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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 14 février 1984 - Vol. 27 N° 249

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 42 - Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du travail commence ses travaux afin d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Nous avons comme membres de cette commission M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Cusano (Viau), M. Dean (Prévost), M. Fréchette (Sherbrooke), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lafrenière (Ungava), M. Lavigne (Beauharnois), M. Pagé (Portneuf), M. Léger (Lafontaine), M. Maltais (Saguenay), M. Polak (Sainte-Anne) et M. Baril (Arthabaska).

Comme intervenants inscrits: M. Champagne (Saint-Jacques), M. Champagne (Mille-Îles), M. Fortier (Outremont), M. Leduc (Fabre), M. Payne (Vachon), M. Proulx (Saint-Jean) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

J'aimerais qu'on me signale le nom d'une personne qui fera rapport de cette commission. M. Lavigne, vous acceptez d'être rapporteur?

M. Lavigne: Certainement.

Le Président (M. Jolivet): M. Lavigne, de Beauharnois, sera rapporteur de cette commission. Les groupes qui seront entendus à cette commission sont d'abord la Chambre de commerce de la province de Québec pour une partie de la matinée, après les représentations faites par M. le ministre et M. le député de Viau, le représentant de l'Opposition. Normalement, dans l'après-midi, nous aurons, vers 15 heures, l'Association des armateurs des Grands-Lacs; en troisième lieu, la Fédération des médecins spécialistes du Québec et, finalement, pour une partie de la soirée, à partir de 20 heures, la Centrale des syndicats démocratiques.

Nous nous sommes entendus pour faire en sorte que les mémoires présentés puissent l'être dans un laps de temps qui en permette la présentation. Les membres de la commission auront ensuite à poser des questions, L'enveloppe de temps sera quand même assez large tout en sachant que nous devons terminer avec quatre mémoires aujourd'hui, vers 22 heures ou 23 heures. Je demande donc à M. le ministre du Travail de procéder à ses notes préliminaires.

Remarques préliminaires M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: M. le Président, je vous remercie. Conformément au mandat qui a été donné à l'Assemblée nationale, la commission permanente élue du travail entame ce matin ses travaux sur l'audition de mémoires en relation avec le projet de loi 42. Avant que nous soyons spécifiquement informés du nombre de mémoires qui allaient être soumis, de l'ampleur que l'audition allait devoir prendre, il n'avait pas été question ou, en tout cas, décidé de procéder à la télédiffusion de nos débats. Par ailleurs, au fur et à mesure que le temps passait, que les semaines se succédaient, nous avons constaté qu'effectivement 44 groupes et/ou organismes avaient manifesté l'intention de voir leur mémoire apprécié par la commission et, de ces 44, 42 nous ont effectivement indiqué leur intention de venir soumettre leur mémoire à la commission en même temps que d'échanger avec les membres de cette commission.

Deuxièmement, nous avons également considéré que le projet de loi sous étude, s'il doit devenir loi, s'adresse à une clientèle de près de 2 000 000 de travailleurs et d'à peu près aussi 150 000 employeurs. C'était évidemment un autre élément important dont nous avons tenu compte pour prendre une décision, de concert avec les membres de l'Opposition, pour procéder à la télédiffusion de nos débats.

M. le Président, dans mes remarques préliminaires, je veux souhaiter la bienvenue aux collègues de la commission des deux côtés de la table et, en même temps, à nos invités de ce matin et, à travers eux, à tous les invités qui, au cours des prochains jours, viendront soumettre leur évaluation, leur appréciation, leur analyse de cette loi 42.

M. le Président, à ce stade-ci, vous me permettrez de livrer à l'appréciation des membres de la commission, de nos invités et, bien sûr, des gens qui nous écoutent quelques remarques préliminaires qui, je l'espère, contribueront à lancer le débat, des remarques préliminaires concernant une appréciation globale de la loi sous étude.

Ce projet de loi 42 établit des principes qui s'adressent à une majorité de victimes. Le législateur ne peut présumer qu'une grande proportion des bénéficiaires profiteront, au sens péjoratif du terme, du

régime, en abuseront et le frauderont. Une telle prémisse, si elle était retenue à l'origine de nos lois, nous conduirait à légiférer, non pour reconnaître des droits, mais pour les restreindre et créer des appareils tellement bureaucratisés que les premiers à s'en plaindre seraient ceux-là mêmes qui les auront souhaités.

M. le Président, par conséquent, la réforme proposée dans le projet de loi 42 ne vise pas à faire perdre aux travailleurs des droits qui leur auront été reconnus au cours des 50 années passées. Au contraire, elle vise à assurer une indemnisation plus équitable des cas d'incapacité permanente grave en assurant une plus juste répartition de l'assiette fiscale dont l'État dispose dans le cadre du régime qu'il s'est donné.

Le projet de loi atteint-il ces objectifs? Le but du présent exercice est de le vérifier en nous mettant à l'écoute de ceux directement visés. Lorsque chacun aura fait connaître son point de vue et que cette commission aura recueilli les propositions qui ne manqueront sans doute pas de lui être faites, il appartiendra au gouvernement de rendre le texte législatif conforme à l'esprit qui doit présider à cette réforme.

D'ores et déjà, il m'apparaît indéniable que le régime proposé apporte des améliorations importantes par rapport au régime actuel et je souhaite que les intervenants tiendront compte de cet aspect dans leur appréciation de ce projet de loi. Par exemple, le concept du remplacement du revenu, assorti d'une indemnité forfaitaire pour les dommages corporels, constitue une amélioration certaine sur le régime actuel qui ne distingue pas l'un de l'autre et qui a pour résultat de sous-indemniser les grands handicapés tout en surindemnisant - le tout étant bien sûr relatif - les dommages corporels qui n'ont pas d'effet réel sur la capacité de gains des victimes. Il faudra, par ailleurs, évaluer l'impact des limites que le projet de loi impose au concept et s'assurer qu'elles respectent le droit des victimes à une juste et équitable réparation.

La Loi sur les accidents du travail, on le sait, remonte à 1931. Elle véhicule certains concepts qui sont devenus anachroniques 53 ans plus tard. Elle contient des principes, elle contient des règles qu'il faut préciser et adapter à la conjoncture socio-économique actuelle.

Le projet de loi 42 - je crois utile de le dire, M. le Président, dès le début, l'amorce de nos travaux - ne remet pas en cause le contrat social de 1931. Il réitère la volonté du gouvernement de faire assumer les coûts du régime par les entreprises dont les activités produisent les risques d'accidents et de maladies professionnelles. En contrepartie, les employeurs sont à l'abri de poursuites judiciaires de la part de leurs employés.

Le prix d'une telle sécurité sociale accordée aux employeurs leur échappe très souvent, de telle sorte que nombre d'entre eux ont fini par trouver naturel de ne pas être l'objet de poursuites judiciaires ruineuses, nombre d'entre eux également ne sont pas loin de penser parfois que c'est l'État qui devrait prendre charge des conséquences financières des lésions professionnelles.

D'autre part, le contrat social de 1931, qui assurait aux victimes de lésions professionnelles une certaine sécurité du revenu automatique en retour de leur abandon du droit de poursuite leur demandait de sacrifier une partie des droits à des indemnités que les tribunaux de droit commun reconnaissent habituellement à des victimes d'accident contre l'auteur de l'acte fautif. Ce contrat social demeure à la base du projet de loi 42 et les parties - je le souhaite - dans leurs représentations devraient s'en souvenir. Je n'ose imaginer les coûts directs et indirects que devraient supporter les employeurs québécois si les tribunaux devaient du jour au lendemain juger la valeur pécuniaire des lésions subies par les travailleurs en prenant en compte 100% des dommages d'ordre professionnel ou socio-économique qui découlent d'un accident ou d'une maladie. D'ailleurs la tendance actuelle de la jurisprudence, tant canadienne qu'américaine, ne cesse de nous impressionner fortement à cet égard.

Je n'ose m'imaginer, non plus, M. le Président, l'effet que la notion de faute professionnelle aurait fini par avoir sur les employeurs, leur faisant sans doute supporter de plus en plus directement et objectivement tous les risques à la santé et à la sécurité que l'industrialisation fait peser sur la vie et l'intégrité des travailleurs.

D'autre part, je n'ose enfin imaginer dans quelle situation se serait retrouvé le travailleur obligé de soutenir sa cause devant les tribunaux de droit commun, privé de ressources et de revenus et confronté à des forces épuisantes et à des moyens de défense auxquels il n'a pas toujours facilement accès.

Au début de cette commission parlementaire, les employeurs et les travailleurs doivent, me semble-t-il, se rappeler que le bien-fondé du contrat social de 1931 ne peut raisonnablement être remis en cause. En effet, chacun devra se rappeler qu'il y a des limites à la possibilité pour les travailleurs d'obtenir une compensation à 100% pour les dommages subis, cette limite étant proportionnelle à la capacité des employeurs de financer le régime. Par ailleurs, chacun devra également se rappeler que la santé et l'intégrité physique des travailleurs québécois a un prix inestimable qui ne se marchande pas et qui ne se troque pas pour des miroirs.

Une autre innovation importante de ce

projet de loi mérite qu'on s'y arrête. Il s'agit du droit de retour au travail. Pour la première fois en Amérique, ce droit est inscrit dans une loi touchant les victimes de lésions professionnelles et il permettra à de nombreux accidentés de conserver leur emploi après une période d'incapacité. Il corrigera une situation de plus en plus répandue où des employeurs mettaient systématiquement à pied leurs travailleurs au moindre accident de travail.

La société québécoise qui a investi des énergies importantes dans la scolarisation et la qualification de sa main-d'oeuvre ne peut se permettre le luxe de gaspiller ses ressources et de supporter le double fardeau social d'un travailleur diminué dans son intégrité physique et chômeur forcé, car c'est la société entière qui supporte ce fardeau et non les seuls employeurs qui reçoivent cette main-d'oeuvre déjà formée aux frais de l'ensemble des contribuables.

Encore là, le projet de loi 42 impose certaines limites à l'exercice de ce droit mais, dans la mesure où il s'agit d'un droit avec lequel les parties devront apprendre à vivre et qu'il devrait permettre à près de 90% des victimes de lésions professionnelles de retourner à leur emploi, dans cette mesure, donc, j'estime qu'il constitue un pas en avant de toute première importance.

D'autre part, le projet de loi 42 reconnaît le droit à la réadaptation et, pour la première fois, impose en ce domaine des obligations très précises à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Les parties ne peuvent ignorer que la réadaptation est un concept qui évolue et qu'il serait dangereux, sinon rétrograde, de vouloir limiter les pouvoirs de la commission en ce domaine. Je fais confiance, sur ce plan, à la capacité des parties présentes au conseil d'administration pour faire évoluer la réadaptation dans le cadre à la fois large et exigeant du projet de loi.

Cependant, M. le Président, et c'est important de le signaler dès le début de nos travaux, je serai attentif à toute proposition constructive allant au-delà des grandes déclarations de principes que provoque toujours un sujet de cet ordre et qui aura pour effet d'assurer un meilleur exercice du droit à la réadaptation dans la mesure où les conséquences d'une lésion professionnelle le justifient.

Sur un autre plan, il est coutume d'entendre les parties dénoncer la bureaucratisation d'un régime comme celui qui est proposé, ainsi que la complexité des procédures qu'il engendre. Je voudrais souligner que le gouvernement a voulu simplifier le plus possible les procédures administratives du régime, apportant en particulier des mesures susceptibles d'améliorer au maximum le processus de réclamation et de paiement, d'alléger et d'accélérer les modalités de révision, de disposer, enfin, d'une législation laissant moins de place à l'arbitraire et aboutissant à une diminution considérable du pouvoir réglementaire.

Ainsi, des mesures comme celle obligeant l'employeur à payer les quatorze premiers jours d'incapacité, plutôt que les cinq, comme c'est le cas actuellement, devraient permettre d'accélérer les paiements aux accidentés et éviter une bureaucratisation excessive dans 80% des réclamations. Assez paradoxalement, d'ailleurs, certains estiment qu'il faudrait accroître l'appareil bureaucratique pour contrôler les coûts de ces réclamations. Or, on reproche actuellement à la Commission de la santé et de la sécurité du travail son trop grand interventionnisme et sa propension à se mêler de la gestion de l'entreprise. La proposition du projet de loi 42 ne constitue-t-elle pas un acte de foi dans la capacité des partenaires de l'entreprise de gérer adéquatement ces dossiers sans exiger du législateur le déploiement de tout un appareil de contrôle dont les coûts sont exorbitants par rapport aux bénéfices qui peuvent être obtenus?

Je ne dis pas, M. le Président, que le projet de loi ne devra pas prévoir certains aménagements pour faciliter la prise en charge de cette période d'incapacité par les parties, et, encore à ce chapitre, comme à tout autre chapitre d'ailleurs, je serai ouvert à toute proposition qui visera à en faciliter la gestion et à en améliorer le processus, mais on ne peut demander à un organisme d'État dont le rôle social est bien identifié des règles de contrôle qui le transformeraient finalement en institution policière répressive. Qui peut mieux que l'employeur lui-même connaître les circonstances entourant un accident du travail? S'il arrivait que l'employeur ne les connaisse pas, comment l'organisme indemnisateur peut-il le faire à sa place? On n'exige pas de telles enquêtes policières dans les compagnies d'assurances privées. L'institution d'enquêtes systématiques peut alourdir considérablement la machine administrative, provoquer des réactions négatives de la part des employeurs et des travailleurs, qui auront vite fait de blâmer, et d'un commun accord, l'interventionnisme de la commission et engendrer, bien sûr, des coûts injustifiables par rapport aux bénéfices qui pourraient en découler.

En vertu du système actuel, il y a enquête lorsque les motifs invoqués sont sérieux et que la valeur de la réclamation le justifie. Ce sont, me semble-t-il, les règles des assureurs privés. Doit-on être plus sévère pour les accidentés du travail?

Le projet de loi 42, M. le Président, propose également des mécanismes de révision et d'appel simplifiés, répondant en

cela aux reproches formulés depuis quelques années à l'endroit des bureaux de révision et aux revendications en faveur de leur disparition. Je suis d'avis qu'il est nécessaire de réduire les délais de révision et d'appel et d'instaurer des mécanismes qui soient facilement accessibles aux parties et, de surcroît, peu formalistes. Je concours également à l'idée de ceux qui réclament une audition devant une instance indépendante et externe à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. (10 h 30)

Cependant, je doute que la multiplication des instances et, partant, des procès servent les intérêts des parties. C'est bien souvent cause de délais interminables et de frustrations comme c'est le cas actuellement devant la Commission des affaires sociales. Il faut donc rechercher une formule qui respecte les règles d'impartialité et les règles du droit à une audition publique et non la superposition de recours interminables et coûteux.

Le projet de loi 42 contient nombre d'autres mesures favorisant une plus juste et équitable indemnisation. Je ne citerai que la base de salaire équivalente au salaire minimum - elle est, on le sait, dans la loi actuelle de 35 $ - également l'indexation annuelle des indemnités temporaires. On se rappelle qu'à la suite d'une interprétation de la loi actuelle seules les indemnités pour incapacité permanente sont actuellement indexées. Ajoutons à cela, M. le Président, la couverture des aggravations résultant d'un traitement médical ou de réadaptation et une série de règles simplifiant le traitement des réclamations pour maladie professionnelle.

Je ne saurais passer sous silence une remarque qui a souvent été faite lors de la commission parlementaire de décembre 1983 et qui visait l'ampleur des pouvoirs discrétionnaires de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Le projet de loi 42 n'échappe pas à cette obligation à laquelle se voit confronté le législateur dans de telles situations et énumère une série de pouvoirs spécifiques donnés à la commission. D'abord, il m'apparaît impossible de prévoir dans une loi toutes les situations particulières auxquelles on peut avoir à faire face. La commission administre un régime dont les bénéfices touchent annuellement plus de 300 000 travailleurs et travailleuses du Québec. La nature des lésions, la variété des contrats de travail, la diversité des situations dans lesquelles on peut se trouver quand intervient l'accident, la complexité multiple des conséquences des lésions sur chaque individu exigent que l'organisme administrant une telle loi dispose de la latitude nécessaire pour rendre des décisions équitables. Par ailleurs, il me semble que le gouvernement a fait un effort considérable pour limiter, dans le projet de loi, ce pouvoir discrétionnaire de la commission et pour inscrire, dans le texte même, les normes et critères qui doivent guider la commission dans son appréciation des cas qui lui sont présentés.

Ainsi, les pouvoirs réglementaires, au nombre de 26, dans la loi actuelle, passent à 6 seulement. Il s'agit là, il me semble, d'une réduction importante des pouvoirs de l'organisme et d'un geste qui correspond aux revendications des parties. On pourra argumenter en disant que le paragraphe 6 de l'article 266, qui prévoit que la commission peut faire des règlements pour prescrire généralement toute mesure qu'elle estime utile à la mise en application de la présente loi, laisse encore une large porte à l'arbitraire. Je dirai, cependant, qu'il s'agit d'une clause qu'on retrouve généralement dans toutes les lois de cette nature et que le gouvernement en a toujours contenu parcimonieusement l'application.

Par ailleurs - cela me semble important de le répéter - je n'hésiterai pas à retrancher du projet de loi 42 cette disposition dont je viens de parler si les intervenants en venaient à la conclusion qu'elle risque sérieusement d'être abusivement utilisée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail. J'aimerais aussi préciser qu'il existe, dans le projet de loi 42, deux sortes de pouvoirs discrétionnaires: des pouvoirs discrétionnaires quasi judiciaires et des pouvoirs discrétionnaires administratifs. Les pouvoirs quasi judiciaires sont ceux qui permettent aux employés de la commission de rendre des décisions dans des cas particuliers à partir d'une délégation de pouvoirs du conseil d'administration et dans le cadre des programmes, des politiques adoptés par le conseil d'administration. Les pouvoirs discrétionnaires administratifs sont ceux qui permettent au conseil d'administration paritaire d'adopter de tels programmes et de telles politiques.

Par conséquent, quand le projet de loi indique que la commission peut ou doit faire telle chose, cela signifie que le législateur délègue au conseil d'administration de l'organisme, donc, aux parties directement concernées, le pouvoir d'établir les programmes, les politiques, les normes et les critères qui lui permettront d'administrer convenablement et équitablement la loi. Est-il nécessaire d'ajouter que le législateur prend bien soin de déterminer le cadre à l'intérieur duquel le conseil d'administration doit agir? Le conseil ne peut faire des programmes ou des politiques qui auraient pour effet de restreindre le droit aux indemnités, de restreindre le montant des indemnités ou encore de les augmenter au-delà des limites qui sont fixées. Le gouvernement fait donc confiance aux parties pour régler des situations dont il ne peut prévoir, dans une loi, toute l'étendue ou la

complexité.

Je serai particulièrement attentif, au cours de la présente commission parlementaire, à toute proposition raisonnable pouvant permettre au législateur d'enchâsser, avec le maximum de sécurité, les droits reconnus aux parties et de préciser les règles de conduite qu'il entend donner à l'organisme indemnisateur dans sa délégation de pouvoirs. En effet, si l'on me démontre que certains pouvoirs laissés à la discrétion de l'organisme risquent de mettre en péril des droits par ailleurs reconnus dans le projet de loi et que la confiance que je mets dans la capacité des parties présentes au conseil d'administration de gérer de façon adéquate le régime proposé n'est pas fondée, je serai attentif à toute proposition positive visant à améliorer la loi proposée.

Je ne voudrais pas conclure ces remarques préliminaires sans aborder la capitale et importante question des coûts du nouveau régime proposé. Bien que j'aie annoncé, lors du dépôt du projet de loi 42, que le régime tel que proposé entraînait une diminution des coûts par rapport au régime actuel, nombreux sont ceux - et c'était de bonne guerre dans les circonstances, c'était normal de le faire - qui y sont allés de leurs propres hypothèses et qui ont dénoncé les nouveaux coûts entraînés par le projet sans peut-être savoir s'il en générait vraiment de nouveaux. On a également avancé que le gouvernement ne connaissait pas lui-même l'ampleur des nouveaux coûts engendrés par cette réforme. Je dois dire que le gouvernement prépare cette réforme depuis 1980 et que les diverses hypothèses qu'il a étudiées au cours des années ont toujours été accompagnées d'analyses actuarielles sérieuses et détaillées.

Avant de déposer le projet de loi 42, le gouvernement en connaissait les implications financières et, par conséquent, il savait que, tel que présenté, le projet de loi 42, s'il avait été en vigueur en 1984, aurait coûté 18 000 000 $ de moins que dans le cadre de la loi actuelle. Il savait également que, compte tenu du mode de financement adopté par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, si le projet de loi avait été en vigueur en 1984, la commission aurait cotisé 44 500 000 $ de moins que la cotisation réelle et que le taux moyen par 100 $ de salaire aurait été de 1,79 $ au lieu de 1,89 $. Le gouvernement savait également quels étaient les éléments de la réforme qui entraîneraient des coûts nouveaux et quels étaient les éléments de la réforme qui permettraient une réduction des coûts actuels.

Alors, M. le Président, pour les fins de notre discussion, si vous me le permettez, je détaillerais maintenant l'un et l'autre chapitre dont je viens de parler: les coûts nouveaux et la réduction des coûts actuels.

Au chapitre des coûts nouveaux, la réforme entraîne les augmentations suivantes: le remplacement du revenu assorti d'une incitation au retour au travail et du droit au retour au travail entraînerait une augmentation des coûts par rapport à l'état actuel des choses de 7 200 000 $. Évidemment, il faut tenir pour acquis dès maintenant que les chiffres que je suis en train de donner seraient les chiffres qu'on devrait retenir si le projet de loi devait de son côté être adopté dans sa présentation actuelle.

Le paiement de forfaitaires pour dommages corporels entraînera une augmentation de 28 800 000 $. La base de salaire par rapport à l'état actuel des choses, quand on l'envisage sous l'aspect du salaire minimum et de l'emploi principal, entraînera des augmentations de 2 900 000 $. Le paiement des quatorze premiers jours par les employeurs - il m'apparaît important de signaler, M. le Président, que le coût auquel je vais me référer ne tient pas compte des économies administratives qui seront au moins équivalentes, sinon supérieures à ces coûts -donc, le paiement des quatorze premiers jours par les employeurs entraînera une augmentation de 600 000 $. L'indexation de l'indeminité de remplacement du revenu par rapport aux rentes d'incapacité temporaire, qu'on avait cessé d'indexer depuis un certain moment, générerait une augmentation de 14 200 000 $. Les indemnités de décès non reliées à la lésion engendreraient, quant à elles, une augmentation de 500 000 $.

Donc, M. le Président, le total des différents chiffres dont je viens de parler est effectivement de 54 200 000 $, si, toujours, le projet de loi était adopté dans l'état dans lequel il se trouve actuellement, mais j'ai signalé il y a un instant qu'il y a aussi un autre chapitre relatif à la diminution des coûts si le projet de loi, toujours, est adopté comme il nous est actuellement présenté.

Quelles sont ces diminutions, M. le Président? Je vous les donne rapidement: modifications aux indemnités de décès enfin, le projet de loi le propose - les rentes sont remplacées par le paiement de montants forfaitaires. Cette disposition déboucherait sur une diminution des coûts de l'ordre de 10 700 000 $. Une autre disposition de la loi, celle prévoyant la réduction de la rente à 65 ans et son interruption à 68 ans, va engendrer, quant à elle, une diminution des coûts de 39 200 000 $. Finalement, la réévaluation de l'incapacité après trois ans au lieu de cinq ans entraîne une diminution de 22 400 000 $, ce qui nous amène à une réduction globale de 72 300 000 $. (10 h 45)

La conclusion générale qui se dégage de cette opération comptable, c'est que l'ensemble de l'opération entraîne donc une

diminution des coûts de la loi actuelle de l'ordre de 18 000 000 $.

M. le Président, il est peut-être utile d'indiquer ici que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est une institution qui est bien administrée, une institution qui est en excellente santé financière et qui se compare avantageusement aux organismes semblables dans d'autres provinces du Canada. Ainsi, le taux moyen de cotisation est passé de 2,16 $ en 1982 à 1,95 $ en 1983, à 1,89 $ en 1984. Au cours de la même période le taux de cotisation de l'Ontario a suivi une tendance inverse passant de 1,86 $ en 1982 à 2,17 $ en 1984.

Quant au contrôle des coûts, là encore, la Commission de la santé et de la sécurité du travail figure bien. Malgré la récession, les déboursés en incapacité temporaire se sont maintenus au même niveau du début de 1982 à la fin de 1983. En Ontario, par ailleurs, ces mêmes déboursés ont augmenté de 20% entre le début de 1982 et la fin de 1983.

M. le Président, malgré cette importante réduction de coût dont je viens de parler, je suis tout à fait sensible au fait que les coûts du régime demeurent globalement très élevés. Ce phénomène, comme je viens de l'expliquer, n'est cependant pas propre au Québec et, sur ce plan, le Québec se compare avantageusement avec son voisin ontarien.

Je ne crois pas que c'est en faisant l'option de pénaliser les travailleurs victimes de lésions professionnelles, en diminuant leur droit à une juste compensation ou en réduisant artificiellement la valeur de ces compensations que l'on parviendra à contrer la croissance des coûts des accidents. Une diminution aussi artificielle n'aboutirait qu'à un désordre social dont les coûts seraient encore plus élevés pour la société que ceux résultant des accidents eux-mêmes. En 1979, le gouvernement a fait un autre pari, celui de la prévention, et il demeure persuadé que c'est par la prévention que l'on pourra freiner la croissance des coûts de la réparation et seulement par elle. Ces coûts étant assumés entièrement par les employeurs, le gouvernement considère et a toujours considéré qu'il s'agit là d'une taxe et que cette taxe, une fois payée, n'appartient plus aux employeurs mais au trésor public. L'organisme chargé d'administrer ce régime n'est donc pas exclusivement au service des employeurs comme on est tenté de le croire trop souvent. C'est un organisme qui a reçu un mandat du législateur pour administrer cette portion du trésor public.

Précisons encore que les coûts résultant des accidents du travail sont directement reliés à la production des biens et des services et donc finalement assumés par les consommateurs, dont évidemment les travailleurs. Dans les autres régimes de sécurité sociale auxquels les travailleurs contribuent, les risques qu'ils couvrent sont de nature purement sociale et sans commune mesure avec les risques à la santé et à l'intégrité physique découlant de notre système de production et sur lesquels les travailleurs seuls n'ont aucun contrôle. M. le Président, j'aurai l'occasion de revenir au cours de cette commission parlementaire sur la question des coûts du régime.

Je souhaite en terminant que les travaux de cette commission permettront au législateur d'adopter un régime de réparation des lésions professionnelles qui sera équitable et juste envers les victimes.

Je souhaite également qu'on se rappelle que la présente commission ne porte plus sur l'administration de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, dont le procès public a largement été fait en décembre 1983.

Il ne me paraîtrait pas opportun de poursuivre ce débat, sinon nous risquerions de compromettre la véritable portée de nos travaux et, partant, de détourner l'attention de notre principal objectif qui est la meilleure réforme possible du régime de réparation des lésions professionnelles.

M. le Président, j'invite donc tous les intervenants à soumettre objectivement leurs propositions et surtout à rechercher des solutions réalistes aux problèmes que pourrait soulever l'application de certaines dispositions de ce projet de loi.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre. La parole est donc au député de Viau. M. le député.

M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. Premièrement, j'aimerais remercier le président de l'Assemblée nationale d'avoir donné suite à la demande du Parti libéral de télédiffuser les audiences de cette commission car cela permettra à l'ensemble des Québécois et plus spécifiquement les plus touchés: les accidentés, les travailleurs et les employeurs, de juger du bien-fondé du projet de loi.

M. le Président, je me réjouis non de la portée globale du projet de loi 42 mais bien du fait que vous n'avez pas imposé le bâillon à cette commission dès ses débuts comme l'a fait l'adjoint parlementaire du ministre de l'Éducation au début des audiences sur le projet de loi 40.

J'ose me réjouir peut-être prématurément à ce stade-ci de nos travaux car vous n'avez pas encore fait allusion au bâillon. Cette commission élue permanente du travail s'est vu imposer au cours des deux dernières fois qu'elle s'est réunie une

guillotine qui n'a pas permis au processus démocratique de suivre son cours normal et habituel.

Lorsqu'elle s'est réunie en juin dernier pour l'étude article par article du projet de loi 17, la bâillon nous a été imposé pratiquement dès le début de nos travaux. En décembre dernier, malgré une entente entre les deux partis, lorsque cette commission s'est réunie, à la demande de l'Opposition, pour examiner les vrais problèmes qui entourent l'application de la présente Loi sur les accidents du travail, à savoir l'administration et le fonctionnement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, encore une fois votre leader parlementaire a jugé bon de mettre fin à nos travaux prématurément, sans consultation.

À cette occasion, on voulait vider le fond du problème. Puisque vous ne nous l'avez pas permis, il nous est apparu nécessaire - comme, j'en suis certain, d'autres témoins à venir le feront - de demander, comme on l'a demandé dans une lettre qu'on vous adressait le 19 janvier dernier, une enquête sur l'administration de la CSST. Ce qu'on demandait spécifiquement c'est que soit accordé au Vérificateur général un mandat ad hoc afin d'analyser la justesse des politiques administratives de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et des dépenses qui en découlent.

Malheureusement, vous avez décidé de ne pas prendre notre demande en considération en vous appuyant sur le fait que le Vérificateur général dépense nombre d'heures à cette commission en vérifiant la tenue des livres. Ce n'est pas ce qu'on a demandé, M. le Président. On a demandé une vérification des applications des politiques administratives qui, dans la plupart des cas, ne sont même pas présentées et approuvées par le conseil d'administration de la CSST.

Ce projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, est promis depuis longtemps. Il devait faire suite à la parution du livre blanc sur la politique québécoise de la santé et de la sécurité du travail. Depuis cette parution, la population québécoise s'attendait à un projet de loi innovateur, avant-gardiste. Mais, à l'exemple de plusieurs projets de loi sous votre régime péquiste, il ne répond aucunement aux attentes du milieu. Pour un projet de loi qui est à l'étude depuis longtemps, avant même votre arrivée au ministère, M. le ministre, l'accouchement d'un tel projet de loi, confus, mal écrit, est à l'exemple de l'incompétence de votre gouvernement. Vous avez touché la question des coûts. On apprécie le fait d'avoir donné un éventail de ce que pourraient être les économies, mais il semble que les discussions, la préparation des mémoires des gens qui se présenteront devant nous auraient été beaucoup plus simples si le gouvernement avait fait connaître de façon formelle les coûts d'un tel projet de loi avant même qu'on en commence l'étude ici, ce matin.

Je voudrais vous rappeler, M. le ministre, que vous vous étiez engagé à le faire. Je cite le journal des Débats du 10 mai 1983, R/2498, alors que vous répondiez à une de nos questions: "Dans ces conditions, au chapitre strict de l'étude des coûts, je peux, aujourd'hui, prendre l'engagement de procéder au dépôt de la documentation qui est strictement en relation avec l'étude des coûts". Ce matin, vous nous avez annoncé les coûts, M. le ministre, mais je n'ai vu aucun dépôt de l'étude des coûts que vous vous êtes engagé à déposer.

Il est à espérer qu'on ne fermera pas le Parlement un mois durant comme vous l'avez fait en octobre dernier, sous prétexte de mettre les points sur les "i", des barres sur les "t" ou bien de produire le rapport des coûts-bénéfices du projet de loi 42.

Le 10 juin 1981, votre précédesseur, le ministre Marois, nous affirmait, lors de l'étude des crédits de son ministère, que les travaux sur la réforme, à savoir le projet de loi 42, étaient très avancés. Le premier ministre, dans son message inaugural du 9 novembre 1981 - on est en 1984, aujourd'hui - nous annonçait lui aussi que la deuxième partie de la réforme tant attendue avait été bien étudiée et que le régime d'indemnisation des accidentés serait basé non plus sur la perte d'intégrité physique mais plutôt sur une philosophie de remplacement des revenus, comme dans le cas de l'assurance-maladie. Mais, si ce projet de loi est à l'étude depuis 1981, comment se fait-il que l'étude des coûts ne soit pas prête aujourd'hui?

Pour un projet de loi qui est à l'étude depuis si longtemps, je me pose la question suivante: Pourquoi ne répond-il pas aux attentes du milieu, tant du côté syndical que du côté patronal? Ce projet de loi, comme toute la législation que ce gouvernement nous a présentée depuis quelque temps, que ce soit dans le domaine des relations du travail, à savoir la loi 17 de juin dernier, la loi 43 concernant les travailleurs au pourboire, ou bien encore le projet de loi 40 sur la restructuration scolaire, ne fait que détonner dans le milieu. Ce milieu n'a pas réclamé des changements en profondeur de la Loi sur les accidents du travail. C'est un secret de polichinelle. Nous le vivons, de notre côté - je crois que vous le vivez aussi, M. le ministre - dans nos bureaux de comté. Nous l'avons bien entendu à la commission parlementaire élue permanente du travail. Les problèmes majeurs dans ce domaine surgissent de l'application de la présente loi par un organisme qui - entre parenthèses, cet organisme est sous la responsabilité du ministre du Travail, selon l'article 336 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail -serait chargé aussi d'appliquer la loi 42, si

elle est adoptée, ce qui a créé un climat d'agressivité et de méfiance gravitant autour de nombreux pouvoirs arbitraires, discrétionnaires, réglementaires par le biais de directives ou de politiques administratives qui, quasi régulièrement, échappent au contrôle de son conseil d'administration et aux élus de la population. On a souvent déploré, d'un côté comme de l'autre de la Chambre, le fait que les règlements, les directives gouvernementales ou paragou-vernementales échappent au contrôle des élus. (11 heures)

Je cite le rapport French-Vaugeois sur le contrôle parlementaire de la législation déléguée. "Ce que députés et journalistes ont à se mettre sous la dent ne constitue que la pointe de l'iceberg. La mise au point des règlements se fait, le plus souvent, à leur insu... "Une chose est sûre. Autant l'opinion publique est sollicitée, à l'occasion de l'étude de projets de loi, autant elle est oubliée dans l'élaboration d'une réglementation toujours plus envahissante... "Il n'est plus possible de s'en tenir à la pointe de l'iceberg. Les parlementaires, les journalistes, le public doivent pouvoir observer et apprécier l'ensemble. Il y va sans doute de notre santé économique et de la qualité de notre vie démocratique."

Lors des audiences, en décembre dernier, le conseil d'administration de la CSST nous a affirmé, de façon explicite, que le conseil d'administration de cette commission est très particulier en ce sens qu'il ne nomme pas son président-directeur général ni ses vice-présidents ni ses vérificateurs comme il est d'usage dans l'entreprise privée. La loi 17, c'est-à-dire la Loi sur la santé et la sécurité du travail, est aussi ambiguë. D'une part, elle accorde à son conseil d'administration certains pouvoirs et, d'autre part, elle accorde, par l'entremise de l'article 154, des pouvoirs quasi absolus au président-directeur général.

En décembre dernier, il a été porté à l'attention de cette commission que le président-directeur général se retranche souvent derrière cet article pour prendre des décisions sans y faire participer le conseil d'administration. Je ne vous ferai pas un résumé de la commission parlementaire du mois de décembre, car vous y étiez, M. le ministre. Le conseil d'administration aurait été mis devant un fait accompli sur la question de la fusion des services d'inspection et de prévention... Le conseil d'administration, nous a-t-on dit, n'a pas participé à une telle décision. Les quatorze membres, soit tous les membres, tant du côté patronal que syndical, auraient manifesté leur désapprobation au président-directeur général. En un mot, ils auraient tous été contre cette fusion des services d'inspection et de prévention. N'est-ce pas là le véritable problème en ce qui concerne la situation actuelle et future en ce qui concerne les accidents de travail?

Ne serait-il pas opportun de définir qui est habilité à prendre les décisions et qui en est le véritable responsable? Est-ce le conseil d'administration ou le conseil de direction? Au conseil de direction, ce sont des permanents engagés et ils demeurent -puisqu'ils sont permanents - toujours en place. C'est pour ces raisons qu'on vous recommandait, M. le ministre, dans notre lettre du 19 février, qu'une modification soit apportée à l'article 154 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail de façon à s'assurer que le président-directeur général ne se retranche plus derrière cet article pour prendre des décisions qui relèvent normalement d'un conseil d'administration. Si une telle modification était apportée, on soulagerait certainement les inquiétudes exprimées par les agents impliqués en ce qui concerne l'application du projet de loi 42 s'il est adopté.

Le projet de loi 42, M. le Président, accorde des pouvoirs arbitraires et discrétionnaires à la commission. En plus, ne sachant pas qui est le responsable, on lui donne des pouvoirs arbitraires et discrétionnaires. Ce n'est nullement spécifié dans la loi, aucune distinction n'est faite entre ces pouvoirs accordés, soit au conseil d'administration, d'un côté, ou au conseil de direction de l'autre. Ces directives et règlements imprécis et modifiés au jour le jour apportent de la confusion. C'est ce qui est le problème; la lecture du projet de loi lui-même me semble apporter les mêmes problèmes.

Je ne voudrais pas faire l'énumération des articles sur lesquels je me pose des questions, mais, à l'article 35, on dit que la commission décide si le travailleur est atteint d'amiantose ou de silicose, alors que l'article 32 décrète que la commission forme au moins quatre comités des pneumoconioses. Qui prend la décision? Est-ce que ce sont les spécialistes ou si c'est la commission?

À l'article 49, lorsqu'il s'agit d'un étudiant, la commission peut déterminer le droit du travailleur à une indemnité pour une durée plus longue que celle de son incapacité. Quels seront les critères de base d'une telle décision? Ces critères seront-ils les mêmes dans les diverses régions? C'est cela qui est le problème présentement, M. le Président.

À l'article 73, que veut dire et qui détermine la nature particulière du travail d'un travailleur? C'est un peu arbitraire de déterminer la nature particulière du travail d'un travailleur. À l'article 80, qui est en mesure - ce sont des questions que je vous pose, M. le ministre - et comment peut-on déterminer, en tenant compte notamment de

la formation, de l'expérience de travail et de la capacité physique et intellectuelle du travailleur - est-ce que cela veut dire qu'on va aller chercher des psychologues pour faire passer des tests à tous les travailleurs? -l'emploi qu'un travailleur est capable d'exercer et le revenu net qu'un employé pourrait tirer d'un emploi?

À l'article 117, quels sont les critères pour que l'indemnité soit versée par la commission si elle est d'avis que la demande paraît fondée à sa face même? Qu'en est-il du médecin traitant? À l'article 126, à part l'assistance médicale énumérée dans cet article - parce qu'il y a une énumération de l'assistance médicale - quels sont les autres soins ou frais que la commission détermine? Je crois que c'est très vague et très ambigu. Je ne sais pas qui a écrit ce projet de loi, mais... On me dit que c'est peut-être M. Bernier qui l'aurait écrit. Je me demande où on est allé pêcher...

Une voix: C'est M. Bernier.

M. Cusano: Ah bon! C'est M. Bernier. À l'article 129, si l'accidenté a droit aux soins de l'établissement et du professionnel de son choix - l'article le dit très clairement - comment la commission peut-elle, dans l'intérêt du travailleur, en choisir d'autres? On confère un droit à un travailleur et, de l'autre côté, la commission peut décider de lui enlever ce droit à n'importe quel moment. À l'article 132, je me demande qui est le plus en mesure de décider de la nécessité, de la nature, de la suffisance ou de la durée de l'assistance médicale. Est-ce que c'est la commission ou bien si c'est le médecin qui traite l'accidenté?

L'article 139 ne précise aucunement, ni par la loi, ni par règlement, ce qu'est un programme de réadaptation. À l'article 141, comment la commission décide-t-elle de l'admissibilité d'un travailleur à un programme de réadaptation? Il n'y a rien de spécifié. Comment la commission est-elle habilitée à déterminer - à l'article 151 - la date de réintégration du travailleur dans son emploi, si, encore une fois, ce n'est pas le médecin traitant? C'est la commission qui va décider arbitrairement qu'un individu peut reprendre son travail, quel que soit l'avis médical. À l'article 157, comment concilier les droits d'un accidenté et les ententes collectives? Il y a des ententes collectives. Est-ce que la commission va devenir une espèce d'appareil qui va tout gérer, qui va tout voir dans le domaine du travail? Est-ce qu'il était de l'intention du législateur qu'elle s'assure d'indemniser adéquatement les accidentés?

À l'article 179, on dit que la commission choisit le mode de financement de la CSST. Ici encore, ce n'est pas clair si c'est le conseil de direction ou bien si c'est le conseil d'administration. À 240, la commission n'est pas tenue de suivre les règles ordinaires de la preuve en matière civile. Elle peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs, s'enquérir des matières qui lui sont attribuées. C'est fort, M. le Président. À 266, et je terminerai avec cela, parce qu'on pourrait quasiment lire les 364 articles et les remettre en question un par un, mais on le fera si jamais on arrive à l'étude article par article. À 266, la commission peut prescrire toute mesure qu'elle estime utile à la mise en application de la présente loi. Je me réjouis, si ma mémoire est bonne, M. le ministre, parce que vous avez dit que peut-être vous feriez certains changements à cet article.

Les articles que je viens de vous énumérer nous inquiètent, car ils sont imprécis et donnent des pouvoirs discrétionnaires et arbitraires à des fonctionnaires, mais cela devient alarmant dans une démocratie lorsqu'on permet à un organisme de rendre des décisions sans que ceux qui sont concernés aient l'occasion de se faire entendre. Le projet de loi que vous nous avez présenté, M. le ministre, fait disparaître les bureaux de révision de la CSST. Pour vous donner un petit résumé, la loi actuelle permet aux victimes d'accidents et de maladies du travail le droit d'appel d'une décision de la CSST, d'un agent d'indemnisation. En première instance, on peut faire appel d'une décision devant le bureau de révision. Je ne reprendrai pas toutes les récriminations à l'endroit de cette instance d'appel. On les a entendues en décembre dernier lors de la commission parlementaire sur l'administration et le fonctionnement de la CSST. Je crois, cependant, qu'il est important, M. le ministre, d'en rappeler quelques-unes. C'est vrai et c'est intolérable que les membres de ce bureau de révision soient nommés par la CSST elle-même. Comment garantir un minimum d'objectivité et d'impartialité lorsqu'on est juge et partie? Souvent, les bureaux ne jugent pas selon les lois, les règlements, mais selon les politiques et directives internes de la CSST. C'est cela qu'on a entendu dire au mois de décembre.

Troisièmement, le personnel qui les compose se révèle souvent incapable de juger par lui-même de la valeur de l'argumentation ou des preuves soumises. Quatrièmement, dans le rapport de votre ministre responsable des Relations avec les citoyens, celui-ci déplorait les délais de cet organisme. Que fait le projet de loi pour améliorer cette situation? Il fait disparaître cette instance d'appel et la remplace par un processus qu'on appelle dans la loi un processus de reconsidération administrative. C'est ceux qui prennent les décisions qui vont reconsidérer s'ils ont pris la bonne décision. Cela a beaucoup d'allurel Ceux qui ont pris des

décisions vont reconsidérer s'ils ont pris la bonne décision. Je vous demande quel homme ou quel organisme va reconsidérer autrement la décision qu'il a déjà prise. Sûrement, le ministre va-t-il nous dire qu'il reste toujours le droit d'appel devant la Commission des affaires sociales, mais il ne faut pas oublier que ce droit d'appel est limité par l'article 247. Le ridicule ne se termine pas là, M. le ministre. L'article 250 donne à la CSST la permission de réviser de sa propre initiative une décision finale de la Commission des affaires sociales.

Est-ce que cela va assez loin lorsqu'on parle de pouvoirs arbitraires, de pouvoirs confiés à cet appareil qui va administrer la loi? La question qu'on se pose, c'est si on vit dans une province démocratique ou bien dans une dictature. Comment concilier les beaux discours de ce gouvernement et ses actions, ces propositions qui briment les droits et libertés de nos concitoyens? À cet égard, la Charte des droits et libertés de la personne dit très clairement à l'article 23: "Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle." Alors, comment respecte-t-on la charte des droits lorsqu'on fait sauter le bureau de révision de la CSST, où les parties concernées peuvent s'exprimer? Le bureau de révision a des problèmes, mais on ne règle pas un problème en le faisant sauter. (11 h 15)

M. le Président, il y a certaines choses à régler et qui pressent en ce qui concerne les accidentés du travail, mais je voudrais vous rappeler que, concernant le projet de loi 42, ce n'est pas l'application des 364 articles qui va résoudre le problème qui nous préoccupe. Ce problème, je l'explique, c'est celui de l'application du fameux article 38.4 de la présente loi des accidents du travail. Sur ce plan, nous vous accorderons, j'en prends l'engagement, M. le ministre, notre entière collaboration afin d'apporter un règlement dans les plus brefs délais, mais j'aimerais aussi rappeler au ministre qu'une fleur, si belle soit-elle, ne fait pas le printemps. On est prêt à régler l'article 38.4. On doit régler l'article 38.4, mais y a-t-il vraiment nécessité d'accepter les 364 articles du projet de loi?

Nous demandons au ministre, pour régler l'article 38.4, de retirer du projet de loi 42 les articles de la loi qui s'y rattachent, c'est-à-dire de reconnaître au travailleur devenu incapable d'exercer son emploi, en raison d'un accident ou d'une maladie professionnelle, le droit à une indemnité de remplacement du revenu assortie d'une indemnisation forfaitaire pour compenser les dommages corporels. Pour ce qui est du reste, nous vous demandons de l'étudier en tenant compte des améliorations qui peuvent être apportées, comme vous l'avez dit, par les groupes de personnes qui feront des représentations lors de cette commission.

D'autre part, le ministre nous affirme: Le gouvernement a décidé de procéder au remplacement du régime actuel et d'identifier un nouveau régime basé sur le principe de remplacement du revenu et sur une administration simplifiée conforme à la nouvelle réalité créée par la Loi sur la santé et la sécurité du travail, mieux adaptée enfin à la conjoncture économique actuelle. Cela, M. le Président, ne veut pas dire la même chose pour tout le monde. En effet, ce projet de loi modifie de façon substantielle le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels et la Loi visant à favoriser le civisme. Ce gouvernement est-il à ce point à court d'argent qu'il doit aller récupérer quelques millions de dollars chez ces victimes?

En terminant, j'ose espérer que les amendements à la loi qui s'imposent seront connus avant même la deuxième lecture qui aura lieu au salon bleu. Ainsi, comme je l'ai demandé il y a quelques minutes, au dépôt de ces amendements, qu'on nous fasse connaître l'étude des coûts qui sont derrière vos annonces ce matin. C'est dans cet esprit que nous commençons nos travaux. Je peux vous assurer de notre entière collaboration, mais je vous dis, à ce moment-ci, que notre première préoccupation - car cela presse -c'est de régler l'article 38.4. Le reste peut attendre. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le député. Avant d'accorder la parole au premier organisme qui doit nous rencontrer, j'aimerais vous relire le but de notre travail dans les jours qui viennent. Ce travail est aux fins d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, ce qui implique que, lorsque j'aurai à faire respecter le règlement, c'est à cela que je vais m'en tenir. Il n'est question d'aucune manière ni de quelque façon que ce soit de reprendre un débat qui n'a pas lieu d'être ici puisqu'il a déjà eu lieu.

Je tiens aussi à faire remarquer à l'organisme que j'invite à venir nous rencontrer, c'est-à-dire la Chambre de commerce de la province de Québec, qu'il a à sa disposition, d'après l'enveloppe qui nous est donnée ce matin jusqu'à 13 heures, soit une heure quarante minutes, pour présenter son mémoire et ensuite être interrogé par les membres de cette commission.

Je demande donc à Me Louis Lagassé de nous présenter les personnes qui l'accompagnent et de commencer la lecture

de son mémoire.

Auditions

Chambre de commerce de la province de Québec

M. Lagassé (Louis): M. le Président, je vous remercie. Messieurs, mesdames, membres de la commission parlementaire du travail, je vais vous présenter la délégation de la Chambre de commerce de la province de Québec qui est ici avec moi ce matin pour présenter le mémoire. Alors, à ma droite, M. Gaston Turner, de Pratt & Whitney, de Longueuil; immédiatement à sa gauche, le Dr Gilles Matthieu, de Bell Canada; ensuite, M. Marc Gendron, de Sherbrooke, de la compagnie Claude Genest Aeroxon; M. Marcel Tardif, directeur général aux affaires publiques de la Chambre de commerce de la province de Québec, permanent; Me Raymond Buist, de Bell Canada, contentieux; M. Jean-Paul Létourneau, à ma gauche, vice-président exécutif de la Chambre de commerce de la province de Québec; M. Gilles Thibodeau, directeur aux relations industrielles, compagnie Dominion Textile; Me Sylvie Massicotte, directrice du contentieux à la Chambre de commerce de la province de Québec, et M. Ken Burnett, aussi de Pratt & Whitney, de Longueuil.

Lors de notre assemblée générale du 8 novembre dernier, à Jonquière, notre chambre a reçu le mandat de ses membres d'analyser en profondeur l'ensemble de la question de la santé et de la sécurité au travail. Or, le présent mémoire ne porte que sur le présent projet de loi 42, soit sur les seuls aspects relatifs aux lésions et maladies professionnelles qu'il contient. Le 9 décembre dernier, dans une lettre adressée au ministre du Travail, Me Raynald Fréchette, et publiée dans le Devoir, notre chambre donnait à entendre qu'elle produirait bientôt une étude fouillée sur la CSST. Nos démarches sont présentement en cours. Conséquemment, le mémoire sousmis aujourd'hui ne contient pas tous les éléments de recommandations que la chambre désirerait faire au sujet du mode de fonctionnement, de la structure et du champ d'exercice de la CSST, l'étude prévue ci-haut n'étant pas encore complétée. Nous nous réservons donc le droit d'ajouter éventuellement à l'analyse et aux conclusions contenues au mémoire ci-joint.

Comme on le sait tous, la Commission des accidents du travail, à l'origine, administrait un genre d'assurance collective pour tous les employeurs. Par l'adoption du projet de loi 17, en 1979, la Commission de la santé et de la sécurité du travail se substituait à la Commission des accidents du travail et se voyait confier, en plus de l'administration de la Loi sur les accidents du travail, celle de la nouvelle Loi sur la santé et la sécurité du travail. Cette dernière octroyait à la commission un nouveau mandat avec l'inspection des lieux de travail et la prévention des accidents.

Déjà, les employeurs et les travailleurs ont dû et doivent encore s'ajuster à ces nouvelles réalités, même si les dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail ne sont pas toutes encore en vigueur. À ce stade-ci, il y a lieu de se demander si la révision de la Loi sur les accidents du travail est vraiment justifiée. Bien sûr, cette loi a été décriée, critiquée et même contestée par toutes les parties impliquées, mais la loi elle-même n'est pas en cause. Nous croyons que c'est plutôt son application qui l'est.

Les travailleurs se sont plaints à la fois des décisions et de la compétence des médecins ou permanents de la CSST. Ils ont même exercé un recours collectif pour que l'incapacité de retour au travail soit accordée rétroactivement en vertu de l'article 38.4 - dont M. le député de l'Opposition vient de parler - de la Loi sur les accidents du travail. Ils se sont plaints de délais trop longs avant de recevoir leur chèque, etc.

Quant aux employeurs, leur insatisfaction face à la CSST vise surtout le coût élevé de leurs cotisations. De plus, ils se plaignent du fait que certains travailleurs abusent des dispositions de la loi - fréquents maux de dos survenant avant le week-end, etc., - ou réclament des indemnités en rapport avec des accidents qui ne sont pas imputables au travail.

Le remaniement de fond en comble de la Loi sur les accidents du travail est prématuré et imposerait, quant à nous, un fardeau supplémentaire à tous les employeurs. Les PME, surtout, devront encore prendre connaissance et s'adapter à une loi qui est trois fois plus volumineuse que l'ancienne. Mais il y a plus: cette nouvelle loi dépasse le but premier d'une loi sur les accidents du travail, qui est d'abord d'indemniser les victimes d'accidents du travail.

Voici donc, brièvement énumérés, les principaux motifs qui justifient l'intervention de la chambre. Premièrement, l'augmentation directe des coûts, nouvelle définition d'"accident" et de "lésion professionnelle". On ne retrouverait plus le caractère "imprévu" qui déterminait l'accident. Décrit comme "un événement soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail", un accident du travail pourrait comprendre les gestes volontaires d'un travailleur. Pensons, par exemple, à des blessures infligées intentionnellement, à des tentatives de suicide, etc. En outre, l'exception prévue à l'article 3.1b de la loi actuelle ne

s'appliquerait plus, c'est-à-dire dans le cas où la lésion est imputable uniquement à l'imprudence grossière et volontaire du travailleur.

La nouvelle expression "lésion professionnelle" couvrirait une blessure ou une maladie résultant d'un accident. De plus, l'article 26 créerait une présomption selon laquelle une blessure qui arrive sur les lieux du travail constitue une lésion professionnelle. Toute maladie ou accident deviendrait donc acceptable - on pense, par exemple, à une crise cardiaque, une hémorragie cérébrale ou une dépression nerveuse - sans que telle maladie ou accident n'ait nécessairement de relation avec le milieu de travail.

La commission pourrait difficilement faire face, croyons-nous, à l'avalanche de nouveaux cas qui surviendraient et, si elle les acceptait tous, les employeurs seraient astreints à compenser des maladies qui ne sont pas nécessairement imputables au travail. Il est excessif de remettre ainsi en question la notion d'accident du travail qui, sous sa forme actuelle, est déjà interprétée de façon très large (accident survenu lors du trajet pour se rendre au travail, par exemple).

Passons maintenant à l'indemnité de remplacement du revenu. L'employeur aurait de nouvelles obligations qui encourageraient fortement de présumés accidents. Je vais à la première journée d'absence. Celle-ci serait maintenant indemnisable par l'employeur au taux du salaire régulier et ne serait pas remboursable par la commission sauf lorsque le travailleur s'absente pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou participer à un plan de réadaptation (article 54). Cette seule mesure entraînerait des coûts considérables, car l'élimination de l'ancien délai de carence aurait nécessairement pour effet de multiplier la déclaration d'événements bénins, sans conséquence. Prenons, par exemple, le cas d'un travailleur qui se cogne le genou, se rend chez le médecin en s'absentant pour la journée et revient travailler le lendemain puisqu'il n'y a pas eu de séquelles. Le texte même de l'article 54, qui prévoit que l'employeur verse au travailleur son salaire s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison d'une lésion professionnelle, pourrait donner lieu, croyons-nous, à certains abus. En effet, ce texte n'implique pas nécessairement qu'il y a eu accident au travail, mais pourrait permettre à un travailleur, qui a eu un accident et qui, une semaine plus tard, ressent un malaise, de s'absenter aux frais de l'employeur.

Passons maintenant aux quatorze premiers jours. L'employeur aurait à payer au travailleur qui devient incapable d'exercer son emploi, à l'époque où son salaire lui aurait été normalement versé, 90% de son salaire net régulier à compter du premier jour complet d'incapacité jusqu'à la fin du quatorzième jour (article 53).

Il nous apparaît évident que cette mesure vise à éliminer les critiques des travailleurs qui se plaignent de la lenteur que met la commission à les indemniser. Cependant, l'extension du délai d'indemnisation directe par l'employeur aurait pour effet de prolonger indûment plusieurs "maladies", étant donné que les quatorze premiers jours d'incapacité seraient payés automatiquement au lieu des cinq premiers jours comme c'est le cas présentement. L'employeur paierait sans pouvoir s'assurer du bien-fondé de cette absence sauf après le fait, lorsqu'il demanderait copie du rapport médical. (11 h 30)

Seule la commission a juridiction pour accepter ou rejeter la réclamation. Si elle la rejette, l'article 53 prévoit que la commission demande remboursement de la part du travailleur. Pour leur part, les articles 251 et 252 prévoient que la commission peut demander tel remboursement, mais ne prévoient pas qu'elle y serait obligée. Il apparaît équitable que la commission doive exiger ces sommes payées en trop, sinon ce sont les employeurs qui en assumeront le fardeau.

De plus, les employeurs feraient ainsi crédit à la commission, devenant bailleurs de fonds en quelque sorte pour l'organisme qui a été spécifiquement créé en vue d'indemniser les travailleurs. Ils verseraient une double indemnité, soit celle versée à l'intérieur de la cotisation globale et celle versée directement à l'employé. Cette mesure serait beaucoup trop lourde et coûteuse pour les employeurs et n'est nullement appropriée pour corriger les lenteurs de la CSST.

Passons maintenant au calcul de l'indemnité. L'indemnité de remplacement du revenu demeure à 90% du revenu net retenu - voir l'article 58. Cette indemnité est une des plus élevées au Canada puisque sept provinces accordent 75% du revenu, sauf l'Alberta et le Nouveau-Brunswick qui en donnent, quant à eux, 90%.

Ce pourcentage est déjà un acquis. Toutefois, on changerait l'évaluation du revenu d'emploi qui deviendrait supérieur au revenu réellement perdu dans certains cas, tels ceux qui suivent: l'indemnité minimale passerait de 35 $ par semaine à la base du salaire minimum en vigueur, même pour les travailleurs à temps partiel - article 61; en vertu de l'article 66, le revenu brut d'un travailleur qui exerce plusieurs emplois serait celui qu'il tire de l'emploi le plus rémunérateur. La moyenne de ce qu'il gagne réellement devrait être retenue pour établir le revenu brut; quant aux étudiants à temps plein, on leur accorderait, jusqu'à l'âge de 18 ans, 50 $ par semaine. À titre d'exemple, un

jeune vendeur de journaux qui gagne moins verrait son indemnité augmentée à ce nouveau minimum.

Ces nouvelles règles sont inacceptables d'autant plus que la commission aurait le pouvoir arbitraire de les déterminer d'une manière autre si elle le croit plus équitable - article 73.

Passons maintenant à la cessation du droit à l'indemnité. L'article 57 prévoit que le droit à l'indemnité de remplacement du revenu cesse lorsque cesse l'incapacité dont dépend ce droit. Or, de quelle incapacité s'agit-il? L'article 48 stipule clairement que le droit à l'indemnité existe lorsqu'un travailleur devient incapable d'exercer son emploi.

On doit donc en conclure que, tant que durerait cette incapacité d'exercer son emploi, le travailleur aurait droit à l'indemnité de remplacement du revenu. Comment alors concilier l'article 57 avec les articles 77 et 79 qui prévoient qu'à compter de la quatrième année suivant le début de son incapacité un travailleur, qui demeure incapable d'exercer son emploi, mais est apte à exercer un nouvel emploi, voit son indemnité réduite annuellement d'un montant égal au revenu net qu'il tire ou qu'il pourrait tirer de ce nouvel emploi?

Par ailleurs, les articles 77 et 79 auraient pour effet d'assurer au travailleur un revenu garanti puisque, dans tous les cas où ce travailleur occuperait un emploi moins rémunérateur, il aurait droit à un montant équivalent à l'indemnité qui lui était originalement versée, d'où la contradiction.

Tout en reconnaissant que l'indemnité de remplacement du revenu peut constituer une mesure incitative de retour au travail, nous déplorons, encore une fois, qu'aucune analyse, jusqu'à ce matin, des coûts et bénéfices de cette mesure n'accompagne le projet de loi. Il nous est donc permis de croire que cette mesure pourrait être beaucoup plus coûteuse pour l'employeur et, à ce tire, nous ne pouvons l'appuyer sans plus d'information.

L'assistance médicale. L'assistance médicale comprendrait les services d'un professionnel de la santé, les soins hospitaliers, les médicaments, les prothèses, orthèses, etc., dont les coûts, selon l'article 130, seraient assumés par la commission, tout comme dans la loi actuelle. Le projet de loi ajoute que l'assistance médicale comprendrait "les autres soins ou frais déterminés par la Commission"; cette disposition pourrait entraîner des coûts injustifiés et des abus possibles. La nature de ces frais devrait être précisée par règlement afin de ne pas laisser une trop grande discrétion à la commission, qui pourrait accepter toutes sortes de frais qui excèdent le cadre d'une assistance médicale nécessaire.

Un autre point est soulevé: l'employeur conserve le droit de faire examiner le travailleur par un médecin de son choix chaque mois - article 133 - mais il semble qu'il n'y aurait plus de procédure d'arbitrage. Il faudrait se demander qui décide lorsqu'il y a désaccord entre le médecin de l'employeur et celui de l'employé. Il y aurait lieu de repenser les formules de réclamation et les moyens mis à la disposition de l'employeur afin de s'assurer qu'il n'y ait pas de fraude. À cet effet, pourquoi ne pas attendre que toutes les dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail soient en vigueur? Il est prévu, par exemple, qu'un médecin sera choisi par établissement pour mettre sur pied des services de santé. Un accidenté pourrait tout d'abord être examiné par celui-ci tout en conservant la possibilité d'aller voir le médecin de son choix, afin qu'un médecin de l'établissement puisse se prononcer sur la plausibilité d'un accident du travail. Ce médecin devrait être en mesure de connaître les conditions de travail dudit établissement.

Passons maintenant à la réadaptation. Actuellement, pour avoir droit aux services de réadaptation, l'accidenté doit être affecté d'une incapacité physique résultant de son accident. Alors, on évalue son incapacité de retour au travail pouvant donner lieu à une légère augmentation de sa rente. Puis, le service de réadaptation lui offre un support psychologique et l'aide dans sa recherche d'un nouvel emploi.

Le projet de loi donnerait au travailleur le droit à la réadaptation que requiert son état, selon l'article 138, mais aucun critère de sélection n'est prévu, ce qui pourrait nuire au travailleur, selon l'interprétation qu'en fera la commission. Pour les employeurs, la même interprétation pourrait être trop large et engendrer une augmentation des coûts surtout si la commission devait s'occuper de tous les accidentés et non seulement de ceux qui ont une incapacité permanente. Mais il y a plus grave encore: la commission pourrait s'engager dorénavant à adopter de nouveaux programmes de réadaptation dont les coûts, à première vue, pourraient être fort élevés. À l'article 140, il est prévu, entre autres, que la commission doit adopter une politique de subvention pour favoriser la création d'emplois pour les travailleurs victimes d'une lésion professionnelle. De plus, elle pourrait prendre toute autre mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle. C'est l'article 139.

Si l'on compare ces mesures, ces dispositions à celles d'autres régimes d'assurance collective, par exemple, l'assurance automobile, la CSST n'offrirait plus de service d'assurance contre les accidents, mais bel et bien un service tous azimuts d'amélioration du sort personnel du

travailleur. De plus, si une politique de subvention était adoptée, cela signifierait que des subventions seraient versées aux employeurs à même les fonds d'autres employeurs dont les entreprises auraient connu un très faible taux d'accidents. La commission devrait plutôt s'en tenir à la présente politique qui consiste à subventionner un employeur en particulier pour adapter le poste de travail de son employé.

Passons maintenant à l'augmentation indirecte des coûts. Le retour au travail. Il y a de surprenantes nouveautés dans le projet de loi. Un travailleur ayant travaillé au moins trois mois et dont le contrat de travail est pour une durée indéterminée se verrait conférer le droit de réintégrer son travail, le tout assorti de modalités dont l'application peut s'avérer fort contraignante. Autant par principe que pour de simples raisons pratiques, les employeurs ne peuvent accepter ce nouveau mandat de la commission. Le principe établi est que la Loi sur les accidents du travail doit, comme partout ailleurs au Canada, servir uniquement à indemniser les victimes d'accidents, comme tout autre régime d'assurance.

D'autres lois et organismes veillent déjà à empêcher des congédiements injustes - la Loi sur les normes du travail - ou à assurer l'embauche de personnes handicapées l'Office des personnes handicapées du Québec. Il est inutile de confier un nouveau rôle à la commission, d'autant plus qu'en pratique ce régime donnerait lieu à des injustices et problèmes graves.

Ainsi, après trois mois de travail, un accidenté aurait le droit de retourner au travail. Qu'arrive-t-il si sa période de probation est plus longue, comme c'est le cas dans plusieurs entreprises? Cela voudrait dire qu'un employé obtiendrait dorénavant sa permanence s'il subit un accident à l'intérieur de la période de trois mois de service continu dans le même établissement. Cet avantage peut créer une incitation à devenir victime d'un accident avant l'expiration des fameux trois mois.

L'adoption de règles relatives à l'exercice de ce droit serait encore plus inacceptable. On prévoit que, si le travailleur est incapable de remplir son emploi antérieur, il a priorité pour occuper un autre emploi disponible dans le même établissement avec le salaire et les avantages liés à cet autre emploi. C'est l'article 154. Cet article serait susceptible, quant à nous, d'entrer en conflit avec de nombreuses conventions collectives qui retiennent le critère de l'ancienneté pour déterminer l'avancement ainsi que l'attribution des emplois plus rémunérateurs. De plus, cet article introduirait une discrimination entre employés accidentés et non accidentés. Les accidentés prendraient la place d'employés plus anciens tout en apportant avec eux l'ancienneté accumulée pendant leur absence. Encore l'article 154. Ces dispositions causeraient des imbroglios au sein des unités de négociation, susciteraient le mécontentement des autres employés et seraient coûteuses en temps et en argent pour les employeurs.

On prévoit aussi une autre règle rigide, soit que le droit de retour au travail s'exercerait dans l'établissement où le travailleur occupait son emploi. Pourquoi le droit de retour au travail devrait-il s'exercer dans le même établissement, ce qui limite la mobilité des travailleurs? Par ailleurs, plusieurs incongruités rendent inapplicables ces dispositions. Je souligne l'importance de ce point-ci. L'employeur devrait réintégrer immédiatement dans son poste l'employé capable de réintégrer son poste à la date que la commission indiquerait. S'il lui faut congédier l'employé remplaçant, a-t-on pensé qu'il devrait donner un avis en vertu de la Loi sur les normes du travail? Dans ce cas, l'employeur devrait payer deux salaires. De plus, qu'arriverait-il si le remplaçant a lui aussi un accident et qu'il acquière lui aussi le droit de réintégrer ce même poste?

De plus, la commission pourrait ordonner à l'employeur d'assigner au travailleur une autre tâche qu'il est raisonnablement en mesure d'accomplir. La commission serait ainsi substituée aux employeurs. Nous croyons qu'il est impensable de donner à la commission une partie du droit de gérance des employeurs, d'autant plus que la mise en oeuvre d'un tel système implique l'instauration de mécanismes additionnels.

Toute la section sur le droit de retour au travail est donc truffée d'incongruités et donnerait à la commission un mandat tout autre que celui pour lequel elle a été créée. Son rôle n'est certes pas d'agir comme un centre de main-d'oeuvre qui, de surcroît, favoriserait tous les accidentés au détriment d'autres travailleurs productifs.

Enfin, il y a lieu de mentionner que toutes ces dispositions ont trait aux conditions de travail et aux relations du travail et qu'elles ne sauraient s'appliquer aux entreprises à caractère fédéral dont les relations du travail sont soumises à la compétence fédérale exclusive.

Passons maintenant au changement de procédures. En instaurant le droit de retour au travail, le projet de loi créerait une nouvelle présomption calquée sur le Code du travail et selon laquelle le travailleur aurait été mis à pied, congédié ou suspendu dans les six mois de sa réintégration parce qu'il aurait exercé son droit de retour au travail. Cette plainte irait directement devant le commissaire du travail, qui aurait le pouvoir d'ordonner la réintégration de l'employé.

Quant aux droits de l'employeur face à la commission, ils se réduiraient à néant - à

la suite d'une plainte d'un travailleur qui croirait que son employeur aurait illégalement omis de l'aviser d'un emploi ou fait défaut de le rappeler au travail, la commission agirait comme un tribunal de droit commun. (11 h 45)

Elle pourrait ordonner à l'employeur de réintégrer ce travailleur. De plus, la décision de la commission aurait le même effet qu'un jugement final et sans appel de la Cour supérieure, tel que dit à l'article 162. Quant aux pouvoirs généraux de la commission, ils demeureraient sensiblement les mêmes: elle garderait la compétence exclusive pour décider de toute question suivant l'équité, mais on instaurerait, à la place du bureau de révision, la reconsidération administrative, qui n'est nullement définie. Il n'est pas assuré que ce ne seraient pas les mêmes personnes qui reconsidéreraient leur première décision. Il y aurait lieu de douter de l'utilité d'une telle procédure, d'autant plus qu'il n'est pas prévu qu'il y aurait une audition lors de cette reconsidération.

En ce qui concerne le droit à une indemnité ou le montant d'une indemnité, il y aurait maintenant, après la reconsidération administrative, un appel direct à la Commission des affaires sociales. Il n'est sûrement pas assuré que ce nouveau système améliorerait l'état actuel des choses. Nous sommes d'avis que, dans les deux cas ci-dessus mentionnés, il y aurait avantage à conserver le bureau de révision comme instance d'appel au lieu de la reconsidération administrative, étant donné que, devant le bureau de révision, les parties peuvent au moins se faire entendre. La composition du bureau pourrait être modifiée selon le genre de cas présenté. Par exemple, des médecins devraient obligatoirement, quant à nous, siéger pour entendre les contestations d'ordre médical.

D'autre part, la commission ne pourrait faire des règlements que dans 6 cas au lieu des 26 actuels, c'est à l'article 266, que vous mentionniez tantôt, M. Fréchette. Le champ de la réglementation serait ainsi réduit, mais plusieurs dispositions du projet de loi attribuent à la commission une discrétion administrative accrue sans que les parlementaires aient droit de regard. La commission aurait des pouvoirs arbitraires additionnels en matière d'assistance médicale et de réadaptation, tel que vu précédemment.

Il faut absolument que ces modalités auparavant déterminées par règlement continuent de l'être. On ne peut laisser libre cours à la commission de faire ce qu'elle veut dans ce domaine. Ce principe s'applique également à tout organisme paragouvernemental.

Tous ces changements de procédure impliquent des coûts en temps et en argent pour les employeurs. Premièrement, coûts associés à la défense devant le commissaire du travail ou devant la commission; deuxièmement, extension inutile des délais avec la reconsidération administrative; troisièmement, coûts associés aux mesures à mettre en oeuvre pour se réajuster et connaître les nouvelles modalités déterminées par la commission.

Passons maintenant au financement. Le système demeurerait semblable à maints égards. Les employeurs seraient classés par unités d'établissement, enverraient leurs déclarations de salaire et seraient cotisés selon un taux applicable à chaque unité d'établissement fixé annuellement, après une expertise actuarielle. Toutefois, deux points, quant à nous, ne devraient pas être changés.

Le premier est le fonds spécial. Il faut absolument qu'un fonds spécial soit gardé, notamment pour qu'il y soit imputé tout ou partie des coûts d'un accident subi par un travailleur déjà handicapé par le fait d'un accident antérieur. Ce système est plus juste puisque les coûts sont répartis entre tous les employeurs et non pas imposés à un seul.

De plus, il n'y aurait plus d'imputation au fonds spécial lorsqu'un accident survient par la faute d'un travailleur d'un autre employeur ou par la faute d'une personne conduisant une automobile. Là encore, le fonds spécial devrait être maintenu pour couvrir les cas où l'accident résulte de la faute d'un tiers.

Finalement, le projet de loi ajoute à l'article 27 qu'une blessure ou maladie survenant lors des soins reçus par le travailleur ou lors de sa réadaptation serait considérée comme une conséquence de la lésion professionnelle. Ceci implique que les coûts de ces nouveaux accidents demeureraient à la charge de l'employeur chez qui l'accident a eu lieu, à défaut de prévoir d'autres responsables.

Il faut absolument repenser ce point et prévoir que ces coûts iront soit à un fonds spécial ou au responsable de ces nouvelles lésions. En conservant un fonds spécial, on évite donc que les cotisations d'un groupe d'employeurs augmentent à cause de ces cas spéciaux. Ces entreprises fédérales de l'annexe B pour lesquelles les employeurs sont tenus personnellement au paiement des indemnités devraient dorénavant contribuer au fonds d'accident (sauf les entreprises de transport ferroviaire ou maritime interprovincial ou international).

Aucune raison ne justifie d'abolir le statut particulier accordé à ces entreprises à cause de leur nature spécifique et nous sommes d'avis que l'annexe B de la loi actuelle devrait être maintenue intégralement.

Ces employeurs ont déjà comme politique d'indemniser directement leurs employés victimes d'accident et ils ont fait

la preuve dans le passé de leur aptitude financière et technique à indemniser rapidement leurs employés.

Nos conclusions et recommandations.

Une transformation radicale du régime en vigueur n'amoindrira pas les maux relevés par les deux parties concernées (travailleurs et employeurs).

Au contraire, certaines modifications suggérées et les nouveaux champs d'action de la commission donneraient lieu à des abus prévisibles tout en créant un déséquilibre sérieux entre les nouvelles obligations imposées aux employeurs et les droits accordés aux travailleurs.

Si des changements mineurs doivent être apportés, ils peuvent l'être sans remanier la loi au complet. Par exemple, le remplacement de la rente mensuelle par le versement d'une indemnité forfaitaire est une mesure acceptable et qui diminuerait sans doute les charges administratives de la commission.

Finalement, certaines déclarations ont laissé croire que ce projet entraînerait une baisse des cotisations des employeurs, et vous nous avez d'ailleurs donné, M. Fréchette, certains chiffres à cet égard. Ceci nous semble simplement basé sur le fait que la commission, de 1984 à 1988, capitaliserait à 90% le coût des lésions professionnelles à survenir. On ne fait donc que remettre à plus tard les augmentations qui seraient véritablement créées par ce projet de loi.

En conclusion, la Chambre de commerce du Québec, sans préjuger des objectifs poursuivis par le gouvernement, juge inappropriée une révision aussi fondamentale de la Loi sur les accidents du travail.

La chambre recommande donc au gouvernement de maintenir: le fonds spécial, dans les cas où l'accident résulte de la faute d'un tiers; le statut particulier des entreprises mentionnées à l'annexe B de la loi actuelle; le bureau de révision comme palier d'appel en ce qui concerne le droit à une indemnité ou le montant de telle indemnité.

Enfin, la Chambre de commerce du Québec recommande au gouvernement d'exclure les dispositions qui auraient pour effet: d'élargir la notion d'accident de manière à couvrir toute maladie ou tout accident qui arrive sur les lieux du travail; d'imposer aux employeurs l'obligation de payer la première journée d'absence justifiée ou non; d'obliger les employeurs à avancer le paiement des quatorze premiers jours d'incapacité; d'assurer une sorte de revenu garanti au travailleur qui occupe un emploi moins rémunérateur sans l'appui d'une étude coût-bénéfices; d'octroyer plus de pouvoirs discrétionnaires à la commission, notamment en matière d'assistance médicale et de réadaptation; d'instaurer un droit de retour au travail qui privilégierait les accidentés au détriment des autres travailleurs et qui dépasserait le mandat de la commission.

C'est en gros, M. le Président, M. le ministre, le sens de nos recommandations. Maintenant, nous sommes heureux que M. Fréchette ait déposé certains chiffres ce matin. Nous les attendions. Par contre, on ne peut en parler que comme des aveugles actuellement, parce que c'est difficile de vérifier certains chiffres lorsqu'on n'a pas pu vérifier les hypothèses, analyser les données et contrôler les conclusions. Néanmoins, M. Fréchette, vous avez donné certains chiffres et j'apprécierais, si c'était possible, pour le bénéfice de nos membres, ici, que vous répondiez à notre première question, qui est la suivante: Lorsque vous nous dites que les quatorze premiers jours ne coûteraient que 600 000 $ par année, est-ce que le coût de ces quatorze premiers jours inclut la première journée?

Le Président (M. Jolivet): Merci, Me Lagassé. La parole est à M. le ministre. En vertu des règlements, vous avez 20 minutes pour poser vos questions.

M. Fréchette: Merci. J'ai pris bonne note de votre question, Me Lagassé, et, à l'intérieur des remarques générales que je voudrais soumettre, je tenterai d'y apporter une réponse. Je voudrais d'abord remercier la chambre de commerce de s'être présentée devant nous, ce matin, pour donner son évaluation et son appréciation du projet de loi. Je pense que, de la façon qu'elle l'a fait, cela donne le ton pour les autres invités que nous recevrons sur le sens à donner à notre discussion et à notre consultation. Vous avez attiré notre attention sur un nombre assez impressionnant de dispositions de la loi et il est évident que les observations que vous nous soumettez vont devoir faire l'objet d'une considération, d'une appréciation, surtout lorsqu'on les aura placées en parallèle avec les autres représentations qui nous seront soumises au cours des prochains jours et qui - les mémoires nous le révèlent, d'ailleurs rejoignent plusieurs des préoccupations d'un nombre considérable d'autres organismes. Les représentations que la chambre de commerce a faites ce matin sont tout à fait conformes à sa vocation et je suis en mesure de signaler, M. le Président, que, chaque fois qu'il arrive des dossiers de cette nature, la chambre de commerce s'y est toujours impliquée et d'une façon, quant à moi, en tout cas, toujours très positive également. C'est évident que l'on souhaiterait pouvoir prendre les suggestions les unes après les autres pour essayer de voir plus en profondeur comment on pourrait les traiter, mais vous allez comprendre, M. le Président,

que, limités comme nous le sommes dans le temps, une semblable opération n'est pas possible.

Je voudrais, quant à moi, m'en tenir à des remarques d'ordre très général et peut-être, avec la permission de Me Lagassé et des autres intervenants qui sont à la table, poser certaines questions, ne serait-ce que dans un objectif d'éclaircissement de la position de la chambre de commerce. D'abord, j'étais heureux, Me Lagassé, de vous entendre nous dire que la suite à votre lettre du 9 décembre dernier allait être donnée dans un avenir prévisible et relativement court. Il s'agit de la lettre que m'écrivait M. Earle le 9 décembre et à l'intérieur de laquelle il pointait de façon très spécifique des choses qui, selon l'évaluation de la chambre, nécessitaient d'être réévaluées, d'être revues. À ce moment-là, il l'a fait, me semble-t-il, dans une limite de temps et de texte, mais j'ai très bien compris que l'exercice allait être complété par la présentation sous forme de mémoire ou autrement de l'évaluation que fait la chambre de commerce sur l'administration et le fonctionnement de la commission. Je vous signale que je serai très heureux de recevoir ce document et de le regarder avec vous, si vous le souhaitez.

Revenons maintenant au fond même de la question. Je me suis limité, quant à moi, à ne retenir que quelques-uns des aspects auxquels vous avez fait référence, les uns concernant des principes d'application d'ordre général, les autres concernant des points plus spécifiques. Vous signalez, par exemple, dans votre argumentation, que la loi 42 à ce stade-ci n'est pas indiquée, que le remaniement de l'ensemble des dispositions de la Loi sur les accidents du travail est prématuré. Par ailleurs, vous insistez considérablement dans votre mémoire pour attirer l'attention des membres de la commission sur le fait que ni les travailleurs, ni les employeurs ne sont satisfaits des actuels mécanismes qu'on retrouve dans la loi. J'apprécierais, si la chose vous est possible, que vous soyez un peu plus précis à cet égard. En fait, comment est-il possible de concilier la situation que vous décrivez -elle est peut-être juste, remarquez, mais je souhaiterais pouvoir vous entendre élaborer davantage là-dessus - comment est-il possible de concilier la constatation qu'employeurs et travailleurs ne sont pas heureux du système actuel et que, par ailleurs, il ne faille pas y apporter quelque changement que ce soit? (12 heures)

En d'autres mots, devons-nous tenir pour acquis qu'il faut continuer dans cette espèce d'insatisfaction qui est, suivant votre évaluation, généralisée? C'est à ce sujet que j'apprécierais de votre part un premier commentaire.

Le Président (M. Jolivet): M. Lagassé.

M. Lagassé: Merci, M. Fréchette. Notre point de vue à ce sujet est le suivant: il serait préférable et plus asticieux, quant à nous, d'examiner à fond le mode de fonctionnement de la CSST pour voir ce qui, en parallèle avec les normes de la loi, peut créer cette insatisfaction et non seulement la Loi sur les normes du travail, qui n'est qu'une facette, si l'on veut, du problème. Les rencontres qu'on a dans toutes nos chambres locales, que ce soit à Tring-Jonction, dans la Beauce, en Abitibi ou dans les Cantons de l'Est, les représentations qu'on a du côté de nos membres, du petit membership, de la petite entreprise et même de la grosse entreprise, c'est au niveau surtout de l'administration et du mode de fonctionnement de la CSST. On dit donc: Avant de remanier la loi par le projet de loi 42, il serait peut-être préférable d'examiner le mode de fonctionnement et d'administation de la CSST, obtenir une opinion ou faire mettre sous la lumière du Vérificateur général ces opérations financières, parce que, évidemment, il y a beaucoup de critiques. Peut-être qu'elles ne sont pas fondées et peut-être qu'elles le sont, mais le Vérificateur général est sans doute en mesure de nous donner une opinion objective à ce sujet. Lorsqu'on aura ces éléments en boîte, quant à nous, il sera probablement temps de faire une refonte globale qui pourrait inclure une refonte touchant le mode de fonctionnement et d'administration de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: Me Lagassé, je vous remercie de cette précision. Vos commentaires par rapport à ceux que vos membres vous soumettent m'amènent à poser une autre question. Je comprends que vous vous référiez principalement aux modalités d'administration. À l'intérieur de vos membres, de vos organismes ou, enfin, de vos chambres, le principe du paritarisme qu'on retrouve au conseil d'administration, quant à lui - et là je ne parle pas de toutes les autres modalités dont vous venez de nous parler - est-il remis en cause par votre ou vos organismes, vos membres?

M. Lagassé: Je vais demander à notre vice-président, M. Jean-Paul Létourneau, de répondre à cette question?

Le Président (M. Jolivet): M. Létourneau.

M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, le principe du paritarisme doit

certainement être réexaminé dans l'étude que nous commençons à faire sur le fonctionnement de la commission. Cependant, il nous semble certainement boiteux ou peu utile dans les circonstances, compte tenu des pouvoirs réels qui reviennent au conseil d'administration. Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet et nous nous posons la question à ce moment-ci, à savoir si le paritarisme est indiqué, étant donné la façon dont la commission est financée? La commission est financée uniquement par les employeurs et là, on a un conseil d'administration paritaire ou, enfin, théoriquement paritaire. C'est facile pour la partie demanderesse, c'est-à-dire ceux qui représentent les employés, de demander tous les avantages qu'on puisse imaginer, alors qu'ils n'écopent d'aucuns frais chaque fois qu'ils font des demandes. Les frais sont pour les employeurs seulement.

Alors, ce sont les quelques considérations qui, à ce moment-ci, nous viennent à l'esprit, à la veille de la préparation d'un document plus fouillé sur la question.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, cela va quant à cet aspect de la situation. Il en est un autre sur lequel j'apprécierais vous entendre élaborer aussi votre idée. Je ne vous cache pas que cela m'a un peu étonné de vous entendre nous décrire la situation que vous souhaiteriez voir au plan de la philosophie d'une loi sur les accidents de travail.

Est-ce que j'ai bien compris, bien interprété votre mémoire, lorsque je tire la conclusion que, dans l'évaluation que vous faites d'un tel régime, il ne faudrait penser ou alors mettre le principal des efforts sur le seul aspect de l'indemnisation, laissant de côté ou négligeant totalement l'aspect de la prévention, par exemple, et lorsque malheureusement un accident est arrivé et s'est produit, on ne devrait pas - j'aimerais vous entendre sur cela - prendre les dispositions qui sont possibles pour assurer la réadaptation sociale du salarié accidenté ou de la salariée accidentée? Vous saurez comprendre que, par rapport au contenu actuel de nos lois, ce serait un virage radical à 90 degrés que de retenir qu'il faudrait ne faire que de l'indemnisation, de la réparation, et négliger ou laisser de côté en quelque sorte l'aspect que plusieurs spécialistes en cette matière considèrent non pas seulement important mais primordial de la prévention qui doit amener, toujours suivant les évaluations qui sont faites, à la diminution de la réparation et de l'indemnisation. J'apprécierais pouvoir vous entendre un peu plus sur cela parce que cela me préoccupe de connaître très précisément votre évaluation de l'ensemble de cet aspect du dossier.

M. Lagassé: M. Létourneau.

Le Président (M. Jolivet): M. Létourneau.

M. Létourneau: M. le Président, si nous n'avons pas parlé de prévention dans ce mémoire, ce n'est pas parce que la chose ne nous préoccupe pas, au contraire. Nous n'avons pas cru opportun de commenter sous cet aspect le projet de loi, étant donné le préambule que nous avons fait à notre mémoire et où nous disions bien que nous y reviendrons et nous allons en reparler.

Cependant, pour vous indiquer notre intérêt à la prévention, je vous dirai que nous avons même depuis déjà plusieurs années organisé des cours pour nos membres pour adapter des mesures préventives d'accidents de travail et faire vraiment de la prévention intégrée dans l'entreprise. Ces cours ont eu un certain succès jusqu'à récemment.

Deuxièmement, nous sommes inquiets de la façon dont s'amorcent les efforts de prévention présentement. On voit un des budgets de la commission qui n'est peut-être pas très grand présentement, mais qui semble vouloir augmenter à un rythme très rapide et qui va certainement augmenter à un rythme très rapide dans l'avenir. Les crédits sont votés et sont alloués sans - à notre avis -qu'il y ait suffisamment de critères pour mesurer l'efficacité qu'aura la dépense de ces fonds. Nous croyons que si on offre des centaines de milliers et des millions de dollars à des organismes pour faire de la prévention, quels qu'ils soient, il devrait être attaché à ces subventions ou à cette aide financière des conditions assez sévères de rendement. Autrement dit, l'objectif de la prévention - à notre avis - c'est qu'il y ait dans l'avenir moins d'accidents du travail, des accidents du travail moins graves et moins coûteux. Il faudrait attacher aux subventions qu'on donne aux organismes des conditions de performance, c'est-à-dire qu'on examine la situation telle qu'elle est présentement et qu'on puisse à terme, c'est-à-dire dans deux, trois, quatre ou cinq ans, évaluer si les efforts et les sommes considérables, les ressources qu'on aura mis dans la prévention ont vraiment donné quelque chose. Il semblerait, d'après nos observations actuellement, qu'il n'y a pas de telles mesures de l'efficacité qui soient prévues et qui soient conditionnelles à l'accord de subventions et d'aide pour faire de la prévention.

Ceci dit, nous croyons avec vous que la prévention est certainement une des façon les plus pratiques, pour autant qu'on la fait bien, de prévenir les accidents et les

maladies du travail.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je suis très heureux d'avoir entendu cette précision. C'est un peu ce à quoi je m'attendais. J'aurais été fort étonné encore une fois que la chambre de commerce ne partage pas l'opinion que la prévention est essentiellement à la base du meilleur régime qu'on puisse espérer.

M. Létourneau: On ne veut pas lancer une industrie de la prévention pour le plaisir de la chose.

M. Fréchette: Non, non. Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. Létourneau.

M. Létourneau: Je ne peux croire que cela donne des résultats par du gaspillage.

M. Fréchette: II y a une autre question sur laquelle Me Lagassé, le porte-parole de la chambre de commerce, a attiré notre attention: II s'agit des bureaux de révision. Je vous signalerai, M. le Président, à cet égard, qu'à peu près tous les mémoires qui nous ont été soumis jusqu'à maintenant font effectivement référence aux mécanismes que l'on retrouve au bureau de révision.

Ce que l'on retrouve également dans les représentations qui sont faites, c'est à peu près tout ce qui peut se trouver à l'opposé l'une de l'autre en termes de suggestions, les uns plaidant avec fermeté que les bureaux de révision doivent demeurer, les autres argumentant avec autant de fermeté qu'ils doivent disparaître, pour toutes espèces de motifs. Je comprends que la position de la chambre de commerce est de conserver ce mécanisme d'appel d'une première décision administrative. Là-dessus, je vous signale que je suis ouvert à toute suggestion qui apportera des changements par rapport à ce qui est déjà contenu dans la loi mais, pour y arriver, il faudra être tout à fait bien éclairé sur l'opportunité de le faire.

Par exemple, je pense que l'on doit prendre en considération le fait que c'est à peu près le seul endroit statutaire ou autre dans nos lois où la possibilité de refaire deux instances judiciaires à partir de la même preuve existe. Le litige que l'on soumet à la Commission des affaires sociales est en quelque sorte un procès de novo, c'est-à-dire qu'on recommence très précisément le mécanisme qui a été utilisé au stade de l'audition en bureau de révision. C'est un des éléments sur lesquels la réflexion porte actuellement pour savoir s'il y a lieu de conserver ce mécanisme, considérant qu'il s'agit d'un bureau à vocation quasi judiciaire, d'une part, considérant, d'autre part, que les délais pour arriver à cette instance sont en moyenne d'à peu près six mois. Le raisonnement qu'on s'est fait, qu'on a développé, a été de dire: S'il y a moyen de rétrécir le délai d'une période de six mois et de garder comme dernière instance décisionnelle un organisme qui est à l'extérieur des mécanismes mêmes de la commission, pourquoi ne pas le faire? C'est là-dessus que la réflexion se fait actuellement.

Si j'ai bien compris, la position de la chambre, que pour autant qu'elle était concernée, elle souhaite que les bureaux de révision, comme instance quasi judiciaire, demeurent ce qu'ils sont actuellement ou, en tout cas, modifiés, s'il le faut, mais que l'institution comme telle demeure.

Le Président (M. Jolivet): Me Lagassé? M. Lagassé: C'est cela. C'est bien cela.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je répondrais à ce stade-ci à la question que m'a posée Me Lagassé, immédiatement à la fin de son intervention, que, effectivement, le montant de 600 000 $ auquel je me suis référé, comme coût incident à la politique du droit de retour au travail, n'est pas inclus dans les quatorze jours. (12 h 15)

Maintenant, à ce chapitre, est-ce qu'on va être d'accord pour convenir que, dans presque toutes les entreprises où il existe des associations accréditées, les parties entre elles, sans intervention de l'extérieur, ont déjà convenu que le premier jour de l'accident allait être payé par l'employeur et cela déborde largement dans plusieurs conventions, cela déborde largement le seul premier jour et cela déborde aussi les quatorze jours? On a effectivement fait une recherche à cet égard pour arriver à la conclusion que, dans plusieurs entreprises syndiquées, les parties elles-mêmes, par la voie normale de la négociation, avaient convenu de ce processus et parfois d'un processus plus large que celui dont on suggère l'application ou l'adoption dans la loi.

C'est à partir d'une espèce de constat, donc, de consensus auxquels les parties elles-mêmes en étaient arrivées que cette proposition est faite, d'autant plus, et c'est important de le signaler encore une fois, me semble-t-il, que toutes les propositions vont être considérées et qu'il y a des amendements qui sont très certainement recevables. Je veux essayer de résumer les motifs pour lesquels les mots "quatorze jours" sont là.

D'abord, il y a évidemment les

paiements que plusieurs travailleurs accidentés considèrent comme venant trop tard. C'est un aspect de la situation. Vous le signalez d'ailleurs dans votre mémoire. L'autre aspect, c'est que ces dossiers constituent à peu près 85% de l'ensemble de la proportion des dossiers que la commission doit traiter. En chiffres absolus, cela fait à peu près 150 000 dossiers qui sont traités pour des accidents de quatorze jours et moins. Alors, le raisonnement qu'il y a donc derrière cette disposition, c'est de faire en sorte que l'indemnisation soit faite le plus rapidement possible et, deuxièmement - cela n'est pas mineur comme préoccupation, il me semble - c'est effectivement la préoccupation de faire en sorte que 150 000 dossiers qui, actuellement, bon an, mal an, entrent dans la machine, n'y entreront plus dorénavant, si cette disposition était retenue. C'est à partir, encore une fois, de cette considération et de la considération dont plusieurs employeurs et associations syndicales accréditées ont convenu que l'on retrouve cette disposition dans la loi.

Vous soumettez également une préoccupation quant à l'indemnité à être payée à 90% du salaire net. Vous en faites un corollaire ou une comparaison avec ce qui peut exister dans d'autres provinces du Canada. Sept, nous dites-vous, indemnisent à 75% alors que trois, l'Alberta, le Nouveau-Brunswick et le Québec, indemnisent à 90%. Il y a, cependant, une distinction qui est fondamentale et dont il faut tenir compte, me semble-t-il. C'est que, dans ces provinces que vous nous identifiez, où on indemnise à 75%, c'est à 75% en revenu brut, alors que, dans notre cas, l'indemnité ou l'indemnisation se fait à 90% du revenu net. Si on entreprenait de pousser le corollaire jusqu'à la limite, peut-être arriverions-nous à la conclusion qu'en chiffres ou en termes absolus, en termes de dollars, ce n'est pas tellement loin l'un de l'autre comme appréciation.

M. le Président, je réitère mes remerciements à la chambre tout en lui signalant que les observations qu'elle nous a faites sont prises en sérieuse considération. Nous allons, bien sûr, cheminer un peu plus avant dans nos travaux pour faire la jonction de certaines de vos représentations avec celles que d'autres nous feront et nous allons très certainement tenir compte de vos représentations.

Le Président (M. Jolivet): Merci, Me Lagassé.

M. Lagassé: Oui, M. Fréchette, je vous remercie de vos explications. Peut-être un commentaire, les chiffres que vous avez donnés tantôt, ce serait sans doute très utile pour la population de pouvoir s'y référer. À titre d'exemple, nous avions fait certaines analyses, à la Chambre de commerce du Québec, nous disant que le paiement de la première journée de maladie, admettant que l'employé revienne le lendemain, pourrait comporter un coût total annuel de 13 000 000 $. Je ne retrouve pas cela dans vos chiffres. D'autre part, une autre analyse que nous avons faite à la chambre de commerce nous indique le coût de support du 6e au 14e jour augmenterait les frais que supportent déjà les employeurs, du 2e au 6e de l'ordre de 58% du coût actuel. Je pense que ce serait bon qu'on puisse même échanger nos chiffres, nos analyses et qu'on les compare avec ceux que vous pourrez nous donner. C'est important de vérifier les hypothèses de travail de base.

M. Fréchette: Absolument, M. le Président, c'est évidemment sans aucune réserve qu'on pourra procéder à l'échange de cette documentation.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation politique, j'aimerais vous remercier d'avoir dépensé des énergies énormes à l'étude de ce projet de loi et de nous avoir présenté un mémoire. Avant de vous poser quelques courtes questions, un petit commentaire. Plus fort? Cela va? Seulement un petit commentaire. Je suis pleinement d'accord avec votre déclaration que, dans un sens, les remèdes prescrits ne correspondent pas au vrai mal, en ce qui concerne les accidentés du travail. Cela ne me surprend pas, parce que, dans ce cas-ci, le médecin traitant semble être la CSST.

Première question, pour revenir au bureau de révision, vous désirez qu'il soit maintenu. Vous indiquez que vous souhaitez certaines modifications. Est-ce que vous vous êtes penchés - vous donnez un exemple dans votre mémoire, comme l'ajout d'un médecin - sur une structure, une formation possible de ce bureau de révision?

Le Président (M. Jolivet): M. Thibodeau.

M. Thibodeau (Gilles): Pour le bureau de révision, la chambre et les membres ici à la table préféreraient le conserver, avec certaines modifications. Habituellement, le bureau de révision est composé de trois membres. On voudrait qu'à ce moment-là, si c'est une cause médicale - et la plupart du temps c'est une cause médicale - que des médecins soient attachés à ce bureau pour pouvoir analyser à fond et évaluer correctement les décisions médicales à prendre et que ce ne soit pas un avocat - on n'a rien contre les avocats - ou une autre personne qui n'est pas habilitée au point de vue médical à répondre ou à prendre une

décision dans une cause médicale, afin que l'évaluation faite par les deux parties, par les deux intervenants, soit bien perçue, bien analysée, bien évaluée pour que la décision rendue soit réellement conséquente et concerne exactement le cas précis qu'on est en train d'étudier.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci. Pour ce qui est des quatorze jours, vous demandez que la loi ne prenne pas en considération ces quatorze jours. Est-ce que vous êtes satisfaits? Trouvez-vous que les cinq jours actuels sont suffisants? Verriez-vous un autre chiffre magique à ce sujet?

M. Lagassé: Je vais demander à Me Buist, de Bell Canada, de répondre.

Le Président (M. Jolivet): Me Buist.

M. Buist (Raymond): M. le Président, je pense que les cinq jours prévus dans la loi actuelle sont suffisants pour permettre à l'employé, au travailleur victime d'un accident de faire face à la situation nouvelle dans laquelle il se trouve. Nous croyons également que ce délai devrait être suffisant pour permettre à la commission de démarrer le versement de l'indemnité de remplacement du revenu à l'expiration des cinq jours. M. le ministre a soulevé cette perspective intéressante de délester la CSST de 150 000 dossiers où la durée de l'absence est inférieure à quatorze jours. En contrepartie à cela, il y a un danger; le travailleur qui est victime d'un accident plutôt bénin, de nature pas très grave, qui se voit face à la possibilité de ne plus recevoir son salaire à l'expiration de cinq jours va peut-être être incité, sinon par vertu, du moins par nécessité, à réintégrer son travail plus rapidement. Si ce même travailleur sait que, de toute manière, une fois victime d'un accident, il peut bénéficier du paiement ou de l'indemnisation directe par l'employeur pour une période de quatorze jours, nous pensons que cela crée une incitation à s'absenter pour des périodes plus longues que celles qui sont habituellement vécues dans la situation actuelle. C'est la raison pour laquelle le délai de cinq jours devrait être maintenu à notre avis.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci. Un sujet qui est peut-être difficile à aborder, c'est la question de l'aide, de l'indemnité aux étudiants. Je pense que, dans des mémoires que j'ai déjà vus, personne ne rejette le fait qu'un jeune étudiant doit être compensé tel quel. En vue des articles de la loi qui comporteraient la question d'un potentiel à venir, le potentiel de l'étudiant en question, quel sort pensez-vous attend l'étudiant, si la loi est adoptée telle quelle, avec ce plan pour indemniser l'étudiant, parce que la loi prévoit que l'étudiant est indemnisé de 50 $ par semaine, s'il est âgé de moins de 18 ans? De 18 à 21 ans, on ajusterait son indemnité au salaire minimum et, après cela, c'est la commission qui déciderait de quelle façon cet étudiant serait indemnisé. Quel serait le montant et quel sort, pensez-vous, attend l'étudiant en ce qui regarde la possibilité d'être employé, si cette loi est adoptée?

Le Président (M. Jolivet): Me Lagassé. M. Létourneau.

M. Létourneau: II est évident, M. le Président, que si cette loi est adoptée, ce sont des charges additionnelles à l'employeur qui va employer un étudiant, ou des risques additionnels, si on peut dire. Il va de soi que cela peut diminuer les chances. De combien? C'est extrêmement difficile à savoir. Par ailleurs, quand on examine le projet de loi, il n'est pas très clair. Pour nous, il est un peu confus quant au sens qu'on veut donner à la compensation à l'étudiant en cas d'accident. Ce n'est pas que nous voulions être mesquins vis-à-vis des étudiants, mais on s'interroge sur jusqu'où cela peut aller. Et peut-être que - j'ouvre à ce moment-ci une perspective plus globale sur notre mémoire - certains pourront se demander pourquoi nous insistons aussi fréquemment sur les coûts éventuels. C'est parce que nous nous sommes rendu compte, ces derniers temps, que les gouvernements utilisaient une formule de plus en plus efficace au point de vue de taxation qui s'appelle la taxe sur les salaires.

Nous observons que ces taxes ont augmenté sensiblement depuis quelques années au Québec et nous en sommes à un point où les employeurs du Québec paient 3 256 000 000 $ de taxes salariales par année. Cela, c'était en 1983. Tout récemment, le président du Conseil du trésor nous a dit: Cela s'en vient bientôt, l'augmentation des contributions au Régime de rentes du Québec. Maintenant, on examine ce projet de loi. Nous sommes désolés que le ministre ou le gouvernement n'ait pas rendu publique préalablement l'étude de coûts dont nous avons entendu parler ce matin. Cela nous aurait certainement permis de discuter du sujet d'une manière mieux articulée et en débattant peut-être plus à fond les questions.

Je me permets, personnellement, de penser que les experts qui ont conseillé le ministre sur les chiffres que nous avons entendus les ont peut-être calculés à leur façon. (12 h 30)

II va falloir qu'on regarde cela ensemble, parce que les praticiens que nous et nos gens avons consultés dans le domaine des relations du travail et dans le domaine des accidents du travail, sont unanimes à nous dire que cette loi va coûter plus cher. M. le ministre nous dit qu'elle va coûter moins cher. Le débat commence, on n'a évidemment pas tous les faits devant nous. Il va falloir examiner ces chiffres qui ont été préparés par le ministre. Donc, notre but n'est pas nécessairement d'être mesquins, mais de vérifier ce que nous avons les moyens de nous permettre, en nous rappelant que nos employeurs doivent être compétitifs et qu'il y a encore deux ou trois propositions généreuses, probablement les meilleures en Amérique du Nord. Il y en a une, en tout cas, qui a été mentionnée comme telle par le ministre. On aimerait bien savoir ce que cela coûte, si on a les moyens de se le permettre et si on peut en même temps faire plus d'exportations et être plus dynamiques, faire plus d'investissements et absorber toutes ces nouvelles charges et ces nouvelles responsabilités. Aussi, nous aimerions que les études de coûts soient faites sur une base d'au moins deux ou trois ans à l'avenir, parce que c'est bien beau de faire une semblable étude de coûts sur l'expérience passée, mais nous savons pertinemment, et nous l'avons dit abondamment dans notre mémoire, que certaines des mesures qui sont là, à notre avis, vont amener des abus comme on en a connu, à ce moment-là, et plus élargis.

Alors, quand on aura appris à s'en servir, comme beaucoup le font malheureusement, de manière abusive, combien coûtera l'application de ces nouvelles mesures? C'est pourquoi il serait très utile que les études de coûts soient projetées au moins une ou deux années dans l'avenir.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Pour permettre à mes collègues de poser des questions, je m'en tiendrai à une dernière. On entend toujours la question d'abus, soit du côté patronal ou du côté syndical. Je trouve que, parfois, c'est une affirmation assez gratuite. Vous dites à la page 2 qu'il y a des problèmes et qu'il y a des travailleurs qui abusent des dispositions de la loi et ainsi de suite. Avez-vous des cas très précis et des statistiques sur ces faits? Quel est le pourcentage des employés qui abusent du système tel quel? C'est bien beau de dire: II y a des abus, mais il faut savoir exactement où ils sont et de quelle nature ils sont.

Le Président (M. Jolivet): Me Lagassé. M. Lagassé: En réponse à cette question, je dirai qu'on a pu constater des abus de deux natures. On pourrait prendre, par exemple, le cas d'un de nos membres émérites de Tring-Jonction, qui nous disait qu'il avait vu sa cotisation de la CSST passer l'an dernier de 12 000 $ à 22 000 $ et que le commissaire qu'il appelait pour s'enquérir des raisons de son augmentation lui a dit: Tu es bien chanceux. Tu es augmenté, mais tu vas être capable de payer en quelques versements plutôt que de payer d'un seul coup. Tu n'auras qu'à payer 15% d'intérêt. Alors, on voit le chef d'entreprise qui exporte 90% de sa production et qui fait de la fenêtre ou de la porte et qui est dans un domaine hautement compétitif, qui exporte aux États-Unis, dont les coûts de main-d'oeuvre sont très importants et qui a cela à ajouter à sa facture, qui nous rapporte ce genre d'abus. Ce sont des abus en rapport avec l'administration de la loi par la CSST. Quant à des abus au niveau de ce que l'employeur peut percevoir du côté d'abus de l'employé, j'aimerais demander au Dr Matthieu, de Bell Canada, de nous donner des cas types qui peuvent se produire.

Le Président (M. Jolivet): Dr Matthieu.

M. Matthieu (Gilles): M. le Président, nous avons fait chez nous, à Bell Canada, une petite étude sur les accidents du travail pour l'année 1983. Nous avons eu une expérience assez considérable puisqu'on peut parler de 254 accidents du travail avec absence. Pour les besoins de la cause, nous les avons classifiés selon qu'ils étaient impossibles, c'est-à-dire qu'il y n'avait aucune relation entre l'accident allégué et la blessure subie. C'est donc une graduation qui allait d'"impossible" à "incontestable", c'est-à-dire que nous étions vraiment alors en face d'un véritable accident.

Si on regarde la catégorie "impossible", cela comprenait 16% des accidents ou des réclamations acceptées par la Commission des accidents du travail.

Si on regarde la deuxième catégorie, un peu plus haut, la catégorie "invraisemblable", ceci comprenait 11% des réclamations acceptées par la Commission des accidents du travail.

Si on regarde la catégorie "peu probable", ceci comprenait 10% des réclamations dûment acceptées au niveau de la commission des accidents.

Tout ceci pour dire que ces réclamations, soit 37% du lot, faisaient l'objet de contestations devant le bureau de révision. Quelles sont les raisons pour lesquelles ces accidents tombent dans cette catégorie? Dans 26% des cas, c'est qu'il n'y a tout simplement aucun fait accidentel. Dans 25% des cas, il s'agit d'un problème médical autre. La Commission de la santé et de la sécurité du travail est très apte à

compenser les phénomènes de vieillissement que malheureusement tout le monde doit subir, et elle est très généreuse lorsqu'il s'agit de les compenser. Dans 19% des cas, il y a un délai de plusieurs jours entre l'accident et l'apparition des symptômes ou de la blessure. Dans 14% des cas, on a un accident sérieux quelques jours avant l'accident de travail allégué. Dans 9% des cas, on est en face d'une condition préexistante, il s'agit souvent de lésions congénitales qui sont là, qui étaient connues des gens, mais on réclame quand même puisqu'on n'a rien à perdre. Dans 7% des cas, il s'agit tout simplement de gestes anodins qui ne peuvent pas causer de blessures, à toutes fins utiles.

Cela peut résumer grosso modo les raisons pour lesquelles les employeurs peuvent se plaindre de l'inefficacité administrative de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Prévost.

M. Dean: Merci, M. le Président. Quelques questions rapides, M. Lagassé. Dans votre présentation, vous avez posé une question, si j'ai bien compris, où vous demandez qui décide, s'il y a désaccord entre le médecin du travailleur et celui de l'employeur. Pour éclairer la commission, aimeriez-vous nous proposer une réponse à cette question?

Le Président (M. Jolivet): Me Lagassé.

M. Lagassé: Je vais céder la parole à Me Massicotte, de notre contentieux.

Mme Massicotte (Sylvie): Actuellement, dans le projet de loi, on ne prévoit pas qui déciderait entre deux médecins d'opinions divergentes, tandis qu'auparavant, on pouvait envoyer en expertise un cas semblable, l'expertise de la commission même.

M. Dean: Voudriez-vous garder le même système...

Mme Massicotte: C'était le même...

M. Dean: ...ou auriez-vous d'autres suggestions à faire sur une façon de décider entre deux opinions médicales contraires, celle du médecin traitant du travailleur et celle du médecin de l'employeur?

Mme Massicotte: Nous avons surtout noté le manque de prévision dans la loi à cet effet. Comme nous le disons dans le préambule, les recommandations futures que l'on pourrait faire ne sont pas encore toutes élaborées, mais nous donnons à la commission et aux autres groupes une possibilité de s'exprimer sur le sujet et possiblement d'arriver à une solution.

M. Dean: Vous posez des questions sans réponse.

Une deuxième question sur le chapitre du droit de retour au travail. Même si on admettait, pour les fins de la discussion, que le texte proposé n'est pas le texte parfait pour équilibrer cette question, ne croyez-vous pas qu'on peut établir un équilibre juste et raisonnable entre les droits d'un travailleur blessé au travail, une incapacité partielle le retour à son emploi ou à un emploi qu'il peut faire chez l'employeur et les droits d'ancienneté de tous les travailleurs de la même entreprise? Même si la solution dans le texte du projet de loi n'était pas la solution, ne pensez-vous pas, tout en soulignant qu'il a pu y avoir des conflits de droit entre le travailleur blessé, et le travailleur qui n'a pas été blessé mais qui a ses droits d'ancienneté en vertu de la convention collective, qu'il y ait une façon d'équilibrer ces droits qui pourrait vous paraître acceptable?

Le Président (M. Jolivet): Me Lagassé. M. Lagassé: M. Thibodeau.

M. Thibodeau: On a soulevé le point qui fait la différence entre le projet de loi et peut-être les conventions collectives. D'ailleurs, pour la majorité, les conventions collectives prévoient les mouvements de personnel à l'intérieur des entreprises.

Dans ce que vous suggérez, c'est sûr qu'il y a probablement une solution très pratique à ce problème. Le texte, tel que lu et tel qu'interprété par nous à ce moment-ci, nous indique qu'il y a une contradiction très importante entre nos conventions collectives au sujet de l'ancienneté et des mouvements de personnel et l'article de la loi.

Par contre, on a une autre loi, celle des congés de maternité, qui prévoit aussi le retour au travail d'une personne qui a accouché et qui revient au travail, au poste qu'elle occupait, mais s'il y a eu des mouvements de personnel entretemps, elle est soumise au même mouvement de personnel qui a eu lieu durant la période d'absence. Donc, à ce moment-ci, il n'y a pas de discrimination entre cette personne et un autre employé qui a continué à travailler parce qu'il semble, par notre interprétation du projet de loi, qu'on accorde plus de droits à la personne qui est à l'extérieur, accidentée, qu'on n'en accorde à la personne qui est à l'intérieur et qui a continué à travailler. C'est là qu'on voit un peu la divergence et la complexité du problème. Pourquoi en donner plus à l'une qu'à l'autre?

M. Dean: Si je disais que j'étais d'accord avec vous pour fins de la discussion, auriez-vous une proposition à faire pour apporter une solution à ce problème?

M. Thibodeau: La proposition qu'on pourrait faire - on peut l'évaluer immédiatement - c'est évidemment de permettre à l'employé de retourner au travail avec les conditions auxquelles il est exposé, s'il a une incapacité permanente ou non permanente mais partielle. À ce moment, il faudrait tenir compte de cette notion pour réintégrer la personne au travail et aussi respecter les mouvements de personnel qui ont eu lieu auparavant. Cette personne ne serait donc aucunement pénalisée par un retour au travail et les autres personnes non plus. Cela permettrait peut-être de trouver une solution qui est plus équitable pour tout le monde que celle qu'on semble reconnaître dans le texte de la loi actuellement.

M. Dean: Une dernière question.

Le Président (M. Jolivet): Un instant. Je pense que M. Buist allait intervenir.

M. Buist: Si je peux ajouter quelques observations concernant ce droit de retour au travail, en ce qui concerne Bell plus particulièrement, je dois dire que, depuis de très nombreuses années, le droit de retour au travail est, à toutes fins utiles, assuré aux travailleurs qui sont victimes d'accident. Il reste que, ce principe étant admis, ce principe étant vécu dans la réalité, toutes les contraintes ou les dispositions qui sont relatives à la mise en oeuvre de l'exercice de ce droit aux articles 145 et suivants ne se trouvent pas chez Bell.

Un employé qui est victime d'accident revient au travail lorsqu'il est temps de reprendre son ancien emploi ou un nouvel emploi. Il ne jouit d'aucune priorité par rapport aux autres travailleurs qui ont accumulé davantage d'ancienneté ou qui ont les aptitudes particulières pour obtenir un poste donné, et il reçoit le salaire qui est attaché à sa nouvelle fonction, un peu comme le prévoit d'ailleurs l'article 154. En pratique, cette donnée est vécue, mais les principes en sont établis de façon qu'il n'y ait pas de conflit ou d'imbroglio comme on l'a soulevé dans le mémoire au point de vue de l'application des conventions collectives. Je dirais: Tâchez d'éviter tout ce qui, pour régler un problème ou favoriser le droit de retour au travail à un travailleur accidenté, va créer des conflits à l'intérieur de l'entreprise, va mettre en butte des unités d'accréditation contre d'autres et finalement peut-être faire plus de tort que de bien au travailleur accidenté, même s'il réussit à trouver un emploi.

Avec la permission de M. le Président, il y a ce qui me paraît être une incongruité dans le projet de loi. À l'article 154, on prévoit que le travailleur qui est incapable d'exercer ou d'occuper son ancien emploi, occupe un nouvel emploi avec le salaire et les avantages liés à ce nouvel emploi. Cela vaut pour le travailleur qui exerce son droit de retour au travail dans l'année ou les deux ans suivant le début de l'incapacité. (12 h 45)

Si on revient aux articles 75 à 80, qui sont l'envers du droit de retour au travail, qui sont une sorte d'obligation de retour au travail pour le travailleur accidenté, la loi prévoit que, soit à l'intérieur de la première période de trois ans ou à l'expiration de cette période, le travailleur qui occupe un nouvel emploi ou qui refuse d'occuper un nouvel emploi moins rémunérateur voit combler par la commission la différence entre le salaire inférieur attaché à ce nouvel emploi et l'indemnité de remplacement du revenu basée sur les 90% de son salaire net. Il y a une sorte de non-correspondance entre ces deux situations où un travailleur qui exerce son droit a pour toute consolation le nouveau salaire attaché à sa nouvelle fonction. Celui qui reste chez lui et qui se voit intimer, à un moment ou l'autre par la commission, l'ordre de reprendre un travail reçoit le salaire inférieur de son nouvel emploi plus un supplément qui lui permet d'atteindre le montant initial de l'indemnité de remplacement du revenu. Je n'ai trouvé dans le texte de loi aucune disposition qui nous permettrait de rétablir la compatibilité entre ces deux textes.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Prévost.

M. Dean: Pour revenir à ma première question, vous avez dit qu'il y avait déjà au sein de votre entreprise, en vertu de la convention collective, des façons d'intégrer les travailleurs blessés au travail. Est-ce que cela pourrait être une solution - je pose la question tout bonnement - lorsqu'il y a une convention collective, pour que la loi établisse l'obligation de retourner le travailleur au travail, mais que les modalités soient laissées aux parties par convention collective? Est-ce que cela pourrait être un moyen? Je sais que de telles clauses existent déjà dans un certain nombre de conventions collectives. Est-ce que cet aspect pourrait être envisagé?

M. Buist: Spontanément, je répondrais oui. Cela permettrait d'atteindre le but poursuivi, soit de favoriser, dans la plus large mesure possible, la réintégration du travailleur accidenté sans créer au sein de l'entreprise des chicanes et des querelles par le fait qu'un travailleur accidenté revient au

travail, conserve son ancien salaire ou jouit d'un droit de priorité ou de choses semblables. Les conventions collectives sont du droit privé. Je ne vois rien à prime abord qui empêcherait l'entreprise et son syndicat de prévoir des mécanismes de réinsertion du travailleur accidenté.

M. Dean: Une dernière question, M. le Président. À propos de la formule des quatorze jours, vous avez parlé de la possibilité d'abus. Auriez-vous des propositions à faire ou des façons de faire pour que, d'après vous, tout en respectant ou en maintenant le principe des quatorze jours, l'on puisse contrôler les abus possibles? Auriez-vous des propositions ou des suggestions à faire là-dessus?

Le Président (M. Jolivet): Me Lagassé.

M. Lagassé: En fait, notre position là-dessus, M. le Président, Me Buist l'a expliquée tantôt, c'est que le fait de donner quatorze jours prête peut-être trop facilement à des abus. Quant à nous, c'est l'un ou l'autre. C'est une incitation à prolonger indûment le délai ou à prétendre indûment qu'il y a maladie, alors que ce n'est pas le cas. Quant à moi, je n'aurais pas de suggestion plus imaginative que celles qui ont été émises jusqu'ici sur cette question. Je ne sais pas si d'autres collègues auraient des commentaires à faire là-dessus.

J'aimerais, par contre, rajouter un point. On traite de la question des quatorze jours dans le cas d'une entreprise comme Bell Canada. Oui, Bell Canada est un employeur important. C'est une des facettes de notre réalité économique. Il ne faut pas oublier non plus nos entreprises plus petites, qui sont moins organisées et moins structurées et pour qui de nouvelles normes pèsent souvent beaucoup plus lourd que pour des entreprises bien structurées avec un capital très fort.

M. Dean: Même le principe du retour au travail peut jouer aussi.

M. Lagassé: Oui. Même dans le cas de ces entreprises, le principe du retour au travail est difficile à respecter. C'est une réalité. Ce n'est pas qu'on soit contre le principe. Le principe est certainement très louable, mais il y a certaines entreprises -M. Fréchette, vous êtes de Sherbrooke, vous en connaissez - où l'application de ce principe peut devenir difficile, très coûteuse aussi et qui n'ont pas toujours le moyen de le faire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Me

Lagassé, madame et messieurs, je voudrais tout d'abord ajouter ma voix à celle de mon collègue de Viau pour vous remercier de votre présentation de ce matin et vous indiquer comment nous pouvons être réceptifs non seulement aux commentaires que vous avez formulés à l'égard du projet de loi 42, mais aussi et surtout à l'égard de vos recommandations spécifiques qui témoignent, de par votre présence ce matin, d'une étude sérieuse du projet de loi et d'une consultation auprès de vos membres.

Le temps étant très limité, il ne nous reste que cinq ou six minutes, je voudrais tout d'abord vous remercier de vous être permis, malgré le commentaire initial du président de la commission, M. le député de Laviolette, de toucher la question de la gestion et de l'administration de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Nous comprenons tous que nous sommes ici pour étudier le projet de loi 42. Nous retenons de la commission parlementaire de décembre dernier que la commission a siégé pour étudier l'administration de la commission et de sa gestion. Nous en avons tiré des conclusions. Nous avons formulé des recommandations au ministre. Bien qu'à peu près tous les intervenants aient été unanimes à questionner la Commission de la santé et de la sécurité du travail et à lui adresser certains reproches en regard de sa gestion, le ministre du Travail nous répondait, il y a quelques jours, qu'il a raison et que tous les autres intervenants qui ont osé s'interroger ou porter à l'attention de la commission des problèmes de gestion ont tort.

Ce matin, j'apprécie votre commentaire à cet égard. Le projet de loi que nous avons devant nous, comme tous les autres, bien souvent, on peut y souscrire, on vote, on est d'accord, s'ils sont bonifiés, améliorés. Bien souvent, les problèmes surviennent dans l'application de la loi. Les députés, de quelque groupe politique qu'ils soient, qui ont voté de bonne foi pour ce projet se retrouvent avec des problèmes inhérents d'application sur les bras par la suite.

J'apprécie aussi vos commentaires sur le paritarisme au conseil d'administration, parce que c'est un problème particulier. On sait que le paritarisme à la commission est de droit nouveau. Plus la réflexion va, plus les travaux de commissions comme la nôtre se poursuivent, plus on est en mesure de constater les nombreux écueils qu'implique le paritarisme. Quant à nous, on retient, malheureusement, en vertu de l'article 154, non pas de cette loi mais de l'autre, que le paritarisme aura réussi à faire en sorte que la plupart de pouvoirs appartiennent au président-directeur général et au comité exécutif. Finalement, ultimement, bien souvent, ce sont eux qui décident et non pas les parties en présence.

Mon collègue a touché à vos recommandations ou à vos propos sur les bureaux de révision. Vous avez touché à un point important au niveau des cotisations qui est le fonds spécial. On sait que la commission est en quelque sorte une mutuelle d'assurance des employeurs. On sait aussi que, dès le moment où la cotatisation, où les taux et tarifs s'établissent à partir de catégories d'entreprises, il va de soi qu'un fonds spécial devient nécessaire quant à nous. Nos représentations iront dans ce sens-là. On espère que le ministre du Travail sera réceptif pour maintenir l'existence de ce fonds spécial.

Vous avez parlé de l'étude de coûts et bénéfices. Le 10 mai dernier, lors de l'étude des crédits du ministère du Travail, je demandais au ministre de s'engager à déposer l'étude des coûts et bénéfices avant le dépôt du projet de loi. Je cite M. Fréchette: "II y a eu des évaluations qui ont été faites par rapport à plusieurs hypothèses, effectivement: une hypothèse qui ferait que cela coûte plus cher, considérablement plus cher, moyennement moins cher, que cela reste dans le statu quo et des hypothèses qui feraient que cela coûte moins cher." Nous sommes le 14 février 1984 et je dois vous confesser que je n'ai pas encore reçu, ni personne de mon groupe, lesdites études qui devaient quand même être en branle parce que non seulement le ministre en a parlé, mais le premier ministre et un peu tout le monde en a parlé entre 1981 et 1984.

Première question: M. le ministre, vous avez évoqué des chiffres ce matin. Est-ce que c'est possible de les voir déposer, pour le bénéfice des intervenants, dans les délais qu'on souhaiterait les plus brefs, pour ajouter non seulement à la réflexion mais aussi au débat en commission parlementaire. M. le ministre pourra répondre à la fin de mon intervention, M. le Président, il reste quelques minutes.

Vous avez touché un point qui est bien important: le droit de retour au travail. Je suis persuadé que la majorité non seulement des législateurs, mais aussi des députés vont souscrire à certains principes. Un principe veut qu'un travailleur accidenté qui ne peut pas réintégrer le travail, son travail à l'intérieur d'une entreprise, puisse réintégrer un autre travail pour lequel il est compétent au sein de cette entreprise, plutôt que de voir l'entrepise faire appel ou faire référence à de nouveaux travailleurs ou de l'extérieur de l'entreprise. Je pense que peu de gens peuvent être contre ce principe, mais il reste à savoir comment s'appliquera ce fameux principe.

Je dois vous dire que j'ai vu des cas d'abus dans ce sens-là; j'ai vu des cas où, malheureusement, des entreprises ont profité du fait qu'un travailleur était incapable d'occuper son emploi et cela a entraîné des congédiements. Les articles de la section II du chapitre VI, 145 et suivants, sont de droit nouveau, évidemment. Je comprends et je souscris avec vous au fait qu'il est inquiétant de voir la Commission de la santé et de la sécurité du travail se faire accorder des pouvoirs qui sont complètement de droit nouveau en relation du travail à l'intérieur d'une entreprise. La commission a déjà assez de problèmes à gérer sa propre boîte, à administrer ses programmes et à s'assurer qu'elle puisse atteindre ses objectifs un de ces jours en termes de prévention et d'inspection, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faudrait y penser deux, trois et même quatre fois avant de lui accorder une juridiction dans ce domaine.

Le député de Prévost posait une question que je voulais moi aussi vous poser tout à l'heure. Devons-nous comprendre de votre intervention de ce matin - dans votre mémoire, vous dites que vous êtes contre le principe... Je n'ai pas la page, je crois que c'est à la page 14 ou 15... "Autant par principe que pour des simples raisons pratiques, les employeurs ne peuvent accepter ce nouveau mandat de la commission" - devons-nous comprendre, dis-je, que vous êtes contre le principe du droit de retour au travail pour le travailleur accidenté à l'intérieur de son entreprise ou encore si vous vous accomoderiez du fait que, dans les entreprises où il y a des conventions collectives, le tout soit régi par les parties entre elles? Et devons-nous comprendre qu'un chapitre comme celui-là devrait s'appliquer aux entreprises couvertes par un décret de convention collective et aussi aux entreprises où il n'y a pas d'organisation syndicale?

Le Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole à Me Massicotte, je demanderais la permission de déborder, puisque la députée de Maisonneuve voudrait poser des questions... Vous aussi, M. le député de Sainte-Anne? C'est pour savoir le temps qu'il nous reste, sinon, on suspendrait les travaux jusqu'à 15 heures.

M. Pagé: La députée de Maisonneuve et le député de Sainte-Anne s'entendent toujours très bien.

Le Président (M. Jolivet): Ne sachant pas combien de temps il faudra, j'aime mieux clore le débat immédiatement. M. le député de Sainte-Anne, vous ne savez pas...

M. Polak: J'aurais des questions...

Le Président (M. Jolivet): Je vais permettre la réponse de Me Massicotte et ensuite on suspendra les travaux pour les reprendre à 15 heures.

M. Fréchette: M. le Président, me permettez-vous...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Fréchette: ...une simple suggestion? Est-ce qu'on pourrait s'entendre pour prolonger nos travaux d'une quinzaine de minutes et espérer ainsi pouvoir peut-être libérer nos invités qui avaient prévu une matinée? Bien sûr, si, après quinze minutes, cela n'était pas complet, on pourrait revenir à 15 heures. Dans l'objectif de pouvoir libérer nos invités...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Viau.

M. Cusano: Je suis d'accord pour qu'on s'entende sur les quinze minutes à la condition que ces quinze minutes soient réparties du côté ministériel et du côté de l'Opposition.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Me Massicotte, la réponse maintenant.

Mme Massicotte: J'essaierai d'être brève, M. le Président et M. le député de Portneuf. Il est vrai que, selon les représentations de notre mémoire sur le droit de retour au travail, nous ne l'acceptons pas, surtout pour les petites et moyennes entreprises. (13 heures)

On ne nous a pas démontré que c'était la règle générale et que c'était un mal à résoudre parce que les employeurs ne reprenaient pas leurs employés qui avaient eu un accident. Bien au contraire, à la commission, le service de réadaptation actuel s'occupe de suggérer à un employeur de reprendre son travailleur, s'occupe de l'aider à s'adapter à un poste de travail. Sans être de mauvaise foi, je pense que les employeurs qui sont en mesure de le reprendre et qui n'ont rien d'autre à lui reprocher vont le faire. Mais il y a une contradiction, c'est que le ministre Fréchette a annoncé que la loi visait à assurer ou à défendre les droits des grands accidentés et des cas graves. Dans la loi, on ne retrouve pas tellement de distinctions. Le droit de retour au travail est un exemple qui fait qu'on donne des droits non pas aux grands accidentés, mais aux petits parce que l'article 145 dit que ces droits de retour au travail s'éteignent après un an pour une entreprise de 20 employés et moins et s'éteignent après deux ans pour une entreprise de 20 employés et plus.

Ce droit, on l'octroie - excusez l'expression - "at large" à tous les employés qui auraient des maux bénins. Ce que l'on dit, c'est que cela ne leur donne pas plus de droits que tout autre employé et cela leur donne, dans le moment, dans la rédaction actuelle, une permanence après trois mois de travail chez quelqu'un. Je pense que ce serait peut-être retourner la balle, mais il faut nous montrer qu'il faut absolument inscrire ce droit quand d'autres lois les protègent. Je ne pense pas qu'un accident de travail soit un motif suffisant pour congédier un employé en vertu de la Loi sur les normes du travail. Je pense qu'il faut s'en tenir à notre position, surtout avec les problèmes pratiques que cela peut causer dans la rédaction actuelle.

M. Pagé: Pouvons-nous retenir, Me Massicotte, de votre intervention, que vous recommandez deux choses: premièrement, un renforcement des dispositions de la Loi sur les normes du travail et, deuxièmement, que la commission poursuive ses efforts au chapitre de la réadaptation.

Mme Massicotte: En ce qui concerne les efforts au chapitre de la réadaptation, je le vois très bien. C'est aussi à l'avantage de l'employeur, de se faire aider pour reprendre un accidenté gravement blessé. En ce qui concerne les autres lois, je pense qu'un mandat de relations du travail comme cela relève d'autres organismes et il ne relève pas d'une commission comme l'ancienne Commission des accidents du travail de s'occuper de relations du travail.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Pagé: Entre autres, je tiens à vous remercier pour les exemples de "bumping" -excusez le terme - que vous avez donnés et qui pourraient être inhérents par l'exercice du droit de retour au travail et les problèmes de relations du travail que cela pourrait causer à l'intérieur de l'entreprise. Je suis persuadé que le ministre du Travail saura réévaluer tout cela en tenant compte non seulement de vos commentaires, mais aussi des commentaires de tous ceux et celles qui se préoccuperont de ces questions. Quant à nous, on va le faire, en tout cas.

Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, d'abord un commentaire général très rapide en relation avec le commentaire général qu'a eu M. Létourneau à l'égard des milliards de dollars payés sur la masse salariale par les entreprises. Simplement, très rapidement. M. Létourneau a fait état qu'il y avait sans doute là excellence dans les programmes sociaux et peut-être non-compétitivité par rapport à des voisins au sud ou immédiatement à l'ouest. Je pense à l'Ontario et aux États-Unis en particulier, mais cela me rappelle que, tout

dernièrement, dans les journaux, on a fait état d'un nouveau rapport Fantus qui, cette fois, signalait, notamment pour Montréal, qu'il s'agissait d'un des endroits les plus propices pour les investisseurs, compte tenu de la générosité et de la disponibilité des très nombreux programmes de subventions pour les entreprises. Cela me fait croire qu'on n'excelle pas que dans les programmes sociaux, on excelle aussi dans des programmes de subventions aux entreprises. Une fois ce commentaire fait, j'aimerais revenir sur cette question du droit de retour au travail. Vous avez, je pense, une occasion immédiate, peut-être. Je pense que c'est Me Massicotte qui a dit qu'il n'y avait peut-être pas démonstration, qu'il y avait un mal à résoudre en termes de réintégration et de retour au travail.

Seulement pour l'année 1982, les chiffres de la CSST indiquent qu'il y avait plus de 18 000 travailleurs reclassés. Je n'ai pas les chiffres pour 1983, mais il y a certainement là une constatation d'une évidence assez claire qu'il y a un malaise et qu'il y a donc nécessité d'une intervention à cet effet, d'une part. D'autre part, j'ai trouvé fort intéressante l'étude qu'un membre de la chambre de commerce nous a fait connaître concernant la ventilation des accidents du travail eu égard à leur relation immédiate ou non avec le travail. J'en conclus que, s'il y a eu 37% d'abus, nous a-t-on dit, il y a donc eu 63%, dans cette entreprise, de véritables accidents du travail en relation avec la nature du travail, en relation avec les conditions du travail.

En ce qui concerne le droit de retour au travail, on a fait allusion aux dispositions qui prévalent dans les cas de retour après une grossesse, et je me dis que c'est peut-être difficile de confondre les deux, parce que, dans un cas de grossesse, il n'y a absolument aucune relation contractuelle avec l'entreprise. Le moins qu'on puisse dire, c'est que cette décision était totalement volontaire et ne résultait pas d'une relation contractuelle avec l'entreprise, tandis que, dans le cas d'une personne qui est accidentée, il faudrait se demander à qui la faute, d'une certaine façon. À moins de vouloir revenir à un régime où on laisse aux tribunaux de droit civil le soin d'en disposer, il faut bien voir qu'on présume de la bonne foi, mais qu'on ne présume pas de la vertu. Ce n'est pas une présomption, la vertu. Et si tant est qu'on met en balance le fait que les employeurs veuillent le moins indemniser -enfin, c'est peut-être de bonne foi que de le vouloir - et que, d'un autre côté, les salariés ou les travailleurs veulent obtenir une plus forte indemnisation - je pense que c'est de bonne foi également - il faut savoir que la balance n'est pas égale, parce que, de toute évidence, personne ne va prétendre qu'un travailleur va choisir de perdre un oeil, un doigt, une main ou un pied pour pouvoir se faire indemniser. Tandis qu'il est vraisemblable, en toute bonne foi, de présumer qu'une entreprise, pour toutes sortes de raisons liées à sa compétitivité et à d'autres facteurs, ne tiendra pas nécessairement à immédiatement établir toutes les conditions qui vont faire en sorte qu'il n'y aura plus d'accidents du travail. C'est, d'une certaine façon, deux poids, deux mesures, et cela suppose, j'imagine, une certaine présomption, la présomption qui est favorable à ceux qui sont les victimes, et, à cet égard, je pense qu'on ne peut, d'aucune façon, imaginer qu'un travailleur le ferait exprès, aux fins d'obtenir sa permanence d'emploi, pour être victime d'un accident du travail.

Le Président (M. Jolivet): Me Lagassé.

M. Lagassé: Ce que j'ai à répondre, c'est que le mal de dos, quelquefois, cela survient très rapidement. Je suis d'accord avec le fait que, dans le cas d'un accident sérieux, on ne peut pas concevoir cela, mais il y a des accidents bénins - et ce sont des cas qui nous sont rapportés très fréquemment - où il y a des abus du côté des employés. C'est cela qu'on veut tous éviter, je pense, dans la loi.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. J'aurais deux questions, l'une très courte et l'autre plutôt générale. Quand on parle des coûts, vous avez mentionné tout à l'heure que, quand l'employeur sera obligé de payer ou d'avancer les quatorze premiers jours, au lieu de cinq jours, comme cela existe présentement, disons que c'est vrai que cela peut conduire à des abus et que les gens peuvent en prendre avantage. Disons que le ministre accepterait cela et que moi j'accepterais cela, comment pourrait-on faire le calcul pour savoir ce que cela pourrait coûter? Si le ministre voulait calculer objectivement les coûts d'un tel abus, combien cela coûterait-il? J'ai autant le droit de dire que cela peut coûter 40 000 000 $ par année dans la province de Québec que de dire 2 000 000 $. Donc, avez-vous des commentaires là-dessus? Également, du fait que la CSST, en vertu du projet de loi, peut agir d'une manière beaucoup plus souple, comment peut-on évaluer le surplus de ces coûts?

Le Président (M. Jolivet): M. Létourneau.

M. Létourneau: II y a deux sortes de coûts que nous pouvons identifier, M. le Président. Il y a les coûts pour l'employeur...

D'abord, il y a une frustration au départ d'avoir à aller à quatorze jours. Les employeurs se paient à grands frais une Commission de la santé et de la sécurité du travail pour s'occuper de cela et là, parce qu'elle n'est pas capable de s'en occuper efficacement, on dit à l'employeur: Tu vas t'en occuper à sa place et tu vas en payer les frais. Cela met les gens en rogne en partant. Je pense que c'est facilement compréhensible. Deuxièmement, ces avances de fonds, aux taux d'intérêt courants aujourd'hui, cela commence à représenter de l'argent. Combien? C'est bien difficile. On s'est aperçu tantôt qu'on n'avait pas les mêmes bases de calcul que les experts du ministère et c'est difficile pour nous de continuer à faire des chiffres sur des bases aussi différentes, mais, nous, on a estimé que ce serait une augmentation, quels que soient les coûts en argent, en coûts d'avance - je ne parle pas d'argent avancé, mais des coûts pour avancer de l'argent, c'est-à-dire les intérêts - cela aurait augmenté de 58% par rapport à la situation actuelle. On parle de quelques millions de dollars, mais je n'ose pas aller beaucoup plus loin.

Les coûts probablement les plus importants à cette nouvelle mesure, ce sont les nouvelles habitudes qui peuvent se développer chez certains travailleurs - pas chez tous - de profiter des quatorze jours au lieu des quinze jours. Combien le feront? C'est assez difficile à évaluer, mais on peut présumer que cela peut être dans les pourcentages de ceux qui le font déjà. Comment évalue-t-on le pourcentage de ceux qui le font déjà? C'est encore difficile à évaluer, parce que des maux de dos, c'est extrêmement difficile de savoir si c'est vrai ou si ce n'est pas vrai, mais c'est étrange comme cela se multiplie dans certaines circonstances et que cela baisse dans d'autres circonstances. Là, il y aura des maux de dos. Il y aura peut-être le stress. Il y aura peut-être autre chose si on mélange tout cela ensemble. Combien cela va-t-il donc coûter? C'est une question qu'il nous est difficile de chiffrer précisément à ce moment-ci, mais une chose est sûre, cela va coûter plus, cela va coûter beaucoup plus.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Ma dernière question, M. le Président, je la pose à Me Lagassé. À la page 2 de votre mémoire, vous vous demandez si la révision est justifiée. À la page 3, vous dites que c'est peut-être prématuré. À la fin, aux pages 24 et 25, vous faites une recommandation au gouvernement. Vous dites au ministre: Nous demandons que vous mainteniez certaines choses que vous avez abolies et on vous demande en même temps d'abolir certaines choses que vous voulez instaurer dans le nouveau régime. Quand je prends toutes vos suggestions, il ne reste rien du projet de loi. Donc, ai-je le droit de conclure que ce que vous demandez vraiment, c'est de ne pas procéder du tout avec ce projet de loi?

Le Président (M. Jolivet): Me Lagassé.

M. Lagassé: Je pense que votre conclusion est certainement en accord avec ce que nous avons écrit.

M. Polak: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie donc. M. le ministre aura peut-être une question.

M. Fréchette: C'est une information, M. le Président, autant pour les gens de la chambre de commerce que pour le député de Portneuf qui a déjà quitté, mais je l'ai informé que j'allais donner cette information. Quant aux précisions ou aux détails qu'on a souhaité avoir au sujet des coûts, nous devrions être en mesure dans les heures, sinon les jours qui viennent, de produire cette documentation détaillée.

Il y a une simple dernière observation que je veux soumettre à la réflexion de tout le monde par rapport au droit de retour au travail. J'ai, quant à moi, particulièrement apprécié l'évaluation qu'a faite M. Thibodeau de sa perception de ce chapitre très précis du projet de loi. Deuxièmement, j'attire votre attention, pour le cas où cela peut être utile, sur le fait qu'au Conseil consultatif du travail, le groupe patronal, avec certaines réserves, favorisait une politique semblable, mais à travers, par exemple, les écueils possibles de l'ancienneté. Toutes ces préoccupations sont revenues et, quant au principe lui-même, le groupe patronal au conseil consultatif favorisait une telle approche, pour les fins de la réflexion finale.

M. Létourneau: Nous aurions aimé y être, M. le ministre.

Le Président (M. Jolivet): Quant au document que M. le ministre nous rendra disponible, tel qu'il vient de nous en informer, j'aimerais comme président en avoir des copies supplémentaires pour qu'elles soient disponibles au Secrétariat des commissions pour toute personne qui voudrait en faire la demande. Je vous remercie, Me Lagassé et vos collègues, d'être venus ici devant la commission et je vais suspendre les travaux en appelant pour cet après-midi, à 15 heures, l'Association des armateurs des Grands-Lacs. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 15)

(Reprise de la séance à 15 h 6)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente du travail se réunit à nouveau aux fins d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Les groupes que nous avons à entendre entre 15 heures et 18 heures sont, d'abord, celui que nous avions annoncé à la fin de la première séance, l'Association des armateurs des Grands-Lacs, et, le deuxième, la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Nous savons aussi que nous devons reprendre à 20 heures pour la Centrale des syndicats démocratiques.

Avant de donner la parole à M. Jacques-A. Laurin, qui est accompagné de M. Guy Bazinet, j'aimerais faire remarquer à tous les membres de la commission qu'il y a eu une erreur dans le mémoire et qu'on nous a demandé de faire la correction. Je pense que M. Laurin pourra peut-être nous l'expliquer. Je vous cède la parole.

Association des armateurs des Grands-Lacs

M. Laurin (Jacques-A.): Merci, M. le Président. Tel qu'indiqué dans la correspondance que nous avons fait parvenir à la commission, la première page du mémoire devrait être changée puisque, initialement, on avait mentionné comme membres de l'association qui ont leur principale place d'affaires au Québec: Canada Steamship Lines Inc. et Halco Inc., et la modification ajoute le nom de Sofati/Soconav comme compagnie membre ayant sa principale place d'affaires au Québec.

Le Président (M. Jolivet): Cela va.

M. Laurin (Jacques-A.): J'aimerais procéder avec l'exposé de notre mémoire de la façon suivante: traiter initialement des activités des membres de l'association, du régime qui s'applique à ces entreprises membres de l'association en vertu de la loi actuelle, des dispositions au projet de loi qui ont une application particulière à ces entreprises et que l'on retrouve au chapitre IX du projet de loi 42, pour ensuite parler de quelques autres dispositions qu'on retrouve ailleurs qu'au chapitre IX et qui auraient certainement des possibilités d'incidences négatives à l'égard de ces entreprises.

Alors, tout d'abord la description des activités de l'association et de ses membres. L'Association des armateurs des Grands-Lacs est une association qui regroupe diverses entreprises de transport maritime, sinon la majorité des entreprises oeuvrent au Canada.

La majorité des entreprises membres sont établies en Ontario. Cependant, trois d'entre elles, Canada Steamship Lines, Sofati/Soconav et Halco Inc., ont leur principale place d'affaires au Québec. Ces entreprises font généralement du transport de marchandises en vrac, c'est-à-dire des marchandises transportées en grosse quantité, et les marchandises qu'on transporte généralement sont des minerais, des céréales et, dans le cas de Halco Inc. et de Sofati, du pétrole. Elles utilisent en conséquence plusieurs navires qui naviguent généralement dans les ports canadiens ou entre les ports canadiens et américains, dans les Grands-Lacs, de même sur le fleuve, dans le golfe, ainsi que dans les provinces maritimes et les provinces atlantiques.

Les navires en question sont enregistrés tant au Québec qu'à l'extérieur. La main-d'oeuvre est embauchée tant en Ontario que dans les provinces atlantiques également et aussi au Québec. Si l'on regarde le temps total de navigation de ces navires pour chercher à déterminer la prestation de travail qui est rendue au Québec par ces employés de l'entreprise, dans le cas de Canada Steamship Lines Inc., on a estimé qu'il y a environ seulement 20% du temps qui est passé en eau qu'on pourrait appeler "québécoise" - entre guillemets - et, dans le cas de Halco, uniquement 30%.

Également, il est important de noter que dans le cas de ces entreprises la main-d'oeuvre fluctue constamment, c'est-à-dire que pour chaque poste de marin sur un navire on peut avoir embauché trois personnes pour combler le poste durant la saison de navigation, donc une fluctuation constante de main-d'oeuvre, une prestation de travail minime rendue au Québec et une variation également dans les activités de ces entreprises, puisque les navires peuvent, un certain jour, naviguer entre deux ports et, le jour suivant, être appelés à naviguer entre deux localités totalement différentes.

À l'heure actuelle, ces entreprises, en raison des caractéristiques particulières de leurs activités, ne contribuent pas au fonds des accidents du travail. Il convient, cependant, de remarquer que, même si ces entreprises ne contribuent pas au fonds, si elles ne sont pas cotisées, elles sont soumises à la loi et s'y soumettent. Leurs risques d'accident du travail sont assurés, c'est-à-dire qu'une assurance couvre la responsabilité de l'employeur en cas d'accident et, généralement, c'est la CSST qui détermine le montant de compensation à verser à un travailleur, à un marin sur un navire. En fonction de la décision de la commission, l'employeur paie le montant qui est demandé par la commission. À ce jour, nous sommes fiers de dire qu'il n'y a pas eu de difficulté dans l'application de ce régime ou de ce système, c'est-à-dire qu'à chaque

fois qu'un accident s'est produit, à la suite d'une décision de la CSST, l'employeur a été avisé des montants de prestations qui sont dus au travailleur. À la suite de cette décision, l'employeur verse des prestations à la commission, ou il les verse directement au travailleur.

À un certain moment, on a étudié la possibilité d'assujettir ces entreprises au fonds des accidents du travail. Cependant, nous faisons remarquer dans notre mémoire que de les soumettre au fonds des accidents du travail créerait des difficultés énormes puisqu'elles devraient contribuer au fonds des accidents du travail au Québec et en même temps s'assurer pour les risques et pour les responsabilités qu'elles pourraient encourir si jamais un accident se produisait à l'extérieur du Québec, soit en Ontario, dans les provinces atlantiques ou encore dans un autre port au monde où ces navires se présentent.

Il faut également noter que le Québec, en créant ce régime particulier pour ces entreprises de transport interprovincial ou international, ne fait pas cavalier seul, c'est-à-dire que la majorité des autres provinces canadiennes prévoit un régime particulier pour ces entreprises. Il en est de même en Ontario et, lors d'une commission parlementaire similaire à celle que vous tenez en ce moment, le gouvernement de l'Ontario a indiqué qu'il n'avait pas l'intention de changer de régime, c'est-à-dire qu'il avait l'intention de maintenir ce qu'on appelle dans la loi de l'Ontario la cédule 2 pour ces entreprises de transport interprovincial et que la seule chose qu'on voulait concrétiser, c'était de s'assurer que ces entreprises étaient adéquatement couvertes pour le risque d'accidents du travail.

Conséquemment, c'est précisément en raison de la fluctuation de main-d'oeuvre, du changement constant des activités de ces entreprises, des trajets de navigation des navires et de la variété des endroits où sont ces entreprises que ce régime particulier a été maintenu, et il est prévu également au chapitre IX du projet de loi 42.

Si toutefois ces entreprises étaient de quelque façon cotisées au Québec à la suite d'analyses de coûts qui ont été faites et en raison de taux de cotisation qui ont été soumis par la CSST, les évaluations faites démontrent que les seuls coûts d'assurances ou de cotisations au Québec pour ces entreprises équivaudraient à environ le triple des montants qu'elles paient à l'heure actuelle en assurances pour une couverture totale des accidents du travail qui pourraient être subis à quelque endroit que naviguent ces navires. Si la commission cotisait ces entreprises, on a évalué essentiellement que dans le cas d'une entreprise ces coûts d'assurances pour couvrir ces risques d'accidents du travail, dans le monde entier, risques non seulement de compensation mais également d'hospitalisation, retour du marin à son lieu de résidence ou de domicile, passeraient, dans le cas d'une entreprise, de 800 000 $ à 1 300 000 $. C'est une augmentation d'environ 500 000 $ pour une seule entreprise, dans une année. Conséquemment, comme ces entreprises, que j'ai mentionnées tantôt, n'exercent au Québec qu'une partie de leurs activités et que la majorité des activités sont exercées à l'extérieur du Québec, ce serait placer toute entreprise du même type dans une situation concurrentielle désavantageuse que de la cotiser alors qu'une entreprise du même genre ne serait cotisée d'aucune façon si elle était établie en Ontario ou dans les provinces atlantiques.

J'aimerais maintenant mentionner certaines dispositions au chapitre IX du projet de loi 42 qui pourraient créer des difficultés d'application. Je mentionne à la page 6 du mémoire essentiellement l'article 225 qui dit que ces entreprises ne sont pas assujetties à cotisation, mais, dans une autre disposition, on dit qu'elles doivent fournir une preuve d'assurance. J'aimerais que l'on indique également - je reviens sur cette question plus loin dans le mémoire - que ces entreprises ne seraient pas soumises aux obligations que l'on prévoit en matière de réadaptation ou de réinsertion sociale. La raison en est très simple. En prévoyant de telles dispositions à l'égard d'entreprises internationales de transport, ces dispositions entreront en conflit avec les dispositions du Code canadien du travail, avec des conventions collectives qui sont négociées en vertu du Code canadien du travail de même qu'avec des traités internationaux ou certaines ententes internationales sur le sujet et aussi de la réglementation qui est faite et qui s'applique de façon particulière à ces modes de transport, soit les navires, les chemins de fer de même que les aréonefs.

Il y a des dispositions qui, certainement, créent ou pourraient créer des difficultés considérables. C'est ce qui est mentionné à la page 8 du mémoire, dispositions que l'on retrouve à l'article 228, qui dit que, même si ces entreprises ne sont pas cotisées et qu'elles doivent fournir preuve d'assurance, la commission peut demander que des dépôts soient faits auprès de la commission. Malheureusement, nous avons eu dans le passé - je cite un cas concret - certaines situations où, alors que le droit à des prestations est douteux ou certainement pas déterminé de façon finale et où des montants considérables ont été demandés par la CSST en dépôt, ces montants représentaient la valeur capitalisée d'une rente. Dans une situation où nous avons été impliqués, il s'agissait d'un marin qui avait été perdu dans le Grand-Nord, au nord de la terre de Baffin, qui à la suite de

sa disparition a fait l'objet d'une réclamation auprès de la CSST. La CSST a demandé que le transporteur, dans ce cas-là, dépose la valeur capitalisée de la rente qui était réclamée par une amie qu'il avait à Montréal. Dans ce cas, l'employeur a dû verser à la CSST 204 000 $, alors que le droit à la prestation était douteux, l'employeur prétendant que la personne n'était pas un conjoint au sens de la loi, n'était pas une personne qui cohabitait avec le marin depuis trois ans tel que prévu à la loi.

Donc, la crainte est que par le biais de l'article 228 cette disposition qui permet d'exiger des dépôts crée un fardeau financier excessif pour ces entreprises et que l'on tente indirectement de demander à ces entreprises de verser des montants substantiels auprès de la CSST, montants qui dépasseraient largement la responsabilité qu'elles peuvent créer en raison de leurs activités. Cela pourrait créer un incitatif négatif au maintien ou à l'établissement de telles entreprises au Québec. Une telle entreprise n'aurait d'autre choix, si de forts dépôts étaient demandés pour la valeur capitalisée de chaque rente, de relocaliser sa principale place d'affaires à l'extérieur du Québec dans un endroit où de tels dépôts ne seraient pas requis.

Nous suggérons la reformulation de l'article 228 pour permettre, dans certains cas où une entreprise de transport interprovincial serait dilatoire ou ne verserait pas les prestations de façon régulière, à la CSST d'exiger que des dépôts soient faits mais qu'ils n'excèdent pas l'équivalent de trois mois de prestations de façon à donner, quand même, certaines sommes d'argent à la CSST lui permettant de faire le paiement périodique des prestations mais en ne créant pas un fardeau excessif pour les entreprises concernées.

Nous mentionnons, également, que ces entreprises sont prêtes à contribuer ou à verser à la CSST les frais d'administration qui sont engendrés ou créés par l'indemnisation de ces employés en raison du régime particulier du chapitre IX. Cependant, nous soumettons qu'au lieu de parler de frais généraux nous devrions parler de frais d'administration et prévoir que ce ne sont que les frais d'administration engendrés par les prestations payables aux travailleurs de ces entreprises qui devraient être l'objet d'une cotisation pour frais d'administration.

Il y a d'autres dispositions qui sont mentionnées au mémoire et qui sont davantage des questions d'ordre technique, tel - comme je le mentionnais tantôt -l'article 129. J'ai cité cet article à titre d'exemple, puisque j'ai mentionné tantôt ces ententes internationales ou les dispositions de la Loi sur la marine marchande, mais l'article 129 du projet de loi 42 dit essentiellement qu'un travailleur a droit aux soins de l'établissement de santé et du professionnel de la santé de son choix. Cette disposition, à titre d'exemple, entre en conflit avec une autre disposition de la Loi sur la marine marchande. La Loi sur la marine marchande prévoit essentiellement que, peu importe l'endroit où se trouve le marin, qu'il soit en Europe ou encore dans les provinces atlantiques ou aux États-Unis, l'employeur a toujours une obligation de voir à ce qu'il soit soigné, traité et aussi que tous les frais de transport nécessaires à son retour à domicile soient payés par le transporteur. Donc, déjà, des dispositions dans des lois particulières qui traitent de ces modes de transport tels que les navires prévoient des droits qui sont supérieurs à ce que l'on prévoit au projet de loi 42 pour ces travailleurs.

Quant à la réinsertion sociale et professionnelle du travailleur, j'en ai glissé un mot tantôt. J'ai parlé de ces possibilités de conflit avec le Code canadien du travail, les lois qui s'appliquent à chaque mode de transport, les lois qui s'appliquent aux navires, aux aéronefs ou encore aux chemins de fer. De même, il y a aussi possibilité de conflit avec des conventions collectives qui sont négociées au niveau fédéral et qui s'appliquent à l'ensemble du Canada et non pas uniquement à une province.

Nous mentionnons également que, tout comme la CSST peut, en vertu du projet de loi, tel que prévu à l'article 251, récupérer les montants qui seraient versés en trop, dans les cas où elle peut recouvrer ces montants, la même chose devrait s'appliquer à l'égard de ces entreprises, c'est-à-dire que si les entreprises paient elles-mêmes les prestations d'accident du travail et que certains montants sont versés en trop, dans un tel cas, ces montants versés en trop devraient être remboursés non pas à la CSST, mais à l'entreprise qui a payé.

C'est essentiellement l'objet de nos commentaires sur le projet de loi 42. Nous soutenons que toute cotisation au fonds des accidents du travail pour les prestations d'accidents du travail placerait ces entreprises dans une position désavantageuse par rapport aux mêmes entreprises établies hors du Québec et qu'à l'heure actuelle le système, qui est un système de non-cotisation, donne satisfaction à tout le monde. Nous avons annexé à notre mémoire une copie de la lettre du président du principal syndicat qui représente les marins sur les navires, le Syndicat international des marins canadiens; cette lettre indique que le syndicat de même que les travailleurs sont pleinement satisfaits du système actuel puisque l'employeur participe directement à l'indemnisation des victimes, qu'il a un intérêt accru à la prévention et que, généralement, il n'y a pas eu de critiques ou

de difficultés d'obtention de paiement ou d'indemnisation.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Laurin. M. le ministre.

M. Fréchette: Merci. Je voudrais remercier le représentant de l'Association des armateurs des Grands-Lacs de la présentation de son mémoire. Il a soumis des représentations qui sont directement en relation avec les particularités - le terme est, je pense, le plus précis qu'on puisse trouver - des activités de l'industrie qu'il représente. Dans les travaux qui ont précédé le dépôt de la loi, nous avons eu l'occasion de nous rencontrer et vous êtes venus, à ce moment, soumettre une représentation très précise quant à la possibilité d'intégrer ou pas les employeurs qu'on est convenu d'appeler ceux de l'annexe 6 à l'intérieur du processus général de la loi. Je pense qu'à cet égard on s'est entendu rapidement et bien. D'ailleurs, j'ai cru comprendre, en conclusion de vos représentations, qu'à cet égard vous étiez, à toutes fins utiles, satisfait de la décision qui avait été prise, à ce moment, de garder le statu quo quant à la non-intégration des employeurs de l'annexe B dans le cadre général de la loi.

À partir de cette représentation, Me Laurin, qui a été faite au moment que l'on sait et de la décision qui a suivi, j'apprécierais que vous puissiez - peut-être l'avez-vous fait, mais cela pourrait être plus clair dans mon esprit - faire un parallèle aussi précis que possible quant aux autres aspects de vos représentations, un parallèle entre l'état actuel de la loi et les changements qu'on retrouverait si la loi 42 était adoptée telle qu'elle est à l'étude présentement. Je ne sais pas si ma question est suffisamment claire, mais, au-delà de l'intégration, encore une fois, quelles sont les distinctions à faire entre le statu quo et les dispositions de la loi 42?

Le Président (M. Jolivet): Me Laurin.

M. Laurin (Jacques-A.): M. le ministre, les dispositions de la loi 42 en ce qui a trait aux entreprises de transport maritime et ferroviaire interprovincial ou international reprennent le principe ou le mode d'application de la loi qui est prévu à l'heure actuelle dans la Loi sur les accidents du travail. Cependant, il y a certaines dispositions que l'on retrouve au chapitre IX qui pourraient, dans leur application, créer des difficultés énormes, c'est-à-dire - et je pense particulièrement à l'article 228 du projet - qu'essentiellement la loi actuelle, je crois, aux articles 30 et 31, prévoit que la CSST peut, dans certaines circonstances, demander une preuve d'assurance et peut aussi demander que cette preuve d'assurance lui soit fournie. Cependant, en pratique, dans tous les cas où j'ai été impliqué pour avoir représenté autant des sociétés d'assurances et des entreprises que des employeurs, la CSST ne s'est jamais servie de ces dispositions, n'a jamais demandé de preuve d'assurance alors que, bien souvent, à la suite de certaines critiques, c'était offert gratuitement. Donc, il y a maintenant à l'article 228 une mention spécifique d'une obligation de s'assurer et de fournir une preuve d'assurance. Ce qui est prévu à la loi actuelle n'est simplement qu'une option ou une faculté qui est laissée à la CSST de demander copie d'une telle police d'assurance ou preuve d'assurance. Il faudrait également, tel que nous le mentionnons dans notre mémoire, permettre à certaines entreprises, qui, en raison de leur taille, n'ont pas nécessairement une couverture d'assurance au sens usuel du mot, de fournir un cautionnement ou une garantie quelconque pour donner satisfaction à la CSST et qu'elle soit en mesure de fournir des bénéfices à tout le moins équivalents à ce qui est prévu au projet de loi 42. Donc, l'article 226 va plus loin que ce qui est prévu à la loi actuelle en matière de possibilité d'obtenir une copie de police d'assurance de ces entreprises. (15 h 30)

La deuxième question qui est majeure, c'est ce qui est prévu à l'article 228. C'est la disposition qui permet d'obtenir des dépôts. Généralement, dans la loi actuelle, on prévoit la possibilité de demander des dépôts quand il y a absence de diligence, c'est-à-dire quand l'entreprise ou l'employeur ne paie pas régulièrement les prestations qui sont dues aux travailleurs ou ne les remet pas à la CSST. L'article 228 du projet prévoit maintenant que dans tous les cas et sans qu'il y ait de critères ou de mentions d'éléments de détermination, au seul loisir de la CSST, elle pourra demander des dépôts. Le danger, c'est que, dans certaines situations, on puisse demander que de fortes sommes d'argent soient déposées auprès de la CSST, alors que le droit à la prestation n'est pas déterminé, ou encore simplement pour tenter indirectement d'obtenir des sommes d'argent de ces entreprises. C'est encore là un changement majeur puisque la loi actuelle prévoit généralement que cette possibilité n'existe que dans le cas d'absence de diligence, c'est-à-dire dans le cas où un employeur ne paie pas régulièrement et périodiquement les prestations qui sont dues aux travailleurs, mais, à part ces quelques dispositions et à part les dispositions qui ont trait à la réinsertion sociale et à la réadaptation, on maintient le régime actuel qui s'applique à ces entreprises.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: Sous un autre chapitre et dans une référence plus particulière avec l'entrée en matière de votre mémoire, mon attention est attirée par le texte du deuxième paragraphe de la page 4, quand vous dites: "C'est donc en raison des particularités de cette industrie que ces entreprises ne contribuent pas au fonds des accidents de travail." C'est par le bout de phrase suivant que mon attention est attirée: "De plus, si elles le faisaient, la Commission de la santé et de la sécurité du travail ne pourrait leur donner une couverture à taux concurrentiel pour les accidents du travail qu'auraient leurs employés à l'intérieur et à l'extérieur du Québec."

Me Laurin, j'apprécierais obtenir quelques précisions à ce sujet, précisions s'entendant en termes de chiffres, si, effectivement, vous en avez. Il me semble que des discussions ont déjà eu lieu à ce chapitre très précis que vous soulevez et qu'aucune conclusion ferme - vous me corrigerez si je fais erreur - n'avait été tirée à partir de la prétention que vous avez et de la prétention qu'a la commission de son côté. Pourriez-vous circonscrire davantage cette partie-là du débat?

M. Laurin (Jacques-A.): M. le ministre, nous avons travaillé avec la CSST depuis un an de façon à analyser la possibilité d'une intégration volontaire de ces entreprises. Nous avons eu des discussions avec les représentants de la CSST en matière de normes de cotisation et de financement. Nous avons discuté de taux de cotisation à l'égard de ces entreprises et les taux qui nous ont été cités indiquent clairement que la CSST ne pouvait donner une protection qui ne serait que partielle, puisqu'elle ne pourrait couvrir que les accidents de travail se produisant au Québec, mais que les coûts en matière d'accidents de travail pour ces entreprises seraient environ le double ou le triple de ce qu'il en coûte à l'heure actuelle. Je pense à une entreprise où l'évaluation a été faite. J'ai mentionné tantôt 800 000 $, mais ces coûts d'accidents de travail à l'heure actuelle sont d'environ 500 000 $, c'est-à-dire qu'il lui en coûte pour s'assurer environ 500 000 $ à 600 000 $. Cette protection est pour tout accident de travail, peu importe l'endroit où l'accident se produit.

Selon les coûts ou les taux cités par la CSST, il en coûterait pour la même entreprise environ 1 300 000 $ pour s'assurer uniquement pour les accidents au Québec. C'est donc dire que la même entreprise devrait cotiser au fonds, payer un montant qui représente environ le double ou le triple de ce qu'il en coûte pour s'assurer dans le monde et en même temps maintenir une assurance pour les accidents qui se produiraient aux États-Unis, en Ontario ou dans une autre localité. Nous avons fait des vérifications auprès d'autres entreprises. Il y a certaines entreprises de chemin de fer ou de transport aérien qui ont fait les mêmes calculs avec l'aide des représentants de la CSST et qui sont arrivées aux mêmes conclusions, c'est-à-dire que leurs coûts d'assurance ou leurs coûts de protection en matière d'accidents de travail iraient du double au triple. Donc, ce que nous disons, c'est que, essentiellement, comme ces entreprises peuvent localiser leur principale place d'affaires à un endroit ou à un autre en fonction de la majorité des activités qu'elles exercent, le fait de cotiser ces entreprises et surtout de les cotiser à des taux qui seraient considérablement supérieurs à ce qui existe à l'heure actuelle en s'assurant privément, inciterait ces entreprises sans doute à analyser leur situation financière en raison de la localisation de leur principale place d'affaires au Québec.

Alors, nous avons regardé cette question de façon détaillée avec des représentants de la CSST et, selon les chiffres qui nous sont cités et qui ont été cités également à d'autres entreprises de transport dans d'autres secteurs, les taux seraient faramineux et ce, en raison justement de la nature des activités de ces entreprises.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: Vous faites également état dans votre mémoire, plus particulièrement à la page 6 au paragraphe 3, d'éventuels problèmes de conflits de juridiction, plus précisément - là je suis évidemment à vous parler du chapitre VI du projet de loi 42 - d'un conflit éventuel de juridiction par rapport, par exemple, au code du travail du Canada, par rapport à la Loi sur la marine marchande. Il y a un aspect qui est celui des conventions qui procèdent du Code canadien du travail. Je comprends que l'affirmation ou l'information contenue à votre mémoire procède d'une constatation d'ordre général. Je présume que vous avez dû pousser l'exercice jusqu'à arriver à identifier des choses qui pourraient être en contradiction l'une avec l'autre. Est-ce qu'à cet égard vous avez des renseignements à nous donner?

Le Président (M. Jolivet): Me Laurin.

M. Laurin (Jacques-À.): M. le ministre, à cet égard, tout d'abord au niveau du Code canadien du travail les dispositions qui ont trait à la santé et à la sécurité au travail et qui traiteront essentiellement, j'imagine, de cette question de réinsertion sont présentement à l'étude au gouvernement

fédéral. On nous informe que sous peu il y aura une nouvelle partie IV au Code canadien du travail, partie IV qui prévoira sans doute ces questions de réinsertion sociale et de réadaptation de travailleurs. Bien qu'il n'y ait pas dans le Code canadien du travail, à l'heure actuelle, à la partie IV, une disposition particulière qui traite de la réinsertion sociale ou de la réadaptation, nous devons prévoir que sous peu le gouvernement fédéral adoptera des dispositions sur cette question qui, selon nous, pourraient créer des conflits virtuels sur la question de réinsertion.

Nous devons également ajouter que nos conventions collectives - M. Bazinet le mentionnait plus tôt - traitent déjà de ces questions et prévoient l'obligation pour un employeur, je crois, de réintégrer tout marin sur un navire s'il est en mesure de revenir au travail dans un délai d'un an. Dans la mesure où des conventions collectives qui ont une application à l'ensemble du Canada et qui sont négociées en vertu du code canadien prévoient certaines de ces questions de réinsertion et de réadaptation, il pourrait y avoir conflit entre les dispositions de ces conventions qui sont déposées auprès du Conseil canadien des relations du travail et les dispositions du projet de loi 42. À ce moment, pour l'entreprise, l'employeur, c'est de se demander quelle est la loi qui s'applique à lui en matière de réinsertion sociale. Est-ce sa convention collective ou est-ce la Loi québécoise sur les accidents de travail?

De même sur les questions de réinsertion il y a aussi mention au projet de loi 42 de cette possibilité de demander une réaffectation ou réassignation. Encore là il y a déjà dans le Code canadien du travail, à la partie IV, des dispositions qui permettent à tout travailleur qui est en danger imminent de demander d'être réaffecté à un autre poste et il pourrait aussi demander un retrait préventif. De plus, comme il a été mentionné à moult reprises par la CSST et le gouvernement que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnels n'est que le pendant de l'aspect prévention, le pendant de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, de telles dispositions vont certainement devoir être coordonnées ou il devrait y avoir une certaine corrélation entre les dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Cela pourrait créer des difficultés d'application quant à ces entreprises puisqu'en matière de prévention, en matière de santé et de sécurité il y a de nombreuses dispositions dans la Loi sur la marine marchande de même que les règlements de la Loi sur la marine marchande qui s'appliquent à ces entreprises, par exemple, quant à la façon dont le navire doit être construit, son mode de fonctionnement, les moyens de secours, les services de premiers secours qui peuvent être fournis aux marins, tout l'équipement de sauvetage. Ces dispositions pourraient certainement créer des difficultés. De même aussi, comme la commission a le pouvoir, en matière de réadaptation, de dispenser tous les moyens nécessaires à la réadaptation du poste de travail du travailleur, on pourrait prévoir une situation où un représentant de la CSST pourrait aller sur un navire et dire à l'employeur: Vous devez changer le poste de travail du marin pour lui permettre de travailler sur le même navire. Le cas échéant, il y aurait certainement un conflit entre un inspecteur des navires qui est nommé en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada et ce qui serait décidé à l'égard du poste de travail par le représentant de la CSST.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: Merci, M. le Président. Les explications de Me Laurin jettent un éclairage sur quelques renseignements additionnels que je souhaitais avoir. Je terminerai simplement en informant Me Laurin que les représentations qu'il nous formule en relation avec l'article 226, "L'employeur tenu personnellement au paiement des prestations doit assurer ses travailleurs..." - je vous donne spontanément le fruit de la réflexion que nous avons faite jusqu'à maintenant - nous apparaissent bien fondées.

Il en est ainsi pour vos représentations quant à l'article 230, celui qui réfère à la gestion ou aux frais pour pourvoir aux frais généraux. Là également il nous apparaît, à la suite de l'argumentation que vous nous soumettez, que cela devrait être maintenu.

Quant aux autres aspects de votre mémoire, vous allez nous permettre de pousser un peu plus loin la réflexion. Nous devrions prendre une décision à cet égard dans les jours qui viennent. Je vous remercie, M. Laurin.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. Me Laurin, au nom de l'Opposition libérale, je voudrais d'abord vous remercier d'être venu ici pour nous présenter un mémoire fort intéressant. Nous sommes un peu dans le domaine du droit constitutionnel. Je trouve votre position très claire. Dans votre mémoire, vous expliquez que le marin qui travaille pour des compagnies membres de votre association est gouverné soit par le Code canadien du travail, la Loi sur la marine marchande du Canada ou le Conseil

canadien de relations du travail. De plus, la majorité de ces marins n'est pas québécoise. Vos navires vont aux États-Unis, à Toronto et à Montréal. Pendant une même journée, ils peuvent être dans différents pays.

Le législateur a reconnu le principe dans l'article 225. De la façon dont j'ai lu votre mémoire, vous expliquez que dans d'autres sections de la loi, le législateur n'a pas pris en considération les conséquences logiques de l'article 225. Le ministre vient de dire qu'il va faire des concessions sur quelques autres articles. Je voudrais seulement reprendre quelques points pour promouvoir encore plus votre cause, parce que je n'aimerais pas du tout que Halco ou Canada Steamship soient obligées de quitter la province de Québec. On est déjà assez content qu'elles soient avec nous, qu'elles y restent.

Quelques points. Je prends votre mémoire page par page. Je commence à la page 4. Vous dites que cela coûterait deux ou trois fois plus si vous tombiez sous ce régime-ci et si vous cessiez de payer vos primes d'assurance. Je ne veux pas que vous critiquiez directement, vous êtes ici pour protéger vos clients. Est-ce qu'il se peut que la CSST coûte trop cher? Ce serait peut-être intéressant de soumettre les chiffres de vos assureurs à la CSST. Avez-vous un court commentaire là-dessus?

Le Président (M. Jolivet): Me Laurin.

M. Laurin (Jacques-A.): M. Polak, je ne pense pas que ce soit essentiellement parce que la CSST coûte trop cher. Le régime qu'on prévoit à la Loi sur les accidents du travail, et qui détermine la cotisation, s'applique généralement aux entreprises qui ont un lieu fixe, c'est-à-dire un endroit précis sur terre où on peut facilement déterminer le montant des cotisations qu'elles auraient à payer en fonction de leurs risques. (15 h 45)

Le problème qui existe à l'égard d'entreprises maritimes, c'est qu'il y a cette difficulté de détermination du risque qui est engendrée par ces entreprises, puisque le risque est au Québec, un jour, le jour suivant, il est en Ontario et, la semaine suivante, il peut être aux États-Unis. Il y a changement constant de modèles ou de risques et aussi difficultés énormes dans le cas de ces entreprises de déterminer la cotisation parce que, généralement, la cotisation est fonction de la prestation de travail qui est rendue au Québec et du risque qui y est engendré. Dans le cas de ces entreprises, comment déterminer essentiellement la partie prestation de travail rendue par un marin au Québec? Si le marin passe deux ou trois jours en moyenne par année au Québec, comment va-t-on déterminer la cotisation qui devrait être payée? En plus, pour ces entreprises, comme la cotisation ne chercherait qu'à protéger le travailleur pour l'accident qu'il aurait au Québec, la même entreprise devrait maintenir des assurances pour protéger le travailleur alors qu'il est aux États-Unis ou en Ontario. Alors, c'est réellement en raison des particularités ou de la situation bien spéciale de ces entreprises qu'on arrive avec des chiffres aussi élevés. Ce n'est pas en raison de taux qui pourraient être rajustés ou changés ou en raison de suggestions que l'on pourrait faire à la CSST.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Une autre question. À la page 5, vous nous référez à l'annexe A qui est une lettre du syndicat de ces marins. Je note que la lettre est datée du 23 septembre 1980. Est-ce que le syndicat est toujours du même avis qu'il était en 1980?

M. Laurin (Jacques-A.): Le syndicat n'a pas changé d'avis et la raison pour laquelle cette lettre est datée de 1980, c'est qu'on a eu des discussions à la suite d'une invitation qui nous avait été faite par la CSST de changer le régime. Il n'y a pas eu de modification dans l'attitude du syndicat.

M. Polak: Parfait. À la page 7 de votre mémoire, vous recommandez de changer l'article 225 en y disant que le chapitre VI ne s'applique pas non plus. J'ai regardé le chapitre VI qui parle de réinsertion sociale et professionnelle des travailleurs. Mais il y a peut-être des avantages dans le chapitre VI qui n'existent pas dans la protection actuellement accordée à vos marins. Quant à la protection du travailleur, ne devrait-on, au lieu de suggérer que le chapitre VI ne s'applique pas, plutôt dire que si tel chapitre est contraire à la législation qui régit le domaine... En d'autres termes, s'il y a un conflit, je suis d'accord sur le fait que la législation fédérale prime dans votre cas mais au cas où cela n'est pas prévu, comme on a quelque chose de bon dans la loi québécoise qui protège vos hommes, pourriez-vous vivre avec une telle formule?

M. Laurin (Jacques-A.): M. Polak, nos commentaires quant au chapitre VI sont essentiellement ceux d'un employeur qui ne veut pas être pris avec un conflit entre des lois qui pourraient se contredire et qui ne sait pas quoi faire dans la situation. Est-ce qu'il va appliquer une disposition d'une loi du gouvernement fédéral ou appliquer une disposition prévue au projet de loi 42? Dans la mesure où l'on dirait que les dispositions du projet de loi 42, en matières de réinsertion et de réadaptation, s'appliquent à

une telle entreprise pour autant qu'il n'y ait pas de disposition similaire qui règle le problème, cela ne créerait pas de problème ou de difficulté insurmontable.

M. Polak: Je serai bref, M. le Président. À la page 8, Me Laurin, vous suggérez un amendement à l'article 226, en disant que vos clients ou la compagnie vont fournir un cautionnement ou une garantie. Pour satisfaire la CSST, est-ce qu'on ne devrait pas dire "acceptable à la commission"? Je peux m'imaginer que la commission va dire qu'elle voudrait tout de même que ce soit une compagnie d'assurances qui lui soit acceptable, qu'elle ne voudrait pas avoir une petite compagnie d'assurances quelque part aux États-Unis et qui n'est peut-être pas financièrement fiable. Mais si c'est une compagnie bien connue et fiable... Enfin, que la forme du cautionnement soit acceptable par la commission.

M. Laurin (Jacques-A.): M. Polak, nous avons songé à cette possibilité et la crainte que nous avons est qu'il n'y ait rien qui soit jamais acceptable à la commission, puisqu'on voudrait, de toute façon, forcer ces entreprises à être cotisées. Ce n'est pas l'idée ou le principe qui est mauvais mais l'application qui pourrait en résulter.

M. Polak: Je vois que vous n'avez pas tellement confiance dans la commission.

M. Laurin (Jacques-A.): J'ai une confiance énorme mais je suis extrêmement prudent.

M. Polak: D'accord. À la page 9, vous parlez justement de ce dépôt. D'ailleurs, vous avez expliqué le cas où un de vos membres était obligé de déposer une somme en capital de 200 000 $ pour couvrir une prestation possible qui n'a même pas été établie. Je comprends que vous n'êtes pas bien satisfait de cette demande de dépôt. Vous suggérez de remplacer cela par un dépôt de la prestation pour une période de trois mois que je trouve raisonnable comme juridiction. Pourriez-vous m'expliquer en vertu de quel droit la commission demande un dépôt de la somme totale en capital?

M. Laurin (Jacques-A.): La loi actuelle prévoit aux articles 30 ou 31 que, dans le cas où un employeur ne paye pas de façon diligente les prestations ou dans le cas où il s'agit de décès ou d'une incapacité permanente, la commission peut demander qu'on lui dépose les montants d'argent nécessaires au paiement des prestations. L'application de ces articles a voulu que généralement on demande à ces entreprises de verser la valeur capitalisée de la rente qui serait payable à un travailleur. Donc, dans le cas que j'ai mentionné, comme il s'agissait de décès, on a demandé à l'entreprise de verser auprès de la commission la somme de 204 575 $ alors que le droit à une prestation de conjoint survivant ou de veuve était très douteux quant à l'entreprise. Ce n'est pas le seul cas. Nous avons deux ou trois autres situations du même genre où on demande automatiquement à chaque fois le dépôt de la valeur capitalisée d'une rente. Nos craintes ou nos inquiétudes sont justifiables. Nous savons qu'il a été fait mention, même si ces entreprises n'étaient pas cotisées au fond, que l'on allait certainement les obliger à déposer de fortes sommes d'argent auprès de la commission, ce qui les encourageait fortement à demander volontairement d'être cotisées. Il ne faudrait pas indirectement permettre qu'on élimine le principe qu'on veut retenir à l'article 225.

M. Polak: À la page 13, vous parlez des articles 128 et 129 en suggérant qu'ils ne devraient pas s'appliquer parce qu'on est en conflit avec la juridiction fédérale. Je note que les articles 128 et 129 sont des articles qui donnent d'abord le droit au travailleur d'avoir un médecin ou un professionnel de la santé de son choix, les soins de premiers secours immédiatement, etc. Si, par exemple, on disait à l'article 225 qu'on enlève l'application de ces deux articles, je ne voudrais pas que cela crée l'impression que les marins ne peuvent pas bénéficier des articles 128 et 129. Je fais le même point que tout à l'heure, je pourrais accepter cela à condition que ce soit prévu ailleurs que le même marin a une telle protection de premiers soins en vertu de la loi fédérale. Est-ce que cela existe présentement?

M. Laurin (Jacques-A.): Cela existe. Comme c'est mentionné dans notre mémoire, c'est prévu à l'article 283 de la Loi sur la marine marchande. Il y a également des dispositions, des règlements qui prévoient la création de postes de premiers secours sur les navires. Un marin, peu importe le lieu de l'accident, que ce soit à Chicago ou à Détroit, a droit de demander lors de l'accident d'être hospitalisé. Les frais d'hospitalisation, de médecin, de transport pour son retour à Montréal, s'il est domicilié à Montréal, doivent être assumés par l'employeur. C'est ce que la Loi sur la marine marchande prévoit.

M. Polak: Ma dernière question a son origine la page 15 où vous parlez de l'article 346 qui est le droit pour une victime d'accident de demander - au lieu de recevoir une petite pension mensuelle - et d'obtenir tout de suite un paiement capital sous

certaines conditions telles que décrites dans l'article. Vous suggérez, dans votre mémoire, que cet article ne devrait pas s'appliquer. Si le marin victime d'un accident avait le droit, comme vous dites, tout court, sans prendre en considération le revenu qui doit être suffisant pour ses besoins ordinaires, est-ce qu'on n'a pas ici un risque que quelqu'un prenne une somme en capital pour aller en Floride et vivre comme un roi pendant trois ou quatre mois? Ensuite il ne lui restera plus rien.

De la façon dont je lis l'article 346, on veutprécisément protéger la personne en question qui ne peut pas obtenir ce capital, à moins qu'on soit certain qu'il y a au moins une protection de base.

M. Laurin (Jacques-A.): Essentiellement, je pense que la majorité des marins serait en mesure de gérer justement ces sommes d'argent. Ce qu'on voulait prévoir, c'est que, plutôt que de laisser des sommes de 15 000 $, 20 000 $ ou 25 000 $ qui sont en dépôt à la commission, il serait peut-être préférable de les remettre aux marins pour qu'ils puissent les placer là où ils le désireraient, plutôt, encore une fois, que de les laisser dormir à la commission pour pouvoir payer les prestations pendant cinq ou dix ans encore.

M. Polak: À l'article 346, il y a tout de même une protection pour le travailleur, à savoir qu'on exige que les revenus réguliers suffisent à ses besoins ordinaires. Je ne connais pas tellement de marins personnellement, mais je ne pense pas qu'ils soient différents d'autres travailleurs. Donc, ici, je vois une certaine protection pour un travailleur. Je crois que le marin doit en avoir une aussi, à moins que vous disiez: Tous les marins sont de bons investisseurs, avec leurs 15 000 $ ou 20 000 $, il n'y a pas de problème. Ils savent comment en disposer. Mais les marins ne vont-ils pas en Floride de temps à autre pour faire un petit voyage où ils mangent leur argent?

M. Laurin (Jacques-A.): M. Polak, il y a toujours un risque mais, comme employeurs, nous faisons toujours confiance aux marins. Nous pensons que, si ces montants leur étaient versés, ils sauraient les placer ou voir à ce qu'ils soient placés.

M. Polak: D'accord. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, M. le Président. M. Laurin, je voudrais poser deux questions très brèves et, ensuite, vous parler un peu du chapitre V, à la section I, sur l'assistance médicale. Tout d'abord, je voudrais savoir combien parmi vos employés sont sédentaires au Québec dans les entreprises, par rapport au nombre de vos employés qui se déplacent? Avez-vous des chiffres là-dessus?

M. Laurin (Jacques-A.): Malheureusement, on n'a pas de chiffres mais, de par leur nature même, les activités de ces entreprises sont telles que le personnel sédentaire, c'est uniquement le personnel de bureau. Il y a très peu de personnel de bureau par rapport au nombre total de marins ou de gens qui travaillent sur les navires. On pourrait certainement déterminer un pourcentage, mais il serait infime par rapport au nombre total de marins.

M. Lavigne: D'accord. Une autre question. C'est un peu spécial dans votre cas. Contrairement aux employés du Québec qui paient finalement leurs dus à la CSST en prévision des accidents de travail, on sait que, dans votre cas, ce n'est pas cela et que, en principe, vous payez seulement une fois l'accident survenu. Par ailleurs, il y a des problèmes. On sait que la CSST a été prise à un moment donné pour trancher la question. Advenant le cas où il y a des accidentés de travail qui sont rattachés à des compagnies - pour ne pas les nommer, les compagnies dont on parle, on les appelle des "fly-by-night", quelque chose comme cela à partir du moment où une de ces compagnies fait faillite et que son contrat d'assurance vient à échéance, qui continue, finalement, à payer les employés victimes d'accidents du travail? On sait que, dans le passé, la CSST a pris un peu sur elle de continuer à les payer à partir du fonds général, mais on sait que ce fonds appartient aussi à d'autres employeurs qui, eux, ont fourni. Ces employés n'appartiennent pas aux rangs des employeurs qui ont contribué au fonds général. Donc, cela met la CSST dans l'embarras quand vient le temps pour elle de prendre une telle décision. Je ne sais pas si vous avez une réponse à cette question.

M. Laurin (Jacques-A.): J'ai deux réponses. La première, c'est que la situation de ces entreprises n'est pas différente de celle qui existe à l'égard des autres entreprises, c'est-à-dire que, si une entreprise est cotisée une année en fonction de ses risques passés, si la même entreprise a l'expérience de nouveaux accidents après avoir payé sa cotisation et si l'entreprise cesse de faire affaires, comme on l'a vu à l'égard de certaines entreprises dernièrement, la CSST ne peut récupérer de ces entreprises, qui sont des entreprises cotisées ou cotisables, les montants nécessaires pour couvrir les prestations payables pour les nouveaux accidents. C'est le premier point.

La seconde question, quant à ces

craintes ou à propos de situations qui ont pu se passer antérieurement, nous avons suggéré à la CSST - il y a déjà une disposition dans le projet de loi à l'article 228 - la possibilité de demander une preuve d'assurance ou un cautionnement et cette assurance permettrait justement à la CSST de récupérer les montants nécessaires au paiement de prestations, soit de la personne qui a souscrit l'assurance ou encore de la personne qui a fourni une garantie bancaire ou un cautionnement. (16 heures)

M. Lavigne: Je vous remercie. Je voudrais aussi soulever un autre point. Vous mentionnez, dans votre rapport, que vous aimeriez voir disparaître l'article 132 du projet de loi en question. Quand je lis l'article 132, moi aussi je considère que cet article donne énormément de pouvoirs à la commission. Je suis conscient de cela, moi aussi. On dit, à l'article 132: "La commission décide de la nécessité, de la nature, de la suffisance ou de la durée de l'assistance médicale." C'est beaucoup. Mais, si cet article est là, c'est parce qu'on s'est rendu compte que, dans le passé, on a eu des difficultés face à l'attitude de certains médecins quand vient le temps de prendre des décisions ou de donner des diagnostics sur les gens traités. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a plusieurs médecins qui vont traiter des accidentés du travail et qui ne voudront jamais se compromettre ou prendre une décision formelle à savoir comment le cas doit être traité par la CSST. Ils remettent le cas entre les mains d'autres médecins et, à ce moment, en fin de compte, c'est finalement la CSST qui doit trancher la question. Si on enlevait l'article 132, par le fait même on enlèverait à la commission la possibilité de pouvoir trancher sur la question médicale. À qui reviendrait alors le pouvoir de décider si les médecins ne décident pas?

M. Laurin (Jacques-A.): M. le député de Beauharnois, je ne crois pas avoir traité de l'article 132 dans mon mémoire, mais, à tout événement, sur la question que vous soulevez, je pense que, quant à nous, cela peut créer des difficultés puisqu'il y aurait certainement des situations où un marin pourrait être accidenté aux États-Unis, à Cleveland ou à Détroit. À ce moment, si c'est la commission qui détermine de la nécessité, de la nature ou de la suffisance de la durée de l'assistance médicale, qu'arrive-t-il à l'égard des dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada, qui prévoit certaines dispositions à ce sujet? En vertu de ce qui est prévu à l'article 132, est-ce que c'est la commission qui dans chaque cas va dire: Tel marin va être transporté d'urgence à la Clinique Mayo aux frais de l'employeur et y demeurer pendant une période d'un ou deux mois? Nous croyons que c'est la condition physique du travailleur qui doit déterminer de la nécessité, de la nature et de la suffisance de l'assistance médicale et non pas un représentant de la CSST.

M. Lavigne: C'est bien le document 16M dont on parle? La Fédération des médecins spécialistes du Québec?

Une voix: Non.

M. Lavigne: Parfait. J'ai fait une erreur. Je m'en excuse, mais je suis quand même content d'avoir eu votre appréciation sur cette question. Je pourrai toujours la reposer aux médecins spécialistes et, partant de là, on aura peut-être une réponse semblable ou différente. Je vous remercie, M. Laurin.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci. Le député semble se tromper de mémoire. J'espère qu'il posera la question au bon témoin. J'aimerais simplement remercier, au nom de ma formation politique, M. Laurin et M. Bazinet des précisions qu'ils ont apportées au projet de loi. Elles seront certainement utiles et j'espère que le ministre les prendra en considération lorsqu'il aura à décider des amendements à apporter au projet de loi. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie au nom des membres de la commission. Je suspends quelques instants, le temps de permettre à la Fédération des médecins spécialistes du Québec de s'installer à la table.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

(Reprise de la séance à 16 h 9)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je prierais M. Paul Desjardins, qui va être le porte-parole, de nous indiquer les personnes qui l'accompagnent. J'informe également les membres de la commission -d'ailleurs, M. Desjardins pourra l'expliquer -que nous avons, au mémoire 16M, un erratum et que nous avons un résumé du mémoire. M. Desjardins.

Fédération des médecins spécialistes du Québec

M. Desjardins (Paul): M. le Président, je vous remercie. M. le ministre, madame, messieurs les députés, je suis accompagné cet après-midi, à ma droite, de Me Roger

David, conseiller juridique de la fédération; du Dr Réal Lemieux, médecin orthopédiste; du Dr Denis Laberge, vice-président de la fédération; du Dr Marc Bouchard, trésorier de la fédération, et du Dr Louis-Philippe Durocher, médecin dermatologiste. À ma gauche se trouvent Me François Aquin, conseiller juridique; Me Patrick Molinari, conseiller juridique; le Dr Yves Breault, médecin physiatre; le Dr Serge Boucher, médecin pneumologue. La dimension de la table ne nous permettait pas de réunir le nombre d'experts que nous avons avec nous. Alors, derrière la table se trouvent le Dr François Laroche, médecin radiologiste, de même que le Dr Jean-Marie Albert, directeur des affaires professionnelles de notre fédération. Nous attendons encore l'arrivée du Dr Pomerleau, qui est médecin psychiatre, et du Dr Savary, médecin oto-rhino-laryngologiste.

Vous avez sans doute noté que notre mémoire contient trois annexes qui sont relatives aux maladies professionnelles: premièrement, les pneumoconioses; deuxièmement, la classification des maladies de la peau; troisièmement, une définition de l'asthme professionnel. Les médecins spécialistes qui m'accompagnent ont été d'un grand apport dans la préparation de ce mémoire et ils sont disponibles pour éclairer cette commission quant à leur discipline, si vous le jugez à propos.

J'ai préparé un résumé du mémoire que nous avons déposé il y a déjà quelques semaines, espérant synthétiser la pensée de nos 24 pages et favoriser de la sorte un échange dans les minutes que vous nous avez consacrées. Si tel n'était pas votre voeu, je suis prêt à éliminer le résumé et à passer à la lecture du mémoire.

Le Président (M. Jolivet): Si vous avez un résumé, nous entendrons le résumé, bien entendu.

M. Desjardins: L'introduction. Chargé d'un contenu idéologique puissant et sollicité par des enjeux sociaux souvent contradictoires, le régime québécois d'indemnisation des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles est particulièrement perméable à la critique des travailleurs et des employeurs. On ne saurait, par ailleurs, ignorer que le fonctionnement de ce régime repose en grande partie sur l'intervention des médecins spécialisés dans plusieurs disciplines. Or, l'intervention de ces médecins n'est pas dictée par des impératifs différents selon que leurs services sont requis par un accidenté du travail ou par un accidenté de la route. Dans tous les cas, la prestation de services de qualité est l'unique objectif et le rôle de celui qui fournit les services est déterminé par les mêmes devoirs et les mêmes droits. Puisque le Québec compte déjà un ensemble de textes législatifs encadrant la prestation, la disponibilité et le financement des services médicaux, le projet de loi doit s'inscrire de manière cohérente dans cet ensemble.

Dans le mémoire, on précise de quel projet de loi il s'agit. Après avoir lu et analysé le projet de loi 42, nous sommes d'avis que cet impératif de cohérence n'a pas été atteint, mais que, bien au contraire, tout se passe comme si on assistait à la création d'un régime de services médicaux niant des acquis importants.

De ce constat, nous tirons deux séries de commentaires portant respectivement sur le droit aux services médicaux et sur les examens et expertises. Premièrement, le droit aux services médicaux. L'article 132 du projet de loi est particulièrement illustratif de cette attitude qui consiste à faire d'un organisme d'indemnisation l'instance médicale suprême dans tout le champ des accidents du travail et des maladies professionnelles.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec s'oppose fortement à une telle conception du rôle de la commission. Il y a un paradoxe inquiétant lorsque le législateur proclame un droit en faveur des travailleurs mais, du même coup, en soumet l'existence même à la discrétion d'un organisme autonome. On pourrait rétorquer que l'octroi d'une telle discrétion est essentiel au bon fonctionnement du système d'indemnisation. Ce serait là bien faire ressortir l'ambiguïté de ce système et illustrer que la dimension économique l'emporte encore une fois sur la dimension humaine.

Aurait-on oublié, ou, pis encore, aurait-on voulu nier que les services médicaux sont dispensés par les médecins et qu'il n'est contesté nulle part que c'est à eux que revient la tâche de rechercher le rétablissement des malades, que ceux-ci soient victimes d'un accident du travail ou de tout autre traumatisme ou pathologie?

Accorder à la commission le pouvoir de substituer, à tout moment et à toute époque, son jugement à celui du médecin spécialiste constitue une prise en main de la santé des travailleurs et de l'exercice de la médecine qui ne nous paraît pas admissible. S'il convient encore de faire des distinctions entre la provenance des sommes d'argent requises pour assumer les soins de santé requis par les travailleurs accidentés ou victimes de maladies professionnelles, il y aurait certes des moyens de le faire sans mettre en péril la disponibilité, la continuité ou la qualité de ces soins. L'article 132 doit simplement être retiré du projet.

Cependant, nous réalisons les questions qui ont pu être posées et qui viennent à l'esprit. C'est dans le paragraphe suivant que nous tentons d'y répondre.

Il n'y a aucune raison qui justifie que la commission agisse comme juge et partie.

Ce serait là faire affront à un principe élémentaire d'équité et inviter l'injustice. Nous proposons donc que le projet de loi inclue un mécanisme d'arbitrage des contestations découlant des décisions de la commission quant à la prestation des services médicaux. Cet arbitrage serait conduit par un comité de trois membres désignés par la Corporation professionnelle des médecins ou, le cas échéant, des dentistes. La décision du comité lierait la commission.

Deuxièmement, les examens et les expertises. Il faut convenir que l'apport de la profession médicale est essentielle au fonctionnement de tout régime d'indemnisation des lésions corporelles. À cet égard, nombreux sont les membres de la Fédération des médecins spécialistes du Québec qui contribuent à cet apport. Nous n'ignorons pas qu'il a pu exister et qu'il existe encore certaines difficultés entre les médecins spécialistes et la commission au sujet, notamment, des demandes que celle-ci formule, de la transmission des informations et de l'utilisation des données médicales.

Ces difficultés ne sauraient être résolues par l'imposition de sanctions administratives et de sanctions pénales aux médecins qui ne satisfont pas parfaitement aux demandes exprimées par la commission. Curieusement, c'est pourtant ce que le projet de loi énonce aux articles 136, 272 et 277. Ce parti pris pour la répression écarte d'entrée de jeu l'harmonie des relations et l'esprit de collaboration.

Au surplus, force est de constater que la commission, dans la foulée du principe affirmé par l'article 132, conserve le monopole de l'initiative des demandes qu'elle peut faire à un professionnel de la santé. D'ailleurs le texte des articles 133, 134, et 135 est d'une confusion telle qu'il est difficile, voire même impossible, de situer les différents types d'apport qu'un médecin spécialiste peut fournir. Il y aurait donc lieu de réécrire en entier ces articles de manière à décrire clairement les rôles et les fonctions d'abord du médecin traitant, ensuite du médecin-examinateur et, finalement, du médecin expert.

Dans la mesure où ce cadre juridique sera adéquatement conçu, il ne nous semble pas approprié de laisser à la discrétion de la commission de requérir d'autres prestations de la part de ceux-ci. Le risque est en effet grand que la commission, pour des motifs dictés par une certaine perception de l'efficacité administrative, multiplie les demandes auprès des médecins qui se seront déjà acquittés de leur devoir de faire un examen ou de préparer une expertise.

De toute manière, il n'est guère utile de chercher à déterminer par un texte législatif quel doit être le contenu ou la modalité d'exécution d'un examen ou d'une expertise.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec demande que ces questions soient plutôt transmises à la négociation entre elle, agissant comme organisme représentatif des médecins spécialistes, et la commission. Tout porte à croire que ces ententes, reconnues et sanctionnées par un texte législatif et résultant de l'échange de vues sur les objectifs, les moyens, les besoins, etc., contribueront à créer un climat plus propice à l'apport des médecins spécialistes. Elles diminueront d'autant les motifs de friction entre ceux-ci et la commission.

Il n'en va pas autrement pour toutes les questions relatives aux honoraires, à leur paiement ainsi qu'à certaines modalités administratives. Depuis qu'il existe au Québec un régime public de paiement des honoraires pour les services rendus par les professionnels de la santé, c'est sur la base de la concertation avec les organismes représentatifs des différentes catégories de professionnels que la tarification des honoraires a été établie et a fait l'objet de révisions.

L'efficacité de ce système est aujourd'hui établie. La Fédération des médecins spécialistes du Québec ne saurait admettre qu'on y déroge à la faveur de la mise en place de régimes particularisés de services médicaux et que l'on permette à des organismes administratifs autonomes de décréter, par voie de directives ou autrement, des tarifs d'honoraires et de soumettre ces tarifs à des modulations circonstantielles.

Si la commission doit requérir les services de médecins spécialistes, on ne saurait admettre que ceux-ci soient tenus de satisfaire à toutes les demandes et exigences de la commission sans avoir la possibilité d'en discuter au préalable et, plus important encore, d'en convenir. Les actions autoritaires, même si elles sont dictées par des motifs justifiables, sont une cause d'irritants qu'il convient d'écarter.

Si la commission doit agir comme organisme payeur d'honoraires aux médecins, il ne convient pas que ce soit elle qui détermine seule l'étendue de ses obligations. À cet égard, le législateur devrait, pour des motifs évidents de cohérence, suivre le modèle qu'il a instauré dans le cadre du régime d'assurance-maladie.

En conclusion, il est impératif que les prestations médicales que requièrent les travailleurs leur soient fournies en conformité avec des obligations et des droits au moins équivalents à ceux qui s'appliquent aux services médicaux offerts à l'ensemble de la population. Ces obligations et droits, que ce soient ceux des bénéficiaires ou des médecins dispensateurs de services, constituent le seuil en deçà duquel on ne pourrait produire que des reculs. La Fédération des médecins spécialistes du

Québec, afin d'éviter la production de tels reculs, demande: 1. La suppression de l'article 132 du projet et la mise en place d'un mécanisme d'arbitrage médical des contestations découlant des décisions de la commission concernant les services médicaux. 2. La révision de toutes les dispositions relatives aux examens et aux rapports pour en soustraire les mesures répressives et préciser le cadre général du rôle du médecin spécialiste. 3. L'instauration d'un régime juridique de négociation portant sur les services médicaux aux fins de déterminer les droits et les obligations des parties intéressées. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Fréchette: Merci, M. le Président. Je voudrais, bien sûr, en guise de remarques préliminaires, remercier le Dr Desjardins ainsi que les membres de la délégation de la Fédération des médecins spécialistes qui l'accompagnent.

Évidemment, le Dr Desjardins nous a fait part d'un résumé du mémoire qui avait préalablement été soumis. Quant à nous, nous allons travailler, si vous le permettez, à partir du mémoire que nous avons reçu depuis déjà un certain nombre de jours. Ce mémoire, d'ailleurs, est fort clair. Il fait référence de façon très précise, très directe à un nombre de situations que vous avez clairement identifiées et avec lesquelles vous êtes sans doute appelés à vivre quotidiennement. Je vous signale que je suis très heureux que vous soyez là parce que vous êtes les hommes et les femmes de l'art avec qui un échange pourrait sans doute être le plus utile de tous ceux qu'on puisse espérer. Évidemment, l'objectif est d'arriver, ne serait-ce qu'au niveau des espérances, à pouvoir nous entendre sur un certain nombre de choses. À cet égard, quant à moi, je suis, encore une fois, tout à fait disposé à engager le dialogue - je pense que vous le souhaitez aussi dans votre mémoire - pour arriver à identifier précisément les choses sur lesquelles il y a possiblement des moyens de s'entendre.

Vous le soulignez avec beaucoup de justesse et d'à-propos dans votre mémoire, le sujet qui nous préoccupe maintenant est probablement le sujet qui préoccupe le plus tous ceux et toutes celles qui doivent régulièrement, quand cela n'est pas quotidiennement, "faire affaires" avec la commission. En fait, les conditions entourant la prestation de services médicaux font en sorte que nous entendons, autant du côté des employeurs que du côté des travailleurs, des représentations constantes quant à la nécessité d'améliorer le système dans lequel nous évoluons actuellement. C'est dans ce sens, quant à moi, que je souhaiterais que nous puissions engager le dialogue au cours des quelques minutes qui viennent.

À partir, comme je le disais il y a un instant, des représentations que l'on retrouve dans le mémoire que vous nous aviez soumis, j'apprécierais demander quelques éclaircissements sur des affirmations qui y sont sont contenues, sur des remarques qui y sont faites.

Par exemple, à la page 1 de votre mémoire, vous affirmez que le système de la santé et de la sécurité au travail est particulièrement axé autour de deux pôles bien précis, à savoir la prévention et l'indemnisation. Je pense que l'on retrouve au texte ce dont je viens de vous parler dans votre mémoire. Est-ce qu'il faut alors -là, je ne me réfère qu'aux mots qu'on retrouve dans le mémoire, et vous allez me comprendre aussi - à partir de cette affirmation, arriver à la conclusion que la réparation n'est pas aussi un pôle de capitale importance dans l'ensemble du processus que l'on connaît? Vous vous référez aux deux concepts de la prévention et de l'indemnisation; est-ce qu'on pourrait s'entendre ou est-ce qu'on ne pourrait pas échanger sur la perspective que les deux pôles de tout le système pourraient être la prévention et la réparation, étant entendu que la réparation inclut les deux concepts de la réadaptation sociale et de l'indemnisation? Ou bien est-ce que je lis mal? Est-ce que j'interprète mal ou si c'est effectivement ce à quoi vous faites référence?

Le Président (M. Jolivet): M. Desjardins.

M. Desjardins: Je demande à Me Molinari de donner la réponse, s'il vous plaît. (16 h 30)

M. Molinari (Patrick): M. le ministre, je pense qu'il s'agissait simplement là, si vous voulez, d'une formule de style pour dire combien la Fédération des médecins spécialistes était heureuse dans une certaine mesure de voir arriver enfin un projet de réforme du volet indemnisation de la santé et de la sécurité des travailleurs. C'est surtout dans ce contexte-là que nous avons dit que, depuis 1979, il existe des mécanismes articulés de prévention, alors que, depuis 1931, nous vivions avec une loi d'indemnisation qui commençait à être un peu vieille. Tout le monde était conscient de cela.

M. Fréchette: Remarquez que par présomption j'arrivais à cette conclusion, mais je voulais être tout à fait sûr que la conclusion était effectivement la bonne.

M. Desjardins: Votre présomption était bonne, M. le ministre.

M. Fréchette: Maintenant, toujours à partir de votre mémoire original, je veux me référer à ce que vous-même vous identifiez comme étant de la sémantique quand vous parlez, par exemple, de l'opportunité qu'il y aurait de remplacer les termes "professionnels de la santé" par les termes "médecins et dentistes". La préoccupation que j'ai à cet égard - et peut-être pouvez-vous la faire disparaître - est que les soins que requiert souvent l'état d'un travailleur ou d'une travailleuse accidenté peuvent être des soins qui sont donnés, je ne sais pas, par un pharmacien, un optométriste. Si on devait retenir la suggestion que vous nous faites de remplacer les termes "professionnels de la santé" et de les limiter à des références précises à "médecins et dentistes", j'essaie de voir comment on pourrait inclure dans cette définition les autres professionnels de la santé.

Le Président (M. Jolivet): M. Desjardins.

M. Desjardins: Ce qu'on voit comme danger là-dedans, M. le Président et M. le ministre, c'est effectivement une concordance qui a été faite avec la Loi sur l'assurance-maladie. L'expression "professionnels de la santé" est une expression qui existe dans la Loi sur l'assurance-maladie et qui regroupe les cinq catégories de professionnels que vous avez mentionnées ou que vous avez ajoutées à notre mention.

On se demande si vraiment le travailleur accidenté ou celui qui a une maladie professionnelle a besoin de ces autres professionnels au même titre qu'eux. Par ailleurs, ce qui nous inquiète, c'est l'évolution du vocabulaire. Au début, l'assurance-maladie parlait de la prestation de services médicaux, pour comprendre les services médicaux et dentaires. Par la suite, l'évolution nous a amenés aux termes "professionnels de la santé" regroupant, en plus des médecins et des dentistes, les pharmaciens et les optométristes. Dans un avenir encore plus récent, quoique la loi ne soit pas changée, le vocabulaire de la Régie de l'assurance-maladie dans le moment appelle tous ces gens les dispensateurs de services, de telle sorte qu'on puisse regrouper, en plus des travailleurs de la santé, toute une série d'autres personnes qui n'ont pas le titre de professionnel de la santé. Nous craignons qu'une évolution de ce genre, éventuellement, fera en sorte qu'il y aura tellement de monde pour s'occuper des travailleurs qu'il n'y aura presque plus de place pour les médecins et les dentistes.

Nous vous demandons, dans notre mémoire, de repréciser les termes, au chapitre de l'assistance médicale, quand vous parlez des soins médicaux, et d'appeler ceux qui dispensent des soins médicaux des médecins et des dentistes.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: Dr Desjardins, est-ce que, à partir de l'évaluation que vous venez de faire, il y a une suggestion que vous seriez en mesure de nous soumettre qui rejoindrait à la fois les objectifs que vous poursuivez en même temps que la préoccupation dont je viens de vous faire part? Est-ce qu'il y a une formulation, une façon d'arriver à rejoindre cet objectif?

Le Président (M. Jolivet): M. Desjardins. M. David.

M. David (Roger): On peut peut-être aborder cela de la façon suivante. Lorsque l'on regarde le spectre de ce qui se rattache à l'assistance médicale, on a compris jusqu'à maintenant que l'on aménageait le régime des soins à partir de l'intervention première d'un médecin qui agirait soit comme médecin traitant, soit comme médecin évaluateur. Un nombre important de professionnels peuvent venir se greffer au travail dans le cadre de l'équipe de soins. C'est vrai pour des orthophonistes et c'est vrai pour un nombre important de professionnels qui vont intervenir beaucoup plus souvent dans le domaine de cette loi que ne le feront ceux qui sont visés par la Loi sur l'assurance-maladie. On a donné l'exemple du pharmacien. Je pense qu'il est transparent que, lorsque l'on essaie de lire la disposition qui parle du professionnel de la santé chez lequel on transporte l'accidenté, la référence qui est faite au pharmacien est plus cocasse qu'autre chose. C'est dans cette perspective que l'on voulait une certaine précision. Au-delà de cette précision, qui pourrait être d'ordre académique, on pense qu'il est important de bien infléchir le type de relations qui doivent exister entre l'accidenté, son médecin traitant et les autres professionnels de la santé pour éviter, dans ce domaine du moins, des conflits interprofessionnels.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Desjardins: Est-ce que je pourrais...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Desjardins.

M. Desjardins: ...ajouter un tout petit commentaire à cela? À ce que je sache, la Loi médicale et la Loi sur l'optométrie ne prévoient pas qu'un optométriste puisse poser un diagnostic, établir et réaliser un plan de traitement. Il est en mesure de faire un

examen de la vue, mais il n'est pas en mesure de dire: Voici une pathologie ou voici un traumatisme et voici comment on doit en prendre soin, de telle sorte que - je pourrais consulter et vous donner une réponse ultérieurement - je ne vois pas d'emblée le rôle de l'optométriste dans un domaine où on parle d'un accidenté du travail ou de quelqu'un souffrant d'une maladie professionnelle. Par ailleurs, le pharmacien -quoique la nouvelle loi 27 permette à ce dernier d'être membre du Conseil des médecins et dentistes du centre hospitalier -est un professionnel de la santé qui exécute des ordonnances selon la teneur de l'ordonnance et qui est habilité à vérifier la compatibilité des médicaments et la façon dont la posologie peut être établie, mais, d'emblée, le pharmacien n'a pas à poser un diagnostic, à établir et réaliser un plan de traitement. Ce sera toujours un médecin ou un dentiste qui aura à le faire.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, est-ce que j'ai compris que le Dr Desjardins était disposé à nous fournir de la documentation additionnelle à cet égard? Ai-je bien compris que c'était cela?

M. Desjardins: Oui.

M. Fréchette: Bon! Je l'apprécierais quant à moi. Cela va nous permettre de pousser un peu plus loin la discussion.

J'ai une dernière préoccupation à cet égard. Est-il indiqué que le débat que nous avons entrepris et que nous sommes à faire actuellement se fasse dans le cadre du projet de loi 42? N'est-il pas plus indiqué de le faire à partir de représentations auprès du ministre responsable de la Loi sur les services de santé parce que c'est à l'intérieur de cette loi qu'on retrouve toutes les décisions. Enfin! C'est jeté sur la table pour le moment comme préoccupation, quitte à pousser un peu plus loin la réflexion.

Nous en arrivons maintenant à vos préoccupations quant aux dispositions de l'article 132. Je vous signale que les représentations que vous nous faites, on les retrouve presque régulièrement dans tous les mémoires que nous avons reçus jusqu'à maintenant. Il semble clair et évident que c'est l'objet d'une préoccupation profonde de tous ceux qui ont procédé à l'analyse de la loi. C'est pour cette raison que je souhaiterais, quant à moi, qu'on pousse la réflexion plus à fond sur les dispositions de l'article 132. D'abord, à la page 4 de votre mémoire, vous émettez l'opinion que l'article 132, tel qu'il est actuellement rédigé, élimine toute possibilité ou toute notion de contestation par l'une ou l'autre des parties qui ne serait pas satisfaite d'une décision et qui souhaiterait pouvoir entreprendre un processus de contestation. Ce que j'apprécierais savoir de vos conseillers juridiques ou, enfin, d'autres personnes qui pourraient émettre des commentaires là-dessus, c'est si vous n'êtes pas d'opinion que les dispositions que l'on retrouve aux articles 238 à 250 du projet de loi peuvent effectivement permettre la contestation que vous affirmez être niée dans votre mémoire. Là-dessus je voudrais avoir une opinion ferme parce que c'est effectivement préoccupant ce que vous avez plaidé devant nous.

Le Président (M. Jolivet): M. Desjardins.

M. Desjardins: Me Molinari, s'il vous plaît?

M. Molinari: Comme nous le soulignons dans le mémoire, M. le ministre, cette disposition n'est pas originale, en ce sens qu'effectivement...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, maître.

M. Molinari: Pardon?

Le Président (M. Jolivet): Pouvez-vous approcher le micro?

M. Molinari: Comme nous le signalons dans le mémoire, l'article 132 proposé est, en quelque sorte, une reprise de l'article 53 actuel ou d'un alinéa, je crois, de l'article 53, mais il est formulé d'une telle manière qu'il donne l'impression que la commission devient l'instance suprême, l'instance définitive des décisions à des fins, essentiellement, si nous comprenons bien, de prise en charge financière des services qui sont assumés par la commission plutôt que d'être assumés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Notre interrogation est la suivante, indépendamment des moyens d'appel qui pourraient exister de ces décisions qui soumettraient le travailleur à un long processus devant la Commission des affaires sociales, qui commence à manifester des délais assez longs dans l'audition des causes dont elle est saisie: Est-ce qu'il est opportun, indépendamment de l'existence de mécanismes d'appel, d'investir la commission d'une discrétion aussi vaste, aussi peu balisée sur la fourniture des services de santé et des services sociaux? C'est de là que notre interrogation a surgi et c'est de là que les questions se sont posées.

M. Fréchette: Je veux être certain d'avoir bien compris. C'est finalement - pas l'impression, ce n'est pas le terme exact -l'image que cela laisse à la lecture de

l'article 132 qui vous crée des problèmes et je comprends également que vous êtes tout près de concourir au fait que, sur le plan pratique des choses, les articles 238 à 250 permettent effectivement une contestation. Est-ce que je comprends bien? Est-ce dans ce sens que vous venez d'intervenir?

M. Molinari: Je comprends qu'il "pourrait" permettre.

M. Fréchette: Maintenant, sous réserve de discussion, toujours en relation avec l'article 132, il y a un certain nombre d'autres renseignements qui peuvent être utiles et qui peuvent éclairer notre discussion. Je comprends que l'article 132 fait en sorte que la commission est investie d'un pouvoir décisionnel. Est-ce que vous ne convenez pas - je vous le demande et vous le savez, vous autres, beaucoup plus que n'importe lequel d'entre nous autour de la table, probablement - que les décisions de la commission en cette matière sont fondées sur l'expertise du médecin du bureau régional qui, lui, s'est fait une opinion à partir des rapports que le médecin traitant lui a transmis et au besoin, sur l'évaluation par des médecins spécialistes de pratique privée? En d'autres mots, au-delà du texte qui est là, au-delà de l'impression ou de l'image que cela peut donner, est-ce que vous n'êtes pas d'accord pour dire que la décision de dernière instance en cette matière est basée, fondée sur des considérations d'ordre médical, à partir des différentes sources dont je viens de parler?

M. Desjardins: Ce ne semble pas être le vécu quotidien des médecins spécialistes, mais, pour vous donner des exemples et aller plus loin dans cette discussion, je demanderais au Dr Lemieux de prendre la parole. (16 h 45)

M. Lemieux (Réal): M. le ministre, il est évident que si ce que vous venez de dire était le cas, il n'y aurait jamais de problèmes de relations entre les médecins et la commission. Mais il reste que, lorsque l'on vit le quotidien des choses, les faits ne se passent pas exactement comme vous venez d'en tracer le portrait. Il est bien évident que, si on veut comprendre comment cela fonctionne... On a parlé de trois sortes de médecins: le médecin traitant, qui est le premier médecin à faire le diagnostic et qui donne les premiers traitements. Ensuite, on a parlé du médecin évaluateur. Si, pour la commission, à partir des renseignements qui lui ont été fournis par le médecin traitant, l'évolution ne semble pas concorder exactement avec le diagnostic qui est posé, à ce moment-là, la commission peut poser à un médecin autre que le médecin traitant certaines questions au sujet des traitements suggérés ou encore des lignes de conduite à tenir. En troisième lieu, le médecin expert, c'est celui auquel la commission va demander de voir un malade en expertise pour déterminer, premièrement, s'il y a possibilité de retour au travail et, deuxièmement, le déficit anatomophysiologique, ou encore l'incapacité persistante.

Ce qui se passe dans les faits, c'est que souvent le médecin traitant va émettre des directives et il faut prendre en considération que souvent le travailleur peut être en mesure de reprendre un travail, mais pas nécessairement le travail qu'il faisait. Il est évident que c'est là le gros problème. Souvent, ce qui arrive, c'est que le médecin qui le voit, le médecin régional, ne prend pas en considération ce fait. Souvent, sans connaître toutes les données - c'est bien sûr qu'un dossier rend certains faits, mais pas tous. Je pense que se baser sur un dossier pour retourner un patient à son travail, c'est injuste pour le travailleur. C'est là-dessus que les médecins ne sont pas d'accord, à savoir que les médecins des bureaux régionaux prennent des décisions sans voir un travailleur et sans prendre en considération toutes les données. D'abord, s'ils ne sont pas satisfaits et pensent que le médecin traitant, pour une raison ou pour une autre, ne tient pas compte des données, il reste les deux autres mécanismes à employer. C'est sûr qu'à la fin il va falloir qu'un médecin prenne la décision ultime. Mais on n'est pas d'accord que cela soit fait sans que le patient ou le travailleur soit vu et examiné. Si, à ce moment-là, il y a un désaccord entre le médecin et le travailleur, on recommande un conseil d'arbitrage à la toute fin. On pense qu'il y en aurait beaucoup moins si le processus était toujours suivi exactement.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Desjardins.

M. Desjardins: Si vous me permettez de donner un exemple simple, un bûcheron qui a mal au dos, cela peut être une petite incapacité, si on tente de le relocaliser dans un autre genre de travail. Si on le retourne à son travail de bûcheron, cela peut être une grosse incapacité.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: Je vous remercie, Dr Lemieux, parce que cela donne un éclairage qui complète la situation. Maintenant, on me signale que mon temps est terminé. Je vais laisser à mes collègues le soin de continuer d'obtenir de l'éclairage. Je reviendrai sans doute, si j'ai encore du temps à ma disposition.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Je voudrais, premièrement, vous remercier de votre mémoire. Je suis entièrement d'accord avec votre observation à savoir que le projet de loi donne à la CSST des pouvoirs discrétionnaires et unilatéraux. Je trouve impensable et inacceptable qu'un gouvernement veuille donner autant de pouvoirs à un tel organisme. Je vous cite, lorsque vous parliez de la commission, le fait qu'elle ait le pouvoir de substituer, à tout moment et à toute époque son jugement à celui d'un médecin spécialiste, c'est donner des pouvoirs inacceptables à un corps qui n'est pas spécialisé.

Lorsqu'on regarde l'article 132, M. le ministre, à cause des faits qui ont été révélés ici auparavant, à savoir comment le P.-D.G. de la CSST se retranche derrière un article, c'est-à-dire l'article 154 de la loi 17, on peut comprendre les appréhensions des gens qui viennent témoigner.

Cela dit, M. le Président, j'ai deux questions à poser aux médecins spécialistes. Vous vous opposez à ce que le projet de loi impose des honoraires, des délais et des rapports requis. Je comprends bien que la complexité d'un cas peut varier que l'on ne peut pas déterminer que cela prend 30 jours, ou 15 jours dans certains cas, pour qu'un médecin puisse remettre son rapport. Je suis aussi d'accord que ces éléments sont négociables. En tant que fédération, je crois que vous êtes habilités à négocier ces choses et qu'on n'aurait pas nécessairement besoin de les écrire telles quelles dans un projet de loi. Pourriez-vous nous indiquer quel serait le régime juridique de négociation et les grandes lignes que vous envisagez dans une telle entente?

Le Président (M. Jolivet): M. David, je crois.

M. David: S'il vous plaît. De façon très brève sur cette question. M. le ministre, tout à l'heure, s'est interrogé sur la responsabilité qui devrait être confiée à un ministère ou à une autre instance de transiger sur la question des barèmes de rémunération. Pour ce qui est de cette partie, je pense qu'on peut d'emblée retenir qu'il n'y aura pas d'obstacle prévisible, la tarification des deux régimes serait vraisemblablement la même. Par ailleurs, on doit mettre l'accent sur le fait que ce type de négociation recherché aurait précisément pour objet de définir, de concert avec la CSST, l'ensemble des mécanismes de concertation quant aux formules, aux rapports et aux échanges quotidiens dans certaines disciplines entre les représentants de la commission et les médecins spécialistes. Où doit être située l'assiette juridique? Parce qu'on n'a pas poussé une réflexion très profonde de ce côté-là, on peut répondre d'emblée que c'est le plus près possible de l'autorité de tutelle qui s'occupe de la Commission de la santé et de la sécurté du travail.

M. Cusano: D'une certaine façon, le projet de loi fait sauter le bureau de révision qui existe à la CSST. Ce matin, la Chambre de commerce de la province de Québec a déclaré qu'elle souhaitait que ce bureau de révision soit maintenu. Elle suggérait en même temps qu'on devrait y ajouter un médecin spécialiste.

Dans l'hypothèse que ce bureau de révision soit maintenu et que le ministre amène un amendement au projet de loi pour qu'il puisse continuer d'exister, je crois que votre présence serait impérative, surtout lorsqu'on traite de cas médicaux. Je ne vois pas quelle serait votre utilité lorsqu'il y a un litige sur autre chose, mais, lorsqu'il y a un litige sur une question médicale, votre présence serait impérative. Avez-vous abordé cette question? Comment voyez-vous votre rôle dans un tel bureau de révision?

Le Président (M. Jolivet): M. Lemieux.

M. Lemieux: II est évident que, pour nous - je l'ai expliqué tout à l'heure, le mécanisme par lequel cela devait se passer -le comité de révision est important. Il est important de deux façons: la première, c'est souvent pour amener une relation entre un fait accidentel et une maladie. Que ce soit une maladie ou encore un traumatisme arrivé au travail, que ce soit une maladie professionnelle, il est important qu'il y ait un médecin qui puisse apporter son expertise pour dire que tel fait accidentel ou telle maladie est relié à quelque chose qui s'est passé au travail. Dans les bureaux de révision actuels, où c'est souvent des médecins régionaux qui le font, malgré toute leur bonne volonté, il peut leur manquer souvent de l'expertise. Il devrait y avoir un médecin spécialiste qui soit un expert dans le domaine concerné. Il n'y a pas un médecin qui soit expert dans tous les domaines. Qu'on pense aux pneumoconioses et aux maladies professionnelles de la peau, il est évident que, même malgré tout son bon vouloir, un médecin régional ne peut pas être expert dans cela. Il serait absolument impératif qu'il y ait un médecin qui ait une expertise dans le domaine donné qui puisse faire partie de ce comité de révision qui, d'après moi, doit être conservé.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Oui, M. Desjardins.

M. Desjardins: De la même façon, si vous me permettez d'aller une étape plus

loin, notre fédération a demandé au ministre responsable d'étudier la possibilité qu'il y ait un médecin spécialiste au conseil d'administration de la commission pour les mêmes raisons que vous avez invoquées tantôt. La demande est très récente de telle sorte que je n'ai pas encore la réponse, la lettre doit être dans le courrier du ministre.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Viau.

M. Cusano: II faudrait ajouter avec votre demande, M. Desjardins, qu'il faudra encore apporter des amendements à la loi 17 pour donner des vrais pouvoirs au conseil d'administration. On a toujours entendu dire que ces gens qui siègent au conseil prennent connaissance des décisions du conseil de direction et qu'ils n'ont pas vraiment de pouvoir décisionnel. Je suis d'accord avec le fait qu'il devrait y avoir un médecin spécialiste là mais, si c'est seulement pour siéger sans avoir aucun pouvoir décisionnel, ce serait plutôt une perte de temps.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je prends bonne note qu'il y a du courrier qui m'attend et qu'une réponse devrait être donnée à ce courrier.

Je reviendrai, si vous me le permettez, M. le Président, à l'article 132. Beaucoup de représentations nous sont faites par rapport à son texte actuel, aux dispositions qu'on y retrouve. C'est sérieux comme perspective et comme décision à prendre. Je souhaite qu'on essaie de pousser cet exercice le plus loin possible.

Est-ce qu'il n'est pas correct d'affirmer que, dans plusieurs cas, le médecin traitant de l'accidenté peut ne pas être au courant de dossiers antérieurs, par exemple d'expertises médicales qui sont déjà au dossier de l'accidenté qui aurait été victime d'un premier accident? Est-ce qu'il est possible que le médecin traitant ne soit pas au fait d'un dossier d'hospitalisation antérieure, de rapports d'autres médecins? Si cela est possible, comment allons-nous concilier la situation suivante? Si la commission les a dans ses dossiers, ces différents renseignements dont je viens de vous parler, et que, par ailleurs, elle n'a pas de pouvoir décisionnel, comment pourrait-elle alors arriver à trancher, à partir des opinions qu'elle obtient, le cas d'opinions médicales totalement divergentes ou carrément contradictoires à partir de certains éléments qu'elle possède et que le médecin traitant, de toute bonne foi, peut ne pas avoir dans son dossier? (17 heures)

C'est là un aspect qu'il me semble important de considérer et j'apprécierais vous entendre là-dessus.

M. Desjardins: J'ai l'impression que je reviens sur le commentaire que je faisais à la présentation du résumé. C'est évident qu'il y aura souvent à l'avenir ce genre de situation contradictoire entre le médecin traitant, le médecin examinateur, le médecin expert, le médecin de la commission. Nous ne croyons pas que l'article 132 soit justifié de donner à la commission la possibilité de régler le problème. Cependant, pour en arriver à résoudre la difficulté que vous soulevez, nous croyons qu'il devrait y avoir un comité. Comme il s'agit là de trancher une question qui peut mettre en jeu -comme vous l'avez mentionné - le dossier antérieur, l'histoire d'un accident antérieur, des données qui appartiendraient au dossier médical que la régie a sur un accidenté d'aujourd'hui mais qui aurait eu des accidents antérieurs ou une maladie professionnelle d'aujourd'hui mais qui suit une maladie professionnelle identique ou une autre antérieure, la Corporation professionnelle des médecins du Québec est un organisme qui doit protéger le public et qui doit maintenir un élément de qualité dans la fourniture des services médicaux au Québec.

Si tel est son rôle vis-à-vis du public, on s'est dit, dans la préparation de notre mémoire: C'est d'emblée son rôle au niveau d'un groupe de citoyens qui sont les travailleurs et qui sont affectés d'une maladie professionnelle ou d'un accident. Nous voulons donc transmettre à la corporation professionnelle le mandat de venir régler ces problèmes de conflits ou d'opinions divergentes entre deux médecins ou deux groupes de médecins. Nous croyons qu'un comité de trois membres de la corporation professionnelle pourrait donner une opinion juste pour autant que cette opinion lie la commission.

M. Fréchette: Dr Desjardins, à partir des observations que vous venez de soumettre, est-ce que vous seriez en mesure de nous dire comment vous verriez la composition de ce comité? Vous parlez de trois membres, bien sûr. S'agirait-il de trois membres qui ne seraient mandataires de personne ou, alors, est-ce que vous pensez à la possibilité de retrouver à ce comité de trois personnes un professionnel qui représenterait le travailleur, un professionnel qui représenterait l'employeur et un troisième qu'on pourrait qualifier de neutre, qui présiderait en quelque sorte ce genre de comité dont vous suggérez la formation? Vous comprenez que cela aussi est important. Est-ce qu'on va finalement se retrouver devant une espèce de tribunal d'arbitrage médical à partir duquel il est facile de prévoir dès maintenant que les décisions

finales seront toujours prises à deux contre un? C'est facile de prévoir cela dès maintenant. C'est également facile de prévoir qu'on va se retrouver avec des gens siégeant là-dessus, qui ont peut-être des opinions quant à une situation bien précise. Ma question, aussi clairement que possible, sera la suivante: Comment ce comité de trois professionnels serait-il formé?

M. Desjardins: Un chose certaine, c'est que ce n'est pas la proposition que vous venez d'énoncer. Ce n'est pas ce qu'on veut. On pense que cela a déjà été essayé et c'est voué à l'échec. Par ailleurs, votre question suscite beaucoup d'intérêt. Les conseillers juridiques voudraient faire des commentaires. Me Aquin, voulez-vous prendre la parole?

M. Aquin (François): Je pense bien que la question du nombre ne doit pas nous laisser penser qu'on va tomber devant une organisation tripartite. Ce qu'il y a d'important, c'est que ce seraient des délégués de la corporation professionnelle qui ne seraient pas partie prenante. Nous pensons que, dans ce domaine, il est important d'avoir ce conseil d'arbitrage qui est un conseil d'arbitrage d'expertises médicales. On fait quand même une différence importante, lorsque la commission remplit une fonction d'indemnisation. Lorsqu'elle rend une décision sur l'indemnisation, je pense qu'elle est alors un tribunal approprié, qu'elle peut avoir sa jurisprudence, ses directives et ses principes. Lorsqu'elle décide de la nécessité, de la nature, de la suffisance et de la durée de l'assistance médicale, vous conviendrez avec moi qu'elle commence à s'éloigner grandement de la mission première qui lui est confiée par le Parlement. Dans notre système, qui décide généralement de la nécessité, de la nature, de la suffisance et de la durée d'un service médical? C'est le médecin. On a parlé d'un comité de trois membres, mais cela peut être un comité d'un nombre différent. Nous pensons important que ces membres soient nommés par la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

M. Fréchette: Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous, Me Aquin, que le nombre comme tel... Enfin, ce n'est pas tellement cet aspect qui doive retenir l'attention, mais le mandat très précis qui serait déféré aux gens qui composeraient ce comité. J'ai été rassuré d'entendre le Dr Desjardins nous dire que cela serait n'importe quoi, sauf ce à quoi je me référais. Déjà, c'est rassurant.

Maintenant...

M. Desjardins: Me David...

Le Président (M. Jolivet): Oui, monsieur...

M. Desjardins: Me David voudrait également faire un commentaire sur cette question.

M. David: Très bref, évidemment. À l'encontre de ce type de foire d'empoigne que pourrait être un tribunal d'arbitrage qui trancherait ce type de problèmes, on a l'impression que, si le comité était formé de délégués de la Corporation professionnelle des médecins, on pourrait tous obtenir ce que la commission recherche souvent, et parfois de façon maladroite. Dans quelles circonstances la commission intervient-elle pour mettre en cause la nécessité des soins qui sont donnés, lorsqu'elle est d'avis qu'elle est aux prises avec un médecin traitant complaisant? À notre avis, le type de comité indépendant que l'on propose, rattaché à la corporation des médecins, serait un garde-fou, tant pour la commission que pour le respect des droits de l'accidenté et du médecin traitant.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: Je pense que cela clarifie à tous égards la situation et que cela dissipe un certain nombre d'inquiétudes que j'avais en tête lorsqu'on a entrepris la discussion.

À un autre chapitre maintenant, mais toujours en relation avec l'application de l'article 132, est-ce que je suis fondé de dire - là-dessus, retenez la précaution que je prends - que, très souvent ou, enfin, dans plusieurs cas ou dans plusieurs dossiers, ce sont les médecins traitants eux-mêmes qui vont demander à la commission d'établir un diagnostic final? Est-ce que, à votre connaissance, ce sont des choses qui arrivent? Si ma question devait entraîner une réponse affirmative, est-ce que vous pourriez préciser pour quels motifs ce genre de situation existe?

M. Desjardins: Si vous permettez, je vais demander au Dr Durocher d'apporter l'éclairage nécessaire là-dessus.

M. Durocher (Louis-Philippe): Merci. Je pense qu'il y a différents aspects dans la question que vous soulevez. À certains moments, pour ce qui est du diagnostic précis, je pense qu'il est assez clair et compréhensible qu'un diagnostic en médecine spécialisée est fourni. Pour ce qui est des implications de la relation avec le travail, il peut arriver que le médecin traitant n'ait pas l'impression d'avoir nécessairement en main tous les éléments qui lui permettent de certifier cette relation. Il est possible, ne se sentant pas une obligation morale de le faire pour ramener son patient à la santé, qu'il préfère que d'autres intervenants au niveau

de la CSST, compte tenu de l'accès à certaines ressources d'information qu'ils peuvent avoir, soient appelés à statuer sur cet aspect.

Mais, pour ce qui est de l'aspect des diagnostics et de l'investigation des cas, le médecin traitant le fait généralement, je pense. Maintenant, il faut bien penser que, dans l'investigation des cas et dans la recherche de la cause étiologique, le problème n'est pas toujours facile. Ce n'est pas parce qu'un travailleur est employé dans tel type d'industrie que cela nous dit nécessairement de façon claire avec quels produits il est en contact. Ce type de recherche est souvent très accaparant. Les gens à rejoindre, pour obtenir ces informations, ne sont pas toujours facilement disponibles. Les informations qu'ils ont eux-mêmes ne sont pas toujours utiles. Souvent, on est pris derrière un blocage de formules brevetées ou quelque chose comme cela. Je pense qu'il est normal qu'à certains moments un médecin, dans un dossier, ne puisse pas, en tant que médecin traitant, aller plus loin. Il préfère que la commission statue. Mais ce n'est pas, je pense, au niveau du diagnostic.

M. Desjardins: Est-ce que je pourrais demander au Dr Lemieux et ensuite au Dr Breault de faire des commentaires là-dessus?

M. Lemieux: M. le ministre, pour répondre à vos préoccupations, il est bien évident que ce dont vous parlez n'est jamais le diagnostic. Ce que vous avez voulu souligner, je pense, c'est qu'il arrive que des médecins traitants consultent les médecins évaluateurs de la commission pour le retour au travail du travailleur. Mais je pense bien qu'il faut regarder les faits: le but primordial du médecin traitant est de traiter le travailleur pour ce pourquoi il vient le voir. Il est possible qu'à un moment donné le médecin traitant se rende compte que, pour lui, il ne semble pas y avoir autre chose à offrir à son malade. Il pourrait reprendre une certaine forme de travail. Le travailleur, lui, se voit confronté à deux faits. Le premier, c'est qu'il ne se considère pas à 100% rétabli pour reprendre le travail qu'il faisait auparavant. Deuxièmement, il se trouve aussi confronté au fait que, s'il prend une chance de retourner à son ancien travail, il ne puisse pas le faire et risque de perdre son emploi et de se retrouver devant rien.

Évidemment, le médecin traitant est pris entre l'arbre et l'écorce. C'est son patient. Il veut l'aider et ne pas nuire à la commission. Je pense bien qu'il ne se sent pas toujours prêt à livrer une bataille pour essayer de convaincre son malade en lui disant: Si tu retournes et qu'il t'arrive malheur, là, qu'est-ce que tu veux? À ce moment-là, je pense que, devant ce fait, le médecin traitant juge qu'il va le confier à un autre - en fait, ce sera un de ses pairs -qui ne sera pas impliqué du tout comme médecin traitant. Ce sera le médecin expert, lui, qui ne connaît pas le malade et qui sera peut-être plus objectif dans ce sens-là, car, quand on est médecin traitant, on n'a peut-être pas tous les éléments - vous en avez parlé tout à l'heure - et il peut manquer certains éléments au dossier. Quand vous êtes médecin expert de la commission, vous avez accès à tout le dossier. C'est pour cela qu'à ce moment-là le médecin traitant va se référer au médecin évaluateur pour prendre la décision finale, étant donné qu'il se trouve entre l'arbre et l'écorce parce que c'est son patient.

M. Fréchette: Dr Lemieux, dans la même veine, tenons pour acquis que le comité dont vous suggérez la formation est mis sur pied. Est-ce qu'à ce moment-là les préoccupations ou les éléments dont on a parlé... Le Dr Durocher a parlé de la possibilité de ne pas avoir tous les éléments en main et vous vous référez à d'autres situations qui peuvent exister. Si le comité dont vous suggérez la formation était effectivement mis sur pied, les mêmes problèmes n'existeraient-ils pas?

Le Président (M. Jolivet): M. Durocher.

M. Durocher: Un comité qui, à ce moment-là, aurait l'appui technique nécessaire, c'est très différent du médecin qui se débrouille avec son téléphone pour ramasser tout ce qu'il faut comme information. Vous savez très bien ce que c'est, de l'appui technique, vous en avez. Je pense que cela met le comité dans une situation tout à fait différente.

Le Président (M. Jolivet): Le Dr

Breault aurait quelque chose à ajouter.

M. Breault (Yves): Oui, je voudrais ajouter que, bien sûr, l'article 132 ne mentionne pas du tout l'aspect du diagnostic qui, je crois bien, est rarement contesté par l'employeur, qui ne connaît pas la médecine, et, souvent, par la CSST, non plus. En fait, ce à quoi nous nous référons et ce à quoi nous nous opposons dans l'article 132, c'est vraiment la façon actuelle de procéder de la commission. Je parle du vécu quotidien. Ce que la commission fait très souvent, c'est que, alors que nous suivons un malade - je parle de cas concrets d'aujourd'hui et d'hier - la commission après cinq, six semaines, pour une raison qu'on ne détermine pas, convoque notre malade, notre accidenté, celui à qui on donne des soins, celui qu'on suit - et voilà que le médecin expert décide que les soins sont terminés: Monsieur, vous allez travailler demain. (17 h 15)

L'accidenté se retourne et dit: Oui, mais j'ai un médecin qui me suit actuellement, qui me donne des traitements et qui m'a dit: Reste chez toi au repos. Le problème est le suivant: le gars qui est à la commission, qui a tout le dossier, a-t-il un avantage, parce qu'il a vu le patient une seule fois, sur celui qui a vu le patient à l'accident même, dans les jours qui ont suivi et qui l'a suivi deux, trois ou quatre fois, mais qui n'a peut-être pas - j'en conviens -tous les éléments à son dossier? Comment un médecin qui voit un accidenté une seule fois peut-il décider instantanément de la nécessité, de la nature, de la suffisance et de la durée de l'assistance médicale, alors qu'il n'a vu le patient qu'une seule fois? Je veux bien croire qu'il a le dossier, mais où est la concertation avec le médecin traitant? On ne lui a pas dit, on ne l'a pas informé par lettre que son patient serait convoqué à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Le médecin expert a retourné le patient le lendemain matin au travail sans avertir le médecin traitant. Qu'est-ce qu'on a? On a le lendemain, alors que le malade devait entrer, un accidenté en émoi qui vient nous dire: J'ai vu tel médecin hier, tel expert, et il m'a dit: Va travailler. Et il dit: Vous, docteur, que faites-vous là-dedans? Où est-elle, votre spécialité? Vous m'avez dit: Faites ceci, faites cela. Là est le problème. C'est la ligne de démarcation. À mon avis, il y a une usurpation du rôle du médecin traitant par l'application d'un tel article qui ne décrit pas des circonstances. En fait, on oublie, on omet totalement le médecin traitant.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: L'intervenant qui vient de s'exprimer a parlé de la pratique quotidienne, de choses qui, dit-il, ont été vécues hier, sont vécues aujourd'hui et seront vécues sans doute demain. N'est-il pas exact, par ailleurs - je ne suis pas en train de contester la description que vous venez de faire, mais c'est seulement pour ajouter aux informations dont nous avons besoin - de dire que, très souvent, il y a une communication qui s'établit entre le médecin traitant, le médecin du bureau régional pour procéder à l'évaluation d'un dossier et que, très souvent, à la suite de cette consultation, les deux professionnels peuvent en venir à un accord quant aux conclusions à tirer du dossier? Cela ne se fait-il pas dans la pratique?

Le Président (M. Jolivet): M. Breault.

M. Breault: Je pense qu'à une question simple une réponse peut être simple. Cela se fait, mais de façon extrêmement occasionnelle. Moi qui travaille à L'Enfant-

Jésus, à Québec, je reçois effectivement une fois par mois ou une fois tous les deux mois une lettre me demandant des détails supplémentaires, mais je peux vous donner deux noms, une patiente que j'ai vue ce matin et une hier. Ces patientes que je suis ont été évaluées la semaine dernière par la commission et les gens ont été retournés au travail en ce lundi qui était hier. En fait, où est mon rôle?

Le Président (M. Jolivet): Une dernière question...

M. Desjardins: Permettriez-vous...

Le Président (M. Jolivet): M. Desjardins.

M. Desjardins: ...une intervention du Dr Lemieux sur cette même question?

Le Président (M. Jolivet): Dr Lemieux.

M. Lemieux: Pour éclairer un peu M. le ministre, je voudrais lui faire remarquer que, quand le Dr Breault parlait de médecin expert, il ne parlait pas nécessairement d'un médecin qui est en pratique active et qui est convoqué par la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour lui demander de voir un patient. Je pense que ce qu'il voulait dire, c'est que cela arrive que certains médecins régionaux font justement ce que le Dr Breault a décrit, sans communiquer. On se réjouirait que le genre d'intervention dont vous parlez, M. le ministre, soit plus fréquent, mais, justement, on vient de faire une enquête à notre association, à savoir si ces demandes d'évaluation entre la CSST et les médecins orthopédistes étaient fréquentes et notre enquête, qui s'est faite presque partout dans la province, a fort bien démontré que justement cette relation n'existait pas ou à peu près pas. On a rencontré la CSST à ce sujet pour lui en faire part. Nous croyons que, si cela existait tel que vous l'avez décrit, il y aurait beaucoup moins de problèmes. Ce qu'on déplore, c'est l'absence de communication.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: Dr Lemieux, à partir, encore une fois, d'une présomption qui m'amène à une conclusion, ce serait une avenue à privilégier que ce genre de choses dont on vient de parler, c'est-à-dire le contact plus fréquent, la discussion plus fréquente et l'évaluation en commun d'un dossier.

Une dernière question, quant à moi. Aux pages 9 et 10 de votre mémoire, vous attirez également notre attention sur la

situation suivante et vous suggérez que l'obligation du médecin de fournir un rapport à la commission lorsqu'il y a lésion professionnelle soit reliée à la demande exprimée par l'accidenté (lui-même ou elle-même) de fournir ce rapport. En d'autres mots, c'est seulement lorsque le patient ou la patiente que vous traitez, que vous avez en cabinet le demanderait qu'un rapport devrait être acheminé à la commission s'il y a une présomption que ce soit un accident du travail. Dans d'autres cas, même si ce pouvait être un accident de travail ou une maladie professionnelle, si l'accidenté ne le demande pas, vous dites: II ne devrait pas y avoir pour nous d'obligation de fournir un rapport à la commission. Est-ce qu'on ne pourrait pas, théoriquement en tout cas, se retrouver devant l'éventualité suivante: À supposer que vous recevez un patient dans votre cabinet, vous évaluez qu'il y a eu accident de travail, mais qui n'a pas de conséquences en termes d'incapacité partielle, totale, temporaire ou permanente et que ce patient ne demande pas qu'un rapport soit fait à la commission; que, deux mois ou trois mois plus tard, vous revoyez le même patient et que, là il est en train de démontrer des signes d'aggravation de sa situation par rapport à la première visite qu'il vous a faite? S'il n'y a pas de rapport de transmis à la commission des constatations faites à l'occasion de sa première entrevue, comment la relation entre le fait matériel lui-même ayant occasionné l'accident et l'aggravation qui peut en résulter plus tard pourrait-elle se faire, sur le plan scientifique en tout cas, se concrétiser?

M. Desjardins: Si vous me permettez, je vois deux aspects à cette question. Sur le premier aspect, que je qualifierais de légal dans la relation entre le patient et le médecin, je vais demander à Me Molinari d'y répondre. Sur le deuxième aspect que je qualifierais de médical ou de scientifique, je vais demander au Dr Durocher de vous donner un exemple concret et d'en préciser la portée. Me Molinari.

M. Molinari: M. le ministre, les commentaires qu'on a faits en marge de l'article 134 étaient dans une large mesure fondés sur le libellé même de l'article 134, tel que proposé dans le projet qui impose carrément au professionnel de la santé - qui devrait s'appeler le médecin, croyons-nous -de divulguer à la commission toute lésion professionnelle. Cela suppose un certain nombre de choses. J'ouvre une parenthèse et je la referme. Cette obligation, ce devoir qui est fait aux médecins est assorti en cas de contravention d'une série de mesures, de sanctions particulièrement lourdes, administratives et pénales. Je reviens à l'article 134, donc, au principe de la divulgation obligatoire d'une lésion professionnelle. Il y a un certain nombre de situations qui peuvent se présenter. La plus fréquente et la plus simple est peut-être celle où le travailleur victime de l'accident, par l'intermédiaire peut-être de son syndicat, indiquera immédiatement qu'il entend se prévaloir des dispositions de la loi sur l'indemnisation. Cela ne pose pas de problème. Autre situation relativement fréquente, la commission, informée dans les délais qui s'imposent aux travailleurs d'une demande de prestation, demande au médecin de faire rapport. Je ne vois pas de problème, non plus. Là où il peut y avoir des problèmes, c'est lorsqu'on est devant un patient dont on ne sait pas bien s'il est ou non accidenté du travail. Je ne voudrais pas me prononcer sur le plan scientifique, c'est loin d'être de ma compétence. Il y a certainement des lésions professionnelles, des maladies professionnelles qui n'apparaissent pas en être à la vue du patient. Il peut aussi survenir des circonstances où le patient ne souhaite pas déclarer ou dire qu'il s'agit d'une lésion professionnelle. C'est son désir de faire en sorte que son médecin traitant ne divulgue pas... Or, il existe dans la législation québécoise un certain nombre de divulgations obligatoires de certaines maladies. On a toujours considéré cela comme des cas exceptionnels concernant la sécurité publique, concernant l'hygiène publique. Est-ce qu'on va ranger toutes les lésions professionnelles, toutes les maladies professionnelles dans cette catégorie et nier, au fond, le droit du malade de conserver la confidentialité de sa relation avec le médecin? C'est ce que suggère l'article 134, peut-être pas directement, mais c'est ce qu'il permet de faire. C'est contre cela que la Fédération des médecins spécialistes s'est élevée fortement.

Le Président (M. Jolivet): M. Durocher.

M. Durocher: Dans votre question, M. le ministre, vous faisiez clairement allusion à un fait accidentel. Mais je pense qu'il ne faut pas oublier tout l'aspect des maladies professionnelles.

Une voix: Cela inclut les deux.

M. Durocher: Je pense que vous l'avez inclus, c'est pour cela que j'y reviens. Une dermite aux mains, par exemple, lorsque le patient vient nous voir avec une dermite aiguë, le premier geste à poser est d'abord d'aider ce patient. La relation entre la cause et l'effet pourra ne venir que longtemps après. La peau, on la transporte 24 heures par jour et ce n'est pas nécessairement d'emblée qu'on peut dire qu'une dermite aux mains est une maladie personnelle ou

professionnelle. Quelqu'un qui exerce un métier et qui se sert de ses mains - ils sont fréquents, ces métiers - peut souffrir d'une dermite professionnelle ou personnelle. Cela peut prendre un certain temps... Actuellement, si ces cas sont rapportés à la CSST suivant les modalités prescrites, il n'est pas rare que l'on puisse se retrouver après quelques mois avec un cas pour lequel plusieurs rapports ont été soumis et qui, finalement, n'est pas accepté à la CSST. L'attitude la plus prudente dans ces cas-là est souvent de poursuivre le traitement et l'investigation jusqu'au moment où l'on atteint une certaine certitude sur la relation entre le travail et la maladie de l'individu. Maintenant, tel que libellé dans le projet de loi, nous n'avons pas cette latitude. Le cas devrait être, dès le début, déclaré avec toutes les complications administratives que cela comporte. Si, à l'inverse, on attend pour déclarer qu'effectivement c'en est un, on pourrait être soumis aux conditions d'amende qui sont incluses puisqu'on n'a pas fait la déclaration dès le début. Ce n'est pas vivable.

Le Président (M. Jolivet): M. Desjardins.

M. Desjardins: Avec votre permission, Me Aquin voudrait ajouter un commentaire sur cette même question.

M. Aquin: À l'article 134, dans l'optique développée par Me Molinari, je pense qu'on est devant une rédaction lacunaire. En fait, ce qu'on a dû vouloir dire, c'est le professionnel de la santé ou l'établissement de santé qui a traité un travailleur victime d'une lésion professionnelle qui réclame une prestation. Autrement, on est obligé de croire que nous sommes ici devant une exception totalement exorbitante à la Charte des droits et libertés de la personne, à l'article 9, qui pose le principe de la confidentialité des relations avec tous les professionnels du Québec.

M. Fréchette: Je vous remercie, Me Aquin, de cette mise au point. Je voudrais aussi retenir la suggestion qu'a faite - j'ai un peu de difficulté avec votre nom, je m'en excuse...

Le Président (M. Jolivet): Me Molinari.

M. Fréchette: Me Molinari. Vous avez suggéré que l'on pourrait essayer d'obtenir l'appréciation ou l'évaluation des syndicats à cet égard. Je vous signale, sans aucune espèce de réserve, que si toutes les parties impliquées dans le processus de la loi établissaient un consensus pour dire que, lorsque le travailleur ne demande pas que rapport soit fait à la commission, nous n'allons pas insister, c'est bien sûr. Nous n'allons pas insister. Et si, à cet égard, encore une fois, les syndicats ou les représentants d'associations de travailleurs accidentés étaient d'accord sur une suggestion comme celle-là, nous allons, de toute évidence la retenir. C'est très clair. Nous sommes conscients de ce qu'il y a là et l'objectif de notre exercice, c'est précisément d'arriver à essayer de trouver des solutions pour contourner ces difficultés. (17 h 30)

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le ministre. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: M. le Président, permettez-moi de vous féliciter pour votre mémoire, sa justesse et aussi sa clarté. Je ne m'attarderai pas au mécanisme du fonctionnement de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, mais de ce que vous nous avez dit dans votre résumé.

Vous nous dites à la page 3: "II faut convenir que l'apport de la profession médicale est essentiel au fonctionnement de tout régime d'indemnisation pour des lésions corporelles." C'est évident, je pense que tout le monde reconnaît ce fait. Je reviens à la page 1, deuxième paragraphe. "Après avoir lu et analysé le projet de loi 42, nous sommes d'opinion que cet impératif de cohérence n'a pas été atteint mais que, bien au contraire, tout se passe comme si on assistait à la création d'un régime de services médicaux niant des acquis importants." Voici ma première question: Dans le cadre de la loi 42, si elle était adoptée comme elle vous est présentée, quelle sorte de situation allez-vous être appelés à vivre, particulièrement en rapport avec les accidentés?

Le Président (M. Jolivet): M. Desjardins.

M. Desjardins: Ce qu'on a tenté de préciser ici - et prenons les deux bouts du texte que vous mettez ensemble, on élabore un peu notre pensée à la page 6 de notre mémoire lui-même - c'est qu'au Québec, depuis 1962, il existe une série de lois affectant les modalités selon lesquelles les services médicaux sont fournis à la population. Sur cette page, nous notons, entre autres, la Loi sur l'assurance-hospitalisation, la Loi sur l'assurance-maladie et la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ces trois lois n'existaient pas en 1931 quand il y a eu une première Loi sur l'indemnisation des lésions professionnelles. Or, à la lecture du projet de loi 42, on a un peu l'impression qu'on a pris la loi de 1931 et qu'on a tenté de l'adapter au Québec de 1985 sans pour autant prendre en considération l'existence des trois lois de 1962, 1970 et 1973, de telle sorte que nous prétendons qu'il y a un

manque de cohérence dans l'élaboration ou la modernisation de la loi 42 avec ce qui existe déjà. La question qu'on s'est posée, c'est à partir du fait qu'il existe un régime au Québec pour l'ensemble des citoyens qui vivent sur notre territoire. Pourquoi, ceux d'entre nous qui travaillent auraient-ils une autre sorte de régime moins bon par rapport à l'ensemble de la population? Ce qu'on essaie de savoir, c'est s'il est possible de mettre tout cela ensemble dans un paquet et d'articuler le projet de loi 42 avec les trois autres lois existantes et de réaliser le rôle du médecin? Ce qui nous frappe dans le projet de loi 42, c'est qu'il est sous-entendu qu'il y a un médecin quelque part qui fait quelque chose, mais c'est loin d'être clair. C'est pour cela qu'on demande de préciser le rôle du médecin et qu'on a défini trois sortes de médecins. On a dit: Précisons le rôle du médecin traitant, du médecin examinateur et du médecin expert et, après, pour l'ensemble des modalités d'application, qu'il soit créé une assiette juridique le plus près possible du ministre du Travail - parce que c'est lui le ministre responsable de la commission - qui fasse en sorte que la Fédération des médecins spécialistes du Québec puisse transiger avec la commission pour les modalités d'application.

M. Maltais: Alors, ce principe étant établi, si on allait un peu plus loin dans les modalités d'application, vous nous dites à la page 3: "Il n'y aucune raison qui justifie que la commission agisse comme juge et partie. Ce serait là faire affront à un principe élémentaire d'équité et inviter l'injustice". Lorsque vous parlez d'injustice, vous parlez d'injustice vis-à-vis d'abord de l'accidenté et de votre diagnostic par rapport à la commission, est-ce bien cela?

M. Desjardins: À l'article 132, ce dont on discute tout au long, oui.

M. Maltais: Je veux savoir, me référant au principe d'injustice, si ce n'est pas souvent le travailleur qui a à payer pour ce principe?

M. Desjardins: Bien oui.

M. Maltais: D'accord. Vous parlez un peu plus loin, avant l'article 132, aux articles 136, 272 et 277, qui sont un peu similaires, des punitions qui s'adressent à vous. Ici, c'est un principe maintenant établi au gouvernement actuel dans chaque loi, il y a des punitions. On l'a vu dans d'autres cas, dont le projet de loi 38. On indique les punitions. Si vous ne faites pas cela, on vous punit, vous les médecins spécialistes, puisque précisément on parle de vous. Est-ce que cela ne va pas à l'encontre de votre code d'éthique professionnelle? Vous avez un code, vous êtes régis par un code et une corporation qui, elle aussi, prévoit que si vous ne faites pas bien votre travail, vous allez être punis. Là, le ministre va vous punir aussi. Est-ce que cela ne va pas un peu à l'envers du bon sens, à toutes fins utiles?

M. Desjardins: Je ne peux que renchérir sur ce que vous dites. Le code de déontologie des médecins fait en sorte que les médecins sont obligés de s'y conformer, sinon, la corporation professionnelle est là, je l'ai dit tantôt, pour défendre le public et maintenir la qualité des services médicaux. La corporation est là pour réprimander ou punir ceux des médecins qui ne se conformeraient pas à leur code de déontologie. D'ailleurs, c'est pour cela qu'on demande le retrait de ces articles. C'est pour cela qu'on finit en disant: Comment peut-il exister une harmonie des relations et un esprit de collaboration avec des menaces de punition de cet ordre?

M. Maltais: Semble-t-il qu'il y a une phrase écrite sur le mur de pierre du bureau de la CSST et on le vit régulièrement comme députés, nous, chaque fois que nos commettants appellent là et que les gens se font toujours répondre la même chose, que le médecin n'a pas fait parvenir son rapport. S'il faut vous punir chaque fois que les agents nous disent cela, vous allez passer votre temps en prison. Il faut tout de même être logique. Dans ces articles dont vous demandez le retrait, ne pourrait-on pas du moins dans la loi se référer à votre code d'éthique à vous qui prévoit que si vous faites mal votre travail, que vous serez punis?

M. Desjardins: De toute façon, là n'est pas vraiment le problème. Les médecins n'ont pas avantage à ne pas fournir les renseignements. Les médecins n'ont pas avantage à ne pas remplir les dossiers correctement. Ce que nous tentons d'expliquer dans notre mémoire, c'est que, souvent, le médecin, pour fournir une opinion éclairée, doit demander des épreuves additionnelles; que ce soient des épreuves de laboratoire, que ce soit des épreuves d'audiologie ou toutes autres sortes d'investigation. Il ne peut pas soumettre son rapport avant d'avoir reçu l'ensemble de ces données. Avec la rapidité à laquelle on peut s'inscrire à un centre hospitalier pour avoir des épreuves, cela peut prendre facilement un mois avant que l'épreuve ne soit faite.

M. Maltais: Dr Desjardins, si cela prenait juste un mois avant que nos clients aient des réponses, on ne serait pas ici et on ne vous poserait pas cette question. Ce sont des dizaines de mois et des années dans

certains cas. Tout à l'heure, il y a un médecin - je ne me souviens pas de son nom, mais il a...

M. Desjardins: Le Dr Breault.

M. Maltais: ...dit une chose qu'on rencontre régulièrement dans le vécu quotidien. Le fait que les médecins soient confrontés avec le médecin traitant de la personne suscite des cas qui sont vraiment tragiques, en ce sens que le spécialiste ou le médecin de la CSST ne voit le patient qu'une fois et qu'un bon matin, après tant de mois, il est censé être mieux, mais le médecin traitant, qui le voit régulièrement, lui dit: Tu n'es pas capable de travailler? À partir de là, vous avez suggéré un genre de comité, pas paritaire, parce qu'on sait comment cela fonctionne, mais vous avez suggéré un genre de comité. Ce qu'il m'intéressait de savoir, pour l'accidenté, c'est de quelle façon il peut se démêler dans tout cela à l'heure actuelle. Est-ce qu'il va aller en conflit avec ce que le spécialiste de la commission lui dit ou s'il va aller en conflit avec ce que son médecin traitant lui dit? Dans la pratique, tous les jours, dès demain matin, ce cas va se reproduire. Il se produit tous les jours dans la vie courante. Comment voulez-vous que M. X se retrouve dans tout cela alors que vous-mêmes de la CSST, le médecin traitant etc., vous avez beaucoup de difficulté à vous retrouver dans le moment?

M. Desjardins: Le Dr Lemieux l'a expliqué un peu tantôt. Je vais lui demander de revenir là-dessus et de préciser à nouveau peut-être certains aspects.

M. Lemieux: II est évident, M. le député, que c'est un problème important. On le vit quotidiennement avec nos patients. Évidemment, vous, comme député, vous le vivez avec vos électeurs. C'est bien sûr que le pauvre patient se trouve démuni; il ne sait plus quoi faire exactement. Il est évident qu'actuellement c'est le médecin évaluateur qui lui dit de retourner au travail qui a la priorité. Alors, le pauvre patient n'a pas d'autre choix que de tenter de retourner au travail à moins qu'il ne survienne des faits nouveaux et qu'on puisse, à l'aide de ces faits nouveaux, éclairer...

Je pense que le problème va plus loin que cela. C'est que si cela se passait toujours comme cela, lorsque le médecin a examiné le client, soit, mais ce qui est encore pire, c'est quand le pauvre travailleur se voit retourné au travail sans même avoir été vu par un médecin et qu'il reçoit une lettre lui disant: Tu retournes au travail tel jour. Je pense que c'est dans ce temps-là qu'il est encore le plus en désarroi et c'est probablement dans ce temps-là qu'il va voir son député.

Évidemment, actuellement, je pense que, face à cela, c'est dans ce sens qu'on propose ce comité. Il y a quelqu'un quelque part qui a peut-être tort et peut-être que tout le monde a tort en somme. Mais, évidemment, vous avez la parole d'un médecin évaluateur contre la parole du médecin traitant. Ces deux spécialistes se demandaient pourquoi il pouvait y avoir divergence. Il a répondu à une partie en disant qu'il pouvait manquer des éléments à un; il peut en manquer à l'autre parce que le médecin traitant peut en avoir plus.

On a apporté aussi le fait qu'il est possible que le patient puisse reprendre un travail mais pas nécessairement le travail qu'il faisait. Je pense que c'est là le gros problème. C'est qu'il n'y a pas de réadaptation qui se fait actuellement. C'est là que le pauvre patient dit: Je ne peux reprendre mon travail. On sait qu'il ne peut reprendre le travail qu'il faisait avant. Il peut travailler, oui, mais faire une sorte de travail. S'il va à la commission et qu'on dit à celle-ci de le réadapter, on lui dit: Cherche-toi un travail et dis-le-nous quand tu en auras un.

Je pense que c'est là, possiblement, que ce comité pourrait agir avec un comité de réadaptation qui fonctionnerait vraiment à la CSST. Je pense que c'est une des choses qu'il va falloir privilégier.

M. Maltais: Merci, Dr Lemieux. Vous allez convenir avec moi aussi que toute cette brochette de spécialistes de différentes corporations que vous représentez ici, vous les avez dans les grands centres: Montréal, Sherbrooke, Québec. Donc, notre pauvre diable en région est obligé de se promener longtemps et je pense que son médecin traitant devrait avoir un petit peu plus de pouvoirs là-dedans.

J'en reviens à une autre question. À la page 13, vous dites: "De toute manière, il n'est guère utile de chercher à déterminer par un texte législatif quel doit être le contenu ou la modalité d'exécution d'un examen ou d'une expertise." Si je comprends bien, vous ne désirez pas qu'on encadre législativement un acte médical, finalement. Est-ce bien cela?

M. Desjardins: Ce qu'on souhaite, c'est une assiette juridique la plus près possible du ministre du Travail et grâce à laquelle la fédération pourrait discuter pour en arriver à convenir avec la commission de ce qu'est un examen ou une expertise. C'est ce qu'on essaie de dire. On prétend qu'il n'est pas nécessaire, pour le projet de loi, de prévoir tout cela. Ce que le projet de loi doit prévoir, c'est l'assiette juridique permettant, comme pour la Loi sur l'assurance-maladie, qu'un organisme représentatif des médecins

spécialistes - qui est la fédération - négocie avec le ministre des Affaires sociales pour la fourniture des services médicaux à l'ensemble de la population. De la même façon, on pense qu'il n'est pas nécessaire de définir, dans le projet de loi 42, ce qu'est l'examen d'un malade ou de quelqu'un qui est atteint d'une lésion professionnelle mais de créer tout simplement le mécanisme juridique selon lequel le ministre du Travail peut transiger avec la Fédération des médecins spécialistes. (17 h 45)

M. Maltais: Vous nous dites, à la page 5 du résumé que, lorsque la commission requiert les services d'un spécialiste, vous ne voulez pas être soumis continuellement aux exigences de la commission. Finalement, si on incluait cela dans un projet de loi, encore là, ce serait un manque à votre code d'éthique parce que, finalement, c'est votre patient qui vous intéresse en premier et non pas les exigences ou les obligations de certains fonctionnaires. Je pense que vous êtes responsable, d'abord et avant tout, de votre patient et je verrais très mal qu'une loi vous oblige à produire des rapports que l'on pourrait qualifier de tendancieux envers votre patient et qui favoriseraient la CSST. C'est un peu ce que vous voulez dire ici. Si ce n'est pas cela, ne vous gênez pas, dites-le-nous. Mais, si c'est un peu cela...

M. Desjardins: Notre pensée n'allait pas jusque-là, mais remarquez que cela se situe dans le même ordre d'idées que ma réponse précédente. La fin de la phrase est "...sans avoir la possibilité d'en discuter au préalable et, plus important encore, d'en convenir". On pense qu'il y a un ensemble de dispositions -permettez-moi de les qualifier - d'ordre administratif dans la relation du patient, du médecin, de la commission, de l'employeur et du syndicat qui peuvent facilement être réglées hors du projet de loi. Ce que nous demandons, c'est d'avoir l'assiette juridique pour le faire. Aujourd'hui, si nous voulons tenter de régler une procédure administrative, nous devons demander le plus poliment possible à la commission de bien vouloir nous parler. La commission peut dire oui ou non.

M. Maltais: Mais vous dites: "Les actions autoritaires, même si elles sont dictées par des motifs justifiables, sont une cause d'irritants qu'il convient d'écarter." Je pense bien que seuls les sourds ne pourraient pas comprendre. Vous dites que vous n'allez pas si loin dans votre pensée, mais je pense qu'on retrouve là un petit peu de votre irritation à l'égard de ce projet de loi.

M. le Président, est-ce que vous permettez que mon collègue de Sainte-Anne continue sur mon temps pour poser deux petites questions rapides?

Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas de problème. Le député de Prévost aura aussi une petite question. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Mais les siennes ne sont jamais petites. Rapidement, je voudrais demander au Dr Desjardins si le ministère vous a consultés avant de préparer ce projet de loi.

M. Desjardins: Non, M. le ministre. M. Polak: Je ne suis pas ministre. M. Desjardins: M. le député.

M. Polak: Je suis content que vous donniez la réponse devant mon whip.

M. Pagé: Cela peut cependant venir.

M. Polak: Deuxièmement, quand on prend l'article 133, deuxième paragraphe, qui dit: "Cependant, l'employeur ne peut exiger plus d'un examen semblable par mois", pourriez-vous m'expliquer comment vous interprétez cet article? Théoriquement, un employeur qui voudrait rendre la vie très dure à un employé pourrait insister sur un examen par mois au minimum. Qu'est-ce que cela veut dire à votre point de vue? Est-ce qu'on ne devrait pas limiter le nombre d'examens tout court?

M. Desjardins: Es-tu capable de donner un exemple d'un examen par mois?

M. Lemieux: M. le député, je ne pense pas que, s'il y a communication et tous les mécanismes qu'on a suggérés, cela cause des problèmes. Il y a certaines pathologies qu'on sait d'emblée qu'elles vont durer trois ou quatre mois. Je prends une fracture de la jambe. On sait d'avance et tout le monde s'entend pour dire que c'est au moins trois ou quatre mois.

Il y a d'autres problèmes qui sont beaucoup plus compliqués. Je pense aux problèmes de dos, de genoux, de certaines maladies de peau qui peuvent demander un suivi beaucoup plus régulier. On ne voit pas d'un mauvais oeil, si on pense qu'on doit voir ces patients une couple de fois par mois, que l'employeur demande lui-même qu'ils soient vus deux fois par mois par leur médecin. Je pense bien que, s'il n'y a aucun mécanisme en place, le travailleur peut penser qu'il est talonné par son employeur à ce sujet, s'il sait qu'au bout du compte il n'aura rien sur quoi s'appuyer pour se défendre si jamais il pense qu'il n'a pas eu justice. Je pense que le problème n'est pas là, mais que le travailleur sache qu'au bout du compte, s'il pense qu'il n'a pas eu justice, il puisse se rendre quelque part pour tenter d'obtenir

justice. Si on fait disparaître le comité de révision et qu'il n'y a pas d'autres mécanismes en place, dès le départ, le travailleur va se sentir défavorisé.

M. Polak: Dernière question. Vous parlez de remplacer cet article 132 par un mécanisme d'arbitrage. Est-ce qu'il y a d'autres juridictions où un tel système fonctionne? Est-ce qu'il y a un système qui existe ailleurs et qui fonctionne mieux que le problème qu'on a? Tout le monde sait qu'il y a beaucoup de problèmes ici au Québec. Par exemple, quelle est l'expérience constatée en Ontario ou dans l'État de New York? Est-ce que c'est beaucoup mieux qu'ici et quel est le système?

M. Desjardins: Je m'excuse, je ne suis pas capable de répondre.

M. Molinari: Si vous me permettez, M. le député, avec les délais qui nous étaient impartis pour la préparation du mémoire, on n'a pas eu le temps de mandater des commissions rogatoires pour aller voir l'état du droit dans les différentes provinces canadiennes ou, à la limite, dans les différents États américains de sorte que je ne pourrais pas répondre. Je ne pense pas qu'on puisse répondre à votre question.

M. Polak: Vous parlez de mécanismes d'arbitrage. Vous n'avez pas vérifié si cela existe ailleurs et si cela marche très bien ailleurs? Ce n'est pas très difficile de vérifier cela.

M. Desjardins: II est possible de vérifier cela, si vous le voulez, et de vous donner une réponse.

M. Polak: Je voudrais juste savoir si cela existe. D'accord.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Prévost.

M. Dean: Merci, M. le Président. Brièvement, en parlant de votre comité d'arbitrage médical, vous avez dit tantôt que ce n'était pas important, trois, ou que le nombre n'était pas important, mais le nombre pourrait-il aller jusqu'à inclure un médecin spécialiste? Dans ce sens, sans vouloir contrôler le coût, on n'est pas pour dire que cela coûte cher, un médecin spécialiste, mais ce qu'on peut dire, c'est que trois, cela coûte trois fois plus cher qu'un. Votre flexibilité sur le nombre pourrait-elle aller jusqu'à dire qu'il y a un médecin qui fait partie de ce comité?

M. Desjardins: Avec vos mathématiques, je pense qu'on ne peut pas s'y opposer.

M. Dean: Bon!

M. Desjardins: Je crois que le chiffre n'est pas important. La corporation pourrait peut-être, dans certaines situations, juger opportun qu'il y en ait plus d'un, selon la sorte de litige ou la sorte de cas, mais il n'y a pas de problème réel à ce que ce soit un comité de un plutôt qu'un comité de trois ou de cinq.

M. Dean: Accepteriez-vous que ce même comité ait une autorité décisionnelle dans les cas d'indication douteuse ou discutable d'intervention chirurgicale, par exemple, à la suite d'un accident de travail?

M. Desjardins: Je ne vois pas pourquoi ce comité ne pourrait pas prendre une décision, pour autant que cette décision lie les deux parties.

M. Dean: Bon! Une dernière question, et là je vais vous mettre en dialogue avec un des groupes qui vous a précédés devant la commission parlementaire ce matin, à savoir la Chambre de commerce de la province de Québec. À la page 11 de son mémoire, elle dit, entre autres, que le gouvernement est allé trop vite avec le projet de loi 42; pourquoi ne pas attendre que toutes les dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail soient en vigueur? Et là, je cite: "II y est prévu, par exemple, qu'un médecin sera choisi par établissement pour mettre sur pied des services de santé. Un accidenté pourrait tout d'abord être examiné par celui-ci tout en conservant la possibilité d'aller voir le médecin de son choix, afin qu'un médecin de l'établissement puisse se prononcer sur la plausibilité d'un accident du travail. Ce médecin devrait être en mesure de connaître les conditions de travail dudit établissement." Je vous demanderais de commenter des suggestions de ce genre. Qu'en pensez-vous?

Le Président (M. Jolivet): Dr Durocher.

M. Durocher: Si on regarde présentement l'implantation des mécanismes d'intervention dans les établissements qui découlent de la loi 17, on se rend compte rapidement qu'il est vrai qu'un médecin est accordé dans un établissement actuellement dans le secteur prioritaire 1, mais il faut penser que ce médecin a plusieurs établissements à couvrir et que ce n'est pas spécifiquement dans tous les établissements l'intervention unique d'un médecin, mais cela peut être une intervention d'une équipe médicale, d'une infirmière, d'un hygiéniste. Penser que, rapidement, dans de nombreux établissements du Québec, il y aura un médecin présent sur place lorsque se produira un accident, c'est hors de la réalité.

M. Dean: Merci.

Le Président (M. Jolivet); M. Desjardins.

M. Desjardins: La position de notre fédération là-dessus, c'est de privilégier le contact entre l'accidenté et son médecin traitant. Que ce médecin traitant soit un omnipraticien ou un spécialiste, c'est de privilégier le contact entre cet accidenté et un médecin traitant.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci. Très brièvement. Je dois m'excuser auprès des honorables professionnels de la santé, les médecins spécialistes, qui viennent témoigner cet après-midi, de n'avoir pu assister au début de la présentation de leur mémoire, quoique je les ai écoutés, grâce à la télévision, à mon bureau.

J'aurais une brève question à poser au Dr Lemieux. Les statistiques et les documents internes de la Commission de la santé et de la sécurité du travail indiquent que le nombre de réclamations comme conséquence des maux de dos a augmenté en flèche depuis 1976. Je n'ai pas les chiffres devant moi, je m'en excuse, mais si ma mémoire est fidèle, c'était une augmentation de près de 400%.

D'ailleurs, des documents internes de la commission, auxquels j'avais déjà eu l'occasion de faire référence ici à l'Assemblée, au moment de l'étude des crédits, indiquaient une certaine inquiétude de la commission à cet égard. J'aimerais poser une question au Dr Lemieux, qui est orthopédiste. À la lumière de votre expérience, du vécu quotidien de la part des orthopédistes du Québec qui ont à traiter de tels cas, que pourrait-on faire pour assumer un meilleur contrôle à ce chapitre? Est-ce que, par la science, est-ce que, par le développement de la technologie, est-ce que par la recherche dans ce premier volet santé, des choses utiles pourraient être faites à la commission dans ce sens et quelles sont ces choses utiles qui pourraient être faites de façon à s'assurer que la réclamation qui est présentée pour un tel mal est justifiée?

Le Président (M. Jolivet): Dr Lemieux.

M. Lemieux: Pour répondre à M. le député, je voudrais d'abord lui souligner que cette augmentation ne se voit pas seulement dans les cas d'accidentés du travail. On le voit aussi chez les autres personnes en dehors des accidents de travail. On peut vous dire, que le nombre de cas de maux de dos, accuse peut-être chez les accidentés du travail une augmentation beaucoup plus sensible et beaucoup plus rapide que chez les autres. C'est un fait. On ne peut pas le nier, je pense. Ce rapport interne est ce qu'il y a de plus exact. Évidemment, ce qui peut être fait, je pense bien, c'est là que la prévention entre le plus en jeu. Cela nous surprend toujours de voir, dans la population - même pas celle des travailleurs - celle des sportifs qui pourtant sont reconnus pour être des gens en forme, comment ces gens-là ne sont pas préparés pour prévenir des maux de dos. Je pense bien que le premier point, ce serait un travail de prévention, mais ce n'est pas facile. Quand on voit des gens, des accidentés du travail et qu'on essaie de leur expliquer qu'il leur faudrait un programme d'entraînement, d'exercices à suivre, de précautions à prendre pour leur dos, ce n'est pas facile à obtenir. Évidemment, il y a d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte: l'obésité et le genre de travail.

Quand je parle de prévention, ce serait, ni plus ni moins, une espèce de retrait préventif. On sait que des gens qui sont blessés au dos, s'ils retournent au même travail qu'ils faisaient auparavant, vont encore se blesser et cela va venir augmenter le nombre des blessures au dos. Mais il est évident que ces personnes, si on n'est pas capable de les orienter ailleurs, vont prendre le risque de retourner à leur travail et vont subir une deuxième, une troisième ou une quatrième récidive, ce qui fait augmenter en flèche... Il n'est pas rare qu'on voie une deuxième, une troisième ou une quatrième récidive de maux de dos. Il y en a qui récidivent tous les ans et les récidives sont un facteur important dans l'augmentation du nombre de cas de maux de dos. Ce sont peut-être même les cas les plus fréquents qu'on voit, des récidives de maux de dos. Je pense que le premier point, c'est la prévention. Mais ce n'est pas facile, autant pour les médecins, les médecins de santé communautaire que pour la CSST, d'entreprendre ce programme parce que ce n'est pas toujours suivi. (18 heures)

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Cela répond partiellement à ma question. Je comprends qu'il y a beaucoup de travail à faire au chapitre de la prévention. Et, à cet égard, j'apprécierais que vous nous informiez ou que vous nous donniez votre appréciation sur le travail de la Commission de la santé et de la sécurité du travail à ce chapitre spécifique de la prévention au volet des maux ou des maladies du dos.

On sait qu'il y a des critiques et qu'il y a des interrogations, à savoir si la réclamation présentée est bel et bien le résultat d'un accident, etc. On doit comprendre toutefois que le médecin ou le

spécialiste, dans le cas de doute, doit évidemment donner le crédit ou le bénéfice de ce doute à l'accidenté lui-même, parce qu'on ne pourrait pas se permettre de faire en sorte qu'une personne souffrant d'un mal de dos puisse être obligée de retourner au travail, etc. En termes scientifiques, en termes de recherche, est-ce qu'on peut présumer ou espérer que des moyens de contrôle plus efficaces pourront prévaloir? Si oui, dans quel délai, et qu'est-ce qui se fait?

M. Lemieux: Pour vous répondre plus spécifiquement, il est sûr que, chez les patients qui présentent des malformations, il y en a qui ont des prédispositions à avoir des maux de dos. Il y a toutes sortes de malformations et il y a ensuite la stature physiologique du patient. C'est bien entendu que, dans ce domaine, il y a beaucoup de choses qui pourraient être faites. Si, avant d'employer un travailleur dans une position où il va avoir à forcer et à fournir des efforts, on lui faisait passer des radiographies et si on poussait l'investigation d'une façon plus importante, il y a beaucoup de gens qui seraient éliminés et on éliminerait évidemment beaucoup de maux de dos qui surviennent par la suite. Ces gens y sont prédisposés presque à coup sûr et on peut dire qu'avec tel genre de travail, ils vont avoir mal au dos ce ne sera pas long. Mais il y a toujours le facteur du coût qui entre en ligne de compte. Je pense bien que la recherche n'est pas faite apparemment à cause des coûts que cela imputerait. Si vous recourez à une investigation, il n'y a pas seulement la radiologie, il y aurait d'autres tests qu'il faudrait faire et il faudrait même pousser cela des fois jusqu'à des tests plus importants comme la tornographie axiale qui est le nouvel instrument le plus sophistiqué de l'heure, mais tout cela engendre des coûts importants. Ce sont ces deux facteurs. Cela coûterait peut-être moins cher de le faire que cela peut coûter une fois que le travailleur est blessé. Il faudrait peut-être faire une étude à ce sujet pour dire: Si on faisait cela, quelle différence cela coûterait-il une fois que le travailleur est blessé? Mais on n'a pas de chiffres pour dire le coût de ce travail et de cette prévention. Ce serait d'après moi, moins dispendieux que ce que cela coûte, parce que les maux de dos coûtent très cher.

M. Pagé: II n'y a pas seulement le capital financier, il y a le capital humain qui est important. Il y aurait peut-être...

M. Lemieux: Cela va de pair.

M. Pagé: ...une économie de piastres et de cennes, mais quelle économie cela pourrait-il donner en termes de traumatisme et de perte d'emploi, de mutation, etc?

J'avais une autre question aussi à laquelle vous n'avez pas répondu, c'est votre appréciation du travail qu'effectue la Commission de la santé et de la sécurité du travail au chapitre de la prévention dans ces cas. Ce qu'elle fait, est-ce bien ou si ce n'est pas bien?

M. Lemieux: Nous ne sommes pas en mesure de répondre à cela, parce que nous n'avons pas connaissance... en tout cas, il n'y a pas de travailleurs qui nous disent qu'il y a eu du travail de fait en ce sens. Il y en a peut-être mais...

M. Pagé: ...pas à votre connaissance.

M. Lemieux: Je ne le sais pas, s'il y en a vraiment qui est fait.

M. Pagé: M. le Président, si vous me permettez une dernière question...

Le Président (M. Jolivet): Une dernière question, d'accord.

M. Pagé: ...au Dr Pomerleau. Il n'est pas ici. J'aurais bien aimé... Je m'excuse, par contre, je vais la poser à...

M. Desjardins: Vous pouvez peut-être poser votre question, si on est en mesure d'y répondre...

M. Pagé: Pardon?

Le Président (M. Jolivet): Non.

M. Pagé: Non, non. Si j'avais su qu'il n'y était pas, je n'aurais pas souligné son absence, je n'y étais pas au début, je m'en suis excusé d'ailleurs. J'aimerais poser ma question au Dr Desjardins. Lors de l'étude de la loi 17, je me permets cette question, ce n'est peut-être pas directement relié au présent projet de loi, mais, par incidence, cela peut l'être et cela saura certainement intéresser mes collègues, il y a plusieurs groupes qui sont intervenus pour nous indiquer la meilleure ou les meilleures façons d'éliminer à la source les risques d'accidents de travail. Je me rappelle entre autres un mémoire qui avait été présenté par un groupe de professionnels de l'hôpital Saint-François-d'Assise, ici, à Québec, qui avait étudié en collaboration avec d'autres établissements de santé de la région de Québec le problème de l'alcoolisme en milieu de travail. Leur documentation, leurs enquêtes, leurs études tendaient à démontrer très sérieusement que le problème de l'alcoolisme pouvait être une cause importante d'accidents en milieu de travail. On se rappellera que le ministre Marois nous avait à ce moment fait part de toute sa réceptivité à l'égard de cette question. On

se rappellera de plus qu'il nous avait répondu que la Commission de la santé et de la sécurité du travail recevrait finalement le mandat d'intervenir à ce chapitre. L'honorable président de la Commission de la santé et de la sécurité du travail était ici au mois de décembre. J'ai eu l'occasion de lui poser la question pour savoir ce qui avait été fait. Je lui ai demandé si cela était jugé prioritaire, s'il y avait des budgets de recherche qui étaient consacrés à cette question. On m'a répondu qu'à la commission il ne s'était rien fait et que la commission s'appuyait finalement sur les établissements de santé qui sont maintenant associés à la commission dans cette démarche pour mener à terme la loi 17.

Quelle est votre appréciation sur ce qui se fait dans le monde de la santé à l'égard de l'alcoolisme en rapport avec les accidents du travail, Dr Desjardins?

M. Desjardins: Si vous me permettez, je vais demander au Dr Albert, qui est directeur des affaires professionnelles à l'intérieur de notre fédération de répondre. Je vous souligne, premièrement, qu'il est psychiatre et, deuxièmement, qu'il est extrêmement intéressé, à l'intérieur de notre fédération, à ce problème chez les médecins et, de là, à ce qui existe, dans notre société québécoise, canadienne, nord-américaine, pour la prévention, le diagnostic, le traitement et la réhabilitation. Avec ces coordonnées, le Dr Albert voudra peut-être essayer de vous répondre?

M. Albert (Jean-Marie): M. le Président, je vais essayer de donner une réponse simple. Les coordonnées sont trop impressionnantes. M. le député, ma réponse est qu'à mon avis - et c'est l'avis de plusieurs - l'alcoolisme est le problème de santé no 1 de nos sociétés modernes. Je ne parle pas des travailleurs, je parle des effets sur le manque à gagner. Enfin, je vais laisser aux élus le soin de se débrouiller avec cette partie du problème.

Donc, pour situer ma réponse dans le domaine du travail, c'est évident que c'est un problème extrêmement important.

M. Pagé: Qu'est-ce qui s'est fait?

M. Albert: II se fait des choses. Je ne voudrais pas avoir la prétention d'être un expert. Il y a des industries qui ont des programmes, mais je pense qu'ils en sont encore à leurs balbutiements. Des efforts on été faits, dans la prévention de l'alcoolisme en général dans notre société. Je ne parle pas seulement pour les travailleurs. Il ne faut pas oublier la femme qui est chez elle et qui développe l'alcoolisme parce qu'elle est seule. Pour n'importe qui, c'est un problème extrêmement important.

À mon avis, on fait très peu dans ce domaine, en ce moment, et pas seulement au Québec, mais partout. À votre question, je réponds par une grande généralité qui englobe la spécifité.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Je remercie donc M. Desjardins et ses collègues d'être venus devant cette commission, et ce, au nom des membres de la commission. Je vous rappelle que nous reprendrons nos travaux à 20 heures avec la Centrale des syndicats démocratiques. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 10)

(Reprise de la séance à 20 h 15)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons recommencer les travaux de la commission élue permanente du travail qui se réunit aux fins d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Au moment où nous avons terminé nos travaux à 18 heures, nous avions mentionné que nous reprendrions à 20 heures avec la Centrale des syndicats démocratiques. Je vais demander à M. Jean-Paul Hétu, président, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent et de nous faire ensuite la présentation de son mémoire, peu importe comment il la fera. Nous lui disons aussi que nous avons une partie de la soirée à lui accorder. M. Hétu, vous avez la parole.

CSD

M. Hétu (Jean-Paul): M. le Président, pour donner suite à votre requête, dans un premier temps, j'aimerais vous présenter, à ma droite, M. Jean-Guy Lapierre, représentant du textile qui accompagne la délégation; M. Paul Dubuc, coresponsable du service de la sécurité sociale, c'est-à-dire qu'il s'occupe des cas spécifiques de règlement dans les cas d'accidents du travail; M. Claude Gingras, vice-président de la CSD; à ma gauche, M. Jeannot Picard, secrétaire-trésorier, et, un peu loin, toujours à ma gauche, Me Yvan Bousquet, coresponsable de notre service de sécurité sociale.

Tout d'abord, j'aimerais remercier le ministre du Travail d'avoir bien voulu nous convoquer, par l'intermédiaire du leader parlementaire du gouvernement, à cette commission parlementaire. Nous avons bien pris conscience que, ce faisant, M. le ministre, vous avez fait fi d'une recommandation qui vous avait été formulée par écrit, par le Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, de limiter la tenue ou les convocations des intervenants à ceux qui

siègent au sein du Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre. Si vous ne nous aviez pas invités, si vous aviez tout simplement limité les intervenants aux membres du Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, nous aurions été tout simplement exclus ainsi que plusieurs autres organismes.

Si vous me permettez, M. le Président, entre parenthèses, je me demande s'il ne serait pas temps, M. le ministre du Travail, de commencer à se demander s'il n'y aurait pas lieu tout simplement d'abolir ce conseil du travail qui, comme organisme public, fait fi des droits les plus élémentaires, non seulement des citoyens, mais aussi des organisations syndicales ou qui s'occupent de questions sociales.

La CSD est légitimée de participer à cette commission parlementaire, M. le Président, parce que mensuellement, depuis plus d'un an, nous avons comme dossiers devant la Commission de la santé et de la sécurité du travail ou devant la Commission des accidents du travail - et les dossiers sont bien comptés, je vous prie de me croire - 533 cas en moyenne et cela, depuis un an, des cas que nous défendons au nom et pour des membres de nos syndicats affiliés à la Centrale des syndicats démocratiques. Nous avons été obligés, comme organisation syndicale, de former 30 militants ou représentants syndicaux dans les diverses régions pour qu'ils puissent s'occuper de façon régulière et constante des cas à compter du moment où les travailleurs ou travailleuses ont un problème à l'égard de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. De plus, nous avons, bien sûr, été obligés - comme je l'ai mentionné dans la présentation des délégués - de former un service qui est dirigé par deux personnes, un avocat - parce que de plus en plus, à cause des problèmes juridiques auxquels nous sommes confrontés dans l'application de cette loi, il faut recourir à cette dimension... Il a donc fallu embaucher un avocat qui, à plein temps, s'en occupe, avec les autres permanents qui, dans les différents dossiers, ont à donner des conseils ou tout au moins à représenter les travailleurs devant les bureaux de révision. Ces autres permanents sont impliqués aussi dans tous ces dossiers. Or, c'est à partir de cette expérience que nous avons accumulée, non seulement depuis un an, mais depuis plusieurs années, en fait, depuis que la Centrale des syndicats démocratiques existe... Depuis déjà plus de dix ans, nous avons accumulé une expérience concrète et pratique, pour ne pas dire quotidienne, de représentations des travailleurs pour faire appliquer la Loi sur les accidents du travail. Je vous prie de nous croire que nous sommes très heureux qu'enfin le gouvernement décide de la modifier, de la remplacer par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

En principe, nous sommes d'accord pour qu'il y ait une nouvelle loi. Cependant -c'est pourquoi nous sommes ici - nous ne sommes pas d'accord sur toutes les propositions de ce projet de loi, mais il y a un aspect sur lequel, M. le ministre, je voudrais insister, qui est le suivant: il y a un aspect que nous trouvons intéressant, qui concerne le règlement - pour nous, c'est capital - des problèmes des travailleurs atteints d'amiantose depuis l'adoption de la loi 52.

Comme vous le savez, M. le ministre, et comme les députés de l'Opposition le savent également, puisqu'on les a rencontrés pour discuter de ce problème, de plus en plus, le problème de ceux qu'on appelle les miraculés, s'envenime et s'aggrave. Il y a quelques années, on a reconnu des travailleurs atteints d'amiantose; voilà que, maintenant, on trouve... On va demander cela au pape; apparemment, il va annoncer une canonisation. Je suis à peu près assuré que, s'il y a eu des miraculés dans les cas d'amiantose, c'est par ce saint dont nous ignorons encore le nom et qui devrait être canonisé... tout au moins, qu'on nous le fasse connaître. Enfin, on trouve cela bizarre qu'il y ait des miraculés dans l'affaire de l'amiantose, surtout pour le problème devant lequel on est placé: c'est qu'on veut leur faire perdre leur indemnité.

Alors, dans les dispositions transitoires, nous retrouvons des dispositions... Là, on voit l'opinion du gouvernement ou, tout au moins, sa volonté, celle de régler définitivement ces cas-là à partir du 3 septembre. La seule chose qu'on vous demande, M. le ministre, c'est que, si jamais vous passez l'épreuve de la troisième lecture, vous proclamiez ou que vous mettiez cela en vigueur au plus sacrant. Qu'on n'attende pas un an ou deux, parce que ces cas d'amiantosés vont s'aggraver ou, tout au moins, il y en aura plus. Mais ce qui sera plus grave, c'est que ceux d'après le 3 septembre, on ne pourra pas les régler. Sur ce point-là, nous sommes vraiment d'accord et on souhaite que, si ce n'est pas par proclamation - vous pourrez nous l'expliquer tantôt - il faudrait que cela se règle dès l'adoption du projet de loi. Que les cas d'amiantosés, une fois pour toutes, on les laisse tranquilles; ils ne sont plus au travail, pas plus qu'à la retraite, mais ils sont dans une situation... Qu'on leur fiche, j'allais dire "sacrament", la paix. Je m'excuse, je sais que ce n'est pas parlementaire, mais parfois vous l'utilisez. Alors, je peux me reprendre là-dessus.

M. le Président, est-ce que...

M. Cusano: ...parfois, il s'échappe comme cela.

M. Hétu: Vous autres, vous êtes plus

témoins que cela; moi pas. Mais cela fait partie de la culture du Québec, selon ce qu'on m'a dit.

Est-ce qu'il y a une période qui nous est allouée pour la présentation du mémoire ou si on n'est pas limité par le temps?

Le Président (M. Jolivet): Ce que je peux vous dire, c'est que, normalement, nous avions prévu le travail de 20 heures à 22 heures. Si vous prenez plus de temps, il y aura moins de questions. Si vous prenez moins de temps, il y aura plus de questions.

M. Hétu: D'accord. Même si le dossier compte 42 pages, je vais tenter de réduire l'exposé à 20 minutes. J'espère ne pas trop vous ennuyer par cet exposé, mais je vais faire mon possible pour que tout le monde soit intéressé.

Nous abordons sept thèmes où nous estimons nécessaire d'apporter des propositions de changement, M. le Président. Le premier thème concerne les maladies professionnelles. Les dispositions légales qui sont énoncées dans cette section sont anémiques si l'on considère le manque de paramètres légaux et médicaux qui sont nécessaires pour en arriver à l'indemnisation d'un travailleur atteint d'une maladie professionnelle. Ces règles sont, par ailleurs, abondantes et précises dans le manuel de la réparation et les politiques de la commission. Ce contraste fait ressortir le caractère arbitraire et bureaucratique qui devrait être, selon nous, plutôt régi par des dispositions légales additionnelles et par un collectif indépendant.

Tout d'abord, quelles sont les manifestations concrètes de ce caractère arbitraire? Le manuel de la réparation, comme vous le savez sans doute, est un pouvoir délégué au comité de direction. Le conseil d'administration n'en détient pas l'autorité. Il reçoit l'information du comité de direction ou du vice-président responsable. Le conseil d'administration apprend, par exemple, les modifications qui y sont apportées tout comme on en informe les utilisateurs. Le travailleur qui est atteint d'une maladie professionnelle ou le syndicat qui le représente est dans une situation d'infériorité inadmissible à l'égard de la commission, s'il ne possède pas une copie du manuel qu'il doit payer 50 $ pour un abonnement d'un an et, surtout, s'il n'a pas une compétence et une expérience pratique et poussée du fonctionnement interne de la commission.

S'il s'agit d'une maladie professionnelle non prévue, il doit faire la preuve que cette maladie a un caractère professionnel. Comment doit-il faire le diagnostic? Est-ce uniquement à partir d'une évaluation clinique qui tient compte aussi de l'environnement pollué de son travail? Doit-on avoir aussi des informations épidémiologiques? D'autre part, est-ce que le spécialiste médical doit prendre en compte la susceptibilité individuelle, etc.? La recherche d'informations pertinentes pour l'obtention d'une expertise valable requiert l'intervention de plusieurs spécialistes et coûte aussi une somme d'argent importante. Qui va assumer cette responsabilité? Ce qui est plus grave encore, est-ce qu'on va laisser le soin à la commission, tout au moins à quelques experts quelque part, de décider quelles seront les nouvelles maladies professionnelles qu'on devra ajouter à la liste en annexe A?

S'il s'agit d'une maladie professionnelle reconnue, le travailleur atteint doit, malgré la présomption que lui accorde l'article 28 du projet de loi, prouver, selon les règles de preuve habituelles, la gravité de ladite maladie. Cette preuve doit identifier l'agent agresseur, déterminer l'exposition à celui-ci et la réalité de la lésion qui affecte le travailleur. Les critères relatifs à ces trois éléments sont connus. Bien sûr, ils sont décrits dans le manuel de la réparation, mais sont-ils disponibles aux plaignants et aux experts?

Voici un cas qui démontre le contraire. Dans un cas de maladie pulmonaire, un travailleur des Cantons de l'Est - et on ne l'a pas choisi parce que vous venez de Sherbrooke, M. le ministre, mais cela adonne comme cela - avait quitté son emploi par suite d'une recommandation d'un spécialiste, sous prétexte que son emploi aggraverait son état de santé s'il continuait d'être exposé au contaminant. Il a ensuite fait sa requête d'indemnisation à la commission. Après plus d'un an, les études ont démontré que le travailleur n'avait pas droit à l'indemnisation. Dans l'évaluation technique de son état de santé, les experts de la commission n'avaient pas reconnu l'expertise médicale du travailleur parce que l'expert avait utilisé une technique désuète qui n'était pas assez avancée technologiquement au dire de la commission. (20 h 30)

Dans un cas de lésion musculo-squelettique, la solution du problème d'indemnisation a pris plus d'un an et demi. Dans un premier temps, il a été impossible d'établir le lien médical existant entre la lésion et le travail exercé par le plaignant selon les méthodes traditionnelles des spécialistes. Cependant, grâce à l'expertise d'un DSC, une étude ergonomique a été entreprise sur les lieux du travail. C'est ainsi qu'on a pu démontrer, à la satisfaction de la commission, que la cause de la maladie dépendait réellement des répétitions de mouvements que le travailleur était obligé de faire en produisant tel type particulier de produit fini. En d'autres termes, il n'a pas fallu se baser uniquement sur les diverses expertises d'un spécialiste, mais il a fallu

aller en milieu de travail pour véritablement faire l'étude, compte tenu des diverses postures ou des différents mouvements que la personne devait effectuer, afin de savoir ce qui était à l'origine de sa maladie musculo-squelettique, etc. Par ailleurs, dans un cas différent, il a été impossible de procéder à l'étude ergonomique sur les lieux du travail. Pour différentes raisons, il a été impossible de le faire, donc le cas n'a pas été considéré.

Si on prend le cas des maladies suscitées par des contaminants, on a beaucoup de difficulté à établir la preuve à la satisfaction de la commission parce qu'on a peu d'études sur ces risques professionnels et sur les méthodes préventives. Des délais sont occasionnés parce que tel produit toxique n'est pas considéré, par exemple, comme faisant partie des secteurs prioritaires. Dans les secteurs prioritaires, il y a aussi des délais importants parce qu'on manque de personnel qualifié pour réduire ces délais. C'est important à retenir. Le travailleur doit recourir à des consultants privés pour obtenir l'expertise, mais les coûts sont remboursés selon les barèmes de la commission qui ne correspondent pas au prix exigé par les experts. Alors, c'est la problématique qu'on a voulu soumettre en gros relativement aux maladies professionnelles.

Ensuite, il y a pour nous un autre problème relatif à ce qu'on peut appeler le retrait préventif, même s'il n'en porte pas le nom comme tel dans le projet de loi. Lorsqu'on compare les articles 30 et 31 prévus au projet de loi et les articles 32 et 39 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, on s'aperçoit qu'on appréhende le problème de deux manières: une première approche en vertu du présent projet de loi et une autre approche en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. L'approche en vertu de ce projet de loi est caractérisée par l'augmentation du pouvoir discrétionnaire accordé à la CSST, lequel pouvoir n'est pas conféré à la CSST dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail. De manière plus concrète, cela signifie qu'en vertu du projet de loi seule la CSST pourra demander à l'employeur une nouvelle affectation et seule la CSST autorisera la cessation du travail. Nous estimons, après étude, que le travailleur subira les désavantages suivants: par exemple, il n'aura aucun mot à dire sur sa réassignation au travail ni sur la cessation du travail. Il va être affecté par les délais bureaucratiques résultant par exemple du temps requis par la CSST pour rendre la décision de réassignation et celle de cessation de travail, et du droit de contestation qui peut être exercé par l'employeur.

Quant à ce chapitre, voici les propositions que nous vous soumettons, messieurs les membres de la commission parlementaire. Nous proposons que le gouvernement crée une commission de recherche et de dépistage de la maladie professionnelle qui sera complètement indépendante de la CSST, l'organisme payeur; que cette commission soit composée, à part égale, non seulement de spécialistes, de représentants patronaux et d'employeurs, mais aussi des autres intervenants; que le mandat de cette commission soit de déclarer le caractère professionnel d'une nouvelle maladie, de compléter la liste des maladies professionnelles, de réviser et d'adapter le manuel de réparation qui définit les paramètres des maladies professionnelles, de réviser et d'adapter les barèmes d'évaluation de la maladie et de l'accident en tenant compte des éléments que vous avez d'ailleurs mentionnés dans le projet de loi, mais nous y ajoutons aussi l'inaptitude au retour au travail, et de déterminer les types de services dont le travailleur a besoin pour prouver le caractère professionnel et la sévérité d'une maladie. Que cette commission, bien sûr, ait tous les pouvoirs nécessaires pour faire appliquer ces mandats.

Quant au retrait préventif, nous proposons qu'il y ait un seul et unique mécanisme de retrait préventif pour tous les types de maladies causées par le travail; qu'il n'y ait pas deux types différents, un dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail et l'autre dans le projet de loi 42. Que ce mécanisme ne soit pas lié à un pouvoir discrétionnaire accordé à la CSST et qu'on permette aux travailleurs de juger de l'exercice de ce droit. En passant, cette revendication est fondée sur un sondage que nous avons fait auprès de 2000 travailleurs et la majorité d'entre eux, à qui on offrait différentes options, ont préféré ce mode.

Le droit à l'information. Ce chapitre est assez volumineux et le texte est même très serré. C'est une étude exhaustive que nous vous soumettons. Je ne vous la lirai pas en entier. C'est une étude exhaustive qui a été faite auprès de nos militants responsables qui, régulièrement, travaillent ou ont des rapports avec les travailleurs qui se plaignent devant la commission et ont des rapports avec la commission. Il y a là une problématique et nous avons décrit de façon détaillée, de manière concrète, les différents problèmes pratiques qui indiquent, non pas que le droit à l'information est nié de manière absolue, mais comment ce droit à l'information peut être nié sur des points particuliers, sur d'autres aspects, et ainsi de suite. Il y a une annexe où on met pendant quatre pages les différents problèmes pratiques qu'on rencontre par rapport à l'exercice du droit à l'information que nous avons exposé avec un petit peu plus de chair dans le chapitre relatif à l'information.

Je vais passer aux conclusions et

recommandations. La CSD estime que le droit d'accès à l'information reconnu dans les articles 44 à 47 est trop général et insuffisant. Nous proposons qu'il soit complété par d'autres dispositions spécifiques qui imposent une obligation à la CSST.

Quelles dispositions devrions-nous ajouter à ce droit général à l'information qui est reconnu? Tout d'abord, obligation à la CSST de transmettre au travailleur copie de toutes les pièces qui sont produites au fur et à mesure - j'insiste - au fur et à mesure de la confection de son dossier. Par exemple, lorsque le travailleur veut contester un cas, on va demander à la commission l'information parce que, lorsque l'agent d'indemnisation nous avise, elle est réduite, elle n'est pas motivée, etc. On va demander l'information, on va l'avoir en vrac, tout d'un bloc. On dit que, dorénavant, il va être important et il faudrait qu'une obligation soit là parce que cela a un impact direct sur sa préparation et sa défense. Il faut qu'on transmette au travailleur copie de toutes les pièces qui sont produites au fur et à mesure; sinon, après, c'est beaucoup plus long, la préparation est plus lente.

Alors, on estime que le droit à l'information se doit d'être complété comme cela. Il y a aussi toute une question fondamentale qu'on va aborder dans le chapitre des appels. C'est qu'actuellement il est faux de dire que le travailleur est sur un pied d'égalité à l'égard de la commission. Ce n'est même pas Goliath ou David parce que, maudit, selon la Bible, le petit a tapé le géant.

C'est dans ce cadre qu'on fait une recommandation spécifique par rapport au droit à l'information, pour permettre au travailleur, qui est en situation d'inégalité fondamentale vis-à-vis de la commission ou de l'employeur, tout au moins, s'il n'est pas égal, de se rapprocher de cette égalité que normalement la loi doit reconnaître. C'est pour cela qu'on demande d'informer le travailleur de l'avancement de son dossier chaque fois que le dossier franchit une étape de traitement; de diffuser à l'intention du travailleur un schéma type du cheminement d'un dossier ainsi que les règlements de régie interne s'y rattachant; de diffuser à l'intention des travailleurs et médecins l'information de base à propos de la production, par exemple, de l'avis d'accident RE-1 et du rapport médical; d'assumer tous les frais d'examen et d'expertise que le travailleur doit payer actuellement et qui constituent des coûts d'information. Enfin, les légalistes, vous devez savoir combien il est important de motiver par écrit les décisions prises. Ma foi du bon Dieu! je présume qu'ils savent écrire. Quand on regarde les critères d'embauche au niveau de la commission, ma foil on présume qu'ils sont compétents, mais qu'on les motive les décisions! Excusez-moi. Je suis en train de m'emporter, mais je trouve cela effrayant. Chaque fois, tous nos militants, nos représentants ont une décision qui n'est pas motivée. Comment voulez-vous qu'on défende le gars, notre base? Je ne suis pas avocat, mais j'ai défendu quelques griefs. Quand même, tous nos gars, comme Jean-Guy et Paul, sont pris avec ce problème-là. Qu'on motive les décisions. Est-ce possible de mettre cela dans la loi, quelque part?

Autre problème en ce qui concerne les relations entre la victime et la médecine. L'option prioritaire de la CSD se fonde sur l'émergence d'une véritable médecine québécoise du travail. Certains pas en ce sens sont franchis; on le reconnaît parce qu'il existe actuellement une nouvelle génération de médecins - et ce ne sont pas ce qu'on appelle des médecins de gestion -qui sont articulés - et c'est vraiment le "fun" - qui ont une éthique et qui sont en train de développer une compétence en matière de médecine du travail. Pour progresser, on propose qu'une action concertée - peut-être que cela a été fait et, si cela ne l'a pas été, qu'on le dise, on est ici pour discuter - soit entreprise pour offrir aux médecins une formation adéquate, entre autres, sur le contenu type d'un rapport médical et sur le rôle qu'ils sont appelés à assumer dans le cheminement d'un dossier d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Combien de médecins ne veulent pas venir témoigner pour différentes raisons! La CSST, les parties, les services de santé communautaire et le ministre des Affaires sociales sont concernés au premier chef. Ils doivent avoir la responsabilité d'amorcer cette action. Par ailleurs, nous demandons au législateur de créer l'obligation à l'employeur de fournir une copie de toute contestation au travailleur concerné dans les mêmes délais que son droit de recours. Enfin, il est urgent qu'on règle définitivement les problèmes administratifs. Nous allons y revenir dans le chapitre relatif au financement.

Indemnités. Je ne sais pas si je dois lire tout cela. Je peux vous résumer bien clairement notre position. On n'est vraiment pas d'accord, cela n'a pas de maudit bon sens, cela n'a pas de bon sens. C'est bien dommage, mais on va traiter de l'affaire de la diminution des coûts dans le chapitre du financement. Mais le faire sur le dos des travailleurs et des travailleuses victimes d'accidents - c'est notre principe de base -jamais on ne va accepter cela! Cela, batêche! cela ne marche pas. Vous savez ce que je veux dire, cela ne marche pas! En tout cas, je vais faire un exercice littéraire après vous avoir fait part de notre sentiment collectif. Ce n'est pas seulement du président, je tiens à vous le dire.

Dans le régime actuel comme dans le

régime proposé, les principes de base de l'ITT par rapport à l'IRR sont les mêmes, soit l'indemnisation de la perte de revenu pendant la période où le travailleur accidenté est incapable d'exercer son emploi. La différence fondamentale des deux régimes est la durée, parce que le projet de loi réduit au minimum et le montant, et le paiement de l'indemnité. Par cette nouvelle attitude, le gouvernement démontre clairement le changement des objectifs sociaux qu'il introduit par cette nouvelle forme d'indemnisation.

Actuellement, l'accidenté reçoit 90% de son salaire net. Vous savez cela. L'objectif est l'indemnisation presque totale de sa perte de revenu pour toute la période où il est inactif. Vous le savez. Avec le nouveau projet de loi, on installe un mécanisme de coupures indépendantes de la volonté et de la santé du travailleur. Les paramètres de ce mécanisme de coupure sont l'âge du travailleur, les revenus auxquels il aurait droit ou pourrait gagner et le pouvoir discrétionnaire de la CSST face à l'emploi. Cela, franchement, ça charrie drôlement. L'article 57, premier et deuxième paragraphe, est trompeur et cache la réalité aux travailleurs. Tel qu'il est formulé, il nous dit que l'IRR cessera soit à la fin de l'incapacité ou au décès du travailleur. Cela est faux, lorsqu'on lit la suite des dispositions. Les articles 56 et 57, troisième et quatrième paragraphe, réduisent ou annulent l'IRR pour des raisons d'âge ou de droit à une rente de retraite reçue ou pas, indépendamment de la capacité du travailleur à effectuer son travail. Ces articles sont injustes pour les travailleurs et les travailleuses. (20 h 45)

L'article 75 nous semble un bonbon empoisonné qui a été créé seulement pour permettre les coupures prévues par les articles 76, 77 et 79. Cet article, d'après les calculs qu'on a faits, va favoriser les hauts salariés, mais ne donnera rien pour les nombreux travailleurs au salaire minimum, car l'IRR incitatif sera nul. Les articles 76 et 77 créent un système de pénalité discrétionnaire basé sur le refus ou l'abandon d'un emploi, ce qui laisse entendre que l'on considère le travailleur accidenté comme un paresseux qui ne veut pas travailler. L'article 79 est la négation du droit du travailleur à reprendre l'emploi qu'il avait au moment de l'accident. La CSST, par ce système de création d'emplois hypothétiques, aura tout le pouvoir discrétionnaire de couper la rente du travailleur au début de la quatrième année de son accident. Par ces dispositions, le gouvernement remet en cause tous les principes de remplacement du revenu.

L'article 81 définit les critères qui serviront à calculer l'indemnité pour dommages corporels. La CSD trouve regrettable que la notion d'inaptitude de retour au travail soit enlevée du calcul de l'indemnité pour dommages corporels. Nous considérons que cette notion est fondamentale dans l'évaluation des séquelles permanentes à la suite d'un accident du travail. Par l'exclusion de ce facteur, on se pose toutes sortes de questions. Veut-on réduire davantage les coûts de la réparation professionnelle? Qu'est-ce qui motive le gouvernement? Est-ce une indifférence à l'égard des accidentés ou est-ce par ce moyen que nous rendrons les entreprises plus concurrentielles? Est-ce ainsi qu'on veut rendre plus flexible le retour au travail? Quel que soit le motif, en tout cas, pour nous, ce changement constitue une régression importante. Voici ce qu'on demande, c'est clair: que les articles 56, 57, troisième et quatrième paragraphe, 76, 77, 78, 79 et 80 -là, il y a une petite erreur, vous vous en doutez sans doute, dans le texte - soient abrogés; que la notion d'inaptitude au travail soit incluse dans le calcul de l'indemnité pour dommages corporels et qu'ensuite l'on révise globalement le règlement 59 en fonction des standards et des nouvelles connaissances médicales.

Réinsertion sociale et professionnelle. Le chapitre VI du projet de loi emprunte la même orientation que l'article 79 et consacre le droit de démission de la CSST à l'égard de ses obligations face au travailleur victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. L'article 79 que nous avons recommandé d'abroger réduit et élimine la responsabilité financière de la CSST à l'endroit d'un type de victime particulièrement fragile, à savoir ceux et celles qui demeurent incapables d'exercer leur emploi. Dans la même perspective, les articles 138 à 144 ne consacrent nullement l'obligation pour la CSST de trouver un emploi à la victime et l'article 147 vient limiter à partir de critères, notamment, industriels le droit de retour au travail.

Les recommandations que nous faisons à ce chapitre sont les suivantes: que les articles 138 et 144 soient modifiés et consacrent l'obligation pour la CSST de trouver un emploi aux travailleurs victimes et que le droit de retour au travail ne soit nullement limité, c'est-à-dire qu'il faut éliminer l'article 147.

Financement. Nous savons que dans l'ensemble du régime actuel la compensation des dommages représente un coût économique très important, La CSD souscrit à l'objectif général de minimiser le coût des accidents du travail et des maladies professionnelles pour la société québécoise, mais, comme je l'ai mentionné précédemment, nous n'accepterons jamais que ces objectifs soient poursuivis sur le dos des victimes. C'est pour cette raison que nous avons rejeté une série d'articles. Cependant, nous proposons de

minimiser le coût des accidents du travail ou des maladies professionnelles autrement qu'en appliquant - je le répète - sur le dos des victimes le concept et les pratiques de restrictions budgétaires. Pour y arriver, nous estimons qu'il y a trois problèmes majeurs qu'il faut mettre en lumière: la gestion de la CSST, le rôle de la prévention et la contribution du gouvernement du Québec.

La gestion de la CSST. Avec les dépenses qui, en 1982, frôlaient le milliard de dollars, tout le monde le sait, la CSST est sans doute la plus grosse bureaucratie québécoise. Plutôt que de minimiser le coût des accidents du travail et des maladies professionnelles, je le répète encore, en limitant les droits des victimes, il est prioritaire et essentiel de voir clair dans cette bureaucratie. Il faut remettre en question la CSST au sujet de son organisation et de son fonctionnement, de son organigramme, de ses structures hiérarchiques; les vice-présidences, les directions, les services; de l'organisation concrète du travail et de la répartition des tâches à la base, c'est-à-dire au niveau des fonctions directement ou indirectement en contact avec la population. Il y a là, quant à nous, un élément important des coûts et, si une étude doit être faite, qu'elle le soit non pas par des spécialistes en gestion traditionnelle, mais avec les nouveaux modes que l'on connaît. Il y aurait possibilité de voir à réduire les coûts.

La prévention. La prévention, incluant la formation, n'occupe pas encore la place qui lui revient dans la diminution des coûts des accidents du travail et des maladies professionnelles au Québec. Le rapport annuel de la CSST, en 1982, montre que les programmes de prévention représentent à peine 3,2% des dépenses globales de la commission, soit trois fois moins que les frais d'administration. Je vous le dis honnêtement: La loi sur la santé est adoptée depuis 1979, on trouve cela scandaleux. Il y a quelque chose qui ne marche pas. De même, l'article 179 propose un mode de financement qui diminuera les coûts par rapport au régime actuel: que fera-t-on de ce surplus? Diminuer les cotisations ou investir davantage en prévention et en formation? Un certain discours a rapidement écarté l'investissement pour se rabattre sur l'opinion que le surplus engendré doit servir à diminuer les cotisations.

Bref, on estime que la prévention n'a pas encore pris sa place dans la problématique québécoise de la santé et de la sécurité au travail. L'objectif majeur, mis de l'avant par l'adoption de la loi 17 sur la santé et la sécurité, c'était de relever ce défi majeur de diminuer les coûts de la compensation, le coût économique, et le coût social qui est supporté par les travailleurs. Or, là-dessus, il faut qu'on accélère le processus.

La contribution du gouvernement du Québec. Il nous apparaît que la contribution du gouvernement du Québec n'a pas été suffisante, qu'elle n'a pas été ce qu'on était en droit de s'attendre en matière tout au moins d'investissement dans la prévention et d'investissement dans la formation. Nous regrettons que, dans le programme de relance, on ait mis de côté, ignoré cet aspect capital. L'histoire des dernières années, depuis la deuxième guerre mondiale, nous révèle que, chaque fois que le Québec a voulu relever le défi de la compétitivité ou des changements technologiques, il l'a fait, mais, aujourd'hui, nous payons pour les pots cassés parce que nous n'avons pas tenu compte, hélas, de toute la dynamique indispensable qu'est la prévention. Il nous faut associer, c'est capital... On s'engage, nous dit-on, dans un virage technologique. On s'engage dans un relèvement de notre économie quant au commerce international. Des sommes y sont investies. Nous applaudissons, mais nous disons: Ne commettons pas l'erreur traditionnelle du passé, des années 1949 à aujourd'hui, qui nous a conduits à un taux d'accidents et de maladies professionnelles si élevé.

Aujourd'hui, ce qu'on trouve dommage, c'est qu'on dénonce à tour de bras la réglementation, parce qu'on dit que cela coûte trop cher. On ne nie pas qu'il y a beaucoup de réglementation en matière de santé et de sécurité, mais, dans le fond, on veut réparer ce qui n'a pas été prévu, ce qui n'a pas été réglé au moment des investissements pour relancer l'entreprise. C'est dans ce dilemme-là qu'on se trouve. C'est pour cela que notre choix fondamental, c'est l'investissement dans la prévention. Les investissements dans la prévention doivent accompagner les investissements de capital. C'est fondamental. Comment pourrons-nous réduire les accidents et les maladies professionnelles uniquement par les normes du règlement de la qualité du milieu de travail, en imposant à l'employeur des amendes ou en lui imposant tout simplement de se conformer à la norme des décibels ou à la norme de chaleur, etc.? On le sait par expérience, il faut qu'on change les milieux de travail par un investissement en matière de prévention. C'est là qu'est la clé majeure et c'est le défi que le Québec, par l'adoption de la loi 17, a voulu relever. C'est pour cela que nous et d'autres aussi non seulement on a applaudi, mais qu'on s'est attelé à la tâche et qu'on a décidé, comme syndicalistes, de prendre des responsabilités concrètes dans les entreprises pour relever le défi avec les employeurs à ce niveau-là. Mais non! On dit: Il faut minimiser les coûts, on va couper sur les indemnités. Cela ne marche pas. Nous, on ne comprend pas cette logique. On ne comprend vraiment pas cela.

En conclusion, M. le Président -j'achève - nous proposons de créer une commission d'enquête, avec auditions publiques, sur le fonctionnement administratif de la CSST et sur les budgets de prévention; à cet égard, la dernière commission parlementaire n'a pas permis, vous le savez autant que moi, d'élucider cette question si lourde de conséquences. Nous proposons de structurer un modèle de comptabilité sociale adapté à la santé et à la sécurité au travail de façon à fournir à la commission d'enquête les paramètres nécessaires pour définir les moyens d'établir un arbitrage équitable entre l'investissement en prévention et formation et les dépenses en compensation. Quant à nous, ces moyens peuvent aller jusqu'au démantèlement de la structure actuelle de la commission, par exemple, créer un organisme spécifique qui serait responsable de la prévention et un autre qui serait responsable de l'indemnisation. C'est pour cela qu'on dit que cela mérite, comme hypothèse, d'en faire l'étude. Enfin, nous proposons de faire de la prévention et de la formation un vaste programme public d'investissement en capital humain dans le cadre du plan de relance économique du gouvernement du Québec.

Compétence et appel. Je passe immédiatement à la section des conclusions et recommandations. Nous demandons, dans le but d'égaliser les chances du travailleur devant la CSST, qu'on lui donne un recours réel en révision de toute décision de la CSST. Est-ce possible d'inclure cela dans la loi? Il me semble que ce n'est pas sorcier. Nous demandons le droit d'être entendu lors d'une audition dûment convoquée dans des délais raisonnables; le droit à des juges impartiaux et indépendants de la CSST; le droit à une représentation par son syndicat, tant au niveau médical que juridique, etc. (21 heures)

Le droit à l'assistance médicale. Il y a un petit problème sur lequel on voudrait insister. Peut-être qu'on a mal compris, mais c'est dans la rédaction du texte de l'article 125 qui, tel que formulé, nous semble ne pas reconnaître le drame du travailleur aux prises avec une détérioration de sa santé. Alors, on dit qu'on pourrait, si on l'interprétait de manière restrictive, lui refuser l'aide médicale. On sait que ce n'est pas cela, à la lecture du restant des articles, que cela vise comme objectif... On se dit: Est-ce possible - c'est une question de formulation, on ne veut pas faire de chicane là-dessus - de formuler l'article pour qu'il reconnaisse l'assistance médicale non seulement à la victime, mais aussi au travailleur qui présente, par exemple, des effets pathologiques? Sur ce, je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Fréchette: Je vous remercie. Vous allez comprendre que mes premières remarques soient des remarques d'appréciation pour les invités qui sont à la table, la Centrale des syndicats démocratiques, son président et les membres de l'association qui l'accompagnent. Vous avez manifesté, M. le président, à un moment donné de votre intervention, une espèce d'inquiétude que vous sembliez nourrir, à savoir qu'il pouvait être possible que vous nous ennuyiez. Je vous signale dès maintenant que telle n'a pas été la situation. D'ailleurs, on ne s'ennuie jamais avec votre groupe, avec ceux qui travaillent chez vous. Il est également clair, M. le Président, que, dans les circonstances qui nous amènent à l'étude de ce projet de loi, l'invitation qui a été faite à la Centrale des syndicats démocratiques, comme d'ailleurs à l'ensemble de tous les autres groupes intéressés, cette invitation, elle allait de soi, nonobstant le fait qu'un organisme avait suggéré que l'on limite le débat autour et alentour de la loi 42. D'ailleurs, je pense que la décision qui a été prise était la bonne dans les circonstances parce que 44 organismes ou groupes nous ont déjà soumis des mémoires et parmi ceux-là 42 ont manifesté le désir d'être entendus, de venir en commission. Je pense que la décision qui avait alors été prise était celle qui s'imposait dans les circonstances.

Maintenant, M. le Président, le mémoire de la Centrale des syndicats démocratiques - et remarquez que je n'en fais grief à personne - nous est arrivé tout à fait récemment, de sorte que, quant à moi, en tout cas, je n'ai pas eu l'occasion autant que je l'aurais souhaité de pouvoir le regarder attentivement, d'en étudier toutes les implications, mais c'est un exercice que je ferai, soyez en sûrs, et dans les meilleurs délais. À cause de cette situation, je vais devoir, évidemment, limiter mes demandes de renseignements, d'information, et aller au mémoire parce qu'il y a très certainement des questions que j'aurais le goût de vous poser, auxquelles je pourrais obtenir réponse dans le mémoire, car il devient évident, à la lecture du mémoire, qu'il fait référence à l'ensemble du projet de loi tant en termes généraux qu'en termes d'évaluation d'articles particuliers dans le projet. Vous y avez fait référence, d'ailleurs, abondamment dans votre argumentation verbale devant nous.

Vous avez également indiqué que cette loi 42, dont l'objectif est de revoir les dispositions de la Loi sur les accidents du travail qui est là depuis 1931, était nécessaire, mais vous avez ajouté, et je l'ai noté avec attention, que vous n'étiez pas nécessairement d'accord avec tout ce qu'on y retrouvait. C'est précisément la raison pour laquelle ces auditions sont tenues. C'est précisément pour connaître l'évaluation,

l'appréciation qu'en font les organismes habilités à venir nous livrer ici le fruit de leur expérience, de l'application quotidienne des mécanismes qu'on retrouve en matière de santé et de sécurité. Je l'ai dit ce matin dans une déclaration d'ouverture: il est certain que toute proposition qui nous sera soumise va faire l'objet d'une considération importante. Il est également certain que, lorsque l'argumentation qui nous est soumise nous amène à la conclusion recherchée par l'organisme qui la soumet, il faudra effectivement songer à revoir le projet de loi en conséquence. C'est particulièrement vrai, lorsqu'à la fin de toute l'opération qui nous permettra d'entendre ces 42 organismes, que l'opération de modifier la loi, de la revoir, de réévaluer certains des mécanismes qui y sont inclus devra se faire lorsque cela procédera d'un consensus des parties ou de la majorité des parties que nous aurons entendues. C'est évident qu'à cet égard on ne peut pas rester insensible à des représentations qui, en termes de conclusion, se rejoindraient toutes ou très majoritairement.

M. le Président, vous avez aussi fait état de vos préoccupations quant aux dispositions transitoires contenues dans la loi qui se réfèrent de façon précise à ceux qu'on est maintenant convenu d'appeler les miraculés de l'amiante. Il s'agit d'une situation, on le sait, qui a découlé de certains jugements que les cours de droit commun ont rendus, des jugements qui ont été rendus dans le district de Saint-François notamment, qui ont procédé à interpréter la définition du terme "ouvrier", la définition du terme "mine", et qui ont également eu des impacts importants sur le certificat de santé ou l'équivalent, le permis de travail. Cette situation a été amplifiée par des diagnostics médicaux qui ont différé du tout au tout en l'espace de quelques mois ou de quelques années. Enfin, cela résume globalement la situation lorsqu'on se réfère aux miraculés de l'amiante.

M. Hétu, vous avez manifesté une inquiétude et cela m'a semblé être une question que vous me soumettiez quant à l'intention du gouvernement à cet égard. Je vous dirai, quant à moi, que cette intention est toujours la même et qu'à moins que des preuves formelles ne soient faites qu'il faudrait éviter les principes de l'équité et de la justice naturelle dans un cas comme celui-là, à moins que cette preuve ne soit soumise, cette intention est toujours de procéder à l'adoption des dispositions transitoires auxquelles vous vous êtes référé et, évidemment, dans les meilleurs délais également.

De plus, vous avez, à la toute fin de votre intervention, fait référence aux mécanismes des bureaux de révision. Remarquez que je vais devoir faire un peu de coq-à-l'âne et aller chercher des points en particulier. Sur les bureaux de révision, vous savez sans doute que les opinions à cet égard sont fort partagées, suivant que l'appréciation nous vient d'un groupe plutôt que d'un autre. Assez curieusement, des groupes représentant des associations de travailleurs et de travailleuses vont souvent diverger d'opinions, et le même phénomène existe du côté patronal, les uns prétendant que le bureau de révision doit disparaître, à toutes fins utiles, pour des motifs d'ordre administratif, pour des motifs de délais, pour des motifs qui sont reliés au fait que le bureau de révision est une instance faisant partie intégrante de la commission elle-même. Enfin, des motifs de cette nature sont invoqués pour que le bureau de révision disparaisse, alors que d'autres plaident tout à fait dans le sens contraire et souhaiteraient que les bureaux de révision demeurent.

Alors, la question que je me permettrai de vous poser pourrait être la suivante: Est-ce que - retenez que c'est tout à fait pour des motifs d'ordre exploratoire et pour connaître votre opinion à cet égard - vous seriez disposés à souscrire à une décision qui ferait en sorte que tous les litiges, quelle qu'en soit la nature, qu'on parle d'indemnité, de droit à l'indemnité ou d'augmentation d'une indemnité, qu'on parle de politique de réadaptation ou de tout autre sujet qui peut faire l'objet d'une contestation, seriez-vous disposés à considérer la possibilité de l'institution ou de la formation - là, j'utilise des termes qui me viennent à l'esprit; ce n'est pas nécessairement comme cela qu'il faudrait identifier un organisme comme celui-là - d'une espèce de commission d'appel qui serait complètement indépendante de la structure de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et qui aurait comme juridiction de se prononcer sur toutes les matières de contestation, ce qui impliquerait, évidemment - cela va de soi - la disparition des mécanismes actuels, soit le bureau de révision et la Commission des affaires sociales? Je ne sais si je m'exprime assez clairement à cet égard pour bien faire comprendre la nature de la question sur laquelle je souhaite vous entendre élaborer.

Le Président (M. Jolivet): M. Hétu.

M. Hétu: Mon secrétaire-trésorier à côté me dit: Qui va payer les coûts imposés aux travailleurs?

M. Fréchette: On n'était pas rendu à ce stade-là. J'en suis au principe pour le moment.

M. Hétu: Je vais en arriver là.

M. Fréchette: Oui?

Une voix: Parce qu'il est allé trop vite.

M. Hétu: Je veux que vous vous attendiez à la question qui va venir, je vous le dis d'avance.

Disons que notre proposition de fond à ce chapitre, notre réponse est: Oui. C'est cela. Ce que nous vous proposons dans les mécanismes d'appel, c'est oui. C'est cela qu'on veut, excepté la disposition sur l'amiante. Si on veut garder la disposition sur l'amiante où il est dit: "...dans les trente jours..." Excepté celle-là: Vous faites une exception dans le cas de l'amiante et de la silicose; vous savez très bien à quoi je me réfère; à celle-là, on doit conserver son aspect expéditif.

M. Fréchette: Toujours en relation avec le problème de l'amiante, M. Hétu - on parle toujours, à ce stade-ci, en tout cas, de façon théorique, dans le sens qu'on regarde des possibilités - si cette espèce d'indication formelle qui est faite à la Commission des affaires sociales de rendre sa décision dans les trente jours, si elle était également faite à l'autre instance, les mêmes objectifs seraient atteints, me semble-t-il.

Quant aux coûts, ça, c'est un autre aspect de la situation, mais ce qui me préoccupait d'abord, à ce stade-ci, c'était de vous entendre sur le principe même d'une décision de cette nature.

M. Hétu: Notre proposition générale dans le mémoire est dans ce cadre-là.

M. Fréchette: J'aimerais également entendre vos commentaires sur la situation suivante: nous avons entendu, cet après-midi, la Fédération des médecins spécialistes du Québec qui a, elle aussi, particulièrement eu égard à ses activités dans ce domaine, touché à bien des aspects, dont un en particulier sur lequel j'apprécierais vous entendre. C'est le suivant: la Fédération des médecins spécialistes du Québec nous recommande de ne pas exiger de rapport médical lorsqu'un accidenté ou une accidentée se présente chez un médecin à la suite de ce qu'il évalue, de prime abord, être ou bien un accident du travail, ou une maladie professionnelle. Il se présente chez son médecin et ne demande pas qu'un rapport soit fait à la Commission de santé et de la sécurité du travail par le médecin qui fait les premières constatations. Si toutes les parties sont d'accord, nous n'allons pas imposer des choses qu'elles ne veulent pas. Voici l'appréciation que j'aimerais recevoir de votre organisme: Est-ce que vous êtes effectivement d'accord avec une suggestion comme celle-là, que, lorsque le travailleur ne demande pas qu'un rapport soit fait à la commission, celle-ci ne puisse pas exiger un semblable rapport du médecin qui l'a reçu?

(21 h 15)

La préoccupation qu'on avait, qu'on a soumise au médecin spécialiste est la suivante: Qu'est-ce qui arriverait, de quels moyens l'organisme habilité à le faire disposerait-il s'il y avait aggravation de la situation par rapport aux premières constatations qui ont été faites? J'apprécierais que vous nous donniez votre appréciation là-dessus.

M. Hétu: Est-ce qu'il y aurait une expertise médicale quelque part, à un moment donné?

M. Fréchette: C'est un peu là notre inquiétude. Si je résume bien la recommandation faite par la Fédération des médecins spécialistes, cela a été de dire: Si le travailleur lui-même n'insiste pas, ne demande pas ou n'est pas désireux que le professionnel qu'il consulte fasse rapport à la commission, celle-ci ne pourrait en exiger du professionnel. C'est là-dessus qu'on a répondu que si c'est le consensus des parties, nous n'allons évidemment pas imposer aux parties des choses qu'elles ne veulent pas. Les parties sont, au premier chef, les associations syndicales et les associations d'accidentés qui sont capables de nous dire ce qu'elles pensent d'une recommandation comme celle-là.

M. Hétu: La première question qui me vient par rapport à l'économie de la loi est la suivante: Qu'est-ce qu'on ferait alors de la définition d'accident du travail? Qu'est-ce qu'on ferait de la décision de maladie professionnelle? Qu'est-ce qu'on ferait de la notion plus large encore de lésion professionnelle? Un accident, quelqu'un qui est affecté, comment est-ce que je vais le constater?

M. Fréchette: En tout cas, M. Hétu, je soumets le tout pour...

M. Hétu: C'est une réflexion intéressante qu'on n'a pas fouillée sur tous les côtés, absolument pas.

M. Fréchette: D'accord. Non, non, puis remarquez que je ne vous en tiens pas rigueur.

M. Hétu: Mais disons qu'il y a un problème devant lequel on est placé, qu'on mentionne dans la partie relative à l'information et qui existe depuis pratiquement toujours, depuis que la commission existe, c'est le fameux problème des rapports de médecins.

M. Fréchette: Ah oui!

M. Hétu: C'est l'éternel problème

devant lequel on est placé. Comment y donner suite? L'autre problème qu'on a aussi soulevé, c'est comment les médecins de première instance, entre autres, ou certains autres médecins qui ne veulent pas témoigner... Cela nous donnerait comme première impression que cela pourrait résoudre le problème des rapports médicaux, des délais qui y sont liés. L'autre problème que cela pourrait résoudre, c'est qu'on n'aurait pas de problème par rapport au témoignage, mais qui va faire le diagnostic? C'est l'autre question: Est-ce que cela va reposer uniquement dans les mains de la commission, le diagnostic? À un moment donné, il faut que la commission paie, il faut qu'elle sache que cela provient d'un accident du travail. C'est là la distinction majeure du régime des accidents du travail: cela repose sur la reconnaissance du fait accidentel. Cela doit dépendre du travail, sinon on va passer dans l'autre régime. Qui, à un moment donné, selon cette recommandation, va déterminer si cela dépend d'un accident du travail? Je vais vous donner tout de suite ma réponse: si c'est transféré aux mains de la commission, nous disons non. Au départ, c'est clair. Au départ, nous disons non, si la proposition qui serait faite était dans ce cadre.

M. Fréchette: Évidemment, cela pourrait être la deuxième étape du processus, mais c'est au niveau de la première étape que la représentation nous a été faite cet après-midi. Je comprends que je vous arrive avec cela un peu rapidement, mais j'apprécierais que vous puissiez évaluer cette situation et nous redonner votre appréciation dans les jours qui viennent, si vous le vouliez.

M. Hétu: On pourrait vous fournir cela avec plaisir, mais est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir copie de cette proposition de la Fédération des médecins spécialistes?

M. Fréchette: Oui, oui, absolument. On peut vous remettre une copie de son mémoire et vous allez retrouver cela.

M. Hétu: On vous fera parvenir une opinion qu'on pourra fouiller sous tous ses angles.

M. Fréchette: Très bien.

Le Président (M. Jolivet): Et, pour les membres de la commission, on vous demanderait de l'envoyer au Secrétariat des commissions pour distribution ensuite à chacun.

M. Hétu: Ah bon! Au Secrétariat des commissions. Merci.

M. Fréchette: Sous un autre chapitre, M. le Président, et c'est une recommandation qui revient avec insistance autant dans le mémoire que dans l'argumentation de M. Hétu, cette recommandation en vertu de laquelle vous suggérez la création d'une nouvelle commission de dépistage en matière de maladies professionnelles. J'ai, à cet égard, deux préoccupations que je vous soumets comme cela, comme elles me viennent, et je présume que vous allez réagir là-dessus. Est-ce que la vocation actuelle de l'Institut de recherche en santé et sécurité du travail n'est pas, à certains égards, sinon à tous les égards, carrément centrée sur les objectifs ou le mandat que vous voudriez voir confié à une commission de dépistage de cette nature? C'est ma première préoccupation. En d'autres mots, est-ce que cela ne ferait pas une vocation parallèle avec celle que, déjà, l'institut de recherche a?

Deuxièmement, on n'échappe pas à la règle. Tous les groupes qui viennent nous transmettre ici leurs observations font état de ce qu'on est convenu d'appeler la bureaucratisation, les pouvoirs réglementaires, la multiplication des décisions d'ordre administratif; mais alors est-ce que vous n'avez pas l'impression que, par la mise sur pied d'une semblable commission de dépistage, cela ne ferait en quelque sorte que multiplier la réglementation, la bureaucratisation et, bien sûr, l'augmentation des coûts? Ce sont les deux, non pas inquiétudes, mais interrogations que j'ai face à cette proposition.

M. Hétu: Même si on ne l'a pas explicité dans notre proposition, le rôle de cette commission serait d'agir avec l'institut de recherche, d'une part, et aussi avec les DSC qui ont la responsabilité de faire des études épidémiologiques. Dans la loi de la prévention, on a aussi confié ce mandat.

M. Fréchette: Ah bon!

M. Hétu: Alors, disons que l'objectif de cette commission est tout simplement d'agir avec les outils déjà disponibles existant dans le milieu. J'en ai mentionné deux. On pourrait en ajouter un troisième. Il y a aussi des centres de recherche. Il y a de la recherche qui se fait aussi dans les universités, etc. Notre seul souci, par cette commission, est qu'on ne veut pas créer une structure parallèle. Absolument pas. On veut enlever le caractère qui existe à l'heure actuelle dans le fonctionnement de la loi qui est, si vous voulez, discrétionnaire ou arbitraire dans le sens qu'on confie à quelqu'un, à une institution, quelque part, le soin de contrôler et de faire uniquement par elle-même ce genre de travail. On se dit qu'il vaudrait mieux mettre ensemble, sous la

responsabilité de quelqu'un quelque part, nommément connu, cette responsabilité. Pour la reconnaissance, par exemple, d'une maladie professionnelle, on sait qu'il faudrait qu'elle suive son cheminement juridique normal. On n'exclut pas cela. On ne voudrait pas que cette commission ait le pouvoir absolu de... Absolument pas. C'est un groupe de travail ni plus ni moins, un collectif qui a une responsabilité X d'entreprendre, avec les ressources du milieu, les recherches nécessaires, d'une part, avec les institutions existantes et surtout de fournir aux gens du milieu, par exemple, les travailleurs, lorsqu'ils sont aux prises avec un problème, une maladie, etc., les moyens de... tout simplement.

M. Fréchette: Je pense que c'était une précision qui était très importante, M. Hétu. Je vous en remercie. Maintenant, comme je suis aussi respectueux que possible de la réglementation, je dois constater que mes 2D minutes sont écoulées. Je reviendrai après si l'occasion m'en est offerte.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. J'aimerais, premièrement, vous remercier pour votre mémoire et pour la présentation de votre mémoire, ainsi que pour la franchise qu'on y trouve. Vos critiques envers la Commission de la santé et de la sécurité du travail sont très sévères. Même si le mandat de cette commission parlementaire est d'étudier le projet de loi 42, il faut bien comprendre que c'est la CSST qui aura à l'appliquer. Si cette commission ne fonctionne pas comme elle le devrait, on se demande comment le projet de loi 42 sera appliqué, une fois adopté.

J'ai plusieurs questions en ce qui touche l'administration et le fonctionnement de la CSST. Peut-être que je vais les poser une par une. Cela va être plus facile pour communiquer. À la première page, vous remarquez ou vous constatez que le conseil d'administration n'a pas pleins pouvoirs. Je pense que c'est très clair. Je présume que vous êtes en bonne position pour en témoigner puisque M. Gingras, si je ne me trompe pas, siège au conseil d'administration. Quels amendements envisagez-vous envers le conseil d'administration? Quels amendements seraient nécessaires pour que ce conseil d'administration ait vraiment les pouvoirs décisionnels qu'il devrait avoir?

M. Hétu: Je pense qu'il devrait avoir l'autorité totale d'administrer la commission. Il devrait avoir les pouvoirs d'administrer la commission. Je pense que le terme lui-même "conseil d'administration" veut dire qu'il doit administrer la boîte, non pas une partie et en donner une autre à quelqu'un d'autre et ainsi de suite. Il devrait avoir la responsabilité totale de l'administration de la boîte.

M. Cusano: Ah bon! On nous a dit en décembre dernier qu'une des raisons pour lesquelles ce conseil d'administration ne semble pas avoir toute l'autorité, c'est que le juge Sauvé, président-directeur général de la commission, se retranche très souvent derrière l'article 154 de la loi 17. Il se sert de cet article qui est un peu ambigu. La loi a voulu lui donner des pouvoirs spécifiques en ce qui concerne le conseil de direction ou les permanents, et c'est là qu'il semble y avoir un problème. Seriez-vous d'accord qu'il devrait y avoir très prochainement un amendement à la loi 17 pour enlever justement certains pouvoirs au président-directeur général et les amener vers le conseil d'administration?

M. Hétu: C'est capital. Il faut qu'il y ait un tel amendement. Il faut que le pouvoir soit entre les mains du conseil d'administration. Il y a actuellement une ambiguïté qui est véhiculée dans le milieu et qui est la suivante: les administrateurs actuels, du côté de la partie syndicale, se font reprocher des choses auxquelles ils n'ont absolument pas participé et qu'ils n'ont pas décidées. Je présume, je ne sais pas si c'est la même chose du côté patronal, mais il y a là une ambiguïté réelle. Le conseil d'administration n'a pas de prise sur toute l'administration de la réparation. Je pense qu'il y a là une ambiguïté qu'il faut corriger. Pour nous, cela paraît évident, mais, avant de procéder en termes de priorités par rapport à un tel amendement, on présume qu'il faudrait qu'on étudie davantage la commission. La commission devrait-elle toujours continuer d'exister? Ce serait une bonne question à étudier. La commission pourra-t-elle, comme c'est son projet actuel, comme rythme de croisière, assumer le mandat de la prévention? Est-ce que ce sera possible pour elle de le faire? Enfin! Je vous le dis honnêtement, on a des doutes sur cette question. On aimerait faire un débat sur la commission. (21 h 30)

II n'y a pas eu, à notre connaissance, depuis plusieurs années, d'études publiques. Bien sûr, l'ancienne commission, la Commission des accidents du travail, a confié à des experts le soin de faire des études sur le fonctionnement administratif, etc., mais ces rapports demeuraient en catimini. On y donnait suite, et là je ne mets pas en cause du tout les administrateurs... Ils ont fait ce qu'ils avaient à faire. Mais quand on regarde l'ampleur des griefs à l'égard de la commission, je pense qu'il serait important et même capital, avant de songer dans un premier

temps à confier tous les pouvoirs au conseil d'administration, de procéder à un examen de la gestion de la commission comme telle. Une des questions, ce serait de savoir comment la rendre plus efficace. Une autre question également, ce serait de savoir s'il est possible de diminuer les coûts. Ce serait une question importante à examiner.

Il y a d'autres types de questions. Est-ce qu'il est possible, en soi, que la commission assume le mandat de prévention et de réparation? Est-ce que, à la longue, il n'y aura pas conflit? Enfin, ce sont des questions comme cela sur lesquelles il serait important de réfléchir quelque part. C'est pourquoi nous proposons un comité d'étude, un comité d'enquête.

M. Cusano: Cette commission d'enquête, avec des auditions publiques, sur le fonctionnement administratif de la CSST, est-ce que, pour vous, en tant que groupe syndical qui vivez des problèmes tous les jours en ce qui concerne les gens qui ont affaire à la CSST, c'est prioritaire de la tenir avant même que le projet de loi 42 ne soit adopté?

M. Hétu: Pour nous, il est prioritaire de régler la question de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. On appuierait, par exemple, toute déclaration ministérielle qui annoncerait, après l'adoption de ce projet de loi, un processus, un mécanisme en vertu duquel on mettrait en place cette commission d'enquête.

M. Cusano: Merci. À la page 14 de votre mémoire, vous portez des accusations qui sont assez graves, sérieuses, contre les fonctionnaires de la CSST. Je cite le passage; vous dites: "...les fonctionnaires de la CSST donnent des informations contradictoires sur un même dossier; afin d'obtenir plus d'informations, l'agent de la CSST utilise lors de son enquête de la fausse représentation, se faisant passer pour un enquêteur de l'impôt ou autre."

Je présume que ces accusations sont basées sur des expériences vécues par vos membres. J'aimerais avoir un peu plus d'explications sur cette affirmation. Ce que je cherche à savoir, M. Hétu, c'est si ces pratiques sont isolées. Est-ce qu'elles sont répandues à travers la province? Y a-t-il un bureau régional qui se sert d'une telle pratique plus qu'un autre, et ainsi de suite?

M. Hétu: Je vais vous donner un cas, tout simplement, que l'on vit actuellement, qui est de même nature que les affirmations que vous citez et qui sont extraites de notre mémoire, à la page 14.

Actuellement, pas hier ou avant-hier, il y a un cas, et c'est au bureau de l'Estrie. Il y a des travailleurs qui ont fait des requêtes et ilssont incités par la commission à passer de nouveaux examens médicaux, à la demande de l'employeur. On exige de ces travailleurs de passer des examens nouveaux et cela, à la demande de l'employeur. Si le travailleur refuse, on lui dit que la CSST menace de couper ses indemnités. Cela est un cas réel, de l'ordre des affirmations de la page 14. Ce n'était pas hier ni avant-hier, nous sommes actuellement aux prises avec ce problème au bureau régional de l'Estrie. C'est un cas.

Je vous ai dit, quand j'ai présenté les problèmes relatifs au droit à l'information, que cela faisait partie d'une étude exhaustive que l'ensemble de nos militants ont faite. C'est à la suite de cette étude que nous avons rédigé ce diagnostic.

M. Cusano: Merci. Lorsque vous parlez des problèmes vécus par les gens au bureau de révision, c'est certainement - comme on l'a déjà dit - une des instances les plus critiquées de la CSST. Ce qui se produit, bien souvent - et même vous le dites dans votre mémoire - c'est qu'aussitôt que la CSST rend une décision, l'appel est quasi automatique. Même en allant au-delà du bureau de révision, l'appel à la Commission des affaires sociales est aussi fréquent dans un grand nombre de cas. On nous a démontré ici, en commission parlementaire, en décembre dernier, qu'il y a une grande différence entre le pourcentage d'incapacité accordé par le bureau de révision et le montant accordé par la Commission des affaires sociales.

Vous dites, dans votre mémoire, si je vous lis bien, qu'il y a certains standards américains qui sont employés. Vous parlez de la formule McBride qui est employée. Est-ce qu'à votre connaissance les mêmes formules sont employées par le bureau de révision et par la Commission des affaires sociales?

M. Hétu: Ce n'est pas tout à fait la même chose. Le problème se pose de façon très différente à la Commission des affaires sociales et au bureau de révision. Ce qu'on a vécu dans une période donnée, c'est, par exemple, toute la folie de la révision des cas d'amiantose où, de manière systématique et continue, le bureau de révision ne prenait pas de décision. Il nous a fallu aller directement, par la suite, à la Commission des affaires sociales et cette dernière, après examen de ces dossiers, a estimé qu'ils devaient être étudiés par le bureau de révision. En d'autres termes, elle disait que le bureau de révision n'avait pas fait son travail. Alors, c'est un type de problème qu'on a vécu. Ce fut à une période donnée.

Ce qu'on constate, c'est que la commission a pris de l'expérience et ses bureaux de révision sont devenus, pour un certain

nombre de cas, à l'exception des maladies professionnelles, une institution où il y avait des règlements, où des décisions étaient prises. On a vu ce cas-là, c'est positif, mais quand on va devant le tribunal de la Commission des affaires sociales, il est évident que c'est un autre type de discours. C'est fait dans un cadre tout à fait différent. Il est plus sophistiqué, jusqu'à un certain point, par rapport au bureau de révision. À la Commission des affaires sociales, les caractères de la preuve, il faut qu'on les déploie davantage, etc. Il y a un standard qu'on retrouve à la Commission des affaires sociales et qu'on n'a pas, de manière générale, au bureau de révision.

M. Cusano: Une autre brève question sur les bureaux de révision. Vous n'acceptez pas que ce bureau soit remplacé par une décision administrative. Est-ce que je vous ai bien compris?

M. Hétu: C'est-à-dire que je pense que dans la proposition du projet de loi, on parle de reconsidération administrative sans qu'on n'en précise les formes, etc. Je présume que ce serait expliqué éventuellement, mais on n'était pas d'accord de laisser à la commission, par exemple, le soin de déterminer par la suite quelles seraient les règles de fonctionnement. Ce que nous demandions, c'était de les préciser dans le projet de loi.

M. Cusano: Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci. Très brièvement, je voudrais faire allusion à l'exemple que vous nous donniez tout à l'heure sur le fait qu'un employeur avait redemandé un examen à son employé, sans quoi, si j'ai bien compris, si l'employé refusait l'examen, la CSST menaçait de lui couper les prestations. C'est bien cela?

M. Hétu: Par le biais, c'est la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui demandait au travailleur de repasser de nouveaux examens et ce, à la demande de l'employeur.

M. Lavigne: Maintenant...

M. Hétu: C'était dans l'optique que l'employeur puisse faire sa preuve.

M. Lavigne: Est-ce que la commission connaissait la dernière date de l'examen passé sur le même employé? Est-ce que cela avait l'air d'un harcèlement d'examen?

M. Hétu: Mon confrère Picard va vous expliquer ce qui en est. C'est lui qui a eu le cas précisément.

M. Lavigne: Parce que si cela faisait deux ou trois mois, c'était peut-être un peu normal, mais allez-y, Ni. Picard.

M. Picard (Jeannot): Ce qui arrive là-dedans, c'est que la commission se plie à la volonté de l'employeur qui veut faire examiner le travailleur à nouveau. Ce travailleur, ayant déjà été examiné, on a déjà des résultats, on a des rapports qui sont entrés, mais l'employeur voulant contester devant la Commission des affaires sociales ou le bureau de révision, il exige ou fait exiger par la commission de convoquer cette personne chez un médecin qu'il choisit pour pouvoir monter la preuve qu'il aura à débattre ou à exposer devant les bureaux en question. Nous, on prétend que cette procédure ne devrait pas, d'aucune façon, exister. Si l'employeur prétend avoir le droit de contester, cela devrait être fondé sur quelque chose qui existe au moment où il décide de contester, et non qu'il fasse cette représentation après qu'il a fait contestation dans les cas qui peuvent se présenter.

Donc, ce faisant, cela veut dire que, pour nous, la commission devient complice de l'employeur pour arriver à faire du harcèlement sur les travailleurs qui, eux, peuvent avoir passé le dernier examen il y a un mois ou un mois et demi et on va leur demander d'en passer d'autres encore. On sait qu'il y a des examens qui sont très difficiles et qui exigent beaucoup d'effort physique de la part de ces travailleurs. À ce moment, ils sont à la merci: Si tu ne vas pas là, tu vas te faire enlever ou on va te couper tes prestations. On a justement un cas qui était censé passer demain. On pense que c'est complètement inacceptable qu'une situation comme celle-là existe et qu'elle soit appuyée ou tolérée et même encouragée par la commission.

M. Lavigne: Seriez-vous contre le principe qu'on retrouve à l'article 133, examen et rapport, au dernier alinéa, quand on dit: "Cependant, l'employeur ne peut exiger plus d'un examen semblable par mois"?

M. Picard: Ce à quoi vous faites référence, c'est à la situation où un travailleur est absent du travail parce qu'il a subi un accident du travail et qu'il n'est pas en mesure de travailler suivant les rapports médicaux. À ce moment-là, l'employeur pourrait avoir un doute sur l'état réel de la situation du bonhomme en question. C'est complètement différent de ce qu'on a émis comme préoccupation relative à une situation où l'employeur veut préparer sa cause devant le bureau de révision ou devant la Commission des affaires sociales. Le contrôle qui

pourrait exister... et encore là on est assuré qu'il y a abus au niveau des travailleurs absents du travail, parce qu'aujourd'hui la préoccupation des employeurs est bien plus de contester que d'essayer de faire de la prévention. Donc, à ce moment-là, ils vont se servir des dispositions de la loi - qui, antérieurement, étaient utilisées à l'occasion - fréquemment pour essayer de continuer le harcèlement qu'ils veulent faire. C'est un genre de défoulement après leur insatisfaction vis-à-vis de la loi 17 ou de toute autre loi votée qui parlait de prévention, qui voulait donner la possibilité au travailleur de travailler à l'intérieur de conditions convenables et qui voulait "sécuriser" la santé des gens qui sont appelés à oeuvrer dans les différentes usines du Québec. (21 h 45)

M. Lavigne: Si je peux enchaîner...

M. Hétu: Si vous permettez... M. Lavigne: Oui, allez-y!

M. Hétu: ...par rapport à votre question, je répondrai qu'on ne voit pas du tout comment il se fait qu'on accorde à l'employeur le droit d'exiger des examens médicaux. Qu'est-ce que cela vient faire que l'employeur ait le droit d'exiger d'autres examens médicaux? Habituellement, le travailleur, comme on l'a mentionné, est sous traitement, il est déjà suivi; alors, pourquoi va-t-on imposer encore une autre fois un droit qu'on confère à l'employeur d'exiger? Qu'est-ce que cela vient faire? Je pense que c'est inutile. Cela n'a pas de raison d'être. On ne dit pas qu'on est opposé à des examens, mais, aux fins exigées, on ne comprend pas cette histoire. On nie même ce droit qui devrait être consenti à... On ne nie pas le droit de passer de nouveaux examens, pas du tout, c'est élémentaire; il faut faire constater, par exemple, l'évolution par les médecins et les spécialistes. On voit cela chez les travailleurs et les travailleuses accidentés, ils sont appelés constamment. Toutes les deux semaines ou tous les mois, on révise et on constate la progression. S'il y a un progrès, on veut que cela cesse. On ne voit pas du tout ce que vient faire cet article. Il n'a absolument pas de raison d'être; de toute façon, nous le recommandons dans notre mémoire à la page 41.

M. Lavigne: Vous faites toujours allusion à l'article 133, n'est-ce pas?

M. Hétu: Oui.

M. Lavigne: C'est celui-là que vous aimeriez voir enlever.

M. Hétu: Oui, exact!

M. Lavigne: Ce que vous interprétez de l'article 133 n'a rien à voir avec l'examen périodique normal pour connaître l'évolution ou la régression de la maladie.

M. Hétu: Le principe contre lequel on en a, c'est celui de donner un droit à l'employeur d'exiger des examens en plus de ceux qu'il a. On trouve que c'est vraiment exagéré, c'est du harcèlement. Appelez cela comme vous voulez, dans le fond, c'est contre cela qu'on en a.

M. Lavigne: Cela me tenterait d'enchaîner sur le pouvoir tel que la loi le dit présentement avec tout le jeu, les pouvoirs, les interventions prévues dans la loi médicale. Vous avez la personne qui a un accident du travail et qui peut avoir droit à son médecin de famille, à un spécialiste. Trouvez-vous que les rapports entre les médecins et les droits et privilèges que donne la loi à la commission sont bien équilibrés, ou si vous aimeriez mieux voir plus de pouvoirs accordés aux médecins de famille, ou aux spécialistes indépendants, tel que stipulé dans la loi présentement? J'aurais aimé avoir votre opinion sur ce sujet.

M. Hétu: Votre propos sur la question d'équilibre est fondamentale. Je vais vous donner un cas très pratique que j'ai vécu, il y a peu de temps, celui d'un travailleur d'une fonderie qui a subi un accident grave et son état est le suivant: il doit abandonner son emploi, il ne peut plus continuer à travailler dans la fonderie. En vertu du plan de réadaptation, on a examiné s'il pouvait travailler à un autre poste. Il ne le pouvait pas parce que, dans une fonderie, on doit forcer. On n'a pas pu trouver un emploi lui convenant dans la fonderie. On a regardé du côté des employés de bureau: pas d'ouvrage, en période de récession économique, pas d'embauche, donc pas de place pour lui. On a également regardé au niveau du laboratoire: pas de place.

Alors, le travailleur avait à décider ce qu'il ferait: Est-ce que je m'en vais au niveau du recyclage ou non? Son problème était le suivant. Il disait: Je trouve que mon incapacité n'est pas suffisamment reconnue. Je voudrais bien être éclairé. Il pose cette question à son médecin qui l'a opéré. Ce dernier répond qu'il ne peut pas, puisqu'il travaille également pour la commission. Cela est un peu fatigant. Lui, il est fait. Il est obligé de prendre son trou, comme on dit, d'accepter le jugement et, là, il doit décider d'aller travailler ailleurs avec tout l'inconnu devant lequel il est placé. Parce que, justement, cet équilibre auquel vous référiez n'existe pas.

Un des problèmes majeurs devant lequel on est placé, tout au moins dans certaines disciplines - je vais donner le cas de maladie

pulmonaire - c'est le problème suivant: un travailleur qui se fait examiner passe devant des comités de pneumoconiose, etc.. On déclare qu'il a 5%, 7%, 8% d'incapacité, peu importe le pourcentage. Le travailleur dit que cela ne correspond pas à ce qu'il sent, à ce qu'il vit, etc.. Il voudrait se faire réexaminer. En vertu des règlements, l'expertise est aux frais du travailleur. Vu qu'on avait plusieurs cas comme cela, nous nous sommes dit: Où trouver des pneumologues? Nous nous sommes adressés à l'hôpital Notre-Dame où il y avait toute une équipe de spécialistes. Nous avons expliqué le problème. Au départ, ils étaient d'accord. Par la suite, ils ont refusé de procéder aux expertises que nous leur demandions. Ils ont refusé parce qu'ils ont dit: Nous ne pouvons pas. En tout cas, ils ont refusé. Nous nous sommes adressés à un autre hôpital et, là, ils étaient tous à l'emploi de la commission. De là, une sorte de conflit. Cela ne marche pas. Je pense que c'est l'hôpital Saint-Michel. Finalement, on a réussi à trouver un spécialiste qui avait été remercié de ses services par la commission. Pour quel motif? On ne le sait pas. C'est le seul qu'on a pu trouver et qui était prêt à procéder, tout en faisant son travail à l'hôpital où il était assigné, aux expertises nécessaires. Mais il a fallu payer. En d'autres termes, à ce point de vue, au niveau des maladies pulmonaires, on a un problème majeur. Elles sont pratiquement toutes récupérées par la commission, tout au moins au niveau des problèmes dont je parle.

Quant à l'équilibre au niveau de certaines spécialisations, on a des problèmes. Je parlais d'équilibre tantôt dans la présentation. Comment pouvons-nous nous défendre adéquatement des décisions de la commission si on n'a pas ces spécialistes disponibles? C'est pour cela que le secrétaire-trésorier parlait des coûts. C'est un des problèmes majeurs devant lequel on est placé. Cet équilibre, quant à nous, existe peu ou pas. Il y a certains spécialistes qui travaillent avec nous qui, individuellement, sont désireux de travailler avec nous parce qu'ils ne sont pas intéressés à travailler pour la commission. Ils font cela pour des raisons humanitaires. À ce point de vue, on a des gars intéressants, mais on est vraiment démuni. Actuellement, cet équilibre ne nous paraît absolument pas exister.

M. Lavigne: Une dernière question. Avec la démonstration que vous nous avez faite du déséquilibre face au médecin, n'auriez-vous pas des suggestions à nous proposer pour établir une espèce d'équilibre dans l'intervention médicale? Il y a des propositions qui ont été faites. Je ne sais pas si vous étiez ici cet après-midi quand les médecins sont passés.

M. Hétu: D'une manière générale - on l'a mentionné, je l'ai peut-être fait trop rapidement dans l'exposé - c'est qu'on constate qu'il y a actuellement toute une nouvelle génération de médecins qui sont prêts et qui s'engagent pour représenter les travailleurs au niveau médical. Déjà, il y a là un potentiel. La proposition qu'on faisait s'inspirant de cela, c'est qu'on se dit qu'on doit choisir et là, il y a un choix sociétal qu'on doit faire. On doit avoir une médecine du travail, on doit avoir des médecins, un bassin de médecins qui s'engagent, qui se spécialisent dans la médecine du travail, incluant la prévention et cette partie de la réparation professionnelle. Actuellement, je soupçonne la commission d'avoir des difficultés à appliquer une des dispositions très importantes de la Loi sur la santé et la sécurité du travail quant aux médecins qui doivent travailler dans les entreprises, parce qu'il ne semble pas y avoir cette disponibilité globale requise pour qu'on ait ces médecins. La proposition qu'on faisait de manière générale était de savoir s'il est possible de développer cette nouvelle génération de médecins par de la formation, par la prise en charge des différents agents du milieu, afin qu'on développe ce bassin de façon importante pour qu'au moins l'équilibre se fasse. Ce que l'on constate actuellement, c'est que les anciens médecins des compagnies, par exemple, vont continuer à travailler pour les compagnies, mais on ne change que le titre. Ils deviennent des médecins de gestion. Ceux qui avaient une expertise antérieure, quelles que soient les critiques qu'on ait faites à leur égard, continuent et sont au service des compagnies. Or, il nous faut développer ces médecins dans le cadre de la médecine du travail. Pour nous, la clé est là.

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Lavigne: Vous parliez d'un équilibre au niveau des connaissances, chez les médecins de la nouvelle génération, dans la médecine du travail et tout cela, enfin, d'essayer de développer ou d'établir un équilibre au niveau des connaissances médicales du travail, mais ma question était peut-être plus spécifiquement de savoir quel est l'équilibre des pouvoirs qu'on attribue dans la loi aux médecins. C'est là-dessus que j'aurais voulu entendre vos commentaires. Il est sûr que j'endosse toute votre argumentation et qu'il faut effectivement développer une médecine du travail qui est relativement nouvelle. Je pense qu'il ne faut pas hésiter à aller dans ce sens-là. Mais, au niveau de l'attribution des pouvoirs, de l'équilibre des pouvoirs à accorder aux différents médecins, que ce soit le médecin de famille, le médecin du DSC ou le médecin de la CSST, est-ce que cet équilibre

est dans la loi face aux différents médecins?

M. Hétu: M. Gingras va vous apporter un élément de réponse sur cette question.

M. Gingras (Claude): Sur la partie de votre question où vous parlez d'équilibre, on vous a fait savoir d'une façon très catégorique qu'il n'y a pas d'équilibre. Ce qu'on recherche, quand on vous parle d'une vraie médecine du travail, c'est une médecine du travail où le travailleur va se sentir en confiance quand il va aller chercher une expertise, alors que ce n'est pas le cas actuellement. Le travailleur qui se présente chez un médecin qui est récupéré, comme le disait tout à l'heure M. Hétu, par le patronat ou récupéré par la commission pour faire ces diverses expertises, part déjà avec un sentiment d'inégalité par rapport à son diagnostic. Sa confiance est nettement minée dès le départ. Alors, quand on parle d'une médecine du travail, c'est une médecine qui s'affirme nettement en faveur des droits à la santé et à la sécurité des travailleurs. Ce n'est pas le cas actuellement. Il y a trop d'intérêts en cause; les intérêts passent avant les droits à la santé et à la sécurité des travailleurs. Quand le travailleur va voir son médecin pour avoir un diagnostic ou une expertise, premièrement, il a de la difficulté à trouver le médecin spécialiste qui va se soucier de cet aspect en ce qui le concerne. Deuxièmement, il doit encourir des frais énormes pour espérer faire un début de preuve dans son cas parce qu'il se sent physiquement diminué comme travailleur. Il n'est pas d'accord avec l'estimation qu'on a faite de son incapacité et, là, il se retrouve devant un problème, à savoir qu'il doit trouver le médecin compétent en qui il aura confiance, le médecin qui va réellement prendre son cas comme un médecin neutre en rapport avec le problème de santé et de sécurité qui est le sien, et non pas celui de l'employeur et tout cela. Troisièmement, ce qui pourrait aussi favoriser l'équilibre, c'est que le travailleur puisse avoir une juste compensation de ses frais d'expertise, c'est-à-dire que, selon les barèmes actuellement prévus, le travailleur doit en absorber le coût dès le départ et, s'il gagne sa cause, on lui en paie une partie selon les barèmes de la commission. (22 heures)

C'est une absurdité, car on sait que, lorsque l'employeur monte sa preuve et fait examiner un travailleur, il refile la facture au client dans ses produits par la suite. C'est complètement anormal et aberrant. Le travailleur a à payer la facture de son expertise et, en plus, il a la double préoccupation de trouver un médecin qui, heureusement, peut encore échapper au contrôle soit de l'employeur, soit de la CSST qui a déjà rendu un verdict dans son cas. C'est cela, la question d'équilibre qu'on soulève. Elle n'existe pas actuellement et elle n'existera pas tant que cette vraie médecine du travail n'existera pas. Elle n'existera pas tant que le travailleur ne pourra pas y recourir avec un sentiment d'égalité par rapport aux membres de la société, soit les employeurs ou la CSST, qui a les moyens de récupérer tout ce personnel.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. M. Hétu, quelques questions rapides qui amèneront peut-être aussi des réponses rapides. D'abord, je voudrais féliciter votre organisme et vous féliciter également pour votre mémoire. Vous savez que, quand j'ai commencé dans le dossier, il y a quelques années, la CSD n'était même pas représentée auprès de la CSST, et, grâce à nos pressions, vous avez quelqu'un là maintenant. Mais dites-moi donc, le ministre a dit ce matin qu'il entend les propositions raisonnables. On a entendu la Chambre de commerce de la province de Québec, l'Association des armateurs des Grands-Lacs, la Fédération des médecins spécialistes du Québec et vous. Le ministre a une journée parfaite en basebal,l parce que tout le monde est malheureux: cela fait quatre sur quatre, si j'ai bonne mémoire.

M. Fréchette: Cela va être 44 sur 44 à la fin.

M. Polak: Oui, peut-être 44 sur 44. C'est le meilleur argument pour dire qu'il y a quelque chose qui ne marche pas dans le projet de loi 42.

M. Hétu, en résumé, est-ce que vous préférez le statu quo au projet de loi 42 et un changement substantiel à l'intérieur du fonctionnement de la CSST? Disons que si c'était possible de réformer cette grande boîte, ce monstre administratif qui s'appelle la CSST et de ne pas apporter les changements qui sont prévus dans le projet de loi 42, est-ce que vous préféreriez le statu quo au point de vue de la loi?

M. Hétu: Si le projet de loi 42 était amendé, pour ne pas être cabotin, dans le sens des amendements qu'on propose, on voudrait, de manière prioritaire, que ce projet de loi soit adopté. Après, comme je l'ai mentionné tantôt, qu'on procède à l'étude... Je comprends mal que vous demandiez - j'ai peut-être mal entendu, c'est certain - si c'est possible de réformer la commission. Je suis convaincu que c'est possible, mais pour cela, qu'on ait donc en main les éléments nécessaires pour procéder au diagnostic.

M. Polak: D'accord.

M. Hétu: Actuellement, il est certain, s'il y en a qui sont malheureux, qu'il y a beaucoup de monde insatisfait. Ce n'est pas parce que les fonctionnaires... On n'en a pas - et on le dit clairement dans notre mémoire - contre tel fonctionnaire, tel autre, tel autre; pour nous, ce n'est pas cela la question. La question, c'est: II faut qu'on vide l'abcès qui existe en rapport avec la CSST.

M. Polak: Mais le projet de loi 42, tel que présenté, vous êtes malheureux avec cela.

M. Hétu: Cela est clair.

M. Polak: Votre mémoire est plein de critiques.

M. Hétu: Cela est clair.

M. Polak: Vous ne l'acceptez pas.

M. Hétu: Absolument pas, pas tel qu'il est.

M. Polak: Prenons, par exemple, le droit de retour au travail. Expliquez-moi, je ne comprends pas. La chambre de commerce nous dit: Cela touche le droit de gérance; cela ne marche pas, cela coûte trop cher, c'est dangereux et ainsi de suite, un peu comme les arguments sur le projet de loi 17, et peut-être qu'il y avait de très bons arguments en rétrospective. Vous dites: Retour au travail, pas bon, mais pour d'autres raisons. Vous dites que cela ne donne pas une vraie protection. Vous réclamez dans votre mémoire, à la page 24, que la CSST ait l'obligation de trouver un emploi aux travailleurs victimes. Est-ce que cela n'est pas - je ne veux pas attaquer la position d'une victime d'un accident du travail - un peu rêver en couleur que d'obliger la CSST à trouver un emploi quand on sait que ceux qui ne sont pas accidentés n'ont déjà pas de travail?

M. Hétu: Mais les accidentés, cela n'a rien à voir, ma foi, avec ceux qui ne sont pas au travail, qui n'ont pas d'ouvrage. Ce sont deux problèmes différents qu'il faut traiter de manière différente. Il me semble que c'est élémentaire. À supposer que je travaille dans une entreprise quelconque et que j'aie un accident. Il me semble que, comme société, on doit le reconnaître. Le droit de gérance n'a rien à faire là. Je vous dis bien franchement que le droit de gérance qu'on évoque, c'est une abstraction. Je suis à l'emploi d'une entreprise depuis 10, 15 ou 20 ans et j'ai un accident. Il me semble qu'on doit reconnaître que je revienne après ma guérison. Selon moi, c'est élémentaire. On le fait même pour les joueurs de hockey, ma foi du bon Dieu. Green, après plusieurs mois, est revenu. C'est une blague.

M. Polak: Où est-ce que...

M. Hétu: Mais c'est élémentaire. C'est une abstraction que de dire qu'en vertu du droit de gérance... Voyons donc!

M. Polak: Où la CSST...

M. Hétu: Quand il y a un accident de voiture... Cela ne fonctionne pas.

M. Polak: ...va-t-elle trouver un emploi pour tel travailleur?

M. Hétu: Pardon?

M. Polak: Prenons l'exemple d'une petite compagnie de dix employés. Il y en a un qui est accidenté. L'employeur a besoin de le remplacer. Il engage quelqu'un d'autre, un chômeur qui est content, heureux, qui est venu nous voir chaque jour au bureau de comté et qui a dit: Pouvez-vous m'aider à trouver un emploi? Finalement, on lui trouve un emploi, peut-être à cause du malheur de la victime d'un accident. En tout cas, il commence à travailler. Là, vous dites que le droit de retour au travail donne à l'accidenté le droit de reprendre son emploi et celui qui était chômeur redevient chômeur. Vous dites, dans votre mémoire, qu'il faut trouver un emploi aux travailleurs victimes d'un accident. Par le fait même, vous allez pénaliser celui qui a remplacé. Donc, il y a quelqu'un qui souffre.

M. Hétu: Celui qui souffre, fondamentalement, c'est celui qui a eu un accident, qui a eu une maladie professionnelle. Pourquoi ne lui accorderait-on pas la protection minimale? Si je comprends bien le principe, cela veut dire qu'on va le pénaliser deux fois.

M. Polak: Non.

M. Hétu: La société du Québec va pénaliser la personne deux fois, premièrement, parce qu'elle a eu un accident. On dit: Parce que tu as eu un accident, on va te guérir. C'est une bonne affaire, mais elle est pénalisée; on oublie ce bout-là. Deuxièmement, on lui dit: On va te pénaliser un deuxième coup; ne retourne pas à ton travail. Ensuite, il faut faire attention devant les arguments qu'on nous sert. La compétence professionnelle, cela existe. Je ne peux pas, comme cela, abstraitement, remplacer un électricien par un chômeur qui est journalier. Ce n'est pas tout à fait de cette façon que cela se passe en réalité. Il y

a des PME qui sont spécialisées et, de plus en plus, au Québec, vous savez que, depuis au-delà de 20 ans, l'emploi ne provient plus des grandes usines. Il provient des petites entreprises. Avec la technologie nouvelle, cela va requérir du monde qui a une certaine compétence. Si je prends le cas du programmeur, je vais prendre un chômeur, il faut que je le forme. Ce n'est pas si simple que cela. Je pense que la réalité dans laquelle on est placé, ce n'est pas forcément ni fatalement celui qui a un emploi qui ne requiert pas du tout d'apprentissage. Habituellement, quel que soit l'emploi que je vais occuper dans les entreprises, il y a un minimum d'apprentissage.

M. Polak: Dernière question. Vous avez parlé tout à l'heure, pendant votre exposé, de la possibilité d'avoir un organisme pour la prévention et un autre pour la réparation, au contraire de la CSST qui a tout ensemble dans un grand appareil. Est-ce que cela ne coûterait pas plus cher d'avoir deux organismes séparés? Quel est l'avantage de cette formule?

M. Hétu: À cette étape-ci, on se dit que cela pourrait être une hypothèse que nous pourrions étudier dans le cadre d'une étude qu'on ferait sur toute la CSST. Nous nous demandons si la commission peut faire plus de prévention. Est-ce que la prévention et la réparation sont incompatibles? De toute façon, on se dit qu'il faudrait étudier cette question.

M. Polak: D'accord. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci à M. Hétu et à ses collègues qui sont venus, ce soir, nous rencontrer.

Quant à moi, j'ajourne les travaux à demain matin, en vous rappelant que nous recevrons, entre 10 heures et 22 heures, le Conseil du patronat du Québec et la Fédération des travailleurs du Québec. À demain matin, 10 heures.

(Fin de la séane à 22 h 10)

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