L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente du travail

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente du travail

Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le vendredi 10 juin 1983 - Vol. 27 N° 100

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes en regard du projet de loi 17 - Loi modifiant le Code du travail et diverses dispositions législatives


Journal des débats

 

(Onze heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Blouin): La commission permanente du travail commence ses travaux.

Je vous indique tout de suite que le mandat de cette commission est d'entendre des groupes relativement au projet de loi 17, Loi modifiant le Code du travail et diverses dispositions législatives.

Les membres de cette commission sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Cusano (Viau), Dean (Prévost), Johnson (Anjou); Mme Harel (Maisonneuve); MM. Lafrenière (Ungava), Champagne (Mille-Îles); Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); MM. Payne (Vachon), Paradis (Brome-Missisquoi), Rivest (Jean-Talon), Marquis (Matapédia).

Les intervenants de cette commission sont: MM. Bélanger (Mégantic-Compton), Fortier (Outremont), Leduc (Fabre), Pagé (Portneuf), Polak (Sainte-Anne), Proulx (Saint-Jean), Vaugeois (Trois-Rivières).

Sans plus tarder, je vais vous indiquer l'ordre du jour pour ce vendredi 10 juin 1983. Nous allons d'abord entendre les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec au salon rouge qui sont présents dans la salle. Nous entendrons ensuite, à la salle 81-A, à compter de 13 heures, les représentants de l'Association des manufacturiers canadiens et nous devrions mettre fin à nos travaux, je présume, vers 14 h 30 ou 15 heures.

J'invite donc les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec à se présenter à la table des invités.

Pour les fins du journal des Débats, je demanderais au responsable de la centrale de s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent. Je demanderais qu'on nous présente le mémoire en une vingtaine de minutes. J'invite également les différents partis, le parti gouvernemental et les partis de l'Opposition, à faire preuve de la même discipline que celle que nous vous demandons afin de pouvoir terminer nos travaux vers midi et quarante-cinq, le temps de changer de local.

Vous avez la parole.

M. Johnston (Raymond): Je suis Raymond Johston, quatrième vice-président de la CEQ. Je voudrais vous présenter les gens qui m'accompagnent. À ma gauche, Mme Danielle Lavallée, membre de l'exécutif de la Fédération du personnel de soutien de la CEQ; à ma droite, toujours vers la droite,

M. Jean-Marcel Lapierre, conseiller juridique de la CEQ; M. Pierre Lamoureux, membre de l'exécutif du SPGQ qui est en entente de services avec la centrale, et à l'extrême droite, physiquement, M. Robert Tarini qui est membre de l'exécutif de la commission des enseignants de commissions scolaires de la CEQ.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Nous vous écoutons.

M. Johnston: M. le Président, étant conscient qu'il s'agit d'un dossier très important et, en même temps, délicat où des nuances s'imposent, malgré qu'on m'ait indiqué qu'il y avait probablement eu une lecture préalable qui avait été faite, je vais essayer de faire une présentation la plus complète possible de notre position. Si jamais ça prenait une couple de minutes de plus que prévu, je compterais sur votre...

Le Président (M. Blouin): Vous connaissez quand même les balises.

M. Johnston: Oui. J'y vais rapidement. Dans l'introduction, M. le Président, on a eu connaissance de certains événements entourant notre comparution à la commission parlementaire qui nous ont indiqué que ce n'était pas clair pour tous que la CEQ avait un intérêt dans ce dossier ou que la CEQ pouvait apporter une contribution significative dans ce débat. C'est pourquoi nous avons présenté, en introduction, un texte qui reproduit essentiellement la situation de l'ensemble des membres que nous représentons.

Il y a certaines catégories de membres qui sont régis par le régime sectoriel de négociation instauré par la loi 55, notamment les enseignants, les professionnels, le personnel de soutien des commissions scolaires à l'exception de deux commissions scolaires dans le Grand-Nord, les personnels de même nature, enseignants, professionnels et personnel de soutien au niveau des cégeps. On représente également des éducatrices et éducateurs de certains établissements du secteur des affaires sociales, du personnel des services de garde dans le milieu scolaire qui peut être assimilé à du personnel de soutien dans certains cas, et enfin des professionnels du gouvernement représentés par le SPGQ en entente de services avec la centrale.

Mais, par ailleurs, la centrale représente aussi d'autres catégories de membres qui ne sont pas couverts par ce régime spécial et qui sont donc régis par le régime général de négociation: du personnel enseignant, du personnel professionnel et du personnel de soutien d'universités et d'institutions privées d'enseignement, du personnel de cafétéria dans les commissions scolaires et ailleurs - quand je parle de personnel de cafétéria, il ne s'agit pas de personnel salarié de commissions scolaires, mais de personnel salarié de sous-traitants des commissions scolaires - du personnel professionnel et administratif des conseils régionaux de loisir et des organismes nationaux de sport et loisir et enfin du personnel de bibliothèque régionale. Cette présentation n'est pas inutile puisque cela sert à démontrer qu'avec, notamment, le développement de certains secteurs où on a déjà un certain nombre de membres, les dispositions du Code du travail visées par le projet de loi 17 concernent, à un titre ou à un autre, une catégorie de nos membres actuels et, avec le développement en cours, les membres éventuels.

Tout ce monde-là vit les problèmes de relations de travail régies par le Code du travail. Il vit des représailles pour activités syndicales - il y a une cause en suspens -des problèmes d'accréditation et de transfert d'entreprises. Ces groupes négocient des conventions collectives et, dans certains cas, recourent à la conciliation; dans d'autres cas, ils recourent à l'arbitrage général de différends prévu au code et, depuis ces dernières années, avec des nouveaux groupes, même à l'arbitrage de la première convention collective. Les problèmes d'arbitrage des griefs sont des problèmes quotidiens et répandus pour l'ensemble des groupes. Parmi les organismes qui comparaissent devant cette commission, nous sommes probablement le seul groupe qui soit touché par des amendements à la Loi sur l'instruction publique qu'on retrouve aux articles 102 et 103 du projet de loi 17. Tout cela vise à établir l'intérêt qu'on a à faire des représentations devant cette commission.

Mon exposé, M. le Président, sera découpé de la façon établie à la table des matières: l'accès à la syndicalisation, les représailles pour activités syndicales, l'accréditation, le transfert d'entreprise, la convention collective, l'arbitrage des différends et l'arbitrage de la première convention collective, l'arbitrage des griefs et les dispositions antibriseurs de grève, pour terminer sur une brève conclusion.

Sur l'accès à la syndicalisation, une réforme du Code du travail devrait faire de ce code un instrument efficace pour permettre l'exercice du droit d'association. Le droit de se syndiquer ne peut être considéré comme effectivement reconnu lorsque les lois du travail ne permettent pas de s'organiser en syndicat sans faire face, dans une très grande partie des cas, à une lutte longue, pénible, au cours de laquelle des syndiqués, victimes de représailles, ne seront rétablis dans leurs droits - quand ils le seront - qu'après un long débat judiciaire.

Pendant ce temps, comme nous le signalions dans le mémoire commun présenté avec la CSN le 28 février 1977, l'employeur, dans beaucoup de cas, a réussi à briser les reins de l'organisation syndicale et à faire suffisamment peur aux autres travailleurs pour les rendre dociles.

Il n'est pas plus facile de se syndiquer en 1983 que ce ne l'était il y a cinq ou six ans. Nous pensons toujours et plus que jamais que des mesures efficaces doivent être adoptées pour permettre et faciliter la syndicalisation. C'est dans cette perspective que nous allons commenter les articles du projet de loi 17 au sujet de la protection des droits syndicaux et de l'accréditation.

Dans le chapitre des représailles pour activités syndicales, on s'attardera particulièrement à six dispositions du projet de loi 17: l'article 92 et les articles 2, 3, 4, 5 et 7.

Le recours actuel en cas de congédiement pour activités syndicales prend beaucoup de temps et ne constitue pas une protection adéquate du droit d'association. Même si un employé est réintégré plusieurs mois après un congédiement pour activités syndicales, l'action de l'employeur a eu ses effets. Nous avons, depuis plusieurs années, recommandé que la loi spécifie qu'en période d'organisation syndicale, avant de congédier un employé ou de prendre toute autre mesure disciplinaire, l'employeur devrait être tenu d'obtenir une décision du commissaire du travail, ce qu'on appelle le statu quo ante, en période d'organisation syndicale. Une telle mesure est nécessaire pour favoriser l'exercice du droit d'association et la commission parlementaire, quant à nous, devrait faire une recommandation dans ce sens.

À l'article 92, on a noté que le projet de loi amende l'article 130 du code de manière à rendre les ordonnances de l'article 15 exécutoires, malgré l'appel. Il s'agit là d'un amendement qui améliore une situation qui avait grandement besoin d'être améliorée. Nous sommes tout à fait favorables à cette modification, mais nous sommes convaincus que les problèmes d'exercice du droit d'association requièrent aussi et davantage que l'employeur doive obtenir une décision en période d'organisation avant de recourir à une mesure prévue à l'article 15.

Concernant les articles 2 et 3 du projet, on constate que l'article 2, en modifiant l'article 14 du Code du travail, élargit le champ des mesures prohibées. Il élargit également le champ des pratiques de

représailles auxquelles le commissaire du travail peut remédier. C'est l'effet de l'article 3 du projet. Ce sont là également des mesures nécessaires pour protéger le droit d'association. Elles doivent être conservées. Ce droit de recours au commissaire du travail devrait d'ailleurs être étendu au refus d'embaucher. D'ailleurs, on a eu connaissance qu'un avant-projet de loi proposait d'introduire l'article 15.1 qui comprenait cette extension à l'embauche quant à cette protection. Le Code canadien du travail offre cette protection à l'embauche à l'article 184 du code. Nous ne voyons pas les raisons qui empêcheraient le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale de l'accorder également.

Concernant l'article 4 du projet de loi 17, en matière de délai pour déposer une plainte, le délai de quinze jours de l'article 16 est nettement insuffisant. En le portant à 30 jours, le gouvernement introduit une amélioration intéressante. Ce délai sera ainsi semblable au délai prévu pour le dépôt d'une plainte de congédiement illégal en vertu de la Loi sur les normes du travail et de la plainte de l'article 227 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Cette mesure n'est pas non plus exagérément généreuse, le Code canadien du travail prévoyant 90 jours.

À l'article 5, quant à l'étude de la plainte, nous déplorons que l'interprétation donnée par la Cour suprême à l'article 17, dans l'arrêt Lafrance contre Commercial Photo, ne permette pas au commissaire du travail de tenir compte de toutes les circonstances de l'affaire et le limite à déterminer s'il y a une cause sérieuse. Là-dessus, je pense que les membres de la commission pourraient consulter avantageusement une étude jurisprudentielle qui a été faite sur le glissement de la notion de "cause juste et suffisante" dans ces cas-là et comprendre, à partir de là, le sérieux de notre position. Cette interprétation réduit donc la portée des dispositions adoptées par la Législature du Québec, dispositions auxquelles le juge Marc Brière avait donné toute l'extension qui doit s'inférer des termes utilisés.

Nous suggérons donc aux membres de cette commission de recommander de rétablir la véritable signification de cet article et de donner au commissaire du travail les pouvoirs qui lui permettront de tenir compte de l'ensemble des éléments complexes qui forment la trame des problèmes de relations du travail. Ce but pourrait, il nous semble, être atteint en ajoutant, après l'expression "cause juste et suffisante" de l'article 17, les mots "compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire".

Quant au pouvoir de remédier aux effets des pratiques dont il est saisi, nous croyons que le commissaire devrait pouvoir, en plus de ce qui est prévu, ordonner le paiement d'une indemnité couvrant tout préjudice résultant du congédiement, de la suspension, du déplacement, de la sanction, des mesures discriminatoires ou des représailles.

Quant à l'article 7 du projet de loi, un amendement à l'article 19 établit le pouvoir du commissaire du travail d'ordonner le paiement d'un intérêt. Cet amendement viserait à mettre fin à l'incertitude qui prévaut à ce sujet. Cependant, on signale qu'il y a eu une décision du juge Burns, dans l'arrêt Turgeon et Marchand contre Brunet -Lasalle Corporation - les taxis Lasalle - qui permettait d'espérer une solution équitable de ce problème.

L'amendement apporté, qui établit comme règle générale le taux légal, n'accorde pas la compensation à laquelle un salarié devrait avoir droit pour la perte subie. Le taux légal, on le sait, est de 5%. Le juge Laskin, de la Cour suprême, avait déjà, en parlant des situations où l'on peut considérer que le taux d'intérêt est fixé par la loi, écrit sur cette question-là pour dire que la loi, quand elle ne comprend pas de disposition, n'est pas limitative. Le juge Burns, dans sa décision, après avoir examiné les arrêts pertinents de la Cour suprême, élimine l'intérêt au taux légal comme solution et s'exprime comme il apparaît dans notre mémoire. Je vais passer cette partie du mémoire pour permettre de gagner un peu de temps.

Faut-il conclure - quand on analyse les dispositions du projet de loi 17 - que la règle générale à l'avenir sera le paiement d'un intérêt qui n'est même pas convenable? Pourquoi laisserait-on au commissaire du travail la discrétion de verser le complément d'intérêt entre l'intérêt légal et l'intérêt prévu en vertu de la loi du ministère du Revenu? Sur quels critères se fondera-t-il pour déterminer qu'il y a lieu de verser une telle indemnité? On pense qu'il s'agit là d'une solution boiteuse. Quant à nous, on préférerait que soit appliquée la règle qui existe présentement au code en ce qui concerne les arbitrages de griefs, dispositions qui apparaissent à l'article 100.15 du code.

Il s'agit là du taux applicable aux créances de l'État et exigible en vertu des lois fiscales. Donc, l'Assemblée nationale et le gouvernement ont déjà considéré que c'était juste pour les dettes fiscales. On ne voit pas pourquoi, dans le cas de sommes dues par les employeurs à des salariés qui auraient subi des représailles, le même taux d'intérêt ne serait pas applicable. On vous signale aussi que, dans un avant-projet antérieur, c'était cette règle du taux déterminé en vertu de la loi du ministère du Revenu qui était annoncé.

Sur l'accréditation....

Le Président (M. Blouin): M. Johnston,

sans vous brusquer, je vous signale que vous avez déjà mis un quart d'heure à faire cette présentation initiale. Si possible pouvez-vous résumer certains points...

M. Johnston: Je vais essayer d'accélérer.

Le Président (M. Blouin): ...pour la bonne compréhension de la commission...

M. Johnston: Très bien.

Le Président (M. Blouin): ...pour que nous puissions vous entendre dans un échange entre les parties?

M. Johnston: Très bien. Sur l'accréditation, M. le Président, je voudrais souligner que, comme d'autres groupes, on est un peu étonné que la réforme actuellement proposée n'aborde pas la question de l'accréditation multipatronale ni l'élargissement du droit de se syndiquer aux entrepreneurs dépendants. Là-dessus on signale qu'il n'y a pas seulement les organisations syndicales qui interviennent. Il y a même des organisations, des coalitions de non-syndiqués qui ont des revendications de cette nature. Entre autres, je vous référerais à un mémoire qui a sûrement été déposé auprès du ministre Fréchette par la Coalition sur les normes minimales de travail et l'accès à la syndicalisation, qui axe une revendication autour de l'accréditation multipatronale et l'élargissement du droit de se syndiquer.

Je vais passer rapidement aux dispositions du projet de loi qui nous préoccupent. Concernant l'article 25 du Code du travail, nous proposons toujours que l'employeur soit tenu de fournir la liste de ses employés, incluant l'adresse du salarié. Donc, dans les cas où une organisation syndicale le demande, sans qu'il soit nécessaire qu'il y ait eu une requête d'accréditation de déposée. C'est une revendication qui a été formulée à plusieurs reprises par le mouvement syndical et cela s'explique par le contexte que vous retrouvez à la page 9.

Quant à l'article 12 qui vise à transférer la responsabilité de transmettre la requête à l'employeur, du syndicat au commissaire du travail, nous soutenons que cette modification n'a pas lieu d'être adoptée à notre point de vue puisque cela enlève la possibilité pour l'association de contrôler les délais dans lesquels l'employeur affiche et transmet la liste des salariés. Elle place dans une situation de dépendance le syndicat ou l'association qui a déposé une requête. (12 heures)

À cet égard, je vais aussi souligner que les pénalités qui sont prévues au code pour le défaut d'affichage et de transmission des listes ne sont pas adaptées. Prévoir des amendes de 100 $ à 500 $ pour une première infraction et 1000 $ à 5000 $ pour la récidive... La récidive, cela ne pourra se produire que si le syndicat n'est pas accrédité. On pense qu'il devrait y avoir de nouvelles dispositions qui comporteraient un caractère dissuasif et qui pourraient se calculer selon la durée du défaut de l'employeur. À titre indicatif, nous suggérons, nous proposons, à la page 11, que l'amende soit de 1000 $ à 10 000 $ par jour ou partie de jour, ce qui nous apparaît être de nature à résoudre une partie des difficultés.

Sur l'article 13, je vais prendre quelques minutes parce que le texte lui-même a besoin d'être nuancé dans notre mémoire. On est favorable, nous, à l'idée qu'une première requête soit la seule considérée, à certaines conditions. Je vais expliquer un peu les problèmes qu'on voit autour de la formulation actuelle. Ce qu'on voudrait éviter - et on présente cela respectueusement dans la mesure où vous pourriez considérer ces questions - dans un premier temps, c'est que le dépôt d'une première requête qui ne recueille pas une majorité absolue des salariés ait pour effet d'empêcher d'autres associations requérantes de participer à un vote dans les cas où il y aurait un vote pour la détermination de la représentativité du groupe.

Deuxième chose qu'on veut éviter, c'est que les dispositions liées aux dispositions actuelles du Code du travail, notamment l'article 40... On pense que, s'il n'y a pas des ajustements correspondants qui sont apportés, on pourrait se retrouver devant la situation où une première requête étant déposée et le cas échéant rejetée, les autres requêtes qui auraient pu être déposées après la première pourraient être considérées comme rejetées et un groupe pourrait être susceptible de ne pas avoir le droit de se syndiquer avant trois mois ou à tout le moins très difficilement, puisque beaucoup d'associatons seraient écartées du droit de déposer une requête en accréditation.

L'autre problème qu'on voulait soulever, je vais passer rapidement, c'est la question du moyen de déterminer quelle requête est la première. Là-dessus, notre texte est assez précis. J'ajouterai seulement qu'il ne faudrait pas que cela se joue au chronomètre, mais que cela se joue dans la même journée: la date en soi détermine s'il y a une première et la priorité, le cas échéant, en recourant, comme la CSN l'a fait dans sa présentation, à la double technique du dépôt de main à main, date du dépôt, et dans le cas d'expédition par courrier recommandé, le dépôt à la poste étant considéré comme étant la date de dépôt.

Sur l'article 21, on est généralement d'accord. Il introduit 37.1; donc, je passe

rapidement. L'article 19 concernant l'article 36 du code, on est d'accord aussi. Donc, je passe rapidement.

Page 13, transfert d'entreprise. Là-dessus, il y a cinq éléments qu'on voudrait vous souligner. On est satisfait que le type d'amendement qui était annoncé dans l'avant-projet ait été retiré parce qu'à notre point de vue, cela donnait un pouvoir discrétionnaire trop large au commissaire du travail. Mais, on voudrait quand même vous souligner que, selon la décision finale qui sera rendue dans l'affaire de la Commission scolaire régionale de l'Outaouais, il y aura lieu de revenir sur cette affaire.

De façon complémentaire, il y a quelques problèmes qu'on voudrait vous souligner. D'abord, le fait que la procédure, en vertu de l'article 15 du code, ne soit pas protégée dans le cas des transferts d'entreprises. Nous suggérons d'ajouter cette protection, qui était d'ailleurs prévue dans la version de l'avant-projet. Deuxièmement, et je suis rendu à la page 14, je voudrais saisir la commission d'un problème particulier qui se produit dans le secteur public où la Direction générale des relations du travail du gouvernement conteste présentement - et, semble-t-il, aurait obtenu un premier jugement favorable - l'application de l'article 45 dans deux affaires de transferts de services gouvernementaux à des corporations publiques. Un cas précis est le Centre d'insémination artificielle du Québec qui relevait du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et un autre cas qui n'est pas encore tranché, le fonds FCAC.

Saisissant un peu la nature du débat, on vous cite, à l'intérieur de notre mémoire, des échanges qui avaient eu lieu à l'Assemblée nationale là-dessus, où le ministre Fréchette semblait affirmer catégoriquement que les articles 45 et 46 devraient s'appliquer dans ces cas. Ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a lieu d'amender l'article 45 pour assurer que ces dispositions s'appliqueraient aux accréditations accordées en vertu de la Loi sur la fonction publique. Jean-Marcel pourra faire écho tantôt au jugement rendu dans une des causes.

À la page 16 rapidement. Un problème qui nous préoccupe, c'est que les articles 45 et 46 actuellement protègent l'accréditation, protègent la convention collective et les droits en résultant, mais les articles 45 et 46 ne couvrent pas le transfert des salariés. Il y a des dispositions dans d'autres pays qui, dans des cas comme cela, assurent le transfert des salariés. Nous pensons que cette commission devrait se pencher sur cette question de la protection du lien d'emploi des salariés. S'il y a des questions, on pourra peut-être en parler plus longuement.

À la page 17, on vous signale que, quant à nous, si jamais il y a un projet de refonte des structures scolaires au Québec, le gouvernement et l'Assemblée nationale devraient s'en remettre à l'application des dispositions des articles 45 et 46 du code et écarter toute généreuse intention de légiférer de façon spéciale pour régler ce problème. On pense que les autres problèmes qui ne peuvent pas être réglés par les articles 45 et 46 pourraient éventuellement l'être par voie de négociation.

À partir de la page 18, couvrant le champ de la convention collective. Je vais passer rapidement les articles 26 et 27 sur lesquels on est d'accord. Je voudrais souligner que, dans le bas de la page 18, on suggère à la commission de prévoir une disposition complémentaire qui devrait établir que le pouvoir de réglementation des corporations publiques et des régies - pas seulement au niveau municipal ou intermunicipal, mais dans l'ensemble des cas ne doit pas et ne peut pas être un obstacle au droit de négocier toutes les conditions de travail. Ainsi, on préserverait le champ de la négociation pour les salariés à l'emploi de ces organismes et on éliminerait un bon nombre d'incertitudes et de démêlés judiciaires.

L'article 67 du code. Il y avait une disposition dans un avant-projet qui visait à garantir l'application des effets rétroactifs des conventions collectives même pour les salariés qui avaient quitté l'employeur au moment de la signature de la convention collective. Nous pensons qu'il serait opportun de rapatrier cette disposition à l'intérieur du projet de loi, de telle façon que les salariés qui ont travaillé pendant la période visée par la rétroactivité puissent bénéficier de ces effets rétroactifs des conventions collectives. Dans tous les cas.

À partir de la page 20 sur l'arbitrage des différends et l'arbitrage des premières conventions collectives, trois volets rapidement: le débat conseil d'arbitrage, arbitre unique; la juridiction de l'arbitre dans les cas d'arbitrage; la mécanique d'imposition de l'arbitrage de la première convention collective.

Sur le conseil d'arbitrage, tant dans les cas de l'arbitrage général de différends que dans les cas d'arbitrage de différend qui sont imposés par voie de législation - je pense aux cas des policiers, des pompiers - que dans l'arbitrage de la première convention collective, nous pensons que la formule de l'arbitre unique, dans les cas de différends, ne se justifie absolument pas comme mesure générale. Un conseil d'arbitrage est plus proche du fonctionnement de la négociation. C'est plus près des parties et cela permet de s'assurer qu'une fois la décision sortie, les gens ont plus de chance de consentir à l'appliquer. On pense aussi que c'est plus de nature à refléter la vraie situation des

parties en conflit.

On n'est pas opposé au fait qu'il puisse y avoir recours à l'arbitre unique, mais, pensons-nous, l'imposer de façon généralisée sans choix pour les parties entre ces deux mécaniques, c'est dangereux.

Dans les cas où le différend est réduit à quelques questions qui sont déjà bien cernées, un syndicat et un employeur pourraient bien convenir de remettre cela à un arbitre unique, mais dans le cas où l'enjeu, c'est l'ensemble de la convention collective, on pense que cela commence à être dramatique comme situation de remettre cela entre les mains d'un seul homme.

Je veux aborder rapidement l'article 35 qui a été évoqué par quelques autres groupes. Nous nous opposons aux dispositions de l'article 35 du projet de loi 17. Ce qu'on veut prévoir là, c'est la capacité pour l'arbitre de considérer des comparaisons de toute nature. Ce n'est pas nécessaire que ce soit écrit dans le code pour que cela se fasse; cela se faisait déjà. Or, nous ne pouvons comprendre l'introduction généralisée d'une telle disposition que dans la mesure où le gouvernement aurait décidé de donner par ce biais des instructions aux arbitres.

Les risques qu'on voit, c'est de réduire la portée de la règle selon l'équité et la bonne conscience. C'est donc davantage une invitation à considérer des comparaisons suggérées où le gouvernement pourrait, jusqu'à un certain point, avoir partie liée avec des employeurs dans certains cas, notamment dans les domaines où le gouvernement est le principal fournisseur de fonds. Cela amène aussi les arbitres à considérer que des injustices actuelles doivent être des critères de référence. Finalement, il n'y a rien qui nous garantit que cette disposition n'entraînera pas une espèce d'affaissement de certaines conditions puisque, dans les comparaisons, fort probablement, la situation des non-syndiqués sera très largement évoquée. Nous demandons donc de ne pas adopter cette disposition que l'on trouve, quant à nous, dangereuse pour le régime de l'arbitrage de différends.

Je glisse rapidement sur l'article 49 parce que nous sommes d'accord. C'est une amélioration du régime.

À partir de la page 24, sur l'arbitrage des griefs, je ne veux pas faire un long exposé, mais, sur la question du tribunal d'arbitrage ou de l'arbitre unique, nous voulons dire que, dans les secteurs que nous représentons, il y a des pratiques qui sont solidement enracinées. Dans le secteur de l'éducation en particulier, les pratiques actuelles sont tellement enracinées, tant d'un côté que de l'autre, même du côté de la partie patronale - je pourrai évoquer ces questions si vous le croyez opportun - qu'il y a des risques importants de modifier cela.

Je vous signale que ce qui existe comme dispositions dans le secteur de l'éducation en. particulier, c'est la possibilité d'avoir recours ou au tribunal d'arbitrage ou à un arbitre unique. Dans certains cas, cela prend le consentement des deux parties pour aller à un tribunal d'arbitrage, c'est-à-dire que cela prend le désaccord d'une partie sur l'arbitre unique pour avoir automatiquement le tribunal d'arbitrage. En d'autres cas, la règle générale, c'est le tribunal d'arbitrage et cela prend l'accord des deux parties pour aller vers l'arbitre unique dans certains cas. (12 h 15)

Je vous signale qu'on est dans le cadre d'un régime de négociations sectorielles où, en plus, dans certains secteurs comme celui de l'éducation, il y a un cadre juridique très imposant que les arbitres ne peuvent pas écarter. Les effets d'une sentence arbitrale dans un grief, à un endroit, ont automatiquement des répercussions sur l'application des conventions collectives dans ce secteur d'activité dans l'ensemble du Québec. Il y a une dimension très importante là-dedans. On pense que le changement qui est proposé, en voulant imposer la généralisation de l'arbitre unique, dans notre cas, n'est pas approprié. Ce qu'on signale, c'est que, encore là, les parties devraient avoir la liberté de recourir à l'un ou l'autre mécanisme, selon les questions en jeu et selon les intérêts des parties dans ces questions.

Je passe rapidement sur certaines autres dispositions. L'article 100 du projet de loi, il faudrait s'y arrêter. Ce n'est pas un message que je veux faire au ministre. Ce n'était pas un message politique comme vous sembliez l'interpréter lors d'une autre comparution.

M. Johnson (Anjou): Ah oui! Je sais ce que vous voulez dire.

M. Johnston: II y a un problème de fond autour de cela. L'article 100 préserve le tribunal d'arbitrage d'une convention collective signée avant le 1er septembre 1983 ou dans tes 90 jours qui suivent. Dans notre cas, pour les groupes soumis à la loi 55, il n'y a pas de convention collective signée. Est-ce à dire, compte tenu de l'absence de dispositions transitoires applicables à nos situations, que l'imposition de l'arbitre unique pour les griefs se ferait dès maintenant, dès septembre 1983? C'est là l'enjeu de la question qui avait été soulevé par la CSN la dernière fois et que nous reprenons ici.

Je signale aussi que même si, dans notre cas, ce sont des conditions de travail imposées, des décrets en vertu de la loi 105, même dans ces cas où les parties n'ont pas pu négocier, parapher des chapitres sur l'arbitrage des griefs, le tribunal à trois était, le plus souvent, la règle générale qui

était imposée par le gouvernement. Je pense que vous avez saisi le problème technique autour de cette affaire. Je vais passer à autre chose.

J'atterris sur les articles 102 et 103 qui amendent les articles 190 et 208 de la Loi sur l'instruction publique. Je veux attirer l'attention de la commission de façon plus particulière sur cette question, parce qu'on est probablement le seul groupe à pouvoir soulever cette question. Quand on lit bien les articles 102 et 103, M. le Président, on se rend compte qu'ils amendent des dispositions qui sont déjà abrogées par la loi 105. Autrement dit, la référence n'est même pas la bonne.

Sur le fond - on pourra y revenir si vous avez des questions de clarification là-dessus - on pense que le conseil d'arbitrage, dans ces cas - non-rengagement et congédiement - ce ne sont pas des choses simples. Il y a une foule de règles, qui ont été établies par les tribunaux d'arbitrage au cours des années, qui demandent à être soupesées. Toutes les circonstances qui entourent la mesure en question qui doivent être soupesées par un arbitre ou un conseil d'arbitrage remettent, à toute fins utiles, la vie de l'emploi d'une personne entre les mains d'un arbitre plutôt que d'un conseil d'arbitrage. On pense que c'est assez délicat.

Quant à l'article 62 du projet de loi qui introduit deux nouvelles dispositions à l'article 100.0.1 et à l'article 100.0.2., je dois reprendre cela. On est d'accord sur l'introduction de l'article 100.0.2. On souligne qu'il y aurait peut-être lieu d'examiner la nécessité de prévoir une juridiction particulière dans ce cas. On se questionne là-dessus. On n'est pas sûr que ce soit vraiment la solution. Mais il y a une piste qu'on souligne ici qui mériterait peut-être d'être examinée plus attentivement.

Quant à l'autre disposition, 100.0.1, qui touche le délai de 30 jours, on remarque qu'il y a un glissement dans le texte par rapport à l'avant-projet de loi. L'avant-projet parlait de 30 jours pour introduire le grief, pour avoir recours au grief. Le projet que nous avons devant les yeux parle de 30 jours comme délai minimal pour le soumettre à l'arbitrage. Nous pensons qu'un délai minimal de 30 jours pour soumettre un grief à l'arbitrage, dans les cas où il y a une procédure préalable prévue dans les conventions collectives, ce n'est vraiment pas réaliste. Ce n'est vraiment pas une protection qu'on accorde aux salariés que d'ajouter une disposition de cette nature-là.

Ce que nous croyons, c'est que le code devrait être modifié pour prévoir que tout délai de moins de 30 jours pour recourir à la procédure de grief devrait être réputé non écrit. Pourquoi l'aborde-t-on comme cela? Parce qu'on craint que le fait de fixer un délai minimal remplaçant d'autres délais prévus dans des conventions collectives, s'il y a des délais inférieurs à cela, peut avoir pour effet que, dans les prochaines négociations, les employeurs se servent de ce délai minimal comme règle générale et que cela ait une pression à la baisse sur les délais de grief. On sait qu'un délai pour recourir à une procédure de grief, c'est un instrument déterminant dans l'exercice des recours des salariés dans l'application d'une convention collective.

Quant à l'article 66, nous sommes d'accord là-dessus et je glisse rapidement.

L'article 74 mérite quant à lui, certaines nuances. On est favorable à certains éléments. C'est le cas, entre autres, des paragraphes e et g. Mais il nous semble qu'on devrait également exprimer plus clairement que le tribunal d'arbitrage peut apporter toute réparation appropriée, le cas échéant, rendre toute décision propre à sauvegarder les droits des parties et avoir le pouvoir d'apporter toute réparation appropriée. On parle de sauvegarder, à compter du moment où cela peut se passer, mais, pour la partie qui est déjà faite, on pense qu'on devrait introduire de façon claire le pouvoir de réparation.

Quant à la question de l'intérêt qui touche le paragraphe c, on pense qu'il y aurait avantage à maintenir les dispositions actuelles de l'article 100.15 du code à cause de cette discrétion qu'on n'arrive pas à comprendre et qui donne l'impression que le complément à l'intérêt légal, ce serait une espèce de caractère punitif qui viendrait s'ajouter à la règle normale. On se demande bien dans quel cas, comment un arbitre pourrait faire la distinction entre un intérêt dit normal et un intérêt dit punitif.

Je voudrais aborder rapidement les dispositions antibriseurs, M. le Président. Il y a un bout de chemin de fait et on le reconnaît, mais je veux porter à l'attention de tout le monde que c'est un secteur à la fois très délicat et très important. L'interprétation faite par les tribunaux de telles dispositions, c'est toujours une interprétation restrictive des interdictions, d'où l'importance des trous qui restent. On pense que, cette fois-ci, M. le Président, vu qu'on s'attaque à cette question, la commission devrait suggérer de faire des modifications qui complètent vraiment la vocation de ces dispositions, donc, boucher l'ensemble des trous qui restent.

Quand on regarde cela, au paragraphe a, il nous semble qu'il reste encore la possibilité pour l'employeur de recourir à des gens qui sont ou bien vraiment des bénévoles, ou bien identifiés comme bénévoles, ou des personnes qui ne seraient pas directement embauchées par l'employeur. Un individu pourrait éventuellement servir d'intermédiaire puisqu'il ne serait pas une entreprise ou une personne morale. On pense

qu'il y aurait lieu d'introduire un nouveau paragraphe après le paragraphe a. Prenez note que, dans le texte, au milieu de la page 31, qui concerne le paragraphe a de l'article 109.1, la suggestion que nous avions indiquée doit être rayée. On pense que cela n'atteint pas l'objectif qu'on recherchait. Nous vous demandons d'introduire un nouveau paragraphe qui aurait pour effet d'interdire l'utilisation des personnes non rémunérées ou non directement rémunérées pour remplir les fonctions des salariés. Cela aurait pour effet de colmater une brèche importante.

Nous sommes d'accord avec l'objectif poursuivi au paragraphe b. Concernant l'utilisation de personnes morales, je veux vous souligner que cela ne couvre probablement pas l'ensemble des réalités. Certaines sociétés prévues au Code civil ne semblent pas couvertes par cette expression "personne morale". Il faudrait éviter que, quelques années après l'adoption du projet de loi 17, une autre décision de la Cour d'appel révèle qu'il y avait encore une faille. Nous pensons que l'intention était d'éviter que d'autres entreprises puissent obtenir un contrat d'un employeur pour remplacer des salariés en grève ou en lock-out. Il y a donc lieu ici de préciser un peu. On devrait donc détailler l'énumération.

Dans le cas de l'utilisation des sous-contrats, on retrouve dans les dispositions du projet de loi une interdiction qui s'appliquerait dans l'établissement où la grève ou le lock-out a été déclaré. On pense qu'il est possible, fort possible, que les employeurs utilisent cette possibilité de recourir à des personnes morales en dehors de leur établissement ou dans un autre de leurs établissements, ce qui rend douteux l'efficacité de cette disposition. Nous demandons donc de modifier le paragraphe b en utilisant des termes qui couvrent toutes les formes d'organisation auxquelles un employeur peut recourir et en supprimant les termes "dans l'établissement où la grève ou le lock-out a été déclaré".

On veut souligner un autre problème: l'interprétation des termes "remplir les fonctions d'un salarié" pose un problème d'interprétation. Suffit-il que la fonction soit remplie en partie pour qu'il soit considéré que les fonctions d'un salarié soient remplies? La jurisprudence est loin d'être claire sur cette question. Nous suggérons donc d'ajouter "pour remplir les fonctions d'un salarié en tout ou en partie", de façon que cette disposition soit éventuellement plus claire et ne cause pas les problèmes d'interprétation actuels.

Enfin, on veut souligner que, pour des organisations syndicales qui pourraient avoir recours à ces dispositions, qui pourraient avoir besoin de ces dispositions-là, les poursuites au pénal qui pourraient éventuellement permettre de faire condamner un employeur ne peuvent pas être un objectif. Après qu'une grève a pourri ou qu'un lock-out a pourri, le fait d'obtenir une condamnation contre un employeur n'est pas un objectif syndical. Ce qui est important, c'est de s'assurer de l'application de ces dispositions-là. Nous croyons que les moyens pour faire appliquer ces dispositions prévues au code sont actuellement insuffisants. On demanderait que cela soit assorti de mesures efficaces pour assurer l'application concrète de ces dispositions sans engendrer de problèmes pour les organisations syndicales. (12 h 30)

En bref, on est d'accord avec un bon nombre de dispositions qui sont présentées. Je vous en fais une liste: Les articles 2, 3, 4, 19, 21, 26, 27, 49, 62, quant au paragraphe 100.0.2, ainsi que les articles 66 et 92. On suggère par ailleurs d'améliorer les articles 5, 7, 13, 62, 74, 88 et 100. Cependant, on suggère aussi de ne pas adopter les modifications qui sont proposées par les articles 12 et 35, de même que les dispositions qui concernent, dans leur forme actuelle, toutes les formes d'arbitrage de différends et l'obligation de recourir à l'arbitre unique dans tous les cas d'arbitrage de griefs.

Je voudrais ajouter une note complémentaire concernant l'article 100.4 du projet de loi 17 qui n'est pas couvert par notre mémoire. L'article 100.4 vise à modifier l'article 74 de la loi 126, où il y a déjà des règles précises sur le calcul de l'indemnité de vacances dans les cas de personnes qui ont bénéficié d'un congé de maternité. Le projet de loi vise à les retrancher, pour les cas de congé de maternité, pour les soumettre à la réglementation. Nous pensons qu'il est plus prudent, pour la protection des salariés visés, de maintenir les garanties législatives actuelles et, s'il y a lieu de modifier ces dispositions, de le faire à l'intérieur du projet de loi, de telle façon que les parties puissent largement intervenir sur ces questions.

Finalement, nous vous suggérons d'ajouter un certain nombre de dispositions relatives aux articles 15 et 25 du Code du travail, ainsi qu'un nouvel article sur les pénalités, des ajouts aux articles 45, 46, 62 et 67 du Code du travail.

Donc, une analyse critique nous amène quand même à conclure qu'il y a un petit pas dans la bonne direction. On espère qu'il y aura une deuxième phase où on pourra aborder des problèmes plus substantiels. On en énumère à la dernière page de notre mémoire. On pense qu'il y aurait cependant urgence de prévoir maintenant une législation sur les licenciements collectifs, sur les fermetures d'usines, sur les fermetures d'établissements, qu'il y aurait aussi urgence d'organiser un débat sur la façon de faire

reconnaître le droit au travail comme droit social fondamental engageant des politiques de plein emploi. On pense qu'il y a aussi vraiment urgence de procéder à l'abrogation formelle de la loi 111 et de procéder aussi à l'abrogation de certaines autres dispositions législatives qui sont toujours en vigueur et qui échappent à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Johnston. Nous avons déjà épuisé une bonne partie du temps qui était prévu pour cette rencontre que nous avons avec vous. Je crois que votre présentation a été, d'autre part, très claire et très précise et que, par anticipation, vous avez répondu à bon nombre de questions que les membres auraient pu vous adresser. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Johnson (Anjou): M. Johnston, votre nom s'écrit bien avec "t".

M. Johnston: Oui.

M. Johnson (Anjou): On dit souvent Johnston et on ne prononce pas le "t".

M. Johnston: Et j'y tiens.

M. Johnson (Anjou): Vous tenez au "t" ou au fait qu'on ne le prononce pas?

M. Johnston: Je tiens au "t". Une voix: On le comprend.

M. Johnson (Anjou): C'est pour le journal des Débats et pour être bien sûr. M. Johnston, votre...

M. Johnston: Johnston.

M. Johnson (Anjou): M. Johnston, votre réputation vous a précédé et votre mémoire était très clair ainsi que votre présentation. Je vais tout de suite m'excuser car je devrai quitter prématurément avant la fin de la période de questions qui vous est destinée par mes collègues, à cause d'une ambiguïté qu'il y a eu sur les horaires de tout le monde, à cause d'hier.

Cependant, je voudrais, d'une part, vous assurer que nous avons pris bonne connaissance et déjà analysé votre mémoire. Vos commentaires ont fait l'objet de notes que j'ai prises ainsi que les gens qui m'accompagnent. Rapidement, un commentaire et deux questions.

Le premier commentaire à l'égard - je ne vous demande pas de régir tout de suite; je présume que mon collègue vous entendra réagir par la suite - de l'arbitrage des griefs. Il y a quinze ans que cela existe. C'est vrai. On sait aussi que, depuis quinze ans, c'est un des domaines où il y a des griefs et des délais absolument incroyables. Il y a 8000 griefs présentement en attente. Je vous le dis aussi tout à fait respectueusement, tout en étant conscient qu'il y a là de larges traditions dans le milieu de l'enseignement, qui est une négociation sectorielle comme vous le disiez. 8000 griefs en attente et cela fait quinze ans que le système est rodé. Quant à moi il a été assez rodé. Il a fait la preuve qu'il avait du mal à fonctionner. On ne devrait peut-être pas avoir trop peur de faire face aux changements dans ce secteur.

Deux questions très précises. Une sur la question du délai de 30 jours à l'égard de la formule que vous suggérez. Tout délai inférieur à 30 jours serait réputé non écrit. L'autre question en ce qui touche le guichet fermé.

Sur les 30 jours, est-ce que votre compréhension du texte est à savoir que ce n'est pas le recours à l'arbitrage, mais bien l'enclenchement de la procédure de grief, quelle qu'elle soit, première, deuxième ou troisième étape? L'objectif visé par cet article, je vous le dis, est de permettre aux travailleurs, contrairement à certaines dispositions de convention collective qui prévoient que celui que veut présenter un grief doit faire la première étape en deux ou trois jours, ce qui nous apparaît nettement insuffisant; c'est d'établir un délai minimal pour l'enclenchement, non pas se rendre nécessairement à l'arbitrage. L'arbitrage est une chose qui est entre les mains du syndicat en vertu de la loi et non pas de l'individu.

Deuxièmement, je veux vous dire que les employeurs nous disent exactement le contraire de ce que vous nous dites. Ils disent: Si vous fixez un délai, cela va devenir un plancher et les syndicats vont négocier au-dessus. Vous, vous nous dites: Si vous fixez un délai minimal, cela va devenir le délai maximum et la règle générale imposée par les employeurs. Et, ma foi, je ne vous dirai pas qu'on y perd notre latin, mais ce n'est pas tellement surprenant.

À l'égard de l'accréditation. Qu'est-ce qu'on fait avec deux accréditations datées du même jour? Avez-vous une suggestion à l'égard du guichet fermé? Si deux requêtes en accréditation sont déposées le même jour, comment tranche-t-on cela en pratique? Ce sont les deux questions que j'avais. Si vous aviez la gentillesse de répondre aux deux questions et ensuite faire les commentaires pour mes collègues.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Johnston.

M. Johnston: Je vais commencer par la dernière question. À notre avis, si deux requêtes sont déposées le même jour, elles

devraient être considérées en vertu des dispositions générales actuelles du code sans aucune difficulté.

M. Johnson (Anjou): D'accord.

M. Johnston: On ne pense pas qu'on devrait jouer avec le chronomètre sur ces questions-là. L'objectif principal, c'est d'éviter que des associations de boutique puissent venir briser une campagne d'organisation en venant paralyser l'ensemble du système. Je ne pense pas que, chronomètre en main, on rende justice à tout le monde. Il pourrait même arriver que le syndicat de boutique ait la chance d'arriver une minute avant l'autre.

Quant à l'autre question, sur le délai minimal pour recourir à la procédure de grief, nous n'avons pas dit que cela devenait un maximum en l'introduisant dans la forme actuelle. Nous avons dit que, dans les rondes de négociations qui suivraient l'adoption d'une telle disposition, les employeurs seraient tentés de se servir de cela pour exercer une pression à la baisse sur les délais. Le maximum du code, c'est six mois. On ne vous fera pas l'affront de vous dire que cela a pour effet de faire disparaître le maximum de six mois prévu au code.

Cependant, au niveau du texte, quand on prend le libellé même de l'article 100.0.1, on dit bien: "Malgré toute disposition d'une convention collective prévoyant un délai moindre, un grief peut être soumis à l'arbitrage dans les 30 jours de la date où la cause de l'action a pris naissance." On ne dit pas qu'un grief peut être entrepris dans les 30 jours. On constate que, dans cette nouvelle formulation, il y a un glissement par rapport à l'avant-projet qui parlait de l'enclenchement de la procédure de grief pour 30 jours.

M. Johnson (Anjou): Vous allez m'excuser, je dois quitter.

M. Johnston: Quant aux commentaires du ministre - probablement que Jean-Marcel aura un complément sur la question du délai de 30 jours - sur l'arbitrage des griefs, je veux vous signaler que, de notre côté, depuis au moins deux rondes de négociations, on s'acharne à essayer de faire accepter aux parties patronales, dont le gouvernement, la possibilité que le syndicat puisse recourir ou à l'arbitre de griefs, dans le cadre d'une procédure sommaire d'arbitrage, ou à un tribunal d'arbitrage à sa discrétion. La pratique, les intentions des gens, c'est que les questions simples pour éviter des délais pourraient être soumises à un arbitre unique. Les questions complexes, elles, pourraient demeurer entre les mains d'un tribunal d'arbitrage. On ne pense pas, contrairement à votre avis, que ce soit la composition du tribunal d'arbitrage qui fasse qu'il y ait 8000 griefs en attente. S'il y a 8000 griefs en attente, c'est parce qu'il n'y a pas assez de personnel pour les entendre, d'une part. Remplacer dans le secteur de l'éducation un tribunal d'arbitrage ou un conseil d'arbitrage par un arbitre unique, moi, j'ai la conviction personnelle que cela ne réduira pas rapidement le nombre de griefs en attente. Si le nombre de personnes habilitées à agir comme président de conseil d'arbitrage correspond au nombre de personnes habilitées à agir comme arbitre des griefs, on va se retrouver dans le même cul-de-sac.

Tout le monde sait que ce ne sont pas tous des gens qui font cela à temps plein. Tout le monde sait aussi qu'avec un grief qui est entendu, il peut se passer des délais d'un an avant qu'il y ait un premier délibéré autour d'une question et, contrairement à ce que vous pouvez croire, ce n'est pas souvent, c'est loin d'être souvent des problèmes d'agenda entre les trois membres, mais plutôt la disponibilité du président qui pose un problème.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Johnson (Anjou): Merci.

Le Président (M. Blouin): Cela va? M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Au revoir, M. Johnson, bonjour M. Johnston. Malgré les brefs délais dans lesquels vous vous êtes retrouvés, vous avez, comme les autres intervenants, réussi à fouiller le projet de loi qui est devant nous et à nous apporter des éclaircissements sur des points précis. Pour revenir aux premières remarques que vous avez faites, et de façon que cela ne se reproduise plus à l'avenir, à savoir ce que la CEQ vient faire dans ce dossier, finalement, et de son importance, pourriez-vous très rapidement nous donner approximativement le nombre d'employés que vous représentez quant au premier paragraphe régi par la loi 55 et au second paragraphe, lorsque vous parlez de ceux qui sont régis par le régime général de négociations?

M. Johnston: Je ne suis pas en mesure de vous donner des chiffres exacts, mais je peux vous dire que, globalement, c'est sûrement au moins les quatre cinquièmes sous la loi 55 - sûrement, au moins - et le reste, sous le régime général. Dans le cas des groupes qui sont sous le régime général, je vous ferai remarquer que ce sont, pour la majeure partie, de très petits groupes. D'accord? Donc, une multitude de petites unités de deux, trois, cinq, dix salariés par établissement.

M. Paradis: Cela enclenche bien sur ma

deuxième question, c'est ce que je pensais, surtout quand vous parliez des CRL, etc., que c'étaient des petites unités de négociations. On retombe donc aux pénalités, à la clause des pénalités qu'on retrouve aux pages 10 et 11 de votre mémoire, où les pénalités prévues sont de 100 $ à 500 $ et de 1000 $ à 5000 $ dans le cas de récidive et où vous suggérez de 1000 $ à 10 000 $ par jour ou partie de journée. Dans le cas des petites unités que vous représentez, donc, qui sont de petits employeurs finalement, et dans le cas également des PME, parce que ce régime de relations de travail va s'appliquer également aux PME québécoises, est-ce que vous ne trouvez pas que vous y allez fort? (12 h 45)

M. Johnston: M. le Président, si vous permettez, non, on ne trouve pas qu'on y va fort parce qu'on pense que ces dispositions doivent avoir un caractère dissuasif. On a déjà entendu cela dans d'autres débats à l'Assemblée nationale, la nécessité d'un caractère dissuasif pour certaines dispositions, et on pense qu'à l'égard des employeurs, c'est vraiment de cette nature de dispositions qu'il s'agit. Il faut bien se comprendre là-dessus, il n'y a pas un syndicat et il n'y a pas un salarié qui a intérêt à ce que son employeur soit condamné à payer l'amende. L'intérêt du salarié et du syndicat est que l'employeur respecte ses obligations. Ni le syndicat ni le salarié n'aura quelque avantage du fait que l'employeur est condamné à une amende, mais, si l'amende est assez dissuasive pour forcer l'employeur à respecter ces dispositions, l'association accréditée et les salariés pourront en tirer bénéfice.

M. Paradis: Une deuxième question qui touche votre intervention aux pages 29 et 30 de votre mémoire. Au bas de la page 29, vous mentionnez: "Nous sommes favorables à certains éléments nouveaux qu'on trouve à l'article 100.12 relatif aux pouvoirs de l'arbitre. C'est le cas des paragraphes e et g." Vous citez les paragraphes e et g. Le paragraphe e se lit comme suit: "Corriger en tout temps une décision entachée d'erreurs d'écriture et de calcul, ou de quelque autre erreur matérielle." Le paragraphe g: "Rendre toute autre décision propre à sauvegarder les droits des parties." Vous dites en commentaires: "II nous semble qu'en cette matière, on devrait également exprimer clairement que le tribunal d'arbitrage peut apporter toute réparation appropriée, le cas échéant."

Il me semble que, lorsqu'une décision est rendue dans l'intérêt des parties, soit patronale ou syndicale, il faut pouvoir se fier à cette décision pour pouvoir y réagir. Si le législateur élargit en incluant "toute réparation appropriée, le cas échéant", peuvent survenir entre le moment où la décision est rendue ou même dans des réflexions subséquentes du tribunal des choses qu'on pourrait juger comme une réparation appropriée et la décision perdrait son caractère décisionnel, justement. Dans toutes les lois, le législateur inclut: Corriger des décisions entachées d'erreurs d'écriture, etc. Les parties s'entendent là-dessus, tout le monde le demande. Mais c'est la première fois qu'on voit une demande d'ajouter "toute réparation appropriée". C'est assez large, comme demande.

M. Johnston: Personnellement, j'aimerais mieux demander à M. Jean-Marcel Lapierre de vous répondre là-dessus. Je ne suis pas certain que votre question soit clairement posée.

M. Paradis: Ce que je veux dire finalement, c'est, si vous permettez une précision, tout simplement, quand on parle de "toute réparation appropriée", est-ce que cela peut également toucher le fond? Alors que le fond...

M. Johnston: Quand on parle de réparation, il n'est pas question pour nous de dire à l'arbitre: Tu peux changer ta décision. Il s'agit du pouvoir de l'arbitre d'ordonner à l'employeur la réparation des effets d'une mauvaise application d'une convention collective, soit par une indemnité ou autrement. D'accord?

M. Paradis: D'accord. Cela va. Une dernière remarque. Vous êtes peut-être le seul intervenant qui l'ait mentionné jusqu'à maintenant - je n'en fais pas reproche aux autres - mais vous parlez de l'abrogation formelle de la loi 111 - cela va, on a des débats là-dessus, de l'autre côté, au salon bleu - et du retrait d'autres lois spéciales qui échappent à l'application de la charte québécoise des droits de la personne et qui sont toujours en vigueur. Je tenais à vous féliciter d'avoir pensé à cet élément de la charte des droits de la personne.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Brome-Missisquoi. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Votre mémoire est certainement un des plus fouillés qu'on ait pu entendre ici à la commission. Cela manifeste éloquemment de votre intérêt pour la réforme du Code du travail. J'aimerais savoir si vous considérez devoir être partie prenante, ce "task force" dont il est question entre les parties patronale, syndicale et gouvernementale, pour envisager une réforme plus en profondeur?

M. Johnston: Est-ce vraiment le seul

élément de votre question?

Mme Harel: Je reviendrai avec d'autres questions, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): D'accord1.

Mme Harel: À moins que je ne les pose immédiatement, si vous préférez. Alors, on y va, M. Johnston.

Compte tenu de cet intérêt, je m'explique difficilement votre retrait du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je me demande s'il y a une réflexion qui se poursuit actuellement à ce niveau dans votre organisation. Ma troisième question fait référence à une allusion que vous avez faite tantôt à la coalition pour...

M. Johnston: D'emploi et l'accès à la syndicalisation.

Mme Harel: L'accès à la syndicalisation. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Les organismes, ou la coalition elle-même, qui représentent des travailleurs et des travailleuses qui ne sont pas syndiqués et qui souvent, en fait, sont brimés dans leur droit à la syndicalisation, quelle est la façon la plus efficace pour que ces organismes soient entendus ou que la coalition puisse faire valoir son point de vue dans le projet de refonte majeur qui doit être mis en place?

M. Johnston: Je vais essayer de répondre à chacun des éléments de la question. Quant au "task force", je peux vous dire qu'on n'a pas de position arrêtée parce qu'il y a trop d'ambiguïté autour de la composition du mandat et du fonctionnement de ce type de groupe de travail. On examinera l'opportunité de participer ou pas à ce "task force" au moment où ces éléments auront été précisés. Il y a un intérêt certain pour nous à faire valoir notre point de vue dans le cadre d'une refonte du Code du travail qui pourrait être majeure. On aura à voir, selon le type de mandat et les circonstances dans lesquelles cela s'inscrira, si ce forum sera en mesure de nous donner les moyens requis pour faire correctement les représentations qui s'imposent concernant cette question sans se priver, par ailleurs, de la capacité d'intervenir à l'extérieur de façon autonome et indépendante.

Quant au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, je veux vous souligner que le retrait de la CEQ remonte à 1972. Il y a des motifs importants derrière cela. C'était lié, comme par hasard, à des événements qui ressemblaient un peu à ceux qu'on a vécus cette année. Aux alentours de 1972-1973, il y a eu trois lois spéciales qui ont été adoptées sur le dos des enseignants.

Également, on avait pu constater, comme par les années précédentes, que les dispositions spéciales qui s'appliquent dans les secteurs public et parapublic, comme par hasard, ne passaient jamais au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Les seules choses qui y passaient, c'étaient les choses à portée générale. Il y avait certainement une forme d'insatisfaction majeure à l'égard de l'attitude du gouvernement dans les relations du travail avec nos groupes qui justifiait cela.

Depuis ce temps, on a aussi articulé des positions autour de la représentation syndicale qui posent encore certaines difficultés d'interprétation à l'intérieur de la centrale. On sera sûrement appelé à discuter de ces questions, mais je vous signale tout de suite que le contexte de 1983, pour nous, ressemble encore étrangement à celui de 1972-1973.

Quant aux moyens ou à la façon d'associer la Coalition sur les normes minimales du travail et l'accès à la syndicalisation aux travaux concernant la refonte du Code du travail, on n'a pas eu l'occasion de réfléchir à cela. Je n'ai même pas eu l'occasion d'en discuter avec des représentants de la coalition. Je suis donc privé de moyens pour répondre à cette question. Chose certaine, chaque fois qu'il y a un forum public autour d'une refonte du Code du travail, à mon point de vue, il serait fort intéressant que ce groupe soit invité à venir donner son point de vue, puisqu'on a souvent l'impression, dans le public, au gouvernement et ailleurs, que les organisations syndicales, en faisant des revendications autour de l'accès à la syndicalisation, ne pensent qu'aux profits de l'organisation. Or, voilà des groupes, voilà des individus, des salariés qui ne sont pas organisés et qui ont des revendications qui, comme par hasard, sont en parfaite convergence avec celles du mouvement syndical québécois, notamment autour de l'accréditation multipatronale. Je pense qu'il y aurait un intérêt politique important à ce que, au moins, les forums publics soient accessibles à ce groupe.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Johnston. M. le député de Viau, en vous rappelant que nous devons quitter les lieux à 13 heures.

M. Cusano: Merci, M. le Président. C'est plutôt un commentaire qu'une question que je ferai à M. Johnston. J'ai posé la question à d'autres groupes qui sont venus ici à propos de l'article 45. Je voudrais seulement vous féliciter de ce que vous dites, à la page 16, au dernier paragraphe, lorsque vous proposez au gouvernement d'inclure dans le projet de loi 17 une disposition claire pour protéger le lien

d'emploi des salariés dans le cas de transfert d'entreprise. J'aimerais seulement vous féliciter, parce que, dans un sens, vous démontrez une ouverture générale et non pas un esprit de clocher seulement du côté des syndicats. Je vous félicite de cela, M. Johnston.

M. Johnston: M. le Président, vous me permettrez une remarque sur cette question. Compte tenu du fait que le Codé du travail ne s'applique en définitive qu'aux groupes déjà organisés ou en voie d'organisation -donc, dans des rapports très organisés, très structurés - je pense qu'il pourrait aussi y avoir intérêt à ce qu'une disposition de cette nature soit éventuellement introduite dans une disposition qui serait applicable aux travailleurs non syndiqués, dans la loi 126, entre autres, à une occasion où il serait possible de procéder à des modifications de cette nature, de telle sorte que cette protection soit applicable aux syndiqués et aux non-syndiqués.

Le Président (M. Blouin): C'est M. le député de Prévost, succinctement.

M. Dean: M. le Président, très brièvement, d'abord, je voudrais motiver mon arrivée en retard à cette commission par le fait d'avoir eu le rare privilège pour un député, ce matin, de déposer un projet de loi, celui constituant le fonds de solidarité des travailleurs du Québec, et d'avoir participé à une conférence de presse par la suite.

Je voudrais reprendre brièvement les paroles du ministre du Travail par intérim, disant que votre mémoire est très clair. On sait exactement où vous allez. Vous pouvez être sûrs qu'on portera beaucoup d'attention à vos recommandations.

En ce qui concerne vos commentaires au sujet de la deuxième phase de la réforme, je répète les paroles prononcées à plusieurs reprises par le ministre en titre, le député de Sherbrooke, en ce sens que les préparatifs sont actuellement en marche afin que cette deuxième phase démarre à l'automne avec le plus de rapidité et le plus de profondeur possible.

Ceci étant dit, il me reste à remercier les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec de leur participation et de la qualité de leur présentation.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Prévost et adjoint au ministre du Travail.

Sur ce, je me joins à ces remerciements, au nom de tous les membres de la commission, aux responsables de la Centrale de l'enseignement du Québec. J'invite les membres de la commission à se rendre immédiatement à la salle 81-A afin que nous entendions les représentants de l'Association des manufacturiers canadiens. Sur ce, nous suspendons nos travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise de la séance à 13 h 06)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous reprenons les travaux de la commission élue permanente du travail dont le mandat est de recevoir des groupes relativement au projet de loi 17 modifiant le Code du travail et diverses dispositions législatives. Nous allons compléter l'horaire de ces auditions en recevant les représentants de l'Association des manufacturiers canadiens.

Pour les fins du journal des Débats, je demande au responsable de cet organisme de s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent. Ensuite, nous entendrons son mémoire qui, je l'espère, ne prendra pas trop de temps afin que nous puissions ensuite avoir un échange productif avec les membres de la commission. Je dis que j'espère que vous pourrez présenter votre mémoire dans des délais acceptables afin que nous puissions avoir un échange intéressant avec les membres de la commission. Sur ce, je vous cède la parole.

Association des manufacturiers canadiens

M. Paquin (Sarto G.): Si j'ai bien compris, M. le Président, nous avons, je pense, jusqu'à 14 h 30 ou 15 heures?

Le Président (M. Blouin): Environ.

M. Paquin: Environ. Merci, M. le Président. Mon nom est Sarto Paquin. Je suis directeur des relations du travail de l'Association des manufacturiers canadiens. Il me fait plaisir de vous présenter, à ma gauche, Me Paul Jolin du bureau de Heenan, Blaikie, Jolin & Associés; à ma droite immédiate, M. Yves Trépanier, vice-président des ressources humaines de la Société d'aluminium Reynolds Canada Limitée et vice-président du conseil d'administration de l'AMC-Québec et, finalement, M. René Paquet, directeur du personnel et des relations industrielles pour le Québec pour la compagnie Stelco Inc. et également président du comité des relations de travail de l'AMC-Québec.

Avant de débuter, M. le Président, nous aimerions que notre mémoire soit déposé in extenso pour les fins du journal des Débats. Je pense que c'est une pratique courante.

Nous aimerions que le mémoire soit déposé tel quel, étant donné qu'on ne le lira pas. On aimerait qu'il soit déposé pour les fins du journal des Débats.

Le Président CM. Blouin): II est, de toute façon, déposé, au moment où nous nous parlons, au secrétariat des commissions.

M. Paquin: Merci. M. le Président, nous comprenons que les membres de la commission ont dû faire des pirouettes dans leur horaire pour nous permettre de nous faire entendre aujourd'hui et nous les en remercions.

Le Président (M. Blouin): Vous aussi, si je comprends bien?

M. Paquin: Nous aussi. Nous n'avons pas l'intention, M. le Président, de lire le mémoire que vous avez en main depuis quelques jours déjà. Nous allons vous en livrer quelques aspects et laisser davantage de temps, comme vous dites, pour les questions et pour la discussion.

Permettez-nous tout d'abord quelques mots très brièvement sur l'AMC-Québec. Nous comptons environ 2000 membres au Québec dont environ 75% représentent la petite et la moyenne entreprise. De façon globale, nous représentons environ 80% de la capacité manufacturière du Québec et, autre élément intéressant, nous avons au Québec huit chapitres ou huit divisions réparties à travers le Québec.

Il est admis de tous que l'urgence, s'il en est une présentement, c'est celle de l'économie qu'il faut pousser sur la voie de la relance et ainsi réduire le chômage. Il est admis également que la relance ne pourra pas avoir d'effets significatifs ni durables si elle n'est pas orientée vers la conquête de marchés extérieurs au Québec et au Canada. Il est de plus illusoire de compter sur ce protectionnisme pour permettre aux entreprises d'ici de vendre ici des produits qu'elles fabriquent à des prix supérieurs à ce que les gens pourraient payer pour de semblables produits venant d'ailleurs. Nous ne croyons pas qu'il faille donner aux entreprises d'ici des conditions telles qu'elles pourraient réussir sans effort, sans recherche, sans innovation. Nous croyons cependant qu'il faut créer un climat suffisamment propice pour que des gens veuillent investir parce qu'ils verront que leurs entreprises, moyennant des efforts qui équivalent à ceux que d'autres font ailleurs, auront des chances raisonnables de percer ici comme ailleurs.

Il nous semble paradoxal qu'au moment où l'on dit compter sur l'entreprise pour actualiser, au sens philosophique, la relance, on légifère pour, d'une part, lui donner de l'aide temporaire et lui imposer, d'autre part, des contraintes permanentes. Et à ce sujet, laissez-moi vous rappeler que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, M. Biron, déposait, il y a environ un an, un plan d'urgence dans le but d'aider la relance économique, dans le but d'aider le fonds de roulement, où l'on connaissait des problèmes majeurs pour la petite et la moyenne entreprise.

Dans son budget, M. Parizeau reconnaissait des problèmes également de cet ordre en disant qu'il y avait une sous-capitalisation dans les PME et qu'il fallait y faire quelque chose.

Le ministre du Travail déclarait, dans un communiqué de presse, et je cite: "Le projet de loi modifiant le Code du travail, une réponse à des urgences et une invitation à poursuivre une réflexion plus en profondeur sur la structure même des mécanismes prévus à ce code."

Nous avons, comme vous, lu tous les mémoires et entendu les propos de ceux qui ont témoigné avant nous devant cette commission. Or, aucun organisme n'a jusqu'ici invoqué - encore moins démontré - l'urgence à introduire les mesures incluses au projet de loi. La seule urgence - et elle a été constatée par tous ceux qui nous ont précédés - est celle d'une révision en profondeur du Code du travail.

Nous souscrivons, M. le Président, également à cette démarche pourvu que l'on n'aille pas identifier la refonte du Code à l'élargissement exclusif des pouvoirs des establishments syndicaux. Nous croyons qu'une telle refonte devra être précédée: premièrement, d'une analyse des droits que confèrent aux salariés les autres lois visant le travail; deuxièmement, d'une analyse en profondeur sur les causes de violence dans les conflits de travail; troisièmement, d'une analyse des conditions d'exercice de la liberté syndicale; quatrièmement, d'une analyse des motifs qui entraînent des délais d'accréditation et d'arbitrage et, cinquièmement, d'une analyse comparative des contraintes que les législations provinciales imposent aux employeurs.

Il nous semble qu'une telle démarche permettra de connaître les véritables causes des problèmes et, en conséquence, d'élaborer les solutions appropriées.

S'il s'avérait, comme certains le laissent entendre, que le bureau du commissaire du travail ait un surcroît de travail, a-t-on songé que la nomination d'un seul commissaire additionnel pourrait peut-être faire plus que le droit d'association, que l'accréditation sur majorité simple dont les employeurs ne veulent pas pour les motifs qui vous ont déjà été exposés?

De même, le renforcement des mesures "antiscabs", dont les employeurs ne veulent pas, aurait-il permis d'éviter certains actes de violence sur les personnes, actes commis à l'occasion d'une réunion politique à

Québec, ce printemps, au moment d'un conflit de travail? Nous reviendrons, d'ailleurs, sur cette question de la violence.

À-t-on réalisé qu'aucune des mesures -ni l'ensemble des mesures - prévues à la la loi 17 n'aurait empêché les événements qui ont obligé le gouvernement à mettre récemment un syndicat en tutelle à CTCUM?

Curieusement, pour éviter de telles situations d'urgence, l'enquêteur Jutras, il y a quelques mois seulement, n'avait suggéré aucune des mesures prévues au présent projet de loi, mais plutôt des mesures que le patronat cherche à promouvoir depuis des années.

À-t-on pensé que les mesures dilatoires que certains employeurs de PME adoptent, au moment d'une requête en accréditation, sont, à toutes fins, légitimes?

Partir en affaires, c'est vouloir être son propre patron, c'est vouloir mener ses affaires à sa guise et c'est légitime. Voir un syndicat s'implanter, c'est la vision apocalyptique, qu'on le veuille ou non, pour celui qui subit cette implantation. Bien plus, pour un chef d'entreprise, l'arrivée d'un syndicat est un constat d'échec. Il ne faut pas particulièrement être fier pour accepter de bon gré que ses employés ne soient pas satisfaits des conditions de travail qu'on leur fait. La réaction normale est de penser qu'il y a eu des interventions mystérieuses de l'extérieur et tout le tralala.

Et l'absence, dans bien des cas, du vote clair qui confirmerait le désir des salariés ne peut que le justifier dans ses prétentions. La contestation constitue son seul exutoire et lui donne le temps de s'ajuster à la nouvelle réalité. Une fois le syndicat admis et la convention signée, les choses ont tendance à se replacer.

Le ministre du Travail disait vouloir parer aux urgences et inviter à la réflexion. Tous admettent la réflexion, mais il nous est difficile d'admettre que la réflexion suive l'action. On ne fait pas les changements pour ensuite s'interroger sur les changements à faire. Cela est surtout vrai dans le contexte des relations de travail où les syndicats vénèrent la sacro-sainte théorie des droits acquis. Je ne songerais pas, par exemple, à m'acheter une Cadillac pour m'inviter à réfléchir plus en profondeur sur l'opportunité de m'acheter une Cadillac ou une Lada. S'il y avait urgence à ce que je m'achète une voiture, je m'assurerais de ne pas m'exposer à me retrouver dans une situation de non-retour avec un éléphant blanc sur les bras.

Nous reconnaissons donc qu'il y a des problèmes dans les relations de travail au Québec. Personne ne nous a démontré qu'il y avait eu une recherche sérieuse pour identifier les causes des problèmes. Le calme relatif que nous connaissons présentement dans les relations de travail et la promesse d'une commission pour l'automne rendent peu crédible le motif invoqué qu'il y a urgence d'agir. La théorie syndicale des droits acquis donne un caractère permanent aux amendements proposés dans le projet de loi 17, amendements qui, après la grande commission, pourraient s'avérer malvenus. Aucun des sondages récents n'indique que la population considère comme prioritaires les amendements proposés.

Nous voulons, pour conclure, prier M. le ministre de suspendre le processus visant à l'adoption du projet de loi 17. L'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec, l'assurerait en échange de sa très grande collaboration dans son vaste projet prévu pour l'automne.

M. le Président - et je termine là-dessus - en conclusion, un Code du travail, selon nous, doit être simple, clair, d'interprétation facile, d'application facile et doit respecter les droits fondamentaux des salariés - pas nécessairement des centrales -et des employeurs. Nous de l'AMC, on le désire, on l'attend, on en a besoin, on est prêt à collaborer pour y arriver, pourvu qu'on nous écoute, qu'on nous entende et qu'on nous démontre une réelle préoccupation de nos problèmes. Pour créer un climat propice à cette concertation, il faut que les travailleurs, les syndicats, les employeurs, la société en général prennent les moyens pour mettre un terme à la violence.

Avant de passer à la période de questions à laquelle vous nous avez invités tantôt, permettez-moi de demander à Me Jolin de vous faire part de nos réflexions sur la violence dans les conflits de travail.

Le Président (M. Blouin): Me Jolin.

M. Jolin (Paul): M. le Président, c'est toujours un peu délicat, dans une situation, quand on est le dernier à s'adresser soit à un tribunal, soit à un forum comme le vôtre parce que, dans la plupart des cas, le sujet a été, en long et en large, traité abondamment et, très souvent, avec beaucoup de compétence. C'est la raison pour laquelle, même si je professe la profession juridique, j'avais l'intention de vous soumettre certaines réflexions qui ne sont pas d'ordre juridique, mais qui sont le fruit de constatations faites au cours des 15 à 20 ans de pratique confrontée avec divers problèmes et en contact avec divers milieux. Les constantes dont je vous ferai part se dégagent nettement de l'expérience vécue et de commentaires recueillis au cours des années et plus particulièrement dans les dernières années, compte tenu de l'évolution de notre société.

Je me permettrai cependant quelques brefs commentaires sans aller plus loin sur le projet de loi que vous avez à étudier et qui est perçu, par les employeurs avec lesquels on transige, comme du rapiéçage, du travail

à la pièce, sans tenir compte de certaines contradictions qu'on peut déceler, sans tenir compte de l'ensemble de la législation sociale qui souvent se recoupe, se superpose, avec la conséquence que les employeurs ne savent plus où donner de la tête, ne savent plus comment se débrouiller, sans tenir compte aussi des conséquences juridiques, économiques et sociales du projet de loi qu'on s'apprête à adopter.

À notre humble avis, on ne règle pas notre problème, on le reporte. C'est la raison pour laquelle les employeurs qui sont le moindrement au fait de la situation souhaitent, comme M. Paquin vous l'a dit, une refonte en profondeur du code. Il serait important, avant que le gouvernement prenne la décision d'adopter ce projet de loi, qu'il réfléchisse au fait qu'on ne règle pas le problème, on le reporte, et plus on le reporte, plus il s'aggrave. C'est un peu l'expression populaire qu'on utilise à l'occasion: l'aspirine pour un mal de dents. Le lendemain matin, votre dent fait mal, elle est encore plus cariée que la veille et, un jour ou l'autre, vous aurez à la traiter. Plus vous attendez, plus ce sera sérieux, plus ce sera douloureux et plus cela coûtera cher.

Je voudrais vous entretenir de deux sujets. Si vous me permettez, je le ferai, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, non pas quant à l'aspect juridique, à l'exception d'un élément sur lequel je vous ferai une suggestion, mais quant à l'aspect pratique et social. C'est le phénomène de l'accréditation, d'une part, et le phénomène de la violence, d'autre part, qui me préoccupent énormément.

Quant à l'accréditation, j'ai l'impression qu'on a galvaudé, qu'on a véhiculé un certain nombre de caricatures, de demi-vérités, pour ne pas dire de faussetés, au cours des années. On blâme les employeurs. Bien sûr, il y a des employeurs qui ont des comportements répréhensibles, mais mon expérience me permet de dire que c'est loin d'être la majorité et que les quelques employeurs qui se permettent des écarts sont souvent mis en évidence pour en faire un cas, un cas qu'on tente de généraliser fréquemment.

Bien sûr aussi, il y a des avocats, des procureurs ou des représentants patronaux qui ont des comportements ou des attitudes qui pourraient laisser à désirer, mais j'estime une chose: ce n'est pas la majorité. Et on ne parle pas de la majorité, parce que la majorité des procureurs a un comportement convenable, même si ceux-ci représentent des intérêts opposés, différents ou qui divergent de ceux que les employés peuvent manifester ou que les syndicats peuvent exprimer. Les commissaires au travail, les juges du Tribunal du travail, les fonctionnaires, cela fait une belle jambe de blâmer tout ce monde parce que cela évite de se regarder soi-même.

Celui qui blâme évite de faire une autoanalyse et d'examiner sa propre situation. Cela plaît à la masse de ramasser les juges, de ramasser les avocats, de ramasser les commissaires et de ramasser les "boss", mais cela ne règle pas le problème pour autant. C'est souvent injuste, souvent exagéré et cela nous évite d'examiner le véritable problème.

M. le Président, avant d'adopter toute modification à ce titre, j'estime qu'on devrait examiner ensemble et que le gouvernement devrait analyser le caractère de l'employeur québécois. La grande majorité de nos entreprises est incluse dans ce qu'on appelle la PME, souvent le fait d'un propriétaire unique, soit d'un individu, soit d'une famille, soit d'un petit groupe de gens. Au Québec, cet employeur, c'est un individualiste, un "self-made man", paternaliste à l'occasion, méfiant souvent et, chose qu'il ne faut pas oublier, c'est aussi un plaideur. On a tous un peu de Beauceron dans le corps et cela me fait penser un peu à un client qui se présentait à M. Robert Cliche et qui lui présentait une cause. Robert lui disait: Tu sais, cela peut être long et cela peut coûter cher. Il a dit: Robert, plaide ou gagne, je vais en appel. Il était prêt à plaider jusqu'à la Cour suprême.

Nos grandes sociétés, sur lesquelles on est en train de vouloir calquer un code qui s'adapterait plutôt à des grandes sociétés, sont familières avec le phénomène de l'accréditation et de la syndicalisation; elles ont des techniciens ou des spécialistes pour les aider et les conseiller, elles ont du personnel formé et prêt à faire face à ce phénomène alors que la PME ne l'a pas. Il faut se demander aussi, chez la PME, quelle est l'image ou quelle est la perception syndicale du petit employeur. Pour le petit employeur, la syndicalisation est la catastrophe. Ce que je vous dis là, je l'ai vécu régulièrement dans mon cabinet, soit moi ou mes associés. C'est la catastrophe, c'est l'échec de sa vie parce que c'est une attaque personnelle. C'est un constat d'échec dans sa vie professionnelle, parce qu'il n'a pas su donner à ses salariés les conditions de travail susceptibles de les rendre heureux. Il apprécie mal le phénomène. Il le perçoit mal. Il est incapable d'en saisir tous les tenants et aboutissants. Je ne dis pas qu'il a raison. C'est important de se demander quelle est la perception qu'a votre vis-à-vis de ce que vous dites. Vous pouvez avoir raison si vous affirmez une chose. Mais, il faut que vous teniez compte de la façon dont votre vis-à-vis va percevoir ce que vous dites.

C'est un peu - je ne blague pas -comme un père de famille dont le fils unique ou l'enfant unique est atteint d'une maladie incurable et fatale et à qui on l'annonce. Il faut leur voir la tête lorsqu'ils entrent dans

nos cabinets avec une requête en accréditation. Pour eux, c'est le drame. Il n'y a pas de prix pour leur défense. Tous les moyens sont bons. Qu'est-ce qu'on fait?

Il y a deux choses: ou on embarque avec lui et on l'embarque - permettez-moi l'expression - dans un processus judiciaire long, coûteux, fastidieux et dont toutes les parties sortiront perdantes, ou bien on tente de le convaincre - cela se fait beaucoup plus souvent que les gens peuvent le penser - que le phénomène n'est pas si dramatique. On tente de lui faire accepter le phénomène et on tente de lui montrer comment vivre avec ce nouveau phénomène, avec ce nouveau partenaire qu'est un syndicat dans une entreprise.

Est-ce qu'on peut blâmer le petit employeur, le propriétaire de PME d'avoir cette réaction? J'estime que non, M. le Président. Tout ce qu'il connaît du syndicat ou des syndicats, c'est ce qu'il lit. Si vous lisez les journaux du dernier mois, il n'y a pas là une description rassurante du phénomène syndical. C'est malheureux parce qu'on ne retrouve dans les nouvelles que ce qui souvent constitue l'exception. En général, il n'est pas si mauvais de vivre avec un syndicat, au contraire. Il y a des cas malheureux et c'est souvent de ces cas-là qu'on entend parler. Vous entendrez rarement un employeur de PME se vanter que le syndicat chez lui va bien, qu'il s'entend bien avec le syndicat. Vous allez plutôt entendre parler le propriétaire qui a des problèmes.

Or le nouvel accrédité, ce qu'il sait du phénomène syndical, c'est ce qu'il lit ou ce qu'il entend et c'est rarement positif. C'est pour cela qu'il a cette réaction. Ce n'est pas facile de lui faire comprendre que le phénomène n'est peut-être pas aussi dramatique ou aussi fatal.

Je vais vous donner un exemple. J'ai vécu la fameuse grève de Reynolds. J'y ai été impliqué et nous avons assisté à un déferlement de violence absolument incroyable, injustifié, inadmissible et inacceptable. Je n'en ferai pas le procès ici. Sauf une chose: tentez de vous imaginer la réaction d'un propriétaire d'une entreprise moyenne de la Mauricie qui, dans une période contemporaine aux événements de la Reynolds, reçoit un matin, par courrier recommandé, une requête en accréditation. Tentez de lui expliquer que le phénomène syndical n'est pas si dramatique, tentez de lui expliquer que, dans une très grande majorité de cas ou un très grand nombre de cas, un employeur et un syndicat peuvent s'entendre, vivre et cohabiter de façon convenable. Cela va prendre du temps avant de lui expliquer et de lui faire accepter le phénomène. Notre rôle comme procureur, plus souvent qu'on ne le pense, c'est d'amener l'employeur à accepter ce phénomène. Ce sont les raisons pour lesquelles, à notre avis, raccourcir les délais n'aidera pas au phénomène de la syndicalisation. À mon avis, c'est une erreur que de ramener à cette mécanique la solution aux problèmes de la syndicalisation. (13 h 30)

Vous pourrez court-circuiter les délais, vous pourrez précipiter le processus, vous pourrez forcer l'employeur à accepter, mais j'ai l'impression que c'est comme un mariage forcé, cela ne fera peut-être pas des enfants bien forts. Si vous lui laissez le temps d'accepter, d'assimiler ce phénomène, j'estime que le résultat à moyen et à long terme sera beaucoup plus positif, sera beaucoup plus fécond et pourra susciter des relations de travail convenables. C'est la raison pour laquelle j'invite le gouvernement à réfléchir avant de modifier les délais. Il y aurait peut-être lieu de demander aux parties syndicales ou à certaines d'entre elles de faire un effort pour être capables de projeter une image un peu plus sécurisante ou un peu moins angoissante pour le petit et moyen employeur, de sorte que, lorsqu'elles auront à déposer une requête en accréditation et à transiger avec un employeur, la réaction chez ce dernier sera peut-être moins vive et moins négative.

Ceci étant dit, j'aimerais vous parler quelques instants, si vous me permettez, des dispositions "antiscabs" et particulièrement de la violence. En 1977, sauf erreur, lorsqu'on a adopté les dispositions "antiscabs", l'objectif principal était de mettre fin à la violence. Il s'agissait d'une transposition, à mon avis, inexacte des dispositions législatives de la Colombie britannique. On est allé bien au-delà de ce qu'il y avait en Colombie britannique, mais, au cours des échanges que personnellement j'ai pu avoir avec certains hauts fonctionnaires ainsi que d'autres en ont eus, on avait prévenu que cela ne changerait pas la situation. Malgré ce que les gens vous ont dit ici devant la commission, j'estime que, toute proportion gardée, le phénomène est resté le même et s'est même aggravé. On a peut-être moins de cas ou de conflits où il y a de la violence, c'est parce qu'il y a moins de conflits. Mais il y a autant de violence qu'il y en avait avant et elle s'exprime de façon fort différente, et ce qu'il y a de malheureux, c'est qu'elle s'exprime maintenant contre les salariés. Le plus bel exemple, c'est le dernier conflit de la CTCUM où il y a des salariés qui ont été menacés pour les empêcher soit de s'exprimer, soit d'entrer au travail alors que la loi et la convention collective le leur ordonnaient. À ce moment, il faut protéger non seulement l'employeur, mais aussi les salariés. Je crois que c'est le devoir du gouvernement d'y voir.

Pourquoi cela n'a-t-il rien changé? Parce qu'à notre avis, la violence est rarement le fruit d'une situation pourrie. On

voudrait que ce soit le cas, on tente de faire croire que c'est le cas, mais ce n'est pas le fruit généralement d'une situation pourrie. La violence, aujourd'hui, c'est un objectif en soi. C'est un moyen pour gagner une négociation, pour promouvoir une cause qui est souvent étrangère à la négociation et souvent étrangère au bien-être des salariés pour lesquels les deux parties négocient. Cela sert aussi souvent d'un moyen pour provoquer une répression qui elle-même servira à nouveau de prétexte à intensifier la violence, que ce soient l'injonction, l'intervention policière et l'obligation pour certains employeurs de se servir de personnel de protection. À ce moment, c'est un nouveau prétexte à violence et c'est l'escalade.

On se sert aussi de la violence à l'occasion ou on tente de s'en servir pour forcer la main du gouvernement, et vous avez été témoins des incidents qui sont survenus l'automne et l'hiver dernier. Je n'ai pas besoin d'expliciter davantage. Quand on se laisse forcer la main, on accrédite le fait, malheureusement trop répandu maintenant, que, pour obtenir quelque chose, il faut de la violence. Très récemment, c'est une déclaration faite à l'occasion du problème de Madelipêche par un technicien en pêcherie -je ne me souviens plus de son titre - sur les ondes de Radio-Canada, je crois, ou quelque chose du genre. Je m'excuse, je n'ai pas le texte. Il disait: Maintenant, il va peut-être falloir séquestrer les ministres pour obtenir quelque chose ou bloquer des routes parce que la négociation n'obtient rien. C'est grave, quand on en est rendu au point, M. le Président, où on est en train d'accréditer la croyance que, pour obtenir quelque chose, qu'on y ait droit ou non, ce n'est que par la violence. Par une offensive publicitaire splendide, subtile, planifiée, orchestrée, voulue dans certains milieux et par certains individus ou groupements, on tente de faire croire que la violence est la conséquence des conflits de travail, est causée par l'attitude des employeurs et est l'expression du désespoir des salariés. Il y sûrement des cas où c'est vrai, mais mon expérience me permet de constater que, dans la plupart des cas, tel n'est pas le cas.

Nous pensons, M. le Président, que pour mettre un terme à la violence, ce n'est pas en modifiant les dispositions antibriseurs de grève, ce n'est pas en brimant ce que nous estimons être un droit fondamental de l'employeur d'exploiter son entreprise, quelles que soient les circonstances. C'est plutôt en adoptant certaines mesures législatives pour démasquer, dénoncer, punir ceux qui veulent la violence, ceux qui l'orchestrent, l'utilisent et la répandent. Ces gens sont connus de certains de vos ministères et on se demande pourquoi on n'est pas encore intervenu aujourd'hui.

On va vous donner des exemples. À la

CTCUM récemment, il n'y avait pas de briseurs de grève et il y a eu de la violence. Reynolds Aluminium, au Cap-de-la-Madeleine: pas de briseurs de grève; dommages matériels considérables, vandalisme, assauts sur la personne, etc. Plus contemporain, Direct Film: six ou sept magasins saccagés, pas de briseurs de grève, négociations qui se sont déroulées relativement bien, conflits de travail. Aucun briseur de grève, six ou sept magasins saccagés. Et lorsque vous regardez les photos de famille, vous vous rendez compte que vous ne reconnaissez pas un salarié et qu'une seule personne sur les 25 ou 30 qui sont là est impliquée dans le conflit à titre de conseiller spécial. Pas de salariés. Est-ce cela les salariés en colère?

La violence est fomentée, voulue, orchestrée, utilisée, manipulée par des gens pour qui le bien-être des salariés ne nous apparaît pas être la principale préoccupation, mais elle l'est pour nous, les employeurs, M. le Président, parce qu'on en est victime. On paie pour et nos salariés aussi. On tient à nos salariés plus qu'on ne le pense. On voit nos salariés empêchés de s'exprimer, menacés, bousculés et on est intéressé à ce que cela cesse et à ce que les employeurs qui provoquent la violence - s'il y en a qui le font - disparaissent aussi et qu'ils soient aussi punis que ceux qui fomentent la violence.

Personnellement, j'ai été victime de violence et je vais vous' dire une chose: Je ne tolérerai pas qu'ils provoquent la violence chez mes clients. Mais quand on est frappé, quand on nous cause des dommages, quand on détruit nos installations, quand on frappe nos corps, qui souvent n'ont rien à voir avec la négociation, comme dans le cas de Reynolds, à coups de pied et à coups de poing, au vu et au su de la police, je vais prendre les mesures pour me protéger, et je provoque.

On nous a accusés après de provocation, alors qu'on se défendait, tout simplement. Il n'y avait pas de briseurs de grève, il n'y a pas eu - pour utiliser l'expression populaire - d'escouade de bras, il n'y a rien eu. On a fabriqué cela en partie durant le conflit, avec les cadres. Jamais on n'a eu de gens de l'extérieur. Par ailleurs, on a eu de la violence pendant neuf ou dix mois, et à chaque étape aiguë de violence, il y a eu une intervention différente, ce qui accréditait malheureusement la croyance que la violence amène des résultats.

Une solution. J'estime, M. le Président, qu'il faudrait d'abord une volonté politique qui serait le fruit d'un consensus des élus, d'un consensus de l'establishment gouvernemental de mettre fin à la violence. Ce n'est pas facile, j'en conviens. Il faudrait aussi sévir contre les employeurs qui violent la loi. On nous a donné des cas, on nous a fait état de cas d'employeurs qui auraient violé la loi et qui n'auraient pas été

poursuivis. Poursuivez-les, ceux qui violent la loi. Mais il faut faire attention quand on définit les mots "briseurs de grève" parce que, dans la plupart des cas que j'ai lus, je crois que ce sont les cadres qui continuaient à fonctionner. Mais si on embauche des gens de l'extérieur aux fins de remplacer des salariés en grève, qu'on poursuive les employeurs qui violent la loi. Qu'on tente d'éliminer aussi ceux qui fomentent la violence et qu'ils ne jouissent pas de l'impunité dont, dans les faits, malheureusement, ils jouissent actuellement. Nous suggérons au gouvernement de créer à l'égard de ceux qui causent ou qui participent à la violence une présomption de fait. Vous allez voir que vous allez éliminer substantiellement les phénomènes de violence. Ceux qui participent à une "manif" - pour prendre l'expression connue - au cours de laquelle des actes de violence sont posés, soit contre des biens, soit contre des personnes, qu'on crée contre eux une présomption non pas au sens du Code criminel, parce qu'on aurait des problèmes de juridiction, mais au sens du Code du travail, en termes de responsabilité contre ceux qui participaient et contre le syndicat en place parce que, souvent, vous ne pouvez pas les identifier. Ils arrivent en groupe, ils s'affichent d'une centrale ou d'autre, mais, une chose est certaine, vous ne pouvez pas identifier tel ou tel individu. Créez une présomption comme vous en avez créé une contre les employeurs dans le cas de congédiements pour activités syndicales.

C'est sûr que créer une présomption, c'est un accroc aux droits des individus, j'en conviens, mais vous en avez créé une contre les employeurs avec raison, parce qu'il est souvent impossible ou, à tout le moins, difficile pour un salarié congédié d'établir que c'était pour des motifs antisyndicaux. D'accord. Faites la même chose en faveur de l'employeur et je vous dis que vous allez réduire la violence dans la très substantielle partie. Ce qui va arriver, c'est que le salarié qui se laisse manipuler, le pauvre type qui se laisse "embarquer" dans ces manifestations ou expressions de violence, vous allez le mettre dans une situation où il ne se laissera pas manipuler de cette façon. Je vous certifie que, dans peu de temps, vous allez mettre un terme à la violence. C'est essentiel parce que actuellement l'image que les employeurs ont du syndicat, c'est cette image malheureuse.

La PME ne pourra pas résister à un conflit qui pourrait être déclenché par un syndicat particulièrement vorace. Le fonds de roulement d'une PME, vous le savez, est de quelques semaines et, tôt ou tard, elle sera obligée de fermer ou de plier. J'estime que les conséquences des dispositions que vous vous préparez à adopter pourraient être désastreuses et catastrophiques au point de vue économique. Avant de procéder à des amendements à la pièce, je soutiens respectueusement que le gouvernement songe sérieusement à mettre son projet en veilleuse pour examiner ensemble le phénomène de la violence, examiner la possibilité d'une refonte complète du code et, à l'aide des parties et du gouvernement, obtenir un consensus pour repartir ou recréer un climat de travail qui sera au bénéfice de tous: les salariés d'abord et les employeurs. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Me Jolin et M. Paquin. Alors, M. le député de Prévost et adjoint au ministre du Travail, vous avez la parole.

M. Dean: M. le Président, au cours de la double présentation des représentants de l'Association des manufacturiers canadiens, il m'est venu à l'esprit quelques commentaires et peut-être quelques questions ou demi-questions que j'aimerais poser. J'ai surtout constaté avec un peu de perplexité et je me suis demandé comment je pourrais trouver un terrain d'entente avec ce qui vient d'être dit, cette série de principes. Certaines conclusions ne semblent pas découler de ces ententes de principe et finissent par me mêler. Peut-être que c'est seulement moi qui suis mêlé, à la fin. (13 h 45)

II est de l'évidence même que les entreprises rentables, concurrentielles, en santé et qui fournissent des emplois stables doivent préexister à toute velléité d'organiser un syndicat et de négocier une convention collective. En langage populaire, il faut avoir une "job" avant de pouvoir exercer son droit d'association ou de négocier une convention collective. Là-dessus, il n'y a sûrement pas de discussion de la part du gouvernement -étant un député - ni de moi-même. On est d'accord - j'ai fait un exposé l'autre jour -sur le fondement de notre droit de travail qui est exactement identique au vôtre. Les deux principes de base de la législation du travail au Québec, comme ailleurs en Amérique du Nord, sont la liberté d'association et la reconnaissance de la convention collective entre employeur et employés comme une façon normale d'établir des salaires et des conditions de travail chez nous comme ailleurs.

Il y a un certain nombre de choses que les interlocuteurs de l'Association des manufacturiers canadiens ont dit sur la violence en général ou sur certains cas particuliers. Encore là, il y a des terrains d'entente indiquant ce que sont les faits. Toutefois, il me semble qu'on exagère peut-être ou qu'on utilise quelques cas pour créer une impression. Je pense que, s'il est vrai que la plupart des conventions collectives se règlent sans bruit et sans heurt par une entente, ce sont des minorités de cas qui

finissent par des conflits.

Si on s'entend pour dire que c'est une minorité d'employeurs qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour contrevenir aux bonnes pratiques et violer la loi, s'il est vrai que c'est une minorité de syndicats, dans certains cas, malheureusement, qui abusent de ces prérogatives ou qui adoptent des stratégies incorrectes légalement, socialement et au détriment de la stabilité de certaines entreprises, il me semble qu'un des objectifs de la loi est justement d'éliminer les comportements inacceptables de part et d'autre.

Il ne faut pas non plus mêler des grèves légales et des grèves illégales. Malgré que je ne puisse contester le droit de l'Association des manufacturiers canadiens d'invoquer plusieurs cas qui touchent le secteur public quand ils représentent 80% des entreprises manufacturières, je ne peux pas vous empêcher d'invoquer ces cas, mais il me semble qu'on aurait pu s'attendre, ce matin, que l'Association des manufacturiers canadiens parle plus particulièrement des expériences vécues dans le secteur manufacturier.

J'ai surtout été un peu surpris de constater - vous êtes le dernier intervenant -que vous êtes le seul organisme qui ne reconnaît pas ou qui n'a pas encore reconnu devant notre commission que, effectivement, depuis la loi antibriseurs de grève, on a connu une réduction des situations de violence, des situations déplorables, lors des grèves.

Je me pose une question - je vous demanderai de me donner des explications là-dessus dans votre réponse - quant à la règle de la majorité absolue. Je dois souligner que le projet de loi ne permet une "déviation" de la règle de la majorité absolue que dans les cas où il y a deux, trois ou quatre syndicats impliqués. Dans une première requête, c'est la règle de la majorité absolue. Mais lorsqu'il y a un syndicat en place et que les travailleurs ou un groupe de travailleurs décident de se donner ou d'essayer de se donner un autre syndicat, selon la solution proposée à ce problème, il y a un premier tour s'il y a plus de deux syndicats. On élimine, on finit avec deux tours entre deux syndicats, un en place et un qui veut prendre sa place.

Quels seraient les commentaires de l'Association des manufacturiers canadiens sur une situation où, à la suite d'un vote entre deux syndicats, à cause de l'absence d'un petit nombre de travailleurs le jour du vote, le résultat serait très serré, disons 47% ou 46%, tandis qu'au départ, beaucoup plus de la moitié, beaucoup plus de 50% des travailleurs étaient syndiqués, voulaient rester syndiqués et, par le fait même, être regroupés dans un syndicat ou l'autre? En quoi cela peut-il favoriser la libre association et les bonnes relations de travail d'avoir des cas bizarres où, à défaut de 1% ou 2% de majorité, à cause de quelques absences, un groupe de travailleurs qui avaient au départ un syndicat et ce, depuis longtemps, ayant manifesté un désir de changer de syndicat, se retrouvent à la fin du vote sans syndicat du tout? En quoi cela peut-il favoriser le respect du droit d'association et le maintien des relations harmonieuses? Prenons le cas de Valcartier qui est peut-être 18 plus frappant où un syndicat de la FTQ était en place: un groupe de travailleurs tente de se donner comme instrument la CSN, un autre groupe de travailleurs tente de se donner en même temps le syndicat de la CSD. Tous ces travailleurs avaient au moins une carte sinon deux cartes syndicales entre les mains ou dans leur poche et, à la fin du procédé, il n'y a plus de syndicat du tout parce qu'aucun des trois n'a pu dégager... Dans ce cas-là, on pourrait présumer que 100% des travailleurs voulaient demeurer syndiqués et ils se retrouvent sans syndicat du tout. Encore là, on trouve dans votre exposé qu'il y a une judiciarisation excessive, des procédés longs et fastidieux - ce sont vos mots - d'accréditation syndicale.

Quand on regarde les statistiques du ministère du Travail, en 1972, 65% des dossiers d'accréditation se réglaient au niveau de l'agent d'accréditation. C'était la façon la plus rapide de régler, la première étape de l'accréditation. En 1982, il n'y a que 35% des dossiers qui se règlent au niveau de l'accréditation. Quand on regarde le code actuel, pour que le dossier passe de l'agent d'accréditation au commissaire du travail, il faut une batterie de stratégies dont je n'évoque que quelques exemples: contestation de l'unité de négociation, congédiement d'un ou de plusieurs travailleurs, formation d'associations de boutique, pour provoquer des procédures longues, fastidieuses, judiciarisées qui finissent dans bien des cas par l'épuisement des deux parties, et quelquefois, dans le cas de petites entreprises, par l'épuisement financier des deux parties.

Je voudrais vous poser une question en référence à vos remarques. Il est sûr et certain que la majorité des employeurs se comportent bien vis-à-vis de nos lois de travail. C'est toujours une minorité qui agit mal. Mais si on ne peut pas utiliser la loi pour empêcher une minorité de mal agir, est-ce que l'Association des manufacturiers canadiens a fait des efforts internes dans la grande famille des entreprises, des pressions morales, des tentatives d'autodiscipline où les entreprises qui se comportent bien essaient de convaincre celles qui se comportent mal d'essayer de s'améliorer? Est-ce que l'Association des manufacturiers canadiens pourrait nous éclairer sur ce sujet? J'essaie d'être le plus bref possible.

Je vous dirai que, tant au nom du ministre et député de Sherbrooke, qui est malheureusement malade, qu'en mon nom et au nom de mes collèges, nous sommes aussi désireux que l'Association des manufacturiers canadiens d'amorcer cette deuxième phase, de chercher un nouveau consensus à la lumière des conditions des relations patronales-syndicales en 1983 et peut-être de regarder ailleurs au Canada pour trouver d'autres modèles d'organismes, que vos membres, dans d'autres provinces, connaissent et vivent, comme piste possible de solution à nos problèmes de relations de travail.

Encore là, vous n'aurez sûrement pas de discussion de notre part.

J'ai essayé d'ouvrir des portes pour que vous puissiez nous livrer vos réflexions sur certaines de ces questions.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, M. le député de Prévost. Messieurs.

M. Paquin: M. le Président, je vais répondre en partie et je vais laisser mes amis compléter.

M. le député de Prévost, je suis d'accord au moins sur une chose que vous dites, à savoir que, avant de commencer à accréditer du monde et avant de commencer à négocier avec du monde, il faut des jobs. Là-dessus, on n'a pas de problème, on s'entend bien. Mais le problème, il est là justement.

Que vous le vouliez, ou non - on parlait mardi dernier dans le salon rouge d'un climat social - il faut améliorer le climat social. Qu'on le veuille ou non, M. le ministre, l'image qu'on projette en termes de climat social est malsaine. À tort ou à raison, elle est malsaine, que ce soit au niveau des investisseurs éventuels ou que ce soit au niveau des personnes qui sont ici et qui désireraient continuer d'investir.

Vous nous parlez d'un terrain d'entente, M. Dean. Il m'a semblé très clair, dans une réponse donnée par M. Laberge, le président de la Fédération des travailleurs du Québec, et je ne peux la citer mot à mot - le journal des Débats est là pour confirmer ce que je veux dire - lorsque M. Laberge disait que les dispositions antibriseurs de grève pourraient faire hésiter certains investissements, bien, je pense qu'il y a un début de terrain d'entente ou, du moins, il y a un début d'affirmation de part et d'autre à savoir que ça va causer certains problèmes, certains problèmes d'ordre économique, d'ordre social et autres.

M. Dean, je pense que vous connaissez assez bien l'AMC et assez bien notre objectivité dans les discussions que nous avons souvent eues avec vous et avec d'autres personnes d'autres ministères. On n'est pas ici pour exagérer et on n'est pas ici pour créer une impression. On vous a fait une certaine nomenclature de cas plus tôt. Bien sûr, que ce n'est pas exhaustif mais ce qu'on a essayé de vous faire réaliser, c'est ce qui se passe en réalité. Vous dites que vous reconnaissez depuis un certain temps une certaine diminution de la violence. M. Jolin a dit tantôt qu'une des raisons pouvait être qu'il y avait moins de conflits. À ce sujet, je vais lui passer la parole, si vous me le permettez.

M. Jolin: M. le député de Prévost, si vous me le permettez, pour répondre en partie à une de vos observations, je partage avec vous le point de vue que vous émettiez selon lequel la majeure partie ou la très grande partie des conventions collectives se règle sans conflit ou sans violence. Ceux qui adoptent la stratégie que vous avez qualifiée de stratégie de violence sont en minorité, j'en conviens. Cependant, ce qui nous inquiète, du côté des employeurs, c'est le fait que cela semble vouloir se répandre et que dans une certaine mesure - permettez-moi l'expression - la violence semble vouloir gagner des lettres de noblesse. Je m'explique. (14 heures)

La violence se manifeste sous d'autres formes. On a peut-être moins d'attentats sur la personne qu'il y a quelques années, on a peut-être moins d'attentats spectaculaires, à quelques exceptions près, mais elle s'exprime d'une façon différente, d'une façon plus subtile. À cause de l'impunité dont semblent jouir ceux ou celles qui la professent, l'utilisent, la répandent, ces gens-là sont en train de gagner dans certains milieux un statut de vedette. Il fallait voir, l'autre matin, sur le pont Jacques-Cartier, la manifestation qu'il y a eu et qui bloquait la circulation. C'est une forme de violence. Je ne vous dis pas qu'elle est la plus spectaculaire, qu'elle est la plus condamnable. J'ai trouvé le procédé ingénieux mais on a violenté X milliers de personnes. Il fallait voir la tête des gens qui menaient la manifestation, avoir le statut de vedettes après. Il faut avoir vu poser certains gestes de violence pour voir comment les gens qui les avaient posés avaient le statut de héros. Je pense au conflit Reynolds en particulier où, sans aucune raison, sans aucun motif, on s'est laissé aller à une orgie de violence. C'est cela qui est inquiétant, M. le député. On est en train d'accréditer cette valeur de violence. C'est cela qui inquiète l'employeur.

C'est ce qui me ramène à votre deuxième question, qu'il n'y a que 35% des requêtes en accréditation qui se règlent par l'agent d'accréditation. Pour l'employeur moyen - on ne parle pas des grandes sociétés, je parle de l'employeur moyen typiquement québécois - sa perception du phénomène du syndicalisme est, en grande

partie, qu'on lui arrache les tripes, qu'on lui enlève ce qu'il a de plus cher, mais il y a aussi cette perception, il a la trouille. Quand il a une requête en accréditation, tout ce qui lui vient à l'esprit, dans l'immense majorité des cas, c'est cette trouille. Il a peur. Il s'imagine qu'on va lui démolir son entreprise, dans tous les sens du terme. Ce n'est sûrement pas en totalité mais, en bonne partie, une explication qui peut justifier le fait que l'employeur est moins disposé à accepter, dans son entreprise, la présence d'un syndicat. Je n'ai pas les statistiques en main. Je les tiens pour acquises. Je ne doute pas que celles que vous avez sont exactes, mais il serait important, au-delà des chiffres, de tenter de savoir de l'employeur pourquoi il conteste. Il serait intéressant, si le ministère amorçait une enquête là-dessus, de savoir pourquoi il s'oppose. Quelquefois, il va s'opposer pour les motifs énumérés à l'objection formulée. D'autre fois, c'est pour des motifs probablement autres. Il serait intéressant de savoir, M. le Président et messieurs les députés, pourquoi il s'oppose. Est-ce de l'antisyndicalisme viscéral? N'est-ce pas plutôt la perception qu'il a du syndicalisme, la crainte qu'il a, qui est, je suis d'accord avec vous, souvent mal fondée, souvent incorrecte, souvent injuste, mais on ne peut pas empêcher les gens d'avoir une perception. Il faut tenter de dissiper cette mauvaise perception. Il y a divers moyens qu'on peut utiliser. Il serait intéressant que le ministère fasse une enquête là-dessus pour tenter de connaître les motifs réels.

Vous nous avez souligné qu'on n'a pas soulevé de conflit privé. Evidemment, je ne suis pas en possession de toutes les statistiques, mais je vous en désigne quelques-unes. Je vous ai parlé de Reynolds et je vais vous parler maintenant de Biscuits David, de Direct Film. Il y en a d'autres. Vous avez la Régionale Saint-Bruno. Que ce soit légal ou illégal, la manifestation est la même, vous savez. La violence est la même. Elle ne se justifie pas, à mon humble avis, plus dans un cas que dans l'autre. Elle s'explique peut-être mieux dans un cas de conflit illégal ou de grève illégale. Mais il reste quand même qu'elle est là.

Quand les dames, à Saint-Bruno, se sont fait violenter, elles exerçaient le droit le plus fondamental de travailler et de respecter la loi. Je ne dis pas qu'on les a frappées au point qu'elles ont dû être hospitalisées mais, quand même, cela a été une manifestation de violence. Vous connaissez quel sort la presse a réservé à cette manifestation. Cela a fait les manchettes. Le conflit n'est pas plus pardonnable, qu'il soit légal ou illégal. À mon avis, la résultante ou la manifestation est la même. C'est la raison pour laquelle les gens que nous représentons expriment de fortes réserves sur l'à-propos de l'adoption des dispositions antibriseurs de grève.

M. Paquin: À votre question, M. Dean, à savoir si l'AMC fait des efforts internes ou ce que vous appelez des tentatives morales ou de l'autodiscipline vis-à-vis de ses membres, je peux vous répondre sans aucune ambiguïté: oui. Au risque de perdre du "membership", les mauvais employeurs ne nous intéressent pas. Je suis là depuis quatre ans, et l'employeur qui m'appelle pour me demander comment on fait pour se débarrasser d'un syndicat, je lui réponds carrément qu'il ne s'adresse pas à la bonne instance. Nous ne sommes pas des antisyndicaux. . Au contraire, nous avons d'excellentes relations avec eux.

Sur cette question, je pense que M. Trépanier voudrait ajouter un aspect également.

M. Trépanier (Yves): M. le Président, je pense qu'il faut voir, dans le mémoire qu'on a présenté de même que dans les interventions qu'on a faites jusqu'ici, de la part de l'AMC, un souci d'honnêteté dans le présent débat. Nous ne parlons pas ex cathedra. Nous ne parlons pas dans l'absolu. Nous disons que, si on reconnaît avec vous que des problèmes existent et si on reconnaît avec vous où sont les problèmes, ce que, nous, on ne sait pas de façon absolue, de façon certaine, c'est les causes de ces problèmes. On croit que des enquêtes sérieuses ou des recherches sérieuses n'ont pas été faites pour déterminer les causes des problèmes et qu'en conséquence on est loin d'être sûr que les solutions proposées soient les solutions appropriées aux problèmes.

Maintenant, si les gens du ministère ont fait des recherches pour savoir quelle était la cause de la violence, quels étaient les motifs pour lesquels il y avait des délais à l'accréditation et les motifs pour lesquels il y avait des délais à l'arbitrage, par exemple, nous, on ne les a pas, ces données. Le sens de notre position est qu'il faut qu'on fasse ces recherches, qu'on établisse clairement les causes du problème. On va travailler avec vous pour découvrir ces causes. On va collaborer. On pourra ensuite élaborer des solutions qui seront appropriées.

Le grand problème, pour un employeur - on l'a dit dans le mémoire que M. Paquin vous a lu tout à l'heure - s'il adopte les mauvaises solutions dans le domaine des relations du travail, où tout ce qu'on concède par législation ou par convention devient aisément des droits acquis, il aura fait un pas dans la mauvaise direction et il ne sera pas capable de revenir.

Sur un autre point, très brièvement. C'est le député de Prévost qui posait la question: Est-ce que vous parlez aux membres? Je pense qu'il n'y a aucun

organisme qui a fait ce que l'AMC-Québec et l'AMC-Canada ont fait au cours des derniers mois. On a publié un document, que vous avez probablement tous entre les mains, qui s'appelle: La concurrence dans le village terrestre, où on attribue aux employeurs 90% peut-être des problèmes qu'on connaît. On n'a pas mis là-dedans la faute sur le syndicat, on n'a pas mis la faute sur les gouvernements. On a dit: On est responsable en grande partie des problèmes qu'on a. Ce qu'on dit cependant aujourd'hui, au moment où il se fait des propositions de modifications au code: si les solutions qui sont proposées ne sont pas les bonnes, cela ne nous aidera pas à corriger la situation.

Dans les derniers mois, je pense qu'on a fait preuve - en tout cas et dans le mémoire qu'on a présenté - d'une grande honnêteté. On dit: Cherchons à savoir quelles sont les causes et on va travailler avec vous et avec d'autres pour apporter les solutions appropriées.

M. Johnson (Anjou): M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je remercie le député de Brome-Missisquoi de me permettre d'intervenir. J'avertis tout de suite nos invités que je devrai quitter dans quelques minutes à cause d'un problème d'horaire et compte tenu du déplacement de la commission.

Je vous remercie, messieurs de l'AMC, de nous avoir présenté ce mémoire. Nous allons continuer d'analyser les dispositions qu'on y retrouve, particulièrement à compter de la page 15.

Je sais aussi, M. Trépanier et M. Paquin, les efforts qui sont faits par votre association en termes de prise de conscience, de développement d'une certaine solidarité, et de conscience que c'est ensemble qu'on va régler certains des problèmes économiques au Québec. Je sais que vous faites des efforts dans ce sens-là. On en a eu des échos. Vous avez l'admiration de bien des gens dans le gouvernement en ce que vous tentez de faire.

Néammoins, à l'égard de la question de la violence, j'aurais juste quelques commentaires très rapides à formuler, entre autres, à M. Jolin. La violence, d'abord, ce n'est pas le fait exclusif du Québec. J'espère qu'on va se mettre cela dans la tête comme il le faut. On peut peut-être faire notre mea culpa des fois parce qu'il y a de la violence. Je vous invite à aller faire un tour en Colombie britannique. J'y suis allé à quelques reprises. Vous avez déjà vu cela des chantiers sauvages dans la construction? Vous irez voir en Colombie britannique.

Deuxièmement, vous irez faire un tour dans le Mid-West américain. Vous irez faire un tour sur l'ensemble du continent, et vous allez vous rendre compte des phénomènes de violence. Un des dangers qui nous guettent au Québec, c'est de s'imaginer que c'est bien épouvantable et que cela se passe seulement chez nous. Je pense qu'il y en a moins ici qu'il y en a ailleurs sur le continent. Je pense qu'entre autres, parmi les dispositions qui ne sont pas étrangères à cela, il y a les dispositions de 1977 à l'égard des dispositions antibriseurs de grève. Je ne prétends pas que c'est exclusivement à cause de cela, mais je pense que cela a eu un effet objectivement.

Deuxièmement, la violence se manifeste souvent par des actes criminels. Quand elle se manifeste par des actes criminels, bon Dieu, il y a un Code criminel, il y a des tribunaux et il y a des juges qui sont supposés s'occuper de cela. C'est aux citoyens de se tenir debout et de faire ce qu'ils ont à faire. Quelqu'un qui fait une agression sur la personne, quelqu'un qui démolit et qui fait des méfaits publics, il faut s'en occuper en vertu du Code criminel.

Troisièmement, il y a une caractéristique évidente à l'égard de la violence, qui est souvent la durée des conflits. Reynolds, Ménasco, Direct Film, la Biscuiterie David sont des dossiers que vous connaissez bien, M. Jolin, qui ont duré respectivement neuf, onze et quatre mois pour les deux derniers. Il ne faut pas s'étonner qu'à l'occasion, dans des dossiers comme ceux-là, il arrive certains épisodes où les gens sont tendus. En dehors de ce dossier et peut-être un ou deux autres - je ne parle pas des secteurs public et parapublic où il y a eu des grèves illégales, et c'était déjà illégal, il ne fallait pas s'étonner qu'il y ait certains éléments de violence - je pense que vous ne pourriez pas m'en nommer beaucoup.

Je dis donc à l'égard de la violence: oui, elle existe. Je pense qu'elle existe ici à moindre degré qu'ailleurs. Je pense qu'il y a un énorme problème de perception dans le monde patronal et il est très dangereux que certains des procureurs spécialisés dans ce domaine alimentent ces perceptions et ces appréhensions de l'ensemble des entreprises à l'égard de ce qu'est ou n'est pas un syndicat. Je pense que c'est un phénomène important qu'il ne faut pas perdre de vue. Par ailleurs, inutile de dire que dans la mesure où on se présente au monde entier face à nous-mêmes, d'une part, et au monde entier comme étant une place où ça va bien mal, après cela il ne faut pas se retourner de bord et dire: C'est effrayant, la perception pour les autres, les investisseurs, nos voisins, le monde du Vermont, etc., est mauvaise. Il faut commencer quelque part.

Ceci dit, tout cela n'empêche pas que votre association, encore une fois, qui a fait, je pense, des travaux remarquables depuis un certain nombre d'années, particulièrement

depuis sept ou huit mois, fasse avancer les choses dans un contexte différent et dans un contexte - je le dirai tout de suite - si on ne se donne pas la main et si on ne se sert pas les coudes dans certaines choses, qui va générer la violence dans notre société. Ne pensez pas que les Québécois vont rester tranquilles pendant dix ans si on continue d'avoir du chômage au niveau où il est là. Il va falloir qu'on en sorte à un moment donné. Mais pour en sortir, il faut regarder en avant. Il ne faut pas toujours regarder en arrière. Il ne faut pas toujours regarder les affaires qui sont les pires.

Ceci dit, je pense qu'il y a des positions fort légitimes de votre point de vue que vous défendez dans votre mémoire. Nous les étudierons. Je ne dis pas que nous pourrons en tenir compte dans tous les cas. Je vous remercie de vous être présentés M. Trépanier, M. Paquin, M. Paquet et M. Jolin.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: À moins qu'il y ait une réplique immédiate aux commentaires du ministre, je suis prêt.

Le Président (M. Blouin): Je crois que chacun a émis de part et d'autre son avis.

Je vous cède la parole, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Je vous remercie, premièrement, de vous être présentés, d'avoir préparé un mémoire qui couvre les aspects de principe ainsi que les aspects techniques du projet de loi qui est devant cette commission. L'organisme que vous représentez est un organisme impressionnant. Vous avez mentionné au début que vous représentez 80% de la capacité manufacturière du Québec. Cela donne autant de poids aux arguments de principe et aux observations techniques qui sont contenus dans votre mémoire. Plus spécifiquement, si on se retrouve à la page 7 dudit mémoire, dans le chapitre "Les dispositions antibriseurs de grève", vous soulignez, au premier paragraphe: "Nous croyons que l'amendement proposé concernant les dispositions antibriseurs de grève est destiné à accentuer le déséquilibre déjà amorcé en 1977 et à faire franchir à la législation ouvrière du Québec le seuil de l'inacceptabilité nord-américaine, si ce n'est déjà fait."

Vous avez, comme employeur ou les employeurs que vous représentez, devrais-je plutôt dire, un droit de lock-out qui vous est reconnu. Les dispositions antibriseurs de grève visent à donner au droit de grève une applicabilité, une contrepartie à ce droit de lock-out. De quelle façon pouvez-vous nous parler de déséquilibre?

M. Trépanier: Elle se situait, je pense, dans ce paragraphe. On parle de concurrence avec les autres fabricants qui se trouvent ailleurs au Québec mais principalement dans les autres provinces canadiennes et dans les États américains, principalement dans les États du nord-est américain.

Sans être des spécialistes de ce domaine, à quelle place ailleurs y a-t-il des lois antibriseurs de grève? Colombie britannique, où on va légiférer pour interdire la présence de briseurs de grève professionnels, payés avec prime, pour remplacer les travailleurs qui sont en grève ou lock-out.

Mais à part cela où, ailleurs dans les autres provinces, y a-t-il des lois antibriseurs de grève? Dans quels États américains retrouve-t-on cela? Je ne sais pas. Il y en a peut-être à quelques endroits mais on ne le sait pas. Au Québec, on a cela, et on trouve que malgré cela, la violence est tellement importante qu'il y a un problème urgent de venir légiférer pour porter encore plus loin les interdictions de faire faire du travail en cas de conflit.

On me dit: Nous avons déjà quelque chose que les autres n'ont pas. C'est nécessairement une contrainte. Si ce n'était pas une contrainte, ce ne serait pas là. C'est nécessairement une contrainte et on va poser une contrainte additionnelle. Et curieusement, c'est le ministre des Affaires sociales qui disait, tout à l'heure, qu'il y a plus de violence. Une autre province canadienne, la seule je pense qu'il a mentionnée où il y avait de la violence, c'était la Colombie britannique où il y a aussi des lois antibriseurs de grève, mais plus limitées. Alors je voudrais savoir quelle est la cause et quel est l'effet? C'est peut-être une boutade mais...

M. Paquin: Si vous permettez. Sur la question du droit de lock-out, on dit que cela va accentuer le déséquilibre. Il ne faudrait pas oublier une chose, c'est que le droit de lock-out est un moyen de défense contre la grève. Laissez-moi vous expliquer. Quand une compagnie est en grève et qu'elle commence à connaître un peu de violence et qu'elle commence à connaître un peu de brisage de vitres, un peu d'intimidation et tout ce que vous voulez, l'employeur n'a pas d'autre choix que de faire un lock-out. S'il y en a qui ont dans l'esprit que droit de grève d'un côté et droit de lock-out de l'autre, cela s'équilibre, c'est totalement faux. C'est plus un moyen de défense pour l'employeur. Le rapport des forces n'est pas là.

M. Paradis: Vous avez fait un long exposé sur la violence et une des conclusions que vous en avez tirées est l'absence de volonté politique. Vous avez dit - j'ai pris des notes, je n'ai pas le journal des Débats

non plus à cause des délais: Poursuivez ceux qui violent la loi, éliminez ceux qui fomentent la violence. Vous avez laissé sous-entendre - j'aimerais des précisions là-dessus - que le gouvernement du Québec sait qui, dans certains milieux, fomente cette violence. Est-ce une affirmation que j'ai bien comprise ou est-ce une supposition que je fais?

M. Jolin: Je me suis peut-être mal exprimé mais ce que, de toute façon, je voulais dire était ceci: Pour en venir à éliminer autant que possible - il ne faut pas faire d'angélisme, il y aura malheureusement toujours de la violence - la violence, j'ai dit que cela supposait ou j'ai voulu dire que cela supposait une volonté politique de le faire. Je n'attribue pas l'exclusivité de cette volonté politique au gouvernement en place, quel qu'il soit. C'est aux parties en place: le gouvernement, les employeurs et les parties syndicales qui veulent éliminer la violence. Je tiens à préciser une chose: Mon expérience me permet de constater, sans avoir de statistiques encore, que le fait de la violence n'est pas le lot de tous les syndicats. Au contraire. Je suis d'accord pour admettre que c'est le lot d'une minorité agissante, peut-être importante, qui prend peut-être plus de place qu'elle ne devrait, mais bon nombre de syndicats ne se laissent pas aller à la violence, ne la tolèrent pas, ne la cautionnent pas, ne s'en servent pas ni ne la fomentent. Elle peut arriver. Elle peut survenir dans certains cas, mais je sais des instances syndicales ou des structures syndicales qu'elles ne la tolèrent pas et qu'elles font tout ce qu'elles peuvent pour l'éliminer. Malheureusement, ce n'est peut-être pas le lot de toutes ou de tous.

Pour être bien juste, si on me permet une observation, je ne prétends pas que les amendements à l'article 77 n'ont eu aucun effet. Ce que je prétends, comme constatation, c'est qu'ils n'ont pas eu tout l'effet désiré. C'est ce qui nous amène à dire que, avant d'adopter d'autres dispositions ou de resserrer celles qui existent pour "enfarger" l'employeur, l'empêcher de survivre en temps de conflit, il serait peut-être bon qu'on analyse les causes de la violence et qu'on recherche ceux qui en sont responsables.

Le gouvernement ne cautionne sûrement pas la violence, j'en suis convaincu. Sauf que j'estime que le gouvernement a les moyens policiers ou autres pour démasquer ceux qui la fomentent, qui l'utilisent, et tenter de les mettre hors d'état de nuire. Mais, malheureusement, il y aura sûrement des cas où cela ne sera pas possible. Mais qu'on se donne les outils pour tenter d'y arriver. Ce n'est pas en empêchant l'employeur de produire qu'on y arrivera.

M. Paradis: Vous parlez, à ce niveau, d'inclure une suggestion que vous faites, une présomption de fait contre ceux qui pratiquent la violence. Vous en faites une espèce d'équilibre ou contrepartie à la présomption que l'employeur a concernant le congédiement pour activités syndicales. Est-ce que vous ne croyez pas que ces présomptions, dans l'ensemble, dans un Code du travail, dérogent aux règles de droit normales et qu'on peut, à partir du moment où on accepte le principe de la présomption, tomber justement dans une escalade de présomptions?

M. Jolin: Je ne crois pas qu'on tomberait dans une escalade de présomptions. Cependant, je prétends - je suis d'accord avec vous, M. le député - qu'il s'agit là d'une exception à la règle générale et à la règle normale. Mais vous adoptez des exceptions ou des dispositions particulières pour ceux ou celles qui ont des comportements particuliers. Dans certains cas, le législateur a adopté des présomptions pour permettre à celui qui était victime d'une situation et qui n'était pas en état, normalement, d'établir les éléments de preuve nécessaires pour asseoir sa réclamation ou sa position, il lui a accordé une présomption qui entrait en jeu à la suite de certaines conditions.

Vous avez l'exemple du piéton heurté par un véhicule. Comment voulez-vous demander à un piéton qui se fait frapper par un véhicule en arrière d'identifier le chauffeur, de donner la vitesse, etc. Vous l'avez créé dans la loi. Vous l'avez créé dans le cas de congédiements pour activités syndicales, parce que - je pense qu'il y a un certain consensus là-dessus - il est difficile, sinon impossible, pour un salarié d'établir lui-même la preuve que son employeur l'a congédié pour ses activités syndicales. Soit. Mais dans ce cas-ci, il est évident qu'on est dans la quasi-impossibilité d'établir hors de tout doute, non seulement la présence, mais la participation de certaines personnes à des actes de violence. Ce serait créer une présomption qui émarge de la règle de droit normale pour des gens dont le comportement émarge ou détonne par rapport à un comportement normal moyen.

M. Paradis: Je reviens à votre mémoire, à la page 13, sous le chapitre "L'exode", où vous dites ce qui suit: "Pour se soustraire aux effets néfastes de telle législation, les entreprises n'auront d'autre choix que de s'installer, du moins en partie, dans d'autres provinces. Comment expliquer autrement le développement remarquable de parcs industriels situés en périphérie du Québec, Hawkesbury, par exemple".

On entend souvent parler d'exode des entreprises. Certains les attribuent à la

fiscalité québécoise qui serait plus lourde et non concurrentielle avec celle de nos voisins. Certains l'attribuent à des abus au niveau de la législation linguistique. Vous, vous semblez l'attribuer au Code du travail. Sur quoi vous basez-vous pour attribuer cet exode au Code du travail?

M. Paquin: On l'attribue aussi au Code du travail. Je ne veux pas faire le procès de tout ce que vous avez dit, mais la loi 101, la taxation, les droits successoraux, enfin, la panoplie habituelle de ce que les associations patronales vous disent, à cela on ajoute les dispositions du Code du travail.

J'espère pouvoir vous présenter à l'automne, à la commission parlementaire qu'on nous promet sur la refonte en profondeur, des études comparatives sur ce qui se fait et ce qui existe ailleurs en termes de plusieurs éléments dont, entre autres, le Code du travail. Alors, la combinaison de tout cela dans l'esprit d'un investisseur... Permettez-moi une parenthèse. Quand j'étais à l'université et qu'on nous donnait les critères pour implanter une usine quelque part, on disait: la proximité des matières premières, la main-d'oeuvre et le transport - il me semble, parce que c'est loin. Maintenant, les investisseurs disent aussi: Le climat social, c'est quoi? Le climat des relations du travail, c'est quoi? Et d'autres climats. Alors, c'est aussi cela. Informez-vous, pour le "fun", en périphérie du Québec, du nombre de demandes que vous avez. On parle de Hawkesbury, on aurait pu en mentionner d'autres. Informez-vous du nombre de demandes de compagnies québécoises pour aller s'installer ailleurs et quels sont les avantages, etc. Je dis: Informez-vous pour le "fun", mais ce n'est pas comique.

M. Joliru M. le Président, me permettez-vous...?

Le Président (M. Blouin): M. Jolin, je l'ai signalé aux membres de la commission et je vous le signale à vous également, nous devons terminer nos travaux à 14 h 30, alors, nous en sommes à la conclusion.

M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Le ministre a mentionné dans sa propre conclusion: II faut commencer quelque part; il faut regarder en avant. Trouvez-vous, dans le projet de loi 17, qui n'est pas encore adopté, que cela semble être le regard vers l'avant, que ce sont des mesures propres à stimuler l'économie et à assurer soit le maintien ou la création d'emplois?

M. Trépanier: Je pense que la réponse qui s'impose est non. Si on me permet d'ajouter seulement une phrase, c'est qu'on ne voit pas l'urgence d'adopter maintenant ces mesures. Selon ce que certains nous disent, qu'on est dans une période de calme relatif, qu'il y a moins de conflits qu'il y en avait, que l'été s'en vient et que la commission arrivera à l'automne, alors, s'il y a tout cela, si ce n'est pas si grave, Seigneur, attendons quelques mois!

M. Paradis: Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci. Très bien. Il est presque 14 h 30. Une autre commission doit prendre notre place à 14 h 30. Alors, sur ce, je me fais le porte-parole de tous les membres de la commission... Un dernier mot, M. Paquin?

M. Paquin: M. le Président, on voulait simplement, encore une fois, comme on l'a fait au début, remercier les membres de la commission. On vous remercie beaucoup de nous avoir donné la chance de présenter notre mémoire.

Le Président (M. Blouin): Je vous remercie également de votre grande disponibilité et de votre apport à ces travaux.

Sur ce, la commission parlementaire du travail a complété le mandat qui lui avait été confié par l'Assemblée nationale. Je demande donc maintenant au rapporteur de cette commission, M. le député de Vachon, de faire rapport dans les meilleurs délais à l'Assemblée nationale. Nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 14 h 29)

Document(s) associé(s) à la séance