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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Paré): À l'ordre!
La commission élue permanente du travail reprend ses travaux dans
le but d'entendre les représentations des personnes et des groupes
intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles.
Les membres de la commission sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Cusano
(Viau), Laplante (Bourassa), Fréchette (Sherbrooke), Mme Harel
(Maisonneuve), MM. Champagne (Mille-Îles), Lavigne (Beauharnois),
Champagne (Saint-Jacques), Proulx (Saint-Jean), Polak (Sainte-Anne), Doyon
(Louis-Hébert), Baril (Arthabaska).
Les intervenants sont: MM. Maltais (Saguenay), Fortier (Outremont),
Leduc (Fabre), Marx (D'Arcy McGee), Payne (Vachon), Vaugeois
(Trois-Rivières).
Le rapporteur de la commission est M. Lavigne (Beauharnois).
Aujourd'hui, nous allons entendre dans l'ordre, à 10 heures ce
matin, le premier groupe, la Confédération des syndicats
nationaux. Cet après-midi à 15 heures, ce sera l'Association des
industries forestières du Québec Ltée et, à 20
heures ce soir, deux groupes: la Société d'électrolyse et
de chimie Alcan Ltée et la ville de Montréal. Il y a aussi des
mémoires pour dépôt seulement: le mémoire du Conseil
du statut de la femme et le mémoire de la Corporation professionnelle
des physiothé-rapeutes du Québec. Le premier groupe à
être entendu ce matin, la Confédération des syndicats
nationaux.
M. Cusano: M. le Président...
Le Président (M. Paré): Oui, M. le
député de Viau.
Écoute électronique
M. Cusano: Avant de passer au groupe de la CSN, vous me
permettrez deux ou trois mots. Je constate que le ministre du Travail a
réussi à sauver sa peau lors du remaniement ministériel.
Je constate aussi que les ministres... Un instant, cela vous énerve;
vous n'avez pas eu de promotion.
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Cusano: Je constate que ceux des ministres qui ont commis des
gaffes législatives énormes durant la dernière session -
pour en nommer quelques-uns, le ministre des Affaires municipales et son projet
de loi 38 très contesté dans le milieu, le ministre de
l'Éducation avec le projet de loi 40 très contesté, le
ministre du Revenu avec le projet de loi 43 - ont été mis dans le
coin, pour ne pas dire mis dans une place où ils ne feront pas trop de
bruit. Tout cela, M. le Président, pour dire que j'ose espérer
que le ministre a réussi à maintenir son poste avec
peut-être une condition formelle de la part du premier ministre, cette
condition, cette promesse formelle étant celle de s'engager à
apporter des modifications majeures à ce projet de loi, parce que,
jusqu'à maintenant, il n'y a pas beaucoup de gens qui sont pour le
projet de loi. J'ose espérer qu'il s'est engagé envers le premier
ministre à nous déposer le plus tôt possible toutes les
modifications majeures qu'il entend y apporter et même j'aimerais qu'il
nous dise s'il a promis au premier ministre de procéder à une
réimpression totale du projet de loi 42.
Le Président (M. Paré): M. le ministre, avez-vous
des commentaires?
M. Fréchette: Je voudrais entendre le député
de Louis-Hébert, M. le Président; je veux réserver mon
droit de parole après l'intervention du député de
Louis-Hébert.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Les journaux nous ont
appris ce matin que la CSST a intenté une poursuite de 300 000 $ contre
le président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux parce qu'il
aurait porté atteinte à la réputation de la CSST en
affirmant que, dans le cadre du travail des agents qui s'occupent de la
réclamation et qui répondent au téléphone, il y a
de l'écoute, qu'on peut appeler d'une façon euphémique,
téléphonique ou de l'écoute électronique qui se
fait. C'est une méthode comme une autre d'empêcher la discussion
des problèmes de fond.
Là n'est pas mon propos, M. le Président, parce que ce que
je voudrais avoir du ministre ce matin - vu qu'il a pris la défense de
la CSST en cette commission
parlementaire, sans avoir en main tous les faits nécessaires -
c'est l'assurance de sa part qu'il n'est pas à l'origine et qu'il n'a
conseillé ou incité d'aucune façon la CSST à
entreprendre ces procédures judiciaires contre le président et
contre le Syndicat des fonctionnaires provinciaux. Je voudrais savoir s'il a
joué un rôle dans cette poursuite judiciaire, une des nombreuses
poursuites judiciaires qui s'engagent. Cela a été le tour du
Devoir, cela a été le tour de la Presse et, présentement,
c'est le tour des syndicats provinciaux; les journalistes y passent, les
syndicalistes y passent. Présentement, nous recevons un groupe de
syndicalistes; cela en est rendu au point que chacun devra se méfier
pour ne pas être l'objet de poursuites judiciaires. Je voudrais savoir
quel rôle le ministre a joué - s'il en a joué un - dans
cette poursuite qui est intentée par la CSST. Également,
j'aimerais savoir ce qu'il pense de cette façon de procéder qui
consiste à tenter de bâillonner la critique au moyen de poursuites
judiciaires devant les tribunaux du Québec. Est-ce qu'il a une
idée là-dessus? Tout d'abord, évidemment, est-ce qu'il a
joué un rôle en ce qui concerne ces poursuites judiciaires?
Le Président (M. Paré): M. le ministre du
Travail.
M. Fréchette: M. le Président, je vais rapidement
répondre d'abord au député de Viau et ensuite au
député de Louis-Hébert. Quant à la
possibilité que des amendements soient apportés à la loi,
cela a déjà été annoncé au cours des six
premiers jours d'audition qu'a tenus la commission. Je réitère
qu'il y aura effectivement des amendements. Si, par ailleurs, on me demandait
de les annoncer aujourd'hui ou demain, je considère que ce serait faire
affront purement et simplement aux autres groupes qui se sont
déjà annoncés pour venir faire des représentations
à la commission. Il me semble qu'en toute logique il faut
connaître les positions de toutes les parties qui nous ont fait des
représentations avant de proposer ou d'annoncer la nature des
changements qui pourraient intervenir au projet de loi 42 ou la nature des
changements qui pourraient être proposés au Conseil des ministres.
Mais si le député de Viau veut être rassuré sur le
fait qu'il y aura des amendements, je lui signale dès maintenant que
oui. Je lui signale, par ailleurs, que c'est à la fin de la commission
que je serai en mesure d'annoncer quelle sera la nature des changements que je
proposerai au Conseil des ministres.
Quant à l'autre aspect de la question, M. le Président, la
question soulevée par le député de Louis-Hébert, je
lui signalerai essentiellement deux choses. Il a réclamé
lui-même avec beaucoup d'insistance, lorsque le
Syndicat des fonctionnaires provinciaux est venu ici en audition, qu'une
enquête soit enclenchée pour que, disait-il, la lumière
complète soit faite sur les révélations qui nous
étaient soumises ici. Il me semble que les événements des
derniers jours devraient répondre à la question ou à la
préoccupation du député de Louis-Hébert, parce que
cela va justement permettre que le débat se fasse et se vide suivant les
prétentions de chacune des parties.
Le deuxième aspect ou le deuxième volet de sa question,
celui de savoir si j'ai, de quelque façon que ce soit, conseillé,
incité ou demandé à la Commission de la santé et de
la sécurité du travail d'agir comme elle l'a fait, je lui dirai
que non; en aucune espèce de circonstance, je ne suis intervenu pour
conseiller, inciter ou demander que ces procédures judiciaires soient
intentées. En d'autres mots, je n'ai joué aucun rôle dans
cette décision, non plus au niveau de l'envoi de la mise en demeure et
non plus au niveau de la signification de l'action que l'on connaît. Je
ne sais pas si c'est suffisamment clair, mais il me semble que ça
répond expressément aux deux questions qui me sont soumises avant
le début de nos travaux, M. le Président.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Viau.
M. Cusano: M. le Président, je suis très heureux
que le ministre nous dise qu'il y aura des amendements. Je voudrais poser une
petite question à la suite de ces nouvelles. Ce n'est pas
inquiétant qu'il y ait des amendements mineurs comme changer des
virgules, mais, si le ministre a l'intention d'amener des amendements majeurs,
est-ce qu'il permettra aux intervenants de se faire entendre de nouveau? Le
projet de loi peut avoir une autre envergure selon les amendements qu'il
apportera.
M. Fréchette: M. le Président, il y aura des
amendements apportés à la loi, comme je viens de vous l'indiquer.
J'ai signifié, au cours des six premiers jours, la nature de plusieurs
de ces amendements. Je vous donne un seul exemple, celui de la politique de
l'assistance médicale. J'ai déjà indiqué à
plusieurs groupes qui sont venus faire des représentations qu'à
cet égard une réévaluation serait faite de ce qui est
proposé dans la loi. Je vous signale que les changements ou les
amendements qui pourraient intervenir le seront à la suite des
représentations que les groupes nous ont faites jusqu'à
maintenant et qu'ils nous feront jusqu'à vendredi soir.
Comme il s'agira d'amendements qui procéderont des argumentations
qu'on nous aura soumises, je ne vois pas qu'il serait nécessaire de
recommencer tout le processus
parce que, très précisément, ces amendements seront
consécutifs ou procéderont, comme je l'ai dit il y a un instant,
des recommandations ou des représentations qui nous auront
été faites.
Je signale également au député de Viau que le
processus législatif ne sera pas terminé lorsque nous terminerons
nos travaux à cette commission. Il y aura un débat de
deuxième lecture, il y aura une nouvelle commission parlementaire
à l'intérieur de laquelle nous procéderons à
l'étude du projet de loi article par article et une troisième
lecture. Il n'est pas exclu que, dans le reste du processus législatif,
d'autres changements puissent intervenir, mais qu'on redemande à tous
les groupes qui sont venus de se faire entendre à nouveau quand ils nous
auront déjà dit des choses qui auront servi à des
amendements, je ne vois pas comment on pourrait retenir cette suggestion du
député de Viau.
M. Doyon: M. le Président.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Louis-Hébert.
M. Doyon: À la suite des propos que le ministre a tenus
concernant la poursuite intentée par la CSST, une poursuite de 300 000
$, j'aimerais lui signaler et en même temps solliciter son avis sur le
fait que les gens qui vont continuer de comparaître devant cette
commission devront le faire dorénavant à leurs risques et
périls après ce qui s'est passé avec le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec. Le ministre pense-t-il vraiment
que cette façon de faire est de nature à inciter les groupes qui
vont se présenter devant nous à dire vraiment le fond de leur
pensée et, au besoin, à critiquer, sévèrement s'il
le faut, certaines pratiques qui sont celles de la CSST ou de certains
organismes gouvernementaux?
Le ministre mélange les choux et les raves quand il dit que je
devrais me réjouir de la poursuite qui est intentée contre la
CSST sous prétexte que cela répond à la requête que
j'avais faite concernant une demande d'enquête. Ce n'est pas du tout ce
que j'ai demandé, et le ministre le sait fort bien. C'est une autre de
ses entourloupettes avec lesquelles il est en train de se faire une
réputation. La demande d'enquête que j'ai faite, c'était
une enquête de nature policière, où on étudierait
les faits, et non pas une enquête par un tribunal qui entendrait des
parties dans un délai indéterminé où chacune des
parties va poursuivre et se défendre sur la base d'une
réclamation en dommages et intérêts de 300 000 $. Ce n'est
pas du tout ce que j'avais à l'idée, M. le ministre. Ce que
j'avais à l'idée, c'était une enquête
policière qui chercherait à savoir si, oui ou non, les
procédures qui ont été imposées à la CSST
sont de nature à constituer des infractions criminelles à
l'article - je ne m'en souviens pas trop - 172, je crois, du Code criminel du
Canada. C'est ce que j'ai demandé. M. le ministre sait très bien
que, dans les meilleures circonstances, la poursuite intentée par la
CSST ne portera pas là-dessus. Tout ce que le ministre nous a servi plus
tôt, cela a été une enquête maison faite par la
maison CSST qui se trouve, comme par hasard, à être la partie
à qui on reproche certains actes ou certains gestes. Je regrette
beaucoup d'avoir à dire au ministre que cela ne donne absolument pas
satisfaction, ni aux fonctionnaires qui ont dénoncé ces
pratiques, ni à la population qui a le droit d'avoir des services
confidentiels avec la CSST.
Lorsque je demandais au ministre qu'il y ait un moratoire
immédiat d'imposé sur ces pratiques, qu'on les appelle
écoutes téléphoniques, qu'on les appelle écoutes
électroniques, qu'on les appelle comme on voudra et que même on
aille aussi loin que de se défaire de l'équipement que
reconnaît avoir en sa possession et utiliser la CSST, je n'ai pas eu de
réponse satisfaisante là-dessus, ce qui fait qu'à l'heure
où on se parle, M. le Président, les gens qui font appel à
la CSST, en tant que bénéficiaires éventuels, le font
encore en ne sachant pas ou en n'ayant aucune assurance que les conversations
qu'ils ont avec les gens qui sont préposés au service sont
gardés confidentielles. Cela m'inquiète drôlement.
Que le ministre aille jusqu'à dire - je ne dirai pas de mauvaise
foi, parce que je ne crois pas qu'il y en ait là-dedans, mais il y a au
moins une tentative de brouiller les cartes - que l'enquête qui va suivre
la poursuite judiciaire qui est imposée et la nature de l'enquête
que je demandais il y a quelques jours ici, à cette commission
parlementaire... Le ministre sait très bien que cela ne donne aucune
satisfaction à personne, que l'inquiétude continue de
régner et que les gens se demandent encore quelle sorte de
confidentialité, quelle sorte d'intimité ils ont en tant
qu'administrés avec les gens du gouvernement, avec les fonctionnaires
à qui on impose des façons de faire, des façons de
procéder avec lesquelles ils ne sont pas d'accord. M. le ministre a
sûrement comme moi - je les ai ici - les affidavits de plusieurs membres
fonctionnaires de la CSST qui sont d'une clarté suffisante pour soulever
les doutes les plus sérieux sur ces pratiques. Évidemment, on ne
peut jamais empêcher personne de poursuivre qui que ce soit. C'est une
méthode qui est usée jusqu'à la corde, mais qui
malheureusement réussit encore à donner des effets. Je ne pense
pas que le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et
encore moins le président du Syndicat des fonctionnaires, M.
Harguindeguy, ni les gens de la CSN qui sont devant nous seraient des gens qui
seraient de nature à se laisser impressionner par des tentatives
semblables, mais je continue de déplorer cependant que ces tentatives
soient utilisées.
Le ministre dit qu'il n'a rien eu à faire là-dedans, mais
il demeure que le ministre est le ministre responsable de la CSST. En tant que
tel, il doit reconnaître qu'il a une responsabilité ultime pour
les gestes qui sont posés. Le fait qu'il ne soit pas intervenu
m'amène à conclure qu'il donne son accord à ces poursuites
puisqu'il n'est pas intervenu pour dire au moins à ces gens d'attendre
que les audiences de cette commission soient terminées, de façon
que nous, les parlementaires, nous ayons tout l'éclairage
nécessaire pour nous faire une idée sur le projet de loi qui nous
est présenté. Le ministre préfère ne pas bouger et
dire: La CSST agit seule là-dedans. Je dois dire au ministre: Qui ne dit
mot consent et le silence du ministre doit être interprété
comme un accord de sa part à cette façon de procéder de la
CSST. Je le déplore énormément. Il n'est pas trop tard
pour le ministre d'exercer son autorité de ministre et de voir à
ce que les dommages soient minimisés. C'est ce que je requiers de sa
part. J'aimerais savoir quel geste il est prêt à poser dans ce
sens.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Sainte-Anne.
M. Polak: Je veux ajouter quelques points. J'ai aussi
trouvé la manière de procéder très
inquiétante parce que, chaque fois qu'un groupe vient devant nous et
qu'on a des poursuites judiciaires tandis qu'on est encore en train
d'écouter le mémoire, de la part de la CSST, je trouve cela
très inquiétant. Je me demande sérieusement si la
poursuite a été autorisée par M. Sauvé ou par le
bureau de direction de la CSST. J'aimerais savoir si les représentants
syndicaux ont autorisé cette poursuite. Cela m'étonnerait parce
que j'étais ici quand on a parlé de cette écoute
électronique. Il y a la possibilité - cela a été
admis d'ailleurs par le ministre - que le système
téléphonique soit arrangé d'une telle manière qu'on
puisse pratiquer l'écoute électronique. Théoriquement,
c'est possible. Le système est installé en conséquence.
Concernant ceux qui sont au bureau de direction, je me demande s'ils ont
autorisé cette poursuite. C'est une question. Est-ce que c'est le
président-directeur général qui est piqué dans sa
fierté et qui a autorisé cela? Cela est important.
Deuxièmement, qui mène? Selon moi, c'est le ministre qui
mène, le président-directeur général de la CSST ne
mène pas. Je pense que c'est bien beau pour le ministre de dire:
Là, il y a une poursuite devant les tribunaux, donc, c'est sub judice.
C'est malheureux. Cela n'est pas une manière de procéder. Ici,
certaines choses ont été révélées qui
méritent d'être au moins vérifiées publiquement dans
une enquête. Peut-être pas une enquête policière. Ce
serait mieux si c'était une enquête policière. Mais une
enquête qui émane de la part du ministère, une
enquête publique. Pas par le biais de procédures en dommages et
intérêts alors que tout le monde sait très bien que cela
peut durer deux ou trois ans avant que cela soit écouté. Cela est
acheter le silence. C'est bien connu. Beaucoup de I délais et rien n'est
résolu, sauf qu'on aura le silence. Je pense que, pour le ministre
maintenant, c'est une sorte de lutte entre le ministre et M. Sauvé. Il
faut mettre M. Sauvé à sa place. Il faut prendre des mesures pour
que le ministre dise: Nous, on va procéder à une enquête
concernant cette affaire d'écoute électronique. (10 h 30)
Est-ce que cela a été fait, oui ou non? .
Deuxièmement, est-ce que le système a été
bâti de telle manière qu'on puisse faire cela? Je trouve
répréhensible qu'il soit possible de faire un appel et que
quelqu'un puisse écouter. Je trouve que cela va à l'encontre de
tous les principes démocratiques. Je pense que, de la part du ministre,
ce n'est pas une réponse du tout que de nous dire: Je suis très
heureux que ce soit devant les tribunaux et bientôt, dans deux ou trois
ans, on aura une réponse. Ce n'est pas une façon de
procéder. Je pense qu'il doit dire à M. Sauvé
d'arrêter ces procédures tout de suite, demander une
réunion extraordinaire du bureau de direction de la CSST. J'aimerais
savoir comment vont voter tous ces représentants syndicaux et patronaux
sur ces points. J'aimerais savoir comment ils vont voter en ce qui concerne la
poursuite judiciaire. Je me le demande sérieusement.
Ensuite, je pense que le ministre devrait dire: Nous, on va
procéder à une enquête; cela ne sera pas très long;
cela peut se faire rapidement, publiquement, pour savoir ce qui se passe.
Est-ce que les droits des victimes peuvent être lésés?
C'est assez pénible d'avoir à faire un appel dans un dossier
personnel pour des blessures, pour des réclamations sans qu'en plus la
conversation puisse être écoutée ou enregistrée. Je
ne dis pas que cela a été fait, mais qu'on fasse au moins la
lumière là-dessus au lieu de se cacher derrière des
poursuites judiciaires.
Le Président (M. Paré): Avant de vous céder
la parole, M. le ministre, j'aimerais rappeler aux membres de la commission que
le but de la présente commission est d'entendre les
représentations des personnes et des groupes intéressés au
projet de loi 42 et que notre premier groupe invité, les
représentants de la Confédération des syndicats
nationaux, est déjà en place depuis une demi-heure. La parole est
à vous, M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président, j'allais très
précisément soulever la question que vous venez de soulever. Je
ne suis pas intervenu jusqu'à ce stade-ci, mais il m'apparaît tout
à fait évident qu'à deux égards on manque
carrément l'objectif qui nous réunit ici ce matin. D'abord, ce
n'est pas le mandat de la commission. Deuxièmement, on est en train de
gruger sérieusement dans le temps qui est réservé à
nos invités.
M. le Président, peut-être que le député de
Louis-Hébert et le député de Sainte-Anne souhaiteraient
m'entraîner dans le fond du débat. Vous allez comprendre que je ne
veuille pas discuter du mérite du dossier en question pour les motifs
très évidents que vous savez. Le député de
Sainte-Anne me demande si la poursuite a été autorisée par
le conseil d'administration ou alors si elle est l'initiative du
président-directeur général. Au moment où on se
parle - et cela va sans doute confirmer ce que je vous disais tout à
l'heure - je ne suis pas en mesure de vous dire qui a pris l'initiative
d'intenter la procédure. Je peux le savoir cependant et, dès que
je le saurai, je transmettrai l'information au député de
Sainte-Anne et aux membres de la commission.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Viau.
M. Cusano: Je suis heureux que le ministre essaie de savoir
exactement comment le tout s'est passé. J'aimerais lui demander s'il est
possible dans son enquête de nous faire savoir très
précisément qui a pris la décision. Est-ce le conseil de
direction ou le conseil d'administration? On a su, au mois de décembre,
que le conseil d'administration de la CSST n'avait pas beaucoup de choses
à dire car le président-directeur général de la
CSST, M. Sauvé, se retranche souvent derrière l'article 154, ce
qui est le problème fondamental à la CSST en ce qui concerne la
relation entre le conseil de direction et le conseil d'administration. Or, pour
savoir exactement ce qui s'est passé, est-ce que le ministre peut
s'engager à nous dire qui a pris la décision? Et,
deuxièmement, si cette décision a été prise par le
conseil d'administration, je demanderais au ministre qu'il nous dépose
le procès-verbal de la réunion où cette décision a
été prise.
Le Président (M. Paré): M. le ministre du
Travail.
M. Fréchette: Je voulais tout de suite répondre
à la préoccupation du député de Viau. Il me
semblait que j'avais répondu à cette question en lui disant que
je prendrais effectivement les informations qu'on sollicite et, dès lors
que je connaîtrais les détails précis, je les transmettrais
aux membres de la commission. J'ai donné cette réponse au
député de Sainte-Anne il y a cinq minutes, il me semble.
M. Cusano: C'est un peu au-delà de cela, M. le ministre.
Je vous demande le dépôt du procès-verbal de la
réunion où cette décision a été prise.
M. Fréchette: M. le Président, je vais prendre mes
informations et je les transmettrai aux membres de la commission dès
lors que je les aurai.
M. Cusano: II n'y a pas d'engagement de déposer de
procès-verbal. Est-ce que je vous interprète bien, M. le
ministre?
M. Fréchette: M. le Président, j'ai signalé,
je le répète, je pense que c'est pour la troisième fois
maintenant, que je prendrai les informations pertinentes à la discussion
que nous sommes en train d'avoir et que je déposerai ou que je fournirai
les renseignements qui sont de nature à répondre aux questions
qui me sont actuellement adressées.
Le Président (M. Paré): Alors, en rappelant
toujours les buts de la commission, je vous demanderais, M. le
député de Louis-Hébert, par déférence pour
nos invités qui attendent le temps qui leur est alloué...
M. Cusano: ...c'est par respect...
Le Président (M. Paré): ...pour se faire entendre,
je vous demanderais de faire cela vite, s'il vous plaît.
M. Doyon: Très brièvement, M. le
Président...
Le Président (M. Paré): M. le député
de Louis-Hébert.
M. Doyon: ...et en demandant la compréhension de nos
invités, cela va prendre deux secondes. Je pense qu'eux-mêmes
réalisent que les interventions que nous faisons actuellement sont en
vue justement de permettre un témoignage complet et ouvert des
intervenants devant cette commission.
Les gens qui sont devant nous savent sûrement que le
président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux s'est
présenté de bonne foi et a exprimé un certain nombre de
faits et, à la suite des demandes qui ont été
faites et auxquelles, je pense, acquiesçait le ministre, il a
transmis des documents supplémentaires à cette commission. Il l'a
fait ouvertement à la demande de cette commission et, aujourd'hui, il se
voit en butte à une poursuite de 300 000 $.
Ce que je veux signaler au ministre, c'est que les documents que nous a
transmis M. Harguindeguy ont été transmis à cette
commission à la suite de notre demande et il aurait très bien pu
se faire que cette commission demande à M. Harguindeguy de nous
transmettre les documents et de revenir purement et simplement devant cette
commission. À ce moment, évidemment, il aurait participé
à l'immunité parlementaire qui est la nôtre. Je trouve
absolument scandaleux qu'on profite d'une chose comme cela pour lui taper sur
la tête avec une poursuite aussi importante de 300 000 $. Je ne voudrais
pas que les gens qui vont venir devant nous puissent se voir en butte à
de semblables poursuites potentielles.
Dès maintenant, et j'arrête là, je voudrais que le
ministre donne l'assurance, non pas à moi personnellement, mais aux
intervenants, aux gens qui viennent devant nous, qui ont la délicatesse
de venir nous informer de leur point de vue, qu'il leur donne lui-même
son engagement que des poursuites comme celles qui ont été prises
par la CSST, il n'y en aura plus envers les autres intervenants, de
façon que nous puissions être sûrs que les gens qui sont
là et qui viennent nous parler le feront ouvertement sans avoir
l'épée de Damoclès sur la tête d'une poursuite
éventuelle de 300 000 $.
Est-ce que le ministre, dès maintenant, peut dire aux gens qui
sont ici dans la salle et à tous les gens qui vont comparaître et
dont on a une liste partielle pour la journée, aux gens qui vont venir
demain, après-demain, que le ministre ne permettra qu'aucun d'entre eux
ne soit poursuivi judiciairement pour des paroles prononcées ou des
éléments fournis pour éclairer les travaux de cette
commission? Le ministre peut-il s'engager à cela dès maintenant,
de façon que tout le monde soit à l'aise pour
témoigner?
Le Président (M. Paré): M. le ministre du
Travail.
M. Fréchette: M. le Président, depuis que les
travaux de la commission sont amorcés, nous avons entendu tout
près de 25 groupes parmi lesquels plusieurs se sont exprimés, me
semble-t-il, avec toute la liberté voulue et même dans le sens de
dire de façon très précise les préoccupations
qu'ils avaient, autant vis-à-vis de l'administration de la commission
que vis-à-vis de l'application qu'elle faisait de la loi. Nous avons
également en notre possession les mémoires de tous les autres
organismes qui vont être entendus d'ici la fin. Je les ai tous, quant
à moi, parcourus et, si le député de Louis-Hébert
veut avoir l'assurance que, pour autant que je suis concerné, il n'y
aura pas de poursuite judiciaire, je peux lui donner cette assurance, c'est
évident.
M. le Président, qu'on ne me demande cependant pas de contrevenir
aux dispositions d'une loi qui existe et qui contient des dispositions pour
intervenir dans des décisions que des organismes habilités
à le faire peuvent prendre. Mais, si on me demande de donner cette
assurance, personnellement, c'est évident que, sans aucune
réserve, je vais la donner. Alors, à partir de là, je vous
suggère fortement que nous commencions à entendre nos
invités.
Le Président (M. Paré): Merci. Je souhaite
maintenant la bienvenue à notre premier groupe, la
Confédération des syndicats nationaux. Je demande à la
personne qui est le porte-parole de se présenter et aussi de
présenter les personnes qui l'accompagnent.
CSN
Mme Simard (Monique): Mon nom est Monique Simard. Je suis la
première vice-présidente de la CSN, entre autres responsable du
dossier de la santé et de la sécurité du travail.
Plusieurs personnes m'accompagnent. M. Roger Valois, président du
comité de la santé et de la sécurité de la CSN et
un travailleur de l'usine Fer et Titane à Sorel; Mme Céline
Chatigny, travailleuse à un centre d'accueil à Montréal et
militante sur la question de la santé et de la sécurité du
travail dans la région de Montréal; M. Nazaire Paquet, que
certains d'entre vous connaissez peut-être, qui a été un
mineur d'amiante pendant 28 ans et, enfin, M. Jean Chartrand, travailleur au
Gaz Métropolitain à Montréal et membre du comité de
la santé et de la sécurité de la CSN. De ce
côté-ci, Me Robert Guimond, du service juridique de la CSN; Mme
Zaïda Nunez, conseillère syndicale aux lois sociales de la CSN et,
enfin, M. Claude Couture, conseiller syndical dans la région de
l'amiante, qui s'occupe plus précisément des problèmes de
la santé et de la sécurité du travail.
Si vous me le permettez, je dirai avant de débuter qu'on
s'attendait qu'il y ait quelques émois aujourd'hui à cause du
remaniement ministériel d'hier, mais on ne s'attendait pas à ce
type d'incident. J'espère que vous serez indulgent avec nous comme vous
l'avez été avec d'autres groupes pour notre temps de
présentation et que les 45 minutes qu'on a perdues pourront être
récupérées, soit à 13 heures ou plus tard dans la
journée.
Tout d'abord, je veux vous dire que, pour nous, à la CSN, le
projet de loi 42 nous préoccupe énormément pour la raison
suivante, et toujours en fonction des objectifs fondamentaux que nous avons
défendus à ce chapitre. Tout d'abord, notre premier objectif est
évidemment la recherche d'avoir et d'obtenir des milieux de travail
sains où on pratiquerait une véritable prévention, afin
qu'il ne se produise plus ou de moins en moins d'accidents ou de maladies du
travail. Cependant, c'est malheureux, il y en a encore un nombre
considérable; pour l'année qui vient de passer: 310 000
lésions professionnelles et on se doit, dans la recherche d'une loi
concernant les lésions professionnelles, d'assurer un
dédommagement complet et entier des victimes car elles ne sont pas
responsables.
Je voudrais tout simplement revenir sur un petit incident récent,
mais qui parle par lui-même. Il nous concerne à la CSN. Il s'agit
du cas de l'usine Expro dans la région de Valleyfield. Il a fallu qu'il
y ait des morts; il a fallu qu'il y ait une commission d'enquête; il a
fallu qu'il y ait enfin des condamnations pour que la compagnie se
décide d'agir. Je pense que le cas d'Expro illustre et va illustrer
l'ensemble des propos qu'on pourra tenir ici aujourd'hui quant à la
gravité de la situation et, je dirais, à
l'"irresponsabilité" que nous pouvons constater dans la
quotidienneté des employeurs par rapport à une chose aussi
fondamentale que l'intégrité physique des travailleurs et des
travailleuses.
Nous n'avons pas préparé de résumé de notre
mémoire, mais nous allons tenter d'en faire un bref exposé pour
nous permettre des échanges et des questions. Je voudrais souligner la
présence de nombreuses travailleuses et de nombreux travailleurs de la
CSN qui sont ici et qui nous viennent d'à peu près tous les
secteurs que nous représentons. Par leur présence, ils
manifestent l'intérêt qu'ils portent au dossier.
Comme vous avez pu le constater à la lecture de notre
mémoire, nous avons fait un choix, c'est-à-dire celui de
s'attarder davantage aux grandes lignes, aux grands principes qui sont contenus
dans ce projet de loi et conséquemment, quant à nous, de vous
présenter également les grands principes et les grandes
revendications. Comme d'autres, je vous dirai que l'examen d'un projet de loi
de la nature du projet de loi 42 a été un travail
extrêmement fastidieux et très long. C'est un projet de loi
complexe du point de vue technique. Cela nous a pris un certain temps et
beaucoup d'énergie. Nous avons fait ce travail et, aujourd'hui, nous
venons vous en donner les résultats et les conclusions.
On m'indique qu'il y a des travailleuses et des travailleurs de la CSN
qui sont à l'extérieur et à qui on ne permet pas
d'entrer.
Le Président (M. Paré): Oui. Vous avez tout
à fait raison. On vient de m'aviser qu'il y a encore une trentaine de
travailleurs qui ont demandé à prendre place ici et qu'à
l'entrée, à cause de la limite de gens permise, on les avait
empêchés de monter. Je dois vous dire que je viens de demander
qu'on autorise ces personnes à entrer, peu importe qu'on doive ajouter
des chaises ou que les gens soient assis ici autour de la salle. Effectivement,
je viens de demander qu'on leur permette de monter. Donc, tout devrait
être réglé d'ici quelques minutes. (10 h 45)
Mme Simard: Merci beaucoup. C'est la preuve et la
démonstration en plus de l'intérêt que les membres de la
CSN portent au dossier.
Le projet de loi 42 revêt évidemment une importance
fondamentale pour nous, comme je l'ai dit précédemment, parce
qu'il affecte des droits fondamentaux pour l'ensemble des travailleuses et des
travailleurs du Québec et parce que ce projet de loi veut, selon nous,
abolir certains droits pour lesquels la CSN et ses syndicats se sont battus
depuis des décennies. Il n'est pas méconnu que le dossier de la
santé et de la sécurité, à la CSN, nous a toujours
préoccupés. Pour nous, une loi ou une législation
concernant la réparation des législations professionnelles, on
considère que c'est un acquis social, un acquis qu'on est prêt
à défendre avec toutes les énergies et toutes les forces
que nous pouvons représenter. La CSN est assez représentative, si
vous me le permettez, puisqu'elle représente des travailleurs de tous
les secteurs sans exception, soit la métallurgie, le papier, la
forêt, la construction, les services de santé, le commerce et j'en
passe. La CSN est présente dans tous les secteurs d'activité
où l'on retrouve des travailleuses et des travailleurs.
Il ne faut jamais sous-évaluer, mais au contraire évaluer
à leur juste mesure les conséquences humaines et sociales qu'une
maladie ou un accident du travail peut avoir sur la vie de travail d'une femme
ou d'un homme. Inutile de vous rappeler ou peut-être est-ce utile de vous
rappeler les grèves historiques qui ont été menées
sur ce sujet. Une grève assez récente, soit la grève de
l'amiante en 1975, a amené la loi 52. Les grèves dans la
construction à la fin des années soixante ont permis d'obtenir ce
qu'on peut considérer comme des choses élémentaires, comme
l'eau potable et les toilettes sur les chantiers.
Encore aujourd'hui, selon les statistiques qui nous sont données,
chaque jour ouvrable, il y a un travailleur québécois qui est
victime d'un accident ou qui devient invalide.
En cinq ans, il y a eu 1275 personnes qui sont
décédées à la suite d'accidents du travail. On peut
peut-être aussi évaluer que ces chiffres peuvent être
sous-estimés puisqu'on sait que peu de maladies du travail sont
reconnues. Finalement, somme toute, il y a peu, même dans le type de
maladies qui sont reconnues, de personnes qui sont encore
considérées comme officiellement malades du travail.
Le pourcentage des travailleuses et des travailleurs
décédés, par exemple, dans le secteur de l'amiante, qui
ont été reconnus amiantosés depuis l'existence de la loi
n'est que de 15% à 20%. Pourtant - nous le savons et vous le savez aussi
- la moyenne de durée de vie de ces travailleurs après avoir
abandonné le travail est de moins de 24 mois. Il y a encore trop peu de
ces travailleurs qui travaillent dans cette industrie qui sont reconnus comme
malades et décédés de leurs activités
professionnelles.
Comme je le disais tout à l'heure, il y a encore trop
d'accidents, soit 310 000, et c'est inacceptable. Même si seulement 52%
entraînent une incapacité temporaire ou permanente, c'est beaucoup
trop élevé dans une société qui se dit moderne et
prête à protéger et à faire valoir les droits des
travailleuses et des travailleurs.
Les accidents et les maladies sont ce qu'il y a de plus évident
et souvent ce qu'il y a de plus dramatique. On a trop tendance à oublier
l'aspect des maladies. Nous tenons aujourd'hui à souligner aux membres
de la commission parlementaire ici présents l'importance qu'on doit
accorder au dossier des maladies du travail. Nous avons à cet effet fait
plusieurs enquêtes qui nous permettent de vous affirmer aujourd'hui que
le dossier sur la santé et la sécurité du travail
dépasse largement les accidents. Pour vous nommer quelques
enquêtes, il y a évidemment eu la célèbre
enquête faite à Thetford-Mines dans les années
soixante-dix. Je vous en nomme juste quelques-unes, soit à
Cégelec, à Fer et Titane à Sorel, une vaste enquête
qui a été faite dans plusieurs abattoirs de volailles au
Québec, enfin des enquêtes dans les chantiers maritimes, à
Atlas Steel, à Sorel, et j'en passe. Toutes ces enquêtes ont
permis de constater qu'une meilleure connaissance de leur état de
santé nous permet de croire que la majorité d'entre eux sont
malades du travail et que, dans très peu de cas, la loi permet de les
reconnaître comme malades du travail.
Il y a une dimension qui nous préoccupe tout
particulièrement et qui a souvent été passée sous
silence ou qui n'a pas été soulevée lorsqu'on parle de la
santé au travail, il s'agit de la santé des femmes au travail.
Encore là, on s'attarde davantage aux accidents dans les secteurs
à haut risque et on oublie que, dans les secteurs, dans les ghettos
d'emploi féminin, il y a un nombre considérable d'agresseurs qui
ne sont pas reconnus actuellement par la loi. Les types d'emploi occupés
majoritairement par les femmes où il y a des charges mentales
extrêmement élevées, des cadences de travail rapides, de
mauvaises postures de travail entraînent une foule de problèmes de
santé qui ne sont pas reconnus ou très difficilement
reconnaissables dans le cadre actuel comme maladies du travail.
On a gagné, au cours des années, des acquis qu'on ne
voudrait pas voir perdre ou diluer par la présentation d'une nouvelle
loi. Comme je l'ai dit tout à l'heure, notre action syndicale vise
essentiellement et avant tout à assainir les milieux de travail pour
qu'il n'y ait pas d'accidents. Je dois dire que beaucoup de syndicats, par leur
combativité et leur persistance, ont réussi. On a su, par une
étude faite par l'Université Laval, qu'à la CSN le nombre
de conventions collectives qui comportaient des dispositions et des protections
face à la santé au travail était supérieur à
tous les autres groupes qui négociaient des conventions collectives et
nous en sommes fiers.
On ne peut pas laisser cela à la seule gouverne de la
négociation de conventions collectives parce que, malheureusement, au
Québec, il y a plus des deux tiers des travailleurs et de la
main-d'oeuvre qui ne sont pas syndiqués, et plus particulièrement
chez les travailleuses. C'est pourquoi, pour nous, une loi sur la
réparation des lésions professionnelles est si importante parce
que, pour les non-syndiqués, il s'agit de la seule protection et du seul
recours qu'ils peuvent avoir.
Dans notre mémoire, nous allons expliquer comment les
travailleurs et les travailleuses qui sont victimes d'accidents vivent la
réalité de tous les jours. On aura deux témoignagnes; je
n'entrerai pas dans les détails, mais je peux vous dire que ce n'est pas
simple d'être victime d'un accident ou d'une maladie, tant au niveau
administratif qu'au niveau des recours, qu'au niveau des juridictions, qu'au
niveau de la reconnaissance du diagnostic d'un médecin par la CSST. Je
pense que les témoignagnes qu'on vous fera entendre sont très
éloquents à cet égard.
C'est pour toutes ces raisons, ces acquis, ces luttes que nous avons
gagnés au cours des années qu'aujourd'hui on lutte encore pour
obtenir - parce qu'on ne l'a pas encore obtenue complètement - la
reconnaissance du droit à une pleine compensation pour un
véritable droit de retour au travail, pour la reconnaissance pleine et
entière de la responsabilité des employeurs en matière
d'accidents et de maladies du travail, enfin pour que les victimes ne soient
pas pénalisées comme elles le sont parfois actuellement et, enfin
-et c'est un droit fondamental - pour le droit
de travailler dans des conditions saines.
Les principes qui, selon nous, devraient être à la base de
la loi - en même temps, je ferai une analyse critique de ce qui est
contenu dans le projet de loi 42 - c'est tout d'abord la reconnaissance du
principe de la responsabilité des employeurs en matière
d'accidents et de maladies. Vous allez me dire que c'est un principe qui est
reconnu depuis 1931. C'est vrai, mais trop dilué. Ce sont les employeurs
qui, en étant responsables, doivent identifier les dangers
éventuels et les corriger avant qu'ils provoquent des accidents ou des
maladies. Si, malheureusement, des accidents surviennent, c'est à eux de
voir à ce que les torts soient réparés entièrement.
Historiquement, je me rappelle qu'en 1931, les employeurs ont accepté ce
principe et nous ne croyons pas que, dans les dispositions concrètes,
cela soit entièrement appliqué et c'est aujourd'hui la nature
principale de notre mémoire, de notre présentation.
En fait, un autre principe: c'est que tout régime de
réparation doit être un régime à caractère
d'assurance sociale, et non pas d'assistance sociale, où les victimes
sont créancières d'un droit et non bénéficiaires
d'une aide ou d'une assistance sociale. C'est pour nous un principe fort
important comme thème. Notre principale crainte, c'est que le
régime proposé dans le projet de loi 42 pousse les victimes du
travail vers d'autres régimes sociaux et la collectivité tout
entière. Que ce soit la caisse de l'aide sociale, de
l'assurance-chômage ou autres, ce sont des caisses qui sont
financées par l'ensemble de la collectivité.
Cette crainte nous l'avons, entre autres, par les dispositions qui sont
contenues dans le projet de loi en ce qui a trait au remplacement des rentes
par des montants forfaitaires, par la réduction ou la terminaison d'une
indemnité en cas de refus ou d'abandon d'emploi, lorsqu'on parle de la
fin de l'indemnité de remplacement du revenu en fonction d'un salaire
qu'une victime pourrait hypothétiquement ou théoriquement tirer
d'un autre emploi, ou enfin du caractère insuffisant et illusoire du
droit de retour compte tenu des limitations qui sont inscrites dans la loi.
Un autre principe, c'est le maintien du revenu pour les victimes
d'accident du travail. Enfin une couverture universelle du régime qui ne
doit exclure aucune catégorie de travailleuses ou de travailleurs, sans
exception. Enfin une garantie d'emploi qui fait que, lorsqu'on est victime, on
n'a pas à être pénalisé quant à l'obtention
d'un emploi futur. Et enfin - ce n'est pas la moindre -une vraie
réadaptation médicale, sociale et professionnelle dans le but de
redonner aux victimes d'accidents ou de maladies une autonomie complète
et comparable à ce qu'elles avaient avant.
Je ne m'étendrai pas longuement sur tous les points parce que,
comme on le sait, le projet de loi est extrêmement volumineux. Vous avez
une copie de notre mémoire. Concernant le champ d'application, je
voudrais faire remarquer ici à la commission que certaines
catégories sont exclues de l'application et particulièrement le
personnel domestique. Je devrais dire davantage les travailleuses domestiques
parce que, dans la réalité, ce sont presque toutes des femmes et
la seule disposition qui les concerne, c'est qu'on dit qu'elles pourront
cotiser et être couvertes elles-mêmes. Or, on sait très bien
que, dans ces secteurs d'emploi, généralement elles sont
très peu informées et qu'à défaut d'informations
elles ne seront pas couvertes, et des accidents existent dans ce secteur comme
dans d'autres. Donc, on demande que le projet de loi ou toute
législation couvre toutes les catégories sans exception, y inclus
cette catégorie.
Sur la question de l'indemnité de remplacement de revenu qui est
un point central du projet de loi, tout d'abord, on doit dire que nous sommes
étonnés de voir ce qui est contenu dans le projet de loi puisque,
dans un projet de loi qui avait été déposé en 1980,
il était prévu qu'une travailleuse ou un travailleur aurait droit
à une indemnité égale à 100% du revenu net tant et
aussi longtemps qu'aurait duré cette incapacité. Force nous est
de constater qu'il y a eu recul sur cette question et qu'on revient à
90% du revenu net.
Pour la CSN, pour nous, une loi doit garantir le maintien
intégral, c'est-à-dire 100% du revenu brut, dès la
première journée d'incapacité. Pendant cette
période, les cotisations et les contributions à la
sécurité sociale et au régime d'avantages sociaux de
l'entreprise doivent être maintenues pour que la travailleuse ou le
travailleur puisse en recevoir les avantages sa vie durant. De même, la
victime d'un accident ou d'une maladie du travail doit non seulement maintenir
le revenu qu'elle faisait au moment de la lésion, mais l'indemnisation
doit aussi tenir compte de la progression de son échelle salariale et
des promotions éventuelles qu'elle aurait pu avoir.
Un vrai régime ne peut être juste pour les
handicapés que s'il tient compte de tout ce que la personne victime
aurait gagné si elle était restée au travail. Il n'y a pas
uniquement un salaire, il y a d'autres avantages et vous le savez comme moi.
(11 heures)
Je voudrais seulement revenir sur un élément.
Peut-être que les membres de la commission en sont informés. Sur
la question de l'indexation, la CSST a mis fin, de façon arbitraire, en
juillet 1982, à l'indexation des prestations pour incapacité
temporaire. Nous profitons de l'occasion ici aujourd'hui pour
demander que la CSST rétablisse l'indexation des prestations et
que les montants dus aux personnes visées leur soient versés
rétroactivement. En plus de tenir compte de l'indexation, il faudrait
également tenir compte de tous les revenus d'emploi de la victime lors
de son accident ou de sa maladie et non seulement de l'emploi
rémunérateur.
Je fais une parenthèse ici pour attirer particulièrement
votre attention sur le phénomène de la prolifération du
travail à temps partiel qui existe actuellement au Québec. Dans
certains secteurs, l'emploi à temps partiel constitue à peu
près 50% de l'emploi. Beaucoup de personnes, pour s'assurer un revenu
décent - et je reviens encore là-dessus - particulièrement
les femmes, sont obligées d'exercer un, deux ou trois emplois à
temps partiel et, entre nous, très franchement,
généralement à des taux horaires extrêmement bas.
Nous considérons que, si une d'entre elles, une de ces personnes
était victime d'un accident ou d'une maladie, on devrait compter
l'ensemble des revenus qu'elle tire de ses emplois pour établir le
montant auquel elle aurait droit pour la période de son
incapacité.
Par ailleurs, le projet de loi établit le maximum annuel
assurable à 150% de la rémunération hebdomadaire des
travailleuses et des travailleurs du Québec. Encore là, il y a un
recul par rapport à des versions précédentes que nous
avons eu l'occasion d'examiner et une des versions précédentes
proposait d'augmenter progressivement le salaire maximum assurable à
175% en 1984 et à 200% en 1985. Quant à nous, nous nous opposons
à un plafond. Nous considérons qu'on doit toujours tenir compte
de l'entièreté du revenu d'une personne et que ce revenu ne
devrait jamais être plus bas que le salaire minimum. Mais, entre nous,
quand on regarde les statistiques, ce ne sont pas ceux qui font 60 000 $ ou 70
000 $ par année qui ont des accidents ou qui sont victimes de maladies
du travail.
Sur les réductions de l'indemnité de remplacement du
revenu que vous proposez, pour nous, c'est une faille importante du projet de
loi. Un des premiers éléments, c'est la première
réduction de l'indemnité par l'incitatif de retour au travail.
Ainsi, lorsqu'une personne incapable d'exercer un emploi occupe un nouvel
emploi moins rémunérateur ou ne retourne pas à son emploi,
l'indemnité cesse ou est réduite en tenant compte du revenu brut
qu'elle retire de cet emploi. Il y a des tableaux. Je pense que les chiffres
sont assez clairs sur cette question. On pourra peut-être y revenir au
moment de la période des questions. On constate que certaines
catégories, par le système qui est proposé dans le projet
de loi, seraient pénalisées et particulièrement les
travailleurs ou les travailleuses qui ont des personnes à charge. En
fait, compte tenu du fait qu'il peut être appliqué dans la
même période que ces dispositions sur le droit de retour, nous
craignons que l'incitatif ne devienne un mécanisme de mise au travail
forcé avant la guérison complète et ne fasse perdre
à la travailleuse ou au travailleur les avantages sociaux liés
à l'emploi qu'il détenait lors de l'accident, si la travailleuse
ou le travailleur est remplacé dans une autre entreprise. Vous savez
comme moi que, selon le secteur où on travaille, on peut trouver un
autre emploi et que les conditions de travail - les bénéfices
marginaux, les avantages sociaux - peuvent être fort différentes.
C'est malheureux. On n'a pas encore des lois, des normes minimales au
Québec qui nous assurent des planchers minimaux acceptables partout. Ce
n'est pas automatiquement, parce qu'on a trouvé un autre emploi, qu'on
va pouvoir avoir les mêmes garanties de bonnes conditions de travail.
Une autre forme inacceptable de réduction ou de suppression de
l'indemnité se retrouve dans le refus de l'abandon de l'emploi. Je vous
avoue que nous trouvons cela assez odieux. Quand le projet de loi impose un
régime de réduction quand la travailleuse ou le travailleur, sans
raison valable, refuse ou abandonne un nouvel emploi, ce refus ou cet abandon
conduit à une réduction de l'indemnité puisque la victime
d'accident ou de maladie du travail est réputée occuper ou
continuer d'occuper cet emploi. C'est la CSST, et plus particulièrement
aux articles 76 et 77, qui jugera des raisons valables, qui
décrétera quel emploi elle est en mesure d'occuper et qui ne
comporte pas de danger pour sa santé, sa sécurité et son
intégrité physique.
Quant à nous, la victime d'accident ou de maladie du travail doit
pouvoir conserver le choix d'abandonner ou de refuser un autre emploi sans
encourir aucune pénalité quand elle ne peut retrouver son emploi
initial.
Enfin, il y a deux autres formes de réduction d'indemnité
que nous jugeons inacceptables dans le projet de loi, c'est-à-dire que
l'indemnité peut être réduite en vertu de la
capacité résiduelle de la victime et de l'arrivée de
l'âge de la retraite.
Sur la question de la capacité résiduelle, à partir
de la quatrième année suivant le début d'une
invalidité, l'indemnité peut être réduite
annuellement d'un montant égal au revenu net que la travailleuse ou le
travailleur tire ou pourrait tirer d'un emploi que la CSST le juge capable
d'exercer. C'est la commission qui décide de la capacité
résiduelle.
Ces dispositions font en sorte que l'indemnité ne sera pas
payée à vie et que, de plus, il n'y a pas de garantie
réelle que l'indemnité sera versée tant et aussi longtemps
que la travailleuse ou le
travailleur est incapable d'exercer un emploi. Il faut se le dire, dans
une période de chômage - c'est malheureux, on n'est pas capable de
prédire qu'on verra la fin de cette période dramatique de
chômage dans les années à venir - il y a de fortes chances
que les travailleuses ou les travailleurs ne trouvent pas d'emploi qui leur
convienne et que, finalement, ils doivent se tourner vers une caisse
d'assistance sociale ou vers le bien-être social.
Ces dispositions font porter sur les personnes qui en sont victimes la
responsabilité ou une partie de la responsabilité de l'accident
ou des conséquences de l'accident ou de la maladie ainsi que le fardeau
d'une recherche d'emploi un peu illusoire dans certaines régions et
certains secteurs d'activité. La victime verra alors son
indemnité réduite.
Quant aux limitations au versement de l'indemnité, il y a un
certain nombre de dispositions qui ne peuvent nous satisfaire. Entre autres
celle où on accorde désormais un pouvoir accru, ce que nous
considérons discrétionnaire à la CSST, de refuser, de
réduire ou de suspendre le versement d'une indemnité, entre
autres à l'article 122. On considère que c'est un recul par
rapport à la loi actuelle qui n'accorde que la possibilité de
mettre fin ou de continuer et qui offre à cet égard de meilleures
garanties parce qu'on parle, dans l'actuelle loi, de persistance dans des
pratiques dangereuses et malsaines et qu'on n'ajoute pas tous les autres motifs
qui sont contenus dans l'actuel projet de loi. Ce genre de limitations
contrôlées exclusivement par la CSST nous semble extrêmement
abusif.
Enfin, concernant la compensation pour les dommages physiques ou
psychiques permanents - les articles 81 à 86 - nous avons
étudié la question de façon détaillée. On a
fait des tableaux que vous trouvez dans le mémoire et on est capable de
constater, à la lumière de ces tableaux, la perte qui serait
encourue par les personnes qui auraient des forfaitaires au lieu des rentes.
Même si la rente actuelle, selon la loi actuelle, et l'indemnité
forfaitaire du projet de loi 42 ne compensent pas exactement, contrairement
à ce que nous réclamons devant la commission, on est cependant
justifié de les comparer et de voir qu'il y a une différence
importante. Nous demandons que cela soit corrigé pour différentes
raisons.
D'une part, on trouve étonnant et inadmissible que le projet de
loi supprime l'évaluation de la capacité de retrouver un emploi
pour ne retenir que le facteur de déficit anatamophysiologique dû
à une lésion. Dans la loi actuelle, on est beaucoup plus large
dans l'évaluation et cette évaluation doit tenir compte de la
diminution de la capacité de travail, de la capacité de reprendre
un emploi ou de s'adapter à une autre occupation.
Donc, on tient compte d'autres facteurs que la seule perte d'une
capacité physique et cela nous semble un élément
extrêmement important lorsque l'ensemble du projet de loi est
traversé de dispositions comme le retour au travail, d'incitatifs de
retour au travail, de réadaptation au travail. On ne peut pas tenir
compte d'un seul facteur lorsqu'on établit les compensations.
Pour nous, une véritable compensation devrait comprendre et
devrait être évaluée en fonction de plusieurs facteurs,
mais, entre autres, sur le degré d'incapacité économique.
Une incapacité physique peut entraîner une incapacité
économique et il faut tenir compte de cette dimension lorsqu'on
établit le montant auquel la personne a droit.
Qu'est-ce qu'on veut dire par capacité économique ou
incapacité économique? C'est la capacité de se trouver un
autre emploi, entre autres, les chances de se trouver un autre emploi en
fonction de différents critères, de formation et autres.
Pour nous, l'indemnité pour dommages permanents doit continuer
à être versée sous forme de rentes, à l'exception
d'une incapacité extrêmement minime où on pourrait
considérer le versement de montants forfaitaires. Pour des
incapacités permanentes assez importantes, moyennes, on pense que la
formule de rentes est de loin préférable à celle des
montants forfaitaires que vous nous proposez. Contrairement à d'autres
qui semblent prêts à l'accepter, pour nous, c'est
inacceptable.
Dans le même sens et suivant la même logique, nous croyons
que, pour l'indemnité aux survivants - il doit y en avoir plusieurs
centaines par année, quand on regarde les chiffres de mortalité
au travail - c'est la formule de rentes qui devrait être retenue au lieu
de la formule de montants forfaitaires, entre autres, pour les conjoints et
pour les enfants. Nous pourrions considérer, pour les conjointes sans
personne à charge ou pour les conjoints sans personne à charge,
qui sont très jeunes, la possibilité d'un montant forfaitaire,
mais la règle générale qui devrait être
appliquée, c'est encore la formule de rentes. Inutile de vous rappeler
que nous considérons que ces rentes ne devraient jamais être
inférieures au salaire minimum.
En ce qui concerne le droit au retour au travail, évidemment, il
est important que ce droit soit enfin reconnu...
Une voix: Je ne sais pas ce qui s'est passé. Ils en ont
laissé entrer quatre et les autres, ils les ont retournés.
Mme Simard: Ah bon! Je m'excuse, M. le Président. Tout le
monde est entré, sauf qu'il en manque quatre qui sont encore...
M. Valois (Roger): Ils en ont fait entrer quatre et les trente
autres, ils les ont envoyés.
Le Président (M. Paré): Un instant! Vous avez tout
à fait raison et c'est ce que je viens encore de demander. On
s'était entendu avec les responsables, les autorités ici, pour
permettre l'entrée à au-delà du nombre permis, à
cause de la sécurité des gens. Lorsque je suis parti de l'autre
côté, avec un représentant de la CSN, il était
entendu que c'était réglé, que les gens devaient monter.
Je ne comprends pas non plus qu'ils ne soient pas encore arrivés. Je
viens de demander qu'on aille vérifier ce qui se passe. On s'en occupe.
Si vous voulez, je suis même prêt à suspendre les travaux
pour quelques minutes, le temps de régler le problème.
Mme Simard: On peut peut-être suspendre pour quelques
minutes pour leur permettre...
Le Président (M. Paré): Je n'ai pas d'objection.
Cela va me permettre d'aller régler le problème,
définitivement.
Donc, les travaux de la commission sont suspendus pour quelques
minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 14)
(Reprise de la séance à 11 h 20)
Le Président (M. Paré): Nous allons poursuivre les
travaux en expliquant qu'assurément les gens qui se présenteront
pourront entrer, sauf qu'à cause d'un malentendu entre le moment
où la décision fut prise de laisser entrer tout le monde et le
moment où les gens ont voulu entrer en bas, malheureusement, des gens
ont quitté. C'est la raison pour laquelle tous les gens ne sont pas ici,
mais, si les gens se présentent à nouveau, ils pourront
assurément entrer sans problème. À la suite de cette
interruption, je vous demanderais, s'il vous plaît, de poursuivre.
Mme Simard: Seulement une petite remarque, M. le
Président. C'est assez désolant, parce que les gens qui ont
tenté d'entrer tout à l'heure et d'assister à la
commission parlementaire sont des accidentés ou des malades du travail
de la région de Québec. Vous comprendrez que le sujet dont on
s'entretient aujourd'hui est de première importance pour eux. On va
tenter d'en rejoindre quelques-uns. Enfin, on déplore l'incident qui
s'est produit.
Un autre élément central du projet de loi 42, c'est le
droit de retour au travail. Il va de soi, on vous l'a dit tout à
l'heure, qu'un des principes importants pour nous, c'est le droit de
retour au travail complet et absolu. Cependant, ce droit présente
plusieurs limitations dans les dispositions du projet de loi, entre autres,
premièrement, l'exigence d'avoir travaillé pendant trois mois de
services continus dans un même établissement. Cela veut dire, pour
certaines catégories de travailleurs, que ce droit ne s'appliquerait
pas. Je pense, entre autres, au secteur de la construction ou aux travaux
saisonniers où il est rare que la personne a un emploi continu de plus
de trois mois. C'est généralement moins que cela, entre autres
dans la construction.
Ensuite, que le droit de retour soit limité dans le temps
à un an dans les établissements de moins de 20 personnes et
à deux ans dans les établissements de plus de 20, on ne comprend
pas la distinction entre les deux quant à un droit comme
celui-là. Je ferais remarquer que près de 40% de la main-d'oeuvre
au Québec travaille dans des établissements de moins de 20
personnes. Est-ce à dire que ces 40% ont un droit diminué par
rapport aux autres? De toute façon, nous considérons qu'il ne
devrait pas y avoir de limite dans le temps quant à un droit au retour.
On demanderait que ces limitations soient enlevées du projet de loi.
En outre, le délai pour réintégrer le travail n'est
que de cinq jours, à partir de la date qui est décidée par
la CSST. La travailleuse ou le travailleur et son médecin traitant n'ont
aucun contrôle sur cette date de retour. Ce qui nous semble assez
désolant, c'est que le projet de loi présume que la travailleuse
ou le travailleur qui fait défaut de réintégrer l'emploi
dans un si bref délai renonce à son droit et l'employeur est
dégagé de toute obligation, car il est présumé
avoir démissionné. Cela nous semble tout à fait abusif, et
je pense qu'un des témoignages que nous allons vous faire entendre va
illustrer comment cette mesure, dans les faits, va exclusivement
pénaliser des femmes ou des travailleurs quant à leur
capacité de retourner au travail. C'est assez incroyable qu'on retrouve
ce genre de disposition.
Ensuite, la priorité pour occuper un autre emploi disponible
ainsi que l'assignation provisoire de la travailleuse ou du travailleur
à une autre tâche doit se faire - cela nous semble important, cela
a été soulevé devant la commission - dans le respect des
conventions collectives et sans occasionner directement ou indirectement des
mises à pied ou des déplacements d'autres travailleuses ou
travailleurs. Encore là, le délai qui est indiqué dans la
loi nous semble un peu court, celui de quatorze jours. Nous croyons que
l'employeur doit reprendre à son emploi, à son poste de travail,
la travailleuse ou le travailleur victime d'accident ou de maladie de travail.
Il doit en être de même pour tout employeur qui combine quelque
activité que ce soit de l'entreprise. Le projet de loi devrait
obliger les employeurs à adapter les postes de travail, à
modifier les conditions pour que le travailleur puisse accomplir un travail. Si
la personne n'est plus capable de reprendre son emploi, l'employeur doit lui
fournir un autre emploi compatible avec son état de santé et
qu'il est en mesure d'effectuer, selon le conseil du médecin
traitant.
Depuis quelques années, on parle beaucoup d'intégration
des personnes handicapées dans les milieux de travail, mais il faudrait
faire en sorte que les handicapés du travail soient aussi
considérés comme ayant droit à des mesures leur permettant
de pouvoir retrouver leur emploi. Nous suggérons au gouvernement de
considérer des mesures comme l'action positive ou des postes
réservés, la recherche de nouvelles formules qui feraient en
sorte que les droits individuels des handicapés du travail ne
léseraient pas les droits collectifs des autres et vice versa. Nous
tentons de rechercher de nouvelles avenues pour voir à ce que ces droits
et le droit de retour au travail soient pleinement assurés et
praticables dans les faits.
Maintenant, en ce qui concerne le droit aux soins et aux services de
santé, nous ne sommes pas les premiers, mais nous insisterons quand
même sur l'article 132 du projet de loi que nous trouvons totalement
inadmissible. Cet article a pour effet d'accroître, quant à nous,
les pouvoirs et l'ingérence de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail dans les traitements médicaux et, pour
nous, c'est absolument inacceptable. Dans un régime
général d'assurances, que ce soit celui de l'assurance-maladie et
ou de l'assurance-hospitalisation, c'est le médecin traitant qui
détermine, selon son jugement, les soins nécessaires. Ce n'est
pas à l'organisme payeur de décider de la nature et de la
durée des traitements. Le projet de loi, de plus, tout en donnant ces
nouveaux pouvoirs à la CSST, impose de nouvelles obligations aux
professionnels de la santé qui donnent des soins à des victimes
d'accidents ou de maladies et nous trouvons que ces nouvelles obligations sont
inadmissibles également. L'assistance médicale est restreinte car
elle ne couvre pas les soins donnés par les personnes autres que les
professionnels de la santé. C'est un autre point.
Quant à nous, il faudrait davantage élargir aussi
lorsqu'on parle de professionnels de la santé dans le projet de loi. Il
y a, par exemple, les psychologues, les physiothéra-peuthes, les
infirmières et les infirmiers, d'autres types de disciplines qui
traitent les victimes d'accidents du travail, il faudrait les considérer
et les reconnaître dans la loi.
Un des points les plus fondamentaux et un des principes les plus
importants pour nous à la CSN, c'est la reconnaissance du droit au
médecin de son choix et d'être compensé sur la base de son
diagnostic. Le projet de loi reconduit le droit au médecin de son choix
pour se faire soigner ainsi que le droit à avoir des soins dans
l'établissement choisi par la travailleuse ou le travailleur. Mais, par
ailleurs, il ne reconnaît pas le droit d'être compensé sur
la base du diagnostic de ce médecin traitant. On sait qu'actuellement ce
n'est pas le médecin traitant qui décide. C'est le bureau
médical de la CSST.
À ce moment-ci, je vous avais annoncé un court
témoignage et je demanderais à Céline Chatigny de nous
donner un court témoignage sur ce problème important qui est la
contradiction ou la non-cohérence des médecins traitants et de la
CSST. Céline.
Le Président (M. Marquis): Mme
Chatigny.
Mme Chatigny (Céline): Moi, je travaille au Centre
d'accueil Jean-Olivier-Chénier. C'est un centre d'accueil en
déficience mentale à Montréal. J'y travaille depuis 1976
et, en août 1982, j'ai eu un accident de travail au dos. Le
résultat a été mal dorso-lombaire, syndrome facettaire au
niveau cervical et dorsal, des douleurs qui s'irradient dans les jambes et les
bras. Pourtant, quand j'ai été embauchée au centre
d'accueil, j'avais passé un examen médical complet et j'avais un
dos en excellent état. Finalement, cela a pris plusieurs mois avant
d'établir un diagnostic pour savoir exactement de quoi il s'agissait
comme problème. Le 15 septembre, je passais une myélographie qui
décelait les bombements discolombaires et, à ce moment, mon
médecin me prescrivait un repos complet jusqu'à ce que je puisse
commencer des traitements en physiothérapie. Le 4 janvier 1984, j'ai pu
commencer les traitements en physiothérapie. Après le
début des traitements, les douleurs ont diminué un peu. Le 9
mars, j'ai été convoquée à la CSST pour rencontrer
un médecin de la CSST pour un examen médical. Le médecin
m'a dit qu'il était d'accord avec le diagnostic des médecins et
il m'a prescrit la poursuite des traitements en cours. Je devais le revoir
ultérieurement. Comme les progrès étaient minimes, mon
physiatre m'a fait cesser temporairement les traitements en
physiothérapie pour me faire une série de traitements de
cortisone épidurale, de blocs d'injections, d'infiltrations. À la
suite de ces traitements, d'autres problèmes ont été
décelés aux niveaux cervical et dorsal. Cela a donc pris jusqu'au
mois de juin pour savoir exactement à quoi s'en tenir. Ensuite, j'ai
repris la physiothérapie le 18 mai. (11 h 30)
C'est à ce moment que j'ai reçu une
nouvelle convocation de la CSST pour un nouvel examen médical.
C'est un autre médecin - pas le même que le premier - que j'ai vu.
Quand je suis arrivée, on m'a dit: Cela fait neuf mois que vous ne
travaillez pas. Il serait peut-être temps que vous repreniez le travail;
c'est suffisant. Après un court examen, on m'a dit que j'avais le dos
assez endommagé, que j'avais sûrement des douleurs assez intenses,
mais qu'il faudrait que j'apprenne à vivre avec cela puisqu'on ne
pouvait plus rien faire pour moi. On m'a donné un DAP de 1% et on m'a
retournée au travail. Enfin, on m'a demandé de retourner au
travail le 7 juin. Entre-temps, j'ai revu mon médecin. Je n'étais
absolument pas en état de reprendre le travail. Je marchais
difficilement. J'ai donc contesté la décision de la CSST.
Après un mois sans salaire, j'ai reçu une lettre de la CSST me
disant qu'après considérations administratives, on me donnait
raison, que je pouvais poursuivre les traitements, mais qu'une partie du
dossier que je ne contestais pas était au niveau de la
réadaptation sociale. On me disait que j'étais inscrite en
réadaptation sociale. Je me demande encore ce que cela signifie quand on
n'est pas rendu au bout des traitements disponibles et qu'on ne connaît
pas les possibilités qui restent, et pourquoi on m'inscrirait en
réadaptation sociale.
Une deuxième fois, on m'a donné une date pour être
soignée, pour continuer les traitements. À la suite de cela, j'ai
repris les traitements en physiothérapie jusqu'au 30 juillet. Comme cela
s'était un peu amélioré, j'ai tenté un retour au
travail au début du mois de septembre. Je n'ai plus entendu parler de la
CSST jusqu'au moment où j'ai revu le physiatre et qu'il m'a dit - parce
que la situation s'était beaucoup dégradée depuis le
retour au travail; les conditions n'avaient pas été
adaptées à mon retour, évidemment - qu'on tentait une
dernière série de traitements en physiothérapie avant de
me référer en neurochirurgie pour une opération. On
m'avait certifié depuis le début qu'il était possible que
je sois obligée de me faire opérer, à un moment
donné, mais qu'il fallait vraiment tout tenter avant, parce que, comme
la colonne était touchée à tous les niveaux,
c'était un risque important.
J'attends encore l'autorisation de la CSST pour reprendre les
traitements en physiothérapie - cela fait deux mois - parce que mon
dossier était fermé. Pendant ce temps, c'est moi qui suit prise
avec le problème. Je n'ai pas demandé à vivre ces
problèmes, je ne suis pas née avec eux. Je pense que j'ai au
moins le droit de me faire soigner convenablement et de tout tenter pour
récupérer une santé qui a de l'allure et profiter de la
vie comme tout le monde, pour pouvoir pratiquer des sports et mener une vie
normale.
Mme Simard: Merci, Céline. M. le Président, je
voudrais vous dire qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé. Parmi les
milliers et les milliers de personnes qui sont victimes d'accidents ou de
maladies du travail au Québec cette année, il y en a plusieurs
milliers qui sont membres de la CSN et le cas de Céline est un cas tout
à fait dans la norme des cas qui se. présentent dans tous les
bureaux de la CSN chaque semaine. Je pense que le témoignage qu'on vient
d'entendre nous indique combien il y a de contradictions dans le régime
actuel et ce sont les victimes qui, finalement, en subissent toutes les
conséquences. Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'il y a
plusieurs personnes qui ont été retournées
prématurément au travail et que ce retour prématuré
peut occasionner des rechutes et des aggravations qu'on aurait pu corriger
beaucoup plus tôt, et que le degré d'aggravation devient souvent
permanent.
Un autre élément qu'on voudrait soulever, c'est la
question de la confidentialité des dossiers médicaux. Il nous
semble que les dossiers médicaux des accidentés ou des malades du
travail doivent être tout aussi confidentiels que les dossiers des autres
malades au Québec et qu'il ne devrait pas y avoir dans la loi des
accrocs à cette dimension.
Enfin, la question de la réadaptation sociale. C'est un sujet
fort important. Le travailleur a droit à la réadaptation sociale
que requiert son état en raison d'une lésion professionnelle en
vue de sa réinsertion sociale et professionnelle. Mais seule la
commission décide de l'admissibilité d'une travailleuse ou d'un
travailleur à la réadaptation sociale et souvent peut-être
de façon prématurée, comme on a pu le voir dans ce cas-ci.
Dans le projet de loi, il est prévu que la commission peut
développer un ensemble de mesures pour la réadaptation sociale
des travailleuses et des travailleurs handicapés par le travail. C'est
ce qui fait déjà partie des attributions de la CSST, mais qu'elle
applique, quant à nous, de façon incomplète et curieuse
parfois.
Pour nous, une loi doit garantir un véritable droit à la
réadaptation sociale et cette réadaptation doit être
considérée comme un droit dans la mesure où les employeurs
seront obligés de reprendre les travailleuses ou les travailleurs qui
sont handicapés et de leur fournir un travail compatible avec leur
état de santé. C'est conséquent par rapport aux remarques
qu'on vous a faites quant au droit de retour au travail.
La réadaptation sociale trouve, dans les mesures qu'on vous
propose, tout son sens car elle se fait en fonction de l'emploi que la personne
exerçait avant sa maladie ou son accident et non en fonction d'un emploi
probable, hypothétique que la personne
pourrait exercer. D'ailleurs, ce droit d'en occuper un autre, quant
à nous, c'est très peu garanti et assuré dans des
périodes comme celles qu'on vit actuellement.
Nous croyons que les services de réadaptation ne devraient pas
dépendre de la commission et qu'ils devraient être entendus au
sens le plus large, c'est-à-dire comprendre la gamme des soins, les
services de santé, les services sociaux, instruments, appareils,
formation, aménagement, moyens de transport, etc. Nous croyons que la
personne visée par un programme devrait avoir le choix de son plan de
réadaptation, si elle le considère adéquat ou pas.
Un autre élément, la question des maladies du travail. Il
n'y a pas de modifications importantes proposées dans le projet de loi
quant aux maladies du travail. Nous fonctionnons avec un système de
liste. Ce système implique en lui-même une certaine restriction.
Il y a eu un élargissement un peu, entre autres maintenant qu'on
reconnaît le cancer pulmonaire causé par l'amiante, mais nous
jugeons que la liste est tout à fait et encore incomplète.
D'ailleurs, cette liste ne comprend pas, par exemple, les maladies qu'on peut
retrouver dans la liste des maladies reconnues par l'Organisation
internationale du travail. Un des aspects qui me touchent, c'est la
non-reconnaissance, à part l'hépatite virale, des maladies
infectieuses ou parasitaires. Dans le secteur des services de santé et
des services sociaux, il y a des risques de maladies infectieuses ou
parasitaires extrêmement grands et on voudrait voir un
élargissement dans ce sens des listes.
II ne s'agit pas uniquement de dire qu'il faut ajouter des listes. Nous
croyons qu'il faut au départ élargir notre concept de ce que peut
être une maladie du travail, surtout dans une période où il
y a énormément de changements technologiques, d'introduction de
nouveaux procédés de travail dans les entreprises. Nous faisons
face à un nombre incroyable d'inconnus quant à l'effet de
certains procédés ou de certains produits sur la santé des
personnes. Des modifications dans l'organisation du travail provoquent aussi de
nouveaux problèmes. Je pense, entre autres, au stress qui entraîne
des problèmes physiques importants.
Actuellement, la reconnaissance des maladies se fait davantage par
l'établissement d'une relation de cause à effet unique. Un
produit provoque telle chose. On ne considère pas nécessairement
tous les autres agresseurs qui peuvent exister dans un milieu de travail et qui
peuvent avoir des effets combinés et provoquer des problèmes de
santé. J'ouvre une parenthèse, on n'y fait pas
référence dans le mémoire. Aux mines Noranda, là
aussi, la CSN a réalisé une vaste enquête sur la
santé des mineurs ou ceux qui travaillent sous terre et ceux qui
travaillent hors terre et leur famille. Le résultat de cette
enquête menée par l'institut Mount Sinai de New York, qui est un
institut très spécialisé en santé du travail, nous
a démontré qu'ils étaient tous extrêmement malades.
Mais, dans la loi et dans la reconnaissance actuelle qu'on en a au
Québec, on n'arrive pas à les faire reconnaître malades
professionnelles parce qu'il n'y a aucun des agresseurs auxquels ils sont
exposés qui est en quantité suffisante pour établir qu'ils
ont une maladie du travail. Ils ont un peu de kalium, un peu d'arsenic, un peu
de plomb, sans parler de la chaleur et d'autres types d'agresseurs. L'effet
combiné de tous ces agents provoque des maladies; que ce soient des
maladies coronariennes, des bronchites chroniques et autres. On n'arrive pas
à les faire reconnaître parce qu'ils n'entrent pas dans le cadre
étroit d'un agent unique. Là, c'est reconnu une maladie du
travail. Donc, on profite de la commission parlementaire pour insister sur
cette question qu'il faut élargir le concept de la maladie du travail et
considérer les effets combinés d'agents agresseurs multiples dans
un milieu de travail.
Ce n'est pas non plus dans le mémoire, mais je voudrais porter
à l'attention de la commission la possibilité et la
nécessité de reconnaître l'alcoolisme comme pouvant
être une maladie professionnelle. J'ai apporté pour le ministre un
document que la CSN a produit il y a deux ans et qui s'appelle: L'alcoolisme en
milieu de travail, et qui traite de la question. Malheureusement, ici au
Québec, ce phénomène n'est pas encore reconnu comme
pouvant être relié au travail. Ce n'est pas relié au
travail dans tous les cas, mais cela l'est dans de nombreux cas. On voudrait
qu'on porte une attention particulière à ce dossier.
Enfin, au chapitre des maladies, nous croyons que la loi devrait
établir une présomption favorable dans le sens de la maladie du
travail. Lorsqu'une personne est malade ou décédée et
qu'elle a été exposée à des conditions nocives
pendant une certaine durée de temps, qu'on présume que l'origine
de la maladie qui a causé un décès est due au travail. Je
ne voudrais pas nécessairement revenir sur une autre loi qui est la loi
17, que nous trouvons tout à fait insuffisante, comme vous le savez,
mais on voudrait, à ce chapitre, dire que le retrait préventif
qui s'applique actuellement, c'est généralement lorsqu'il y a
déjà une maladie et lorsqu'il y a déjà un
problème grave. On voudrait souligner que toutes nos interventions vont
dans le sens de la prévention et que les retraits du milieu de travail
ne devraient pas se faire exclusivement lorsqu'il y a déjà une
maladie certaine, mais sur la base de symptômes, pour qu'on puisse
régler les
problèmes à la source. Cette prévention devrait se
baser davantage sur l'adaptation du travail aux personnes et non l'inverse. Ce
qui est trop souvent le cas. On estime qu'il est essentiel d'obliger les
employeurs à investir dans la prévention et dans
l'élimination des dangers. Je reviens là-dessus parce que c'est
vraiment très fondamental. Notre objectif n'est pas d'avoir 300 000
personnes payées tout le temps. C'est plutôt qu'il y en ait de
moins en moins; tout en sachant qu'il est un peu illusoire de penser qu'on en
arriverait à zéro, qu'il y en ait toujours de moins en moins.
Nous croyons que c'est important et qu'il faut forcer les employeurs. Je ne
reviendrai pas sur le cas d'Expro, j'en ai parlé au début, mais
là, ils ont décidé d'investir. Combien d'années
cela a-t-il pris, d'énergie, de luttes? Enfin, le ministre est intervenu
l'an dernier. Les conclusions et les démarches ont donné raison
aux syndicats et aux travailleurs. Enfin, on peut s'attendre
éventuellement à de meilleures conditions de travail dans cette
usine. (11 h 45)
J'aborderai maintenant un chapitre qui est pour nous, à la CSN,
extrêmement important. Cela a été le cadre de luttes
historiques épiques. C'est celui de l'amiantose dont, entre autres,
toute la question de la loi 52 qui disparaîtrait par l'adoption du projet
de loi 42.
Quand, au mois de juin 1975, la loi 52 a été
adoptée, on a considéré qu'il s'agissait, pour la CSN et
pour les travailleurs de ce secteur d'activités, d'une victoire
importante, qu'on venait de franchir un pas. Les premiers cas d'amiantose ont
été découverts en 1911 et cela a pris tout ce temps pour
les faire reconnaître. Lorsque la loi a été adoptée,
on a rapidement fait en sorte qu'on présente les cas pour que les
mineurs ou les travailleurs de l'amiante soient reconnus. On a réussi
à en faire reconnaître un nombre important. Pas assez important
quant à nous, mais quand même important.
On ne voudrait pas vous dire ici que l'amiante n'est pas dangereux. On
pense qu'il l'est. On l'a dit tout au long de nos revendications dans les
années passées. Nous tentons par tous les moyens possibles en ce
moment de voir à ce que l'amiante soit traité pour que cela ne
soit plus un produit dangereux. Dans ce sens, on appuie toutes les recherches
qui sont faites en ce moment afin qu'on traite l'amiante pour qu'il soit le
moins dangereux possible pour les personnes qui y sont exposées. On
espère que ces recherches vont être couronnées de
succès, entre autres celles qui sont entreprises à
l'Université de Sherbrooke.
Mais la réalité, c'est qu'il y a au Québec
plusieurs amiantosés. Certains d'entre eux ont été
reconnus; d'autres ne l'ont pas été; d'autres ne sont plus
désormais des amiantosés à la suite de tristes jugements
qui ont pu être rendus au cours des derniers mois. On est fort inquiet du
sort que vous réservez à la loi 52 en la faisant
disparaître par le projet de loi 42.
Comme deuxième témoignage, je vais demander à M.
Nazaire Paquet, qui a toujours eu à coeur la défense des
travailleurs de l'amiante, de faire en son nom personnel un très court
témoignage intitulé: Qu'est-ce que vivre et être un
amiantosé? M. Paquet.
M. Paquet (Nazaire): Tout d'abord, je dois vous dire que je ne
travaille plus dans les mines d'amiante depuis le mois de mai 1983. Je suis en
préretraite. À l'heure actuelle, je bénéficie d'un
régime fédéral, soit la loi C-78 comme on l'appelle, la
loi sur la préretraite, avec une pension de 180 $ par semaine alors que
je devrais gagner près de 400 $ par semaine en étant au
travail.
Je dois vous dire aussi qu'après avoir comparu trois fois au
comité de pneumoconiose de la Commission des accidents du travail, j'ai
été reconnu les trois fois "sur le bord de la clôture". On
appelle cela comme cela, "sur le bord". Si tu te détériores
encore un petit peu, on va te compenser, mais, comme c'est là, tu ne
réponds pas à tous les critères. C'est la version que j'ai
eue. Pourtant, en 1977, j'ai été hospitalisé pendant une
semaine à l'Université du Mount Sinai à New York où
des spécialistes, non pas seulement un, mais environ 12
spécialistes, nous ont examinés et m'ont finalement
déclaré que jamais plus je ne pourrai occuper un emploi. C'est
regrettable, mais tes poumons sont rendus à l'extrême limite de
leur possibilité. Dieu sait que je retire, à l'heure actuelle, de
l'assurance-chômage parce que je ne peux plus remplir un emploi à
cause de mon état physique. C'est encore le cas de plusieurs centaines
de travailleurs qui ont encore un emploi ou qui sont, comme moi, en
préretraite. Heureusement que cela aura probablement sauvé la vie
de plusieurs travailleurs en leur donnant l'occasion de se retirer par la loi
sur l'assurance-chômage. Tous ces gens sont à l'heure actuelle
à la charge de l'État fédéral ou provincial, soit
à leur retraite, par l'assurance-chômage ou par la Régie
des rentes du Québec comme invalides. Qui paie? Je ne voudrais pas trop
charger les employeurs, mais cela ménage énormément de
compensations à la CSST. Qui paie pour cela? C'est nous et nos
impôts.
Évidemment qu'un travailleur qui a un malaise d'essoufflement
dû à son état pulmonaire n'en subit pas les
problèmes seulement à l'ouvrage, chez l'employeur. Il y a aussi
chez lui où il doit souvent accomplir des travaux tels que la
réparation, le tondage de la pelouse, enlever de la neige
l'hiver. Il faut que tu enlèves tous ces travaux de ton travail
quotidien. Souvent, tu dois payer quelqu'un pour faire le travail chez toi.
J'ai été pendant plusieurs années président d'un
syndicat dans les mines. J'ai eu à vivre la grève de l'amiante.
Pourtant, on était convaincu d'avoir fait un gain énorme, non pas
parce qu'on pensait strictement à la compensation, mais on pensait aussi
à une chose: lorsque l'employeur paiera assez cher de cotisation pour
compenser les travailleurs de l'amiante rendus malades par l'amiante, il
investira peut-être aussi beaucoup d'argent pour la prévention, de
façon à arrêter ces maladies. Ce n'est pas vrai. Avec les
critères qui ont été changés à la commission
pour reconnaître un travailleur victime d'amiantose, avec les
protestations des employeurs, les contestations dans les bureaux de
révision où on présente jusqu'à six
spécialistes payés par l'employeur de façon que les
travailleurs ne soient pas compensés, tout cela a fait que les
travailleurs restent dans les mines ou ils s'en vont chez eux non
compensés.
Combien de travailleurs dans les mines d'amiante ont été
reconnus amiantosés après leur décès, à la
suite de l'autopsie? Je trouve cela écoeurant. La médecine du
Québec doit être assez avancée pour détecter une
maladie avant l'autopsie. C'est le cas à l'heure actuelle, qui se
répète encore dans les années qu'on vit aujourd'hui.
Il y a aussi l'autre aspect, ce sont les crises cardiaques qui sont
devenues une plaie pour les victimes d'amiantose. Premièrement, j'ai
fait un infarctus et deux thromboses coronariennes. Je me suis
réchappé. Lors de ma dernière visite à
l'hôpital pour un malaise cardiaque, le cardiologue m'a dit: Arrête
de venir nous voir, va voir des pneumologues car ton problème est
là. Les médecins de la commission ne sont pas d'accord avec
cela.
Il est évident qu'à l'heure actuelle, une personne qui
diminue ses efforts physiques à cause de son état pulmonaire peut
prolonger sa vie. Une personne comme moi qui est à sa préretraite
et qui décède, si, après autopsie, il est
décelé que je suis mort d'amiantose, comme plusieurs de mes
confrères, qu'aura donc ma veuve? Je n'ai rien vu dans votre projet de
loi qui va compenser les veuves de ceux qui sont morts à la retraite. Je
n'ai pas vu cela dans votre projet de loi; je n'ai pas vu non plus que, si on
est déclaré amiantosé après la préretraite,
on va avoir ce que j'ai reçu la semaine dernière de la
commission, un chèque, un montant forfaitaire de 2500 $ à un
homme de 60 ans; c'est tout ce qu'il aura à titre de compensation.
Pourquoi? Il n'a pas perdu son emploi, il a perdu son permis de mineur. Il n'a
pas perdu son emploi parce qu'il était amiantosé, mais il a perdu
son emploi parce qu'il a pris sa préretraite; il n'a donc pas droit
à des montants complémentaires. Pourtant, je suis sûr et
tout le monde est sûr qu'il n'est pas plus amiantosé qu'il ne
l'était la dernière fois qu'il a passé devant le
comité de pneumoconiose, il y a à peine un an, pendant qu'il
était à l'emploi de l'employeur.
Il y a aussi un autre aspect, celui des personnes qui suivent pendant
dix ans, quinze ans des traitements d'inhalothérapie ou
bronchodilatatoires ou des médicaments pour des maladies cardiaques
alors qu'ils n'en ont pas. Vous savez qu'une personne qui travaille avec des
efforts physiques continus, qui est toujours essouflée manque
d'oxygène et elle est beaucoup plus sujette à faire une crise
cardiaque. Je ne suis pas médecin, mais j'ai appris que l'oxygène
nourrissait le coeur; la fonction du coeur est d'aller chercher de
l'oxygène et de le distribuer dans le système de l'homme ou de la
femme et, lorsqu'il n'y a plus d'oxygène dans le sang, le coeur
arrête. C'est le cas d'une multitude de travailleurs qui sont morts d'une
crise cardiaque non compensée parce que leurs poumons étaient
finis. Cela va se répéter continuellement parce que les
critères pour reconnaître l'amiantose d'une personne ou n'importe
quelle maladie industrielle sont de plus en plus durs à satisfaire. Le
meilleur résultat, c'est l'autopsie qui le donne et il est un peu tard
pour faire reconnaître une personne malade.
Je suis d'accord avec les employeurs qui disent que la Commission de la
santé et de la sécurité du travail coûte cher. Je
suis convaincu que cela coûte énormément cher, mais il y a
une chose qui aurait peut-être dû être pensée. Il
aurait dû y avoir des lois pour forcer les employeurs à faire un
peu de prévention et, aujourd'hui, il y aurait moins de
réparation à payer. Je ne suis pas d'accord que les travailleurs
risquent leur vie aujourd'hui pour économiser de l'argent aux
employeurs. On ne peut pas tolérer une chose comme celle-là;
c'est payé trop cher quand tu paies de ta vie pour l'économie des
employeurs.
Mme Simard: Merci. Merci beaucoup. Je pense que le
témoignage de M. Paquet se retrouve dans notre mémoire et touche
à différents aspects dont nous traitons quant au problème
particulier de l'amiantose et de la silicose. On est inquiet des dispositions
du projet de loi 42 à cet égard, et plus particulièrement
des termes contenus à l'article 56 de ce projet de loi qui
établissent un lien entre les indemnités de remplacement de
revenu et des rentes de retraite qui deviennent payables avant le
soixante-cinquième anniversaire de naissance. On ne voudrait pas que
l'interprétation que donnera la CSST et les employeurs indique que le
droit aux rentes du RRQ constitue
une situation de fait signifiant qu'une rente de retraite devient
payable même si le travailleur refuse de se prévaloir de ses
droits. On constate - vous nous affirmerez peut-être le contraire - que
le projet de loi 42 ne garantit pas très clairement que, dans les cas
d'amiantose et de silicose, les pleins effets de l'actuelle loi seront
reconduits. Je pense, entre autres, à l'article 360 et 343 qui sont
assez ambigus à la lecture. Si le projet de loi était
sanctionné tel qu'il est rédigé en ce moment, on
considérerait que c'est un recul. Les articles 56 et 57 pourraient non
seulement amener la CSST et les employeurs à une interprétation
restrictive du droit à l'indemnité de remplacement, mais aussi
faire pression pour que les personnes visées prennent la voie de la
retraite anticipée. (12 heures)
Lorsque nous avons revendiqué une protection adéquate des
travailleurs et des travailleuses des industries minières et des
carrières, c'était en raison du fait que les maladies du travail
faisaient des ravages tant dans les mines proprement dites que dans les
établissements traitant et transformant le minerai. Et c'est aussi le
sens de directives données par le Conseil de la commission des
communautés européennes sur l'amiante où il est dit qu'on
doit considérer que les directives doivent s'appliquer à tous les
champs d'activité, que ce soit l'extraction, la manipulation, la
transformation, le traitement, etc.
Il est très important que le législateur, une fois pour
toutes, clarifie cette notion pour qu'on ne se retrouve pas avec les jugements
qu'on a pu avoir dernièrement. Il est triste de constater,
peut-être pas étonnant, que, depuis les deux dernières
années, les sociétés minières ont réussi
à obtenir gain de cause devant les tribunaux. On ne peut que se
désoler de voir que toutes les luttes qu'on a menées sont
annulées par des jugements ou l'utilisation de procédures de ce
type.
Nous continuons de revendiquer une législation distincte pour les
victimes d'amiantose et de silicose; que soient revues les notions de champ
d'application et qu'on prévoie un certain nombre d'améliorations
dont je ne vous ferai pas toute la liste, mais qui sont contenues dans le
mémoire, entre autres, quant à l'établissement des
déficits de base, quant à la prépondérance des
diagnostics des médecins traitants. La question aussi des conjointes des
victimes d'amiantose et de silicose nous concerne et nous émeut
beaucoup. À cet effet, on reprend les revendications, qu'on fait
nôtres, d'accorder aux personnes à charge des indemnités de
décès égales au plein salaire que la personne aurait
reçu et que ces indemnités soient revalorisées. Dans le
cas d'autopsie - malheureusement, cela arrive trop souvent au niveau de
l'autopsie - on demande qu'il y ait une présomption que la personne est
décédée d'amiantose ou de silicose.
Nous demandons à la commission ou au ministre en particulier de
faire en sorte que les victimes actuelles de l'amiantose et de la silicose ne
soient d'aucune façon inquiétées, importunées par
des tracasseries administratives et qu'on nous donne la garantie qu'elles ne
subiront pas de recul par rapport à ce qu'elles ont déjà
obtenu, au profit de leur santé, de leurs luttes et, également,
qu'on améliore les conditions qui leur sont faites. On me fait signe
qu'il y a toute la question de la réévaluation possible de ce qui
peut leur être dû. Nous considérons qu'on ne devrait pas
avoir de réévaluation à la baisse. S'il y avait
réévaluation, elle devrait être à la hausse.
Deux autres points du projet de loi sur lesquels nous voudrions
intervenir: il s'agit de la question des recours des travailleuses et des
travailleurs par rapport aux contestations des employeurs et aux opinions ou
aux décisions de la CSST. Le projet de loi vient, à toutes fins
utiles, supprimer le bureau de révision actuel, le premier lieu
où on peut se faire entendre pour faire valoir nos droits et faire
modifier des décisions. Alors, en abolissant ce niveau de recours, on
considère qu'on enlève un outil aux personnes qui sont victimes
et nous ne sommes pas d'accord avec la formule proposée qui remet entre
les mains de celle qui décide le seul pouvoir de revenir sur sa
décision ou pas sans aucune garantie de pouvoir se faire entendre.
D'autre part, il y a la question du droit aux recours de droit commun.
Il est vrai que nous avons reconnu - et c'est ancien - qu'il n'y aurait pas de
possibilité de poursuite au niveau civil, d'où
l'établissement et la reconnaissance de la caisse. Cependant - et ce
n'est pas la première fois que nous le réclamons - nous
réclamons le droit de poursuite civile pour les différences en
termes de dédommagement entre ce qui pourrait être payé par
la caisse et la perte réelle, entre autres, la perte à tous les
niveaux que quelqu'un peut occasionner durant cette période.
Sur la question de la reconsidération administrative, comme je
vous l'ai dit tout à l'heure, on conçoit mal comment justice
pourrait être faite si on ne peut pas s'entendre et si la partie qui est
l'organisme administrateur de la caisse a à elle seule le pouvoir de
reconsidérer une décision. Il y a des accrocs importants dans le
projet de loi qui nous inquiètent énormément: qu'est-ce
qu'on peut contester et quelle protection la travailleuse ou le travailleur
aura s'il décide de contester, entre autres, par exemple, la question du
droit de retour quant à la date? Si on dit: Vous retournez au travail le
1er avril, que la personne pense qu'elle n'est pas
apte et que son médecin lui dit qu'elle n'est pas apte à
retourner, qu'on sait que, si elle n'est pas retournée au travail dans
un délai X, elle est présumée avoir
démissionné, comment ses recours et ses droits vont-ils
être protégés si elle décide de contester cette date
de retour? Nous pensons qu'il est extrêmement important de maintenir un
mécanisme d'appel. On ne peut pas laisser aller cela au strict niveau de
la commission. Cependant, on considère que l'établissement d'un
tribunal d'appel administratif devrait être indépendant de la
commission. Je pense qu'on vous en a déjà fait part, M. le
ministre, au moment où on a fait nos représentations concernant
le fonctionnement de la CSST et on maintient cette position. On pense qu'il
devrait exister un tribunal administratif, mais indépendant.
En ce qui concerne l'appel à la Commission des affaires sociales,
le projet de loi limite les droits d'appel à la commission au seul
établissement du montant, au droit à une indemnité, au
montant ou au recouvrement de l'indemnité. On pense que c'est
extrêmement limité. La commission, elle, a un champ d'application
et peut prendre des décisions sur beaucoup plus de sujets que
ceux-là. On croit qu'on pourrait ou qu'on devrait maintenir la
possibilité d'aller en appel à la Commission des affaires
sociales sur un ensemble de questions. On ne croit pas que les dispositions
actuelles du projet de loi sont assez claires quant à leur
rédaction pour nous garantir qu'il n'y aura pas de pénalisation
si une personne décide de contester une décision.
Enfin, nous ne sommes pas en accord avec le pouvoir que la CSST pourrait
avoir de réviser une décision finale de la Commission des
affaires sociales. Nous croyons que ce serait aller encore dans la ligne
d'accroître les pouvoirs de la commission et nous ne serions pas du tout
en accord avec un tel type de disposition.
Très brièvement, sur le chapitre des
pénalités, nous trouvons qu'il est assez indécent, voire
même injuste, qu'on impose les mêmes montants de
pénalité aux employeurs qu'aux individus. Les employeurs et les
victimes d'accident ne sont pas sur le même pied d'égalité,
les uns ayant le contrôle sur l'organisation du travail, décidant
des conditions de travail. Les montants, comme vous le savez, ont une relative
importance selon qu'ils s'adressent à une compagnie, à une
corporation ou à un individu qui a déjà probablement un
revenu réduit parce qu'il a été victime d'accident du
travail. On ne vous demande pas d'enlever les pénalités; on vous
demande de reconsidérer les barèmes de pénalités,
entre autres, entre les employeurs et les salariés.
Enfin, au niveau des dispositions transitoires, nous voudrions qu'elles
soient plus clairement exprimées que ce qui est contenu dans votre
projet de loi.
J'ai tenté de raccourcir compte tenu des choses imprévues
de ce matin. Pour terminer, je voudrais reprendre les grands principes qui sont
la base de toutes nos recommandations ici aujourd'hui. Un grand principe -
j'espère qu'on va être d'accord avec celui-là - est le
droit à la santé; un autre est la reconnaissance de la
responsabilité des employeurs lorsqu'il s'agit d'un accident ou d'une
maladie du travail. Une législation en matière de
réparation doit être un régime d'assurance et non
d'assistance. Le droit d'intervention des organisations qui représentent
les travailleurs et les travailleuses au Québec. Le droit à un
médecin de son choix et que les montants soient basés sur son
diagnostic. Une pleine garantie d'emploi et de salaire.
Très concrètement, par rapport au projet de loi 42, cela
veut dire, en termes de recommandations plus précises, une couverture
universelle - on n'exclut pas de catégories - le maintien du revenu; le
droit du retour à l'emploi avec tous les détails que j'ai pu vous
énoncer; une compensation pour dommages permanents davantage sous la
forme de rente que de montant forfaitaire; la même chose pour les
survivants; le droit à tous les soins de santé sans
discrimination (toute la question de la confidentialité, de
l'ingérence, etc., devrait disparaître); enfin, en cas de
contestation d'un cas et pour s'assurer que les travailleuses et les
travailleurs puissent adéquatement se défendre, qu'il y ait un
principe voulant que les frais d'expertise soient à la charge de la
commission; un droit réel à la réadaptation au sens le
plus large qu'on peut l'entendre; un élargissement du concept de maladie
du travail; le maintien et l'amélioration de la loi 52 pour les victimes
d'amiantose et de silicose; enfin, une petite recommandation qu'il nous
semblait peut-être opportun de faire ici, celle de mettre fin aux
concours dans les entreprises sur les scores d'accidents ou de maladies. Tout
le monde a déjà vu une fois dans sa vie, j'imagine, les concours
que les compagnies organisent quant au taux d'accidents ou de maladies. Cela a,
évidemment, un effet un peu sur la caisse des fois. Qu'on mette fin
à ce type de pratique qu'on considère un peu farfelue, mais qui,
par moments, pourrait inciter certains à ne pas déclarer des
accidents. On pense que ce devrait être le genre de pratique qui devrait
disparaître. Enfin, le droit d'en appeler de toutes les décisions
de la CSST et d'obtenir des niveaux d'appels adéquats.
Un autre sujet qu'on n'a pas abordé longuement, mais qui nous
semble important, c'est que les victimes d'actes criminels continuent de
bénéficier des mêmes régimes. Je vais vous le dire
encore, ce sont
majoritairement des femmes, là aussi, victimes d'actes criminels.
On est tout à fait en désaccord avec ce que vous proposez comme
modifications à ce chapitre. Enfin, le droit d'intervention des
organisations pour qu'elles puissent effectivement connaître le milieu de
travail, posséder toutes les données et s'assurer que les
personnes qui sont victimes puissent avoir une pleine et entière
défense dans un tel cas.
Malheureusement, on doit en arriver à la conclusion que le projet
de loi 42, quant à nous, est très loin des principes pour
lesquels nous nous battons et luttons. On demanderait au gouvernement de
retirer ce projet de loi, d'entreprendre une consultation publique sur la
question et de nous présenter un autre projet de loi sur le sujet de la
réparation des lésions professionnelles, parce que nous croyons
qu'il s'agit d'un sujet trop important pour qu'il ne soit pas plus
élargi au niveau des débats qui peuvent avoir lieu au
Québec sur cette question.
Je remercie les membres de la commission de nous avoir entendus. (12 h
15)
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup de votre
présentation. Nous allons maintenant passer à la période
des commentaires et des questions. La parole est à vous, M. le ministre
du Travail.
M. Fréchette: Je vous remercie, M. le Président.
Mes remarques d'ordre général seront très brèves
parce que Mme Simard a touché à tellement d'aspects du projet de
loi que je pense qu'on va faire un meilleur bout de chemin si on engage le
dialogue sur plusieurs de ces aspects plutôt que de se perdre en
considérations d'ordre général encore une fois. Je ne
voudrais pas, par ailleurs, manquer l'occasion de remercier Mme Simard, les
gens qui l'accompagnent et leur centrale syndicale pour avoir mis autant de
soin à préparer le mémoire qu'ils nous ont soumis. Comme
je viens de le dire, il touche à peu près à tous les
aspects du projet de loi, en tout cas à tous les principes qu'on
retrouve dans le projet de loi, et il est évident qu'on va devoir tenir
compte de plusieurs des recommandations qui sont contenues dans ce
mémoire.
Je voudrais donc passer immédiatement à un échange
sur plusieurs des aspects, comme je viens de le dire, qu'a soulevés le
mémoire de la CSN. Je pense qu'au tout début de vos remarques,
Mme Simard, vous avez fait référence à une étude
à l'Université Laval qui avait permis de démontrer que
c'était peut-être à votre centrale qu'on retrouvait le plus
de conventions collectives qui contenaient déjà des
mécanismes ou des politiques de santé et de
sécurité. Avant même, je présume, l'arrivée
des lois que l'on connaît maintenant, comme la loi 17, il devait
déjà y avoir, dans plusieurs de vos conventions, des dispositions
en ce sens-là.
Ma question serait la suivante: Lorsque, dans une entreprise où
il y a une association de salariés, on a négocié
effectivement un mécanisme de santé et de sécurité,
est-ce que vous êtes disposés à considérer que ce
devrait être la politique de la santé et de la
sécurité qui a été négociée qui
s'applique ou alors les dispositions d'une loi générale d'ordre
public ou encore si on doit aller en parallèle avec les deux structures?
J'apprécierais vous entendre là-dessus, parce que cela me
paraît important comme sujet de discussion.
Mme Simard: Je vais vous donner une réponse très
simple. Cela ne concerne pas uniquement le champ de la santé et de la
sécurité. On a toujours défendu les mêmes choses. On
a même fait introduire dans certaines lois des dispositions qui disaient
que, si c'est le texte de la convention qui est le plus avantageux pour la
travailleuse ou le travailleur, c'est celui-ci qui s'appliquera. Dans le cas
où - c'est arrivé à quelques occasions - est mise en
vigueur en cours de convention une législation qui est nouvelle ou qui
peut être, par moments, supérieure au texte conventionné,
c'est, à ce moment-là, la législation qui s'applique. Dans
le domaine de la santé et de la sécurité, c'est ce qu'on a
toujours prôné et mis de l'avant. On sait qu'il y a certaines
dispositions de la législation qui ont été fortement
inspirées de ce qu'on a pu négocier au cours des
années.
M. Fréchette: II y a une seule inquiétude qui me
vient à l'esprit en entendant votre réponse. Qui pourrait devenir
l'arbitre le mieux placé pour déterminer si le texte
conventionnel contient de meilleures garanties que le texte de la loi?
Là, cela va nous amener devant un processus d'arbitrage. Enfin, comment
allons-nous arriver à déterminer qu'encore une fois ce qu'on a
négocié est supérieur au contenu d'une loi?
Mme Simard: Je vais vous dire que ce genre
d'ambiguïté se produit très rarement. Ce qui peut être
supérieur est assez clair pour les personnes visées. Il y a des
dispositions actuellement. Je fais référence à des
dispositions sur le retrait préventif pour les femmes enceintes. Il y a
plusieurs syndicats qui ont réussi à négocier dans les
rapports avec l'employeur - il ne faut pas oublier qu'une convention dispose
des rapports avec l'employeur, qu'elle ne dispose pas des rapports du syndicat
avec d'autres types d'organismes; je pense que c'est important de le souligner
- des dispositions de la convention collective qui sont supérieures
à ce qui peut être contenu, par exemple, dans le projet de loi 17.
Les
ambiguïtés ne se posent pas, mais je vous rappellerais
qu'à la CSN nous avons toujours débattu avec fermeté le
principe suivant, c'est-à-dire que toute législation doit
toujours être la meilleure possible. Nous sommes toujours intervenus dans
ce sens. Je fais référence, entre autres, à la Loi sur les
normes du travail; même si elle s'applique essentiellement à des
non-syndiqués qui ne sont pas nos membres, on se sent une
responsabilité de faire en sorte que toutes les pressions soient faites
pour qu'on ait la meilleure loi possible au Québec. J'ai fait
référence aussi dans ma présentation au fait que,
malheureusement, les deux tiers de la main-d'oeuvre ne sont pas
syndiqués au Québec et qu'ils sont en droit, au chapitre de la
santé et de la sécurité particulièrement, d'avoir
la meilleure protection possible.
M. Fréchette: Je vous remercie. Cela répond
à mes questions. Vous avez de toute évidence aussi fait
référence à l'article 250 du projet de loi qui
prévoit que la commission, à partir des mêmes
critères que ceux qu'on retrouve dans le Code de procédure civile
pour une rétractation de jugement, pourrait, par exemple, renverser une
décision même rendue par la Commission des affaires sociales.
Là-dessus, ce n'est pas une question que je vais vous poser. C'est
plutôt un commentaire rapide que je veux vous faire. Cette
représentation est venue d'à peu près tous les groupes que
nous avons entendus jusqu'à maintenant et il m'apparaît bien
évident qu'on va devoir donner suite à cette demande pour les
motifs que vous avez exprimés, pour les motifs que les autres organismes
nous ont donnés également. Dans l'état actuel, la loi est
ainsi faite que la commission, à partir des motifs que l'on retrouve
dans le Code de procédure civile, encore une fois, pourrait renverser
une décision qu'elle-même n'a pas rendue. Là-dessus, je
vous réitère que vraisemblablement nous allons retenir les
représentations qui nous ont été faites.
Maintenant, quant aux recours d'appel, quant à l'appel plus
généralement parlant, j'ai cru comprendre que deux principales
préoccupations retenaient votre attention. D'abord, élargir la
juridiction quant aux matières qui sont appelables,
particulièrement, à la Commission des affaires sociales où
actuellement ne sont appelables que les deux décisions qui touchent le
droit à une indemnité ou alors le quantum de la même
indemnité. C'est une de vos revendications par rapport à la
juridiction ou enfin aux matières qui sont appelables, l'autre
revendication étant, si j'ai bien compris, l'instauration d'un tribunal
administratif ou d'une commission administrative qui serait à tous
égards indépendante de la commission elle-même, donc, qui
ne dépendrait de la commission dans aucun de ses mécanismes, ni,
non plus, financièrement, donc qui serait tout à fait
indépendante comme vous en avez parlé. J'apprécierais
savoir, cependant, si ce tribunal étant mis sur pied, vous le voyez
remplacer à la fois le bureau de révision et la Commission des
affaires sociales ou si, alors, vous êtes d'opinion qu'il faut garder
l'une ou l'autre des deux instances ou peut-être les deux. J'aimerais
avoir un peu plus de précisions là-dessus.
Mme Simard: D'une part, on voudrait surtout que les travailleuses
et les travailleurs aient le maximum de possibilités d'appel, que leurs
droits d'appeler ne soient pas réduits. Dans un premier temps, ce qu'on
demanderait, c'est qu'effectivement, concernant les décisions de la
CSST, un tribunal indépendant soit formé pour qu'on puisse y
représenter notre position et faire la preuve que la décision qui
a été prise n'est pas bonne; ensuite, si cela ne va pas, de
poursuivre à la CAS avec, évidemment, l'élargissement des
sujets possibles d'appel.
M. Fréchette: À ce dernier chapitre, est-ce que je
vous interpréterais comme il faut si j'arrivais, par présomption,
à la conclusion qu'il devrait y avoir une possibilité d'appel de
toute décision que la commission elle-même rend? En d'autres
mots...
Mme Simard: Absolument, c'est cela.
M. Fréchette: ...toute décision, quelle qu'en soit
la nature, administrative ou de n'importe quel autre ordre, devrait pouvoir
faire l'objet d'un appel ou à ce tribunal administratif ou, alors,
à la Commission des affaires sociales, si ces deux instances doivent
demeurer. C'est comme cela que vous le voyez?
Mme Simard: Exactement. Et j'oserais ajouter, M. le ministre,
qu'on considère que c'est difficile de concevoir qu'un organisme comme
la CSST, qui est le gestionnaire d'une caisse, mais qui a également
toutes sortes d'autres responsabilités, puisse être juge et
partie. On reconnaît le rôle de la CSST comme étant le
gestionnaire d'une caisse, etc., et elle a d'autres fonctions. Mais elle ne
peut pas se juger elle-même, non plus. Lorsque des opinions
différentes sont émises, il faut prévoir un autre corridor
pour trancher le problème.
M. Fréchette: Je pense que c'est d'une logique
imperturbable. On ne peut pas entreprendre de contredire un raisonnement comme
celui-là.
Un autre aspect de votre mémoire a touché avec
passablement d'emphase à la loi
52. Là aussi, j'ai cru déceler qu'il y avait deux
principales préoccupations: l'une à propos de laquelle vous avez
demandé une certaine garantie qui touchait, évidemment, ce qu'on
pourrait convenir d'appeler le passé, les mineurs qui, par des
décisions de quelque instance que ce soit, ont déjà
été déclarés amiantosés à un
degré X, Y ou Z. Lorsque les compagnies d'amiante sont venues
présenter leur mémoire, je leur ai, il me semble, en tout cas,
assez clairement, sinon très clairement indiqué qu'à cet
égard la décision était arrêtée, elle
était finale et qu'il n'était pas question de toucher à un
droit acquis. Non seulement n'était-il pas question de toucher à
quelque droit acquis, mais il est même prévu dans la loi que
seraient désaisis des litiges actuellement pendants autant le bureau de
révision que la Commission des affaires sociales si une première
décision a déjà déterminé qu'il y avait
effectivement amiantose. À cet égard, je veux simplement vous
signaler que c'est l'intention du législateur. Le texte peut
prêter à interprétation ou à confusion à cet
égard; si c'était cela, je souhaiterais bien qu'on nous le
signale parce que l'intention, c'est très précisément de
faire en sorte que personne ne soit plus jamais préoccupé ou
inquiet par ce qui pourrait se produire au niveau de poursuites judiciaires ou
de "tracasseries" entre guillemets de tout ordre. C'est l'intention du
législateur. Maintenant, est-ce que dans la loi c'est comme cela que
c'est écrit? Je suis tout à fait disposé à
réévaluer cela. (12 h 30)
Mme Simard: Si vous me le permettez, par rapport au cas
spécifique de l'amiante, il y a deux préoccupations centrales. Il
y a, évidemment, les cas du passé où il y a une
réécriture très nécessaire, mais il y a aussi les
cas du futur. Là, je voudrais mettre cela en relation avec l'insistance
que j'ai mise dans mon exposé sur l'élargissement du concept de
maladies du travail. Quels sont les facteurs à considérer
lorsqu'on reconnaît ou pas une maladie du travail? Dans le cas de
l'amiante, l'argumentation qui a été menée pendant des
années par les compagnies et les médecins de compagnie,
c'était que les mineurs mouraient de toutes sortes de choses, sauf de
l'amiante. Ils ne faisaient pas un examen assez complet de tous les facteurs
qui pouvaient amener un décès à cause de l'amiante:
l'effet des poumons sur le coeur, etc. On est extrêmement
préoccupés, pas seulement pour ceux qui sont passés, mais
pour ceux à venir aussi, parce que, somme toute, même si nous
demandons le maintien et l'amélioration du projet de loi 42, ce n'est
pas facile de faire reconnaître un cas d'amiantose. C'est
extrêmement difficile encore. On demande des améliorations
sensibles à ce chapitre-là. Je vous demande de le prendre en
considération.
Me Guimond veut ajouter un complément de réponse.
M. Guimond (Robert): Sur l'élément du maintien des
droits acquis, on voit effectivement que l'article 360 maintient l'acquis de la
rente pour les mineurs qui en bénéficiaient. Par contre, ce qui
nous inquiète, c'est l'article 343 qui dit, au deuxième
alinéa: "Aux fins de la révision, de la réduction et de la
revalorisation de cette indemnité par la suite, la date de
l'entrée en vigueur de la section I du chapitre IV (indemnité de
remplacement du revenu) est considérée la date du début de
l'incapacité du travailleur d'exercer son emploi." Ce que nous en
comprenons, c'est ceci: les mineurs qui ont une rente jusqu'ici sont reconnus,
c'est parfait, sauf que, trois ans après l'application et la mise en
vigueur de cette loi, ils seront sujets à réduction et à
révision. Dans le deuxième paragraphe, c'est un petit mot qui se
glisse comme cela, le mot "réduction" veut dire toutes les
réductions des indemnités contenues auparavant. À ce
moment, cela s'applique aux amiantosés.
M. Fréchette: Je vous remercie, M. Guimond, de cette
précision. Il y a un autre sujet que vous avez touché. Quant
à moi, je suis très heureux que vous l'ayez fait. C'est la
préoccupation de votre centrale vis-à-vis de l'alcoolisme. C'est
un sujet qui a intéressé plusieurs organismes qui nous ont fait
des représentations. La première question qui nous vient à
l'esprit à cet égard est: Dans l'état actuel des choses,
est-ce effectivement une maladie? Il s'en trouve beaucoup pour dire oui et
beaucoup pour dire non. Mais, le sujet est, au moins, sur la table et fait
l'objet de très sérieuses discussions. Je ne vous cache pas que
je suis l'un de ceux qui croient que oui, cela en est une, maladie.
Après avoir franchi cette première étape,
c'est-à-dire l'étape qui nous amènerait à une
conclusion pour savoir si, oui ou non, c'est une maladie, il faudrait aussi
arriver à déterminer s'il y a effectivement des conditions de
travail, peu importe dans quel secteur d'activité, qui peuvent avoir une
incidence sur ce que serait la maladie de l'alcoolisme. Je veux simplement vous
signaler qu'à ce propos, au mois de novembre dernier et depuis ce
temps-là, j'ai demandé qu'un comité
interministériel soit formé - il est déjà sur pied
- afin très précisément de fouiller le problème
jusqu'à la limite du possible. On a également demandé
à la Commission de la santé et de la sécurité du
travail, à l'Institut de recherche en santé et
sécurité, de même qu'aux organismes et aux groupes qui
seraient intéressés à faire partie d'un groupe de travail
avec le mandat de regarder cela
de près de nous le signaler. Comme je le disais il y a un
instant, nous allons pousser l'étude jusqu'à la limite pour
arriver à des réponses très précises aux questions
que l'on se pose. Est-ce une maladie? Si oui, les conditions de travail d'un
milieu donné peuvent-elles avoir une influence sur ce genre de maladie?
Encore une fois, je suis très heureux que vous ayez soulevé la
question et que vous nous laissiez le document dont vous nous avez parlé
qui nous sera très certainement utile. Encore une fois, je vous signale
que, si votre organisme est intéressé à s'incorporer au
groupe dont je viens de parler, nous serions tout à fait disposés
à discuter de la question. Un autre aspect... Oui.
Mme Simard: Sur cette question, depuis quelques années, on
a investi beaucoup d'énergies. Il y a cette brochure, mais c'est une
brochure accompagnant un vidéo qu'on a réalisé sur la
question. C'est un vidéo qu'on offre aux syndicats pour être
visionné dans les assemblées syndicales. Effectivement, on
distingue deux types de conditions de travail qui pourraient entraîner
l'alcoolisme. Il y a des conditions de travail qui sont plus de l'ordre de
provoquer le stress, l'épuisement professionnel chez ceux qui ont des
charges mentales extrêmement élevées dans certains emplois
et qui, effectivement, peuvent entraîner l'alcoolisme. Mais il y a, dans
d'autres types de milieux, des conditions de travail atmosphériques ou
environnementales, soit une atmosphère très sèche, un
très haut niveau de chaleur, de la poussière, des solvants, qui
peuvent également amener les personnes exposées à boire
effectivement plus que d'autres. C'est un sujet de première importance
pour nous. Je suis contente de savoir que vous partagez cette
préoccupation.
M. Fréchette: M. le Président, le temps passe
très rapidement. Je terminerai avec deux autres petites observations.
Vous nous avez entretenus, Mme Simard, des préoccupations de votre
centrale quant à la politique de réadaptation sociale. Vous vous
êtes référée à un certain nombre de
situations avec beaucoup de précision. Vous avez également mis le
doigt sur les difficultés que cela peut présenter pour un
organisme qui est en quelque sorte "obligé", entre guillemets,
d'arrêter des politiques de réadaptation sociale. Est-ce que,
à partir de vos représentations, je serais justifié de
penser que vous souscririez à l'objectif d'incorporer dans la loi
elle-même, de façon à éviter toute
ambiguïté d'interprétation par voie réglementaire ou
par voie de décision administrative, les politiques de
réadaptation? Celles, en tout cas, qui peuvent être
identifiées et qui peuvent être facilement repérables, si
vous me prêtez l'expression, est-ce que vous souhaiteriez qu'on les
retrouve dans la loi elle-même?
Mme Simard: C'est exactement ce qu'on demande. On demande une
clarification, des précisions qui seraient dans la loi elle-même
pour mettre fin aux interprétations ou aux applications un petit peu
curieuses. Pour être gentils, on a utilisé le mot "curieux". On
pourrait les qualifier autrement par moments. Ce dossier est extrêmement
important pour nous.
M. Fréchette: Bon. Une dernière chose, quant
à moi. Vous avez parlé aussi, et j'ai même cru comprendre -
vous me corrigerez si j'ai mal compris - que c'était effectivement une
de vos préoccupations principales, de toute la politique de l'assistance
médicale avec la conclusion générale que, d'une part, le
diagnostic ou la décision finale doit appartenir à une personne
qui a la préparation pour le faire, c'est-à-dire au
médecin dans un premier temps et, deuxièmement, que la
règle générale devrait être que le diagnostic ou le
rapport du médecin traitant devrait être celui qui est retenu.
J'ai cru comprendre que c'étaient les deux principales
préoccupations.
Est-ce qu'on va convenir ensemble que, même en retenant comme
politique générale que le rapport du médecin traitant
devrait être retenu, il faut trouver une espèce de
mécanisme ou de moyen qui ferait en sorte que ce rapport du
médecin traitant soit vu, soit évalué par quelqu'un et
que, si un litige survenait entre la personne qui serait habilitée
à faire l'évaluation du rapport du médecin traitant et de
ses conclusions, on soumette effectivement à une instance
médicale le litige qui pourrait survenir de la façon dont je vous
parle?
Mme Simard: Cela va exactement dans le sens de la proposition
qu'on vous fait à la page 54. J'ai peut-être omis de la reprendre
tout à l'heure. S'il y a contestation du diagnostic du médecin
traitant - cela peut se produire - évidemment, la première
étape est celle que vous indiquiez, à savoir que l'indemnisation
doit être basée sur le diagnostic du médecin traitant. S'il
y a contestation, ce qu'on vous propose comme mécanisme c'est la mise
sur place d'un comité médical indépendant de la commission
et des employeurs - je n'irai pas dans les détails de qui pourrait le
nommer - qui pourrait médicalement trancher la question. On est
conscients de ce genre de problèmes qui pourraient survenir et qui
surviennent tous les jours. Encore là, pour être conformes
à ce qu'on a énoncé plus tôt, il ne faut pas que la
CSST soit juge et partie. Alors, on propose un comité médical qui
est autonome et indépendant.
M. Fréchette: Est-ce qu'il ne pourrait
pas être composé de un ou de médecins
-évidemment, les modalités, je n'y entre pas pour le moment -
dont les noms seraient suggérés par la Corporation
professionnelle des médecins et, à partir d'une telle liste
seraient accrédités les médecins omnipraticiens ou
spécialistes dont la candidature aurait été soumise au
Conseil consultatif du travail, par exemple?
Mme Simard: Je vais très sincèrement vous avouer
qu'on n'a pas davantage fouillé la question par qui, comment et combien.
Le mode de sélection et le nombre de médecins qu'il pourrait y
avoir sur cette liste éventuelle devra se faire toujours en fonction du
caractère indépendant et autonome qu'on veut donner à ce
comité. Cela me semble important.
M. Fréchette: C'est le principe qui vous intéresse
beaucoup.
Mme Simard: Oui.
M. Fréchette: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Paré): Merci. La parole est
maintenant à M. le député de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Mme Simard, au nom de
mes collègues, je veux vous remercier pour la présentation
très claire d'un dossier qui est assez complexe. J'aurais quelques
questions à vous poser. Premièrement, ce serait sur la
réadaptation sociale que l'on retrouve au chapitre VI du projet de loi.
Comme vous le dites et d'autres l'ont dit, on sait que la CSST
présentement a un programme de réadaptation. D'après les
témoignages de la commission parlementaire de décembre sur le
fonctionnement de la CSST, on s'est aperçu qu'il y a beaucoup de choses
qui ne fonctionnent pas dans les programmes qui sont en place. On a appris que,
dans certaines instances, on demande même à des accidentés
de mentir lorsqu'ils sont à la recherche d'un emploi puisqu'on leur
demande de cacher un peu leur incapacité. C'est un problème
énorme. Vous dites aussi dans votre mémoire que ces services de
réadaptation ne devraient pas dépendre de la CSST. D'autres
intervenants nous ont dit que - je crois que vous nous le dites aussi dans
votre mémoire - le travailleur accidenté doit avoir quelque chose
à dire en ce qui concerne son programme de réadaptation.
Ma question a plusieurs volets. Premièrement, si on regarde le
programme actuel, est-ce que vous pouvez nous faire part des lacunes que vos
membres ont pu constater? Quels changements dans ces programmes s'imposent
immédiatement? Quel est le rôle précis qui devrait
être joué par l'accidenté lui-même dans le programme
de réadaptation? J'irais même plus loin: Pouvez-vous nous dire
quel est le rôle du syndicat ou des représentants de personnes qui
ne sont pas syndiquées dans l'élaboration de programmes de
réadaptation pour l'individu? (12 h 45)
Mme Simard: Je vais vous donner quelques éléments
de réponses et peut-être que mes collègues ici, qui sont
très au fait des détails de ces programmes, pourraient ajouter.
Je pense qu'essentiellement les plans ou les programmes, peu importe comment on
les appelle, sont incomplets et qu'ils ne tiennent compte que de certaines
dimensions de ce que peut être une réadaptation réelle. Il
y a une réadaptation physique qui est nécessaire dans certains
cas comme être capable de marcher, de réutiliser un bras et c'est
un élément. Il y a, cependant, d'autres types de
réadaptation qui sont plus de nature sociale qu'il faut
considérer. Un accident ou une maladie du travail n'a pas uniquement
comme conséquence une perte de capacité physique. Cette perte de
capacité physique entraîne non seulement des conséquences
économiques, mais également des conséquences
psychologiques pour s'adapter à sa condition d'être
handicapé dans ses rapports avec son entourage. Il faut
considérer que ce n'est pas uniquement en fonction de trouver un autre
travail; il y a des niveaux de types de travail dans un métier ou une
profession qui sont fort différents et cela aussi doit être
considéré dans un plan de réadaptation.
Or, nous trouvons qu'actuellement ces autres dimensions ne sont pas
suffisamment considérées et que, par ailleurs, la personne
concernée, la première visée, celle qui souffre et qui vit
les conséquences, n'a pas voix au chapitre pour dire ce qu'elle
voudrait, comment elle se sent, comment elle voudrait se réorienter,
sans parler des nombreuses tracasseries administratives qui peuvent être
imposées à ceux qui sont en réadaptation, soit la
recherche d'emploi ou autres. Il est tout à fait déplorable qu'en
plus des sévices et des souffrances qu'ils vivent doivent s'additionner
celles-là. Le rôle précis de la personne visée par
un plan et un programme serait d'être partie à son programme et
ainsi de se donner de meilleures garanties de le réaliser afin que ce
programme soit un succès avec la partie en question. Cela me semble
important.
Quant au rôle des organisations syndicales qui les
représentent ou d'autres types d'organisations, nous assistons - nous
avons le devoir d'assister - les membres dans la réalisation de plans
adéquats. Je ne peux pas vous parler de plans adéquats parce
qu'on n'en connaît pas encore; il n'y en a pas encore eu. Je voudrais
savoir si quelqu'un veut répondre davantage.
Mme Nunez (Zaïda): Tel que nous l'avons
précisé dans notre mémoire, nous pensons que la
réadaptation sociale n'est pas seulement la réadaptation
médicale de l'individu; cela doit ausssi comprendre la
réadaptation sociale et professionnelle, c'est-à-dire la
recherche de la finalité que la personne puisse gagner sa vie par le
travail. C'est aussi large que cela parce que les conséquences de la
lésion sont aussi larges que cela pour la personne en question. Le
projet de loi nous inquiète énormément sur ce
point-là parce qu'il nous semble qu'il n'y a pas de progrès
vis-à-vis du droit réel et efficace à la
réadaptation au sens large. Malgré le fait qu'il y ait un article
dans le projet de loi qui prévoit le droit à la
réadaptation, il y a d'autres dispositions qui laissent ce droit
à la discrétion de la commission. C'est pour cela que nous disons
que nous sommes inquiets parce que nous ne trouvons pas la garantie
réelle du droit à la réadaptation sociale au sens large
dans ce projet de loi.
M. Couture (Claude): Si vous me le permettez, M. le
Président, je toucherai un autre point en ce qui concerne la
réadaptation. Au niveau de la réadaptation sociale de la CSST, ce
ne sont pas tous les accidentés qui sont admis parce qu'au départ
nous avons un critère de base selon lequel on doit avoir un DAP de 5%
pour être admissible. Vous allez me dire qu'à l'occasion ils
acceptent des accidentés qui ont un DAP moindre que 5%, mais, par
contre, cela a pour effet de les brimer sur différents points. Par
exemple, on parlait de l'ex-article 38.4 pour lequel il y a une jurisprudence
selon laquelle on évalue une personne non pas en tenant compte seulement
de sa perte d'intégrité physique, mais aussi en tenant compte de
la difficulté qu'elle a à reprendre le marché du travail.
Alors, aujourd'hui, la seule façon de faire bénéficier
quelqu'un du 4e paragraphe de l'ex-article 38 concernant l'évaluation
d'un individu, c'est en la faisant passer par la réadaptation sociale.
À ce moment, on regarde quel est son DAP réel, on regarde s'il a
repris le même travail et on lui ajoute de l'IRT, de l'inaptitude
à reprendre le travail. On additionne les deux et cela vient à
faire une IPP qu'on appelle une incapacité partielle permanente. Mais,
au départ, comme il n'avait pas le critère de 5%, on n'a donc pas
eu l'occasion de le faire évaluer pour la difficulté qu'il avait
à reprendre le travail.
Cela a un autre effet aussi, c'est que la personne a le droit, je pense,
de se servir de cette carte, si on peut s'exprimer ainsi, une seule fois. Cela
veut dire que la personne qui a été opérée dans le
dos, qui a un problème de dos et qui travaille dans un secteur dur
comme, par exemple, le secteur des mines, après un certain temps on a un
médecin, que ce soit le sien ou le médecin évaluateur de
la CSST, qui lui dit: Tu es prête à reprendre le travail et la
personne accepte de reprendre le travail. Jusqu'à un certain point, si
elle reprend le travail et qu'elle est dans l'impossibilité de
continuer, l'agent évaluateur de la réadaptation sociale lui dit:
Comme tu as repris le même travail au début, même si tu es
obligée de laisser quelques semaines après, tu n'es plus
évaluable pour de l'IRT. Alors, on se retrouve avec des gens qui ont des
problèmes de dos, qui perdent 1,50 $, 2 $, 40 heures par semaine
annuellement et ils n'ont pas été évalués, non
plus, pour la difficulté qu'ils avaient à reprendre un travail et
la perte d'argent qu'ils subissent annuellement pendant des années. Cela
est une petite faille et nous n'avons rien vu dans le projet de loi 42 qui
pourrait avoir pour effet de corriger, en partie au moins, cette partie en ce
qui concerne la réadaptation sociale.
M. Valois: II faudrait aussi que la CSST arrête de se
servir de la réadaptation sociale comme d'un instrument parfois pour
payer des prolongations d'accident. Trop souvent, on a connu des cas où
on faisait bénéficier de la réadaptation sociale des
travailleurs accidentés qui devaient être opérés le
lendemain, par exemple, parce que ce n'était pas finalisé. Au
niveau de la hernie discale, on a vu cela souvent: la personne avait un corset
pour le maintien du dos ou était dans le plâtre et on la faisait
bénéficier du régime de la réadaptation et elle
devait être opérée. Parfois, ce sont des moyens que la CSST
prend pour prolonger des paiements: les montants de la réadaptation ne
servent pas à la réadaptation, mais à continuer des
paiements pour les accidentés. Il faudrait qu'elle arrête cette
pratique parce c'est complètement aberrant.
M. Cusano: Juste une clarification additionnelle. Vous dites que
ce service de réadaptation ne devrait pas dépendre de la CSST.
Par ma première question, j'aimerais savoir quel organisme serait
chargé de distribuer ces services. Aussi, avez-vous abordé le
sujet d'une cogestion de ces services par des accidentés ou des
représentants du gouvernement et des représentants syndicaux.
Mme Simard: J'ai mal saisi votre deuxième question, je
m'excuse.
M. Cusano: J'aimerais, par ma deuxième question, savoir si
ces services devraient être dispensés par un autre organisme. Je
présume que oui.
Mme Simard: Non, ce n'est pas si compliqué que cela. On
pense que les
services de réadaptation doivent être donnés par les
services publics en place et imputés à la caisse de la CSST.
M. Cusano: Ah bon!
Mme Simard: Nous croyons que les services de santé et les
services sociaux qu'on a au Québec devraient donner les services de
réadaptation.
M. Cusano: Oui. Ne voyez-vous pas, pour l'élaboration de
ces programmes, la participation des syndicats?
Mme Simard: C'est comme ce que je vous ai mentionné:
Constamment, nous faisons des représentations à ce sujet. Pour
les reprendre dans l'ordre, nous demandons que, dans la loi, soient inscrits
les principes de la réadaptation. C'est extrêmement important pour
nous que la base de ce que devraient être des plans de
réadaptation soit dans la loi. Cela va déjà régler
beaucoup de problèmes. Deuxièmement, nous voulons que ces
services comme tels soient offerts par les services de santé et les
services sociaux existant au Québec; troisièmement, que les
personnes visées par ces programmes de réadaptation soient
parties à l'élaboration de leurs plans de réadaptation
aussi vastes que nous voudrions qu'ils soient en touchant toutes les
dimensions. Les organisations comme telles ont, évidemment, à
assister leurs membres quant aux plans de réadaptation. Vous savez comme
moi qu'il n'y a pas de modèle, de standardisation mécanique comme
cela dans les plans de réadaptation. Il y a tellement de dimensions qui
concernent l'individu, soit la nature du travail qu'il exécutait, la
nature de la lésion, ses réactions à cela, la
région dans laquelle il habite. Il y a tellement de dimensions qu'on
peut avoir de grands principes, mais on ne peut pas avoir de petits
modèles standardisés comme cela disant: Perte de main, c'est
automatique, c'est toujours cela. Maux de dos, c'est toujours cela. C'est
beaucoup plus complexe et beaucoup plus personnalisé, finalement. Nous
devons les assister dans ce sens-là. Les représentations que nous
faisons sont essentiellement sur les principes sur lesquels doivent être
bâtis des plans.
M. Cusano: Mme Simard, je suis entièrement d'accord avec
vous qu'il n'y a pas de petits modèles tels quels. Si vous m'avez
compris de cette façon, je m'en excuse. Ma préoccupation, c'est
justement de quelle façon assurer la participation - c'était tout
simplement cela - de l'individu pour qu'il ne soit pas à la merci des
bureaux de la CSST comme il l'est présentement.
Une autre question. Je sais que le temps s'écoule, mais je pense
qu'il y a un consentement de l'autre bord...
Mme Simard: On pourrait prolonger un peu, étant
donné qu'on a eu un petit empiétement ce matin.
M. Cusano: Je suis sûr qu'il y aurait un consentement de
l'autre côté...
Mme Simard: D'accord.
M. Cusano: ...pour qu'on dépasse l'heure prévue. En
ce qui concerne la question des quatorze jours - les employeurs sont tenus de
payer les cinq jours et le projet de loi nous amène à quatorze
jours - les employeurs disent que, d'après eux, automatiquement, la
période d'absence pour des accidents mineurs passerait à quatorze
jours et on nous a donné des tableaux. Je pense que vous avez pris
connaissance de ces tableaux et j'aimerais avoir votre réaction sur cet
aspect. Est-ce que le fait de passer de cinq à quatorze jours,
d'après vous, va aider ou nuire à tout ce processus dont on
parle?
Mme Simard: Vous avez remarqué que nous ne sommes pas
intervenus sur cette question. Je connais les arguments qu'a
présentés le Conseil du patronat à cet effet. C'est vrai
qu'il y a eu, si on regarde les courbes statistiques, une légère
augmentation, mais qui s'est stabilisée dans le temps. Pour nous, le
problème principal n'est pas là. Le problème est de savoir
si le patron va payer même pour cinq jours, parce que ce n'est pas
toujours vrai que même pour cinq jours il paie. L'accidenté
appelle. Oui, c'est le patron. Mais je ne l'ai pas reçu. Oui, mais il
doit payer. Nos préoccupations sont davantage à ce niveau, je
vous assure, que sur la durée comme telle. Là, c'est comme
remettre en question le jugement des médecins que de dire: II y a un
automatisme dans la durée que va prescrire un médecin s'il y a
une modification administrative de la loi. Je trouve que c'est aller assez
loin.
M. Cusano: Une autre petite question. On va essayer de partager,
de notre côté, le temps qu'il nous reste.
Une voix: Le temps qu'il nous reste.
M. Cusano: Bon! Est-ce que cela va? Vous avez terminé?
Une voix: Oui. (13 heures)
M. Cusano: C'est sur la question des fameux surpayés
administratifs de la CSST. Je pense que tout le monde est d'accord sur le fait
que, lorsqu'il y a une fraude de la part de qui que ce soit, la CSST doit
recouvrer les montants qui ont été déboursés par
elle. Lorsqu'on parle des surpayés
administratifs, il s'agit d'erreurs faites par la CSST. Je suis
sûr que vous avez vécu, comme les députés autour de
cette table l'ont souvent vu dans leur comté, des réclamations
énormes à cause d'une erreur de la part de la CSST. Dans la
plupart des cas, lorsque ces gens-là reçoivent tout à coup
un compte de 5000 $ ou 6000 $ à payer à la CSST, ils ne sont pas
en mesure de le faire. Ce n'est pas leur faute, non plus; ce n'est pas eux qui
ont pris la décision telle quelle. Plusieurs disent que la CSST se
contente d'aller chercher des fonds chez les employeurs. Pensez-vous que les
coûts - parce qu'on parle de millions de dollars -
déboursés pour des surpayés administratifs devraient
être imputés au gouvernement ou à la CSST?
Mme Simard: Quand ce genre de situation se produit - il faudrait
arriver à des ententes avec les individus - je pense que la CSST devrait
assumer le poids de ses erreurs.
Je voudrais revenir sur un élément. Tout à l'heure,
on a parlé des pénalités pour les travailleurs. Ce n'est
peut-être pas assez clair dans notre mémoire. On ne pense pas que
les travailleurs devraient être pénalisés sauf dans les cas
de fraude.
Sur cette question des surpayés possible de la CSST, je pense que
celle-ci doit effectivement assumer le coût de ses erreurs. Je sais qu'il
arrive dans certains cas que des gens se voient réclamer des sommes
absolument incroyables. Il faut faire ce qu'on se contente de pratiquer
d'habitude, soit arriver à des ententes de paiement qui soient à
la mesure des personnes.
M. Cusano: Le problème dans ça, Mme Simard, c'est
que plusieurs prétendent que, si le Conseil du trésor avait
quelque chose à dire sur les surpayés administratifs, il y aurait
peut-être un meilleur fonctionnement à la CSST. C'est pour
ça que je vous posais la question. Si ces coûts étaient
imputables au Fonds consolidé de la province, cela mettrait
peut-être un peu d'ordre dans la boîte. C'est dans cet
esprit-là que je posais la question. Comme je l'ai dit, je ne crois pas
que l'accidenté doive payer pour des erreurs de la CSST, loin de
là. Ce qui nous préoccupe, c'est plutôt ceci: comment
resserrer un peu les contrôles pour réduire ces surpayés
administratifs.
Mme Simard: II y a quand même eu une commission qui a
siégé au début du mois de décembre, si ma
mémoire est bonne, sur le fonctionnement de la CSST. Je pense qu'en ce
qui a trait à des conseils ou à des mesures quant à
l'administration courante -comptables et autres - le ministre a tous les
pouvoirs nécessaires pour voir à ce que le système
devienne plus efficace. Là-dessus, je voudrais revenir sur la question
des quatorze jours. Je vous disais que je ne croyais pas que la tendance aille
dans le sens que le prétend le Conseil du patronat. Chose certaine,
cependant, quand je vous ai dit que notre plus grande préoccupation
c'est que la personne ait un chèque, c'est qu'il est important pour nous
qu'elle ne soit pas pénalisée. D'ailleurs, quand on dit: La
garantie du revenu sans interruption, notre ordre de préoccupation se
situe à ce niveau-là et pas nécessairement sur les
périodes. Ce n'est pas parce que quelque chose est consigné dans
une loi ou dans un règlement qu'il y a un automatisme d'application
universel chez tous les employeurs.
M. Cusano: Merci, Mme Simard. Je demanderais au président
s'il serait assez tolérant pour permettre à mon collègue
de Sainte-Anne de prendre le temps qui reste à ma disposition parce
qu'il aurait plusieurs questions à poser.
Le Président (M. Paré): Je pense, M. le
député de Viau, que je vais être plus tolérant
étant donné qu'il semble y avoir consentement des deux parties
pour qu'on dépasse l'heure réglementaire, soit 13 heures. Nous
allons permettre à tous ceux qui veulent intervenir de le faire, si vous
n'avez pas d'objection, et nous allons, selon la coutume habituelle, adopter le
principe de l'alternance.
La parole est maintenant à Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président.
M. Polak: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Paré): Oui, M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Je remarque qu'on a un nouveau président et, la
dernière fois, le président était très strict. On
avait des périodes de temps. M. le ministre a pris 30 minutes. Nous
avons aussi droit à 30 minutes. Donc, je voudrais simplement que vous
suiviez le même système qui n'a jamais créé de
problème. Je n'ai rien contre le fait que tout le monde, à son
tour, pose des questions, mais avec vous autres il ne faut pas trop en donner.
On est bien prudents à ce point de vue.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Sainte-Anne, je vais essayer d'obtenir le consentement des deux parties. Je
viens de dire que nous avons dû empiéter sur le temps qui
était dévolu à la Confédération des
syndicats nationaux et je vous soumets l'offre suivante, soit de permettre
à tous et chacun qui sont ici à la table de prendre le
temps qu'ils veulent pour poser leurs questions à nos
invités. S'il y a consentement, nous allons procéder selon le
principe de l'alternance et vous disposerez de 20 minutes.
Une voix: Parfait. 20 minutes.
Une voix: Cela veut dire que je peux revenir.
Le Président (M. Paré): II n'y a pas de
problème, si vous le désirez.
Cela dit, la parole est maintenant à Mme la députée
de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Vous avez
développé, Mme Simard, une analyse très articulée
de critiques à l'égard de plusieurs dispositions du projet de loi
qui va dans un sens similaire à ce qu'on a déjà entendu
à cette commission parlementaire par un certain nombre d'intervenants,
de représentants syndicaux ou encore d'accidentés du travail. Au
tout début, j'ai beaucoup apprécié - et je souhaiterais,
pour le bénéfice des membres de cette commission, que vous
puissiez nous en reparler - cette distinction que vous faites entre un
régime d'assurance sociale et un régime d'assistance sociale.
Pour en avoir beaucoup discuté - cela fait je ne sais trop, j'imagine,
peut-être pas une centaine d'heures que nous sommes en commission, mais
à peu près - je pense qu'il y a là un aspect très
important, un aspect fondamental, et cet aspect fonde, d'une certaine
façon, le reste de la compréhension qu'on peut avoir de
l'intervention gouvernementale dans le cadre des accidents du travail.
J'aimerais que vous développiez cette notion. Vous n'êtes pas M.
Chartrand. Vous êtes...
M. Couture: Moi?
Mme Harel: Oui.
M. Couture: Couture.
Mme Harel: J'aurais une question à poser à M.
Couture par la suite.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Mme Simard: II est à l'autre bout.
Mme Harel: Je sais que M. Chartrand est à l'autre
bout.
Mme Simard: Pour nous, c'est un enjeu fondamental de ce projet de
loi de faire en sorte que le régime de réparation ne tombe pas et
ne devienne pas un régime d'assistance. J'explique à nouveau. Un
des principes de base pour nous, c'est que c'est la responsabilité des
employeurs qui sont maîtres de l'organisation du travail, de
l'établissement des conditions de travail. Cela leur revient, en tant
que responsables, d'appuyer et de compenser adéquatement les victimes
des accidents ou des maladies du travail. C'est un principe qui est quand
même reconnu depuis un bon nombre d'années. Ce sont eux qui paient
à même une caisse. Ils se sont donné un système
où ils paient à même une caisse et, lorsque se produit un
accident ou une maladie, la personne tire ses revenus de cette caisse.
En modifiant les paiements d'indemnité, soit en termes de
durée, soit en termes de forme de paiement - je m'arrête sur la
question et c'est ce pourquoi nous ne sommes pas d'accord pour qu'on change la
formule de rentes par la formule de forfaitaires - on craint
énormément que ces montants forfaitaires qui peuvent
paraître effectivement énormes en termes de milliers de dollars -
et même, nous les considérons insuffisants, entre nous - la
personne les reçoive et que, compte tenu de son incapacité totale
à retourner au travail, elle soit obligée de se tourner, pour
s'assurer un revenu, vers les autres caisses que notre société
s'est données, par exemple l'aide sociale ou d'autres. Là, cela
devient désormais davantage un régime d'assistance qu'un
régime d'assurance. En modifiant profondément ce principe, on
décharge d'une certaine façon les employeurs de leur
responsabilité de payer, puisqu'on la fait porter sur l'ensemble de la
collectivité qui paie des impôts et des taxes et qui s'est
dotée d'un certain nombre d'instruments pour que des revenus soient
assurés à l'ensemble de la collectivité.
Il y a un autre élément qui me semble important, c'est
que, si on "déresponsabilise" sous une forme ou sous une autre les
employeurs, je trouve que c'est la pire chose à faire si on tient
vraiment à ce que les employeurs prennent leurs responsabilités
quant à la prévention et à l'amélioration des
conditions de travail. Je crois que c'est en responsabilisant, au niveau du
maintien et du paiement du revenu, les employeurs quant au principe du droit
garanti à l'emploi qu'on sera en mesure de faire en sorte que les
employeurs aménagent les milieux de travail afin qu'il y ait moins
d'accidents et de maladies. Je pense que, si on examine un peu l'histoire, on
se rend compte que, chaque fois qu'une obligation a été
imposée aux employeurs de prendre leurs responsabilités, ils se
sont davantage préoccupés des accidents et des maladies dans leur
milieu de travail. C'est le premier objectif qu'on doit toujours
rechercher.
Selon nous, toute la question de la réparation des
lésions, ce n'est pas exclusivement une question administrative, comment
on dépense l'argent, sous quelle
forme on le dépense; c'est plus que cela. Je pense, entre autres,
aux rentes, aux montants forfaitaires qu'on offrirait aux survivants. Vous
allez me dire: Ce n'est pas énorme comme nombre. Peu importe, il n'y en
aurait que 10 ou 100 que ce serait quand même important. Que vont faire
ces personnes si elles n'ont pas une garantie de revenu sécuritaire?
Elles vont probablement, dans la conjoncture actuelle, si elle se poursuit
-malheureusement, c'est le cas - se tourner vers d'autres caisses. Là,
cela devient un régime d'assistance à la fois pour ceux qui ont
des incapacités permanentes et pour les survivants. Lorsqu'on parle de
la fameuse réévaluation, d'incitatifs pour retourner au travail
au terme de quatre ans, eh bien, il faut quand même, entre nous,
être un peu réaliste et, si on diminue l'indemnité en
fonction de facteurs tels ceux énoncés dans le projet de loi, on
a peur que la seule porte de sortie pour ces personnes soit de se tourner vers
d'autres sources de revenus qui sont de l'ordre de l'assistance.
Mme Harel: Dans cette problématique que vous explicitez,
évidemment, il y a un aspect important qui est le droit de retour au
travail. On en a beaucoup discuté, je pense, avec les
représentants de la FTQ, avec ceux des fonctionnaires provinciaux. Dans
le cas des fonctionnaires provinciaux, il nous a été dit qu'une
disposition avait été librement convenue avec l'employeur qui est
la fonction publique de façon à assurer un droit de rappel
prioritaire de deux ans. En fait, les fonctionnaires provinciaux faisaient des
représentations pour que ce droit de rappel prioritaire ait une
durée plus longue que deux ans seulement après que l'accident est
survenu. Donc, il y avait déjà des dispositions qui donnaient la
priorité. (13 h 15)
J'ai cru comprendre, en lisant votre mémoire
antérieurement, que vous ne recommandiez pas une priorité de
retour à l'emploi. En fait, je me rappelle bien que la FTQ, notamment,
considérait que cela devait être laissé à la libre
négociation des parties, mais elle était très
réceptive à ce que ces dispositions se retrouvent dans les
conventions collectives négociées, à savoir un droit
prioritaire, évidemment, compte tenu que la personne est apte à
occuper le poste et, d'ailleurs, est prête à le faire. Donc, il
serait souhaitable qu'il puisse y avoir une priorité d'emploi. Vous
semblez écarter cela, à moins que je ne me trompe en lisant votre
mémoire.
Mme Simard: C'est qu'on nuance davantage. Ce qu'on affirme et ce
qu'on croit, c'est que les accidentés ou les malades du travail qui ont
subi une lésion ont des droits et, pour nous, ce sont des droits
importants. L'exercice de ces droits ne doit pas, par ailleurs, brimer les
droits des autres. Cela me semble assez clair. C'est qu'on ne peut pas, pour
garantir le droit d'un, enlever des droits à d'autres. Entre autres, on
dit: Cela doit se faire dans le respect des conventions collectives et il faut
chercher des aménagements dans les conventions collectives.
Mais on va plus loin. On ne parle pas nécessairement, nous,
d'embauche prioritaire. Je pensais que cela avait été clair dans
l'exposé. On est à la recherche de nouvelles formes de solutions.
La CSN s'est déjà présentée ici en commission
parlementaire, il y a quelques années, pour appuyer fortement et
prôner ce qu'on appelle des programmes d'action positive ou des
programmes d'accès à l'égalité qui sont maintenant
contenus dans la Charte des droits et libertés et qui visent, entre
autres, les handicapés au travail. On doit aussi chercher des solutions
de cette forme là pour que le droit de retour au travail soit
appliqué comme tel pour les personnes qui sont handicapées du
travail de façon permanente.
D'une certaine façon, pour faire en sorte que les employeurs
vraiment le fassent, on leur dit: Vous devrez créer des postes.
Peut-être que, dans certaines entreprises, la formule de postes
réservés est envisageable. Pensons aux fameux travaux
légers. La notion de postes réservés peut être
envisageable. Il y a toutes sortes de formules qui peuvent nous permettre de
faire en sorte que ce droit s'applique et se réalise. Évidemment,
si on s'en tient au strict mécanisme des mouvements de main-d'oeuvre tel
qu'on le connaît actuellement, c'est parfois très difficile. Mais
on va convenir ensemble que, depuis quelques années, on a élargi
un peu nos façons de voir ces mouvements de main-d'oeuvre. On dit: Pour
les handicapés du travail, pourquoi ne pas chercher dans ce sens
également, alors qu'on le fait pour d'autres groupes dans la
société qui ont un handicap par rapport au travail? Je ne sais
pas si cela répond clairement.
Mme Harel: En fait, c'est intéressant parce que vous avez
dit, d'ailleurs, en répondant tout de suite à cette question, que
vous étiez à la recherche d'une solution. Je pense donc que
j'avais tort de penser que vous aviez rapidement conclu à la
nécessité pour un employeur de créer un poste
adéquat plutôt que d'ouvrir un poste disponible. Vous avez
parlé de 40% des travailleurs et des travailleuses qui sont dans des
entreprises de moins de 100 employés, mais au-delà de 80% des
entreprises au Québec ont moins de 100 employés. Il serait
peut-être illusoire, en fait, pour les accidentés eux-mêmes
de penser à un mécanisme comme la création d'un poste; une
entreprise ne va pas nécessairement créer un emploi de toute
pièce. Elle va ouvrir des emplois disponibles.
II y a une marge de réflexion, j'imagine, à faire sur la
façon dont doit être alloué un emploi disponible s'il est
adéquat pour le travailleur accidenté. Quel est le
mécanisme qui ferait que, puisqu'il est atteint dans son
intégrité physique, s'il y a une certaine action positive
à faire, on la fasse lorsque l'emploi est disponible?
Je ne pense pas qu'il soit réaliste de souhaiter ou de
recommander - sans doute, ce n'est pas ce que vous faites - de créer
l'emploi de toute pièce si tant est qu'il n'était pas disponible
pour l'entreprise parce que, évidemment, je pense bien que ce n'est pas
le genre d'intervention qu'un gouvernement peut faire de forcer une entreprise
à créer un emploi de toute pièce, à moins de le
faire en termes de ce qui est disponible. Là, c'est autre chose: vous
faites référence à l'Office des personnes
handicapées et à l'ensemble des politiques. Encore faudrait-il
-ce serait une autre recommandation importante - que la notion de
handicapé au sens de l'office recouvre aussi les accidentés du
travail. Ce n'est pas encore acquis, en fait.
Mme Simard: Je pense qu'il faut distinguer deux catégories
de personnes. Il y a les personnes qui ont une incapacité temporaire qui
peut être d'une durée X, mais qui sont aptes à revenir au
travail. En principe, cela ne doit poser aucune espèce de
problème. Généralement, ce qui est négocié
dans les conventions collectives et qui devrait s'appliquer à
l'ensemble, c'est que, lorsque la personne est apte, elle reprend son poste.
Écoutez, c'est consigné dans d'autres lois. Lorqu'une
travailleuse s'absente pour six mois ou un an pour un congé de
maternité, lorsque c'est terminé, elle revient et elle reprend
son poste. Je pense que, dans ces cas, c'est assez simple, il n'y a pas
à inventer des formules.
Dans le cas où il y a une incapacité permanente à
différents degrés, ce qu'on dit, c'est que l'employeur doit
reprendre la personne, lui trouver, lui aménager un poste ou alors en
créer un. On n'exclut pas la notion de création de postes
nécessairement. On dit que ce n'est pas exclusif; ce n'est pas la seule
chose qu'on propose. On dit que l'employeur peut aménager des postes ou
en trouver qui sont disponibles et que la personne pourrait combler. Quant
à la réintroduction de ces personnes dans ce type de nouveaux
postes, c'est là qu'on avance des questions de recherche de nouvelles
solutions comme des postes réservés, s'il y en a. Il faut voir
aussi la taille des entreprises, la nature du travail. C'est possible dans
certains cas; dans d'autres, c'est moins certain. S'il n'y a pas ce type
d'obligation - je le répète - les employeurs s'en lavent les
mains. C'est terminé et on n'est pas plus avancé. Je
répéterai toujours que le meilleur incitatif pour les employeurs
à faire en sorte qu'il y ait moins de maladies, moins d'accidents, c'est
celui-là: qu'ils prennent et assument complètement et
entièrement jusqu'au bout leurs responsabilités.
Mme Harel: Je pense que le mécanisme est plus simple dans
un cas d'incapacité temporaire. Le mécanisme est facilement
opérationnel dans un cas d'incapacité même totale, mais
temporaire. Dans un cas d'incapacité permanente, dans la mesure
où ce sont de petites entreprises et dans la mesure où il y a des
travailleurs qui sont concernés dans ces petites entreprises, qui sont
accidentés, il y aurait peut-être lieu de penser,
précisément, à une politique qui soit plus nationale
d'action positive. On a répété quelques fois à
cette commission parlementaire que la sympathie de l'opinion publique
s'était beaucoup élargie aux handicapés, mais que cela ne
semblait pas encore recouvrir les handicapés ou les accidentés du
travail qui, eux, subissent une incapacité permanente.
Mme Simard: On a tendance à les...
Mme Harel: Dans ce sens-là, ce que M. Couture a dit
tantôt, j'ai trouvé cela intéressant. Il nous montrait la
différence entre la pratique et les textes des dispositions. Dans un
processus de réadaptation, si un travailleur ou une travailleuse
retourne à son emploi et subit une rechute dans les semaines ou les mois
qui suivent, vous nous disiez, je pense, M. Couture, que cette personne ne
serait plus apte à un programme de réadaptation. Est-ce que j'ai
bien saisi?
M. Couture: Vous avez bien compris.
Mme Harel: Cela veut donc dire que c'est un peu pervers. Un
travailleur ou une travailleuse va peut-être souhaiter ne pas retourner
à son emploi sans avoir la garantie totale qu'elle ne sera pas
susceptible de subir une rechute; sinon, elle serait, en fait, laissée
démunie. C'est bien cela?
M. Couture: D'ailleurs, à l'intérieur du langage
qu'emploie la CSST, il y a une rechute, une récidive, une aggravation.
S'il s'est écoulé un an entre la date de l'accident et la date du
retour au travail, on peut considérer cela légalement, en vertu
du langage de la CSST, comme étant une aggravation. On peut resoumettre
le dossier au niveau de la réadaptation. Par contre, si cela c'est fait
à l'intérieur d'un an, ce qui est une récidive dans leur
langage, et qu'il n'y a pas réellement eu un fait accidentel nouveau,
à ce moment, on n'a pas de moyens légaux pour retourner le
dossier au niveau de
la réadaptation sociale et on se retrouve en face du fait que
j'ai expliqué tout à l'heure.
Mme Harel: Je vous remercie.
Mme Simard: II faut viser à ce que les liens entre
l'employeur où l'accident est arrivé et la personne ne soient pas
coupés dans le temps à une certaine période. C'est trop
facile à ce moment. Il faut que ce lien avec l'employeur, la
responsabilisation de l'employeur là où l'accident est
arrivé, où la maladie a été attrapée, se
maintienne pour responsabiliser l'employeur et qu'il évite que de futurs
cas comme celui-là ne se produisent. Cela est une dimension non
négligeable.
Le Président (M. Paré): Je vous remercie beaucoup.
La parole est maintenant à M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président. J'ai juste deux
questions ou deux problèmes, Mme Simard, que je veux discuter: celui des
coûts et je voudrais revenir sur le droit de retour au travail. J'ai
noté dans votre mémoire de 56 pages que vous ne parlez aucunement
des coûts. Très souvent, vous savez, le monde nous demande: On a
des idées, on avance certaines théories, mais qui paye pour, de
quelle manière finance-t-on cela? Vous avez quinze revendications de la
page 52 à la page 57. J'ai lu votre mémoire. Je ne voudrais pas
énumérer toutes les revendications. Par exemple, la couverture
universelle, cela va beaucoup plus loin que la loi le dit maintenant.
Là, vous parlez du maintien des revenus, du droit de retour à
l'emploi, etc. Si on prend toutes ces revendications, il y a un coût
à un moment donné. Premièrement, je me demande si vous
avez étudié le facteur coût. Si vous dites: Non, on n'a pas
étudié cela, avez-vous pris connaissance, par exemple, de
l'étude que le ministre a produite il y a deux semaines des actuaires
où on donne quelques chiffres sur le projet de loi 42?
Mme Simard: Une étude de coût de nos revendications
en détail, non, nous ne l'avons pas faite. Mais je peux très
honnêtement vous dire que j'espérerais que, si nos revendications
sont retenues, cela va coûter plus cher aux employeurs. Là est
notre objectif. Je le répète encore: Notre objectif fondamental,
c'est qu'il y en ait de moins en moins, d'accidents. Pour arriver, à
cela il faut faire en sorte que les employeurs modifient les conditions de
travail. Je donnais l'exemple d'Expro ce matin. Combien investissent-ils?
Une voix: 40 000 000 $.
Mme Simard: 40 000 000 $. Mais savez-vous combien de morts,
combien cela a coûté à l'État de mettre cette
commission et ces enquêtes sur pied pour en arriver à leur faire
comprendre qu'il fallait qu'ils investissent dans la prévention?
Là est notre objectif. Jamais la CSN n'a affirmé que cela ne
coûtait pas cher. Mais si on met son argent à la bonne place,
à la longue cela va peut-être coûter moins cher. C'est le
sens de nos propositions ici.
M. Polak: Le gouvernement dans le projet de loi 42 nous dit -
cela est basé sur des chiffres d'actuaires qui sont fort discutables -
qu'on va épargner 18 000 000 $ en comparaison avec la situation
actuelle. Je ne crois pas cela. Les actuaires nous disent qu'ils ont pris comme
base les données des années 1976 à 1982. Donc,
déjà, on n'a pas pris en considération du tout un
élargissement de la catégorie de ceux qui y auront droit, etc.
Cela est fort discutable. Là, ils nous dit - vous êtes
peut-être au courant de cela - qu'il y avait un autre avant-projet de
loi, au mois de mars, où quelques bénéfices dont vous
parlez étaient inclus et que cela nous coûterait 31 000 000 $ de
plus si on acceptait cela. Mais c'est une mince partie de ce que vous
réclamez. Sur le choix de société, comme M. Laberge a
qualifié cela, je suis peut-être d'accord qu'on doive faire tout
notre possible pour éviter des accidents. Je suis d'accord avec vous,
mais, à un moment donné, quelqu'un paie pour cela. (13 h 30)
Nous sommes peut-être arrivés à un point où,
avec la situation économique actuelle, on ne peut pas se permettre de
faire ces grands changements. Le ministre est sans doute de cette opinion parce
que, dans le projet de loi 42, il change déjà son opinion par
rapport au mois de mars 1983. Si vous n'avez pas estimé le coût,
ce sera certainement plus cher que 31 000 000 $. Cela peut être 100 000
000 $, 150 000 000 $ ou 200 000 000 $ de plus si on implique tout cela
intégralement. Économiquement, les employeurs sont-ils capables
de payer tout cela? Nous sommes d'accord avec le but ultime que vous
poursuivez, qui est d'éviter tous ces accidents. C'est parfait. C'est
peut-être mieux d'importer votre paquet de cigarettes du Vermont ou de
l'Ontario, parce qu'à un moment donné il coûtera 0,02 $ de
moins. Donc, qu'arrivera-t-il à l'usine qui fabrique vos cigarettes?
Mme Simard: Merci, M. le député. Effectivement, il
s'agit de choix fondamentaux. Je vous dirais que si, historiquement, les
compagnies avaient investi davantage dans l'amélioration des conditions
de travail, on n'en arriverait peut-être pas à la situation
désolante qu'on
connaît aujourd'hui. Non seulement elles ont
économisé, mais beaucoup de gens ont payé de leur
santé et de leur vie. Cela, comme représentante d'une centrale
syndicale qui existe au Québec depuis 60 ans, je ne peux pas en faire
abstraction, même si aujourd'hui on se parle en période de
conjoncture économique difficile, en 1984. Il y a eu des changements
apportés au cours des années qui ont été dus, entre
autres, aux pressions du mouvement syndical. Même si cela correspond
à des montants effectivement importants - on peut être
impressionné devant la somme que cela peut être - c'est vrai, mais
est-ce qu'on évalue les coûts encore plus grands pour la
société plus tard si on ne prend pas les moyens au moment
où on se parle? Nous payons, aujourd'hui au Québec, les
coûts sociaux qu'antérieurement les employeurs n'ont pas voulu
assumer. Je vous dirai que, lorsque le syndicat d'Expro a commencé sa
bataille en 1975-1976, il aurait peut-être coûté moins de 40
000 000 $ à la compagnie pour régler les problèmes, moins
à la caisse de l'État pour faire ses enquêtes et il y
aurait eu moins de morts. Je vous dirais que, dans les périodes de bonne
conjoncture économique, les employeurs ont toujours utilisé les
mêmes arguments. À ce titre-là, je voudrais qu'en tant que
législateurs on considère non seulement les coûts actuels,
mais les coûts futurs que cela peut occasionner à une
société lorsque les responsables ne prennent pas leurs
responsabilités.
M. Polak: Dans la conclusion 15 de vos revendications, vous
demandez carrément de retirer le projet de loi. Vous dites au ministre:
Je ne suis pas d'accord avec le projet de loi. Cela ne va pas assez loin. Ce
n'est pas une amélioration du tout. On demande de retirer le projet de
loi. C'est votre conclusion, n'est-ce pas?
Mme Simard: Et d'en déposer un autre.
M. Polak: II n'est pas question d'en déposer un autre,
nous sommes devant...
Mme Simard: Pour toutes les raisons qu'on a exposées ici
aujourd'hui, nous en venons à la conclusion que le projet de loi 42 est
trop loin, quant à nous, de ce que nous recommandons. On demande au
ministre de le retirer. On demande de faire davantage de consultations sur la
question. Cela n'élimine pas toutes les consultations qui ont pu
être faites jusqu'à ce jour. On demande de déposer un
nouveau projet de loi sur la question de la réparation. Nous
réclamons depuis des années qu'il y ait une amélioration
et des modifications faites à ce chapitre-là. C'est la conclusion
à laquelle on arrive. C'est peut-être malheureux, mais c'est
celle-là, pour être conséquents avec nos positions sur la
question.
M. Polak: Pour regarder un peu l'avenir, vous attendez-vous qu'il
accepte vos suggestions ou si vous pensez à la possibilité
d'accepter celles qu'il vous offre?
Mme Simard: Laissez-moi le droit de réfléchir toute
seule à ces questions. J'attendrai de voir ce que le ministre pourra
nous répondre dans les semaines à venir.
M. Polak: Dernière question. Concernant le droit de retour
à l'emploi, vous avez répondu tout à l'heure à Mme
la députée de Maisonneuve que quelqu'un qui occupe un emploi
permanent et qui est accidenté, selon vous, après une certaine
absence, doit avoir le droit de reprendre son travail. Parfait! Vous avez dit
que cela ne créait aucun problème.
Je vous donne un exemple et j'aimerais que vous me donniez des
explications là-dessus. Disons que je suis le propriétaire d'un
petit commerce. J'ai quatre ou cinq employés. Vous savez, les temps sont
durs; je dois payer mes contributions à la CSST et même financer
la poursuite de 300 000 $. Cela coûte cher. À un moment
donné, un de mes employés a un accident. Il restera
peut-être chez lui pendant six, sept ou huit mois, mais, entre-temps, je
suis obligé d'en engager un autre. J'engage quelqu'un du comté de
Sainte-Anne, par exemple, qui vient de perdre son emploi après quinze ou
vingt ans à l'emploi de Sherwin-Williams, à cause de la situation
économique et qui est aussi, pour moi, un accidenté du travail,
non pas un accidenté physiquement, mais il est plutôt dans une
situation mentale et économique tout aussi sérieuse. Je l'engage
donc pour remplacer cet individu. Après six ou sept mois,
l'employé no 1 revient et me dit: Voici, retour au travail
intégral, redonnez-moi mon emploi. Que suis-je obligé de
faire?
Dans votre thèse, à la recommandation no 3, vous dites,
d'abord, que l'employé no 1 a le droit d'avoir son emploi et,
deuxièmement que moi, comme employeur, je n'ai pas le droit de
congédier l'autre, non plus. Donc, il faut que je crée - vous le
dites carrément - un autre poste. Mais je n'ai que quatre ou cinq
employés. Je ne peux pas créer un autre poste
économiquement. C'est un problème. À qui donner la
priorité alors?
Mme Simard: Premièrement, on n'a pas dit
nécessairement que, dans ce cas-là, il y avait création
d'un autre poste. Dans le cas que vous citez, quelqu'un a un accident et doit
quitter son emploi pendant quelques mois, mais peut revenir au travail au bout
de ces quelques mois. Évidemment, vous avez engagé quelqu'un pour
le remplacer.
Normalement, les termes de l'engagement ont été les
suivants: Tu remplaces quelqu'un qui est présentement en congé
pour accident du travail. La fin de ton emploi sera la date du retour de
l'autre personne. C'est déjà un principe reconnu et c'est la
pratique courante de le faire. Ne me dites pas que les employeurs au
Québec ne font plus de mises à pied. J'en serais la
première étonnée, peut-être la plus heureuse! Si
c'est ce que vous voulez dire, tant mieux! Mais ce n'est pas comme cela que
cela se passe.
Il n'y a aucune espèce de problème. Je vous dirais que ce
gouvernement a adopté des lois quant à d'autres types de
congés de travail. Il n'y a pas seulement des absences dues à des
accidents. La personne revient et l'autre a pu travailler pendant quelques
mois. Il est malheureux qu'on ait tant de chômage au Québec, mais
la fin de son emploi survient au moment où l'autre, qui a des droits,
revient. N'oubliez pas que cette personne, si elle n'avait pas eu un accident,
aurait continué à travailler. Elle aurait été
là.
M. Polak: Donc, cela veut dire que votre notion du droit de
retour n'est pas limitée. Même, d'après ce que j'ai lu dans
votre mémoire, cela peut prendre deux ans et mon nouvel employé
est présent pendant deux ans, mais il faut que je lui dise: Je vous
engage, monsieur, mais soyez prudent parce que vous remplacez quelqu'un qui a
eu un accident de travail. Il se peut que cela dure longtemps, mais ce n'est
pas certain. Pensez-vous que je serai capable d'attirer un jeune travailleur
qui a de l'ambition, qui est sérieux, qui veut avancer dans ma petite
PME, sachant qu'il va perdre son emploi? Je suis d'accord avec votre
théorie, mais je dis que ce raisonnement est difficile à suivre
au point de vue des priorités.
Mme Simard: Je vais vous dire qu'il y a beaucoup de lacunes dans
les relations du travail au Québec et dans les lois sur le travail. Mais
s'il y a une chose qui est un peu reconnue, c'est celle-là. Cela
m'étonne qu'on revienne sur cette question aujourd'hui. Je pourrais vous
dire que cela se produit tous les jours, soit pour des retours de congés
de maternité, des retours de congés de maladies autres que celles
reliées au travail et, même dans les cas d'accidents ou de
maladies du travail, cela se fait de façon régulière.
Effectivement, on ne pense pas qu'il devrait y avoir une limite dans le
temps.
Entre nous - et je pense qu'il est important de le souligner - j'ai fait
un examen attentif des statistiques de 1982; il y a beaucoup de lésions,
mais ce n'est pas dans la majorité des cas que ce sont des absences de
longue durée. Il y en a, quand même, un certain pourcentage qui
sont des absences de longue durée. Je pense que, dans ces cas-là,
on doit leur garantir tous les droits sans limite de temps, surtout que c'est
une minorité des accidentés ou des malades du travail. Je pense
que quelqu'un ne s'absente pas un an, deux ans ou trois ans pour rien. Comme il
subit d'autres types de souffrances, il ne doit pas être davantage
pénalisé en ne pouvant pas reprendre son emploi lorsqu'il est
apte à le reprendre.
M. Polak: Mme Simard, vous n'êtes pas le seul organisme qui
est venu devant nous de la part du monde syndical. J'ai posé la
même question à tous les organismes. Je l'ai posée à
M. Laberge, au Conseil du patronat et je vais aussi continuer de la poser
après votre passage. M. Laberge n'a pas du tout le même
raisonnement que vous. Il a dit...
Mme Simard: Cela arrive souvent. Cela arrive très
souvent.
Une voix: On va se parler, quand on aura fini.
Mme Simard: Je ne suis pas sûre que cela plairait à
nos membres qui sont ici.
M. Polak: II était ici et je pense qu'il siège au
bureau d'administration de la CSST. Il représente un groupement
syndical, la FTQ, qui est très bien connu. Quand je lui ai posé
la question sur le droit de retour à son emploi, il a dit non. Il a
inséré les qualificatifs "si disponible", en d'autres termes si
l'emploi est encore disponible. Il était peut-être prêt
à faire la concession en disant: Si à un moment donné
l'emploi avait été pris par une autre personne et n'était
plus disponible. Vous, vous avez une interprétation qui va plus loin que
celle de M. Laberge.
Mme Simard: Pour le bien de la FTQ, je voudrais vous dire que ce
n'est pas tout à fait cela, la position de la FTQ. Je ne voudrais pas me
porter à la défense de la Fédération des
travailleurs du Québec. J'ai lu attentivement ce que la FTQ a
déposé devant cette commission. Évidemment, ce n'est pas
exactement ce que nous revendiquons, c'est vrai, mais ce n'est pas tout
à fait ce que vous tentez de nous laisser croire ici.
M. Polak: Oui, exactement, car j'ai posé la question et la
qualification de disponibilité a joué un très grand
rôle. C'est pour cela que je vous ai posé la question. Vous nous
dites que vous ne l'avez pas.
Dernière question. Cet élément de coût,
est-ce que vous croyez qu'il y a une obligation de la part du monde syndical de
prendre cela en considération ou est-ce qu'on doit dire: On
réclame cela comme un choix
de société et c'est aux employeurs de s'arranger et de
payer pour cela? Comment voyez-vous cela? Voyez-vous qu'il y a une sorte de
responsabilité de la part du monde syndical vis-à-vis de ce
problème, un peu comme dans la négociation où un employeur
ouvre ses livres pour dire: Voici, je suis rendu presque au bout et je ne peux
pas aller plus loin, si c'est vrai? Et il donne au syndicat la
possibilité de vérifier cela quand on négocie une
convention. Croyez-vous qu'il y a une responsabilité sociale pour votre
organisme ou allez-vous dire: Ce sont nos revendications et, en ce qui concerne
le coût, ce n'est pas notre problème?
Mme Simard: Notre responsabilité sociale à la CSN
est essentiellement d'obtenir la meilleure législation possible, la
meilleure réglementation possible et les meilleures conventions
collectives possible à ce chapitre. On a fait nos preuves.
Si vous voulez faire référence à une
éventuelle participation financière quant au financement du
régime, ma réponse va être extrêmement claire, c'est
un non catégorique. Si on considère que les employeurs sont
entièrement responsables de ce qui se produit, ils devront en assumer
financièrement les coûts. Je vais vous donner un exemple. Si vous
invitez quelqu'un chez vous - vous avez une assurance-responsabilité,
j'imagine, comme nous tous -et qu'il se casse une jambe, ce sera votre
assurance qui paiera. Vous ne demanderez pas à votre invité de
payer. C'est votre responsabilité puisque vous n'aviez pas
déblayé vos marches. Voilà.
M. Polak: Je ne suis pas du tout contre votre thèse. Je
pense qu'il faut, tout de même, clarifier les choses. Je pense qu'un
accident de travail est un événement regrettable que personne n'a
voulu, ni l'employeur ni l'employé. Je pense que, dans 95% des cas, ce
sont des accidents. Le mot "accident" le dit très clairement: ce n'est
voulu par personne. Cela me satisfait en ce qui me concerne.
Le Président (M. Paré): Merci. La parole est
maintenant à M. le député d'Arthabaska. (13 h 45)
M. Baril (Arthabaska): Oui. À la fin de votre
mémoire, vous demandez de retirer le projet de loi 42 et de recommencer
un autre processus de consultation et d'audiences publiques pour
réécrire le projet de loi. Nous avons entendu plusieurs
mémoires ici; il en reste encore une vingtaine d'autres à
entendre. Tout en connaissant - vous êtes sans doute au courant - toute
la procédure et le temps nécessaire pour faire une tournée
de consultation, des audiences publiques et pour réécrire un
projet de loi avec dépôt à l'Assemblée nationale,
à la suite de la position prise par le ministre sur les demandes des
différents organismes pour amender la loi actuelle pour répondre
aux besoins et à la réalité, vous ne pensez pas que, dans
l'intérêt de l'ensemble des travailleurs et des travailleuses, il
serait plus profitable - tout en reconnaissant que le projet de loi n'est pas
parfait et que, même si on en écrivait un autre, il ne le serait
pas pour l'ensemble des citoyens - parce qu'on a quelque chose sur la table de
travail, plus rapide, plus avantageux pour l'ensemble de la
société d'essayer de bonifier, d'améliorer ce projet de
loi qui répondrait aux plus grandes attentes possible des travailleurs
et des travailleuses plutôt que de recommencer toute la procédure
pour se retrouver dans un an et demi ou deux ans avec rien de fait.
Mme Simard: Premièrement, je voudrais vous dire combien
nous sommes patients; c'est incroyable. On attend depuis déjà
très longtemps et on est peut-être capables d'attendre un petit
peu plus longtemps. Pourquoi ne propose-t-on pas davantage de l'amender? C'est
pour toutes les raisons que j'ai énumérées plus tôt.
Ce que j'appellerais l'économie générale de ce projet de
loi est, pour nous, complètement insatisfaisante. Je vous dirais que
vivre avec l'actuelle loi pendant un an de plus ne nous dérangera pas.
Pourquoi propose-t-on des audiences? M. le ministre n'est pas contre le fait de
faire des tournées itinérantes; il a déjà fait des
propositions à ce sujet sur d'autres lois. On sait très bien que,
lorsqu'une loi est adoptée, il faut très longtemps avant de la
modifier, qu'on ne modifie pas et qu'on n'amende pas les lois tous les deux ans
ou tous les trois ans. On vit avec une loi pendant plusieurs années
avant de réévaluer son application, les problèmes qu'elle
a posés, à moins que de petits accidents n'arrivent et qu'on
doive retirer un article ou l'amender très rapidement, mais,
règle générale, ce n'est pas le cas.
Le sujet est d'une importance réelle. Je dirais que, pour
certaines personnes, l'événement revêt un caractère
assez dramatique et les dispositions qui vont garantir les droits de cette
personne ont une influence sur toute sa vie de travail. Dans ces circonstances,
on croit, sur la question de la santé et de la sécurité et
sur la réparation, qu'on devrait davantage écouter les
commentaires et les recommandations des personnes impliquées et
travailler à un nouveau de projet de loi à la lumière de
tous les commentaires qui ont pu être faits au cours de ces auditions en
commission depuis près d'un mois où beaucoup de groupes ne sont
peut-être pas venus insister sur tous les aspects, mais sur
différents aspects du projet de loi. On vous dit qu'on est prêts
à attendre un peu plus longtemps
pour avoir un produit final meilleur que celui qui nous est
présenté.
Le Président (M. Paré): Merci. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Champagne (Saint-Jacques): Merci. Une toute petite question
à Mme Simard. À la page 44 de votre mémoire, vous
mentionnez que vous voulez, pour les accidentés, le droit aux recours
devant les tribunaux de droit commun. Depuis toujours il existe un droit pour
l'accidenté de poursuivre le tiers responsable, mais non son employeur.
Est-ce que vous insistez pour qu'un recours existe en faveur de
l'accidenté contre son employeur, en plus de l'indemnité de la
CSST?
Mme Simard: Je vais demander à Robert Guimond de vous
donner des explications supplémentaires.
M. Guimond: Avec le projet de loi 42 tel qu'il est
présenté, il y a des choses comme cela qui disparaissent. Vous
savez qu'au niveau des recours auprès des tribunaux de droit commun un
des facteurs qui sont considérés, c'est la perte de gains futurs,
ton appréciation des gains que tu peux perdre en raison des dommages que
tu as subis. Toute cette notion de perte de gains ou de diminution de
capacité de travail comme telle, ce n'est plus du tout présent au
niveau du projet de loi. On l'a, jusqu'à un certain point, dans la loi
actuelle, avec ce que nous vous mentionnons, c'est-à-dire l'application
de l'article 38.4. Donc, il a fallu un arrêt de la Cour suprême,
l'arrêt Valade, pour pouvoir s'assurer que cette diminution était
quelque peu prise en considération.
Notre position par rapport aux recours de droit commun concerne la
diminution globale et totale de la capacité de travail et des gains
futurs. Un autre élément qui est important, qu'on ne voit pas
dans le projet de loi, c'est l'appréciation subjective des dommages.
L'exemple classique, c'est l'exemple du pianiste. Quelqu'un qui perd un doigt
et qui est pianiste, évidemment, le dommage en fonction du type de
travail qu'il fait va être beaucoup plus grand.
Dans le projet de loi actuel, l'évaluation des dommages
corporels, c'est une évaluation globale. On dit: Perte de jouissance de
la vie, etc. On imagine un barème général applicable
à tout le monde. Au niveau des recours de droit commun,
l'appréciation concrète subjective de ce que vous perdez, vous,
comme travailleur, comme travailleuse, vous avez plus de chance de l'avoir,
c'est considéré, alors que dans le projet de loi et dans la loi
actuelle, ce n'est pas considéré.
M. Champagne (Saint-Jacques): Je m'excuse. Ce qui m'intriguait,
c'était sur quelle base ce recours de droit commun pourrait être
intenté. Dans l'état actuel du droit, une personne qui
réclame, par exemple, des dommages et intérêts d'une autre
personne doit prouver que cette autre personne a commis une faute et
qu'à cause de cette faute des dommages ont été subis.
Cependant, je me demande ce qui arriverait dans le cas d'un employé qui
intente un recours contre son employeur, car il a été longuement
prouvé, dans les années 1920, 1925, avant la loi de 1931, qu'un
tel recours était très difficile à exercer à cause
de la difficulté de prouver la faute de l'employeur.
M. Guimond: C'est pour cela que le recours de droit commun, on le
place par rapport à un excédent, par rapport à ce que vous
pourriez obtenir en plus comme dommages. Il reste que la rente et le revenu
sont assurés, c'est certain, on part sur cette base. Lorsque vous parlez
de la loi de 1931, évidemment, les recours étaient plus
difficiles à exercer et, lorsqu'ils ont commencé à
être exercés que les tribunaux ont accordé des montants
importants pour des dommages, à ce moment, il y a eu une sorte de
concertation non seulement au Québec mais au niveau international. Le
Québec a été une des provinces ou un des pays qui ont fait
une telle loi. Il y avait déjà plusieurs pays où cela
existait. À ce moment, les employeurs ont dit: La responsabilité,
on va la partager collectivement avec une caisse et on va financer les
accidentés du travail.
Pour nous, il y a une dimension qui est importante, c'est le fait - cela
revient à notre position - que la reponsabilité d'organisation du
travail, la responsabilité de mettre tous les mécanismes en place
pour assurer des conditions de sécurité et des bonnes conditions
pour permettre aux travailleurs et aux travailleuses de pouvoir faire leur
travail, cela appartient à l'employeur. C'est l'employeur qui
décide des coûts, c'est l'employeur qui décide des
mécanismes et de la façon d'organiser le travail. C'est lui qui
décide, ce ne sont pas les travailleurs et les travailleuses. À
ce niveau, notre position, c'est concernant l'excédent, ce qui
manquerait relativement à ce que vous gagnez ou à votre
revenu.
Le Président (M. Paré): Avez-vous terminé?
Oui. Au nom de tous les membres... Mme Simard, voulez-vous ajouter quelque
chose?
Mme Simard: II y a M. Couture qui voudrait ajouter un tout petit
commentaire pour les futurs amiantosés, ceux qui ne sont pas encore
reconnus amiantosés.
M. Couture: M. le Président, si vous le
permettez, on a touché tout à l'heure à la loi 52
et j'étais bien heureux d'apprendre du ministre Fréchette - ce
n'est pas la première fois que je l'apprends, je l'ai pris à la
télévision - qu'il y avait une disposition dans la loi indiquant
que les gens qui bénéficiaient de l'IC de la loi 52 ne seraient
pas inquiétés par des poursuites ou des affaires comme cela. Mais
il reste un fait: d'après ce que nous avons vu et ce que nous pouvons
déduire du projet de loi 42, comme il n'existe plus de règlement
1787-75 et qu'il n'existe plus de loi 52 telle qu'on l'a connue, qu'est-ce
qu'il va advenir des gens qui sont aujourd'hui et qui vont être demain
matin des amiantosés? De quelle façon vont-ils être
compensés? Comment vont-ils pouvoir sortir de la mine pour
protéger leur santé? Actuellement, je veux dire depuis les
procédures qui sont en cours, la CSST n'accepte plus de sortir des gens.
Elle accepte naturellement nos réclamations concernant l'amiantose ou la
silicose. Elle soumet nos gens à des comités de pneumoconiose et,
si jamais on a un diagnostic avec un DAP pour un amiantosé, il est
payé en vertu de la première partie de la loi 52,
c'est-à-dire qu'il reçoit son montant forfaitaire en vertu de sa
perte d'intégrité physique, sauf qu'il demeure sur les lieux.
Nous avons, actuellement, des gens handicapés de 5%. On en a un, entre
autres, de 30%. Une personne qui a une incapacité pour amiantosé
de l'ordre de 30% est passablement handicapée.
C'est bien sûr que, depuis 1975, le travailleur ne vit pas dans
les mêmes conditions de travail qu'avant 1975, mais il vit encore dans
des endroits empoussiérés et il travaille très
misérablement. Nous sommes dans l'impossibilité de le sortir et
de le faire payer. Comme on ne voit pas de dispositions à
l'intérieur du projet de loi 42, si jamais il était adopté
à peu près comme il est là, les futurs amiantosés
seraient dans l'impossibilité de quitter leur emploi comme ils l'ont
fait depuis 1975 de façon à pouvoir protéger leur
santé. Actuellement, ils ne sont plus capables de le faire.
Ce qui va de pair avec cela, on a effleuré, tout à
l'heure, les critères dont on se sert pour déclasser une personne
amiantosée. Mme Simard a demandé, dans son mémoire, au
ministre Fréchette de regarder les critères dont on se sert. Les
critères sont connus, je pense, depuis un bon bout de temps, sauf qu'ils
nous semblent assez sévères, d'une part. Deuxièmement,
notre réclamation est, depuis quelques mois -comme c'est décrit
dans le projet de loi 42, cela va fonctionner de la façon qu'on a
commencé à connaître présentement -soumise à
un comité de pneumoconiose composé de trois médecins, qui
sont des pneumologues, naturellement, dont l'un des trois va agir en
qualité de président. Il va être choisi par la commission.
Cela ne change pas grand-chose à ce qu'on connaissait, parce que,
même si on ne choisissait pas un président, il y avait quand
même trois pneumologues choisis par la commission des accidents pour
pouvoir former le comité de pneumoconiose. Quand on a un petit doute, on
le soumet au comité des présidents et quand il y a une divergence
d'opinions comme cela arrive entre le comité de pneumoconiose qui a
examiné la personne une première fois et le deuxième
comité qu'on appelle le comité des présidents qui, lui,
voit seulement le dossier, il le réfère de nouveau à un
troisième comité où il y a encore trois pneumologues.
À ce moment-là, ils revoient la personne une deuxième
fois. Cela veut dire qu'il va y avoir, rapidement, de huit à neuf
pneumologues qui vont examiner une personne et, même si on avait une
bonne procédure d'appel, je me demande si on va être capables d'en
appeler de la décision de la CSST quand ils auront dit: Non, tu n'es pas
un amiantosé ou tu es un amiantosé précoce, comme dans un
des derniers rapports que j'ai en main, mais nous n'avons pas suffisamment de
critères valables pour te classer amiantosé.
On sait - cela a été reconnu par à peu près
tous les médecins au monde - que cela prend une personne qui a
été exposée pendant 20 ou 25 ans avant de pouvoir penser
qu'elle est amiantosée ou non. Après un nombre d'années
comme cela, il est trop tard, je pense, pour faire de la prévention. On
est au stade où on se demande si c'est un sujet qui a
développé une amiantose ou s'il n'en a pas
développé et, s'il en a développé, il est quasiment
trop tard, sauf qu'il valait peut-être mieux le sortir tard que jamais.
C'est ce que la CSST a fait depuis 1975. Les gens qu'elle reconnaissait, au
moins, elle les sortait et elle les compensait.
Or, demain, ils ne le seront plus. Pourquoi? Parce qu'il n'y aura
probablement plus de règlement 1787 qui régissait les permis de
mineur, d'après ce qu'on a pu comprendre, ou, alors, on a mal compris le
projet. Ce règlement n'est pas d'hier. Le premier règlement qui a
été institué pour les mines et carrières date de
1944 et le second, qui portait le no 887, a été institué
au mois d'août 1956 de façon à l'élargir pour qu'il
s'adapte aux mines de la province de Québec et non seulement à
celles du Nord-Ouest québécois et à sortir du seul
critère qui était la tuberculose au moment de l'instauration du
premier règlement concernant les mineurs.
Pour une fois, en 1975, on avait eu un règlement qui avait une
couverture assez large pour prendre tous les gens qui étaient
exposés à manipuler de l'amiante dans le secteur des mines,
qu'ils soient dans l'usine de défibrage, dans le concasseur, sous
terre
ou dans une mine à ciel ouvert. Là, on vient nous dire
qu'un mineur, ce n'est plus une personne qui travaille dans les usines ou dans
les autres départements; c'est quelqu'un qui travaille dans une mine
souterraine. Les gens qui travaillent dans les usines de défibrage sont
plus exposés aujourd'hui aux poussières d'amiante qu'ils ne
l'étaient, à une époque, dans la mine souterraine. Ces
gens-là seront malades. Ce n'est peut-être pas bien de vous
demander si vous connaissez le pourcentage des gens qui, après avoir
été reconnus amiantosés, décèdent du cancer
du poumon. Ce n'est pratiquement pas disable ici. Il est
préférable de se pencher sur ça, M. le ministre, afin de
savoir si on est capable d'avoir un règlement qui permettra de
protéger nos gens, comme celui qu'on a eu un peu depuis 1975, et de
pouvoir les sortir avant qu'ils décèdent d'un cancer du
poumon.
Le Président (M. Paré): Rapidement, M. le
ministre.
M. Fréchette: M. le Président, le sujet que M.
Couture vient de mettre sur la table est fort intéressant et
nécessiterait sans doute qu'on passe encore un bon bout de temps
à discuter. Je comprends qu'il est déjà 14 heures. On doit
recevoir d'autres invités à 15 h 30. On en a déjà
discuté, M. Couture, au moment où l'Association des mines
d'amiante est venue présenter son mémoire. Un certain nombre de
choses ont été dites à ce moment-là. On pourrait
les retrouver dans le journal des Débats. Mais, dès qu'on aura
suspendu nos travaux, j'apprécierais qu'on puisse reparler de la
question et peut-être bien que j'aurai des renseignements qui
contribueraient à éclaircir la question que vous soulevez. On
peut se revoir tout de suite, si vous le souhaitez.
Le Président (M. Paré): Malheureusement, je vais
devoir clore le débat parce que, comme vient de le dire le ministre, on
doit entendre trois autres groupes aujourd'hui et on a déjà
dépassé l'heure allouée. Au nom de tous les membres de la
commission, je vous remercie pour la présentation de votre
mémoire et la patience dont vous avez fait preuve pour répondre
à nos questions et faire des commentaires.
J'inviterais l'Association des industries forestières du
Québec Ltée à être ici pour 15 h 30 au lieu de 15
heures comme prévu initialement.
Là-dessus les travaux de la commission sont suspendus
jusqu'à 15 h 30.
(Suspension de la séance à 14 h 4)
(Reprise de la séance à 15 h 35)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente du travail reprend ses travaux dans
le but d'entendre les représentations des personnes et des groupes
intéressés au projet de loi 42. Je vais nommer les membres et les
intervenants de la commission étant donné qu'il y a des
changements.
Les membres de la commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M.
Cusano (Viau), M. Laplante (Bourassa), M. Fréchette (Sherbrooke), Mme
Harel (Maisonneuve), M. Champagne (Mille-Îles), M. Lavigne (Beauharnois),
M. Maltais (Saguenay), M. Proulx (Saint-Jean), M. Polak (Sainte-Anne), M. Doyon
(Louis-Hébert), M. Baril (Arthabaska).
Les intervenants sont: M. Fortier (Outremont), M. Leduc (Fabre), M. Marx
(D'Arcy McGee), M. Payne (Vachon), M. Vaugeois (Trois-Rivières).
Lorsque nous avons suspendu nos travaux ce matin...
M. Cusano: M. le Président.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Viau.
M. Cusano: Avant de demander à nos invités de faire
leur présentation, j'aurais une question à poser au ministre. Ce
matin, au début de nos travaux, nous avons souligné notre
inquiétude parce que la CSST a intenté des procédures
contre M. Harguindeguy. Nous l'avons dit ce matin et nous soutenons encore la
même proposition, à savoir que cette action de la part de la CSST
peut intimider de futurs témoins et les empêcher de s'exprimer
librement. À la suite de notre question, à savoir qui avait pris
la décision, si c'était le président-directeur
général, le conseil de direction ou le conseil d'administration,
le ministre nous a promis qu'il allait faire les vérifications
nécessaires et qu'il nous donnerait une réponse dans les plus
brefs délais. Il est maintenant 15 h 36 et je crois qu'en ce qui me
concerne, ces vérifications ne devraient pas prendre une
éternité avant d'être faites. Je voudrais demander au
ministre s'il a fait ces vérifications et s'il est en mesure de nous
répondre avant d'entendre nos invités.
M. Fréchette: M. le Président, à la
séance de 20 heures, ce soir, j'aurai la réponse à la
question qu'on m'a posée ce matin.
Le Président (M. Paré): J'appelle les
représentants de l'Association des industries forestières du
Québec Ltée à nous faire la présentation de leur
mémoire. Nous nous excusons pour le retard, mais des circonstances, ce
matin, ont fait que nous avons été quelque peu retardés.
J'inviterais
le porte-parole de l'association à s'identifier et à nous
présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît!
Association des industries forestières du
Québec Ltée
M. Duchesne (André): Merci, M. le Président. Mon
nom est André Duchesne. Je suis le président-directeur
général de l'Association des industries forestières du
Québec Ltée. À ma gauche, m'accompagnent, cet
après-midi, le président du conseil d'administration de
l'association, M. Oscar Stangeland, et également président et
chef de l'exportation chez Consolidated Bathurst, à Montréal; M.
Denis Hamel, vice-président du conseil de l'association et
président de la compagnie Price Ltée; à mon extrême
gauche, M. Bill Martin, également vice-président du conseil
d'administration de l'association et vice-président à
l'administration et aux ressources naturelles chez CIP Inc., à
Montréal.
À ma droite, le Dr Michel Guillemette, directeur médical
chez CIP Inc.; M. Laurent Tremblay, directeur des relations industrielles,
domaine forestier, Consolidated Bathurst, à Montréal; M. Claude
Saint-Laurent, conseiller juridique chez Domtar Inc.
M. le Président, nous allons procéder à la lecture
du mémoire et nous en arriverons à la conclusion que le projet de
loi tel que présenté n'est pas mûr, que de belles occasions
ont été ratées et que, dans son texte actuel, le projet de
loi fait plutôt peur qu'autre chose.
L'Association des industries forestières du Québec
Ltée représente la presque totalité de l'industrie des
pâtes et papiers et une partie non négligeable de l'industrie du
sciage au Québec. L'ensemble de ces industries est vital pour
l'économie québécoise. Ses 1200 établissements
manufacturiers, dont plus de 60 usines de pâtes et papiers, fournissent
près de 75 000 emplois en usine et environ 20 000 en forêt. Elle
verse actuellement plus de 1 000 000 000 $ par année en salaires. Ses
livraisons destinées en grande part à l'exportation atteignent 6
000 000 000 $ par année et représentent 22% de l'ensemble de nos
exportations.
L'association vise trois objectifs principaux avec la
présentation de ce mémoire: premièrement, identifier
l'oubli d'une notion fondamentale, soit la dimension psychosociale de la
réparation; deuxièmement, fournir aux rédacteurs du projet
de loi un outil leur permettant d'identifier les points de confusion qui
règnent à l'intérieur de ce projet et,
troisièmement, indiquer la pauvreté des moyens de contrôle
et d'intervention laissés à l'employeur dans tout le processus de
la réparation des lésions professionnelles.
Ces objectifs s'imposent afin de ramener le projet à
l'intérieur des paramètres fixés par le livre blanc sur la
santé et la sécurité du travail de 1978 où l'on
pouvait lire: "Le système d'idemnisation applicable aux victimes
d'accidents du travail ou de maladies professionnelles doit donc, dans la
mesure des ressources financières disponibles, garantir au départ
le remplacement, dans une proportion qui maintient une incitation au retour au
travail, de tout revenu d'emploi perdu par le travailleur temporairement ou de
façon permanente."
Dans le cheminement de la préparation de ce mémoire,
l'association a dû faire le choix entre trois options, soit le refus
global, soit l'analyse des problèmes et la formulation de
recommandations ou encore la démonstration des difficultés de
compréhension des mécanismes de fonctionnement.
L'association a refusé l'option refus global, parce qu'elle
était trop facile et risquait d'être perçue à tort
comme une position réactionnaire. Les travaux ont donc
débuté avec la deuxième option, soit l'analyse des
problèmes de fond et la formulation de propositions de solutions.
Plusieurs sessions de travail ont été conduites avec des
personnes déléguées par nos compagnies membres et
initiées à l'administration des dossiers de réparations.
Malheureusement, au terme de la plupart de ces sessions de travail, les
personnes-ressources ressortaient avec plus de matériel d'interrogations
que de matériel d'analyse et de propositions de solutions.
Sachant que toute hypothèse de solution doit trouver sa source
dans une compréhension totale des structures de fond, le comité
de travail a dû repartir avec la troisième option, soit la
démonstration des difficultés de compréhension des
mécanismes de fonctionnement.
Ce projet de loi touchera tous les intervenants du marché du
travail et ce, peu importe leur niveau d'intervention. Il est primordial et
même de la responsabilité du législateur de s'assurer de la
clarté des dispositions, afin d'éviter que ce projet de loi ne
devienne un refuge de jurisprudence ou de politiques administratives.
Avant d'aborder les nombreuses interrogations concernant le projet de
loi, il convient de jeter un oeil critique sur la loi actuelle, afin d'en faire
ressortir les faiblesses fondamentales. Le projet de loi 42, dans sa forme
présente, semble vouloir perpétuer les mêmes erreurs et il
est à craindre que les résultats, en fin de compte, soient aussi
désastreux.
Le projet de loi, tout comme la loi actuelle, manque le bateau, parce
qu'il est conçu d'abord et avant tout en fonction
d'une lésion, laquelle mène tôt ou tard à une
incapacité totale ou partielle, permanente ou temporaire, aux
dépens de la dignité du travailleur et de sa
responsabilité face à sa propre réadaptation. Autrement
dit, la formulation actuelle du projet de loi fait peu de cas des obligations
du travailleur accidenté à prendre tous les moyens mis à
sa disposition pour reprendre son travail le plus tôt possible.
En effet, le projet désincarné la lésion et traite
cette anomalie constatée au niveau d'un organe ou d'un système
comme s'il s'agissait d'une entité autonome dont l'évolution
s'inscrit d'emblée à l'intérieur des normes ou de
standards immuables. Il ramène en quelque sorte le processus de
réparation à un mécanisme histopathologique pur et
présume que les autres paramètres de l'individu demeurent
inchangés. On ferme les yeux sur les dimensions sociologiques et surtout
psychologiques du travailleur dans les premières étapes du
processus de guérison.
Or, c'est une erreur. Pour qui a un peu d'expérience de la
pratique médicale, c'est folie de croire que l'octroi d'une
invalidité quelconque n'a aucun impact en soi sur la personnalité
du travailleur. L'hospitalisation d'un malade, pour quelque pathologie que ce
soit, et quelle qu'en soit la durée, engendre chez ce malade, à
très court terme, un sentiment de dépendance et une attitude de
passivité qui tend à se prolonger bien au-delà de la
guérison objective de la maladie. Le temps en ce domaine n'arrange pas
les choses. Au contraire, et même chez les individus les plus solides et
les mieux équilibrés à tous points de vue, ce sentiment
d'abord superficiel prend racine à la longue et mène à une
désintégration grave de la personnalité, surtout s'il s'y
greffe des gratifications affectives ou financières.
À la place vont se succéder des sentiments d'impuissance,
d'infériorité physique et d'incertitude face à l'avenir
qui sont hors de proportion avec la gravité de la lésion
originale. À la limite, le travailleur accidenté devient pour
ainsi dire obsédé par la lésion. Celle-ci se transforme,
devient envahissante et accapare la très grande partie des
énergies du travailleur. Cette passivité s'accompagne souvent
d'agressivité envers son médecin, ceux de la commission, les
agents d'indemnisation, l'employeur et son médecin et même sa
famille. (15 h 45)
C'est sans doute à ce phénomène et non aux
structures de la commission qu'il faut imputer l'origine des nombreux
mouvements d'aide aux accidentés du travail que l'on retrouve au
Québec aujourd'hui et, somme toute, l'échec apparent du
système.
Qu'on le veuille ou non, la gratification financière
rattachée à la suite d'une lésion professionnelle
constitue en soi un risque à la réhabilitation adéquate du
travailleur accidenté ou malade. L'être humain étant ce
qu'il est, son comportement est dicté en majeure partie par les
conséquences visibles de ses actes. La notion de conditionnement n'est
pas une vue de l'esprit, c'est un fait. Lorsque, au-delà du processus
normal de la réparation légitime, on récompense le
dépouillement des responsabilités et des obligations sociales ou
financières du travailleur, comment s'étonner du grand nombre
d'invalides engendrés par le système? Doit-on se surprendre du
grand nombre de travailleurs accidentés à la recherche de leur
dignité perdue et qui n'ont comme seul objectif dans la vie que la
démonstration irréfutable de leur invalidité totale ou
permanente? Dans tout ce processus, la lésion originale passe rapidement
au second plan.
Il n'est évidemment pas question de renier le droit pour un
travailleur accidenté à recevoir une compensation pour sa
blessure ou pour sa maladie, quelle qu'en soit la gravité. Au contraire,
nous considérons que tout doit être mis en oeuvre pour que le
travailleur soit compensé en toute justice et équité.
Cependant, un système qui fait abstraction, du moins dans les
heures ou les jours qui suivent immédiatement l'accident, des
responsabilités du travailleur envers son employeur ou envers sa propre
réadaptation est voué à l'échec. Pourquoi le
travailleur est-il d'emblée considéré comme un enfant
qu'il faut prendre par la main afin de le conduire vers les verts
pâturages de la compensation-providence? Pourquoi, au contraire, ne le
considère-t-on pas comme un adulte équilibré et
réfléchi capable d'assumer ses responsabilités dès
le départ? Comment peut-on s'imaginer qu'après trois mois, six
mois et a fortiori deux ans d'invalidité totale pour une lésion
bénigne au départ un travailleur donné va retourner avec
joie à son travail et à ses obligations?
Le retour au travail précoce, si possible sans aucune perte de
temps, constitue un instrument privilégié de réadaptation,
pourvu, évidemment, qu'il soit bien encadré et que les conditions
de travail soient compatibles avec l'état du travailleur. Toutefois, ce
retour au travail ne doit pas être conditionnel à la
volonté seule du travailleur. L'association constate que, même si,
par le passé, la commission évoquait l'absence de droit pour
l'employeur d'exiger du travailleur son retour au travail dans le cadre d'un
processus de réadaptation à la suite de lésions
bénignes, le législateur n'a pas cru bon de profiter de
l'occasion pour prévoir des dispositions à cette fin dans le
présent projet de loi.
L'intervention du médecin traitant, en Ontario, sur le retour
précoce de la victime a-t-elle été analysée par les
concepteurs du projet de loi?
II est de pratique, en Ontario, que le médecin traitant peut
définir le cadre dans lequel doit s'effectuer un tel retour au travail,
en définissant certaines conditions qu'il faudra respecter afin que le
milieu de travail ne devienne pas une cause d'aggravation de la lésion.
Le travailleur doit reprendre son travail, ou un autre travail adapté,
au risque de perdre son droit à recevoir une compensation. Cette
procédure nécessiterait peut-être d'être assortie
d'un droit d'appel, en utilisant certaines des dispositions de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail, au chapitre du droit de
refus, pour éviter tout délai inutile.
Le médecin de l'entreprise pourrait jouer un rôle
clé dans cette procédure; non pas pour se substituer au
médecin traitant, dont le rôle est primordial pour la
réadaptation du travailleur, mais pour servir d'intermédiaire
entre ce médecin et son entreprise. Cette affirmation se renforce si
l'on veut amener l'employeur à jouer un rôle actif dans un plan de
réadaptation au travail. Pourquoi, en effet, douterait-on de
l'objectivité de ce médecin? Pourquoi, entre autres, un grand
nombre de comités de santé et de sécurité et de DSC
ont-ils choisi de confier au médecin de l'entreprise les
responsabilités dévolues au médecin responsable selon la
Loi sur la santé et la sécurité du travail? Pourquoi,
d'autre part, accorde-t-on d'emblée une crédibilité
à toute épreuve au médecin traitant?
À cet égard aussi, une période de latence,
même symbolique, nous apparaît essentielle, dans une approche
axée sur les responsabilités respectives de l'employeur et du
travailleur. Le vieux concept, inadéquat du reste, du
travailleur-responsable-de-ce-qui-lui arrive ne doit pas céder la place
à un autre concept tout aussi irréaliste de la
responsabilité totale et exclusive de l'employeur des accidents qui se
produisent dans son entreprise. Il s'en produit encore des accidents à
la maison, ou au cours des activités sportives ou de loisir. Une
période de latence de deux ou trois jours constitue, à notre
avis, un bon moyen de garder au travail certains accidentés dont la
blessure est mineure et n'aurait pas occasionné de perte de temps en
dehors du contexte particulier de l'accident de travail. Ces deux ou trois
jours pourraient du reste faire l'objet d'un remboursement subséquent,
après un arrêt de travail de plus d'un mois, par exemple, s'il se
révélait que la blessure est sérieuse.
Dans la logique de ce qui précède, l'association ne peut
admettre que le travailleur puisse être relevé de l'obligation sur
le surpayé. Il s'agit là d'une disposition inacceptable du projet
de loi, si l'on tient compte que le travailleur jouit du bénéfice
du doute et de la présomption favorable à toutes les
étapes du processus de réparation et qu'il a toutes les chances
voulues pour faire valoir son point de vue. En d'autres mots, il est, à
toutes fins utiles, fort improbable qu'une erreur judiciaire puisse se glisser
dans le processus, en faveur de l'employeur, qui part perdant dans ses propres
contestations. Pourquoi soustraire à un travailleur adulte, responsable,
l'obligation de rembourser des sommes d'argent perçues en trop? Pourquoi
l'amener à développer un comportement associé à la
cupidité? Bien sûr, le projet de loi prévoit une
procédure de recouvrement dans les cas de fraude. Cependant, dans le
contexte d'une loi centrée sur la notion du bénéfice du
doute, il est fort à craindre que cette disposition particulière
de la loi prenne le même chemin que les exceptions déjà
prévues dans la loi actuelle au chapitre de la négligence
grossière et volontaire. Un organe qui ne sert pas s'atrophie et son
élimination dans le projet de loi en fait preuve. D'ailleurs, la
commission n'a aucune crédibilité au chapitre de la
récupération des sommes indues, et les travailleurs le
savent.
La lecture du projet de loi amène plusieurs interrogations.
L'association désire fournir au législateur l'occasion de
découvrir les nombreux points de confusion amenés par la lettre
même du projet. Les interrogations porteront sur les expressions de base
et sur les indemnités de remplacement du revenu.
L'association s'interroge sur la raison fondamentale qui a amené
les rédacteurs du projet de loi à ne pas inclure dans le chapitre
II, section I, Dispositions générales, une définition ou
des paramètres de contenu des mots ou expressions suivantes: "salaire",
"salaire brut régulier", "revenu brut annuel", "revenu brut
régulier", "emploi", "son emploi", "contrat de travail", "maximum annuel
assurable", "salaire minimum". Ces éléments du vocabulaire qu'on
retrouve abondamment dans la très grande majorité des 364
articles du projet de loi essouflent la capacité de compréhension
des lecteurs, même initiés. Ils doivent refaire mentalement
à chaque fois les déductions nécessaires et
présumer quelles sont les bonnes, pour donner un sens à ces mots
ou expressions afin de poursuivre la lecture et comprendre la portée de
l'article.
À titre d'exemple, le manque de paramètres entourant
l'expression "son emploi" qu'on retrouve plus d'une trentaine de fois dans le
projet de loi est cause de confusion dans la compréhension de base de
plusieurs dispositions prévues dans le projet.
Les interrogations de l'association commencent avec la
compréhension qu'elle veut dégager du terme "son emploi". Est-ce
le lien contractuel, formel ou non, qui établit que le travailleur est
au service d'un employeur? Est-ce le statut professionnel du travailleur, soit
menuisier, chauffeur de camion, journalier, réceptionniste, etc.?
Est-
ce l'ensemble des tâches confiées au travailleur pour
lesquelles il touche une rémunération? Ces interrogations
posées, l'analyse de quelques articles du projet de loi devrait indiquer
s'il y a lieu de faire ces distinctions.
Faut-il donner le même sens au mot "emploi" à l'article 48
qu'aux articles 50, 51, 63 et 66? À laquelle des trois significations
énoncées plus haut faut-il rattacher le sens des articles 74, 76,
150, 151? L'accumulation de l'ancienneté en l'absence du travailleur,
à l'article 156, se rapporte à laquelle des significations
énoncées plus haut? Est-ce que l'assignation d'une tâche ou
d'une autre tâche dont il est fait mention à l'article 159 change
le caractère professionnel de "son emploi"?
Le tableau que vous pourrez trouver à l'annexe 2 a
été préparé dans le but de mieux comprendre la
portée du mot "emploi" et des expressions auxquelles il est
rattaché. Il illustre bien la confusion qui surviendra lorsque les
intéressés, employeurs, travailleurs et la commission, voudront
exercer leurs droits et obligations.
Les paramètres d'application d'une théorie
entraînant des droits nouveaux, tel le droit de retour au travail
à "son emploi", ne doivent pas être faits sur la table de travail
des concepteurs. Avant de faire l'objet d'obligations dans la loi, les
intéressés doivent être associés à
l'étude des implications pratiques. Est-ce que cela a été
fait?
L'Association des industries forestières du Québec
Ltée s'interroge ici sur l'à-propos de légiférer
sur des dossiers aussi vitaux que le droit de retour au travail ou les plans de
réadaptation qui bouleversent des droits acquis, qui ne tiennent pas
suffisamment compte des problèmes économiques ni de
l'évolution du contenu des tâches dans les emplois. Si
déjà les employeurs ne peuvent cerner les problèmes
internes à venir, si l'implication de la commission allait
jusqu'à assigner tel emploi disponible au travailleur à
l'intérieur de l'entreprise, il faut craindre le pis. Ce sera la
confusion, les recours de toutes sortes... Si c'est la manière de
créer de l'emploi social, c'est aussi la manière de fermer les
portes des entreprises et de voir avorter des projets d'entreprises nouvelles.
Les entreprises ne peuvent, à travers la province, servir de
laboratoires expérimentaux.
Les rédacteurs du projet de loi ont certainement fait face aux
problèmes de donner une définition ou des paramètres de
contenu aux mots ou expressions utilisés dans leur texte. Ces personnes
ont dû choisir entre deux options: s'imposer une rigueur de pensée
et prévoir les définitions nécessaires, ou ouvrir la porte
à des pouvoirs discrétionnaires à donner à la
commission pour trancher dans les ambiguïtés et les situations
problématiques facilement prévisibles. L'association, à la
suite de cette interrogation, présume du choix de cette dernière
option puisque les définitions font défaut et que les pouvoirs
discrétionnaires donnés à la commission dans ce projet de
loi sont si nombreux que la loi elle-même prendra la forme d'un guide
administratif en révision perpétuelle et donnera ouverture
à des interventions juridiques constantes.
En plus de s'interroger sur l'absence de certaines définitions
clés, l'association constate que certains mots ou expressions
définis dans l'article 2 du projet s'écartent des
définitions de la loi actuelle, élargissent ou changent la
portée de la loi. Ce sont, entre autres les termes "accident du travail"
et "lésion professionnelle". À remarquer, entre autres, les
observations suivantes sur ces termes qui constituent la pierre d'assise du
projet de loi.
Un "accident du travail" y est défini comme "un
événement soudain attribuable à toute cause, survenant
à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui
entraîne pour elle une "lésion professionnelle".
Le lecteur doit alors se référer à la
définition de "lésion professionnelle" pour compléter
cette première définition.
Une lésion professionnelle est "une blessure ou une maladie qui
survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail ou une
maladie professionnelle". Malheur à celui ou celle qui n'a pas retenu la
définition d'"accident du travail" car il ou elle pourrait bien se voir
pris dans une définition sans fin.
De plus, à la lecture de l'article 26 qui dit "qu'une blessure
qui arrive sur les lieux de travail est présumée une
lésion professionnelle", il faut alors s'attendre à n'importe
quoi. Tout peut être admissible tant qu'il y a blessure. On aurait alors
envie de demander qu'on nous définisse le terme "blessure", mais on
verra vite que définir ce terme serait encadrer la lésion
professionnelle. Est-ce un oubli volontaire de la part du législateur?
Comme le législateur n'écrit rien pour ne rien dire, il faut, ou
bien qu'il y ait un objectif qu'on n'ose deviner, ou bien qu'il supprime cette
redondance avec la définition donnée au mot "accident du
travail".
L'association, quant à elle, croit urgent et primordial qu'on
définisse de façon plus claire les termes "lésion
professionnelle" et par le fait même "accident du travail", car c'est sur
l'interprétation de ces termes que sera déclenché tout le
processus d'indemnisation et de guérison des vrais et des faux
accidentés du travail. La définition de ces termes apportera un
éclaircissement que même l'actuelle loi n'apporte pas.
Pour se garantir contre les erreurs du système de traitement, le
législateur a cru bon d'y ajouter l'article 27 qui dit "est
considérée une conséquence de lésion
professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou
à l'occasion: 1o des soins qu'un travailleur reçoit pour une
lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins; ou 2o d'une
activité prescrite dans le cadre des traitements médicaux ou du
plan de réadaptation du travailleur".
L'article 27 du projet de loi veut soustraire le travailleur aux
inconvénients d'une aggravation de sa lésion à la suite de
situations sur lesquelles il n'a aucun contrôle. L'association n'y voit
pas de problème, mais que les coûts soient imputés à
l'employeur au lieu de les affecter à l'intervenant responsable qui peut
facilement s'assurer contre ses risques, l'association est en droit
d'interroger le législateur à ce sujet. (16 heures)
Les 50 ans d'expérience de la commission auraient dû servir
aux rédacteurs pour décrire objectivement les termes qu'ils
emploient dans l'élaboration des droits, des obligations et des
mécanismes de la loi.
Le monde du travail, encore ébranlé par la crise
économique qui a secoué les pays économiquement
développés, a pris conscience d'une dure réalité,
celle que la sécurité d'emploi est très aléatoire.
Projeter ou anticiper des revenus d'emploi à temps plein et vouloir en
faire le fondement d'un droit pour la victime d'une lésion
professionnelle, c'est faire abstraction des dures réalités de la
vie. L'association s'interroge donc sur l'à-propos de projeter
l'indemnité de remplacement du revenu dans l'avenir, alors que la base
objective et la justification de la réparation se situent sur les
revenus réalisés chez l'employeur dans la période de
référence qui précède la lésion
professionnelle.
Un premier aspect relié à l'indemnité du
remplacement du revenu pour les quatorze premiers jours complets suivant le
début de l'incapacité d'exercer son emploi en raison d'une
lésion professionnelle. Ce sont les articles 53 et 55.
Lorsque la Loi sur les accidents du travail fut amendée en 1978,
le législateur a introduit l'obligation à l'employeur de verser
l'indemnité de remplacement des cinq premiers jours suivant
l'incapacité d'exercer son emploi, à l'époque où
son salaire lui aurait été normalement versé. L'objectif
avoué de cette mesure devait favoriser le travailleur pour s'ajuster
financièrement à court terme, en attendant que la machine
administrative gouvernementale puisse intervenir. Maintenant que la commission
a huilé avec de l'équipement informatique, à coups de
millions, sa machine administrative, pourquoi demande-t-on aux employeurs de
procéder à un nouveau dépannage qui fait porter la
période de cinq à quatorze jours?
En 1979, pour faciliter aux employeurs l'administration reliée
aux calculs de l'indemnité des cinq premiers jours, la commission a
inventé la "Table des prestations - Application du règlement sur
le calcul du revenu net retenu." Ce document est remis à jour
annuellement et c'est à lui que se réfère l'article 59.
Voilà maintenant que le projet de loi fait passer cet outil de travail
des mains de l'employeur à celles des fonctionnaires puisque, selon la
réponse à une interrogation, l'association interprète que
cette table ne sera utilisée que pour les jours d'incapacité qui
suivent les quatorze premiers jours de la date de l'incapacité due
à la lésion.
Quel sera donc l'outil de travail que l'employeur devra prendre pour
s'acquitter de l'obligation créée par l'article 53? Cet article
établit à 90% du salaire net régulier de la victime
l'indemnité de remplacement du revenu.
L'article 55 devrait éclairer sur le sens de l'expression
"salaire net régulier" puisqu'on y trouve une explication. Cet article
indique que c'est le salaire brut régulier moins certaines
déductions à la source. Étant donné qu'on a aucune
définition du mot "salaire", les termes "salaire brut régulier"
suscitent plusieurs interrogations de la part de nos employeurs. Par exemple,
faut-il considérer le salaire brut régulier en tenant compte, ou
pas, du maximum annuel assurable? La lecture de l'article 61 devrait nous
donner une réponse négative. Pourtant, certains lecteurs n'en
sont pas convaincus. Advenant qu'il ne faille pas tenir compte du maximum
annuel assurable, le projet ajoute des coûts additionnels aux employeurs
et repose la question de base: Quel est le "revenu brut régulier" de
l'article 55?
Ce n'est là que le début des interrogations que se pose
l'association sur ces deux articles. Pour illustrer que ces interrogations ne
sont pas fantaisistes, en voici une autre. Elle porte sur un exemple
tiré de l'article 55. Au premier paragraphe de cet article, le texte
indique que le salaire net régulier est égal au salaire brut
régulier, moins les retenues à la source qui sont faites
habituellement par l'employeur. Dans l'énumération qu'on fait des
retenues, on constate qu'il n'est pas seulement question des déductions
légales, mais de toutes celles que l'employeur a bien voulu accepter de
faire à la suite de concessions collectives ou individuelles et qui sont
remises par l'employeur aux destinataires. Il en résultera que la
victime d'une lésion professionnelle est assurée du paiement
à 100% des déductions qu'elle a autorisées et de son
indemnité de remplacement égale à 90% du résidu de
son revenu net régulier. L'employeur n'a le droit de réclamer de
la commision que les 90% de ce dernier résidu, mais il aura
déboursé 100% des déductions autorisées. Attention,
les implications dépassent de beaucoup les premières
constatations. Vous aurez un exemple de cela à l'annexe 3.
Face à ces remises que l'employeur doit faire dans les quatorze
premiers jours, il est curieux de lire par la suite, dans la section Retour au
travail, que: "Pendant son absence, le travailleur continue de participer aux
régimes de retraite et d'assurances offerts dans l'établissement,
pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas
son employeur assume la sienne." C'est l'article 149. Est-ce à dire que
la section qui porte sur le retour au travail ne s'appliquerait pas aux
quatorze premiers jours?
Encore une fois, l'association s'interroge sur la sagesse des auteurs du
projet de loi car les abstractions des rédacteurs deviendront des
obligations pour l'employeur et des droits pour la victime. Advenant que les
parties divergent d'opinion sur ces interrogations de base, il faut
prévoir l'arrivée des équipes professionnelles en droit
pour forcer une jurisprudence, soit l'application d'une loi administrative par
des savants juristes, sans préparation administrative. Voilà
comment on arrive à de l'avant-gardisme!
À la suite de ces quelques illustrations, l'association
s'interroge sur la sagesse de toutes ces distinctions sur l'indemnité de
remplacement du revenu. Pourquoi n'arrête-ton pas le calcul sur la base
des revenus réalisés chez l'employeur où la lésion
professionnelle est survenue au cours des douze mois précédents,
quitte à restreindre les paramètres entre le plancher du salaire
minimum et le plafond du revenu maximum annuel assurable? Ce calcul vaudrait
autant pour les premiers jours d'invalidité que pour les périodes
plus longues.
Un autre sujet concerne les prestations versées par la commission
qui sont incessibles, insaisissables et non imposables. C'est l'article
124.
L'association s'interroge encore sur les motifs qui justifient que les
prestations versées par la commission soient incessibles, insaisissables
et non imposables. Lorsqu'on parle d'indemnité de remplacement du
revenu, on veut remplacer quoi? Du salaire, des revenus, évidemment!
Alors, pourquoi ces indemnités sont-elles sans impôt, ni
cessibles, ni saisissables?
L'histoire reliée aux victimes d'accidents du travail a
justifié les mesures d'assurances auxquelles donne droit
l'incapacité de travailler de la victime. Mais cet individu fait encore
partie de la société et il a droit aux responsabilités et
aux obligations reliées à son statut. Pourquoi en faire un
intouchable? Pourquoi l'amener à avoir besoin d'une réadaptation
sociale? L'impact du respect des responsabilités de la victime ne
fait-il pas partie du processus médical de la réparation?
De plus, il faut couper court à certains sauf-conduits.
L'application de la Loi sur les accidents du travail ne doit pas être une
porte de sortie facile pour certains travailleurs piégés par leur
inconséquence et dont le salaire fait l'objet de saisies à la
source. À cet effet, l'article 124 devrait aussi inclure
l'exécution d'un jugement de saisie-arrêt pour les dettes autres
que la pension alimentaire.
Une indemnité de remplacement du revenu ne peut établir un
droit à un montant supérieur à 100% du revenu net
après impôt des douze mois précédents; d'où
la nécessité d'établir là aussi que cette
indemnité soit imposable.
Le travailleur en chômage, qui justifie son droit aux prestations
d'assurance-chômage, même si celles-ci sont moindres que ses
revenus d'emploi, doit les déclarer dans son revenu annuel. Il en est de
même pour les régimes de pension et les allocations familiales.
L'assisté social en est exempt, mais il ne faut pas se surprendre si ses
problèmes de réadaptation sociale sont nombreux.
Il y a aussi d'autres interrogations. Toute l'indemnisation trouve son
départ avec la lésion professionnelle et l'incapacité
d'exercer son emploi en raison de cette lésion. Trois questions nous
viennent alors immédiatement à l'esprit. Pourquoi le droit
à l'indemnisation est-il déclenché dès que la
lésion professionnelle entraîne une incapacité d'exercer
son emploi? Éteint-on alors automatiquement la possibilité que le
travailleur puisse avoir d'exercer un autre emploi qui conviendrait mieux
à sa situation? Qui déterminera s'il y a incapacité
à exercer l'emploi?
Il faut clarifier le cas du travailleur qui n'a pas d'emploi et qui est
victime d'une lésion professionnelle, justifiant un droit à une
indemnité de remplacement du revenu. Étant donné que,
jusqu'à preuve du contraire, le travailleur ne peut subir une blessure
de catégorie lésion professionnelle, s'il n'est pas au travail,
le législateur ne devrait-il pas reconsidérer les termes
"lésion professionnelle" pour les remplacer par "maladie
professionnelle", ce cas-ci étant soi-disant plus probable?
L'employeur ne peut être indifférent aux mécanismes
de la réparation des lésions professionnelles. Les victimes sont
ses travailleurs et les coûts lui sont toujours imputés. Le projet
de loi amène l'association à s'interroger sur les moyens de
contrôle et d'intervention laissés à l'employeur dans tout
le processus de la réparation.
L'association trouve d'abord aberrant que l'employeur soit si facilement
oublié dans les articles du projet de loi lorsqu'il est question de ses
droits. Quelques exemples suffiront à justifier cette interrogation.
Les cas de lésion professionnelle
nécessitant une assistance médicale verront au moins un
professionnel de la santé. L'employeur est tenu responsable des frais de
transport de la victime. L'employeur aura à payer la journée de
travail au cours de laquelle survient la lésion et les premiers jours de
travail qui suivent, si nécessaire. Mais nulle part dans le projet de
loi on n'établit comment l'employeur est avisé formellement que
le travailleur est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa
lésion dans les heures qui suivent l'événement. Par
contraste, le droit du travailleur sur cet aspect, qu'on retrouve aux articles
48 et 53, ne peut être plus clair.
Un autre exemple. L'article 45 établit que le professionnel de la
santé désigné par l'employeur n'a droit d'accès
qu'au dossier médical. Cette restriction imposée à
l'employeur quant à l'accès à la totalité de
l'information fournie par le travailleur à la commission est à
notre avis inexplicable. Que cherche-t-on à cacher? Comment l'employeur
peut-il se rendre compte de la justesse des calculs servant à
déterminer l'indemnité de remplacement du revenu, laquelle peut
inclure des revenus provenant d'autres sources, s'il ne peut vérifier
à la source, c'est-à-dire la déclaration du travailleur,
la provenance des revenus présumés?
D'autre part, comment l'employeur pourra-t-il se rendre compte de la
véracité des déclarations faites par son employé
quant aux conditions de travail? Il n'est pas rare, expériences à
l'appui, que les travailleurs fournissent de fausses déclarations
à la commission à ce sujet dans le but avoué de continuer
à recevoir des prestations.
Un autre exemple. La Loi actuelle prévoyait, jusqu'au 22 octobre
dernier, le droit des employeurs d'avoir un comité de surveillance pour
voir à leurs intérêts. La suppression de ce droit qui
existait depuis 50 ans, qui malheureusement n'a pas suffisamment
été utilisé, amène l'association à se
questionner sur les motifs de cette abrogation et à s'interroger aussi
sur la nécessité d'inclure cette disposition dans le projet de
loi. Quand on paie la facture, on devrait avoir le droit d'en analyser le
contenu.
Enfin, un autre exemple. Les obligations de l'employeur, à la
suite d'une lésion professionnelle survenue à un travailleur,
sont sans commune mesure avec l'examen de contrôle que lui accorde
mesquinement le projet de loi à l'article 133.
Cet article mériterait d'être revu pour éliminer la
restriction à un seul examen médical mensuel déjà
prévu dans la loi actuelle et sous-utilisé par surcroît. La
loi doit élargir le droit de l'employeur à faire effectuer des
examens entre les premiers jours de l'invalidité et la date du retour au
travail. Ces modifications sont d'autant plus importantes que le projet de loi
laisse, à toutes fins utiles, le sùin aux parties d'administrer
les quatorze premiers jours de l'invalidité. Il serait important de
préciser aussi le contenu d'un examen afin d'y inclure les
procédures radiologiques nécessaires aux fins diagnostiques et
qui ne peuvent souvent avoir lieu le jour même.
En raison de l'importance majeure que l'association attache aux
considérations psychosociales fondamentales exprimées au
début de ce mémoire, il faut que le professionnel de la
santé, choisi par l'employeur, trouve dans la loi les droits qui lui
assureront des moyens d'action à l'égalité de ses
obligations.
Dans les notes explicatives qui précèdent le texte de loi,
on trouve une petite phrase candide et toute naïve: "Ce projet de loi
confère à la commission quelques pouvoirs réglementaires
et établit le mode d'entrée en vigueur des règlements."
Les rédacteurs de cette phrase ont mis au bout de la ligne à
pêche de chaque député le plus beau leurre qu'on puisse
imaginerl (16 h 15)
En premier lieu, il faut se rappeler qu'il s'agit d'une loi
fondamentalement administrative dont la mise en place dépendra des
politiques administratives maison, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas
à être prépubliées, ni publiées à la
Gazette officielle pour être mises en vigueur. Il y a même lieu de
se poser la question: Est-ce qu'elles doivent être adoptées par le
conseil administratif de la commission? Nulle part dans le projet de loi le
texte ne fait référence à cette intervention.
L'expérience de la politique relative au calcul du revenu du 10 janvier
1983, qui n'a jamais été adoptée par le conseil
d'administration de la commission, est pourtant devenue l'outil de
référence des agents d'indemnisation des directions
régionales.
En deuxième lieu, pourquoi aurait-on donné à la
commission de multiples pouvoirs réglementaires alors que le texte du
projet de loi établit clairement des pouvoirs discrétionnaires
à multiples facettes? Certains ont relevé au moins 38 articles
où de tels pouvoirs sont prévus. Les outils de contrôle des
employeurs ne sont pas des plus faciles à manipuler. À toutes
fins utiles, ils seront dispendieux à utiliser puisque la
présomption n'est jamais acquise à l'employeur. La
responsabilité, avec ou sans faute, ne constitue-t-elle pas l'une des
assises de la loi?
Les inquiétudes de l'association, face à ces
interrogations, dans l'analyse du projet de loi sont multiples et elle anticipe
que les recours qu'utiliseront les intéressés pour
défendre ou obtenir leurs droits seront des outils d'usage courant. Il
est normal qu'ils doivent être conçus pour répondre
à l'attente. Il faut donc être en mesure de comprendre les rouages
administratifs que le
projet de loi veut mettre en marche. L'association se bute toujours
à des problèmes de fond. Les interrogations sont si nombreuses
que c'est prendre des risques que de recommander des outils qui se
révéleront inutiles, nuisibles et même dommageables
à la mise en vigueur du projet de loi.
Pourquoi les procédures d'appel actuelles doivent-elles
être modifiées? Le bureau de révision, à
l'expérience, s'est avéré un bon outil de
réparation des torts causés à l'une ou l'autre des parties
par suite d'une mauvaise décision d'un agent d'indemnisation. Le niveau
d'appel subséquent devant la Commission des affaires sociales devrait
lui aussi être conservé, bien que certaines de ses
décisions aient dépassé, à notre avis, le cadre de
l'application de la Loi sur les accidents du travail pour en faire une loi
sociale au même titre que les autres lois où elle a
juridiction.
Le plus gros reproche administratif que les employeurs de notre
association font au statu quo vise les retards à entendre les causes, ce
qui alimente des inquiétudes chez les travailleurs concernés,
entraîne de nouvelles mises à jour des appréciations
médicales et impose à l'employeur l'imputation de tous les
coûts reliés à ces retards. Faut-il lire, dans le projet de
loi, que les bureaux de révision actuels feront place à un
mécanisme de reconsidération administrative maison, tel que
l'article 244 le dit, dont le pouvoir discrétionnaire irait
jusqu'à renverser, de sa propre initiative, une décision en appel
de la Commission des affaires sociales?
Le chapitre X, qui traite de la compétence de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail et appel,
soulève une multitude d'interrogations graves. Il y a lieu de
s'interroger sur les pouvoirs absolus que la commission veut obtenir par les
articles 238, 239 et 246. Fait-on face à une tentative de créer
un État dans l'État? Le gouvernement, dans la Loi sur la
santé et la sécurité du travail, a inventé pour la
commission la parité dans la prévention. Veut-on maintenant
instituer une autocratie dans la réparation et la réadaptation
sociale des victimes de lésions professionnelles? Qu'en pense le
contentieux du ministère de la Justice? Les implications
qu'entraîneront les dispositions de ce seul chapitre obligent
l'association à interroger à nouveau le gouvernement sur la
sagesse d'aller plus avant avec le projet de loi tel que
rédigé.
En conclusion, M. le Président, le projet de loi fait peur. Le
législateur avait l'occasion de traiter le travailleur victime d'une
lésion professionnelle en adulte et de l'obliger à
coopérer au plan de la réadaptation au travail à la suite
d'une lésion bénigne. C'est le contraire qui est retenu. On le
dégage de certaines responsabilités et on ne favorise pas sa
réadaptation hâtive à un travail adapté.
Le législateur avait l'occasion de corriger certaines lacunes de
la loi actuelle en précisant certaines définitions qui
soulevaient de plus en plus de problèmes d'interprétation. C'est
le contraire qui est arrivé. On introduit des expressions nouvelles qui
ne sont pas définies, même si elles reviennent constamment dans le
texte, et peuvent s'interpréter différemment d'une situation ou
d'un article à l'autre.
Le législateur avait l'occasion d'ajuster les mécanismes
de recours, soit pour réduire les périodes de délai ou
pour donner plus de transparence aux règles administratives. C'est la
voie de la nouveauté qu'on choisit en voulant supprimer le Bureau de
révision pour le remplacer par un mécanisme de
reconsidération administrative maison dont il faut craindre le manque de
transparence en raison de ses pouvoirs discrétionnaires.
M. le Président, l'association a carrément peur de ce
projet de loi. Elle espère avoir convaincu les membres de cette
commission que le projet de loi doit être repris au complet pour
clarifier son contenu et réduire le nombre des interrogations qu'il
suscite.
M. le Président, nous avons remis au secrétariat quelques
autres annexes qui vont dans le sens de celles qui étaient
déjà intégrées au document. Nous répondrons
avec plaisir aux questions qu'on voudra nous adresser. Merci.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, M.
Duchesne, de la présentation. Effectivement, les trois ajouts ont
été distribués aux membres de la commission. Nous allons
maintenant passer à la période de commentaires et de questions.
La parole est au ministre du Travail.
M. Fréchette: Merci, M. le Président. Je voudrai,
bien sûr, d'abord remercier l'Association des industries
forestières du Québec de nous avoir livré ses commentaires
sur le projet de loi 42. Comme on le souligne dans le mémoire, M. le
Président, il est évident qu'on a dû procéder
à plusieurs séances, plusieurs réunions de travail pour en
arriver à coucher sur papier toutes les préoccupations que
suscite le projet de loi 42 chez les membres de l'Association des industries
forestières du Québec.
De façon plus précise, vous avez situé à
trois niveaux les grandes préoccupations que vous nous soumettez et,
pour utiliser votre propre expression, vous avez des préoccupations qui
sont à trois dimensions et vous avez fait un chapitre pour chacune de
ces préoccupations. La première est d'ordre psychosocial, comme
vous l'avez vous-même identifiée; la deuxième se
réfère à d'éventuels points de confusion que
pourrait amener l'interprétation de la loi et,
troisièmement, vous êtes inquiets de la pauvreté des
moyens de contrôle qui sont laissés à l'employeur.
Je voudrais, quant à moi, M. le Président, être
très bref dans mes questions et peut-être tenter d'obtenir un peu
plus de renseignements, en particulier, quant à la première
dimension que vous soulevez, cette dimension que vous appelez phychosociale. Je
veux être certain d'avoir bien compris, mais il m'a semblé que
votre préoccupation procède de l'état actuel des choses,
procède également de ce qu'on retrouve dans la loi 42 quant au
"traitement" qui doit être donné dans les heures qui suivent un
accident de travail. Cela me semble être là-dessus que votre
inquiétude est particulièrement basée.
Vous insistez sur la nécessité pour le travailleur de
prendre certaines responsabilités immédiatement après
qu'il est engagé dans le processus qui suit un accident de travail.
J'aimerais, quant à moi, vous entendre préciser cela au niveau
des obligations et en termes peut-être un peu plus concrets parce que je
crois comprendre que vous avez situé vos observations en termes
généraux. En termes plus concrets et à partir d'exemples
peut-être qui pourraient être mis sur la table pour fins de
discussion, à quel genre d'obligations pensez-vous que devrait
être soumis le travailleur ou la travailleuse accidentée,
obligations auxquelles il n'est pas actuellement soumis? Je ne sais si je me
fais bien comprendre par la nature de cette question, mais j'aimerais pouvoir
approfondir davantage les objectifs que vous visez quand vous vous
préoccupez de l'aspect psychosocial de l'accident de travail.
M. Duchesne: Si vous permettez, M. le ministre, le Dr Guillemette
va attaquer cette question.
M. Guillemette (Michel): Notre présentation, en fait,
découle d'une constatation un peu globale de la situation actuelle. Je
vous avoue que ce qui frappe actuellement dans le... Le problème,
à mon sens, le plus important au niveau de la réparation des
lésions professionnelles touche la réadaptation sociale. Je pense
que c'est là que les coûts les plus grands sont actuellement
engagés. Il s'agit, dans la plupart des cas, de coûts
reliés à la réadaptation de travailleurs qui ont subi des
lésions professionnelles et qui n'ont pas, à toutes fins utiles,
réintégré le marché du travail depuis une longue
période. On parle facilement de mois ou même d'années et,
à mon sens, c'est un problème qu'il n'est pas facile de
résoudre, parce qu'on s'occupe trop tard de la question de la
réinsertion de l'accidenté au travail.
Cela dit, je mets de côté toutes les lésions qui
conduisent à des processus de guérison longs et ardus. Je mets de
côté tout l'aspect des gens qui se font amputer un membre ou qui
ont des blessures professionnelles graves avec lésions objectives et les
autres qui ont... Par exemple, je pense à certains de nos travailleurs
chez qui on a découvert une lésion personnelle à la suite
d'une aggravation d'un accident de travail et qui, après avoir
passé la période de récupération médicale de
cette aggravation, se retrouvent au même niveau qu'avant l'accident,
c'est-à-dire porteurs de leur condition strictement personnelle acquise
durant l'enfance ou dès la naissance; ils se voient forcés
d'abandonner un peu ce travail parce qu'il est, de toute évidence,
incompatible avec leur propre condition personnelle et on les oriente vers la
réadaptation sociale.
Le problème de la réadaptation sociale est donc un
problème auquel on doit s'attaquer le plus vite possible. Comment? Je
pense que ce qui a fait défaut jusqu'à présent, c'est
qu'on a trop facilement accordé pour des lésions bénignes
des arrêts de travail de quelques jours. Cela peut paraître sans
conséquence, mais ce n'est pas sans conséquence. Tout arrêt
de travail pour une lésion quelconque entraîne automatiquement des
gratifications qui ne sont pas nécessairement financières, mais
qui peuvent être aussi d'origine affective. En particulier, la lombalgie,
qui est peut-être l'exemple le plus frappant, est une lésion
professionnelle qui est quelque chose qui apporte une dimension toute
particulière. Quand on parle de gratification affective, on entend le
fait que le travailleur se trouve à ce moment-là dans une
situation de dépendance ou de condescendance vis-à-vis de son
entourage, dans le sens qu'il est, non pas dorloté, mais soumis à
des pressions de la part de la famille qui font qu'il y a un contexte
particulier inhabituel qui peut lui faire prendre des dimensions
particulières vis-à-vis de son travail. Il est
dégagé de la responsabilité de se lever le matin pour
aller travailler. Il est peut-être soumis à un régime de
traitements qui commence par un repos. À ce moment-là, il
reçoit de la part de son entourage certaines attentions qui sont
inhabituelles. (16 h 30)
Nous pensons que déjà, dès le début, cette
condition amène des changements au niveau de la perception du
travailleur vis-à-vis de ses responsabilités face à son
employeur et à la société en général. Trop
souvent, le travailleur a l'impression que l'accident du travail pour une
lésion bénigne est un ticket pour un congé qui peut
être d'une durée plus ou moins longue, mais qui peut tomber
à point dans certaines circonstances. Nous croyons que le travailleur
devrait, s'il est capable de remplir certaines tâches, être
réintégré dans son milieu de travail de façon
à ne pas perdre contact
avec la réalité et pourrait conserver ses attaches, son
emploi, ses compagnons de travail, son milieu. Nous pensons que, par ce
procédé, la récupération va se faire beaucoup plus
facilement, dans des meilleures conditions, que si on retire le travailleur de
son milieu et qu'on le mette dans des conditions très spéciales,
inhabituelles, qui n'ont pas de rapport avec la lésion comme telle.
Je ne sais pas si...
M. Fréchette: Je vous remercie, Dr Guillemette. Cela
répond effectivement à ma question, bien que l'argumentation que
vous venez de nous soumettre soulève, elle aussi, une question
importante qui devrait, me semble-t-il, faire l'objet de nos
préoccupations. Vous avez indiqué dans votre argumentation qu'un
des motifs pour lesquels on doit soulever la dimension psychosociale, c'est
qu'il y a parfois, sinon souvent, des arrêts de travail qui sont
démesurément longs par rapport à la nature de la blessure
ou de la maladie. Quand je vous dis que cela soulève un tout autre
débat, cela soulève le débat de l'expertise
médicale à partir de laquelle la commission va rendre une
décision pour déterminer la période pendant laquelle
l'accidenté doit être retiré de son milieu. Vous voyez que
cela soulève un autre débat important.
Je ne sais pas si c'est à vous qu'on peut demander une opinion
là-dessus. Je sais qu'on doit entendre, demain, la
Fédération des omnipraticiens. On a entendu la
Fédération des spécialistes. Je ne sais pas si vous avez
des commentaires à nous soumettre concernant l'autre question qui nous
vient spontanément à l'esprit quand on suit votre argumentation:
Est-ce qu'il y a des détails additionnels que vous pouvez ajouter ou si
vous êtes d'accord avec moi qu'effectivement on est, là aussi,
devant une situation qui n'est pas simple à définir et à
contrôler?
M. Guillemette: Je suis parfaitement d'accord avec vous et je
pense qu'on devrait cesser de considérer la question des blessures
reliées à un accident du travail justement à cause des
aspects de gratification financière ou autres qui y sont
rattachés au même titre qu'un accident ou une maladie qui est
survenue en dehors du travail. Je ne touche pas du tout au droit du travailleur
à choisir son médecin ou au droit fondamental d'un individu,
d'une personne, à être maître de sa destinée, en ce
sens-là. Mais, dans l'optique des accidents du travail, il y a une autre
dimension qui s'ajoute et cette dimension peut amener des tangentes
vis-à-vis du comportement normal d'un individu. Il faut que, du point de
vue médical, on prenne conscience de cela. Il existe des moyens de
contrôle, mais dans tous les régimes où il y a un tiers
payant... La Régie de l'assurance-maladie du Québec a, elle
aussi, des moyens de contrôle sur la qualité de l'acte
médical et elle entreprend, de temps à autre, des
procédures contre certains médecins qui ont, selon toute
apparence de droit, abusé du système. Les compagnies d'assurances
privées ont aussi leurs propres mécanismes de contrôle et
il n'y a pas une compagnie d'assurances privée qui va donner une
couverture inconditionnelle, à ce chapitre, à ceux qui s'y
assurent. Dans le même sens, il faut admettre qu'au titre de la
psychologie ou des relations entre le médecin traitant et le
travailleur, il peut se glisser des facteurs qui vont modifier un peu ou
changer un peu la relation habituelle qu'on peut retrouver dans de telles
circonstances.
Je suis un omnipraticien. En pratique privée, quand j'avais des
problèmes dans un cas, il fallait, par discipline personnelle - je pense
que tous les médecins sont comme cela - que je prenne du recul, à
un moment donné. Est-ce que je me suis trompé de diagnostic?
Est-ce que je me suis trompé de traitement? Est-ce que mon traitement
est adéquat? À ce moment-là, il n'y a rien de
déshonorant à ce qu'un omnipraticien demande à un
confrère spécialiste une consultation sur ce domaine
précis. La même chose peut aller au point de vue d'un
médecin spécialiste qui, devant le cas d'une lésion qui ne
semble pas évoluer comme elle le devrait, alors que tous les examens
subjectifs et objectifs concourent à un certain diagnostic et que rien
ne fonctionne, doit prévoir un mécanisme afin de pouvoir reculer
un peu de la forêt, afin qu'on n'ait pas seulement l'arbre, mais qu'on
puisse voir l'ensemble du problème. À mon sens, les
mécanismes prévus par la FMSQ, en un certain sens, vont dans ce
sens. Qu'un tribunal ou qu'un panel de médecins spécialistes
arbitrent dans un cas de litige, en ce sens, je pense que c'est quelque chose
qui devrait être inscrit dans le projet de loi.
M. Fréchette: Je vous remercie, docteur, de ces
précisions. Il y a un autre aspect dans l'évaluation que vous
avez faite de cette dimension psychosociale. Là, peut-être que je
poserais ma question ou que j'adresserais ma constatation à votre
directeur gérant, quitte à lui demander de nous fournir ses
commentaires. Vous savez, la réadaptation sociale parfois dure
longtemps. Elle est longue, parce que des travailleurs ou des travailleuses qui
ont été accidentés, qui seraient disposés et en
mesure à tous égards de reprendre leur travail, ne le reprennent
pas, parce que l'employeur préfère qu'ils ne le reprennent pas.
Enfin, on voit cela dans certains milieux qu'un accidenté du travail a
beaucoup de difficultés à réintégrer son emploi.
Alors, lorsqu'on parle de réadaptation sociale, de
réintégration sociale, il est évident que, ne
pouvant retourner à son travail original, là où il a eu
une blessure, se croyant en mesure de pouvoir reprendre ce travail,
s'étant fait confirmer par son médecin qu'il était en
mesure de le faire, lorsqu'il ne peut pas y retourner pour toutes sortes de
motifs que je ne juge pas, que je n'évalue pas, vous allez comprendre
que cela peut avoir une influence importante sur l'état
général du travailleur qui est concerné par une situation
comme celle-là. Je vous réitère que ce n'est pas
nécessairement une question, c'est une observation que je mets sur la
table. Je suis évidemment réceptif à toute
évaluation qui irait dans le sens contraire ou à une
appréciation qui m'indiquerait que je n'évalue pas la situation
comme il le faut.
M. Duchesne: J'ai l'impression, M. le ministre, effectivement,
que la façon dont le projet de loi est rédigé risque
d'aggraver une situation que vous décrivez, en ce sens qu'on
enlève le peu de motivation qui peut exister chez l'individu de se
réintégrer rapidement dans une fonction qu'il occupait
précédemment, puisque cette responsabilité serait
l'équivalent de la responsabilité de l'employeur de lui assurer
une réparation en cas d'accident. Ce que le Dr Guillemette expliquait il
y a quelques instants, vous pouvez le retrouver dans l'annexe 1 de notre
présentation. Si, d'une part, il est juste et équitable que
l'ouvrier accidenté soit compensé dans les meilleurs
délais, il est aussi juste et équitable, je pense, qu'il vise
à revenir au travail le plus tôt possible. C'est cet aspect de la
motivation qui doit exister et qui va minimiser le genre de situation que vous
venez de décrire.
M. Fréchette: Je prends bonne note de ce que vous nous
dites. On va évidemment évaluer votre appréciation de
cette dimension dont vous venez de nous parler. Quant au deuxième aspect
de votre argumentation, celui qui attire notre attention sur de possibles
points de confusion quant au texte actuel du projet de loi, j'ai cru comprendre
que cette inquiétude se référait à deux aspects
bien précis. D'abord, et vous le dites dans votre mémoire, la
lettre même de la loi et, deuxièmement, ce que vous et plusieurs
autres, je dois le dire sans réserve puisque c'est là la
réalité, ce que vous identifiez comme étant des pouvoirs
de réglementation, de contrôle que vous évaluez comme
étant exagérés, enfin, trop larges et qui sont remis entre
les mains de la commission.
Quant au premier aspect, celui de la possibilité de revoir le
texte même de la loi, je vous signale que la commission parlementaire est
précisément pour cela. C'est effectivement un des objectifs, un
des buts que l'on poursuit de se faire dire par des gens qui doivent
quotidiennement vivre l'application de cette loi quels sont les points qui
pourraient effectivement créer de la confusion. Vous en avez
identifié plusieurs dans votre mémoire. En particulier, je
retiens l'expression "son emploi", par exemple. Je retiens également
"revenu brut régulier", "revenu net régulier", enfin toute la
nomenclature des expressions que l'on retrouve dans votre mémoire. Je
vous signale, sans autres commentaires, qu'à cet égard nous
allons effectivement regarder de très près, d'une part, vos
préoccupations et, d'autre part, les suggestions que vous nous
faites.
Deuxièmement, quant aux pouvoirs réglementaires, je vous
réitère que, depuis que nous sommes en audition, c'est maintenant
la septième journée, nous en arrivons à près de 30
mémoires jusqu'à maintenant et cela a été une
constante ou à peu près, autant de groupes représentant
les parties syndicales que de groupes représentant les parties
patronales. Je ne sais pas comment vous allez recevoir ce que je vais vous
dire, mais veuillez croire que je suis tout à fait sincère quand
je vous le dis. Ce n'est ni par caprice, ni par plaisir que les pouvoirs
réglementaires que l'on retrouve dans la loi y sont. C'est strictement
parce qu'il faut bien, à un moment donné, que quelqu'un prenne
une décision. Je vous signalerai aussi, sans aucune réserve non
plus, que les gens qui travaillent et qui oeuvrent à l'intérieur
de la commission vont n'être que satisfaits de se voir
dégagés de l'application de certains pouvoirs
réglementaires, vu qu'il y a presque toujours, en fin de compte, de la
contestation à cet égard.
Est-ce que vous seriez d'accord pour que la possibilité soit
examinée de rapatrier le plus grand nombre possible de pouvoirs
administratifs à l'intérieur même de la loi? En d'autres
mots, que ce ne soit plus laissé à l'appréciation,
l'évaluation, le jugement d'une personne qui, actuellement, est
habilitée à faire ce genre d'exercice, mais qu'on rapatrie
à l'intérieur de la loi le plus grand nombre possible d'actuels
pouvoirs discrétionnaires. Je serais, par ailleurs, fort malheureux si,
dans six mois ou dans un an ou dans deux ans d'ici, on revenait et on nous
disait: Retournez donc à la commission avec ces pouvoirs
réglementaires parce qu'on est encarcané dans la loi. Vous voyez
le dilemme dans lequel on est? La question que je vous soumets et sur laquelle
j'apprécierais avoir vos commentaires, c'est effectivement la suivante:
Est-ce qu'il faut envisager l'optique, la possibilité de rapatrier dans
la loi le plus grand nombre possible de pouvoirs réglementaires
administratifs ou autres que l'on retrouve dans la loi 42 tel que nous l'avons
sur la table actuellement? (16 h 45)
M. Duchesne: Notre perception de la loi 42, M. le ministre, est
carrément dans ce sens. Il s'agit, d'après la
compréhension qu'on en a à l'heure actuelle, de
concrétiser dans une loi un certain nombre de pratiques vers lesquelles
on s'en allait ou qui étaient déjà mises en oeuvre par la
commission. On en profite pour ajouter un certain nombre d'autres
précisions. La difficulté que cela pose vraiment, c'est que, pour
répondre à cette question, on va rester au niveau de la
philosophie ou on va en arriver à reposer les mêmes questions que
celles qu'on vous a posées depuis tantôt et qui ne sont pas, en
passant, toutes les préoccupations qu'on a. Il y en a quelques autres
qui traînent encore. Il est difficile de se faire une idée
précise à l'heure actuelle de la situation qui prévaudrait
après l'adoption de cette loi, parce qu'il y a trop de questions qui
sont sans réponse ou qui amènent des réponses
contradictoires. Une fois ces questions éclaircies, il est possible
qu'on soit mieux d'avoir ces pouvoirs, effectivement, sous une forme
légale. Cela va être fixe et on va savoir où on s'en va.
Par contre, si on revient au niveau philosophique, il y a carrément une
certaine latitude qui doit rester quelque part. Ce dont nous avons peur, c'est
que la latitude soit orientée toujours dans le même sens.
M. Fréchette: Je vous donne un seul exemple de ce que je
pense: les politiques ou les modalités de réadaptation sociale,
par exemple. Jusqu'à maintenant, les gens qui se sont prononcés
là-dessus nous disent qu'ils souhaiteraient voir incorporer à la
loi les politiques de réadaptation sociale, qu'on retrouve à
l'intérieur même de la loi les cadres, les balises, les normes
à l'intérieur desquelles les politiques de réadaptation
sociale se retrouveraient, de sorte qu'on saurait très
précisément à quoi s'en tenir, bien sûr. Mais on
serait aussi encadré et on ne pourrait déborder d'aucune
espèce de façon ce qu'on retrouverait comme politique à
l'intérieur de la loi. Cela rejoint la préoccupation que vous
venez de soulever et qui est de taille, effectivement.
Maintenant, j'ai une dernière question, quant à moi, M. le
Président. Vous formulez des inquiétudes quant à cette
disposition de la loi 42 qui ferait que le délai de cinq jours serait
prolongé jusqu'à quatorze jours. Je comprends vos
appréhensions et d'ailleurs toutes les parties patronales ont
soulevé la question avec beaucoup d'insistance depuis le début,
en nous rappelant tout particulièrement que, lorsque ce délai est
passé à cinq jours, il y a eu une incidence dans l'augmentation
des accidents de cette durée, bien que - et je pense que les
statistiques le démontrent - vers 1982-1983, cela se soit
stabilisé.
Je vais simplement vous indiquer quel est le rationnel qui est
derrière cette proposition pour permettre qu'ensemble on puisse analyser
les pour et les contre, si vous me permettez l'expression. Les stastitiques
démontrent assez clairement que, dans l'état actuel des choses,
les accidents entraînant des absences de quatorze jours ou moins sont de
l'ordre d'à peu près 80% de l'ensemble de tous les accidents
à la commission, ce qui veut dire entre 150 000 et 200 000 dossiers ou
à peu près. La première préoccupation,
c'était de voir ces 150 000 ou 200 000 dossiers traités
rapidement, d'éviter qu'ils entrent dans la machine, s'engagent dans le
processus administratif que l'on connaît et que cela prenne le temps que
l'on sait. C'était une première préoccupation qui
m'apparaît de taille, encore une fois, quand on regarde la proportion des
accidents qui entraînent des absences de moins de quatorze jours.
Il faut retenir aussi que, dans la loi -évidemment, est-ce que le
texte rend compte très précisément de l'intention? cela
sera à voir, mais moi je vous signale quelle est l'intention du
législateur - lorsqu'une absence du travail ne sera pas
médicalement motivée après que le médecin traitant
aura évalué l'état de son patient, ce dernier devra
rembourser les sommes d'argent qui lui auront été payées
pour les quatorze premiers jours ou moins. Je vous vois sourire. J'ai
hâte de vous entendre tout à l'heure. Est-ce que ce n'est pas
là, dans votre appréciation, une modalité suffisamment
contraignante pour éviter cette espèce d'incitation à
laquelle tout le monde a fait allusion depuis le début des
auditions?
M. Duchesne: Non, M. le ministre, pour répondre à
la deuxième partie de votre question. Le remboursement à l'heure
actuelle et avec la nouvelle version de la loi ne nous apparaît pas
quelque chose qui puisse devenir la règle habituelle et efficace dans le
cas des montants surpayés. On l'a mentionné d'ailleurs dans le
document. Les faits démontrent que, dans ces cas, la
récupération des sommes est difficile à faire.
Par ailleurs, si 80% des cas à l'heure actuelle sont
inférieurs à quatorze jours, on peut se demander quel serait
l'effet justement de porter à quatorze jours la période de base.
Est-ce que cela va rallonger la période moyenne? Qu'est-ce qui est
arrivé quand on a établi cela à cinq jours? Je pense qu'il
y aurait lieu à ce moment d'avoir une mesure qui puisse motiver dans le
sens contraire, pour raccourcir la période. Nous avons
suggéré dans le mémoire un délai de carence de deux
à trois jours qui aurait tendance à être significatif sur
une base de cinq ou même de quatorze jours, mais qui ne serait
certainement pas significatif pour les cas à long terme et qui, nous
pensons, exercerait un effet important vers la
réduction de cette moyenne qui est à 80% inférieure
à quatorze jours.
M. Laurent Tremblay a peut-être quelque chose à ajouter sur
cela.
M. Tremblay (Laurent): Voici le premier commentaire que je
pourrais faire concernant la fameuse période de quatorze jours. Vous
avez mentionné, M. le ministre, en fait, que ces sommes pouvaient
être récupérables advenant que la réclamation ne
soit pas fondée. Il reste quand même que, pour cette
récupération, ce sera toujours l'employeur qui aura "l'odieux"
d'aller rechercher ces sommes à même l'argent gagné par le
travailleur, si naturellement il est encore à son emploi. Cette fameuse
question des quatorze jours amènent plusieurs questions. D'une part, si
vous regardez les statistiques qu'on vous a fait parvenir avant le début
de la présente audition, où on a fait une analyse dans certaines
usines pour voir un peu quelle avait été l'incidence, à
compter de 1978, du paiement des cinq premiers jours par l'employeur, on
réalise qu'il y a des augmentations que je peux qualifier de
fantastiques. D'ailleurs, vous avez ces informations à votre
disposition. Par exemple, on a fait un relevé dans deux usines. En 1977,
par exemple, pour l'usine X où il y avait 2 907 919 heures
travaillées, il y avait eu des pertes de temps de moins de cinq jours au
nombre de six. Pour un nombre légèrement inférieur
d'heures travaillées pour les années 1978 à 1983, le
nombre est passé graduellement à 15, 35, 23, 38, 29 et 42. Je
regarde l'autre usine et on voit exactement la même tendance.
Lorsqu'on voit, par exemple, l'élimination du délai de
carence qui n'était quand même pas très long en fonction de
la loi actuelle, puisque la compensation s'applique à la journée
qui suit l'accident, et lorsqu'on regarde les dispositions de l'article 26 du
projet de loi, on doit admettre qu'on a des craintes importantes face aux
quatorze jours. D'une part, en se basant sur l'expérience des cinq jours
et, d'autre part, en se basant sur la plus grande
générosité ou des textes beaucoup plus souples, on a un
certain nombre de craintes de voir que ces quatorze premiers jours
n'entraînent une augmentation importante au niveau de la durée de
la compensation.
Il est bien évident que, lorsque les quatorze jours sont
rémunérés par l'employeur, le travailleur n'a alors aucun
délai d'attente. La commission étudie le cas et verse le
montant.
Sur ce point, j'aimerais quand même faire une petite
référence. Je trouve un peu drôle que, dans ce projet de
loi, d'une part, tenant compte qu'on mentionne qu'il y a 80% à 85% des
cas dont la durée est inférieure à quatorze jours, on
veuille introduire cette disposition, mais que, d'autre part, à
l'article 172, on demande à l'employeur de soumettre le rapport
d'accident dans les vingt jours. Si je comprends bien le texte, cela signifie
que, pour 15% des travailleurs accidentés dont la durée de
compensation est supérieure à quatorze jours, le délai
d'attente qu'on connaissait en 1978 va se perpétuer avec ce groupe.
M. Fréchette: Cela va, M. le Président. J'ai
terminé, quant à moi.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant
à M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation
politique, j'aimerais vous remercier pour la présentation de votre
mémoire et aussi vous féliciter pour la qualité et la
représentativité de l'Association des industries
forestières du Québec. Il est sûr que, dans votre
mémoire quand même assez volumineux, vous avez traité
beaucoup des aspects du projet de loi 42 et, comme vous nous l'avez dit tout
à l'heure, vous en avez encore en addenda.
En écoutant le ministre tout à l'heure, à sa
première réaction, quand il disait qu'il fallait agir, on est
bien d'accord avec lui qu'il y a un problème réel à la
CSST présentement. Mais, à partir du principe qu'il faut agir, je
pense aussi qu'il faut agir et être conséquent dans nos
agissements pour l'amélioration du système.
Lorsque vous nous dites en conclusion de votre mémoire que le
projet de loi 42 vous fait peur, cela ne nous rassure pas de voir votre
réaction parce que vous regroupez quand même au-delà de 100
000 employés au Québec. Lorsqu'une association comme la
vôtre vient nous dire en commission parlementaire: Ce projet de loi nous
fait peur, de notre côté, en tant que législateurs, on doit
se poser de sérieuses questions. Surtout lorsque votre association
représente 22% des exportations du Québec qui sont de 6 000 000
000 $, on doit drôlement s'interroger sur la pertinence d'avoir un projet
de loi ou une loi qui ne sera pas conforme aux aspirations auxquelles vous
voulez bien adhérer, vu que vous avez quand même le souci premier
de la protection de vos travailleurs et de vos employés. Il faudrait
peut-être démystifier le fait que l'employeur est quelqu'un qui
veut écraser l'employé. S'il n'y avait pas d'employés, on
n'aurait pas d'employeurs non plus. Alors, à partir de ce principe, tout
le monde veut avoir un souci d'équité vis-à-vis de
l'employé et aussi le gouvernement vis-à-vis de l'employeur.
Vous avez parlé de trois objectifs que vous auriez pu traiter
dans votre mémoire. Vous en avez choisi un qui est l'objectif
psychosocial de l'employé. Vous avez quand même été
très franc. Vous dites que vous
auriez pu refuser de présenter un mémoire et de vous
prononcer sur le projet de loi 42, sauf que cela n'aurait rien apporté
de nouveau. C'est là un aspect positif de votre part et une contribution
à l'intérieur du système de réparation que l'on
retrouve à la CSST. (17 heures)
Dans le préambule, vous nous dites que le législateur
touchera des intervenants du marché du travail et cela, peu importe leur
niveau d'intervention. Il est primordial et même de la
responsabilité du législateur de s'assurer de la clarté
des dispositions, afin d'éviter que cette loi ne devienne un refuge de
jurisprudence et de politiques administratives. On s'entend bien
là-dessus. Somme toute, lorsque vous faites l'énumération
des articles qui sont nébuleux pour vous, pour l'employeur, et aussi
nébuleux pour l'employé, est-ce que, dans ce projet de loi 42, on
ne s'en va pas vers une espèce de confrontation continuelle entre
l'employeur, l'employé et la CSST? M. Duchesne, ou peut-être un de
vos membres, pourrait répondre à cela. Peut-être
pourriez-vous aussi nous donner des explications plus approfondies ainsi que
des exemples que vous vivez quotidiennement chez vous?
M. Duchesne: M. Maltais, des confrontations continuelles, c'est
un peu notre peur avec le projet de loi, à cause des imprécisions
qui y sont reliées. Sans revenir à la bonne vieille couverture
qu'on rallonge d'un bout en lui enlevant un morceau à l'autre bout, il y
a certainement moyen de définir les paramètres d'application qui
accompagnent le principe de cette loi qui est d'assurer aux travailleurs
accidentés une juste réparation.
D'un autre côté, cela ne veut pas dire que le travailleur
en question n'a aucune responsabilité dans la société. Au
contraire. Nous trouvons que la loi, telle qu'elle est écrite
présentement, semble en faire une espèce d'intouchable qui,
à cause de sa malchance ou de l'accident qui lui est arrivé, a
droit à toutes sortes d'égards que personne d'autre, à
toutes fins utiles, n'a le droit d'avoir dans notre société. Cela
ne veut pas dire non plus qu'on doive aller jusqu'à intégrer dans
sa démarche de compensation un mécanisme de réadaptation
à peu près infini. C'est un peu ce qu'on retrouve
là-dedans. Vous parliez d'exemples. Je pense qu'on pourrait vous donner
des cas qui ont déjà existé dans le passé où
des gens, assurément, ont profité du système pour se faire
réadapter à outrance, aux frais de l'employeur ou des
employeurs.
Il ne faut pas que l'application de cette loi crée de nouvelles
portes à ces individus, même s'ils ne sont qu'un petit pourcentage
dans notre société. Ils représentent des coûts
importants. Il faut éviter de créer des portes ouvertes pour des
cas semblables. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne doit pas s'assurer que le
travailleur accidenté est justement traité. Il y a la balance
à faire entre les deux. C'est à ce niveau, je pense, que la
confrontation nous fait effectivement peur. C'est parce qu'il y a trop
d'imprécision là-dedans, à plusieurs niveaux. On va, je
pense, effectivement aller vers un ensemble de discussions juridiques.
Peut-être que Laurent pourrait ajouter quelque chose
là-dessus.
M. Tremblay (Laurent): Tout à l'heure, M. le ministre
mentionnait qu'il y avait 85% des cas d'accidents dont la durée
était inférieure à quatorze jours. On pourrait
également mentionner qu'il y a peut-être 80% à 85% des
entreprises au Québec qui sont des PME. Ces gens vont également
devoir vivre avec ce projet de loi. Je ne veux pas m'éterniser sur les
ambiguïtés qui peuvent exister à l'intérieur du
projet, mais vous avez dit tout à l'heure que cela pouvait
entraîner certains conflits entre la commission, les employeurs et les
employés. Par exemple, si on parle de retour au travail d'un
accidenté, théoriquement parlant, c'est très positif,
mais, quand même, il faut également tenir compte du fait qu'il y a
des conventions collectives dans plusieurs entreprises et des clauses
d'ancienneté avec lesquelles on devra vivre.
Par exemple, un point particulier. À l'article 145, où on
parle de retour au travail, on mentionne que la présente section
s'applique aux travailleurs victimes d'une lésion professionnelle dont
le contrat de travail est pour une durée indéterminée. Si
je me réfère à l'article 82 de la Loi sur les normes du
travail, où on emploie le même genre d'expression pour
déterminer si un employeur doit ou non donner un avis de licenciement,
on peut se poser des questions - celle-là en est une entre autres - sur
la durée indéterminée du travail. Est-ce que cette section
sur le retour au travail s'applique pour l'employé saisonnier? Il y a
une foule d'ambiguïtés dans ce projet de loi. Par exemple,
lorsqu'on arrive au niveau de la compensation pour les quatorze premiers jours,
à l'article 53, il y a beaucoup d'employeurs qui se posent la question
suivante: Lorsqu'on parle de 90% de son salaire net régulier, est-ce que
l'employeur peut être amené à payer 90% du salaire net
régulier même si ce dernier excède le maximum assurable? Il
y a beaucoup de questions comme celle-là qui se posent au niveau de
l'application de ce projet de loi.
M. Maltais: Vous parliez dans votre exposé, sur le fond,
au début, des responsabilités du travailleur quant à son
emploi. Quelle serait, d'après vous, la meilleure façon? Est-ce
qu'on peut établir ou inscrire dans une loi les responsabilités
d'un
travailleur quant à son retour au travail? Comment voyez-vous
cela? De quelle façon cela serait-il pratique? Il ne faudrait pas encore
s'engorger dans un emboîtement comme on le vit présentement. Vous
suggérez que l'employé aussi ait des responsabilités.
L'employeur en a de par la loi. Il a des obligations. L'employé, en
retour, devrait aussi en avoir. Peut-être que le Dr Guillemette pourrait
me répondre là-dessus. Est-ce qu'à l'heure actuelle on ne
s'en va pas vers... On a reçu les médecins spécialistes.
Il y avait des médecins de la pratique privée.
Déjà, il y avait un conflit entre les deux et cela ressortait
très bien. Finalement, personne ne s'entend pour savoir quand
l'employé doit retourner au travail. Est-ce qu'on favorise plus une
continuité des prestations ou si on ne met pas assez l'accent sur un
retour accéléré au travail, peut-être avec des
conditions un petit peu particulières, selon la blessure? On ne parle
pas de blessures graves, mais minimes. De quelle façon voyez-vous
cela?
M. Guillemette: La situation actuelle où on a des gens qui
sont automatiquement invalides aussitôt qu'ils ont une lésion
professionnelle, invalides à court terme, découle quand
même d'une suite d'événements ou d'un état de choses
qui n'a pas cessé de se détériorer avec le temps, dans le
sens que les médecins dans la pratique privée ont souvent eu une
expérience où, par exemple, ils auraient suggéré
à leur patient de retourner au travail moyennant certaines conditions,
et le tout n'a pas fonctionné. Il y a eu des malentendus administratifs
pour en venir au point où c'est beaucoup plus simple, à ce
moment-là, d'obtenir un arrêt de travail et le reste est beaucoup
moins compliqué.
Je pense que le moment est peut-être venu de prévoir
certains mécanismes pratiques, comme vous le dites, où on
pourrait assurer un retour au travail rapide de la plupart des travailleurs
victimes d'une lésion professionnelle bénigne. Ce serait
concevable qu'un médecin traitant puisse définir certaines
conditions de travail qui doivent être respectées en face d'une
condition particulière et qui pourraient assurer en toute
sécurité que le travailleur puisse reprendre son travail ou un
travail approprié rapidement pour que l'impact négatif, dont il
est fait mention dans le mémoire, sur le travailleur et sur sa condition
particulière soit minimisé le plus possible.
Dans le mémoire, on fait allusion à des mécanismes
qui sont déjà prévus dans la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, au chapitre du droit de refus, par exemple,
où un travailleur qui présume, qui pense ou qui croit que des
conditions de travail peuvent être préjudiciables à sa
santé peut demander d'être réaffecté à un
autre poste de travail. S'il y a désaccord, il y a tout un
mécanisme de prévu, en passant par le représentant de la
prévention, des rencontres avec l'employeur, appel à l'inspecteur
de la commission, et des décisions se prennent rapidement à cet
effet.
On a déjà une partie de ces mécanismes qui sont en
place. Je pense que, s'il y avait... Je suis certain que la plupart des
médecins verraient d'un bon oeil qu'on puisse enfin prendre leur opinion
concernant l'invalidité d'un travailleur et qu'on puisse tenir compte de
leurs recommandations à cet égard. Je pense que cela
répond à votre question.
M. Maltais: D'accord. Vous nous dites aussi, à la page 5
de votre mémoire: "Pour qui a un peu d'expérience de la pratique
médicale, c'est folie de croire que l'octroi d'une invalidité
quelconque n'a aucun impact en soi sur la personnalité du travailleur."
Est-ce que le système, à l'heure actuelle, n'a pas un peu
tendance, avec un chèque, à persister à garder le
travailleur malade un peu plus longtemps qu'il ne devrait l'être? C'est
la question que vous posez à l'inverse.
M. Guillemette: C'est toute la question du conditionnement de
l'individu à une situation, du conditionnement qui s'acquiert avec la
perception concrète d'avantages immédiats, tangibles et qui
conditionne un certain type de comportement vis-à-vis de ces
gratifications. Le conditionnement n'est pas une vue de l'esprit; on a des
techniques thérapeutiques en psychologie qui font appel à des
techniques de conditionnement qui sont englobées sous le chapitre
général des techniques "behaviorales" et qui font appel justement
à une répétition de conséquences perceptibles par
l'individu vis-à-vis de certains gestes qu'il pose. Sans que cela soit
nécessairement volontaire et que cela soit voulu, je dirais même
conscient, ce comportement risque de se développer à plus forte
raison lorsqu'on associe un comportement basé sur la récuparation
lente, basé sur une passivité vis-à-vis des traitements
à une perte de la responsabilité de se présenter au
travail le matin, à une perception d'attitudes vis-à-vis de son
entourage qui ne sont pas habituelles dans son cas et qui sont associées
à des conditions financières qui, souvent, vont augmenter au fur
et à mesure de la complexité du cas ou de
l'irrécupérabilité du cas en question, de sorte qu'on
arrive en fin de compte, après quelque temps, à des cas qui sont,
non pas des cas désespérés, c'est plus que cela; c'est
fini, ces gens-là ne reviendront jamais sur le marché du
travail.
M. Maltais: À la lecture de votre mémoire, du moins
à la lecture de certaines
parties, on a l'impression que vous voulez nous dire - vous me
corrigerez si je me trompe - qu'une fois que quelqu'un est embarqué dans
le système, il est démotivé pour retourner au travail. La
trop grande facilité, la trop grande sécurité qu'il y
retrouve le démotive finalement; plus il en bénéficie
longtemps, moins il a envie de retourner au travail. Est-ce que c'est ce que
vous voulez dire?
M. Guillemette: Je ne dis pas que c'est une question de
sécurité... Il m'a toujours semblé, selon mon
expérience sur le terrain, très paradoxal qu'un travailleur
puisse se sentir en sécurité en recevant des prestations en vertu
de la Loi sur les accidents du travail. Je me suis toujours demandé quel
lien il fallait faire avec toute la question de la compensation en
général. C'est assez surprenant et, lorsqu'on n'est pas dans
cette situation-là, c'est assez incompréhensible. Quand on est
dans cette situation, la seule explication est justement cet encouragement
à un comportement comme tel. Il y a une insécurité,
d'accord, mais l'insécurité est plus grande de retourner au
travail parce qu'on a peut-être un sentiment de diminution de ses
capacités personnelles; on voit cela comme une grosse montagne qu'on ne
réussira jamais à franchir. À mon avis, un des
remèdes préventifs pour éviter d'en arriver à des
situations comme celle-là est de ne pas couper les liens entre le
travailleur et son milieu de travail, la façon dont on le fait à
l'heure actuelle. (17 h 15)
M. Maltais: Pourtant, M. Duchesne, dans la réalité
quotidienne, nos bureaux de comté sont remplis de travailleurs en beau
maudit contre le système parce que excusez l'expression - cela ne marche
pas. Cela ne semble satisfaire personne. Finalement, vous nous dites, à
la page 6, que vous n'êtes pas contre une réparation
justifiée pour que le travailleur soit bien indemnisé et que vous
n'ayez pas à subir trop de dommages là-dedans, mais,
actuellement, on a l'impression que cela ne satisfait personne. Les
travailleurs ne sont pas satisfaits. On n'a qu'à voir le nombre -et les
autres députés peuvent le constater -il y a quand même
beaucoup de cas d'accidents du travail qui se reflètent à nos
bureaux. Les gars sont désespérés devant cette machine
administrative et cela ne fait pas votre bonheur non plus, d'après ce
que vous nous dites et vous nous le dites directement.
Finalement, cette... J'appellerais cela une loto, c'est presque une
loto, finalement, cette histoire, cela ne satisfait personne dans le moment. Et
d'après ce qu'on peut voir, dans les correctifs qui sont
apportés, vous n'avez pas l'air à trouver que cela va
régler le problème non plus, ni les travailleurs.
Dans vos recommandations, vous nous dites que ce serait peut-être
préférable... Le principal problème, c'est le retour au
travail à votre niveau et au niveau du travailleur, c'est son
indemnité qu'il a de la difficulté à toucher, et il est
renvoyé à gauche et à droite. Quelle serait,
d'après vous, la solution idéale pour que, finalement, on ait un
système dont tout le monde peut tirer son profit mais d'une façon
équitable?
M. Duchesne: La solution idéale! M. Maltais:
Oui.
M. Duchesne: Je pense que la solution idéale passe par un
certain nombre de principes qu'on a de la difficulté à appliquer
tous ensemble, c'est clair et net. Mais, si vous me permettez une traduction
libre d'un vieux proverbe anglophone: Si, de toute évidence, cela ne
fonctionne pas comme il faut, il ne suffit pas d'en faire plus dans la
même direction, mais peut-être de changer un peu de direction.
On a parlé de la responsabilité de l'employeur d'assurer
une juste compensation. Cette responsabilité existe déjà
et va continuer d'exister, et on n'est certainement pas contre cela. Par
contre, il faut intégrer aussi un degré de motivation pour
l'employé à revenir au travail, en particulier pour tous ces cas
bénins qui nous préoccupent et qui font le gros du
problème.
S'il y a 150 000 cas et si on réussit à trouver une
formule de motivation qui réduit la durée moyenne, qui est en
dedans de quatorze jours, d'une journée, cela représente, pour
l'ensemble de notre société, des réductions importantes.
Si, en plus, notre motivation valorise le travailleur et, comme le docteur
Guillemette vient de nous l'expliquer, intègre sa volonté de
reparticiper à l'activité pour laquelle il est formé, on
aura gagné sur tous les plans.
Le travailleur qui représente les autres cas, qui est
impliqué nécessairement à long terme et qui a des
incapacités permanentes est un cas un peu différent. Celui auquel
on pense principalement, je pense bien, c'est celui qui va être
réintégré dans le système; il faut le
réintégrer le plus vite possible. C'est bon pour le travailleur,
c'est bon pour l'employeur, c'est bon en somme pour tout le monde. C'est ce que
le système actuel n'a pas tendance à faire parce qu'il met
l'accidenté dans un cocon. Si vous voulez, le système
idéal, c'est d'essayer de protéger le travailleur
accidenté, d'accord, mais non pas de le placer dans un cocon et de
l'isoler de tout ce qui se passe dans le reste de la société.
M. Maltais: Je voudrais peut-être revenir juste une petite
minute sur la question de la franchise de cinq jours qui est
portée à quatorze jours. Honnêtement, pouvez-vous
nous dire si c'est un peu vous qui aurez à payer la facture, quoiqu'il y
ait une possibilité de remboursement? Est-ce que vous voyez
là-dedans l'inefficacité de la boîte? On vous refile la
patate chaude parce que ces dossiers, finalement, à la vitesse que cela
va, il n'y a personne qui est satisfait. On vous retourne la patate et c'est
vous autres qui allez être pris avec cela, parce que, semble-t-il, ces
cas qui sont minimes causent une tracasserie épouvantable à la
boîte et on va vous refiler cela de votre bord. Pour vous, cela ne vous
causera-t-il pas la même tracasserie et des coûts additionnels?
Est-ce que d'abord vous prévoyez des coûts additionnels
là-dedans ou un prolongement, parce que là, c'était cinq
jours? Maintenant, si cela va jusqu'à quatorze jours, est-ce que la
moindre petite égratignure ne voudra pas dire automatiquement quatorze
jours? Pour vous, c'est quoi?
M. Duchesne: II y a certainement une tendance de ce
côté-là. M. Tremblay.
M. Tremblay (Laurent): C'est un genre d'épée de
Damoclès. Quels peuvent être les résultats? C'est
extrêmement difficile à extrapoler. Une chose qu'on peut
mentionner, c'est que, si on se base sur l'expérience des cinq jours, on
s'attend que la même tendance se poursuive avec les quatorze jours.
Est-ce que cela va être dans les mêmes proportions? Personne ne le
sait. Si je me réfère, par exemple, à un document ou une
étude qui a été faite au niveau de la CSST, je pourrais
peut-être seulement vous lire ce qui a été fait pas
très longtemps après que les cinq jours ont commencé
à être payés par l'employeur. Donc, c'est très
significatif comme rapport. Si je regarde le dernier paragraphe de ce rapport,
on mentionnait ceci: "Maintenant, si l'employeur devait payer les dix premiers
jours ouvrables, nous croyons que la proportion de cas de durée entre
six et dix jours ne se modifierait pas puisque, pour ces cas, la gravité
est plus importante, amenant déjà un contrôle plus
étroit de la part des employeurs. Ce qui risque de se produire, c'est un
déplacement temporaire des durées de huit ou neuf jours vers des
durées de dix jours, mais nous estimons que l'expérience jugera
mieux cette affirmation."
M. Maltais: M. le Président, il nous reste quelque sept ou
huit minutes.
J'aimerais passer la parole à mon collègue de
Louis-Hébert qui aurait des questions à poser. Cela
complétera le temps. Quant à moi, je remercie beaucoup les
membres de l'association. Merci.
Le Président (M. Paré): M. le député
de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Dans son mémoire,
l'Association des industries forestières donne plusieurs exemples de
faiblesses de rédaction législative. Je pense qu'ils
étaient fort à propos et j'en veux pour exemple ce que vous citez
à la page 15, entre autres choses, où la définition qui
est donnée des lésions professionnelles est très
spéciale. Quand on fait abstraction des "ou" et qu'on lit la
définition qui est là, on en viendrait très facilement
à dire, en prenant les mots qui sont là, qu'une lésion
professionnelle est une maladie qui survient par suite d'une maladie
professionnelle. C'est finalement ce que cela dit: une lésion
professionnelle est une maladie qui survient à la suite d'une maladie
professionnelle. On vient de faire le tour de la boucle et on n'est pas plus
avancé. On n'a rien défini du tout. On a
répété les mêmes mots. Je pense que c'est là
une lacune importante de ce projet de loi. Vous soulevez plusieurs cas
semblables qui vous inquiètent et vous vous demandez si justement, par
le fait de l'imprécision de la rédaction législative, on
n'en viendra pas à avoir une sorte de loi parallèle qui prendra
la forme d'un vide administratif qui sera, finalement, la substantifique moelle
de ce qui sera vécu dans le quotidien par les entreprises ou par les
employeurs. C'est un commentaire que je voulais faire en passant et je pense
que c'est extrêmement important puisque nous sommes ici pour
étudier un projet de loi et que des gens qui, quotidiennement, ont
à vivre des situations concrètes attirent l'attention du ministre
sur des incongruités semblables. La citation que je viens de faire en
est un exemple patent. C'est une faiblesse remarquable au niveau du projet de
loi, au niveau de la rédaction législative, en tout cas.
Tout à l'heure, on évoquait - et j'aimerais
peut-être avoir votre opinion là-dessus - cette tendance qui
pouvait se développer d'une dépendance des travailleurs ou des
employés vis-à-vis d'un système qui privilégiait,
jusqu'à un certain point, des prestations salariales, en tout cas des
indemnités quelconques, sans contrepartie de travail. Je me demandais si
vous aviez réfléchi au fait que, pour les travailleurs et pour
les employés, il s'agissait peut-être là, finalement,
jusqu'à un certain point, d'une réaction à ce qui se passe
ailleurs dans leur entourage. Ce que je veux dire, c'est que les
employés, les travailleurs et les travailleuses, sont conscients, par
les temps qu'on vit, que beaucoup de personnes profitent de l'assistance
sociale, de l'assurance-chômage, etc., et s'aperçoivent qu'une
proportion grandissante de notre population réussit à se tirer
d'affaires, à vivre sans prestations de travail.
Est-ce que vous avez senti qu'il n'y avait pas une réaction
semblable, à savoir: Pourquoi moi, un employé de telle compagnie,
dois-je me lever à 6 heures pour travailler et le faire jour
après jour, semaine après semaine, alors qu'il y a au Canada une
proportion - dans la province de Québec, c'est particulièrement
criant - importante de personnes qui réussissent à se tirer
d'affaires sans avoir à faire un travail régulier,
rémunérateur, un travail qui les oblige à des efforts?
Est-ce que l'augmentation de personnes bénéficiaires de
prestations d'assurance-chômage ou d'assistance sociale n'a pas un effet
générateur sur la partie de notre population qui est
travaillante, qui a un emploi régulier et qui se dit: Ne suis-je pas
dans tout cela, moi Untel, moi Unetelle, le dindon de la farce? Il y a telle
personne et telle proportion de la population qui réussit, comme je le
disais, à vivre sans travailler. N'est-ce pas l'éthique du
travail qui est remise en question, jusqu'à un certain point?
Est-ce que vous avez pu - je ne sais pas - prendre note d'une certaine
relation entre l'évolution de la situation du chômage, le nombre
grandissant de personnes bénéficiaires de l'aide sociale et une
situation, comme je le disais, où des employés se demandent s'ils
ne sont pas en train de faire ce qui, normalement, devrait être normal,
mais qui, vu d'un certain angle, peut être considéré -
jusqu'à un certain point, avec toutes les réserves possibles
-comme exceptionnel ou pas absolument nécessaire? Est-ce que vous avez
des réflexions sur ce sujet? Ce n'est pas une analyse proprement dite,
mais c'est à se demander si notre société ne nous pousse
pas à au moins envisager ce genre de choses. J'aimerais connaître
votre réaction là-dessus.
M. Duchesne: C'est une réflexion, M. Doyon, que j'ai
peut-être déjà faite, mais, en tout cas... M. Hamel peut
faire des commentaires à ce sujet.
M. Hamel (Denis): Comme réflexion, je pense que je peux
quand même vous donner un point de vue qui se rapproche assez bien de ce
qui se passe dans nos installations, dans des usines, parce que je l'ai
vécu encore récemment dans la pratique.
Ce que vous dites sur les abus qui existent dans les systèmes,
que ce soit l'assistance sociale, que ce soit l'assurance-chômage, que ce
soit la CSST - je donne un point de vue; c'est ma réflexion - c'est un
fait qu'il y a des abus. Je crois que les abus demeurent quand même des
exceptions à l'intérieur de chacun de ces sytèmes.
Malheureusement, les abus, tels qu'ils existent, font que, pour certaines
personnes qui sont en chômage, le fait de ramasser des prestations
d'assurance-chômage, cela devient gênant, tout comme cela devient
gênant pour ceux qui doivent ramasser les prestations de la CSST et pour
ceux qui doivent bénéficier de l'aide sociale. Ces derniers
préfèrent l'éviter, parce que, de réputation, c'est
malheureusement reconnu comme étant un milieu où, effectivement,
il y a des abus.
Cela m'amène justement au point de vue exprimé au
départ sur ce qu'on appelle la réintégration des
employés ou des personnes blessées dans le milieu, à tel
point que cela devient un problème psychosocial. Effectivement, on
retrouve certains de nos employés pris dans le système, dans
l'engrenage, qui sont des personnes avec de très bonnes intentions et
qui, à la suite d'une lésion, à la suite d'une blessure,
se retrouvent en convalescence pendant un certain temps, mais doivent attendre
des décisions pour leur permettre... Je dis bien pour leur permettre,
parce qu'ils sont pris dans un système et ils ne peuvent pas vraiment
revenir facilement d'eux-mêmes; dans certains cas, ils doivent faire des
pressions pour reprendre le lien qu'ils avaient au départ avec
l'employeur, c'est-à-dire rentrer au travail. (17 h 30)
Justement, le problème commence au moment de la blessure, si
vraiment il y a une blessure ou un accident, alors que le système oblige
pratiquement une séparation entre l'employeur et l'employé. On
part un peu trop facilement, je pense, avec la notion que l'employeur abuse de
l'employé. Je dois vous dire qu'il y a énormément de
protection dans le milieu du travail et, habituellement, on favorise la
réhabilitation, la réintégration dans le milieu du travail
le plus rapidement possible. Malheureusement, lorsque la blessure ou l'accident
se produit, le système ou les circonstances veulent
généralement qu'on exécute cette séparation et il
n'est pas possible à l'employeur d'offrir à l'employé de
rester au travail et d'avoir une autre occupation, même au point de lui
offrir le même salaire si l'emploi qu'on lui offre est moins
rémunérateur. Le système ne permet pas cela. Le pauvre
gars doit s'en aller chez lui. Il pourrait normalement être absent deux,
trois ou quatre jours et, finalement, à cause de la consultation de son
médecin traitant ou à cause du système qui empêche
justement une vérification par l'employeur ou son représentant
médical, il devient pratiquement impossible d'offrir à ce gars
l'occasion de revenir dans le milieu et d'occuper un poste qui serait
approprié à sa condition afin d'accélérer sa
réhabilitation.
Le problème débute à ce moment-là et des
abus sont faits facilement par certains individus qui en profitent. La
prestation est donnée et cela devient de plus en plus
intéressant, le temps s'y prêtant ou d'autres facteurs faisant que
cela convient très bien de profiter d'un prolongement. Il y a
carrément des abus. Cela occasionne cependant une distinction
entre cet individu ou les quelques cas d'abus dans leur propre milieu de
travail face à leurs collègues qui, effectivement, les visent,
leur reprochent ces abus ou d'exagérer dans cette situation. D'autre
part, des pressions sont également exercées, soit par les
représentants syndicaux, soit par certains de ses collègues qui
font des abus, sur celui qui a eu une blessure et qui lui disent de sortir et
de faire de la place aux autres, de quitter le milieu du travail. Il est
extrêmement difficile pour nous de le ramener au travail à ce
moment-là et de lui offrir une occupation, parce qu'on en offre
régulièrement à ceux qui sont blessés.
Là, on arrive évidemment en face de ce qu'on appelle le
problème d'interprétation de ce qu'est une réparation
honorable, alors qu'on offre une réadaptation sociale avec des abus
absolument flagrants. Je pourrais vous citer le cas particulier d'un
électricien nouvellement arrivé dans une entreprise qui a
été blessé à deux reprises, qui a eu deux accidents
dans peu de temps, dans moins de deux ans. Ses collègues
électriciens refusaient de travailler avec lui, parce qu'il était
devenu dangereux, alors que les électriciens ont une discipline et qu'il
y a des précautions à prendre. On a voulu offrir au type de
revenir au travail dans un autre milieu, mais la réadaptation sociale
offerte à la CSST lui permettait d'aller prendre un cours à
l'université de deux ou trois ans, payé par la CSST et
éventuellement payé par l'employeur. Ce genre de situation
existe. Je croyais que c'était une exception à la règle et
que c'était un abus particulier, mais on m'a dit que c'était
assez fréquent.
Le problème, c'est de savoir comment l'individu lui-même se
retrouve dans son milieu. Je pense qu'à la longue, il va se faire
pointer du doigt. C'est malheureux que cela se produise, mais l'occasion lui a
été offerte à lui, comme cela est offert
régulièrement dans tous les cas de blessures, de revenir
rapidement au travail. Il faut que l'employeur ait un droit de regard sur la
condition exacte du gars et qu'il lui donne l'occasion de revenir souvent
près de l'usine, près de son milieu de travail pour voir si on
n'aurait pas quelque chose à lui offrir, mais le système ne
permet pas cela, et c'est bien malheureux.
M. Doyon: Cette péoccupation que vous avez de garder le
contact avec l'employé qui a été victime d'une blessure ou
d'une lésion, de façon qu'il n'y ait pas de brisure totale dans
sa vie professionnelle entre le moment où il était employé
à temps plein et le moment où, étant victime d'un accident
ou d'une maladie quelconque, il doit quitter l'usine totalement, ce que je
crois comprendre de vos propos, c'est que vous préconiseriez des moyens
qui permettraient d'éviter que l'employé ne soit exclu totalement
de l'usine ou de son milieu de travail pendant une période trop longue,
en tout cas de minimiser cette période quitte à ce qu'il puisse
accomplir des tâches plus légères ou d'autre nature, de
façon qu'il puisse justement garder ce contact.
Est-ce que, dans le projet de loi que nous étudions, vous voyez
de quelque façon que ce soit la réalisation, la
concrétisation d'intentions semblables ou d'une volonté
semblable? Le système, dans ce sens, se perpétue avec le projet
de loi 42 que nous sommes en train d'étudier. Il n'y a pas le changement
de direction dont pouvait parler tout à l'heure M. Duchesne, parce que
cela me paraît être un changement de direction. Ce n'est pas, le
moins qu'on puisse dire, apparent dans le projet de loi 42. Est-ce que
j'interprète vos propos correctement?
M. Hamel: On ne voit aucune amélioration dans le projet en
question dans le sens de faciliter le retour au travail dans les conditions les
plus expresses possible.
M. Doyon: II semble ressortir de vos propos que les accidents du
travail ou les maladies professionnelles ont une double dimension. Tout
d'abord, il y a le traumatisme lui-même qui est mesurable et qui est
quantifiable et que des spécialistes comme le Dr Guillemette ou d'autres
spécialistes peuvent évaluer. Il y a aussi le côté
plus difficilement quantifiable de la situation personnelle, psychologique de
l'individu qui se voit, du jour au lendemain, dans une situation où il
reçoit un revenu et ne donne pas la contrepartie normale, ce qu'il a
toujours fait, la contrepartie du travail. C'est de ce côté,
j'imagine, qu'il y aurait possiblement des améliorations
considérables à apporter et ce que vous nous dites, actuellement,
c'est qu'on ne voit pas ces améliorations dans le projet de loi 42.
Est-ce exact?
M. Hamel: On ne les voit pas et justement il serait bon parfois
de retenir ce qui se fait ailleurs. Je pense qu'en Ontario, en particulier, si
on parle du maintien de l'employé au travail qui a été
blessé légèrement, l'occasion se présente beaucoup
plus facilement de lui offrir un travail léger ou un travail
approprié qui faciliterait sa réhabilitation. Cela ne se
présente pas actuellement ici. Même si, dans les textes de loi ou
dans les règlements, il semble que cela puisse exister, il est largement
acquis que l'employé n'est pas obligé d'accepter un autre travail
alors que la plupart des employeurs seraient disposés à lui en
offrir un autre, sachant très bien que son élimination du milieu,
si elle doit durer, d'apparence peut-être... Si elle risquait
d'être
de deux ou trois jours, c'est facile de lui offrir un travail de
quelques journées, tandis que, s'il devait partir pour deux ou trois
jours, il y a des bonnes chances qu'il soit parti pour deux semaines et deux
mois. On préfère le garder sur place.
M. Doyon: Est-ce que, dans votre domaine, le domaine des
industries forestières, cette possibilité d'offrir un autre genre
de travail plus léger, plus adéquat, vu les limitations qui
peuvent suivre la maladie ou qui peuvent suivre la blessure, est-ce que,
règle générale, ces possibilités seraient au moins
disponibles chez vous? Est-ce qu'il y aurait des ouvertures, est-ce qu'on
pourrait satisfaire aux besoins qui seraient créés
d'intégrer quelqu'un pendant deux semaines, trois semaines,
peut-être un mois dans une tâche différente plus facile,
plus légère? Est-ce que ces possibilités sont existantes
dans l'industrie forestière en particulier?
M. Hamel: Cela se fait déjà dans bien des cas, en
pratique. Selon les circonstances, certains employés pourront choisir de
ne pas le faire ou même on voit des différences dans deux usines
d'une même région, d'une même entreprise ou de plusieurs
entreprises, où les circonstances, soit à cause de comportement
du syndicat à l'égard de situations comme celle-là ou
à cause d'autres facteurs, vont obliger ou du moins mettre une pression
sur l'individu pour qu'il quitte le milieu du travail. Des fois, cela peut
être un défaut de direction locale ou encore une
accessibilité trop facile aux bureaux de la CSST pour présenter
un cas. Je pense que la règle devrait être beaucoup plus
générale et on devrait la rendre beaucoup plus facile, en se
basant sur l'expérience vécue, sur des cas où cela a
réussi, afin d'éviter justement que les gens, que les
employés quittent trop facilement le milieu et qu'ils soient très
difficiles à récupérer par la suite.
M. Doyon: Merci beaucoup.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. M. le
député de Viau.
M. Cusano: Merci. Je serai très bref. Premièrement,
j'aimerais vous remercier de la clarté de votre mémoire. Beaucoup
d'intervenants nous ont dit que le projet de loi était confus, mais
personne ne l'a démontré de la façon que vous le faites,
et je vous en félicite. Sur ce, j'ai une question qui touche
plutôt les annexes, les statistiques que vous avez
déposées. Les statistiques m'intéressent toujours, parce
que, vous savez, selon leur source, on peut leur faire dire beaucoup de choses.
On a été inondé de statistiques de la part de la CSST.
À l'étude des crédits, on ne manque pas de parler de ces
statistiques, mais on a beaucoup de difficulté à comparer des
pommes avec des pommes et des oranges avec des oranges. J'aimerais vous poser
la question suivante. Si je comprends bien, à la première page,
vous parlez des usines de pâtes et papiers dans l'ensemble. Vous donnez
le nombre approximatif d'heures travaillées. C'est très
précis. Vous donnez des cas médicaux de pertes de jours de 0
à 5; dans la dernière colonne, vous allez à 6 jours et
plus. Ce que j'aimerais savoir, c'est s'il y a une distinction faite chez vous
entre ce qui est considéré comme un accident grave qui laisse une
lésion, une incapacité permanente, et un accident qui ne laisse
pas d'incapacité. Quel est le pourcentage des accidents qui laissent une
incapacité permanente par rapport aux accidents qui n'en laissent pas?
On a toujours l'impression, selon qu'on entend les accidentés qui nous
disent qu'ils sont maltraités et ils nous donnent des statistiques... Du
côté des patrons, on dit que les accidents ne sont pas très
graves. Mais y a-t-il moyen de préciser cela quelque part?
M. Duchesne: M. Cusano, dans les documents qui ont
été publiés dernièrement par la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, les statistiques sur
les lésions professionnelles de 1978 à 1982 et que nous avons
aussi soumis dans le mémoire 33MA, on retrouve quelques chiffres pour
répondre à cette question.
M. Cusano: Oui, j'ai pris connaissance de ces chiffres. Ma
deuxième question serait... Ces chiffres sont fournis par la CSST.
Est-ce que vous êtes d'accord avec les chiffres qui sont là?
M. Duchesne: Tout ce que je peux vous répondre
là-dessus, M. le député, c'est qu'il y a une façon
de déterminer l'incapacité qui est basée sur un
système de points avec lequel je ne suis malheureusement pas plus
familier qu'il ne faut. Il semble qu'il n'y ait pas de grandes variantes entre
différents secteurs qui sont réputés être plus ou
moins dangereux à ce point de vue. Par contre, on ne dispose pas de
mécanismes qui permettraient de vérifier ces chiffres de la
commission qui nous sont parvenus, de toute façon, fort récemment
et on serait bien mal placé pour vous dire si, oui ou non, on
considère ces chiffres comme conformes à la réalité
pour le moment. Pour répondre à la question que vous venez de
poser, c'est la seule statistique dont on dispose pour l'instant.
M. Cusano: Est-ce qu'il y aurait moyen de votre part de prendre
un peu de temps dans les prochains jours pour vérifier ces statistiques?
Nous n'avons pas les moyens de vraiment les vérifier. Il faut qu'on les
prenne
telles quelles. Comme je l'ai dit tout à l'heure, ces chiffres
viennent d'un peu partout et de façon très
désordonnée. On aimerait savoir précisément si ces
chiffres sont réels d'après votre évaluation. Je sais
qu'il n'y a personne qui a la vérité absolue dans cela, mais,
selon vos statistiques, j'aimerais bien savoir s'il y a une concordance entre
le document de la CSST et la réalité.
M. Duchesne: On parle sûrement d'un petit pourcentage des
accidents rapportés, si vous voulez. Alors, a priori, cela ne serait pas
impossible que cela soit une réponse qui soit dans l'ordre de grandeur.
Vous connaissez les difficultés statistiques quand on parle de petits
pourcentages. C'est d'autant plus difficile à évaluer
statistiquement. Je vais demander si c'est possible de faire quelque chose en
ce sens. Si cela est possible, effectivement, on vous transmettra notre opinion
sur cela. (17 h 45)
M. Cusano: Par contre, si je regarde, lorsqu'on parle ici, dans
le document... Si je fais la comparaison entre le document de la CSST et votre
document, lorsqu'on parle des accidents entre un et cinq jours, il ne semble
pas y avoir de concordance. C'est pour cela que je voudrais que cela soit
vérifié. En tout cas, on ne s'attardera pas sur ces chiffres.
L'autre commentaire que je voulais faire, ce n'est pas une question.
Dans votre mémoire, vous dites très précisément
que, lorsque quelqu'un doit payer la facture, il doit certainement en
connaître le contenu. Je ne sais pas si vous nous avez suivi ce matin,
mais vous avez une autre facture additionnelle à payer en tant que
contribuable à la CSST et c'est la poursuite contre M. Harguindeguy.
Connaissant les frais des avocats, vous devez vous attendre certainement
à une augmentation de vos contributions. Je me demande... Oui cela
inquiète le député. Il trouve cela bien drôle, lui.
Il y a des fois qu'il a trouvé cela drôle auparavant et,
après cela, il a été obligé de retirer ses
paroles.
Une voix: II protège les travailleurs.
M. Cusano: C'est le seul commentaire que je voulais faire parce
qu'il y a plusieurs employeurs qui n'étaient même pas au courant
du fait que, justement, des fonds de la CSST, vos fonds, soient employés
pour de telles choses.
Ceci m'amène à une autre question. Vous l'avez
traitée dans votre mémoire et j'aimerais avoir un peu plus de
précision. Lorsqu'on parle des erreurs administratives de la CSST, tout
le monde est un peu d'accord que le travailleur qui n'est pas coupable des
erreurs administratives de la
CSST ne peut pas être pénalisé. D'un autre
côté, on ne peut pas pénaliser les employeurs parce qu'en
dernier lieu vous n'avez aucun contrôle sur le fonctionnement de la CSST.
D'après vous, est-ce que ces coûts devraient être
imputés au fonds général de la province?
M. Duchesne: M. le député, nous avons, lors de la
commission sur l'administration de la CSST à laquelle, si je me souviens
bien, vous avez aussi participé, discuté un peu de ce
problème-là, le problème du fonds général
d'administration qui couvre tout ce dont vous venez de parler et celui d'une
absence de clarté de la part de l'employeur. On ne sait pas exactement
comment ces fonds sont dépensés. On avait dit, à ce
moment-là, qu'on aimerait bien le savoir.
Effectivement, dès le moment où cela dépasse les
questions de réparation après accident, il nous apparaît
que cela sort du domaine strict de l'employeur. Si je ne m'abuse, le Conseil du
patronat a réclamé une contribution de la part des
employés pour tenir compte de cas comme celui-là et d'autres.
Alors, on souscrit à cette opinion.
M. Cusano: Je vous remercie.
Le Président (M. Paré): Cela complète? Donc,
MM. les représentants de l'Association des industries forestières
du Québec, nous vous remercions de la présentation de votre
mémoire et aussi du temps consacré aux réponses, aux
questions et aux commentaires.
J'aimerais rappeler qu'à partir de 20 heures ce soir nous
recevrons dans l'ordre la Société d'électrolyse et de
chimie Alcan Ltée et ensuite les représentants de la ville de
Montréal. Donc, les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 50)
(Reprise de la séance à 20 h 12)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission permanente du travail reprend ses travaux en vue
d'entendre les représentations des personnes et des groupes
intéressés au projet de loi 42.
Les membres de la commission sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Cusano
(Viau), Laplante (Bourassa), Fréchette (Sherbrooke), Vaugeois
(Trois-Rivières), Champagne (Mille-Îles), Lavigne (Beauharnois),
Maltais (Saguenay), Proulx (Saint-Jean), Polak (Sainte-Anne), Doyon
(Louis-Hébert), Baril (Arthabaska).
Les intervenants sont: MM. Fortier (Outremont), Leduc (Fabre), Marx
(D'Arcy McGee), Payne (Vachon).
Nous en sommes maintenant à entendre le mémoire
présenté par la Société
d'électrolyse et de chimie Alcan Limitée. Nous vous
souhaitons la bienvenue et je demanderais au porte-parole de s'identifier et de
nous présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
M. Doyon: M. le Président, je ne sais pas si le ministre a
une déclaration à nous faire sur ce qu'on avait
réclamé.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
Poursuites contre le président du SFPQ
M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: Oui, M. le Président. Vous allez vous
souvenir que, ce matin, autant le député de Louis-Hébert
que le député de Viau m'ont posé une question très
précise. Le député de Viau est revenu à la charge
cet après-midi avec la même question. C'est la suivante: Qui a
autorisé des procédures judiciaires civiles contre le
président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec?
Quand la question m'a été reposée cet après-midi,
M. le Président, j'ai signalé à cette commission que,
effectivement, ce soir à 20 heures, je répondrais à la
question qui m'a été soumise.
Seulement une remarque préliminaire, M. le Président. Je
veux vous signaler qu'il existe un règlement de régie interne de
la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
C'est un règlement de régie interne qui a été
discuté et adopté par le conseil d'administration et qui a, par
la suite, été soumis au Conseil des ministres pour approbation.
Ce règlement a effectivement été adopté tel que le
conseil d'administration l'avait lui-même adopté le 7 juillet
1982. C'est le décret 1687-82. À l'article 28 de ce
règlement, qui décrit le rôle et les pouvoirs du
président-directeur général, on retrouve, à
l'intérieur de l'énumération des pouvoirs, la disposition
qui suit: "Le président-directeur général est le
responsable de l'administration courante de la commission et de la direction de
ses activités et, à cet effet, il approuve les politiques
concernant les mandats judiciaires". Or, M. le Président, à la
question très précise de mes collègues de l'Opposition, je
veux leur signaler que c'est effectivement le président-directeur
général qui a autorisé la poursuite judiciaire, le tout
conformément au règlement dont je viens de parler et
conformément aux pouvoirs que ce même règlement lui
accorde.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Viau.
M. Cusano: M. le Président, je remercie le ministre
même si, comme d'habitude, il a une tendance à être toujours
en retard avec ses réponses. Cela me tracasse. M. le
député de Valleyfield ou d'Arthabaska, vous pouvez
écouter.
M. Baril (Arthabaska): Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Paré): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Le député de Viau insinue
toutes sortes de choses. C'est encore mieux que le ministre soit exactement
cinq ou six heures en retard que de ne pas avoir de réponse du tout.
M. Cusano: C'est cela. Mieux vaut tard que jamais.
Le Président (M. Paré): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Doyon: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Louis-Hébert.
M. Doyon: M. le Président, pourrais-je avoir une directive
de votre part? S'agit-il là d'une question de règlement?
Le Président (M. Paré): II ne s'agit pas d'une
question de règlement et la parole est maintenant au
député de Viau.
M. William Cusano
M. Cusano: Merci. Je comprends que le document de régie
interne de la CSST dit, à l'article 28, que le
président-directeur général est responsable des services
judiciaires. Ce n'est pas tout à fait cela qui est contesté ici.
En ce qui nous concerne, M. le Président et M. le ministre, encore une
fois, on remarque, on constate que l'honorable juge Sauvé se donne des
pouvoirs excessifs et abusifs, car, même si c'est dans son droit de
s'occuper du département judiciaire dont il est responsable, il y a des
dangers à un tel précédent envers une commission
parlementaire qui siège pour écouter des intervenants de
façon très libre. On essaie ici, d'un côté ou de
l'autre, de mettre ces personnes à l'aise pour qu'elles puissent nous
dire quelles sont leurs préoccupations. On voit, encore une fois, le
président-directeur général de la CSST abuser de son
pouvoir par ses menaces envers les gens, M. le Président. C'est
totalement inacceptable. C'est tout le processus d'une commission parlementaire
qui est mis en jeu ici et je peux vous assurer, pour ma part, que cela ne se
terminera pas là en tant que nous sommes concernés. Nous avons
des témoins à entendre et ils sont ici,
présentement, avec cette épée de Damoclès:
M. Sauvé pourrait juger, n'importe quand, d'intenter des
procédures contre quelqu'un. C'est totalement inacceptable. Je
demanderais au ministre de demander au juge Sauvé d'être un peu
plus responsable dans ses actions. C'est tout l'enjeu parlementaire qui est en
question.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. Nous venons d'entendre,
de la bouche du ministre, la confirmation de nos soupçons en ce qui
concerne cette action judiciaire. J'avais l'intime conviction que cette
poursuite judiciaire n'avait pas été intentée à la
suite des discussions, en bonne et due forme, par le conseil d'administration
de la CSST. C'était là un comportement qui était beaucoup
plus compatible avec celui auquel nous a habitués le juge Sauvé:
de l'intimidation, des menaces, le bâillon et l'autocratie.
Ce que je veux souligner ici, c'est qu'il est inadmissible non seulement
que le président-directeur général de la CSST agisse ainsi
à l'intérieur de sa boîte administrative - nous avons
dénoncé cela et nous allons continuer de le dénoncer -
mais qu'il en soit rendu, M. le Président, à intervenir dans les
débats de cette commission parlementaire d'une façon indirecte,
par le biais de poursuites judiciaires contre des personnes qui ont, à
votre invitation, M. le ministre, comparu ici et qui, de bonne foi, ont cru
qu'elles pouvaient s'ouvrir à vous pour vous mettre au courant de
pratiques administratives en tant que la personne la plus hautement
placée à l'intérieur du ministère, le ministre
responsable de la CSST, ceci afin de vous éclairer dans les actions que
vous deviez prendre pour corriger certaines situations.
Devant quoi se retrouvent-elles, aujourd'hui? Devant une poursuite de
300 000 $ contre un individu, M. Jean-Louis Harguindeguy, président d'un
syndicat de 30 000 à 35 000 membres qui sont des fonctionnaires et qui
sont les collaborateurs principaux du gouvernement du Québec. Comment
voulez-vous que la machine fonctionne quand on poursuit ses propres
employés, qu'on les traîne devant les tribunaux parce qu'ils ont,
tout simplement, voulu agiter le drapeau rouge devant le plus haut responsable,
qui est le ministre en l'occurrence? C'est une situation totalement
inacceptable pour les employés de la CSST et totalement inacceptable
pour les parlementaires que nous sommes autour de cette table.
Il ne sera pas dit qu'impunément on intimidera par personne
interposée les membres de cette commission parlementaire, parce que ce
qu'on est en train de faire, c'est nous empêcher de connaître la
véritable situation à la CSST. Si les gens se présentent
devant cette commission avec le risque d'avoir des poursuites de 300 000 $ sur
les épaules le lendemain matin, on est aussi bien de fermer boutique
tout de suite. On a entendu ce qu'on devait entendre et le reste n'a plus
d'importance si on n'a pas l'assurance que les gens peuvent s'ouvrir aux
parlementaires et que le ministre est prêt à prendre des mesures
précises. Est-ce que le ministre, oui ou non, dispose d'une
autorité sur la CSST? Est-ce que c'est lui, le responsable pour le
gouvernement du Québec, devant l'Assemblée nationale,
d'empêcher que des choses semblables ne se produisent? Si c'est lui, il
se doit d'agir immédiatement. J'aimerais l'entendre prendre un
engagement formel qu'il va donner ordre au président-directeur
général de la CSST de retirer cette poursuite qui n'a pas sa
raison d'être.
Les journaux nous apprennent le but de la poursuite, et c'est
très révélateur. Quel est le but de la poursuite? C'est de
refaire, de rebâtir - c'est dans la poursuite elle-même - l'image
de la CSST. Le juge Sauvé n'a pas de mandat pour refaire l'image. II a,
tout simplement, à appliquer une loi, à respecter la loi et
à se conformer à la loi. Il n'a pas à intimider qui que ce
soit. Ses actions sont totalement inadmissibles et méritent d'être
dénoncées avec la dernière vigueur, M. le
Président. Je dois m'étonner que le ministre prenne cela aussi
mollo, parce que c'est très important, c'est très sérieux,
ce qui se produit ici. On devrait savoir de la part du ministre s'il est
d'accord ou non pour que des poursuites soient intentées contre des
témoins, des intervenants qui se présentent devant la commission,
qui disent les choses telles qu'ils les voient, telles qu'ils les vivent, au
moyen de témoignages de personnes qui travaillent dans ce milieu. Si on
veut empêcher la vérité de sortir, on peut le faire pendant
un certain temps, mais on ne peut pas le faire indéfiniment et le prix
à payer pour des actions semblables est extrêmement
élevé.
Je pense que le ministre aurait tout avantage, dans les meilleurs
délais, à se dissocier totalement de cela et à exercer son
autorité en ce qui concerne cette question. Le conseil d'administration
n'a pas été à même d'étudier cette question.
Le ministre dit qu'il n'a pas été consulté
là-dessus. Cependant, le ministre était présent quand les
événements qui donnèrent lieu à la poursuite se
sont produits; il doit avoir son idée là-dessus. Il doit se
demander si, justement, cette action est justifiée et si, finalement,
l'image que veut protéger le juge Sauvé au moyen de cette action
judiciaire ne sera pas beaucoup plus endommagée par les
tentatives qu'il est en train de faire de camouflage, d'intimidation
afin d'empêcher les gens de dire ce qu'ils pensent quand ils sont
invités, justement, à donner leur opinion et à se faire
entendre. Le ministre ne peut pas laisser passer cette chose. Il doit
intervenir rapidement. Il nous confirme aujourd'hui que le juge Sauvé a
pris cette décision lui-même en vertu des pouvoirs qu'on pourrait
discuter parce que, selon l'article 28n le directeur général
approuve, d'après ce que j'ai compris, M. le ministre, la politique
concernant les procédures judiciaires. Nous n'en sommes pas à une
question d'établissement de politiques générales sur la
façon dont on procède pour prendre des procédures
judiciaires. C'est cela, le pouvoir qu'il obtient par l'arrêté en
conseil que vous avez mentionné, adopté le 7 juillet 1982.
Ce qu'il fait, c'est qu'il este en justice, qu'il intente une
procédure judiciaire dans un cas très précis et je ne suis
pas sûr - je n'ai pas le texte devant les yeux - que ce soit là le
pouvoir qui lui est confié par l'article 28n. Peu importe, le fait
demeure que cette action du juge Sauvé a été prise d'une
façon individuelle, a été prise comme s'il avait le mandat
général d'agir au nom du conseil d'administration sans
consultation. Surtout, elle a été prise à un moment et
d'une façon qui est de nature à faire douter les parlementaires
et toute la population que nous ayons toute la vérité, que nous
ayons le portrait complet de la situation en ce qui concerne toute la question
des accidents du travail et des activités de la CSST en particulier.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: D'abord, je voudrais m'excuser auprès des
représentants de l'Alcan de ce petit intermezzo, mais, pour nous, c'est
une question de principe. J'ai posé la question, ce matin, au ministre
pour savoir qui avait autorisé cette poursuite de 300 000 $ au civil et
je dois féliciter le ministre qui a travaillé pour nous donner la
réponse. Et là, il nous dit que le règlement interne de la
commission, du 7 juillet 1982, en vertu de l'article 28, autorise le
président-directeur général à intenter des
poursuites. Cela est dans le cours ordinaire des affaires. C'est bien normal
que le président soit autorisé, à prendre des poursuites
pour recouvrer des sommes dues en vertu des accidents, etc., dans le cours
normal des affaires. Mais, jamais cela n'a été prévu que,
si un groupe vient témoigner devant nous, critique la commission et dit
que la commission pratique ou est équipée pour pratiquer
l'écoute électronique, cela autorise le
président-directeur général, M. Sauvé, à
prendre des poursuites. Je ne crois pas cela. Ce n'est pas cela du tout. Je
n'ai pas vu le texte de l'article 28 devant moi, mais c'est dans le cours
ordinaire des affaires de la CSST. Ici, c'est une affaire extraordinaire.
Je vois ici le vice-président, M. Bernier, le représentant
de... Comment s'appelle-t-il?
Une voix: M. Sauvé.
M. Polak: M. Sauvé. On en parle tellement que ma
tête est bloquée. Quand on pense à quelqu'un tout le temps,
on oublie son nom, savez-vous. M. le Président, son représentant
est ici. C'est comme je le pensais ce matin quand j'ai posé la question.
J'aimerais bien savoir, M. le Président - et le ministre est d'accord
avec moi - si ceux qui sont au conseil d'administration, M. Laberge et tous les
représentants syndicaux, les représentants du patronat qui sont
au conseil, auraient autorisé une telle poursuite. Je pense vraiment que
cela devient une lutte de pouvoir entre M. Sauvé et le ministre. M. le
ministre, c'est à vous, qui êtes le ministre responsable, de dire:
M. Sauvé, assez c'est assez! Ne vous cachez pas derrière
l'article 28. Allez chercher votre mandat au bureau d'administration et vous ne
serez jamais capable de l'obtenir, j'en suis convaincu. Je pense que c'est
votre obligation de lui dire: Nous, nous sommes des hommes politiques qui ont
des choses à dire! On parle aux administrateurs et on dit: Assez, c'est
assez. Vous autres, vous n'êtes pas le roi de tout le royaume pour
décider, avec l'argent des employeurs parce que ce sont eux qui
financent tout cela, d'intenter des poursuites de 300 000 $. C'est
incroyable.
Donc, le soupçon qu'on avait ce matin a été
confirmé: c'est un homme qui a décidé d'intenter cette
poursuite, c'est le président-directeur général. Il se
prend pour un autre. Il pense qu'il est au-dessus de vous. Qu'il se croie
au-dessus de nous, je le comprends, c'est un péquiste. C'est son droit.
Qu'il pense qu'il est au-dessus des libéraux, c'est son droit. Mais
qu'il pense qu'il est au-dessus du ministre, il y a une limite. Il y a un
ministre en vertu de la loi qui est responsable qui va lui dire: M.
Sauvé, c'est moi le ministre et vous êtes le "civil servant".
C'est moi le "boss" et pas vous. Je pense que c'est au ministre de le rappeler
à l'ordre et de lui dire: Arrêtez cette poursuite, allez chercher
une autorisation de votre bureau d'administration, si vous êtes capable
de l'obtenir. Je parle en même temps à son petit servant qui est
ici aujourd'hui, le vice-président. J'admire beaucoup M. Bernier. C'est
un homme bien gentil. Mais il faut qu'il aille porter le message à son
"boss": Assez, c'est assez!
Nous sommes les représentants de la population. On ne veut plus
rien savoir de cela. Comprenez-vous? Fini, cela. Arrêtez cette poursuite.
Allez chercher un mandat. Vous ne serez pas capable de l'obtenir.
Deuxièmement, M. le ministre, vous allez demander une
enquête sur cette affaire de l'écoute électronique parce
que vous êtes reconnu pour être un ministre tout de même
assez objectif. Vous êtes un des seuls capables de soutenir sa position
d'une manière ou de l'autre, parce que c'est confirmé, vous
êtes connu comme un gars pas mal correct, comme on dit en bon canadien.
Allez donc demander une enquête publique de votre ministère sur
cette affaire d'écoute électronique, s'il vous plaît! M.
Sauvé, c'est un peu comme l'omniprésence à cette
commission. M. Sauvé décide qu'il va poursuivre. Les gens de
l'Alcan sont devant nous. Ils vont dire, à un moment donné: On
n'aime pas votre projet de loi et M. Sauvé va décider de les
poursuivre demain matin. Il y a une limite à tout cela. (20 h 30)
Je pense vraiment que le temps est venu de mettre fin à cette
bataille. C'est le ministre du Travail qui est chargé de ce projet de
loi, et il va dire: Arrêtez donc vos poursuites. S'il vous plaît,
allez chercher un mandat. Deuxièmement, le ministre devrait demander une
enquête sur cette affaire qui devrait se tenir très rapidement; on
devrait éviter de perdre deux ou trois ans en procédures devant
la Cour civile et régler ce problème une fois pour toutes pour
qu'on sache qui avait raison.
Le Président (M. Paré); M. le
ministre. M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: M. le Président, très
brièvement, je voudrais, comme le député de Sainte-Anne,
nous excuser comme commission du débat qui s'est engagé, qui ne
fait, en aucune espèce de façon, partie du mandat qui est le
nôtre, mais...
M. Polak: C'est arrivé ici.
M. Fréchette: ...comme nous avons convenu de discuter de
la situation, je n'ai aucune espèce d'objection. Des invités, ce
matin, nous ont dit que nous avions perdu 45 minutes dans une discussion de
cette nature et on est en train de s'enliser dans la même situation.
M. Doyon: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Louis-Hébert.
M. Doyon: M. le Président, le ministre a dit que cela ne
regardait pas cette commission, que nous n'étions pas ici pour discuter
de cela. Je vous soulignerai que c'est ne pas tenir compte du mandat qui est
celui de cette commission. Le mandat de cette commission est d'entendre les
représentations des personnes, etc. Si on veut entendre les
représentations des personnes, il faut s'assurer que celles-ci puissent
parler librement et le lieu pour en discuter, c'est ici et maintenant. On
aurait beau entendre des gens qui viennent ici, s'ils ne semblent pas libres de
dire tout ce qu'ils ont à dire, à ce moment-là, les
travaux de la commission seraient totalement inutiles. Je pense que le ministre
conviendra avec nous qu'il faut tout d'abord s'assurer que les gens qui
viennent témoigner devant cette commission puissent le faire librement,
sans menaces, sans intimidation, et c'est de cela que nous parlons. Il est vrai
que nous n'entendons pas présentement des témoins, des
invités, mais nous mettons en place les conditions qui permettront qu'un
témoignage ait de la valeur et que le ministre puisse en tenir compte en
temps et lieu dans la préparation des modifications qu'il aura à
apporter à son projet de loi. Je pense que, dans les circonstances, ce
débat doit avoir lieu, qu'il est absolument nécessaire.
Le Président (M. Paré): J'aimerais rappeler aux
membres de la commission que, justement, la raison pour laquelle nous sommes
ici, c'est pour entendre les représentations des personnes et des
groupes intéressés au projet de loi 42. Nous en sommes à
la sixième ou septième journée et une trentaine de groupes
se sont déjà fait entendre. Nous avons déjà des
invités qui attendent de pouvoir donner leur point de vue sur le projet
de loi 42. Donc, ce que vous venez de dire, c'est une question
d'interprétation. La parole est maintenant au ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président, ce que j'allais
ajouter le plus brièvement possible, c'est que, quand bien même on
reviendrait à la charge constamment avec insistance et avec autant
d'éloquence que l'ont fait mes collègues de l'Opposition pour me
demander de rendre un jugement sur une instance judiciaire, vous allez
comprendre facilement que je n'entreprendrai pas de m'aventurer dans une
semblable avenue.
Tout à l'heure, le député de Viau dans son
argumentation a indiqué que le juge Sauvé se donne des pouvoirs -
j'utilise les termes qu'il a lui-même utilisés - "excessifs et
abusifs", a-t-il dit. Or, M. le Président, on peut bien faire de la
sémantique sur la signification d'une réglementation qui a
été adoptée par un conseil d'administration et qui a
été ensuite sanctionnée par un décret
gouvernemental, mais il me semble que les
mots veulent dire ce qu'ils veulent dire. Quand on signale dans cette
réglementation que le président-directeur général
"approuve les politiques concernant les mandats judiciaires", il me semble que
c'est suffisamment clair en soi pour que l'on puisse tirer des conclusions
certaines sans qu'il soit nécessaire de s'engager encore une fois dans
de la sémantique de toute espèce.
M. le Président, je vous signalerai un autre aspect du dossier
qui me semble fort important. Les motifs qu'invoque, à tort ou à
raison, la Commission de la santé et de la sécurité du
travail à l'appui de son action judiciaire procèdent de
déclarations qui ont aussi été faites à
l'extérieur de cette enceinte et qui reprenaient textuellement ce qui
avait été dit ici à l'intérieur de la commission
parlementaire. Immédiatement après l'audition du mémoire
de l'organisme concerné, une conférence de presse rapide, qui
s'est tenue dans les corridors du parlement, nous a appris exactement que les
mêmes affirmations avaient été faites et encore avec plus
d'emphase et de détails. Tout cela s'est continué pendant une
bonne période de temps, autant par la voie des journaux que par la voie
des autres médias électroniques.
M. le Président, il s'agit là d'un élément
fort important dans le dossier. Cela démolit carrément et
strictement l'argumentation qu'on est en train d'essayer de développer
depuis 20 minutes maintenant. Je comprends l'argumentation de mes
collègues de l'Opposition. Elle va dans le même sens que celles
qu'on entend depuis au-delà d'une année et demie maintenant. Il
n'y a rien d'absolument extraordinaire dans ce que l'on est en train de
plaider. Cependant, en est-il des organismes comme des individus? Va-t-on
accepter de se faire dire des choses que l'on considère, à tort
ou à raison - remarquez que je n'évalue pas et que je ne porte
pas de jugement, bien sûr -libelleuses, diffamatoires, sans d'aucune
espèce de façon réagir et soutenir une position qu'on
croit être la bonne? Cela voudrait dire qu'à tous égards,
n'importe quand et n'importe comment, on peut se faire dire des choses que l'on
considère fausses et la seule possibilité ou la seule attitude
qu'il faudrait prendre serait celle de laisser aller les choses, de laisser les
choses s'empiler sans jamais réagir.
Encore une fois, je ne suis pas en train de vous dire que l'action
intentée par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail sera maintenue par les tribunaux. Je suis en
train de vous dire que, lorsque quelqu'un ou un organisme - je pense que c'est
son droit le plus strict - évalue que des propos ont porté
atteinte à sa réputation, c'est son droit le plus strict de se
prévaloir des droits que les lois mettent à sa disposition. Je me
demandais, à entendre le député de Louis-Hébert, si
son argumentation allait dans le sens de me demander d'intervenir pour
soustraire ou enlever à un organisme, qui a les mêmes pouvoirs
qu'une corporation civile, le droit strict de se prévaloir des
dispositions de nos lois pour faire valoir devant les instances
appropriées les droits qu'il considère avoir. Si c'est la
demande, vous allez comprendre rapidement que je ne pourrai pas répondre
dans l'affirmative à la question qui m'est posée.
Je trouve cela fort curieux, à partir d'un
précédent qui a été vécu ici. Il n'y a pas
tellement longtemps, vous savez, il y a une commission parlementaire qui s'est
tenue ici et qui a duré, mon Dieu, cinq, six ou sept semaines ou
peut-être un peu plus, parce qu'on prétendait que quelqu'un
était intervenu dans le règlement d'une action intentée
devant les tribunaux. Ce qu'on me demande maintenant, c'est
précisément d'intervenir pour que ce règlement se produise
dans le sens qu'on le souhaite, c'est-à-dire que la Commission de la
santé et de la sécurité du travail se désiste. Il y
a moins d'un an, M. le Président, six mois à peine, on faisait un
amer reproche, on a fait un procès sur la place publique au gouvernement
parce qu'un membre du gouvernement, disait-on, était intervenu dans un
processus judiciaire et là, sur la place publique, impunément,
à l'encontre de tous les principes de droit les plus
élémentaires, on demande au ministre d'intervenir dans un
processus judiciaire. M. le Président, c'est le genre de chose que je ne
peux pas accepter et dans laquelle je n'interviendrai pas.
Lorsque nous avons procédé à l'audition du
mémoire du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et
que cette allusion ou référence a été faite, j'ai
immédiatement demandé que tous les moyens soient pris pour que la
situation soit éclaircie, que l'on sache très
précisément à quoi s'en tenir, quels étaient les
tenants et aboutissants du dossier sans, d'aucune espèce de façon
cependant, indiquer quel moyen il fallait prendre. D'aucune façon je ne
suis intervenu dans ce sens. La commission, comme la réglementation le
lui permet, a pris la décision que l'on sait. Il ne m'appartient
certainement pas d'intervenir, M. le Président, et ici à cette
table, particulièrement dans le mandat qui est le nôtre et
à côté duquel nous sommes actuellement, je n'accepterai
certainement pas les demandes qu'on me fait d'intervenir pour qu'un
désistement soit produit pour, ensuite, me retrouver encore dans la
même enceinte cette fois comme l'accusé de la place publique parce
que je serais intervenu dans une procédure judiciaire.
Le Président (M. Paré): Avant de céder la
parole au député de Viau, j'aimerais
rappeler encore une fois deux choses: premièrement, la commission
a pour but d'entendre les représentations des personnes et des groupes
intéressés au projet de loi 42, ce que l'on fait depuis plusieurs
jours déjà; deuxièmement, on a entendu près d'une
trentaine de groupes de gens qui viennent exprimer leur opinion sur un projet
de loi. J'ose croire que ce n'est pas la répétition, ce que vous
voulez dire, M. le député de Viau, de ce qu'on entend depuis
plusieurs jours et depuis plus d'une demi-heure, parce que, si cela devient de
la répétition, je vous demanderais, par déférence
pour les deux groupes qu'on a à entendre ce soir, d'être bref.
M. Cusano: M. le Président, je serai très bref. Je
serai extrêmement bref. Je vois que le ministre ne semble pas comprendre
le problème réel auquel on fait face présentement. Nous
avons eu des témoins qui sont venus ici de bonne foi témoigner.
Comme dans le passé - et cela a été très clairement
indiqué lors de la commission parlementaire du mois de décembre -
le juge Sauvé, par des menaces, essaie toujours, d'une façon ou
de l'autre, de fermer la bouche de ceux qui se prononcent contre sa
boîte, sa tour de Babel. Là est le problème. Les gens sont
venus ici et c'est vrai qu'on demande une enquête. Cela fait longtemps
qu'on la demande. Vous avez eu des intervenants ici, M. le Président.
Vous n'étiez pas ici durant toutes les journées d'audiences, mais
nous avons eu des intervenants qui, l'un après l'autre, nous ont dit
qu'on ne peut pas "divorcer" le projet de loi qu'on est en train
d'étudier du fonctionnement de la CSST et des agissements plus
particuliers du président-directeur général de la CSST. Il
vient de nous le démontrer, comme il l'a fait dans le passé; cela
a été la concrétisation de toutes ses actions dans le
passé, justement. Un organisme nous affirme quelque chose. On arrive
après... Que le ministre dise: Oui, c'est vrai que M. Harguindeguy a
fait une conférence de presse après à l'extérieur,
c'est jouer un peu avec les mots et je n'accepte pas cet argument.
Je demanderais - je vais être précis, M. le
Président - quelles mesures le ministre et vous, en tant que
président, entendez prendre pour vous assurer que les prochains
témoins qui vont comparaître devant cette commission d'ici
à la fin, ou quelles garanties ces gens-là vont avoir pour
pouvoir témoigner en toute liberté sans que l'épée
de Damoclès du juge Sauvé soit suspendue au-dessus de leur
tête. Elle est simple, la question. Elle est brève. J'aimerais
avoir une réponse.
Le Président (M. Paré): Là-dessus, M. le
député de Viau, j'aimerais vous rappeler que la commission
parlementaire est une instance de l'institution parlementaire et qu'elle
relève de l'Assemblée nationale. Les commissions parlementaires
ont, spécialement ces derniers temps, de façon très
régulière, le devoir et le mandat d'entendre plusieurs
intervenants sur plusieurs projets de loi. Les gens viennent se faire entendre.
Le problème que vous soulevez doit être réglé par
une autre instance qui est une instance juridique, ce qu'on n'a pas à
étudier, à mon avis. (20 h 45)
Une voix: Ah bon!
Le Président (M. Paré): Là-dessus, je crois
que le mandat de la commission, que nous avons ici ce soir, est clair: c'est
d'écouter les gens qui sont ici et qui demandent à être
entendus, qui ont été invités et qui ont accepté
l'invitation.
M. Doyon: Oui, ils l'ont acceptée avant...
Le Président (M. Paré): Un instant.
M. Doyon: ...que le juge Sauvé...
Le Président (M. Paré): Un instant.
M. Doyon: ...entreprenne ses actions.
Le Président (M. Paré): Un à la fois, s'il
vous plaît!
Donc, si le mandat de la commmission est d'entendre les gens qui sont
ici et que nous avons entendu - je le répète à nouveau -
une trentaine de groupes de gens qui sont venus librement et ouvertement parler
sur le projet de loi 42, de façon positive ou de façon
négative, je ne vois pas pourquoi on reviendrait sur un sujet - et je ne
veux pas aller sur le fond - qui relève maintenant d'une autre instance.
Là-dessus, je crois qu'on devrait, par déférence pour les
gens qui sont ici ce soir, qui ont le même droit que les autres groupes
que nous avons entendus et que nous allons entendre, les entendre maintenant.
Et je le répète: On a été très ouverts
là-dessus et je voudrais bien que la commission continue dans le
même climat. Sauf qu'il ne faudrait pas que la discussion que vous voulez
entreprendre -parce que je vois qu'on me demande la parole - devienne la
répétition de ce qui a déjà été dit
parce que cela devient de l'interprétation personnelle et des
réponses entre membres de cette commission, alors que le but de la
commission - je le répète -n'est pas, pour les membres assis de
chaque côté de la table d'interpréter certaines choses,
mais plutôt de poser des questions et d'entendre les commentaires des
gens qui sont ici nos invités.
M. le député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Deux mots pour dire que,
au nom du Parti libéral du Québec, je veux donner l'assurance
formelle à tous les gens qui nous feront l'honneur de venir devant cette
commission que, quoi qu'il arrive, de la même façon que nous
tentons de défendre, avec les instruments dont nous disposons, la
liberté de parole du président du Syndicat des fonctionnaires
provinciaux, qui a dit des choses qui n'étaient pas très
flatteuses pour la CSST, de même, de quelque nature que soient les propos
que vous tiendrez, qu'ils soient critiques, qu'ils soient flatteurs, d'aucune
façon nous n'accepterons une intervention de la part du
président-directeur général de la CSST, dont l'ombre
menaçante a déjà assez plané sur cette commission.
Et quel meilleur moyen de camoufler la mauvaise administration que d'agir de la
façon dont il le fait! Et je sais que les gens qui sont devant nous
actuellement, ainsi que les autres qui vont venir ont suffisamment de courage
pour ne pas se faire intimider par cette façon d'agir du juge
Sauvé. Pour autant que nous sommes concernés, de ce
côté-ci de la table, nous allons faire en sorte que ce qui s'est
produit soit dénoncé avec la dernière vigueur et que cela
ne se reproduise plus, ni de près, ni de loin, comme cela a
déjà été dit dans d'autres circonstances.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, j'aimerais tenter de mettre
fin, comme vous essayez de le faire depuis un bon moment, au débat qui a
lieu présentement et qui ne porte surtout pas sur les buts de cette
commission. On sait très bien que le but premier et le but ultime de
cette commission, c'est d'entendre les intervenants qui viennent nous commenter
leur mémoire, mais là on est en train de faire un procès.
Je considère, M. le Président, que ce n'est pas la place, peu
importe qui aura tort, qui aura raison, on le verra en cours de route. Mais les
gens qui sont devant nous, qui ont été invités à
présenter leur mémoire devant la commission, viennent, par
inadvertance, sans le vouloir, d'être témoins de la discussion,
qui se tient depuis tout près de trois quarts d'heure
déjà, sur la question qui est hors contexte. Et je leur poserais
cette question, présentement: Est-ce que vous, messieurs de l'Alcan, qui
êtes devant nous pour nous commenter votre mémoire sur le projet
de loi 42...
M. Doyon: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Paré): Un instant.
M. Lavigne: Je voudrais savoir, messieurs, si...
M. Doyon: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Paré): Un instant.
M. Lavigne: ...à la suite de ces propos, on vous met mal
à l'aise...
Le Président (M. Paré): Un instant.
M. Doyon: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lavigne: ...et on vous empêche de commenter votre
mémoire.
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lavigne: Est-ce que vous vous sentez menacés?
M. Doyon: M. le Président, une question de
règlement!
Le Président (M. Paré): Un instant.
M. Doyon: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît! Un à la fois.
M. Doyon: Oui, mais j'ai une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Louis-Hébert, sur une question de règlement.
M. Doyon: Oui, question de règlement, M. le
Président. Je vous signale que le député de Beauharnois
est en train de poser des questions aux intervenants qui n'ont pas encore
été présentés et qui ne sont pas en mesure de
répondre à ses questions. M. le Président, vous-même
devriez intervenir sans que j'aie à invoquer le règlement
là-dessus. Le député de Beauharnois n'a pas à agir
de cette façon. Les représentants de la compagnie Alcan n'ont pas
été présentés à cette commission. Ils n'ont
pas encore commencé la présentation de leur mémoire. Le
député de Beauharnois, s'il ne le sait pas, devrait l'apprendre
rapidement: ce n'est pas la façon de procéder.
Le Président (M. Paré): Je veux rappeler, encore
une fois, à tous les membres de la commission que le but de la
commission, les raisons pour lesquelles nous
sommes ici ce soir, ce n'est pas pour juger quelque chose qui se passe
à l'extérieur, mais c'est pour entendre deux groupes bien
définis, la Société d'électrolyse et de chimie
Alcan Ltée et la ville de Montréal, afin qu'ils puissent
présenter leur mémoire, nous faire leurs commentaires et
répondre à des questions précises sur un projet de loi
précis qui est le projet de loi 42.
M. Polak: M. le Président...
Le Président (M. Paré): Là-dessus, je suis
bien prêt à vous donner la parole, parce que vous l'aviez
demandée, M. le député de Sainte-Anne, mais en
espérant, encore une fois, qu'il ne s'agit pas d'une
répétition de ce qu'on entend depuis quelques jours.
M. Polak: M. le Président, merci beaucoup. Je trouve cela
très dangereux, avec tout le respect que je vous dois. Il y a ce
problème qui est survenu devant cette commission, il y a deux semaines.
Ce n'est pas nous qui l'avons évoqué. C'est un groupe qui a
témoigné et il y a des choses qui ont résulté de ce
témoignage. Le ministre a demandé de produire des documents et il
y a une poursuite. Tout cela relève d'un témoignage devant notre
commission. C'est bien beau de dire: On cache tout cela, parce qu'il y a un
groupe qui vient. Je vais vous dire une chose, M. le Président. Je suis
convaincu que l'Alcan et la ville de Montréal sont bien prêts
à attendre une couple d'heures, de plus même si cela doit aller
à demain matin, pour, justement, dénouer une affaire qui est bien
importante. C'est une question de principe. Si vous dites: On est ici pour
entendre les mémoires; on s'en fout que M. Sauvé décide de
poursuivre qui il veut, M. le Président, nous sommes élus par la
population et je pense que nous avons le droit de décider. Ce n'est pas
M. Sauvé, le président-directeur général de la
CSST, qui décide. Je regrette d'attaquer votre décision. Je pense
qu'on a le droit d'aborder cela, parce que c'est une affaire qui est
soulevée et qui résulte d'un mémoire
présenté devant nous. Ce n'est pas nous qui l'avons
soulevé. C'est un monsieur qui est venu il y a deux semaines. Le
ministre a demandé des réponses.
Ce matin, on lui a posé une question: Qui a autorisé la
procédure? Le ministre nous répond ce soir en
référant à l'article 28. Soudainement, on décide de
ne plus parler de cela car c'est devant les tribunaux civils. Nous disons: Cela
ne devrait jamais être devant les tribunaux civils. C'est une lutte de
pouvoir entre le ministre et M. Sauvé. Je m'excuse, mais nous avons le
pouvoir. Nous sommes des parlementaires et M. Sauvé, c'est un "civil
servant".
Vous nous dites: Vous ne pouvez pas répéter les
mêmes arguments parce que l'Alcan et la ville de Montréal sont
ici. Je m'excuse, les représentants de la ville de Montréal
peuvent attendre à demain matin. M. Lorange, que je connais très
bien, le peut, parce qu'il respecte bien la démocratie; il sait ce que
cela veut dire. Et l'Alcan sait très bien ce que cela veut dire. M. le
Président, je suis convaincu que M. Sauvé, de lui-même,
comme je l'avais soupçonné ce matin, a décidé
d'intenter une poursuite sans y être autorisé. Là, on nous
ferme la bouche en disant: II y a un groupe qui est ici; il faut être
poli envers eux. M. le Président, ce n'est pas notre faute; on n'a
jamais soulevé ce problème. C'est survenu au cours de nos
travaux. Ce n'est pas un élément extérieur qu'on
soulève. Je pense que c'est bien important. Le ministre a
répondu: C'est bien beau; là, on achète le temps et le
silence. On dit, en anglais, mettre le "muzzle". Ne parlez plus, vous autres,
parce que c'est devant les tribunaux; vous n'avez plus le droit de parler; on
va entendre les mémoires. Je m'en fous de commencer à 21 heures
ou à 22 heures, parce que nous sommes sur une question de principe. M.
le Président, vous nous dites: Venez, donnez-nous vos arguments, parce
qu'on est venus ici ce soir pour entendre des mémoires. C'est vrai, et
on était ici il y a deux semaines pour entendre le mémoire des
fonctionnaires de l'État, des fonctionnaires provinciaux.
Une voix: Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux.
M. Polak: Au cours de la présentation de leur
mémoire, ils ont dit une chose que M. Sauvé n'a pas aimée.
Il les a frappés avec une poursuite. Le député de
Beauharnois, peut-être qu'on va le poursuivre pour 300 000 $, et il va
savoir ce que cela veut dire. Ce n'est pas un cadeau. Je suis avocat et le
ministre est avocat. Le ministre sait ce que cela veut dire, être
poursuivi pour 300 000 $. Cela coûte cher en maudit. Chercher un avocat,
vous défendre, payer pour tout cela, ce n'est pas un cadeau. Nous sommes
ici pour aller au fond de cette affaire-là.
Quant à moi, avec tout le respect que j'ai pour l'Alcan et la
ville de Montréal, je dis qu'ils peuvent attendre un peu plus longtemps;
ce n'est pas la fin du monde. Mais qu'un individu, qui s'appelle le petit
empereur, le roi de la boîte, ait décidé de poursuivre pour
300 000 $ pour donner une petite leçon aux fonctionnaires, moi, je suis
en arrière de M. Laberge et des syndiqués qui ne veulent rien
savoir de cela, j'en suis convaincu. Je suis en arrière des patrons qui
disent: Nous, on ne savait pas cela. Ce n'est pas cela que l'article dit.
M. le Président, avec tout le respect que je vous dois, c'est
bien beau de dire:
Vous avez dit votre mot, allons-y et écoutons le mémoire.
Ce n'est plus une question de mémoires; c'est une question de
principe.
M. Fréchette: Question de règlement.
Le Président (M. Paré): M. le ministre, sur une
question de règlement.
M. Polak: Que le ministre demande une enquête... Le
Président (M. Paré): S'il vous plaît!
M. Polak: ...dans son ministère ici sur cette affaire.
Le Président (M. Paré): S'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît. M. le ministre, sur une question de
règlement.
M. Fréchette: Oui, M. le Président. Dans son
argumentation, le député de Sainte-Anne vient de préciser
de façon bien claire l'objectif que lui et ses collègues
poursuivent actuellement. II a dit: C'est important et nous voulons aller au
fond de cette affaire. Il m'apparaît évident que, pour aller au
fond de cette affaire, il va nous falloir discuter de tous les arguments que
les deux parties pourraient invoquer devant le tribunal. Il va nous falloir
nous constituer, en quelque sorte, en tribunal, nous aussi, pour disposer du
fond du litige. Je veux attirer votre attention sur les dispositions du
quatrième paragraphe de l'article 99 de notre règlement. Il
m'apparaît évident que, si la discussion doit continuer dans le
sens qu'elle est engagée, nous allons effectivement entrer dans le fond
même de la question et, alors, nous nous retrouverions tous en train de
violer le règlement par rapport à l'article dont je viens de vous
parler.
Deuxièmement, je ne suis pas tout à fait sûr que des
gens qui avaient prévu être invités un soir et à des
heures précises accepteraient aussi facilement de retourner et de
revenir demain matin. Je ne suis pas convaincu de cela, mais ce n'est pas le
principal argument que je vous soumets aux fins d'une décision, M. le
Président, c'est le quatrième paragraphe de l'article 99 de nos
règlements.
Le Président (M. Paré): II a été dit
par le député de Sainte-Anne que la commission essayait de cacher
quelque chose. J'aimerais juste rappeler, pour les membres et
l'intégrité de la commission parlementaire, que,
premièrement, la cause est publique, celle dont on traite ici ce soir,
mais qui n'est pas le but de la commission. Deuxièmement, il y a,
justement, le paragraphe 4 de l'article 99 que je vais lire: "II est interdit
à un député qui a la parole de parler d'une affaire qui
est devant les tribunaux ou devant un organisme quasi judiciaire ou d'une
affaire qui est sous enquête, lorsque, dans ce dernier cas, les paroles
prononcées peuvent être préjudiciables à une
personne." Donc, en vertu de cela et de ce que j'ai dit tantôt, soit
qu'il n'est pas question de cacher quoi que ce soit, puisque cela fait
près d'une heure qu'on a permis aux membres d'éclaircir ce point
et de donner leur interprétation sans aller au fond du débat
parce que c'est interdit en fonction de nos règlements, j'appelle
maintenant les membres de la Société d'électrolyse et de
chimie...
M. Cusano: M. le Président...
Le Président (M. Paré): Oui, M. le
député de Viau, en vertu de quel article du règlement?
M. Cusano: M. le Président, je vous ai demandé tout
à l'heure: Quelle assurance allez-vous donner à nos
invités, ceux qui sont ici ce soir et ceux à venir, pour qu'ils
ne tombent pas dans la même situation que se trouve le Syndicat des
fonctionnaires du Québec qui se voit, justement, devant les tribunaux?
Je ne parlerai pas de la cause en question. Je veux simplement savoir quelle
garantie vous allez donner aux témoins qu'eux n'auront pas à
subir le même sort que M. Harguindeguy.
Le Président (M. Paré): Celle que les commissions
parlementaires, comme je le disais il y a déjà plusieurs minutes,
font partie des institutions publiques du Québec relevant de
l'Assemblée nationale; c'est public, c'est connu, c'est même
télédiffusé. Les gens connaissent leurs droits et vous
retrouvez à l'intérieur des règlements qui
régissent notre commission tous les droits et les pouvoirs de chacun.
Aussi, lorsqu'une commission parlementaire siège dans un but
précis - celle dont nous sommes membres ici ce soir siège dans le
but d'entendre des gens qui ont quelque chose à nous dire sur un projet
de loi précis - les gens savent très bien quels sont les pouvoirs
et les devoirs de tous et de chacun des deux côtés, autant les
gens qui font une présentation que ceux qui sont ici à
l'écoute. À la lumière de ce que vous avez dit, je crois
que les gens sont encore plus informés. La garantie qu'on peut donner
aux gens, c'est la garantie qu'on retrouve dans les règlements des
commissions et les règlements de l'Assemblée nationale. (21
heures)
M. Polak: Pas M. Sauvé, par exemple.
M. Doyon: Question de directive, M. le Président.
Le Président (M. Paré): M. le député
de
Louis-Hébert.
M. Doyon: M. le Président, question de directive. En tant
que président de cette commission, vous l'avez très bien
exprimé, vous êtes responsable de voir à ce que les travaux
se déroulent normalement et à ce que la commission soit
informée selon les règles parlementaires. Dans les circonstances,
j'aimerais avoir une directive de votre part, à savoir si vous
considérez une intervention de la nature de celle qui a
été faite par le juge Sauvé, président-directeur
général de la CSST, comme n'étant pas une atteinte aux
droits de cette commission et des parlementaires qui y siègent. Cette
demande de directive, je vous la fais formellement, M. le Président. Je
réalise que vous n'êtes peut-être pas en mesure de rendre
une décision au moment où on se parle, mais je vous prierais de
bien vouloir la prendre en délibéré, de façon que
nous, en tant que parlementaires, en tant que membres de cette commission,
sachions si des gens à l'extérieur de cette commission peuvent
par personne interposée, par le biais de poursuites judiciaires et de
menaces de cette nature, empêcher cette commission de s'acquitter
convenablement de ses devoirs. J'aimerais avoir votre décision
là-dessus. C'est une demande de directive que je vous fais, M. le
Président.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Louis-Hébert, effectivement, je répondrai à votre
demande de directive ultérieurement, probablement à la prochaine
séance, pour ne pas retarder indûment les travaux de cette
commission et toujours en tenant compte de l'article 99, paragraphe 4, et en
tenant compte des buts et des raisons de cette commission.
Là-dessus, j'appelle maintenant les représentants de la
Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée
à nous faire leur présentation en les assurant, bien entendu, que
le temps qui leur est alloué ne sera pas écourté à
la suite du retard occasionné par le présent débat entre
les membres de la commission. J'inviterais le porte-parole à
s'identifier et à nous présenter les personnes qui
l'accompagnent, s'il vous plaît.
Société d'électrolyse et de
chimie Alcan Ltée
M. Minville (Jean): Merci, M. le Président. Mon nom est
Jean Minville. Je suis vice-président et directeur du personnel à
la SECAL; à ma droite, le Dr Kelly, directeur du service de
santé; à l'extrême gauche, M. Michel Chamberland, directeur
de la sécurité industrielle et M. Gilles Lavallée,
conseiller principal en relations industrielles.
Nous représentons la Société d'électrolyse
et de chimie Alcan Ltée, la compagnie canadienne responsable des
secteurs de l'énergie, des produits chimiques, de l'électrolyse
et des produits en lingots d'aluminium. Notre siège social est à
Montréal et nos installations du Québec sont principalement au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, à Shawinigan et à Beauharnois. Des 12
000 employés que nous avons au Canada, quelque 10 000 travaillent au
Québec et à peu près 7 000 d'entre eux sont
syndiqués. En fait, 50% de nos employés ont moins de 40 ans
d'âge et 10 ans d'ancienneté, alors que presque 35% ont 50 ans et
plus de 26 à 40 ans de service. Chaque année, quelque 250
à 300 de nos employés prennent leur retraite. La masse salariale
canadienne est de l'ordre de 500 000 000 $.
La santé et la sécurité ont toujours eu chez nous
une grande importance et dès l'introduction de la loi 17, sans attendre
la réglementation, nous avons, de concert avec nos syndicats,
procédé rapidement à la création de comités
d'établissement - 12 en tout - au choix d'une vingtaine de
représentants à la prévention qui oeuvrent presque tous
à temps plein et à l'élaboration de notre programme de
prévention. Notre équipe de professionnels en santé,
sécurité et hygiène industrielle regroupe quelque 125
personnes à un coût salarial annuel de plus de 8 000 000 $. Nos
cotisations annuelles à la CSST et aux organismes semblables des autres
provinces où nous avons des usines sont de l'ordre de 10 000 000 $.
Malgré la situation économique difficile et une
réduction marquée des investissements qui passaient de quelque
400 000 000 $, en 1981, à 125 000 000 $ en 1983, une proportion
importante de nos dépenses a continué d'être
affectée à la modernisation de nos usines et à
l'amélioration de nos conditions de travail en plus d'avoir investi
beaucoup dans l'élimination des accidents du travail et des maladies
professionnelles. Nous l'avons fait dans un esprit de collaboration avec les
représentants de nos employés et c'est dans cet esprit que nous
vous présentons nos commentaires.
Le Président (M. Paré): Est-ce que vous lisez
intégralement votre mémoire ou si vous avez un
résumé que vous êtes en train de lire?
M. Minville: J'ai un résumé et je vais toucher
à quelques points que je vais identifier immédiatement.
Le Président (M. Paré): Ah bon! D'accord. Donc, il
ne s'agit pas d'une lecture intégrale du mémoire?
M. Minville: Non, si vous le permettez, M. le
Président.
M. Polak: Est-ce que vous pouvez
référer aux numéros de pages?
M. Minville: Oui, je vais faire référence aux
pages.
M. Polak: Merci.
M. Minville: Nous voulons, en particulier, toucher les points
suivants: le droit et l'obligation de retour au travail, la priorité
d'emploi et l'avis de tout emploi disponible, le travail léger ou ce que
nous appelons les activités restreintes et, finalement, les plaintes et
griefs.
Alors, dans notre mémoire, à la page 4, nous traitons des
questions de retour au travail et de l'obligation de retourner au travail: les
articles 145 à 170. Je voudrais vous donner plus d'informations sur nos
observations à ce sujet. Dans des usines de la dimension des
nôtres, il y a toujours des employés absents pour
différentes raisons qui conservent le droit de reprendre leur poste.
Nous avons donc toujours des employés, même permanents, qui sont
affectés temporairement à un emploi autre que leur poste
régulier. Dans tous ces cas, qui vont de la maladie à la
suspension disciplinaire en passant par l'entrée dans les Forces
armées en temps de guerre, l'employé absent accumule d'abord et
maintient ensuite son ancienneté pour des périodes plus ou moins
longues, selon l'ancienneté du début de l'absence. C'est dans les
cas d'accidents industriels et de maladies industrielles que ces
périodes sont les plus longues: deux ans d'accumulation et deux ans de
maintien, pour un total de quatre ans de protection. Dans ces cas, les
règles ne varient pas avec l'ancienneté du début de
l'absence. Deux conditions, toutefois: l'employé doit être
régulier et chez nous, c'est après 120 jours de travail à
l'intérieur de toute période de 365 jours; à cet
égard, la règle de trois mois du projet de loi 42 pourrait nous
causer quelques problèmes. En deuxième lieu, l'ancienneté
s'accumule et s'exerce à l'intérieur d'une unité
d'accréditation. Nous reviendrons sur ce point car il est très
important.
Quant à l'obligation du travailleur, on la retrouve aussi dans
nos conventions collectives. Dans le cas de mise à pied pour manque de
travail, par exemple, suivie éventuellement d'un rappel à
l'ouvrage, l'employé doit se présenter dans les cinq jours. Ce
n'est pas une règle rigide chez nous et, sur avis de l'employé,
cet avis de cinq jours peut être étendu à dix jours ou se
transformer en un privilège de deuxième appel. Dans les autres
cas, le défaut de se présenter au travail à la date
prévue à la fin de l'absence équivaut à une absence
sans permission pouvant entraîner la perte d'ancienneté. Tout cela
pour démontrer que le droit de retour comporte comme corollaire
l'obligation de retour.
À la page 5 de notre mémoire, nous touchons à la
priorité d'emploi qui est édictée par l'article 154 et,
pour nous, ceci est un point très important. Le projet de loi
crée une ancienneté d'établissement
interaccréditations, intersyndicats. C'est un chambardement majeur non
seulement chez nous, mais dans le système des relations
ouvrières-patronales au Québec. Tout le processus
d'accréditation du Code du travail vise à ce que les travailleurs
soient regroupés et représentés à
l'intérieur d'une unité appropriée. Le projet de loi fait
abstraction de cette philosophie de base. À quelques reprises, nous
avons effectué des transferts permanents ou temporaires
interétablissements ou interunités d'accréditation dans un
même établissement. Mais c'était toujours par voie
d'entente ad hoc impliquant les deux syndicats concernés. Une
préoccupation importante de ces derniers était d'éviter
les chambardements dans les listes d'ancienneté, de protéger le
rang des membres du syndicat qui acceptaient de tels mouvements de
main-d'oeuvre. Les possibilités de retour d'un cadre dans l'unité
de négociation ont aussi fait l'objet d'ententes qui en précisent
les modalités: exemple le cas d'un contremaître de production pour
qui serait compatible un emploi de bureau syndiqué n'est pas
prévu présentement dans les ententes que nous avons avec nos
syndicats.
En un mot, avec les années, les parties se sont donné des
règles pour régir de tels transferts et le projet de loi les
ignore complètement. Les difficultés que cela va causer chez nous
où les syndicats d'un même établissement sont
affiliés à la même fédération risquent
d'être encore plus grandes là où ce n'est pas le cas.
Lorsque le deuxième alinéa de l'article 154 stipule que le
travailleur est considéré avoir accumulé de
l'ancienneté durant son absence, cela ne règle pas le
problème. En effet, dans notre régime de droit du travail,
l'accumulation de l'ancienneté par un syndiqué ne se fait
qu'à l'intérieur de l'unité dont il fait partie.
À la page 6 de notre mémoire, nous traitons des articles
155, 156 et de l'avis qu'on doit donner de tout emploi qui devient disponible.
À la suite de ce que nous venons de dire au sujet du respect des
unités d'accréditation, nous croyons que l'information sur les
emplois qui deviennent disponibles doit être limitée à
l'unité à laquelle le travailleur appartenait au début de
son incapacité. Cela restreint sans doute les possibilités de
réintégration au travail, mais le gouvernement n'a pas d'autre
alternative, croyons-nous, que de tenir compte de cette
réalité.
Nous nous interrogeons aussi sur le mode d'information de la CSST aux
travailleurs prévu par le projet de loi. Le
titre d'un emploi disponible n'apparaît pas très utile pour
déterminer si un travailleur est en mesure de l'accomplir ou non.
Même une description de tâche ne permet pas nécessairement
de comparer la capacité d'un individu aux exigences physiques de
l'emploi. Nous nous permettons de suggérer une autre approche à
partir d'un système qui existe chez nous et que nous décrirons
brièvement. Toutes les tâches sont analysées par un
spécialiste en fonction de leurs exigences physiques qui sont
notées sur une fiche d'exigences physiques. Lors de l'examen
médical de retour au travail, après une maladie ou un accident,
par exemple, le médecin remplit une fiche de capacité physique de
l'individu, fiche qui identifie les restrictions permanentes ou temporaires de
ce dernier. Il est à noter que cette fiche n'identifie pas la cause de
la restriction, préservant ainsi la confidentialité du dossier
médical.
En comparant les deux fiches en question, nous pouvons déterminer
la capacité de l'employé à effectuer un travail
donné. C'est un système qui nous permet d'effectuer ce que nous
appelons des placements sélectifs. Il y a toute une section de nos
conventions collectives qui en traite et qui permet d'affecter un
employé, dont les capacités sont diminuées en raison de
l'âge, de la maladie, d'un accident, à une occupation qu'il peut
accomplir sans danger pour sa santé. Vous vous souviendrez que j'ai
mentionné au début que 35% de nos employés avaient plus de
50 ans d'âge et plus de 30 ans de service. Pour nous, ces placements sont
importants. Quand un travailleur est apte à reprendre un travail en
vertu de l'article 154, pourquoi la commission n'informerait-elle pas son
employeur de ses capacités résiduelles ou, à l'inverse, de
ses limitations? Même s'il n'utilise pas le système que nous
venons de décrire, l'employeur sera tout de même en mesure
d'évaluer si tel poste qui devient disponible chez lui est compatible
pour ce travailleur, de l'informer en conséquence et d'en informer la
commission. À défaut par lui de ce faire, l'article 160 reste
ouvert à l'employé qui peut porter plainte à la
commission. Mais, déjà, le débat aura été
circonscrit, évitant des plaintes au sujet d'emplois non compatibles
avec ses capacités résiduelles.
Nous reviendrons plus tard sur cet article 160, de même que sur
les articles 164, 165, 169 et 170 qui touchent les plaintes et griefs.
Dans notre mémoire, de la page 8 à la page 18, nous
touchions au problème du travail léger, ce que nous appelons chez
nous les activités restreintes. Nous y exposons en détail la
situation présente, les raisons qui, selon nous, l'ont provoquée
et pourquoi et comment elle devrait être modifiée. En
résumé, notre thèse est la suivante: lorsqu'un
employé subit un accident du travail qui ne lui cause qu'une
incapacité partielle, dans bien des cas, il pourrait et devrait rester
au travail. Que l'employé puisse alors être affecté
à un travail compatible "compatible" est le mot clé ici - est le
concept déjà accepté par la CSST dans sa directive 1.40 et
déjà inscrit au projet de loi 42 dans son article 159. Ce que
nous demandons, c'est que, dans des cas bien circonscrits, l'employé
n'ait plus le libre choix que la commission lui accorde présentement
d'accepter ou de refuser un travail compatible, libre choix qui, selon nous, ne
s'est développé qu'en raison d'un texte de loi
présentement muet à ce sujet. (21 h 15)
Lors d'une réunion du comité consultatif ad hoc du conseil
d'administration de la CSST sur le travail léger, la partie syndicale
faisait remarquer que les employeurs semblent vouloir revenir à la
situation d'il y a 20 ans, alors qu'ils avaient les pleins pouvoirs
d'affectation des travailleurs, ce que les syndicats ont combattu avec vigueur.
Ce n'est pas ce que nous préconisons. Si cette situation a
déjà existé, le pendule semble maintenant rendu à
l'extrémité opposée. Ce que nous visons, c'est un retour
à une vision plus juste de la situation, à des affectations bien
encadrées de conditions comme celles qui existent déjà
dans la directive 1.40 de la commission et que nous reproduisons aux pages 14
et 15 de notre mémoire. Il est opportun de les rappeler: "1 De l'avis de
son médecin traitant, la blessure du travailleur accidenté ne
laisse prévoir que des séquelles mineures; "2 Son employeur lui
offre, sur une base temporaire, un emploi approprié à sa
condition physique qui, selon le médecin traitant ou, sinon, le
médecin de la commission, n'est pas de nature à entraver ou
à retarder sa guérison ou à aggraver sa blessure et
constitue la meilleure thérapie de réinsertion au travail;
"3° L'employeur lui verse, pour ce travail, le salaire intégral
qu'il gagnait au moment de l'accident."
Notons, finalement, que ce que nous suggérons existe
déjà, également bien encadré dans d'autres
régimes canadiens comme celui de l'Alberta et celui de la Colombie
britannique. D'un autre côté, nous ne voudrions pas que nos
représentations donnent l'impression à votre commission que tous
nos employés refusent des activités restreintes. Ce n'est pas le
cas. Il faut aussi préciser qu'il arrive que l'employé soit
disposé à accepter un travail léger, mais qu'il soit
impossible d'en trouver qui soit compatible à son état. Il n'en
reste pas moins que le nombre des activités restreintes a diminué
à moins de 20% dans nos usines
au cours des dernières années avec, cependant, une
amélioration en 1983. Selon nous, un objectif réaliste serait
d'atteindre au moins une activité restreinte pour chaque cas
d'indemnisation. La réalisation d'un tel objectif allégerait
considérablement le fardeau administratif de la CSST et diminuerait les
coûts d'indemnisation. Inversement, une avance d'indemnisation non
contrôlée et le maintien du consentement de l'employé
joueraient contre l'assignation à des activités restreintes
compatibles.
Nous souhaitons donc une loi qui vienne encourager et épauler les
efforts de gestion juste et équitable de ce type d'accidents du travail.
Nous acceptons, évidemment, d'emblée que cette loi comporte des
mesures adéquates de protection du travailleur pour que son affectation
à une activité restreinte ne représente pas de danger pour
lui.
Enfin, à la fin de notre mémoire, nous vous faisions part
de différentes autres préoccupations, en particulier en ce qui
touchait à la reconsidération administrative. Nous
suggérions à ce moment-là que ces questions
méritaient de plus amples études. À l'examen du projet de
loi 42 et des articles 160 et suivants, nous voulons mentionner à la
commission les observations suivantes: Dans une optique de concertation et de
prise en charge par les parties de leurs problèmes, nous voudrions
commenter quelques articles du projet de loi qui traitent des plaintes et
griefs.
L'article 160. Là où existe une convention collective,
pourquoi cette plainte à la commission plutôt qu'un recours
à la procédure de grief? Le syndicat est au courant des
ouvertures d'emploi; il est au courant des mouvements de main-d'oeuvre. Une de
ses responsabilités quotidiennes, je dirais, est d'assurer ses membres
que ces mouvements respectent leurs droits et la convention collective. Est-ce
que les mécanismes ne sont pas alors déjà en place pour
assurer au travailleur accidenté prêt à reprendre le
travail l'exercice de ce droit que lui accorde la loi?
Il en va de même pour l'article 164. La Charte de la langue
française, à l'article 47, prévoit le genre de distinction
que nous préconisons ici. Une contravention à l'article 45 de la
charte, qui interdit le congédiement ou la rétrogradation d'un
employé pour la seule raison que ce dernier ne parle pas le
français, donne ouverture à plainte au commissaire du travail si
le travailleur n'est pas régi par une convention collective, mais donne
au travailleur syndiqué le droit de soumettre son grief à
l'arbitrage. Il s'agirait ici, comme pour l'article 160 d'ailleurs, d'aller un
peu plus loin dans la bonne direction et de privilégier la
procédure de grief, lorsqu'elle existe, à l'exclusion d'un
recours extérieur. La multiplicité des recours est
déjà trop répandue dans le domaine des relations
industrielles.
L'article 165. Quels que soient les recours finalement retenus, le
deuxième alinéa de l'article 165 devrait disparaître,
à notre point de vue. En vertu du premier alinéa, lorsqu'une
sanction est prise contre un travailleur dans les six mois de sa
réintégration ou de sa nouvelle assignation, une
présomption est stipulée en sa faveur. Cela nous paraît
suffisant. Si la décision finale de son cas lui est favorable, il
recevra rétroactivement pleine compensation de ses droits et
privilèges. Pourquoi alors permettre une réintégration
avant la décision finale qui peut, finalement, n'être que
temporaire? Si le commissaire ou l'arbitre, selon notre suggestion, en arrive
à la conclusion que l'employeur a démontré une "autre
cause juste et suffisante", la réintégration sera annulée.
Non seulement le salaire versé entre-temps ne sera-t-il pas
récupérable, mais l'autre travailleur qui aurait
été possiblement supplanté ou déplacé
pendant cette période, lui, ne sera pas compensé. Est-ce vraiment
juste?
Articles 169 et 170. Un dernier mot, enfin, sur ces articles. Vous me
direz que peut-être il est là, le droit du travailleur d'avoir
recours à la procédure de grief de sa convention. Il est vrai que
c'est un pas, mais dans la mauvaise direction. Voici pourquoi. Le travailleur
présente son grief et la procédure s'engage. Dans les 29 jours
qui suivent, s'il n'obtient pas satisfaction, il porte plainte à la
commission ou au commissaire général du travail, selon le cas.
Tout le processus interne est bloqué et a eu lieu pour rien. Si l'on
pousse l'exemple un peu plus loin, le représentant du travailleur, de sa
propre initiative, porte plainte à la commission et le même
blocage survient. Notons aussi que, dans beaucoup de conventions collectives,
le dépôt d'un grief au premier stade de la procédure exige
l'action du travailleur intéressé, une autre règle que le
projet de loi vient de rendre caduque. Nous répétons donc notre
recommandation que la convention collective qui régit les situations
dont il est ici question ait préséance sur la loi qui devient
ainsi supplétive.
Ceci nous amène à la conclusion de notre mémoire et
aux deux commentaires que nous y faisons. La refonte de la Loi sur les
accidents du travail doit se réaliser en limitant à l'essentiel
les coûts additionnels à l'entreprise, d'une part, et, d'autre
part, en privilégiant les dispositions favorables à
l'accroissement de sa productivité. Nous sommes convaincus que cet
objectif est parfaitement conciliable avec celui d'assurer au travailleur
victime d'une lésion professionnelle un régime de
réparation équitable et qui souffre même facilement la
comparaison avec d'autres régimes.
L'ensemble du projet de loi à l'étude et
non seulement les quelques sujets dont nous avons traité dans ce
mémoire devrait permettre qu'il soit tenu compte dans son application
des règles et mécanismes que les parties se sont
déjà donnés. Que le législateur intervienne pour
établir des principes généraux, fixer les droits et les
obligations, cela se comprend, mais la concertation accrue qu'il
préconise entre les parties et la prise en charge qu'il souhaite voir se
réaliser par les milieux visés seront le mieux servies par une
loi qui respecte les accords intervenus et favorise les nouvelles ententes.
Cela est peut-être d'administration un peu plus complexe, mais c'est un
facteur essentiel à l'atteinte d'une plus grande maturité dans
les relations industrielles. Je vous remercie.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, M.
Minville. Nous allons passer maintenant à la période
d'échanges avec les membres de la commission. La parole est maintenant
au ministre du Travail.
M. Fréchette: Oui, M. le Président. Je remercie M.
Minville des représentations qu'il vient de nous faire, de même
que les membres de sa délégation. Je suis impressionné par
la facture générale que l'on retrouve dans le mémoire de
l'Alcan. Évidemment, tous les gens qui sont venus devant nous depuis le
début ont leur façon à eux de voir les choses, de
déceler des problèmes là où d'autres n'en
décèlent pas. Mais ce qui retient mon attention dans
l'évaluation que votre société fait pas seulement du
projet de loi 42, mais de l'ensemble de la politique de santé et de
sécurité, c'est que vous y êtes carrément
impliqués, me semble-t-il. Cela ne semble pas, non plus, être
votre objectif de remettre en cause les grands principes de cette politique de
santé et de sécurité, non plus que la philosophie
générale qui tourne autour de cela. Je vous signale, encore une
fois, que je retiens comme idée générale ce dont je viens
de vous parler, ce que je viens de décrire et qui se dégage de
votre mémoire.
Un autre aspect intéressant de vos observations, M. Minville - et
vous y êtes revenu presque constamment dans vos représentations -
c'est l'emphase que vous mettez sur la nécessité que les parties
elles-mêmes se prennent en main à tous égards et que,
là où c'est possible, elles conviennent elles-mêmes aussi
de mécanismes qui assureraient, généralement parlant, la
santé et la sécurité.
Cette deuxième observation m'amène à vous poser une
question qui nous permettrait d'obtenir un peu plus de renseignements, un peu
plus de détails sur cette philosophie générale dont je
viens de parler, c'est-à-dire la nécessité pour les
parties de se prendre en main. Quand on fait référence, par
exemple, au comité de santé et de sécurité, que
l'on fait référence également au droit de retour au
travail - et incluons, pour les fins de la discussion, le travail léger
ou ce que vous appelez chez vous l'activité restreinte -est-ce que j'ai
compris que votre souhait, votre voeu ou encore le sens de votre argumentation,
c'est que, lorsque les parties s'entendent sur des mécanismes de
santé et de sécurité - je pense, plus
précisément, dans ce cas-ci, à des comités - et sur
des mécanismes de droit de retour au travail, vous privilégiez,
quant à vous, que l'on retienne les mécanismes que les parties
elles-mêmes ont décidé de retenir, qu'elles ont
négociés, sur lesquels elles ont discuté, qu'elles ont
évalués et qu'elles ont accepté, de part et d'autre,
à la suite d'une négociation, de retenir et d'inclure dans le
contrat collectif de travail, et que cela devienne la politique de santé
et de sécurité, que cela devienne la politique qui doit
déterminer les conditions du droit de retour au travail et ainsi de
suite? J'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est une avenue que
je considère fort intéressante. D'autres en ont parlé,
mais pas avec autant d'emphase que vous l'avez fait.
M. Minville: Alors, en effet, un des objectifs que nous
poursuivions en venant présenter notre mémoire ici,
c'était de souligner, pour nous, l'importance du rôle que les
parties ont à jouer, les responsabilités qu'elles ont de prendre
les principes qui peuvent être énoncés par le
législateur et de les traduire dans leurs termes pour leurs besoins dans
leurs locaux, dans leurs situations particulières en des
mécanismes qui sont acceptables.
On touche aux règles d'ancienneté, on touche aux
règles d'assignation. Chez nous, comme on le mentionnait, on a une bonne
partie de notre population qui est âgée. C'est une industrie
lourde; on doit penser, à un moment donné, dans la
carrière de ces gens-là, à les placer dans des
tâches qui sont mieux adaptées pour eux. Dans nos conventions
collectives, par voie de négociation, on s'est entendu avec les
représentants de nos employés sur une série de
règles qui offrent à ces gens-là à la fois des
droits, à la fois des protections, mais toujours relativement aux droits
des autres employés dans nos installations, toujours relativement, par
exemple, au niveau de nos opérations qui peuvent fluctuer à
certains moments.
Alors, ces droits-là, ces règles-là ou ces
façons de vivre ont été développés au cours
des années, au cours de négociations de façon commune ou
par voie de comité paritaire, par voie de recherche conjointe, ont
été utilisés, améliorés au cours des
années. Il faut absolument que l'intervention
du législateur, à ce moment-là, tienne compte de
ces situations pour peut-être fixer un minimum ou fixer un cadre
général, mais laisser aux parties la liberté de les
administrer, de les suivre. Vous savez, pour la CSST, par exemple, quand on
pense au complexe, chez nous, de l'usine de Jonquière, où il y a
presque 6000 employés, où il y a des mouvements de main-d'oeuvre
constamment, tous les jours, l'idée d'établir un avis de tous les
postes disponibles, en soi, est bonne; mais, administrativement, avec la
paperasserie cela devient d'une complexité, d'une difficulté
énorme. (21 h 30)
Par contre, si vous introduisez la même notion via les conventions
collectives, via les mesures administratives que nous connaissons et que vous
donnez aux syndicats, avec la protection de l'arbitrage, le suivi de
l'administration de ces cas-là, je crois que vous avez résolu un
problème administratif insurmontable pour la CSST, mais que l'on vit
tous les jours entre nous, tout en protégeant ceux qui ont droit
à ces choses-là par rapport aux droits des autres employés
qui sont présents, parce qu'il faut toujours regarder les droits des uns
par rapport aux droits des autres. Pour nous, c'est, évidemment,
très important que l'administration soit ramenée au niveau des
parties, au niveau des usines.
M. Lavallée (Gilles): Un commentaire additionnel, M. le
Président. Je sais que, pour la CSST, par exemple, il peut y avoir une
grande hésitation à des lois qui feraient référence
à des conventions collectives, parce que cela la place quasiment dans
l'obligation d'interpréter les conventions. On dit que ce n'est pas le
rôle de la CSST.
D'autre part, si on veut qu'il y ait vraiment prise en charge par les
parties, c'est peut-être plus difficile à administrer, mais il
faut en arriver à quelque chose de semblable; sinon, on parle de prise
en charge par les parties, mais on met des bornes extrêmement
étroites qui ne comportent pas de possibilité pour les parties de
fonctionner selon des règles qui sont équivalentes ou même
plus intéressantes que celles que prévoit la
législation.
M. Fréchette: Je pense que vous touchez là
très précisément le dilemme auquel on fait face. Remarquez
que, si on demeure au plan des principes, l'argumentation de M. Minville, tout
le monde va l'accepter sans aucune espèce de réserve. Mais vous
soulevez, par ailleurs, la difficulté qui pourrait être
consécutive à cela. Toujours dans cet esprit - on en discutait ce
matin, d'ailleurs, avec un autre groupe - si on se retrouve avec une convention
collective qui contient des dispositions en matière de santé et
de sécurité, en matière de droit de retour au travail, en
matière de droit de retour à un travail léger ou à
des activités restreintes, et que les dispositions de cette convention
collective sont en contradiction avec les dispositions de la loi
générale, comment s'ajuste-t-on à partir de ces deux
situations? C'est une première préoccupation. Là-dessus,
ce matin, on nous a dit: II faut prendre celle des deux dispositions qui est la
plus avantageuse. Oui, mais cela demeure encore une question
d'interprétation, qui est subjective suivant l'évaluation qu'en
fait la personne ou, enfin, l'instance à qui le problème est
soumis. Comment voyez-vous cette situation dans la possibilité d'une
contradiction entre le contenu d'une convention collective qui est un contrat
à caractère privé et les dispositions d'une loi d'ordre
général, d'ordre public?
M. Lavallée: Je pense que le projet de loi, comme la Loi
sur la santé et la sécurité du travail, fait
déjà référence à cette possibilité en
donnant préséance à la loi lorsqu'il y a contradiction.
Reste le moment où il y a à évaluer lequel des deux textes
est le plus favorable. Je vous avoue que c'est le problème, mais la
solution n'est pas nécessairement de dire: À ce moment-là,
oublions toutes ces possibilités de référence aux
conventions collectives parce que cela fait problème et prenons la
solution de facilité: des règles très rigides dans la loi
et organisez-vous pour les suivre même si cela va à l'encontre de
ce que les parties se sont donné face à des situations qu'elles
vivent et dont elles connaissent la réalité.
M. Fréchette: Toujours à ce chapitre-là -
c'est, à ce stade-ci, beaucoup plus une question d'information - est-ce
que, M. Minville, je dois comprendre que - prenons cela pour les besoins de la
discussion - si le projet de loi 42 était adopté suivant les
dispositions qu'on en connaît déjà, tel que
déposé en première lecture, chez vous en particulier vous
vous retrouveriez effectivement, au lendemain de l'adoption de ce projet de
loi, avec des mécanismes parallèles?
M. Minville: Sûrement des mécanismes
parallèles et des règles bien différentes. Vous
introduisez un concept d'ancienneté qui dépasse le cadre de nos
conventions, de nos ententes, de nos accréditations syndicales.
M. Fréchette: Là, vous parlez de droit de retour au
travail?
M. Minville: C'est un exemple. Ce serait chez nous un
problème important. Ces droits, ces règles se sont
développés au cours des années entre les parties. Chaque
fois qu'on veut les modifier, aujourd'hui, quelle
qu'en soit la raison... Par exemple, il peut se produire que chez nous
il y ait une circonstance, un niveau d'activité ou un changement qui
fait qu'on a un surplus d'employés dans une usine. On ne peut pas
prendre ces employés et les transférer dans une autre usine qui
est accréditée avec un autre syndicat sans avoir une entente
à ce sujet, parce que cela a un impact important dans ce nouveau groupe.
Le retour au travail dont on parle ici ne tient pas compte de toutes ces
données. Il faut absolument qu'on le ramène dans ce cadre. Ce
n'est pas pour lui faire perdre un retour au travail. Je suis d'accord avec le
principe fondamental, je pense, de la loi qui dit qu'à cause d'une
blessure un employé ne devrait pas perdre ni gagner; il devrait
retrouver essentiellement, à la fin de sa période d'absence, le
poste qu'il avait s'il est encore là à l'intérieur des
cadres qui existent dans son accréditation. C'est ce principe que vous
voulez traduire dans l'administration de tous les jours.
M. Fréchette: Je vous remercie, M. Minville. C'est
très éclairant, ce que vous êtes en train de nous dire. Je
pense qu'il va falloir effectivement y porter une attention très
particulière, sans quoi sur le plan administratif, à
l'intérieur de vos entreprises, cela peut devenir extrêmement
compliqué. Je retiens très sérieusement la
présentation que vous nous faites à ce propos.
Une dernière question, quant à moi, M. Minville. Quand
vous avez parlé de l'article 160 de la loi et du recours qui y est
prévu, c'est probablement à cause des préoccupations que
vous avez que les parties se prennent en main à propos de tout ce qu'il
est possible de faire. Mais, lorsqu'un travailleur sera d'opinion qu'une
infraction à la loi par rapport à ses droits a été
commise et qu'il voudra utiliser l'article 160 à titre de recours, vous
suggérez que cela se fasse plutôt par la voie du grief que par le
mécanisme qui est prévu à la loi. Là-dessus aussi,
je suis tout à fait disposé à concourir au principe que
vous soumettez, toujours à partir de la considération principale
que les parties elles-mêmes doivent régler leurs conflits.
La seule préoccupation qui me vient à l'esprit, remarquez
qu'elle est d'ordre strictement, enfin, matériel. La raison pour
laquelle c'est comme cela, c'est qu'il n'y a pas de frein qui soit prévu
pour un appel à la commission, tandis que, si on y va par la voie de
l'arbitrage - je ne sais pas si vos conventions prévoient des arbitrages
à arbitre unique ou un tribunal à trois arbitres, je ne sais pas
comment vos conventions sont faites à cet égard - c'est
très certainement à frais partagés, ce qui entraîne
évidemment... Je n'ai pas la prétention de pouvoir entrer dans
des évaluations formelles en termes de coûts, mais, en conclusion
générale, il me semble qu'on peut tirer d'une suggestion comme
celle que vous faites, au-delà des principes, que, pour l'une et l'autre
des deux parties, le mécanisme d'arbitrage est peut-être plus
coûteux que celui qui est prévu là. Maintenant,
peut-être que vous avez des renseignements ou des arguments qui me
convaincraient du contraire. C'est la première réaction que j'ai.
Je vous la livre comme elle me vient.
M. Minville: Écoutez, on a un arbitrage; les parties chez
nous choisissent quelques arbitres qui, à tour de rôle, jugent les
cas qui leur sont référés. Ils sont aidés
d'assesseurs, un assesseur pour chaque partie. Chaque partie défraie ses
dépenses de préparation de cas, qui se ferait dans tous les cas,
de toute façon. Il reste simplement les coûts d'arbitrage. On a
des syndicats qui sont, quand même, capables de faire face à cette
situation. Ils le font très bien dans d'autres circonstances.
Mais il est important, je pense, de replacer le débat entre les
parties, avec un tiers, un arbitre qui a le pouvoir de décider, qui
connaît ces situations, qui connaît leur application dans notre
usine. Vous savez, les débats, à ce moment, peuvent être
beaucoup plus rapides, beaucoup plus simples. Si vous sortez cela du contexte,
si vous allez expliquer cela dans un milieu qui, au point de vue de la
préparation juridique et le reste, possède tout, mais ne
connaît pas le milieu, cela peut aussi être beaucoup plus long,
beaucoup plus difficile. Vous pouvez arriver à des décisions qui,
finalement, ne solutionnent pas les problèmes.
M. Lavallée: Si vous me permettez un commentaire
additionnel, M. le Président, en référant à la
procédure de grief, par exemple, lorsque l'employeur a fait
défaut de réintégrer un employé dans son emploi, on
parle de la procédure interne également de grief qui mène
éventuellement à l'arbitrage. Mais tous les griefs ne
mènent pas à l'arbitrage et là vous avez le
mécanisme de plainte de l'employé avec les explications du
pourquoi, par exemple, de la non réintégration et, possiblement,
ou satisfaction de sa part parce qu'il se rend compte que l'emploi ne lui
était pas compatible ou décision différente s'il a
l'emploi en question. Un tas de griefs restent à l'intérieur
d'une procédure interne qui n'est pas plus coûteuse qu'un grief
sur le paiement du temps supplémentaire.
M. Fréchette: Ce que vous êtes en train de nous
dire, c'est que, quand on parle de griefs, il faut être bien prudents. On
ne fait pas référence nécessairement à une audition
en bonne et due forme devant un tribunal d'arbitrage. Différentes
étapes sont prévues à l'intérieur desquelles le
problème
est discuté et il peut se produire un règlement à
l'une ou l'autre de ces étapes avant l'audition. À ce
moment-là, c'est, je suppose, le service des ressources humaines de
l'entreprise et le permanent syndical qui discutent du problème.
Merci.
Le Président (M. Paré): Merci. M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président. M. Minville, au nom de
l'Opposition libérale, je voudrais remercier les représentants de
l'Alcan pour leur mémoire. On s'excuse du fait que vous ayez dû le
présenter un peu plus tard, mais de temps en temps on se bat pour les
principes. Pour nous, c'est bien important. Même si cela occasionne un
retard d'une heure et quart, c'est pour de très bonnes raisons.
D'autres groupes sont venus devant nous, comme ce matin la CSN dont la
conclusion était très claire. Elle a dit, dans une de ses
recommandations: M. le ministre, s'il vous plaît - elle n'a même
pas dit "s'il vous plaît" - retirez votre projet de loi; on ne veut rien
savoir. Je sais que l'Alcan est connu comme une compagnie ayant de bonnes
relations publiques. Peut-être avez-vous peur des poursuites, parce que
c'est dangereux de témoigner devant notre commission, quoique j'aie vu
que votre mémoire date du 2 février, avant la décision de
M. Sauvé de poursuivre ceux avec lesquels il n'est pas d'accord.
Mais je me demande où vous vous situez. Est-ce que vous dites: On
ne veut rien savoir du projet de loi? Il y a des groupes patronaux qui sont
venus devant nous et qui ont dit: Ce n'est pas possible; cela va trop loin;
cela devient dangereux au point de vue des coûts, etc. Par exemple, le
secteur de la construction est venu parler de cela. Mais dans le mémoire
de l'Alcan, je ne trouve pas de conclusion. Pourriez-vous me dire quelle est
votre conclusion? Acceptez-vous le projet de loi 42 tel quel? Est-ce que vous
dites: On ne peut pas vivre avec ce projet de loi, comme les syndicats le
disent carrément? Quelle est, en quelques mots, votre position? Vous
avez la garantie de ne pas être poursuivis. Au moins par le ministre,
vous ne serez pas poursuivis. Pour M. Sauvé, je ne peux donner aucune
garantie.
M. Minville: Vous savez, on a vécu avec la loi 17 et on a
fait, comme on le mentionnait, des efforts importants d'intégration de
la loi 17, même avant que la réglementation nous y oblige. On
regarde le projet de loi 42 avec la même optique. Si on peut, avec nos
syndicats, faire avancer la question de la santé et de la
sécurité chez nous, tant mieux. Dans ce contexte, nous n'en
sommes pas à dire au gouvernement: Retirez le projet de loi 42.
Dans notre mémoire, par exemple, nous faisons part, je pense, au
gouvernement que le projet de loi 42 comporte des éléments
d'administration difficiles et que nous voudrions voir à ce niveau une
certaine simplification, une remise entre les mains de ceux qui administrent,
de façon paritaire, conjointe ou en collaboration, les domaines de la
santé et de la sécurité dans nos usines, d'une plus grande
liberté. Que les grands principes soient établis ici, nous sommes
d'accord. Mais que l'administration de ces principes soit laissée aux
gens de façon plus large que le projet de loi ne le permet actuellement,
nous le demandons. (21 h 45)
M. Polak: Vous avez dit tout à l'heure, au début de
la présentation de votre mémoire, que la plupart de vos
travailleurs sont syndiqués. On parle, de retour au travail dans le
projet de loi, dans la section II aux articles 145 à 170. J'ai lu votre
mémoire auparavant et, si j'ai bien compris, dans le projet de loi, la
définition de retour au travail est très vague, ouverte à
différentes interprétations et, deuxièmement, elle va
beaucoup plus loin, par exemple, que votre convention avec vos
syndiqués. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Minville: Non, notre convention assure à nos
syndiqués qui sont absents pour des raisons de maladie ou d'accident un
retour au travail, la protection et l'accumulation de leurs services pendant
des périodes, en fait, plus longues que ce que le projet de loi propose
à ce moment-ci. Ce que nous cherchons à faire, c'est ramener les
droits qu'on veut donner par la loi à ces gens-là aux
accréditations auxquelles ils appartiennent. Ces droits n'existent que
dans ces accréditations. L'ancienneté qu'on a accumulée
à l'Alcan, chez nous, dans un syndicat, a sa valeur dans ce syndicat
seulement. Elle n'a pas de valeur chez un compétiteur ou dans une autre
boîte.
M. Polak: Dans les opérations de l'Alcan, vous voulez dire
que l'employé est protégé dans la division où il
travaille.
M. Minville: Oui, par exemple, dans une usine comme celle de
Jonquière, vous avez un syndicat qui regroupe tous les employés
syndiqués payés à l'heure. S'il fait partie de cette
unité, c'est à l'intérieur de cette unité et par
cette convention qu'il a ses droits. Il y a aussi une unité
d'employés de bureau ou de techniciens qui est séparée et
qui comporte, elle aussi, un groupe d'employés qui a ses droits avec ce
groupe-là.
M. Polak: Est-ce que, dans une même usine, vous pourriez
avoir différents groupes ou si tout le monde est
représenté dans une même unité?
M. Minville: À l'intérieur d'une même usine,
on peut avoir deux groupes comme ceux que je viens de décrire. Vous
savez qu'au Saguenay-Lac-Saint-Jean nous avons plusieurs usines qui sont
voisines les unes des autres. Dans la plupart des cas, chaque installation
séparée a son propre syndicat et habituellement toutes ces
règles s'appliquent dans chaque installation à l'intérieur
de chaque syndicat. Mais il peut arriver des situations où on voudra
élargir ces règles-là, mais là ce n'est que par
voie de négociation ou de discussion avec les intéressés
parce que cela chambarde les règles connues.
M. Polak: Je ne sais si vous êtes au courant des
études d'actuaires que le ministre, après une semaine de
séance, nous a soumises concernant le coût de ce projet de loi 42.
Il nous annonce la bonne nouvelle que cela coûtera 18 000 000 $ de moins
si on accepte le projet de loi tel quel et, si on avait accepté
l'avant-projet du mois de mars 1983, cela nous aurait coûté 31 000
000 $ de plus. Cet avant-midi, il y avait la CSN qui avait une série de
revendications. Ils ont admis que, si leurs revendications étaient
acceptées totalement, ils ne savaient pas combien cela pourrait
coûter, mais que cela serait très cher.
Avez-vous fait une étude des coûts? Deuxièmement,
est-ce que l'Alcan est à un point où l'augmentation des
cotisations pourrait vous rendre moins concurrentiels, par exemple, ou est-ce
que vous dites: Nous sommes l'Alcan, cela va très bien, on a notre
électricité à nous, on peut les augmenter beaucoup, pas de
problème, nous sommes presque sans compétition, sauf,
peut-être, Pechiney, mais on ne s'inquiète pas trop?
M. Minville: Premièrement, je vous ai dit, au
début, qu'en termes de cotisations à la CSST et à d'autres
organismes semblables - nous avons une grande usine en Colombie britannique et
une petite en Alberta - nous dépenserons, en 1983, fort probablement 10
000 000 $. La plus grande partie de ces cotisations sont
dépensées au Québec. Il nous semble, quand on prend le
coût de la cotisation du Québec et qu'on le compare avec la
Colombie britannique, qu'actuellement le coût est plus
élevé au Québec.
Maintenant, de là à faire une estimation de ce que
signifie comme coûts le projet de loi 42 sur nos opérations, cela
est très difficile. Premièrement, il est difficile, par exemple,
d'évaluer quel sera l'impact des 14 jours. Les 14 jours auront-ils comme
impact de faire rallonger les absences ou de réduire les
activités restreintes comme nous les connaissons chez nous? Ou le projet
de loi sera-t-il modifié pour nous aider à maintenir le niveau
d'activités restreintes que nous avons et même l'améliorer,
comme nous l'espérons? À ce moment-là, nos coûts
peuvent prendre des différences très grandes.
Alors, il est impossible, à mon avis, à partir du projet
de loi, de faire une estimation à ce moment-ci très
précise de ce que cela a comme impact sur nos coûts. Cela peut
avoir un impact important, mais je ne peux pas vous dire en chiffres ce que
cela va être.
M. Polak: Mais si, hypothétiquement, les cotisations
n'augmentaient pas beaucoup, est-ce que cela influencerait la position
concurrentielle de l'Alcan ou pas du tout? Par exemple, il y a les PME. Je ne
suis jamais avec les gros comme l'Alcan; je connais les PME. Il y a des
propriétaires qui m'ont dit: On est allé au bout de la ligne. On
ne peut pas aller plus loin que cela. Deux ou trois cents de plus et je ne suis
plus dans une position concurrentielle. L'Alcan est-elle dans cette situation
concernant les cotisations ou pas du tout?
M. Minville: Chaque fois que vous augmentez les coûts d'une
entreprise, cela a un impact sur sa situation concurrentielle, c'est certain.
Alors, on peut avoir des avantages à certains points de vue, que ce
soient des ressources d'une sorte ou d'une autre. Par ailleurs, nos coûts
de main-d'oeuvre et de transport peuvent être plus élevés
que pour un autre. Si, pour des raisons de législation sociale ou pour
d'autres raisons, on ajoute des coûts, vous grugez lentement la
capacité compétitive d'une entreprise, que ce soit au niveau du
projet de loi 42 ou pour d'autres raisons. Dans notre mémoire, on
rappelait qu'on devait essayer, tout en protégeant nos gens en leur
donnant un système de réparation adéquat, de
protéger la productivité et la compétitivité de nos
entreprises.
M. Polak: Pour revenir à ce principe du droit de retour au
travail, dans les conventions collectives que vous avez, quelle limite
avez-vous? Dans la loi, il y a une période d'un an ou de deux ans,
dépendant du nombre d'employés, où l'employé peut
réclamer son droit de retour. Quelle est la durée de ce droit
dans vos conventions?
M. Minville: Dans le cas d'un accident ou d'une maladie
industrielle?
M. Polak: Oui.
M. Minville: L'employé accumule pendant deux ans et
maintient pendant deux ans. Cela veut dire que, pendant quatre ans, cet
employé continue d'être, en termes de droit d'ancienneté,
un employé de l'Alcan. S'il y a guérison, s'il y a reprise
d'activités
ou s'il y a retour au travail, il exerce ses droits au travail, selon
certaines règles précises de la convention: deux ans et deux
ans.
M. Polak: S'il exerce ce droit, qu'arrive-t-il à celui qui
a temporairement, pendant un an, deux ans ou même trois ans,
occupé cet emploi? Faut-il dire que le remplaçant est là
sur une base temporaire, sachant toujours qu'il peut perdre son emploi? Est-ce
cela, la situation?
M. Minville: Ce qui se produit chez nous, c'est que, d'une part,
vous avez une série d'employés qui entrent chez nous pour des
fins de remplacements, que ce soient des remplacements de maladies ou des
remplacements de vacances ou un travail temporaire d'une sorte ou d'une autre.
Ils s'insèrent dans le système. Ils deviennent des
employés ayant suffisamment de service pour être
déclarés réguliers, mais ils ont des droits temporaires.
Mais, au cours des mois, il se produit soit des départs pour la retraite
- je mentionnais, au début, qu'on avait de 250 à 300
retraités chez nous chaque année - soit des transferts aux
cadres. Alors, on a 300, 325, 350 personnes qui nous quittent chaque
année. Cela crée des postes et, au fur et à mesure qu'on
comble ces postes - si on les comble, parce que ce n'est pas toujours
automatique, on peut se réorganiser à certains moments pour que
le travail soit fait différemment ou certaines de nos opérations
peuvent diminuer ou augmenter dans le temps - éventuellement, ces
gens-là s'accrochent à un poste permanent et deviennent des
employés réguliers permanents à l'Alcan.
M. Polak: Vous pourrez donc vous permettre un tel système
parce que vous avez beaucoup d'employés. Mais si on prend une PME, par
exemple, avec quatre employés, le mari, la femme et deux autres, ce
n'est pas la même chose, j'imagine.
M. Minville: J'imagine que c'est différent de l'Alcan.
M. Polak: Oui. Je pense que le ministre a besoin de comprendre
cela de temps en temps. Cela règle mon problème, quant à
moi, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Paré): Messieurs les
représentants de la société Alcan, nous vous remercions de
la présentation de votre mémoire et d'avoir accepté de
répondre à nos questions.
J'inviterais maintenant les représentants de la ville de
Montréal à prendre place ici en avant, s'il vous plaît.
Bonsoir et bienvenue à la commission. Je vous demanderais, s'il vous
plaît, de vous identifier et de nous présenter les personnes qui
vous accompagnent.
Ville de Montréal
M. Lorange (Pierre): Mon nom est
Pierre Lorange. Je suis vice-président du comité
exécutif de la ville de Montréal, donc, le digne
représentant de l'administration de la métropole du Canada et du
Québec.
Je voudrais, M. le Président, prendre le privilège de vous
présenter nos collaborateurs: à mon extrême gauche, Me
Linda Daoust, qui est affectée spécialement à la question
des accidents du travail à la ville de Montréal; à ma
gauche immédiate, Me Alain Bond, qui s'occupe de droit du travail;
à ma droite, M. Pierre Girard, qui est le directeur adjoint du service
du personnel de la ville de Montréal.
La ville de Montréal, comme beaucoup d'autres employeurs, a,
depuis quelques années, fait de nombreux efforts afin de réduire
le nombre d'accidents survenant par le fait ou à l'occasion du travail.
En agissant de la sorte, la ville de Montréal reconnaît sa
responsabilité à titre d'employeur et prend les moyens
nécessaires, comme tout bon citoyen, afin de diminuer les risques
qu'elle peut faire encourir à autrui. Ainsi, la ville a mis sur pied une
section de travail dont la tâche consiste à étudier la
cause des accidents du travail, le milieu dans lequel évoluent les
travailleurs et les techniques qu'ils utilisent, afin de préconiser des
moyens efficaces visant à réduire le nombre d'accidents.
Déjà, des résultats encourageants sont venus couronner cet
effort entrepris par l'administration municipale: le nombre d'accidents du
travail et le nombre d'heures perdues décroissent constamment.
C'est dire à quel point la ville de Montréal est
consciente de sa responsabilité. C'est en tenant compte de cette
responsabilité que le présent mémoire sur le projet de loi
42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, vous est
présenté.
L'impression d'ensemble, qui se dégage après avoir pris
connaissance du projet de loi, nous laisse un goût amer. Alors que la
ville de Montréal s'est engagée dans un processus coûteux
pour minimiser les risques encourus par ses travailleurs, le projet de loi
préconise de rendre l'employeur responsable pour des risques sur
lesquels il ne peut avoir aucun contrôle. L'employeur devient alors non
seulement responsable des accidents survenus par le fait ou à l'occasion
du travail, mais il devient également en quelque sorte le protecteur du
travailleur. Quant à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, elle voit son pouvoir s'accroître
considérablement, alors que c'étaient son interprétation
et son application de la loi
actuelle qui étaient unanimement condamnées. Aucune place
n'est faite dans ce projet de loi à l'obligation que devrait avoir la
commission d'assurer un suivi constant et rigoureux de l'ensemble des dossiers
de réclamation pour lesquels, pourtant, elle accorde
généreusement des indemnités.
Il nous paraît également important de préciser, en
préambule, à quel point il serait urgent de s'assurer que les
travailleurs accidentés puissent jouir d'un traitement efficace dans les
meilleurs délais. Il est, en effet, impensable qu'un employé,
victime d'un accident du travail, attende pendant plus d'un an avant de pouvoir
subir des traitements de physiothérapie, alors que l'on sait que ces
traitements ne seront plus efficaces s'ils ne sont pas administrés
très rapidement après l'accident. Il est bien sûr que ce
dernier problème est plus large que celui des accidents du travail. Il
ne faut, par contre, pas oublier que tous ces détails et toutes ces
attentes sont imputées au compte de l'employeur qui devra, parce que le
problème d'accessibilité aux services médicaux n'est pas
encore résolu, continuer à indemniser un employé qui ne
demanderait pas mieux, dans la plupart des cas, que de pouvoir revenir au
travail. (22 heures)
Parmi les modifications apportées par le projet de loi à
plusieurs définitions, nous désirons insister
particulièrement sur celles d'accident et de maladie professionnelle.
Nous constatons que désormais la loi couvrirait non seulement
l'automutilation, mais aussi les cas où l'employé se blesserait
par sa faute lourde. Nous soumettons que ce type de situation continue à
étendre la notion d'accident du travail. Ceci rend l'employeur
responsable de situations complètement hors de son contrôle et
pour lesquelles il n'a aucun moyen de se prémunir. En appliquant ce
principe, l'employé est indemnisé quant aux risques
délibérément encourus. En effet, alors qu'on retire de la
loi l'exception prévue pour les blessures consécutives à
une imprudence grossière et volontaire, on introduit par l'article 26
une présomption à savoir que toute blessure survenant sur les
lieux du travail est une lésion professionnelle. Ceci revient à
dire que l'employeur aura le fardeau de démontrer que l'accident du
travail n'est pas intervenu par le fait ou à l'occasion du travail, mais
qu'il origine plutôt d'une condition personnelle.
Il en va de même pour les cas de maladies professionnelles dont
traitent l'article 28 et l'annexe A du projet de loi. Comment l'employeur
pourrait-il présenter une défense valable alors que la loi
crée la présomption que tout employé ayant un contact avec
des humains et souffrant d'une hépatite virale est atteint d'une maladie
professionnelle? De telles présomptions devraient être
circonscrites davantage et ne devraient pouvoir jouer que sur
présentation d'un rapport d'expertise quant à l'exposition du
travailleur aux contaminants dans son milieu de travail.
Si l'on réfère aux articles 27 et 36 du projet de loi, on
voit que l'élargissement de la notion d'accident du travail va
jusqu'à annihiler toute règle de droit concernant la cause
effective du dommage. Tout en étant conscients qu'il s'agit d'un
régime particulier qui écarte les règles de base de la
responsabilité civile délictuelle, nous ne pouvons admettre
l'extension du principe au point de rendre l'employeur responsable de tous les
actes ou omissions des tiers intervenants. Pensons, par exemple, à
l'erreur d'un professionnel de la santé tel qu'un anesthésiste ou
encore au cas de l'employé en cours de traitement de
physiothérapie qui s'infligerait des blessures en tombant d'une
bicyclette d'exercice défectueuse appartenant au centre de
physiothérapie.
Le nouveau régime proposé par le ministre du Travail
s'articule essentiellement autour de quelques grands principes
résumés récemment dans la revue de la CSST: garantir le
revenu du travailleur en lui accordant, s'il devient incapable d'exercer son
emploi, en raison d'une lésion professionnelle, le droit à une
indemnité de remplacement du revenu, assortie d'une indemnité
forfaitaire pour compenser les dommages corporels. Tout en étant
d'accord avec ce principe, nous croyons qu'en aucun temps le travailleur
accidenté ne devrait recevoir plus que le traitement net régulier
qu'il aurait reçu s'il était resté au travail. Or,
l'article 63 fait en sorte que l'employé en incapacité totale
temporaire pour une période plus ou moins prolongée peut recevoir
une indemnité basée sur un revenu supérieur à celui
qu'il aurait effectivement touché puisqu'on doit tenir compte, pour le
calcul de ses revenus bruts, de données qui ne s'appliquent
qu'exceptionnellement. En effet, l'employé qui a fait du temps
supplémentaire, par exemple, avant son accident du travail, n'en aurait
pas nécessairement fait par la suite. Il en va de même pour les
primes prévues aux conventions collectives et qui ne sont payables que
dans un certain contexte. Par exemple, compte tenu de la mobilité de
plus en plus grande du personnel manuel de la ville de Montréal et de
l'obligation de payer une prime aux employés pour certains types de
travaux, une prime peut être payable un jour, mais non le lendemain.
Donc, en aucun temps, on ne peut présumer qu'un employé aurait
continué à remplir le type de fonction auquel il était
assigné lors de son accident du travail. Nous en concluons que seul le
revenu brut, prévu à la convention collective ou au contrat de
travail, devrait
être retenu à titre d'indice du calcul de
l'indemnité.
Quant au paiement de cette indemnité, nous nous opposons à
ce que les quatorze premiers jours soient payables directement par l'employeur.
En agissant de la sorte, nous sommes d'avis que cela ne sert qu'à
inciter les employés à prolonger indûment une absence,
puisqu'ils pourront s'absenter pendant une période minimale de quatorze
jours sans intervention de la CSST. Cette situation fait en sorte que
l'employeur, après avoir payé une cotisation importante à
la CSST, finance à nouveau cette commission relativement à ce
délai de quatorze jours.
Enfin, l'article 55 oblige l'employeur à payer à un
créancier de l'accidenté les sommes d'argent devenues exigibles
pendant les quatorze premiers jours et que l'employeur avait déjà
accepté de déduire à même le salaire.
Les articles 117 et 248 du projet de loi prévoient que, dans de
très nombreux cas, les sommes, qui auraient été
payées en trop à un employé, ne pourraient être
recouvrées à moins qu'il n'y ait preuve de fraude. Nous croyons
qu'un tel principe de démission ne peut avoir pour effet de diminuer les
cas de recours excessif au régime d'accidents du travail.
De plus, en ne prévoyant la réduction de
l'indemnité qu'à compter de la quatrième année, le
projet de loi n'incite aucunement le travailleur à faire un effort de
retour à son emploi. Puisque le législateur prône
lui-même le principe du retour au travail et qu'il en fait un
élément important de la réadaptation du travailleur, nous
soumettons que la commission devrait pouvoir forcer le retour au travail
dès que l'accidenté est en mesure d'accomplir un travail
disponible chez son employeur. Nous comprenons mal qu'un délai fixe soit
prévu étant donné que chaque cas en est un
d'espèce.
Pour terminer sur cet aspect de l'indemnisation, nous nous interrogeons
sur la pertinence d'imposer à l'employeur des intérêts
à un taux de 15% l'an, tel que prévu à l'article 85 du
projet, alors que cet employeur n'est pas impliqué dans les
délais pouvant retarder les paiements effectués par la
commission.
Le deuxième principe s'attarde à la réadaptation du
travailleur accidenté. Globalement, nous croyons que tout ce chapitre
devrait être réécrit de façon à
préciser davantage quand le travailleur aura droit à la
réadaptation et à jeter des balises quant au plan de
réadaptation prévu à l'article 143. L'article 138, en
établissant que le travailleur a droit à la réadaptation
que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et
professionnelle, laisse une trop grande discrétion à la
commission. La loi ou un règlement devrait limiter cette
discrétion afin que les parties en présence soient en mesure de
connaître le pourquoi de la décision de la CSST et afin de
rassurer chacun sur le bien-fondé de cette décision.
Quant à l'article 140, il nous semble aller bien au-delà
de la réparation de l'accident. De surcroît, cet article est
générateur de coûts importants que nul n'est en mesure de
connaître actuellement. Alors qu'on nous affirme que ce projet impliquera
pour l'employeur une diminution de coûts, il pourrait être
intéressant de s'interroger sur ce que coûterait une politique
d'octroi de subventions pour permettre l'adaptation d'une résidence ou
d'assistance financière pour couvrir les frais d'aide personnelle
à domicile. En prévoyant de telles dispositions, tout en laissant
à la CSST l'entière discrétion quant à leur
application, le projet de loi ne peut certes pas convaincre les employeurs que
leurs coûts seront diminués. Cela laisse plutôt craindre une
augmentation importante de coûts, augmentation qui n'a pas
été évaluée. Enfin, puisque l'article 140
prévoit une politique pour favoriser l'embauche de travailleurs
accidentés, nous croyons que cette politique devrait être
intégrée au plan d'embauche de personnes handicapées
prévu à l'article 63 de la Loi assurant l'exercice des droits des
personnes handicapées. En troisième lieu, humaniser le traitement
des demandes, simplifier les procédures administratives du
régime, accélérer les modalités de révision
et réduire le nombre des règlements. D'abord, notons que le
délai de 30 jours accordé à l'employeur par l'article 220
du projet de loi pour en appeler d'une décision concernant la
classification de son établissement, le montant de sa cotisation, les
pénalités ou intérêts et l'imputation des
coûts nous apparaît beaucoup trop court compte tenu de l'importance
d'une organisation aussi complexe que celle de la ville de Montréal. Il
nous semble évident que le délai usuel de 90 jours accordé
pour les autres types de contestations devrait également s'appliquer
dans ce cas. De surcroît, il est difficile de concilier l'article 220 et
les articles 245 et 247 du projet de loi. S'il est possible de demander une
reconsidération administrative ou d'interjeter appel d'une
décision relative à l'indemnité et si cette
indemnité constitue une imputation de coûts, pourquoi
prévoir, à l'article 220, un appel spécifique sur
l'imputation des coûts? Ainsi, nous croyons que toute procédure
quant à l'imputation des coûts devrait être reliée
à la procédure concernant une période d'indemnisation afin
d'éviter la duplicité des recours.
Soulignons également les articles 44 et 45 qui affichent le rejet
d'un principe reconnu depuis longtemps par nos tribunaux, soit celui du "duty
to act fairly". Il nous apparaît, en effet, impensable que l'employeur
n'ait pas accès gratuitement à une source d'information aussi
complète que
celle mise à la disposition des employés qui
préparent leur dossier. Nous croyons juste de demander que chaque partie
ait en main toutes les données nécessaires à une
défense pleine et entière.
Relativement à la prolongation des délais d'appel
prévue à l'article 241, nous croyons que les principes guidant
l'octroi d'un délai devraient respecter ceux établis par la Cour
suprême et par la Cour d'appel, c'est-à-dire que
l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une
saine administration de la justice et que la remise en question des
décisions doit demeurer l'exception. Dans ce contexte, la
négligence de l'avocat ou de l'employé lui-même ne saurait
être acceptée, a fortiori, face à la CSST et à la
CAS où les procédures de déclaration d'appel sont
simplifiées au point où une simple lettre suffit à
manifester l'intention d'en appeler.
Il nous semble également capital d'exprimer notre
désaccord quant au système de reconsidération
administrative qui exclut une première audition et qui, par le fait
même, vient nier tout droit d'appel, de même que l'application des
règles fondamentales de justice naturelle. Face à l'ampleur
évidente des intérêts des parties impliquées, nous
considérons comme essentielle la conservation de ce droit d'appel. De
plus, afin d'assurer l'uniformisation et l'impartialité du
système, nous pensons que, sans formaliser le processus à
l'extrême, certaines règles de procédure pourraient
grandement aider à simplifier les tâches de chacun. Citons, par
exemple, l'article 402.1 du Code de procédure civile qui, s'il
était appliqué, permettrait aux parties d'être
informées dix jours avant l'audition du rapport préparé
par un témoin expert.
Nous profitons aussi de l'occasion pour faire valoir que, selon nous, la
Commission des affaires sociales ne devrait pas procéder par appel de
novo en reprenant et en remaniant toute la preuve déjà
étalée lors de la première audition. Il nous
apparaît beaucoup plus logique d'appliquer les véritables
règles de l'appel en limitant le débat à l'argumentation
des parties relative aux erreurs de droit et de fait ayant possiblement pu
être commises par le bureau de révision. De façon
évidente, ce procédé entraînerait une importante
économie de temps et d'argent puisque les interventions d'experts
deviendraient alors des cas d'exception, tout en réduisant
considérablement les délais d'audition.
M. le ministre, nous sommes à votre disposition.
M. Fréchette: C'est complet, M. Lorange.
Le Président (M. Paré): Merci, M. Lorange. La
parole est maintenant au ministre du Travail. (22 h 15)
M. Fréchette: Vous êtes arrivé plus
rapidement qu'on ne le croyait à votre conclusion. Ecoutez, je vous
remercie, d'abord, de la démarche que vous faites de venir nous
soumettre vos préoccupations. Je remercie également les gens qui
vous accompagnent. Vous y avez été rapidement, mais vous avez
touché à beaucoup de choses qui sont des dispositions contenues
dans la loi. Je vais, quant à moi, m'abstenir de considérations
d'ordre général pour aller tout de suite à certaines
demandes de précisions par rapport à la matière que vous
nous avez soumise pour réflexion. Vous dites - et je pense que
c'était en introduction -dans votre mémoire que les accidents ont
diminué à la ville de Montréal depuis un certain nombre
d'années qui n'est pas spécifié, je pense, dans la loi.
Avez-vous des chiffres qui pourraient nous permettre de voir dans quelle
proportion ces accidents ont diminué et, deuxièmement, à
partir de quelles politiques particulières, générales ou
globales avez-vous atteint ces objectifs?
M. Lorange: Si vous me le permettez, je pourrais peut-être
faire un petit historique, bien bref, d'une situation qui prévalait
à la ville de Montréal il y a quelques années au moment
où, par exemple, le service du contentieux aidé du service du
personnel, évidemment, et du contrôleur général, a
fait une étude de cette situation pour démontrer à quel
point notre taux d'accidents pourrait être grave et aggraver surtout nos
taux de cotisation, cette dépense à ce chapitre. Il y a trois ans
ou trois ans et demi, une proposition, une suggestion était faite de ces
services conjoints au comité exécutif de la ville de former ce
qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui le comité patronal
interservices. Ce comité est présidé par votre humble
serviteur et y siègent tous les services administratifs et
exécutifs de la ville de Montréal qui ont pour mission d'examiner
la question des accidents du travail à la ville de Montréal.
On peut dire que depuis la ville a versé, a mis dans un fond des
sommes importantes d'argent annuellement pour corriger des situations pour
aider, justement, à surmonter cette incidence, si vous voulez. Nous
avons réussi à faire baisser sensiblement le nombre d'accidents
par cette détermination de l'administration municipale de mettre en
oeuvre des mécanismes pour l'aider à corriger cette situation.
Dans le concret, je demanderais à M. Girard, qui est le directeur
adjoint du service du personnel, donc, en contact quotidien avec cette
question, de peut-être entrer dans le vif du sujet pour votre bonne
compréhension.
M. Girard (Pierre): Avec l'adoption de
la loi 17, la ville a, entre autres, mis sur pied le comité
patronal spécialisé en matière de santé et de
sécurité dont vient de parler M. Lorange. Également, nous
avons mis sur pied une unité de travail, qui relève du service du
personnel, qui voit à la prévention en matière de
santé et de sécurité. Il y a un certain nombre de
professionnels dans cette unité qui n'ont, comme mission, que de voir
à instaurer des mécanismes et à discuter avec les
différents syndicats de la ville pour prendre les moyens
nécessaires pour étudier chaque cause d'accident et voir à
adopter des mesures pour que de telles situations ne se reproduisent pas.
De façon plus précise, pour répondre à votre
question, au cours de la dernière année, au cours de 1983, la
ville a fixé comme objectif à l'ensemble de ses administrateurs
des différents services municipaux une réduction de 10% des
heures en accidents du travail. De fait, cet objectif a été non
seulement atteint, mais dépassé. Il y a eu une réduction
de 12%. Pour 1984, l'objectif sera une réduction du nombre d'heures en
accidents du travail de 15% et une diminution du nombre des accidents. Donc,
d'une part, un objectif sur les heures, d'autre part, un objectif sur le nombre
de 10%. C'est pour l'année 1984. Voilà des mesures très
concrètes et chiffrables que nous avons adoptées pour voir
à réduire le dossier d'accidents du travail à la
ville.
M. Fréchette: Maintenant, il y a ce comité dont M.
Lorange nous a fait la description et celui auquel vous avez fait
référence et dont le nom m'échappe.
M. Girard: Comité patronal interservices de santé
et de sécurité.
M. Fréchette: Voilà. Est-ce que, à l'une ou
l'autre de ces instances - peut-être l'avez-vous dit et que je ne l'ai
pas compris, mais je veux en être certain - il y a des
représentants des syndicats ou des travailleurs de chez vous qui
siègent ou si c'est un comité strictement et exclusivement
patronal?
M. Girard: Le comité dont je parle est exclusivement
patronal, mais c'est en vue de préparer les positions et en vue
d'alimenter nos représentants patronaux aux différents
comités conjoints. De fait, nous avons une série de
comités conjoints en matière de santé et de
sécurité avec nos treize syndicats pour voir a régler les
problèmes de santé et de sécurité.
M. Fréchette: Est-ce qu'il s'agit de comités
conjoints dont la formation est prévue par les conventions collectives
ou par une réglementation? Enfin, comment sont-ils nés, ces
comités conjoints de santé et de sécurité?
M. Girard: Par les conventions collectives. Même avant
l'adoption de la loi 17, nous avions déjà des comités
conjoints prévus dans les différentes conventions pour voir
à régler les questions de santé et de
sécurité. De fait, ces comités fonctionnaient avant
l'adoption de la loi et ont continué à fonctionner après
l'adoption de la loi. Je pense qu'au cours des dernières années
ils donnent des résultats toujours meilleurs.
M. Fréchette: Dans un autre ordre d'idées, M.
Lorange, je pense vous avoir entendu dire que vous aviez des objections de
principe quant à la disposition de la loi qui prévoit que
l'aggravation d'une situation qui découle du traitement médical
soit considérée comme une suite ou, en fait, une aggravation de
l'accident du travail lui-même. Je comprendrais très bien votre
préoccupation si on ne retrouvait pas dans la loi le pouvoir
subrogatoire qu'exercera la commission après avoir payé
l'accidenté dont la situation aura été aggravée
à l'occasion d'un traitement consécutif à un accident du
travail. Est-ce que vous avez évalué cette partie de la loi ou,
alors, est-ce que vous êtes d'opinion que le pouvoir subrogatoire qu'on
pense être dans la loi n'est pas suffisant pour contourner la
difficulté à laquelle M. Lorange fait
référence?
M. Bond (Alain): Si vous le permettez, M. le Président,
sur cet aspect, je voudrais dire, dans un premier temps, que nous ne nous
opposons pas à ce que soit reconnu comme étant une lésion
professionnelle, par exemple, consécutive à un accident du
travail le fait qu'un employé, alors qu'il est sous traitement et que ce
traitement ne donne pas les résultats escomptés, connaisse une
continuation ou une aggravation de son état de santé. On ne
s'oppose pas à cet aspect. Ce à quoi on s'oppose plus
précisément, c'est à la présomption
irréfragable, qu'on ne peut pas renverser, qui est prévue
à l'article 27 qui dit que, finalement, tout ce qui va arriver à
l'employé par le fait - pas simplement par le fait; si on se limitait
à cela, ce serait peut-être plus clair, on pourrait
peut-être mieux s'entendre - mais également à l'occasion
des soins ou des traitements - ce sera imputable au dossier de l'accident du
travail et cela continuera à être un accident du travail -est
considéré une conséquence de la lésion
professionnelle.
M. Fréchette: On ne parle pas du tout de la même
chose, je pense.
M. Bond: On ne parle pas de la même chose, je crois, M. le
ministre.
M. Fréchette: Ah bon! Je croyais avoir compris que M.
Lorange avait utilisé l'exemple de l'aggravation d'une situation
à la suite d'une "erreur", entre guillemets, qu'un anesthésiste,
par exemple, pourrait commettre. Il y a un dossier en particulier qui a ouvert
les yeux à beaucoup de gens. Le travailleur, à la suite d'un
accident du travail mineur qui aurait normalement occasionné une
incapacité partielle permanente d'à peu près 1%, s'est
trouvé après son traitement médical dans une situation
d'incapacité totale permanente de 100%. Quand je faisais
référence au pouvoir subrogatoire, c'était pour couvrir
des situations du genre de celle dont je viens de vous parler. Oui?
M. Bond: Cela pourrait peut-être couvrir cela. Il s'agit de
s'entendre. Si l'incapacité du travailleur ne provient pas d'une erreur
professionnelle, finalement, si c'est une conséquence non pas logique,
mais qui pouvait survenir du traitement, on serait d'accord. Mais si c'est
autrement, si c'est une erreur professionnelle... Un exemple précis que
je peux utiliser, c'est un dossier qui est arrivé il y a peu de temps
à la ville de Montréal: un employé, après avoir
subi un accident de travail, se rend chez le médecin de son choix -
puisqu'il a le choix du médecin - pour se faire traiter. Alors qu'il est
en traitement, il monte sur une bicyclette d'exercice devant son
médecin, à la demande de celui-ci. Cette bicyclette d'exercice,
peu importe le motif, est en mauvais état, si bien que l'employé,
après avoir grimpé sur cette bicyclette, s'est retrouvé au
sol, a chuté parce que celle-ci était mal entretenue. Ce serait,
selon l'article 27, une maladie ou une blessure qui survient à
l'occasion d'un traitement et ce serait donc considéré comme une
conséquence de la lésion professionnelle.
M. Fréchette: Là, on se comprend très bien,
je pense. On a démarqué les choses. On les a replacées
dans leur vrai contexte.
Sous un autre chapitre, M. Lorange, vous avez aussi manifesté les
inquiétudes de la ville de Montréal quant à la disposition
de la loi 42 qui prévoirait, si elle était adoptée telle
quelle, le paiement des 14 premiers jours. C'est simplement, à ce
chapitre là aussi, des informations que j'apprécierais obtenir.
Dans vos conventions collectives actuelles, est-ce qu'il n'y a pas
déjà des dispositions qui font que, si un travailleur ou une
travailleuse doit quitter son emploi consécutivement à un
accident du travail ou à une maladie, tant et aussi longtemps que dure
la convalescence et que la situation est confirmée par certificat
médical, vous allez assumer le paiement intégral de ce
salaire-là, dans une proportion de 100%? Est-ce que les conventions
collectives, chez vous, ne prévoient pas déjà des
dispositions qui, en quelque sorte, vont au-delà des 14 jours dont on
parle dans la loi?
M. Lorange: Voici la distinction: de fait, la convention
régissant les cols bleus prévoit le paiement du salaire net et
non pas du salaire intégral, l'équivalent du salaire net. Il n'y
a, finalement, que la convention collective régissant les pompiers qui
prévoit encore - puisque nous sommes en négociations
présentement et que nous demandons une révision de cet article -
le paiement du plein salaire. Dans nos autres conventions, ce qui
apparaît maintenant, c'est l'équivalent du salaire net.
Lorsque nous payons le plein salaire ou le salaire net, ce qui peut
être plus, certaines fois, que l'indemnité que verse la CSST, il
n'en demeure pas moins que nous récupérons, de la part de la
CSST, la partie qui lui est imputable, tandis qu'en vertu du projet de loi les
14 premiers jours seraient entièrement assumés par l'employeur.
C'est la distinction et c'est à cet amendement que nous nous en
prenons.
M. Fréchette: C'est-à-dire que, dans l'état
actuel des choses, vous deviez avoir paiement pour des absences qui
excédaient les cinq jours.
M. Lorange: C'est ça.
M. Fréchette: Si on parle de l'état actuel de la
loi.
M. Lorange: C'est ça.
M. Fréchette: Finalement, pour les 14 jours, je ne sais si
on s'entend bien sur les dispositions de la loi. Je pense que la loi
prévoit qu'en tout état de cause les 14 jours sont
remboursés à l'employeur. Par ailleurs, s'il arrivait,
après évaluation médicale, que le diagnostic
démontre qu'il n'y a pas de relation de cause à effet entre
l'accident ou la maladie qu'on invoque et l'absence, il y a un recours
prévu dans la loi contre le salarié qui s'est absenté pour
une période inférieure à 14 jours. Est-ce que l'on
s'entend sur cela?
M. Bond: Si vous me le permettez, sur cet aspect,
premièrement, quant au recours, je suppose que vous parlez du recours en
recouvrement des sommes qui lui auraient été payées.
M. Fréchette: Oui, dans le cas d'une absence de 14 jours
ou moins, qui ne serait pas motivée en termes d'accident du travail,
après évaluation médicale.
M. Bond: II faut faire attention parce qu'il y a
différents articles qui parlent de recouvrement dans ce projet de
loi.
M. Fréchette: Je suis tout à fait d'accord avec
vous.
M. Bond: Entre autres, il y a un article qui nous dit que, si la
CSST décide, sur simple vue du dossier, donc avant même qu'il y
ait expertise médicale, je suppose, ou avant même qu'une
décision soit prise, de faire des paiements, les sommes qui auraient
été payées en trop à un accidenté
après qu'une décision est prise ne pourraient pas être
recouvrées, sauf s'il y avait fraude. Deuxièmement, si la
Commission des affaires sociales à la suite d'une reconsidération
administrative ou encore à la suite d'un appel, selon la loi,
décidait d'annuler une période d'indemnisation, les sommes ne
pourraient pas être recouvrées non plus, sauf s'il y avait fraude.
En somme, si vous me le permettez, M. le ministre, même s'il y a un
article général qui parle de recouvrement, en exceptant ces deux
situations, il ne reste pas beaucoup de situations où l'on pourrait
effectivement recouvrer des sommes. (22 h 30)
Si vous me le permettez, j'aimerais également revenir sur le
premier aspect. Les 14 premiers jours nous seraient effectivement
remboursés, sauf quant à certaines sommes, entre autres, les
sommes que, par convention collective ou encore par entente avec
l'employé, la ville se serait engagée à retenir sur les
chèques de paie de façon à les payer à un autre
créancier. Par exemple, un employé décide de contracter
auprès de la caisse de retraite un emprunt hypothécaire pour
s'acheter une maison. S'il y a un paiement hypothécaire qui devient
dû pendant ces 14 premiers jours, l'employeur va devoir continuer
à faire ce paiement alors que l'employé n'est pas au travail. Ce
ne sera pas remboursé par la CSST. En quelque sorte, pendant ces 14
premiers jours, l'employeur va avoir payé l'hypothèque de son
salarié.
M. Fréchette: Le deuxième... Ah! Je m'excuse.
Allez, je vous en prie.
M. Bond: Le problème également de ces 14 premiers
jours, c'est que, pendant cette période-là, l'employé est
en "accident du travail" entre guillemets. Il n'y a pas encore eu de
décision et l'employeur se doit de le considérer, en attendant
qu'il y ait une décision, en accident du travail. L'employeur ne peut
pas, de son propre chef, dire à l'employé: Reviens au travail,
alors que la CSST n'a pas encore pris de décision. Donc, pendant ces 14
premiers jours, en attendant la décision de la CSST, l'employeur n'y
peut pas grand-chose. L'employé est absent du travail. De
surcroît, alors que la CSST a déjà, depuis le début
de l'année, des sommes qui lui ont été payées par
l'employeur -11 000 000 $ à la ville de Montréal au début
de l'année - la CSST pendant ces 14 premiers jours fera payer
l'employeur et remboursera par la suite l'employeur. En quelque sorte, la CSST
pourra, à même les intérêts de ces montants, financer
une partie de ces coûts.
M. Fréchette: II y a une partie de votre dernière
argumentation qui nous a aussi été soumise cet après-midi,
c'est-à-dire celle relative aux déductions qui peuvent intervenir
à l'intérieur de la période de 14 jours. Je pense que vous
nous forcez à réfléchir davantage pour revoir le texte de
la loi. Quant à la possibilité ou, enfin, à l'objectif
très précis qu'il y ait remboursement dans le cas où un
diagnostic médical déterminerait qu'il n'y a pas cette relation
de cause à effet entre un accident du travail et l'absence, il est bien
évident que, si le texte de loi dans son état actuel n'est pas
suffisamment clair ou n'est pas suffisamment normé, balisé pour
que cet objectif soit atteint, nous allons le revoir parce que c'est
très précisément cela qui est l'objectif fondamental, pour
rejoindre ne serait-ce qu'en partie une préoccupation que beaucoup
d'employeurs nous ont soulevée depuis le début des auditions,
soit l'incidence à la hausse des absences. Je vous remercie d'avoir
attiré notre attention sur ce sujet parce que cela va non seulement nous
inciter, mais nous obliger à revoir de très près le texte
pour qu'on puisse atteindre l'objectif dont je viens de vous parler.
Cela va, quant à moi, M. le Président.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. M. Lorange, madame et
messieurs de la ville de Montréal, je vous remercie d'avoir attendu. Je
vais essayer d'être très bref dans mes questions. La
première chose qui me frappe dans votre mémoire, c'est à
la page 2 où vous dites que la CSST est condamnée pour son
application de la loi actuelle et vous continuez en disant: "Elle accorde
généreusement des indemnités." Considérant les
actions qui ont été prises par le juge Sauvé envers des
témoins antérieurs, vous pouvez y répondre ou non. Je ne
suis pas inquiet pour la ville de Montréal.
M. Polak: II pourrait être poursuivi personnellement.
M. Cusano: Oui, c'est cela. Il pourrait être poursuivi
personnellement. Pouvez-vous nous dire si c'est une enquête que vous
demandez sur l'administration de la CSST ou bien si vous leur reprochez une
mauvaise administration, point final?
M. Lorange: Nous ne demandons pas
d'enquête particulière au sujet de la CSST, sauf que nous
lui reprochons certains gestes administratifs. Il y en a un sur lequel notre
mémoire s'appuie largement. Je pourrais peut-être inviter à
la fois M. le ministre et tous les membres de la commission à
réfléchir sur la notion du revenu garanti telle que
présentée dans le projet de loi. Nous pensons que, si cette
notion de revenu garanti n'atteignait que 80% du revenu net de
l'accidenté, celui-ci retournerait beaucoup plus rapidement au travail.
Dans certains cas, actuellement, souvent l'accidenté touche plus en
indemnité que son salaire net, finalement, et cela l'encourage à
demeurer dans une situation qu'on lui crée presque volontairement. Nous
pensons que 80% d'indemnité est une juste rétribution à un
accidenté du travail.
M. Bond: Si vous me permettez un commentaire additionnel
uniquement sur la question du député, je crois que le souhait,
tout simplement, de la plupart des personnes ayant une implication dans ce
domaine serait une demande faite à la Commission de la santé et
de la sécurité du travail de façon qu'un suivi plus
rigoureux soit fait des dossiers d'indemnisation. Je me limiterais à cet
aspect.
M. Cusano: Ces demandes ont été faites, comme l'a
dit le ministre tout à l'heure, depuis assez longtemps, mais, quand
même, il ne semble pas y avoir de suivi de la part du ministre et
d'autres envers la CSST.
Ma deuxième question concerne l'article 156 du projet de loi
où "la commission avise le travailleur et l'employeur de la
capacité du travailleur d'exercer tel emploi disponible dans
l'établissement ou de s'y adapter." Considérant la grandeur de la
ville de Montréal, le nombre d'employés... Je vous le dis
très franchement, je ne sais pas le chiffre.
M. Lorange: 13 000 employés. M. Cusano: Pardon?
M. Lorange: Plus ou moins 13 000 employés.
M. Cusano: 13 000 employés.
M. Lorange: En fait, ce sont 13 000 employés et treize
conventions collectives.
M. Cusano: Oui, treize conventions collectives.
M. Fréchette: Pas 1000 employés par convention,
non?
M. Lorange: Pardon?
M. Fréchette: Pas 1000 employés par convention?
M. Lorange: Non, non. Le partage est fait différemment. Ce
n'est pas tranché au couteau comme cela.
M. Cusano: Vous voyez qu'on est très tolérants. On
laisse le ministre nous interrompre.
M. Fréchette: Merci pour votre condescendance. Vous
êtes bien chics.
M. Cusano: Vous parlez de treize conventions. Vous parlez d'un
territoire énorme, celui de la ville de Montréal, de
différents établissements, etc. Je perçois certaines
difficultés qu'apporterait cet article. La commission viendrait
s'installer chez vous pour voir quels sont les différents emplois
disponibles. Est-ce que vous voyez cela comme un problème, M.
Lorange?
M. Lorange: Effectivement, c'est un problème parce que
nous avons, au cours des dernières années, procédé
à une rationalisation du nombre d'employés assez
considérable et, évidemment, le nombre de postes à
caractère allégé a diminué de façon
considérable. Bien que nous ayons, nous aussi, des politiques -
j'écoutais tout à l'heure les représentants de la
société Alcan qui parlaient des politiques de reclassement de
personnels qu'ils pouvaient avoir à la suite d'accidents du travail -
malgré notre bonne volonté pour tenter de reclasser les gens
à la suite d'accidents du travail, puisqu'ils sont devenus incapables de
remplir leur tâche habituelle, nous avons beaucoup de difficulté
présentement à trouver effectivement des emplois disponibles,
compte tenu qu'il y en a moins qu'il n'y en avait et compte tenu aussi que la
rationalisation a amené une restructuration et une polyvalence dans les
emplois plus considérable qu'auparavant et que, lorsqu'on parle
d'employés plus polyvalents, on parle d'employés qui sont en
meilleure santé, qui sont capables de faire face à un plus grand
nombre de tâches. En ce sens, cela représente une
difficulté, c'est indéniable.
Donc, il faudrait éviter, je pense, de nous placer dans
l'obligation de reclasser à tout prix. Qu'on continue à respecter
les mécanismes qui sont déjà prévus à nos
conventions collectives, fort bien, mais je pense que nous avons réussi
à convaincre dans une certaine mesure la plupart de nos syndicats que
c'était impossible de reclasser tout le monde, qu'on tentait de le faire
dans la mesure du possible, mais qu'on ne pouvait pas le faire dans tous les
cas. Dans l'ensemble, ce modus vivendi qui existe entre les parties est bien
accepté.
M. Cusano: L'autre question porte sur le paiement des quatorze
premiers jours. Plusieurs intervenants nous ont donné des chiffres
très précis, à savoir qu'il y avait eu justement une
variation selon le nombre de jours qui étaient payés par
l'employeur et, de ces chiffres-là, ils font une extrapolation et cette
extrapolation veut dire qu'ils prédisent qu'automatiquement on va passer
à des périodes d'absence de quatorze jours. Vous soulevez la
même crainte que les quatorze jours vont passer automatiquement comme une
période d'absence normale. Avez-vous des statistiques à cet effet
qui permettent l'extrapolation?
M. Girard: En fait, on ne peut pas avoir de statistiques qui vont
nous permettre de dire que cela va s'accroître automatiquement. Ce qu'on
peut dire, c'est qu'à partir de l'expérience vécue on se
rend compte que, chaque fois que nous avons des dispositions dans les
conventions collectives, par exemple - et c'est la raison pour laquelle nous
avons été amenés à revoir nos conventions
collectives - chaque fois qu'on assurait le plein traitement, qu'on facilitait
la tâche, finalement, aux employés lorsqu'il y avait un accident
de travail, nos périodes d'incapacité s'allongeaient et
également la quantité d'accidents de travail. La quantité
de réclamations s'accroissait. Nous avons pris des mesures
énergiques - je les ai mentionnées au tout début,
réduction du nombre d'heures, réduction du nombre d'accidents -
et en même temps que nous avons pris ces mesures énergiques en
termes purement numériques, nous avons vu aussi à changer nos
dispositions dans nos conventions collectives parce qu'on s'est rendu compte
qu'à vouloir assurer... Pendant un certain temps, on assurait le plein
salaire régulier, tout cela dans un esprit, je pense, de respect
à l'égard des travailleurs qui étaient victimes d'un
accident de travail, mais on s'est rendu compte que finalement, cela se
retournait contre nous et, finalement, contre l'ensemble des employés
puisqu'on affectait d'énormes montants à la question des
accidents du travail et ces sommes d'argent n'étaient pas
affectées à d'autres fins.
Par conséquent, je pense qu'on ne rend service à personne
lorsqu'on tend à faciliter au maximum les possibilités de
réclamations et les possibilités d'indemnités. Je pense
qu'il faut, dans des mesures aussi générales que
celles-là, de type universel, avoir des mécanismes qui incitent
les gens à ne pas prolonger leur période d'accident du travail.
Loin de nous l'idée de penser que la majorité des
réclamations sont des réclamations futiles. Il ne s'agit pas de
cela. Nous sommes convaincus qu'il y a un très grand nombre d'accidents.
La majorité des accidents du travail sont fondés, mais je pense
qu'il ne faut pas non plus avoir des dispositions qui nous empêchent
d'exercer des contrôles sains, parce que, dans n'importe quelle mesure
que nous allons adopter, il y a toujours des gens qui abusent. C'est
malheureux, mais c'est le cas. Cependant, je pense qu'il ne faudrait pas avoir
des dispositions qui vont permettre ou faciliter des abus.
M. Cusano: Ma question porte sur les coûts du projet de loi
spécifiquement pour la ville de Montréal. On a
déposé des études sur l'ensemble des coûts. Mais si
on considère, comme vous le faites dans votre mémoire,
l'élargissement de la notion d'accidents du travail et de lésions
professionnelles, l'établissement de la présomption dans le cas
de maladies professionnelles, la question des 90% du salaire pour les quatorze
premiers jours, le recouvrement des montants versés en trop, ce que vous
appelez des sommes faramineuses pour la réinsertion sociale et tout
cela, enfin si on prend tout le projet de loi, les quelque 360 articles,
qu'est-ce que cela veut dire en termes de coûts pour la ville de
Montréal si le projet de loi est adopté tel quel, d'ici à
la fin de la session?
M. Lorange: II nous est difficile de faire une évaluation
des coûts de l'application du projet de loi puisque nous ne pouvons
prédire si, en cours de route ou lors de son adoption par
l'Assemblée nationale, la loi ne contiendra pas des modifications qui
pourront modifier, justement, les coûts dans l'application.
M. Cusano: C'est pour cela que j'ai dit: Considérant
que...
M. Lorange: Actuellement, la question a été
posée à notre service du contrôleur; pour le moment, il lui
est impossible de donner des coûts inhérents, directs. Ce qui
pourrait être fait actuellement ne serait qu'une hypothèse, en
tenant compte que ce n'est qu'au stade de projet de loi. (22 h 45)
Une voix: D'autant plus...
M. Cusano: Mais, sans aller dans les détails, est-ce que,
selon les informations que vous avez de votre contrôleur, les coûts
seraient inférieurs ou supérieurs à ceux de cette
année?
M. Lorange: Sur l'ensemble, on peut dire que la loi actuelle
serait d'un coût supérieur pour la ville de Montréal. Cela
c'est clair.
M. Cusano: Le projet de loi, vous voulez dire.
M. Lorange: Le projet de loi actuel.
M. Cusano: Merci.
Le Président (M. Paré): Merci. M. le
député de Trois-Rivières.
M. Vaugeois: Je vais enchaîner sur la question
précédente. Malgré les objectifs que vous vous êtes
fixés et que vous atteignez, ceux de diminution d'heures, etc., cela
coûterait quand même plus cher selon votre évaluation?
M. Girard: Oui. Malgré tout, voyez-vous, malgré
notre diminution du nombre d'heures, nos coûts continuent à
augmenter. Notre contribution à la CSST est de l'ordre de 11 000 000 $.
C'est quand même considérable. Malgré les...
M. Vaugeois: En pourcentage, cela veut dire quoi.
M. Girard: Onze millions de dollars sur une masse
salariale...
M. Vaugeois: Votre taux? M. Lorange: De un milliard. M.
Girard: Oui, c'est cela.
M. Lorange: Mais il faut regarder aussi l'ensemble de cette
question d'accidents du travail, par exemple. En 1977, les coûts
inhérents à cette question étaient de l'ordre de 8 000 000
$, globalement. Et, en 1984, ils seront d'à peu près 15 000 000
$, c'est-à-dire à peu près du simple au double dans
l'espace de six ou sept ans.
M. Vaugeois: M. le Président, je voudrais poser une
question précise de la façon suivante: Vous aviez un taux
applicable. Vous vous êtes fixé un objectif de 10%; vous l'avez
dépassé, vous êtes allés à 12%. Cette
année, vous vous donnez un objectif de 15%. Est-ce que vous vous
souvenez de l'évolution du taux alors que vous réussissiez
à atteindre l'objectif que vous vous êtes fixé? Qu'est-ce
que cela a signifié sur le taux? Est-ce que le taux a baissé de
façon notable entre l'année qui a précédé et
l'année qui a suivi?
M. Girard: Ce qui arrive, c'est qu'avant d'avoir un
réajustement de taux, cela prend un bon délai. En fait,
l'année 1983 vient de se terminer et, avant qu'on connaisse exactement
notre taux et nos réajustements, cela prend quand même un certain
temps de la part de la CSST. Alors, on ne peut pas voir l'incidence. Tout ce
qu'on peut dire, c'est que les mesures que nous prenons nous évitent de
subir des augmentations très considérables, mais cela ne veut pas
dire que notre taux ne continue pas d'augmenter.
Simplement, par les mesures que nous prenons, nous freinons
l'augmentation.
M. Vaugeois: Est-ce qu'il vous est arrivé d'avoir des taux
rétroactifs à la hausse?
M. Girard: Non. Au cours des dernières années,
notre cotisation, en fait notre évaluation, l'évaluation faite
par la CSST de notre dossier, est plutôt une bonne évaluation.
Nous faisons partie du secteur des municipalités et, pour tout vous
dire, une étude vient justement d'être faite par un consultant et
l'opinion de ce consultant, c'est que, si le taux global des
municipalités n'est pas trop élevé, c'est, en grande
partie, à cause de la ville de Montréal qui a un bon
rendement.
M. Vaugeois: D'accord. Ce sera tout, M. le Président, sauf
que je voudrais souligner à l'attention du ministre principalement que,
pour ma part, j'ai trouvé ce mémoire particulièrement
intéressant, non pas que les autres ne l'étaient pas, mais
celui-ci me paraissait particulièrement intéressant parce qu'il
s'agit d'un employeur important qu'on ne peut pas soupçonner
d'être dévoré par l'appât du gain et du profit et qui
prend, finalement, l'intérêt des contribuables, bien sûr,
des contribuables de tous ordres, y compris ses employeurs qui sont
probablement ses contribuables. Je pense que le mémoire attire notre
attention sur des points très précis. Le ministre lui-même,
d'ailleurs, en a relevé tout à l'heure, par exemple l'article 27.
On a fait référence à l'article 117 et à l'article
58. Je me suis arrêté à la page 4 de votre mémoire
qui se réfère à la définition même. Pour moi,
c'était pertinent de revenir là-dessus et je crois que nous avons
un bon profit à tirer de plusieurs de vos observations.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. J'écoute mon
collègue de Trois-Rivières et je reconnais là ses
aspirations à la mairie et...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Doyon: ...les préoccupations dont il a tenté
de...
M. Lorange: De Montréal?
M. Doyon: ...convaincre ses électeurs sans succès,
la dernière fois, à Trois-Rivières. Cela laisse des
marques. Je veux profiter d'un passage ici. Je pense qu'on a quelqu'un, Me
Daoust, qui se spécialise dans tout ce qui concerne les accidents du
travail et les réclamations. Vous mentionnez, à la
page 5 de votre mémoire, l'établissement d'une
présomption qui se trouve à l'article 26, la présomption
qui veut qu'une blessure survenue sur les lieux du travail est
présumée être une lésion professionnelle. Je me
demande si Me Daoust pourrait nous donner une idée des implications que
cela aurait au point de vue pratique, à comparer avec la situation
actuelle qui est celle de la loi qu'on connaît présentement.
Est-ce que cela implique des changements importants concernant les
réclamations, la façon dont sont traités ces
cas-là? Qu'est-ce que cette présomption, qu'on trouve à
l'article 26 et que vous soulignez, comme je le disais, à la page 5 de
votre mémoire, qu'est-ce que cela change finalement? J'aimerais vous
entendre là-dessus.
Mme Daoust (Linda): Je vais laisser Me Bond répondre
à ces questions.
M. Doyon: N'importe qui. C'est la réponse qui m'importe,
finalement.
M. Bond: Le problème que pose une telle
présomption...
Une voix: ...
M. Doyon: Croyez-moi sur parole.
M. Vaugeois: Avec le député de Louis-Hébert,
on n'est pas sûr de ce qu'il vient d'affirmer.
M. Bond: Alors, sous réserve. Des voix: Ah! Ah!
Ah!
M. Bond: Le problème que pose une telle
présomption...
M. Vaugeois: Tes ambitions sont à la mairie, toil
M. Doyon: On vous écoute.
M. Bond: ...de l'article 26, c'est qu'on renverse le fardeau de
la preuve. Déjà, l'employeur, devant certains membres de la
commission et certains membres de la Commission des affaires sociales, arrive
bon deuxième lorsqu'il se présente devant ces commissions. Il y a
une sorte de préjugé favorable, pour employer une expression
qu'on connaît bien dans certains milieux, envers le réclamant.
C'est lui, même si l'on respecte les règles normales de droit,
même si c'est le règlement; donc, il a le fardeau de la preuve. En
édictant une présomption, on rend encore plus difficile la
position de l'employeur. L'employeur, c'est lui qui dorénavant va avoir
le fardeau de démontrer que l'employé X qui vient réclamer
pour un accident du travail, pour une lésion professionnelle, que cet
accident, que cette incapacité ne vient pas d'une condition personnelle
préexistante de l'employé, et c'est maintenant l'employeur qui a
le fardeau de démontrer cela. On renverse carrément la situation
et on oblige l'employeur, en quelque sorte, à aller faire enquête
sur ces conditions préexistantes de l'employé. Je parle de
conditions de santé, évidemment.
M. Doyon: Pour poursuivre un peu là-dessus. Est-ce que
cette présomption qui vous impose ce fardeau de la preuve, dans la
pratique de tous les jours, vous autres, dans ce que vous avez rencontré
- cela nous intéresse, on a toutes sortes de points de vue et le
vôtre nous intéresserait - est-ce que cela vous paraît,
à votre point de vue, de votre bout de la lorgnette d'employeur, est-ce
que cela vous paraît nécessaire ce renversement du fardeau de la
preuve pour que finalement les employés aient justice? Parce que c'est
ce qui nous importe. Il peut y avoir finalement plusieurs façons de
rendre justice et de protéger les employés, les travailleurs, les
travailleuses. Est-ce que vous pensez que c'était nécessaire d'en
arriver, à votre point de vue, bien sûr, et on tiendra compte que
cela vient de chez vous, d'établir une telle présomption et un
tel renversement du fardeau de la preuve?
M. Bond: En tenant compte évidemment que cela vient d'un
avocat patronal, comme vous le disiez, je serais tenté de vous
répondre par une boutade. Ce n'est pas l'employé qu'il fallait
aider devant la Commission des affaires sociales et devant la CSST,
c'était l'employeur qu'il fallait aider, en ce sens que
l'employé, comme je le disais, jouit déjà d'un
préjugé favorable. Il est déjà dans une situation
assez intéressante devant la Commission des affaires sociales, devant la
CSST. Je ne crois pas que cette présomption qui est créée
par l'article 26 apporte vraiment un soutien additionnel à la
réclamation d'un travailleur. Ce qui nous embête également,
pour compléter ma réponse de tout à l'heure sur l'article
26, c'est qu'il faut prendre cette présomption de l'article 26 en
relation avec la disparition de l'article 3 qu'on a dans la loi actuelle.
L'article 3, dans la loi actuelle, dit qu'une lésion professionnelle qui
survient par le fait d'une imprudence grossière et volontaire de la part
de l'employé ne peut pas donner droit à une indemnisation. Cette
restriction disparaît. Et dans la définition d'accident du
travail, on fait disparaître, quand on parle de fait, l'adjectif
"imprévu". Si bien qu'en prenant ces trois amendements ensemble,
amendements à la définition d'un accident du travail, disparition
de la restriction de l'article 3 et création d'une présomption
à l'article 26, un employé qui, volontairement, pour quelque
motif que ce soit que je n'ai
pas à juger, se blesse sur les lieux du travail, avec la
présomption et avec la disparition de l'article 3, doit être
indemnisé.
M. Doyon: Quand vous parlez de la situation actuelle de
l'employé vis-à-vis de la CSST où il jouit d'un
préjugé favorable, j'aimerais que vous soyez plus explicite.
Est-ce que le préjugé favorable que vous semblez déceler
en faveur de l'employé, du travailleur blessé ou victime d'une
lésion professionnelle, découle de la loi ou d'une attitude
administrative de la CSST? Est-ce que vous pouvez identifier la source de ce
que vous appelez le préjugé favorable?
M. Bond: Je crois, pour ma part -quitte à ce que Me Daoust
complète par la suite, et je vous réfère à la
conclusion de notre mémoire - que cela tient beaucoup plus à une
façon d'interpréter et d'appliquer la loi qu'à un texte
législatif comme tel.
M. Doyon: C'est donc dire que, selon votre point de vue, la CSST
colore, si vous voulez, son application de la loi. Est-ce que je vous comprends
bien quand je dis ces paroles?
M. Bond: Je crois, M. le député, que, quant
à nous, ce que nous demandons à la CSST, c'est une plus grande
rigueur dans l'application et dans l'interprétation de la loi et de s'en
tenir davantage à un rôle de tribunal tel qu'on le conçoit
normalement pour les autres tribunaux, c'est-à-dire d'interpréter
et d'appliquer la loi et non pas de combler certaines lacunes qu'elle pourrait
déceler.
M. Doyon: Merci. Je pense que tout cela s'insère un peu
dans le débat auquel, malgré vous, vous avez été
témoin ce soir, où on déplorait justement une façon
de faire du président-directeur général, le juge
Sauvé de la CSST, qui a fait, avec le passage des ans, jusqu'à un
certain point, de la CSST sa chose personnelle avec une façon
d'envisager les critiques qui sont dirigées contre l'organisme qu'il
dirige comme étant des critiques personnelles. Cela, nous sommes
unanimes de ce côté-ci à le déplorer, et je vous
remercie de vos informations.
Le Président (M. Paré): Au nom des membres de la
commission, M. Lorange, mesdames et messieurs, merci beaucoup.
M. Lorange: Je voudrais, M. le Président, vous remercier
tout particulièrement, remercier M. le ministre et tous les membres
individuellement de la commission de l'accueil patient, indulgent,
tolérant, chaleureux et très généreux que vous avez
eu à l'endroit de la délégation de la ville de
Montréal. Merci beaucoup.
M. Fréchette: Vous avez été patients, vous
aussi, très patients.
Le Président (M. Paré): Alors, à nouveau,
merci beaucoup de votre tolérance et de votre participation. Sur ce, la
commission ajourne ses travaux jusqu'à demain 10 heures.
(Fin de la séance à 23 heures)