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(Dix heures dix minutes)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît! La sous-commission des affaires sociales commence ses travaux
pour entendre les différents groupes, établissements ou
intervenants impliqués dans la distribution des services de soutien et
de réinsertion sociale offerts aux personnes atteintes de troubles
mentaux et vivant dans la communauté.
Les membres de la sous-commission sont Mme Lachapelle (Dorlon), M.
Lafrenière (Ungava), M. Laplante (Bourassa), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie),
M. Pratt (Marie-Victorin).
Une sous-commission avait été formée parce que les
audiences devaient être tenues durant la session, ce qui n'a pas eu lieu.
Pour permettre la tenue de ces séances, on avait décidé de
tenir une sous-commission. Étant donné que cela se passe durant
l'été, nous avons réinvité les membres de la
commission des affaires sociales qui pouvaient être
intéressés. Je sais que quelques-uns viendront à tour de
rôle durant les cinq jours que va durer la commission. Ce matin, le
député de Jeanne-Mance, M. Bissonnet, est avec nous.
Évidemment, c'est une sous-commission et il ne peut pas y avoir
de changement ou de remplacement, alors le problème ne se pose pas, Mme
la secrétaire.
Remarques préliminaires Mme
Thérèse Lavoie-Roux
Je voudrais rappeler au point de départ qu'il s'agit d'un mandat
d'initiative de la commission des affaires sociales à la suite de la
réforme parlementaire qui permet aux différentes commissions
parlementaires de prendre l'initiative d'un mandat. Ceci veut dire qu'il ne
s'agit pas ici de répondre ou de remplir un mandat qui nous est
confié par l'Assemblée nationale ou encore qui émane d'un
des ministères qui sont couverts par la commission des affaires
sociales, que ce soit le ministère des Affaires sociales, le
ministère de l'Habitation et de la Protection du consommateur ou du
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Il s'agit vraiment d'une décision que les membres de la commission des
affaires sociales ont prise. Dans ce sens-là, la commission fonctionne
indépendamment des ministères. En l'occurrence, le
ministère le plus directement touché est celui des Affaires
sociales. Je sais que nous avons ici quelques représentants du
ministère qui, par intérêt, suivent nos débats, mais
le rapport de la commission ne sera pas un rapport qui émanera du
ministère des Affaires sociales; ce sera un rapport qui émanera
de la commission elle-même et sera approuvé par les membres de la
sous-commission.
Nous avons eu l'occasion de nous adjoindre pour nos travaux Mme
Rivard-Leduc, qui est une travailleuse sociale oeuvrant dans le domaine de la
psychiatrie depuis un bon nombre d'années qui a acquis passablement
d'expérience et qui coordonne et agit aussi à titre d'analyste et
de recherchiste.
L'intérêt de la question qui nous réunit ce matin,
je pense, n'est pas à démontrer. C'est une question qui, à
peu près chaque année revient, au cours des débats, bien
que trop brièvement, soit à l'occasion du débat sur le
discours sur le budget ou en d'autres circonstances, c'est toute la question de
la psychiatrie. Aujourd'hui je voudrais quand même dire que cette
commission n'est pas, par exempte, une suite à certains mandats
d'enquête ou autres qui ont été donnés eu
égard à certains établissements psychiatriques ou n'a pas
été créée en parallèle avec ces mandats. Ce
n'est strictement que pure coïncidence et je voudrais vous dire que le
mandat que nous assumons aujourd'hui a été soumis à la
commission des affaires sociales presque immédiatement après la
création des nouvelles commissions parlementaires, soit en mai 1984.
Évidemment, il y avait d'autres mandats sur la table, un autre a
eu priorité, même s'il n'a pas été
exécuté, et il a aussi fallu finalement, compte tenu du temps qui
nous était donné, restreindre passablement le mandat original qui
avait été soumis à la commission et qui touchait non
seulement les ressources de la communauté ou la distribution des
services dans la communauté, mais aussi les services dans les
établissements et l'articulation entre les deux. Compte tenu, comme je
le disais tout à l'heure, du temps que nous avions à notre
disposition, des retards qui ont été pris pour une foule de
circonstances hors de notre
contrôle, nous avons finalement opté pour un mandat
beaucoup plus restreint touchant la distribution des services mis à la
disposition des personnes souffrant de troubles mentaux et vivant dans la
communauté.
On pourrait aussi penser qu'il y a une espèce de travail
parallèle avec toute la discussion qui entoure le problème de la
désinstitutionnalisation. Là encore» c'est pure
coïncidence. Évidemment, on aurait peut-être pu nous donner
un mandat sur la question de la désinstitutionnalisation, mais tel
n'était pas notre objectif et c'est évident que les discussions
ou les mémoires qui nous seront présentés ici toucheront
d'une façon directe ou indirecte tout ce problème de la
désinstitutionnalisation qui prend de plus en plus d'ampleur.
Le processus de désinstitutionnalisation des personnes atteintes
de troubles mentaux n'est pas récent au Québec. Dès le
début des années soixante, les grands établissements
psychiatriques ont remis aux familles et à la société en
général la responsabilité de supporter ces personnes. En
1960, il y avait quelque 15 00Û pensionnaires dans ces
établissements. Il en reste aujourd'hui environ 6000 mais, dans les mois
à venir, des hôpitaux et des centres d'accueil et de
réadaptation s'apprêtent encore à libérer
massivement d'autres bénéficiaires.
Qu'en est-il du sort de ces concitoyens qu'on a rendus à une vie
soi-disant normalisante? Quel est le lot des plus jeunes qui n'ont pas connu le
modèle asilaire, mais dont le nombre croît sans cesse et qui ne
semblent pas disposer des habiletés sociales pour s'intégrer
à une société qui, trop souvent, les rejette et les
marginalise? Il faut garder en mémoire que l'asile d'autrefois
remplissait une double fonction: celle de protéger la
société contre des comportements déviants, mais aussi
celle de mettre à l'abri et de protéger les
bénéficiaires. Nous nous demandons, aujourd'hui comment nous
avons suppléé à ces fonctions de l'établissement
asilaire et quels services de soutien et de réinsertion sont
présentement disponibles à nos concitoyens atteints de troubles
mentaux.
Depuis quelques années, ce sont des cris d'alarme que nous
entendons fuser de toutes parts. Il semble que les familles, les groupes de
citoyens, les organismes communautaires, les établissements soient
débordés par la demande. Les services de soutien à la
réinsertion sociale sont inadéquats ou carrément
inexistants dans certaines régions du Québec. On estime à
20 000 personnes le nombre de personnes souffrant de troubles mentaux qui sont
errantes et exploitées dans le seul centre-ville de Montréal.
C'est afin de connaître l'ensemble d'une situation qui
paraît se détériorer constamment que la sous-commission des
affaires sociales a lancé cette consultation populaire. Qui sont ces
personnes? Où se retrouvent-elles? Quels services
reçoivent-elles? Que nous apprennent l'expérience et la recherche
sur des interventions efficaces à leur endroit? Quel plan
générai d'aménagement serait souhaitable pour le
Québec afin de répondre plus adéquatement aux besoins de
ces personnes. D'où viendront le leadership et la volonté
politique en cette matière?
Par la quarantaine de mémoires déposés devant elle,
la sous-commission tentera de répondre à ces questions. Nous
voulons, par cette consultation, connaître les consensus sociaux et les
lignes directrices qui se dégagent au niveau de la population du
Québec face à cette problématique. Nous voulons en
même temps, par la diffusion de ces travaux, faire oeuvre de
sensibilisation populaire.
Il ne faut pas oublier, je pense, que toutes les personnes qui se sont
déplacées et qui se déplaceront durant la semaine pour se
faire entendre, ainsi que les personnes qui sont autour de la table et
même les collègues qui n'y sont pas, sont très conscients
que les personnes souffrant de troubles mentaux sont probablement parmi les
groupes de personnes qui ont le moins de voix au chapitre, en ce sens que cela
a toujours été difficile, même s'il y a eu des efforts, au
cours des dernières années, pour les parents de se regrouper.
Surtout, ces personnes elles-mêmes trouvent difficilement moyen de se
regrouper entre elles, si bien que, contrairement à d'autres personnes
handicapées, avec un autre type de handicap, ces personnes sont beaucoup
plus isolées et ne trouvent pas facilement à exprimer leur voix
dans le grand public.
Nous nous sommes dit, compte tenu, par exemple, des problèmes
dont on entend parler assez souvent, de cohabitation entre les ex-patients
psychiatrisés et les citoyens, des réactions qui émergent
de certains quartiers lorsque, par exemple, il est question de foyer de groupe,
que ce travail de la commission est un élément ou un effort qui
veut tenter de sensibiliser la population et de normaliser d'une certaine
façon le phénomène de ces personnes qui sont
désinstitutionalisées et qui vivent dans la
communauté.
En fait, est-ce que le Québec et nos concitoyens et concitoyennes
sont prêts à s'ouvrir d'une façon beaucoup plus grande
à ce problème pour tenter que tous ensemble on puisse trouver des
solutions?
Au cours de cette semaine, nous entendrons des organismes publics et
parapublics, des syndicats, des groupes populaires et d'entraide, des
corporations professionnelles et de simples citoyens nous apporter
témoignages, expertises et recommandations.
Nous espérons tirer de ce matériel des priorités de
développement réalistes et efficaces. Nous croyons en outre que
toute élaboration pour Je Québec doit clairement distinguer entre
la promotion de la santé mentale et les services multiples
nécessités par les personnes souffrant de troubles mentaux.
Évidemment, toute la question du problème d'une politique
de la santé mentale nous intéresse énormément,
mais, faute de temps et surtout pour ne pas disperser nos efforts, nous voulons
vraiment nous concentrer sur les ressources mises en disponibilité pour
ces personnes qui vivent dans la communauté et, à cet
égard, même si l'autre partie est tout aussi importante et
même plus importante à maints égards, nous voulons vraiment
nous concentrer sur la distribution des services offerts dans la
communauté à ces personnes.
Certaines personnes se sont inquiétées,
particulièrement quelques représentants de la presse, du fait que
nous sommes à la veille d'une élection. Peu importe qu'elle ait
lieu en novembre ou au printemps, nous sommes à la toute veille d'une
élection et ce travail qui est fait, et surtout cette contribution que
les groupes vont nous apporter, se perdront-ils et aurons-nous simplement
mobilisé des énergies qui n'auront pas de suite?
Je tiens à rappeler que, lorsqu'une commission se donne un mandat
d'initiative et particulièrement ce type de mandat, c'est un mandat que
la commission veut remplir sans partisanerie. Il ne s'agit pas ici de voir les
députés qui sont autour de la table comme des
députés de l'Opposition, comme des députés du parti
ministériel. Je pense qu'il s'agit vraiment ici de personnes qui sont
intéressées par le problème et qui, un peu à
l'exemple de la commission parlementaire sur la protection de la jeunesse, ont
réussi à faire des consensus et à discuter beaucoup plus
ouvertement de ce qui était leur préoccupation et celle des
intervenants pour finalement arriver à faire des recommandations qui
deviennent plus facilement applicables.
Compte tenu du caractère non partisan de cette commission, quoi
qu'il advienne dans les trois, six ou neuf mois à venir - je pense que
ce n'est même pas neuf mois - si les recommandations que la commission
fait sont sérieusement rédigées, aucun gouvernement, quel
que soit le parti qui le forme, ne pourra ignorer, je le crois, ces
recommandations et ne pas donner suite à ce type de recommandations.
Je ne voudrais pas prendre plus de temps pour mes notes d'ouverture. Je
voudrais simplement, en terminant, bien indiquer que ce problème de
réinsertion sociale de personnes désinstitutionnatisées et
qui se retrouvent sans soutien dans la communauté n'est pas unique au
Québec. Si on regarde la littérature américaine, la
littérature anglaise, et si j'avais eu le temps de me pencher sur
d'autres documents, c'est un phénomène - compte tenu des grands
mouvements de désinstitutionnalisation des bénéficiaires
des asiles psychiatriques - qui est répandu particulièrement dans
les grandes villes, mais on le retrouve partout en Amérique du Nord, en
Europe, et probablement dans d'autres pays d'autres continents. Ce
phénomène est devenu si aigu...
Je voudrais simplement rappeler ici une observation qui avait
été faite lors du colloque international sur la psychiatrie tenu
à Montréal l'été dernier. Des conférenciers
étrangers se disaient étonnés de voir des individus
bizarres se promener en toute liberté dans les rues du centre-ville de
Montréal. Il ne s'agissait pas de clochards et le Dr Leblanc, directeur
du département psychiatrique au pavillon Albert-Prévost, qui
était coprésident de ce colloque international, affirmait
à cette occasion et je le cite: "Le Québec ne possède pas
les équipements nécessaires et les services psychiatriques du
Québec ne peuvent répondre à la demande de soins. Ce dont
nous avons besoin, ce n'est pas nécessairement de lits d'hôpitaux
supplémentaires ou de personnel additionnel. Il faut créer une
structure intermédiaire qui nous permettrait de mieux suivre les
désordres psychiques chroniques et faciliter, j'ajouterais, une
véritable réinsertion sociale de ces personnes vivant dans la
communauté. "
J'arrête ici mes remarques. Nous avons pensé pour
débuter - étant donné que c'est une sous-commission, on
peut se permettre des petites latitudes, on n'est pas obligé de suivre
nécessairement le format habituel - de commencer par la
présentation d'un vidéo qui est intitulé: "Si y'avait
quelqu'un pour me dire. " J'avais exprimé le désir, en causant
avec la présidente de la Commission de la famille, le Dr Blanchet, de
procéder de cette façon. Elle avait justement à sa
disposition un vidéo touchant la désinstitutionnalisation d'un
adolescent. Évidemment, on aurait peut-être
préféré avoir un adulte, mais, pour vraiment entrer dans
le bain et vraiment saisir la dimension extrêmement humaine, les
difficultés et les problèmes auxquels ont à faire face,
ces personnes qui retournent dans la communauté et leur famille, je
pense que ce vidéo devrait vous intéresser et nous permettre de
vraiment aborder toute la discussion pour les jours qui vont suivre.
M. Patrice Laplante
M. Laplante: Avant de commencer, Mme la Présidente, on
voudrait nous aussi souhaiter la bienvenue à tous les groupes et
remercier à l'avance ceux qui viendront devant cette commission.
Nous sommes sensibles aux problèmes que posent actuellement les
personnes atteintes de troubles mentaux au Québec. Le cri d'alarme,
c'est un cri d'alarme, je crois, qui n'a jamais cessé d'être
lancé, même dans le passé, par les institutions où
on internait à peu près tous ceux qui étaient atteints de
troubles mentaux, un temps. Aujourd'hui, on les a placés en foyers de
groupe ou les familles en gardent de plus en plus. 11 reste que c'est un
problème très aigu que notre société vit
aujourd'hui et je fais le voeu que cette commission puisse nous éclairer
et nous donner des idées nouvelles, afin qu'on puisse faire des
recommandations qui pourront guider le gouvernement qui sera ici dans les mois
à venir, quel qu'il soit.
C'est à cette tâche que, de notre côté, on
s'appliquera à contribuer. On écoutera religieusement, on posera
les questions qu'on jugera bon de poser aux groupes pour essayer de nous
éclairer le plus possible. Sans plus tarder, vous pouvez aller, Mme la
Présidente, au diaporama qu'on est impatients de voir nous aussi. (10 h
30)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, cela va.
Présentation audiovisuelle
(Nous reproduisons ci-dessous la transcription la plus fidèle
possible des témoignages contenus dans la présentation
audiovisuelle faite à la sous-commission) -- "C'était toujours le
repli sur lui-même; il ne voulait pas voir personne. Il ne voulait pas
sortir avec des amis. En fait, il n'en avait plus d'amis. C'était
toujours cette fameuse musique, toujours se réfugier dans cette musique
de Pink Floyd, "I don't need no education". Cela, on a entendu cela pendant un
été durant.
On ne pouvait pas communiquer avec lui, on ne pouvait pas l'atteindre.
Il se sentait toujours, si je peux dire, traqué. "Il
s'était aussi accaparé d'une partie de la maison et il en avait
fait son domaine, à un tel point qu'il était difficile pour nous,
la salle de jeux étant au sous-sol où j'ai un petit atelier, il
était assez difficile, souvent, d'aller chercher des outils pour faire
des réparations en haut parce que c'était son domaine et je
n'avais pas d'affaire là. Il y avait un manque total de communication.
Il y a eu aussi des incidents de violence verbale, au départ. À
quelques occasions, des objets, des cendriers, des choses comme ça,
commençaient à voler dans la maison. Il était très
difficile de recevoir des amis qui comprendraient mal, qui ne comprendraient
pas ou qui comprendraient trop. Alors, notre vie sociale a été
affectée beaucoup, beaucoup. Les sorties se résumaient è
aller souper ensemble et puis on revient vite à la maison. Les vacances
se faisaient à tour de rôle. On ne pouvait pas laisser Éric
seul à la maison. J'avais peur, effectivement, qu'il se produise un
drame, que ça aille plus loin. C'était devenu très
difficile pour Michelle et moi de vivre. C'est là qu'on a mis des
ultimatums; finalement, il s'agissait de se faire soigner, de savoir, de se
faire aider, parce que, nous, on ne pouvait plus continuer à vivre cet
enfer. ~ "Alors, il est allé pour commencer, voir un psychologue de
pratique privée. Il l'a vu deux fois, il a été
extrêmement à l'aise, il m'a rappelée et il a dit: Cela va
devoir être un traitement è long terme, je ne prends pas les
traitements à long terme, mais je peux essayer de motiver Eric pour
aller à la clinique psychiatrique du secteur. Alors, il l'a revu encore
une fois ou deux mais Éric ne voulait pas du tout; il a fallu encore
mettre des limites et dire: Si tu n'y vas pas, tu ne pourras pas rester ici. On
se sentait mal à l'aise de faire cela parce que, en fait, c'est comme si
c'était du chantage. Mais on voyait qu'il sombrait et qu'il fallait
faire quelque chose. Il est allé à la clinique. Moi, je me
disais, à ce moment-là: Non, je ne me sens pas coupable, parce
que je sais qu'on l'a vraiment aimé, tout ça, mais, au fond, je
me sentais très coupable, parce que j'essayais de penser à ce que
j'ai fait, quand il était petit; peut-être qu'au lieu de laver un
plancher, il aurait fallu que je le distraie, j'aurais dû jouer avec. Je
cherchais où c'avait pu mal fonctionner. Je me suis sentie très
coupable, en fait. C'est là que je me dis qu'on avait peut-être
été un cas privilégié, parce que ça n'arrive
pas à beaucoup de parents.
La première fois qu'il est allé à la clinique,
après sa première visite, j'ai eu un appel d'une
infirmière qui m'a demandé si, mon mari et moi, on
désirait être invités, être assistés, que
quelqu'un pourrait nous aider là. Cela faisait déjà bien
des moments que je faisais des appels partout pour essayer de trouver de
l'aide, et personne ne pouvait m' aider. Quand on a vu ça, j'ai dit: Si
j'ai besoin d'être assistée, ah, mon Dieu! certain! Alors, elle a
dit: Si vous voulez venir nous rencontrer. Elle nous a dit par exemple: Si vous
voulez nous rencontrer tel jour - ce sont les paroles de la thérapeute -
il y aura une travailleuse sociale pour vous recevoir, et je serai là
aussi. C'est une infirmière qui avait une très bonne formation,
qui était très, très bien, elle a remis les choses en
perspective pour nous. Elle voulait qu'on s'occupe de nous comme personnes, de
nous comme couple. Éric était un adulte à ce
moment-là, 19 ans, s'il voulait vivre sa vie comme ça,
c'était son affaire, mais nous, on avait le droit de vivre notre vie
comme on voulait.
-- D'accord, c'est un adulte, mais qui ne pouvait pas prendre les
décisions en toute connaissance de cause, dans son cas. On s'est senti
à ce moment-là à plusieurs reprises bien isolés,
face au problème. Il continuait encore de plus en plus
jusqu'à la fin janvier où là, avec l'aide de la
thérapeute - parce qu'on lui a dit: On ne sait plus quoi faire - alors
elle nous a dit: La seule façon, pour vous, c'est d'aller chercher une
ordonnance à la cour et de le faire hospitaliser parce qu'il a besoin
d'être calmé. Il était "surtendu" si on peut dire. C'est
cela qu'on a fait. Cela, c'est très, très, très
pénible. Surtout qu'on nous avait dit: N'en parlez pas à votre
fils parce que si vous lui en parlez, c'est sûr qu'il ne restera pas chez
vous. Quand la police a un mandat - ce sont les agents de la paix qui viennent
le chercher - ce mandat-là dure 24 heures. Alors s'il est parti au
centre d'achats ou à la patinoire, ils vont aller le chercher là
et cela, c'est encore plus pénible.
Je suis revenue. Éric s'est levé, il a
déjeuné. J'étais assise dans la dinette et je n'ai pas
été capable de lui parler. Je n'étais même pas
capable de le regarder parce que je savais ce qui s'en venait et je me sentais
extrêmement hypocrite de ne pas pouvoir lui dire. Vous aviez
sûrement un sentiment de le trahir à ce moment-là. -- Ah!
je... -- Une parenthèse que je voudrais faire, Miche... Là
où on a eu une difficulté pour l'obtention du mandat
d'arrêt c'est avec le psychiatre. Il a refusé carrément.
Le nouveau psychiatre. -- La première fois. Cela a ajouté
au sentiment qu'on avait, qu'on ne nous faisait pas confiance, comme parents,
pour analyser une situation que, bon Dieu, on vivait depuis six mois, un an. Il
a refusé carrément. Ce n'est qu'après une conversation, le
lendemain, avec le psychiatre et l'ergothérapeute qui s'occupaient
d'Éric à la clinique, conversation assez orageuse de ma part, et
aussi après une conversation entre Éric et un intervenant de la
même clinique, qu'il a été décidé, la semaine
suivante, d'obtenir cette injonction. Alors Éric est
monté. Le travailleur social lui a dit: Bon, écoute, j'entends
parler que tu ne te rends pas toujours à tes rendez-vous.... aimerait te
voir, veux-tu venir avec moi? Il a dit: Non. Il ne s'est pas fâché
par exemple; il a dit: Non, je ne suis pas intéressé du tout.
Alors, il a dit: Écoute, si tu ne veux pas venir, on va peut-être
être obligé de te forcer à venir. Il lui a dit: Non. Et il
est redescendu.
Alors, il a fait signe aux policiers d'entrer. Les policiers sont
extrêmement délicats dans ces choses-là, extrêmement
gentils. Ils sont descendus et ils ont dit: Éric, viens donc avec nous.
Ce serait plus facile. J'étais restée dans le salon et Eric est
monté et il était blanc comme un mort. Il faisait vraiment
pitié. Cela a été le choc de sa vie de s'apercevoir qu'il
était amené. Ils m'ont demandé de les suivre dans mon
automobile. Cela aussi n'a pas été tellement drôle, parce
que lorsque je suis arrivée à l'urgence, Éric était
déjà là, encadré des deux policiers. Il
était - je le voyais - sous l'effet du choc. On a attendu un bout de
temps. Les policiers sont restés là jusqu'à 4 heures. Eux
finissaient de travailler, à ce moment-là, ils nous ont
laissé.
Le psychiatre a vu Éric seul. Le travailleur social de la ville
est parti lui aussi. Après cela, il m'a fait venir avec Éric pour
voir ce qui ne marchait pas. Je lui ai dit ce qui se passait chez nous, en
compagnie d'Éric. Il nous a dit - c'est ce que j'ai trouvé le
plus difficile à l'hôpital: Si vous voulez attendre dans la salle
d'attente, ce ne sera pas tellement long. Je suis retournée seule avec
Éric dans la salle d'attente avec tous les autres patients qui
attendaient là. Et cela, je crois que c'est un manque en psychiatrie.
Peut-être qu'on devrait avoir une autre formule à
l'hôpital.
Il était déjà environ 4 heures et quart, je voyais
Éric qui devenait très nerveux et je ne le blâme pas parce
qu'il avait très peur. Je m'en suis aperçu parce qu'une
garde-malade est passée un moment donné avec un appareil pour
prendre les pressions. Éric me regarde et me dit: Je suppose que c'est
pour me faire des chocs électriques. Il s'imaginait qu'en allant
à l'hôpital, on lui ferait des chocs électriques parce
qu'il avait vu des films et des choses comme ça. Alors, on sentait sa
grosse peur. Cela me faisait tellement de peine et je ne pouvais pas lui dire:
Non il n'y en a pas ici, parce que je n'étais pas sûre à
cette période s'il y en avait ou non, mais ce que je lui ai dit c'est:
Écoute Éric, on ne fait pas des chocs électriques à
tout le monde puis avant de faire un choc électrique on demande la
permission. Si tu ne veux pas tu n'en auras pas, inquiète-toi pas. Je
voulais essayer de le calmer, mais je le sentais de plus en plus tendu. Alors,
à un moment donné je suis allée dans le corridor et j'ai
dit à un jeune infirmier: Voulez-vous aller chercher le médecin
et lui dire de se presser parce que là je vois les rides plisser et il
va éclater si cela continue. Il n'en peut plus tellement il est nerveux.
Juste par la manière qu'il respirait, je sentais la tension, puis il y
avait tout de même beaucoup de gens autour de nous autres dans la salle
d'attente. Alors, ce
jeune infirmier m'a dit: Je ne le sais pas, si je vois le docteur je
vais lui dire.
Je suis revenue me rasseoir. À 5 h 20 on était encore
là. Alors là, on était assis pas loin de la jeune
secrétaire et Éric a demandé: Ton docteur s'en vient-il?
Il n'avait pas le goût d'être poigne du tout. La jeune fille
malheureusement, si elle lui avait répondu: sais-tu ce ne sera pas long.
Un instant, je vais aller voir. Mais, elle ne lui a pas répondu. Elle
lui a seulement fait un petit air dédaigneux parce qu'elle était
en train de faire son dossier et elle voyait bien ce que c'était. Elle
avait peut-être elle-même peur parce qu'il y a tellement de tabous.
C'est ce qui a fait déborder le vase. Éric s'est levé, il
était assez fâché, il y avait une chaise roulante à
côté de lui, la chaise roulante a pris le bord. Vous pouvez vous
imaginer: Tous les gens dans la salle d'attente se sont levés et ont eu
bien peur. Là Éric s'est en allé dans un coin et respirait
très fort. Je sentais que c'était la panique totale. Il avait les
deux mains sur le mur et il respirait très fort. Là il est sorti
un psychiatre qui a dit: Mon Dieu, qui est ce jeune homme-là? Deux
infirmiers sont venus le mater, si on peut dire, lui prendre les deux bras et
le jeter à terre.
Là, Éric était à terre et a crié:
Maman, maman. Ce moment-là, je pense que je ne l'oublierai jamais.
J'étais tellement impuissante. J'étais tellement
fâchée en-dedans et heureusement cela a sorti. J'ai dit même
si c'était seulement au jeune infirmier qui était là: Mais
je vous l'ai dit qu'il n'en pouvait plus. Il ne veut pas être
hospitalisé cet enfant-là. Il est venu ici de force puis on le
fait attendre trois heures et demie puis quand il demande une question parce
qu'il commence à être impatient... Alors je trouvais donc que
c'était... En tout cas, à ce moment-là cela a
été le pire moment à passer, mais ce sont des choses qui
auraient pu être évitées. Ils l'ont gardé et ils lui
ont donné une piqûre puis ils m'ont dit de retourner chez nous.
Puis quand je suis revenue chez nous, Denis arrivait du bureau et là
cela a été le moment le plus dramatique de notre vie de se
retrouver tous les deux tout seuls avec ce fils-là qu'on était
obligés de laisser puis quand je lui ai raconté ce qui
était arrivé à la salle d'urgence, franchement on pleurait
comme deux enfants.
Je pense qu'on ne devrait pas mélanger les urgences
psychiatriques et les urgences courantes, si vous voulez. On devrait
sûrement dans tous les hôpitaux qui s'occupent de ces cas-là
avoir des locaux spécialisés réservés à
cela. Cela pourrait épargner énormément de souffrance
à la clientèle et aux parents et faciliter aussi la tâche
du personnel. Au bout d'un mois et demi, la thérapeute familiale
nous a dit: - parce qu'on pouvait aller la voir, nous - Éric est
prêt à la sortie. On commence à parler de sa sortie. Elle
voulait savoir: êtes-vous prêts à le recevoir chez vous? Si
elle ne nous avait pas dit cela, c'est sûr qu'Éric revenait chez
nous. Alors, Denis a commencé par dire: oui si c'est pour bien
fonctionner et s'il veut se reprendre en main. Alors, moi je ne parlais pas et
la thérapeute m'a demandé: Vous, qu'est-ce que vous en pensez?
Est-ce qu'il pousse sur la porte ou si vous ouvrez la porte? Il a fallu que je
sois bien franche et j'ai dit: II pousse sur la porte parce que je vois bien
qu'on l'a calmé, on l'a ce qu'on appelle stabilisé, mais il ne
veut pas plus. II ne voulait pas se prendre en main. Il n'était pas
habitué à la médication, alors il ressemblait plutôt
à un zombie que d'autre chose. J'ai dit: S'il revient chez nous et qu'il
recommence cela, est-ce qu'il faut retourner chercher une ordonnance? C'est
là qu'elle nous a dit et ce n'est pas dit à beaucoup de parents
dans les hôpitaux: S'il revient chez vous, c'est sûr que vous en
reprenez la pleine responsabilité. Si cela recommence il faut, pour le
réhospitaliser s'il ne veut pas, une autre ordonnance de cour.
Maintenant, s'il ne revient pas chez vous, c'est l'hôpital qui en reste
responsable et qui va lui trouver une famille d'accueil parce que c'est la
seule chose qu'on a chez nous, on n'a pas d'appartement supervisé ou des
foyers de groupe, rien comme cela. Si cela ne va pas dans sa famille d'accueil,
c'est l'hôpital qui reste responsable de le ramener. C'est cela qui nous
a décidé à dire: Non, on ne le reprend pas chez nous,
parce qu'on ne voulait pas reprendre ce fardeau de l'avoir et de rester seuls
avec cela, de n'avoir personne qui puisse nous aider. La seule chose, c'est que
ce qu'on ne nous a pas dit et ce qu'eux-mêmes ne savaient pas à
l'hôpital, c'est qu'il n'y avait pas de travailleuses sociales à
ce moment-là qui travaillaient pour faire ces placements-là.
Alors, nous, on avait pris notre décision, d'accord, mais eux n'avaient
personne pour lui trouver un endroit. C'est pour cela qu'on l'a gardé.
C'est au mois de février ou au début de mars qu'on a dit qu'il
rre revenait pas. La travailleuse sociale est entrée à
l'hôpital, je crois, au mois de juin ou juillet. Il est resté
à l'hôpital, avant qu'elle ne lui ait trouvé un foyer,
jusqu'à la fin de semaine de la Fête du travail. II a
été huit mois à l'hôpital. Mais nous, entre-temps,
il sortait toutes les fins de semaine. ~ On l'avait à toutes les fins de
semaine. Oui, chez nous, à la maison. Il passait tout de
même cinq jours par semaine en institution. Lorsqu'ils lui ont
trouvé une famille, il y avait une jeune travailleuse sociale
bien dynamique qui l'aimait beaucoup, qui l'a amené voir et qui lui a
dit: Ecoute, tu vas passer une fin de semaine là, tu vas voir si tu
aimes cela - parce qu'on voulait lui laisser le choix aussi de trouver une
famille qu'il aimait - et si tu n'aimes pas cela, on tâchera de faire
d'autres arrangements. Il y est allé, et puis bon... Il aurait
aimé n'importe quoi, parce qu'il ne voulait plus rester à
l'hôpital. Ce n'était pas une mauvaise famille d'accueil, mais
c'était une famille d'accueil spécialisée pour des
personnes déficientes mentales. Éric s'est senti peut-être
un petit peu dévalorisé à ce moment-là, parce qu'il
s'est dit... En fait, c'étaient deux problématiques
différentes. Ce n'était pas bon, je suis sûre, pour la
personne qui était handicapée, de vivre avec une personne qui a
des problèmes psychiatriques et vice-versa. Mais le système est
fait comme cela. Ce sont des clientèles mélangées. Alors,
Éric est resté là. La personne était très
chaleureuse. Il continuait d'aller au centre de jour tous les jours.
C'était assez loin de l'hôpital, mais il y allait tous les
après-midis. Ce qui est arrivé au mois de novembre, c'est qu'il
était encore malheureux, alors il a recommencé à se
réfugier dans des paradis artificiels. Plus cela allait, plus le
pansement était gros sur la blessure, parce qu'il était rendu
à la cacaYne. Il recevait son chèque d'aide sociale et, en deux
jours, c'était fini.
Cela c'était au mois de mai l'an dernier. Deux fois, il est venu
chez nous et on ne s'en est pas aperçu. On ne s'est pas aperçu
que, par le garage, il a sorti son appareil de son,... c'est-à-dire son
bicycle et son tourne-disque et il est allé vendre ça pour
s'acheter de la "coke". Quand on s'en est aperçu, on s'est dit: II y a
quelque chose qui ne marche pas. À ce moment-là, j'ai
appelé la directrice du centre de jour pour lui dire: Écoutez, il
y a quelque chose. Pouvez-vous essayer de travailler cela avec Éric?
Nous, vu qu'il ne reste plus chez nous, on ne peut pas commencer à lui
faire la leçon. Je me suis dit: Peut-être qu'eux ne s'en sont pas
aperçus. Je me sentais encore mère surprotectrice, mais il me
semblait que quelqu'un devait l'aider. Elle m'a dit: Je vais en parier à
son psychiatre et il va vous rappeler. Le psychiatre m'a rappelé. Moi,
j'ai dit au psychiatre: Écoutez, cela ne marche pas du tout en famille
d'accueil, il ne se retrouve pas, il est malheureux. J'ai dit: Je pense
à une chose. Supposons qu'on ferait la famille d'accueil et qu'on aurait
le soutien de la travailleuse sociale qui viendrait chez nous pour nous aider.
Ce que je voulais dire, c'est que si on n'avait pas la pleine
responsabilité, qu'on était supportés par l'hôpital,
on la ferait, nous autres, la famille d'accueil. Au moins, il serait dans son
milieu et peut-être, que de là il pourrait recommencer. Cela
faisait presque deux ans qu'il était en famille d'accueil et rien ne
fonctionnait. Alors, j'ai dit: Je vais en parler à la travailleuse
sociale. En effet, je lui ai fait la demande. Elle a dit: D'accord, on va vous
recevoir avec l'ergothérapeute d'Éric et on va en parler. J'ai
peut-être mal compris. J'ai compris qu'elle était d'accord. Alors,
j'en ai parlé à Eric. Je lui ai dit: Nous, on serait prêt
à ce que tu reviennes ici, mais avec certaines conditions. Il faudrait
signer un contrat avec la travailleuse sociale toi, daddy et mot, comme quoi si
tu acceptes -on te l'offre, tu n'es pas obligé de l'accepter - si tu
veux revenir ici, on est d'accord, excepté aucune drogue - ça, on
ne l'acceptera pas du tout - et tu continueras à aller au centre de
jour. Éric était prêt à tout signer pour revenir,
c'est certain. On a rencontré la travailleuse sociale et elle a
été un peu surprise de voir que j'avais pris les devants, parce
qu'elle pensait qu'on allait là seulement pour en discuter, mais
c'était déjà fait. Depuis qu'il est revenu, cela a
fonctionné; cela a très bien fonctionné à part de
cela - II a laissé le centre de jour au mois de décembre, parce
que là, il avait pris tout ce qu'il avait à prendre. Il est
arrivé une autre chose dans notre vie qui semble être pour le
mieux aujourd'hui. Notre fils aîné de 27 ans, à cause de la
situation économique, nous a demandé s'il pouvait revenir vivre
chez nous. Depuis ce temps-là, il ne le sait pas mais il agit avec Eric
comme un aidant naturel. Il lui passe un tas de messages sous le couvert de
l'humour tout le temps. Il l'agace un petit peu et Eric commence à
l'agacer lui aussi pas mal. Il se défend très bien. Eric n'avait
aucun mécanisme de défense. Il ne voulait rien savoir. Il ne
voulait pas accrocher. Il commence à se défendre lui-même
et à faire des jeux de mots avec Marc pour lui pousser lui aussi ses
petites pointes. Je trouve cela pas mal extraordinaire. Marc l'a
persuadé -il a appuyé fortement - de retourner au cégep.
Eric est retourné à la session du mois de janvier en cours du
soir, des cours de dessin parce qu'il aime beaucoup la peinture. Il revient
chez nous le soir et encore hier soir il avait l'air tellement heureux, parce
que ça fonctionne bien et il se sent surtout comme les autres. Parce que
lui-même, Eric, s'était étiqueté. Il nous a dit
longtemps: Moi, je ne peux pas rien faire, j'ai été en
psychiatrie et c'est fini.
Si on pouvait éviter l'hospitalisation à des jeunes.
Qui coûte cher en plus! ~ Qui coûte bien cher. Ah oui! Les
jeunes sont tellement marqués, se sentent tellement
dévalorisés de cette hospitalisation. C'est là où
c'est difficile pour eux de
reprendre une estime de soi parce qu'il y a tellement de tabous autour
de ça. Il y a beaucoup beaucoup de jeunes entre, je ne sais pas, 15 et
25 ou 30 ans qui ont de gros gros problèmes qui sont dus à la
drogue, sûrement. En fait, c'est ça qui a déclenché.
Ils sont traités en psychiatrie et sont réfractaires à
tout traitement. On ne peut pas les rejoindre du tout.
Je pense qu'il faudrait trouver des méthodes non traditionnelles
pour les atteindre, ces jeunes-là. S'il y avait eu quelqu'un pour me
dire: Dans des cas comme ça, la meilleure façon d'agir avec des
personnes qui ont des symptômes de ce genre-là... Je ne peux pas
vous donner un diagnostic, mais dire qu'il y a peut-être des
symtômes de telle chose... Parce qu'il y a une chose certaine, si notre
fils avait été en cardiologie ou en oncologie, qu'il avait
été bien malade, on serait allé le chercher et on nous
aurait dit quoi faire avec lui en revenant chez nous. On nous aurait dit: II a
besoin de beaucoup de repos, il a une diète spéciale. Même
s'il avait été adulte, personne ne se serait fait de scrupules de
nous dire ça.
Alors, je pense qu'on devrait, aussitôt qu'une personne est
hospitalisée ou traitée en psychiatrie, associer la famille au
traitement. Je lisais dans la Gazette, il y a deux semaines, qu'une jeune
travailleuse sociale de Douglas, je crois, qui travaille dans une maison de
transition ici à Montréal, disait qu'il y avait 80 % des
personnes qui avaient été hospitalisées en psychiatrie qui
étaient abandonnées par leur famille. Elle disait: On ne
blâme pas les familles, elles ne savent pas quoi faire. Elles sont
rendues à bout de souffle, se disent: On va couper les ponts. Les
familles ne deviendraient pas comme ça si on leur disait quoi faire.
C'est là où l'information est extrêmement importante.
(Reprise de la séance)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense que cela se
passe de commentaires. Il y a tellement de messages transmis dans ce
document.
Nous allons maintenant inviter notre premier groupe. J'espère que
cela ne vous a pas semblé retarder les choses de vous présenter
ce diaporama. Il s'agit de l'Office des personnes handicapées.
Mme Champigny-Robillard, si vous voulez présenter vos deux
collègues.
Auditions
Office des personnes handicapées
Mme Champigny-Robillard (Laurette): Je vous présente,
à ma droite, Paul Mercure qui est membre du conseil d'administration de
l'Office des personnes handicapées, l'Office des personnes
handicapées étant un organisme gouvernemental dont le conseil
d'administration est composé de personnes handicapées ou de
parents d'enfants handicapés. M. Mercure a de longs états de
service dans la défense des droits des personnes qui vivent avec une
déficience mentale. À ma gauche, Anne Hébert, recherchiste
à l'Office des personnes handicapées et auteure du mémoire
qui a été présenté à la commission.
En introduction, je voudrais reprendre et rappeler le mandat principal
de l'Office des personnes handicapées, qui est de promouvoir les droits
et les intérêts des personnes handicapées et d'assurer une
meilleure coordination des services qui leur sont offerts.
Je pense qu'il importe de faire une mise au point et, un peu en
réaction à la présentation qu'a faite la présidente
de la commission, Mme Lavoie-Roux, de situer un peu l'intervention ou la
portée de notre mémoire. Je pense qu'en faisant cela, je vais
aussi rejoindre d'autres mémoires qui seront présentés
dont j'ai eu connaissance.
Mme Lavoie-Roux a bien voulu distinguer le débat qui reste
à faire sur la désinstitutionnalisation de l'organisation des
services pour les personnes qui ont eu des épisodes ou des maladies
psychiatriques et se retrouvent dans la communauté sans services. Nous
pensons - pour situer notre mémoire, je me dois de faire cette mise au
point - qu'il n'y aura pas beaucoup de personnes qui vivront en
communauté et qu'il y en aura beaucoup trop qui vivront en institution
tant qu'il n'y aura pas une organisation qui pourra répondre à
leurs besoins, une organisation communautaire, une organisation de services
dans leur milieu de vie naturel. C'est pour cela que vous allez probablement
vous rendre compte que les mémoires présentés ne font pas
toujours cette distinction que Mme Lavoie-Roux a voulu préciser.
Les personnes handicapées ayant des troubles mentaux - et je
reprends l'expression de la commission qui est dans son mandat et qui nous
cause quelques problèmes, j'y reviendrai - forment une partie importante
de la population des personnes handicapées au Québec. Selon les
évaluations les plus conservatrices, les personnes qui ont une
déficience intellectuelle ou une déficience psychique comptent au
Québec pour près de la moitié des personnes vivant avec
une déficience, c'est-à-dire probablement beaucoup plus que 200
000, 250 000 personnes. L'office est donc directement concerné par la
démarche d'étude de la sous-commission des affaires sociales sur
la distribution des services offerts aux personnes ayant des troubles mentaux
et vivant dans leur communauté; c'est une priorité d'action de
l'office pour l'année qui vient. En déposant ce
mémoire,
nous voulons nous assurer que le mouvement d'intégration sociale
des personnes handicapées se fasse dans le respect des droits et des
intérêts des personnes handicapées.
L'office a présenté une politique de prévention de
la déficience et d'intégration sociale des personnes
handicapées qui devrait servir de base à l'organisation des
services qui permettent et qui rendent possible cette intégration
sociale. Lors de la conférence "À part... égale" en
février dernier, les orientations de cette politique sont devenues les
orientations gouvernementales officielles en matière
d'intégration sociale des personnes handicapées par
décision, par décret du Conseil des ministres,
arrêté 8538.
Nous résumons ici les deux grandes parties de notre
mémoire. La première partie vise à décrire
sommairement le modèle de processus d'apparition du handicap. Ce
modèle, malgré son appellation un peu théorique, permet
d'une part d'avoir une appellation plus conforme aux capacités des
personnes et aux réalités sociales auxquelles elle sont
confrontées; d'autre part il permet d'identifier les niveaux
d'intervention correspondant aux besoins des personnes. Cela est
extrêmement important dans l'organisation des services. Nous y
reviendrons.
La deuxième partie vise à rappeler les grandes
orientations de "À part... égale" qui doivent servir de guide
à l'orientation, à l'organisation et " au développement
des services. 1 Le cas du conceptuel. Les personnes ayant des "troubles
mentaux", entre guillemets, peuvent-elles être considérées
comme des personnes handicapées? Dans notre politique d'ensemble,
"À part... égale" propose un modèle du processus
d'apparition du handicap en vue d'une meilleure compréhension de ce qui
amène une personne à devenir handicapée. Ce modèle
s'inspire de la classification internationale des déficiences,
incapacités et handicaps préparée par l'Organisation
mondiale de la santé et distingue quatre éléments, soit
les causes, les déficiences, les incapacités et les
handicaps.
Je reviens sur l'expression "troubles mentaux". Cette expression
désigne, si on tient compte du modèle que nous vous proposons,
l'ensemble des phénomènes qui peuvent entraîner une
déficience intellectuelle ou une déficience du psychisme.
D'après l'entrée en matière qui nous a été
donnée ce matin, on semble retenir beaucoup plus le souci de la
clientèle qui a une déficience du psychisme. (11 heures)
Par ailleurs, je pense qu'il faut souligner - nous y reviendrons - qu'on
confond malheureusement trop souvent les personnes qui ont une
déficience intellectuelle avec les personnes qui ont des maladies
psychiatriques. C'est extrêmemement important dans l'organisation des
services et des réponses aux besoins de ces personnes de distinguer les
deux clientèles.
On définit habituellement une déficience comme
étant une perte, une malformation ou une anomalie d'un organe, d'une
structure ou d'une fonction mentale, psychologique, physiologique ou
anatomique. Cette déficience est le résultat d'un état
pathologique objectif, observable, mesurable et pouvant faire l'objet d'un
diagnostic. Toutefois, il y a danger de confondre l'existence d'une
déficience à la réalité individuelle et sociale de
ses conséquences. Cette distinction est apportée par la notion de
limitation fonctionnelle. On peut la définir comme étant toute
réduction résultant d'une déficience partielle ou totale
de la capacité d'accomplir une activité d'une façon ou
dans les limites considérées comme normales. Ainsi, pour chaque
personne, il faut considérer sa capacité d'accomplir certaines
tâches et sa capacité de remplir des rôles sociaux.
En dernier lieu, la notion de handicap correspond au désavantage
social qui résulte d'une déficience ou incapacité et qui
limite ou interdit l'accomplissement de certains rôles sociaux. Dans le
cas des déficiences intellectuelles, il est fréquent que la cause
de la déficience ou de la dysfonction ne soit pas clairement
identifiable à un facteur de risque précis.
Il faut par ailleurs souligner la diversité des causes
associées à ces déficiences. Il est également
généralisé pour ces personnes que l'altération en
tant que telle ne soit pas physiquement localisable. On la déduit
plutôt de ses manifestations particulières dans le fonctionnement,
les capacités ou performances, ou encore dans le comportement de la
personne dans ses activités. C'est donc par une évaluation
globale des capacités qu'on en déduit la présence d'une
déficience persistante et significative.
Les facteurs de risque ayant une influence sur l'apparition des
déficiences psychiques sont aussi très diversifiées.
En ce qui concerne les incapacités qui sont les
conséquences de ces déficiences lorsqu'elles deviennent
significatives, elles affectent principalement le comportement,
c'est-à-dire la conscience de soi et la capacité de se conduire
de la manière qui est acceptée par la société dans
les activités quotidiennes et dans les rapports avec les autres.
L'utilisation de la notion de déficience et de limitation
fonctionnelle nous apparaît plus adéquate que l'expression
"troubles mentaux" pour déterminer les caractéristiques et les
besoins de ces personnes.
Nous proposons donc à la sous-commission qu'elle retienne le
modèle cause, déficience, incapacité et handicap pour
décrire la population dont elle se préoccupe et qui rejoindra,
à ce moment-là, l'engage-
ment que le gouvernement lui-même a pris à cet effet.
Les différents niveaux d'intervention -c'est ici qu'on va se
rapprocher le plus de l'organisation des services - nécessaires à
une organisation des services favorisant l'intégration sociale des
personnes handicapées. On vous demande maintenant de la
considérer.
Le modèle du processus d'apparition du handicap que je vous ai
présenté nous permet donc - c'est ça qui est le plus
important -d'identifier les niveaux d'intervention. Il y a,
premièrement, les interventions de prévention. Ce sont les
interventions sur les causes; elles tentent d'empêcher que se
créent les conditions de la déficience.
Deuxièmement, il s'agit des interventions de
diagnostic-traitement. On agit sur les déficiences; on tente de les
limiter ou de les réduire. À ce moment-là, cela peut
justifier une hospitalisation dans un centre hospitalier de soins
psychiatriques pour une personne qui a une maladie mentale, mais non pas
nécessairement pour une personne qui a une déficience
mentale.
En troisième lieu, il s'agit des activités d'adaptation et
de réadaptation. On veut développer les capacités
d'autonomie d'une personne ou compenser ses incapacités. Ici, pour les
personnes qui ont des déficiences intellectuelles, il s'agit
d'activités d'apprentissage, d'adaptation et non pas
d'hospitalisation.
Il y a aussi les interventions se rapportant au handicap. Ce sont les
interventions qui visent à éliminer les obstacles sociaux
à l'intégration scolaire, au travail, aux loisirs. C'est
l'adaptation de la société et non plus de la personne. Ces quatre
niveaux d'intervention doivent être è la base d'une organisation
des services pouvant favoriser l'intégration sociale.
Afin de favoriser une perspective d'ensemble sur les besoins de la
personne et une coordination de ces différents niveaux d'intervention
"À part... égale" - la politique d'ensemble que l'office a
proposée et que le gouvernement a retenue - favorise l'utilisation
élargie du plan de services. Le plan de services est un outil de
planification et de coordination des services individuels nécessaires
à la réalisation et au maintien de l'intégration sociale
d'une personne handicapée.
On a vu dans ce que les journaux ont rapporté
dernièrement, dans le cadre d'une commission d'enquête qui est
malheureuse, qu'il n'y a pas dans l'hôpital qui est sous examen de plan
de services ou de plan d'intervention individuel pour les personnes qui sont
hospitalisées dans cette institution.
Le plan de services peut se décomposer en plan d'intervention
dans chacun des domaines où la personne peut avoir besoin de services
liés à sa déficience, à ses limitations
fonctionnelles et aux handicaps auxquels elle fait face. À ce moment, il
est possible de coordonner les réponses aux besoins, de prévoir
un plan de traitement au moment d'une hospitalisation et, au moment d'un
processus de désinstitutionnalisation, de réunir tous les besoins
et de s'assurer que tous les programmes qui répondront aux besoins sont
coordonnés. Je pense que le vidéo qu'on a vu tout à
l'heure faisait justement état de ce manque de coordination. "À
part... égale" soutient que la personne handicapée doit
participer activement à l'élaboration de ce plan. Il propose
même qu'elle puisse en assumer la coordination lorsqu'elle le souhaite et
en est capable. Ses parents doivent également être associés
à cette démarche et c'était aussi un des souhaits de la
dame dont on a eu le témoignage tout à l'heure.
Dans les grandes orientations de "À part... égale", ces
orientations doivent être retenues dans le développement et
l'organisation des ressources. Il y a un objectif de maintien dans le milieu de
vie naturel. L'intégration sociale de la personne handicapée est
l'objectif principal de la politique d'ensemble "À part...
égale". C'est la raison d'être de toutes les interventions de
l'office. C'est pourquoi, dans l'organisation des services, "À part...
égale" ' accorde la priorité aux ressources et services assurant
le maintien dans le milieu de vie naturel.
Ainsi, nous favorisons l'accès à un milieu de vie naturel
pour les personnes qui n'ont jamais connu d'autre cadre de vie que
l'institution d'hébergement, le retour dans le milieu pour celles qui
ont déjà une longue histoire institutionnelle, le maintien dans
le milieu pour celles qui ont ou acquièrent une déficience et
subissent une perte d'autonomie significative.
Depuis la fin des années cinquante, particulièrement en ce
qui a trait aux déficiences psychiques et aux défiences
intellectuelles, il existe un consensus de base sur ce principe de retour au
milieu de vie.
Au Québec, l'ensemble de l'expérimentation de la
désinstitutionnalisation est en fait peu connu. Le débat se fait
beaucoup plus sur le plan théorique que pratique. La réalisation
de l'objectif de maintien dans le milieu de vie implique des changements
majeurs dans l'organisation actuelle des services. Les grandes orientations de
"À part... égale" fournissent un cadre pour la réalisation
de cet objectifs.
Dans les autres orientations proposées par "À part...
égale", la réalisation de l'objectif de maintien dans le milieu
exige aussi une autosuffisance régionale des ressources selon les
besoins des personnes handicapées, une articulation effective des
ressources locales, régionales et nationales, selon les
nécessités, la coordination continue pour la gestion et la
complémentarité des
ressources, la permanence des services et leur intégration
maximale au réseau régulier, la participation active des
personnes handicapées à la gestion des services qui les
concernent.
Il est fondamental que l'organisation des services visant le retour au
milieu soit respectueuse des droits de la personne et de la qualité de
vie, quels que soient les besoins de la personne et les milieux de
résidence. Cette préoccupation appelle les orientations
suivantes, soit: le respect de la différence, différence de
comportement, différence d'apparence; l'autonomie: libre choix et la
responsabilisation des personnes; la participation des personnes
handicapées aux décisions individuelle et collective, une
qualité de vie décente pour les personnes handicapées, la
reconnaissance d'une approche qui considère la personne
handicapée dans son ensemble, le plus grand développement
possible des capacités des personnes qui ont une déficience et
une participation à part entière à la vie sociale.
La réalisation éventuelle de la politique que l'office a
proposée amènera un changement social d'importance. D'abord,
cette organisation concerne la population en général. La
population doit être informée des objectifs et des principes
soutenant le retour au milieu. Elle doit être sensibilisée aux
capacités d'intégration sociale de ces personnes.
Ces orientations exigent également une modification de la
mentalité et des pratiques professionnelles. Les intervenants
impliqués doivent connaître le potentiel de développement
des personnes handicapées. Ils doivent de plus accepter de travailler
dans un esprit d'ensemble, en collaboration.
Troisièmement, nos orientations seraient compromises si les
initiatives du milieu de vie et du milieu communautaire ne sont pas reconnues
comme un élément important du processus d'intégration
sociale. Les services de soutien qui proviennent le plus souvent du milieu
communautaire, sont un apport essentiel au maintien de la personne dans son
milieu de vie. Ces initiatives doivent donc être encouragées et
être considérées comme essentielles, dans toute
l'acceptation de ce terme.
En conclusion, dans ce mémoire, l'office a pour objectif de
rappeler des orientations fondamentales, un cadre de référence
général pouvant servir de guide à l'étude de
l'organisation des services entreprise par la sous-commission des affaires
sociales. De par sa mission de promotion des droits des personnes
handicapées, l'office se doit d'exprimer son inquiétude de voir
oublier ces principes clés dans l'analyse de situations locales et
circonstanciées, de faits divers hauts en couleur ou bien de
difficultés réelles éprouvées, mais trop vite
généralisées.
À la conférence "À part... égale", en
février de cette année, les participants des réseaux de
services publics, parapublics et communautaires, des syndicats, des
ministères et des organismes de promotion des droits et
intérêts des personnes handicapées ont également
exprimé leurs inquiétudes et l'urgence d'un débat public
sur toute la question de la désinstitutionnalisation. Une concertation
est indispensable à la définition de moyens concrets permettant
le retour et le maintien dans leur milieu de vie des personnes
handicapées. Peut-être que votre sous-commission aura
été le point de départ de ce débat public. Il faut
attendre, exiger une volonté formelle du gouvernement et de tous les
partenaires pour que la désinstitutionnalisation se réalise. Pour
que l'organisation des services puisse rendre possible ce maintien dans le
milieu de vie naturel, il faut un engagement de cette nature.
Dans un contexte où les intérêts sont multiples,
parfois contradictoires et appelant à des interrogations quant à
leur lien avec l'objectif visé de bien-être des clientèles,
l'office doit s'assurer que les modèles d'organisation des services
soient respectueux des droits et de la qualité de vie des personnes
ayant une déficience intellectuelle ou une déficience du
psychisme. Au-delà de cette contribution - celle de l'office - qui, nous
le savons, reste trop générale, l'office offre sa collaboration,
sa disponibilité à l'ensemble des partenaires pour travailler
à des projets concrets conçus en fonction des besoins
réels des personnes handicapées concernées, des
intérêts et réalités des collectivités et des
partenaires impliqués.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, je vous remercie
beaucoup, Mme la présidente. Évidemment, je ne m'étonne
pas que vous ayez décidé de présenter un mémoire
à la sous-commission, compte tenu des objectifs que l'office poursuit.
Je voudrais dire au point de départ que la notion de personne ayant des
troubles mentaux, pour nous aussi, ça présentait un
problème. Dans le fond, on voulait toucher les personnes qui se
retrouvent dans la communauté, parce qu'elles ne sont jamais
allées en institution, mais ce sont quand même des personnes ayant
une déficience ou souffrant d'un handicap psychique.
D'autre part, on savait fort bien, dans notre esprit, qu'il fallait
faire la différence entre les gens atteints de troubles psychiques et
les gens atteints de déficience mentale. On s'est arrêté
à d'autres termes, ex-psychiatrisés, etc., mais c'est un peu
comme dans toute cette terminologie qui touche le comportement humain. D'abord,
on voulait que les gens comprennent ce dont on parlait et, d'un autre
côté, il fallait aussi que ça corresponde à une
réalité qui soit assez
large.
Vous dites: On a un peu de misère avec la notion de personne
ayant des troubles mentaux. Je peux comprendre que ça a
été un peu difficile pour vous. Je dois vous dire que la
majorité des mémoires qui nous sont présentés
touche les personnes atteintes d'un trouble psychique ou psychiatrisées,
comme on dit dans le jargon, qui ont des déficiences mentales. Par
contre, les représentants de groupes de déficience mentale ont
demandé à être entendus. Il faut aussi prévoir pour
ces personnes des services dans la communauté, services qui sont loin
d'être existants. C'est peut-être plus facile dans les foyers
d'accueil ou les familles d'accueil pour les personnes atteintes de troubles
psychiques, mais il reste qu'il ne s'agit pas seulement de les placer en
famille d'accueil, il faut aussi les réinsérer le plus possible
dans la communauté. On a aussi quelques groupes qui viennent, mais la
majorité des mémoires présentés touche les
ex-psychiatrisés ou les personnes souffrant de troubles psychiques. (11
h 15)
L'autre chose, c'est qu'il y a aussi une marge de chevauchement, je
pense, entre les deux. Vous avez des déficients mentaux qui, souvent,
ont associé à cette déficience des comportements
déviants au plan psychique, ce qui rend même difficile le
diagnostic. Tout le monde est familier avec la notion de diagnostic
différentiel qui fait qu'il n'est pas toujours facile de le
déterminer. Vous avez évidemment les gens qui, ayant
déjà été en institution pour déficience
mentale, premièrement, sont entrés souvent en institution sous le
titre de déficient mental. Ce sont peut-être aussi des personnes
davantage touchées au plan de la personnalité qu'au plan de leur
développement intellectuel.
Pour toutes ces raisons, on s'est dit: Si on se penche sur le
problème des personnes qui vivent dans la communauté et ayant des
troubles de fonctionnement au plan mental, il se peut qu'on couvre les deux et
tant mieux! Parce qu'il faut aussi bien reconnaître que nos
établissements ont intégré les deux groupes de personnes,
un peu indifféremment, on le sait. D'ailleurs, vous faisiez allusion
tout à l'heure à l'examen de l'hôpital de
Rivière-des-Prairies où on sent bien qu'il y a deux types de
clientèles, peut-être plus du côté de la
déficience intellectuelle, mais aussi de l'autre côté.
Alors, ce n'est pas toujours très simple à définir. Mais
je comprends que vous ayez été un peu embêtés par
les qualificatifs ou la nomenclature qu'on avait retenue.
J'aimerais vous poser une première question: Dans quelle mesure
êtes-vous appelés à vous préoccuper de cette
population handicapée au plan psychique? À tort ou à
raison, l'Office des personnes handicapées projette l'image de
s'être davantage occupé des personnes ayant un handicap physique,
que ce soit moteur, auditif, etc., que des personnes atteintes de troubles
psychiques. Du côté de la déficience mentale on a senti de
la part de l'office une préoccupation, par exemple, pour les services
d'éducation, les services de réadaptation et du côté
des personnes atteintes de déficience intellectuelle, il y a
également eu, je pense, passablement de travail de fait par l'office.
Mais du côté des personnes souffrant de troubles psychiques on a
l'impression ou qu'elles vous arrivent moins facilement ou que, jusqu'à
maintenant, pour une foule de raisons que j'ignore, la perception que j'en ai
de l'extérieur, c'est que cela a peut-être été une
préoccupation, sauf au plan théorique -justement, vous en parlez
dans votre mémoire et dans le document "À part... égale" -
mais au plan concret et pratique, est-ce une population avec laquelle vous
travaillez beaucoup?
Mme Champigny-Robillard: Je pense que votre diagnostic est assez
juste, Mme la Présidente. Il faut penser que les programmes que l'office
a développés pour répondre à des besoins
individuels qui découlent du plan de services se sont
développés sur des choses très concrètes au
début. On a répondu à des besoins très
immédiats et cela a donné un peu l'air d'aller à notre
façon de développer nos programmes. Comme vous l'avez dit
justement tout à l'heure, la personne qui peut exprimer ses besoins peut
rejoindre l'office ou peut rejoindre des intervenants qui s'adressent è
l'office plus facilement, tandis que la personne qui est sans voix ne nous
vient pas naturellement. Peut-être qu'on n'a pas, non plus,
habitué les intervenants à considérer l'office comme
pouvant faciliter la coordination d'un plan de services. Peut-être bien
aussi que la pratique du plan de services, autant chez les intervenants et par
le fait même à l'office, ne s'est pas installée pour
répondre à ces besoins. Je pense qu'on pourrait porter le
jugement des deux côtés.
Par ailleurs, je pense qu'on a eu le souci d'une défense des
droits plus collective-Nos actions se sont plus adressées à des
collectivités, à un soutien des groupes qui défendent les
psychiatrisés, en particulier, Auto-psy, qui présentera un
mémoire, à une interaction avec eux et à une consultation
avec eux.
Pour ce qui est de la déficience mentale, je pense que c'est un
peu le même phénomène. Ce sont les parents qui ont fait
appel à l'office et c'est ce qui nous a amenés à des
interventions liées à l'intégration scolaire. Par
ailleurs, pour toutes les raisons que vous avez vous-même situées
et analysées, l'office a résolu d'en faire sa priorité de
mieux répondre et de
mieux favoriser la réponse aux besoins de ces deux
clientèles: déficience mentale et déficience
intellectuelle et déficience psychique.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Le fait que l'office ait
posé moins de gestes concrets à l'endroit des personnes atteintes
d'un handicap psychique, vous l'avez signalé vous-même, ce sont
des gens qui évidemment - on l'a vu d'ailleurs dans le diaporama - ne
vont pas beaucoup d'eux-mêmes chercher de l'aide. On est même
souvent obligés d'avoir recours à des méthodes plus
coercitives. Mais est-ce attribuable au fait que dans les autres domaines il y
avait davantage dans la communauté ou dans les établissements
existants, que ce soit dans les hôpitaux ou dans les centres de
réadaptation, de ressources pour ces personnes-là qu'il n'y en a
pour les ex-psychiatrisés?
D'une façon plus concrète, je pense qu'on en reçoit
tous dans nos bureaux, des personnes passablement atteintes au plan psychique,
et si on vous les référait pour un plan de services, pensez-vous
que la communauté est outillée ou que vous seriez outillés
pour donner ce plan de services à une personne atteinte de troubles
psychiques, une personne psychotique, par exemple? Parce qu'il y en a dans la
communauté, ils ne sont pas tous en institution et c'est probablement
là une des tragédies qui nous fait sentir de plus en plus la
nécessité de se pencher sur ce problème.
Mme Champigny-Robillard: C'est une clientèle que l'on
rejoint par l'emploi dans nos centres de travail adapté et aussi par les
contrats d'intégration au travail de l'Office des personnes
handicapées du Québec. Mais cela suppose qu'il y a eu une
démarche qui les a soutenus pour avoir accès à ce
programme qui n'est pas nécessairement de l'office, à ce
moment-là.
Pour répondre plus directement à votre question,
l'organisation de services pour une clientèle qui a eu des
épisodes psychiatriques, à ma connaissance, demeure difficile. Ce
sont encore les établissements qui, souvent timidement, dans la mesure
de leurs moyens ont réussi des périodes de transition; dans
certains cas, on les a assistés: foyer de transition, foyer de groupe,
etc. Mais cela ne s'est pas fait avec la même envergure que pour une
clientèle avec des limitations fonctionnelles attribuables à des
déficiences physiques.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que l'office a
tenté, parce qu'à plusieurs endroits dans votre mémoire
vous parlez de plans de services... Enfin, comme vous le dites, il y a un cadre
conceptuel d'actions, etc. Est-ce que, d'une façon concrète, vous
avez fait un effort de définition des besoins concrets de services pour
cette clientèle-là? On sait, par exemple, si on prend les enfants
qui souffrent de déficience intellectuelle, qu'à un moment
donné il y a une période de scolarité, une période
d'aide aux parents, une période soit dans un centre de travail
adapté, etc. On a quand même un tableau un peu plus complet de ce
que peut être l'ensemble des services requis par cette clientèle.
Est-ce que, dans le cas des personnes atteintes de troubles psychiques, vous
avez fait cet effort de réflexion pour essayer... ? Tout le monde dit:
II faut plus de services dans la communauté, mais quels sont ces
services dans la communauté? Est-ce que, d'une façon
concrète, on est un peu capable de les cerner, en dehors des foyers
d'accueil, des familles d'accueil qui, dans le fond, sont là pour sortir
les gens de l'institution qui ne peuvent pas retourner chez eux? On leur trouve
un gîte. C'est un élément important de la vie, mais la
partie plus importante de la réinsertion sociale, j'ai l'impression...
Je ne sais pas s'il y a eu des efforts véritables de faits pour les
définir.
Mme Champigny-Robillard: À partir du cadre conceptuel que
vous avez cité et qu'on continue à croire valable comme point de
départ, on est en train d'approfondir cette réflexion à
l'interne à l'Office des personnes handicapées du Québec,
justement dans le cadre des priorités que nous nous sommes
données et que nous faisons aussi en collaboration avec, en particulier,
un groupe de travail à Montréal et avec d'autres associations.
C'est un cheminement qui est fait actuellement à notre bureau et qui
nous permettra de pousser plus loin ce que propose la politique d'ensemble.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avez-vous
déjà quelques éléments que vous pouvez
identifier?
Mme Hébert (Anne): Pas beaucoup, mais je pense qu'on va
miser beaucoup sur les apports des ressources communautaires, des ressources de
transition, des maisons de transition, des ressources d'accompagnement et de
soutien et aussi sur la continuité des services pour que, dans les
ressources d'accompagnement et de soutien, il y ait une continuité du
suivi de la personne. Ce sont un peu les principes qui guident notre
réflexion sur l'organisation des services. C'est sûr que c'est au
tout début de la réflexion du travail qu'on voudrait faire. On
attend beaucoup aussi de la politique de santé mentale. On fait notre
réflexion un peu en collaboration avec tous les travaux liés
à la préparation de la politique.
M. Pratt: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui,
allez-y, M. le député de Marie-Victorin.
M. Pratt: Dans la préparation de ces plans de services, je
pense bien que vous avez été assez sensibles au genre de services
qui vous sont demandés. Vous offrez des services, il y a des groupes qui
veulent offrir des services. Il y a L'ami du déficient mental et
d'autres associations qui ont des préoccupations similaires. Je pense
que, pour préparer une politique qui rende service, il faut faire un peu
l'inventaire de tous ces services, de ce qui est demandé. Les
clientèles qu'on a vues dans ce vidéo, des parents qui demandent
de l'aide, c'est une aide bien spécifique. Est-ce qu'on procède
tout d'abord à la mise en commun des services qui sont demandés?
Il y a des points qui reviennent plus souvent. Est-ce que c'est en partant de
là que vous organisez les services que vous rendez?
Mme Hébert: II y a un effort qui a été fait
surtout à Montréal pour essayer d'identifier les besoins de cette
clientèle. Il y a un groupe de travail, en collaboration avec d'autres
organismes, dont ceux impliqués au niveau de la santé mentale,
pour essayer d'identifier toutes les ressources qui existent, mais aussi
d'identifier les besoins et de trouver une solution à la coordination du
plan de services. Comment répondre aux besoins de cette
clientèle? On est confronté un peu à des types de
problèmes à savoir ce que la notion de réadaptation
signifie pour cette clientèle. Par exemple, la notion d'orthèse
ou de prothèse, est-ce qu'on peut associer l'accompagnement, le soutien,
comme étant une mesure de réadaptation? Est-ce qu'on peut dire
que c'est une forme de prothèse ou d'orthèse? On
réfléchit à toutes ces questions et on va essayer
d'identifier les ressources nécessaires pour répondre aux besoins
de ces clientèles. L'effort est surtout concentré à
Montréal, mais cela commence dans d'autres régions où on
essaie de stimuler l'identification des besoins.
M. Pratt: Je trouve que c'est très sain qu'on vise le
maintien à domicile, qu'on vise la désinstitutionnalisation, mais
est-ce que c'est une tendance qu'on note un peu partout dans les autres pays,
dans les autres provinces aussi, ce passage du maintien en institution en
allant davantage vers le maintien des personnes à domicile?
Mme Champigny-Robillard: Oui, je pense que c'est important de
noter qu'il y a cette volonté, mais pas toujours pour les bonnes raisons
et pas toujours de la bonne façon. Par ailleurs, il faut aussi... J'ai
assisté l'an dernier à une conférence internationale
où des pays défavorisés nous ont dit:
L'institutionnalisation, c'est le drame des pays riches, puisque les pays
pauvres n'ont pas eu les moyens de construire des services. Il faut donc se
rendre compte qu'il y a tout un virement à faire. Il y a eu des
expériences en Colombie britannique de désinstitutionnalisation
qui n'ont pas été heureuses parce qu'elles se sont faites sans
aucun service de support. Il faut éviter ce piège-là. Je
pense que M. Mercure peut vous transmettre son expérience. (11 h
30)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. Mercure.
M. Mercure (Paul): Je pense que l'attitude de
ségrégation et d'institutionnalisation que Mme Lavoie-Roux a
peut-être associée, dans son exposé du début,
à une attitude de protection de la société et de
protection de l'individu lui-même depuis déjà 15 ou 20 ans,
je pense que c'est bien connu que ça ne fait ni l'un ni l'autre. C'est
vraiment mal protéger une société de faire de la
ségrégation à quelque titre que ce soit. Je pense qu'une
société qui refuse une minorité d'elle-même est
vouée éventuellement, si cela ne se corrige pas, à une
désintégration.
Je pense que ce qu'il faut faire, tant pour les patients en psychiatrie
que pour la déficience mentale, la clientèle que je connais
mieux, c'est de valoriser davantage le milieu naturel. Je pense que dans le
vidéo on voyait quelque chose qui m'a frappé. Malgré qu'on
avait affaire à quelqu'un de 19 ans on a forcé les parents
à refuser, pour des raisons d'avoir un appui, de jouer le rôle
qu'ils doivent normalement jouer dans la vie de leur enfant. On leur a bien
fait sentir que s'ils reprenaient la personne chez eux l'aide directe
cesserait. Je pense que c'est encore un relent de l'attitude d'isolation et
d'institutionnalisation. C'est pour ça que je trouve très naturel
que le mandat que vous vous êtes donné touche la
désinstitutionnalisation. En touchant la
désinstitutionnalisation, ça touche les deux
clientèles.
Je comprends que vous voulez davantage vous concentrer sur les
psychiatrisés mais comme traditionnellement dans nos
sociétés les deux clientèles ont été
institutionnalisées et comme le phénomène dont on parle
maintenant est lié très directement à la
désinstitutionnalisation, on touche les deux clientèles. Je
dirais que même si on n'est pas très avancé dans le domaine
psychiatrique en ce qui concerne les services dans le milieu, comme vous l'avez
dit, on l'est beaucoup plus dans le domaine de la déficience mentale
probablement parce qu'il y a eu des associations extrêmement fortes qui,
depuis 20 ans, poussent les chercheurs très loin.
Je voudrais finir en disant que c'est une plaidoirie à la
désinstitutionnalisation mais je vais donner trois raisons à
savoir
pourquoi il faut être contre l'institution, pour une
clientèle comme pour l'autre, bien que je reconnaisse la
nécessité, à court terme, sûrement, dans le domaine
des ex-patients psychiatriques, des hôpitaux psychiatriques et des
services psychiatriques des hôpitaux généraux.
C'est sûr que quand on est contre les institutions pour la
déficience mentale on n'est pas contre les hôpitaux et contre les
écoles. On est contre les endroits où on regroupe un grand nombre
de personnes ayant les mêmes caractéristiques pour leur offrir des
services de différents niveaux comme les services résidentiels,
les services de loisirs, de travail et médicaux.
Je pense qu'on est contre ça, tant è l'office que dans les
associations; premièrement, parce que les institutions ne sont pas - je
ne dirais pas l'endroit idéal -du tout maintenant, c'est vraiment
démontré dans beaucoup de milieux, un endroit de
réhabilitation. Ils sont même très souvent un endroit qui
agrave la disfonction ou la différence de fonctionnement entre une
personne dite normale et une personne handicapée; deuxièmement -
j'aime beaucoup dire cela - une société qui fait de la
ségrégation, que ce soit pour les patients psychiatriques ou les
déficients mentaux - il y a d'ailleurs des psychologues
américains qui ont frappé des phrases - une société
qui ne trouve pas en elle-même des ressources, surtout
bénévoles mais aussi des ressources professionnelles, pour
réintégrer les groupes qu'elle a marginalisés, est
vouée à sa perte parce que le processus de
ségrégation est un processus de désintégration.
La troisième raison - je vais le prendre dans la
législation québécoise - c'est que cela m'est
arrivé souvent de lire la Charte des droits et libertés de la
personne en termes de vie en institution. Je veux simplement signaler quelques
phrases de la Charte des droits et libertés de la personne et voir ce
que cela veut dire en institution.
Dans le tout premier article, on parle du droit à la vie,
à la sûreté, à l'intégrité physique et
à la liberté de sa personne. Évidemment, la liberté
de sa personne dans les institutions est très limitée. Quand
c'est très nécessaire, c'est peut-être valable.
Dans le quatrième article, on parle de la sauvegarde de sa
dignité, de son honneur et de sa réputation. Je pense que le
travail que l'office a fait - et c'est un document qui est disponible - de
visite des institutions, des centres d'accueil, lui a permis de se rendre bien
compte que la dignité de la personne n'est pas sauvegardée dans
les institutions.
Dans le point 5, on parle du respect de la vie privée d'une
personne. Encore là, je pense qu'il n'y a pas de dessin à faire
là. On pense aux activités privées et individuelles qui
sont extrêmement rares dans les insti- tutions. La libre possession de
ses biens. Dans les institutions, des milliers de personnes n'ont pratiquement
aucun bien personnel. S'ils en ont quelques-uns, ils en ont rarement la libre
disposition.
Finalement, l'article 7 dit que - c'est un article qui a seulement
quatre mots - la demeure est inviolable. Je pense qu'en institution, cela n'a
littéralement aucun sens.
Je pense que la troisième chose, c'est qu'il faut se rendre
compte que les milliers de personnes qui vivent en institution voient leurs
droits fondamentaux bafoués, même sans utiliser des cas publics
où il y a parfois une responsabilité impliquée. Mais,
même en toute bonne foi et même avec du personnel compétent,
les droits de la personne en institution, c'est un problème de tous les
jours.
En tout cas, je voulais faire un plaidoyer sur la
désinstitutionnalisation parce qu'il ne faudrait pas, à cause des
problèmes des personnes qui sont déjà dans la
communauté, qui ne sont pas appuyées et qui doivent l'être,
mettre en doute la valeur du processus de désinstitutionnalisation qui
non seulement est important mais qui doit être
accéléré et mené à bien dans une
échéance très concrète qu'on devrait se donner.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Merci, Mme la Présidente. Le mandat de
l'office comme tel est surtout sur les handicapés. Peuvent entrer
là-dedans aussi les retardés mentaux. De là à aller
jusqu'à s'occuper des troubles psychiques, psychiatriques - appelez-les
comme vous voulez - ne trouvez-vous pas que c'est déborder un peu le
mandat premier de l'office qui est justement autre chose que cela et que ce ne
serait pas mieux de prendre ces cas lorsqu'ils arrivent et d'aller vers les
organismes spécialisés, où ce sont leurs fonctions, pour
essayer de donner le plus de chances possible à ces patients de
réintégrer au plus vite une société ou autre
chose?
Mme Champigny-Robillard: Je vais vous ramener à une loi
que vous avez adoptée, M. Laplante. La définition dans la Loi sur
la personne handicapée, la loi qui donne à l'office, un mandat,
c'est toute personne limitée dans l'accomplissement d'activités
normales à cause d'une déficience physique ou mentale, ou
limitée dans l'accomplissement d'activités normales à
cause d'une déficience physique ou mentale significative et persistante.
Les personnes qui ont eu des épisodes psychiatriques sont donc des
personnes handicapées aux termes de la loi.
Nos services ne sont pas directs. L'office - c'était l'axe
important dans cette
loi qui a été votée à l'unanimité par
l'Assemblée nationale - c'est d'être en bout de ligne et de
pallier l'absence de services. Notre façon de faire, c'est toujours de
référer les gens, de les aider, de les supporter pour qu'ils
obtiennent les services dans leur milieu de la part des fournisseurs de
services qui ont la responsabilité de le faire; quant à nous,
c'est d'intervenir à partir d'un soutien financier, parfois, en fin de
compte quand les programmes existants ne répondent pas aux besoins
individuels des personnes. Dans sa dimension programme, dans sa dimension
services, l'office est un peu une voie d'échappement. C'est pour
pallier, c'est pour compenser les absences, les absences de certains
régimes universels à l'occasion.
Quand Anne a dit tout à l'heure qu'on s'interrogeait à
l'office sur les façons de répondre aux besoins des personnes
handicapées, si, par exemple, on devrait subventionner, soutenir
financièrement la personne qui serait la personne accompagnatrice d'une
démarche de maintien dans le milieu d'une personne psychiatrisée,
c'est dans ce sens qu'on se pose la question. Cela reste toujours et je pense
que c'est important dans l'administration gouvernementale, que l'approche de
notre loi vise è ce que les services soient donnés. L'office
conseille pour l'organisation des services, pour la façon de
répondre aux besoins à partir des liens qu'elle a avec les
associations de personnes handicapées et la connaissance qu'elle a des
besoins par les demandes de plans de services. L'office n'intervient
directement qu'à défaut de trouver une réponse dans le
milieu.
M. Laplante: Lorsque vous dites que vous nous passez une loi,
c'est vrai, à l'unanimité, en définissant le rôle de
l'office. J'ai toujours cru que, pour moi, "mental" cela ne devait pas
être des troubles psychiques, ces choses-là, c'était une
continuité de troubles d'apprentissage. C'était relié
à tout cela. Retardé mental, cela ne veut pas dire
nécessairement qu'il y a un besoin psychiatrique. Moi, j'avais compris
dans le sens physique, qu'il y a une continuité mentale. Si une personne
de vingt ans a une mentalité d'un enfant de cinq ou six ans, cela
faisait partie du handicap physique.
Je trouve, comme citoyen, que cela me donne matière à
réflexion personnelle du moins; je ne parle pas au nom de ma formation
politique, c'est tout à fait personnel comme vision. Je trouve que
chaque organisme cherche trop à avoir du pouvoir étendu sur des
besoins spécifiques au point de vue de ce genre de malade. Cela se
rencontre dans différents organismes. Si on apprenait, dans nos
organismes à nous, à se limiter à un moment donné
à des besoins spécifiques, à centraliser mieux nos
malades, dans ce sens-là, peut-être que les services seraient
meilleurs, peut-être qu'on comprendrait mieux encore le besoin
spécifique de ces gens-là. Si l'Office des personnes
handicapées du Québec s'occupait seulement du rôle qui lui
est dévolu - vous avez travaillé énormément fort,
je pense qu'on figure bien comme province, ici, au niveau canadien, même
au niveau américain, on a beaucoup de chemin de fait là-dedans
-si votre organisme continuait dans ce sens avec les handicapés et
laissait aux autres le soin de traiter réellement les soins
nécessaires à ceux qui ont des troubles psychiques ou
psychiatriques, peut-être que le but qu'on recherche ensemble se
réaliserait plus vite. Il y aurait de grands pas qui se feraient plus
vite. Que chacun oublie ce qu'il est actuellement, pour essayer
d'étendre un peu ses pouvoirs ailleurs de ce qui lui est dévolu.
(11 h 45)
C'est un peu ce que je vois toujours personnellement. C'est ce qu'on
voit, pas seulement dans ce domaine, mais dans d'autres domaines aussi de
chercher à prendre du pouvoir pour en donner ailleurs, parce que c'est
toujours dans ce sens, de s'occuper de choses, en somme, dans lesquelles on
n'est pas spécialisé. Je ne sais pas, c'est une réflexion
tout haut que je vous dis là. Je ne sais pas si cela peut avoir des
conséquences quelque part.
Mme Champigny-Robillard: Je vais vous ramener à la
politique d'ensemble de l'office où, dans le dernier chapitre, l'office
propose que les programmes qu'il administre qui sont les programmes qui ont des
budgets de quelques millions... selon la nature du programme, l'office propose
que ces programmes soient rapatriés par les vrais responsables, dans
certains cas, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et, dans d'autres cas, le ministère de
l'Industrie et du Commerce.
À ce moment, si au gouvernement, dans un organisme
gouvernemental, l'argent, c'est le pouvoir, vous ne pouvez pas accuser l'office
de vouloir plus de pouvoir, M. Laplante. Par ailleurs, Mme Lavoie-Roux
reprochait tout à l'heure que l'office ne se soit pas suffisamment
préoccupé...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'était
plutôt une perception
Mme Champigny-Robillard:... de la clientèle dont on parle
aujourd'hui. Je le reconnaissais, mais en voulant, nous, en faire une
priorité, cela n'est pas pour nous substituer ni aux services, aux
ressources alternatives dans le milieu qu'on supporte, par ailleurs, dans leurs
activités, ni aux intervenants qui donnent des traitements.
L'office ne fait jamais cela. Encore une fois, on bouche les trous et on
est très strict là-dessus. C'est vraiment la vocation qui nous
est impartie par la loi et celle qu'on choisit de jouer.
J'ai de la misère à penser que l'office, malgré sa
croissance, mais la croissance de l'office était pour répondre
à des droits auxquels nos clients avaient droit qui leur étaient
consacrés par cette loi. Mais c'est peut-être un procès
qu'on peut faire ailleurs, M. Laplante.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: Moi, je me dis toujours que la publicité
nous rejoint, surtout la publicité télévisée.
Alors, je me dis souvent que ce soient des handicapés physiques,
intellectuels ou mentaux, je pense que la meilleure façon, avant de
faire quoi que ce soit, c'est de sensibiliser la population. On a souvent eu
des petits vidéos courts ou des petits courts métrages sur les
handicapés physiques. Je me souviens que cela avait attiré tout
le monde, ce qui nous a permis de mieux les connaître, de mieux les
comprendre, mieux les aimer aussi.
Alors, je me dis que souvent, on a pensé comme cela aux
handicapés physiques, mais on a très peu fait dans le cas des
handicapés intellectuels ou ceux souffrant de troubles psychiques. Je me
demande si vous, les gens de l'office, vous êtes en mesure de faire des
pressions pour axer...
Mme Champigny-Robillard: L'information et les communications.
Mme Lachapelle:... l'information. Est-ce que vous avez le choix?
Est-ce que vous pouvez, vous, faire des pressions pour dire: II y a eu un bout
de temps où on a fait plutôt de l'éducation pour ce qui est
des handicapés physiques. Mais est-ce que vous pouvez demander, est-ce
que vous pouvez faire des pressions pour qu'on change la clientèle,
qu'on fasse connaître une autre clientèle de handicapés
à la population?
Mme Champigny-Robillard: Chose certaine, toutes les
recommandations comportent un aspect de communication, d'information et de
sensibilisation. Je voulais éviter de revenir aux journaux, mais cet
hiver on a vu, par exemple, comment des foyers de groupe avaient
été refusés par le milieu, parce qu'on n'avait pas fait
d'information. C'est certain qu'il va falloir beaucoup d'information pour
que... Il n'y a pas seulement le gouvernement qui a des responsabilités
à prendre là-dedans. Il y a le milieu, il y a tous les
partenaires. C'est pour cela que je passe non seulement les messages les
messages plus publicitaires sont importants - mais un débat public sur
ces questions doit se faire où autant les syndicats que les corportions
professionnelles, que les partenaires gouvernementaux pourront venir prendre
des engagements pour, comme dit M. Mercure, qu'on soit une
société intégrée plutôt que
désintégrée et ségréguée.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux}: M. le
député d'Ungava, je m'excuse.
M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente. Ma
question visait les principales recommandations de votre mémoire; vous
parlez de participation active des personnes handicapées - je
présume qu'on parle de toutes les personnes handicapées, mentales
et physiques - à la gestion des services. J'aimerais avoir un surplus
d'explication là-dessus, et quelques exemples concrets et positifs de
cela.
Mme Champigny-Robillard: II ne s'agit pas de cogestion, comme
l'entendent généralement les syndicats. Pour être
intégré socialement, il faut avoir des représentants
partout. On a dit des femmes qu'elles étaient marginalisées,
qu'elles n'étaient jamais dans les lieux de décision, dans les
lieux de planification. Il faut associer - on a beaucoup de structures
participatives pour le faire au Québec - les personnes handicapés
ou leurs représentants et les associations dans les commissions
administratives, par exemple, de nos conseils régionaux de santé
et de services sociaux. À la Commission des affaires sociales sur la
santé mentale, c'est seulement depuis un an, je pense, qu'il y a des
personnes qui ont connu des problèmes psychiatriques qui ont
été acceptées à cette commission. Cela, c'est pour
les collectivités.
Pour les personnes individuellement, pour une personne qui a un plan de
traitement, un plan d'intervention, un plan de services, il faut qu'elle soit
centrale dans ce plan, autrement les intervenants, par-dessus elle, vont dire:
II faut faire ci, il faut faire ça. Cela vous arrive, quand vous entrez
à l'hôpital, vous entrez dans la machine à saucisse, mais
vous ne savez pas ce qui vous arrive, si vous avez un trop bon
caractère. Si vous êtes un peu difficile, vous allez
peut-être exiger des réponses.
C'est d'autant plus important pour les personnes qu'on étiquette,
qu'on préjuge, qu'on considère sans jugement, sans discernement,
de les oublier, d'oublier que c'est la raison d'être des interventions,
la raison d'être des actes professionnels. C'est dans ce sens qu'il faut
que les personnes concernées, leurs familles et les gens qui sont
près d'elles soient informés, soient participants. Comment
voulez-vous exiger d'une personne, comme c'est le cas d'une personne qui a eu
des troubles mentaux, qu'elle participe à sa réadaptation si
elle
n'est pas informée du pourquoi des gestes et des traitements
qu'on lui administre ou des engagements qu'elle doit prendre? Il faut la
responsabiliser, cela fait partie de la santé mentale, cela aussi.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voudrais revenir sur
quelques petits points, étant donné qu'on a un peu de temps; il y
a un groupe qui devait venir ce matin et qui s'est désisté et qui
a été remis à vendredi. On n'a pas eu le temps de faire de
remplacement; alors, cela nous permet de vous questionner un peu plus
longtemps.
D'une façon concrète, pourriez-vous me dire combien
d'organismes bénévoles touchant l'organisation psychiatrique vous
financez.
Mme Champigny-Robillard: Je ne peux pas vous dire cela. L'office
finance environ 250 associations bénévoles qui ne sont pas des
associations de services, donc qu'il faut...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Des associations
bénévoles.
Mme Champigny-Robillard:... bénévoles dans le sens
de la promotion des droits et des intérêts, parce qu'il y a du
parrainage civique qui est financé par le ministère des Affaires
sociales. Ceux-là ne sont pas partie du programme de l'office.
Dans l'ensemble, nous subventionnons 250 associations locales,
régionales et nationales.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Tout cela,
strictement...
Mme Champigny-Robillard: Je ne peux pas vous donner de
réponse en chiffres absolus aujourd'hui; ce que je peux faire, c'est
vous envoyer la liste.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux}: Mais vous en
financez.
Mme Champigny-Robillard: Ah oui, et il y a de petites
associations locales, parents et amis de malades mentaux; dans les associations
provinciales, nationales, c'est, en particulier, l'Association canadienne pour
la santé mentale et Auto-psy. Sur la quinzaine d'associations nationales
qu'on subventionne, je pense que ce sont peut-être les deux seules. Par
ailleurs, dans les régionales, qui sont des regroupements d'associations
de toute nature, ce n'est pas pertinent. Pour les associations locales, je
pourrais certainement transmettre à la commission les chiffres et la
liste, le répertoire.
Ce serait bon, je pense, que vous demandiez la liste au ministère
des Affaires sociales.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, il pourrait nous le
donner. Je trouve ça intéressant parce que, finalement, je
rejoins la préoccupation de la députée de Dorion. C'est
vrai que même si on faisait juste de la publicité sur les troubles
psychiques ou les individus qui ont des troubles psychiques. Il reste qu'il
faut que cela devienne quelque chose qui fasse moins peur aux gens, que cela
devienne quelque chose de moins tabou. Si on ne réussit pas à
franchir cela, on va encore retrouver, comme on en a présentement, des
groupes isolés et pleins de dynamisme, qui travaillent très fort,
bénévolement, mais qui ont des existences un peu chaotiques,
compte tenu du manque de ressources dont ils souffrent, compte tenu des
résistances qu'ils rencontrent, des obstacles qu'ils ont sur leur route,
ce qui fait qu'on avance très peu. Je ne voudrais pas que vous le
preniez comme un reproche, parce que c'est un reproche qu'on pourrait adresser
à tout le monde.
J'entendais madame qui décrivait le travail que l'office fait
dans un effort pour identifier des services ou des plans de services ou ce que
pourrait comprendre un plan de services pour ce type de clientèle.
À la fin, vous avez dit: On attend le rapport de la Commission de la
santé mentale. Je dois vous dire qu'il a failli sortir et il va
ressortir, mais cela fait longtemps qu'on attend le rapport de la Commission de
la santé mentale, cela fait au moins... En tout cas, le ministère
pourrait me renseigner pour donner l'information exacte, mais cela fait
plusieurs années. Il reste que j'ai l'impression que, dans ce
domaine-là, tout le monde attend les autres d'une certaine façon.
On est devant une problématique qui est extrêmement difficile.
À l'intérieur de cette problématique, il y a beaucoup de
variables; les cas ne sont pas identiques, ni les situations familiales etc.
Enfin, c'est très complexe. J'ai l'impression qu'on n'a pas beaucoup de
chemin de fait. On connaît le psychiatre qui donne ses
médicaments, le travailleur social qui supporte pendant une
période donnée et, dans une certaine mesure, des foyers d'accueil
ou des foyers de groupe ou...
Enfin, on identifie ces choses-là, mais pour ce qui doit
sous-tendre tout cela, ce qui doit supporter cela, ce que cela nécessite
comme démarche, pour cela, j'ai l'impression qu'on est encore beaucoup
dans l'inconnu. Je pense que c'est simplement un reflet d'abord de nos propres
préjugés et d'autres priorités qu'on a mises avant
celle-là. Je parle d'une façon très
générale. Le fait qu'on en discute, cela peut peut-être
déjà faire démarrer des choses. Peut-être que
l'office va partir en disant: On accélère un peu ce qu'on peut
faire et l'influence qu'on peut exercer dans ce domaine-là. J'ai
l'impression que c'est dans beaucoup de cas des solutions
compartimentées qu'on a trouvées jusqu'à
maintenant et rien d'intégré comme services.
Je voudrais revenir sur la question de la
désinstitutionnalisation. M. Mercure nous a fait un long plaidoyer pour
la désinstitutionnalisation: "La société qui est pour la
ségrégation est une société... " Bon, enfin, tous
peuvent concourir à ce type de grands principes. Par contre, vous dites:
Le débat de la désinstitutionnalisation n'a jamais
été fait, "est, en fait, peu connu", si je vous cite au texte.
"Le débat s'est fait beaucoup plus sur le plan théorique que sur
le plan pratique. " Par contre, je vous entends faire ce grand plaidoyer, et
vous le faites d'une façon si convaincue qu'à un moment
donné, on se dit: II ne devrait plus y avoir d'institutions. Les
institutions devraient disparaître puisque l'institution est synonyme de
ségrégation. Je me demande si vous avez examiné de
près cette pratique de la désinstitutionnalisation; par exemple,
eu égard à la clientèle qui souffre de déficience
mentale, parce que c'est à son endroit qu'elle s'est surtout
exercée jusqu'à maintenant. Comme c'est un domaine dans lequel
vous vous êtes aussi passablement impliqué, pouvez-vous nous en
dire le pour et le contre? Il est vrai que - vous savez tout le monde est pour
la vertu - tout le monde est pour que le jeune enfant vive dans sa famille
naturelle, qu'il ait de bons parents et, évidemment, il va se
développer bien mieux que s'il est soumis à un tas de
contingences sociales, émotives ou autres. Mais puisque vous en parlez
comme cela, êtes-vous vraiment capable d'établir le pour et le
contre dans le cas de la déficience mentale, qui est plus près de
vos préoccupations? Éventuellement, j'imagine qu'il pourrait y
avoir une certaine analogie avec les patients psychiatriques. (12 heures)
M. Mercure: Des associations auxquelles je faisais allusion tout
à l'heure, comme l'AQDM, qui viendra vous rencontrer plus tard cette
semaine, l'Association québécoise pour les déficients
mentaux, sont reliées à une association nationale que j'ai suivie
de très près depuis dix ou douze ans, et qui sont des
associations absolument vouées à la
désinstitutionnalisation. Je veux dire qu'elles font de la
désinstitutionnalisation leur activité première, mais pas
dans un aspect négatif; elles font de la normalisation et de
l'intégration sociale leur principe premier. Il y a eu beaucoup de
recherche dans de nombreux pays parce que c'est un mouvement mondial. Aux
États-Unis, il y a des cas très concrets d'anciens hôpitaux
psychiatriques qui avaient une clientèle déficiente mentale
très importante et qui ont été sur une période de
temps complètement démantelés.
Quand on pense que l'institution n'est l'endroit pour personne, je crois
qu'on pense même aux déficients profonds. Cela surprend
peut-être un peu les gens qui n'ont pas suivi la spécialisation de
réintégration des personnes déficientes, parce qu'on dit
toujours: Ah, il y a une clientèle légère qui n'aurait
jamais dû être là, qui ne devrait pas être là,
mais il y a des gens qui ont besoin d'un cadre institutionnel.
Je pense qu'en termes de déficience mentale, je peux dire,
après avoir entendu beaucoup de témoignages de gens beaucoup plus
compétents que moi, que, maintenant, les spécialistes admettent
presque unanimement que l'institution dans le sens d'un endroit où on
fait vivre plus de cinq personnes regroupées à cause des besoins
similaires n'est jamais indiquée dans le domaine de la déficience
mentale. Autrement dit, il faut réintroduire les personnes dans les
milieux résidentiels, et si elles ont besoin de support et si leur
milieu naturel n'est pas capable de leur donner le support affectif et le
support pour le fonctionnement de tous les jours, on cherche alors un milieu
substitut qui ressemble le plus à un milieu naturel. On considère
ce placement comme temporaire et on le réévalue constamment, de
sorte qu'à l'âge adulte la majorité des personnes
déficientes vivront en appartement protégé, parfois en
groupe de deux ou trois personnes, et il y aura des professionnels qui
superviseront ces endroits pour qu'il n'y ait pas d'exploitation.
Mais, encore, quand on mettra des moyens pour éliminer
l'exploitation, on le fera tel qu'indiqué dans la Charte des Nations
Unies sur la déficience mentale. Il y a un article qui est bien
précis là-dessus: Si on doit faire une intervention pour
arrêter l'exploitation, on doit le faire d'une façon à
protéger au maximum les droits que la personne peut exercer. Alors, si,
autrement dit, une personne n'est pas en mesure de faire son épicerie -
dans le domaine de la déficience mentale, c'est souvent le cas - on
engagera une personne compétente dans son milieu pour l'assister pour
faire son épicerie, au lieu de dire...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vais vous interrompre
un peu. Ce que je comprends des commentaires que vous faites sur la
désinstitutionnalisation s'applique strictement aux personnes
déficientes mentales et non pas aux personnes atteintes de troubles
mentaux ou de troubles psychiques plus ou moins chroniques.
M. Mercure: Oui. Je dois admettre que vous avez raison, parce que
mon expérience est de ce côté-là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela clarifie une
chose.
M. Mercure: Je vais ajouter quelques mots. Évidemment, la
maladie mentale n'est pas nécessairement toujours reliée à
un
handicap parce que, dans le cadre des références dont on a
parlé tout à l'heure, il peut très bien y avoir des gens
qui ont des problèmes de santé mentale mais qui n'en sont pas
nécessairement handicapés. Le handicap provient d'une
stigmatisation sociale causée par le fait qu'une personne a
été pendant une longue période victime de troubles de
fonctionnement. Je pense que, pour ce genre de patients,
l'institutionnalisation est quand même le même problème.
Évidemment, l'institution dans le sens d'un hôpital psychiatrique
pour un court séjour, personnellement, je ne conteste pas cela comme
besoin pour les personnes psychiatrisées.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Dans le cas de la
désinstitutionnalisation et des besoins que vous identifiez, est-ce que
vous avez des analyses de coût? Par exemple, vous dites que pour ces
personnes handicapées qui seraient devenues adultes et qui auraient
encore besoin de surveillance, d'appui ou de support - appelons cela comme on
voudra - il faudrait qu'il y ait une personne qui les aide à accomplir
certaines fonctions pour lesquelles elles ne sont pas aptes, compte tenu de
leur handicap. Avez-vous des études de coût? Pouvez-vous nous
référer à des sources où cela peut être
établi?
M. Mercure: Je vais faire transmettre à la commission des
documents de l'Association canadienne pour les déficients mentaux. Il y
a plusieurs études de coût qui ont été faites.
Disons que, substantiellement, les gens en arrivent à la conclusion
qu'à court terme, il n'y a pas d'économie à
l'intégration sociale, parce qu'on doit créer des services de
toutes pièces. Mais je pense qu'il est facile aussi de démontrer
que les personnes en "institution coûtent des montants qui sont variables
mais qui sont estimés à 40 000 $, 50 000 $, 60 000 $ par
année par personne. C'est extraordinaire, mais ce sont les budgets de
fonctionnement des institutions qui, quand on les divise par le nombre de
personnes présentes dans l'institution, donnent des chiffres
astronomiques comme ceux-là, que la plupart des gens ne connaissent pas.
Ce sont des chiffres considérables.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, madame.
Mme Hébert: Â l'Office des personnes
handicapées du Québec, nous avons une étude qui a
été faite par le Conseil canadien du développement social
sur les coûts et bénéfices de la
désinstitutionnalisation qu'on pourrait vous transmettre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On
l'apprécierait.
Mme Hébert: Mais, en résumé, ce qu'on peut
dire, c'est qu'il y a peut-être peu de différence dans les
coûts entre la méthode institutionnelle et la
désinstitutionnalisation sauf que, pour des coûts
équivalents, les formules non institutionnelles donnent plus de services
directs à la personne. Donc, on suppose qu'ayant plus de services
directs, les capacités d'apprentissage, de développement et
d'autonomie sont favorisées.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Oui, Mme
Robillard.
Mme Champigny-Robiilard: Et le retour aussi des investissements
gouvernementaux, à ce moment-là, à long terme et à
moyen terme, cela veut dire moins de réadmissions dans les
hôpitaux, moins de consommation de services sociaux de tous ordres en
plus. Dans le vidéo, le jeune homme dont on parlait est resté
huit mois à l'hôpital de soins aigus, parce qu'il n'y avait pas de
services pour le recevoir dans la société alors que deux ou trois
mois auraient suffi. Là aussi, il y a des coûts dont il faut tenir
compte. L'étude à laquelle Anne se référait peut
vous être utile, mais il n'y a pas eu non plus, je pense, pour le
Québec d'étude approfondie qui serait certainement un outil
très utile, exhaustif.
Mme Hébert: Ce sont plutôt des résultats
d'études américaines sur des expériences tentées
aux États-Unis.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a un problème
que la mère soulevait dans le vidéo et que, d'ailleurs, vous
soulevez aussi à un moment donné dans la question des
diagnostics, c'est-à-dire le mélange des clientèles.
Oublions l'institution pour le moment. On sait qu'il y a un mélange de
clientèles dans les institutions. Cela a toujours existé. Mais
dans les foyers, elle parle du mélange de clientèles, que ce soit
dans un foyer de groupe ou dans une famille d'accueil. Est-ce que vous
êtes sensibilisés à ce problème? Quelles sortes de
représentations avez-vous faites au ministère à ce
sujet?
Mme Champigny-Robiilard: Je ne pense pas qu'il y ait eu de
représentations faites au ministère. Ce qu'il faut toujours
considérer, c'est qu'on revient au plan de services individuels pour la
personne. Alors, il faut trouver ce qui lui convient à elle.
Peut-être qu'une famille peut offrir... Dans une famille, il y a des
individus différents. Il faut s'assurer que ces gens-là sont
compatibles et peuvent s'aider les uns les autres que la famille d'accueil va
pouvoir leur offrir et qu'ils auront dans le milieu d'autres services qui
répondront à leurs besoins. C'est difficile de porter un
jugement. Je vous ramène à ce que Paul Mercure
préconise, une facilité, un service de transition où une
famille d'accueil, c'est une institution, s'il y a plus de cinq personnes par
exemple, un foyer de groupe aussi. Je pense qu'il faut toujours revenir aux
besoins individuels de la personne et voir comment la ressource trouvée
répond à ces besoins-là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Une
dernière question qui est plus d'ordre théorique. À la
page 9, dans les orientations fondamentales ou les principes que vous soumettez
dans ces orientations, vous parlez de l'autonomie, du libre choix et de la
responsabilité. Quelle réflexion faites-vous sur
l'équilibre entre ce respect de l'autonomie et les besoins de protection
de la personne?
Mme Champigny-Robillard: Je pense que Paul Mercure a
répondu tout à l'heure. Les besoins de protection, de contrer les
dangers d'exploitation, l'autonomie, c'est une chose qui va se
développer. La personne en institution n'a pas d'autonomie. Si elle
prend des responsabilités et qu'elle est participante à
l'élaboration de son plan de services, on va lui faire confiance, on va
l'amener à pouvoir assumer de plus en plus de responsabilités.
Par ailleurs, dans le cas de la déficience mentale, il reste
généralement une nécessité de surveillance.
Dans le cas de personnes qui ont eu des épisodes psychiatriques,
des services de parrainage civique se développent. C'est donc une notion
d'accompagnement, de soutien mais pour encourager toujours dans ces
interventions-là l'autonomie de la personne qui se développe.
Quand on lui reconnaît une valeur personnelle, on commence à lui
permettre d'exercer son autonomie.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
M. Laplante: Une dernière question.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. Laplante: Je ne sais pas si vous allez pouvoir me
répondre là-dessus, par exemple. On dit que la maladie mentale
est en progression depuis les quinze dernières années. Â
quel pourcentage pouvez-vous attribuer la progression de maladies mentales dues
à la drogue? On sait que ça coïncide à peu
près avec la drogue.
Mme Champigny-Robillard: Je pense que c'est souvent plus la
société qui est malade. C'est un peu une vérité de
La Palice de dire ça. Vous me demandez des choses qui dépassent
largement ma compétence. Je n'ai pas en tête un tiroir qui
pourrait vous donner une réponse juste là-dessus. D'un autre
côté, c'est la drogue aujourd'hui. Ce n'est pas parce qu'elle est
plus facilement commercialisée ou plus facile à consommer. La
drogue a toujours existé quand même, ce n'est pas un
phénomène si récent. Il y a eu aussi d'autres
problèmes qui ont favorisé la maladie mentale pendant d'autres
époques.
Je ne sais pas si on peut toujours faire ces corrélations mais,
encore une fois, je ne suis pas une scientifique.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député.
M. Pratt: Après avoir lu et relu votre mémoire, je
trouve que vous identifiez très bien les problèmes et les
solutions aussi. Il reste une question qui n'est pas claire pour moi. Qui
voyez-vous comme maître d'oeuvre pour réaliser ça? Vous
parlez de coordination, de travail d'ensemble au niveau des régions, au
niveau local. Il est important que quelqu'un ou un organisme soit le
maître d'oeuvre de tout ça. On vient de parler de l'AQDM, on parle
d'une autre association. Pour le public, il s'agit de voir à qui on va
s'adresser pour obtenir des services.
Je vous demande qui vous voyez pour réaliser ça. Un
organisme existant, que ce soit un CRSSS... C'est ma première
préoccupation.
Mme Champigny-Robillard: Je me sens très mal à
l'aise, je parle à des législateurs. Il me semble qu'on a de
très bannes lois au Québec et qu'il y a des
responsabilités bien situées. M. Laplante a parlé de gens
qui souvent agrandissent leurs pouvoirs. Parfois, c'est aux dépens des
autres. Nous visons toujours à ce que les personnes responsables de
donner des services aux citoyens ordinaires donnent les services
adaptés, mieux compris, mieux articulés, à toutes les
personnes. Il y a donc une place pour le traitement dans un hôpital pour
tous les citoyens. Il y a des hôpitaux qui sont
spécialisés, il y a des écoles pour tous les citoyens, il
y a des services psychosociaux pour tous les citoyens. Encore une fois,
l'office et le ministère, avec sa Commission de la santé mentale,
sont là pour aider les vrais responsables, les vrais intervenants
à développer les meilleurs outils, les meilleures
réponses.
La coordination à parts égales propose un modèle de
coordination parce qu'elle propose un modèle à penser et des
principes qui vont être communs à tout le monde, cadre dans lequel
on va prendre des décisions qui vont être compatibles, qui vont
mieux se coordonner. Â moins de mal comprendre votre question, l'office
ne proposerait pas des mesures marginales différentes. Il y a des outils
de coordination qui sont les conseils régionaux de services de
santé et de
services sociaux. Je pense qu'on a besoin de mieux exploiter les
ressources qu'on a.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon! Alors, s'il n'y a
pas d'autre question, je vous remercie. J'ai oublié de le faire au point
de départ, je voulais vous demander d'excuser la commission qui vous a
remis de deux mois au moins, mais c'étaient vraiment des circonstances
indépendantes de notre volonté. Nos excuses vont à tous
les autres groupes qui ne sont pas ici mais qui ont aussi été
déplacés, compte tenu de l'horaire chargé du Parlement en
fin de session.
Merci beaucoup. Ah oui! On attend vos données. S'il y a lieu, on
se permettra de recommuniquer avec vous au moment de la rédaction du
rapport. Merci.
M. Mercure: Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Nous allons suspendre les
travaux jusqu'à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 18)
(Reprise à 14 h 35)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La sous-commission des
affaires sociales reprend ses travaux. Le premier groupe que nous entendrons
cet après-midi, c'est le Conseil de la santé et des services
sociaux de la région de Montréal métropolitain. Je vous
invite à vous présenter, s'il vous plaît.
CSSSRMM
Mme Taylor-Thibodeau (Win): Bonjour, mesdames, messieurs.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Un instant, Mme
Taylor-Thibodeau. Je voulais simplement vous demander de vous identifier et
d'identifier celui qui vous accompagne. Allez-y.
Mme Taylor-Thibodeau: Bonjour! Je suis Mme Taylor-Thibodeau,
présidente de la commission administrative du conseil régional de
la région 06A pour les personnes ayant un handicap intellectuel.
J'aimerais vous présenter le coordinateur de notre commission, M. Ronald
McNeil.
M. McNeil Ronald: Bonjour.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous pouvez
procéder à la présentation de votre mémoire.
Mme Taylor-Thibodeau: Premièrement, au nom du conseil
d'administration du conseil de la région de Montréal
métropolitain, nous tenons à vous remercier de nous recevoir
aujourd'hui afin que nous puissions vous présenter et discuter avec vous
notre plan d'aménagement régional de ressources pour les
handicapés intellectuels.
Il y a déjà quasiment quatre ans que les membres de la
commission, de pair avec notre coordinateur, M. McNeil, travaillent sur le
contenu, l'esprit, le principe et la philosophie de notre plan. Nous croyons
que ceci offrira aux handicapés intellectuels de notre région le
meilleur format en vue d'assurer que les services soient disponibles d'une
façon humaine, "normalisante", d'une façon rationnelle, en ce qui
concerne les bassins de population.
Pour ceux qui ont eu l'occasion de lire notre document ou
peut-être seulement la synthèse - parce que je comprends qu'il est
assez lourd - vous allez voir quand même que notre population à
Montréal est plus vaste que les autres régions économiques
de notre province. Donc, le fond de notre plan, c'est de diviser notre
système de services sur une base sous-régionale qui suit la
découpure de nos départements de santé communautaire.
Nous avons des bassins de population, dans ces DSC, à partir de
quasiment 400 000 personnes jusqu'au plus petit, soit 160 000 personnes
environ. Donc, vous pouvez préconiser que, peut-être avec
l'exception de Trois-Rivières, un de nos DSC représente la
population des autres régions économiques.
Alors, pour nous, nous voulons assurer aux handicapés mentaux,
premièrement, à la suite d'un des principes d'abord inclus dans
le chapitre V de la Loi sur les services de santé et les services
sociaux, que les services soient disponibles à tout individu sur une
base au moins régionale. Pour nous, nous tenons à aller encore
plus loin, afin que les services soient disponibles dans la communauté,
autant que possible, sur une base sous-régionale. Seuls les programmes
très spécialisés devraient se retrouver à une
planification régionale.
Avant d'aller plus loin, j'aimerais passer la parole à M. McNeil,
qui a vraiment travaillé énormément pour développer
ce plan avec nous et je tiens à vous dire que c'est un plan, mais c'est
un plan qui est déjà au niveau de l'actualisation. M. McNeil.
M. McNeil: Merci. Pour commencer, je pense qu'il est important de
préciser que le plan régional à Montréal est
fondé d'abord et avant tout sur la reconnaissance des droits de la
personne handicapée: le droit d'avoir accès à des services
proches de son lieu de demeure, dans un milieu non institutionnel autant que
possible, respectant sa langue et sa religion, des services adaptés
à ses besoins particuliers et contenus dans son plan de services.
Le premier chapitre de notre document, "Plan régional", traite
précisément de la
question de la reconnaissance des droits des personnes
handicapées et des personnes ayant une déficience intellectuelle.
En extension à la reconnaissance des droits, il y a une série de
principes qui nous guident dans l'élaboration des divers programmes et
dans l'organisation de services dans la région de Montréal. Le
premier de ces principes est celui de la normalisation, c'est-à-dire
l'utilisation de moyens qui sont culturellement normatifs et valorisants pour
la personne, afin qu'on puisse atteindre des objectifs de programmation qui
sont contenus dans les plans de services de tous et chacun.
On demande également que les plans élaborés tant au
niveau de la région qu'au niveau de nos sous-régions et au niveau
individuel prévoient la participation de la personne, de son
représentant ou des représentants de sa famille. On demande
également que les services prévoient ce qu'on pourrait appeler
l'intervention précoce, une intervention rapide afin de prévenir
l'institutionnalisation ou le besoin d'institutionnalisation. On demande
également que le tout fasse l'objet de planification.
Quand on parle plus précisément de projets de
désinstitutionnalisation, ce n'est pas quelque chose qui s'improvise,
ça doit faire l'objet de planification. Et cela, pour nous, encore,
c'est à l'échelle de chaque individu dans son plan de services,
à l'échelle d'une sous-région ou des établissements
d'une sous-région et à l'échelle régionale.
Notre deuxième chapitre traite plus précisément
d'une définition de la population cible. Là, je crois qu'il est
important de préciser que les personnes qui ont une déficience
intellectuelle ne sont pas forcément des personnes qui ont des
problèmes d'ordre psychiatrique. Ils ont une déficience au niveau
intellectuel et ils doivent avoir accès à des services qui
répondent à leurs besoins spécifiques. Cela ne veut pas
dire, cependant, s'ils ont un problème psychiatrique, qu'ils ne doivent
pas avoir accès à ces services également. Mais, d'abord,
une personne qui a une déficience intellectuelle doit avoir accès
à des services qui correspondent à ses besoins. Il n'y a pas
très longtemps, les services offerts dans la région de
Montréal, du moins, étaient offerts tantôt pour des
personnes de tel âge à tel âge ou avec des
caractéristiques particulières. Aujourd'hui, la définition
que nous donnons à la population cible vise essentiellement à
éliminer des critères d'exclusion et à assurer que tous et
chacun ont accès à des services et font partie de la population
cible.
Notre troisième chapitre touche précisément la
question de la sous-régionalisation. La sous-régionalisation,
quant à nous, n'est pas un objectif; c'est un moyen dont la
région veut se doter pour faciliter l'accès à des services
sans discrimination, en prévoyant une gamme complète de services
organisés pour répondre à des besoins identifiés.
On veut aussi faciliter la participation de la personne, de son
représentant à la vie des établissements, à la
structure de planification, autour des questions qui lui sont proches. La
participation, par exemple, d'une association de parents située à
l'ouest de l'île prend son sens dans la mesure où cette
association se penche sur les questions de l'ouest de l'île. Ils sont
peut-être moins habilités à se pencher sur des questions
à Rivière-des-Prairies ou à Pointe-aux-Trembles. On croit
qu'on peut accentuer la participation des personnes en les situant dans les
milieux qu'elles connaissent bien.
On veut également faciliter l'intégration sociale de la
personne ayant une déficience intellectuelle en favorisant chez elle la
sensation d'appartenance à son milieu, dans son quartier, en
développant chez elle la connaissance des ressources
génériques dans son milieu: le magasin du coin, son trajet
d'autobus qu'elle va prendre à tous les jours. En circonscrivant les
milieux, on peut augmenter son autonomie. {14 h 45)
L'un de nos objectifs, c'est d'assurer que la personne puisse
développer le maximum d'autonomie dans un milieu identifié. On
croit également, et cela, conformément aux droits que l'on a
reconnus aux personnes handicapées, qu'elles ont le droit au support du
milieu familial. Si on ne tente pas de maintenir la personne au moins à
proximité de son milieu familial, les liens avec la famille deviennent
de plus en plus difficiles à maintenir. Pour nous, cela est
fondamental.
Sur une échelle administrative, il est bien sûr que la
sous-régionalisation nous fournit aussi certains paramètres pour
mieux répartir lès ressources sur l'ensemble de la région.
On vise à ce que chaque sous-région ait sa quote-part des
ressources disponibles dans la région. Nous n'avons aucune raison de
croire à ce stade-ci que le taux de "prévalence" serait
nécessairement plus élevé dans certains milieux
plutôt que dans d'autres. Les statistiques que nous avons actuellement
nous laissent croire que le taux d'incidence à Verdun ou à Laval
est presque le même pour ces bassins de population.
Cela nous permet aussi d'éviter qu'il y ait des
dédoublements dans l'organisation de services communautaires. Si,
à l'insu des unes et des autres, chaque corporation devait implanter des
foyers de groupe dans le même quartier ou sur la même rue, on
dépasserait très rapidement des taux de saturation et on
s'attendrait, à ce moment-là, qu'il y ait un mouvement de
protestation des personnes non handicapées dans les mêmes
quartiers. En s'assurant que chaque quartier intègre ses propres
personnes handicapées, les arguments
contre les projets de désinstitutionnalisation ou le maintien des
personnes handicapées dans leur milieu seront beaucoup beaucoup moins
grands en tout cas. Pour nous, la sous-régionalisation est un moyen qui
nous permet d'atteindre ces objectifs.
Dans une région comme Montréal, il est aussi très
important de ne pas créer des citoyens de deuxième classe. La loi
dit que les services doivent être offerts sans distinction de langue ni
de religion. Cela s'applique autant, quant à nous, aux clientèles
francophones qui habitent les quartiers anglophones qu'aux anglophones qui
vivent dans des quartiers francophones. Cela s'applique également
à l'ensemble de nos communautés culturelles. On vise à
respecter la langue et la religion de tous et chacun et que les services
tendent à respecter les traditions familiales. À ce
moment-là, chaque individu a le droit de recevoir des services qui sont
situés à proximité de son Heu de demeure, dans sa langue
et autant que possible même dans son milieu naturel.
Cela veut aussi dire que nous devons désigner des
responsabilités. Si on veut que les services dans une sous-région
donnée répondent aux besoins de cette sous-région, il faut
responsabiliser les corporations présentes dans ces sous-régions
afin qu'elles rendent les services qui correspondent aux besoins de la
population. Pour ces raisons, le plan régional à Montréal
prévoit la sous-régionalisation de notre territoire. Comme Mme
Thibodeau l'a mentionné, les populations de nos sous-régions sont
équivalentes aux populations des régions administratives ailleurs
au Québec.
Dans le chapitre IV nous parlons d'une gamme de services quant au
maintien d'une personne handicapée dans la communauté. La
désinstitutionnalisation des personnes qui vivent présentement en
milieu institutionnel, que ce soient les centres d'accueil ou les
hôpitaux psychiatriques, dépend de l'implantation d'une gamme de
services offerts à la personne handicapée et à sa famille
dans leur milieu naturel de vie. Sans vouloir être exclusif nous avons,
au chapitre IV, détaillé la gamme de services d'adaptation que
nous entendons implanter dans chacune des huit sous-régions de
Montréal.
Il est bien sûr que l'accent est sur les services non
institutionnels. On tient pour acquis qu'avec une gamme de services offerts
à la personne dans la communauté le recours au milieu
institutionnel s'adressera, évidemment, à un nombre plus
restreint de personnes.
Au chapitre V, nous avons désigné des
responsabilités à des centres d'accueil publics dans chacune des
huit sous-régions et ce, en fonction d'une double gamme de services.
Nous avions, il y a quelque temps, des ateliers protégés,
financés par l'État du
Québec, qui n'étaient pas des établissements.
Aujourd'hui, la majorité de nos ateliers sont devenus des centres
d'accueil et ils visent la préparation d'une gamme complète de
services pour une intégration au marché du travail. Pour certains
individus, évidemment, ces activités vont être à
plus long terme. Pour d'autres, ce sera à court terme. Mais il y a toute
une gamme de services qui sont très pertinents pour ce type
d'intégration. Nous avons une autre corporation qui comprend les centres
d'accueil plus traditionnels qui offrent une gamme complète de services
visant à l'autonomie de la personne dans les activités de la vie
quotidienne. Pour une personne adulte, c'est la complémentarité
de ces deux types de centre d'accueil qui assure la mise sur pied d'une gamme
complète de services qui permettent son intégration sociale.
Au chapitre V, la désignation des responsabilités touche
à la fois les établissements responsables des activités de
la vie quotidienne et les activités de travail proprement dites.
Au chapitre VI - et c'est peut-être le point fondamental, quant
è nous - tout tourne autour des plans de services qui seront
organisés pour chaque individu. On peut vouloir se doter de
règles ou de paramètres, mais c'est vraiment autour des plans
individualisés de services que l'avenir d'une personne peut être
planifié en respectant ses droits et ses volontés ainsi que ceux
de sa famille.
La deuxième partie de notre plan touche les structures que nous
voulons mettre sur pied. Ces structures de base sont des structures qui
viseraient à nous assurer que nous sommes en mesure de fournir une
certaine coordination des plans de services et des plans d'intervention pour
chaque individu. À ce stade-ci, nous voyons un rôle assez
privilégié pour les centres de services sociaux. Nous comprenons
que c'est une position qui diverge peut-être de celle d'autres
régions administratives où les CLSC sont peut-être plus en
mesure d'assurer rapidement ce rôle-là. Quant à nous, nous
croyons que c'est un rôle qui devrait être joué par les
centres de services sociaux è une échelle sous-régionale
encore pour quelque temps.
Le chapitre VIII traite de la commission administrative. Par la
commission administrative, nous voulons maintenant dépasser les centres
d'accueil de réadaptation et les centres hospitaliers et rejoindre
d'autres secteurs. Nous voulons élargir la composition de notre
commission actuelle pour rejoindre des personnes provenant du service de
première ligne, des services de l'éducation, la main-d'oeuvre,
tous les secteurs qui ont une importance première et, il faut le dire,
l'intégration sociale des personnes handicapées n'est pas la
responsabilité du seul ministère des Affaires sociales et
de ses établissements. C'est vraiment une responsabilité
collective. Il faut s'assurer que les services des Affaires sociales puissent
soutenir les démarches et les efforts faits dans d'autres secteurs pour
faciliter l'intégration sociale des personnes handicapées
intellectuellement.
Évidemment, si on s'oriente vers une structure
sous-régionale, nous devons prévoir une structure de
planification sous-régionale. Nous avons prévu des tables de
concertation sous-régionales qui auront, d'abord et avant tout, à
identifier les besoins spécifiques d'une sous-région et à
proposer, par leurs établissements, des moyens pour répondre
à ces besoins. Cela fournit aussi un lieu de sensibilisation de
l'ensemble des intervenants dans une sous-région donnée aux
problématiques de l'intégration sociale des personnes ayant une
déficience intellectuelle. Cela peut servir aussi de lieu de
concertation de ces diverses instances.
Mme la Présidente, cela complète le tour d'horizon de
notre plan régional. On vous a transmis également certaines
annexes. La planification dans la région de Montréal se fait de
concert avec l'ensemble de nos établissements concernés. Il y a
une série de critères minimaux à respecter dans
l'implantation des services que nous demandons à chacun de nos
établissements. Nous avons prévu que chaque établissement
ne déposera sa planification pour les trois prochaines années que
s'il se situe dans le cadre du plan régional qui est maintenant
adopté par notre conseil d'administration.
Vous avez également une copie d'une brève synthèse
de la situation actuelle pour chacun des chapitres que je viens de vous
présenter. C'est vraiment très bref. Cela ne rend peut-être
pas justice à la problématique dans la région de
Montréal. Vous avez également, à la fin, une politique
régionale visant le rapprochement de la personne ayant une
déficience intellectuelle de son milieu naturel de vie et ce, en fin de
compte, pour s'assurer qu'on respecte le droit des personnes, leurs
désirs, le choix des adultes, l'entourage et les amitiés que les
adultes ont pu contracter lors de leur séjour en milieu institutionnel,
par exemple.
On vise à ce que le tout soit mis en application d'une
façon humaine et vraiment en ramenant le tout à
l'intérieur du plan de services de chaque individu. C'est à cela
que nous voulons être sensibles dans la région de
Montréal.
Comme tel, je pense qu'on ne vous fait pas de recommandation
précise autre que de vous dire que le conseil régional de
Montréal et les conseils régionaux à l'échelle du
Québec ont une responsabilité quant à la planification des
services. La désinstitutionnalisation et le maintien des personnes ayant
une déficience intellectuelle dans la communauté devraient faire
l'objet d'une qualification régionale. On vous offre notre plan pour
vous montrer que, dans la région de Montréal du moins, nous
sommes prêts à revoir l'intégration sociale des personnes
en respectant leurs droits et à l'intérieur d'un cadre qui vise
essentiellement à respecter ces droits.
Nous voulons également nous assurer qu'avec les fonds disponibles
- cela ne veut pas dire qu'on croit que les fonds sont adéquats, mais
cela veut dire qu'avec les fonds déjà disponibles dans la
région de Montréal, que nous pouvons estimer actuellement
à près de 100 000 000 $, il y a moyen de faire des
réaménagements de ressources de façon à
prévoir la désinstitu-tionnalisation des personnes et à ce
qu'elles aient accès à des services de soutien dans la
communauté qui correspondent à leurs besoins.
Déjà, depuis dix ans, je peux vous dire qu'il y a eu dans
la région de Montréal une réduction substantielle dans nos
centres d'accueil des places institutionnelles. Nous desservons plus de
personnes aujourd'hui sans budget de développement que nous n'en
desservions il y a cinq ans et ce, essentiellement dans des services non
institutionnels. C'est une démarche que nous entendons poursuivre au
cours des prochaines années. Je pense que je vais m'arrêter
là pour l'instant.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci beaucoup, M.
McNeil. D'abord, je veux remercier la commission administrative du Conseil de
la santé et des services sociaux de la région de Montréal
métropolitain, la commission administrative sur la déficience
mentale. Vous ne touchez pas... Si je comprends bien, il y a une autre
commission administrative pour la psychiatrie, n'est-ce pas?
M. McNeil: C'est bien cela. Oui. (15 heures)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Et qui, elle, ne vient
pas, je pense.
M. McNeil: II y a une question de lien, cependant, avec les
personnes ayant une déficience intellectuelle en milieu psychiatrique
que nous allons revoir prochainement. Pour nous, cela se situe è
l'intérieur du dossier de l'hôpital Louis-Il. -Lafontaine,.
où il y a déjà eu une enquête, un tuteur qui est en
place et qui a formulé des recommandations qui nous permettraient - pour
ce qui est de l'hôpital Louis-Il. -Lafontaine du moins - de
prévoir au cours des cinq prochaines années la prise en charge
des personnes ayant une déficience intellectuelle par les centres
d'accueil qui ont un mandat pour desservir cette population et d'amorcer avec
ce réseau l'intégration sociale des personnes ayant une
déficience intellectuelle, mais qui résident
présentement en milieu psychiatrique.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Je vous
remercie de votre mémoire. Évidemment, c'est un plan d'action qui
a été formulé par la commission administrative. La
première question que j'aimerais peut-être vous poser, c'est:
Où en êtes-vous? Ce plan a été adopté par le
conseil régional. C'était dans la lettre d'introduction, de
mémoire je pense que c'était en mai ou juin 1985. Je pense que ce
plan-là a été adopté par le conseil régional
comme étant la politique d'action à l'endroit des personnes
atteintes de déficience mentale pour l'agglomération de
Montréal. Est-ce bien cela?
M. McNeil: C'est ça.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aimerais savoir dans
quelle mesure l'implantation de ce plan est déjà en voie de
réalisation. Pour vraiment donner tous les services - parce que j'ai
vraiment lu votre mémoire - que vous décrivez, quels sont les
moyens financiers que ceci va requérir? Je vais vous donner un exemple.
Vous dites dans le plan que l'enfant qui a une déficience mentale en bas
âge, au préscolaire, au scolaire, etc., doit recevoir tel ou tel
service. Par exemple, on sait qu'au préscolaire il n'y a pas de
disposition dans la Loi sur le ministère de l'Éducation à
l'endroit de ces enfants comme pour les enfants réguliers à
partir de cinq ans, mais pas pour les années antérieures
où l'enfant est en très bas âge et où on juge que
c'est important d'agir le plus tôt possible pour cette catégorie
d'enfants, ces services-là, je pense, sont pratiquement inexistants, sur
une base générale, en tout cas.
M. McNeil: Je peux vous dire qu'il existe...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Laissez-moi finir ma
question! Ma question précise est, tenant compte de cette personne
déficiente mentale et de tous les services que vous demandez, quels sont
les coûts que vous prévoyez à la réalisation de ce
plan d'action et dans quelle mesure il est déjà
réalisé. Je sais que vous avez donné des chiffres. Vous
avez dit: Si on prenait les 100 000 000 $ et qu'on les répartissait
autrement, on arriverait à la même chose. On sert plus de gens
hors des institutions que dans les institutions pour le même montant
d'argent, etc. Mais, quand il s'agit de formuler cela d'une façon
concrète, cela implique quoi comme déboursés?
Mme Taylor-Thibodeau: Est-ce que vous désirez que nous
commencions par la fin de votre question ou par le début?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Comme vous voudrez.
Mme Taylor-Thibodeau: Je vais laisser les cents à M.
McNeil.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
Mme Taylor-Thibodeau: J'aimerais peut-être mieux, Mme la
Présidente, répondre à la première partie de votre
question, aux termes de "Où en sommes-nous à ce moment?" Vous
savez, nous avons passé par des étapes assez difficiles avec le
développement de ce plan, car le plan même, pour beaucoup de nos
établissements qui sont maintenant, je dirais, quasiment à 100 %
derrière l'esprit et les principes de ce plan, impliquait quand
même au début certaines prises en charge par le conseil
régional, par la commission, de certaines libertés acquises par
leur conseil d'administration, leurs cadres, etc., qu'ils voyaient comme leur
budget, ce qu'ils voyaient comme leurs responsabilités, comme leurs
droits, etc.
Mais, vous savez, au cours des années, en discutant ensemble, en
travaillant ensemble, nous avons fait du progrès. À un certain
moment, il y a quasiment deux ans, il y a eu fermeture d'une de nos
institutions avec la mise en disponibilité de quasiment 1 800 000 $ qui
ont été utilisés pas nécessairement par la
corporation qui avait fait cet argent en libérant et en fermant une
institution, mais plutôt par le réseau entier, car, ensemble, nous
avons pu établir les priorités et les besoins. C'est devenu
très important pour nous, cette capacité de travailler ensemble
et de nous sentir responsables comme directeurs d'établissements publics
et de réaliser que ce n'était pas notre boutique qui était
l'important, que ce qui était important, c'était que nos
boutiques, ensemble, répondraient de la façon la plus saine aux
besoins de la population.
Nous avons demandé, pendant les trois dernières
années, la présentation d'un plan d'aménagement qui
répondait - comme M. McNeil l'a dit tantôt - de l'apport de chacun
de nos établissements. Nous avons reçu ce genre de plan de
quasiment chacun d'eux. C'est un plan qui vise la continuation, qui vise des
pourparlers entre établissements, qui vise une rationalisation des
services.
Pour en venir peut-être, Mme la Présidente, à un de
vos derniers points, les demandes de lits institutionnels ont beaucoup
baissé en ce qui concerne la population de zéro à
quasiment douze ans. Ceci est à cause de la prise en charge par nos
centres d'accueil de la responsabilité de programmes de stimulation
précoce et de programmes de
soutien à la famille.
Vous avez raison quand vous dites que nous n'avions pas tous ces aspects
d'une programmation nécessaire. Nous croyons, vis-à-vis de la
stimulation précoce qu'on répond quand même d'une
façon assez adéquate dans notre propre région. C'est
peut-être plutôt pour les programmes spécialisés et
les programmes de soutien à la famille du jeune handicapé mental
qu'il y a vraiment encore des lacunes.
Mais nos centres d'accueil préconisent que, de plus en plus, ils
veulent aller et doivent aller vers les services doux. Ils sont aussi
très conscients que, depuis quelques années, les fonds de
développement ne sont pas les mêmes que dans les années de
vaches grasses. Ils l'acceptent et savent qu'il faut, de plus en plus, qu'on
regarde ce qui est disponible et que nous devenions de plus en plus innovateurs
dans le système de services que nous développons.
Je vais laisser la parole à Ron, parce qu'il est toujours
à la fine pointe des cents, parce qu'on l'achale tout le temps.
Naturellement, pour l'application de notre plan, il y a des coûts et je
ne dirai pas que desservir une population de personnes ayant un handicap
intellectuel va coûter beaucoup moins cher sur une base communautaire que
sur une base institutionnelle. Mais nous pouvons vous assurer que cela ne
coûtera pas plus cher et que cela nous donnera la capacité comme
société collective de répondre à ces besoins de la
façon - comme on vous l'a dit et comme on le dit dans notre document -
la plus "normalisante" et la plus valorisante possible pour ces personnes. Ron,
les budgets.
M. McNeil: Je vais vous donner des chiffres très arrondis.
Le gouvernement du Québec dépense environ 50 000 000 $ dans les
centres d'accueil de réadaptation.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour la région de
Montréal.
M. McNeil: Pour la région de Montréal. La plus
grande partie - on remonte à 1975 -de cet argent était presque
exclusivement dépensée dans les milieux institutionnels.
Aujourd'hui encore, la majorité des dollars est là. Nous sommes
en mesure, avec les fonds disponibles, d'assurer qu'on implante au moins des
embryons de services dans chacun des secteurs ou chacun des services qui sont
énumérés dans notre document. Il y a actuellement au moins
cinq centres de services de stimulation précoce sur le territoire de
Montréal. On vient d'implanter un service au centre d'accueil Le Relais
Laval, pour le territoire de Laval.
On a généré des fonds par la fermeture
d'installations institutionnelles. On a généré, dans la
région de Montréal, nos propres fonds de développement, si
on veut. Mais, comme l'a mentionné Mme Thibodeau, c'est toute une
démarche de demander à un établissement d'entreprendre la
fermeture d'une installation, tout ce que ça implique au niveau des
relations du travail et du respect des droits des travailleurs - il ne faut pas
qu'on oublie les travailleurs du réseau des Affaires sociales - de
réorienter les personnes qui résidaient dans ces milieux vers des
ressources encore plus appropriées à leurs besoins et,
finalement, de voir à ce que cet argent soit transféré
à d'autres corporations.
C'est effectivement ce que nous avons réussi dans la
région de Montréal, en responsabilisant les centres d'accueil qui
sont, dans le fond, des gestionnaires de fonds publics et qui ont toute une
responsabilité collective pour l'ensemble de la population. Mais on leur
donne en même temps des responsabilités particulières pour
l'ensemble des populations des huit sous-régions. Nous croyons, avec les
fonds actuels... Je vais dépasser les 50 000 000 $ au niveau des centres
d'accueil de réadaptation, et nous pourrons parler de 100 000 000 $
quand on regarde les fonds dépensés pour des personnes ayant une
déficience intellectuelle en milieu psychiatrique, On pourrait amorcer
un réaménagement des ressources actuelles dans l'ensemble des
services actuellement disponibles pour les personnes ayant une
déficience intellectuelle.
Nous avons prévu un plan peut-être un peu plus
détaillé, par exemple, en ce qui a trait à l'hôpital
Louis-H. -Lafontaine pour prévoir la sortie des personnes dans le
réseau des centres d'accueil et un transfert des fonds pour accompagner
ces personnes, par l'organisation de services adaptés pour
répondre à leurs besoins spécifiques.
Cela voudrait dire qu'on pourrait réaménager à
Montréal des services d'adaptation ou de réadaptation
équivalents aux sommes que l'État dépense actuellement.
Bien sûr, on ne répond pas à 100 % des besoins. Il y a
à Montréal, actuellement, plus de 700 personnes qui attendent
leur entrée aux ateliers des services d'apprentissage aux habitudes de
travail. Ce n'est pas un petit problème. On a investi beaucoup dans ces
personnes, on a investi au niveau des services de la stimulation précoce
en milieu scolaire et, à l'âge de 21 ans, où, normalement,
il devrait y avoir une suite, il n'y en a pas. Ce n'est pas parce que les
services n'existent pas; les services adaptés à leurs besoins
existent, mais pas en quantité suffisante, et je dirais que
peut-être la crise économique nous a coupé les jambes, dans
le sens où ce fut encore plus difficile, l'intégration au
marché du travail pour les personnes handicapées durant cette
période.
Mais on voudrait cependant, avec la reprise économique, bien
former nos jeunes
pour qu'ils soient capables d'accéder à certains postes
auxquels ils seraient capables d'aspirer dans les prochaines années.
Cela aussi, ça veut dire que les ateliers, les services d'apprentissage
aux habitudes de travail adaptent les apprentissages aux types d'emplois
disponibles dans leur région et aux types d'emplois que les personnes
handicapées vont être susceptibles d'occuper; ça demande
toute une réorganisation au niveau du contenu des programmes. (15 h
15)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce que vous dites, M.
McNeil - le temps passe -c'est que, si on pouvait réaliser un plan de
désinstitutionnalisation de la part des centres d'accueil et
également des institutions psychiatriques, on pourrait dégager
des sommes suffisantes pour, au moins, réaliser en grande partie le plan
d'action qui est ici.
M. McNeil: Je pense que oui. La réponse est oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Quelles sont les
difficultés que vous rencontrez dans la réalisation de ces
objectifs? Mme Thibodeau y a touché un peu du point de vue de travailler
avec les conseils d'administration qui, à juste titre, ont monté
leurs centres d'accueil parce qu'ils étaient identifiés à
leurs centres d'accueil ou à leurs boutiques, comme vous disiez...
Est-ce que les difficultés du côté de Louis-Il.
-Lafontaine, où vous semblez avoir amorcé un certain travail
d'après ce que j'ai cru comprendre, peuvent être surmontées
éventuellement?
M. McNeil: Dans le fond, le plan régional, il est bien
sûr qu'il ne va pas dans les détails des projets individuels de
désinstitutionnalisation pour chacun des centres d'accueil, par exemple.
On croit que c'est un cadre, une assise sur laquelle chaque centre d'accueil
peut se fier pour amorcer son propre plan de désinstitutionnalisation.
Nous, au conseil régional, allons être très vigilants pour
nous assurer que chaque établissement prépare ses plans et que
ceux-ci soient conformes au plan régional. Dans le fond, c'est un cadre
de référence dans lequel on s'assure que les droits de chaque
individu seront respectés.
Dans ce sens-là, les problèmes que nous avons
rencontrés jusqu'à maintenant par rapport aux principes
semblent... Enfin, les gens qui se sont attardés au contenu de notre
plan... Je lis des reportages dans les journaux sur notre plan et je peux vous
dire que les gens ne l'ont pas lu ou bien on n'a jamais rapporté ce que
je vois dans les reportages. Il est bien sûr qu'il y a peut-être
certains groupes qui, dans le contexte actuel, voudraient voir un
aménagement qui soit autre que celui-ci. Dans la mesure où on
arrive à créer dans la région un certain consensus, il est
bien sûr que chacun va mettre un peu d'eau dans son vin. C'est le
bien-être de l'ensemble. Il y a des revendications, par exemple, d'un
groupe comme Alliance Québec qui verrait plutôt à ce qu'un
établissement, le centre d'accueil Promotions sociales Taylor-Thibodeau,
ait un mandat particulier.
À ce moment-là, ce qui est problématique quant
à nous, c'est de créer jusqu'à un certain point du
non-respect des droits de la communauté anglophone, qui va se retrouver
en milieu... Je parle par exemple de Pointe-aux-Trembles. Des familles
anglophones habitent à Pointe-aux-Trembles qui ont un enfant avec un
déficience intellectuelle et elles ont également droit à
des services facilement accessibles dans la communauté qui vont
faciliter l'apprentissage chez le jeune de l'utilisation des infrastructures
accessibles dans sa communauté. Ce n'est pas notre objectif de maintenir
une entité corporative qui ne répond pas à cet
objectif.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous écoute
parler sur cette question-là, puisque c'est vous qui l'abordez, vous
traitez de votre plan d'action en page 33 de votre mémoire. J'ai
l'impression à vous écouter parler - d'ailleurs, vous parlez au
bas de la page et cela m'a un peu surprise comme expression: "Des services
destinés pour l'une ou l'autre communauté approchant un
modèle d'apartheid ne semblent pas le meilleur garant des objectifs
poursuivis. " Évidemment, on réagit toujours au mot "apartheid"
et c'est pour cela que ça m'a un peu surprise lorsque j'ai vu cela. Par
exemple, une communauté dit vouloir réclamer des services dans sa
langue et la préservation des institutions; on sait fort bien que, dans
le domaine de la déficience mentale, la communauté anglophone a
une tradition encore plus longue que celle des institutions francophones. Mme
Taylor va certainement s'en souvenir, on se connaît depuis longtemps.
Vous semblez blâmer un peu Alliance Québec. Dans le fond,
est-ce que ce n'est pas non plus quelque chose de légitime? N'est-ce pas
quelque chose qui, dans une certaine mesure, peut répondre mieux aux
besoins des enfants d'une autre culture ou d'une autre langue? Peut-être
pas l'amalgamation que vous proposez, mais je n'étais pas sûre de
votre point de vue, et vous dites - je pense que c'est dans votre
résumé" La situation actuelle et les impacts prévisibles"
- qu'il faudrait que Taylor-Thibodeau change un peu sa perception des choses.
Je ne cite pas le texte, mais c'est un peu cela que vous dites. Maintenant je
ne veux pas entrer dans le fond du problème vis-à-vis de
Taylor-Thibodeau. Oublions-le
pour le moment, mais je veux vraiment le traiter au point de vue d'une
minorité ou de plusieurs minorités voulant être servies
adéquatement dans leur langue, à qui on veut assurer que les
professeurs ou, enfin, les moniteurs, ou appelons-les comme on le voudra,
soient des gens qui aient des affinités culturelles avec eux,
particulièrement au point de vue linguistique.
Mme Taylor-Thibodeau: Mme la Présidente, vous allez voir
que dans le mémoire, pour plusieurs de nos centres d'accueil, incluant
les Promotions sociales, nous avons donné un rôle
supplétif, à savoir que nous savons fort bien que toutes nos
corporations, qu'elles soient d'origine francophone ou anglophone ou juive, ne
seront pas en mesure d'une journée à l'autre d'offrir des
services adéquats qui répondent et qui suivent le plan de
programme et le plan d'intervention individuelle d'un individu. Nous le savons.
Ceci est surtout vrai des services dits institutionnels. D'autre part, nous
avons l'exemple concret depuis cinq, six ou sept ans que le besoin
institutionnel a baissé énormément. Nous croyons que des
services moins structurés et communautaires peuvent être
donnés dans les deux langues par une corporation anglophone ou par une
corporation francophone. Le milieu de vie institutionnel ne nous demande donc
pas d'une journée è l'autre des changements radicaux, mais pour
une famille anglophone ou francophone qui se voit minoritaire dans une de nos
sous-régions nous ne croyons pas qu'ils devraient avoir la
nécessité de traverser la ville pour recevoir des services soit
en anglais ou en français. Le point de vue...
Une voix: Les parents.
Mme Taylor-Thibodeau: Si les parents le désirent, c'est
dans la loi. Nous avons le droit de nous adresser où l'on veut, n'est-ce
pas? On ne peut pas forcer quelqu'un à aller à l'hôpital
Saint-Luc parce qu'il demeure dans le bassin de la population de
l'hôpital Saint-Luc. Il a le droit de s'adresser à n'importe quel
établissement public. C'est un droit inhérent qui va demeurer. Ce
n'est pas un mémoire qui va changer les principes de la loi. Cela va de
soi. Mais, entre faire le choix et être obligé de faire ce
choix-là, il y a une grande différence pour la population, parce
qu'on ne vise pas les droits des corporations comme tels. Ce n'est pas notre
rôle. On vise les droits des bénéficiaires. C'est un fait,
notre province n'est pas une province comme les autres et c'est magnifique.
Nous voulons une véritable intégration sociale pour nos
bénéficiaires. C'est nécessaire que nos
bénéficiaires comme tout le monde ici aient l'habileté de
parler, sinon les deux langues, du moins la langue de la majorité de
notre province. Et ce n'est pas dans le meilleur intérêt de nos
handicapés intellectuels de les garder dans... J'espère que je
m'exprime bien. Je suis anglophone et j'ai beaucoup travaillé, comme
vous l'avez dit. Mais je n'ai jamais travaillé pour des corporations
comme telles et pour le maintien d'idéologies, qui changent avec les
années et qui doivent changer avec le temps et répondre aux
besoins du temps. Notre plan régional a été adopté
à l'unanimité par les commissaires de notre commission qui
représentent également les deux secteurs, francophone et
anglophone. De plus, il a été accepté en principe par tous
les conseils d'administration de nos établissements publics dans la
région 6A. Naturellement, des changements imposent des ajustements
difficiles à accepter quelquefois, mais nous croyons que cela va venir,
que cela va se faire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Comme je l'ai dit, je ne
veux pas faire une longue digression sur ce problème, mais vous savez
que se discute présentement toute la question de la "survie" - entre
guillemets -des institutions anglophones et des institutions juives. Vous
arrivez avec votre mémoire et vous relativisez - vous pouvez avoir
raison - ce problème en disant: C'est mieux et on pense que, tout en
permettant que les gens puissent être servis dans leur langue, on doit
aller vers une intégration linguistique ou culturelle qui... Il faut
toujours penser que le fonctionnement du conseil régional est
différent de celui des corporations. On peut bien accuser les
corporations d'avoir des intérêts pro domo, mais il reste qu'elles
sont aussi près de leur population. Ce sont souvent les gens
eux-mêmes qui les ont construites, etc. Enfin, ce n'est peut-être
pas nécessaire d'aller plus au fond, mais je veux vous indiquer que
c'est une attitude qui peut créer des problèmes, en tout cas,
dans la décision qui a été endossée par le CRSSS.
Vous avez pris soin de dire qu'il y a - comment dirais-je? - une approbation de
principe des établissements. Une approbation de principe, ce n'est
peut-être pas une approbation formelle, pratique et concrète des
établissements. J'ai eu l'impression que vous vouliez la situer à
un autre niveau.
M. McNeil: Nous avons reçu dernièrement un plan qui
nous a été proposé par le centre d'accueil Les Promotions
sociales Taylor-Thibodeau et qui a été entériné par
son conseil d'administration dans lequel on nous dit qu'il est tout à
fait prêt et disposé à offrir des services aux populations
francophones des sous-régions telles que désignées dans le
plan régional. Il est bien sûr qu'avant qu'on puisse organiser des
services institutionnels, si besoin en est,
dans les sous-régions pour la population francophone, cela nous
demanderait encore un peu de travail et il faudrait peut-être envisager
des modalités particulières. Nous avions recommandé au
ministère des Affaires sociales - je pense que cela fait trois ans
-l'intégration, par exemple, de Château Pierrefonds, qui est
situé à l'ouest de l'île, aux Promotions sociales
Taylor-Thibodeau. Le conseil d'administration des Promotions sociales
Taylor-Thibodeau a accepté le mandat. Cependant, à
l'époque, le ministre avait décidé qu'il était plus
approprié que cette institution soit intégrée au centre
d'accueil Jean-Olivier-Chénier. Cependant, le ministre, tout en
acceptant de l'intégrer à Jean-Oliver-Chénier demandait
que les dispositions soient prises pour que cette corporation se resitue dans
les orientations que nous étions en train de préparer à
l'époque. Nous prévoyons quand même l'intégration du
centre Château Pierrefonds au centre d'accueil Les Promotions sociales
Taylor-Thibodeau à un moment qui serait propice et qui serait
agréé par les deux corporations. Donc, il y a des moyens
très concrets qui nous permettent que les deux communautés aient
accès à des services le plus localement possible. Cela, c'est
pour la clientèle francophone dans l'ouest de l'île de
Montréal et à Montreal General. (15 h 30)
II y a aussi les clientèles anglophones dans les autres
sous-régions. Tant et aussi longtemps que les centres d'accueil
francophones n'avaient pas accepté les mandats sous-régionaux,
cela voulait dire à ce moment-là que personne n'était
responsable pour la dispensation des services à la population anglophone
hors des territoires des Promotions sociales Taylor-Thibodeau. Aujourd'hui, on
peut vous dire que les conseils d'administration de ces établissements
sont prêts. Ils acceptent le mandat au même moment où on
regarde la grosseur des résidences. On va vers l'organisation de
résidences beaucoup plus petites. C'est beaucoup plus facile de voir
à respecter des traditions culturelles dans des résidences
où on regroupe quatre, cinq ou six personnes. On ne requiert plus
maintenant des centaines de personnes pour l'implantation d'institutions
proprement dites.
Cela nous donne aussi un moyen et je vous donne un exemple. Il y a
à peine un an j'ai eu à intervenir pour faire admettre quelqu'un
dans un centre d'accueil sur la rive sud de Montréal. On nous disait
qu'il n'y avait pas de services en anglais pour un jeune homme. Finalement on
avait dit: Oui, la personne peut être admise à Montréal,
pour autant que cela respecte des objectifs de programmation et qu'on ait
prévu les modalités de réintégration de cette
personne dans sa sous-région ou dans sa région aussitôt
qu'on aura atteint les objectifs pour la référence. Finalement,
ce qui s'est passé, c'est que c'était trop loin pour la famille.
Les visites, qui étaient mensuelles au début, il n'y en a presque
plus aujourd'hui. L'enfant est plus ou moins abandonné dans un centre
d'accueil institutionnel parce que les distances sont grandes et on demande
beaucoup aux parents dans ce temps-là.
Il faut donc qu'on se donne des moyens pour s'assurer que ce jeune homme
et les autres aient accès à l'appui de leur famille, qu'on les
favorise et qu'on les implique. Quand on regarde de grandes distances cela
devient très difficile et, quand on parle de l'intégration dans
le milieu naturel, je vais peut-être encore caricaturer un petit peu mais
c'est difficile à Beaconsfield de prévoir qu'une personne
développe l'autonomie d'utiliser des services à
Trois-Rivières si c'est son milieu naturel et que c'est là
où se trouve sa famille, ses frères et soeurs, etc. On dit
cependant que, pour des raisons exceptionnelles, si c'est vraiment la ressource
appropriée, qu'il est démontré que la personne doit
être institutionnalisée et qu'on peut réaliser les
objectifs dans un plan d'intervention, on va respecter évidemment les
désirs des familles.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est quand même un
petit peu marginal et c'est un peu ma faute. Vous m'avez tendu une perche et je
suis revenue là-dessus. Je voudrais vous poser une autre question
précise - je n'ai pas la page de mémoire - à savoir, quand
vous catégorisez les différents niveaux de déficience
mentale - Ah! je l'ai, la page 17 - et que vous faites quatre groupes, la
déficience mentale profonde, sévère, moyenne, etc., dans
le cas de la déficience mentale profonde, qui correspond au groupe le
plus atteint, comme vous le dites, est-ce que la
désinstitutionnalisation est possible et dans quelles conditions?
M. McNeil: Vas-y, je compléterai.
Mme Taylor-Thibodeau: Nous croyons que oui. Il y a
déjà de tels exercices qui ont été réussis
aux Etats-Unis et dans d'autres provinces du Canada. Naturellement cela prend
une planification très poussée. Les coûts pour cette
population sont naturellement plus dispendieux. Nous croyons que c'est
possible. Nous n'avons quand même pas tellement d'expérience
jusqu'à maintenant. On peut peut-être, avec les années,
voir que pour certains besoins on aurait encore la nécessité de
regrouper une vingtaine ou une trentaine de personnes. Nous ne le croyons pas
présentement. D'abord nous avons assez d'expérience pour
reconnaître le syndrome institutionnel. Nous savons que plus nous
regroupons de ce genre de personnes ensemble moins ils vont profiter de
n'importe quel programme qu'on va mettre à leur
disponibilité. Alors, pour nous, c'est surtout une
intégration de ces personnes, pas trop élevée, dans chacun
des services communautaires qui serait la réponse. Mais je ne serais pas
en mesure de dire aujourd'hui noir et blanc parce qu'il faut vraiment en faire
l'expérience.
La Présidente (Mme La voie-Roux): Pour ma part, il y a une
dernière question que je vais vous poser. Avec tout ce
phénomène de la désinstitutionnalisation ou cette approche
de la désinstitutionnalisation, qu'est-ce que vous prévoyez pour
les déficients mentaux adultes qui perdent leur parents?
Évidemment, il y a la question du parrainage civique - cela est une
chose. Mais, du point de vue de la continuité, l'un des problèmes
aigus des familles de ces enfants c'est ce qui arrive à leurs enfants
après leur disparition. Est-ce qu'il y a des formules vraiment
étanches qui ont fait leurs preuves pour remplacer ce qui,
jusqu'à aujourd'hui, a été le régime institutionnel
et qui soit vraiment étanche au point de vue de la protection des
individus et de l'assurance à donner aux parents?
M. McNeil: Je pense qu'une des meilleures garanties qu'on peut
offrir aux parents à ce stade-ci c'est de développer au maximum
l'autonomie et l'habileté de leurs jeunes.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais cela est un peu
théorique, n'est-ce pas?
M. McNeil: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quand vous avez quelqu'un
qui fonctionne comme un enfant de six ans et qu'il a 32 ans, et que ses parents
disparaissent, je suis bien d'accord pour qu'on développe l'autonomie,
mais...
M. McNeil: Bon. Je vais être plus concret.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je veux dire au plan
concret pour les parents qui savent qu'ils vont partir, qui ont un enfant qui
est dépendant dans certaines de ses fonctions et dans une certaine
mesure, je n'en disconviens pas, qu'est-ce que vous avez à offrir aux
parents dans votre plan d'action?
M. McNeil: Dans le plan d'action, le processus de
désinstitutionnalisation, je vais vous donner l'exemple de
l'ex-réseau Anbar qui était intégré au
réseau public, où il y avait un grand nombre de personnes avec
des handicaps très prononcés. On a pu, avec de l'aide de la
communauté, implanter, par exemple, des résidences communautaires
où vivent un certain nombre d'adultes qui provenaient du milieu
institutionnel et ceux qui proviennent de la communauté.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce n'est pas ma question,
M. McNeil.
M. McNeil: Nous voulons assurer une gamme de services
d'appartements supervisés à programme de jour...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce n'est pas là ma
question, M. McNeil.
M. McNeil:... pour que...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse. Ce n'est pas
là ma question, McNeil. Je sais quelles sont les mesures de
désinstitutionnalisation qu'on peut prendre. Je dis: Qu'est-ce que vous
avez à offrir aux parents d'adultes retardés ou qui ont une
déficience mentale - on peut s'exprimer là comme on veut - et qui
sont rendus à 75, 76 ans? Vous savez que c'est l'inquiétude
profonde des parents.
M. McNeil: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Les parents vont
collaborer tout au long de leur vie pour tous ces mécanismes de
désinstitutionnalisation. Ils peuvent le faire, il n'y a pas de
problème pour cela. Mais quelle est la garantie, non seulement morale
mais juridique et psychologique, que vous pouvez donner aux parents de ces
adultes?
Mme Taylor-Thibodeau: Je crois que le point le plus important
dans le plan pour donner l'assurance c'est le facteur responsabilité
qu'on donne à nos institutions publiques, à nos
établissements publics dans chacune de nos sous-régions pour
chacun des bénéficiaires qui demeurent sur leur territoire. Je
comprends très bien le sens de votre question. Il y a même
beaucoup de parents aujourd'hui qui revendiquent le fait qu'ils ont
gardé leur fille ou leur garçon dans leur milieu naturel. Puis,
ils viennent de plus en plus âgés, il n'y a pas de foyers de
groupe. Les foyers de groupe sont plutôt pour la clientèle des
institutions, qu'on est dans le processus de "desinstitutionalize". I cannot
say... Je ne peux pas dire ce mot en français. Mais en tous les cas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Désinstitutionnaliser.
Mme Taylor-Thibodeau: Mais, madame, c'est là les sous,
n'est-ce pas? Vous avez demandé, tantôt, l'argent, combien en
avons-nous besoin? Cela revient toujours à ce point-là. Mais, en
termes de prise en charge de l'individu, on voit que cette
responsabilité
est la responsabilité de nos établissements publics. Un
plan de services, un plan d'intervention...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II n'y a pas
d'établissements publics dans ce cas-là parce que vos
institutions sont disparues.
Mme Taylor-Thibodeau: Nos établissements publics, ce sont
nos centres d'accueil et ils ne sont pas disparus.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, mais...
Mme Taylor-Thibodeau: Madame, on peut changer le genre de
services qu'ils donnent et, parce qu'ils ferment des lits dits
"institutionnels", ils ont la même responsabilité, en termes de
permis de fonctionnement, de donner ces services. Au lieu de les donner dans
une boîte de 100 personnes, ils les donnent dans une série de
foyers de groupe, d'appartements supervisés, de résidences
communautaires. Le facteur responsabilité est le facteur de
l'institution. Mais, contrairement au passé, nous ne voulons pas que des
parents, pour s'assurer que, lorsqu'ils vont avoir 75 ans, leur jeune, qui ne
sera plus si jeune, va avoir une place adéquate pour vivre, qui
réponde à ses besoins, placent le jeune quand il aura six, sept
ou huit ans. Nous voulons une approche où le système est
conscient et connaît chacun des bénéficiaires, où le
système connaît les besoins des bénéficiaires sur
une base sous-régionale et qu'une planification se fait. Qu'on n'attende
pas qu'on ait une série de 100 individus âgés de 35 ans,
tout à coup, et qu'on dise: Oh, misère! Qu'est-ce qu'on fait avec
eux? C'était vraiment le cas dans le passé, mais, en offrant des
services plus doux, en offrant des services d'appui, nous espérons que
les sous, au moment où ils seront vraiment requis, vont être
disponibles.
Si on avait demain - d'abord pas juste nous, mais tous les organismes
qui travaillent pour différents regroupements - tout l'argent
nécessaire, les services seraient mis sur pied dans un avenir
très rapproché. Nous voulons changer la fabrique qu'on avait
antérieurement, mais on veut donner quand même aux parents la
même assurance que le milieu public; l'institution,
l'établissement public est là, mais pas pour
l'incarcération pendant une vingtaine d'années dans une
institution pour quelqu'un qui ne le requiert pas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela, je le comprends
bien.
Mme Taylor-Thibodeau: Vous comprenez?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Je vais laisser la parole au député de Marie-Victorin.
M. Pratt: À ce moment-là, ce serait comme une prise
en charge de ce jeune de 35 ou 40 ans, peu importe, et la société
ou le groupement se charge de le placer après le départ des
parents. Ou encore, advenant une incapacité totale des parents d'y voir,
il y a un regroupement qui prend la responsabilité de le placer, soit de
l'envoyer dans une famille d'accueil ou dans un centre de ce genre, si je
comprends bien. C'est une forme de tutelle que vous prenez. C'est
ça?
M. McNeil: Dans un centre d'accueil public, normalement ce jeune,
même s'il habite dans sa famille, aurait aussi son plan de services. On
pourrait prévoir ou envisager le moment où il doit quitter son
milieu familial parce que ses parents deviennent malades et incapables de
subvenir à ses besoins spécifiques. On planifierait et prendrait
la relève via le centre d'accueil qui, pour nous, est une entité
juridique. Il aurait des liens institutionnels s'il en a besoin, il aurait
aussi la gamme de services qu'on décrit dans notre plan. Je pense qu'on
ne va pas jusqu'à dire qu'on abolit, qu'on élimine
complètement les services institutionnels. On voudrait cependant qu'ils
prennent une part moins grande dans la gamme des services actuels.
Alors, le centre d'accueil avec le plan de services pour le jeune, une
activité peut-être de jour... Pour ce jeune-là, le moment
où il nécessiterait un placement, on pourrait le planifier. Il y
a une structure aussi qui est prévue pour la coordination de son plan de
services.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Bourassa. Il me reproche d'avoir été trop
longue, mais je ne vous ai pas vu lever la main. Je m'excuse.
M. Laplante: Cela fait longtemps.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je m'excuse, M. le
député. (15 h 45)
M. Laplante: J'aime bien votre mémoire. D'abord, il est
structurel, cela nous donne beaucoup d'idées pour l'avenir. Il y a des
choses que je comprends mal, en 1985 dans le domaine des personnes
âgées. Une personne est dans un milieu psychiatrique tel que le
centre Louis-Il. -Lafontaine, ou un autre que j'ai en mémoire, ici et le
médecin lui dit: Vous n'avez plus besoin de soins psychiatriques ici.
Quand c'est le temps de le sortir, les familles font appel aux services sociaux
du Montréal métropolitain et on dit: Eux, ce n'est pas de notre
ressort; c'est du ressort du Louis-Il. -Lafontaine. Il n'y a pas de
continuité dans les services qui se
donnent; cela, je le comprends mal. Cela a pris un petit peu plus d'un
an pour sortir ce patient de 83 ans de là où il
séjournait, dans une salle où il y avait environ 40 malades
psychiatriques, où il était le seul qui était correct,
dans nos termes à nous, aucune communication avec personne.
Cela nous a pris au-dessus d'un an pour pouvoir le sortir de là.
Le Conseil de la santé et des services sociaux de la région de
Montréal métropolitain renvoyait la balle au centre
Hippolyte-Lafontaine et Hippolyte-Lafontaine renvoyait la balle au Centre de
services sociaux du Montréal métropolitain. J'ai eu de la
misère à accepter cette chose. Cela ne prend pas d'argent pour
ça. Cela ne prend pas d'encadrement. Cela prend juste une volonté
saine d'esprit, il me semble, pour pouvoir essayer de prendre un malade du
troisième âge, comme cela, et de le placer dans un milieu naturel
où il voulait aller.
Maintenant, il y a tout le problème des chambreurs que vous ne
touchez pas ici, les ex-psychiatriques, comme on les appelle. Qu'est-ce que
vous avez comme programme dans tout ce secteur? Qu'est-ce que vous avancez
comme projet de suivi pour ces gens?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Bourassa, je m'excuse. À la commission
administrative, ils sont intéressés, si je peux dire, à la
déficience mentale. Le CRSSS du grand Montréal n'est pas venu
présenter quoi que ce soit touchant les expsychiatriques. S'ils veulent
répondre, ils en ont bien le loisir, mais...
M. Laplante: Si cela ne leur fait rien de répondre, la
réponse vient de là. S'ils avaient des choses à nous
dire...
M. McNeil: On pourra peut-être vous parler un peu des
personnes ayant une déficience intellectuelle à Louis-H.
-Lafontaine. C'est une problématique qui n'est pas
étrangère à la situation que vous avez décrite.
Jusqu'à fort récemment, Louis-H. -Lafontaine était un
centre hospitalier qui fonctionnait en vase clos. Il avait peu de liens avec
d'autres établissements dans la région de Montréal. Quand
on regarde la déficience mentale, il n'y avait aucun contact entre ce
secteur et la commission administrative chez nous au conseil régional.
Là, il y a une question de diagnostic. Il y a une foule de questions qui
ne sont pas tranchables. Les personnes qui sortaient de Louis-Il. -Lafontaine
allaient bien souvent dans les pavillons, quelquefois, dans des familles
d'accueil recrutées par le CSSSRMM et, parfois, ils sortaient avec des
ressources clandestines qui n'ont pas de permis et dont on ne connaît pas
nécessairement les adresses, ni le nombre de personnes qui se retrouvent
dans ces réseaux.
Pour ce qui est des déficients mentaux, ce que je peux vous dire,
c'est qu'on souhaiterait que le cadre de notre plan régional serve
à planifier avec Louis-Il. -Lafontaine la conversion d'une partie de
leurs ressources pour qu'on puisse les remettre à des ressources
appropriées à leurs besoins. Au niveau du troisième
âge, il y a également un plan de prévu avec le secteur
d'hébergement en soins prolongés du conseil régional par
lequel il y aurait également une réorientation de toutes les
personnes gériatriques ou psychogériatriques qui sont
présentement à Louis-Il. -Lafontaine. Encore là, on est en
train de créer les liens et aussi de regarder, à partir de
là, quelle est la vocation d'un centre hospitalier comme Louis-Il.
-Lafontaine, quels seront dorénavant les critères
d'admissibilité à ce centre et quels sont les mécanismes
de sortie à prévoir.
C'est la même chose dans nos centres d'accueil. Dès
l'entrée de quelqu'un en milieu institutionnel, il faut le faire en
fonction d'objectifs précis de programmation et il faut
déjà avoir prévu les mécanismes pour sa sortie.
Autrement, la personne est piégée dans le système et elle
va demeurer en milieu institutionnel, même si elle ne le requiert
pas.
Je peux vous dire que, dans les centres que je connais dans la
région de Montréal, il y a encore des bénéficiaires
qui résident dans des milieux institutionnels à qui le milieu
institutionnel n'apporte plus rien. Mais il faut pousser sur le système
pour qu'on change nos habitudes. La personne qui ne requiert plus le milieu
institutionnel et qui coûte, disons, 31 000 $ par année dans un
centre d'accueil de réadaptation, s'il n'en coûte que 26 000 $
dans un foyer, une résidence communautaire - on peut faire ça
pour plusieurs personnes - c'est une personne de plus de la communauté
qu'on peut également desservir. C'est par ces restructurations de nos
ressources qu'on pense en arriver peut-être pas à répondre
à 100 % des besoins, mais...
Il y a aussi un phénomène dont il faut être
conscient. Les praticiens, les personnes qui travaillent en déficience
mentale orientent les personnes vers des services existants. Quand on n'avait
pas de ressources pour la petite enfance, on n'avait pas de liste d'attente, il
n'y avait pas de demande d'acheminée. Des centres d'accueil de
Montréal me disaient: Écoutez, on n'a pas à implanter un
centre de stimulation précoce dans notre territoire, il n'y a pas de
demande. On les a forcés à implanter le service et, deux ans
après, il y avait des listes d'attente, il fallait l'agrandir.
Nos habitudes sont toujours d'orienter des personnes vers les ressources
qui existent. Au fur et à mesure, on a implanté
des appartements supervisés. Le besoin que le parent va
manifester, c'est qu'il ne peut plus garder son enfant à domicile, mais
que son enfant aille en institution, en résidence communautaire ou en
foyer de groupe, selon le besoin de son enfant, cela va dépendre de
l'existence de ce type de ressource. Je pense qu'on pourra connaître le
désir de la famille de ne plus continuer, mais ça ne veut pas
dire que l'enfant ou le jeune adulte doit aboutir en milieu institutionnel pour
autant.
Tous ces mécanismes doivent être prévus dès
l'entrée de la personne en milieu institutionnel et dès qu'on le
retire de son milieu naturel.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Bourassa, avez-vous...
M. Laplante:...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): L'un ou l'autre. M. le
député d'Ungava et, par la suite, madame...
M. Lafrenière: Merci, Mme la Présidente.
Étant le seul député ici qui ne soit pas de la grande
région de Montréal, j'ai regardé attentivement votre plan,
et j'ai deux questions, peut-être une troisième. La
première, c'est: Est-ce que les autres CSS régionaux de la
province ont vu ou ont discuté de votre plan d'organisation dans
l'agglomération de Montréal? L'autre question serait: Si un tel
plan était adopté dans chaque région, est-ce que ça
pourrait décentraliser les soins à ces personnes? On sait que,
dans les régions éloignées de Montréal et de
Québec, c'est pratiquement inexistant.
Mme Taylor-Thibodeau: Nous sommes en mesure de savoir que
quelques conseils régionaux ont pris connaissance de notre plan et ils
se sont montrés intéressés.
M. McNeil: Depuis le mois de mai, dès l'adoption de la
deuxième partie de notre plan, les régions
périphériques de Montréal en ont reçu des copies.
Je sais que, à ce moment-ci, le CRSSS de la rive sud de Montréal
travaille à l'élaboration d'un plan. Il y a un plan qui existe
déjà dans la région de la
Gaspésie-Bas-Saint-Laurent. Il y a un autre plan en voie
d'élaboration, je crois, dans la région de
Laurentides-Lanaudière.
La problématique est cependant un peu différente. Les
bassins de population ne sont pas les mêmes, il y a des distances que
nous n'avons pas à Montréal. Il y a sûrement des
éléments de notre plan qui intéresseraient les
régions. Évidemment, si on veut maintenir les personnes dans leur
milieu naturel respectif, ça veut dire que chaque région se dote
de moyens pour répondre aux besoins de sa population et, à ce
moment-là, les conseils régionaux ont un devoir, par la loi, de
prévoir l'organisation du service sur leur territoire.
M. Lafrenière: Au sujet de la décentralisation,
pensez-vous qu'un tel plan en région éloignée pourrait
aider à avoir plus de services dans ces régions? Je pense aux
régions défavorisées comme l'Abttibi, le
Nouveau-Québec...
M. McNeil: Je vais peut-être vous surprendre, mais dans
notre plan, si on regarde les dépenses per capita... Quant aux centres
d'accueil de réadaptation, pour toutes sortes de raisons, la
région de Montréal est une des régions les plus pauvres du
Québec. Le per capita dépensé à Montréal est
24 $ et quelques cents. À l'échelle de la province, c'est 27 $.
Il y a quelques régions périphériques de Montréal
qui ont jusqu'à 32 $ ou 36 $. En termes de ressources, on ne peut pas
dire que ce sont les régions périphériques qui n'ont pas
le per capita adéquat pour répondre à leurs besoins. Si on
investit 500 000 $ dans une région périphérique, c'est
bien sûr que ça paraît. Si on investit 500 000 $ dans la
région de Montréal, c'est une goutte d'eau et cela ne
paraît presque pas. Si chaque région regardait la masse
budgétaire qui est dépensée et prévoyait des plans
pour réutiliser ses propres ressources, chaque région serait en
mesure, encore là peut-être pas de répondre à 100 %
aux besoins de son territoire, mais au moins de s'assurer qu'il y a un
éventail complet de services et, par la suite, on pourrait voir à
développer davantage les secteurs de pointe où il y a le plus de
demandes. Tant qu'il n'y a pas un éventail de services, la demande ne se
manifeste pas.
M. Lafrenière: Dans un autre ordre d'idées, vous
avez parlé de la transformation de certains ateliers de travail en
centres d'accueil; ce n'est pas rétrograder, cela?
M. McNeil: C'est-à-dire qu'avant 1980 des ateliers
protégés existaient dans la province; ils étaient
financés comme s'ils étaient des établissements du
réseau des Affaires sociales sauf qu'ils avaient des conseils
d'administration privés et ils n'avaient pas nécessairement des
comptes à rendre comme pour un établissement public. Pour
prévoir l'apprentissage au travail dans la région de
Montréal, ces centres ont conservé une vocation précise,
mais, comme ils étaient financés à 100 % par
l'État, ils sont devenus des centres d'accueil publics. Ils ont
cependant un rôle à jouer complémentaire à des
centres de travail adapté et avec les entreprises de leur milieu. Ils
visent à ce moment-là l'acquisition d'une habileté qui
mènerait un jour un jeune à l'intégration
sur le marché du travail. Pour d'autres, c'est de fournir des
activités dans un milieu semblable à un milieu de travail pour
valoriser la personne et diversifier l'ensemble des activités de sa
journée.
Il n'y a pas longtemps, les personnes qui vivaient en institution
descendaient de leur unité 3, au troisième étage, au
sous-sol pour leurs activités de jour; ils ne sortaient même pas
dehors durant la journée. Ce qu'on a fait jusque-là, c'est au
moins d'assurer qu'il y ait une certaine normalisation dans le quotidien de la
personne et on la force au moins à sortir de sa résidence le
jour. Il est bien sûr que c'est un ensemble de mesures qui vont varier
d'une région administrative à l'autre, mais qui sont possibles
dans l'ensemble.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: J'ai parlé récemment à une
famille qui avait un enfant handicapé intellectuel et j'ai compris
comment la charge était grande, parce qu'en plus d'avoir un handicap
intellectuel c'est souvent accompagné d'un handicap physique. On me
disait que c'est coûteux d'avoir autant de handicaps à la fois et
les familles se décourageaient souvent d'avoir peu de services à
leur disposition et aussi souvent un manque de ressources financières.
On me disait que la plupart de ceux-là - je ne sais pas si je me trompe,
peut-être que vous pourriez me donner une meilleure vue sur cela - sont
issus de familles monoparentales, c'est-à-dire des hommes ou des femmes
seuls qui prennent la charge de l'enfant, qui voient même à
arriver dans les CLSC avec des projets. C'est la famille, ce sont les proches
finalement qui arrivent toujours avec des projets pour aider non seulement leur
enfant, mais aussi venir en aide aux autres pris avec le même
problème. Cela revient toujours aux mêmes personnes finalement; ce
sont elles qui organisent les loisirs; ce sont elles qui vont garder l'enfant
handicapé; il y a des échanges de services. Je me dis que c'est
parce que cela manque dans les quartiers. Soit que le CLSC ne voit pas à
fournir des services à cette clientèle ou qu'il attend toujours
des initiatives des gens concernés.
Est-il vrai que, quant aux sommes d'argent que les gouvernements donnent
directement à ces familles, les parents des handicapés physiques
reçoivent de plus gros montants que ceux des handicapés
intellectuels?
Mme Taylor-Thibodeau: Nous savons que, pour les familles qui ont
un enfant où le coût est plus vaste que pour un enfant dit
"normal", il y a une différence de quelques dollars par mois en termes
d'allocations familiales.
(16 heures)
Mais c'est un très bon point que vous soulevez. C'est très
drôle; si l'adulte demeure seul, il va recevoir X dollars d'aide sociale
et, s'il demeure avec sa famille, il en reçoit moins. Par contre, il est
adulte. L'enfant a passé ses années d'enfance, il est adulte et
les parents comme parents d'enfants normaux devraient un jour être
capables de mettre fin aux dépenses, mais ce n'est pas le cas. Si nous
avons un enfant multi-handicapé dans les services d'un
établissement public, cela coûte des sous. D'autre part, nous ne
donnons pas l'équivalent ou même un quart de l'équivalent
aux parents s'ils gardent l'enfant. C'est toute l'idée de notre
société. Où est la responsabilité parentale,
où est la responsabilité de l'État? Selon Wolsenberger,
pour ceux qui parmi vous connaissez ses philosophies et ses approches, cela a
toujours été son point que, si on donnait les mêmes
ressources aux familles pour venir en aide à leur enfant, cela
coûterait à l'État une goutte d'eau en comparaison avec tes
taux actuels. C'est vrai. Personnellement, je crois que les parents de ce type
d'enfant ne reçoivent pas suffisamment d'aide financière.
Mme Lachapelle: Est-il vrai qu'il coûte à
l'État environ 38 000 $ par année pour garder un enfant en
institution?
Mme Taylor-Thibodeau: Oui. Absolument. Et s'il sort à
l'extérieur pour des services comme on le décrivait dans les
SAHT, cela va coûter 9000 $ de surplus.
M. McNeil: Cela veut dire en plus du supplément aux
allocations familiales que reçoit une famille et qui n'est vraiment pas
suffisant pour répondre à l'ensemble des besoins d'un enfant
handicapé. Via nos établissements, ce que l'on tente à
développer davantage, ce sont les services de répit pour accorder
une fin de semaine de temps en temps, peut-être des services pendant les
vacances pour que les parents puissent prendre congé en
été ou en hiver, prévoir peut-être un support
éducatif dans la famille pour donner des instruments aux parents qui
veulent jouer leur rôle.
Ce n'est pas toujours facile et on ne sait pas toujours comment faire.
Il y a des moyens avec des éducateurs dans les centres d'accueil pour
aider les parents à assumer leur rôle. Encore là, il faut
être près des familles et être capables d'intervenir sans
qu'il y ait des grandes distances. Il faut avoir un plan pour l'enfant et
travailler avec ses parents. Son plan est à long terme. On
révisera des étapes, mais on a des visées à long
terme pour son enfant. On peut prévoir certaines choses pour
alléger un peu le fardeau, tout en aidant les parents à assumer
pleinement leur rôle, que ce soit une famille
monoparentale ou non. Il y a des moyens de faire. Il y a aussi des
sessions avec les frères et soeurs. Il faut changer nos habitudes. Il
faut être capable de travailler le soir et la fin de semaine aussi avec
les familles quand elles sont disponibles. C'est tout cela.
Mme Lachapelle: Ce matin, je disais que c'était
nécessaire et urgent que l'on sensibilise aussi la population aux
différents types de handicap. Cela devrait même faire partie de
l'éducation scolaire pour que nos enfants apprennent à vivre avec
les handicapés et à les accepter.
M. McNeil: Particulièrement dans la région de
Montréal, il faut dire encore que l'intégration sociale ou le
maintien d'une personne handicapée dans son milieu est une
responsabilité collective. Il faut voir maintenant dans quelle mesure on
peut parler de maintien à domicile pour des enfants ayant des handicaps
multiples, par les services d'un CLSC, comment on peut amener d'autres
catégories d'établissements à assumer aussi leur
rôle, etc. Ce n'est pas juste aux centres d'accueil de tout assumer. Mais
ces centres qui n'ont pas l'expertise, qui n'ont pas de directeurs de services
professionnels qui se concentrent sur la déficience mentale doivent
avoir accès aux professionnels de nos centres d'accueil. II faut que le
centre d'accueil se voie comme une espèce de lieu d'expertise pour
soutenir la personne et l'ensemble des ressources du CLSC et des centres
hospitaliers, toutes les ressources de son territoire.
Mme Lachapelle:... si je peux m'exprimer ainsi, parce que, tout
à l'heure, je parlais de ressources financières, j'ai entendu
dire - et c'est vrai, j'ai vérifié -qu'à un moment
donné il y avait une forme de discrimination parmi les ressources
financières des parents, c'est-à-dire que certains
handicapés avaient droit à un certain montant pour un repas chaud
le midi - je pense que c'étaient les handicapés physiques -
tandis que les handicapés intellectuels n'avaient pas droit à ces
2 $ par jour. Est-ce que j'ai reçu de bonnes informations? Cela a
été corrigé par la suite, c'est-à-dire que,
maintenant, c'est tout le monde?
M. McNeil: Oui, je pense que c'était cela.
Mme Lachapelle: Cela ne devrait pas exister. Si des
handicapés physiques ont un droit, je pense que tous les
handicapés devraient avoir le même droit. Ils devraient recevoir
des services égaux.
M. McNeil: Je pense qu'il y a un domaine où c'était
similaire, c'est-à-dire le transport adapté. Au début, le
transport adapté a été conçu uniquement pour les
handicapés moteurs. Mais celui dont le handicap intellectuel menait
à un autre type de handicap et qui appelait une autre réponse
passait inaperçu. Cela nous a pris du temps à sensibiliser les
commissions de transport de notre région aux besoins spécifiques
des personnes ayant un handicap intellectuel.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je voulais simplement
dire à la députée de Dorion qu'il y a une allocation
familiale spéciale pour les enfants handicapés. Ce qui arrive,
c'est que la définition ou l'extension qu'on donne au mot
"handicapé" peut varier pour ceux qui en sont
bénéficiaires et ceux qui ne le sont pas. En tout cas, aux
dernières nouvelles, il faut, pour être considéré
comme un handicapé - quoique cela semblait être le cas de l'enfant
dont vous parliez - qu'il fasse l'objet de services particuliers, à
l'école ou autrement. Souvent un enfant qui a une déficience
mentale légère, même s'il est en bas âge, peut
requérir plus de surveillance ou plus d'attention, mais je pense qu'il
ne serait probablement pas considéré. Mais on essaiera d'avoir du
ministère des Affaires sociales la notion exacte du handicapé,
quant à ceux qui touchent ou ne touchent pas une allocation familiale
particulière.
Mme Lachapelle: Je ne sais pas si c'est exact. On m'a dit que
ceux qui étaient alités...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela va plus loin que
cela quand même.
Mme Lachapelle: Ah! cela va plus loin que cela? Ah oui?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y a des enfants dans
les écoles qui sont l'objet de programmes spéciaux dans les
écoles...
Mme Lachapelle: Ah bon!
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... à cause d'un
handicap.
Mme Lachapelle: On pourra aller voir.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela a été
élargi depuis la première année. Je pense bien qu'il doit
y avoir une zone un peu grise dans cette définition, mais on essaiera
d'avoir l'information exacte. Une chose est certaine, c'est que,
particulièrement pour une famille monoparentale ayant un enfant avec des
handicaps multiples, la société n'est pas encore prête
à lui donner tous les services dont elle a besoin. J'entendais M.
McNeil
parler d'essayer de donner des services de répit. Je serais
curieuse de savoir, compte tenu du nombre d'enfants et de jeunes adultes
souffrant de déficience mentale, ce qui existe comme ressources de
répit quantifiées. Ce n'est pas encore très
élevé. C'est loin d'être suffisant.
Alors, on vous remercie et on vous souhaite bonne chance dans la
réalisation de votre plan d'action. On souhaite que les autres conseils
régionaux emboîtent le pas selon leurs besoins. Je pense qu'il y a
des problèmes ailleurs qu'à Montréal dans ce domaine.
Merci beaucoup.
Mme Taylor-Thibodeau: On vous remercie également.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci.
J'invite la Corporation professionnelle des psychologues du
Québec.
Bonjour, M. Sabourin. Je vais vous demander de nous présenter vos
compagnons et compagnes.
Corporation professionnelle des psychologues du
Québec
M. Sabourin (Michel): Oui. D'abord, à ma gauche, Mme
Jocelyne Taillon, qui est la vice-présidente de la corporation, qui a
une expérience d'une quinzaine d'années en milieu institutionnel,
plus précisément au centre hospitalier Robert-Giffard. À
ma droite, M. David Bélanger, qui est un membre de l'exécutif de
la corporation et qui a travaillé également à la
rédaction de ce mémoire.
Mme la Présidente, mesdames et messieurs les membres de cette
sous-commission, tout d'abord, je vous remercie de l'occasion qui nous est
offerte de participer aux travaux de votre sous-commission. Comme vous vous en
doutez bien, le sujet de vos débats touche de très près
aux préoccupations de notre corporation et de ses membres. C'est
pourquoi nous avons cru utile de vous soumettre bien respectueusement quelques
commentaires et réflexions qui, nous osons l'espérer, vont
contribuer à faire avancer le débat et à améliorer
les conditions de vie, je devrais dire la qualité de vie de nos
concitoyens qui sont affligés de difficultés d'adaptation sociale
ou de dysfonctionnement.
Nous n'avons pas eu beaucoup de temps, comme vous pouvez en juger
à l'épaisseur du mémoire qui vous a été
soumis, d'approfondir le sujet. Par ailleurs, nous pensons qu'étant
donné notre expérience et, si j'ose dire, notre expertise du
domaine il va de soi qu'un certain nombre des questions qui ne sont pas
soulevées dans le mémoire comme tel pourront l'être au
cours de la période d'échanges qui va suivre notre
présentation.
Pour terminer l'introduction, j'aimerais simplement signaler que nous
pensons que tout le débat de la réinsertion sociale et, en fait,
de la désinstitutionnalisation doit s'insérer dans le
débat élargi qui doit se faire autour d'une véritable
politique de la santé mentale. Nous pensons que l'un ne va pas sans
l'autre et qu'il est très important d'en tenir compte au moins dans
l'arrière de notre pensée quand on discute de réinsertion
sociale ou de désinstitutionnalisation.
La façon dont nous allons procéder est très simple.
Mme Taillon va succinctement présenter le mémoire de notre
corporation, après quoi, nous pourrons échanger avec vous et
répondre aux questions qui seront posées. Mme Taillon.
Mme Taillon (Jocelyne): Mme la Présidente, messieurs et
madame les commissaires, comme vient de le dire notre président, le
mémoire est axé sur quelques réflexions qui ont, d'une
part, essayé de sortir des grands principes que, je pense, vous
connaissez aussi bien que nous et qui circulent dans le monde de la psychiatrie
-maintenant, de la santé mentale parce qu'on essaie de s'orienter de
plus en plus vers la santé mentale - depuis de nombreuses années
et, aussi, de recouper, en les résumant beaucoup et en essayant de les
regarder à une certaine distance, les interventions qui se font sur le
terrain, donc, dans la pratique journalière, quotidienne de la part de
multiples intervenants de toute allégeance auprès d'une
population qui est très vaste.
D'ailleurs, une des premières choses que nous pourrions remettre
en question, c'est le libellé. Vous parlez de personnes ayant souffert
de troubles mentaux. Dans notre perspective, c'était encore plus
élargi que cela, à savoir des gens qui ont du mal à
s'adapter socialement ou qui ont un mal à vivre ou un malaise - enfin,
il y a plusieurs dénominations qui circulent maintenant donc des gens
qui n'arrivent pas à répandre aux demandes non seulement de la
société en général, mais de la
société plus restreinte que peut constituer leur famille ou leur
milieu de vie, incluant le travail, lorsque c'est possible, ou le milieu
scolaire, etc.
Nous croyons précisément que cette tentative de faire
venir à votre sous-commission des gens qui travaillent à la base,
c'est une façon de remettre en question les grandes politiques ou les
grands débats qui sont maintenant en place depuis longtemps, de les
confronter aussi avec les tentatives qui ont émergé et qui ont
donné certains résultats dans des milieux très
diversifiés, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural, ce qui
nous permettrait finalement d'arriver à des solutions plus
réalistes au sens réel du terme, c'est-à-dire qui
répondraient mieux aux besoins d'une population, comme nous le disions
tout à
l'heure, qui, finalement est très polymorphe et difficile
à circonscrire. (16 h 15)
En ce qui concerne le phénomène lui-même de la
désinstitutionnalisation, nous soulignons comment tout le monde est
d'accord sur les principes de fond, à savoir de sortir ce que nous
appelions anciennement les patients, ce qui, par la suite, a été
dénommé les bénéficiaires - enfin, on ne sait plus
très bien comment les appeler - de l'exclusion sociale où ils se
trouvaient. Bien sûr, ici, à Québec, une expression
courante était de dire qu'ils étaient derrière des murs de
trois pieds de largeur. Si vous pensez à Robert-Giffard, c'est vrai, au
sens strict aussi, ce n'est pas seulement une figure de style. Il s'agit de
leur permettre donc de vivre dans un milieu plus humain, plus significatif sur
le plan psychologique et, autant que possible, de leur donner accès
à un statut de citoyen ou de citoyenne, comme le porte-parole du groupe
précédent le disait, ajoutant qu'ils n'étaient pas des
citoyens de deuxième classe, mais bien des citoyens et des citoyennes,
autant que possible, à part entière, en tout cas le plus
près possible de cet idéal.
Afin de parvenir précisément à cet objectif, il y a
diverses tentatives qui ont été mises sur pied. Mme la
Présidente, vous me disiez, tout à l'heure, je pense, à
juste titre, que vous connaissez bien les diverses approches qui ont
été tentées quant aux mesures concrètes pour
assurer le gîte, les loisirs, les apprentissages, etc., de ces
gens-là. Nous ne nous attarderons pas là-dessus. Cela pourrait
revenir dans les questions après.
On a même, d'ailleurs, changé des dénominations dans
les dernières années. Je me souviens qu'il y a une quinzaine
d'années on parlait des foyers de transition, des ressources
extérieures. Maintenant, on parle des ressources intermédiaires.
On parle même des ressources alternatives. Il y a une espèce de
courant actuellement qui est assez général, pas seulement au
Québec, mais même en Europe aussi, pour réinsérer le
plus possible les ex-psychiatrisés dans leur milieu de vie significatif,
le plus près possible de leur milieu naturel. C'est tout le
phénomène actuel de parler des ressources alternatives avec ce
que cela comporte aussi de dangereux que nous allons souligner par la
suite.
Dans le fond, ces moyens ont permis à un bon nombre de personnes
d'arriver à une adaptation sociale relative. Beaucoup de gens qui
auparavant étaient condamnés à vivre en institution
psychiatrique, puisqu'on cerne d'assez près l'objectif même de
votre sous-commission, peuvent maintenant vivre dans des foyers communautaires
ou des choses comme cela, donc à l'extérieur, vraiment parmi les
gens, un peu plus comme tout le monde. Ils peuvent aller faire leurs achats
eux-mêmes, etc. Ils sont donc sortis de la prise en charge
intégrale que constituait l'institution psychiatrique.
Je crois qu'à ce titre il y a beaucoup de progrès qui ont
été faits. Par ailleurs, il y a toute une autre tranche de la
population ayant déjà été psychiatrisée
particulièrement qui n'a pas pu faire face de façon satisfaisante
à ce retour à la vie pour vrai et qui s'est vue, dans le fond,
confinée à une exclusion encore plus subtile que celle qui
existait auparavant. Par exemple connaissant bien le phénomène,
je vais prendre des exemples de Québec, puisque je suis de la
région ici - tout le giron psychiatrique qui est autour de
Robert-Giffard et, géographiquement et idéologiquement: les gens
sont restés très près de l'hôpital mère si on
veut, on pourrait même dire de la maison mère, avec ce que cela
comporte de difficile, tenant compte des objectifs premiers qui étaient
de permettre à ces gens d'adhérer aux normes sociales et d'y
trouver un intérêt, non seulement de se ranger et de se soumettre,
mais d'être actifs par rapport à la société dans
laquelle ils retournaient. Donc, pour beaucoup de ces personnes, cela a
été au-delà de leurs forces et ils se voient
confinés, à toutes fins utiles, à une exclusion
différente, mais qui est peut-être plus cruelle au fond.
Par rapport à ces limites, finalement, c'est bien sûr qu'on
pourrait invoquer la maladie mentale elle-même. On a parlé de
troubles mentaux dans la dénomination qui a été
acceptée, mais il reste que cela a encore un subtil relent de maladie
mentale. C'est sûr que la folie, si on veut l'appeler selon la
dénomination ancienne, a toujours fait peur, a toujours fait l'objet
d'une certaine exclusion. Je trouve que ce mot rend bien la situation à
travers les âges. On pourrait bien appeler ce phénomène
ainsi pour dire que c'est très difficile. De fait, il y a
peut-être des gens qui n'y arriveront jamais, parce qu'ils sont dans un
autre monde, leur système de valeurs est possiblement coupé du
nôtre, etc., mais je pense qu'on peut interroger - c'est ce que nous
avons tenté de faire - les ressources existantes de façon
à voir sur quelles lacunes nous pourrions approfondir notre
réflexion et soumettre des avenues de solutions.
Nous allons en dégager cinq. Elles sont expliquées
très succinctement ici. Je vais simplement les rappeler pour
peut-être stimuler les questions après. Un premier point que nous
touchons, après avoir souligné comment les ressources actuelles
sont - tout le monde le reconnaît - trop peu nombreuses d'une part, c'est
que, très souvent, pour ne pas dire généralement, elles
sont d'origine urbaine. Même quand il y a des foyers communautaires en
milieu rural ils dépendent généralement d'un centre qui
est urbain. Ils
ont été conçus souvent à l'intérieur
de grandes institutions psychiatriques qui étaient en ville. On a
essayé, avec une espèce de mentalité de retour à la
terre, avec ce que cela comporte de rythme naturel, etc., de leur favoriser une
meilleure intégration, mais plusieurs de ces personnes se sont souvent
trouvées déracinées complètement par rapport
à leur système de valeurs. Pensons à des gens qui ont
été élevés dans la paroisse Saint-Roch, ici,
à Québec, qui se retrouvent à vivre à Sainte-Croix
de Lotbinière, c'est bien différent en termes de
mentalité, de système de valeurs, etc. Cela accentue, s'il y a
quelque chose, la difficulté de faire face aux normes du milieu
environnant. Même si c'est un village, cela a ses exigences. Il s'agit de
voir, particulièrement en milieu rural, comment le tissu est souvent
plus étroit et ces gens-là ont d'autant plus de difficulté
à y faire face.
Donc, des ressources trop peu nombreuses, trop souvent urbaines et qui
sont - je l'ai souligné un peu précédemment - la plupart
du temps encore, très, très reliées, non seulement sur le
plan idéologique, mais sur le plan financier, sur le plan de la
structure des soins, etc., aux institutions psychiatriques dont elles ont
émergé. Cela a pour effet, si on peut dire, qu'il y a une
espèce de scénario assez fréquent, dans un premier temps,
où il y a une coupure réelle avec l'institution mère,
à savoir qu'on vise vraiment une autonomie maximale.
Il y a un processus d'apprentissage ou de réapprentissage aux
habitudes quotidiennes qui est mis en place avec un résultat
bénéfique. Donc, il y a une désinstitutionnalisation au
sens strict qui s'opère, mais à assez court terme, tenant compte
de ce que je viens de préciser, il y a une réinstauration du
modèle médical ou institutionnel à plus petite
échelle. On retrouve un plus petit hôpital, bien sûr, avec
des connotations plus humanitaires, mais qui, dans le fond, recrée le
schéma traditionnel avec ce que cela comporte d'antiautonomie si on
veut, puisque c'est encore la dépendance, peut-être moins grande,
mais une dépendance réelle qui y est inscrite.
Cela fait trop souvent contrepoids non seulement aux intentions, mais
à l'action immédiate des intervenants qui, eux, très
fréquemment, optent pour une intervention qui est
dépsychiatrisée. Cela fait contrepoids à cette tentative
d'autonomiser les personnes ayant souffert de troubles mentaux puisque c'est
toujours possible d'avoir recours très facilement à l'institution
si vraiment il y a une recrudescence de l'angoisse ou que les symptômes
deviennent plus graves. Cela place donc les bénéficiaires dans
une situation éminemment ambigue où eux-mêmes ne savent
plus où se tirer. Ils peuvent être très séduits par
une autonomie plus grande et, d'autre part, lorsque la soupe devient trop
chaude ou que la tension devient trop forte, cela glisse vers la
réinstitutionnalisation parce que, dans le fond, c'est le recours le
plus facile qu'ils connaissent vers une certaine sécurité.
Le deuxième point que nous soulignons est un peu à
l'inverse. Donc, les ressources qui ont émergé de la
communauté, qui très fréquemment ont fait appel aux
aidants dits "naturels", au milieu de vie, que ce soit aux familles des
patients qui avaient déjà été hospitalisés
ou bien à des ex-psychiatrisés eux-mêmes ou à des
bénévoles ou à des gens en sciences humaines qui
désirent vraiment non seulement conceptualiser, mais
opérationnaliser des modes d'intervention qui sont résolument
anti-institutionnels. Cela a eu des effets heureux, en ce sens qu'il y a des
lieux de partage, des lieux de vie qui ont été
créés, assez polyvalents dans certains cas. Mais là, la
limite à laquelle on s'est heurté a été à
l'inverse de la première, à savoir que les gens qui
peut-être avaient une ouverture plus réelle vers une meilleure
autonomie des gens ayant souffert de troubles mentaux se voient limités
par leur formation, d'une part, moins grande - là, je n'entends pas la
formation uniquement professionnelle, mais une formation au niveau de la
connaissance de ce qu'est la pathologie, par exemple, comment cela
évolue, les limites des interventions, comment une personne peut
composer avec son angoisse, etc, ce qui fait que, souvent, ils ne voient pas
venir assez vite, si on veut, des compensations psychotiques ou, en tout cas,
une détérioration de l'état mental, avec le
résultat que vous vous retrouvez devant un état de crise. Le seul
recours que ces gens-là ont dans une situation de fait qui est
imminente, c'est de faire appel à l'hôpital en urgence, où
la personne est immédiatement hospitalisée puisque là,
elle est délirante, etc. On ne peut à peu près plus la
rejoindre. Il y a dans le fond deux modalités de mise en place avec deux
conceptions de structures très différentes, mais qui se voient
confrontées aussi aux limites tout à fait contraires.
Dans le deuxième point, je voudrais souligner que cette
tentative, qui est directement issue de l'antipsychiatrie, d'avoir des
ressources vraiment communautaires, cela a eu pour effet de faire percevoir
l'hôpital comme étant le mauvais hôpital, les professionnels
comme étant à bannir, en particulier, bien sûr, les
psychiatres, souvent à juste titre. Il y a des choses à remettre
en question là-dedans. Il y a eu des abus, etc., mais cela a
amené une position très dure en ce sens que nous ne voulons rien
savoir des professionnels.
Je soulignais tout à l'heure qu'à un moment donné
le milieu des bénévoles, par exemple, ou des aidants naturels,
qui est confronté à un bénéficiaire en crise et
qui
ne sait pas quoi faire, n'ira pas consulter un professionnel qui ne
serait pas nécessairement médecin, d'ailleurs, parce que la
crainte sous-jacente est de se faire récupérer par un pouvoir qui
va discréditer ce qui se faisait dans la communauté. Alors, je
crois que nous sommes devant une impasse à ce moment, où, dans le
fond, les grandes notions de continuité de soins, de
complémentarité, de normalisation, etc., perdent tout leur sens
parce que les positions se durcissent et chacun essaie de sauver son
territoire. Il y a un jeu de pouvoir qui est à mettre en doute
sérieusement.
Dans un troisième point, nous soulignons le cas particulier des
patients qui retournent dans leur famille - cela a été
mentionné par les gens du CRSSS précédent - à
savoir le manque de préparation et de support très
général de ces familles qui sont généralement
désireuses de collaborer, veulent bien reprendre
l'ex-bénéficiaire qui était à l'hôpital et
qui montre un souci réel de se réintégrer dans la
société, mais qui, une fois en présence de cette personne
qui souffre encore de difficultés à vivre, se votent
confrontées avec toute une histoire familiale où souvent il y a
eu beaucoup de choses qui sont restées non dites, beaucoup de rejets
plus ou moins conscients et une crainte aussi, sinon une peur panique, qui va
émerger dès que la personne va manifester des indices que cela va
moins bien et qu'elle est perçue comme dangereuse.
Alors, on retrouve ce que nous disions en introduction, à savoir
la folie inquiétante et cela, on n'en sort pas. Je crois que personne
n'est à l'abri, même nous tous qui sommes ici, de ce que cela peut
représenter d'excès et d'inconnu, alors, la famille aussi et
d'autant plus, justement, que l'histoire, à partir de la petite enfance
jusqu'à l'âge adulte, a construit toute une zone grise à
laquelle personne n'ose directement toucher, surtout quand il n'y a pas de
tierce personne, soit d'un milieu institutionnel nettement hospitalier ou
autre, qui aide à ce que les personnes dans la famille se parlent.
Nous soulignons, à la fin du troisième point, qu'à
peu de différences près nous retrouvons les mêmes lacunes
chez les familles d'accueil qui, encore là, sur papier ou dans les
discours officiels, ont un encadrement meilleur, mais qui, dans la
réalité, sont souvent absolument dépourvues, surtout
lorsqu'il y a plusieurs ex-psychiatrisés dans la même famille,
devant la demande aussi très intense de ces personnes au plan affectif,
au plan de l'appui concret par rapport à des démarches
très élémentaires, si on pense à des patients plus
perturbés, d'aller au magasin du coin acheter quelque chose alors qu'on
est inquiet pour payer, etc. Donc, il y a là des lacunes importantes,
selon notre lecture.
Quatrièmement, nous soulignons un aspect qui nous semble
éminemment important et qui est peut-être rarement touché
à savoir que, jusqu'à maintenant, il semble y avoir eu des
ressources qui ont été élaborées, qui ont
été "opérationnalisées" pour deux types de
bénéficiaires. Il y a eu ce que nous pourrions appeler les beaux
patients, c'est-à-dire les personnes qui ont été atteintes
de troubles même mentaux importants à certains moments de leur
vie, mais qui manifestent tant sur le plan intellectuel qu'affectif que sur le
plan de la créativité un désir de faire quelque chose dans
la vie, de se rendre significatives pour la société. Pour ces
gens, il y a eu des ressources qui ont été mises sur pied avec
des succès relatifs, bien sûr, mais avec quand même un
certain taux de réussite.
Il y a eu, à l'autre extrême, des ressources qui ont
été mises sur pied encore beaucoup plus tôt pour ce que
nous pourrions qualifier des bénéficiaires tranquilles,
c'est-à-dire ces personnes qui étaient nettement
institutionnalisées, pour ne pas dire "chronicisées", qui
n'étaient pas dérangeantes. Alors, on a pensé à des
foyers d'accueil avec des mesures très humanitaires, avec des mesures de
réapprentissage, etc., là encore, avec un certain succès,
mais c'est peut-être à ce sujet qu'il y a eu le plus de petits
hôpitaux qui se sont recréés à l'intérieur du
milieu de vie.
Ce sur quoi nous nous interrogeons beaucoup, c'est sur toute cette gamme
de personnes ayant d'énormes difficultés à faire face aux
normes sociales et qui sont dérangeantes. Par leur conduite manifeste,
elles sont inquiétantes pour le milieu environnant ou par leur
comportement ou par leur simple attitude, elles insécurisent les gens
qui les côtoient, de par leur niveau de dangerosité possible, les
gens à un haut taux d'impulsivité, par exemple, etc., pour ces
personnes, il y a vraiment une zone grise. Elles sont un peu comme la balle de
tennis que toutes les institutions se renvoient, que tous les milieux plus ou
moins communautaires se renvoient.
Quand je parle des institutions, je parle aussi bien des centres de
traitement de première ligne que de deuxième ou troisième
ligne. Les centres de troisième ligne, qui sont les grands
hôpitaux psychiatriques, sont bien obligés d'accueillir ces gens
à un moment donné parce qu'ils sont en crise et que personne ne
peut plus rien en faire. On est alors obligé de les prendre, parce
qu'ils sont dangereux pour eux-mêmes ou pour les autres. (16 h 30)
Alors, pour tous ces patients, dans la mesure où cette situation
est réelle, cela nous amène à penser que la
société en général et même les structures
existantes de soins, tout en voulant être les plus efficaces possible, ne
veulent pas être dérangées, tout
au moins, être dérangées au minimum.
On soulignait, entre autres, tout à l'heure, dans l'autre groupe,
qu'on veut avoir des centres d'intervention de crise par rapport à ces
bénéficiaires. C'est absolument étonnant qu'il n'y ait
à peu près pas de centres d'intervention de crise au
Québec. C'est pour le moins surprenant. Cela nous amène à
penser que, pour qu'il y ait vraiment des centres d'intervention de crise
fonctionnels et même pour qu'il y ait des milieux de vie qui soient
vraiment pertinents pour ces personnes, cela demande une vigilance et un mode
de vie des intervenants qui est tout à fait différent du 8
à 4 ou du 4 à minuit qu'on connaît dans les institutions,
ce qui, somme toute, permet un aménagement de vie plus facile pour les
divers intervenants. Donc, peut-être que, aussi, les intervennants,
à divers titres, ne veulent pas être trop
dérangés.
C'est bien humain. Quand nous disons cela, nous ne sommes pas en train
de critiquer ou de juger sévèrement. C'est vrai que c'est
difficile de faire cela. J'ai en mémoire certaines tentatives, en
Ontario, par exemple, vis-à-vis des adolescents ayant des
problèmes d'agressivité, des hyperagités ou des gens
très impulsifs, une expérience à partir de laquelle un
film avait été fait il y a quelques années - il y a de
nombreuses années maintenant - qui s'appelait "Warrendale".
L'expérience a duré très exactement un an et deux mois.
Nous avions rencontré le directeur de cette expérience; nous
sommes allés le voir à Toronto et il avait été
très honnête. Officiellement, il n'y avait plus de crédits;
il y avait eu une histoire au niveau économique; bien sûr, il y a
toujours une question de sous. II avait reconnu que tous les intervennants -
quand je dis "intervenants", cela recouvre vraiment tous les gens qui sont
près de la vie quotidienne de bénéficiaires, qu'ils soient
professionnels ou non - étaient littéralement usés
après un an. C'est dire que cela exige énormément. Dans le
réalité, lorsqu'on sort des grands principes, c'est excessivement
exigeant pour ceux qui veulent vraiment arriver à permettre une
désinstitutionnalisation maximale.
Enfin, il y a un cinquième point en termes de failles qu'il
pourrait y avoir dans les ressources existantes - nous allons recouper
certaines sources dont a parlé le groupe précédent - soit
des lacunes dans l'éducation populaire du milieu immédiat. Nous
pensions non seulement aux familles d'accueil et aux familles naturelles, mais
bien aux quartiers environnants et peut-être tout particulièrement
aux éventuels employeurs des personnes qui cherchent à se
réinsérer socialement. Si on leur laisse miroiter la
possibilité de devenir un peu plus de vrais citoyens ou citoyennes,
encore faut-il leur donner accès à autre chose qu'au
BES, comme c'est le cas trop souvent. Je pense que tout le monde sait
combien les milieux de travail sont très hésitants à
engager des gens, avec toute la stigmatisation que comporte le fait d'avoir
été, de près ou de loin, lié au système
psychiatrique. Il y aurait toute une éducation populaire à faire,
les préjugés sont encore éminemment tenaces. Nous
relevions que, si vous leur parlez de cela, bien des gens vont dire: Oui, nous
sommes entièrement d'accord, mais dans la mesure où c'est loin de
chez nous. Même pour ouvrir une maison d'accueil, beaucoup de gens, dans
leur salon, étaient tout à fait d'accord, mais si cela se fait
dans la troisième maison d'où ils habitent, il va y avoir un
tollé de protestation parce qu'on est d'accord dans la mesure où
ce n'est pas trop près. Cela pourrait conclure ce que nous avons pu
relever comme carences dans les ressources existantes.
En termes d'avenues de solutions - ce sont, bien sûr, plutôt
des pistes - nous n'avons pas de mesures concrètes à apporter, du
moins dans notre mémoire, mais nous pourrions en entrevoir certaines au
niveau des questions. La première piste que nous entrevoyons, c'est, au
point de vue tant de l'évaluation des besoins des
bénéficiaires que de la conceptualisation en ce qui a trait aux
ressources et dans la réalisation de ces nouveaux modes d'intervention,
de vraiment arriver à sortir des modèles institutionnels tels
qu'ils existent et des modèles urbains aussi, toujours en tenant compte
des systèmes de valeur très divers en milieu provincial, ou en
province - comme les gens des grandes villes vont dire - avec ce qui existe
dans les grandes villes. En ce sens, il ne faut pas remettre en question
seulement les structures à mettre sur pied ou à corriger, dans le
mesure où on considère celles qui sont existantes, mais bien les
modes d'action concrets qui sont préconisés et qui sont aussi
réalisés dans la vie quotidienne. Le deuxième point
consiste à trouver des moyens pour établir et assurer une
relative indépendance non seulement idéologique, mais bien
économique et aussi au niveau de l'intervention en ce qui concerne les
services hors des réseaux institutionnels et ceux existant dans les
institutions.
Notre propos nous amène à conclure que vouloir dire:
À bas l'asile... Depuis l'antipsyehiatrie, vous savez qu'en Italie, il
s'est fait des tentatives absolument avant-gardistes par rapport à cela.
Mais maintenant, les Italiens ont le contrecoup d'avoir aboli les asiles,
à savoir que les personnes trop fragiles ou qui sont absolument
incapables de répondre aux normes sociales telles qu'elles existent,
avec leurs grandeurs et misères, se retrouvent dans une espèce de
"no man's land". Ils sont vraiment coincés pour trouver de nouvelles
mesures. De près ou de loin, ils devront encore penser à
une certaine prise en charge, peut-être différente et plus
humanitaire que celle des grandes institutions telles qu'on pouvait les
connaître si on pense à Robert-Giffard ou à l'ancien
Saint-Jean-de-Dieu, Louis-Hippolyte-Lafontaine, mais quand même à
une mentalité nettement institutionnelle.
Donc, d'une part, il ne faudrait pas, non plus, exclure le retour en
traitement hospitalier lorsque l'état de la personne l'exige. Par
ailleurs, il faudrait vraiment être pertinent par rapport à
l'idéologie que l'on propose, à savoir une réinsertion
sociale et, à ce moment-là, encore là non seulement
proposer, mais définir de façon éminemment concrète
les modes d'intervention qui pourraient s'appliquer vraiment à
l'extérieur des institutions. Évidemment, cela pose la question
de l'encadrement de ces nouvelles structures ou de ces nouvelles
modalités d'interventions dites intermédiaires ou alternatives.
Actuellement, la situation qui existe à ce niveau-là est assez
floue; il en existe un certain nombre, mais jusqu'à maintenant les
tentatives de regroupements n'ont pas été très
concluantes.
En troisième point, favoriser le rapprochement et assurer une
complémentarité véritable, donc dans la
réalité, encore là, quotidienne, entre les agents
communautaires naturels et professionnels dans l'exploitation des ressources du
milieu et, bien sûr, encourager la participation des
ex-psychiatrisés à ce processus-là.
À ce moment-ci, c'est peut-être là que nous
retrouvons le plus les problèmes du pouvoir ou de la circulation du
pouvoir entre les institutions existantes et entre les nouveaux professionnels,
comme on a pu les appeler, et aussi les aidants naturels. Alors, cela devient
vraiment des impasses ou des culs-de-sac absolument infranchissables dans la
mesure où, par exemple, une ressource communautaire qui fonctionne
relativement bien n'est jamais à l'abri de la
détérioration mentale des participants à cette ressource
et aura toujours besoin d'un certain recours à des professionnels,
qu'ils soient médicaux ou autres, de façon à pouvoir
intervenir suffisamment tôt pour rendre non nécessaire
l'hospitalisation ou là, c'est vraiment l'institutionnalisation
radicale.
En quatrième point, offrir un encadrement et un suivi
systématique aux familles (réelles ou d'accueil) des personnes
qui souffrent de troubles mentaux, y compris l'information essentielle et le
support psychologique. Dans l'information essentielle, nous pensions, entre
autres, au fait - et là, je prends à dessein le terme de
diagnostic pour souligner encore la mentalité très
médicale qui existe dans le circuit ou dans les réseaux
d'intervention auprès des personnes souffrant de troubles mentaux -
qu'il y avait un réel tabou autour des diagnostics, au niveau de
pathologies dont souffraient les personnes. J'ai rencontré à de
multiples reprises non seulement des patients qui, eux-mêmes - à
l'époque, on les appelait encore des patients - n'avaient jamais pu
savoir de quelle maladie ils souffraient dans la mesure où on la
dénommait maladie, mais des familles qui n'avaient aucune espèce
d'idée, sinon que leur enfant ou que leur père ou leur
mère était bizarre, perdait la carte, enfin, un certain nombre de
métaphores populaires, mais qui étaient d'autant plus
inquiétantes qu'il n'y avait pas de balises au niveau "scientifique",
entre guillemets.
On a quand même maintenant des critères; on est loin de
savoir exactement ce qui se passe dans ce qu'on a pu appeler la folie ou ce
qu'on appelle maintenant les troubles d'adaptation sociale ou psychobiosociale;
enfin, on ne sait plus, comme on le disait, comment les nommer. Mais, on
pourrait, tout au moins, communiquer ces critères-là aux
personnes, leur donner une idée de l'évolution de ces
problèmes, de ces troubles, leur dire que les périodes de
rémission peuvent donner lieu à des périodes de
recrudescence de l'angoisse, des symptômes etc., ce qui diminuerait
l'angoisse des milieux d'intervention et d'accueil au moment où cela se
passe. Donc, une éducation populaire qui impliquerait ce qu'on pourrait
appeler une vulgarisation des données "scientifiques", entre guillemets,
comportant tous les aspects, à la fois médicaux, psychologiques,
sociaux, culturels, etc., autour des troubles mentaux ou psychiatriques.
Enfin, en cinquième point, accentuer les efforts
d'éducation populaire au sens large en prêtant une attention
particulière aux agents du milieu de réinsertion et aux
employeurs éventuels. Là, nous voulons parler peut-être
plus précisément des intervenants non professionnels, donc des
aidants naturels, des bénévoles, des ex-psychiatrisés
eux-mêmes qui, de façon surprenante - parce qu'à
première vue on pourrait penser qu'ils connaissent très bien de
quoi il ressort - ils manquent d'information, encore là, sur des
données élémentaires concernant, justement, les diverses
problématiques vécues par les personnes ayant souffert de
troubles mentaux. C'est encore pareil pour les employeurs, question
d'alléger les préjugés, sinon les tabous qui existent
autour de cette population.
Enfin, en guise de conclusion, nous voulons attirer l'attention sur le
leurre de la notion de la santé mentale pour tous que peut
véhiculer la prégnance ou l'importance que l'on donne
actuellement à la reprise en charge ou au retour au milieu de vie
naturel le plus possible pour les gens atteints de troubles mentaux. C'est
très facile de
tomber dans ce piège, de leur dire: Vous savez, vous êtes
maintenant accueillis, vous avez votre place au soleil comme tout le monde.
Donc, vous n'avez pas de problèmes majeurs. Je croîs qu'à
plus d'un titre, à ce moment-là, c'est peut-être encore
plus cruel que de les stigmatiser comme étant des fous, comme il
existait il y a 20 ans, ou comme étant des ex-psychiatrisés,
parce que, pour bien des gens, cela a une connotation encore de folie ou
d'hôpital psychiatrique. C'est encore plus cruel de leur laisser entendre
qu'on leur ouvre une porte sur quelque chose de possible, alors qu'on va la
leur refermer aussi rapidement dès qu'ils vont montrer une certaine
incapacité à répondre aux attentes qu'on a à leur
égard. Alors, en arriver à nier les troubles mentaux importants
ou les handicaps sérieux est probablement plus inquiétant que
d'en rester à une attitude tout à fait conformiste et
marginalisante par rapport à ces personnes.
Nous parlions d'un enfer de solitude et d'exclusion et j'avais en
tête de multiples exemples de personnes qui vivent à
l'extérieur de l'hôpital psychiatrique depuis maintenant cinq
à dix ans, mais à quel prix. Au prix d'une solitude absolument...
Plusieurs de ces personnes vont dire qu'elles sont comme dans un trou, qu'elles
sont comme dans une boîte, vous savez, de privations sensorielles ou
qu'elles sont dans un tunnel où il n'y a pas de fin, alors qu'elles se
sentent pourtant entourées. Beaucoup de ces personnes sont très
lucides et disent: Nous avons un tas de personnes qui s'occupent de nous, mais,
finalement, nous sommes constamment seules parce qu'on s'occupe de nous dans la
mesure où nous fonctionnons bien. Si nous fonctionnons mal, on s'occupe
de nous, mais à ce moment-là comme étant des gens qui ne
sont pas capables de pourvoir à leurs besoins fondamentaux.
Alors, nous devons donc composer avec cette réalité.
C'est, selon nous, un point essentiel pour arriver à
l'établissement de mesures à la fois réalistes et
efficaces par rapport aux besoins, comme nous le disions, polymorphes de toute
une tranche de la population qui, maintenant, formule mieux ses demandes
qu'avant. Ils ont droit de parole: ils se sont regroupés de
différentes façons et ils nous demandent de répondre
à leurs besoins. Mais encore faut-il reconnaître et leur aider
à reconnaître aussi qu'il y a des déficits sérieux
et, dans la mesure où on fait comme s'ils n'existaient pas, à un
moment donné, on se frappe le nez sur un mur qui est vraiment
infranchissable.
Enfin, la présente sous-commission nous apparaît un moyen
tout à fait heureux, du moins c'est ce qu'on espère, de faire le
grand ménage dans ce qui existe depuis tout au moins les dix ou vingt
dernières années, de repérer les tentatives ou les
expériences isolées, dont certaines ont été
très fructueuses et dont on pourrait s'inspirer, et d'éviter
cette espèce de trop fréquent redépart à
zéro ou de duplication de services qui existent déjà dans
des régions différentes, mais aussi parfois dans un
département d'une institution qui est contigu à un autre. (16 h
45)
Nous soulignions tout à l'heure les querelles de pouvoir ou le
manque de distribution du pouvoir qui existe chez les multiples intervenants.
Mais cela mène à des situations absolument impensables telles
que, comme je viens de le mentionner, dans une même institution, deux
départements contigus ne se révéleront pas
l'expérience qu'ils mènent de crainte de s'en faire enlever le
profit. Chacun veut qu'on lui reconnaisse la paternité de ce
bébé qu'il défend à tout prix plutôt que de
le partager. Cet autre aspect de la distribution du pouvoir nous paraît
un aspect fondamental sur lequel les différents intervenants doivent
s'arrêter, parce que, sans vraiment les remettre en question, tous les
concepts de multidisciplinarité, de complémentarité des
services entre les CLSC, les centres de première ligne, ceux de
deuxième ligne, de troisième ligne, ainsi que les aidants
naturels ou les services dans la communauté vont être absolument
impossibles, parce que le leadership va toujours être envié,
convoité, mais discrédité aussi dans la mesure où
certains intervenants vont avoir l'impression de ne jamais l'avoir.
Voilà. Nous attendons à vos questions.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Votre
mémoire avait environ sept pages, mais il contient
énormément de matériel et je pense que vous avez
soulevé des aspects extrêmement intéressants.
On aura peut-être l'occasion tout à l'heure de faire la
jonction entre votre organisme et l'autre groupe, puisqu'il s'agit d'une
fédération d'organismes bénévoles. Votre organisme
apporte davantage la préoccupation des professionnels, quoique je pense
que vous semblez croire beaucoup à des efforts du côté de
la réinsertion sociale des gens et vous proposez des moyens concrets
pour y arriver, pour que ce soit fructueux.
Dans un premier temps, il y a deux questions que je voudrais vous poser.
La première - vous dites qu'il en existe très peu au
Québec - c'est: Comment voyez-vous les centres d'intervention de crise?
Où se situent-ils? Comment fonctionnent-ils? Vous avez parlé
brièvement des horaires. Je vois à quel type de besoins ils
répondent, mais j'aimerais savoir exactement... Je pense que vous aviez
en tête une ressource qui manque dans l'ensemble des ressources. Je
mettrais peut-être celle-ci davantage comme une deuxième question.
Ma première question serait celle-ci: Avec votre expérience dans
le
milieu de Robert-Giffard - je veux vraiment faire exclusion de
l'institution comme telle -est-ce que vous êtes capable de mesurer,
est-ce que l'institution est capable de mesurer le niveau de réinsertion
sociale véritable qui a été accompli avec des personnes
qu'on a tenté de renvoyer dans la communauté? J'ai souvent
l'impression que l'on confond réinsertion sociale avec
déplacement des individus. Par exemple, si on les sort de l'institution
et qu'on les met dans un foyer d'accueil ou un foyer de groupe, on va parler de
réinsertion sociale. Je pense que c'est - comment dirais-je? - un pas
vers la réinsertion sociale, mais j'ai l'impression que, dans bon nombre
de cas, la réinsertion sociale finit là. On les a changés
de toit, mais je ne suis pas sûre qu'on procède davantage à
la réinsertion sociale. Selon votre expérience, de quelle
façon avez-vous pu mesurer le succès de la réinsertion
sociale des bénéficiaires de Robert-Giffard, par exemple?
Mme Taillon: Vous me posez la question personnellement?
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Taillons Bon. Je ne peux pas vous dire très
explicitement comment l'institution, globalement, a cherché à la
mesurer comme telle. Je puis vous répondre à titre d'intervenante
et connaissant assez bien ce que les travailleurs sociaux ont essayé de
faire par rapport à ce problème-là. Je peux vous donner
certaines pistes par rapport à des possibilités de mesurer cela.
Par exemple, il y a les personnes qui vont fréquenter un centre de jour
ou, en tout cas, une structure qui a tout d'un centre de jour - je sais
qu'à Robert-Giffard il y a une structure existante - qui reçoit
donc des bénéficiaires - on va les appeler comme cela si on peut
s'entendre sur une dénomination -dans une espèce de centre
d'activités thérapeutiques de groupe polyvalentes. Donc, selon le
nombre de personnes qui habitent à l'extérieur qui
fréquentent régulièrement ce centre de jour, on peut, je
pense, identifier qu'il y a un minimum de réinsertion sociale qui se
fait là, c'est-à-dire que l'autonomie est renforcée,
favorisée et supportée par des intervenants de différents
types, d'ailleurs. La même chose vaut, bien sûr, pour tous ces
bénéficiaires qui fréquentent les cliniques externes et
qui, de ce fait, sont hospitalisés moins souvent, disons, quoique la
réinsertion sociale recherchée depuis tout au moins les dix
dernières années de façon accélérée a
fait hausser le taux de réadmission dans un certain sens, parce que plus
on sort de gens de l'institution, plus il y en a qui sont à
l'extérieur et plus il y en a aussi qui font des rechutes et qui sont
hospitalisés. C'est bien sûr que, si vous gardez tous les gens
à l'intérieur, votre taux de réadmission est
inférieur. Donc, il y a différents paramètres, comme cela,
qui pourraient être entrevus.
Ce sur quoi j'aimerais plutôt insister pour répondre
à votre première constatation qui est en partie vraie, mais je
crois qu'elle a tendance à l'être moins - j'espère que ma
perception est juste, quoique mon regard est quand même partiel par
rapport à cela -c'est que les travailleurs sociaux en particulier et
aussi les éducateurs communautaires - je ne sais plus très bien
comment on les appelle - ou les travailleurs communautaires, qui sont comme
volants et qui sont dans certains quartiers où habitent beaucoup
d'ex-bénéficiaires, ont assuré et tentent d'assurer un
suivi vraiment pertinent par rapport aux besoins de ces personnes-là,
incluant une espèce de disponibilité beaucoup plus grande que le
8 à 4, comme je le disais tout à l'heure, ou que le "shift" de
soirée, avec tout ce que cela a d'exigences, bien sûr. Il y a,
cependant, un réel effort pour que ce ne soit pas uniquement un
déplacement de lieu de vie et que ce ne soit pas, non plus, une
espèce de leurre, à savoir que, maintenant que vous vivez dans
telle paroisse, vous n'êtes plus à l'hôpital. Il y a un
travail tant individuel que de groupe à ce niveau-là.
Je crois qu'il y a un travail qui se veut préventif aussi, un peu
axé sur l'éducation populaire dont nous parlions tout à
l'heure. Des familles hébergent ces personnes-là ou, dans la
mesure où ces personnes sont de plus en plus en appartement
surveillé - je n'aime pas beaucoup le terme - ou en appartement
protégé, donc, qu'il y ait une espèce de support aussi et
de regroupement.
Il y a aussi une autre chose que je voulais souligner, qui n'est pas un
paramètre, mais une tentative qui me paraît heureuse de permettre
aux gens de se réinsérer vraiment de façon plus
significative; je pensais à des centres comme la Croix blanche - je ne
sais pas si vous en avez déjà entendu parler - sur la rue
Dessane, ici à Québec, qui existe depuis de nombreuses
années d'ailleurs, qui est une espèce de lieu de rencontre offert
à tous les exbénéficiaires de soins psychiatriques pas
seulement dans un hôpital psychiatrique reconnu comme tel, mais qui
peuvent avoir été hospitalisés dans un département
de psychiatrie d'un hôpital général. Un centre comme
celui-ci se veut donc un lieu de partage, mais aussi un lieu où on
propose des loisirs, où on essaie de stimuler vraiment l'autonomie des
bénéficiaires. Je crois qu'il y a beaucoup d'efforts qui ont
été mis sur la mise en place de structures comme celle-là,
sur leur survie aussi parce qu'à un moment donné cela a
été pas mal remis en cause.
Je reviens donc au travail qui se fait en institution comme à
Robert-Giffard, de faire connaître ces ressources aux patients
lorsqu'ils sont hospitalisés, de les rendre intéressantes,
si on veut, de les inciter à aller voir, tout au moins, ce qui s'y
passe. Une des grandes hantises de la personne qui quitte le milieu
psychiatrique est souvent celle de se retrouver complètement
stigmatisée, comme nous le disions tout à l'heure, à
savoir: Je suis la folle ou le fou. Souvent, eux se nomment comme cela. Nous
avons essayé d'éliminer ces mots-là, mais eux se
perçoivent encore comme cela, surtout quand ce sont des premiers
accès, des premiers séjours à l'hôpital
psychiatrique. Donc, ils se voient seuls et complètement
marginalisés.
Savoir qu'il existe des ressources où ils pourront rencontrer des
gens qui ont vécu la même expérience qu'eux et qui ne sont
pas là pour parler de leurs misères, mais bien pour essayer
d'être plus dans la vraie vie, comme tout le monde, c'est, je crois, une
façon très réelle de favoriser une meilleure
réinsertion sociale.
Donc, je connais des tentatives qui ont été faites. Il y a
sûrement au niveau administratif aussi des points de repère
beaucoup plus clairs et des statistiques qui ont été
compilées pour mieux circonscrire dans quelle mesure... Par ailleurs,
l'élément statistique, je crois que cela a une réelle
importance, mais il ne faut jamais, non plus, oublier l'aspect qualitatif et je
crois que c'est ce que vous vouliez souligner. Que l'on sorte ou qu'on permette
à tant de personnes de sortir du milieu asilaire, c'est une chose. Mais,
maintenant, à quelle qualité de vie ont-ils droit ou quelle
qualité de vie va-t-on leur procurer vraiment à leur sortie c'est
une autre chose. C'est là qu'on est le plus mal placé pour
pondérer cela.
Je pense que c'est plus dans de réelles interventions de partage
ou de cheminement avec ces divers bénéficiaires qu'on peut voir
et mesurer ce qui a été fait. À ce que je peux constater,
dans les quinze dernières années, il y a eu un réel
progrès par rapport à cela. Par ailleurs, il y a des lacunes
énormes. Beaucoup de ces centres de partage qui ont émergé
à un moment donné ont fermé à court terme parce
qu'ils ont été absolument court-circuités par l'ampleur du
problème du fait, comme on le disait tout à l'heure, qu'il n'y
avait pas assez d'information. Ils se sont butés à des
oppositions des milieux institutionnels, et c'est là qu'on retrouve une
difficile concertation entre les milieux institutionnels et les milieux
communautaires. Je pense que cela est connu de tout le monde. Mais il y a quand
même des tentatives heureuses et, à l'intérieur même
de toutes ces difficultés, je crois qu'il y a des progrès qui se
marquent. Mais la plupart des intervenants - j'en ai contacté un certain
nombre depuis juin, que j'avais un peu perdus de vue depuis un bout de temps -
dénoncent tous la même chose, c'est qu'ils se sentent
démunis.
Et la psychose en soi, c'est, dans la mesure où on parle de
problèmes aigus, qu'à un moment donné il faut envisager
des troubles désorganisateurs de la personnalité, donc des
troubles psychotiques. C'est absolument désarmant. Déjà,
c'est énorme comme impact non seulement pour les intervenants, mais pour
la communauté. Alors, c'est assez difficile. Mais il se fait des
choses.
M. Sabourin: Je voudrais simplement...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, M. Sabourin.
M. Sabourin:... apporter quelques éléments
supplémentaires à la réponse de Mme Taillon. Par rapport
à votre première question sur les centres d'intervention de
crise, je dois dire qu'il se fait actuellement au plan bénévole
au Québec des choses extrêmement intéressantes. Je pense,
entre autres, à des choses comme Suicide-Action à
Montréal, ou à des groupes comme Déprimés anonymes
qui offrent, comme cela, bénévolement, à des gens des
services immédiats, des services ponctuels pour des problèmes
précis. Ce sont des bénévoles qui n'ont pas de formation
professionnelle, mais qui offrent quand même des services pour des cas
qu'on a souvent par le passé jugés comme étant
extrêmement graves et nécessitant absolument des ressources
professionnelles.
Là où je veux en venir, c'est simplement de mentionner
que, tant qu'on va maintenir une certaine notion, un certain modèle de
la médicalisation à tout prix de tout ce qui est problème
de mésadaptation, bien sûr que tout le processus très lourd
qu'on connaît - on en a déjà parlé dans une autre
commission parlementaire - tout le processus d"'intake", qui doit être
absolument médical, de sortie et tout cela, qui est très lourd et
qui, dans bien des cas, n'a rien a voir avec le problème qui est
présenté, tant que cela va être maintenu, il va être
difficile de mettre sur pied des choses qui vont convenir davantage aux besoins
de la population et y convenir d'une façon plus rapide.
À un moment donné, il y a cinq ou six ans, peut-être
même plus, cela a été la mode, que la maladie mentale
était une maladie comme les autres. C'était là la chose
qui était dite sur tous les toits, mais pas dans les hôpitaux
généraux à Montréal. Quand il y a eu des
problèmes dans les urgences, allez interroger ces gens, on va vous dire
que la maladie mentale n'est pas une maladie comme les autres, parce qu'on
n'avait pas les ressources pour s'en occuper. On était
complètement démuni.
Un autre élément que je peux peut-être ajouter
à ce niveau, c'est que chaque fois
qu'on parle de désinstitutionnalisation, on a toujours en
arrière-pensée la notion qu'il faut quand même maintenir
les institutions. C'est certain. On a, en fait, un double système, un
système mixte qui, de fait, devrait bien fonctionner parce qu'on se dit
que l'institution n'est peut-être pas ce qu'il y a de mieux pour le
patient, ce n'est peut-être pas ce qu'il y a de mieux pour le
réinsérer socialement éventuellement, mais, par ailleurs,
on maintient toujours ces ressources et on coupe très, très peu.
Avec des surplus de budget ou avec des sommes d'argent qui viennent comme cela,
on ne sait pas trop comment, on essaie d'offrir autre chose, mais on maintient
toujours les mêmes services. Alors, quand il arrive une crise, un
état de crise, comme le mentionnait Mme Taillon tantôt, on revient
à ce qu'on connaît déjà, à ce qu'on
possède déjà. À ce moment, avec un pareil
système, on tourne en rond.
Je pense qu'éventuellement nos législateurs vont devoir
prendre des décisions courageuses à ce niveau. Si on veut
vraiment mettre l'accent sur une désinstitutionnalisation, il va falloir
qu'on le fasse en enlevant énormément de choses
institutionnelles. Je ne dis pas, non plus, qu'il faut abolir
complètement les institutions. Je pense qu'il y a des cas lourds, des
cas sérieux qui vont toujours nécessiter une prise en charge
beaucoup plus institutionnelle qu'autrement. Par ailleurs, il faut quand
même être conscient qu'on ne peut pas avoir les deux choses, que si
on se met toujours à poursuivre parallèlement ces deux notions,
l'inertie du système fait en sorte que la notion d'institution est celle
qui va se maintenir et avec cela on ne s'en sort pas. (17 heures)
Par rapport à votre deuxième question, Mme la
Présidente, concernant les expériences de réinsertion
sociale, je veux simplement rapporter brièvement l'expérience que
j'en ai, qui remonte à peu près à une vingtaine
d'années, à l'époque où j'étais anciennement
à Saint-Jean-de-Dieu, pour un stage de quatre ans en tant que
professionnel, bien sûr. C'était l'époque où on
commençait - c'est vers l'année 1967; donc, cela remonte à
pas mal de temps - à placer les gens dans des familles d'accueil, des
foyers privés. À l'époque, les foyers privés
étaient quand même très répandus, ils le sont quand
même assez aujourd'hui, mais à l'époque il n'y avait pas
beaucoup de foyers publics, c'étaient surtout des foyers privés.
Évidemment, dans le giron immédiat de Louis-Hippolyte-Lafontaine,
qui s'appelait Saint-Jean-de-Dieu à l'époque, il y avait
énormément de ces foyers-là.
J'avais un certain nombre de patients à l'époque qui, sans
trop savoir pourquoi, étaient passés du jour au lendemain en
foyer d'accueil. On ne leur avait pas expliqué ce qui se passait. On les
mettait là en voulant - de bonne foi, j'en suis certain - les aider
à se réinsérer socialement, sauf que, pour eux,
c'était vécu comme une punition parce qu'on ne leur avait pas
expliqué de quoi il s'agissait exactement. Ces gens-là, ceux que
je voyais en assurant un suivi en dehors du centre hospitalier, me demandaient
à tout prix comment faire pour revenir à l'hôpital.
Qu'est-ce que j'ai fait? Il y en avait un, entre autres, qui m'avait beaucoup
touché. C'était un boulanger qui travaillait à la
boulangerie de l'hôpital et qui là était
complètement dans un délire paranoïaque. Il disait:
Pourtant, je fais mon pain, je le fais comme il faut. Il me semble que je n'ai
pas fait d'erreur à ce niveau-là. C'était vraiment
vécu comme une punition.
Je raconte cette petite anecdote pour souligner la
nécessité de l'information, qu'on a mentionnée dans notre
mémoire. Il ne faut pas qu'on passe au-dessus de la tête des gens,
en disant: Nous, on connaît ce qu'il y a de mieux pour eux et on leur
donne exactement ce qu'il y a de mieux sans les impliquer dans le processus.
C'est pour cela qu'un autre aspect de notre mémoire consistait à
dire et à répéter - je pense que c'est important de le
faire - que les ex-psychiatrisés ou les psychiatrisés ont quand
même un mot important à dire au -niveau des traitements, au niveau
de ce qu'on fait avec eux. Je m'arrête ici.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci. M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Au point de vue de la réinsertion sociale,
vous dites aussi qu'ils ont plus de chances dans le milieu urbain que dans le
milieu rural en fait de services. Je serais tenté de dire le contraire,
je vais vous expliquer pourquoi. Dans une grande ville, un
ex-psychiatrisé, ce n'est pas connu. S'il est en crise, ou n'importe
quoi, qu'à un moment donné il fait une rechute, les gens vont
penser qu'il est drogué, les gens ne s'en occupent pas, le laissent sur
le trottoir, ou un autre va lui flanquer une volée, parce qu'il pense
qu'il veut se battre tandis que, dans le milieu rural, les gens vont être
portés à l'aider, ils vont être portés beaucoup plus
à l'intégrer dans la société que dans une grande
ville.
Deuxième approche. On reçoit les gens à nos
bureaux. Je pense que c'est connu à peu près de tout le monde,
qu'on a remplacé à peu près tout ce qu'il peut y avoir de
curés ou de ce que vous voudrez. Les gens sentent un besoin, à un
moment donné, de rencontrer des gens à qui parler. J'en ai
reçu plusieurs au bureau. J'en ai au moins quatre actuellement qui
viennent à mon bureau, peut-être une fois par quinze jours et qui
ne veulent rien savoir des professionnels. Il y a une personne là-dedans
qui, à un moment donné, quand elle entre en
crise m'appelle. C'est instinctif pour elle. Là, je l'envoie
à l'hôpital. Je lui dis quoi faire, j'avertis l'hôpital et
elle fait tout ce que je lui dis.
N'y a-t-il pas dans le système une place, à un moment
donné, qu'on pourrait avoir pour ces gens-là, pour qu'ils
puissent aller parler? Lorsqu'ils viennent à mon bureau, je prends le
temps de les recevoir, cela prend une demi-heure. Je peux parler de n'importe
quoi avec eux quand ils sortent du bureau, ils sont contents, Ils me racontent
leur histoire à partir de la famille et ces choses-là.
Je me demande si, actuellement, il n'y a pas trop de professionnels qui
accaparent le monopole de la vérité autour de ces gens. N'y
aurait-il pas possibilité d'ouvrir d'autres sortes de secteurs? Que ce
soit une bonne mère de famille ou un bon père de famille qui
parle de la réalité quotidienne avec eux, de ce qu'ils sont, de
leurs pouvoirs. J'en ai retourné un au cégep et actuellement il
est là. On s'y est pris à deux reprises. Le premier cégep
l'a refusé, à cause de son état psychiatrique
antécédent, mais un deuxième cégep l'a
accepté. Je me demande s'il n'y a pas des failles dans notre
système actuellement à trop se concentrer sur le professionnel
dans certains cas. Je ne parle pas en général, mais ce sont des
questions que je vous pose actuellement à vous deux.
M. Sabourin: Je pense, M. Laplante, que vous soulignez un
problème important dont on parle déjà depuis plusieurs
années, c'est la question de l'accès aux services. Je pense qu'il
y a des gens qui ont des besoins particuliers. Ce ne sont pas
nécessairement des besoins en termes de traitements immédiats,
mais ce sont par personnes qui ont besoin de parler avec des gens de leurs
problèmes conjugaux, de toutes sortes de problèmes, le
problème de l'éducation de leurs enfants et tout cela. Le
système actuel est ainsi fait qu'il médicalise les
problèmes dans le sens que quelqu'un, pour avoir accès à
notre magnifique système, doit d'abord faire face à un
"screening" au niveau médical. Vous connaissez l'état des bonnes
relations interprofessionnelles à ce sujet. Ce qui se passe, c'est que,
bien souvent, cela s'arrête là. On renvoie la personne chez elle
avec un médicament quelconque pour faire diminuer ses angoisses. Il n'y
a pas de possibilité présentement, sauf peut-être à
l'état vraiment embryonnaire sur le plan des CLCS, mais là
encore, c'est en plein développement, on n'a pas suffisamment de recul
pour pouvoir en juger, il n'y a pas de possibilité pour quelqu'un
d'avoir accès à des services non médicaux par le
système étatique.
Tant qu'on va conserver cette notion que les problèmes, cela
entraîne des maladies, bien sûr qu'il y a une catégorie
énorme de ta population qui va être frustrée, qui va
être déçue et qui ne recevra pas les services auxquels, je
pense, elle a droit. Je pense qu'il faudrait, à ce sujet, qu'on
définisse très clairement ce qu'est la maladie mentale. Je pense
que c'est une partie du concept de la santé mentale, mais ce n'est
vraiment pas l'entité du concept. Pour tout le reste, qu'on mette sur
pied des services ou qu'on donne la possibilité à la population
d'avoir accès à ces services de façon qu'elle
dérange le député le moins souvent possible.
M. Laplante: Remarquez que cela ne me dérange pas.
D'ailleurs, j'ai le cas, actuellement, d'un jeune homme qui a aujourd'hui 28
ans. Il mesure six pieds et un pouce et il est pris comme un pan. Il est
très sympathique. Lorsqu'il vient en crise, c'est rendu que c'est la
famille qui m'appelle. J'y vais, je prends cela comme une action
complètement en dehors. Il est pris de schizophrénie et, quand il
a une crise, il n'a pas besoin d'aller à l'hôpital. C'est cela que
je ne comprends pas. Je vais rester avec lui 20 ou 25 minutes et, en parlant
avec ses parents, en parlant de lui, en parlant de toutes sortes de choses,
à un moment donné, il s'apaise. Il n'a pas besoin d'aller
à l'hôpital. Auparavant, ils faisaient venir la police. On lui
mettait la camisole de force et tout ce que vous voulez et il était
rendu "boum" à l'hôpital, hospitalisé pour quatre semaines.
C'est vrai que je n'ai pas le temps de faire toutes ces choses, mais on le
fait, à un moment donné, cela fait partie un peu de nos mandats
d'écoute de la population. Quand on se dit le serviteur de la
population, ce sont nos patrons, en somme. Cela entre un peu dans nos actions.
Je le fais par acquis de conscience. Mais il me semble qu'il y a quelque chose
qui manque dans vos professions ou dans une société
organisée.
Mme Taillon: Oui, j'aimerais peut-être compléter la
réponse de Michel. Ce que vous mentionnez, de très nombreuses
personnes dans la population vivent la même situation que vous,
c'est-à-dire que beaucoup de personnes qui, précisément,
souffrent de troubles très sérieux d'adaptation personnelle se
sont trouvé des confidents, des personnes en qui elles ont confiance,
avec lesquelles parler est suffisamment apaisant pour, justement, éviter
des crises qui les amèneraient à l'hospitalisation. C'est
très heureux et, en ce sens, Mme la Présidente soulignait tout
à l'heure que nous avions mentionné que nous étions
très favorables à l'émergence de lieux de partage,
d'écoute, etc., qui ne seraient pas professionnels, qui seraient
même issus des ex-psychiatrisés eux-mêmes. Cela existe
déjà. Ces personnes ont cherché, même entre elles,
à se créer des groupes où, effectivement, elles
peuvent
avoir une oreille attentive de façon suffisante, en tout cas,
afin de leur permettre un modus vivendi beaucoup plus acceptable.
Quand vous dites qu'il y a sûrement des failles dans notre
système qui font que ces personnes aboutissent à votre bureau et
que, par ailleurs, il y a une surprofessionnalisation, je crois que nous sommes
entièrement d'accord avec cela. C'est une des choses que nous
dénoncions dans les ressources existantes, à savoir qu'il s'est
créé une espèce d'antiprofessionnalisme parce que je crois
précisément - comme Michel, d'ailleurs, vient de l'expliquer un
peu avant - qu'il y a un surprofessionnalisme par rapport à la maladie
mentale. En ce sens, la médicalisation me semble aussi être un
problème majeur. Historiquement, qu'est-ce que vous voulez, la folie a
été du domaine médical, avec le résultat que c'est
une maladie pour les médecins; même les personnes qui souffrent de
ces troubles ont énormément de difficulté à se
défaire de cette idée. Quand elles vont bien, cela va; elles vont
nier la maladie. Quand cela ne va plus bien, elles ont tendance à
recourir à la notion de maladie.
Je compléterais ce que vous avez dit du jeune homme de vingt-huit
ans qui va se confier à vous et qui réussit à
éviter la crise. Pour un cas comme celui-là, il y en a
probablement 90 qui n'ont pas les mêmes possiblités de trouver
quelqu'un qui va les écouter. Qui plus est, ils ont tellement peur de ce
qui les attend dans la réalité, ils se sentent tellement
démunis par rapport à cette réalité qu'ils font
presque appel à la maladie. Je me souviens d'un grand professeur, un
psychiatre anglais, qui disait que peut-être la période la plus
difficile pour une personne ayant souffert de psychose, c'est le moment
où elle ne peut plus tomber en psychose. Curieusement, la maladie, c'est
aussi un refuge. En ce sens, il y a beaucoup de personnes ayant
déjà été hospitalisées qui, même en
ayant trouvé des confidents - tant mieux si ce ne sont pas des
professionnels, si ce sont des gens entre eux - gardent une espèce de
nostalgie de la période hospitalière, si je peux l'appeler ainsi,
parce qu'il y avait une sécurité maximale et qu'ils
étaient entièrement pris en charge. C'est une espèce de
sécurisation très primaire, mais elle est là et on ne peut
pas la nier.
Il y a un autre aspect sur lequel j'aimerais réagir. Votre
premier commentaire disait: Comment pouvions-nous dire que les gens du milieu
rural avaient moins de possibilités que les gens de la ville? C'est par
rapport aux ressources existantes ou institutionnelles ou parainstitutionnelles
que nous mentionnions cela. Par ailleurs, je serais tentée de dire
personnellement, par rapport à votre exemple à savoir que le
village va mieux accepter la déviance ou la personne un peu plus
bizarre, que c'est un peu folklorique, le fou du village, comme le disait
Félix Leclerc, qui est accepté par l'ensemble de la population.
Ces personnes sont aussi de plus en plus marquées. Les gens sont quand
même mieux informés. Tout le monde dénonce le manque
d'éducation populaire, mais ils sont mieux informés et, quand on
sait qu'une personne est déjà allée soit à
Robert-Giffard, pour prendre l'endroit le plus évident, ou à
Louis-Hippolyte-Lafontaine, c'est quelqu'un qui est dangereux. Les milieux, en
province en tout cas, sont beaucoup moins imperméables à cela
qu'ils l'étaient avant, en tout cas si je pense à un
périmètre de peut-être 70 milles autour d'ici. C'est
peut-être moins facile que cela ne l'était avant, je crois. Il y a
pas mal plus de rejets, du fait que les gens sont mieux informés. C'est
un couteau à double tranchant; un peu d'information, cela peut aussi
rendre plus inquiet. Une information suffisante peut rassurer. Dans la mesure
où on donne des fragments d'information, souvent cela inquiète
plus que cela ne rassure.
Il y a quand même eu des tentatives réelles
d'éducation populaire dans les dernières années. Pensons
à ce qu'il y a pu y avoir à la télévision autour de
différents types de mésadaptation sociale, " que ce soit en
termes de panels, que ce soit en termes de lignes ouvertes, etc. Les gens ont
quand même plus d'information, mais cette information, je crois, est
souvent lacunaire. Elle s'en tient à de grands principes, ce qui fait
que, curieusement, cela peut devenir plus inquiétant. Je ne nie pas, par
ailleurs, que, dans certaines circonstances, cela peut être facilitant;
cela existe sûrement encore. Mais, dans beaucoup de cas, ce que j'ai pu
constater, c'est que ce n'était pas tellement bien reçu dans les
villages. Souvent, c'était la personne du rang qui disait:
Écoutez, cela ne va plus, je regrette, il est temps que vous fassiez
quelque chose avec lui. On faisait comme en ville, on faisait venir le
curé ou le médecin et cela y était, on l'envoyait à
l'hôpital, parce que ce n'était plus acceptable par la
communauté. Enfin, j'aimais quand même apporter ce point.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Y a- t-il d'autres
questions, M. le député de Bourassa?
M. Laplante: II y en aurait beaucoup, mais le temps nous presse.
(17 h 15)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vais juste vous en
poser une, si vous pouvez me répondre brièvement. Je voudrais que
vous me parliez - brièvement, ce n'est peut-être pas facile - de
l'expérience qui se vît en Italie. On a beaucoup entendu parler de
l'expérience de Trieste, etc. Vous n'avez pas
été très claire. De votre côté, au bas
de la page 5, vous dites: On risque quelquefois de transformer ce qu'on voulait
appeler une réinsertion sociale "en un enfer de solitude et
d'exclusion". Selon vous, y aura-t-il toujours un certain pourcentage de la
population des psychiatrisés qui aura besoin de l'institution d'une
façon chronique?
Mme Taillon: Personnellement, je crois que oui, si on
définit l'institution comme un lieu qui vraiment prend en charge des
gens qui ne sont pas capables de se prendre en charge eux-mêmes. Vous
disiez cela et cela me rappelait le cas d'un bénéficiaire, dont
je parlais è mes collègues tout à l'heure avant de venir
ici, qui disait: Vous savez, c'est épouvantable, les lumières au
coin de la rue changent trop vite; je n'arrive jamais à traverser; elles
changent trop vite. De fait, il y aura toujours des gens pour lesquels les
lumières, les feux lumineux au coin de la rue changeront trop vite. Ou
bien ils vont se tirer devant les voitures ou vont risquer de s'y tirer un jour
ou l'autre ou bien, effectivement, on va accepter qu'il y ait des gens qui sont
incapables de voir par eux-mêmes. De toute façon, il y a des gens
qui sont psychotiques de façon chronique et pour lesquels même la
médication, ce que l'on connaît actuellement comme
chimiothérapie et de psychothérapie au sens très large,
dans la mesure où ils ne sont à peu près pas accessibles,
demeurent délirants, demeurent dans un autre monde, et ils ont besoin
d'un encadrement géographique très constant pour arriver, dans un
département de quatre ou cinq pièces, à s'y situer de
façon pertinente, c'est-à-dire pour manger à l'heure qu'il
faut, de la façon qu'il faut et dormir au bon endroit et aux heures de
tout le monde; je crois que oui.
Par ailleurs, si on entend institution dans le sens uniquement
péjoratif, à savoir la grosse institution déshumanisante,
cela est une autre chose. Je crois que, dans l'histoire de l'Italie - dans la
poussée antipsychiatrique, ces groupes-là sont allés
beaucoup plus loin qu'ailleurs, en tout cas, c'est mieux connu - c'est avec
cela qu'on s'est retrouvé. En France aussi, même si elle est
allée moins loin. Je me souviens que, dans le treizième
arrondissement de Paris où il y a eu les premières tentatives
desquelles on s'était inspiré au Québec - de psychiatrie
communautaire on s'est retrouvé avec des gens qui n'arrivaient pas,
j'allais dire les mots "to fit", comme on dit en anglais...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... à
s'adapter.
Mme Taillon: À s'adapter, si vous voulez, à la vie
du quartier ou de l'arrondissement et les intervenants, tout communautaires
qu'ils étaient, se sont retrouvés absolument
désarmés devant ces gens-là et se sont demandé:
Qu'est-ce qu'on fait? Les retourne-t-on à l'institution ou si on
entreprend des processus d'apprentissage pour les instrumenter de façon
adéquate pour qu'ils arrivent à répondre aux normes? Mais
en Italie actuellement, on en est, je crois -je n'ai pas lu les
dernières choses là-dessus, mais j'arrive d'un voyage en Italie
et j'en ai entendu parler - à la recherche de nouvelles structures ou de
nouveaux moyens de répondre aux besoins de gens fortement
perturbés. Si on pense à ces gens-là pour lesquels une
prise en charge quelconque est nécessaire, nous avons trouvé des
moyens plus humanitaires.
Que l'on dise - je pense que cela fait au moins dix ans qu'on le dit au
Québec -que les structures telles que Robert-Giffard ou
Louis-Hippolyte-Lafontaine ne devraient assurément plus exister, j'en
suis entièrement. Que l'on ait des ressources plus à
l'échelle humaine et plus humanitaires aussi dans des types
d'interventions que l'on fait. Anciennement, les gens disaient qu'on parquait
les patients dans les départements. "Parquer", c'était
épouvantable, mais c'était comme cela. Je me souviens - mes
premiers stages en psychiatrie datent de 20 ans -lorsqu'on arrivait dans un
département où il y avait 60 personnes assises dans leur chaise
berceuse et c'était comme cela. C'était, comme on le dit dans la
littérature, l'intertie totale: on sonnait la cloche pour le repas et
cela y est, tout le monde retournait à sa chaise berceuse. Nous sommes
loin de cela.
Entre une prise en charge aussi déshumanisante que
celle-là et une prise en charge plus autonomisante, si on peut l'appeler
comme cela tout au moins par rapport à ce que ces gens-là peuvent
faire -s'ils sont capables de faire leur lit, c'est au moins cela de pris. Mais
il a été une époque où l'on ne se questionnait
même pas à savoir si ces gens étaient capables de faire
leur lit, on le faisait à leur place. C'était pareil pour les
servir au réfectoire; on les servait. Maintenant, il y a des gens qui
sont capables de se servir eux-mêmes, même s'ils sont incapables de
vivre comme tout le monde dans le quartier Saint-Roch, pour prendre cet
exemple-là - il y a toute une échelle, un gradient d'autonomie
qui est à évaluer au départ pour savoir quels sont les
besoins réels de ces personnes.
C'est bien connu en psychiatrie depuis longtemps; il me semble que c'est
Malinovsky qui disait qu'il y avait un tiers des patients psychiatriques qui
évoluaient avec des traitements pertinents; qu'il y en avait un tiers
qui restaient à peu près stables et pour lesquels cela se
maintenait, il n'y avait pas de détérioration manifeste, mais
qu'il y en avait un tiers qui, de toute façon,
évolueraient selon le processus habituel de la maladie, que l'on
intervienne ou pas et ceci, dans le sens positif ou dans le sens
négatif. C'est la loi des tiers souvent que l'on a retenue. Il y a
peut-être 30 % de gens, du moins, identifiés comme
psychiatrisés au départ, pour lesquels les perspectives
d'autonomie sont beaucoup plus limitées que ce qu'on voudrait bien pour
eux.
Peut-être qu'un de nos problèmes comme intervenants et
comme concepteurs de nouvelles solutions, c'est, à quelque part,
d'être emprisonnés dans des désirs qui sont les
nôtres. On voudrait qu'ils en arrivent à vivre comme nous, pour
toutes sortes de raisons, d'ailleurs, qu'il serait trop long d'aborder;
à vivre comme nous alors qu'ils n'ont peut-être pas les ressources
pour vivre selon les objectifs que nous voulons bien leur donner. M. Sabourin
disait tout à l'heure qu'il y a quinze ans on ne leur donnait pas la
parole. Je crois que cela a bien changé. On les informe et on leur donne
aussi la parole pour faire valoir, en tout cas, pour dire, tout au moins, dans
quel milieu ils se verraient. Je me souviens encore récemment de
personnes qui sortaient de l'hôpital psychiatrique et qui avaient la
chance de dire: Vous savez, aller vivre dans Saint-Pascal, je ne veux plus rien
savoir parce qu'à telle place il y a telle personne et je ne veux pas la
voir, car je ne m'entends pas avec elle. J'aimerais mieux aller vivre quelque
part dans Limoilou, è Saint-Charles de Limoilou, par exemple. Donc, les
gens ont tenu compte de cela et ils l'ont aidée à trouver un
appartement dans ce coin-là. Donc, c'est déjà plus humain,
si on veut, et on donne plus de chances aux intervenants et à la
personne de s'adapter si on suit cela. Mais il y a des gens qui ne sont pas
capables de vous dire cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, écoutez, il
y a d'autres problèmes que vous avez soulevés. On les retient
même si je ne vous pose pas de questions, soit toute la question du
partage du pouvoir qui, d'ailleurs, est notée dans la littérature
américaine de la même façon. Vous n'avez pas offert de
solution. Je pense que la solution est peut-être difficile, mais il va
falloir essayer de la rechercher ensemble; sans cela, on n'évoluera pas
beaucoup.
Je voulais simplement ajouter une remarque du président, à
savoir qu'il va falloir répartir les fonds autrement. Je voyais dans
votre information que le budget consacré aux ressources alternatives
visant la réinsertion sociale constituait, en 1983-1984, 0, 4 % du
budget des soins de maladie mentale et, en 1984-1985, 0, 9 %. Je ne l'ai pas
pour 1985-1986. Peut-être que quelqu'un me répliquerait. Oui, mais
vous n'avez pas ajouté ce qu'on donne pour les associations
bénévoles. Je pense que cela ne fera pas bouger beaucoup le
pourcentage, ce qui veut dire que c'est minime en fonction des choses qu'on
discute aujourd'hui.
Alors, je vous remercie infiniment. Je pense que votre
présentation était très, très intéressante.
On commence peut-être à toucher un peu plus à la nature des
problèmes qu'on veut aborder dans le travail de la sous-commission.
Alors, merci beaucoup.
Mme Taillon: Merci également.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On va suspendre les
travaux pour quelques secondes.
(Suspension de la séance à 17 h 23)
(Reprise à 17 h 25)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La sous-commission des
affaires sociales reprend ses travaux. J'invite la Fédération des
centres d'action bénévole du Québec à venir
présenter son mémoire.
Fédération des centres d'action
bénévole du Québec
Mme Catellier (Raymonde): Mme la Présidente, permettez-moi
de me présenter. Je suis Raymonde Cateilier, présidente de la
Fédération des centres d'action bénévole du
Québec et directrice générale du Centre de
bénévolat du Trois-Rivières métropolitain. Les
personnes qui m'accompagnent sont Mme Carmel Desrosiers, travailleuse
bénévole et psychothérapeute de profession. Elle est
travailleuse bénévole à la Fédération des
centres d'action bénévole du Québec; à ma droite,
Mme Pierrette Rondeau, directrice intérimaire à la
fédération.
La Fédération des centres d'action bénévole
du Québec est un organisme à caractère provincial qui
regroupe 56 centres d'action bénévole répartis dans la
province de Québec. Dans ces centres d'action bénévole
travaillent plus de 100 permanents et plus de 12 000 travailleurs
bénévoles. Le rôle de la Fédération des
centres d'action bénévole du Québec est de promouvoir et
développer l'action bénévole dans la province, mais la
fédération a aussi comme mandat de représenter ses membres
sur tout sujet d'intérêt commun. C'est la raison qui nous
amène aujourd'hui devant la commission.
Permettez-moi de vous lire le mémoire que nous avons fait
parvenir à la commission. La Fédération des centres
d'action bénévole du Québec a pris en considération
les projets gouvernementaux vis-à-vis des malades mentaux et tient
à souligner sa position en ce qui a trait aux projets de distribution
des services de soutien
et de réinsertion sociale offerts aux personnes atteintes de
troubles mentaux et vivant dans la communauté.
Ainsi, dès maintenant, la Fédération des centres
d'action bénévole du Québec souligne qu'elle met l'accent
non sur une désinstitutionnalisation, mais sur les services de soutien
liés à la réinsertion sociale. De ce fait, il ne pourrait
être question de collaborer avec le gouvernement sur un ou des projets
visant de fait à se décharger d'une partie de ses
responsabilités dans le domaine de la santé mentale afin de faire
des économies budgétaires en reportant les tâches sur
l'action bénévole et le milieu naturel.
Cette position, qui est pour la fédération une mise au
point, doit clairement servir de préalable à son orientation dans
ce dossier.
S'il est vrai que l'évolution de la psychiatrie invite à
développer des méthodes nouvelles de traitement sur la base de
réseaux de réinsertion en milieu naturel, il n'en demeure pas
moins que cette nouvelle politique ne peut concerner qu'une partie de la
population psychiatrisée, demande du temps pour la mise en place de
réseaux et de services de soutien, demande un nombre élevé
de personnes-ressources ayant une compétence et une formation
différente liée à l'orientation nouvelle se
démarquant du système traditionnel, demande la création de
mécanismes de transition du fait du peu d'autonomie acquise par le
malade psychtatrtsé et longtemps isolé de son milieu naturel par
la durée de son séjour en institution, demande des structures
d'encadrement différentes à mettre en place au fur et à
mesure de l'étape transitoire tant sur le plan des ressources humaines
que des budgets à consentir afin qu'à l'inverse de la tendance
actuelle à des coupures budgétaires de l'État on puisse
appuyer les initiatives pour atteindre à plus long terme une
réduction des coûts et de meilleurs résultats
thérapeutiques, demande une approche de réinsertion qui soit
orientée vers un plan de service plus individualisé, demande une
plus grande sensibilisation du milieu aux problèmes que posent la
santé mentale, la réinsertion sociale et la part active que peut
jouer le milieu sur la prévention comme sur la responsabilité
à l'égard de la santé mentale.
Bien que la politique de désinstitutionnalisation puisse
souhaiter ouvrir le milieu naturel à un éventail très
large de la population psychiatrique, on sait que tous les malades mentaux ne
pourront être, de fait, élargis. Pour ceux qui pourront
l'être, on verra à tenir compte de nombreux facteurs qui
assureront le succès de la transition. Ainsi en est-il de l'encadrement
pour le mieux-être des sujets les plus perturbateurs pour l'ordre social
qui, malgré un traitement approprié, devront trouver un type de
rapport aux personnes-ressources tenant compte des besoins de contacts plus
personnalisés et plus adaptés aux buts de réinsertion
poursuivi. Pour ce faire, il faudra évaluer les possibilités
réelles des individus et du milieu social impliqué dans le
mouvement de transformation. Capacité du malade mental, capacité
du milieu à s'ouvrir à des solutions d'hébergement et de
suivi en milieu ouvert.
Placées dans une orientation de soutien des équipes
soignantes, les associations bénévoles souhaitent participer
à l'humanisation des soins tout en assurant une concertation permanente
entre les groupes professionnels comme les groupes de ressources
alternatives.
La Fédération des centres d'action bénévole
du Québec veut déjà indiquer son refus de porter le poids
des services assurés par les professionnels de la santé mentale
comme le poids de la gestion de services techniques thérapeutiques qui
échappent à sa compétence. Toutefois, la
spontanéité des aidants naturels liée à une
structure d'encadrement plus fluide que pourront fournir les groupes
bénévoles de par l'apport de compétences inédites
et même franchement marginales demeure une des qualités que veut
promouvoir la Fédération des centres d'action
bénévole du Québec.
À cet effet, on demande que la période de transition ne
soit pas définie par un temps limite afin que la mise en route se fasse
graduellement. On sait déjà, pour l'avoir évalué
dans des pays où s'est effectué le changement, que
l'établissement de nouvelles pratiques, de mécanismes
inédits à expérimenter cela se construit lentement.
Quand la pression du renouveau s'exerce avec trop d'insistance, on
assiste à des turbulences et à des phénomènes de
résistance vécus autrement dans l'acceptation de la prise en
compte du lent cheminement des mentalités à s'adapter au
développement d'un changement.
La Fédération des centres d'action bénévole
du Québec tient à s'inscrire comme partenaire et comme bassin de
personnes-ressources dans une perspective de ressources alternatives en
santé mentale. Malgré cette position d'ouverture, il ne saurait
être question de récupérer le travail des professionnels.
À cet égard, nous appuyons l'analyse de nombreux
spécialistes des sciences sociales qui voient dans la nouvelle politique
une possibilité de récupération des travailleurs
bénévoles pour pallier le manque économique à
fournir de l'État-providence.
Perçue et voulue comme partie d'une solution de mouvement
permanent et régulier oscillant entre l'institution et la
collectivité, la Fédération des centres d'action
bénévole du Québec souhaite échanger de
l'information, collaborer au regroupement des
acteurs des formations alternatives et initier ou participer à
une concertation permanente entre les groupes.
Cela suppose donc comme préalable que le gouvernement reconnaisse
comme partenaires décisionnels les organismes déjà
existants sur lesquels il s'appuie de fait dans ses projets, telle la
Fédération des centres d'action bénévole du
Québec. Cela suppose aussi qu'il leur donne les moyens financiers
d'assumer ces nouvelles charges et qu'il mette en place les systèmes de
subventions et de contrôle financier nécessaires.
La Fédération des centres d'action bénévole
du Québec attire l'attention du gouvernement sur ces préalables
nécessaires à tout partenariat dans le domaine et le met en garde
vis-à-vis de toute politique de coupure budgétaire et de
décharge de responsabilité qui pourrait s'avancer masquée
derrière le discours positif de la réinsertion sociale des
malades.
Les membres de la Fédération des centres d'action
bénévole du Québec qui sont les centres de
bénévolat ont comme mission d'être le carrefour de l'action
bénévole et de l'entraide communautaire sur son territoire. Ils
ont comme orientation de favoriser par l'action bénévole la prise
en charge des individus, des groupes et de la communauté par
eux-mêmes. Les objectifs des centres d'action bénévole sont
de promouvoir l'action bénévole dans les différents champs
de l'activité humaine et de susciter une réponse aux besoins du
milieu par l'action bénévole. Cela veut dire qu'on vise à
favoriser la mise en place de services individuels et collectifs par
l'intermédiaire des bénévoles dans différents
champs d'activité, tels que santé et bien-être, justice,
éducation, etc., mais ce qui nous préoccupe aujourd'hui, ce sont
surtout les services de santé.
Je peux vous parler des services qui sont présentement offerts
à la clientèle dont on parle aujourd'hui. Les centres de
bénévolat ont aujourd'hui des services structurés pour les
personnes atteintes de troubles mentaux. Je vais vous en énumérer
quelques-uns. Il y a le parrainage civique, l'accompagnement, le service d'aide
téléphonique des centres de jour bénévoles. Il y a
aussi des services qu'on offre aux familles qui sont les services de
gardiennage.
Il y a aussi tous les liens que les centres d'action
bénévole développent avec les organismes qui s'occupent
des personnes atteintes de troubles mentaux. Les services qu'on peut offrir par
les liens que nous avons tissés avec ces organismes sont des services de
support technique et aussi de référence de
bénévoles.
Il y a aussi tout le volet des bénévoles qui forment les
centres d'action bénévole du Québec. Qui sont-ils, ces
bénévoles? La plupart des gens qui viennent offrir leurs services
bénévoles dans nos bureaux y viennent spontanément. Mais
il y en a aussi qui nous sont dirigés par des médecins ou des
travailleurs sociaux. Parmi ces gens qui nous sont référés
par les médecins et les travailleurs sociaux, il y a des personnes qui
sont atteintes de troubles mentaux. Alors, le pas qu'ils font en venant
s'offrir comme bénévoles est déjà un premier pas
vers la réinsertion sociale. Mais nous n'avons aucun encadrement, aucun
suivi prévu pour ces personnes. Elles sont bénévoles au
même titre que les autres. Si on parle de
désinsti-tutionnalisation massive, je me demande de quelle façon
notre milieu pourra réagir à cela. Est-ce qu'on aura
l'infrastructure nécessaire pour accueillir et soutenir ces individus
qui seront désinstitutionnalisés?
Les centres d'action bénévole étant autonomes,
chacun voit à assumer ses moyens de financement. Si on devait offrir des
services supplémentaires, si on devait mettre en place d'autres services
quand les gens atteints de troubles mentaux viendront s'offrir comme
bénévoles, avec le peu de budgets, les budgets restreints que les
organismes ont présentement, on se demande si on va être capables
de mettre en place de nouveaux encadrements.
Il s'agirait peut-être de penser, si vous devez continuer dans
cette action, à débloquer des budgets supplémentaires pour
aider les organismes bénévoles pour qu'ils puissent mettre en
place ou mettre en route des services appropriés issus des demandes et
des initiatives du milieu et aussi pour faire toute la sensibilisation qui
devrait être faite auprès des gens pour les inciter à
s'impliquer socialement.
Il y a aussi tous ces bénévoles qui ne sont pas des
spécialistes auxquels il faudra donner une formation et qui auront
besoin d'un encadrement. Je pense qu'en fin de compte ces initiatives
bénévoles, issues de la spontanéité, apporteront un
renouveau axé non sur la thérapie, mais sur l'entraide. En fin de
compte, je pense que tout le monde sera gagnant.
Est-ce que tu veux ajouter quelque chose, Carmel?
Mme Desrosiers (Carmel): Oui. Je voudrais, d'abord, souligner
l'excellence de l'exposé de la Corporation des psychologues, tout
à l'heure, qui campait très bien le problème, à mon
avis. Comme supplément, je veux souligner que l'action
bénévole, grâce au travail qui est fait non seulement par
la Fédération des centres d'action bénévole mais
par d'autres groupes qui sont dans le milieu, a déjà
contribué à la désinstitution-nalisation d'une
façon spontanée, a déjà aidé les gens qui
ont été retournés dans leur milieu.
Dans l'esprit qui fonde le besoin de la désinstitutionnalisation
et de la démédicalisation, il y a cette connaissance du profil
de
l'institution qu'on juge comme étant non satisfaisante à
beaucoup d'égards. D'autre part, il faut tenir compte de la dimension
sociologique, à savoir que le milieu est très mouvant; la
mouvance des valeurs, la transformation de la famille ont fait que d'une
certaine façon ce n'est pas seulement l'institution qui est remise en
cause, mais toute notre société. Il faut tenir compte aussi des
besoins des malades, des besoins des familles et des problèmes que
rencontrent les familles. Au niveau de l'action bénévole, on axe
les services sur les failles du système, sur les failles au niveau de
l'approche par rapport aux malades, mais aussi sur l'approche par rapport non
seulement à la solitude des individus et des malades mentaux, mais
à la solitude des familles qui se retrouvent avec des problèmes
énormes.
Pour revenir à ce que M. Laplante donnait tout à l'heure
comme réponse à quelqu'un qui venait le rencontrer, vous avez
agi, en fait, comme un aidant naturel, tel que le vivent aussi les gens dans
les centres d'action bénévole qui sont là comme
écoutants et qui sont là comme aidants naturels d'une
façon peut-être non structurée, d'une façon qui
n'est pas inscrite dans un cadre rigide, mais qui répond aux besoins du
milieu de façon naturelle et de façon spontanée.
Donc, ces ressources qui sont apportées, ces ressources humaines,
sont bonnes aussi parce qu'on apporte une alternance dans les soins et c'est
une énergie nouvelle qui est assurée. On sait, dans les
institutions, que très souvent la difficulté est apportée
par l'épuisement que ressentent les équipes. Du fait de
l'alternance des ressources, on a un ressourcement et c'est excellent. On voit
qu'il y a une action qui se développe dans une responsabilisation
sociale.
Ce qu'on veut souligner aussi au niveau de la fédération,
c'est qu'on ouvre la porte à une certaine forme d'implication, mais on
demande une collaboration avec les équipes parce qu'on n'est pas
d'accord qu'on peut apporter toutes les réponses. Pas plus que les
autres groupes on n'a des réponses définitives. Dans tous les
pays, on cherche des réponses, on ne les a pas trouvées. C'est
une des façons d'aborder le problème, à savoir que la
communauté prenne ses responsabilités en collaboration avec des
professionnels. C'est donc ce que je voulais souligner et aussi que les petites
équipes des groupes bénévoles prennent en charge des
petits groupes qui sont différents et amènent cette humanisation
des soins.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie pour
votre mémoire et votre présence devant la commission. Je pense
que le rôle qui est de plus en plus dévolu aux aidants naturels ou
aux organismes bénévoles va grandissant.
Je voudrais, avant de faire d'autres commentaires, vous rassurer sur les
intentions de la commission quant à l'utilisation des
bénévoles comme moyen de récupération des
professionnels ou main-d'oeuvre à bon marché. Je dois vous dire
que - je ne veux pas sonder les reins et le coeur du ministère - nous
fonctionnons, comme commission, à l'extérieur du ministère
dans l'examen de cette question-là.
Notre attention a été retenue par les gens, justement, qui
ont des troubles mentaux. On aurait pu l'étendre aussi à tous les
groupes d'itinérants: les alcooliques, les femmes battues, les
prostituées, etc. On a retenu ce groupe-là auquel se sont
adjointes, finalement, les personnes atteintes de déficience mentale,
parce qu'à maints égards elles ont un problème de
réinsertion sociale. Elles ont connu un peu les mêmes cheminements
institutionnels, etc.
Nous, en tout cas, dans nos intentions, on n'a pas ce type de dessein
caché. Je pense que cela a été signalé tout
à l'heure lors de la présentation qui vous a
précédés: il y a dans la communauté des personnes
qui sont des bénévoles qui, parce qu'elles fonctionnent d'une
façon différente, parce qu'elles sont un peu plus
imperméables à toute l'approche professionnelle, comme vous
l'avez mentionné vous-même vis-à-vis de certains cas de
psychiatrisés, je pense, ont une réponse - je pense que c'est ce
que mon collègue de Bourassa essayait de traduire tout à l'heure
- qui correspond à des besoins particuliers. L'approche peut être
plus directive, par exemple. Cela dépend aussi du type d'identification
que le psychiatrisé fait avec une personne qu'il identifie comme
étant son père, étant sa mère, enfin, ou pouvant
lui servir de figure parentale. Il y a toutes sortes... Puisque vous êtes
psychothérapeute, vous connaissez tous ces phénomènes de
transfert qui peuvent jouer, qui font que cela peut être beaucoup plus
efficace qu'une longue relation thérapeutique professionnelle.
Pour nous, c'est vrai qu'évidemment, tout ceci coïncidant
avec la crise économique, les coupures budgétaires, il est facile
de faire le lien de cause à effet entre les deux, mais je pense que la
renaissance ou la naissance, dans certains cas, des organismes
bénévoles remonte bien avant la crise économique et, Dieu
merci, même avant les coupures budgétaires. Je pense, enfin, que
c'est un sentiment de solidarité humaine qui s'exprime à travers
les mouvements des organismes bénévoles. Je pense que cela
demeure une assise importante dans notre société.
Mais pour revenir d'une façon plus concrète à votre
mémoire, une fois cette mise au point faite, j'aimerais que vous me
disiez quels sont les problèmes, comme
bénévoles, que vous rencontrez à servir cette
partie de la population dont nous discutons aujourd'hui. Est-ce qu'il y a des
problèmes de nature particulière qui vous rendent la tâche
plus difficile? (17 h 45)
Mme Rondeau (Pierrette): Comme bénévole ou comme
professionnelle travaillant avec des bénévoles, je pense que les
problèmes les plus difficiles qu'on puisse rencontrer, c'est souvent
l'inexpérience face à cette clientèle. On parlait
tantôt de l'inconnu, l'inconnu étant souvent source de peur. On
réalise que trop souvent les gens, la population, les citoyens veulent
faire quelque chose pour cette clientèle, mais ne savent pas comment s'y
prendre ou ont peur de cet inconnu qui leur semble astronomique. Alors, on se
dit qu'une formation élémentaire... Il ne s'agit pas de faire des
aidants naturels des professionnels, mais de leur donner l'information
suffisante pour alimenter leurs gestes, aider leurs actions. C'est un moyen, un
petit moyen susceptible de favoriser l'engagement des citoyens. Je me
promène au Québec, à l'intérieur de mon travail, et
je réalise que les gens sont préoccupés par la
santé mentale, chacun ne se sentant absolument pas à l'abri de
cette maladie, si on me permet de l'appeler ainsi, de sorte que les gens sont
prêts à s'engager bénévolement ou à faire
quelque chose pour un parent, pour un voisin ou quelqu'un de plus anonyme. La
difficulté est toujours reliée au manque d'information que
ceux-ci ont face à la maladie. Donc, par le biais de la formation, de
cours ou de techniques d'entrevue, on peut réaliser que ces instruments
vont favoriser l'engagement des gens.
On a parlé tout au cours de la journée des
difficultés qu'éprouve la population à accueillir cette
clientèle, mais nous, à la fédération, on
considère que c'est beaucoup relié au manque d'information et de
connaissances. C'est un premier élément qui fait que les
difficultés peuvent être grandes à ce sujet.
Les difficultés qu'on peut rencontrer, c'est toujours en termes
d'information. L'étendue de la problématique de la santé
mentale a tellement d'aspects différents. Tantôt, on faisait
mention des différents services qui existent. On parlait de
Suicide-Action à Montréal, il y a l'équivalent a
Québec; il y a les centres d'écoute, les face-à-face
téléphoniques, les parrainages civiques qui se font aussi
d'individu à individu. Tous ces services partent d'une bonne
volonté de relations interpersonnelles mais demandent, selon la
problématique rencontrée, des approches un peu
différentes. L'intervention auprès des suicidaires est tout
à fait différente de celle, je pense, entre autres, auprès
de jeunes déficients mentaux. Alors, je pense que cette éducation
est à faire et on sent que les travailleurs bénévoles
veulent en connaître plus. Ils sont très soucieux d'en
connaître plus sur la santé mentale, mais n'ont pas
nécessairement la collaboration des professionnels. Tantôt, on
parlait des champs d'intervention qui étaient des chasses gardées
de chacun des organismes. On le vit énormément sur le terrain. Je
ne culpabiliserai pas un côté ou l'autre; ce sont peut-être
les bénévoles dans certains cas, ce sont peut-être les
professionnels dans d'autres, mais, une chose est certaine, c'est difficile
pour ces deux entités de se rencontrer et de se parler. Il y a des
méfiances de part et d'autre. Cette difficulté est aussi un grand
obstacle pour les travailleurs bénévoles. Donc, manque
d'information et difficulté d'échange et de partage entre les
différents intervenants au point de vue de la santé mentale.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La prise de conscience,
je pense qu'elle a été faite de la part de la Corporation
professionnelle des psychologues, si on veut prendre un groupe professionnel.
Vous faites la même observation du côté des
bénévoles. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a là un
début de rapprochement, peut-être? Une fois qu'on admet cela, de
part et d'autre -peu importe qui est le coupable, je pense qu'on ne veut pas
chercher de coupable; dans le fond, c'est plutôt de
l'insécurité que de la culpabilité - est-ce qu'il n'y a
pas un espoir que, finalement, des efforts de concertation soient faits, qu'un
modus vivendi soit trouvé ou que des tables soient formées pour
discuter de part et d'autre de ce problème qui, en fin de compte,
pénalise ceux qu'on veut aider?
Mme Rondeau: Je pense que c'est effectivement un premier pas qui
peut nous permettre beaucoup d'espoirs. Par ailleurs, je crois aussi qu'il est
important de mettre des structures, des mécanismes favorisant cet
échange, ce partage. Il y a des expériences, par exemple, dans le
cadre du maintien à domicile qui s'adresse plus spécifiquement
aux personnes âgées, qui sont vécues dans les centres de
bénévolat où on réalise que des professionnels de
la santé, en concertation avec des groupes bénévoles,
peuvent en arriver à étudier des problématiques
reliées à des individus et à apporter des solutions
collectives qui visent le mieux-être de l'individu. Ces
expériences se développent de plus en plus dans le cadre du
maintien à domicile. Il me semble que ce serait peut-être possible
de faire les mêmes tables de concertation, d'échange et de
recherche de solutions concernant la santé mentale. Je pense qu'il
s'agirait peut-être de favoriser, par contre, ces occasions de rencontre.
L'intention étant déjà amorcée, je pense qu'il y a
des espoirs sur lesquels on peut compter.
Mme Desrosiers: Mme Lavoie-Roux, pour répondre à
votre question, il y a un autre aspect que j'aimerais souligner. Il arrive
aussi que dans certains centres on ait des demandes de bénévoles
qui ont des difficultés d'adaptation. Le problème
rencontré par les centres d'action bénévole est de ne pas
déséquilibrer les équipes de bénévoles par
trop de cas-problèmes. Pourtant, si on avait un peu de soutien pour
l'encadrement de ces personnes, il y aurait peut-être lieu d'en
intégrer davantage. On ne peut pas prendre que des cas-problèmes
dans les équipes bénévoles, sinon, l'action est
faussée d'une certaine façon. C'est un des problèmes qui
arrivent dans certains centres; il faudrait peut-être qu'on se penche sur
ce problème.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vais donner la parole
à mes collègues immédiatement après parce que je
vais me faire gronder, et avec raison. Est-ce que c'est un problème qui
se retrouve uniquement lorsque vous faites du travail bénévole
auprès de ce groupe de personnes?
Mme Desrosiers: C'est auprès de la communauté en
générai.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Auprès de la
communauté en général, vous retrouvez ce type de
problème.
Mme Desrosiers: Oui. Les gens cherchent un lieu d'action, mais un
lieu d'écoute, un lieu d'échange. Ils ont besoin d'être
utiles. Il y a beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte; les
objectifs, les motifs de chacun sont multiples. Il reste quand même qu'on
a des offres de services de gens qui ont de multiples problèmes, qui
veulent sortir de leur isolement. Pour d'autres, c'est après avoir
été atteints d'une maladie ou d'une autre. Ce n'est pas
uniquement lié aux gens qui sortent des institutions. Êtes-vous
d'accord?
Une voix: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: Tout à l'heure, vous parliez de certains
services offerts par la fédération, par les organismes
bénévoles. Vous avez parlé du service de gardiennage. Cela
m'intéresse beaucoup. On disait qu'il était difficile de sortir
certains handicapés, entre autres les handicapés intellectuels,
de leur milieu familial. Comment organisez-vous cela? Allez-vous offrir vos
services à domicile ou si vous les amenez dans un centre quelconque?
Comment cela s'organise-t-il?
Mme Catellier: Quand j'ai parlé du service de soutien aux
familles qu'est le gardiennage, c'est pour permettre aux gens qui s'occupent de
personnes atteintes de troubles mentaux à domicile, c'est pour leur
donner la chance, à eux, de sortir, d'aller prendre l'air et d'aller
respirer ailleurs. Un bénévole se rend à la maison pour
garder la personne atteinte de troubles mentaux pendant que ses gardiens
habituels prennent quelques heures de liberté. C'est de cette
façon-là qu'on procède.
Mme Lachapelle: Ah bon, merci. Je me demandais si elles
étaient gardées à la résidence même, dans le
milieu familial.
Mme Catellien Elles sont gardées à la
résidence, oui.
Mme Lachapelle: Ah bon, merci.
Mme Rondeau: II est important de se rappeler que le service
bénévole est un service d'appoint; c'est un service de
qualité de vie. Le souci des travailleurs bénévoles est
souvent d'apporter un réconfort ou un peu d'espace aux familles, entre
autres, qui ont des enfants ou des adultes ayant ces
difficultés-là ou ces handicaps.
Il est bien évident que - vous demandez comment on
procédait et on vous a répondu - il y a aussi tout l'aspect du
recrutement des travailleurs bénévoles. Cet aspect n'est pas
nécessairement simple. Le service va se faire à partir des
besoins du milieu, bien sûr, mais aussi des disponibilités des
travailleurs bénévoles à offrir ce service-là.
C'est vraiment un service d'appoint et un service de qualité de vie qui
se fait et qui est assez répandu dans tout le Québec.
Mme Lachapelle: La personne doit posséder certaines
qualités, j'imagine, pour remplir un service de gardiennage chez un
handicapé intellectuel, mais qui a souvent aussi des handicaps
physiques. Cela demande, d'après moi, quelqu'un de compétent.
Avez-vous une période de formation pour ces
bénévoles-là?
Mme Rondeau: C'est la spécificité des centres
d'action bénévole. Chez nous, dans les centres de
bénévolat ou d'action bénévole, entre autres ceux
affiliés à la fédération, nous insistons beaucoup
sur la formation des travailleurs bénévoles. Comme je le disais
tantôt, il ne s'agit pas d'en faire des intervenants professionnels, mais
de fournir aux travailleurs bénévoles les instruments, les outils
susceptibles de les amener à avoir une intervention la plus pertinente
possible.
Dans les cas de gardiennage, comme celui dont on parle actuellement, on
va donner une formation minimale ou de
l'information. Je préfère l'appeler de l'information parce
que c'est souvent quelques heures qui sont données aux travailleurs
bénévoles intéressés à intervenir dans ce
champ pour les habiliter à ne pas avoir peur, par exemple, dans les cas
d'intervention auprès de personnes handicapées mentalement ou
à savoir comment déplacer une personne handicapée
physiquement. Alors, c'est de l'information de ce genre qui est donnée
en termes de support aux travailleurs bénévoles.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: En premier lieu, je voudrais, par la voix de votre
fédération, remercier tous ces bénévoles. Je sais
que cela ne se compte pas en argent, parce que cela serait très
difficile à évaluer, mais cela se calcule au point de vue du
bien-être social que cela peut apporter à cette
société de malades.
Maintenant, vous ne dites pas combien de cas vous avez pu avoir dans une
année, combien vous en avez actuellement. Est-ce que vous êtes
saturé actuellement? Est-ce que les médecins, les professionnels
hésitent à vous envoyer des cas? Vous parlez très peu ou
vous ne parlez pas de ces problèmes que vous envisagez. Pouvez-vous me
répondre à ces trois courtes questions?
Mme Rondeau: Oui. Vous avez une question tout à fait
pertinente, qui nous revient toujours aux groupes bénévoles dans
le sens qu'on nous demande des statistiques. Mais on n'a pas les moyens de
monter des statistiques. On voudrait bien vous les fournir, mais nous n'avons
pas les ressources pour le faire. À la fédération, nous
sommes trois permanents: trois permanents qui couvrent le Québec au
complet, qui essaient de donner beaucoup de services. Enfin, la cour des
miracles, on connaît assez bien cela. Donc, on aurait de la
difficulté à vous donner des chiffres.
Par contre, je peux vous dire qu'au Québec, dans nos centres de
bénévolat, il y en a actuellement 56 affiliés. Dans la
grande majorité - peut-être que je pourrais avancer un chiffre de
50 sur 56 - on intervient au niveau de la clientèle - je ne sais plus
comment l'appeler - de personnes handicapées mentales, d'une
façon ou d'une autre, ou par du gardiennage ou par de la
prévention, ou par des visites en institution, ou par des visites en
centre d'accueil. Enfin, il y a différents genres de services qui se
donnent, mais dans les 50 centres on peut dire qu'on touche cette
clientèle.
Cela me serait très difficile d'avancer d'autres chiffres
concernant nos services et la quantité de services rendus. On parle
beaucoup plus du genre d'intervention ou de la qualité de l'intervention
que de quantité chez nous. Les bénévoles en
général répugnent à quantifier le nombre d'heures
qu'ils vont faire dans une visite d'amitié, par exemple. Dans le cadre
du parrainage civique, c'est très difficile aux travailleurs
bénévoles de quantifier le nombre d'heures qu'ils vont donner.
Ils le font parce qu'ils ont le goût de le faire, parce que cela leur
plaît, mais ils nous amèneront très rarement des chiffres.
Alors, pour nous, l'ensemble des groupes bénévoles, ce sont des
demandes qui nous arrivent constamment, autant de la part d'organismes
gouvernementaux que de bailleurs de fonds, mais ce sont des choses auxquelles
on a beaucoup de difficulté à répondre.
Mme Desrosiers: II y a une chose qu'il faudrait ajouter et qui
nous manque, c'est que, parfois, au niveau de l'action qu'on pose, concernant
les budgets de recherche, on est vraiment sous-équipés. C'est une
chose qu'on souhaiterait parfois obtenir qui nous permettrait d'aller plus
loin. Mais, comme le souligne Mme Rondeau, en ce qui concerne les heures, cela
ne fait pas partie de l'esprit de l'action bénévole de compter
ces heures comme si on était des fonctionnaires. Les gens ne sont pas
des fonctionnaires d'action bénévole, heureusement! D'autre part,
on réalise bien qu'il faut avoir une certaine part d'appoint des
professionnels pour nous aider à poursuivre.
M. Laplante: S'il y avait élargissement de ces malades,
s'il y en avait moins dans les institutions, est-ce que votre groupe est
saturé de bénévoles ou s'il est prêt à
prendre ce surplus?
Mme Rondeau: Je pense qu'il y a des initiatives
intéressantes qui se sont prises en région pour accueillir des
ex-psychiatrisés. Par exemple, à Rimouski, on a monté un
groupe bénévole qu'on pourrait appeler un centre de jour. Ce sont
des travailleurs bénévoles qui ont organisé cette
ressource avec l'aide du centre pour aider les ex-psychiatrisés à
s'occuper. C'est de l'occupationnel pur et simple, mais je pense que cela rend
quand même énormément service. Les groupes vont
créer des ressources en fonction du temps disponible et, très
souvent, en fonction de l'urgence dans le milieu.
Compte tenu du fait que les centres de bénévolat ont
plusieurs champs d'intervention, la santé mentale n'est pas notre champ
prioritaire et unique, de sorte que, dans les centres de
bénévolat, selon les besoins de la population, on va
développer des services répondant à ces besoins. Des
travailleurs bénévoles, il y en a - je l'ai dit tout à
l'heure - qui sont prêts à intervenir dans ce champ d'intervention
avec un minimum d'aide
et de soutien. La fédération est prête à
outiller dans la mesure du possible, à apporter le soutien et l'aide aux
organismes du milieu qui sont prêts à développer ce type de
services, mais il est évident qu'avec les ressources actuelles nos
réponses sont aussi limitées. C'est incontestable.
Vous demandiez tout à l'heure, lors de l'énoncé de
votre question, si les médecins ou les psychiatres nous faisaient
confiance et nous envoyaient des gens. Cela n'est pas le problème, on en
a plus qu'il n'en faut, Cela semble même être une ressource qu'ils
apprécient beaucoup. Il y a des centres qui, à un moment
donné, ont dû intervenir en disant: Trop, c'est trop. On n'est
plus capable d'en prendre parce que c'était presque la thérapie
idéale: Allez faire du bénévolat, cela va vous aider
à vous réinsérer socialement! C'était, dans
certains milieux, ce qu'on entendait beaucoup. Je pense que, sans encadrement
plus que ce qui existe actuellement dans les centres de
bénévolat, il nous est difficile d'en donner plus. Les centres de
bénévolat fonctionnent avec un ou deux permanents qui ont
à gérer plusieurs dossiers dans plusieurs champs d'intervention
et c'est assez difficile. Je pense que l'intérêt est là,
l'intérêt des centres, l'intérêt de la
fédération et l'intérêt de la population. Il s'agit,
à ce moment-là, de faciliter cet intérêt.
M. Laplante: D'accord. Merci encore une fois pour ce que vous
faites.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quel serait dans vos
bénévoles - ça, non plus, vous ne devez pas être
capable de le donner, ça peut être juste une estimation
grossière -le pourcentage, justement, des personnes éprouvant
elles-mêmes certaines difficultés? C'est peut-être une
question injuste à vous poser.
Mme Rondeau: C'est très difficile effectivement. Je pense
que la courbe suit la densité de population. Je sais, par exemple, que
sur la rive sud de Montréal, qu'on connaît bien parce que la
fédération est située à Montréal, les
centres d'action bénévole en périphérie de
Montréal sont beaucoup sollicités par ce type d'individus,
c'est-à-dire que beaucoup d'ex-psychiatrisés vont se
présenter au centre pour offrir leurs services ou seront
référés par des médecins. Je pense que cela suit
beaucoup la courbe de la population.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ma dernière
question est la suivante: Quel est -c'est peut-être un peu plus facile -
le taux de persévérance et aussi la longueur, la moyenne en
temps, de persévérance des bénévoles? C'est aussi
un facteur important, surtout quand on travaille avec ce type de
bénéficiaires. Je pense qu'un changement trop fréquent a
plus d'importance qu'avec un autre type de bénéficiaires. Est-ce
que vous avez une idée de ça?
Mme Rondeau: Cela dépend beaucoup du type de services
offerts. Par exemple, dans les services de parrainage civique, on
réalise que les gens sont intéressés à poursuivre
parce qu'il y a vraiment une relation individuelle. Le bénévole
peut avoir la satisfaction de voir des progrès dans la
réinsertion de son aidé. Par ailleurs, dans d'autres services, je
pense aux services d'aide téléphonique, c'est plus difficile. Les
gens auront une rotation plus grande parce qu'on n'a pas un suivi avec un
individu et les résultats ne sont pas très concrets, c'est
difficilement mesurable. Donc, l'intérêt, la motivation ou la
continuité des travailleurs bénévoles est très
reliée à la satisfaction qu'ils retirent de leur engagement. Ceci
vaut dans tous les champs d'intervention.
Les centres de bénévolat qui ont pour clientèle, si
vous me permettez l'expression, les travailleurs bénévoles se
soucient énormément de la motivation des travailleurs
bénévoles et tentent de fournir à ceux-ci des instruments,
des outils, des objets de satisfaction au niveau de leur motivation. Pour nous,
c'est très important de pouvoir fournir au travailleur
bénévole un lieu, un service ou des éléments
facilitant son engagement et poussant du fait même sa motivation et sa
persévérance.
J'ai des groupes qui me disent pouvoir conserver leurs
bénévoles pendant deux, trois ans. C'est quand même assez
rare. Mais, dépendant des motivations des travailleurs
bénévoles, on va avoir une continuité plus ou moins
grande. Mais cela se situe facilement entre un an, un an et demi en
général.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bon. Il n'y a pas
d'autres questions. Je vous remercie beaucoup. On tentera de poursuivre notre
réflexion sur tout l'apport du bénévolat,
évidemment, dans ce problème de la réinsertion sociale.
Merci beaucoup.
Nous allons suspendre les travaux jusqu'à 19 h 30. Les travaux
sont suspendus.
(Suspension de la séance à 18 h 6)
(Reprise à 19 h 40)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): La sous-commission des
affaires sociales poursuit ses travaux. Le premier groupe que nous entendrons
ce soir, ce sont les représentants du Centre hospitalier Douglas. Je
vous inviterais - ils sont, d'ailleurs, déjà rendus -à
vous présenter, ainsi que vos collègues, Dr Harnois.
Centre hospitalier Douglas
M. Harnois (Gaston): Merci, Mme la Présidente. Je suis le
Dr Harnois, psychiatre et directeur général du Centre hospitalier
Douglas, à Montréal. J'occupe ces fonctions de D. G. depuis 1971.
À ma droite, Mme Yvette Ouellet, travailleuse sociale, responsable du
secteur du service social pour le programme de santé communautaire
à notre centre hospitalier. Â ma gauche, le Dr Bernard Jean,
psychiatre, qui pratique aussi au programme de psychiatrie communautaire chez
nous et qui est président du conseil des médecins du Centre
hospitalier Douglas.
Vous avez reçu, Mme la Présidente, copie de notre
mémoire. Donc, on me dit qu'il n'est pas nécessaire de vous le
résumer. J'ai quand même cru bon, pour faciliter la discussion, de
situer un peu, pour les membres de la commission, le Centre hospitalier Douglas
puisqu'il me semble peut-être un peu moins connu que certains de nos
hôpitaux frères. C'est un hôpital psychiatrique fondé
en 1861. C'est un hôpital enseignant affilié à
l'Université McGill et on y retrouve un triple mandat, L'hôpital
a, dans un premier temps, une responsabilité dite de secteur pour un
secteur de l'île de Montréal qui se dénomme secteur A, qui
comprend les villes de Verdun, LaSalIe, Ville-Émard,
Pointe-Saint-Charles. Est-ce que j'en oublie?
Une voix: Côte-Saint-Paul.
M. Harnois: Côte-Saint-Paul, justement. Un secteur
d'environ 190 000 habitants, pour lequel nous avons la responsabilité
d'offrir des services aussi complets que possible dans le domaine de la
psychiatrie. À ce premier mandat se rajoute une responsabilité de
deuxième ligne qui est articulée avec celle de six hôpitaux
généraux affiliés à l'Université McGill,
chacun de ces hôpitaux ayant lui-même son propre secteur de prise
en charge. Donc, c'est une responsabilité de deuxième ligne
vis-à-vis de ces hôpitaux généraux de l'île de
Montréal.
Et, troisièmement, de façon traditionnelle,
l'hôpital a eu la charge de citoyens québécois anglophones
qui ne pouvaient pas recevoir ou qui ne peuvent pas recevoir de services dans
leur langue, puisque celle-ci est un outil, évidemment, essentiel de
communication dans le domaine de la psychiatrie et de la santé mentale.
Ceux qui demeurent au Québec et qui ne peuvent pas recevoir de services
dans leur langue sont acheminés chez nous, lorsque demande nous est
faite.
Pour situer encore l'envergure des services que nous offrons, en ce
moment nous offrons des soins actifs à 3500 malades, dont 2800 sont dans
la communauté. Donc, la problématique de la socialisation, du
suivi des malades mentaux dans la communauté nous est très
chère; 890 de nos malades sont à l'hôpital. Un fait
intéressant aussi, 300 malades viennent tous les jours dans nos secteurs
autres que ceux de la clinique externe. Ni plus ni moins, il y a 300 malades
qui viennent surtout è l'hôpital, mais aussi dans des structures
intermédiaires ou des ressources alternatives - on pourra en parler plus
tard - rattachées à l'hôpital. Nous admettons chaque
année environ 1500 malades. Nous donnons aussi congé au
même nombre de malades environ, même peut-être à un
petit peu plus, puisque le nombre de lits de l'hôpital,
traditionnellement, a tendance à baisser. Nous avons connu, disons, un
nombre de lits qui allait chercher dans les 1700 en 1960, alors qu'en ce moment
nous en avons 890. La liste des ressources intermédiaires est
identifiée dans le mémoire que nous vous avons soumis.
Je voudrais aussi mentionner une chose importante pour nous dans notre
rôle d'hôpital psychiatrique, c'est que nous pouvons compter sur
environ 300 bénévoles, lesquels déjà, depuis une
quinzaine d'années, travaillent tant à l'extérieur
qu'à l'intérieur de l'hôpital pour supporter les efforts de
nos équipes soignantes pour traiter des malades tant à
l'intérieur qu'à l'extérieur du centre.
Dans le mémoire que nous vous avons soumis, nous essayons de
tracer ce qui, selon nous, pourrait représenter une certaine
organisation des services de santé mentale pour permettre une meilleure
réinsertion sociale, si vous voulez, un meilleur traitement des malades.
Comme il est mentionné, après avoir décrit la
problématique, nous mettons l'accent sur les malades mentaux lourds, les
cas lourds. Ceux qui viennent chez nous ne sont certainement pas des cas
légers, ce ne sont pas des gens qui ne présentent que de petits
problèmes; ce sont des gens que, traditionnellement, on a tendance
à identifier à la psychiatrie assez lourde, du moins pour ce qui
est des malades hospitalisés, un peu moins, si vous voulez, pour un bon
nombre de malades qui sont suivis à l'externe.
Nous avons aussi une particularité en ce sens que nous offrons
des soins à toute la gamme de la population, des enfants aux adultes. Je
crois que nous sommes le seul centre hospitalier psychiatrique au Canada
à le faire. Nous avons une population d'enfants, d'adolescents,
d'adultes, évidemment, et de personnes âgées.
Les recommandations ou, du moins, les idées que nous avons sont
décrites après avoir énoncé, évidemment, la
description de nos propres services qui sont, quand même, passablement
étayés, assez bien développés.
Fait intéressant aussi, parce qu'on a tellement tendance à
vouloir conceptualiser les choses en blanc et en noir, l'hôpital
psychiatrique, par les temps qui courent,
ayant un peu plus tendance à se retrouver dans le pôle noir
que dans le pôle blanc, j'aimerais souligner à la commission qu'en
tant qu'hôpital psychiatrique nous avons commencé à
développer des ressources hors hôpital en 1948 en faisant un
centre de jour à l'extérieur de l'hôpital et, depuis ce
temps, comme vous pouvez le voir, nous avons une foule de services
résidentiels que nous offrons à nos
bénéficiaires.
En résumé, ce que nous avançons, c'est que la prise
en charge des malades mentaux lourds demeure toujours excessivement difficile.
Nous croyons qu'elle exige aujourd'hui et va continuer d'exiger toute une gamme
de services et que, dans le fond, personne n'a tout à fait le monopole
du savoir là-dessus, mais que cela exige un fort degré de
compétence. Nous croyons qu'il y a toute une fouie de malades - et nous
les décrivons dans notre mémoire - qui vont continuer à
avoir besoin de services institutionnels, de services hospitaliers. Nous
espérons que leur nombre ira en diminuant. Il y a une foule d'autres
malades qui, eux, pourront et devront continuer à cheminer dans la
communauté avec, quand même, un respect pour un certain nombre de
principes qui ressortent aussi de la description que nous faisons dans notre
mémoire.
Dans un deuxième temps, après avoir souligné
l'importance que devront, selon nous, continuer à avoir les services
institutionnels, nous faisons une large description de ce qu'on appelle
aujourd'hui des structures intermédiaires, c'est-à-dire des
ressources communautaires qui dépendent de près ou de loin des
services institutionnels. Comme je vous le mentionnais tout à l'heure,
nous avons une forte expérience là-dedans.
On a, à la page 10 du mémoire, la liste des services
résidentiels dont on fait mention: pavillons, familles d'accueil,
maisons de transition, foyers de groupe, appartements supervisés et
"hostels", on n'a pas de mot français facile pour celui-là. II y
a de ces ressources qui sont meilleures que d'autres, selon nous, et le danger
qu'il faut toujours éviter, évidemment, puisque, jusqu'à
un certain point, le but de sortir ces malades de l'hôpital est
d'éviter l'institutionnalisation, c'est de recréer
l'institutionnalisation dans une ressource intermédiaire ou dans une
ressource alternative. C'est plus facile à dire qu'à faire. Ni
plus ni moins, ce n'est pas facile à éviter. Il faudrait que la
commission se penche longuement là-dessus.
À la page 11, à 2. 2, nous avons toute une liste de
services de support. Je pense qu'il faut beaucoup insister sur la notion de la
prise en charge. C'est un mot dont bon nombre de collègues me disent
qu'on ne devrait pas se servir, parce que c'est trop possessif, comme s'il y
avait une connotation de trop grande dépendance. Cependant, je continue
à dire que bon nombre de grands malades mentaux ont exactement besoin
d'une prise en charge, qu'on les aide à cheminer dans la
communauté. C'est, à mon sens, absolument impensable de les
laisser faire seuls le genre de cheminement qu'ils devraient faire. On fait
donc la liste, à 2. 2, des genres de services de support que tout bon
service de psychiatrie et probablement tout bon service de santé mentale
devrait offrir à sa population: cliniques externes, centres de jour,
hôpitaux de jour, milieux de soir et de fin de semaine, centres de
travail adapté, centres de réadaptation par l'art, associations
de proches (parents, conjoints et amis du malade), regroupements de patients,
scolarisation et éducation aux adultes.
Je mentionne simplement ce dernier point parce qu'on a tendance à
l'ignorer et qu'il pose ce problème encore. On a, dans le milieu
psychiatrique, une foule d'individus adultes et, lorsqu'on les évalue
d'un peu plus près, on se rend compte qu'une des choses qu'ils n'ont
pas, c'est la capacité de lire et d'écrire. Cela pose un
problème vis-à-vis de la couverture de ce genre de services,
parce que, dès que les individus ont dépassé l'âge
de 21 ou de 22 ans, ce n'est pas facile à faire même en milieu
institutionnel. Alors, bon nombre de malades devraient peut-être
bénéficier de ce genre de service lorsqu'ils séjournent en
milieu institutionnel. On a déjà mis sur pied une école
pour les enfants. On a mis sur pied des services pour la population adulte et
ce n'est pas du tout facile d'obtenir le financement par le ministère de
l'Éducation qui a un peu tendance à tout schématiser en
termes d'âge et qui n'accepte pas facilement les dépassements
d'âge, même si la clientèle que l'on a a tout à fait
besoin de tels services. C'est donc un problème que je souligne en
passant.
En page 12, nous faisons mention des "case managers", des gérants
de problèmes. C'est un concept qui n'est pas tout à fait nouveau.
mais qui vise précisément à faciliter une prise en charge
ou un suivi de beaucoup amélioré dans la communauté. Des
"case managers", cela peut être un nombre d'individus différents,
des gens qui doivent avoir la compétence pour faire ce travail et qui
agissent un peu comme une plaque tournante pour essayer de répondre dans
la mesure du possible à la majorité des besoins que les gens
peuvent rencontrer et qu'ils n'ont peut-être pas la capacité de
satisfaire eux-mêmes.
Il y a plusieurs exemples. On en a quelques-uns au Québec. Cela
existe un peu plus en Angleterre. J'ai eu l'occasion, par exemple, aussi de
voir cela à l'oeuvre en Israël où cela donne des
résultats assez surprenants, parce qu'une des choses que nos grands
malades mentaux font assez mal, c'est lorsqu'ils ont à faire du
"shopping" d'une instance à l'autre. Je pense qu'au
Québec on n'est pas le meilleur exemple, en ce sens qu'il y a une
multiplicité de ressources et souvent les malades se débrouillent
assez mal à l'intérieur de ces ressources et ne sont pas tout
à fait certains de la porte à laquelle il faut aller frapper.
Lorsqu'il y a un "case manager" dans la communauté, c'est le genre de
personne qui peut faciliter beaucoup l'orientation du malade ou de la personne
è problèmes, si on ne veut pas l'appeler "malade", lorsqu'on
essaie de faire la réinsertion sociale.
On mentionne, troisièmement, les ressources alternatives. Je
pense que demain on aura l'occasion d'en parler un peu plus longuement au
Comité de la santé mentale. Il s'agit de ressources,
évidemment, qui germent de la communauté de la part soit
d'ex-malades ou d'individus concernés de la communauté et qui
veulent, dans une certaine mesure, faire un peu compétition aux
structures du réseau. Je pense qu'il faut en faciliter la
création et aussi le maintien. Selon nous, ces ressources continuent
à jouer un rôle important dans le maintien de ces malades dans la
communauté.
En terminant, Mme la Présidente, j'aimerais simplement mentionner
quelques grands principes qui, selon nous, doivent s'appliquer dans le suivi
des malades chroniques et je continue encore à les appeler malades
à dessein parce que c'est de ceux-là que nous parlons à
l'hôpital. Donc, pour ces malades, il y a un certain nombre de choses
dont on doit absolument se souvenir.
Dans un premier temps vient la question de la continuité des
soins. Je viens de faire allusion à la fragmentation des services et je
pense que nos malades, nos grands schizophrènes, nos grands psychotiques
et même ceux qui ne le sont pas se démêlent très mal
lorsque la fragmentation est trop grande. Par exemple, on pourrait se poser la
question aujourd'hui: Où est la première ligne? Est-ce que, avec
les cas lourds, la première ligne, c'est le CLSC?Est-ce que
la première ligne, c'est i'omnipraticien qui est en cabinet? Est-ce que
la première ligne, c'est la clinique externe d'un hôpital
psychiatrique? Est-ce que c'est un cabinet de psychologue? Est-ce que c'est
autre chose? Je pense qu'à un moment donné il faudrait un peu
tirer cela au clair: qui a la responsabilité de faire quoi dans notre
système. Ce n'est pas tout à fait clair.
Le deuxième point que j'aimerais souligner, c'est
l'hétérogénéité des malades eux-mêmes.
Je pense que c'est tout à fait errer que de croire qu'on peut parler des
malades chroniques. Je pense qu'il s'agit d'individus qui ont toutes sortes de
problèmes, toutes sortes de diagnostics même. Je pense que ces
malades requièrent des programmes individuels, des programmes qui
doivent, si vous voulez, être faits un peu sur mesure pour eux. Donc,
cela va être des programmes diversifiés. Je pense que ce serait
encore errer que de penser qu'on peut tout faire pour une catégorie de
malades et faire cela facilement.
Troisièmement, l'autre chose, soit l'insuffisance des ressources,
je pense, oblige très souvent les malades à se battre constamment
pour essayer de trouver ce qu'il leur faut dans la communauté.
Quatrièmement, une chose qui continue toujours à nous
impressionner, c'est que le malade mental lourd continue de déranger et
je crois que la société n'a pas encore appris à s'y
ajuster. On a des problèmes énormes lorsqu'on vient pour sortir
nos grands malades de l'hôpital. On connaît les cas très
bien rapportés par la presse, dans les journaux tout
dernièrement. Nous venons de vivre un épisode difficile à
l'hôpital, où on voulait simplement relocaliser des services
éducatifs dans une école et la réaction de la population a
été très très forte contre ce projet. Il a
même été question de voter Sà-dessus. Est-ce qu'on
peut voter ou est-ce qu'on ne peut pas voter? L'idée était tout
simplement non pas de voter mais d'informer la population.
Cinquièmement, je pense qu'encore trop souvent les plus
démunis même parmi les malades mentaux sont laissés pour
compte. C'est un genre de plaidoyer que je fais pour qu'il y ait encore cette
coordination des ressources. Je pense qu'on a un réseau qui, somme
toute, n'est pas mauvais du tout. Il y a toutes sortes de ressources, il y a
toutes sortes de choses disponibles, mais, pour ce qui est du malade mental qui
n'a pas souvent la capacité nécessaire de faire le genre de choix
que les individus qui ne sont pas malades mentaux peuvent avoir, je pense qu'il
se trouve face à un très fort handicap lorsqu'il s'agit de savoir
où il va, à quelle porte il s'adresse. Si on parle de l'île
de Montréal, on peut tamiser l'île et voir que, quand même,
il y a passablement de ressources, mais souvent chacun fait son petit bonhomme
de chemin, chacun travaille isolément de l'autre. La coordination des
ressources en ce qui a trait au malade mental est assez mal faite, selon
moi.
Sixièmement, je pense que les malades chroniques genre dont nous
nous occupons à l'hôpital Douglas - et je m'arrête
après cela - peuvent, pour un bon nombre, bénéficier de
réinsertion sociale, de réadaptation. Selon nous, la
réinsertion sociale et la réadaptation, cela exige de
l'expertise, cela ne peut pas être fait par n'importe qui. Nous nous
servons de nos équipes multidisciplinaires pour essayer de faciliter
cela, mais les équipes ne sont pas assez nombreuses ou, plutôt,
elles sont peut-être suffisantes en nombre, mais le personnel dont elles
disposent, qui était adéquat en 1972
lorsqu'on les a mises sur pied, n'est absolument plus adéquat, de
sorte que la majorité de nos dix équipes de secteurs - je veux
souligner aux membres de la commission que les dix équipes sont dans la
communauté, elles ne sont pas à l'hôpital, donc tous les
malades externes sont vus à l'extérieur, à Verdun et
à LaSalle - ont des listes d'attente pour suivi et même pour
observation. En ce qui concerne l'équipe du Dr Jean - il pourra vous le
dire - il y a peut-être une cinquante ou une soixantaine de malades qui
attendent d'êtres vus. Il n'y a tout simplement pas le personnel
suffisant, dans cette équipe, pour assurer le suivi des nouveaux malades
et de ceux qui sont déjà inscrits chez nous.
J'ai deux derniers commentaires à faire. Je vais arrêter de
dire que je m'arrête et je vais m'arrêter. Simplement un mot de
l'hôpital psychiatrique que nous sommes. Vous savez que, encore
aujourd'hui, les budgets des hôpitaux psychiatriques sont largement
fonction de la grosseur de l'hôpital et du nombre de journées
d'hospitalisation. Nous comprenons très bien le message qui voudrait
que, dans la mesure du possible, on déplace l'axe de l'intervention vers
la communauté, mais le fait demeure que le budget de mon hôpital
est encore fonction du nombre de lits; cela pose énormément de
problèmes. (20 heures)
Deuxièmement, sur le plan du financement, la pondération
des activités ambulatoires, des activités en communauté,
même pour l'hôpital psychiatrique, à mon avis, n'est pas
tout à fait équitable en ce sens que, si je parle seulement
à mes gestionnaires qui font des colonnes de chiffres, ils vont me dire
que c'est plus payant pour l'hôpital de voir ses lits remplis que de
faire des activités dans la communauté. Donc, il y a un genre de
contradiction dans la façon dont les budgets sont conçus, du
moins pour les hôpitaux psychiatriques qui essaient d'emboîter le
pas vers la désinstitutionnalisation et vers la réinsertion
sociale des malades qui peuvent être réinsérés,
selon nous. Il y a comme un genre de contradiction dans les termes. On nous
dit: Faites ceci, mais le financement de l'hôpital va un peu en sens
inverse. Il y a une légère caricature dans mes propos, mais pas
tout à fait; c'est à peu près vrai, ce que je dis.
Je m'arrête là, Mme la Présidente. Peut-être
devrais-je demander à Mme Ouellet ou au Dr Jean d'intervenir, à
moins que vous ne vouliez leur adresser des questions. J'aimerais que les
questions ne soient pas adressées qu'à moi, s'il y en a.
Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Désirez-vous
ajouter quelque chose tout de suite?
M. Jean (Bernard): Non, Mme la Présidente, nous allons
attendre les questions.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je veux vous remercier,
Dr Harnois et votre équipe, pour votre mémoire. J'ai
l'impression, en le lisant, que finalement on aurait presque toutes les
réponses aux questions qu'on se pose dans le sens que vous identifiez
bien les ressources qui devraient exister. Il semble y avoir des
problèmes à les mettre en place, mais c'est autre chose.
Je voudrais d'abord vous poser certaines questions d'ordre
général et qu'on n'a pas eu l'occasion d'aborder jusqu'à
maintenant. Selon vous, est-ce que l'incidence de la maladie mentale et de
l'hospitalisation - peut-être pas à long terme - va en
augmentant?
M. Harnois: C'est une question difficile. Je n'ai pas
d'information à savoir que cela diminue. L'incidence de la maladie
mentale, selon toutes les études que j'ai lues, ne semble pas diminuer.
On a à notre disposition de meilleurs outils d'évaluation, de
sorte qu'il se peut qu'on soit capables d'évaluer les gens de
façon un peu plus serrée qu'on ne le faisait même il y a
dix ans, ce qui peut nous laisser croire que l'incidence augmente. Il y a une
étude américaine, qui résume à peu près
quinze autres études, qui laisse suggérer - les chiffres sont
tout à fait effarants, évidemment - qu'une personne sur cinq, 20
% de la population, à un moment donné de sa vie, présente
des troubles que nous, psychiatres, si on les avait devant nous, on aurait
tendance à diagnostiquer comme une maladie mentale.
On sait fort bien que tout ce monde-là ne se présente pas,
évidemment, chez les psychiatres et chez les professionnels de la
santé mentale. À peu près simplement le quart aboutissent
dans les équipes de santé mentale. Les autres 75 % vont ailleurs.
Donc, je pourrais même vous dire où ils vont. Ils vont chez
l'omnipraticien, évidemment, qui est le plus souvent la porte
d'entrée dans le système. Ils peuvent aller chez
l'éducateur. Ils peuvent aller chez les gens de la justice. Ils vont
même, à l'occasion, chez les politiciens.
Donc, vous avez un peu toute cette gamme d'individus qui ont des
problèmes. Pour répondre plus spécifiquement à
votre question, cela ne diminue certainement pas. Quelques-uns disent que cela
augmente, mais je n'ai pas personnellement de données disant que cela
augmente.
L'enquête Santé-Québec - je ne veux pas
préjuger de la discussion de demain -nous révèle que, si
on prend une optique un peu différente d'une optique de maladie et qu'on
essaie de voir de quelle façon les gens sont gênés dans
l'accomplissement des rôles qu'ils se sont donnés eux-mêmes,
une
secrétaire, une femme à la maison, un menuisier, que
sais-je - chose sur laquelle on n'avait pas de données auparavant - les
gênes que l'on pourrait relier à des problèmes de
santé mentale et, à l'occasion, à des problèmes de
maladie mentale semblent être assez présentes dans une forte
partie de la population.
Autre chose, puisque vous m'en donnez la chance, ce qui nous surprend
aussi chez nos malades, c'est que l'incidence de l'alcoolisme augmente comme
diagnostic secondaire. Le Dr Jean me faisait remarquer dans l'avion tout
à l'heure que, dans le secteur qui est le sien, 40 % des malades ont un
diagnostic principal ou secondaire d'alcoolisme. À la largeur de
l'hôpital, on a l'impression que c'est de l'ordre de 15 % à 18 %.
On sait aussi que les services pour alcooliques laissent beaucoup à
désirer dans toute la province.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ma deuxième
question est celle-ci: Le rôle de votre hôpital comparativement
à celui du département de psychiatrie d'un hôpital
général? Vous avez à peu près 900 personnes
hospitalisées, dont un bon nombre sont des chroniques depuis assez
longtemps; d'autres peuvent être, j'imagine, hospitalisées pour
des périodes plus ou moins longues ou même devenir des chroniques
selon l'âge, etc. Vos quelque 2000 qui sont des patients externes, est-ce
que c'est une clientèle dont les problèmes sont assez similaires,
finalement, à ceux de la clientèle qui se retrouve dans les
départements de psychiatrie des hôpitaux généraux et
qui est le résultat de la sectorisation des hôpitaux?
M. Harnois: II y a les deux. Je vois mon collègue, le Dr
Aird, qui est dans l'auditoire, qui est un chef de service d'un hôpital
général. Donc, il voudra certainement intervenir s'il n'est pas
d'accord avec ce que je dis. Mais le secteur de psychiatrie communautaire
où mes deux collègues travaillent fonctionne un peu, si vous
voulez, comme un hôpital général, à cette
distinction près, quand même, qu'il a plus de lits à sa
disposition, ni plus, ni moins. La psychiatrie communautaire, chez nous, a
environ 95 lits et, si on voulait, par exemple, que cela ressemble au
département de psychiatrie d'un hôpital général, il
n'y a pas beaucoup de départements sectorisés au Québec
qui ont un si grand nombre de lits. 11 y a nombre de raisons pour cela, mais la
deuxième raison pour laquelle on a 900 lits, c'est qu'en plus de faire
de la première ligne on fait aussi de la deuxième et de la
troisième ligne, si vous voulez, et on retrouve dans nos autres
programmes de l'hôpital des malades qui viennent d'endroits qui ne sont
pas sectorisés, ni plus, ni moins. Dans les services de
réadaption, l'entrée ne respecte pas les lignes de secteur, mais
respecte simplement les lignes d'affiliation avec six autres hôpitaux
généraux. Donc, c'est la façon dont cela se passe.
Ce qui mêle un peu les cartes, évidemment, c'est que les
grands malades chroniques qui sortent de l'hôpital ont plutôt
tendance, lorsqu'ils n'ont pas de chez soi, à venir s'établir aux
alentours de l'hôpital même, puisqu'ils connaissent l'hôpital
depuis longtemps et savent qu'ils vont trouver là réponse
à bon nombre de leurs besoins. Donc, cela fait qu'on a un secteur A, le
fameux secteur de psychiatrie communautaire, qui est peut-être, au niveau
global, plus lourd qu'un secteur équivalent d'un hôpital
général où il n'y aurait pas un hôpital
psychiatrique qui existe là depuis 100 ans. Donc, on retrouve, je pense,
proportionnellement un plus grand nombre de malades peut-être dans la
population qui s'adonne à habiter Verdun et LaSalle parce que
l'hôpital est là, l'hôpital est à Verdun. Au cours
des années, il y a des malades qui ont reçu leur congé et
qui préfèrent demeurer dans ce coin. Donc, c'est ce qui fait, si
vous voulez, qu'on a peut-être un plus grand nombre de lits en
psychiatrie communautaire, mais, en deuxième et en troisième
ligne, on a tendance à avoir des cas très lourds. Quand un
hôpital comme Allan Memorial, pour prendre celui qu'on connaît,
avec qui on travaille, ou quand l'Hôpital Général de
Montréal dit qu'il a essayé de traiter quelqu'un, que cela ne
fonctionne pas et qu'on nous demande d'admettre le malade, on peut
présumer qu'il s'agit d'un malade très difficile, qu'il s'agit
d'un cas pour lequel il n'y a pas de solution tout à fait facile, de
sorte que l'acceptation du traitement de ce genre de malade entraîne
toujours des hospitalisations qui ne sont pas de deux semaines. La plupart du
temps, c'est six mois, un an ou deux ans, avec des pathologies très
lourdes et des exigences thérapeutiques très fortes aussi. C'est
ce qui explique ce que l'on a en deuxième et en troisième
ligne.
C'est la même chose pour la gériatrie et pour la
pédopsychiatrie. En gériatrie, on ne prend certainement pas les
cas les plus faciles. On a des équipes d'évaluation. Justement,
on demande à la population de venir très tôt pour qu'on
n'attende pas à la dernière minute, mais ceux qui sont
hospitalisés sont en général des cas passablement lourds
que l'hôpital général ne peut pas garder aussi longtemps
qu'il le voudrait à cause de l'achalandage de ses lits ou parce qu'on
possède une ressource de réadaption qui n'existe pas à
l'hôpital général. Donc, compte tenu du nombre et compte
tenu de la spécialité unique de l'hôpital, nous disposons
d'un certain nombre de services que l'on ne retrouve pas à
l'hôpital général, surtout en ce qui concerne
la réadaptation, les ateliers de travail et des choses du genre.
Ce ne serait pas tout à fait réaliste d'exiger le même
genre de choses à l'Hôpital Général de
Montréal, cela ne pourrait pas fonctionner.
C'est ce qui explique un peu, si vous voulez, les quatre types de
clientèle que nous avons: le fait que la réadaptation et
peut-être l'hospitalisation un peu plus à long terme se font chez
nous par rapport à ce que l'on a tendance à retrouver à
l'hôpital général, quoiqu'il y ait des exceptions notoires.
Il y a des hôpitaux généraux qui vont certainement venir
vous dires On a un malade chez nous depuis deux ans et on n'a pas
été capables de le sortir de là. Cela existe aussi.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant, vous faites
une énumération de ce qui devrait être ou de ce qui est
peut-être aussi, actuellement, des ressources alternatives pour permettre
la réinsertion sociale. J'aimerais vous demander si c'est
l'hôpital lui-même qui a développé ces services ou si
ce sont des ressources qui sont mises à la disposition de
l'hôpital, enfin, par les autres établissements de services
sociaux.
M. Harnois: Si je me permettais juste une légère
boutade, Mme la Présidente, je serais tenté de vous dire que,
s'il avait fallu que l'hôpital attende après quelqu'un d'autre
pour développer ces ressources, on aurait attendu très longtemps.
Donc, depuis déjà très longtemps, l'hôpital, parce
qu'il y croyait aussi, s'est embarqué dans le développement des
ressources intermédiaires. On ne les appellera pas "alternatives", pour
ne pas mélanger un peu les choses dans le vocabulaire, parce que, de
plus en plus -c'est ce que le Comité de la santé mentale va vous
dire demain - on voudrait réserver le terme "alternatives" pour des
ressources qui viennent du milieu et qui ne dépendent pas officiellement
du réseau, par opposition à celles qui dépendent de notre
hôpital et qui ont été mises sur pied par nous et qui sont
carrément identifiées dans notre esprit; souvent, pas dans
l'esprit de la population qui ne sait pas que la ressource a quelque chose
à faire avec nous; mais nous le savons parce qu'on la gère, on la
maintient et on la supporte.
Donc, dans la majorité des cas, les ressources que nous
identifions comme intermédiaires ont été
développées par nous, de façon souvent pas facile pour les
raisons que je vous ai expliquées tout à l'heure. Cependant, il
faut quand même être juste. Depuis une année, au conseil
régional de Montréal, il y a là une infrastructure
nouvelle qui existe pour la mise sur pied d'autres types de ressources
alternatives ou Intermédiaires qui sont gérées par un
groupe auquel nous participons, mais qui ne dépend pas exclusivement de
nous. Il y a un budget identifié pour l'Île de Montréal,
environ 2 000 000 $ annuellement, pour supporter ce genre de ressources. C'est
fait par comités sous-régionaux. Donc, nous appartenons à
la région sud-ouest et nous sommes membres de ce comité de la
région sud-ouest des ressources alternatives - c'est comme cela qu'on
l'appelle - qui relève du conseil régional et du CSS Ville-Marie
et, jusqu'à un certain point, de l'hôpital aussi. C'est un genre
d'entente tripartite, mais tous les intervenants ont leur mot à dire et
peuvent choisir le type de ressources qu'ils veulent suggérer et mettre
de l'avant. Donc, cela est un peu nouveau. Cela démarre lentement
à Montréal, mais il va y avoir de nouvelles ressources qui ne
dépendront plus directement de l'hôpital, mais auxquelles les
malades de l'hôpital vont avoir accès.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous aviez
développé votre propre service de familles d'accueil, de foyers
de groupe, de foyers supervisés...
M. Harnais: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):... ou d'appartements
supervisés? Je ne sais pas au juste comment on les appelle.
M. Harnois: C'est cela, oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous aviez les
vôtres qui relevaient de vos services.
M. Harnois: Mme Ouellet.
Mme Ouellet (Yvette): Si vous voulez me permettre un commentaire.
En ce qui concerne les appartements supervisés, cela n'a pas
été expérimenté. Ce qui a été
expérimenté, c'est la formule d'appartements communautaires,
c'est-à-dire qu'à partir de situations de groupes vécues
entre les malades dans différents lieux de l'hôpital il se faisait
une espèce de jumelage où les gens se choisissaient et, ensemble,
parrainés par un travailleur social et les équipes soignantes, on
les aidait, on les habilitait a se trouver un logement, on supervisait cedit
logement; c'est-à-dire qu'on restait toujours un peu, à la
façon des "cases manager", présents dans ces logements.
Malheureusement, malencontreusement, une coupure budgétaire a fait qu'on
a perdu l'effectif et le programme a pris un peu le fond parce qu'on a dû
affecter la personne ailleurs. Mais on pense que la formule d'appartements
supervisés serait à développer; elle aurait une place pour
complementer les familles d'accueil où, dans ces dernières, les
exusagers de l'hôpital sont encore très
médicamentés; ils sont encore malades. Donc,
c'est un milieu protégé qu'il faut maintenir, mais auquel
doivent s'ajouter aussi des ressources plus légères, mais
activement très légères, qui nécessitent
énormément de supervision et d'accompagnement.
M. Harnois: Si je peux faire un commentaire, Mme la
Présidente, en ce qui concerne les appartements, on a un peu plus de
difficulté en ce moment; mais quand on en a eu, on en a eu
jusqu'à six ou sept. Et pour être capable de les faire
fonctionner, il a fallu que l'hôpital signe le bail, parce que le
propriétaire refusait que ce soit le malade qui signe le bail. On
n'avait pas tout à fait le droit comme hôpital de le faire, mais
on l'a fait quand même; c'était la seule façon dont on
pouvait le faire. On a dit au propriétaire: Si le malade ne paie pas, on
va vous payer. C'est la seule façon dont les propriétaires
signaient les baux. En dix ans de fonctionnement, je pense qu'il y a un malade
qui nous a laissés tomber une fois pour un mois de loyer. Donc, on
n'avait aucune difficulté du point de vue pécuniaire à
assumer ce genre de responsabilité. On le faisait parce que
c'était la façon dont il fallait procéder. (20 h 15)
Autre chose. Notre réseau de familles d'accueil nous est assez
fidèle, si je puis dire, parce que, depuis de nombreuses années
qu'il existe, on a une entente avec elles; c'est une entente que l'on respecte
à la lettre dans la mesure du possible. C'est que si cela ne va pas dans
la famille d'accueil, l'hôpital s'engage à reprendre le malade,
C'est donc ce genre d'assurance que l'on peut donner à nos familles
d'accueil et qui leur semble, à elles, très précieuse.
Quand on leur dira qu'il est possible qu'à compter de telle date les
families d'accueil ne relèvent plus de nous, elles ont une grande peur
de cela parce qu'elles craignent que l'accès éventuel à
l'hôpital en cas de besoin ne soit pas aussi assuré. J'imagine
qu'on pourrait le faire, mais c'est plus facile si la famille d'accueil
relève de l'hôpital. On leur donne cette assurance-là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela m'amène
à vous poser une autre question. Compte tenu de l'expérience de
désinstitutionnalisation que vous avez connue et que vous connaissez, il
me semble que la tendance actuelle est davantage d'éloigner des
institutions les ressources communautaires, alors que vous avez un
modèle différent, d'après ce que vous venez de
décrire. Ce n'est peut-être pas tout à fait juste ou
"fair", en bon français, de vous poser cette question-là. Selon
le dernier exemple que vous venez de donner, je dirais qu'il est
préférable de garder les ressources communautaires près de
l'institution, alors que la tendance actuelle est vraiment de les
éloigner de l'institution compte tenu, justement, de tout le discours
entourant la désinstitutionnalisation, la démécanisation
et ainsi de suite. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, si vous
pensez que vous pouvez la donner.
M. Harnois: Oui, oui. Ce n'est pas facilement tranchable au
couteau, cette affaire-là. Ce qui me vient à l'esprit en
entendant votre question, c'est le modèle italien dont quelqu'un vous
parlera peut-être. Il y en a certainement dans cette salle qui peuvent en
parler. Je vois Mme Plante là-bas qui le connaît très bien
et moi aussi, j'ai eu l'occasion de l'étudier un peu à fond. Ce
qui semble être prédominant là-dedans, c'est d'assurer un
suivi étoffé de la part de gens qui connaissent le malade et qui
savent ce qu'ils font. Les malades aussi reconnaissent cela. Dans le
modèle italien qui est le modèle le plus
désinstitutionnalisé qu'on puisse penser en ce moment, le suivi
est assuré par des professionnels dans la communauté, à
domicile, mais par des équipes qui sont là presque matin, midi et
soir. Ce sont des gens qui ne dépendent plus de l'institution parce
qu'elle n'existe plus, mais qui dépendent des structures qui ont
remplacé l'institution. Ce sont à peu près les mêmes
personnes qui suivent cela. Donc, elles insistent sur la
nécessité avant quoi que ce soit du suivi, de la présence
et de ne pas laisser cela un peu en plan, en disant aux malades: Vous trouverez
bien un endroit quelque part où aller quand vous serez malades. Il faut
que ce soit clair et précis. Il faut que ce genre de malades sachent
où ils vont aller quand les problèmes se présentent et
Dieu sait si des problèmes se présentent, surtout le vendredi
soir et le samedi!
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je reviendrai. Je vais
laisser la parole à mon collègue de Bourassa.
M. Laplante: Merci, Mme la Présidente. Ce qu'on entend le
plus, nous autres, c'est les pilules. On trouve qu'il y a trop de pilules qui
se donnent, trop de médicaments. C'est une plainte continuelle qu'on
reçoit de ceux qui sont obligés de se faire soigner, soit par
l'urgence ou en continuité. J'ai un exemple en tête et je vais
vous poser la question en même temps. Quel suivi faites-vous du malade
qui prend le même médicament depuis 30 ans? Est-ce normal aussi
qu'à un patient qui commence à faire des phlébites et qui,
un moment donné, est hospitalisé dans un milieu psychiatrique, on
dise: Ah, ce n'est pas grave? Ils le sortent de là en disant que ce
malade-là est bien. Il retourne voir son omnipraticien qui lui dit: Tes
phlébites sont rendues dans les bras. Il n'y a plus moyen de rien faire
pour cela; tes
veines sont très dures et cela va te jouer des tours. Il retourne
voir son psychiatre encore une fois; celui-ci lui dit: Je t'ai dit de prendre
des médicaments, prends-en. Il retourne chez son omnipraticien, il ne
"feelait" pas; il lui dit: Je suis obligé de te dire de lâcher tes
pilules, tu vas mourir. Le patient lâche les pilules, deux jours
après, il est mort.
Je me demande si c'est quelque chose d'habituel chez les psychiatres. Je
me demande aussi - je pose la question; je ne porte pas d'accusation, ce sont
des cas qui nous sont rapportés - ce que vous faites pour le suivi
médical de ces patients. Comment pouvez-vous détecter qu'il y a
des symptômes, après trente ans avec les mêmes pilules pour
dormir?
M. Harnois: Dr Jean, je vais vous demander de répondre, si
vous le voulez bien.
M. Jean: M. le député, je pense qu'il faut retenir
ceci à propos de la maladie mentale. Nous n'en connaissons pas
l'origine. Nous n'en connaissons pas la cause. La seule chose que nous
connaissons, ce sont ses manifestations. Nous connaissons aussi certains
comportements. Depuis les années cinquante, il y a quelques
médicaments qui sont apparus qui ont pu nous aider à calmer et
à soulager la douleur de ces patients. On les a appelés les
antidépresseurs pour les gens qui souffraient de dépression, les
antipsychotiques pour ceux qui souffraient de psychose, et certains
médicaments sont des tranquillisants. Il est bien entendu qu'il y a eu
des abus de la part des médecins dont c'était le seul outil pour
traiter la maladie mentale et, éventuellement, nos patients mêmes
qui en ont abusé.
Dans un hôpital comme le nôtre, que faisons-nous
présentement pour voir à ce qu'il n'y ait pas d'abus? Nous
voyons, d'une part, à ce que tout patient qui reçoit des
médicaments ait un diagnostic de posé. Parce que nous croyons
qu'à tel type de maladie peut correspondre tel médicament. Il y a
des vérifications qui sont faites de façon périodique des
dossiers des patients qui reçoivent ces médicaments. Si un
médicament est mal utilisé à l'intérieur de
l'hôpital ou dans une de nos cliniques, le médecin qui le prescrit
est simplement rappelé à l'ordre. Ceci est fait par un
comité d'évaluation de la pratique médicale. Il y a, de
plus, un comité de pharmacologie qui étudie certaines politiques
de prescription ou d'ordonnance des médecins de l'hôpital et aussi
du corps médical dans son ensemble. Finalement, au Centre hospitalier
Douglas, nous avons un centre de recherche qui est préoccupé par
l'utilisation que nous faisons des médicaments et qui croit aussi
pouvoir nous aider à trouver quelle est l'origine de la maladie mentale
pour la mieux traiter. Je vous remercie, Mme la Présidente.
M. Laplante: Quelqu'un qui entre chez vous et qui vous dit: Je
prends le même médicament depuis trente ans, cela fait trente ans
que j'essaie de me débarrasser du médicament, qu'est-ce que vous
faites comme examen général de ce patient? Parce qu'il y en a
d'autres chez qui le sang devient très clair même si le
durcissement des artères est là. Il vous dit en même temps:
Je viens de subir une opération, ils ont été
obligés de faire des choses spéciales à cause de mon sang
qui est trop clair et on m'a dit que cela pouvait dépendre des
médicaments. Si cette personne entrait chez vous et vous disait tout
cela, que feriez-vous?
M. Jean: Mme la Présidente, au Centre hospitalier Douglas,
tout patient qui est hospitalisé ou même qui est en clinique
externe est sous la responsabilité d'un tandem, c'est-à-dire
qu'il y a un médecin généraliste et un psychiatre qui sont
responsables de ce patient. Ce patient, lorsqu'il arrive à
l'hôpital, subit des examens. Il y a des contrôles qui sont faits
à son arrivée. M. le député, je dois vous dire que
trente ans sur la même pilule, c'est fort.
M. Laplante: C'est la vérité que je vous dis
là.
M. Jean: Je ne mets pas en doute votre...
M. Harnois: II faut répondre, M. le député,
que c'est de la très mauvaise médecine.
M. Jean: Oui.
M. Harnois: II faut le dire hautement et clairement. C'est
impensable en 1985, cela ne devrait pas exister, surtout avec le type de
médicament dont, je pense, vous parlez. Cela exige des contrôles
périodiques. C'est clair que, si quelqu'un venait me voir après
trente ans, peut-être que je ne discontinuerais pas demain matin, parce
que j'aurais, justement, peur qu'il ne tombe mort s'il en a pris pendant 30
ans. Je commencerais à me poser la question: Qu'est-ce qu'il fait avec
le même médicament? C'est un peu comme si quelqu'un prend de
l'héroïne et que vous la lui enlevez demain matin. Il va
peut-être tomber mort aussi. Ce que vous racontez là est tellement
grossier que cela me chagrine. Remarquez que je ne vous dis pas que ce n'est
pas vrai.
M. Laplante: Non, non.
M. Harnois: Mais je le déplore autant que vous.
M. Laplante: C'est ce qui est arrivé. Je vous l'affirme
ici.
M. Harnois: Oui.
M. Laplante: Mais que pouvez-vous faire pour l'opinion publique
actuellement qui dit que les patients qui entrent dans les hôpitaux vont
voir les psychiatres qui ont la prescription facile? Qu'est-ce que vous avez
à leur dire, qu'est-ce que vous voulez qu'on réponde à ces
gens-là qui viennent, à un moment donné, nous montrer cela
dans nos bureaux? On voit aussi des rangées de pilules quand on entre
dans ces appartements.
M. Harnois: Écoutez, le Dr Jean vous a dit qu'on essayait
de prescrire en fonction de diagnostics et de symptomatologies que nous
connaissons. Un des problèmes que l'on a beaucoup au niveau de la
réadaptation et qui peut expliquer d'une certaine façon le
phénomène de la porte tournante, les gens sortent, les gens
rentrent, c'est qu'on n'a, évidemment, aucun contrôle sur la
façon dont les malades prennent ou ne prennent pas la médication
lorsqu'ils sont sortis de l'hôpital. On a tendance è croire
qu'assez souvent les malades ne la prennent pas ou la prennent mal et que
souvent le manque au suivi d'une saine prescription - je dis bien une saine
prescription - peut occasionner des rechutes.
Est-ce que les médecins prescrivent trop? Il se peut que les
médecins prescrivent trop. Je pense qu'ils ne devraient pas prescrire
trop. Ils devraient prescrire en connaissance de cause et pour des temps
limités et non indéfiniment. On ne doit pas donner à des
gens une prescription et dire: C'est bon pour un an, va-t'en, prends cela. Je
pense qu'il ne faut pas traiter le monde comme cela, c'est évident,
surtout avec de la médication qui est autre chose que de l'aspirine. Il
ne faut même pas faire cela avec de l'aspirine.
Donc, cela demande à être suivi. Cela demande à
être évalué. Il devrait y avoir des examens de laboratoire,
surtout si c'est de la médication la moindrement lourde, la moindrement
sérieuse. Je pense qu'il faut que cela se fasse comme cela. Il n'y a pas
d'autre façon. Il n'y a pas trente-six façons.
M. Laplante: Quant à l'approche qui est faite aux malades,
aux patients, soit en clinique externe ou au moment subit des crises, est-ce
qu'il y a un manque de psychiatres actuellement au Québec pour pouvoir
soigner ces gens ou s'ils sont soignés d'une façon qui revient
à dire: J'ai trop d'ouvrage, je suis obligé de donner cette
médication pour en passer un autre?
Comment pouvez-vous analyser cela?
M. Harnois: Dr Jean, voulez-vous répondre è
cela?
M. Jean: Oui.
M. Harnois: J'ai des idées mais...
M. Jean: Oui. Bon. On dit qu'il manque 300 psychiatres dans la
province de Québec présentement. Je ne sais pas si... Il y a une
chose que je sais, par exemple. J'espère qu'avec le développement
de ces ressources alternatives on pourra peut-être s'occuper un peu plus
de nos patients. Les équipes de secteurs, les équipes de soins -
nous en avons dix dans notre secteur - ont à s'occuper de beaucoup de
choses qui ne relèveraient peut-être pas nécessairement de
leur compétence si on avait les ressources nécessaires.
Exemple. La population de l'hôpital diminue, les demandes
d'hospitalisation de l'hôpital diminuent. Par contre, il y a un
accroissement des services è l'urgence. Le rendement de nos cliniques
externes est stable. Il semble - je ne sais pas si c'est parce qu'il n'y a pas
de croissance au sein du personnel - qu'il y a une certaine stabilité
là, tout en ne répondant pas à la demande de la
population. Il en faut. Nous avons des listes d'attente de 40 à 50,
comme le mentionnait le Dr Deschamps. Ceci me fait dire qu'il y aurait
possibilité présentement de répartir le travail que
comporte le soin aux malades mentaux non plus uniquement chez les psychiatres,
mais parmi d'autres personnes qualifiées pour le faire.
M. Laplante: À cause du manque de psychiatres - il en
manque 300 - vous ne niez pas la surmédication aux patients. (20 h
30)
M. Jean: Je dois vous avouer franchement que je trouve que c'est
un problème qui est un peu... C'est entendu que cela donne mauvaise
presse à la psychiatrie, mais qu'est-ce que vous voulez, la
médication psychiatrique... Vous n'allez pas dire à un
cardiologue qu'il prescrit trop d'Indéral, qu'il prescrit trop de
bêta-bloquants pour l'hypertension. C'est tout ce qu'on a. Si on pouvait
de d'autres genres d'interventions, on les ferait. Mais il arrive que les
médicaments utilisés en psychiatrie ont mauvaise presse, ont des
effets qui sont...
M. Laplante: Je vous le dis, quand on parle privément
à un psychiatre, il nous l'avoue à ce moment-là: J'ai trop
d'ouvrage. Je ne suis pas capable. Je suis obligé de leur donner des
pilules. Ce sont les faits que je vous rapporte là.
M. Jean: On n'a peut-être pas fait le relevé...
M. Laplante: Ce n'est pas une dénonciation. Ce n'est rien
de cela.
M. Jean: Oui.
M. Laplante: Je ne veux pas que vous le preniez de cette
façon. Ce que je veux, c'est que cette commission essaie d'aider ces
malades. Si on est capable, par le biais de cette commission, on veut trouver
des solutions pour vous aider a mieux soigner le malade. Je ne veux pas que
vous le preniez comme un reproche. Ce n'est pas cela que je veux, mais comme
une aide pour ces gens qui crient au secours à cause d'une
surmédication.
M. Harnois: Un commentaire que j'aimerais faire, c'est qu'il est
certain que, si tous ceux qui aboutissent dans le réseau de la
psychiatrie et qui n'en ont pas besoin pouvaient aller ailleurs, cela
faciliterait énormément notre boulot et peut-être que les
médecins auraient des fardeaux de tâche qui se tiendraient un peu
plus. Comme je vous le disais tout à l'heure, en 1972, on a mis sur pied
dix équipes pour notre secteur qui avait alors 200 000 habitants. Cela
fonctionnait relativement bien, mais dès 1976 on s'est rendu compte que
les gens entraient et ne sortaient pas beaucoup. Les prises en charge, les
"case-loads" de nos équipes de secteurs allaient en augmentant. Pour une
équipe qui peut avoir quatre personnes, si vous avez 175 à 200
malades actifs, le rendement commence à diminuer. Étant
donné qu'en psychiatrie de secteurs vous n'êtes pas censés
dire non, vous êtes supposés prendre tout le monde, si vous avez
un "case-load" qui augmente, augmente, augmente, est-ce que cela donne lieu
à un peu plus de prescriptions? Je crois que cela peut se penser. Je ne
vous contredirai certainement pas là-dessus. On pourrait penser que,
justement, s'il y avait un peu moins de monde, les gens auraient
peut-être un peu plus de temps à donner à chaque cas.
Peut-être que la prescription serait plus judicieuse. On pourrait penser
qu'avec un peu plus de temps cela pourrait avoir cet effet.
M. Laplante: J'aime votre réponse. Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Marie-Victorin.
M. Pratt: Dr Harnois, j'ai lu avec grande attention votre
mémoire. Je le trouve très bien fait. Je trouve admirable que,
malgré tous les cas lourds que vous avez à assumer à
Douglas, vous vous occupiez de réinsertion des malades dans la
société. Je note aussi, en passant, une idée très
intéressante, c'est le cas des "case managers". Cela m'apparaît un
peu comme un grand frère pour le psychiatrisé. Je pense que cela
serait une idée à poursuivre et à développer, si on
peut le faire. Je vois que vous ne négligez aucune des avenues qui nous
sont présentées ici en page 11. Je trouve cela très
bien.
J'ai seulement une question à vous poser. C'est une interrogation
que vous vous êtes posée vous-même. Qui, d'après
vous, devrait assurer la coordination de toutes ces ressources, étant
donné que vous trouvez qu'il y a là-dedans un peu de flou?
M. Harnois: Vous savez, ce serait trop facile de vous dire que
cela devrait être juste la psychiatrie. Mais je pense que vous ne devriez
pas - ce serait une erreur - en exclure la psychiatrie. Je pense que pour le
genre de clientèle que nous avons, disons les cas les plus lourds... Il
y en a aussi qui fréquentent nos cliniques externes. Je ne voudrais
quand même pas vous laisser croire que nos 3500 noms sont tous des
psychotiques. Il y a des gens qui ont des problèmes et il y en a qui
sont peut-être de nos frères et de nos soeurs. Ne l'ignorons pas.
Il ne faut pas oublier qu'en maladie mentale on peut aller de l'avant, on peut
reculer, on chemine. Ce n'est pas une affaire unidirectionnelle. Donc, pour un
bon nombre de ces malades, je pense qu'ils ont encore avantage à
être suivis de très près par le genre d'organisme qui les
connaît, qui les supporte, qui peut intervenir rapidement.
Une des choses qui nous aident, évidemment, à fonctionner,
c'est justement parce qu'on est un hôpital et qu'on fonctionne 24 heures
par jour. Je ne vous dis pas qu'on a des équipes. On n'est pas encore
rendu là. L'idéal serait que, même au moment où on
se parle ce soir, je puisse vous dire qu'il y a une équipe qui est
là, qui attend et qui est capable d'intervenir dans la
communauté. Ce n'est pas vrai, il n'y en a pas. S'il y a des
problèmes qui se posent au moment où on se parle, les chances
sont que les gens vont aboutir à l'urgence, encore une fois.
Je pense que nous avons une expertise là-dedans. On connaît
la maladie mentale. On a déjà, depuis 1948, travaillé
là-dedans. Allez voir - j'invite les gens de la commission à le
faire - le réseau de ressources intermédiaires que nous avons mis
sur pied. Je ne dis pas que c'est le meilleur, mais il se tient. Il y a
l'avantage que c'est un réseau assez intégré et que le
malade sait exactement à qui il a affaire. Ce qui semble faire
défaut souvent dans le réseau c'est que les gens ont l'impression
qu'ils ne savent pas où aller. Est-ce qu'ils vont aller au DSC? Est-ce
qu'ils vont aller au CLSC? Est-ce qu'ils vont aller à la clinique
externe
de psychiatrie? Est-ce qu'ils vont aller chez l'omnipraticien ou chez le
curé? Il faudrait qu'il y ait une sensibilisation beaucoup plus grande
de tout ce monde-là à la problématique de la santé
mentale et du malade mental. Même dans notre réseau il y a des
critères d'exclusion. Il y a pas mal de gens qui ne passent pas dans
notre réseau. Il y a des institutions de notre réseau qui ne
veulent pas des malades mentaux, c'est aussi simple que cela - des cas lourds -
même si, peut-être, en loi c'est leur responsabilité. Donc,
cela ne passe pas partout. Pour nous, il y a au moins cela que le malade sait,
c'est qu'il va passer et qu'il n'aura pas de questions à se poser,
à savoir si on va le prendre ou si on ne le prendra pas.
Il y a des malades qui reviennent à l'hôpital, je ne vous
le cacherai pas. Il y a peut-être 50 malades qui reviennent à
l'hôpital le jour, sur les 300, qui n'ont peut-être pas besoin de
revenir, mais ils ont un repas le midi et aussi ils ont un réseau
d'amis; ils vont vous le dire. Ils vont dire: Écoutez, je viens parce
que je peux parler au monde et les gens me comprennent; j'ai essayé de
faire la même chose "out there" et cela ne marche pas. Donc, que
voulez-vous qu'on dise aux gens? On va dire: Non, tu n'as pas affaire ici; ne
viens pas ici parce qu'on te donne un repas. Vous me direz: Ce n'est pas la
"job" d'un hôpital de donner un repas à un malade. Peut-être
que ce l'est aussi; je ne sais pas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'autres questions?
M. Pratt: À ce sujet, vous dites que les psychiatres
devraient sûrement être consultés ou avoir un rôle
important à jouer là-dedans. Il n'y a pas de doute parce que,
parmi les cas lourds que vous avez, comme c'est la majorité, avant que
quelqu'un soit admis pour une résinsertion, il faut qu'il y ait un
placet qui vienne de vous, un semi-congé.
M. Harnois: M. le député, je m'empresse de
répondre que je ne parle pas que des psychiatres. Quand je parle de
l'hôpital Douglas, je parle de gens qui appartiennent à un foule
de disciplines. Dans l'hôpital que j'ai le plaisir de diriger, je pense
qu'on a 20 psychologues, on a environ 500 à 600 infimières, on a
des travailleuses sociales: tous ces gens-là travaillent ensemble,
chacun dans la limite de son expertise, mais de façon
complémentaire. Cela ne fonctionne pas toujours aussi bien que je vous
le dis, mais c'est ce qu'on essaie de faire. Dans la communauté, le
"case manager", je ne vous dis pas que ça doit être un psychiatre.
Les plus beaux exemples que j'ai vus en Angleterre, ce sont des
infirmières qui jouent ce rôle, des infirmières vraiment
communautaires qui se sont mérité le respect de tout un
réseau auquel elles peuvent faire appel et dont elles ont appris
à ne pas abuser; j'ai vu cela en opération. Il y a des
travailleurs sociaux qui vont le faire, toutes sortes de gens. Ce que je veux
dire, c'est que dire à un hôpital psychiatrique comme le
nôtre: À compter de demain matin, vous n'avez plus rien à
faire dans le domaine de la réinsertion sociale, vous allez vous limiter
à rester à l'intérieur de vos quatre murs, je pense que ce
serait une erreur monumentale.
M. Pratt: D'accord.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: Je vous remercie. Sur les 890 patients
hospitalisés à Douglas, pourriez-vous me dire quelle est la
fréquence de l'étude d'un dossier ou de l'examen médical
pour ni plus ni moins réévaluer leur état mental avant de
prendre une décision concernant leur réinsertion sociale?
M. Harnois: Cela varie d'un programme à l'autre. Ce n'est
pas la même chose chez les enfants, chez les adultes et chez les
vieillards. Il y a quatre programmes qui fonctionnent à l'hôpital
et cela varie. C'est pour cela, d'ailleurs, qu'on a quatre programmes; on pense
que l'expertise est différente d'un endroit à l'autre. En
psychiatrie communautaire, je pense que, évidemment, c'est tout è
fait autre chose, parce que, par définition, les séjours sont
assez courts: les gens viennent et ils ressortent. D'ailleurs, c'est la porte
d'entrée et de sortie principale, à l'hôpital. On essaie de
faire en sorte que le problème de la chronicité et de
l'hospitalisation à long terme ne se pose pas trop.
Pour ceux qui sont en deuxième ligne, dans nos services de
réadaptation et de traitement à plus long terme, c'est là
que la question se pose et la plus aiguë, si l'on veut. On a une
série de programmes gradués. D'ailleurs, on est en train de
mettre sur pied un nouveau pavillon de réadaptation qui va essayer, dans
la mesure du possible, d'offrir un programme de réadaptation et
d'évaluation de fonctionnement. Ce qui importe le plus quand on retourne
dans la communauté, ce n'est peut-être même pas le
symptôme, mais la fonctionnalité de l'individu. Est-ce qu'il est
capable de prendre l'autobus, d'aller à la banque? Comment se
comporte-t-il quand il va chez Eaton ou chez McDonald's? C'est cela qui compte
dans la vie des individus, comment ils saluent les gens, etc. On essaie donc de
regarder cela un peu et de pallier cela. Â l'intérieur de
l'hôpital, il y a une série de programmes gradués où
on peut aller d'un endroit à l'autre. Encore une fois, je vous
décris cela
comme un peu plus beau que ce l'est. Ce n'est pas tout à fait
aussi beau que ce que je vous dis, cela ne marche pas tout à fait aussi
bien non plus, mais on a tendance à dire le plus de bien qu'on peut de
son établissement, j'imagine, quand on paraît devant une
commission comme la vôtre. C'est un peu ce qu'on essaie de faire, c'est
ce vers quoi on tend avec les moyens du bord.
Par exemple, on a une unité de présortie où on
essaie, justement, de polir les coins, de savoir où cela cloche et de le
corriger au plus vite avant que les gens sortent. Ceux qui sont plus lourdement
handicapés, on essaie de leur faire un apprentissage un peu plus
primaire, donc enseigner à lire et à écrire à ceux
qui ne le savent pas, même s'ils ont 35 ou 50 ans. Il y a des choses du
genre.
Il y en a pour qui les chances de progression ne nous paraissent pas au
départ mirobolantes, mais on ose encore donner la chance au coureur.
Personne n'est irrémédiablement voué è ne pas
progresser un petit peu. Des fois, il faut se satisfaire de très petits
pas dans le genre de boulot qui est le nôtre, surtout avec des malades
chroniques, mais cela nous apparaît encore valable.
On fait la même chose au niveau des personnes âgées.
C'est encore plus difficile parce que la société se questionne
des fois un petit peu plus sur la réadaptation d'une petite madame qui a
85 ans. Les gens vont dire: Pourquoi faites-vous des efforts là-dessus?
Qu'est-ce que cela vaut, cette affaire-là? Vous êtes sûrs
que vous mettez l'argent à la bonne place? Ils ne vous le disent pas
comme cela, mais c'est ce que cela veut dire. On pense, qu'améliorer
peut-être un peu le sort de la petite madame, ça peut encore
vouloir dire quelque chose et on essaie de le faire.
Mme Lachapelle: Concernant la prévention, vous allez
excuser mon ignorance. Quelqu'un qui fait une première dépression
très forte, est-ce un trouble mental passager, une maladie mentale
à court terme? Est-ce que je peux qualifier cela comme cela?
M. Harnois: Écoutez! Si vous avez été en
bonne santé toute votre vie et que, lors d'un incident malheureux,
disons que vous perdez votre mari ou votre fils, vous faites un épisode
dépressif, cela se comprend très bien et c'est très
passager. Pour une foule d'autres maladies, à un moment donné
cela arrive sans qu'on ait aucune idée pourquoi cela nous tombe dessus
et ce n'est pas facile à prévenir. Dans le domaine de la
psychiatrie, je pense qu'il faut se pencher beaucoup plus sur le secteur de la
prévention. Si quelqu'un me demande ce qu'on fait comme
prévention en psychiatrie, il y a deux recettes faciles qui me viennent
à l'esprit. Une c'est de naître avec un cerveau intact et,
deuxièmement, d'être doté de parents qui ont un peu appris
ce que sont l'affection et l'amour. Ce sont à peu près les deux
meilleures recettes que j'aurais à vous donner pour prévenir des
choses même à l'âge de 35 ou 40 ans. Ce n'est
peut-être pas encore tout à fait spécifique. Il y en a
peut-être d'autres dont on pourrait vous parler, mais ce serait
peut-être aller beaucoup plus loin. Je ne sais pas si j'ai répondu
à votre question tant bien que mal, madame.
Mme Lachapelle: Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'aurais juste une couple
de questions à vous poser en terminant. Vous dites - je ne retrouverai
pas la page, je vais vous le dire de mémoire - que, pour penser à
vraiment réussir le nouveau modèle ou enfin un modèle de
réinsertion que vous préconisez, il faudrait un assouplissement
dans les règles budgétaires et syndicales. Enfin, l'esprit est
à peu près ceci. Est-ce que vous pourriez élaborer? Vous
avez touché aux règles budgétaires. Relativement au
budget, je voulais vous demander ceci: Vous n'avez aucune marge de manoeuvre de
transfert d'argent? Ce n'est peut-être pas, non plus, honnête de
vous demander cela en pleine commission parlementaire.
M. Harnois: Ah non! C'est très honnête. On n'a pas
beaucoup de marge parce que, évidemment, la totalité du budget
qui, comme vous le savez, a été pas mal grugé...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En fonction des lits.
M. Harnois: On a fait un petit exercice, Mme la
Présidente, que l'on a, d'ailleurs, présenté au
ministère il y a à peu près un mois, dans
l'opération de budget en cours qui tendait à prouver au
ministère qu'en prenant les normes du ministère et
l'évaluation de la clientèle du ministère, deux outils du
ministère, donc pas les nôtres, on était
sous-budgétisés de l'ordre de 5 800 000 $. Donc, on a
été accueillis avec un large sourire par nos collègues du
ministère, mais cela a quand même été une discussion
honnête. (20 h 45)
Je vois que vous voulez me poser une question au niveau des relations
avec les syndicats. C'est "touchy", il n'y a pas de doute. Il y a un exemple,
quand même, déplorable qui me vient à l'esprit et je vous
le mentionne parce qu'il me tient particulièrement à coeur. Vous
allez me dire: Qu'est-ce qu'on fait, à l'Assemblée nationale, de
dire cela? Mais il existe des programmes
de subventions fédérales pour des trucs
d'été, et il y a un nouveau critère qui veut qu'avant que
le fédéral donne ces subventions, il exige l'accord du syndicat.
Et c'est pour faire accomplir des travaux, si vous vouiez, par des gens
auprès des malades psychiatriques pendant l'été. Depuis
deux ans, le syndicat de notre établissement a refusé parce qu'il
voit cela comme étant en concurrence avec des postes éventuels
qui pourraient être occupés par des employés
syndiqués, et on a perdu deux subventions. On en a encore perdu une
cette année. On a déploré cela, parce que c'était
pour engager des moniteurs soit pour aider les malades pendant le temps des
vacances du personnel, soit pour amener les gens en camping ou des trucs du
genre. Cela ne nous a pas aidés et on s'interroge longuement. On en a
parlé au syndicat, mais ils nous disent que c'est cela qui est leur
point de vue.
Le problème, évidemment, qui va peut-être un peu
plus se poser, c'est dans les définitions de postes. Si vous voulez
tendre encore un peu vers l'extérieur et sortir de l'hôpital,
l'évaluation de la clientèle dont je vous parlais tout à
l'heure révèle que, pour notre centre hospitalier, il y aurait
à peu près 90 malades sur les 900 qui, si la bonne ressource
existait à l'extérieur, seraient aptes à sortir. On peut
penser que le ministère des Affaires sociales ne nous dira pas: Voici,
hôpital Douglas, donnez-nous vos 90 malades, on va les prendre et gardez
votre budget. Ce n'est probablement pas ainsi que cela va se jouer. Je ne suis
pas naVf à ce point pour le penser.
Donc, il va être question, à un moment donné, de
transfert de l'hôpital vers la communauté. Il va falloir qu'il y
ait des gens qui suivent les malades si on veut faire une réinsertion
sociale qui tienne debout. Comment va-t-on faire cela? 5elon quels
critères? Comment cela va-t-il aller avec les conventions collectives
qui sont les nôtres? Ce n'est pas encore tout à fait
évident. Il va y avoir des coups de coudes là-dedans, j'en ai
l'impression. Donc, ce n'est pas facile. Je n'ai pas la solution.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais vous n'auriez pas
d'objection, comme directeur d'un établissement important, à ce
qu'à un moment donné un transfert de budget soit fait de
l'institution vers des ressources extérieures?
M. Harnois: J'aurais beaucoup moins d'objection si le transfert
était fait selon les règles que l'on respecte et en lesquelles on
croit et s'il nous impliquait. Si demain matin vous me disiez: On a un budget
de 42 000 000 $, on prend 2 000 000 $ de votre budget, Dr Harnois, on vous
l'enlève et on le donne à des ressources communautaires et c'est
fini, là, on regimberait un petit peu parce qu'on se poserait des
questions sur ce qui est en train de se faire. Mais on n'a absolument aucune
objection à être associé à cette démarche et
on a, d'ailleurs, beaucoup d'idées au sujet de la démarche, de la
façon dont elle devrait se faire. On vous en a parlé un peu ce
soir. Je pense bien qu'on va encore avoir besoin de services hospitaliers et il
faut aussi continuer à regarder les normes. Combien y a-t-il de gens
dans nos hôpitaux psychiatriques? Quel type de gens? Quelles normes
devrait-on respecter pour les soigner? Ce sont des problèmes difficiles.
Je reconnais que la commission va avoir passablement de difficultés
à trancher dans le vif et il va peut-être falloir que vous le
fassiez.
Par exemple, s'il est vrai que dans l'hôpital que je dirige il
manque, selon les normes du ministère, 5 800 000 $, comment peut-on
penser que demain matin le ministère va prendre 2 000 000 $ de mon
budget pour l'envoyer dans la communauté, si vous voulez? Donc, il va y
avoir des difficultés. Il va falloir qu'il y ait des transferts, je le
reconnais, mais cela va demander beaucoup de discussions et il va falloir
savoir comment on fait cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que je me trompe
en croyant - d'ailleurs, vous l'avez dit vous-même au départ -
que, s'il y avait plus de flexibilité dans le budget, cela permettrait
de créer les ressources dont on a besoin pour la réinsertion
sociale, mais que ce serait plus facile si ceci se faisait comme une extension
de l'institution plutôt que comme une création - enfin, il ne
faudrait pas que ces mots soient pris péjorativement - parallèle
dans la communauté?
M. Harnois: L'autre chose qu'on pourrait envisager, c'est un
certain nombre d'expériences pilotes. Je pense encore que c'est
difficile de dire, d'imaginer qu'on fait la même chose partout dans toute
la province. Cela m'apparaît difficile au départ. Il y en a qui
sont plus prêts que d'autres, il y en a qui pensent à cela plus
que d'autres, il y en a qui veulent plus que d'autres. Mais s'il était
permis facilement, par exemple, même selon les règles
budgétaires du ministère et aussi selon les conventions
collectives qui nous régissent, de dire: On a 25 malades, on peut les
sortir, on a des idées comment cela pourrait aller... Je ne peux pas
envoyer le personnel avec les malades, cela va à l'encontre de la
convention collective, si vous voulez. Dans cette convention, ils ont une
unité de travail qui est ce poste; si, demain matin, je veux envoyer ce
monde-là à l'extérieur, cela va regimber, cela ne se fera
pas facilement. Je pense que, dans le fond de tout cela, c'est
peut-être que les gens ont peur; ils ont peur à leur poste,
à leur salaire, à leur sécurité d'emploi, etc. Je
pense qu'il ne faut pas ignorer quoi que ce soit. Aux États-Unis, dans
l'État de New York, une des causes de l'échec de la
désinstitutionnalisation, c'est, justement, parce qu'ils n'ont pas
été capables de prendre cela en charge. Ils ont eu des faillites
monumentales. Ils se sont retrouvés avec des hôpitaux à
moitié vides et avec plein de personnel dedans, parce que les gens
jouaient le jeu de la convention collective. En fait, dans l'État de New
York, les employés des hôpitaux, ce sont des employés de
l'État et non pas les employés de l'hôpital. C'est donc une
distinction supplémentaire. Donc, je pense qu'il va falloir se pencher
là-dessus aussi et peut-être aborder cela avec les syndicats un
peu carrément; parce que je pense que, si on le fait juste par la bande,
cela va demeurer difficile.
Plutôt que de faire cette scission qui est si forte entre
l'interne et l'externe, si, par exemple, on me disait: Vous êtes
directeur général non pas d'un hôpital qui a B90 lits -
c'est le chiffre qui accroche tout le monde - mais d'un hôpital qui, en
ce moment, traite 3500 malades, dont la majorité sont à
l'extérieur et d'autres à l'intérieur, dans le fond, le
budget que j'ai, ce serait pour traiter mes 3500 malades, c'est cela. Mais,
dans les règles du jeu, ce n'est pas ainsi que cela se joue. Ce qui
prédomine encore, c'est l'interne, le lit d'hospitalisation, la
journée d'hospitalisation et aussi la notion de poste pour le syndicat.
Ce n'est pas facile de déplacer des gens de l'intérieur vers
l'extérieur.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une dernière
question, Dr Harnois. Selon vous, il y aura toujours nécessité
pour un pourcentage X, que je ne suis pas capable d'évaluer, de vie en
institution, si je me réfère à vos trois types de
services: institutionnel, intermédiaire et résidentiel; il faut
continuer de voir l'institution pour un certain nombre de personnes comme
étant une nécessité.
M. Harnois: Dans l'état actuel des choses et pour...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Et des connaissances.
M. Harnois:... un bon bout de temps, je le crois, Mme la
Présidente. À Québec, avec la mentalité et les lois
qu'on a, avec la façon dont on pense, avec la façon dont on
aborde cela, je ne pense pas que l'on puisse à court terme ou même
à moyen terme dire: On va faire table rase dans nos institutions. Je
pense que ce serait une erreur.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant, vous avez dit
"compte tenu de nos lois et de nos mentalités", peut-être compte
tenu d'autres choses? Ce sont des choses qui peuvent évoluer. Il y a
peut-être aussi compte tenu de nos connaissances. Mais, compte tenu de la
condition des bénéficiaires eux-mêmes...
M. Harnois: Oui, oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... est-ce qu'on pourrait
penser...
M. Harnois: Écoutez, encore une fois, je serais
tenté de suggérer à la commission: Vous devriez aller
passer une journée dans un hôpital psychiatrique, juste faire le
tour, cela vous serait très bon. Je vous inviterais à venir dans
le mien, si vous voulez, cela me ferait grand plaisir. Mais il y a des gens,
dans l'état actuel des choses, qu'il serait tout simplement
indécent de sortir de l'établissement; c'est aussi simple que
cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Et ce serait qu'elle
proportion?
M. Harnois: Bon! Idéalement parlant, je suis le premier
à reconnaître qu'un hôpital de 2500 lits et même de
890, c'est très gros; si on avait le choix, si c'était à
refaire, peut-être qu'on ne referait pas cela comme cela. Je pense que
tout le monde le sait. Mais si on a besoin d'institutions, avec le financement
dont on dispose, je pense qu'on n'est pas pour dire: On va mettre le bulldozer
dedans et en reconstruire trois de 250 lits chacun, ce qui serait sans doute
une meilleure solution. Je suis le premier à reconnaître que ce
serait plus facile, plus près des besoins des gens. On a la chance,
nous, à l'hôpital, d'avoir une structure pavillonnaire, il y a 26
pavillons; déjà cela, on pense que c'est un atout. Par exemple,
nos pavillons pour enfants, ce sont de petites unités; donc, les enfants
ne se retrouvent pas pris dans d'immenses affaires avec lesquelles ils ne
s'identifient à peu près pas, si vous voulez. C'est
déjà mieux. Cela demeure que cela fait partie d'un grand tout qui
a 890 lits. Ce n'est pas l'idéal. Mais je ne vois pas comment, à
court terme, on va pouvoir pallier cela. Je pense que, tranquillement, on va
continuer à réduire les lits. Je pense qu'il faut tendre à
faire sortir de l'hôpital tous ceux qui peuvent être capables d'en
sortir honnêtement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Sur vos 890, combien
pourraient sortir?
M. Harnois: En ce moment, on s'entend avec le ministère
des Affaires sociales pour dire qu'environ 100 pourraient sortir.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela
veut dire qu'il y a un besoin pour environ 700 malades chroniques.
M. Harnois: Oui, mais, encore une fois, on ne vous dit pas
qu'avec les 700 autres c'est bloqué; on continue à travailler
avec ces gens-là. Donc, si on pouvait trouver une place pour ces 100
personnes, dans trois ans, on pourrait en sortir peut-être pas 100
autres, mais une cinquantaine d'autres, je ne sais pas. Cela devient...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela.
M. Harnois:... un peu plus hypothétique, ma
réponse.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, d'accord. Je vous
remercie beaucoup, Dr Harnois, Mme Ouellet et Dr Jean. J'aurais eu des
questions à vous poser sur la recherche, mais je vous garde cela pour
demain matin.
M. Harnois: Ah! Merci, madame.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On revient avec le
Comité de la santé mentale.
Je vais inviter le groupe suivant: le Comité d'étude sur
les services psychiatriques de la région 06A. Dr Aird, je vais vous
demander de présenter vos collègues.
Comité d'étude sur les services
psychiatriques de la région 06A
M. Aird (Georges): Je vous remercie de nous avoir invités,
Mme la Présidente. Mes collègues sont, à ma droite, Mme
Lucienne Robillard, qui est directrice du service social à
l'hôpital Pierre-Boucher et à l'hôpital Charles-LeMoyne et
qui est aussi présidente de la Commission de la santé mentale
pour la région de la Montérégie, la rive sud de
Montréal; à ma gauche, Mme Céline Charland, qui est
infirmière psychiatrique, coordonnatrice des soins infirmiers
psychiatriques à l'hôpital de Granby et qui est aussi adjointe
administrative au chef du département de psychiatrie de l'hôpital
de Granby.
Notre groupe comporte un quatrième membre qui est malheureusement
absent ce soir parce qu'il est en dehors du pays. Il s'agit du Dr Arthur Amyot,
qui est directeur du département de psychiatrie à la
Faculté de médecine de l'Université de Montréal et
qui a aussi été chef du département de psychiatrie au
pavillon Albert-Prévost de l'hôpital du Sacré-Coeur pendant
de nombreuses années.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord.
M. Aird: Je m'appelle Georges Aird. J'ai été
pendant douze ans, jusqu'au mois de juin dernier, chef du département de
psychiatrie de l'hôpital Saint-Luc à Montréal, en plein
centre-ville de Montréal.
On se présente à vous ce soir comme un groupe de travail,
un groupe pluridisciplinaire qui a eu le privilège d'exécuter
deux mandats importants au cours des quinze derniers mois. Le premier a
été celui de la commission d'enquête concernant
l'hôpital Louis-H. -Lafontaine, un travail qui a été fait
par Mme Charland, le Dr Amyot et moi, un mandat du Conseil des ministres. Le
deuxième mandat venait du ministre des Affaires sociales et consistait
en une étude de l'organisation des services psychiatriques pour la
région de Montréal portant principalement sur les
problèmes de la sectorisation des travailleurs sociaux et de la
coordination des établissements entre eux.
Cela nous met, croyons-nous, dans une position privilégiée
dans le sens où on ne représente aucun établissement,
aucun organisme, aucune corporation professionnelle, mais un groupe de travail
qui a eu l'occasion de voir les choses de façon globale, surtout dans la
région de Montréal.
On a rédigé un petit mémoire que je vais tenter de
résumer rapidement. Au début, on fait un historique que vous
connaissez sans doute très bien de l'évolution des services
psychiatriques surtout en Amérique du Nord, qui est aussi l'histoire de
l'évolution de la désinstitutionnalisation. On fait état
du fait que beaucoup de documents nous montrent combien la psychiatrie des
hôpitaux psychiatriques en Amérique du Nord était,
semble-t-il, plus intéressante, plus vivante au XIXe siècle,
à l'époque de la psychiatrie morale où les soignants, les
psychiatres vivaient sur les campus des hôpitaux psychiatriques avec leur
famille. Il semble que la période de plus grande noirceur des
hôpitaux psychiatriques en Amérique du Nord ait été
la première moitié du XXe siècle, alors que tous les
champs de la médecine ont avancé à pas de géant et
que la psychiatrie est restée stagnante dans ses progès
scientifiques. (21 heures)
Par ailleurs, depuis les années cinquante - le Dr Harnois y a
fait allusion tantôt - il y a eu des changements majeurs qui ont
été surtout dus à l'arrivée de médicaments,
à l'arrivée aussi d'une attitude de la société qui
était différente vis-à-vis des malades mentaux et des
maladies mentales. Ces deux facteurs, joints à des grands scandales de
l'opinion publique en France, aux États-Unis et au Canada, ont
amené le mouvement de désinstitutionnalisation. On l'a connu au
Québec. Cela a été "Les fous crient au secours", cela a
été la commission Bédard. Ces phénomènes ont
été suivis d'un mouvement important de
désinstitutionnalisation dans nos hôpitaux
psychiatriques.
Parallèlement, les hôpitaux psychiatriques ont
créé, dès les années soixante, un réseau de
structures extrahospitalières qu'on appelait des foyers affiliés
où, littéralement, des milliers de malades ont été
dirigés, des malades qui, jusque-là, étaient
hospitalisés de façon chronique dans les hôpitaux
psychiatriques. Ce sont ces foyers affiliés qui sont devenus, alors que
M. Forget était ministre des Affaires sociales, des familles d'accueil
ou des pavillons, selon, essentiellement, le nombre de
bénéficiaires qui y étaient gardés.
J'abrège cet historique, encore une fois, que vous connaissez,
pour essayer de faire un petit topo de la situation présente, telle
qu'on a pu l'observer, surtout dans la région de Montréal. Il y a
dix points que nous avons énumérés. Premièrement,
dans les hôpitaux psychiatriques, il y a encore, à notre avis, des
malades psychiatriques qui pourraient recevoir leur congé et être
orientés vers des ressources plus légères. On y reviendra
tout à l'heure. Ceci ne signifie pas du tout qu'on ne croit pas au
rôle des hôpitaux psychiatriques dans notre société,
mais on pense que si les malades psychiatriques étaient tous bien
évalués on se rendrait compte qu'il y en a peut-être un
certain nombre qui peuvent sortir.
Deuxièmement, dans un coin que j'ai bien connu pour y avoir
travaillé longtemps, le centre-ville de Montréal - c'est
d'ailleurs un phénomène qui est vrai de tous les centres-villes
des grandes villes d'Amérique du Nord - on observe de nombreux patients
psychiatriques qui sont laissés presque entièrement à
eux-mêmes, qui mènent une sorte de vie de clochard, qui vivent
tantôt dans des maisons de chambres, tantôt sur les bouches de
métro, dans des conditions d'exploitation et de grande
pauvreté.
On fait état, toujours dans ce tableau un peu impressionniste -
cela fait un peu coq-à-l'âne - du fait que, comme l'ont dit
tantôt le Dr Jean et le Dr Harnois, les techniques de soins en
psychiatrie n'ont pas évolué de façon spectaculaire. On
essaie de traiter de façon plus humaine, plus personnelle, les grands
malades atteints d'une maladie, essentiellement la schizophrénie dont on
ne connaît toujours pas les causes et dont on ne connaît pas le
traitement, et on se rend compte qu'une certaine proportion de ces malades, une
proportion qui revient, dans presque toutes les études, dans tous les
documents, à 5 % ou à 10 %, malgré la technique de soins
qu'on utilise, malgré la politique de la porte tournante, malgré
tous les efforts qu'on fait pour les garder dans la société,
deviennent très vite ce qu'on appelle des grands malades. C'est ce que
les Britanniques appellent des "new long-term patients", des gens qui ont
presque le même tableau clinique que celui qu'on observait des malades
qui passaient leur vie à l'asile autrefois. C'est-à-dire des gens
qui sont très symptomatiques, les symptômes sont très
évidents, sont très handicapants et, surtout, l'autonomie et la
capacité d'exercer les fonctions sociales de base sont très,
très atteintes. Comme je le disais tantôt, la politique de la
porte tournante ne fonctionne pas auprès de ces malades-là.
Le quatrième point d'observation: les hôpitaux
psychiatriques, à Montréal, n'assument plus de rôle de
deuxième ligne, c'est-à-dire que les départements de
psychiatrie des hôpitaux généraux doivent assumer toute la
gamme des soins psychiatriques. Je dis cela parce qu'on répète
encore souvent que les hôpitaux généraux envoient vers les
hôpitaux psychiatriques les cas qu'ils jugent trop lourds. Cela n'est pas
vrai depuis de nombreuses années.
Le cinquième point, je parle des départements de
psychiatrie des hôpitaux généraux qui, rapidement, au cours
des années, sont devenus souvent des mini-asiles, c'est-à-dire
qu'on y traite des patients qui sont aussi malades que ceux qu'on voyait
autrefois dans les grands hôpitaux psychiatriques dans des milieux
physiques qui n'ont pas été créés pour cela. Un
hôpital général n'a pas été fait pour traiter
des malades psychiatriques. On essaie de trouver toutes sortes de formules.
Très souvent, dans à peu près la moitié des
hôpitaux du Québec, les départements de psychiatrie sont
logés dans des anciennes écoles d'infirmières
derrière l'hôpital, avec des corridors exigus, des lieux de
séjour insuffisants, pour des durées d'hospitalisation qui sont
très longues, qui sont en général de 40, 50, 60 jours
alors que, comme vous le savez, la durée moyenne de séjour dans
les hôpitaux généraux est à peu près de huit
à dix jours. On a aussi des malades qui y séjournent des
années entières. Tous les départements de psychiatrie ont
des malades qui y séjournent depuis deux, trois, quatre ans parce qu'on
n'arrive pas à trouver des ressources pour les sortir, ce qui fait que
le climat des unités de psychiatrie dans les hôpitaux
généraux est de plus en plus lourd, de plus en plus
pénible, de plus en plus étouffant pour les malades et pour les
soignants.
On observe aussi des débordements dans les salles d'urgence. Je
pense que les journaux en font état souvent. Le rapport Spitzer, que je
n'ai pas lu mais dont j'ai lu les comptes rendus dans les journaux, faisait
état, d'après ce qu'on nous en a dit, du fait que 40 % de
l'achaladange des urgences était constitué de malades
psychiatriques et de personnes âgées. C'est un fait d'observation
que, très souvent, les débordements dans les salles d'urgence
à Montréal sont constitués en bonne partie de malades
psychiatriques. Beaucoup d'hôpitaux généraux ont en
permanence quatre, cinq, six, sept, huit, dix civières
psychiatriques à l'urgence qui sont constamment occupées pour des
séjours allant de quelques jours à quelques semaines parfois.
Il y a débordement au niveau des cliniques externes des
hôpitaux généraux. Ce n'est pas rare d'avoir des listes
d'attente de quelques mois, ce qui est tout à fait aberrant quand on
sait qu'il est important d'agir rapidement dans le cas d'une crise
psychiatrique. C'est ce qu'on nous apprend, c'est ce qu'on apprend aux
étudiants des diverses disciplines qui oeuvrent dans les hôpitaux,
mais ce n'est pas toujours ce qu'on est capable de pratiquer.
On parle beaucoup de ressources intermédiaires. On en parle
depuis quelques années. C'est un sujet qui est devenu
d'actualité, qui est devenu à la mode, heureusement. Il y en a
encore un manque flagrant. Elles ne sont pas assez nombreuses. Je parlais
tantôt des malades psychiatriques qui se clochardisent dans les
centres-villes, faute de ressources. Les ressources intermédiaires -
c'est un point qu'on a développé pas mal dans notre rapport -
doivent être tantôt des ressources thérapeutiques
axées surtout sur le traitement, tantôt des ressources sociales
axées surtout sur la qualité de l'hébergement. Nous
croyons fortement à la nécessité de développer ces
deux types de ressources.
On observe aussi, de temps en temps dans les articles de journaux,
très souvent dans les lettres des lecteurs dans les journaux, des
réactions de l'opinion publique - on voit cela aussi dans des panels
à la télévision - concernant ce que j'appelais
tantôt la politique de la porte tournante, c'est-à-dire le fait de
tenter de réinsérer des malades mentaux. Ce qu'on nous dit
souvent, c'est qu'il y a trop de fous en liberté. Pourquoi les
laissez-vous sur la rue? Pourquoi ne retournez-vous pas les malades mentaux
à l'asile? On nous accuse de faire trop de pressions sur la
société et surtout sur les familles en tentant de
réinsérer socialement les malades mentaux.
Il y a d'autres milieux aussi qui se plaignent de la pression
créée par les malades psychiatriques. Je pense ici surtout aux
milieux policiers et judiciaires. Je ne sais pas s'il y a de ces milieux qui
seront entendus par votre commission. Nous avons entendu à
Montréal des représentants des divers groupes policiers. Ce sont
ceux qui sont les plus agressifs à l'égard de tout le
réseau psychiatrique. Ils sont souvent aux prises, dans les postes de
police et dans les cours municipales, avec des malades qui comparaissent
fréquemment sans qu'on arrive à trouver des solutions. Il y a des
organismes religieux, il y a de nombreux organismes religieux à
Montréal qui s'occupent de certaines clientèles. Je pense ici
à la Maison du Père, du côté francophone, qui est
une maison financée par l'archidiocèse de Montréal,
à la Old Brewery Mission qui est financée par le clergé
anglican de Montréal, qui sont des ressources destinées d'abord
et avant tout aux alcooliques mais qui reçoivent un grand nombre de
malades psychiatriques avec lesquels souvent ils sont tout seuls, ils
n'arrivent pas à se débrouiller.
Ces ressources sont d'ailleurs regroupées à
Montréal dans un réseau qui s'appelle le réseau d'aide,
qui est un réseau qui nous est apparu, lors de nos travaux, comme un
réseau extrêmement valable, extrêmement précieux, un
réseau à appuyer, à encourager, un réseau qui
mériterait d'être mieux articulé à celui des
services psychiatriques.
À la suite de ce tableau à vol d'oiseau, il y a un certain
nombre de recommandations qu'on apporte ici et qui rejoignent des
recommandations qu'on a faites à d'autres niveaux.
Premièrement, on propose de repenser l'organisation des services
de psychiatrie et de santé mentale à Montréal en
créant huit territoires qui sont tout simplement les huit territoires
des départements de santé communautaire qui existent
présentement à Montréal. Pourquoi? Parce que
Montréal nous est apparu comme une région beaucoup trop grosse,
beaucoup trop complexe, présentant des problématiques beaucoup
trop nombreuses pour qu'on puisse imaginer qu'elle soit bien coordonnée
d'en haut. Il nous est apparu que, dans l'état actuel des choses, il y a
très peu de connaissance du réseau qui existe au niveau du
conseil régional à Montréal.
Quelqu'un demandait tantôt qui coordonnerait les divers
intervenants du milieu hospitalier ou du milieu extrahospitalier s'occupant
d'un même malade, tantôt à l'hôpital, tantôt
dans une ressource intermédiaire. On pense qu'avant de coordonner
à la base, au niveau des professionnels, il faudrait qu'il y ait un peu
plus de coordination en haut, que les établissements, que les
organismes, que les gens qui s'occupent de la gestion de ces diverses
ressources aient l'occasion, au niveau d'un même territoire,
d'établir des politiques communes. On pense que cela pourrait se faire
idéalement au niveau d'un département de santé
communautaire qui regroupe quand même des populations importantes. C'est
environ 300 000 personnes, je pense, par territoire. Mais c'est moins gros
qu'une ville de 2 000 000 avec toutes ses complexités ethniques,
religieuses, etc.
Il nous a semblé extrêmement important - je pense ici
à la deuxième recommandation - qu'il y ait une première
ligne de soins qui soit plus développée concernant les
problèmes de psychiatrie et de santé mentale. Je parlais
tantôt du
débordement du réseau psychiatrique. Celui-ci a
peut-être créé lui-même ce débordement en
s'imaginant qu'il était seul capable de s'occuper des problèmes
psychiatriques de la société. Je pense qu'on a la preuve bien
concrète devant les yeux que c'est illusoire de s'imaginer cela et que
le réseau qui est constitué au Québec prévoit une
première ligne de soins et que cette première ligne de soins
devrait exister aussi pour les problèmes de psychiatrie et de
santé mentale. Je fais allusion ici spécifiquement aux CLSC dont
beaucoup sont en voie d'implantation actuellement à Montréal, aux
cabinets d'omnipraticiens et aussi aux cabinets d'autres professionnels de la
santé mentale qui peuvent résoudre un bon nombre de
problèmes à condition, souvent, de recevoir de l'encadrement, de
la consultation, de l'enseignement. Dans notre travail, on s'est rendu compte
que cette hypothèse était loin d'être illusoire, que
beaucoup d'omnipraticiens, que beaucoup de CLSC sont prêts à jouer
ce rôle à condition encore une fois, comme je le disais,
d'être encadrés,
Troisième recommandation. Consolider les services psychiatriques
existants. On pense qu'il y a un besoin d'un peu d'accroissement de budget et
de moyens techniques dans les départements de psychiatrie à
Montréal actuellement. Peut-être pas énormément,
mais il y aurait moyen de faire en sorte d'éponger ces
débordements cliniques. On pense qu'il y aurait un besoin de lits de
courte durée, ce qui pourrait, croyons-nous, faire disparaître ces
antichambres de psychiatrie dans les salles d'urgence à
Montréal.
Nous croyons à la nécessité d'une deuxième
ligne de soins psychiatriques pour traiter ce que j'appelais tantôt les
malades psychiatriques lourds, les chroniques, les 5 % à 10 % de "new
long-term patients" qu'il nous est difficile de traiter dans les
départements de psychiatrie des hôpitaux généraux.
Nous pensons à des unités de deuxième ligne qui pourraient
être, soit dans les hôpitaux psychiatriques, soit ailleurs,
reliées à des hôpitaux généraux, mais qu'il y
ait un deuxième réseau de soins spécifiques pour cette
clientèle, quelque chose qui ne serait pas un nouvel asile, qui ne
serait pas un lieu où les malades entrent et ne sortent jamais, mais un
lieu qui serait simplement mieux adapté que nos petits
départements de psychiatrie à des traitements plus
prolongés, à des traitements qui pourraient être d'un an,
un an et demi, deux ans, avec des plans de soins bien faits.
J'ai parlé tantôt des ressources intermédiaires; on
y revient ici, dans les recommandations. Il y a la nécessité de
créer des ressources intermédiaires, des ressources qui
pourraient être tantôt une véritable alternative à
l'hospitalisation, par exemple, des centres de crise ou des hôpitaux de
jour; des ressources qui pourraient augmenter l'efficacité de nos
cliniques externes, par exemple, des centres de jour et des ressources
d'hébergement, comme je le disais tantôt, des ressources qui
s'occupent plus de l'aspect social de la vie des patients et des ressources qui
soient plus diversifiées que celles qu'on a à notre disposition
actuellement, c'est-à-dire les familles d'accueil et les pavillons. (21
h 15)
II y a des expériences qui ont été mises sur pied,
dont celle des appartements supervisés, qui nous apparaissent
extrêmement intéressantes. Cependant, ces expériences ne
sont pas nécessairement valables pour toutes les clientèles et
pour toutes les régions. Je pense qu'il faut tenir compte de la
diversité des clientèles, des caractéristiques de chaque
région et de chaque hôpital, qu'il y ait un peu de liberté
dans le développement de ces ressources, qu'on n'impose pas un
modèle ou quelques modèles identiques dans toute la province,
comme on l'a déjà fait dans d'autres domaines.
Il nous est apparu qu'il y avait une disproportion dans les fonds
psychiatriques, à Montréal. Les quatre grands hôpitaux
psychiatriques de Montréal se voient affecter un budget d'environ 200
000 000 $, alors que les 16 ou 18 départements de psychiatrie des
hôpitaux généraux reçoivent une trentaine de
millions de dollars. Cela donne comme résultat qu'aux yeux du
ministère des Affaires sociales la psychiatrie, à
Montréal, ce sont les quatre grands hôpitaux psychiatriques, alors
que, comme je vous le disais, en première ligne, les hôpitaux
généraux assument 75 % de la psychiatrie, en ce qui concerne les
adultes, pour les soins psychiatriques aux malades.
Nous croyons, et nous l'avons dit dans nos rapports, qu'il faut sortir
des hôpitaux psychiatriques deux clientèles qui, à notre
avis, n'appartiennent pas à ces hôpitaux, c'est-à-dire
celle des déficients mentaux et celle des personnes âgées.
On ne veut pas dire par là qu'il ne devrait pas y avoir de personnes
âgées dans les hôpitaux psychiatriques, mais on ne croit pas
que les hôpitaux psychiatriques devraient avoir des centres d'accueil
pour personnes âgées très bien organisés. On pense
que les personnes âgées devraient être
hébergées et traitées dans d'autres lieux, d'autant plus
que pour ces personnes l'expérience montre que les problèmes sont
rarement d'ordre uniquement psychologique. Les problèmes sont souvent de
trois ordres: psychologique, médical et social. Il faut traiter ces
trois composantes de façon parallèle.
Quant aux déficients mentaux, je pense que cela se passe de
commentaire. On observe que les hôpitaux psychiatriques sont souvent des
lieux un peu oubliés. Les
patients qui sont les plus oubliés, dans les hôpitaux
psychiatriques, ce sont les déficients. Il semble bien que les
déficients mentaux soient mieux traités dans des ressources qui
sont organisées, qui sont programmées spécifiquement pour
cette clientèle, plutôt que dans les hôpitaux
psychiatriques.
Huitièmement, nous proposons de continuer la
désinstitutionnalisation des patients psychiatriques, les vrais patients
psychiatriques qui sont présentement dans les hôpitaux
psychiatriques, de le faire progressivement, prudemment, pour ne pas
rééditer les expériences pénibles qui ont
été connues dans d'autres pays où on clochardise
littéralement des milliers de patients, tout simplement parce qu'on les
sort sans se préoccuper de savoir où ils vont.
Parallèlement au développement de ressources appropriées,
qu'on continue la désinsertion de la façon, je pense, dont le
décrivait le Dr Harnois tout à l'heure, qui est une façon
avec laquelle on est certainement tout à fait d'accord.
Je voudrais terminer en disant que, si la problématique de
désinstitutionnalisation est importante, elle ne nous apparaît pas
représenter toute la problématique psychiatrique au
Québec, actuellement. Beaucoup de patients psychiatriques traités
dans les services de psychiatrie des hôpitaux généraux ne
sont jamais allés à l'hôpital psychiatrique ou en sont
sortis depuis longtemps. Donc, cela concerne certainement quelques centaines de
patients qu'on pourrait sortir des hôpitaux psychiatriques, mais il y a
beaucoup plus de malades psychiatriques que cela au Québec. Si on se fie
à des statistiques qui ont cours dans à peu près tous les
pays, on peut compter qu'il y a au moins 100 000 patients psychiatriques
importants au Québec, alors que des patients psychiatriques
présentement hébergés dans les hôpitaux
psychiatriques, il y en a à peine quelques milliers. On pense que,
parallèlement à la désinstitutionnalisation, il est
important de consolider les services en place présentement dans les
hôpitaux généraux et il est important de développer
des ressources intermédiaires appropriées pour la
clientèle traitée dans les hôpitaux
généraux.
On pense aussi que la désinstitutionnalisation, la
création des ressources intermédiaires et l'amélioration
globale des services aux patients psychiatriques ne peuvent se réaliser
sans la concertation et la collaboration de toutes les instances
concernées. Les patients psychiatriques ont besoin de soins, ils ont
aussi besoin de services et ceci ne peut se réaliser dans un contexte de
querelles de clocher. Dans un domaine où il y a autant d'incertitude que
celui de la psychiatrie, personne ne peut prétendre détenir la
vérité absolue.
Je voudrais m'arrêter ici. Je ne sais pas si mes collègues
ont quelque chose à ajouter.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Voulez-vous ajouter
quelque chose? Vous allez attendre les questions? D'accord.
Dr Aird et votre équipe, je désire vous remercier de vous
être présentés devant la commission. Au point de
départ je pensais que vous représentiez le point de vue du CRSSS
de Montréal, mais je réalise que j'étais tout à
fait dans l'erreur. C'est parce que j'ai vu 06A et j'ai dit... Je pense que
vous avez bien expliqué... Vous ne l'avez pas dit ouvertement, mais j'ai
eu l'impression que le CRSSS de Montréal avait peut-être trop de
responsabilités pour planifier la psychiatrie, que cela devait
être fait à une échelle moins considérable. Enfin,
c'est ce que j'ai déduit de ce que vous avez glissé dans vos
propos.
Je vais revenir par la suite. Je vais d'abord donner la parole à
mon collègue de Marie-Victorin et à mes autres collègues
et je reviendrai à la fin.
M. Pratt: Je remercie le Dr Aird pour son survol des
problèmes psychiatriques dans la grande région de
Montréal. Vous me permettrez un point de vue intéressé. Je
vais poser une question à Mme Robillard qui s'occupe plus
spécialement de la région qui me concerne. Elle est travailleuse
sociale et chef du service social des hôpitaux Charles-LeMoyne et
Pierre-Boucher. Je voudrais savoir si la situation décrite par le Dr
Aird correspond assez bien à ce que nous connaissons sur la rive sud.
Deuxièmement, où en sommes-nous dans l'implantation des
ressources intermédiaires sur la rive sud? Je voudrais le tableau
à l'heure où je vous parle.
Mme Robillard (Lucienne): Permettez-moi d'abord de vous dire
qu'il y a une grande distinction entre le territoire de la
Montérégie et le territoire de Montréal en ce qui regarde
les soins prolongés en psychiatrie. On parle beaucoup de
désinstitutionnalisation à Montréal ou dans les grands
centres. Ces hôpitaux sont surtout en territoire urbain. En
Montérégie, comme vous le savez sans doute, on n'a pas de lits de
soins prolongés en psychiatrie, à l'exception de deux
sous-régions, Sorel et Saint-Hyacinthe.
Pour la sous-région qui vous concerne, je pense, dans le coin de
Longueuil, si je prends la sous-région de Longueuil, on n'a aucun lit de
soins prolongés. C'est bien sûr que ce n'est pas un
problème de désinstitutionnalisation, mais les mêmes
problèmes que le Dr Aird a décrits, à savoir le traitement
et les soins à des malades
mentaux chroniques. Dans ce sens-là, cela ressemble beaucoup
à la problématique de Montréal, à l'exception,
comme je vous le dis, du phénomène de la
désinstitutionnalisation.
Deuxièmement, je peux vous dire que nous sommes fiers, en
Montérégie, d'avoir eu depuis quelques années le
développement de ressources que je qualifierais non pas
d'intermédiaires, mais d'alternatives en santé mentale. Sur
l'ensemble du territoire, on a maintenant des ressources alternatives en
santé mentale qui sont des ressources différentes, autonomes,
fournies par le réseau des Affaires sociales. On privilégie
d'ailleurs que toutes ces ressources soient sous forme de ce qu'on appelle OSBL
ou organisme sans but lucratif, ce qui n'empêche absolument pas que les
services donnés par ces ressources le soient en
complémentarité et en collaboration avec les ressources de nos
départements de psychiatrie.
Si vous connaissez notre sous-région et nos ressources, on peut
citer l'exemple d'Espoir, avec lequel nos deux départements de
psychiatrie dans les sous-régions de Charles-LeMoyne et Pierre-Boucher
ont des liens très étroits; de même, l'Entre-Deux, chez
nous, aussi est une ressource alternative en santé mentale qui a des
liens avec le département de psychiatrie. Tout cela pour vous dire que
cela revient un peu à ce que le Dr Aird disait tantôt, quand tous
les intervenants d'une sous-région décident de s'asseoir à
la même table et de travailler ensemble au même objectif commun,
peu importe qui assume le leadership, la coordination peut se faire pour ce qui
est du traitement des malades et je pense qu'on en est un exemple sur la rive
sud. Par ailleurs, le réseau des ressources intermédiaires,
celles que je qualifierais plus, tel qu'on l'a décrit dans notre
rapport, de ressources qui aideraient à développer encore plus la
réadaptation chez nos malades, autant que les appartements
supervisés, ce sont des ressources à mettre sur pied sur la rive
sud et qui n'existent pas encore à l'échelle de la région.
Je ne sais pas si je réponds bien à votre question.
M. Pratt: Oui, très bien. Est-ce que les deux
hôpitaux travaillent dans une assez grande
complémentarité?
Mme Robillard: En ce qui regarde la pédopsychiatrie, comme
vous le savez, c'est l'hôpital Charles-LeMoyne qui dessert toute la
sous-région de Longueuil. En ce qui regarde la psychiatrie adulte, les
territoires ont été divisés selon les CLSC. Je peux vous
assurer, en travaillant dans les deux hôpitaux, qu'il y a sûrement
une certaine complémentarité et une collaboration entre les deux
départements de psychiatrie.
M. Pratt: Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Pour continuer dans le sens de M. le
député de Marie-Victorin, vous disiez tout à l'heure que,
pour les ressources en appartements ou en foyers d'accueil... N'y a-t-il pas eu
une tentative qui a été faite soit à Beloeil ou à
Saint-Bruno, quelque chose qui a apporté une contestation d'une partie
de la population?
Mme Robillard: Je regrette, cela n'a pas été
porté à ma connaissance.
M. Laplante: Mais c'est fait, cela.
Mme Robillard: Cela n'a pas été porté
à notre connaissance, en tout cas, à la commission sur la
santé mentale.
M. Laplante: II n'y a pas...
M. Pratt: Le pavillon Anne-Leseigneur, à Chambly.
Mme Robillard: Ah! peut-être. Remarquez que je ne m'y
connais pas dans la problématique de la déficience mentale et si
on parle d'Anne-LeSeigneur, qui est à Chambly, présentement,
où il est question de désinstitutionnalisation, il y a eu des
réactions très fortes de la population et des
municipalités et tout, mais ce n'est vraiment pas dans mon champ
d'expertise.
M. Laplante: Ce n'est pas dans votre champ.
Mme Robillard: C'étaient des déficients
mentaux.
M. Laplante: Je m'excuse. Je savais qu'il y avait quelque chose
dans ce coin.
Mme Robillard: C'est peut-être cela.
M. Laplante: Les clientèles que vous avez chez vous au
point de vue de la richesse, si vous voulez, les citoyens qui sont là
sont plus à l'aise, votre communauté est beaucoup plus à
l'aise que la communauté du centre-ville où le Dr Aird pratique
actuellement. Je pense que les disponibilités sont plus grandes au point
de vue social que dans le milieu où vous êtes, docteur, à
Saint-Luc.
Maintenant, 75 % des patients sont traités dans les
hôpitaux généraux. Là, vous nous sensibilisez
énormément à votre première réaction que
vous avez donnée, au début, sur les urgences, lorsque vous dites,
à un moment donné, que 40 % des salles d'urgence sont
occupées par des cas
psychiatriques et des cas de personnes du troisième âge.
Dans ce cas, vous seriez probablement en faveur de centraliser è deux ou
trois endroits, dans l'agglomération de Montréal, ce genre
d'urgence additionné de vos lits, dont vous parliez, de courte
durée, qui peuvent être pour des traitements d'une, deux ou trois
semaines. Est-ce que vous seriez en faveur, à ce moment, de sortir des
hôpitaux les lits que vous avez actuellement en permanence en
psychiatrie?
M. Aird: Vous parlez des civières à l'urgence ou
des lits de courte durée dans les hôpitaux?
M. Laplante: Vous parliez tout à l'heure d'essayer de
sortir de l'urgence les lits qui sont occupés, justement, par les cas
psychiatriques. Est-ce que vous seriez en faveur, à ce moment, en
sortant ces lits, de centraliser cela dans deux ou trois endroits
spécifiques, soit des constructions nouvelles ou ailleurs,
spécialement consacrés aux cas psychiatriques? En même
temps, vous disiez aussi qu'on devrait avoir un certain nombre de lits. Vous
avez parlé d'un an et demi tout à l'heure, mais les lits que vous
avez actuellement en psychiatrie dans vos hôpitaux, je suis surpris que
la plupart de ces cas durent deux, trois et quatre ans, parce qu'on en a vu
jusqu'à quatre ans. Â Fleury, on a même sorti un patient,
cela faisait tout près de cinq ans qu'il était là, dans un
hôpital 06 il y a 28 lits consacrés à la psychiatrie pour
un bassin de 200 000 personnes. Seriez-vous favorable à une
centralisation dans des hôpitaux spéciaux pour cela ou dans des
salles d'urgence? (21 h 30)
M. Aird: La situation du département des urgences, elle se
voit surtout dans le milieu francophone à Montréal; elle se voit
dans à peu près tous les grands hôpitaux francophones
à Montréal et je pense qu'elle traduit un nombre insuffisant de
lits psychiatriques de courte durée dans les hôpitaux
francophones. Je ne vois pas comment arriver à un nombre très
grand, c'est une question de quelques dizaines de lits, mais je pense que
quelques dizaines de lits de courte durée de plus répartis dans
les hôpitaux généraux francophones de Montréal
pourraient faire disparaître ce phénomène de la salle
d'urgence qui constitue une antichambre à l'hospitalisation dans
beaucoup de départements.
Maintenant, c'est certain qu'il y a l'autre extrême du
problème, qui est celui des patients qui séjournent très
longtemps, qui sont une minorité de patients, mais qui sont une
minorité dont on parle tout le temps, parce qu'elle est assez
spectaculaire, ceux qui séjournent et qui ne sortent pas parce qu'on n'a
pas de ressources pour eux. Si on en trouvait pour ceux-ci, si le temps de
latence entre le moment où la sortie d'un patient est
décidée et le moment où il sort effectivement parce qu'on
lui a trouvé une ressource était rétréci, il est
possible qu'à ce moment-là on libérerait le nombre
suffisant de lits de courte durée auquel je pensais sans qu'on ait
à en créer de nouveaux. La mode n'est certainement pas à
créer des lits en psychiatrie à Montréal; en disant cela,
je sais que je dis des choses qui font rebrousser le poil de bien des gens mais
je pense qu'il faut régler le problème des urgences. Je pense que
ce problème est assez scandaleux. Il faut le régler. Il faut
cesser ces attentes prolongées de patients psychiatriques dans les
salles d'urgence à Montréal.
M. Laplante: Je suis complètement d'accord avec vous et je
vous suis très bien là-dessus. Mais il y a un problème qui
existe aussi, à savoir que c'est cyclique; mars et avril, on dit que ce
sont deux gros mois en psychiatrie, ainsi que les mois de novembre et
décembre, et qu'il y a alors débordement de cas psychiatriques
dans les urgences des hôpitaux. Est-ce que cela est exact?
M. Aird: C'est vrai que c'est plus prononcé à
certaines périodes de l'année et que cela l'est moins à
d'autres. - Mais je peux vous assurer que le phénomène est
chronique à longueur d'année; le phénomène dont je
vous parlais est chronique à longueur d'année à
Montréal.
M. Laplante: Mais si on consacre des lits additionnels dans les
hôpitaux, tels que Saint-Luc ou d'autres, et qu'on augmente... Je ne sais
pas combien vous en avez?
M. Aird: Quarante.
M. Laplante: Quarante. Qu'on augmente cela de dix lits, disons,
chez vous, dix autres lits à...
Mme Robillard: Jean-Talon?
M. Laplante:... Jean-Talon, dix autres lits à Fleury,
suivant les centres qui sont là, est-ce qu'il faudrait dire que ces
lits, on les prend ailleurs dans l'hôpital?
M. Aird: Ah!. Je n'ai pas d'objection. Mais si les directeurs
généraux étaient ici autour de la table... Quand ils les
donnent à la psychiatrie, ils les enlèvent à la chirurgie
ou à la médecine de courte durée, c'est enlever à
Pierre pour donner à Jean; ce n'est pas très populaire dans les
hôpitaux...
M. Laplante: Mais est-ce que cela changerait? Ecoutez...
M. Aird:... d'autant plus...
M. Laplante:... si on parle du débordement des urgences,
déjà ii y a un manque de places. Si on accorde dix lits
additionnels à chacun de ces hôpitaux, les autres cas
électifs ou appelez-les comme vous voudrez, qu'est-ce qui arrive de
ceux-ci quand l'hôpital est plein?
Mme Charland (Céline): II faut peut-être ajouter que
le problème dans les urgences est complexe. Ce n'est pas seulement un
manque de lits; il y a un manque de lits, mais il y a aussi des fois un manque
d'hébergement, un manque de fin de mois, de gens qui n'ont pas d'argent
pour manger. En ce qui concerne la prise en charge dans les cliniques externes,
ces dernières sont souvent débordées. Cela veut dire que
cela peut prendre deux mois avant que la personne ait un rendez-vous en
clinique externe. C'est multiple comme problème, le débordement
des urgences. Il y a une question de lits, mais ce n'est pas le seul
problème; cela touche toute la complémentarité des
services aussi.
M. Aird: C'est très juste. Et pour juste reprendre un mot
que vous aviez dit à la fin de votre intervention, il n'y a rien
d'électif en psychiatrie; c'est ce qui fait la différence entre
nos services et la plupart des autres services hospitaliers dans un
hôpital général. La présence d'une certaine marge de
cas électifs permet à la plupart des autres services de
l'hôpital d'éponger, de faire en sorte qu'il n'y ait pas de
séjours trop longs à l'urgence. En psychiatrie, cela n'existe
plus des cas électifs. Tous les cas sont admis de façon urgente
et il n'y a aucune façon de rétrécir les...
M. Laplante: En étudiant votre rapport, après avoir
entendu chacun des mémoires ici, ce que vous avez dit tout à
l'heure m'a beaucoup sensibilisé. Ce dont je voudrais être
sûr avant de dire qu'on peut octroyer des lits additionnels en
psychiatrie aux dépens d'autres services dans un même
hôpital... Vous avez dit aussi qu'il n'est pas nécessaire de
construire ou d'agrandir des hôpitaux pour faire ces choses-là. Il
reste que j'ai en tête un cas spécifique, celui de l'hôpital
Fleury, un hôpital de 250 lits, dont 28 en psychiatrie. Au moment
où je vous parle, il y a 96 personnes âgées, dont 88 sont
des cas psychiatriques, alors, il ne reste plus beaucoup de lits pour des cas
électifs, comme je vous disais tout à l'heure, ou d'autres lits
pour les urgences qui arrivent pour avoir justement des soins professionnels
adéquats dans cet hôpital, pour que les médecins
spécialistes soient intéressés à cet hôpital
à partir de l'anesthésiste jusqu'au chirurgien de la
spécialité que vous voudrez. Cela aussi m'inquiète
beaucoup dans ce milieu. Comment ferait-on pour... ? D'une manière ou de
l'autre, il va falloir construire quelque chose pour placer les personnes du
troisième âge qui sont là et qui sont des cas qu'on ne peut
pas placer actuellement.
M. Aird: La situation que vous décrivez est réelle
et juste. Je suis très sensible à cela. Quand j'ai
été président de la Commission des services
psychiatriques, le dossier de l'hôpital Fleury est l'un des premiers dont
on s'est occupé, parce que c'est un hôpital qui est assez fragile
et qui a longtemps été en crise. On avait recommandé,
d'ailleurs, du développement psychiatrique pour l'hôpital Fleury.
Je pense qu'il y a eu en cours de route un certain développement de la
part du ministère. C'est un...
M. Laplante: Oui, il y a eu la clinique externe qui a
aidé.
M. Aird:... hôpital dont les besoins ont été
jugés prioritaires et qui a bénéficié d'un certain
développement.
Quand je parlais de développement tantôt, de consolidation
des choses en place, il n'y a effectivement pas surtout, peut-être
même pas principalement, le nombre de lits, il y a aussi les cliniques
externes. Mme Charland a bien souligné tantôt que, souvent, le
débordement à l'urgence vient aussi du fait que les
équipes externes sont débordées et ne peuvent pas jouer un
rôle d'intervention de crise. Souvent, si on voit un patient à
l'urgence et si on lui dit, en sachant que c'est vrai, qu'il sera vu en
clinique externe dans trois jours, la clinique externe peut fort bien s'occuper
de cette crise. Mais, si on sait qu'il ne sera pas vu avant quinze jours, on le
met sur une liste d'attente pour être hospitalisé et pour une
hospitalisation qu'on aurait peut-être pu éviter si on avait eu
suffisamment d'outils disponibles pour s'occuper de cette crise-là sur
une base ambulatoire, sur une base externe.
M. Laplante: Je vous remercie, monsieur.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'ai lu votre
mémoire avec beaucoup d'attention. Je ne sais pas dans quelle mesure
c'est un résumé fidèle du mémoire que vous avez
remis au ministre des Affaires sociales, M. Chevrette. Il reste que vous
décrivez l'état de la psychiatrie ou des services de psychiatrie
à Montréal d'une façon assez pessimiste finalement ou
c'est moi qui l'interprète comme cela. Pour nous, évidemment, la
discussion dévie - je ne devrais pas dire dévie - porte
plutôt en partie sur la désinstitutionnalisation. Mais notre
préoccupation, ce sont ceux qui sont déjà dans la
communauté. On sait fort bien
que les 0-30 ans ou les 0-35 ans n'ont probablement jamais
été institutionnalisés pour de longues périodes
parce qu'ils n'ont pas connu les grandes institutions comme vous le mentionnez;
les hôpitaux psychiatriques ne les reçoivent plus de toute
façon. S'ils deviennent chroniques, ils le sont dans les
départements, les unités psychiatriques des hôpitaux
généraux. Il reste qu'il y a des questions que je me pose et
auxquelles je n'ai pas de réponse.
Dans votre historique, vous exposez tout le phénomène de
la désinstitutionnatisation qui est survenue au début des
années soixante et qui s'est poursuivie comme une étape
importante dans l'évolution de la psychiatrie. En même temps,
c'est vrai qu'on a eu des foyers d'accueil, des pavillons ou des choses comme
cela qui, dans le fond, étaient simplement un déplacement, j'ai
l'impression, de l'institution. Si je me trompe, vous me corrigerez par la
suite.
Est-ce que je dois conclure qu'entre -mes dates sont approximatives -
1972 ou 1975 et aujourd'hui finalement, il y a eu des efforts, des tentatives
de développer de véritables ressources alternatives ou de
véritables éléments d'appui pour la réinsertion
sociale, mais qu'on n'y réussit pas beaucoup, qu'on n'a pas les moyens
d'y réussir? C'est qu'on se trouve maintenant devant une situation
où vous avez les engorgements dans les salles d'urgence; vous avez cette
population ambulante que vous avez appelée une population clocharde et
qui, en fait, est cela et vous avez tous ceux, finalement, qui disparaissent
dans la brume et qui sont là et qu'on voit ressortir, je pense à
un drame ou des choses comme cela. Votre première recommandation est de
repenser l'organisation des services de psychiatrie et de santé mentale
à Montréal. J'avais l'impression que cela faisait
déjà plusieurs années qu'on était censé
travailler à cette réorganisation des services de santé et
de psychiatrie à Montréal. Il y a des éléments qui
m'échappent parce que, à moins que je lise votre rapport d'une
façon pessimiste, j'ai l'impression qu'il est pessimiste. Pas dans le
sens qu'il n'y a pas d'espoir, mais dans le sens qu'il y a des problèmes
qui sont devenus stagnants, finalement, des problèmes qui ne semblent
pas se résoudre. Est-ce que je me trompe dans ma perception des
choses?
M. Aird: Je vais vous livrer quelques réflexions.
Peut-être que mes collègues pourront les compléter. Je
pense que c'est vrai que la situation des services psychiatriques est moins
bonne à Montréal que dans l'ensemble de la province. C'est
sûr que, quand on regarde la distribution des effectifs, si je parle de
ma profession, des psychiatres, on dit qu'ils sont tous concentrés
à Montréal et à Québec, un peu à Sherbrooke
et qu'il n'y en a pas en dehors. Les services sont donc sûrement bien
meilleurs à Montréal. Mais si on regarde dans le concret, si on
fait le tour des établissements, comme le suggérait le Dr Harnois
tantôt, si on regarde ce qui se passe concrètement, je pense que
les services sont beaucoup plus débordés, en tout cas dans le
milieu que je connais bien, soit celui des hôpitaux francophones à
Montréal, que dans la plupart des autres établissements partout
ailleurs en province.
Vous demandiez s'il s'est fait quelque chose au niveau régional
à Montréal. Le discours sur les ressources alternatives, sur les
structures intermédiaires est assez récent à
Montréal. Il date d'à peine deux ou trois ans et les budgets
aussi, les budgets de développement. Cela ne sert à rien d'en
parler s'il n'y a pas d'argent pour les développer. C'est très
récent. Il y a eu des expériences antérieures à
cela qui ont été des expériences locales dues
essentiellement au dynamisme et à la bonne volonté de certaines
personnes. Le Dr Harnois en a décrit tout à l'heure. Il y a celle
de Mme Letourneux à Maisonneuve-Rosemont, qui a développé
des appartements supervisés et qui est une expérience, je pense,
remarquable, mais ce sont des expériences isolées. Dans
l'ensemble de la région de Montréal, il n'y a eu aucun
développement jusqu'à tout récemment, à part le
réseau de familles d'accueil et le réseau de pavillons qui sont
des réseaux qui datent de l'histoire du passé, comme vous l'avez
bien dit vous aussi, qui datent de la désinstitutionnalisation. Les
pavillons sont des structures lourdes, effectivement, où la
qualité de la vie n'est pas tellement différente de ce qu'elle
était à l'hôpital psychiatrique - c'est un genre de
ressource qui est là, il est possiblement bien pour les patients qui y
sont, mais je ne pense pas que cela soit un réseau à
développer - et il y a le réseau des familles d'accueil. Ce qu'on
a vécu, nous, à Montréal, surtout à Saint-Luc, ces
dernières années, c'est un réseau qui est trop
"léger" pour les patients psychiatriques qu'on y dirige. La plupart du
temps, les familles d'accueil étaient débordées par la
complexité des problèmes ce qui fait que, très souvent, il
n'y avait pas de ressources disponibles. L'autre chose est que les familles
d'accueil disponibles sont devenues de plus en plus
périphériques. Ces dernières années, les patients
qui ont été placés en famille d'accueil à partir de
Saint-Luc l'étaient à Laval, à Lachine, dans des endroits
aussi éloignés que cela, où on déracine
complètement un patient de son milieu de vie et où c'est tout un
problème aussi pour les soignants de suivre un patient qui reste
à l'autre bout du monde, qui reste à des milles de distance.
(21 h 45)
Donc, si le tableau qu'on dresse est un peu pessimiste, je ne pense pas
que ce soit outrancier. Du côté optimiste, il y a eu l'immense
développement de la psychiatrie en hôpital général
à Montréal. Il y a eu surtout, de ta part des administrateurs
d'hôpitaux, une ouverture, une compréhension de la chose
psychiatrique qui est nettement meilleure. Je pense qu'on a vécu, il y a
dix, quinze ans, beaucoup d'expériences où les
départements de psychiatrie étaient en guerre avec les
administrations hospitalières. On ne voit à peu près plus
cela. Je pense qu'on bénéficie la plupart du temps d'une bonne
collaboration, d'un bon appui de la part des directeurs généraux
et des autres directeurs des hôpitaux généraux, qui,
peut-être à travers les crises qu'on a vécues, les crises
des urgences, les crises de débordement, se sont beaucoup
familiarisés avec la chose psychiatrique.
Il reste que l'existence de cette psychiatrie lourde demeure toujours
problématique dans les hôpitaux généraux, qui n'ont
pas été faits pour cela, qui ne sont pas programmés pour
traiter des malades psychiatriques, qui sont essentiellement programmés
pour traiter des patients médicaux et chirurgicaux de façon
brève, à courte durée. Cela demeure problématique.
Il y a un bon bout de chemin de fait et je crois à cette sorte de
psychiatrie. J'y crois beaucoup. C'est la seule que j'aie pratiquée
durant ma carrière mais je pense qu'il faut la consolider et il faut
voir que la psychiatrie au Québec et à Montréal n'est pas
seulement ce qui se passe dans les hôpitaux psychiatriques. C'est
beaucoup ce qui se passe dans les hôpitaux généraux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux):
Comme deuxième recommandation, vous dites que les CLSC et les
cabinets d'omnipraticiens sont une porte d'entrée reconnue pour des
problèmes de psychiatrie. Vous dites, c'est peut-être vous, Dr
Harnois, qui avez dit: II y a des CLSC qui sont à se développer
ou ont été implantés, etc. Mais on demande
déjà aux CLSC qui se disent incapables d'y répondre et,
dans les faits, à un bon nombre d'entre eux, particulièrement les
derniers-nés, si on veut, de s'occuper des personnes âgées
comme étant la priorité. Dans quelle mesure croyez-vous qu'une
recommandation comme celle-ci puisse être efficace quand ils ne
répondent même pas à un besoin sur lequel il y a un
consensus quant au caractère prioritaire qui doit lui être
accordé?
M. Aird: Ce que vous dites est juste. Je pense que, si on est
d'accord avec le fait que la première ligne de soins de psychiatrie et
de santé mentale doit aussi exister dans les CLSC, il faut aussi en
faire une priorité et il faut prévoir des budgets à cet
effet. On sait que cela peut se faire. Il y a des CLSC à Montréal
où cela se fait. Il y a des CLSC de la première
génération qui ont développé d'excellents services
de santé mentale. Je pense au CLSC de Rivière-des-Prairies, je
pense aux deux CLSC avec lesquels nous collaborions à Saint-Luc,
centre-ville et centre-sud, qui, sans programme spécifique dans le
domaine de la santé mentale, acceptaient de prendre en charge un bon
nombre de patients psychiatriques avec un excellent degré de
collaboration avec le département de psychiatrie de l'hôpital.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais c'est par
contre dans ce même district ou quartier de Montréal que vous
retrouvez, et vous en identifiez même, je pense, le quadrilatère,
le grand nombre des patients psychiatriques qui sont pratiquement
laissés pour compte. Vous dites que les CLSC ont lancé des
initiatives. Je ne doute pas qu'ils aient pris des initiatives mais
probablement insuffisantes pour répondre aux besoins de ces personnes
parce que c'est là qu'on les retrouve en grand nombre également,
particulièrement dans le DSC Saint-Luc.
M. Aird: Et parce qu'aussi tous les problèmes d'ordre plus
social de ces patients n'ont pas de réponse ou n'ont à peu
près pas de réponse. Ils vivent dans les maisons de chambre du
centre-ville, Saint-Denis, Saint-Hubert, Saint-André. Le client typique
d'une maison de chambres de ce quartier est un homme de 40 ans et plus qui est
soit un alcoolique, soit un grand malade mental et qui...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Maintenant, vous
suggérez, dans votre première recommandation, que l'organisation
des services de psychiatrie se fasse à partir des DSC. Je comprends que
c'est plus attrayant parce que, comme vous le dites, cela divise les
territoires. Montréal étant si grand, avec sa multiplicité
culturelle, linguistique ou autre, a des problèmes particuliers. Mais,
actuellement, on a réduit la vocation des DSC, si je ne m'abuse. Est-ce
que vous pensez qu'ils peuvent reprendre cette responsabilité et que,
finalement, on ne déplacerait pas tout simplement le
problème?
Mme Robillard: Si vous me le permettez, Mme la Présidente,
quand le Dr Aird a apporté cet exemple, ce qu'on suggère par
rapport aux DSC, c'est vraiment d'utiliser la base territoriale du DSC et non
pas confier au DSC le leadership de ce mode d'organisation. C'est plus la base
territoriale déjà existante sur laquelle, d'ailleurs, sont
modelés aussi nos CLSC; c'est le même territoire habituellement.
C'est sur cette
base territoriale qu'on retrouve un ensemble de ressources de
santé mentale et qu'on dit: II doit exister un comité
sous-régional de santé mentale. Alors, c'est la base territoriale
et non pas confier au D5C comme tel le leadership. Ce n'est pas dans ce
sens-là.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Est-ce que vous
avez fait une estimation des coûts de développement de ressources
alternatives qui favoriseraient la réinsertion sociale? Est-ce que...
Là, on dit: Cela prendrait plus d'argent au CLSC. C'est évident
qu'il y a un manque de ressources parce qu'il y a des gens qui sont
laissés pour compte. Enfin, on a un peu fait le tour, en
résumé, des problèmes. Mais qu'est-ce que cela veut dire?
Vous parlez d'une redistribution de l'argent entre les hôpitaux
psychiatriques et peut-être l'acheminement de ces ressources
financières vers d'autres genres de ressources, mais est-ce que vous
avez une idée de ce que cela peut représenter? C'est
évident qu'il y a un consensus, qu'il manque des ressources
alternatives, qu'il manque des moyens de soutien, mais ce qu'on ne sait pas
exactement, c'est ce que cela représente comme coût pour que cela
soit, disons, satisfaisant. Ne parlons pas de grand luxe, mais...
M. Aird: Honnêtement, nous n'avons pas d'idée parce
qu'on n'avait pas les moyens de l'évaluer, je pense que c'est difficile
à évaluer. Je pense que le genre de ressources dont telle
région, tel territoire a besoin est bien différent de tel autre
genre. Il y a un certain budget - le Dr Harnois y a fait allusion tantôt
- qui a été développé...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): 2 000 000 $.
M. Aird: Un budget de 2 000 000 $ qui a été pris
à même les budgets des quatre hôpitaux psychiatriques
à Montréal, qui est un budget intéressant. Je pense que,
plutôt de dire que cela prendrait 20 000 000 $ ou 30 000 000 $, c'est
peut-être une approche prudente que d'y aller petit à petit comme
cela, de voir avec un certain montant ce qu'on peut développer comme
ressource, dans quelle direction cela s'en va, dans quelle mesure cela
réalise les objectifs et, par la suite, continuer. Il y a certaines
ressources qui nous apparaîtraient prioritaires. Premièrement, ce
sont des centres de crise, surtout dans le centre-ville. S'il y avait des
centres de crises qui pourraient, 24 heures par jour, sept jours par semaine,
répondre au genre d'urgences souvent plus sociales que vraiment
psychiatriques que décrivait Mme Céline Charland tantôt, on
pense que cela pourrait aider. On a un besoin aussi de certaines ressources
d'hébergement qui seraient un genre de foyer de groupe, à
mi-chemin entre des familles d'accueil et des pavillons, avec un per diem plus
élevé que ce qu'il y a dans les familles d'accueil. Cela nous
apparaît pas mal comme des ressources prioritaires. Au lieu de regarder
la région de Montréal dans son ensemble de 2 000 000, si on
regardait cela petit territoire par petit territoire et si on laissait aux gens
de chaque sous-région le soin de déterminer leur priorité,
cela serait peut-être plus facile de chiffrer, en tout cas, pour un
certain nombre d'années à venir, ce que cela peut coûter
plutôt que d'imposer un modèle unique, tant de lits par territoire
pour toute la région de Montréal.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Un autre point que vous
soulevez, c'est celui de la non-accessibilité des hôpitaux
psychiatriques dans le secteur francophone. Quelle en est la cause? Est-ce que
c'est parce qu'ils sont surpeuplés eux-mêmes ou, enfin, est-ce que
c'est une... Parce que, si vous avez mentionné le secteur francophone,
j'ai l'impression que le même problème d'accessibilité
n'existe pas ou existe moins, en tout cas, du côté anglophone.
M. Aird: C'est à peu près la même situation
du côté anglophone, même si, le réseau étant
un peu moins encombré, il est possible que les échanges soient un
peu meilleurs. Si je parle de Louis-Il. -Lafontaine, l'hôpital que je
connais le mieux parce que c'est le grand hôpital francophone de
Montréal, c'est beaucoup les incendies, les grandes catastrophes qu'il a
vécues qui l'ont obligé du jour au lendemain à relocaliser
des centaines de patients. Je pense qu'il n'avait tout simplement pas la marge
de manoeuvre. Il n'y avait pas de lits disponibles pour représenter une
deuxième ligne de soins psychiatriques pour la région. Je pense
que c'est le principal facteur. Il y en a possiblement d'autres, mais c'est
celui que Louis-Il. -Lafontaine a principalement invoqué.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je dois vous dire qu'il
manque un des quatre hôpitaux. Il y a Douglas, Louis-Il. -Lafontaine,
Rivière-des-Pairies et quel est le quatrième?
M. Aird: Pinel.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ah bon! C'est cela.
Maintenant, une dernière question qui a aussi été
abordée par le Dr Harnois, c'est la question de l'évolution des
connaissances en psychiatrie qui fait qu'il semble qu'on doive se tourner vers
des solutions... c'est-à-dire que le traitement soit le plus humain
possible, le plus respectueux possible, savoir respecter l'autonomie des gens,
les rendre de plus en plus autonomes;
mais du côté de la psychiatrie, comme science, il
semblerait qu'on a évolué du point de vue de la pharmacologie,
mais on n'a peut-être pas tellement évolué du point de vue
de l'étiologie de la maladie. Est-ce que le pronostic demeure
réservé sur ce point particulier?
M. Aird: C'est un des domaines, dans le champ de la
médecine, où il se fait le plus de recherche, celui de
l'étiologie de ces grandes maladies. C'est exact que, au moment
où on se parle, on n'a pas de connaissances suffisantes pour qu'elles
soient utilisées sur le plan thérapeutique. Je dois vous dire
que, parallèlement à la pharmacologie, aux médicaments, il
y a d'autres outils de travail qu'on étudie, qu'on essaie de raffiner.
Je pense que tout ce qui concerne l'aspect relationnel du travail avec un
patient est un aspect où il se fait beaucoup de travail, de recherche et
d'enseignement. Dans l'hôpital où je travaille et dans beaucoup
d'hôpitaux aussi, on croit beaucoup à cet aspect, à
l'aspect psychothérapique, à des formes de psychothérapie
adaptées au traitement des psychotiques. On a appris, par exemple, qu'il
faut plus qu'un psychothérapeute pour bien traiter un patient
psychiatrique lourd; il en faut deux. Il faut qu'il y ait une sorte de triangle
dans la relation pour éviter qu'il y ait une espèce d'enfermement
qui devienne aussi fou que la maladie elle-même. Il y a des choses qu'on
a apprises.
On a appris aussi - tout ce dont on discute ici ce soir - des
modèles de soin et d'hébergement. Cela fait beaucoup partie de la
documentation psychiatrique actuellement. Il y a beaucoup de choses qui
s'écrivent et beaucoup d'études qui se font sur des
modèles extrahospitaliers qui peuvent être adaptés au
traitement des malades psychiatriques.
La psychopharmacologie, les médicaments sont un champ important
de soins, mais c'est loin d'être le seul sur lequel il faut viser,
à moins qu'on nous dise demain matin que tel médicament peut
guérir la maladie, mais on est loin d'être rendu là.
L'aspect relationnel est extrêmement important. Ce qui fait, dans
le fond, qu'un patient va aller à long terme dans une clinique
psychiatrique, c'est beaucoup plus dû à la qualité de la
relation qu'il va y trouver, à un peu de chaleur qu'il va y trouver une
fois par semaine, une fois par quinze jours, une fois par mois. Il y a des
patients, à Saint-Luc, qui nous disent: Vous êtes notre famille,
vous êtes la seule famille qu'on a; il n'y a personne d'autre à
qui on parle. On faisait des groupes, une fois par mois, de certains patients
qui s'endimanchaient pour venir aux groupes, qui nous amenaient leurs voisins;
c'était leur seule activité sociale dans le mois. Je pense qu'on
peut développer des choses simples qui ne sont pas compliquées,
mais qui créent, pour les malades psychiatriques, quelque chose de
relationnel, alors qu'on sait que leur maladie, par définition, leur
fait couper toutes les relations, les rend des gens très peu sociables,
très peu aptes à se débrouiller en société.
Je crois beaucoup au développement des techniques de ce
côté aussi et on a fait un bout de chemin, dans ce domaine, chez
nous.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. On
tiendra certainement compte de votre mémoire. Merci bien.
M. Aird: Merci, Mme la Présidente. (22 heures)
Maison Les Étapes Inc.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'invite la Maison Les
Étapes Inc., à se présenter. M. MacFadden.
M. MacFadden (Christopher): Un instant, s'il vous plaît! Je
fume trop. Il est tard et je vais essayer d'être le plus bref possible.
J'espère que vous m'aiderez parce que j'ai beaucoup à dire, cela
fait longtemps que je travaille dans le domaine.
Mon nom est Christopher MacFadden. Je suis directeur
général de la Maison Les Étapes Inc., qui est un organisme
à but non lucratif. On travaille avec des patients en psychiatrie,
c'est-à-dire des adultes qui ont vécu plusieurs
expériences en psychiatrie et qui ont été
hospitalisés. Je suis aussi directeur général d'un
organisme à but non lucratif qui s'appelle Pracom Inc., une division de
la Maison Les Étapes Inc. C'est un centre communautaire de jour et de
soir subventionné entièrement par l'Institut Pinel. Je suis aussi
coordinateur-conseil pour une des cinq sous-régions de Montréal,
c'est-à-dire la sous-région centre-ouest. Yvan Drouin, qui est
avec moi, est un des animateurs chez nous.
Je veux parler de trois choses. Peut-être que de temps en temps je
vais être obligé de parler en anglais parce que je suis anglophone
et que je manque de mots.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Sentez-vous à
l'aise.
M. MacFadden: Je vais parler de trois choses: les services qu'on
donne à Pracom et à la Maison Les Étapes Inc., en partant,
très brièvement parce que vous avez déjà en main le
rapport annuel de l'année financière 1984-1985. Dans un
deuxième temps je vais glisser certains mots sur les autres ressources
alternatives à Montréal et, dans un dernier temps, je me sens
obligé de dire un mot pour les patients eux-mêmes parce que, de
toute façon, c'est pour eux que je
travaille.
Pour les services de la Maison Les Étapes Inc., on a deux centres
communautaires, Pracom et celui sur la rue Girouard, où on offre le
milieu de jour et le milieu de soir. Le milieu de jour, c'est le programme
structuré basé sur l'éducation et le travail pour environ
25 à 30 personnes tous les jours. Le programme de soirée, c'est
un genre de "drop-in centre" où on offre des services de loisirs, de
récréation. Il y a environ 35 à 50 personnes qui le
visitent chaque soirée.
On a aussi trois foyers de groupe qui totalisent 21 lits; il y a sept
lits dans chaque maison, hommes et femmes, mixte. On a aussi un service de
suivi à long terme, c'est-à-dire un genre de soutien dans la
communauté pour les gens qui ont déjà passé dans un
de nos programmes de jour ou dans un de nos foyers de groupe. C'est vraiment un
service très souple et très flexible et notre attitude à
ça c'est vraiment de répondre à leurs besoins dans les
petites affaires qui arrivent dans la vie. Mais, pour nous autres, les petites
affaires, ce n'est pas tout à fait les petites affaires pour eux.
On a aussi un service de placement, de retour au travail. C'est surtout
du bénévolat, c'est-à-dire quelqu'un qui a vécu des
expériences chez nous et qui est prêt à retourner dans
quelque chose de structuré. D'habitude c'est un travail
bénévole soit dans une garderie, une bibliothèque ou un
dépanneur, mais c'est vraiment bénévole. C'est rare que
quelqu'un part de chez nous et trouve un emploi à temps plein. C'est
peut-être 10 % des cas. C'est, grosso modo, les services que nous
donnons. Je vais laisser les questions face à cela à plus
tard.
Le deuxième point que je veux mentionner, c'est que cela fait un
bout de temps que les ressources alternatives ont été
découvertes à Montréal. C'est drôle un peu parce que
la Maison Les Étapes Inc., existe depuis 25 ans et je suis là
depuis 13 ans. Je suis content d'être découvert, c'est le "fun",
c'est intéressant pour nous autres. Il y en a d'autres, je ne suis pas
le seul. Il y a le Projet PAL la Croix blanche, la Maison Saint-Jacques. 11 y a
même un regroupement des ressources alternatives maintenant à
Montréal. Je me demande pourquoi on a été caché
aussi longtemps que cela.
Je pense aussi que c'est très important de souligner maintenant
les éléments "what is happening in Montréal right now?"
Les ressources qui existent déjà, on est très peu et on
est petit. La Maison Les Étapes Inc., c'est la plus grosse en termes de
budget. J'ai un budget d'à peu près 630 000 $. Les autres sont
bien plus petits.
La question pour nous autres maintenant, c'est une question d'autonomie
qui est très importante pour nous autres, surtout une autonomie dans la
question de la gestion, c'est-à-dire qu'on est responsable de notre
personnel et qu'on a le droit de décider les admissions et les
sorties,
En plus de cela, je pense que c'est aussi une question d'être
assuré, enfin, qu'il y aura de l'argent "récurre". On est
tanné d'être obligé chaque année d'aller... We are
tired of being on our knees. We would like to stand up. I think that it is time
that alternative resources in Montreal, if not in the province, should be
regarded as equal partners within the department of psychiatry. When I say I
have a budget of 630 000 $ and the largest non-profit organization providing
alternative resources in Montréal, I am ashamed to say it, I should be
the smallest.
En comparaison des budgets qui sont disponibles dans les hôpitaux,
c'est complètement ridicule. Une dernière chose pour les
ressources alternatives, je pense que c'est très important, c'est que si
on est reconnu comme des experts - parce qu'on est des experts, c'est nous qui
faisons l'affaire dans la communauté - on devrait être reconnu
comme partenaires égaux. Je pense que c'est accepté maintenant,
c'est quasiment officiel qu'il y a cinq fois plus de patients dans ta
communauté qu'il y en a dans les hôpitaux. À ce moment, je
me pose la question: Pourquoi n'y a-t-il pas cinq fois plus d'argent dans la
communauté qu'il y en a dans les hôpitaux?
Un dernier petit mot sur les patients eux-mêmes. Je pense que
c'est très beau de parler d'une politique en santé mentale qui
parle beaucoup de réinsertion sociale. J'ai de la misère avec
cela, par exemple. Quand on regarde ces patients, la manière dont ils
vivent dans la communauté, la plupart de ces gens vivent sur le
bien-être social. Le bien-être social, c'est environ 440 $ par
mois, c'est-à-dire qu'on vient de décider en partant, même
avec nos beaux mots, que ces gens restent marginaux. Avec 440 $, on ne fait pas
grand-chose. En plus de cela, si le patient comme tel veut travailler, s'il est
capable... D'habitude, ces gens peuvent travailler à temps partiel,
mais, s'ils gagnent plus qu'à peu près 20 $ par semaine, ils sont
pénalisés, c'est-à-dire que leur bien-être est
réduit. Je me pose la question: Est-ce qu'on veut vraiment aider ces
gens ou si on veut qu'ils restent dans leur crasse?
La dernière chose que j'aimerais dire, c'est que cela fait pas
mal d'années qu'on travaille dans le domaine. J'ai beaucoup à
dire, mais je n'ai pas le sens de ce qu'est votre horaire. Je pense que vous
avez un horaire. Moi, j'ai le mien, c'est sûr et certain, je viens de
découvrir le mien et j'aimerais bien connaître le vôtre.
C'est tout ce que j'ai à dire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, je vous remercie,
M. MacFadden, pour
votre présentation. Vous ne vous souvenez peut-être pas,
mais je suis déjà allée vous visiter et visiter votre
maison. Cela remonte à exactement trois ans. Vous aviez, à ce
moment, des difficultés financières.
M. MacFadden: Cela faisait sept ans de cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela faisait sept
ans.
M. MacFadden: C'était serré chez nous par
exemple.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Voici les questions que
je voudrais vous poser. Le type de clientèles à laquelle vous
vous adressez, la lourdeur de la clientèle, c'est quoi exactement?
M. MacFadden: Dans un premier temps, je devrais expliquer que je
n'ai aucune expertise avec des enfants, avec ces difficultés, je n'ai
aucune expertise avec des déficients mentaux et je n'ai aucune expertise
avec des personnes âgées en mémoire. Les gens avec qui on
travaille, d'habitude ce sont des gens qui ont été
diagnostiqués, j'aimerais mieux dire étiquetés comme
schizophrènes, 80 % de ces gens sont des personnes qui ont logé
chez moi, ce sont des gens qui ont vécu quatre, cinq, six
hospitalisations et plus. Ce sont des gens qui vivent sur les
médicaments donnés par les psychiatres depuis longtemps. Ce sont
des gens qui n'ont pas travaillé depuis longtemps. Ce sont des gens qui
sont serviteurs et unilingues. Tous nos services sont bilingues, mais eux sont
unilingues. Ce sont des gens qui reçoivent le bien-être social et
des gens qui sont serviteurs. Le niveau d'éducation est d'environ 11 ans
et peut-être une année de cégep. Ce sont vraiment des cas
lourds, chroniques dans les termes des hôpitaux.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Ces gens continuent
d'être suivis par les hôpitaux. Enfin, c'est moi qui déduis
cela, c'est peut-être une déduction trop facile. Vous donnez les
sources de référence, les hôpitaux qui vous
réfèrent les cas. Il y a une série d'hôpitaux, il y
en a peut-être une dizaine. Est-ce que les hôpitaux qui vous
réfèrent ces personnes continuent de garder des contacts avec
vous autres ou avec les bénéficiaires?
M. MacFadden: D'accord. L'hôpital nous les
réfère et, d'habitude, c'est le travailleur social qui fait les
démarches pour cela. Après cela, on reste toujours en contact
avec cette personne et, habituellement, la personne est toujours suivie soit en
clinique externe ou par un psychiatre dans l'hôpital même. Cette
personne a habituellement un certain contact avec son travailleur social, mais
c'est un contact qui est d'une certaine distance.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous voulez dire qu'il
n'est pas fréquent.
M. MacFadden: Oui. Nous, on travaille toujours en collaboration
avec ces gens et on va continuer de le faire, cela c'est sûr.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. MacFadden: C'est absolument nécessaire de toute
façon.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela. Maintenant,
est-ce que ces bénéficiaires restent en contact avec vous autres
longtemps? Est-ce qu'ils peuvent véritablement devenir autonomes?
M. MacFadden: L'autonomie, c'est une question de degré. Je
pense qu'il n'y a personne ici qui est complètement autonome. On a tous
nos amis, des gens autour de nous. Ces gens, avec les expériences qu'ils
ont vécues, ont perdu l'habitude du contact avec leur famille; ils ont
perdu leurs amis. Là, ils sont dans une situation où il se trouve
que leurs amis sont d'autres patients 'ou des intervenants comme nous.
C'est-à-dire que nous sommes prêts à rester en contact avec
la personne, si cette dernière le veut; si elle ne veut rien savoir de
nous, c'est clair avec environ 75 % des clients qui viennent chez nous, on
garde un contact et pour longtemps.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Je veux dire: Dans
quelle mesure ces personnes peuvent-elles réintégrer le
marché du travail? Est-ce que ce sont des cas trop lourds pour,
éventuellement le faire? Vous avez dit qu'elles faisaient du travail
bénévole, d'une façon générale.
M. MacFadden: Encore là, cela dépend du genre de
travail. Si on regarde le marché du travail qui existe actuellement,
peut-être que 12 % à 15 % des gens qui sont chez nous pourront y
retourner. Mais si c'était possible de donner à ces gens un
travail en rotation, un "job sharing" ou d'avoir le droit au travail à
temps partiel, assez bien payé, ils pourraient quasiment tous retourner
sur le marché du travail. Les gens qu'on met en place dans le
bénévolat, ce sont des gens qui peuvent faire quelque chose.
C'est juste parce que, s'ils sont payés, ils sont
pénalisés en même temps. Quand on regarde quelqu'un qui est
bénéficiaire de l'aide sociale, qui est supposé payer son
laissez-passer d'autobus, à Montréal, c'est 23 $...
Une voix: 26 $.
M. MacFadden:... 26 $. S'il paie sa nourriture, sa chambre et
tout cela, s'il fume et d'habitude il fume, il ne reste pas grand-chose. lis
sont pénalisés d'avance par nous, c'est cela que je veux
dire.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ce qui m'intéresse
dans le rapport ou la présentation que vous nous faites, c'est que vous
êtes le premier groupe qui parle, dans les mesures de réinsertion
sociale, de réinsertion dans le milieu du travail. Mais même
à cela, vous trouvez que pour ce type de clientèle, compte tenu
du marché général...
M. MacFadden: Si on accepte le marché qui existe
actuellement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... c'est difficile.
M. MacFadden: Très difficile, surtout à long
terme.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Maintenant, du point
de vue du taux de réhospitalisation des personnes que vous desservez,
quel est ce taux?
M. MacFadden: Sur une période de deux ou trois ans,
à peu près 50 %, 40 % à 50 %. Ce qui a été
prouvé, surtout aux États-Unis et dans l'Ouest du Canada, c'est
qu'un organisme comme le mien réduit le nombre d'hospitalisations et le
temps que la personne passe dans cet hôpital et que la qualité de
vie s'élève. Mais dire que les interventions que je fais chez mai
enlèvent la nécessité d'avoir un hôpital, ce n'est
pas vrai.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, dans une
proportion de 50 %, i!s vont être réhospitalisés.
M. MacFadden: Oui, mais des hospitalisations pour peut-être
deux ou trois jours, une semaine, selon le cas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): En état de crise
ou...
M. MacFadden: C'est cela. Mais en état de crise, ce n'est
pas vraiment d'un hôpital qu'ils ont besoin. Ils ont besoin d'un
traitement de 24 heures en 24 heures. On n'a pas besoin de dire que c'est un
hôpital, cela pourrait être un centre de crise.
M. Drouin (Yvan): Par exemple, cela peut simplement être
une crise suicidaire, où la personne sent le désir de mettre fin
à ses jours. Cela peut durer, des fois, une semaine et on est
obligé d'amener la personne à l'urgence de l'hôpital;
passer une semaine dans une urgence d'un hôpital général
pour une crise suicidaire, cela n'a pas tout à fait d'allure.
M. MacFadden: Le seul "back up" qu'on a, en fin de compte, c'est
l'hôpital. Nous, la dernière chose qu'on fait, c'est de rentrer
quelqu'un à l'hôpital. Mais on voit bien qu'une personne qui
commence à être "décompensée", aurait vraiment
besoin d'être sortie de son isolement et placée ailleurs où
on pourrait avoir un certain contrôle sur elle et où elle se
sentirait plus protégée. De cela, on en manque. Si on avait cela,
je vous garantis que les services d'urgence ne seraient pas
débordés comme ils le sont actuellement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est parce que cela fait
plusieurs qui parlent de la nécessité de ce qu'ils ont
appelé centres de crise, je pense; cela correspond dans votre esprit
à un milieu qui ne serait pas un milieu hospitalier, mais un milieu
où, en cas de crise, les gens pourraient être
hébergés pour une période limitée. Ce serait un
milieu tout à fait différent d'un milieu hospitalier et d'un
autre côté, un peu plus structuré pour...
M. MacFadden: Oui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... tenir compte de
l'état de crise des gens. (22 h 15)
M. MacFadden: Un genre de petit foyer de groupe où il y a
une équipe 24 heures sur 24, pour que ces gens-là puissent parler
avec eux et passer leur crise avec eux, en fin de compte. Entrer quelqu'un
à l'hôpital, cela devient un échec pour la personne. Ils
pensent dans leur tête: Ah! Je ne vaux rien. Je suis encore malade; je
suis fou. Ma vie, c'est bon à rien. Cela crée aussi,
malheureusement, une dépendance négative.
Si quelqu'un commence à penser que l'hôpital, c'est
vraiment son chez-lui, c'est une dépendance négative qui vient
d'être créée. De toute façon, sur tout cela, les
ressources alternatives, les CLSC et tous les services, c'est une question
d'attitude de départ: Est-ce qu'on veut que ces gens-là aient le
plus d'autonomie possible dans leur vie ou si on est prêt à dire
que ce sont des malades et qu'il faut en prendre soin? Si on dit qu'ils sont
malades, on va créer des services dans le genre gardienne de
bébé. Si on dit que cette personne peut prendre de l'autonomie
dans la vie, qu'elle peut faire des choses jusqu'à un certain
degré, à ce moment-là on parle vraiment de ressources
alternatives ou de ressources intermédiaires. Il y a plusieurs
définitions qui circulent.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous remercie. Je ne
sais pas s'il y a
d'autres questions.
M. Pratt: J'ai une question concernant vos sources de
financement. Êtes-vous payés directement par le ministère
des Affaires sociales ou s'il y a des hôpitaux qui patent è
même leur budget?
M. MacFadden: L'Institut Pinel maintenant, pour une
période de trois ans qui vient de se terminer, a payé pour le
centre Pracom environ 150 000 $ par année.
M. Pratt: Est-ce le seul centre qui a fait cela ou s'il y en a
d'autres?
M. MacFadden: C'est le seul centre, oui. Pour les autres,
l'argent vient pour environ 72 % des ministères, du côté
santé ou du côté services sociaux; le reste vient du loyer
que les gens paient lorsqu'ils vivent dans des foyers, des campagnes de
financement et tout cela.
I would like to thank publicly a woman who has worked for the Minister
of Social Affairs, who helped us change our financial position which was as bad
as it was three years ago. Had it not been for Marie Plante, we would not be
here today. Thank you.
M. Laplante: Comment vos campagnes de financement sont-elles
faites? Quel montant cela rapporte-t-il?
M. MacFadden: Cela rapporte environ 20 000 $ par année,
mais ce n'est pas vraiment une campagne. Ce qui arrive, c'est que des gens
donnent 10 $, 15 $ depuis des années; chaque année, on leur
envoie une petite lettre en disant: S'il vous plaît, pour une autre
année? Ils incluent leur chèque, nous le retournent chez nous et
on leur envoie un reçu. On a seulement une "mailing list"; ce sont des
gens qui nous connaissent depuis longtemps. C'est dur de faire une campagne
pour ces gens-là parce qu'ils ne sont pas beaux!
M. Laplante: Vous avez un rapport annuel très
intéressant, que je vais sûrement garder plusieurs mois.
La clientèle que vous recevez le soir, est-ce la même
clientèle qui se présente le jour ou quoi?
M. MacFadden: Le soir, non. D'habitude, le soir, ce sont des gens
qui viennent chez nous depuis pas mal longtemps. Ce sont des gens qui vivent
sur le bien-être et ce sont des gens plus "poqués", plus
chroniques, que les gens du programme de jour; ils sont plus âgés
aussi.
M. Laplante: Ce qui est intéressant... M. MacFadden: II
faut dire que, dans les foyers de groupe, dans les services de suivi à
long terme et dans les milieux de soir, ce sont des gens différents; ce
ne sont pas les mêmes gens. Ils sont tous différents.
M. Laplante: C'est le nombre de cas lourds que vous recevez dans
vos centres qui m'étonne.
M. MacFadden: Environ 650 pour cette année-là, ou
636 quelque chose comme cela.
M. Laplante: 650, je pense.
M. MacFadden: C'est autour de cela.
M. Laplante: Oui.
M. MacFadden: Je ne veux pas dire qu'ils sont tous dans un
état de crise lorsqu'ils viennent chez nous, ce n'est pas vrai...
M. Laplante: Non, non.
M. MacFadden:... parce qu'à ce moment-là, on va
être un service d'urgence, mais cela arrive régulièrement
chez nous.
M. Laplante: Les plus grandes difficultés que vous avez eu
à rencontrer dans votre milieu, depuis treize ans que vous agissez pour
l'insertion sociale de ces exmalades ou des malades qui sont encore là,
quelles sont-elles?
M. MacFadden: Les plus grandes difficultés?
M. Laplante: Quelles sont les plus grandes difficultés que
vous avez, soit d'acceptation du milieu ou...
M. MacFadden: C'est de l'argent. M. Laplante: C'est
l'argent.
M. MacFadden: C'est simplement cela. Si on pose la même
question à un autre organisme, il va dire exactement la même
chose.
M. Laplante: On va enlever l'aspect pécuniaire pour aller
dans l'établissement des programmes d'insertion.
M. MacFadden: Je ne comprends pas la question, excusez-moi.
M. Laplante: L'établissement... Il a fallu que vous
établissiez des programmes pour le soir, le jour...
M. MacFadden: Le programme de soir... M. Laplante:... pour
rejoindre ces gens-
là.
M. MacFadden:... existe depuis 25 ans. M. Laplante: Oui.
M. MacFadden: Le progamme de jour existe depuis 1967. On fait de
l'hébergement depuis 1971.
M. Drouin: Pour illustrer votre question, demandez-vous si on a
eu des problèmes pour que la communauté environnante accepte nos
programmes de réinsertion?
M. Laplante: Oui, pour qu'elle accepte. Mais vous-mêmes
aussi, vos difficultés personnelles à établir ces
programmes-là vis-à-vis des usagers.
M. Drouin: Pour ce qui est de la communauté, je ne sais
pas. D'autres mémoires disaient que la communauté avait eu
certaines réticences à l'établissement de foyers de
groupe; nous n'avons pas eu ce cas-là. On a ouvert un foyer de groupe il
y a deux ans dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce. On ne l'a pas fait
publiquement, on n'a pas fait beaucoup de publicité, on a simplement
ouvert tranquillement pas vite et les voisins autour se sont aperçus que
c'était peut-être un foyer de groupe et tout cela. On n'a jamais
eu de problèmes avec les voisins. Les relations se sont établies
tranquillement, comme des relations de voisinage ordinaire. C'est sûr
que, si on fait une annonce publique qu'il va s'ouvrir un foyer de groupe pour
ex-psychiatrisés à telle adresse, non seulement les gens qui vont
rester là vont être mal à l'aise, mais la communauté
en général va réagir. Nous avons pour philosophie de
prendre, cela plus tranquillement. Cela a bien été dans ce
sens.
M. MacFadden: Avec le centre communautaire dans l'est de la ville
qu'on avait mis là il y a plus de deux ans et demi, on n'a jamais eu de
problème. De toute façon, c'est l'inverse. Parce qu'il y a un
petit atelier, une petite "workshop" et il y a des voisins qui viennent
demander: Est-ce que tu peux décaper cela, est-ce que tu peux
réparer cela, est-ce que tu peux m'aider à peinturer cela? Et on
fait cela tout le long. Il n'y a pas de problèmes du tout. On n'a jamais
eu de problèmes avec nos voisins et le comité "at large",
jamais.
M. Laplante: Merci. Félicitations.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): De combien était
votre budget total?
M. MacFadden: Au total, si on inclut l'argent de l'Institut
Pinel, c'est d'environ 630 000 $.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, vous avez 150 000
$ venant de Pinei.
M. MacFadden: Oui. 254 000 $ du ministère des Affaires
sociales, côté santé; 88 000 $ qui proviennent du
côté social, des organismes bénévoles. Les loyers
sont payés par les gens qui vivent dans les foyers.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux}: Ah oui! C'est cela. Plus
un petit montant de...
M. MacFadden: Je reçois aussi un per diem des CSS pour mes
trois foyers de groupe. J'ai aussi une campagne de financement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
M. MacFadden: Quand tu es pauvre, tu cours après! C'est
pour cela qu'il y plusieurs sources d'aide.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez l'air de bien
connaître le réseau, quand même!
M. MacFadden: Même à cela, il y a trois ans,
j'étais quasiment fini.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je sais que vous n'aviez
presque plus rienl
Écoutez, je vous remercie beaucoup. On va vous souhaiter bonne
chance. Une dernière question. Quelles sont vos relations - ou si vous
n'en avez pas du tout - avec les bureaux de placement, que ce soit
fédéral ou provincial? Trouvez-vous que c'est inutile ou qu'ils
ne s'intéressent pas à cette problématique?
M. MacFadden: Je pense qu'ils ont abordé certains cas. Je
ne pense pas qu'ils connaissent la problématique assez bien pour
répondre aux besoins des personnes. Nous enseignons aux personnes
comment remplir un CV ou une demande d'emploi ou quelque chose comme cela, mais
cela prend une certaine connaissance de la personne et cela prend une certaine
expérience avec la personne avant que tu la places quelque part. Juste
regarder son CV et dire: Cette personne peut faire X, cela ne marche pas. Nous
travaillons avec des personnes, pas avec des diagnostics ou des numéros.
Comme cela, si quelqu'un vient nous voir et nous dit qu'il veut être
électricien, on dit: Un instant! On va voir. Peut-être qu'au bout
de la ligne le gars va travailler dans un dépanneur, je ne le sais pas.
Mais par les expériences qu'on a vécues avec les personnes, on
s'aperçoit qu'il y a certains talents d'un côté et d'autres
talents d'un autre côté et on fait quelque chose avec la personne.
Comme cela, les centres de main-d'oeuvre n'ont pas vraiment cette
expérience de base avec les personnes
que nous avons, parce qu'elles ont déjà passé soit
par un foyer de groupe ou par un de nos programmes de jour.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. C'est que vous
disiez tout à l'heure que la situation économique faisait que
c'était difficile de placer des gens. Que vous évaluiez
vous-même la personne, que vous connaissiez ses forces et ses faiblesses,
son potentiel, etc., cela va, mais une fois que ces choses ont
été faites par vous, ne croyez-vous pas qu'il y ait...
M. MacFadden: Non. Je ne crois pas.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II n'y a aucun bureau
d'emploi qui puisse seconder vos efforts...
M. MacFadden: Non.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ... dans la recherche
d'un travail pour une personne donnée.
M. MacFadden: Non. De toute façon, c'est pour cette raison
que nous avions créé un poste juste pour faire cela. Il y a six
mois, nous avions créé un poste exactement pour cela, le retour
au travail, parce qu'on trouvait que cela ne marchait pas avec les centres de
main-d'oeuvre. Cela ne marchait pas, c'est tout. Cela fait longtemps qu'on dit
cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Avec qui collaborez-vous,
finalement?
M. MacFadden: Avec tout le monde. Tous les hôpitaux, tous
les CSS, les CLSC, n'importe qui.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous trouvez que
ça ne se parle pas beaucoup. Vous disiez tout à l'heure que, dans
te suivi, les rapports étaient réservés. Là, vous
dites que le centre de main-d'oeuvre...
M. MacFadden: Mais nous faisons vraiment un travail
communautaire. Nous sommes vraiment dans la vie de la personne. Il y a d'autres
partenaires autour de nous, mais c'est nous qui sommes là à long
terme.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que vous
êtes conscient qu'il existe au ministère de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu des programmes d'Arrimage pour l'emploi qui
pourraient peut-être faciliter...
M. MacFadden: Malheureusement, Arrimage est disponible maintenant
seulement pour les hôpitaux francophones et celui de Douglas. Les six
autres hôpitaux anglophones à Montréal ou qu'on retrouve
dans la sous-région centre-ouest n'ont pas de travailleurs à
Arrimage. J'aimerais bien qu'il y en ait, mais il n'y en a pas à ce
jour. Puis, à Arrimage, ils sont coincés. Ils peuvent seulement
prendre les gens qui viennent de tel hôpital. Comme cela les six
hôpitaux anglophones n'en ont pas, c'est nous qui le faisons. Notre
travailleur fait quasiment le même genre de travail qu'Arrimage.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): D'accord. Alors, je vous
remercie beaucoup.
M. MacFadden: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Bonjour. La
sous-commission des Affaires sociales ajourne ses travaux au mardi 6
août, à 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 26)