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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente du travail reprend ses travaux dans le but
d'entendre les représentations des personnes et des groupes
intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles.
Les membres de la commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M.
Cusano (Viau), M. Dean (Prévost), M. Fréchette (Sherbrooke), Mme
Harel (Maisonneuve), M. Lafrenière (Ungava), M. Lavigne (Beauharnois),
M. Doyon (Louis-Hébert), M. Léger (Lafontaine), M. Maltais
(Saguenay), M. Polak (Sainte-Anne) et M. Proulx (Saint-Jean).
Les intervenants de la commission sont: M. Marx (D'Arcy McGee), M.
Champagne (Mille-Îles), M. Fortier (Outremont), M. Leduc (Fabre), M.
Pagé (Portneuf), M. Payne (Vachon) et M. Vaugeois
(Trois-Rivières). Le rapporteur de la commission est M. Lavigne
(Beauharnois).
Les personnes ou les groupes qui vont présenter des
mémoires aujourd'hui sont, dans l'ordre suivant, cet avant-midi,
l'Association des mines d'amiante du Québec; à partir de 15
heures, donc cet après-midi, la Fédération des syndicats
professionnels d'infirmières et d'infirmiers du Québec et la
Commission des services juridiques; ce soir à 20 heures, la
Fédération des travailleurs forestiers du Québec. Donc,
nous allons faire l'audition du premier groupe ce matin qui est l'Association
des mines d'amiante du Québec. Oui, M. le député de
Louis-Hébert?
M. Doyon: M. le Président, c'est sur une question de
règlement. Hier, lors de la comparution du Syndicat des fonctionnaires
du Québec on a appris qu'il se pratiquait à la CSST de
l'écoute électronique illégale dans des conditions
absolument inacceptables. Le ministre en a été informé et
a eu une réaction immédiate. Compte tenu de l'importance de la
question, j'aimerais avoir l'assurance du ministre dès maintenant que
des dispositions ont été prises à l'heure où l'on
se parle pour que les pratiques qui nous ont été exposées
par M. Harguindeguy, hier, soient discontinuées dès ce matin et
qu'à la suite de la discontinuation de ces pratiques le ministre a bel
et bien demandé qu'une enquête soit faite et que, si
nécessaire, les services policiers soient saisis de la situation parce
que, tel que je l'expliquais hier, il s'agit là d'une infraction et d'un
acte criminel si les renseignements qui nous ont été fournis sont
exacts.
On sait que, pour pratiquer ce genre d'écoute
électronique, la loi est extrêmement sévère. La
personne qui veut faire une écoute électronique semblable doit
faire une demande motivée auprès d'un juge de la Cour
supérieure en indiquant les motifs à l'appui de sa demande pouf
lesquels il doit y avoir une écoute électronique. Cela doit
être fait dans des conditions très précises, pour des
périodes très limitées et tout manquement à ces
dispositions constitue un crime. Dans les circonstances il est inacceptable
qu'on puisse poser des gestes semblables sous le couvert de l'efficacité
administrative ou de l'amélioration de la formation, a-t-on dit, des
agents d'indemnisation. Je voudrais, dès maintenant, rassurer et la
population et les bénéficiaires et les usagers des services de la
CSST ainsi que les agents d'indemnisation et leur dire que ces gestes ont
cessé à l'heure où l'on se parle, que des dispositions ont
été prises par le ministre pour qu'une enquête soit
instituée et que si nécessaire des sanctions seront
apportées. Je pense qu'il s'agit là d'une question suffisamment
importante pour que nous soyons rassurés dès le début de
cette commission.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Fréchette: M. le Président, je remercie le
député de Louis-Hébert de soulever la question ce matin.
Cependant, je suis un peu étonné qu'il lui donne l'envergure que
les parties elles-mêmes qui nous en ont parlé ne lui ont pas
donnée. Le député de Louis-Hébert conclut
rapidement au caractère d'illégalité de la situation dont
on nous a parlé hier alors que le témoin lui-même, M.
Harguindeguy, nous a informé que les conseillers juridiques de son
syndicat en étaient venus à la conclusion que le processus
très précis auquel on référait n'avait pas de
caractère d'illégalité. Ce sont les parties
elles-mêmes à la table qui nous ont donné cette
première information quant au caractère légal ou
illégal de la situation.
Deuxièmement, M. le Président, il faudrait nous rappeler,
parce que cela aussi a été signalé hier, qu'il y a eu au
31 octobre 1983 une réunion du comité des relations
professionnelles de l'unité
fonctionnaires à laquelle réunion cet aspect a
été discuté. Au cours de cette même réunion,
les parties ont convenu qu'il ne devait pas y avoir un tel exercice - si encore
c'est de l'écoute électronique, il faut nous entendre - qu'il ne
devait pas y avoir l'utilisation d'un tel processus à moins que les
parties ne se soient mises d'accord sur cela. Il n'y a pas encore 24 heures que
la question a été mise sur la table; il est évident
qu'à compter du moment où elle l'a été les
dispositions ont été prises pour que toute la situation soit
éclaircie dans tous ses détails.
Je suis informé que dès aujourd'hui la Commission de la
santé et de la sécurité du travail donnera elle-même
sa position dans le dossier par rapport à l'argumentation qui a
été développée ici hier. Il faut quand même
prendre les choses comme elles sont. Deuxièmement, l'invité qui a
soulevé la question hier a convenu de fournir à la commission,
d'ici lundi, plus de précisions, plus de détails, quant à
la question qu'il soulève. Au cours de l'échange que nous avons
eu hier, si mon souvenir est fidèle, je lui ai demandé si cela
lui était possible de nous donner ici des cas très précis.
Il n'a pas été en mesure hier. Je comprends qu'on ne pouvait pas
non plus exiger de lui qu'il aille jusque-là mais il a convenu de nous
remettre, d'ici lundi, les renseignements qu'autant le député de
Louis-Hébert et les collègues de l'Opposition lui ont
demandés que les gens de ce côté-ci.
M. le Président, nous sommes à scruter la question sous
tous ses angles et il est évident qu'en temps et lieu nous donnerons la
position de la Commission de la santé et de la sécurité du
travail à cet égard. Convenons entre nous que pour
compléter le dossier il est nécessaire d'obtenir les
précisions et les détails que le président du Syndicat des
fonctionnaires provinciaux s'est engagé à nous fournir.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Première chose,
je signale que lors de l'audition du mémoire que nous avons eue hier du
Syndicat des fonctionnaires, où on faisait allusion à de
l'écoute électronique au sein de la CSST, le ministre, qui
était le premier à interroger les témoins, a passé
totalement sous silence...
M. Lavigne: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, je pense que la commission
est mandatée pour étudier et écouter les rapports des gens
qui viennent nous visiter. La question a été soulevée
hier. Elle est reprise ce matin par un député de l'Opposition,
expliquée par le ministre et je pense qu'on a fait le tour de la
question. Le ministre nous a clairement identifié ce qui en était
de cette question et on ne devrait pas passer la journée ou plus de
temps sur cette question.
M. Doyon: On ne passera pas la journée d'ailleurs.
M. Lavigne: M. le Président, je vous demanderais de donner
la parole aux prochains intervenants.
M. Cusano: M. le Président, je ne vois pas quelle est la
question de règlement du député de Beauharnois.
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lavigne: II veut souffler une baloune.
Le Président (M. Paré): Un instant. À
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Cusano: Cela vous inquiète, n'est-ce pas?
Une voix: Pas du tout.
M. Doyon: M. le Président, j'avais la parole...
Le Président (M. Paré): S'il vous plaît. M.
le député de Viau, s'il vous plaît, vous n'avez pas la
parole. À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Cusano: Qu'on décrète une enquête et il
n'y aura pas de problème.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Viau, à l'ordre, s'il vous plaît! Je vous demanderais, M. le
député Louis-Hébert, de conclure rapidement sur ce
sujet.
M. Doyon: Oui. J'étais à dire tout d'abord qu'il
est symptomatique que le ministre, qui était le premier à
interroger M. Harguindeguy, n'ait pas du tout soulevé cette question.
Cela nous cause un certain degré d'inquiétude. Je pense que c'est
la vérité. Il a fallu que l'Opposition pose des questions
à M. Harguindeguy pour qu'on fasse la preuve qu'il y avait vraiment
anguille sous roche.
Hier, le ministre a déclaré en entrevue que, s'il
était établi que les usagers - lui-même a
hésité sur le mot, il a dit les
"usagers-bénéficiaires", je me souviens très bien de
l'entrevue - n'étaient pas au courant de cette pratique, elle devait
être
interrompue sur le champ. Ce matin, le ministre dit qu'il y a une
enquête en cours et que la CSST va faire le point. Le ministre du Travail
est le ministre responsable de la CSST. Il est de son devoir, devant le doute
dans lequel on peut être actuellement, de ne pas prendre de risque et de
donner l'ordre immédiatement, comme ministre responsable, que cette
pratique cesse parce qu'il y a des risques qu'elle soit illégale. Devant
ce risque d'illégalité, le ministre ne peut se permettre de
donner en aucune façon l'impression qu'il la cautionne. Son devoir est
tout tracé, c'est celui d'interdire à la CSST, comme ministre
responsable et comme ministre qui doit répondre devant cette commission
et devant le Parlement des actes de la CSST, que cette pratique soit
continuée...
Le Président (M. Paré): M. le député
de Louis-Hébert.
M. Doyon: Je demande au ministre de nous dire, dès ce
matin, s'il a pris les dispositions qui sont en accord avec sa
déclaration d'hier pour que cela soit interrompu.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Fréchette: M. le Président, il est certain que,
dès lors que la question a été soulevée, une
demande a été formulée pour que la question soit
complètement et totalement clarifiée. Cela fait à peine
douze heures qu'on a été saisi de cette question. Le
témoin ou l'invité qui a soulevé la question, encore une
fois, nous a dit: Je m'engage à vous fournir des renseignements d'ici
lundi prochain.
Je ne vais certainement pas donner des mandats sans avoir devant moi un
dossier qui soit complètement clair et un dossier dans lequel il me sera
permis de voir la version des deux parties. Le député de
Louis-Hébert connaît très certainement ce principe
fondamental qui veut que l'on entende la version des deux parties avant de
porter quelque jugement que ce soit.
Puisque la question a été soulevée, je pens qu'il
est utile de soumettre aux membres de la commission la tenue d'un
procès-verbal qui est daté du mois de décembre dernier,
qui est signé par une représentante de la partie syndicale, par
une représentante de la partie patronale et qui fait état de la
discussion qui s'est tenue le 31 octobre à l'intérieur de ce
comité local de relations professionnelles, unité fonctionnaires.
Étaient présents pour la partie patronale Jean-François
Couillard, Mme Marie Langlois, M. André Moreau, M. Paul-Henri Paquet.
Pour la partie syndicale étaient présents Mme Odette Frigon, M.
André Godbout, M. Patrice Lamarre, Mme
Jeannine Roy. Cette réunion a été tenue à la
suite d'une demande en ce sens lors de la réunion du comité
ministériel de relations professionnelles du 23 septembre dernier.
Les parties se sont d'abord entendues pour nommer l'appareil dont il
était question ligne de formation et modifier en ce sens le
procès-verbal de la réunion du CMRP du 23 septembre dernier. La
ligne de formation -je voudrais ici qu'on essaie de voir la distinction entre
une ligne de formation et de l'écoute électronique - permet
d'entendre les conversations téléphoniques des employés
avec les clients.
M. Doyon: C'est exactement cela, M. le Président.
M. Fréchette: Elle a pour but de contrôler la
qualité des services téléphoniques à la
clientèle du service du financement. De plus, elle vise à
améliorer la qualité des services au bénéfice des
employés, de l'employeur et des clients. Les parties ont convenu que la
ligne de formation ne sera utilisée que lorsque les modalités
d'utilisation auront été diffusées aux employés et
que ceux-ci en auront été informés avec un avis de 15
jours. Ces modalités d'utilisation sont uniformes pour Québec et
Montréal. De plus, la partie patronale s'est engagée à ne
pas enregistrer les conversations ainsi entendues. En ce qui a trait aux appels
personnels, la partie patronale a prévu des lignes
téléphoniques spécialement conçues à cet
effet qui ne seront pas reliées à la ligne de formation et ce,
pour assurer la confidentialité des appels. C'est signé le 16
décembre 1983 par Mme Jeannine Roy, représentante de la partie
syndicale, et le 6 décembre 1983 par Mme Marie Langlois,
représentante de la partie patronale.
Le seul commentaire que je voudrais ajouter, M. le Président - il
sera très bref -c'est que j'ai compris hier - et cela m'a
été confirmé hier soir et ce matin - qu'il avait
été convenu que l'utilisation de cette ligne de formation ne
pouvait pas et ne devait pas se faire tant et aussi longtemps que les parties
n'allaient pas en arriver à une entente là-dessus. Les
informations que j'ai au moment où on se parle, sous réserve que
les renseignements que M. Harguindeguy nous fournira puissent modifier la
nature des informations que j'ai, c'est que, depuis qu'il en a
été question le 31 octobre 1983 à ce comité des
relations professionnelles, cet exercice n'a été fait par
personne à la connaissance de ceux qui, normalement, devraient le
savoir. Si l'exercice s'est fait au-delà de l'entente intervenue entre
les parties et hors la connaissance autant du comité de direction que de
la direction des services des ressources humaines, il est évident,
à ce moment-là, que quelqu'un
aurait manqué à l'entente qui avait été
convenue lors de la réunion d'octobre 1983. L'information que j'ai,
c'est que ce genre d'exercice n'a pas été fait depuis cette
date-là et, s'il a été fait, c'est à l'insu de ceux
qui, normalement, auraient dû le savoir, autant du côté de
la partie patronale que de la partie syndicale.
M. Doyon: M. le Président...
Le Président (M. Paré): M. le député
de Louis-Hébert.
M. Doyon: ...le procès-verbal dont nous fait lecture le
ministre établit une procédure convenue entre la partie patronale
et les fonctionnaires de la CSST. Je mentionne - et cela me paraît
très important - que nulle part il n'est fait état des usagers ou
des bénéficiaires. C'était une inquiétude que le
ministre manifestait hier. Première chose, on est dans le noir total en
ce qui concerne ce qu'il advient des usagers ou des bénéficiaires
vis-à-vis de cette procédure. Deuxième chose, qu'on
appelle cela par euphémisme une ligne de formation, ce n'est pas en
utilisant tel mot ou tel autre - le ministre sera d'accord avec moi - ou en
appelant une chose par un autre nom que la réalité est
changée pour autant. Ce n'est pas du tout changer la
réalité que de dire qu'il s'agit d'une ligne de formation. M.
Harguindeguy a été très clair à des questions que
je lui ai posées hier - et le ministre était ici - quand je lui
ai demandé: Les usagers en sont-ils mis au courant? Il a répondu:
Non. Parce que, pour que ce soit de l'écoute électronique au sens
du Code criminel, il faut qu'aucun des deux correspondants ne soit au courant
de cette procédure, je lui ai demandé: Est-ce que les agents
d'indemnisation - je crois que c'est comme ça qu'on les appelle - sont
au courant quand ils sont soit enregistrés, soit écoutés?
Il m'a dit: Non, il peut y avoir écoute électronique, il peut ne
pas y en avoir. Il n'y a aucune indication pour eux quand il y a écoute
électronique et quand il n'y en a pas. L'essence même de
l'écoute électronique, c'est qu'aucune des deux parties n'est
informée qu'elle est écoutée électroniquement. (10
h 30)
Ce que je veux signaler au ministre c'est l'inquiétude dont a
fait part dans son mémoire le président du Syndicat des
fonctionnaires quand il révélait l'existence de cette
écoute électronique. Il continuait, à la page 22 de son
mémoire: "Le contenu des dossiers médicaux des accidentés
pourrait donc ainsi être porté à la connaissance de
personnes non habilitées à obtenir de tels renseignements."
Je termine là-dessus. Dès que le ministre aura en main les
renseignements qui nous ont été promis par M. Harguindeguy, je
pense que nous ne serons pas, ni vous, ni moi, ni la commission, en position de
porter un jugement à savoir s'il y a eu infraction, crime ou manquement
au Code criminel du Canada. Cela devra être déterminé par
des procureurs de la couronne, par des substituts du procureur de la couronne
et j'aimerais que, dès maintenant, le ministre s'engage... Les
éléments dont on dispose sont suffisants dans le moment pour
justifier une enquête. Dès qu'on aura ces renseignements, je
voudrais que le ministre s'engage à demander qu'un substitut du
Procureur général procède à une enquête,
parce qu'il s'agit évidemment d'une question technique, d'une question
extrêmement importante. Il s'agit d'une question de confiance dans un
organisme qui est vital et au sujet duquel on ne doit pas avoir le moindre
doute.
Le ministre me dit: Je ne prendrai pas une décision - je termine
là-dessus, M. le Président - tant que je n'aurai pas en main tous
les éléments. Je ne demande pas au ministre de prendre une
décision, il le reconnaîtra aussi, mais de décréter
un moratoire. Comme on est dans le doute et qu'il se peut qu'il y ait
illégalité, je ne lui demande pas de déclarer qu'il y a
illégalité, je lui demande de faire cesser, par l'autorité
qui est la sienne en tant que ministre, par la voie d'un moratoire, cette
pratique qui risque d'être illégale et, ce faisant, il ne porte
pas de jugement sur l'exercice lui-même, il agit en homme prudent, en
homme responsable qui dit: Je ne me prononce pas dans le moment mais, pendant
que l'enquête va se poursuivre, pendant que j'obtiendrai tous les
renseignements dont j'ai besoin, je demande qu'on cesse cette pratique pour ne
pas prendre de risque. Je pense que le ministre pourrait dire dès
maintenant qu'il est prêt à ça sans préjuger du fond
de la chose. Je ne vois véritablement pas de raison pour ne pas agir de
la sorte.
Le Président (M. Paré): Est-ce que vous voulez
répondre, M. le ministre?
M. Fréchette: Très brièvement, M. le
Président. Je ne vois pas la nécessité de
décréter un moratoire quand je suis informé que la
pratique n'existe pas. Il est évident par ailleurs que, si elle avait
existé sans que les personnes en autorité le sachent, des
dispositions devraient être prises pour qu'elle cesse - c'est absolument
certain - tant et aussi longtemps, en tout cas, que les deux parties n'aient
pas ensemble accompli un processus dans le sens de la formation dont on parlait
dans le procès-verbal dont je viens de faire état.
Quant à la deuxième question du député de
Louis-Hébert, M. le Président, la nécessité de
procéder à une enquête, quelle qu'en soit la nature, il va
sans doute me
permettre d'obtenir plus de renseignements que ceux dont nous disposons
actuellement. Il est évident que, si nous devions, à partir de
ces renseignements, avoir des inquiétudes quant à la
qualité, la nature, le caractère de l'exercice, il faudra que
quelqu'un se penche sur le problème et en vienne à une
conclusion. Je n'exclus cela d'aucune espèce de façon. Mais il me
semble que, dans une situation comme celle-là, la prudence nous commande
d'avoir les premiers éléments, la version des deux parties
impliquées pour ensuite cheminer et se faire une opinion à cet
égard, autant quant au contenu des renseignements que de la
procédure qu'il faudra utiliser.
Le Président (M. Paré): Je vous remercie. J'invite
maintenant les représentants de l'Association des mines d'amiante du
Québec à nous faire la présentation de leur
mémoire. J'inviterais le porte-parole à se présenter et
à nous présenter aussi les personnes qui l'accompagnent.
Association des mines d'amiante du
Québec
M. Casgrain (Philippe): M. le Président, mon nom est
Philippe Casgrain. Je suis le conseiller juridique de l'Association des mines
d'amiante du Québec. Je suis accompagné ce matin de mon
associé, Me Jean Bazin, et du Dr Michel Lesage, conseiller
médical de l'association. Je suis également accompagné de
M. Yvonnik Bolduc, vice-président des ressources humaines à Lac
d'amiante du Québec, également président du comité
de santé et de sécurité de l'AMAQ, de M. Claude Lacroix,
directeur général de la sécurité pour la
Société Asbestos, de M. Alain Allaire, directeur du personnel
pour Carey Canada, de M. Marc Bruneau, directeur du personnel de Lac d'amiante
du Québec, de M. Michel Piuze, superviseur du personnel de Lac d'amiante
du Québec, de M. George Olney, gérant des relations industrielles
de J. M. Asbestos Inc., de M. Jim Deacon, gérant de la santé et
de la sécurité de J. M. Asbestos Inc., de M. Marius Groleau,
superviseur de la formation à Lac d'amiante du Québec, de M.
Bernard Coulombe, gérant de la mine J. M. Asbestos Inc.,
président du comité de l'environnement de l'AMAQ, et
également de M. Paul Filteau, secrétaire de l'association.
M. le Président, avant d'aller plus loin, j'ai une demande
à formuler à votre comité qui est la suivante. Nous
aimerions profiter de l'occasion pour vous présenter un diaporama qui
dure à peu près huit minutes et qui, effectivement,
démontre le fonctionnement d'une mine d'amiante. Cela peut vous
paraître étrange qu'on veuille faire cela à ce stade, mais
nous, de l'amiante, sommes très fiers de nos installations et croyons
qu'elles représentent un exemple dans le monde entier pour ce qui est de
la sécurité, de la santé et de la propreté. Je
crois qu'il est important, compte tenu du contexte qui a entouré
l'amiante depuis quelques années - cette espèce de crainte de
l'amiante qui se répand dans le monde - qu'ici, au Québec tout au
moins, on sache de quoi ont l'air nos mines. Alors, je vous demande la
permission, M. le Président, de vous montrer ce diaporama qui dure
à peine huit minutes et nous pourrions ensuite procéder à
la présentation de notre mémoire.
Le Président (M. Paré): Oui, M. Casgrain.
J'aimerais expliquer aux membres de la commission que, si on accepte cette
demande, cela nous obligera à cesser l'éclairage. Cela ajoutera
huit à dix minutes, le temps de remettre le système en place.
Donc, ai-je le consentement pour suspendre les travaux pour à peu
près 20 minutes, le temps de faire l'audition du diaporama et ensuite de
remettre le système d'éclairage en marche?
M. Fréchette: II y a consentement, M. le
Président.
Le Président (M. Paré): II y a consentement. Oui,
M. le député de Louis-Hébert?
M. Doyon: M. le Président, c'est simplement une question
technique. Est-ce que ce diaporama peut être
télévisé au moyen des appareils que l'on a ou si,
malheureusement, cela ne peut pas être transmis sur les écrans de
télévision?
Le Président (M. Paré): Ce n'est pas possible.
C'est la raison pour laquelle on devra se départir du système
d'éclairage et suspendre les travaux de la commission parlementaire.
Alors, j'ai le consentement pour procéder de cette façon.
La commission suspend ses travaux pour environ 20 minutes, le temps de
l'audition et de ramener le système d'éclairage.
(Suspension de la séance à 10 h 38)
(Reprise de la séance à 10 h 52)
Le Président (M. Paré): La commission reprend ses
travaux. Nous vous remercions beaucoup pour la présentation très
intéressante que nous venons de visionner. M. Casgrain, on vous invite
maintenant à nous faire la présentation de votre
mémoire.
M. Casgrain: M. le Président, vous avez
sans doute remarqué dans le diaporama que la facture technique
n'était pas celle d'experts. Ce diaporama a été
préparé en 1980 par deux étudiants de l'Université
Laval dans le cadre de leurs cours en administration. Il s'agit de Serge Doyon
et Alain Bergeron. Nous avons cru qu'il s'agissait là d'une
présentation d'un travail fait par eux de façon fort objective et
qui ne pouvait être taxée d'une façon ou de l'autre de
"seal pitch" de la part des compagnies d'amiante. De fait, nous avons
trouvé le film tellement bien que l'Association des mines d'amiante du
Québec s'en sert régulièrement depuis ce temps en Europe
et ailleurs pour montrer précisément au reste du monde que
l'amiante n'est pas ce qu'on croyait qu'il était ou ce qu'on a cru qu'il
était pendant longtemps mais qu'au contraire on pouvait faire
fonctionner une mine d'amiante dans des états de propreté qui
sont tout à fait acceptables, sinon les meilleurs au monde.
Je voudrais vous dire également que, bien que vous ayez vu
à l'occasion le nom Lac d'amiante du Québec, ce que vous voyez
là est à peu près ce que vous retrouvez dans les autres
mines d'amiante aussi bien à Asbestos qu'à Thetford-Mines.
M. le ministre, je peux vous dire une chose, c'est que vous retrouvez
maintenant une mine, à Johns-Manville, qui n'est plus celle que vous
avez connue étant plus jeune, je crois. Je pense que, si vous avez eu
l'occasion de la visiter récemment, vous confirmerez avec moi que les
conditions ne sont plus les mêmes que celles d'il y a quinze ou vingt
ans.
De fait, je dois vous dire ceci: Lors du symposium mondial sur l'amiante
qui s'est tenu à Montréal il y a presque deux ans maintenant,
nous avons invité les gens qui s'y étaient
présentés et qui venaient de toutes les parties du monde à
venir visiter nos mines. Je dois vous dire que ces visites ont eu des effets
assez extraordinaires, même sur les adversaires les plus
irréductibles de l'amiante. Lorsqu'ils ont visité les mines, ils
ont constaté l'état de propreté extraordinaire qu'on y
retrouvait. Ils se sont mis d'accord pour dire que quant à eux, tout au
moins visuellement, il s'agissait là d'organisations et d'usines qui
étaient non seulement comparables mais qui présentaient des
circonstances d'environnement qui étaient meilleures que dans bien des
usines où on oeuvre d'autres produits que ceux de l'amiante. C'est pour
cela que nous, qui sommes fiers de nos mines, croyons que la meilleure
façon de montrer au monde qu'effectivement l'amiante ne tue pas mais au
contraire est un matériau fort utile est de les faire visiter.
M. le Président, c'est pourquoi je profite de l'occasion, au nom
des mines d'amiante, pour inviter tous ceux qui sont ici à venir
à l'occasion visiter nos mines d'amiante et constater par
eux-mêmes la propreté, la façon dont nous fonctionnons.
Vous avez pu constater lors des diaporamas que vous avez vus, par exemple, que
vous ne voyez pas cette poussière dont on parlait il y a quinze ou vingt
ans. Il n'est plus question de cela. Les camions qu'on utilise sont sous
pression positive de façon à empêcher la poussière
d'y pénétrer. Au concasseur primaire, où normalement on
aurait vu des nuages de poussière d'amiante, on ne voit plus rien. Vous
avez pu voir comment l'intérieur de l'usine, les tuyaux sont d'une
propreté impeccable. C'est la façon dont nous fonctionnons
maintenant.
M. le Président, ceci étant dit, je procéderai, si
vous voulez bien, à la présentation de notre mémoire que
je vais tenter d'écourter un peu si je le peux, compte tenu des
commentaires déjà faits, par exemple, par le Conseil du
patronat.
Avant d'aller plus loin, M. Dean, je voudrais vous dire ceci. Je me
souviens que, lors des auditions de la commission Beaudry, vous aviez
témoigné et vous aviez dit, en particulier, que vous trouviez
essentiel que les compagnies donnent l'information sur l'empoussiérage
aux employés. Effectivement, dès après la commission
Beaudry, les mines ont commencé - bien avant le projet de loi 17 -
à organiser la lecture paritaire des filtres qui reçoivent les
fibres d'amiante afin que, parallèlement, aussi bien syndicats que
patrons puissent ensemble constater l'état des lieux et prendre des
mesures d'un commun accord, si nécessaire.
De fait, nos rapports sur notre empoussiérage sont fournis
régulièrement au ministère de l'Énergie et des
Ressources, aussi bien qu'à la CSST. Je puis vous affirmer que
jusqu'à maintenant il n'y a pas eu une seule infraction commise et qu'il
n'y a eu aucune plainte portée non plus contre les compagnies à
la demande de qui que ce soit pour ne pas avoir respecté les normes de
la commission Beaudry.
L'Association des mines d'amiante du Québec, l'AMAQ, est une
société qui a été incorporée en vertu de la
troisième partie de la Loi sur les compagnies en juin 1948 et regroupe
cinq compagnies productrices d'amiante du Québec, à savoir: la
Société Asbestos Ltée, J.M. Asbestos Inc., les Mines
d'amiante Bell Ltée, Lac d'amiante du Québec Ltée et Carey
Canada Inc.
C'est le 27 juin 1975 qu'était adoptée la Loi sur
l'indemnisation des victimes d'amiantose et de silicose dans les mines et les
carrières. Cette loi prévoyait qu'un travailleur atteint d'une
incapacité permanente résultant de la silicose ou de l'amiantose
établie médicalement par un diagnostic positif avait droit
à une indemnité forfaitaire établie en proportion de son
degré d'incapacité permanente. S'il perdait son
emploi à cause de cette incapacité permanente, il avait
alors droit à une indemnité complémentaire
équivalant à 90% de son revenu net disponible.
La loi prévoyait également que le droit à
l'indemnité complémentaire pouvait être refusé et
discontinué ou suspendu dans le cas où sans raison valable on
refusait un nouvel emploi offert par la commission ou on abandonnait tel emploi
qu'on pouvait continuer à remplir.
Ainsi, la loi prévoyait spécifiquement la
possibilité que le travailleur atteint d'amiantose ne reçoive
qu'une indemnité forfaitaire mais que, si l'incapacité partielle
permanente dont il souffrait était telle qu'il ne pouvait continuer
à remplir l'emploi qu'il occupait à ce moment, il avait droit
à une indemnité complémentaire équivalant à
90% de son revenu net disponible jusqu'à l'âge de 65 ans.
Les études actuarielles qui avaient entouré l'adoption de
cette loi tenaient compte de différents éléments et
permettaient de s'assurer que le coût de l'application de la loi ne
serait pas prohibitif. Selon les études médicales les plus
avancées, telles les études du Dr McDonald et son groupe, les
travailleurs atteints d'amiantose avaient généralement
été exposés pendant une période de 20 à 30
ans et même plus à des concentrations supérieures à
50 et même à 100 fibres par centimère cube sur une moyenne
pondérée de 8 heures.
Déjà, au moment de l'adoption de la loi, les
concentrations retrouvées dans nos mines et usines étaient de
beaucoup inférieures à cet ordre de grandeur. De fait, lors des
auditions de la commission Beaudry, le taux d'empoussiérage que l'on
retrouvait dans certaines mines d'amiante dépassait rarement 10 fibres
par centimètre cube et, dans les installations modernes où l'on
avait déjà commencé à installer des systèmes
de dépoussiérage adéquats, le nombre de fibres par
centimètre cube était aussi bas que une à deux fibres par
centimètre cube.
C'est ce qui a permis à la commission Beaudry de conclure dans
son rapport en 1976 que la norme qui devait s'appliquer et qui était
applicable dans les mines d'amiante du Québec était de l'ordre de
deux fibres par centimètre cube avec un maximum de cinq fibres à
ne jamais dépasser.
J'ouvre ici une parenthèse, M. le Président, pour vous
expliquer que cette notion de deux fibres par centimètre cube, avec un
maximum de cinq, était une innovation dans le domaine des normes dans
les mines d'amiante. Ce qui s'est passé, c'est qu'à la commission
Beaudry on a fait des études actuarielles, des études très
poussées et on a fait des calculs pour savoir s'il était possible
de détecter en tout temps si on dépassait la norme voulue. Il y a
des stations géographiques dans les mines et aussi des
échantillonnages personnels faits par des gens qui se promènent
dans l'usine faisant le même travail qu'un employé de façon
à déceler si, au cours de son travail, il est exposé
à plus de deux fibres par cm3. (11 heures)
Quant aux stations géographiques, on a réalisé le
calcul suivant: C'est que, si votre station géographique ne
dépasse jamais cinq fibres en aucun moment, à ce
moment-là, vous êtes sûrs que vous êtes effectivement
à deux fibres en moyenne par cm . C'est pourquoi, lorsque nous nous
présentons dans le monde, on nous demande toujours quelle est la norme
au Québec. Est-ce cinq fibres ou deux fibres? Il faut expliquer cet
état de choses.
Tout ceci nous permettait d'estimer qu'à l'avenir les cas
d'amiantose qui pourraient être décelés seraient de plus en
plus rares et ne se retrouveraient que chez les employés plus
âgés ayant oeuvré dans les mines d'amiante alors que la
concentration de fibres était comme susdit supérieure à 50
fibres par cm3.
Enfin, comme ils se retrouvaient dans toutes les compagnies d'amiante,
aussi bien dans les mines que dans les usines, nombre d'endroits où la
concentration de fibres était même inférieure à la
norme de cinq fibres à ne jamais dépasser, c'est-à-dire
0,5 à une fibre - je corrige, ici vous avez 0,05 et il faut
écrire 0,5 - en moyenne par cm , on pouvait envisager la
possibilité que, même chez les travailleurs atteints d'amiantose
et dont l'incapacité était très peu élevée,
ceux-ci pourraient continuer à occuper leur emploi, sinon occuper un
emploi ailleurs dans l'usine.
Enfin, la loi prévoyait également que le travailleur qui
se verrait contraint d'abandonner son emploi pour en occuper un autre avait le
droit de conserver 50% de l'indemnité complémentaire s'il
occupait un autre emploi.
Il est bien évident, à la lecture de cette loi, que chaque
cas devait être traité individuellement et que les
décisions qui devaient être prises quant à la
capacité de travailler étaient de nature médicale, les
médecins devant, dans chaque cas, juger de l'état de santé
général du travailleur, de son âge, de sa capacité
à continuer à oeuvrer dans un endroit où il serait encore
exposé même à une faible concentration d'amiante.
C'est pour cette raison d'ailleurs que l'article 12 de la loi
prévoyait le recours à un arbitrage médical qui,
éventuellement, a été amendé par les bureaux de
révision qui, eux, sont obligés selon la loi de suivre les
décisions de l'arbitrage médical, ce qui n'a malheureusement pas
été le cas, comme on le verra plus tard.
Il était normal qu'une décision de pareille importance
qui, d'une part, privait un travailleur de son emploi et, d'autre part,
obligeait l'employeur à une cotisation de l'ordre de 150 000 $
à 200 000 $ pour chaque indemnité complémentaire
accordée à cette occasion fasse l'objet d'une étude
particulière objective et impartiale.
Malheureusement, dès le début de l'application de cette
loi, la direction de la Commission des accidents du travail, telle qu'elle
s'appelait alors, décida de systématiser l'octroi des
indemnités complémentaires à la suite des diagnostics
d'amiantose, sans égard à la portée du diagnostic, allant
même jusqu'à inviter chaque travailleur sur lequel était
porté un diagnostic d'amiantose à quitter son emploi sans
attendre l'issue de la contestation que pouvait inscrire l'employeur à
l'encontre de tel diagnostic ou encore que pouvait également inscrire le
travailleur.
En ce faisant, la commission ignorait totalement la possibilité
qu'une expertise médicale autre que la sienne en vienne à une
conclusion différente non seulement sur l'existence même du
degré d'incapacité mais également sur la capacité
de continuer au travail.
J'ouvre une parenthèse pour vous dire que ce qu'a fait la
Commission des accidents du travail, dès le début de
l'application de la loi 52 sur le remplacement de l'indemnité de revenu,
qui est une loi d'avant-garde et que vous reprenez dans le projet de loi 42,
c'est qu'elle a fait à peu près la même chose que font
toutes les commissions des accidents du travail dans le monde. Ces commissions
ont été habituées, depuis les années trente,
à accorder des indemnités selon des barèmes établis
à l'avance sur papier. Pour elles, un travailleur représente un
dossier de 7 x 8, avec un numéro et, lorsqu'on découvre à
l'occasion de ce dossier qu'il manque au travailleur, par exemple, un doigt, un
pied ou un orteil, cela vaut exactement quatre. Ce qui s'est passé,
c'est que la Commission des accidents du travail, devant cette nouvelle loi,
n'a pas saisi l'ampleur, la portée et la profondeur qu'elle devait avoir
dans son application, et n'a pas vu que, effectivement, dans un contexte comme
celui-ci, il fallait faire de la médecine individuelle et non pas
systématiser l'octroi des indemnités complémentaires ou
des subventions. La commission a refusé de le faire et s'est
entêtée dans un système où, selon elle, il fallait
absolument systématiser. Il fallait qu'en appuyant sur un bouton on ait
la réponse. C'est pour cela qu'on en est arrivé à ce
problème que j'aborde maintenant et qui est celui des certificats
médicaux que la commission a appelés sans raison des certificats
de travail, alors qu'ils n'en étaient pas.
En effet, la commission s'autorisait de ce qu'elle appelait un
"certificat de travail", qui était en fait un certificat médical,
prévu par l'arrêté en conseil 1787-75. Ce règlement
prévoit qu'un travailleur oeuvrant dans une mine doit subir annuellement
un examen médical complet, après quoi un certificat
médical lui est délivré. Le règlement
prévoit également qu'aucune personne ne peut employer un ouvrier
qui ne détient pas un certificat médical valide. Il
prévoit en même temps que c'est le directeur du service de
pneumologie de la Commission des accidents du travail qui émet le
certificat médical en question. Retenons ceci, l'arrêté en
conseil dont je vous parle avait été adopté en vertu de la
Loi sur les mines. On référait au service de pneumologie de la
commission le soin de faire les examens prévus par la Loi sur les mines.
Donc, il n'y avait pas de rapport direct avec la loi 52.
Je dois vous dire que les pneumologues de la commission, dans un premier
temps, ont émis les certificats médicaux modifiés,
c'est-à-dire des certificats qui disaient: Ce travailleur est atteint
d'amiantose dans une limite de 10% ou 15%; cependant, selon nous, il peut
continuer à travailler pourvu qu'il soit exposé à des
normes minimales. La chose s'est continuée pendant à peu
près une année, les médecins croyant que c'était
à eux de décider si oui ou non un travailleur devait continuer de
travailler. Cependant, la commission a décidé, au bout d'à
peu près une année, d'interdire au service de pneumologie
d'émettre des certificats modifiés et a exigé des
médecins que, chaque fois qu'un examen démontrerait une
incapacité partielle permanente due à l'amiantose, de quelque
degré que ce soit, les certificats soient retirés. À cette
occasion, il s'est presque produit une hémorragie au niveau des mines
d'amiante parce que la commission, dès l'examen complété,
avisait le travailleur qui était atteint d'amiantose, l'invitait
à quitter son emploi et lui suggérait de faire une demande de
prestation complémentaire.
C'est à ce moment-là que nous avons dans un premier temps,
dès le début de l'application de ce règlement, pris des
procédures en Cour supérieure et en Cour d'appel pour obtenir
l'octroi d'un bref d'évocation enjoignant la commission de cesser cette
pratique parce que, disions-nous, on n'avait pas une audition réelle
comme on le devrait en entendant chacune des parties. De plus, disions-nous, le
certificat en question, étant en contradiction avec la loi 52, ne peut
s'appliquer pour empêcher l'application de la loi en question.
À cette occasion la Cour d'appel a maintenu le bref
d'évocation, a permis l'émission du bref d'évocation avec
une requête et a dit ceci au sujet du certificat médical - c'est
le juge Mayrand qui parle à son auditoire et qui dit: "L'autorité
qui a le pouvoir d'accorder ou refuser un certificat médical a celui
d'accorder un certificat médical restreint qui autorise l'emploi
dans
un secteur déterminé."
Le lendemain du jugement de la Cour d'appel, nous nous sommes fait
demander par le gouvernement - nous étions au milieu de 1976 - de ne pas
procéder à l'émission du bref d'évocation. En
effet, si nous avions alors procédé à l'émission du
bref d'évocation, tous les paiements qui étaient en cours
auraient dû être suspendus. On nous a dit: "Acceptez un moratoire
et tentez de vous entendre avec la commission."
C'est ce que nous avons fait. Nous avons effectivement accepté un
moratoire. Nous avons rencontré la commission. Nous avons tenté
avec elle de discuter les possibilités d'une application plus
rationnelle et plus humaine de la loi 52, sans succès. Je vous dirai
même, M. le ministre, que nous sommes même allés
jusqu'à rencontrer les gens de la commission accompagnés des
représentants des syndicats dans chaque cas avec des listes de noms et
d'emplois qui étaient disponibles. Cela n'a rien donné du
tout.
Effectivement, au contraire, la commission a décidé de
tenter - c'est ce qui devait l'animer - de réexaminer tous ceux qui
avaient été déclarés atteints d'amiantose, de
même que d'autres qui prétendaient l'être. C'est ce qui a
donné lieu aux cas qu'on appelle aujourd'hui miraculés. Le nom
n'est pas de nous, je vous prie de me croire. En effet, lorsque la commission a
procédé à l'étude et à l'examen de nouveau,
par un nouveau groupe de médecins - le Dr Ostiguy, le Dr Jodoin, je
pense, et un autre médecin - il s'est avéré que, sur les
55 cas étudiés, les 28 diagnostics d'amiantose portés
étaient nuls et n'avaient aucune valeur, en ce sens que ces
gens-là n'étaient effectivement pas amiantosés.
Nous étions maintenant en 1979 et il y avait trois ans que la loi
était en application. Il y avait déjà trois ans que nous
disions à la commission qu'on ne devrait pas procéder de cette
façon. Il faudrait que chaque cas soit traité individuellement.
La commission nous avise alors que, devant cette circonstance, elle va
rembourser les mines d'amiante pour les complémentaires qui avaient
été capitalisés. Il s'agissait d'un remboursement de
l'ordre de 1 000 000 $ ou 1 500 000 $. On a évidemment accepté de
bonne grâce. La commission nous disait dans un même temps qu'elle
avisait ces gens d'avoir à aller en appel de la décision qui
mettait à néant le diagnostic d'amiantose porté, de sorte
qu'en attendant l'appel devant la CAS ils pourraient continuer à
être payés par la commission et chargés au fonds
général, non pas aux compagnies, puisqu'on venait de nous
rembourser.
C'est à ce moment-là que nous avons répondu
à la commission. Je suis à la page 8 de mon mémoire et je
vous fais grâce de la lecture de la lettre pour vous dire simplement
ceci. Dans cette lettre, que je vous invite à lire
éventuellement, nous disons à la commission: Ce qui vient de se
passer est exactement ce dont nous vous prévenons depuis le
début. Vous avez invité les travailleurs à quitter leur
emploi. Ces gens-là n'ont plus aujourd'hui le bénéfice de
leur convention collective, ont perdu leur ancienneté. Ils se retrouvent
devant rien. Il est bien évident que vous les mettez dans une position
intenable. Et nous prenions la peine de dire à la commission à ce
moment-là: À l'avenir, il faudrait que vous preniez des
dispositions autres, autrement, vous allez prolonger l'imbroglio et la chose va
être encore pire. Nous sommes rendus aujourd'hui en 1984 et l'imbroglio,
évidemment, a continué d'augmenter.
Je vous cite simplement le dernier paragraphe de la page 9 de mon
mémoire où nous disions à la commission: "Nous vous
rappelons également que nous avions protesté à
l'époque contre les avis de la commission envoyés aux
travailleurs concernés les invitant à quitter leur emploi, ce qui
avait amené les compagnies, dans chacun des cas où la chose se
produisait, à informer le travailleur concerné qu'il ne devait
pas quitter son emploi sans qu'une audition ait eu lieu devant la commission et
que, s'il le faisait, il courait le risque de perdre tous ses droits en vertu
de sa convention..."
Et, enfin, nous disions dans cette lettre à la commission que,
selon nous, la responsabilité morale, tout au moins, de la commission
était engagée vis-à-vis de ces gens-là et
qu'évidemment elle devait faire quelque chose à ce sujet. Nous
avons dans cette même lettre suggéré à la commission
de la rencontrer de façon à établir un modus vivendi sur
l'application de la loi 52.
Malgré cette offre renouvelée de l'AMAQ de négocier
un règlement à l'amiable du contentieux qui ne pouvait que
s'envenimer avec le passage du temps, la commission non seulement refusa toute
sorte de compromis, mais se mit dès lors en devoir d'adopter directives
sur directives et différents règlements qui lui permettaient de
se donner raison en prétendant, par exemple, déterminer ce que
devait être un diagnostic d'amiantose, que les comités d'experts
médicaux ne devaient pas envisager la capacité de retour au
travail lorsqu'ils posaient leur diagnostic, qu'un diagnostic d'amiantose, une
fois posé, ne pouvait être changé puisque, selon la
commission, ce n'était pas là une maladie régressive. Je
pense que la commission constatait, à ce moment-là, l'ampleur du
bourbier dans lequel elle s'était empêtrée: des millions de
dollars à réclamer des travailleurs surpayés et des
millions de dollars à remettre aux compagnies pour des
complémentaires chargés sans droit.
Nous avions tout au cours de ces
années tenté d'épuiser les recours, d'avoir les
recours aux instances qui se retrouvaient devant la commission. Je vous donne
un exemple, le cas de M. Alie où nous avions dit: Faisons ce cas de M.
Alie. Nous avions dit dans ce cas-là: Nous ne contestons pas que ce
monsieur a 10% d'incapacité. Nous prétendons cependant que des
médecins pourraient peut-être conclure que, malgré ces 10%,
il peut continuer à travailler. Après trois, sinon quatre brefs
d'évocation et après des auditions très longues,
après que six médecins eurent dit, l'un après l'autre,
qu'il pouvait, oui, continuer à travailler malgré son amiantose,
nous nous sommes retrouvés, alors que M. Alie avait 68 ans - donc, trois
ans dépassé le moment où le complémentaire devait
lui être payé - avec une décision de la Commission des
affaires sociales qui disait: Je ne puis décider qu'il peut travailler,
même si les médecins le disent, parce que la commission m'interdit
de le faire. Là, nous avions vraiment atteint le fond du tonneau. Nous
avions tenté, au niveau d'autres comités de révision, de
faire valoir différents arguments, mais sans succès. Nous avions
beau supplier les médecins qui devaient siéger comme arbitres
médicaux de poser un diagnostic complet, à savoir le pourcentage
d'incapacité et la possibilité de travailler. Chaque
médecin disait: Je ne peux poser un diagnostic sur la capacité de
travailler. On m'interdit de le faire.
Constatant que la commission avait décrété que ses
comités de pneumoconiose étaient infaillibles, que ses
comités de révision ne pouvaient agir librement, que les experts
médicaux nommés par les parties se voyaient limités dans
la portée de leur diagnostic, qu'il s'avérait impossible d'avoir
une audition pleine et entière sur des contestations logées et
qu'un nombre considérable de dossiers traînaient en longueur - je
vous souligne en passant qu'à cet égard il y a au-delà de
400 dossiers en suspens devant la commission - les membres de l'association
décidèrent, le 2 février 1982, de cesser tout paiement
à la commission en vertu de la loi et avisèrent la commission en
conséquence.
Comme par hasard, M. le Président, le mois suivant, la commission
adoptait un règlement prévoyant une augmentation du taux
d'intérêt de pénalité sur les paiements en
arrérage sans pour autant prendre quelque procédure que ce soit
pour réclamer des compagnies les montants qu'elles refusaient ainsi de
payer. Je dois vous dire que, pour ma part, j'espérais que la commission
prenne ces procédures, ce qui nous aurait donné un forum ailleurs
que devant les comités de révision, à savoir devant la
Cour supérieure, à l'occasion duquel forum j'aurais pu contester
le bien-fondé des réclamations. (11 h 15)
Entre-temps est arrivée l'affaire des certificats
médicaux. M. le Président, dès le début de cette
affaire un nombre considérable d'employés voulaient continuer
à travailler, même s'ils étaient affectés
d'incapacité partielle permanente, dans des emplois qui leur semblaient
sécuritaires après avoir vérifié avec leur propre
médecin, sinon avec d'autres médecins, à telle enseigne
qu'on retrouvait dans bien des mines quelquefois cinq, dix ou douze
travailleurs qui travaillaient sans ce fameux certificat médical.
Pendant un bout de temps on nous avait laissé la paix. On ne
poursuivait pas les compagnies. On avait pris quelques plaintes qu'on avait
retirées. Et voilà que la Commission des accidents du travail
décide de poursuivre une des compagnies en lui disant: Vous n'avez pas
le droit de garder à votre emploi les employés suivants: X, Y, Z,
parce qu'ils n'ont pas de certificat de travail. C'est alors que nous avons
contesté la légalité de la définition du mot
"ouvrier" contenue dans l'arrêté en conseil en question et que la
cour nous a donné raison en disant: La Loi sur les mines ne permet
d'adopter une réglementation quant au certificat médical que sur
les mines et non pas dans des moulins. Or, un moulin d'amiante, ce n'est pas
une mine. Conséquemment, le certificat, pour autant que je suis
concerné, ne peut s'appliquer.
Ce n'était là qu'un incident dans toute cette affaire, M.
le Président. On a voulu tourner autour de ce certificat comme
étant la causa causans de tout. Effectivement, dès le
début de nos contestations, nous avions toujours dit à la
commission que ce certificat médical n'était pas autre chose
qu'un certificat de médecin appelé à déterminer
l'état de santé de quelqu'un et sa capacité de travailler.
La Cour d'appel l'avait dit également dans le jugement du juge Mayrand.
Ainsi, nous vous disons tout de suite que, quant à nous, il est bien
certain que la loi s'applique aussi bien aux mines qu'aux moulins, le
certificat n'étant qu'un accessoire de l'examen que le médecin
peut faire passer à un employé.
Ce qui s'est passé, cependant, c'est ceci: Comme, chaque fois
qu'elle rendait une décision, la commission, au lieu de dire: J'ai
devant moi un rapport médical qui me dit que M. Untel a tant pourcent
d'incapacité et ne peut travailler à cause de cette
incapacité - ce qui aurait donné un certain sens à son
jugement - disait: Comme ce monsieur a perdu son certificat médical
-qu'elle lui avait enlevé dans un premier temps - il a donc perdu son
emploi à cause de l'amiantose et, ainsi, le cercle était complet.
La commission disait: Je lui enlève son certificat, je constate que je
l'ai enlevé pour, ensuite, constater que sans certificat il ne peut pas
travailler; donc, il a perdu son emploi à cause de l'amiantose.
Comme c'était là-dessus que la commission s'était
appuyée, elle avait fait la preuve complète et irréfutable
que jamais elle n'avait accordé une audition pleine et entière
aux parties et qu'effectivement elle n'avait jamais appliqué la loi 52
comme elle devait être appliquée, à savoir: porter dans
chaque cas un jugement pour savoir si oui ou non, à cause de cette
incapacité, l'ouvrier perdait son emploi.
C'est alors que nous avons décidé, le 15 juin 1983, pour
une des compagnies - nous avons fait un "test case" pour toutes les compagnies
- de poursuivre la CSST en recouvrement des réclamations. La preuve
devenait beaucoup plus facile dès que le certificat tombait parce
qu'elle n'avait même plus cette excuse-là rétroactivement,
il n'avait jamais existé. Nous avons donc poursuivi la CSST pour une
somme d'au-delà de 10 000 000 $.
Subséquemment, le 10 août 1983, bien avant l'annonce
même du projet de loi 42, trois membres de l'association, la
Société Asbestos, les Mines d'amiante Bell et Carey Canada,
instituèrent une requête pour l'obtention d'un jugement
déclaratoire, lequel jugement a été rendu le 14
décembre 1983.
C'est assez étrange que ce soit à la suite de
l'institution de ces procédures en jugement déclaratoire que tout
à coup la commission se réveille et décide de poursuivre
qui? La Société Asbestos pour faire homologuer des
décisions rendues contre elle et demander à la
Société Asbestos de payer une somme qui, je pense, se chiffre
à près de 1 000 000 $. Elle venait de choisir la
Société Asbestos comme victime.
Ce jugement de l'honorable juge Durand, je l'ai annexé dans mon
mémoire. Je cite ses considérants et ses conclusions. Je ne veux
pas, non plus, passer en revue le jugement du juge Durand. Qu'il me suffise de
vous dire ceci. Ce jugement déclaratoire du juge Durand confirme en tout
point ce que nous avions toujours prétendu, à savoir: 1 Que le
certificat médical, qu'il existe ou non, n'était pas un
empêchement de travailler; 2 qu'il n'était pas par lui-même
une raison de payer un complémentaire; 3 que la commission se devait
d'avoir une audition pleine et entière dans chaque cas. Et il se
réfère à cet égard à une jurisprudence de la
Cour suprême qui me semble inébranlable. Il se permet
également dans le cours du jugement de commenter la façon dont la
commission administrait sa réglementation, à savoir comment
l'amiantose devait être décelée.
Il donne un exemple assez intéressant, en particulier lorsqu'il
parle du cas d'Émile Dion - c'est à la page 16 du mémoire
vers la fin - où il dit que la façon d'agir de la comission est
peut-être humanitaire, mais totalement illogique et illégale.
Il prend le cas d'Émile Dion à qui un
DAP de 15% avait été reconnu en 1976. En janvier 1982,
à la suite d'un nouvel examen, un comité de pneumoconiose n'a pu
déceler de trace de DAP mais - tenez-vous bien -s'est senti
obligé de maintenir le diagnostic d'amiantose, même s'il n'existe
pas, parce que la commission lui avait dit qu'il n'avait pas le droit, face au
bureau de révision, de changer un diagnostic. Alors, on dit: C'est vrai,
ce monsieur n'est pas malade, nous le constatons. Cependant, comme la
commission nous dit de le trouver malade, nous le trouvons malade. Je ne vous
raconte pas de blagues, c'est la vérité.
Voici ce que dit le juge en conclusion: Émile Dion, qui
était à sa retraite lors de la dernière décision de
l'agent d'indemnisation de l'intimée, se voit non seulement
confirmé à un DAP de 15% alors qu'il ne présente aucun
symptôme d'amiantose, mais il se voit accorder une invalidité de
27% alors qu'il ne travaille pas! Le bureau de révision a réduit
ce taux à 15%, mais le juge dit qu'il aurait dû le réduire
à zéro.
C'est là que le juge Durand dit: Moi, je vois ce que disait le
juge Mayrand. Il a toujours dit à la commission: Écoutez, ce
foutu certificat médical n'est pas ce que vous en pensez. Ce n'est pas
la raison de faire du systématisme. Au contraire, cela permet à
un médecin de décider si on peut travailler ou non. Il trouve
difficile d'accepter que la commission n'ait pas suivi ce que l'honorable juge
Mayrand lui suggérait. La commission, évidemment, a inscrit en
appel le jugement de l'honorable juge Durand. Je ne la blâme pas; c'est
le droit de chacun de le faire. Mais elle doit quand même se rendre
à l'évidence aujourd'hui, puisqu'elle n'a plus l'excuse du
certificat médical sur lequel le jugement final est intervenu, au moins,
quant à elle, dans les moulins. Elle risque de voir confirmer le
jugement de l'honorable juge Durand, ce qui réduira
considérablement ses chances d'obtenir quoi que ce soit de la
société Abestos. Elle va, évidemment, confirmer les
réclamations faites par Johns-Manville et celles à venir par la
société Asbestos, de même que par Carey et Bell.
On comprend maintenant la portée véritable des amendements
qui ont été suggérés, M. le ministre, par la
Commission des accidents du travail. Je pense que c'est un secret de
polichinelle que la Commission des accidents du travail est celle qui a
préparé une bonne partie du projet de loi et propose les
amendements en question. Je dois vous dire, M. le ministre, qu'à la
lecture des amendements qu'on vous a proposés - je dis bien qu'on vous a
proposés; je n'oserais pas dire que c'est vous qui pourriez en
être l'auteur - on voit que, si on acceptait les amendements tels que
rédigés, ils auraient les effets suivants. D'abord, dans un
premier temps, ils réduiraient à néant toutes les
contestations déjà engagées devant les organismes
de la commission. Je vous ai dit qu'il y en a au-delà de 400 en suspens.
Dans un deuxième temps, ils réduiraient à zéro les
chances de J.M. Asbestos Inc. de recouvrer la somme de 10 000 000 $ qu'elle a
payée en trop. Troisièmement, ils confirmeraient le droit de la
commission de réclamer de la société Asbestos ce qu'elle
lui réclame et l'empêcheraient elle-même de réclamer
ce qui lui revient. La même chose pour Bell et pour Carey. Le total des
montants que pourraient réclamer ces compagnies se chiffre à
environ 23 000 000 $.
Je dois vous dire que, M. le ministre, quand j'ai regardé le
projet de loi, je me suis dit que j'étais un peu en face du genre de
projet de loi que les gens de l'impôt sur le revenu nous font
régulièrement. Quand vous finissez de les lire, on vous explique
longuement que tout ce que vous pouviez faire dans le passé, vous ne
pouvez plus le faire et qu'à l'avenir, si vous trouvez de l'argent pour
payer votre impôt, grand bien vous fasse. Je dois vous dire
également que j'ai été un peu scandalisé, et je
présume que cela n'a pas été fait de mauvaise foi, de voir
comment on tentait de mettre de côté le recours des gens
déjà devant les tribunaux en vertu d'une loi existante pour
déclarer comme cela, tout à coup, que tous ces recours n'existent
plus. Cela m'apparaissait de la rétroactivité pure et simple.
Encore une fois, nous sommes en commission parlementaire pour discuter de ces
choses. Je n'en fais pas une accusation de mauvaise foi à qui que ce
soit, mais je dis qu'à première vue on ne peut que conclure
ceci.
M. le Président, j'évoque maintenant quelques articles
rapidement, parce que d'autres ont déjà été
examinés à la commission par le Conseil du patronat. Par exemple,
à l'article 32 et aux suivants, on voit que la commission parle de
former un nombre de comités de pneumoconiose et de comités de
présidents pour conclure ensuite, après avoir formé tous
ces comités de pneumoconiose qui, selon moi, sont appelés
à poser un diagnostic quelconque, que c'est elle qui décidera si
le travailleur est atteint d'amiantose ou de silicose, en tenant compte du
diagnostic établi par le comité spécial. Je ne comprends
pas. De deux choses l'une: ou la commission va accepter le rapport
médical de ses médecins ou elle ne l'acceptera pas.
Il m'apparaît, à toutes fins utiles, que si on a fait
l'article 35 tel qu'il est rédigé, c'est
précisément pour que la commission puisse encore, comme elle l'a
fait dans le passé, décider ce qu'est l'amiantose. Je vais vous
donner un exemple de ce que la commission pouvait faire. Encore une fois, ce
n'est pas un blâme que je lui porte directement, mais les faits sont
là. La commission s'est avisée un jour de décider ce
qu'était l'amiantose. Elle a voté un règlement pour nous
expliquer ce qu'était l'amiantose. J'ai déjà entendu
parler de médecine faite par des médecins, mais c'est la
première fois de ma vie que je voyais un conseil d'administration
sérieusement décider ce qu'était une maladie.
Souvenez-vous bien que, dans ce règlement qu'elle a adopté, elle
dit que, même si on ne retrouve pas de signes pathognomoniques chez un
travailleur, on doit le déclarer atteint d'amiantose, même s'il ne
présente pas de diminution des capacités respiratoires. Le signe
pathognomonique en médecine, nous dit-on, est un signe évident
qui ne trompe pas; c'est un signe qui signe une maladie. On le voit à
première vue, disent les médecins.
Chacun sait que dans l'amiantose, c'est complètement faux, il n'y
a pas de signe pathognomonique. Il y a au moins quatre ou cinq critères,
dont pourra vous faire part le Dr Lesage en temps utile, qui ne sont pas
faciles. C'est une des maladies les plus difficiles à cerner. Mais, on
prend la peine d'ajouter: Même s'il n'y a pas diminution de
capacité respiratoire. On vient de le dire, même s'il n'y a aucune
incapacité, même si vous ne voyez pas d'amiantose, cet individu
aura droit à 5% d'incapacité partielle permanente. Je vous dis
que, lorsque je lis les articles 32 à 35, je me dis: Est-ce là
que la commission veut encore s'en aller? Je vous préviens: je me dis
que, si vous le laissez comme cela, c'est ce qui va se passer de nouveau, avec
le résultat que l'on connaît. Non seulement chez les
amiantosés, mais chez d'autres travailleurs qui sont appelés
à subir le même sort. L'exemple est valable pour tout le
monde.
J'en viens à l'article 52. Là, vraiment, il faut avoir un
sens de l'humour un peu triste pour voir cet article intitulé "52". En
effet, c'est de la loi 42 dont on parle aujourd'hui, et la commission - je vois
M. Bernier sourire - dans un cynisme, qui peut être amusant par ailleurs,
décide que ce sera à l'article 52 qu'on va légaliser
toutes les erreurs qu'on a commises jusqu'à maintenant. Tenez-vous bien.
Il est là. Vous avez entendu ce que j'ai dit sur le certificat de
santé: II est mis de côté jugement sur jugement. La Cour
d'appel a parlé. Le juge Durand a parlé. C'est très clair,
cela ne veut rien dire. Le certificat de santé, c'est uniquement une
excuse pour la commission de porter elle-même le diagnostic. Voici ce que
dit l'article 52: "Le travailleur qu'une décision finale reconnaît
atteint d'amiantose ou de silicose et à qui la commission refuse ou
retire le certificat de santé exigé par un règlement
adopté en vertu de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail est considéré incapable
d'exercer son emploi en raison de cette maladie lorsque son emploi l'expose
à la poussière d'amiante ou de silice."
Il y a deux choses ici, M. le Président. La première,
c'est la suivante: Si vous
adoptez pareille loi, vous direz à la commission: Nous ne
connaissons pas la teneur du règlement que vous voulez adopter, mais
nous vous faisons confiance. Grand bien vous fasse! Nous ne faisons pas
confiance à la commission. C'est comme dire à la commission:
Faites le règlement que vous voulez, on ne sait pas très bien de
quoi il s'agit, mais en temps utile, vous vivrez avec cela. La deuxième
est plus grave, on vous demande comme législateurs de porter un
diagnostic médical. En effet, on vous dit d'accepter le fait que, sur un
certificat quelconque que la commission aura adopté -on ne parle pas de
décisions médicales - le travailleur sera reconnu incapable
d'exercer son emploi en raison de cette maladie. Cela me permet peut-être
de vous parler en passant de ce qui est convenu d'appeler le "black lung " aux
États-Unis. Aux États-Unis, il y a eu en 1970 une loi
fédérale d'adoptée qui s'appelle le "black lung
legislation". Il s'agissait alors d'adopter une loi sur l'anthracose. Il y
avait eu des problèmes dans les mines de charbon et le gouvernement
fédéral américain a décidé d'adopter une loi
qui prévoyait que tout travailleur qui aurait travaillé pendant
dix ans dans une mine de charbon serait présumé atteint
d'anthracose, autrement dit, appelée le "black lung" parce que la
radiographie montre un poumon sur lequel on trouve des poussières de
charbon. (11 h 30)
En 1982, le General Office of Accounting du gouvernement
américain a fait une étude des réclamations
accordées à ce jour. Il y en avait eu pour 6 000 000 000 $
d'accordées. Lors de l'étude en question, on a découvert
que 84% des diagnostics posés étaient non fondés et on
s'est réveillé avec exactement le problème qu'on a
aujourd'hui: des travailleurs se voyant refuser le droit de continuer à
recevoir les prestations et des compagnies réclamant des milliards de
dollars. Je vous dis qu'à partir du moment où le
législateur veut faire de la médecine il ne reste plus rien de la
médecine. À mon sens, la médecine doit être
laissée aux médecins et non pas à des administrateurs. Je
vous dis que, si vous adoptez l'article 52 tel que rédigé, c'est
ce que vous aurez fait. Soulignons en passant que l'article 52 ne s'applique
pas seulement dans les mines et les carrières; il est
général. Donc, il s'applique à tout endroit où on
retrouvera de l'amiante: manufactures, mines, moulins, fonderies, ateliers,
constructions de routes ou d'édifices où les travailleurs sont
exposés à la silice et à l'amiante.
Si on adopte l'article tel quel, il suffira à la commission de
retirer un certificat de santé à M. X, Y ou Z pour qu'il ne
travaille plus jamais dans le même endroit parce qu'effectivement, si on
regarde où se retrouve l'amiante, on saura d'abord qu'il y en a
certainement à Asbestos et à Thetford Mines. Si on poussait le
raisonnement à l'absurde, je dois vous dire que vous avez un
"background" - c'est le mot à employer -d'amiante partout dans le monde
entier. On retrouve de l'amiante dans les glaciers, on en retrouve partout dans
le monde entier, on en retrouve dans tous les sols. C'est une fibre qui est
extrêmement volatile, qui se retrouve partout. En "background" dans le
monde entier, il y a de l'amiante. À l'absurde, la commission pourrait
dire: On retire le certificat à ce monsieur dans la province de
Québec, par exemple, là où on en retrouve le plus au
monde. Il pourra toujours aller travailler ailleurs ou autrement. Je vous dis
que cela n'a aucun sens et que cela ne tient pas compte des
réalités quotidiennes.
M. le Président, je passe l'article 248 dont a déjà
traité le Conseil du patronat. Je passe également l'article 250
pour vous dire uniquement qu'on retrouve à cet article des clauses qui
m'ennuient un peu, qui ne sont peut-être pas aussi pires que les autres
mais qui sont tout de même choquantes: où il s'agit d'amiantose et
de silicose on restreint les recours des employeurs, à ce moment,
à uniquement deux des recours prévus par ces articles qui en
contiennent quand même huit.
J'en viens maintenant à l'article 285 qui se lit comme suit - il
faut lire cela, je suis resté un peu estomaqué quand je l'ai lu
-: Les dispositions de la Loi sur les accidents du travail, LRQ, chapitre A-3,
sont remplacées par les dispositions correspondantes de la
présente loi à la date de l'entrée en vigueur de celle-ci
et dans la mesure indiquée par les proclamations faites suivant
l'article 364.
Très honnêtement, je me demande un peu comment, si vous
deviez adopter pareil article, quiconque pourra se retrouver pour savoir au
lendemain de l'adoption quels sont les articles effectivement amendés.
Je ne connais pas beaucoup la technique législative mais il
m'apparaît que, normalement, quand on amende un article, on le dit en
blanc et noir et on ne laisse pas comme cela les gens se dire: Bon! Tout ce que
j'ai à faire, c'est de comparer les deux lois et, chaque fois que j'y
retrouverai une correspondance, je me dirai: Tiens, elle a du être
amendée.
Remarquez bien qu'on nous dit qu'il y aura une proclamation de faite. Je
ne voudrais pas être à la place de celui qui sera obligé de
déterminer quelles proclamations il va faire pour dire: Je
décide, moi, que telle disposition en est une de concordance, donc
qu'elle s'applique. Imaginez-vous ce que cela ouvrirait comme porte aux
contestations juridiques en disant: Le ministre s'est trompé, ce n'est
pas cette concordance, c'est l'autre. Cela m'apparaît un nid d'abeilles
duquel il faut se retirer le plus rapidement possible. Encore une fois, nul
n'est censé ignorer la loi. Encore faut-il qu'on sache les
articles de la loi qu'on est censé connaître. Dans le projet de
loi on semble nous dire: Ne vous en faites pas, vous le saurez en temps utile.
On vous le dira en temps utile. Tenez-vous bien et, le jour où la
commission conviendra qu'il commence à être temps de mettre tel
article en vigueur, vous le saurez. Vous aurez un avis de 30 jours et on vous
dira ce qui concorde. En attendant, préparez-vous.
J'ai eu envie de lui dire ce que quelqu'un m'avait dit lorsque j'avais
manqué mes examens de droit. J'avais écrit un
télégramme à mon frère disant: Prépare papa,
mes examens sont manqués. Il m'a répondu: Papa
préparé. Prépare-toi. Quand la commission me dit:
Préparez-vous, je lui dis: Je suis préparé.
Préparez-vous!
M. le ministre, j'en viens maintenant aux articles qui, à mon
sens, m'apparaissent les plus... Ce sont ceux dont je parlais tout à
l'heure. Je ne conçois pas qu'on ait vraiment pensé à
aller aussi loin que la lecture que je fais de cet article. Ce sont les
articles 358, 359 et 360. Il n'y a pas de doute possible, quand on lit ces
articles, que ce sont des articles qui suppriment totalement et absolument
toutes les contestations déjà engagées qui rendent
légales les décisions déjà rendues au niveau des
complémentaires et qui mettent à néant le jugement du juge
Durand aussi bien que celui de la Cour d'appel à intervenir ou toute
autre réclamation que nous pourrions faire valoir.
À titre d'exemple, on oblige tout bureau de révision et
même la Commission des affaires sociales à se dessaisir de toute
demande de révision ou de tout appel qu'un employeur a pu faire
lorsqu'il s'agit du droit à une indemnité. Je dis que ce n'est
pas possible et concevable qu'on veuille aller si loin. Je suis convaincu que
ce n'est pas ce que voulait faire la commission, ce n'est pas ce qu'elle
pouvait avoir voulu. Je ne peux aller si loin que cela. Je connais les
procureurs de la commission. Ce sont des gens responsables et j'ai eu à
me battre avec eux dans plusieurs circonstances. En passant, nous avons
gagné à chaque fois. Quoique, à bien dire, dans cette
affaire d'amiante, jusqu'à maintenant nous avons gagné toutes les
batailles mais je vous jure qu'on perd la guerre souvent. Je veux vous dire
qu'avec ce projet de loi, vraiment, c'est le couronnement d'une longue
série de batailles desquelles nous sortons vainqueurs mais perdants.
Je ne crois pas que mes confrères aient pu aller si loin que
cela. Il m'apparaît que... Enfin, je ne peux aller plus loin que cela.
Quand je lis un article comme l'article 360 qui se termine comme ceci:
malgré toute décision ou tout jugement postérieurs lui
déniant ce droit, je me dis que ce n'est pas possible qu'on aille si
loin que cela. Je vous souligne simplement que la charte des droits ne permet
pas pareil amendement. C'est aussi simple que cela.
En conclusion... Incidemment, je vous engage... Dans ce mémoire,
il y a malheureusement une erreur à la page... Vous retrouverez la page
33 de mes conclusions insérée entre les pages 2 et 3, je pense,
du jugement du juge Durand. Je ne sais pas si elle est allée se loger
là d'elle-même. Elle s'y trouvait peut-être plus
confortable. Selon nous, M. le Président, les articles proposés
32, 33, 34, 35, 43, 52, 159, 248, 250, 343, 344, 358, 359 et 360 sont nettement
discriminatoires et rétroactifs. Ils devraient être
retranchés du projet de loi, ne fût-ce qu'une simple mesure
d'équité et de justice naturelle.
En rendant jugement comme il l'a fait, l'honorable juge Durand a
confirmé cet énoncé de principe contenu dans la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne à
l'article 23, à savoir que - et je cite l'article 23 - ...S'il y a un
temps où on peut le citer, c'est celui-ci parce que, lorsqu'on lit le
jugement du juge Durand, c'est presque une copie conforme: "Toute personne a
droit, en pleine égalité - qu'elle soit riche ou pauvre -
à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal
indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de
la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de
toute accusation portée contre elle."
Il n'y a aucun doute que les articles du projet de loi 42 que nous avons
commentés dans ce mémoire ont été
rédigés uniquement pour contrer le jugement déjà
rendu et les procédures judiciaires présentement en cours et,
partant, vont à l'encontre de la charte elle-même.
Que conclure des représentations que nous vous faisons? Il y a
deux possibilités, M. le Président: ou bien la LIVAS doit
demeurer - je parle de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'amiantose et
de silicose - ...Le jugement du juge Durand explique blanc sur noir comment
elle peut et doit s'administrer. Nous pourrions fort bien continuer à
vivre avec cette loi de la façon dont le juge Durand dit qu'elle doit
s'appliquer.
Nous avons démontré tout au long de ce mémoire que,
si la CSST avait respecté les principes fondamentaux de
l'équité et de la justice et qu'elle s'était
contentée, comme c'était son mandat, d'administrer la loi et non
pas de l'aménager selon sa philosophie personnelle - en somme, si la
CSST s'était contentée d'administrer et avait laissé la
médecine aux médecins - elle ne se retrouverait pas aujourd'hui
dans le bourbier dont elle tente maintenant de s'extirper par le biais d'une
loi d'exception.
Nous proposons donc, M. le ministre, de
conserver la LIVAS, sauf pour l'aménagement suivant: II y aurait
lieu, selon nous, de remplacer l'intervention du bureau de révision par
un arbitrage médical, c'est-à-dire un médecin choisi par
l'employeur, un autre par le Comité consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre ou le ministre du Travail et un troisième par le
travailleur. Ce conseil d'arbitrage siégerait en appel, à la
demande de l'une ou l'autre des parties, des décisions des
comités de pneumoconiose de la CSST, aussi bien sur l'existence ou le
degré d'incapacité que sur la capacité de travailler et
l'endroit du retour au travail. C'est d'ailleurs cet arbitrage médical
qui avait été prévu dans un premier temps dans la LIVAS et
qui, par la suite, a été remplacé par les bureaux de
révision par un amendement à la Loi sur les accidents du
travail.
S'agissant d'une décision médicale, les délais
occasionnés par une audition devant un organisme tel que les bureaux de
révision et qui ouvre la porte à toutes les tergiversations
juridiques n'existeraient plus. Je vous rappelle en passant qu'il a
été décidé par la Cour d'appel qu'au niveau de
l'arbitrage médical les parties n'y ont pas d'affaire et qu'on ne peut
se plaindre de ne pas avoir eu d'audition devant un bureau médical. Il
suffit d'être prévenu que son arbitre est présent, on n'a
pas d'affaire là; donc, exclusion des avocats et des parties. Laissons
le libre choix des médecins. De là, il y aura appel à la
Commission des affaires sociales, non pas de novo, c'est-à-dire avec
entente des nouveaux témoins, mais sur le dossier tel que
constitué. La décision sur le complémentaire qui, alors,
interviendrait rapidement, ne serait exécutoire qu'une fois l'appel
vidé. De cette façon, on éviterait ainsi les erreurs
malheureuses commises dans le passé: L'amiantose n'est pas un mal subit
mais ne se manifeste souvent qu'après plus de vingt années
d'exposition. Il n'y a donc pas d'urgence à une exécution
provisoire.
Si, cependant, dans un souci d'uniformité, on voulait inclure
dans la loi 42 les victimes de l'amiantose et de la silicose, nous ne voyons
pas pourquoi les mines, les carrières et les exploitations de produits
silicieux - pas plus d'ailleurs que pour les autres produits toxiques -
feraient l'objet d'un régime d'exception puisque la loi 42
prétend adopter les principes de base de la LIVAS, à savoir,
l'indemnité de remplacement du revenu.
Il est évident cependant que, quant à nous, la loi 42
devrait d'abord être profondément modifiée. À cet
égard, nous tenons à vous souligner que nos membres endossent
dans une large mesure les recommandations du Conseil du patronat quant aux
amendements à y être apportés.
En conclusion, si la CSST veut faire payer le coût de ses erreurs
passées, qu'elle le dise franchement et qu'elle propose une loi qui ne
pénalisera ni les employeurs ni les travailleurs; que, pour le reste,
elle suive les directives de la cour lui indiquant de façon claire et
non ambiguë la manière dont la LIVAS doit être
interprétée et appliquée. Qu'elle tienne compte
également pour l'avenir, comme vous voudrez le faire dans le
présent projet de loi, de la charte des droits et libertés et des
recommandations des tribunaux dans l'exercice de ses pouvoirs quasi
judiciaires.
Je termine en vous disant, M. le Président, que l'industrie de
l'amiante québécoise, depuis une dizaine d'années, fait
face à des attaques constantes dans le monde entier. Nous avons à
livrer une bataille féroce dans le monde entier. Nous avons dû,
avec l'aide des deux paliers de gouvernement, aller nous battre, par exemple,
à la Communauté européenne pour réussir à
obtenir de celle-ci qu'il n'y ait pas le bannissement de l'amiante à
l'intérieur de la Communauté européenne. Nous avons encore
des batailles très dures à livrer en Allemagne où
d'aucuns, et surtout les lobbies du substitut, demandent le bannissement de
l'amiante. Nous avons réussi au BIT à Genève, avec la
collaboration des syndicats et des patrons, ensemble, quelque chose
d'exceptionnel où nous nous sommes mis d'accord avec les unions
internationales pour que, effectivement, il n'y ait pas bannissement de
l'amiante mais bien un code d'emploi de l'amiante sécuritaire.
Nous avons actuellement une bataille d'envergure à livrer aux
États-Unis. Nous en avons livré d'autres que nous avons
gagnées. Par exemple, en Floride, nous avons réussi à
faire déclarer inconstitutionnel un statut de l'État de la
Floride qui interdisait l'usage de l'amiante dans les édifices publics.
Nous livrons actuellement un combat à Washington devant trois juges -
nous avons demandé une injonction intérimaire qui nous a
été accordée; nous sommes au niveau de l'interlocutoire et
attendons le jugement -pour interdire à l'OSHA d'établir un
standard d'urgence sur l'usage de l'amiante. Nous espérons avoir un
jugement qui nous sera favorable. Pendant que nous faisons ceci, nous avons
EPA, Environment Protection Agency, des États-Unis, qui a annoncé
publiquement, sans se gêner, que dès le mois de juillet elle
entendait adopter une réglementation, sujette à étude,
nous dit-elle. Mais elle nous avertit d'avance qu'elle demandera le
bannissement de l'importation de produits d'amiante aux États-Unis et le
bannissement de l'usage des produits d'amiante partout aux États-Unis.
Ce n'est pas une mince affaire que d'avoir à se battre contre ces
organismes. (11 h 45)
Les énergies que nous avons à consacrer dans le monde
entier pour défendre l'amiante, c'est là qu'on doit le faire. Je
ne
crois pas que ce soit ici au Québec qu'il soit nécessaire
de se battre contre un organisme comme la CSST pour faire reconnaître nos
droits. Quand on va dans le monde entier en disant que nous savons comment
utiliser l'amiante, qu'on se retourne ensuite pour nous dire que, même au
Québec, la CSST interdit à quelqu'un de retourner à deux
fibres, il faut croire que l'amiante, c'est très dangereux. Ce n'est pas
très facile de vivre avec cela. Ce dont on n'a surtout pas besoin, c'est
une loi d'exception ici au Québec alors qu'on se bat pour des lois
d'exception dans le reste du monde. Je vous dis que, si la loi est
adoptée telle quelle, vous aurez fait une exception de l'amiante qui
sera évidente et avec laquelle nous devrons vivre quand nous irons dans
d'autres pays tenter de les convaincre de ne pas faire de loi d'exception pour
l'amiante parce que, disons-nous, c'est un matériau qui peut s'employer
en toute sécurité dans le monde entier. Voilà, M. le
Président, les remarques que nous voulions vous faire. Nous serons
heureux d'accepter toutes les questions que vous voudrez bien nous poser.
Le Président (M. Paré): Merci, M. Casgrain.
Effectivement, nous allons passer à la période d'échanges.
La parole est maintenant à vous, M. le ministre.
M. Fréchette: Je vous remercie, M. le Président. Je
veux aussi remercier Me Casgrain, ainsi que les personnes qui l'accompagnent.
Je suis d'autant plus heureux de le faire parce que, comme il l'a
lui-même rappelé, entendre parler de l'amiante, cela fait partie
de ma petite histoire. C'est peut-être pour cela que le sujet qu'on est
en train de traiter m'intéresse beaucoup. Il y a aussi évidemment
d'autres motifs. Je vais convenir sans hésitation avec vous, Me
Casgrain, qu'on ne retrouve plus maintenant, dans les villes d'amiante, ce que
l'on retrouvait il y a 10, 15 ou 20 ans, soit quelque chose qui ressemblait
à deux pouces de neige en plein milieu des mois de juillet et
d'août. Je vais convenir de cela avec vous sans aucune réserve. Il
y a eu à cet égard une grande amélioration.
Je vous signalerai également comme remarque
générale que, si l'objectif que vous visiez ce matin était
de nous sensibiliser à une situation qui a créé des
embarras depuis un bon moment, à tous ceux qui sont impliqués
dans le processus, autant employeurs que travailleurs, cet objectif a
effectivement été atteint. Il est évident que nous devons
être sensibilisés à la situation que vous avez
décrite dans tous les détails. Je vous dirai en blague, Me
Casgrain, que les informations qu'on a quant aux cas actuellement pendants
devant ou bien les bureaux de révision ou la Commission des affaires
sociales sont de 200 d'après nos chiffres. Encore une fois, en blague,
je vous dis simplement que j'espère qu'il ne me faudra pas diviser par
deux toute l'argumentation que vous nous avez soumise. Enfin, vous comprendrez
qu'il n'y a aucune espèce de malice là-dedans, mais c'est quand
même important de voir quel est très précisément le
nombre de cas qui sont actuellement soumis ou bien aux bureaux de
révision ou alors à la Commission des affaires sociales.
Autant dans votre mémoire que dans votre argumentation, il
m'apparaît que vous attirez notre attention sur deux situations bien
précises. Que fait-on dans le futur? Comment traiter ce qu'on pourrait
convenir d'appeler, pour les besoins de la discussion, le passé? Prenons
le premier chapitre. Évidemment, vous faites référence
très précisément aux articles 28 à 35 de la loi. Je
vous signalerai que, jusqu'à maintenant, les groupes ou les organismes
qui se sont prononcés sur ce chapitre ont, comme vous, attiré
notre attention de façon plus particulière sur les dispositions
de l'article 35 de la loi et comme vous, notre attention a été
attirée aussi par les implications ou les conséquences que cela
pouvait entraîner. Je voudrais simplement vous signaler, dans un premier
temps, les motifs pour lesquels l'article 35 se retrouve là où il
est, en vous signalant dès maintenant que je suis tout à fait
disposé à réévaluer le libellé de cet
article ou, alors, même la philosophie qu'on y retrouve pour rejoindre
les préoccupations que vous nous avez soumises. Mais, je vous dirai que
l'article 35 était là pour le seul motif suivant, c'était
pour permettre à l'une ou l'autre des deux parties de pouvoir se
prévaloir d'un droit d'appel devant un organisme quasi judiciaire ou
judiciaire si l'une ou l'autre, encore une fois, n'était pas satisfaite
de la décision du deuxième comité.
En fait, le raisonnement était essentiellement le suivant et
c'est là-dessus qu'il faudra avoir des précisions. Nous nous
sommes dit: En droit strict, il est impossible de porter en appel un diagnostic
médical. Je ne vois pas comment, ni devant quelle instance et à
partir de quel droit, je pourrais, demain matin, prendre le diagnostic
médical du comité des présidents et me retrouver ou bien
devant le bureau de révision ou devant la Commission des affaires
sociales ou alors devant la Cour supérieure et demander qu'on
réévalue ou qu'on modifie les conclusions d'un diagnostic
médical. Cela ne nous apparaissait pas possible.
L'autre choix qui se présentait, c'était de dire:
Dès lors que le comité des présidents s'est
prononcé, voici une décision finale et cela, personne n'a
semblé vouloir accepter ce processus, davantage les employeurs que les
syndicats parce que certains syndicats - je ne dis pas tous - nous
ont représenté que, lorsque six spécialistes
s'étaient prononcés sur l'état d'un salarié, ce
devait être dans leur évaluation suffisant pour avoir une
idée exacte et précise de la pathologie ou de l'état de
santé de la personne qui était concernée.
Et là, la troisième préoccupation qui est
arrivée a été de dire: S'il n'y a pas de moyens d'appel,
nous voici en contravention directe avec les dispositions de la Charte des
droits et libertés de la personne. Il eut fallu avoir une disposition
qui aurait commencé par "malgré" ou "nonobstant". Bon! C'est le
genre de choses à laquelle je ne pouvais pas souscrire.
Donc, la raison pour laquelle l'article 35 est là, en tout cas,
l'objectif qui était visé - si vous êtes en train de
plaider que peut-être que le texte ne répond pas à cet
objectif, là-dessus, je suis disposé à reconsidérer
la situation, comme je vous le disais - cet objectif était strictement
pour permettre l'appel. Là où cela faisait problème,
c'était dans l'interprétation qu'on donnait aux mots "en tenant
compte de". Les termes "en tenant compte de" étaient-ils suffisamment
forts pour lier la commission au diagnostic rendu par le comité des
présidents? Je vous signalerai que l'intention, c'était cela.
L'intention était de faire en sorte que la commission soit liée
par le diagnostic du comité des présidents et que la
décision de la commission confirmant ce diagnostic fût, elle,
appelable. Bon!
C'étaient donc les intentions que nous avions en incluant dans le
projet de loi cet article 35, mais au fur et à mesure que les travaux de
la commission avancent ou évoluent au fur et à mesure
également que des renseignements sont acheminés aux deux
commissions, la commission parlementaire et la commission de santé et
sécurité, je vous signale qu'un cheminement est en train de se
faire qui viserait essentiellement deux objectifs. À ce stade-ci je ne
vous parle qu'en termes d'objectifs, étant entendu entre nous que les
modalités ne sont évidemment pas arrêtées, les
technicités non plus, les processus opérationnels non plus. En
termes d'objectifs, l'évolution que nous sommes en train d'essayer de
faire serait d'arriver aux deux conclusions suivantes: II faudrait soustraire
le pouvoir décisionnel en matière médicale de la
commission de santé et sécurité. Je vous signale à
cet égard que c'est le genre de cheminement que nous sommes en train de
faire.
Deuxièmement, nous sommes également en train de voir
comment finaliser une décision en vertu de laquelle l'évaluation
médicale que l'on ferait de l'état d'un salarié devrait
être le seul critère ou le seul élément
déterminant quant à l'option qui doit être prise dans le
cas de la personne qui est soumis à discussion. Je vous signale que ce
cheminement est en train de se faire, que l'objectif, c'est très
précisément d'y arriver mais, encore une fois, vous me
demanderiez ce matin de vous mettre sur la table les modalités et les
technicités d'un semblable processus, je ne pourrais pas le faire, je ne
pourrais pas répondre à votre question.
Qu'est-ce qu'on pourrait retrouver à l'intérieur de cette
évaluation médicale dont on parle? On pourrait retrouver un
certain nombre d'éléments. Il m'apparaît évident que
la première chose qu'on devrait y retrouver, qu'on devrait y lire, c'est
une conclusion quant à l'existence ou la non-existence de l'amiantose.
Je pense bien que là-dessus on va tous s'entendre et rapidement sur la
nécessité qu'on retrouve dans l'évaluation médicale
ce genre de renseignement.
Il faudrait aussi très probablement que l'on fasse en sorte que
cette même évaluation réfère au pourcentage
d'incapacité. Ça aussi, ça m'apparaît
procéder du sens commun des choses que cette information se retrouve
dans l'évaluation médicale.
Qu'on voie aussi les possibilités - enfin, je pense que les
possibilités sont là - qu'une décision soit
acheminée dans le sens que l'on retrouve dans l'évaluation ou
dans le rapport médical une description de la limitation des
capacités fonctionnelles, ça m'apparaît aussi aller de soi
et se dégager des deux premières conclusions dont je viens de
parler.
Après que les parties auraient été mises en face de
cette évaluation dont on vient de parler, il va bien falloir que tout le
monde évalue maintenant quels seront les mécanismes de
réassignation, s'il doit y en avoir. Ça aussi, c'est au centre
des préoccupations qui devraient retenir, me semble-t-il, l'attention de
tout le monde.
Il faudra trouver un mécanisme. À ce stade-ci je ne le
mets sur la table qu'à titre de suggestion, peut-être bien pour
alimenter les discussions, mais est-ce que les mécanismes de
réassignation ou de non-réassignation ne devraient pas être
soumis aux procédures conventionnelles ou autres qu'on retrouve
déjà à l'intérieur de la ou des entreprises
concernées? Je vous réitère qu'à ce stade-ci de nos
discussions je ne le mets sur la table que pour fins de discussion, de
suggestions et, si possible, pour fins d'alimentation de notre débat.
Finalement, cela nous amène à une troisième
considération qui est tout aussi importante que les deux
premières. Si un litige devait survenir, ou bien quant aux conclusions
de l'évaluation médicale, ou à l'égard de toute
autre considération de l'ensemble du dossier, et que les
mécanismes d'assignation dont je viens de parler ne peuvent pas, non
plus, arriver à trancher le litige à la satisfaction des deux
parties, comment nous faudrait-il trouver l'instance, ou le moyen, ou
l'institution qui sera investie de la juridiction nécessaire pour
trancher ce litige?
(12 heures)
Je vous ai entendu, Me Casgrain, suggérer la formation d'un
comité d'experts médicaux au nombre de trois, l'un
suggéré par la partie patronale, l'autre suggéré
par la partie syndicale et le troisième étant
désigné par le ministre du Travail. Je vous signale mes
appréhensions quant à cette proposition. J'aurais la crainte que
nous nous retrouvions purement et simplement devant l'équivalent de ce
qu'est, par exemple, un tribunal d'arbitrage. Que l'on soit en matière
d'arbitrage de griefs, d'arbitrage de différends sur lesquels tribunaux
nous retrouvons des représentants de toutes les parties et un
président investi du caractère de l'objectivité et de la
neutralité, il est acquis au départ dans plus de 95% des cas
qu'on aura toujours une décision à deux contre un et qu'on aura
toujours des décisions et des dissidences qui seront bien
motivées.
Enfin, là-dessus, je vous signale mes appréhensions sans
élaborer sur le sujet, mais j'aimerais vous dire plutôt ce vers
quoi je souhaiterais qu'on exploite les avenues qui seraient possibles pour
sortir de ces imbroglios dont vous parlez. Est-ce qu'il ne serait pas
indiqué, approprié, dans les circonstances, que toute
matière contentieuse ou tout litige à cet égard soit
référé à une instance indépendante de la
commission? Quand je parle d'indépendance par rapport à la
commission, je parle d'indépendance à tous égards:
indépendance politique au sens très large du terme,
indépendance de relation d'autorité, enfin à tous
égards. Une commission qui deviendrait le tribunal habilité
à disposer de tout litige contentieux - enfin, litige et contentieux,
cela va de soi - qui serait habilité à disposer de toute
décision qui fait litige et qui ne fait pas l'affaire de l'une ou
l'autre des deux parties, y incluant, bien sûr, les problèmes
vécus dans votre champ d'activités, cette commission pourrait
remplacer le mécanisme des actuels bureaux de révision. Elle
pourrait également - et je vous signale que c'est le cheminement qui est
en train de se faire et qu'il n'y pas à cet égard de
décision formelle encore, mais on y pense sérieusement -
remplacer la Commission des affaires sociales et devenir l'unique instance
habilitée à se prononcer sur toute matière relevant de la
politique de santé et de sécurité.
Je pense que, sur les principes, il y a un certain nombre de choses que
vous nous avez soumises sur lesquelles je viens de vous faire part de
l'état de notre réflexion et je ne sais pas si je me trompe, mais
j'ai l'impression qu'on se rejoint à certains égards. J'ai
l'impression qu'on se rejoint et peut-être bien, encore une fois, qu'il
faudra voir de plus près la question des modalités techniques
comme, par exemple, la suggestion que vous faites quant à l'instance
habilitée à décider des litiges et celle dont je vous
parle. Mais, encore une fois, sur le plan des stricts principes, il y a un bout
de chemin qui a été fait et qui va rejoindre les
préoccupations que vous nous avez soumises. Je signale en même
temps que les préoccupations que vous nous avez soumises rejoignent des
préoccupations syndicales aussi. Des représentations nous ont
été faites qui rejoignent étroitement celles que vous nous
avez représentées ou bien par votre mémoire écrit,
ou par l'argumentation verbale que vous avez faite ce matin. Ce serait donc
l'optique générale vers laquelle on pourrait penser aller pour ce
qui regarde le futur. De plus, vous avez également une
préoccupation importante pour le passé. Je suis tout à
fait conscient des motifs qui président à ces
inquiétudes.
Me Casgrain, vous avez fait avec force détails l'historique de
toute la situation qui a été vécue depuis l'adoption de la
loi 52, depuis 1975, les interprétations qu'on en a faites. Vous avez
également fait état avec insistance des nombreuses
péripéties judiciaires qui ont accompagné tout ce
débat depuis 1975-1976, qui ont créé des problèmes
je l'ai dit au début - autant aux employeurs qu'aux salariés qui
se sont retrouvés à un moment donné braqués
à l'intérieur d'un processus judiciaire qu'ils étaient les
premiers à n'avoir pas réclamé, mais ils s'y sont
retrouvés par la force des choses. Vous avez également fait
état du sort qui a été réservé à la
loi 52 par les tribunaux. Je pense plus précisément au jugement
du M. le juge Fortin à Sherbrooke, dans le district de
Saint-François, qui a conclu que la loi 52 dans sa rédaction
actuelle n'était pas ce qu'on avait toujours cru qu'elle pouvait
être, particulièrement au chapitre de la définition que
l'on devait donner aux termes "mine" et "ouvrier". Enfin, tout cela pour vous
dire qu'il y a effectivement eu des péripéties de toute
espèce qui ont créé des embarras à beaucoup de
monde.
On a fait grand état des personnes qui avaient déjà
été déclarées amiantosées et qui se sont
trouvées excluses par la suite, ou bien par la production d'un nouveau
diagnostic médical, ou alors par ce jugement de cour ou d'autres
jugements de cour dont je viens de vous parler. Je ne vous cache pas que toutes
ces péripéties judiciaires nous amènent dans une
espèce de situation où il nous faut nous poser des questions
beaucoup sur les notions de droit strict et sur les notions de juridisme rigide
par rapport aux notions d'équité et de justice naturelle. Il nous
faut de toute évidence, à partir de tous les états des
dossiers qu'on connaît, faire une réflexion sur ces notions de
droit, d'équité et de justice. Je vous signale que depuis que les
jugements sont connus, que les
tribunaux se sont prononcés, j'ai, quant à moi,
tenté de pousser une réflexion sur ces notions dont je viens de
vous parler. Cela devient passablement contraignant. Cela devient difficile de
départager toutes les limites de ces différentes notions.
En tout état de cause, la loi dans sa facture actuelle indique
assez clairement, me semble-t-il, le désir du gouvernement de faire en
sorte que ces travailleurs, dont on a parlé depuis que les tribunaux ont
rendu ces jugements, qui n'ont fait finalement que se prévaloir des
dispositions d'une loi qui, à leur égard ou selon leur
appréciation, leur donnaient des droits, je ne vois pas comment le
gouvernement pourrait faire en sorte que ces gens soient
pénalisés autant pour le passé, le présent que le
futur. Je vous dis qu'actuellement c'est l'état de ma réflexion
à partir de ce dont je viens de vous parler.
Par ailleurs, il y a une autre préoccupation qui est tout aussi
fondamentale, et vous l'avez soulevée, Me Casgrain, avec insistance.
L'intention, autant de celui qui vous parle que du gouvernement, ce n'est pas
de faire en sorte de limiter des droits auxquels l'une ou l'autre des parties
pourrait prétendre. Ce que je veux dire à cet égard, c'est
qu'il m'apparaît évident que les litiges qui sont actuellement
devant les tribunaux, qu'on est convenu d'appeler tribunaux de droit commun:
Cour supérieure, Cour d'appel, enfin, tous ces litiges qui sont
actuellement soumis à l'appréciation des tribunaux doivent
continuer leur cours normal jusqu'à jugement si nécessaire, ou
alors jusqu'à ce que - je ne sais pas, c'est un dossier à
l'intérieur duquel je suppose que les parties impliquées peuvent
se parler jugement intervienne, ou jusqu'à ce que les parties,
s'étant parlé, ayant évalué le contenu de ces
dossiers, arrivent à une autre conclusion.
Je vous signale ma préoccupation de ne dessaisir d'aucune
façon les tribunaux de droit commun à qui actuellement ces
dossiers ont été soumis. Si la rédaction de la loi telle
qu'on la retrouve actuellement pouvait porter à ce genre
d'interprétation, c'est-à-dire que, si la rédaction de la
loi laissait des doutes quant à l'intention que je viens d'exprimer, je
vous signale que nous allons de toute évidence procéder à
la remanier de façon que cette intention soit très clairement
identifiée dans la loi.
Maintenant, il va se poser une question d'imputation de paiement
à un moment donné, c'est évident. Je vous signale que, si
les litiges qui sont actuellement devant les tribunaux devaient procéder
et il me semble que, sous la réserve de l'autre solution dont je parlais
il y a un instant, ils devront continuer, mais si ces litiges devaient
continuer et que les tribunaux en venaient à la conclusion qu'il n'est
ni légal ni autrement acceptable que ces paiements soient imputés
aux employeurs concernés, c'est vers cet objectif qu'il faut aller.
Quelle autre solution faudra-t-il envisager ou quel autre moyen
faudra-t-il prendre? Je ne suis pas en mesure ce matin de vous le dire, mais il
est évident dans mon esprit que, si par un jugement de cour ou par toute
autre forme qui permettrait d'arriver à conclure les litiges qui
existent actuellement, il fallait arriver à la conclusion que ces
paiements ne doivent pas être imputés aux employeurs
concernés, je n'ai aucune hésitation à aller vers cette
solution.
Je m'excuse, j'ai pris tout le temps qui était à ma
disposition. Je croyais utile de le faire pour au moins vous mettre au courant
de l'état de la réflexion au moment où on se parle, de
vous indiquer également vers quelle alternative le tout semble cheminer
et vous signaler aussi une réflexion personnelle: ces avenues dont je
parle ou ces perspectives vers lesquelles on pourrait aller ne m'apparaissent
pas devoir créer quelque préjudice que ce soit aux travailleurs
de l'amiante en général.
Encore une fois, c'est l'état de ma réflexion à ce
stade-ci. Je suis tout à fait disposé à
réévaluer les possibilités dont je vous ai parlé.
Il ne me reste qu'à vous remercier de votre présentation. (12 h
15)
Le Président (M. Paré): Merci. Est-ce que vous
voulez faire un autre commentaire?
M. Casgrain: Est-ce à dire, M. le Président, que
mon temps est aussi écoulé?
M. Cusano: C'est ce qu'il vient de dire. M. Casgrain: Ah bon!
Le Président (M. Paré): Oui, malheureusement. La
parole est maintenant au député de Viau.
M. Cusano: M. Casgrain, je vais vous assurer que je serai
très bref dans mes remarques pour vous permettre de répondre
à certaines questions.
Première remarque, je suis très heureux ce matin de ce que
j'ai entendu de la bouche du ministre selon quoi, finalement, il semble
s'aligner vers une imputation des coûts à un autre organisme que
la CSST. Je crois que cela va résoudre beaucoup de problèmes,
spécialement lorsqu'on parle... On a souvent déploré non
seulement cette question des miraculés, mais aussi la question des
surpayés administratifs; la CSST a fait toutes sortes d'erreurs
administratives et ces coûts sont imputés à la CSST
même et, par différence, aux employeurs.
Une petite remarque que je voudrais aussi faire sur votre
présentation des diapositives. C'était une très bonne
présentation, mais j'ai compté seulement trois personnes
dans toute la présentation, trois employés sur le site. Je ne
sais pas si cela a été fait volontairement ou non. En tout cas,
l'impression que cela m'a donné, c'est qu'il semble y avoir très
peu de personnes qui travaillent dans une mine et que tout se fait
automatiquement en pesant sur des petits boutons à droite et à
gauche. En tout cas, vous pourrez commenter cela par la suite.
Mes questions sont d'ordre général. Vous avez
déjà répondu à quelques-unes, mais j'aimerais avoir
un peu plus de clarifications. Vous parlez de l'étude du Dr McDonald et
de son groupe. Il est dit dans votre mémoire que pour être atteint
d'amiantose il faut être exposé à 50 ou 100 fibres par
centimètre cube durant une période de huit heures pour une
durée de 20 à 30 ans. Je présume que ceci serait
d'être atteint d'amiantose en totalité. Si vous permettez que je
fasse un peu le parallèle, c'est que, si on parle d'une insuffisance
cardiaque en tant que maladie, est-ce qu'on dit que quelqu'un n'est atteint
d'une insuffisance cardiaque que lorsque le coeur arrête
complètement ou lorsqu'il commence déjà à
démontrer des signes d'insuffisance? Pourrais-je avoir des commentaires
sur cette question des 50 à 100 fibres par cnrr huit heures par jour et
ce, pendant les 20 ou 30 ans de travail dont vous parlez en faisant
référence au rapport McDonald?
M. Casgrain: Je vais demander au Dr Michel Lesage de vous
répondre sur cette question précise.
M. Lesage (Michel): Merci, M. le Président. Je pense que
ce qui est dit dans le mémoire à la page 2, c'est que, selon les
études du Dr McDonald, les travailleurs qui ont été
atteints d'amiantose avaient été généralement
exposés à ces niveaux. Il ne faudrait pas inverser et dire qu'il
faut être exposé nécessairement à 50 ou 100 fibres
pendant X années, huit heures par jour, etc. Mais l'étude a
révélé que les gens ont été exposés
pendant des périodes de 20 à 30 ans à des concentrations
qui, à cette période, étaient souvent supérieures
à 50 et même 100 fibres par cm3. Quelle concentration
pouvons-nous avoir? Aujourd'hui, aux concentrations que nous avons, 2 fibres
par cm, c'est évidemment une tout autre histoire. La mention de 50
à 100 fibres était pour indiquer à quel point ces gens qui
ont fait de l'amiantose avaient été exposés et à
des niveaux très élevés par rapport à ce qui existe
actuellement.
M. Cusano: Cela va. Mais, lorsqu'on parle d'une personne atteinte
d'amiantose, il y a certains degrés d'amiantose, n'est-ce pas?
M. Lesage: Oui.
M. Cusano: Toujours en faisant référence à
cela, quelle serait la gravité du cas d'un individu?
M. Lesage: Actuellement, il y a des gens qui sont atteints
d'amiantose et il y a des diagnostics d'amiantose qui sont faits où,
généralement, pour ceux que l'on voit, la majorité, je
pense - j'aurais dû apporter ces statistiques avec moi - 65% des cas
diagnostiqués ont entre 10% et 15% d'incapacité, de DAP,
c'est-à-dire de déficit anatomo-physiologique. Il est très
rare de voir des diagnostics supérieurs à 25% ou 30%. Il y a eu
des cas - qui sont encore actuels, puisque c'est irréversible - de gens
qui ont été très exposés et qui ont eu des DAP plus
élevés que 25%, 30% ou 35%.
Mais, actuellement, la majorité des cas, je pense - c'est
malheureux car je sais que la CSST et nous avons ces statistiques - qui ont
été diagnostiqués de 1976 à 1982 sont de l'ordre de
65% ou 67% qui ont un diagnostic inférieur à 20%, soit de 10%
à 15%.
M. Cusano: Si vous avez ces statistiques, Dr Lesage, j'aimerais
bien que vous les envoyiez ici au secrétariat des commissions.
M. Lesage: Sûrement.
M. Cusano: Parce qu'il y a souvent des difficultés
à obtenir des renseignements de la CSST.
J'aurais une autre question concernant surtout l'aspect de ce qu'on
pourrait considérer être le risque zéro pour une personne
atteinte. M. Casgrain en a parlé. J'aimerais qu'il nous précise
un peu, lorsqu'il dit qu'il y a dans l'environnement - même ici dans la
salle - peut-être un nombre de fibres plus élevé que ce qui
existe dans les mines, dans les usines. Est-ce que cette présence -
j'aimerais que votre réponse soit appuyée par des chiffres, des
statistiques -de fibres dans l'atmosphère est causée par le fait
qu'on a employé, peut-être de façon négligente,
l'amiante dans le passé ou bien cette présence est-elle
causée par un fait naturel, comme vous avez mentionné que vous
trouviez des fibres même dans des glaciers? Y a-t-il moyen de nous dire
exactement qu'elle serait cette présence de fibres dans une
région donnée comme Montréal et Québec? Est-ce
dû à l'emploi de l'amiante ou bien du fait naturel?
M. Lesage: II existe, au niveau naturel, ce qu'on appelle le
"background noise", le bruit de fond. Ceci n'est pas dû en soi à
l'usage qui a été fait de l'amiante de façon industrielle.
L'amiante est la roche serpentine, cela fait partie du sol, de la
terre. Cela existe un peu partout dans le monde, mais pas à un
niveau commercial, c'est-à-dire à un niveau où il est
intéressant de le retirer du sol, où il est intéressant
d'en faire une mine. On retrouve des fibres d'amiante un peu partout dans le
monde. C'est comme cela qu'on en a retrouvé même dans des
glaciers. Ce n'était pas du tout parce qu'il y avait eu usage
industriel, mais tout simplement par phénomène naturel. On en a
retrouvé dans plusieurs eaux de villes et de villages, quand il y a des
aqueducs publics qui viennent de source naturelle tout simplement. Dans les
endroits où il n'y a aucune industrie d'amiante, il y en a dans l'eau
parfois, et on en a trouvé à des niveaux très
élevés, et de façon surprenante, parce que l'eau courait
sans doute sur des veines où il y a de l'amiante dans le sol.
Quand vous allez dans d'autres mines -je pourrais vous dire cela - soit
de nickel, de charbon ou de n'importe quoi, vous creusez et vous avez encore de
l'amiante non industriel à ce niveau. On dit que c'est une mine autre,
mais il y en a là aussi. Chaque fois que vous avez une carrière,
il y a possibilité qu'il y en ait. Chaque fois qu'on brasse le sol, il y
a possibilité de faire ressortir des fibres d'amiante et c'est souvent
une fibre qui est facilement en suspension dans l'air ou qui voyage facilement
par les cours d'eau. C'est pourquoi il y a un bruit de fond et ce bruit de fond
doit toujours être analysé comme tel en dehors de toute usine ou
de tout usage, soit d'isolation, soit dans des édifices publics ou
encore dans des usines de production.
M. Cusano: Mais ce bruit de fond se chiffre à combien?
Combien de fibres par cm3 pourrait-on retrouver normalement?
M. Lesage: C'est difficile à dire. Il y a peu
d'études sur le sujet. J'en connais une au Massachusetts, parce qu'il y
a eu des études de faites par rapport à une école qui
avait été isolée à l'amiante et, finalement, les
gens qui ont eu à faire les prélèvements dans
l'école se sont dit: Oui, mais on va sortir dehors et on va aller voir
ce qu'il y a aussi à l'extérieur. Ils trouvaient des taux
très bas, évidemment, dans l'école, 0,2 et 0,3. Ils sont
sortis à l'extérieur et ils ont trouvé...
Une voix: ...
M. Lesage: J'ai dit 0,2, c'est 0,02 et 0,03 dans ce cas-là
et ils ont trouvé à l'extérieur 0,04. Dans cette
étude, ils ont dit: On prend comme bruit de fond 0,04. Tout ce qui est
inférieur à cela à certains endroits, on ne peut pas
affirmer que cela vient des murs, puisque le bruit de fond atmosphérique
dans cette zone est de 0,04. Qu'est-ce qu'il est ailleurs? Il peut être
plus élevé, mais la seule chose que je peux affirmer, c'est qu'il
est au-dessus de zéro. Il n'y a pas d'exposition zéro.
M. Cusano: L'autre question que M. Casgrain a très bien
expliquée - et peut-être qu'il pourrait, s'il le désire,
l'exposer davantage - c'est la question de l'impact économique. Lorsque
les producteurs d'amiante ont à se présenter dans le monde
entier, ils tentent de convaincre la population ou le consommateur que
l'amiante ne cause aucun danger, alors qu'ici, au Québec, on exige, on
fait une règle d'exception pour la personne qui y serait exposée.
Selon les informations que vous avez données, le nombre de fibres
présentes dans une usine ou dans une mine est infime. Est-ce que vous
voulez expliquer davantage ces problèmes vis-à-vis du nombre de
tonnes qui ont été vendues ou exportées du Québec
vers l'extérieur? Quel est tout l'impact économique du fait qu'on
concentre tellement jusqu'à se rendre presque à la norme
zéro ici au Québec?
M. Casgrain: L'impact économique est le suivant: Si vous
alliez la psychose de l'amiante qui a commencé il y a une dizaine
d'années - peut-être bien avant, mais qui est devenue très
accentuée il y a une dizaine d'années - à la crise
économique, on a eu des résultats absolument tragiques dans
l'amiante. Je peux vous dire que les ventes d'amiante - je ne suis pas en
mesure de vous donner les chiffres précis - ont chuté d'au moins
la moitié, partant de 1 200 000 tonnes à 600 000 tonnes. Nos
ventes ont baissé énormément à telle enseigne que
la situation est rendue très difficile pour nombre de mines.
Ce qui se passe actuellement, c'est qu'on a réussi dans une large
mesure, surtout au niveau de la commission ORCA, Ontario Royal Commission of
Asbestos, à démontrer et à faire admettre, même
à des gens comme Nicholson, qu'il n'y avait pas de problèmes dans
les mines d'amiante au Québec, premièrement, parce que c'est de
la chrysotile et non de la crocidolite qui semblerait avoir des effets beaucoup
plus néfastes. C'est ce que nous disons partout. (12 h 30)
Ce que je tentais de dire, c'est qu'il ne serait pas très bon
pour nous, alors qu'on se promène justement en disant qu'on a
démontré qu'au Québec on savait, nous, oeuvrer dans
l'amiante, qu'on se retrouve ensuite à se faire poser des questions sur
un régime d'exception qu'on nous imposerait. C'est un argument qui est
peut-être un peu subjectif, si vous voulez, mais il est quand même
là. Les producteurs, les fabricants d'amiante disent aux mines
d'amiante: Faites votre devoir dans le monde, venez nous aider. Et, lorsqu'on y
va, on commence par
démontrer comment nous fonctionnons, nous. Si on n'est pas
capable de partir d'ici pour dire: Écoutez, au Québec, on a
réussi à contrôler la situation et l'amiante chrysotile au
Québec ne présente pas de danger pour qui que ce soit, vous
comprenez que ce n'est pas facile de pousser le raisonnement beaucoup plus
loin.
C'est dans ce sens que je vous exprimais l'idée qu'une loi
d'exception nous paraît un boulet considérable à
transporter avec nous. Je dirai, par exemple, que nous entendons, au centre
d'information sur l'amiante qui existe actuellement, aller dans les pays du
Tiers-Monde, ou ailleurs où on commence à avoir des usines de
fabrication de produits finis, présenter nos films pour dire:
Écoutez, si vous ne voulez pas avoir les problèmes des
Américains et ceux qu'on a connus nous-mêmes chez nous,
nettoyez-vous et faites ce qu'on fait chez nous. À partir de là,
on nous demande: Que faites-vous chez vous? Quel est l'état de la
situation? Vous voyez la comparaison qui s'établit. C'est ce que je
voulais dire.
M. Cusano: D'accord. Ma dernière question: Je
présume que le ministère de l'Environnement est souvent rendu
chez vous?
M. Casgrain: Oui.
M. Cusano: Je présume que le ministère de
l'Énergie et des Ressources est aussi souvent rendu chez vous comme, on
le sait fort bien, la CSST semble être en permanence chez vous.
Pouvez-vous me dire s'il y a concordance entre les directives qui sont
émises par l'un ou l'autre ministère? J'en ai mentionné
seulement deux, mais peut-être y en a-t-il d'autres qui sont
mêlés à cela. Je ne sais pas si le ministère du
Commerce extérieur en fait partie. Pouvez-vous nous dire s'il y a
concordance entre les suggestions, les directives qui émanent des
différents ministères et celles qui vous sont imposées par
la CSST?
M. Casgrain: Vous touchez un point sensible, M. Cusano. Vous
touchez un point très sensible. Nous nous entendons très bien
avec le ministère de l'Environnement. Ce sont des gens qui connaissent
et qui comprennent le domaine minier. Je dois vous dire que, lorsque la CSST
nous a demandé de lui faire parvenir une copie de tous les plans qu'on
utilise à l'intérieur des usines pour le défibrage... Dans
un premier temps, d'abord, chaque compagnie tient à la
confidentialité de ses plans; dans un deuxième temps, pour les
comprendre, il faut savoir ce que c'est. On a trouvé cela un peu
extraordinaire. On s'en est plaint. On a envoyé quelques plans. Je ne
suis pas sûr qu'on les a tous envoyés et, même si elle les a
reçus, je ne suis pas sûr qu'elle les ait compris non plus. C'est
la première chose. On trouve étrange que la CSST nous dise:
Envoyez-nous vos plans de défibrage. La deuxième chose:
L'inspection faite par la CSST, je dois vous dire qu'on trouve assez
étrange que quelqu'un qui ne connaît aucunement le domaine minier,
tout à coup étant inspecteur, se présente chez nous pour
venir faire une inspection. On a eu un incident particulier où on avait
accusé une compagnie d'être au-dessus de la norme de deux fibres
sous prétexte que nos stations géographiques étaient
à cinq fibres. J'ai dit: Ce n'est pas possible; ils vont certainement
comprendre, quand ils vont regarder la loi, que, si on est à cinq fibres
aux stations géographiques, on est à deux fibres en moyenne. Mais
non, l'inspecteur a dit: C'est regrettable, c'est peut-être vrai, mais on
fait la constatation. On a fait trois jours d'enquête à
Sherbrooke; on a fait venir Juteau et les autres de la commission Beaudry pour
démontrer à ces messieurs qu'effectivement, quand on était
à cinq stations aux géographiques, nous étions en
deçà de la norme. Si vous me demandez ce que vient faire la CSST
dans l'inspection de nos mines, je dois vous dire que les mineurs vont vous
répondre - et pas seulement nous -qu'elle n'a pas à venir chez
nous. Nous, on aimerait qu'il y ait des inspections faites par des gens qui
connaissent le milieu. Vous me posez la question et je vous réponds
très candidement.
M. Cusano: C'est précisément pourquoi je pose ma
deuxième question. J'avais dit que ce serait la dernière: De qui
exactement devrait relever toute cette question d'inspection?
M. Casgrain: Les gens des mines ont toujours dit à tous
les gouvernements qui sont passés l'un après l'autre que
l'inspection des mines devrait se faire sous l'égide du ministère
de l'Énergie et des Ressources. Nous croyons également que
l'environnement devrait se faire par le ministère de l'Environnement et
non par la CSST. Je vous dis cela en passant. Quand on va discuter de normes
tantôt, à savoir si on va à 1 fibre, à 1,5 fibre ou
autrement, nous croyons que ce sont des gens de l'Environnement qui devraient
s'en occuper, avec audition d'experts pour voir si la chose est faisable et
valable. Je n'ai pas de suggestions à faire au gouvernement, à
savoir comment organiser sa maison, mais je vous dis que, pour notre part, on
trouve que ce sont les ministères concernés qui devraient
s'occuper des problèmes en question: l'environnement, le
ministère de l'Environnement, les mines, le ministère de
l'Énergie et des Ressources. Cela paraît très simple, mais
c'est comme cela qu'on le voit.
Est-ce que je peux maintenant reprendre, M. le ministre, quelques-unes
des
questions que vous avez formulées? Je ne sais pas trop
comment...
M. Cusano: Ce sera sur mon temps, mais allez-y.
M. Casgrain: Je m'excuse, ce sera rapide. Vous avez parlé
de 200 appels au lieu de 400. Je dois vous dire que vous avez raison en
principe. Ce qui se passe, c'est ceci au niveau de J. M. Asbestos, comme de la
Société Asbestos, de Carey et de Bell: il y a effectivement en
conflit véritable 200, sinon 250 causes qui sont, à mon sens, en
suspens à la Société Asbestos, chez Carey et chez Bell,
pour lesquelles il n'y a pas eu d'appel de logé, mais pour lesquelles
nous croyons cependant que le jugement du juge Durand s'applique en ce sens que
les décisions étaient nulles au départ. C'est ce que je
voulais dire. Effectivement, vous avez raison. D'appels présentement en
suspens devant la commission, je pense qu'il s'agit de 200. Je parle toujours
beaucoup plus des cas en bas de 15% et autres.
Vous avez également parlé des spécialistes. C'est
vrai, j'ai entendu moi aussi le raisonnement que six spécialistes ne
peuvent se tromper. Seulement, je dois vous dire une chose, c'est que,
d'après notre expérience, ils se sont trompés au moins 25
fois au niveau de l'application de la loi 52. Les comités de
spécialistes dont parle la CSST, quand vous voyez la façon dont
ils veulent faire des comités, des présidents et ainsi de
suite... Ce que la CSST a de la difficulté à comprendre, c'est
que les médecins ne sont pas des machines et qu'ils ne pensent pas tous
de la même façon. Alors, cela la fatigue énormément
de penser qu'elle aurait six pneumologues à son emploi et qu'il pourrait
y avoir des gens, parmi trois comités formés de deux chacun ou de
trois chacun, qui ne s'entendraient pas sur le diagnostic posé par l'un
et par l'autre, mais la médecine est faite comme cela. C'était la
raison de la structuration de ces fameux comités de pneumoconiose. On
voulait s'assurer qu'il y ait le même diagnostic posé dans tous
les cas. On dit: Ce n'est pas le nombre de spécialistes. Il faut que les
spécialistes, les médecins soient libres de poser les diagnostics
qu'ils veulent.
Cela m'amène à vous parler de ceci: quand vous parliez
tout à l'heure de la possibilité des aménagements aux
articles 28, 32 et suivants, je vous suis et je vois bien que vous avez raison.
Ce que vous vouliez vraiment dire par 35, c'est que, s'il y a une
décision qui doit intervenir, il faut que cela en soit une vraie et que
ce ne soit pas seulement une décision médicale. Je vous suis
là-dessus, mais là où j'ai des difficultés, c'est
que, si on devait considérer cette décision des comités de
pneumologues de la commission des accidents du travail, ces derniers à
l'intérieur de la commission devraient jouir d'une très grande
liberté aussi bien vis-à-vis de la commission que des
bénéficiaires. C'est une chose importante. À cet
égard, je vous dirai qu'il ne serait peut-être pas mauvais de
façon que ces derniers puissent opérer comme de vrais
médecins... Je ne pense pas que cela existe un médecin de patron
et un médecin de syndicat. J'ai de la difficulté à
accepter cela. Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'il m'apparaît, par
exemple, que, si les médecins de la commission, comme tout autre
médecin appelé à poser des diagnostics médicaux
dans ce genre-ci, dans toute maladie professionnelle, étaient
également revêtus de l'immunité juridique contre les
poursuites qui pourraient être instituées contre eux en raison du
diagnostic posé, cela leur donnerait encore plus de liberté
à l'intérieur des cadres dans lesquels ils sont engagés.
C'est une chose importante. Je vous souligne qu'aux États-Unis de plus
en plus de médecins refusent même de soigner les gens dans la rue
parce qu'ils ont peur d'être poursuivis en dommages pour les avoir mal
soignés.
Ce que je vous dis, c'est que mon expérience avec les premiers
comités de pneumoconiose, avant qu'on fasse ceux-ci, à
l'époque du Dr Bellemare, du Dr Grégoire et d'autres dont je ne
me souviens pas des noms, je les avais rencontrés en disant: Pourquoi,
malgré la commission, ne faites-vous pas ce que vous pensez qui devrait
être fait? Vous me dites que quelqu'un peut continuer à travailler
à 10% ou à 15% et, quand vient le temps de poser le geste, vous
ne le faites pas. Cela ne peut pas être seulement parce que la commission
vous le dit. On me répondait à l'époque: Si on le fait,
c'est sous l'autorité de la commission. Cela nous protège parce
que c'est la commission qui décide par nous. Donc, on se sent
revêtu de cette protection.
Si on pouvait s'assurer qu'à l'intérieur de la commission
ces pneumologues ne soient pas sujets aux directives de la commission comme
telle, mais reçoivent l'assurance par la loi qu'ils peuvent se prononcer
indépendamment de la commission, vous auriez des comités de
pneumologues à l'intérieur de la commission qui auraient beaucoup
plus d'objectivité. Les revêtir de cette immunité contre
des poursuites judiciaires possibles serait faire un pas pour bien leur
démontrer que, effectivement, c'est comme médecins qu'on leur
demande de parler et non comme employés ou comme préposés
de la commission ou de sa direction. C'est une chose.
M. Fréchette: M. le Président, si vous me le
permettez, j'ai deux remarques à faire à cet égard. Quand
je vous signalais tout à l'heure l'intention qui était à
se préciser,
j'avais à l'esprit - j'aurais peut-être dû vous le
dire à ce moment - que les trois ou quatre conclusions dont on parlait -
la pathologie est-elle là, si oui, dans quelle proportion - ce serait
encadré par la loi. Ce seraient des indications que l'on retrouverait
carrément dans la loi.
Maintenant, l'autre aspect que vous soulevez: la crainte de poursuite
judiciaire, cela me surprend un peu, bien que je ne conteste pas ce que vous me
dites, Me Casgrain. Est-ce que l'on peut poursuivre un médecin qui pose
un diagnostic? Je comprends que l'on peut poursuivre un médecin qui
procède à un traitement et qui, dans le cours de son traitement,
pourrait faire ce qu'on est convenu d'appeler une erreur médicale, entre
guillemets, je vous suis très bien là-dessus, mais est-ce qu'un
médecin qui pose un diagnostic peut faire l'objet d'une poursuite en
dommages pour erreur médicale? Je ne sais pas si c'est de cela que vous
parlez. J'apprécierais vous entendre davantage sur cela.
M. Casgrain: Cela s'est vu aux États-Unis que des
médecins ayant dit à un patient: Vous êtes en parfaite
santé, vous pouvez faire telle et telle activité, à la
suite de l'activité qu'il avait occupée, on s'est rendu compte
qu'effectivement le diagnostic n'aurait pas dû être porté de
cette façon et il y a eu poursuites judiciaires. Effectivement, je vous
dirai qu'il y a même au Québec au moins une ou deux causes
où les gens poursuivent un ou deux médecins - je ne donnerai pas
les noms - où on dit: Vous m'avez mal diagnostiqué. Si j'avais eu
le diagnostic que j'aurais dû avoir, je me serais fait soigner, je ne
serais pas mal aujourd'hui. Cela va aussi loin que cela.
M. Fréchette: II n'y a plus de place pour l'erreur nulle
part.
M. Casgrain: Absolument pas. Je vous dis que les médecins
aujourd'hui sont conscients du fait que, lorsqu'ils posent un geste comme
celui-ci de dire à quelqu'un: Tu vas retourner travailler dans telle
occupation, ils ne veulent pas risquer de se faire dire: Vous avez posé
un diagnostic que vous n'auriez pas dû poser.
Je continue en reprenant les remarques que vous aviez faites sur
l'imputation des coûts en particulier et sur le fait que les poursuites
pourraient continuer. M. le ministre, vous nous dites, et je suis parfaitement
d'accord avec vous, que les travailleurs ne doivent pas être
pénalisés des erreurs que nous avons imputées à la
commission, erreurs commises peut-être de bonne foi, mais enfin ils ne
doivent pas être pénalisés. C'est ce que nous disions
à la commission dès 1979 et la situation dans laquelle ils se
sont retrouvés, c'est une situation absolument intenable; parfaitement
d'accord avec vous. Je vous dirai même qu'à l'occasion des
procédures qu'on a intentées il y a des juges qui, par obiter,
ont dit, quand la commission disait: Vous savez, faites attention parce qu'il
faut qu'on recouvre éventuellement des sommes de ces travailleurs, des
juges ont dit: C'est loin d'être sûr que vous auriez une bonne
cause pour recouvrer des sommes de ces gens, de la façon dont vous les
avez amenés à bénéficier de ces traitements. Je
suis parfaitement d'accord avec vous sur cela, il ne faut pas qu'ils soient
pénalisés, il n'y aucun doute sur cela.
Ce que je tente de vous dire cependant, c'est ceci: Après que
vous nous eussiez dit ces choses, vous nous dites ensuite: Quant aux
procédures déjà en cours, vous pouvez continuer à
plaider. M. le ministre, je vous souligne que c'est nous dire, en somme: Par la
loi, on va donner raison en partie à la commission de l'erreur qu'elle a
commise en déclarant que ses décisions étaient
légales. On va donner raison à 100% à l'autre partie que
sont les travailleurs et, quant aux compagnies, elles n'ont qu'à plaider
jusqu'à ce qu'elles en crèvent. Vous ne l'avez pas dit comme
cela, mais moi, c'est un peu comme cela que je le vois. Vous savez, moi,
plaider, c'est un plaisir, c'est mon métier. Vous savez, c'est presque
miraculeux de la plaidoirie avec la CSST. C'est presque miraculeux parce qu'on
replaide constamment. J'ai un grand plaisir, d'autant plus que je gagne chaque
fois contre elle, c'est un vrai plaisir. Je lui dis d'avance: Vous allez
perdre. Elle perde. Elle continue, elle va en appel, elle perde de nouveau. Je
suis bien prêt à plaider indéfiniment, mais je ne suis pas
sûr que mes clients apprécient mes services autant que moi je les
apprécie à cet égard. Vous êtes avocat
vous-même, vous savez ce que je veux dire.
M. Fréchette: Un peu, oui.
M. Casgrain: Ce que je tente de vous dire très simplement,
c'est ceci, sur une note sérieuse: il m'apparaîtrait - je choisis
mes mots, je ne voudrais pas prendre des mots que je ne devrais pas prendre
difficile de supporter ou d'avaler, si vous voulez, pour ne pas dire autre
chose, le fait qu'à l'occasion de cette commission parlementaire, alors
que nous avons démontré que pendant près de neuf ans nous
avons subi à peu près tout ce qu'il y a moyen d'avaler au niveau
justement des recours qu'on a tenté d'exercer devant toutes les
instances appropriées en tentant de minimiser le plus possible les
procédures... Quand je pense qu'en 1976 on avait un bref
d'évocation, que je n'ai pas sorti et qui est maintenant
périmé, et que cela aurait tout réglé à
l'époque, mais la CSST nous a demandés: Attendez, s'il
vous plaît! Me faire dire après neuf ans: Voilà, c'est
réglé pour tout le monde, sauf pour vous: Plaidez. Si d'aventure
vous gagnez, tant mieux pour vous... (12 h 45)
Je regarde cela et je me dis: Bon, j'ai une réclamation de 9 000
000 $ à venir pour la Société Asbestos, j'en ai une de 3
000 000 $ pour Bell, 10 000 000 $ pour J.M., j'ai mon jugement
déclaratoire, la CSST a déjà pris une action en
homologation de jugement qui s'en vient le 6 mars, je vais m'arranger pour
faire remettre celle du 6 mars en attendant que le jugement du juge Durand soit
confirmé par la Cour d'appel. Cela fera jurisprudence pour les juges qui
seront appelés à juger sur les causes de J.M. et des autres. Je
me dis: Dans quelle espèce de guêpier judiciaire est-ce que je
m'en vais? Je n'en sortirai pas. Ce n'est pas parce que je n'ai pas de cause.
J'ai une excellente cause. Seulement, je me dis: Pourquoi faudrait-il
qu'à l'occasion de cette loi, qui se veut une loi qui va instaurer un
système d'avant-garde qui, je pense, va tenir compte de
l'expérience passée dans un système analogue qui
était la loi 52, pourquoi ne trouvons-nous pas le moyen à cette
occasion de faire maison nette de façon qu'on puisse envisager l'avenir
avec sérénité? C'est très malsain pour nous
d'être constamment en lutte avec la CSST. Notre rôle n'est pas de
plaider, mais de vendre de la fibre, de garder nos usines ouvertes et de tenter
d'empêcher que nos marchés ne s'écroulent partout dans le
monde. C'est ailleurs qu'on veut consacrer les énergies qu'on consacre
à plaider contre la commission.
Ce que je vous dis, M. le ministre, je vous fais une comparaison. Par
exemple, je suppose que, d'une part, ceux à qui vous auriez donné
raison seraient les compagnies d'amiante, que je représenterais ici les
mineurs et que je vous dise: Comment pouvez-vous dire, d'une part, aux
compagnies d'amiante: Vous avez raison, et à nous, les mineurs:
Plaidons? Je pense que vous répondriez rapidement: On va vous donner
raison aussi, mais il n'y a pas deux justices: une pour les riches et une pour
les pauvres. C'est un peu étrange que ce soit le riche qui se plaigne
qu'il n'y a pas de justice pour lui.
Il y a deux choses que je dois vous dire à cet égard.
Premièrement, on n'est pas riche. Les mines d'amiante sont loin de
l'être au moment où je vous parle. Deuxièmement, ce que je
vous dis, c'est que, dans un contexte où le législateur veut
régler le problème en son entier, arrêter à
mi-chemin sous prétexte que les compagnies peuvent toujours plaider, il
m'apparaît qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans tout
cela.
Puis, quand je vais me présenter en cour avec une loi qui dira,
par exemple:
Toutes les décisions rendues par la CSST aux fins de cette loi
sont considérées comme légales, sauf les droits des
compagnies minières de réclamer ce qui a été trop
payé, vous savez, le tribunal en partant - peut-être que vous me
donnez quelque chose de très bien - va se dire: Je n'ai plus de
problème. C'est réglé quant aux mineurs, c'est
réglé quant à la commission, il reste les compagnies. Le
législateur a déjà décrété par loi
que la CSST s'est trompée. Il n'aurait pas fait une loi pour dire
qu'elle ne s'était pas trompée. S'il l'a fait, c'est bien pour
dire qu'elle s'était trompée. Donc, je vais présumer
qu'elle s'est trompée quant aux compagnies aussi et je vais
peut-être obtenir jugement plus rapidement. Ce ne sont pas des arguments
très légaux, mais cela fera certainement partie du "background",
croyez-m'en. J'y mettrai l'atmosphère qu'il faut.
Ce que je tente de vous dire et ce que je vous supplie de faire, M. le
ministre: Vous n'aurez pas tous les jours l'occasion de tenir la CSST comme
vous le faites. Croyez-moi, M. le ministre, ce n'est pas un organisme
ordinaire, très facile à tenir.
M. Cusano: II ne la tient pas du tout.
M. Casgrain: Enfin, je ne vous en blâme pas. Il faut
qu'elle soit indépendante, grâce à Dieu! J'ai beaucoup de
respect pour le juge Sauvé, qui est un bonhomme formidable. J'ai
même fait les élections avec lui dans la belle époque des
années soixante, croyez-le ou non. Depuis ce temps qu'on s'entend bien,
si on peut dire.
Ce que je tente de vous dire, M. le ministre, c'est qu'au moment
où on se parle la CSST est là. Elle est là. On la voit.
Elle est toute là. Elle dépend de vous pour l'adoption d'une loi
qui va la sortir d'un bourbier absolument impénétrable et
stagnant. Elle est dedans jusqu'ici. Vous la sortez du bourbier. En même
temps, vous lui rendez un fier service. Je me dis: Une fois partis,
réglons tout. Vous avez le pouvoir de le faire aujourd'hui. Demain,
après-demain, quand la commission recommencera à voguer avec les
grands navires, pensez-vous, compte tenu de l'expérience passée,
que cela sera facile de s'entendre? Cela fait huit ans qu'on tente de
s'entendre avec elle. On a tout fait: Moratoire sur moratoire, on a tout
essayé.
J'aimerais être capable de penser qu'une fois le projet de loi 42
adopté nous n'aurons plus ces problèmes et qu'on pourra envisager
l'avenir dans le cadre que vous nous avez suggéré. C'est ce que
je tente de vous dire là-dessus. Cela m'apparaît être
d'importance capitale. Je ne peux plaider plus longtemps pour vous le dire. Je
pense que j'ai tout dit ce que je pouvais avec toute la force que je pouvais
imaginer. Encore une fois, cela me paraît être le
moment propice pour ce faire. Je ne vous dis pas que je deviendrai
déraisonnable une fois assis, me sentant fort de votre appui. Je serai
raisonnable et c'est ce que je tente de vous dire. C'est l'avocat qui parle
à l'autre avocat, en parlant de règlement de cause.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au
député de Prévost.
M. Dean: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Paré): Selon le principe de
l'alternance, il s'agit de poser des questions et pas seulement de faire une
petite intervention pour répondre à une question. Donc, la parole
est maintenant au député de Prévost.
M. Dean: Merci, M. le Président.
M. Maltais: J'avais cru que la coutume était l'alternance.
On n'en fera pas une mer à boire, mais, si on change la coutume encore
une fois, on saura ce qu'est la coutume.
Le Président (M. Paré): Non. J'aimerais bien que
les choses soient claires. La dernière demi-heure n'était pas
comptée sur le temps du ministre ou sur le temps du côté
droit de la table. Cela avait été spécifié par le
député de Viau lui-même qui donnait la chance à M.
Casgrain de pouvoir apporter des commentaires, ce qu'il a d'ailleurs fait. Il y
a eu un échange avec le ministre durant cette période, mais ce
n'était pas et cela ne pouvait pas être compté sur le temps
du ministre puisque le ministre avait déjà utilisé son
temps.
M. Maltais: Est-ce qu'il va y avoir la même
possibilité sur le temps du député de Prévost?
Le Président (M. Paré): Vous aurez votre droit de
parole aussi à la suite de l'intervention du député de
Prévost. La parole est maintenant à vous, M. le
député de Prévost.
M. Dean: Merci, M. le Président. Me Casgrain,
j'étais fort honoré d'entendre des allusions de votre part, au
début de votre présentation, sur le mémoire que j'ai
présenté à la commission Beaudry, en 1976, si je ne me
trompe pas. Si la petite contribution que j'ai pu faire à cette
commission a incité des entreprises à adopter au moins la
recommandation en ce qui a trait à l'information à fournir aux
travailleurs, j'en suis très heureux, si j'ai pu aider à en
arriver à cela, parce que, quand on utilise des substances nocives, il
me semble que le minimum à faire est d'informer les travailleurs du
danger possible des substances qu'ils manipulent et des directives quant
à la manipulation et à la façon d'exercer leur travail
pour minimiser les dangers.
Votre remarque a fait déclencher ma mémoire qui,
habituellement, n'est pas trop fidèle à l'égard d'un
document que je n'avais pas revu depuis 1976, je l'avoue, mais, quand
même, une recherche presque miraculeuse. C'est le miracle de la
communication, parce que, dans ce domaine, il faut croire qu'on parle souvent
de miracles, de miraculés et de miraculeux. Cela a fait en sorte que
j'ai pu mettre la patte sur ce mémoire. Vous attirez l'attention aussi
sur le fait que, parmi les autres recommandations que nous avions faites, il y
en a peut-être trois qui sont un peu pertinentes à la discussion
actuelle. D'abord, le fait que l'on proposait que d'ici trois ans -
c'était en 1976 - la norme au Québec soit modifiée par
étape de 5 fibres à 0,5 fibres par centimètre cube d'air.
En cours de route, je pense que c'est 2,0 fibres qu'on a adoptées.
Nous avons aussi fait des constatations dans une liste de 23 documents
ou références de recherche médicale ou gouvernementale un
peu partout au monde et en Amérique du Nord indiquant que le - j'ai
peine à le prononcer - mésothéliome, qui est un cancer
attribuable à l'amiante, avait déjà été
décelé dans les recherches chez des travailleurs qui n'avaient
été professionnellement exposés que pendant une
journée et même chez des épouses et des enfants de
travailleurs de l'amiante dont l'exposition à l'amiante était
restreinte aux fibres que portaient les vêtements de travail et les
cheveux du travailleur. Ceci pour indiquer que même si la
présentation audiovisuelle ce matin - qui a un but fort louable que je
vais aborder tantôt - nous a fait miroiter la possibilité qu'on
pourrait mettre de l'amiante sur notre gruau le matin et le manger, je vous dis
que, malgré la bonne présentation audiovisuelle, je vais me
contenter de la cassonade comme d'habitude, malgré que les recherches
médicales disent que l'utilisation du sucre est dangereux pour la
santé aussi.
Il y avait aussi une autre référence. Dans les documents
de recherche qu'on avait utilisés et invoqués aux
États-Unis au niveau de NIOSH, National Institute for Occupational
Safety and Health, si je ne m'abuse, on avait recommandé d'utiliser dans
la manutention de l'amiante les mêmes procédés de scellage
de manutention et de disposition des déchets qu'on utilise au niveau des
matières nucléaires ou radioactives, c'est-à-dire qu'on
transporte des choses complètement scellées, des contenants
indiqués dangereux, etc. Ceci dit, j'ai aussi apprécié vos
remarques sur les efforts patronaux et syndicaux.
Votre mémoire se termine sur la note suivante: Nous exprimons le
souhait que le
Québec, premier au monde dans la production de l'amiante,
devienne le premier au monde à éliminer de façon
rigoureuse et complète les conditions de travail dans les mines et les
usines de transformation de l'amiante qui provoquent le fléau de
l'amiantose et le cancer. Je pense que là on se rejoint. J'ai
apprécié vos allusions à la bataille mondiale que vous
livrez avec l'appui des deux niveaux de gouvernement pour convaincre d'autres
pays et d'autre continents de continuer à acheter notre amiante. Vous
avez souligné la contribution qu'avait surtout faite le Syndicat des
métallos dans certaines batailles épiques sur le plan mondial
pour convaincre le mouvement syndical d'ouvrir un peu leurs facultés
d'évaluation et d'admettre certaines choses.
Cependant, je me demande, et je vous pose la question, si un certain
nombre de pays qui font partie de la communauté européenne et le
gouvernement des États-Unis, qui, selon mes informations, tout
récemment a décrété - ce n'est peut-être pas
encore en vigueur - la norme de 0,5... Même si on essaie de convaincre
ces pays et ces continents que l'amiante n'est peut-être pas aussi
dangereuse qu'on le prétend pour autant qu'on utilise les moyens de
protection nécessaire, quels seraient vos commentaires? Est-ce que nous
sommes les seuls à avoir le pas? Est-ce que nous sommes les seuls
à être fins? Est-ce que tous ces autres pays n'ont rien à
craindre et que c'est frivole de leur part de songer à bannir l'amiante?
Je parle des États-Unis qui sont très près de nous et des
pays de l'Europe de l'Ouest. Quels seraient vos commentaires sur les valeurs
respectives de vos positions qui semblent dire qu'il n'y a rien là par
rapport à un certain nombre de pays qui, après études,
auraient adopté des mesures pour le moins restrictives quant à
l'utilisation ou à l'importation de l'amiante?
Je vais vous poser une dernière question. Vous pourrez
répondre à deux ou trois questions à la fois.
Êtes-vous au courant d'une décision très récente des
tribunaux des États-Unis - j'ai entendu cela à un bulletin de
nouvelles il y a une semaine ou dix jours - qui disait que Johns-Manville et
Bell étaient condamnées à payer 300 000 $ en
dommages-intérêts à la famille d'un travailleur
complètement invalide ou décédé en raison de
l'amiante? Quel est votre commentaire et avez-vous prouvé que ce n'est
pas seulement nous qui parlons de l'amiante et de la nécessité de
le contrôler de façon très sévère?
Le Président (M. Paré): M. Casgrain, en
réponse à ces questions et des commentaires rapidement, s'il vous
plaît, en raison de l'heure qui avance rapidement!
M. Casgrain: Je peux seulement vous répondre ceci: les
pays où on n'oeuvre pas l'amiante trouvent facile d'éliminer
l'amiante en le déclarant toxique et faire plaisir en cela aux
écologistes qui réclament que les gouvernements fassent quelque
chose. Je pourrais vous dire en passant qu'en Suède on a
éliminé l'amiante, sauf qu'on n'a pas éliminé pour
autant la fibre de verre dans laquelle elle est spécialisée.
Quant aux États-Unis, ils sont en période électorale
actuellement et il y a eu des critiques de logées par certains
sénateurs démocrates, en particulier contre EPA qui veut avoir
l'air maintenant de faire quelque chose. En ce qui concerne le fait de
réussir à convaincre les pays étrangers qu'effectivement
on peut utiliser l'amiante avec sécurité, je dois vous dire que
nous croyons que nous sommes en voie de réussite. Ce qu'on a fait au
niveau du BIT en particulier est extrêmement important et c'est
peut-être la pierre d'achoppement de tout ce qu'on va faire. (13
heures)
Alors, parti comme cela, nous croyons que nous allons réussir. Je
ne dis pas qu'on va nécessairement gagner la bataille demain matin ou
après-demain. J'ajoute à cela qu'il se passe actuellement un
autre phénomène, c'est que les substituts sont maintenant
envisagés de façon différente et qu'on est capable de
démontrer que les substituts qu'on veut utiliser sont quelquefois plus
dangereux que l'amiante parce qu'ils sont moins connus. C'est de façon
générale parce que les questions que vous nous posez
demanderaient véritablement un exposé d'au moins une heure sur
toutes ces questions qui sont importantes.
Quant au mésothéliome, le Dr McDonald a fait des
études là-dessus et je peux vous dire qu'il n'est pas exact de
dire que le mésothéliome soit nécessairement causé
par l'amiante, cela peut se rencontrer ailleurs aussi. Je pense que, Dieu
merci, au niveau de la chrysotile, on admet volontiers aujourd'hui que c'est
très rare qu'on retrouve des mésothéliomes au niveau de la
chrysotile, alors qu'on en retrouve au niveau de la crocidolite qui se fabrique
en Afrique du Sud. Je ne peux pas aller plus loin à cause du temps qui
m'est alloué.
Le Président (M. Paré): En vous remerciant, M.
Casgrain. La parole est à M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Brièvement, M. le Président, au nom de
notre formation politique, on tient à vous remercier. On aurait eu
beaucoup d'autres questions à vous poser; on vous les écrira et
on attendra votre réponse. Cependant, je pense que vous avez
démontré ce matin votre intérêt non seulement
économique, mais aussi votre souci des travailleurs. Au nom de notre
formation politique, on vous remercie. Les autres
questions, on vous les fera parvenir. Merci.
Le Président (M. Paré): Au nom de tous les membres
de la commission, M. Casgrain, et les gens qui vous accompagnent, on vous
remercie pour la présentation du mémoire de l'Association des
mines d'amiante du Québec. Là-dessus, la commission suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise de la séance à 15 h 10)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente du travail reprend ses travaux dans
le but d'entendre les représentations des personnes et des groupes
intéressés au projet de loi 42. Nous avions dit ce matin que nous
étions pour entendre quatre groupes et, effectivement, nous
recommençons avec l'audition du deuxième groupe. Mais,
après entente entre les deux parties, j'aimerais suggérer qu'on
entende immédiatement la Fédération des syndicats
professionels d'infirmières et d'infirmiers du Québec et qu'on
poursuive immédiatement après avec le mémoire de la
Commission des services juridiques. Et, plutôt que de suspendre les
travaux à 18 heures et revenir à 20 heures, nous pourrions
entendre immédiatement après le deuxième groupe le
troisième groupe, soit la Fédération des travailleurs
forestiers du Québec. Je ne sais pas si les gens sont présents,
mais, s'ils le sont, on aimerait pouvoir discuter avec vous et voir si vous
acceptez ce changement dans l'horaire de la journée, ce qui nous
permettrait d'entendre les groupes sur le même thème en continuant
au lieu d'arrêter pour le souper. Oui, M. le député de
Viau.
M. Cusano: M. le Président, en ce qui nous concerne, nous
sommes entièrement d'accord et cet accord est conditionnel à la
décision du groupe de travailleurs forestiers. S'ils sont d'accord pour
siéger vers 18 heures, je ne m'y oppose pas.
M. Fréchette: M. le Président, c'est
également sans aucune réserve que nous sommes disposés
à accepter la procédure qui est suggérée. Quand je
dis sans aucune réserve, ce n'est pas tout à fait vrai. Il
faudrait voir si nos invités sont également disposés
à accepter ce chambardement de l'ordre du jour. Si oui, il n'y a plus
aucun problème.
Le Président (M. Paré): Donc, c'est bien.
Étant donné l'unanimité des membres de la commission, nous
allons pouvoir entendre immédiatement le deuxième groupe et nous
pourrons vous informer ensuite, après les rencontres que nous aurons
eues, si nous poursuivons ou si nous devrons cesser les travaux à 18
heures. Nous allons maintenant entendre la Fédération des
syndicats professionnels d'infirmières et d'infirmiers du Québec.
La parole est à vous. Je vous demanderais de présenter les gens
qui sont à la table, s'il vous plaît.
Fédération des syndicats professionnels
d'infirmières et d'infirmiers du Québec
Mme Pelletier (Hélène): Merci. À ma droite,
Mme Danielle Bourgault, membre du bureau fédéral de la
fédération et responsable politique du dossier de santé et
sécurité; à ma gauche, Mme Francine Dufresne,
employée-conseil de la fédération et responsable du
dossier santé; Mme Paule Bélanger, également
employée-conseil et responsable du dossier santé et
sécurité à la fédération.
Aux membres de la commission élue permanente du travail, nous
croyons qu'il est utile, avant de commencer la présentation de notre
mémoire, de rappeler que la Fédération des syndicats
professionnels d'infirmières et d'infirmiers du Québec regroupe
16 000 membres répartis dans toute la province en six syndicats
régionaux. Les membres de la Fédération des SPIIQ occupent
des postes dans les centres hospitaliers de courte durée surtout, mais
également dans les centres d'accueil, les centres locaux de services
communautaires et les centres de soins prolongés. Les membres sont
présents dans plus de 235 institutions du réseau des affaires
sociales.
Si nous avons décidé de nous faire entendre aujourd'hui,
c'est que nous considérons que les travailleuses et les travailleurs du
secteur des affaires sociales, dont les 16 000 membres que nous
représentons, ont, au même titre que les autres, le droit à
un environnement de travail sain et sécuritaire. Par conséquent,
elles et ils doivent avoir la possibilité de se prévaloir des
privilèges prévus par la loi lorsqu'ils ont été
lésés dans ce droit.
Le contexte de notre intervention. La réforme entreprise par le
gouvernement dans le domaine de la santé et de la sécurité
passe un nouveau cap, celui de la création de la Loi sur les accidents
du travail et les maladies professionnelles en remplacement de la Loi sur les
accidents du travail et de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'amiantose
et de silicose dans les mines et les carrières. Mieux connue
présentement sous le nom de projet de loi 42, cette nouvelle loi
constituera, dit-on, le dernier volet de la réforme.
La Fédération des syndicats professionnels
d'infirmières et d'infirmiers du Québec s'est d'abord
penchée, article par
article, sur l'ensemble du projet de loi, mais il a bien fallu se rendre
compte qu'il ne s'agit que d'une reformulation législative et que la
réforme, dans ce cas, prend l'allure d'un retour à l'ancien
régime prévu par la Loi sur les accidents du travail. Rien ici
qui surprend néanmoins puisque toutes les lois sont ainsi faites,
qu'elles nourrissent des illusions réformistes, tout en étant
fondamentalement conservatrices. Cependant, on s'attendait à mieux du
législateur actuel. Vous vous en doutiez sûrement compte tenu des
grands principes énoncés dans le livre blanc sur la santé
et la sécurité en 1978.
Or, il ressort clairement qu'on est passé d'une loi à une
autre sans s'arrêter a priori à un des principes moteurs de ce
livre blanc et de la loi 17 qui en découle: le respect de la
santé des travailleuses et des travailleurs, la santé
étant entendu comme un état de complet bien-être physique,
mental et social.
La Fédération des syndicats professionnels
d'infirmières et d'infirmiers du Québec représente 16 000
de ces travailleuses et travailleurs qui subissent quotidiennement des
agressions de tous genres, physiques, chimiques, mécaniques et
biologiques. Ce type d'agression est bien connu. Il est cependant une autre
série de risques omniprésents en santé du travail et
autour desquels on assure une discrétion absolue, ce sont les agresseurs
organisationnels et psychosociaux liés au contexte et aux
caractéristiques de la tâche: le mode de
rémunération, l'horaire de travail, le style de gestion,
l'autonomie, la charge mentale, l'isolement et bien d'autres.
La définition restrictive des lésions professionnelles
contenues dans le projet de loi 42 et l'interprétation
discrétionnaire qu'il fait des maladies professionnelles par ailleurs
dénotent le peu d'importance que vous, en tant que législateurs,
accordez à ces risques.
Le projet que vous nous soumettez, direz-vous, porte sur la
réparation des lésions professionnelles, plus
précisément sur l'indemnisation. Il nous est cependant bien
difficile d'y porter un jugement favorable quand il admet au départ
qu'un bon nombre de travailleuses et travailleurs ne pourront se
prévaloir des droits qu'il confère parce que les maladies dont
elles sont victimes sont exclues de la loi. Il en est ainsi du cas des maladies
professionnelles dues aux horaires de travail nocturne. La
Fédération des syndicats professionnels d'infirmières et
d'infirmiers du Québec ne peut pas passer sous silence cette lacune
majeure du projet de loi. De nombreuses études ont
démontré la présence chez la ou le travailleur de nuit de
troubles médicaux liés directement à ce type
d'organisation de travail. Le ralentissement psychosocial lié aux
horaires nocturnes est également un phénomène reconnu.
Sans lui donner une portée limitative, nous entendons dans le cadre de
cette commission intervenir sur ce sujet particulier du travail de nuit comme
facteur de risque en santé et sécurité du travail, d'abord
pour vous rappeler ces conséquences néfastes sur la santé.
Vous serez par la suite plus en mesure de convenir que ce projet de loi qui se
devait au départ de correspondre à la réforme entreprise
et s'appliquer à toutes les travailleuses et travailleurs sans exception
est porteur de failles qu'il s'avère urgent de corriger.
Le livre blanc et le travail de nuit. Dans sa politique de santé
et de sécurité du travail, le gouvernement réservait une
section sur les risques psychosociaux parmi lesquels il identifiait le travail
de nuit, plus précisément: "Les agents psychosociaux sont des
agents agresseurs englobant l'organisation même du travail... Ainsi
certains types de tâches, leur répétition, certaines
cadences de travail, des horaires irréguliers et le travail de nuit
peuvent constituer à court et à moyen termes des risques à
la santé et à la sécurité des travailleurs...
À plus long terme, ces contraintes risquent de laisser des traces sur la
santé, traces qui se traduisent par des modifications du comportement
(anxiété, agressivité, fatigue, perte de motivation,
absentéisme) et des troubles psychologiques et moteurs (névroses,
alcoolisme ou abus de drogues)."
C'était un bon début mais là s'est
arrêtée votre réflexion. Il est évidemment plus
facile d'évaluer un événement précis de la
situation de travail ou d'identifier un contaminant spécifique
potentiellement source de risque que de chercher le foyer insidueux d'une
névrose, par exemple. S'il fallait indemniser la travailleuse pour une
dépression nerveuse, un ulcère, un infarctus associés au
travail...
Il est des vérités qu'il vaut mieux ignorer, surtout si,
par chance, elles sont difficiles à démontrer et si, par hasard,
on retrouve une bonne partie des travailleuses et travailleurs concernés
dans un secteur non prioritaire comme celui des affaires sociales.
En 1981, une étude entreprise par un groupe de travailleurs sur
la santé et la sécurité du travail dans le secteur des
affaires sociales s'implique davantage en déclarant que "les
problèmes des horaires de travail résultent surtout du travail de
nuit qui perturbe les rythmes biologiques de l'organisme et interfère
avec le système de l'environnement social et familial."
Cette étude, comme le livre blanc d'ailleurs, n'est pas explicite
sur les conséquences du travail de nuit. Toutefois, la reconnaissance
d'une situation problématique due à cette forme d'horaire y est
faite et la seule présomption d'un risque potentiel aurait dû
légitimer l'inclusion dans la loi des maladies dont elle est la
cause.
L'importance pathologique du travail de
nuit. L'importance pathologique du travail de nuit est
déterminée par la désynchronisation de l'activité
rythmique, c'est-à-dire par l'inversion au cours de 24 heures des phases
normales d'activité et de repos.
Les rythmes circadiens qui correspondent chez l'être humain aux
activités sociales le jour et au sommeil la nuit sont
considérés comme des synchronisa-teurs. L'organisme entier - la
température, le pouls, la pression sanguine, le système
cardio-respiratoire, la capacité vitale, la consommation
d'oxygène, les métabolismes et les sécrétions
endocriniennes - est soumis à ces phases d'activité diurne et de
désacti-vation nocturne.
Dans le cas de la travailleuse et du travailleur de jour, les phases
concordent et les biorythmes sont entraînés simultanément
et synergiquement. Chez la travailleuse et le travailleur de nuit cependant une
opposition de phases se manifeste et des clivages s'opèrent entre les
biorythmes de telle sorte qu'il y a une destruction de la corrélation
harmonieuse qui les unissait, entraînant ainsi un débalancement du
rythme cardiaque, de la température centrale des sucs digestifs et
autres.
Il a de plus été démontré scientifiquement
que ces biorythmes sont déterminés non pas par réflexes
conditionnés mais bien par les gènes et ont un caractère
héréditaire spécifique. Or, le postulat de l'adaptation au
travail de nuit repose sur la possibilité de désynchroniser et de
resynchroniser les rythmes. Une telle possibilité n'existe pas puisqu'il
est impossible de resynchroniser l'organisme au profit du rythme du travail la
nuit.
Il en résulte que les travailleuses et travailleurs qui sont
obligés de travailler la nuit et de dormir le jour subissent une double
contrainte: celle de devoir effectuer leurs tâches en période de
désactivation - ce qui exige un effort supplémentaire - et celle
de devoir dormir en phase d'activation, d'où découlent les
problèmes du sommeil de jour et de ses qualités
réparatrices. Cette double contrainte est à l'origine de la
fatigue de désynchronisation irréversible et lourde de
conséquences au point de vue physiologique et également
psychologique. La surfatigue des travailleuses et travailleurs démontre
l'agression d'une contrainte en un temps de moindre résistance. Ces
agressions sont révélées par l'apparition de troubles
métaboliques, en particulier de troubles digestifs, gastro-intestinaux
et nerveux.
Puisqu'on parle des troubles digestifs et gastro-intestinaux, le
bouleversement des rythmes circadiens nutritionnels entraîne chez les
travailleuses et travailleurs de nuit des désordres permanents de
surcharge digestive et d'obésité. À ces problèmes
d'alimentation s'ajoutent la dyspepsie, la constipation et les troubles
hémorroïdaux.
Les troubles nerveux. Une étude effectuée à
Genève par le Bureau international du travail, spécifiquement sur
le travail de nuit, rapporte que la surfatigue née de ce système
conduit à une surmorbidité nerveuse statistiquement
établie qui se manifeste principalement par la névrose. Les
facteurs déclenchants de ce trouble nerveux résident d'une part
dans le surmenage professionnel (non pas tant d'une charge excessive que d'une
désactivation qui diminue les moyens d'y faire face) et, d'autre part,
dans la perturbation profonde du sommeil diurne qui correspond à un
état intermédiaire pré-névrotique entre la simple
fatigue et l'apparition du syndrome névrotique. La névrose de la
travailleuse et du travailleur de nuit est catégorisée parmi les
"pseudo-névroses de situation". Elle ne résulte en rien d'un
facteur endogène préexistant. Elle se manifeste par les
symptômes habituels d'asthénie, d'insomnie avec somnolence
ultérieure et de troubles du caractère.
Elle peut apparaître très tôt, pouvant probablement
disparaître suite à la mutation à un poste de jour, ou plus
tard, alors qu'un changement d'emploi ne suffira peut-être pas à
la faire disparaître. Ces troubles nerveux sont souvent compliqués
par l'ingurgitation alternative de tranquillisants pour dormir le jour et de
stimulants pour demeurer éveillé la nuit.
Le Bureau international du travail conclut que le travail de nuit peut
s'exprimer, à cause du dérèglement permanent de
l'hypothalamus, par un syndrome névrotique et/ou un syndrome digestif de
type ulcéreux. Que ce soit dans le cadre d'une équipe de travail
fixe ou alternante, des enquêtes épidémiologiques
permettent d'affirmer que les atteintes décrites sont d'origine
professionnelle et non pas dues à des caractéristiques
particulières de l'individu ou à un aspect particulier de la
tâche.
Il s'avère également important de souligner que le travail
de nuit en milieu hospitalier est davantage à risque, dû au
contexte anxiogène de la présence constante de la souffrance et
de la mort.
Aux conséquences médicales du travail de nuit sur
l'organisme se juxtapose une détérioration de la vie sociale et
familiale. Notons que dans le cas de la travailleuse, les perturbations sont
occasionnées surtout par l'astreinte à un double travail: en
institution et au foyer. Quel que soit le comportement adopté en vue de
restreindre la portée de ce rythme de travail sur la vie familiale, les
résultats sont toujours douteux. Se contraindre aux habitudes de la
famille empêche la récupération de jour,
récupération déjà hypothéquée par la
médiocre qualité du sommeil diurne. Soumettre la famille à
ses horaires entraîne
un double dysfonctionnement individuel et familial qui risque à
plus ou moins long terme de détruire la cellule familiale de base
entraînant ainsi l'apparition, de part et d'autre, de problèmes
socio-affectifs majeurs.
Enfin, il est illusoire pour les travailleuses et travailleurs de nuit
d'espérer suivre un rythme indépendant, si partiel soit-il, sans
risque d'isolement. Dans ce cas, non seulement la vie familiale mais la vie
sociale également en est affectée, les amis s'éloignent,
les communications diminuent, les activités collectives s'effritent. On
assisterait donc à un retrait progressif de ces individus de toute vie
en société.
Au total, c'est l'équilibre physiologique, psychologique et
social qui est menacé par le travail de nuit. Il est effectivement
médicalement nocif et, même s'il répond à une
certaine nécessité, il entraîne par ailleurs des
difficultés sociales pour les travailleuses et les travailleurs qui y
sont soumis. C'est particulièrement vrai dans le secteur hospitalier
où se concentre une bonne part des travailleurs et surtout des
travailleuses de nuit. Les impératifs sociaux dans ce cas obligent des
opérations de 24 heures, contrairement au secteur privé où
les impératifs économiques sont prépondérants. Le
problème vécu est d'importance chez l'un et l'autre, certes, mais
il faut admettre néanmoins qu'il est possible d'adapter une chaîne
de montage dans l'industrie de façon à améliorer
l'aménagement temporel du travail. C'est une question d'ergonomie
primaire dont la logique consiste à adapter la machine à l'homme
ce qui, dans le secteur hospitalier - vous en conviendrez -est impossible. La
nocivité du travail de nuit sur la santé du travail est donc
suffisamment démontrée pour que les travailleuses et travailleurs
puissent se défendre des agressions dont elles et ils sont les victimes.
Telle n'est pas la situation présentement. Plusieurs cas vécus -
et on peut prétendre que ce n'est qu'un début - laissent
entrevoir un avenir plutôt triste, à moins que soit
réaménagée la formule actuelle de la loi à laquelle
vous voulez nous assujettir.
L'incidence du projet de loi 42 sur les maladies professionnelles dues
aux horaires de nuit. Puisque le travail de nuit est un facteur de risque en
santé du travail, il doit être reconnu comme tel. Or, plusieurs
articles du projet de loi sont préjudiciables à cet égard.
Il s'agit plus particulièrement des articles 28 à 31 concernant
les dispositions particulières aux maladies professionnelles. Sous un
autre rapport, certains articles sur le retour au travail sont également
problématiques, mais nous nous attarderons plus
précisément aux articles 147 sur la durée des droits et
obligations et 154 sur la réinsertion dans un emploi disponible. (15 h
30)
Dispositions particulières aux maladies professionnelles. Les
articles 28 à 31 démontrent que ce projet de loi vise
exclusivement les victimes de lésions professionnelles dues à des
contaminants et à l'exposition et la manipulation de produits dangereux.
Nonobstant l'interprétation qui peut être faite, bien sûr,
à l'article 2 du projet de loi, à savoir: "maladie
professionnelle, une maladie contractée par le fait ou à
l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou
reliée directement aux risques particuliers de ce travail, le contenu de
ces articles évacue la possibilité pour les victimes de maladies
professionnelles dues à des facteurs de risques psycho-sociaux de se
prévaloir de leurs droits.
Nous recommandons qu'à l'article 28 soient retranchés les
mots "visée dans l'annexe A".
Étant donné le caractère déterminant de
l'annexe A dans la reconnaissance des maladies professionnelles donnant droit
à une indemnité, nous sommes d'opinion que la typologie de cette
annexe est nettement insuffisante. Telle que formulée, elle exclut les
maladies professionnelles dues à des risques autres que physiques,
chimiques, mécaniques ou biologiques.
Nous considérons l'article 29 discriminatoire. Il va à
l'encontre des principes élémentaires de la justice naturelle. En
effet, la travailleuse ou le travailleur dont il est ici question doit faire la
preuve qu'il est véritablement atteint d'une maladie professionnelle. Le
fardeau de la preuve lui incombe contrairement aux dispositions prévues
à l'article 28 pour les maladies dues à des contaminants. Dans ce
dernier cas il y a présomption favorable à l'égard de la
travailleuse et du travailleur.
L'article 30 est également un article discriminatoire. En plus,
dans le choix du médecin, quand on dit: "Le certificat doit être
délivré conformément à l'article 33 de la Loi sur
la santé et sécurité du travail", le choix du
médecin, quant à nous, doit toujours être le choix de la
victime, soit la personne qui, finalement, est lésée, a une
lésion professionnelle ou toute autre.
On recommande que dans le paragraphe 1 de l'article 30 soient
retranchés les mots: "provenant de l'exposition à un contaminant
dans l'établissement où il travaille". On veut évidemment
que les autres types de maladies professionnelles soient reconnus.
Également, qu'au paragraphe 1 de l'article 30 soient
remplacés les mots: "la commission peut demander à son employeur
de lui assigner une tâche" par les mots: "l'employeur doit assigner
à la travailleuse et au travailleur une tâche."
Et, bien sûr, que l'article 30 soit reformulé de
manière que les types de maladies professionnelles soient
englobés au niveau de cet article.
Étant donné la conjoncture actuelle, les délais
prévus dans le projet de loi sont également outranciers. On
parle, en termes de retour au travail, des délais, des droits et
obligations à la page 15 - pour les travailleuses et travailleurs qui
seraient couverts par le projet dans sa forme actuelle, ce qui exclut toujours
les victimes des maladies professionnelles dues à des facteurs de
risques psycho-sociaux, dont les travailleuses de nuit. Les articles 147 et 154
auraient avantage à être modifiés.
L'article 145 est limitatif en ce sens qu'au départ il fait des
exceptions. On parle de "trois mois de service continu." Je pense qu'il est
important que, quel que soit le temps que les travailleurs ont passé
auprès d'un employeur, si un droit doit être reconnu en termes de
santé et sécurité, il soit reconnu pour l'ensemble des
travailleuses et travailleurs, quelle que soit la durée de leur emploi
auprès de cet employeur.
À la page 16, on note: Étant donné, bien sûr,
la conjoncture actuelle, l'imposition de ces délais s'avère
outrancière, remet en question les objectifs poursuivis par cette
section du projet et annule la possibilité pour les victimes de maladie
ou d'accident du travail de réintégrer un emploi.
Qu'arrivera-t-il, par exemple, si dans l'établissement aucun poste ne
devient disponible à l'intérieur des délais prescrits?
Cette situation paraît particulièrement préjudiciable aux
femmes qui, à l'heure actuelle, se concentrent dans les petites
entreprises. Ces délais sont donc difficilement justifiables par la
seule absence de la travailleuse ou du travailleur en raison de sa
lésion. Cet article, d'ailleurs, nous apparaît discriminatoire par
rapport aux règles de certaines conventions collectives, notamment le
décret dans le secteur des affaires sociales.
On demande qu'à l'article 145 soient retranchés les mots
"dont le contrat de travail est pour une durée
indéterminée et qui compte dans le même
établissement au moins trois mois de service continu au sens de la Loi
sur les normes du travail".
Également, qu'à l'article 154, le législateur
précise ce qu'il entend par "a priorité" et définisse
également ce qu'il entend par "emploi disponible". "Le travailleur qui
demeure incapable d'exercer son emploi a priorité pour exercer un autre
emploi disponible dans le même établissement avec le salaire et
les avantages liés à cet autre emploi." Cet article ne donne
aucunement à la travailleuse ou au travailleur incapable d'exercer un
emploi l'assurance d'un autre emploi. C'est le cas plus précis du
secteur hospitalier où un emploi ne devient disponible qu'après
le refus des individus déjà inscrits au SPAS ou sur la liste de
disponibilité de le combler. Étant donné la pénurie
d'emplois permanents, actuellement, dans les établissements de
santé, on peut affirmer que puisque la liste de disponibilité est
suffisamment remplie, les emplois disponibles seront rares, voire même
inexistants. Les droits conférés par la loi s'éteignant
après un ou deux ans, selon les dispositions de l'article 147, il est
donc prévisible de voir un allongement de la liste des
bénéficiaires de l'assurance-chômage ou de prestations de
sécurité du revenu, à moins que vous n'ayez votre propre
interprétation de "autre emploi disponible".
Enfin, il convient de mentionner que, concernant les pouvoirs
conférés à la CSST dans l'évaluation de
l'incapacité, aux articles 151 et 156, de nombreux commentaires ont
été apportés lors de la récente commission
parlementaire sur le fait que la Commission de la santé et de la
sécurité du travail soit juge et partie dans ses
décisions. Les articles 151 et 156, entre autres, ne semblent pas
apporter de correctifs à cette situation arbitraire.
Nous recommandons qu'à l'article 156, le premier alinéa
soit reformulé comme suit: "La commission avec le médecin
traitant et la travailleuse ou le travailleur avisent l'employeur de la
capacité de la travailleuse ou du travailleur d'exercer tel emploi
disponible dans l'établissement."
Que le deuxième paragraphe de l'article 156 soit reformulé
comme suit: "L'employeur assigne tel emploi disponible à la travailleuse
ou au travailleur et lui accorde le salaire et les avantages liés
à cet emploi en tenant compte de l'ancienneté accumulée
par cette travailleuse ou ce travailleur". Et que soit ajouté:
"L'employeur qui refuse d'assigner tel emploi disponible à une
travailleuse ou à un travailleur parce qu'elle ou il ne possède
pas les qualifications requises a le fardeau de la preuve de démontrer
que cette travailleuse ou ce travailleur ne possède pas ces
qualifications lorsqu'une plainte est portée en vertu de l'article
160".
Avant de conclure le présent mémoire, j'aimerais porter
à votre attention un cas à l'appui de notre revendication en ce
qui concerne plus particulièrement les travailleuses de nuit. On vous en
soumet un, mais nous pourrions, bien sûr, en présenter de nombreux
autres. C'est la situation d'une travailleuse de nuit dans un centre
hospitalier de la région de Montréal qui, au mois d'octobre 1983,
avait un certificat de son médecin rédigé comme suit: "La
présente est pour certifier que je traite Mme X depuis le 2 août
1983. Elle a présenté une réaction dépressive
situationnelle, c'est-à-dire qu'elle est incapable de s'adapter aux
horaires de nuit. La consultation en psychiatrie a confirmé le
diagnostic: Par les présentes, je certifie que Mme X ne pourra plus
travailler de nuit sous crainte de récidive. Mme X, bien sûr,
voulait exercer son droit de refus. Je vais vous faire part
rapidement de la décision du rapport d'inspection où on
relate que, vers le mois de mai 1981, Mme X a postulé et obtenu un poste
de chef d'équipe à temps complet, cinq jours de travail par
semaine, horaire de nuit. On dit que Mme X s'acclimate relativement bien
à son horaire de travail qui consiste en trois nuits de travail et une
nuit de congé ou deux, dépendant des fins de semaine, ainsi que
quatre nuits consécutives suivies d'un congé une seule fois par
mois. Cependant, au printemps 1983, la situation de Mme X se
détériore. Elle ne parvient à récupérer
qu'une fin de semaine sur deux. À cette période, on l'a
avisée de la fermeture du département où elle travaille
pour permettre au personnel de prendre son congé annuel. Le
département ferme du 24 juin au 24 juillet et Mme X se retrouve sur une
équipe volante de nuit avec un horaire de quatre nuits
consécutives de travail. Ce nouvel horaire épuise Mme X qui n'est
plus en mesure de récupérer. Des malaises physiques font leur
apparition: points dans le dos, céphalées, angoisses, etc. Le 2
août 1983, Mme X va consulter son médecin personnel ainsi que le
médecin du bureau de santé de l'hôpital. Les deux
médecins établiront un diagnostic de dépression nerveuse
situationnelle. On recommande un arrêt de travail avec médication
appropriée. Il y aura ensuite d'autres consultations médicales
et, enfin, Mme X consultera un psychiatre qui confirmera son état
anxiodépressif et fixera, de concert avec le médecin de famille,
la date de retour au travail pour le 17 octobre 1983. Mme X ne reprendra son
travail que dans la nuit du 5 au 6 novembre et exercera le présent refus
de travail vers 2 heures, le 7 novembre, considérant que son travail
constitue une agression pour son intégrité physique et mentale.
Le certificat médical a bien sûr été fourni. Le
motif du refus du travail: Mme X n'est plus capable de supporter les
changements d'horaire inhérents à son travail de nuit. Le stress,
la tension et les angoisses éprouvés à la pensée de
retravailler la nuit sont insupportables et mettent en danger sa santé
physique et mentale.
Voici la décision de l'inspecteur: Considérant que le
danger invoqué par Mme X est relié à l'horaire de travail
et non à l'exécution de la tâche et des
responsabilités inhérentes au poste de chef d'équipe, de
l'aveu même de Mme X; que l'exécution du travail ne comporte pas
pour elle une situation exagérée de stress, étant une
infirmière expérimentée, de l'aveu même de Mme X;
qu'elle a une facilité d'adaptation vis-à-vis des
différentes tâches à exécuter, de même qu'elle
serait disposée à exécuter son travail en horaire de jour;
considérant que l'article 12 de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail stipule que le droit de refus est lié
à l'exécution du travail et non à l'horaire fixé
pour l'exécuter; considérant que cet horaire de travail qui
s'établit de 23 h 45 à 7 h 45, d'une durée de huit heures
entrecoupées d'une période de repas de trois quarts d'heure, de
deux périodes de repos de quinze minutes, est de type normal, compte
tenu de la nature de cet établissement; considérant le certificat
médical qui confirme que les problèmes de santé de Mme X
sont reliés à l'horaire de travail, je décide donc qu'il
n'existe pas de danger justifiant la travailleuse à refuser
d'exécuter son travail. (15 h 45)
Voici les motifs à l'appui. L'article 12 de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail est très clair. Il
stipule textuellement ce qui suit: un travailleur a le droit de refuser
d'exécuter un travail s'il a des motifs raisonnables de croire que
l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa
santé, sa sécurité ou son intégrité
physique, ou peut avoir l'effet d'exposer une autre personne à un
semblable danger. Dans le cas présent, les motifs invoqués par la
travailleuse concernent l'adaptation à un horaire particulier pour
l'exécution du travail et non l'exécution du travail
lui-même. Dans son témoignage, Mme X a clairement indiqué
que ce ne sont pas les tâches et les responsabilités
inhérentes à son poste qui affectaient sa santé,
exerçant cette profession d'infirmière depuis 1965 au même
hôpital. Étant donc très expérimentée et s'y
sentant à l'aise, c'est bien l'horaire de nuit qu'elle ne peut plus
supporter n'étant plus capable de récupérer le jour. Mme
serait prête à exercer le même travail le jour. Or, cet
horaire de nuit est tout à fait normal et régulier pour un centre
hospitalier qui doit dispenser des soins infirmiers 24 heures par jour. Enfin,
le problème de santé de Mme X a été confirmé
par le médecin comme étant relié à l'horaire de
nuit. Compte tenu que la loi sur la santé et la sécurité
prévoit que ces cas en sont exclus, bien sûr que Mme s'est
retrouvée dans une situation où elle a remis sa démission
compte tenu qu'elle n'était plus capable de travailler en service de
nuit.
Il y a de nombreux cas - il y en a d'autres dans le même centre -
qu'on pourrait vous signaler. Il y en a d'autres, bien sûr, ailleurs que
dans la région de Montréal, mais c'est pour vous donner un cas
typique de la situation des travailleuses de nuit. Nous croyons important qu'il
soit reconnu à l'intérieur du projet de loi 42.
Si nous avons insisté au cours de cette intervention sur le sujet
précis de la santé des travailleuses et des travailleurs de nuit,
c'est que le problème est de taille et que la situation exige des
correctifs immédiats, surtout dans le secteur que nous
représentons.
La nécessité de ce type d'organisation du travail telle
que nous la vivons dans les
hôpitaux ne justifie pas que soit hypothéquée la
santé des travailleuses et des travailleurs. Les maladies causées
par le travail de nuit sont souvent insidieuses, comme l'amiantose ou la
silicose par exemple. De plus, elles s'installent confortablement et cela
autant chez les sujets jeunes que chez les plus âgés. Les propos
que nous avons tenus ici n'ont fait référence qu'aux principales
conséquences médicales des horaires de nuit. D'autres
problèmes sont continuellement présents. Nous pensons au stress
et à la charge mentale, par exemple, qui sont autant sinon plus
dommageables. La solution idéale devrait correspondre à une
amélioration sans délai de l'organisation du travail de nuit.
Cependant, pour des motifs inavoués mais dont on sait qu'ils
correspondent à des impératifs de gestion, les objectifs de
prévention dans le secteur des affaires sociales ne se situent pas parmi
les priorités.
Il apparaît dès lors impérieux que les maladies
professionnelles causées par le travail de nuit soient légalement
reconnues comme telles afin que les travailleuses et les travailleurs qu'elles
atteignent soient financièrement compensés et que leur soit
rendue possible une réinsertion professionnelle qui tienne compte de la
gravité de leur cas. Dans le cadre des législations
antérieures -nous sommes convaincus que le projet de loi 42 dans sa
forme actuelle reproduira cette situation de fait - les individus aux prises
avec ces problèmes n'ont pas d'autre choix que de persister dans leur
emploi et empirer considérablement leur état ou quitter cet
emploi et risquer de se retrouver pour longtemps, étant donné la
conjoncture, sur l'assurance-chômage s'ils y ont droit.
L'assistance sociale est la dernière ressource dont ils
disposeront par la suite. Non seulement ils n'ont pas droit à
l'indemnisation prévue par les lois relatives à la santé
et la sécurité du travail, mais ils sont également exclus
des régimes d'assurance-salaire.
Par conséquent, étant donné que les travailleuses
et les travailleurs de nuit sont des individus à part entière et
qu'ils ont droit au même traitement que les autres travailleuses et
travailleurs devant la loi; étant donné que dans sa forme
actuelle le projet de loi 42 ne reconnaît pas ce droit aux travailleuses
et travailleurs de nuit; étant donné qu'il est du devoir de
l'État de corriger rapidement cette situation; la
Fédération des syndicats professionnels d'infirmières et
d'infirmiers du Québec revendique: 1. que soit déclaré
prioritaire, dans les plus brefs délais, le secteur des affaires
sociales. 2. Que soit réaménagé le projet de loi 42 de
façon à inclure les maladies professionnelles dues aux facteurs
de risques psychosociaux, en particulier le travail de nuit, ce qui permettrait
par la même occasion de retrancher l'article 266, aliéna 1 du
projet de loi 42.
Nous revendiquons également que le projet de loi 42 soit
féminisé, comme tous les projets de loi. On devrait voir
apparaître certainement dans ces textes la féminisation.
Finalement, la Fédération des syndicats professionnels
d'infirmières et d'infirmiers du Québec espère une
politique de santé et de sécurité du travail qui soit plus
équitable et plus socialement acceptable, conformément à
l'ensemble des recommandations qu'on a énumérées tout au
long du mémoire. Merci.
Le Président (M. Paré): Merci, Mme Pelletier. La
parole est maintenant à M. le ministre.
M. Fréchette: Oui, M. le Président. Je voudrais
d'abord dire merci à Mme Pelletier et à son groupe de nous avoir
fait leurs représentations. La conclusion générale que
j'en tire à ce stade-ci c'est que votre organisme retient deux
préoccupations qu'il nous soumet d'ailleurs pour réflexion et
évaluation. La première étant les conséquences que
vous évaluez du travail de nuit et, évidemment, ce qui devrait
suivre ces conséquences, c'est-à-dire la reconnaissance des
maladies qui peuvent en découler, quelle que soit la nature de ces
maladies. C'est votre première préoccupation. Dans un
deuxième temps, vous nous faites état de certaines
réserves que vous avez quant à la philosophie du droit de retour
au travail qu'on retrouve dans la loi, ces réserves étant au
niveau des balises quant aux délais qu'on retrouve dans la loi pour
pouvoir exercer ce droit de retour au travail, c'est-à-dire l'obligation
d'avoir été au service du même employeur pendant une
période d'au moins trois mois.
L'autre préoccupation est aussi en termes de délais. Si je
vous ai bien compris c'est qu'il ne devrait pas y avoir de limite permettant
d'exercer ce droit de retour au travail, c'est-à-dire que la balise
d'une année ou de deux ans ne devrait pas être là. J'essaie
aussi succinctement que possible de résumer les deux principaux aspects
de ce que vous nous avez soumis. Ma conclusion, à ce stade-ci en tout
cas, est celle-là. Vous pourrez peut-être ajouter à ma
constatation préliminaire.
Quant à votre première préoccupation, qui m'a l'air
d'être carrément la principale, je veux bien convenir sans
hésitation que le travail de nuit en soi - vous le décrivez avec
force détails dans votre mémoire - peut avoir des
conséquences sur la santé et la sécurité du
travailleur ou de la travailleuse. Cependant, là où les
difficultés commencent à poindre, c'est quand on essaie de faire
la démarcation entre les conséquences qui relèvent
directement de conditions de travail
négociées dans une convention collective, ou
décrétées, pour les fins de la discussion, mais qu'on
retrouve à l'intérieur de conditions de travail, et qu'on essaie
d'évaluer à partir de là quelle devrait être la
proportion assumée par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail.
En d'autres mots, est-ce qu'un nombre considérable des
difficultés auxquelles vous faites référence ne
relèvent pas précisément des conditions de travail? Par
exemple, j'attire votre attention - vous avez d'ailleurs attiré la
nôtre là-dessus - sur la page 2 de votre mémoire. Vous
dites: "II est cependant une autre série de risques omniprésents
en santé du travail et autour desquels on assure une discrétion
absolue: ce sont les agresseurs organisationnels et psychosociaux liés
au contexte et aux caractéristiques de la tâche. Le mode de
rémunération, par exemple, l'horaire de travail, le style de
gestion, l'autonomie, la charge mentale, l'isolement et bien d'autres".
J'essaie de comprendre quel pourrait être le rôle de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail ou encore le
rôle d'une loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles par rapport à ce qu'on est convenu d'appeler les
agresseurs que vous identifiez.
Vous savez, la commission se fait faire tellement de reproches
d'intervenir dans des champs d'action qui ne sont pas les siens qu'on ne va pas
aller au-delà de ce que la loi nous donne comme juridiction et
intervenir dans le processus des conditions de travail. Je ne sais pas si vous
êtes en mesure de clarifier un peu cette situation et de nous dire par
quel mécanisme on pourrait, en vertu de cette loi, rejoindre vos
préoccupations.
Mme Pelletier: M. le ministre, bien sûr, au départ,
lorsque les conditions de travail sont négociées, nous pouvons
peut-être améliorer un certain nombre de points mais nous, on se
dit qu'aussi longtemps qu'on n'aura pas reconnu le travail de nuit comme cause
de maladies professionnelles, lorsqu'on va négocier également
d'autres conditions de travail, on dit à la base de reconnaître
que les horaires de nuit peuvent être facteurs de maladies
profesionnelles. On peut dire aussi que l'organisation du travail pourrait
relever d'une autre table que celle à laquelle nous sommes aujourd'hui
mais, pour être capable d'en faire une discussion plus intelligente,
dirais-je, à une autre table, aussi longtemps qu'on n'aura pas admis
comme principe de base que le travail de nuit peut être un facteur de
maladies professionnelles, il me paraît que c'est devant cette commission
que l'on doit revendiquer que le travail de nuit a des conséquences
quant aux risques de maladies professionnelles. Au départ, pour nous,
c'est extrêmement important.
Ensuite, il sera plus facile, je pense, de travailler également
sur l'aspect de la prévention. C'est l'enfant pauvre actuellement dans
le secteur des affaires sociales. On n'a pas encore reconnu le secteur des
affaires sociales comme prioritaire. De notre côté, nous avons
l'impression qu'on croit que tout le monde est en santé dans les centres
hospitaliers, que les travailleuses et travailleurs devraient être en
santé. C'est un des endroits les pires en termes de maladie. On est en
contact régulier et quotidien avec la maladie. Dans ce sens, on dit que
le secteur des affaires sociales devrait être reconnu comme prioritaire.
Le type de travail et les horaires de nuit ont été reconnu, je
pense, par de nombreuses études. Je pense qu'on évite de faire
face à la situation. Si on s'y attardait davantage, cela aurait
peut-être des conséquences plus positives dans les coûts.
Les gens qui se retrouvent sans emploi provoquent également des
coûts pour la société. Dans ce sens, nous
considérons que c'est d'abord et avant tout au niveau de cette loi que
devrait être reconnu ce principe. Il est bien sûr qu'il y aura du
travail à faire en termes d'amélioration parce que nous sommes
conscients, dans le secteur où nous travaillons, qu'il faut un grand
nombre de travailleuses qui travaillent sur des horaires de nuit. Il y a
peut-être des possibilités d'aménagement qui permettent
quand même à ces travailleuses d'exercer le travail de nuit
pendant un certain temps sans qu'on ait les effets avec lesquels on peut se
retrouver aujourd'hui.
M. Fréchette: Je vous remercie Mme Pelletier. Cela
éclaire très certainement la discussion. Comme nous sommes en
matière d'interprétation, évidemment, on peut voir les
choses différemment suivant qu'on lit le texte d'une façon ou de
l'autre. Quant à moi, je vous donne tout spontanément mon
interprétation par rapport à la discussion que nous sommes en
train d'avoir. Les conséquences du travail de nuit, conséquences
qui pourraient être assimilées à une maladie, quelle qu'en
soit la nature, ne sont pas exclues, me semble-t-il, de la couverture ou du
champ d'application de la loi. Je vais cependant convenir avec vous, sans
aucune discussion, qu'il y a une distinction importante entre les maladies
énumérées à l'annexe A de la loi et les autres qui
n'y sont pas. Parlant des maladies qui sont énumérées
à l'annexe A, je vous signale qu'il s'agit d'une liste de maladies
professionnelles qui a été évaluée par le Bureau
international du travail et qui a été retenue par cet
organisme.
Les conséquences du travail de nuit qui pourraient être,
à un moment donné, considérées comme maladies
professionnelles existent comme possibilités sauf - je vois
difficilement comment, dans la loi, on peut
faire autrement - qu'il appartient à celui qui prétend
à un droit en vertu de cette loi de faire la preuve qu'il s'agit d'abord
d'une maladie et, deuxièmement, où elle a un lien, qu'il y a un
caractère de causalité avec le travail qu'il fait. (16
heures)
Je vous donne un exemple que vous avez vous-mêmes utilisé
dans votre mémoire. Vous dites: Le travail de nuit débouche
souvent sur toute espèce de problèmes autant d'ordre physique,
social que familial. Vous faites une longue énumération des
problèmes qui peuvent surgir et vous pointez l'alcoolisme. Mme
Pelletier, est-ce qu'il faudrait - à votre suggestion - retenir que
l'alcoolisme peut être ou est effectivement une maladie qui est
consécutive à un travail de nuit quand l'on sait que dans
l'état actuel des choses il y a déjà une discussion ferme
quant à savoir si c'est une maladie ou pas? Les uns disant: Oui,
effectivement c'est une maladie qui a toutes les caractéristiques
suivantes: A, B, C, D. Les autres disant: Non, ce n'est pas une maladie mais
encore un péché parmi la liste des sept péchés
capitaux qu'on a connus. Vous voyez d'ici la difficulté.
Deuxièmement, si un bon matin tout le monde s'entendait sur le
fait que l'alcoolisme - je prends cet exemple parce que vous y avez fait
référence dans votre mémoire et que d'autres groupes l'ont
discuté - le phénomène de l'alcoolisme est effectivement
une maladie, faudrait-il immédiatement, sans autre forme de
procès, pour utiliser une expression que l'on connaît tous,
arriver à la conclusion qu'il faille l'inscrire dans la liste des
maladies qui sont consécutives au travail de nuit? Vous voyez toutes les
difficultés que cela peut représenter. C'est un seul exemple
parmi plusieurs autres qui pourrait être utilisé pour sortir un
peu en exergue ce genre de difficultés auxquelles on pourrait faire
face. J'apprécierais pouvoir vous entendre là-dessus.
Mme Pelletier: Lorsque vous apportez l'exemple de l'alcoolisme,
ce qu'il y a dans le mémoire, c'est titré du livre blanc, soit Le
livre blanc et le travail de nuit. Ce n'est pas de nous; ces choses qui ont
été rapportées intégralement du livre blanc. Par
ailleurs, actuellement, l'alcoolisme n'est peut-être pas reconnu
précisément comme une maladie mais il y en a d'autres. On va
parler de l'hypertension artérielle, je pense que cela est reconnu. Nous
en avons des cas. On pourrait vous en citer dans la région de
Québec où cela s'est produit, avec des diagnostics de deux
médecins disant que c'était dû à des horaires de
travail de nuit. Il y a quand même des diagnostics qui sont reconnus
comme tels comme identifiant des maladies. L'alcoolisme, actuellement, ne l'est
peut-être pas, sauf qu'il y aurait certainement intérêt,
comme société, à s'y pencher de façon importante.
De notre côté, on parle de cas concrets comme hypertension et
névrose. Ce sont des situations précises.
M. Fréchette: Est-ce que l'on convient, Mme Pelletier, que
cela peut être couvert par le champ de l'application de la loi à
la condition, évidemment, que le mécanisme qui est prévu
soit respecté, c'est-à-dire que la preuve soit faite devant les
instances habilitées à décider qu'il s'agit effectivement
d'une maladie qui est consécutive à l'exercice du travail de
nuit?
Mme Pelletier: Oui. M. le ministre vous me dites que cela devient
une question d'interprétation.
M. Fréchette: Oui.
Mme Pelletier: On est habitué de chaque côté
à interpréter. Pourquoi ne pas mettre quelque chose de
suffisamment clair, qui ne porte pas à interprétation de ce
côté-là? Vous me dites: Peut-être qu'elles sont
couvertes, les travailleuses de nuit, si on est capable de démontrer que
leur maladie est reliée à ce travail. Je vous donnais l'exemple
tantôt du cas d'une infirmière où le rapport de
l'inspecteur a été basé sur des articles de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail pour dire qu'elle n'y
avait pas droit.
Je pense qu'il n'y a certainement pas actuellement - ce n'est pas ce
qu'on a vu -dans le projet de loi 42 une volonté politique de
reconnaître ce type de maladies professionnelles. C'est tellement
d'interprétation que les travailleuses et travailleurs, finalement, ne
s'y retrouvent plus. Ils deviennent tellement... Quand on se retrouve avec des
gens qui sont en état dépressif, où ils se situent
après plusieurs mois, c'est de laisser la job, parce qu'ils ne sont plus
capables de l'exercer. C'est dans ce sens-là que cela prend des
mécanismes clairs où, je pense, les travailleuses vont être
capables de voir qu'effectivement elles ont un droit, ce qui n'est absolument
pas reconnu, selon nous, dans le projet de loi.
M. Fréchette: Bon! Je comprends que nous pourrions
discuter longuement et ce serait fort intéressant.
Mme Pelletier: Et le fardeau de la preuve...
M. Fréchette: Oui.
Mme Pelletier: ...en plus, dans le projet de loi, appartient
à la travailleuse.
M. Fréchette: Quand je vous parlais de mécanismes,
il y a un instant, c'est à cela très précisément
que je faisais allusion,
parce que s'il fallait retenir les suggestions que vous nous formulez,
parmi lesquelles il en est une qui recommande la suppression pure et simple de
l'annexe A, on pourrait se retrouver dans une drôle de situation.
Supprimons l'annexe A. Supprimons également l'article 29, qui fait
allusion au fardeau de la preuve, et voyez ici qu'à toutes fins utiles,
la Commission de la santé et de la sécurité du travail va
devoir assumer l'"indemnisation" de toute espèce de maladie qui va
affecter un travailleur ou une travailleuse à son emploi. Je comprends
que l'assurance-maladie pourrait être fort heureuse d'accepter une telle
suggestion, mais où allons-nous nous limiter et comment allons-nous
faire la démarcation entre, par exemple, une très mauvaise grippe
qui dure longtemps mais qui est occasionnée parce qu'on a pris froid en
allant à une partie de sucre ou ailleurs et une autre mauvaise grippe
qui a été contractée à l'intérieur de
l'institution où on travaille pour toutes sortes de motifs? Je pense que
là, on se retrouverait dans un champ d'application si vaste que cela
deviendrait de l'interprétation et de l'application absolument
impossibles. Je ne sais pas si mon évaluation est exacte à ce
stade-ci, mais c'est une première réflexion. Elle est
spontanée - je ne vous le cache pas - mais elle soulève certaines
inquiétudes.
Mme Pelletier: Oui, je peux... Vous dites: Elle est
spontanée. Quand vous dites: On pourrait se retrouver dans toutes sortes
de situations, il faut tenir pour acquis que cela prend quand même une
évaluation du médecin traitant. Je pense que là aussi, au
préalable, ce n'est pas une démarche qui se fait... Je ne me sens
pas bien aujourd'hui et je vais porter plainte à la Commission de
santé et de sécurité du travail. Je pense que ce n'est pas
dans cette approche-là... Si c'est ce que vous avez compris de notre
présentation, ce n'est pas ce que nous recherchons. Nous sommes beaucoup
plus préoccupés, bien sûr, par toute l'approche
santé, prévention et, dans ce sens, si on investissait
peut-être davantage, qu'on reconnaissait le secteur des affaires sociales
comme prioritaire et qu'on lui donnait les moyens pour quand même
être en mesure au niveau des centres d'y travailler... Bien sûr,
les travailleuses de nuit, pour nous, c'est une préoccupation
extrêmement importante depuis de nombreuses années, parce que nous
sommes un des groupes qui représentent quand même dans le secteur
un grand nombre de travailleuses de nuit.
M. Fréchette: Non, je n'ai pas compris, Mme Pelletier, que
vous vouliez aller à tous vents et sans aucune espèce de balises,
mais comme vous réclamez de façon expresse la suppression autant
de l'annexe A que de l'article 29, j'essayais d'évaluer - encore une
fois, c'est une réaction très préliminaire -devant quelle
situation strictement juridique nous pourrions nous retrouver. Les explications
que vous me donnez me satisfont et je comprends très facilement
l'orientation que vous donnez à votre mémoire.
Le Président (M. Paré): Avez-vous
terminé?
M. Fréchette: Oui, cela va.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant
à M. le député de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. J'aurais un commentaire
qui va certainement susciter une réaction de la part de Mme Pelletier et
celles qui l'accompagnent. Comme le ministre, ce qui m'a frappé dans
votre mémoire, c'est que vous parlez du travail de nuit et des rythmes
biologiques. Il est reconnu, d'après ma connaissance - peut-être
que vous êtes en mesure d'en savoir plus que moi - que les rythmes
biologiques varient selon les individus et selon les journées et la
période de l'année. C'est-à-dire qu'une personne peut
être beaucoup plus fonctionnelle dans une période donnée,
de 14 heures à 16 heures, ou même de 2 heures à 4 heures,
selon l'individu.
Sans aller dans toutes les permutations et combinaisons possibles de ces
rythmes on pourrait, pour les fins de notre discussion, en faire deux
catégories. Vous parlez justement des personnes qui travaillent de nuit.
Si on pouvait catégoriser les personnes diurnes et d'autres nocturnes,
est-ce que les mêmes préoccupations que vous soulignez
s'appliqueraient pour les personnes nocturnes qui ont à faire du travail
le jour?
Une voix: Je vais demander à Mme Dufresne de donner son
commentaire.
Mme Dufresne (Francine): Quand vous parlez de travailleurs
diurnes et de travailleurs nocturnes, c'est une infime minorité. Il en
existe effectivement. Il peut y avoir peut-être un travailleur sur 10 000
ou une travailleuse sur 10 000 qui puisse s'accommoder facilement d'un travail
de nuit à court terme.
M. Cusano: Est-ce que vous avez des statistiques sur ça,
madame?
Mme Dufresne: Quant aux statistiques québécoises,
on peut dire que très peu d'études ont été faites
en termes de santé et sécurité auprès des
travailleurs de nuit. Les études dont on dispose sont des études
surtout françaises. Il y a des études qui commencent à
sortir en Suède. On a beaucoup de documentation là-dessus, on
pourrait peut-être même vous fournir une bibliographie si
vous décidez de vous y intéresser, de vous préoccuper plus
fondamentalement de la question parce qu'on pense qu'on devrait effectivement
s'y intéresser.
Pour répondre à votre question, je n'ai pas de chiffres
à l'appui. Je ne pense pas, de toute façon, qu'on puisse avoir de
chiffres précis là-dessus parce que ce n'est pas une question de
statistiques, c'est une question de dérèglement de l'organisme.
C'est une infime minorité de gens qui peuvent s'accommoder d'un travail
de nuit et ça, à court terme, parce qu'à long terme les
effets néfastes se font sentir.
M. Cusano: Je ne conteste pas qu'il y ait des effets
néfastes, je voulais seulement savoir si, chez les nocturnes, il y avait
autant de difficultés à s'adapter à un travail de
jour.
Mme Dufresne: Je pense qu'il faut admettre au départ qu'il
n'existe pas, fondamentalement, de personnes nocturnes et de personnes qui
puissent travailler la nuit tout le temps sans en subir les
conséquences.
M. Cusano: Mais des études sont parues aux
États-Unis, à savoir qu'il y a une très grande variation -
je ne les ai pas avec moi présentement mais je pourrais vous les faire
parvenir - et que l'efficacité d'un individu varie selon les heures de
la journée et les jours de l'année.
Ma préoccupation, madame, c'est simplement qu'en regardant toutes
les permutations et combinaisons qui seraient possibles en tenant compte de
l'individu, je ne sais pas où on arriverait.
Mme Dufresne: Je voudrais juste ajouter que,
particulièrement au rythme biologique, il n'existe pas une
infinité de permutations possibles. Il peut y avoir une synchronisation,
une resynchronisation, une désynchronisation des rythmes. Par rapport au
travailleur de nuit, ce qui est admis et médicalement nocif, c'est que
la personne est en désactivation diurne alors qu'elle est en activation
nocturne et que l'organisme est fait pour fonctionner normalement à
l'inverse.
M. Cusano: C'est une question d'opinion. Merci.
Mme Pelletier: ...vous le prenez par l'approche
efficacité, peut-être que la travailleuse... Je pense qu'elle peut
être efficace si vous le prenez strictement sur la question
d'efficacité. Vous abordez ça par l'efficacité.
Peut-être qu'elle est plus efficace la nuit que le jour, mais on ne
l'aborde pas en termes d'efficacité, on l'aborde en termes d'approche
santé. Ça ne veut pas dire, parce que la travailleuse pourrait
possiblement être plus efficace dans des horaires de nuit, que sa
santé n'en est pas atteinte pour autant. Je pense qu'il ne faut pas
confondre l'efficacité. Peut-être que pendant deux ans ou trois
ans elle va y aller mais, à long terme et même à moyen
terme, on dit que c'est de ce côté-là qu'on doit regarder
et on ne l'aborde pas de notre côté par l'approche
efficacité.
M. Cusano: Merci.
Mme Pelletier: Mme Dufresne a un élément à
ajouter.
Mme Dufresne: Si je peux me permettre d'ajouter quelque chose par
rapport à la question de M. le ministre sur l'article 29. On
considère que cet article est nettement discriminatoire et crée
deux catégories de maladies professionnelles et d'accidents du travail:
les maladies dues à des contaminants, telles que définies dans
l'article sur les définitions qui ne concernent que les contaminants -
qu'on appelle physiques, biologiques, les poussières, tout ce qui se
répand dans l'atmosphère - et les autres maladies
professionnelles. Concernant les autres maladies professionnelles dont le
travailleur a le fardeau de faire la preuve qu'il en est vraiment atteint, ce
qui n'est pas justifiable, c'est effectivement cette discrimination qui
s'établit entre ces deux catégories de travailleurs, parce que la
victime d'une maladie professionnelle due à des contaminants a
priorité pour se prévaloir de la loi. Tel que l'article est
défini ici, le travailleur victime de maladies professionnelles dues
à autre chose que des contaminants, on peut présupposer que
jamais il ne pourra se prévaloir de cette loi. (16 h 15)
M. Fréchette: À cause du fardeau de la preuve?
Mme Dufresne: Tout d'abord à cause du fardeau de la
preuve. Il a le fardeau de la preuve.
M. Fréchette: Oui.
Mme Dufresne: Et déjà, au départ, ce n'est
pas reconnu comme une maladie professionnelle, parce qu'il n'est pas
exposé à un contaminant spécifique.
M. Fréchette: Oui. Cela va. Je comprends le sens de votre
intervention. On va regarder cela de plus près.
Le Président (M. Paré): Merci. M. le
député de Beauharnois.
M. Lavigne: Merci, M. le Président.
Mme Pelletier, je voudrais vous poser une brève question.
Peut-être que c'est dit dans votre mémoire, mais je ne le retrouve
pas de façon claire ou spécifique. On a eu différents
groupes qui se sont présentés ici et il y a eu différents
points de vue qui ont été émis et différentes
prises de position, différentes solutions qui ont été
privilégiées par les uns et les autres. Il s'agit de la
réinsertion de la personne accidentée, ou de celle qui a subi une
maladie causée par son travail et qui revient au travail. Est-ce que
vous privilégiez d'abord l'application de la convention collective ou la
réinsertion la plus complète possible de l'accidenté dans
son milieu de travail? Dans un premier temps, si la personne peut
réintégrer la tâche qu'elle occupait au moment de son
accident ou de sa maladie, cela facilite un peu sa réinsertion. Si, par
ailleurs, la personne revient à son travail partiellement
handicapée et qu'elle ne peut reprendre le travail qu'elle faisait au
moment de son accident, est-ce que vous privilégiez, par exemple, une
réinsertion à tout prix dans son milieu de travail, même au
détriment d'une autre personne? J'aimerais entendre vos commentaires
à ce sujet.
Mme Pelletier: Pour nous, bien sûr, ce sont les droits
collectifs qui ont été négociés que nous tentons de
faire respecter d'abord et avant tout. Les gens qui reviennent et qui ont
conservé leur poste ou pour qui c'est possible de le reprendre, c'est
bien sûr que ce n'est pas là qu'il y a un problème. Les
nombreux cas, quand même, que nous vivons dans notre secteur, ce sont des
gens qui ne peuvent pas reprendre l'emploi qu'ils occupent actuellement, soit
ceux qui souffrent de maux de dos, ou les travailleuses de nuit pour lesquelles
on devrait tenter de trouver un poste réservé. Ceci n'est pas
notre approche. La salariée qui reçoit des prestations de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail a son
ancienneté et c'est avec ce droit qu'elle pourra avoir recours à
un poste lorsqu'il deviendra disponible. Par ailleurs, on n'exclut pas - et
c'est ce qui se passe effectivement dans nos milieux - là où les
membres, collectivement, sont d'accord pour que cette personne puisse obtenir
un poste par le biais d'ententes au niveau local, qu'on puisse résoudre
le problème dans certains cas. Mais c'est la volonté des membres
de chaque centre, à ce moment-là, qui est exprimée par
rapport à la situation présente, dans chaque cas qui doit
être traité à la pièce. C'est toujours, pour nous,
la convention qui doit primer, mais on ne ferme pas la porte à des
ententes au niveau local.
M. Lavigne: Vous manifestez quand même une
inquiétude à la page 17 de votre mémoire en disant qu'il y
a une grande pénurie d'emplois, particulièrement dans le monde
hospitalier. Tenant compte du fait que cette personne a un délai de deux
ou trois ans pour réintégrer son travail, elle risque d'attendre
durant tout ce temps, ce qui fera qu'au bout du délai, elle n'aura plus
les privilèges en question. Qu'est-ce que vous suggérez à
ce moment-là? J'imagine que vous suggérez d'allonger le
délai en question ou d'enlever le délai au complet.
Mme Pelletier: C'est cela. Je pense que la salariée qui va
se retrouver en attente ne doit pas être pénalisée. Elle
doit toujours conserver ses droits et avoir la possibilité d'obtenir un
emploi qui peut devenir disponible à l'intérieur de son
établissement.
M. Lavigne: Même si cela devait durer quatre ans, cinq ans
ou dix ans, ou indéfiniment?
Mme Pelletier: Quatre ans, cinq ans ou dix ans, oui. Vous pouvez
mentionner dix ans, si la situation se poursuit telle qu'elle est actuellement
où, avec toutes les restrictions, il n'y a pas eu d'ouverture de postes,
sauf, bien sûr, si cette salariée continue d'accumuler ses droits
en termes d'ancienneté. Il est à espérer qu'elle aura un
emploi avant dix ans, compte tenu qu'il y a des gens qui laissent le
marché du travail après un certain nombre d'années et que
notre population, comme l'ensemble de la population du Québec, vieillit
elle aussi; je pense qu'à ce moment-là, elle devrait être
en mesure d'y retourner. Mais, pour une personne qui est apte à
retourner sur le marché du travail, il faut vraiment trouver des
mécanismes qui lui permettent d'y retourner. Mais, vous avez
certainement vu notre préoccupation à l'intérieur de notre
mémoire. Nous avons surtout cherché à faire
reconnaître les travailleuses de nuit à l'intérieur des
maladies professionnelles. Nous n'avons quand même pas exploré
l'ensemble des articles. Étant assurés que bon nombre de groupes
feraient des représentations sur l'ensemble du projet de loi 42, nous
avons d'abord voulu insister sur les travailleuses.
M. Lavigne: Je vous remercie.
Le Président (M. Paré): Je vous remercie beaucoup,
Mme Pelletier, ainsi que les autres dames qui vous accompagnent pour la
présentation de votre mémoire à la commission. Nous allons
maintenant demander aux gens qui veulent présenter le mémoire de
la Commission des services juridiques de prendre place ici à
l'avant.
La commission suspend ses travaux pour quelques minutes, mais vous
pouvez prendre place ici. Ce ne sera pas tellement long.
(Suspension de la séance à 16 h 22)
(Reprise de la séance à 16 h 30)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît! Mesdames et messieurs, nous allons reprendre les travaux.
Bienvenue aux gens qui viennent nous présenter un mémoire au nom
de la Commission des services juridiques. Je demanderais au porte-parole de
s'identifier et de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.
Commission des services juridiques
M. Lafontaine (Yves): Merci, M. le Président. Mon nom est
Yves Lafontaine, je suis président de la Commission des services
juridiques. À mon extrême droite, Me Normand Auclair, qui est de
la Corporation d'aide juridique de l'Outaouais; à ma gauche, Me
François Doré; à ma droite, Me André Collard, du
service de recherche de la Commission des services juridiques.
M. le Président, avec votre permission, on aimerait
procéder en deux étapes dans la présentation de notre
mémoire. J'aimerais faire un résumé succinct de quelques
points importants moi-même. Comme je ne suis pas spécialiste dans
la question, je demanderai à Me Collard de continuer la
présentation.
Nous procéderons sous forme de résumé, si vous le
permettez aussi. Étant donné qu'il y a plus de 50 pages, je
présume que la commission aura le temps de se pencher sur d'autres
points dont on ne parlera pas, étant donné que c'est
déjà couvert dans l'écrit.
Nous, à l'aide juridique - j'aimerais quand même qu'on se
situe par rapport à notre mandat, qu'on dise pourquoi on est ici, quel
va être le biais que nous allons prendre; nous avons un biais
étant donné le mandat que nous avons - nous sommes 335 avocats
qui travaillent dans les bureaux d'aide juridique comme permanents. Nous avons
130 bureaux au Québec et nous avons plus de 250 000 clients par
année. Là-dessus, en 1982-1983, il y en a 1700 qui sont venus
nous voir pour des problèmes relatifs à des accidents du travail.
C'est à même cette expérience vécue que nous avons
réuni des comités d'avocats qui faisaient plus
spécialement du droit des accidents du travail et que nous avons
examiné ensemble l'avant-projet de loi 42.
Ce qui nous frappe dans le projet de loi, c'est qu'il semble qu'on soit
en train de vouloir faire payer à d'autres qu'aux employeurs des sommes
qui devraient être versées pour l'indemnisation des victimes. Je
m'explique sur cela. Les accidentés du travail étaient
indemnisés jusqu'à aujourd'hui en vertu d'une loi qui
était financée par des employeurs. C'est une mutuelle
d'employeurs dans le fond. Parce que, originairement, ils étaient
poursuivis devant le tribunal de droit commun, souvent par des procès
par jury, on a décidé à un moment donné - entre
autres, cela faisait crever certaines petites entreprises - qu'il y avait une
mutuelle. Autrement dit les employeurs se mettaient entre eux pour couvrir le
risque du travail et payaient à ce moment une cotisation à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail.
On a commencé déjà, lors de la dernière loi,
à faire payer à d'autres qu'aux employeurs une partie de ce
risque. Je m'explique: Déjà aux articles 249 et 250 de la loi
actuelle on a dit: L'inspection, cela va être payé par le
gouvernement. On a dit: L'information et la recherche à la Commission de
la santé et de la sécurité du travail, cela va être
payé par le gouvernement. Donc, il y a une partie que les employeurs
n'auront plus à payer même si ce sont des risques afférents
aux gains qu'ils peuvent avoir à la suite de ces emplois.
Nous sommes portés à croire, à la lecture du projet
de loi, qu'on est en train encore de transférer d'autres coûts sur
l'ensemble de la société ou sur les travailleurs qui ont à
assumer des risques dans leur emploi. Cela vient principalement de deux points
qu'on retrouve au projet de loi. D'abord, pour nous, le fait que
l'indemnisation ou l'indemnité de remplacement du revenu après la
troisième année tombe, dans plusieurs cas, si on est capable soit
de trouver un emploi, soit de présumer un emploi. Quant à nous
c'est un transfert vis-à-vis de l'aide sociale qui va s'effectuer. Si
c'est un transfert vis-à-vis de l'aide sociale, à ce moment, je
me dis qu'on a donc transféré à la société
un coût qui était afférent normalement aux employeurs. Cela
a une influence, c'est sûr, au niveau du travailleur lui-même, mais
cela a aussi une influence psychologique vis-à-vis de ce travailleur.
Dans la société c'est comme cela, je n'ai rien à y faire:
le statut de l'assisté social est beaucoup moindre que le statut d'un
accidenté du travail. Autrement dit, c'est moins bien
considéré sociologiquement. On a dit pour faire passer cela: On
va l'assimiler à ce qui se passe dans le cas des accidents de la route.
En le faisant, par exemple, on le fait à rabais. Si au moins on avait
appliqué ce qu'il y a dans ce régime, cela serait un moindre mal.
Mais, en le faisant, on le fait à rabais.
Nous disons que la loi actuelle, à son article 38.4, indemnise
réellement le travailleur pour les risques subis pour le temps
où, effectivement, il souffre à la suite de l'accident qu'il a
subi au travail. Je comprends que cela a amené des difficultés.
D'abord, parce qu'on n'appliquait pas l'article 38.4. Des jugements de cours
sont intervenus et ont dit: Vous devez l'appliquer. La Commission des affaires
sociales applique un barème, la CSST aussi applique un
barème.
C'est sûr qu'il y a une espèce d'imbroglio juridique
là-dessus aujourd'hui, mais si on prend les jugements de la Commission
des affaires sociales, quant à moi, ces jugements indemnisent
complètement le travailleur parce qu'ils font entrer en ligne de compte
la capacité de retour au travail, ce que, quant à nous, on ne
retrouve pas dans le projet de loi, du moins après trois ans. Donc, on
se trouve à transférer encore une fois des coûts
vis-à-vis de la société.
Il y a aussi un autre élément qui nous apparaît,
d'une certaine façon, discriminatoire. On a prévu que
l'employé qui retrouvait un emploi à un salaire moindre avait
encore droit à une indemnité, mais en proportion de la
différence qui allait en décroissant au fur et à mesure
qu'il s'approchait du salaire auquel il aurait eu droit s'il n'avait pas
été accidenté. Je comprends cela pour un haut
salarié. Autrement dit, celui qui a des chances de trouver un emploi
à un salaire moindre et donc d'avoir droit à une certaine
indemnisation en surplus.
Mais pour l'employé qui est au salaire minimum, celui qu'on
représente habituellement, ce n'est pas vrai. Il ne pourra jamais avoir
un supplément parce que tout ce qu'on va être capable de lui
présumer ou tout ce qu'il va être capable de trouver, ce sera
encore un travail au salaire minimum. Donc, effectivement, dans ce cas, il est
discriminé par rapport à un plus haut salarié qui, lui,
pourra obtenir une rente supplémentaire.
Je complète mes remarques générales. En fait, en
vertu de l'article 79, qui fait présumer un emploi, pour nous, pour la
majorité des bénéficiaires de l'aide juridique qui se
retrouveront dans cette situation d'accidentés du travail, il n'y aura
plus de véritable indemnisation basée sur l'aptitude ou
l'inaptitude à reprendre le travail. Ce sont les accidentés qui
feront les frais de la diminution de 8% des cotisations des employeurs. Pour la
Commission des services juridiques, cela constitue un recul substantiel du
projet de loi 42. Nous recommandons donc le maintien du régime actuel
d'indemnisation qui, lui, tient compte de la diminution de capacité de
travail de l'accidenté.
Je laisserai à mes confrères le soin d'aborder d'autres
plans. Quand on dit qu'on transfère des coûts sur la
société, on les transfère aussi pour les victimes d'actes
criminels. Là, on va voir que ces victimes sont maintenant
indemnisées au niveau de l'aide sociale. Ce sera la même chose
pour les victimes de sévices. Autrement dit, un héros qui
contribue aujourd'hui à sauver la vie de quelqu'un et qui demeure
hypothéqué pour le restant de ses jours va rester un
assisté social parce qu'effectivement on l'indemnise comme s'il
était un assisté social. Et qui va encore payer les frais au
niveau de la société? Ce seront les vieux, après 65 ans ou
68 ans, et aussi les amiantosés parce qu'on crée un régime
qui va être diminué par rapport à ce qu'ils avaient
déjà. Sur le mémoire lui-même, je vais laisser
parler Me Collard.
M. Collard (André): Je vous rappelle que la substance des
propos que vient de tenir Me Lafontaine se retrouve dans ce qu'on a
appelé dans le mémoire la première partie, qui va
jusqu'à la page 8 où vous retrouvez ces aspects essentiels
développés d'une manière qu'on espère
adéquate. Vous retrouvez également, aux pages 9 à 13
inclusivement, un sommaire de ce qu'on a qualifié les aspects positifs
du projet de loi 42 ainsi qu'un sommaire de ce qu'on a qualifié
d'aspects négatifs de ce même projet de loi. Je n'interviendrai
pas pour vous commenter ces aspects puisqu'on le fera au fur et à mesure
de l'analyse article par article du projet de loi qui constitue en fait la
deuxième partie du mémoire que nous vous soumettons. Cette
deuxième partie, comme je viens de le mentionner, procède par
article. Vous comprendrez qu'on n'a pas commenté tous les articles du
projet de loi. Nous n'avons commenté que les articles du projet de loi
qui semblaient mériter notre attention, soit parce qu'ils étaient
encore une fois positifs ou parce qu'ils étaient, selon nous,
jugés négatifs. Je vous référerai au mémoire
quant à tous et chacun de ces articles pour ne faire devant vous qu'une
élaboration sur certains de ces articles que nous avons commentés
à l'intérieur du mémoire.
Pour ceux qui voudraient me suivre au texte, je vous amènerais
immédiatement en page 16 où je désirais souligner ce qui
nous semblait positif, la définition de "maladie professionnelle" qui se
réfère à l'article 28 de la loi et qui se
réfère également à une annexe où on constate
avec satisfaction que, le nombre des maladies, prévues à l'annexe
en question et qui font présumer d'une maladie professionnelle, ayant
été augmenté, cela va faciliter la tâche à
certains travailleurs qui étaient victimes de maladies dont on savait
à peu près tous qu'elles étaient des maladies
industrielles mais qui devaient quand même en faire la preuve. Donc,
c'est un aspect positif du projet de loi.
Je vous amène à l'article 30, que vous retrouverez
à la page 17 du mémoire, où il est question de
l'assignation de tâches qui peut être effectuée dans le cas
où un travailleur dépose une réclamation pour maladie
professionnelle. Nous constatons avec satisfaction que le législateur a
prévu cette disposition et nous lui suggérons d'aller
légèrement plus loin en en faisant clairement une obligation et
non pas un pouvoir discrétionnaire accordé à la
commission. L'interprétation qu'on fait de l'article laisse
supposer que la commission pourra décider. Nous pensons que le
simple fait qu'un médecin atteste, par son certificat médical,
l'existence du danger en question est suffisant pour permettre le retrait et
que, dès ce moment-là, la disposition prévue à
l'article 31 devrait être appliquée.
Nous avons également des commentaires à vous offrir au
sujet de la mécanique prévue par le projet de loi 42 concernant
la détermination des maladies industrielles rattachées à
la pneumoconiose, soit les deux fameux comités d'experts médicaux
qui sont mis sur pied par le projet de loi 42. Le comité était
d'avis, en étudiant l'effet de cette disposition, que le fait que six
médecins se penchent sur le cas d'un travailleur, qui prétend
être victime d'amiantose ou de silicose, n'est pas premièrement le
gage d'une reconnaissance objective de la présence ou de l'absence d'une
maladie industrielle qui y est prévue. On pense, cependant, que le fait
qu'un comité de six médecins, ayant décidé qu'il y
avait ou qu'il n'y avait pas une telle maladie, va pratiquement faire en sorte
qu'il n'y aura plus rien à faire, même si un autre médecin
isolé, par son expertise, était à même de venir dire
que, quant à lui, il y a maladie industrielle.
On pense donc que la présence d'un seul des deux comités
serait suffisante. Trois médecins spécialistes, se penchant sur
le problème médical du travailleur, devraient être à
même de déterminer d'une manière adéquate s'il y a
ou pas de maladie professionnelle, le second comité, celui des
présidents choisis parmi d'autres quorums, devient plus ou moins
inutile.
Il était de l'avis également du comité que le
travailleur accidenté, au cas où il en exprimait le désir,
devrait avoir la possibilité de choisir l'un des trois médecins
qui seront amenés à recommander à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail sa décision.
Nous avons un commentaire qu'on retrouvera également plus loin au
mémoire quand nous discuterons de l'appel aux articles 245 et 247 du
projet de loi. Nous constatons qu'un délai d'appel plus court à
la Commission des affaires sociales a été prévu pour les
décisions rendues dans l'application de ces articles. Nous ne pouvons
trouver de justification raisonnable à un traitement différent
dans ces cas-là. Nous pensons qu'un délai d'appel de 90 jours qui
existe pour toutes les autres décisions devrait également
être celui qui devrait s'appliquer pour les victimes de maladies
professionnelles. Encore une fois, on ne voit pas de raisons qui militent en
faveur d'une reconnaissance d'un processus différent pour les cas de
maladies industrielles par rapport à ceux d'accidents industriels. On
remarque également que l'étape de la reconsidération
administrative, qui est par ailleurs prévue pour les cas d'accidents, ne
se retrouve pas au niveau des maladies professionnelles. (16 h 45)
Je vous amène maintenant à l'article 41 où on
prévoit le cas de l'accidenté du travail qui, au moment où
il est indemnisé, subirait un accident qui pourrait par exemple
être un accident de la route. Le comité a constaté qu'on
nie à l'accidenté le choix du régime d'indemnisation qui
pourrait s'appliquer dans ce cas. On pense que, dans la mesure où -
comme le disait Me Lafontaire tout à l'heure - le régime actuel
d'indemnisation en matière d'assurance automobile est plus favorable
à certains égards que celui que propose le projet de loi 42, le
choix devrait être laissé à l'accidenté de
décider en vertu de quel régime l'indemnité devrait lui
être versée.
Dans un même ordre d'idées, un commentaire concernant
l'article 42 du projet de loi qui concerne le cas de l'accidenté qui
subirait un accident du travail dans un endroit qui serait couvert par une
autre législation que celle des accidents du travail. Ce serait le cas,
par exemple, de l'Ontario. Une présomption aurait pour effet de faire
présumer qu'à défaut par le travailleur d'avoir à
exercer son option, à savoir qu'il désirerait être
indemnisé en vertu du régime québécois, renonce
à l'indemnisation en vertu du régime québécois.
Nous pensons que, s'il y a lieu d'établir une présomption, elle
devrait être à l'effet contraire. Elle devrait être ainsi:
le travailleur qui n'a pas fait l'option au moment voulu a choisi d'être
indemnisé en vertu du régime québécois des
accidents du travail.
Concernant l'article 44, un court commentaire qui nous amenait à
vous suggérer une légère modification de cet article, au
tout début: lorsqu'on dit "un bénéficiaire", y ajouter "ou
son avocat" afin de régler un problème qui se pose à
quelques occasions dans les cas où un avocat représente un
accidenté du travail devant les instances prévues, soit devant le
bureau de révision ou la Commission des affaires sociales. La
proposition actuelle laisse supposer que l'avocat devrait obtenir un mandat
express, donc écrit de son client, pour obtenir communication, par
exemple, du dossier médical qui le concerne. On pense que le mandat de
l'avocat qui lui est donné pas son client de le représenter
devant les instances qu'on vient de mentionner comporte le mandat de prendre
connaissance tout naturellement des documents sur lesquels se fonde cette
décision. Ce sont généralement des dossiers
médicaux; sauf pour les questions de fait accidentel, les dossiers
d'accidentés du travail se règlent généralement
à partir d'une preuve médicale. Cela pourrait éviter
certaines tracasseries.
Concernant l'article 49, nous avons constaté qu'on avait
prévu quelque chose au niveau des étudiants. C'est une mesure que
nous avons donc jugée intéressante. Nous pensons cependant que la
possibilité de prolonger l'indemnité de remplacement de revenu
dans les cas visés à cet article ne devrait pas être
soumise à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Nous
référons le législateur, à ce sujet, à
l'article 21 c) de la Loi sur l'assurance automobile qui prévoit une
disposition à peu près semblable dans les cas où c'est
cette loi qui est mise en oeuvre. Nous constatons qu'au niveau de la
législation sur l'assurance automobile il ne s'agit pas d'un pouvoir
discrétionnaire. Nous suggérons donc qu'il en soit de même
pour la Loi sur les accidents du travail.
Concernant l'article 53 du projet de loi 42 qui a pour effet de faire
passer de cinq à quatorze jours la période pour laquelle
l'indemnité de remplacement de revenu sera versée directement par
l'employeur à l'accidenté, nous constatons que cette disposition
aura pour effet de réduire effectivement certains ennuis
budgétaires que connaissaient les accidentés du travail qui
avaient à souffrir d'une période de flottement au moment de
l'accident et qui avaient souvent besoin de faire une demande d'aide sociale en
attendant d'obtenir le paiement de leurs prestations d'accidents du travail. On
pense que cette disposition est de nature à réduire ces
inconvénients. Nous suggérons toutefois qu'on devrait
prévoir les cas où l'employeur refuserait de verser cette
indemnité. On imagine difficilement que ces cas pourraient être
nombreux. Cependant, il serait bon de prévoir que, dans le cas où
un employeur serait récalcitrant, la commission pourrait indemniser
elle-même l'accidenté, quitte à ce que ce dernier subroge
la commission dans ses droits quant à ces deux semaines.
Je vous amène maintenant à l'article 56 du projet de loi
qui prévoit la réduction des indemnités de remplacement de
revenu pour les travailleurs âgés de 65 ans. Quant à
l'alinéa 1), nous vous avons indiqué ce qui nous semble
être une possibilité d'interprétation litigieuse. Nous vous
la soumettons. Je m'attacherai plus particulièrement au paragraphe 2 de
l'article 56 qui nous semble être ce que nous avons appelé dans
notre mémoire une régression par rapport au droit actuel puisque,
en effet, la loi actuelle sur les accidents du travail prévoit que la
rente pour incapacité partielle permanente du travailleur lui est
versée sa vie durant. Le fait de mettre fin à la rente de
remplacement de revenu d'un travailleur lorsqu'il atteint 65 ans ou selon tout
un mécanisme, selon qu'il aura subi son accident après
l'âge 65 ans où on pourra le prolonger jusqu'à 68 ans, cela
nous semble aller un peu à l'encontre de l'esprit qui a
présidé à l'adoption de la loi sur le régime des
rentes dernièrement, ainsi qu'à celle abolissant l'âge de
la retraite. Nous vous suggérions, dans notre mémoire, qu'il
était possible de se poser une question, à savoir que ce soit
possiblement contraire à l'article 10 de la Charte des droits et
libertés de la personne. Naturellement, on pourrait apporter
déjà un début de réponse négative à
cette question dans la mesure où l'article 10 de la Charte des droits et
libertés de la personne indique que c'est sauf dans la mesure où
la loi prévoit qu'il y a discrimination. Donc, on pourrait
éventuellement argumenter à l'effet contraire, à savoir
qu'il n'y a pas discrimination au sens de la charte. Cependant, il n'en demeure
pas moins que l'esprit des deux lois auxquelles je viens de faire allusion
semblait aller à l'opposé de celui qui préside à la
rédaction de l'article 56.
Je vous amène d'un grand bond à l'article 68 du projet de
loi où, comme Me Lafontaine le disait dans son introduction, on se rend
compte, encore une fois, que le régime d'indemnisation prévu par
le projet de loi 42 s'apparente à celui qu'on retrouve actuellement en
vertu de la loi sur l'indemnisation des victimes de la route. Nous vous disions
au second paragraphe: "Nous constatons cependant que cette ressemblance ne
dépasse pas le cadre général du régime. En effet,
le quantum des indemnités est souvent inférieur et de beaucoup
à celui de la Loi sur l'assurance automobile. L'article 68 en est une
illustration éloquente."
On constate, par exemple, que, pour une même situation en
matière d'assurance automobile, l'étudiant recevra une prestation
de 130,45 $, alors que, s'il subit son accident au travail, l'indemnité
sera de 50 $ par semaine. Donc, la question qui se pose à ce stade-ci
est de savoir s'il y a vraiment lieu de faire une telle distinction: Un
accidenté de la route vaut-il plus ou moins qu'un accidenté du
travail? Nous vous disons que nous ne le pensons pas. On suggère donc la
même base d'indemnisation, à cette étape, que celle qu'on
retrouve au niveau de la Loi sur l'assurance automobile.
Le même commentaire vaut quant au second paragraphe de l'article
68 où on adopte comme base de détermination de l'indemnité
le salaire minimum plutôt que la moyenne des revenus de l'ensemble des
travailleurs, ce qui est le cas de la Loi sur l'assurance automobile pour des
situations semblables. Encore une fois je ne pense pas qu'il y ait de rationnel
qui permette de prétendre que l'une des hypothèses sied à
un accident du travail alors que l'autre sied mieux à une victime
d'accident de la route. Nous vous fournissons des chiffres en ce qui concerne
le salaire minimum qui est actuellement de 9152 $ alors que la
rémunération moyenne de l'ensemble des travailleurs serait
de l'ordre de 19 247 $. Ça fait toute une différence au niveau de
l'indemnité.
Une autre distinction au même article, qu'on retrouve entre les
deux régimes: C'est à l'âge de 18 ans que prend effet cette
disposition alors que, dans la Loi sur l'assurance automobile, c'est à
l'âge de 16 ans qu'on la retrouve.
Finalement, pour en finir avec l'article 68, nous avons
suggéré qu'il soit possible de démontrer que
l'indemnité devrait être calculée sur une base
supérieure en raison d'un historique de travail antérieur plus
rémunérateur, en suggérant d'éliminer la limite des
douze mois de référence qui nous semble plus ou moins
arbitraire.
Quant à l'article 69, j'attirerais d'abord votre attention sur la
première ligne où une correction s'imposerait: "Pas plus que pour
l'article 63 nous ne voyons ici de justification à ce que le salaire
minimum serve de base au calcul de l'indemnité." Il faudrait lire:
"l'article 68" au lieu de "l'article 63", l'article qui précède.
C'est donc une coquille.
Certaines observations que nous faisions à ce niveau-là
rejoignent un peu celle que nous avons faite au sujet de l'article 68. Nous
ajoutions qu'il nous apparaissait que la victime, qui avait une
expérience de travail antérieur significative, devrait
bénéficier de ce point de référence pour faire
établir par la commission un revenu brut présumé suivant
des dispositions qui pourraient s'inspirer notamment de celles de l'article 20
de la Loi sur l'assurance automobile, ce qui permettrait de tenir compte de
l'expérience, du degré de scolarité, des capacités
physiques, intellectuelles, etc.
Nous avons accueilli également avec plaisir l'article 71 du
projet de loi qui permettait effectivement de tenir compte, dans la
détermination de la base de calcul d'une indemnité de quelqu'un
qui reçoit déjà une indemnité, du cumul de
l'indemnité et du revenu de travail qu'il tire de son nouvel emploi qui
peut être moindre.
Quant à l'article 73 du projet de loi qui prévoit une
méthode plus équitable de calcul mais qui en laisse une
discrétion à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, nous pensons que ça ne devrait pas
être le cas puisque, si les circonstances, au sens de ces articles, font
qu'il est plus équitable de procéder de la sorte, il devrait
être possible à l'accidenté d'en débattre devant
l'instance de révision ou d'appel s'il ne se déclarait pas
satisfait de la décision de la CSST à cet
égard-là.
L'article 74 permet également de prévoir un revenu brut
plus élevé dans le cas d'un travailleur qui peut démontrer
qu'il aurait pu occuper un autre emploi plus rémunérateur.
Cependant, on prévoit que cette possibilité n'existera
qu'à compter de la deuxième année. Nous ne voyons pas de
justification qui permette de distinguer entre l'indemnité qu'il devrait
recevoir en vertu des dispositions du projet de loi 42 durant une
première année alors qu'on pourrait modifier le calcul au cours
de la seconde année pour tenir compte de la réalité du
marché du travail, quant à lui.
L'article 75 nous semblait un élément positif du projet de
loi. Je pense que personne... L'incitation du retour au travail en soi est une
disposition, comme je le disais, qui est très positive. Cependant, nous
mitigions notre éloge en disant qu'il y avait peut-être lieu de
lui donner un effet incitatif plus probant, par exemple, disions-nous, en
doublant les exemptions qui étaient prévues à l'article 75
pour faire en sorte que la mesure incitative de retour au travail puisse
permettre aux travailleurs accidentés qui acceptent un emploi moins
rémunérateur d'atteindre à peu près, sans toutefois
le dépasser, le seuil du revenu brut de l'emploi antérieur qu'il
occupait. Cela sera vraiment à ce moment-là une mesure incitative
au travail. C'en est déjà une, quoique mitigée. (17
heures)
Des questions se posent cependant à cet égard, auxquelles
nous n'apportons pas de réponse. On se demande ce qui arrivera si
l'employé perd ce nouvel emploi qu'il accepte à un salaire
moindre, ou s'il devient incapable de l'occuper par la suite. On ne semble pas
trouver de réponse à cet égard dans le projet de loi
42.
Les articles 79 à 83 du projet de loi viennent, comme le disait
Me Lafontaine dans sa présentation, modifier substantiellement le
régime d'indemnisation actuel. D'une manière
générale, à cet égard, je vous réfère
à la première partie du mémoire que vous avez entre les
mains. Mais, je vous rappellerai certains des effets prévisibles de ces
dispositions. C'est la perte de la possibilité, qui existe actuellement
à l'article 38.4 de la Loi sur les accidents du travail,
d'évaluer l'incapacité partielle permanente du travailleur en
tenant compte, non seulement du déficit anato-mophysiologique de
l'accidenté, mais également de son incapacité de retour au
travail.
Comme vous le soulignait Me Lafontaine, on peut prétendre que
l'article 79, actuellement, combiné avec l'effet de l'article 81 ou 82,
accorde une certaine protection qu'on pourrait qualifier d'identique.
Cependant, ce n'est pas le cas pour tout le monde. C'est le cas, par exemple,
comme le disait Me Lafontaine, d'un travailleur qui recevait un salaire
correspondant au maximum de la rémunération assurable en vertu de
la loi. Si son incapacité de travail lui permet d'occuper un emploi
moins rémunérateur, le
projet de loi, par l'effet combiné, comme je le disais, des
articles 79, 81 et 82 permettra d'obtenir une indemnité qui tiendra
compte de son incapacité relative de retour au travail.
Cependant, dans le cas du travailleur au salaire minimum qui se verra
possiblement envisager un emploi qui commanderait également un salaire
minimum ou qui, effectivement, occupera un travail commandant un salaire
minimum, il n'en bénéficiera aucunement alors que, physiquement,
sa diminution de capacité de travail pourra être réelle et
que sa situation physique post-accident ne lui permettra pas
nécessairement d'occuper effectivement un emploi disponible sur le
marché du travail. Qu'on pense, par exemple, aux nombreux travailleurs
accidentés qui sont âgés de 50 ou 55 ans et qui se
verraient accorder un déficit anatomophysiologique de 10% ou 15%. Ils
pourraient bénéficier des dispositions de l'article 79 et de
l'indemnité forfaitaire qui suit mais en pratique, ils pourront
très difficilement se retrouver un emploi sur le marché du
travail, compte tenu de leur âge, de leur degré de
scolarité, de leur expérience souvent unique de travail alors
qu'ils entrent en compétition sur le marché du travail avec des
jeunes de 25 ou 30 ans qui sont en pleine possession de toutes leurs
capacités physiques.
Je pense que ce sont les grands perdants de cette disposition.
D'autres grands perdants des dispositions prévues aux articles 79
et suivants, ce sont les cas actuellement couverts par la loi 52. Ceux qui
reçoivent actuellement des indemnités en vertu de la Loi sur
l'indemnisation des victimes d'amiantose ou de silicose dans les mines et les
carrières, il y a une disposition transitoire du projet de loi 42 qui
fait en sorte que, d'une part, on ne leur réclamera pas ce qui leur a
été versé. C'est très bien et cela va de soi. Il y
a également une disposition qui fait en sorte que l'indemnité que
continuera à recevoir ces gens sera considérée comme une
indemnité de remplacement de revenu, donc sujette à l'application
de l'article 79. Donc, il y a possibilité au bout de trois ans qu'on
présume que ce travailleur serait capable d'occuper un emploi, par
exemple, de garçon d'ascenseur ou gardien d'hôpital, auquel cas il
y aura diminution de l'indemnité. C'est l'une des grandes victimes de ce
changement de régime.
Il est également souligné que le travailleur qui pourrait,
au moment où devrait se terminer sa rente de remplacement de revenu en
vertu de l'article 79, après trois ans, qui pourrait donc être
sujet à l'application des programmes de réadaptation n'y trouvera
vraisemblablement pas son compte. N'ayant plus l'indemnité qui s'y
rattache, cela risque de réduire de beaucoup l'effet des programmes de
réadaptation.
Quant au délai que prévoit cet article 79 pour mettre fin
à l'indemnité de remplacement de revenu, nous constatons qu'il
est inférieur à celui que prévoit actuellement la Loi sur
l'assurance automobile qui fait intervenir cette disposition après cinq
ans seulement. On se demande, encore une fois, ce qui pourrait justifier
d'accorder un traitement différent à une victime d'accident du
travail quand on la compare à une victime d'un accident de la route. Je
ne sais pas si l'intention du législateur est de prendre par la suite la
loi sur l'indemnisation des victimes d'accident de la route et de
réduire à trois ans, ce qui aurait pour effet de niveler par le
bas; mais, on se pose de sérieuses questions au comité, à
cet égard.
Toujours à propos de l'article 79, nous suggérons de
clarifier quelque peu la disposition en ajoutant après les mots "qu'il
tire ou" les mots "s'il n'en occupe aucun qu'il" afin d'éviter une
interprétation qui aurait pour effet d'appliquer une hypothèse
d'emploi commandant un salaire plus élevé à un travailleur
qui occupe déjà un nouvel emploi, à un salaire moindre que
celui de l'emploi présumé. C'est peut-être aller chercher
loin un terme de l'interprétation, mais il serait possible de
prétendre à tout le moins qu'avec la rédaction actuelle,
quelqu'un qui accepte un emploi même moins rémunérateur se
verrait présumer un autre emploi qui, lui, pourrait être
théoriquement plus rémunérateur que celui qu'il occupe
effectivement et se fasse dire: On ne te la donnera pas, toute
l'indemnité complémentaire, parce que tu en occupes effectivement
un, mais il te rapporte le salaire minimum et on pense que tu serais capable
d'en occuper un qui commanderait un salaire plus élevé. Je ne
sais pas si c'est de la paranoïa ou une déformation
professionnelle. On pense qu'il serait préférable de clarifier la
disposition pour être certain que le problème
d'interprétation va se résoudre à sa source.
L'article 79 du projet de loi 42 nous semblait être l'un de ses
aspects les plus négatifs. Nous suggérons cependant au
législateur qu'au cas où sa proposition de changement de
régime d'indemnisation devrait être maintenue, à savoir
qu'on adopte le pattern qui existe présentement en assurance automobile,
donc, que l'article 79 devrait être conservé, on devrait à
tout le moins le modifier pour palier à certains des
inconvénients dont je viens de parler. Nous vous suggérons une
rédaction que vous retrouvez à la page 31 et qui se lirait comme
suit: "À compter de la sixième année suivant le
début de son incapacité, si le travailleur demeure incapable
d'exercer son
emploi en raison de sa lésion professionnelle, mais qu'il est
capable d'exercer un nouvel emploi, son indemnité est
évaluée en fonction de sa diminution de capacité de
travail." Ou par l'ajout d'un second paragraphe qui se lirait comme suit: "La
diminution de capacité de travail est évaluée en tenant
compte de la nature de la lésion, de l'aptitude du travailleur à
s'adapter à quelque autre occupation appropriée à sa
condition, de sa formation, de son expérience de travail, de sa
capacité physique et intellectuelle, de son milieu géographique
et de son âge." Ce qui selon nous, aurait pour effet de diminuer
grandement les inconvénients du changement de régime et de faire
en sorte qu'il y aurait encore moyen d'appliquer le test de l'incapacité
du retour au travail ou plutôt son pendant de la diminution de
capacité de travail également à tout le monde tout en
maintenant un régime basé sur le remplacement de revenus. C'est
donc une suggestion que nous vous faisons.
De concordance l'article 80, s'il devait être maintenu avec
l'article 79, devrait prévoir selon nous deux autres
éléments qui permettraient de déterminer quel travail
l'accidenté est en mesure d'occuper, ce qui semble avoir
été omis ou oublié dans la rédaction actuelle. Il
s'agit de l'âge du travailleur et de l'existence de la demande pour un
emploi de ce type dans sa région. Effectivement on peut faire, comme
cela se fait actuellement avec le Régime de rentes du Québec, de
nombreuses projections d'emplois qu'un accidenté du travail même
très amoché peut occuper théoriquement. À peu
près n'importe qui peut être garçon d'ascenseur, peut
être gardien au comptoir de l'hôpital de son coin. Encore faut-il
que ce genre d'emploi soit disponible. Mais on pense que l'insertion d'un
critère comme celui qu'on propose à l'article 20 est de nature
à tempérer un peu les effets possibles de la rédaction
actuelle.
Le pendant de l'article 79 qui se retrouve à l'article 81
reçoit quant à nous, en partie, un accueil très favorable.
On est satisfait de constater que la douleur, la perte de jouissance de la vie,
le préjudice esthétique sont maintenant compensés par
cette table à laquelle font référence les articles 81 et
82.
Notre expérience nous fait cependant suggérer qu'il y
aurait lieu de préciser que chacun de ces éléments de
l'indemnité forfaitaire devrait être précisé
séparément pour éviter, entre autres, le problème
qu'on connaît actuellement en matière d'assurance automobile qui
comporte une supposition quelque peu semblable et qui confond tous et chacun
des chefs d'indemnisation pour le dommage corporel. L'accidenté qui,
à la suite de traitements médicaux, réussit et fait
disparaître totalement son déficit anatomo- physiologique ne se
voit pas indemnisé actuellement en matière d'assurance automobile
pour la douleur, la perte de jouissance de la vie même s'il a dû
subir des traitements qui sont souvent douleureux pendant six, sept ou huit
semaines afin de réduire ce déficit, puisqu'ils sont liés
à la présence d'un déficit anatomophysiologique. Il y a un
jugement de la Cour supérieure de Saint-François, d'ailleurs, qui
a déclaré nulle cette disposition en matière d'assurance
automobile. Nous vous suggérons qu'on devrait en tenir compte ici pour
éviter les mêmes problèmes.
Nous vous suggérons également que l'article 82, qui
prévoit que l'indemnisation pour les dommages corporels ne se fonde plus
sur le revenu de l'accidenté, nous semble plus équitable que
celui de la loi actuelle qui semble discriminatoire. Effectivement,
l'indemnité pour dommages corporels et ce qui s'y rattache ne devrait
pas dépendre du revenu mais bien de la présence d'un
déficit anatomophysiologique plus ou moins consistant et de la
présence de douleurs ou perte de jouissance de la vie.
Nous vous disons, cependant, que le quantum des indemnités qui
sont prévues à l'annexe B nous semble déficient. Certains
calculs que nous avons faits nous indiquent que les montants forfaitaires qui
sont prévus à l'annexe B sont, en vertu du projet de loi 42, de
deux à dix fois moins "payants" que ce qu'offre le régime actuel
quand on capitalise la rente. Naturellement, cela dépend des
hypothèses qu'on prend. (17 h 15)
On retrouve également une surprise au niveau de l'annexe, ce qui
nous semble à tout le moins une surprise, à laquelle on apporte
au moins une explication. C'est qu'à un moment donné le
barème en question fait dépendre de l'âge le quantum de
l'indemnité et qu'on retrouve deux correspondants pour un travailleur de
56 ans et pour un travailleur de moins d'un an. On a été surpris
et on s'est demandé pour quelle raison on prévoyait un montant de
30 000 $ pour un travailleur d'un an. La seule explication qu'on a pu y trouver
c'est qu'on a carrément calqué encore une fois cette table sur la
Loi sur l'assurance automobile. Si on peut comprendre qu'un enfant d'un an peut
être victime d'un accident de la route, on ne comprend pas comment un
enfant d'un an peut être victime d'un accident de travail.
On pourrait peut-être échafauder des théories: Le
bébé qui fait un commercial de couches Pampers qui reçoit
un "spot" -excusez l'expression - sur la tête. Mais cela nous a
semblé être une illustration encore une fois du fait qu'on a
calqué sur la Loi sur l'assurance automobile les indemnités qui
sont maintenant prévues en matière d'accident du travail en vertu
du projet de
loi 42.
On a accueilli avec satisfaction également l'article 85 du projet
de loi qui prévoit le paiement d'intérêts sur
l'indemnité de dommages corporels. C'était une lacune de la loi
antérieure que le législateur a décidé de corriger.
Nous pensons que c'est conforme aux principes de droit civil
généralement reconnus.
Pour la suite, je vous réfère aux articles 96 et 98
où nous suggérons d'ajouter, après les mots "qui
pourvoyait", les mots "où était censé pourvoir en vertu
d'une entente ou d'un jugement" pour éviter de pénaliser les
conjoints qui ont des difficultés de perception de leur créance
alimentaire. Nous pensons également qu'il devrait être possible
à un ex-conjoint de démontrer qu'habituellement le travailleur
décédé pourvoyait à ses besoins dans une proportion
plus grande que celle à laquelle il y pourvoyait au moment du
décès en raison de circonstances particulières. Pour
éviter le cas, par exemple, de l'ex-épouse qui ne recevait pas de
pension alimentaire à un moment donné précis parce que,
pour une raison X, le travailleur en question aurait pu faire annuler ou
diminuer sa pension alimentaire pour des circonstances exceptionnelles et qu'il
n'avait pas eu le temps de réagir et de la faire réajuster par la
suite. Comme on prévoit une indemnité pour les autres personnes
à charge, à ces articles, en fonction du fait que le travailleur
pourvoyait à leurs besoins dans une certaine proportion, on aimerait
voir apparaître la possibilité de démontrer qu'à
titre occasionnel le travailleur ne pourvoyait pas à ses besoins mais
qu'habituellement il le faisait.
Je pense que le temps s'écoule. Je vous amène maintenant
à la page 40 où il est question de l'assistance médicale
et de la réadaptation. Une observation préliminaire nous faisait
dire que les privilèges qui sont actuellement prévus à la
Loi sur les accidents du travail en matière de réadaptation et
d'assistance médicale devraient être reconnus comme des droits
véritables. On sait qu'actuellement il est possible d'aller en
révision d'une décision dans ces matières mais qu'il n'est
pas possible d'aller en appel devant la CAS. Comme le bureau de révision
applique systématiquement les directives et les modes de fonctionnement
internes de la CSST quant à ces types de prestations, cela nous fait
conclure qu'il ne s'agit pas là d'un véritable droit. Nous
suggérons donc que l'appel en soit possible.
L'article 132 laisse également une discrétion à la
CSST, dont nous prétendons qu'elle devrait être
tempérée. Quand il s'agit de la nature, de la
nécessité, de la suffisance de l'assistance médicale, on
pense que l'expertise du médecin traitant ou de l'expert choisi par le
travailleur devrait être respectée. La loi actuelle et le projet
de loi 42, à notre avis, font de l'accidenté du travail, en
raison de ces dispositions, ce qu'on appelle - faute d'autres expressions -un
malade pas comme les autres. Même si le médecin d'un
accidenté lui dit que sa situation est X, il peut fort bien arriver que
la nature, la suffisance et la durée des traitements soient
déterminés autrement par la CSST. Sans nier à la CSST son
droit de regard à cet effet, nous pensons qu'il devrait être
normal que le travailleur puisse en appeler de la décision et faire
valoir éventuellement l'opinion de son médecin.
Nous craignons que des décisions ne soient prises qu'à
partir de modèles de récupération médicale
statistiques qui peuvent bien refléter des situations moyennes mais qui
ne tiennent pas compte de la dynamique particulière de chaque cas. Les
études commandées par la commission jusqu'ici attisent cette
crainte. On ne règle pas des questions d'éthique professionnelle
sur le dos des accidentés. C'est la conclusion du comité qui vous
soumet ce mémoire. On suggère donc qu'il soit possible finalement
d'en appeler des décisions en matières de réadaptation et
d'assistance médicale.
Quant au droit de retour au travail, qui est prévu aux articles
145 et suivants, nous vous disons que nous y souscrivons. Nous sommes heureux
de constater l'apparition de ce qui nous semblait une déficience
épouvantable dans la loi antérieure. Nous avons certaines
remarques concernant certains articles. Je vous dispenserai des commentaires
verbaux à leurs égards. Vous pourrez les lire.
Maintenant, l'article 245 du projet de loi 42 modifie le régime
actuel de révision pour y substituer ce que le projet de loi appelle un
"régime de reconsidération administrative". Après
discussion, notre comité en est venu à la conclusion que,
malgré les insatisfactions que nous pouvons ressentir face au
régime actuel de révision, un véritable processus de
révision servirait mieux les intérêts de tout le monde que
le processus de la reconsidération administrative que le
législateur semble proposer.
D'abord, en droit administratif, je pense que tout le monde peut
conclure que, de droit, le fonctionnaire peut reconsidérer sa
décision, en particulier pour des erreurs d'écriture ou des
erreurs manifestes. On ne voit pas ce que la reconsidération
administrative dans ce contexte va apporter de plus. On pourrait
peut-être, si on était machiavélique un peu, penser que
cela va éviter des délais et que cela va permettre de se rendre
plus rapidement à la Commission des affaires sociales, mais on pense
qu'un véritable processus de révision pourrait être
à même de décongestionner la Commission des affaires
sociales qui,
actuellement, dans sa division des accidents du travail est
débordée. Vous avez des chiffres très éloquents
à cet égard dans le rapport annuel de la Commission des affaires
sociales. On constate que, depuis quatre ans, le déficit des causes en
attente de jugement s'accroît d'année en année. On pense
qu'il est possible, par un véritable processus de révision, de
réduire cet effet. Ce processus de révision n'a pas
nécessairement à être très complexe. Ce qu'on
suggère, quant à nous, c'est d'avoir, par exemple, deux
réviseurs qui ne seraient pas liés par les directives
admnistratives de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail et de ce qui constitue son
interprétation de la loi et des règlements. Donc, un bureau de
révision qui serait maître d'interpréter la loi et les
règlements comme le fait un tribunal d'appel. Il serait composé
d'un avocat, puisqu'il y est question d'interprétation de lois et de
règlements, et d'un médecin, parce que, comme on le mentionnait
au tout début, la plupart des problèmes d'accidents de travail
mettent en cause des problèmes médicaux.
La possibilité qu'une audition soit tenue sur demande nous semble
satisfaire les besoins, étant donné que certains problèmes
particuliers ne nécessitent pas obligatoirement d'auditions, d'où
un mécanisme qui ne serait pas nécessairement très
lourd.
L'article 246 prévoit un délai de six mois quand la
Commission des affaires sociales a pris un appel en
délibéré, ou même plus tôt. C'est un
délai de six mois à partir du moment où un avis d'appel
est inscrit. Un tel article permettrait donc à la CSST d'aviser le
travailleur que ses prestations peuvent être diminuées ou
suspendues si la décision n'est pas rendue dans ce délai. Cela
nous semble carrément irréaliste et irrespectueux des droits des
accidentés du travail. On ne comprend pas pourquoi les retards
accusés par la Commission des affaires sociales dans ses divisions
devraient être supportés par un accidenté du travail qui
n'y est pour rien dans ce retard la plupart du temps pour en faire supporter
l'odieux par la CAS qui est encore une fois débordée. Je ne pense
pas que ce soit la faute de la CAS si son rôle en matière
d'accidents du travail est si considérable. On juge totalement
inadmissible cette disposition.
L'article 247, qui prévoit le droit d'appel à la
Commission des affaires sociales des décisions rendues en matière
d'indemnité, nous semble reproduire le même problème qu'on
connaît avec la loi actuelle. On pense qu'un véritable droit
d'appel des décisions devrait être possible de toute
décision rendue par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail en matière d'accidents du travail. Il
n'y a pas de raison que seulement les décisions qui portent sur une
indemnité ou le quantum d'une indemnité soient susceptibles
d'appel. Les décisions qui sont, par exemple, en vertu des dispositions
du nouveau projet de loi, sur la détermination qu'on fera d'un emploi
hypothétique qu'un travailleur pourrait occuper, qui auront finalement
au bout de la ligne une conséquence sur son indemnité, avec la
lecture de l'article 247 ces décisions ne sont pas susceptibles d'appel,
alors que ce sont des décisions fondamentales. Je pense que
l'évolution du droit administratif, récemment, a fait en sorte
qu'un régime de législation de sécurité sociale qui
est bien mené laisse moins de place à des pouvoirs
discrétionnaires que ce qui en était le cas auparavant.
Il y a également l'article 250 qui fait sursauter. On
prévoit la possibilité pour la Commission de la santé et
de la sécurité du travail de rétracter ses
décisions pour des motifs qui s'apparentent à ceux qu'on retrouve
au Code de procédure civile aux articles 484 et suivants. Chose
curieuse, on permet à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail de rétracter des jugements rendus par
une autre instance qui est la Commission des affaires sociales. Cela nous
semble totalement inadmissible. Si l'on pense qu'il doit être possible
pour les raisons prévues à l'article 250 de rétracter ces
décisions, qu'on donne la possibilité à la CSST de
s'adresser à la CAS qui a rendu cette décision pour lui demander
de la rétracter mais qu'elle ne le fasse pas à sa place.
D'ailleurs, il y a déjà l'article 24 de la Loi sur la Commission
des affaires sociales qui prévoit la révision des
décisions rendues par la Commission des affaires sociales. La
jurisprudence de la Commission des affaires sociales sur cet article,
actuellement, fait en sorte qu'elle s'applique effectivement dans les cas de
rétractation de jugements quand on regarde en matière civile. (17
h 30)
Finalement, j'aimerais terminer la présentation de la
deuxième partie du mémoire en vous adressant quelques mots au
sujet des articles 291 et suivants qui prévoient une modification
substantielle du régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels
ainsi que de la Loi sur le civisme. Il a été surprenant de
constater, d'abord, que c'est à l'occasion de mesures transitoires qu'on
a modifié substantiellement un régime d'indemnisation alors que
normalement on s'attend de trouver dans ces mesures transitoires des
dispositions qui touchent à d'autres projets de loi ou à d'autres
lois mais pour des fins de concordance. Tout le monde sait qu'actuellement le
régime d'indemnisation en matière de victimes d'actes criminels
applique à ces victimes et à leurs dépendants des
indemnités qui sont
versées en vertu du régime des accidents du travail. Ce
qu'on constate, avec le projet de loi 42, c'est que non seulement on a
diminué les indemnités versées en vertu de la Loi sur les
accidents du travail, mais en plus, quand il s'agit d'une victime d'actes
criminels, on le fait par un double salto arrière, à rabais
encore plus. Par exemple, l'indemnité de remplacement du revenu sera 80%
de l'indemnité d'accident du travail qui est, elle, de 90% du revenu net
retenu. Je ne pense pas que la victime d'un acte criminel ou la victime d'un
acte de civisme mérite un traitement différent. Plusieurs
dispositions -j'allais dire de ce nouveau régime - qui modifient ce
régime d'indemnisation de victimes d'actes criminels font en sorte, par
exemple, que les conjoints vont recevoir beaucoup moins en termes de
prestations que ce qui sera le cas pour le conjoint de la victime d'un accident
du travail. C'est la même chose également pour celui qui est sans
emploi au moment où il est victime de l'acte criminel en question;
pendant une période d'un an, il n'aura pas le droit de recevoir la
prestation qui est prévue en d'autre temps. On remarque également
que le montant de l'indemnité qui est versée à la victime
d'actes criminels sera réduite du montant reçu de la Régie
des rentes, ce qui n'est pas le cas actuellement également.
On s'est livré, pour des fins de comparaison, à certains
exercices permettant de mesurer l'effet de ces dispositions sur les victimes
d'actes criminels pour avoir la surprise de constater que dans certains cas
l'indemnité qui est versée aux victimes d'actes criminels en
matière d'incapacité totale permanente ou plutôt
versée aux personnes à charge dans les cas de
décès, cela fera en sorte que ces indemnités seront
inférieures à ce qu'accorde actuellement la Loi sur l'aide
sociale aux gens qui sont soit inaptes ou aptes au travail, mais sans revenu et
sans droit à d'autres prestations. Donc, comme le disait Me Lafontaine,
le héros ou la victime d'actes criminels va se retrouver
indemnisé souventefois moindrement que s'il était un
bénéficiaire de l'aide sociale. Naturellement, il aura droit au
complément, mais on trouve que c'est inacceptable, compte tenu du fait
que la loi actuelle l'indemnise en fonction de la Loi sur les accidents du
travail, ce qui fait qu'il n'est jamais indemnisé à un seuil
aussi bas. Dans la plupart des situations que nous avons mesurées, nous
avons constaté que l'indemnité qui est versée en cas de
décès est carrément de moitié par rapport à
celle qui est versée en cas d'accident du travail. Nous pensons que le
législateur devrait rajuster son tir à cet égard et
adopter le régime actuel qui fait dépendre de la Loi sur les
accidents du travail le régime d'indemnisation qui est prévu pour
ce genre de victimes d'actes criminels ou de civisme.
Le Président (M. Paré): Merci pour la
présentation.
M. Collard: Je vous remercie.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant
à vous, M. le ministre.
M. Fréchette: Merci, M. le Président. Je voudrais,
bien sûr, d'abord remercier Me Lafontaine, Me Collard et les
confrères qui les accompagnent. Je suis d'autant plus heureux de le
faire qu'au moins trois des avocats qui sont à la table ont
été ou sont membres du Barreau de Saint-François qui est
le même barreau...
Une voix: Ils ont raison.
M. Fréchette: Pas nécessairement, M. le
Président, pas nécessairement. ...donc, du même barreau
auquel j'appartiens.
Il est facile de comprendre les motifs pour lesquels la Commission des
services juridiques a pris la décision de venir porter, au sens le plus
large du terme, ses préoccupations vis-à-vis du projet de loi 42.
On l'indique dans le mémoire, d'ailleurs. Je pense que la commission
traite tout près de 1800 dossiers par année et à ce seul
chapitre c'était, il me semble, encore une fois, suffisant pour
justifier à la fois la production du mémoire et l'audition
verbale à laquelle nous venons d'assister.
Vous allez comprendre, M. le Président, que je ne vais pas
entreprendre de mon côté de commenter tous et chacun des aspects
sur lesquels autant Me Lafontaine que Me Collard ont attiré notre
attention. Ce qui nous a été soumis se retrouve dans le
mémoire. C'est également enregistré au journal des
Débats, de sorte qu'il va nous être facile et possible de
procéder à l'évaluation de toutes les argumentations qu'on
nous a soumises.
Je voudrai simplement effleurer très rapidement deux ou trois des
aspects que je considère fondamentaux, ce qui n'exclut pas ni
n'évacue pas l'importance des autres sujets que vous avez soumis mais
deux ou trois sujets que je considère fondamentaux encore une fois et
qui sont dans la foulée des préoccupations que vous nous avez
soumises.
Vous attirez d'abord notre attention sur les changements qui
interviennent à la loi 52, la Loi sur l'indemnisation des victimes
d'amiantose et de silicose. Je vous signalerai à cet égard que,
depuis que les auditions de la commission sont commencées, plusieurs
groupes, plusieurs organismes nous ont effectivement fait valoir un certain
nombre de représentations qui nous ont conduits effectivement vers le
cheminement d'une réflexion et sans doute aussi d'une décision
qui pourrait aller dans la direction suivante:
Quand on réfère au dossier de l'amiantose, et de la
silicose aussi, il faut diviser ce dossier en deux chapitres. Il faut parler du
passé et il faut parler de l'avenir. Quant au passé, c'est
évident que l'on pense tout de suite à ces travailleurs de
l'amiante qui, à un moment ou l'autre, s'étaient prévalus
des dispositions de la loi 52 et qui avaient bénéficié des
droits - je ne dis pas des privilèges ni des avantages - qu'on croyait
retrouver à l'intérieur de cette loi et qui, à un moment
donné, à la suite de jugements de cour, s'en sont trouvés
exclus à cause de la définition qu'on a donnée au terme
"mine", au terme "ouvrier", l'interprétation qu'on a faite d'une
réglementation adoptée en 1975 et qui référait
à un permis de travail. Il y a un nombre assez considérable de
travailleurs qui se sont trouvés exclus de l'application de la loi 52
à partir de ces jugements que vous connaissez sans doute et qui ont
été rendus d'ailleurs dans le district de
Saint-François.
Il y a aussi un nombre assez impressionnant de travailleurs de l'amiante
de la silice qui ont été exclus de l'application de la loi 52
à cause du changement assez étonnant, par ailleurs, dans un
diagnostic médical original.
L'orientation qui est envisagée par rapport à ce qu'on
pourrait appeler le passé, encore une fois je l'ai dit ce matin à
l'Association des mines d'amiante du Québec, le statut de tous ces
travailleurs nous apparaît être protégé par la loi
autant eu égard au passé qu'au présent, qu'à
l'avenir. Ce que la loi spécifie c'est que toute décision rendue
en cette matière avant le 3 septembre 1983 reconnaissant des droits en
vertu de la loi 52 devra demeurer ce qu'elle a été nonobstant les
appels qu'on retrouve actuellement devant ou bien les bureaux de
révision ou alors devant la Commission des affaires sociales.
Bien sûr qu'il a fallu faire le départage entre les notions
de droit strict, les notions de juridisme encadré et les notions
d'équité, de justice naturelle. Je ne suis pas en train de vous
dire que tout le monde est satisfait de cette disposition, mais c'est,
jusqu'à maintenant, la ligne de conduite qu'a adoptée le
gouvernement et qu'il entend suivre jusqu'à l'adoption du projet de loi
42.
Quant à l'avenir maintenant, beaucoup de représentations
nous ont été faites, des inquiétudes nous ont
été soumises quant aux dispositions des articles 28 et suivants
et, plus particulièrement, de mémoire, celles de l'article 35, il
me semble, qui prévoit que la commission rendra une décision
après que le comité des présidents de pneumoconiose lui
aura soumis son appréciation. Ce qui semble vouloir se dessiner
maintenant, c'est que le comité de pneumoconiose prépare un
rapport à l'intérieur duquel on pourrait retrouver des
éléments qui ressembleraient au suivant, par exemple. Est-ce
qu'il y a ou non une pathologie d'amiantose ou de silicose? Il me semble que
cela va de soi que le premier élément qu'on retrouve dans
l'évaluation médicale, ce soit celui-là. S'il y a
effectivement pathologie, à quel degré la retrouve-t-on?
Troisièmement, quel est, à cause de la pathologie et de son
degré, l'affectation des capacités fonctionnelles du travailleur?
Et certains autres éléments qu'on pourrait retrouver à
l'intérieur de l'évaluation qui serait faite par les
comités de pneumoconiose.
Lorsque cette évaluation va être connue, il appartiendra
aux mécanismes normalement prévus à l'intérieur de
l'entreprise, ou aux organismes qui administrent les mécanismes,
d'évaluer les conclusions de l'évaluation médicale et, en
même temps, l'opportunité ou la non-opportunité d'un retour
au travail. À l'intérieur même de l'entreprise, il y a,
dans la plupart des cas, des mécanismes déjà prévus
pour évaluer ce genre de situation. S'il arrivait qu'à
l'intérieur de ce fonctionnement il n'y ait pas d'entente qui soit
possible, il faudrait, nous semble-t-il, après avoir entendu
jusqu'à maintenant beaucoup d'intervenants là-dessus, remettre le
dossier à une instance habilitée, ayant la juridiction pour
rendre une décision et trancher le litige. L'instance devrait être
à tous égards indépendante de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail elle-même. Elle
serait appelée, effectivement, à trancher ce genre de litige.
Alors, c'est la direction que, vraisemblablement, nous allons prendre par
rapport aux dossiers de l'amiantose et de la silicose. Et cela semble rejoindre
l'assentiment d'à peu près toutes les parties qui se sont
exprimées à ce sujet. Évidemment, nous n'avons pas,
à l'occasion de cette commission, procédé à
établir les technicités ou les modalités de ces processus
dont je viens de parler, mais au plan des principes, en tout cas, cela semble
bien, encore une fois, les conclusions vers lesquelles nous nous dirigeons.
À partir de cette première observation, je rejoins, Me
Collard, une autre inquiétude que vous nous avez soumise quant au
chapitre global de l'assistance médicale. À cet égard
aussi, je n'ai pas besoin d'insister pour vous dire, vous le savez sans doute,
que beaucoup de personnes venues s'exprimer en commission, sous une forme ou
sous une autre, nous ont soumis les mêmes préoccupations en
invoquant un argument qui revient constamment, l'argument en vertu duquel le
médecin traitant devrait être celui ou est celui dans les faits
qui est le plus habilité à se prononcer sur l'état
général du patient qui l'a traité et sur sa
capacité de réintégrer ou pas son travail. Alors, cela
rejoint vos préoccupations quant à l'article 132.
(17 h 45)
Donc, à partir de ces observations, des représentations
constantes et insistantes qui nous ont été soumises, je peux
signaler dès cet après-midi que, à toutes fins utiles, la
décision est maintenant prise de faire en sorte que l'évaluation
ou le certificat du médecin traitant soit reçu par la commission,
que la commission - parce qu'il faut bien que quelqu'un à un moment
donné fasse l'évaluation du rapport du médecin traitant
-procède à évaluer le rapport du médecin traitant,
que la commission, à la suite des renseignements qui lui sont fournis
par des professionnels de la santé, confirme le rapport du
médecin traitant ou l'infirme dans un sens ou dans l'autre.
Évidemment, s'il est confirmé, cela ne fait pas problème.
Mais, s'il était infirmé ou si les positions des professionnels
de la santé étaient à ce point différentes qu'il y
a quelque chose quelque part qui ne va pas, il faudra aussi soumettre le tout
à l'appréciation d'un organisme "médical". Quel
pourrait-il être? C'est le genre de réflexion à laquelle
nous nous portons actuellement. Mais ce à quoi nous pensons, c'est de
demander à la corporation des médecins de fournir, par exemple,
une liste de 150, 200 ou, enfin, autant de professionnels de la santé
que l'on voudra qui accepteraient de procéder à ce genre
d'évaluation et d'agir en quelque sorte comme des "arbitres", bien que
je n'aime pas l'utilisation du terme, de l'évaluation médicale
qui a été faite par deux professionnels de la santé. Cette
liste de médecins pourrait être accréditée par le
Conseil consultatif du travail ou alors par le conseil d'administration de la
CSST, peu importe, il faudrait voir. Ces gens-là seraient
habilités à trancher le litige. Alors, ce ne serait plus, en
matière d'assistance médicale, la commission qui aurait le
dernier mot. La commission serait liée par le jugement qui serait rendu
par cet organisme dont je suis en train de vous parler.
Finalement, une autre préoccupation qui revient dans votre
mémoire et qu'on a entendue de tous les organismes, fussent-ils issus du
milieu patronal ou du milieu syndical, c'est effectivement le mécanisme
d'appel à travers lequel il faut actuellement procéder. Vous
l'avez souligné à juste titre: le projet de loi 42 dans sa forme
actuelle, tel que déposé en première lecture,
prévoit la disparition des bureaux de révision, leur remplacement
par une forme de reconsidération administrative qui n'est pas -j'en
conviens - balisée à l'intérieur de la loi mais au fur et
à mesure que les travaux de la commission progressent nous nous rendons
compte qu'il y a sans doute lieu de penser très sérieusement
à la formation d'une institution permanente sans doute
régionalisée à l'intérieur de laquelle on va
trouver des représentants de toutes les disciplines qui peuvent
être reliées à l'application de la loi et qui
constitueraient une espèce de commission d'appel de toute matière
soumise à la commission et qui peut faire l'objet d'un litige ou d'un
contentieux.
Cette institution serait évidemment à tous égards
différente et distincte de la commission elle-même,
complètement évacuée politiquement et autrement de la
commission elle-même. Voici ce qu'il nous faut évaluer maintenant;
est-ce que, si un tel tribunal d'appel - et retenez que la juridiction d'appel
va être élargie pour faire en sorte que toutes les
décisions de la commission puissent faire l'objet d'un appel -devait
être prévu dans la loi et mis sur pied, il est encore utile de
garder comme mécanismes d'appel les bureaux de révision et la
Commission des affaires sociales? Si on peut donner à cette institution
le caractère que je viens de décrire, il me semble que ce serait
inutilement multiplier les mécanismes d'appel que de conserver le bureau
de révision et la Commission des affaires sociales. Je vous livre
à ce stade la réflexion que l'on a menée en termes de
principes étant entendus que, quant aux modalités, il y a
évidemment un bout de chemin à faire.
Finalement, c'est mon dernier commentaire, autant Me Collard que Me
Lafontaine, vous avez fait référence à la politique
d'incitatifs de retour au travail que l'on retrouve dans la loi. Nous avions
cru qu'il s'agissait là effectivement d'une politique qui pouvait
atteindre les objectifs pour lesquels on l'avait introduite dans la loi.
Cependant, toutes les associations de travailleurs et de travailleuses, les
associations syndicales que nous avons entendues jusqu'à maintenant,
pour des motifs que je ne conteste pas du tout, que je ne partage pas
nécessairement mais que je ne consteste pas, nous ont demandé de
retirer de la loi cet incitatif qui y était prévu. Vous allez
comprendre que les employeurs n'auront pas d'objections à une semblable
décision et que, si par ailleurs toutes les associations syndicales nous
disent que l'on doive procéder à retirer cette disposition
d'incitatif au travail, nous allons évidemment le faire sans aucune
espèce de réserve si cela nous est demandé par tout le
monde à qui cela allait devoir s'appliquer.
C'est très rapidement, bien sûr, les quelques commentaires
que je voulais vous soumettre à la suite de vos représentations.
Je veux simplement profiter de mes conclusions pour vous réitérer
mes remerciements.
Le Président (M. Paré): On vous remercie. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. Premièrement,
j'aimerais remercier le
président et les membres de la Commission des services juridiques
pour un excellent mémoire. Je pense qu'ils ont résumé en
grande partie toute la pensée de l'Opposition. J'aimerais poser deux ou
trois questions sur la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels
et aussi sur le fonctionnement de la commission.
En ce qui concerne la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes
criminels, j'aimerais rappeler aux membres de la commission que celle-ci fut
adoptée en 1971 pour pallier un problème social
considéré comme important par le gouvernement de l'époque.
Aussi, en 1971, le Parti québécois, qui était dans
l'Opposition, par la voix du Dr Camille Laurin, se disait alors en faveur des
principes, soulignant que son programme proposait l'adoption d'une telle
loi.
Toutefois, le Dr Laurin avait certaines réserves et il a
demandé si le quantum des dommages était suffisant.
C'était à l'époque, en 1971. On est en train de le
diminuer. Aussi, il s'inquiétait de savoir à quel ministre les
députés pourraient s'adresser en ce qui a trait à
l'application de cette loi. Dans la loi, on a prévu que ce serait le
ministre de la Justice qui sera responsable de l'administration de la loi.
Aussi, le ministre de la Justice est responsable, sur le plan administratif, de
la Commission des services juridiques qui est devant nous aujourd'hui.
En lisant les journaux, j'ai appris que le ministre du Travail se
désolidarisait du ministre de la Justice en ce qui concerne cette loi ou
du moins il a dit qu'il n'était pas prêt à défendre
ou expliquer la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. M. le
Président, j'aimerais proposer qu'on suspende la séance pour
quelques minutes et qu'on fasse venir le ministre de la Justice pour qu'il
puisse être ici et assiste aux travaux de la commission quand il s'agit
de discussions sur une loi qui tombe sous sa compétence, sa
responsabilité. Je n'aimerais pas faire de commentaires sur une loi
quand le ministre responsable de celle-ci n'est pas ici. Je pense que ce serait
peut-être un peu injuste de ma part. J'aimerais demander si on peut
suspendre et faire venir le ministre de la Justice pour qu'il nous assiste dans
l'étude de ce projet de loi.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Fréchette: M. le Président, je ne vois pas en
vertu de quelle disposition du règlement vous pourriez retenir la
proposition que vient de faire le député de D'Arcy McGee et, de
surcroît, procéder - je ne sais pas de quelle façon - pour
que le ministre de la Justice soit ici. Je vous signalerai simplement, M. le
Président, la réponse que j'ai déjà faite à
des questions de cette nature qui m'ont été soumises depuis le
début des travaux de la commission. À ceux d'abord qui
s'étonnaient de voir que ces dispositions étaient
incorporées à la loi 42, il faut très certainement
rappeler que toute l'administration de la Loi sur l'indemnisation des victimes
d'actes criminels et de la Loi sur le civisme est confiée à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il
n'y a donc, à mon sens, absolument rien d'extraordinaire dans le fait
que l'on retrouve dans la loi 42 les dispositions auxquelles on se
réfère.
L'autre aspect - je rejoins à ce chapitre l'argumentation que
vient de vous soumettre le député de D'Arcy McGee - est sur le
fait que j'ai signalé aussi, en réponse à une semblable
question, que les représentations que l'on soumettait à cette
commission vont, de toute évidence, être transmises à qui
de droit. Ces mêmes représentations pourront être
portées à leur connaissance autant par les mémoires
écrits que nous avons reçus qu'en colligeant toutes les
argumentations verbales qui nous ont été soumises. Il me semble
que les objectifs que l'on vise, ces objectifs étant de tenter de
convaincre le ministre de la Justice et les autres qui peuvent avoir des
décisions à prendre à cet égard, sont reçus
par l'actuelle commission et vont être transmis à qui de droit.
Les décisions devront se prendre après que ces argumentations
auront été évaluées. Je vous signale comme seul
exemple, M. le Président, que, depuis que nous avons amorcé nos
travaux dans cette commission, j'ai déjà, quant à moi,
procédé à, comme disait un journaliste récemment,
lever le voile sur certains amendements vers lesquels nous allons. Il n'est
donc pas exclus - la commission est faite strictement pour cela -que, lorsque
les personnes habilitées à prendre des décisions auront
procédé à l'évaluation des dispositions qui sont
contenues dans la loi et les auront mises en parallèle avec les
représentations faites, il y ait également des choses qui se
passent. Je ne vois pas, M. le Président, de quelle façon nous
pourrions avancer nos travaux par rapport aux objectifs visés si le
ministre de la Justice était là.
Deuxièmement, je ne vois surtout pas par quelle disposition du
règlement vous pourriez agréer ou recevoir une requête de
cette nature.
Le Président (M. Paré): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, premièrement je pense que
le ministre a mal interprété la Loi sur l'indemnisation des
victimes d'actes criminels. Ce n'est pas la Commission de la santé et de
la sécurité du travail qui est responsable pour l'administration
de la loi.
Le ministre de la Justice est responsable quoiqu'il y a une certaine
délégation dans la loi à cette commission pour certaines
fins. Le ministre a bien dit que toutes les représentations qu'on fait
ici seront transmises à qui de droit, c'est-à-dire au ministre de
la Justice. Si on n'a pas besoin dans ce sens physiquement du ministre de la
Justice pour l'étude de son projet de loi, je ne vois pas pourquoi on a
besoin de la présence physique du ministre du Travail pour son projet de
loi. Ce ne serait pas nécessaire d'avoir des ministres ici. On va tout
leur transmettre par le courrier ou même par Purolator s'il veut vraiment
voir cela vite.
En vertu de quel droit je demande que le ministre de la Justice soit
ici? En proposant qu'il soit ici, j'ai pense que ce serait d'une façon
unanime que la commission pourrait l'inviter. Cela va de soi que la commission
peut établir ses propres règles de travail. Je demande une autre
fois que le ministre du Travail suspende pour que son collègue vienne
nous expliquer son projet de loi et, s'il est d'accord, j'imagine que le
président de la commission sera d'accord aussi, parce que la commission
est maître de ses invitations, si je puis j'exprimer ainsi. (18
heures)
Le Président (M. Paré): M. le député
de D'Arcy McGee, en réponse à votre demande, je dois vous
rappeler que le but de la commission est d'entendre les représentations
des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42 et
que le projet de loi est de la compétence du ministre du Travail qui est
ici présentement. Donc, vous émettiez le souhait que le ministre
de la Justice soit mis au courant ou participe. Vous avez le droit d'exprimer
un souhait, sauf que la commission n'a pas convoqué et n'a pas à
convoquer un autre ministre. Le fait que vous demandiez de suspendre les
travaux quelques minutes pour permettre au ministre de la Justice de venir,
c'est aussi un souhait, parce qu'il n'y a rien qui nous dit que le fait de
suspendre quelques minutes, ce ne serait pas suspendre quelques heures ou plus.
Donc, je crois que ce n'est pas recevable, du fait aussi que nous avons convenu
d'entendre les groupes et de les entendre de façon continue. Par
conséquent, nous ne pouvons pas, à ce moment-ci, suspendre
quelques minutes, parce que les quelques minutes ne sont pas calculables, au
départ.
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Paré): Et je vous rappelle encore
que le but de cette commission n'est pas de discuter avec d'autres ministres,
mais bien de faire l'audition des mémoires présentés par
les groupes qui ont bien voulu venir nous les présenter.
M. Marx: C'est cela. M. le Président, peut-être
puis-je reprendre ma demande. On pourrait faire la convocation pour l'heure du
dîner, ce qui va donner plus de temps au ministre de la Justice de venir.
De toute façon, le ministre du Travail est-il prêt à donner
son consentement pour qu'on convoque le ministre de la Justice, oui ou non?
S'il dit non, le débat est terminé sur cette question.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Fréchette: M. le Président, je pensais que le
député de D'Arcy McGee avait compris l'argumentation que vous
avez invoquée à l'appui de votre décision. Le mandat que
nous avons de l'Assemblée nationale, c'est de procéder à
l'audition de groupes et/ou organismes qui ont des représentations
à nous faire. À cet égard, je ne vois pas comment nous
pourrions recevoir la proposition du député de D'Arcy McGee,
compte tenu très précisément du mandat que nous avons
reçu de la commission et que nous avons très respectueusement
exercé depuis le début de la commission. Il y a d'autres
étapes qui sont prévues au projet de loi qui vont faire en sorte
que le ministre de la Justice sera très certainement là pour
répondre aux questions des députés comme la
procédure le prévoit.
M. Marx: Le ministre est-il d'accord pour convoquer le ministre
de la Justice, oui ou non?
M. Fréchette: M. le Président, je n'ai aucun
pouvoir pour convoquer maintenant le ministre de la Justice. Je sais cependant
qu'il a suffisamment le sens des responsabilités pour être
présent au moment où nous allons procéder à
l'étude du projet de loi et au moment où il devra, comme
responsable de l'application de cette loi, expliquer les motifs que l'on
retrouve à l'appui des dispositions qui sont dans le projet de loi 42.
Je n'ai pas, quant à moi, à prendre aucune espèce
d'engagement de convoquer ou de ne pas convoquer le ministre de la Justice.
Cela va de soi qu'au moment approprié il sera là pour donner les
explications qui s'imposent.
M. Marx: Oui, mais le problème, c'est qu'un des moments
appropriés, c'est maintenant. Si le ministre était prêt
à inviter le ministre de la Justice à venir, je pense que ce
serait une bonne invitation, mais, je vois que le ministre du Travail ne veut
dire ni oui ni non. Il ne sait pas ce qu'il veut dire, mais de toute
façon, on va laisser les choses comme elles sont pour le moment.
C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'explications du gouvernement, à
savoir pourquoi on veut, comme les membres de la Commission des services
juridiques l'ont dit,
mettre les victimes d'actes criminels sur le même pied que les
bénéficiaires de l'aide sociale. On ne le sait pas. On peut
seulement critiquer. Le ministre du Travail, qui est responsable du projet de
loi 42, ne le sait pas non plus. On aurait pensé qu'un ministre qui
dépose un projet de loi saurait le pourquoi des dispositions de ce
projet de loi. Il est très éloquent en ce qui concerne la
commission, les amendements et tout cela, mais quand il arrive aux articles qui
touchent la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, il reste
bouche bée. Il ne sait pas pourquoi, dans son projet de loi, on propose
de diminuer les prestations des victimes d'actes criminels. C'est la
première fois que j'assiste à l'étude d'un projet de loi
où le ministre ne sait pas pourquoi on a fait quoi que ce soit dans son
projet de loi. Voilà, c'est cela aujourd'hui.
J'aimerais demander aux membres de la Commission des services
juridiques, parce qu'on ne peut pas discuter pour savoir pourquoi on a
diminué les prestations, s'ils sont d'accord avec un amendement que nous
avons proposé à cette Loi sur l'indemnisation des victimes
d'actes criminels. C'est-à-dire que, maintenant, le ministre de la
Justice veut pénaliser les victimes d'actes criminels, mais non pas les
criminels eux-mêmes, et je m'explique. Nous avons proposé qu'un
criminel qui profite de ses actes criminels ne pourrait pas utiliser ses
profits. À supposer qu'un criminel écrit un livre ou fait un film
qui concerne les actes criminels qu'il a commis, il ne pourrait pas
bénéficier de l'argent ou des profits parce que nous avons
proposé que cet argent soit mis dans un compte spécial de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail et que
ce soit possible pour les victimes de poursuivre l'auteur du crime pour se
faire indemniser. Dans le même sens, nous avons suggéré
que, dans le cas où la victime ne poursuit pas l'auteur du crime, ce
serait possible pour la commission de le faire. Ce serait une façon
d'empêcher les criminels de profiter de l'exploitation de leurs actes
criminels. J'aimerais avoir l'avis de la Commission des services juridiques sur
un tel amendement, si je me suis expliqué assez clairement.
M. Lafontaine: Je pense, M. le député, que vous
vous êtes exprimé clairement. Ce que je peux dire, c'est que je
n'ai pas de mandat pour représenter la Commission des services
juridiques sur un projet déposé par l'Opposition. Je ne l'ai pas
encore vu et on n'en a pas encore discuté en comité. C'est
sûr que, si jamais il y a un projet de loi qui est déposé
à cet effet, on le regardera et cela nous fera plaisir de faire
connaître notre opinion ici, cela va de soi.
M. Marx: Vous pouvez toujours exprimer une opinion
personnelle.
M. Lafontaine: Non, j'aime autant ne pas exprimer...
M. Marx: On ne s'attend pas que la commission soit liée
sur chaque point.
M. Lafontaine: Non, je viens ici comme président de la
commission et je ne peux pas m'exprimer personnellement.
M. Marx: Voilà pour cette loi. En ce qui concerne la
commission, vous avez dit au début que vous aviez beaucoup
d'expérience devant cette commission. J'aimerais vous rappeler que cette
commission a le pouvoir d'adopter des règlements, le pouvoir
d'émettre des directives et aussi le pouvoir de trancher certains
litiges, c'est-à-dire que la commission va faire adopter un
règlement, va faire émettre des directives. Ensuite, si le
citoyen veut contester ce règlement qui a été
adopté par la commission, il se trouvera devant cette commission qui va,
bien sûr, comment dirais-je? défendre sa propre
réglementation. Aussi, étant donné que la commission a
tout le gouvernement derrière elle, elle pourra aller jusqu'à la
Cour suprême. Même si le citoyen gagne, il perd, en fin de
compte.
M. Lafontaine: Est-ce que vous permettez que je m'exprime sur le
sujet?
M. Marx: Oui.
M. Lafontaine: Dans le cadre de la Loi sur l'aide juridique, il
est permis de fournir à une personne qui n'a pas les moyens financiers
de se rendre jusqu'à la Cour suprême d'excellents avocats avec
d'excellentes expertises. Je pense que là-dessus ce n'est pas un
problème. Maintenant, pour contester des règlements, on peut
s'adresser aux tribunaux ordinaires s'il s'agit d'un règlement
contesté. D'ailleurs, on l'a déjà fait vis-à-vis de
certains organismes aussi.
M. Marx: II y a une clause privative dans la loi.
M. Lafontaine: Qui empêche de contester des
règlements, jamais. Ce n'est pas possible.
M. Marx: Souvent on va devant la commission. Je vais vous donner
un exemple, l'affaire Commission des normes du travail contre dame Granger,
dans une décision de la Cour provinciale de Joliette qui a
été rendue en juillet 1982. C'était la Commission des
normes du travail qui voulait savoir si une personne dont la fonction
principale est de garder les enfants est assujettie à l'application de
la Loi sur les normes du travail adoptée en 1979. Bien que
victorieuse
contre la commission, Mme Granger garde un très mauvais souvenir
de son aventure judiciaire. Elle déclarait aux médias: J'ai
l'impression d'avoir servi de cobaye à la Commission des normes du
travail qui savait probablement que la cause ne pouvait qu'aboutir aux
résultats que l'on connaît. En m'obligeant à me
défendre, ce qui m'a occasionné des pertes de temps et d'argent,
la commission voulait une cause type, c'est-à-dire la commission
traînait quelqu'un devant la cour pour faire interpréter un de ses
règlements. La personne a gagné, mais ces frais n'étaient
pas remboursés. En effet, c'était une injustice. Comment la
commission voit-elle un tel problème? Est-ce qu'il y a des façons
de rembourser ces personnes qui se trouvent dans cette position? Je peux vous
lire une citation que je trouve assez bien du juge Monet, de la Cour d'appel de
Québec, qui disait avec beaucoup de justesse, il n'y a pas longtemps: La
personne qui met en oeuvre ce droit ne doit pas en sortir appauvrie, bien que
victorieuse, en raison des frais engagés dans le procès. Je pense
qu'il y a beaucoup de vérité.
M. Collard: Je ne connais pas le jugement auquel vous faites
référence, sauf que, selon vos dires, il s'agit d'un jugement qui
implique la Commission des normes du travail avec une citoyenne qui tentait,
à ce que j'en comprends, d'exercer les droits qu'elle prétendait
découler de cette loi. Elle a dû poursuivre en Cour provinciale
pour je ne sais trop quelle raison. Si vous tentez de raccrocher aux propos que
vous teniez auparavant cet argument, personnellement, je pense qu'il est
toujours possible de contester la validité d'un règlement
d'application d'une loi devant les tribunaux de droit commun, en particulier en
Cour supérieure. L'effet des clauses privatives en droit administratif
est bien connu. C'est que, dans la mesure où il s'agit d'un excès
ou d'un défaut de juridiction, les clauses privatives n'ont pas d'effet
et les tribunaux acceptent, en conséquence, de les confirmer ou de les
infirmer. Que le citoyen doive faire les frais d'une poursuite pour y arriver,
je n'ai pas de commentaire particulier là-dessus. Je pense que cela a
toujours été le régime juridique dans lequel on a
vécu. Les citoyens qui sont administrés par l'aide juridique se
voient dispensés du paiement des honoraires de l'avocat. Celui qui ne
l'est pas, heureusement ou malheureusement, doit assumer les frais de son
procureur. Je n'ai pas d'autre commentaire.
M. Marx: Vous ne pensez pas qu'il faut peut-être
réviser les lois pour plutôt favoriser ceux qui se trouvent devant
ces commissions? Même à la Commission des services juridiques, les
gens n'ont pas le droit d'aller en appel, c'est-à-dire ils ont le droit
d'aller en appel, mais c'est souvent refusé. Cela veut dire qu'il y a
une évaluation qui se fait. Ce n'est pas automatique. Il y a des gens
qui aimeraient aller en Cour d'appel et se font refuser par la commission pour
des raisons valables, peut-être. Je comprends que souvent la commission
pourrait même être surchargée d'appels et à un moment
donné il faut en refuser un certain nombre. Ou est-ce que les refus sont
faits en fonction des dossiers pour lesquels la commission ne pense pas qu'il y
aurait de bonnes chances de gagner en appel? De toute façon, il y a
beaucoup de citoyens qui se voient refuser le droit d'appel pour des raisons
valables ou non, mais je reçois des plaintes dans ce sens aussi. (18 h
15)
M. Lafontaine: M. le Président, je ne comprends pas si on
est en commission parlementaire sur les crédits de la Commission des
services juridiques ou si on est en train de parler du projet de loi 42 sur les
accidents du travail. Mais je vais quand même répondre à
votre question, parce que cela touche de plus près l'administration de
la Commission des services juridiques. Effectivement, sur 260 000 clients dans
une année, il y a 1300 personnes qui font appel au comité de
révision qui est formé de deux avocats de pratique privée
et d'une travailleuse sociale qui va réévaluer la vraisemblance
de droit et le côté économique. Il y a eu aussi des brefs
de prohibition et de certiorari qui ont été exercés
vis-à-vis de ce tribunal et des cours se sont prononcées disant
que c'était un tribunal tout à fait administratif et non pas une
instance judiciaire et que, consé-quemment, il ne pouvait pas y avoir un
appel. Je vous cite des jugements qui ont été rapportés
par les cours simplement. Quant aux délais, je peux vous dire que les
délais sont presque inexistants. Le délai maximum qu'on a eu a
été de trois mois. Il faut vous dire qu'il faut souvent courir
après la preuve pour la préparer pour la personne
elle-même. Cela a toujours été notre philosophie: donner la
chance au coureur et préparer son dossier autant que possible.
M. Marx: Merci. Étant donné que le ministre de la
Justice n'est pas ici, je n'ai pas d'autre question.
Le Président (M. Paré): Vous avez terminé?
Il n'y a pas d'autres questions? Alors, nous vous remercions beaucoup de la
présentation de votre mémoire et d'avoir accepté de
répondre à nos questions.
Tel qu'entendu au début de l'après-midi, nous allons
dès maintenant permettre l'audition du mémoire
présenté par la Fédération des travailleurs
forestiers du Québec dont j'invite les représentants à
prendre place immédiatement à l'avant.
Alors, bienvenue à la commission. Avant de faire la
présentation de votre mémoire, j'inviterais le porte-parole
à s'identifier et à nous présenter les personnes qui
l'accompagnent.
Fédération des travailleurs forestiers
du Québec
M. Duguay (Louis-Albert): À ma gauche, M. Robert Fortin,
membre du conseil d'administration de notre fédération; M.
Jean-Paul Poirier, secrétaire du Syndicat des travailleurs forestiers du
Saguenay-Lac-Saint-Jean; à ma droite, M. Claude Jobin, secrétaire
du Syndicat des travailleurs forestiers du Québec (Nord); M. Noël
Dionne, membre du conseil d'administration de la Fédération des
travailleurs forestiers du Québec; M. Wilbrod Dufour,
vice-président de la fédération; M. Réal Houde,
président de la fédération; moi-même, Louis-Albert
Duguay, secrétaire général de la
fédération.
M. le Président, si vous permettez, le mémoire que nous
vous présentons n'est pas une analyse complète du projet de loi
42, mais veut faire connaître les principales préoccupations que
les travailleurs forestiers ont vis-à-vis de cette future loi et aussi
en fonction des problèmes qu'ils ont connus avec l'ancienne loi sur la
Commission des accidents du travail du Québec. Étant donné
que le mémoire n'est pas tellement volumineux, on va le lire
ensemble.
La Fédération des travailleurs forestiers du Québec
désire, par le présent mémoire, faire connaître son
opinion sur le projet de loi 42 et également faire des suggestions
concrètes sur certaines partie de la loi qui, à notre avis,
demeurent imprécises pour des catégories d'employés qui
continueront d'être pénalisés par l'application de cette
loi, tout comme ils le sont actuellement par l'application des politiques
établis par la CSST, notamment sur le calcul des revenus.
Après avoir analysé brièvement le projet de loi 42,
on se rend vite compte que le grand principe qui se dégage de ce projet
de loi vise à diminuer de façon significative le coût de
l'administration pour le paiement des indemnités de remplacement du
revenu, soit des indemnités à verser à la famille d'un
travailleur décédé à la suite d'un accident du
travail.
Une autre observation que nous désirons faire, c'est en ce sens
que ce projet de loi prévoit beaucoup de possibilités pour la
commission de faire des règlements en fonction des pouvoirs qui lui sont
confiés, et la note explicative au début de la loi nous
apparaît très conservatrice lorsqu'on y lit: "Ce projet de loi
confère à la commission quelques pouvoirs réglementaires
et établit le mode d'entrée en vigueur des règlements."
Pourtant, dans les faits, à chaque chapitre, on y retrouve plusieurs
possibilités pour la commission d'établir des règlements
qui, eux, ne sont pas soumis à l'approbation du public par le biais
d'une commission parlementaire. Nous sommes d'accord qu'une loi ne peut pas
tout prévoir, mais nous croyons cependant qu'il ne faut pas ouvrir
toutes grandes les portes sur des règlements rendant parfois
l'application de la loi très difficile et portant souvent à
confusion pour les personnes qui ont à l'administrer. Ce sont souvent
les travailleurs qui en défraient la note.
Pour mieux vous illustrer notre pensée, nous vous donnons
l'exemple suivant: actuellement, il existe dans la politique de la CSST pour le
calcul des revenus en fonction d'une indemnité à payer, 18
façons différentes de calculer le revenu d'un travailleur. Donc,
chaque fonctionnaire ayant à traiter ces dossiers peut
interpréter de façon différente le statut d'un travailleur
en fonction de son interprétation du règlement. Nous croyons
qu'il y aurait lieu dans ce projet de loi de minimiser la possibilité de
règlements qui sont parfois très arbitraires et qui ne donnent
pas justice aux travailleurs, car, dans une loi sur les accidents du travail,
nous croyons que rien ne doit être laissé au hasard pour que le
travailleur victime d'un accident ne soit pas, en plus, pénalisé
dans le paiement des indemnités qui lui sont dues.
Cela nous amène à vous parler plus
précisément des travailleurs que nous défendons, soit les
travailleurs forestiers. Nous ne croyons pas nécessaire de vous faire
une grande présentation sur l'importance de cette classe de travailleurs
dans l'économie québécoise. Il suffit de dire qu'un
travailleur forestier procure du travail à une personne sur huit au
Québec pour en comprendre toute l'importance. Nous pourrions ajouter
à cela une série de chiffres tout aussi importants les uns que
les autres pour confirmer notre allégation. Nous aimerions ajouter
à cela qu'au niveau des accidents du travail ils sont situés les
premiers dans les secteurs prioritaires, selon la CSST. Cela n'est pas peu
dire.
Malgré cela, le projet de loi nous semble plutôt muet pour
cette catégorie de travailleurs, ce qui nous amène à faire
un certain parallèle avec d'autres lois où les travailleurs
forestiers sont, à toutes fins utiles, exclus d'une partie de leur
application. Notons la loi 49 sur la formation et la qualification
professionnelles où à l'article 45 il est spécifié
ceci: "Sauf dans les cas d'entreprises à caractère saisonnier ou
intermittent, tout employeur qui, pour des raisons d'ordre technologiques ou
économiques, prévoit devoir faire un licenciement collectif doit
donner avis au ministre dans les délais minimaux suivants: deux mois
lorsque le nombre des
licenciements envisagés est au moins égal à dix et
inférieur à 100; trois mois lorsque le nombre de licenciements
envisagés est au moins égal à 100 et inférieur
à 300; quatre mois lorsque le nombre de licenciements envisagés
est au moins égal à 300. "Dans le cas de force majeure ou
lorsqu'un événement imprévu empêche l'employeur de
respecter les délais ci-dessus, il doit aviser le ministre
aussitôt qu'il est en mesure de le faire."
L'article, qui se continue, spécifie que dans un tel cas il doit
y avoir un comité de reclassement, etc. Cependant, selon les personnes
chargées d'appliquer cette loi, les travailleurs forestiers sont exclus
de l'application à cause du terme "sauf dans les cas d'entreprises
à caractère saisonnier ou intermittent."
Le deuxième exemple concerne la Loi sur les normes du travail,
section IV, article 82, qui se lit comme suit: "Malgré l'article 1668 du
Code civil et sauf dans le cas d'un contrat à durée
déterminée ou pour une entreprise déterminée, un
salarié qui justifie chez le même employeur d'au moins trois mois
de service continu a droit à un préavis écrit avant son
licenciement ou sa mise à pied pour au moins six mois. Ce préavis
est d'une semaine si le salarié justifie de moins d'un an de service
continu, de quatre semaines s'il justifie de cinq ans à dix ans de
service continu et de huit semaines s'il justifie de dix ans de service continu
ou plus. Le présent article ne s'applique dans le cas des cadres."
Cependant, à la suite d'une multitude de plaintes portées
par nos membres en 1982 sur l'application de cet article, la commission
chargée d'appliquer la loi a décidé que celui-ci ne
s'appliquait pas dans le cas de travailleurs forestiers puisque le terme
"contrat à durée déterminée" s'appliquait dans leur
cas. Donc, toutes les plaintes furent rejetées et nous joignons, comme
annexe A, une lettre de ladite commission à cet effet.
Si nous avons jugé bon de vous apporter ces deux exemples
à l'appui de nos prétentions, c'est que, premièrement,
nous ne voudrions pas que le problème se reproduise avec le projet de
loi 42 et, deuxièmement, nous n'avons pas tous les jours l'occasion de
participer à une commission parlementaire où l'occasion est
propice pour signaler certaines anomalies dans certaines lois ouvrières
au ministre du Travail - nous comprenons évidemment que les deux lois
auxquelles nous référons s'adressent au ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, mais nous croyons que
le ministre sera en mesure de faire le message à Mme Marois à ce
sujet - même si nous débordons quelque peu du sujet principal sur
lequel nous nous empressons - au lieu d'empêchons - de revenir, afin de
vous livrer nos commentaires et recommandations sur les chapitres et articles
où nous croyons nécessaire qu'il y ait des améliorations
apportées, si ce projet de loi devait suivre son chemin.
Article 43. Nous voudrions voir insérer dans cet article: Si un
régime public ou privé d'assurance accepte d'indemniser un
travailleur en attendant que la CSST statue sur sa réclamation, que
l'employeur ne puisse se servir de cette acceptation pour contester l'accident
comme tel.
Chapitre IV, article 53. Nous avons certaines réserves sur la
prolongation à quatorze jours payés par l'employeur, ce qui peut
constituer une occasion très propice pour accentuer le problème
des travaux légers en milieu forestier et, pour certains employeurs, de
négliger de faire un rapport d'accident malgré les dispositions
des articles 172 et 175, ce qui aurait pour but de pénaliser un
travailleur s'il y a aggravation dans les années subséquentes. De
plus, nous ne croyons pas nécessaire l'insertion du troisième
paragraphe.
Article 63. Nous demandons l'insertion d'une partie qui détermine
les revenus bruts du travailleur forestier qui tient compte du caractère
saisonnier et cyclique de l'entreprise. Nous ne croyons pas que le travailleur
forestier, déjà très fortement pénalisé par
ces deux impondérables, soit également pénalisé
lorsqu'il subit un accident du travail. Actuellement, la façon de
calculer les gains bruts d'un travailleur forestier est fortement
préjudiciable et ce projet de loi ne corrige rien à cette
situation carentielle.
Actuellement, la méthode de calcul du revenu brut est faite de la
façon suivante: Établir le revenu selon les gains
réalisés chez son employeur au cours des douze mois
précédant la date de l'accident et ce, jusqu'à concurrence
du maximum annuel assurable, ou les gains réalisés chez plusieurs
employeurs pour le même emploi ou les gains d'un travailleur de
même catégorie - article 46,2 - ou l'ordonnance de la Commission
des normes du travail, ou le montant de la protection personnelle pour tenir
compte des prestations d'assurance-chômage.
Dans la pratique, lorsqu'un travailleur forestier est accidenté,
on applique cette politique qui a pour conséquence que lorsqu'une
durée d'opération est à peu près normale, soit de
huit à dix mois, le travailleur peut ne pas être
pénalisé mais, comme nous l'avons déjà
mentionné, nous avons affaire à une entreprise saisonnière
et cyclique, dû aux conditions du marché.
Il est arrivé qu'en 1982 la plupart des travailleurs forestiers
qui ont réussi à se trouver un emploi n'ont travaillé que
trois à quatre mois, ce qui a eu pour conséquence que leur
salaire annuel a été de beaucoup inférieur à une
année normale, ce qui fait que les travailleurs forestiers qui ont eu
un
accident du travail en 1983 ont fortement été
pénalisés en recevant l'indemnité de remplacement
basée sur la politique actuelle de calcul. Certains ont même
dû se contenter du salaire de base des normes minimales de travail, tel
que prévu dans la politique actuelle du calcul du revenu brut. Cela
n'est pas corrigé par la présente loi.
À cet effet, nous demandons que, pour les travailleurs
forestiers, le calcul du revenu brut lors d'un accident de travail soit fait de
la façon suivante: Lorsque l'accident survient au début d'une
saison d'opération, que l'on prenne pour fins de calcul ses gains
réalisés chez ce même employeur la saison
précédente, y inclure l'augmentation de la convention collective
de l'année en cours et diviser par le nombre de jours de travail
effectifs afin d'établir le revenu brut en période de
travail.
Si l'accident survient cinq semaines après le début de la
saison d'exploitation en cours, prendre les gains réalisés depuis
le début de la saison, diviser par le nombre de jours de travail pour
calculer son revenu brut.
Pour un travailleur forestier ayant travaillé chez plusieurs
employeurs, faire le même calcul pour chacun des emplois effectués
pour en arriver au calcul du revenu brut.
Pour un nouvel employé qui n'aurait pas cinq semaines de travail
faites au moment de l'accident, s'il s'agit d'un travailleur à taux
horaire, on devrait prendre le salaire prévu à la convention pour
l'occupation concernée, multiplier par le nombre d'heures hebdomadaires
prévues à la convention et s'il s'agit d'un travailleur à
taux forfaitaire, prendre la moyenne du salaire journalier des travailleurs de
même catégorie de l'année précédente
majorée de l'augmentation prévue à la convention
collective, s'il y a lieu.
Ces différents modes de calcul du revenu brut établiraient
ses droits à l'indemnité de remplacement prévue par la
loi, car il nous apparaît anormal que le travailleur forestier soit
pénalisé, comme c'est le cas présentement, à cause
des facteurs déjà énumérés, soit le
caractère saisonnier et cyclique de l'entreprise.
Cette base du calcul servirait également pour les
indemnités de décès prévues à la section III
du même chapitre, sur lesquelles nous avons certaines réserves sur
le mode d'un montant forfaitaire déboursé, soit au conjoint ou
aux enfants, car, selon les personnes touchées, la formule
préconisée dans le projet de loi peut avoir de bonnes comme de
mauvaises conséquences. S'il s'agit uniquement du conjoint sans enfant,
le fait de recevoir un montant forfaitaire en remplacement d'une rente
mensuelle n'a pas trop d'importance. S'il s'agit d'un conjoint avec des
enfants, le problème peut être différent selon les
qualités administratives de la personne qui reçoit les montants
alloués. À ce chapitre et pour le cas d'un conjoint avec des
enfants d'âge scolaire, nous préconisons le maintien d'une rente
mensuelle indexée au coût de la vie, tel que
spécifié dans le projet de loi, section V, chapitre IV.
L'article 117 de la section VI chapitre IV, devrait également
s'appliquer dans les cas des contestations de la part des compagnies sur la
nature d'un accident et avec les mêmes effets au niveau du recouvrement
car, présentement, beaucoup d'employeurs contestent le bien-fondé
d'une réclamation d'accident du travail et pendant toute cette
période qui s'écoule entre le moment de la contestation au bureau
de révision et devant la Commission des affaires sociales, ce qui prend
généralement de six mois à un an et parfois davantage, le
travailleur concerné ne reçoit aucune compensation et, lorsqu'il
s'agit d'incapacité totale temporaire, il doit référer
à l'aide sociale pour continuer à vivre, pour ne pas dire
vivoter. Il nous apparaît donc nécessaire d'inclure dans ce projet
de loi une formule quelconque qui freinerait cette politique actuelle de
contestation. (18 h 30)
À l'article 149, nous demandons de biffer le deuxièmement
car nous croyons tout à fait normal qu'un employé
accidenté du travail continue d'accumuler ses jours de vacances, ainsi
que ses congés de maladie, tout comme s'il était demeuré
au travail. D'ailleurs, la loi des normes du travail, article 74,
deuxième paragraphe, le spécifie.
Chapitre X, Compétence de la commission et appel. À la
lecture de ce chapitre, nous constatons, à moins d'erreur, la
disparition des comités de révision et soyez assurés que
nous n'avons pas l'intention d'en demander la reconstitution. Toutes les
recommandations que vous avez pu recevoir lors de la commission parlementaire
sur l'administration de la CSST illustrent assez bien ce que tous les
intervenants à la défense des travailleurs accidentés
pensaient de ces comités qui étaient à la fois juge et
partie.
Nous ne reviendrons pas sur ce sujet, mais nous croyons quand même
que le projet de loi 42 devrait être plus explicite au chapitre des
appels concernant surtout les délais qui devaient être
prévus pour que la Commission des affaires sociales agisse avec
diligence, car ce n'est pas tout de spécifier à l'article 247,
deuxième paragraphe, que cet appel est instruit et jugé
d'urgence.
D'après nous, un nombre de jours doit être fixé pour
l'audition de la cause à être entendue et également pour
rendre la décision. Comme indicatif, nous suggérons que
l'audition ait lieu dans les 30 jours de la contestation et qu'une
décision soit rendue dans les dix jours de l'audition, car il faut
comprendre que, dans la plupart des cas, à moins que la nouvelle
loi y pourvoie, ces individus concernés par ces contestations sont sans
ressources financières et leur situation financière est fortement
compromise.
Nous aimerions ajouter aux recommandations formulées
qu'étant donné la nature des exploitations forestières et
surtout qu'actuellement les compagnies forestières favorisent de
façon presque outrancière le régime de sous-traitance dans
l'exécution du travail, nous demandons que le concessionnaire forestier
soit considéré comme l'unique employeur auprès de la CSST,
ceci afin d'éliminer que certains travailleurs soient ou s'excluent
eux-mêmes de l'application de la loi par souci d'économie.
Ce sont là, M. le ministre, les observations que nous avions
à formuler sur le projet de loi 42 qui corrige, d'après nous,
certaines situations assez confuses que nous avons à vivre actuellement
mais, selon la Fédération des travailleurs forestiers du
Québec, il faut y apporter d'autres correctifs dans le sens que nous
vous l'avons exprimé.
Nous aimerions, avant de terminer complètement, soumettre qu'en
milieu forestier, on a certains problèmes qu'il serait peut-être
possible de prévoir au niveau du projet de loi 42 concernant le
phénomène de Raynaud qui est prévu dans les maladies
professionnelles. Malheureusement, nous observons une carence et un manque de
spécialistes pour détecter ce genre de maladie au Québec.
Nous avons des cas bien précis de travailleurs qui ont eu à faire
face à ce problème et nous avons mis près de deux ans
à faire admettre la maladie comme telle parce que les expertises de
certains médecins disaient que c'était un phénomène
naturel, alors que, pour d'autres, c'était le phénomène de
Raynaud. Ce n'est qu'au bout de deux ans qu'on a réussi à faire
admettre que cet individu était atteint du phénomène de
Raynaud. Nous croyons qu'il y aurait lieu d'avoir, si ce n'est pas dans la loi
au moins à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail ou dans la future loi qui remplacera celle
des accidents du travail, des spécialistes à cet effet car, comme
certaines recherches l'ont démontré, il y a quelques
années, il y a au-delà de 30% des travailleurs forestiers qui
sont atteints par le phénomène de Raynaud. Donc, c'est
très important dans le milieu. C'était une observation
supplémentaire que je voulais ajouter à notre mémoire.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, M. Duguay,
pour la présentation de votre mémoire. La parole est maintenant
au ministre du Travail.
M. Fréchette: Oui, M. le Président. Avant de faire
des commentaires d'ordre très général, qui sont d'ailleurs
très courts, je demanderais à M. Duguay, s'il le voulait, de nous
préciser ce que c'est, le phénomène de Raynaud, pour notre
information. Il y en a qui le savent, d'autres qui ne le savent pas.
Pourriez-vous tout simplement donner un peu plus d'explications?
M. Duguay: Le phénomène de Raynaud - on l'appelle
aussi la maladie de la main blanche - est un problème causé par
un outil vibratoire qui fait en sorte que les vaisseaux sanguins dans les mains
ou dans les pieds, ou partout sur le corps, se brisent et occasionnent un
refroidissement des membres atteints, ce qui fait que certains travailleurs,
dès le début du mois de septembre ou du mois d'octobre, vont
commencer à avoir froid aux mains ou froid aux pieds et seront ainsi
obligés de quitter leur travail ou de faire un autre travail à
l'intérieur. Comme vous le savez, en forêt, il n'y a pas tellement
de métiers à l'intérieur. C'est un problème qui est
assez considérable pour nos membres.
M. Fréchette: Merci, M. Duguay. Écoutez! Je viens
de vous signaler que mes observations seraient très brèves. C'est
d'ailleurs conforme à votre mémoire qui est, par ailleurs,
très explicite. Quatre préoccupations nous sont soumises dans
votre mémoire, si j'ai bien identifié les choses sur lequelles
vous voulez attirer notre attention.
Il y a d'abord - c'est la préoccupation principale, je pense - la
méthode actuellement utilisée pour évaluer le revenu.
C'est cela qui me semble être le point principal du mémoire que
vous nous soumettez. À cet égard, d'autres travailleurs
saisonniers nous ont également fait des représentations dans le
même sens et cela m'apparaît procéder du sens commun des
choses que l'on doive effectivement regarder cela de très près et
voir quelle décision pourrait être prise pour tenter
d'établir une espèce d'équité dans tout cela. Mais
retenez que l'on retient votre recommandation et vous devriez être
informés à cet égard dans les meilleurs délais.
De plus, c'est votre préoccupation quant aux pouvoirs
réglementaires de la commission. Là-dessus, également,
beaucoup d'autres organismes nous ont fait des représentations qui
rejoignent celles que vous nous soumettez. Je voudrais simplement attirer votre
attention sur le fait que la loi actuelle prévoit qu'il y a 26 pouvoirs
réglementaires possibles qui sont attribués à la
commission. Ce qui a été fait dans l'exercice de transition entre
la loi actuelle et le projet de loi 42, c'est que 20 de ces règlements
qui existent ont été transposés dans la loi directement,
réduisant d'autant, évidemment, les pouvoirs
réglementaires de la commission. La commission ne peut
maintenant faire de réglementation qu'à l'égard de
six sujets bien identifiés les uns les autres. Il y a la dernière
disposition qui semble faire problème quand on dit que la commission
peut faire une réglementation pour l'application de la loi à tout
chapitre qu'elle croit utile. Évidemment, cela reste large, mais je vous
signale qu'à cet égard nous n'aurions pas d'objection à
faire disparaître cette espèce de pouvoir omnibus qui est contenu
dans la loi.
Là où je suis un peu étonné, M. Duguay, par
rapport au contenu de votre mémoire, c'est quant aux
préoccupations que vous nous soumettez sur l'obligation qui serait faite
à l'employeur, si le projet de loi était adopté dans son
état actuel, d'assumer le paiement ou le coût des quatorze
premiers jours d'absence à la suite d'un accident du travail. J'ai cru
comprendre de votre mémoire, à moins que je vous
interprète mal, que vous souhaiteriez qu'on enlève purement et
simplement la disposition qui prévoit que l'employeur doive payer les
quatorze premiers jours d'absence. Encore une fois, j'ai de la
difficulté à comprendre la nature ou les motifs qui
président à cette requête, compte tenu que la disposition a
été incorporée à la loi pour toute espèce de
motifs, et j'en résume deux seulement. C'est pour faire en sorte que,
lorsqu'un accident entraîne une absence de quatorze jours ou moins, le
travailleur soit immédiatement payé plutôt que d'attendre
qu'une décision administrative ne soit cheminée avec tous les
délais que vous connaissez et souvent, les accrochages qui se
présentent en cours de processus de dossier. Donc, le premier objectif
pour lequel cette disposition est dans la loi, c'est de faire en sorte que le
travailleur accidenté soit le plus rapidement possible payé
lorsque, encore une fois, l'accident ou la maladie professionnelle occasionne
une absence qui est de quatorze jours ou moins.
Le deuxième motif, c'est un objectif d'accélération
de l'administration globale de la commission. Vous savez, il y a, au bas mot,
80% des accidents ou des maladies qui occasionnent des absences qui sont de
moins de quatorze jours. 80%, cela veut dire entre 150 000 et 200 000 dossiers
par année. S'il arrivait que la disposition de quatorze jours soit
maintenue, une des conséquences importantes, c'est qu'il y a entre 150
000 et 200 000 dossiers qui, actuellement, entrent dans la machine
administrative, qui n'y entreraient pas autrement.
Ce sont les deux principaux motifs pour lesquels la disposition est
là. Maintenant, c'est là-dessus que j'apprécierais vous
entendre élaborer un peu et être bien sûr que l'objectif que
vous poursuivez, c'est de faire disparaître cette disposition.
M. Duguay: Je pense que notre mémoire n'est
peut-être pas assez élaboré sur ce sujet. Sur le principe
de la paie de quatorze jours, nous ne sommes assurément pas en
désaccord avec votre projet de loi. Le problème se situe... C'est
qu'en forêt, on a connu beaucoup de mauvaises expériences au
niveau des rapports d'accidents ou des accidents non déclarés.
Vous devez sans doute vous souvenir qu'en 1970-1979 le président actuel
de la Commission de la santé et de la sécurité du travail,
M. Sauvé, a fait faire des expertises dans certaines compagnies pour
vraiment avoir le portrait réel des accidents en forêt parce qu'on
camouflait, à toutes fins utiles, beaucoup d'accidents - on le mentionne
ici - en les mettant sur le fardeau des travaux légers. Ou, on ne
déclare pas l'accident, on dit au gars: Tu vas rester au travail et,
à ce moment, cela ne dérange pas ta paie. Sur ce principe, on est
tout à fait d'accord. Notre crainte se situe à ce niveau: Si le
projet de loi est suffisamment clair pour obliger les compagnies
forestières ou autres compagnies à déclarer tout accident,
nous sommes entièrement d'accord avec la politique que vous adoptez.
C'est tout simplement là qu'est notre inquiétude parce
qu'on a connu des situations très difficiles, où un accident d'un
travailleur n'ayant pas été déclaré, lorsqu'il y a
aggravation, on ne peut plus revenir. C'est là qu'est notre
problème.
M. Fréchette: Très bien.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Viau.
M. Cusano: Merci. M. Duguay, je vous remercie de la
présentation de votre mémoire. Le ministre vient de toucher la
question de quatorze jours pour laquelle j'avais demandé des
précisions. Cela va être une question de moins. J'aimerais avoir
un peu plus d'explications sur les bureaux de révision. Vous mentionnez
à la page 11 de votre mémoire que vous n'avez pas l'intention
d'en demander la reconstitution. Tous les commentaires que vous avez pu
percevoir lors de la commission parlementaire de décembre illustrent
qu'il y a beaucoup de difficultés avec ces bureaux de révision.
Le projet de loi fera disparaître ces bureaux de révision. Si le
ministre n'apporte pas d'amendement au projet de loi tel quel, les bureaux de
révision seraient remplacés par un processus administratif, une
décision administrative. Une des grandes accusations, une des plus
graves accusations qu'on portait auprès du bureau de révision,
c'est qu'il était juge et partie. Le processus d'une révision
administrative, c'est encore la même chose. C'est d'être juge et
partie. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous envisagez, en ce qui
concerne
spécialement une question de litige, pour régler cela sans
qu'il y ait un mécanisme d'appel? (18 h 45)
M. Duguay: Écoutez, je pense que j'étais
présent tout à l'heure lorsque le ministre a annoncé qu'il
entendait... Je l'ai vu également dans les journaux. J'ai
également dit au début de la présentation de notre
mémoire que nous ne l'avions pas analysé en profondeur. Ce que
vous signalez, c'est sûr que ce ne serait pas tellement mieux que les
bureaux de révision, les décisions administratives. Mais il m'a
semblé tout à l'heure, dans l'explication que le ministre a
donnée aux gens qui sont passés avant nous, que ce qu'il entend
faire pourrait corriger en très grande partie les problèmes que
nous avons actuellement, tant au bureau de révision qu'au bureau des
affaires sociales; non pas que le bureau de la Commission des affaires sociales
représente les mêmes défauts dans les décisions
qu'il prend ou qu'il a à prendre, mais à cause de la lenteur
à faire étudier et analyser nos dossiers. Mais je dis, sous
l'impulsion du moment, que j'accepte l'explication que le ministre nous a
donnée tantôt comme un procédé d'appel qui pourrait
être inclus dans la loi. En d'autres termes, j'achète son
produit...
M. Cusano: M. Duguay...
M. Duguay: ...quitte à y voir les défauts lorsque
le temps viendra.
M. Cusano: Exactement. Quelquefois, il y a beaucoup de
contradictions entre les discours et la réalité d'un projet de
loi. C'est pour cela que j'ai demandé depuis un certain temps que,
puisqu'il semble réaliser de plus en plus que des amendements s'imposent
au projet de loi, le ministre devrait nous les faire connaître de
façon formelle, pour qu'on ne perde pas notre temps. J'espère que
votre interprétation de ce que le ministre a dit depuis les deux
derniers jours, spécialement sur cette révision de processus
administratifs, se concrétisera par des amendements très clairs
et très précis.
J'aurais une autre question d'ordre général. Sur la
question du montant forfaitaire qui est prévu dans le projet de loi pour
une incapacité permanente, mais qui n'empêche pas l'individu de
travailler, qui remplacerait le pourcentage, la rente à vie pour une
incapacité, est-ce que vous êtes en faveur de ce montant
forfaitaire ou si vous préférez le statu quo?
M. Duguay: Je dis qu'à brûle-pourpoint nous
préférons garder le statu quo à ce niveau, parce qu'un
montant forfaitaire demeure toujours arbitraire d'abord et,
deuxièmement, ne règle pas beaucoup de problèmes. Cela va
régler les problèmes financiers momentanément quand, bien
souvent, l'individu n'en doit pas une partie à l'aide sociale. Or, je
pense que, pour nous, les montants forfaitaires - nous le disons, d'ailleurs,
concernant les décès - cela ne règle pas le
problème. Et pour l'incapacité permanente, non plus.
M. Cusano: Je présume aussi que l'incitatif pour le retour
au travail ne vous plaît pas non plus?
M. Duguay: Non.
M. Cusano: Bon. Une dernière petite question. Cela me
tracasse toujours quand je vois cela dans les mémoires qui nous sont
présentés. À la première page - je crois bien que
c'est à la première page - vous dites qu'il y a 18 façons
différentes de calculer le revenu d'un individu. C'est à la
deuxième page, excusez-moi...
M. Duguay: Effectivement...
M. Cusano: ...au deuxième paragraphe: "Actuellement, il
existe dans la politique de la CSST, pour le calcul des revenus en fonction
d'une indemnité à payer, 18 façons différentes pour
calculer le revenu d'un travailleur." Sur ce, vous avez mentionné le
fait que les fonctionnaires ayant à traiter des dossiers pourraient
interpréter de façon différente le statut d'un
travailleur. Est-ce que vous pouvez me donner un exemple de ces
différences?
M. Duguay: Je l'ai ici devant moi. Un moment donné, on
parle d'un travailleur à temps plein, contrat à durée
indéterminée, et on parle d'un travailleur saisonnier; on en
vient à un travailleur forestier qui est un travailleur saisonnier;
alors, il y a le travailleur saisonnier et le travailleur forestier. De quelle
façon doit-on l'interpréter, de quelle façon le
fonctionnaire peut-il l'interpréter? Selon le fonctionnaire à qui
le dossier est confié, il peut l'interpréter comme étant
un travailleur saisonnier, tout comme il peut... Vous savez, c'est un peu cela
qu'on a rencontré. J'ai ici les 18 façons de traiter les
dossiers. Cela nous a toujours paru un processus de décision
extraordinaire.
M. Cusano: D'accord. Je vous remercie, au nom de ma formation
politique, particulièrement d'avoir accepté d'avancer votre
présentation de 20 heures à 18 heures. Cela accommode tout le
monde, spécialement les membres de cette commission...
Une voix: ...de l'Opposition.
M. Cusano: ...Oui, oui, cela accommode
les membres de l'Opposition et les membres du côté
ministériel, parce que les journées passées sous les
lumières que vous voyez sont très fatigantes, et cela, pour ne
pas porter plainte à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail; je vous en remercie.
M. Duguay: Les travailleurs forestiers sont habitués
à être tellement ponctuels qu'ils sont toujours avant leur
temps.
Des voix: Ah! Ah!
M. Duguay: Alors, c'est pour cela qu'on a pu répondre
à votre demande.
Le Président (M. Paré): Au nom de tous les membres
de la commission, nous vous remercions de votre contribution aux travaux de la
commission et de votre collaboration pour avoir accepté de changer les
heures. La commission ayant rempli une bonne journée, je crois, et
entendu tous les mémoires qu'elle devait entendre, cela lui permet
d'ajourner ses travaux jusqu'au mardi 6 mars, à 10 heures.
(Fin de la séance à 18 h 52)