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(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous
plaît! Mesdames, messieurs, la commission permanente du travail se
réunit aujourd'hui pour discuter de la question avec débat du
député de Viau au ministre du Travail sur le sujet suivant:
L'administration de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail.
Je vous rappelle brièvement les règles. Le
député qui a déposé cet avis de la question avec
débat a 20 minutes au maximum pour son exposé de départ.
Le ministre aura aussi 20 minutes au maximum pour son exposé. Par la
suite, il y aura un échange. Le temps sera réparti
également entre les deux partis. Chaque député, sauf celui
qui a déposé l'avis de la question avec débat et le
ministre, a un maximum de 20 minutes d'intervention. Nous nous sommes entendus
de part et d'autre pour terminer le tout à 12 h 30, étant
donné que de la part du parti ministériel il y avait des
engagements pris pour cette heure. Je cède la parole au
député de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Je remarque que le
ministre a choisi, ce matin, de se faire accompagner par le président et
quelques vice-présidents de la C5ST. Je me demande s'il pourrait nous
les présenter.
M. Fréchette: Avec beaucoup d'empressement, M. le
Président. Je vous signale que je l'aurais évidemment fait
dès lors que le droit de parole m'aurait été
accordé. Puisque le député de Viau m'y invite, je
procède immédiatement. Il y a M. le juge Robert Sauvé,
président-directeur général de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail; M. Lionel Bernier,
vice-président à la réparation; M. Pierre-Paul Boucher,
directeur du service de l'administration; Mme Kerjean, qui est
secrétaire exécutive au bureau du président-directeur
général. J'espère que je n'oublie personne. Il y a
évidemment des membres de mon cabinet qui sont là aussi. Je ne
sais pas si vous souhaitez que la présentation vous soit faite. Si oui,
j'y procède immédiatement.
M. Cusano: Je pense qu'on les connaît.
M. Fréchette: Vous les connaissez. Vous connaissez la
personne qui est à ma droite.
M. Cusano: Certainement. M. Fréchette: Très
bien.
M. Cusano: On a eu le privilège d'entendre plusieurs de
ses discours.
M. Fréchette: Voilà.
M. Cusano: M. le Président, avant de procéder,
j'accepte le fait que vous êtes accompagné par les gens que vous
nous avez présentés car nos règlements, en premier lieu,
le permettent. Mais avant de commencer cette question avec débat,
j'aimerais mettre en garde le ministre. La première demande de
l'Opposition a été celle d'une commission parlementaire, et je
voudrais avoir un engagement de la part du ministre, compte tenu du peu de
temps que nous avons à notre disposition ce matin, qu'il ne se serve pas
de cette question avec débat du 27 mai, dans un prochain avenir, pour
nous dire que nous avons, nous de l'Opposition, eu l'occasion d'examiner de
très près les activités de la CSST. Est-ce que vous me
donnez cet engagement, M. le ministre?
M. Fréchette: M. le Président, je veux bien
répondre aux questions au fur et à mesure qu'elles me sont
adressées. J'avais compris que le député de Viau
préférait ou souhaitait procéder à son intervention
de 20 minutes mais s'il souhaite qu'on procède de la façon dont
il est en train de le faire je n'ai pas d'objection.
M. Cusano: M. le ministre...
Le Président (M. Brouillet): II s'agit de s'entendre,
est-ce que...
M. Cusano: Non, non. M. le Président, c'est presqu'une
question de règlement à ce moment-ci. J'aimerais avoir certaines
clarifications de la part du ministre avant même que je commence mon
exposé.
M. Fréchette: Alors je comprends, M. le Président,
qu'il s'agit de remarques introductives ou tout à fait
préliminaires à l'intervention principale du député
de Viau. Il y a une première remarque que je voudrais lui soumettre. Je
lui suis fort reconnaissant d'accepter, a-t-il dit - c'est le terme qu'il a
utilisé - que les représentants de la
commission soient ici. Il me semble que dans de semblables circonstances
il est tout à fait normal que les ressources qui ont le plus d'expertise
dans le genre de débat qu'on entreprend soient là. D'ailleurs
c'est permis par nos règlements, le député l'a
souligné.
Sa deuxième observation est de la nature d'une mise en garde
qu'il me fait en me disant: Vous n'allez pas vous servir de l'exercice qu'on
entreprend ce matin ni non plus de celui qu'on a fait il y a une dizaine de
jours, à la commission des crédits, pour refuser une demande
qu'on s'apprête à vous faire dans un avenir prochain pour la tenue
d'une commission parlementaire sur la CSST. C'est très vague, M. le
Président, la tenue d'une commission parlementaire sur la CSST, mais en
relation avec quoi précisément? L'administration, avec de la
malversation, avec... En relation avec quoi une commission parlementaire? Je
vous signalerai à ce stade-ci, M. le Président, de façon
tout aussi préliminaire que l'a fait le député de Viau que
ce n'est pas parce que ce matin on est en train de faire une question avec
débat que sur le plan des principes il faudrait refuser une commission
parlementaire.
Mais je lui signale aussi par ailleurs que si cette question avec
débat ne révèle rien de neuf par rapport à ce qu'on
sait déjà, je maintiendrai la même position dans le sens
que je ne verrais pas - j'emploie le terme au conditionnel sciemment - qu'il
soit nécessaire de tenir une commission parlementaire, à moins
que, ce matin, vous nous soumettiez des arguments qui seraient de nature
à nous convaincre que pour le bien commun, pour le bien de l'ensemble de
la clientèle de la CSST, pour l'ensemble des employeurs, il soit
nécessaire de le faire.
A ce stade-ci, M. le Président, je ne prends aucun engagement, ni
dans un sens ni dans l'autre. À la fin de la question avec débat,
on pourra revenir là-dessus, si le député de Viau le
souhaite.
M. Cusano: C'est malheureux, M. le Président, que le
ministre ne veuille pas prendre cet engagement ce matin. J'avais une
proposition à lui faire selon laquelle on aurait pu, au lieu de
seulement toucher le "tip of the iceberg" ce matin, établir le fait
qu'une commission parlementaire serait convoquée, et prendre le temps
nécessaire pour en discuter le mandat, établir la liste des
invités, des témoins qui viendront soit du milieu administratif
ou même opérationnel de la CSST, des syndicats, des travailleurs,
des employeurs et, les plus importants, les accidentés du travail. C'est
une proposition que j'avais l'intention de faire mais, compte tenu des
remarques du ministre, je crois qu'il est clair et net qu'il n'a pas
l'intention de convoquer une commission parlementaire. On espère arriver
à le convaincre d'ici quelques minutes. Je lui donne l'occasion de
revenir à la fin de cette question avec débat et nous dire s'il
est prêt à nous accorder cette commission parlementaire.
Le Président (M. Brouïllet): Pas de commentaires, M.
le ministre?
M. Fréchette: Non, non. Vous m'inviterez à le faire
à la fin, je le ferai.
Exposé du sujet M. William Cusano
M. Cusano: J'aimerais bien expliquer au ministre du Travail, dans
mes remarques préliminaires, qu'il est le responsable de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail, et lui
préciser ce qui nous a obligés, mes collègues et moi,
à lui demander de venir en Chambre ce matin et de procéder
à une question avec débat sur l'administration - j'insiste, sur
l'administration - de la CSST, la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, pour qu'on puisse commencer à faire
la lumière, non seulement pour les membres de l'Opposition, mais pour la
population du Québec, et plus spécifiquement les
accidentés du travail, sur le fonctionnement de cet appareil
administratif qui, à mon point de vue et au point de vue de plusieurs,
est un appareil qui porte préjudice aux accidentés.
Je veux bien préciser, pour que le ministre le comprenne - je ne
veux pas employer des mots qui ont été prononcés par le
premier ministre - qu'il ne s'agit, en aucune façon, ni de près
ni de loin, de mettre en cause le fait qu'un travailleur ou une travailleuse
accidenté ait le droit absolu et incontesté d'être
indemnisé avec justice. Ce n'est pas là la raison de notre
démarche. Ce que l'on veut, c'est examiner l'action globale de la CSST,
les dépenses folles de son président, l'honorable juge
Sauvé, qui semble être beaucoup plus préoccupé
à bâtir un empire qu'à indemniser en toute justice ces
accidentés du travail. (10 h 15)
On veut aussi avoir l'occasion d'examiner les budgets, car un
déficit de 57 809 000 $, c'est quelque chose de considérable.
Même si le ministre et le président de la CSST suivent des cours
du ministre des Finances qui, lui, traite les déficits avec un grain de
sel, ce n'est certainement pas, à mon humble avis, un signe d'une saine
administration. On veut examiner ce qui cause des retards
exagérés. On reviendra à la question des retards
exagérés. Avant qu'un accidenté puisse recevoir ce
à quoi il a droit, nous voulons aussi savoir pourquoi des directives ne
sont pas respectées à la CSST. Pourquoi y a-t-il des programmes
en place qui ne sont même pas approuvés? Contradiction. Les
directives
ne sont pas respectées. Vous avez des programmes qui sont
exercés et qui n'ont pas été approuvés. J'y
reviendrai tout à l'heure.
On veut savoir pourquoi et selon quel privilège le
président de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail se permet certaines décisions sans
même passer par le conseil d'administration. On veut savoir quelle est la
cause du manque de motivation des employés à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. On en parlera. Y
a-t-il aussi, chez la CSST, du favoritisme ou même du patronage? Ce sont
des questions qu'on veut examiner. On y reviendra.
Tous ces éléments m'aident certainement à conclure
que le sort des accidentés du travail n'est certainement pas le
meilleur.
Je vais tenter de concrétiser - mes collègues le feront
aussi - ces éléments en vous donnant quelques exemples
très précis. Ces exemples, même s'ils viennent d'une
région ou de l'autre, semblent se retrouver partout dans les
régions de la province de Québec.
Depuis mon élection le 13 avril 1981, j'ai été
saisi, à mon bureau, de plusieurs plaintes à l'égard de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail. Je
suis sûr - mes collègues de l'Opposition me l'ont affirmé,
je ne sais pas si c'est la même chose chez les ministériels, ce
doit être la même chose - que les problèmes et les plaintes
qui ont été rapportés à notre attention sont les
mêmes. Pourtant, il n'y a aucune action qui semble avoir
été prise.
J'ai dit que j'allais concrétiser certaines choses pour prouver
le point. Commençons par la frustration soit d'un accidenté ou
d'un individu, un citoyen, qui tente de rejoindre quelqu'un au bureau de la
CSST par téléphone. La ligne téléphonique est - on
me le dit dans les plaintes -occupée la plupart du temps. Il faut
parfois attendre cinq, dix, quinze ou même trente minutes pour avoir
quelqu'un au bout du fil. Je trouvais cela incroyable, M. le Président.
J'ai tenté moi-même l'expérience. Cela a été
très enrichissant. Je me comptais chanceux que, après deux
sonneries, une belle voix m'avise que les lignes étaient occupées
et que quelqu'un s'occuperait de moi aussitôt qu'il y aurait des
personnes de disponibles. Là, on me fait entendre de la musique
classique de l'Union soviétique. Je n'ai rien contre cela, M. le
Président. Je trouve que c'est vraiment avoir l'esprit large envers le
monde. Mais, ce que je n'ai pas apprécié, M. le Président,
c'est le fait que lorsqu'on attend - et j'ai été au
téléphone pendant dix minutes à écouter cette belle
musique de l'Union soviétique - c'est accompagné de commentaires.
Des commentaires sur l'indépendance d'un peuple qui s'exprimait par
l'entremise de sa musique. C'est cela la CSST, M. le Président.
Vous trouvez cela drôle, M. le Président, mais je ne trouve
pas cela drôle. Je trouve cela très frustrant.
M. Pagé: Les accidentés non plus.
M. Cusano: Les accidentés ne trouvent pas cela très
drôle non plus. Je me demande lorsqu'on examine de très
près les coûts des appels téléphoniques et de
messageries qui sont passés de quelque 832 000 $ en 1976 -aujourd'hui je
suis sûr que vous allez nous en faire rapport - à presque 5 000
000 $ pour l'année 1982... Si les travailleurs qui ont recours à
la CSST, qui doivent communiquer par interurbain avec d'autres régions
doivent attendre au bout du fil et qu'on leur fait un lavage de cerveau, qu'on
les enrichit culturellement avec de la musique russe, je ne vois pas comment
les dossiers peuvent avancer.
Les plaintes se multiplient. Il est presque impossible de la part d'un
accidenté d'obtenir des renseignements sur le contenu de son dossier ou
sur son état d'avancement. Les plaintes font référence
à des dossiers perdus, des dossiers en transition. On ne sait pas ce que
c'est des dossiers en transition. Est-ce que cela veut dire que ce sont des
dossiers qui sont sur un bureau et qui attendent d'être transmis
ailleurs?
Parfois, en l'espace de cinq minutes, sur deux appels consécutifs
on retrouve un dossier qui était censé être même dans
une autre région; alors on se demande ce qui se passe dans cet
endroit?
Je vous donne des exemples très précis. Ce ne sont pas des
exemples très techniques parce que je pense que c'est très
important de voir les petites choses pour comprendre la complexité de
tout ce monstre administratif. Qui à la fin en souffre de cela? Ce n'est
pas tellement moi, ce n'est certainement pas vous ni la plupart des citoyens
mais c'est l'accidenté du travail qui a déjà subi un sort
qu'on ne souhaite pas à personne ici.
Il semble n'y avoir aucun mécanisme -s'il y en a un, il ne semble
pas très bien fonctionner - pour informer l'accidenté au
préalable lorsqu'un retard intervient, ou lorsque des prestations lui
sont coupées ou tout autre changement à son dossier.
Les délais d'appel au comité de révision - et je
reviendrai tout à l'heure au comité de révision - sont
extrêmement longs. Pour citer les paroles du ministre de
l'Éducation, il semble que les machines bureaucratiques se hâtent
lentement. Les délais à la révision interne - je ne parle
pas des délais à la Commission des affaires sociales - sont
extêmement longs et certains accidentés nous disent que cela prend
de dix à douze mois avant qu'une décision ne soit prise.
Ceci nous porte à conclure que les travailleurs, les
travailleuses accidentés sont forcés de vivre des délais
et des procédures
de cauchemar. Dans une société moderne, ce n'est
certainement pas acceptable, M. le ministre. Comment expliquez-vous la guerre
-et je dis bien la guerre - entre le comité de révision interne
et la Commission des affaires sociales? - j'y reviendrai - que ce soit par le
renvoi des dossiers de la part de la Commission des affaires sociales au
comité de révision de régie interne; qu'on parle des 800
dossiers qui ont été refusés; qu'on parle du refus de la
présence des représentants de la CSST à la Commission des
affaires sociales et même du refus du bureau de révision de la
commission d'accepter la même formule d'indemnisation que celle qui est
employée par la Commission des affaires sociales? M. le
Président, pour être un peu plus explicite, d'après les
informations - et vous me corrigerez si j'ai tort - que j'ai recueillies depuis
que je m'occupe du dossier, la Commission des affaires sociales se sert de la
formule McBride pour indemniser les accidentés, formule qui est
généralement acceptée à travers l'Amérique
du Nord et acceptée par la Commission des affaires sociales. Mais
à la CSST, on semble être plus préoccupé à
définir sa propre spécificité et établir ses
propres normes, tout cela causant de la panique même chez certains
accidentés qui doivent encore subir des retards incroyables.
Je vais donner l'occasion, au ministre de répondre. Un peu plus
tard, on ira à d'autres exemples précis qui seront
soulevés par mes collègues et moi-même.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. M. le
ministre, vous avez la parole.
Réponse du ministre M. Raynald
Fréchette
M. Fréchette: Oui, M. le Président. Je vous
remercie. Dans un premier temps, je voudrais soumettre aux membres de notre
commission quelques remarques d'ordre général pour revenir sur
les différents aspects ou sur les différentes questions que vient
de soulever le député de Viau dans son intervention
principale.
Je vous invite à jeter un premier coup d'oeil sur la nature de la
question qui nous est soumise, ce matin. La question qu'on nous demande de
discuter nous est posée dans une forme, d'abord fort
générale et, deuxièmement, elle réfère
à l'administration de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail.
Le député de Viau est en train de devenir le
spécialiste de l'Opposition en matière de santé et de
sécurité du travail. Il a une grande préoccupation envers
le dossier. Je l'inviterai très respectueusement à parcourir les
dispositions de la loi et, plus particulièrement, les articles 166 et
suivants. Il va réaliser, s'il ne l'a pas déjà fait, mais
enfin, c'est de la présomption, que l'administration de la Commission de
la santé et de la sécurité du travail ne relève pas
de celui qui vous parle, ne relève pas du ministre responsable
nommé par le gouvernement.
C'est le député de Viau lui-même qui, il y a une
quinzaine de jours, peut-être trois semaines, m'a
référé à l'article 336 de la loi. Cet article est
fort simple. Il y a une ligne et demie qui dit très
précisément que "le gouvernement désigne un ministre qui
est responsable de l'application de la loi". Vous allez retrouver aux articles
166 et suivants, vous qui êtes maintenant un spécialiste de la Loi
sur la santé et la sécurité du travail, que
l'administration de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail est confiée à un conseil
d'administration. Il y a, me semble-t-il, et on ne devrait pas faire une longue
guerre là-dessus, une différence fondamentale entre administrer
une loi et être responsable de son application.
Si, ce matin, on avait voulu faire de l'avocasserie, si on avait voulu
soulever des objections quant à la possibilité de tenir ce
débat, nous aurions pu le faire. Mais ce n'est pas du tout notre
intention de soulever de semblables arguments pour passer à
côté de la question, pour passer à côté de
l'exercice que veut faire le député de Viau et que veulent faire
les députés de l'Opposition. Je tenais, cependant, à lui
rappeler que le ministre responsable désigné par le gouvernement
n'est pas celui qui doit voir à l'administration de la commission. Je
vous réitère mon invitation de jeter un coup d'oeil, aussi rapide
soit-il, sur les articles 166 et suivants.
Cette prémisse étant posée, il y a peut-être
lieu, si ce n'est pas pour l'intérêt du député de
Viau, au moins pour les gens qui nous écoutent, de faire un peu
d'histoire quant à la vocation de la Commission de la santé et de
la sécurité du travail. Le député de Viau est
très certainement au courant que la Loi sur les accidents du travail a
été adoptée en 1931. Il sait sans doute également
aussi dans quel esprit elle a été adoptée, pourquoi cela a
été fait. Je vous signalerai que l'initiative, en 1931, d'avoir
une Loi sur les accidents du travail procède des employeurs
eux-mêmes à l'époque. Ce sont les employeurs
eux-mêmes qui ont souhaité, qui ont effectivement obtenu ce
régime, ce premier régime de "no fault" dans l'histoire
législative du Québec et c'est, encore une fois, à la
demande des employeurs pour un motif fort simple et qu'on comprend très
facilement. C'est que les employeurs qui avaient des salariés à
leur emploi qui subissaient des accidents du travail se voyaient très
souvent poursuivis par ces travailleurs accidentés. Ceux-ci
invoquaient la faute de l'employeur et réussissaient, dans bien
des cas, à faire condamner des employeurs à payer des montants de
dommages considérables à la suite d'un accident subi par un
travailleur à l'intérieur de l'entreprise.
Ce sont donc les employeurs qui ont initié, qui ont pris
l'initiative de demander au législateur du temps d'instituer le
système de la Loi sur les accidents du travail. Ce ne sont donc pas des
socialistes en culottes courtes quelque part qui, un bon matin, ont eu
l'idée de préparer le système qui est le nôtre
actuellement. Je pense qu'il fallait aussi prendre le temps de faire cette
remarque d'ordre général.
Revenons à l'intervention du député de Viau. Je
retiendrai - et cela m'apparaît important de le souligner - quelques-unes
des expressions qu'il a utilisées. Il nous a parlé, par exemple,
du "tip of the iceberg". Je souhaiterais que pour une bonne fois, à
l'occasion de l'un ou l'autre des exercices que l'on fait, l'on cesse de parler
du "tip of the iceberg" et qu'on nous pose carrément des questions et
des questions très précises sur des choses précises
également plutôt que de se contenter, comme on le fait depuis le
début, de procéder à toutes espèces d'insinuations
qui n'ont rien de précis mais qui laissent planer qu'il peut y avoir de
la malversation, qu'il peut y avoir de la malhonnêteté, qu'il peut
y avoir une administration défectueuse. Mais en aucune espèce de
circonstance, jusqu'à maintenant, autant à partir des questions
qu'on nous pose à l'Assemblée nationale, autant à partir
de l'étude des crédits, ne nous a-t-on encore mis sur la table un
seul fait précis qui pourrait nous amener à la conclusion qu'il
faille tenir cette commission parlementaire dont nous parle le
député de Viau depuis un bon moment.
Le député de Viau, je le soutiens bien respectueusement et
aussi sereinement que possible, fait référence, par exemple, aux
dépenses folles du président. C'est encore son expression. Vous
allez revenir tout à l'heure, vous allez avoir l'occasion de vous
exprimer à nouveau. Vos collègues vont le faire, vous nous l'avez
dit. Pourrez-vous nous donner un exemple de ce à quoi vous pensez? Celui
que j'ai en tête - parce que c'est celui que vous véhiculez depuis
qu'il est là - ce sont les dépenses folles du bureau. C'est
toujours le même sur lequel l'Opposition revient. Quand on parle de
dépenses qui sont reliées à la fonction du
président, on parle toujours du bureau du président. Si vous avez
autre chose, je souhaiterais que d'ici à 12 h 30 vous puissiez le mettre
sur la table pour qu'on puisse procéder à l'évaluation des
accusations - parce qu'il semble que c'est cela que vous voulez mettre sur la
table - et prendre les décisions qui s'imposent.
On a parlé du bureau du président lors de la commission
des crédits. Le nom de M. Maurice Tessier vous rappelle des souvenirs,
cela vous rappelle des souvenirs. Cela doit très certainement rappeler
des souvenirs à votre formation politique. Il a été, lui
aussi, président du même organisme. Savez-vous que les locaux
actuellement occupés par l'actuel président sont les mêmes
que ceux qui étaient occupés par M. Tessier et à
l'intérieur desquels on retrouve le même mobilier. Si vous avez
autre chose quand vous faites référence, par insinuations, par
présomptions qui ne sont jamais appuyées de faits précis,
si vous avez autre chose en relation avec ce que vous appelez les
dépenses folles du président, il serait temps, ce matin, de le
mettre sur la table parce que je vous ai dit au tout début - j'ai dit au
député de Viau au début de l'exercice - et je le
réitère, que si les membres de l'Opposition sont en mesure de
plaider, d'argumenter sur des événements et des faits
précis qui pourraient justifier la tenue d'une commission parlementaire,
je n'aurai pas d'hésitation à considérer
sérieusement la demande qui est faite. Mais entendons-nous bien.
Le député de Viau a également parlé d'une
commission parlementaire à l'intérieur de laquelle on entendrait
témoins et invités. Il y a une commission parlementaire qui
siège depuis deux mois avec témoins et invités et si c'est
le genre d'exercice ou de procès ou d'inquisition que vous voulez
obtenir, il faudra qu'on se parle et plus sérieusement qu'on le fait
actuellement. Le député de Viau fait - cela a l'air d'un reproche
très amer, un reproche sérieux -grief au président de la
commission de prendre certaines décisions. C'est le bout de
l'argumentation, c'est le comble de - je n'utiliserai pas le mot que j'ai en
tête mais vous le devinez sans doute... Si vous me reprochiez ou si vous
reprochiez au P.-D.G. de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail de ne pas prendre de décisions, je
vous suivrais et je vous dirais qu'il y a effectivement quelque chose qui ne
marche pas. On reproche à un président-directeur
général d'une commission de ne pas prendre de décision.
Encore là, ne serait-ce que pour l'information du député
de Viau, je peux simplement le référer à la loi, à
l'article 154 de la loi 17. Il constatera que le directeur
général de la commission, qui est dans ce cas-ci le
président, est responsable de l'administration et de la direction de la
commission. Si cet organisme était dirigé par un responsable de
l'administration et de la direction et qu'il ne prenait pas de décision,
je serais disposé à suivre le député de Viau dans
son évaluation. Il reproche au président de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail de faire purement et
simplement ce que la loi lui
demande de faire. Qu'y a-t-il derrière cela? Quelles sont les
décisions qu'il a prises qui n'auraient pas dû être prises?
On se contente encore de généralités, on se contente
encore de procéder par voie de présomptions, comme je le disais
il y a un instant. Quelles sont je vous le demande - vous allez avoir
l'occasion d'y revenir - quelles seraient ces décisions qu'aurait prises
le président-directeur général et qu'il n'aurait pas
dû prendre?
Le député de Viau a également parlé de
patronage. Assez curieusement - pas curieusement parce que c'est la philosophie
qu'on développe depuis que des questions sont posées sur la
Commission de la santé et de la sécurité du travail - il
n'a que prononcé le mot, il n'a fait référence qu'au mot
et à la philosophie, mais n'a donné aucun exemple précis
encore.
M. le Président, par votre intermédiaire, j'invite le
député de Viau, ou l'un ou l'autre de ses collègues qui
participent à cette commission ce matin, à nous donner des cas
précis de ce à quoi il pense. J'étais un peu
estamoqué d'entendre le député de Viau parler de la
musique qu'il entendait sur les lignes téléphoniques. Là,
il faudrait peut-être faire un message à vos amis de Radio-Canada,
enfin, aux patrons de Radio-Canada, pour leur dire de changer, sur la bande FM,
le genre de musique qu'on diffuse. Voyez-vous, ce qu'on entend sur les lignes
téléphoniques, c'est précisément la musique
diffusée par Radio-Canada sur la bande FM. Alors vous êtes mieux
placé que nous pour faire le message que vous souhaitez. J'espère
que la démarche sera entreprise pour que ce genre de chose ne se
reproduise pas.
M. le Président, il a parlé également de
l'administration de la CSST. On va en dire un mot. J'aurai sans doute
l'occasion d'y revenir. Je voudrais inviter le député de Viau,
qui devient un expert dans le dossier et qui se spécialise au fur et
à mesure que le temps passe, à analyser les budgets de la
commission depuis 1975. Il va être en mesure de constater quelle est la
proportion de l'ensemble du budget de la CSST qui est consacré à
des strictes fins d'administration. Je vais lui donner les chiffres. Il les a
sans doute quelque part parce qu'il est devenu un expert. En 1975, on a
consacré à l'administration 8,5% du budget global; en 1976, 7,9%;
en 1977, 9,1%; en 1978, 7,6%; en 1979, 7,7%; en 1980, 7,9%; en 1981, 10,1%; et
en 1982, 10,7%.
M. le Président, trouvez-moi une société, peu
importe sa nature, qu'elle soit de nature privée ou de nature publique,
à l'intérieur de laquelle on peut réussir l'exercice dont
je viens de vous donner le détail. Dans la plupart des
sociétés, soit de nature privée ou publique, l'on consacre
des sommes qui débordent généralement 15% du budget global
aux strictes fins de l'administration. Dans ce cas-ci, jusqu'à
maintenant en tout cas, on s'en est tenu, depuis 1975, à moins de Il%,
le plus élevé de ces chiffres étant 10,7%. Si donc cette
administration, qu'on est en train d'essayer de discréditer par tous les
moyens, était celle qu'on laisse sous-entendre qu'elle est, je ne pense
pas que j'aurais été en mesure ce matin de soumettre les chiffres
que je viens de vous donner.
Il y a un autre aspect de la situation dont je voudrais saisir mes
collègues de la commission. En termes de ressources humaines qui sont
à la Commission de la santé et de la sécurité du
travail, le Conseil du trésor fait des évaluations quant à
ce que devrait raisonnablement être l'effectif. Selon une récente
évaluation, il y avait, à la Commission de la santé et de
la sécurité du travail, le 1er avril 1982, 2800 postes
disponibles, qu'on pouvait combler. (10 h 45)
En 1983, des 2800 postes autorisés, 2742 sont comblés.
Faites la comparaison avec ce qui existe à la Commission des normes du
travail, à la Régie de l'assurance automobile, à la
Régie de l'assurance-maladie, à la Régie des rentes et
vous constaterez que, en aucun autre endroit, dans l'une ou l'autre de ces
sociétés, on n'a réussi à faire ce que la
Commission de la santé et de la sécurité du travail a
réalisé en termes d'effectif.
Encore une fois, on va insinuer qu'il y a une mauvaise administration.
Il me semble que les choses auxquelles je réfère sont
suffisamment éloquentes par elles-mêmes pour qu'on puisse
déjà se faire une opinion de l'opération qu'on est en
train de mener depuis un bon moment.
Voilà, M. le Président, pour les remarques
préliminaires. Je reviendrai bien sûr un peu plus tard.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. Je
cède la parole au député de Portneuf.
Argumentation M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Nous sommes bien
heureux, mes collègues et moi-même, ce matin, d'avoir au moins
l'occasion d'entendre le ministre accompagné de son adjoint
parlementaire, du président de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, du vice-président et d'autres
adjoints.
Quoique vous comprendrez que la démarche se limite à
quelques heures seulement, nous souhaitons - nous avons manifesté le
voeu antérieurement et nous continuons à le faire - que
l'honorable ministre du Travail finira par comprendre,
bien calmement, lui qui semble être un peu agressif ce matin,
l'opportunité qu'il y aurait à convoquer une commission
parlementaire.
Le but de notre démarche est de le sensibiliser davantage, ce
matin, à ce qui a déjà été fait depuis
quelques mois soit par des questions qui ont été posées
ici même à l'Assemblée nationale et que les auditeurs ont
été à même de juger, ou par ce qui s'est fait en
commission parlementaire les 10 et Il mai dernier lorsque nous avons
été appelés à étudier le budget du
ministère du Travail, alors que l'on a eu tout le loisir -limité
à environ une heure, il faut en convenir - d'interroger l'honorable
président de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, M. le juge Sauvé, sur
l'administration de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, sur ses objectifs, sur son mandat, sur
l'atteinte de ses objectifs, sur son coût d'opération, sur ses
services, etc.
Le ministre, dans ses propos, réfère tout d'abord à
l'administration de la loi. Il vient nous dire bien candidement:
Référez-vous au texte de la loi, à l'article 336, si ma
mémoire est fidèle, et vous comprendrez que la loi est
administrée par un conseil d'administration, etc.
Que c'est-y pas beau à entendre, comme on le dit chez nous? Ce
que le ministre ne dit pas, cependant, c'est que la Commission de la
santé et de la sécurité du travail est administrée,
c'est vrai, par un comité paritaire formé de représentants
qui proviennent des milieux syndicaux et patronaux, mais dont le
président est nommé par le gouvernement du Québec, le
lieutenant-gouverneur en conseil pour et au nom de Sa Majesté. C'est le
gouvernement qui a désigné l'honorable président qui, dans
les cas d'égalité des voix, évidemment, a à
trancher. Comme on sait qu'il est fréquent -on doit malheureusement le
déplorer - que le monde patronal et le monde syndical ne soient pas
toujours d'accord, le président de la commission doit trancher. C'est
donc celui qui est désigné par le ministre qui agit et qui
tranche dans ces cas.
Le ministre nous a fait l'historique de la commission, nous
référant à 1931. La démarche aura eu au moins cela
d'utile, c'est-à-dire que le ministre aura certainement fouillé
dans ses archives, fouillé à la bibliothèque et aura au
moins fait faire un historique de la commission qui peut probablement lui
être utile, mais qui n'est d'aucune utilité pour nous dans le
cadre de la démarche.
Le ministre nous dit ce matin: Si vous avez des éléments
neufs à apporter, soumettez-les-nous et on en arrivera peut-être,
éventuellement, à une commission parlementaire. Le ministre a cru
interpréter ou a effectivement interprété l'ensemble de
notre démarche depuis le début comme ayant l'objectif principal
d'avoir la tête du président de la Commission de la santé
et de la sécurité du travail. À cet égard je
voudrais le sécuriser car j'ai déjà indiqué
à la commission parlementaire qu'on n'est pas particulièrement
intéressé par la tête du président et qu'on est
plutôt intéressé par l'administration de la Commission de
la santé et de la sécurité du travail.
Le ministre nous dit: Si vous avez des cas, donnez-les-nous et à
la lumière de cela on verra. S'il y a une commission parlementaire, ce
ne sera pas une commission parlementaire comme celle qui siège
actuellement au salon rouge, qui est mandatée d'étudier le
règlement hors cour après les poursuites conséquentes au
saccage de la Baie-James en 1974. Le ministre semble avoir beaucoup de hantise,
beaucoup de réserve et beaucoup de crainte à faire
témoigner en commission parlementaire et à faire rendre compte de
leur administration les administrateurs de la Commission de la santé et
de la sécurité du travail. C'est le ministre du Travail qui parle
aujourd'hui.
En même temps de l'autre côté, à toutes les
semaines, il y a toujours un membre de ce gouvernement qui vient pérorer
sur la réforme parlementaire. Les voeux, combien pieux, souventefois
exprimés par le leader du gouvernement lui-même qui nous a
convoqués peut-être à sept ou huit réunions depuis
l'automne 1982 pour nous dire: MM. les parlementaires, on vous propose une
réforme complète de notre système qui fera en sorte que
vous pourrez interroger les commissions, que vous pourrez interroger les
présidents d'organismes. Cela va obliger ces mêmes
présidents à rendre compte de leur administration et être
ainsi tributaires de leurs actes devant l'électorat.
Il y a bien loin de la coupe aux lèvres si on se
réfère aux propos du ministre du Travail parce que cela va dans
le sens contraire, cela va à contre-courant des propos que tient depuis
plusieurs mois le leader du gouvernement qui ont été
réitérés évidemment avec assez de
"pérorage", merci, de la part du premier ministre, la réforme
parlementaire. Cela est beau mais quand c'est le temps de livrer la
marchandise, quand c'est le temps de se confronter à un exercice pour
faire en sorte qu'un organisme aussi important que la Commission de la
santé et de la sécurité du travail vienne témoigner
devant une commission parlementaire, vienne rendre compte de son
administration, vienne, donner aux élus et au public, les
réponses aux nombreuses questions qu'on se pose, ah! là tout le
monde se cache en arrière du rideau, puis le ministre n'y tient
absolument pas.
Je tiens à dire ceci, M. le Président: que le ministre du
Travail soit bel et bien avisé que la commission parlementaire, on la
veut. On la veut pour les travailleurs et les
travailleuses du Québec. On la veut pour les accidentés du
travail. On la veut pour les contribuables du Québec et des employeurs
qui paient et qui contribuent par leurs deniers à payer ce régime
de santé et de sécurité du travail. On la veut pour demain
et pour après-demain parce que, dans le loi 17 qui a été
adoptée ici, il y avait des objectifs tout à fait louables
auxquels on étaient conviés, puis on est encore malheureusement
bien loin des objectifs que les législateurs s'étaient
fixés dans le cadre de la loi 17. C'est pourquoi on veut une commission
parlementaire. Tant qu'il ne nous la donnera pas, ce n'est pas
compliqué, M. le ministre du Travail, tenez-vous pour avisé que
vous aurez des questions régulières, soutenues et continuelles
portant sur l'administration de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail.
Ce qu'on veut, ce n'est pas le procès du juge Sauvé, ce
qu'on veut, c'est que la commission vienne rendre compte, puis vienne nous dire
ce qui se passe, puis pourquoi elle n'a pas atteint certains objectifs,
pourquoi des choses coûtent cher, pourquoi des choses se passent, enfin
et surtout qu'elle vienne répondre aux questions. J'ai adressé
une quinzaine de questions, M. le Président, vous vous le rappellerez
peut-être si vous étiez là, à l'honorable juge
Sauvé lors de l'étude des crédits. Il a répondu
à trois furtivement. J'ai demandé des dépôts de
documents, je n'en ai jamais reçu. Aujourd'hui on va venir nous dire
candidement en commission ici à l'Assemblée: Si vous avez quelque
chose à demander, demandez-le. Quand on le demande, on n'a même
pas de résultat. Je vois que M. le juge Sauvé sourit mais il aura
l'occasion peut-être tantôt d'y répondre.
L'objectif de la commission, ce n'est pas compliqué. On va
prendre trois points particuliers. La Commission de la santé et de la
sécurité du travail administre des fonds qui proviennent de la
contribution d'employeurs basés sur une masse salariale cotisable, ce
qui se gagne au Québec comme salaire. La masse salariale cotisable, en
1976, était de 18 973 000 000 $. Cela a augmenté à chaque
année. En 1977 c'est 20 138 000 000 $. En 1978 c'est 23 000 000 000 $.
En 1979 c'est 25 000 000 000 $. En 1980 c'est 27 000 000 000 $. En 1981 c'est
30 500 000 000 $. Masse salariale cotisable.
Cotisations à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, durant la même période: 342 000
000 $ en 1976; 335 000 000 $ en 1977; 427 000 000 $ en 1978; 481 000 000 $ en
1979; 536 000 000 $ en 1980; 664 485 000 $ en 1981. Donc, masse salariale qui
augmente, cotisations qui augmentent. Des réformes ont été
enclenchées avant l'adoption de la loi 17. Des réformes qui ont
été suivies au lendemain de la loi 17.
Regardons maintenant les coûts d'administration de la commission.
Frais d'administration, en 1976: 30 000 000 $; en 1977: 34 000 000 $; en 1978,
37 000 000 $; en 1979, 44 000 000 $; 52 000 000 $, en 1980; 86 707 000 $, en
1981. À venir jusque là, M. le Président, pas de
problème quant à nous: les cotisations augmentent, les
dépenses augmentent pour autant que les objectifs sont atteints. Frais
de déplacement: on part de 763 000 $ et on monte à 3 964 000 $ en
1981. Services de téléphone, de télégramme, de
messagerie, cela augmente sensiblement: 832 000 $ à 3 813 000 $.
Entretien et réparation, location d'espace, par exemple: 149 000 $ en
1976; 6 000 007 $ en 1981.
Tout augmente. On part du principe que si cela augmente, c'est qu'il y a
certainement plus d'accidentés qui sont couverts. Il y a probablement
une meilleure qualité de services aux accidentés parce que des
sommes importantes sont maintenant dépensées, ce qui
n'était pas fait avant. Il y a certainement plus d'efforts, plus de
capital financier, plus de capital, par conséquent, d'investi dans la
prévention, dans la formation, dans l'établissement de secteurs
prioritaires à établir. Mais, grande surprise. Si ces coûts
avaient débouché sur une diminution sensible des
réclamations et des accidents du travail au Québec, on ne serait
pas ici ce matin. Cela, que le ministre le comprenne bien, ainsi que M. le juge
Sauvé. On ne serait pas ici et on dirait: Cela coûte plus cher,
mais on a des objectifs fondamentaux qui sont atteints. Il y a moins de
personnes qui ont à vivre le traumatisme, les aléas d'un accident
du travail, de perte d'intégrité physique. Cela coûte plus
cher, ce n'est pas grave. Mais, regardons le tableau des réclamations,
des accidents.
En 1977, prenons un accident qui occasionne une perte
d'incapacité totale temporaire de 16 à 20 jours: c'étaient
5974 réclamations. En 1978, c'est monté à 6687; en 1979,
7333; en 1980, 7785; en 1981, 8203. Si je prends de 1 à 5 jours, de 6
à 10 jours et que je file jusqu'à 41 jours et plus, j'en arrive
à un total de réclamations produites de gens qui ont subi un
accident, un dommage physique, malgré l'immense structure, malgré
les dépenses énormes, en 1977: 118 531 personnes sont
allées frapper à vos portes; en 1978, 140 158 personnes; en 1979,
155 966 personnes; en 1980, 166 041 personnes; en 1981, 178 359 personnes.
Donc, masse salariale cotisable qui augmente, cotisations qui augmentent, frais
d'administration qui augmentent. Si au moins, le nombre d'accidentés, le
nombre de personnes, femmes et hommes qui, au Québec, ont à subir
des dommages traumatisants, accidents, perte d'intégrité
physique, perte d'emploi dans certains cas,
obligés d'aller frapper à votre porte, obligés
d'attendre les inspecteurs et vos chèques, obligés d'attendre les
services qu'ils sont normalement en droit de recevoir, si ce nombre avait
diminué, il n'y aurait pas de problème et on ne serait pas ici ce
matin. Mais, le nombre de réclamations et le nombre d'accidentés
augmentent. (Il heures)
M. le juge Sauvé viendra nous dire tantôt: Vous
savez, cela s'explique, il y a plus de gens qui sont couverts. Il y a eu moins
d'accidents et de réclamations, on a versé moins de
chèques en 1982 qu'en 1981. C'est probablement vrai. C'est la
vérité mais ce n'est pas toute la vérité. Toute la
vérité devrait comprendre et indiquer le nombre de personnes qui
sont actuellement, comme on dit en bon canadien, "stalles" à la
Commission des affaires sociales et au bureau de révision que la
Commission de la santé et de la sécurité du travail
provoque en terme de délais d'attente. Ce n'est pas par un débat
de quelques minutes comme celui de ce matin qu'on pourrait faire le tour de
l'ensemble de cette question, c'est par une commission parlementaire. Cela
amène une série de questions que je vais réitérer
parce que je n'ai pas eu de réponse, la dernière fois, et mes
collègues ont aussi plusieurs questions.
Je vous les pose en vrac. Aiguisez vos crayons. Vous avez des adjointes
administratives. Si Mme Kerjean est capable de préparer votre texte dans
lequel il y a un certain contenu politique, je présume qu'elle est dans
votre cabinet, soit dit en passant, pour s'adonner à un libellé,
à une textualisation d'argumentation politique, elle est certainement
capable de prendre quelques notes pour noter nos questions et vos
réponses éventuelles.
J'ai demandé au juge Sauvé jusqu'où l'objectif,
établi par le législateur au moment de l'adoption de la loi 17,
avait été atteint. On se rappellera qu'en 1977, lorsqu'on a
étudié cette loi, on s'était fixé des objectifs
précis en terme de diminution du nombre d'accidents, en terme de
prévention, en terme de formation de comités de santé et
de sécurité du travail, etc. Je n'ai jamais eu de réponse.
Jamais! Je l'ai même invité à prendre le temps qu'il
fallait pour colliger les renseignements et me les faire parvenir. Je n'ai
jamais eu de réponse.
J'ai demandé au juge Sauvé: Qu'est-ce que la Commission de
la santé et de la sécurité du travail a
dégagé comme secteur prioritaire d'intervention? J'ai toujours
cru comprendre, dans la loi 17, lorsqu'on l'a adoptée, que la
commission, au lendemain de son adoption, se fixerait un
échéancier et des objectifs, des cibles à atteindre dans
des secteurs prioritaires. Dans les secteurs prioritaires, on sait que le
secteur minier est un secteur de l'industrie manufacturière du
Québec où il faut une intervention particulière et
spéciale compte tenu du grand nombre d'accidents, de dommages et
d'atteintes à l'intégrité physique de ces travailleurs. Le
secteur forestier en est un autre. On se rappellera ici les réponses,
les engagements pris par le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre du
temps, M. Marois, sur les questions, combien justifiées,
soulevées par les syndicats, soulevées par les
représentants des travailleurs forestiers qui demandaient, non pas une
immense réforme mais qu'on établisse des secteurs prioritaires et
qu'on intervienne donc dans le nôtre.
J'ai demandé au juge Sauvé de nous donner la ventilation
des objectifs qui ont été établis chaque année, ce
qui a été fait chaque année et jusqu'où cela a
été atteint. Je n'ai jamais eu de nouvelles. Pas une nouvelle!
Sauf que dans ce cas-là on ne peut pas dire: Pas de nouvelle, bonne
nouvelle.
J'ai demandé au juge Sauvé des statistiques sur les
comités de santé et de sécurité du travail dans les
entreprises. On se rappelle toutes les réserves qui ont
été manifestées dans le temps par les employeurs et
même par les employés qui se disaient: Cela ne fonctionnera
probablement pas parce que c'est paritaire, ce n'est pas décisionnel,
etc. J'ai demandé, parce que vous devez avoir une expertise, encore une
fois, l'appréciation de la commission. Je n'ai jamais eu de nouvelle
depuis trois semaines. J'ai demandé l'appréciation de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail sur
l'exercice du droit de refus, pour nous permettre de juger. Encore une fois, je
n'ai jamais eu de nouvelle.
J'ai demandé au président, M. Sauvé,
jusqu'où la participation du monde de la santé au Québec
aux objectifs de la commission, par exemple, les départements de
santé communautaire, les centres locaux de services communautaires par
région, jusqu'où l'action était intégrée et
si tout ce beau monde travaillait ensemble? Où cela allait bien et
où cela allait moins bien, enfin, de nous le dire et de nous le
produire? M. le juge Sauvé n'a pas daigné nous répondre.
Jamais eu de nouvelle, M. le Président!
J'ai posé des questions spécifiques, et j'en aurais encore
plusieurs autres à poser aujourd'hui, au ministre sur l'administration
de la commission. J'ai soulevé le cas des surpayés. On se
rappellera que M. le ministre nous a indiqué ce qu'on savait
déjà, parce qu'on a les documents. Vous savez, on en a
probablement autant que vous à certains égards et sur certains
points. Il nous a indiqué qu'il y avait trois types de surpayés:
le surpayé médical, le surpayé administratif et le
surpayé légal. Cela représentait 6 000 000 $ à une
période que j'ai d'ailleurs citée ici à l'Assemblée
nationale - c'était en
1980 si ma mémoire est fidèle 6 000 000 $ de
surpayé par rapport à un déficit de 60 000 000 $. C'est
marginal. C'est seulement 10%, soit dit en passant, du déficit. Le
ministre nous dit: Vous savez, M. le député, acceptez-vous le
principe qu'on aille réclamer à un travailleur à qui on a
trop payé, qu'on aille lui chercher cela, le poursuivre en justice et
réclamer de l'argent... Un travailleur qui s'est vu octroyer par la
commission une indemnité de 1500 $ par mois et au bout d'un an et demi,
il est déterminé qu'il n'y avait pas droit? Est-ce qu'on va aller
lui réclamer les 18 000 $? Cela n'a pas de bon sens, c'est
inéquitable, c'est injuste. Je fais remarquer ceci au ministre, et je
termine là-dessus, M. le Président, que...
Le Président (M. Brouillet): ...encore une minute.
M. Pagé: Une minute. On va régler pour une minute
et demie.
Le Président (M. Brouillet): Oui.
M. Pagé: Je fais remarquer au ministre que lorsqu'il est
question de surpayé du ministère des Affaires sociales, quand un
bénéficiaire de l'aide sociale a reçu un trop-versé
du gouvernement, qu'est-ce que le gouvernement du Québec fait? Il
réclame sur le chèque 10 $ et 25 $ par mois; quand un
bénéficiaire de l'aide sociale de moins de 30 ans, qui
reçoit actuellement 196 $ par mois, a eu le malheur de recevoir 200 $ de
trop, ce que le gouvernement fait, il va chercher 10 $ par mois,
péremptoirement, unilatéralement, et il cotise sur le
chèque. Pourquoi? Parce que c'est le gouvernement qui paie. Cela lui
fait mal et il se paie tout seul, M. le gouvernement.
Voici un exemple encore cette semaine dans mon comté. Un citoyen
a envoyé son rapport d'impôt. Le ministère du Revenu lui a
versé par accident 800 $ en trop. Le gars a reçu son
chèque et c'était inscrit: On a vérifié votre
rapport d'impôt et on vous doit tant. Et il envoie un chèque de
800 $. Le ministère du Revenu a constaté quatre mois ou cinq mois
après qu'il y avait eu un trop-versé à ce citoyen;
intérêt, mise en demeure et poursuite par les avocats. Quand c'est
le gouvernement qui paie, il est vigilant pour réclamer ces
surpayés; mais quand ce sont les employeurs du Québec, quand vous
administrez l'argent des autres, vous êtes pas mal moins vigilants, pas
mal moins pressés. Puis les larmes à l'oeil de crocodile du
ministre, des "c'est inéquitable", "c'est injuste". Après cela,
on se demande comment
Il se fait que cela coûte cher partout et que la
société s'en va chez le diable et qu'on n'est plus capable
d'être concurrentiel et de produire.
Il y a toutes les questions des programmes spéciaux des
politiques dérogatoires. J'ai demandé le dépôt de la
liste. Aucune réponse depuis trois semaines. J'ai demandé des
détails sur l'adaptation résidentielle. Aucune réponse.
J'ai demandé en commission au juge - il a même sursauté, il
ne savait pas ce qu'était le programme APC, l'attente de prise en charge
- de m'expliquer pourquoi ce programme, combien il coûtait. Je n'ai
jamais eu de nouvelle. Il ne m'a même pas répondu à la
commission. J'ai demandé des détails sur les services des
enquêtes et des fraudes qui, selon nous, étaient abolis ici dans
la région de Québec depuis quelques années. Je n'ai pas eu
d'autre information. J'ai demandé au juge Sauvé s'il avait
porté plainte, parce que le juge Sauvé a fait une
déclaration, il n'y a pas longtemps, disant que les orthopédistes
pratiquaient, donnaient trop d'actes médicaux et que cela causait
même des dangers à la santé et à la
sécurité des travailleurs. Il a même dit qu'il y avait une
question de ristourne. Je lui ai demandé: Écoutez, s'il y a des
actes malhonnêtes qui ont été commis, est-ce que vous allez
porter plainte à la Sûreté du Québec? Dans combien
de cas allez-vous porter plainte? Quand avez-vous rencontré la
Sûreté du Québec? Il n'a même pas daigné me
répondre, M. le Président.
J'ai posé des questions - c'est mon dernier commentaire - sur les
achats de services professionnels. Comment expliquer que le programme Achat de
services professionnels qui permet à la Commission de la santé et
de la sécurité du travail d'aller chercher un spécialiste,
quelque chose, comment se fait-il, dis-je, que vous engagez des agents de
bureau en vertu de ce programme? Quand mon collègue
référait à du patronage tantôt, qu'est-ce que c'est
si cela n'y ressemble pas?
J'en ai une dernière ce matin et j'en aurais, M. le
Président, pour trois jours. Juste une petite question. Quand on parlait
des dépenses tantôt, le ministre parlait du bureau du
président. M. le juge Sauvé est assez prudent, quand il a
référé au bureau du président et à celui de
l'ex-président, il a référé à son bureau
à Montréal. Il n'a jamais voulu nous dire combien cela avait
coûté ici à Québec. Il nous a tout simplement dit
bien candidement en pensant que cela passerait: Cela a été fait
par les employés de la commission. Eh bien, cela ne passe pas! Et, entre
parenthèses, on aimerait bien - c'est peut-être le seul contact
qu'on aimerait avoir - aller voir ce fichu bureau parce qu'il paraît que
c'est quelque chose, M. le Président. Même un membre du
gouvernement me disait qu'il en était gêné.
Dernière petite question, et je termine là-dessus, en
terminant pour de vrai. On me dit que c'est administré sobrement et que
cela ne coûte pas cher, que ces gens-là font
bien attention. Comment expliquer cette note de service datée du
8 avril 1982 provenant de M. Gabriel Lavoie? "Objet: Réunion de la table
de la réparation à l'hôtel Alpine Inn, Sainte-Marguerite,
les 28, 29 et 30 avril 1982." Tout ce beau monde-là - c'est pas mal de
monde cela... "Liste des participants: Jean-Pierre Arsenault, Lionel Bernier,
Jean-Marc Bertrand, Suzanne Biais, Rolland Bouchard, Claude Boulet, Pierre
Charron, Serge Corbeil, Guy Côté, Jean-François Couillard,
Jacques Dalpé, Paul-André Egan, Denis-Emile Giasson, Serge
Gingras, Guy Girard, Daniel Handfield, Réjean Lapointe, Gabriel Lavoie,
Jean-R. Lemieux, Roland Longchamps, Claude Mauger, Denis Rivard, Noël
Savard, Alain Verreault." Trois jours au Alpine Inn à Sainte-Marguerite.
"Mercredi, 28 avril: souper à 19 heures; jeudi le 29 avril: ateliers sur
l'intégration de l'équipe de la réparation, rôle et
responsabilité des chefs de la réparation; vendredi, 30 avril:
fonctionnement et composition des tables de la réparation." Et
après cela on se demande pourquoi cela coûte cher. Que
faisaient-ils au Alpine Inn?
Le Président (M. Brouillet): Vous terminez sur cette
question?
M. Pagé: Est-ce que c'est normal? Je termine
là-dessus. C'est un exemple, j'en aurais des dizaines à vous
donner mais on n'a pas le temps ce matin. Que faites-vous au Alpine Inn dans
les Laurentides, dans le luxe, à aller réfléchir sur les
tables de réparation alors qu'en raison de cette mauvaise
administration, cette mauvaise gestion cela coûte plus cher et il y a
autant d'accidents, sinon plus, qu'avant? Pendant ce temps-là, les
accidentés du travail attendent. Cela n'a pas d'allure, M. le
Président.
Le Président (M. Brouillet): Alors, nous allons maintenant
céder la parole au député de Prévost. Vous avez la
parole, M. le député.
M. Robert Dean
M. Dean: M. le Président, à toutes ces questions du
Parti libéral, tantôt, différents intervenants, le ministre
et d'autres vont apporter des réponses. À les voir faire depuis
un certain temps, même quand on apporte des réponses, cela n'a
l'air de faire grand-chose aux députés de l'Opposition parce
qu'ils reviennent toujours avec les mêmes questions. Il y a un vieux
principe qui dit: Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose.
Je voudrais souligner - peut-être pour l'information de ceux et
celles, malheureux et malheureuses, qui nous regardent parfois à la
télévision - que nous passons ici un vendredi matin. Normalement,
ce vendredi matin, on serait tous dans nos comtés respectifs en train de
nous occuper des problèmes de nos électeurs et électrices,
des entreprises. C'est le cas du ministre, qui serait dans son comté ou
à s'occuper des affaires de son ministère. Au lieu de cela nous
sommes ici à Québec, à grands frais, en train de
rediscuter et rediscuter du réchauffé, des questions qui ont
déjé été posées plusieurs fois en Chambre.
Pendant l'étude des crédits, on a passé six heures
à discuter de la CSST, dont une heure pendant laquelle le
président de la CSST avait le microphone. Cela fait partie de cette
campagne, de cette stratégie du parti de l'Opposition de
dénigrer, de salir, de semer le doute tant sur les actes que sur
l'intégrité et la compétence de serviteurs du public.
Qu'ils attaquent les erreurs réelles ou
appréhendées du gouvernement, cela fait partie des règles
du jeu. Qu'ils essaient parfois d'améliorer les quelques bons coups du
gouvernement par leurs suggestions et leurs commentaires, encore d'accord. Mais
ils érigent une série d'inquisitions, d'enquêtes comme
celle sur la Société d'énergie de la Baie James, comme ils
veulent maintenant faire avec la CSST et comme ils ont déjà fait
avec l'OCQ. Ils finissent par attaquer non seulement le gouvernement comme tel
mais les hommes et les femmes qui sont nommés, qui occupent des
fonctions élevées de fonctionnaires, de serviteurs de la
population du Québec en différents domaines. Je me pose
sérieusement la question en face de cette stratégie du parti de
l'Opposition et je fais écho aux remarques des membres du conseil
d'administration d'Hydro-Québec, de la Société
d'énergie de la Baie James après leur comparution à une
autre commission parlementaire, de triste mémoire et de triste
actualité, où ils ont dit: Comment dans l'avenir va-t-on recruter
des hommes et des femmes valables pour occuper ces postes si chaque fois qu'on
portera une tasse de café, on les traînera en public, on les
traînera devant les caméras de télévision pour
mettre en doute leur décision, leur politique et leur pratique. On dit
qu'on attaque l'administration mais quand on attaque l'administration, on finit
par attaquer les administrateurs et les administratrices. Alors c'est une
question que je me pose. (Il h 15)
De plus, j'aimerais dire ce qu'est la CSST. On a dit tantôt que la
Commission des accidents du travail, le prédécesseur de la CSST,
a été fondée en 1931 par les patrons. C'est devenu une
espèce de société d'assurances mutuelles pour les patrons
par une loi pour les protéger effectivement contre les longues et
nombreuses poursuites devant les tribunaux. C'est devenu aujourd'hui la CSST
dont la mission est d'assurer autant que possible la prévention des
accidents pour les travailleurs et
travailleuses et si un accident se produit, leur assurer une
compensation et une sécurité financière. C'est vrai que
c'est une grande boîte, la CSST. Il y a 2500 employés
situés dans toutes les régions du Québec; il y a 150 000
employeurs qui paient des cotisations; il y a un budget dans les centaines de
millions de dollars; il y avait 350 000 demandes de prestations par suite d'un
accident, en 1981, et 310 000 demandes en 1982, donc une réduction.
Est-ce que cela se peut qu'il y avait un peu moins d'accidents en 1982 par
rapport à 1981? Je ne dis pas cela pour faire un débat, je le dis
pour illustrer le nombre de cas. Bien sûr que j'ai déjà eu
des plaintes sur la façon de répondre au téléphone
à la CSST, sauf que je ne les porte pas. Quand je
téléphone pour réserver un siège d'avion à
Air Canada, c'est le même système. Si les lignes sont
surchargées, il y a une voix qui te dit: Nos lignes sont
occupées, veuillez patienter, quelqu'un s'occupera de vous. Si on veut
le passage, on finit par accepter. Bien sûr, on pourrait peut-être
avoir plus de lignes téléphoniques. Cela se discute et c'est un
problème qui peut finir par se régler.
Dans ce monde, il y a sûrement des gens qui se lèvent le
matin du mauvais côté du lit, qui sont marabouts et qui ont l'air
bête lorsqu'ils parlent aux citoyens. J'ai eu des plaintes et c'est
normal et humain. Probablement sur le plan administratif à tous les
paliers, il y a peut-être des gens qui font des gaffes, qui font des
erreurs ou portent des jugements avec lesquels n'importe qui pourrait
être en désaccord, sauf que ce sont eux qui sont là pour
prendre des décisions. Donc, dans une grande boîte, il est
sûr qu'il y a des choses, comme dans n'importe quel groupe d'hommes et de
femmes personne n'est exempté de faire des erreurs ou de poser des
mauvais gestes à un moment donné.
Je voudrais maintenant m'attarder un peu sur les personnes, M.
Sauvé et quelques-uns de ses vice-présidents, seulement pour
illuster l'énormité de cette campagne de salissage par chiures de
mouches, pour employer une bonne expression qu'utilise le Parti libéral
du Québec. J'ai connu M. Robert Sauvé comme adversaire au
début des années soixante, dans un sous-sol de paroisse à
Kingsey-Falls, dans les Cantons de l'Est, en Estrie, pas loin du village natal
de ma mère et aussi de celui de M. Daniel Johnson, Danville. Je suis
resté son adversaire pendant quelques années et il est
resté mon adversaire, mais j'ai toujours reconnu en M. Sauvé un
adversaire honnête, sincère, compétent et
dévoué aux intérêts des travailleurs desquels il
était au service à ce moment. Il faut croire que d'autres lui ont
aussi reconnu du mérite, parce vers la fin des années soixante,
le gouvernement de M. Daniel Johnson, l'Union Nationale, l'a nommé
sous-ministre au Travail. Ce n'est pas un petit job, le sous-ministre est le
plus haut fonctionnaire du ministère du Travail. On doit présumer
que, normalement, lorsqu'un gouvernement nomme quelqu'un, il le nomme parce
qu'il pense qu'il est compétent pour faire le travail. Mais cela ne
finit pas là. M. Bourassa arrive au pouvoir et le gouvernement de M.
Bourassa nomme M. Sauvé juge de la Cour provinciale, au Tribunal du
travail. Il faut dire que M. Bourassa et son équipe pensaient, comme ils
l'ont nommé juge, qu'il y avait quelque chose là. Mais, ils se
sont trompés une deuxième fois, car le gouvernement de M.
Bourassa a nommé M. Robert Sauvé président et fondateur de
la Commission des services juridiques où il serait au service, par
l'aide juridique, des plus démunis du Québec qui ont besoin d'un
avocat pour défendre leurs droits. Il a été nommé
deux fois par M. Bourassa.
Arrive le gouvernement de M. René Lévesque. Il reste en
fonction. Il est nommé, en 1978, président de la Commission des
accidents du travail et, après l'adoption de la loi 17, en 1980, le
gouvernement Lévesque le nomme à nouveau président de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail. Cinq
gouvernements, trois partis politiques différents, trois premiers
ministres différents ont nommé à des postes de
responsabilités, au sommet de la fonction publique, à
différents paliers, le même M. Sauvé. On ne peut
sûrement crier au patronage, autrement, le gars change de parti vite et
souvent. Donc, ce n'est pas cela.
Ne peut-on pas se douter que c'est justement parce qu'on avait confiance
en la compétence, en l'intégrité de la personne?
Il y a des vice-présidents, à la CSST...
Le Président (M. Brouillet): Une minute, M. le
député, je rappelle au député de Portneuf que les
questions de règlement ne peuvent porter que sur les règles qui
régissent la répartition du temps. Est-ce que je ne pourrais pas
permettre au député de Prévost de dépasser le temps
qui lui est alloué?
M. Pagé: Une demande de directive, alors.
Le Président (M. Brouillet): Très bien.
M. Pagé: Est-ce à dire, en vertu de la règle
que vous semblez appliquer de façon très stricte que, en tout
temps, quelque collègue que ce soit pourrait parler de tout autre sujet
ne portant pas sur le mandat de la commission de ce matin? Le problème,
M. le Président, est que l'honorable député de
Prévost est en train de faire un plaidoyer en défense d'une
personne qui ne fait pas encore l'object d'une motion de blâme, soit
dit en passant.
Le Président (M. Brouillet): Je crois que chacun est libre
d'aborder la question comme il l'entend, dans la mesure où cela se
rapporte au moins aux personnes qui sont très touchées par le
sujet. Vous aurez aussi votre droit de parole tantôt et...
M. Pagé: On l'exercera.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Prévost.
M. Dean: M. le Président, je prends note que j'ai deux
minutes de plus à la fin, merci. Quant aux vice-présidents de la
CSST - rapidement, M. le Président - il y a M. Jean-Louis Bertrand,
avocat, nommé à la CAT en 1978, nommé
vice-président par le gouvernement actuel en 1980 à la
création de la CSST. Il y a M. Lionel Bernier qui a été
directeur des services juridiques de la CSST, en quelque sorte, un gars de la
base de la CSST ou, du moins, de l'interne qui, en 1980, était promu
vice-président par le gouvernement actuel. Mais il y avait aussi M.
Gilles Massé, qui était vice-président jusqu'à tout
récemment et qui a entrepris une nouvelle carrière au sein de
l'entreprise privée. C'était un ancien ministre du Parti
libéral du Québec qui a été nommé membre de
la Commission des accidents du travail par M. Bourassa, et nommé
vice-président de la nouvelle CSST, en 1982, par le gouvernement de M.
Lévesque. Je souligne que c'est un ancien ministre du Parti
libéral.
Quant à tous ces hommes, on peut se poser de sérieuses
questions à savoir si c'est du patronage ou de la compétence
reconnue. Si ces personnes, surtout le président, avec ce que j'ai
tracé, sont compétentes et intègres depuis toujours et
reconnues par plusieurs personnes, pourquoi, tout à coup, cela serait-il
changé? Est-ce que ce n'est pas plutôt simplement parce que la
stratégie de picochage de l'Opposition a changé parce que cela
fait leur affaire? Ils manquent d'idées et quand on manque
d'idées, il faut faire n'importe quoi.
Cette CSST, tant dénigrée par le Parti libéral du
Québec, a bien sûr, comme je l'ai dit tantôt, des
défauts qui doivent être corrigés et qui sont
corrigés. Il y en a qui sont corrigés, il y en a qui sont en
train d'être corrigés, il y en a d'autres qui vont se manifester
et, à mesure qu'on les décèlera, on va essayer de les
corriger.
Qui surveille cette CSST? C'est incroyable, M. le Président, de
savoir qui surveille la CSST. En ce qui regarde le côté financier,
la CSST a ses propres vérificateurs, des comptables et autres qui
vérifient les opérations financières internes.
Après cela, c'est nul autre que le Vérificateur
général du Québec qui vérifie annuellement les
opérations. C'est lui, l'homme - ou la femme, selon le cas - qui est
nommé par le gouvernement du Québec, par l'Assemblée
nationale, le grand surveillant, le supersurveillant de tout ce qui se passe,
de tout ce qui bouge sur le plan des budgets du gouvernement. Cela ne
s'arrête pas là. La CSST est sous la surveillance du surintendant
des assurances, le Conseil du trésor. Dans d'autres domaines, elle est
surveillée par la Commission de la fonction publique. La commission est
surveillée par l'Office du recrutement et de la sélection du
personnel du gouvernement du Québec, par le Protecteur du citoyen, par
la Commission des droits et libertés de la personne, par l'Office des
personnes handicapées et, en quelque sorte, par ses propres
employés internes parce que les employés de la CSST, pour leur
part, sont syndiqués.
Même avec cette liste impressionnante de surveillants, cela ne
finit pas là non plus. Quant aux gestes et faits de l'équipe de
direction, le président, les vice-présidents et leur
équipe de la CSST sont surveillés par un conseil
d'administration. Non seulement les surveille-t-il mais il prend part aux
décisions, aux orientations de la CSST. Et ce conseil d'administration
est formé de sept représentants éminents du monde patronal
et sept représentants aussi éminents du monde syndical. Ces
quatorze personnes surveillent régulièrement les activités
de la CSST.
Cela ne finit pas là, M. le Président. En région,
les activités de tous les jours de la CSST sont surveillées par
les travailleurs impliqués dans les accidents. Les syndicats qui les
représentent, les employeurs qui sont impliqués. Chaque fois
qu'il y a une de ces 350 000 réclamations en 1981 devenues 310 000 en
1982, il y a un travailleur, un syndicat, un patron qui est au courant et qui
suit cela d'un point de vue ou de l'autre.
On pourrait quasiment dire que la CSST a 6 000 000 de surveillants: les
mêmes 6 000 000 de Québécois et de
Québécoises qui sont si mignons. C'est rare une boîte qui
est surveillée par tant de monde. Alors, on se demande pourquoi tout ce
brassage de poussière, pour ne pas dire autre chose.
M. le Président, je vais vous dire pourquoi il y a tant de
brassage de la part du Parti libéral. C'est parce que le Parti
libéral est dans l'Opposition. C'était et c'est encore des
fabricants de ballounes, mais des ballounes très vite
dégonflées et dégonflables. J'ai déjà dit
qu'ils ressemblaient collectivement au "Muppet Show". Il me vient à
l'esprit une autre sorte d'émission de télévision. Chacun
se prend maintenant pour Colombo. Sauf que Colombo finit toujours son heure
d'émission en gagnant quelque chose. Mais les fabricants de ballounes
finissent par se faire dégonfler, à coup sûr.
Je vais vous dire pourquoi le Parti libéral du Québec fait
cette sorte d'opposition, de dénigrement, de salissage, d'insinuations,
et en s'attaquant à l'administration, des fois, il salit des
administrateurs. C'est à cause de leur faillite intellectuelle. Ces
gars-là n'ont pas d'idées, ils n'ont pas d'idéal, ils
n'ont pas de programme, ils n'ont pas de principes, ils n'ont pas de direction,
ils n'ont pas de chef, au contraire, ils ont 45 chefs. La vraie raison de tout
cela, c'est qu'ils s'ennuient du pouvoir. La seule raison d'être du Parti
libéral du Québec est et a toujours été d'occuper
le pouvoir. Quand ils ne sont pas là, ils s'ennuient parce qu'ils n'ont
pas d'idéal, de principes à défendre. Je les
caractériserais un peu comme des sortes de Duvalier collectifs du
Québec. Vous savez, en Haïti, M. Duvalier était
président à vie, son fils lui a succédé, et il est,
lui aussi, président à vie. Je pense qu'au Québec le Parti
libéral, qui n'a pas d'idées, pas de principes, pas
d'idéal, pas de chef, pas de direction, pas d'orientation, se voit comme
Duvalier. Sa seule raison d'être, c'est d'être au pouvoir, au
pouvoir à vie, avec tout ce que cela peut comporter pour lui. (Il h
30)
Quand il n'est pas au pouvoir, il s'ennuie. Quand ses membres ne savent
pas quoi dire, ils effectuent des opérations comme celle de ce matin,
après plusieurs questions en Chambre, qui ont eu de longues
réponses détaillées, de quatre ou cinq pages, six heures
en commission parlementaire il y a deux ou trois semaines où on a
discuté de la CSST. Ils veulent continuer à poser les mêmes
questions pour dire qu'ils n'ont pas eu de réponse. Cela n'est pas vrai.
C'est peut-être vrai dans certains cas. Quand on répond à
25 questions, peut-être qu'on répond à 23 et qu'on en
oublie 2. Ils veulent des réponses, ils vont les avoir, sauf que leur
problème, c'est que même quand ils ont les faits... Il y a un
dicton américain - et je termine là-dessus, M. le
Président - qui dit "Do not confuse me with facts, my mind is made up".
Cela se traduit à peu près comme ceci: Ne me mêlez pas avec
les faits, mon idée est déjà faite. Alors, c'est mon
interprétation et je tiens à ce que les citoyens, dans leur
cuisine, leur salle de jeux et leur salon, sachent un peu la
vérité sur la CSST, ce que c'est, comment c'est constitué,
comment c'est surveillé, qui sont ces personnes-là qu'on attaque
si librement et si allègrement devant toute l'opinion publique. Je pense
que c'est important. Et je pense que la population sait porter ses propres
jugements devant ce genre de stratégie. Merci, M. le
Président.
M. Pagé: Le valet de service a fait son job, son sale job.
C'est correct, M. le député.
Une voix: Je n'ai pas entendu la dernière remarque.
M. Fréchette: M. le Président, le
député de Portneuf a fait une remarque que je n'ai pas comprise.
J'apprécierais qu'on la répète.
M. Pagé: Oui, M. le Président, j'ai fait la
remarque suivante - si vous permettez - et je me surprends des commentaires et
des attaques du député de Prévost, qui ne
réfère pas à l'objet sur lequel on a échangé
ce matin. Et je dois interpréter...
M. Fréchette: M. le Président, cela n'a pas
été aussi long que cela.
M. Pagé: Non, non, j'y arrive, ne soyez pas inquiet. Je
dois interpréter son propos, sa référence à
Duvalier et tout cela...
M. Fréchette: J'invoque le règlement, M. le
Président. J'invoque le règlement.
Le Président (M. Brouillet): Je tiens à dire une
chose concernan«t le règlement. Le député de
Portneuf a, depuis au-delà de cinq minutes, épuisé son
droit de parole. Il avait droit à 20 minutes. Il nous a annoncé,
à cinq reprises, qu'il terminait et il s'est rendu à 25 minutes.
J'ai été tolérant jusqu'à 25 minutes. Maintenant,
je suis obligé de dire que le député de Portneuf a
épuisé son droit de parole.
M. Pagé: À moins d'un consentement.
M. Fréchette: II a fait un commentaire à la fin de
l'intervention du député de Prévost que je n'avais pas
bien compris. Je lui demandais simplement d'avoir la décence de
répéter le commentaire dans les termes qu'il l'avait fait. S'il
ne veut pas le faire, M. le Président, cela va aller.
M. Pagé: On va le faire.
Le Président (M. Brouillet): Tenez-vous en aux termes. Si
vous voulez le faire, faites-le, mais seulement sur ce point.
M. Pagé: Oui, oui. Je retiens de l'intervention du
député de Prévost qu'encore une fois celui qui est
considéré par les pé-quistes comme étant
l'anglophone de service du cabinet vient de faire les sales jobs du
gouvernement, M. le Président. C'est comme cela que vous êtes
considéré, monsieur.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak M. Polak: Merci, M. le Président.
Le
ministre, quand il a parlé tout à l'heure, a dit: Regardez
donc la loi, à l'article 336. Je suis seulement responsable de
l'application de la présente loi et, en fait, c'est le président
de la CSST qui a le contrôle de l'administration. J'ai été
surpris de l'intervention de l'adjoint parlementaire du ministre. Parce que le
député de Prévost vient nous dire: Vous, vous n'avez pas
le droit d'être ici aujourd'hui. Vous auriez dû être dans vos
comtés aujourd'hui. Là, il faut travailler dans nos
comtés, on n'a pas besoin de gaspiller du temps et de l'argent en venant
ici. M. le Président, ce n'est pas le député de
Prévost qui va me dire où je dois être. On n'en est pas
encore au point où les péquistes vont nous dire si on a le droit
de poser des questions, si on a le droit d'avoir un débat le vendredi ou
non. On a ce droit-là et on l'exerce. Et, vous, vous n'avez pas à
nous empêcher de parler. Prenez bien garde de faire des remarques comme
cela, parce que même le ministre ne l'a pas fait. Il réalise qu'on
a encore le droit de parler dans ce régime dans lequel on vit.
M. le Président, à part cela, il a commencé
à faire une analyse sur ceux qui sont maintenant à la tête
de la CSST. On n'a rien contre M. Sauvé et contre M. le
vice-président. Ce n'est pas sur le plan personnel. Je m'en fous s'ils
ont été nommés par M. X, ou par M. Y, ou M. Z. Tout ce
qu'on leur demande, c'est s'ils administrent bien les fonds publics, oui ou
non. C'est tout ce qu'on veut savoir.
En ce qui concerne le ministre, il nous a dit tout à l'heure:
Regardez donc la loi, vous ne l'avez même pas lue. Bien, M. le ministre,
vous allez lire la loi avec moi. On va faire la connexion entre vous et la
responsabilité. Je sais qu'on vous a récemment donné ce
dossier, c'est peut-être malheureux, parce que auparavant c'était
un dossier du ministre Marois.
L'article 141 de la loi dit: "Les membres du conseil d'administration de
la Commission - tout le monde, M. Sauvé et les vice-présidents -
sont nommés par le gouvernement". L'article 149 dit: "Le gouvernement
fixe le traitement". Les salaires sont déterminés par vous. Vous
êtes le "boss". Si quelqu'un me paie mon salaire, si quelqu'un me nomme,
il a quelque chose à dire. Lisez donc l'article 142: "Le gouvernement
nomme en outre des vice-présidents". Les quinze administrateurs sont
nommés par vous. L'article 164: "La commission doit fournir au ministre
tout renseignement qu'il peut requérir". C'est important. Cela va loin.
Le ministre a le droit de dire à la commission, à M. Sauvé
et à ses adjoints: Voici, j'exige tel et tel renseignement. Nous autres,
on dit au ministre: Nous, nous exigeons telle et telle réponse à
telle et telle question. Voulez-vous les transmettre à M.
Sauvé?
L'autre jour, vous avez eu toute une liste. On attend encore les
réponses. J'étais là pendant l'étude des
crédits. Il y avait une tentative de réponse très vague
à trois questions. On n'a jamais eu de réponse
concrète.
L'article 165, M. le ministre, lisez donc la loi avec moi. On la
connaît cette loi, nous autres. "Les livres et les comptes de la
commission sont vérifiés annuellement par le Vérificateur
général et, en outre, chaque fois que le décrète le
gouvernement". Vous avez même le droit, M. le ministre, de dire: Moi, je
vais nommer quelqu'un pour vérifier vos livres. Cela va loin. Vos
pouvoirs vont très loin, M. le ministre. Vous les nommez, vous les
payez, vous avez le droit de faire vérifier leurs livres. Donc, il ne
faut pas dire au député de Viau: Regardez l'article 336. Je n'ai
pas beaucoup à faire avec cela. C'est M. Sauvé. On appelle cela
en anglais: "Pass the buck" et on n'accepte pas cela.
Maintenant, les cas concrets. J'ai un problème à vous
donner, des cas concrets. Les gens qui m'en ont parlé m'ont dit: S'il
vous plaît, Maximilien, ne révélez pas mon nom; j'ai peur
en maudit d'eux autres. C'est vrai cela. Je vais tout de même vous donner
un cas en vous décrivant un peu de quoi il s'agit, parce que j'ai les
noms et, à un moment donné, je vais les
révéler.
Voici. On va parler de l'inspecteur de chez vous. Mon client - celui que
je connais très bien - m'a appelé et m'a dit: C'est un petit
barbu de l'Université de Montréal. J'ai dit: Écoutez, ce
n'est pas vrai. Il ne faut pas l'accuser parce qu'il vient de
l'Université de Montréal et qu'il a 25 ans. Cet inspecteur est
arrivé dans une usine. Il a dit: C'est un inspecteur de chez vous. Il a
dit: Voici, vous autres, il faut élargir votre place trois fois parce
qu'il y a trop de bruit dans l'usine. L'espace que vous occupez est trop petit.
Donc, tous les pauvres ouvriers vont souffrir de maux d'oreilles. Cela ne va
pas bien. Le syndicat a dit - pas seulement l'employeur, le syndicat aussi -:
Arrêtez donc, vous; c'est une usine qui produit depuis longtemps, depuis
nombre d'années et on n'a jamais eu de problème. Quelqu'un est
allé faire une plainte à cause d'une affaire tout à fait
différente. L'inspecteur est venu. Mais vos inspecteurs, M.
Sauvé, ne sont pas toujours des gens bien gentils. Ce ne sont pas
toujours des gens bien compétents non plus. Ils ne connaissent rien dans
l'économie. Les gens ont dit: Si vous, M. l'inspecteur, continuez
à mettre de la pression sur nous en nous imposant la folie des
exigences, on va aller en Ontario. On a déjà en main une lettre
d'une municipalité d'Ontario, avec une subvention du gouvernement
ontarien pour déménager notre usine. Cela va coûter 400
emplois. Je ne donne pas de nom. Plus tard, on va le révéler
quand on aura notre commission parlementaire.
Un autre exemple: La contradiction entre différents
ministères. Je suis allé, avec notre recherchiste, l'année
dernière - on s'en souvient très bien - en Mauricie. Je ne vais
pas vous dire quel endroit parce qu'il y en a beaucoup. Je suis allé
là avec lui. On était dans une usine. L'employeur et
l'employé étaient là, le syndicat était avec nous -
pas de chicane entre eux du tout - et un autre inspecteur de chez vous, de la
CSST, est venu: Trop de poussière là-dedans. Ce n'est pas bon
pour les poumons, etc. Grosse affairel Cela coûterait des centaines de
milliers de dollars pour faire des changements dans l'usine. Deux semaines plus
tard, un autre inspecteur vient du ministère de l'Environnement: Aie!
vous autres, là, vous envoyez toute la poussière dehors, ce n'est
pas bon. Le monde, en bas, dans la petite ville, veut tout de même
respirer de l'air pur. Gardez donc - ils l'ont dit exactement - la maudite
patente à l'intérieur de l'usine. Deux inspecteurs du même
gouvernement qui ne se parlent même pas. Au moins, les deux
n'étaient pas de la CSST. Un était de la CSST et l'autre de
l'Environnement. Il n'est pas encore résolu, ce
problème-là.
Je me rappelle en avoir parlé au ministre Marois. Il a dit: C'est
vrai, il y a des problèmes, il y a des comités de coordination,
on en parle. Vous parlez beaucoup mais vous ne faites rien pour résoudre
le problème.
Autre problème: Les avis contradictoires de classification. Un
autre cas. C'est drôle, il y a seulement moi qui connais ce
cas-là. Il doit y en avoir beaucoup. Quelqu'un m'a appelé -
encore une fois, je ne révèle pas le nom parce que j'ai peur que
vous le punissiez avec vos machinations - à un moment donné. Il a
une taverne et un restaurant. Je vois le député de Prévost
qui se casse la tête, c'est terrible. Mais c'est certain que la
vérité est terrible pour vous, et je vais continuer de la dire.
Je ne suis pas dans mon comté aujourd'hui, je suis ici pour parler, ce
vendredi-ci, et exercer mes droits.
Donc, à un moment donné, on a reçu la
classification. Payez tant par employé, basé sur le tarif de
quelqu'un qui travaille dans une taverne. Mais une taverne, c'est connu, c'est
"rough", dans l'est de Montréal. Dans une taverne, il y a des batailles,
il y a des meurtres de temps en temps. Je comprends bien que pour ceux qui
travaillent dans des tavernes, cela coûte plus cher, au point de vue de
la classification. Mais dans le même édifice, il y avait, en bas,
un restaurant de première classe où on amenait nos femmes et nos
familles. Le propriétaire a dit: Écoute, cela n'a pas de bon
sens; c'est seulement une petite partie, la taverne. D'ailleurs, c'est une
taverne parfaite, de première classe. Ce n'est pas une taverne au sens
où on le comprend. Les chicanes qu'ils ont eues avec la CSST pour
essayer d'expliquer celai Envoyez donc un inspecteur prendre quelques photos.
Il verra lui-même que le problème aurait pu être
réglé en cinq minutes, et cela aurait évité
d'engager un avocat à gros frais pour plaider devant vous, à
faire des ajournements - la cause ne marche jamais - pour essayer à la
fin de gagner nos affaires.
On parle de citoyens. M. le Président, il y a un article, cette
semaine de M. Guy Pinard, de la Presse. Il ne savait pas qu'on aurait un
débat aujourd'hui. Vous l'avez vu, M. Sauvé, il aurait pourtant
suffi d'expliquer poliment. Il parle des accidentés qui appellent, qui
attendent dix minutes au bout de la ligne. Tout est là-dedans. Ce n'est
pas le député qui a fabriqué cette histoire. Il ne parle
pas de la musique russe, c'est vrai, mais il parle de votre arrogance, de
l'arrogance de votre institution, de votre personnel à Montréal
et le fonctionnaire qui refuse de s'identifier. C'est tout là, ce n'est
pas nous qui l'avons fabriqué. Prenez note: samedi, 21 mai,
Montréal, la Presse, article de Guy Pinard. Cela s'explique
beaucoup.
La réglementation. On va prendre la loi encore, l'article 223.
Cet article, M. le Président, décrit 42 cas où vous, la
commission, pouvez faire le règlement. Je ne peux le lire en entier
parce que je n'ai pas le temps. Rapidement, ce que vous avez le droit de faire,
on vit dans un beau pays: "Établir des catégories
d'établissements... "Dresser une liste des contaminants...
"Préciser les propriétés d'une matière...
"Déterminer les cas où un étudiant est
réputé être travailleur... "Identifier les contaminants...
"Prescrire les mesures de surveillance... "Déterminer le contenu des
registres..." Il y en a 42. Et à la fin, au cas où vous auriez
oublié quelque chose dans votre, je dirais, presque folie, vous avez
dit, article 42: "Généralement prescrire toute autre mesure utile
à la mise en application de la présente loi." Mais il faut le
faire, comme le ministre Parizeau le dit tout le temps. Il y a 41
catégories de pouvoirs que vous avez toutes réglementées,
du berceau jusqu'aux funérailles. On ne peut plus bouger sans vous. 41
catégories et, à la fin, au cas où vous auriez
oublié quelque chose, vous dites: On peut faire toute autre mesure utile
à la mise en application de la présente loi. C'est seulement au
cas où vous en auriez oublié.
Aux États-Unis, vous le savez très bien, M. le
Président de la CSST, et en Ontario, on a commencé sur la voie de
la déréglementation. On dit: C'est assez de nous dicter, de nous
inspecter, de nous vérifier, de nous envoyer de faux comptes, de nous
dire qu'on n'est pas sous l'empire de la loi, que c'est la loi, que vous payez
tant, que
vous payez le double, que votre ordinateur fonctionne. Les papiers, ce
n'est pas possible! Savez-vous ce qu'ils font aux États-Unis et en
Ontario? Ils disent non, on va plutôt... Je vais vous lire cela; j'ai
pris des renseignements en Ontario et aux Etats-Unis. Là-bas, le
gouvernement dit: Vous devrez atteindre votre objectif dans tel et tel
délai. Donc, ils vont voir quelqu'un et disent: Voici, on vous accorde
un certain délai pour faire tel et tel changement, parce que c'est vrai,
il faut faire un changement, il y a un problème, mais essayez donc de
collaborer. Ils parlent là-bas de la latitude qu'il faudrait à
l'employeur. Ils font une grande distinction, en Ontario et aux
États-Unis, entre la grande et la petite entreprise. Il y a une grande
différence pour la compagnie Alcan, par exemple. C'est plus facile pour
eux de changer certains systèmes et de les suivre parce que
évidemment ils ont plus d'argent qu'une petite entreprise de dix ou
quinze employés où vos inspecteurs viennent pousser ces gens au
pied du mur. Au point de vue de l'administration, le député de
Portneuf a mentionné tout à l'heure les noms, à la fameuse
réunion à Alpine Inn. Je sais que vous avez des gens qui sont
venus des régions de Rouyn, Chicoutimi, Sept-Îles, Hull, Rimouski,
Trois-Rivières, Québec. Quand je voyage de Montréal
à Québec en avion, cela me coûte 225 $ par voyage aller et
retour. Cela coûte cher, de nos jours. Donc, combien cela a-t-il
coûté à toutes ces gens pour venir? Qu'ont-ils fait?
Qu'ont-ils décidé? Combien de ces réunions avez-vous par
année? J'aimerais bien le savoir. Pour combien de ces réunions il
est nécessaire d'appeler toute la "gang" à venir passer la fin de
semaine? Où sont-ils installés? Peut-être
répondrez-vous que l'affaire Alpine Inn a eu lieu une fois seulement, le
repas était bien simple, il n'y avait rien d'exagéré,
n'ayez pas peur. J'aimerais bien savoir combien de ces rencontres ont eu lieu,
quel était le sujet. J'ai entendu dire que le projet était
accepté et qu'ils sont presque sortis immédiatement après
être arrivés. Je ne le sais pas, je l'ai entendu dire. Je n'accuse
personne.
J'ai parlé avec un président de syndicat - je ne peux pas
révéler son nom parce que même là j'ai peur que vous
le touchiez, je ne vous fais pas confiance même vis-à-vis du
syndicat, je protège ceux qui sont dans les syndicats de nos jours, ils
ont besoin de notre protection parce que vous avez bien arrangé leur
vie, vous savez comment adopter des lois spéciales. Il m'a dit
Maximilien, j'ai eu un accident du travail -je vous répète ce
qu'il m'a dit - il a fallu quatre semaines pour ouvrir mon dossier. J'ai
appelé moi-même la CSST pour demander s'il était possible
que cette personne-là - c'est un président de syndicat... C'est
arrivé à au moins 500 ou 600 ouvriers. Il a fallu six semaines
pour recevoir le paiement. Comment cet homme-là doit-il vivre
entre-temps? Il a une famille, l'épicerie à payer, des frais
fixes pendant six semaines. Quand on parle de la lenteur dans la production et
l'acceptation d'une réclamation, cela existe parce que si cela existe
dans le cas d'un chef syndical, j'imagine comment le pauvre petit travailleur
est traité.
Preuve que je dois avoir raison dans mes accusations, le ministre
lui-même et M. Sauvé nous ont dit, il y a une semaine ou deux,
qu'ils pensaient sérieusement à changer cette structure. Si la
CSST va tellement bien, pourquoi ne pas continuer avec? En anglais on dit:
"Never break up a winning team." Les Expos vont bien là. Ils vont
continuer à jouer, ils ne vendront pas les joueurs, ne les
échangeront pas, parce que jusqu'à maintenant cela va bien. Vous,
vous nous dites que vous pensez sérieusement à établir une
régie avec la CSST, au lieu de garder cela comme un organisme paritaire
avec 50% représentant les employeurs et 50% représentant les
travailleurs. J'ai posé une question au ministre là-dessus. Il
n'a pas répondu. Il a répondu: Oui, on y pense, on ne sait pas.
Je vous demande carrément aujourd'hui si cela va tellement bien,
pourquoi changer la structure? Je connais la réponse. Parce que cela va
mal, parce qu'il est presque certain que M. Sauvé est venu vous voir et
qu'il vous a dit: Moi, je suis en panne. Il n'a pas admis évidemment
qu'il s'appelle "empire builder". Les anglophones industriels qui sont
acculés au mur par vos inspecteurs et vos demandes appellent M.
Sauvé "empire builder". Encore ici, je refuse de donner les noms parce
qu'on a peur. Si cela marche tellement bien vous n'avez pas besoin de changer
la structure. Vous y pensez parce qu'il y un gros problème à
quelque part. Est-ce pour cela, lorsqu'on a demandé tout à
l'heure et depuis des semaines une commission parlementaire pour aller au fond
de cette affaire, de laisser venir des témoins discuter devant nous,
laisser les gens de la CSST nous expliquer comment cela fonctionne... Je crois
qu'on mérite cela, c'est très important.
Je me rappelle, l'année dernière au mois de mai, le 27 mai
1982, le ministre Marois - c'était un autre ministre à ce
moment-là qui répondait - disait qu'il y avait beaucoup d'efforts
de coordination avec le ministère de l'Environnement et qu'il
réglerait le problème, comme celui qui avait été
soulevé à Valleyfield par la compagnie Expro. Il a dit cela le 27
mai 1982 parce qu'on savait qu'il existait un problème. Je me rappelle
que j'avais posé une question en Chambre. Vérifiez, M. le
Président. Qu'est-il arrivé depuis le 27 mai 1982 jusqu'à
maintenant à la compagnie Expro? On a eu d'autres accidents. Il y a une
enquête maintenant, c'est grave l'affaire. Comment
se fait-il que la C5ST n'ait pas pu au moins prévenir des
accidents graves et même mortels à Expro depuis au moins le 27 mai
1982? Quand le ministre nous a répondu qu'il était au courant des
problèmes, qu'il s'en occupait. Je sais qu'une équipe de la CSST
y est allée dans le temps. Qu'est-il arrivé depuis?
Vérifiez cela. Si même un homme est mort depuis le 27 mai 1982
à la compagnie Expro, je pense que la responsabilité est lourde
quelque part.
C'est cela qu'on nous avait répondu le 27 mai 1982, pas le 27 mai
1983. Il y a un an. On aurait dû envoyer les inspecteurs et demander
telle et telle chose à faire pour prévenir les accidents. On a eu
l'accident tout de même.
On a peu de temps ce matin, je voudrais seulement finir parce que j'ai
pris la part du ministre. J'ai toujours considéré le ministre
comme un bon diable. C'est un gars qui a hérité d'un mauvais
ministère et la mauvaise instance s'appelle la CSST, ce n'est pas un
cadeau, mais il est poli, c'est correct. Je m'entends très bien avec lui
sur le plan personnel, mais je n'accepte pas du député de
Prévost sa remarque lorsqu'il a dit: Ce n'est pas possible. Vous n'avez
pas le droit de poser des questions. Venir ici le vendredi, c'est gaspiller du
temps et de l'énergie. On exerce nos droits démocratiques, en
dépit de ce que vous dites. Merci beaucoup.
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.
M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: Oui, M. le Président. Je vais
simplement relever un des arguments du député de Sainte-Anne pour
ensuite faire quelques commentaires, si vous me le permettez, sur
l'intervention du député de Portneuf. Le député de
Sainte-Anne, ce n'est pas original ce matin, c'est souvent son attitude et sa
méthode, nous dit: J'ai eu des informations, je ne peux pas
révéler mes sources, j'ai peur. J'ai rencontré quelqu'un
qui m'a dit tel genre de choses mais je ne peux pas dire d'où cela
vient, j'ai peur.
Si le député de Sainte-Anne a peur, j'essaie de me poser
la question: Qu'est-ce qui ferait qu'en commission parlementaire il n'aurait
pas peur puisque, sur le plan de la publicité, ce serait exactement le
même phénomène qui se produirait? Alors je ne vois pas,
dans les circonstances, si on ne pose pas de questions précises ici
parce qu'on a peur, ce qui ferait que dans une autre instance on pourrait aller
jusqu'à la limite de ce que souhaite l'Opposition.
Quant à l'intervention du député de Portneuf, je
voudrais vous signaler une observation qui m'est venue spontanément
à la suite de son commentaire préliminaire.
Avec la précaution qu'on lui connaît et dans les termes
élégants que seul il peut utiliser, il nous jure avec la
dernière des énergies qu'on ne veut pas avoir la tête du
président. C'est ce qu'il nous dit ici, c'est ce qu'il a
répété à l'occasion de l'étude des
crédits et c'est ce qu'il dit souvent quand les questions viennent, que
ce n'est pas là son objectif. C'est ce qu'il dit ici. Assez
curieusement, par ailleurs, lorsqu'il est à l'extérieur, il tient
un autre langage en totale contradiction avec les opinions qu'il émet
à l'intérieur de la Chambre ou dans d'autres instances
parlementaires. Ainsi, par exemple, dans la Presse du jeudi 5 mai, on faisait
état d'une conférence de presse tenue par les
députés libéraux M. Michel Pagé et M. William
Cusano. Le journaliste, M. Claude Marsolais, commençait son reportage de
la façon suivante: "L'Opposition libérale a laissé
entendre hier qu'elle exigera - il n'a pas dit qu'elle exigerait - la
démission du juge Robert Sauvé, président de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail, si le
ministre...". Ici, ce matin, comme en commission des crédits, à
l'occasion de questions à l'Assemblée nationale, on se garde bien
de dire que c'est l'objectif que l'on vise. Alors je voudrais bien être
fixé une fois pour toutes sur les objectifs qui sont visés quand
à un moment donné c'est noir et que le lendemain c'est blanc, ou
bien c'est blanc puis c'est noir. C'est comme cela depuis qu'on a
commencé de faire ce genre d'opération.
Dans ce même article - et là c'est le député
de Viau, je pense, qui faisait ces affirmations - on parlait d'un
déficit appréhendé de 80 000 000 $ pour l'année
1983. Le député de Viau m'a posé la question à
l'Assemblée nationale. Il m'a parlé de sources d'information qui,
je le sais, pour lui sont privilégiées. Ces sources d'information
je les connais, je sais qui elles sont.
M. Cusano: Nommez-les.
M. Fréchette: C'est à partir de ces sources
d'information que le député de Viau affirme avec une assurance
à toute épreuve que le déficit de la commission pour 1983
se situera à 80 000 000 $.
Au moment où je vous parle, le déficit prévu de la
commission est simplement de 50% de moins que le chiffre dont vous avez
parlé depuis le début de l'opération. Le déficit
envisagé est effectivement de 40 000 000 $ au lieu de 80 000 000 $.
M. le Président, tout cela s'inscrit...
M. Pagé: C'est seulement 40 000 000 $!
M. Fréchette: Tout s'inscrit dans l'opération
salissage, l'opération insinuation,
l'opération coupage de têtes que l'Opposition a
amorcée depuis environ un mois. Si c'est ce genre d'opération
qu'on veut mener, nous n'allons pas nous rendre complices de ce genre de
chose.
Le député de Portneuf a également parlé
d'augmentation des coûts d'administration. Il n'y a rien
d'étonnant là-dedans. Il parle d'augmentation des coûts de
la téléphonie, par exemple. Il est bien évident que
lorsque la compagnie qui fournit les services décrète des
augmentations, elle ne va pas faire un cas d'exception avec la CSST. La CSST
devra absorber, comme n'importe quel client, les coûts d'augmentation
décrétés par la compagnie qui fournit les services. Si
Bell Canada décide d'augmenter les coûts de ses services de 5%
pour une année et de 6% l'autre année, j'espère que nos
collègues d'en face n'iront pas prétendre que la CSST en sera
exemptée.
Par exemple, pour augmenter le service à la clientèle, il
y a une régionalisation qui se fait. Il est évident que cela
coûtera plus cher en locaux. Il est également évident que
lorsque vous passez de 700 à 1240 terminaux d'informatique, cela
coûtera plus cher. Personne ne le niera. Sauf et excepté que les
seuls motifs pour lesquels ces opérations sont faites sont aux fins
d'augmenter ou d'améliorer le service à la clientèle.
M. le Président, il y a une autre situation que je voudrais bien
clarifier, parce que le député de Portneuf, à sa
façon à lui - avec tenants et aboutissants, comme il le dit si
bien et si souvent - fait référence, chaque fois que l'occasion
se présente, à la réponse écrite que j'ai
déposée à l'Assemblée nationale au mois d'avril
dernier. Il revient constamment sur le fait que ce ne serait pas ma
réponse à moi. M. le Président, je lui ai dit en
réponse à sa propre question, au moment même du
dépôt, que je prenais sur moi le contenu de la réponse et
que c'était ma réponse.
Il est très clair, M. le Président, que lorsqu'on a besoin
de faits et de renseignements sur des questions qui nous sont posées qui
concernent la CSST, je ne vais pas aller demander à la Régie de
l'assurance-maladie de me donner les informations, je ne vais pas aller
demander à la Régie de l'assurance automobile de me dire ce qui
se passe à la CSST. J'irai évidemment à la source de
référence privilégiée pour obtenir cette
information. Lorsque les informations nous ont été fournies, nous
avons pris connaissance du contenu des informations. Nous y avons fait des
transformations et avons déposé la réponse écrite
comme étant ma réponse et cela continue d'être cela.
Le député de Portneuf aborde souvent le chapitre des
surpayés. Il a fait des comparaisons avec la perception d'impôts
qui ne seraient pas payés. Il a également
référé au mécanisme de perception de
surpayés à l'aide sociale. Voici une première observation
qui m'apparaît importante. J'espère qu'on va s'entendre sur le
fait qu'il y a une différence essentielle entre des impôts qui
sont dus et un surpayé en matière d'aide sociale ou en
matière d'accidenté du travail. Je pense bien qu'il y a, dans la
philosophie même de la question qu'on est en train de discuter, toute la
différence du monde. (12 heures)
Quand le député de Portneuf nous signale qu'à
l'aide sociale il y a un mécanisme qui est prévu et en vertu
duquel les surpayés se voient coupés de leur chèque dans
des proportions différentes, suivant les montants surpayés. C'est
vrai dans certains cas, mais ce n'est pas vrai dans tous les cas, M. le
Président. Je pense que c'est important de faire la distinction.
C'est à la suite de certaines questions et de certaines
discussions que je suis allé aux sources d'information. À l'aide
sociale, lorsque le paiement en trop procède d'une erreur administrative
de l'agent de l'aide sociale et non pas d'une fausse déclaration ou
enfin de la "mauvaise foi" du requérant, lorsqu'il procède
strictement d'une erreur administrative, il n'y a pas de réclamation qui
est faite à celui qui a bénéficié d'un
trop-payé. Je ne sais pas si l'on s'entend là-dessus. Mes sources
d'information, en tout cas, les renseignements que j'ai pris m'amènent
à cette conclusion.
Quand il parle des surpayés, M. le Président, le
député de Portneuf, c'est devenu classique maintenant,
réfère toujours au chiffre de 6 000 000 $. Et la façon
dont il en parle laisse l'impression, pour quelqu'un qui ne va pas au bout de
l'exercice, que les surpayés ou enfin le montant de 6 000 000 $ en
surpayé référerait à une année d'exercice
financier.
M. le Président, soyons clairs une fois pour toutes. Essayons
entre nous de nous entendre. Les 6 000 000 $ surpayés sont le cumulatif
qui existe depuis le temps que la commission est là. Ce ne sont pas des
surpayés pour une seule année. Je voudrais encore une fois qu'on
soit clair à cet égard.
On a parlé également du déficit. On a
commencé il y a trois semaines ou un mois à parler de 80 000 000
$. Aujourd'hui on parle de 60 000 000 $. Quel chiffre utilisera-t-on la semaine
prochaine? Je ne le sais trop. Vous savez, administration pour administration,
je voudrais essayer de rappeler un petit souvenir à mes collègues
d'en face, particulièrement au député de Portneuf, parce
qu'il était là au moment où s'est déroulé
l'événement dont je parle et que je vais brièvement
décrire.
Au début des années 1970, il y a avait la Commission des
accidents du travail. Les administrateurs de l'organisme en étaient
venus à la décision de procéder à indexer les
indemnités auxquelles les accidentés avaient droit. Cette
indexation, cependant, ne rejoignait pas la totale indexation de l'indice des
prix à la consommation. On a commencé avec 2%, on a
augmenté autour de 1972-1973 à 3%. Voici qu'en 1975 - on va
certainement se rappeler qui administrait le Québec en 1975 -
après une étude actuarielle, on en vient à la
décision d'une part d'indemniser suivant le taux d'augmentation de
l'indice des prix à la consommation et d'autre part d'indemniser tous
les accidentés du travail. Toute l'opération se fait sans que la
Commission des accidents du travail, qui allait devoir vivre avec les
conséquences des décisions qu'on prenait, sans qu'en aucune
circonstance on ait informé l'organisme qui allait devoir vivre avec ces
décisions-là. Savez-vous quel résultat cela a
donné, M. le Président? Quand, en 1975, on a décidé
de donner la pleine indexation aux accidentés, cela a donné un
déficit actuariel de 304 000 000 $ ou 305 000 000 $ que, du jour au
lendemain, sans information préalable, sans avertissement
préalable, on a transféré à la Commission des
accidents du travail. On a dit: arrangez-vous avec le bébé qu'on
vous transmet.
M. le Président, aujourd'hui qu'est-ce qu'on est obligé de
faire? On est obligé de cotiser les employeurs, à raison de 28
000 000 $ par année, jusqu'à l'année 2002 pour amortir ce
déficit actuariel de 1975 que le gouvernement libéral du temps a
transféré à la Commission des accidents du travail sans
avoir eu l'élémentaire décence de l'informer avant.
Quand aujourd'hui on vient nous parler d'imprévoyance, de
mauvaise administration, qu'on se regarde un peu, ceux qui ont pris des
décisions de la nature de celle dont je viens de parler.
M. le Président, le député de Portneuf a
également parlé de traitements de physiothérapie. Les
statistiques nous amènent à la conclusion que, dans l'état
actuel des choses, le nombre de traitements de physiothérapie chez les
accidentés varie de 40 à 240. Il serait important de savoir qu'il
y a plus de traitements de physiothérapie payés par individu pour
des accidentés du travail, que par la Régie de
l'assurance-maladie du Québec pour tous les autres malades à
travers le Québec qui ont besoin de traitements de
physiothérapie. Et, assez récemment, M. le Président, une
délégation d'Allemagne était de passage au Québec
et cette délégation nous donnait des informations quant à
la philosophie qui était retenue ou enfin, la méthode qui
était utilisée quant aux traitements de physiothérapie.
Dans le régime public en Allemagne, la loi prévoit un maximum de
18 traitements de physiothérapie. Et dans le cas des accidentés
du travail, le maximum prévu est de 30 traite- ments de
physiothérapie par accidenté, alors qu'ici, les statistiques, les
renseignements que l'on a à notre disposition, démontrent qu'il y
a une moyenne de 40 à 240 traitements de physiothérapie par
accidenté. Alors, M. le Président, je sais que le
président-directeur général de la commission veut formuler
certains commentaires. Je vais lui laisser la parole immédiatement et je
comprends que les dix dernières minutes me sont
réservées.
M. Pagé: Mon collègue a des questions, M. le
Président.
Le Président (M. Brouillet): Si je calcule ce qui reste du
temps, vous avez déjà utilisé 65 minutes: 20, 20 et 25. Je
vais simplement comptabiliser la derrière intervention.
M. Pagé: Il resterait 30, 30.
Le Président (M. Brouillet): Oui, alors, vous avez pris 20
minutes. Donc, 60 minutes et 65. Si vous voulez, on peut vous laisser
peut-être 5 minutes, cela ferait 70. Il resterait 10 minutes. Il y a une
entente pour terminer à 12 h 30. Alors, écoutez, je vous laisse 7
à 8 minutes, disons. Il restera 12 minutes pour... Cela va?
M. William Cusano
M. Cusano: Merci, M. le Président. Le député
de Prévost, chaque fois qu'il vient ici en Chambre, ressort toujours la
même cassette. Il se réfère à des républiques
de bananes. J'aimerais bien lui rappeler que je n'ai aucune leçon
à recevoir de lui en tant que parlementaire dans une province
très démocratique. Si le but du gouvernement du Québec,
c'est de faire du Québec une république de bananes, qu'il le
garde pour lui. Je pense que la population québécoise ne partage
pas ses idées sur ce point, M. le Président. Et, à aucun
moment, je n'accepte qu'il dise que nous, de l'Opposition, nous n'avons pas le
droit de parole ici à l'Assemblée nationale du Québec. On
n'est pas dans une dictature, M. le Président. On n'est pas dans une
dictature et on ne l'accepte pas. Le grand démocrate, oui, qui parle,
mais démocrate jusqu'à un certain point... La loi 111,
c'était vraiment un exemple parfait de la démocratie en
action.
Lorsque le ministre du Travail, lui, nous dit: J'ai certaines sources.
Il les connaît très bien. Je voudrais le référer,
lorsqu'il parle du déficit, à un document de la CSST. Il vient
nous dire que le déficit anticipé pour l'année 1983 est de
40 000 000 $. Moi, je ne vois pas les mêmes chiffres ici: on parle de 48
000 000 $.
M. Fréchette: Quelle date, votre
papier?
M. Cusano: Ah! Alors vous révisez les choses pour
organiser cela. Bon! C'est cela. Lorsque j'ai avancé la
possibilité d'un déficit de 80 000 000 $, M. le
Président...
M. Pagé: Plus on critique, plus le déficit
baisse.
M. Cusano: C'est cela. Plus il y a de critique et plus on s'en va
à la baisse.
M. Pagé: On va continuer. On va continuer.
M. Cusano: Alors, on devrait être ici tous les jours et il
n'y aura plus de déficit.
Une voix: Où est-ce qu'ils trouvent l'argent?
M. Cusano: Lorsque j'ai avancé le montant de 80 000 000 $,
je voudrais bien qu'on sache que j'avais bien dit que, si on se basait sur les
erreurs magistrales des années antérieures sur les
prévisions, le déficit tel quel pourrait très bien se
rendre à 80 000 000 $ et même plus. C'est ce qu'on a dit, M. le
Président.
Le député de Prévost fait de belles affirmations
ici dans cette Chambre lorsqu'il nous dit que le nombre d'accidentés,
cette année, va diminuer. Il peut me corriger, je lui en donne la
permission. Il a employé le chiffre de 310 000. Je lui suggère
qu'il se réfère à des procès-verbaux de la CSST
où on dit qu'il y a 2500 réclamations par jour. Si on compte 200
jours ouvrables par année, M. le Président, pour moi, cela ne
fait pas 310 000. C'est plutôt 500 000. Comment expliquez-vous cela? Je
me réfère à un document que vous devez connaître, M.
le député de Prévost, d'accord? Un document que vous devez
certainement connaître. Je voudrais me référer aux buts de
la CSST. Je n'étais pas ici en Chambre lorsqu'il y a eu les discours sur
la présentation du projet de loi, mais j'ai pris, malgré tout, le
temps de lire les interventions des députés de l'autre
côté de la Chambre. On a dit: On va mettre tout cela ensemble, les
programmes de prévention et d'inspection pour diminuer les accidents
dans la province de Québec.
Je voudrais vous référer à quelque chose, M. le
Président et M. le ministre. À la page 7 de votre premier
document de travail, on remarque que, en 1979, la population active - ce ne
sont pas mes chiffres, ils viennent du ministère - des deux sexes est de
2 878 000. En 1982, de 2 889 000. D'accord, on continue. On trouve qu'il y a
une différence énorme. La population active est constante mais
lorsqu'on se reporte à l'autre colonne, on s'aperçoit que le
nombre d'emplois, depuis 1979, pour la même période que je vous ai
citée, a diminué de 500 000. Comment expliquez-vous que moins il
y a de travail, plus il y a d'accidents? C'est un beau succès, cela,
chez vous! Vous acceptez cela? Ou plus il y a d'accidents, moins il y a de
travail. Je ne sais pas lequel est lequel, M. le Président.
C'était le but de la CSST. On pourrait continuer sur cela. (12 h 15)
Le ministre nous parlait des cas particuliers. On a posé des
questions sur les programmes qui existent à la CSST, comme les
programmes d'exception. Je me réfère -ce n'est pas moi qui les
invente, ce sont vos propres procès-verbaux - à la réunion
du 19 avril 1982. On nous dit qu'il y a des programmes qu'il faudrait cesser.
À la deuxième page, je lis textuellement: "Il faudra mettre fin
à toutes sortes de procédures expérimentales ou
d'exception qui ne sont pas conformes à ce qui est décrit dans
les manuels d'opérations."
On a posé cette question. Le député de
Prévost dit: C'est normal qu'on ne puisse donner toutes les
réponses. Je pense que c'est fondamental. Vous avez demandé
à vos propres agents, à la fin, de s'assurer qu'ils fassent
parvenir à l'adjoint administratif du vice-président, la liste
des procédures d'exception.
Une voix: ...
M. Cusano: Ahl Vous n'avez pas fait le suivi. Ah bon! Merci.
M. Fréchette: On a fait le suivi. Il n'y en a pas.
M. Cusano: Si vous dites qu'il n'y en a pas, je vais vous en
donner un, M. le Président.
M. Fréchette: Oui, s'il vous plaît!
M. Cusano: Je vais vous en donner un. Vous me direz à quel
programme cela correspond. Il y a le cas d'un accidenté. Je ne
mentionnerai pas son nom mais je vais vous donner son numéro de dossier:
694-607. Une personne qui était... Pardon?
Une voix: Son numéro d'assurance sociale.
M. Cusano: Vous voulez avoir son numéro d'assurance
sociale. Je vais vous le donner. C'était le numéro de
réclamation. C'est un document qui vient d'un de vos bureaux.
Pardon?
M. Fréchette: II manque un chiffre.
M. Cusano: C'est tout ce que j'ai, M. le Président. C'est
signé par un de vos chefs
de division, M. Roger Montigny. Cette personne existe? Vous ne savez
pas. En tout cas vous allez vérifier.
Ce monsieur en question reçoit une lettre de M. Roger Montigny,
chef de division de Rimouski. M. le Président, vous permettez, parce que
c'est bien important de régler ce cas ici: Nous avons un cas... Ce
cas-ci se réfère à la situation de deux frères.
L'un a subi un accident grave à l'épaule; il est indemnisé
par la CSST et tout à coup, il reçoit une lettre et je vous la
lis: "À la suite de l'étude de votre dossier, nous
désirons vous informer qu'une assistance financière de 15 000 $
vous a été accordée pour achat d'équipement, soit
une débusqueuse." D'accord? Pas d'objection, M. le Président? Je
ne sais pas selon quel programme, mais si cela peut aider l'accidenté,
tant mieux, mais ce que je trouve très étrange...
Deuxième lettre, celle-ci porte le numéro de
réclamation 7304-090. Elle est adressée à son frère
qui a subi un accident mineur à un doigt. Il ne reçoit aucune
indemnité de la CSST alors ce ne peut pas être très grave.
M. le Président, je vais vous lire la lettre qu'il a reçue:
"À la suite de l'étude de votre dossier, nous désirons
vous informer qu'une assistance financière de 15 000 $ vous a
été accordée pour l'achat d'équipement, soit une
débusqueuse." Deux frères, l'un blessé gravement, l'autre
légèrement. On accorde à cette famille 30 000 $ pour
acheter de l'équipement qui ne doit pas servir à grand-chose.
Ah! Vous trouvez cela drôle, M. le Président. Non, pas M.
le ministre. M. le Président trouve que cela est drôle. Je
voudrais savoir, et j'ai beaucoup d'autres exemples... Le ministre nous a dit
tout à l'heure: Si vous avez des exemples, apportez-les. On les apporte,
M. le Président.
M. Fréchette: Très bien.
M. Cusano: On voudrait savoir s'il s'agit d'une erreur
administrative. On sait que vous êtes doté de toutes sortes
d'ordinateurs. Quand on envoie des lettres à quelqu'un on appuie sur un
bouton et cela sort. Est-ce une erreur administrative quand on donne exactement
la même chose à deux membres de la même famille pour des
accidents totalement différents? Est-ce une erreur administrative?
Une voix: Ou une politique dérogatoire?
M. Cusano: Est-ce une politique dérogatoire? Ah bon'.
C'est très régulier.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Viau...
M. Cusano: Oui, en terminant...
Le Président (M. Brouillet): ...peut-être une
minute, s'il vous plaît, pour préciser votre cas et votre
question, après quoi on pourra céder la parole, pour
terminer...
M. Cusano: Le point auquel je veux en venir...
Le Président (M. Brouillet): ...à l'autre
parti.
M. Cusano: II y en a beaucoup d'autres qu'on pourrait à
apporter. On demande une commission parlementaire parce qu'on veut savoir si
ces programmes s'appliquent à toute la province ou si c'est seulement
dans certaines régions. Est-ce du favoritisme, parce que certaines
personnes appartenaient à un certain parti politique?
M. Fréchette: Partout.
M. Cusano: Ah bon! Cela s'applique partout.
M. Pagé: C'est dans votre mandat d'acheter des
débusqueuses.
M. Cusano: Oui, justement, acheter de l'équipement qui n'a
servi que deux ou trois semaines. J'aurais beaucoup d'autres cas. Le ministre
disait tout à l'heure qu'il était normal d'aller chercher de
l'information à la CSST. Je suis d'accord avec lui à 100% pour
aller chercher de l'information à la CSST. Ce que je n'accepte pas c'est
qu'on se serve d'un employé de la CSST, payé par des fonds des
employeurs, comme attaché politique. Cela me surprend de votre part que
vous l'ayez demandé. Quand vous avez reçu ce document, avant de
le déposer, vous l'avez certainement lu. J'ai remarqué que
peut-être... Je ne sais pas qui est votre attaché politique mais
cela a été bien fait de la part Mme Kerjean. Mais où est
l'éthique dans tout cela? Est-ce qu'un employé d'une commission
doit maintenant préparer des discours politiques pour le ministre? Vous
trouvez que c'est drôle...
M. Fréchette: M. le Président...
M. Cusano: Ils trouvent que c'est drôle,
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Viau...
M. Cusano: II faut faire la différence entre...
M. Fréchette: Son temps est fini, M. le Président,
surtout pour des platitudes comme celles-là, arrêtez-le au plus
vite.
M. Cusano: Ah bon! Ah bon! Faites la différence entre
aller chercher de
l'information et la préparation d'un discours. Cela n'est pas
acceptable.
M. Fréchette: Question de règlement. Vous m'avez
indiqué que ce n'était que sur le temps qu'on pouvait intervenir
en matière de règlement.
Le Président (M. Brouillet): Oui... M.
Fréchette: J'interviens.
Le Président (M. Brouillet): Je crois que cela est
terminé, M. le député de Viau...
M. Pagé: On en aurait encore pour quelques jours.
Le Président (M. Brouillet): Je sais bien, mais enfin,
quand 300 000 personnes font des réclamations, il est bien
évident...
M. Cusano: C'est vrai, vous avez absolument raison, M. le
Président. C'est pour cela que...
Le Président (M. Brouillet): ...que cela pourrait
être très long si on passait tous les cas...
M. Cusano: ...vous semblez être d'accord sur la
nécessité d'une commission parlementaire.
Le Président (M. Brouillet): Pour terminer, je vais
accorder dix à quinze minutes - disons qu'on peut aller jusqu'à
12 h 35 - parce qu'on a été très large à
l'égard...
M. Cusano: II a voulu m'interrompre, on va aller à 12 h
30.
Le Président (M. Brouillet): ...du temps consacré
à l'Opposition. Je cède la parole au...
Remarques du président de la CSST
M. Robert Sauvé
M. Sauvé (Robert): M. le Président, je suis
très étonné des remarques du député de
Portneuf parce que j'ai relu les transcriptions du débat du Il mai. M.
le député de Portneuf m'a questionné de Il h 25 à
Il h 55 et j'ai répondu de Il h 55 à 12 h 30. Alors, ou bien on
n'a pas écouté ou bien on n'a pas lu. Il y a un paquet de
réponses dans ce document...
M. Pagé: M. le Président, question de
règlement.
M. Sauvé: ...qui sont les transcriptions de la Chambre. M.
le député de Portneuf parle...
M. Pagé: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Brouillet): Une minute, s'il vous
plaît! Je ne vois pas en quoi il peut y avoir une question de
règlement.
M. Pagé: Je m'excuse, M. le Président, parce que M.
le juge Sauvé ne dit pas toute la vérité. Je vous ai
demandé de me produire des documents. Je vous ai demandé la
ventilation de coûts et la ventilation d'accidentés sur une
quinzaine de questions. Relisez le journal des Débats, à moins
que vous n'ayez pas compris ou que vous n'ayez pas écouté, M. le
juge, je m'excuse...
M. Sauvé: Nous sommes deux à ne pas le comprendre,
je pense.
M. Pagé: Je vous ai même offert de prendre tout le
temps qu'il fallait dans les jours suivants pour me fournir les réponses
et je n'ai jamais eu de réponse.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, M. le
député de Portneuf. Vous avez formulé ce genre de
questions tantôt, alors on va laisser au président le soin de
fournir la réponse.
M. Sauvé: M. le Président, je pense que
tantôt le député de Portneuf a parlé de
l'augmentation des coûts des accidents. Il y a trois choses fort
importantes qu'il faut dire. Le maximum assurable a augmenté
sensiblement depuis 1976. En 1976, il était de 13 500 $ et il est
passé à 15 500 $ l'année suivante, à 18 000 $ en
1978, à 20 000 $ en 1979, à 21 500 $ en 1980, à 23 500 $
en 1981, à 26 000 $ en 1982 et à 29 000 $ en 1983, pour couvrir
toujours 83% du salaire de tous les travailleurs. Cela, je pense que c'est fort
important et c'est un principe qui est reconnu dans tout le Canada comme une
base essentielle. Nous indemnisons à 150% du salaire moyen pour
l'année suivante. C'est de cette façon qu'on se tient entre 83%
et 85% du salaire plutôt que d'envoyer les gens à l'aide
sociale.
De cette façon, en 1984, le maximum assurable sera de 81 000 $.
Par voie de conséquence, il faut également se rappeler que
l'inflation est allée partout. Les salaires ont augmenté, donc
les indemnités ont suivi le rythme de vie du Québec. On est
passé de 13 500 $ à 29 000 $. Ensuite, on a indexé les
rentes pendant la même période: Il,2% en 1976, 8,2% en 1977, 9% en
1979, 9% en 1980, 9,9% en 1981, 12,3% en 1982 et Il,2% en 1983. Je pense qu'il
faut donner ces chiffres-là. Il faut avoir l'honnêteté de
donner le tableau au complet.
J'ai beaucoup de misère à vous suivre
parce que le député de Portneuf me dit: Vous ne faites pas
assez de prévention. Le député de Sainte-Anne dit: Vous
faites trop d'inspection. Pourtant l'inspection c'est un des moyens de faire de
la prévention, c'est pour cela que j'ai de la misère à
vous suivre.
Quand on parle de l'objectif de la loi, je comprends que vous vous y
intéressiez, parce que vous avez voté contre la loi 17 en
deuxième et en troisième lecture, la Loi sur la santé et
la sécurité...
M. Pagé: Question de règlement, M. le
Président. On va régler ce point tout de suite. Question de
règlement. Je m'excuse. C'est un droit que j'ai, ici, comme
parlementaire devant une personne qui n'est pas politique et qui vient
d'affirmer ce qu'elle vient d'affirmer. M. le Président, je vous demande
la parole.
Le Président (M. Brouillet): M. le
député...
M. Pagé: Je vous demande la parole.
Le Président (M. Brouillet): ...dans les questions avec
débat, les questions de privilège ne sont pas reconnues et...
M. Pagé: Je vais dire devant les caméras ce que
j'ai à...
Le Président (M. Brouillet): ...le droit de parole de
chacun est déterminé. Je crois que vous aurez l'occasion de
revenir sur cela. Vous avez d'autres tribunes. Si, à chaque fois...
M. Pagé: Je viens de dire...
Le Président (M. Brouillet): Écoutez, si à
chaque fois que l'intervention d'une personne ne fait pas l'affaire, on
intervient, on interviendrait sans arrêt.
M. Pagé: Non, vous permettez... Le Président (M.
Brouillet): Alors...
M. Pagé: Vous permettez? Il vient de dire qu'un juge porte
un jugement sur une décision politique d'un parti politique?
Le Président (M. Brouillet): Je n'ai pas entendu de
jugement sur une décision. J'ai entendu qu'il a relaté un fait,
en disant que vous aviez voté contre. Ce n'est pas porter un jugement
que de dire ce qui est connu par toute la population du Québec. Quand un
parti politique vote pour ou contre...
M. Pagé: II était en train de faire une
appréciation politique.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Portneuf, quand un parti politique vote pour ou contre un projet de loi, c'est
un fait public, connu...
M. Pagé: On a bien fait à part de cela.
Le Président (M. Brouillet): ...et ce n'est pas une
question de jugement.
M. Pagé: Mais il n'a pas...
Le Président (M. Brouillet): Il n'y a pas de question de
privilège sur cela, je m'en excuse. Il n'y a pas de question de
règlement non plus. M. le...
M. Sauvé: Je reviens à la question de la Loi sur la
santé et la sécurité. Dans tous les pays où on a
fait une loi à peu près semblable, cela a pris cinq ans à
la mettre en oeuvre. Nous, je pense que nous réussirons en dedans de
trois ans. Cela, c'est fait avec un conseil d'administration à qui il
reste à adopter tous les règlements et nos lois sont nombreuses,
comme on l'a dit. Il ne faut pas oublier, en ce qui concerne cette loi, qu'on a
hérité de 6 lois et de 27 règlements qui existaient. Nous
avons adopté, à la commission, environ une dizaine de
règlements.
Je voudrais aussi vous dire que les indemnités avec perte de
temps ont baissé de 196 493 en 1981 à 165 316 en 1982. Il y a
donc une diminution de 12,2%, c'est fort important.
Concernant cette loi tout est établi par le conseil
d'administration. Il fait des comités paritaires pour étudier les
règlements. Si j'avais le temps... Je l'ai expliqué l'autre jour
à la commission des crédits, je ne veux pas revenir
là-dessus. Quand on parle et qu'on lance en l'air des réunions
à l'Alpine Inn. Oui, il y a eu des réunions à l'Alpine
Inn. Une fort importante, tous les directeurs de réparation de la
province de Québec étaient là avec les chefs de service de
la réparation. Avant de faire cela, nous avons regardé les
coûts pour savoir si nous faisions la réunion à
Montréal ou à Québec et cela nous coûtait moins cher
d'avoir un forfaitaire à l'Alpine Inn que de la faire à
Montréal ou à Québec. Il n'y a rien pour en parler
à ses parents. C'est fort important.
Quant à mon bureau - on en parle souvent du bureau de
Québec - je suis particulièrement fier que ce soient les ouvriers
de la commission qui l'aient fait. Ce qu'il faudrait ajouter, c'est que tous
les bureaux des commissaires du temps et le mien ont été refaits
pour gagner de l'espace. Je peux vous dire qu'avant mon arrivée, dans
chaque bureau de commissaire il y avait une salle de toilette. On trouvait que
c'était un peu trop, puis on avait besoin d'espace; alors
les bureaux ont été refaits par nos propres travailleurs
qui ont fait un travail fantastique avec les moyens du bord. Par exemple,
prendre du contre-plaqué et le teindre, cela fait un bureau avec un mur
qui est très joli. Cela ne fait pas un mur luxueux. Il faudrait venir le
voir, je vous ai invité et je le ferai avec plaisir.
Quand on parle des surpayés, M. le Président, on a dit
qu'il y a une politique très claire qui existe depuis 1977 et qui
corrige cette situation à mesure que cela se produit.
Le Président (M. Brouillet): J'ai dit tantôt que je
donnais jusqu'à 12 h 35 par le fait que j'ai été
très tolérant à l'égard de...
M. Sauvé: La téléphonie, M. le
Président...
Le Président (M. Brouillet): Monsieur, vous avez donc
quelques minutes et si M. le ministre veut clore, vous avez jusqu'à 12 h
35.
M. Sauvé: Concernant la téléphonie, M. le
Président, le conseil d'administration étant conscient que nous
avions un problème à Montréal, nous avons installé
un nouveau système téléphonique qui est entré en
service le 1er avril. Fort intéressant, le nombre d'appels auxquels on a
répondu varie entre 88% et 97%. Les grands magasins tolèrent 15%
d'appels rejetés, nous en tolérons moins. (12 h 30)
Ce qui est de plus intéressant, c'est que la moyenne d'attente
est de 13 à 30 secondes. Cependant, si vous voulez parler à M.
Cusano à titre d'exemple et qu'il est en train de traiter un cas avec un
autre accidenté et que vous voulez l'attendre, forcément vous
allez attendre plus longtemps. La moyenne d'attente pour les 1700 appels qui
entrent par jour à la Direction régionale de Montréal
varie de 13 à 30 secondes. Je ne pense pas que ce soit énorme.
C'est le genre de service de qualité qu'on veut donner à nos
travailleurs accidentés et aux employeurs. Nous sommes très
respectueux de toutes ces politiques.
Conclusion M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: M. le Président, une très
courte conclusion quant à moi pour essentiellement vous dire une chose.
L'attitude de l'Opposition n'est pas étonnante depuis qu'on a
commencé l'opération qu'on sait. Je ne ferai que revenir sur le
fait très précis connu publiquement que le
président-directeur général de la commission a
soulevé dans son argumentation que ce Parti libéral a voté
non seulement contre les modalités d'application dont on se plaint
aujourd'hui, non seulement la méthode ou le processus d'administration,
mais le Parti libéral, M. le Président, comme d'ailleurs dans
toutes les lois qui ont innové au Québec, qui ont eu pour
objectif le mieux-être de l'ensemble de la population d'une
catégorie de la population, a toujours voté contre. Il a
voté non seulement contre les modalités, mais contre le principe
même de la loi 17. Et alors, la démarche qu'on est en train de
mener n'est pas étonnante. Elle est d'autant plus axée dans la
philosophie de ce parti que, depuis deux ou trois mois - vous l'aurez
remarqué, M. le Président, vous siégez ici -il y a une
stratégie qui se développe dans l'Opposition libérale en
vertu de laquelle on s'attaque systématiquement aux institutions, aux
commissions, aux organismes, aux lois et règlements dont les objectifs
sont d'assurer la protection des plus faibles: les travailleurs
accidentés, les travailleurs de la construction. On s'attaque au
règlement de placement. Et cela, c'est une stratégie qu'on
développe depuis un mois, deux mois, trois mois et qui s'inscrit
d'ailleurs dans la philosophie politique de ce parti.
M. le Président, souvenons-nous simplement qu'il y a, mon Dieu,
deux semaines, trois semaines, on a fait ici un débat d'urgence. Un
débat d'urgence dont l'objectif était, de façon indirecte
bien sûr, de façon détournée, d'arriver à
faire en sorte que le gouvernement soit convaincu par l'argumentation qu'on
développait, à savoir qu'il nous fallait, au 1er mai
dernier, décréter que les travailleurs de la construction
n'auraient pas leur augmentation dûment négociée.
Des voix: Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai.
M. Fréchette: Voilà un exemple, M. le
Président. Là on s'attaque systématiquement à un
organisme dont les objectifs très précis sont d'aider les
travailleurs accidentés. Or, la démarche ne m'étonne pas,
ne me surprend pas. Cela s'inscrit dans la philosophie de ce parti
politique.
Le Président (M. Brouillet): Je remercie tout le monde. Le
mandat qui avait été confié à la commission a
été accompli. Je déclare donc l'ajournement sine die des
travaux de cette commission.
(Fin de la séance à 12 h 34)