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(Onze heures trente-neuf minutes)
Le Président (M. Blouin): La commission permanente du
travail commence ses travaux.
Je vous indique tout de suite que le mandat de cette commission est
d'entendre des groupes relativement au projet de loi 17, Loi modifiant le Code
du travail et diverses dispositions législatives.
Les membres de cette commission sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie),
Cusano (Viau), Dean (Prévost), Johnson (Anjou); Mme Harel (Maisonneuve);
MM. Lafrenière (Ungava), Champagne (Mille-Îles); Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie); MM. Payne (Vachon), Paradis (Brome-Missisquoi), Rivest
(Jean-Talon), Marquis (Matapédia).
Les intervenants de cette commission sont: MM. Bélanger
(Mégantic-Compton), Fortier (Outremont), Leduc (Fabre), Pagé
(Portneuf), Polak (Sainte-Anne), Proulx (Saint-Jean), Vaugeois
(Trois-Rivières).
Sans plus tarder, je vais vous indiquer l'ordre du jour pour ce vendredi
10 juin 1983. Nous allons d'abord entendre les représentants de la
Centrale de l'enseignement du Québec au salon rouge qui sont
présents dans la salle. Nous entendrons ensuite, à la salle 81-A,
à compter de 13 heures, les représentants de l'Association des
manufacturiers canadiens et nous devrions mettre fin à nos travaux, je
présume, vers 14 h 30 ou 15 heures.
J'invite donc les représentants de la Centrale de l'enseignement
du Québec à se présenter à la table des
invités.
Pour les fins du journal des Débats, je demanderais au
responsable de la centrale de s'identifier et d'identifier les personnes qui
l'accompagnent. Je demanderais qu'on nous présente le mémoire en
une vingtaine de minutes. J'invite également les différents
partis, le parti gouvernemental et les partis de l'Opposition, à faire
preuve de la même discipline que celle que nous vous demandons afin de
pouvoir terminer nos travaux vers midi et quarante-cinq, le temps de changer de
local.
Vous avez la parole.
M. Johnston (Raymond): Je suis Raymond Johston, quatrième
vice-président de la CEQ. Je voudrais vous présenter les gens qui
m'accompagnent. À ma gauche, Mme Danielle Lavallée, membre de
l'exécutif de la Fédération du personnel de soutien de la
CEQ; à ma droite, toujours vers la droite,
M. Jean-Marcel Lapierre, conseiller juridique de la CEQ; M. Pierre
Lamoureux, membre de l'exécutif du SPGQ qui est en entente de services
avec la centrale, et à l'extrême droite, physiquement, M. Robert
Tarini qui est membre de l'exécutif de la commission des enseignants de
commissions scolaires de la CEQ.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Nous vous
écoutons.
M. Johnston: M. le Président, étant conscient qu'il
s'agit d'un dossier très important et, en même temps,
délicat où des nuances s'imposent, malgré qu'on m'ait
indiqué qu'il y avait probablement eu une lecture préalable qui
avait été faite, je vais essayer de faire une présentation
la plus complète possible de notre position. Si jamais ça prenait
une couple de minutes de plus que prévu, je compterais sur votre...
Le Président (M. Blouin): Vous connaissez quand même
les balises.
M. Johnston: Oui. J'y vais rapidement. Dans l'introduction, M. le
Président, on a eu connaissance de certains événements
entourant notre comparution à la commission parlementaire qui nous ont
indiqué que ce n'était pas clair pour tous que la CEQ avait un
intérêt dans ce dossier ou que la CEQ pouvait apporter une
contribution significative dans ce débat. C'est pourquoi nous avons
présenté, en introduction, un texte qui reproduit essentiellement
la situation de l'ensemble des membres que nous représentons.
Il y a certaines catégories de membres qui sont régis par
le régime sectoriel de négociation instauré par la loi 55,
notamment les enseignants, les professionnels, le personnel de soutien des
commissions scolaires à l'exception de deux commissions scolaires dans
le Grand-Nord, les personnels de même nature, enseignants, professionnels
et personnel de soutien au niveau des cégeps. On représente
également des éducatrices et éducateurs de certains
établissements du secteur des affaires sociales, du personnel des
services de garde dans le milieu scolaire qui peut être assimilé
à du personnel de soutien dans certains cas, et enfin des professionnels
du gouvernement représentés par le SPGQ en entente de services
avec la centrale.
Mais, par ailleurs, la centrale représente aussi d'autres
catégories de membres qui ne sont pas couverts par ce régime
spécial et qui sont donc régis par le régime
général de négociation: du personnel enseignant, du
personnel professionnel et du personnel de soutien d'universités et
d'institutions privées d'enseignement, du personnel de
cafétéria dans les commissions scolaires et ailleurs - quand je
parle de personnel de cafétéria, il ne s'agit pas de personnel
salarié de commissions scolaires, mais de personnel salarié de
sous-traitants des commissions scolaires - du personnel professionnel et
administratif des conseils régionaux de loisir et des organismes
nationaux de sport et loisir et enfin du personnel de bibliothèque
régionale. Cette présentation n'est pas inutile puisque cela sert
à démontrer qu'avec, notamment, le développement de
certains secteurs où on a déjà un certain nombre de
membres, les dispositions du Code du travail visées par le projet de loi
17 concernent, à un titre ou à un autre, une catégorie de
nos membres actuels et, avec le développement en cours, les membres
éventuels.
Tout ce monde-là vit les problèmes de relations de travail
régies par le Code du travail. Il vit des représailles pour
activités syndicales - il y a une cause en suspens -des problèmes
d'accréditation et de transfert d'entreprises. Ces groupes
négocient des conventions collectives et, dans certains cas, recourent
à la conciliation; dans d'autres cas, ils recourent à l'arbitrage
général de différends prévu au code et, depuis ces
dernières années, avec des nouveaux groupes, même à
l'arbitrage de la première convention collective. Les problèmes
d'arbitrage des griefs sont des problèmes quotidiens et répandus
pour l'ensemble des groupes. Parmi les organismes qui comparaissent devant
cette commission, nous sommes probablement le seul groupe qui soit
touché par des amendements à la Loi sur l'instruction publique
qu'on retrouve aux articles 102 et 103 du projet de loi 17. Tout cela vise
à établir l'intérêt qu'on a à faire des
représentations devant cette commission.
Mon exposé, M. le Président, sera découpé de
la façon établie à la table des matières:
l'accès à la syndicalisation, les représailles pour
activités syndicales, l'accréditation, le transfert d'entreprise,
la convention collective, l'arbitrage des différends et l'arbitrage de
la première convention collective, l'arbitrage des griefs et les
dispositions antibriseurs de grève, pour terminer sur une brève
conclusion.
Sur l'accès à la syndicalisation, une réforme du
Code du travail devrait faire de ce code un instrument efficace pour permettre
l'exercice du droit d'association. Le droit de se syndiquer ne peut être
considéré comme effectivement reconnu lorsque les lois du travail
ne permettent pas de s'organiser en syndicat sans faire face, dans une
très grande partie des cas, à une lutte longue, pénible,
au cours de laquelle des syndiqués, victimes de représailles, ne
seront rétablis dans leurs droits - quand ils le seront -
qu'après un long débat judiciaire.
Pendant ce temps, comme nous le signalions dans le mémoire commun
présenté avec la CSN le 28 février 1977, l'employeur, dans
beaucoup de cas, a réussi à briser les reins de l'organisation
syndicale et à faire suffisamment peur aux autres travailleurs pour les
rendre dociles.
Il n'est pas plus facile de se syndiquer en 1983 que ce ne
l'était il y a cinq ou six ans. Nous pensons toujours et plus que jamais
que des mesures efficaces doivent être adoptées pour permettre et
faciliter la syndicalisation. C'est dans cette perspective que nous allons
commenter les articles du projet de loi 17 au sujet de la protection des droits
syndicaux et de l'accréditation.
Dans le chapitre des représailles pour activités
syndicales, on s'attardera particulièrement à six dispositions du
projet de loi 17: l'article 92 et les articles 2, 3, 4, 5 et 7.
Le recours actuel en cas de congédiement pour activités
syndicales prend beaucoup de temps et ne constitue pas une protection
adéquate du droit d'association. Même si un employé est
réintégré plusieurs mois après un
congédiement pour activités syndicales, l'action de l'employeur a
eu ses effets. Nous avons, depuis plusieurs années, recommandé
que la loi spécifie qu'en période d'organisation syndicale, avant
de congédier un employé ou de prendre toute autre mesure
disciplinaire, l'employeur devrait être tenu d'obtenir une
décision du commissaire du travail, ce qu'on appelle le statu quo ante,
en période d'organisation syndicale. Une telle mesure est
nécessaire pour favoriser l'exercice du droit d'association et la
commission parlementaire, quant à nous, devrait faire une recommandation
dans ce sens.
À l'article 92, on a noté que le projet de loi amende
l'article 130 du code de manière à rendre les ordonnances de
l'article 15 exécutoires, malgré l'appel. Il s'agit là
d'un amendement qui améliore une situation qui avait grandement besoin
d'être améliorée. Nous sommes tout à fait favorables
à cette modification, mais nous sommes convaincus que les
problèmes d'exercice du droit d'association requièrent aussi et
davantage que l'employeur doive obtenir une décision en période
d'organisation avant de recourir à une mesure prévue à
l'article 15.
Concernant les articles 2 et 3 du projet, on constate que l'article 2,
en modifiant l'article 14 du Code du travail, élargit le champ des
mesures prohibées. Il élargit également le champ des
pratiques de
représailles auxquelles le commissaire du travail peut
remédier. C'est l'effet de l'article 3 du projet. Ce sont là
également des mesures nécessaires pour protéger le droit
d'association. Elles doivent être conservées. Ce droit de recours
au commissaire du travail devrait d'ailleurs être étendu au refus
d'embaucher. D'ailleurs, on a eu connaissance qu'un avant-projet de loi
proposait d'introduire l'article 15.1 qui comprenait cette extension à
l'embauche quant à cette protection. Le Code canadien du travail offre
cette protection à l'embauche à l'article 184 du code. Nous ne
voyons pas les raisons qui empêcheraient le gouvernement du Québec
et l'Assemblée nationale de l'accorder également.
Concernant l'article 4 du projet de loi 17, en matière de
délai pour déposer une plainte, le délai de quinze jours
de l'article 16 est nettement insuffisant. En le portant à 30 jours, le
gouvernement introduit une amélioration intéressante. Ce
délai sera ainsi semblable au délai prévu pour le
dépôt d'une plainte de congédiement illégal en vertu
de la Loi sur les normes du travail et de la plainte de l'article 227 de la Loi
sur la santé et la sécurité du travail. Cette mesure n'est
pas non plus exagérément généreuse, le Code
canadien du travail prévoyant 90 jours.
À l'article 5, quant à l'étude de la plainte, nous
déplorons que l'interprétation donnée par la Cour
suprême à l'article 17, dans l'arrêt Lafrance contre
Commercial Photo, ne permette pas au commissaire du travail de tenir compte de
toutes les circonstances de l'affaire et le limite à déterminer
s'il y a une cause sérieuse. Là-dessus, je pense que les membres
de la commission pourraient consulter avantageusement une étude
jurisprudentielle qui a été faite sur le glissement de la notion
de "cause juste et suffisante" dans ces cas-là et comprendre, à
partir de là, le sérieux de notre position. Cette
interprétation réduit donc la portée des dispositions
adoptées par la Législature du Québec, dispositions
auxquelles le juge Marc Brière avait donné toute l'extension qui
doit s'inférer des termes utilisés.
Nous suggérons donc aux membres de cette commission de
recommander de rétablir la véritable signification de cet article
et de donner au commissaire du travail les pouvoirs qui lui permettront de
tenir compte de l'ensemble des éléments complexes qui forment la
trame des problèmes de relations du travail. Ce but pourrait, il nous
semble, être atteint en ajoutant, après l'expression "cause juste
et suffisante" de l'article 17, les mots "compte tenu de toutes les
circonstances de l'affaire".
Quant au pouvoir de remédier aux effets des pratiques dont il est
saisi, nous croyons que le commissaire devrait pouvoir, en plus de ce qui est
prévu, ordonner le paiement d'une indemnité couvrant tout
préjudice résultant du congédiement, de la suspension, du
déplacement, de la sanction, des mesures discriminatoires ou des
représailles.
Quant à l'article 7 du projet de loi, un amendement à
l'article 19 établit le pouvoir du commissaire du travail d'ordonner le
paiement d'un intérêt. Cet amendement viserait à mettre fin
à l'incertitude qui prévaut à ce sujet. Cependant, on
signale qu'il y a eu une décision du juge Burns, dans l'arrêt
Turgeon et Marchand contre Brunet -Lasalle Corporation - les taxis Lasalle -
qui permettait d'espérer une solution équitable de ce
problème.
L'amendement apporté, qui établit comme règle
générale le taux légal, n'accorde pas la compensation
à laquelle un salarié devrait avoir droit pour la perte subie. Le
taux légal, on le sait, est de 5%. Le juge Laskin, de la Cour
suprême, avait déjà, en parlant des situations où
l'on peut considérer que le taux d'intérêt est fixé
par la loi, écrit sur cette question-là pour dire que la loi,
quand elle ne comprend pas de disposition, n'est pas limitative. Le juge Burns,
dans sa décision, après avoir examiné les arrêts
pertinents de la Cour suprême, élimine l'intérêt au
taux légal comme solution et s'exprime comme il apparaît dans
notre mémoire. Je vais passer cette partie du mémoire pour
permettre de gagner un peu de temps.
Faut-il conclure - quand on analyse les dispositions du projet de loi 17
- que la règle générale à l'avenir sera le paiement
d'un intérêt qui n'est même pas convenable? Pourquoi
laisserait-on au commissaire du travail la discrétion de verser le
complément d'intérêt entre l'intérêt
légal et l'intérêt prévu en vertu de la loi du
ministère du Revenu? Sur quels critères se fondera-t-il pour
déterminer qu'il y a lieu de verser une telle indemnité? On pense
qu'il s'agit là d'une solution boiteuse. Quant à nous, on
préférerait que soit appliquée la règle qui existe
présentement au code en ce qui concerne les arbitrages de griefs,
dispositions qui apparaissent à l'article 100.15 du code.
Il s'agit là du taux applicable aux créances de
l'État et exigible en vertu des lois fiscales. Donc, l'Assemblée
nationale et le gouvernement ont déjà considéré que
c'était juste pour les dettes fiscales. On ne voit pas pourquoi, dans le
cas de sommes dues par les employeurs à des salariés qui auraient
subi des représailles, le même taux d'intérêt ne
serait pas applicable. On vous signale aussi que, dans un avant-projet
antérieur, c'était cette règle du taux
déterminé en vertu de la loi du ministère du Revenu qui
était annoncé.
Sur l'accréditation....
Le Président (M. Blouin): M. Johnston,
sans vous brusquer, je vous signale que vous avez déjà mis
un quart d'heure à faire cette présentation initiale. Si possible
pouvez-vous résumer certains points...
M. Johnston: Je vais essayer d'accélérer.
Le Président (M. Blouin): ...pour la bonne
compréhension de la commission...
M. Johnston: Très bien.
Le Président (M. Blouin): ...pour que nous puissions vous
entendre dans un échange entre les parties?
M. Johnston: Très bien. Sur l'accréditation, M. le
Président, je voudrais souligner que, comme d'autres groupes, on est un
peu étonné que la réforme actuellement proposée
n'aborde pas la question de l'accréditation multipatronale ni
l'élargissement du droit de se syndiquer aux entrepreneurs
dépendants. Là-dessus on signale qu'il n'y a pas seulement les
organisations syndicales qui interviennent. Il y a même des
organisations, des coalitions de non-syndiqués qui ont des
revendications de cette nature. Entre autres, je vous référerais
à un mémoire qui a sûrement été
déposé auprès du ministre Fréchette par la
Coalition sur les normes minimales de travail et l'accès à la
syndicalisation, qui axe une revendication autour de l'accréditation
multipatronale et l'élargissement du droit de se syndiquer.
Je vais passer rapidement aux dispositions du projet de loi qui nous
préoccupent. Concernant l'article 25 du Code du travail, nous proposons
toujours que l'employeur soit tenu de fournir la liste de ses employés,
incluant l'adresse du salarié. Donc, dans les cas où une
organisation syndicale le demande, sans qu'il soit nécessaire qu'il y
ait eu une requête d'accréditation de déposée. C'est
une revendication qui a été formulée à plusieurs
reprises par le mouvement syndical et cela s'explique par le contexte que vous
retrouvez à la page 9.
Quant à l'article 12 qui vise à transférer la
responsabilité de transmettre la requête à l'employeur, du
syndicat au commissaire du travail, nous soutenons que cette modification n'a
pas lieu d'être adoptée à notre point de vue puisque cela
enlève la possibilité pour l'association de contrôler les
délais dans lesquels l'employeur affiche et transmet la liste des
salariés. Elle place dans une situation de dépendance le syndicat
ou l'association qui a déposé une requête. (12 heures)
À cet égard, je vais aussi souligner que les
pénalités qui sont prévues au code pour le défaut
d'affichage et de transmission des listes ne sont pas adaptées.
Prévoir des amendes de 100 $ à 500 $ pour une première
infraction et 1000 $ à 5000 $ pour la récidive... La
récidive, cela ne pourra se produire que si le syndicat n'est pas
accrédité. On pense qu'il devrait y avoir de nouvelles
dispositions qui comporteraient un caractère dissuasif et qui pourraient
se calculer selon la durée du défaut de l'employeur. À
titre indicatif, nous suggérons, nous proposons, à la page 11,
que l'amende soit de 1000 $ à 10 000 $ par jour ou partie de jour, ce
qui nous apparaît être de nature à résoudre une
partie des difficultés.
Sur l'article 13, je vais prendre quelques minutes parce que le texte
lui-même a besoin d'être nuancé dans notre mémoire.
On est favorable, nous, à l'idée qu'une première
requête soit la seule considérée, à certaines
conditions. Je vais expliquer un peu les problèmes qu'on voit autour de
la formulation actuelle. Ce qu'on voudrait éviter - et on
présente cela respectueusement dans la mesure où vous pourriez
considérer ces questions - dans un premier temps, c'est que le
dépôt d'une première requête qui ne recueille pas une
majorité absolue des salariés ait pour effet d'empêcher
d'autres associations requérantes de participer à un vote dans
les cas où il y aurait un vote pour la détermination de la
représentativité du groupe.
Deuxième chose qu'on veut éviter, c'est que les
dispositions liées aux dispositions actuelles du Code du travail,
notamment l'article 40... On pense que, s'il n'y a pas des ajustements
correspondants qui sont apportés, on pourrait se retrouver devant la
situation où une première requête étant
déposée et le cas échéant rejetée, les
autres requêtes qui auraient pu être déposées
après la première pourraient être considérées
comme rejetées et un groupe pourrait être susceptible de ne pas
avoir le droit de se syndiquer avant trois mois ou à tout le moins
très difficilement, puisque beaucoup d'associatons seraient
écartées du droit de déposer une requête en
accréditation.
L'autre problème qu'on voulait soulever, je vais passer
rapidement, c'est la question du moyen de déterminer quelle
requête est la première. Là-dessus, notre texte est assez
précis. J'ajouterai seulement qu'il ne faudrait pas que cela se joue au
chronomètre, mais que cela se joue dans la même journée: la
date en soi détermine s'il y a une première et la
priorité, le cas échéant, en recourant, comme la CSN l'a
fait dans sa présentation, à la double technique du
dépôt de main à main, date du dépôt, et dans
le cas d'expédition par courrier recommandé, le
dépôt à la poste étant considéré comme
étant la date de dépôt.
Sur l'article 21, on est généralement d'accord. Il
introduit 37.1; donc, je passe
rapidement. L'article 19 concernant l'article 36 du code, on est
d'accord aussi. Donc, je passe rapidement.
Page 13, transfert d'entreprise. Là-dessus, il y a cinq
éléments qu'on voudrait vous souligner. On est satisfait que le
type d'amendement qui était annoncé dans l'avant-projet ait
été retiré parce qu'à notre point de vue, cela
donnait un pouvoir discrétionnaire trop large au commissaire du travail.
Mais, on voudrait quand même vous souligner que, selon la décision
finale qui sera rendue dans l'affaire de la Commission scolaire
régionale de l'Outaouais, il y aura lieu de revenir sur cette
affaire.
De façon complémentaire, il y a quelques problèmes
qu'on voudrait vous souligner. D'abord, le fait que la procédure, en
vertu de l'article 15 du code, ne soit pas protégée dans le cas
des transferts d'entreprises. Nous suggérons d'ajouter cette protection,
qui était d'ailleurs prévue dans la version de l'avant-projet.
Deuxièmement, et je suis rendu à la page 14, je voudrais saisir
la commission d'un problème particulier qui se produit dans le secteur
public où la Direction générale des relations du travail
du gouvernement conteste présentement - et, semble-t-il, aurait obtenu
un premier jugement favorable - l'application de l'article 45 dans deux
affaires de transferts de services gouvernementaux à des corporations
publiques. Un cas précis est le Centre d'insémination
artificielle du Québec qui relevait du ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et un autre cas qui
n'est pas encore tranché, le fonds FCAC.
Saisissant un peu la nature du débat, on vous cite, à
l'intérieur de notre mémoire, des échanges qui avaient eu
lieu à l'Assemblée nationale là-dessus, où le
ministre Fréchette semblait affirmer catégoriquement que les
articles 45 et 46 devraient s'appliquer dans ces cas. Ce qu'on vous dit, c'est
qu'il y a lieu d'amender l'article 45 pour assurer que ces dispositions
s'appliqueraient aux accréditations accordées en vertu de la Loi
sur la fonction publique. Jean-Marcel pourra faire écho tantôt au
jugement rendu dans une des causes.
À la page 16 rapidement. Un problème qui nous
préoccupe, c'est que les articles 45 et 46 actuellement protègent
l'accréditation, protègent la convention collective et les droits
en résultant, mais les articles 45 et 46 ne couvrent pas le transfert
des salariés. Il y a des dispositions dans d'autres pays qui, dans des
cas comme cela, assurent le transfert des salariés. Nous pensons que
cette commission devrait se pencher sur cette question de la protection du lien
d'emploi des salariés. S'il y a des questions, on pourra peut-être
en parler plus longuement.
À la page 17, on vous signale que, quant à nous, si jamais
il y a un projet de refonte des structures scolaires au Québec, le
gouvernement et l'Assemblée nationale devraient s'en remettre à
l'application des dispositions des articles 45 et 46 du code et écarter
toute généreuse intention de légiférer de
façon spéciale pour régler ce problème. On pense
que les autres problèmes qui ne peuvent pas être
réglés par les articles 45 et 46 pourraient éventuellement
l'être par voie de négociation.
À partir de la page 18, couvrant le champ de la convention
collective. Je vais passer rapidement les articles 26 et 27 sur lesquels on est
d'accord. Je voudrais souligner que, dans le bas de la page 18, on
suggère à la commission de prévoir une disposition
complémentaire qui devrait établir que le pouvoir de
réglementation des corporations publiques et des régies - pas
seulement au niveau municipal ou intermunicipal, mais dans l'ensemble des cas
ne doit pas et ne peut pas être un obstacle au droit de négocier
toutes les conditions de travail. Ainsi, on préserverait le champ de la
négociation pour les salariés à l'emploi de ces organismes
et on éliminerait un bon nombre d'incertitudes et de
démêlés judiciaires.
L'article 67 du code. Il y avait une disposition dans un avant-projet
qui visait à garantir l'application des effets rétroactifs des
conventions collectives même pour les salariés qui avaient
quitté l'employeur au moment de la signature de la convention
collective. Nous pensons qu'il serait opportun de rapatrier cette disposition
à l'intérieur du projet de loi, de telle façon que les
salariés qui ont travaillé pendant la période visée
par la rétroactivité puissent bénéficier de ces
effets rétroactifs des conventions collectives. Dans tous les cas.
À partir de la page 20 sur l'arbitrage des différends et
l'arbitrage des premières conventions collectives, trois volets
rapidement: le débat conseil d'arbitrage, arbitre unique; la juridiction
de l'arbitre dans les cas d'arbitrage; la mécanique d'imposition de
l'arbitrage de la première convention collective.
Sur le conseil d'arbitrage, tant dans les cas de l'arbitrage
général de différends que dans les cas d'arbitrage de
différend qui sont imposés par voie de législation - je
pense aux cas des policiers, des pompiers - que dans l'arbitrage de la
première convention collective, nous pensons que la formule de l'arbitre
unique, dans les cas de différends, ne se justifie absolument pas comme
mesure générale. Un conseil d'arbitrage est plus proche du
fonctionnement de la négociation. C'est plus près des parties et
cela permet de s'assurer qu'une fois la décision sortie, les gens ont
plus de chance de consentir à l'appliquer. On pense aussi que c'est plus
de nature à refléter la vraie situation des
parties en conflit.
On n'est pas opposé au fait qu'il puisse y avoir recours à
l'arbitre unique, mais, pensons-nous, l'imposer de façon
généralisée sans choix pour les parties entre ces deux
mécaniques, c'est dangereux.
Dans les cas où le différend est réduit à
quelques questions qui sont déjà bien cernées, un syndicat
et un employeur pourraient bien convenir de remettre cela à un arbitre
unique, mais dans le cas où l'enjeu, c'est l'ensemble de la convention
collective, on pense que cela commence à être dramatique comme
situation de remettre cela entre les mains d'un seul homme.
Je veux aborder rapidement l'article 35 qui a été
évoqué par quelques autres groupes. Nous nous opposons aux
dispositions de l'article 35 du projet de loi 17. Ce qu'on veut prévoir
là, c'est la capacité pour l'arbitre de considérer des
comparaisons de toute nature. Ce n'est pas nécessaire que ce soit
écrit dans le code pour que cela se fasse; cela se faisait
déjà. Or, nous ne pouvons comprendre l'introduction
généralisée d'une telle disposition que dans la mesure
où le gouvernement aurait décidé de donner par ce biais
des instructions aux arbitres.
Les risques qu'on voit, c'est de réduire la portée de la
règle selon l'équité et la bonne conscience. C'est donc
davantage une invitation à considérer des comparaisons
suggérées où le gouvernement pourrait, jusqu'à un
certain point, avoir partie liée avec des employeurs dans certains cas,
notamment dans les domaines où le gouvernement est le principal
fournisseur de fonds. Cela amène aussi les arbitres à
considérer que des injustices actuelles doivent être des
critères de référence. Finalement, il n'y a rien qui nous
garantit que cette disposition n'entraînera pas une espèce
d'affaissement de certaines conditions puisque, dans les comparaisons, fort
probablement, la situation des non-syndiqués sera très largement
évoquée. Nous demandons donc de ne pas adopter cette disposition
que l'on trouve, quant à nous, dangereuse pour le régime de
l'arbitrage de différends.
Je glisse rapidement sur l'article 49 parce que nous sommes d'accord.
C'est une amélioration du régime.
À partir de la page 24, sur l'arbitrage des griefs, je ne veux
pas faire un long exposé, mais, sur la question du tribunal d'arbitrage
ou de l'arbitre unique, nous voulons dire que, dans les secteurs que nous
représentons, il y a des pratiques qui sont solidement
enracinées. Dans le secteur de l'éducation en particulier, les
pratiques actuelles sont tellement enracinées, tant d'un
côté que de l'autre, même du côté de la partie
patronale - je pourrai évoquer ces questions si vous le croyez opportun
- qu'il y a des risques importants de modifier cela.
Je vous signale que ce qui existe comme dispositions dans le secteur de
l'éducation en. particulier, c'est la possibilité d'avoir recours
ou au tribunal d'arbitrage ou à un arbitre unique. Dans certains cas,
cela prend le consentement des deux parties pour aller à un tribunal
d'arbitrage, c'est-à-dire que cela prend le désaccord d'une
partie sur l'arbitre unique pour avoir automatiquement le tribunal d'arbitrage.
En d'autres cas, la règle générale, c'est le tribunal
d'arbitrage et cela prend l'accord des deux parties pour aller vers l'arbitre
unique dans certains cas. (12 h 15)
Je vous signale qu'on est dans le cadre d'un régime de
négociations sectorielles où, en plus, dans certains secteurs
comme celui de l'éducation, il y a un cadre juridique très
imposant que les arbitres ne peuvent pas écarter. Les effets d'une
sentence arbitrale dans un grief, à un endroit, ont automatiquement des
répercussions sur l'application des conventions collectives dans ce
secteur d'activité dans l'ensemble du Québec. Il y a une
dimension très importante là-dedans. On pense que le changement
qui est proposé, en voulant imposer la généralisation de
l'arbitre unique, dans notre cas, n'est pas approprié. Ce qu'on signale,
c'est que, encore là, les parties devraient avoir la liberté de
recourir à l'un ou l'autre mécanisme, selon les questions en jeu
et selon les intérêts des parties dans ces questions.
Je passe rapidement sur certaines autres dispositions. L'article 100 du
projet de loi, il faudrait s'y arrêter. Ce n'est pas un message que je
veux faire au ministre. Ce n'était pas un message politique comme vous
sembliez l'interpréter lors d'une autre comparution.
M. Johnson (Anjou): Ah oui! Je sais ce que vous voulez dire.
M. Johnston: II y a un problème de fond autour de cela.
L'article 100 préserve le tribunal d'arbitrage d'une convention
collective signée avant le 1er septembre 1983 ou dans tes 90 jours qui
suivent. Dans notre cas, pour les groupes soumis à la loi 55, il n'y a
pas de convention collective signée. Est-ce à dire, compte tenu
de l'absence de dispositions transitoires applicables à nos situations,
que l'imposition de l'arbitre unique pour les griefs se ferait dès
maintenant, dès septembre 1983? C'est là l'enjeu de la question
qui avait été soulevé par la CSN la dernière fois
et que nous reprenons ici.
Je signale aussi que même si, dans notre cas, ce sont des
conditions de travail imposées, des décrets en vertu de la loi
105, même dans ces cas où les parties n'ont pas pu
négocier, parapher des chapitres sur l'arbitrage des griefs, le tribunal
à trois était, le plus souvent, la règle
générale qui
était imposée par le gouvernement. Je pense que vous avez
saisi le problème technique autour de cette affaire. Je vais passer
à autre chose.
J'atterris sur les articles 102 et 103 qui amendent les articles 190 et
208 de la Loi sur l'instruction publique. Je veux attirer l'attention de la
commission de façon plus particulière sur cette question, parce
qu'on est probablement le seul groupe à pouvoir soulever cette question.
Quand on lit bien les articles 102 et 103, M. le Président, on se rend
compte qu'ils amendent des dispositions qui sont déjà
abrogées par la loi 105. Autrement dit, la référence n'est
même pas la bonne.
Sur le fond - on pourra y revenir si vous avez des questions de
clarification là-dessus - on pense que le conseil d'arbitrage, dans ces
cas - non-rengagement et congédiement - ce ne sont pas des choses
simples. Il y a une foule de règles, qui ont été
établies par les tribunaux d'arbitrage au cours des années, qui
demandent à être soupesées. Toutes les circonstances qui
entourent la mesure en question qui doivent être soupesées par un
arbitre ou un conseil d'arbitrage remettent, à toute fins utiles, la vie
de l'emploi d'une personne entre les mains d'un arbitre plutôt que d'un
conseil d'arbitrage. On pense que c'est assez délicat.
Quant à l'article 62 du projet de loi qui introduit deux
nouvelles dispositions à l'article 100.0.1 et à l'article
100.0.2., je dois reprendre cela. On est d'accord sur l'introduction de
l'article 100.0.2. On souligne qu'il y aurait peut-être lieu d'examiner
la nécessité de prévoir une juridiction
particulière dans ce cas. On se questionne là-dessus. On n'est
pas sûr que ce soit vraiment la solution. Mais il y a une piste qu'on
souligne ici qui mériterait peut-être d'être examinée
plus attentivement.
Quant à l'autre disposition, 100.0.1, qui touche le délai
de 30 jours, on remarque qu'il y a un glissement dans le texte par rapport
à l'avant-projet de loi. L'avant-projet parlait de 30 jours pour
introduire le grief, pour avoir recours au grief. Le projet que nous avons
devant les yeux parle de 30 jours comme délai minimal pour le soumettre
à l'arbitrage. Nous pensons qu'un délai minimal de 30 jours pour
soumettre un grief à l'arbitrage, dans les cas où il y a une
procédure préalable prévue dans les conventions
collectives, ce n'est vraiment pas réaliste. Ce n'est vraiment pas une
protection qu'on accorde aux salariés que d'ajouter une disposition de
cette nature-là.
Ce que nous croyons, c'est que le code devrait être modifié
pour prévoir que tout délai de moins de 30 jours pour recourir
à la procédure de grief devrait être réputé
non écrit. Pourquoi l'aborde-t-on comme cela? Parce qu'on craint que le
fait de fixer un délai minimal remplaçant d'autres délais
prévus dans des conventions collectives, s'il y a des délais
inférieurs à cela, peut avoir pour effet que, dans les prochaines
négociations, les employeurs se servent de ce délai minimal comme
règle générale et que cela ait une pression à la
baisse sur les délais de grief. On sait qu'un délai pour recourir
à une procédure de grief, c'est un instrument déterminant
dans l'exercice des recours des salariés dans l'application d'une
convention collective.
Quant à l'article 66, nous sommes d'accord là-dessus et je
glisse rapidement.
L'article 74 mérite quant à lui, certaines nuances. On est
favorable à certains éléments. C'est le cas, entre autres,
des paragraphes e et g. Mais il nous semble qu'on devrait également
exprimer plus clairement que le tribunal d'arbitrage peut apporter toute
réparation appropriée, le cas échéant, rendre toute
décision propre à sauvegarder les droits des parties et avoir le
pouvoir d'apporter toute réparation appropriée. On parle de
sauvegarder, à compter du moment où cela peut se passer, mais,
pour la partie qui est déjà faite, on pense qu'on devrait
introduire de façon claire le pouvoir de réparation.
Quant à la question de l'intérêt qui touche le
paragraphe c, on pense qu'il y aurait avantage à maintenir les
dispositions actuelles de l'article 100.15 du code à cause de cette
discrétion qu'on n'arrive pas à comprendre et qui donne
l'impression que le complément à l'intérêt
légal, ce serait une espèce de caractère punitif qui
viendrait s'ajouter à la règle normale. On se demande bien dans
quel cas, comment un arbitre pourrait faire la distinction entre un
intérêt dit normal et un intérêt dit punitif.
Je voudrais aborder rapidement les dispositions antibriseurs, M. le
Président. Il y a un bout de chemin de fait et on le reconnaît,
mais je veux porter à l'attention de tout le monde que c'est un secteur
à la fois très délicat et très important.
L'interprétation faite par les tribunaux de telles dispositions, c'est
toujours une interprétation restrictive des interdictions, d'où
l'importance des trous qui restent. On pense que, cette fois-ci, M. le
Président, vu qu'on s'attaque à cette question, la commission
devrait suggérer de faire des modifications qui complètent
vraiment la vocation de ces dispositions, donc, boucher l'ensemble des trous
qui restent.
Quand on regarde cela, au paragraphe a, il nous semble qu'il reste
encore la possibilité pour l'employeur de recourir à des gens qui
sont ou bien vraiment des bénévoles, ou bien identifiés
comme bénévoles, ou des personnes qui ne seraient pas directement
embauchées par l'employeur. Un individu pourrait éventuellement
servir d'intermédiaire puisqu'il ne serait pas une entreprise ou une
personne morale. On pense
qu'il y aurait lieu d'introduire un nouveau paragraphe après le
paragraphe a. Prenez note que, dans le texte, au milieu de la page 31, qui
concerne le paragraphe a de l'article 109.1, la suggestion que nous avions
indiquée doit être rayée. On pense que cela n'atteint pas
l'objectif qu'on recherchait. Nous vous demandons d'introduire un nouveau
paragraphe qui aurait pour effet d'interdire l'utilisation des personnes non
rémunérées ou non directement
rémunérées pour remplir les fonctions des salariés.
Cela aurait pour effet de colmater une brèche importante.
Nous sommes d'accord avec l'objectif poursuivi au paragraphe b.
Concernant l'utilisation de personnes morales, je veux vous souligner que cela
ne couvre probablement pas l'ensemble des réalités. Certaines
sociétés prévues au Code civil ne semblent pas couvertes
par cette expression "personne morale". Il faudrait éviter que, quelques
années après l'adoption du projet de loi 17, une autre
décision de la Cour d'appel révèle qu'il y avait encore
une faille. Nous pensons que l'intention était d'éviter que
d'autres entreprises puissent obtenir un contrat d'un employeur pour remplacer
des salariés en grève ou en lock-out. Il y a donc lieu ici de
préciser un peu. On devrait donc détailler
l'énumération.
Dans le cas de l'utilisation des sous-contrats, on retrouve dans les
dispositions du projet de loi une interdiction qui s'appliquerait dans
l'établissement où la grève ou le lock-out a
été déclaré. On pense qu'il est possible, fort
possible, que les employeurs utilisent cette possibilité de recourir
à des personnes morales en dehors de leur établissement ou dans
un autre de leurs établissements, ce qui rend douteux
l'efficacité de cette disposition. Nous demandons donc de modifier le
paragraphe b en utilisant des termes qui couvrent toutes les formes
d'organisation auxquelles un employeur peut recourir et en supprimant les
termes "dans l'établissement où la grève ou le lock-out a
été déclaré".
On veut souligner un autre problème: l'interprétation des
termes "remplir les fonctions d'un salarié" pose un problème
d'interprétation. Suffit-il que la fonction soit remplie en partie pour
qu'il soit considéré que les fonctions d'un salarié soient
remplies? La jurisprudence est loin d'être claire sur cette question.
Nous suggérons donc d'ajouter "pour remplir les fonctions d'un
salarié en tout ou en partie", de façon que cette disposition
soit éventuellement plus claire et ne cause pas les problèmes
d'interprétation actuels.
Enfin, on veut souligner que, pour des organisations syndicales qui
pourraient avoir recours à ces dispositions, qui pourraient avoir besoin
de ces dispositions-là, les poursuites au pénal qui pourraient
éventuellement permettre de faire condamner un employeur ne peuvent pas
être un objectif. Après qu'une grève a pourri ou qu'un
lock-out a pourri, le fait d'obtenir une condamnation contre un employeur n'est
pas un objectif syndical. Ce qui est important, c'est de s'assurer de
l'application de ces dispositions-là. Nous croyons que les moyens pour
faire appliquer ces dispositions prévues au code sont actuellement
insuffisants. On demanderait que cela soit assorti de mesures efficaces pour
assurer l'application concrète de ces dispositions sans engendrer de
problèmes pour les organisations syndicales. (12 h 30)
En bref, on est d'accord avec un bon nombre de dispositions qui sont
présentées. Je vous en fais une liste: Les articles 2, 3, 4, 19,
21, 26, 27, 49, 62, quant au paragraphe 100.0.2, ainsi que les articles 66 et
92. On suggère par ailleurs d'améliorer les articles 5, 7, 13,
62, 74, 88 et 100. Cependant, on suggère aussi de ne pas adopter les
modifications qui sont proposées par les articles 12 et 35, de
même que les dispositions qui concernent, dans leur forme actuelle,
toutes les formes d'arbitrage de différends et l'obligation de recourir
à l'arbitre unique dans tous les cas d'arbitrage de griefs.
Je voudrais ajouter une note complémentaire concernant l'article
100.4 du projet de loi 17 qui n'est pas couvert par notre mémoire.
L'article 100.4 vise à modifier l'article 74 de la loi 126, où il
y a déjà des règles précises sur le calcul de
l'indemnité de vacances dans les cas de personnes qui ont
bénéficié d'un congé de maternité. Le projet
de loi vise à les retrancher, pour les cas de congé de
maternité, pour les soumettre à la réglementation. Nous
pensons qu'il est plus prudent, pour la protection des salariés
visés, de maintenir les garanties législatives actuelles et, s'il
y a lieu de modifier ces dispositions, de le faire à l'intérieur
du projet de loi, de telle façon que les parties puissent largement
intervenir sur ces questions.
Finalement, nous vous suggérons d'ajouter un certain nombre de
dispositions relatives aux articles 15 et 25 du Code du travail, ainsi qu'un
nouvel article sur les pénalités, des ajouts aux articles 45, 46,
62 et 67 du Code du travail.
Donc, une analyse critique nous amène quand même à
conclure qu'il y a un petit pas dans la bonne direction. On espère qu'il
y aura une deuxième phase où on pourra aborder des
problèmes plus substantiels. On en énumère à la
dernière page de notre mémoire. On pense qu'il y aurait cependant
urgence de prévoir maintenant une législation sur les
licenciements collectifs, sur les fermetures d'usines, sur les fermetures
d'établissements, qu'il y aurait aussi urgence d'organiser un
débat sur la façon de faire
reconnaître le droit au travail comme droit social fondamental
engageant des politiques de plein emploi. On pense qu'il y a aussi vraiment
urgence de procéder à l'abrogation formelle de la loi 111 et de
procéder aussi à l'abrogation de certaines autres dispositions
législatives qui sont toujours en vigueur et qui échappent
à la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Johnston. Nous avons
déjà épuisé une bonne partie du temps qui
était prévu pour cette rencontre que nous avons avec vous. Je
crois que votre présentation a été, d'autre part,
très claire et très précise et que, par anticipation, vous
avez répondu à bon nombre de questions que les membres auraient
pu vous adresser. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Johnson (Anjou): M. Johnston, votre nom s'écrit bien
avec "t".
M. Johnston: Oui.
M. Johnson (Anjou): On dit souvent Johnston et on ne prononce pas
le "t".
M. Johnston: Et j'y tiens.
M. Johnson (Anjou): Vous tenez au "t" ou au fait qu'on ne le
prononce pas?
M. Johnston: Je tiens au "t". Une voix: On le
comprend.
M. Johnson (Anjou): C'est pour le journal des Débats et
pour être bien sûr. M. Johnston, votre...
M. Johnston: Johnston.
M. Johnson (Anjou): M. Johnston, votre réputation vous a
précédé et votre mémoire était très
clair ainsi que votre présentation. Je vais tout de suite m'excuser car
je devrai quitter prématurément avant la fin de la période
de questions qui vous est destinée par mes collègues, à
cause d'une ambiguïté qu'il y a eu sur les horaires de tout le
monde, à cause d'hier.
Cependant, je voudrais, d'une part, vous assurer que nous avons pris
bonne connaissance et déjà analysé votre mémoire.
Vos commentaires ont fait l'objet de notes que j'ai prises ainsi que les gens
qui m'accompagnent. Rapidement, un commentaire et deux questions.
Le premier commentaire à l'égard - je ne vous demande pas
de régir tout de suite; je présume que mon collègue vous
entendra réagir par la suite - de l'arbitrage des griefs. Il y a quinze
ans que cela existe. C'est vrai. On sait aussi que, depuis quinze ans, c'est un
des domaines où il y a des griefs et des délais absolument
incroyables. Il y a 8000 griefs présentement en attente. Je vous le dis
aussi tout à fait respectueusement, tout en étant conscient qu'il
y a là de larges traditions dans le milieu de l'enseignement, qui est
une négociation sectorielle comme vous le disiez. 8000 griefs en attente
et cela fait quinze ans que le système est rodé. Quant à
moi il a été assez rodé. Il a fait la preuve qu'il avait
du mal à fonctionner. On ne devrait peut-être pas avoir trop peur
de faire face aux changements dans ce secteur.
Deux questions très précises. Une sur la question du
délai de 30 jours à l'égard de la formule que vous
suggérez. Tout délai inférieur à 30 jours serait
réputé non écrit. L'autre question en ce qui touche le
guichet fermé.
Sur les 30 jours, est-ce que votre compréhension du texte est
à savoir que ce n'est pas le recours à l'arbitrage, mais bien
l'enclenchement de la procédure de grief, quelle qu'elle soit,
première, deuxième ou troisième étape? L'objectif
visé par cet article, je vous le dis, est de permettre aux travailleurs,
contrairement à certaines dispositions de convention collective qui
prévoient que celui que veut présenter un grief doit faire la
première étape en deux ou trois jours, ce qui nous apparaît
nettement insuffisant; c'est d'établir un délai minimal pour
l'enclenchement, non pas se rendre nécessairement à l'arbitrage.
L'arbitrage est une chose qui est entre les mains du syndicat en vertu de la
loi et non pas de l'individu.
Deuxièmement, je veux vous dire que les employeurs nous disent
exactement le contraire de ce que vous nous dites. Ils disent: Si vous fixez un
délai, cela va devenir un plancher et les syndicats vont négocier
au-dessus. Vous, vous nous dites: Si vous fixez un délai minimal, cela
va devenir le délai maximum et la règle générale
imposée par les employeurs. Et, ma foi, je ne vous dirai pas qu'on y
perd notre latin, mais ce n'est pas tellement surprenant.
À l'égard de l'accréditation. Qu'est-ce qu'on fait
avec deux accréditations datées du même jour? Avez-vous une
suggestion à l'égard du guichet fermé? Si deux
requêtes en accréditation sont déposées le
même jour, comment tranche-t-on cela en pratique? Ce sont les deux
questions que j'avais. Si vous aviez la gentillesse de répondre aux deux
questions et ensuite faire les commentaires pour mes collègues.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M.
Johnston.
M. Johnston: Je vais commencer par la dernière question.
À notre avis, si deux requêtes sont déposées le
même jour, elles
devraient être considérées en vertu des dispositions
générales actuelles du code sans aucune difficulté.
M. Johnson (Anjou): D'accord.
M. Johnston: On ne pense pas qu'on devrait jouer avec le
chronomètre sur ces questions-là. L'objectif principal, c'est
d'éviter que des associations de boutique puissent venir briser une
campagne d'organisation en venant paralyser l'ensemble du système. Je ne
pense pas que, chronomètre en main, on rende justice à tout le
monde. Il pourrait même arriver que le syndicat de boutique ait la chance
d'arriver une minute avant l'autre.
Quant à l'autre question, sur le délai minimal pour
recourir à la procédure de grief, nous n'avons pas dit que cela
devenait un maximum en l'introduisant dans la forme actuelle. Nous avons dit
que, dans les rondes de négociations qui suivraient l'adoption d'une
telle disposition, les employeurs seraient tentés de se servir de cela
pour exercer une pression à la baisse sur les délais. Le maximum
du code, c'est six mois. On ne vous fera pas l'affront de vous dire que cela a
pour effet de faire disparaître le maximum de six mois prévu au
code.
Cependant, au niveau du texte, quand on prend le libellé
même de l'article 100.0.1, on dit bien: "Malgré toute disposition
d'une convention collective prévoyant un délai moindre, un grief
peut être soumis à l'arbitrage dans les 30 jours de la date
où la cause de l'action a pris naissance." On ne dit pas qu'un grief
peut être entrepris dans les 30 jours. On constate que, dans cette
nouvelle formulation, il y a un glissement par rapport à l'avant-projet
qui parlait de l'enclenchement de la procédure de grief pour 30
jours.
M. Johnson (Anjou): Vous allez m'excuser, je dois quitter.
M. Johnston: Quant aux commentaires du ministre - probablement
que Jean-Marcel aura un complément sur la question du délai de 30
jours - sur l'arbitrage des griefs, je veux vous signaler que, de notre
côté, depuis au moins deux rondes de négociations, on
s'acharne à essayer de faire accepter aux parties patronales, dont le
gouvernement, la possibilité que le syndicat puisse recourir ou à
l'arbitre de griefs, dans le cadre d'une procédure sommaire d'arbitrage,
ou à un tribunal d'arbitrage à sa discrétion. La pratique,
les intentions des gens, c'est que les questions simples pour éviter des
délais pourraient être soumises à un arbitre unique. Les
questions complexes, elles, pourraient demeurer entre les mains d'un tribunal
d'arbitrage. On ne pense pas, contrairement à votre avis, que ce soit la
composition du tribunal d'arbitrage qui fasse qu'il y ait 8000 griefs en
attente. S'il y a 8000 griefs en attente, c'est parce qu'il n'y a pas assez de
personnel pour les entendre, d'une part. Remplacer dans le secteur de
l'éducation un tribunal d'arbitrage ou un conseil d'arbitrage par un
arbitre unique, moi, j'ai la conviction personnelle que cela ne réduira
pas rapidement le nombre de griefs en attente. Si le nombre de personnes
habilitées à agir comme président de conseil d'arbitrage
correspond au nombre de personnes habilitées à agir comme arbitre
des griefs, on va se retrouver dans le même cul-de-sac.
Tout le monde sait que ce ne sont pas tous des gens qui font cela
à temps plein. Tout le monde sait aussi qu'avec un grief qui est
entendu, il peut se passer des délais d'un an avant qu'il y ait un
premier délibéré autour d'une question et, contrairement
à ce que vous pouvez croire, ce n'est pas souvent, c'est loin
d'être souvent des problèmes d'agenda entre les trois membres,
mais plutôt la disponibilité du président qui pose un
problème.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Johnson
(Anjou): Merci.
Le Président (M. Blouin): Cela va? M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Au revoir, M. Johnson, bonjour M. Johnston.
Malgré les brefs délais dans lesquels vous vous êtes
retrouvés, vous avez, comme les autres intervenants, réussi
à fouiller le projet de loi qui est devant nous et à nous
apporter des éclaircissements sur des points précis. Pour revenir
aux premières remarques que vous avez faites, et de façon que
cela ne se reproduise plus à l'avenir, à savoir ce que la CEQ
vient faire dans ce dossier, finalement, et de son importance, pourriez-vous
très rapidement nous donner approximativement le nombre
d'employés que vous représentez quant au premier paragraphe
régi par la loi 55 et au second paragraphe, lorsque vous parlez de ceux
qui sont régis par le régime général de
négociations?
M. Johnston: Je ne suis pas en mesure de vous donner des chiffres
exacts, mais je peux vous dire que, globalement, c'est sûrement au moins
les quatre cinquièmes sous la loi 55 - sûrement, au moins - et le
reste, sous le régime général. Dans le cas des groupes qui
sont sous le régime général, je vous ferai remarquer que
ce sont, pour la majeure partie, de très petits groupes. D'accord? Donc,
une multitude de petites unités de deux, trois, cinq, dix
salariés par établissement.
M. Paradis: Cela enclenche bien sur ma
deuxième question, c'est ce que je pensais, surtout quand vous
parliez des CRL, etc., que c'étaient des petites unités de
négociations. On retombe donc aux pénalités, à la
clause des pénalités qu'on retrouve aux pages 10 et 11 de votre
mémoire, où les pénalités prévues sont de
100 $ à 500 $ et de 1000 $ à 5000 $ dans le cas de
récidive et où vous suggérez de 1000 $ à 10 000 $
par jour ou partie de journée. Dans le cas des petites unités que
vous représentez, donc, qui sont de petits employeurs finalement, et
dans le cas également des PME, parce que ce régime de relations
de travail va s'appliquer également aux PME québécoises,
est-ce que vous ne trouvez pas que vous y allez fort? (12 h 45)
M. Johnston: M. le Président, si vous permettez, non, on
ne trouve pas qu'on y va fort parce qu'on pense que ces dispositions doivent
avoir un caractère dissuasif. On a déjà entendu cela dans
d'autres débats à l'Assemblée nationale, la
nécessité d'un caractère dissuasif pour certaines
dispositions, et on pense qu'à l'égard des employeurs, c'est
vraiment de cette nature de dispositions qu'il s'agit. Il faut bien se
comprendre là-dessus, il n'y a pas un syndicat et il n'y a pas un
salarié qui a intérêt à ce que son employeur soit
condamné à payer l'amende. L'intérêt du
salarié et du syndicat est que l'employeur respecte ses obligations. Ni
le syndicat ni le salarié n'aura quelque avantage du fait que
l'employeur est condamné à une amende, mais, si l'amende est
assez dissuasive pour forcer l'employeur à respecter ces dispositions,
l'association accréditée et les salariés pourront en tirer
bénéfice.
M. Paradis: Une deuxième question qui touche votre
intervention aux pages 29 et 30 de votre mémoire. Au bas de la page 29,
vous mentionnez: "Nous sommes favorables à certains
éléments nouveaux qu'on trouve à l'article 100.12 relatif
aux pouvoirs de l'arbitre. C'est le cas des paragraphes e et g." Vous citez les
paragraphes e et g. Le paragraphe e se lit comme suit: "Corriger en tout temps
une décision entachée d'erreurs d'écriture et de calcul,
ou de quelque autre erreur matérielle." Le paragraphe g: "Rendre toute
autre décision propre à sauvegarder les droits des parties." Vous
dites en commentaires: "II nous semble qu'en cette matière, on devrait
également exprimer clairement que le tribunal d'arbitrage peut apporter
toute réparation appropriée, le cas échéant."
Il me semble que, lorsqu'une décision est rendue dans
l'intérêt des parties, soit patronale ou syndicale, il faut
pouvoir se fier à cette décision pour pouvoir y réagir. Si
le législateur élargit en incluant "toute réparation
appropriée, le cas échéant", peuvent survenir entre le
moment où la décision est rendue ou même dans des
réflexions subséquentes du tribunal des choses qu'on pourrait
juger comme une réparation appropriée et la décision
perdrait son caractère décisionnel, justement. Dans toutes les
lois, le législateur inclut: Corriger des décisions
entachées d'erreurs d'écriture, etc. Les parties s'entendent
là-dessus, tout le monde le demande. Mais c'est la première fois
qu'on voit une demande d'ajouter "toute réparation appropriée".
C'est assez large, comme demande.
M. Johnston: Personnellement, j'aimerais mieux demander à
M. Jean-Marcel Lapierre de vous répondre là-dessus. Je ne suis
pas certain que votre question soit clairement posée.
M. Paradis: Ce que je veux dire finalement, c'est, si vous
permettez une précision, tout simplement, quand on parle de "toute
réparation appropriée", est-ce que cela peut également
toucher le fond? Alors que le fond...
M. Johnston: Quand on parle de réparation, il n'est pas
question pour nous de dire à l'arbitre: Tu peux changer ta
décision. Il s'agit du pouvoir de l'arbitre d'ordonner à
l'employeur la réparation des effets d'une mauvaise application d'une
convention collective, soit par une indemnité ou autrement.
D'accord?
M. Paradis: D'accord. Cela va. Une dernière remarque. Vous
êtes peut-être le seul intervenant qui l'ait mentionné
jusqu'à maintenant - je n'en fais pas reproche aux autres - mais vous
parlez de l'abrogation formelle de la loi 111 - cela va, on a des débats
là-dessus, de l'autre côté, au salon bleu - et du retrait
d'autres lois spéciales qui échappent à l'application de
la charte québécoise des droits de la personne et qui sont
toujours en vigueur. Je tenais à vous féliciter d'avoir
pensé à cet élément de la charte des droits de la
personne.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Brome-Missisquoi. Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Votre mémoire
est certainement un des plus fouillés qu'on ait pu entendre ici à
la commission. Cela manifeste éloquemment de votre intérêt
pour la réforme du Code du travail. J'aimerais savoir si vous
considérez devoir être partie prenante, ce "task force" dont il
est question entre les parties patronale, syndicale et gouvernementale, pour
envisager une réforme plus en profondeur?
M. Johnston: Est-ce vraiment le seul
élément de votre question?
Mme Harel: Je reviendrai avec d'autres questions, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): D'accord1.
Mme Harel: À moins que je ne les pose
immédiatement, si vous préférez. Alors, on y va, M.
Johnston.
Compte tenu de cet intérêt, je m'explique difficilement
votre retrait du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je me
demande s'il y a une réflexion qui se poursuit actuellement à ce
niveau dans votre organisation. Ma troisième question fait
référence à une allusion que vous avez faite tantôt
à la coalition pour...
M. Johnston: D'emploi et l'accès à la
syndicalisation.
Mme Harel: L'accès à la syndicalisation. Alors,
j'aimerais vous entendre là-dessus. Les organismes, ou la coalition
elle-même, qui représentent des travailleurs et des travailleuses
qui ne sont pas syndiqués et qui souvent, en fait, sont brimés
dans leur droit à la syndicalisation, quelle est la façon la plus
efficace pour que ces organismes soient entendus ou que la coalition puisse
faire valoir son point de vue dans le projet de refonte majeur qui doit
être mis en place?
M. Johnston: Je vais essayer de répondre à chacun
des éléments de la question. Quant au "task force", je peux vous
dire qu'on n'a pas de position arrêtée parce qu'il y a trop
d'ambiguïté autour de la composition du mandat et du fonctionnement
de ce type de groupe de travail. On examinera l'opportunité de
participer ou pas à ce "task force" au moment où ces
éléments auront été précisés. Il y a
un intérêt certain pour nous à faire valoir notre point de
vue dans le cadre d'une refonte du Code du travail qui pourrait être
majeure. On aura à voir, selon le type de mandat et les circonstances
dans lesquelles cela s'inscrira, si ce forum sera en mesure de nous donner les
moyens requis pour faire correctement les représentations qui s'imposent
concernant cette question sans se priver, par ailleurs, de la capacité
d'intervenir à l'extérieur de façon autonome et
indépendante.
Quant au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, je veux
vous souligner que le retrait de la CEQ remonte à 1972. Il y a des
motifs importants derrière cela. C'était lié, comme par
hasard, à des événements qui ressemblaient un peu à
ceux qu'on a vécus cette année. Aux alentours de 1972-1973, il y
a eu trois lois spéciales qui ont été adoptées sur
le dos des enseignants.
Également, on avait pu constater, comme par les années
précédentes, que les dispositions spéciales qui
s'appliquent dans les secteurs public et parapublic, comme par hasard, ne
passaient jamais au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Les
seules choses qui y passaient, c'étaient les choses à
portée générale. Il y avait certainement une forme
d'insatisfaction majeure à l'égard de l'attitude du gouvernement
dans les relations du travail avec nos groupes qui justifiait cela.
Depuis ce temps, on a aussi articulé des positions autour de la
représentation syndicale qui posent encore certaines difficultés
d'interprétation à l'intérieur de la centrale. On sera
sûrement appelé à discuter de ces questions, mais je vous
signale tout de suite que le contexte de 1983, pour nous, ressemble encore
étrangement à celui de 1972-1973.
Quant aux moyens ou à la façon d'associer la Coalition sur
les normes minimales du travail et l'accès à la syndicalisation
aux travaux concernant la refonte du Code du travail, on n'a pas eu l'occasion
de réfléchir à cela. Je n'ai même pas eu l'occasion
d'en discuter avec des représentants de la coalition. Je suis donc
privé de moyens pour répondre à cette question. Chose
certaine, chaque fois qu'il y a un forum public autour d'une refonte du Code du
travail, à mon point de vue, il serait fort intéressant que ce
groupe soit invité à venir donner son point de vue, puisqu'on a
souvent l'impression, dans le public, au gouvernement et ailleurs, que les
organisations syndicales, en faisant des revendications autour de
l'accès à la syndicalisation, ne pensent qu'aux profits de
l'organisation. Or, voilà des groupes, voilà des individus, des
salariés qui ne sont pas organisés et qui ont des revendications
qui, comme par hasard, sont en parfaite convergence avec celles du mouvement
syndical québécois, notamment autour de l'accréditation
multipatronale. Je pense qu'il y aurait un intérêt politique
important à ce que, au moins, les forums publics soient accessibles
à ce groupe.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Johnston. M. le
député de Viau, en vous rappelant que nous devons quitter les
lieux à 13 heures.
M. Cusano: Merci, M. le Président. C'est plutôt un
commentaire qu'une question que je ferai à M. Johnston. J'ai posé
la question à d'autres groupes qui sont venus ici à propos de
l'article 45. Je voudrais seulement vous féliciter de ce que vous dites,
à la page 16, au dernier paragraphe, lorsque vous proposez au
gouvernement d'inclure dans le projet de loi 17 une disposition claire pour
protéger le lien
d'emploi des salariés dans le cas de transfert d'entreprise.
J'aimerais seulement vous féliciter, parce que, dans un sens, vous
démontrez une ouverture générale et non pas un esprit de
clocher seulement du côté des syndicats. Je vous félicite
de cela, M. Johnston.
M. Johnston: M. le Président, vous me permettrez une
remarque sur cette question. Compte tenu du fait que le Codé du travail
ne s'applique en définitive qu'aux groupes déjà
organisés ou en voie d'organisation -donc, dans des rapports très
organisés, très structurés - je pense qu'il pourrait aussi
y avoir intérêt à ce qu'une disposition de cette nature
soit éventuellement introduite dans une disposition qui serait
applicable aux travailleurs non syndiqués, dans la loi 126, entre
autres, à une occasion où il serait possible de procéder
à des modifications de cette nature, de telle sorte que cette protection
soit applicable aux syndiqués et aux non-syndiqués.
Le Président (M. Blouin): C'est M. le député
de Prévost, succinctement.
M. Dean: M. le Président, très brièvement,
d'abord, je voudrais motiver mon arrivée en retard à cette
commission par le fait d'avoir eu le rare privilège pour un
député, ce matin, de déposer un projet de loi, celui
constituant le fonds de solidarité des travailleurs du Québec, et
d'avoir participé à une conférence de presse par la
suite.
Je voudrais reprendre brièvement les paroles du ministre du
Travail par intérim, disant que votre mémoire est très
clair. On sait exactement où vous allez. Vous pouvez être
sûrs qu'on portera beaucoup d'attention à vos recommandations.
En ce qui concerne vos commentaires au sujet de la deuxième phase
de la réforme, je répète les paroles prononcées
à plusieurs reprises par le ministre en titre, le député
de Sherbrooke, en ce sens que les préparatifs sont actuellement en
marche afin que cette deuxième phase démarre à l'automne
avec le plus de rapidité et le plus de profondeur possible.
Ceci étant dit, il me reste à remercier les
représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec de leur
participation et de la qualité de leur présentation.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Prévost et adjoint au ministre du Travail.
Sur ce, je me joins à ces remerciements, au nom de tous les
membres de la commission, aux responsables de la Centrale de l'enseignement du
Québec. J'invite les membres de la commission à se rendre
immédiatement à la salle 81-A afin que nous entendions les
représentants de l'Association des manufacturiers canadiens. Sur ce,
nous suspendons nos travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise de la séance à 13 h 06)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous reprenons les travaux de la commission élue permanente du
travail dont le mandat est de recevoir des groupes relativement au projet de
loi 17 modifiant le Code du travail et diverses dispositions
législatives. Nous allons compléter l'horaire de ces auditions en
recevant les représentants de l'Association des manufacturiers
canadiens.
Pour les fins du journal des Débats, je demande au responsable de
cet organisme de s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent.
Ensuite, nous entendrons son mémoire qui, je l'espère, ne prendra
pas trop de temps afin que nous puissions ensuite avoir un échange
productif avec les membres de la commission. Je dis que j'espère que
vous pourrez présenter votre mémoire dans des délais
acceptables afin que nous puissions avoir un échange intéressant
avec les membres de la commission. Sur ce, je vous cède la parole.
Association des manufacturiers canadiens
M. Paquin (Sarto G.): Si j'ai bien compris, M. le
Président, nous avons, je pense, jusqu'à 14 h 30 ou 15
heures?
Le Président (M. Blouin): Environ.
M. Paquin: Environ. Merci, M. le Président. Mon nom est
Sarto Paquin. Je suis directeur des relations du travail de l'Association des
manufacturiers canadiens. Il me fait plaisir de vous présenter, à
ma gauche, Me Paul Jolin du bureau de Heenan, Blaikie, Jolin &
Associés; à ma droite immédiate, M. Yves Trépanier,
vice-président des ressources humaines de la Société
d'aluminium Reynolds Canada Limitée et vice-président du conseil
d'administration de l'AMC-Québec et, finalement, M. René Paquet,
directeur du personnel et des relations industrielles pour le Québec
pour la compagnie Stelco Inc. et également président du
comité des relations de travail de l'AMC-Québec.
Avant de débuter, M. le Président, nous aimerions que
notre mémoire soit déposé in extenso pour les fins du
journal des Débats. Je pense que c'est une pratique courante.
Nous aimerions que le mémoire soit déposé tel quel,
étant donné qu'on ne le lira pas. On aimerait qu'il soit
déposé pour les fins du journal des Débats.
Le Président CM. Blouin): II est, de toute façon,
déposé, au moment où nous nous parlons, au
secrétariat des commissions.
M. Paquin: Merci. M. le Président, nous comprenons que les
membres de la commission ont dû faire des pirouettes dans leur horaire
pour nous permettre de nous faire entendre aujourd'hui et nous les en
remercions.
Le Président (M. Blouin): Vous aussi, si je comprends
bien?
M. Paquin: Nous aussi. Nous n'avons pas l'intention, M. le
Président, de lire le mémoire que vous avez en main depuis
quelques jours déjà. Nous allons vous en livrer quelques aspects
et laisser davantage de temps, comme vous dites, pour les questions et pour la
discussion.
Permettez-nous tout d'abord quelques mots très brièvement
sur l'AMC-Québec. Nous comptons environ 2000 membres au Québec
dont environ 75% représentent la petite et la moyenne entreprise. De
façon globale, nous représentons environ 80% de la
capacité manufacturière du Québec et, autre
élément intéressant, nous avons au Québec huit
chapitres ou huit divisions réparties à travers le
Québec.
Il est admis de tous que l'urgence, s'il en est une présentement,
c'est celle de l'économie qu'il faut pousser sur la voie de la relance
et ainsi réduire le chômage. Il est admis également que la
relance ne pourra pas avoir d'effets significatifs ni durables si elle n'est
pas orientée vers la conquête de marchés extérieurs
au Québec et au Canada. Il est de plus illusoire de compter sur ce
protectionnisme pour permettre aux entreprises d'ici de vendre ici des produits
qu'elles fabriquent à des prix supérieurs à ce que les
gens pourraient payer pour de semblables produits venant d'ailleurs. Nous ne
croyons pas qu'il faille donner aux entreprises d'ici des conditions telles
qu'elles pourraient réussir sans effort, sans recherche, sans
innovation. Nous croyons cependant qu'il faut créer un climat
suffisamment propice pour que des gens veuillent investir parce qu'ils verront
que leurs entreprises, moyennant des efforts qui équivalent à
ceux que d'autres font ailleurs, auront des chances raisonnables de percer ici
comme ailleurs.
Il nous semble paradoxal qu'au moment où l'on dit compter sur
l'entreprise pour actualiser, au sens philosophique, la relance, on
légifère pour, d'une part, lui donner de l'aide temporaire et lui
imposer, d'autre part, des contraintes permanentes. Et à ce sujet,
laissez-moi vous rappeler que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, M. Biron, déposait, il y a environ un an, un plan d'urgence
dans le but d'aider la relance économique, dans le but d'aider le fonds
de roulement, où l'on connaissait des problèmes majeurs pour la
petite et la moyenne entreprise.
Dans son budget, M. Parizeau reconnaissait des problèmes
également de cet ordre en disant qu'il y avait une sous-capitalisation
dans les PME et qu'il fallait y faire quelque chose.
Le ministre du Travail déclarait, dans un communiqué de
presse, et je cite: "Le projet de loi modifiant le Code du travail, une
réponse à des urgences et une invitation à poursuivre une
réflexion plus en profondeur sur la structure même des
mécanismes prévus à ce code."
Nous avons, comme vous, lu tous les mémoires et entendu les
propos de ceux qui ont témoigné avant nous devant cette
commission. Or, aucun organisme n'a jusqu'ici invoqué - encore moins
démontré - l'urgence à introduire les mesures incluses au
projet de loi. La seule urgence - et elle a été constatée
par tous ceux qui nous ont précédés - est celle d'une
révision en profondeur du Code du travail.
Nous souscrivons, M. le Président, également à
cette démarche pourvu que l'on n'aille pas identifier la refonte du Code
à l'élargissement exclusif des pouvoirs des establishments
syndicaux. Nous croyons qu'une telle refonte devra être
précédée: premièrement, d'une analyse des droits
que confèrent aux salariés les autres lois visant le travail;
deuxièmement, d'une analyse en profondeur sur les causes de violence
dans les conflits de travail; troisièmement, d'une analyse des
conditions d'exercice de la liberté syndicale; quatrièmement,
d'une analyse des motifs qui entraînent des délais
d'accréditation et d'arbitrage et, cinquièmement, d'une analyse
comparative des contraintes que les législations provinciales imposent
aux employeurs.
Il nous semble qu'une telle démarche permettra de connaître
les véritables causes des problèmes et, en conséquence,
d'élaborer les solutions appropriées.
S'il s'avérait, comme certains le laissent entendre, que le
bureau du commissaire du travail ait un surcroît de travail, a-t-on
songé que la nomination d'un seul commissaire additionnel pourrait
peut-être faire plus que le droit d'association, que
l'accréditation sur majorité simple dont les employeurs ne
veulent pas pour les motifs qui vous ont déjà été
exposés?
De même, le renforcement des mesures "antiscabs", dont les
employeurs ne veulent pas, aurait-il permis d'éviter certains actes de
violence sur les personnes, actes commis à l'occasion d'une
réunion politique à
Québec, ce printemps, au moment d'un conflit de travail? Nous
reviendrons, d'ailleurs, sur cette question de la violence.
À-t-on réalisé qu'aucune des mesures -ni l'ensemble
des mesures - prévues à la la loi 17 n'aurait
empêché les événements qui ont obligé le
gouvernement à mettre récemment un syndicat en tutelle à
CTCUM?
Curieusement, pour éviter de telles situations d'urgence,
l'enquêteur Jutras, il y a quelques mois seulement, n'avait
suggéré aucune des mesures prévues au présent
projet de loi, mais plutôt des mesures que le patronat cherche à
promouvoir depuis des années.
À-t-on pensé que les mesures dilatoires que certains
employeurs de PME adoptent, au moment d'une requête en
accréditation, sont, à toutes fins, légitimes?
Partir en affaires, c'est vouloir être son propre patron, c'est
vouloir mener ses affaires à sa guise et c'est légitime. Voir un
syndicat s'implanter, c'est la vision apocalyptique, qu'on le veuille ou non,
pour celui qui subit cette implantation. Bien plus, pour un chef d'entreprise,
l'arrivée d'un syndicat est un constat d'échec. Il ne faut pas
particulièrement être fier pour accepter de bon gré que ses
employés ne soient pas satisfaits des conditions de travail qu'on leur
fait. La réaction normale est de penser qu'il y a eu des interventions
mystérieuses de l'extérieur et tout le tralala.
Et l'absence, dans bien des cas, du vote clair qui confirmerait le
désir des salariés ne peut que le justifier dans ses
prétentions. La contestation constitue son seul exutoire et lui donne le
temps de s'ajuster à la nouvelle réalité. Une fois le
syndicat admis et la convention signée, les choses ont tendance à
se replacer.
Le ministre du Travail disait vouloir parer aux urgences et inviter
à la réflexion. Tous admettent la réflexion, mais il nous
est difficile d'admettre que la réflexion suive l'action. On ne fait pas
les changements pour ensuite s'interroger sur les changements à faire.
Cela est surtout vrai dans le contexte des relations de travail où les
syndicats vénèrent la sacro-sainte théorie des droits
acquis. Je ne songerais pas, par exemple, à m'acheter une Cadillac pour
m'inviter à réfléchir plus en profondeur sur
l'opportunité de m'acheter une Cadillac ou une Lada. S'il y avait
urgence à ce que je m'achète une voiture, je m'assurerais de ne
pas m'exposer à me retrouver dans une situation de non-retour avec un
éléphant blanc sur les bras.
Nous reconnaissons donc qu'il y a des problèmes dans les
relations de travail au Québec. Personne ne nous a
démontré qu'il y avait eu une recherche sérieuse pour
identifier les causes des problèmes. Le calme relatif que nous
connaissons présentement dans les relations de travail et la promesse
d'une commission pour l'automne rendent peu crédible le motif
invoqué qu'il y a urgence d'agir. La théorie syndicale des droits
acquis donne un caractère permanent aux amendements proposés dans
le projet de loi 17, amendements qui, après la grande commission,
pourraient s'avérer malvenus. Aucun des sondages récents
n'indique que la population considère comme prioritaires les amendements
proposés.
Nous voulons, pour conclure, prier M. le ministre de suspendre le
processus visant à l'adoption du projet de loi 17. L'Association des
manufacturiers canadiens, division du Québec, l'assurerait en
échange de sa très grande collaboration dans son vaste projet
prévu pour l'automne.
M. le Président - et je termine là-dessus - en conclusion,
un Code du travail, selon nous, doit être simple, clair,
d'interprétation facile, d'application facile et doit respecter les
droits fondamentaux des salariés - pas nécessairement des
centrales -et des employeurs. Nous de l'AMC, on le désire, on l'attend,
on en a besoin, on est prêt à collaborer pour y arriver, pourvu
qu'on nous écoute, qu'on nous entende et qu'on nous démontre une
réelle préoccupation de nos problèmes. Pour créer
un climat propice à cette concertation, il faut que les travailleurs,
les syndicats, les employeurs, la société en
général prennent les moyens pour mettre un terme à la
violence.
Avant de passer à la période de questions à
laquelle vous nous avez invités tantôt, permettez-moi de demander
à Me Jolin de vous faire part de nos réflexions sur la violence
dans les conflits de travail.
Le Président (M. Blouin): Me Jolin.
M. Jolin (Paul): M. le Président, c'est toujours un peu
délicat, dans une situation, quand on est le dernier à s'adresser
soit à un tribunal, soit à un forum comme le vôtre parce
que, dans la plupart des cas, le sujet a été, en long et en
large, traité abondamment et, très souvent, avec beaucoup de
compétence. C'est la raison pour laquelle, même si je professe la
profession juridique, j'avais l'intention de vous soumettre certaines
réflexions qui ne sont pas d'ordre juridique, mais qui sont le fruit de
constatations faites au cours des 15 à 20 ans de pratique
confrontée avec divers problèmes et en contact avec divers
milieux. Les constantes dont je vous ferai part se dégagent nettement de
l'expérience vécue et de commentaires recueillis au cours des
années et plus particulièrement dans les dernières
années, compte tenu de l'évolution de notre
société.
Je me permettrai cependant quelques brefs commentaires sans aller plus
loin sur le projet de loi que vous avez à étudier et qui est
perçu, par les employeurs avec lesquels on transige, comme du
rapiéçage, du travail
à la pièce, sans tenir compte de certaines contradictions
qu'on peut déceler, sans tenir compte de l'ensemble de la
législation sociale qui souvent se recoupe, se superpose, avec la
conséquence que les employeurs ne savent plus où donner de la
tête, ne savent plus comment se débrouiller, sans tenir compte
aussi des conséquences juridiques, économiques et sociales du
projet de loi qu'on s'apprête à adopter.
À notre humble avis, on ne règle pas notre
problème, on le reporte. C'est la raison pour laquelle les employeurs
qui sont le moindrement au fait de la situation souhaitent, comme M. Paquin
vous l'a dit, une refonte en profondeur du code. Il serait important, avant que
le gouvernement prenne la décision d'adopter ce projet de loi, qu'il
réfléchisse au fait qu'on ne règle pas le problème,
on le reporte, et plus on le reporte, plus il s'aggrave. C'est un peu
l'expression populaire qu'on utilise à l'occasion: l'aspirine pour un
mal de dents. Le lendemain matin, votre dent fait mal, elle est encore plus
cariée que la veille et, un jour ou l'autre, vous aurez à la
traiter. Plus vous attendez, plus ce sera sérieux, plus ce sera
douloureux et plus cela coûtera cher.
Je voudrais vous entretenir de deux sujets. Si vous me permettez, je le
ferai, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, non pas quant à
l'aspect juridique, à l'exception d'un élément sur lequel
je vous ferai une suggestion, mais quant à l'aspect pratique et social.
C'est le phénomène de l'accréditation, d'une part, et le
phénomène de la violence, d'autre part, qui me préoccupent
énormément.
Quant à l'accréditation, j'ai l'impression qu'on a
galvaudé, qu'on a véhiculé un certain nombre de
caricatures, de demi-vérités, pour ne pas dire de
faussetés, au cours des années. On blâme les employeurs.
Bien sûr, il y a des employeurs qui ont des comportements
répréhensibles, mais mon expérience me permet de dire que
c'est loin d'être la majorité et que les quelques employeurs qui
se permettent des écarts sont souvent mis en évidence pour en
faire un cas, un cas qu'on tente de généraliser
fréquemment.
Bien sûr aussi, il y a des avocats, des procureurs ou des
représentants patronaux qui ont des comportements ou des attitudes qui
pourraient laisser à désirer, mais j'estime une chose: ce n'est
pas la majorité. Et on ne parle pas de la majorité, parce que la
majorité des procureurs a un comportement convenable, même si
ceux-ci représentent des intérêts opposés,
différents ou qui divergent de ceux que les employés peuvent
manifester ou que les syndicats peuvent exprimer. Les commissaires au travail,
les juges du Tribunal du travail, les fonctionnaires, cela fait une belle jambe
de blâmer tout ce monde parce que cela évite de se regarder
soi-même.
Celui qui blâme évite de faire une autoanalyse et
d'examiner sa propre situation. Cela plaît à la masse de ramasser
les juges, de ramasser les avocats, de ramasser les commissaires et de ramasser
les "boss", mais cela ne règle pas le problème pour autant. C'est
souvent injuste, souvent exagéré et cela nous évite
d'examiner le véritable problème.
M. le Président, avant d'adopter toute modification à ce
titre, j'estime qu'on devrait examiner ensemble et que le gouvernement devrait
analyser le caractère de l'employeur québécois. La grande
majorité de nos entreprises est incluse dans ce qu'on appelle la PME,
souvent le fait d'un propriétaire unique, soit d'un individu, soit d'une
famille, soit d'un petit groupe de gens. Au Québec, cet employeur, c'est
un individualiste, un "self-made man", paternaliste à l'occasion,
méfiant souvent et, chose qu'il ne faut pas oublier, c'est aussi un
plaideur. On a tous un peu de Beauceron dans le corps et cela me fait penser un
peu à un client qui se présentait à M. Robert Cliche et
qui lui présentait une cause. Robert lui disait: Tu sais, cela peut
être long et cela peut coûter cher. Il a dit: Robert, plaide ou
gagne, je vais en appel. Il était prêt à plaider
jusqu'à la Cour suprême.
Nos grandes sociétés, sur lesquelles on est en train de
vouloir calquer un code qui s'adapterait plutôt à des grandes
sociétés, sont familières avec le phénomène
de l'accréditation et de la syndicalisation; elles ont des techniciens
ou des spécialistes pour les aider et les conseiller, elles ont du
personnel formé et prêt à faire face à ce
phénomène alors que la PME ne l'a pas. Il faut se demander aussi,
chez la PME, quelle est l'image ou quelle est la perception syndicale du petit
employeur. Pour le petit employeur, la syndicalisation est la catastrophe. Ce
que je vous dis là, je l'ai vécu régulièrement dans
mon cabinet, soit moi ou mes associés. C'est la catastrophe, c'est
l'échec de sa vie parce que c'est une attaque personnelle. C'est un
constat d'échec dans sa vie professionnelle, parce qu'il n'a pas su
donner à ses salariés les conditions de travail susceptibles de
les rendre heureux. Il apprécie mal le phénomène. Il le
perçoit mal. Il est incapable d'en saisir tous les tenants et
aboutissants. Je ne dis pas qu'il a raison. C'est important de se demander
quelle est la perception qu'a votre vis-à-vis de ce que vous dites. Vous
pouvez avoir raison si vous affirmez une chose. Mais, il faut que vous teniez
compte de la façon dont votre vis-à-vis va percevoir ce que vous
dites.
C'est un peu - je ne blague pas -comme un père de famille dont le
fils unique ou l'enfant unique est atteint d'une maladie incurable et fatale et
à qui on l'annonce. Il faut leur voir la tête lorsqu'ils entrent
dans
nos cabinets avec une requête en accréditation. Pour eux,
c'est le drame. Il n'y a pas de prix pour leur défense. Tous les moyens
sont bons. Qu'est-ce qu'on fait?
Il y a deux choses: ou on embarque avec lui et on l'embarque -
permettez-moi l'expression - dans un processus judiciaire long, coûteux,
fastidieux et dont toutes les parties sortiront perdantes, ou bien on tente de
le convaincre - cela se fait beaucoup plus souvent que les gens peuvent le
penser - que le phénomène n'est pas si dramatique. On tente de
lui faire accepter le phénomène et on tente de lui montrer
comment vivre avec ce nouveau phénomène, avec ce nouveau
partenaire qu'est un syndicat dans une entreprise.
Est-ce qu'on peut blâmer le petit employeur, le
propriétaire de PME d'avoir cette réaction? J'estime que non, M.
le Président. Tout ce qu'il connaît du syndicat ou des syndicats,
c'est ce qu'il lit. Si vous lisez les journaux du dernier mois, il n'y a pas
là une description rassurante du phénomène syndical. C'est
malheureux parce qu'on ne retrouve dans les nouvelles que ce qui souvent
constitue l'exception. En général, il n'est pas si mauvais de
vivre avec un syndicat, au contraire. Il y a des cas malheureux et c'est
souvent de ces cas-là qu'on entend parler. Vous entendrez rarement un
employeur de PME se vanter que le syndicat chez lui va bien, qu'il s'entend
bien avec le syndicat. Vous allez plutôt entendre parler le
propriétaire qui a des problèmes.
Or le nouvel accrédité, ce qu'il sait du
phénomène syndical, c'est ce qu'il lit ou ce qu'il entend et
c'est rarement positif. C'est pour cela qu'il a cette réaction. Ce n'est
pas facile de lui faire comprendre que le phénomène n'est
peut-être pas aussi dramatique ou aussi fatal.
Je vais vous donner un exemple. J'ai vécu la fameuse grève
de Reynolds. J'y ai été impliqué et nous avons
assisté à un déferlement de violence absolument
incroyable, injustifié, inadmissible et inacceptable. Je n'en ferai pas
le procès ici. Sauf une chose: tentez de vous imaginer la
réaction d'un propriétaire d'une entreprise moyenne de la
Mauricie qui, dans une période contemporaine aux
événements de la Reynolds, reçoit un matin, par courrier
recommandé, une requête en accréditation. Tentez de lui
expliquer que le phénomène syndical n'est pas si dramatique,
tentez de lui expliquer que, dans une très grande majorité de cas
ou un très grand nombre de cas, un employeur et un syndicat peuvent
s'entendre, vivre et cohabiter de façon convenable. Cela va prendre du
temps avant de lui expliquer et de lui faire accepter le
phénomène. Notre rôle comme procureur, plus souvent qu'on
ne le pense, c'est d'amener l'employeur à accepter ce
phénomène. Ce sont les raisons pour lesquelles, à notre
avis, raccourcir les délais n'aidera pas au phénomène de
la syndicalisation. À mon avis, c'est une erreur que de ramener à
cette mécanique la solution aux problèmes de la syndicalisation.
(13 h 30)
Vous pourrez court-circuiter les délais, vous pourrez
précipiter le processus, vous pourrez forcer l'employeur à
accepter, mais j'ai l'impression que c'est comme un mariage forcé, cela
ne fera peut-être pas des enfants bien forts. Si vous lui laissez le
temps d'accepter, d'assimiler ce phénomène, j'estime que le
résultat à moyen et à long terme sera beaucoup plus
positif, sera beaucoup plus fécond et pourra susciter des relations de
travail convenables. C'est la raison pour laquelle j'invite le gouvernement
à réfléchir avant de modifier les délais. Il y
aurait peut-être lieu de demander aux parties syndicales ou à
certaines d'entre elles de faire un effort pour être capables de projeter
une image un peu plus sécurisante ou un peu moins angoissante pour le
petit et moyen employeur, de sorte que, lorsqu'elles auront à
déposer une requête en accréditation et à transiger
avec un employeur, la réaction chez ce dernier sera peut-être
moins vive et moins négative.
Ceci étant dit, j'aimerais vous parler quelques instants, si vous
me permettez, des dispositions "antiscabs" et particulièrement de la
violence. En 1977, sauf erreur, lorsqu'on a adopté les dispositions
"antiscabs", l'objectif principal était de mettre fin à la
violence. Il s'agissait d'une transposition, à mon avis, inexacte des
dispositions législatives de la Colombie britannique. On est allé
bien au-delà de ce qu'il y avait en Colombie britannique, mais, au cours
des échanges que personnellement j'ai pu avoir avec certains hauts
fonctionnaires ainsi que d'autres en ont eus, on avait prévenu que cela
ne changerait pas la situation. Malgré ce que les gens vous ont dit ici
devant la commission, j'estime que, toute proportion gardée, le
phénomène est resté le même et s'est même
aggravé. On a peut-être moins de cas ou de conflits où il y
a de la violence, c'est parce qu'il y a moins de conflits. Mais il y a autant
de violence qu'il y en avait avant et elle s'exprime de façon fort
différente, et ce qu'il y a de malheureux, c'est qu'elle s'exprime
maintenant contre les salariés. Le plus bel exemple, c'est le dernier
conflit de la CTCUM où il y a des salariés qui ont
été menacés pour les empêcher soit de s'exprimer,
soit d'entrer au travail alors que la loi et la convention collective le leur
ordonnaient. À ce moment, il faut protéger non seulement
l'employeur, mais aussi les salariés. Je crois que c'est le devoir du
gouvernement d'y voir.
Pourquoi cela n'a-t-il rien changé? Parce qu'à notre avis,
la violence est rarement le fruit d'une situation pourrie. On
voudrait que ce soit le cas, on tente de faire croire que c'est le cas,
mais ce n'est pas le fruit généralement d'une situation pourrie.
La violence, aujourd'hui, c'est un objectif en soi. C'est un moyen pour gagner
une négociation, pour promouvoir une cause qui est souvent
étrangère à la négociation et souvent
étrangère au bien-être des salariés pour lesquels
les deux parties négocient. Cela sert aussi souvent d'un moyen pour
provoquer une répression qui elle-même servira à nouveau de
prétexte à intensifier la violence, que ce soient l'injonction,
l'intervention policière et l'obligation pour certains employeurs de se
servir de personnel de protection. À ce moment, c'est un nouveau
prétexte à violence et c'est l'escalade.
On se sert aussi de la violence à l'occasion ou on tente de s'en
servir pour forcer la main du gouvernement, et vous avez été
témoins des incidents qui sont survenus l'automne et l'hiver dernier. Je
n'ai pas besoin d'expliciter davantage. Quand on se laisse forcer la main, on
accrédite le fait, malheureusement trop répandu maintenant, que,
pour obtenir quelque chose, il faut de la violence. Très
récemment, c'est une déclaration faite à l'occasion du
problème de Madelipêche par un technicien en pêcherie -je ne
me souviens plus de son titre - sur les ondes de Radio-Canada, je crois, ou
quelque chose du genre. Je m'excuse, je n'ai pas le texte. Il disait:
Maintenant, il va peut-être falloir séquestrer les ministres pour
obtenir quelque chose ou bloquer des routes parce que la négociation
n'obtient rien. C'est grave, quand on en est rendu au point, M. le
Président, où on est en train d'accréditer la croyance
que, pour obtenir quelque chose, qu'on y ait droit ou non, ce n'est que par la
violence. Par une offensive publicitaire splendide, subtile, planifiée,
orchestrée, voulue dans certains milieux et par certains individus ou
groupements, on tente de faire croire que la violence est la conséquence
des conflits de travail, est causée par l'attitude des employeurs et est
l'expression du désespoir des salariés. Il y sûrement des
cas où c'est vrai, mais mon expérience me permet de constater
que, dans la plupart des cas, tel n'est pas le cas.
Nous pensons, M. le Président, que pour mettre un terme à
la violence, ce n'est pas en modifiant les dispositions antibriseurs de
grève, ce n'est pas en brimant ce que nous estimons être un droit
fondamental de l'employeur d'exploiter son entreprise, quelles que soient les
circonstances. C'est plutôt en adoptant certaines mesures
législatives pour démasquer, dénoncer, punir ceux qui
veulent la violence, ceux qui l'orchestrent, l'utilisent et la
répandent. Ces gens sont connus de certains de vos ministères et
on se demande pourquoi on n'est pas encore intervenu aujourd'hui.
On va vous donner des exemples. À la
CTCUM récemment, il n'y avait pas de briseurs de grève et
il y a eu de la violence. Reynolds Aluminium, au Cap-de-la-Madeleine: pas de
briseurs de grève; dommages matériels considérables,
vandalisme, assauts sur la personne, etc. Plus contemporain, Direct Film: six
ou sept magasins saccagés, pas de briseurs de grève,
négociations qui se sont déroulées relativement bien,
conflits de travail. Aucun briseur de grève, six ou sept magasins
saccagés. Et lorsque vous regardez les photos de famille, vous vous
rendez compte que vous ne reconnaissez pas un salarié et qu'une seule
personne sur les 25 ou 30 qui sont là est impliquée dans le
conflit à titre de conseiller spécial. Pas de salariés.
Est-ce cela les salariés en colère?
La violence est fomentée, voulue, orchestrée,
utilisée, manipulée par des gens pour qui le bien-être des
salariés ne nous apparaît pas être la principale
préoccupation, mais elle l'est pour nous, les employeurs, M. le
Président, parce qu'on en est victime. On paie pour et nos
salariés aussi. On tient à nos salariés plus qu'on ne le
pense. On voit nos salariés empêchés de s'exprimer,
menacés, bousculés et on est intéressé à ce
que cela cesse et à ce que les employeurs qui provoquent la violence -
s'il y en a qui le font - disparaissent aussi et qu'ils soient aussi punis que
ceux qui fomentent la violence.
Personnellement, j'ai été victime de violence et je vais
vous' dire une chose: Je ne tolérerai pas qu'ils provoquent la violence
chez mes clients. Mais quand on est frappé, quand on nous cause des
dommages, quand on détruit nos installations, quand on frappe nos corps,
qui souvent n'ont rien à voir avec la négociation, comme dans le
cas de Reynolds, à coups de pied et à coups de poing, au vu et au
su de la police, je vais prendre les mesures pour me protéger, et je
provoque.
On nous a accusés après de provocation, alors qu'on se
défendait, tout simplement. Il n'y avait pas de briseurs de
grève, il n'y a pas eu - pour utiliser l'expression populaire -
d'escouade de bras, il n'y a rien eu. On a fabriqué cela en partie
durant le conflit, avec les cadres. Jamais on n'a eu de gens de
l'extérieur. Par ailleurs, on a eu de la violence pendant neuf ou dix
mois, et à chaque étape aiguë de violence, il y a eu une
intervention différente, ce qui accréditait malheureusement la
croyance que la violence amène des résultats.
Une solution. J'estime, M. le Président, qu'il faudrait d'abord
une volonté politique qui serait le fruit d'un consensus des
élus, d'un consensus de l'establishment gouvernemental de mettre fin
à la violence. Ce n'est pas facile, j'en conviens. Il faudrait aussi
sévir contre les employeurs qui violent la loi. On nous a donné
des cas, on nous a fait état de cas d'employeurs qui auraient
violé la loi et qui n'auraient pas été
poursuivis. Poursuivez-les, ceux qui violent la loi. Mais il faut faire
attention quand on définit les mots "briseurs de grève" parce
que, dans la plupart des cas que j'ai lus, je crois que ce sont les cadres qui
continuaient à fonctionner. Mais si on embauche des gens de
l'extérieur aux fins de remplacer des salariés en grève,
qu'on poursuive les employeurs qui violent la loi. Qu'on tente
d'éliminer aussi ceux qui fomentent la violence et qu'ils ne jouissent
pas de l'impunité dont, dans les faits, malheureusement, ils jouissent
actuellement. Nous suggérons au gouvernement de créer à
l'égard de ceux qui causent ou qui participent à la violence une
présomption de fait. Vous allez voir que vous allez éliminer
substantiellement les phénomènes de violence. Ceux qui
participent à une "manif" - pour prendre l'expression connue - au cours
de laquelle des actes de violence sont posés, soit contre des biens,
soit contre des personnes, qu'on crée contre eux une présomption
non pas au sens du Code criminel, parce qu'on aurait des problèmes de
juridiction, mais au sens du Code du travail, en termes de
responsabilité contre ceux qui participaient et contre le syndicat en
place parce que, souvent, vous ne pouvez pas les identifier. Ils arrivent en
groupe, ils s'affichent d'une centrale ou d'autre, mais, une chose est
certaine, vous ne pouvez pas identifier tel ou tel individu. Créez une
présomption comme vous en avez créé une contre les
employeurs dans le cas de congédiements pour activités
syndicales.
C'est sûr que créer une présomption, c'est un accroc
aux droits des individus, j'en conviens, mais vous en avez créé
une contre les employeurs avec raison, parce qu'il est souvent impossible ou,
à tout le moins, difficile pour un salarié congédié
d'établir que c'était pour des motifs antisyndicaux. D'accord.
Faites la même chose en faveur de l'employeur et je vous dis que vous
allez réduire la violence dans la très substantielle partie. Ce
qui va arriver, c'est que le salarié qui se laisse manipuler, le pauvre
type qui se laisse "embarquer" dans ces manifestations ou expressions de
violence, vous allez le mettre dans une situation où il ne se laissera
pas manipuler de cette façon. Je vous certifie que, dans peu de temps,
vous allez mettre un terme à la violence. C'est essentiel parce que
actuellement l'image que les employeurs ont du syndicat, c'est cette image
malheureuse.
La PME ne pourra pas résister à un conflit qui pourrait
être déclenché par un syndicat particulièrement
vorace. Le fonds de roulement d'une PME, vous le savez, est de quelques
semaines et, tôt ou tard, elle sera obligée de fermer ou de plier.
J'estime que les conséquences des dispositions que vous vous
préparez à adopter pourraient être désastreuses et
catastrophiques au point de vue économique. Avant de procéder
à des amendements à la pièce, je soutiens respectueusement
que le gouvernement songe sérieusement à mettre son projet en
veilleuse pour examiner ensemble le phénomène de la violence,
examiner la possibilité d'une refonte complète du code et,
à l'aide des parties et du gouvernement, obtenir un consensus pour
repartir ou recréer un climat de travail qui sera au
bénéfice de tous: les salariés d'abord et les employeurs.
Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, Me Jolin et M. Paquin.
Alors, M. le député de Prévost et adjoint au ministre du
Travail, vous avez la parole.
M. Dean: M. le Président, au cours de la double
présentation des représentants de l'Association des
manufacturiers canadiens, il m'est venu à l'esprit quelques commentaires
et peut-être quelques questions ou demi-questions que j'aimerais poser.
J'ai surtout constaté avec un peu de perplexité et je me suis
demandé comment je pourrais trouver un terrain d'entente avec ce qui
vient d'être dit, cette série de principes. Certaines conclusions
ne semblent pas découler de ces ententes de principe et finissent par me
mêler. Peut-être que c'est seulement moi qui suis
mêlé, à la fin. (13 h 45)
II est de l'évidence même que les entreprises rentables,
concurrentielles, en santé et qui fournissent des emplois stables
doivent préexister à toute velléité d'organiser un
syndicat et de négocier une convention collective. En langage populaire,
il faut avoir une "job" avant de pouvoir exercer son droit d'association ou de
négocier une convention collective. Là-dessus, il n'y a
sûrement pas de discussion de la part du gouvernement -étant un
député - ni de moi-même. On est d'accord - j'ai fait un
exposé l'autre jour -sur le fondement de notre droit de travail qui est
exactement identique au vôtre. Les deux principes de base de la
législation du travail au Québec, comme ailleurs en
Amérique du Nord, sont la liberté d'association et la
reconnaissance de la convention collective entre employeur et employés
comme une façon normale d'établir des salaires et des conditions
de travail chez nous comme ailleurs.
Il y a un certain nombre de choses que les interlocuteurs de
l'Association des manufacturiers canadiens ont dit sur la violence en
général ou sur certains cas particuliers. Encore là, il y
a des terrains d'entente indiquant ce que sont les faits. Toutefois, il me
semble qu'on exagère peut-être ou qu'on utilise quelques cas pour
créer une impression. Je pense que, s'il est vrai que la plupart des
conventions collectives se règlent sans bruit et sans heurt par une
entente, ce sont des minorités de cas qui
finissent par des conflits.
Si on s'entend pour dire que c'est une minorité d'employeurs qui
font tout ce qui est en leur pouvoir pour contrevenir aux bonnes pratiques et
violer la loi, s'il est vrai que c'est une minorité de syndicats, dans
certains cas, malheureusement, qui abusent de ces prérogatives ou qui
adoptent des stratégies incorrectes légalement, socialement et au
détriment de la stabilité de certaines entreprises, il me semble
qu'un des objectifs de la loi est justement d'éliminer les comportements
inacceptables de part et d'autre.
Il ne faut pas non plus mêler des grèves légales et
des grèves illégales. Malgré que je ne puisse contester le
droit de l'Association des manufacturiers canadiens d'invoquer plusieurs cas
qui touchent le secteur public quand ils représentent 80% des
entreprises manufacturières, je ne peux pas vous empêcher
d'invoquer ces cas, mais il me semble qu'on aurait pu s'attendre, ce matin, que
l'Association des manufacturiers canadiens parle plus particulièrement
des expériences vécues dans le secteur manufacturier.
J'ai surtout été un peu surpris de constater - vous
êtes le dernier intervenant -que vous êtes le seul organisme qui ne
reconnaît pas ou qui n'a pas encore reconnu devant notre commission que,
effectivement, depuis la loi antibriseurs de grève, on a connu une
réduction des situations de violence, des situations déplorables,
lors des grèves.
Je me pose une question - je vous demanderai de me donner des
explications là-dessus dans votre réponse - quant à la
règle de la majorité absolue. Je dois souligner que le projet de
loi ne permet une "déviation" de la règle de la majorité
absolue que dans les cas où il y a deux, trois ou quatre syndicats
impliqués. Dans une première requête, c'est la règle
de la majorité absolue. Mais lorsqu'il y a un syndicat en place et que
les travailleurs ou un groupe de travailleurs décident de se donner ou
d'essayer de se donner un autre syndicat, selon la solution proposée
à ce problème, il y a un premier tour s'il y a plus de deux
syndicats. On élimine, on finit avec deux tours entre deux syndicats, un
en place et un qui veut prendre sa place.
Quels seraient les commentaires de l'Association des manufacturiers
canadiens sur une situation où, à la suite d'un vote entre deux
syndicats, à cause de l'absence d'un petit nombre de travailleurs le
jour du vote, le résultat serait très serré, disons 47% ou
46%, tandis qu'au départ, beaucoup plus de la moitié, beaucoup
plus de 50% des travailleurs étaient syndiqués, voulaient rester
syndiqués et, par le fait même, être regroupés dans
un syndicat ou l'autre? En quoi cela peut-il favoriser la libre association et
les bonnes relations de travail d'avoir des cas bizarres où, à
défaut de 1% ou 2% de majorité, à cause de quelques
absences, un groupe de travailleurs qui avaient au départ un syndicat et
ce, depuis longtemps, ayant manifesté un désir de changer de
syndicat, se retrouvent à la fin du vote sans syndicat du tout? En quoi
cela peut-il favoriser le respect du droit d'association et le maintien des
relations harmonieuses? Prenons le cas de Valcartier qui est peut-être 18
plus frappant où un syndicat de la FTQ était en place: un groupe
de travailleurs tente de se donner comme instrument la CSN, un autre groupe de
travailleurs tente de se donner en même temps le syndicat de la CSD. Tous
ces travailleurs avaient au moins une carte sinon deux cartes syndicales entre
les mains ou dans leur poche et, à la fin du procédé, il
n'y a plus de syndicat du tout parce qu'aucun des trois n'a pu
dégager... Dans ce cas-là, on pourrait présumer que 100%
des travailleurs voulaient demeurer syndiqués et ils se retrouvent sans
syndicat du tout. Encore là, on trouve dans votre exposé qu'il y
a une judiciarisation excessive, des procédés longs et fastidieux
- ce sont vos mots - d'accréditation syndicale.
Quand on regarde les statistiques du ministère du Travail, en
1972, 65% des dossiers d'accréditation se réglaient au niveau de
l'agent d'accréditation. C'était la façon la plus rapide
de régler, la première étape de l'accréditation. En
1982, il n'y a que 35% des dossiers qui se règlent au niveau de
l'accréditation. Quand on regarde le code actuel, pour que le dossier
passe de l'agent d'accréditation au commissaire du travail, il faut une
batterie de stratégies dont je n'évoque que quelques exemples:
contestation de l'unité de négociation, congédiement d'un
ou de plusieurs travailleurs, formation d'associations de boutique, pour
provoquer des procédures longues, fastidieuses, judiciarisées qui
finissent dans bien des cas par l'épuisement des deux parties, et
quelquefois, dans le cas de petites entreprises, par l'épuisement
financier des deux parties.
Je voudrais vous poser une question en référence à
vos remarques. Il est sûr et certain que la majorité des
employeurs se comportent bien vis-à-vis de nos lois de travail. C'est
toujours une minorité qui agit mal. Mais si on ne peut pas utiliser la
loi pour empêcher une minorité de mal agir, est-ce que
l'Association des manufacturiers canadiens a fait des efforts internes dans la
grande famille des entreprises, des pressions morales, des tentatives
d'autodiscipline où les entreprises qui se comportent bien essaient de
convaincre celles qui se comportent mal d'essayer de s'améliorer? Est-ce
que l'Association des manufacturiers canadiens pourrait nous éclairer
sur ce sujet? J'essaie d'être le plus bref possible.
Je vous dirai que, tant au nom du ministre et député de
Sherbrooke, qui est malheureusement malade, qu'en mon nom et au nom de mes
collèges, nous sommes aussi désireux que l'Association des
manufacturiers canadiens d'amorcer cette deuxième phase, de chercher un
nouveau consensus à la lumière des conditions des relations
patronales-syndicales en 1983 et peut-être de regarder ailleurs au Canada
pour trouver d'autres modèles d'organismes, que vos membres, dans
d'autres provinces, connaissent et vivent, comme piste possible de solution
à nos problèmes de relations de travail.
Encore là, vous n'aurez sûrement pas de discussion de notre
part.
J'ai essayé d'ouvrir des portes pour que vous puissiez nous
livrer vos réflexions sur certaines de ces questions.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, M. le
député de Prévost. Messieurs.
M. Paquin: M. le Président, je vais répondre en
partie et je vais laisser mes amis compléter.
M. le député de Prévost, je suis d'accord au moins
sur une chose que vous dites, à savoir que, avant de commencer à
accréditer du monde et avant de commencer à négocier avec
du monde, il faut des jobs. Là-dessus, on n'a pas de problème, on
s'entend bien. Mais le problème, il est là justement.
Que vous le vouliez, ou non - on parlait mardi dernier dans le salon
rouge d'un climat social - il faut améliorer le climat social. Qu'on le
veuille ou non, M. le ministre, l'image qu'on projette en termes de climat
social est malsaine. À tort ou à raison, elle est malsaine, que
ce soit au niveau des investisseurs éventuels ou que ce soit au niveau
des personnes qui sont ici et qui désireraient continuer d'investir.
Vous nous parlez d'un terrain d'entente, M. Dean. Il m'a semblé
très clair, dans une réponse donnée par M. Laberge, le
président de la Fédération des travailleurs du
Québec, et je ne peux la citer mot à mot - le journal des
Débats est là pour confirmer ce que je veux dire - lorsque M.
Laberge disait que les dispositions antibriseurs de grève pourraient
faire hésiter certains investissements, bien, je pense qu'il y a un
début de terrain d'entente ou, du moins, il y a un début
d'affirmation de part et d'autre à savoir que ça va causer
certains problèmes, certains problèmes d'ordre économique,
d'ordre social et autres.
M. Dean, je pense que vous connaissez assez bien l'AMC et assez bien
notre objectivité dans les discussions que nous avons souvent eues avec
vous et avec d'autres personnes d'autres ministères. On n'est pas ici
pour exagérer et on n'est pas ici pour créer une impression. On
vous a fait une certaine nomenclature de cas plus tôt. Bien sûr,
que ce n'est pas exhaustif mais ce qu'on a essayé de vous faire
réaliser, c'est ce qui se passe en réalité. Vous dites que
vous reconnaissez depuis un certain temps une certaine diminution de la
violence. M. Jolin a dit tantôt qu'une des raisons pouvait être
qu'il y avait moins de conflits. À ce sujet, je vais lui passer la
parole, si vous me le permettez.
M. Jolin: M. le député de Prévost, si vous
me le permettez, pour répondre en partie à une de vos
observations, je partage avec vous le point de vue que vous émettiez
selon lequel la majeure partie ou la très grande partie des conventions
collectives se règle sans conflit ou sans violence. Ceux qui adoptent la
stratégie que vous avez qualifiée de stratégie de violence
sont en minorité, j'en conviens. Cependant, ce qui nous inquiète,
du côté des employeurs, c'est le fait que cela semble vouloir se
répandre et que dans une certaine mesure - permettez-moi l'expression -
la violence semble vouloir gagner des lettres de noblesse. Je m'explique. (14
heures)
La violence se manifeste sous d'autres formes. On a peut-être
moins d'attentats sur la personne qu'il y a quelques années, on a
peut-être moins d'attentats spectaculaires, à quelques exceptions
près, mais elle s'exprime d'une façon différente, d'une
façon plus subtile. À cause de l'impunité dont semblent
jouir ceux ou celles qui la professent, l'utilisent, la répandent, ces
gens-là sont en train de gagner dans certains milieux un statut de
vedette. Il fallait voir, l'autre matin, sur le pont Jacques-Cartier, la
manifestation qu'il y a eu et qui bloquait la circulation. C'est une forme de
violence. Je ne vous dis pas qu'elle est la plus spectaculaire, qu'elle est la
plus condamnable. J'ai trouvé le procédé ingénieux
mais on a violenté X milliers de personnes. Il fallait voir la
tête des gens qui menaient la manifestation, avoir le statut de vedettes
après. Il faut avoir vu poser certains gestes de violence pour voir
comment les gens qui les avaient posés avaient le statut de
héros. Je pense au conflit Reynolds en particulier où, sans
aucune raison, sans aucun motif, on s'est laissé aller à une
orgie de violence. C'est cela qui est inquiétant, M. le
député. On est en train d'accréditer cette valeur de
violence. C'est cela qui inquiète l'employeur.
C'est ce qui me ramène à votre deuxième question,
qu'il n'y a que 35% des requêtes en accréditation qui se
règlent par l'agent d'accréditation. Pour l'employeur moyen - on
ne parle pas des grandes sociétés, je parle de l'employeur moyen
typiquement québécois - sa perception du phénomène
du syndicalisme est, en grande
partie, qu'on lui arrache les tripes, qu'on lui enlève ce qu'il a
de plus cher, mais il y a aussi cette perception, il a la trouille. Quand il a
une requête en accréditation, tout ce qui lui vient à
l'esprit, dans l'immense majorité des cas, c'est cette trouille. Il a
peur. Il s'imagine qu'on va lui démolir son entreprise, dans tous les
sens du terme. Ce n'est sûrement pas en totalité mais, en bonne
partie, une explication qui peut justifier le fait que l'employeur est moins
disposé à accepter, dans son entreprise, la présence d'un
syndicat. Je n'ai pas les statistiques en main. Je les tiens pour acquises. Je
ne doute pas que celles que vous avez sont exactes, mais il serait important,
au-delà des chiffres, de tenter de savoir de l'employeur pourquoi il
conteste. Il serait intéressant, si le ministère amorçait
une enquête là-dessus, de savoir pourquoi il s'oppose.
Quelquefois, il va s'opposer pour les motifs énumérés
à l'objection formulée. D'autre fois, c'est pour des motifs
probablement autres. Il serait intéressant de savoir, M. le
Président et messieurs les députés, pourquoi il s'oppose.
Est-ce de l'antisyndicalisme viscéral? N'est-ce pas plutôt la
perception qu'il a du syndicalisme, la crainte qu'il a, qui est, je suis
d'accord avec vous, souvent mal fondée, souvent incorrecte, souvent
injuste, mais on ne peut pas empêcher les gens d'avoir une perception. Il
faut tenter de dissiper cette mauvaise perception. Il y a divers moyens qu'on
peut utiliser. Il serait intéressant que le ministère fasse une
enquête là-dessus pour tenter de connaître les motifs
réels.
Vous nous avez souligné qu'on n'a pas soulevé de conflit
privé. Evidemment, je ne suis pas en possession de toutes les
statistiques, mais je vous en désigne quelques-unes. Je vous ai
parlé de Reynolds et je vais vous parler maintenant de Biscuits David,
de Direct Film. Il y en a d'autres. Vous avez la Régionale Saint-Bruno.
Que ce soit légal ou illégal, la manifestation est la même,
vous savez. La violence est la même. Elle ne se justifie pas, à
mon humble avis, plus dans un cas que dans l'autre. Elle s'explique
peut-être mieux dans un cas de conflit illégal ou de grève
illégale. Mais il reste quand même qu'elle est là.
Quand les dames, à Saint-Bruno, se sont fait violenter, elles
exerçaient le droit le plus fondamental de travailler et de respecter la
loi. Je ne dis pas qu'on les a frappées au point qu'elles ont dû
être hospitalisées mais, quand même, cela a
été une manifestation de violence. Vous connaissez quel sort la
presse a réservé à cette manifestation. Cela a fait les
manchettes. Le conflit n'est pas plus pardonnable, qu'il soit légal ou
illégal. À mon avis, la résultante ou la manifestation est
la même. C'est la raison pour laquelle les gens que nous
représentons expriment de fortes réserves sur l'à-propos
de l'adoption des dispositions antibriseurs de grève.
M. Paquin: À votre question, M. Dean, à savoir si
l'AMC fait des efforts internes ou ce que vous appelez des tentatives morales
ou de l'autodiscipline vis-à-vis de ses membres, je peux vous
répondre sans aucune ambiguïté: oui. Au risque de perdre du
"membership", les mauvais employeurs ne nous intéressent pas. Je suis
là depuis quatre ans, et l'employeur qui m'appelle pour me demander
comment on fait pour se débarrasser d'un syndicat, je lui réponds
carrément qu'il ne s'adresse pas à la bonne instance. Nous ne
sommes pas des antisyndicaux. . Au contraire, nous avons d'excellentes
relations avec eux.
Sur cette question, je pense que M. Trépanier voudrait ajouter un
aspect également.
M. Trépanier (Yves): M. le Président, je pense
qu'il faut voir, dans le mémoire qu'on a présenté de
même que dans les interventions qu'on a faites jusqu'ici, de la part de
l'AMC, un souci d'honnêteté dans le présent débat.
Nous ne parlons pas ex cathedra. Nous ne parlons pas dans l'absolu. Nous disons
que, si on reconnaît avec vous que des problèmes existent et si on
reconnaît avec vous où sont les problèmes, ce que, nous, on
ne sait pas de façon absolue, de façon certaine, c'est les causes
de ces problèmes. On croit que des enquêtes sérieuses ou
des recherches sérieuses n'ont pas été faites pour
déterminer les causes des problèmes et qu'en conséquence
on est loin d'être sûr que les solutions proposées soient
les solutions appropriées aux problèmes.
Maintenant, si les gens du ministère ont fait des recherches pour
savoir quelle était la cause de la violence, quels étaient les
motifs pour lesquels il y avait des délais à
l'accréditation et les motifs pour lesquels il y avait des délais
à l'arbitrage, par exemple, nous, on ne les a pas, ces données.
Le sens de notre position est qu'il faut qu'on fasse ces recherches, qu'on
établisse clairement les causes du problème. On va travailler
avec vous pour découvrir ces causes. On va collaborer. On pourra ensuite
élaborer des solutions qui seront appropriées.
Le grand problème, pour un employeur - on l'a dit dans le
mémoire que M. Paquin vous a lu tout à l'heure - s'il adopte les
mauvaises solutions dans le domaine des relations du travail, où tout ce
qu'on concède par législation ou par convention devient
aisément des droits acquis, il aura fait un pas dans la mauvaise
direction et il ne sera pas capable de revenir.
Sur un autre point, très brièvement. C'est le
député de Prévost qui posait la question: Est-ce que vous
parlez aux membres? Je pense qu'il n'y a aucun
organisme qui a fait ce que l'AMC-Québec et l'AMC-Canada ont fait
au cours des derniers mois. On a publié un document, que vous avez
probablement tous entre les mains, qui s'appelle: La concurrence dans le
village terrestre, où on attribue aux employeurs 90% peut-être des
problèmes qu'on connaît. On n'a pas mis là-dedans la faute
sur le syndicat, on n'a pas mis la faute sur les gouvernements. On a dit: On
est responsable en grande partie des problèmes qu'on a. Ce qu'on dit
cependant aujourd'hui, au moment où il se fait des propositions de
modifications au code: si les solutions qui sont proposées ne sont pas
les bonnes, cela ne nous aidera pas à corriger la situation.
Dans les derniers mois, je pense qu'on a fait preuve - en tout cas et
dans le mémoire qu'on a présenté - d'une grande
honnêteté. On dit: Cherchons à savoir quelles sont les
causes et on va travailler avec vous et avec d'autres pour apporter les
solutions appropriées.
M. Johnson (Anjou): M. le Président.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je remercie le
député de Brome-Missisquoi de me permettre d'intervenir.
J'avertis tout de suite nos invités que je devrai quitter dans quelques
minutes à cause d'un problème d'horaire et compte tenu du
déplacement de la commission.
Je vous remercie, messieurs de l'AMC, de nous avoir
présenté ce mémoire. Nous allons continuer d'analyser les
dispositions qu'on y retrouve, particulièrement à compter de la
page 15.
Je sais aussi, M. Trépanier et M. Paquin, les efforts qui sont
faits par votre association en termes de prise de conscience, de
développement d'une certaine solidarité, et de conscience que
c'est ensemble qu'on va régler certains des problèmes
économiques au Québec. Je sais que vous faites des efforts dans
ce sens-là. On en a eu des échos. Vous avez l'admiration de bien
des gens dans le gouvernement en ce que vous tentez de faire.
Néammoins, à l'égard de la question de la violence,
j'aurais juste quelques commentaires très rapides à formuler,
entre autres, à M. Jolin. La violence, d'abord, ce n'est pas le fait
exclusif du Québec. J'espère qu'on va se mettre cela dans la
tête comme il le faut. On peut peut-être faire notre mea culpa des
fois parce qu'il y a de la violence. Je vous invite à aller faire un
tour en Colombie britannique. J'y suis allé à quelques reprises.
Vous avez déjà vu cela des chantiers sauvages dans la
construction? Vous irez voir en Colombie britannique.
Deuxièmement, vous irez faire un tour dans le Mid-West
américain. Vous irez faire un tour sur l'ensemble du continent, et vous
allez vous rendre compte des phénomènes de violence. Un des
dangers qui nous guettent au Québec, c'est de s'imaginer que c'est bien
épouvantable et que cela se passe seulement chez nous. Je pense qu'il y
en a moins ici qu'il y en a ailleurs sur le continent. Je pense qu'entre
autres, parmi les dispositions qui ne sont pas étrangères
à cela, il y a les dispositions de 1977 à l'égard des
dispositions antibriseurs de grève. Je ne prétends pas que c'est
exclusivement à cause de cela, mais je pense que cela a eu un effet
objectivement.
Deuxièmement, la violence se manifeste souvent par des actes
criminels. Quand elle se manifeste par des actes criminels, bon Dieu, il y a un
Code criminel, il y a des tribunaux et il y a des juges qui sont
supposés s'occuper de cela. C'est aux citoyens de se tenir debout et de
faire ce qu'ils ont à faire. Quelqu'un qui fait une agression sur la
personne, quelqu'un qui démolit et qui fait des méfaits publics,
il faut s'en occuper en vertu du Code criminel.
Troisièmement, il y a une caractéristique évidente
à l'égard de la violence, qui est souvent la durée des
conflits. Reynolds, Ménasco, Direct Film, la Biscuiterie David sont des
dossiers que vous connaissez bien, M. Jolin, qui ont duré respectivement
neuf, onze et quatre mois pour les deux derniers. Il ne faut pas
s'étonner qu'à l'occasion, dans des dossiers comme
ceux-là, il arrive certains épisodes où les gens sont
tendus. En dehors de ce dossier et peut-être un ou deux autres - je ne
parle pas des secteurs public et parapublic où il y a eu des
grèves illégales, et c'était déjà
illégal, il ne fallait pas s'étonner qu'il y ait certains
éléments de violence - je pense que vous ne pourriez pas m'en
nommer beaucoup.
Je dis donc à l'égard de la violence: oui, elle existe. Je
pense qu'elle existe ici à moindre degré qu'ailleurs. Je pense
qu'il y a un énorme problème de perception dans le monde patronal
et il est très dangereux que certains des procureurs
spécialisés dans ce domaine alimentent ces perceptions et ces
appréhensions de l'ensemble des entreprises à l'égard de
ce qu'est ou n'est pas un syndicat. Je pense que c'est un
phénomène important qu'il ne faut pas perdre de vue. Par
ailleurs, inutile de dire que dans la mesure où on se présente au
monde entier face à nous-mêmes, d'une part, et au monde entier
comme étant une place où ça va bien mal, après cela
il ne faut pas se retourner de bord et dire: C'est effrayant, la perception
pour les autres, les investisseurs, nos voisins, le monde du Vermont, etc., est
mauvaise. Il faut commencer quelque part.
Ceci dit, tout cela n'empêche pas que votre association, encore
une fois, qui a fait, je pense, des travaux remarquables depuis un certain
nombre d'années, particulièrement
depuis sept ou huit mois, fasse avancer les choses dans un contexte
différent et dans un contexte - je le dirai tout de suite - si on ne se
donne pas la main et si on ne se sert pas les coudes dans certaines choses, qui
va générer la violence dans notre société. Ne
pensez pas que les Québécois vont rester tranquilles pendant dix
ans si on continue d'avoir du chômage au niveau où il est
là. Il va falloir qu'on en sorte à un moment donné. Mais
pour en sortir, il faut regarder en avant. Il ne faut pas toujours regarder en
arrière. Il ne faut pas toujours regarder les affaires qui sont les
pires.
Ceci dit, je pense qu'il y a des positions fort légitimes de
votre point de vue que vous défendez dans votre mémoire. Nous les
étudierons. Je ne dis pas que nous pourrons en tenir compte dans tous
les cas. Je vous remercie de vous être présentés M.
Trépanier, M. Paquin, M. Paquet et M. Jolin.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: À moins qu'il y ait une réplique
immédiate aux commentaires du ministre, je suis prêt.
Le Président (M. Blouin): Je crois que chacun a
émis de part et d'autre son avis.
Je vous cède la parole, M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je vous remercie, premièrement, de vous
être présentés, d'avoir préparé un
mémoire qui couvre les aspects de principe ainsi que les aspects
techniques du projet de loi qui est devant cette commission. L'organisme que
vous représentez est un organisme impressionnant. Vous avez
mentionné au début que vous représentez 80% de la
capacité manufacturière du Québec. Cela donne autant de
poids aux arguments de principe et aux observations techniques qui sont
contenus dans votre mémoire. Plus spécifiquement, si on se
retrouve à la page 7 dudit mémoire, dans le chapitre "Les
dispositions antibriseurs de grève", vous soulignez, au premier
paragraphe: "Nous croyons que l'amendement proposé concernant les
dispositions antibriseurs de grève est destiné à accentuer
le déséquilibre déjà amorcé en 1977 et
à faire franchir à la législation ouvrière du
Québec le seuil de l'inacceptabilité nord-américaine, si
ce n'est déjà fait."
Vous avez, comme employeur ou les employeurs que vous
représentez, devrais-je plutôt dire, un droit de lock-out qui vous
est reconnu. Les dispositions antibriseurs de grève visent à
donner au droit de grève une applicabilité, une contrepartie
à ce droit de lock-out. De quelle façon pouvez-vous nous parler
de déséquilibre?
M. Trépanier: Elle se situait, je pense, dans ce
paragraphe. On parle de concurrence avec les autres fabricants qui se trouvent
ailleurs au Québec mais principalement dans les autres provinces
canadiennes et dans les États américains, principalement dans les
États du nord-est américain.
Sans être des spécialistes de ce domaine, à quelle
place ailleurs y a-t-il des lois antibriseurs de grève? Colombie
britannique, où on va légiférer pour interdire la
présence de briseurs de grève professionnels, payés avec
prime, pour remplacer les travailleurs qui sont en grève ou
lock-out.
Mais à part cela où, ailleurs dans les autres provinces, y
a-t-il des lois antibriseurs de grève? Dans quels États
américains retrouve-t-on cela? Je ne sais pas. Il y en a peut-être
à quelques endroits mais on ne le sait pas. Au Québec, on a cela,
et on trouve que malgré cela, la violence est tellement importante qu'il
y a un problème urgent de venir légiférer pour porter
encore plus loin les interdictions de faire faire du travail en cas de
conflit.
On me dit: Nous avons déjà quelque chose que les autres
n'ont pas. C'est nécessairement une contrainte. Si ce n'était pas
une contrainte, ce ne serait pas là. C'est nécessairement une
contrainte et on va poser une contrainte additionnelle. Et curieusement, c'est
le ministre des Affaires sociales qui disait, tout à l'heure, qu'il y a
plus de violence. Une autre province canadienne, la seule je pense qu'il a
mentionnée où il y avait de la violence, c'était la
Colombie britannique où il y a aussi des lois antibriseurs de
grève, mais plus limitées. Alors je voudrais savoir quelle est la
cause et quel est l'effet? C'est peut-être une boutade mais...
M. Paquin: Si vous permettez. Sur la question du droit de
lock-out, on dit que cela va accentuer le déséquilibre. Il ne
faudrait pas oublier une chose, c'est que le droit de lock-out est un moyen de
défense contre la grève. Laissez-moi vous expliquer. Quand une
compagnie est en grève et qu'elle commence à connaître un
peu de violence et qu'elle commence à connaître un peu de brisage
de vitres, un peu d'intimidation et tout ce que vous voulez, l'employeur n'a
pas d'autre choix que de faire un lock-out. S'il y en a qui ont dans l'esprit
que droit de grève d'un côté et droit de lock-out de
l'autre, cela s'équilibre, c'est totalement faux. C'est plus un moyen de
défense pour l'employeur. Le rapport des forces n'est pas là.
M. Paradis: Vous avez fait un long exposé sur la violence
et une des conclusions que vous en avez tirées est l'absence de
volonté politique. Vous avez dit - j'ai pris des notes, je n'ai pas le
journal des Débats
non plus à cause des délais: Poursuivez ceux qui violent
la loi, éliminez ceux qui fomentent la violence. Vous avez laissé
sous-entendre - j'aimerais des précisions là-dessus - que le
gouvernement du Québec sait qui, dans certains milieux, fomente cette
violence. Est-ce une affirmation que j'ai bien comprise ou est-ce une
supposition que je fais?
M. Jolin: Je me suis peut-être mal exprimé mais ce
que, de toute façon, je voulais dire était ceci: Pour en venir
à éliminer autant que possible - il ne faut pas faire
d'angélisme, il y aura malheureusement toujours de la violence - la
violence, j'ai dit que cela supposait ou j'ai voulu dire que cela supposait une
volonté politique de le faire. Je n'attribue pas l'exclusivité de
cette volonté politique au gouvernement en place, quel qu'il soit. C'est
aux parties en place: le gouvernement, les employeurs et les parties syndicales
qui veulent éliminer la violence. Je tiens à préciser une
chose: Mon expérience me permet de constater, sans avoir de statistiques
encore, que le fait de la violence n'est pas le lot de tous les syndicats. Au
contraire. Je suis d'accord pour admettre que c'est le lot d'une
minorité agissante, peut-être importante, qui prend
peut-être plus de place qu'elle ne devrait, mais bon nombre de syndicats
ne se laissent pas aller à la violence, ne la tolèrent pas, ne la
cautionnent pas, ne s'en servent pas ni ne la fomentent. Elle peut arriver.
Elle peut survenir dans certains cas, mais je sais des instances syndicales ou
des structures syndicales qu'elles ne la tolèrent pas et qu'elles font
tout ce qu'elles peuvent pour l'éliminer. Malheureusement, ce n'est
peut-être pas le lot de toutes ou de tous.
Pour être bien juste, si on me permet une observation, je ne
prétends pas que les amendements à l'article 77 n'ont eu aucun
effet. Ce que je prétends, comme constatation, c'est qu'ils n'ont pas eu
tout l'effet désiré. C'est ce qui nous amène à dire
que, avant d'adopter d'autres dispositions ou de resserrer celles qui existent
pour "enfarger" l'employeur, l'empêcher de survivre en temps de conflit,
il serait peut-être bon qu'on analyse les causes de la violence et qu'on
recherche ceux qui en sont responsables.
Le gouvernement ne cautionne sûrement pas la violence, j'en suis
convaincu. Sauf que j'estime que le gouvernement a les moyens policiers ou
autres pour démasquer ceux qui la fomentent, qui l'utilisent, et tenter
de les mettre hors d'état de nuire. Mais, malheureusement, il y aura
sûrement des cas où cela ne sera pas possible. Mais qu'on se donne
les outils pour tenter d'y arriver. Ce n'est pas en empêchant l'employeur
de produire qu'on y arrivera.
M. Paradis: Vous parlez, à ce niveau, d'inclure une
suggestion que vous faites, une présomption de fait contre ceux qui
pratiquent la violence. Vous en faites une espèce d'équilibre ou
contrepartie à la présomption que l'employeur a concernant le
congédiement pour activités syndicales. Est-ce que vous ne croyez
pas que ces présomptions, dans l'ensemble, dans un Code du travail,
dérogent aux règles de droit normales et qu'on peut, à
partir du moment où on accepte le principe de la présomption,
tomber justement dans une escalade de présomptions?
M. Jolin: Je ne crois pas qu'on tomberait dans une escalade de
présomptions. Cependant, je prétends - je suis d'accord avec
vous, M. le député - qu'il s'agit là d'une exception
à la règle générale et à la règle
normale. Mais vous adoptez des exceptions ou des dispositions
particulières pour ceux ou celles qui ont des comportements
particuliers. Dans certains cas, le législateur a adopté des
présomptions pour permettre à celui qui était victime
d'une situation et qui n'était pas en état, normalement,
d'établir les éléments de preuve nécessaires pour
asseoir sa réclamation ou sa position, il lui a accordé une
présomption qui entrait en jeu à la suite de certaines
conditions.
Vous avez l'exemple du piéton heurté par un
véhicule. Comment voulez-vous demander à un piéton qui se
fait frapper par un véhicule en arrière d'identifier le
chauffeur, de donner la vitesse, etc. Vous l'avez créé dans la
loi. Vous l'avez créé dans le cas de congédiements pour
activités syndicales, parce que - je pense qu'il y a un certain
consensus là-dessus - il est difficile, sinon impossible, pour un
salarié d'établir lui-même la preuve que son employeur l'a
congédié pour ses activités syndicales. Soit. Mais dans ce
cas-ci, il est évident qu'on est dans la quasi-impossibilité
d'établir hors de tout doute, non seulement la présence, mais la
participation de certaines personnes à des actes de violence. Ce serait
créer une présomption qui émarge de la règle de
droit normale pour des gens dont le comportement émarge ou
détonne par rapport à un comportement normal moyen.
M. Paradis: Je reviens à votre mémoire, à la
page 13, sous le chapitre "L'exode", où vous dites ce qui suit: "Pour se
soustraire aux effets néfastes de telle législation, les
entreprises n'auront d'autre choix que de s'installer, du moins en partie, dans
d'autres provinces. Comment expliquer autrement le développement
remarquable de parcs industriels situés en périphérie du
Québec, Hawkesbury, par exemple".
On entend souvent parler d'exode des entreprises. Certains les
attribuent à la
fiscalité québécoise qui serait plus lourde et non
concurrentielle avec celle de nos voisins. Certains l'attribuent à des
abus au niveau de la législation linguistique. Vous, vous semblez
l'attribuer au Code du travail. Sur quoi vous basez-vous pour attribuer cet
exode au Code du travail?
M. Paquin: On l'attribue aussi au Code du travail. Je ne veux pas
faire le procès de tout ce que vous avez dit, mais la loi 101, la
taxation, les droits successoraux, enfin, la panoplie habituelle de ce que les
associations patronales vous disent, à cela on ajoute les dispositions
du Code du travail.
J'espère pouvoir vous présenter à l'automne,
à la commission parlementaire qu'on nous promet sur la refonte en
profondeur, des études comparatives sur ce qui se fait et ce qui existe
ailleurs en termes de plusieurs éléments dont, entre autres, le
Code du travail. Alors, la combinaison de tout cela dans l'esprit d'un
investisseur... Permettez-moi une parenthèse. Quand j'étais
à l'université et qu'on nous donnait les critères pour
implanter une usine quelque part, on disait: la proximité des
matières premières, la main-d'oeuvre et le transport - il me
semble, parce que c'est loin. Maintenant, les investisseurs disent aussi: Le
climat social, c'est quoi? Le climat des relations du travail, c'est quoi? Et
d'autres climats. Alors, c'est aussi cela. Informez-vous, pour le "fun", en
périphérie du Québec, du nombre de demandes que vous avez.
On parle de Hawkesbury, on aurait pu en mentionner d'autres. Informez-vous du
nombre de demandes de compagnies québécoises pour aller
s'installer ailleurs et quels sont les avantages, etc. Je dis: Informez-vous
pour le "fun", mais ce n'est pas comique.
M. Joliru M. le Président, me permettez-vous...?
Le Président (M. Blouin): M. Jolin, je l'ai signalé
aux membres de la commission et je vous le signale à vous
également, nous devons terminer nos travaux à 14 h 30, alors,
nous en sommes à la conclusion.
M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Le ministre a mentionné dans sa propre
conclusion: II faut commencer quelque part; il faut regarder en avant.
Trouvez-vous, dans le projet de loi 17, qui n'est pas encore adopté, que
cela semble être le regard vers l'avant, que ce sont des mesures propres
à stimuler l'économie et à assurer soit le maintien ou la
création d'emplois?
M. Trépanier: Je pense que la réponse qui s'impose
est non. Si on me permet d'ajouter seulement une phrase, c'est qu'on ne voit
pas l'urgence d'adopter maintenant ces mesures. Selon ce que certains nous
disent, qu'on est dans une période de calme relatif, qu'il y a moins de
conflits qu'il y en avait, que l'été s'en vient et que la
commission arrivera à l'automne, alors, s'il y a tout cela, si ce n'est
pas si grave, Seigneur, attendons quelques mois!
M. Paradis: Je vous remercie.
Le Président (M. Blouin): Merci. Très bien. Il est
presque 14 h 30. Une autre commission doit prendre notre place à 14 h
30. Alors, sur ce, je me fais le porte-parole de tous les membres de la
commission... Un dernier mot, M. Paquin?
M. Paquin: M. le Président, on voulait simplement, encore
une fois, comme on l'a fait au début, remercier les membres de la
commission. On vous remercie beaucoup de nous avoir donné la chance de
présenter notre mémoire.
Le Président (M. Blouin): Je vous remercie
également de votre grande disponibilité et de votre apport
à ces travaux.
Sur ce, la commission parlementaire du travail a complété
le mandat qui lui avait été confié par l'Assemblée
nationale. Je demande donc maintenant au rapporteur de cette commission, M. le
député de Vachon, de faire rapport dans les meilleurs
délais à l'Assemblée nationale. Nous ajournons nos travaux
sine die.
(Fin de la séance à 14 h 29)