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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 9 juin 1983 - Vol. 27 N° 95

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes en regard du projet de loi 17 - Loi modifiant le Code du travail et diverses dispositions législatives


Journal des débats

 

(Quinze heures dix minutes)

Le Président (M. Blouin): La commission permanente du travail reprend ses travaux. Je vous rappelle que le mandat de cette commission est d'étudier le projet de loi 17, Loi modifiant le Code du travail et diverses dispositions législatives.

Les membres de cette commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Cusano (Viau), M. Dean (Prévost), M. Johnson (Anjou), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lafrenière (Ungava), M. Payne (Vachon), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Marquis (Matapédia), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Rivest (Jean-Talon), M. Lachance (Bellechasse).

Les intervenants sont: M. Bélanger (Mégantic-Compton), M. Champagne (Mille-Îles), M. Fortier (Outremont), M. Leduc (Fabre), M. Pagé (Portneuf), M. Lavigne (Beauharnois), M. Polak (Sainte-Anne), M. Proulx (Saint-Jean), M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Nous avons donc aujourd'hui jusqu'à 18 heures, selon ce qu'on m'a dit, pour terminer l'entretien avec la Fédération des policiers du Québec et, ensuite, nous entendrons la Chambre de commerce de la province de Québec, dont je présume que les représentants sont présents. Est-ce que les représentants sont ici? Ils sont ici. Ensuite, la Centrale de l'enseignement du Québec. Les représentants de la centrale sont-ils ici?

Je vous rappelle que nous avons certaines contingences, comme toujours, en termes de temps. Lors de la suspension de la séance, il y a deux jours, la Fédération des policiers du Québec avait terminé sa présentation grâce à la générosité dont nous avions fait part en termes de temps. Maintenant, nous allons aborder la partie des échanges avec cette fédération.

M. Nadon, aux fins du journal des Débats, vous pourriez peut-être, à nouveau, vous identifier et identifier ceux qui vous accompagnent. Ensuite, je demanderai au ministre des Affaires sociales de commencer l'échange.

Fédération des policiers du Québec (suite)

M. Nadon (André): M. le Président, je vous remercie. Mon nom est André Nadon, président de la Fédération des policiers du Québec; à ma gauche, M. Guy Marcil, directeur exécutif du même organisme; à ma droite, Me Guy Bélanger, procureur à l'emploi de la fédération.

Le Président (M. Blouin): M. Nadon.

M. Nadon: M. le Président, M. le ministre, messieurs dames, membres de la commission, j'aimerais que vous m'accordiez quelques minutes uniquement dans le but de récapituler.

Le Président (M. Blouin): Monsieur...

M. Nadon: Vous savez, le mémoire a été présenté - on se rappelle l'heure qu'il était - et il y a au moins un aspect auquel on n'a malheureusement pas eu le temps de toucher, qui était, pour une part, la question de l'article 99. Évidemment, nous sommes ici en commission parlementaire, qui est également une phase de consultation par rapport aux amendements proposés. Nous l'avons déjà évoqué dans notre mémoire, nous n'avons pas eu préalablement la chance d'être consultés sur les amendements qui touchent de façon très particulière le recours que nous avons au niveau des relations du travail, au niveau des policiers. Or, j'aurais un bref exposé à faire concernant l'article 99.

Le Président (M. Blouin): Quand vous dites, M. Nadon, un bref exposé, vous l'évaluez à combien de minutes?

M. Nadon: À deux ou trois minutes au plus.

Le Président (M. Blouin): D'accord, allez-y.

M. Nadon: Je dois vous dire que - de toute façon, cela est souligné dans notre mémoire - nous sommes très heureux de constater que, finalement, le gouvernement a donné suite à une inéquité qui était contenue dans le Code du travail, soit la question de l'article 99 qui limitait, à toutes fins utiles, la rétroactivité concernant une sentence arbitrale. Évidemment, nous en sommes heureux, mais encore faudrait-il prévoir par ailleurs un mécanisme à l'intérieur duquel le fait que l'article 99 n'existe plus ne soit pas le feu vert pour prolonger les délais. Il va être question tantôt de la question des délais et nous aurons à y répondre.

Alors, c'est pour cela que nous avons

prévu, à l'intérieur de notre mémoire, une disposition afin que le conseil d'arbitrage puisse déterminer, s'il le juge à propos, un intérêt selon, évidemment, la question des délais. Il y avait ça que j'avais à dire. Il y avait aussi la question des trois ou quatre points fondamentaux qui nous touchent, la question de l'article 4, c'est-à-dire la question du droit d'association, le contenu de la convention collective qui touche plus particulièrement, en fait, tout ce qui touche la réglementation municipale et le concept de la notion d'équité et de bonne conscience. M. le Président, nous nous prêtons de bonne grâce aux questions que M. le ministre et les membres de la commission voudront bien nous poser.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Nadon.

M. le ministre, vous avez la parole.

M. Johnson (Anjou): M. Nadon, voici ma première question. Dans le cas des policiers, en ce qui concerne le retour à l'arbitrage par opposition à une négociation conclue sans arbitrage, qu'est-ce que ça représente environ comme pourcentage ou comme cote?

M. Nadon: De façon générale, si l'on se place dans le contexte actuel, je dois vous dire que c'est peut-être faussé par rapport à toutes les revendications qui ont pu être faites par les municipalités, ce qui a amené un changement d'attitude au niveau de la négociation.

D'une part, on est arrivé au niveau de la négociation avec une norme qu'on qualifie d'aléatoire et d'arbitraire dans notre mémoire, qui est une augmentation de 6% et de 5%, et il y a beaucoup de municipalités qui se sont retranchées derrière cette norme en refusant de procéder de façon normale au processus de négociation.

Nous ne voulons pas faire de procès d'intention auprès des municipalités, mais on s'est aperçu qu'il semblait y avoir une espèce de concertation pour proposer ce genre d'augmentations et, si c'était refusé, à ce moment, automatiquement, on n'avait guère de choix, on n'en avait qu'un, qui était de recourir à l'arbitrage. Ce ne sont pas les municipalités qui recouraient à l'arbitrage. Elles se limitaient à faire leurs propositions et, une fois que la sentence était rendue -on a vu ce qui s'est dit dans les journaux, dans les médias on attaquait à ce moment purement et simplement le système.

C'est pour cela que je vous dis que, si vous me demandez de vous répondre de façon précise, de vous dire, par exemple, quel est le pourcentage de conventions collectives qui aboutissent à l'arbitrage par rapport à celles qui sont négociées entre les parties, je peux vous dire que, si vous m'aviez posé la question il y a quatre ou cinq ans, j'aurais évidemment une réponse différente de celle que je vais vous donner.

Présentement, possiblement 80% des conventions collectives...

M. Johnson (Anjou): 80%? M. Nadon: Possiblement, oui.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que les pompiers, à votre connaissance, sont soumis aux mêmes genres d'approche de la part des municipalités?

M. Nadon: Au niveau de l'approche?

M. Johnson (Anjou): Oui. Les conditions salariales, 6% et 5%, ou des choses de cette ordre-là; est-ce qu'ils sont soumis à peu près à la même chose?

M. Nadon: Je ne peux pas vous dire quelle est l'attitude parce qu'on a pu voir, au niveau de la tendance par les années passées, qu'il y avait un genre de lien - ou de rapprochement - qui existait entre les conditions de travail des pompiers et des policiers. C'est-à-dire que, si vous aviez, à un moment donné, un écart de salaire de l'ordre de 500 $ à 600 $, cela avait tendance à être maintenu au cours des années.

Souvent, dans la majorité des cas, on voyait, par exemple, que les policiers - sans aucune prétention - faisaient figure de proue au niveau de la convention collective, au niveau de la négociation et, par la suite, les conditions de travail qui avaient été obtenues en négociation pour les policiers étaient accordées aux pompiers.

Je ne peux pas vous dire si l'attitude est la même, mais j'ai l'impression que le fait que les policiers pavaient indirectement la voie à la négociation des pompiers avait pour effet d'amener des règlements à la table de négociation.

M. Johnson (Anjou): D'accord. Ce qui me frappe quand vous mentionnez 80%, c'est que les employeurs sont les mêmes, finalement, à l'exception des communautés urbaines, en pratique. Toutefois, pour l'ensemble du territoire du Québec, l'immense majorité des syndicats de pompiers ou de policiers, vous faites affaires avec le même interlocuteur patronal. Pourtant, j'ai été frappé et même un peu surpris - je voulais vous le dire - de voir que, dans le cas des pompiers, c'était un nombre absolument marginal. Trois ou quatre cas étaient allés en arbitrage. Les autres cas avaient été négociés, alors que chez vous, 80% vont en arbitrage et pourtant c'est le même employeur.

M. Nadon: Oui, mais j'ai partiellement

répondu à votre question plus tôt, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Oui, mais est-ce que vous pensez vraiment que c'est applicable dans chacune des municipalités dont on parle? Des pompiers, des policiers ont obtenu une sentence arbitrale et, par la suite, c'est plus ou moins, mutatis mutandis, ce qui était appliqué aux pompiers.

M. Nadon: Je dois vous dire que, d'après ma connaissance personnelle, plusieurs associations de policiers attendent effectivement que les pompiers aient négocié leur convention collective pour entreprendre la leur. En fait, si vous vouliez pousser le raisonnement plus loin ou l'étude de façon un peu plus exhaustive, il faudrait faire une recherche au niveau des conventions collectives des pompiers et des policiers. Peut-être les conditions de travail, ont-elles été obtenues pour les pompiers par voie de négociations, mais vous allez vous rendre compte - j'en suis pratiquement sûr - que les conditions de travail que les policiers ont obtenues sont comparativement les mêmes que celles des pompiers. Pour cela, il faudrait que vous recueilliez toutes ces conventions collectives et en fassiez l'étude.

M. Johnson (Anjou): M. Nadon, j'ai lu dans votre mémoire, qui est abondamment documenté, j'ai revu certaines revendications traditionnelles de votre syndicat, notamment à l'égard de l'affiliation syndicale. On sait que vous voulez le maintien du statu quo à l'égard des arbitres à la fois quant à la composition du tribunal d'arbitrage et quant aux critères d'équité et de bonne conscience. On sait également que vous êtes en faveur du retrait de l'article 99. Sur l'ensemble de ces choses, je pense que les enjeux sont clairs. Il y a quelque chose qui sous-tend tout cela, indépendamment des longues démonstrations statistiques qu'on peut faire.

Dans la mesure où vous avez dans une municipalité, quelque part, des citoyens qui sont des employés de cette municipalité, mais à un autre titre que policiers - on sait le rôle extrêmement important que vos membres jouent - qui acceptent des conditions qui ressemblent à un gel ou à quelque chose en deçà de l'inflation, croyez-vous que les policiers devraient être à l'abri de cela dans notre société?

M. Nadon: Je dois vous dire que, dans les municipalités, le recours à la négociation, du moins pour la fixation des conditions de travail, est différent du nôtre. Comme vous le savez, nous faisons partie d'un régime d'exception. Que je sache, je ne connais pas d'employés dans les municipalités qui aient accepté de gaieté de coeur la proposition que vous venez de me faire. Notamment au niveau des cadres, on sait que, dans bien des situations, ils n'avaient guère le choix: on leur a tout simplement imposé soit un gel de salaire, soit une augmentation très minime.

Par rapport à l'ensemble des autres unités syndicales, c'est le rapport de forces qui joue et qui continue à jouer au niveau du mécanisme auquel elles sont assujetties dans le Code du travail, c'est-à-dire la négociation et, par la suite, la grève.

Je dois vous dire que, si j'en parle, je vais vous parler de Laval, qui est la ville d'où je viens. Il y a eu une négociation qui s'est faite à ce niveau. Les augmentations de salaire qui ont été consenties à ces employés, j'ai eu toute la misère du monde d'obtenir la même augmentation de salaire. Cela avait été consenti aux pompiers, aux cols bleus, aux cols blancs. Quand est venue la question des policiers, l'offre de la ville était inférieure. J'ai soupçonné pourquoi il en était ainsi. C'est parce qu'on craignait, politiquement, que la municipalité ne crée tout un émoi en accordant une augmentation de salaire qui aurait été pourtant comparable à celle des autres employés. Si vous me demandez, au niveau de la province, par exemple, quels sont les sacrifices volontaires qui ont été faits par les autres employés, je ne pourrai pas vous répondre parce que je ne connais pas de syndicat ou de groupement d'employés qui ait accepté tout simplement un gel de salaire ou une augmentation très réduite. Si vous le permettez, M. Marcil pourrait renchérir là-dessus.

M. Marcil (Guy): En fait, à la question du ministre, je travaillais hier à un dossier de Victoriaville où les employés ont eu cette année leurs salaires gelés; pas d'augmentation de salaires pour les cols blancs et les cols bleus. Ce qui a été amené par l'employeur, ce furent des comparaisons avec Drummondville. Actuellement, le col blanc de Victoriaville, en fait, qui est le plus payé... Attendez un peu. Celui qui est le moins payé, à Victoriaville, le col blanc, a 0,04 $ l'heure de moins que le col blanc de Drummondville qui est le mieux payé. Alors que chez les policiers, il y a une différence à peu près de 10% en moins dans le salaire entre un policier de Victoriaville par rapport à un policier de Drummondville. Comme je l'ai dit l'autre jour, c'est que les critères de négociations sont difficiles à appliquer dans notre secteur. La grande majorité des cols blancs et des cols bleus ont le SCFP, la CSN, la CSD et ils ont des patterns d'établis entre différentes villes.

À la question que vous avez posée concernant les pompiers, je crois que la Fédération des pompiers regroupe environ une trentaine de corps de pompiers au Québec, alors que, dans la fédération, on a actuellement 70 corps de policiers-pompiers. Vous avez souvent un corps de policiers,

comme à Rimouski, qui comprend environ une quarantaine de personnes par rapport à quatre ou cinq pompiers, mais, en fait, sustentés par des pompiers volontaires. Le rapport de forces, évidemment, ce que M. Nadon vous a dit, c'est qu'en grande partie les pompiers vont attendre qu'il y ait eu une négociation au niveau des policiers pour pouvoir acheminer leurs demandes.

M. Johnson (Anjou): Je pense que je vais pouvoir laisser la parole à mon collègue de l'Opposition, mais, juste avant, je voudrais passer une remarque et poser une dernière question. La remarque est la suivante: Je trouve frappant que vous utilisiez le vocable de rapport de forces qui est une chose courante en vertu du code, qui fait partie de la réalité nord-américaine. De plus en plus, je pense que l'époque que nous vivons, et vous n'en disconviendrez pas, vous êtes les serviteurs de l'État comme la plupart des gens qui sont rémunérés par des corps publics... De plus en plus, à cause de la situation économique, il faut accepter le principe - je pense qu'il y a un bout de chemin important qui est en train de se faire, même dans les structures syndicales -que s'en remettre purement au rapport de forces va amener finalement l'éclatement de la société, à moins, évidemment, qu'on ne soit tous des autruches. Je ne pense pas que vous soyez des autruches. Je ne pense pas que la plupart des structures syndicales soient des autruches. Au contraire, il y a un cheminement qui se fait dans beaucoup de structures syndicales à l'égard d'une prise de conscience de la réalité économique et de ses conséquences sur la capacité de rémunération, que ce soient des corps publics ou même, dans certains secteurs industriels, des entreprises privées.

Je voulais simplement m'assurer que vous vous inscrivez dans ce mouvement d'une nouvelle conscience qui ne signifie en aucune façon que vous ferez de l'à-plat-ventrisme -et Dieu sait que votre historique démontre que vous n'avez jamais fait cela - et que vous êtes d'accord pour vous engager dans une réflexion extrêmement exigeante pour des leaders syndicaux qui doivent expliquer à leurs commettants qu'à toutes fins utiles, il faut des appétits un peu moins grands dans certains cas.

La question porte essentiellement sur le tribunal d'arbitrage. À l'égard du tribunal d'arbitrage, on a parfois des échos et c'est même formalisé à l'occasion... Quand j'étais au ministère du Travail, il m'est arrivé d'avoir des plaintes de gens de la Conférence des arbitres qui prétendent que, dans le système d'arbitrage à trois arbitres, même s'ils veulent le maintien du statu quo actuel pour toutes sortes de raisons, il arrive qu'ils se sentent parfois intimidés en tant qu'arbitres.

Le rôle de l'arbitre est de trancher dans un litige et non pas de se substituer à une des parties, mais ils ont parfois l'impression que l'arbitre syndical - j'ai vu le contraire se produire aussi du côté patronal, mais je parle à un syndicat - les intimide un peu comme s'il était l'employeur. Je voudrais juste vous entendre commenter là-dessus. Est-ce que notre système n'a pas finalement un peu érigé cela en habitude, qu'autour de la table les arbitres, celui qui vient du côté patronal et celui du côté syndical, recommencent la médiation, la conciliation, les nuits tardives et, à un moment donné, cela dégénère en ce qui arrive beaucoup dans les relations du travail, des menaces verbales, des coups de poing sur la table et le reste? Et finalement, tout ce monde est obligé de signer un rapport. (15 h 30)

M. Nadon: Je vais commencer par répondre à l'observation que vous avez faite tantôt en rapport avec le rapport de forces. Évidemment, ce qu'on veut dire, ce qu'on signifie, en fait, par le rapport de forces, s'il y a quelque chose, c'est que le rapport de forces nous défavorise à l'heure actuelle par rapport à la question de l'enjeu. Disons que je préférerais qualifier le rapport de nos relations du travail de rapport d'équilibre de forces entre les parties. Je ne pense pas qu'on puisse aujourd'hui même penser ou invoquer le fait que le rapport d'équilibre était à notre avantage.

Vous allez même vous en rendre compte par le mémoire qu'on vous a présenté, la question de l'arbitrage comme telle a réussi, au cours des années, à nous consentir une certaine forme de rattrapage. On n'a jamais innové, on n'a jamais révolutionné des tendances au niveau des augmentations de salaires ou au niveau des différentes conditions de travail qui ne se retrouvaient pas ailleurs dans d'autres conventions collectives. Nous avons fonctionné sur une base de comparaison et, en fait, ce sont les seuls effets bénéfiques que le système nous a procurés jusqu'à maintenant, tellement que le rapport de forces... On parle abondamment, dans notre mémoire, de la question de la négociation du fonds de retraite et des régimes d'assurances. Toutes les unités syndicales, quelles qu'elles soient, ont, je ne dirais pas le privilège mais le droit de négocier leurs conditions de travail et, pour nous, c'est primordial.

Depuis cinq ou six ans, nous n'avons plus le droit de le faire parce qu'il y a eu une certaine forme de jurisprudence qui s'est créée au niveau des tribunaux d'arbitrage, qui sont, en fait, décriés par l'Union des municipalités qui nous a nié des améliorations à ce chapitre, c'est-à-dire qu'on a décliné juridiction. Or, on est en Cour d'appel présentement. Il y a déjà eu

une décision de rendue en Cour supérieure et une autre décision a été rendue à la Cour suprême dans une autre province. Mais il reste que, si vous parlez toujours du rapport d'équilibre, il est considérablement déstabilisé en ce qui nous concerne.

En ce qui touche, par exemple, le tribunal d'arbitrage comme tel, vous savez que la décision qui est rendue par un tribunal d'arbitrage est finale, exécutoire et lie les parties. C'est différent au niveau de l'arbitrage de griefs parce que l'arbitrage de griefs est basé sur du droit existant et, de toute façon, les sentences de l'arbitrage de griefs sont sous la surveillance de la Cour supérieure. Donc, il y a une juridiction à être exercée par les arbitres et, à défaut d'excéder leur juridiction, il y a des recours qui peuvent être exercés à la Cour supérieure tandis qu'en ce qui nous concerne, il n'y en a pas. Il n'y a pas d'appel et on n'en veut pas non plus. Je comprends que ce soit une proposition faite par l'UMQ. On peut s'imaginer comment cela pourrait judiciariser le système parce qu'on a vu que, même au niveau des arbitrages de griefs, chaque fois qu'il y avait une décision qui pouvait être attaquable, à ce moment, c'étaient des évocations, des mandamus ou je ne sais trop. J'ai bien l'impression qu'il en serait ainsi si jamais nous avions des décisions arbitrales qui nous étaient favorables au niveau des différends.

Il reste qu'à tous les paliers supérieurs où vous avez à décider d'enjeux importants, vous avez une composition qui est quand même de plus d'une personne. Vous avez la Cour d'appel du Québec, c'est au moins trois personnes - deux tout au moins - et, à la Cour suprême du Canada, vous avez neuf personnes. Encore là, peut-être que ce n'est pas assez puisqu'on dit que les décisions penchent toujours du même côté.

En ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas voir un tribunal qui puisse comprendre moins de trois personnes. La proposition qui est contenue dans les amendements proposés, c'est qu'il y ait un arbitre unique mais, s'il y a entente entre les parties, il pourrait y avoir des assesseurs. Je pense qu'à ce niveau les enjeux sont considérablement importants et qu'il faudrait continuer à laisser les enjeux se jouer, comme c'est le cas présentement. Maintenant, je cède la parole à M. Marcil concernant l'autre partie.

M. Marcil: Sur la remarque du ministre au niveau de l'intimidation de certains présidents, je peux vous dire que j'ai fait à peu près 200 arbitrages dans les cinq ou six dernières années et j'ai toujours abordé le tribunal de différends comme n'étant pas un tribunal d'indifférence. L'intérêt que nous représentons, le fait que nous n'avons pas le droit de grève ou d'association nous place évidemment dans une position souvent inférieure vis-à-vis de certains procureurs patronaux où la preuve présentée est souvent accompagnée d'études économiques qu'on n'est pas capable de se payer. Je pense, entre autres, à une étude dernièrement, dans la ville de Sherbrooke, qui a dû coûter de 15 000 $ à 20 000 $. Alors, en ce qui me concerne, je pense que le système comme tel n'a pas eu de remarques désobligeantes de notre côté à l'endroit des arbitres ou à l'endroit des arbitres patronaux et des procureurs patronaux qui, à l'occasion, n'ont pas suivi les règles du jeu. Dans sa balance des inconvénients, nous avons accepté le système et ce qu'on vous demande, c'est simplement de le reconduire.

M. Johnson (Anjou): Si vous le permettez, M. le Président, une dernière remarque, puisque je suis sûr que cela n'implique pas M. Marcil. Je prends connaissance ici d'une sentence arbitrale rendue le 29 septembre 1982 dans le cas du différend opposant la Fraternité des policiers de Longueuil à la ville de Longueuil, dans laquelle le président du tribunal d'arbitrage dit ceci, à la fin de sa sentence:

La violence. Au-delà du contenu de cette décision, cet arbitrage s'est déroulé dans un climat qui me fait douter de la validité de la décision. En effet, j'ai été à trois reprises l'objet de menaces verbales ou physiques sérieuses et je noterai à l'intention des parties, et particulièrement du ministre du Travail, que l'arbitre syndical à deux reprises a proféré des menaces très sérieuses à mon égard dans des termes non équivoques, incluant des menaces de mort qui étaient accompagnées de gestes non équivoques, de bousculades, de coups de pied et de coups de poing sur les effets personnels jusqu'au point où le président du conseil a dû intervenir de manière virulente pour faire cesser les menaces dont j'étais alors la victime. D'ailleurs, au cours d'un de ces événements, le président a lui-même fait l'objet d'une menace de la part de l'arbitre syndical. Il est vrai qu'il s'agissait d'une menace d'un autre ordre, celle en particulier d'être rayé de la liste. Dans un tel climat, est-il vraiment permis de croire que cette décision a une valeur juridique probante?

Je ne pense pas que ce soit la règle, mais le problème de fond que cela pose, c'est le suivant: des cas comme celui-là ou des cas analogues. Dans la mesure où il y a un tribunal - et parce qu'il y a un tribunal, c'est une sentence du tribunal - il est très clair que des événements de la nature de l'intimidation et de la violence et surtout l'argument "on va te faire rayer de la liste" que j'ai entendu 100 fois et qui est d'ailleurs le propos courant qui revient périodiquement au moment où la liste est soumise au CCTM, cela met cette institution dans une situation

un peu drôle, pour ne pas dire étrange. En ce sens, les mérites de l'arbitre unique et de la proposition qui est dans la loi, ce n'est pas d'empêcher l'expression du point de vue syndical, mais de ne pas soumettre l'institution à la nécessité de rendre une décision qui pourrait être à ses propres yeux entachée parce que l'institution elle-même a été atteinte lors de conversations qui ont dégénéré en autre chose que des conversations. C'est là une des rationalités qu'il y a derrière cela. C'est la protection de l'institution elle-même.

Encore une fois, je ne prétends aucunement que c'est généralisé, ce type de choses-là, mais c'est suffisamment grave pour qu'un président de tribunal d'arbitrage signe cela dans la sentence.

M. Marcil: Peut-être que je suis impliqué là-dedans. Je peux vous dire que si, à toutes les fois...

M. Johnson (Anjou): Ce n'est pas vous qui étiez le procureur syndical.

M. Marcil: Oui, j'étais l'arbitre syndical.

M. Johnson (Anjou): Ah! Vous étiez l'arbitre syndical?

M. Marcil: La personne à qui il se réfère, c'est moi. D'accord? Si, à toutes les fois, M. le ministre, depuis 30 ans que je fais de l'arbitrage, je vous avais écrit le comportement de certains arbitres ou de certains arbitres patronaux ou procureurs patronaux, je pense que vous auriez un dossier plus volumineux. Je regarde les relations du travail dans une dimension beaucoup plus détaillée où les règles des parties ne sont pas écrites. J'ai toujours cru que, lorsque l'arbitrage était fini, comme disent les Anglais: "Let bygones, be bygones". La lettre ou le document qui vous a été envoyé a été envoyé dix mois après que l'arbitrage fut terminé. Je n'ai même pas répliqué et, quand je l'ai reçu, le document comme tel a pris exactement la "filière ronde" et il s'en est allé en dessous de mon bureau parce que l'individu, à mon point de vue, n'avait aucune crédibilité. J'aurais pu vous écrire et vous pourriez, aujourd'hui, mentionner qu'une séance d'arbitrage avait été déterminée par les parties. À la dernière minute, l'arbitre patronal s'est rapporté malade, celui qui écrit. Le climat des relations du travail entre les policiers de Longueuil et la ville de Longueuil était un climat explosif, et il l'est encore. On retourne à l'arbitrage avec d'autres acteurs. D'accord?

Mais, quand le tribunal a fixé la date, l'arbitre patronal s'est rapporté malade. Il y a un policier de Longueuil qui a téléphoné à son bureau le lendemain. Il devait être alité et malade. Il s'est fait passer pour un conseiller de Sainte-Marthe et a pris rendez-vous avec lui, alors que ce type s'était rapporté malade pour "stâler" le tribunal d'arbitrage et l'empêcher de tenir sa séance d'audition. Je n'ai pas pris la plume. Je n'ai pas écrit. Je ne me suis pas plaint. Vous savez, là-dedans, il faut que vous en preniez et il faut que vous en laissiez.

Ce sont des hommes, ce sont des êtres humains et on essaie, autant que possible, par l'expérience qu'on a, de donner une dimension aux parties au cours de la négociation, et c'est ce qui est important. Pour les vingt derniers arbitrages qu'on a faits l'année dernière, il y a eu de nouveaux présidents à au moins dix d'entre eux. Ils n'avaient aucune notion de ce genre de relation du travail. Évidemment qu'il y a des discussions. Il se peut que, avec le sang latin que nous avons, il y ait des choses qui se disent. En fait, la violence à laquelle on s'est référé à ce sujet, je prendrais cela entre guillemets.

M. Johnson (Anjou): Je pense qu'on n'est pas ici pour faire le procès, encore une fois, et surtout pas le vôtre, d'autant plus que je tenais pour acquis que vous n'étiez pas dans ce dossier, parce que je n'ai lu que le bas de la page où il est écrit: procureur syndical, M. Miron. Il est vrai que vous étiez l'arbitre syndical. Mais je vous dirai que votre réponse, M. Marcil, à bien des égards... Dans ce cas spécifique, vous dites: Voilà l'arbitre patronal qui a pris une mesure dilatoire.

M. Marcil: Oui.

M. Johnson (Anjou): Je présume que ce que vous nous dites est vrai, pour les fins de notre discussion. N'est-ce pas la démonstration même que notre système d'arbitrage est soumis...

M. Marcil: Une fois le prix... M. le ministre....

M. Johnson (Anjou): Non, mais n'est-ce pas la démonstration même que notre système d'arbitrage, s'il oblige une institution tripartite à rendre des décisions, est soumis, à cause de ce contexte dont vous parlez de tensions normales entre êtres humains qui savent ce que c'est et qui connaissent le tabac - merci! - en général, constamment à des procédures dilatoires, est soumis à un ensemble d'enchevêtrements d'événements de droits, de respect de la notion de tripartisme? Tout cela, en fin de compte, qu'est-ce que cela donne? Cela donne des sentences qui ne sortent pas ou qui sont longues à sortir.

Ce que vous évoquez, comme les motifs

qui auraient pu résulter de cette personne qui a écrit cela, l'exemple que vous donnez pour justifier ou pour expliquer ce qui s'est passé, pour moi, c'est de l'eau au moulin sur la notion du respect de cette institution qui est essentielle. Ce projet, probablement, viendrait confirmer, dans la mesure où il n'y a qu'un arbitre unique et des assesseurs syndicaux qui, parce qu'ils sont assesseurs, se tireront un peu les cheveux, ce qui est un peu normal, mais qui ne mettront pas en péril l'institution elle-même de l'arbitrage...

M. Marcil: Je vous l'ai dit en aparté: Si, parce qu'il y a un incident auquel je ne vous ai même pas référé... Ce n'est pas un incident qui fait changer le système, M. le ministre. À cause d'un incident, vous accrochez... Je vous l'ai dit dans le passage tantôt: Est-ce que, parce qu'on a fait une grève le 7 octobre 1969 - j'étais ici, de l'autre côté - le système a été changé? Je vous pose la question. Le système n'a pas été changé parce qu'il est survenu une grève. Est-ce que le système a été changé parce qu'on n'a pas le droit de négocier nos fonds de retraite et nos assurances? Cela nous cause un préjudice indu. Mais parce qu'on s'attache à un événement qui est arrivé et que nous-mêmes n'avons pas porté à votre attention... On s'est dit: Parfait, c'est dans les règles du jeu. Mais je tiens à vous dire que la partie patronale, elle va mettre le paquet, elle va mettre les meilleurs procureurs. Quant aux mesures dilatoires, je dois tout de même dire que ce n'est pas une pratique courante de la part des employeurs. On ne vous a jamais fait de plaintes écrites ou orales à quelque occasion que ce soit. On se dit: Ce n'est pas à cause d'un incident qu'on va se donner le droit de changer ce qui est la pierre angulaire de nos relations du travail, même avec ses imperfections, même avec le temps que cela prend, même avec l'argent qu'on n'a pas dans nos poches. Mais on se dit: C'est tout de même une institution, qu'on ne connaît peut-être pas en Europe ou aux États-Unis, mais c'est une institution qui a une certaine crédibilité à notre niveau.

M. Nadon: M. le ministre... (15 h 45)

M. Johnson (Anjou): Merci, M. Marcil.

M. Nadon: Je voudrais ajouter quelque chose là-dessus, concernant le système comme tel. Il y a eu des décisions rendues de l'ordre de 4.3 dont vous vous souvenez certainement. On n'en a pas profité non plus pour changer le système. Évidemment, on a décrié le système. Il reste qu'il est resté tel quel jusqu'à ce que l'Union des municipalités fasse des représentations tellement soutenues qu'à un moment donné on a eu l'impression de voir le gouvernement répondre en partie tout au moins à ses demandes. Lorsqu'on parle de l'institution du tribunal d'arbitrage, comme M. Marcil le disait tantôt, évidemment des incidents surviendront à l'intérieur de tous les tribunaux d'arbitrage qui ont été constitués au cours des années. C'est bien sûr, mais ce n'est pas en ayant des incidents de cette nature qui peuvent se produire à l'occasion qu'il faudra remettre en question l'institution même des conseils d'arbitrage.

M. Johnson (Anjou): Merci, M. Nadon.

Le Président (M. Blouin): Merci. Avant de donner la parole au député de Brome-Missisquoi et sans vouloir être désagréable envers qui que ce soit, je rappelle cependant - je sais que nous sommes en train de nous remettre en marche - que nous devrions essayer, dans la mesure du possible - je parle à l'égard de chacun des partis représentés ici - de condenser les interventions en une vingtaine de minutes -ce qu'on a excédé un peu cette fois-ci - si on ne veut pas en décevoir d'autres encore aujourd'hui. M. le député de Brome-Missisquoi, vous avez la parole.

M. Paradis: M. le Président, je peux vous assurer que je ne serai assurément pas plus long que le ministre. Dans un premier temps, je tiens à vous féliciter de la qualité de votre présentation. Le mémoire est complet, bien fait, recherché, fouillé. Vous avez fait un beau travail.

Maintenant, au niveau du fond, au niveau des principes, on retrouve à la page 9, au bas de la page, la citation suivante: "On y apprendrait aussi que, dans plusieurs de nos municipalités, le policier municipal a pour fonction en plus de faire respecter les lois fédérales, provinciales et les règlements municipaux d'agir également comme pompier." J'ai vécu dans une petite municipalité qui avait un petit service et je trouve votre citation un peu incomplète, parce que, dans plusieurs municipalités, ce sont également des éducateurs au niveau de la jeunesse, ces policiers. Il faudrait le mentionner la prochaine fois parce que cela arrive dans plusieurs municipalités au Québec.

Pour ce qui est des salaires, de la rémunération qui est un point assez crucial, j'ai retrouvé dans la transcription d'un enregistrement d'une émission télévisée qui s'appelle Actualités, produite le 7 février 1983, le passage suivant qu'on vous attribue, M. Nadon, et qui se lit comme suit: Ce que nous revendiquons, c'est un salaire égal pour tous les policiers du Québec, indépendamment de l'endroit où ils se situent. Il n'y a rien de nouveau à cela. Nous prétendons que la fonction comme telle est la même, indépendamment où vous allez. Selon les

milieux, comme législateurs, on nous soumet, région par région, municipalité par municipalité, des indices de richesse des populations qui ont à payer les salaires des policiers municipaux. Cela varie au Québec. Cela varie énormément d'une région à l'autre. Les policiers sont habituellement des gens qui sont impliqués dans leur communauté, non seulement à titre de policier, mais dans les loisirs et d'autres fonctions également. Est-ce que vous pensez que, socialement, le membre que vous représentez pourrait bénéficier d'un salaire très supérieur à l'ensemble de ses concitoyens et se sentir à l'aise dans la communauté où il vit?

M. Nadon: En fait, il est vrai que j'ai fait cette citation. Vous la retrouverez d'ailleurs à l'intérieur de notre mémoire. Nous n'avons absolument aucun complexe vis-à-vis des objectifs que nous voulons atteindre. Ce que nous recherchons, c'est d'obtenir, pour une fonction comparable... Et même, elle n'est peut-être pas tout à fait comparable, vous venez d'ajouter un élément à notre fonction qu'on n'a pas souligné, mais que, peut-être, nos collègues de la Sûreté du Québec n'ont pas à exercer. Dans certains milieux, peut-être, mais pas autant que nous autres, puisque nous sommes en milieu urbain et avec toute la panoplie des services que nous devons offrir à nos concitoyens... Il reste qu'il y a le rapport Saulnier qui a été publié en janvier 1978 et nous avons annexé l'une des recommandations du rapport Saulnier. À l'époque, je dois vous dire que les personnes qui siégeaient à ce comité formaient ce qu'on appelait le groupe de travail sur les fonctions policières, dont M. Lucien Saulnier était président. Vous aviez également M. Jacques Bellemarre, avocat; M. Réjean Breault, secrétaire de la Commission de police; M. Roch Dufort; M. Gérard Giroux, qui était directeur de police de Chicoutimi; Me Jacques O'Bready, qui était maire de Sherbrooke et qui était aussi président de l'UMQ. Ils ont tous conclu, concernant la question des traitements - et c'est ce que vous allez retrouver à la toute fin de notre mémoire, en annexe 3... On dit qu'une comparaison tirée des réponses à un questionnaire dont une copie paraît à l'annexe 3 montre des écarts appréciables entre les traitements payés selon la taille des municipalités. Cependant, il existe une tendance au nivellement - même à ce moment-là, cela avait été perçu, on voyait les écarts qui diminuaient - il existe donc une tendance au nivellement des traitements entre villes ayant la même importance démographique. Le tableau 16 donne les traitements hebdomadaires selon la taille des municipalités, et là on dit: "une première constatation s'impose". Un policier qui a les mêmes qualifications et le même emploi du temps payé peut recevoir 7384 $ par année de moins selon qu'il est employé par une municipalité de moins de 2500 habitants ou de plus de 100 000 habitants.

On dit: L'analyse des questionnaires indique des disparités entre les municipalités situées dans une même région administrative. En réalité, ces disparités sont, en bonne partie, dues à... Enfin, on dit - ce qui est l'essence même de la recommandation que vous retrouverez à la toute fin - et je vous fais grâce du début: En effet, dans les services gouvernementaux où prévaut une uniformité de traitements sur tout le territoire, le coût est assumé en totalité par l'État. On indique que les salaires devraient être sensiblement les mêmes et là où il y a des disparités, une partie devrait être comblée par l'Etat.

Tout est proportionnel. Je ne pense pas que la ville de Montréal ou une petite municipalité de la province ait plus les moyens de payer un policier tant par année qu'une autre municipalité dans une autre région. Dans le cas de Montréal, par exemple, vous vous rendrez compte, dans les statistiques qui nous sont données par la Commission de police, que le coût per capita, pour un policier à Montréal, est pas mal plus élevé que celui en province. Il y a évidemment de multiples raisons qui expliquent cette situation.

D'une part, le rôle du policier de Montréal va au-delà des limites territoriales de la communauté urbaine. Vous avez un taux d'encadrement qui est nettement supérieur à celui des petites municipalités. C'est peut-être là-dessus que je tire une certaine conclusion quand je dis que tout est proportionnel. Dans certaines municipalités, vous avez un taux d'encadrement... À Montréal, par exemple, vous vous rendrez compte qu'il est de 2,50 policiers par 1000 habitants. À d'autres endroits, le taux d'encadrement est d'un policier par 1000 habitants. Là où cela se rejoint au niveau du raisonnement, c'est que, si vous regardez le budget qui est affecté à la police par rapport au budget municipal, cela se situe aux environs de 10% ou 11% pour l'ensemble des municipalités.

C'est la même chose pour un employé de la Sûreté du Québec qui, elle, se retrouve à travers toute la province et même, à certains endroits, on lui accorde une prime d'éloignement. Il est bien certain que, lorsqu'on commence à faire des calculs au niveau du per capita, il en coûte moins cher pour un policier de la Sûreté du Québec parce que c'est divisé par 6 000 000 de Québécois tandis qu'au niveau d'une municipalité donnée, c'est divisé par le nombre de gens qui composent la municipalité.

Pour répondre à votre question, les budgets qui sont consacrés aux policiers par

rapport à une municipalité sont tous à peu près les mêmes. Ça varie de 10% à 12%. Dans une municipalité de taille importante, par exemple, vous avez besoin de 2,50 policiers par 1000 habitants et, dans une autre municipalité voisine, vous aurez peut-être besoin d'un policier par 1000 habitants, d'où provient le coût moins élevé d'un corps de police par habitant par rapport à une grosse municipalité ou encore, par rapport à l'ensemble de la population.

M. Marcil: Je veux juste rajouter ceci: Si on prend, en fait, deux villes, les preuves qui peuvent être apportées sont basées en grande partie... Quand on parle d'équité et de bonne conscience, je peux vous dire que le tribunal d'arbitrage tient également, je pense, en priorité, tout le contexte de la ville: les revenus, la situation de chômage. Cela est tout de même retenu au niveau du conseil et je pense que c'est dans ses priorités.

Vous allez arriver, comme j'ai fait à Sainte-Thérèse à l'automne, dans une ville où on a à peu près le même corps de police qu'à Saint-Lambert, où on met en preuve que c'est une ville où la criminalité est, tout de même, assez visuelle. L'employeur dit au tribunal: Nous autres, c'est vrai, mais par contre on est une ville composée d'ouvriers, de petites et moyennes entreprises, de PME, et on n'a pas la capacité de payer les salaires que demande la fraternité, entre autres celle de Saint-Lambert ou celle des villes de la rive sud. Ces gens disent: Si on avait les revenus ou les moyens de Saint-Lambert, il n'y a pas de doute qu'on serait peut-être dans une meilleure situation de rémunérer nos policiers. C'était l'argument de fond.

Il y a deux semaines, je m'en vais à Saint-Lambert. À Saint-Lambert, l'argument était le suivant: Vous savez, nous autres, M. le Président, c'est une ville dortoir. Si on avait la criminalité de Sainte-Thérèse, si on avait, en fait, ce phénomène de situations qu'on retrouve avec les grèves, mais, chez nous, vous savez, M. le Président, c'est une ville dortoir; nos gens, nous autres, à une heure, la nuit... Alors, d'une place à l'autre, il y a toujours une bonne raison pour laquelle les gars ne devraient pas avoir le même salaire pour une même fonction, les mêmes critères d'embauche, la même sélection, en plus d'être pompier dans bien des endroits, en plus de faire l'application des règlements municipaux. Quand vous arrivez... On a le rapport Saulnier qui a été déposé en 1978, rapport d'un groupe de travail qui avait été demandé par le gouvernement de M. Bourassa et qui a été entériné par le gouvernement de M. Lévesque. Ce rapport, depuis 1978, il n'y a personne qui en a vu les recommandations; c'est nous qui les sortons de temps en temps. Si vous regardez nos statistiques, quand on dit, dans le rapport, qu'il ne devrait pas y avoir ces inéquités; regardez-les, si on les a mises, ce n'était pas seulement pour faire des statistiques. En fait, si on a apporté des modifications au régime actuel dans lequel on est, c'est parce qu'il y a un dicton anglais traduit en français qui dit que la roue qui grince, c'est elle qui a la graisse, c'est parce qu'à l'Union des municipalités, la roue grince et elle grince encore. Il nous semble que cela a été le seul facteur des sentences qui sont sorties, qui ont fait seulement un rattrapage; elles n'ont pas créé des patterns de salaire, simplement un rattrapage, en les replaçant où elles étaient il y a environ six ou sept ans.

M. Paradis: Vous conviendrez quand même que le rapport Saulnier se situe en janvier 1978, et on n'était pas en crise économique comme on l'est présentement, et la situation de l'ensemble du Québec, au niveau de l'économie - le gouvernement péquiste n'avait pas eu le temps de faire son oeuvre - était en meilleure santé à ce moment-là.

Deuxièmement, vous admettrez qu'il y a un principe dans les recommandations et je ne sais pas ce qu'il en est advenu, où vous en êtes avec le gouvernement; on ne nous tient pas nécessairement informés.

La conclusion d'une des citations que vous avez données tantôt se lit très clairement comme suit: - cela change beaucoup de choses au niveau de qui paie la rémunération - Cependant, si on estime que, comme dans d'autres secteurs, il ne doit pas y avoir de différence de traitements pour une même fonction dans des régions différentes, l'État doit alors accorder une aide financière spéciale aux municipalités. En effet, dans les services gouvernementaux où prévaut une uniformité de traitements sur tout le territoire, le coût est assumé en totalité par l'État. Cela est quand même différent de la situation où vous vous retrouvez aujourd'hui, où vous négociez municipalité par municipalité.

M. Nadon: Je vais vous dire, à part cela, que cette remarque est très pertinente, parce que, si vous faites la comparaison avec l'Ontario, la majorité des corps de police sont régionalisés. Vous avez un palier gouvernemental qui pourrait peut-être ressembler aux MRC ici, éventuellement. Alors, vous avez ce qu'on appelle les gouvernements régionaux d'une région comme telle ou d'une municipalité comme telle. À ce moment, au niveau des effectifs policiers, il y a une subvention qui est accordée au gouvernement régional, qu'il s'agisse de Durham, de Peel ou de Niagara. Lorsqu'on regarde les salaires qui sont consentis là-bas... Je ne peux pas vous dire qu'il y a une

uniformité complète des salaires à travers la province de l'Ontario, ce n'est pas le cas, mais il reste que la province est fragmentée, si vous voulez, en environ neuf régions. À ce moment, les salaires ont une quasi-uniformité. Vous avez au moins le même salaire dans chaque région. Au départ, lorsque cela a commencé, il y avait une subvention per capita de l'ordre de 15 $ qui a été ajustée au cours des années selon l'indexation. Je tenais à apporter cette précision. (16 heures)

M. Paradis: Je vous remercie d'avoir abordé le sujet, c'était ma prochaine question. Est-ce que vous avez des approches, une philosophie, une négociation d'entamée avec le gouvernement concernant les nouvelles structures de gouvernement régional que constituent les MRC? Si vous n'avez pas de négociations en cours, est-ce que vous avez une idée de la façon dont cela devrait fonctionner? Le plus brièvement possible, quand même, parce qu'on est limité et que j'ai quelques autres questions.

M. Nadon: Je vais vous référer tout simplement au mémoire qu'on avait déposé au groupe Saulnier dans lequel on préconisait la régionalisation des corps de police. Quant au principe des MRC, si les municipalités composant les MRC pouvaient créer leurs propres structures policières, évidemment, nous aimerions être invités à participer, de façon très modeste, à l'élaboration des structures policières à ce chapitre. On n'est évidemment pas contre.

M. Paradis: Mais il n'y a rien d'enclenché à ce niveau, ni à votre...

M. Nadon: II n'y a absolument rien. C'est pour cela qu'on dit dans notre mémoire que c'est inéquitable pour l'ensemble des contribuables québécois, puisque, à l'heure actuelle, le fait que dans je ne sais combien de municipalités du Québec il n'y ait pas de corps policiers, c'est que le fardeau fiscal pour ceux qui ont un corps policier est d'autant plus lourd. Il y a 1 600 000 Québécois pour qui la protection policière est financée à même les deniers des contribuables de l'ensemble de la province. Nous, on dit que chaque citoyen devrait payer sa part normale et équitable pour sa protection.

M. Paradis: À la page 10 de votre mémoire, à l'avant-dernier paragraphe, vous notez ce qui suit: "II est à signaler néanmoins que le système d'arbitrage actuel n'a jamais influencé les salaires des policiers de la Sûreté du Québec et de la CUM et, ironiquement, c'est à l'endroit de ceux qui sont les parents pauvres de la profession que l'on veut remettre en cause le système." En regardant le tableau et en tenant ces chiffres pour acquis - je n'ai pas eu le temps de vérifier les statistiques officielles -il semble que ce soient les policiers de la SQ et ceux de la CUM qui soient ce qu'on appelle les "price leaders", finalement...

M. Nadon: C'est cela. Exact.

M. Paradis: ...et que vous vous suivez.

M. Nadon: C'est un fait.

M. Paradis: Vous ne les avez jamais dépassés nulle part?

M. Nadon: Jamais.

M. Marcil: La Sûreté du Québec, en quinze ans, n'a jamais été en arbitrage, ni la CUM depuis 1969, il y a treize ans. En fait, je le dis en toute déférence, c'est là-dessus qu'on dit: Pourquoi changer le système? Ce n'est pas cela qui a permis d'établir des patterns, parce que les différences qu'on avait il y a six ans, on les retrouve encore. Je pourrais vous dire que les arbitres, en ce qui concerne les clauses mécaniques, sont le groupe le plus conservateur que vous puissiez avoir pour modifier une clause de convention collective. Ce que nous avons obtenu, c'est à peu près sur les salaires, les vacances. Mais le reste de la convention collective, nos clauses de protection de discipline, nos clauses de griefs, je peux vous dire qu'il y a très peu de changements qui ont été effectués au cours des années.

M. Paradis: Donc, si on voulait apporter des changements, il faudrait revoir l'ensemble du dossier, la question de la régionalisation et la question de la rémunération globale. Et là, il me semble que vous avez - je vous le dis en toute bonne foi - une drôle de pente à pic à remonter, si je me fie aux propos du chef du gouvernement. À une question que je lui adressais... Parce que je me plaignais, moi, que, dans les petits villages ou les petites villes, on était obligé d'augmenter les taxes municipales de façon radicale pour pouvoir rémunérer les policiers à des taux qui, dans plusieurs cas, étaient supérieurs au salaire moyen de la place. Je m'en plaignais et le premier ministre me répondait en Chambre, le 10 mars 1983: "Pour ce qui est des cas sur lesquels il y a déjà eu des décisions de prises par voie d'arbitrage, il reste à voir comment on pourrait les soulager. Mais une chose est certaine, c'est qu'on a demandé au ministre du Travail de faire savoir aux corps des arbitres, parce qu'ils sont bien connus, que cela commençait - et je pèse mes mots dans tous les coins à devenir dangereusement exorbitant. Si on ne veut pas être obligé de changer certains aspects du

système d'arbitrage traditionnel, il faudra que tout le monde revienne un peu à la raison. Je suis parfaitement d'accord que les municipalités ne peuvent pas endurer cela indéfiniment."

Et, le 30 avril, cela faisait suite à une déclaration du premier ministre au congrès de l'Union des municipalités du Québec, le premier ministre s'est exprimé très clairement de la façon suivante, et cela semblait être une volonté gouvernementale arrêtée: "Et puis, il y a également, très spécifique aussi, l'épineuse et vous me direz plutôt très coûteuse question des arbitrages concernant les policiers et les pompiers, essentiellement. Là-dessus, je vais vous admettre d'emblée que vous avez parfaitement raison de soutenir que ces arbitrages risquent trop souvent d'aller au-delà de l'équité qui est toujours indispensable et de devenir proprement ruineux pour un bon nombre de municipalités. En principe, ce n'est pas du tout normal qu'à partir de ses seules balises personnelles, si louables soient-elles, une personne non élue puisse affecter à sa guise des tranches aussi importantes des fonds publics dont vous avez la responsabilité. "Je suis d'accord sur ce point avec mon collègue, le ministre du Travail, et je vous assure donc conjointement avec lui que nous entendons agir dans les plus brefs délais, dès cette session, pour encadrer ou baliser - on verra concrètement de quoi il doit s'agir -cette discrétion arbitrale qui est excessive au point de donner ça et là des résultats qui sont franchement aberrants et parfois même ruineux. Vous avez donc notre engagement très concret."

Quand je parlais d'une côte à pic, je pense que vous avez peut-être la chance d'avoir un ministre influent au Conseil des ministres. Est-ce que ce que vous nous dites, c'est que le projet de loi 17...

M. Johnson (Anjou): Est-ce que le député de Brome-Missisquoi est d'accord avec ce qu'il vient de lire, M. le Président?

M. Paradis: Est-ce que je peux poser des questions au ministre?

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Paradis: Est-ce qu'il est d'accord avec les propos de son premier ministre? Excusez, mais je vais...

M. Johnson (Anjou): Vous avez ma réponse dans le projet de loi.

M. Paradis: ...revenir aux gens qui sont devant nous. Vous dites que ce n'est pas la loi 17 que vous voulez, mais une réforme en profondeur où tous les intéressés seront impliqués et où vous aurez un mécanisme auquel vous aurez participé. Et en attendant, vous voulez le statu quo.

M. Nadon: M. le député, je pense que le premier ministre s'est fait prendre comme bien des gens par rapport à toute cette propagande qui a été dite concernant les sentences arbritrales, les augmentations "exorbitantes". Je dois vous dire qu'on n'a malheureusement pas rencontré le premier ministre. On n'a rencontré que le ministre de la Justice à quelques occasions. Je dois vous dire qu'il n'y a pas eu jusqu'à maintenant une étude qui pouvait démontrer l'exactitude des revendications faites par l'UMQ. Il y a une chose que le gouvernement a faite. On a ici le rapport du groupe de travail sur l'arbitrage de différends qui a été fait par le gouvernement, par des membres désignés par le gouvernement. Il y a certaines recommandations à l'intérieur de ce rapport où on voit la question de l'arbitrabilité des fonds de retraite; et au niveau du régime d'arbitrage comme tel, au lieu d'appeler les arbitres des arbitres, on les appelle des assesseurs, mais avec la même fonction, ou du moins avec les mêmes prérogatives que maintenant. S'il y avait véritablement une étude sérieuse sur la question de la rémunération des policiers ou encore sur la question des sentences arbitrales et leur portée, je pense qu'à ce moment-là le débat serait un peu moins politisé. On aurait des faits et on pourrait véritablement y répondre. De toute façon, en ce qui nous concerne, nous serions prêts à y participer. C'est tout ce qu'on demande.

M. Paradis: M. le Président, en concluant, pour répondre à la question que le ministre m'a adressée - par politesse, je voulais laisser les gens nous répondre avant -il est clair par la question que j'ai posée à l'Assemblée nationale et je pourrais vous relire la transcription si vous insistez, elle est disponible, que je me suis inquiété à la demande de municipalités - je vous le dis bien franchement - des traitements qu'on donnait dans certaines municipalités et où la capacité de payer des citoyens était drôlement remise en question en pleine période de crise économique. J'avais justement terminé, avant que le premier ministre ne me réponde de la façon suivante, je vous le répète aussi clairement que je l'ai dit: Comme le ministre du Travail est absent, comme le ministre des Affaires municipales ne semble pas trop au courant du dossier ou disposé à proposer des mesures concrètes, comme il y a deux ministres impliqués, est-ce que je pourrais demander au premier ministre ce qu'il entend faire pour s'assurer que les citoyens de ces municipalités n'aient pas à payer, au cours des deux prochaines années, des augmentations de 20% à 37% - je faisais

référence à cinq ou six municipalités - et pour que cela n'arrive pas à d'autres citoyens d'autres municipalités en pleine crise économique? C'était le sens de ma question et je pense que cela peut répondre aux propos que vous m'avez adressés, M. le ministre. Ce qui m'intéresse drôlement, c'est de faire une réflexion d'ensemble au niveau de la régionalisation, au niveau de l'ensemble des traitements, de l'ensemble des policiers, du rôle et de la fonction des policiers. Cela m'intéresse.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Johnson (Anjou): M. le Président...

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Une dernière chose, ce n'est pas un commentaire, c'est simplement pour s'assurer que les membres de la commission ont des précisions. Je dois dire, et on me l'a confirmé du bureau du ministre de la Justice, que la possibilité d'orientation du gouvernement à l'égard d'un tribunal à arbitre unique a été évoquée devant les représentants de la Fédération des policiers.

M. Nadon: Vous voulez dire que c'est nous qui aurions suggéré...

M. Johnson (Anjou): Non, je n'ai pas dit cela. M. Nadon, est-ce que j'ai dit cela?

M. Nadon: Non, ce n'est pas cela. Vous dites que cela a été évoqué.

M. Johnson (Anjou): J'ai dit que cela avait été évoqué par le ministre de la Justice.

M. Nadon: Cela a été évoqué...

M. Johnson (Anjou): Je voulais tout simplement le dire.

M. Nadon: ...la question des assesseurs. M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Nadon: En fait, ce qu'on a compris de l'intervention du ministre de la Justice, c'est que cela ne changeait pas grand-chose. Finalement, les arbitres, plutôt que de les appeler arbitres, on les appelait assesseurs. Dans notre esprit, c'est dans le but d'enlever toute ambiguïté au défunt article 164. Est-ce que vous vous rappelez la contestation qui avait eu lieu avec les pompiers de Montréal et tout cela par rapport au rôle de l'arbitre, l'intérêt qu'il doit avoir? À ce moment-là, on se disait: Pour autant qu'il ait la même juridiction, les mêmes prérogatives, on est d'accord. Dans le projet de loi, on voit qu'il doit y avoir au préalable entente entre les parties pour qu'effectivement il y ait présence d'assesseurs. Je dois vous avouer bien honnêtement qu'on ne le savait pas.

M. Johnson (Anjou): Merci, MM. Nadon, Marcil et Bélanger.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, M. Nadon. Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie de votre importante participation. Sur ce, je demande maintenant aux représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec...

M. Nadon: On vous remercie.

Le Président (M. Blouin): II n'y a pas de quoi. ...aux représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec de venir prendre place à la table des invités.

Avant de donner la parole aux représentants de la Chambre de commerce, je vous rappelle - je crois que vous avez assisté à une bonne partie de nos travaux depuis le début - que nous sommes quand même - c'est normal qu'il en soit ainsi, c'est la tradition qui le veut - relativement limités dans le nombre d'heures que nous avons à notre disposition. Je vous demande, dans la mesure du possible, comme l'ont fait les autres organismes, de limiter votre présentation à une vingtaine de minutes. Sur ce, je demande aux représentants de la Chambre de commerce de s'identifier, aux fins du journal des Débats... Oui, M. le député.

M. Paradis: Cela ne m'arrive jamais de remettre en cause les propos de la présidence, mais, lorsqu'on parle d'un carcan, d'un cadre limité, ce n'est pas la tradition que les projets de loi soient présentés comme cela. En fin de session, cela arrive comme cela, mais on n'est pas obligé de présenter les projets de loi en fin de session quand on est au gouvernement.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Brome-Missisquoi, je vous signale que les règles de pratique sont très claires à cet égard. Je vous signale qu'habituellement, dans de pareilles commissions, c'est cette procédure qui s'applique. Cependant, ce que j'ai dit était davantage une directive pour éviter que nous ne tombions dans des abus...

M. Paradis: Je l'avais pris comme tel.

Le Président (M. Blouin): ...qu'une stricte intervention en termes de minutes. Il faut, dans la mesure du possible, se limiter à ce genre de limite de temps.

Chambre de commerce de la province de Québec

M. Earle (Arthur): Merci, M. le Président. Nous sommes deux représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec ici aujourd'hui. Mon nom est Arthur Earle, je suis vice-président de premier rang de la Chambre de commerce. J'ai avec moi M. Jean-Paul Létourneau, vice-président exécutif de la chambre. Nous étions plusieurs représentants de la chambre de commerce au moment où nous avons été invités mardi soir. Pour des raisons que, M. le Président, vous connaissez probablement beaucoup plus que nous, nous n'avons pu faire notre présentation à ce moment-là et aujourd'hui nous sommes seulement deux. (16 h 15)

Avant de passer à mon exposé proprement dit, j'aimerais vous remercier, M. le Président, de même que les membres de cette commission, de nous fournir l'occasion d'être entendus aujourd'hui. Quant à la période allouée en vue de la préparation de notre intervention, c'est inutile de dire qu'onze jours ouvrables depuis le dépôt du projet de loi ne sont pas suffisants pour toute l'analyse et la consultation nécessaires devant un projet de loi aussi complexe. La Chambre de commerce du Québec est une fédération comptant quelque 200 chambres de commerce locales qui regroupent près de 40 000 membres au Québec. La chambre compte aussi plus de 3100 entreprises membres qui y adhèrent directement.

Les objectifs de la chambre sont et demeurent de favoriser le progrès économique, civique et social du Québec. Notre organisation est d'avis que la liberté est essentielle au plein épanouissement de l'homme et au progrès de la collectivité. M. le ministre, nous avons noté avec satisfaction que votre collègue, M. Fréchette, a retranché l'article 45 de l'avant-projet de loi et n'a pas imposé la négociation multipatronale ou sectorielle, dans le projet de loi tel que déposé. Il importe de voir les modifications au Code du travail dans une perspective d'équilibre des rapports de forces dans l'entreprise. Aussi, c'est dans cette perspective que nous avons campé les différents arguments constituant le corps de notre présentation. À titre de premier vice-président de Dominion Textile, je passe peut-être, aux yeux de certains, comme porte-parole de la grande entreprise au Québec. Qu'il soit bien entendu cependant qu'à titre de vice-président de premier rang de la Chambre de commerce du Québec, mes commentaires se veulent tout autant le reflet des préoccupations d'un très large éventail de nos sociétés membres, dont la plus imposante partie est composée de petites et moyennes entreprises.

Grandes ou petites, les entreprises du

Québec font face, ici comme ailleurs, aux mêmes contraintes. Essentiellement, elles doivent maintenir un haut niveau de compétitivité avec les entreprises d'ici et d'ailleurs. Aussi, il importe de ne pas augmenter leurs impôts ni leurs fardeaux réglementaires. En parlant de compétitivité et du progrès économique du Québec, nous ne pouvons pas laisser passer cette occasion sans souligner la nécessité pour notre province d'être compétitive avec les autres provinces du Canada ainsi que les États des États-Unis afin d'attirer des investissements. Plus le gouvernement donnera de pouvoirs aux syndicats qui, selon la plupart de nos citoyens, en ont déjà trop, plus il deviendra difficile d'attirer des investissements et de créer des emplois.

Je vais maintenant faire quelques remarques directes sur votre projet de loi. Après, je vais demander à M. Létourneau de passer plus en détail. D'abord, au sujet de l'accréditation, le gouvernement a dit vouloir assouplir certains mécanismes administratifs qui, jusqu'ici, auraient retardé indûment l'accréditation de certains syndicats. Sur ce point, la chambre, dès le grand sommet de Québec d'avril 1982, a dit trouver juste de vouloir faciliter, sur une base de reconnaissance du principe de la liberté d'association, l'accréditation des syndicats ayant dûment cumulé de façon volontaire le nombre requis des salariés désireux de se regrouper. Or, le nouvel article 37.1, selon ce qu'il nous a été donné de comprendre, constitue un facteur de maintien de la syndicalisation, surtout en ce que moins de 50% plus 1 pourront désormais permettre à un syndicat de représenter une unité de négociation. On a été bien au-delà des simples dispositions administratives. On aura par le biais du maraudage syndical ouvert la porte à une surenchère à l'accréditation syndicale.

Puisque, à l'avenir, 26% des salariés pourront à eux seuls sceller l'issue de la syndicalisation, les droits des salariés en majorité ne sont pas respectés dans ce cas. Certains s'étonneront que l'entreprise veuille revendiquer le respect des droits individuels. À cela, je rappellerai que l'entreprise constitue toujours un milieu où s'exerce l'initiative de chacun.

À ceux qui croient que l'entreprise privée constitue le principal pôle de développement socio-économique, je dirai: Appuyez-nous aujourd'hui avant qu'il ne soit trop tard, car l'esprit d'"entrepreneurship" est difficile à créer et à entretenir, et peut finir par être découragé. Il faudra bien un jour l'admettre et agir en ce sens.

Quelques remarques au sujet des grèves. L'article 109.1 confère aux syndicats, de modifications en modifications, un véritable droit de veto à l'activité industrielle et commerciale. L'article 109.1, dans sa forme

actuelle, rend de plus en plus inefficace, inopérant et autodestructeur le recours par un employeur à son droit de lock-out.

Si le droit de grève et le droit de lock-out pour les syndicats et les employeurs ont représenté jusqu'ici les éléments d'un équilibre de forces, l'article 109.1 viendra créer un déséquilibre encore plus grand en faveur de la partie syndicale. En effet, pour la très grande majorité des PME dont la particularité est de n'avoir qu'un établissement, le fait de ne pouvoir sous-traiter dans son unique établissement constitue une condamnation à la paralysie par décret pour une PME en grève ou en lock-out.

Remarque sur la première convention. La détermination du contenu de la première convention collective, laquelle commandera toute négociation ultérieure des conditions d'embauche, de rémunération et de travail, est trop importante pour être laissée à l'arbitraire d'une seule personne, si éclairée, inspirée et impartiale soit-elle. À la lumière des nouvelles dispositions du Code du travail, on est en droit de se demander si le gouvernement n'est pas en train d'instituer au Québec un régime universel de syndicalisation. M. le Président, Mmes et MM. les députés, si le syndicalisme est, de l'avis de ses missionnaires, le plus enviable, il n'est pas pour autant le plus envié.

Je demanderai maintenant à M. Létourneau de vous donner un aperçu du contenu.

Le Président (M. Blouin): M. Létourneau.

M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, je vais procéder rapidement, comme vous l'avez demandé. Ceux qui ont notre mémoire pourront me suivre. Je vais indiquer la page au fur et à mesure. Je ne signalerai que les endroits que nous estimons stratégiques dans notre mémoire.

Donc, je suis à la page 1 où je souligne que, depuis sa création en 1964, le Code du travail a subi plusieurs modifications, soit en 1965, 1968, 1969, 1970, 1971, 1972, 1977, 1978, 1979, 1980, 1981 et 1982. Contrairement aux prétentions des parties syndicales, il n'était pas urgent de le modifier.

À la page 3, M. le Président, la protection accrue des activités syndicales. L'article 14 modifié stipule... Mais je ne le lirai pas parce que, sans doute, on vous l'a lu plusieurs fois. Je continue en disant qu'un employeur ne pourra - à l'interprétation -refuser d'employer, et je cite: "une personne à cause de l'exercice par cette personne d'un droit qui lui résulte du présent code." Actuellement, cette protection ne s'applique qu'aux membres et officiers d'un syndicat. Selon ce qui est écrit, les activités syndicales visées pourraient avoir lieu chez l'un des employeurs précédents, l'employeur éventuel étant présumé être au courant de ces activités, de ces faits.

Or - à la page 4 - les lois des autres provinces, ou du Canada, ne laissent pas la porte ouverte à ce genre de présomptions. Elles les limitent aux cas où l'employeur est de fait au courant des activités syndicales visées, c'est-à-dire celles de ses propres employés. Par exemple, dans le Code canadien du travail, l'article 184.3 est exprimé au présent, ce qui élimine les actions passées d'une personne, et énumère des activités syndicales précises.

À la page 5, Dieu merci, les présomptions "at large" - article 14 - ne donneront pas lieu à une ordonnance d'embauche par le commissaire du travail, comme il était prévu dans l'avant-projet. C'est une autre chose que nous apprécions, que cela ait été éliminé de l'avant-projet.

Malgré cela, les employeurs demeurent sujets à des sanctions pénales inutiles - à l'article 143 - et non méritées si les présomptions demeurent ce qu'elles sont.

L'article 14 innove aussi en ce que tout droit sera désormais protégé et non seulement le fait de devenir membre ou officier d'un syndicat. On ajoute que, outre les menaces de renvoi, l'intimidation et l'imposition d'une sanction, l'employeur ne pourra chercher, par des mesures discriminatoires ou des représailles, à contraindre un salarié à s'abstenir ou à cesser d'exercer un droit lui résultant du Code du travail.

Et je continue, à la page 6: N'étant pas définies, ces notions de "représailles" et "mesures discriminatoires" pourront être invoquées à tout propos. Elles serviront à qualifier à peu près n'importe quoi, n'importe quel comportement de l'employeur. Par exemple: l'employeur me fait travailler la nuit. L'employeur m'a refusé une promotion. Il ne m'a pas accordé d'augmentation de salaire, etc.

On rajoute aussi les "représailles" et "mesures discrimatoires" aux articles 15 et suivants du code, sur les cas de congédiement, de suspension ou déplacement des salariés pour activités syndicales. De tels amendements ont d'autant plus de conséquences pour l'employeur que, dans ces cas de plaintes en vertu des articles 15, 16 et 17 du code, il y a présomption en faveur de l'employé dès qu'il a pu établir qu'il exerçait un droit lui résultant du code. C'est l'employeur qui a le fardeau de prouver qu'il a pris cette mesure "pour une autre cause juste et satisfaisante."

À la page 7, on mentionne que le gouvernement a aussi annoncé son intention de protéger la formation en cours d'un syndicat en ajoutant que des représailles ne pourraient être exercées contre un membre

d'un syndicat en formation. Mais dans leur formulation, les articles 14 et 15 ne s'appliquent pas exclusivement aux employés d'un employeur. Ils peuvent être élargis aux employés d'un employeur précédent.

La chambre recommande donc que les présomptions sur le refus d'embauche demeurent sous leur forme actuelle et ne soient pas élargies à "une personne à cause de l'exercice d'un droit résultant du code" -ce qui est vraiment très large - que les pratiques syndicales visées soient clairement définies et limitées et que les mentions de "mesures discriminatoires" et de "représailles" soient enlevées, à cause, évidemment, d'une interprétation possiblement très large et peut-être abusive.

À la page 8: Les modifications des règles de l'accréditation. Le nouvel article 27.1 rendra irrecevable toute autre requête en accréditation. Je ne lis pas l'article, tout le monde le connaît ici, je pense, depuis le temps qu'on examine le projet.

Dans ce seul cas, le droit à l'accréditation sera accordé si l'association des salariés groupe la majorité absolue des salariés selon l'article 21.

Le syndicat pourrait être accrédité sur le champ si l'agent d'accréditation, selon l'article 28a, venait à la conclusion que l'association jouit du caractère représentatif requis et s'il constatait qu'il y a encore accord entre l'employeur et l'association sur l'unité de négociation et sur les personnes qu'elle vise.

L'article 28c a été modifié tel qu'il suit, et encore une fois je ne citerai pas. Mais dans l'interprétation, nous continuons en disant que l'employeur ne peut plus refuser son accord sur l'unité de négociation, mais il doit proposer l'unité qu'il croit appropriée, donc, acquiescer automatiquement à une unité. Les employeurs des PME seront pris au dépourvu, car ils auront quinze jours de la réception de la requête pour communiquer leur désaccord. Sinon, on présumera qu'ils ont donné leur accord. Avant, l'agent d'accréditation demandait à l'employeur les raisons de son désaccord. Dans les cas où il y a déjà une association représentée, on abolira la règle de la majorité absolue par l'insertion, après le premier alinéa de l'article 21, de l'alinéa suivant: À également droit à l'accréditation l'association des salariés qui, dans les cas prévus à l'article 37.1, obtient le plus grand nombre de voix à la suite d'un scrutin.

Le nouvel article 37.1 quant à lui - et, encore une fois, il est mentionné ici et je ne le citerai pas - nous l'interprétons subséquemment en disant: Auparavant, en présence de deux associations, l'association qui avait droit à l'accréditation était celle qui obtenait la majorité absolue des voix des salariés de l'employeur. En ne respectant plus l'esprit du code actuel, on se retrouvera bientôt avec des syndicats pouvant représenter 26%, ou peut-être moins - nous y reviendrons plus tard - ou 30% et de toute façon, moins de 50% plus 1 des salariés visés par une accréditation.

À la page 11: Pourtant, la majorité des salariés refuseraient peut-être toute accréditation plutôt que de se retrouver avec un syndicat qu'ils jugeraient indésirable si celui pour lequel ils ont voté d'abord s'est fait battre. (16 h 30)

Si la formulation actuelle du projet de loi est maintenue, les mêmes règles devraient s'appliquer pour révoquer une accréditation. L'article 41 devrait être modifié pour que le commissaire du travail puisse révoquer l'association qui ne groupe plus le nombre de voix selon lequel elle a été accréditée. Il me semble que ce ne serait que justice que de faire l'équivalent de l'autre côté, dans ce cas-là, si on adopte cette formule.

En ce qui concerne les requêtes en accréditation, d'autres amendements visent à favoriser l'obtention de celles-ci, notamment l'article 32 où le commissaire du travail ne serait pas obligé de tenir enquête en présence de l'employeur sur la question relative à l'unité de négociation. "Après enquête", dit-on, n'implique pas obligatoirement la présence de l'employeur. Le droit des parties d'être entendues n'est plus respecté.

L'article 53.1 a aussi été ajouté, mais je ne le lis pas; je passe à l'interprétation, à la page 12: On négociera comme si le syndicat existait de facto. La négociation sera enclenchée même si le syndicat doit tomber après jugement sur les personnes visées par l'accréditation. On prétend que tous et chacun de ces articles visent à abréger les délais, mais, ce faisant, les règles du jeu ne sont plus respectées. Les modifications proposées sont inacceptables, sauf celles prévues à l'article 25.

La chambre recommande donc que l'accréditation ne soit accordée qu'à l'association regroupant la majorité absolue des votes des salariés visés par une requête, que l'article 32 ne soit pas modifié pour s'assurer que le commissaire du travail tienne enquête en présence de l'employeur sur toute question relative à l'unité de négociation.

À la page 13: Nouveaux pouvoirs de l'arbitre. Les différends, les griefs et le contenu de la première convention collective seront désormais soumis à un seul arbitre au lieu et place d'un conseil d'arbitrage composé de trois membres. Cet arbitre unique pourra être choisi par les parties si elles s'entendent (l'article 77). - Deux assesseurs, chacun désigné par une partie, pourraient l'assister, toujours s'il y a entente à cet effet entre les parties. Cette

modification de forme n'accélérera pas le processus administratif. Il est notoire que les délais sont présentement causés par la non-disponibilité des arbitres.

Page 14: Pourtant, on n'abrège pas les délais durant lesquels l'arbitre unique devrait rendre sa décision; ils restent à 60 jours de sa nomination, tout comme le délai auquel était soumis le conseil d'arbitrage, à l'article 90. Alors, pourquoi instituer un nouveau système? Les délais changeront peu, mais on laissera à une unique personne le choix d'exercer des décisions importantes, soit, premièrement, imposer le contenu d'une première convention collective, à l'article 93.4, mais je ne le lis pas. L'article 93.4 indique un seul cas où les délais seront raccourcis et ce, au détriment de l'intention des parties et de l'esprit du code. Une seule personne jugera d'un délai raisonnable à respecter.

Or, le contenu d'une première convention est trop décisif pour être imposé par une seule personne qui ne sera pas nécessairement au courant des conditions de travail propre à l'ensemble - ou à des parties - des secteurs d'activité que compte le Québec. Il n'y aura plus libre négociation là où il importe tellement de ne pas bousculer le processus des relations entre employeur et employés. Pourtant, on sait que le contenu de la première convention sert de canevas aux autres conventions. Même s'il y avait, aux côtés de l'arbitre unique, un assesseur de la partie employeur, ses pouvoirs seraient inexistants puisqu'il ne pourrait même pas poser de questions, l'article 100.7 modifié. Seul l'arbitre pourrait poser des questions.

Régler les différends: sur ce point, nos commentaires précédents s'appliquent. Arbitrer les griefs: les griefs doivent être normalement soumis à l'arbitrage en la manière prévue dans la convention collective, mais on ajoute, à l'article 100.0.1 - et je ne le lis pas, puisque vous le connaissez sans doute très bien, je lis le commentaire: Si une convention collective prévoit un délai supérieur à 30 jours, doit-on voir qu'il ne pourrait plus soumettre son grief en la manière prévue dans sa convention collective, mais bel et bien le déférer tout de suite à un arbitre ou doit-on interpréter cet article comme imposant un délai maximal de 30 jours aux arbitres? Il y a sans doute une erreur de rédaction et l'article devrait se lire comme dans l'avant-projet de loi, c'est-à-dire: Malgré toute disposition d'une convention collective prévoyant un délai moindre, un salarié peut avoir recours à la procédure de grief dans les 30 jours de la date où la cause de l'action a pris naissance.

On retrouve, parsemées dans le texte, d'autres règles qui n'accéléreront en rien le processus, par exemple, à l'article 100.2.1: Aucun grief ne doit être considéré comme nul ou rejeté pour vice de forme ou irrégularité de procédure. Plus besoin de respecter les délais, tout retard sera considéré comme une irrégularité de procédure, il n'en sera pas tenu compte. Alors, à quoi bon établir une procédure si l'on permet ensuite de ne pas en tenir compte?

Pour ces raisons, la chambre recommande que l'arbitrage des griefs et le contenu d'une première convention collective soient laissés aux soins d'un conseil d'arbitrage; que le conseil d'arbitrage puisse décider du contenu de la première convention collective si les négociations ne sont pas poursuivies avec diligence ou bonne foi et, enfin, que les délais soient réduits en augmentant le nombre d'arbitres disponibles au ministère. C'est là qu'est le problème.

Page 19. L'actuel article 109.1 est déjà l'un des plus restrictifs au Canada. L'employeur ne peut utiliser dans l'établissement où une grève ou un lock-out a été déclaré les services des salariés du syndicat en grève ou en lock-out ni ceux des salariés employés dans un autre établissement. Il ne peut embaucher une personne physique, selon la jurisprudence constante, pour établir les fonctions d'un salarié représenté par un syndicat en grève ou en lock-out. Il restait donc la possibilité d'embaucher une personne morale pour permettre une continuation des opérations. Les cadres n'étaient pas visés non plus par l'expression "salariés".

Les modifications proposées enlèvent ces possibilités. On exclut expressément l'utilisation des services d'une personne morale dans l'établissement où la grève ou le lock-out aura été déclaré, 109.1b; on exclut les services d'une personne employée dans un autre établissement ("personne" est plus large que "salarié") ce qui englobe les cadres à 109.1.e; on exclut les services des salariés non visés par la grève qui travaillent dans le même établissement où la grève a été déclarée, 109.1.f.

À toutes fins utiles, on ne prohibe pas seulement l'emploi des "scabs", mais on arrête systématiquement la production des entreprises. Ceci entraînera fatalement des arrêts de travail dans d'autres usines ou entreprises puisqu'elles ne seront plus alimentées par la première source de production. À long terme, les entreprises devront fermer leurs portes ou elles décideront de ne pas ouvrir de nouvelles usines. Certaines feront faillite faute de ne pouvoir payer un personnel à ne rien faire.

L'article 109.1.f est particulièrement inquiétant. Si les employeurs ne peuvent faire travailler les employés non visés par la grève pour remplir les fonctions des grévistes dans le même établissement, ceux-ci devront être mis à pied. Un maillon de la chaîne manquant, il n'y aura plus de production

normale possible.

Page 21: Les PME seront surtout touchées. Quant aux entreprises, certaines auront les moyens de donner des contrats de sous-traitance à l'extérieur du Québec. Une fois rendues sur place, plusieurs continueront probablement à y faire affaires, les lois y étant moins sévères. De plus, les PME ont très rarement plus d'un établissement où sont installés leurs moyens de production. La loi interdisant l'utilisation des services d'une personne morale dans l'établissement où la grève a été déclarée, les PME ne pourront remplir leurs commandes. Les PME seront ainsi grandement pénalisées. Pourtant, le gouvernement affirme s'appuyer sur celles-ci comme le plus grand levier d'emplois au Québec. Les seuls emplois créés par cette mesure seront ceux des fonctionnaires servant à fermer les usines.

Un dernier point encore, toutes les restrictions et limites de remplir les fonctions d'un salarié en grève. Qu'arrive-t-il alors, lorsque, à la veille de la grève, par exemple, un surplus de travail aurait normalement exigé l'embauche additionnelle de personnel? On ne pourra plus faire exécuter le travail qui, de toute façon, n'aurait pas été fait par les employés en grève.

Page 22. Le rapport de forces se trouve nettement modifié et privilégie encore une fois la partie syndicale, la grève devenant plus que jamais entre ses mains une arme redoutable. Les employeurs n'auront plus qu'à plier l'échine ou plier bagage. En contrepartie, les salariés en grève auront tout le loisir de travailler ailleurs ou de retirer l'assurance-chômage tandis que l'employeur sera contraint de ne plus faire fonctionner son usine. Nous comprenons que, dans l'immédiat, peut-être que cette possibilité s'appliquerait moins; cependant, n'oublions pas que ces lois ne sont pas faites pour ne durer que quelques mois.

On oublie trop facilement que les employeurs doivent satisfaire à des normes de production. Souvent, leurs contrats seront annulés s'ils ne les respectent pas. Leur survie, tout comme la survie des emplois qu'ils créent au Québec, en dépend. Pour ces motifs, la chambre recommande qu'aucune modification ne soit apportée à l'article 109.1.

Il y a divers articles, comme l'article 130, qui seront modifiés. Alors, pourquoi changer les règles du jeu en imposant des relations du travail malsaines et conflictuelles aux deux parties? C'est d'autant plus inconcevable si la décision en appel n'ordonnait pas la réintégration, mais reconnaissait le congédiement pour une cause juste et raisonnable.

L'article 74 de la Loi sur les normes du travail serait aussi modifié par l'addition de l'alinéa que vous connaissez et que nous interprétons en disant que la chambre a toujours demandé que les projets de règlement soient déposés en même temps que les projets de loi. Encore une fois, les contribuables devront attendre avant de pouvoir se prononcer sur ce projet-ci.

Aperçu des conséquences économiques. Il est impossible, compte tenu des délais impartis, de présenter une évaluation de l'impact économique du projet de loi 17. On peut cependant dresser un aperçu théorique en se référant à des considérations économiques d'ordre général, de même qu'à de la documentation économique sur le sujet. La loi actuelle a accordé aux syndicats des privilèges coercitifs qui leur donnent sur le marché du travail des positions de monopole ou de cartel. Ces privilèges incluent, premièrement, le monopole de représentation que l'accréditation confère à un syndicat; deuxièmement, la cotisation syndicale obligatoire; troisièmement, le monopole de travail en cas de grève. Le projet de loi 17 aura donc pour effet d'augmenter le pouvoir de marchandage des syndicats, d'augmenter leur capacité d'obtenir des conditions de travail irréalistes et de diminuer encore la flexibilité et l'efficacité de notre économie.

Puisque nous ouvrons la porte à des modifications, la chambre présente des suggestions pour améliorer le Code du travail comme, par exemple - nous en avons une série de huit: Que la définition du mot "grève" comprenne un ralentissement du travail et qu'il soit précisé qu'aucun salarié ou groupe de salariés ne pourra encourager un ralentissement d'activités, pas seulement un syndicat;

Que la définition du mot "salarié" appliquée au gouvernement soit aussi appliquée aux salariés des entreprises privées afin d'exclure les personnes dont l'emploi est confidentiel;

Que les cartes de membres soient annexées à la requête en accréditation lorsqu'elle est adressée au commissaire du travail;

Que les employés soient avisés du dépôt d'une requête et qu'il leur soit possible de faire des représentations sur cette demande -je parle de requêtes en accréditation;

Qu'il y ait un vote instantané dans les cinq jours de la réception de la requête sur l'opportunité de cette requête, comme cela se fait en Nouvelle-Écosse;

Que les votes de grève soient supervisés par le ministère et que la grève ne soit permise que si elle représente le désir d'une majorité de salariés;

Qu'en cas de grève, l'employeur puisse prendre les moyens nécessaires pour assurer la protection et l'entretien de ses meubles et immeubles;

Que les délais d'appel soient raccourcis en permettant l'appel de piano au Tribunal du travail.

En conclusion, M. le Président, à la page 28, la chambre recommande que les présomptions sur le refus d'embauche demeurent sous leur forme actuelle, c'est-à-dire qu'elles soient limitées à une personne membre ou officier d'une association et non pas élargies à une personne à cause de l'exercice d'un droit résultant du code, que les pratiques syndicales visées soient clairement définies et limitées, que les nouvelles mentions de mesures discriminatoires et de représailles soient enlevées, que l'accréditation ne soit accordée qu'à l'association regroupant la majorité absolue des votes des salariés visés par une requête, que l'article 32 ne soit pas modifié pour s'assurer que le commissaire du travail tienne enquête en présence de l'employeur sur toute question relative à l'unité de négociation, que l'arbitrage des différends et le contenu d'une première convention collective soient laissés aux bons soins d'un conseil d'arbitrage, que le conseil d'arbitrage puisse décider du contenu de la première convention collective si les négociations ne sont pas poursuivies avec diligence ou bonne foi, que les délais soient réduits en augmentant le nombre d'arbitres disponibles au ministère, et nous soulignons cette recommandation qu'aucune modification ne soit apportée à l'article 109.1.

M. le Président, en terminant, lors de son témoignage, le président de la Fédération des travailleurs du Québec, M. Louis Laberge, a eu les propos suivants, ou à peu près... Je n'ai pas vu la transcription, mais je les ai entendus au moment où ils ont été formulés. Il a dit: Je n'ai jamais entendu la chambre de commerce recommander à ses membres de respecter les lois du travail, ou à peu près. Je ne veux pas être trop précis parce que, encore une fois, je n'ai pas vu la transcription. Je tiens à signaler que nous avons apporté à cette fin un document annexe à notre mémoire qui est un rapport que nous avons produit l'an dernier sur la responsabilité sociale de l'entreprise. Nous avons identifié 18 sujets spécifiques de responsabilité sociale de l'entreprise. Nous estimons, selon nos recherches, que c'est la seule proposition aussi spécifique qui existe au Canada en matière de responsabilité sociale de l'entreprise. (16 h 45)

Or, dans ces propositions, la première vis-à-vis de l'entreprise est le respect des lois. Il y en a deux autres qui touchent à la qualité des relations du travail dans l'entreprise. Je tiens à signaler cela, M. le Président. Cela a été public, cela a été dévoilé et débattu lors de notre assemblée annuelle l'an dernier. Donc, c'est un message que nous venons d'émettre il y a quelques mois et que nous allons continuer d'émettre dans l'avenir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Létourneau. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. Earle et M. Létourneau, je vous remercie de votre exposé. On a été témoin des résultats de l'expérience encore une fois. Je pense que la dernière fois, M. Létourneau, que j'avais le plaisir de vous avoir en face de moi à une commission parlementaire, c'était il y a quatre ans. Vous y occupiez les mêmes fonctions. Vous appartenez au club, je présume, des Louis Laberge et quelques autres, si vous me permettez. Alors, je veux vous remercier de votre mémoire et souligner, avant d'entrer dans quelques précisions sur certaines de vos demandes ou de vos remarques, que je suis effectivement conscient que la chambre de commerce a publié récemment un document sur la responsabilité sociale de l'entreprise. À cet égard, ce qui se passe chez vous, comme à quelques autres endroits au Québec, à la fois dans le monde patronal et dans le monde syndical, c'est une authentique recherche difficile qui s'amorce tout juste, mais une authentique recherche de redéfinir certains éléments de base du contrat social. Probablement que le succès de cette entreprise, dans le monde patronal comme dans le monde syndical, dépendra beaucoup de la capacité des parties de ne pas toujours s'en remettre à l'État pour régler les problèmes à leur place. Ceci dit, le cheminement n'étant pas terminé, l'État intervient une fois de plus pour modifier, pour la quatorzième fois en seize ans, le Code du travail - pour la douzième fois en treize ans, je ne sais plus.

Vous avez fait quelques commentaires à l'égard, notamment, d'une chose plus technique que je voudrais évacuer. À la page 15 de votre mémoire, vous vous inquiétez de la formulation de l'article 100.7 sur l'arbitre. Vous dites que l'arbitre peut poser à un témoin les questions qu'il croit utiles. Vous dites que, rédigé comme cela, cela voudrait peut-être dire que les assesseurs ne peuvent pas intervenir. Il s'agit de dispositions qui ne touchent que l'arbitrage de griefs et non pas l'arbitrage de différends. Dans la mesure où cela toucherait l'arbitrage de différends, je comprendrais votre inquiétude, mais cela ne touche que l'arbitrage de griefs.

À l'égard du délai de 30 jours, à 100.0.1, on dit: "Malgré toute disposition d'une convention collective prévoyant un délai moindre, un grief peut être soumis à l'arbitrage dans les 30 jours de la date où la cause de l'action a pris naissance". À la page 16 de votre mémoire, vous vous inquiétez de cette formulation. Si je vous disais au départ - je ne sais pas si cela vous satisfera - que votre mémoire va être analysé; il a déjà, d'ailleurs, fait l'objet d'une analyse pour les fins de la préparation

de la commission. L'interprétation que j'en fais - peut-être qu'il faudra le clarifier en cours de route - c'est qu'on dit qu'on ne peut pas, par disposition contractuelle, prescrire le recours à l'arbitrage à moins de 30 jours. C'est le sens de la disposition. Ceci dit, peut-être qu'il faudra apporter des corrections à la rédaction, mais, a priori, je pense que le texte est clair à cet effet. On va quand même fouiller votre inquiétude.

À l'égard de l'arbitrage de différends, vous dites que les délais sont causés par les arbitres du gouvernement qui ne sont pas assez nombreux. Je dois vous dire que je suis un peu, je ne vous dirai pas étonné, mais là-dessus vous faites front commun avec le Conseil du patronat, ce qui n'est pas toujours constant. Vous réclamez presque qu'on augmente les effectifs gouvernementaux dans certains secteurs. Est-ce que ce n'est pas plutôt le problème de la jonction des horaires compliqués qui fait qu'il y a des délais? Il y a un tribunal d'arbitrage, donc, en pratique, le président ne peut pas siéger sans les deux autres. Il ne peut pas siéger non plus s'il n'entend pas les parties, par définition.

Les parties, au départ, on le sait, que ce soient les procureurs patronaux dans les plus grandes entreprises qui font affaires avec des gros bureaux d'avocats, que ce soient les syndicats qui utilisent des permanents syndicaux, on sait qu'au départ, il y a des problèmes de jonction d'horaires. Ces problèmes ne sont, évidemment, pas simplifiés quand il y a, en plus de cela, un arbitre patronal et un arbitre syndical qui, eux, ont aussi des carnets de commandes compliqués et qui ont aussi des problèmes d'horaires sérieux.

À moins qu'on ne soit naïf, il faut se dire qu'on va diminuer les délais parce qu'il y a moins de monde dans le puzzle et que, à toutes fins pratiques, l'arbitre unique pourra siéger sans l'assesseur dans la mesure où il avise l'assesseur qu'il doit être présent. Il ne vient pas, mais ça ne doit pas empêcher le processus.

Je vous soumets ça comme réflexion; je pourrais peut-être vous entendre là-dessus. Je pourrais faire le tour rapidement et vous pourriez reprendre. Je crois que ce serait plus rapide comme ça.

Je vous poserais la question: Pourquoi voulez-vous conserver le critère de bonne foi dans la première convention collective, par opposition à l'improbabilité des parties d'en arriver à une entente?

J'ai pris bonne note, hier, après lecture, de vos considérations sur les dispositions "antiscabs". À l'égard de l'article 100.2.1, au sujet des irrégularités de procédure, je vous dirai que notre intention -l'on vérifiera quant à la rédaction - est bel et bien de ne couvrir que les vices de forme et non pas la prescription, c'est-à-dire de ne pas toucher aux délais.

Sur les recommandations de la Chambre de commerce du Québec... D'abord, l'article 108 interdit, en ce moment, le ralentissement à l'association syndicale. Je ne disconviens pas du fait qu'on n'assimile pas ça à "grève" dans le code, c'est exact, et que le ralentissement devient donc sanctionnable de deux façons. À cause de l'article 108, d'une part, il y a une plainte pénale qui est possible; deuxièmement, il y a les recours devant les tribunaux réguliers, mais on ne le conseille à personne pour toutes sortes de raisons.

Quant à la définition de "salarié" à l'égard de la confidentialité, c'est un débat, je pense, qui dure aussi depuis un certain nombre d'années. Je prends en considération vos préoccupations à cet égard. Je ne peux pas dire qu'on retiendra nécessairement votre suggestion, mais, dans la mesure où le fait de la confidentialité à l'égard des unités d'accrédiation est impliqué, quand on regardera la définition de l'unité d'accréditation, il faudra peut-être être sensible aux conséquences de certains des articles du code ou du projet de loi.

Je prends aussi bonne note du fait que vous formez consensus avec la FTQ et le Conseil du patronat pour que l'original de la demande d'accréditation soit accompagné des cartes, ce qui, a priori, selon tous les intervenants qui vous ont précédés, serait sûrement de nature à diminuer les délais.

Quant à l'avis à l'employeur qu'il y a eu dépôt d'une requête, je vais revérifier. Quant au vote instantané, je remarque que vous partagez l'opinion du Conseil du patronat.

À l'égard de l'entretien pendant la grève, je pense que l'article 109.3 le prévoit dans la mesure où il dit que l'employeur peut prendre toutes les mesures nécessaires pour la protection matérielle. C'est bien.

Voilà, j'ai fait le tour de l'ensemble des dispositions sur lesquelles j'aimerais vous entendre tantôt répondre, tantôt réagir.

M. Létourneau: Concernant la disponibilité des arbitres - enfin la question des arbitres - nous avons entendu les témoins précédents qui ont concordé dans le même sens que nous, à savoir que leur expérience n'était pas que ce soit tellement abusif, que ce soit la principale cause des délais. Qu'il y en ait, nous en convenons, sauf que la façon dont on s'y prend et les conséquences de n'avoir qu'un arbitre nous apparaissent assez conséquentes pour les employeurs, d'une part. D'autre part, ceux qui sont quotidiennement dans le domaine des relations du travail nous disent qu'en fait c'est cela qui est un grand problème, le manque d'arbitres.

D'ailleurs, au dernier sommet économique, plusieurs parties s'étaient entendues sur ce point. Cela avait été

convenu et avait été l'objet de notre démarche lorsque nous avons convenu qu'il devrait y en avoir plus. On confie à ces gens-là les questions dont on parle ici mais aussi beaucoup d'autres sujets. Il semble que ces personnes soient surchargées. Que cela amène quelques employés de plus à l'État, c'est de bonne guerre, M. le ministre, que vous nous retourniez cet argument. Nous sommes évidemment des gens qui demandent de diminuer au maximum les dépenses publiques. Nous convenons qu'il y a des situations où, pour l'efficacité du fonctionnement du système, il faut en ajouter. Il y a beaucoup d'autres endroits où on pourrait en retrancher.

Le problème de mettre moins de monde - comme vous le dites - dans le puzzle... D'après notre analyse, ce n'est pas sûr qu'avec les dispositions qu'on voit dans le projet de loi, on arrive à des diminutions de délais si on n'ajoute pas au nombre des arbitres.

Vous nous dites qu'à 102.1, l'intention du gouvernement est de ne couvrir là que les vices de forme. C'est bien ce que j'ai compris.

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Létourneau: Donc, aucun grief ne doit être considéré comme nul ou rejeté pour vice de forme. Vous ajoutez "ou irrégularité de procédure". C'est bien ce que je lis dans l'article 102.1.

M. Johnson (Anjou): Oui, c'est cela.

M. Létourneau: Cela nous semble dépasser... D'abord, vices de forme, cela couvre passablement de choses. Aller jusqu'à ajouter irrégularité de procédure, il nous apparaît que cela laisse beaucoup de latitude pour accepter à peu près n'importe quoi. C'est notre perception, c'est notre interprétation.

Nous suggérons donc, si vous voulez qu'il existe des règles de procédure vraiment et qu'on s'y tienne, que l'employeur, par exemple - je ne dis pas que cela ne pourrait pas arriver à la partie syndicale non plus -ne se voie pas pris dans des situations d'être devant des requêtes, des réclamations longtemps après les délais prévus ou dans des formes absolument inusitées ou inattendues.

Vous nous dites: 108 interdit déjà le ralentissement. Nos experts qui ont examiné la question nous amènent, enfin interprètent les nouvelles dispositions et les anciennes comme n'étant pas suffisantes pour vraiment protéger l'employeur ou permettre à l'employeur des recours lorsqu'il y a des ralentissements de production qu'on sait volontaires et qui pourraient être démontrés comme étant volontaires, qu'ils soient causés par des employés syndiqués ou non.

Vous hésitez à répondre favorablement à notre requête concernant la même définition de "salariés" pour l'entreprise privée que pour le secteur public. Nous serions tentés de dire, M. le ministre, que, si cette situation se continue, c'est encore une fois une situation de deux poids deux mesures. Le gouvernement, lorsqu'il efface ses propres lois, lorsqu'il voit que cela l'embête un peu trop, se crée des employés confidentiels, mais ne semble pas comprendre que le même problème puisse exister dans l'entreprise privée. Il se refuse donc à nous accorder, aux gens de l'entreprise, les mêmes - je ne dirais pas privilèges ou avantages -conditions d'opérations que celles qu'il se donne lui-même, lorsqu'il est vraiment dans une situation où il estime que cela ne pourrait pas fonctionner ou que cela n'a pas de sens de ne pas considérer certains employés comme ayant une fonction confidentielle. (17 heures)

Je souligne simplement, par exemple, que, dans l'entreprise privée, les gens qui font la paie, les gens qui travaillent sur les ordinateurs et qui ont accès aux listes de prix ou à des secrets de fabrication ou à des choses semblables il y a des tas de gens qui ont accès à des renseignements très confidentiels pour l'entreprise parfois, on ne peut s'empêcher de les considérer comme des personnes syndiquées.

Concernant l'avis de dépôt d'une requête, je ne sais pas si on s'entend bien, si je parle du même article, mais je me réfère à cet article où nous demandons que les employés, dans le cas d'une accréditation, soient mis au fait qu'il y a une requête en accréditation et le soient immédiatement.

Vous dites que l'article 109.3 prévoit déjà l'entretien; M. Earle a quelques commentaires là-dessus, M. le Président.

M. Earle: La clause actuelle dit que l'application de l'article 109.1 ne peut avoir pour effet d'empêcher un employeur de prendre, le cas échéant, les moyens nécessaires pour éviter la destruction ou la détérioration grave de ses biens meubles ou immeubles. La suggestion que nous avons apportée est celle que nous pensons que les mots "protection et entretien de ses immeubles" sont un petit peu plus raisonnables que ceux "d'éviter la destruction totale".

Notre idée est de protéger l'emploi parce qu'on pense que, finalement, la grève va se terminer. Au lieu de dire qu'on a le droit de se protéger contre la destruction de l'usine, d'après ce que nous pensons, ce n'est pas très raisonnable... Nous pensons que, raisonnablement, cela veut dire qu'on peut entretenir notre usine et notre équipement. Je pense que le point est raisonnable.

M. Johnson (Anjou): Si vous avez un syndicat d'entretien, M. Earle, cela veut dire qu'il ne peut pas profiter des dispositions de l'article 109.

M. Earle: Oui, mais vous savez très bien, M. le ministre, que, dans presque tous les cas de grève, il y a des dommages. Je peux vous parler de la nôtre où les dommages ont été de plus de 1 000 000 $ pour une grève de deux ou trois semaines. Cela arrive presque tout le temps. Je parle de quelque chose, d'une situation actuelle qui existe presque constamment. Nous ne demandons pas quelque chose qui n'est pas raisonnable. Vraiment, finalement, on veut protéger l'emploi des personnes qui sont en grève.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Earle. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, seulement pour faire suite, et je pense que je vais terminer là-dessus. À l'égard de l'article 102, sur la question des vices de forme et des irrégularités de procédure, on me dit qu'il y a une jurisprudence constante qui dit que la notion d'irrégularités de procédure ne peut impliquer une action sur les délais de prescription. Donc, à cet égard, je réponds à une partie de vos préoccupations, non pas à toutes, je n'en disconviens pas. On couvre les vices de forme et les irrégularités de procédure qui ne peuvent pas entacher le fond, si on veut. La notion d'irrégularités de procédure n'implique pas qu'on a un effet d'agir sur les délais. Je voulais simplement vous rassurer quant à cela au sujet de la jurisprudence.

J'aimerais vous entendre une dernière fois et, cette fois, sur la notion de confidentialité et sur les exemples que vous avez donnés. Il est vrai que cette exclusion existe dans l'État. Mais l'État applique de façon automatique, en vertu d'autres lois et d'autres dispositions, des conditions de travail absolument identiques. C'est ce qu'on appelle le personnel syndicalisable non syndiqué dans la fonction publique.

Votre préoccupation, je peux la comprendre dans la mesure où la jurisprudence québécoise est peut-être moins restrictive pour la protection de la confidentialité que ne l'est la jurisprudence ontarienne, par exemple, qui a tendance à identifier plus clairement et plus fréquemment des postes dits "confidentiels". Cependant, est-ce qu'en soi le fait d'être syndiqué - c'est tout le problème - met la personne qui est dans une situation de confidentialité dans une position potentielle de conflit d'intérêts? Qu'est-ce qu'on fait pour les employés qui seraient syndicables non syndiqués dans le secteur privé? Dans l'État, c'est très clair. Il le fait en vertu des lois et en vertu de ses conventions collectives et de la pratique. C'est vrai pour tous les hôpitaux. C'est vrai pour toutes les commissions scolaires. C'est vrai pour le gouvernement lui-même. Par exemple, les employés au bureau du sous-ministre du ministère du Revenu ou les employés de la direction du personnel des ministères ou des établissements, qui sont exclus des certificats d'accréditation pour des raisons de confidentialité, ont exactement les mêmes conditions de travail que les tâches dites "assimilables". L'État peut régler cela parce qu'il est en même temps l'employeur. Il peut s'engager à le faire. Comment voyez-vous qu'on pourrait l'appliquer dans le secteur de l'entreprise?

M. Létourneau: J'ai bien l'impression, M. le Président, qu'en pratique il va se passer là ce qui se passe pour les autres catégories d'employés qui ne sont pas syndiqués et qui, en général, dans l'entreprise, ont des conditions de travail comparables, compte tenu de leurs fonctions, à celles qui sont accordées à la partie des employés qui sont syndiqués. Je ne pense pas qu'il y ait des distorsions atroces ou, enfin, qu'il y ait des demandes de gens en ligne à la porte du ministère à n'en plus finir, pour essayer de régler les cas des gens qui ne sont pas présentement syndiqués. D'ailleurs, le droit de se syndiquer existe pour ceux qui ne le sont pas. J'ai l'impression que, dans une entreprise où il y a du personnel syndiqué et du personnel non syndiqué, le personnel non syndiqué, en général, reçoit, de la part de l'employeur, un traitement et des conditions qui se comparent, compte tenu des fonctions, à ce qui existe pour les employés syndiqués. Je pense que l'entreprise qui ferait autrement court après des problèmes. En général, j'ai l'impression que ce qui se passe est que ces employés reçoivent un traitement comparable.

M. Johnson (Anjou): D'accord. Vous répondez, je pense, en partie à ma préoccupation...

M. Létourneau: En pratique.

M. Johnson (Anjou): ...au niveau de la pratique du marché, finalement. J'ai une autre préoccupation quant à la notion de confidentialité, cependant. C'est le fait que, dans les secteurs public et parapublic, de plus en plus, on assimile à du personnel "confidentiel" celui qui est directement relié aux questions de relations patronales-ouvrières. Vous citiez, à titre d'exemple de fonction confidentielle, tout à l'heure, celui qui a accès à l'informatique, à des brevets, à des procédés d'invention particuliers, mais le fait qu'il soit syndiqué ou non ne règle pas le problème. Je comprends, par exemple,

que le comptable qui s'occupe de produire les chiffres pour l'entreprise, pour la stratégie de négociation, vous pose un autre type de problème. Je comprendrais que vous disiez que lui, vous ne voulez pas le voir dans le syndicat parce que c'est lui qui fabrique les chiffres pour savoir si vous offrirez 6% ou 8% l'an prochain. Je comprends cela. Mais, à l'égard des procédés de fabrication et d'autres choses de cette nature, j'ai visité à Saint-Hyacinthe, il y a quelques années, une très grande chocolaterie - dont j'oublie le nom, Comat ou quelque chose comme cela - où ils ont un procédé secret pour la fabrication d'un produit européen sur le marché. Les trois personnes qui travaillent dans cette partie de l'entreprise peuvent être syndiquées, mais elles sont soumises à des obligations particulières, à des clauses pénales très spécifiques, à un engagement solennel et tout cela pouvant être sanctionné par les tribunaux, en termes de responsabilité et même d'injonction. Alors, ils ont trouvé les moyens de le faire.

Je distingue cela vraiment, en termes de confidentialité sur les contenus du travail, par opposition à une présence dans un groupe qui est relié aux relations du travail dans l'entreprise. Je ne sais pas si...

M. Létourneau: M. le Président, nous convenons que ceux qui sont reliés à la stratégie des relations du travail dans une entreprise, effectivement, devraient être considérés comme des personnes ayant accès à une confidentialité qui ne doit pas être brisée. Nous avons été témoins, depuis quelques années, d'un comportement que nous avons beaucoup de difficulté à comprendre dans les situations de grève, mais qui, néanmoins, existent de la part des salariés en grève. C'est celui, au moment de la grève, de vouloir faire en sorte, à un moment donné, que le public... En quelque sorte, on dirait un mouvement suicidaire de vouloir détruire l'entreprise qui les emploie. L'exemple qui me vient à l'esprit à ce moment-ci - j'aurais dû me documenter à cet effet - c'est la dernière grève à la Presse. Il y avait des gens qui disaient: N'achetez pas la Presse, ce n'est pas bon, etc. C'étaient des salariés en grève qui ne voulaient pas qu'on utilise le produit et qui insistaient auprès du public pour que ce produit ne soit pas utilisé ou qu'on refuse le produit ou le service fourni par l'entreprise. Si, dans des conditions semblables, des salariés, membres d'une unité de négociation, font partie de ce groupe qui adopte un comportement que nous trouvons suicidaire, il peut s'exercer sur eux des pressions très fortes pour donner à la partie qui organise cette stratégie beaucoup plus d'arguments et d'outils plus efficaces pour arriver à cette fin. C'est un aspect où nous pensons que des gens qui ont accès à de la documentation confidentielle ne devraient pas être soumis à de telles pressions. Ils ne devraient pas faire partie de l'unité de négociation, surtout à des moments où, par une espèce d'aberration, à cause de la frustration, on adopte des comportements de ce genre. C'est tout simplement prévenir l'intégrité de l'entreprise. C'est une demande qui, à notre avis, encore une fois, ne nous semble pas déraisonnable puisque l'État lui-même y a recours et considère qu'il doit le faire. Alors, nous aimerions que l'entreprise puisse y avoir accès. C'est simplement une mesure d'équité, à notre point de vue.

M. Johnson (Anjou): M. Létourneau, je vous remercie. Évidemment, le Code du travail a ses limites et ses contraintes pour l'entreprise, je n'en disconviens pas, dans bien des cas. Mais il ne peut pas réglementer les comportements et...

M. Létourneau: Non, non, ce n'est pas non plus ce qu'on demande.

M. Johnson (Anjou): Je pense que beaucoup des choses que vous évoquez relèvent peut-être des comportements chez certains individus bien que les mettre à l'abri ou les exclure de la syndicalisation, en termes de nombre, cela poserait peut-être moins de problèmes. Mais je pense qu'en termes de comportement, c'est le comportement.

M. Létourneau: Vous comprenez, M. le Président, que nous voulons faire de la prévention.

M. Johnson (Anjou): Quand vous dites des gens qu'ils ont une espèce d'instinct suicidaire à vouloir tuer leur entreprise, je dirai que je comprends que, à l'occasion, des travailleurs incitent les citoyens de l'environnement ou les gens qui consomment le produit de l'entreprise contre laquelle ils font une grève à ne pas acheter. Qu'est-ce qu'ils font? Dans le fond, ils essaient d'exercer leur rapport de forces sur le plan économique. Quand cela va jusqu'à la destruction, je suis d'accord avec vous que c'est une autre paire de manches. Mais, pour moi, cela vient d'un comportement qui est peut-être suicidaire, mais c'est un comportement.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député de...

M. Johnson (Anjou): Merci, M. Létourneau.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Malgré les délais très courts qui vous ont été impartis, vous avez quand même su, dans votre mémoire, dégager des principes importants ainsi qu'attirer notre attention sur des points techniques.

J'ai une première question à adresser à M. Létourneau. Vous mentionnez que la Chambre de commerce du Québec regroupe plus de 200 chambres de commerce locales et associations similaires qui comptent tout près de 40 000 membres au Québec. De plus, environ 3100 entreprises, grandes et petites, adhèrent directement à la Chambre de commerce du Québec. Cela rejoint combien d'employés?

M. Létourneau: Combien d'employés? M. Paradis: Oui.

M. Létourneau: Nous n'avons que des estimations sommaires pour le moment parce que nous avons - et tout dépend comment nous faisons ce calcul - d'abord une trentaine d'associations d'employeurs membres plus, évidemment, environ 3050 ou 3070 entreprises de toutes tailles. Nous avons trouvé très difficile de déterminer le nombre d'employés parce que ce qui n'est pas facile à déterminer quand on parle d'employés, c'est la notion d'employé permanent et d'employé temporaire. Néanmoins, nous pouvons dire qu'il y en a plusieurs centaines de milliers et certainement au-delà de 500 000. (17 h 15)

Nous n'avons pas de calcul très précis. Si nous additionnons, comme certains le font, les employés permanents, les employés temporaires, le nombre d'employés de chaque employeur dans chaque association membre, il est possible que nous atteignions des chiffres beaucoup plus grands. Nous n'avons pas voulu risquer de chiffres sur ce point parce qu'il est extrêmement difficile d'en faire la vérification. Nous avons demandé des informations au gouvernement, nous en avons même demandé à nos membres. Comme ils ne sont pas obligés de nous fournir l'information, parfois nous l'avons et parfois nous ne l'avons pas; c'est une information qui, ces temps-ci, fluctue drôlement. Je ne voudrais pas risquer un chiffre trop précis, mais seulement un ordre de grandeur.

M. Paradis: Est-ce que vous avez un aperçu du taux de syndicalisation, du pourcentage de syndicalisation dans les entreprises membres?

M. Létourneau: Nous croyons que, chez nos membres, le taux de syndicalisation est plus élevé que la moyenne du secteur privé.

M. Paradis: Ma prochaine question s'adresse à M. Earle. Vous avez parlé, M.

Earle, du droit de grève et du droit de lockout en parallèle et vous avez parlé de déséquilibre à ce niveau. Comme employeurs, vos membres, les gens que vous représentez, ont quand même un droit de lock-out, le droit de mettre la clé dans la porte. Dans les dispositions antibriseurs de grève, finalement, on ajoute des mécanismes à un principe qui avait déjà été discuté, sur lequel vous aviez déjà fait des représentations. La nature de ce déséquilibre...

M. Earle: Le problème que nous voyons se trouve à l'article 109.1f, où l'employeur n'a même pas le droit de faire travailler les cadres qui ne sont pas syndiqués quand il y a un lock-out ou une grève. Nous pensons qu'avec le projet de loi qui est présenté il y a un déséquilibre. Par exemple, quand les négociations commencent, à la fin d'un contrat, comme vous le savez probablement très bien, on a souvent des problèmes - je ne parle pas de mon entreprise, je laisse cela de côté, je parle en général - comme des arrêts de travail, des ralentissements de travail. À un certain moment, il n'est plus rentable de faire fonctionner l'usine. La seule chose que l'employeur peut faire à ce moment-là - il perd de l'argent parce que l'usine fonctionne à 30% ou à 40% de sa capacité - c'est de faire un lock-out. Il n'a aucun autre choix pour protéger son entreprise. Il fait un lock-out, mais il n'a pas le droit de faire travailler les cadres ou les personnes non syndiquées à certaines choses qui sont très importantes pour nous et pour d'autres employeurs. L'équilibre n'existe plus. C'est dans ce sens que nous avons parlé de déséquilibre.

M. Létourneau: II y a non seulement ces situations que vient d'expliquer M. Earle, mais aussi l'exaspération de l'employeur vis-à-vis de l'attitude de la partie syndicale qui l'inciterait à faire le lock-out. Avec les conditions qu'on a là, il se pénalise tellement que ce recours est beaucoup moins valable pour lui. Cela le pénalise beaucoup plus et, à ce moment-là, cela devient illusoire comme véritable mesure d'équilibre.

M. Paradis: Dans le chapitre où vous traitez des modifications des règles de l'accréditation, vous parlez d'acquiescement automatique à une unité de négociation. Vous parlez d'employeurs de PME qui seront pris au dépourvu car ils auront quinze jours. Vous parlez du délai de réception de la requête pour communiquer leur désaccord, sinon ils seront présumés avoir donné leur accord. Est-ce qu'un dirigeant de PME n'a pas suffisamment de temps, en quinze jours, pour réagir quand cela arrive?

M. Létourneau: M. le Président, je pense que tous ceux qui connaissent les

relations du travail savent comment, dans une première accréditation, la définition de l'unité de négociation est importante. La plupart des PME - moi, je dirais la totalité -sont formées de gens qui n'ont pas d'expérience dans les relations du travail. Lorsque cette question survient, c'est vraiment la panique pour la plupart parce que, primo, ils n'ont pas la connaissance du sujet et, secundo, on se rend compte que, par des appels qui nous sont faits fréquemment chez nous par des membres, ils n'ont même pas la connaissance des gens qui sont spécialistes en la matière. Ils ne savent même pas où les trouver. Ils nous appellent et nous demandent si on connaît un bon avocat dans ce domaine. Ils ne savent même pas faire la différence entre un spécialiste des relations du travail du côté syndical et du côté patronal. Je ne veux pas les blâmer. Que voulez-vous? Ils n'ont jamais été placés face à des problèmes semblables. Évidemment, on peut toujours essayer de les aider, mais le temps d'entrer en contact, d'expliquer la situation, de connaître le problème de l'entreprise, son fonctionnement, etc., de réagir à la proposition de l'unité de négociation qui lui est fournie...

En plus de cela, bien souvent, je dois vous dire que l'employeur de PME va reculer devant les frais considérables que signifie pour lui le fait d'aller chercher cette expertise. D'abord, parce qu'il faut la trouver et, quand on la trouve, on s'aperçoit, parce que la bonne expertise dans ce domaine est relativement rare, qu'elle est assez coûteuse. Il n'est pas habitué à ces frais et, tout à coup, il se voit placé devant le fait d'être obligé de payer des honoraires très onéreux. En tout cas, il n'est pas habitué à cela et il hésite. Il va essayer de marchander un peu. Finalement, c'est la panique. Nous pensons qu'il devrait y avoir plus de délai pour sa capacité de réaction à la question de l'unité de négociation.

M. Paradis: À la page 10, au dernier paragraphe, vous dites ce qui suit: "Auparavant, en présence de deux associations, l'association qui avait droit à l'accréditation était celle qui obtenait la majorité absolue des voix des salariés de l'employeur. En ne respectant pas l'esprit du code actuel, on se retrouvera avec des syndicats pouvant représenter 26% ou 30% des salariés visés par une accréditation. Ceci contredit l'article 3 du code qui stipule que "tout salarié a droit d'appartenir à une association de salariés de son choix". Les libertés individuelles sont brimées car, si plusieurs groupes de salariés manifestent l'intention de se syndiquer, chacun avec le syndicat de son choix, l'accréditation leur sera automatiquement imposée. Pourtant, la majorité des salariés refuseraient peut-être toute accréditation plutôt que de se retrouver avec un syndicat indésirable."

C'est une affirmation importante quant au principe fondamental du Code du travail... Les droits des individus...

M. Létourneau: Effectivement, nous croyons que c'est très important. J'avais dit, dans ma présentation, que j'avais justement une question. Nous avons écrit ici 26%. On aurait dû écrire 25% plus 1%. On l'a fait par prudence, parce qu'on a l'impression que cela peut être pire encore. Là-dessus, j'aimerais avoir l'interprétation que peuvent en faire les responsables ici ou, enfin, ceux qui connaissent à fond la législation.

Je reprends l'article 37.1b, qui se lit comme suit... Enfin, je vais me passer des lectures parce que vous connaissez cela beaucoup mieux que nous. Mais le paragraphe b dit ceci: "lorsqu'il y a plus de deux associations en présence, tenir un nouveau scrutin sans la participation de celle qui a obtenu le plus petit nombre de voix et, s'il n'y a plus que deux associations en présence, accréditer celle qui a obtenu le plus grand nombre de voix."

Je vais faire une hypothèse et j'aimerais qu'on me dise ce qui va se produire dans cette hypothèse. On tient un vote et il y a 51% ou à peu près, disons, il y a la majorité de 52%, si vous voulez. Mais, enfin, disons 51%. On va pousser l'exemple au maximum. Il y a 51% des travailleurs qui enregistrent leur vote pour chacune des trois associations qui demandent d'être accréditées. Le résultat de ce vote est 18% pour la première, 17% pour la seconde et 16% pour la troisième, ce qui fait un total de 51%. Il y a eu chez nous divergence de vues quant à l'interprétation et nous avons fait l'hypothèse... Je vais vous dire quelle hypothèse on a fait. D'abord je pose la question: Est-ce possible que, dans un cas semblable, les 16% soient éliminés et, puisqu'il n'en reste que deux, que celui qui a le plus grand nombre, soit 18%, soit accepté et forme le syndicat qui accrédite toute l'unité de négociation?

Je pense que c'est une interprétation qu'on peut donner à l'article 37,1 b. Dans ce cas, on ne parlerait même pas de 25% plus un, on parlerait de la possibilité pour 18% des salariés de l'unité de négociation de pouvoir obtenir l'accréditation.

M. Johnson (Anjou): Dans votre exemple, vous dites qu'il y a trois associations au départ?

M. Létourneau: Comme c'est prévu à l'article b qui dit: Lorsqu'il y a plus de deux associations. Disons qu'il y en a trois.

M. Johnson (Anjou): Vous dites: il y en a trois. L'unité, c'est 100 personnes.

M. Létourneau: C'est cela.

M. Johnson (Anjou): II y en a 49 qui vont jouer au golf.

M. Létourneau: C'est cela.

M. Johnson (Anjou): II y en a 51 qui décident de voter.

M. Létourneau: C'est cela.

M. Johnson (Anjou): Sur les 51 qui votent, ils se divisent... Qu'est-ce que vous dites...

M. Létourneau: 18%, 17% et 16%.

M. Johnson (Anjou): 16%, 17% et 18%. Cela tombe bien.

M. Létourneau: Excusez-moi, M. le Président. Il peut y avoir autre chose que jouer au golf. Il peut aussi y avoir des annulations de vote.

M. Johnson (Anjou): Oui, je comprends. M. Létourneau:Très bien.

M. Johnson (Anjou): Bref, ils ne votent pas ou le vote est invalide.

M. Létourneau: Ils vont le rendre invalide parce qu'il n'y a pas de possibilité de dire qu'on ne veut pas de syndicat sur le bulletin.

M. Johnson (Anjou): On dit: lorsqu'il y a plus de deux associations en présence, tenir un nouveau scrutin sans la participation de celle qui a obtenu le plus petit nombre de voix. On tient un deuxième vote. Ce que vous me dites, dans votre hypothèse au deuxième vote, combien de personnes vont voter au deuxième vote? Encore 51%.

M. Létourneau: Je retiens ici, à la lecture de b...

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Létourneau: ...qu'il est techniquement possible... Il y en a plus que deux, on a tenu un scrutin, on a éliminé celle des 16%. Donc il n'y en a plus que deux.

M. Johnson (Anjou): Oui, c'est cela.

M. Létourneau: Alors, accréditer celle qui a obtenu le plus grand nombre de votes. Donc, c'est celle qui a 18% qui obtient l'accréditation.

M. Johnson (Anjou): Au deuxième tour, vous faites bien de le souligner, dans la mesure où ce n'est pas absolument limpide, mais il va falloir s'entendre sur ce qu'on veut. Il y a un deuxième tour et il se fait entre les deux gagnants. Regardez le congrès conservateur en fin de semaine, c'est un peu de même que cela se passe.

M. Létourneau: M. le Président, dans le concret, il se passe la situation suivante: D'abord, dans l'hypothèse que j'ai soulevée, il y en a souvent un bon nombre qui n'en veulent vraiment pas. Ou ils ne vont pas voter ou ils annulent leur vote. Ce n'est peut-être pas tous les cas mais on veut évidemment - si cela va s'appliquer dans l'avenir - bien prévoir ce qui se passera. Disons que cette hypothèse se réalise. Est-ce que nous devons présumer que l'intention gouvernementale est qu'à chaque fois qu'il y a un vote, il y ait 51%, et, quand il n'y en a plus que trois, lorsqu'il n'en reste que deux, on reprend le vote et il faut encore qu'il y en ait 51% qui se prononcent? (17 h 30)

M. Johnson (Anjou): Notre objectif, c'est de faire en sorte qu'on s'assure non pas, qu'il y a 51% à l'association qui sera accréditée - elle pourrait avoir moins de 51% - mais qu'on s'assure que plus de 50% des travailleurs ont exprimé leur désir d'avoir une association de salariés, celle qui a la majorité dans la mesure où il y a une pluralité d'expression, une majorité absolue d'expression de voix, non pas en faveur d'un syndicat, mais en faveur du fait d'avoir un syndicat. C'est le syndicat qui a la pluralité des voix.

M. Earle: M. le ministre, s'il y a trois groupes qui votent, et que le total est 51%, c'est possible que les 49% qui n'ont pas voté ne veuillent pas de syndicat. Si, dans les 51% - on va continuer avec les 16%, 17% et 18% dans ce cas - il y en a 8% de ces 16% qui ne veulent pas de syndicat, sauf le syndicat pour lequel ils ont voté, nous avons 49% plus 8%, 57% des gens qui ne veulent pas le syndicat, mais on en a un. On joue avec les droits des individus. Si on retourne à la protection des droits des individus, nous, nous proposons qu'il y ait 51% des personnes qui votent pour un syndicat et disent: C'est celui-là qu'on veut.

M. Létourneau: Remarquez que, même si M. le ministre nous répondait qu'à chaque vote, il en faut 51%, on ne serait pas encore d'accord, pour la raison que vient d'invoquer M. Earle. Il y a des gens qui préféreraient ne pas avoir de syndicat que celui pour lequel ils n'ont pas voté. Dieu sait, on ne parle pas de ceux qui n'ont pas voté ou qui ont annulé leur vote et qui n'en voulaient pas. Là, on ouvre la possibilité au maintien d'un syndicat par une faible minorité. Enfin,

on a dit 25% plus 1...

M. Johnson (Anjou): Au moins 25% plus un.

M. Létourneau: ...pour se protéger, en présumant qu'au moins... Est-ce qu'on doit comprendre que le texte sera précisé ou raffiné pour qu'il soit bien clair qu'après un vote avec trois, il y aura un autre vote avec deux et que ce vote avec deux devra réunir 51% des membres de l'unité d'accréditation, comme c'est le cas dans l'article 37.1a?

M. Johnson (Anjou): Vous connaissez le cas classique de Valcartier. 49,1% des travailleurs ont voté en faveur de la CSN et 49,5% des travailleurs ont voté en faveur de la FTQ; si on additionne cela comme il faut, cela fait 99% des gens qui ont voté et il n'y a pas de syndicat.

M. Létourneau: Je pense qu'il n'y a rien de renversant là-dedans parce que, connaissant ce que sont les rivalités syndicales, il est fort possible qu'une très forte majorité de ceux qui ont voté pour le syndicat perdant n'auraient pas voté pour le syndicat gagnant parce qu'ils préféreraient ne pas être représentés plutôt que d'être représentés par l'autre.

M. Johnson (Anjou): Je ferai une remarque. Vous savez que c'est la majorité simple parmi les votants qui est la règle dans l'ensemble des provinces et dans le code canadien.

M. Earle: Dans ce cas, est-ce que toutes les personnes qui ont le droit de voter ont voté ou si c'est seulement, je ne sais pas, une quarantaine des personnes qui ont voté?

M. Johnson (Anjou): C'est la majorité des votants. C'est le principe du scrutin qu'on retrouve, que ce soit au niveau scolaire...

M. Létourneau: Nous avons eu nos précisions. Nous vous remercions.

M. Johnson (Anjou): Merci.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Létourneau: Je m'excuse, j'ai peut-être dévié de la réponse à la question du député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Vous n'avez pas dévié, au contraire, c'était dans ce sens qu'elle était dirigée.

M. Johnson (Anjou): Cela a fait avancer le débat.

M. Paradis: J'aurais une dernière question. M. Earle a parlé du haut niveau de compétitivité. Vous avez parlé d'attirer les investisseurs pour créer des emplois. Est-ce que vous retrouvez dans le projet de loi qui est devant nous des éléments favorables à stimuler l'économie - excusez, je vais continuer ma question - à maintenir et à créer des emplois?

M. Earle: Pas à ma connaissance.

M. Létourneau: Je peux ajouter quelque chose, M. le Président?

Le Président (M. Blouin): Oui, certainement.

M. Létourneau: Je dois ajouter que la perception dans notre milieu est à peu près unanime - écoutez, on n'a pas consulté profondément, on a dit qu'on n'avait pas eu tellement de temps, mais on a eu quand même des communications avec nos membres - c'est que, encore une fois, voici un projet de loi en matière de relations du travail où il n'y a rien pour l'employeur; encore une fois, tout est pour la partie syndicale Cela ne peut faire autrement, quand c'est connu, c'est perçu comme cela dans le milieu, que de décourager l'esprit d'"entrepreneurship", que d'éroder la capacité pour le Québec d'attirer ici des investissements, de retenir des investissements et de créer des emplois, ce qui est notre objectif numéro un actuellement. Que voulez-vous que je vous dise?

M. Paradis: J'ai peut-être...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Vu que l'adjoint parlementaire, le député de Prévost, n'est pas là et qu'il pose habituellement toujours la question, je vais vous la poser pour qu'elle ne soit p?s oubliée. Les autres participants ou la quasi-totalité nous ont mentionné qu'ils étaient prêts à s'asseoir pour une réforme en profondeur du Code du travail. Est-ce que la Chambre de commerce de la province de Québec a le même sentiment?

M. Earle: Après tous les changements du code que nous avons eus dans les derniers quinze ans, que M. Létourneau a soulignés au tout début de ses remarques, nous ne pensons pas que ce soit nécessaire de rouvrir le Code du travail, mais, si le gouvernement décide de l'ouvrir, nous pensons que c'est absolument nécessaire que nous ayons des représentants sur le groupe de "task force", le groupe de travail. On est prêt à nommer

quelqu'un ou quelques personnes.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Earle.

M. Létourneau: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, M. le Président. Il est évident que nous serons là si la question est rouverte. Nous avons trop à dire et aussi trop à perdre. Mais vraiment je dois vous avouer que nous ne voyons pas, en dehors des questions des secteurs public et parapublic, où il y a évidemment problème ou il va falloir régler cela... Nous acceptons qu'il faille revoir les règles du jeu en ce domaine, mais nous ne voyons pas l'urgence d'une réforme complète du Code du travail. Nous y participerons si on ouvre la question. La tendance qui a guidé chaque amendement depuis qu'on en fait, ces dernières années, ne nous enthousiasme pas du tout et ne nous fait pas prévoir qu'on aura des avantages considérables à rouvrir le code. Nous avions cru qu'on avait enfin arrêté de parler de la fameuse question de la multipatronale; on nous promet de rouvrir encore la question de la multipatronale. Pour nous, c'est d'une évidence à crever les yeux qu'amener la multipatronale, c'est encore se caler, ce n'est pas possible, et on va ramener encore l'affaire. On va y aller, on va essayer de faire nos devoirs, on va fouiller la question, on va l'examiner sous l'angle économique et on va apporter nos arguments encore une fois, mais il me semble que c'est d'une évidence crevante qu'amener une proposition semblable n'est pas à notre avantage, surtout dans le contexte actuel; cela ne veut pas dire que ce sera mieux plus tard, mais surtout dans le contexte actuel.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député de... Oui, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Si vous permettez. Seulement une dernière question. J'ai oublié de l'évoquer. Vous ne le mentionnez pas dans votre mémoire. Je me demandais si vous étiez d'accord avec cette proposition qui est faite par le Conseil du patronat à laquelle la FTQ nous dit ne pas s'opposer, bien au contraire, celle de la délégation de mandat pour fins de négociation à des associations d'employeurs avec irrévocabilité des mandats. Je m'explique, le vocabulaire est un peu technique. Le Conseil du patronat suggère que l'on modifie le code de telle sorte que l'on puisse reconnaître à des associations d'employeurs une formule juridique précise pour fins de négociation à plusieurs employeurs, évidemment sur une base volontaire.

M. Létourneau: M. le Président, nous sommes perplexes devant cette proposition. Nous ne l'avons pas examinée chez nous, nous ne l'avons pas approfondie, mais nous sommes vraiment perplexes. Nous sommes opposés à la négociation sectorielle et a priori, on se demande si des accréditations de ce genre n'y conduiraient pas. C'est une réflexion très a priori, la question n'a pas été débattue chez nous et nous ne pouvons nous prononcer sur cette question à ce moment-ci.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la députée de Maisonneuve.

M. Bélanger: M. le Président, question de règlement. J'avais demandé la parole.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député de Mégantic-Compton. J'ai bien noté que vous aviez demandé la parole. Je vous rappelle cependant que nous appliquons généralement la règle de l'alternance.

M. Bélanger: Oui, mais le ministre vient de terminer.

Le Président (M. Blouin): Le ministre a effectivement...

M. Bélanger: Attendez que je sois ministre.

Le Président (M. Blouin): ...émis un bref commentaire qui n'a pas entraîné de débat, mais je crois qu'en toute justice, nous pourrions permettre à Mme la députée de Maisonneuve de s'exprimer brièvement, tout en lui rappelant, et à tous les membres de la commission, que nous mettrons fin à nos travaux à 18 heures. En conséquence, je souhaite que les interventions soient les plus brèves possible pour que chacun ait le loisir de s'exprimer.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Paradis: M. le Président, que Mme la députée de Maisonneuve parle, cela va, mais quant au principe de l'alternance, le ministre avait posé une question et obtenu une réponse, qui peut être satisfaisante ou non satisfaisante. Je ne voudrais pas que cela entre dans la jurisprudence pour l'alternance.

Le Président (M. Blouin): Supposons que cela n'entre pas dans la jurisprudence et que nous n'analyserons pas...

Mme Harel: Les considérations de procédure étant faites, j'ai souvent l'occasion de lire les lettres que vous nous faites parvenir, à nous les parlementaires, et j'ai eu l'occasion de prendre connaissance de votre mémoire. Des réponses que vous apportiez tantôt, j'aimerais savoir si vous êtes d'avis que l'actuel régime de négociations... Vous savez, il y a eu des

plaidoyers, je ne sais pas si vous étiez présent; je pense en particulier à l'intervention du président de la CSD qui a fait un plaidoyer très passionné où il invoquait la nécessité de réviser l'économie générale du droit du travail qui en serait un de confrontation beaucoup plus que de concertation. Tantôt vous avez dit que vous aviez tout à perdre dans une refonte; moi, j'avais le goût de vous demander ce que vous auriez à y gagner de vous asseoir et, peut-être, de réviser une forme d'accès à la syndicalisation qui a, dans certaines sociétés industrielles, donné des résultats. Je pense à l'Autriche, par exemple. Vous connaissez le scénario qui existe là-bas. C'est au-delà de 87%, je crois, le taux de syndicalisation. Cela semble, en tout cas, donner des résultats, sur le plan économique, assez éloquents. J'aimerais savoir comment vous réagissez.

M. Létourneau: M. le Président, j'ai conditionné la réponse tantôt lorsque j'ai dit que nous croyons que nous aurions beaucoup à perdre dans une éventuelle refonte très prochaine à cause des tendances qu'a amenées chaque révision du Code du travail depuis quelque temps. Dans le sens de la dernière, il n'y a rien là pour l'employeur, tout est pour la partie syndicale. En tout cas, c'est notre perception. Je sais que ce n'est pas...

Mme Harel: Mais la partie syndicale dit aussi qu'il n'y a rien là pour elle.

M. Létourneau: Bien oui, enfin, je l'ai entendue celle-là. C'était probablement de bonne guerre, mais enfin, je vous assure qu'après l'avoir regardée dans tous les sens, un observateur objectif ne trouverait pas grand-chose qui avantage l'employeur par rapport à la partie syndicale dans la dernière réforme, mais en tout cas! C'est dans ce sens qu'on n'est pas plus enthousiastes qu'il ne le faut. Évidemment que nous aimerions beaucoup que l'environnement de confrontation et de judiciarisation des relations du travail qui est créé par le code actuel et ses complications épouvantables soit simplifié et un peu ramené à des possibilités de négociations plus simples. Mais nous vivons depuis plusieurs décennies dans un environnement où c'est vraiment une culture de confrontation dans laquelle nous sommes situés. Il semble que les lois accentuent cela chaque fois. Si on nous disait qu'on va revoir le Code du travail pour en simplifier les procédures et chercher des moyens de faire pour que nous soyons moins incités à la confrontation et que, pour ce qui nous concerne, tout ne serait pas aux dépens de la partie patronale, de la partie employeur, et qu'on ne continuerait pas dans ce processus de perdre des droits de gérance, des plumes et qu'on ne se marginaliserait pas par rapport aux États ou à ceux qui nous environnent, au Canada et aux États-Unis, dans ce sens, nous sommes intéressés. (17 h 45)

Mme Harel: Vous me permettrez une question concernant la situation particulière qui serait faite aux employeurs ou aux investisseurs. Il y a eu un certain nombre d'interventions tendant à penser que des provinces canadiennes, notamment la Colombie britannique, par exemple, avaient une commission des relations ouvrières qui intervenait avec un pouvoir d'ordonnance de loin supérieur aux interventions qui pouvaient être faites ici par divers intervenants. Notamment, il était souligné que les tactiques étaient peut-être aussi différentes du côté des employeurs. Il semblerait que la cessation d'emploi, par exemple, dans le cas d'une grève légale, soit beaucoup plus fréquente dans certaines provinces canadiennes qu'ici. Une tactique comme celle d'utiliser le recours à l'injonction pour faire diminuer le nombre de piqueteurs est de plus en plus utilisée et de plus en plus souvent accordée.

On a beaucoup fait état - vous devez certainement le connaître - de tout le dossier des raffineries et des grèves qui ont eu lieu dans les raffineries de l'est de Montréal. C'est un dossier assez éloquent sur l'inefficacité des recours en cas de maintien des activités même en violation du code. Vous savez sans doute que les agents qui se présentent doivent envoyer un préavis. Par la suite, leur rapport dépend un peu de l'envoi d'information de la part de l'employeur, ce qui les retarde souvent indûment. Ce rapport est souvent rendu possible bien après la résorption du conflit. Est-ce qu'il n'y a pas aussi des tactiques qui amènent à la confrontation?

M. Létourneau: M. le Président, j'ai indiqué que nous vivons malheureusement nos relations du travail dans un climat de confrontation pas mal trop élevé à notre goût.

Mme Harel: Est-ce qu'il n'y a pas des employeurs qui y sont pour quelque chose?

M. Létourneau: On nous cite l'exemple de la Colombie britannique. Je signale qu'il peut y avoir certains bons côtés quand on parle de grandes entreprises, mais la structure industrielle et commerciale du Québec est très différente de celle de la Colombie britannique. Notre caractéristique est d'avoir une très forte proportion de PME. Je ne suis pas certain que les méthodes utilisées en Colombie britannique seraient avantageuses au Québec, d'une part.

La situation de l'Autriche, c'est un autre pays où on n'a pas vécu cette culture

de confrontation. Quand je parle de culture, ce sont des attitudes enracinées dans la tête des gens de part et d'autre. Cela amène des comportements qu'on ne peut pas changer du jour au lendemain, mais qu'on peut peut-être lentement modifier - comment dirais-je? -amener vers d'autres attitudes plus convergentes.

Des projets de loi comme celui-ci, je sais que cela durcit l'attitude des employeurs, parce qu'on se dit qu'on se fait encore arracher tout le temps, à chaque fois, des morceaux. Toutes nos possibilités de continuer de faire fonctionner nos entreprises sont diminuées par rapport à ceux qui nous environnent et avec qui on est obligés d'être en concurrence tous les jours.

De fait, nous sommes intéressés à examiner toutes les propositions qui pourraient nous conduire à des relations du travail plus harmonieuses. Nous serons présents et nous y participerons, mais, encore une fois, nous voyons venir cela avec certains doutes à cause de ce qui nous est arrivé régulièrement dans le passé, chaque fois qu'on a présenté le problème.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Létourneau.

M. Earle: J'aurais un bref commentaire à faire, si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. Earle.

M. Earle: Excusez-moi, Mme la députée, mais vous avez fait une remarque qu'on ne peut laisser passer sans la clarifier. Vous avez dit que tous les syndicats n'étaient pas satisfaits du projet de loi et y étaient opposés. Mais moi j'étais, à ce moment, à l'étage supérieur, lorsqu'ils ont exprimé, l'un après l'autre, leurs applaudissements pour ce qui a été fait. Je pense qu'on ne peut pas laisser passer une remarque comme celle-là sans la corriger. Il y avait quelques petits points et je pense qu'il y en a cinq ou six qui ont dit: Vous n'avez pas été assez loin. Oui, je comprends, ils veulent obtenir davantage, comme tout le monde.

Vous avez posé une question sur la possibilité d'ouvrir le Code du travail et de recommencer en neuf pour essayer de trouver un meilleur système. La seule chose qui m'inquiète un peu, c'est qu'à chaque fois que nous donnons plus de pouvoirs aux syndicats, on voit qu'ils n'agissent pas de façon très responsable.

Ici, au gouvernement, au cours des derniers dix-huit mois, il y a eu un cas très particulier. Des syndiqués ont eu droit de grève et je pense qu'ils n'ont pas exercé ce droit de grève avec maturité. On doit faire très attention lorsqu'on entreprend une autre chose parce que tout ce qu'on fera, ce sera de donner plus de pouvoirs aux syndicats. Je ne vois pas que les syndicats accepteraient d'entreprendre des négociations, des discussions et des études dans le but d'obtenir moins de pouvoirs. J'en doute fort. Je suis personnellement inquiet et la chambre l'est aussi. C'est sûr et certain. Mais si une étude était commandée ou déclenchée par le gouvernement, il est évident que nous serons là, et c'est nécessaire que nous y soyons. Nous travaillerons très fort pour essayer de trouver les meilleurs moyens d'agir.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Earle.

Mme Harel: M. le Président, je ne vais pas relever les remarques d'ordre général. J'imagine que ces remarques auraient besoin d'être nuancées, comme les miennes peut-être, et je laisse les dernières minutes...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mégantic-Compton, pour conclure.

M. Bélanger: Merci M. le Président.

M. Létourneau, vous avez déclaré que votre perception du projet de loi était que "c'était tout pour les syndicats, rien pour l'employeur". J'ai l'impression que le gouvernement l'a également compris et que le malheur est qu'il y a plus de travailleurs que d'employeurs. Et pour leurs fins, ça les sert très bien.

Je voudrais aller à vos suggestions, à la page 26, où il y en a une - je vous le dirai tout de suite - que je partage à 100%, où vous demandez que le vote de grève soit supervisé par le représentant du ministère du Travail. Selon vous, combien, en pourcentage, aurions-nous pu éviter d'arrêts de travail au Québec si cela avait été fait de cette façon-là depuis, disons, les dernières dix années? Ce qui est tout à fait démocratique, je l'ajoute. C'est tout à fait démocratique et je pense que les syndicats devraient adhérer à ça avec plaisir et dire: c'est parfait venez voir de quelle façon chez nous c'est démocratique. Je pense qu'ils seraient entièrement d'accord.

M. Létourneau: Vous me posez une question vraiment difficile, M. le député...

M. Bélanger: Bien, elle est hypothétique, mais je voudrais savoir, selon votre expérience...

M. Létourneau: Votre question est vraiment difficile. C'est qu'il faudrait avoir connaissance de ce qui a conditionné chaque vote de grève chaque fois qu'il y en a eu et que le vote de grève a penché du côté de la grève.

Malheureusement, quelqu'un qui répondrait à l'emporte-pièce seulement avec une impression bien superficielle pourrait dire: Au moins la moitié. Ce serait peut-être injuste et présumer un peu trop rapidement parce que je ne sais pas combien de personnes ont une connaissance suffisante des conditions qui ont entouré des votes de grève. Et comment arriver à déterminer ce chiffre? Je ne peux malheureusement pas répondre. La seule chose que je puisse dire, c'est que nous en aurions certainement eu beaucoup moins. Mais de là à dire combien, je ne saurais répondre précisément à votre question.

M. Bélanger: M. le Président, je voudrais demander à M. Létourneau... Je crois que ce ne serait pas non plus antidémocratique que de dire que les travailleurs, s'ils ne participent pas au vote de grève dans une proportion de 50% + 1%, ne devraient pas non plus avoir le droit de tenir des votes de grève. Je m'explique. Si 19% des employés membres d'une entreprise vont voter en faveur d'une grève à 85%, ça veut dire qu'il y en a 17% qui votent. Est-ce que cela est plus démocratique, selon vous, que de dire, par exemple, que pour un vote de grève... C'est important, un vote de grève, parce qu'un vote de grève veut dire qu'un employé n'est pas satisfait de ses conditions de travail, salariales ou autres. S'il n'a pas le courage ou, tout simplement, le désir de se rendre voter, cela veut dire que, pour lui, ce n'est pas un conflit extrêmement important. Selon moi, on pourrait ajouter qu'au moins 60%... Restons à 50% plus 1% des travailleurs se doivent de participer au vote de grève. On connaît des situations où 18%, 19%, 20% des travailleurs sont allés en réunion et ont voté pour la grève. Est-ce qu'on peut appeler cela de la démocratie? À mon avis, ce n'est pas de la démocratie. Et à mon avis, cela ne serait pas torturer les travailleurs, cela ne serait pas aller à l'encontre des syndicats que de dire aux travailleurs qui sont mécontents de leurs conditions de travail, qui veulent les améliorer... C'est leur droit et je ne veux pas abolir le syndicat; c'est une chose qui est là pour rester et je le souhaite. Est-ce que cela ne serait pas souhaitable qu'on favorise une plus grande participation des travailleurs au vote de grève?

M. Létourneau: En effet, M. le Président, nous connaissons de multiples exemples où les situations décrites par le député se sont produites, où, effectivement, ce sont des minorités qui ont déclenché la grève. Mais, encore là, le phénomène de la démocratie en milieu syndical ou le phénomène de la démocratie n'importe où, c'est assez délicat quand on touche à cela. Je ne pense pas qu'on puisse toucher le fond de cette question au cours de cette commission, ici, aujourd'hui. Je pense qu'en effet il y a grand besoin d'introduire plus de démocratie là, parce qu'on sait quelles sont les tactiques. C'est courant, c'est connu, c'est de notoriété publique comment, bien souvent, on "écoeure" le monde avec des réunions pour réussir à obtenir le vote de grève quand on le veut de la part de la structure syndicale. Cela arrive.

Ce qui nous inquiète cependant, dans ce processus, c'est que, comme c'est le cas chez nous, dans notre milieu, on ne voudrait pas que les mesures qu'on va apporter nuisent à ceux qui, dans le monde syndical, se comportent raisonnablement, parce qu'il y en a qui se comportent raisonnablement et qui font relativement bien les choses. Comme c'est un mécanisme délicat, cela mérite beaucoup d'attention et d'étude lorsqu'on veut toucher à cela et amender cela. On voudrait que cela arrive. Est-ce que c'est par de nouveaux règlements et de nouvelles lois encore qu'on va réussir à arriver là? On n'est pas trop certain. Sans doute que cela en prendrait, disons, qui soient au moins équivalentes à celles auxquelles on est soumis de l'autre côté, mais c'est un autre monde et, là aussi, il faudrait voir quel est le comportement de ceux qui se comportent bien et si les mesures qu'on veut amener pour éviter les abus de ceux qui se comportent mal ne seraient pas préjudiciables à ceux qui se comportent bien.

Ayant dit cela, j'ouvre la possibilité à un examen vraiment très attentif des mécanismes qui sont assez délicats et, surtout si on les met dans la réglementation, il faut y penser deux fois.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député de Mégantic-Compton; merci, M. Létourneau et M. Earle.

M. Johnson (Anjou): Merci de votre exposé, de votre patience et de la précision de vos commentaires.

Le Président (M. Blouin): Merci aussi, au nom de tous les membres de la commission, aux représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec. Sur ce, nous ajournons nos travaux sine die. À ce qu'on m'a dit, nous nous réunirons demain au salon rouge, après la période des questions, pour entendre les derniers intervenants, et nous changerons de salle un peu plus tard.

(Fin de la séance à 17 h 59)

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