, on l'a un peu, nous aussi, laissé pour compte. Au sujet des jeunes en particulier - peut-être que cela s'appliquerait à ceux aussi de 40 ans - vous avez une très bonne expression, vous dites: "Les fous crient au secours" avait été écrit ou était passé quand eux ont eu recours à des services. On nous a dit: II ne semble pas y avoir de services dans la communauté -quand je dis "dans la communauté", c'est autant institutionnels qu'autres - ou la façon de la communauté de répondre aux besoins de ces jeunes est inadéquate, et il faut leur trouver quelque chose. J'avais l'impression qu'on leur donnait du soutien, ceux qui avaient des jeunes dans ces groupes-là, mais je me demandais si, au plan thérapeutique, on était aussi un peu perdu. Vous avez dit, Dr Lortie, qu'il a fallu réapprendre la psychiatrie pour pouvoir s'en occuper. J'aimerais que vous élaboriez sur les problèmes particuliers du groupe plus jeune.

M. Lortie: La façon dont ce groupe d'âge m'a frappé, c'est d'abord parce que j'ai participé à une étude sur le suicide où on s'est rendu compte, justement, que c'étaient les jeunes, dans les statistiques que nous avions, de 15 à 29 ans qui se suicidaient davantage.

J'ai lu beaucoup et j'ai consulté des épidémiologistes et un démographe surtout qui m'a dit: La population dont vous vous occupez, c'est celle qui est née après 1951 et c'est le groupe du "baby boom" d'après la guerre, c'est le groupe le plus dépouillé, le plus mal partagé à jamais venir au monde. Il n'y a jamais personne qui est allé dans une école primaire où il y avait 1000 élèves, il n'y a jamais personne qui est allé dans une

école secondaire où il y en avait 2500, cela n'a pas de sens. Ce sont des chiffres aberrants, mais il a fallu faire cela et ce n'est pas seulement au Canada, ni au Québec que cela s'est fait. Cela s'est fait partout. C'est la population qui, on le sait, démographiquement se marie le moins et divorce le plus. C'est aussi la population qui a le moins d'enfants, c'est la population qui a le plus haut taux de criminalité qu'on ait jamais vu et c'est aussi celle qui se tue davantage. C'est vraiment un groupe d'âge qui est très à risque.

Évidemment, tout le monde n'est pas atteint. Dans l'évolution des statistiques québécois sur le suicide, on voit une pointe qui monte, en 1979, où, à 29 ans, on a un pic très élevé. Ce pic, depuis 1979, s'est déplacé avec le groupe d'âge, de sorte qu'on pense que le pic en question va toujours se déplacer vers le groupe d'âge le plus avancé, c'est-à-dire que, dans 5 ans, cela va être le groupe d'âge de 39 ans, dans quinze ans cela va être le groupe d'âge de 49 ans et ainsi de suite. C'est toujours ce groupe qui va se suicider davantage et c'est toujours ce groupe qui sera le plus à risque.

Je pense qu'on ne sait pas comment répondre à ce groupe d'âge parce qu'il n'y a jamais eu suffisamment d'écoles correctionnelles, appelons-les comme on voudra, d'écoles de réforme ou de mécanismes de prise en charge de ce groupe d'âge qui auraient pu faire en sorte qu'on les sorte de l'état dans lequel ils sont. Je ne sais pas si on arrivera jamais à le faire, mais je pense que c'est un groupe d'âge qui va mériter notre attention parce qu'ils sont dérangeants, ils sont dérangés et ils sont préoccupants, parce qu'ils ont une qualité de vie, pour un grand nombre d'entre eux, qui est très mauvaise. Je ne sais pas quel moyen on a, quel moyen on pourrait inventer pour les prendre en charge. Je pense que c'est le même groupe d'âge qui a fait le "Flower Power" et qui a fumé, qui a pris de la drogue, qui a fait tout cela. 11 y a un taux d'alcoolisme énorme aussi dans ce groupe d'âge. Ce n'est vraiment pas un cadeau. Et quand ils vont arriver à 65 ans, il n'y aura pas assez d'argent dans les coffres pour leur payer une rente convenable, que ce soit le bien-être ou que ce soit la pension de vieillesse. Ils sont vraiment mal pris et ils ne contribuent pas, non plus, au trésor gouvernemental pour alimenter leur caisse de retraite. Ils sont trop nombreux sur le marché du travail, il y a un haut taux de chômage, enfin, ils sont vraiment mal pris.

Qu'est-ce qu'on peut faire au point de vue société, au point de vue groupe psychiatrique, groupe de santé pour les aider? Je pense que c'est une question qui commence à alerter les autorités de santé publique un peu partout en Amérique du Nord et aussi en Europe et je pense qu'il va falloir qu'on emboîte le pas et qu'on cherche avec eux comment faire pour les aider.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'ils se présentent aux cliniques externes, par exemple?

M. Lortie: Non, ils ne se présentent pas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour une institution donnée, vous avez sans doute des statistiques sur la courbe d'âge des gens qui y vont. Est-ce que leur pourcentage est de beaucoup inférieur, par exemple, au groupe de 35 ans à 45 ans ou de 35 ans à 50 ans?

M. Lortie: Dans un hôpital général, je ne pourrais pas vous le dire. Je ne connais pas de statistiques là-dessus, mais je peux vous dire qu'à l'hôpital Sainte-Justine, où je travaille depuis quelques années, on est obligé d'augmenter la limite d'âge d'admission. C'est un débat qui est en cours à l'hôpital Sainte-Justine. Est-ce qu'on va continuer à traiter ces jeunes, ces adolescents qui ont 20, 22, 25 ans et qui sont encore des adolescents, parce qu'on les a déjà pris en charge il y a déjà 10, 15 ans ou si on les renvoie dans d'autres hôpitaux? Le consensus, à l'hôpital Sainte-Justine, c'est qu'on n'a pas le choix, il faut les garder parce que, si on les envoie dans d'autres hôpitaux, ils n'iront pas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est un petit peu en dehors du débat, mais on a dit que les 18-35 ans ont eu ceci, ont eu cela et, finalement, ils sont déviants par rapport aux normes officielles. Quelle est votre vision des 10 à 18 ans? Est-ce qu'on recommence à rattraper la génération plus jeune ou si on va se retrouver, finalement...

M. Lortie: Je ne sais pas.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous ne savez pas? Eux, ils ont un foyer séparé, des parents divorcés et...

M. Lortie: Oui, c'est toujours la même chose. Comme un d'entre eux le disait, il y a une couple d'années: Moi, je suis un enfant expérimental. Ils ont tout expérimenté sur moi, le système scolaire, le travail des parents, tout. Alors, il ne sait pas comment s'en sortir.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): S'il n'y a pas d'autres questions, je veux vous remercier encore une fois.

M. Lortie: Est-ce que je pourrais faire un petit commentaire en plus?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, Dr Lortie.

M. Lortie: Je voudrais insister - je ne sais pas si on l'a fait suffisamment - sur la nécessité d'une autorité à un niveau le plus élevé possible...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voulais vous poser la question.

M. Lortie:... qui organiserait, contrôlerait, planifierait et implanterait les ressources nécessaires. On a parlé de la sécurisation, j'en ai entendu parler cet après-midi. Je pense que c'est un bon système, à la condition qu'il y ait un coordonnateur, quelque part, en haut, qui empêche les secteurs de se "garrocher" les patients. Quand il y avait quelqu'un qui surveillait, il n'y avait pas de "garrochage"; maintenant, il y en a.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'avais une question - cela m'a échappé -justement dans cet ordre-là. Est-ce que ce ne seraient pas, normalement, les CRSSS qui devraient faire cela? Ce sont eux qui établissent, à l'intérieur d'un territoire donné, les sous-régions et les secteurs. Est-ce que ce serait à partir d'eux aussi? En tout cas, ce sont eux. Sans cela, qu'il y ait une autorité au ministère - on doit l'appeler maintenant le MSSS, je suppose, il va falloir que je m'habitue, c'est la première fois que je dis cela - qui, évidemment, doit faire la planification générale et établir les grandes politiques, etc., mais, après cela, est-ce que ce ne serait pas beaucoup plus efficace que les CRSSS qui ont la responsabilité de planification et de la distribution des budgets, le fassent sur une échelle plus petite, au moins dans les différentes régions du Québec, ou bien est-ce que, jusqu'à ce moment-ci, cela a été le parent pauvre des CRSSS? Je ne le sais pas.

M. Lortie: C'est une question qui n'est pas facile. Je pense que cela va demander beaucoup d'ouverture d'esprit de la part de tous les participants et des intervenants pour décider où devrait être l'autorité. Je pense qu'après la disparition des services psychiatriques du Dr Bédard, il y a eu un laps de trois ou quatre ans où il n'y avait personne ou, enfin, quelques coordonnateurs régionaux. On a repris ce service au sein du ministère des Affaires sociales comme faisant partie à parts égales avec les autres services et la première chose qu'on a su, c'est qu'il est tombé. En tombant, il a essayé de passer la balle aux conseils régionaux et les conseils régionaux l'ont ramassée avec un peu de retard. Je pense que celui de Montréal a été le premier à le faire. Je ne sais pas s'il a l'autorité nécessaire, il faudrait le demander à la conseillère à la programmation.

Mme Doré: Évidemment, on a établi comme règle de fonctionnement, en ce qui concerne la sectorisation, qu'on ne doit pas transférer de patients sans avoir établi une entente; cela se fait par entente. Quand on parle d'autorité, je pense que le Dr Lortie le signalait tantôt, vous dites: Est-ce que ce ne serait pas aux conseils régionaux? Ce qu'on voulait dire, parce qu'on a parlé de l'implication des milieux, c'est que, pour qu'il se fasse une gestion du changement et qu'on n'aille pas en avant pour ensuite reculer, mais qu'on soit toujours en processus d'évolution, cela pourrait être, par exemple, un mandat de la conférence des CRSSS. C'est certain qu'on ne dit pas: II y a quelqu'un au ministère qui planifie tout et cela descend vers la base ensuite. C'est absolument nécessaire qu'il y ait vraiment ce lien de tous les partenaires concernés.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Merci encore une fois. Ah oui! Encore une fois, il faut que je suspende les travaux. Les travaux sont suspendus jusqu'à 19 h 45.

(Suspension de la séance à 18 h. 35)

(Reprise à 20 heures)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La sous-commission des affaires sociales reprend ses travaux.

Avant d'inviter le prochain groupe qui est prévu à notre ordre du jour, je voudrais indiquer à la commission une modification à l'ordre du jour, c'est qu'après le Regroupement des parents et amis du malade mental (section Québec), représenté par les personnes désignées, il faudrait enlever Mme Esther Taillon qui viendra à titre privé, accompagnée de Mme Andrée Dorion. Cela va?

M. Lafrenière: Cela va.

Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

J'invite immédiatement à la table la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec Mme Brazeau-Patenaude.

M. Landry (Pierre): Je voudrais vous présenter Mme Brazeau-Patenaude, la présidente de la corporation, et Mme Françoise Hevey, vice-présidente à la corporation, également praticienne en service social, en pédopsychiatrie, à l'hôpital Albert-Prévost, ainsi que Mme Yolanda Sabetta, qui

s'est jointe au groupe et qui est chef du service social psychiatrique de l'hôpital Notre-Dame.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II faudrait vous identifier.

M. Landry (Pierre): Je suis Pierre Landry, directeur de la corporation. Je vais jouer le rôle d'animateur à ce bout-ci de la table.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous pouvez procéder, Mme Brazeau-Patenaude. Je pense que c'est vous qui présentez le mémoire.

Mme Brazeau-Patenaude (Christiane): D'abord, je tiens à remercier les membres de la commission de nous permettre de nous exprimer. J'attire votre attention sur deux erreurs qui se sont glissées dans l'impression du texte: une première à la page 9 dans une citation en anglais, la citation du Dr Glenn, à la troisième ligne, on dit "one agency leaving the ability"; c'est "having the ability". Je pense que c'est important.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

Mme Brazeau-Patenaude: Ainsi que dans la bibliographie, au quatrième point, à la troisième ligne, c'est édité par John Abbott. Merci. On s'excuse de ces erreurs.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parfait.

Mme Brazeau-Patenaude: Pour nous, travailleurs sociaux, on trouve bien important d'être présents ici ce soir parce que, entre autres, la préoccupation et le travail auprès des gens ayant des troubles mentaux ont toujours fait partie de notre travail. De par notre formation, de par nos préoccupations, on a toujours eu à travailler avec la communauté, les hôpitaux et les institutions pour intégrer ou réintégrer les gens souffrant de troubles mentaux.

Dans notre document, on a essayé de clarifier les troubles mentaux, de voir qui cela touchait. De par nos réflexions et selon la documentation, cela touchait autant les gens qui sont atteints de déficiences mentales que de maladies mentales comme telles, bien que chacun ait des problèmes particuliers et doive avoir des ressources qui lui sont propres. Cependant, la clientèle actuellement hospitalisée ou suivie en psychiatrie nous préoccupe particulièrement, entre entres les jeunes adultes de 18 à 35 ans qui sont souvent une clientèle délaissée par toutes les institutions, à moins d'avoir une gravité au niveau de leurs problèmes, comme des problèmes psychiatriques chroniques.

Il nous apparaît important que les personnes souffrant de troubles mentaux aient des soins professionnels accessibles de façon continue et permanente, que cela soit en situation de crise ou durant l'hospitalisation. Il nous apparaît aussi important qu'il y ait un support continu à leur famille et à leur environnement et qu'il y ait aussi un réseau d'hébergement protégé pour ces gens-là. Les activités de jour axées sur l'occupation, les loisirs, le travail et la réadaptation doivent être présentes dans la communauté.

Nous sommes certains - cela a aussi été démontré dans les documents - que les gens souffrant de troubles mentaux peuvent avoir une qualité de vie dans la communauté pour autant qu'ils ont des services de façon continue et accessible. Il ne faut pas, non plus, oublier que certains d'entre eux auront probablement besoin, tout au long de leur vie, de soutien professionnel, de bénévoles et d'un groupement communautaire.

Les travailleurs sociaux ont été présents auprès des personnes souffrant de troubles mentaux en favorisant leur maintien dans la communauté par les différents services qui sont offerts soit dans les hôpitaux, les services psychiatriques, les établissements comme les centres d'accueil pour les déficients mentaux; par la participation à des équipes multidisciplinaires, que cela soit par des services aux enfants ou aux adultes; par le recrutement, la surveillance et le support, jusqu'à présent, aux familles d'accueil; par l'implication récente - pas si récente que cela, dans les faits - pour les ressources alternatives; par les services de protection de la jeunesse; par les programmes de soutien aux personnes handicapées intellectuelles; par les services offerts dans les réseaux d'aide aux itinérants; par les services offerts en collaboration avec les services d'apprentissage aux habitudes de travail; par les groupes d'entraide et par l'intervention auprès de la famille et de la communauté.

Compte tenu des ressources matérielles et de personnel actuellement insuffisantes, on peut dire que les travailleurs sociaux portent à bout de bras ces gens-là. Entre autres, la jeune clientèle des 18-35 ans, nouvellement identifiée, qui n'a pas nécessairement connu une institutionalisation et qui a des troubles mentaux chroniques nous préoccupe souvent parce que les ressources sont quasi inexistantes. On parle beaucoup de désinsti-tutionnalisation, mais il y a des gens qui ont peut-être besoin d'un contexte institutionnel alors qu'il y a peu de ressources actuellement.

Cependant, pour qu'il y ait au Québec un système intégré de services pour maintenir ces gens dans la communauté, il nous apparaît qu'il y a des obstacles à éliminer. Entre autres, la négation, dans les termes ou les discours, de la maladie mentale exprimée dans les textes émanant des

différents paliers gouvernementaux nous préoccupe. Aujourd'hui, on parle de commission de la santé mentale plutôt que de commission de la maladie mentale. On se demande si, à plus ou moins long terme, on ne minimisera pas l'impact et la présence de la maladie mentale dans notre société.

De plus, il nous apparaît que la mise sur pied de services destinés à promouvoir la santé mentale n'a pas du tout la même portée, ni les mêmes coûts que l'instauration de supports communautaires pour les personnes souffrant de troubles mentaux. Pour nous, la maladie mentale est une entité réelle qui est très présente dans notre société et qui prend une importance de plus en plus grande. D'ailleurs, les études américaines le démontrent assez clairement.

Il nous apparaît actuellement qu'il y a un mythe au niveau de la déprofessionnalisation. Nous ne croyons pas que les gens souffrant de troubles mentaux pourront être pris en charge exclusivement par des groupes communautaires. Il nous apparaît que les groupes communautaires doivent être présents, que les professionnels doivent être présents, que les institutions aussi doivent être présentes. D'ailleurs, les groupes communautaires reconnaissent l'importance des services professionnels. Ils veulent qu'ils soient accessibles et continus et ils nous demandent qu'il y ait une supervision responsable de ces gens-là vivant dans la communauté.

Le contexte actuel n'est pas facile, parce qu'il existe quand même une certaine rigidité chez certains intervenants dans le domaine de la psychiatrie qui favorise le modèle médical et qui minimise l'impact des supports familiaux et sociaux pour le maintien des personnes souffrant de troubles mentaux dans la communauté. Pour nous, ce manque d'ouverture ou cette compréhension restrictive de la maladie mentale favorise une dépendance avec le milieu institutionnel et limite l'utilisation des services sociocommunautaires. Il maintient ou limite, en tout cas, les chances de succès d'une réinsertion pour certaines personnes.

Il nous apparaît aussi qu'il va falloir sortir des modèles traditionnels d'intervention, entre autres pour la clientèle des 18-35 ans qui, souvent, est sans domicile fixe, incapable de se soumettre à des horaires rigides d'entrevue et qui, pourtant, est en besoin criant de services, refusant les services tels que dispensés actuellement et obligeant les intervenants à se remettre en question.

Nous dénonçons le déséquilibre budgétaire actuel entre les programmes de santé et les programmes de services sociaux. À notre avis, une politique gouvernementale de maintien et de soutien des personnes ayant des troubles mentaux dans la communauté devrait être appuyée par des budgets et des effectifs suffisants. Par effectifs, on pense autant aux professionnels, aux bénévoles, qu'à l'organisation comme telle de la vie dans la communauté.

Il y a un autre obstacle, soit l'insuffisance au Québec de recherche fondamentale et de recherche évaluative valables dans le domaine des services communautaires. À l'heure actuelle, alors qu'on pense à un tournant ou qu'on réévalue les services offerts aux gens souffrant de troubles mentaux, il nous apparaît important qu'on soit capable de réévaluer ou d'évaluer les tangentes ou les directions qu'on va prendre pour s'assurer que les services sont adéquats et efficaces.

Au Québec nous avons déjà une structure mise en place pour les services de soins - on pense à la Loi sur la santé et les services sociaux - mais que doivent être définis à très court terme des objectifs clairs axés sur les résultats, à obtenir que les responsabilités, les pouvoirs, les budgets doivent être clairement identifiés pour chacun des niveaux - on pense aux niveaux gouvernemental, régional et local - et qu'il doit y avoir un leadership clairement désigné à un organisme pour s'occuper des gens ayant des troubles mentaux.

Aussi, il est temps qu'il y ait une trève dans les guerres idéologiques, les guerres institutionnelles, les guerres de pouvoir, et que les responsabilités soient clairement définies. Dans le développement des services communautaires intégrés, il faudra préserver et maximiser les expertises existantes et cela, à quelque niveau que ce soit. (20 h 15)

Je pense à un point important. Il faudra également tenir compte de la capacité des populations d'accueillir et de supporter les personnes souffrant de troubles mentaux. Notre communauté, notre population du Québec doit être éduquée et mise à contribution afin d'éviter la création de ghettos ou, tout simplement, le rejet de ces gens-là. De plus, une responsabilité d'éducation doit être donnée.

Pour nous, la réussite du maintien et de la réinsertion des malades, des personnes souffrants de troubles mentaux arrivera lorsqu'il y aura un véritable système d'aide communautaire à l'intention ' de ces personnes.

Nous croyons que les querelles de leadership, les lenteurs administratives, les décisions arbitraires doivent cesser et qu'on doit travailler de plus en plus ensemble à la mise sur pied de ressources alternatives à l'hospitalisation psychiatrique. Entre autres, nous, les travailleurs sociaux, avons un rôle important "d'advacacy", comme on dit dans notre jargon, pour ces gens-là. Souvent, c'est nous qui devons défendre leurs droits et leurs besoins. Nous avons aussi un rôle de "follow-up", de stimulation, d'intervention et de

"counselling". Nous sommes prêts à le jouer en collaboration avec les différents intervenants.

En guise de conclusion, nous recommandons, pour les personnes ayant des troubles mentaux et vivant dans la communauté, la mise en place d'un système responsable de services de support communautaire. Ce système devra avoir des niveaux de responsabilité clairement définis entre les différentes instances du réseau, les services communautaires, les groupes communautaires, les parents, la communauté, etc. Il nous apparaît qu'une budgétisation adéquate pour ces services doit être mise de l'avant, soit par l'argent neuf, soit par un transfert de budget, à plus long terme, provenant des grands hôpitaux psychiatriques au profit des services de support.

La clientèle des 18-35 ans devra être "priorisée", à notre avis. Parce qu'entre autres elle fait l'objet de problèmes sociaux importants tels le chômage, l'itinérance, l'isolement, la violence familiale, le suicide, la maladie mentale - on en a parlé tantôt -et qu'elle est mal désservie par les services du réseau actuel, cette clientèle nous semble très vulnérable.

Il nous apparaît également qu'un échéancier prudent face à la désinsti-tutionnalisation des bénéficiaires actuels des grandes institutions est nécessaire. Celle-ci ne devrait pas se faire avant que les supports communautaires soient en place, que l'on pense à l'hébergement protégé, que l'on pense à des centres de jour, à des centres de travail adapté ou à toute autre ressource répondant aux besoins de ces gens. Il nous apparaît aussi important de ne pas minimiser le fait que certains individus auront toujours besoin de services institutionnels à long terme, voire tout au long de leur existence pour certains.

Il y aura un travail important à faire dans les changements des attitudes et des mentalités. Entre autres, des programmes de formation et de recherche pour les intervenants professionnels et pour les bénévoles devront être mis sur pied. La population devra être éduquée également.

En dernier lieu, l'utilisation rationnelle des travailleurs sociaux et de leur expertise des supports communautaires devrait être mise à contribution. Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie, Mme Brazeau-Patenaude. Je désire remercier la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec d'être venue devant cette commission.

Il est vrai, du moins pour ce qui est des ressources intermédiaires, que les travailleurs sociaux, depuis très longtemps, ont contribué à la mise en place de ressources intermédiaires, particulièrement de ressources d'hébergement. Cela n'apparaît pas du tout dans votre mémoire, mais je sais, par exemple, que certains de vos membres ont mis sur pied des appartements supervisés ou d'autres types. Est-ce que vous pourriez d'abord nous dire quelle sorte de ressources vous avez mises en place, compte tenu de votre expérience passée, quelles difficultés vous avez rencontrées à les mettre en place, peut-être pas tellement de les mettre en place qu'à les maintenir? Je ne pense pas nécessairement juste au plan financier; je pense peut-être à d'autres problèmes qui peuvent survenir soit du milieu ou d'ailleurs. Comme on l'a dit plusieurs fois, tout le monde s'entend sur ce qui doit être mis en place et cela semble assez facile. On a l'impression qu'on a l'argent et puis qu'on met en place A, B, C, D, E, F, G, H et, après cela, que c'est le bonheur parfait pour tout le monde. Mais je pense que c'est peut-être un peu plus complexe que cela. Je ne sais pas si vous pourriez nous parler de cette expérience.

M. Landry (Pierre): Peut-être Mme Sabetta.

Mme Sabetta (Yolanda): Effectivement, si j'essaie de brosser un peu un tableau des ressources qui ont été mises en place par les services sociaux, je pense en premier aux familles d'accueil. Selon la loi, on a une responsabilité de mettre sur pied des familles d'accueil pour la protection des malades mentaux qui ne peuvent pas être autonomes. Par contre, on a réalisé que les familles d'accueil, c'est adéquat pour une certaine population, mais que ce n'est pas adéquat pour une bonne majorité de la population. Effectivement, on a mis de l'avant des foyers de groupe, des appartements supervisés dans les dernières années, en s'écartant un peu de la loi parce que, si on regarde les centres de services sociaux, c'était spécifié qu'on devait rester au niveau des familles d'accueil. Les foyers de réadaptation n'étaient pas inclus.

Ce qu'on s'est dit, c'est qu'il faut vraiment mettre sur pied des ressources qui sont adaptées à la clientèle. Entre autres, on peut parler des foyers de groupe qui ont été mis sur pied - si on parle de Montréal -avec de l'argent qu'on a demandé aux hôpitaux de fournir pour une partie et aux CSS pour l'autre partie. Il y a eu vraiment une amorce de travail que j'appelle d'intégration de différents établissements dans la communauté, c'est-à-dire les CSS, les hôpitaux, pour essayer de mettre sur pied quelques foyers de groupe - on n'en a pas assez - et des appartements supervisés.

Vous dites: C'est quoi, les embûches? Je pense qu'il y a les embûches financières, je ne peux pas les nier, pour avoir passé plusieurs années avant d'avoir les apparte-

merits supervisés à Notre-Dame. Cela faisait depuis 1978 que j'avais proposé un modèle comme cela. Pour vous donner un exemple très concret, j'ai frappé à la porte de communautés religieuses en me disant: Peut-être qu'elles ont de l'argent, on pourrait aller leur en demander et peut-être qu'on pourrait avoir du service des communautés qui ne travaillent pas dans les écoles, etc. Cela a pris plusieurs années. Si on regarde à Montréal, c'est en 1981 à peu près qu'on a commencé à mettre sur pied des foyers de groupe et des appartements supervisés. Il y a eu Albert-Prévost et l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.

À ce moment, on a demandé la contribution de l'hôpital en lui faisant voir que possiblement, si on avait des ressources adéquates, on aurait peut-être moins de "turn over", la porte tournante qu'on connaît très bien en psychiatrie où les patients sortent un peu trop vite parce qu'on n'a pas assez de lits et que, finalement, ils n'ont pas de place. On les renvoie dans la communauté, mais ils ont besoin, vraiment, d'une certaine structure qui n'est pas nécessairement, pour certains, très rigide, mais ils ont besoin quand même d'un certain support. On a quand même mis à contribution certains hôpitaux. Il y a eu, après le mouvement des hôpitaux, certains hôpitaux psychiatriques, qui ont donné un montant d'argent à Montréal pour développer des ressources alternatives.

Je pense qu'à ce moment-ci on a encore un peu de difficulté à savoir qui va être responsable de l'hébergement. Il y en a qui disent que ce sont les centres de services sociaux, qu'on a la mission de développer une partie des ressources. On a une certaine expertise parce que, quand même, on a développé des ressources; je pense que certaines fonctionnent assez bien. Mais là, on se dit: Cela va être les CLSC qui vont coordonner certaines ressources dans certaines régions; ailleurs, cela va être quelqu'un d'autre. On va faire une autre expérience avec quelqu'un qui a déjà un foyer de groupe. Je pense qu'il faut qu'on mette à contribution tout le monde. Ce n'est pas vraiment exclure les CLSC, les CSS, les hôpitaux; il faut qu'on se mette ensemble pour vraiment arriver. Mais pour se mettre ensemble, je pense qu'il va falloir qu'il y ait quelque part la volonté de vraiment dire: Vous avez une mission et vous devez rendre des comptes. Il y a des études aux États-Unis qui disent - en Angleterre aussi - que, s'il n'y a pas une attribution très claire et nette des rôles, une définition des rôles et des responsabilités et de l'argent, cela ne fonctionne pas. On a tous du bon vouloir. Tout le monde veut faire quelque chose, mais on doit mobiliser les forces des personnes pour vraiment travailler ensemble et faire quelque chose qui va avoir de l'allure.

Dans les difficultés - cela rejoint un peu les budgets - il y a le fait qu'on n'a pas de postes. Vous le savez aussi bien que nous, on parle de désinstitutionnalisation, on parle d'éviter d'institutionnaliser, mais au moment où l'on parle de cela, je peux vous dire qu'on se fait couper des postes en service social. C'est très difficile de jouer notre rôle dans la communauté quand on n'a pas de personnel. On est obligé de mettre des priorités, à un moment donné, pour essayer de viser la clientèle que l'on pense la plus démunie. Mais il reste qu'il y a beaucoup de personnes qu'on ne suit pas. Alors, je pense qu'il y a un problème de personnel.

Il y a un autre problème aussi. C'est que plusieurs intervenants dans le milieu psychiatrique ont été habitués à travailler individuellement et oublient qu'il y a une famille, qu'il y a des ressources communautaires qu'il faut utiliser pour avoir vraiment un lien. Si on désinstitutionnalise, cela veut dire qu'il faut continuer à voir les patients. Il faut peut-être avoir une approche un petit peu différente si on parle des malades psychiatriques qui ont des problèmes assez graves. Il faut peut-être avoir une approche plus agressive. Je n'aime pas trop le mot "agressif", mais c'est dans le sens de faire un suivi continu, de faire du "reaching out" et pas seulement pour six mois. Il y a des études qui ont été faites aux États-Unis et en Angleterre où on s'est aperçu qu'après deux ans il y avait des résultats mais que, si on laissait les patients à eux-mêmes, après deux ans, ils retournaient au même point où ils étaient avant. Alors, si on parle de désinstitutionnalisation, il va falloir qu'on se mette dans la tête que c'est un suivi à long terme. Le suivi n'a pas besoin d'être aussi intensif. Je veux dire: Si cela va bien, tant mieux et on les voit en période très espacée. Mais quand même, s'il y a des crises, qu'on soit présent.

Je pense aussi qu'il y a la mentalité. Il y a une certaine mentalité à changer et il y a peut-être aussi un lien entre les services internes et les cliniques externes. On sort un peu des ressources, des appartements. Je pense qu'on a des difficultés à trouver des ressources et qu'il n'y en a pas assez. Il va falloir vraiment que quelqu'un en mette en place pour les patients. Je ne sais pas si cela répond? (20 h 30)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a une autre question que j'aimerais vous poser. Je pense que la totalité de vos membres fonctionne à l'intérieur des grands centres hospitaliers, que ce soient les hôpitaux psychiatriques ou que ce soient les hôpitaux généraux de courte durée. Dans cette tendance que certains appellent ou ont appelée antipsychiatrique ou anti-institution, on vous identifie souvent à ces grands établissements et on vous reproche de ne pas

être assez près des patients et peut-être d'être trop collés à ces grandes institutions. Quelle est votre réaction à cela?

Mme Sabetta: Écoutez, si on parle au nom des travailleurs sociaux, je pense que nous sommes les professionnels de l'équipe de psychiatrie les plus près de la communauté. Comme travailleurs sociaux, notre rôle a toujours été cela avant même que la psychiatrie existe, parce qu'on existait dans les hôpitaux, aux États-Unis. Les travailleurs sociaux dans les hôpitaux, cela date de 1910. On a toujours eu un lien entre l'hôpital, la famille, le patient et la communauté. Les travailleurs sociaux ont souvent été ceux qui ont promu des ressources dans la communauté, qui ont essayé de faire développer dans la communauté des ressources.

Ce n'est pas tout à fait vrai. Regardez seulement un exemple. On n'est pas dans la communauté. Par contre, je peux vous dire que l'Association québécoise des parents et amis du malade mental, c'est quand même moi, qui suis praticienne et chef de service dans un hôpital général, qui ai aidé - et je continue à être très active, je fais les ateliers avec les parents - à mettre sur pied cette association qui a été la première association francophone au Québec. A Laval, il y a l'ALPABEM qui a été également mise sur pied par un travailleur social de Cité de la santé. Il y a des travailleurs sociaux qui ont aussi aidé à mettre des groupes de patients ensemble, qui ont travaillé avec des groupes d'entraide. C'est vrai qu'il y a une partie de notre travail qui est à l'intérieur, mais une grande partie du temps, on la passe avec des ressources dans la communauté, avec les parents. On ne la passe pas assez. J'aimerais vous parler un peu de ce que les parents... On a fait une recherche, j'étais en charge de... Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, allez-y, justement, parce que les parents, on n'en a pas beaucoup parlé et on n'en a pas beaucoup entendu parler.

Mme Sabetta: D'accord. J'ai dirigé une recherche pour l'Association des parents et amis du malade mental où on a eu comme échantillonnage 100 personnes, 100 parents ou amis. Peut-être que je peux vous lire un peu les recommandations qu'ils font. Je pense que c'est quand même très pertinent. Il y en a 99 % qui souhaiteraient un encadrement et un suivi régulier du patient hors de l'hôpital. Ce que cela veut dire, c'est que beaucoup de parents se plaignent qu'une fois que le membre de leur famille sort des services internes il n'y a pas de suivi à l'externe. Il n'y a pas de lien entre l'équipe externe et l'équipe interne, ce qui fait que les patients sont perdus entre les deux. Comme souvent ils ne connaissent pas l'autre intervenant - car ils doivent changer d'intervenant - cela ne fonctionne pas partout comme cela, mais, dans certains hôpitaux, cela fonctionne ainsi - ils n'y vont pas. Une fois qu'ils sont sortis, ils ont assez peur de se faire rentrer qu'ils fuient. S'il y avait une meilleure articulation entre l'externe et l'interne, peut-être que, effectivement, on pourrait raccrocher ces patients-là.

Les parents ont aussi demandé d'avoir un service de consultation adapté aux besoins des parents, où ces derniers pourraient recevoir aide et compréhension; 95 % ont demandé cela. Peut-être que cela va vous surprendre, mais j'entends, dans les ateliers que je fais, des parents qui viennent me dire: Moi, j'ai demandé à voir un travailleur social et on n'a pas voulu. On a dit: Non, ils étaient trop occupés. L'un des intervenants de l'équipe a dit: Non, vous n'avez pas besoin de travailleur social, etc.

Par contre, c'est dans la loi, mais cela existe présentement. Les parents demandent, eux, de pouvoir avoir de l'aide. Ils ont besoin, eux, disent-ils, de savoir comment agir avec leurs malades. Ils ont aussi tous leurs problèmes personnels de déception; peut-être qu'ils auraient espéré beaucoup d'autres choses pour leur enfant et il faut qu'ils en fassent leur deuil. Pour certains, leur jeune ne pourra pas rencontrer les aspirations qu'ils avaient. Ils ont aussi besoin d'être aidés dans ce sens-là. On a toujours dit en service social qu'une personne ne vit pas seule. "No man is an island", comme on dit en anglais. Pour nous, la personne a des liens à l'extérieur; elle a une famille ou, si elle n'en a pas, elle a quand même des liens, des amis, un concierge ou quelqu'un, et c'est important de prendre le tout en considération.

Un autre facteur a été suggéré. C'est que 72 % des répondants font des recommandations relatives aux liens entre l'équipe traitante et la famille du patient. On demande une plus grande collaboration entre l'équipe traitante et les familles. Les familles veulent avoir de l'information adéquate, même si leur enfant est majeur. On dit souvent: Ah! Il est majeur, on n'a donc pas affaire à parler à l'épouse, on n'a pas affaire à parler aux parents. Il reste qu'il s'en retourne dans son milieu. Si on n'a pas la collaboration des membres de la famille, le traitement risque d'échouer. D'ailleurs, il y a une étude qui a été très bien faite aux États-Unis par Carol Anderson, qui nous démontre - ils sont rendus à leur quatrième année - qu'un suivi de la médication, un suivi du support pour le patient et un suivi familial évitent environ 70 % des réhospitalisations. C'est ce que leur recherche indique à ce moment-ci. Il est vraiment important d'inclure les membres de la famille, d'essayer de les aider et qu'ils nous aident aussi, de sorte qu'on travaille

ensemble, qu'on ne travaille pas contre. Il y a des parents qui vont dire: L'éducation, ce n'est pas bon. Peut-être que, pour le patient, c'est très approprié, sauf que, pour eux, ils ne connaissent pas cela, ils ne savent pas. Prenons les effets secondaires. Souvent, les patients vont arriver avec toutes sortes d'effets secondaires importants, mais ils ne savent pas quoi faire parce qu'ils n'ont pas été prévenus. Les parents demandent, eux, d'être prévenus et, lorsqu'il y a une première hospitalisation, qu'ils soient rencontrés. Il n'est pas possible de rencontrer tout le monde parce qu'on n'a pas assez de personnel.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je ne veux pas vous arrêter, mais je pense qu'on ne peut peut-être pas passer à travers toute l'étude. Je vais demander à mes collègues s'ils ont des questions à poser. Oui, M. le député d'Ungava.

M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. À la page 7 de votre mémoire, on parle de "rigidité d'attitudes de certains intervenants dans le domaine de la psychiatrie". Si ma mémoire est fidèle, c'est la première fois que cela vient sur le tapis; tous ceux qu'on a entendus sont normalement pour l'insertion sociale et tout le tralala et là, on nous dit qu'il y en a qui sont réticents à cela. Pouvez-vous nous en parler et nous donner des exemples où vous avez vu cela?

Mme Brazeau-Patenaude: Si on peut en parler, de par mon expérience en psychiatrie, il est arrivé - et on le voit encore - que des gens ne croient pas que l'intervention sociale, par exemple, auprès d'une famille puisse aider un malade psychatrique entre autres, que seule une médication peut le contrôler pour qu'il puisse fonctionner. Moi aussi, j'ai vu des gens qui vont référer des patients psychiatriques aux travailleurs sociaux uniquement pour un placement, ne demandant pas qu'un travailleur social s'implique avant, soit en situation de crise, auprès de la famille, mais qu'il place cette personne-là, qu'elle soit mariée, qu'elle soit majeure, qu'elle soit n'importe comment. Pour nous, c'est ce qu'on appelle la rigidité et aussi le modèle médical traditionnel qui voit le patient comme une personne malade, tandis que nous, ce qu'on voit comme travailleur social, c'est qu'une personne est malade, mais qu'elle vit en communauté, elle vit avec une famille, elle vit avec un conjoint et que la maladie a des conséquences sur d'autres personnes aussi. On essaie de faire le lien.

Tantôt, Mme Lavoie-Roux demandait s'il y avait des embûches et des réactions. Il y a même des gens qui disent que nous sommes associés aux institutions. Je peux vous dire de par mon expérience que les travailleurs sociaux se sentent souvent seuls, isolés dans une équipe psychiatrique, si l'équipe travaille de façon individuelle. On a souvent l'impression que les malades psychiatriques chroniques, les gens dont on parle ici, c'est-à-dire avec une maladie qui sera toujours présente, tombent sous la charge des travailleurs sociaux, parce que tout ce qui reste à faire pour ces gens-là, c'est les placer. C'est très difficile à vivre pour un professionnel parce que nous ne croyons pas nécessairement que c'est la seule chose qu'il faut pour ces gens. On pense que ces gens peuvent fonctionner à leur rythme, avec le handicap qu'ils ont, avec les services qu'ils ont, avec une gamme de services continus. Quand on parle de rigidité, mes collègues peuvent peut-être apporter des exemples plus concrets, mais c'est, entre autres, à cela qu'on se réfère.

M. Landry (Pierre): Françoise pourrait peut-être nous dire quelques mots à ce sujet.

Mme Hevey (Françoise): J'ai de la psychiatrie des adultes une expérience qui est un peu indirecte parce que je travaille en psychiatrie infantile depuis quinze ans avec des enfants qui ont des problèmes, des handicaps sérieux. J'ai été frappée, au cours de mes années d'expérience, par le fait que les enfants qui avaient les symptomatologies les plus sévères que j'ai vues venaient toujours de familles où il y avait un parent psychotique. J'ai été étonnée aussi de constater que, quand on essayait de faire voir ces parents psychotiques au niveau de la psychiatrie adulte, ils recevaient de la médication et retournaient chez eux avec cela. Souvent, il y en a qui étaient en crise sérieuse et cela avait beaucoup d'impact sur les enfants, comme désorganisation de la vie familiale. De plus, le conjoint a à assumer les rôles de deux personnes, puisqu'il y en a une qui n'est absolument pas fonctionnelle. Cela m'a amenée à me poser des questions et, dans ce sens-là, quand les gens qui ont plus d'expérience en psychiatrie adulte parlent de rigidité, cela rejoint mon expérience.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez une proportion de vos membres qui travaillent en CLSC. Je me suis surtout adressée à ceux qui travaillaient en institution, c'est peut-être un peu une déformation. Quel est le rôle que jouent ou que sont appelés à jouer ceux qui travaillent en CLSC pour le maintien à domicile ou dans la communauté de ces personnes?

Mme Hevey: Il y a des choses qui changent actuellement. D'après les discussions que j'ai avec les collègues qui sont en CLSC actuellement, ils se sentent

dépourvus quand arrive une clientèle dite psychiatrique. Cela peut être souvent en psychiatrie, mais cela peut souvent être des gens qui ne fonctionnent pas bien. Ils se sentent dépourvus parce qu'ils doivent les maintenir chez eux et ils ne savent pas trop quoi faire. Aussi, ce qu'ils trouvent, dans les échanges avec les services sociaux hospitaliers, parce que souvent le travailleur social qui est en CLSC va appeler un travailleur social d'une équipe hospitalière pour savoir ce qu'on fait avec ces gens-là, c'est qu'il y a comme un manque de connaissances par rapport à la maladie comme telle ou par rapport à l'agissement ou au comportement de ces gens en difficulté. Je peux vous dire qu'on observe cela. Souvent, ils font comme nous: ils essaient par tous les moyens de les maintenir là où ils sont, mais avec les moyens qu'ils ont. Si on se compare à quelqu'un qui travaille en équipe multidisciplinaire dans un hôpital, il a peut-être plus de support, d'une certaine façon, parce qu'il peut aller demander un avis à un médecin psychiatre, à un collègue psychologue ou à une autre personne-ressource, tandis qu'en CLSC il n'y a pas nécessairement de psychiatre présent.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Serait-il juste de penser que, historiquement, dans la mesure où on réduit le nombre des années de l'histoire, dans le domaine de la maladie mentale, vous avez toujours oeuvré à l'intérieur des institutions officielles, que cela soit à l'intérieur des écoles, que cela soit à l'intérieur des hôpitaux, et que cette intégration ou cette pratique à l'intérieur des CLSC est nouvelle pour les travailleurs sociaux? C'est un contexte différent. Ils interviennent de façon différente et davantage en première ligne, à la prise de contact ou encore ils ne trouvent pas à l'intérieur du CLSC pour le moment - on a discuté aujourd'hui de la nécessité de mettre des équipes, enfin, on ne les a pas appelées des équipes volantes - des équipes de santé mentale. Mais, comme elles sont inexistantes, ils sont un peu... (20 h 45)

Mme Brazeau-Patenaude: Dépourvus.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... dépourvus.

Mme Brazeau-Patenaude: Actuellement, ils jouent vraiment un rôle d'évaluation, de référence. Cela peut être de l'intégration dans des ressources existantes. C'est sûr que, s'ils ont besoin d'un placement, les travailleurs des CLSC doivent passer par les CSS et il y a des références, à ce moment-là, dans les CSS. Il y a aussi la clientèle qui avait des difficultés. Je pense que le nombre de personnes ayant des troubles mentaux et vivant dans la communauté était moins important ou moins évident il y a quelques années et certains travailleurs dans les CLSC n'étaient même pas confrontés à cette réalité ou pratiquement pas. Il survenait un cas à l'occasion. Lors de mes dernières discussions avec des intervenants dans les CLSC, ils disaient: La clientèle change; on trouve que la clientèle est plus désorganisée; on sait moins ce qu'il faut en faire. Au fond, je pense que c'est la même clientèle qu'on voit partout, qu'on soit dans une institution comme un CSS ou qu'on soit dans une école où le tissu social change. Je pense aussi que le problème de la maladie mentale ou des gens ayant des problèmes mentaux est de plus en plus important. On le voit et on est tous confrontés à la même réalité. Je ne pense pas que ce soit l'apanage des CSS ou des CLSC. Je pense que tous les intervenants du réseau et même de la communauté sont confrontés à ces gens-là.

M. Landry (Pierre): Une des idées maîtresses qu'il y a dans le document et dans notre pensée, c'est l'idée de système. On entend souvent "réinsertion" ou "désinsti-tutionnalisation" par rapport à l'établissement comme si c'était une ou l'autre. À mon avis, c'est un fil conducteur, c'est-à-dire que, quand on parle d'un système intégré et coordonné, au fond, l'intervenant qui est en communautaire a besoin de sentir qu'il peut retourner à un moment donné son patient, son client en institution pour un bref séjour, comme celui qui est en institution a besoin de savoir que l'intervenant en communautaire est capable de l'accueillir et de le réintégrer a brûle-pourpoint. Cela devrait être beaucoup plus souple, mais on fonctionne avec des compartiments. Si on sort d'une boîte, on tombe dans l'autre, et les ressources sont rares partout. Alors, chacun se passe la patate chaude, jusqu'à un certain point.

Vous parlez du rôle du travailleur social dans les CLSC. Nos travailleurs sociaux dans les CLSC, on n'en avait pas beaucoup jusqu'à présent. Je crois savoir que le rôle de ceux qui étaient là, c'était surtout d'essayer de coordonner du maintien à domicile, se fiant que les gros cas, ils pourraient toujours les référer à leurs collègues aux CSS ou aux hôpitaux psychiatriques des environs. J'ai l'impression qu'on va tomber bientôt dans une situation un peu différente, c'est-à-dire qu'il va y avoir plus de travailleurs sociaux dans les CLSC. Je crois également que la lourdeur des problèmes sociocommunautaires et peut-être de la maladie mentale aussi va se transférer ou se transporter. J'ai l'impression que, de toute façon, on va être un peu démunis, comme on l'est toujours un peu, si on ne réussit pas cette espèce d'agencement, cette espèce de coordination entre groupes bénévoles, travailleurs sociaux et établissements.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de Marie-Victorin.

M. Pratt: Mme Patenaude, vous avez dit qu'un des groupes qui présentaient un problème un peu particulier et aigu, c'est celui des 18-35 ans. Y a-t-il une approche particulière que vous préconisez face à ce groupe?

Mme Brazeau-Patenaude: Je pense que je vais laisser ma collègue répondre. Elle est actuellement en psychiatrie. Elle est active actuellement.

Mme Sabetta: Je pense qu'il faut vraiment avoir une équipe stable, une équipe qui croit qu'elle est capable de faire quelque chose pour aider les jeunes de 18-35 ans. Il faut être disponible. Il faut que les membres de l'équipe soient disponibles afin de suivre les patients. Quand les patients ne viennent pas à leur rendez-vous, il faut avoir une certaine disponibilité afin de les accueillir quand ils vont frapper à la porte. Parfois, ils nous reviennent en situation de crise et ce n'est pas le temps de leur dire: Je n'ai pas le temps parce que j'ai quinze patients. Peut-être qu'on va les faire attendre un peu, mais il faudrait que l'équipe s'organise, qu'on soit assez de personnes pour assurer un suivi, comme j'en ai parlé un peu plus tôt, continu et plus agressif, plus "reaching out". On ne peut pas dire: Ils ne viennent pas, donc, c'est fini. Ils ne sont plus sur notre liste parce que cela fait six mois. On garde cela. Je pense qu'il faut avoir vraiment ce qu'Anthony et Pepper aux États-Unis proposent: une équipe qui va vouloir travailler avec ce genre de problématique qui est engagée. Je pense qu'il y a des études qui ont été faites aux États-Unis disant que, si l'équipe n'est pas engagée et ne croit pas à un modèle, c'est très difficile. Ce sont des patients et il faut utiliser beaucoup la communauté. On peut utiliser des bénévoles, on peut utiliser des ressources dans la communauté comme les ateliers protégés ou des centres de jour adaptés, par exemple.

Si je pense aux schizophrènes, souvent on a des gens qui sont très intelligents et on leur fait faire un peu des choses qu'on faisait faire aux handicapés mentaux déficients. Cela n'est pas tout à fait adapté pour eux. Je crois qu'il va falloir qu'on repense à des activités qui peuvent les intéresser, qui peuvent les accrocher aussi pour qu'ils viennent et qu'ils aient une place. À ce moment-ci, quand ils sont dans la communauté, ils n'ont pas de place où aller. Vraiment, je pense que c'est important.

Le message que je veux vous passer, c'est qu'il faut que ce soit une équipe bien "staffée", qui est prête à répondre aux urgences qui est vraiment, comme on dit en anglais, "committed" et à long terme, pas seulement à court terme. Il faut vraiment avoir une attitude suivie, aller dans la communauté et les rencontrer quand cela ne va pas. Dans une situation de crise, c'est d'aller dans la communauté et d'aller voir la situation. Je peux vous dire, par expérience, que cela donne des résultats. Je peux vous dire que j'ai des cas en tête que moi ou mes praticiens ont suivis de façon vraiment continue. Au début, on a trouvé que cela ne donnait rien parce qu'ils étaient réhospitalisés. Là, cela fait dix ans, si je pense à deux cas, et ils n'ont pas été réhospitalisés depuis cinq ans. Ils avaient eu de nombreuses réhospitalisations les cinq années précédentes. Avec la famille, on a fait un travail avec un suivi continu, une médication et tout et on est arrivé à avoir quand même une certaine stabilité. Je ne vous dirai pas qu'ils ne peuvent pas...

Par exemple, souvent, on les envoie prendre un cours à l'université ou au cégep. Cela a l'air drôle, mais je peux vous dire que, pour nos schizophrènes qui ont souvent décroché, qui ont souvent décompensé au moment où ils étaient à l'entrée de l'université, de pouvoir remettre les pieds là et de faire comme s'ils étaient normaux, comme s'ils étaient capables de fonctionner, cela a un effet. Je l'ai essayé sur plusieurs patients qui avaient, quand même, une capacité intellectuelle en leur disant: Vous n'y allez pas pour aller chercher un papier nécessairement, mais vous allez là pour apprendre, pour regarder ce qui se passe, pour avoir un objectif dans la vie de faire quelque chose. Ils sont revenus et ils étaient très contents. Je ne sais pas si cela répond?

M. Pratt: Oui. Cela répond. Mais je trouve que cela est très exigeant de votre part parce que cela demande une continuité, cela demande une présence. Le jeune qui devient en état de crise ou sent un besoin d'aide, il faut que vous soyez une ressource repérable et tout de suite. Alors, c'est très exigeant pour vous autres.

Mme Sabetta: C'est vrai que c'est très exigeant. Mais je pense qu'à certains moments, quand les familles et les patients savent qu'on est disponible, ils vont attendre aussi. Il peut y avoir des situations de crise, mais quand ils savent, quand ils nous ont testés... On parle d'une équipe comme celle de Lise Tessier, Fenton, au Montreal General; on a fait une étude où il y avait une équipe comme cela de quatre personnes, mais qui avaient dit qu'ils étaient disponibles 24 heures sur 24. Je vous ai parlé tout à l'heure de l'étude de Carol Anderson où elle parlait de médication, support à la famille, etc. C'est très important de leur dire qu'on est disponible, qu'il y a quelqu'un sur appel. Cela ne veut pas dire qu'on va être toujours appelé. Ils peuvent vous tester une fois; vous

êtes là, vous répondez, ils savent que vous êtes là. Après cela, on essaie de leur dire: Penses-tu que cela pourrait peut-être attendre au lendemain matin? On va être là. Je veux dire qu'il y a des choses qui se travaillent aussi. Je pense qu'il ne faut quand même pas partir en peur et dire: On va être de garde. C'est vrai qu'une équipe, c'est très exigeant, oui, parce qu'il faut se partager la garde. Je pense qu'il y a aussi une éducation et les gens savent si on est motivé. Les patients sentent cela. Ils vont vous le dire. Ils vont te dire: Un tel, il n'a pas l'air bien bien intéressé à ce que je dis. Moi, il m'a donné telle affaire et il m'a dit telle chose. Il m'a renvoyé. Il n'est pas intéressé à ce que je vis.

M. Pratt: Les jeunes sont-ils réfractaires à des nouveaux visages, à des nouveaux intervenants dans le portrait ou bien s'ils se fient que c'est toujours la même personne qui est là, qui va les accueillir quand ils en auront besoin?

Mme Sabetta: Lorsqu'on parle d'équipe, c'est qu'on peut souvent, quand même, leur faire rencontrer les autres membres de l'équipe en disant: Nous, on travaille en équipe, on travaille ensemble. Si ce c'est pas moi qui suis de garde, cela va être lui ou elle, un tel ou une telle. Il y a des façons de les apprivoiser, mais c'est toute une mentalité, c'est vraiment une nouvelle approche.

Mme Brazeau-Patenaude: II y a juste une chose que j'aimerais apporter. Par rapport aux 18-35 ans, qui sont de plus en plus nombreux, pour ne pas qu'on vive une impuissance et qu'on se sente tout le temps dépassé - tu parles de changement de mentalité, oui - il faut qu'on croie qu'on peut vraiment aider ces gens à fonctionner comme ils peuvent fonctionner. Dans notre travail, entre autres, dans les équipes de psychiatrie, souvent, on cherche les beaux cas, les cas les plus faciles parce que ces jeunes de 18 à 35 ans sont très exigeants, ils sont très désorganisés et, par moments, ils peuvent voler, ils peuvent entrer dans le système de la justice, partout. Si on ne croit pas qu'on peut vraiment les aider à fonctionner dans une communauté le plus normalement possible, je ne pense pas qu'on puisse les aider. On les maintient, ils sont réhospitalisés et cela continue.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la députée de Dorion.

Mme Lachapelle: J'aurais une petite question. Tout à l'heure, on parlait de foyers de groupe. J'habite Montréal et on en entend souvent parler. Je trouve que c'est une bonne initiative, mais j'aimerais avoir les résultats parce que cela existe, la population des quartiers s'est faite à cela. Je pense que la population est prête à les accueillir et à les considérer. J'aimerais savoir les résultats, si le jeune ou la personne reste là pendant une couple d'années, je pense, de 18 à 21 ans, avant d'être autonome. On peut s'en aller en atelier supervisé. C'est quoi, les résultats? En avez-vous? D'abord, il y a combien de ces foyers à Montréal?

Mme Sabetta: Des foyers de groupe, il n'y en a pas tellement. Il y en a très peu. C'est très nouveau pour les patients psychiatriques, c'est une nouvelle expérience. Il y a des pavillons, qu'on appelle, qui émanent du centre d'accueil, mais ce ne sont pas des foyers de groupe. La différence, c'est que, dans un foyer de groupe, il y a seulement neuf patients. Il y a un personnel qui est plus suivi, il y a peut-être des personnes qui ne sont pas professionnelles et il y en a d'autres qui sont des animateurs ou des éducateurs.

Au sujet de votre demande concernant les résultats, à ce moment-ci, il y a une recherche qui est en cours, qui se fait pour ce qui était, jusqu'à il y a six mois, la région est de Montréal où on a mis des foyers de groupe et des appartements supervisés. La recherche est en cours; alors, je ne peux pas vous donner de réponse, mais je peux vous dire qu'en ce qui concerne les foyers de groupe, pour nous, un foyer de groupe, c'est une étape. La prochaine étape, c'est un appartement supervisé, d'accord. Il y en a qui ne pourront peut-être jamais aller plus loin que l'appartement supervisé. Je connais des patients qu'on a rentrés, à ce moment-ci, qui fonctionnent, mais avant on avait eu à les déménager vous ne savez pas combien de fois parce qu'ils se sentaient persécutés. Cela n'allait pas, mais on a réussi à les stabiliser, à ne pas avoir de réhospitalisation parce qu'ils sont dans un appartement supervisé, mais où il n'y a pas un personnel 24 heures par jour. Il y a un animateur qui est là 35 heures par semaine, qui y fait certaines activités, mais on encourage les patients à faire des activités dans la communauté.

Mme Lachapelle: Je sais que même ces patients qui sont en appartement supervisé continuent de communiquer avec le foyer de groupe parce qu'ils ont toutes sortes...

Mme Sabetta: Oui, ils reviennent et je pense que cela est important, quand ils partent, qu'ils ont leur congé, qu'on puisse être réceptif à les recevoir parce que souvent ils s'en vont dans la communauté et ils sont seuls, ils sont très seuls. Les patients m'ont souvent dit, par rapport aux appartements supervisés: Quand on s'en va dans un appartement avec tout le monde, les

gens ne nous comprennent pas. Là, au moins, les gens ont vécu quelque chose qui ressemble à ce qu'on a vécu et on se sent en confiance parce qu'on peut peut-être parler. Quand cela va vraiment mal, on peut aller voir une copine ou on peut aller voir un voisin et dire: Cela ne file pas. Mais l'autre ne sera pas en panique parce qu'il va comprendre, il a vécu cela et ils peuvent s'entraider aussi. Il y a un élément d'entraide qui est important, je pense, au niveau des patients.

Mme Lachapelle: Avant de mettre d'autres services ou même de répéter ceux-là, on a hâte d'avoir des résultats. (21 heures)

Mme Sabetta: Je suis tout à fait d'accord avec vous, madame, par rapport à cela. D'ailleurs, on avait vraiment promu l'idée de faire une recherche pour savoir ce qui répond aux besoins des patients, parce que c'est tout nouveau.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

Mme Sabetta: Je pense qu'on est à préparer des plans. 11 faut vraiment regarder ce qui marche, ce qui ne marche pas et pourquoi. C'est, quand même, tout un nouveau monde.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans la planification du ministère, enfin, dans la répartition des nouvelles responsabilités entre les CSS et les CLSC, est-ce que toute cette dimension des foyers de groupe, des appartements supervisés demeure sous la responsabilité des centres de services sociaux? Où est-ce que cela s'en va?

Mme Sabetta: À ce moment-ci, ce qu'on vit à Montréal, c'est qu'ils vont avoir une certaine responsabilité, mais il va y avoir aussi le CLSC. Le coordonnateur des ressources, comme je vous l'ai dit, ne relèvera pas nécessairement du CSS. Le coordonnateur a une table de planification des ressources et il ne relèvera pas nécessairement des CSS; il peut relever d'un CLSC ou bien... Il y en a un dans l'ouest de Montréal qui va relever du conseil régional. Je pense qu'il va falloir qu'on essaie de voir qui va coordonner, parce qu'on n'arrivera pas à des recherches si tout le monde part avec ses petites affaires. Je suis bien d'accord qu'on essaie des projets, mais qu'ils soient approuvés par une instance administrative, qu'ils soient suivis et qu'on essaie d'en évaluer la pertinence.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je vais vous remercier. Vous nous avez donné des informations fort intéressantes qu'on n'avait pas eu l'occasion de discuter jusqu'à maintenant. Je vous remercie beaucoup.

Une voix: Merci beaucoup.

Association des psychiatres du Québec

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, le prochain groupe, c'est l'Association des psychiatres du Québec. Bonsoir, Dr Bourque et Dr Plante.

M. Morrisset (Raymond): Morrisset.

M. Bourque (Jean-Jacques): Dr Morrisset.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr Morrisset.

M. Bourque: Malheureusement, le Dr Plante n'a pas pu se joindre à nous ce soir, il le regrette.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que nous avions convenu - à moins que vous n'ayez eu le temps d'écrire cela la nuit dernière - que vous feriez une présentation orale et que vous nous feriez suivre par la suite...

M. Bourque: Oui, une partie de la nuit dernière, j'ai eu le temps de composer certains commentaires. Comme entendu, si vous le permettez, nous pourrons compléter. Les idées maîtresses ont été écrites. Je peux vous en remettre une copie, si vous le désirez.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est de l'efficacité, parfait!

M. Bourque: Et le mémoire, en fait, si vous êtes toujours d'accord, sera complété...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.

M. Bourque:... avec ses idées maîtresses qui sont ici.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Parfait, je vous remercie Dr Bourque. Alors, nous pouvons commencer, Dr Bourque.

M. Bourque: Merci bien. Discuter de la réinsertion sociale des personnes atteintes de troubles mentaux est impossible sans parler de la problématique de la désinstitution-nalisation. La désinstitutionnalisation psychiatrique est un objectif très valable pour autant que des ressources adéquates répondent aux besoins de ceux qui conservent des séquelles de maladie mentale.

Les asiles ont été créés d'abord pour répondre aux besoins de ceux qui étaient

rejetés de la société. Depuis vingt ans, plusieurs patients psychiatriques sont retournés dans la société et plusieurs autres pourraient les suivre. À la lumière de l'expérience américaine et de la nôtre, nous devons être prudents dans le déplacement de ces malades vers la communauté, pour les raisons suivantes: plusieurs malades mentaux végètent dans des taudis et n'ont pas ce qu'il faut pour vivre convenablement; de nombreux malades mentaux sortent d'une institution psychiatrique pour entrer dans une autre institution moins adaptée à leurs besoins, par exemple, les prisons, les centres d'accueil; la pénurie de ressources intermédiaires et de ressources complémentaires.

Idéalement, le malade mental avec des difficultés résiduelles devrait vivre dans sa famille et passer 35 heures par semaine dans une occupation à l'extérieur de la maison. La réalité nous montre, cependant, que cet idéal est actuellement irréalisable dans bien des cas. Les familles, souvent, sont incapables de le recevoir et les ressources occupationnelles adaptées a ses capacités sont très limitées.

Pour améliorer la situation, il faut plus de ressources intermédiaires pour préparer ces malades à vivre dans la communauté et des ressources complémentaires pour leur donner un logis et une occupation appropriés.

La psychiatrie est contestée et le sera toujours parce que la folie fait peur. La psychiatrie est un terrain fertile pour alimenter des débats passionnés et émotifs. Nous avons tous une crainte de devenir fous. Ainsi, pour tenter d'éliminer la maladie mentale, plusieurs personnes bien intentionnées proposent des solutions généreuses en idéologie, mais sans rigueur intellectuelle. Le psychiatre demeure, cependant, celui qui est le plus formé et le mieux informé des connaissances scientifiques et actuelles de la maladie mentale et de ses aspects biopsychosociaux.

Une analyse de la maladie mentale la plus courante va démontrer l'importance d'être bien renseigné pour traiter et planifier les soins des personnes qui souffrent de cette affection. Un bon nombre de maladies mentales ont une origine génétique probable. Les facteurs psychologiques et sociaux identifiés sont alors contributoires au développement de ces perturbations psychiatriques.

La maladie mentale la plus fréquente est la maladie dépressive sévère. Lorsqu'un jumeau identique souffre de cette affection, son jumeau a 70 % de chance de faire une dépression. Les enfants, les parents, les autres frères et soeurs n'ont que 15 % de risque de développer une dépression. Pour les parents éloignés, le risque diminue à 7 % et il n'est que de 2 % à 3 % pour ceux qui n'ont aucun parent avec une histoire dépressive; 10 % de la population souffriront dans leur vie d'une telle dépression. Il est reconnu qu'à tout moment 5 % d'une population donnée ont une dépression sévère.

Il y aurait donc au Québec plus de 300 000 personnes qui souffrent actuellement d'une dépression grave. Les quelque 700 psychiatres québécois, même avec l'aide des omnipraticiens et des autres professionnels des équipes psychiatriques, ne peuvent réussir à s'occuper de tous ces Québécois qui sont affectés par cette seule maladie. Pourtant, c'est une maladie qui peut être traitée d'une façon satisfaisante dans plus de 80 % des cas.

Le même exercice pourrait être fait pour chacune des maladies mentales. Le taux de guérison varie d'une maladie à l'autre.

Un Québécois sur cinq va souffrir d'une maladie mentale pendant sa vie. Parmi ceux qui recevront des soins psychiatriques, plusieurs seront guéris; d'autres seront améliorés suffisamment pour fonctionner socialement. Par contre, un certain nombre vont conserver des séquelles et des handicaps plus ou moins graves; ces derniers auront besoin de ressources intermédiaires et complémentaires pour empêcher une détérioration de la maladie et pour améliorer la qualité de vie.

La qualité essentielle de ceux qui réussissent à s'occuper des handicapés psychiatriques est d'avoir des attentes réalistes. Les autres s'épuisent et se découragent lorsque les malades ne répondent pas à leurs attentes. Lorsque les séquelles sont importantes, les rechutes sont à prévoir. Une collaboration active entre les intervenants au moment des phases aiguës de la maladie permettra alors une intervention rapide et efficace.

Conclusion. Les recommandations qui suivent ont pour objectif d'assurer les meilleurs soins à ceux et à celles qui ont des séquelles de leur maladie mentale. Les ressources proposées doivent s'articuler avec les intervenants au moment des phases aiguës de la maladie, c'est-à-dire les psychiatres, les omnipraticiens et les autres professionnels des équipes psychiatriques.

Recommandations. 1. Améliorer la qualité de vie des malades qui sont dans la communauté en leur offrant un logis, de la nourriture, des ressources occupationnelles, un suivi médical et psychiatrique, une hospitalisation rapide lors des rechutes sévères. 2. Augmenter les effectifs psychiatriques pour que les soins requis soient accessibles à tous ceux et celles qui en ont besoin. 3. Développer des ressources intermédiaires, c'est-à-dire des centres de jour, des foyers thérapeutiques pour aider le malade à faire la transition entre l'hôpital et la communauté. 4. Accélérer le retour des patients

psychiatriques chroniques dans la communauté dès que les services seront organisés adéquatement. Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, Dr Bourque. Je suis contente. Vous apportez des données sur le nombre de personnes qui peuvent à un moment ou l'autre de leur vie souffrir de maladies mentales ou qui souffrent de dépressions sérieuses ou d'autres maladies mentales, ce qu'on n'avait pas eu jusqu'à aujourd'hui. Est-ce que ce sont là des statistiques que vous inférez des statistiques américaines?

M. Bourque: Oui. Ce sont des statistiques américaines. En fait, je pars du principe que nous sommes dans le contexte nord-américain et il est probable que ces statistiques-là s'appliquent ici.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. La question que j'aimerais vous poser, c'est: Quelle est, d'après vous, la proportion de ces malades-là qui seront toujours appelés à vivre en institution? Quel pourcentage de ces malades, avec des ressources adéquates, peut-on espérer voir vivre dans la communauté? (21 h 15)

M. Bourque: C'est une question à laquelle il est difficile de répondre pour une raison principale, c'est qu'elle est un peu théorique en ce sens que les ressources sont plus ou moins adéquates. Je crois qu'il est difficile de mettre un chiffre parce qu'on n'a pas eu l'expérience encore et les Américains, non plus, n'ont pas eu cette expérience-là d'avoir de ces ressources adéquates et de pouvoir être capables de savoir exactement combien pourront vivre à l'extérieur d'un milieu psychiatrique. Par exemple, l'une des considérations très importantes pour nous, à l'extérieur du foyer, le cas de quelqu'un qui pourrait vivre dans sa famille... Il y a deux conditions idéales que j'ai mentionnées. D'une part, le contexte social: il faut qu'il y ait une famille, il faut que la famille soit capable de recevoir ce malade. D'autre part, nous croyons qu'il sera plus facile pour les familles de recueillir ou d'accepter un malade handicapé mentalement s'il peut passer 35 heures ou une trentaine d'heures à l'extérieur du foyer, dans une occupation. D'après certaines expériences qui ont été faites aux Etats-Unis, on croit que c'est possible de rendre la tâche beaucoup plus facile à la famille si le malade n'est pas toujours à la maison. C'est beaucoup plus facile aussi pour le malade de pouvoir avoir un autre lieu, un autre endroit où il peut avoir des contacts avec l'extérieur.

Or, pour arriver à cela, il faut absolument qu'il y ait de ces ressources. Lorsqu'on parle de ces grands malades qui ont des séquelles, on parle, en fait, de l'équivalent d'un handicapé physique. C'est un handicapé psychiatrique. Il doit y avoir un endroit qui puisse être capable de répondre à ces besoins. Pensez en fonction de ces ressources, de permettre une occupation de 35 heures ou d'une trentaine d'heures par semaine à l'extérieur du foyer, nous croyons que nous pourrions...

Pour répondre directement à votre question, je crois qu'il y aura toujours un certain nombre de malades qui auront besoin de soins prolongés, malgré, en fait, ceci. Je m'excuse grandement de ne pas pouvoir vous donner les chiffres exacts, parce que j'ai beaucoup de difficulté à m'imaginer, à savoir quel serait le nombre de ceux qui pourraient être capables...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais, en fait, la réponse que vous me donnez est que, dans l'état des connaissances scientifiques ou de la maladie mentale, au moment où on se parle, il faut prévoir un certain pourcentage qui, de toute façon, aurait besoin d'une forme d'hébergement permanente, que ce soit dans nos grands hôpitaux ou ailleurs. Oui?

M. Morrisset: Dans le processus de désinstitutionnalisation qui s'est particulièrement fait depuis les années soixante, si on revient aux chiffres américains de 500 000 en institution, ils sont actuellement à 160 000. On peut dire à ce moment-là qu'ils ont un besoin qui frise peut-être 1 % actuellement, mais ce besoin est difficile à identifier puisqu'on sait, par exemple, que dans la seule ville de New York, actuellement, dans un article qui a paru en juin 1985, il y a 6000 malades mentaux qui vivent strictement dans la rue, qui n'ont aucun logement et pour lesquels on se prépare à rouvrir les asiles pour qu'ils aient tout au moins un endroit où vivre. Le besoin est difficile à quantifier parce qu'il y a eu un mouvement très fort de désinstitutionnalisation et on en est maintenant à regarder le résultat de tout cela et ce qui a accroché. Le nombre de ceux qui sont dans la rue est difficile à déterminer.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dr Bourque, en page 2, troisième paragraphe, vous dites...

M. Bourque: Est-ce que vous me permettez...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous en prie.

M. Bourque:... de faire un commentaire pour compléter ce que je disais. J'aurais envie de vous dire ceci. De façon pratique, la façon de procéder serait d'abord de s'occuper de ceux qui sont déjà dans la com-

munauté, d'y aller d'un façon graduelle et progressive et d'essayer de donner adéquatement des ressources pour ceux qui sont déjà là et, à partir de là, à faire une étape suivante, c'est-à-dire de sortir progressivement et d'accélérer le processus pour qu'on puisse au moins s'occuper de ceux qui souffrent et qui sont déjà dans la communauté.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est une réflexion qu'on a eue d'autres personnes. Il y a des gens, d'ailleurs, qui sont dans la communauté et qu'on ne rejoint même pas, parce qu'ils sont déjà trop détériorés, ils ne viennent pas chercher de l'aide. Ils sont devenus des vagabonds, des clochards ou des itinérants, selon le terme qu'on veut utiliser. Il y a ceux qui se font suivre sporadiquement dans les cliniques externes des hôpitaux généraux et dont une partie, je pense, revient dans la communauté. Ceux-là, on a un contact avec eux, mais leur stabilité est précaire. Si on peut rejoindre les premiers, je pense qu'on doit faire un effort, mais les deuxièmes, je pense que c'est de ceux-là que vous parlez, avant de songer à vouloir trop accélérer la désinstitutionnalisation des autres...

M. Bourque: Oui, je pense qu'il serait avantageux d'être prudent et de s'occuper de ceux qui sont dans le plus grand besoin, actuellement, de besoins fondamentaux.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Un psychiatre, hier, nous faisait la remarque que souvent - souvent, c'est mon terme à moi -il n'est pas rare que vous soyez même obligés d'hospitaliser des gens parce qu'ils manquent des ressources sociales. Ce sont des gens qui souffrent d'inadaptation, qui ont des problèmes psychiques, mais qui, pour des raisons humanitaires, sont hospitalisés pour une courte période de temps, alors que le problème le plus aigu, à ce moment-là, ce n'est peut-être pas d'abord un problème d'ordre psychique, mais peut-être un problème d'ordre social. Est-ce que c'est une expérience que vous avez, vous autres aussi?

M. Bourque: Oui, c'est une expérience courante, étant donné qu'il y a une pénurie de ressources sociales et étant donné, évidemment, que nous donnons un service -comme à l'urgence, nous avons une urgence qui est présente - les gens viennent à notre porte, parfois, pour des raisons de misère sociale. Bien sûr, nous les recevons et espérons les diriger ailleurs.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En page 2 de votre mémoire, au troisième paragraphe, vous dites: "Ainsi, pour tenter d'éliminer la maladie mentale, plusieurs personnes bien intentionnées proposent des solutions généreuses en idéologie, mais sans rigueur intellectuelle. " Je voudrais d'abord que vous développiez peut-être cela - je sais ce que vous voulez dire mais enfin - d'une façon plus concrète.

En contrepartie, je dois vous dire qu'on a reçu un nombre de témoignages à savoir que, par contre, il y avait peut-être une surhospitalisation par les psychiatres de personnes souffrant de troubles mentaux. On a parlé de surmédicalisation, on a parlé de l'approche trop médicale de la psychiatrie. J'aimerais que vous réagissiez à cela parce que, de part et d'autre, je ne sais pas exactement où se situe le juste milieu, si on peut en trouver un.

M. Bourque: Oui, vous avez bien compris. C'est implicite dans ce que je dis là. Je pense que c'est normal que nous voulions... C'est un peu comme le cancer. Je pense que tout le monde voudrait trouver une solution au cancer. Bien sûr, ce n'est pas tout le monde qui la trouve et nous sommes un peu obligés de vivre avec lui en attendant. Je pense que c'est un peu la même chose dans le cas des maladies mentales. Je vous ai montré tout à l'heure qu'il y a quand même, dans le cas de maladies dépressives sévères, 80 % de succès. Il y a quand même plus de 30 %. Il y a environ 15 %, cela se reflète dans d'autres maladies également, où il y a un insuccès. Avec les connaissances actuelles que nous avons, c'est bien sûr que l'on peut toujours dire: Mais si on faisait un peu plus de ceci, un peu plus de cela, peut-être que cela changerait quelque chose. Alors, nous, d'après les informations actuelles, on dit qu'on essaie tout ce qu'il y a. On a besoin des médicaments. Par exemple, un des dangers qui existent, à mon avis, à vouloir trop promouvoir la démédicalisation, c'est que des gens ne prennent pas leur médicament. Dans les cas, par exemple, de dépression majeure, il est reconnu aujourd'hui que, dans plus de 70 %, seulement avec un médicament, on peut traiter une dépression sévère et qu'on peut améliorer cela avec une thérapie et de l'aide. On peut monter cela jusqu'à 80 % et davantage. Mais déjà 70 % peuvent être traités avec un médicament. Le danger qui existe est que ceux qui souffrent de dépression sévère et qui pourraient bénéficier de tel médicament particulier pourraient ne pas prendre ce médicament parce qu'on dit qu'il ne faut pas prendre de médicament. Il y a ce danger-là.

Par contre, je reconnais que nous sommes à une époque où chacun a parfois de la difficulté à vivre une anxiété normale, actuelle, existentielle et qu'il voudrait la soulager et tout cela et que là, on utilise facilement des tranquillisants, en fait, mineurs pour pouvoir se sentir mieux dans sa peau et tout cela. Nous sommes à une

époque où le système de valeurs fait la promotion très grande du je, du moi, de l'épanouissement de la personne et de se sentir bien dans sa peau, d'avoir du "fun", si vous me permettez l'expression. C'est un des critères de valeur, à tel point qu'un ami sociologue m'a dit qu'il faudrait presque parler de l'éthique du fun. Il a fait un jeu de mots en disant: C'est la "funéthique". C'est l'éthique du "fun". Alors, c'est sûr qu'il y a eu cette exagération d'utiliser des tranquillisants mineurs pour des malaises existentiels qui n'avaient rien à voir avec une maladie. Il y a des angoisses, il y a des anxiétés qu'on a tous à vivre. Certains utilisent la cigarette, d'autres la pipe, d'autres la boisson, en fait, pour toutes sortes d'affaires; d'autres, du jogging, de l'exercice pour pouvoir diminuer, réduire cette tension. Mais ceci n'a rien à voir avec un médicament qui est utilisé pour une maladie mentale bien identifiée, là où il y a un médicament qui peut aider, aussi bien dans les cas de psychoses maniaco-dépressives, le lithium, qui se trouve à Être l'équivalent, en quelque sorte, de l'insuline pour le diabétique.

Alors, mêler les deux risque de mettre de la confusion. Je pense qu'en général, malgré qu'il y ait un problème de surmédicalisation dans les tranquillisants mineurs, je crois que dans les maladies mentales bien identifiées, à mon avis, il n'y a pas de surmédicalisation.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais aussi que vous me... On a eu ici, à plusieurs reprises, des représentations qui nous ont été faites à savoir qu'il devrait y avoir quelque part - exactement où, je ne le sais pas - une sorte de comité directeur de tous les services de la santé mentale ou de la psychiatrie pour mieux coordonner, planifier, etc. Est-ce que vous voyez un tel organisme ou un tel comité? À votre avis, où devrait-il se situer? Quel rôle y verriez-vous pour les psychiatres?

M. Bourque: Oui. Je pense qu'il serait avantageux de pouvoir bien intégrer les efforts de chacun. Je pense qu'il y a beaucoup de professionnels qui interviennent à l'intérieur de ces établissements de soins, des distributeurs de soins. Je pense qu'il faudrait qu'il y ait une intégration, une coordination, une planification. (21 h 30)

Le rôle du psychiatre à l'intérieur de cela, je pense qu'il devrait être important. Où exactement? Quel rôle? Je n'ai pas de précision à vous donner là-dessus, mais je pense qu'ayant cette expertise de la maladie mentale, nous devrions avoir un rôle important à jouer à ce sujet. Je n'ai pas de précision à vous donner, en fait, quel rôle exactement. Cela peut être un rôle de consultant, mais je pense qu'il devrait être écouté attentivement, parce que nous avons des choses à dire et, en général, je crois que nous sommes les plus informés de la maladie mentale actuellement.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous avons entendu, il me semble que c'est hier matin, en tout cas, le Comité de la santé mentale, qui nous a exprimé que, selon lui la médication et les supports sociaux sont aussi importants l'un que l'autre pour une action efficace. Est-ce que c'est aussi votre conception des choses dans l'approche thérapeutique, non seulement thérapeutique, mais de réinsertion sociale aussi des malades mentaux?

M. Bourque: Je fais une distinction. D'abord, il y a ceux qui sont guéris ou qui sont suffisamment améliorés et qui n'ont pas besoin de ce support. En fait, évidemment, je pense que vous faites allusion à ceux qui ont des séquelles, à ceux qui ont des déficiences, à ceux qui ont des handicaps, à ceux qu'on pourrait appeler des handicapés psychiatriques. Pour ceux-là, je crois - et je serais d'accord avec cela - que l'aide sociale est très importante pour empêcher la rechute et permettre de maintenir ces personnes, ces individus parce que, en général, ceux qui ont ces séquelles ont une très grande sensibilité au rejet. S'ils se sentent acceptés et qu'ils ne se sentent pas mis de côté, ils vont pouvoir utiliser les propres ressources, les propres forces qu'ils peuvent avoir pour se maintenir et, à ce moment, avec une médication appropriée, je pense que les deux ensemble vont pouvoir aider. Dans ce sens, je suis absolument d'accord avec cela. Je ne sais pas si mon collègue...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela, ce sont ceux qui retournent dans la société.

M. Bourque: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous dites que la communauté, que les ressources, appelons-les intermédiaires, communautaires ou alternatives, viennent épauler leurs efforts de réinsertion sociale.

M. Bourque: C'est cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous êtes prêts à mettre la main à la pâte, s'il y a des problèmes particuliers, des états de crise qui surviennent ou de ces choses. Mais, pour ceux qui viennent à l'hôpital dans un premier contact, qui viennent chercher de l'aide, qui viennent frapper à la porte de l'hôpital, à ce moment, soit que vous les preniez en traitement, soit que vous les référiez à une autre source, mais si vous les prenez en traitement, est-ce que, immédiate-

ment, vous sentez la nécessité - et je pense que c'est ce que le Comité de la santé mentale nous disait - que dès le point de départ, s'ils ont une famille, s'ils ont un milieu, il faut déjà... Quand je dis le point de départ, ce n'est peut-être pas la première entrevue que vous faites, mais, dans toute l'organisation du traitement, il faut que le milieu, la famille, que ces supports sociaux jouent immédiatement pour rendre votre action, qu'elle soit psychothérapeutique ou médicale, plus efficace.

M. Bourque: Oui. Je ne sais pas si vous faites référence, en fait, à ceux qui nous ont précédés qui ont parlé un peu de la rigidité et du fait...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non. Au moment où je vous posais la question...

M. Bourque: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Évidemment, il y a un lien, peut-être.

M. Bourque: II y a un lien.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'était vraiment en référence à ce que le Comité de la santé mentale... Dans la réponse que vous m'avez donnée, j'ai cru déceler que c'était davantage après, c'est-à-dire dans la phase de réinsertion sociale proprement dite, que vous voyiez ce double rôle ou ces doubles fonctions, mais qu'au moment de l'hospitalisation ou du traitement en clinique externe, vous sembliez ne pas le voir, parce que vous avez pris soin de faire cette distinction, à moins que je ne me trompe.

M. Bourque: Oui, j'ai fait la distinction parce que, en fait, vous parliez un peu de l'équivalence. Dans les autres cas, évidemment, je crois que, dans les cas de grands malades, il est très important, dans la mesure du possible, que nous puissions impliquer ceux qui ont des expertises, impliquer les familles et également les professionnels, comme les travailleurs sociaux, qui travaillent avec nous, afin de pouvoir aider ces familles. Je pense que, en théorie, c'est quelque chose que nous trouvons très important. D'autre part, je dois dire qu'il peut arriver, comme les travailleurs sociaux l'ont demandé, parce que la rigidité... Ce qui a été mentionné me revient à l'esprit et je pense qu'ils ont probablement raison en partie. Cela ne me surprend pas qu'il puisse arriver parfois des cas où il y a peut-être ce qu'on peut appeler une rigidité - j'appellerais cela autrement -lorsque nous avons beaucoup de personnes à voir et que, en fait, nous savons que les ressources sociales ne sont pas toujours disponibles - car elles aussi ont beaucoup de travail à faire - on devient, à un moment donné obligé d'être réaliste et de se dire: Quelles sont les personnes que je vais référer? Parce que si je les réfère toutes, toutes celles qui en ont besoin, les travailleurs sociaux ne pourront pas répondre à la demande. Alors, il y a une question de réalisme qui entre en ligne de compte, à cause du fait de la pénurie des ressources qui existe, sur ce qu'on doit vraiment décider.

En théorie, je suis absolument d'accord avec ce que vous avez avancé.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je ne sais pas si mes collègues... Le député de Marie-Victorin.

M. Pratt: Oui. Docteur, dans vos recommandations, a la page 4, il y en a une qui me plaît énormément. C'est le "know-how", augmenter les effectifs psychiatriques pour que les soins requis soient accessibles à tous ceux et celles qui en ont besoin. Cela, c'est indistinctement des régions, des milieux. Alors, quand vous parlez d'effectifs psychiatriques, est-ce que vous parlez juste des psychiatres ou d'autres personnes qui travaillent dans le milieu?

M. Bourque: Je parle des psychiatres en particulier.

M. Pratt: En particulier.

M. Bourque: En particulier. Ceci veut dire également, en fait, que plus il y a de psychiatres, plus il y a besoin d'autres ressources humaines dans les équipes psychiatriques.

M. Pratt: D'accord.

M. Bourque: Alors, cela inclut implicitement cela.

M. Pratt: Vous dites qu'actuellement vous êtes 700 dans la province.

M. Bourque: Oui.

M. Pratt: Êtes-vous conscient qu'il en manque...

M. Bourque: Oui.

M. Pratt:... dans la province de Québec?

M. Bourque: Oui.

M. Pratt: Avez-vous des moyens d'aller en chercher d'autres? Actuellement, c'est un problème.

M. Bourque: Oui, oui.

M. Pratt: En 30 secondes, avez-vous une...

M. Bourque: Oui, oui, je peux vous dire...

M. Pratt:... technique pour...

M. Bourque:... qu'en fait il y a 854 psychiatres qui sont inscrits à la Corporation des médecins du Québec. Il y en a 700 qui sont inscrits à l'Association des psychiatres. Nous avons à peu près 600 psychiatres qui travaillent au moins à moitié-temps. Alors, je voudrais vous expliquer pourquoi. Il y a 154 psychiatres qui sont inscrits à la corporation mais qui ont déjà travaillé au Québec; ils gardent le contact au cas où ils pourraient revenir. Alors, on pourrait peut-être aller les chercher.

M. Pratt: Oui, mais d'actifs, vous en avez combien?

M. Bourque: Actuellement, pleinement actifs, on en a 600 et il y a une diminution. Alors, nous avons proposé une façon qui nous apparaît facile pour augmenter les effectifs. Ils sont de deux sortes: 1°, c'est d'ouvrir les portes à tous les candidats valables, pour ceux qui finissent leur cours de médecine et qui demandent à venir en psychiatrie, donc de leur permettre de venir; actuellement, il y a des candidats valables qu'on ne reçoit pas; 2°, il y a un grand nombre d'omnipraticiens qui, dans les régions éloignées, travaillent dans des milieux psychiatriques, sont intéressés par la psychiatrie, et qui, par une incitation financière - parce qu'ils ont des familles -pouvant leur permettre de revenir à Montréal et de faire leurs études, accepteraient un contrat de cinq ans pour retourner dans ces régions, une fois qu'ils ont terminé leurs études de psychiatrie; ils accepteraient cela. Cette solution a été essayée dans les années soixante et a donné de bons résultats. Il y a eu plusieurs omnipraticiens qui, à la suite d'une incitation financière, sont devenus psychiatres, et cela a donné de très bons résultats, d'autant plus que cet omnipraticien travaille déjà dans le milieu, connaît le milieu, vit dans une région donnée. Nous croyons que nous pourrions augmenter sensiblement le nombre d'effectifs mais à condition, évidemment, que la société le veuille bien.

M. Pratt: Ce que je souhaite, c'est qu'on mette ces moyens pratiques à exécution. Évidemment, en faisant la tournée de la province dans les différents milieux, on a lancé des cris d'alarme dans certains coins où il n'y avait pas de psychiatre et on ne voyait pas comment on pourrait régler le problème. Je pense que c'est tous ensemble que nous devons nous pencher sur le problème et essayer d'y concourir le mieux possible. Vous êtes bien placés non seulement pour voir à ce qu'il y ait de l'aide, mais aussi de la relève. Merci, docteur.

M. Bourque: Si vous le permettez, je pourrai inclure, en fait, dans le mémoire qui va suivre un document en annexe qui explique notre proposition.

M. Pratt: Cela étofferait la deuxième recommandation. Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la députée de Dorion.

Mme Lachapelle: J'ai une petite question. Je sais que, comme psychiatre, vous rencontrez le malade pendant un certain temps, mais par la suite... Je me pose toujours des questions. Si c'est un jeune adulte entre 18 et 20 ans, après l'avoir examiné, après avoir compris à quel degré est sa maladie, est-ce que vous parlez aux parents? Expliquez-vous tout cela aux parents, ou si vous dressez plutôt un tableau et que vous le remettez à quelqu'un d'autre qui se charge d'informer ou de rassurer?

M. Bourque: Jusqu'à l'âge de 18 ans -vous parlez de 18 ans mais, si vous permettez, je dirai ceci - en général, nous insistons beaucoup pour voir les parents dès le départ, dès la première rencontre. Il arrive parfois qu'il y ait des raisons importantes pour lesquelles l'adolescent ou l'adolescente nous demande - il nous en explique les raisons - que ses parents ne soient pas là, et nous accepterons. En général, on aime bien que les parents soient là parce que cela nous apparaît bien important de pouvoir bien situer au point de départ. L'expérience nous démontre que, lorsque ces adolescents ont des difficultés, la famille est impliquée émotivement et d'une façon dynamique. Il est très important de voir aussi les parents pour pouvoir s'assurer que, d'une part, les parents vont bien comprendre ce qui va se passer et être capable de les voir plus tard au cas où ce serait nécessaire.

À partir de 18 ans - et c'est là que le problème se pose, en fait - dans notre société, une personne est adulte. S'il y a une insistance de la part de la personne pour qu'on ne voie pas les parents, à ce moment-là, évidemment, cela pose un problème. Je crois que nous devrions, en fait, essayer, dans la mesure du possible, de voir les parents parce que c'est très important à moins, évidemment, qu'il n'y ait pas d'implication et que le problème soit vraiment individuel. Mais surtout lorsqu'il y a

des pathologies sérieuses qui risquent d'avoir des séquelles, les parents vont être importants pour permettre à ces gens-là de progresser. Je crois que votre intervention est très à point, c'est sûr. (21 h 45)

Mme Lachapelle: Je pense souvent aux jeunes dans notre société qui ont quelquefois des attitudes bizarres qui peuvent être un abus de quelque chose, mais les parents, qui ne sont pas au courant de ce qui arrive, peuvent argumenter pour rien avec le jeune sans savoir quelles sont les raisons qui sont en arrière de cela.

M. Bourque: Absolument. J'arrive d'un congrès de l'Association internationale de la psychiatrie de l'adolescence qui s'est tenu à Paris, et il a été beaucoup question des postadolescents. On a même eu l'occasion d'entendre Mme Christiane Collange qui a écrit un volume que vous connaissez peut-être, "Moi ta mère". Elle demandait à ces paychiatres: Qu'est-ce que je dois faire avec mes quatre fils qui me collent, qui restent à la maison, qui veulent toute leur indépendance, leur liberté, et qui m'enchaînent à la maison?

Quand quelqu'un a passé 18 ans et reste encore à la maison et qui ne va pas bien, je pense qu'il est probablement très important d'avoir tout le tableau de ce qui se passe chez ceux qu'on peut appeler les postadolescents et qui ont un peu des comportements d'adolescents, même s'ils sont adultes.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le député de... Non? J'aurais une question à vous poser. On parle de la rareté des effectifs psychiatriques - mon collègue en a parlé - pour les régions éloignées. Seriez-vous capable de me donner - évidemment, je comprends que c'est toujours des approximations - en moyenne, le temps passé par les psychiatres à l'hôpital, cela peut être au CLSC, la proportion du temps passé dans l'établissement et du temps passé en bureau privé.

M. Bourque: C'est 85 %.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): 85 % du temps est passé à l'hôpital?

M. Bourque: Oui, ou en établissement, pour les psychiatres.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour les 600 psychiatres qui sont là?

M. Bourque: Oui. Ce sont là mes chiffres.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Maintenant, il y a un problème dans les régions éloignées, mais il semble aussi qu'il y ait un problème de décroissance, d'après ce que vous avez dit tout à l'heure, du recrutement des psychiatres, en général. À quoi est-ce dû, selon vous? Il y a eu à un moment donné la question de contingentement, mais la psychiatrie est finalement une des spécialités... Vous n'avez pas l'air d'accord!

M. Bourque: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, votre collègue. On m'avait donné l'impression ou donné la nouvelle que cela avait été passablement décontingenté pour la psychiatrie comme, d'ailleurs, l'anesthésie ou je ne sais quoi.

M. Morrisset: Oui, cela avait été décontingenté - c'est un mot qui me déplaît! - au niveau du ministère, mais, effectivement, au niveau des universités, entre la médecine, la chirurgie, etc., cela ne s'est pas si bien passé que cela. Effectivement, sur 40 ou 45 candidats qui peuvent avoir demandé à venir cette année, l'université peut n'en avoir accordé accepté que vingt. C'est un décontingentement...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Décontingentement.

M. Morrisset: Je ne le dirai pas!

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous, nous avons de la difficulté avec la surmédicalisation!

M. Morrisset: Cela ne se produit pas tant que cela sur le terrain, parce qu'il y a des demandes!

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je posais la question parce que je me demandais si, à un moment donné, la pratique de la psychiatrie devenant peut-être plus difficile, dans un contexte un peu différent de ce qu'on a connu, par exemple, à la fin des années cinquante ou au début des années soixante, et si le recrutement était plus difficile à partir de ce type de considération. Il y aurait des candidats, mais il n'y a pas de place.

M. Morrisset: II y a des demandes, mais il n'y a pas de place.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... de spécialisation.

M. Morrisset: Les budgets universitaires sont distribués de telle façon et c'est effectivement assez difficile à traverser. Quand vous parlez du travail, quand on parle des jeunes qui finissent actuellement en

psychiatrie, c'est un autre phénomène, ils ne sont pas du tout prêts à faire le travail que nous faisons, nous, gens d'un certain âge. Ils ne sont pas prêts à prendre la relève et ils ne veulent plus faire la même chose qu'ils nous ont vu faire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Comme quoi, par exemple?

M. Morrisset: Pardon?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Comme quoi, par exemple?

M. Morrisset: Ils ont tendance à avoir des exigences assez grandes pour du travail précis. Ils ont très peur de ce qu'on appelle le "case load", ils ont peur d'accumuler une clientèle qui devient excessivement lourde, c'est vrai. Il n'y a pas eu ces migrations dans les autres pays et dans les provinces, quand on parle des psychiatres, des migrations d'un hôpital à l'autre. Le phénomène qui explique cela, au fond, c'est le "case load". Après six ou sept ans dans une bâtisse, tu es rendu à un certain nombre de patients qui finit par t'écraser et tu changes de place, tu recommences. Les jeunes tentent d'éviter cette forme de pratique, ceux qui finissent actuellement. Ils font des choses bien, ils font des choses correctes, mais on est vraiment devant un phénomène où il y a deux modalités de pratique qui s'installent et qui peuvent être assez inquiétantes pour nous.

M. Bourque: On se posait la question, en fait. En venant de Montréal aujourd'hui, on se demandait: Est-ce que les jeunes sont plus préoccupés par leur qualité de vie, d'une certaine façon, et se limitent davantage, veulent éviter l'épuisement professionnel ou je ne sais pas trop quoi? Mais il est sûr qu'on voit cette tendance chez les jeunes à se limiter et c'est peut-être mieux pour l'hygiène mentale également. Peut-être que si tout le monde arrivait à pouvoir agencer les responsabilités, le taux de travail, et partager cela avec d'autres choses dans la vie et non pas uniquement faire une chose, je pense que c'est bon pour l'hygiène mentale. On se demande si on n'en a pas trop fait, si on en fait pas trop et si on n'a peut-être pas assez limité notre champ d'action. Cela, c'est une question qu'on se pose. On n'a pas répondu à la question encore.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On pourrait peut-être se demander si c'est pour notre hygiène mentale, qu'on se retrouve ici alors qu'il fait beau. On devrait peut-être être ailleurs.

M. Morrisset: C'est une bonne question.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je n'ai pas d'autre question à vous poser. Je veux vous remercier d'être venus et nous n'hésiterons pas à vous recontacter au besoin. J'ai l'impression que, sur la désinstitutionnalisation, je n'ai vraiment pas le pouls de votre sentiment, c'est-à-dire que vous voulez plus de ressources, mais même avec plus de ressources, vous voulez aussi une certaine prudence quant à ceux qu'on peut désinstitutionnaliser ou non.

M. Bourque: Si vous me le permettez, nous allons vous envoyer le mémoire complété. Adressé à vous, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Au secrétaire de la commission, au Secrétariat des commissions parlementaires.

M. Bourque: Merci bien.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci bien.

(Suspension de la séance à 21 h 50)

(Reprise à 21 h 55)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je pense que nous avons déjà à la table les représentants du Regroupement des parents et amis du malade mental, section Québec. Alors, M. le président Poirier, si vous voulez, pour les fins du Journal des débats, afin qu'il puisse identifier les personnes, présenter ceux qui vous accompagnent?

Regroupement des parents

et amis du malade mental,

section Québec

M. Poirier (Paul-Émile): Mme Thérèse Poirier, M. Ronald Châteauvert, M. Gilles Dupont.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bonjour. Alors, si vous voulez procéder avec la présentation?

M. Poirier: Alors, si vous permettez, j'aurais un petit commentaire, au début. C'est que notre mémoire découle de la concertation auprès de nos membres et ce que nous vivons dans la région de Québec, parce que le regroupement existe surtout pour la région 03, secteur de Québec.

Alors, un mot en ce qui concerne le regroupement. Si vous permettez, je vais vous lire tout simplement les deux derniers paragraphes de cette page. "Tous les professionnels sont organisés

en corporation ou en syndicat pour défendre leurs intérêts. Le malade et sa famille sont toujours seuls pour affronter les préjugés du public et les intérêts parfois divergents des corps professionnels. " C'est là le Regroupement des parents et amis du malade mental. "De plus, le malade mental est soit un conjoint, une conjointe... " de fait, il est rattaché d'une façon ou d'une autre à une famille. "La famille est l'institution la plus durement affectée par la maladie d'un de ses membres. Nous comprenons difficilement que les institutions spécialisées puissent se passer de sa collaboration dans le traitement du malade mental. "

Dans le sommaire également, si vous permettez, je vais vous lire les paragraphes 3 et 4. "Parmi les hôpitaux que nous avons visités - de fait, cela ressemble peut-être à des conclusions - le pavillon Antoine-Gauvreau à Lévis nous a paru le plus adapté au traitement du malade. "Parmi les centres qui peuvent recevoir le malade à sa sortie de l'hôpital, celui qui nous paraît le mieux adapté et qui peut servir de modèle est la Maisonnée à Charlesbourg. Un centre de réinsertion doit d'abord répondre aux besoins du primum vivere, ensuite, il est possible de parler de guérison et de réinsertion sociale. "

Alors, nous souscrivons difficilement au système actuel. 11 est inutile de parler de services de soutien si on ne modifie pas la philosophie de base. Tout en reconnaissant que tout le monde à l'intérieur du système actuel fait son possible, le regroupement constate, en ce qui concerne les coûts, et je pense bien que vous êtes aussi au courant que nous, que, malgré les sommes dépensées pour la maladie mentale, les résultats sont minimes.

Syndrome de la porte tournante. On dit que la réhospitalisation à Robert-Giffard est de l'ordre de 80 %. Cette situation est due à quoi? D'après la revue Santé mentale, dans le numéro d'avril dernier, l'expérience des appartements supervisés à Montréal a réduit le taux de réhospitalisation à 20 %. Les quelques cas que nous avons étudiés dans le secteur de Québec donnent des résultats a peu près correspondants.

Les traitements inadéquats. Il découle des constatations que nous pouvons faire que les traitements employés sont inadéquats et se résument, la plupart du temps, à doser des médicaments pour que le malade puisse avoir un comportement acceptable et puisse vivre en société pour des laps de temps plus ou moins longs sans déranger son entourage.

Hôpitaux inadéquats.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse, M. Poirier. Je ne sais pas si c'est seulement moi qui suis perdue, mais pourriez-vous nous indiquer ce que vous lisez?

Des voix: La page 3.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La page 3.

M. Poirier: Excusez, c'est le chapitre I, situation actuelle.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah bon! Excusez-moi de vous avoir interrompu.

M. Poirier: Dans la pagination...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Continuez. Oui, oui, je l'ai.

M. Poirier:... il y a eu une erreur.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je l'ai, c'est ma faute.

M. Poirier: La page 2 du chapitre 1. Traitements inadéquats et hôpitaux inadéquats. La majorité des centres psychiatriques dans les hôpitaux furent formés de sections qui étaient antérieurement attribuées aux malades alités. Alors que l'on parle d'autonomie, l'hôpital est le milieu où l'on devient le plus dépendant: dépendant d'un horaire, d'un régime, d'une discipline, d'une équipe. La majorité des hôpitaux que nous connaissons sont aliénants.

Le malade psychiatrique n'est pas un malade alité. Il ne souffre ordinairement d'aucun handicap physique. Il lui faut un milieu où il peut occuper son temps, se distraire, mener une vie normale tout en suivant sa cure.

Alors, j'ai è l'image Robert-Giffard, où la première institution environnante, si vous voulez, c'est le cimetière. Comme facteur moralisant, c'est assez difficile. (22 heures)

Services insuffisants hors l'hôpital. Dès que l'on a équilibré la médication, l'on donne congé au patient sans autre recours. Ce dernier doit se trouver un logement, doit réorganiser sa vie tout en subissant le poids de son handicap et l'asservissement de sa médication. Les quelques services de soutien adéquat ne répondent que dans une faible proportion aux besoins.

Les travailleurs sociaux de Robert-Giffard nous disaient que 60 % des patients retournaient dans leur famille. Cela veut dire que 40 % ont effectivement... Peut-être que 10 % se trouvent des endroits dans des familles d'accueil et autres organismes spécialisés, mais les autres 30 % sont ceux qu'on retrouve très souvent dans l'indigence et dans les milieux mal famés.

Une solution de rechange. Il se peut que les constatations faites dans le premier chapitre ne soient pas conformes à la réalité. Ceci est dû au manque d'information, au manque de communication des services

concernés.

Une voix: Vous avez passé...

M. Poirier: Pardon?

Une voix:... ce que font les spécialistes.

M. Poirier: Ah! bien oui, excusez! Voici, justement à la page 3, la mention des services insuffisants hors de l'hôpital. Que font les spécialistes? C'est une question qu'on se pose parce que, de fait, en ce qui nous concerne, tout ce qu'on constate, c'est que très souvent ils réussissent à donner des médicaments et leur discrétion nous empêche de savoir spécifiquement quel est leur rôle.

Que font les CLSC, quels sont les liens des CLSC avec les hôpitaux psychiatriques? Il ne semble y avoir aucune relation ni aucun service à l'intérieur des CLSC pour les expatients des hôpitaux psychiatriques. Pourtant, s'il y a un endroit où le CLSC aurait un rôle social à jouer, c'est bien dans le domaine de la santé mentale.

Une solution de rechange. Il se peut que les constatations faites dans le premier chapitre ne soient pas conformes à la réalité. Ceci est dû au manque d'information, au manque de communication des services concernés. Les médecins ne parlent plus latin avec leurs patients mais leur grande vertu de discrétion est un vice qui n'aide pas à la compréhension ni à la connaissance du travail qu'ils font.

De plus, le phénomène de santé semble tellement compliqué que rares sont ceux qui désirent s'engager dans cette voie. On se contente de soigner nos maladies car, surtout dans le domaine des maladies mentales, on a l'impression que l'on soigne plus les maladies que l'on soigne la santé.

La conception qu'a le regroupement d'une politique de santé mentale doit être soutenue par les services suivants:

Éducation. Quels sont les éléments d'une bonne santé sur le plan biologique, psychologique et social? Dès l'école, on devrait donner des cours sur le "savoir-vivre". Tant et aussi longtemps que la science de la santé ne fera pas contrepoids à la science de la maladie, tant et aussi longtemps que nous ne convaincrons pas les individus de soigner leur santé, le coût de la maladie ira en augmentant. L'éducation est le seul moyen de rendre les gens autonomes et des les amener à prévenir plutôt qu'avoir à guérir. Avec l'assurance-maladie, c'est tellement facile d'être malade et être en santé semble être une vertu tellement austère que beaucoup de gens y renoncent.

Recherches. Il se fait quelques recherches en santé mentale mais ces recherches semblent être décousues et ne font l'objet d'aucune évaluation par les gens du milieu. L'on entend parler d'expériences faites aux États-Unis, en Angleterre, en Italie, en Europe, mais, la plupart du temps, les psychiatres disent que ces expériences sont non concluantes. Par contre, dès qu'un nouveau médicament est mis sur le marché, immédiatement la publicité en fait la solution miracle et les psychiatres emboîtent le pas.

Est-il possible de faire une classification des troubles mentaux afin que nous puissions distinguer entre les troubles affectifs, les troubles de comportement et les troubles mentaux proprement dits? Il semble que c'est mis un peu dans la même sauce de par les commentaires qu'on en reçoit.

L'on entend dire que ceux qui souffrent d'hypoglycémie peuvent devenir dépressifs et qu'ils se guérissent par une alimentation adéquate. Des psychiatres semblent avoir des objections à consulter des endocrinologues. Pourquoi les patients ne pourraient-ils pas avoir un rapport endocrinien lorsqu'ils le demandent? En plus de l'évaluation psychologique du malade, que fait-on en ce qui concerne l'aspect biologique?

Rôle de la famille. La première entité à laquelle se rattache le malade mental est la famille. C'est soit un conjoint, une conjointe, un père, une mère, un frère, une soeur, un fils, une fille qui est malade. Or, cette famille est ignorée par les praticiens qui ne la considèrent que comme une adresse de retour pour le patient. Qu'on lui accorde au moins le même encadrement, le même appui moral qu'aux familles d'accueil. Puisque 60 % des patients retournent dans la famille naturelle, on aimerait que celle-ci ait un peu de soutien.

En théorie, elle devrait faire partie du réseau thérapeutique mais, dans la pratique, elle est laissée entièrement pour compte; elle est laissée complètement ignorante de la maladie et du comportement qu'elle doit avoir vis-à-vis du malade. Ceci crée parfois des contradictions. C'est que justement la famille elle-même a sa conception de la maladie et le médecin a une conception et le malade est pris entre deux feux.

Les membres de la famille sont près du malade, s'en inquiètent, vivent dans l'angoisse, se posent des questions, n'ont souvent aucun secours, aucun endroit où s'adresser.

Ces membres souffrent en silence dans un climat de préjugés. Les problèmes occasionnés par le malade perturbent le milieu, peuvent être l'objet de discorde entre les frères et les soeurs et même, dans certains cas, amener la dislocation du couple.

Information. Cette situation de la famille nous amène à demander un service d'information pour la famille. Dès l'hospitalisation, il devrait y avoir rencontre entre les membres de la famille et le psychiatre. Je voyais tantôt qu'on faisait une

distinction entre le jeune de 18 ans et celui de 18 ans et plus. Le problème est le même, que cela soit un mari et une épouse. Ordinairement, le mari ou l'épouse sont âgés d'un peu plus de 18 ans. Quant à l'information, pour les autres membres de la famille, le problème est exactement le même en ce qui nous concerne. De plus, cette famille devrait pouvoir compter sur l'aide d'un agent de quartier ou d'un travailleur social, membre de l'équipe thérapeutique.

Trop souvent, malheureusement, les travailleurs sociaux ne font que chercher les causes de la maladie et, de ce fait, culpabilisent la famille sans lui apporter aucun secours. Il faudrait donc que les travailleurs sociaux aient une formation adéquate pour pouvoir aider la famille et l'intégrer dans le réseau thérapeutique.

Le CRSSS. Le CRSSS nous semble répondre plus aux demandes des spécialistes qu'aux besoins du malade. À notre avis, cela doit être le rôle du CRSSS de définir les politiques en maladie mentale, de définir les besoins du malade, les besoins médicaux et les besoins matériels. Les besoins médicaux et les besoins matériels vont souvent de pair. L'insécurité matérielle est souvent cause de rechute chez le malade. Nous croyons que l'environnement est un facteur important.

Rôle des CLSC. À l'intérieur de tout CLSC, il devrait y avoir un service psychiatrique où le patient est référé lorsqu'il sort de l'hôpital. Le CLSC devrait avoir pour mission de démystifier la maladie mentale auprès du public et de se servir de tous les moyens de communication connus pour tuer les préjugés qui sont parfois plus difficiles à supporter et plus tenaces que la maladie.

Organismes de soutien. Il y a actuellement beaucoup de bénévolat dans le champ de la maladie mentale. Sur le plan humain, ces bénévoles font un travail bénéfique mais, parfois, ont peine à se dégager de leurs propres préjugés vis-à-vis de la maladie.

La plupart des organismes que nous connaissons sont nés au hasard des événements et luttent fortement pour leur existence. Malheureusement, un manque d'évaluation et de coordination et parfois de compétence fait que leurs efforts sont très dispersés.

Il y aurait lieu que ces organismes se rattachent aux CRSSS, aux CH ou aux CLSC selon leur objectif propre.

Un service de dépannage. Il arrive, pour diverses raisons, qu'il soit impossible à des familles de reprendre un ex-patient psychiatrique. Il arrive aussi que ce dernier préfère son autonomie face à sa famille.

Malheureusement, quand il sort de l'hôpital, le malade n'a souvent pas de logement, il a perdu ses amis, il n'a aucun moyen de se distraire et d'occuper convenablement son temps. Il devrait y avoir un centre de dépannage possiblement rattaché à un CLSC ou à un autre organisme, pour voir à ce que l'ex-patient se trouve un logement adéquat sans se faire exploiter. Ce centre pourrait aussi être un lieu de distraction et offrir lecture, amusement, jeu, sport et des cours de réinsertion tant au plan physique qu'au plan social.

Appartements supervisés. Montréal a une expérience qui semble concluante en ce domaine. Ces appartements ne peuvent se réaliser sans être subventionnés. Notre regroupement insiste pour que cette solution soit étudiée incessamment et, si l'étude est positive, que l'on mette de l'argent à leur réalisation.

En plus des appartements supervisés, une autre solution serait les fermes subventionnées pour certaines catégories de malades.

Un travail adéquat. Comme le dit Félix Leclerc, le meilleur moyen de tuer un homme, c'est d'en faire un chômeur. Qu'advient-il de celui qui a un passé psychiatrique et qui, en plus de subir les préjugés de la société, n'a aucun moyen de se réaliser dans un travail?

Un certain nombre de postes devraient être réservés aux patients, tout comme on le fait pour les handicapés physiques. La fonction publique devrait être la première à donner l'exemple. Nous devons cependant faire une distinction entre le handicapé physique et le handicapé mental.

Nous savons que la majorité des schizophrènes sont des gens très intelligents. En dehors de leurs périodes de crise, ces gens peuvent être très constructifs et remplir un rôle très valable. Avec la meilleure volonté du monde, souvent, on les inclut dans des équipes de travail ne correspondant ni à leur attitude ni à leur capacité physique. L'employeur qui engage un malade mental doit être au courant de son handicap et des conséquences. Le malade peut ainsi travailler dans un climat de compréhension qui peut aider à son rétablissement.

Soutien financier aux organismes bénévoles. Le Regroupemnt des parents et amis du malade mental aimerait pouvoir jouer un rôle auprès du public et auprès des organismes concernés, mais il est limité dans son action à cause de ses moyens financiers.

Beaucoup de projets demeurent à l'état de projet à cause d'un manque de moyens financiers. Nous ne demandons pas au gouvernement d'injecter plus d'argent, mais de voir à ce que l'on fasse un emploi plus profitable de l'argent que l'on dépense.

Nous demandons que l'on cesse de parler de la famille dans les rapports et qu'on lui donne les moyens de se faire valoir.

Rôle du psychiatre. Le pouvoir du psychiatre semble être assez étendu. C'est

lui, et lui seul, qui décide du traitement, prétendument avec la collaboration du malade. La famille aimerait être informée, car il se produit parfois des situations qui prêtent à malentendus.

Dès que les parents posent des questions, veulent s'impliquer dans la guérison d'un des leurs, on leur parle de l'autonomie du malade. Est-ce qu'une personne handicapée mentalement, dopée par les médicaments, seule contre le système, peut être autonome? C'est le meilleur argument que peuvent employer les milieux médicaux et les milieux sociaux pour motiver leur inaction.

C'est un droit et un devoir pour la famille d'aider un de ses membres malades et nous demandons aux organismes concernés de le reconnaître. Nous sommes d'accord que l'autonomie du malade doit être un objectif à atteindre, mais lorsque chacun aura rempli ses responsabilités. Nous ne voulons pas que ce soit un argument pour ne pas répondre aux questions des parents, pour refuser leur collaboration, pour se dégager de ses responsabilités professionnelles qui consistent à soutenir le malade, dans la mesure du possible, jusqu'à ce qu'il puisse être autonome.

Pour ce, il faut que l'hôpital soit un lieu propice à sa guérison et qu'à sa sortie de l'hôpital, il ait à sa disposition les services essentiels pour empêcher, dans la mesure du possible, sa rechute.

Tels sont quelques-uns des services de soutien que le Regroupement des parents et amis aimerait voir exister. Il y a plusieurs autres points sur lesquels nous aimerions faire des suggestions. Parmi eux, il y a celui d'un centre multidisciplinaire, d'un service d'information pour le public organisé par l'hôpital Robert-Giffard. Ce service pourrait être à l'intention des parents où, une fois par semaine, il y aurait conférence, remise des documents et de l'information pour toute personne intéressée de près ou de loin au malade mental et, particulièrement, pour les parents qui ont un proche hospitalisé. L'on parle également d'un centre pour des situations de crise. Ce que nous en savons, c'est que ce centre répondrait plutôt aux peines d'amour qu'aux malades en situation de crise. C'est que l'on a une définition de dangerosité qui, en ce qui nous concerne, nous semble ambiguë.

Conclusion. En guise de conclusion, nous demandons qu'à sa sortie de l'hôpital, le malade soit dirigé vers le centre de dépannage qui s'occupera de lui trouver une place dans un appartement supervisé où des personnes qualifiées pourront lui donner la sécurité essentielle à sa guérison.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On vous remercie beaucoup. J'aimerais que vous me disiez combien il y a de membres dans votre Regroupement de parents et amis du malade mental, section Québec?

M. Poirier: Si vous permettez un commentaire au début, c'est qu'à l'intérieur du regroupement, nous avons une section que nous appelons soutien-famille où des personnes rencontrent les familles pour les soutenir et s'entraider. Alors, à l'intérieur du mouvement, jusqu'à ce jour, il y a probablement une centaine de personnes - je n'ai pas les chiffres - et il y a également un certain groupe de parents en collaboration, en relation étroite, pour les questions de soutien. Il y en a probablement une vingtaine ou une trentaine.

M. Dupont (Gilles): II y en a à peu près une quarantaine. Depuis que nous avons commencé cette aide, nous aidons 35 personnes ou familles.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais à l'intérieur, vous en avez aidé 35, mais comme regroupement?

M. Dupont: Comme regroupement, nous avons une centaine de membres qui ont signé des cartes d'adhésion.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah! une centaine de membres.

M. Dupont: Nous avons des personnes qui n'ont pas signé de cartes d'adhésion et que nous aidons.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Quel a été l'origine de votre mouvement?

M. Dupont: On explique un peu l'origine du mouvement et ce qu'il est dans le mémoire. En 1980, sous les auspices de l'Association canadienne de la santé mentale, un groupe de parents se réunissait pour assister à des conférences sur la maladie mentale.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Excusez-moi. C'est probablement pendant que je cherchais où vous étiez rendu, que...

M. Poirier: À la suite de ces réunions, on s'est connu et on s'est aperçu qu'on n'était pas seuls. Alors, on s'est dit: C'est l'occasion de se regrouper et de s'entraider. C'est à la suite de cela, justement...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'étaient surtout des parents qui s'étaient regroupés, dans le fond, des parents de personnes atteintes de maladies mentales.

M. Poirier: Oui, la majorité des membres ont un proche atteint de maladie

mentale, beaucoup dans le secteur de la schizophrénie.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez probablement été associé d'assez près à tout le problème de la désinstitutionnalisa-tion. Ce n'était pas le problème de la désinstitutionnalisation, mais de l'orientation de la désinstitutionnalisation ou de l'application de la désinstitutionnalisation. Est-ce que vous avez des idées précises? Est-ce qu'on procède trop vite? Est-ce qu'on devrait être plus prudent?

M. Poirier: Est-ce qu'on procède trop vite actuellement? Je pense qu'on ne procède pas du tout, excusez!

La Présidente (Mme Lavoie-Roux); D'accord!

M. Poirier: Mais voici, je crois que, dans le futur, on doit y aller prudemment dans le sens qu'il faut nécessairement mettre des organismes de soutien, parce que, si la situation demeure la même, on renvoie simplement le malade sans aucun soutien, sans aide. Alors, les aides actuelles sont trop peu nombreuses. J'ai parlé, au début, d'un organisme comme la Maisonnée à Charlesbourg, un organisme qui nous semble très intéressant au point de vue du soutien qu'il peut apporter aux malades. On a parlé des CLSC. On les a consultés et, ils nous ont dit qu'ils avaient des projets. Jusqu'à présent, ils n'avaient aucune réalisation concrète relativement à une interrelation, si vous voulez, avec les milieux psychiatriques. Il faudrait que les CLSC se rapprochent et que les organismes définissent leur rôle et s'entraident eux-mêmes pour en arriver à une certaine désinsti... tutionnalisation... Excusez, le terme! Si vous êtes capable d'en trouver un autre... Je bafouille chaque fois que j'arrive pour le dire. (22 h 15)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, vous n'êtes pas le seul. Il y en a plusieurs qui nous ont fait le même aveu et, même nous autres, on accroche de temps en temps dessus aussi.

Si j'essaie de résumer... Je suis sûre que vous allez protester si vous n'êtes pas d'accord avec ce que je dis, je ne suis pas inquiète. Ce que vous dites, vous avez donné des chiffres, vous avez dit: 60 % des malades retournent dans leur famille. Il y a un 40 % dont environ 10 % reçoivent un soutien qui vous semble adéquat et il y en a 30 % qui sont laissés pour compte. Est-ce cela que vous m'avez dit tantôt?

M. Poirier: C'est ça.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ceux qui sont dans leur famille, le soutien qu'ils reçoivent c'est très inégal d'après ce que vous dites.

M. Poirier: C'est très inégal, justement. C'est que la famille le fait par dévouement parce qu'elle ne trouve aucune autre solution. Imaginez-vous un jeune de 25, 30, 35 ans qui est obligé de rester avec son papa et sa maman. Il cherche justement à avoir une certaine indépendance, mais, cette indépendance, on ne peut la lui donner. On recherche un milieu où on pourrait le diriger et il n'y en a aucun.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Même pour ceux qui retournent dans leur famille, c'est un peu une situation de solitude tant pour les parents que pour les jeunes eux-mêmes.

M. Poirier: Que pour le patient.

M. Châteauvert (Ronald): J'aimerais ajouter à cela aussi. Quand on parle de famille naturelle, on parle d'enfants, mais on peut aussi parler de conjoints. Tout à l'heure, de la façon dont le psychiatre en parlait - c'était plutôt un des travailleurs sociaux - lorsque la famille justement est prête à accepter, est prête à reprendre son malade mental et veut bien le soutenir, il faudrait absolument qu'il y ait un suivi, un "follow-up", par le psychiatre ou par les travailleurs sociaux pour que la famille ne devienne pas une famille malade. Parce que si un des conjoints est malade et qu'on replante le conjoint dans la famille et que tout repose sur l'autre conjoint, quand celui-ci va tomber, toute la famille va tomber finalement. Il y a souvent de jeunes enfants dans cela.

On parle à partir de nos expériences, actuellement, nous autres, parce que c'est surtout de là qu'on part. C'est ça, le grand manque. Finalement, le malade, lui, à cause de son autonomie parce que c'est un adulte suivi par le psychiatre qui ne nous renseigne pas autant qu'il devrait nous renseigner, à ce moment-là, le conjoint qui soutient toute la famille n'a pas l'information, il ne sait vraiment pas quoi faire. Lui-même, il peut en devenir malade.

Je pense que ce serait facile s'il y avait une communication entre le psychiatre qui traite le malade et un groupe de soutien comme les travailleurs sociaux. Cela pourrait être un suivi de très loin. Cela, c'est une autre chose, c'est que le malade lui-même... Tu ne peux pas dire... Il a commencé peut-être bien malade. La maladie évolue en bien ou en mal. Mais jamais personne ne nous dit: Ton malade, tu peux bien constater qu'il va un peu mieux, mais tu sais, en santé mentale, c'est difficile, surtout s'il est sous médication et qu'il fait une vie qui est plate, mais qui est plus ou moins normale

finalement dans son milieu.

C'est à cela que je voulais en venir, s'il y avait une meilleure communication entre les différents groupes.... Tout à l'heure, de la façon dont les travailleurs sociaux parlaient, il y en a des centres, il y en a des choses pour nous aider, sauf qu'il semble y avoir très peu de communication entre les différents paliers.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En fait, je parlais - et mes collègues pourront me contredire, je n'ai aucune objection - des ressources dont on nous a parlé depuis le début des auditions, il y en a, mais elles sont clairsemées. Les ressources sont loin d'être suffisantes pour répondre aux besoins existants. Il semble y avoir plusieurs petites initiatives, plusieurs qui sont très bonnes, qui sont prises. Hier soir, on rencontrait un groupe qui nous parlait justement d'une initiative spontanée qui avait été prise et qu'ils appuyaient eux-mêmes. C'était le CRSSS de la Montérégie, mais on parlait de 11 ressources pour un bassin de population de 1 200 000, ce qui veut dire finalement qu'ils peuvent très bien aider un nombre X, mais le reste est un peu ballotté et s'en va au hasard. Alors, c'est probablement la même chose dans votre région. C'est un peu pour cela qu'on s'est penché sur ce problème et qu'on a dit: On ne peut pas continuer à faire que les gens se ballottent et, comme on les garde moins en institution, ils sont de plus en plus dans la communauté, mais il va peut-être y en avoir de plus en plus; si on ne leur donne pas les ressources, ils vont être mal pris dans la communauté. Évidemment, à Québec, on avait entendu parler des chambreurs de la basse-ville.

M. Poirier: À Saint-Roch.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Finalement, on a découvert que parmi les chambreurs de la basse-ville, il y en avait un bon nombre qui étaient des gens qui avaient obtenu leur congé de Robert-Giffard. Alors, si on ne fait rien, on pourra un jour avoir beaucoup de chambreurs ou, enfin, des situations analogues.

Avez-vous l'impression, vous qui avez un parent, un enfant ou un proche qui est malade depuis un certain nombre d'années, que les choses évoluent quand même un peu vers le mieux ou si vous trouvez qu'on est toujours un peu...

M. Poirier: Les mentalités évoluent certainement. On parlait d'appartements supervisés. Alors, nous sommes au courant qu'actuellement il y a deux organismes à Québec qui étudient la possibilité de mettre en place des appartements supervisés. On me dit qu'il y en a actuellement une centaine à Montréal.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce qu'on nous a dit ce soir c'est qu'il y en avait moins de dix.

M. Poirier: Oh...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Des foyers de groupe.

M. Poirier: Des foyers de groupe, oui. Nous avons eu dernièrement une conférence de Mme Le Tourneux qui s'est occupée assez activement de mettre en place des appartements supervisés.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On me dit qu'il y en a au moins une centaine.

M. Poirier: Oui, on me dit qu'il y en a au moins une centaine dans le secteur de Montréal. Ici, à Québec, je sais qu'il y a des études de faites et que des projets ont été présentés aux CRSSS, mais il n'y a aucune réalisation dans ce sens-là. Alors, cela veut dire que lorsque l'enfant sort de l'hôpital, il a trois choix: la famille d'accueil, sa famille naturelle ou se trouver un logement lui-même.

Mme Marseille-Poirier (Thérèse): La solitude dans une chambre en ville.

M. Poirier: Alors, avec les moyens qu'il a, il n'est pas capable de se payer un logement de 400 $. Il y a une institution qui nous semble recommandable...

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est-à-dire Charlesbourg.

M. Poirier:... La Maisonnée, mais elle a une capacité de 20 patients.

Mme Marseille-Poirier: Mais c'est un foyer de groupe; ce ne sont pas des appartements supervisés. Quand la personne n'est pas encore assez autonome, elle va en foyer de groupe et, quand elle est assez autonome, elle peut aller en appartement supervisé. Là, elle est autonome. Il y a simplement une personne, un animateur, un certain nombre d'heures par jour, mais le malade ne se sent pas abandonné. Il sent qu'il y a une personne. Cette sécurité seule évite beaucoup de rechutes, parce qu'il sait qu'il peut faire appel à cette personne si cela ne va pas bien, mais, à part cela, il est indépendant. Il fait son marché et s'occupe de son appartement. Il peut travailler si c'est possible. Ce serait l'idéal.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, Mme la députée.

Mme Lachapelle: Tout à l'heure vous nous disiez que votre groupe aidait d'autres

familles. Quel genre d'aide apportez-vous à ces familles? Est-ce seulement une aide morale, ou des conseils, ou des services de gardiennage?

M. Dupont: Nous avons des parents qui ont des malades et qui ont accepté la maladie de leurs malades, qui l'ont dépassée et qui aident moralement les familles. Ils les rencontrent, ils parlent avec eux et ils les aident.

Mme Lachapelle: Ce sont des expériences que vous avez vécues la plupart.

M. Dupont: Oui.

Mme Lachapelle: Alors, cela doit être très important d'avoir un support moral parce que cela doit être difficile pour des parents, à un moment donné, ou un conjoint de constater que quelqu'un de la famille a une maladie mentale. Alors, c'est très important le soutien que vous leur apportez.

M. Dupont: C'est très dur pour la famille.

Mme Lachapelle: Alors, continuez votre bon travail.

M. Poirier: Dans le même ordre d'idées, nous aimerions également... Il y a beaucoup de familles qui sont ignorantes des services qu'elles peuvent avoir, tant sur le plan juridique, parce que parfois il y a des problèmes juridiques qui se posent, que sur le plan de la curatelle, le rôle de tuteur. Présentement, il n'y a pratiquement aucun organisme qui peut leur donner ces renseignements. Alors, c'est un service qu'on voudrait mettre sur pied, pour informer nos membres de ce qui existe, premièrement. Ici, à Québec, on a de la difficulté à avoir une liste des services bénévoles qui existent et des institutions qui, si vous voulez, peuvent aider le malade. Il y en a peut-être une trentaine, une quarantaine, et, l'inventaire, en ce qui nous concerne, on n'a jamais pu l'obtenir. Pourtant, on est assez bien situés pour l'avoir. Cela prendrait nécessairement un relevé pour déterminer chacun des organismes, quel est son rôle. On pourrait donner une espèce de cahier ou de catalogue à nos membres pour...

Mme Lachapelle: Au point de vue financier, parce que cela prend quand même des sous, ne serait-ce que pour produire de la paperasse, je ne sais pas, les déplacements et tout cela...

M. Poirier: Nous vivons de la pauvreté publique. Actuellement, on est sous les auspices de l'association canadienne. On a un bureau, une secrétaire là et, pour le reste, on est récompensé par nos mérites ou je ne sais pas trop...

M. Dupont: II y a deux ans, on avait un budget de 1500 $...

M. Poirier:... spirituel qu'on peut y gagner.

M. Dupont:... et cette année on avait 1800 $ pour fonctionner dans notre organisation.

Mme Lachapelle: 1800 $.

M. Poirier: Nous avons un journal aussi que nous distribuons avec la collaboration de l'association canadienne. C'est que l'association canadienne est subventionnée par Centraide et, apparemment, à l'intérieur du budget qu'elle a, on a 1800 $ pour payer les timbres.

Mme Lachapelle: Merci.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je veux vous remercier... Excusez-moi, M. le député d'Ungava...

M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. J'aurais juste une petite question. Au sujet de vos parents ou de vos amis qui soutiennent des gens malades comme cela, avez-vous le problème, des fois, de la personne qui est malade, qui rencontre ces personnes et qui se colle à elles? J'ai vécu une expérience, non pas personnellement, mais quelqu'un de proche, qui a aidé quelqu'un comme cela et c'était rendu que la personne qui aidait - probablement qu'elle manquait d'expérience - mais elle était tellement accaparée par cela qu'elle-même était en train de tomber malade. C'est que cela arrivait à l'heure du souper, c'était trois ou quatre heures au téléphone, cela arrivait à 23 heures et cela repartait à 3 heures le matin. Elle s'accrochait.

M. Dupont: Notre façon de procéder, c'est que nous fonctionnons avec le bureau de l'association et on ne donne pas notre numéro personnel. C'est nous qui avons le numéro de téléphone de la personne et on convient d'un moment pour appeler. Il y a un échange de cette façon.

M. Lafrenière: Cela, c'est bien beau à Québec, mais quand on reste dans un petit village de 3000 ou 4000 habitants, sans numéro de téléphone ou sans adresse, elle te trouve. S'il y en a qui vivent ce problème, quand elles nous connaissent, elles collent, elles cherchent... Je sais qu'elles sont perdues des fois. Est-ce que vous avez ce problème avec vos membres?

M. Dupont: Pratiquement pas parce qu'on a une technique de fonctionnement... On procède toujours de la même façon.

Mme Marseille-Poirier: Oui, mais peut-être que vous pensez... On n'aide pas le malade, on aide la famille. On n'a rien à faire avec le malade, on n'est pas préparé à cela. On aide juste les familles à passer à travers.

M. Lafrenière: En fin de compte, la personne qui était prise avec cela aurait dû aller vous voir pour avoir de l'aide. Cela reviendrait à cela.

Mme Marseille-Poirier: Oui, mais pas la personne malade.

M. Lafrenière: Non, pas la personne malade, mais la personne qui était prise avec le problème de cette personne.

Mme Marseille-Poirier: Oui, c'est cela. M. Lafrenière: Ah! bon, merci.

M. Poirier: Voyez-vous, on adresse nécessairement la personne malade au spécialiste concerné, pour autant qu'on sait à qui s'adresser. Ce sont des informations qu'on est capable de fournir à la famille, aux proches parents ou aux personnes du milieu.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je veux vous remercier. En plus d'offrir des services d'entraide à d'autres familles, de leur faire profiter de votre expérience, de leur servir de soutien, je pense qu'une association comme la vôtre est extrêmement précieuse pour aiguillonner, sensibiliser l'opinion publique, aiguillonner ceux qui sont les décideurs, comme on les appelle, selon le nouveau terme à la mode. Pour parler comme vous, des fois, ils ne décident pas toujours grand chose, mais en tout cas... Je pense que c'est une oeuvre, une action extrêmement importante que vous faites, même si des fois vous devez vous sentir isolés et que vous devez vous battre contre vents et marées. Il reste que vous tenez le coup, vous le tenez pour beaucoup d'autres. Et même si, des fois, votre action peut vous sembler peut-être limitée, elle est probablement plus importante que vous ne le croyez. (22 h 30)

J'établis toujours une analogie entre les nouveaux groupes qui surgissent et qui s'intéressent au problème de la maladie mentale et des malades mentaux avec les premières associations des parents de déficients mentaux. Je vous assure qu'ils étaient partis de loin, eux. Cela remonte à la fin des années quarante. Quelquefois, ils ont commencé à cinq dans un sous-sol d'église ou enfin là où ils pouvaient se réunir. Aujourd'hui, même s'il reste encore des problèmes, ils ont fait énormément de pression, ils ont énormément sensibilisé la population, ils ont fait bouger les gouvernements. Je pense que vous êtes à peu près à ce même début qu'ils ont connu, sauf que vous avec un atout de plus, c'est que la société est plus ouverte et que, par le travail qui a été fait du côté de la déficience mentale, même si c'est une chose tout à fait différente du point de vue de l'ouverture de la société et de l'acceptation de la société de personnes qui ne sont pas exactement comme tout le monde ou enfin qu'on juge pas exactement comme tout le monde, ils ont fait franchir des étapes à notre société et, heureusement, dans notre société, en dépit de tous les défauts qu'on lui trouve en 1985, il y a eu de l'évolution. Dans ce sens-là, les étapes seront peut-être moins longues à franchir.

Ce que je veux dire, c'est que je vous encourage à continuer parce que toutes les personnes qui sont malades, qui ont des problèmes psychiques ou des problèmes d'adaptation psychosociale, ont besoin de groupes comme le vôtre pour faire avancer les choses. Je vous encourage à continuer de le faire. Il y a ici des gens du gouvernement qui, sans doute, enregistrent le fait que vous devez aussi vous battre pour survivre et que, quelquefois, vous auriez des projets intéressants, mais que vous n'avez pas les moyens de les développer. Je ne suis pas ministre, alors je ne peux rien vous promettre. Ce que je veux, c'est que, même en venant ici aujourd'hui, il y a des oreilles qui entendent et, dans la mesure où les gens veulent faire quelque chose et peuvent le faire, vous pouvez simplement gagner de l'appui de la part des pouvoirs gouvernementaux ou de l'État. Je vous remercie beaucoup.

M. Poirier: Nous allons prier pour que vous deveniez ministre.

Une voix:... Mmes Esther Taillon et Andrée Dorion

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous invitons Mme Taillon, accompagnée de Mme Dorion. La députée du comté de Dorion se souvenait bien de votre nom. Vous pouvez commencer, madame.

Mme Taillon (Esther): Vous verrez que mon petit mémoire est divisé en cinq parties. Je l'ai fait comme cela pour coller le plus possible à la description qu'on avait vue dans les journaux, c'est-à-dire la distribution des services de soutien et de réinsertion sociale. Il y a bien d'autres

choses que j'aurais aimé ajouter. Si vous permettez, avant de commencer, je vous dirais que, pour moi, je crois qu'on avancera vraiment dans le domaine de la santé mentale quand on aura compris que l'accent doit être mis sur la recherche des causes de la maladie mentale et sur un programme de sensibilisation de l'opinion publique pour modifier les mentalités face à la maladie mentale, et, aussi, quand l'État pourra débloquer des fonds pour permettre, par exemple, à un regroupement comme le Regroupement des parents et amis du malade mental, de se structurer et d'embaucher du personnel qui pourrait travailler à pousser pour qu'on fasse de la recherche, pour qu'on prépare un programme d'intervention populaire et aussi, pour soulager la douleur des proches du malade mental.

Le petit mémoire que j'ai présenté, je l'ai fait à titre personnel parce que je suis la mère d'un patient. Ma compagne, Mme Dorion, a connu à peu près les mêmes expériences que moi.

En introduction, à la page 2, je pense que les services de réinsertion sociale ne peuvent pas se dissocier des services de soutien et vice versa. En tant que parent, je dois vous dire que cela m'a beaucoup surprise qu'on parle dans l'annonce, par exemple, de l'étude de la distribution des services de soutien et de réinsertion sociale. Je me suis demandée ce qu'on pouvait bien avoir a planifier dans ce domaine-là puisque, moi, comme utilisatrice je n'en trouvais pas. D'après mon expérience, ils sont à peu près inexistants ces services de soutien. J'ai cherché en vain un répertoire régional ou national pour les quelques ressources éparses qu'il pouvait y avoir. Je n'en ai pas trouvé, peut-être qu'on ne peut pas en faire un puisqu'il n'y en a pas.

Je me suis aussi aperçu que les praticiens étaient démunis au point d'être obligés quelquefois de prolonger des hospitalisations faute d'alternative. J'ai pensé que c'était peut-être une solution très coûteuse.

Je me suis aussi rendu compte que les quelques services qui existaient à certains endroits étaient souvent mis sur pied par des employés d'un centre hospitalier et qu'ils en limitaient jalousement l'accès à leurs patients; c'est-à-dire si au centre hospitalier Robert-Giffard on a réussi à monter une maison de groupe, eh bien, les places seront réservées pour leurs patients. Cela m'a bien surpris aussi.

Dans les services de soutien on a, en premier lieu, le suivi médical. À sa sortie de l'hôpital, le patient, dans le meilleur des cas, va être suivi en externe par un psychiatre. S'il est suivi en externe - parce que ce n'est pas toujours le cas - cela va se faire à une fréquence qui va varier beaucoup d'un médecin à l'autre. À moins que la maladie mentale ne soit du ressort que de la chimie organique, les entretiens fréquents avec un thérapeute sont, je crois, primordiaux. On peut se demander si le calendrier des entrevues, leur durée par séance - parce qu'une entrevue peut durer dix minutes - la qualité de ces entrevues-là, si c'est bien approprié aux besoins de chacun des patients. On peut aussi s'interroger sur la qualité de la médication, quels sont ses effets secondaires. Est-ce que la médication ne remplace pas la camisole de force? Est-ce qu'il n'y a pa3 des retombées très négatives à cette médication? Est-ce qu'elle est bien choisie selon les cas où si elle ne reflète pas davantage les habitudes d'ordonnance du médecin? Si on prescrit toujours de l'haldol, eh bien, on en prescrit pendant dix ans, c'est toujours cela.

Je me demande aussi quels sont les critères d'évaluation de ce service de base qu'est la psychiatrie? Qui est-ce qui est en autorité pour en juger? On sait que la psychiatrie n'est pas une science exacte, elle n'est pas mesurable comme un acte de chirurgie. Je m'interroge sur la méthode de travail des psychiatres. Est-ce qu'elle s'éloigne beaucoup d'une approche empirique? Est-ce que, par exemple, dans les tribus primitives, la personne qui s'occupait de ces malades employait des méthodes bien différentes? Est-ce que la sympathie naturelle et occasionnelle envers un autre être humain, ou la simple bonne volonté d'un intervenant n'est pas aussi bonne que la qualité des soins psychiatriques?

Le malade qui aurait quelque chose à dire là-dessus, eh bien, je pense qu'il est mal placé pour le faire, étant donné qu'il ne sera pas pris au sérieux dans ses jugements.

Les recommandations ou, enfin, les propositions qu'on pourrait faire seraient de demander aux psychiatres payés par l'État, puisqu'ils sont des salariés, de se soumettre à la critique et d'accepter de s'auto-évaluer par rapport à toutes les dimensions du suivi dispensé au malade mental, d'étendre aussi la compétence du Protecteur du citoyen au secteur hospitalier québécois, de façon qu'une surveillance efficace soit exercée sur ce dernier.

Souvent, je pense qu'on est juge et partie. Qu'un psychiatre va être jugé par un autre psychiatre, est-ce qu'il y a vraiment de l'impartialité? Le Protecteur du citoyen représente, d'après nous, une autorité impartiale et digne de foi dont les rapports et les recommandations ont toujours eu un poids important auprès des instances gouvernementales.

Vient en deuxième lieu, l'hébergement. La famille naturelle. Une manière de soutenir le patient atteint de troubles mentaux et d'aider sa famille à le faire, car dans 60 % des cas, l'enfant, le conjoint, le frère va retourner dans sa famille après une

hospitalisation. Son propre milieu, sa famille l'aidera à guérir ou sera défavorable à sa guérison. La famille naturelle à qui on retourne un patient, quels que soient ses motifs d'accepter ce patient, ignore souvent jusqu'à quel point ce geste du coeur lui drainerait ses forces vitales. Aussi, en plus, elle devra, tôt ou tard, faire face à des problèmes financiers. Elle peut, cette famille, être précieuse dans le processus de retour à la santé du patient. Mais, malheureusement, elle est souvent tenue dans l'ignorance à peu près complète de ce qui arrive à son parent. Il n'est pas rare qu'elle ne connaisse même pas le diagnostic. Il faut dire que les diagnostics ne sont pas toujours exacts, non plus.

La famille va se poser des questions sur la nature de la maladie, sa durée prévisible, son évolution, ses causes, les formes qu'elle pourrait prendre, son traitement. Elle s'interroge sur sa responsabilité dans l'apparition de la maladie. La famille se sent coupable. La plupart du temps, elle se sent très coupable et elle se demande quel rôle elle pourrait jouer dans la régression de l'aliénation. Elle est prête à aider, mais elle voudrait qu'on lui dise quoi faire et comment faire et qu'on commence par lui expliquer ce qui se passe.

L'ignorance dans laquelle elle est maintenue va augmenter l'anxiété des membres de la famille et son sentiment de culpabilité. Tout cela va contribuer à détériorer le climat.

Les rechutes, il en arrive fréquemment. La famille est souvent la première à pressentir au moyen d'indices mineurs l'imminence d'une rechute. Comme le canal de communication entre elle et le médecin est très souvent inexistant, la perception des proches ne va pas se rendre à qui pourrait tenter de corriger la situation. Ou bien, dans les cas contraires, les réactions de la famille vont être prises à la légère avec ce qui s'ensuit qui est, bien sûr, une rechute.

Alors, on recommande de faire comprendre au psychiatre la nécessité d'établir des contacts faciles entre lui et la famille à qui il retourne un patient, puisqu'elle prend la relève du milieu hospitalier, sans moyens, sans connaissances; c'est elle qui prend la relève du milieu hospitalier. On se demande quelquefois si l'équipe thérapeutique n'essaie pas de se débarrasser de son patient. (22 h 45)

On aimerait que la famille soit informée sur la maladie du proche et sur le traitement prescrit afin de faciliter sa tâche auprès du malade. On aimerait aussi s'assurer que, lorsque le patient est suivi par une équipe thérapeutique, la famille qui l'héberge en fasse partie à part entière si c'est le désir du patient et son désir à elle. Il est bien évident, comme disait tout à l'heure le médecin qui m'a précédée ici, qu'un patient majeur peut refuser que ses parents soient dans l'équipe thérapeutique et c'est tout à fait compréhensible. Par contre, il y a d'autres cas où les patients seraient d'accord. Dans le cas d'un mineur particulièrement, ce serait une chose à faire.

Il faudrait aussi faire en sorte que le patient et sa famille reçoivent régulièrement la visite d'un travailleur social ou d'un autre intervenant de personnalité compatible j'aurais dû le souligner - parce qu'il arrive quelquefois comme cela qu'un travailleur social va s'amener et qu'il y ait une antipathie entre les deux et que la relation ne mène à rien, au contraire. On pourrait ainsi peut-être régler au fur et à mesure les problèmes qui se présentent. Cette personne-là pourrait soutenir, encadrer et encourager le patient aussi qui vit dans sa famille; elle pourrait l'encourager dans ses efforts pour reprendre les activités à l'extérieur.

On pense aussi qu'il serait bon de voir à l'implantation d'un service d'urgence psychiatrique, 24 heures sur 24, sur tout le territoire du Québec. On parle ces temps-ci de centres de crises, je pense que c'est très bien, mais il faudrait peut-être aussi qu'il y ait un service ambulant, un peu comme Télé-Médic, mais pour les maladies mentales. Il y a quelquefois des crises où on ne peut pas faire sortir le patient. Il refuse de sortir de la maison. À ce moment-là, on est obligé soit d'avoir un jugement de cour ou d'appeler les policiers qui, quelquefois, refusent de venir. Ce ne sont vraiment pas des situations très agréables.

On pense aussi qu'il faudrait créer des modes de soutien financier direct aux familles qui hébergent un proche parent atteint de trouble mental. On donne de l'aide financière aux familles d'accueil, mais il n'en est pas question pour les familles naturelles et pourtant, Dieu sait si quelquefois elles en auraient besoin.

L'autre partie est intitulée: La famille d'accueil. Nous croyons que les efforts du ministère devraient dorénavant porter entièrement sur le soutien aux familles naturelles et au développement d'un réseau de foyers de groupe et d'appartements supervisés. Il faudrait peut-être délaisser ce mode d'hébergement coûteux et difficilement évaluable qu'est la famille d'accueil. Elle apparaît, quant à moi, comme un maillon qu'il serait peut-être superflu de conserver. Qu'on déplace tout simplement tous les efforts, l'argent et le soutien qu'on donne actuellement aux familles d'accueil et qu'on le donne aux familles naturelles qui gardent leur patient. Cela sera bien placé.

Il y a ensuite les foyers de groupe. Qu'elles s'appellent foyers d'accueil, centres d'hébergement, maisons de transition ou foyers de groupe, ces demeures se comptent

sur les doigts de la main à Québec; en tout cas, j'en ai repéré trois. La situation ne semble pas meilleure à Montréal, mais vous avez dit tout è l'heure, je pense, qu'il y en avait une centaine, à moins qu'il ne s'agisse d'appartements supervisés, je ne sais pas et probablement que dans les régions excentriques, elle est encore pire qu'à Québec et à Montréal. Je me demande comment on ose parler de la distribution des services de soutien qui n'existent pas ici, je le répète. Il faudrait d'abord en créer.

L'État croit-il suppléer à de pareilles failles en se reposant uniquement sur le bénévolat? Vous avez entendu tout à l'heure le Regroupement des parents et des amis du malade mental qui est entièrement formé de bénévoles. Ce n'est pas avec une poignée de bénévoles comme cela, de gens qui ont eux-mêmes des problèmes... C'est sûr qu'un regroupement comme cela peut faire des pressions, se faire entendre et avoir un poids poilitique, mais je pense qu'il faut aussi injecter des fonds et ne pas compter uniquement sur le bénévolat. C'est en train de se faire actuellement, maintenant qu'on a moins d'argent, le bénévolat devient tout à coup merveilleux, mais il ne faut pas compter que sur cela. Je dis: Pourquoi vider les asiles si le patient n'a pas d'alternative au sortir de l'institution? Je me demande aussi où va l'argent qui servait naguère aux hôpitaux psychiatriques. Des sommes énormes vont, je crois, à l'amélioration et à l'entretien des édifices, au renouvellement des équipements, à de meilleurs salaires et à des avantages sociaux aux employés de l'État. Je pense que c'est bien, il faut le faire, je pense qu'indirectement, le malade devrait en être gagnant, mais ce n'est pas toujours ce qui se passe. Il serait peut-être temps d'ajuster sa lorgnette maintenant directement sur le patient plutôt que sur les institutions et se demander sincèrement comment on peut l'aider lui, le malade, à se tirer de son aliénation. Le thérapeute le mieux payé aura des difficultés dans ses missions si son aidé, qu'est le patient, erre sur les bancs publics en quête de pain et d'amis, de défenseurs et de respect.

Alors, je pense que l'on devrait avoir une implantation d'un réseau de foyers de groupe dans toutes les régions du Québec, afin que les patients puissent se trouver le plus près possible de leur milieu naturel. Par exemple, je sais que pour les moins de 18 ans il y a un hôpital ici à Québec qui regroupe tout l'Est du Québec. Je m'imagine mal, si je vivais à Havre-Saint-Pierre, avoir un fils hospitalisé à Québec; je trouve cela monstrueux. Il faudrait aussi que les foyers soient en nombre suffisant pour répondre à la demande. Il faudrait que ces maisons soient de type unifamilial sur des sites qui permettent un contact avec la nature. Il faudrait que les normes d'occupation soient de densité légère afin de pouvoir recréer une atmosphère de famille à l'intérieur des foyers de groupe.

On en vient maintenant aux appartements supervisés. Ils sont inexistants à Québec. On dit qu'à Montréal il y en a quelques-uns dont Mme Marie-Claire Letourneux est l'instigatrice. Je vais sauter ici, savoir comment cela se passe pour monter ces foyers. Vous avez dû l'entendre bien souvent depuis que les audiences sont commencées. Il semble que ce soit une expérience qui ait fait ses preuves. Il serait étonnant qu'un seul patient atteint de trouble mental qui vit dans un de ces appartements supervisés ait la nostalgie de l'institution ou de l'isolement en société. Ces appartements représentent certainement l'ultime affranchissement après l'hospitalisation, le foyer de groupe ou la famille, parce que, en effet, ce serait la guérison totale qui serait l'ultime affranchissement pour le malade.

Il faudrait voir à l'implantation d'autant d'appartements supervisés qu'il y a de patients dans le besoin au Québec et de voir à encadrer, soutenir et motiver les résidents des appartements supervisés dans la voie de la participation à des activités récréatives et productives au sein de la communauté. Parce que ce n'est pas tout de les parquer dans des appartements, il faut aussi les encadrer et voir à les faire participer aux activités. Il y a là, à mon avis, un genre de crescendo dans l'hébergement, si je peux me permettre: la famille, des foyers de groupe et des appartements supervisés.

Je veux maintenant toucher aux loisirs, parce qu'il n'y a pas de réinsertion sociale possible sans toucher aux loisirs, à l'étude et au travail. Ceux qui ont connu le temps de l'enseignement religieux traditionnel se souviendront sans doute du vieil adage: L'oisiveté est la mère de tous les vices. Eh bien, adapté à un monde plus positif et moins sexiste, cela pourrait peut-être donner: Les activités récréatives sont les parents de toutes les vertus.

Retenons tout de même que des périodes de loisirs bien remplies favorisent une meilleure hygiène mentale. C'est une forme de thérapie de soutien qui aide à la réinsertion dans la société. Aussi, est-il important que soit encouragée la participation aux sports, à la musique et aux arts plutôt que leur seule consommation. Le patient doit avoir la possibilité d'exercer un loisir dans la communauté où il vit et non pas en retrait dans un petit circuit enclavé et réservé à des patients. Les efforts des intervenants auprès des patients doivent tendre à le faire participer aux loisirs dans son milieu de vie.

L'étude et le travail. Le patient qui arrive à vivre rapproché de la norme socialement admise généralement va envisager un retour aux études ou une place

sur le marché du travail. Pour ce qui est des études, les rechutes sont parfois l'unique cause d'échec sur le plan scolaire. Le patient devra quelquefois reprendre au complet des sessions qu'il aura pourtant presque achevées avec succès mais, d'une reprise à l'autre, la motivation va diminuer et va survenir l'abandon forcé ou le découragement. À notre avis, il s'agirait d'une simple modification administrative pour corriger ce problème.

Le travail. Il y a actuellement ici et là quelques îlots d'ateliers dits protégés. Ce sont de petites et moyennes entreprises qui, étonnamment, choisissent leurs employés selon des critères de spécificité du trouble mental. Cela a été très surprenant pour moi aussi de constater cela. Ainsi, des ateliers seront exclusivement réservés à des déficients mentaux et il faut être nouveau dans ce milieu pour se surprendre de classifications qui varient selon la profondeur de la déficience. Le bonheur aura-t-il un jour ses échelles d'intensité? Puis, il y a quelques programmes épars pilotés par une poignée de personnes généreuses, isolées dans la lutte qu'elles mènent à la maladie et aux préjugés. Pensons au projet CARR actuellement à l'essai dans la région de Québec. Il s'agit d'une approche pratique et souple qui vise à développer l'autonomie et la confiance nécessaire au patient vivant dans la communauté et désireux d'apprendre à se présenter à un futur employeur en mettant les meilleures chances de son côté. Pensons aussi au projet ARBRE qui craint pour sa survie d'une année à l'autre. Cette agence de placement fait le lien entre les patients et les employeurs. La capacité de travail fluctuante du patient est respectée et pourtant le travail est exécuté, semble-t-il, à la satisfaction de l'employeur.

Je pense que tout ce qui manque là-dedans, ce serait peut-être de réunir tous ces petits projets, de les évaluer, de prendre ceux qui marchent bien, qui ont fait leur preuve et peut-être de leur donner une petite poussée, d'en créer d'autres dans d'autres régions et de les encourager s'ils sont bons. Il faudrait arrêter la dispersion des énergies et des bonnes volontés dans un cycle de reprise incessante de projets divers. Il faudrait assouplir les procédures d'accès, de durée et de reprise d'études secondaires et postsecondaires en tenant compte du rythme propre au patient. Il faudrait procéder à un inventaire des projets touchant l'apprentissage d'un métier et l'accès au monde du travail destiné au patient. Il faudrait retenir et faire fonctionner les projets qui collent à la réalité du patient, imaginer et de mettre sur pied ce qui n'existe pas. Il faudrait encourager par un appui financier et technique toutes les initiatives valables dans ce domaine. J'ai terminé, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie beaucoup. J'ai lu avec intérêt votre mémoire. Je pense qu'il contient les éléments, je dirais, presque d'une politique de la santé mentale. On voit que c'est un problème auquel vous avez réfléchi beaucoup, surtout, comme vous l'avez indiqué au début, que vous l'avez vécu. J'aimerais vous demander si vous vivez encore cette même situation, ce même problème et si l'absence de ressource dont vous parlez - je n'essaie pas de vous convaincre qu'il y en a beaucoup, remarquez bien - est celle que vous avez vécue au moment où vous aviez ce problème à vivre ou si c'est cela actuellement.

Mme Taillon: Je l'ai vécue il y a environ deux ans. Actuellement, mon patient, mon parent va assez bien. Donc, c'est une période d'accalmie pour moi. Je sais, cependant, que dès qu'il y aura rechute, je vais éventuellement retomber dans les mêmes problèmes et comme c'est un être qui est encore jeune, probablement que ces problèmes s'amplifieront avec l'âge. (23 heures)

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cette accalmie, si on peut dire, dont vous parlez à ce moment-ci, est-ce à cause du fait qu'il vit chez vous et que le milieu familial l'aide? Est-ce à cause de facteurs externes? Je ne veux pas entrer dans des détails précis, mais j'essaie de voir quels sont les facteurs qui influencent une espèce de rémission, en tout cas, pour le moment.

Mme Taillon: Qu'il y ait une rémission temporaire de la maladie, je m'en réjouis, mais je saurais difficilement vous dire à quoi c'est attribuable. Mon patient demeure en chambre, mais il a un contact régulier avec la maison. Il vient à toutes les fins de semaine. Il est aussi suivi par une équipe thérapeutique qui, je pense, fait un excellent travail. Quand cela va bien, on dit toujours cela.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'il a toujours été suivi par une équipe thérapeutique ou si c'est une nouvelle approche qui fait que les choses vont mieux?

Mme Taillon: C'est une nouvelle approche, actuellement, depuis environ un an.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Depuis environ un an.

Mme Taillon: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Par rapport aux problèmes difficiles que vous avez vécus pendant de nombreuses années, cela semble être une amélioration.

Mme Taillon: Oui.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, madame.

Mme Dorion (Andrée): On a parlé beaucoup de la schizophrénie. J'aimerais parler de l'importance de la recherche dans le domaine de la schizophrénie en particulier, parce que c'est une maladie, dit-on, qui est l'effet d'un dérangement chimique dans l'organisme. Je pense qu'il serait temps que les pouvoirs publics investissent des sommes comme on en investit pour le SIDA, par exemple. Je voyais dans le journal ce matin que dans trois ans, au Canada, il y a eu à peu près 300 cas de SIDA et on dépense 2 000 000 $. Je ne suis pas contre le projet, remarquez bien, je trouve qu'on doit faire de la recherche sur toutes les maladies, mais pour 300 personnes on dépense 2 000 000 $ en recherche pour le SIDA alors que la schizophrénie touche à peu près une famille sur trois ou quatre au moins. Qu'est-ce qui se dépense pour la recherche? Il me semble que c'est une dimension. Je pense que la dimension thérapeutique psychiatrique est très importante, mais l'importance de la recherche... On n'a pas assez accordé d'importance au point de vue de la recherche biologique pour la schizophrénie en particulier et ce serait important qu'on dépense des sommes valables pour ce problème.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que le point que vous soulignez a été apporté par d'autres. C'est excellent que vous le répétiez et je pense que pour les choses qui sont importantes, plus elles sont répétées souvent, plus les gens sont obligés d'en tenir compte comme étant un facteur ou un élément...

Mme Dorion: Je l'espère.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... autour duquel il y a un consensus. À un moment donné, on perd un peu la notion du temps, mais il y a déjà quelques mois ou l'an dernier, on avait signalé le peu de ressources consacrées à la recherche sur la maladie mentale comparativement à d'autres. On est encore un peu, particulièrement à l'endroit de la schizophrénie - et ce sont des spécialistes qui l'ont exprimé - dans l'inconnu. On peut mieux contrôler les symptômes, on peut avoir des périodes de rémission, etc., mais vous avez tout à fait raison...

Mme Dorion: La maladie ne peut jamais se soigner par les médicaments qui sont actuellement sur le marché.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.

Mme Taillon, j'ai l'impression que vous êtes une femme énergique, vous êtes une femme qui avez de l'initiative et tout cela. Aujourd'hui, vous avez une équipe thérapeutique qui s'occupe de votre proche parent. Si vous étiez une personne beaucoup plus démunie au plan de ces ressources personnelles, de son initiative et tout cela, croyez-vous que vous vous trouveriez dans la même situation, du point de vue du support qui vous est apporté actuellement? En d'autres termes, pour le dire plus simplement, est-ce que ceux, finalement, qui crient le plus fort finissent par obtenir plus et ceux qui crient moins fort - parce que pour une foule de raisons ils ont moins d'initiatives ou ils ont peut-être encore des problèmes d'un ordre plus considérable - eux, souvent, vont être laissés pour compte? Dans ce domaine, j'entends.

Mme Taillon: Oui, je pense que vous avez raison. L'équipe thérapeutique qui s'occupe actuellement de mon parent, ce n'est pas un hôpital qui l'a trouvée pour moi. Je l'ai trouvée moi-même en lisant les journaux parce qu'il y avait eu un petit article sur eux il y a deux ans. Alors, vous voyez que vous parlez de gens démunis. Parce que je suis toujours au courant de l'actualité et tout cela, j'ai repéré delà de moi-même. J'en ai parlé à l'hôpital et on en est arrivé là, voyez-vous. Je pense que vous avez raison quand vous dites cela. Ce sont ceux souvent qui crient le plus fort - il se font peut-être des ennemis aussi, par exemple - qui réussissent à se retrouver dans ce dédale psychiatrique. C'est un monde fou, c'est le cas de le dire.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux):

Écoutez, je veux vous remercier. Si on ne vous pose pas plus de questions, c'est, d'abord, parce qu'il y avait certains éléments qui recoupaient le mémoire de l'organisme qui vous a précédées. Nous allons certainement tenir compte de votre témoignage. Nous, on aime - je l'ai dit ce matin, je ne sais pas si vous étiez ici plus tôt - avoir des témoignages personnels dans un domaine comme celui-là, parce que c'est le vécu des gens alors que, quand ce sont les autres qui interviennent... Je pense que tout le monde le fait de bonne foi, est intéressé, mais on assiste souvent à un débat d'un autre ordre qui se fait peut-être plus entre spécialistes ou entre personnes qui ne vivent pas dans la vie quotidienne ce que vous vivez vous-mêmes. Je pense que cela vient... Par exemple, on va faire un grand débat en demandant: Est-ce qu'on désinstitutionnalise ou non? On peut aussi dire: II faut telles ressources, de a à z, on désinstitutionnalise et ça va. Quelquefois, on peut s'illusionner. Alors, quand les gens viennent eux-mêmes nous dire ce qu'est la réalité, je pense que

cela a énormément de valeur. Je veux vous remercier pour votre témoignage, ainsi que Mme Dorion. Est-ce qu'il y aurait autre chose que vous aimeriez ajouter ou d'autres questions que vous voudriez nous poser?

Mme Taillon: Non, si ce n'est que... Ce que je pourrais ajouter, c'est que les soins médicaux en psychiatrie me semblent bien inadéquats actuellement. Je pense qu'il faudrait peut-être mettre plus d'accent sur la recherche.

La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. D'ailleurs, c'est un élément que je voulais reprendre tout à l'heure et cela rejoint la préoccupation de la recherche. Il y a toute une partie où vous dites: On a l'impression que, peut-être, les psychiatres vont à tâtons - ce n'est pas votre expression - vont à l'essai; c'est très expérimental. Je pense que... Je ne sais pas s'ils le diraient de cette façon. Il y a quand même des psychiatres qui sont venus et qui ont dit: Dans l'état actuel des connaissances que nous avons, en admettant justement un peu... vous le dites d'une autre façon; avec ce qu'ils ont de connaissances, de soutien médical ou autre par les médicaments ou autre chose, il y a un élément d'inconnu, particulièrement dans le cas de la schizophrénie. Je pense que cela rejoint la demande que vous faites. Merci beaucoup d'être venues.

Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 9)

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