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(Dix heures six minutes)
Le Président (M. Jolivet): La commission élue
permanente du travail se réunit encore aujourd'hui aux fins d'entendre
les représentations des personnes et des groupes
intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles.
Les membres de cette commission sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M.
Cusano (Viau), M. Dean (Prévost), M. Fréchette (Sherbrooke), Mme
Harel (Maisonneuve), M. Lafre-nière (Ungava), M. Lavigne (Beauharnois),
M. Pagé (Portneuf), M. Léger (Lafontaine), M. Maltais (Saguenay),
M. Polak (Sainte-Anne), M. Baril (Arthabaska).
Les intervenants sont M. Champagne (Saint-Jacques), M. Champagne
(Mille-Îles), M. Fortier (Outremont), M. Leduc (Fabre), M. Payne
(Vachon), M. Proulx (Saint-Jean), M. Vaugeois (Trois-Rivières). Le
rapporteur est toujours M. Lavigne (Beauharnois).
Suivant notre horaire de la journée, nous recevons, à 10
heures, le Conseil du patronat du Québec. Normalement, nous devrions
avoir une période de quatre heures pour entendre cet organisme,
c'est-à-dire qu'à 15 heures, nous reviendrons avec le Conseil du
patronat pour une heure environ, soit jusqu'à 16 heures. De 16 heures
à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, nous entendrons la
Fédération des travailleurs du Québec.
Je profite de l'occasion pour mentionner aux membres de la commission
que nous avons ce matin deux mémoires pour dépôt seulement:
le mémoire 31M, du Canadien Pacifique Ltée, et le mémoire
43M, de Mme Jeanne-Marie Veilleux. Ces deux documents sont donc pour
dépôt. Vous les avez reçus?
M. Polak: Vous n'en donnez pas un petit sommaire, M. le
Président?
Le Président (M. Jolivet): Non, M. le député
de Sainte-Anne.
M. Polak: D'accord.
Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas à faire la
lecture ici de quoi que ce soit.
Nous demandons donc à M. Ghislain Dufour de nous présenter
les membres qui l'accompagnent et de procéder ensuite à la
présentation de son mémoire. M. Dufour.
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Je vous
présente les représentants du Conseil du patronat. À ma
gauche, M. Pierre Duguay, agent de relations de travail au Conseil du patronat,
Me Gilles Lavallée, conseiller principal en relations de travail
à la Société de chimie et d'électrolyse Alcan, le
Dr Michel Lesage, spécialiste en médecine du travail de la
Clinique médicale Lesage, Dumont, Boivin, Pelletier et Associés.
À ma droite, M. Alexandre Beaulieu, président de Alexandre
Beaulieu Inc., Me Jacques Laurin, du bureau de McMaster, Meighen, avocats, et
M. Denis Beauregard, directeur de la recherche au Conseil du patronat. Par
ailleurs, dans la salle, nous avons avec nous plusieurs personnes qui ont
participé à la rédaction du mémoire et qui
pourraient se joindre à nous si une expertise additionnelle était
requise.
M. le Président, vous avez reçu notre mémoire. Il
fait en tout et partout quelque chose comme 145 pages. C'est bien sûr
qu'on ne vous lira pas tout cela, sauf qu'étant donné que c'est
déjà un document très synthétique de toutes les
discussions que nous avons eues, vous allez nous permettre de prendre, et je
sollicite votre permission de le faire, à peu près une heure pour
résumer le mémoire. Si j'ai bien compris, on a à peu
près quatre heures et demie de possibilité d'audition. Alors, une
heure, cela fait à peu près le quart, parce qu'il faut quand
même, pour avoir une discussion intelligente, camper les principaux
principes qu'on véhicule.
Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas d'objection. D'une
façon ou d'une autre, sur le laps de temps qui vous est accordé,
plus vous allez en prendre pour la présentation, moins il y aura de
questions. Peu importe, je pense que cela vaut la peine de vous entendre.
M. Dufour: Alors, je commence par le document no 1, qu'on appelle
partie I. On rappelle au départ notre position de fond et notre
intérêt pour toutes les questions d'indemnisation des victimes
d'accidents du travail. On rappelle nos positions passées, notamment un
mémoire qu'on avait adressé au ministre du Travail il y a
à peu près un an et qui exprimait à peu près
l'essentiel de notre position dans ce dossier.
Nous signalons que nous avons toujours
été d'accord avec l'instauration d'un système qui
indemnise adéquatement ce qu'on appelle les véritables victimes
d'accidents du travail, et nous insistons sur le mot "véritables", et de
maladies professionnelles, et qui stimule le plus possible la
réinsertion en milieu de travail, ce qui nous fait donner dès le
départ un accord de principe avec la réadaptation.
Par ailleurs, toute démarche entreprise en vue de modifier la loi
actuelle doit tenir compte des coûts en cause, lesquels, il est utile de
le rappeler, sont entièrement absorbés par les employeurs,
coûts dont le gouvernement, par l'intermédiaire de son ministre,
hier matin, nous a entretenu très rapidement et sur lesquels, bien
sûr, nous aurons l'occasion de revenir. Nous parlons de coûts aussi
au moment où on ignore quel sera l'ensemble des coûts de la loi 17
sur la santé et la sécurité du travail. Les principaux
règlements d'application de cette loi sont à peine connus et les
comités de santé et de sécurité et le
représentant à la prévention. On ajoute aussi les
coûts. On ne sait pas encore tout à fait les coûts des
derniers amendements au Code du travail, en juin 1983.
C'est donc dans une optique de coûts que le CPQ reconnaît la
nécessité de régler les problèmes que pose
l'application de l'article 38.4 de la loi actuelle et ce, même, il faut
le dire, si on a l'impression que le fameux article 38.4 qui a tellement fait
parler au cours des dernières années a maintenant
été jugé par les tribunaux.
Le projet de loi 42 suggère une nouvelle approche pour indemniser
les victimes d'accidents du travail. Il s'agit grosso modo - on fait la
description pour être bien certain qu'on s'entend tous sur la proposition
- de verser aux travailleurs concernés une indemnité de
remplacement du revenu pendant une certaine période, moyennant certaines
conditions, et de lui verser un montant forfaitaire une fois
déterminé le pourcentage d'incapacité permanente qu'a
causée l'accident ou qu'a entraînée la maladie
professionnelle, s'il y a lieu.
Le système d'indemnisation proposé pourrait, semble-t-il,
s'avérer d'application plus facile que le système actuel qui
n'est certes pas dénué d'intérêt. Toutefois, les
modalités qui entoureraient son application sont aussi importantes que
l'approche retenue. Il est facile d'imaginer en effet qu'un système
acceptable en soi puisse donner lieu à des situations
dénuées de sens si les modalités qui en régissent
l'application dénaturent l'intention du départ. À titre
d'exemple, si les indemnités forfaitaires étaient trop
élevées, on peut avoir donné un accord sur le
système, mais si c'est trop élevé, cela n'aurait pas
d'allure; s'il n'y avait aucun contrôle de prévu sur le
système, il n'aurait pas non plus d'allure.
C'est pourquoi, tout en manifestant son accord avec l'approche
proposée pour régler les problèmes que pose l'application
de l'article 38.4 de la loi actuelle, le CPQ exige que l'essentiel des
modalités et contrôles qu'il suggère fassent partie
intégrante du nouveau système. Tout accord du CPQ est clairement
lié à cette condition. On reviendra un peu plus loin sur ces 26
paramètres dont on parle.
Le CPQ s'oppose aussi clairement à ce que le règlement des
problèmes que pose l'application de l'article 38.4 serve de
prétexte à des amendements à la loi qui ouvrent la porte
à l'ajout de coûts importants au régime actuel (autres que
ceux qu'entraîne la mise en place du nouveau système).
Malheureusement, le projet de loi 42 va bien au-delà du
règlement des problèmes que pose l'article 38.4 de la loi
actuelle. Il s'agit bel et bien d'une révision de fond en comble de la
Loi sur les accidents du travail non pas simplement pour la bonifier, mais pour
ajouter lourdement aux coûts actuels. On y reviendra. (10 h 15)
Le projet de loi 42 aurait, entre autres, pour effet de
régulariser un certain nombre de pratiques pour le moins discutables qui
avaient cours par le passé, ou encore d'imputer aux employeurs
plutôt qu'au fonds consolidé de la province les coûts
reliés à l'indemnisation des "miraculés" de l'amiantose.
Bref, c'est une série impressionnante de mesures qui imposent aux
employeurs des coûts additionnels considérables et qui
élargissent le champ d'application de la Loi sur les accidents du
travail bien au-delà de ce que devrait être son objectif premier,
à savoir vraiment indemniser les véritables victimes d'accidents
du travail ou de maladies professionnelles.
Donc, sur ce point, M. le Président, en synthèse, nous
exprimons notre désaccord avec toute orientation du projet qui,
débordant le règlement des problèmes causés par
l'application de l'article 38.4 de la loi actuelle, ajouterait indûment
aux coûts actuels du régime.
Cependant, dans l'hypothèse où le législateur
déciderait malheureusement de passer outre à ses
représentations, le CPQ soumet dans le présent mémoire un
certain nombre d'observations ayant trait à l'ensemble du projet de loi
42. C'est là que vous réalisez qu'on a divisé notre
présentation en trois chapitres. Un premier chapitre montre notre
conception de la façon dont on devrait indemniser les victimes
d'accidents du travail. On vous propose l'essentiel de ce que devrait
être un projet de loi à cet égard. Deuxièmement,
vous retrouvez nos principales objections à la loi actuelle - parce
qu'il ne faut jamais oublier qu'en discutant de la loi 42 cela nous
amène
à examiner la loi actuelle et, bien sûr, nos objections au
projet de loi 42.
Nous faisons ensuite toute une série de considérations sur
un certain nombre de problèmes particuliers. On en cite onze. On aurait
pu en retenir beaucoup plus que cela. Il y a la définition d'accident,
les problèmes de recours en révision et en appel, toute la
question des entreprises qui sont tenues de payer personnellement, le fameux
problème des artisans et des travailleurs autonomes; on demande pourquoi
fixer l'indemnité à 90% du revenu net; on parle des pouvoirs
discrétionnaires de la commission, des maladies professionnelles, de la
question des quatorze premiers jours sur laquelle on reviendra, de la base du
calcul de l'indemnité de remplacement du revenu, des coûts du
projet et, dimension tout à fait nouvelle de la part du monde patronal,
toute la question du financement de cette loi et du financement de la CSST. On
accompagne notre mémoire d'une analyse article par article dont on fera,
mais très rapidement, une synthèse un peu plus tard.
Je rappelle qu'il s'agit là d'une analyse non exhaustive car,
compte tenu de la complexité du projet de loi, des centaines de pages
auraient été nécessaires pour en analyser à fond
toutes les implications.
C'est ce qui nous amène, par ailleurs, à suggérer
fortement au gouvernement d'extraire du projet de loi et d'étudier les
seuls et uniques articles destinés à résoudre les
problèmes que pose la loi actuelle, sous réserve de certaines
améliorations possibles à la loi actuelle qui
n'entraîneraient pas des coûts significatifs. Autrement, il nous
paraît que l'application du projet de loi dans sa forme actuelle
placerait les employeurs dans une situation invivable à cause,
notamment, des trop nombreuses questions nouvelles d'application que poserait
la loi. Les consultations - on indique le processus que nous avons
réalisé à ce sujet - que nous avons menées à
ce jour, très larges, très représentatives, nous forcent
à dire que le législateur ne recevra que très peu d'appui
dans les entreprises - et il a besoin des entreprises pour réaliser son
projet de loi -pour l'aider à implanter les dispositions globales du
projet de loi, s'il maintenait l'ensemble des propositions actuelles.
C'est le cas, par exemple, de toutes les dispositions relatives à
la silicose et à l'amiantose. Il nous paraît qu'en ce domaine
particulier, la loi 52 actuelle serait généralement
satisfaisante, si elle était bien appliquée. Or, les dispositions
de la loi 42, qui viennent se substituer aux dispositions actuelles de cette
loi, sont tout simplement aberrantes. En plus de faire rétroagir
purement et simplement certaines dispositions de la loi pour annuler tous les
jugements des tribunaux rendus au cours des dernières années et
qui ont été favorables, on introduit toute une série de
dispositions visant à empêcher à l'avenir toute
contestation possible de la part des employeurs. Bien plus, on prévient
les entreprises que tous les jugements à venir sur les procédures
déjà entreprises en vertu de la loi actuelle devant les tribunaux
auront trouvé jugement dans la loi elle-même. À cet
égard, l'article 360 est un vrai petit bijou.
Nous appuyons, à cet égard, le contenu du mémoire
de l'Association des mines d'amiante du Québec, que les parlementaires
devront lire avec énormément d'attention. Ce mémoire fait
bien ressortir, en effet, l'importance de la connaissance que doivent avoir les
parlementaires de ce dossier complexe, s'ils ne veulent pas commettre les pires
inéquités à l'égard des entreprises
concernées.
Avant de vous livrer, par ailleurs, nos observations sur le projet de
loi lui-même et les modifications qu'il conviendrait d'apporter à
la loi actuelle, nous suggérons au législateur une
réflexion de fond. Doit-on toujours imputer aux seuls employeurs le
lourd fardeau financier qu'implique l'application par un mécanisme
paritaire patronal-syndical d'une Loi sur les accidents du travail dont le
champ d'application s'élargit bien au-delà de la
responsabilité liée à un contrat de travail?
Devant la commission parlementaire qu'on se rappelle tous, en
décembre, sur l'administration de la CSST, les représentants des
associations de travailleurs accidentés et certains porte-parole
syndicaux ont unanimement déploré le prétendu mauvais
traitement qui serait réservé aux victimes d'accidents de travail
et de maladies professionnelles par les fonctionnaires de la CSST. La raison?
Le simple lien entre le fait que la commission est entièrement
financée par les employeurs et la difficulté
présumée pour faire prévaloir les droits des travailleurs
accidentés.
Si tel est le cas, on va vite régler le problème. Nous
recommandons une participation financière des travailleurs à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail.
Ainsi, la répartition du fardeau qu'entraîne le financement de
mesures sociales serait plus équitable et la CSST cesserait d'être
aux yeux des porte-parole des associations de travailleurs accidentés et
de "certains" syndicats - j'ai bien dit certains - une mutuelle d'employeurs
qui se préoccupe peu des intérêts des travailleurs
accidentés.
Cette recommandation est d'ailleurs justifiée en regard du mode
de financement de tous les autres programmes d'assurances et d'assistance
sociale. Aucun autre programme n'est à la charge totale des employeurs,
qu'il s'agisse, par exemple, de la Régie des rentes ou de
l'assurance-chômage. Faire participer les travailleurs à
certains
coûts de la CSST nous apparaîtrait aussi une façon
d'éliminer certains abus dans le système et peut-être de
responsabiliser davantage certains de leurs porte-parole.
Par ailleurs, si vous me permettez un ajout, M. le Président,
lorsqu'on parle de ce mode de financement à revoir en termes de
réflexion globale, sur lequel on n'attend nécessairement pas une
réponse aujourd'hui, il faut aussi impliquer le gouvernement. Le
gouvernement ne participe à peu près pas au financement de la
CSST et, à ce titre, il n'a pas rempli ses obligations. Ceux qui ont
vécu les débats autour du livre blanc sur la santé et la
sécurité du travail, ainsi que ceux en commission parlementaire
sur le projet de loi 17 sur la santé et la sécurité du
travail, se rappellent que le ministre du temps s'était engagé
à financer une partie de la recherche et à mettre 1 $ pour chaque
dollar que la CSST mettrait dans le domaine de la formation et de l'information
des travailleurs sur la santé et la sécurité du travail.
Il y a eu des engagements très fermes de pris dans ce domaine.
Quand on regarde la situation aujourd'hui, on réalise que les
employeurs mettent dans ces seuls secteurs à peu près 16 000 000
$. Le gouvernement, qui avait mis 2 000 000 $, quant à lui, a
indexé à la baisse sa contribution. Il faudrait vraiment regarder
tout ce dossier de façon qu'il y ait un meilleur équilibre dans
le financement de cette mesure qui représente un fardeau financier
très important pour un seul payeur que sont les entreprises.
Cette synthèse de notre position nous permet maintenant d'aller
un peu plus en profondeur sur un certain nombre de problèmes. Je
voudrais vous amener à la page 11 de notre mémoire -
première partie toujours - sur ce qu'on appelle l'essentiel de la
position du CPQ et sur les paramètres qui, quant à nous, doivent
accompagner le règlement de l'article 38.4.
On fait un préalable à nos paramètres qui est le
suivant: La loi devrait prévoir des dispositions qui permettront de
faire effectuer par l'accidenté d'autres tâches que ce dernier
peut raisonnablement accomplir. Il est inacceptable, en effet, qu'un
travailleur accidenté, quelle que soit la nature, la gravité de
l'acccident qu'il a subi, qui peut effectuer - on dit bien "qui peut effectuer"
-d'autres tâches qu'il est raisonnablement capable d'accomplir soit
autorisé à quitter le travail. Cette pratique donne actuellement
lieu à des abus que la révision de la loi actuelle doit permettre
de corriger et ce, dans l'intérêt de tout le monde.
Dans nos modalités, une fois ce préalable établi,
il y a bien sûr l'acceptation de l'indemnité de remplacement du
revenu et le forfaitaire dont on a parlé en introduction qui se veut
d'ailleurs l'ossature même de la loi et auquel on donne un accord de
principe.
Notre quatrième préoccupation: si l'accident a
causé un déficit anatomophysiologique, on a dit qu'on
était prêt à accepter le forfaitaire, mais cela
représente quand même un certain nombre de problèmes. Or,
notre acceptation se fait à deux conditions. Premièrement, que
les montants prévus soient réalistes. Pourquoi est-ce
différent dans ce cas-ci de la loi de l'assurance automobile? Pourquoi
est-ce différent de la loi sur la protection des victimes d'actes
criminels? Pourquoi est-ce différent de la loi sur la protection du
civisme? Deuxième condition, on s'interroge sérieusement sur la
possibilité d'établir un lien automatique entre le moment du
retour au travail et celui du versement du montant forfaitaire, le but
étant toujours de favoriser le retour au travail.
Cinquièmement, l'indemnité de remplacement du revenu est
diminuée dès qu'un travailleur accepte ou refuse un emploi qu'il
est apte à accomplir. Considérant cependant qu'il est souhaitable
socialement et humainement de favoriser, tant pour le travailleur que pour
l'entreprise, la meilleure utilisation possible des ressources humaines, un tel
emploi peut lui être offert à l'extérieur de
l'établissement où le travailleur exerçait ses fonctions
ou dans une autre entreprise, selon les modalités prévues
à l'article 80. Je vous signale immédiatement que nous allons
corriger, et de beaucoup, les prévisions actuelles de l'article 80.
S'il n'existe pas, sur le marché du travail, un emploi que
l'accidenté est apte à remplir (à cause d'un taux de
chômage élevé, souvent dans les cas de travail saisonnier)
l'indemnité de remplacement du revenu est quand même
diminuée, mais en fonction des autres prestations prévues par les
autres programmes d'aide ou d'assurance sociale.
Une fois écoulée la période initiale de trois ans,
dont on nous parle dans la loi, si le travailleur demeure en permanence
incapable d'exercer tout emploi, il a le droit, à compter de la
quatrième année, à la continuation de la pleine
indemnité de remplacement du revenu et ce, jusqu'à l'âge de
68 ans ou jusqu'à son décès, selon le premier
événement à survenir.
Notre huitième paramètre: l'indemnité de
remplacement du revenu est versée pendant la période de
réadaptation du travailleur et elle est réduite, pendant sa
période de réadaptation, du revenu qui proviendrait d'un autre
emploi.
Le neuvième paramètre c'est un peu à
l'opposé de ce que prévoit le projet qui parle d'un droit:
l'accidenté est obligé de retourner à sa tâche
régulière ou à toute autre tâche qu'il est
raisonnablement capable d'accomplir aussitôt qu'il peut répondre
aux exigences normales. Pour les travailleurs dont la durée du contrat
de travail est indéterminée, toute obligation de
réintégrer le travailleur dans
son emploi ne peut excéder une période d'un an. C'est une
réponse au projet de loi où on fait une distinction, quant
à nous, discriminatoire entre les travailleurs qui ont un accident du
travail et qui travaillent dans une entreprise de moins de 20 travailleurs et
les autres qui travaillent dans une entreprise où il y a plus de 20
travailleurs. Nous disons que tout le monde doit être sur le même
pied au niveau d'un accident du travail. À ce moment-là, nous
ramenons la notion à une période d'un an.
Onzième paramètre: faute de pouvoir le
réintégrer dans sa tâche régulière, qu'est-ce
qui se passe? L'accidenté doit accepter toute autre tâche
disponible dont il peut répondre aux exigences, incluant le travail
léger ou les tâches à temps partiel, et son
indemnité est ajustée en conséquence.
Le retour au travail et la réintégration dans son emploi
ne s'appliquent qu'au travailleur ayant trois mois de service continu au moment
de l'accident. C'est ce que prévoit la loi. L'employeur peut exiger un
examen médical de l'accidenté, lorsque ce dernier prétend
avoir droit à une prestation, tant que dure la période de
réclamation (une fois par mois) et au moment du retour au travail.
Quatorzième paramètre: lorsqu'un travailleur
accidenté est déclaré apte à retourner au travail
par un comité d'experts de la CSST, le travailleur doit retourner au
travail et la commission doit ou ajuster ou cesser de verser le montant des
prestations, selon le contenu de la décision du comité d'experts.
L'indemnité est réduite, comme on l'a déjà dit,
à compter de 65 ans pour cesser à 68 ans. L'accidenté ou
l'employeur qui se sent lésé peut en appeler auprès d'un
tribunal d'appel, un véritable droit d'appel devant être
prévu par la loi, ce qui n'existe pas actuellement et nous y reviendrons
plus loin. (10 h 30)
Le maximum annuel assurable ne peut dépasser 150% de la moyenne
annuelle, ce qu'a retenu le projet de loi. Tout projet de règlement
découlant de la loi et de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail doit être prépublié
obligatoirement pendant 60 jours. Là, on ne vous comprend vraiment pas,
comme législateurs, de revenir en arrière dans ce domaine et de
nous ramener à 30 jours alors qu'on a déjà 60 jours avec
la Loi sur la santé et la sécurité du travail.
L'avis d'accident doit être soumis par l'employeur dans les deux
jours suivant la déclaration de l'accident. L'accidenté peut le
faire lui-même, si son employeur refuse de le faire, et doit en aviser
immédiatement l'employeur. L'accidenté a l'obligation de
déclarer immédiatement à son employeur tout accident de
travail.
Les exclusions actuelles relatives aux entreprises de juridiction
fédérale doivent être maintenues dans leur
totalité.
Les paiements que la CSST aurait indûment versés sont
obligatoirement perçus par la CSST auprès de l'accidenté
ou de son mandataire.
Et ici on est prêt à faire une exception sur laquelle je
passe très rapidement. Dans le cas des "miraculés" de
l'amiantose, qui ne sont pas responsables de la situation qui est survenue,
nous avons, comme partie patronale, au conseil d'administration de la CSST, au
mois de septembre, reconnu leur cas comme étant un cas du passé
et nous sommes d'accord pour qu'on ne recouvre pas les sommes qu'ils auraient
perçues. Par ailleurs, nous avons accompagné cette
décision de notre part d'un prérequis. Il faut que quelqu'un
paie, et comme ce n'est pas un problème qui relève d'aucune
façon des employeurs, parce qu'on a affaire ici à un
règlement qui était bien administré par la CSST, mais qui
a été déclaré ultra vires de la loi par les
tribunaux, c'est une loi et un règlement qui sont la
responsabilité du législateur et non pas des employeurs. Il
appartient au fonds consolidé de la province de payer cette somme qui
est en cause ici et où on parle de plusieurs millions de dollars.
Comme 22e paramètre. Des dispositions doivent clairement
établir que les administrateurs d'une entreprise ne peuvent faire
l'objet de poursuites de la part des prestataires. C'étaient nos
modalités à nous.
Dans les discussions que nous avons eues subséquemment au CCTMO
avec, notamment, les officiers du ministère et les officiers de la CSST,
on a pris en considération un certain nombre de propositions qui nous
étaient faites dans le cheminement global et on en a retenu quatre dont
je vous parle rapidement.
Une incitation financière peut être prévue pour
favoriser l'occupation d'un nouvel emploi moins rémunérateur que
celui que l'accidenté occupait au moment de l'accident, mais qu'il est
incapable d'exercer en raison de sa lésion professionnelle.
Comme 24e paramètre, le droit à l'indemnité est
maintenu lorsque l'accidenté s'absente de son travail pour subir un
examen médical en rapport avec la lésion subie. Tous les cas
d'abandon de travail de moins d'une journée lors du retour au travail ne
constituent pas une rechute ou une nouvelle lésion.
Et, finalement, c'est un dossier majeur dans ce projet de loi,
l'étudiant incapable de poursuivre ses études a droit à
une indemnité, mais au-delà d'un certain seuil, 90% du salaire
net qu'il touchait, cette indemnité constitue tout à fait une
mesure sociale dont les coûts doivent être absorbés par le
fonds général de la province et non pas être imputés
uniquement aux employeurs.
Nous regardons ensuite les difficultés
que nous avons déjà avec la loi 42, avec la Loi sur les
accidents du travail en fonction de la loi 42. C'est une chose sur laquelle
revient constamment le patronat. On a toujours l'impression que, quand on fait
une nouvelle loi, c'est toujours pour tenir compte des préoccupations
des autres groupes que le patronat.
M. le Président, nous voulons à nouveau revenir sur un
certain nombre de problèmes que nous connaissons déjà avec
la loi actuelle avant d'aborder nos principales objections sur le projet de loi
42. Déjà, et reconduite dans le projet de loi 42, la
définition actuelle d'accident du travail donne lieu à une
interprétation trop large. Par exemple, la commission consent une pleine
indemnisation à des accidentés sans tenir compte du fait que
l'accident peut n'être qu'un incident culminant résultant d'une
situation préexistante et on élargit encore cette
définition. On dit, nous, que le bénéfice du doute est
donné au travailleur actuellement, mais, à l'article 26 du projet
de loi, cela devient automatique. Compte tenu de l'effet du régime
fiscal, le fait de verser actuellement 90% du revenu net équivaut
après un certain nombre de semaines - qui est variable selon la
situation financière du travailleur - à donner au travailleur
accidenté plus d'argent qu'il n'en aurait touché en allant
travailler. C'est probablement pourquoi le législateur a
décidé, dans le cas de la loi sur les victimes d'actes criminels
et dans le cas de la loi sur le civisme, de ne plus parler de 90%, mais de
parler de 80%.
L'employeur assume déjà et continuera d'assumer les
coûts des accidents survenus aux artisans sur lesquels il n'a absolument
aucun contrôle. L'employeur est encore tenu de payer les cinq premiers
jours d'incapacité, qu'il conteste déjà. L'indemnisation
pour maladie professionnelle continue d'être trop facilement accessible.
Comme le permettent les procédures administratives actuelles, le revenu
brut d'un travailleur continuera d'être déterminé sur la
base de son contrat de travail, indépendamment de la
réalité vécue. Les pouvoirs discrétionnaires de la
CSST sur la réadaptation sont maintenus. Les employeurs, pas plus demain
qu'aujourd'hui, ne détiendront un pouvoir de contrôle suffisant
sur l'application de la loi.
À ces difficultés actuelles, on ajoute toute une nouvelle
série de mesures contestables et qui ne prennent en aucune façon
en considération les demandes patronales. Je les résume
très brièvement, si vous me le permettez: on élargit
encore la notion d'accident; on élargit la notion de maladie
professionnelle; on modifie la définition de l'employeur; on ajoute par
référence la définition de l'établissement qu'on a
déjà dans la Loi sur la santé et la sécurité
du travail - à ce sujet, je voudrais dire qu'il y a très peu de
personnes qui ont la même définition du mot
"établissement", ce qui fait que c'est devenu très difficile de
comprendre même la loi; selon que l'on se réfère à
la CSST, il peut y avoir une définition de l'établissement; selon
que l'on se réfère au contentieux, ici ou ailleurs, il peut y
avoir différentes définitions; on assujettit des entreprises de
juridiction fédérale à de nouvelles obligations; on
accorde un retrait préventif lorsque des travailleurs sont
exposés à certains contaminants, alors que ces mesures sont
déjà toutes prévues dans la Loi sur la santé et la
sécurité du travail. On vient ici d'entamer un tout nouveau
système, alors qu'on est déjà à peine en train de
comprendre ce qui se passe avec la loi 17, Loi sur la santé et la
sécurité du travail; on légalise les
"irrégularités" commises sous l'empire de la loi 52. M. le
Président, je repose ma question: Qui paiera pour les miraculés?
Les employeurs dans la salle n'entendent pas payer pour les miraculés;
il y a une position très claire à ce sujet; les coûts de
l'indemnité versée à un étudiant sont
imputés uniquement aux employeurs, même, lorsque au-delà
d'un certain seuil, elle devient une mesure purement sociale; on ajuste
à 65 ans l'indemnité de remplacement du revenu sans
vérifier si le total des revenus perçus par le travailleur est
supérieur à ce qu'il aurait reçu s'il avait
travaillé; les critères de revalorisation de l'indemnité
de remplacement du revenu n'étant pas clairement définis - on
devrait même dire: n'étant pas définis du tout - ils
ouvrent la porte à toute une série de décisions
arbitraires; la loi actuelle prévoit, aux articles 38.4 et 42, une
indemnisation basée sur la diminution de la capacité de travail.
Le projet de loi 42, lui prévoit une indemnisation basée
exclusivement sur l'incapacité d'exercer son emploi et c'est toujours la
notion de "son emploi" qui intervient.
On l'a dit tout à l'heure, la commission ne recouvrerait pas les
paiements indus; au nom de quel principe on ne recouvrerait pas les paiements
qui ont été faits de façon indue?
Le libre choix qui est accordé aux travailleurs en vertu de
l'article 129 est beaucoup trop large. Les cas d'éloignement peuvent
donner lieu à des abus manifestes et il y a toute la question des
services médicaux à la disposition d'un travailleur. Hier, vous
l'avez entendu par au moins deux groupes, le fameux article 132: l'assistance
médicale est laissée au seul jugement de la commission sans aucun
paramètre. J'ai
l'impression, d'ailleurs, que ni les syndicats, ni les groupes
d'accidentés ne seront d'accord avec cet article; le médecin de
l'employeur ne peut procéder à l'examen du travailleur au
début et à la fin de la période d'incapacité, en
certaines occasions; le droit de retour au travail n'est pas assorti de son
corollaire, à savoir l'obligation de retour au travail; le droit de
retour au travail prévoit que le travailleur reprend son poste, mais
sans tenir compte, en aucune façon, de ce qui a pu se passer
entre-temps. Le projet de loi ne prévoit pas un retour dans un autre
poste disponible; c'est la commission qui fixe une date de
réintégration du travailleur accidenté, mais sans aucune
possibilité d'appel; l'article 159 du projet de loi prévoit que
seul le travailleur peut demander à être assigné à
une autre tâche. Seul le travailleur, durant une période de trois
ans, peut demander d'être assigné à une autre tâche.
Même plus que cela, on fait une obligation à l'employeur,
lorsqu'on le relocalise, de lui présenter un risque zéro. Ce
n'est pas possible, il n'y a aucune situation où on peut placer
quelqu'un dans un risque zéro; l'employeur est tenu d'aviser la
commission dans les 20 jours suivant un accident. Le travailleur est tenu dans
les six mois. Pourquoi ne pas maintenir le système actuel?
On introduit des classifications d'employeur par établissement
avec tous les problèmes que cela est susceptible de présenter; on
ne prévoit même pas que la classification de l'employeur puisse
être révisée lorsque l'employeur modifie ses
activités ou surtout lorsqu'il se rend compte qu'il est mal
classé; on ne lui prévoit pas une possibilité de
révision; on abolit le bureau de révision de la commission et on
ne le remplace par aucun autre mécanisme d'appel qui pourrait être
plus approprié. Ce n'est pas son abolition qui nous crée un
problème, c'est de savoir par quoi on le remplace; on ajoute encore aux
pouvoirs très étendus de la commission; on a parlé de la
période de 60 jours qui est réduite à 30 jours.
Finalement, ce qui est très important, les différents
articles de la loi entreront en vigueur au rythme des proclamations
gouvernementales, ce qui forcerait les employeurs à vivre avec plusieurs
lois qui seraient toute une série de lois - on peut le voir dans les
mesures transitoires - et cela causerait des problèmes majeurs. Tout le
monde y serait mêlé tant du côté des employeurs que
des travailleurs. C'est peut-être là l'une des
préoccupations les plus fondamentales du monde patronal. D'autant plus
que le gouvernement ne s'engage même pas à avertir
préalablement le conseil d'administration de la CSST de son intention de
promulguer un ou plusieurs articles.
Ensuite, vous avez pu prendre connaissance de toute une série de
questions particulières. Nous allons les feuilleter très
rapidement pour terminer la première partie. À la
définition d'accident - de toute façon, tous les mémoires
qui vous sont présentés par la partie patronale font
référence à ce problème de l'extension de la
définition de l'accident - nous faisons une suggestion précise
à la page 28: Que la définition d'accident soit plus restrictive
et ne comprenne que les accidents survenus par le fait, au cours et à
l'occasion du travail et qui ne sont pas imputables à l'imprudence
grossière d'un travailleur. (10 h 45)
La section 2 parle des recours en révision et en appel. On vous
suggère un mécanisme nouveau, mais quant à nous,
intégré qui permettrait de mettre de l'ordre un peu dans le
fouillis actuel et dans le fouillis qui nous est proposé par le projet
de loi. À la page 35 vous avez la recommandation. On recommande une
amélioration de la prise de décision initiale par l'agent
d'indemnisation. On pense qu'il devrait se faire beaucoup plus de travail au
niveau de l'indemnisation, de l'agent d'indemnisation. On recommande une
réduction des paliers d'appel, des recours identiques, qu'il n'y ait
qu'une procédure de recours en matière de cotisation et en
matière d'indemnisation, la possibilité pour les parties de
demander la constitution d'un comité d'experts - les parties, c'est
autant le travailleur que l'employeur - pour étudier toute question
d'indemnisation ou de cotisation. La décision finale serait rendue par
un organisme indépendant de la CSST, autre que la Commission des
affaires sociales, et dont les locaux seraient situés à
l'extérieur des bureaux de la commission.
Section 3. Ce sont les dispositions particulières aux employeurs
tenus personnellement au paiement des prestations. Vous avez déjà
eu l'occasion de prendre connaissance d'un mémoire, hier, qui
s'attardait à ce dossier particulier. Nos vous référons
à nouveau à ce mémoire. L'analyse faite par nos juristes
de ce dossier est la suivante: si vous continuiez dans cette veine, il y aurait
de grosses chances qu'une fois de plus vous ayez une loi contestée au
plan constitutionnel. Vous interférez directement dans un mandat qui
relève carrément de la législation
fédérale.
Section 4. C'est le fameux problème des artisans et des
travailleurs autonomes. Nous avons une section très
détaillée là-dessus. Cela nous crée
déjà, avec la loi actuelle, toute une série de
problèmes. Là,
on étend, et de beaucoup, la notion de travailleur autonome et
d'artisan. Je vous donne simplement deux exemples: le problème du
camelot et celui du camionneur en vrac. Il n'y a pas de contrôle de
l'employeur sur un camelot d'autant plus que, souvent, ce camelot
hypothétique, c'est la mère, le frère, la soeur, il n'y a
pas un employé qui s'appelle un camelot.
Quant au camionneur en vrac, vous le savez, c'est le législateur
lui-même qui a obligé les entreprises à passer par un poste
d'affectation pour avoir un camion. On ne peut aller chercher du sable sans
passer par le système qui a été mis sur pied par le
camionnage en vrac. Alors, on doit faire appel au premier camion qui est
là, pour faire le voyage. On en devient responsable, comme travailleur
autonome, qui est un artisan, et on en assume la responsabilité. Cela
n'est pas possible!
Ceci nous amène à la conclusion, à la page 42. Vu
que la prévention doit précéder l'indemnisation - c'est ce
qu'on nous dit depuis au moins cinq ou six ans, il faut s'occuper de
prévention - et qu'il est illusoire et injuste d'imposer à des
employeurs des responsabilités à l'égard de travailleurs
sur lesquels ils n'ont aucune forme de contrôle, les articles 11 et 12 du
projet de loi doivent être supprimés. De plus, afin d'assurer la
concordance avec les autres lois, nous suggérons que les mots
"travailleur autonome" soient remplacés par le mot "artisan" à
l'article 2. Dans les autres lois, notamment la Loi sur les normes du travail,
on parle d'artisans. On doit quand même tenter d'avoir une certaine
uniformité dans les définitions.
Nous constatons que seul le travailleur autonome peut être
l'artisan de sa propre sécurité et qu'il lui revient d'assumer sa
protection pour des actes relevant de son entière autorité et
à l'égard desquels l'employeur ne peut effectuer aucune forme de
prévention.
Là-dessus, notre position n'est pas que l'artisan ne doit pas
être couvert par la Loi sur les accidents du travail, au contraire.
L'artisan, le travailleur autonome, peut se donner la pleine protection de la
loi, mais, à ce moment, il s'inscrit comme un employeur s'inscrit. Il
est responsable des procédures que cela sous-entend.
Notre section 5, M. le Président, est consacrée à
une interrogation: Pourquoi fixer l'indemnité à 90% du revenu
net? Nous vous donnons toute une série de tableaux qui démontrent
que, selon les salaires qu'on a étudiés, selon les
responsabilités familiales, en tenant compte de l'impôt, il est
nettement plus avantageux d'être sous la couverture de la Loi sur les
accidents du travail que de travailler. Ces tableaux sont clairs. Ils ont
reçu pleine diffusion. Si vous voulez les examiner à nouveau, on
pourra le faire en cours de route.
La section 6 concerne les pouvoirs discrétionnaires de la
commission. Nous en profitons pour rappeler ce que nous vous avons dit en
commission parlementaire sur la gestion de la CSST, au mois de décembre,
en vous rappelant que le conseil d'administration de la CSST n'est pas un
conseil d'administration traditionnel, n'a pas les responsabilités qu'on
veut bien lui donner lorsque cela fait l'affaire et on ajoute à cela
toute une série de nouveaux pouvoirs discrétionnaires. Nous avons
fait la liste dans notre mémoire de toute la série des articles
qui donnent des pouvoirs à la commission. Là-dessus, je voudrais
faire la remarque suivante: dans la présentation qui nous a
été faite par le ministère du Travail du projet de loi 42,
on dit: II n'y aura maintenant que six règlements. C'est possible, sauf
que, maintenant, à la CSST ou dans la loi, on a remplacé les
règlements par des politiques, par des guides. C'est le vocabulaire qui
a changé, mais le résultat est tout à fait le même,
d'autant plus que cela donne encore davantage de pouvoirs à la CSST, que
les politiques et les guides, eux, n'ont pas besoin d'être
prépubliés dans la Gazette officielle pour obtenir les
réactions du milieu.
La conclusion est qu'on croit essentiel de profiter de la réforme
de la Loi sur les accidents du travail pour revoir les pouvoirs
discrétionnaires qui sont déjà confiés à la
CSST par la loi actuelle et qu'on évite de lui en confier d'autres.
À votre question d'hier, M. le ministre, on dirait: Oui, autant
que possible, vous précisez dans la loi tout ce que vous pouvez
préciser. On sait qu'il y a des choses qui ne sont pas possibles, mais,
dans toute la mesure du possible, on le fait dans la loi.
Passons à la section 7, maladies professionnelles. Vous vous
rappelez que le monde patronal a déjà voté contre l'actuel
règlement sur les maladies professionnelles, parce qu'il trouvait qu'on
allait beaucoup trop loin. Notre argument dans le sens que cela va beaucoup
trop loin est de citer la Convention internationale du travail sur les maladies
professionnelles et de dire qu'on se donne tout ce qu'il y a de meilleur au
monde, parce qu'on va même plus loin que ce que vous retrouvez
déjà dans le texte du préambule de la Convention
internationale sur les maladies professionnelles. Mais ici, on vient ajouter
encore à cela, ce qui fait qu'on peut présumer que toute maladie
pourrait devenir un cas compensable parce que cela se réfère
à un contaminant et que tout est contaminant. Un son est contaminant.
Alors, vous imaginez dans quelle situation on serait placé s'il fallait
accepter cette notion de maladie professionnelle.
Section 8, paiement par l'employeur des quatorze premiers jours
d'absence de l'employé. Il y a deux débats qu'on peut
faire: on peut faire le débat dans le sens que les cinq premiers
jours ont fait que les gens ont demandé plus et que, s'ils ont
demandé plus dans les cinq premiers jours, il est évident qu'ils
vont en demander plus avec quatorze jours. Ce n'est pas tout à fait le
débat que nous faisons, parce que certains vont le faire devant vous.
Vous avez des mémoires qui vous ont été soumis et qui vous
démontrent, statistiques à l'appui, que cela a suscité des
demandes plus fortes que ce qu'aurait dû être la situation
concrète; quant à nous, ce n'est pas comme cela qu'on
considère le problème.
On ne peut pas comprendre qu'avec tout l'argent qu'on a investi dans la
décentralisation, dans la régionalisation, avec tous les
appareils sophistiqués qu'on s'est donnés en informatique, au
cours des dernières années - vous pourrez demander combien cela a
coûté en millions de dollars -comment il se fait que, au lieu de
réduire de cinq jours à quatre jours ou à trois jours,
donc, de tenter de s'améliorer, on soit obligé de passer à
quatorze jours. Notre interrogation est de cet ordre. Nous sommes tous d'accord
que l'objectif est de faire en sorte que le travailleur reçoive son
chèque le plus vite possible, mais cela ne nécessite pas les
structures administratives de l'entreprise. On s'est donné à la
CSST des structures administratives qui devraient nous permettre de
réduire la période des cinq jours. Quant à l'autre
débat, on pourrait le faire en questions. Mais il y a des
mémoires, dont celui des mines de métaux, qui se penchent et de
façon très précise sur ce dossier.
La base de calcul de l'indemnité de remplacement du revenu. Vous
confirmez dans le projet de loi une chose à laquelle on a toujours fait
objection comme partie patronale et qui a été une décision
administrative de la CSST, en décembre 1982. Le monde patronal a
toujours été en désaccord pour des raisons qui sont bien
connues de la part de la CSST. Cela nous paraît trop facile de venir
confirmer, par un projet de loi, une décision administrative à
laquelle on s'est opposé. Quant au contenu, nous ne pouvons pas
être d'accord et nous referons le débat. C'est toute la notion du
contrat de travail. Bien sûr, dans certains secteurs, cela ne crée
pas de problème. Mais, lorsque vous arrivez dans des secteurs à
décret, dans des secteurs où il y a des fluctuations de
main-d'oeuvre très grandes, comme dans le secteur de la construction, la
notion de contrat annuel pour l'établissement de l'indemnité en
remplacement du revenu crée des problèmes énormes.
Les deux dernières sections traitent des coûts du projet de
loi. Nous en avons rapidement parlé. J'aimerais tout simplement dire que
nous n'acceptons pas l'analyse dont a fait état le ministre à
l'ouverture de la commission parlementaire hier. J'espère qu'on aura
l'occasion d'y revenir. L'analyse qu'il a faite quant à nous, est
peut-être correcte quant aux chiffres cités - on ne met pas cela
en cause - mais elle est incomplète. On vous démontrera en quoi
cette analyse est incomplète et en quoi ce projet de loi est beaucoup
plus coûteux qu'il n'en a l'air à sa face même.
Nous tenterons aussi de bien faire la distinction - présentement,
on est en train de mêler tout le monde - entre le fameux problème
de la décapitalisation, qui a été acceptée par le
conseil d'administration de la CSST au mois de juin 1983, et les coûts de
ce projet de loi. Lorsqu'on dit que les employeurs, par cette loi, vont
bénéficier d'une baisse de cotisation de 40 000 000 $ ou auraient
- si on avait eu le projet de loi - bénéficié d'une baisse
de 40 000 000 $ de cotisation en 1984, cela n'a rien à voir avec le
projet de loi. C'est une décision administrative qui a
déjà cours, dont tous les employeurs ont déjà
été avisés au mois de juillet dernier. Ils savent
déjà - nonobstant la loi - qu'ils devaient passer, en termes de
taux moyen, de 2,05 $ à 1,89 $ les 100 $. Ce qu'on sait moins, c'est
qu'on avait quand même prévu 0,10 $ à la CSST pour les
coûts de cette loi, ce qui fait qu'on aurait dû passer, à
toutes fins utiles, à 1,79 $. On a assez parlé du
financement.
Je vais être très bref sur la deuxième partie,
puisqu'il me reste une dizaine de minutes, si on ne veut pas prendre plus d'une
heure. Pour les employeurs qui sont ici ou dans leur entreprise, probablement
que la deuxième partie est plus importante. Elle fait
référence à des chosps du vécu concret de
l'entreprise, des choses auxquelles elles sont confrontées
régulièrement dans la gestion de leur programme d'accidents du
travail. Malheureusement, le cadre limité de cette commission ne nous
permet pas d'en discuter en long et en large. Il y a un certain nombre de
notions que je voudrais vous rappeler simplement par des pages en disant que
vous ne pourrez pas manquer de regarder ces grandes notions, dans le
débat que vous ferez en comission parlementaire.
Par exemple, à la page 2, toute la notion d'établissement.
C'est quoi un établissement? Pour certains, l'établissement,
c'est le numéro civique. Pour d'autres, cela se réfère au
site; donc, c'est la ville de Montréal, un établissement, pour la
CTCUM par exemple. C'est quoi? C'est tout à fait imprécis. On
peut voir l'importance que la notion d'établissement peut avoir quand on
parle de droit de retour au travail dans son emploi dans
l'établissement. Est-ce que cela veut dire que, si
l'établissement est fermé, il n'y a plus aucun droit à
l'extérieur? Un chantier de construction, cela ferme souvent comme
établissement. Cela veut dire qu'on n'a plus aucun droit ailleurs. C'est
un problème majeur puisque c'est l'ossature
même de la loi.
Je vous amène aux pages 11 et 12, qui est toute la question, dont
j'ai rapidement parlé tout à l'heure, du droit de
réaffectation du travailleur. Je vous ai dit que les articles 32 et 33
de la Loi sur la santé et la sécurité du travail
prévoient déjà des dispositions pour l'exposition à
un contaminant. C'est déjà là, c'est déjà
amorcé. Dans la loi 17, au moins, on dit qu'il va y avoir des
règlements, des normes qui vont faire qu'on va enlever du travail parce
que la norme est trop élevée. L'article ici ne fait état
d'aucun seuil d'exposition. À compter du moment où le travailleur
produit un certificat médical attestant qu'il présente des effets
pathologiques qui sont caractéristiques d'une maladie professionnelle
provenant d'une exposition à un contaminant, l'employeur doit l'assigner
à une autre tâche qui ne comporte pas d'exposition à un
contaminant. Tout à l'heure, je vous ai parlé d'un son, mais cela
va beaucoup plus loin: un son, une vibration, un rayonnement, une chaleur, une
odeur. Vous voyez dans quelle notion on vient d'entrer; cela sera non
administrable. De toute façon, on demande le retrait des articles 30 et
31 du projet de loi. (11 heures)
À la page 42, ce n'est pas dans notre projet, M. le
Président, on parle d'assurance automobile pour le deuxième
accident, un accidenté qui a un deuxième accident; on fait
référence à la Loi sur l'assurance automobile. Je me
permets de faire un commentaire. Je veux absolument que le législateur
regarde ceci. Actuellement, lorsqu'il y a un accident où la Régie
de l'assurance-maladie est responsable, de façon automatique, la CSST
est toujours le premier payeur. Cela représente entre 15 000 000 $ et 20
000 000 $ annuellement pour la CSST. Pourquoi la CSST est-elle le premier
payeur, alors qu'il n'y a pas de responsabilité?
À la page 20, c'est tout le fameux problème de
l'incapacité; on dit: S'il y a incapacité, la loi actuelle
prévoit le paiement d'une rente à un travailleur en fonction de
la diminution de sa capacité de travail qui est évaluée
selon la nature de la lésion, son aptitude à reprendre son emploi
ou à s'adapter à une autre occupation appropriée. Le
projet de loi prévoit une indemnisation en fonction de la perte de
revenu qu'il subit à cause de son incapacité d'exercer son emploi
qui résulte d'un accident du travail. Ce sont deux concepts tout
à fait nouveaux et il faut vraiment les revoir. On pense que ce n'est
pas du tout le sens que veut donner le législateur à ces
articles.
J'ai parlé rapidement tout à l'heure du risque
zéro; vous l'avez à l'article 52 et aussi à l'article 159.
On vous rappelle que le risque zéro est une condition absolument
impossible à satisfaire dans quelque milieu de travail que ce soit,
compte tenu de la définition dont on parlait tout à l'heure,
incluant les employés du Parlement. Ce n'est pas possible, un risque
zéro.
À la page 27, c'est un minimum; la loi prévoit
actuellement que l'indemnité touchée par un travailleur ne doit
pas être inférieure à 35 $ par semaine, c'est la loi
actuelle. Si le salaire hebdomadaire est inférieur, l'indemnité
doit être égale au salaire. Le projet de loi établit comme
base de calcul du revenu, pour fixer l'indemnité, un nouveau seuil qui
est le revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire
minimum. C'est toujours la notion du salaire minimum. On l'a bien compris,
parce que dans les chiffres que le ministre a donnés hier, il
réfère vraiment à la notion de salaire minimum. On ne peut
pas accepter cette notion parce que partir de 35 $ et se retrouver au plafond
du salaire minimum, il y a une différence assez importante et on passe
en avant de la majorité des autres provinces. D'autant plus que la loi
ne fait pas de distinction - si elle le fait, on voudrait bien qu'on nous
l'indique - entre le travailleur à temps régulier et le
travailleur à temps partiel. Cela veut dire que cela s'appliquerait
aussi de façon automatique pour le travail à temps partiel, sauf
pour l'étudiant dont on parle à un moment donné qui a
moins de 18 ans et pour qui ce serait 50 $. Pour tous les autres, il n'y a plus
de relation entre salaire gagné et prestations, c'est l'application du
salaire minimum; telle est notre compréhension de la loi.
À la page 39 du mémoire, c'est toute la série des
prévisions pour les décès, les indemnités. On dit,
par exemple, qu'une rente de conjoint ne peut jamais être
inférieure à 50 000 $. Je me permettrai de vous interroger:
Pourquoi jamais inférieure à 50 000 $? Est-ce que cela ne
pourrait pas se baser sur des critères d'âge, des critères
de besoin? Dans les autres lois, encore là, on retrouve ce genre de
distinctions. Pourquoi, lorsqu'il s'agit d'une loi de ce type, y a-t-il des
minimums qu'on ne retrouve pas dans les autres lois?
À la page 42, sur les articles 125 et suivants, on dit que le
droit du travailleur de choisir un établissement de santé ei. un
professionnel de la santé ne crée pas de difficulté s'il y
a plus d'un centre hospitalier ou plus d'un professionnel de la santé
à une distance raisonnable de l'endroit où survient un accident.
Cependant, dans les régions éloignées, le libre choix du
professionnel, mais surtout du centre de santé pourrait créer des
problèmes et entraîner des frais considérables. On ne peut
pas comprendre cette notion, dans le fond. Comme, de plus en plus, il y a
mobilité des travailleurs entre le domicile légal et l'endroit de
travail, l'application stricte d'une clause comme celle-là pourrait
conduire à des coûts qui ne
sont sûrement pas évalués dans la proposition du
ministre.
À la page 47 du mémoire, nous faisons toute une
série de références aux dispositions de l'article 157 sur
lesquelles nous vous demandons vraiment de vous pencher. Si vous appliquez cela
tel quel, toute la question du retour au travail, sans tenir compte de
l'ancienneté dans l'entreprise, cela va être beau dans les grandes
entreprises! C'est toute la question du "bumping" qui est mise en cause, quand
vous confirmez des droits de retour au travail dans des postes qui peuvent
avoir été complètement modifiés; on le confirme
dans son emploi, toujours. Vous pouvez imaginer - je pense au
député de Prévost, il va sûrement comprendre ce que
je veux dire - ce que serait l'application d'une clause comme celle-là
à sa face même.
À la page 49, nous signalons de façon plus
particulière l'article 169. On dit qu'il devrait être
modifié pour prévoir qu'un agent de réclamation, le
tribunal d'appel ou un commissaire du travail doit refuser d'entendre la
plainte, en vertu de la loi, si un grief peut être formulé
à cet égard. Il faut éviter de s'embarquer dans deux
systèmes: le système d'appel prévu à la loi et le
système de convention collective. De toute façon, il attend
d'avoir fini un appel pour s'embarquer dans l'autre. Il faut vraiment clarifier
le recours.
À la page 51, article 172, vous exigez de l'employeur toute une
série de renseignements. L'employeur doit donner à la CSST le
factum de l'accident, mais, en vertu de l'article 171, vous n'exigez rien de
l'employé. On ne peut rien savoir, il n'y a pas d'exigences pour le
travailleur, vous faites toute l'exigence à l'employeur. Ce sont des
modalités qui se révéleraient, de façon pratique,
intolérables.
À la page 53, un bref commentaire: On s'oppose à ce que la
commission se serve de l'établissement pour fixer la cotisation. Le
statu quo doit être maintenu. Pourquoi la commission classerait-elle
l'établissement dont il est question à l'article 193 dans
l'unité où le taux de cotisation est le plus élevé
de toutes les activités exercées dans l'établissement? Une
telle pratique pourrait entraîner des injustices coûteuses.
Pourquoi y aurait-il lieu de classer un établissement en
référence avec la complémentarité des tâches
exercées dans un autre établissement et non en conséquence
du risque réel que présentent les activités
exercées dans un tel lieu de travail?
Je passe très vite. À la page 57, article 216: Les
dispositions de cet article ne peuvent pas être obligatoires. La
commission devrait, dans les cas de maladies professionnelles, imputer le
coût des prestations à tous les employeurs chez lesquels le
travailleur a exercé un emploi de nature à engendrer la maladie.
Actuellement, on dit que la commission peut le faire. Elle devrait
répartir le coût entre tous les employeurs qui ont
participé vraiment à cette maladie professionnelle.
À la page 64. On a parlé tout à l'heure, des
surplus, des trop-payés. On a bien fait la distinction entre les
"miraculés" et les autres, mais nous réinsistons pour dire que la
politique affichée par la loi 42, de ne jamais récupérer
les trop versés ne nous apparaît pas acceptable à sa face
même. À partir de quel principe ferait-on cela?
À la page 69. Nous l'avons dit très rapidement tout
à l'heure, ce n'est pas possible de penser que la loi entrerait en
vigueur par tranches. Il faut absolument prévoir une entrée en
vigueur éventuelle et cela, c'est sous réserve non pas de
l'entrée en vigueur des 364 articles, mais des 60 dont nous, on parle.
Il faudrait que tous les articles entrent en vigueur ensemble et il faudrait
aussi qu'il y ait un délai - on parle de six mois dans notre texte -
pour permettre à tout le monde de s'ajuster, ne serait-ce
qu'administrativement, aux problèmes qui sont posés par la loi
comme telle.
M. le Président, vous pouvez réaliser -vous le savez,
d'ailleurs - que c'est un dossier extrêmement complexe. On l'a dit
à un moment donné dans notre mémoire. C'est un
mémoire qui est complexe parce que, souvent, on n'arrive pas à
comprendre exactement l'intention du législateur; c'est confus. Il y a
des articles qui se contredisent. Je pourrais vous en identifier un certain
nombre. On pourrait s'amuser à vous demander de nous dire ce que vous
voulez dire par toute une série d'articles, mais ce n'est pas l'objectif
de notre présentation. Nous essayons de faire la lumière sur ce
projet. Je termine en disant que tout le monde est à votre disposition
pour répondre à vos questions, mais que nous allons nous attarder
autant que possible à ramener les discussions sur les 60 articles qui
nous préoccupent. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci. À la suite d'une
discussion que nous avons eue, M. le ministre, en tant que représentant
de la partie gouvernementale, aura une demi-heure pour la première
période de questions et réponses et ce sera la même chose
pour le député de Viau, qui est le porte-parole de l'Opposition.
M. le ministre.
M. Fréchette: Merci, M. le Président. Ce n'est pas
pour utiliser un cliché que mes premières observations seront
pour remercier le Conseil du patronat et lui dire mon appréciation. On
vient d'avoir la preuve que l'organisme s'est imposé un travail
considérable, qu'il a sans doute passé beaucoup de temps à
étudier les dispositions
de la loi 42 et qu'il y a effectivement consacré toute
l'attention que cela requérait. Effectivement - et M. Dufour l'a
signalé dans ses observations - si nous pouvions y consacrer tout le
temps nécessaire, ce serait une semaine ou à peu près
qu'il faudrait passer ensemble. Le Conseil du patronat s'est aussi
appliqué - je pense qu'il faut le souligner; c'est remarquable aussi
comme exercice - à procéder à une étude article par
article du projet de loi. À cet égard aussi, j'imagine que cela a
dû impliquer un nombre considérable d'heures d'étude pour
arriver à tenter de cerner, malgré la confusion à laquelle
fait référence M. Dufour, certaines des intentions du
législateur. (11 h 15)
De façon générale et globale, je crois pouvoir dire
que nous retrouvons dans le mémoire du Conseil du patronat des
observations de deux ordres. Il y a, à l'intérieur des
représentations qui nous sont faites, ce que l'on pourrait convenir
d'appeler des énoncés de politique générale sur la
philosophie de la politique de la santé et de la sécurité
du travail. Il y a aussi, bien sûr - et cela a été la
deuxième partie de l'argumentation de M. Dufour - des suggestions
d'ordre pratique qui se ramènent expressément et très
précisément à des articles de la loi. Donc, il y a lieu de
souligner le travail considérable qui a été fait.
Vous allez, par ailleurs, comprendre que cela n'entraîne pas
nécessairement un assentiment total et complet à toute
l'argumentation qui vient d'être développée. D'ailleurs, le
genre de commission à laquelle nous sommes actuellement est
précisément fait dans l'objectif de pouvoir discuter, identifier
les consensus, s'il en est, et d'essayer de voir où sont les
oppositions, s'il en est, et Dieu sait qu'en semblable matière il y en a
des nombreuses et profondes en même temps.
Une première constatation, à mon sens, se dégage
autant de votre mémoire que de l'argumentation verbale que vous venez de
nous soumettre. Dans votre évaluation, la loi ne devrait se consacrer
qu'au règlement de la situation que l'on connaît à la suite
de l'interprétation donnée à l'article 38.4 de la loi
actuelle sur les accidents du travail. À partir de cette constatation
globale, vous plaidez dans le sens que le projet de loi 42 ne devrait contenir
que quelque 60 articles, ou à peu près, enfin, les articles qui
seraient nécessaires pour, encore une fois, évacuer le
problème soulevé ou suscité par l'article 38.4.
Je vous fais actuellement des remarques d'ordre général.
Bien sûr, si, à l'intérieur de ces remarques, il y a des
choses qui vous suggèrent une réplique ou des questions,
n'hésitez pas à le noter; j'essaierai d'incorporer à
l'intérieur de mes remarques les questions que je voudrais vous
poser.
Alors, s'il fallait donc retenir la suggestion que vous nous faites, la
position que vous tenez quant à la nécessité de
légiférer uniquement en fonction de l'article 38.4, faudrait-il
alors comprendre qu'il n'y aurait pas lieu de toucher aux autres aspects de la
loi, de la politique de la santé et de la sécurité, qui
sont en relation avec des représentations que, bon an mal an, et
constamment, autant employeurs que syndicats et représentants
d'associations de travailleurs accidentés nous font? Je vous donne
quelques exemples de ce à quoi je pense: le droit d'appel, par exemple,
les problèmes reliés à l'assistance médicale.
À ces deux seuls chapitres, toutes les parties que nous avons entendues
jusqu'à maintenant, les parties qui ont soumis des mémoires
mettent beaucoup d'emphase, d'insistance sur la nécessité de
revoir les dispositions actuelles de la loi. Faudrait-il renoncer à une
politique du droit de retour au travail? Retenez que je ne vous parle pas des
modalités d'application. Je ne vous parle pas, non plus, du
problème de "bumping" d'ancienneté dont vous avez parlé,
je ne m'en tiens qu'au principe général. Faudrait-il renoncer
également à inclure dans la loi des précisions quant
à une politique de réadaptation, par exemple, à laquelle
tout le monde a l'air de vouloir souscrire, à quelques exceptions
près. C'est une première préoccupation que je vous soumets
et je vous saurais gré d'exprimer votre avis sur cela. Est-ce que nous
allons régler strictement et uniquement l'article 38.4 et laisser de
côté plusieurs des grandes préoccupations qui nous sont
soumises?
Il y a une autre observation que me suggèrent autant votre
mémoire que l'argumentation que vous venez de nous soumettre. Vous
faites souvent référence dans votre mémoire à la
nécessité de procéder à l'indemnisation
réaliste des vrais accidentés du travail. Là, je ne tire
pas de conclusion, je ne fais pas d'interprétation; je veux, si la chose
est possible, tenter d'obtenir quelques précisions quant à votre
évaluation globale de la situation actuelle. Est-ce que votre organisme
est d'opinion, à partir du vécu quotidien dans lequel il est
impliqué, de l'expertise qu'il a des mécanismes de la politique
de santé et de sécurité, que le régime profite
à des accidentés, dans une grande proportion, qui ne seraient pas
de vrais accidentés du travail? J'aimerais que l'on pousse la
réflexion jusqu'à mettre sur la table des chiffres, s'il en est,
quant à la perspective que l'on retrouve dans votre mémoire que
la politique de santé et sécurité au Québec est une
espèce d'incitation vers - disons le mot comme on le pense - la fraude.
Sur cela,
j'aimerais aussi pouvoir obtenir votre appréciation.
Comme plusieurs autres organismes que nous avons entendus et comme le
pensent plusieurs autres dont nous avons lu les mémoires, vous
réclamez également une réévaluation de ce que l'on
est convenu d'appeler, pour les besoins de la discussion, les pouvoirs
discrétionnaires de la commission. Je vous signale qu'à cet
égard plusieurs autres intervenants ont développé une
argumentation dans le même sens. Je vous réitère
également ce que nous avons dit, hier, avec passablement d'insistance.
Il est évident qu'à plusieurs des chapitres où il y aurait
ce pouvoir discrétionnaire dont on parle, si les parties sont en train
de dégager des consensus pour nous dire que telle ou telle application
de la loi devrait être dégagée de la juridiction de la
commission pour être référée à d'autres
juridictions, nous allons sans aucune réserve souscrire et accepter les
suggestions qui pourraient être faites à cet égard.
Cependant, ce qui est parfois un peu paradoxal, c'est qu'on réclame -
là je ne réfère pas strictement à votre organisme,
plusieurs autres plaident dans le même sens - avec insistance, comme je
le disais tout à l'heure, la déréglementation, mais, par
ailleurs, on plaide en faveur d'imposer d'autres genres de règlements
à plusieurs chapitres. Je pourrais les identifier plus
expressément, mais vous avez référé à trois
ou quatre situations dans votre argumentation qui vous ont menés
à la conclusion qu'il faudrait prendre les dispositions pour resserrer
davantage les normes, les conditions d'exercice. Il faudrait que l'on essaie de
situer dans leurs vraies perspectives les choses où il faut de la
réglementation et les choses où il n'en faut pas. Je vous
signale, à cet égard, que votre préoccupation rejoint
celle de la majorité des organismes et qu'encore une fois nous sommes
tout à fait disposés à regarder et à évaluer
des actions concrètes en cette matière.
Vous allez comprendre, M. le Président, que je doive faire un peu
de coq-à-l'âne. J'essaie de toucher aux dossiers soulevés
par M. Dufour qui m'apparaissent les plus pertinents à la discussion,
bien que ce soit très subjectif. Il y a d'autres aspects que je ne
toucherai pas et qui vont être considérés plus importants
par d'autres.
Je voudrais simplement dire un mot rapide de la loi 52 qui, comme on le
sait, a été adoptée en 1975. Je ne voudrais pas, dans mes
commentaires, amorcer la discussion pour savoir qui a pu faire une erreur
d'interprétation. Est-ce que c'est le législateur, en 1975, qui
n'a pas été suffisamment clair dans la préparation de son
texte législatif? Je n'entreprendrai pas de faire des évaluations
de ce genre. Je ne me prononcerai pas, non plus, à ce stade-ci, quant
à savoir qui devrait payer les indemnités auxquelles on pense. Je
ne mets pas en cause, non plus, les jugements rendus par les tribunaux,
d'autant plus qu'ils ont été rendus par des juges du district de
Saint-François. Alors, je ne voudrais pas, un jour, revenant à la
pratique, me retrouver devant ces gens et être malheureux avec eux.
Je voudrais simplement connaître l'opinion du Conseil du patronat
du Québec sur la question suivante: est-ce qu'il est concevable de
penser qu'en 1975, lorsque le législateur a procédé
à l'adoption de la loi 52 après les événements que
l'on sait et connaît, il avait vraiment dans l'esprit que l'ouvrier -
évidemment, on fait référence à l'ouvrier des mines
- était celui qui travaillait manuellement contre
rémunération? Est-ce qu'il est logique de penser que
c'était vraiment l'objectif que visait le législateur, en 1975,
et ainsi limiter et restreindre d'une façon considérable le champ
d'application de cette loi 52?
Si, encore une fois, l'interprétation doit être celle que
les cours ont donnée quant à la définition du terme
"ouvrier": celui qui travaille manuellement contre rémunération,
si c'est la définition qu'il faut retenir du terme "ouvrier" et si
c'était là l'intention du législateur en 1975, la loi est,
à toutes fins utiles, inopérante parce qu'elle exclut, dans la
définition du terme "ouvrier", celui qui, par exemple, va travailler
dans des bureaux, celui qui va être contremaître, qui ne travaille
pas manuellement contre rémunération. Même étant
exposé à l'ambiance de la mine d'amiante, il ne serait pas
couvert. Je comprends que ni vous ni moi ne pouvons donner la réponse
précise à cette question, mais on peut quand même se la
poser: Est-ce que c'était là l'intention du législateur et
est-ce que c'était aussi l'intention du législateur de faire en
sorte que la définition de la mine ne fasse référence
qu'à l'endroit où l'on procède à l'extraction de la
matière première?
En gros, ce sont les conclusions des jugements que l'on connaît.
J'essaie de mettre en parallèle les conclusions de ces jugements dont je
viens de vous parler, les dispositions de la loi 52 et l'intention du
législateur. Quant à moi, j'ai beaucoup de difficulté
à faire le joint entre les deux. Évidemment, cela n'exclut pas la
nécessité de réfléchir sur les autres aspects du
dossier que vous avez soulevés, M. Dufour. (11 h 30)
II y a une autre considération que vous avez soumise à
notre réflexion et sur laquelle je veux revenir. Peut-être mon
évaluation n'est-elle pas la bonne, peut-être n'ai-je pas
suffisamment lu, mais ce serait pour moi la première fois que je lirais
dans un texte écrit qu'il faudrait accepter qu'à partir de
maintenant les travailleurs participent à la cotisation de leur
régime de
santé et de sécurité. Je ne vous fais pas grief de
soumettre cette représentation, mais je vous signale ma réserve
par l'observation principale que je viens de vous faire et pour deux motifs
plus précis qui sont les suivants. J'ai toujours compris que, au cours
des années trente, employeurs et travailleurs avaient convenu d'une
espèce de contrat social - enfin, utilisons les termes que l'on voudra,
je pense qu'on se comprend entre nous - en vertu duquel les uns
renonçaient au droit de poursuivre devant les tribunaux de droit commun
pour des dommages corporels subis à la suite d'un accident du travail,
et les autres acceptaient de souscrire ensemble à un fonds qui allait
contribuer à la compensation parce que, à ce moment-là, on
ne parlait effectivement que de compensation ou à peu près.
Si, effectivement, l'objectif que vous soumettez est celui de demander
aux travailleurs de participer à une cotisation pour les fins de la
politique de la santé et de la sécurité du travail, est-ce
que, en contrepartie par exemple, il ne faudra pas demander aux employeurs
d'accepter qu'à certains égards les recours aux tribunaux de
droit de commun pourraient être conservés? Je vous livre
spontanément le fruit de ma réflexion à ce stade-ci. Je ne
pose pas, non plus, infailliblement des conclusions à ce stade-ci. Je
vous dis que c'est le genre de questions qui contribuent à alimenter la
réflexion à cet égard.
Dans votre argumentation, M. Dufour, vous avez aussi - je pense qu'on
fait tous cela à un moment ou à un autre et c'est, d'ailleurs,
très pertinent à l'appui d'une argumentation - fait
référence à des situations qui peuvent exister ou bien
dans d'autres gouvernements du Canada ou à l'extérieur. Je serais
désireux, quant à moi, de faire une évaluation pour
essayer de savoir où, à l'extérieur du Québec, il
existe une politique en vertu de laquelle les travailleurs sont cotisés
pour leur régime de santé et de sécurité. Ce que
j'en sais - c'est sous réserve, évidemment, de pousser
possiblement la réflexion plus loin; ce n'est pas du tout exhaustif,
cela n'a pas, non plus, de caractère scientifique - c'est qu'il y a, par
exemple en Angleterre, un régime auquel les travailleurs contribuent,
mais il s'agit d'un système intégré de
sécurité du revenu, à l'intérieur duquel on
retrouve un régime de rente de retraite et un régime
d'assurance-maladie. Enfin, tous les régimes de sécurité
du revenu sont intégrés et, dans ces circonstances, il n'est
effectivement que normal que ceux qui contribuent à ces
différents régimes doivent y participer. Quant aux autres
endroits où l'on retrouverait une semblable situation, je ne les connais
pas. Cela va susciter, à mon sens, en tout cas, la
nécessité de regarder ce qui se passe ailleurs à cet
égard. Je ne vous dis pas que, parce qu'il n'y en a pas à
l'extérieur ou qu'il y en a, l'on doive adopter une position. Mais c'est
quand même un élément important dans l'ensemble d'un
dossier global pour arriver à faire cheminer une opinion et à
prendre une décision.
Comme plusieurs autres, d'ailleurs, l'ont fait, vous avez fait
référence avec insistance sur la nécessité
d'évacuer de la commission un certain nombre de juridictions
qu'actuellement elle exerce. Il y a une relation qu'on peut faire à
partir de cette revendication avec l'existence des bureaux de révision
et le mécanisme d'appel que l'on retrouve à la Commission des
affaires sociales. Depuis que l'étude du projet de loi est
commencée, nous avons reçu des mémoires, entendu des
invités. Il semble, jusqu'à maintenant, que le consensus dont je
parlais tout à l'heure soit en train de se concrétiser, sinon le
consensus, tout au moins une volonté majoritaire vers la création
ou la formation possible d'une commission d'appel en matière de
santé et de sécurité au travail, du travail - enfin,
appelons cela comme on voudra - qui serait complètement
évacuée de tous les mécanismes de la commission et qui
aurait juridiction sur toute chose susceptible d'appel.
J'apprécierais qu'à cet égard vous puissiez nous
dire quelle serait la réaction de votre organisme - cela implique,
évidemment, la disparition du bureau de révision et, aussi, de la
Commission des affaires sociales - sur un tribunal avec juridiction exclusive
en cette matière complètement dégagé de toute
relation d'autorité ou de relation de toute autre nature avec la
commission, dégagé même de relation de paiements de
fonctionnement.
Vous avez également - à cet égard, beaucoup de
représentations se rejoignent -manifesté beaucoup de
réserves quant aux dispositions de l'article 132 du projet de loi. Ceux
qui vous ont précédés dans la journée d'hier ont
également attiré notre attention à cet égard. Ils
l'ont fait avec beaucoup d'insistance. Je ne sais pas si l'un ou l'autre
d'entre vous était ici hier quand on a procédé à
l'audition du mémoire de la Fédération des médecins
spécialistes. Ils suggèrent de procéder à la
création - on parle en termes d'assistance médicale,
évidemment; on n'a pas procédé à identifier des
noms, des mécanismes ni des détails techniques, mais, pour les
besoins de la discussion, appelons cela ainsi - une espèce de
comité d'assistance médicale qui serait l'instance ultime,
décisionnelle en cette matière également. Est-ce que votre
organisme est disposé à souscrire à une suggestion de
cette nature, étant entendu, bien sûr, qu'à ce stade-ci il
nous a été impossible d'entrer dans des mécanismes, dans
la technique ou la plomberie de ce que pourrait être ce genre
d'institution?
M. le Président, j'ai déjà malheureusement
été trop long. J'espère que j'aurai l'occasion de revenir,
car j'avais noté un certain nombre d'autres questions. Je terminerai ici
pour le moment.
Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole
à M. Dufour, sachant le nombre de questions qui ont été
soulevées -il reste cinq minutes pour le droit de parole du ministre
avec questions et réponses - vous n'aurez pas l'occasion de
répondre à toutes ces questions pendant cinq minutes. Pour vous
laisser, quand même, le temps de préparer des réponses sur
l'ensemble, je vous dirais: Prenez les cinq premières minutes et, quand
reviendra le temps de parole du ministre, vous pourrez continuer de
répondre aux questions à ce moment-là; cela vous donnera
le temps d'aller plus à fond et je pourrai permettre au
député de Viau de prendre ses 30 minutes. Je vous donne un
premier droit de parole de cinq minutes pour répondre.
M. Dufour: Dans ces cinq premières minutes, on doit
sûrement prendre note du fait que le ministre a réalisé
qu'il fallait énormément de courage et d'efforts pour faire un
mémoire de ce genre à partir d'un projet de loi qui est quand
même très difficile. Je pense que c'est heureux que le ministre
l'ait signalé, parce que c'est vrai qu'il y a eu
énormément de monde d'impliqué dans ce processus.
Dès votre première constatation - parce que vous n'en avez pas
fait une question - vous avez dit: Faut-il comprendre que, si on allait dans la
piste que vous nous suggérez, à savoir régler l'article
38.4, on ne s'attardera à aucun des autres problèmes? Si je
synthétise votre pensée, c'est à peu près cela,
même si vous avez référé de façon plus
particulière à un certain nombre de problèmes, comme le
droit d'appel et les problèmes d'assistance médicale. Faudrait-il
revoir la notion du droit de retour au travail? Faudrait-il renoncer à
établir une nouvelle procédure de réadaptation des
travailleurs? C'est là essentiellement ce que vous avez
exprimé.
Je pense qu'on peut réagir de deux façons à cela:
la première, quand on parle de régler l'article 38.4 et de dire
qu'il concerne une soixantaine d'articles, c'est le régime nouveau que
vous voulez instaurer qui réfère à une soixantaine
d'articles. C'est toute la question du remplacement du revenu que vous
retrouvez dans la loi aux articles 48 à 101; cela en fait tout de suite
53. Il en reste un certain nombre. Quand vous regardez notre proposition, elle
est intégrée dans un certain nombre de paramètres;
effectivement, il y en a 26. Si vous l'avez remarqué, dans ces 26
paramètres, on touche au retour au travail qu'on appelle l'obligation de
retourner au travail; on touche aux problèmes de l'assistance
médicale; on touche à un certain nombre de problèmes que
les parties vous soulèvent. On est d'accord pour en revoir un certain
nombre; on est tellement d'accord qu'on consacre une partie de notre
mémoire à vous dire: Voici les problèmes qu'on vit
actuellement notamment avec la notion d'accident du travail qu'il faudrait
tendre à restreindre. Cela ne veut pas dire que c'est limitatif à
cela; on est prêt à en regarder un certain nombre parce que nos 26
paramètres ouvrent quand même un horizon de discussion assez
large.
Passons à mon deuxième volet de la réponse. On vous
propose aussi, dans le mémoire, quelque part, une fois que vous aurez
réglé assez spécifiquement l'article 38.4, de tenir une
commission parlementaire sur la loi 17. Il y a trois ans et demi, quatre ans
qu'on vit avec cette loi; on ne peut, quand même, pas dire que la
commission parlementaire qui a eu lieu en décembre s'est penchée
sur la loi 17. C'est une commission parlementaire qui s'est penchée sur
certains problèmes administratifs de la Commission de la santé et
de la sécurité du travail. Ce n'est pas une commission
parlementaire qui a scruté les problèmes vécus avec la loi
17, les pouvoirs donnés par la loi à la CSST. Vous donnez toute
une série d'autres pouvoirs. On dit qu'avant d'aller plus loin dans la
démarche il faudrait au moins réévaluer cette loi, son
fonctionnement, les problèmes qu'elle pose. Cela n'a pas du tout
été fait en décembre. Les groupes qui sont venus ici sont
venus sur invitation; un groupe comme le nôtre n'est pas venu; la FTQ
n'est pas venue; les grands organismes ne sont pas venus. Ce n'est pas cela qui
s'est passé en décembre; on n'a pas analysé la loi 17.
C'est pour cela qu'avant de procéder à une réforme en
profondeur, étant donné que les deux sont interreliées, il
faudrait probablement avoir une commission parlementaire sur la loi 17,
reprendre les amendements que chacune des parties voudrait y faire et
intégrer tout cela.
C'est loin d'être absolument fermé quand on parle de
régler l'article 38.4. Ce serait se contredire, parce que nous demandons
un certain nombre d'amendements à la loi actuelle. Mais entre 364, une
réforme en profondeur, la révision que vous nous proposez, et 68,
on peut regarder d'autres articles que ceux qui concernent exclusivement
l'article 38.4. C'est la première partie de la réponse; cela
représente à peu près cinq minutes.
Le Président (M. Jolivet): On vous accordera l'occasion de
répondre aux questions et on vous laissera le temps de vous y
préparer. Je laisse la parole au député de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président.
Pour s'assurer qu'il n'y a pas de monologue ici, à cette
commission parlementaire, je vais tenter de poser mes questions et je vous
demanderai d'y répondre. Je pense que cela facilitera la tâche
à tout le monde et permettra de comprendre exactement de quoi on parle.
(11 h 45)
Lorsqu'on parle de l'article 38.4, M. Dufour, je pourrais le faire, mais
je vais vous demander de nous expliquer qui sont les personnes affectées
par l'article 38.4, quel est le nombre d'individus qui sont affectés par
cet article? Une fois - et vous êtes d'accord - l'article 38.4
réglé, quels seraient les coûts d'un tel
règlement?
M. Dufour: M. Bernier est beaucoup mieux placé que nous
pour donner les statistiques que vous demandez.
M. Cusano: Oui, mais M. Bernier ne témoignera pas.
M. Dufour: Non, c'est pour cela que je veux vous dire qu'on va
plutôt rester au niveau des principes, parce qu'en termes de statistiques
il est assez difficile pour nous de faire la démarche. Je vais rappeler
ce qu'est l'actuel article 38.4 et je pense que ce sera le point de
départ pour tout le monde. C'est au moment où on parle de
l'incapacité du travailleur. Quand on parle de sa diminution de
capacité, on dit: "La diminution de capacité de travail est
évaluée, autant que possible, d'après la nature de la
lésion, mais en tenant compte aussi de l'aptitude du travailleur
à reprendre le travail au cours duquel il a été
blessé ou à s'adapter à quelque autre occupation
appropriée." C'est la deuxième partie de ce paragraphe qui a
été contestée dans un cheminement qu'on connaît tous
et que je ne voudrais pas rappeler, qui a donné ouverture au recours
collectif dont on a parlé rapidement tout à l'heure.
Face à ce problème, la CSST a proposé au
gouvernement un règlement, lequel règlement identifie un certain
nombre de paramètres qui lui permettaient de mesurer cette
incapacité du travailleur à reprendre son travail. Cela a beau
être les paramètres les plus objectifs possible, il y avait quand
même une bonne dose de subjectivité là-dedans. Ce
règlement n'a jamais tellement satisfait personne. D'abord, le
règlement n'a jamais été accepté par le
gouvernement; il y a eu une espèce de vacuum. Les associations
d'accidentés, les syndicats ont en partie critiqué ces
paramètres et nous nous sentions un peu mal à l'aise
vis-à-vis de tout cela aussi, mais c'était quand même des
sommes assez importantes, qui ont représenté au cours des trois
dernières années - à tout hasard, je lance un chiffre -
à peu près 225 000 000 $.
On ne peut pas continuer à vivre avec ce problème parce
que les employeurs ont aussi une difficulté de contester les
paramètres, leur application, etc. C'est ce qui nous amène
à dire que, pour régler tout cela à la satisfaction de
tout le monde, il nous faudrait le nouveau système de remplacement du
revenu plus un forfaitaire; et on n'a plus besoin de tout cela, on n'a plus
besoin des règlements, on n'a plus besoin des paramètres parce
qu'on va remplacer le revenu du travail. Alors, on n'a pas besoin
d'évaluer l'incapacité, on évaluera l'incapacité au
niveau du forfaitaire.
Quand le gouvernement nous a proposé cette approche nouvelle, il
y a deux ans ou deux ans et demi, pour régler le problème devant
lequel on était tous, on a accepté le principe. C'est pour cela
que, depuis deux ans, on est restés accrochés à ce
principe. Je faisais référence tout à l'heure à un
mémoire qui était adressé au ministre du Travail et dans
lequel on lui disait déjà, il y a deux ans, qu'on accepterait
toutes les clauses qui vont régler le problème, mais sans aller
plus loin.
Combien de cas? Il faudrait le demander carrément à la
CSST; moi, je ne le sais pas. Le ministre le sait? Combien?
M. Fréchette: Avec la même réserve que celle
que vous avez utilisée pour le montant, ce serait environ 10 000.
M. Dufour: 10 000, bon. Et cela fait une gestion - voilà
pourquoi on s'accroche à cela, comme partie patronale - du
système qui est plus facile et, deuxièmement, qui comporte une
notion d'équité avec laquelle on est d'accord. Actuellement, on
évalue l'incapacité physique d'un travailleur en ne mettant pas
nécessairement tout le monde sur le même pied. Comme on remplace
le revenu, l'évaluation de l'incapacité physique se fera de la
même façon pour tout le monde, selon l'âge que
l'accidenté pourra avoir. C'est ce qu'on essaie de véhiculer.
Essentiellement, sur tout ce qui tourne autour de cela, M. le
député, on est d'accord.
M. Cusano: Merci. Ma deuxième question, M. Dufour, portera
sur la question des coûts. Je voudrais diviser cette question en deux
parties parce que, quelquefois, on a tendance à nuancer certaines
choses. Premièrement, ce sont les coûts reliés à la
rédaction de ce projet de loi. Selon nos informations, selon les uns et
les autres, le projet de loi que nous avons devant nous a franchi plusieurs
étapes et on nous a dit qu'il y avait eu quatre, cinq ou même six
avant-projets de loi qui ont été préparés. Je ne
peux pas l'affirmer, le gouvernement n'a jamais envoyé ses projets de
loi à l'Opposition. Vous avez déclaré publiquement
- et je le comprends - que les coûts reliés à la
préparation d'un tel projet de loi, à part le capital humain qui
est investi, les coûts de la recherche, d'avis juridiques, etc., ont
été imputés à la CSST. On a connu un peu les
problèmes qui sont survenus au mois de décembre dernier; la CSST
a un certain problème avec son conseil d'administration. La question
précise que je vous pose, c'est, premièrement: Quels sont ces
coûts, si vous les connaissez, et, deuxièmement, est-ce que le
conseil d'administration a été saisi de ces coûts?
Le Président (M. Jolivet): Je crois que M. Beaulieu
pourrait répondre, M. Dufour.
M. Dufour: Est-ce que toutes vos questions vont porter sur les
coûts?
M. Cusano: Non, non.
M. Dufour: On peut prendre toutes celles concernant les
coûts.
M. Cusano: C'est cela, si on veut nous répondre à
celle-là, parce que je veux faire la distinction.
M. Dufour: D'accord. Comme cette question, évidemment, met
en cause le conseil d'administration et que les choses auxquelles vous faites
allusion me concernent, je vais donc y répondre. C'est vrai que nous
avons demandé au gouvernement et au ministre du Travail plus
particulièrement de rembourser la CSST pour les frais
d'élaboration du projet de loi. Vous demandez spécifiquement
à combien on évalue le coût. Je n'en ai pas d'idée,
parce qu'on ne sait pas jusqu'à quel point le personnel a
été embarqué dans ce cheminement. On sait qu'il y a eu une
consultation professionnelle externe assez élaborée. Il y a des
actuaires de l'extérieur qui ont travaillé au dossier un certain
temps. Cela peut aussi bien être une évaluation de 3 000 000 $ ou
de 5 000 000 $. Nous ne nous opposons en aucune façon à ce que le
ministère du Travail ou le gouvernement ait utilisé la CSST. Ce
sont des ressources qui sont là. Elles ne sont que là, les
ressources pour le gouvernement. Ce n'est pas du tout cela qui est en cause.
Sauf que nous, on dit que c'est une question de principe et que, dans le fond,
cela n'a rien à voir avec la CSST. Cela se présenterait à
la Commission des normes du travail et on dirait la même chose, parce que
la commission des normes est aussi financée en totalité par les
employeurs. La question qu'on pose est celle-ci: Au-delà des piastres -
parce que, quand on discute ici de 1 000 000 000 $, ce n'est pas 2 000 000 $ de
plus qui créent bien des problèmes - est-ce qu'on peut accepter,
nous, comme employeurs qui payons la note, qu'un projet de loi politique, avec
tout ce qu'il comporte, soit financé par une des parties? Ce serait un
peu comme si la Fédération des commissions scolaires appuyait le
projet de loi 40 et qu'on lui demandait de payer pour le façonnement de
ce projet. Il appartient au gouvernement, donc à l'État,
d'assumer les coûts, pas purement des rédactions, mais de tout ce
qui sous-tend la rédaction d'un projet de loi, et c'est dans ce sens
qu'on a fait cette intervention que l'on rappelle, d'ailleurs, dans le
mémoire, pas tellement au niveau des millions en cause, mais au niveau
du principe. Et je vous dis que cela reviendrait demain ailleurs et qu'on
referait la même démarche.
M. Cusano: Merci. En ce qui concerne maintenant les coûts
de l'application du projet de loi 42 tel quel, c'est depuis longtemps que nous
les réclamons au ministre. Il s'était même engagé
formellement, le 10 mai dernier, à déposer les coûts
relatifs à l'application d'un éventuel projet de loi. Hier, il
nous a cité quelques chiffres sans aucun dépôt de document.
J'espère qu'on aura cette étude avant qu'on entame la
deuxième lecture du projet de loi. Mais, de votre part, en tant que
bailleur de fonds de l'application d'un tel système,
premièrement, pouvez-vous me dire quels seront les coûts globaux
d'application de ce projet de loi? Est-ce une vérité ou une
fiction de dire que le coût moyen de la cotisation baisserait de 2,05 $
à 1,89 $? Ces calculs, selon votre appréciation, sont-ils des
calculs, sinon erronés, artificiels? Quel serait l'impact de tous ces
coûts, s'il y en a, parce que le ministre nous dit que cela va
coûter moins cher? Si cela coûte moins cher, cela va être bon
pour l'économie, mais si, d'un autre côté, votre
appréciation est que cela va coûter plus cher, j'aimerais aussi
savoir quel impact cela aurait sur l'économie du Québec.
M. Dufour: Avant de demander à M. Beaulieu, qui est un
entrepreneur, de répondre à cette question comme entrepreneur
dans la réalité, je voudrais quand même faire deux
commentaires. L'analyse du ministre, vous l'avez qualifiée d'une
certaine façon; moi je dis que c'est une analyse incomplète.
C'est vrai qu'on n'a pas les documents. On aurait dû les avoir pour
être capable de faire une analyse de ce dossier qui est excessivement
complexe. Hier, en référence à six thèmes, le
ministre nous a dit que cela ajoute 54 200 000 $. Par ailleurs, cela supprime
des coûts pour 72 130 000 $, ce qui laisserait un solde positif, pour les
employeurs, de 18 000 000 $. Il s'agit simplement de prendre tous les articles
de la loi pour se rendre compte qu'il y en a seulement six qui sont
touchés par le ministre, alors qu'il y a
toute une série d'autres articles qui appellent des
coûts.
Votre deuxième volet est: cela va coûter combien? Je vais
vous dire ceci: Selon que l'on applique ou pas le chapitre actuel de la
réadaptation, dont on ne parle pas dans les coûts d'hier, cela
peut coûter 15 000 000 $, 10 000 000 $, 100 000 000 $, cela dépend
du contenu qu'on donnera. On dit que la CSST va se donner une politique
financière de réadaptation. Où est-elle l'analyse de
coût de la politique financière? Selon la nouvelle
définition de maladie professionnelle, est-ce que cela va coûter,
si on décide qu'à peu près tout est devenu une maladie
professionnelle, 5 000 000 $, 10 000 000 $, 50 000 000 $, 100 000 000 $? Je
n'ai aucune idée. La nouvelle définition d'accident, c'est
combien d'argent? On a extrait ici - on pourra vous la donner - la liste des
articles du projet de loi qui réfèrent à des coûts
à la CSST, mais qui réfèrent aussi à des
coûts supplémentaires aux employeurs parce qu'il y a toute une
série de coûts qui sont directs dans l'entreprise. Il n'y a aucune
analyse de cela. Est-ce 5 000 000 $, 10 000 000 $ ou 100 000 000 $? Le moins
que l'on puisse dire, c'est que l'analyse est tout à fait
incomplète au niveau des coûts. (12 heures)
Le deuxième volet de la réponse, toujours pour la
première approche, j'ai dit rapidement, tout à l'heure qu'il faut
vraiment toujours distinguer entre les coûts de la loi et le fait que les
employeurs auront, en 1984 - pas auraient pu avoir, mais auront - une
diminution de leur cotisation de 40 000 000 $ parce qu'on a acceptée au
conseil d'administration, au mois de juin, de la réduire de 2,05 $
à 1,89 $. Pour les fins de la commission, je veux simplement vous
rappeler pourquoi. C'est parce qu'on est capitalisé à 100%
actuellement. On a décidé qu'on décapitaliserait. Pour les
cinq prochaines années, on se tient à 90% de capitalisation au
lieu de 100%. Pour les cinq années suivantes, on va monter de 2%: 92%,
94% et on va revenir à 100% dans dix ans. Le résultat concret
d'un transfert de coût des employeurs actuels à une
génération dans dix ans de nouveaux employeurs donne aux
employeurs actuels cette réduction. Ce n'est pas une réduction:
c'est un transfert de coût purement et simplement. Il faudrait toujours
vraiment faire cette distinction. On accepte le nouveau régime parce
que, dans la période économique actuelle, cela a donné une
chance au monde, surtout aux PME, de passer à travers. Ne faites jamais
de comparaison entre les deux, cela n'a rien à voir.
Sur l'impact, M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Alexandre): M. le Président, je voudrais vous
faire des remarques comme représentant d'une PME. Vous nous avez dit
longtemps que les PME étaient importantes dans l'entreprise au
Québec, que vous y attachiez beaucoup d'importance. J'aurais des
remarques préalables avant de répondre à votre
question.
Je crois que les accidents du travail, c'est important, mais il n'y a
pas que cela dans la société. Il y a des transferts d'argent qui
sont faits vis-à-vis des accidents du travail et dont, comme
législateurs vous aurez certainement à vous préoccuper.
Quand un bonhomme tombe de l'échafaud et qu'on lui donne 150 000 $,
qu'un gars se fait accrocher par une automobile et qu'on lui donne 20 000 $, et
que l'autre, qui fait un infarctus dans la société, on ne lui
donne rien, il y a quelque chose qui ne va pas. On reconnaît que les
accidents du travail, c'est important. Est-ce que, dans notre
société, les accidents du travail doivent être ainsi
privilégiés aux dépens d'autres secteurs de la
société qui ont ou qui causent autant de problèmes? C'est
un préalable que je voulais mentionner.
Deuxièmement, quand vous nous dites que les PME, c'est important,
je vous ai cru, je vous crois encore: mais, par contre, vous me trouvez des
maladies, vous décrétez que je suis malade et là, vous
m'inondez de projets, comme la loi 17. J'essaie de jouer le jeu, j'essaie de
les comprendre, mais je ne suis pas un expert. Je ne comprends pas toujours. Au
Conseil du patronat - vous avez mentionné, M. le ministre, votre
appréciation du travail qui avait été fait - on a
lancé une vaste opération de consultation, d'étude. J'ai
assisté à plusieurs de ces réunions. Cela s'est fait
sérieusement. J'ai vu poindre parmi les membres qui participaient
à ces réunions des inquiétudes sérieuses. Je me
suis dit: Après tout le temps qu'ont passé ces experts à
analyser cette loi, cela n'a pas de bon sens. Les législateurs, les
députés, pris par un quotidien contraignant, ce n'est pas
possible qu'ils aient étudié cela avec autant d'attention, cela
ne se peut pas. Pour moi, cette loi vient d'ailleurs, peut-être qu'elle
vient de chez vous, je ne le sais pas; mais il me semble que nous avons
donné du temps et du temps et on a engagé des experts pour
étudier cela, et même les experts ne la comprennent pas encore. Je
vous dis que cela me rend inquiet. Vous allez tomber en comission
plénière et accepter cela article par article, M. Cusano, M.
Fréchette; je connais vos qualités, c'est bien sûr, mais
cela me fait craindre. Il y a des implications, comme le disait M. Dufour,
considérables, des coûts considérables. On va s'employer
à vous le démontrer. On n'a pas jugé bon de partir en
guerre, mais de jouer le jeu et de faire un document qui, je pense, est
considérable. On va jouer ce jeu jusqu'à
la fin. On va vous démontrer les coûts que va
générer cette loi.
C'est évident que notre crainte - là, je ne fais pas de
procès, mais cela laisse tellement de place à de
l'interprétation élastique qu'on ne peut oublier l'attitude des
gestionnaires actuels à cet égard - c'est que cela va
coûter cher. Pour nous, l'entreprise, la PME, je l'ai déjà
dit, vous nous obligez à avoir des experts. Cela nous prend des
experts-comptables pour satisfaire vos lois fiscales de plus en plus
compliquées; cela nous prend un conseiller en relations industrielles
parce qu'on n'y suffit plus et aussi cela prend un conseiller juridique, il va
de soi. Puis, cela va nous prendre un gars pour interpréter la loi de la
CSST et la loi 42 avec le personnel pour vous répondre parce que vous
allez en poser des questions et demander des documents.
L'opinion que j'ai et que nous avons recueillie, c'est que l'entreprise
a peur des coûts que cela va générer, des tracasseries que
cela va générer. Cela ne peut être sain pour l'entreprise
en aucune façon. Aussi, cela ne peut pas favoriser un climat
d'investissement propice. On ne dit pas que tout ce qui est dans la loi est
inutile, loin de là. On reconnaît qu'il faut régler
l'article 38.4. On reconnaît qu'il y a beaucoup d'améliorations,
mais les coûts cachés ou non prévus sont tellement
considérables que j'ai l'impression que cela va être un fardeau
extraordinaire pour l'entreprise.
Tantôt, M. Dufour a dit qu'il pourrait vous donner une liste des
articles qui vont générer ces coûts. On n'a qu'à
prendre chacun de ces articles et regarder ce qu'on peut faire et vous allez
voir que les montants d'argent qui vont être appliqués dans cette
direction vont être considérables.
Or, pour répondre à votre question, je pense que cela va
avoir un impact considérable sur l'économie de l'entreprise, sur
l'économie en général. Je ne suis pas sûr que, de la
façon dont c'est écrit, la PME peut le supporter.
M. Dufour: Seulement un ajout. De façon concrète,
parce que, lorsqu'on parle de coûts, on n'en parle pas dans les nuages -
on se dit d'accord avec toute la série d'articles sur la
réadaptation; tout le monde est d'accord là-dessus - je voudrais
demander au ministre où il a mis, dans son analyse d'hier de 52 400 000
$, les coûts de ce chapitre, notamment quand on dit que chaque
travailleur aura, sur une base personnelle, son programme de
réadaptation. À l'article 140.4, on dit: "Adopter une politique
d'assistance financière pour couvrir les frais d'aide personnelle
à domicile du travailleur incapable, en raison de sa lésion
professionnelle, de prendre soin de lui-même." Je voudrais voir l'analyse
de coûts de cela.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Merci. Ma prochaine question est sur ce que vous
avancez à propos du financement de la CSST qui sera chargée
d'appliquer ce projet de loi. Vous dites que plusieurs aspects du projet de loi
sont des mesures sociales et que les dépenses qui en découlent
vont être imputées strictement à la CSST. Vous
suggérez que ces dépenses de mesures sociales devraient
plutôt être imputées au gouvernement. Si je comprends bien,
après avoir lu votre mémoire, c'est que votre mode de financement
comprendrait une harmonisation entre les employeurs, le gouvernement et les
travailleurs. Pouvez-vous nous expliquer comment vous voyez cette structure et
cette répartition du financement par chacun des intervenants que vous
mentionnez?
M. Dufour: Cela va me permettre de recouper un des volets de M.
Fréchette. J'en suis très heureux, d'ailleurs, et j'ai bien
noté ce que le ministre a dit: C'est ma réflexion à ce
stade-ci. Cela ne semble pas une réflexion figée. D'ailleurs, je
pense qu'il pourra encore se poser des questions après avoir entendu le
mémoire de la FTQ qui, quant à nous, n'est un mémoire
fermé d'aucune façon quant à ce que l'on projette ici. Il
y a une ouverture qui nous paraît ne pas dire, justement, que la
réflexion doit se terminer ici, à moins qu'on ne
l'interprète mal.
Quand on propose ce mode nouveau de financement - on est très
conscient qu'on lance un nouveau débat - c'est parce qu'on ne peut plus
raisonner de la même façon que le ministre raisonnait tout
à l'heure. On n'est plus en 1931. Je pense que tout le monde va
être d'accord là-dessus. On se ramasse aujourd'hui - on se
ramasse, c'est négatif - on se retrouve aujourd'hui avec un
système qui est totalement nouveau, un système qui incorpore, par
rapport à 1931, beaucoup de mesures sociales, de mesures nouvelles.
Quand vous affirmez dans le projet de loi 42 que c'est l'entreprise qui va
assurer à l'avenir le profil de carrière d'un étudiant -
c'est très clair dans la loi - à ce moment-là, ce n'est
pas une mesure qui doit incomber aux employeurs, c'est une
responsabilité sociale. Donc, le rôle du gouvernement d'intervenir
là-dedans est une nouvelle dimension. Tout le phénomène de
la prévention, qu'on ne connaissait pas ou à peu près pas
à ce moment-là, est maintenant présent,
omniprésent, depuis la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, la loi 17.
Vous avez une philosophie de gestion actuellement, au niveau de la CSST,
qui est tout à fait nouvelle. Du paritarisme du genre de celui qu'on
connaît à la CSST, au conseil d'administration, n'existe nulle
part. Cela
veut dire que, maintenant, les travailleurs, par l'intermédiaire
de leur syndicat, sont parties de la décision. Bientôt, vous allez
avoir des comités de santé et de sécurité dans
l'entreprise qui vont avoir quatre pouvoirs décisionnels: les programmes
de formation, le choix d'équipement individuel, le choix du
médecin, etc. Tout cela est décisionnel. Donc, à ce
moment-là, étant donné les pouvoirs que le
législateur a donné aux travailleurs et à ces structures
depuis un certain nombre d'années, il est normal qu'il revoie son
concept de base.
Je vous donne un exemple: le retrait de la femme enceinte. On a toujours
été d'accord avec le principe du retrait préventif de la
femme enceinte. Mais cela a été imputé dans la loi comme
coût aux employeurs. Quelle est la responsabilité de l'employeur
dans un tel dossier? Tant mieux pour la responsabilité globale, mais
c'est quand même tout cela. C'est pourquoi, quand on propose une
réflexion, elle doit être globale, M. le ministre.
M. Fréchette: Quelle responsabilité, M. Dufour?
M. Dufour: Pardon?
M. Fréchette: Quand vous parlez d'imputer la
responsabilité aux employeurs, il faudrait peut-être
préciser quelle responsabilité.
M. Dufour: II y avait eu un vide. Enfin, toute une série
de choses nouvelles, quant à nous, doivent susciter cette
réflexion. Vous allez voir que certains mémoires de nos membres
parlent d'un certain paritarisme à 50-50. On était prêt
à 50-50 sur la prévention, mais pas nécessairement
à 50-50 sur la réparation partout. Alors, tout cela doit
être révisé.
Le ministre dit: Trouvez-moi quelque part - je ne dirai pas, au monde,
parce que ce serait dire qu'on connaît des lois qu'on ne connaît
pas - au Canada ou aux États-Unis, des lois qui demandent aux
travailleurs le genre de contribution qu'on peut leur demander. Je vais en
terminant lui retourner la question: Trouvez-moi une commission qui est
gérée de cette façon et trouvez-moi une loi qui donne des
pouvoirs décisionnels de ce genre aux travailleurs. (12 h 15)
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Prévost et adjoint parlementaire au ministre du Travail.
M. Dean: M. le Président, peut-être parce que c'est
le lendemain de la Saint-Valentin, je vais dire que j'ai un bouquet
d'interventions, de questions et de commentaires à faire. C'est
peut-être mieux que ce soit le 15 février, car j'ai un bouquet
formé de fleurs et de briques. Je vais commencer avec les fleurs et,
s'il me manque du temps dans les 20 premières minutes, je vais me
prévaloir de mon droit de député pour revenir une
deuxième fois pour 20 minutes.
D'abord, M. Dufour, je pense que quant à vos commentaires sur les
détails de n'importe quel article du projet de loi, il y a une ouverture
complète de la part du gouvernement et de moi-même, comme
député qui fait partie de cette commission. 30 ans de
négociations dans ma vie m'ont fait apprendre qu'il n'y a pas de texte
qui ne peut pas être précisé, clarifié,
reformulé. Le problème est que des fois autant il y a de
personnes qui veulent toucher à un texte autant il y a de
reformulations. Là-dessus, je pense qu'il y a une ouverture et que rien
n'est coulé dans le béton concernant le projet de loi.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt et écouté vos
commentaires sur votre proposition de nouvelles formes de recours en appel. Si
j'ai bien compris, il y a un désir de serrer de façon
administrative les premières prises de décision par les
fonctionnaires; deuxièmement, de réduire le nombre de paliers
d'appel. Vous semblez vous orienter vers un groupe qui peut être
indépendant, régionalisé, soustrait complètement de
la CSST qui engloberait toutes les expertises nécessaires pour arriver
à des décisions. En vous disant que je trouve peut-être
cette suggestion très intéresssante, je vais essayer d'aider mon
ministre et vous inviter à répondre à sa question sur ce
sujet à ce moment-ci.
M. Dufour: Merci, M. Dean. C'est plus facile de les prendre une
par une à cause de la complexité des dossiers. J'ai deux
intervenants là-dessus. Je vais demander à Jacques Laurin de
synthétiser notre proposition. C'est majeur dans notre orientation de
fond et dans l'orientation du projet de loi. En même temps, il va se
trouver à répondre à votre question, M. Fréchette.
Le Dr Lesage ajoutera, en référence à votre article 132,
ce qu'a proposé comme suggestion, hier, la Fédération des
médecins spécialistes et comment on se situe par rapport à
cela.
Le Président (M. Jolivet): M. Laurin.
M. Laurin (Jacques): M. le Président, sur le
système actuel de révision et d'appel, les critiques tant du
monde syndical que patronal semblent être assez unanimes. On entend
certains représentants syndicaux ou de travailleurs qui disent: Le
recours en révision est une étape inutile. On attend un ou deux
ans avant de passer en révision et par la suite on se retrouve à
la Commission des affaires sociales pour attendre, encore là, un
ou deux ans avant d'être entendu, avec le résultat que
l'employeur ou encore le travailleur ne savent pas à quoi s'en tenir,
n'ont pas de décision finale sur la réclamation avant plusieurs
années.
Le projet de loi préconise essentiellement deux systèmes,
soit le maintien des bureaux de révision uniquement en matière de
classification, c'est-à-dire en matière de cotisations
d'employeurs et de perception de cotisations, et élimine les bureaux
dé révision à tous autres égards,
c'est-à-dire que la révision en matière d'indemnisation
disparaît pour être remplacée par un mécanisme de
reconsidération administrative avec maintien de ce qui existe à
l'heure actuelle dans ce domaine d'un recours d'appel devant la Commission des
affaires sociales.
On prévoit également au projet de loi un autre
mécanisme en matière de réinsertion sociale du
travailleur, retour au travail, possibilité dans un tel cas de loger une
plainte à la commission. Le projet de loi semble imprécis quant
à la possibilité de soumettre une telle question à une
reconsidération administrative ou encore à la Commission des
affaires sociales. On prévoit également un autre mécanisme
dans le cas de plainte d'un travailleur qui ne serait pas
réintégré dans sa fonction, qui serait, par exemple,
victime de représailles ou de mesures discriminatoires à la suite
de son retour au travail. Dans un tel cas, on vient ajouter à la
compétence qui est déjà surchargée un recours
devant un commissaire du travail avec une possibilité d'appel devant le
Tribunal du travail.
Ce que nous suggérons dans notre mémoire, c'est
essentiellement d'avoir des mécanismes de recours, des mécanismes
d'appel qui soient uniformes pour traiter de tous ces
problèmes-là. Nous disons que plusieurs questions, par exemple,
les cas de retour au travail, les cas de détermination de la
possibilité pour un travailleur d'occuper un autre emploi ou de
détermination du revenu qu'il pourrait gagner dans un autre emploi, de
même que toute question qui a trait à son indemnisation pourraient
être mieux solutionnées si elles étaient soumises à
un comité d'experts.
Le comité d'experts que nous préconisons est similaire
à ce qu'on trouve en ce moment dans la loi 52, la Loi sur
l'indemnisation des victimes d'amiantose et de silicose. On indique
également qu'il devrait y avoir une étape ultime, qui ne serait
pas nécessairement obligatoire, extérieure à la Commission
des affaires sociales où toute affaire pourrait être portée
pour une décision finale. Nous recommandons un organisme d'appel externe
à la CSST et qui ne serait pas la Commission des affaires sociales.
Malheureusement, la Commission des affaires sociales, en raison de son mandat,
des diverses lois qui lui attribuent des pouvoirs de décision en
matière d'appel, est débordée en raison du volume de
recours qui sont portés devant elle et souvent il y a des retards
considérables qui surviennent en raison de ce surcroît de travail
qui est connu à la Commission des affaires sociales. Nous
suggérons donc que l'organisme d'appel, la dernière étape,
devrait être dans tous les cas un organisme d'appel externe de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail et qui
ne serait pas la Commission des affaires sociales.
Ce qui permettrait également de rejoindre les
préoccupations du Conseil du patronat à l'égard de la Loi
sur la santé et la sécurité du travail est la
possibilité d'appel en matière d'inspection, c'est-à-dire
que cet organisme d'appel, qui serait un organisme externe, pourrait
également entendre en dernière étape tout appel en
matière d'inspection plutôt que de soumettre cette
question-là au bureau de révision interne de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Grosso modo, nous
croyons qu'en créant ces nouveaux mécanismes d'appel et
également en voyant à ce qu'à l'étape
préliminaire, à l'étape initiale de la décision, il
y ait une plus grande transparence, un plus grand échange de
documentation, on écourterait les délais, on permettrait une plus
grande objectivité sur la prise de décision et ce seraient
souvent des experts en la matière qui pourraient décider de
questions qui sont souvent techniques davantage que juridiques. Cette
façon de procéder serait sûrement avantageuse tant pour les
travailleurs que pour les employeurs.
Le Président (M. Jolivet): M. Dufour.
M. Dufour: Sur le comité d'experts, Dr Lesage.
Le Président (M. Jolivet): Dr Lesage.
M. Lesage (Michel): Merci, M. le Président. Je
n'étais pas ici hier pour comprendre parfaitement ce que la
Fédération des médecins spécialistes impliquait
dans son comité d'assistance médicale. Cela rejoint possiblement
l'idée énoncée par le Conseil du patronat de constituer un
comité d'experts. Évidemment, pour ce qui est de la
Fédération des médecins spécialistes, ce serait un
comité d'experts médicaux. Est-ce que la fédération
voulait des experts nommés par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail ou des experts nommés par un autre
groupement? Je ne le sais pas. Évidemment, le point sur lequel je veux
insister est que, dans la suggestion que nous faisons d'un comité
d'experts, nous parlons d'un expert nommé à la suggestion de
l'employé, un
autre à la suggestion de l'employeur et un président.
C'est ce genre de comité dont nous parlons.
Évidemment, les médecins ont parlé d'un
comité d'assistance médicale; on parle d'un comité
d'experts qui pourrait toucher autant la médecine que les cotisations,
que l'ergonomie, que le domaine de l'ingénierie ou de la ventilation.
Selon les besoins, le comité d'experts devrait être formé
d'experts dans les matières à être évaluées.
Pour ce qui est de l'appel, il ne serait qu'un appel sur dossier quand il y a
eu un comité d'experts. S'il n'y a pas eu de comité d'experts, il
y aurait un véritable appel, un véritable procès de novo
où il y aurait audition avec témoins.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Prévost.
M. Dean: Cela touche ma prochaine question. Les médecins
spécialistes ont suggéré, en cas de conflit d'opinions
médicales sur un dossier, un comité d'arbitrage médical.
Ils ont utilisé les mots "arbitrage médical". À la suite
de questions, ils ont dit que ce pourrait être un comité de trois,
de deux ou même d'une personne. Lorsqu'il y a conflit d'opinions
médicales entre le médecin traitant, le médecin de la
CSST, s'il en reste après les réformes proposées, ou bien
le médecin de l'entreprise, cet arbitrage médical agirait sous le
patronage de la Fédération des médecins
spécialistes. Il serait appelé à trancher les conflits
d'opinions médicales de la façon la plus juste possible.
Je voulais justement - c'était ma deuxième question -
savoir ce que vous en pensiez. Ce processus pourrait, à mon avis, selon
le cas, fonctionner avant qu'un appel arrive à la commission
indépendante que vous proposez, mais il pourrait aussi être
intégré à cette commission indépendante si le point
de litige sur lequel on va en appel est englobé dans une question
d'opinion médicale.
M. Dufour: Si vous me le permettez, on ne répondra pas
à cette question. On a vu le mémoire de la
Fédération des médecins spécialistes, on
était là lors de sa déposition hier. Notre position est
très claire: un comité d'experts, pour nous, cela regroupe trois
personnes, alors que la proposition de la Fédération des
médecins spécialistes infère l'idée d'un
comité d'arbitrage d'une personne. Il faudrait voir exactement ce qu'ils
poursuivent comme processus. Pour nous, c'est un nombre de trois, en faisant la
réserve suivante, et je pense qu'elle est importante: quand on dit le
médecin de l'employé ou le médecin de l'employeur, il faut
bien s'entendre: on n'a jamais considéré qu'il y avait de la
médecine patronale et de la médecine syndicale. Dans les
comités d'experts, cela se pose toujours comme problème. Ce sont
des gens neutres, à toutes fins utiles, mais il y a un président.
Notre position est claire, c'est transposer pour l'ensemble des cas ce que vous
avez déjà à l'article 12 de la Loi sur l'indemnisation des
victimes d'amiantose ou de silicose. Là, c'est vraiment le comité
d'experts de trois.
M. Dean: Juste un commentaire, M. Dufour. Vous dites que vous
n'êtes pas d'accord que la CSST soit toujours le premier payeur; cela
n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd, sauf qu'il y a un bout de
chemin à faire là-dessus.
M. Dufour: C'est majeur, c'est 20 000 000 $.
M. Dean: Maintenant, vous avez aussi bien fait de toucher
à la question du droit de retour au travail en ce qui regarde ses
implications sur les clauses d'ancienneté. Vous aviez raison de dire que
je peux risquer d'avoir des idées et des expériences
là-dessus. Je pense que le monde syndical partage avec moi cette
inquiétude quant au grabuge qui pourrait être créé
entre l'exercice d'un droit imposé par une loi, un peu de
l'extérieur, et les droits existant par convention collective pour tous
les travailleurs et toutes les travailleuses d'une entreprise.
Quelle serait votre position quant à la recherche d'une formule
qui pourrait se résumer comme ceci: que la loi prévoie le droit
de retour au travail et ses modalités, mais que les parties, là
où il y a un syndicat, là où il y a une convention
collective par négociation essaient de s'entendre sur les
modalités d'application appropriées à chaque entreprise,
selon la nature du travail?
M. Dufour: Je vais demander à Me Lavallée de
répondre à votre question en précisant cependant au
départ - j'ai fait la distinction et je me permets, à l'occasion
de votre question, de la refaire - que le projet de loi parle de droit de
retour au travail. On le confirme pour une période d'un an, mais le
mémoire, quant à lui, parle tout le temps d'obligation de retour
au travail. C'est très différent. Vous utilisez le mot "droit" et
nous, le mot "obligation". Il faut situer cela très clairement avant de
spécifier ce qui va se passer en termes de réaffectation au
travail. Gilles? (12 h 30)
M. Dean: Moi, je parle, pour le moment, du projet de loi.
M. Dufour: Oui, mais on vous répond sur l'obligation.
Le Président (M. Jolivet): M. Lavallée.
M. Lavallée (Gilles): Dans le projet de loi, M. le
Président, seulement pour souligner davantage les problèmes que
cela cause, dans le cas où l'employé ne peut plus reprendre son
emploi, il a le droit de reprendre un emploi qu'il est capable de faire et on
parle de tout emploi compatible dans l'établissement. À ce
moment-là, on ignore, par exemple, la multiplicité des
accréditations dans un établissement. Cela donne, par exemple,
à un travailleur de production le droit d'aller, lorsqu'il y a un emploi
vacant, occuper un emploi dans l'unité des employés de bureau
alors qu'il y a vraisemblablement, et la plupart du temps, des règles
que les parties ont déjà établies quant au passage d'une
unité à l'autre. Dans ce sens, cela accentue encore le
problème. Je pense que ce que vous soulignez comme possibilité,
c'est au fond ce que l'on rechercherait. Il y a déjà des
conventions collectives qui prévoient des retours au travail; elles en
prévoient en retour de maladie, en retour d'un tas de situations et les
parties ont développé des mécanismes qui reconnaissent
leur situation particulière, qui font leur affaire et qui satisfont tout
le monde.
Cela rejoint également le problème des mesures
financières d'incitation de retour au travail. Le mémoire du CPQ
retient cela comme un paramètre qui est acceptable. Mais, quand on
regarde le mécanisme de réduction des indemnités qui est
prévu, d'abord, il y a un problème de comprendre l'article et
d'essayer de l'appliquer dans des cas pratiques, parce qu'il est très
complexe. On arrive dans tous les cas à un revenu au travail, dans le
cas où l'employé est affecté à un travail moins
rémunérateur, qui est supérieur à ce qu'il gagnait
avant l'accident. Et là, je reviens à la situation en usine. Dans
beaucoup de cas - et je prends un exemple chez nous - le maintien de taux est
un concept qui est accepté. On a, en plus, un régime de placement
sélectif. Lorsqu'un employé n'est plus en mesure de faire son
travail, soit par maladie, soit à la suite d'un accident du travail, il
y a des mécanismes pour déterminer un emploi qu'il est capable de
faire sans risque, qu'il a la capacité physique de faire.
On comprend, cependant, la réticence du travailleur à
changer d'endroit de travail. Parfois, cela devient très
personnalisé. Cela va du poste de travail à la salle à
manger avec ses copains, à son covoiturage qui est organisé. On
lui demande d'aller travailler ailleurs. Même si c'est pour sa
santé, il a des hésitations. On a accepté dans bien des
cas de dire: On va maintenir au moins ton salaire, tu ne perdras rien. Mais, en
aucun cas, on ne dit: On va te donner plus que ce que tu avais. Alors, je pense
que l'incitation au retour au travail, si elle est pour moi concevable, doit
quand même être plafonnée à ce que l'employé
gagnait déjà comme revenu sans lui donner un montant
additionnel.
À mon point de vue, là encore, on vient chambarder les
règles que les parties se sont données pour traiter des cas
semblables. Ce qu'il faudrait, je pense, concevoir, c'est, surtout dans un
domaine où on parle de prise en charge par le milieu, de concertation,
de laisser une possibilité que, lorsqu'il y a des règles que les
parties se sont données, la loi ne soit que supplétive et qu'elle
ne vienne pas chambarder des choses qui ont pris des années à
s'établir entre les parties. Dans ce sens, une ouverture qui
reconnaîtrait les règles existantes, à mon point de vue,
non seulement serait bienvenue, mais c'est une nécessité que le
projet de loi ne vienne pas créer des difficultés dans le domaine
des relations du travail plutôt que de résoudre des
problèmes.
M. Dufour: M. Beauregard voudrait faire un petit ajout.
M. Beauregard (Denis): Oui, je voudrais ajouter que, dans une
perspective où on réfléchit sur une piste qui est ouverte
par M. Dean, il ne faudrait pas oublier, non plus - et je l'apporte strictement
au niveau de la réflexion - que la Loi sur les accidents du travail est
une loi qui protège la santé des travailleurs et qu'elle ne doit
pas, par des dispositions particulières, pour régler un
problème précis, entraîner, par exemple, la reconnaissance
de deux types de travailleurs dont la santé est protégée
de façon différente. Quand on parle de retour au travail, il
faudrait éviter de vivre ce type de problème. Par exemple - c'est
strictement à titre d'hypothèse, il ne faudrait pas oublier ce
genre de choses-là - comment cela se passe dans une entreprise où
un syndicat représente un nombre infime de travailleurs par rapport au
nombre total des employés? Je n'ai pas de solution à vous
présenter, mais je voudrais qu'on n'oublie pas de penser à toutes
ces implications quand on étudie une avenue comme celle-là.
Le Président (M. Jolivet): Une dernière question,
M. le député de Prévost.
M. Dean: Une dernière question qui, je l'espère,
commandera une réponse courte. M. Dufour, votre organisme, le Conseil du
patronat, après trois ans d'expérience, est-il pour ou contre la
participation directe des patrons et des travailleurs au conseil
d'administration de la CSST? Si oui, avez-vous des suggestions pour
améliorer leur emprise sur les décisions les lignes de conduite,
les politiques du conseil d'administration? J'aimerais avoir une réponse
claire.
M. Dufour: La première partie de votre
question peut appeler une réponse très courte; c'est oui.
La deuxième partie peut appeler une réponse très
longue.
M. Dean: C'est oui, mais...
M. Dufour: Vous avez remarqué rapidement, à ce
sujet - en préliminaire, à notre section sur les pouvoirs
discrétionnaires de la CSST qu'on retrouve au projet de loi 42, que nous
reprenons l'essentiel du témoignage que nous avons fait en commission
parlementaire sur le fonctionnement de la CSST. On ne blâme personne, on
ne blâme pas la direction, on prend les faits pour ce qu'ils sont; la loi
est mal foutue dans une série de ses articles et cela fait que ce n'est
pas un conseil d'administration. Il ne faut pas nous donner l'autorité
qu'on n'a pas. Le problème est donc bien campé dans le
mémoire. Je vous réfère à cela, M. Dean.
Les deux minutes que je prendrai, c'est pour identifier un autre
problème qui n'est pas dans le mémoire. Je ne sais pas ce que
cela a comme attrait, la CSST, mais tout le monde veut mettre les pieds
là. Là, c'est le ministre du Revenu qui a décidé de
venir cotiser les employeurs, le prélèvement, l'inspection. Il y
a 300 travailleurs qui sont concernés à la CSST, du jour au
lendemain, on vient de décider cela. Jamais la CSST n'a
été consultée là-dessus, jamais les employeurs
n'ont été consultés. Au cas où vous ne le sauriez
pas, M. Dean - je sais que M. Fréchette le sait - on est contre. En
voici un qui intervient et un autre; là, on vient d'apprendre de M.
Johnson que tout ce qui s'appelle DSC est transféré dans un CLSC.
Voyez-vous où notre médecin de travail vient de passer? Des DSC
aux CLSC.
À un moment donné, le Conseil du trésor a besoin
d'argent, il décide d'aller chercher 20 000 000 $ que le gouvernement
paie en inspection à la CSST. Cela s'est réglé. Le
ministre des Finances a dit: Vous capitalisez trop. Il faudrait
décapitaliser. C'est cela le problème du conseil d'administration
de la CSST dans le fond et du fonctionnement de cette boîte. Cela revient
à ce que je disais tout à l'heure: il faudrait vraiment faire une
commission parlementaire pour essayer de distinguer qui doit intervenir; sinon,
ce n'est pas possible de gérer une botte comme cela où, du jour
au lendemain, on apprend par le journal qu'on vient d'être amputé
de toute une informatique de 20 000 000 $ et de 300 employés. On ne peut
pas fonctionner comme cela. Mais, on aurait un bon nombre de suggestions
à vous faire, en commission parlementaire, à ce sujet.
Le Président (M. Jolivet): Donc, pour les besoins de la
cause et pour vous dire de quelle façon on va procéder:
après avoir accordé la parole au député de
Sainte-Anne, je vais suspendre jusqu'à 15 heures et, à 15 heures,
nous reprendrons avec les réponses aux questions du ministre, de
façon que vous soyez préparé à savoir ce qui va se
passer à 15 heures.
D'ici 13 heures, c'est le député de Sainte-Anne qui a la
parole.
M. Polak: Merci, M. le Président. M. Dufour, j'ai quelques
questions à vous poser. D'abord, il s'agit, dans votre cas, d'un
mémoire clé qui touche vraiment en profondeur ce projet de loi.
Aussi, vous avez un deuxième volume où vous examinez en
détail presque tous les articles de grande importance. Vraiment, tous
ceux qui auront la chance d'étudier ce mémoire, s'ils veulent
obtenir une certaine connaissance du sujet, ce serait une très bonne
idée de l'étudier. Il s'agit d'une matière, comme vous
l'avez dit, très compliquée.
Une première question concernant ces questions de coûts:
à la page 2 de votre mémoire, volume 1, vous dites que l'ajout de
tout nouveau coût "doit être considéré avec une
extrême prudence". Là, vous faites référence au mois
de juin 1983, quand on a eu le fameux projet de loi 17, alors que vous avez
averti également le gouvernement de considérer certaines
législations. Vous dites carrément, dans votre mémoire,
que cette nouvelle législation dont on parle aujourd'hui sera
reçue plus négativement par les entreprises qui n'ont pas
été gâtées par le gouvernement. Vous donnez
clairement un avertissement; Vous avez sans doute lu le mémoire de la
FTQ qui va vous suivre plus tard aujourd'hui. Elle parle aussi des coûts.
Elle dit que c'est encore l'employeur qui pleure. Je voudrais comparer et avoir
vos commentaires sur cela. Par exemple, elle dit textuellement que: Sans soute
les employeurs vont analyser les coûts. Nous savons par expérience
que leurs prévisions - cela veut dire vos prévisions - seront
grandement exagérées, sinon apocalyptiques.
Deux questions: Votre organisme a-t-il des prévisions concernant
les coûts? Le ministre a parlé d'un total de 54 200 000 $. Ce
matin, vous avez dit que cela peut varier de 50 000 000 $ à 100 000 000
$ ou 150 000 000 $. Je vois toutes ces nouvelles mesures dont vous donnez une
description à la page 70 de votre volume 1. Le public doit comprendre
cela, parce qu'on parle d'une manière technique. Je vais juste relire
rapidement les nouvelles mesures. Par exemple l'employeur doit avancer les
quatorze premiers jours. Je pense surtout aux petites entreprises qui peuvent
avoir aussi des difficultés financières; c'est en plus de payer
la première journée elles-mêmes. Ensuite, tout le principe
du droit de retour au travail et l'obligation de l'employeur de continuer
à payer la cotisation aux régimes
de bénéfices sociaux quand l'employé est malade.
J'ajoute l'obligation de payer pour l'employé qui remplace. Ensuite,
vous mentionnez l'obligation de l'employeur de tenir le registre des
lésions professionnelles, les frais administratifs, etc. Prenant tout
cela en considération, ce qui m'inquiète énormément
c'est comment pourra-t-on jamais établir de tels coûts? Ils
arrivent à une commission. Le ministre disait: On va s'asseoir autour
d'une table tout le monde dans le domaine et on va essayer honnêtement de
calculer ces coûts. Quelle sera la méthode scientifique? Comment
approchera-t-on cela?
M. Dufour: Je pense que vous campez d'une autre façon le
problème que l'on a campé depuis ce matin. Oui, on a le
mémoire de la FTQ. C'est de bonne guerre que la FTQ dise ce qu'elle dit.
Dans un débat comme celui-là, pour elle qui est à la
défense de l'accidenté, elle voit des failles dans la loi. Nous,
on regarde le projet dans un ensemble tout à fait différent.
L'Ontario a toujours accompagné ses différents projets au
niveau du livre blanc d'analyses actuarielles que l'on a, d'ailleurs. Le
dernier projet s'accompagnait d'une analyse actuarielle que l'on a ici. Ce que
l'on voit, c'est que c'est très difficile d'établir des
coûts tant et aussi longtemps que la loi n'est pas en application. Quelle
jurisprudence on va donner aux maladies professionnelles comme extension? Les
accidents? Est-ce que les travailleurs vont utiliser beaucoup ou pas beaucoup
les cinq versus les quatorze jours? Ce sont tous des impondérables. Ce
qu'on réalise - ici les spécialistes de la CSST le savent
pertinemment aussi - c'est que, selon les hypothèses qui sont retenues
dans le livre blanc, en Ontario, on a des différences qui vont de 500
000 000 $ à 1 000 000 000 $. C'est énorme.
Une autre chose dont il faut toujours tenir compte quand on discute d'un
dossier comme cela, c'est de ce qu'on appelle la période d'emploi
à la hausse et la période d'emploi à la baisse. On
reviendra cet après-midi. Quand le ministre parlait de fraude, on n'a
jamais utilisé ce mot, mais il reste que des analyses actuarielles
ontariennes qu'on peut déposer à cette commission font une
distinction entre des périodes de récession économique et
des périodes de bonne conjoncture économique en termes
d'évaluation des coûts dans une loi comme celle sur les accidents
du travail. Cela nous apparaît majeur et il faut en tenir compte.
Nous aimerions bien qu'on fasse le dépôt, à tout le
moins, de cette analyse actuarielle que la CSST aurait conduite pour les fins
du ministre. On peut lire les énoncés du ministre dans le journal
des Débats d'hier. On les a effectivement sauf qu'on n'a pas les
hypothèses. Quelles sont-elles? Je pense que pour faire un travail
vraiment sérieux là-dessus il faudrait au moins qu'on nous donne
ce qu'on nous donnait dans le temps. Quand il y a eu des avant-projets,
c'était toujours accompagné d'un certain nombre d'études
actuarielles quand on transigeait directement avec la CSST. Maintenant, avec le
ministère, on ne l'a pas. On ne comprend pas que cela ait
été déposé hier. Pourquoi n'a-t-on pas cette
possibilité d'en débattre?
Une chose est sûre et certaine - je vais me répéter
- quand vous regardez la notion de maladie professionnelle, c'est aussi
carré que de se poser la question: Est-ce 10 000 000 $ ou 100 000 000 $?
Nous ne pouvons donner une crédibilité aux 18 000 000 $. Ce n'est
pas possible. (12 h 45)
M. Polak: Deuxième question. Encore ici, je cite le
mémoire de la FTQ parce qu'à un moment donné, comme ils le
disent bien, cela devient une question de choix de société. Je
cite, c'est la FTQ qui parle: "Réparer, dans le sens de réparer
les conséquences de lésions professionnelles, c'est un choix de
société." Ils parlent donc de coûts. Il faudrait le faire
même si cela coûte très cher, ce qu'ils nient
évidemment, en disant: Vous exagérez, etc. Je pense que c'est le
monde syndical qui le voit comme cela parce que M. Hétu a parlé
un peu dans le même sens hier. C'est tout de même un syndicat qui
peut être considéré de temps en temps comme un peu plus
modéré. Un choix de société; croyez-vous
honnêtement à votre association, que la société
n'est pas prête à faire ce choix ou si on peut dire: Bon, pour
encore 20 000 000 $, on 'eut le faire, mais, pour 100 000 000 $, on n'est pas
capable de le faire?
M. Dufour: Écoutez, ce serait interpréter le
mémoire de la FTQ et je pense qu'ils vont vous dire carrément ce
qu'il véhicule. La façon dont nous l'avons compris, ce n'est pas
tellement un choix de société dans le sens de donner le summum.
La façon dont on comprend le mémoire de la FTQ - et encore
là ils l'expliqueront - c'est de dire: Le véritable
accidenté du travail doit être bien compensé. Dans le fond,
c'est une thèse qu'on défend. En comparant avec ce qui se paie
à l'extérieur, avec les autres régimes, on est d'accord
avec cela, sauf que, lorsqu'ils posent la question de choix de
société, c'est de dire: Mais une fois qu'on a accepté
cela, qu'on compensait bien un accidenté du travail, qui paie? C'est
là le choix de société. Est-ce que ce sont tous les
travailleurs, le gouvernement qui mettent beaucoup plus d'argent qu'ils n'en
mettent actuellement? Voilà le choix de société. C'est
pour cela que je disais tout à l'heure à M. Fréchette que
je trouvais personnellement qu'il y avait une ouverture dans le
mémoire
de la FTQ quant à une discussion de fond sur l'imputation des
coûts.
M. Polak: Une autre question. À la page 20 de votre
mémoire, vous parlez de la possibilité qui, apparemment, existe
déjà, et je cite "qu'on donne au travailleur accidenté
plus d'argent qu'il n'en aurait touché en allant travailler." C'est
là une accusation... C'est une situation qui peut devenir...
M. Dufour: Ce n'est pas une accusation.
M. Polak: Non, non. Je ne dis pas que c'est là le cas
général. Mais le fait que cela peut exister
déjà...
M. Dufour: Oui.
M. Polak: Je sais qu'il y a des exemples que vous donnez dans
l'autre volume. Très souvent, on dit que c'est une accusation
basée sur rien. Si le danger existe, j'aimerais que quelqu'un de votre
groupe prenne peut-être deux minutes pour expliquer ce qui arrive dans un
cas pratique.
M. Dufour: Très important, ce dossier, M. Polak. Il est
d'autant plus important que vous avez réalisé - je l'ai dit aussi
- qu'on réduit les deux autres mesures sociales qui sont
concernées par le projet de loi à 80%. Alors, pourquoi 80% ou
90%? Vous avez des documents là-dessus. Je demande à M. Pierre
Duguay, justement, de vous les résumer, parce que cette question est
drôlement importante.
M. Duguay (Pierre): Oui. Vous avez raison. Vous avez posé
une excellente question. Nous expliquons davantage tout le dossier aux pages 44
et suivantes du livre 1, où nous avons des tableaux qui l'expriment
bien.
Nous disons que, lorsque 90% du revenu sont donnés au
travailleur, c'est donner au travailleur plus de revenu pendant qu'il est "sur"
ce qu'on appelle "les accidents de travail" que lorsqu'il était au
travail. Cela provient du phénomène que l'indemnité de la
CSST n'est pas imposable. Il se produit que, si vous êtes absent pendant
neuf semaines, disons, vous recevez 90% de votre revenu net, non imposable.
Lorsque vous faites votre déclaration d'impôt à la fin de
l'année, vous êtes imposé sur 52 semaines moins neuf
semaines. À cause du jeu des tables d'impôt, vous allez retirer
après impôt, à la fin de l'année, plus d'argent que
si vous aviez travaillé pendant toute l'année. C'est le
phénomène qui se produit et qui est expliqué avec des
tableaux où nous avons fait des comparaisons pour telle catégorie
de travailleurs avec telle table d'impôt. C'est différent.
M. Polak: Y a-t-il aussi un autre élément
là-dedans? Il faut bien comprendre qu'on se pose cette question. Je le
fais sur le plan mathématique uniquement. Je ne parle pas du tout de
l'élément de la souffrance humaine chez la victime d'accident.
Évidemment, on comprend cela très clairement. Par exemple,
quelqu'un qui va à son travail fait certaines dépenses chaque
jour tandis que, quand il est chez lui - je ne voudrais pas que cela soit
interprété pour dire que c'est un cadeau de rester chez soi,
accidenté - au point de vue des dépenses qu'il fait chaque jour,
est-ce que cela joue un rôle?
M. Duguay: C'est exact aussi. Nous ne l'avons pas
évalué, parce que c'est difficile à évaluer, selon
que vous travaillez à Montréal ou que vous demeurez en banlieue.
Si vous travaillez à Drummondville et que vous vivez juste à
côté, il y a des différences dans les dépenses. Ce
qu'on remarque, cependant, c'est que l'impôt déjà donne
comme déduction uniforme à tout le monde un montant de 500 $ pour
frais de déplacement pour aller au travail. Quant à
l'évaluation telle quelle pour trouver la moyenne, nous n'avons pas fait
ce genre d'étude.
M. Polak: J'aurais une question sur le droit de retour au travail
et je reviens à M. Dufour. Vous parlez de cette question à la
page 45, volume 2, de vos mémoires. Ce matin, vous l'avez
évoqué, mais vous n'aviez pas le temps, évidemment, de
lire tout le mémoire. Vous avez parlé du fait que le
législateur fait une distinction d'un an ou de deux ans selon le nombre
d'employés dans un établissement. Hier soir, on a eu M.
Hétu; je l'ai questionné sur le droit de retour au travail. La
CSD avait dit dans son mémoire qu'elle voulait qu'il y ait une
obligation pour la CSST de trouver un emploi aux travailleurs victimes
d'accident. Deuxièmement, elle suggère que le droit de retour au
travail ne soit pas limité. D'ailleurs, la FTQ a la même
suggestion dans son mémoire. Vous, vous parlez de la distinction d'un ou
deux ans qui ne devrait pas exister. Qu'est-ce que vous pensez du principe du
droit de retour? Est-ce que cela devrait être incorporé dans le
projet de loi? Quelle est votre idée là-dessus?
M. Dufour: Vous avez raison de dire qu'on ne fait pas la
distinction qui est faite dans le projet de loi quant aux entreprises de 20
travailleurs et moins et de 20 travailleurs et plus. On dit: Tout le monde
devrait être sur le même pied. C'est tout à fait nouveau ce
droit qu'on retrouve dans le projet de loi 42, qui est souvent aujourd'hui
confirmé dans les conventions collectives. On met l'accidenté sur
le même pied qu'un autre malade. C'est souvent confirmé dans
les conventions collectives. Pour les autres travailleurs, cela ne
l'était pas. Nous acceptons l'année, mais toujours en disant en
contrepartie: Tu as une obligation de revenir si tu es déclaré
médicalement apte à revenir au travail. On ne doit pas te
confirmer que tu seras un an sur le cheminement que Pierre Duguay
déterminait tout à l'heure, car à ce moment-là cela
n'a aucun bon sens.
Si vous me le permettez, la CSD va plus loin que cela. Elle dit que,
après cela on devrait avoir une obligation à la CSST de lui
trouver un emploi. La CSST, à ce que je sache, n'est pas encore un
centre de main-d'oeuvre. Ce n'est pas le rôle de la CSST. Que, comme
société, on se préoccupe des accidentés du travail,
bien oui, tout le monde va être d'accord. Je reviens à ce que
disait Alexandre Beaulieu: Accident de la route versus accidenté, si
quelqu'un a à évaluer lequel est lequel, il va faire quoi? C'est
une projection que faisait, hier, M. Hétu et dans laquelle nous, on ne
fonctionnerait pas.
M. Polak: Dernière question générale. On est
devant le projet de loi 42. Peut-être que je suis innocent à ce
point de vue puisque je ne prépare pas de projet de loi. Je me dis
toujours qu'un projet de loi doit être le reflet de ce qui se passe dans
la société, plus ou moins, quitte à faire des changements
ici et là. On est ici depuis une journée et demie, mais on peut
tout de même voir une certaine tendance. De tous ceux qui sont venus
devant nous, il n'y a pas encore un groupe qui a félicité le
gouvernement pour ce projet. Pas un, ni les syndicats, ni les employeurs, ni
les médecins. J'ai posé la question à la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec hier: Est-ce que vous avez été consultée
lors de la préparation de ce projet de loi? Il y a quand même une
matière qui la touche. La réponse a été non.
Je vous demande si votre association a été
consultée lors de la préparation de ce projet de loi. Si oui,
comment se fait-il qu'aucune de vos suggestions n'a apparemment
été retenue? Dans votre mémoire, vous faites une critique
très sérieuse qui détruit presque complètement le
projet de loi.
M. Dufour: À la question, c'est un oui très clair.
Nous avons été consultés parce que nous participons au
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre où se retrouvent
également les grandes centrales syndicales. On a été
associés au processus de la réforme depuis le tout début;
nous avons refusé que cela se fasse au conseil d'administration de la
CSST parce qu'on ne voulait pas être en même temps des gens qui
administraient une loi et qui se préparaient une loi. Cela n'avait aucun
bon sens; alors, on a accepté de faire la démarche au Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.
Effectivement, nous avons eu quatre ou cinq projets accompagnés
d'études actuarielles. Nous avons eu l'occasion à plusieurs
reprises de diriger nos préoccupations vers le ministre du Travail.
Depuis le début, on n'a jamais changé de point de vue. On
pourrait prendre les mémoires du temps, les mémoires qui
n'étaient pas adressés à M. Fréchette, les
mémoires qui lui ont été adressés, notre position
d'aujourd'hui n'a jamais changé. Au CCTM, nous avons toujours dit: Nous
sommes d'accord pour changer l'ossature de compensation des accidents du
travail et voici nos paramètres. J'ai apporté à
l'intention du ministre le mémoire qu'on avait soumis il y a deux ans et
demi sur le premier projet et il va se retrouver en totalité.
On n'a jamais accepté au CCTM - et Alexandre Beaulieu est
là également - de discuter des articles, article par article, en
disant: Cela ne donne rien d'en discuter puisqu'on rejette tout ce qui va plus
loin que le règlement de l'article 38.4. On ne peut pas dire qu'ils ne
nous ont pas consultés, mais on n'a jamais participé à une
consultation. On aurait peut-être dû parce que, simplement comme
exercice de lunch, vous essayerez d'appliquer l'article 75 de la loi. Faites
cela comme exercice. Les articles n'ayant pas été tellement
débattus, on se retrouve avec des choses qui sont excessivement
difficiles et complexes. La question est longue et je pense qu'il est important
de préciser tout le processus de consultation qui s'est fait
là-dedans, tout au moins juridique, mais non pas financier.
M. Polak: Maintenant, je vois qu'il ne reste qu'une minute et
demie. Au sujet de ce processus de consultation, quand il y a certaines
idées qui ont été formulées auprès du
ministère, est-ce qu'elles sont soumises à votre organisme sous
forme de projet avec les détails de quelques articles?
M. Dufour: Oui, oui. Je dois dire qu'à la façon
dont le CCTM fonctionne, lorsqu'il y a consensus des parties, c'est
véhiculé vers le ministre; lorsqu'il y a désaccord des
parties, c'est véhiculé de la même façon en
identifiant les points de désaccord. Là, on va dire qu'on est
d'accord avec le projet, mais les premiers projets n'étaient pas
drôles; les premières choses qu'on a vues, c'était du
remplacement du revenu à 100%, c'était des forfaitaires
très élevés. Il y a quand même eu, en cours de
route, certains réajustements. Je pense que le gouvernement aurait
été gêné de présenter un projet de loi du
genre des premières versions qu'on a vues; en cours de route, il a
réajusté son tir.
Est-ce un acquis pour nous? On partait de tellement loin qu'on ne peut
pas dire que c'est un acquis.
M. Polak: Mais vous n'espérez pas que ceci soit le projet
final, n'est-ce pas?
M. Dufour: Je pense que depuis 10 heures ce matin...
M. Polak: Ah! Ah! Ah! D'accord, merci beaucoup.
Le Président (M. Jolivet): Je suspens les travaux de la
commission jusqu'à 15 heures et nous reviendrons avec les
réponses de M. le ministre du Travail.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise de la séance à 15 h 3)
Le Président (M. Jolivet): La commission élue
permanente du travail reprend ses activités aux fins d'entendre les
représentations des personnes et des groupes intéressés au
projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles. Au moment où nous nous sommes quittés, à
13 heures, j'avais indiqué que le ministre disposerait de 20 minutes
pour échanger avec les gens du Conseil du patronat. Comme nous avons
encore une heure à notre disposition d'ici 16 heures, les 20
premières minutes seront... Ce n'est pas nécessaire de les
prendre toutes pour répondre, mais il y aura probablement d'autres
questions de la part du ministre. Il restera également 20 minutes au
député de Saguenay et 20 minutes à partager du
côté ministériel. M. Dufour, vous avez la parole.
M. Dufour: Merci, M. le Président. Je pense que les
règles sont bien établies. Nous nous sommes engagés
à donner la chance à tout le monde de terminer vers 16 heures,
nous allons tenter de respecter cet horaire.
Il y a quand même certains volets de l'intervention du ministre
auxquels on a répondu ce matin et sur lesquels on ne reviendra pas. Je
pense que notre position sur le financement en réponse à M. Polak
était suffisante, M. le ministre. Quant à la question des appels,
on a eu l'occasion d'y répondre quand on a répondu à M.
Dean. Il resterait, finalement, à moins que vous ne me corrigiez, une
réaction qui sera assez brève sur la loi 52, la définition
d'ouvrier dont vous parliez en 1975, les pouvoirs discrétionnaires de la
CSST et ce que vous avez bel et bien dit: S'il y a un consensus, on va revoir
le tout. Il y a cette affirmation que vous avez faite qui parlait d'une
possibilité d'identification par le monde patronal des cas de fraude
dans le domaine des accidents du travail. On y reviendra.
Je parlerai d'abord des pouvoirs discrétionnaires très
rapidement et Jacques Laurin enchaînera. Nous avons déjà
clairement établi que le pouvoir discrétionnaire donné
à la CSST était très étendu, notamment par certains
articles dont l'article 154 qui donne au président-directeur
général de la commission une latitude à peu près
absolue, latitude qui lui a permis - et on le mentionne tout le temps -
d'effectuer, contre ce qui nous apparaît être la volonté des
parties, la fusion de l'inspection et de la prévention, par exemple. On
peut difficilement accepter qu'on ajoute à ces dispositions. Si on
faisait avec vous la démarche de prendre les articles auxquels on se
réfère quand on parle de cela, vous seriez peut-être, quand
on les met ensemble, surpris des pouvoirs que, probablement sans le vouloir, le
législateur donne à la CSST. Et indépendamment des hommes,
parce je voudrais bien qu'on situe toujours le débat en dehors des
hommes; on analyse une loi pour la valeur de la loi. Par exemple, l'article 35,
c'est le problème que vous souleviez un peu ce matin, la commission ne
fait jamais de distinction entre le conseil d'administration et la direction de
la commission.
Quand on parle de la commission, à l'article 35, qui est-ce?
Probablement un pouvoir délégué du conseil
d'administration, mais la commission décide si le travailleur est
atteint d'amiantose ou de silicose en tenant compte du diagnostic établi
par le comité spécial. On a déjà fait siéger
aux articles précédents, notamment à l'article 32, quatre
comités auxquels siègent des spécialistes, et ce n'est pas
suffisant; la commission se garde toujours le pouvoir de réviser cette
décision. Par exemple, à l'article 73, au premier paragraphe, on
dit que "la commission peut déterminer le revenu brut d'un travailleur
d'une manière autre que celle que prévoient les articles 63
à 72, si elle le croit plus équitable en raison de la nature
particulière du travail de ce travailleur. "Cependant, le revenu brut
ainsi déterminé ne peut servir de base au calcul de
l'indemnité de remplacement du revenu s'il est inférieur à
celui qui résulte de l'application de ces articles." C'est encore
là un pouvoir discrétionnaire tout à fait absolu.
Je peux vous amener aux articles 132, 156, 161 et 241. Allons
immédiatement à l'article 266.6: "La commission peut faire des
règlements pour...", et on en fait la liste. "266.6°
généralement prescrire toute mesure qu'elle estime utile à
la mise en application de la présente loi."
À toutes fins utiles, elle n'a pas besoin d'avoir 364 articles,
elle peut faire ce qu'elle veut. C'est ce qu'on appelle les pouvoirs
discrétionnaires. Il ne s'agit pas de s'attaquer au problème de
la
déréglementation dans les termes où on pose le
débat. Quand vous demandiez s'il y a consensus pour préciser
davantage dans la loi les règles du jeu, pour être partie de ce
conseil d'administration, pour avoir à transiger avec certains
syndicats, je pense que oui, les gens s'entendent un peu là-dessus.
Je demande à M. Laurin d'ajouter au plan purement juridique ce
que cela peut vouloir dire.
M. Laurin (Jacques): Ce matin, le ministre faisait état de
cette possibilité de régler des problèmes qui surgiraient
de l'octroi de pouvoirs discrétionnaires à la CSST ou de l'ajout
de pouvoirs discrétionnaires. Pour nous, ce n'est pas uniquement cette
question de transférer ou de sortir de la CSST l'exercice de ces
pouvoirs discrétionnaires, mais c'est davantage une question de
rédaction et de déterminer, dans les dispositions qui accordent
ou prévoient ces pouvoirs discrétionnaires, de prévoir
essentiellement des paramètres ou des éléments qui
pourraient, dans la grande mesure du possible, rendre plus objectif le
processus décisionnel.
Notre inquiétude, c'est que, dans la majorité des
dispositions que nous énumérons aux pages 50 à 55 de notre
mémoire, partie I, une foule de pouvoirs sont donnés à la
commission et ces pouvoirs, selon l'expérience qui a été
vécue, sont exercés de façon différente selon
l'interprétation de chaque agent d'indemnisation ou de chaque
représentant de la CSST dans l'exercice de ses fonctions. Pour assurer
une plus grande uniformité et une plus grande coordination dans
l'approche à l'égard d'un problème, nous croyons qu'une
bonne majorité de ces dispositions devraient prévoir des
critères objectifs de détermination et d'application des
règles.
Un exemple patent, selon nous, c'est ce fameux article 80. Je suis
certain que, pour la partie syndicale et les travailleurs, cet article risque
de causer des problèmes majeurs. Dans chaque cas, c'est la commission
qui va déterminer de l'aptitude d'un travailleur à retourner au
travail et aussi déterminer le revenu net retenu qu'il pourrait tirer de
cet emploi. Est-ce que cela veut dire qu'à chaque fois cela sera un
fonctionnaire de la CSST qui va dire que M. X est capable d'exercer telle
fonction? Pour l'employeur, tout comme pour les travailleurs, cela peut
créer des problèmes énormes puisque
l'interprétation de l'article 80 va varier d'un agent d'indemnisation ou
d'un représentant de la CSST à l'autre.
Nous suggérons, à l'égard de l'article 80, que
cette question soit davantage rendue objective et que ce soit réellement
l'état du travailleur qui détermine sa capacité de
retourner au travail ou le revenu qu'il pourrait gagner d'un autre emploi. De
même, comme nous le mentionnons dans notre mémoire, nous
suggérons que, s'il y a divergence d'opinions sur la question, la chose
puisse être référée à un comité
d'experts, comme nous l'avons mentionné tantôt. Ce serait sans
doute, dans un cas semblable, un comité d'experts médicaux dont
les membres pourraient être nommés de part et d'autre.
Je crois qu'une bonne partie des dispositions devraient essentiellement
chercher à prévoir des critères de prise de
décision. Aussi, on devrait tenter de coordonner ces dispositions quand
il y a plusieurs dispositions qui traitent d'un même problème. Il
y a bon nombre d'articles qui, selon nous, sont difficiles d'application parce
qu'il y a une certaine contradiction ou une difficulté à les
juger, puisqu'on traite d'un aspect du problème à un endroit dans
le projet de loi et on retrouve ailleurs des dispositions qui traitent du
même problème, mais d'une autre façon. Je pense qu'il y a
certainement nécessité de coordonner davantage les articles ou
les dispositions du projet de loi.
M. Dufour: Sur la loi 52, M. le Président, pour les
questions d'amiantose, de silicose, vous nous avez référé
à la démarche qui a été faite en 1975, notamment au
niveau des définitions du mot "ouvrier". Nous allons laisser à
l'Association des mines d'amiante, qui vous a déposé un
mémoire, le soin de répondre aux questions que vous avez
posées de façon précise, technique, dans ce dossier. Nous
allons tout simplement vous dire pourquoi nous l'avons porté à
votre attention.
Pour nous, le dossier se présente de la façon suivante:
C'est que, nonobstant le dossier technique, il reste que nous avons
accepté comme monde patronal - je l'ai dit ce matin - de ne pas
réclamer de ceux qui ont reçu des prestations avant le 3
septembre 1983, quelque montant d'argent que ce soit. C'est une entente qui a
été prise au conseil d'administration de la CSST.
Par l'article 360 qui est là et qu'on peut lire ensemble,
à moins que nous ne lui donnions une définition tout à
fait différente, cette fois-ci, on vient de légaliser tout ce qui
aurait pu être irrégularité commise au cours des
années dans l'application de la loi et des règlements. On dit
bien qu'une personne que la commission ou son bureau de révision a
reconnue atteinte d'une incapacité permanente avant le 3 septembre 1983,
etc., a le droit de conserver la rente ou l'indemnité qu'elle a
reçue et de continuer à la recevoir s'il y a lieu, malgré
- c'est important - toute décision ou tout jugement postérieur
lui déniant le droit à la rente ou à cette
indemnité à moins que celle-ci n'ait
été obtenue par fraude.
Ce qu'on dit, c'est qu'il y a en cause environ 20 000 000 $ et nous ne
considérons pas qu'il appartient aux employeurs de les payer. En
acceptant le principe de ne pas demander le remboursement - là-dessus,
au conseil d'administration, nous avons été très clairs -
nous demandons que ce soit imputé au fonds consolidé de la
province. Si on accepte le projet de loi tel quel, s'il est sanctionné
comme cela, il n'y a plus aucun recours possible pour quelque employeur que ce
soit d'aller contester qu'on lui a facturé des cotisations pour financer
le pot, le fonds général où auront été
payés ces montants d'argent.
C'est l'essence de notre message. Quant à tout le cheminement, la
notion d'ouvrier, le certificat médical, etc., je pense que le
mémoire de l'Association des mines d'amiante est très clair
là-dessus. (15 h 15)
Sur la question de ce qu'on a appelé les véritables
accidentés, je ne pense pas que c'était un jugement que l'on
portait. On faisait, en bon français, un "statement" où on
disait: Le monde patronal est prêt à avoir une politique la plus
honnête, la plus juste possible de compensation des vrais
accidentés du travail. Jamais, dans notre mémoire ou dans les
plaidoyers verbaux qu'on a pu faire, l'on ne s'est référé
à ce que vous avez appelé des fautes possibles nous demandant de
démontrer qu'il pourrait y avoir fraude. On n'a jamais fait de telles
accusations. Il faut prendre le problème dans sa
généralité et c'est toujours ce que le monde patronal a
fait, comme l'a fait Bell Canada, hier après-midi, lorsque ses
dirigeants se sont présentés devant vous avec un mémoire
très étoffé pour vous donner des chiffres qui nous
permettent à tout le moins de nous interroger sur certaines des
orientations actuelles.
Vous savez très bien que la loi, maintenant, donne de
façon automatique, à l'article 26, le bénéfice du
doute au travailleur. L'article 26 est clair: une blessure qui survient sur les
lieux du travail est automatiquement présumée une lésion
professionnelle. Donc, on vient de confirmer un bénéfice du doute
automatique au travailleur. Ce genre de choses peut susciter chez certaines
personnes le désir de profiter d'un système. C'est
confirmé, et je vais vous donner deux exemples de confirmation de ces
hypothèses qui nous paraissent fondées.
Ce matin, en parlant des chiffres actuariels qui sont fournis avec le
livre blanc en Ontario, on fait très bien la distinction entre des
analyses de coûts lorsqu'il s'agit de situation économique
difficile et des analyses de coût lorsqu'il s'agit de situation
économique plus facile. Je pense qu'on doit conclure certaines choses de
cela.
Je vais demander à M. Michel Lesage de vous donner vraiment les
cas concrets qu'on peut examiner dans le quotidien. Je veux simplement faire
référence au fameux problème des cinq jours par rapport
aux quatorze jours, quand on dit que certains -encore là, je
répète qu'on n'utilise pas le mot "fraude" - peuvent abuser
indûment d'un système, si le système leur est rendu trop
facile. Vous nous dites constamment, tout comme la CSST nous le dit
constamment, que c'est un faux problème que de présenter
l'histoire de la hausse des cinq jours à dix jours. On plaide, comme
monde patronal, que, le jour où on est passé d'une journée
à cinq jours, il y a eu une croissance des demandes. On s'oppose
à passer de cinq à dix jours, parce qu'on dit qu'il va y avoir
une croissance des demandes.
Je voudrais vous citer ici un document qui est un document officiel de
la CSST, fait par le service de l'actuariat, qui est signé, qui est
daté de novembre 1980, où on fait justement l'analyse de l'impact
des dix premiers jours ouvrables payables par l'employeur. C'est une commande
qui est faite au service de l'actuariat. On se demande quelle serait la
répercussion si on passait à dix jours. Pour être capable
d'analyser l'impact éventuellement sur les dix jours, ils ont fait
l'analyse de un à cinq jours. Je cite au texte, M. le Président,
les conclusions de ce document officiel de la CSST: "On peut en conclure que la
décentralisation et la mise en vigueur de l'article 40a - c'était
les cinq jours - ont amené une croissance dans le nombre de cas
compensés et que cette croissance s'est fait surtout sentir sur les cas
de durée se situant entre un et cinq jours." Il reprend l'argument
à une couple d'occasions en disant: "Le tableau 3 montre que - sa
conclusion - la mise en vigueur de l'article 40a a fait en sorte que les cas de
très courte durée se sont déplacés vers les
durées de quatre et cinq jours." Voici un document officiel de la CSST.
On va arrêter de s'échanger des statistiques entre nous et on va
prendre les documents qui ont servi de base à la préparation du
projet de loi 42.
Sur les dix et quatorze jours, voici ce qu'on dit: "Si l'employeur
devait payer les dix premiers jours, nous croyons que la proportion de cas de
durée entre six et dix jours ne se modifierait pas puisqu'il y a
déjà une gravité qui est importante et les employeurs sont
préoccupés par cette gravité. Ce qui risque de se
produire, c'est un déplacement des durées de huit et neuf jours
vers les dix jours." Ce n'est pas nous qui disons cela, M. le Président
et M. le ministre, mais la CSST. On ne parle pas de fraude, mais on dit que
parfois le système conduit à ce genre d'ouverture.
En termes de faits concrets, le Dr Lesage.
M. Lesage: Ce matin, M. le Président, M. le ministre se
posait la question, à savoir si, à notre avis, il y avait une
incitation à ce qu'il a appelé la fraude. Je ne crois pas qu'il
faille partir de l'idée qu'il n'y a pas d'accident du travail et que ce
sont tous des cas de fraude. Ce serait absolument aberrant. La grande
majorité des accidents du travail correspond à la
définition que la CSST a bien voulu donner à un accident comme
tel.
L'incitation qu'on peut retrouver est celle dont parlait M. Dufour
tantôt, c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir une absence de un, deux ou
trois jours, on peut en avoir une qui est plus longue ou qui est facilement
prolongée. Il y a des incitations par le phénomène des
cinq ou dix jours à ce que ces absences soient prolongées. Les
véritables cas de fraude, j'en ai vu quelques-uns dans ma vie de
médecin et je peux vous dire qu'il ne faudrait pas se baser
là-dessus pour dire que les travailleurs fraudent. D'une façon
générale, les travailleurs ne fraudent pas, mais il y a des
avocats et des médecins qui fraudent; alors, il doit y avoir aussi
quelques travailleurs qui fraudent. Je n'ai pas l'intention de citer des cas
spécifiques parce que cela ne ferait pas avancer la solution du
problème.
Par ailleurs, j'aimerais vous parler -sans que ce soit de la fraude et
cela n'en est pas - d'un problème qui est connu de tous, le
problème des lombalgies. On a eu dernièrement, le 6
décembre, un colloque sur les lombalgies qui réunissait des
experts de ce domaine, c'est-à-dire des neurochirurgiens, des
orthopédistes, des physiatres. Ces gens-là n'étaient pas
des médecins patronaux ou syndicaux, c'étaient des gens
employés comme experts par la CSST qui sont venus dire carrrément
que la très grande majorité des cas de lombalgie n'étaient
pas des accidents du travail. L'accident allégué - je me suis
penché pour faire tel mouvement; dans la majorité des cas, il n'y
a pas de fait accidentel - n'est qu'un facteur qui fait ressortir une condition
personnelle, le plus souvent en relation avec le vieillissement de la personne,
une condition qui est là de naissance ou encore une condition qui est
peut-être due à un autre accident passé qui peut être
un accident personnel, un accident de sport ou un autre accident du travail. La
situation qui se produit à ce moment-là n'est tout simplement
qu'un facteur qui fait ressortir une situation personnelle du travailleur. Tous
ces "accidents", à l'heure actuelle, sont acceptés. Quand je dis
tous, je vais être correct et je vais dire presque tous sont
acceptés par la CSST. Ce n'est pas de la fraude, mais c'est une
incitation du système à fonctionner de la sorte. Il n'y a pas
d'incitation à vouloir retourner plus vite au travail dans cette loi.
L'incitation est plutôt faite pour que tout ce qui se passe soit
taxé d'être un accident du travail ou une maladie
professionnelle.
Le Président (M. Jolivet): La parole est maintenant au
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Permettez-moi d'abord
de féliciter le Conseil du patronat pour son mémoire qui est
quand même assez volumineux, en deux parties, et qui nous
révèle des choses très importantes. Hier
après-midi, on a reçu les médecins spécialistes et
il y avait un problème réel entre les médecins de la CSST
et le médecin traitant quant à savoir si le patient est
prêt à retourner au travail. Le médecin traitant disait que
c'était lui le mieux placé pour décider si le gars
était apte à reprendre le travail parce qu'il le voyait plusieurs
fois, trois ou quatre, à la suite de l'accident tandis que le
médecin spécialiste de la CSST l'a vu une fois ou au maximum deux
fois. À un moment donné, après tant de jours, il dit: Bon,
il est censé être mieux, il retourne au travail. Alors, il
retourne chez son employeur et ce dernier lui dit: Tu n'es pas capable de
travailler, tu n'es pas guéri, tu n'es pas mieux. Il retourne voir son
médecin traitant, la chicane commence et cela entraîne des
délais épouvantables.
Eux, ils ont proposé un genre de tribunal composé d'un
médecin spécialiste, du médecin traitant et d'une autre
personne neutre. J'aimerais savoir quels sont les problèmes majeurs que
cela cause à l'entreprise. Premièrement, on cause un
préjudice au travailleur, parce qu'on le fait promener à gauche
et à droite; deuxièmement, on l'envoie au travail alors qu'il est
inapte. Les décisions administratives qui sont parfois très
longues font que le travailleur est presque obligé d'aller consulter un
avocat pour démêler son cas. La chicane est prise entre le
médecin spécialiste, le médecin traitant et souvent
l'employeur. De quelle façon pourrions-nous régulariser cette
situation qui est quand même très courante?
M. Dufour: On a un peu abordé cette question ce matin, on
peut peut-être la fouiller un peu plus. Dr Lesage.
M. Lesage: II y a discussion entre médecin traitant et
spécialiste, on pourrait dire aussi médecin du travail dans
l'industrie et médecin de la CSST, médecin que l'employeur
consulte comme expert. Parmi tous ces médecins, il peut y avoir des
oppositions entre les jugements de chacun de ces médecins ou entre les
opinions exprimées par chacun de ces médecins. Le médecin
traitant connaît son patient et connaît souvent sa famille, mais
généralement ne connaît pas le milieu de travail.
C'est encore plus fréquent au niveau du
spécialiste. J'entends par là un cardiologue, un
orthopédiste qui le traite. C'est son patient, mais, si on lui demande
s'il connaît sa fonction, sa "job", son milieu de travail,
généralement, ce médecin - c'est un défaut, mais on
ne peut pas demander au médecin traitant d'aller visiter chacune des
industries selon ses patients - ne connaît pas le milieu de travail.
Le médecin de la CSST est un bonhomme qui, souvent, ne
connaît pas non plus le milieu de travail. Il connaît les
problèmes en fonction du dossier de la CSST, il prend une expertise en
voyant arriver les cas l'un après l'autre. Antérieurement,
souvent, ce bonhomme a été médecin traitant
lui-même, dans un domaine ou dans un autre. Mais le grand défaut
aussi de bien des médecins de la CSST, c'est de ne pas connaître
les milieux de travail. Ils ont leurs bureaux à la CSST, ils voient des
dossiers à cet endroit, ils jugent de cette façon. C'est encore
un grand défaut de ne pas connaître la "job" comme telle. Le
médecin responsable selon la Loi de la santé et de la
sécurité du travail, ou le médecin expert en
médecine du travail consulté par l'employeur ou par
l'employé, normalement, doit connaître... Ces gens-là ont
des capacités d'émettre des opinions - quand on connaît le
milieu de travail et qu'on est spécialisé dans le domaine de la
médecine du travail - sur un état de santé en fonction
d'un travail.
Je pense que ces personnes doivent être les personnes
consultées pour savoir si la fonction dont on parle est bien
adaptée à l'état de santé de ce monsieur ou si ce
dernier est adapté à la fonction qu'on décrit. Je pense,
à ce moment-là, que le médecin traitant ne devrait pas
s'offusquer du fait qu'un médecin qui est dans l'industrie même et
qui connaît le milieu de travail dise: Vous me renvoyez ce patient
à l'ouvrage et je pense qu'il n'est pas apte à l'accomplir. Je
vais vous donner un exemple: un monteur de lignes à Hydro-Québec
monte dans des pylônes et c'est une "job" dangereuse. Il fait un
infarctus. Souvent, trois ou quatre mois après un infarctus, quelqu'un
peut retourner dans bien des fonctions. Mais, pour un monteur de lignes, c'est
autre chose, parce que ce travail doit être analysé en fonction de
cet individu. C'est de là que part la chicane. Je ne sais pas s'il y a
chicane, parce que, dans le fond, c'est un manque de communication et un manque
de consultation l'un envers l'autre. C'est ce qui arrive. Mais je ne pense pas
qu'il y ait autre chose que cela. (15 h 30)
M. Maltais: Cela en est certainement un, parce que,
régulièrement, nous, les députés, on doit faire
face à ces cas-là et ce n'est pas toujours facile. Ce matin, dans
votre mémoire, vous avez parlé - et vous en avez parlé
aussi un peu au début de votre intervention, M. Dufour - des artisans et
des problèmes que cela vous causait, parce que vous en aviez la
responsabilité. Ils vous arrivaient sans que vous les connaissiez
souvent. Et on sait que cela cause des ennuis aux entrepreneurs. De quelle
façon verriez-vous cela? De quelle façon ces gens-là
pourraient-ils être assujettis à la Loi sur les accidents du
travail, parce que ce sont des travailleurs qui ont des droits? Et vous, cela
vous cause un préjudice aussi, parce que souvent ces artisans-là
travaillent sans que vous les connaissiez, au moins la première
journée. Ensuite, ils sont inscrits au "payroll", mais, la
première journée, vous ne savez pas qu'ils travaillent pour vous.
Quelle solution verriez-vous pour permettre à ces gens-là
d'être couverts par la Loi sur les accidents du travail, mais aussi pour
qu'il y ait quand même un certain minimum de justice vis-à-vis de
l'employeur?
M. Dufour: Écoutez, là-dessus, notre position est
très claire. On considère que la Loi sur les accidents du
travail, la loi 42 éventuellement, doit être ouverte aux artisans.
Si vous avez remarqué, dans notre mémoire, on demande d'enlever
la notion de travailleur autonome, parce qu'elle est tellement vague, cette
notion, et elle crée tellement de problèmes. Ce matin, on a
parlé de camelots; on a aussi parlé de camionneurs en vrac. Mais
cela ouvre toutes les notions, par exemple, de livreurs de lait, de pain, qui
sont autonomes, qui ont un lien indirect avec l'entreprise, mais qui souvent
aussi peuvent embaucher des jeunes comme aides, etc. Alors, on demande que la
notion de travailleur autonome soit retirée du projet de loi et qu'on en
revienne plutôt à une notion qu'on a enlevée de la loi qui
est la notion d'artisan, mais qu'on retrouve dans d'autres lois; qu'elle soit
reprise dans son contexte général. On sait tous ce qu'est un
artisan, c'est quelqu'un d'autonome. On veut qu'il soit couvert par la loi,
mais, à ce moment-là, comme un gérant d'entreprise peut
l'être, un propriétaire d'entreprise couvert par les avantages de
la loi, mais il paie les primes; il a ses unités et ses classifications.
Il est une unité d'emploi à l'intérieur des 625 qui sont
là ou à peu près. Ce qui fait que, s'il y a un
problème dans l'unité qui s'appellerait, comme hypothèse,
unité camionneur en vrac ou unité camelot, à ce
moment-là, le risque soit celui de ces gens. Le principe, je le
rappelle, c'est celui qu'on émettait ce matin. On ne peut pas, comme
employeur, être responsable de gens sur lesquels on n'a aucun
contrôle quant à la prévention. Alors, tous ces
gens-là, sur lesquels il n'y a aucun contrôle direct de
l'employeur, devraient être exclus de la responsabilité de
l'employeur, mais pas exclus de la loi, et devraient bénéficier
des avantages de la loi. C'est clair.
M. le Président, si vous me le permettez, dans le cas
précis, on reviendrait à ce qui existait avant les amendements
à la Loi sur les accidents du travail, la loi 14 de 1978. C'était
carrément la situation qui prévalait.
M. Maltais: Merci. Vous avez dit aussi, dans la même veine,
que les artisans... Vous avez aussi parlé de l'indemnisation des
étudiants que les entrepreneurs embauchent l'été.
Lorsqu'il est temps de les indemniser, finalement, il y a le profil de
carrière, etc. Est-ce que cela ne peut pas rendre un peu plus prudents
les entrepreneurs vis-à-vis de l'embauche des étudiants? Si la
commission est aussi sévère envers l'entrepreneur et s'il n'y a
pas des critères bien établis au niveau de l'étudiant
lorsqu'il entre à l'emploi, est-ce que cela ne provoquera pas un facteur
de réticence des entrepreneurs envers les étudiants?
M. Dufour: Je suis très heureux que vous souleviez cette
question, parce qu'on l'aborde dans notre mémoire et, comme vous le
dites, on n'a pas eu le temps de toucher à tous les volets. Si le projet
de loi devait être adopté comme cela, on vient carrément de
décourager l'emploi des étudiants alors que tout le monde essaie
de promouvoir l'embauche des étudiants. Les gouvernements se lancent
dans les programmes d'embauche des étudiants. Et, je veux bien le
préciser aussi, on n'est pas contre le fait, et c'est l'article 49,
quand il s'agit d'un étudiant qui est un travailleur, il devrait
être indemnisé selon la loi actuelle, le nombre d'heures qu'il
fait... Ce n'est pas là-dessus qu'on s'interroge, c'est sur l'article 49
où la commission peut déterminer le droit du travailleur à
cette indemnité pour une durée plus longue que celle de son
incapacité en tenant compte, d'une part, de la perte d'un emploi qu'il
aurait occupé, n'eut été de sa lésion
professionnelle et du retard qu'il subit dans ses études. C'est surtout
la perte d'un emploi qu'il aurait occupé, n'eut été de sa
lésion professionnelle. Si on veut approfondir, on peut dire qu'on va
assurer le profil de carrière d'un étudiant jusqu'à 65
ans. À sa face même, c'est un article qui vient de
décourager l'embauche des étudiants. On ne sait jamais ce qui
peut arriver. Personne ne peut prévoir un accident. Alors, vous avez
parfaitement raison de souligner cela. C'est une de nos craintes. C'est dit
dans notre mémoire que cela va carrément décourager
l'emploi des jeunes.
Je voudrais revenir à votre question précédente sur
le travailleur autonome ou l'artisan, parce qu'on a dit qu'on devrait
plutôt parler d'artisan. Il y a un principe qui devrait quand même
prévaloir. Il aurait la protection qu'il veut bien avoir, dans le sens
que c'est lui qui paie; en lui payant tant les 100 $ de masse salariale, il
assurerait la protection qu'il veut bien avoir. On ne lui impose pas un
maximum, on propose qu'il y ait vraiment une relation entre son désir
à lui et la couverture.
Le projet de loi 42 fait quelque chose d'inacceptable pour les
employeurs, en disant: S'il est un artisan, un travailleur autonome qui ne fait
que quelques heures de travail par semaine, quand on arrivera pour le
compenser, on le compensera en tenant compte du salaire fait par un travailleur
de la même catégorie dans la région. Mais c'est un gars
à temps plein. Même les travailleurs à temps partiel, il
n'y en aura plus. Non seulement il n'y aura plus d'étudiants, mais il
n'y aura plus de travailleurs à temps partiel, si on applique de
façon automatique la règle du salaire minimum ou la comparaison
avec une catégorie semblable dans la région pour la personne qui
fait cinq ou dix heures par semaine. Si cette personne est obligée
d'accepter le salaire minimum, on vient de décourager totalement
l'emploi à temps partiel. Pour certains, cela pourrait faire l'affaire,
mais, à ce que je sache, la politique actuelle du gouvernement du
Québec est justement d'encourager le travail à temps partiel, et
on le décourage par cette mesure.
M. Maltais: Tout à l'heure, Me Lesage a parlé un
peu du fait qu'il pouvait y avoir de la fraude dans le système, des deux
côtés. Cela arrivait et c'était très occasionnel. Ce
matin, vous avez parlé de la récupération des montants et
vous avez dit, à un moment donné: La CSST ne perçoit pas
son dû. Lorsqu'elle le perçoit, malheureusement, l'employeur en
est pénalisé de temps en temps. Il faut bien comprendre
qu'à partir du principe où il y a très peu de cas de
fraude, comme vous l'avez dit, souvent, ce sont des erreurs administratives,
mais on ne peut pas dire que, régulièrement, ce soient des
erreurs administratives. Comment, en vertu d'un principe de loi, peut-on
pénaliser quelqu'un qui n'a pas participé à l'acte, si la
commission se trompe régulièrement? On a vu, à un moment
donné, aux premières séances de la commission, qu'on
payait même des décédés. Alors, cela peut arriver
qu'on paie des gens bien portants aussi. Par exemple, du fait que la CSST ou le
gouvernement ne soit pas responsable de la récupération, cela
n'éviterait-il pas certaines erreurs qui se répètent
continuellement?
M. Dufour: Me Lavallée.
M. Lavallée: À partir du moment où est
inscrit dans la loi le fait que le montant payé en trop n'est pas
récupéré, la commission qui administre la loi n'a plus le
choix, même pour une erreur administrative.
Lorsqu'un individu doit recevoir un paiement de la CSST pendant un
certain temps, surtout avant le projet de loi 42, avec le régime du
38.4, lorsque l'individu reçoit une rente à vie, s'il y a une
erreur dans le paiement, il va recevoir une autre série de
chèques par après. Ce n'est pas injuste envers lui de l'informer
qu'il a reçu trop d'argent et que les prochains chèques vont
corriger la situation. Mais, présentement, on nous dit: La loi nous
défend de faire une répétition de l'indu. Il est temps de
changer la loi pour permettre de corriger une erreur administrative au moins
dans les cas où il y a d'autres paiements à venir, afin qu'il y
ait compensation par rapport au montant payé d'avance, si vous voulez,
le montant payé en trop par rapport à ce qui reste à
payer.
M. Maltais: Alors, d'après vous, cela devrait être
celui qui reçoit le montant en trop qui rembourse la CSST.
M. Lavallée: Comme je vous dis... M. Maltais: Le
surpayé.
M. Lavallée: Je vais au minimum dans les cas où il
y a encore de l'argent à lui être payé. Pourquoi, à
ce moment, n'y aurait-il pas une compensation? Au fond, s'il doit recevoir 20 $
par semaine pendant un an et qu'il reçoit 100 $ la première
semaine, eh bien! il a reçu les cinq premières semaines. On ne le
pénalise pas en disant, en l'informant qu'il y a eu erreur et que les
paiements reprendront quand... Il y a au moins cette
récupération. Mais, présentement, on nous dit: La loi ne
nous permet pas de faire cela. Je pense qu'il y a des minimums. Vous faites une
erreur quelque part, une erreur dans la paie de l'employé, vous la
corrigez la semaine suivante. Si elle est en plus ou en moins, cela se corrige.
Alors, s'il y a des erreurs semblables, c'est la même chose. Dans les cas
où il y a des montants qui continuent d'être dus à
l'individu, la compensation n'est sûrement pas injuste.
Le Président (M. Jolivet): Je pense que c'est M.
Beauregard qui interviendra maintenant.
M. Beauregard: Oui, s'il vous plaît! Je vais ajouter
à cela, M. le Président, qu'en termes de
récupération des sommes payées en trop, un des
problèmes majeurs qui risque de se poser se situe au niveau du paiement
des quatorze premiers jours. Si - c'est l'hypothèse du projet de loi -
c'était l'employeur qui devait payer les quatorze premiers jours, M.
Fréchette a dit hier que, pour éviter d'alourdir l'administration
de la CSST, il n'y aurait pas, à toutes fins utiles, une enquête
très approfondie sur ces cas des quatorze premiers jours.
Or, dans le même sens, ce matin, on disait: On ne parle pas de
fraude, mais on parle d'un système qui risque d'inciter les gens
à essayer un paquet de choses. Alors, l'absence d'enquête risque
de faire en sorte que le paiement des quatorze premiers jours ne sera jamais
redemandé au travailleur même si la commission avait de bonnes
raisons de ne pas payer ces quatorze premiers jours.
Le Président (M. Jolivet): M. Dufour. M. Dufour: Un
cas très précis.
M. Lesage: Je vais vous donner un exemple. Souvent, cela aide
à comprendre. Ce serait l'exemple d'un travailleur qui a une main qui
engourdit. Cela peut arriver; cela arrive avec les phénomènes de
ce qu'on appelle canal carpien, c'est-à-dire problème du nerf
radial dû à des mouvement répétitifs ou des choses
semblables. Disons que c'est relié au travail. Ce travailleur
arrête de travailler à cause de cette main et les problèmes
que cela pose. On fait des investigations. Au bout d'une semaine ou deux, on
découvre que ce n'est pas dû à cela, mais à ce qu'on
appelle un défilé thoracique, une malformation congénitale
et cela n'a aucun rapport avec le travail. Pendant quinze jours, il a
été payé. Est-ce que ces montants doivent être
déduits de la CSST? Le travailleur est venu dire - il avait raison de
vouloir le prétendre - J'ai une main qui engourdit, je pense que c'est
dû à mon travail. Il a rempli une formule, puis il y a eu
investigation et c'est simplement après qu'on découvre que cela
n'a pas de rapport avec le travail. Je ne sais pas si cela vous donne un
exemple de ce qui peut se produire.
M. Maltais: D'accord. Ce matin, particulièrement, M.
Beaulieu, finalement, est tombé les bras par terre. Il parlait au nom de
la PME en disant que, s'il fallait que le projet de loi 42 soit appliqué
dans ses articles actuels, il serait très néfaste pour la PME. M.
Beaulieu, il vous reste à peu près trois ou quatre minutes,
j'aimerais que vous nous glissiez un petit mot sur les effets immédiats
dans vos entreprises.
Le Président (M. Jolivet): M. Beaulieu.
M. Beaulieu: J'ai mentionné ce matin les différents
effets que la loi actuelle, si elle était adoptée de la
façon dont elle est rédigée, causerait; ce seraient, en
tout cas, des embêtements aux entreprises. Nous retrouvons cela dans la
multitude des projets de loi que la PME a eu à subir depuis quelques
années. Je disais ce matin que, pour administrer nos entreprises, cela
prendrait un conseiller en relations industrielles, un avocat. Cela va prendre
aussi un gars pour
démêler les accidents du travail, à part le
comptable.
(15 h 45)
En plus de cela, cela implique des coûts que la petite entreprise
ne peut se permettre, comparativement à l'entreprise bien
organisée. Je parle des PME. Effectivement, j'ai mentionné aussi
ce matin que les articles de la loi que l'on propose et dont les effets n'ont
pas été calculés, menacent d'augmenter - on en est certain
-les coûts de façon démesurée. Il est certain qu'on
va encore payer.
Toutes ces lois sur la PME rendent le travail des PME de plus en plus
difficile, l'obligent à participer à cette administration,
à trouver du personnel pour remplir les formulaires, pour donner des
renseignements aux fonctionnaires qui ont à administrer ces lois. Tout
cela n'est pas pour aider la PME. De plus, quand vous êtes
préoccupé par la question du travail au Québec, par
exemple, qu'on doit être compétitif, toutes ces charges font que,
dans un temps où il y a, il faut bien le dire, récession, on ne
cherche pas à augmenter les charges, on tend plutôt à les
diminuer. Sous cet angle, en ajoutant ce que j'ai dit ce matin, c'était
le sens de mon intervention.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre, vous
avez jusqu'à 16 heures.
M. Fréchette: Merci, M. le Président. Je pense que,
depuis 10 heures ce matin, nous avons effectivement, à certains
égards, en tout cas, fait un bon bout de chemin sur certains aspects du
dossier. Il en est deux que je veux tenter d'identifier et à propos
desquels il me semble y avoir eu des avenues possibles de changement de cap par
rapport à la situation actuelle. Vous avez peut-être compris que
je me réfère à l'instauration, à la mise sur pied
de cette éventuelle commission d'appel externe. Là-dessus, je
pense qu'on a fait un assez bon bout de chemin, du moins quant au principe.
Ce serait la même chose, me semble-t-il, au niveau de l'assistance
médicale. Je comprends que ce sont les modalités qu'il faudrait
réévaluer, qu'il resterait à compléter et à
moderniser, mais il y a au moins sous ces deux angles des possibilités
de se rencontrer quelque part. C'est d'autant plus important de le retenir que,
jusqu'à maintenant, les gens qui sont venus soumettre leur argumentation
à propos de la loi ont rejoint aussi ces deux aspects.
Je voudrais simplement faire une couple de petits commentaires à
propos de deux articles précis de la loi, sur lesquels M. Dufour a
attiré notre attention, en voulant démontrer les pouvoirs '
discrétionnaires qui sont accordés à la commission. Il a
fait référence à l'article 35 qui est cet article qui
prévoit que "la commission décide si le travailleur est atteint
d'amiantose ou de silicose en tenant compte du diagnostic établi par le
comité spécial". Je voudrais essentiellement vous dire ceci et
essayer de préciser pourquoi cette disposition est dans la loi: Dans les
discussions préliminaires que nous avons eues avec des intervenants,
plusieurs nous ont dit: Nous serions disposés à faire en sorte
que, lorsqu'un diagnostic est rendu par un deuxième comité de
pneumoconiose, nous serions disposés à accepter que le diagnostic
rendu par la deuxième instance médicale soit un diagnostic final,
dont personne ne pourrait appeler. Des gens nous ont dit cela. Sauf qu'à
la recherche et à l'étude on se rend bien compte qu'il y aurait
des risques sérieux que cela vienne à l'encontre de certaines
autres dispositions législatives. Il fallait donc laisser dans la loi un
mécanisme qui permette à l'une ou l'autre des parties,
insatisfaite de la décision médicale, de pouvoir la soumettre
à l'appréciation d'une autre instance. Comme vous ne pouvez pas
en appeler d'un diagnostic médical, il fallait que quelqu'un, quelque
part, rende une décision pour qu'il soit possible d'en appeler de cette
décision. C'est le seul motif pour lequel la disposition est
là.
L'autre inquiétude que vous avez soulevée est
l'imprécision des termes "en tenant compte de". Nous tenons pour acquis
que les termes "en tenant compte de" sont suffisamment clairs pour lier la
commission sur le diagnostic médical rendu par la deuxième
instance. Vous avez avec vous des avocats compétents qui sont
habitués à l'étude des textes de loi. Si vous avez
à nous suggérer une formulation législative qui ferait en
sorte qu'on trouverait une autre façon de s'exprimer pour lier la
commission au diagnostic médical, nous sommes tout à fait ouverts
à cet égard. Retenez que c'est strictement pour permettre l'appel
du diagnostic, sans quoi il n'y aurait pas d'appel possible; ce n'est pas un
organisme quasi judiciaire qui rend un diagnostic médical.
Une autre petite observation au sujet de votre commentaire à
l'article 26, M. Dufour. Je voudrais - encore là, vos conseillers
juridiques vont pouvoir me dire si mon évaluation est correcte ou pas -
attirer votre attention sur le fait que "bénéfice du doute" et
"présomption", devant un tribunal, n'ont pas nécessairement la
même signification et n'ont pas non plus les mêmes exigences. Je
mets cela sur la table pour les fins de la discussion, si vous le jugez
utile.
Ce matin, dans votre argumentation, je pense, vous avez fait un
parallèle, un corollaire entre les dispositions du retrait
préventif qu'on retrouve dans la loi 17 et celles qui sont introduites
dans le projet de loi 42. Je voudrais simplement vous demander ceci en termes
d'interprétation: est-ce qu'on ne pourrait pas s'entendre,
lorsqu'on se réfère au retrait préventif dans la
loi 17, pour dire qu'il s'agit de faire en sorte d'éviter que quelqu'un
ne devienne malade ou ne soit plus susceptible d'avoir un accident alors que,
dans le projet de loi 42, il s'agit du retrait d'un travailleur ou d'une
travailleuse qui manifeste déjà des symptômes de maladie
professionnelle pour lesquels un professionnel de la santé a émis
un certificat attestant qu'il y avait des traces de maladie professionnelle?
Est-ce que mon interprétation est la bonne ou si ce n'est pas comme cela
qu'il faut lire les textes?
M. Dufour: Au-delà des réalités juridiques,
on a l'impression que, sans vouloir amender la loi 17, vous l'amendez par le
projet de loi 42. C'est un peu un panier de crabes, la loi 17, on pourrait en
discuter beaucoup. Là, vous ajoutez drôlement à la loi 17
par le projet de loi 42. C'est toute la question du refus de travail, en somme,
qui est posée. Non, je pense que c'est très clair ce que l'on
dit. Vous projetez ici, même dans l'interprétation que vous
pourriez donner, quelque chose qui serait inacceptable parce qu'il n'y a aucune
balise. Au moins, on est sûr qu'avec la loi 17 sur la santé et la
sécurité du travail il va y avoir un règlement;
d'ailleurs, on en a commencé un, c'est le règlement sur le plomb.
Présentement, on le débat. Tout le monde ne s'entend pas sur les
critères. On discute sur celui sur la silicose et l'amiantose. Il y a au
moins des balises que vous retrouvez dans la loi 17 et que vous ne retrouvez
pas ici.
M. Fréchette: On regarde la même situation sous des
angles différents, finalement.
M. Dufour: Très différents.
M. Fréchette: M. Dufour, il y a une autre question qui a
été soulevée hier avec passablement d'insistance et
d'emphase par la Fédération des médecins
spécialistes. Les médecins spécialistes nous recommandent
que, lorsqu'un travailleur ou une travailleuse accidentée consulte un
médecin, après ce qu'il croit être un accident du travail,
si ce travailleur ne demande pas que le rapport de ces constatations faites par
le médecin traitant soit transmis à la commission, la commission
n'ait pas le pouvoir de l'exiger. Je ne sais pas si je suis suffisamment clair
quant à la façon de présenter la question. Cela
m'apparaît important dans l'ensemble de la loi. Comme cela nous a
été soulevé hier par des gens qui, quotidiennement, ont
affaire à ce genre de situation, j'aimerais connaître la position
de votre organisme à cet égard?
M. Dufour: La confidentialité n'est pas une question qu'on
a regardée. Vous demandez une réponse séance tenante?
M. Fréchette: Non. Je pourrais vous demander de le
regarder.
M. Dufour: C'est que, dès que vous touchez au
médical, c'est très complexe. Je sais bien qu'hier on ne donnait
pas tous la même interprétation à la suggestion que vous
faisait la Fédération des médecins spécialistes du
Québec quant à son comité d'experts. Pour elle, un
comité d'experts, c'était un juge; alors que, pour nous, c'est
toujours trois. On utilise les mêmes termes, mais on ne parle pas de la
même réalité. J'aimerais, à moins que Michel...
M. Lesage: M. le ministre, est-ce que je comprends bien que la
Fédération des médecins spécialistes aurait dit que
la commission ne pourrait pas obliger un médecin traitant à
envoyer un rapport d'un travailleur qui a déjà fait sa
réclamation...
M. Fréchette: C'est le travailleur qui se présente
pour la première fois chez le médecin après ce qu'il croit
être un accident du travail ou l'apparition d'une maladie professionnelle
- pour la première fois, entendons-nous bien - et qui dirait au
médecin: Je n'ai pas l'intention de faire de réclamation
d'indemnisation ou de toute autre nature; n'envoyez pas le rapport de vos
constatations à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Dans l'état actuel du projet de loi,
malgré une interdiction, une demande faite par le patient à son
médecin, la commission aurait le pouvoir de réclamer du
professionnel de la santé un rapport des constatations qu'il a faites.
Ce qu'on nous suggère, c'est que, lorsque le travailleur n'insiste pas
ou déclare très clairement qu'il n'a pas l'intention de produire
de réclamation, la commission ne devrait pas avoir le pouvoir de
réclamer ou d'exiger du médecin traitant le rapport de ce
patient.
M. Lesage: La seule chose que je peux dire, M. le ministre, c'est
que, s'il n'y a pas eu de réclamation, s'il n'y a pas eu une demande
faite sur une formule, je ne vois pas comment la commission serait mise en
cause pour pouvoir exiger un rapport puisqu'elle l'ignorerait
légalement.
M. Fréchette: La préoccupation qu'avait la
commission - je suis tout à fait conscient de la difficulté que
vous soulevez - et le motif pour lequel c'est dans la loi, c'est que le
travailleur peut bien se présenter chez son médecin et dire: Ne
soumettez pas de rapport à la commission, je n'ai pas l'intention de
produire de réclamation. Il quitte le bureau de son médecin. Deux
mois, trois mois, cinq mois après, il arrive de
vraies séquelles de ce qui apparaissait au début comme
étant tout à fait bénin ou tout à fait
négatif. Si la commission n'a pas en main les premières
constatations, il y a un risque de préjudice pour celui qui se verrait
affecté par un accident ou par une maladie.
M. Dufour: Est-ce que cela arrive?
M. Fréchette: Cela doit arriver puisque les
médecins nous demandent que cela ne se fasse plus. Cela doit se
produire.
M. Dufour: Je pense qu'on va le regarder, si vous le permettez,
M. le ministre.
M. Fréchette: Vous l'avez peut-être d'ailleurs plus
clairement exprimé dans le rapport des médecins. Une
dernière question quant à moi, M. le Président. M. Dufour,
vous avez fait état - et je pense que c'est utile de revenir
là-dessus souvent - de la question des coûts de l'ensemble du
projet de loi 42. Je vous signale qu'avant vendredi nous mettrons à la
disposition autant des membres de la commission que de toutes les parties
intéressées ces autres détails que vous réclamez
avec insistance et justesse. Je voudrais vous poser une question sous l'aspect
suivant. Vous siégez au Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre, vous avez eu l'occasion depuis plusieurs années
maintenant de regarder un certain nombre de projets en relation avec la refonte
de la Loi sur les accidents du travail. Vous nous avez également
parlé des premiers chiffres qui vous avaient été soumis:
150 000 000 $ au début et cela a diminué au fur et à
mesure que les projets vous étaient acheminés.
Voici la seule chose que je voudrais vous entendre préciser et
à propos de laquelle j'aimerais que vous me disiez si j'ai tort ou
raison: ai-je raison de penser qu'à partir de toutes les
évaluations qui ont été faites, la partie patronale au
conseil consultatif a convenu - je ne sais pas à la suite de quelle
discussion ou à la suite de quelle évaluation - qu'elle serait
disposée à envisager une réévaluation de la Loi sur
les accidents du travail, mais que cette évaluation ne devrait, pour
aucune espèce de considération, engendrer des coûts
additionnels qui dépasseraient 25 000 000 $.
M. Dufour: C'est tout à fait clair, tout à fait
précis, vous êtes très bien informé.
M. Fréchette: Merci, M. Dufour.
M. Dufour: Je voudrais quand même, sur l'article 35, dire
que les précisions que vient d'apporter le ministre sont importantes et
que c'est évident qu'il y a un problème de rédaction de
cet article; il faudra le réécrire au complet si on veut aller
dans le sens où vous l'avez mentionné.
À M. Maltais, qui n'est plus là, mais qui se
préoccupait tantôt des cotisations et des paiements indus à
la CSST, je pourrais peut-être, à la blague, dire que, quand le
ministère du Revenu rembourse en trop, il récupère et
vite. Ce genre de problème ne se pose pas.
Une suggestion qu'on voudrait faire en terminant - ce serait notre
conclusion en remerciant les membres de la commission parlementaire de nous
avoir entendus depuis ce matin - serait celle-ci. En écoutant le
ministre, après les interventions de M. Cusano, de M. Polak, de M.
Maltais, de M. Beaulieu, on peut dire que tout le monde disait que c'est un
article complexe, un article auquel on peut donner deux ou trois sens. Vous
venez vous-même, M. le ministre, de dire qu'il faudra rédiger
trois ou quatre articles parce qu'on n'a pas nécessairement la
même compréhension. Voici l'objectif. Nous aurions une suggestion
originale à faire; je ne sais pas si elle peut passer par le tamis de
l'Assemblée nationale. Lors de l'étude en commission
plénière, vous devriez vous adjoindre un banc d'experts. Bien
sûr, le parti de l'Opposition et le Parti québécois aurait
leurs propres experts; on les connaît bien du côté
gouvernemental, on les connaît peut-être moins du côté
de l'Opposition. Il reste que ce n'est pas un projet de loi qu'on peut regarder
en partant de l'analyse de textes juridiques. Cela réfère
à des situations de travail absolument importantes tant pour les
travailleurs que pour les entreprises. Ce banc d'experts, pour nous, ne serait
pas un banc qui aurait un caractère politique, il serait nommé
sur recommandation des membres du CCTM.
Vous êtes, bien sûr, libres, comme devant toute autre
suggestion, d'y donner suite ou pas, mais nous en avons un certain nombre
à vous proposer. Nous vous proposerions cinq personnes, sachant
pertinemment qu'en en nommant cinq vous en auriez peut-être trois qui
siégeraient avec vous, ce qui vous permettrait vraiment de mesurer dans
le concret la portée des articles que vous allez être
appelés à discuter. Autrement, on ne peut que vous souhaiter
bonne chance et vous dire: On va se rencontrer devant les tribunaux. Ce n'est
pas possible! C'est donc la suggestion que nous voulions faire en
terminant.
M. Fréchette: Est-ce que je peux dire un mot sur la
suggestion?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sur la
suggestion.
M. Fréchette: M. Dufour, c'est vraiment une suggestion
originale et que j'entends, quant à moi, pour la première
fois.
Permettez qu'à ce stade-ci je la prenne sous réserve,
peut-être simplement en demandant une information additionnelle. Vous me
parlez d'un banc d'experts de cinq personnes, avez-vous dit. Il faudrait
peut-être penser à la composition d'un tel éventuel banc et
c'est là-dessus que je voudrais vous laisser.
M. Dufour: Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Dufour, ainsi
qu'à ceux qui vous accompagnent.
Je vais suspendre quelques instants mais, avant de suspendre, j'aimerais
mentionner à ceux qui sont ici avec nous que nous avons des normes
à respecter: nous devons avoir un maximum de 50 personnes. Nous devons
donc nous excuser auprès des gens et, en conséquence,
peut-être que les gens qui ont comparu devant nous pourraient laisser la
place aux travailleurs qui veulent assister à la présentation du
mémoire de la Fédération des travailleurs du
Québec. Je vous prie donc de vous approcher et, en attendant, je suspens
pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 5)
(Reprise de la séance à 16 h 11)
Le Président (M. Jolivet): La commission reprend donc ses
travaux, cette fois-ci avec la Fédération des travailleurs du
Québec dont le président, M. Louis Laberge, est présent.
Je vais lui demander, avant qu'il donne lecture de son mémoire, de faire
la présentation des gens qui l'accompagnent. Je dois dire aux membres de
la commission qu'il y a une addition au mémoire qui vous a
été remis durant la suspension. M. Laberge, vous avez la
parole.
FTQ
M. Laberge (Louis): Merci, M. le Président. Je vais
d'abord vous présenter les gens qui m'accompagnent. À ma gauche,
au bout de la table, M. Guy Perreault, responsable à la FTQ de la
santé et de la sécurité, particulièrement en ce qui
a trait aux représentants qui siègent au conseil d'administration
de la CSST, les associations sectorielles, etc.; M. Claude Ducharme,
vice-président de la FTQ, représentant des Travailleurs unis de
l'automobile; M. Clément Godbout, vice-président de la FTQ,
directeur au Québec des Métallos, qui siège aussi au
conseil d'administration de la CSST; M. Émile Boudreault qui, je pense,
était là avant l'avènement de la première loi sur
les accidents du travail. En tout cas, il a suivi cela de près. On n'a
pas les moyens, nous, comme le patronat, d'avoir 100 experts. On en avait 1 ou
2 bons. À ma droite, M. Jean-
Marie Gonthier, maintenant responsable du dossier
réclamation-formation dans le domaine de la santé et de la
sécurité; M. Robert Bouchard, directeur du service de la
santé et de la sécurité à la FTQ; M. Claude
Morrisseau, vice-président de la FTQ, membre du conseil d'administration
de la CSST, directeur au Québec du Syndicat canadien de la fonction
publique. En arrière de nous, des gens d'un peu partout, de nos
syndicats, particulièrement les Métallos, le SRP, le commerce,
l'automobile et plusieurs autres qui se trouvaient bien
désappointés de se voir obligés d'attendre à la
porte, parce qu'il y en a qui ont fait un très long trajet pour venir
assister aux travaux de la commission. Ils sont des plus
intéressés. On a des gens de la région de Thetford, des
mines d'amiante et tout cela. Et je n'ai pas besoin de vous dire qu'ils sont
des plus intéressés aux travaux de la commission.
Sans plus de préambule, M. le Président, je ne pense pas
qu'on devrait donner une longue explication de ce qu'est la FTQ, mais, tout de
même, il est peut-être bon de se rappeler que la FTQ
représente 400 000 travailleurs et travailleuses au Québec.
Malgré la crise économique que nous traversons - je dis que nous
traversons, parce qu'on ne l'a pas encore traversée - l'an dernier, 350
000 travailleurs et travailleuses ont payé des cotisations à la
FTQ. On connaît le chômage dans la construction. Par exemple, on
sait qu'il y a 50% de chômage et, chez les Métallurgistes unis
d'Amérique, il y a eu énormément de chômage. Alors,
350 000 travailleurs...
Donc, je pense que nous sommes bien placés pour parler au nom de
ces travailleuses et travailleurs, particulièrement parce que nous
représentons les travailleuses et les travailleurs dans à peu
près tous les secteurs jugés prioritaires par la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Voici une petite
idée des gens que nous représentons: mines, métallurgie,
pâtes et papiers, forêt, vêtement, construction, production
et distribution d'électricité, arts graphiques, automobile,
aéronautique, en un mot, l'ensemble du grand secteur de l'industrie
manufacturière. Et aussi, nous sommes majoritaires chez les travailleurs
syndiqués de l'alimentation, de la consommation courante, du commerce,
du secteur municipal, du secteur des communications, y compris la
télécommunication, du spectacle, de la radiodiffusion, du secteur
du transport (air, mer, terre) ainsi que chez les fonctionnaires
fédéraux, les facteurs et les postiers.
M. le Président, je dois vous dire que c'est une décision
unanime des travailleuses et des travailleurs qui sont dans des emplois sous
juridiction fédérale; non seulement les employés du
gouvernement fédéral, mais par exemple, ceux du transport par
air, par terre
et par mer voudraient être couverts par la loi 17 et par la Loi
sur les accidents du travail. Pour nous, c'est d'une importance capitale. Je ne
pense pas que ce soit inutile de se souvenir de ce que disait le livre blanc en
ce qui a trait à la réparation des accidents du travail, qui a
été publié le 19 octobre 1978. Cela exposait la politique
québécoise de la santé et de la sécurité des
travailleurs. Cela ne traitait que très brièvement de la
réparation des accidents du travail et des maladies
professionnelles.
Dans la première partie du livre blanc traitant de la situation
actuelle, aux pages 175 à 178, le gouvernement faisait
l'évaluation du système alors en vigueur en soulignant les
lacunes suivantes:
Seuls les travailleurs des mines et carrières victimes
d'amiantose et de silicose jouissaient d'un certain régime de
remplacement du revenu et il fallait considérer que tel principe puisse
s'appliquer à tous les travailleurs qui sont régis par la loi
générale dont les dispositions fondamentales sont nettement
dépassées.
La Loi sur les accidents du travail n'offre pas la possibilité de
procéder à une véritable indemnisation des dommages subis
par l'individu. Le livre blanc parlait de surcompensation dans certains cas
alors que, dans d'autres cas, il y a non seulement sous-compensation, mais
injustice.
L'exclusion de certaines catégories de travailleurs.
Compensations inadéquates aux personnes à charge.
La difficulté pour le travailleur victime d'une maladie
professionnelle de démontrer le lien de cause à effet.
La Loi sur les accidents du travail fait peu de place à la
réadaptation sociale. Nous allons insister beaucoup sur cette question
de réadaptation au cours de la présentation de ce
mémoire.
Enfin, "il nous appartient maintenant de procéder à une
révision en profondeur du système actuel afin de lui donner des
moyens justes et modernes de remplir sa mission."
Dans la partie du livre blanc de 1978, traitant du régime
proposé, le gouvernement, encore là, ne traitait de la
réparation que très brièvement. Mais, il énonce
quand même des principes sur lesquels une telle réforme majeure
doit reposer:
Protection du travailleur sans égard à la faute. "Toute
atteinte portée à l'intégrité physique d'un
travailleur, causée par un accident ou une maladie survenus par le fait
ou à l'occasion du travail, doit faire l'objet d'indemnisation."
Garantie, au départ, du remplacement de tout revenu d'emploi dans
une proportion qui maintient une incitation au retour au travail - on y
reviendra un peu plus tard -jusqu'à concurrence d'un maximum de
gains.
La société québécoise doit tout mettre en
oeuvre afin d'assurer au travailleur handicapé le retour à
l'emploi qu'il occupait au moment de son accident.
Même au niveau des principes généraux,
c'était très maigre comme annonce. "La FTQ regrette,
disions-nous, que des propositions précises en vue d'une réforme
majeure des régimes d'indemnisation et de réadaptation des
victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles n'aient pas pu
être formulées en même temps que les propositions
formulées par le livre blanc. La Loi sur l'indemnisation des victimes
d'amiantose ou de silicose dans les mines et les carrières ne
s'applique, comme son nom l'indique, que dans les mines et
carrières."
Depuis un dernier jugement, il faut le dire, d'un honorable juge, les
travailleurs des mines et carrières ne sont même plus
protégés. En fait, les amiantosés sont couverts s'ils sont
dans le trou, et ils ne sont pas couverts s'ils sont en dehors du trou. Comme
les fibres se retrouvent beaucoup plus dans les concasseurs etc., le transport
et tout le reste, on risque que la loi - heureusement qu'il y a des amendements
- ne couvre à peu près plus personne. Heureusement que vous nous
avez présenté ce projet de loi pour qu'on discute du sort des
amiantosés et des silicosés. C'est loin d'être rose,
cela.
La réforme annoncée par le gouvernement en novembre 1978
ne commença vraiment à prendre forme qu'à la toute fin de
l'année 1980 où nous avons eu une première version - une
première version que nous ne trouvions pas trop mal - suivie d'une
deuxième version moins bonne et d'une troisième version encore un
peu moins bonne et, finalement, on a eu celle-ci qui est vraiment pas mal moins
bonne que la première version que nous avons eue.
Dès le début de la présentation de notre
mémoire, nous voulons dire que nous sommes satisfaits de pouvoir enfin
présenter notre point de vue devant votre commission parlementaire sur
un projet de loi proposant des réformes importantes dans le domaine de
la réparation des lésions corporelles enfin déposé
par un gouvernement du Québec après avoir été
réclamé à hauts cris depuis de nombreuses années
par notre centrale.
Certains organismes, même des organismes syndicaux, ont
déjà annoncé qu'ils demanderont le retrait de ce projet de
loi. Ce n'est certainement pas l'attitude que nous prendrons à la FTQ.
Nous ne demanderons pas le retrait du projet de loi de peur qu'encore une fois
cela ne nous amène des délais épouvantables. Toutefois,
nous tenons à vous dire que nous allons vous proposer des amendements
majeurs au projet de loi parce qu'il y a des lacunes qui pourraient causer des
préjudices absolument irréparables à un grand nombre de
travailleurs. Un délai
additionnel dans l'adoption et la discussion de ce projet de loi serait
inacceptable.
Nous ne demandons pas le retrait du projet de loi, mais cela ne veut pas
dire qu'il nous satisfasse. Nous constatons que, depuis la publication du
premier projet, le projet de loi a été systématiquement
dilué d'un projet à l'autre à tel point que, dans la
formulation actuelle, il est devenu totalement inacceptable dans un nombre
important de ses composantes, à tel point que, pour plusieurs de ses
sections, ce n'est pas simplement d'amendements qu'il faut parler, mais de
réforme globale si nous voulons qu'il tienne les promesses de justice et
d'équité qui nous ont été faites par votre
gouvernement depuis qu'il a pris le pouvoir en novembre 1976.
Dans le présent mémoire, on vous soulignera sans aucun
ménagement les aspects de ce projet de loi qui ne répondent pas
à nos revendications, à nos espoirs et aux principes les plus
élémentaires de justice naturelle. Nous vous soulignerons aussi
certains de ses aspects qui créeraient des injustices encore plus
grandes pour certaines victimes de lésions professionnelles et pour
leurs dépendants que ce que nous connaissons actuellement.
Nous comptons que la reformulation qui s'impose soit faite avant le
dépôt de ce projet de loi en deuxième lecture. Si,
cependant, une telle reformulation n'était pas effectuée ou si
cette deuxième version ne répondait pas à l'essentiel de
nos revendications et ne faisait pas de cette loi une véritable loi de
réparation des lésions professionnelles, nous nous verrons
forcés de la combattre.
Il y a des changements majeurs de proposés, par exemple, mettre
fin aux pensions à vie pour un accidenté. Il y a un coût
énorme attaché à cela. Au lieu de pensions à vie,
on parle maintenant d'un montant forfaitaire, on parle maintenant de
remplacement de revenus, mais il y a un montant à vie. D'ailleurs, vous
avez déposé une liste des coûts. Nous avons eu tellement
souvent l'occasion de discuter de toutes ces choses. Je me souviens très
bien que c'était évalué entre 38 000 000 $ et 40 000 000 $
et les derniers chiffres sont 39 000 000 $. 39 000 000 $, c'est beaucoup
d'argent. C'est un prix énorme et c'est un prix que nous sommes
prêts à payer pourvu que le remplacement du revenu soit vraiment
un remplacement du revenu non pas limité à trois ans, non pas
limité, non plus, à la possibilité d'un emploi qui serait
adapté à un travailleur qui aurait suivi une période de
réadaptation etc., non pas limité, non plus, à la
possibilité de trouver un emploi acceptable et qui pourrait faire
l'affaire du travailleur même si l'emploi n'existe pas. Sur cela aussi,
on va revenir un peu plus loin.
Pour nous, l'indemnité forfaitaire de remplacement du revenu et
la réadaptation sont des points essentiels. En vertu de la loi actuelle,
les indemnités correspondant, d'après les barèmes,
à l'incapacité totale ou partielle de la victime d'une
lésion professionnelle lui sont versées sa vie durant. C'est ce
que je disais tantôt. Or, le projet de loi propose un régime en
vertu duquel il y aurait intégration avec le Régime de rentes du
Québec, ainsi que disparition graduelle de toute l'indemnité de
remplacement du revenu à partir de l'âge de 65 ans, 25% la
première année, 50% la deuxième année, 75% la
troisième année.
En ce qui concerne le montant de l'indemnité de remplacement du
revenu, la FTQ réitère sa position à savoir que la victime
d'une lésion professionnelle qui n'est pas
réintégrée à l'emploi qu'elle occupait doit
être compensée pour la totalité de la perte réelle
qu'elle encourt des suites de cette lésion professionnelle. Elle
s'oppose donc au principe des 90% du revenu net retenu, énoncé
à l'article 58 du projet de loi, ainsi qu'au principe du maximum
assurable énoncé à l'article 62. En plus de perdre parfois
un membre, en plus de perdre la jouissance de la vie, en plus de passer par des
douleurs et beaucoup de sacrifices dans certains cas, un travailleur
accidenté ne devrait pas être obligé de perdre du
revenu.
M. le ministre, nous ne croyons pas qu'une prime de retour au travail
soit souhaitable et nous trouvons, au contraire, que cela revêt un aspect
un peu odieux pour les travailleurs. La meilleure façon de s'assurer
qu'une travailleuse ou un travailleur accidenté puisse retourner au
travail, c'est de lui faire suivre un véritable programme de
réadaptation. Nous reviendrons là-dessus aussi au cours de la
présentation du mémoire. Cette travailleuse, ce travailleur, une
fois réadapté, devra retourner au travail ou se verra couper son
salaire. On n'a pas besoin d'une incitation qui vienne compliquer un peu la vie
à tout le monde. Je ne sais pas si vous avez essayé de faire le
calcul pour savoir combien cela pourrait donner, 2000 $ pour deux ans moins...
En tout cas, cela prendrait quasiment un ingénieur avec sa règle
ou les nouveaux "pitonneux" pour le calculer. Nous croyons que la meilleure
façon d'inciter les travailleuses et travailleurs accidentés
à retourner au travail, c'est vraiment la réadaptation.
D'ailleurs, M. le ministre, nous vous soumettons qu'une telle prime de
retour au travail pourrait être un cadeau empoisonné. Cela
pourrait inciter les travailleuses, les travailleurs pas tout à fait
prêts à reprendre le travail un peu trop vite et, dans ce cas, ce
n'est certainement pas à leur avantage et ce n'est même pas
à l'avantage des employeurs ou de la commission. S'ils y retournent trop
vite, il pourrait y avoir aggravation et, au lieu de les payer trois
semaines de plus avant de retourner au travail, on pourrait être
obligé de les payer de nombreux mois, sinon de nombreuses années.
Alors, cela pourrait s'avérer un cadeau empoisonné.
Évidemment, vous l'aurez retrouvé à notre
paragraphe 29, l'aspect le plus odieux de ce chapitre sur le remplacement du
revenu se situe à l'article 79 du projet de loi: "À compter de la
quatrième année suivant le début de son incapacité,
si le travailleur demeure incapable d'exercer son emploi en raison de sa
lésion professionnelle, mais qu'il est capable d'exercer un nouvel
emploi, son indemnité est réduite annuellement d'un montant
égal au revenu net retenu qu'il tire - c'est là le plus odieux -
ou pourrait tirer de ce nouvel emploi."
Tel que le projet de loi est écrit, il ne s'agit même pas
d'un emploi que la victime d'une lésion occuperait, mais d'un emploi
fictif, c'est-à-dire d'un emploi qu'elle est capable d'exercer. C'est la
négation absolue du principe de remplacement du revenu et c'est
là une proposition que la FTQ entend combattre de toutes ses forces. (16
h 30)
En théorie, il existe très peu de cas de déficits
anatomo-physiologiques qui peuvent empêcher une personne d'occuper
quelque emploi que ce soit. Un paraplégique, un cul-de-jatte ou un
aveugle peuvent occuper un emploi. Plusieurs occupent effectivement et
efficacement un emploi. Le problème dans chacun de ces cas, c'est de
dénicher un emploi approprié et ensuite de l'y adapter. Mais,
avec le projet de loi actuel tel que proposé, on peut imaginer un
travailleur qui ne peut retourner à son emploi. Par exemple, un
travailleur de la construction qui perd un bras peut difficilement retourner
à son emploi. Mais la commission pourrait décider qu'il est apte
à occuper un emploi de gardien de barrières. Or, la loi ne
prévoit pas qu'on va faire des barrières, s'il y a trop de
gardiens pour les barrières. Cela veut donc dire que, s'il est apte
à occuper un emploi de gardien de barrières et qu'il n'y a pas de
poste disponible, la commission pourrait le réduire dans sa compensation
au salaire qui serait payé à un gardien de barrières,
qu'il ait un emploi ou qu'il n'en ait pas.
Pour pousser cette hypothèse un peu plus loin, pourquoi l'agent
d'indemnisation ou de réadaptation ne déciderait-il pas que le
travailleur serait apte à occuper un poste plus lucratif que celui qu'il
avait lorsqu'il a eu son accident? La loi ne prévoit pas que vous
demanderiez au travailleur de rembourser la différence, mais il y a une
chose qui est certaine, c'est qu'il ne retirerait pas un cent pour le
remplacement du revenu. C'est absolument inacceptable.
Vous nous avez donné souvent l'occasion de discuter au cours des
années, M. le ministre, M. le Président et mesdames et messieurs
les membres de la commission, d'essayer d'égaliser le remplacement du
revenu dans toutes les lois. Nous avons un peu peur car, par ce projet de loi,
on semble vouloir le faire par le bas. Pour nous, c'est inacceptable. La FTQ
s'oppose, avec toute la vigueur dont elle est capable, à cette
égalisation par le bas proposée par le projet de loi 42 dans le
traitement des victimes de lésions professionnelles. Elle exige que le
gouvernement respecte sa promesse d'étendre les principes de
l'indemnisation des victimes d'amiantose ou de silicose dans les mines et les
carrières à tous les travailleurs du Québec qui, à
la suite d'une lésion professionnelle, quelle qu'elle soit, sont
incapables de retourner à leur ancien emploi et auxquels on ne peut pas
offrir un autre emploi approprié, compte tenu de leur
personnalité, de leurs aptitudes, de leurs capacités
résiduelles.
Évidemment, tantôt, j'écoutais les questions et les
réponses. Quand j'ai entendu une question, et surtout la réponse,
je n'ai pas pu faire autrement que de me rappeler un cas survenu tout
dernièrement, un autre miraculé amiantosé. La lettre nous
arrive à la maison, provenant de la Commission de la santé et
sécurité du travail. Je ne sais pas qui l'a envoyée, un
fonctionnaire ou un médecin, je ne sais pas. C'est le garçon qui
ouvre la lettre: Bonne nouvelle. Le comité vient de vous déclarer
absolument guéri. Vous n'êtes pas amiantosé. C'est une
maudite bonne nouvelle. Sauf qu'ils n'ont jamais été capables de
la donner au bonhomme, parce qu'ils l'avaient enterré la semaine
précédente et il était mort d'amiantose. On ne peut pas
dire que la médecine est une science exacte encore. Non, non, mais
enfin... Je ne dis pas cela pour critiquer. Ce n'est pas une science exacte.
Tout le monde fait du mieux qu'il peut, mais ce n'est pas une science
exacte.
Quand on nous parle des miraculés, il faut faire un peu
attention. Il y en a eu. Ce n'est toujours pas la faute du gars. On lui a
enlevé son permis de travail. Il n'a pas été capable de se
replacer. Qu'on lui donne des cours, qu'on le réentraîne, qu'on le
réadapte à un nouvel emploi, s'il y a des emplois disponibles,
nous sommes d'accord.
On parle toujours des travailleurs qui fraudent. Moi, je pense que c'est
la petite exception. On n'a pas le droit, dans un projet de loi, de mettre des
clauses tellement restrictives au cas où il y aurait un peu de fraude.
Qu'on les trouve, ces fraudes! Jamais la FTQ ne défendra des fraudeurs.
Mais qu'on ne mette pas de clauses tellement restrictives que ceux qui sont
justifiés de réclamer, qui devraient être compensés,
ne puissent pas recevoir leur réclamation sans trop de chinoiseries.
Nous pensons qu'il y en a déjà assez. D'ailleurs, on vous l'a dit
lors de la dernière commis-
sion parlementaire, la commission est toujours prise entre deux feux. Le
monde patronal trouve qu'elle paie bien trop et qu'elle accepte tous les cas.
Nous, on trouve qu'elle ne paie pas assez et qu'elle n'accepte pas assez de
cas. On ne fait pas simplement le dire en commission parlementaire, on le dit
tous les jours. On présente des demandes de révision tous les
jours, toutes les semaines. Je pense que c'est 70% ou 75% des demandes en
appel, en révision, qui sont déposées par nous, les
travailleurs. On pense que, dans bien des cas, il y a des travailleurs qui
devraient être compensés et qui ne le sont pas.
Il faut aussi faire attention quand on parle de travaux légers.
J'ai lu avec beaucoup d'attention le mémoire présenté par
l'Alcan, celui présenté par la General Motors, le Conseil du
patronat. La vraie réadaptation, c'est plus que l'affaire d'un
médecin. Je pense que tout le monde va reconnaître que c'est une
question multidisciplinaire et qu'il doit y avoir autre chose qu'un
médecin là-dedans.
Il nous venait à l'esprit le cas d'un travailleur de la
construction, un maître plâtrier rendu incapable d'accomplir les
fonctions de sa tâche à la suite de deux accidents du travail
à qui le service de réadaptation avait déniché un
poste de réceptionniste dans un collège fréquenté
par des adolescents. Je tiens à vous dire que le reste de la phrase, ce
n'est pas moi qui l'ai écrit, mais M. Boudreault: Cette tâche est
cruelle, dit-il. Il devint rapidement leur souffre-douleur. Au bout d'un an, il
était devenu une véritable loque nerveuse. Il devait absorber des
tranquillisants de plus en plus puissants. Son médecin l'avertit que,
s'il persistait à faire ce travail, il en subirait des dommages
irréversibles. Par ailleurs, le service de réadaptation de la
commission, après lui avoir coupé tout versement compensatoire,
l'avertit officiellement, malgré l'avis du médecin, que, s'il
quittait son emploi, il n'avait plus droit au service de
réadaptation.
Dans le mémoire, vous allez voir que l'on réclame que la
réadaptation ne devienne plus une décision de la commission, mais
que ce soit un droit pour tout travailleur accidenté, que ce soit un
droit, avec le droit d'en appeler s'il n'est pas heureux de la décision
prise par la commission. Pour la victime d'une lésion professionnelle,
la commission n'est pas le P.-D.G. et le conseil d'administration, c'est
très souvent l'agent de réadaptation, l'agent d'indemnisation;
c'est la personne qu'elle voit à la commission.
Nous allons aussi, tout au long du mémoire, vous parler du
médecin traitant. On fait trop souvent fi de l'opinion du médecin
traitant. À notre avis, le médecin traitant a un rôle
primordial à jouer dans tout ce domaine. C'est Me Lesage qui disait
tantôt - là aussi, cela m'a payé d'écouter
attentivement - que le médecin traitant ne connaît pas le milieu
de travail. Le médecin de la commission - il ne l'a pas dit, mais il
aurait pu le dire - ne connaît ni le milieu de travail ni le patient. Le
médecin de la compagnie est bien placé puisqu'il connaît le
milieu de travail, sauf qu'il ne connaît pas le patient.
Quand on parle de médecine et de lésions professionnelles,
je ne crois pas que vous soyez toujours nécessairement obligés de
connaître le milieu de travail pour déterminer si un travailleur
qui a eu une hernie ne devrait pas lever une boîte de 50 livres. On n'a
pas besoin de savoir s'il y a du chocolat dedans, des pièces
d'automobile ou n'importe quoi. On n'a pas besoin de connaître le milieu
de travail pour cela.
On essaie de nous faire croire que c'est le médecin de la
compagnie qui est le mieux placé. Nous tenons à vous dire de
façon très catégorique que nous n'admettons pas que le
médecin de la compagnie soit là-dedans. Ce n'est pas toujours le
médecin traitant. S'il y a des doutes, il devrait y avoir un
comité pour réexaminer le patient, mais pas cette révision
qui se fait - d'après nos renseignements - à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail où les
médecins de la commission regardent le dossier et prennent des
décisions en regardant le dossier, sans voir le patient. On nous dit
que, généralement parlant, s'il y a des erreurs grossières
dans le dossier, on peut comprendre cela. Généralement parlant,
ils appellent le médecin traitant - ils sont supposés appeler le
médecin traitant - et consultent d'autres experts. On sait qu'il arrive
malheureusement trop souvent que des décisions sont prises sans que le
médecin traitant n'ait été consulté ou sans que des
experts n'aient été appelés à regarder de nouveau
ce dossier et la victime.
Nous croyons, M. le ministre, que le droit d'appel est un droit
sacré. On parle, dans le projet de loi 42, de reconsidération
administrative, de révision administrative; la commission n'a pas besoin
d'une loi si elle veut envoyer quelqu'un regarder les dossiers et faire la
reconsidération administrative. On n'a pas grand-chose à dire
là-dessus. Si c'est plus qu'une reconsidération administrative,
il faudrait le savoir. Quant à nous, ce que nous demandons, c'est le
droit pour un travailleur d'en appeler à la commission comme cela se
faisait auparavant, avec les bureaux de révision. Qu'on appelle cela
reconsidération administrative, on n'y a aucune objection, pourvu que
nous ayons le droit de nous faire entendre, le droit d'amener des documents, le
droit de présenter des témoins plus, bien sûr, le droit
d'appel à la Commission des affaires sociales.
Durant toute cette période, le travailleur devrait être
indemnisé. S'il y en a
qui trouvent que les délais sont trop longs, ils pourraient
peut-être s'arranger pour qu'ils soient raccourcis. On n'a rien à
foutre avec la Commission des affaires sociales; ce n'est pas nous qui nommons
le nombre de "bancs" qu'il y a à la Commission des affaires sociales. On
sait que cela prend du temps. Mais là, personne n'est pressé
parce que personne ne paie. M. le ministre, je pense que, dans
l'intérêt de la véritable justice pour les travailleuses et
travailleurs accidentés, si le monde était obligé de
payer, si la commission était obligée de compenser, je pense que
beaucoup de gens feraient des pirouettes pour raccourcir les délais,
particulièrement du côté patronal où, très
souvent, ils se traînent les pieds avant de pouvoir les amener à
une audition pour présenter les cas. Pour nous, cela aussi est d'une
importance capitale.
Encore une fois, M. le Président, nous sommes d'accord - nous
l'avons dit depuis le début - avec le principe du remplacement du
revenu, mais cela doit durer tant et aussi longtemps que le travailleur n'est
pas complètement rétabli, n'a pas suivi la réadaptation.
Nous y sommes à la fameuse réadaptation. Il en a
été question dans le livre blanc; déjà, le
gouvernement avait de très bonnes idées là-dessus.
C'était en décembre 1979. Un groupe de travail mandaté par
la Commission des accidents du travail, dont faisait partie l'actuel
vice-président en réparation de la CSST, M. Lionel Bernier - qui
connaît cela un peu -énonçait un certain nombre de
principes avec lesquels nous étions d'accord. Nous sommes toujours
d'accord et on va vous les énoncer.
Que la commission, dans la réforme du régime, reconnaisse
officiellement le caractère déterminant et prioritaire de la
réadaption sur l'indemnisation des victimes de lésions
professionnelles;
Qu'en conséquence, les ressources appropriées soient
graduellement affectées à la concrétisation de cet
objectif, de façon que les politiques essentielles de
réadaptation soient déjà appliquées ou prêtes
à l'être lorsque le nouveau régime d'indemnisation
prévu comme support essentiel à la réadaptation entrera en
vigueur;
Que soit maintenu à la commission le mandat de garantir aux
travailleurs accidentés des services de réadaptation globale et
que la commission prenne les dispositions pour assurer un leadership dynamique,
et même d'avant-garde, dans ses démarches en matière de
réadaptation des victimes de lésions professionnelles;
Que la commisison, dans la réalisation de son mandat, fasse appel
systématiquement à toutes les ressources disponibles dans le
milieu et susceptibles de faciliter la réalisation de ses objectifs; (16
h 45)
Qu'une étude soit effectuée sans délai pour faire
l'inventaire de toutes ces ressources et des programmes de réadaptation
existants, tant au niveau fédéral que provincial
(assurance-chômage, placement, main-d'oeuvre, etc.) et que soient
analysées et évaluées toutes les possibilités
d'intégration et d'utilisation optimales de ces ressources et de ces
programmes;
Que le processus de réadaptation soit systématiquement
amorcé en faveur du travailleur accidenté aussitôt que
possible après la survenance de sa lésion et non plus seulement
à la fin de la période de consolidation médicale de cette
lésion.
Un rapport très intéressant a été
présenté sur la physiothérapie. On y a
étudié le comportement d'athlètes professionnels,
c'était très intéressant à lire. Cela nous amenait
à conclure que, si un joueur d'un club de hockey, comme les Canadiens,
devait attendre aussi longtemps qu'un travailleur, quand il est victime d'un
"charley horse", d'un coup de hockey ou de n'importe quoi, avant de subir des
traitements, il changerait d'équipe au moins cinq ou six fois par
année. Si on attend trop longtemps, la blessure se consolide. Je sais
que les experts vont nous dire que cela prend 21 jours; on va laisser le soin
aux experts de le déterminer. Nous soulignons cependant que le
traitement devrait être commencé le plus tôt possible, afin
de donner les meilleures chances à une travailleuse ou à un
travailleur accidenté de se réadapter vraiment.
Que la commission élabore de nouveaux programmes de
réadaptation, développe et accentue ceux déjà
existants, notamment un programme d'orientation professionnelle, un programme
d'orientation en institution scolaire, un programme de formation en industrie,
un programme de placement, un programme de subvention aux employeurs, un
programme général de soutien financier visant à couvrir
les faits inhérents à la réadaptation, un programme de
soutien de revenu lors du retour au travail;
Que les indemnités de remplacement du revenu soient
prolongées au-delà de la période de consolidation;
Que la commission favorise et encourage financièrement la
recherche en matière de réadaptation et s'assure auprès
des institutions d'enseignement que les programmes de formation
académique correspondent à ses besoins.
Pour nous, la réadaptation, c'est quelque chose de très
sérieux. C'est le comité Riverin qui disait que la
réadaptation doit être la pierre angulaire de tout régime
bien compris de réparation de lésions professionnelles. Un autre
groupe qui est d'accord avec nous. Nous allons nous contenter de trois points
qui sont parmi les plus importants.
L'entreprise de la réadaptation doit commencer le plus tôt
possible, soit dès
qu'on est en mesure d'évaluer l'incapacité qui
résultera probablement de la lésion professionnelle.
La victime de la lésion professionnelle doit être dans un
état d'esprit lui permettant de coopérer, sans être
harcelée par d'autres préoccupations plus contraignantes,
à l'entreprise de sa propre réadaptation. Tel état
d'esprit est impossible s'il n'est pas assuré au départ de la
continuation d'un revenu adéquat pour elle et ses dépendants.
La réadaptation, c'est l'affaire de spécialistes, et c'est
à peu près toujours l'affaire d'équipes
multidisciplinaires. C'est ce que la loi devrait dire: Que la commission mette
sur pied un comité de représentants de toutes les disciplines,
afin de décider d'un véritable programme de réadaptation.
Je pense que ce serait dans le meilleur intérêt de tous;
certainement dans le meilleur intérêt des travailleuses et
travailleurs blessés, mais aussi dans l'intérêt des autres,
puisque, si les travailleuses et les travailleurs se réadaptent, on les
paiera moins longtemps et ils pourront continuer à pourvoir à
leurs propres besoins. C'est pourquoi, pour nous, il devient urgent que ce
projet de loi 42 soit amendé afin que la réadaptation devienne un
droit pour le travailleur et non pas quelque chose qui est laissé
à la discrétion d'une troisième ou d'une deuxième
partie.
Il est intéressant de noter aussi que le projet de loi parle
d'indemnité au lieu de parler de "toutes autres prestations,
dépenses ou allocations qu'autorise la législation de la province
où l'employé est ordinairement occupé." On retrouve cela
dans la loi fédérale. Au lieu de parler de compensation, on parle
d'indemnité. Cela comprend tout cela. Cela comprend aussi les
prothèses, les orthèses, les vêtements. Cela comprend ces
choses-là, et il n'y a pas 25 $ déductibles à ce qu'on
sache. Il me semble que c'est un peu mesquin d'exiger 25 $ de quelqu'un qui a
été victime d'un accident du travail, parce qu'il est
obligé de remplacer ses vêtements ou sa prothèse. Enfin,
à la FTQ, on n'a jamais été très favorable au
ticket modérateur, là ou ailleurs.
Nous réclamons donc que ce gouvernement amende la Loi sur les
accidents du travail pour prévoir que, tant et aussi longtemps qu'un
accidenté ou une victime d'une maladie professionnelle n'a pas
réintégré un emploi qui lui convienne et qu'il puisse
accomplir, il doit recevoir 100% de sa compensation pour incapacité
totale. La FTQ réitère sa revendication pour que soit mis sur
pied au niveau de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail un vrai service de réadaptation pour
les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles.
La FTQ préconise que soit établi un groupe de travail
multidisciplinaire dont le mandat serait de définir les objectifs, le
fonctionnement et les exigences, au point de vue du personnel et des
ressources, d'un vrai service de réadaptation.
L'indemnité pour dommages corporels. Il y a des barèmes
établis. Nous vous soumettons que ces barèmes ne tiennent pas
compte de la réalité. La table des indemnités pour
dommages corporels apparaissant à l'annexe B du projet de loi doit
être révisée à la hausse et considérablement.
Il ne nous semble pas nécessaire de faire un long plaidoyer sur ce
point. Qu'il nous suffise de dire qu'il nous semble souverainement
inadéquat, pour ne pas dire ridicule, qu'une personne de 18 ans
souffrant d'un déficit anatomophysiologique évalué
à 80%, d'après le barème actuel, des suites d'une
lésion professionnelle, ne recevrait que 40 000 $ pour ce déficit
et tout ce qui en découle comme perte de la jouissance de la vie pour le
reste de son existence. Et le reste de la table est à l'avenant. Cela
doit donc être révisé à la hausse.
Le droit de la victime d'une lésion professionnelle au choix du
professionnel de la santé. J'en ai parlé un peu tantôt.
Pour nous, c'est capital, c'est le médecin traitant. D'abord, la loi
prévoit que le travailleur ou la travailleuse accidentée a droit
aux soins de l'établissement de santé et du professionnel de la
santé de son choix. Malheureusement, le professionnel de la santé
de son choix n'a pas autant à dire qu'il le devrait quant aux soins,
à la durée de ces soins, quant à la date où le
travailleur est prêt à retourner au travail et des choses
semblables. Pour nous, un professionnel de la santé, c'est un
professionnel de la santé. On sait qu'il y a eu des chicanes tout
récemment à ce sujet. Mais c'est une question de principe, c'est
une question qui devrait être réglée. Nous avons maintenant
des comités multidisciplinaires dans toutes les institutions de
santé au Québec. Et si un médecin, enfin si la commission
croit qu'un médecin traitant exagère dans son diagnostic, dans
les périodes de soins et tout le reste, il pourrait y avoir des
arbitrages parmi les médecins. Cela devrait se régler entre
professionnels. Je ne crois pas que les médecins soient tous devenus
complaisants. Je ne crois pas qu'il y ait tellement de faux rapports
donnés par les médecins traitants. Pour nous, c'est primordial
que le médecin traitant doit avoir un plus gros mot à dire dans
toutes ces questions qu'actuellement.
Tantôt, nous vous suggérions que nous avions besoin d'un
peu plus de place, parce qu'il y a des gens qui attendent. Cela aurait
été quand même assez intéressant de vous
présenter le prochain chapitre si les représentants des
employeurs étaient ici. Nous allons le présenter quand même
parce que c'est à vous que nous voulons le présenter de toute
façon. Nous croyons, à la
FTQ, que l'employeur doit cesser d'être considéré
comme "personne intéressée" au niveau des soins requis par la
victime d'une lésion professionnelle, de la date de son retour au
travail, ainsi que du degré de l'atteinte permanente à
l'intégrité physique ou psychique subie par le travailleur. Il ne
s'agit pas ici d'un principe innovateur, cela existe dans le Code du travail.
Le médecin a le droit de se poser des questions sur l'unité
d'accréditation, mais il n'a pas le droit de le faire sur autre chose,
et nous disons la même chose ici. L'employeur a parfaitement le droit
d'intervenir pour vérifier s'il existe réellement une
lésion professionnelle et si telle lésion professionnelle a
été subie par le fait ou à l'occasion du travail. Mais,
quant au reste, il ne devrait pas avoir le droit d'intervenir. Tout le reste,
c'est l'affaire de professionnels de la santé et de la commission, selon
les normes établies par la commission et sur lesquelles les
employés ont eu leur mot à dire puisqu'ils sont aussi
représentés au conseil d'administration. Cela éliminerait
un tas de délais, cela diminuerait certainement un tas de
dépenses et cela enlèverait un tas de chinoiseries et de maux de
tête et aux travailleuses et aux travailleurs accidentés et
à ceux qui ont pour mission d'essayer de les défendre le mieux
possible.
Quant au droit de retour au travail, là aussi nous croyons que le
projet de loi 42 est innovateur dans ce domaine. C'est une des critiques les
plus virulentes et les plus connues, je pense, contre la loi actuelle sur les
accidents du travail, le droit du retour au travail. Mais, pour nous, ce droit
du retour au travail ne devrait pas être limité dans le temps et
il ne devrait pas être limité non plus à une certaine
catégorie de travailleuses et de travailleurs seulement. Quelle est
l'importance qu'un travailleur ait passé trois mois dans le même
établissement? S'il est blessé, il aura le droit de retourner au
travail? L'autre, qui n'est là que depuis deux mois et demi, n'aurait
pas le droit? Cela nous semble complètement injuste. De plus, que ce
soit un établissement de 19 employés ou de 21 employés,
quelle est la différence? Vous allez me dire: c'est deux. Oui, mais dans
un cas c'est un an et, dans l'autre cas, c'est deux ans. On croit qu'il ne
devrait pas y avoir de limite. De la façon que nous vous le
suggérons, cela n'emmerderait pas les employeurs comme ils pensaient
peut-être que cela pourrait les incommoder.
On n'a jamais demandé que l'employeur garde le poste ouvert tant
et aussi longtemps que le travailleur accidenté n'est pas
rétabli, ce n'est pas cela. Ce qu'on dit, c'est que, dès que le
travailleur est rétabli, il devrait avoir le droit de
réintégrer son poste, s'il est disponible, ou un autre emploi
qu'il est en mesure d'accomplir, s'il y a un autre emploi disponible. Cela en
tenant compte des conventions collectives pour régler tout cela. S'il
n'y en a pas, que le service de réadaptation de la commission ne fasse
pas comme actuellement, forçant le même travailleur à aller
voir, je pense, jusqu'à quatorze employeurs par semaine pour voir s'il
peut se dénicher une "job" quelque part. Pour le travailleur de la
construction dans la région de Lanaudière, par exemple, il n'y a
pas 50 000 employeurs dans la construction dans ce coin-là. À
quatorze employeurs par semaine, au bout de deux ou trois mois, il a fait le
tour plusieurs fois des mêmes employeurs. C'était rendu qu'il
était en danger de se faire blesser à nouveau, parce que les gars
voulaient le tirer. Cela n'a pas d'allure. Alors, on dit à l'employeur:
Tu n'es pas obligé de garder un poste vacant. On sait que ce n'est pas
toujours facile. Mais quand le travailleur est réadapté, il a le
droit de retourner à son poste, mais il n'a pas le droit d'en
déplacer un autre s'il a moins d'ancienneté que les autres.
À ce moment-là, il continue d'être compensé. Si on
peut lui donner un autre emploi disponible, tant mieux, on est d'accord. On
encourage même chez nous les syndicats qui le veulent à
négocier des clauses de préférence d'emploi. (17
heures)
Ce sont des questions entre les parties pour négocier des clauses
comme cela dans la convention collective. Pour les travailleurs de la
construction, avec les trois mois, M. le ministre, vous allez comprendre qu'eux
ne pourraient pas être couverts par ce droit de retour au travail. Ils
sont assez rares au Québec les chantiers qui durent plus de trois mois
pour un métier donné. Cela prend un assez gros contrat pour qu'un
travailleur de la construction dans un métier donné passe trois
mois sur le chantier. La vaste majorité des travailleurs de la
construction ne pourraient pas être couverts par ce droit de retour au
travail et c'est malheureux parce qu'ils en ont besoin eux aussi. Dans leur
cas, ce que nous suggérons... On va vous passer... Non, vous ne l'avez
pas encore, M. le ministre, on vous remettra cela tantôt. Vous l'avez,
d'accord. Vous êtes plus vif que moi, je ne l'ai pas eu encore; oui, je
l'ai eu. C'est mon acolyte qui l'a, on est correct. Nous, ce que nous disons,
c'est qu'un employé de la construction qui a été
blessé devrait avoir le droit lui aussi de retourner au travail pour le
même entrepreneur en construction, pas sur le même chantier, parce
que, s'il a été deux ou trois mois à l'hôpital,
quand il sort et qu'il revient pour travailler, le chantier est terminé,
mais pour le même entrepreneur dans un autre chantier. Ce droit doit
exister pour les travailleurs de la construction comme tous les autres.
Nous ferions sauter les "trois mois",
nous ferions sauter les "20" et "les moins de 20" et "les plus de 20",
"l'année et les deux ans". Ce que nous disons, c'est très simple
cela serait beaucoup plus facile et cela serait beaucoup plus facile pour les
employeurs aussi. Dès qu'un travailleur blessé est apte à
retourner à son travail, il a le droit d'y retourner pourvu, bien
sûr, qu'il ne déplace pas quelqu'un de plus ancien que lui, pourvu
que cela se fasse dans le respect des conventions collectives. S'il n'y a pas
d'emploi disponible, on continue à le compenser et on essaie de le
placer dans un autre emploi disponible. Nous croyons que cela rendrait justice
à tous les travailleurs lésés et cela compliquerait moins
la vie de tout le monde.
Le délai de cinq jours de la date indiquée par la
commission est un délai -vous allez en convenir - extrêmement
court, surtout maintenant que nous n'exigerons pas que les employeurs gardent
un poste ouvert. Leurs arguments étaient basés surtout
là-dessus; on pourrait facilement parler d'une dizaine de jours afin
quand même de donner le temps au travailleur de revenir. Il n'est pas
toujours à côté de l'ancienne usine où il
travaillait.
Comme vous voyez, nous passons assez rapidement sur les questions du
droit de la commission d'imposer des pénalités aux employeurs.
Nous croyons qu'il y a des choses plus importantes que cela à couvrir
dans le peu de temps que nous avons pour vous présenter ce
mémoire.
Quant aux autres indemnités, M. le ministre, nous croyons que
l'article 103 doit être biffé du projet de loi. Si un accident
cause des dommages aux vêtements, si le port d'une prothèse - j'en
parlais tantôt -d'une orthèse rendu nécessaire en raison
d'une lésion professionnelle endommage des vêtements, si une
prothèse ou une orthèse est endommagée involontairement
par le fait du travail, l'imposition d'une franchise de 25 $ dans chacun des
cas est inacceptable.
La procédure de réclamation: Nous croyons tout d'abord que
le délai de 20 jours accordé à l'employeur pour faire
rapport d'une lésion professionnelle survenue à un travailleur
à son établissement est beaucoup trop long. La loi actuelle
prévoit un délai de deux jours. On sait que personne ou à
peu près personne ne respecte le délai de deux jours. Il faut
être réaliste. Nous croyons que le délai de deux jours doit
être changé, mais vingt jours c'est beaucoup trop long. C'est
pourquoi nous suggérons dix jours.
Quant au registre, il y a une amélioration dans le projet de loi
puisqu'il y a beaucoup de compagnies qui tiennent le genre de dossiers qu'elles
veulent ou à peu près. Mais là on parle d'un registre
fourni par la commission, appartenant à la commission, qu'un employeur
doit tenir.
Nous croyons qu'il serait relativement facile d'avoir un registre avec,
premièrement, des copies numérotées et,
deuxièmement, avec deux ou trois copies et, à chaque fois que
l'employeur inscrit dans son registre une lésion qui a atteint un
travailleur où il n'y a pas eu une journée d'absence, que le
travailleur ou son représentant en reçoive une copie.
Dans la formule de réclamation - parce que le projet de loi dit
que le travailleur doit signer le registre - il ne faut pas, M. le ministre,
que le travailleur soit, par sa signature, engagé vis-à-vis des
détails donnés quant à la lésion, quant à la
façon dont cela est survenu, etc., parce qu'on sait comment cela
pourrait arriver. Le travailleur qui a eu un petit accident, à ce
moment, personne ne s'imagine le pire, mais cela doit être inscrit au
registre et, même si l'inscription n'est pas tout à fait exacte,
le travailleur qui oserait discuter avec son patron serait assez rare: Non, ce
n'est pas arrivé comme cela. Voici les détails. Ce que nous
disons, pour éviter ces prises de bec, éviter ces
désagréments et éviter des choses semblables, c'est que la
signature du travailleur ne doit attester que de la date et du fait qu'il y a
eu accident. Rien d'autre.
La compétence de la commission et l'appel. "Une décision
rendue à la suite d'une reconsidération administrative qui annule
ou réduit le montant d'une indemnité de remplacement du revenu
est exécutoire à l'expiration du délai d'appel ou, s'il y
a appel, le jour de la décision finale confirmant cette décision.
"Cependant, lorsqu'il y a appel, la commission peut, après avoir
avisé les intéressés, annuler ou réduire le montant
de cette indemnité selon le cas, si la Commission des affaires sociales
n'a pas rendu sa décision à l'expiration des six mois suivant
l'appel."
Je pense bien, M. le ministre, qu'on n'a pas besoin pour vous convaincre
de vous parler très longtemps: c'est une affaire qui n'a pas d'allure.
Est-ce qu'un travailleur accidenté va être pénalisé
parce que cela prend trop de temps à la Commission des affaires sociales
de rendre une décision? C'est vraiment inacceptable. On ne comprend pas
grand-chose à cette philosophie. On pense que c'est une erreur qui a
dû vous échapper quand vous avez relu le projet rapidement.
Comme je l'ai dit tantôt, ce qu'on a toujours voulu, c'est le
droit de se faire entendre avec ou sans témoin et c'est le droit aussi
d'un appel à l'extérieur de la commission. C'est la Commission
des affaires sociales, cela pourrait être autre chose. Nous sommes
satisfaits qu'il y ait un appel en dehors de la commission, mais nous insistons
pour maintenir un véritable droit d'appel à la commission. Que la
commission veuille une révision administrative ou non, c'est à
elle
de le décider, pourvu que cela ne retarde pas les appels
véritables qu'on veut avoir, aux bureaux de révision, par
exemple. Si on a la chance de présenter nos témoins,
présenter nos cas, la commission pourra garder sa révision
administrative si elle le veut.
La disparition des bureaux de révision nous priverait de certains
droits dont nous jouissons en vertu des dispositions de la loi actuelle: le
droit d'audition publique avec avis approprié, le droit d'enregistrer
l'audition du cas, ce qui peut s'avérer très important, s'il doit
y avoir appel subséquent à la Commission des affaires
sociales.
Nous soumettons que la loi elle-même établisse clairement
au niveau de la reconsidération administrative les droits que les
victimes de lésions professionnelles avaient au niveau des bureaux de
révision. Encore une fois, droit à la représentation,
droit à l'obtention préalable du dossier complet, droit à
l'audition publique, droit à l'enregistrement des procédures,
droit à une décision motivée etc. Ce sont des droits qui
se sont avérés très utiles dans maintes circonstances et
nous tenons à les garder. Pour nous, c'est ce qui a toujours
existé auparavant à la Commission des accidents du travail: un
dossier n'était jamais fermé.
À l'article 245, il est encore question, comme dans la loi
actuelle, d'un délai de rigueur, ou presque, à l'intérieur
duquel une personne qui se croirait lésée par une décision
de la commission peut en appeler. La FTQ soutient, comme elle l'a toujours
soutenu, qu'un droit qui existe en rapport avec une lésion
professionnelle ne s'éteint pas par le fait du non-respect d'un
délai, quel qu'il soit. Nous prétendons d'ailleurs qu'une telle
disposition ne tiendrait pas si elle était contestée en vertu de
la Charte des droits et libertés de la personne.
Dans le présent projet de loi, l'article 250 vient corriger
quelque peu la situation où la commission pourrait rouvrir un dossier.
Malgré cet article 250, nous soumettons que toutes les
références à un délai de rigueur, pour en appeler
d'une décision de la commission, devraient être biffées
partout où elles apparaissent dans le projet de loi, la commission
étant elle-même une personne intéressée pouvant
toujours recourir à la Commission des affaires sociales pour obtenir une
décision, laquelle serait finale et ne pourrait être
révisée que dans les circonstances décrites à
l'article 250.
Au paragraphe 96, nous réitérons que le travailleur
accidenté doit avoir un droit d'appel, un droit de révision.
Je ne sais pas si, ce matin, les employeurs ont fait grand état
des coûts du projet de loi 42. Nous savons maintenant que les coûts
ne seront pas énormes. En fait, le projet de loi 42 tel quel ferait
économiser 7 800 000 $. Je pense bien que personne ne pensera à
se jeter à l'eau ou à se suicider avec cela. Or, ce que nous
réclamons va certainement coûter un peu plus cher, il n'y a aucun
doute là-dessus. Encore une fois, nous payons un prix énorme pour
cela. Pour les pensions à vie, telles qu'elles existent
présentement, cela enlève 39 000 000 $. En changeant cela et en
garantissant un montant forfaitaire en plus du remplacement du revenu perdu
limité à 65 ans, enfin qui diminue graduellement après 65
ans, 39 000 000 $ sont épargnés, possiblement 40 000 000 $.
Il y a des réclamations que nous faisons qui vont coûter un
peu plus cher, bien sûr. Mais nous sommes convaincus qu'avec ces 40 000
000 $ épargnés, seulement sur la question des pensions à
vie, cela va permettre au gouvernement d'adopter un projet de loi qui va
vraiment donner le remplacement du revenu qui est un grand principe que nous
avons toujours soutenu, qui va donner un paiement forfaitaire pour lequel nous
suggérons fortement au gouvernement de réviser ses barèmes
et qui va permettre aux travailleuses et aux travailleurs accidentés de
subir non seulement des traitements pour les guérir, mais
véritablement un système de réadaptation afin d'en faire
autre chose que des assistés sociaux qu'on retrouve trop souvent de nos
jours.
En terminant, M. le ministre, nous voulons vous parler d'un autre sujet.
Franchement, nous avons un peu de misère à comprendre cela. C'est
la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. C'est une coupure
complète. C'est loin des grands principes dont on parlait tantôt,
énoncés par le gouvernement, où l'on parlait d'harmoniser
tous les avantages et tout ce qui devrait être payé. Franchement,
nous sommes obligés de vous dire, M. le ministre, que, s'il fallait que
le projet de loi soit adopté tel quel, les victimes d'actes criminels
deviendraient les victimes de deux agressions: une par les criminels et l'autre
par vous autres. Cela n'a pas d'allure! Alors que tout augmente - vous en savez
quelque chose - on va réduire - je ne me souviens plus du chiffre exact
- de 30% ou 40% l'indemnisation des victimes d'actes criminels. C'est le monde
à l'envers! M. le ministre, nous croyons que cela a été
une autre erreur qui vous a échappé, mais nous vous demandons de
regarder cela à nouveau de très près. Cela n'a vraiment
pas d'allure. (17 h 15)
Nous vous demandons aussi, M. le ministre, de considérer quelque
chose d'un peu nouveau. Malheureusement, il n'y a pas assez de gens qui en
parlent, mais on sait qu'au Québec il y a un problème
énorme qui s'appelle l'alcoolisme. On ne peut pas rejeter, bien
sûr, du revers de la main, l'idée que l'alcoolisme devrait
être reconnu comme
maladie professionnelle. Bien non. Il y a bien des gens qui n'ont jamais
travaillé de leur vie et qui sont alcooliques. Mais il reste qu'il y a
des emplois qui pourraient vraiment pousser ces travailleurs à devenir
des alcooliques. Vous en connaissez: les gens qui travaillent dans la
bière, dans les hôtels, dans les restaurants. Ils sont un peu plus
exposés à cela. Les gens qui travaillent dans des endroits
extrêmement secs où il y a beaucoup de poussière, une
chaleur énorme, les députés, les représentants
syndicaux. Ce que nous vous suggérons, M. le ministre, c'est de demander
à la commission de regarder cela de très près. On ne veut
pas, encore une fois, exagérer, mais il y a des travailleuses et des
travailleurs qui sont devenus alcooliques à cause de leur emploi. On
voudrait trouver une formule afin que, dans les cas où cela devrait
être reconnu comme une maladie professionnelle, on puisse faire
reconnaître ses victimes et les traiter en conséquence.
M. le ministre et les membres de la commission parlementaire, s'il y a
de mes collègues qui ont des choses à ajouter... C'est le
mémoire que nous voulions vous déposer. Vous avez aussi eu
l'addition... Il y a encore quinze pages à venir: il y avait des choses
qui nous avaient échappé un peu.
M. Boudreault (Émile): M. le ministre, on annonce dans nos
conclusions qu'on va demander le privilège de présenter aux
membres de la commission des propositions précises d'amendements sur un
certain nombre d'articles proposés dans le projet de loi qui est
à l'étude. Nous avons préparé un petit document qui
traite majoritairement des choses qui sont déjà traitées
dans le mémoire, mais qui dépassent un petit peu, sur certains
points, ce qui a été traité dans le mémoire. En
particulier, l'intention du projet de loi 42, tel qu'on l'interprète, de
faire disparaître l'indemnité de remplacement du revenu au moment
où une rente de la Régie des rentes du Québec devient
"payable". Étant donné que la rente de la Régie des rentes
du Québec devient payable maintenant à l'âge de 60 ans,
cela devient un article extrêmement dangereux. Dans ce document qu'on
vous soumet et qu'on demande la permission de déposer maintenant,
à la page 10, on traite de ce sujet qui, à notre avis, est
extrêmement dangereux.
Dans les autres amendements spécifiques que nous proposons, il y
a certains amendements au niveau des définitions qui nous apparaissent
extrêmement importants. Il y en a d'autres qui le sont moins. Il y a un
certain nombre de spécifications qui sont déjà couvertes
dans notre mémoire et qui sont indiquées. Merci.
Le Président (M. Jolivet): S'il n'y a pas d'autres
questions, nous allons accorder 30 minutes à M. le ministre. Ensuite, 30
minutes seront accordées au député de Sainte-Anne qui
prendra la relève pour le parti de l'Opposition. Ensuite, on reviendra
aux 20 minutes habituelles. M. le ministre, vous avez la parole pour une
trentaine de minutes.
M. Fréchette: Merci, M. le Président. À ce
stade-ci de l'audition d'un mémoire, cela peut peut-être
paraître - pour ceux qui ont l'habitude d'être là
régulièrement - un cliché ou une simple formule de
politesse que de remercier les organismes et leurs représentants qui
viennent nous soumettre leurs vues quant à un projet de loi qui est
à l'étude. Je pense que cela doit déborder ces seuls
motifs ou exigences, M. le Président. Nous venons encore d'avoir une
démonstration, et une démonstration sans équivoque, du
sérieux qui a été mis à la préparation d'un
mémoire en fonction de l'étude du projet de loi 42. Je pense
qu'à cet égard la journée d'aujourd'hui a
été particulièrement révélatrice puisque les
deux groupes que nous avons entendus, enfin, l'un que nous avons entendu et
l'autre que nous sommes en train d'entendre, ont effectivement poussé
presque jusqu'à la limite l'étude des dispositions du projet de
loi et des principes qui y sont contenus. Je veux, quant à moi,
souligner de façon spéciale ce travail qui a été
fait et dire mon appréciation aux gens qui viennent nous soumettre leurs
représentations.
Vous avez, M. Laberge, touché à beaucoup d'aspects, autant
dans l'argumentation verbale que vous venez de faire que dans le mémoire
écrit qui nous a été soumis il y a quelques jours. Il
m'apparaît, à l'analyse rapide, que vous mettez, que votre
organisme met l'emphase sur deux préoccupations particulières.
Quand je dis cela, je n'élimine pas toutes les autres. Il y a deux
préoccupations particulières qui me semblent revenir avec
beaucoup de constance, beaucoup d'emphase, la première étant une
préoccupation fondamentale quant à la politique de
réadaptation que devrait retenir la commission. J'y reviendrai dans un
instant, je ne fais que signaler pour le moment ce qui me paraît les
principales préoccupations de la Fédération des
travailleurs du Québec. L'autre préoccupation fondamentale est de
taille, et vous avez beaucoup insisté là-dessus, c'est
évidemment la disposition qu'on retrouve à l'article 79. Cela
aussi est une de vos représentations les plus tenaces, si je peux
m'exprimer comme cela; j'y reviendrai un peu plus tard.
Au-delà de cela, M. le Président, il y a une question que
je souhaiterais pouvoir soumettre à nos invités sous la forme
d'un commentaire par rapport à ce qui nous a été
dit ce matin par les représentants du Conseil du patronat. Les
représentants du Conseil du patronat ont écrit dans leur
mémoire, l'ont plaidé devant nous, convenant cependant que
c'était un débat nouveau, un nouveau débat public, mais
ils ont écrit que le temps était maintenant arrivé,
après un peu plus de 50 ans d'exercice de cette politique de
santé et de sécurité, de songer, de faire en sorte que les
travailleurs et les travailleuses soient appelés à cotiser, tout
comme les employeurs le font actuellement. Remarquez que cette revendication,
cette requête ne me surprend pas, elle ne m'étonne pas non plus.
Ce qui me fait me poser des questions, c'est ce qu'on a ajouté à
cet égard-là. On nous a dit - évidemment, je ne cite pas
au texte, j'essaie de me rappeler aussi fidèlement que possible ce que
le Conseil du patronat nous a dit - Si vous y regardez de près, si vous
procédez à l'analyse détaillée du mémoire de
la Fédération des travailleurs du Québec, peut-être
que vous trouverez là des avenues qui nous conduiraient vers,
possiblement, un accord sur cet aspect de la question.
J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'attention; je l'ai relu
après que cette observation a été faite ce matin et
j'apprécierais que vous puissiez nous dire très
précisément si, d'une part, on retrouve un semblable
énoncé de principe dans le mémoire et, sinon, à
quelle enseigne très précise se loge votre
fédération à cet égard.
M. Laberge: La réponse est non. Il n'y a pas aucune
hésitation. Nous trouvons que les travailleurs paient déjà
très cher, ils paient de leur chair, ils paient de leurs membres, ils
paient de leurs yeux, de la jouissance de la vie, ils paient déjà
beaucoup, mais il y a plus que cela.
Dans le mémoire, on dit, à un moment donné, que
c'est la responsabilité de la société de voir à ce
que les travailleurs accidentés reçoivent réparation,
reçoivent compensation. La société, bien sûr... Sauf
qu'il faut se rappeler pourquoi le gouvernement a institué la Loi sur
les accidents du travail. À ce moment-là, les travailleurs et les
travailleuses avaient le droit de poursuivre les employeurs. S'ils veulent nous
faire cotiser, est-ce qu'en échange ils vont nous redonner le droit de
poursuite?
M. Fréchette: C'est la question que j'ai posée ce
matin.
M. Laberge: Et quelle est la réponse?
M. Fréchette: II faudrait peut-être se
référer au journal des Débats. Je ne voudrais pas,
à cet égard, déborder le texte de la réponse qui a
été soumise, mais c'est la question que j'ai posée ce
matin. Cela me semble clair, dans la réponse que vous venez de me
donner, que, ni dans le mémoire, ni au niveau de la philosophie, c'est
le genre de principe que vous seriez maintenant prêt à
véhiculer.
Maintenant, je voudrais essayer d'obtenir un peu
d'éclaircissements ou de précisions quant à
l'évaluation que vous faites d'une politique d'incitation de retour au
travail. Il me paraît assez évident, autant à la lecture du
mémoire qu'à l'argumentation que vous nous avez soumise, que vous
en faites une question de principe. Vous nous indiquez même que cela peut
revêtir un caractère qui rejoint l'odieux.
N'y a-t-il pas, à l'inverse, une autre question de principe qui
peut se greffer à la philosophie de l'incitatif de retour au travail?
Cette question de principe est la suivante: vous avez un ou une
accidentée du travail qui est absent de son travail depuis un bon
moment, qui se sent dévalorisé autant dans sa personne physique
que dans tous les autres aspects de l'humain et qui a toutes sortes de
réserves et de craintes quant à l'éventualité ou
à la possibilité de revenir à son travail. Est-ce que ces
difficultés dont je vous parle, les difficultés qui sont
inhérentes à la personne, ne devraient pas aussi être
prises en considération eu égard à ce qu'on est convenu
d'appeler l'incitatif de retour au travail? Est-ce que le travailleur qui se
retrouve dans cette situation dont je viens de vous parler, si l'incitatif est
là, peut se sentir revalorisé, peut se sentir plus motivé,
et cela, avec toutes les réserves dont vous nous avez parlé? N'y
a-t-il pas le danger, par exemple, qu'un ou qu'une accidentée, à
cause de l'incitatif, ait le goût de revenir plus rapidement et, en
conséquence, se crée des préjudices plus sérieux?
C'est la première partie de ma question et j'apprécierais avoir
votre évaluation.
M. Laberge: Vous vous souviendrez peut-être, M. le
ministre, du temps - il n'y a pas si longtemps - où les travailleurs
étaient loin d'être compensés pour les revenus perdus. Nous
avons vu tellement de cas pitoyables dans les usines du CN, dans les mines,
dans les usines où le travail était dangereux; des travailleurs
accidentés retourner travailler en béquilles; il y avait un
incitatif: l'employeur les payait. Quand ils étaient blessés, la
compensation n'était pas ce qu'elle est maintenant. On a vu des
aggravations, on a vu des travailleurs devenir des éclopés
à vie. Quand c'est déjà dangereux pour des travailleurs de
passer d'un département à un autre et qu'on a ses deux jambes et
toutes ses capacités, imaginez-vous la situation d'un travailleur
blessé dans la cohue, le soir, à la sortie. Des choses
semblables, on en a déjà vu. (17 h 30)
Le meilleur incitatif, M. le ministre, ne demeure-t-il pas toujours...
Nous sommes
entièrement d'accord, que, le plus tôt on peut retourner un
travailleur au travail, de façon humaine et de façon correcte, le
plus de chances de réadaptation il aura; nous sommes entièrement
d'accord. Avec le principe du remplacement de revenu, surtout par les
amendements qu'on préconise, le travailleur pourrait revenir en
étant allégé, en ayant l'esprit clair et en voulant se
réadapter lui-même. Même là, il n'hésiterait
pas à remplir un emploi moins payant puisqu'il recevrait la
différence. On est entièrement d'accord avec cela. Mais
l'incitatif, c'est que, s'il est apte à retourner au travail et qu'il
refuse, il se fait couper. C'en est un, incitatif.
M. Fréchette: D'accord. Votre réponse me satisfait,
M. Laberge; je souhaitais vous entendre là-dessus. Maintenant, je dois
vous dire que je suis très heureux du texte que vous consacrez dans
votre mémoire au phénomène de l'alcoolisme. Ce n'est pas
parce que vous y citez un extrait d'une allocution qu'à un moment
donné j'ai prononcée quelque part. Ce n'est pas à cause de
cela.
M. Laberge: On poigne ce qu'on peut!
M. Fréchette: Je vous comprends, M. Laberge. Non. C'est
parce que je suis très préoccupé par ce problème.
Et, encore une fois, je suis très heureux que vous l'ayez soulevé
dans votre mémoire. D'ailleurs, hier, mon collègue de Portneuf a
soulevé la question avec des représentants de la
Fédération des médecins spécialistes. On a un bon
bout de chemin à faire à cet égard, parce que les
mentalités ne sont peut-être pas tout à fait prêtes
à accepter le phénomène comme tel. Il m'apparaît que
la première question qu'il faut se poser, c'est la suivante: Est-ce que
dans l'état actuel des choses - vous avez référé
tout à l'heure à la relativité de la science de la
médecine - il faut considérer l'alcoolisme comme étant une
maladie ou non? C'est la première question à se poser. Certains
sont convaincus, à partir de considérations d'ordre scientifique,
également à partir de considérations d'ordre factuel
constatées chez des personnes qui vivent un problème de cette
nature, que oui, il y a vraiment un problème de santé à ce
niveau. D'autres le nient catégoriquement. Il me semble que la
première préoccupation que l'on doit avoir à cet
égard, c'est d'essayer d'arriver à une conclusion qui ait un
certain degré de certitude quant à la nature même du
phénomène. C'est la première étape qu'il faut
franchir. Je ne vous cache pas que là-dessus j'ai une opinion
très ferme. Sans aucune réserve, je suis d'avis que c'est
effectivement une maladie. Si c'est une maladie, l'autre étape qu'il
nous faudrait alors franchir, c'est d'essayer de savoir - là-dessus,
vous avez insisté - si elle peut être reliée à
certaines conditions de travail. C'est la deuxième étape qu'il
faudrait franchir.
Vous avez énuméré très justement un certain
nombre de phénomènes qui peuvent avoir une connotation ou inciter
à ce genre de chose. Au-delà d'une possible relation avec des
conditions de travail, est-ce que cela cause d'autres genres de
problèmes, l'absentéisme au travail, par exemple, ou toute
espèce de problèmes sociaux sur lesquels cela peut
déboucher? Je suis très content que vous souleviez cet aspect du
dossier. Je vous signalerai, d'ailleurs, qu'à cet égard
déjà un certain bout de chemin a été fait depuis
novembre dernier. J'ai effectivement demandé à mon
collègue des Affaires sociales que l'on procède à la
formation d'un comité interministériel qui serait
préoccupé par cette question. Cette première étape
est franchie. Deuxièmement, j'ai aussi demandé à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail,
à l'Institut de recherche en santé et sécurité du
travail de débloquer le dossier à cet égard. Et,
finalement, aussi, j'ai demandé à des groupes, à des
organismes intéressés au phénomène et qui auraient
le goût de s'impliquer dans l'évaluation d'un dossier de cette
nature, autant les syndicats que les patrons que les autres intervenants dans
le monde du travail, de nous le signaler et nous allons accepter d'incorporer
dans notre groupe tous ceux qui ont le goût de discuter de cette
situation pour arriver à des évaluations de la nature de celle
dont je vous parlais.
Votre fédération est préoccupée par ce
phénomène. Il y a d'autres centrales syndicales qui l'ont
étudié et des employeurs commencent à y regarder de
très près. Je ne référerai, sans que ce soit
exhaustif ni exclusif, qu'au Regroupement des entrepreneurs
québécois qui a entrepris effectivement depuis à peu
près un mois une action très concrète à cet
égard. Alors, vous pouvez compter sur mon entière collaboration
pour faire avancer le dossier dans le sens dont je viens de vous parler.
M. Laberge, vous avez également émis des commentaires
quant à cette nouvelle politique que l'on retrouve dans le projet, du
droit de retour au travail. Vous avez plaidé dans le sens qu'il ne
devrait pas y avoir de contrainte de temps, qu'il ne devrait pas y avoir de
balise telle qu'il soit difficilement exerçable, mais au-delà de
cette discussion quant aux modalités d'exercice j'ai cru comprendre que
vous souscriviez à ce principe. La chose sur laquelle j'aimerais vous
entendre, parce qu'il me semble y avoir eu une évolution dans
l'évaluation de ce phénomène depuis que le principe du
droit de retour au travail est véhiculé, c'est comment
voyez-vous, à l'intérieur de l'exercice d'un
droit comme celui-là, le phénomène de
l'ancienneté, enfin, le "bumping" et tout cela? Je pense que c'est
important que nous sachions très précisément ce que vous
pensez de ce phénomène. Pourquoi je vous demande cela? C'est pour
la raison suivante. On a eu l'impression à un moment donné que
certaines associations syndicales étaient disposées à
laisser le pas au droit prioritaire de retour au travail et peut-être
à admettre un certain recul par rapport au droit que confère
généralement l'ancienneté dans toute l'acceptation du
terme. Il semble y avoir eu une évolution à cet égard, il
y a un peu plus de réserve. Alors, j'aimerais vous entendre à ce
sujet.
M. Laberge: Je sais qu'il existe certaines conventions
collectives où on a déjà prévu ce genre de choses,
mais c'est ce que nous disions tantôt: La loi ne peut pas aller semer la
pagaille là-dedans en disant: II y retourne et on déplace des
gens. D'ailleurs, je pense bien que, de ce côté-là, le
monde patronal qui vit avec ce genre de problème le connaît fort
bien. Si, pour permettre à un travailleur de réintégrer
son poste, vous en déplacez deux ou trois autres et que finalement il y
en a un qui sort, on ne vient pas de régler grand-chose, sauf que,
encore une fois, nous sommes entièrement d'accord avec un
véritable système de réadaptation pour remettre un
travailleur blessé sur pied le plus tôt possible, lui faire
réintégrer son emploi ou un autre emploi, si c'est possible.
Encore une fois, c'est ce que nous déplorons dans la loi actuelle
et je vous remercie d'avoir posé la question; on n'avait peut-être
pas assez insisté sur ce point. Il y a eu une certaine
réadaptation qui s'est faite à la commission, il y a eu certains
bons coups de faits; on pense que cela devrait être plus
systématique, qu'il devrait y avoir plus de ressources de mises
là-dedans. On a vu, malheureusement, dans trop de cas de travailleurs
accidentés sérieusement, M. le ministre, que, quand quelqu'un
avait finalement pu réintégrer le marché du travail, des
fois, c'était une "jobine" que le gars avait eue, même si c'est un
bon emploi, mais six mois ou un an après l'emploi disparaît. Comme
on vous l'a dit tantôt, il y a des aveugles qu'on n'a pas réussi
à placer dans des entreprises et qui font un excellent travail et cela
va bien, sauf que, si cet emploi disparaît, il est bien évident
que l'aveugle - devenu aveugle par un accident du travail, par supposition -
n'a pas la même chance qu'un autre sur le marché du travail et ne
peut pas se placer.
Alors, pour enlever toute ambiguïté et pour permettre au
travailleur de se réadapter le plus rapidement possible et le plus
complètement possible, ce que nous disons est très simple: Qu'il
soit compensé, qu'il reçoive les services de la
réadaptation multi- disciplinaire, etc., qu'il accepte un emploi qu'il
est apte à remplir et, si l'emploi disparaît, il retourne à
la compensation. À ce moment, on va régler un tas de cas qu'on a
de la misère à régler actuellement. C'est un peu comme les
gens qui ont du bien-être social; je m'excuse de l'expression, mais si on
ne les emmerdait pas quand ils se trouvent une petite "job" quelque part de
sorte que cela prend deux fois plus de temps pour se réinscrire quand la
petite "job" est disparue, il y en aurait peut-être plus qui
s'essaieraient. C'est un peu le même principe.
Nous sommes convaincus que la vaste majorité des travailleurs ne
sont pas des sans-coeur. Vous n'avez qu'à venir à nos bureaux.
Vous êtes bien placés pour savoir cela, vous aussi. Quand
j'entends des gens de la chambre de commerce - je m'excuse de mentionner cela
dans ce lieu aussi élevé -déclarer que les assistés
sociaux et les chômeurs sont tous des sans-coeur, là je deviens en
beau "jouai vert". Ces gens devraient venir passer une journée ou deux
à nos bureaux pour voir qu'il y en a du monde qui nous achale, qu'il y
en a du monde qui nous crie après, et on se fait traiter de tous les
noms parce qu'on n'en trouve pas, d'emplois. Il y en a à
côté de chez nous, cela est moins agréable. Là,
c'est le matin et le soir qu'ils te poignent. Heureusement, je pars très
rarement à la même heure et j'arrive encore moins souvent à
la même heure, ils ont un peu plus de misère à me poigner.
Il y en a dans les bureaux de député, c'est bien sûr.
D'ailleurs, on en entend parler avec notre règlement de placement dans
la construction. Pour nous, c'est cela qui faciliterait le mieux la pleine
réadaptation des travailleurs accidentés.
M. Fréchette: Cela précise un certain nombre de
choses. Je voudrais revenir sur une suggestion très concrète que
vous faites dans votre mémoire. Vous suggérez la formation d'un
groupe multidisciplinaire qui serait consacré strictement à
élaborer des philosophies, ou enfin des politiques de
réadaptation; appelions cela comme on voudra: groupe de travail,
comité, commission, peu importe. Est-ce que vous envisageriez la
possibilité qu'il s'agisse d'un groupe de personnes dont le nombre
pourrait être à déterminer et qui pourraient recevoir leur
mandat du conseil d'administration de la commission, par exemple, être
choisies par les membres du conseil d'administration de la commission?
M. Laberge: II y a des gens d'à peu près toutes les
disciplines à l'institut de recherche, il y a des gens d'à peu
près toutes les disciplines à la commission et on peut
s'adjoindre des gens de l'extérieur. Bien oui. Ce n'est pas une affaire
qui devrait
prendre un temps bien long. Il y a déjà beaucoup de choses
qui sont connues au niveau de la réadaptation. Il s'agit de
compléter.
M. Fréchette: Bon. Je prends bonne note de votre
suggestion à cet égard. Nous enregistrons celle-ci de
façon ferme.
Vous avez également un addenda à votre mémoire sur
le phénomène particulier que vivent les travailleurs de la
construction. Je n'ai pas eu l'occasion de le lire in extenso, bien qu'il ne
soit pas long, mais il m'apparaît effectivement important de retenir que
les travailleurs de la construction vivent une situation particulière
à cet égard et qu'autant il y a eu de spécificités
à leur égard dans d'autres lois, autant - c'est une
première analyse ou une première réflexion que j'en fais -
devra-t-on sans doute retrouver dans cette loi les mêmes
particularités qui doivent s'appliquer dans leur cas. C'est aussi retenu
comme étant une chose sur laquelle il faut très rapidement nous
faire une opinion.
Une dernière chose, quant à moi. C'est au niveau du droit
d'appel. Vous êtes des partisans du maintien des bureaux de
révision pour les motifs que vous avez signalés: la
possibilité de l'audition publique, la possibilité de faire
valoir son argumentation. En d'autres mots, j'ai presque saisi correctement ou
non, vous me corrigerez là-dessus - que le statu quo à cet
égard vous est quasiment satisfaisant. Enfin, à certains
égards, vous êtes satisfaits du statu quo. Je ne sais pas si j'ai
bien compris. C'est pour cette raison que je pose la question.
M. Laberge: C'est que malheureusement cela ne fonctionne pas de
la même manière dans toutes les régions.
M. Boudreault: Si on enlevait les directives,
peut-être.
M. Laberge: Que cela soit reconsidération administrative,
que ce soit n'importe quoi, ce qu'on veut, c'est avoir le droit de se
présenter là, de pouvoir amener de la preuve, de pouvoir amener
des témoins. C'est ce qu'on veut. (17 h 45)
M. Fréchette: Vous avez sans doute entendu, autant ce
matin qu'hier, ou vous en avez été informés, que plusieurs
organismes se sont déclarés favorables à l'instauration ou
à la mise sur pied d'une espèce de commission d'appel qui
remplacerait le bureau de révision et possiblement la Commission des
affaires sociales aussi, qui serait complètement détachée
de la Commission de la santé et de la sécurité du travail,
qui serait possiblement aussi régionalisée; en d'autres mots, une
espèce de commission qui serait exclusivement consacrée à
disposer des litiges qui naissent de l'interprétation des droits et
obligations que l'on retrouve dans la loi.
Je souhaiterais pouvoir savoir de votre part si vous êtes
disposés à envisager cette possibilité,
étant entendu qu'à ce stade-ci on n'amorcerait pas la discussion
sur les modalités, les technicités; le nombre, enfin le principe
lui-même.
M. Laberge: Ce n'est pas nous qui avions choisi la Commission des
affaires sociales pour entendre les appels des travailleurs accidentés.
Cela a été décidé comme cela. Mais il reste qu'il y
a une expertise qui s'est développée là-dedans au cours
des années. Vraiment, ce qui manque à la Commission des affaires
sociales, ce sont probablement deux, trois autres bureaux ou quatre bureaux
pour réduire les délais, mais cela fonctionne à la
Commission des affaires sociales. La seule critique que vous y retrouvez, ce
sont les délais beaucoup trop longs.
Maintenant, je tiens à vous dire que, si vous maintenez ce qu'on
vous suggère fortement, que le travailleur accidenté continue
d'être rémunéré tant et aussi longtemps que la
décision n'est pas sortie, il y a beaucoup de gens qui vont s'organiser
pour que les délais raccourcissent. C'est là la meilleure
façon de les faire raccourcir.
M. Fréchette: Oui. M. Laberge, est-ce que, de votre
réponse, je peux interpréter que vous n'auriez pas d'objection
à envisager la possibilité de cet organisme externe dont je vous
parle?
M. Laberge: Si cela ne devient pas un organisme quasi
judiciaire...
M. Fréchette: Non, non.
M. Laberge: ...enfin, on est prêt à le regarder.
M. Fréchette: C'est pour cette raison que je vous
suggère qu'on puisse regarder les modalités d'application. C'est
sûr qu'il ne faudrait pas songer à quelque chose qui deviendrait
judiciarisé.
M. Laberge: Bien sûr. On pourrait regarder n'importe
quoi.
M. Fréchette: Bon. Une dernière chose, quant
à moi. C'est plus sous la forme d'une observation que d'une question
à ce stade-ci. Vous faites référence à la politique
qui est annoncée quant à l'indemnisation des victimes d'actes
criminels. Je vous signalerai, pour la stricte compréhension du
débat, que la Commission de la santé et de la
sécurité, à cet égard, n'a que le seul mandat
d'administrer le régime, n'est-ce pas? Je suis
effectivement, au moment où on se parle et depuis que le projet
de loi a été déposé, en discussion avec mon
collègue de la Justice et nous sommes attentifs aux remarques que vous
faites. Nous savons également que d'autres vont nous faire des
représentations fermes à cet égard. Je vous signale qu'il
devrait y avoir des choses qui se passeront d'ici la fin de la commission.
M. Laberge: Je l'espère, M. le ministre. Vous allez
comprendre alors que tout le monde fait des représentations pour que les
prisons soient plus belles, soient mieux aérées, que les
conditions soient meilleures, que la société investit beaucoup
d'argent dans tout le système pénitentiaire. Ce serait vraiment
scandaleux et inacceptable que les victimes d'accidents, elles, se verraient
couper leur indemnité.
M. Fréchette: Oui, mais il y a au moins une chose dont
tout le monde peut être sûr. C'est qu'il est certain qu'aucun des
droits acquis ne sera touché. Vous allez dire qu'il n'y a rien
d'extraordinaire là-dedans, que ce n'est pas la fin du monde.
M. Laberge: Les droits acquis, sauf que le prochain va être
obligé d'attendre un an avant d'être payé.
M. Fréchette: Non, non, M. Laberge. M. Laberge: II
va retirer 80% des 90%.
M. Fréchette: Non, non. Je ne vous ai pas parlé de
l'avenir. Je vous ai parlé des droits acquis.
M. Laberge: On pourrait peut-être suggérer au
gouvernement de demander au ministre de la Justice de couper ailleurs.
M. Fréchette: En tout cas, on pourra y revenir si vous le
souhaitez. J'ai maintenant terminé.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre. Il reste
dix minutes et, comme je ne voudrais pas couper l'intervention du
député de Sainte-Anne qui a droit à son temps de 30
minutes, je suspendrais les travaux jusqu'à 20 heures.
M. Laberge: M. le Président, si vous me le
permettez...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Laberge.
M. Laberge: ...on reprend à quelle heure?
Le Président (M. Jolivet): À 20 heures.
M. Laberge: À 16 heures. Hein?
Des voix: À 20 heures. À huit heures.
M. Laberge: M. le Président, en terminant, si le ministre
de la Justice enlevait quelques policiers sur les autoroutes, cela ne nous
dérangerait pas tellement.
Le Président (M. Jolivet): Suspension jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 17 h 50)
(Reprise de la séance à 20 h 6)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! La commission
élue permanente du travail est encore réunie aux fins d'entendre
les représentations des personnes et des groupes
intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles. Au moment où nous nous sommes
quittés, à l'heure du souper, à 18 heures, nous avions dit
que la parole était au député de Sainte-Anne pour 30
minutes. Donc, vous avez la parole, M. le député.
M. Polak: Merci, M. le Président. M. Laberge, d'abord,
bienvenue à Québec à vous et aux autres membres de
l'exécutif de la FTQ. Vous êtes un homme tellement bien
implanté dans votre milieu qu'on ne parle même pas de votre
succession, parce que vous êtes reconnu comme étant la base,
savez-vous!
En ce qui concerne l'Opposition, nous sommes venus ici pour
écouter, pour apprendre, pour dialoguer. Comme le porte-parole du
dossier, le responsable du dossier, le député de Viau l'a
expliqué longuement hier, nous sommes venus le faire en toute
objectivité. Je pense qu'on agit vraiment ainsi et que nous sommes en
train de promouvoir des choses qui sont dans l'intérêt de la
population. On n'a pas pris position pour un groupe ou contre un autre, pas du
tout. Même si, dans le passé, les relations du Parti
libéral avec la FTQ n'ont pas toujours été de
première classe, vous savez qu'en anglais on dit: "Politics make strange
bed fellows." Mon lit est ouvert!
Quelques questions et, d'abord, un compliment, M. Laberge. Lorsque vous
avez parlé du rôle du médecin traitant, je dois vous
appuyer dans ce que vous avez dit. Comme avocat de la pratique privée,
j'ai plaidé très souvent devant les tribunaux des causes
d'accidents d'automobiles. Dans le temps, ce n'était pas gouverné
par une régie, mais plaidé devant la cour. J'ai toujours
noté que le médecin traitant, celui qui connaît le patient,
la victime, qui a vécu avec la victime le problème presque de
jour en jour, était un des meilleurs témoins. Je vous
appuie dans votre remarque, concernant le rôle du médecin
traitant. D'ailleurs, très souvent, on voit que la victime se fie
énormément justement à la consultation avec ce
médecin traitant.
Maintenant, quelques questions. À la page 8 de votre
mémoire, dans la première partie, avant vos amendements, vous
parlez de vos revendications, de vos espoirs et des principes les plus
élémentaires de justice naturelle.
M. Laberge: Où êtes-vous, je m'excuse?
M. Polak: Page 8, no 17. Vous vous référez à
une justice naturelle quand on parle du domaine de la réparation. Plus
loin, page 37, vous analysez le problème des coûts et vous dites
qu'il s'agit d'un choix de société. Vous avez fait
référence, dans votre exposé, aux coûts. Avez-vous
des études qui peuvent nous éclairer un peu plus, à part
ce que le ministre nous a dit concernant les coûts? D'une manière
objective, avez-vous -votre organisme - fait des tentatives de calcul, grosso
modo, des coûts additionnels qui pourraient être occasionnés
quand ce projet de loi 42 sera en vigueur?
M. Laberge: Projet de loi 42? M. Polak: Oui.
M. Laberge: Bien, il n'y a pas de coût additionnel.
M. Polak: Bien...
M. Laberge: Vous économisez de l'argent.
M. Polak: D'accord. Pourriez-vous m'expliquer, en quelques mots,
comment on économiserait de l'argent? Je comprends que vous dites: On a
fait un sacrifice concernant le paiement de la pension. Mais quand on prend les
avantages additionnels - je vais vous lire quelques-uns des
bénéfices additionnels prévus dans ce projet de loi.
Le droit de retour au travail. Disons que les temps sont durs sur le
plan économique comme présentement. À la manière
dont vous expliquez cela, on peut avoir un cas où il n'y a pas d'emploi
disponible pour l'accidenté qui est prêt à reprendre son
travail et, selon votre thèse, cette personne devra continuer à
recevoir son paiement intégralement jusqu'au moment où il y aura
un retour au travail, quelque chose de disponible.
On parle de l'obligation pour l'employeur de continuer à payer la
cotisation au régime d'avantages sociaux, c'est-à-dire pour le
travailleur absent, malade, et, en même temps, pour le travailleur qui le
remplace.
Le paiement par l'employeur, les quatorze premiers jours
d'incapacité, je sais que cela va être remboursé, mais
c'est l'employeur qui avance ces sommes. Toutes ces innovations dans le projet
de loi ont une certaine conséquence financière. Avez-vous des
calculs pour démontrer que cela coûtera très peu ou que
cela ne coûtera même rien, comme vous dites, parce que ce qu'on
épargne avec le régime de paiement de pension va être
compensé par les coûts additionnels? Avez-vous des études
ou des statistiques là-dessus?
M. Laberge: II y a des études qui ont été
faites par des experts. On essaierait, vous et moi, de faire des études
là-dessus et on serait mal pris. Cela prend des gens qui ont toutes les
statistiques, le nombre de cas, le nombre de réclamations, la
durée des réclamations, etc.
Vous m'avez parlé des quatorze jours. J'ai assisté
à au moins sept ou huit séances où la CSST, la permanence,
a démontré noir sur blanc, aux employeurs - j'étais
là avec les employeurs - que cela ferait épargner plusieurs
millions de dollars par année juste de ne pas avoir à traiter des
réclamations de moins de quatorze jours. À tel point qu'à
un moment donné j'ai dit aux employeurs: Si vous ne voulez pas que la
CSST vous fasse épargner de l'argent, je suis bien d'accord;
arrêtons d'en parler et continuons à cinq jours.
J'ai lu le mémoire de l'Alcan et j'ai lu le mémoire de la
General Motors. Elles ont peur que les quatorze jours augmentent le nombre de
travailleurs et de travailleuses qui vont se déclarer victimes d'un
accident du travail, qui ne peuvent pas récupérer, enfin...
Encore une fois, j'ai assisté à toutes ses séances. Ce
n'est pas moi l'expert. Je suis un gars comme vous qui écoutait à
ce moment-là.
M. Polak: Mais disons que...
M. Laberge: Les experts nous ont démontré que c'est
vrai, lors de l'établissement des cinq jours, qu'il y a eu une
augmentation des réclamations et, graduellement, cela a diminué
et cela s'est stabilisé. Quand on considère qu'à la CSST
-encore une fois, ce sont des chiffres qu'on me donne, mais je n'ai aucune
raison de ne pas y croire - cela coûte environ 75 $ pour sortir un
chèque, parce qu'il faut d'abord ouvrir le dossier, il faut qu'il y ait
un préposé, il faut qu'il pitonne pour que cela rentre dans
l'ordinateur, avant de faire le chèque, il faut qu'il s'informe pour
voir combien d'heures et combien de jours le blessé a été
absent, ensuite l'émission... On nous dit que cela coûte 75 $ pour
un chèque. Évidemment, un chèque de 10 000 000 $, cela
coûte 75 $; il n'y a rien
là. Mais un chèque de 5 $ qui coûte 75 $ à
émettre, c'est important.
Quand on considère que 85% des dossiers à la CSST, c'est
quatorze jours et moins, évidemment, au plan administratif, la CSST, en
tout cas, m'a convaincu qu'elle épargnerait beaucoup d'argent.
L'employeur, je considère que cela ne doit pas lui coûter beaucoup
non plus, parce qu'il paie les quatorze jours et c'est le même
chèque de paie. Il n'a qu'à ne pas l'arrêter et c'est fait
dans les grandes entreprises; c'est fait de façon automatique. (20 h
15)
Évidemment, lorsque le cas est déclaré inacceptable
par la suite, il est question de récupération. Ce que je croyais
être la vérité il y a quelques mois, c'est que les
employeurs s'opposaient férocement à cela pour deux raisons:
d'abord, ils avaient peur d'une augmentation du nombre des gens qui se
déclareraient victimes d'accidents de travail; deuxièmement, que,
s'il n'y avait pas récupération, cela sortirait de leurs poches.
Il est arrivé un amendement que, non, cela ne sortirait pas de leurs
poches, qu'ils seraient remboursés par le fonds général.
Bien sûr que vous allez me dire: Ce sont encore les employeurs qui
fournissent là-dedans. Oui, mais au moins c'est réparti sur tout
le monde. Moi, je suis convaincu qu'il y a moyen de récupérer ces
sommes, surtout maintenant que le travailleur accidenté devrait
normalement retourner à son emploi. S'il a retiré de l'argent
qu'il n'aurait pas dû retirer, c'est assez facile de s'arranger pour
l'enlever de sa paie. Non?
M. Polak: Maintenant, comme vous le dites, vous n'avez pas fait
de telles études parce que vraiment ce n'est pas votre domaine ou le
domaine de la FTQ. J'ai bien compris que vous vous fiez aux chiffres soumis par
le ministre, quand il nous a parlé de chiffres hier, grosso modo, des
millions ici et là. Vous acceptez ces chiffres comme étant
corrects?
M. Laberge: Voulez-vous répéter la question?
M. Polak: Les chiffres que le ministre a fournis hier... Vous
êtes au courant de ces chiffres?
M. Laberge: Oui, que j'ai ici. C'était hier? Je vais
changer la date.
M. Polak: Les chiffres concernant ce que le projet de loi 42 nous
coûterait, ou coûterait d'argent additionnel, ou ce qu'on
épargnerait avec cela, le Conseil du patronat, ce matin, n'acceptait pas
ces chiffres.
M. Laberge: II ne les a pas acceptés.
M. Polak: II ne les a pas acceptés. Il a
suggéré qu'il y ait une commission indépendante pour
étudier cela vraiment beaucoup plus en détail avant de prendre
une décision. Mais, vous, est-ce que votre organisme accepte ces
chiffres ou est-ce que vous appuieriez une demande d'avoir une commission
spéciale pour regarder vraiment les implications financières de
ce projet de loi?
M. Laberge: Je n'ai aucune hésitation à accepter
ces chiffres, aucune. Ces chiffres ont été préparés
par des gens qui s'y connaissent, qui ont en main tous les dossiers. La
commission va faire quoi? Elle va bien être obligée de demander
des statistiques à ceux qui en ont, un peu comme vous êtes
obligés de le faire. S'il y a quelque chose, je dirais que c'est
probablement une estimation conservatrice. C'est non seulement 7 800 000 $ que
le projet de loi tel que présenté épargnerait aux
employeurs, ce serait beaucoup plus que cela, beaucoup plus que cela avec tout
ce qu'il y a dans le projet de loi 42. Les trois ans, par exemple, ce n'est
plus un remplacement du revenu, c'est un remplacement temporaire du revenu.
N'oubliez pas, encore une fois, le point majeur d'enlever les pensions à
vie, remplacées par un paiement forfaitaire plus un remplacement du
revenu, mais tel que le préconise le projet de loi 42, trois ans, cela
est 40 000 000 $.
M. Polak: Vous n'acceptez pas les trois ans?
M. Laberge: Non, on ne l'admet pas.
M. Polak: Si on suivait votre recommandation...
M. Laberge: Non, nous autres, on voudrait que cela coûte un
peu.
M. Polak: Oui, mais combien cela pourrait-il coûter de plus
si le gouvernement acceptait votre suggestion de ne pas limiter cela à
trois ans, mais de payer aussi longtemps que cela dure?
M. Laberge: Je vais vous dire une chose: Quel montant pourrait
être déterminé par nous qui coûterait trop cher pour
sauver des vies, pour sauver des membres, pour indemniser des gens qui ont
été victimes d'accidents du travail? Je ne parle pas des
fraudeurs. Les fraudeurs, qu'on les poigne, on est absolument d'accord, il n'y
a aucune hésitation là-dessus. Si, par hasard - et le ministre
m'a posé la question cet après-midi - le coût se
révélait vraiment, mais vraiment trop élevé, on n'a
absolument rien contre cela, nous autres de discuter de tout cela,
pas un ticket modérateur et des choses comme cela. C'est la
responsabilité de la société. La société est
composée quasi en majeure partie de gens qui travaillent, tous nous
autres. Que la société prenne une partie de la
responsabilité, on est prêt à discuter de cela, mais il ne
faut pas oublier une chose: c'est l'employeur qui détermine; c'est lui
qui a toute l'autorité voulue pour organiser les lieux de travail; c'est
lui qui détermine les carences, la vitesse; c'est lui qui a un tas
d'autorité sur un tas de choses. Il est un peu normal qu'il assume aussi
la responsabilité des accidents qui peuvent arriver. Bien sûr,
vous allez me dire: II y a des travailleurs qui ambitionnent. Bien sûr!
Bien sûr! Il y a des employeurs qui violent la loi ouvertement et je suis
bien certain que vous ne pouvez pas supporter cela! Quelqu'un qui viole la loi,
il faut qu'il paie pour. Cela nous est arrivé.
M. Polak: D'accord. Je voudrais discuter, M. Laberge, de ce
principe du droit de retour au travail. Lorsque j'ai lu le projet de loi, je
dois vous dire, honnêtement, que je ne l'avais pas vu comme cela. Vous
avez expliqué la manière dont vous avez lu le texte du projet de
loi.
Prenons le cas de quelqu'un qui a un accident du travail; supposons que
la victime en question ne puisse pas travailler pendant un mois;
évidemment, la personne ne sait pas, au moment de l'accident, combien de
temps cela peut durer. Après un ou deux mois, la personne est en mesure
de reprendre son emploi. Mais, là, il n'y a plus d'emploi, parce que
l'employeur n'était pas en mesure d'attendre. Je parle très
souvent de petites entreprises où on ne peut pas toujours avoir des
remplaçants dans l'organisation interne; donc, on a déjà
engagé un autre employé. La manière que vous avez
interprété le projet de loi, c'est seulement dans le cas
où le poste est encore disponible qu'il y a un retour au travail. Si le
poste n'est plus disponible parce qu'on a remplacé l'employé en
question, à ce moment-là, vous dites: Dans ce cas-là,
selon l'article 159, la commission continue à payer.
La manière dont j'ai interprété le projet de loi,
ce n'était pas trop clair, cette affaire de disponibilité. J'ai
même compris, au début, quand j'ai lu pour la première fois
le projet de loi, qu'il y avait même une possibilité, pour celui
qui est accidenté, de forcer son remplaçant à partir pour
qu'il puisse reprendre son emploi. Ce n'est pas clair. Mais disons qu'on
accepte votre interprétation. Cela veut dire que, dans la
théorie, en justice sociale, je comprends qu'on veuille protéger
le travailleur qui est victime d'un accident. Ce n'est pas sa faute s'il a
perdu son emploi et s'il est resté chez lui pendant un mois ou deux.
Mais pourquoi est-ce qu'on protégerait un tel employé et
pas, par exemple, un autre employé comme... Dans mon comté, il y
a une compagnie qui s'appelle Sherwin Williams. Il y a deux jours, cette
compagnie a fermé ses portes. Elle a annoncé qu'elle fermait ses
portes. Là, ce ne sont pas des accidentés, mais ce sont des
employés qui ont travaillé pour cette compagnie pendant 30 ou 35
ans. Ils n'ont pas d'expérience ailleurs. Pour eux, il n'y a
certainement pas d'autre emploi ni le choix de "bumper" quelqu'un ou de trouver
un autre emploi.
Alors, je me demande, sur le plan de la justice sociale, si on devrait
dire: Quand quelqu'un est victime d'un accident du travail, on va le
protéger jusqu'à ce point-là et, dans le cas de quelqu'un
qui a perdu un ou deux mois et qui, à cause de la situation
économique, ne peut pas trouver un autre emploi, il va continuer de
recevoir 90% de son salaire net, tandis qu'une autre personne, victime de la
conjoncture économique -prenons le cas de Maislin, qui est tombée
en faillite, ou Sherwin Williams - n'obtiendra rien. Comment cela
s'explique-t-il? Comment justifiez-vous cela vis-à-vis du
travailleur?
M. Laberge: II y a, évidemment, deux sortes
d'accidentés; enfin, il y en a plusieurs sortes, mais disons deux
sortes, pour essayer de rendre cela le plus simple possible. Il y a le
travailleur qui va se casser une jambe, qui, pendant un mois, deux mois ou deux
mois et demi, ne peut pas remplir son mandat. Cela est une chose. Une fois
rétabli, il peut reprendre son poste. D'accord. Ce que les employeurs -
et c'est ce que j'ai perçu des inquiétudes des employeurs
croyaient que les avant-projets - parce qu'on en a eu trois ou quatre, c'est le
quatrième -voulaient dire, c'est qu'ils devaient garder le poste ouvert.
Cela n'a pas d'allure. Enfin, on peut peut-être faire cela à
General Motors. Il manquerait un vice-président et je suis convaincu que
le président ne s'en apercevrait pas pendant des mois. Un gars sur la
ligne d'assemblage, c'est pire, parce qu'il manque un maillon à la
chaîne.
Une voix: ...
M. Laberge: Non, il manque un maillon à la chaîne.
Ce n'est pas cela. Nous autres, on dit - c'est cela la beauté de toute
l'affaire - que si on comprenait ce que cela veut dire, que le remplacement du
revenu, c'est la sécurité du travailleur accidenté, une
fois qu'il se sent "secure" du côté pécuniaire, il va se
lancer corps et âme dans des programmes de réadaptation, mais de
bons programmes de réadaptation. Son emploi n'est pas disponible. Il
faudrait qu'il aille "bumper" - une expression qu'on connaît bien, je
pense - un employé qui a plus d'ancienneté que lui, et il ne peut
pas y aller en vertu de la convention collective.
On lui trouve un autre emploi disponible. L'autre emploi disponible paie
moins cher. Il n'y a pas de problème. Ses prestations de la CSST
viennent juste de diminuer. Il continue à retirer une partie des
prestations de la CSST, plus le salaire d'un emploi qui paie moins. C'est cela
qui vient simplifier toute l'affaire, si on veut le comprendre, enfin, tel que
nous le percevons. Peut-être que nous l'avons mal exprimé. Mais
pour nous, c'est plus simple pour les employeurs, c'est plus simple pour la
commission, c'est plus simple pour les travailleurs.
M. Polak: D'accord, je comprends et j'accepte ce que vous dites,
mais, tout de même, vous avez fait un choix. Vous avez
décidé de donner priorité à l'accidenté qui,
pendant deux mois, ne peut pas travailler. Comme résultat de ce projet
de loi, pour le reste de ses jours - à supposer que la crise
économique continue - il reçoit son argent, tandis qu'une autre
personne qui est victime de la conjoncture économique, c'est aussi un
accidenté, un accidenté économique, c'est aussi grave,
parce qu'il doit aussi manger. Lui, il est condamné à
bénéficier de l'aide sociale.
M. Laberge: Là-dessus, il n'y a pas de problème. Je
disais tantôt qu'il y a deux sortes d'accidentés: un
accidenté qui demeure handicapé pour la vie et l'autre qui
récupère, par exemple, d'une jambe brisée. Il revient. Il
a récupéré. Quand il est prêt à reprendre le
travail, si, au poste qu'il occupait, il avait été mis à
pied, il n'y a pas de problème. Il devient un travailleur comme un
autre. Il est mis à pied. Mais le travailleur mis à pied dans le
même poste et qui a ses deux jambes a plus de chance de se retrouver un
autre job que le travailleur qui en a perdu une, parce qu'au lieu qu'elle soit
brisée, elle est coupée. À ce moment-là, on dit: II
faut le compenser tant qu'on ne lui trouvera pas un autre travail qu'il est
apte à remplir. Est-ce que c'est clair?
M. Polak: Oui, c'est clair.
M. Laberge: Alors, le travailleur qui n'a pas de... Non, non,
non. Cela vous fait sourire. Je ne veux pas sourire. Je trouve cela très
important qu'on puisse s'exprimer assez clairement là-dessus pour qu'il
n'y ait pas d'ambiguïté. Le travailleur a une incapacité
temporaire totale; on le rémunère. Il est réadapté;
il peut reprendre son travail. Il n'a aucune déficience physique ou
psychologique ou rien; il devient un travailleur comme un autre.
M. Polak: Si le gouvernement disait: On ne peut pas accepter
votre recommandation, à savoir que ce droit de retour au travail n'est
pas limité et on reste avec la période de trois ans et même
d'autres restrictions, est-ce que vous accepteriez cela?
M. Laberge: Quelle autre restriction?
M. Polak: Disons la distinction que vous appelez arbitraire entre
ceux qui travaillent et qui ont un emploi depuis trois mois, ceux qui
travaillent pour une compagnie de 20 employés ou moins, toutes ces
distinctions qui existent et que vous avez critiquées comme étant
arbitraires.
M. Laberge: Nous avons déjà cela dans plusieurs
conventions collectives, à savoir que le temps qu'un travailleur
accidenté reçoit des soins, etc., son ancienneté
s'accumule. On a déjà cela dans un tas de conventions
collectives.
M. Polak: Une dernière question.
Le Président (M. Jolivet): Un instant! M. Laberge...
M. Polak: Je m'excuse.
M. Laberge: II m'a l'air plus intéressé aux
questions qu'aux réponses, mais, enfin...
M. Polak: J'avais juste...
M. Laberge: Moi aussi d'ailleurs. Moi aussi. On est d'accord. (20
h 30)
M. Polak: J'avais juste une demi-heure, savez-vous?
Dernière question, M. Laberge. Sans doute, quand la FTQ négocie
des conventions avec les employeurs, vous regardez, à un moment
donné, le facteur du coût d'exploitation de la compagnie. Je vous
ai entendu dire vous-même que peut-être on est presque
arrivé au point où un employeur devrait ouvrir ses livres du
point de vue de la comptabilité.
M. Laberge: Un employeur qui ne fait pas d'argent, c'est
très difficile de négogier avec lui.
M. Polak: Ce matin, la remarque a été faite. Ce
n'est pas juste le Conseil du patronat; d'autres organismes ont dit aussi
qu'ils avaient peur, ils sont convaincus qu'il y aura des coûts
additionnels et que cela peut influencer le prix final de leur produit.
À un moment donné, ils ne peuvent exiger plus pour leur produit
parce qu'ils ne sont plus concurrentiels. Peut-être ne sommes-nous pas en
mesure de mettre en application des principes qui sont peut-être
très justes, en vertu du projet de loi 42, mais la société
dans laquelle on se trouve maintenant n'est peut-être pas encore
prête pour cela. Je vous rappelle par exemple qu'il y a un an, ici
à Québec, on protestait contre les
coupures parce que le gouvernement avait dit: On ne peut plus se
permettre de payer de tels salaires. Vous avez vu la sorte de loi qui a
été adoptée. Si les temps étaient encore aussi
difficiles et que les associations d'employeurs pouvaient montrer que ce projet
de loi 42 coûte trop cher pour le moment, est-ce que vous accepteriez de
retirer une partie de vos demandes ou de faire des concessions?
M. Laberge: Évidemment, c'est un choix de
société qu'il nous faut faire. Est-ce qu'on devrait permettre
à un employeur de faire des affaires au plus bas coût possible,
faisant fi du coût de la vie, faisant fi des règlements sur la
santé et la sécurité, faisant fi des règlements sur
l'environnement? Il est bien évident que, si on n'avait pas tous ces
règlements, un employeur serait beaucoup plus libre. D'ailleurs, on l'a
vu dans la construction. Quand un employeur peut se permettre de violer tous
les règlements, il n'y a pas d'erreur, il peut obtenir tous les contrats
comparativement à un autre entrepreneur en construction qui, lui, veut
respecter les règlements de santé et de sécurité,
l'environnement et tout le reste. On a à décider, je suppose,
à un moment. Cela nous vaut combien une vie gaspillée? Cela nous
vaut combien un bras coupé qu'on aurait pu empêcher d'être
coupé? C'est bien sûr que ce sont des choses qui coûtent
quelque chose. Nous l'avons dit dans notre mémoire aux paragraphes 99,
100 et 101. Nous autres, on dit: C'est un choix de société. Quand
le premier avant-projet a été déposé au mois de
novembre 1980, d'après les estimations -et à ce moment je dois
vous dire que le Conseil du patronat ne les mettait pas en doute parce que
l'estimation disait que cela coûterait 155 000 000 $ de plus - le Conseil
du patronat a dit: Cela a été fait par des experts, nous croyons
que cela n'a pas d'allure de nous imputer 155 000 000 $. Les mêmes
experts ont évalué le projet d'octobre 1982. Là, cela
coûtait seulement 84 900 000 $. Le Conseil du patronat a dit: Ce sont des
experts et on croit à leurs chiffres. Sauf que 84 900 000 $, c'est bien
trop.
D'ailleurs, M. Dufour l'a dit cet après-midi. On pourrait se
rendre à environ 25 000 000 $, mais cela était la première
offre. Moi, j'ai supposé qu'il y avait lieu de négocier un peu.
Arrive le projet de loi de mars 1983. Là, cela ne coûte plus que
41 000 000 $. Les mêmes experts. Là, le Conseil du patronat dit:
II y a peut-être des ajustements à faire car il y a une chose qui
n'a pas encore été dite... On l'a peut-être dite ce matin.
Les 38 400 000 $ sont une menace de plusieurs dizaines de millions pour la
CSST, donc pour les employeurs en particulier. Il fallait trouver une solution
aux 38 400 000 $. Et, à un moment donné, quelqu'un a eu le
génie - et je suis en beau maudit, parce que ce n'est pas nous qui
l'avons eu - d'aller devant les tribunaux parce que la CSST ne remplissait pas
le mandat que lui avait dévolu la loi, même si ce n'était
pas clair. Mais la loi disait qu'il devrait y avoir de la
réadaptation.
Savez-vous combien cela coûte, par année, depuis que c'est
mis en application? Je vais vous donner un chiffre. J'espère que vous ne
me poignerez pas aux dizaines de milliers. Mais c'est quelque chose comme 30
000 000 $ à 40 000 000 $, l'année dernière et cette
année. C'est de l'argent en maudit! Le projet de loi 42 vient corriger
cela. Le projet de loi 42 enlève des choses acquises. Les pensions
à vie, c'est acquis, cela on les enlève. C'est 40 000 000 $. On
les remet dans le pot pour les redistribuer différemment. Les grands
accidentés, selon la loi actuelle, c'est bien sûr qu'ils y perdent
avec le projet de loi; il n'y a aucun doute là-dessus. Mais la
majorité des travailleurs et travailleuses accidentés vont y
regagner avec le nouveau projet de loi; cela va être une justice plus
équilibrée. Nous sommes entièrement d'accord avec cela.
Mais il y a un coût là-dedans. Ce que nous proposons...
M. Polak: Et...
M. Laberge: Non, non, je vais répondre à votre
question, mais c'était une question "loadée", comme on dit, il y
avait du stock là-dedans. Je vais essayer d'y répondre.
S'il arrivait que ce qu'on préconise soit adopté,
n'importe quand, le lendemain, nous serions prêts à siéger
à un comité pour regarder les coûts, voir de quelle
façon ils devraient être appliqués et tout le reste. On n'a
jamais été réfractaires à cela. S'il y avait des
coûts épouvantables - je dis bien épouvantables -
d'imposés aux employeurs, ce qui ferait qu'ils ne pourraient plus
être compétitifs avec les autres, bien sûr qu'on serait
prêts à regarder cela.
D'un autre côté, il faut qu'il y ait cette
responsabilité d'imputée aux employeurs du domaine
santé-sécurité; c'est la seule façon d'amener les
employeurs à faire de la prévention. De la prévention,
cela coûte cher, et malheureusement cela ne rapporte pas aussi vite qu'on
est obligé de dépenser. La prévention, c'est à
moyen terme. Mettre sur pied des mécanismes, des comités, relever
toutes les composantes des métaux et des fluides dont on se sert dans
une entreprise, tout cela est de la prévention. Vous êtes
obligés de dépenser beaucoup pour mettre tout cela en marche.
Mais cela va rapporter, je ne sais pas quand, l'an prochain, dans deux ans,
dans trois ans; et cela a été ainsi partout à travers le
monde.
Je suis convaincu que les employeurs vont vouloir marcher à fond
dans la
prévention quand ils vont se rendre compte que tout ce qu'ils
dépensent en prévention leur coûte moins cher que ce qu'ils
sont obligés de dépenser en réparation.
M. Polak: Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Prévost et adjoint parlementaire au ministre du Travail.
M. Dean: M. le Président, je suis très heureux que
vous m'accordiez la parole à ce moment-ci parce que, après la
présentation du mémoire de la FTQ, j'avais six questions. Mon
ministre bien-aimé a posé deux d'entre elles; le
député de Sainte-Anne a posé une et demie d'entre elles;
alors, avant qu'il ne m'en reste pas du tout, je suis très heureux
d'avoir la chance d'en poser.
Confrère Laberge, je veux juste être sûr que je
comprends bien. Vous me connaissez depuis assez longtemps pour savoir que, des
fois, je suis lent à comprendre, mais je veux être sûr. Il
s'agit du remplacement de revenu. Vous demandez qu'un travailleur blessé
soit maintenu à 100% de son revenu net, jusqu'à 65 ans, tenant
compte de tout ce qu'on peut faire en réhabilitation pour le retourner
à son ancien emploi ou peut-être à un autre emploi moins
bien payé chez le même employeur ou si sa condition exige qu'on le
recycle vers un autre employeur, peut-être à un salaire plus
bas.
M. Laberge: Je pense qu'il n'y a personne qui puisse estimer ce
genre de coûts, mais je suis convaincu qu'avec un vrai bon système
de réadaptation pour remettre la travailleuse ou le travailleur
accidenté sur pied et lui permettre d'accepter un emploi qui paie moins
que son ancien emploi possiblement, il n'y a pas de problème, parce que
la différence va lui être remboursée. Nous allons
épargner des dizaines et des dizaines, des dizaines de millions de
dollars par année. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais cela
va se faire.
M. Dean: Ma deuxième question concerne les montants
forfaitaires, l'annexe B. Vous avez dit que vous êtes d'accord avec le
principe, mais que les montants ne sont pas assez élevés.
Avez-vous une proposition à faire quant aux montants?
M. Laberge: En fait, on aurait pu vous faire une proposition, que
telle échelle parte de 500 000 $ ou de 200 000 $. On n'a pas voulu
tomber dans ce genre de... Non, vous comprenez ce que je veux dire. Mais il
reste qu'avec l'échelle qu'on a, un jeune homme de 18 ans, fini, 80%
d'incapacité, va retirer 40 000 $; c'est ridicule.
M. Dean: Vous ne pouvez pas nous indiquer un barème...
M. Laberge: Ah! Bien sûr. Attendez! Je vais me consulter:
250 000 $.
Des voix: Ah! Ah! Ah! M. Dean: Cela veut dire...
M. Laberge: Mais vous comprenez ce que je veux dire.
M. Dean: ...cinq fois l'échelle prévue
actuellement.
M. Laberge: En tout cas, dans un cas comme celui-là,
exiger que le petit gars de 18 ans reçoive au moins 100 000 $, je ne
pense pas que personne pourrait trouver que c'est exagéré.
D'accord?
M. Dean: Question suivante. Vous avez parlé du rôle
primordial du médecin traitant. Si j'ai bien noté, vous avez dit:
S'il y avait des doutes, à un moment donné, un doute sur
l'opinion médicale ou une contestation quelconque, nous serions pour un
comité médical ou un comité d'évaluation
médicale qui aurait le pouvoir, sur le plan médical, de trancher
la question.
M. Laberge: C'est cela. C'est une question d'experts. Le
médecin de la commission regardant le rapport, s'il trouve que le
médecin traitant charrie - cela arrive - fait appel à un
comité d'experts. Si la commission trouve qu'il y a des médecins
qui ne sont pas corrects et qui sont d'une complaisance inouïe - c'est
drôle, je n'en ai jamais rencontré un maudit là-dedans,
mais, en tout cas, je sais que cela existe - maudit, il devrait y avoir un
comité d'arbitrage, il devrait y avoir quelque chose au niveau - je ne
sais pas - du conseil, du Collège des médecins, de la
fraternité...
Une voix: La corporation.
M. Laberge: Le collège, c'est cela; c'est la corporation.
Vous avez le syndicat des médecins. Le collège, c'est la
corporation. Non, mais il devrait y avoir quelque chose. Nous comprenons
très mal qu'un médecin, regardant le rapport d'un autre, sans
connaître le patient, puisse dire que le médecin traitant n'est
pas correct. On a de la misère à avaler cela.
M. Dean: Hier, la Fédération des médecins
spécialistes a justement proposé un genre de comité
d'arbitrage médical. Au début, ces médecins ont
parlé d'un comité de trois qui serait formé de
spécialistes reconnus dans le domaine en question. Ils pourraient ne pas
être trois; ce pourrait être
deux; ce pourrait être un; ce pourrait être cinq s'il le
faut, selon le cas. Ils ont proposé une telle formule. Seriez-vous
prêt à considérer une telle formule?
M. Laberge: Nous autres, tout ce qu'on dit, c'est que,
jusqu'à preuve du contraire, l'opinion du médecin traitant est
aussi bonne que l'opinion de n'importe quel autre médecin;
jusqu'à preuve du contraire. Et ce n'est pas le cas, ce n'est pas ce que
le projet de loi 42 propose et ce n'est pas ce qui existe actuellement.
L'opinion du médecin traitant, à moins qu'il soit prouvé
qu'il est dans les patates, devrait compter.
M. Dean: En cas de contestation ou doute, vous seriez prêt
à considérer une formule comme celle-là. (20 h 45)
M. Laberge: Enfin, un comité nommé par la
commission, nommé par le gouvernement...
M. Dean: Verriez-vous quelque chose qui ressemblerait à la
liste annuelle des arbitres nommés par le conseil consultatif?
M. Laberge: Pourquoi pas?
M. Dean: Une dernière question en ce qui regarde le retour
au travail. Vous avez indiqué dans vos remarques ce que j'ai
déjà souligné à d'autres intervenants: il y a de
nombreuses conventions collectives qui déjà prévoient une
façon de réhabiliter les travailleurs et de les retourner soit au
même emploi, soit dans un autre emploi au sein de la même
entreprise, et même il y en a qui prévoient que les deux parties
par entente pensent faire violence à la règle stricte
d'ancienneté dans des cas précis, pour autant que les deux
parties consentent. Verriez-vous que la loi 42, que le droit au retour au
travail soit inscrit dans la loi, mais que la loi contienne une espèce
d'incitation dans les entreprises où il y a un syndicat, pour que les
parties négocient une clause, négocient les modalités du
respect du droit de retour au travail qui sera contenu dans la loi?
Trouvez-vous qu'il y a quelque chose?
M. Laberge: Dès que le droit de retour au travail est
inscrit dans la loi, c'est une incitation parce qu'on aurait l'air fou en
maudit à un moment donné si c'était nous, de par nos
conventions collectives, qui empêchions tout le monde de retourner au
travail après avoir déclaré de façon solennelle que
la meilleure partie de la réadaptation d'un travailleur, c'est de le
retourner à un travail. Encore bien mieux dans le sien.
M. Dean: Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Viau.
M. Cusano: Merci. M. Laberge, à la page 36, paragraphe 97,
vous dites très clairement que la meilleure façon de
réduire les coûts au chapitre de la réparation, c'est
d'investir au chapitre de la prévention et non pas de se
décharger sur des victimes d'un coût malheureusement normal dans
les circonstances actuelles. Vous l'avez trouvé là? Page 36,
paragraphe 97.
M. Laberge: D'accord. Excusez-moi, j'ai un "helper" qui m'avait
mêlé un peu.
M. Cusano: Vous dites, M. Laberge, que la meilleure façon
de s'assurer que les coûts de la réparation diminuent, c'est
d'investir...
M. Laberge: Dans la prévention.
M. Cusano: ...dans la prévention. Je souscris
entièrement à cette déclaration. On sait fort bien qu'un
des objectifs du livre blanc était justement l'élimination des
dangers à la source, de faire de la prévention. Vous qui
êtes dans le champ, sur les chantiers de travaux, les manufactures, les
industries, et qui en même temps avez l'occasion de siéger au
conseil d'administration de la CSST, qui est censée faire de la
prévention, pouvez-vous, à ce moment-ci, nous faire un bilan de
l'état de la prévention au Québec?
M. Laberge: La prévention est à ses tous
débuts. La prévention, je pense, s'est traînée, pour
employer une figure de style, un peu comme un bébé qui vient de
naître. Je pense que c'est normal qu'elle se traîne une "secousse"
avant d'apprendre à marcher. Il faut que tu fasses cela avant
d'apprendre à courir. Il ne s'est pas fait énormément de
prévention au Québec, sauf à certains endroits. Vous avez
eu un mémoire déposé par l'Association des mines et
métaux - est-ce que c'est comme cela que ça s'appelle -cela fait
25 ans qu'ils nous cassent les oreilles avec leur prévention. C'est une
fausseté, c'est de la foutaise. Regardez le taux d'accidents dans les
mines. Il n'y a qu'une place où c'est pire, je pense, et c'est dans la
construction. Ce sont les deux associations patronales qui ne cessent de nous
casser les oreilles avec leur prévention. C'est de la merde.
D'accord?
On parle de vraie prévention. La prévention, c'est aussi
un état d'esprit. Ce n'est pas juste l'employeur qui peut le faire.
L'employeur peut rendre le terrain favorable. L'employé a quelque chose
à y faire aussi. Cela n'est pas facile à faire. Cela veut dire un
changement de mentalité; un changement de mentalité aussi bien du
côté des travailleurs que du côté des employeurs.
Combien de fois a-t-on vu un service où il y avait un bruit
infernal? La solution? On maudissait des "mufflers" sur les oreilles des gars.
Bien oui! Malheureusement, aujourd'hui, on est rendu tellement loin qu'on
découvre que les "mufflers" n'empêchent pas la surdité.
Cela la retarde un peu, cela ne l'empêche pas. Tu entends moins le bruit,
mais il est là quand même et il agit.
Combien de fois a-t-on vu des systèmes de ventilation
inadéquats? On achetait des masques. Mais quand il fait 90 degrés
dehors et probablement 112 degrés dans l'usine, que tu es obligé
de porter un masque, je vais te dire une chose: On peut se regarder, tous les
trois, avec nos lunettes en-dessous du masque, quand la sueur pisse, cela va
bien, notre affaire, n'est-ce pas!
Dans la prévention, il va falloir investir beaucoup. La
prévention c'est un investissement. Mais si on réussissait
à convaincre l'employeur que les travailleurs sont conscients aussi des
coûts... On le devient de plus en plus, je pense; si on ne l'est pas
devenu auparavant. C'est que les employeurs étaient "a bit shy", comme
on dit en anglais, ils étaient quelque peu rébarbatifs à
nous montrer les vrais coûts. Dans l'ignorance des vrais coûts, on
ne s'est peut-être pas toujours assez soucié de la question des
coûts. Bien sûr, tu ne peux pas demander à une petite
entreprise, demain matin, de faire une dépense d'un demi-million de
dollars pour changer son service de peinture; elle y gagnerait à fermer
ses portes. À ce moment-là, il faut regarder quelle est
l'alternative. Est-ce qu'on peut quand même faire des choses pour lui
permettre de s'adapter? C'est quelque chose qui va se faire à moyen et
à long terme, mais il n'y a aucun doute dans mon esprit que l'argent
investi en prévention va en économiser énormément,
tantôt, en réparations.
M. Cusano: Merci. Lorsqu'on parle de la réinsertion d'un
accidenté dans son milieu de travail - on l'a entendu dire par des
témoins, spécialement au mois de décembre dernier
-celle-ci, la plupart du temps, se fait dans un bureau de la CSST. À
raison de 14 employés par semaine - je pense que c'est le chiffre que
vous avez cité, je pensais que c'était 12, mais vous dites 14;
selon le formulaire de la CSST, je crois qu'il y a 12 espaces, mais 14, c'est
encore pire... Cela semble s'arrêter là, la
réintégration de l'accidenté dans son milieu de
travail.
Or, on sait fort bien que le travailleur qui a subi une blessure assez
grave, spécialement la perte d'une main, d'un bras ou d'un pied, passe
par plusieurs étapes. La première, ce sont des douleurs que nous
n'avons pas besoin de décrire. La deuxième, c'est qu'il constate
qu'il est maintenant handicapé, il doit accepter ce fait lui-même.
L'autre étape, c'est le constat de ses proches, sa famille et ses
enfants, ses parents, ses amis. C'est une période qui est très
difficile. Finalement, la dernière étape, c'est celle de la
réintégration, justement, dans le milieu du travail.
Plusieurs nous disent que c'est une question peut-être d'attitude
de la part du milieu. Cette réintégration est très
difficile à faire dans le milieu du travail, c'est-à-dire que
l'attitude de ses confrères, ses ex-collègues, n'est pas toujours
la meilleure lorsqu'il s'agit d'accepter l'individu qui est maintenant un
handicapé.
Pourrais-je avoir vos commentaires sur le rôle que des
travailleurs et le syndicat devraient jouer dans l'acceptation justement d'un
homme ou d'une femme qui est handicapé, qui a été victime
d'un accident de cette nature?
M. Laberge: C'est vraiment la question pour quelqu'un qui pense
à une réadaptation totale, complète. Il y a la cure
médicale, bien sûr. Il y a peut-être la réadaptation
physique, c'est-à-dire habituer le travailleur à porter une
prothèse. Il y a la réadaptation psychique. Il y a la
réadaptation sociale, convaincre le travailleur qu'il peut y être.
Mais l'acceptation de son entourage, je pense bien que c'est une phase sur
laquelle la CSST ne s'est jamais penchée et sur laquelle personne ne
s'est pas beaucoup penché, même pas nous autres. C'est une phase
extrêmement importante. Avec un programme de réadaptation
complète, cette équipe multidisciplinaire dont on parlait
tantôt, on va certainement nous parler de cela. Avec cela, on pourra
faire prendre conscience à nous autres et à tout notre monde que
nous avons aussi un rôle important à jouer là-dedans. Une
fois que c'est compris, il y aura des accrochages. Il y a toujours des
accrochages. Mais une fois que c'est compris, cela va pouvoir se faire.
Si vous me permettez juste une analogie. Le petit
Léveillé, des Bruins de Boston, s'il avait été
couvert par un employeur ordinaire au Québec, avec la CSST, je vous
suggère que la cause serait devant les tribunaux, l'employeur disant que
c'était dû à une malformation congénitale
plutôt qu'à un accident lors d'une partie de hockey.
Malheureusement, il est fort possible que ce soit un peu les deux. Il y a
probablement eu malformation, mais s'il n'avait jamais fait une affaire pour
arriver la tête dans la bande, il aurait peut-être pu vivre toute
sa vie de façon normale avec sa malformation.
Quand il nous arrive des cas comme celui-là, je trouve cela
pénible. Les employeurs nous parlent de coûts. Vous connaissez
quelques employeurs, vous, M. Polak. J'aimerais que, simplement pour votre
information, à vous autres, vous ramassiez les coûts des
employeurs en avocats de
toutes sortes pour aller plaider devant les cours. J'aimerais que vous
nous ramassiez cela pour voir si cela coûte plus cher que leurs
contributions à la CSST. Ce qui coûte cher, c'est cela: parce que
le fonctionnaire de la CSST qui se fait virer par le bureau de révision
et le bureau de révision qui se fait virer par le tribunal, comme la
décision dans l'amiante... L'outrage au tribunal, cela me
connaît.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Laberge: Si vous voulez que je vous dise ce que je pense du
jugement, je peux vous le dire. C'est une aberration mentale.
Des voix: Oh!
M. Laberge: Qu'un mineur atteint d'amiantose ne soit pas couvert
s'il ne travaille pas dans le trou, quelle sorte de patente? Toutes ces
maudites affaires-là viennent compliquer tout le système et cela
coûte très cher. D'ailleurs, je le sais; cela nous arrive parfois.
Évidemment, à la FTQ, on a toujours eu les meilleurs avocats ou
à peu près. Chaque fois qu'on a eu à paraître devant
les juges, ils nous ont toujours obtenu le maximum des sentences.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
(21 heures)
M. Cusano: M. Laberge, j'ai bien compris votre réponse
à ma question, à savoir que c'est malheureux que la CSST ne se
soit pas encore penchée sur ce problème de réinsertion et
d'acceptation de l'individu. Puisque vous siégez, vous au conseil
d'administration - nous, de l'Opposition, on n'y siège pas, on ne nous
écoute pas trop souvent...
M. Laberge: II faudrait convaincre les patrons.
M. Cusano: Peut-être qu'à la prochaine
réunion vous pourrez l'inscrire à l'ordre du jour.
M. Laberge: Je vous l'ai dit très brièvement lors
de la dernière séance, on n'est pas tous heureux de toutes les
décisions de la CSST, je tiens à vous le dire. Nous qui
siégeons au conseil d'administration, quand on se fait poigner par nos
techniciens, ils nous demandent en maudit ce qu'on fait là-dessus.
Malheureusement, tous les cas ne viennent pas devant le conseil
d'administration, c'est bien sûr. Je vais vous dire une chose: la
permanence de la CSST, c'est peut-être le "hot seat" des "hot seats". Il
y a d'un côté le patronat qui trouve qu'on en donne trop et il y
a, de l'autre côté, nous autres qui trouvons qu'on n'en donne pas
assez. Je suis convaincu que c'est nous autres qui avons raison.
M. Cusano: Merci, M. Laberge. Deux autres petites questions qui
vont peut-être engendrer des réponses très longues. La
première, c'est concernant les surpayés administratifs. Je
précise ce que je considère comme un surpayé
administratif, on en voit très souvent dans nos comtés. Je suis
sûr que dans vos bureaux vous recevez aussi des gens qui, non par
fraude... Je ne parle pas de fraude à ce moment-ci, parce que je suis
convaincu que les fraudeurs, il n'y en a pas beaucoup. Je suis convaincu de
cela.
M. Laberge: C'est le minimum.
M. Cusano: II y a des surpayés administratifs parce que
l'agent d'indemnisation, à un certain moment, a décidé de
son propre chef d'indemniser un individu pendant une certaine période.
Après, on envoie une lettre à l'individu lui disant: II y a eu
une erreur, on n'aurait pas dû vous payer et on réclame. J'ai vu
des montants considérables. J'ai un cas dans mon comté où
on réclame d'une dame 4000 $. Cette femme qui travaille au salaire
minimum n'aurait même pas les moyens de payer les intérêts,
si elle pouvait aller à la banque emprunter les 4000 $ pour redonner la
somme à la CSST. D'un côté, je suis d'accord que l'individu
ne doit pas être tenu de payer les erreurs administratives de la CSST. Je
suis convaincu que vous savez que ces erreurs sont très nombreuses. Je
ne prétends pas, comme je l'ai dit, que c'est l'accidenté qui
devrait assumer ces coûts. En même temps, je trouve
complètement hors de question que, dans un sens, ce soit l'employeur
qui, en fin de compte, assume ces coûts. Est-ce que vous verriez une
participation du gouvernement du Québec pour défrayer le
coût de ces erreurs administratives? Je ne veux pas aller dans d'autres
sujets, je parle strictement d'erreurs administratives pour des
accidentés.
M. Laberge: Pour traduire votre question, vous me demandez si on
est prêts, comme citoyens, à contribuer à réparer
ces erreurs, parce que le gouvernement du Québec n'a jamais rien
donné à personne, pas plus le gouvernement actuel que le
précédent ou l'autre avant. Chaque fois qu'il donne quelque
chose, c'est nous autres qui payons.
M. Cusano: Oui. Mais, dans ce cas-ci, c'est l'employeur
qui...
M. Laberge: Non, non. Nous ne sommes pas, à la FTQ,
réfractaires à ce genre de choses, absolument pas. Mais il n'y a
pas autant d'erreurs administratives que vous semblez le croire. En tout cas,
les "tabarouettes", s'ils en paient tellement que
cela en trop, cela doit être du monde de la CSD parce que cela
n'arrive pas souvent chez nous! Ou d'un autre syndicat! Je ne voulais pas dire
la CSD. Cela n'arrive pas si souvent que cela, chez nous. Cela arrive. Il y a
des erreurs administratives, bien sûr. Il y a des veuves qui vont
encaisser le chèque de leur mari et qui omettent de déclarer
qu'il est mort. Mais, à ce moment-là, cela ne vous coûte
rien, à la CSST, ni aux employeurs. Ce sont les banques qui sont
obligées de payer. Enfin, cela nous coûte toujours quelque chose;
quand la banque débourse, on paie, fatalement, à un moment
donné.
M. Cusano: Cela m'amène...
M. Laberge: Aller récupérer de ces gens-là,
c'est aussi odieux que d'aller récupérer 787 $ à la veuve
d'un gars qui est mort il y a douze ans et devait au fisc et que le fisc n'a
pas cotisé. C'est le genre de chose qui n'est pas faisable. Bon! Comment
est-ce qu'on règle cela? Il y a certainement une portion de cela qui
pourrait devenir la responsabilité de la société. Je vous
suggère que c'est infime. Cela coûterait probablement plus cher de
faire une étude là-dessus que de payer.
M. Cusano: Au nombre d'études qui sont faites, M. Laberge,
cela doit être des études exhaustives parce qu'on en attend encore
une, depuis le 10 mai dernier, sur les coûts du projet de loi tel quel.
À propos, justement, de la CSD...
M. Laberge: Non, non, je ne voulais pas en parler.
M. Cusano: Je reviendrai plus tard, alors, M. Laberge. Sur la
question de certains aspects de la loi actuelle et du projet de loi qui
seraient considérés encore comme mesures sociales, comme le
retrait préventif de la femme enceinte, je crois fermement que, si
celle-ci est en danger, elle devrait être retirée. C'est une
mesure sociale, je crois, qui est admirable. Encore là, je vous pose la
même question que tout à l'heure: Est-ce que ce qui serait
considéré comme mesure sociale devrait être aussi
imputé au gouvernement et non seulement aux employeurs?
M. Laberge: Le gouvernement déciderait, demain, que c'est
une mesure sociale, je peux vous garantir qu'il n'y aura pas grève
générale décrétée par la FTQ.
M. Cusano: Merci.
M. Laberge: Mais il y aurait probablement un peu plus de
facilité, pour une femme enceinte ou qui allaite, de pouvoir exercer son
retrait préventif. C'est devenu très difficile. C'est devenu
très très difficile. C'est devenu trop difficile.
M. Cusano: Merci.
Je vais poser ma dernière question parce que le président
m'avise qu'il me reste... Je vous écoutais très bien tout
à l'heure...
M. Laberge: C'est de valeur, on avait du "fun".
M. Cusano: On avait du "fun", oui! On pourrait continuer cela
à un autre moment, M. Laberge.
M. Laberge: N'importe quand.
M. Cusano: La CSD, justement, et le conseil du patronat, d'une
façon un peu différente, tous les deux, réclament une
enquête sur les activités de la CSST à cause de toutes les
difficultés, les directives et les manuels d'instructions qui ne sont
pas conformes, c'est-à-dire qui sont très difficiles à
comprendre et qui résultent dans de l'arbitraire, dans
différentes régions et ainsi de suite. Ils trouvent cela assez
grave pour réclamer - ceci, de la part de la CSD et du conseil du
patronat - une enquête sur les activités de la CSST. Vous nous
avez dit, dans votre mémoire, que vous n'êtes pas heureux à
100% de la manière que cela fonctionne à la CSST. Vous n'avez pas
jugé...
M. Laberge: On n'est même pas d'accord à 100% avec
la manière dont vous fonctionnez ici.
M. Cusano: Peut-être. Comme vous le remarquez, on nous
limite dans le temps, M. Laberge.
M. Laberge: Mais c'est normal. Enfin.
M. Cusano: Vous n'avez pas demandé de telle enquête.
Est-ce que vous pouvez m'expliquer pourquoi?
M. Laberge: Je pense que c'est noyer le poisson. Il n'y a pas un
besoin d'enquête là-dedans. D'ailleurs, la CSD, par hasard, est
représentée au conseil d'administration. Ce n'est peut-être
pas tout à fait par hasard, mais elle y est. C'est drôle, je n'ai
jamais entendu poser de question dans ce sens-là.
M. Cusano: Pardon?
M. Laberge: Je n'ai jamais entendu le représentant de la
CSD poser de question dans ce sens-là au conseil d'administration. Nous
autres, à la FTQ, on a des griefs contre la CSST. La position qu'on a
prise, je pense que c'est la bonne. On ne profitera
pas de la commission parlementaire - l'autre qu'il y a eu - pour venir
étaler les griefs qu'on a contre la CSST. Maudit! On siège au
conseil d'administration. Si on a des questions à poser, qu'on les pose.
Si on a des dossiers à monter, qu'on les monte. Qu'on les rencontre si
on n'obtient pas satisfaction. Fiez-vous à nous; vous allez nous
entendre parler. Obtenir satisfaction ne veut pas dire gagner tous nos cas,
mais qu'il y ait des explications logiques aux questions et des réponses
qui ont de l'allure aux questions qu'on pose. Une enquête? Il y en a qui
favorisent des enquêtes. Je trouve qu'il y en a toujours un peu trop.
Malheureusement, il y a des fois où on en sait plus avant les
enquêtes qu'après.
Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de
Maisonneuve, vous avez la parole.
M. Cusano: Je m'excuse, M. Laberge. Je cède la parole
à Mme la députée.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Peut-être une
remarque avant les questions. Je vais être brève. Cela fait plus
de quatre heures que vous répondez aux questions de la commission.
M. Laberge: On est bon pour "toffer".
Mme Harel: Je n'en doute pas. Quand le ministre vous demandait ce
que vous pensiez des allégations du conseil du patronat, ce matin,
pourquoi il devait assumer seul les coûts des réparations et de
l'indemnisation, vous avez répondu qu'il était gagnant, et que,
tout compte fait, il s'évitait des poursuites en responsabilité
civile.
M. Laberge: Entre autres.
Mme Harel: Entre autres, le recours en droit commun. Je suis
contente de vous entendre dire "entre autres", parce que je pensais aussi au
fait qu'il s'évitait du trouble au sens où il s'assurait d'une
paix industrielle. Demain, en commission parlementaire, il y a les
représentants de mines et métaux qui viennent...
M. Laberge: Entre autres.
Mme Harel: Cela me rappelait une grève en 1975...
M. Laberge: Entre autres.
Mme Harel: ...où tout était paraphé, sauf
les "entre autres", effectivement.
M. Laberge: Mais il y a tous les autres coûts qu'on paie.
Qui a à payer pour la construction des hôpitaux? Qui a à
payer pour la formation des médecins? Ce n'est pas le patronat. C'est
nous autres tous. Si, aujourd'hui, le patronat a cela, il est obligé de
payer la réparation, mais tout cela mis en place, cela a
été payé par tout le monde; le patronat, un petit peu, un
septième. Six septièmes par nous. On devrait avoir trois ou
quatre micros.
Mme Harel: C'est simplement une remarque, parce que, dans bien
des mesures sociales - je pense, entre autres, à des grèves qui
ont été très longues pour obtenir simplement un
congé de maternité ou encore certaines autres pour obtenir un
fonds de retraite et certaines autres pour avoir des clauses de santé et
sécurité il y a certainement eu des coûts, à cette
époque, qui étaient considérables pour le patronat et
qu'il n'a plus à assumer maintenant.
Ma remarque étant faite, j'ai lu bien attentivement les
amendements que vous proposez article par article. Souvent, on passe
très vite sur les définitions. Tantôt, quand vous
répondiez à mon collègue de Sainte-Anne, je pense que
c'était utile à certaines occasions d'être bien
précis. On l'a vu, puisqu'il ne s'agissait pas de l'ensemble des
travailleurs accidentés qui pouvaient avoir droit à la
priorité d'emploi, mais bien ceux qui étaient victimes d'une
incapacité permanente. Les définitions, il y en a deux sur
lesquelles j'aimerais avoir vos commentaires, notamment sur la notion
d'accident du travail, parce qu'il n'y a pas vraiment... (21 h 15)
On ne se pose pas tellement de questions, par exemple, quand quelqu'un
est victime d'un accident d'automobile. On sait que l'événement a
eu lieu. Que ce soit un conducteur ou encore que ce soit quelqu'un sur le
trottoir, il y a une relation directe, et il n'y a personne de tordu un peu qui
va prétendre que quelqu'un se jette devant les automobiles pour se faire
indemniser. C'est un peu la même chose pour des victimes à la
suite d'un acte criminel. Je pense pas que personne ne prétendra non
plus que quelqu'un se lance devant un chargeur automatique pour se faire
indemniser. Il y a pourtant certaines personnes qui prétendent que
certains vont subir un accident du travail pour se faire indemniser.
La notion d'accident du travail est assez importante et vous insistez
sur l'ajout, l'introduction du mot "soudain", c'est-à-dire
l'événement soudain. Vous dites que cela peut léser un bon
nombre de travailleurs que cet ajout soit fait parce que ce n'est pas
nécessairement un événement. C'est dans le sens où
il vous semble que tout cela donnerait lieu à des
interprétations, finalement, à des chinoiseries, comme vous
dites...
M. Laberge: Restrictives et injustes. Je
vais vous donner un exemple. Un travailleur sous la ligne d'assemblage
à General Motors, et cela adonne bien parce que Robert Dean et tous nous
autres on en connaît un. D'accord? Lui travaille depuis des années
en-dessous de la ligne d'assemblage arrangé comme cela. Un gars bien
bâti, en pleine forme, sauf qu'il est rendu qu'à un moment
donné la tête lui part d'un bord et de l'autre. Ce n'est pas un
événement soudain. C'est à la longue, à force de
travailler comme cela. C'est pour cela que le mot "soudain" - c'est un exemple
que je vous donne, mais je pourrais vous en donner des centaines - viendrait
créer des emmerdements et même causerait des injustices. Il y
aurait un grief là-dessus. Il y a eu un grief de - comment
s'appelait-elle la jeune fille qui travaillait à l'usine de
Sainte-Thérèse? Finalement, tout le monde s'en est tiré
élégamment et on a dit que dans son cas c'était vrai que
c'était dangereux. Ce n'était pas dangereux pour un autre, en
tout cas. Au moins on avait réglé ce cas.
Soudain, ce n'est pas toujours soudain. Tu glisses, tu tombes, tu te
frappes la tête, c'est soudain. Moi, on me dit que dans mon cas c'est
à la longue.
Mme Harel: C'est comme Obélix. Toujours dans les
mêmes définitions, parce que c'est là enfin qu'on se rend
compte que les mots ne sont pas innocents quand il y a derrière des
personnes qui sont écartées de recours auxquels elles auraient
droit ou pas. Il y avait la notion de maladie professionnelle. J'aimerais avoir
vos commentaires sur cela aussi parce que vous semblez indiquer que, si on
relie vraiment la maladie professionnelle aux caractéristiques du
travail, cela veut dire qu'on relie cela à l'ensemble des
caractéristiques du travail, mais pas nécessairement au lieu de
travail comme tel. Il peut ne pas y avoir habituellement ce genre de
problème de maladie, mais j'imagine, du fait qu'il y ait un lieu de
travail en particulier, une conjugaison d'éléments; cela se
produit à ce moment.
M. Laberge: II y a des choses qui peuvent découler
directement du travail et qui ne s'attaqueront pas à un individu, qui
vont s'attaquer à un autre. Il n'y a rien de vraiment égal dans
ce bas monde. Regardez la thalidomide; cela a pris combien d'années pour
découvrir qu'il y avait des effets que tous les scientifiques n'avaient
pas pu découvrir? Il y a, à ce qu'on me dit, plusieurs milliers
de nouvelles solutions chimiques qui apparaissent dans nos usines, dans nos
endroits de travail par année. Est-ce que j'exagère avec 15
000?
Une voix: 35 000.
M. Laberge: 35 000. Je vais rester à mes 15 000. Je ne
dépasse pas. Non, mais enfin il y en a. La vaste majorité de ces
nouveaux produits, personne n'en connaît la toxicité, personne
n'en connaît le danger, enfin, la plupart des gens n'en connaissent pas
la solution parce que ce sont toujours des secrets bien gardés. C'est un
peu comme l'agence de sécurité que le fédéral veut
mettre sur pied. On ne veut pas que les Russes apprennent qu'on a une
troisième chaloupe armée, cela prend...
Mme Harel: II y a un dernier aspect. Vous avez parlé
à plusieurs reprises de la responsabilité sociale à
l'égard de l'ensemble des travailleurs accidentés donc,
possiblement, des mesures sociales qui peuvent venir s'ajouter.
Évidemment, votre mémoire exclut l'aide sociale proprement dite
à savoir qu'en voulant écarter le revenu fictif... En fait vous
avez parlé d'emploi fictif mais on pourrait parler de revenu fictif ou
de revenu théorique dans les cas où un travailleur n'est pas
réintégré dans son emploi, n'a pas d'emploi disponible
dans son établissement, n'est pas nécessairement apte à
occuper l'emploi disponible ou a dépassé les délais
où il lui serait possible d'occuper ces emplois. Il lui reste l'aide
sociale ou le revenu de la CSST moins le revenu fictif qui lui serait
attribué, ce qui peut, éventuellement, l'amener à
être admissible à l'aide sociale. Mais encore faudrait-il
qu'à ce moment, s'il a reçu un montant forfaitaire
d'incapacité permanente, il l'épuise complètement avant
d'y avoir droit, parce qu'il n'y a pas de recours à cela.
M. Laberge: Non, parce que le paiement forfaitaire n'est pas le
remplacement du revenu. Le paiement forfaitaire c'est pour le rembourser un peu
pour les souffrances, pour la perte de jouissance de la vie et des choses
semblables.
Mme Harel: Oui, au sens de la présente loi. Mais s'il n'a
pas d'autre revenu que le revenu de la CSST moins le revenu fictif, le revenu
qui lui reste, il est possible qu'il soit moindre que l'allocation d'aide
sociale, donc cela le rendrait admissible à l'aide sociale, mais si tant
est qu'il veut devenir admissible à l'aide sociale, il doit
épuiser tous ces autres revenus dont ce montant forfaitaire.
M. Laberge: C'est un autre aspect que vous soulevez - vous avez
raison de le soulever - qui rend encore plus ignoble cette possibilité.
Cela n'a vraiment pas d'allure. Nous on se refuse carrément à
penser une chose semblable. Encore une fois c'est trop facile d'imaginer que
quelqu'un est apte à occuper un emploi et que cet emploi fictif -parce
qu'il n'existe pas - devrait rapporter tant. On nage dans le régime
féerique. C'est
un peu comme l'étudiant qui vient de recevoir son bac et
quelqu'un lui dit: Maintenant tu peux aller te chercher un emploi à 40
000 $, sauf qu'il bénéficie de l'aide sociale depuis ce temps. Il
y a loin entre la théorie et la pratique. C'est pour cela que pour nous
c'est complètement inacceptable.
Encore une fois, il y a une différence pour le travailleur qui
est victime d'un accident de travail. Il est totalement incapable de travailler
pendant une période plus ou moins longue, il a une compensation et, bout
de deux, trois, quatre mois, il est complètement rétabli,
réadapté; à ce moment il devient un travailleur comme un
autre. Il n'a plus de travail dans son métier, il devient chômeur
et il reçoit de l'assurance-chômage. Mais s'il lui manque une
jambe ou un bras, on dit: Ce n'est plus un travailleur comme un autre, lui, il
faut lui donner une compensation.
Mme Harel: Et si, par exemple, on admet pour un instant que
l'hypothèse est écartée de ce revenu fictif et si tant est
qu'on veut trouver des mesures sociales parce que je pense qu'actuellement il y
a une certaine ouverture d'esprit à l'égard des
handicapés, mais je dirais, peut-être, qu'elle est plus grande
à l'égard des handicapés congénitaux qu'à
l'égard des handicapés du travail parce qu'il y a des politiques
nouvelles, et il y a des intentions qui ont été clairement
énoncées de brasser un peu le milieu de travail pour qu'il
accepte des handicapés. Est-ce qu'il y aurait des mesures sociales qui
seraient propres à soutenir le retour à l'emploi des personnes
victimes d'un accident de travail, qui sont handicapées aussi et qui
seraient, cette fois, à la charge de l'État?
M. Laberge: Présentement, on est en train d'essayer de
mettre sur pied une espèce d'entente globale. Le gouvernement a
adopté une loi non pas coercitive mais incitative où les
employeurs sont censés fournir un programme décrivant combien ils
placeront de travailleurs handicapés dans les cinq prochaines
années, etc. Cela doit se faire. Malheureusement, la loi ne dit pas
"conjointement avec le syndicat". Mais "en consultation avec". Dans certains
cas, la consultation va être brève, on le sait, mais enfin! On
n'est pas sorti du bois avec cela. Il y a combien de milliers de
handicapés au Québec? Je ne suis pas sûr du chiffre et je
n'ose pas l'avancer, mais il y en a. Cela n'a quasiment pas d'allure d'ajouter
les accidentés du travail là-dedans. Les accidentés du
travail, cela est une chose. Commençons par prendre soin de
ceux-là.
En même temps, nous avons donné notre accord de principe au
gouvernement. Nous avons dit aux employeurs: On est prêts à
collaborer, on est même prêts, dans nos négociations,
à regarder ce que l'on peut faire pour donner de la place aux citoyens
handicapés. Mais le travailleur accidenté, c'est une autre
affaire. Il était là. Il était bien jusqu'à ce
qu'il ait son accident du travail.
Mme Harel: Est-ce que vous me permettez une dernière
question, M. le Président?
Le Président (M. Jolivet): Cela va, il vous reste encore
du temps.
Mme Harel: À la page 10 des amendements, vous faites
valoir qu'il y aurait lieu d'introduire une disposition à savoir que le
revenu de retraite ne soit pas diminué lorsqu'un travailleur
accidenté est réintégré à un autre poste
dans son établissement. Il y a certainement la compensation, à ce
moment-là, pour la perte de revenu. Mais j'imagine qu'il va avoir
à traîner longtemps quand même une diminution de revenu qui
va occasionner une diminution à sa retraite. C'est dans ce sens que vous
voudriez voir introduire...
M. Laberge: Exactement. Ce qu'on demande, c'est que la
commission, en plus de compenser la différence entre le salaire qu'il
aurait gagné s'il n'avait pas été accidenté et le
salaire qu'il gagne, paie la différence aussi d'un régime public
pour que, lorsque viendra son temps, il retire au moins autant que ce qu'il
aurait retiré s'il n'avait pas été accidenté.
Mme Harel: En tout cas, M. le Président, je pense qu'il
faut vraiment constater qu'il y a plus de sympathie, actuellement - je ne dis
pas que cela ne viendra pas - à l'égard des handicapés.
C'est peut-être un concours de circonstances, une conjugaison de diverses
volontés. Et même le patronat, en fait, dans les colloques - vous
allez me dire que c'est parce que ce n'est pas coercitif, mais seulement
incitatif -semble manifester beaucoup de sens des responsabilités. On
pourrait peut-être souhaiter qu'il le fasse d'abord envers ceux qui sont
souvent victimes des conditions de travail qui sont
générées par l'entreprise.
M. Laberge: Je pense que c'est toute la société
québécoise qui est en train d'évoluer et d'évoluer
rapidement: sur la condition féminine, sur le sort des travailleurs
handicapés, sur le sort des minorités. Je pense qu'on est en
train d'évoluer très rapidement. Il s'agit de ne pas trop
s'enfarger et je pense qu'on va être corrects. Mais il était temps
qu'on passe des beaux discours à des gestes concrets.
Le Président (M. Jolivet): Le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Merci, M. le Président, je vais être
très bref. M. Laberge, si je prends la parole, ce n'est pas parce que
j'ai tellement de questions à vous poser, c'est plutôt pour faire
des commentaires. Parce que, lorsqu'on arrive à la fin, plusieurs des
questions qu'on voulait poser, finalement, ont été posées
par les autres. Vous avez répondu. Cela ne servirait à rien
d'allonger le débat inutilement. Mais je m'en serais voulu de ne pas
prendre la parole pour vous dire que, dans l'ensemble, globalement, votre
discours est à peu près le mien. Je pense que c'est important que
vous vous le fassiez dire par les membres de la commission afin que l'on sache
sur quel pied on danse. Sommes-nous pour, sommes-nous contre? C'est important
pour moi, en tout cas, comme individu, comme citoyen du Québec, aussi
bien que comme parlementaire aussi, de vous dire que, dans l'ensemble, votre
discours est à peu près le mien. On ne s'enfargera pas dans les
virgules, là.
M. Laberge: Là, on est prêts à écouter
les autres membres aussi!
M. Lavigne: Si les autres membres veulent m'écouter, ils
savent le faire. Et les autres personnes qui vont venir nous présenter
des mémoires d'ici la fin de cette commission, si elles veulent
m'entendre elles sont bien libres de le faire aussi.
Je voudrais soulever juste quelques points dans mes commentaires, pour
vous dire les points qui m'ont le plus touché et sur lesquels je suis
d'accord. Cela ne veut pas dire qu'on va les retrouver dans la loi. Mais on
peut être d'accord et ne pas les retrouver là. À un moment
donné, vous avez parlé de coûts sociaux. C'est vrai, on est
capables de se payer certains privilèges ou certains services sociaux,
selon nos moyens. À un moment donné, il faut être
conscients de cela. On peut bien tous vouloir avoir la lune, mais il faut
être capables de se la payer. (21 h 30)
Concernant ce que vous disiez quand vous parliez de réparation
par rapport à la prévention, je suis également convaincu
qu'on a beaucoup plus à gagner en mettant l'accent sur la
prévention plutôt que sur la réparation. Évidemment,
quand l'accident a eu lieu et qu'il faut réparer la jambe du gars ou lui
poser un oeil de vitre, là on ne parle plus de prévention. C'est
fait. Mais je suis sûr qu'en pensant prévention et en investissant
dans la prévention plutôt que dans la préparation, à
plus ou moins court terme, cela va coûter beaucoup moins cher à
tout le monde, autant aux travailleurs qu'aux familles et aux patrons. J'abonde
dans ce sens-là.
Les coûts sociaux, j'en ai parlé. Je pense qu'on est
d'accord là-dessus. On veut bien s'en donner, mais dans la mesure de nos
capacités. Quand je vois l'intervention - ce n'est pas que je ne les
aime pas; ce n'est pas une question de personnalité; c'est une question
d'orientation - quand je lis votre discours, vous l'avez vous-même dit...
Depuis 1976, je suis passé à travers toutes les lois du travail.
J'ai vu Couture; j'ai vu Johnson; j'ai vu Marois; je vois mon autre
collègue. Donc, cela a toujours été à peu
près le même scénario. Les représentants syndicaux
arrivent ici et poussent dans un sens et les représentants patronaux
arrivent ici et poussent dans un sens à peu près
opposé.
M. Laberge: Ils tirent dans l'autre.
M. Lavigne: Ou ils tirent dans l'autre sens. J'ai compris cela
assez rapidement, mais je peux vous dire, entre parenthèses, qu'en gros,
j'aime mieux pousser dans votre sens que de tirer dans l'autre.
M. Laberge: Merci.
M. Lavigne: En tout cas, cela va dans le sens de mes objectifs,
selon mes goûts de voir évoluer la société dans un
sens plutôt que dans l'autre. Chacun a ses objectifs dans la vie.
Il y a un autre point que vous avez également soulevé et
j'abonde dans ce sens-là. Je ne sais pas si on le retrouvera dans le
projet de loi. J'en ai d'ailleurs parlé au ministre et aux membres qui
travaillent sur le projet de loi. C'est de respecter d'abord et avant tout,
jusqu'à preuve du contraire, le médecin qui aura
été choisi par celui qui est accidenté. Si j'ai la "bad
luck", à mon travail, d'avoir un accident, j'ai un médecin qui
m'a suivi - ce qu'on appelle souvent un médecin de famille ou même
un spécialiste -et qui va m'examiner. Il connaît mon cas; il me
connaît. Pourquoi ne pas faire confiance à ce médecin?
Pourquoi prétendre qu'au départ il n'est pas correct ou qu'il va
faire un mauvais diagnostic? Je dis qu'au contraire on devrait prétendre
qu'au départ il fait un bon diagnostic à moins qu'on soit capable
de prouver le contraire.
M. Laberge: Et voilà.
M. Lavigne: Si on retrouvait cela dans le projet de loi, je
serais un peu comme vous; je serais heureux.
C'est, en gros, les quelques commentaires que je voulais faire. C'est
bien sûr que c'est un projet de loi qui n'est pas encore parfait. On dit
que la perfection n'est pas de ce monde. Je pense qu'on s'en va dans le bon
sens et, dans la mesure où on pourra dégager davantage des fonds,
il y
aura moyen de l'améliorer. J'espère qu'il sera
amélioré dans le sens dont on parle actuellement. Merci.
M. Laberge: Merci. M. le Président, cela m'amène
aussi à faire un bref commentaire.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Laberge: Non, j'ai été très heureux
d'entendre le député. C'est assez rare que cela nous arrive par
les temps qui courent. Mais quand on parle de responsabilité sociale, je
ne pense pas surprendre quiconque en disant que les abris fiscaux au
Québec pour les très hauts salariés, ils sont meilleurs et
ils sont plus nombreux que n'importe où ailleurs au Canada, n'est-ce
pas, y compris le plan de notre ami, Jacques Parizeau. Il y en a des abris
fiscaux au Québec. Je ne pense pas surprendre quiconque en disant que
les salariés ordinaires, les gens qu'on représente, paient des
impôts au Québec. Jamais personne n'a chialé chez nous
parce qu'il payait des impôts. Cela me semble extraordinaire. Il me
semble qu'il y a des gens qui devraient prendre des leçons de cela. Nous
représentons des travailleuses et des travailleurs qui ont le moins les
moyens de payer des impôts et ils en paient des impôts. Cela fait
quelques années, comme vous le savez, que je suis président de la
FTQ. Je n'ai jamais vu une résolution venant d'une section locale nous
demandant une réduction d'impôt. On peut chialer sur ce qui est
fait avec les impôts. Jamais. On dit de revaloriser le régime
public de retraite. Tout le monde ici, ce sont des membres des syndicats chez
nous. Ils ont tous des fonds de retraite privés. On a fait un colloque
et c'était unanime pour demander de revaloriser le régime public,
pas le régime privé, le régime public. Ils sont couverts
par des régimes privés, mais ils sont conscients que ce n'est que
34% ou 35% des travailleuses et travailleurs au Québec qui sont couverts
par un régime privé "adéquat" - entre guillemets - de
retraite. Le reste ne l'est pas.
Nous payons nos impôts, nous sommes toujours prêts à
payer des impôts, pourvu que cet argent serve à bon escient. On
est bien placé pour le dire et je suis bien heureux d'être bien
placé pour le dire. Quand on demande un meilleur régime, quand on
demande un meilleur régime de retraite et de meilleurs services sociaux,
jamais personne ne pourra venir nous dire: Vous demandez toujours plus et vous
n'êtes pas prêts à payer. Ce n'est pas vrai, on a toujours
payé.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Fréchette: M. le Président, le
député de Beauharnois et M. Laberge étaient engagés
dans des échanges fort intéressants. Je vais, quant à moi,
essayer d'obtenir quelques précisions sur deux ou trois aspects qu'on a
déjà discutés, mais que j'apprécierais qu'on
approfondisse, pour savoir très précisément à
quelle enseigne on se loge et, aussi, pour savoir avec autant de
précision que possible quelle orientation cela pourrait prendre.
Vous avez insisté beaucoup, cet après-midi, sur le fait
qu'il ne fallait pas exiger du travailleur qu'il appose sa signature au bas de
l'avis qui apparaît dans le registre que l'on connaît. Ce sont des
motifs que je suis tout à fait disposé à accepter et avec
lesquels je suis d'accord sans aucune réserve. La question que je me
pose, par ailleurs, est la suivante: Est-ce qu'il n'y a pas, à
l'inverse, aussi un danger? S'il ne signe pas cet avis d'accident dans le
registre, comment va-t-il être en mesure de confirmer ou d'infirmer le
contenu de cet avis, les renseignements qu'on y retrouve? En fait, est-ce qu'on
n'est pas - la question étant posée autrement - devant deux
difficultés et obligés de choisir la moins pire des deux? C'est
aussi stupide que cela dans mon évaluation.
M. Laberge: Non, non, je pense qu'on peut choisir une solution
très acceptable, à savoir que la signature du travailleur ne
fasse qu'attester qu'il a vu dans le registre qu'il y a eu une lésion,
à son endroit, à telle date. Rien d'autre.
M. Fréchette: En fait, c'est...
M. Laberge: ...que sa signature atteste la date et le fait qu'il
y a eu lésion, point à la ligne.
M. Fréchette: Bon, alors...
M. Laberge: Autrement, il faudrait discuter du contenu du
rapport.
M. Fréchette: Alors, là-dessus, votre position
demeure la même.
M. Laberge: Là-dessus, on n'a aucun problème.
M. Fréchette: D'accord. Un mot maintenant de l'aide
médicale. Vous allez comprendre pourquoi je veux revenir
là-dessus, parce qu'on en parle dans tous les échanges qui se
font depuis hier matin. Cela revient dans tous les mémoires. Pour ma
part, je vous le dis comme je le pense ce soir, je suis impatient et
désireux de faire des changements dans la loi qui feront en sorte que
l'on respecte les demandes qui nous sont soumises.
Vous avez dit, M. Laberge, que la règle
générale devrait être que l'on retienne les
conclusions du médecin traitant, pour tous les motifs dont on a
parlé et qui sont tous aussi fort valables. Cependant, tous ceux qui se
sont exprimés là-dessus ont émis la même
réserve disant - et j'utilise vos prppres termes - à moins que la
preuve ne soit faite que le médecin traitant est complètement
dans les patates. Le député de Beauharnois dit: À moins
que l'on ne puisse faire la preuve que son évaluation n'est pas la
bonne. Ma question précise à...
M. Laberge: C'est ce que je voulais dire.
M. Fréchette: Ah! Ah! Non, mais on sait... je pense que
j'ai compris les deux appréciations. Ma question serait la suivante:
Comment faire la preuve que le médecin traitant pourrait être dans
les patates, ou alors que son évaluation n'est pas la bonne, si ce n'est
par l'évaluation qu'un autre professionnel de la santé pourrait
faire?
M. Laberge: Un comité de professionnels.
M. Fréchette: Ah bon! D'accord. Dans...
M. Laberge: Si vous me le permettez, M. le ministre, en opposant
un professionnel à un autre, le vôtre est peut-être aussi
bon que le mien, il est peut-être même meilleur que le mien, mais
ne connaissant pas mes antécédents, il ne sait peut-être
pas que, par exemple, un traitement à la pénicilline va me causer
des allergies pires que le mal qu'il veut essayer de guérir. Mon
médecin est supposé le savoir. Je n'en ai pas, c'est pour cela
que je suis en bonne santé.
M. Fréchette: Les avocats et les médecins, M.
Laberge, on pourrait parler de cela.
M. Laberge: "Safety first".
M. Fréchette: Toujours dans la même veine, si vous
permettez, je comprends qu'il peut arriver que le médecin traitant
puisse, pour toutes sortes de motifs sans doute valables, arriver à une
mauvaise évaluation. Vous dites: Cela pourrait être revu, mais par
une espèce de comité. Le député de Prévost
d'ailleurs a ouvert là-dessus également et cela m'apparaît
important encore une fois pour les motifs que je vous ai dits tout à
l'heure. Est-ce que, par exemple, une formule comme la suivante pourrait vous
agréer? Là j'ouvre aussi spontanément que possible, je
vous dis ce que je pense et comme je le pense. Est-ce que la formule suivante
pourrait vous convenir? Nous pourrions demander, par exemple, et c'est une
suggestion, à la Corporation professionnelle des médecins de
soumettre une liste de ses membres qui seraient disposés à jouer
le rôle dont on parle. Cette liste émanant de la Corporation
professionnelle des médecins serait ensuite soumise à
l'appréciation, enfin, ce pourrait être le conseil
d'administration de la commission ou ce pourrait être le Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. On pourrait s'entendre sur
l'instance ou alors aux deux endroits. Cela m'apparaît secondaire. Mais
la liste qui nous est soumise en première instance par la corporation
des médecins est soumise également au conseil consultatif ou
à la commission, où l'on retient toutes les suggestions qui sont
faites ou plusieurs des suggestions qui sont faites et l'on constitue une
espèce de "board" agréé par les principales parties
impliquées dans le processus.
Ma question est la suivante: Est-ce que ce genre d'opération,
quitte à terminer, à arrondir, enfin, planifier davantage, est-ce
que cette formule vous semblerait une formule acceptable?
M. Laberge: Oui. Cet après-midi, j'ai eu le plaisir
d'entendre Me Lesage, qui est aussi médecin.
Une voix: Cet après-midi, il était
maître.
M. Laberge: Oui, il était maître, mais enfin. C'est
cela qui est marqué sur la liste, Me Lesage. Je pense que vous avez pu
déceler qu'il n'était pas tout à fait impartial. Si j'ai
bien compris son affaire, le médecin traitant ne connaît pas le
milieu de travail, le médecin de la compagnie connaît le milieu de
travail, et le médecin de la commission ne connaît rien. Enfin, il
ne connaît ni le patient, ni le milieu de travail. Il connaît
quelque chose, mais, bon... Il y a cela. Une liste, oui, par le conseil
d'administration de la CSST avec la collaboration du collège, bien
sûr, ou des deux syndicats - ils me semblent représenter des
éléments plus dynamiques - ou par le CCTM. C'est ce qu'on
demande. On ne veut pas choisir les médecins, mais nous autres, ce qu'on
dit, c'est que le médecin traitant -et cela devient de plus en plus
difficile d'avoir des médecins traitants qui osent donner un rapport et
qui osent s'élever contre des décisions parce que s'ils se font
revirer deux ou trois fois, ils en viennent à penser qu'ils ne sont pas
bons.
Quand il y aura des cas d'arbitrage, qu'ils aillent à
l'arbitrage. Je veux dire: Cela se fait chez vous, dans le parlementarisme cela
se fait. Cela se fait en arbitrage pour les griefs. Pourquoi pas en
médecine? Pourquoi le médecin de la compagnie serait-il
considéré comme meilleur que le médecin qu'a choisi
Émile? À l'âge où il est rendu et
avec sa verdeur, il doit avoir un bon médecin.
M. Boudreault: Je n'en ai pas.
M. Laberge: On est pareil! (21 h 45)
M. Fréchette: Je pense que cela donne une orientation
assez précise à la volonté manifestée par à
peu près tous les groupes qu'on a entendus jusqu'à maintenant.
Évidemment, nous allons voir ce que vont donner les
représentations des jours qui viennent, mais dès maintenant,
dès ce soir, je peux vous dire que, quant à moi, en tout cas,
c'est le genre de changement que je suis tout à fait disposé
à suggérer et le genre de processus qu'on devrait probablement
retrouver dans la loi.
J'ai une dernière question, M. Laberge. Ce n'est pas tellement
vous autres qui l'avez soulevée. Elle est venue hier, je pense, au cours
des différentes discussions. C'est à propos des politiques de
réparation. Plusieurs ont plaidé hier que les politiques de
réparation pouvaient varier suivant que l'on est dans une région
plutôt que dans une autre, suivant qu'elles sont
interprétées par une personne plutôt que par une autre.
C'est une simple question de clarification que je vous pose. Vous siégez
au conseil d'administration avec quelques-uns de vos confrères. Est-ce
que c'est exact de dire que la direction de la réparation a, à un
moment donné, soumis au conseil d'administration sa politique de
réparation à des fins d'adoption par le conseil d'administration
et que, pour des motifs que je ne connais même pas, le conseil
d'administration, jusqu'à maintenant, n'a pas pris de décision
formelle, finale, sur la politique générale et unique de
réparation?
M. Laberge: Je sais qu'on a discuté du manuel de la
réparation, de façon générale, et qu'à un
moment donné les travaux ont cessé parce que le projet de loi
amendant la loi sur les accidents du travail, ou la réparation des
lésions, devait être déposé. On s'est fait jouer un
tour. Il devait être déposé, comme vous le savez, il y a
six, sept ou huit mois. Il est déposé maintenant. Si c'est cela
que vous voulez dire, c'est exact, mais nous allons reprendre cela.
Enfin, je ne suis pas de ceux qui vont vous dire que la CSST n'a rien
fait au point de vue de la réparation. Non, elle a fait des choses, bien
sûr. Elle a, apparemment, eu beaucoup plus de succès à
Québec, parce que les employeurs ont été un peu plus
ouverts. Enfin, il s'est fait des choses "plus le fun" à Québec,
mais il reste que ce n'est pas encore une véritable politique de
réadaptation. Il manque des choses là-dedans. Je pense que le
vice-président à la réparation de la CSST pourrait nous le
dire mieux que n'importe qui: un travailleur accidenté à qui il
manque un membre, il y a des gens qui ont fait des miracles à la CSST
pour développer des prothèses. Il y a des gens, en collaboration
avec les services de santé, qui ont réussi à
réadapter ces gens-là et à leur montrer comment vivre avec
une prothèse. Il n'y a pas encore beaucoup de gens qui se sont
penchés, après avoir réparé le pied, la jambe ou le
bras, un peu sur la tête à réparer, parce que, quand il
arrive une chose semblable, il y a des traumatismes qui peuvent durer
très longtemps. Quand on parle d'équipe multidisciplinaire, quand
on parle d'un véritable système de réadaptation, c'est
cela qu'on veut dire. On est prêt à collaborer à ce sujet,
bien sûr.
M. Fréchette: J'espère que personne ne va avoir
l'impression ou toute autre espèce de raison de croire que je veux
essayer de distribuer des blâmes. Je veux simplement clarifier une
situation à la suite des discussions qu'on a eues hier. M. le
Président, j'ai terminé pour ce qui est des questions.
M. Laberge: Je pensais que vous nous aviez dit tantôt que
vous étiez prêt, ce soir, à nous dire les choses que vous
alliez changer.
M. Fréchette: M. Laberge, j'ai très bien compris
votre invitation et je m'apprêtais à prendre deux ou trois minutes
pour essayer de répondre à cette invitation. Avant, cependant, je
voudrais vous réitérer les remerciements que je vous ai faits au
tout début de notre échange et je pense qu'ils sont davantage
fondés maintenant. Ils vous sont dits avec encore plus de conviction que
je n'en avais au moment où nous avons commencé notre exercice. Je
ne suis pas loin, à bien des égards, de rejoindre mon
collègue de Beauharnois - donnez-moi quelques heures de réflexion
supplémentaires - dans l'évaluation ou l'appréciation
qu'il vient de faire.
La conclusion générale qu'il me reste, en tout cas, c'est
qu'à partir de nos échanges et des représentations que
vous avez faites, il y a déjà des décisions qui pourraient
être prises. Il y a à les finaliser, à les "technicaliser"
- si vous me passez l'expression - mais il y a déjà un nombre
assez impressionnant de choses qui pourraient être mises sur papier. Cela
démontre, une fois de plus, je pense, la nécessité de
faire ce genre d'exercice que nous avons fait aujourd'hui. Je vous
réitère mes remerciements, transmettez-les à tous les
membres de votre fédération.
M. Laberge: M. le ministre, c'est moi qui vous remercie, M. le
Président, messieurs les membres de la commission. Vous savez tous
combien tout le domaine de la santé et
de la sécurité nous tient à coeur à la FTQ.
Nous avons eu des prédécesseurs et je n'hésite pas
à nommer le syndicat des métallos comme un des
prédécesseurs. C'est probablement le syndicat qui nous a
sensibilisé le plus, le mieux et le plus vite à tout ce domaine
fort complexe, mais fort important de la santé et
sécurité.
Au cours des années, nous avons déplacé des
dizaines et des dizaines de milliers de militants dans des assemblées de
toutes sortes, dans des colloques pour les consulter, pour discuter avec eux,
pour voir ce qu'on pourrait faire pour améliorer le sort des
travailleuses et des travailleurs accidentés. Ce qui devient encore plus
complexe, c'est le sort des travailleuses et des travailleurs souffrant de
maladie professionnelle. Cela devient encore plus complexe que les
accidents.
Le projet de loi tel que présenté dans ses principes, dans
sa base même, est une amélioration sensible sur ce qui existe. Il
ne va pas assez loin, on n'y perdrait au change. Nous sommes tout
disposés à rencontrer tous les membres de la commission qui
voudraient poser des questions, qui voudraient échanger sur notre
mémoire, sur le projet de loi et nous trouverons toujours le temps pour
le faire.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. M. Laberge, messieurs
de la FTQ. Au nom de ma formation politique, je tiens à vous remercier
du mémoire et des échanges que nous avons tenus cet
après-midi et ce soir. Et même je me dois de dire que je suis
heureux du fait que, sur certaines idées fondamentales, on se
rejoigne.
M. Laberge: Vous nommerez celles sur lesquelles on ne se rejoint
pas et on ira passer du temps avec vous.
M. Cusano: J'y arrivais, M. Laberge. C'est que, même si on
ne se rejoint pas sur toutes les idées, le dialogue avec vous est
toujours très intéressant. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Laberge et vos
collègues. Quant à moi, j'ajourne les travaux à demain
matin 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 53)