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(Onze heures quarante-trois minutes)
Le Président (M. Blouin): La commission élue
permanente du travail reprend ses travaux. Je rappelle le mandat de la
commission qui est d'étudier, article par article, le projet de loi 17,
Loi modifiant le Code du travail et diverses dispositions
législatives.
Les membres de cette commission sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie),
Cusano (Viau), Bordeleau (Abitibi-Est), Johnson (Anjou), Dupré
(Saint-Hyacinthe), Marquis (Matapédia), Lavigne (Beauharnois), Ciaccia
(Mont-Royal), Lachance (Bellechasse), Paradis (Brome-Missisquoi), Rocheleau
(Hull), Mme Lachapelle (Dorion).
Les intervenants sont: MM. Bélanger (Mégantic-Compton),
Champagne (Mille-Îles), Fortier (Outremont), Leduc (Fabre), Maciocia
(Viger), Payne (Vachon), Polak (Sainte-Anne), Proulx (Saint-Jean), Vaugeois
(Trois-Rivières).
Sans plus tarder, je cède la parole au ministre des Affaires
sociales qui nous livrera, si j'ai bien compris, ses remarques
préliminaires, il est le ministre du Travail par intérim.
Remarques préliminaires M. Pierre-Marc
Johnson
M. Johnson (Anjou): Je travaille de façon constante, M. le
Président, mais, du Travail par intérim.
Le Président (M. Blouin): Très bien! Alors,
ministre du Travail au travail. M. le ministre, pour vos remarques
préliminaires.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pense que nous
abordons l'article 1. Au moment où nous abordons l'article 1, je fais
ces remarques préliminaires. Est-ce qu'on considère qu'elles
précèdent...
Le Président (M. Blouin): Habituellement elles
précèdent, selon les règlements.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pense que beaucoup
de choses ont été dites jusqu'à maintenant. Je ne dirais
pas qu'elles ont toutes été pertinentes sur l'essentiel de ce
projet, encore une fois, qu'on ne peut pas qualifier d'un projet de nature
purement technique, c'est bien évident. Au contraire, c'est un projet
d'importance. Il est d'importance non seulement par ses objectifs mais par les
techniques qu'il utilise. Il est important quant à ses objectifs.
L'objectif central de ce projet de loi, c'est de rajeunir et de
dépoussiérer le Code du travail à l'égard de
l'application de certaines des dispositions de principe qui y sont contenues
depuis, dans certains cas, presque 20 ans.
Deuxièmement, quant à la technique qu'il utilise, une
technique qui vise essentiellement de façon horizontale, à
travers tout ce projet de loi, à favoriser la réduction des
délais, à nos yeux, M. le Président, il est important que
nous abordions ce projet de loi avec une grande ouverture d'esprit. J'ai
remarqué, dans certains discours que j'ai entendus du côté
de l'Opposition, lors de l'étude en deuxième lecture et de la
motion de report, et j'ai remarqué également, dans certains
énoncés qui ont été présentés devant
nous, notamment par une partie du patronat, bien que l'on admette je dirai
presque du bout des lèvres que la réalité syndicale dans
la société québécoise est une réalité
qui est là pour y demeurer et qu'elle est aussi un facteur qui peut
être positif, qui peut finalement être un facteur
d'évolution de la société. À toutes fins utiles, ce
qu'on nous a dit dans bien des cas, je ne dis pas dans tous les cas, c'est
qu'il fallait faire en sorte que tout ce qui freine la syndicalisation - et
loin de moi de penser qu'il s'agit de l'accélérer, avec ce projet
qui, encore, vise beaucoup plus à colmater des brèches qu'autre
chose - doit être finalement maintenu.
C'est très beau et très facile de dire M. le
Président: Nous sommes pour l'expression démocratique des
travailleurs qui, depuis les années quarante, ont droit à
l'accréditation et à la négociation collective, mais ne
touchez pas au Code du travail, parce qu'il permet d'empêcher les gens de
se syndiquer. Dans l'état actuel de la jurisprudence, du mode de
fonctionnement des commissaires, dans certains cas. où ils sont
prisonniers de certaines procédures, du Tribunal du travail, des
arbitrages eux-mêmes, ce serait pour moi, M. le Président, si l'on
devait persister, dans l'Opposition, à vouloir empêcher l'adoption
de projet de loi avant le 22 juin, une marque évidente d'une sorte de
pharisaïsme à l'égard de ce qu'est le syndicalisme.
Je sais que ce n'est pas très populaire
de tenter de défendre les syndicats, dans la situation
économique actuelle. Pourquoi? L'Opposition le sait, M. le
Président, et elle joue beaucoup sur cela. L'Opposition sait que, dans
l'opinion publique, on identifie beaucoup des maux économiques que nous
connaissons, au Québec comme ailleurs - on prétend que c'est
l'une de leurs causes - à la force des syndicats. Combien de fois ai-je
entendu dire: Les unions, c'est bien, mais elles sont trop fortes. On sait que
ce préjugé est profondément ancré dans de larges
secteurs de notre population. Dieu sait pourtant que la réalité
est toute différente.
S'il est vrai que le monde syndical a manifesté son
mécontentement, en certaines occasions, par ses discours, par le
radicalisme de certains de ses propos, par des gestes irresponsables, à
l'occasion, dans certains endroits, il n'en demeure pas moins que l'immense
majorité des syndicats au Québec représente les
aspirations légitimes, démocratiques, encadrées par nos
lois depuis une vingtaine d'années, au nom de principes reconnus depuis
une quarantaine d'années par l'ensemble des travailleurs. Je crois
profondément, M. le Président, que le Code du travail, dans son
état actuel, s'il n'est pas modifié par une loi comme celle que
nous proposons, aura comme effet, dans sa facture actuelle, d'être un des
éléments non seulement qui freinent la syndicalisation au
Québec mais qui la font régresser. Or, faire régresser la
syndicalisation, cela signifie dans de nombreux cas non seulement une atteinte
qui correspond à la situation économique pour les centrales
syndicales elles-mêmes, sur le plan de leur capacité de
répondre aux exigences du financement de leurs activités, mais
aussi une atteinte à l'expression démocratique, reconnue dans nos
lois, de la volonté des travailleurs de se regrouper pour
négocier leurs conventions collectives.
Encore une fois, si l'Opposition ne fait pas l'apport positif dont elle
est capable pour améliorer certaines choses du Code du travail - en tout
cas, dans le passé, le député de Portneuf, entre autres, a
déjà montré qu'il en était capable, je ne sais pas
si c'est vrai de son successeur comme critique en matière de travail -
si l'Opposition ne fait pas une contribution positive - et nous savons que
personne n'est à l'abri de la critique, ni les syndicats ni
l'État lui-même, d'ailleurs - pour faire en sorte que le Code du
travail ne soit pas un des facteurs qui font régresser la
syndicalisation dans notre société, je pense, je suis même
convaincu qu'elle aura fait son lit et cela lui sera rappelé dans les
années qui viennent. Ce n'est sûrement pas, en tout cas, dans la
tradition de ce parti politique qu'est le Parti libéral, qui n'a jamais
été reconnu pour son progressisme en matières sociales,
à l'égard des structures syndicales, c'est vrai, mais qui,
néanmoins, a participé, à une époque où il
avait un leadership et où il y avait une opposition et non pas 40, au
Parlement, à l'élaboration de lois importantes, et qui a
endossé les principes fondamentaux du Code du travail dont le projet 17
n'a que pour objectif de voir à leur application.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Pierre-J. Paradis
M. Paradis: Oui, M. le Président, pour commencer mon
intervention dans un sens diamétralement opposé à celle du
ministre, pour la commencer sans faire de partisanerie politique comme le
ministre a voulu en faire tout au long de son exposé, je vais citer au
ministre un éditorial paru ce matin dans La Presse. C'est un
éditorial de Vincent Prince, qui est un observateur neutre de la
scène politique qui, au début, avait donné son appui au
projet de loi qui est devant nous et qui, ce matin, nous dit ce qui suit: "Au
lendemain de la présentation en première lecture, le 20 mai
dernier, du projet de loi 17, projet de loi comportant divers amendements au
Code du travail, je disais qu'il s'agissait d'une réforme, somme toute,
mineure et prudente de la législation actuelle. "J'avais
été surtout frappé par le fait que le ministre du Travail,
M. Raynald Fréchette, avait écarté pour le moment les
demandes syndicales relatives à la négociation sectorielle, de
même que celles touchant à la sous-traitance. J'avais retenu en
particulier l'insistance apportée par le ministre à
réduire les délais tant au chapitre de l'accréditation
qu'à celui de l'arbitrage des griefs et je n'avais pas saisi tout
l'impact des correctifs qu'on apportait à la loi antiscab. "En
réalité, comme l'a dit le Conseil du patronat, les changements
sont moins secondaires qu'ils peuvent apparaître à première
vue et il y a lieu, dans les circonstances, d'appuyer les libéraux qui
veulent empêcher l'adoption du projet tant que le gouvernement ne sera
pas en mesure d'arriver avec une refonte complète et plus
équilibrée de notre législation ouvrière."
M. Prince continue: "Depuis des années, on procède
à des amendements à la pièce. La pratique a assez
duré. Le temps est venu de se livrer à une réflexion en
profondeur sur toutes nos lois du travail, d'y associer nos meilleurs esprits
et les parties intéressées, de façon à mieux
adapter le cadre juridique des relations de travail à l'évolution
et aux exigences du milieu. Le ministre a déjà laissé
entendre que ce travail de réflexion pourrait commencer à
l'automne. Pourquoi, en attendant, ne jugerait-il pas plus prudent
lui-même de s'en tenir au statu
quo? La situation des entreprises est déjà assez
précaire sans qu'on leur crée de nouveaux embêtements.
"Dans les amendements à la pièce qu'on a apportés ces
dernières années au Code du travail, le Conseil du patronat note
avec une désillusion bien compréhensible qu'on a toujours voulu
répondre à des demandes syndicales. Les demandes patronales,
elles ont été systématiquement écartées ou
à peu près. "Le Code du travail - poursuit M. Vincent Prince - a
été particulièrement débalancé par
l'adoption, fin 1977, de la fameuse loi antiscab. Or, le projet de loi 17 vient
y ajouter trois contraintes nouvelles qui réduisent d'autant le champ de
manoeuvre des entreprises. Ainsi, dorénavant, en cas de grève, un
employeur ne pourra plus faire appel à un entrepreneur de
l'extérieur pour le dépanner en venant faire fonctionner son
usine; il ne pourra plus utiliser ceux de ses employés qui ne sont pas
syndiqués mais qui sont syndicables; enfin, il devra se passer aussi des
cadres d'une succursale ou l'autre de son entreprise. "Pour les PME - les
petites et moyennes entreprises - cela équivaut virtuellement à
les forcer à fermer dès qu'une grève est
déclarée." C'est un observateur neutre, Vincent Prince, qui
parle. "Il y a aussi parmi les amendements du projet de loi une clause qui
paraît anodine mais qui pourrait créer de graves
difficultés à ces mêmes entreprises si des syndicats
militants voulaient en abuser. C'est celle qui crée une
présomption de culpabilité envers un employeur qui, en
période d'instauration d'un syndicat, refuserait d'embaucher un candidat
parce que celui-ci serait reconnu comme militant syndical. "Le Conseil du
patronat fait remarquer aussi que la possibilité prévue dans le
projet d'accorder l'accréditation à un syndicat qui n'a pas
obtenu une majorité absolue est une dérogation majeure à
notre philosophie du travail. Enfin, il a formulé des suggestions qui
permettraient d'accélérer les procédures d'arbitrage sans
nécessairement recourir à l'arbitre unique comme le voudrait le
ministre. Ces suggestions mériteraient d'être
étudiées avec bien d'autres à l'intérieur de la
réflexion globale dont j'ai parlé plus haut et qui devrait
précéder une réforme en profondeur."
M. le Président, cet éditorial s'inscrit dans la
foulée des promesses électorales, des promessses politiques, des
engagements politiques péquistes que le ministre du Travail par
intérim avait lui-même livrés en 1977, qu'il a
réitérés en 1979, mais qui, comme beaucoup de promesses
péquistes ou d'engagements péquistes, ne se sont jamais
matérialisés.
Le ministre du Travail par intérim est le superministre du
développement social au
Québec. De ce côté-ci de la table, nous comprenons
ses préoccupations sociales. À certains points de vue, nous les
partageons, mais cette dimension sociale et cette pensée sociale du
ministre, il ne faut pas qu'elles soient exercées en vase clos. Il
faudra qu'un jour le ministre du Travail par intérim comprenne que sa
dimension sociale découle de la situation économique du
Québec. Si le message lui venait du député de
Brome-Missisquoi ou d'un membre de l'Opposition, qu'il s'agisse du
député de Laporte, du député de
Mégantic-Compton, qu'il s'agisse du député de Sainte-Anne
également, il pourrait le repousser du revers de la main, mais, lorsque
c'est celui qui tous les jours est aux prises avec les finances publiques du
Québec, avec la situation économique du Québec qui lui
livre un message, peut-être que le ministre pourrait se montrer plus
réceptif, peut-être qu'il devrait se montrer plus ouvert. (12
heures)
Peut-être que le ministre devrait se montrer plus accueillant s'il
souhaite un jour pouvoir maintenir les mesures sociales qu'il
prévilégie; s'il veut continuer dans sa pensée sociale, il
va falloir qu'il permette au Québec de créer la richesse
nécessaire pour la partager dans la communauté à ceux et
à celles qui en ont le plus besoin.
Lorsque je parlais du péquisme, qui est aux prises aujourd'hui
avec cette situation économique, avec des finances publiques qui ne
laissent quasiment pas de marge de manoeuvre, avec des investissements qui
tardent à venir, avec des fermetures d'usines, avec des pertes
d'emplois, avec du chômage et de l'aide sociale, je faisais
référence au ministre des Finances. J'invite le ministre au
Développement social, au Travail par intérim, à
réfléchir sur ce que disait, il y a aussi longtemps que le 16
novembre 1982, M. Jacques Parizeau, et c'est inscrit au journal des
Débats, et je vous le cite: "Deuxièmement, sur le plan des
relations de travail, il y a quelque chose d'indiscutable, il y a une sorte de
flottement chez les hommes d'affaires à l'heure actuelle qu'il nous faut
clairifier assez rapidement. Devant les syndicats qui nous demandent souvent
l'accréditation multipatronale, des milieux patronaux pour qui
l'accréditation multipatronale représente une sorte de danger
perçu comme étant mortel et toute une série de formules
intermédiaires, je pense qu'il est très important qu'assez
rapidement, nous clarifiions la position gouvernementale à
l'égard de ces questions et qu'on puisse dire aux milieux d'affaires:
Voici la politique que le gouvernement entend suivre. Nous avons là - il
parlait du Parti québécois, il parlait de vous aussi, M. le
ministre au Travail par intérim - une responsabilité de
clarification et de précision de nos positions, je me rends trop
bien
compte, dans les milieux d'affaires, à quel point c'est
important."
De l'autre côté de la table, on peut dédaigner les
créateurs d'emplois, on peut dédaigner les employeurs, on peut
créer un statut social à l'employeur au Québec où
celui-ci n'a plus de marge de manoeuvre. S'il fait des profits, c'est un
voleur; s'il fait des pertes, c'est un sans dessein. C'est le statut social
qu'on a réservé à nos entrepreneurs au Québec.
Si vous ne croyez pas votre ministre des Finances, fiez-vous au moins au
témoignage des gens qui sont venus comparaître devant cette
commission. Je vous rappellerai bien brièvement une partie d'un
témoignage qui reflète assez bien la vue ou la pensée des
hommes d'affaires sur ce que vous faites, M. le ministre au
Développement social. Cette pensée nous a été
traduite, et vous allez vous en souvenir, par M. Beaulieu, qui vous a dit en
vous parlant, au gouvernement: Fichez-nous donc la paix, puis laissez-nous donc
travailler." C'est cela que j'ai envie de vous dire; ce n'est pas d'être
antisyndical pour le moment que de nous laisser faire un peu, d'essayer de
créer des jobs. On va encore être aux prises avec toutes sortes de
choses et on ne saura pas comment en sortir. Je pense que je vais aller jusque
là. Si on sondait les coeurs et les reins des entrepreneurs, je dis cela
au ministre et peut-être qu'il va me comprendre, peut-être qu'il va
comprendre, savez-vous ce qu'on a envie de faire présentement? C'est de
maudire notre camp; ce n'est plus viable.
Plus loin, M. Beaulieu ajoutait: Je ne sais pas si je réponds
à votre question, mais je donne le sentiment d'un employeur qui en a
ras-le-bol de tous ces projets de loi inventés dans des officines en
arrière et que, des fois, les ministres sont obligés de
défendre; ce n'est même pas sûr. Laissez-nous travailler le
temps que cela va mal.
M. le président, c'est la conception que ces employeurs, que ces
créateurs d'emplois dont on a absolument besoin au Québec ont de
ce que vous faites présentement. Je suis également sensible - je
vais tenter d'être le plus bref possible - aux arguments qui ont
été apportés de façon fort éloquente
d'ailleurs par le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche
lorsqu'il a pris la parole en deuxième lecture et qu'il nous a
parlé du droit à la syndicalisation, qu'il nous a parlé de
l'amélioration fort souhaitable des conditions de vie des travailleurs
et travailleuses au Québec. Lorsqu'il a invité l'Opposition
à réfléchir sur cette dimension sociale de notre avenir
collectif, cela m'a touché, mais quelque chose me touche davantage. En
politique, bien qu'on soit sensible à plusieurs arguments, il faut
effectuer un choix, avoir des priorités. Avec 1 000 000 de personnes au
Québec bénéficiaires de l'aide sociale, prestataires de
l'assurance-chômage, je vous soumets respectueusement que la
priorité, c'est la création d'emplois, c'est la relance
économique. Bien sûr, j'aimerais voir des travailleurs et des
travailleuses, qui sont sous-payés dans diverses entreprises, qui ont
des conditions de travail qui ne sont pas celles dont on pourrait rêver,
accéder à de meilleures conditions de travail. Bien sûr, M.
le ministre, nous sommes d'accord avec vous sur ce point. Mais, prioritairement
on doit présentement s'occuper de ceux qui sont plongés dans un
drame, dans un drame économique, dans un drame social, dans un drame
familial également...
Une voix: Les travailleurs?
M. Paradis: Oui, les travailleurs et les travailleuses. Lorsque
nos usines quittent le Québec, lorsqu'on n'est pas capable d'instaurer
au Québec, à cause du gouvernement qu'on a présentement et
des gestes qu'il pose, un climat de confiance susceptible d'attirer chez nous
l'investissement, l'emploi, le drame vécu par celui ou celle qui veut
travailler est pire que le drame vécu par celui ou celle qui a un emploi
et dont les conditions d'emploi ne sont pas idéales. Prioritairement,
doit-on s'occuper strictement de ceux qui ont déjà un emploi et
voir à améliorer leurs conditions de travail, ou doit-on
s'occuper de la création d'emplois? Le drame au Québec
vécu par un père ou une mère de famille qui a des bouches
à nourrir et qui n'a pas de travail est encore plus dramatique que celui
qu'a évoqué en deuxième lecture le ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche, de façon fort éloquente
d'ailleurs; il est encore plus dramatique que les drames qui ont
été évoqués par les parties syndicales qui se sont
présentées devant nous.
À ce niveau, vous avez un rôle important à jouer;
vous avez une première décision à prendre. Est-ce que
votre rôle de ministre du Travail par intérim se limite
carrément à une dimension sociale qui ne tient absolument pas
compte du contexte économique dans lequel le Québec se retrouve
aujourd'hui, de toutes ces personnes qui vivent de l'aide sociale ou de
l'assurance-chômage et à la recherche d'un emploi, à
inspirer aux investisseurs et aux employeurs la confiance minimale qui va leur
permettre de croire qu'ils ont un rôle important à jouer dans
cette société québécoise, que c'est important pour
le gouvernement que des emplois soient créés dans le secteur
privé? Si vous prenez cette décision, M. le ministre, vous allez
engager immédiatement un processus de réforme en profondeur du
Code du travail.
Par le projet de loi 17, vous allez maintenir le statu quo actuel, qui
n'est pas
idéal - on vous l'accorde, M. le ministre -mais vous ne
l'empirerez pas. Vous pensez raccourcir des délais avec les clauses que
nous discuterons plus tard. Le résultat pratique, vous pouvez le
vérifier dans le champ auprès des arbitres, auprès des
procureurs syndicaux, auprès des procureurs patronaux. En changeant le
texte de la loi, vous réduirez finalement les délais dans trois
ans, quand la Cour d'appel ou la Cour suprême aura rendu des
décisions sur la nouvelle formulation.
Vous pensez accélérer les délais en ne
procédant à l'imposition d'une première convention
collective que par la voie d'un seul arbitre plutôt qu'en conservant le
conseil d'arbitrage que l'on connaît actuellement. Toutes les parties
vous mettent en garde contre les répercussions que peut avoir le
jugement d'un seul homme sur un élément aussi important qu'une
première convention collective.
Vous pensez accorder des droits aux travailleurs, non pas aux
travailleurs, aux syndicats, devrais-je dire, lorsque vous renforcez les
dispositions antibriseurs de grève. Mais, M. le ministre, pensez-vous au
droit au travail de ces travailleurs et de ces travailleuses? Pensez-vous
sérieusement qu'une PME québécoise dont la marge de
manoeuvre à la banque est rarement supérieure à deux ou
trois mois n'est pas condamnée à la faillite si elle fait face
à un syndicat militant dans le cas d'une grève? Pensez-vous qu'il
est plus important d'avoir des dispositions antibriseurs de grève encore
plus en avant que les dispositions les plus en avant en Amérique du
Nord, qu'on a déjà, ou pensez-vous que la priorité au
Québec, c'est de préserver les emplois qu'on a
présentement? Ce sont des sujets de réflexion qui - je vous le
dis comme je le pense, M. le ministre - ont une portée capitale sur
l'avenir économique du Québec, sur la création et sur le
maintien de l'emploi.
Si vous ajoutez à l'incertitude...
Le Président (M. Blouin): II vous reste deux
minutes...
M. Paradis: ...constitutionnelle, l'incertitude des relations de
travail - sur ce point, le ministre des Finances vous dit que vous avez une
responsabilité de clarification - vous ferez en sorte que non seulement
il n'y aura plus de création d'emplois, il n'y aura plus
d'investissements au Québec, vous ferez en sorte qu'il y aura encore
plus de pertes d'emplois. Je sais que vous pouvez me citer des chiffres de
création d'emplois qui ont été publiés
dernièrement, mais s'agit-il d'emplois permanents, d'emplois
créés par le secteur privé?
Le Président (M. Blouin): ...M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Vous parlez - c'est mon dernier point - de
régression de la syndicalisation au Québec. Bien sûr que le
syndicalisme a régressé: l'économie a
régressé. S'il n'y a pas d'entreprises, s'il n'y a pas de
travailleurs et de travailleuses, il ne peut pas y avoir de syndicats. On vous
demande d'avoir la logique de comprendre cela de l'autre côté.
Lorsque le marché du travail est en expansion au Québec, avec les
lois actuelles, qui ne sont pas complètes et qui ne sont pas
satisfaisantes - toutes les parties en conviennent - il y a augmentation de la
syndicalisation. La réponse est celle-ci: Adoptez donc des projets de
loi dans tous les domaines qui assureront la relance de l'économie, la
création et le maintien d'emplois et vous aurez l'appui de l'Opposition.
Maintenez votre attitude et nous défendrons prioritairement ceux qui
sont à la recherche d'un emploi au Québec, ceux qui vivent les
drames les plus cruciaux présentement.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous permettez. Je
pense que le député de Brome-Missisquoi, qui a quand même
pris presque 20 minutes, me...
M. Paradis: Je m'excuse.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): Non, je ne lui en fais pas le reproche et je
ne l'ai pas interrompu. M'accorderait-il trois minutes pour simplement ajouter
quelques mots? J'avais décidé de ne pas entrer dans des contenus
comme il l'a fait. Il y a une constante - à l'exception d'un article
essentiellement, les dispositions antibriseurs de grève qui sont assez
caractéristiques au Québec - il y a une constante: l'immense
majorité des dispositions qu'on retrouve dans le projet de loi 17 et les
amendements que nous y apporterons et que j'ai annoncés sont des
dispositions inspirées de la législation canadienne et de celle
des autres provinces. C'est fondamental, M. le Président. De
présenter dans son ensemble le Code du travail québécois
comme étant le plus progressif au Canada c'est démontrer une
méconnaissance fondamentale du Code du travail canadien, de celui de la
Colombie britannique, de celui du Manitoba et de celui de la Saskatchewan.
Évidemment, si on veut me citer l'exemple de la
Nouvelle-Écosse, il faut voir que la législation sur le travail
en Nouvelle-Écosse depuis quatre ou cinq ans est plutôt
allée dans le sens d'une diminution de la facilité pour les
travailleurs de se syndiquer. Ce n'est pas reconnu comme étant
exactement la législation la plus évolutive dans le sens d'un
meilleur accès. Mais, dans l'ensemble des provinces canadiennes, je vais
donner seulement un exemple, on va même moins loin que certaines
dispositions canadiennes dans la plupart de nos propres dispositions, y compris
une disposition que nous reproche l'article cité par le
député.
Par exemple, quand on parle du refus d'embauche, M. Prince dit: "La
création d'une présomption contre l'employeur qui refuse
d'embaucher quelqu'un." M. le Président, le Code canadien du travail non
seulement crée la présomption, mais il donne un pouvoir au
commissaire du travail pour obliger un employeur à embaucher quelqu'un
qu'il n'aurait pas embauché, si le commissaire pense qu'il ne l'a pas
embauché parce qu'il a eu des activités syndicales ailleurs. (12
h 15)
Les dispositions du projet de loi 17 vont moins loin que ça,
elles disent: II peut arriver qu'il y ait un refus d'embauche, il peut arriver
qu'effectivement cela soit pour un motif d'activité syndical
antérieure dans une autre entreprise, il peut arriver que le travailleur
gagne sa cause, et on crée une présomption, ce qui est la
règle générale dans l'accréditation, il y a des
présomptions en faveur des travailleurs, rarement en faveur des
entreprises, pour des raisons évidentes de développement et
ç'a toujours été comme ça dans notre
législation du travail ici comme dans le reste du Canada.
Le Code canadien donne au commissaire canadien du travail d'obliger un
employeur à embaucher une personne qu'il n'a pas embauchée pour
le motif qu'il ne l'aurait pas fait parce qu'elle avait fait des
activités syndicales.
Alors, le projet 17 ne crée qu'une sanction pénale. Il est
important de remettre en perspective la plupart des dispositions qui sont
contenues dans cette loi. Je ne disconviens pas que, dans le cas des mesures
antibriseurs de grève, c'est différent. Dans ce sens-là,
ce que nous visons à faire, c'est d'assurer l'interprétation qui,
à notre avis, était l'interprétation ou la
"volonté" du législateur au moment du projet de loi 45 en 1978 et
nous le précisons, nous sommes conscients que cela soulève un
débat. Les arguments que j'ai entendus de la part du patronat sont
exactement les mêmes qu'il nous a servis lors de la loi 45.
Donc, M. le Président, pour terminer ces remarques
préliminaires, je dirai qu'une des constantes dans ce projet, c'est que,
pour l'immense majorité des dispositions qu'on y retrouve, à une
exception importante près, à quelques autres aussi, mais sur des
choses vraiment plus mineures, les dispositions de la loi 17 s'apparentent
essentiellement à la législation comparée au Canada et si
nos collègues de l'Opposition et leurs propres officines avaient
décidé de faire cette revue comparative du droit canadien, ils
verraient que ce n'est pas exactement la révolution.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Jonhson (Anjou): Je terminerai un peu plus tard, M. le
Président, mon exposé.
M. Paradis: Compte tenu des remarques que vient d'adresser le
ministre du Travail, je sais que mon droit de parole est épuisé
sur les remarques préliminaires, mais pour nous en tenir quand
même à des pourparlers de coulisse que j'avais eus avec le
ministre et que je tiens à respecter en tout temps, je demanderais cinq
minutes pour le député de Mont-Royal pour qu'il puisse
répliquer strictement aux arguments qu'a donnés dans sa
réplique le ministre du Travail par intérim.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Mont-Royal, en vous demandant de vous limiter à ces cinq minutes, s'il
vous plaît!
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le ministre s'est référé
à d'autres mesures dans d'autres codes canadiens du travail. Il citait
comme exemple notre Code du travail, qui se serait inspiré d'autres
mesures qu'on peut trouver dans le code du travail d'autres provinces et le
code canadien. Je voudrais faire remarquer au ministre que, si on prend les
mesures que l'on pourrait décrire soi-disant comme les plus
avant-gardistes dans tous les autres codes de travail et que l'on essaie d'en
faire la totalité ou de les inclure dans nos lois, c'est de cette
façon que notre Code du travail devient le plus contraignant au pays,
dans tout le Canada. C'est bien beau de dire que l'on prend comme exemple
certaines mesures qui existent ailleurs, qu'on s'est inspiré de cela,
mais si on ne prend pas le contrepoids de cela, si on ne prend pas les autres
mesures qui établissent un équilibre entre le patronat, les
employeurs et les employés, c'est dans ce sens-là que la loi qui
est proposée aujourd'hui, que le Code du travail que nous avons, devient
complètement déséquilibré, et favorise
exclusivement un secteur de notre économie. C'est dans ce sens que cela
fait du tort à l'économie, que cela fait du tort aux employeurs
et spécialement aux petites entreprises.
Je ne pense donc pas que cela soit tout à fait exact, que
même cela puisse être exact de dire qu'on s'est inspiré
d'autres mesures canadiennes et de les citer, mais si on ne connaît pas
le contrepoids, les contre-mesures pour établir cet équilibre, je
ne pense pas qu'on donne le vrai visage de ce qui se produit ici, au
Québec. Même des commentateurs de différents milieux ont
souligné les abus possibles des mesures qui sont proposées dans
la présente loi. On ne veut pas faire marche-arrière et dire que,
dans les mesures antibriseurs de grève, à un moment donné,
c'est vrai qu'il y a eu peut-être des abus, il y a plusieurs
années, en faveur des employeurs. Mais, aujourd'hui, si on va
complètement à l'autre extrémité, on va forcer les
petites et moyennes entreprises à fermer leurs portes, parce qu'on leur
enlève le pouvoir de négocier; on leur enlève un minimum
de survie. Cela ne sert à rien de dire qu'on s'inspire des autres
mesures canadiennes. Il y a un abus. C'est totalement
déséquilibré et c'est dans ce sens que nous nous opposons
à certaines mesures qui sont présentées maintenant par le
gouvernement. Ce n'est pas seulement nous. Ce sont d'autres porte-parole
d'autres milieux qui le soulignent au gouvernement et qui essaient d'apporter
au gouvernement des recommandations et des mises en garde pour ne pas rendre
encore plus difficile la situation des entreprises et les investissements qui
sont au Québec et qu'on veut voir venir au Québec.
Je pense que c'est dans ce sens qu'il ne faudrait pas strictement
répondre à des pressions politiques et donner l'image que nous
voulons vraiment faire quelque chose pour les travailleurs.
Si on abuse et si les mesures que nous prenons ne sont pas
réalistes, si elles ne travaillent pas dans l'ensemble de toute
l'économie, on ne rend pas service aux travailleurs. Si les portes se
ferment dans l'industrie, on aura beau établir un principe et dire:
Regardez, on a une mesure avant-gardiste dans notre Code du travail, mais si
les usines ferment, ce sera un prix de consolation pas mal élevé.
Ce serait très peu accepté des travailleurs de leur dire:
Regardez donc, on a le meilleur, le plus beau Code du travail au monde, mais
cela nous force à être en chômage. Dans ce sens, M. le
Président, je pense qu'il faut rétablir l'équilibre et
enlever ces mesures qui vont aller contre les intérêts des
travailleurs. Parfois, en voulant trop protéger quelqu'un, on
crée une situation où on le contraint et où on
l'empêche de faire ce qu'il veut vraiment faire. Ouvrons donc notre
esprit. Ouvrons donc les portes à un peu de liberté individuelle,
à la liberté des entreprises et vous allez voir que les
résultats vont oeuvrer beaucoup plus dans l'intérêt des
travailleurs qu'on ne le pense. Cela ne donnera pas une image, peut-être,
mais ce n'est pas ce qu'on veut, on veut la réalité. Ce sont les
brèves remarques liminaires, M. le Président, que je voulais
apporter à l'attention du ministre.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Beauharnois, tout le monde a évidemment le droit de parole. On peut
continuer ainsi, mais il avait été convenu qu'après ces
brèves remarques préliminaires, nous appellerions l'article
1.
M. Lavigne: Oui, M. le Président. Je me reprendrai
à l'article 1.
Étude article par article
Le Président (M. Blouin): Très bien. J'appelle
l'article 1 du projet de loi 17. M. le ministre.
Groupe non syndicable
M. Johnson (Anjou): M. le Président, l'article 1 vise
simplement à soustraire, à définir, finalement, un groupe
non syndicable, à toutes fins utiles, qui comprend les commissaires au
placement, leurs adjoints ainsi que le commissaire de la construction, qu'on
retrouve dans la loi sur l'industrie de la construction, pour le motif que les
fonctions de ces personnes sont des fonctions d'une nature qu'on pourrait
presque qualifier de quasi judiciaires, dans les circonstances, de la
même façon que les juges, les cadres et d'autres types de
travailleurs, considérés comme des travailleurs autonomes et que
leurs fonctions font que c'est incompatible, en vertu de l'économie
générale de nos lois, avec la syndicalisation.
M. le Président, avant que nos collègues ne
présentent leurs interventions sur l'article 1, puis-je me permettre de
vous demander la suspension de nos travaux jusqu'à 14 h 20, cet
après-midi?
M. Paradis: 14 h 25.
M. Johnson (Anjou): 14 h 25, pour être sûrs
qu'à 14 h 30, on est en train de travailler.
Le Président (M. Blouin): Nous suspendons nos travaux
jusqu'à 14 h 25 cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 25)
(Reprise de la séance à 14 h 39)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît;
Nous allons reprendre les travaux de la commission élue
permanente du travail.
Il y a eu une modification. Je relis
donc la liste des membres et des intervenants.
Les membres de la commission sont: MM. Bisaillon (Saint-Marie), Cusano
(Viau), Dean (Prévost), Johnson (Anjou), Mme Harel (Maisonneuve), MM.
Lafrenière (Ungava), Lavigne (Beauharnois), Mathieu (Beauce-Sud), Leduc
(Fabre), Paradis (Brome-Missisquoi), Rocheleau (Hull) et Bordeleau
(Abitibi-Est).
Les intervenants sont: MM. Bélanger (Mégantic-Compton),
Champagne (Mille-Îles), Bourbeau (Laporte), Pagé (Portneuf), Payne
(Vachon), Polak (Sainte-Anne), Proulx (Saint-Jean) et Vaugeois
(Trois-Rivières).
M. le ministre, nous avons appelé ce matin l'article 1 et vous
aviez la parole.
M. Johnson (Anjou): L'article 1 est-il adopté, M. le
Président?
M. Polak: Le ministre a-t-il terminé son intervention sur
l'article 1?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, peut-être pour
éviter de revenir en réplique, étant donné que
j'anticipe un peu ce que pourrait dire de pertinent le député de
Saint-Henri...
M. Polak: De Sainte-Anne.
M. Johnson (Anjou): ...de Sainte-Anne, pardon...
M. Polak: C'est dans le bout d'Anjou.
M. Johnson (Anjou): Quelle confusion! Je dirai que nous excluons,
en vertu de l'article 1, certaines personnes dont la nature des fonctions les
rend incompatibles avec la syndicalisation.
Par ailleurs, nous ne répondons pas de façon affirmative
à une demande faite notamment par la FTQ et la CSN, peut-être
même la CEQ, d'inclure les personnes travaillant dans les
coopératives forestières -même si elles posent certains des
problèmes qui ont été évoqués par les
syndicats - pour la raison que c'est un secteur dont la structure, les
habitudes, le mode de fonctionnement font qu'il nous apparaît
inadéquat d'intervenir à ce moment-ci. C'est tout, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président. M. le Président,
concernant l'article 1, je dois d'abord vous dire que j'ai pris quelques notes.
Vous savez comment cela fonctionne à Québec en fin de session au
mois de juin: il fait beau, on mange dehors. J'ai noté quelques mots
comme "arrogance". Je ne parle pas directement du ministre. J'ai inscrit le mot
"arrogance". Chez nous, on dit: Ce n'est pas possible qu'il arrive encore avec
un projet de loi comme celui-là. Refonte complète, cela a
été mentionné ce matin par notre porte-parole. J'ai pris
une autre note ici: On veut des jobs, pas de fermeture d'usines.
L'article 1. Je me rappelle, M. le Président - j'étais ici
la semaine dernière et vous étiez le président - quand
tous ces groupes sont venus devant nous. Il y avait des employeurs, des
employés. Je me rappelle très bien M. Laberge et aussi le
Syndicat des policiers de la ville de Montréal, qui n'a même pas
été entendu. Finalement, j'ai réussi à faire
déposer son mémoire. On a appris que personne n'est pour
l'adoption de ce projet de loi et certainement pas pour l'article 1. Tout le
monde est malheureux. Les employeurs disent: On est allé trop loin. Les
gens des syndicats disent: On n'est pas allé assez loin.
J'ai relu l'article 1 cinq fois pendant mon voyage en avion. Je suis
avocat tout de même. Je dois lire assez rapidement et comprendre. Je vais
vous lire l'article 1. Prenons quelqu'un du public qui dit: Je vais commander
une copie du projet de loi 17. Je suis intéressé de savoir ce qui
se passe chez nous dans la province de Québec. Qu'est-ce qu'on dit
à l'article 1. Il se lit comme suit: "L'article 1 du Code du travail est
modifié par l'insertion, dans la neuvième ligne du
sous-paragraphe 3° du paragraphe 1, - là, c'est pas mal
compliqué - après les mots "la présente loi", des mots "du
commissaire de la construction ou du commissaire au placement et de ses
adjoints visés dans la Loi sur les relations du travail dans l'industrie
de la construction (L.R.Q., chapitre (R-20),". C'est toujours la même
affaire. C'est toujours une refonte d'une loi. Ce n'est pas une refonte
majeure. On aurait dû procéder à une refonte majeure, mais
on ne l'a pas fait. C'est notre principale critique. On revient toujours avec
les morceaux. On nous présente des amendements. Pourquoi ne pouvons-nous
pas nous dire: Le Code du travail est amendé par les amendements
suivants et se lit maintenant comme suit: Heureusement, on a des recherchistes.
Qu'est-ce qu'ils font? Regardez donc le travail que cela a donné
seulement pour l'article 1. On prend l'ancien article tel quel, à
côté il y a l'amendement. Il y a des gens du public ici qui
disent: Que veut dire l'article 1? J'ai dû le relire cinq fois pour le
comprendre. L'article 1 dit ce qu'est un salarié. C'est la
définition du mot "salarié" en vertu du Code du travail. C'est
très important, la définition du mot "salarié". Savez-vous
pourquoi? Parce que le gouvernement péquiste nous dit: On arrive avec
des amendements et on va vraiment protéger encore plus les
employés jusqu'à un point tel où il n'y a plus d'emplois,
il n'y a plus de travail.
On dit ici dans les notes explicatives: "II élargit - le projet
de loi - la protection du droit d'association en prévoyant que les
représailles et les mesures discriminatoires prises contre un
salarié, c'est donc très important de savoir la définition
du mot "salarié" à l'article 1. Le mot "salarié" revient
tout le temps.
M. Bélanger: Oui c'est quasiment seulement cela.
M. Polak: ... Les représailles contre un salarié
à cause de l'exercice par celui-ci d'un droit qui lui résulte du
Code du travail à l'occasion de pratiques déloyales pour
lesquelles l'employeur pourra être poursuivi et le salarié
être indemnisé. Donc, le salarié a le droit d'être
indemnisé s'il y a une pratique déloyale contre lui.
Je suis très content, M. le président, que Mme la
députée de Dorion me suive parce que j'ai toujours de la
difficulté à pénétrer auprès des
péquistes afin de leur faire voir la lumière. Elle commence
à me suivre, peut-être parce que vous êtes venue nous
visiter à Sainte-Anne en disant que le gouvernement avait donné
une belle subvention aux coopératives. Je dis toujours: On accepte les
subventions mais votez pour nous.
La définition du mot "employé" est donc très
importante parce qu'il y a des employés qui peuvent poursuivre pour des
pratiques déloyales.
Je ne veux pas abuser de mon droit de parole, je n'ai malheureusement
que 20 minutes. Autrement, je suis obligé de lire toutes ces notes
explicatives où on trouve toujours que, dans les amendements, on parle
des nouveaux droits des employés. Donc, il faut déterminer qui
est employé. C'est très important parce que, si je ne suis pas
employé, je n'ai plus ce droit qu'on me donne maintenant.
Qu'est-ce qu'on dit dans l'article 1? Il faut le lire. Par l'article 1,
on amende le sous-paragraphe 3e du paragraphe 1 qui se lit comme suit - c'est
l'article tel quel parce qu'on l'amende - le mot "employé" ne comprend
pas... Il faut bien penser à cela. Ceux qui sont "listés"
maintenant ne sont pas employés, ils ne bénéficient donc
pas...
M. Bélanger: Mais ils travaillent.
M. Polak: C'est cela. On ne le sait pas. 1 une personne qui, au
jugement du commissaire du travail, ... gérant, surintendant... Cela est
clair. Cela veut dire que tous ceux qui sont les "boss" sont employés.
D'accord. 2 un administrateur ou officier d'une corporation... si quelqu'un
touche une compensation. D'accord.
Mais on commence à changer à l'article 3. Que dit
l'article 3 ? La personne suivante n'est pas employée. Donc, elle ne
bénéficie pas de toutes ces nouvelles protections. "Un
fonctionnaire du gouvernement dont l'emploi est d'un caractère
confidentiel au jugement du Tribunal du travail... Ah! Ah! On dit: "Un
fonctionnaire du gouvernement." Est-ce que cela veut dire quelqu'un qui
travaille pour le gouvernement provincial? Que veut dire le mot
"gouvernement"?
Plus loin, dans l'article, on parle "d'organisme du gouvernement".
Là, il y a déjà une contradiction et on n'a pas
réglé cela dans l'amendement.
M. Bélanger: C'est vrai.
M. Polak: Quand j'ai vu le texte j'ai dit: C'est un
employé du gouvernement. C'est clair, quelqu'un qui travaille pour le
gouvernement provincial. Plus tard, je vous lis le reste de l'article, vous
verrez qu'on parle de quelqu'un qui travaille dans un ministère ou
organisme du gouvernement. Les régies, par exemple, sont-elles
là-dedans, oui ou non? C'est très important, il s'agit de
milliers de personnes. Je continue: "dont l'emploi est d'un caractère
confidentiel au jugement du Tribunal du travail..." Donc, l'employé, le
fonctionnaire du gouvernement... Celui qui doit remplir une tâche d'un
caractère confidentiel. Qui décide si la tâche est
confidentielle ou non? Le jugement du Tribunal du travail. Si on laisse
l'article tel quel, cela laisse évidemment beaucoup de doutes. Disons
qu'une secrétaire travaille dans un bureau. Elle voit des dossiers et
des lettres. Est-ce que c'est d'un caractère confidentiel oui ou non?
Peut-être que son employeur peut envoyer des lettres confidentielles qui
n'ont rien à voir avec son travail au ministère. On ne le sait
pas. En tout cas, on parle du caractère confidentiel. J'imagine que ce
doit être confidentiel au point de vue de la fonction qu'il occupe. C'est
normal.
Pour le cas où ce ne serait pas clair, le projet de loi dit: "au
jugement du Tribunal du travail". On a donc prévu un problème et
on a décidé qu'on laissait cela au jugement du Tribunal du
travail.
Je continue à lire l'article: "ou au terme d'une entente liant le
gouvernement à des associations accréditées
conformément au chapitre VIII de la Loi sur la Fonction publique qui
sont parties à une convention collective qui autrement s'appliquerait
à ce fonctionnaire, tel est l'emploi d'un conciliateur." Soudainement,
le législateur dit: Au cas où ce ne serait pas clair - et pour
moi ce n'est pas clair du tout - je comprends, M. le député de
Sainte-Anne, vous êtes peut-être plus intelligent qu'on pensait.
Donc, nous avons prévu cela, on continue à dire: Tel est l'emploi
d'un conciliateur. On commence à donner des
exemples de ceux qui ne sont pas employés. "Tel est l'emploi d'un
conciliateur du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre." Pour moi,
un conciliateur c'est celui qui, dans le domaine du travail, a des
renseignements d'un caractère confidentiel. Donc, il n'était pas
nécessaire de dire: "Tel est l'emploi d'un conciliateur", de nommer sa
fonction, parce que, si on prend la première partie de l'article...
d'identifier sa fonction. Dans la première partie de l'article, la
description des mots "un fonctionnaire du gouvernement dont l'emploi est d'un
caractère confidentiel", cela couvre cette personne automatiquement.
Mais peut-être que vous n'en êtes pas certain, on a dit: "Tel est
l'emploi du conciliateur. Donc il n'est pas employé en vertu du Code du
travail. "...d'un agent d'accréditation ou d'un commissaire du travail
visé par la présente loi. C'est la même chose. Quelqu'un
qui travaille comme agent d'accréditation est exempté.
Apparemment, on dit que cette personne aura des renseignements confidentiels et
on veut l'exempter. "...un membre du personnel du Conseil exécutif, par
exemple, une personne qui travaille dans le bureau du premier ministre. Par
exemple, M. Jean-Roch Boivin n'est pas employé; il ne peut pas, parce
qu'il est membre du personnel du Conseil exécutif. Quelqu'un qui
travaille au Conseil du Trésor, pour M. Bérubé, parce
qu'il peut avoir des renseignements de nature confidentielle.
On dit aussi: "...du Vérificateur général. Dans le
texte, on dit: "Le Vérificateur général n'est pas un
employé." Je comprends bien. Mme la députée de Dorion,
lisez l'article 3 avec moi. C'est intéressant; j'ai trouvé cela
juste cet après-midi. On ne parle pas du Vérificateur
général; on parle vraiment du personnel du bureau du
Vérificateur général, quand vous lisez bien le texte.
C'est là une distinction qu'il faut faire. Ce n'est pas seulement le
Vérificateur général qui n'est pas employé, mais
tous ceux - cela inclut tous les secrétaires, celui qui apporte une
tasse de café à quelqu'un qui travaille dans ce bureau - je ne
crois pas, ceux qui sont membres du personnel du bureau du Vérificateur
général; c'est comme cela qu'on doit lire. Ces gens sont tous
exclus; ils ne sont pas considérés comme des employés
selon le Code du travail. "...du ministère de la Fonction publique..."
Tous ceux qui travaillent au ministère de la Fonction publique sont
exclus. Évidemment, je me posais la question, c'est bizarre, parce qu'il
y en a qui travaillent au ministère de la Fonction publique, tout de
même qui n'ont pas toujours des renseignements d'un caractère
confidentiel. Ce n'est pas tout ce qu'on fait ici qui a un caractère
confidentiel. Mais on a pris la peine de les inclure.
Le problème dans cela, c'est qu'on fait ici une
énumération. Par exemple, on dit: tel quel, tel que... Mais ceux
qui ont été oubliés se demandent comment il se fait qu'ils
ne sont pas inclus et insistent pour être inclus. Je vais même
mentionner des ministères qui ne sont pas là-dedans, qui ont
été oubliés et ils doivent deviner s'ils sont inclus oui
ou non.
Ceux qui travaillent à la Commission de la fonction publique ne
sont pas considérés comme employés; ils sont exclus. Cela
comprend beaucoup de gens qui travaillent à la Commission de la fonction
publique. On ne fait aucune distinction concernant la nature de la fonction. On
ne parle pas du travail confidentiel, oui ou non.
Même ceux qui travaillent à l'Office du recrutement et de
la sélection du personnel de la Fontion publique sont exclus. Je
comprends mieux cela parce qu'au moins, ces gens ont des renseignements de
nature confidentielle. Je comprends la confidentialité quand on parle de
l'Office du recrutement et de la sélection du personnel. Mais la
Commission de la fonction publique, ce n'est pas la fin du monde, là on
s'informe pour demander: Est-ce que je peux postuler tel et tel emploi? Tout
est affiché dans le "building". On voit ces avis tout le temps autour
des ascenseurs mentionnant à ceux qui sont intéressés de
postuler telle et telle fonction: S'il vous plaît, envoyez votre lettre
à telle et telle adresse. Je ne sais pas ce qu'il y a de confidentiel
là-dedans, mais ils sont inclus.
On continue. ...du cabinet d'un ministre... Cela veut dire tous ceux qui
travaillent dans un cabinet de ministre, tous les attachés politiques,
le personnel de secrétariat, etc., sont exclus. Je comprends cela parce
que c'est tout de même un travail d'un caractère confidentiel. Ou
d'un sous-ministre. On commence à descendre. Prenons par exemple le
ministre du Travail par intérim qui est ici aujourd'hui, parce que son
collègue est malheureusement malade; mais il était prêt, je
pense, à retirer ce projet de loi; il a vu que c'était une grosse
erreur. On ne peut révéler certaines discussions, mais tout de
même on se parle entre nous. Sa réaction a été de
dire: Ce n'est pas ce que je veux. Mais il est malade malheureusement; pas
à cause de nous, j'étais là vendredi quand nous l'avons
questionné sur la CSST, et j'espère que ce n'est pas moi qui l'ai
rendu malade. Vendredi, nous étions en commission, il avait l'air
fatigué; il avait des cheveux gris, moi aussi, j'ai des cheveux gris,
mais j'espère que je ne suis pas malade.
Mais il y a un autre ministre qui prend sa place. Le ministre des
Affaires sociales est reconnu comme un homme "tough", comme on dit en anglais.
C'est un homme dur. On a même dit que c'était le dauphin.
Je ne suis pas assez impliqué dans cette affaire, pour savoir si
c'est le dauphin ou pas, mais, sur le plan personnel, je n'ai rien contre lui.
Je me rappelle quand il a eu son accident en ski, il marchait avec un
bâton et je pensais que la cheville était cassée, ce
n'était pas cela. J'avais pitié de ce ministre. Je disais: Ce
n'est pas possible, cet homme siège jusqu'à minuit. On
siégeait en une commission et cela a bien été. Je me
rappelle très bien, parce qu'il a retiré un projet de loi
privé, qu'il n'aurait jamais dû présenter. Heureusement, il
a vu la lumière, parce que je l'ai convaincu de retirer le projet de
loi, comme je voulais le convaincre de retirer le projet de loi 17 et, s'il
vous plaît, pas le statu quo, pour le moment, c'est
préférable, et de procéder avec ce qu'on appelle une
refonte de fond. Malheureusement, on est rendu vis-à-vis d'un ministre
"tough", dur, qui veut avoir sa loi. On a dit l'autre jour: Polak,
arrêtez donc, parce que vous vous adressez à des oreilles sourdes.
J'ai dit: Quoi? Des oreilles sourdes. Je sais qu'il fume, mais je ne pense pas
qu'il soit sourd. Je veux que cela soit enregistré que le ministre a
dit: Pardon? Et a mis sa main sur son oreille. Peut-être que, quand je
dis que je parle à des oreilles sourdes, j'ai découvert quelque
chose.
Savez-vous, chez nous, les candidats doivent toujours passer un "test"
physique, être en forme. La surdité, ce n'est pas un handicap. On
est maintenant à l'article 1, parce que le ministre insiste. Si le
ministre était un homme de tête, il aurait dit: Bon, je
réalise, je ne vous donne pas la victoire, je suis bien prêt
à recommander à mon chef d'équipe, le député
de Brome-Missisquoi, à lui dire: Laissez donc la victoire au ministre.
On ne cherche pas la victoire. M. le ministre, on va vous donner une
manière élégante de retirer cela. C'est compris avec vous.
Pas de filibuster, ces choses-là, pas du tout. On va être
raisonnable et dire: M. le ministre, c'est cela qu'on veut vraiment pour le
bénéfice de tout le monde, les travailleurs, les
Québécois et les Québécoises. Il a
décidé: Non, j'insiste pour l'article 1.
Je continue, mais cela est juste un petit à côté. Je
parlais d'un bureau de sous-ministre, tous ceux qui travaillent dans un bureau,
non seulement d'un ministre, mais d'un sous-ministre en vertu de... sont
exemptés, ne sont pas considérés comme des
salariés. On dit même "ou organismes du gouvernement". On nous
présente un amendement, on aurait dû amender ces termes en
même temps, "ou organismes du gouvernement", parce que, tout à
l'heure, au début de l'article 1, paragraphe 3, on parle des
fonctionnaires du gouvernement. Cela était clair. Plus loin maintenant,
on voit: dans quelque ministère ou organisme du gouvernement. Qu'est-ce
que cela veut dire?
Est-ce qu'Hydro-Québec est considérée comme
organisme du gouvernement, et la Régie des alcools? Je ne le sais pas.
Je vois le ministre qui dit non. Il ne dit pas non en paroles, il le dit avec
sa tête, à cause de... Je ne dis pas qu'il est sourd, mais disons
qu'il peut avoir le problème de me suivre. Il fait le signe, M. le
Président, vous notez cela, je suis content de pouvoir le dire parce que
c'est enregistré, il fait signe que non.
Je me pose la question. Quand on dit "organisme du gouvernement", parce
qu'on est soit à l'emploi du gouvernement ou pas, organisme du
gouvernement pour moi, cela veut dire un organisme qui est
contrôlé par le gouvernement, où le gouvernement a beaucoup
à dire. La CSST, est-ce que c'est un organisme du gouvernement? Je ne le
pense pas moi-même. Je pense qu'Hydro-Québec est peut-être
plus contrôlée par le gouvernement. Le ministre des Finances
possède toutes les actions d'Hydro-Québec. C'est pour cela que,
de temps en temps, je regarde et me demande où M. Parizeau garde ces
millions d'actions? C'est beaucoup, c'est un gros paquet. Avec celui qui est le
détenteur de toutes les actions d'Hydro-Québec, il y a un lien
quelque part. Organisme du gouvernement... Là, on dit, je finis
l'article et je vois, fait partie du service de direction du personnel. Ces
gens sont exclus.
Qu'est-ce qu'on dit maintenant dans l'amendement? Dans l'amendement on
dit: Veuillez lire après les mots "la présente loi", et je
reviens aux deux tiers de ce que je viens de lire, les mots suivants: "Du
commissaire de la construction ou du commissaire au placement et de ses
adjoints visés dans la Loi sur les relations de travail dans l'industrie
de la construction." Au point de vue pratique, cela voudrait donc dire que le
commissaire de la construction et le commissaire au placement et ses adjoints
ne sont plus considérés comme des salariés. Qu'est-ce qui
arrive avec ceux qui travaillent dans leurs bureaux et qui connaissent toutes
sortes de secrets sur le plan confidentiel? C'est qu'on parle dans l'article
des mots "caractère confidentiel". Le commissaire du travail parle ...
et sa secrétaire connaît tous ses petits secrets. Vous savez, avec
la FTQ, j'ai fait référence à M. Laberge, je demandais
à M. Laberge: Est-ce que le projet de loi 17 c'est un cadeau pour ce que
vous avez fait pour le gouvernement? Il a répondu, non, parce que cela
ne sera pas un cadeau de grande valeur. Il ne dit pas: Ce n'est pas un cadeau.
Il dit que c'est un cadeau de peu de valeur, un petit cadeau, disons. (15
heures)
J'aurais dû lui demander: Est-ce le commencement, le début
d'un cadeau? Il aurait probablement répondu oui. Quand je vois, donc,
que le commissaire au placement
et ses adjoints ne sont plus salariés, qu'arrive-t-il à
ceux qui travaillent dans leurs bureaux? Cela n'a pas été
couvert. Je n'ai pas préparé les amendements. Je suis prêt
à le faire, mais je ne veux pas retarder inutilement, parce que le
ministre va dire: Regardez donc les libéraux, comment ils prennent la...
Regardez donc! M. le Président, n'oublions jamais une chose. J'ai
été ici jusqu'à minuit la semaine dernière. On a eu
la commission parlementaire avec tous les organismes, mais, à minuit, on
nous donnait leurs mémoires. Le groupe se présentait et on
était ici. Par exemple, je me rappelle très bien la CSD. La CSD
était ici, le groupement ouvrier de M. Hétu. On nous a
présenté le mémoire quand ils s'installaient. Je pense
qu'au point de vue de la préparation, de la chance qu'on nous a
donnée pour prendre connaissance de ce projet de loi, cela a
été fait, comme toujours, à la fin de la séance,
avec rapidité, sans aucune chance de l'étudier.
Je suis content, au moins, d'avoir soulevé le problème des
gens à l'article 1, seulement à l'article 1, ce que cela veut
dire, cette affaire confidentielle. J'aimerais avoir des réponses,
peut-être des amendements. Peut-être qu'on devrait dire: Ses
adjoints ainsi que leurs employés, par exemple. C'est une suggestion, je
sais cela. Mon chef d'équipe n'est peut-être pas d'accord avec
cela. C'est lui qui pilote; je suis le soldat et j'exécute les ordres
que j'ai reçus. Donc, on m'a demandé de faire une recherche sur
l'article 1. Je l'ai faite. J'ai examiné les autres articles aussi. Je
me réserve donc, M. le Président - parce que mon temps est
coupé - de parler sur l'article 2, par exemple. Mais, pour le moment, je
soulève ce problème et je demande au ministre qui, tout de
même... parce qu'il n'est pas seulement médecin, il est avocat. Je
pense qu'il n'a jamais pratiqué comme avocat. Il aurait dû, parce
que s'il avait pratiqué comme avocat, il aurait retiré ce projet
de loi. Il aurait compris ce que cela veut dire, la vie au jour le jour.
M. le Président, excusez-moi. J'ai soulevé quelques points
et j'espère avoir des réponses.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Sainte-Anne. M. le ministre, juste avant de vous donner
la parole, je dois vous souligner que la liste que j'ai lue au début de
cette séance n'était pas la bonne et que la liste à
laquelle il faut faire référence est celle de ce matin, en la
modifiant en changeant le nom de M. Fortier (Outremont) pour celui de M.
Bourbeau (Laporte). M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président,
brièvement. Je pense que je n'aurai pas l'occasion d'intervenir souvent
dans ce débat qui va nous permettre sans doute d'être à
l'article 2 à 18 heures. Le député de Sainte-Anne s'est
permis de passer des commentaires sur le métier que j'ai exercé
à une certaine époque et peut-être porter des jugements sur
ma façon d'exercer ce métier comme avocat. Je ne relèverai
pas ses commentaires sous forme de question de privilège; je sais que ce
n'est pas autorisé, M. le Président. Je dirai simplement que je
sais que le député de Sainte-Anne est un avocat qui a fait sa
réputation dans son coin comme avocat, mais que, chose certaine, il ne
semble pas s'efforcer, à l'occasion des commentaires qu'il a faits sur
l'article 1, de nous démontrer que, de fait, il est un très bon
avocat.
M. Paradis: M. le Président, très
brièvement, sur la question soulevée par le ministre. Je
comprends les propos du ministre, qui n'a pas écouté
attentivement les représentations et qui est allé s'asseoir au
fond de la salle. Peut-être à cause des problèmes auditifs
qu'a soulignés le député de Sainte-Anne, il n'a pas
compris ce que le député de Sainte-Anne lui disait.
L'intervention du député de Sainte-Anne était capitale
pour la définition du mot "salarié". Lorsqu'on parle à
tous les articles du mot "salarié", il faut s'entendre sur une
définition au début. C'était là le sens de
l'intervention du député de Sainte-Anne.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Comme vous
pouvez le constater, nous en sommes à l'article 1 d'un projet de loi qui
comporte 110 articles. C'est aussi un projet de loi, comme l'a dit le ministre
lui-même -ce sont ses paroles, je crois - qui n'est peut-être pas
révolutionnaire, mais qui a quand même son importance. Je voudrais
relever quelques propos du ministre lorsqu'il a dit, par exemple, que le Parti
libéral du Québec défendait les patrons au lieu de
défendre les salariés. Oui, c'est à peu près ce que
vous avez laissé voir: que c'était bon, que c'était
peut-être populaire de tenter de dire que les syndicats étaient
trop forts et qu'on préférait, nous, défendre les chefs
d'entreprise, etc., que de défendre les salariés. L'article 1
parle justement des salariés et j'ai l'impression que ce sera l'article
le plus long à adopter dans tout le projet de loi, parce que, justement,
on traite du mot "salarié". Nous, c'est évident qu'on
défend les salariés. On se souviendra qu'en décembre 1982
lorsque le gouvernement a voté des lois telles que la loi 70, la loi
105, la loi 111 qui s'attaquaient directement aux salariés, là,
le Parti lébéral n'a pas hésité à passer des
journées et des nuits complètes à défendre ces
salariés.
II y a des choses également que mon collègue de
Sainte-Anne ne comprend pas dans l'article 1. J'ai le même
problème, M. le Président. Lorsqu'on parle des commissaires au
placement, est-ce qu'on doit voir dans cela ceux qui ont à faire
appliquer le fameux règlement de placement, le règlement 5, qui
interdit aux gens de travailler sur la construction s'il n'ont pas, au
préalable ou les années précédentes,
travaillé un certain nombre d'heures? Si tel est le cas, on aimerait le
savoir. Mais, ici, on parle de commissaires au placement. Est-ce que ce sont
seulement ceux qui prennent les demandes, qui, en quelque sorte, supervisent
l'embauche dans le domaine de la construction ou ceux qui sont qualifiés
par l'Office de la construction du Québec pour refuser l'embauche de
travailleurs compétents? C'est pourquoi, M. le Président,
l'article 1 est d'une extrêmeme importance. Il faut qu'on s'entende
très bien sur le mot "salarié" parce que le mot salarié
revient, comme le dit mon collègue, régulièrement. Et je
comprends mal également... - Bonjour M. le Président, je vous
salue - que ce gouvernement qui se veut le défenseur des
salariés, qui se veut le gouvernement le plus près des
salariés, fasse une exception de quasiment la totalité des gens
qui travaillent dans la fonction publique et des chefs de cabinet - cela serait
peut-être pratique d'être syndiqué comme chef de cabinet
parce que j'ai l'impression que le chef de cabinet du premier ministre aimerait
avoir un syndicat pour venir à sa défense de temps à
autre, mais il n'en n'a pas. On ne veut pas le lui accorder avec l'article 1,
si je le comprends tel qu'il est rédigé présentement. On
ne couvre pas les chefs de cabinet, on ne couvre même pas les membres
sous-ministre, les membres des ministères.
Alors, le mot "salarié", pour nous, est beaucoup trop vague tel
qu'il est rédigé dans cet article. Il faut le définir.
Cela paraît simple. Je vois le député de l'autre
côté dont le mot "salarié" n'attire pas l'attention. Il
faut savoir ce qu'est un salarié. Il faut savoir qui on défend
ici, qui on veut protéger. Je présume que ce projet de
loi-là n'a pas été fait dans le but seulement de faire un
projet de loi, de dire: on va apporter la loi 17. Ce n'est pas tombé du
ciel. Il y sûrement des technocrates qui ont travaillé très
fort, qui ont préparé le projet de loi. Eux, peut-être,
savent ce qu'on veut dire par le mot "salarié" et pourront le dire au
ministre. Lui pourra nous transmettre exactement la définition du mot
"salarié". Est-ce qu'un député est un salarié? Un
ministre? Il pourrait être deux salariés, parce qu'il a deux fois
le salaire. On ne le retrouve pas dans l'article. Cela paraît
peut-être simple de dire: Mon Dieu! un salarié c'est un
salarié! D'accord, cela est simple si on dit qu'un salarié, c'est
quiconque touche une certaine rénumération. Cela est un
salarié. Si on veut l'interpréter comme cela... Mais, à ce
moment-là, je ne vois pas pourquoi exclure tout ce monde-là: les
surintendants, les contremaîtres, les représentants des
employeurs. Cela peut aller loin.
J'ai été en affaires très longtemps, M. le
Président, pardon, Mme la Présidente et je voudrais en informer
le ministre. Il y en avait beaucoup qui étaient de mes
représentants et qui étaient syndiqués et j'étais
fier qu'ils le soient. Je ne vois pas pourquoi on dirait: Parce que tu es le
représentant d'un employeur, tu n'a pas le droit de te syndiquer. Si on
veut favoriser la syndicalisation, nous, nous sommes d'accord, on va favoriser
tout le monde. On ne fera pas de discrimination avant même que la loi
soit adoptée.
Nous arrivons à l'article 1. À l'article 1, comme je l'ai
mentionné - il y 110 articles - déjà, on ne s'entend pas!
On ne s'entend pas pour démarrer. Je ne dis pas qu'on ne pourra pas
passer à travers ce projet de loi, mais j'ai l'impression que cela sera
certainement difficile, parce que l'article 1 est toujours ce qui donne la
base. C'est la pierre de lancement, c'est de là qu'on part. Là on
sait vraiment, on a défini exactement qui on défend, qui on veut
protéger, pour qui ce projet de loi est voté -si jamais il est
voté effectivement - M. le Président, Mme la Présidente.
Le ministre m'a fait sourire. Il a quand même l'air sympathique, il se
promène un peu partout, on se demande si c'est lui vraiment qui doit
défendre ce projet de loi-là ou si c'est un spectateur qui vient
vous voir à l'oeuvre. Alors, c'est pourquoi... M. le Président,
je vais terminer immédiatement, mais je me réserve le droit de
revenir car je crois que je n'ai pas pris mes vingt minutes.
Je vais continuer à étudier l'article 1 et j'aurai
sûrement d'autres commentaires à faire avant l'adoption de
l'article 1. Merci.
La Présidente (Mme Lachapelle): Est-ce qu'il y a d'autres
personnes qui désireraient intervenir sur l'article 1?
M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je vous remercie de l'attention que vous me portez,
Mme la Présidente. Pour comprendre l'article 1 dans son essence, dans sa
substance, il s'agit d'analyser minutieusement les exclusions au mot
"salarié" qu'on y apportait traditionnellement tout en prenant bien soin
de les comparer avec les nouvelles exclusions qu'on veut y ajouter et de
vérifier en même temps si on n'en a pas soustrait.
Je pense que c'est notre devoir comme parlementaire de procéder
de cette façon, sinon, ce serait donner carte blanche à un
gouvernement qui a un préjugé défavorable
aux travailleurs, aux salariés. On l'a vu à l'occasion des
lois 70, 105 et 111. Ce gouvernement est allé jusqu'à suspendre
les deux chartes des droits et libertés qui s'appliquent au
Québec, la charte canadienne ainsi que la charte
québécoise.
J'y viens sans plus tarder, Mme la Présidente. Le mot
"salarié" au niveau du Code du travail, traditionnellement, avant qu'on
n'adopte le présent projet de loi, inclut une personne qui travaille
pour un employeur moyennant rémunération.
Cependant, et c'est là qu'on peut juger l'approche
gouvernementale, ce mot ne comprend pas, premièrement, une personne qui,
au jugement du commissaire du travail, est employée à titre de
gérant, de surintendant, de contremaître ou de représentant
de l'employeur dans ses relations avec ses salariés.
M. Bélanger: Cela n'a pas de bon sens.
M. Paradis: Déjà on judiciarise le processus. On
implique des délais, des dépenses pour se présenter devant
le commissaire du travail pour argumenter. On voit déjà ce que la
CSD, la Confédération des syndicats démocratiques,
dénonçait...
Une voix: La Centrale...
M. Paradis: La Centrale des syndicats démocratiques -
excusez-moi - dénonçait et cela a été
également dénoncé par la CSN. On voit déjà
ce que les centrales syndicales dénonçaient.
La deuxième exclusion: un administrateur ou un officier d'une
corporation, sauf si une personne agit à ce titre, à
l'égard de son employeur, après avoir été
désignée par les salariés ou une association
accréditée.
Donc, s'il faut se fier à la rédaction choisie et
utilisée par le législateur, on s'aperçoit que ce ne sont
pas tous les administrateurs et officiers d'une corporation. On crée des
exceptions dans l'exception, sans doute dans le but de faciliter la
compréhension.
Troisièmement, sont également exclus les fonctionnaires du
gouvernement dont l'emploi est d'un caractère confidentiel, au jugement
du Tribunal du travail - encore une fois la judiciarisation, les délais,
les coûts -ou aux termes d'une entente liant le gouvernement et les
associations accréditées - ce gouvernement-là appelle
encore cela "des ententes" les décrets qu'il impose, beau vocabulaire! -
conformément au chapitre VIII de la Loi sur la Fonction publique qui
sont partie à une convention collective. Un décret, il appelle
encore cela une convention collective, M. le Président. J'étais
pour dire Mme la Présidente, mais je viens d'apercevoir la
députée de Dorion à son siège. Elle a quitté
le siège qu'elle a occupé de façon digne...
Le Président (M. Blouin): II y a eu substitution, M. le
député.
M. Paradis: II y a eu substitution de personne, M. le
Président, mais c'est important pour le journal des Débats, parce
que le genre est important.
Je continue: à une convention collective qui, autrement,
s'appliquerait à ces fonctionnaires. Tel est l'emploi d'un conciliateur
du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
M. Bélanger: Cela n'a pas de bon sens.
M. Paradis: Au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre
les conciliateurs ne sont pas définis comme des salariés au sens
du Code du travail.
M. Bélanger: Ils ne sont pas payés.
M. Paradis: Un agent d'accréditation. Celui qui
relève du Code du travail, au ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, n'est pas considéré comme un salarié au
sens du Code du travail, dont la responsabilité incombe au
ministère du Travail ou au ministre du Travail, ou au ministre du
Travail par intérim ou de façon permanente. (15 h 15)
Un agent d'accréditation ou un commissaire du travail visé
dans la présente loi, un membre du personnel du Conseil exécutif
- là, on entre dans le coeur - un membre du personnel du Conseil
exécutif, quelle que soit sa fonction, parce que là on est chez
les politiciens, on est dans le bureau du premier ministre, personne n'est
syndiqué - du Conseil du trésor - personne -du
Vérificateur général du Québec, du ministère
de la Fonction publique, de la Commission de la fonction publique, de l'Office
du recrutement et de la sélection du personnel de la fonction publique,
du cabinet d'un ministre ou d'un sous-ministre ou d'un membre du personnel qui,
dans un ministère ou organisme du gouvernement fait partie du service du
personnel ou d'une direction du personnel - et là on ajoute au niveau du
ministère du Travail - du commissaire de la construction, du commissaire
au placement et ses adjoints ne sont plus considérés comme des
salariés.
Vous savez ce que cela veut dire? Cela veut dire que le gouvernement est
pour le syndicat, mais chez les autres. Il a un préjugé favorable
aux salariés mais pas chez lui, ailleurs que chez lui. Le
député de Mont-Royal me dit ailleurs. C'était en
référence à la commission de l'énergie et des
ressources, où on a parlé du saccage à la Baie-James. Vous
savez que c'était
difficile de prouver que cela s'était fait dans le bureau du
premier ministre mais, très tôt, on a réussi à
prouver que ce n'était pas ailleurs que dans le bureau du premier
ministre que cela s'était réglé. Je ferme la
parenthèse, parce que vous allez certainement me dire que c'est
légèrement irrégulier.
Même si on pouvait raccrocher des points comme je l'ai fait, hier
soir, avec le chef de cabinet du premier ministre, qui a déjà
été arbitre avec son ancien associé qui a
réglé... En tout cas, je pourrais recommencer l'histoire, mais je
crois que vous la connaissez et vous êtes convaincu comme nous le sommes
de ce qui est arrivé là, M. le Président. De toutes ces
exceptions au premier article, ne trouvez-vous pas cela extraordinaire que ce
gouvernement exclut la définition de "salariés" au centre du
travail à peu près tout le monde qui est près du
gouvernement, à partir du bureau du premier ministre, du Conseil du
trésor, du ministère du Travail, c'est-à peu près
la place où il va rester le moins de salariés au sens du Code du
travail? Je comprends, avec les abus qu'on va retrouver dans le Code du
travail, avec le déséquilibre qui sera créé, le
gouvernement ne veut pas être lié par la loi, mais il est
prêt à l'imposer par exemple au secteur privé et à
faire payer le secteur privé au risque et au prix d'hypothéquer -
si vous me passez le mot, M. le notaire, le député de Beauce-Sud
- la relance économique, d'hypothéquer la création
d'emplois et d'hypothéquer le maintien de l'emploi au Québec.
C'est bon pour les autres mais ce n'est pas bon pour eux. Comprenez-vous
quelque chose dans cela?
C'est la même chose lorsqu'arrive le temps de respecter des
signatures sur des conventions collectives. Dans le secteur privé, le
patron qui signe et le syndicat qui signe ou l'employé qui signe, il
faut que cela se respecte. Mais, au gouvernement, c'est différent. Le
respect de la signature, le respect des salariés, le respect des
syndicats, le respect de la liberté d'association, le respect de la
négociation, c'est bon pour les autres, mais ce n'est pas bon pour eux.
Eux, ils ont le monopole de la vérité, ce n'est pas
compliqué, cela c'est pour le respect de la signature.
Pour le respect des droits et libertés individuelles, il y a une
Commission des droits et libertés de la personne, qui a
été créée par le Parti libéral, cela
s'applique au Québec, cela s'applique à tout le monde, sauf
à eux, c'est bon pour les autres mais ce n'est pas bon pour eux. Cela,
c'est important. C'est un gouvernement qui légifère non pas en
fonction d'un principe, non pas en fonction d'un préjugé
favorable dans un sens ou dans un autre, c'est un gouvernement qui
légifère des obligations pour les autres et qui n'accepte aucune
responsabilité. Je l'ai dit, hier soir, je le répète,
aujourd'hui, je le répéterai chaque jour, afin que le ministre
finisse par comprendre. Ce n'est pas compliqué, ils ne veulent pas de
responsabilité parce que, lorsque on leur dit que c'est leur
responsabilité, ils nous disent que non, ce n'est pas leur
responsabilité, c'est la faute des autres. C'est la faute à
Ottawa, c'est la faute aux Anglais, c'est la faute à Reagan aux
États-Unis, c'est la faute à la Communauté
économique européenne. C'est un gouvernement
d'irresponsabilités, qui croit qu'il n'a aucune obligation mais c'est le
gouvernement qui impose à chaque groupe de citoyens dans la
société le plus d'obligations sans prendre la
responsabilité de son geste. Cela va être la faute de quelqu'un
d'autre, à un moment donné, s'il y a une industrie qui refuse de
s'implanter au Québec, parce qu'on a le Code du travail le plus
contraignant en Amérique du Nord. Cela va être la faute des
autres. Vous savez pourquoi? Parce que les autres, aux États-Unis, n'ont
pas de Code du travail aussi contraignant. Ce ne sera pas la faute de ce
gouvernement, parce que les autres au Canada n'auront pas de Code du travail
aussi contraignant. On va dire: C'est la faute des autres et c'est la faute du
gouvernement fédéral, parce qu'on va avoir le Code du travail le
plus contraignant.
Mais c'est trop facile comme approche, M. le ministre. On va s'asseoir,
si vous le voulez bien. On va mettre fin à l'adoption de ce projet de
loi et on va tenter de vous aider à donner suite à vos
engagements de 1977 et de 1979. On va tenter de procéder à une
réforme en profondeur du Code du travail qui ne sera pas basée
sur une situation conflictuelle - on ajoute du conflictuel à du
conflictuel - qui ne sera pas basée sur la judiciarisation des relations
de travail. Et on va tenter, avec les partenaires du monde patronal, du monde
syndical, les employeurs et les travailleurs, aussi ceux qui n'ont pas
d'emploi, les chômeurs et les bénéficiaires de l'aide
sociale, de voir s'ils ne seraient pas prêts à accepter des
emplois à certaines conditions et voir quelles sont leurs conditions
à ces gens-là. On va arrêter de penser qu'on a le monopole
de la vérité. On va écouter ces gens. On va les entendre
et on va tenter de bâtir un Code du travail dans la concertation, un code
dont le critère ne sera pas le conflictuel, mais la productivité.
On va tenter de produire des richesses. Et quand on aura des richesses, on va
penser à améliorer encore davantage nos conditions de travail. On
va également penser à répartir ces richesses parmi les
plus nécessiteux dans la société.
En attendant, continuez, si vous êtes entêtés, si
c'est une question d'orgueil, si c'est une question de cadeau à faire
à quelqu'un... Il y a peut-être une centrale syndicale qui vous a
rendu des services et
que vous voulez récompenser! Si c'est cette question, continuez
à vous entêter, mais ce que vous faites va compromettre la relance
économique, va créer davantage de chômage en nous faisant
perdre des emplois et, en créant un climat de non-confiance et
d'incertitude, va empêcher les investisseurs de venir ici. Vous aurez
à supporter, que vous le vouliez ou que vous ne le vouliez pas, une
responsabilité absolue et ultime. Ce sera le vote des électeurs.
Il n'y en aura pas d'autres, parce que le vote en commission parlementaire - je
le concède - n'inquiète pas le ministre. Chez la majorité
servile, lorsque le ministre va tirer sur la chaîne, les bras vont se
lever et il va l'emporter. Le nombre est là en commission, mais,
lorsqu'on arrivera devant le peuple dans des élections partielles -
c'est la première occasion, le 20, lundi prochain - on va voir ce que
les gens pensent de votre déconnexion de la réalité. Quand
on arrivera aux élections générales -le plus tôt
possible, on le souhaite - les gens pourront se prononcer sur ce qu'ils pensent
du contenu de ce projet de loi.
Ce projet de loi est identique, en quelque sorte, à celui de la
science et de la technologie qui en est présentement à la
deuxième lecture ou en commission parlementaire, un projet de loi qui
est dénoncé par tout le monde, les éditorialistes, les
journalistes, les universités, les professeurs et tous ceux qui
s'occupent de la recherche. Il est dénoncé par tout le monde,
mais le gouvernement procède quand même. Quant aux modifications
au Code du travail, personne n'est satisfait: le Conseil du patronat, les
chambres de commerce, l'Association des manufacturiers canadiens, section
Québec, sont braqués contre ce projet de loi. Cela va faire fuir
les jobs du Québec. Oui, M. le Président, mais les syndicats qui
représentent les salariés sont définis à l'article
I. Vous aviez raison de le souligner. Ces syndicats ne sont pas satisfaits,
sauf l'ami Louis Laberge, de la FTQ, qui est plus satisfait, sans être
complètement satisfait, parce qu'à ce moment-là, il aurait
appelé cela un gros cadeau. Mais il y a peut-être d'autres cadeaux
qui s'en viennent. Au lieu de donner un gros cadeau à la FTQ comme on
l'a fait dans le cas de LG 2, on a peut-être décidé, cette
fois, de procéder par une série de petits cadeaux. On va scruter,
de notre côté, à la pièce, chacune des lois qui nous
sont apportées, parce qu'une série de petits cadeaux, cela peut
finir par être un gros cadeau. Le problème, c'est que c'est la
même conclusion qu'un gros cadeau, parce que cela fait une grosse facture
quand on a analysé toutes les petites factures. Le problème,
c'est que ce n'est pas le PQ, ce n'est pas le Parti québécois qui
paie la facture. Ce sont les électeurs des comtés de
Brome-Missisquoi, électeurs de Beauce-Sud, de Mégantic-Compton et
de Mont-Royal. Ce sont aussi vos électeurs de l'autre côté
de la table. Mais vous n'avez pas l'air de vous soucier tellement de cela.
Votre silence est d'ailleurs éloquent sur ce projet de loi quant aux
effets que cela peut avoir sur vos électeurs. J'aurais pensé que
quelqu'un qui a des salariés dans son comté serait
intéressé à ce projet de loi.
N'importe quel des députés de l'autre côté...
Je vois le député de Saint-Hyacinthe qui sourit; il n'en a
peut-être pas de salariés, je ne le sais pas. La
députée de Dorion a sans doute à coeur
l'intérêt de ses salariés, mais qu'elle le dise! Ce n'est
pas dans le silence qu'on va retrouver ce qu'elle a à coeur, M. le
Président. Si elle est d'accord, qu'elle nous dise pourquoi, qu'elle
réfute nos arguments, qu'elle nous dise qu'elle croit que ces
dispositions ne nuiront pas à la relance économique; que le
Conseil du patronat, que la Chambre de commerce, que l'Association des
manufacturiers ne connsaissent rien à l'économie, ne connaissent
rien à la création d'emplois, que le PQ a le monopole de la
vérité et que c'est dans l'amendement proposé à
l'article 1, le monopole de la vérité, M. le
Président.
En terminant, M. le Président, je fais un appel au ministre pour
qu'il repense à son affaire. S'il y a déjà pensé,
qu'il y repense. S'il n'y a pas déjà pensé, pas qu'il y
repense, mais commence à y penser. Qu'il commence à penser que,
devant le refus ou la non-acceptation globale par la société de
son projet de loi, il serait gagnant, il apparaîtrait comme quelqu'un de
raisonnable, comme quelqu'un à l'esprit ouvert s'il acceptait de le
retirer et s'il acceptait de donner suite aux promesses qu'il a faites
lui-même alors qu'il était au Travail de façon continue -
pas au Travail de façon intérimaire - des promesses qu'il a
faites en 1977 et 1979 de modifier au plus tôt et en profondeur le Code
du travail pour que, au lieu que ce soit un handicap, une hypothèque
à l'économie québécoise, cela devienne un outil de
développement économique auquel pourront participer tous les
salariés, tous les travailleurs, toutes les travailleuses, tous les
employeurs, toutes les employeuses également de la province de
Québec. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Brome-Missisquoi. M. le député de
Mont-Royal vous avez la parole.
M. Ciaccia: M. le Président, les changements que le
ministre veut apporter à l'article 1, je pense que cela nous
démontre les raisons pourquoi vraiment on devrait procéder
à une refonte complète du Code du travail et ne pas arriver avec
de petits changements ou des changements à la pièce, qui vont
seulement créer plus d'ambiguïté,
qui vont créer des difficultés et qui ne démontrent
pas une cohérence ou une philosophie.
Quand on voit toute la liste des gens qui sont exclus du mot
"salarié", la première question qui nous vient à l'esprit
c'est: Quelle est la philosophie du gouvernement pour exclure des gens de la
définition du mot "salarié", qui ne seront pas syndiqués,
qui n'auront pas le bénéfice du Code du travail? On voit une
liste de personnes, de catégories de personnes. Il y en a qui sont
spécifiquement nommés, il y en a d'autres à qui l'on donne
une discrétion. On laisse cela au jugement du commissaire du
travail.
Quand on rentre dans le domaine politique, même dans certains
aspects administratifs du gouvernement, on exclut ses membres, ses travailleurs
du mot "salarié"; ce qui veut dire qu'ils n'auront pas toute la
protection nécessaire.
La première question qu'il faut se poser c'est: Quelle est la
philosophie du gouvernement pour inclure ou pour exclure une catégorie
de travailleurs du mot "salarié"? Aujourd'hui, on arrive avec une autre
exclusion spécifique. On dit: Sont exclus du mot "salarié": le
commissaire de la construction, le commissaire au placement et ses adjoints.
Ils ne sont plus considérés comme salariés.
Au lieu d'apporter des changements sans une philosophie de base, ce
serait préférable que le gouvernement définisse ses
objectifs, que le gouvernement dise: Voici les catégories de personnes,
les gens qui sont exclus du mot "salarié", et voici les raisons pour
lesquelles le mot "salarié" ne comprend pas ces travailleurs. (15 h
30)
Actuellement, il est difficile de voir le raisonnement, à savoir
pourquoi certaines gens sont inclus et pourquoi d'autres sont exclus. C'est le
premier problème que je vois dans l'approche que le gouvernement utilise
maintenant. Il n'y a pas de philosophie, il n'y a pas de raisonnement, pas de
critères, pas de normes. Je pense que c'est un des aspects les plus
importants parce que, si on définit le mot "salarié", cela
comprend tous ceux qui peuvent se prévaloir du Code du travail. Si on
exclut certaines catégories de personnes dans cette définition du
mot "salarié", cela veut dire qu'on empêche toute cette
catégorie de gens d'utiliser les mesures protectrices incluses dans le
Code du travail. C'est la première objection.
Deuxièmement, M. le Président, le gouvernement accuse les
membres de l'Opposition de vouloir défendre le patronat contre les
syndiqués. Ces accusations sont absolument sans fondement pour la seule
raison que nous sommes contre ce projet de loi et que nous voulons
établir un équilibre dans notre société afin de ne
pas donner l'impression ou l'image qu'on veut favoriser un groupe au
détriment de l'autre.
Comme nous l'avons souligné, si nous apportons des mesures trop
contraignantes au Code du travail, si nous défavorisons les petites et
moyennes entreprises, les employeurs, cela ne peut pas favoriser et les
syndiqués et les travailleurs. Cela ira contre eux. Quand le
gouvernement nous accuse de vouloir défendre le patronat ou les
employeurs par rapport aux syndiqués, c'est absolument faux. Nous
cherchons une approche un peu plus équilibrée.
Je voudrais porter à l'attention du gouvernement le fait qu'il
reconnaît lui-même une distinction entre les différentes
catégories d'employés. Il y a ceux qui sont définis dans
le projet de loi, qui sont assujettis au Code du travail, et il y a ceux
à qui le gouvernement dit: Non, vous êtes des cadres, vous occupez
des postes confidentiels, vous travaillez pour un certain ministère, ou
vous occupez certains postes administratifs. Il y a donc une reconnaissance de
la part du gouvernement qu'il y a vraiment différentes catégories
d'employés. Je présume que le gouvernement, en définissant
ceux qui sont exclus de la définition de "salarié", avait
à l'esprit qu'on cherchait à établir un certain
équilibre, que certaines catégories de personnes seraient
assujetties au Code du travail et que certaines ne le seraient pas.
Si j'utilisais l'argument que le gouvernement utilise contre nous, dans
le sens qu'on veut un équilibre, si je voulais faire la même
démagogie que le gouvernement, je pourrais lui dire: Écoutez,
voulez-vous pénaliser une certaine catégorie d'employés?
Est-ce que vous reconnaissez différentes catégories
d'employés et que vous ne voulez pas leur donner les mêmes droits,
les mêmes avantages, les mêmes mesures protectrices?
Non, je ne pourrais pas, en toute honnêteté, utiliser un
tel argument, parce qu'il faut reconnaître que certaines
catégories d'employés ne font pas partie du Code du travail pour
des raisons très spécifiques; ce sont des cadres ou des personnes
plus proches des employeurs. C'est donc une distinction qui est même
reconnue par le gouvernement.
De la même façon que le gouvernement reconnaît cette
distinction, même s'il n'y a pas de philosophie de base pour en arriver
à cette distinction, le gouvernement devrait reconnaître qu'il y a
des mesures qui ne doivent pas être mises en application, être
incluses dans ce projet de loi, parce qu'elles vont à l'encontre du
bien-être de tous les Québécois, de tous les
employés, même si ces mesures semblaient moins contraignantes pour
les employeurs.
C'est une critique qui a été faite par le Conseil du
patronat, par les employeurs. Ils ont dit au gouvernement: Vous avez le
Code du travail le plus contraignant en Amérique du Nord. Puisque
nous devons faire la concurrence, non seulement dans les limites territoriales
du Québec, on est tous assujettis au même Code du travail, et aux
mêmes règlements, peut-être qu'on pourrait dire que la
concurrence est égale partout. Ce n'est pas cela qui arrive. La
concurrence se fait avec d'autres provinces qui n'ont pas les mêmes
mesures contraignantes que nous avons. Si le coût de production est
moindre, si c'est plus facile, avec moins de harcèlement, moins de
réglementation, la mobilité des travailleurs, la mobilité
des capitaux, les investissements vont plutôt se faire sous d'autres
juridictions, dans d'autres régions qu'au Québec.
C'est le but des représentations qui sont faites par le Conseil
du patronat, par les employeurs, et c'est le but que nous cherchons,
rétablir cet équilibre. Si le gouvernement ne veut pas
reconnaître cet équilibre, pourquoi reconnaît-il qu'il faut
exclure du mot "salarié" certaines catégories d'employés?
Il reconnaît qu'il faut avoir des exceptions, qu'il faut avoir un
équilibre entre les salariés, les employeurs, les
employés. Si on pousse ce raisonnement à sa conclusion, à
sa conclusion logique, nous devons réaliser qu'il faut aussi
établir un équilibre entre tous les différents secteurs de
notre société et de notre secteur économique. Je pourrais
demander au ministre, s'il veut exclure les employés de la
définition de salariés, si c'est parce que le Code du travail est
trop contraignant et que, quand on a des règles qui sont trop
contraignantes, naturellement il faut faire des exclusions. Là il faut
dire: Écoutez, il y a tellement de difficultés, il y a tellement
de contraintes qui sont contenues dans le Code du travail qu'il faut exclure de
ce code certains employés, certains travailleurs, parce que cela devient
trop difficile pour eux, cela devient trop difficile pour l'employeur, cela
devient trop difficile pour le mettre en application et on exclut du mot
"salarié" d'autres personnes, comme nous le voyons dans le projet de loi
actuel.
Mais, plutôt que de toujours procéder par des exclusions
qui mènent à l'ambiguïté, à la
difficulté d'application, qui mènent à des complications
législatives, il est plutôt préférable d'avoir un
Code du travail qui est moins contraignant, qui a moins d'exclusions, qui
serait plus juste. C'est presque une admission de la part du gouvernement que
le Code du travail n'est pas juste et équitable. Si on veut
continuellement ajouter des exclusions, à la minute qu'on exclut du mot
"salarié" une catégorie d'employés ou des postes, c'est
admettre que le Code du travail est trop contraignant pour les postes en
question. Aujourd'hui, nous allons avoir quatre sous-paragraphes pour l'article
1. Demain, on va venir avec d'autres exclusions. Pourquoi? Je voudrais savoir
quelle est la justification. Il me semble que cela serait beaucoup plus logique
de la part du gouvernement que, plutôt que de procéder à
des changements à la pièce, où il est obligé
d'apporter des exclusions à des règlements ou à des lois
qui sont trop restrictives et qui sont ouvertes à l'abus, il
procède à une refonte totale. On pourrait arriver à une
définition du salarié qui aurait une philosophie de base, qui
aurait des normes, des critères, plutôt que de laisser cela
à la discrétion d'un poste, à une personne, ou d'inclure,
d'ajouter des exclusions.
Je pense que même le ministre actuel, qui remplace le ministre du
Travail pour les fins du projet de loi, a reconnu lui-même en 1979 qu'il
fallait procéder à la réforme du Code du travail. Lisons
ces lignes dans la Presse du 5 mai 1979: "Le ministre du Travail, M.
Pierre-Marc Johnson, envisage maintenant la possibilité d'une
réforme du Code du travail à compter de l'automne prochain." Cela
voulait dire l'automne 1979. Ce n'est pas M. Fréchette, le ministre
actuel du Travail, le député de Sherbrooke, qui a dit cela. C'est
le ministre qui remplace le ministre du Travail pour les fins de ce projet de
loi. Je trouve que cela devient encore plus difficile de sa part de justifier
l'approche qu'il utilise maintenant. Je pense que c'est ironique que ce soit
lui qui nous apporte d'autres petites mesures, petites dans le sens que ce ne
sont pas des changements considérables, mais ils ont des
conséquences assez lourdes pour ceux qui sont affectés.
Il me semble qu'il serait beaucoup plus logique pour le gouvernement de
prendre un peu de recul. Il n'y a rien de désastreux ou de
déshonorable qu'un gouvernement admette que peut-être que les
mesures qui sont proposées ne sont pas les bonnes et admette que c'est
une erreur de faire adopter ce projet de loi à la vapeur, en fin d'une
session. Je pense que le public comprendrait. Ce serait son sens des
responsabilités que le gouvernement démontrerait en disant: Oui,
nous avons proposé des changements à un projet de loi, mais, vu
qu'on a reçu tellement de représentations contre la mise en
application et l'adoption de ce projet de loi, nous voulons prendre le temps
nécessaire, reculer un peu, revoir et repenser le projet de loi à
la lumière des représentations qui nous ont été
faites par les différents intervenants. Je pense que cela serait une
façon d'agir honorable et responsable pour un gouvernement.
Mais quand un gouvernement s'entête à dire qu'il veut faire
adopter le projet de loi, qu'il l'a introduit à l'Assemblée
Nationale et que, parce qu'il a posé ce geste, il ne recule pas, quand
c'est l'Opposition qui démontre les failles du projet de loi, parce que
ce sont d'autres intervenants, je pense que cela démontre de
l'irresponsabilité, à moins qu'on se soit engagé envers
certains amis du parti
en disant: Écoutez, vous voulez ces termes dans le projet de loi.
Nous avons fait une entente verbale, entre nous, pour répondre à
certaines exigences de certaines personnes; si tel est le cas, cela peut
justifier l'approche que le gouvernement prend maintenant et cela peut
être une raison pour laquelle le gouvernement veut nous obliger à
adopter ce projet de loi à la fin de la session, à la vapeur,
contre les représentations des intervenants du milieu.
Mais si le gouvernement voulait agir d'une façon responsable,
tenir compte des lourdes conséquences de ce projet de loi pour
l'économie du Québec, pour les entreprises, je pense que ce
serait tout à fait dans l'ordre et tout à fait responsable et
équitable pour les gens concernés que le gouvernement
révise sa position. Par pur hasard, le premier article du projet de loi
démontre que le gouvernement a une mauvaise approche. On veut aussi
exclure trois ou quatre postes de la définition du mot "salarié"
afin que le commissaire de la construction, le commissaire au placement et ses
adjoints, par exemple, ne soient plus considérés comme des
salariés.
Il me semble qu'il devrait y avoir des normes, des critères pour
déterminer ceux qui seront appelés salariés et qui seront
assujettis au Code du travail et ceux qui seront exclus pour des raisons
très précises, pour des critères qui seront
établis. C'est cela une révision du Code du travail, c'est
d'arriver à quelque chose qui a du bon sens, que le monde peut
comprendre. On peut inclure dans une loi toutes sortes de règlements,
toutes sortes d'exceptions, d'inclusions ou d'exclusions. Ce n'est pas la
façon de légiférer. Car chaque loi doit avoir un esprit.
Il faut pouvoir comprendre les objectifs d'une loi. Chaque article
lui-même doit aussi avoir un esprit. Il faut comprendre quel est l'esprit
de l'article 1, à quel but, à quel objectif le gouvernement veut
arriver en excluant du mot "salarié" certaines catégories
d'employés. (15 h 45)
À la façon dont le gouvernement a rédigé les
changements et même à la façon dont l'ancien projet de loi
a été adopté, on ne peut pas voir vraiment la philosophie
d'aujourd'hui, les critères, les normes, les objectifs clairs d'un
gouvernement qui souhaite que la population comprenne.
Si je suis un salarié, pourquoi devrais-je être inclus dans
le Code du travail ou pourquoi devrais-je en être exclu? Ce n'est pas
à la discrétion d'un commissaire, ce n'est pas parce que le
gouvernement a décidé de m'exclure dans un projet de loi qu'il
adoptera à la fin de juin. Quelles en sont les conséquences? Je
me demande si c'est parce que c'est trop contraignant qu'on veut m'exclure.
Cela n'a pas de raison d'être.
Pour ces raisons, M. le Président, j'inviterais le ministre
à montrer un peu plus de sagesse, à être logique avec
lui-même et à se conformer aux engagements qu'il a pris le 5 mai
1979 quand il nous a promis une réforme du Code du travail à
compter de l'automne 1979. Qu'il nous dise aujourd'hui: On n'adoptera pas ce
projet de loi, on peut étudier quelques autres articles, mais on
procédera à une réforme du Code du travail l'automne
prochain. Plaçons ce projet de loi sur les tablettes pour le moment,
parce que cela répondra aux demandes de tous ceux qui sont venus devant
cette commission pour intervenir et faire des représentations au
gouvernement.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Mont-Royal.
M. le député de Beauce-Sud, vous avez la parole.
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Vous comprendrez mon
intérêt pour ce projet de loi. Quand on représente une
région comme la mienne, que plusieurs ténors du gouvernement
viennent vanter en nous traitant de Japonais du Québec, nous vantant le
miracle beauceron, est-ce que cela s'est fait à partir d'un Code du
travail chromé ou idéal? Je ne pense pas.
C'est pourquoi je ne voudrais pas que les modifications que l'on tente
de faire au Code du travail aient des conséquences néfastes,
qu'elles viennent asphyxier le phénomène du miracle beauceron,
qu'elles viennent stériliser l'esprit d'entrepreneurship et qu'elles
viennent provoquer une hémorragie de notre jeunesse, ce qu'il y a de
plus important.
Il y a des problèmes préoccupants. Tantôt, je
parlerai du problème causé par la modification du mot
"salarié", mais je pense qu'il faudrait se préoccuper des
salariés et également des ex-salariés, des futurs
salariés, faire qu'il y ait des conditions favorables dans le futur et
se préoccuper également des futurs ex-salariés.
Dans une période difficile comme celle que nous vivons
présentement, comment pouvons-nous rester insensibles aux vrais
problèmes qui confrontent la population? 430 000 chômeurs, si ce
n'est pas davantage; 375 000 assistés sociaux chefs de famille, donc
à peu près 600 000 à 700 000 personnes qui
dépendent de l'aide sociale. Si on prend les chômeurs et les
assistés sociaux, plus de 1 000 000 de personnes vivant du secours
direct de l'État.
Est-ce que le projet de loi 17 qui est à l'étude nous
aidera à améliorer cette situation? Je prends, par exemple, le
drame que vit notre jeunesse. On dit: Les jeunes ne travaillent pas. Que leur
offre le gouvernement? On leur offre trois choses. On dit: Vous pouvez avoir
les prestations d'aide
sociale, c'est-à-dire 147 $ par mois. Je trouve qu'on les
plafonne bas. Il ne faut pas connaître l'idéal, l'ambition et le
talent de nos jeunes pour accepter une telle chose. On leur dit
également: Vous pouvez toujours quitter la province, aller aux
États-Unis ou en Alberta. J'appelle cela une hémorragie. La
première solution, l'aide sociale, c'est une asphyxie. La
deuxième solution, l'exil, c'est une hémorragie.
M. Lavigne: M. le Président, je n'ai pas d'objection
à laisser les députés de l'Opposition faire leur
filibuster, il n'en reste pas moins qu'ils devraient s'en tenir à la
pertinence du débat. On est rendu dans les prestations aux
assistés sociaux.
M. Ciaccia: Une question de règlement.
Le Président (M. Blouin): Un moment, s'il vous
plaît! J'avais déjà exprimé discrètement au
député de Beauce-Sud...
M. Ciaccia: Si vous me permettez, sur la question de
règlement, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je crois que les propos du député de
Beauce-Sud sont entièrement pertinents au débat, parce que
l'article 1 parle de salariés.
M. Mathieu: C'est cela.
M. Ciaccia: En démontrant qu'il y a des jeunes qui ne
peuvent pas obtenir des emplois, qu'ils ne peuvent pas être des
salariés, ne peuvent pas gagner leur vie, je crois que l'on est tout
à fait dans la pertinence de l'article 1. Je ne vois pas comment la
question de règlement...
Le Président (M. Blouin): Vous savez très bien, M.
le député de Mont-Royal, que ce n'est pas parce que le mot
"travail" est dans l'article 1 que nous pouvons aborder indéfiniment les
problèmes de travail qui pourraient survenir partout au Québec,
à tout moment, ou ailleurs dans le monde.
Ce que je dis simplement au député de Beauce-Sud, c'est,
dans l'esprit de l'article 1, d'essayer le plus possible - évidemment,
je compte sur la largeur d'esprit des membres de la commission - d'avoir des
propos pertinents.
M. Mathieu: Quand on parle du mot "salariés", on ne peut
pas s'empêcher de parler des ex-salariés, on ne peut pas
s'empêcher de parler des futurs salariés et, avec ce gouvernement,
on ne peut pas s'empêcher de parler des futurs ex-salariés
également. Il me semble que je suis dans la pertinence, M. le
Président, mais je vais tâcher de me restreindre pour me conformer
à votre désir.
Vous me savez un homme docile, face à l'autorité du
président. Si vous avez remarqué, je n'ai jamais contesté
vos décisions, ni celles de vos prédécesseurs, de vos
successeurs...
Le Président (M. Blouin): Je vous en remercie, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: ...et de vos collaborateurs.
Je voudrais simplement terminer l'exposé de l'idée que
j'avais commencé relativement à notre jeunesse. Je vous promets
de ne pas être long, environ 30 secondes, pour dire: Que leur offre-t-on
dans le moment à ces jeunes qui désirent? Que désirent-ils
avant tout? C'est de devenir des salariés, c'est de gagner leur vie,
c'est d'avoir des emplois. La question que je me pose est: Est-ce que le
travail que nous faisons en adoptant ce projet de loi 17 va favoriser ce voeu?
Si vous prenez les sommets québécois de la jeunesse qui ont eu
lieu dans plusieurs régions du Québec, dont la mienne, quel est
leur voeu? Que disent les jeunes? Ils disent: On veut du travail, on veut
être des salariés en fin de compte. C'est ce qu'ils veulent. Si
vous avez suivi les activités du sommet québécois de la
jeunesse dans vos régions respectives, c'est certainement le message que
les jeunes vous ont passé. Donc, que leur offre-t-on dans le moment? Je
conclus mon point de vue sur cela. On leur offre l'asphyxie avec l'aide
sociale, on leur offre l'exil avec la solution du travail à
l'extérieur du Québec, ou on leur offre toujours la
clandestinité, mais travailler pas de carte, on sait ce que cela donne.
Cela donne la prison, cela donne les travaux communautaires. J'ai un cas pas
mal patent. C'est un jeune qui a été condamné parce qu'il
avait peinturé et n'avait pas la carte de l'OCQ. Savez-vous ce qu'il a
eu comme sentence? On l'a condamné à peinturer pendant 30 heures
en travaux communautaires. Il dit: Si je n'avais pas le droit de peinturer pour
gagner ma vie, comment se fait-il que j'aie le droit de peinturer pour faire
des travaux communautaires?
J'aimerais qu'on profite de ce débat pour corriger de telles
anomalies. Pour revenir plus directement à la pertinence que vous
souhaitez ardemment, ce projet de loi 17, Loi modifiant le Code du travail,
qu'est-ce qu'il nous dit dans ses notes explicatives? Vous savez que, pour
interpréter un projet de loi, normalement, les notes explicatives sont
importantes. On nous dit: Ce projet de loi a avant tout pour objet de modifier
plusieurs dispositions. Je tiens à le rappeler, parce que cela a
probablement échappé aux députés
ministériels, les notes explicatives, je trouve
cela important de les rappeler pour être sûr qu'on est bien
dans la pertinence du débat par la suite. Je recommence donc. "Ce projet
de loi a avant tout pour objet de modifier plusieurs dispositions du Code du
travail concernant le droit d'association, l'accréditation, les
conventions collectives, le règlement des différends et des
griefs et les mesures antibriseurs de grève. "En premier lieu, il
élargit la protection du droit d'association en prévoyant que les
représailles et les mesures discriminatoires prises contre un
salarié - et voici la pertinence - à cause de l'exercice par
celui-ci d'un droit qui lui résulte du Code du travail constitueront des
pratiques déloyales pour lesquelles l'employeur pourra être
poursuivi et le salarié être indemnisé. Il précise
de plus qu'un commissaire du travail pourra ordonner le paiement
d'intérêts sur une indemnité due par l'employeur et qu'une
ordonnance de réintégration d'un salarié -"salarié"
encore - sera exécutoire malgré tout appel."
Je reviens, M. le Président, à l'article 1. Vous savez
à quel point ces droits statutaires sont difficiles à cerner.
Mme la Présidente, je salue votre arrivée et je me
réjouis toujours quand je vous vois présider nos travaux. C'est
un honneur pour moi d'avoir à me soumettre à une aussi douce
présidence. Je me dois de vous dire maintenant, puisque nous sommes
rendus à l'article 1, que je dois citer l'article pour la bonne
intelligence de nos travaux, parce qu'il se peut que certains de nos
collègues, plus ou moins distraits, n'aient pas eu l'occasion de lire
l'article. Je trouve cela très important de nous plonger directement
dans le contexte. Donc, je lis l'article 1: "L'article 1 du Code du travail
(LRQ, chapitre C-27) est modifié par l'insertion, dans la
neuvième ligne du sous-paragraphe 3 du paragraphe 1, après les
mots "la présente loi" des mots "du commissaire de la construction ou du
commissaire au placement et de ses adjoints visés dans la Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction (LRQ, chapitre
R-20)."
Mme la Présidente, avez-vous compris quelque chose
là-dedans? Vous comprenez qu'il faut absolument expliciter davantage,
parce que c'est tellement touffu. Il n'y a absolument rien à comprendre
pour le profane. Or, si on veut comprendre quelque chose, allons donc au
chapitre C-27, tel qu'il existe présentement. Le troisième
alinéa du sous-article du paragraphe 1 se lit comme suit. Je cite le
droit actuel: "1. salarié, une personne qui travaille pour un employeur
moyennant rémunération." On nous dit ce qu'est un salarié;
une personne qui travaille pour un employeur moyennant
rémunération. Jusque-là, cela va bien. Cela ne cause pas
de problème. La phrase continue: "Cependant, ce mot ne comprend pas - il
va y avoir une liste d'exclusions, on va citer les personnes qui ne sont pas
considérées comme des salariés au sens du Code du travail
premièrement, "une personne qui, au jugement du commissaire du travail,
est employée à titre de gérant, de surintendant,
contremaître ou représentant d'un employeur dans ses relations
avec ses salariés." Or, ici, pour que cette exclusion au premier
sous-alinéa du paragraphe 1 se réalise, il faut donc qu'il y ait
eu une procédure judiciaire quelque part, puisqu'on dit "une personne
qui, au jugement du commissaire du travail"... Donc, il faut que le commissaire
du travail se soit penché sur le litige ou ait été saisi
du litige. On nous parle d'une loi qui veut déjudiciariser. Il me semble
que c'est absolument le phénomène contraire que l'on obtient. (16
heures)
Deuxième exclusion, c'est-à-dire que n'est pas
salarié un administrateur ou officier d'une corporation. Alors,
l'administrateur ou l'officier d'une corporation n'est pas salarié sauf
si - on l'exclut mais là on le réintègre, c'est
très limpide, très transparent et très facile à
suivre - une personne agit à ce titre à l'égard de son
employeur après avoir été désignée par les
salariés ou une association accréditée. Donc,
l'administrateur ou l'officier d'une corporation que l'on exclut de la liste
des salariés peut être inclus si une personne agit à ce
titre à l'égard de son employeur après avoir
été désignée par les salariés ou une
association accréditée.
Qu'est-ce qui va décider si l'administrateur ou l'officier de la
corporation a agi à ce titre à l'égard de son employeur ou
pas? Il y a quelqu'un qui devra décider cela quelque part. Cela me
semble, M. le Président, pas trop conforme aux besoins de notre
société, le monde des affaires, d'avoir des articles clairs,
limpides, faciles à interpréter, qui ne portent pas flanc
à litige.
Je vois mon collègue, le député de
Mégantic-Compton, qui a eu de nombreux salariés sous ses ordres.
Peut-être serait-il en quelque sorte à la fois inclus et exclu
lui-même comme salarié. Si on prend l'article 1, il est exclu
mais, à la deuxième exclusion, peut-être l'inclut-on
lorsqu'on dit: un administrateur ou officier d'une corporation. Je
conçois que mon collègue était administrateur et
même officier d'une corporation.
Maintenant, qu'entend-on par corporation ici? Qu'est-ce qu'on entend par
corporation? Est-ce une corporation de la couronne, une corporation en vertu de
la première partie de la Loi sur les compagnies du Québec, une
corporation en vertu de la seconde partie de la Loi sur les compagnies du
Québec, une corporation en vertu de la
troisième partie de la Loi sur les compagnies du Québec,
une corporation en vertu de la Loi des sociétés commerciales
canadiennes? Alors, c'est quoi une corporation?
Il y a beaucoup d'autres extensions qu'on peut donner à ce terme.
Il semble avoir une ambiguïté ici que le législateur aurait
certainement eu avantage à clarifier. Je reviens à l'exemple de
mon collègue de Mégantic-Compton, qui est sûrement un
administrateur d'une corporation, qui est un officier d'une corporation.
Peut-être se retrouvera-t-il son propre salarié sans même le
savoir, M. le Président? En fait, de clarté cela ne pêche
pas par excès.
Si justement il devient son propre salarié, son droit va
s'éteindre par confusion. Comme on le dit dans le Code civil, on ne peut
pas être créancier et débiteur en même temps. Cela
n'a pas été prévu.
Troisième exclusion: Est "salarié" une personne qui
travaille pour un employeur moyennant rémunération sauf,
troisièmement, un fonctionnaire du gouvernement. Normalement, les
fonctionnaires sont salariés, dont l'emploi est de caractère
confidentiel au jugement du Tribunal du travail. Alors, encore une
procédure judiciaire pour déterminer si l'emploi est à
caractère confidentiel ou pas. Qui prendra l'initiative de le faire
déterminer? Toujours la "judicarisation", Mme la Présidente.
Je disais à M. le député de Sainte-Anne comme
j'étais heureux de travailler sous une si douce férule. Nous
devrions faire pression pour qu'elle accepte la vice-présidence de
l'Assemblée nationale.
M. Polak: J'ai déjà demeuré à Dorion,
après Saint-Jacques.
M. Mathieu: Donc, n'est pas un salarié un fonctionnaire du
gouvernement dont l'emploi est à caractère confidentiel au
jugement du Tribunal du travail ou aux termes d'une entente liant le
gouvernement et les associations accréditées - ce sera clair, on
saura s'il y a entente et il n'est pas besoin de procédures judiciaires,
je suis satisfait - conformément au chapitre VIII de la Loi sur la
fonction publique qui sont parties à une convention collective qui,
autrement, s'appliquerait à ce fonctionnaire. Tel est l'emploi d'un
conciliateur du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Je pense
qu'ils deviennent inclus. On a dit qu'un salarié, c'est toute personne
qui travaille pour un employeur moyennant rémunération, sauf un
fonctionnaire du gouvernement...
La Présidente (Mme Lachapelle): M. le
député... s'il vous plaît!
M. Mathieu: Je demanderai le consentement pour 20 minutes
encore.
M. Johnson (Anjou): Ah non! non, non, merci!
La Présidente (Mme Lachapelle): Je regrette, il y a
d'autres intervenants qui ont levé la main.
M. Mathieu: C'est dommage que le ministre me refuse cela.
En concluant, Mme la Présidente, je voudrais vous faire une
mention. En étudiant ce projet de loi, je me dis que le Québec
peut bien avoir le Code du travail le plus avant-gardiste, le plus
chromé, s'il n'y a pas d'emplois, il n'y aura pas de travailleurs et,
à ce moment-là, ce code ne sera utile à personne. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lachapelle): Merci, M. le
député.
M. le député de Mégantic-Compton.
M. Bélanger: Merci, Mme la Présidente. Comme je
l'avais dit au début, j'étais persuadé que mes
collègues allaient développer des arguments sur lesquels
j'aimerais revenir et il y en a effectivement.
On a parlé d'un engagement envers une certaine centrale
syndicale, c'est notre crainte à nous aussi du Parti libéral que
les travailleurs ne soient pas favorisés mais plutôt qu'une
certaine centrale syndicale soit favorisée.
Cela se comprend également lorsqu'on voit les dernières
déclarations en ce sens que le président d'une centrale syndicale
est prêt à venir témoigner disant que le bureau du premier
ministre n'est pas intervenu dans le règlement hors cours.
Nous, de l'Opposition, sommes en droit de nous imaginer que cela peut,
par exemple, faire partie d'une certaine forme de négociation de dire:
Vous allez nous aider et un service en attire un autre. Pour nous acquitter de
notre dette, nous vous aiderons dans l'embarras où se trouve
actuellement le premier ministre du Québec.
On a développé un autre argument qui est pas mal
fantastique, Mme la Présidente, et je vais vous en parler quelques
minutes. J'ai été surpris moi-même à la lecture
-c'était peut-être la dixième fois - de l'article 1. "Un
agent d'accréditation n'a pas le droit de faire partie du syndicat."
Cela est drôle et quasiment incroyable. Cela veut dire un cuisinier qui
tente de vendre sa salade et qui dirait: Moi, je ne peux pas en manger. Comment
voulez-vous que les travailleurs soient en confiance, comment voulez-vous que
des travailleurs puissent aller voir un agent d'accréditation et que cet
agent dise: Je suis bien prêt à t'aider, c'est fantastique le
syndicalisme, sauf que je suis exclu. Cela n'a quasiment pas de bon sens, pas
de sens.
On verrait mal un pharmacien sans
aucun poil sur la tête en train de vendre un produit miracle pour
faire pousser des cheveux. C'est ce qu'on retrouve dans le projet de loi, M. le
Président. On retrouve qu'un agent d'accréditation, celui qui
doit jouer le rôle principal dans l'accrédiation, dans la
formation d'une centrale syndicale, n'a pas le droit de se syndiquer. Cela n'a
quasiment pas de bon sens, pas de sens.
De quelle façon voulez-vous donner confiance aux travailleurs?
Cela n'a aucun sens. C'est comme un vendeur qui voudrait vendre un avion et qui
dirait: II vole très bien, vous pouvez l'essayer, oui, mais moi, je
n'embarque pas. Il ne pourra pas vendre son appareil, voyons donc! Il faut
d'abord que la première personne impliquée, qui est l'agent
d'accréditation, soit convaincue que c'est une bonne chose. Il faut
évidemment qu'il en fasse partie et déjà, à
l'article 1, on retrouve des exemptions comme cela.
On en retrouve une autre: Le commissaire du travail n'a pas le droit,
n'est pas considéré comme un salarié. Encore une fois,
à qui les travailleurs vont-ils faire confiance? Toutes ces personnes
qui sont des personnes auxquelles le travailleur doit avoir une confiance
quasiment aveugle pour embarquer dans une centrale syndicale, les travailleurs
les rencontreront et diront: Parfait, on va essayer de te vendre notre salade,
mais nous n'avons pas le droit d'y participer. Cela n'a aucun sens. Cela
démontre encore une fois, et je crois qu'il faudra constamment revenir
sur cela, qu'on ne peut pas faire à la pièce ce qui demande
d'être fait au complet. On ne pourra jamais. On peut rénover; on
peut remplacer une fenêtre, mais on n'aura jamais reconstruit
l'édifice. Il faut reconstruire cet édifice du Code du travail en
totalité. Nous ne sommes pas les seuls à l'avoir dit. J'ai eu ce
privilège d'assister à la commission parlementaire,
malheureusement peut-être pas à toutes les séances, mais
à plusieurs. Il y a eu consensus dans le sens qu'il fallait tout
simplement imposer une statut quo jusqu'à l'automne, jusqu'à ce
qu'on ait le temps de revoir en profondeur la refonte du Code du travail au
Québec, à partir de consultations, non pas ce qu'on fait en ce
moment! On a encore une fois pondu cela à la vapeur. On nous dit
maintenant: II y a des lacunes dans notre Code du travail. On a trouvé
deux, trois, quatre, cinq ou dix petits points qu'il faudrait corriger
immédiatement. Mais on ne peut pas construire quelque chose de solide si
la base, si l'empattement n'est pas solide. Cela vous sert à quoi de
monter un magnifique édifice? Il s'écroulera un jour ou l'autre.
Surtout si vous avez l'intention dans les prochains mois de refaire
l'intérieur de cet édifice au complet, pourquoi peinturer?
Pourquoi essayer de lui donner plus d'attrait? C'est un manque de logique qui
ne me surprend pas. Depuis trois ans que je suis ici à
l'Assemblée nationale, j'ai vu le manque de logique du gouvernement
à plusieurs occasions. J'ai l'impression qu'on en verra encore, parce
qu'il semblerait qu'on continue dans le même sens. Ce n'est pas ici que
j'ai développé la plus grande logique en voyant de quelle
façon le gouvernement se comportait avec les lois. Mais, pour une fois,
c'est important. Nous assistons - et tout le monde est d'accord
là-dessus - à une certaine reprise de l'économie. Cela
redémarre lentement, mais sûrement. Les perspectives sont
très bonnes, je voudrais le dire au ministre. L'inflation est
contrôlée tout aussi bien aux États-Unis, en Europe qu'au
Canada, grâce à des politiques qui ont été mises de
l'avant, dans certains cas, par le gouvernement fédéral, avec sa
politique des 6% et 5%, ce qui a amené une façon de
réduire l'inflation sans toutefois toujours arriver avec l'augmentation
des taux d'intérêt ou la restriction du crédit.
Il y a effectivement de l'espoir en l'avenir. Je suis l'un de ceux qui
sont très optimistes et je ne suis pas le seul. Je peux dire que je
côtoie les gens du monde des affaires assez fréquemment aussi bien
en tant que député qu'en tant qu'homme d'affaires moi-même.
Nous devrons - je vais vous le dire bien honnêtement - tenter de
développer les meilleurs arguments au monde pour convaincre le
gouvernement que ce n'est pas la meilleure façon de nous aider dans la
relance économique que d'introduire immédiatement ces
modifications à la pièce à notre Code du travail.
Notre Code du travail est déjà convenable. Il faut qu'il
soit revu - nous sommes d'accord - mais de façon bilatérale,
c'est-à-dire qu'on retrouve à l'intérieur du Code du
travail des avantages pour les patrons, des avantages pour les travailleurs,
pour s'assurer qu'au Québec, notre Code du travail ne soit pas le plus
restrictif qui puisse exister en Amérique du Nord, comme nous le
retrouvons en ce moment.
Ce n'est pas parce que nous ne voulons pas que tout le monde ou tous les
travailleurs puissent être syndiqués, mon Dieu! Non. Nous avons
à coeur, comme tout le monde, les intérêts des
travailleurs. Mais je ne suis pas convaincu qu'il faille absolument avoir ce
projet de loi 17 pour avoir d'excellentes relations de travail au
Québec.
J'ai tout récemment visité le plus grand centre industriel
du Québec, Bécancour, où j'ai pu voir les entreprises qui
ne sont justement pas syndiquées, où l'on compte 1500, 1700 ou
2000 employés sans aucune espèce de syndicalisation. Ces
travailleurs sont satisfaits de leurs conditions de travail parce qu'elles sont
tout à fait enviables pour n'importe quelle entreprise où on a un
taux de syndicalisation à 80% et 90%.
Ce n'est pas l'urgence. Cette loi 17 n'est pas demandée par le
milieu. L'article 1, le premier article - c'est cela qui est
décourageant - on a de la difficulté à s'entendre sur cet
article ce n'est pas croyable. Mes collègues ont développé
un tas d'arguments qui sont tous justifiés. C'est la pure
vérité. Qu'est-ce qu'un salarié? Pourquoi pourrait-il
faire partie d'une centrale syndicale et l'autre d'à côté,
qui est salarié aussi, ne le pourrait pas? Je vois justement un
représentant du cabinet du ministre, pourquoi n'aurait-il pas le droit
de faire partie d'un syndicat? J'aimerais qu'il soit protégé.
C'est probablement parce qu'il a de bonnes conditions de travail dans le
moment, c'est évident, on le sait. Il semblerait que les attachés
politiques et tous ceux qui travaillent au cabinet sont très bien
rémunérés et qu'ils ont des conditions de travail un peu
spéciales. (16 h 15)
Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas certaines revendications
à faire, certains litiges. Peut-être qu'on a changé sa
limousine, qu'elle n'est pas belle, pas à son goût, pas la bonne
couleur. Peut-être qu'on pourrait s'en plaindre. On n'a peut-être
pas un téléviseur couleur comme dans la limousine de
l'ex-ministre de l'Environnement. Peut-être qu'on pourrait faire un
grief. On a le droit de se plaindre. Si certaines limousines ont un
téléviseur et que d'autres n'en ont pas, c'est un motif à
grief. Mais pourquoi ces gens n'auraient-ils pas le droit de faire partie d'une
centrale syndicale?
Nous allons évidemment tenter d'en convaincre le gouvernement et
nous allons le faire dans le but de protéger les travailleurs. Cela ne
veut pas nécessairement dire tous les travailleurs du Québec -
les travailleuses également, parce qu'il n'y a pas seulement les
travailleurs, il y a autant de travailleuses que de travailleurs. Cela ne veut
pas nécessairement dire aux travailleurs et aux travailleuses du
Québec: La syndicalisation vous est facilitée, cela va marcher
sur des roulettes, cela va aller rapidement. Je l'ai dit et je le
répète et nous le répétons souvent: Lorsqu'il n'y
aura plus d'entreprises au Québec, lorsqu'il n'y aura plus de
salariés, cela donnera quoi d'avoir un Code du travail qui facilite
l'accréditation syndicale? Cela sert à quoi de dire à ces
gens, à ces travailleurs...
M. le Président, il faut que je vous dise un mot
là-dessus. Le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche nous
racontait qu'au Québec il y avait des employeurs qui faisaient
travailler leurs employés 60, 70 heures et, lorsque arrivait le temps de
la paie, ils n'en marquaient que 40. Moi, je n'ai jamais vu cela de ma vie et
je vous le dis ici, c'est enregistré au journal des Débats. Si
tel est le cas, si cela peut exister au
Québec, qu'on dénonce ces employeurs et qu'on les mette en
prison, M. le Président. Ils ne sont pas dignes d'être patrons.
Ils ne sont tout simplement pas dignes de faire des affaires ici au
Québec.
Moi, j'en doute beaucoup et je ne peux pas voir, je ne peux pas
concevoir comment le ministre peut avoir fait une telle affirmation, parce que
c'est très grave. Je vais le répéter pour la
deuxième fois: S'il y en a qui ont vu cela, j'aimerais qu'on le dise.
Où cela se pratique-t-il? Qu'on les dénonce le plus rapidement
possible. C'est du vol, de faire travailler un salarié et ne pas le
payer en conséquence. Tu nous as produit un bien, tu nous as offert un
service, mais on ne te paie pas. Ce n'est peut-être pas un hold-up avec
une arme, mais c'est quand même un vol. Cela devrait être
dénoncé et ces patrons devraient perdre leur permis parce que
nous savons tous qu'au Québec, pour faire fonctionner la moindre petite
entreprise, on doit avoir au moins un permis. Parfois on doit en avoir quatre
ou cinq. On est tellement surréglementé. Un employeur qui aurait
le front, l'audace de commettre un tel crime, c'est-à-dire de faire
travailler ses employés sans les rémunérer, devrait
être condamné et soyez assurés que nous du Parti
libéral, ici de ce côté, nous serions sans pitié
pour un employeur qui oserait faire une telle chose.
Je n'ai aucune hésitation à vous dire que pas un seul ou
une seule de mes collègues ne défendrait un tel employeur. Au
contraire, il serait condamné, après avoir été
dénoncé sur la place publique avec toute l'énergie et
toute la vigueur dont nous sommes capables. Cela est simple. Il ne faudrait pas
croire que nous sommes ici pour défendre des employeurs qui n'ont pas le
courage de respecter la plus élémentaire décence, qui est
de dire: Tant d'heures travaillées, tant d'heures payées. Par
contre, il faut défendre également le petit entrepreneur pour qui
la syndicalisation dans certains cas, si on y va comme c'est proposé
dans le moment, peut être la fin, la faillite de son entreprise.
Je pense que nous en sommes conscients. J'ai rencontré des
salariés tout récemment qui sont venus à mon bureau pour
me dire à peu près ceci: un représentant syndical
était parti de Montréal pour les visiter et leur dire que s'ils
voulaient adhérer à telle ou telle centrale syndicale -je ne me
souviens plus laquelle - les conditions de travail seraient meilleures; de plus
longues périodes de vacances, de plus longues périodes de temps
pour le dîner, un meilleur salaire. La seule chose qu'il avait
oublié de leur dire, c'est que l'entreprise pourrait faire faillite et
qu'ils se retrouveraient en vacances pour l'année. C'est exactement ce
qui est arrivé, ils se sont retrouvés immédiatement...
M. le Président, je vois le ministre dire: On va abolir les
syndicats. On est ici justement pour défendre les syndicats, parce que
vous en enlevez trop, vous excluez trop de travailleurs, il y en a trop qui
n'ont pas le droit de se syndiquer. Il ne faudrait pas penser qu'on veut...
Voyons doncl On va abolir les syndicats. Il n'y a personne de sensé au
Québec qui voudrait prononcer une telle phrase. Je ne le pense pas.
Abolir les syndicatsl Personne n'a proposé cela. Tout ce que nous
proposons, tout ce que nous allons dire et continuer de dire - et nous allons
faire le débat public...
M. Johnson (Anjou): C'est de s'en débarrasser plutôt
que de les abolir.
M. Bélanger: Ce n'est pas de s'en débarrasser.
M. Johnson (Anjou): Ah! Ah bon!
M. Bélanger: C'est tout simplement de faire en sorte de
revoir le Code du travail, la refonte au complet et qu'il y ait - comme je l'ai
mentionné tout à l'heure - une certaine partie, certains
avantages pour le patronat et certains avantages pour le travailleur. Il y a
quand même une mentalité au Québec qui est peut-être
récente, il faut l'admettre - "récente", cela veut dire une
dizaine d'années - c'est que les patrons sont conscients que, sans
employés, ils ne peuvent tout simplement pas réussir et les
employés sont également conscients que, sans leur patron, eux non
plus ne peuvent pas gagner leur vie. Il y a au Québec actuellement 400
000 personnes qui se cherchent un patron. Des chômeurs, cela cherche un
patron. C'est aussi simple que cela. Ces chômeurs-là ne trouvent
pas que c'est si mauvais que cela, les patrons. Ils se lèvent le matin
de bonne heure pour aller sur la route. Ils se déplacent pour tenter de
se trouver un patron. Cela veut donc dire que le patron...
Une voix: ...II serait temps...
M. Bélanger: M. le Président, je voudrais bien
terminer mes deux minutes, parce que j'arrivais justement au coeur du sujet. Il
faut faire en sorte... C'est fini?
Le Président (M. Blouin): En concluant, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Bélanger: Oui, M. le Président. Soyez
assuré de la collaboration du Parti libéral pour faire en sorte
que ce projet de loi soit modifié ou bonifié au maximum, pour
qu'il soit acceptable, pour que ce projet de loi soit un projet de refonte du
Code du travail et qu'il fasse en sorte que nous activions l'économie du
Québec et non le contraire comme on peut s'y attendre avec le projet de
loi qui nous est présenté. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Mégantic-Compton. Y a-t-il d'autres
intervenants?
M. Johnson (Anjou): L'article 1 est-il adopté, M. le
Président? L'article 1 est adopté, M. le Président?
M. Bourbeau: M. le Président...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Laporte, vous avez la parole.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je sais gré
à mon collègue, le député de Brome-Missisquoi, de
m'avoir permis de participer aux travaux de cette commission, non pas que je me
considère comme étant le plus grand expert dans les lois du
travail. Comme diraient certains de mes collègues, je ne suis pas
avocat, mais il reste quand même que cela tombe sous le sens commun que,
lorsque certains projets de loi sont bien rédigés, l'Opposition,
règle générale, est d'accord, surtout quand le fond y est.
Quand il arrive qu'on nous présente des projets de loi qui sont à
caractère excessif, il est bien évident qu'à ce
moment-là, il est du devoir de chacun et surtout des
députés de faire connaître publiquement leur
opposition.
En ce qui concerne le projet de loi qu'on a ici, qui s'intitule "Loi
modifiant le Code du travail et diverses dispositions législatives", ce
qui m'étonne, c'est de voir comment il semble que ce projet de loi a
été préparé. Je ne sais pas s'il a
été préparé à la sauvette, mais il arrive
certainement à la dernière minute, comme un cheveu sur la soupe.
Il est assez étonnant qu'un projet de loi aussi important, en termes
d'épaisseur -je tiens le projet de loi devant moi et il a environ un
pouce d'épaisseur, plutôt deux centimètres - soit
présenté comme cela à l'Opposition et qu'on s'attende que,
dans l'espace de quelques jours, l'Opposition va laisser passer un document
semblable sans souligner le caractère excessif d'une telle loi. Je pense
qu'en termes de démocratie, ce n'est pas très bien servir la
démocratie que de tenter de passer à la vapeur un projet de loi
semblable et ne pas permettre un débat public et ouvert au sein de la
population. Quand on regarde le contenu du projet de loi, on parle
évidemment à l'article 1 -puisque nous en sommes à
l'article 1 - de la définition d'un salarié. On dit dans les
notes explicatives au sujet de ce texte de l'article 1 - je pense qu'on s'y
réfère - que "ce projet de loi a avant tout pour objet de
modifier plusieurs dispositions du Code du travail concernant le droit
d'association, l'accréditation, les conventions collectives, le
règlement des différends et des griefs et les
mesures antibriseurs de grève." En premier lieu - et c'est
là qu'on touche à l'article 1 -il élargit la protection du
droit d'association en prévoyant que les représailles et les
mesures discriminatoires prises contre un salarié, à cause de
l'exercice par celui-ci d'un droit qui lui résulte du Code du travail,
constitueront des pratiques déloyales pour lesquelles l'employeur
pourrait être poursuivi et le salarié être indemnisé.
Il précise de plus qu'un commissaire du travail pourra ordonner le
paiement d'intérêts sur une indemnité due par l'employeur
et qu'une ordonnance de réintégration d'un salarié sera
exécutoire malgré l'appel. On voit donc, M. le Président,
qu'il est très important de définir ce qu'est un salarié,
parce que des droits sont attachés et des privilèges aussi
à ceux qui peuvent être inclus dans la définition du mot
salarié. Par voie de conséquence, tous ceux qui ne sont pas
inclus dans la définition ne peuvent pas jouir des avantages que
confère l'appartenance à cette catégorie de citoyens qu'on
appelle des salariés.
Il est donc important de se poser la question: Qu'est-ce qu'un
salarié? Il y a plusieurs définitions du mot salarié. On
peut aller dans le dictionnaire Larousse, ou dans le Quillet, ou dans le Petit
Robert. Mais le projet de loi quant à lui a sa propre définition
du mot "salarié". Je ne voudrais pas, M. le Président, retourner
aux origines latines ou grecques pour tenter de définir
l'étymologie du mot "salarié". D'ailleurs je n'ai pas
emporté avec moi de tels dictionnaires, je serais mal à l'aise de
le faire. Le projet de loi, quant à lui, nous dit ce que c'est. On dit
que c'est essentiellement une personne qui travaille pour un employeur. Alors,
il faut au départ qu'il travaille. Cela exclut déjà
certains membres de la société qui ne travaillent pas. Et
moyennant rémunération, encore là, quelqu'un qui travaille
bénévolement, je pense bien, ne pourrait pas être compris
dans la définition du mot "salarié" quelqu'un qui travaillerait
bénévolement ou qui donnerait ses services moyennant
considération autre qu'une rémunération en argent. Je
pense qu'il y a une certaine imprécision ici, parce que le mot
rémunération pourrait donner lieu à plusieurs
interprétations. Qu'est-ce qui arriverait, par exemple, M. le
Président, à quelqu'un qui serait rémunéré
d'autre façon qu'en argent, par des services par exemple? Est-ce que la
rémunération d'un individu sous forme de troc serait acceptable
pour justifier le mot "salarié"? Je ne le sais pas, mais je pense que
c'est une des imprécisions du projet de loi.
De toute façon, ce que l'on sait, c'est que le mot salarié
ne comprend pas certains individus. Et, tout à fait par hasard, on se
rend compte qu'essentiellement la majorité des gens qui ne sont pas
compris dans le mot "salarié" sont des gens qui sont très
rapprochés du gouvernement. Est-ce qu'il y a une relation de cause
à effet entre le fait que le gouvernement est celui qui nous
présente le projet de loi et le fait que la majorité des gens qui
sont exclus de la définition du mot "salarié" sont justement des
gens qui sont rattachés de près au gouvernement? Je pense qu'on
peut se poser la question.
Toujours est-il qu'au paragraphe 1, on nous dit que le mot
"salarié" ne comprend pas une personne qui, au jugement du commissaire
du travail, est employée à titre de gérant, de
surintendant, de contremaître ou de représentant de l'employeur
dans ses relations avec ses salariés. Alors, je pense bien que le
paragraphe 1, le sous-paragraphe 1, est assez clair et qu'on peut comprendre
pourquoi on exclut ces gens-là.
Le paragraphe 2 nous dit que la définition du mot
"salarié" ne comprend pas également un administrateur ou un
officier d'une corporation, sauf si une personne agit à ce titre
à l'égard de son employeur, après avoir été
désignée par les salariés ou une association
accréditée. Là, M. le Président, il y a encore une
certaine confusion. (16 h 30)
À moins d'être un avocat spécialisé en droit
du travail, on mélange le mot "salarié", parce qu'on dit qu'un
salarié ne comprend pas un administrateur, un officier d'une
corporation, sauf si une personne agit à ce titre à
l'égard de son employeur après avoir été
désignée par les salariés. Mais de quels salariés
parle-t-on, M. le Président, puisque justement on est en train de
définir ce qu'est un salarié? Si on définit un
salarié et que, dans la définition, on emploie le mot
"salarié" pour dire ce qu'est un salarié, il faudrait qu'il y ait
une deuxième définition pour dire que le mot "salarié"
employé dans le deuxième paragraphe signifie... Là, on
devrait donner une deuxième définition du mot "salarié".
Sans cela, on nage en pleine confusion, M. le Président.
D'ailleurs, je dois avouer qu'avec ce gouvernement on nage de plus en
plus en pleine confusion. Un jour, on a un ministre du Travail; le lendemain,
on en a un autre. À un moment, on a un président de commission;
deux minutes après, on a une présidente. Si on n'arrête pas
de rendre la situation de plus en plus confuse et d'employer le mot
"salarié" à toutes les sauces, on ne s'y retrouvera pas. Quant
à moi, qui ne suis pas un expert en droit du travail, je dois avouer que
j'ai beau avoir fait certaines années d'études, je trouve que
c'est assez ambigu d'employer le mot "salarié" deux fois, surtout quand
on est en train de définir ce qu'est un salarié. C'est à
peu près l'équivalent de la quadrature du cercle.
Finalement, M. le Président, pour la
définition du mot "salarié", on dit au paragraphe 3 que
cela ne comprend pas un fonctionnaire du gouvernement. Au départ, si on
regarde cela de près, il y a plusieurs fonctionnaires au gouvernement.
Je n'ai pas l'intention de les nommer tous. De toute façon, je n'en ai
pas le temps dans le délai de 20 minutes qui m'est imparti.
Une voix: Consentement.
M. Johnson (Anjou): Consentement pour...
M. Bourbeau: Mais il m'apparaît qu'au départ en tout
cas... Oui, quoi?
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. Bourbeau: Je peux les nommer.
M. Johnson (Anjou): Consentement.
M. Bourbeau: L'ex-ministre des Affaires sociales et nouveau
ministre du Travail me fait signe que j'ai le consentement.
M. Johnson (Anjou): Je suis encore ministre des Affaires
sociales.
M. Bourbeau: Ce que je trouve un peu étrange dans ce
projet de loi, c'est qu'il semble que ceux qui l'ont rédigé
n'aient pas été de grands experts en matière de droit du
travail. Je tentais tout à la l'heure de faire une comparaison. Comment
pourrait-on démontrer que n'est pas nécessairent un bon ministre
du Travail qui veut l'être? Je ne sais pas si j'aurais la permission de
lire quelque chose. Je pense que c'est quand même pertinent.
J'étais en train de lire tout à l'heure un extrait de L'Art
poétique, de Boileau. Au chant IV - j'aimerais citer quelques
paragraphes pour prouver mon point - on dit ceci: "Dans Florence jadis vivait
un médecin - remarquez que cela n'a rien à voir avec le ministre
du Travail, c'est écrit comme cela - savant hâbleur, dit-on, et
célèbre assassin." Lui seul y fit longtemps la publique
misère: "Là le fils orphelin lui redemande un père;" Ici
le frère pleure un frère empoisonné:" L'un meurt vide de
sang, l'autre...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Laporte.
M. Johnson (Anjou): M. le député de Laporte,
à l'ordre!
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Laporte, je suis moi-même un amant de la littérature, mais je ne
crois pas que la lecture que vous êtes en train de faire puisse se relier
directement à l'article 1 du projet de loi 17, Loi modifiant le Code du
travail et d'autres dispositions législatives. Je vous demanderais donc
de revenir à la pertinence du sujet, s'il vous plaît.
M. Paradis: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
de...
M. Paradis: Brome-Missisquoi.
Le Président (M. Blouin): ... Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, je n'ai jamais entendu au
complet la citation que nous faisait le député de Laporte.
Peut-être que votre éducation, votre culture littéraire
vous remémorent des souvenirs en entendant cette citation. Tant qu'on ne
l'a pas entendue dans sa substance, comment peut-on dire qu'elle n'illustre pas
notre point, comme nous l'a indiqué d'ailleurs avant ses propos le
député de Laporte? Si cela explique le point qui nous concerne,
en vertu de quel article de notre règlement pourrions-nous interdire au
député de Laporte de se servir de cet exemple si
poétique?
M. Johnson: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Oui.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, sur la question de
règlement, est-ce que - le député de Laporte pourra me
corriger - c'est bien Boileau qu'il cite?
M. Bourbeau: Oui, Boileau, L'Art poétique, de Boileau.
M. Johnson (Anjou): Non pas Jean-Paul, que je connais à
Anjou?
M. Bourbeau: Non.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai l'impression que
Boileau est décédé un peu avant le dépôt du
projet de loi 17 et, dans les circonstances, cela m'étonnerait que ce
soit pertinent.
M. Polak: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Je connais très bien ce poème. Vous
verrez, à la fin, on dit...
Le Président (M. Blouin): Le poème! ah bon! Vous
connaissez bien le poète?
M. Polak: ...dans le poème... On peut le citer
textuellement, parce qu'il est très long, il a plusieurs pages. Mais,
à un moment donné, la phrase s'y trouve. C'est cela la
définition d'un employé, vouz allez trouver cela dans le texte.
Vous l'avez-vu cela? Je le vois. Qu'il le lise au complet, vous allez trouver
le mot "employé" dans cela.
M. Bourbeau: Est-ce que je peux prendre la parole sur la question
de règlement quelques secondes. Le ministre vient de nous dire que
Boileau était décédé. Évidemment, je pense
que la majorité des gens ici s'en doutait un peu. Mais ses écrits
sont demeurés, ses écrits demeurent.
M. Mathieu: Je ne savais même pas qu'il était
malade.
M. Bourbeau: Mon collègue ici, le député de
Beauce-Sud, vous expliquera, si vous le lui demandez, que les écrits
demeurent, c'est d'ailleurs la devise des notaires. L'Art poétique qu'a
écrit Boileau, avant de mourir, évidemment, est un texte
très important. C'est que j'étais en train de vous dire. Si vous
m'aviez permis, M. le Président. Si vous ne me le permettez pas, je ne
continuerais pas, c'est sûr, mais je vous aurais démontré
que ce médecin dont on parlait ici...
Le Président (M. Blouin): Résumez la pensée,
cela serait peut-être préférable.
M. Bourbeau: Je suis en train de le faire. Ce médecin dont
on disait qu'il n'était pas très compétent en
médecine, puisque je disais tout à l'heure qu'il était
responsable de plusieurs décès...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Laporte, vous voulez dire qu'il enterrait ses erreurs?
M. Bourbeau: On disait: "Le rhume à son aspect se change
en pleurésie"; en parlant du médecin, vous comprenez que c'est un
médecin qui... "Et par lui la migraine est bientôt
frénésie." Ce qui est arrivé dans ce cas et arriverait
peut-être aussi aujourd'hui à ceux qui nous présentent ce
projet de loi, c'est que le médecin en question après
s'être rendu compte qu'il ne ferait pas fortune dans sa profession, a
changé de métier et est devenu un maçon. Et, dans son
nouveau travail...
Le Président (M. Blouin): C'est plus pratique.
M. Bourbeau: ...il s'est révélé
compétent. Ce qui tend à prouver que, parfois, les gens et les
ministres ne sont pas employés à bon escient. Si on permettait
aux gens - M. le Président, je vous demanderais de rappeler la
commission à l'ordre, parce que j'ai l'impression que mes paroles ne
sont pas très écoutées...
M. Johnson (Anjou): Une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre, une question de
règlement.
M. Bourbeau: Ce que j'étais en train de dire... Est-ce que
j'ai toujours la parole?
Le Président (M. Blouin): Le ministre m'avait
demandé la parole, mais je crois que...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai une question de
règlement, est-ce que j'ai bien entendu le député de
Laporte dire qu'il voulait qu'on soit sérieux à cette
commission?
M. Bourbeau: Oui, j'étais en train d'expliquer...
Le Président (M. Blouin): II ne s'agit pas d'une question
de règlement, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Je m'excuse.
M. Bourbeau: Si vous me permettez, je n'ai pas ri du tout. Je
suis en train d'expliquer...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Laporte, vous avez la parole.
M. Bourbeau: ...que si on nous apportait des projets de loi
rédigés par des gens compétents, qui s'y connaissent en
matière de droit du travail, comme, par exemple, le député
de Brome-Missisquoi, qui est assis à votre gauche, voilà un
député qui est compétent pour parler de droit du
travail.
Le député de Brome-Missisquoi est premièrement
avocat, ce qui est assez utile quand on rédige des projets de loi;
deuxièmement, c'est un avocat pratiquant, qui a pratiqué et
peut-être encore qu'il pratique aujourd'hui.
Le Président (M. Blouin): Faites-vous allusion à
ses convictions religieuses, M. le député?
Une voix: II va à la messe tous les jours.
M. Bourbeau: II a pratiqué dans le domaine du droit du
travail, une spécialisation en droit du travail. Voilà quelqu'un
qui est particulièrement doué et équipé pour parler
de droit du travail et
pour faire la critique d'un projet de loi comme celui que nous avons
devant nous.
M. le Président, s'il n'en était que de moi, je ne
pourrais pas prétendre avoir beaucoup d'expérience et de
compétence en matière de droit du travail, mais j'ai
rencontré le député de Brome-Missisquoi qui m'a
expliqué longuement, en long, en large et en profondeur, les
éléments essentiels de ce projet de loi. J'ai été
à même de comprendre deux choses: premièrement, que le
député de Brome-Missisquoi est très compétent en la
matière et, deuxièmement, que le projet de loi qu'on nous
présente n'a pas été rédigé par des gens qui
ont la même compétence que celle que détient le
député de Brome-Missisquoi.
M. Johnson (Anjou): ...l'un après l'autre, si vous
voulez.
M. Bourbeau: Ce que je vous dis là, M. le
Président, je le tiens de bonne source; je le tiens du
député de Brome-Missisquoi lui-même. Enfin, c'est ce que
j'ai déduit de l'essentiel de ce qu'il m'a dit. Peut-être que je
fais erreur. En fait ce ne sont pas les mots textuels qu'il a employés
mais si, par hasard, ce que je déduis... Déjà, M. le
Président?
Une voix: Consentement.
M. Bourbeau: ... des paroles qu'a prononcées le
député de Brome-Missisquoi, si ce n'est pas exactement ce qu'il a
dit, j'aimerais bien que vous lui donniez la parole immédiatement
après moi pour qu'il puisse corriger un peu les erreurs que j'aurais pu
faire.
Toujours est-il qu'il est manifeste que ce projet de loi, et surtout
l'article 1, ne rencontre pas les meilleurs intérêts de la
collectivité. On exclut de ce projet de loi toute une foule de gens qui
sont très près du gouvernement. Cela frôle même le
conflit d'intérêts, si je peux dire. En quelque sorte, le
gouvernement a un conflit d'intérêts parce qu'il inclut dans la
définition du mot "salarié" à peu près tout ce
qu'il y a d'autre au Québec que ceux qui sont sous sa gouverne et
à son emploi. Je pense qu'on fait là deux classes de citoyens,
deux poids et deux mesures. Un poids pour les salariés ordinaires et une
mesure différente pour les salariés qui sont proches du
gouvernement. C'est très facile, quand on est législateur, de se
favoriser soi-même et je ne pense pas que ce soit à
l'avantage...
Le Président (M. Blouin): Vous concluez, M. le
député de Laporte?
M. Bourbeau: Je conclus, M. le Président, en disant qu'il
est dommage que le gouvernement nous arrive avec un projet de loi semblable
à la dernière minute, à la sauvette, à la fin d'une
session, alors qu'on aurait intérêt à ce que ce projet de
loi soit déposé sur la place publique et amplement
discuté, qu'on fasse un large consensus dans la population. Plutôt
que cela, on tente d'arriver à la vapeur, de mettre l'Opposition devant
un fait accompli. Étant un de ceux qui croient que la démocratie
a des droits, je ne peux faire autrement que de m'ériger en faux contre
une telle façon de procéder. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Laporte.
M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Le député de Laporte a dit au
début de son intervention qu'il s'y connaissait très peu en droit
du travail. D'ailleurs, on l'avait remarqué dès ses
premières paroles. Mais ce qui m'a le plus surpris, c'est qu'il a
déclaré à la commission qu'après avoir
rencontré le député de Brome-Missisquoi, il avait pu juger
que celui-ci était un très grand connaisseur dans ce domaine.
J'ai de la peine à saisir.
M. Paradis: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): S'agissait-il là d'une
question de règlement?
M. Paradis: Strictement pour répliquer, parce que...
Le Président (M. Blouin): Oui, mais je pense...
M. Paradis: Non, je tiens à répliquer, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Oui, même si vous tenez
à répliquer...
M. Paradis: C'est un peu comme quelqu'un qui serait
régisseur à la Régie du logement et qui ne
connaîtrait pas cela.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Brome-Missisquoi!
M. Dupré: Je ne serais pas resté là pendant
dix ans.
M. Paradis: Non, ils s'en sont rendu compte rapidement.
Le Président (M. Blouin): Puisqu'il n'y a pas...
M. Bélanger: Heureusement qu'il n'était pas
syndiqué.
Le Président (M. Blouin): Est-ce qu'il y
a d'autres intervenants?
M. Polak: Sur quel article, M. le Président?
Le Président (M. Blouin): Sur l'article 1.
M. Johnson (Anjou): Sur l'article 1, M. le Président,
est-ce que nos savants collègues ont d'autres propos au sujet desquels
ils nous entretiennent?
M. Lavigne: M. le Président, si vous me permettiez, je
prendrais quelques minutes...
M. Bélanger: Ne retardez pas les travaux pour rien.
M. Lavigne: ...pour faire comprendre quand même aux gens de
l'Opposition que plusieurs de leurs affirmations au cours de leurs
interventions sont complètement erronées.
Le projet de loi 17 qui est à l'étude présentement,
qui tente de modifier le Code du travail en vigueur actuellement, à ce
que je sache, n'est pas encore adopté. Tout au long de leurs
interventions, les gens de l'Opposition, du Parti libéral, nous ont dit
qu'on vivait une crise économique, que les PME fermaient, qu'il manquait
de patrons. Ils nous faisaient un portrait épouvantable de la situation
économique. À ce que je sache, le projet de loi 17, qui est
censé être la terreur sur la terre, n'est pas encore en vigueur.
Donc, ce n'est pas à cause du projet de loi 17 que cela va mal.
M. Bélanger: Cela va être pire. (16 h 45)
M. Lavigne: Vous proposez le statu quo. Si on propose le statu
quo, cela va continuer à aller mal comme vous venez de nous le dire tout
au long de vos propos. Si on regarde le taux de chômage qu'on a connu en
1981, 1982 et même 1983, il est énorme. Je ne suis pas sûr
si on faisait une comparaison entre les effets du Code du travail sur le taux
de chômage et les effets des taux d'intérêt qu'Ottawa nous a
imposés. Je pense qu'il y a un paquet, si vous me permettez
l'expression, de PME qui ont échoué, qui ont fermé leurs
portes et qui ont créé du chômage bien plus à cause
des taux d'intérêt surélevés qu'à cause des
effets du Code du travail.
M. le Président, il y a à peine 30% des salariés du
Québec qui sont syndiqués. Il y a donc au-delà de 70% des
gens qui ne sont pas encore syndiqués. On l'a dit et je suis
tombé là-dessus d'accord avec certains propos des gens de
l'Opposition quand on disait que cela prenait des patrons et aussi des
employés. Uniquement des employés, cela n'irait pas. Uniquement
des patrons, cela n'irait pas non plus.
S'il y a aujourd'hui des syndicats et des syndiqués, c'est
à mon avis parce que, dans le passé, on le sait fort bien, il y a
eu d'énormes abus de la part de la partie patronale face aux
employés, sans quoi le syndicalisme ne serait même pas né.
Le syndicalisme est né à partir d'abus commis par les patrons
envers les employés. Je pense que même les gens de l'Opposition
endossent ce fait.
Par ailleurs, quand on dit dans le projet de loi 17 qu'on veut
introduire des mesures pour favoriser davantage la syndicalisation, ils se
dressent contre cela. Donc, il y a là une incohérence dans le
raisonnement de l'Opposition qui est inacceptable. C'est absolument cela votre
langage, messieurs.
M. Paradis: C'est votre compréhension, ce n'est pas notre
langage.
M. Lavigne: Ce qui serait idéal, dans une
société idéale qu'on ne connaîtra jamais, ce serait
une espèce d'harmonie qui pourrait régner entre les patrons et
les employés, sans syndicat. Le syndicalisme, finalement, c'est un mal
nécessaire, si vous me permettez. Dans une société
idéale, c'est cela: l'employé ne se sent pas exploité par
son patron, il sent une justice de la part de son patron, il n'a pas besoin de
se syndiquer parce qu'il va sentir cette justice qui vient de la part du
patron. Du fait qu'on a connu dans les années passées des abus
patronaux, le syndicalisme est né, comme je vous l'ai dit tout à
l'heure, et cela semble vous faire énormément peur,
messieurs.
C'étaient les quelques propos que je voulais tenir pour
rétablir un peu l'ordre qui règne ou qui ne règne pas dans
l'esprit des gens de l'Opposition. Des fois, ils sont pour les patrons, des
fois, ils sont pour les syndiqués. On ne sait pas trop finalement de
quel côté ils sont. Par contre, on veut amener une loi qui va
aider la syndicalisation et ils se dressent contre. Je ne comprends pas. M. le
Président, il va falloir leur laisser encore du temps pour nous faire
comprendre. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Beauharnois. L'article 1 est-il adopté?
M. Paradis: Sur division.
Le Président (M. Blouin): Article 1 adopté sur
division. Article 2. M. le ministre.
Le refus d'embaucher une personne
M. Johnson (Anjou): M. le Président, l'article 2 introduit
essentiellement un principe qu'on retrouve dans la plupart des autres
législations canadiennes notamment au
niveau du Code du travail canadien, en ce sens qu'un employeur qui
refuserait d'employer une personne à cause de l'exercice que cette
personne fait d'un droit découlant du Code du travail s'expose à
des pénalités.
Je ferais remarquer que, dans le Code canadien du travail, les
dispositions prévoient qu'un employeur qui refuse d'embaucher quelqu'un
pour les motifs qu'il a déjà eus ou qu'il a exercé des
droits découlant du Code canadien du travail s'expose à une
décision du commissaire du travail fédéral, qui peut
imposer à l'employeur l'embauche de cette personne. Ce n'est pas cela
que nous faisons à l'article 2. Nous disons simplement que l'employeur
qui refuserait d'embaucher une personne pour les motifs qu'elle a
déjà exercé dans le passé des droits
découlant du Code du tavail est dans une position où il s'expose
à des sanctions pénales.
Deuxièmement, cet article implique à l'égard non
pas de ceux qu'on embauche, mais de ceux qui travaillent dans une entreprise,
que les mesures discriminatoires ou les représailles exercées
à l'égard des personnes qui travaillent dans cette entreprise,
les menaces de renvoi ou toute autre menace ou l'imposition de sanctions par
l'employeur par un quelque autre moyen, aux fins de contraindre le
salarié à s'abstenir d'exercer ses droits, exposent
également l'employeur à des clauses pénales.
Mais il faut lire cet article avec d'autres articles qui font que, quand
il agit de cette façon à l'égard d'un de ses
employés - et non pas d'un employé qui veut venir se faire
embaucher - à ce moment, le commissaire du travail peut intervenir et
modifier la sanction qui a été imposée ou prendre les
mesures jugées utiles et indemniser, le cas échéant, le
travailleur qui a été victime de telles représailles.
Je dirais encore une fois, simplement pour corriger, et de toute
évidence, M. le Président, en écoutant nos
collègues d'en face, que cela fait maintenant huit ou neuf heures, je
pense, que nous sommes en commission parlementaire et que j'ai
été à même de constater, je le comprends, que nos
collègues ont peut-être du travail à faire sur d'autres
projets de loi. Je ne parle pas du député de Brome-Missisquoi,
qui a sûrement travaillé son dossier, même s'il ne le laisse
pas paraître beaucoup, mais je pense aux autres députés qui
ont malheureusement dit à plusieurs reprises, et notamment au
député de Mont-Royal, qui, pourtant, est un homme
d'expérience sur le plan juridique.
Je pense qu'ils ont démontré dans la plupart des cas leur
ignorance des lois canadiennes et de la législation en matière de
relations de travail qu'on retrouve ailleurs au Canada. On ne peut pas
s'attendre que tous les membres de la commission aient fait des études
dans ces domaines, mais je suis sûr, connaissant la quantité des
ressources que le gouvernement met à la disposition du Parti
libéral au niveau de ses services de recherche, qu'ils ont tous les
instruments nécessaires pour faire des analyses de qualité qui -
j'en suis sûr - ont été faites, mais que personne ne semble
avoir lues de l'autre côté.
Dans le cas des dispositions qui touchent l'article 14 du Code du
travail, à partir de l'article 2 du projet de loi 17, il faut bien
comprendre que ce sont des mesures normales qui auraient du exister,
d'ailleurs, depuis un certain temps et qui visent simplement à garantir
à celui qui tente d'exercer ses droits de façon normale qu'il ne
sera pas victime d'un comportement anormal de la part de l'employeur, et de lui
donner le bénéfice d'une présomption comme dans la plupart
des choses, d'ailleurs, qu'on retrouve tant au Canada, dans les autres
provinces, qu'au Québec à l'égard d'autres droits. On sait
que la notion de présomption en faveur du travailleur est une chose
courante dans les lois du travail au Québec comme ailleurs, par exemple
aux États-Unis, comme un peu partout, je crois, ma foil dans tous les
endroits civilisés dans le monde. Je me refuse à croire, M. le
Président, que l'Opposition voudrait qu'on devienne un endroit qui n'est
pas civilisé, même si parfois son comportement nous permet de
constater qu'effectivement on ne vit peut-être pas dans une
société parfaitement civilisée.
Dans les circonstances, je souhaite que cet article soit adopté
rapidement, étant donné que je suis sûr que les
études approfondies qu'en ont faites nos collègues de
l'Opposition leur auront permis de constater que le projet de loi est fort bien
rédigé, qu'il s'inspire des principes généraux,
à la fois du Code du travail et de la législation du travail en
Amérique du Nord, de façon générale. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, l'article 2 amende l'article
14. À l'article 14, il y a présentement une certaine prohibition
- c'est vrai - mais il faut comparer le texte de l'article 14 comme il existe
maintenant à l'amendement suggéré, parce que le texte
actuel est le suivant: "Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un
employeur ou une association d'employeurs ne doit refuser d'employer une
personne." Jusqu'à ce point-là, le texte reste identique dans
l'amendement suggéré mais, maintenant vient tout le changement.
Le texte actuel dit: "Aucun employeur... ne doit refuser d'employer une
personne parce qu'elle est membre ou officier d'une association." C'est le
texte actuel. Donc, si quelqu'un est
membre ou officier d'une association..." Un employeur ne peut pas,
à cause de cela, refuser d'employer quelqu'un. Mais on va beaucoup plus
loin dans l'amendement parce qu'on y dit que l'employeur ne peut pas refuser
d'employer une personne à cause de l'exercice par cette personne d'un
droit qui, lui, résulte du présent code.
La différence est énorme. Encore une fois, je suis
très content que la députée de Dorion m'écoute.
Quand j'ai parlé tout à l'heure de l'article 1, elle m'a suivi,
elle a pris des notes. Je pensais qu'on voterait sur l'article 1, mais on n'a
pas voté. Je suis content qu'elle me suive, parce que je pense qu'on
commence à avoir du succès avec nos arguments. Vous voyez qu'il
est impossible d'accepter cet amendement. Nous sommes allés tellement
loin dans le texte que la députée de Dorion, une femme
intelligente tout de même et certainement respectée dans son
comté, constate que les péquistes sont allés trop loin
quand ils ont dit: Si quelqu'un exerce n'importe quel droit résultant du
présent code, on ne peut plus congédier cette personne. Mais
là, évidemment, cela n'a pas de bon sens. C'est incroyable. Cela
mènera aux abus et aux conflits de partout. N'importe quel
employé dira: M. l'employeur, vous m'avez refusé tel et tel droit
que j'ai en vertu du code; vous n'avez plus le droit de me congédier
parce que vous l'avez fait non pas pour une raison légitime, mais parce
que j'ai exercé un droit.
Le ministre accepte cela totalement. Pour lui, c'est très beau.
Il se réfère même à la législation
canadienne, mais elle ne dit pas cela du tout. Je ne sais pas si le ministre a
le texte de la législation canadienne devant lui, je ne l'ai pas, mais
je peux vous dire que..
M. Johnson (Anjou): C'est pour cela que vous la connaissez.
M. Polak: Oui. Je voudrais tout de même que le ministre
n'ait pas ce petit sourire de dédain; je n'aime pas cela. Je fais valoir
mon argument. Je suis député, comme lui; je le respecte; je n'ai
jamais ri. Je ne suis pas d'accord avec ses arguments; j'ai dit dans mon
comté que je le trouvais arrogant - c'est son bon droit - mais pas de
rire. Mais quand je dis que je n'ai pas textuellement... Excusez-moi?
M. Johnson (Anjou): Nous sommes dans un pays libre. Je peux rire
si je veux, surtout si vous êtes risible.
Le Président (M. Dupré): À
l'ordre1. À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Polak: Je demande que vous disiez au ministre d'arrêter
de m'interrompre.
Le Président (M. Dupré): M. le
député, vous avez la parole, M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Je ne veux pas non plus que ce temps soit volé
sur mes 20 minutes.
Le Président (M. Dupré): Oui.
M. Polak: J'insiste sur mes 20 minutes.
Une voix: La loi 111 vous interdit de rire.
M. Polak: Je commençais à avoir du succès
avec mon argument auprès de la députée de Dorion. Le
ministre a peur de cela; c'est pourquoi il intervient maintenant. Il sait que
cela commence à craquer. Il sait très bien que l'amendement
à l'article 2 n'a qu'un sens. Je commence à avoir une
adhésion dans le Parti péquiste; je suis content qu'il y ait au
moins une ouverture finalement. Mais le ministre veut arrêter cela.
M. Johnson (Anjou): Est-ce comme cela à la
télévision?
M. Polak: M. le Président, pour revenir sur le texte de la
loi canadienne, quand on le lit, on s'aperçoit que ce n'est pas du tout
le même texte qu'on nous suggère à l'amendement de
l'article 2. Nous, à Québec, on nous suggère: À
cause de l'exercice par une personne d'un droit qui lui résulte du
présent code..." N'importe quel droit....
M. Johnson (Anjou): ...résultant du code.
M. Polak: C'est cela, qui résulte du présent code.
Voulez-vous que je lise le code?
M. Johnson (Anjou): Oui!
M. Polak: De la première page jusqu'à la
dernière. Vous verrez qu'il y a beaucoup de droits là-dedans.
Pour quelqu'un qui cherche à créer des problèmes à
son employeur, c'est très facile de trouver n'importe quel droit, il y a
beaucoup de droits qui sont très généraux. On peut dire:
Voici, M. l'employeur, vous m'avez renvoyé à cause de l'exercice
d'un tel droit, juste un, n'importe lequel, et l'employeur ne peut plus agir.
Donc, nous sommes simplement allés beaucoup trop loin. Comparons cela
avec le texte qui existe tel quel, où on dit: Parce qu'une personne est
membre ou officier d'une association. Je comprends cela, si on dit à
quelqu'un: Vous êtes membre de tel ou tel syndicat, je vous
congédie à cause de cela. Je comprends cela dans le texte actuel
et nous sommes d'accord avec cela. Nous n'avons jamais dit qu'on devrait
enlever ou
radier l'article 14 du texte actuel. Mais d'aller du point À au
point Z, il y a tout de même une grande distinction on est allé
beaucoup trop loin. (17 heures)
II y a une énorme différence. On ne peut jamais accepter
cela et répéter l'argument, cela relève de la loi
canadienne. Ce n'est simplement pas vrai. Ne commencez pas à citer un
petit article de la législation canadienne, il faut lire tous les
articles ensemble dans le contexte de la loi et vous allez voir que ce n'est
pas du tout la même chose. Deuxièmement, à l'article 14,
dans le texte actuel on dit: "...ou par l'imposition d'une peine ou par quelque
autre moyen, à contraindre un salarié à s'abstenir de
devenir membre ou officier ou à cesser d'être membre ou officier
d'une association de salariés." Donc, dans le texte actuel, l'employeur
est empêché de forcer un salarié à s'abstenir de
devenir membre d'une association. C'est le texte actuel. On n'a rien contre
cela. Cela était clair. C'est un cas spécial où un
employeur, pour éviter qu'un syndicat puisse s'installer chez lui, dans
son commerce, forcerait quelqu'un à s'abstenir à devenir
membre.
Regardons maintenant le texte suggéré, le texte dit. On
dit maintenant: "...ni chercher par intimidation, mesures discriminatoires ou
de représailles, menace de renvoi ou autre menace, ou par l'imposition
d'une sanction ou par quelque autre moyen à contraindre le
salarié..." Donc, contre n'importe quel moyen, on a ouvert la porte
énormément, d'une telle manière que si un employeur avait
une bonne raison de suspendre ou congédier un employé,
maintenant, a cause de ce texte-ci, on est allé tellement loin que
l'employé peut dire: Savez-vous, M. l'employeur, vous exercez une mesure
discriminatoire. Qu'est-ce que cela veut dire? Une mesure discriminatoire,
c'est toujours le texte très large qui ouvre la porte à toutes
sortes d'abus, à toutes sortes de problèmes et certainement que
les relations entre employeurs et employés ne vont pas être
améliorées par ce nouveau texte qui nous est
suggéré.
Le ministre a fait une remarque avec laquelle je suis d'accord. Il dit
que l'article 14, il faut le lire avec les articles qui suivent parce que vous
allez voir les sanctions qui s'appliquent. Si l'employeur est en contradiction
ou viole une des dispositions de l'article 14 qui est très large
maintenant dans son texte, vous allez le voir dans les articles suivants. Je
sais que nous discutons l'article 2. Donc, je n'ai pas le droit d'invoquer le
texte de l'article 3 et de l'article 4, parce qu'on parle de l'article 2. Je
vous dis que la sanction à la violation de l'article 2, c'est
très grave. C'est une sanction inférant que l'employeur peut
recevoir l'ordre de réintégrer le salarié, même
après des mois, des mois, et des mois, si l'affaire est pendante devant
les tribunaux, on peut lui dire: Vous, M. l'employeur, vous avez violé
l'article 14, vous allez donc réintégrer l'employé avec
toutes sortes de pénalités, les indemnités, les
intérêts. Cela n'a jamais existé auparavant. C'est aller
très loin.
Le ministre, tout à l'heure, a été honnête
quand il a dit: On prend l'article 14, il y a des sanctions. Il nous avertit au
moins qu'il y a des sanctions en cas de violation de l'article 14.
J'étais ici, M. le Président, vous n'étiez pas ici, je
crois, on a siégé jusqu'à minuit quand tous ces
mémoires nous ont été présentés par les
associations des employeurs et des employés. Drôle d'affaire, je
me rappelle. On avait le Conseil du patronat, l'Union des municipalités,
la Fédération des travailleurs, ce n'étaient pas tous des
représentants du monde des employeurs, il y avait le monde syndical
aussi. M. Laberge était ici. M. Hétu, de la CSD aussi. Savez-vous
ce qui est arrivé? On a parlé de l'article 2, personne
n'était content de cela. Les employeurs ont dit: Cela peut aller trop
loin. C'est dangereux. Cela ouvre la porte à des abus, à des
chicanes, à des contestations, cela peut amener finalement la ruine
d'une compagnie, surtout dans le cas des PME.
J'ai posé la question à l'avocat qui était ici,
celui de la compagnie Domtar, c'était tout de même le
vice-président des relations de travail de Domtar, une compagnie
où le gouvernement du Québec a un intérêt assez
substantiel. Je me le rappelle très bien, parce que j'ai mon fonds de
retraite de Domtar. Du moment que le Québec a acheté des actions
dans Domtar, nos actions sont tombées de 30 $ à 22 $. J'ai perdu
beaucoup d'argent dans mon fonds de retraite. J'étais la victime de
l'investissement du Québec dans Domtar.
L'avocat de Domtar en charge des relations de travail était ici
et il nous a dit, quand je lui ai posé la question, que l'article 2
aurait une conséquence néfaste. C'est très dangereux, pas
seulement l'article 2, tout le projet de loi qui est devant nous, dans le cas
des PME. Je me le rappelle très bien. Domtar peut vivre avec cela, elle
a les moyens de faire cela. C'est un peu comme la CSST, on est toujours en face
de la même situation avec le gouvernement actuel. On fait de la
législation qui s'applique à tout le monde indépendamment
de la taille, de la vulnérabilité d'une compagnie. On voit donc
que l'article 2 ne peut créer que des problèmes et des
chicanes.
Les représentants du monde syndical sont venus ici. Qu'ont-ils
dit? On a parlé de l'article 2, du principe, et ils ont dit: On n'est
pas allé assez loin. Car ils voulaient vraiment avoir un autre concept.
Ils ont dit qu'ils préféraient vraiment avoir une refonte totale
du Code du travail au lieu d'arriver
avec une "piecemeal legislation".
Pourquoi continuer avec cela? Nous en sommes maintenant à
l'article 2 et déjà il y a là un principe qui n'est pas
acceptable, certainement pas pour le monde des patrons. Les syndicats ont dit:
On va l'accepter, parce que cela va un peu plus loin que la situation
actuelle...
M. Johnson (Anjou): Qu'est-ce qui est acceptable pour un Parti
libéral comme principe? C'est juste ce que je veux savoir.
M. Polak: À l'article 2, en vertu de la situation
économique actuelle, ce qui est acceptable pour nous c'est que, d'une
manière gracieuse, vous retiriez cela. Vous serez un héros et pas
nous. J'ai même suggéré à mon chef d'équipe:
S'il vous plaît, donnez une chance au ministre de dire... pas de grandes
conférences de presse...
M. Johnson (Anjou): Est-ce que vous êtes d'accord avec
l'article 2 en principe?
M. Polak: On va vous aider à le retirer parce que c'est ce
qu'on veut vraiment, et ce sera mieux pour la province de Québec, pour
tous les citoyens, les Québécois et les
Québécoises. On veut garder les emplois et non les perdre.
L'article 2 fait partie de tout ce projet de loi 17. On a discuté
jusqu'à minuit avec tous ces gens-là des cinq grands principes.
Tous ces principes ne sont pas acceptables.
Les amendements à l'article 2, pour le monde syndical... Vous
étiez ici, M. le ministre, je me rappelle très bien quand ils ont
parlé, j'étais ici. Ils ont dit carrément: On va
l'accepter, cet article ne va pas assez loin, mais c'est mieux que rien. Ils ne
poussaient pas du tout. J'ai posé la question et ils ont dit: On n'est
pas venu ici pour ce projet de loi. Ils seront très contents si ce
projet de loi est retardé, si on cherche d'abord la relance.
On voit tout le temps des annonces du gouvernement dans les journaux:
Tout le monde va soutenir la relance économique. Je suis totalement pour
une telle attitude, mais ne commencez pas encore à bouleverser la
situation et à créer encore des problèmes et des chicanes
entre les patrons et les employés en arrivant avec des projets de loi
qui contiennent des petites mesures ici et là mais qui ne
régleront pas vraiment le problème.
Le ministre me demande si le Parti libéral est contre l'article
2. Ma réponse est donc: On est contre ce projet de loi, y inclus
l'article 2. Quand on prend séparément un article et un autre, au
point de vue du principe, le principe de l'article 2, de protéger
l'employé, nous sommes pour cela. Nous sommes pour la protection de
l'employé, mais nous sommes contre les chicanes, les problèmes,
les recours aux tribunaux constamment, devant le commissaire du travail. Vous
connaissez cela, M. le Président, le ministre était ici quand
tous ces gens nous l'ont dit. Là, par exemple, le monde syndical et le
monde du patronat étaient d'accord sur une chose: il faut que ces
disputes arrêtent. Les délais, cela prend des années, des
années et des années et il n'y a pas de solution. Tout le monde
est d'accord avec cela et nous autres aussi.
On n'a rien pour abréger et réduire les délais, on
est pour cela, mais le principe qui se trouve dans ce projet de loi ne
règle absolument rien, ne règle pas le problème de fond et
c'est une manière de procéder qui n'apportera que des
conséquences néfastes.
Ce matin, d'ailleurs, le député de Brome-Missisquoi a
cité l'article de M. Vincent Prince. M. Prince n'a pas parlé de
l'article 2, il a parlé du projet de loi. C'est intéressant,
parce que le ministre doit tout de même être d'accord avec le fait
que M. Prince est tout de même quelqu'un qui a droit de parler, qui
écrit des articles intelligents, qui a étudié - il en a le
droit comme nous - le projet de loi. Il a dit carrément qu'il est pour
la position adoptée par le Parti libéral, l'Opposition, à
savoir que ce n'est maintenant pas le temps de procéder. C'est tout ce
qu'on dit.
Du point de vue du contenu, le ministre veut faire de la petite
politique. Est-ce que vous êtes pour l'article 2, oui ou non? Si vous
dites oui, je vais vous citer. Citez donc cela, M. le ministre, exactement
comme je l'ai dit. Nous ne sommes pas pour le projet de loi, y inclus l'article
2, parce que cela fait partie d'un tout qui n'est pas acceptable.
En ce qui concerne le principe de l'article 2 visant à
protéger les droits des travailleurs, nous ne sommes pas contre
ça. L'article 14, tel qu'il existe maintenant, existe dans le code.
Lisons-le cet article 14. L'article 2, M. le Président, c'est un
amendement à l'article 14... Lisons l'article 14. On vit
déjà avec l'article 14, on ne proteste pas contre cet article. On
ne vous demande pas de retirer l'article 14. Cela est déjà un
principe qui va très loin et on l'a accepté; on vit avec lui et
on n'a rien contre, mais on est contre les amendements. Vous commencez à
ouvrir la porte. Vous ne donnez aucun droit de plus aux ouvriers; tout ce que
vous donnez, c'est le droit aux chicanes, le droit d'aller en appel, le droit
d'aller devant le commissaire au travail, ce sont des délais d'une autre
année. Les avocats vont faire beaucoup d'argent avec l'article 2, c'est
sûr, je peux vous assurer que les avocats qui se spécialisent dans
de tels litiges vont avoir ce qu'on appelle en anglais "a full day". Il n'y a
rien de mieux pour un avocat que l'article 2 - et mon
collègue vient de me dire: Les médecins aussi; il va sans
doute parler là-dessus. Quand je vois l'expression "mesures
discriminatoires", je peux vous assurer, M. le Président, que les
avocats vous attendent avec l'expression "mesures discriminatoires". Ils vont
demander des interprétations devant la cour, ils vont aller en appel,
ils vont faire n'importe quoi pour interpréter, dans tel et tel cas,
s'il s'agit d'une mesure discriminatoire.
Vous cherchez les problèmes. Vous me demandez: Est-ce que vous
êtes contre l'article 2? Je suis certainement contre la formulation de
l'expression "formules discriminatoires" parce que, par cela, vous allez forcer
les pauvres employés, les pauvres syndicats à payer des frais
d'avocat. Ils en ont parlé l'autre jour. M. Laberge était ici, il
a dit qu'il était tanné d'être obligé de payer de
milliers et des milliers de dollars par dossier et nous sommes d'accord avec ce
raisonnement que c'est abuser du pouvoir judiciaire. Vous ouvrez une
brèche ici, vous ouvrez la porte toute grande par une telle formulation.
Cela n'a plus à rien à voir avec les droits des ouvriers.
M. le Président, que le ministre ne se gêne pas pour dire:
Ah! les libéraux sont contre les droits des ouvriers! Je pense que, en
ce qui concerne la situation, notre...
M. Jonhson (Anjou): Ils le savent, de toute façon.
M. Polak: Oui, M. le Président, quand on prend la position
du Parti libéral maintenant, celle du Parti québécois et
celle du monde syndical, je connais votre position depuis le mois de juin 1982,
jusqu'à présent, car j'étais ici quand ils ont
marché devant le Parlement au mois de juin, j'ai marché avec eux,
j'étais le bienvenu. M. le ministre était caché
derrière les rideaux. J'étais ici avec le président du
Conseil du trésor et je lui ai dit: Venez donc avec moi; c'est votre
gang, on va marcher ensemble. S'il y en a 20 000 qui sont venus par autobus de
Montréal, allons-y, nous aussi. Mais il a préféré
rester en dedans. Nous, nous y sommes allés; tous ces gens avaient
voté pour le Parti québécois mais ils ont compris une
chose: c'est que, pour cette loi et la loi que vous avez imposée
dernièrement en décembre, janvier et février, il y a un
prix à payer.
Lundi, on aura une réponse de l'électorat qui,
peut-être, va indiquer une certaine réaction. Qu'on ne vienne plus
avec cette vieille stratégie et dire: Vous autres, vous ne connaissez
rien au monde syndical, c'est à nous. Mais ce n'est plus vrai du tout.
Ne commencez pas à dire: Est-ce que vous êtes contre l'article 2?
Nous sommes contre tout changement qui a pour fins d'activer des débats,
des contestations, de faire gaspiller de l'argent d'entraîner des frais
d'"avocasserie". À ce point de vue-là, nous sommes contre cela.
Nous sommes d'accord avec le raisonnement du syndicat et du côté
patronal qui ont indiqué cela.
Donc, en ce qui concerne l'article 2, on n'a encore une fois
donné aucun droit de plus, on a ouvert toute grande la porte aux
chicanes et les avocats sont prêts à en tirer avantage.
Combien de temps me reste-t-il, M. le Président?
Le Président (M. Blouin): Vous devez conclure, M. le
député.
M. Jonhson (Anjou): Une autre phrase.
M. Polak: Donc, en ce qui concerne l'article 2, M. le
Président, je sais que le ministre n'écoute pas, tout à
l'heure, quand je parlais au début à propos de l'article 1, j'ai
dit: II est sourd et, à un moment donné, il a fait un geste
signalant qu'il a peut-être un problème d'audition. Je ne sais
pas. Au moins la députée de Dorion a écouté, elle a
pris des notes. J'aimerais qu'elle nous parle de l'article. Je l'invite plus
tard à donner une réponse sur le plan pratique sur ce que va
donner l'article 2 dans son comté, car, son comté et le mien sont
quelque peu similaires sur le plan économique et ce serait très
intéressant de connaître sa réaction. (17 h 15)
Les petits soldats commencent à voir clair. Mais, pour vous, les
grands patrons, les chefs, vous n'avez aucun moyen de pénétrer.
C'est malheureux et c'est triste. Merci. Excusez-moi, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Sainte-Anne merci beaucoup. M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, an employer or a
person acting on his behalf shall not a) discharge, suspend, transfer, lay off
or otherwise discipline an employee, refuse to employ or continue to employ a
person or discriminate against a person in regard to employment or condition of
employment because the person is a) or purposes to become or seeks to induce
another to become a member or an officer of trade union or b) participates in
the promotion, formation or administration of a trade union.
M. le Président, ces dispositions dont je viens de faire lecture
sont contenues dans le Code canadien du travail et elles correspondent à
la ratification par l'État canadien de la convention no 87 de
l'Organisation internationale du travail. On sait que l'Organisation
internationale du
travail regroupe des représentants patronaux, syndicaux et des
États; on sait aussi que ces conventions prennent habituellement des
années et parfois même des décennies avant d'être
rédigées, dans certains cas; avant que ce ne soit ratifié
par les pays, cela prend beaucoup de temps.
Or le Canada a ratifié ce principe contenu dans la
législation canadienne. Ce principe est fort simple, c'est qu'on ne doit
pas exercer, à toutes fins utiles, de mesures discriminantes. On pourait
parler longuement de la notion de mesures discriminatoires ou discriminantes
à l'égard de quelqu'un qui exerce ses droits en vertu d'une
législation sur le travail au nom de la liberté d'association et
du droit à l'accréditation pour négocier des conventions
collectives. Il est contenu dans la législation canadienne.
La législation canadienne va beaucoup plus loin que ce que nous
proposons en plus de cela. La législation canadienne, M. le
Président, crée une présomption en faveur de celui dont on
refuse l'embauche pour ces motifs alors que nous ne créons pas de telles
présomptions, si vous avez lu le texte attentivement.
Deuxièmement, elle prévoit qu'il peut être
ordonné à l'employeur d'embaucher une personne qu'on aurait
refusé d'embaucher, ce qu'on ne prévoit pas dans la loi 17. Cela
est prévu dans le Code canadien du travail qu'il peut y avoir une
ordonnance d'embaucher; nous, nous ne prévoyons pas d'ordonnance
d'embaucher.
Troisièmement, on applique à l'égard des mesures
discriminatoires chez les personnes qui sont déjà des
employés la notion de présomption qu'on retrouve de façon
générale dans notre législation sur le travail.
M. le Président, si l'Opposition a un amendement à
suggérer et nous dit qu'elle est prête à adopter le projet
de loi 17 à partir d'une formulation légèrement
différente de l'article 17 qui ne remettrait pas en cause son
application, nous sommes ouverts. Nous aurions cru d'ailleurs - cela fait neuf
heures que l'on est ici - que, après neuf heures de débats,
l'Opposition aurait proposé des choses concrètes. Rien n'est
venu, M. le Président. On a préféré, ici, depuis un
certain nombre d'heures, attiser les préjugés. On a
préféré nous entretenir très longuement dans
des discours sur la notion de salarié qui, ma foi, n'étaient pas
pour le moins très pertinents. On a eu droit aux brillantes explications
du notaire, le député de Laporte, évoquant un discours de
M. Jean-Paul Boileau à un de ses électeurs au sujet des
maçons qui n'avaient pas de carte pour travailler comme médecin.
On a eu droit à des choses de cette nature depuis un certain temps.
Pour terminer quand même plus sérieusement que ce qu'on
entend depuis tout à l'heure de l'autre côté, je
répète que ce principe de la non-discrimination au niveau de
l'embauche comme au niveau de celui qui est en formation de syndicat dans une
entreprise dans laquelle il est déjà un employé, est un
principe qu'on retrouve dans la législation canadienne et que,
même à l'égard de la notion d'embauche, le projet de loi 17
va beaucoup moins loin que la législation canadienne.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Merci, M. le Président. J'ai
écouté attentivement les propos du ministre, qui a tenté
de se trouver une porte de sortie en parlant d'un principe de base, alors que
nous sommes en train de discuter d'un amendement à un principe
déjà contenu dans le Code du travail. Il serait peut-être
bon de rappeler au ministre, en lui en faisant la lecture, l'actuel article 14
contenu dans le Code du travail. L'article 14 se lit comme suit: "Aucun
employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une association
d'employeurs ne doit refuser d'employer une personne parce qu'elle est membre
ou officier d'une association, ni chercher par intimidation, menace de renvoi
ou autre menace, ou par l'imposition d'une peine ou par quelque autre moyen,
à contraindre un salarié à s'abstenir de devenir membre ou
officier ou à cesser d'être membre ou officier d'une association
de salariés. "Le présent article n'a pas pour effet
d'empêcher un employeur de suspendre, congédier ou déplacer
un salarié pour une cause juste et suffisante dont la preuve lui
incombe."
C'est là l'état de notre droit. C'est l'état actuel
du principe de l'article 14 de notre Code du travail et dont les travailleurs
peuvent se prévaloir. Que propose le ministre du Travail par
intérim? Que propose le gouvernement du Parti québécois?
Il propose un nouvel article 14 qui, désormais, devra se lire comme
suit: "Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une
association d'employeurs ne doit refuser d'employer une personne à cause
de l'exercice par cette personne d'un droit qui lui résulte du
présent code - on parle du Code du travail - ni chercher par
intimidation, mesures discriminatoires ou de représailles, menace de
renvoi ou autre menace, ou par l'imposition d'une sanction ou par quelque autre
moyen à contraindre un salarié à s'abstenir ou à
cesser d'exercer un droit qui lui résulte du présent code."
Je conviens que le côté ministériel - le ministre du
Travail par intérim - et l'Opposition - le député de
Sainte-Anne qui
vient de parler et ceux qui prendront la parole par la suite, le
député de Brome-Missisquoi - peuvent diverger d'opinion quant
à l'opportunité de modifier le texte de l'article 14. Il serait
important, lorsqu'on semble adopter des positions aussi contradictoires, de
tenter de se trouver, chez les observateurs, chez les parties
intéressées, des alliés qui, après avoir
analysé ces modifications, sont en mesure, soit de soutenir notre
argumentation, soit de la contredire. Un ministre péquiste qui va
chercher ses sources à Ottawa dans le Code canadien, cela
m'inquiète, M. le Président. Vous en conviendrez. Quand tu n'as
pas de sources au Québec et que tu es ministre péquiste, c'est
inquiétant. Il y a peut-être des sources, mais le ministre n'a
peut-être pas pu les trouver au Québec. On va lui en trouver une
tantôt et on va revenir sur la différence importante qui existe
entre ce qui est contenu dans le Code canadien du travail et ce que nous
propose le ministre du Travail par intérim.
Avant de procéder à cet exercice, on va se
remémorer les éléments, les passages et les idées
qu'ont émis les personnes qui ont eu la gentillesse de venir nous
éclairer sur cet aspect du projet de loi. Je cite la CSD, pages 2 et 3
de son mémoire. Que pense ce syndicat? C'est un syndicat qui
représente des salariés au sens du Code du travail. La CSD nous
dit ce qui suit par la bouche de son président: "C'est une mesure
légale, positive certes, mais elle n'a pas pour effet direct de
rehausser la protection consentie actuellement au droit d'association. "Aussi
généreux soient-ils au premier abord, ces amendements ne
s'appliqueront pas aussi facilement qu'un coup de ciseau. Ils s'appliqueront
plutôt par suite de débats devant le commissaire du travail, de
retards de procédures dilatoires pour être finalement
tranchés par le Tribunal du travail; car il s'agit d'un nouvel article
de loi qu'il faudra tester et clarifier par la caste juridique. Mais rien ne
sera changé pour le travailleur lésé, car il devra
sûrement attendre deux ans avant que justice soit faite!"
Donc, selon la CSD, il n'y a pas d'amélioration. Au contraire. Il
y a une judiciarisation du processus, il y a prolongation des délais.
C'est une opinion qu'il faut quand même respecter. Que nous dit le
Syndicat des professionnels et des techniciens de la santé du
Québec quant à cet amendement? "Concernant ces changements
à l'article 14, nous sommes dans l'impossibilité de
déduire que le texte proposé continuera de protéger
l'individu, membre ou officier d'une association. Ces amendements
proposés à l'article 14 protégeront davantage le
salarié qui exercera d'autres droits prévus dans le
présent Code du travail que celui de devenir membre ou officier d'une
association de salariés."
Comprenez-vous ce que cela veut dire? Cela n'ajoute rien, cela va
protéger d'autres droits. Cela va ouvrir une porte à des abus.
C'est le Syndicat des professionnels et des techniciens de la santé qui
dit cela, M. le ministre. Ce n'est pas un libéral, ce n'est pas le
député de Brome-Missisquoi, ni le député de Laporte
ni le député de Mont-Royal qui vous disent ces choses, c'est le
Syndicat des professionnels et des techniciens de la santé du
Québec. La partie syndicale vient de s'exprimer.
Voyons maintenant ce que nous dit l'association qui représente
plusieurs employeurs, le Conseil du patronat du Québec. Voilà ce
que nous dit le Conseil du patronat du Québec: "Les employeurs
s'opposent à ce que les nouvelles dispositions du code régissent
l'embauche: le critère premier à l'embauche doit demeurer la
compétence - si vous aviez cela comme critère pour recruter vos
candidats au Parti québécois, on aurait peut-être un
meilleur gouvernement. Il suffirait d'avoir exercé un droit
résultant du code et de postuler un emploi pour alléguer, le cas
échéant, un refus discriminatoire de la part de l'employeur..."
"Telle que rédigée, cette proposition risque d'entraîner
beaucoup de litiges." On vous dit la même chose que du côté
syndical: la judiciarisation, encore une fois, et les délais. Cet
article impose un fardeau inutile à l'entreprise dont le seul
critère d'embauche doit demeurer la compétence. De l'autre
côté, est-ce qu'on croit à cela?
Que nous dit une autre association d'employeurs, celle qui emploie 80%
des salariés et qui s'occupe du secteur de la manufacturation.
L'Association des manufacturiers du Canada, section Québec, nous dit ce
qui suit: "À première vue, cet amendement déborde le cadre
strict du Code du travail jusqu'à présent consacré
exclusivement aux relations entre un employeur et ses salariés. En
second lieu, cet amendement accorde un privilège aux candidats qui
exercent ou ont exercé un droit leur résultant du code, par
rapport aux autres postulants pour un même emploi." C'est
intéressant comme approche, on va privilégier une certaine classe
par rapport à d'autres. "Inacceptable en principe - c'est la position de
l'Association des manufacturiers du Canada, section Québec -
l'amendement l'est encore davantage lorsque l'on songe à son
application."
Dans le contexte annuel, l'Association des manufacturiers du Canada,
section Québec, ne voit ni l'urgence ni la nécessité d'un
tel amendement. Au surplus, s'il était adopté, il en
résulterait des injustices graves sans compter les coûts
imputés à l'employeur.
Que nous dit la Chambre de commerce de la province de Québec
concernant cet
amendement à l'article 14? On nous dit ce qui suit: "Cette
nouvelle disposition est beaucoup trop large: tout exercice d'un droit
deviendrait présomption..." Vous n'avez peut-être pas vu cela, M.
le ministre, il faudrait l'analyser. "Or les lois des autres provinces
-écoutez bien cela quand vous allez chercher vos arguments ailleurs - ou
du Canada ne laissent pas la porte ouverte à tel genre de
présomption aussi large..." Vous allez plus loin que les autres, c'est
ce qu'on vous dit, M. le ministre. Quand vous allez plus loin, vous risquez de
vous égarer parce que vous avez du mal à suivre les autres.
"N'étant pas définies, ces notions de "représailles" et
"mesures discriminatoires" pourront être invoquées à tout
propos. Elles serviront à qualifier à peu près n'importe
quel comportement de l'employeur."
M. le Président, c'est l'essentiel du message que nous ont
livré et les parties syndicales et patronales. Je ne vois pas, dans ces
propos, où vous pouvez trouver un appui au Québec. Sous une
réserve je vous ai dit tantôt, je pense en avoir
décelé un quelque part, on va l'isoler et on va le commenter plus
tard. (17 h 30)
Donc, comme tout bon ministre, vous avez tenté d'aller chercher
des appuis ailleurs qu'au Québec, tout comme le ministre de
l'Énergie et des Ressources a fait durant la commission sur le saccage
de LG 2 à la Baie-James. Il n'y avait pas d'éditoriaux, il n'y
avait pas d'articles de journaux au Québec pour appuyer sa position; il
est allé en chercher ailleurs M. le Président.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Brome-Missisquoi, je vous invite à revenir à la pertinence du
débat, s'il vous plaît!
M. Paradis: J'aurais aimé vous dire qu'il est allé
les chercher au Québec, mais il est allé les chercher ailleurs.
C'était simplement pour illustrer que les ministres péquistes en
sont rendus à une même pratique. Cela illustre très bien en
quoi consiste cette pratique. Ils n'ont plus d'appui au Québec, ni dans
le monde syndical ni dans le monde patronal. Ils n'ont d'ailleurs plus d'appui
dans leurs dossiers où ils tentent de camoufler leur manque de
transparence, où ils trompent l'Assemblée nationale du
Québec.
Tantôt, le ministre a lu des extraits en anglais du Code canadien
du travail. Je comprends que, dans la flopée des députés
d'arrière-ban péquistes, il y en a qui ne comprennent pas cette
langue et que c'était plus sécurisant pour le ministre de les
citer en anglais pour que la flopée ne fasse pas la différence
entre le texte français du Code canadien du travail et le texte
français proposé dans le projet de loi 17. Je comprends qu'il ait
voulu les garder dans l'ignorance.
Vous me permettrez de citer en français, cette fois-ci, le Code
canadien du travail et d'indiquer au ministre...
M. Johnson (Anjou): Ce n'est pas la version qui prévaut
devant les tribunaux canadiens.
M. Paradis: Je ne sais pas devant quels tribunaux a plaidé
le ministre du Travail, mais la Loi sur les langues officielles s'appliquant,
la version française a...
M. Johnson (Anjou): Si elles sont contradictoires... Une
prépondérance?
M. Paradis: Non, non, pas une prépondérance, ni la
version anglaise. Les deux versions sont officielles, M. le ministre.
Une voix: D'égal à égal. M. Paradis:
D'égal à égal.
M. Johnson (Anjou): Si elles sont contradictoires?
M. Paradis: Si elles sont contradictoires?
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. Paradis: Ces gens savent rédiger les lois et elles ne
sont pas contradictoires. "Nul employeur - écoutez bien, c'est
écrit dans le Code canadien du travail - et nulle personne..." Vous
faites bien d'intervenir, M. le député, c'est le genre de
faussetés que des ministres péquistes véhiculent dans la
province de Québec. Ils ne sont même pas au courant de ce qui se
passe devant les tribunaux canadiens. Ils véhiculent ce genre de
faussetés et ils tentent de se faire élire là-dessus. Le
peuple québécois est un peuple trop lucide, trop instruit pour
les suivre dans le précipice où ils veulent les conduire.
Le Code canadien du travail se lit de la façon suivante en
version officielle: "Nul employeur et nulle personne agissant pour le compte
d'un employeur ne doit "a) refuser d'embaucher ou de continuer à
employer ou suspendre, transférer, mettre à pied, ni autrement
prendre contre une personne des mesures discriminatoires en ce qui concerne un
emploi, le salaire ou autres conditions d'emploi, ni intimider, menacer ou
prendre d'autres mesures disciplinaires à l'encontre d'une personne
parce que cette personne - là, on spécifie quels sont les
éléments de la présomption, ce que le ministre ne fait
pas, il dit: C'est le code au complet, là-bas on qualifie - "(i) se
propose de devenir ou cherche à
inciter une autre personne à devenir un membre, dirigeant ou
délégué d'un syndicat ou collabore au
développement, à la formation ou à l'administration d'un
syndicat, "(ii) a été exclue définitivement ou
temporairement d'un syndicat pour une raison autre que le défaut de
paiement des conditions périodiques, contributions et droit
d'adhésion que tous les membres du syndicat sont uniformément
tenus de payer pour adhérer ou rester adhérents au syndicat,
"(iii) a témoigné ou peut témoigner dans une
procédure prévue par la présente partie, y a autrement
participé ou peut autrement y participer, "(iv) a fait ou est sur le
point de faire une divulgation qu'elle peut être requise de faire dans
une procédure prévue par la présente partie. "(v) a
présenté une demande ou déposé une plainte en vertu
de la présente partie, ou "(vi) a participé à une
grève qui n'est pas interdite par la présente partie ou
exercé un droit quelconque en vertu de cette dernière; "b)
imposer dans un contrat de travail une condition qui empêche ou a pour
effet d'empêcher un employé d'exercer un droit quelconque que leur
reconnaît la présente partie; "c) suspendre ou renvoyer un
employé, lui imposer une peine pécuniaire ou autre, ni prendre
contre lui une autre mesure disciplinaire, en raison de son refus de
s'acquitter de tout ou partie des fonctions et responsabilités..."
Le principe c'est qu'on a délimité. On sait à quoi
s'en tenir; on ne nage pas dans le vague pour ne pas dire dans la divagation du
ministre du Travail par intérim. C'est la différence entre la
rédaction du code canadien et c'est là qu'on vous dit que vous
allez trop loin. C'est là que les syndicats et que les employeurs ne
sont pas satisfaits au Québec. Ce n'est pas plus compliqué que
cela.
Quand je vous ai dit que vous avez tenté d'aller chercher, dans
une autre juridiction, dans une juridiction qui vous pue au nez - pour utiliser
le vocabulaire de votre premier ministre - une justification aux gestes que
vous posez, vous auriez dû être assez transparent pour nous dire
que vous aviez, ici même au Québec, trouvé une
justification, l'appui nécessaire qui vous permettait d'aller dans le
sens que vous proposez à l'article 2 du présent projet de loi. Je
sais que je ne vous surprendrai pas en vous annonçant que cet appui vous
vient de Louis Laberge, de la FTQ. Le petit cadeau!
Dans son mémoire, il y avait cet appui. Je ne comprends pas que
vous l'ayez passé sous silence. Pourtant, c'était évident
à la lecture même du mémoire. Que dit M. Laberge: "Par
rapport au premier projet de loi, on n'a pas retenu nos suggestions pour
élargir le champ des activités dont le code assure le libre
exercice. "Cela étant, nous sommes satisfaits du texte présent."
Je savais qu'il y aurait quelqu'un de satisfait au Québec, ici. Cette
satisfaction s'explique. Votre manque de transparence ne n'explique pas parce
que l'argument était facile à donner. Cela s'explique par le
contenu d'un article du Devoir du samedi 30 avril 1983, rédigé
par Rodophe Morissette et qui s'intitule "Les chefs des centrales syndicales
répondent aux questions du Devoir."
Allons voir ce qu'avait prévu, à l'époque, M. Louis
Laberge, président de la FTQ, qui donne tout son appui au ministre du
Travail par intérim. "La réforme du Code du travail,
procédée en deux temps." Dixit Louis Laberge. Tout à fait
par hasard, c'est comme cela que cela va se produire. "M. Laberge a
déploré récemment que le ministre du Travail, M. Raynald
Fréchette, s'apprête à déposer, en mai, à
l'Assemblée nationale des amendements au Code du travail qui ne
contiendront que des réformettes, quitte à retarder d'un an - il
ne parlait pas de l'automne, il parlait d'un an, mais l'avenir va
peut-être lui donner raison -la réforme en profondeur qui
s'impose". M. le Président, j'en ai pour deux ou trois minutes, c'est ma
conclusion. Pourtant, le chef de la FTQ ne voit pas d'emblée d'un
mauvais oeil pareille stratégie en deux temps. La centrale compte en
exploiter la dimension politique. Intéressant! M. Laberge continue:
"D'abord, il est absolument déterminé à le faire quant au
régime de négociation dans le secteur public. Ensuite, il doit le
faire pour asseoir solidement la constitutionnalité du Tribunal du
travail contestée actuellement en Cour suprême du Canada. Aussi,
la FTQ compte-t-elle sur la période préélectorale pour
décrocher des concessions importantes au plan de la réforme en
profondeur du code. Nous sommes pragmatiques, en somme", nous dit l'ami
Louis.
M. le Président, si le PQ a des cadeaux à faire à
Louis Laberge, qu'il les fasse à partir des fonds qu'il perçoit
pour le Parti québécois, mais qu'il ne le fasse pas avec
l'argent, les droits de l'ensemble des contribuables, de l'ensemble des
concitoyens que nous représentons ici. Quand nous voyons les centrales
syndicales non satisfaites...
Le Président (M. Blouin): Concluez, M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je conclus là-dessus, M. le Président.
Quand nous voyons toutes les associations de patrons non satisfaites, quand
nous voyons le ministre obligé de nous faire croire que le seul appui
qu'il pourrait obtenir viendrait d'Ottawa, nous sommes plus
qu'inquiets et cette incertitude que vous créez, nous ne la
tolérerons pas et nous voterons contre cet amendement au Code du
travail, M. le ministre.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député. M. le député de Laporte, vous avez la
parole.
M. Bourbeau: M. le Président, c'est avec beaucoup
d'attention que j'ai écouté les propos de mon collègue, le
député de Brome-Missisquoi, qui a fait un brillant plaidoyer
à l'encontre non seulement de l'article 2, mais aussi à
l'encontre de l'ensemble du projet de loi.
M. le Président, si vous avez écouté comme moi,
d'une façon attentive...
Le Président (M. Blouin): J'ai bien noté, M. le
député, l'évaluation que vous faites de l'intervention de
votre confrère. Évidemment, je fais preuve d'une certaine
largesse. Je vous rappelle toutefois que l'intervention aurait du porter en
tout sur l'article 2.
M. Bourbeau: Je suis bien d'accord. Je n'ai aucunement
l'intention de ne pas respecter vos directives. Vous avez conclu quand
même, comme moi - c'est ce que vous venez de dire - que le
député de Brome-Missisquoi a fait un exposé magistral,
c'est le moins qu'on puisse dire, de sa conception de l'article 2 et du projet
de loi d'une façon générale. Pendant les quelques minutes
qui ont précédé, j'ai tenté de voir comment je
pourrais aller encore plus loin que le député de Brome-Missisquoi
dans cette direction, mais je dois avouer qu'il m'a littéralement
cloué le bec par la limpidité de ses propos et
également...
M. Johnson (Anjou): Adopté, M. le Président?
M. Bourbeau: Dans les circonstances et afin de permettre de faire
avancer plus rapidement les travaux de la commission, je vais passer la parole
à mon collègue de Mont-Royal.
M. Johnson (Anjou): C'est le président, je pense, qui fait
cela...
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Laporte. M. le député de Mont-Royal, vous
avez la parole.
M. Ciaccia: Je crois que c'est une règle
élémentaire de notre Législature que la rédaction
d'un article d'un projet de loi doit se faire de façon claire,
précise, sans ambiguïté, afin que tout le monde puisse le
comprendre et que cela n'ouvre pas la porte à des conflits
d'interprétation, à des difficultés d'application et
à des abus possibles chez ceux qui pourraient se prévaloir d'un
tel article ou d'un tel projet de loi. Je crois que l'article 2, tel qu'il est
rédigé présentement dans le projet de loi, ne
répond aucunement à cette règle très
élémentaire de notre Législature. À l'appui de
cette interprétation ambiguë de l'article 2, je pourrais citer, par
exemple, la position de la CSD sur le projet de loi 17. Son mémoire,
à la page 3, parle de cette mesure et affirme ce qui suit: "C'est une
mesure légale, positive certes, mais elle n'a pas pour effet direct de
rehausser la protection consentie actuellement au droit d'association. "Aussi
généreux soient-ils, au premier abord, ces amendements ne
s'appliqueront pas aussi facilement qu'un coup de ciseau. Ils s'appliqueront
plutôt par suite des débats devant le commissaire du travail, de
retards, de procédures dilatoires, pour être finalement
tranchés par le Tribunal du travail... Mais rien ne sera changé
pour le travailleur lésé, car il devra sûrement attendre
deux ans avant que justice soit faite!"
II y a de l'ambiguïté. Il y a des conflits possibles. On
pourrait demander au gouvernement, premièrement, pourquoi il est
allé aussi loin dans cette voie ambiguë, dans cette façon
presque démesurée de l'interprétation possible. On parle
de mesures discriminatoires. Peut-être que le ministre pourrait nous
donner quelques exemples qu'il a à l'esprit. Quelles sont ces mesures
discriminatoires? On sait que nous avons une charte des droits où il y a
certaines définitions des mesures discriminatoires, mais quelle est la
portée, dans ce projet de loi, dans cet article, des mots "mesures
discriminatoires", parce que cela serait trop facile pour quelqu'un d'invoquer
qu'il y a des mesures discriminatoires. Il n'y a pas de définition. Le
fardeau de la preuve va être sur l'employeur. Cela peut causer des
difficultés innombrables. (17 h 45)
Si le ministre, si le gouvernement a quelque chose de précis, une
philosophie ou quelque mesure spécifique à proposer, qu'il le
fasse de cette façon plutôt que d'ouvrir la porte
complètement à des ambiguïtés, à des conflits,
à des mesures possibles de chantage, à des abus possibles et
à des termes non pas définis dans le projet de loi, mais qui
peuvent ouvrir la porte à toutes sortes d'interprétations. C'est
une des remarques que j'aurais à formuler sur l'article 2.
Le ministre a cité tantôt le Code canadien du travail, et
je crois que la Chambre de commerce de la province de Québec a fait
allusion elle aussi au Code canadien du travail. Elle a formulé des
critiques assez valables je crois, sur l'article 2. Dans son mémoire, la
Chambre de commerce a porté à l'attention du gouvernement le fait
qu'un employeur ne pourrait refuser d'employer - je cite le
mémoire - "une personne à cause de l'exercice par cette
personne d'un droit qui lui résulte du présent code".
Actuellement, cette protection ne s'applique qu'aux membres et officiers d'un
syndicat. L'article 14 actuel, rédigé avant le projet de loi ou
l'amendement proposé par le gouvernement, se lit comme suit: "Aucun
employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une association
d'employeurs ne doit refuser d'employer une personne parce qu'elle est membre
ou officier d'une association ni chercher par intimidation, menace de renvoi ou
autre menace, ou par l'imposition d'une peine ou par quelque autre moyen,
à contraindre un salarié à s'abstenir de devenir membre ou
officier ou à cesser d'être membre ou officier d'une association
de salariés."
L'amendement proposé par le ministre élargit
considérablement l'application et la portée de l'article. Et je
continue de citer la Chambre de commerce de la province de Québec:
"Cette nouvelle disposition est beaucoup trop large: tout exercice d'un droit
deviendrait présomption; ceci couvre autant le fait de signer une carte,
d'avoir cherché à former un syndicat chez un employeur
précédent, d'avoir déposé un grief, d'être
présent lors d'un scrutin, d'être membre d'un syndicat, etc.
"Selon qu'il est écrit, je continue de citer le mémoire, ces
activités syndicales pourraient avoir eu lieu chez quelque employeur
précédent, l'employeur éventuel étant
présumé être au courant de ces faits." On élargit la
portée ou les abus possibles et je pose la question suivante: Pourquoi
le ministre a-t-il voulu introduire une telle mesure dans le projet de loi?
Nous avons déjà apporté à l'attention du
gouvernement le fait que le Code du travail du Québec est
déjà le plus contraignant au Canada et si on le rend encore plus
contraignant, si on le rend encore plus difficile, et si on y introduit des
mesures... Si on les prenait individuellement, on pourrait dire: C'est vrai
qu'on ne veut pas qu'un employeur... J'accepte le principe qu'un employeur ne
devrait pas faire de discrimination à l'endroit d'un employé qui
s'est engagé dans certaines activités syndicales. Je pense que
nous acceptons tous ce principe qu'il ne devrait absolument pas y avoir de
discrimination.
M. Johnson (Anjou): Ah oui? Le député de
Sainte-Anne disait le contraire, tout à l'heure. Branchez-vous! C'est
quel caucus qui parle?
M. Ciaccia: M. le Président, si le ministre me laisse
terminer...
M. Johnson (Anjou): West Island? Gérard D.?
Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît! M. le
ministre, s'il vous plaît!
M. Ciaccia: On accepte ce principe, mais je pense que ce principe
est déjà inclus dans l'article 14, tel que rédigé.
On a l'impression, encore ici, que le gouvernement veut tellement donner
l'impression ou l'image que c'est vraiment lui, le défenseur des
syndicats, des syndiqués ou des travailleurs, qu'il va rédiger
n'importe quel article pour essayer de transmettre cette image, mais, en
rédigeant l'article 2 comme il l'a fait, il va beaucoup plus loin que le
principe que je viens d'énoncer, à savoir que j'accepte le fait
qu'il ne faut pas avoir de discrimination. Cependant, ce n'est pas seulement
dans ce cas-ci entre un employeur et un employé à propos
d'activités syndicales. Nous avons une charte des droits, cela
définit et cela empêche la discrimination; cela ne l'empêche
pas, mais cela donne des droits à des gens qui se sentent
lésés pour certaines activités ou certains actes
discriminatoires à leur égard. Le principe est acceptable, mais
c'est dans la rédaction, c'est dans la portée et la façon
dans laquelle le gouvernement introduit cet article et essaie de le rendre
tellement contraignant que cela ouvre la porte à des abus. Cela ouvre la
porte à du chantage, cela ouvre la porte à des abus. Les
négociations et les jeux en sont alors complètement
déséquilibrés.
On voudrait proposer, on prône une société
équilibrée où on pourrait éviter les abus de part
et d'autre. Je ne suis pas plus en faveur des abus d'un secteur de la
population que de l'autre. Je suis contre tous les abus. Mais il ne faut pas
charrier, il faut être raisonnable et ne pas nous présenter des
projets de loi qui, sous prétexte d'empêcher des abus, d'une part,
d'une partie de la population qui amènent des abus, ouvrent la porte
à d'innombrables autres abus, à tant d'abus qu'on trahit le
principe qu'on veut défendre. C'est cela que j'ai contre l'article 2: la
façon dont il est rédigé, la façon dont il ouvre la
porte à tous ces abus possibles.
Toujours à propos de l'explication des représentations
apportées à l'attention du gouvernement sur cet article 2, on dit
que les lois des autres provinces ou du Canada ne laissent pas... On
déforme, on détourne, on essaie de créer de fausses
impressions. Quand le ministre fait référence aux lois
canadiennes dans les autres provinces, il n'explique pas les distinctions. Le
principe, c'est bien beau. Oui, le principe est là, mais il y a une
distinction fondamentale entre ce que les lois des autres provinces et les lois
canadiennes contiennent et la façon dont le ministre a
rédigé cet article. Les lois des autres provinces canadiennes,
telles qu'apportées à l'attention du ministre par le
mémoire de la Chambre de commerce de la province de Québec - je
cite une partie de
ce mémoire - "...ne laissent pas la porte ouverte à tel
genre de présomptions". C'est-à-dire que l'on vise n'importe quel
syndiqué ou employé qui a été actif dans un
syndicat ou qui a participé à certaines activités, que ce
soit en signant une carte de membre ou en commettant l'acte le plus innocent
auquel il a le droit et pour lequel personne ne peut lui faire de reproche.
Mais là, le projet de loi ouvre la porte en inscrivant que, si cette
activité se produit et que l'employé n'est pas engagé pour
d'autres raisons, peut-être que c'est parce qu'il y a eu dix personnes
qui ont présenté une demande d'emploi et il y en a eu une qui a
été engagée...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, question de
règlement.
M. Ciaccia: ...celle qui n'a pas été
engagée...
M. Johnson (Anjou): Question de règlement.
M. Ciaccia: ...viendra maintenant...
Le Président (M. Blouin): M. le ministre, une question de
règlement.
M. Johnson (Anjou): Peut-être pourriez-vous
m'éclairer, M. le Président, si je choisis la voie normale pour
cela - je donnerai deux minutes de plus au député. Sûrement
qu'il a des choses intéressantes à nous dire. Dans le texte de
loi - je ne sais pas s'il l'a cité; peut-être qu'on n'a pas le
même texte - il n'est pas question de présomption dans le cas du
refus d'embauche.
M. Ciaccia: Ce n'est pas une question de règlement. Si le
ministre a quelque chose à dire après que j'aurai
terminé... Mais tant que...
M. Johnson (Anjou): Vous citez le mauvais projet de loi. Je pense
qu'il n'a pas le droit de parler d'une autre loi ici.
M. Ciaccia: Je vais en venir à l'article 2.
L'arrogance du ministre n'est dépassée que par son manque
de respect pour le droit de parole des députés de l'Opposition.
Je ne sais pas lequel Je son arrogance ou de son manque de respect de notre
droit de parole est le plus fort.
Si le ministre pouvait seulement s'exprimer bien
modérément, je crois que cela a été très
bien jusqu'à maintenant... Chacun a exercé son droit de
parole...
M. Johnson (Anjou): Vous demanderez cela aux gens qui ont
témoigné à la commission parlementaire sur le saccage
à LG 2 comment vous les respectiez?
M. Paradis: On pourrait poser la question au juge Jasmin.
M. Ciaccia: Quelle question a-t-il posée?
Le Président (M. Blouin): S'il vous plaîtl
M. Paradis: II veut que nous demandions aux gens qui ont
témoigné lors de la commission parlementaire concernant le
saccage à LG 2 comment on les a respectés?
Le Président (M. Blouin): M. le ministre et MM. les
membres...
M. Ciaccia: Vous pourriez le demander au juge Jasmin, vous
pourriez le demander à tous ceux qui ont dit la vérité,
mais ne le demandez pas à ceux qui ont eu des trous de
mémoire.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Mont-Royal...
M. Ciaccia: Est-ce que je peux continuer?
Le Président (M. Blouin): ...sur la pertinence, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: Ne le demandez pas au chef de cabinet du premier
ministre. Peut-être que vous pourriez le demander à ceux qui n'ont
pas été invités, comme M. Maurice Pouliot...
Le Président (M. Blouin): Est-ce que vous pourriez revenir
à la pertinence?
M. Ciaccia: ...et à M. Yvan Latouche. Vous pourriez le
leur demander.
M. Bourbeau: La pertinence vient de haut.
Le Président (M. Blouin): J'adresse cette remarque, M. le
député de Laporte, à tous les membres de la
commission.
M. Bourbeau: Surtout au ministre, je présume, n'est-ce
pas?
Le Président (M. Blouin): Tout le monde, le ministre
aussi. M. le député de Mont-Royal, à propos de l'article
2, s'il vous plaît.
M. Ciaccia: À l'article 2... Le fardeau de la preuve... Je
ne devrais même pas répondre au ministre, parce que le but de ses
interruptions... Il prend les mauvaises habitudes du ministre de
l'Énergie et des Ressources. Juste comme on arrivait à des points
importants, on se faisait interrompre
pour nous empêcher d'en venir à la conclusion de certains
arguments très pertinents. Je pense que c'est une mauvaise habitude que
le ministre copie du ministre de l'Énergie et des Ressources.
Les lois des autres provinces du Canada ne laissent pas la porte ouverte
à des présomptions aussi larges. Elles les limitent au cas
où l'employeur serait au courant des activités syndicales
visées, c'est-à-dire celles de ses propres employés. Par
exemple, le Code canadien du travail, à l'article 184, alinéa 3,
est exprimé au présent, ce qui élimine les actions
passées d'une personne et énumère des activités
syndicales précises.
Quand le ministre me dit qu'il n'y a pas de présomptions, mais le
fardeau de la preuve... peut-être le ministre pourrait nous
éclairer ou peut-être que je me trompe, si un employé
invoque une telle discrimination ou invoque que la raison du refus de
l'embauche est qu'il a exercé, dans le passé, un droit contenu
dans le Code canadien du travail, comment un employeur va-t-il prouver que la
raison pour laquelle il ne l'a pas embauché, ce n'était pas parce
que cet employé avait exercé un droit contenu dans le Code du
travail? C'est parce que l'employeur a exercé un certain droit qu'il
avait d'employer M. X, M. Y ou M. Z. M. le Président, le ministre ouvre
la porte à de tels abus, et c'est absolument inexact de dire que le
ministre s'est inspiré du droit canadien. Je ne pense pas qu'il ait
été bien inspiré, si inspiration il y a eu. Même
s'il s'en est inspiré, il a commencé avec quelque chose qui est
peut-être inclus dans les codes des autres provinces du Canada, mais il
l'a changé à sa manière ou à la manière du
gouvernement pour ouvrir la porte à des abus plus que possibles,
à des abus qu'on peut même identifier et à des abus qu'on
devrait éviter.
La question qu'on se pose, c'est comment il se fait qu'on veut
éviter des abus, d'une part, mais on ne peut pas éviter les abus
des autres, d'autre part. Je pense qu'on va revenir à l'approche que
nous suggérons au ministre d'avoir une approche un peu plus
équilibrée parce que, dans la conjoncture actuelle de notre
développement économique et des investissements au Québec,
ce n'est pas de cet article 2 qu'on a besoin, ce n'est pas ce genre de loi.
Ce qui m'étonne, M. le Président, c'est que, avec tout le
chômage que nous avons, avec toutes les possibilités de
développement qui existent, avec toutes les autres choses que nous
devons vraiment considérer en priorité pour l'avancement
économique de la population, on est en train de perdre notre temps sur
des articles comme l'article 2, qui vont contraindre et qui vont restreindre
des droits, qui vont susciter des questions discriminatoires, qui vont donner
des droits à quelqu'un qui se sent lésé de façon
ambiguë, conflictuelle. On encourage l'affrontement, la confrontation.
Qu'on aille donc adopter des projets de loi qui vont promouvoir
l'économie, qui vont régler les problèmes qui existent. Le
chômage chez les jeunes, les investissements qui ne se font pas au
Québec, dans toutes les autres industries, l'industrie du
vêtement, l'industrie pharmaceutique. Il y a une foule de
problèmes. Mais non, ce n'est pas à cela qu'on donne la
priorité. On veut donner une image, on veut rembourser les amis du parti
et on essaie d'introduire un projet de loi qui va donner cette impression qu'on
est pour les travailleurs quand, en effet, M. le Président, ce ne sera
pas productif, mais bien le contraire.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Ce projet de loi, c'est un abus.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Mont-Royal...
M. Ciaccia: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): ...je suis obligé de vous
interrompre. Il est 18 heures et, à moins de consentement pour
poursuivre après 18 heures, nous devons mettre fin à nos
travaux.
M. Johnson (Anjou): Nous pourrions consentir à ce qu'il
finisse sa phrase. Il n'y a pas de consentement pour lui-même. Je vois
bien l'intolérance du député envers lui-même et je
la comprends.
M. Ciaccia: En ce qui me concerne, il y a consentement, mais je
ne voulais pas donner de consentement afin que le ministre cesse d'induire
cette commission parlementaire en erreur.
Le Président (M. Blouin): II est 18 heures. Sur ce, la
commission élue permanente du travail ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 01)