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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le lundi 31 mai 1982 - Vol. 26 N° 117

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition d'organismes relativement au défaut d'entente sur les modifications à apporter au décret de la construction


Journal des débats

 

'Quinze heures dix minutes)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît'. Messieurs, mesdames, si vous voulez bien prendre vos places.

La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu se réunit afin d'entendre des organismes en regard des raisons motivant l'impossibilité de s'entendre relativement aux modifications à apporter au décret de la construction adopté par le décret 3938-80 du 17 décembre 1980. Les membres de cette commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brassard (Lac-Saint-Jean) remplacé par M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Dauphin (Marquette), M. Dean (Prévost), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lavigne (Beauharnois) remplacé par M. Marquis (Matapédia), M. Marois (Marie-Victorin), M. Perron (Duplessis) remplacé par M. Leduc (Fabre), M. Rivest (Jean-Talon) et M. Vallières (Richmond). Avez-vous des changements, M. le député de Jean-Talon, pour cette commission?

M. Rivest: Non, nous ne serons que deux. Oh! II y a M. Bélanger.

M. Bélanger: II y a moi qui remplace M. Vallières.

Le Président (M. Laplante): II me semblait bien, parce que je ne retrouvais pas votre nom.

M. Bélanger: Oui, mon cher monsieur, c'est important.

Le Président (M. Laplante): M. Vallières (Richmond) est remplacé par M. Bélanger (Mégantic-Compton).

M. Bélanger: C'est cela.

Le Président (M. Laplante): Les intervenants sont: M. Chevrette (Joliette), M. Gauthier (Roberval), M. Hains (Saint-Henri), M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), M. Leduc (Fabre) remplacé par M. Perron (Duplessis), M. Mailloux (Charlevoix), M. Paquette (Rosemont), M. Polak (Sainte-Anne) et M. Rochefort (Gouin). J'aimerais avoir une suggestion pour un rapporteur, s'il vous plaît. M. Ouellette (Beauce-Nord)?

M. Ouellette: Oui.

Le Président (M. Laplante): Maintenant, les groupes qui se feront entendre aujourd'hui sont les suivants, que je vous donne par ordre d'entente: le premier groupe sera le Syndicat des travailleurs de la construction du Québec (CSD); le deuxième groupe sera la Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois (CSN); le troisième groupe, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international); le quatrième groupe, la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ-Construction); le cinquième groupe, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Seulement ces cinq groupes présenteront des mémoires aujourd'hui.

Il y a une entente autour de la table entre les partis. Vu qu'actuellement nous n'avons reçu que deux mémoires écrits, il y aura une période d'environ dix à quinze minutes pendant laquelle vous pourrez exprimer ou résumer votre mémoire, après quoi il y aura une période de quinze à vingt minutes de questions. Je voudrais que ce soit entendu pour tout le monde, à cause de la complexité des interventions et du travail qu'il y aura à faire après la présentation.

M. Lavallée (Jean): Jean Lavallée, de la FTQ-Construction. M. le Président, je trouve qu'étant donné que nous représentons 46%, si on donne à tous le même temps, on en a peut-être un peu plus que pour quarante minutes dans notre temps.

Le Président (M. Laplante): Monsieur, je veux vous arrêter. Ce n'est pas habituel, ce que vous faites là. Il reste que les membres de la commission vont juger eux-mêmes.

M. Lavallée: Vous nous dites...

Le Président (M. Laplante): On n'a rien coulé dans le ciment.

M. le ministre, avez-vous des...

Remarques préliminaires M. Pierre Marais

M. Marois: Oui, M. le Président, j'ai des remarques. Très rapidement, je voudrais saluer à nouveau mes collègues membres de cette commission. C'est devenu une habitude pour cette commission, qui abat beaucoup de

travail ces jours-ci. Je voudrais également saluer tous les porte-parole des divers organismes qui sont réunis aujourd'hui, qui ont bien voulu se déplacer un lundi, mais je pense bien que tout le monde comprend qu'il fallait le faire absolument aujourd'hui, puisque chacun sait que le décret présentement en vigueur dans la construction prend fin à minuit ce soir. Je me permets de comprendre que ce n'est certes pas la volonté de quelque organisme ou groupe ayant des intérêts immédiats dans cette affaire, ni certainement l'intention de quelque membre de cette commission de faire en sorte qu'on puisse se retrouver devant un vide juridique à minuit ce soir. C'est pourquoi, au meilleur rythme possible de nos travaux, c'est bien mon intention - je le dis très clairement - de pouvoir formuler des recommandations en soirée, avant minuit, pour adoption, à un Conseil des ministres spécial qui statuera définitivement, comme le prévoit la loi. (15 h 15)

Nous sommes donc réunis, je le disais, pour entendre les parties, conformément au paragraphe 4 de l'article 51 de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, qui prévoit que "le gouvernement peut aussi, sur la recommandation du ministre, prolonger, abroger ou modifier le décret sans le consentement de l'association d'employeurs ou des associations de salariés quand il est d'avis que dans l'intérêt public, cette solution est la seule qui puisse remédier à la solution existante; il ne peut toutefois modifier ainsi le décret, sans que ces associations ne soient invitées à être entendues devant la commission parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration, quant aux raisons motivant l'impossibilité de parvenir à une entente relativement aux modifications à apporter au décret." La loi prévoit quelles sont les parties syndicales qui sont nommées dans la loi, de même que l'association d'employeurs qui est spécifiée au paragraphe c de l'article 1 est l'Association des entrepreneurs en construction du Québec.

M. le Président, je ne voudrais absolument pas abuser du temps, puisqu'on est là pour entendre les parties, mais il me paraît important - puisqu'il se produit quelque chose qui est quand même un peu inusité à certains égards dans le domaine des relations du travail et, en particulier, dans le domaine de la construction, ce qui fait que nous sommes réunis ici aujourd'hui en commission parlementaire - de rappeler, très rapidement, quelques faits. Il faut se rappeler qu'à l'issue du vote qui a été tenu en novembre 1981 par l'Office de la construction du Québec, aucune des associations de salariés représentatives, conformément à la loi, n'a réussi à obtenir un degré de plus de 50%.

Compte tenu de ce qui précède, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, communément appelée l'AECQ, donnait avis à toutes les associations de salariés représentatives, et ce dès le 14 janvier 1982, de sa disponibilité pour les rencontrer et commencer sans délai les négociations.

Toutes les tentatives de la Fédération des travailleurs du Québec (construction), la FTQ-Construction, du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction international, le CPQMC international, de la Confédération des syndicats nationaux construction, la CSN-Construction et de la CSD pour en arriver à la signature d'un protocole d'entente entre toutes ou entre certaines de ces associations représentatives des travailleurs ont échoué.

Devant l'impossibilité de négocier avec des associations de salariés représentatives à un degré de plus de 50%, l'AECQ m'avisait par écrit, le 23 mars 1982, de sa décision de me remettre un projet de conditions de travail applicables à compter du 1er novembre 1982.

Le 30 mars 1982, l'AECQ m'a présenté une requête pour que le décret soit prolongé de deux années avec certaines modifications d'ordre pécuniaire.

Dès le 2 avril, j'ai désigné MM. Bernard Crevier et Denis Tremblay du service de conciliation du ministère, pour agir dans ce dossier. Après avoir rencontré toutes les parties intéressées, MM. Crevier et Tremblay en venaient à la conclusion qu'il n'y avait, de leur point de vue, à ce moment-là, aucune possibilité de rapprochement, particulièrement des associations de salariées représentatives entre elles.

Dès le début d'avril 1982, le 8 en particulier, l'AECQ, par la voix des journaux, adressait un message aux travailleurs de la construction, qui reprenait essentiellement le contenu de la requête pour modifications qui m'avait été soumise le 30 mars 1982.

Le 16 avril 1982, quelques jours plus tard, mon adjoint parlementaire, M. Robert Dean, député de Prévost, a tenté un ultime effort de conciliation auprès des associations de salariés représentatives en vue d'en arriver à ce qu'elles conviennent entre elles d'un protocole d'entente aux fins de la négociation. Dans les jours qui ont suivi, la Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ-Construction, et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international), le CPQMC, convenaient d'un pareil protocole et entamaient directement avec l'AECQ des pourparlers en vue de prolonger le décret en y apportant un minimum de modifications, surtout d'ordre pécuniaire. À la demande des intéressés, le 23 avril, j'ai désigné M. Raymond Leboeuf à

titre de médiateur spécial dans ce dossier.

En dernière heure, le 30 avril, le dernier jour du décret, le jour même de l'expiration du décret, les deux associations de salariés représentatives à un degré de plus de 50% et l'association d'employeurs en venaient finalement à une entente quant aux modifications à être apportées au décret pour les deux prochaines années. C'était, j'allais dire, une espèce de première, mais c'était une première; une entente de principe est intervenue entre les parties. Pour permettre la consultation des instances, les parties m'ont demandé de prolonger jusqu'au 31 mai 1982 le décret qui devait expirer le 30 avril précédent, ce qui a été fait.

Lors d'une assemblée générale tenue à Montréal le 19 mai, les membres de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, l'AECQ, n'ont pas accepté l'entente de principe intervenue le 30 avril. Donc, la loi prévoit, dans ce cas, que les parties sont conviées en commission parlementaire, ce que nous faisons aujourd'hui, pour entendre les parties nous faire part de leur point de vue, nous expliquer les raisons qui motivent l'impossibilité de parvenir à une entente. À la lumière de ces diverses considérations, notamment, bien sûr, de l'entente de principe intervenue, j'aurai à formuler des recommandations au Conseil des ministres, et le gouvernement procédera sans délai pour faire en sorte qu'il y ait un décret dans la construction.

Voilà, M. le Président - je m'excuse, je n'ai pas voulu abuser du temps - les quelques remarques préliminaires que je voulais formuler à ce moment-ci de nos travaux.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, en ce qui nous concerne, nous voulons - nous n'avons guère le choix, pas plus que l'ensemble des parties en cause - participer à une commission parlementaire qui, de toute évidence, est in extremis. Le ministre vient de faire état des efforts que lui-même, son adjoint parlementaire ainsi que le ministère du Travail ont fait au cours des derniers mois, avec l'ensemble des parties au dossier des travailleurs de la construction. Sans doute le ministre et ses collaborateurs ont-ils été de bonne foi de façon à éviter le genre de situation dans laquelle on se trouve placé. Je veux simplement lui rappeler que, derrière cette urgence à laquelle nous devons faire face, il y a le problème économique de l'ensemble de l'industrie de la construction. Quant à nous, on est quelque peu étonnés que, compte tenu des conditions économiques qui prévalent, ce ne soit que mardi dernier que le gouvernement a semblé commencer à être sensible, en termes économiques, en termes de développement économique, au problème de l'industrie, des travailleurs et des entrepreneurs dans le secteur. M. le Président, je dois vous dire que nous le regrettons profondément. Nous pensons aussi que le gouvernement aurait dû, par des mesures, au cours des dernières années, être beaucoup plus vigilant pour relancer ce secteur qui est à l'origine des problèmes, je pense bien, que l'on connaît en ce moment.

Deuxièmement, il y a la loi qui a été adoptée. À l'époque - je relisais, nous relisions les déclarations du ministre et du gouvernement - au moment de l'adoption de cette loi il y avait beaucoup d'optimisme. On pensait qu'on pouvait éviter les situations qu'on avait vécues dans le passé mais on a abouti à la même chose. Donc, sur le plan de la loi no 109 aussi, compte tenu de l'expérience que l'on vit, il y aurait peut-être lieu d'y jeter un second regard pour voir les avenues qui pourraient être ouvertes de manière à éviter ce à quoi on a assisté, c'est-à-dire une division très large de l'ensemble des travailleurs du secteur de l'industrie de la construction face aux employeurs qui, semble-t-il, connaissent également leurs problèmes. Alors, nous sommes prêts à regarder de nouveau, M. le ministre, cette dimension également.

En troisième lieu, les mémoires qui nous sont parvenus et les représentations que les différentes parties à la table vont faire soulèvent des questions extrêmement complexes. On participe à une commission parlementaire à quelques heures d'une décision qui est, elle aussi, extrêmement complexe, une décision que le Conseil des ministres devra, de toute évidence, prendre en soirée. On est un peu sceptique - je le dis en toute naïveté au ministre - sur l'attention qui sera accordée aux travaux de cette commission et aux influences que les travaux de cette commission auront ou pourront effectivement avoir sur la décision que le Conseil des ministres doit prendre ce soir. Mais, puisqu'on en est là, M. le Président, compte tenu des délais qui sont extrêmement impératifs, autant pour les travailleurs que pour les entrepreneurs en cause et, je pense, pour l'ensemble de la société québécoise - mon collègue de Mégantic-Compton est le porte-parole de l'Opposition dans ce dossier - nous entendons apporter à la commission parlementaire toute notre collaboration et je pense qu'elle doit s'exprimer en termes de célérité. Sans plus, M. le Président, ce sont les quelques remarques que je voulais vous adresser en début de séance.

Auditions

Syndicat des travailleurs de la construction de la CSD

Le Président (M. Laplante): Merci. J'appelle maintenant le Syndicat des travailleurs de la construction du Québec, la CSD, comme témoin. Si vous voulez prendre les places du centre, s'il vous plaît! Vous allez être obligés de vous déplacer, messieurs.

Pour les fins du journal des Débats, je vous demanderais d'identifier l'organisme que vous représentez ainsi que les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

M. Gingras (Claude): Claude Gingras, vice-président de la Centrale des syndicats démocratiques, représentant ici, à la commission parlementaire, le Syndicat des travailleurs de la construction du Québec (CSD).

Le Président (M. Laplante): Voulez-vous présenter le monsieur qui vous accompagne?

M. Gingras: M. Raynald Carey, président du Syndicat des travailleurs de la construction du Québec (CSD).

Le Président (M. Laplante): Merci. Allez-y, monsieur.

M. Gingras: M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire, la CSD tient d'abord à remercier le leader du gouvernement et la commission parlementaire pour son invitation.

Inutile d'insister sur le fait qu'à la CSD la participation sous toutes ses formes est une priorité absolue. Notre exposé sera court mais vise à exposer clairement la position de nos membres face à l'imbroglio actuel de l'industrie de la construction, ainsi que leurs aspirations.

La CSD-Construction représente 9000 travailleurs oeuvrant dans tous les secteurs de l'industrie de la construction. Depuis quelques années, on a assisté, au Québec, à la démocratisation de bon nombre de nos pratiques collectives. Avec 10% de représentation des travailleurs, la CSD-Construction illustre cette démocratisation dans les secteurs en cause.

La CSD-Construction provient de la volonté des travailleurs de donner priorité au pluralisme démocratique plutôt qu'au monopole de représentation. Fidèle à ce mandat clairement exprimé, la CSD-Construction a participé à toutes les démarches prévues, et dans les délais prescrits, afin de représenter ses membres dans la négociation.

La CSD-Construction a participé à toutes les rencontres convoquées par l'association patronale. Incidemment, la CSD et son syndicat de la construction déplorent le fait que certaines associations syndicales n'aient pas accepté le pluralisme démocratique en tentant plutôt de réactiver la notion dépassée du monopole syndical et en refusant systématiquement de participer à la négociation.

Cédant à cet essai de retour en arrière et renonçant au changement qu'il avait lui-même implanté et que les travailleurs avaient démocratiquement entériné, le ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a favorisé par ses interventions la monopolisation de la négociation. En effet, à la suite de la requête présentée au ministère par l'association patronale, la conciliation, la médiation et même l'intervention de l'adjoint parlementaire ont redonné aux "alliés naturels" la plate-forme du monopole.

Conséquemment, la CSD-Construction a été écartée de la négociation. Le retour en arrière, encouragé par le ministère, a éliminé la CSD-Construction du processus de négociation et cela, nous ne nous limitons pas à le déplorer, nous le dénonçons.

Avec de telles attitudes, comment voulez-vous que nous vendions à nos membres la bonne foi de l'actuel gouvernement?

La CSD-Construction, écartée du processus de la négociation, peut maintenant difficilement se prononcer sur tous les aspects du litige en cause.

Sur l'essentiel, toutefois, la CSD et son syndicat de la construction considèrent d'abord que la négociation n'est vraiment pas allée assez loin. Le normatif a été complètement laissé de côté: sécurité d'emploi, semaine de travail, périodes de vacances, etc.

Ensuite, la hausse salariale de 10% est basée sur une logique douteuse, si logique il y a. Selon une étude réalisée par le Service de recherche de la CSD en mars 1982 - je vous dispense de l'annexe qui est à notre document, vous pourrez la consulter à loisir, elle témoigne exactement de cette prise de position de la CSD - les travailleurs ont perdu dans les trois dernières années 8,8% au seul titre du pouvoir d'achat. La hausse salariale est donc non pas de 10%, mais de 1,2%. C'est complètement ridicule. (15 h 30)

À l'heure où on se parle, avec les taux d'inflation qu'on connaît, ce 1,2% est déjà périmé et les travailleurs ont déjà commencé à s'appauvrir. Dans ce secteur comme dans bien d'autres, ce ne sont pas les salaires versés depuis trois ans aux travailleurs qui ont provoqué la crise et le marasme. Progressivement et parallèlement, depuis trois ans, les travailleurs s'appauvrissaient et l'emploi régressait. Ceux qui prétendent que les 10% sont suicidaires ont complètement perdu le sens des réalités.

Le respect du pluralisme démocratique aurait pu éviter un tel appauvrissement des travailleurs, mais il est maintenant trop tard.

À la suite de la prolongation d'un mois accordée à la dernière minute par le ministère, il ne reste maintenant plus de délai. Pourtant, la CSD-Construction avait proposé un délai de trois mois, accompagné d'une hausse salariale immédiate, pour faire une vraie négociation, mais la proposition n'a pas été retenue. À la fin d'avril, on a préféré prolonger le décret d'un mois seulement. La CSD et son syndicat de la construction considèrent donc que le ministère n'a plus le choix. L'entente intervenue doit être respectée, mais, à l'avenir, il ne faudrait pas répéter ce qu'on a connu.

On a appris par les médias que le litige venait du fait que les entrepreneurs spécialisés dans le domiciliaire considéraient que le pourcentage de 10% était trop élevé. Raison de plus, selon la CSD, pour que l'entente soit respectée. Le débat de l'uniformisation des salaires entre les différents secteurs de l'industrie de la construction a été réglé il y a plus de dix ans et c'est inutile de revenir en arrière. En 1969, en effet, on a entrepris l'uniformisation des salaires du domiciliaire, du non-domiciliaire, du provincial, du régional, etc., et on sait au prix de quels débats toute cette négociation s'est faite. Pour la CSD et son syndicat de la construction, cette question est close. Jamais les travailleurs n'accepteront de revenir sur le principe du salaire égal à travail égal.

Ce qui importe, maintenant, c'est de remettre le monde à l'ouvrage dans un climat de confiance et de paix industrielle. La CSD considère que c'est cela, la priorité collective du Québec et, pour relancer l'économie, il faut que la construction redémarre. C'est pourquoi la CSD accepte, comme compromis, l'application de l'entente intervenue. Conformément aux pouvoirs qu'il possède, le ministre doit immédiatement décréter l'application de cette entente, entente à laquelle il a, incidemment, participé. L'industrie de la construction constitue actuellement dans notre société un des rares points de convergence des problèmes économiques et des préoccupations sociales. Il faut relancer l'économie et régler la crise du logement. Mettons-nous à l'ouvrage!

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier les porte-parole de la Centrale des syndicats démocratiques et de son syndicat de la construction de leur mémoire. Il y a l'annexe qui développe, de façon beaucoup plus importante, comme vous l'avez évoqué, ce que vous appelez l'évaluation de la perte du pouvoir d'achat sur la base des trois dernières années. Quant à l'ensemble des commentaires généraux, je prends bonne note de la recommandation sur laquelle vous avez insisté à la fin de votre mémoire. Je sais que mon collègue, l'adjoint parlementaire, le député de Prévost, aura quelques questions, commentaires et remarques à formuler. Je tiens à vous dire que je voudrais qu'il soit bien clair entre nous - chacun, bien sûr, est libre de ses interprétations, c'est ça la vie en société démocratique - que l'intention simple, seule et unique du ministère du Travail, du ministre et de son adjoint aura été, c'est pour cela que je me suis permis de faire le bref rappel historique de tout à l'heure, de tenter de contribuer à faire en sorte que puisse se dégager une entente entre les parties syndicales permettant que le processus de négociation, conformément à la loi, puisse s'engager.

J'ai pris bonne note des commentaires qui sont contenus dans votre mémoire, qui apportent un éclairage plus large sur l'ensemble des relations du travail. On est ici aujourd'hui pour examiner la question du décret. Vous avez une recommandation bien précise, ce qui n'exclut pas vos commentaires d'ordre plus général, qui seront certainement examinés au mérite.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation politique, je voudrais également remercier M. Gingras pour son exposé. Si j'ai bien compris, vous êtes prêt à accepter l'entente qui avait été convenue entre l'AECQ et les centrales syndicales en date du mois dernier.

Je n'ai pas d'autre chose à rajouter. Comme l'a mentionné le ministre, c'est évident qu'à la lecture de ce rapport, cela nous apporte encore plus d'éclairage. Je ne fais que vous remercier de vous être déplacés jusqu'ici.

M. Gingras: Nous vous remercions de nous avoir entendus.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Prévost.

M. Dean: M. le Président, je voudrais juste commenter certaines remarques du député de Jean-Talon et, particulièrement, une remarque du mémoire. Je trouve que le député de Jean-Talon y est allé un peu injustement dans ses remarques en disant que le gouvernement ne se préoccupe de la question de la construction que depuis tout récemment. Après tout, nous avons entrepris des programmes, tels que OSE, Logirente, dans le but de faciliter l'accès à la propriété

et, par le fait même, de stimuler l'industrie de la construction.

Il y a une autre chose qu'on a mentionnée l'autre jour, mais qu'il serait bon de mentionner dans le contexte de cette commission parlementaire. On nous dit que, cette année, le taux de vacance dans le logement familial est à 1% et que, dans une situation normale de taux d'intérêt, cela aurait automatiquement engendré la construction de 69 000 logements dans une année où le taux de vacance est si restreint, soit de 1%. S'il n'y a que 29 000 logements programmés pour la construction cette année, il faut quand même souligner en passant ce que pas mal tout le monde reconnaît, sauf le parti de l'Opposition du Québec. Le taux d'intérêt est la grande raison de la lenteur de la construction actuellement, surtout dans le secteur des logements domiciliaires familiaux.

En guise de commentaires, je veux juste ajouter que l'intervention du ministère du Travail n'était pas dans le but de favoriser quelque système ou quelque groupe que ce soit, mais, à défaut d'une alliance entre les quatre parties syndicales pour négocier à la table de négociations, notre intervention était, si possible, de convaincre les quatre parties syndicales reconnues par la loi de s'entendre. Malheureusement, il y en avait quatre et il n'y en a que deux qui se sont entendues. Heureusement, c'en étaient deux qui permettaient de former une majorité telle que définie par la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.

Effectivement, une entente négociée en a résulté, plutôt que la nécessité pour le gouvernement, soit de laisser aller les choses ou d'imposer une convention collective et un décret pour les prochaines années. Nous croyons toujours que le système de la négociation collective est destiné à permettre aux parties de s'entendre par la négociation. Le gouvernement ne cherche pas du tout, en aucune situation, à se substituer aux parties à défaut d'une négociation collective entre la partie patronale et la partie syndicale. Dans ce cas, malgré tous les efforts, chose assez inusitée que c'est une association patronale qui, chose rare, rejette une entente, plutôt qu'une association syndicale. C'est devant ce dilemme qu'on se trouve aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle nous sommes obligés d'imposer, par décision du gouvernement, un décret pour les prochaines années. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Non, M. le Président, j'ai pris note des remarques du député. Je pense bien que ce n'est pas le moment de faire le débat.

Le Président (M. Laplante): D'accord. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. Gingras, M. Carey, dans votre mémoire, vous dites accepter comme compromis l'application de l'entente qui est intervenue, à laquelle vous n'avez pas été partie prenante, mais vous notez que, sur l'essentiel, il vous semble que cela ne soit pas allé assez loin. Entre autres, vous insistez sur le normatif qui aurait été laissé de côté, particulièrement, la sécurité d'emploi, la semaine de travail, les périodes de vacances. À ce stade-ci, est-ce que vous avez des représentations à faire sur ces questions à la commission parlementaire?

M. Gingras: Sur cette partie, il est certain que, nous, de la CDS, on exigeait au moins que les travailleurs de la construction aient un minimum de protection de leur emploi. Bien sûr, on a un règlement dans l'industrie de la construction qui tend à cerner, si vous voulez, le nombre de travailleurs de la construction, ce qui s'appelle les permis de travail dans l'industrie de la construction, mais ce règlement ne va quand même pas donner une espèce de sécurité d'emploi aux travailleurs de la construction. On exigeait dans nos demandes qu'un minimum soit consenti, très loin de ce qui existe dans l'entreprise en général comme forme d'ancienneté et de respect de l'ancienneté à l'intérieur des entreprises, mais on ajoute aux dispositions du règlement que les travailleurs qui sont embauchés par un employeur puissent au moins être mis à pied par ordre d'ancienneté de façon qu'ils puissent savoir, lorsqu'ils sont embauchés par une entreprise, qu'ils ont une possibilité de travail chez cet employeur pour la durée d'un contrat, ce que les travailleurs de la construction n'ont pas encore acquis comme droit et ce qui existe de façon régulière et normale dans l'ensemble de l'industrie. C'est une des dispositions minimales que, je pense, en 1982, on aurait dû au moins négocier pour les travailleurs de la construction. Dans la négociation qui a été menée, ces dispositions n'ont pas pu être négociées. C'est dans ce sens qu'on parle des dispositions importantes traitant de la stabilité des travailleurs de la construction chez leur employeur, de leur sentiment d'être dans une industrie à part entière et que leurs droits ou leur ancienneté soient respectés un tant soit peu au niveau de l'industrie. Mais ils n'ont pas ce sentiment. Je pense qu'il est grand temps que, quant à la négociation, on pense à leur donner ce sentiment. C'était le sens de notre interprétation et je pense que M. Carey a quelque chose à ajouter là-dessus.

M. Carey (Reynald): Si vous permettez, je voudrais ajouter, à la question posée par Mme la députée de Maisonneuve, que l'on aurait pu, je pense, dans un contexte économique, surtout celui de la construction, à son plus bas niveau - en tout cas, je n'ai pas connu cela depuis plusieurs années -uniformiser davantage. Vous avez encore des travailleurs de la construction qui font 45, 50 heures par semaine. Le temps supplémentaire est aussi payé pour certains immédiatement à taux double après les heures régulières et, pour d'autres, à temps et demi. Je pense que c'est un contexte dans lequel on aurait pu uniformiser tous ces points. C'est la même chose pour les vacances. On dit: vous avez une règle générale, les travailleurs ont le droit de prendre des vacances durant l'été, mais il y a tellement d'exceptions que, finalement, il n'y a que la moitié des travailleurs qui ont le droit de prendre des vacances. On pensait que cela aurait été l'occasion de négocier ces points et de compléter la convention collective.

Mais, à ce moment-ci, vous demandez si nous aimerions avoir autre chose. Oui, il y aurait autre chose, mais on est conscient qu'à cause du cheminement qui a été fait, il n'est pas possible pour nous de mettre autre chose dans la législation actuelle, mais on veut avoir au moins ce qu'on a pu croire être accepté par la majorité des travailleurs et l'association patronale au niveau de sa direction.

Le Président (M. Laplante): MM. Carey et Gingras, les membres de cette commission vous remercient pour la présentation de votre mémoire.

M. Gingras: Nous vous remercions.

Le Président (M. Laplante):' J'appelle maintenant la Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois (CSN).

Messieurs, pour les fins du journal des Débats, veuillez identifier votre organisme et les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois (CSN)

M. Leclerc (Yvon): M. le Président, Yvon Leclerc, président de la Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois, CSN. Je suis accompagné du camarade Florent Audet, qui était le responsable du dossier de la négociation et également de militants et d'officiers de la CSN-Construction de diverses régions du Québec.

M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les députés, il y a quelque chose qui ne va pas au royaume du Québec. Une fois de plus, nous nous retrouvons en commission parlementaire, à quelques heures d'une échéance importante.

Nous sommes tous conscients du pouvoir réel détenu par le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et par le Conseil des ministre sur les conditions de travail des milliers de travailleurs de la construction. (15 h 45)

M. Marois, le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a sûrement, parmi ses documents, devant lui ou dans sa serviette, la solution à nos problèmes immédiats. Nous pouvons imaginer les hypothèses de solution du ministre: ne rien faire pour l'instant en laissant pourrir encore plus la situation, donner raison à certains entrepreneurs en imposant un décret avec un contenu moindre que ce que nous retrouvions dans l'entente et le rapport du médiateur, ou bien ratifier textuellement l'entente de principe, ou encore saisir l'occasion qui se présente à lui en modifiant le décret dans le sens de l'intérêt public.

Cette dernière possibilité, au moment où nous sommes et dans les circonstances que nous connaissons, est la seule solution qui puisse remédier à la situation existante. Il n'est pas d'intérêt public, dans le difficile contexte économique actuel, que l'industrie de la construction connaisse une autre période troublée. Il n'est pas d'intérêt public non plus que les travailleurs de la construction se retrouvent sans un minimum de conditions de travail. Nous devons souligner que les travailleurs de la construction font partie du public et, donc, leur sort est d'intérêt public.

Dans les circonstances actuelles, nous devons reconnaître l'impossibilité de parvenir à une entente, et la raison en est simple. D'un bout à l'autre de cette période de négociation, les patrons ont toujours refusé de négocier. Dès le 20 novembre 1981, M. Claude Chagnon, président de l'AECQ, l'indique clairement, il donne le ton. Le 5 mars 1982, l'AECQ énonce ses principes de non-négociation. Le 30 mars, l'AECQ vous transmet, M. le ministre, à vous et à d'autres membres du Conseil des ministres, dont le premier ministre lui-même, son ultimatum. Le sens et le ton de cet ultimatum vous sont sûrement apparus quelque peu impertinents. Pourtant, cette arrogance est le seul mode d'expression de l'AECQ que nous connaissions depuis un certain temps.

Malgré tout, la FTQ-Construction et le CPQMC, en l'absence de négociations toujours refusées carrément par l'AECQ, ont accepté, sous la forme d'une entente de principe, le diktat patronal. Le cynisme patronal n'étant pas mince, cette entente de principe tombe après l'assemblée de l'AECQ du 19 mai, tenue au Reine-Élizabeth. Les patrons membres, excités par la situation

économique et chauffés à bloc par des mois de discours belliqueux, dépassent les bornes.

M. le ministre, dans les circonstances, il est impossible d'en arriver à une entente. Les patrons ne veulent et ne savent pas négocier. La partie syndicale ne peut négocier seule. De toute façon, même avec de multiples concessions de la part des travailleurs, les patrons ne savent plus reconnaître leurs propres intérêts; c'est en dehors de toute logique. L'entente se révélant impossible, vous devez, M. le ministre, modifier le décret dans l'intérêt public. Cette solution est la seule qui puisse remédier à la situation existante. Vous devez saisir l'occasion en posant des jalons pour rétablir la situation.

Nous ne vous demandons pas de décréter les conditions de travail idéales, et même pas normales, pour les travailleurs de la construction, qui en ont pourtant vraiment besoin. Nous vous demandons d'assurer un minimum de conditions de travail afin de permettre à l'industrie de fonctionner. À quelques heures de l'échéance, et de la façon que nous sommes tous placés actuellement, nous ne pouvons remettre d'aplomb notre industrie d'un seul coup. Nous vous demandons d'assurer au minimum, dans ce décret, les conditions contenues dans l'entente de principe et quelques éléments de base permettant à l'industrie de se redresser un peu.

Nous ne vous demandons pas de faveur; nous réclamons justice au nom des travailleurs de la construction. Si nous en sommes rendus là, c'est entre autres parce que, depuis des années, les droits des travailleurs, les droits syndicaux ont été sérieusement réduits par des amendements successifs à la loi pendant que d'autres amendements favorisaient la mainmise patronale sur l'industrie. En temps et lieu, nous ferons valoir le point de vue des travailleurs, notre point de vue pour les réformes en profondeur de la législation de la construction. Pour l'instant, nous vous demandons d'utiliser les pouvoirs que vous avez en vertu de la loi, l'article 51, entre autres, pour modifier le décret dans les conditions suivantes: 1) Le décret doit contenir au minimum les conditions prévues dans l'entente de principe.

Sur les questions salariales, l'entente est plus que raisonnable. D'ailleurs, le médiateur, Me Raymond Leboeuf, le démontre bien à la page 3 de son rapport du 27 avril 1982. Dans son rapport, l'aspect salarial est davantage généreux que l'entente comme telle. Nous pensons que vous devriez vous référer à cela, que cela devrait s'appliquer à partir du 1er mai 1982. Dans le cas des primes, cela devrait s'appliquer et le taux minimal de 1 $ pour la deuxième année devrait aussi s'y retrouver. 2) Le décret doit contenir une réduction des heures de travail sans perte de salaire. La généralisation de la semaine de travail de 40 heures serait d'ailleurs une excellente contribution pour réduire le chômage. 3) Le décret doit contenir une forme d'ancienneté. Il est inadmissible que les travailleurs de la construction ne profitent d'aucune forme de sécurité d'emploi. À défaut d'inscrire notre demande, l'article 15, l'introduction dans le décret d'articles tels que l'article lp), produit par le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, ou l'article 16.06 de la FTQ-Construction serait, à notre avis, un pas dans le bon sens.

Nous devons souligner que la sécurité d'emploi est essentielle à plusieurs points de vue. La sécurité physique est très négligée sur les chantiers à cause de la crainte de plusieurs de se retrouver sans emploi. De plus, le décret est très souvent bafoué pour la même raison. 4) Le décret doit contenir une clause nous protégeant contre les artisans, les braconniers, les "chaudrons" qui ont développé un marché noir en marge de toutes les normes de l'économie du Québec. Une telle situation intolérable existe même sur un des gros chantiers, celui de la Baie-James, hélas! 5) Le décret doit contenir en lui-même des possibilités réelles de se faire appliquer. Dans le décret, il y a très peu, et pourtant ce n'est pas appliqué. Il faut renforcer les possibilités de recours, d'autant plus que l'AECQ est friande de procédures tatillonnes et d'objections préliminaires. (Voir les demandes touchant les articles sur les griefs et l'arbitrage). 6) Le décret doit contenir des conditions particulières pour des travailleurs qui s'exilent à la Baie-James ou dans d'autres chantiers éloignés pour gagner leur vie. Les conditions de vie (un par chambre, etc.), les délais de sortie du chantier doivent être améliorés, d'autant plus que les entrepreneurs, la SEBJ et le gouvernement se félicitent que les échéanciers et les coûts soient au-delà de leurs espoirs à cause de l'excellente qualité de la main-d'oeuvre qui se retrouve à la Baie-James. 7) Le ministre devrait profiter de l'occasion pour régulariser la situation en regard des travaux du pipeline, et vous la connaissez, M. le ministre.

Pour terminer, M. le ministre, nous devons vous rappeler que le décret que vous promulguerez ne doit pas contenir de clauses discriminatoires contre des travailleurs ou leur association syndicale; en conséquence, aucune association syndicale ne devrait être exclue de comités prévus dans le décret que vous promulguerez.

M. le ministre, en modifiant le décret

dans le sens que nous vous indiquons, vous agirez dans l'intérêt public. Vous contribuerez à mettre un peu d'ordre dans notre industrie. Vous poserez des jalons pour que cela aille mieux.

Dans ces conditions, la relance de l'industrie de la construction pourra se faire. Les travailleurs, les entrepreneurs et l'ensemble de la population du Québec ont intérêt à voir l'industrie de la construction repartir.

Quand le bâtiment va, tout val Respectueusement soumis par la CSN-Construction.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier les porte-parole de la CSN-Construction de leur mémoire. J'ai pris bonne note des recommandations qui sont contenues dans le rapport. Comme vous l'avez évoqué, M. Leclerc, il est évident que je me devais d'arriver au moins avec un certain nombre d'hypothèses en tête, pour les raisons que vous mentionnez dans votre mémoire.

Vous refaites un historique qui est là. J'ai pris bonne note de ce que vous mentionnez, particulièrement au bas de la page 3 de votre mémoire. En temps et lieu, je comprends que vous ferez valoir votre point de vue pour ce que vous appelez des réformes en profondeur de la législation concernant la construction. Je recevrai avec plaisir toute recommandation ou suggestion qui pourrait provenir de quelque groupe que ce soit et qui serait susceptible éventuellement d'améliorer les choses et, comme vous le dites, de les améliorer de façon profonde.

Ceci étant dit, sur la base de la piste que vous suggérez, soit d'assumer les responsabilités qui sont prévues par la loi et de faire les recommandations qui s'imposent pour qu'il y ait un décret à partir de minuit, ce soir, qu'il n'y ait pas de vide, que les travailleurs ne soient pas pénalisés, c'est ce que j'ai, certes, l'intention de faire.

Vous formulez un certain nombre de recommandations précises qui m'apparaissent claires, sauf deux sur lesquelles j'aimerais vous poser deux questions, essentiellement des questions d'éclaircissement pour être certain qu'on comprend bien la portée exacte de deux de vos recommandations. Il s'agit des recommandations 3 et 4. Je le dis tout de suite, je le dis clairement, et c'est d'ailleurs pleinement conforme à la loi: Si l'entente de principe intervenue devait contenir ou comprendre des clauses discriminatoires, la loi est précise et formelle là-dessus, le ministre doit, en toute justice et en toute équité - la loi le prévoit formellement - s'assurer qu'il n'y a pas de clause qui puisse être discriminatoire ce qui serait d'ailleurs contraire à la loi.

Ceci étant dit, je reviens aux recommandations 3 et 4. Pourriez-vous nous expliquer, de la façon la plus concrète possible, votre recommandation 3, particulièrement le passage où vous dites: "À défaut d'inscrire notre demande, l'article 15..." Pourriez-vous nous dire exactement de quoi il s'agit? Quel est votre point de vue exact sur cette recommandation?

Deuxièmement, pourriez-vous concrétiser ce que vous évoquez à la recommandation 4 de votre mémoire où vous dites: "Le décret doit contenir une clause nous protégeant contre les artisans, les braconniers, les "chaudrons" qui ont développé un marché noir en marge de toutes les normes de l'économie du Québec"?

Le Président (M. Laplante): Allez-y, monsieur.

M. Leclerc: M. le ministre, M. le Président, je m'excuse, on doit s'adresser au président. Écoutez, à la CSN-Construction, on conçoit, on comprend que, dans notre demande, pour certains, ça puisse être difficile à cause des mentalités qu'il y a dans l'industrie de la construction. La clause prévoit une série de mécanismes que certains peuvent trouver difficiles d'application, et, alors ils y sont hostiles. On a lu les demandes faites par la FTQ ou le conseil provincial. Dans une certaine mesure, ça rejoint des objectifs auxquels on souscrit. On dit que si celle proposée par la CSN-Construction est trop aride, on est prêt à faire un bout dans celle proposée soit par la FTQ ou par le conseil provincial dont les mécanismes peuvent être moins arides. On obtient peut-être moins rapidement les résultats que l'on souhaitait avoir depuis fort longtemps, mais les travailleurs de la construction ont le droit, comme l'ensemble des autres travailleurs organisés en Amérique du Nord, d'avoir des clauses d'ancienneté, ce qui est difficile dans l'industrie de la construction. On dit qu'on est capable d'y aller par étapes. C'est pour ça qu'on dit qu'à défaut de la clause qu'on proposait comme demande - notre article 15 - on est prêt à aller faire un bout dans ce cas. Ce sera une étape d'ici à ce qu'on puisse atteindre l'objectif qu'on souhaite avoir.

M. Marois: M. Leclerc - je m'excuse, M. le Président - si je comprends bien, lorsque vous dites "inscrire notre demande", il s'agit de la demande...

M. Leclerc: ... déposée...

M. Marois: ... que la CSN avait déposée...

M. Leclerc: ... devant l'AECQ en date du 22 mars, si je ne me trompe. À partir du moment où on l'a déposée, l'AECQ a cessé de convoquer les associations syndicales.

Le Président (M. Laplante): Si vous avez d'autres questions...

M. Leclerc: On prévoyait les mises à pied, les rappels, etc.

Concernant votre question sur la recommandation 4, je me souviens que, lorsqu'il y a eu les modifications au projet de loi no 110, nous étions intervenus pour vous dire qu'on ouvrait la porte aux artisans, aux braconniers, et on s'y était opposé. Par contre, il y en a qui nous avaient dit, à ce moment-là: Ces amendements peuvent permettre à l'Office de la construction, dans son règlement sur le placement, d'introduire une protection aux artisans.

Ce qu'on vous dit, nous autres - si ce n'étaient que des artisans qui travaillent à la rénovation de vieilles maisons, etc., mais on les retrouve même sur de gros chantiers -c'est qu'un employeur, membre de l'AECQ ou de la AEBJ à la Baie-James, ne peut pas engager des artisans avant d'avoir épuisé le bassin de la main-d'oeuvre, les "A", dans l'industrie de la construction, qui sont classifiés comme tels, ce qui ne se fait pas actuellement. (16 heures)

II y a des employeurs à la Baie-James, selon nos informations, qui ont des camions, des équipements. Ils laissent ça dans la cour et ils font appel à des "jobbineux", des employeurs qui ne sont pas du tout membres de l'AECQ et qui agissent ouvertement. On dit donc qu'il faut resserrer... Évidemment, on ne pourra pas mettre derrière chaque artisan ou braconnier un policier, mais il y a des pas qu'on peut faire en avant et qu'on ne fait pas. Il y a soit un manque de volonté politique, soit un manque de volonté à la table de négociation. Il me semble, à ce niveau, que c'est même dans l'intérêt de l'AECQ d'accepter une telle clause, parce qu'elle protégerait ses membres qui sont de bonne foi et qui paient les taux prévus par le décret, tout cela.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Si on revient, M. Leclerc, a la recommandation 4 où vous dites, par exemple, que le décret doit contenir une clause vous protégeant contre les artisans. Est-ce que vous iriez aussi loin que de vouloir éliminer totalement les artisans dans le domaine de la construction?

M. Leclerc: On ne peut pas les éliminer dans le cadre d'une négociation. C'est toujours des changements à la loi. Sauf qu'on dit: lorsqu'il y a des artisans dans l'industrie, ils devraient respecter le décret. On devrait faire en sorte que les taux, les conditions prévues par le décret soient respectés, que leurs heures soient rapportées, que ce ne soit pas du travail noir, du travail en bas des prix, du "cheap labour", des gens qui ne "rapportent" nulle part et qui, lorsqu'ils ont un accident, un problème d'assurance-maladie sont les premiers à venir se plaindre aux organismes d'État pour recevoir une compensation, alors que ces gens ne paient jamais nulle part. C'est cela qu'on veut, qu'il y ait un contrôle. On contrôle le salaire des députés. On contrôle le salaire des travailleurs de la construction qui travaillent pour des employeurs de bonne foi. Pourquoi ne contrôlerait-on pas ces gens-là aussi?

M. Bélanger: Je vous demandais si vous vouliez abolir totalement le statut d'artisan. C'est que l'artisan doit détenir d'abord, vous le savez, une licence comme artisan de la Régie des entreprises en construction du Québec; il doit également fournir un certain bon de solvabilité, etc. Donc ces artisans qui respecteraient ces normes, selon vous, on pourrait les conserver. Ce serait uniquement les "chaudrons", les "jobbers" et tout ce que vous voulez.

Une autre question, M. Leclerc, avant de terminer. À la page 5, article 7, vous dites que: Le ministre devrait profiter de l'occasion pour régulariser la situation en regard des travaux du pipeline. Est-ce que vous voulez surtout faire état de l'embauche pour le pipeline? J'aimerais connaître vos impressions.

M. Leclerc: Le ministre et vous aussi, je pense, M. le député, êtes au courant de la situation. Ce n'est pas par rapport à cela. Ce qu'il y a actuellement, c'est que les travailleurs sont payés selon le taux prévu par décret et qu'ils obtiennent, à part cela, un autre montant par un moyen détourné. Ce serait le temps de régulariser cette situation.

M. Bélanger: Vous n'avez aucun problème en ce qui a trait à l'embauche sur le chantier ou gazoduc?

M. Leclerc: On vous l'a dit. On en a fait part publiquement.

M. Bélanger: Vous en avez fait part.

M. Leclerc: On a fait part au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et au ministre de la Justice de nos problèmes. Sauf qu'à ce moment-ci, comme on le dit, s'il y a des modifications, à la législation ce sera à l'occasion d'autres commissions parlementaires. On pense avant tout, aujourd'hui, à l'intérêt des quelque 90 000 travailleurs qui doivent avoir demain les

meilleures conditions possibles. Je pense que c'est cela qui est prioritaire. On a d'autres types de problèmes qu'on regrette, mais là on essaie de les prendre un par un.

M. Bélanger: D'accord. M. le Président, vous me permettrez de remercier MM. Leclerc et Audet. Je prends bonne note de vos remarques.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Prévost et, après, M. le député de Jean-Talon.

M. Dean: M. Leclerc, au sujet de la recommandation 3, est-ce que je pourrais demander à vos représentants et aux représentants de la FTQ et du conseil provincial - parce qu'on va être bourré de papiers d'ici minuit, ce soir, et peut-être pour faciliter le travail qu'on a à faire - de donner à M. André L'Heureux le texte des trois clauses que vous y avez évoquées, pour chaque centrale: les articles 15 de la CSN, 1p) du conseil provincial et 16.06 de la FTQ?

M. Leclerc: II est fort possible, M. le Président, de donner suite à la demande du député de Prévost.

Le Président (M. Laplante): D'accord? M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. Leclerc, une question. Est-ce que vous pourriez être plus spécifique, à la recommandation 2 sur la réduction des heures de travail? En fait, qu'est-ce que très particulièrement que vous demandez au ministre d'inclure dans la décision qu'on prendra ce soir, en termes pratiques?

M. Leclerc: Je suis content, M. le Président, que le député me pose cette question. Cela va me permettre de préciser une chose: Je ne souhaiterais pas, même si c'était idéal un jour, que cela s'applique tout de suite dans les chantiers isolés et à la Baie-James. Si jamais vous pensez cela et s'il y a des gens qui pensent cela, on va se faire recevoir par des gros cailloux quand on va aller là. Je tiens à faire tout de suite cette mise au point. Il y a encore des travailleurs qui travaillent 45 ou 50 heures dans l'industrie de la construction en bas. Je pense à ceux qui travaillent à l'excavation, avec de l'équipement lourd et tout cela. Je pense que ce serait bon pour eux aussi de généraliser cela à 40 heures. À ce moment-là, cela permettrait aussi à plus de travailleurs de travailler dans l'industrie, à ceux qui ont le droit présentement et qui sont en chômage. Aux dernières statistiques, pour 1981, la moyenne d'heures pour les travailleurs de la construction était de 1069 et le revenu moyen était à peine de 15 000 $.

Le Président (M. Laplante): Sur ce,

MM. Leclerc et Audet, les membres de cette commission vous remercient pour votre mémoire.

J'appelle maintenant le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international). Un moment, s'il vous plaît! Voulez-vous aller au centre, s'il vous plaft? Si vous voulez bien vous identifier, identifier le groupement que vous représentez et les personnes qui vous accompagnent.

Conseil provincial du Québec des métiers de la construction

M. Chartrand (André): André Chartrand, président du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international), et Maurice Pouliot, directeur général du conseil.

M. le ministre, mesdames, messieurs...

Le Président (M. Laplante): Le monsieur qui vous accompagne s'appelle comment?

M. Chartrand: Pardon? Une voix: Maurice Pouliot.

Le Président (M. Laplante): II y a M. Pouliot...

M. Chartrand: M. Pouliot.

Le Président (M. Laplante): ... et l'autre monsieur qui vous accompagne? Vous êtes seuls?

M. Chartrand: Oui, on est seulement deux.

Le Président (M. Laplante): Vous êtes seuls.

M. Chartrand: II y a aussi Francine Legault.

Le Président (M. Laplante): Francine Legault.

M. Chartrand: C'est cela.

Le Président (M. Laplante): Merci.

M. Chartrand: Agent d'information.

Le Président (M. Laplante): M.

Chartrand est-il là?

M. Chartrand: Pardon?

Le Président (M. Laplante): M.

Chartrand est-il là aussi?

M. Chartrand: Mais oui! Je me suis nommé au début, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): D'accord. Je m'excuse, monsieur. C'est pour les fins du journal des Débats.

M. Chartrand: C'est André Chartrand.

Le Président (M. Laplante): Commencez, monsieur.

M. Chartrand: M. le ministre, madame, MM. les membres de la commission, c'est maintenant devenu une coutume pour les partenaires de l'industrie de la construction de se présenter devant la commission pour solutionner les problèmes relatifs à l'établissement des conditions de travail applicables à notre secteur d'activité. Lors des récentes négociations, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) a tout fait pour éviter l'intervention gouvernementale au chapitre du renouvellement de la convention collective des travailleurs de la construction. Nous avons cru qu'il était préférable d'établir de nouvelles dispositions résultant d'un consentement mutuel entre les parties plutôt que de se voir imposer à nouveau des modifications au décret qui ne pourraient satisfaire ni les employeurs ni les syndicats.

Jusqu'au 19 mai dernier, nous pensions avoir atteint cet objectif. Les consultations faites auprès de nos locaux affiliés nous indiquaient clairement l'intention de signer l'entente négociée avec l'association des employeurs. Nous étions loin de nous douter de la défection de la partie patronale. Nous devons vous avouer que nous avons été surpris de la position adoptée par les membres de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, l'AECQ, lors de leur assemblée générale tenue le 19 mai 1982. Ce comportement ne peut s'accorder aux discours tenus par les employeurs depuis le début des rencontres de négociation et s'inscrit complètement à l'encontre des énoncés de principe faits par le conseil d'administration de l'AECQ. Au cours des derniers mois, les employeurs, par le biais d'annonces publiées dans deux quotidiens de la province, demandaient aux salariés de la construction d'éviter de lancer l'industrie dans des négociations interminables et sans issue. Nous avons assisté à toutes les rencontres auxquelles l'AECQ nous avait conviés afin de commencer les négociations de la convention collective des travailleurs de la construction. Nous croyons que le conseil provincial international a assumé pleinement ses responsabilités pour éviter que ne se produise la présente situation. Il nous est impossible de porter le même jugement envers les employeurs. Nous déplorons leur incapacité à réaliser entre eux ce qu'ils nous ont demandé de faire.

M. Pouliot (Maurice): M. le Président,

MM. les membres de la commission, je vais faire quelques commentaires aux différents chapitres pour activer un peu la commission parlementaire. Lorsqu'on dit que l'AECQ a été dans l'impossibilité de réaliser ce qu'elle nous a demandé, on fait mention directement à des médias d'information, au fait que l'AECQ a acheté des pages mentionnant la bataille des chefs. Finalement, les chefs se sont entendus. Ce sont les entrepreneurs de l'AECQ, qui n'ont pas d'entente. On l'a vu très clairement lors de son assemblée. Ce qui s'est produit lors des différentes négociations nous paraît totalement inacceptable. Il est évident que le conseil provincial international a cédé plusieurs choses, mais on a prouvé à l'AECQ qu'il y avait plus d'entente du côté syndical qu'il ne pouvait en exister du côté patronal.

Le Président (M. Laplante): M. Pouliot, étant donné les directives qu'on a données au début, je ne sais pas si M. Chartrand voudra résumer le mémoire ou tout le lire, mais j'aimerais mieux que ce soient les membres de cette commission qui vous posent des questions sur ce qui est en dehors du texte qu'on a actuellement. D'accord?

M. Chartrand: D'accord, M. le Président. Les récentes décisions nous ont entraînés dans une situation sans issue. Malgré notre réserve face à l'intervention de l'État dans les négociations, nous ne pouvons que féliciter le ministre d'avoir convoqué cette commission pour tenter de régler l'impasse dans laquelle nous nous retrouvons tous aujourd'hui.

À notre avis, les travaux de la présente commission constituent le dernier recours avant que les travailleurs ne commencent à exercer leur droit de grève et certains autres moyens de pression. Nos affiliés ont déjà tenu des assemblées à travers tout le territoire de la province de Québec afin de recommander l'acceptation de l'entente de principe intervenue le 30 avril 1982 entre notre association et l'AECQ. À la suite de cette consultation, l'entente de principe a été ratifiée par la majorité des syndiqués de nos locaux affiliés. Il est donc moralement impossible pour le conseil provincial international de retourner à la table des négociations, surtout après que le président de l'AECQ nous ait fait part des intentions véritables de son organisme, et je cite: Je voudrais cependant vous transmettre la volonté évidente de nos membres de geler les salaires des travailleurs de la construction pour au moins un an à compter du 1er mai 1982, particulièrement dans le secteur de l'habitation.

Nous acceptons mal ce revirement subit de la situation. À quoi ont servi les offres patronales? Aujourd'hui, nous les accusons d'avoir trompé notre bonne foi et d'avoir

berné indûment l'ensemble des travailleurs de l'industrie de la construction. Il ne faut pas d'ailleurs se surprendre du mécontentement des travailleurs face à la situation actuelle. Le 25 mai, le directeur général de l'AECQ nous faisait parvenir un télégramme dans lequel il protestait contre certaines pressions faites sur différents chantiers afin d'obtenir les conditions de l'entente négociée. Nous croyons que cette réaction est fort légitime de la part des travailleurs. Ils ont le sentiment d'avoir été abusés par la partie patronale. Je pense que nous devons tous reconnaître que, depuis l'adoption de la loi 290, le 18 décembre 1968, toutes les négociations ont été ardues. Elles ont été ponctuées de nombreux arrêts de travail et se sont souvent soldées par un échec. Le climat s'est compliqué encore plus à la suite de l'adoption de la loi 109. Il est devenu quasi impossible de dégager une majorité absolue chez les associations syndicales. D'ailleurs, lors d'une commission parlementaire précédente, nous avions fait part de nos doutes quant à la pertinence de reconnaître autant de situations syndicales dans l'industrie de la construction. Comme nous l'avions prévu, les derniers mois ont donné lieu à toute une série de chassés-croisés entre les associations syndicales afin de tenter de réunir la majorité requise par la loi pour amorcer les négociations. Pour des raisons qui nous paraissent purement politiques, aucun des projets de coalition n'a pu être accepté. Nous ne demandions pas l'impossible. Nous exigions seulement d'occuper la place que nous donnait le pourcentage de représentativité fixé à 24%. Nous avons multiplié efforts et discussions, et ce n'est qu'à la suite d'une convocation faite le 16 avril 1982 par l'adjoint parlementaire du ministre du Travail, M. Robert Dean, qu'il a été possible de déposer, conjointement avec la Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ-Construction, une série de demandes portant seulement sur quelques points majeurs du décret, soit les salaires, les frais de déplacement, les primes, l'artisan, les avantages sociaux, le fonds spécial d'indemnisation et la durée de la convention collective. (16 h 15)

J'aimerais que vous compreniez qu'il a été difficile pour le conseil provincial international et ses affiliés de prendre cette décision. Ce choix impliquait que nous renoncions à une négociation par métier et que nous retirions nos demandes tant sur les clauses générales que particulières. En fait, cela voulait dire que, dans le but de favoriser une relance de l'activité dans l'industrie de la construction, nous renoncions à un droit fondamental, soit celui d'une véritable négociation de nos conditions de travail. Il y a peu de syndiqués au Québec qui soient allés aussi loin que ceux de la construction.

Dans le but de faciliter les échanges avec la partie patronale, nous demandions au ministre de désigner un médiateur spécial, ce qui a été fait le 23 avril par la nomination de Me Raymond Leboeuf. Nous ne pouvons ici que souligner l'excellence de son travail. C'est en partie grâce à sa collaboration et à sa disponibilité qu'il a été possible de conclure un accord de principe avec l'AECQ et d'éviter ainsi un vide juridique qui aurait pu être préjudiciable pour l'ensemble de l'industrie.

Le 27 avril, Me Leboeuf déposait son rapport de médiation qui suggérait globalement une prolongation du décret pour une période de deux ans, une majoration des salaires de 10% pour chaque année, avec un minimum d'augmentation de 1,25 $ la première année et de 1,20 $ la deuxième année, une modification touchant le travail donné aux artisans par les entrepreneurs, la reconduction des dispositions particulières touchant les travaux relatifs aux immeubles d'habitation de huit logements et moins, une hausse de l'indemnité accordée pour les repas ou pour l'utilisation du véhicule du salarié, une augmentation annuelle de 10% du montant des primes, une hausse de 15% par année des frais de transport, une majoration annuelle de 10% de la contribution de l'employeur aux régimes d'avantages sociaux et, enfin, une augmentation de 0,01 $ l'heure travaillée pour la contribution de l'employeur au fonds spécial d'indemnisation.

Le contenu de ce rapport ne rencontrait pas l'unanimité au sein de nos affiliés. À différents niveaux, pour chacun des métiers que nous représentons, ce rapport signifiait un statu quo important de leurs conditions de travail. Cependant, nous étions conscients qu'il fallait être réalistes. Avec beaucoup de justesse, Me Leboeuf précisait, dans le préambule de son rapport de médiation, ce qui suit: "II ne faudrait pas que les espoirs déçus de certains précipitent le monde de la construction dans une grève inopportune, alors que tant de gens font tant d'efforts pour relancer notre société dont votre industrie se doit d'être l'une des figures de proue. Je vous prie donc, MM. de la construction, de faire preuve de la maturité dont vous êtes capables et qu'exigent de tous les temps difficiles que nous traversons."

Sincèrement, nous croyons que le monde syndical a démontré à la population toute entière sa volonté d'être raisonnable et de contribuer à l'effort collectif que nécessite la situation économique actuelle. Nous ne pouvons pas en dire autant de la partie patronale.

Tout au cours des négociations, elle a adopté une attitude arrogante à l'endroit des associations syndicales représentatives. Je pense, en autres, toujours, à ses annonces

publiées dans les journaux et dans lesquelles elle se donnait comme mission de régler les problèmes de ses salariés. Il nous a fallu une bonne dose de retenue pour ne par réagir à cette ingérence.

S'il est vrai que les travailleurs doivent faire preuve de modération dans leurs revendications, il est également vrai que les entrepreneurs doivent eux aussi contribuer à cette relance en acceptant une diminution de profits. Nous nous accordons là-dessus avec l'AECQ, lorsque son président indique que les travailleurs et les employeurs de la construction doivent unir leurs efforts pour sauver leur gagne-pain. Cependant, nous n'accepterons jamais que les travailleurs soient les seuls à fournir ces efforts.

Le 28 avril, le conseil d'administration de l'AECQ rejetait le rapport de médiation et nous soumettait de nouvelles propositions. Dans un ultime effort de règlement, nous avons, encore une fois, révisé nos positions et nous lui adressions notre contreproposition. Enfin, avec l'aide de Me Leboeuf, nous en arrivions à un accord de principe dans la nuit du 30 avril. Immédiatement, nous avons informé le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu que nous consentions à ce que le gouvernement prolonge le décret de la construction pour une durée d'un mois, afin de nous permettre de nous conformer aux modalités de la loi entourant l'acceptation ou le refus de l'entente négociée.

Le conseil provincial international a recommandé à ses affiliés l'acceptation de cette entente de principe. C'est avec une majorité qu'elle a été acceptée.

Cette proposition est finale. Dans notre esprit et dans celui de nos affiliés, il n'est plus question pour nous d'aller en deçà de l'entente de principe signée le 30 avril 1982.

Au cours des trois dernières années, les augmentations salariales consenties aux travailleurs de la construction n'ont même pas atteint le pourcentage d'augmentation du coût de la vie. Leur pouvoir d'achat s'est sensiblement érodé et nous avons oublié les pricipes de l'enrichissement collectif. Le taux d'inflation pour ces trois dernières années se situait autour de 37% et les augmentations de salaire versées étaient d'environ 23%.

En plus, le travailleur de la construction n'a pas le revenu annuel que nous pourrions penser. En 1980, le salaire moyen était de 13 614 $. Il faut également comprendre que nos syndiqués subissent plus durement que les travailleurs des autres industries les effets de la crise économique. Leur revenu annuel est établi directement selon le taux d'activité dans la construction. C'est le nombre d'heures travaillées qui compte pour s'assurer un revenu décent dans la construction. En tant qu'association syndicale, nous avons la responsabilité de négocier un minimum d'augmentation. Nous croyons que les hausses établies dans l'entente du 30 avril sont vraiment un minimum, rien de plus.

C'est avec beaucoup d'amertume que nous avons accueilli, le 20 mai dernier, la décision des membres de l'AECQ de rejeter l'entente de principe. Nous nous demandons sérieusement si les entrepreneurs sont conscients des conséquences désastreuses que peut entraîner ce geste pour l'ensemble de l'industrie. Il est déjà acquis que nos syndiqués ne voudront jamais travailler sans convention collective. Ils étaient déjà mécontents de ne recevoir les augmentations salariales qu'à partir du 20 mai au lieu du 1er mai. Le refus des employeurs ne favorisera sûrement pas la stabilité de l'industrie.

Selon nos informations, il semble que cette prise de position soit le résultat de la campagne de boycottage entreprise au cours des dernières semaines par l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec. On nous a même laissé entendre que, si le vote avait été calculé selon la pondération des heures travaillées au sein de l'entreprise de chaque entrepreneur, l'entente de principe serait aujourd'hui acceptée. Il est quand même aberrant de constater que ce sont les "chaudrons" de la construction qui ont décidé des conditions applicables à l'ensemble de l'industrie. Dans notre milieu, on qualifie de "chaudrons" les petits entrepreneurs qui pratiquent le braconnage en violant quotidiennement le décret et les lois, en oubliant la sécurité sur les chantiers et en ne déclarant pas les heures travaillées, les salaires versés, etc.

L'APCHQ ne réclame rien de moins que le gel des salaires, pendant un an, dans la construction, sous prétexte qu'une hausse salariale freinerait la construction domiciliaire. Pourtant, les augmentations salariales fort raisonnables consenties aux cours des trois années précédentes n'ont pas empêché la chute des activités du secteur domiciliaire.

Nous ne sommes pas des économistes, mais nous doutons sérieusement de l'efficacité qu'aurait une telle mesure dans le développement domiciliaire. Quant à nous, il paraît évident actuellement que ce sont les taux élevés de l'intérêt hypothécaire qui sont les grands responsables du peu d'activités que nous connaissons dans le secteur de l'habitation. Nous ne croyons pas qu'un gel des salaires entraînerait une reprise des activités. II est simpliste d'imputer à la main-d'oeuvre les prix exorbitants que doivent payer les consommateurs et les investisseurs pour acquérir un bien immobilier.

Après tout, la construction d'une maison unifamiliale ne nécessite qu'environ 675 heures travaillées. Ce chiffre représente 30% du coût de la construction. Ce n'est pas

parce qu'on arrêterait une progression normale des salaires que cela faciliterait l'accès à la propriété et amorcerait une reprise de l'activité de la construction. Nous suivons assez mal le raisonnement des petits entrepreneurs. Cependant, nous comprenons que les travailleurs de la construction font actuellement les frais d'une mésentente au sein de l'AECQ.

Au conseil provincial international, nous sommes conscients des énormes difficultés qu'éprouve tout le secteur de la construction domiciliaire. Nous sommes prêts à collaborer avec les employeurs pour trouver des solutions réalistes. Nous aurions même participé activement au comité technique sur le programme gouvernemental de relance de la construction domiciliaire si le ministre Tardif nous avait invités à le faire. Nous supposons qu'il a dû oublier que nous représentions 24% des travailleurs de la construction.

Cependant, nous refusons que l'ensemble de l'industrie subisse les contrecoups des problèmes de l'habitation. Nous voulons mettre en garde les petits entrepreneurs contre la tentation qu'ils semblent avoir d'établir les conditions de travail pour tous les autres secteurs de la construction comme le commercial, l'industriel, l'institutionnel et les travaux de génie civil. Ce genre de travaux regroupe des entrepreneurs et des travailleurs qui oeuvrent rarement dans le secteur domiciliaire. Ils connaissent des particularités fort différentes. Nous doutons qu'ils acceptent sans broncher l'intervention directe des constructeurs de maisons unifamiliales dans leurs affaires. Nous croyons que le vote pris à l'AECQ lors de sa dernière assemblée générale ne reflète pas la réalité.

M. le ministre, madame, MM. les membres de la commission, compte tenu de la situation dans laquelle nous a entraînés la décision des employeurs de rejeter l'entente de principe intervenue le 30 avril 1982 entre l'AECQ, le conseil provincial international et la FTQ-Construction; compte tenu que notre organisme est allé aux limites extrêmes des principes qu'il défend en concluant une entente plus que raisonnable pour l'industrie de la construction; compte tenu que les travailleurs ont accepté une perte de leur pouvoir d'achat et ont renoncé à un enrichissement; compte tenu que la prolongation du décret jusqu'au 31 mai 1982 n'a pas donné les effets escomptés et n'a servi qu'à priver les travailleurs d'augmentations de salaire; compte tenu que nous avons déjà suffisamment démontré notre bonne foi et notre bonne volonté en laissant tomber des revendications que nous jugions fondamentales; compte tenu que la promulgation de nouvelles conditions de travail devraient assurer la paix sociale sur les chantiers de construction; compte tenu qu'il devient impérieux pour tous les partenaires de connaître les règles du jeu afin de favoriser une relance dans l'industrie de la construction, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) vous demande de modifier le décret relatif à l'industrie de la construction dans la province de Québec, sans le consentement de l'Association des employeurs, puisque cette solution nous apparaît être le seul recours pour remédier à la situation qui prévaut actuellement.

Nous demandons que le décret soit immédiatement modifié selon les dispositions négociées dans l'entente de principe du 30 avril 1982 avec effet rétroactif au 1er mai 1982.

Nous demandons également à la commission de retenir les recommandations contenues dans le rapport de médiation soumis par Me Raymond Leboeuf relativement aux primes et à l'artisan.

Le problème de l'artisan a pris des proportions alarmantes dans la construction. Il faut absolument prendre des mesures pour mettre fin au braconnage fait sur les chantiers par les artisans déloyaux. Si l'AECQ avait été vraiment de bonne foi, elle aurait immédiatement accepté la proposition du médiateur qui visait à éliminer cette plaie de notre industrie.

Nous pensons que l'inclusion dans le décret d'un article visant l'artisan et l'application stricte de cet article par l'Office de la construction du Québec sur les chantiers pourraient mettre fin à ce braconnage qui est cautionné par certains entrepreneurs.

Le texte proposé se lirait comme suit. Article 18.03: "Tout employeur qui désire accorder un sous-contrat ou du travail doit l'accorder à un employeur qui détient une licence de la Régie des entreprises de construction du Québec et qui est membre de l'Association des employeurs, conformément à la section 11."

La majoration des primes accordées à la section 23 du décret doit être faite selon les indications du rapport de médiation. Nous pensons tout particulièrement à la prime accordée aux contremaîtres et aux chefs d'équipe. Ceux-ci assument des responsabilités supplémentaires en acceptant ces fonctions. Une absence d'augmentation risque de les faire hésiter à continuer d'occuper ces postes. Nous croyons qu'une hausse de 10% par année est plus que raisonnable.

L'ensemble de ces demandes constitue, messieurs, la position finale du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) et de ses affiliés.

Le tout respectueusement soumis par le conseil provincial.

Le Président (M. Laplante): Merci,

messieurs. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier les représentants et les porte-parole du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international). Je comprends parfaitement bien - je vais le dire comme je le pense - les frustrations qui ont pu être vécues par les porte-parole syndicaux, de quelque association syndicale qu'ils soient, comme vous le signalez dans votre mémoire.

Je pense que tous et chacun en prennent conscience à la lumière aussi bien des chiffres qui nous ont été cités, à ce jour par la CSD, que des chiffres que vous venez de donner concernant les hausses de salaire - la CSN y a fait allusion aussi - en regard de la progression de l'inflation, du coût de la vie. Je pense que tout le monde admettra qu'il y a eu un effort qu'il importe de noter, de la part d'associations syndicales, pour tenter d'en arriver à négocier, compte tenu d'un contexte économique qui n'est pas facile, et d'en arriver à une entente de principe, ce qui était une première, ce qui était inusité dans le monde de la construction, avec son autre volet aussi inusité, dont on aura l'occasion de parler plus amplement tout à l'heure, à savoir que cela a été rejeté non pas par une partie syndicale, mais par une partie patronale. Pourtant, il y a votre recommandation de base qui est collée à l'entente de principe. (16 h 30)

Je prends bonne note de vos commentaires, de vos remarques et de vos recommandations. Il y a une chose cependant. J'aimerais que vous formuliez des commentaires additionnels explicitant vos remarques concernant le pouvoir d'achat, l'inflation et les taux de salaire qui ont été négociés dans l'entente de principe, ce que cela implique comme compromis. Je pense que ça pourrait être apprécié, si tant est que vous sentez le besoin de le faire, par les membres de cette commission.

Je prends également bonne note de vos commentaires concernant l'article 18.03 qui est relié à toute la question des artisans. Je me souviens qu'on avait eu l'occasion, en commission parlementaire, en juin 1981, d'aborder l'article 18.03 où il y avait certaines recommandations de formulation qui paraissaient illégales ou contraires à des amendements qui ont été apportés par la loi 110, si ma mémoire est bonne, concernant le droit et les pouvoirs reconnus aux artisans, mais ces droits et ces pouvoirs entraînent aussi des obligations.

Je pense que vous avez parfaitement raison d'attirer notre attention sur - là, je ne me prononce pas sur la formulation - le fait qu'il y a besoin - quelqu'un a dit que ça supposait une volonté politique, mais il faut que ça se traduise dans le concret - d'un suivi dans l'application concrète par l'Office de la construction du Québec, par la Régie des entreprises de construction du Québec, pour faire en sorte que les droits et les pouvoirs qui sont légalement reconnus à certains, dans une société, ne deviennent pas des droits et des pouvoirs qu'on exerce illégalement, qu'on outrepasse. En d'autres termes, je pense que la question mérite d'être examinée attentivement afin de voir ce qu'il est possible de faire dans le cadre du décret.

Il y avait effectivement une recommandation dans le rapport du médiateur dans ce sens, qui tournait non pas tellement autour de la notion d'employeur versus entrepreneur, mais autour d'un élément qui, semble-t-il, a fait problème dans l'application concrète et surtout dans le contrôle de l'application concrète: c'est l'absence d'une notion de travail dans le texte de l'article 18.03. En tout cas, je prends bonne note des commentaires que vous avez formulés à ce sujet, mais s'il y avait des commentaires additionnels concernant les salaires...

M. Pouliot: M. le Président, je pense que le ministre nous a posé deux questions. Pour ce qui est des augmentations de salaires, notre mémoire démontre assez clairement que les augmentations qui ont été consenties et acceptées lors des dernières négociations n'ont jamais été plus élevées que l'augmentation du coût de la vie. L'augmentation du coût de la vie a été de 37% et on a eu seulement 23% d'augmentation sur les salaires. Le même phénomène se produit actuellement. On a accepté en principe - le conseil provincial international - une augmentation de 10% alors que le coût de la vie est tout près de 12,8%. Il nous apparaît évident que c'est le maximum de consensus qu'on pouvait accepter.

Évidemment on n'acceptera jamais le gel des salaires, ce que nous propose l'Association des entrepreneurs en construction par une lettre qu'elle nous a fait parvenir et encore aujourd'hui par une lettre qui a été soumise à la commission parlementaire.

On doit vous dire qu'on demande au ministre d'intervenir dans l'intérêt public. Contrairement à ce que certains pensent, l'intérêt public sera en jeu cette semaine si on n'obtient pas le minimum des conditions qui ont été dûment négociées et acceptées de part et d'autre.

Concernant le cancer qui existe en ce qui nous concerne - l'artisan dans l'industrie de la construction - lorsqu'on parle de la Régie des entreprises de construction, on sait qu'il n'y a que 26 inspecteurs pour tout le territoire de la province de Québec. Ils ne peuvent pas "policiser" la question de l'artisan, à savoir si les contrats sont

exactement comme ils devraient être. On veut avoir une clause à l'intérieur du décret de la construction et ce serait l'Office de la construction qui aurait à veiller à l'application du décret ou de la convention collective. On veut donc éliminer l'artisan.

On pourrait dire que, lors de l'adoption de la loi 110, le conseil provincial avait mentionné qu'il pouvait y avoir des artisans qui pourraient travailler, disons, à l'exclusion d'une construction neuve, lorsqu'il est question de réparations, d'entretien et de choses semblables. Actuellement, plus ça va, plus on s'aperçoit qu'il se crée des artisans; ce sont eux qui sont les braconniers de l'industrie de la construction et, à notre avis, ils ne paient pas souvent d'impôt. C'est sur le dos des salariés de l'industrie de la construction. C'est pour cette raison qu'on le demande et qu'on a poussé très fort, lors des différentes rencontres. Finalement, l'AECQ avait accepté la formule de compromis concernant l'artisan et l'article 18.03. Évidemment, le conseil d'administration de l'AECQ a décidé le contraire. On pense que, si on veut réellement avoir une relance dans l'industrie de la construction et légaliser toutes les conditions applicables, il faut absolument régler le problème de l'artisan. Si on n'a pas réglé le problème de l'artisan, à notre humble avis, on n'a pas réglé le problème de l'industrie de la construction.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. À la page 15, vous arrivez avec une affirmation à savoir que la construction d'une maison unifamiliale ne nécessite qu'environ 675 heures travaillées. Est-ce que vous pouvez me dire à quel endroit vous avez pris vos chiffres? De quelle façon en êtes-vous arrivé là?

M. Pouliot: C'est dans le rapport de l'Office de la construction concernant la préfabrication, qui vient de sortir au cours des derniers mois. C'est là qu'on retrouve le chiffre de 675 heures.

M. Bélanger: D'accord. C'est sûrement la préfabrication d'une maison en usine et non la construction d'une maison.

M. Pouliot: Non, la construction.

M. Bélanger: La construction d'une maison prête à être habitée?

M. Pouliot: C'est ça.

M. Bélanger: Ce ne sont pas les chiffres que j'ai. J'ai plutôt les chiffres de 1100 heures, en tenant compte d'une maison extrêmement simple, 24 x 40 avec très peu de fantaisies ou tout ce que vous voudrez.

M. Pouliot: On pourra vous faire parvenir notre source d'information, mais on parle de la main-d'oeuvre lors de la construction d'une maison unifamiliale.

M. Bélanger: Vous dites également que ce n'est pas l'augmentation de salaire qui va faire en sorte que les maisons résidentielles vont se vendre ou non. Je tiens quand même à vous faire remarquer qu'à partir de mes chiffres, soit 1100 heures, l'augmentation de 1,25 $ l'heure représente une augmentation d'exactement 1800 $ à 2000 $ par année, ce qui, en quelque sorte, neutralise le programme d'accession à la propriété mis en place par le gouvernement, qui donne justement un maximum de 1800 $ par année. Donc, ce n'est pas avec cette augmentation de salaire, vous en êtes conscient, j'en suis persuadé, ce n'est pas parce que vos travailleurs vont avoir 1,25 $ l'heure de plus qu'on va relancer la construction.

M. Pouliot: Non, c'est sûr que ce n'est pas avec une augmentation de salaire de 1,25 $ ou de 10%, parce que je pense qu'on en est plutôt à 10% d'augmentation, qu'il va y avoir une relance dans l'industrie de la construction. Il faut assurément qu'il y ait un programme de relance dans l'industrie de la construction et baisser les taux d'intérêt. D'ailleurs, je vais profiter de l'occasion pour mentionner que le conseil provincial international n'a jamais été invité à participer à aucune des rencontres concernant la relance de l'industrie de la construction. Il y a même eu une question à l'Assemblée nationale, qui venait de M. Ciaccia, et le premier ministre a répondu qu'il avait rencontré les centrales syndicales de la construction et il ne parlait que de la FTQ et de la CSN. Je ne sais pas ce qu'on fait du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction qui représente tout de même 24% et, si on parle de prendre une certaine somme d'argent qui provient de la Caisse de dépôt et de placement, on doit dire qu'avant le projet de loi no 109, le conseil provincial représentait 68% des travailleurs de l'industrie de la construction.

Le même phénomène se retrouve aussi dans différents comités où on ignore totalement le conseil provincial. On peut parler de la Commission de la santé et de lasécurité du travail où on n'est pas présent. On ne sait pas ce qui se produit, mais lorsqu'on s'aperçoit des heures qui sont effectuées dans l'industrie de la construction, on peut se rendre vite compte que le conseil provincial international existe encore et qu'il a été l'association qui, lors du dernier vote, a augmenté son degré de représentativité de 19% à 24%.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Prévost - excusez-moi - avez-vous d'autres questions? Non, d'accord.

M. Bélanger: Je voudrais juste remercier M. Chartrand et M. Pouliot d'être venus nous présenter leur mémoire. Si j'ai bien compris, vous aussi, vous êtes d'accord pour accepter l'entente qui est intervenue, minimum et plus.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Je voudrais simplement, M. le Président, si vous me le permettez, attirer l'attention du ministre sur la pièce 3 du mémoire de l'Association des maîtres couvreurs du Québec qui a des représentations particulières dont elle aimerait bien que vous teniez compte dans la décision que vous vous apprêtez à prendre.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. Rivest: Oui, M. Pouliot.

M. Pouliot: M. le Président, je pourrais sûrement répondre que l'objectif du conseil provincial a toujours été d'avoir une négociation par métiers et, au cours des récentes négociations, on a laissé tomber cet objectif pour arriver à une entente. Évidemment, il y a une lettre de l'Association des maîtres couvreurs du Québec, qui est prête à discuter des amendements possibles au décret de la construction. On désire obtenir des amendements concernant les couvreurs, qui ont un problème très particulier.

Je voudrais aussi parler du cas du gazoduc. Actuellement, on demande aussi qu'à l'intérieur du décret il y ait les conditions du Canadian Pipeline Agreement. On se rappelle que, lors d'une commission parlementaire tenue au mois de juin, j'avais mentionné le fait qu'on voulait obtenir les conditions du Canadian Pipeline Agreement. Finalement, le gouvernement a décidé de ne pas acquiescer à notre demande et on s'est retrouvé devant un juge qui a donné raison, pour l'instant, aux parties. Donc, on voudrait que soit légalisé ce qui existe. Ce n'est pas illégal actuellement, mais ce sont les conditions du Canadian Pipeline Agreement qui devraient être incluses dans le décret. Le ministre a le pouvoir, après la commission, d'inclure ces conditions qui sont, en somme, respectées, au moment où on se parle.

Il y a aussi un problème particulier concernant la distribution. Dans les prochains jours, un problème va probablement survenir. Vous avez une copie des demandes de l'Association unie, local 144, pour tenter de solutionner le problème de la distribution, qui est indirectement relié au problème du "mainline" du gazoduc. Donc, ce sont deux demandes qu'on voudrait voir rajoutées.

On peut aussi parler de la discrimination qui existe dans l'embauche de certains travailleurs du gazoduc par la compagnie Pe-Ben qui embauche actuellement dans certains métiers, qui donne une exclusivité à la FTQ-Construction. On pense que, dans la construction, il y a ce qui s'appelle la liberté syndicale, et elle devrait exister. On a expliqué très clairement notre position au ministre dans des lettres à la suite du télégramme. On s'aperçoit que le même problème semble vouloir revenir concernant la compagnie Pe-Ben. On demanderait que ce soit regardé de très près et qu'on cesse la discrimination flagrante qui existe dans l'industrie de la construction.

Le Président (M. Laplante): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. Pouliot, j'aimerais savoir si vos membres travaillent particulièrement dans l'institutionnel, le commercial. Travaillent-ils surtout sur les gros chantiers? Quelle est la proportion de vos membres qui travaillent dans le domiciliaire? Si vous me le permettez, je vais vous poser cette question. Ensuite, vous notez dans votre rapport qu'il y a des particularités fort différentes entre les secteurs. En ce qui vous concerne, compte tenu de cette uniformisation qui existe depuis 1969, considérez-vous que des difficultés nouvelles seraient créées si cette uniformisation était mise de côté?

M. Pouliot: En ce qui a trait à la première question sur le pourcentage de nos membres qui travaillent dans le domiciliaire, évidemment, je dois vous dire que la FTQ représente probablement un pourcentage supérieur dans le domiciliaire. La majorité des membres que nous représentons sont dans ce qu'on appelle l'industrie lourde, le commercial et ces choses-là, mais on représente tout de même un certain pourcentage de travailleurs qui sont... D'ailleurs, un travailleur de la construction est polyvalent. Il peut aller travailler dans l'industrie lourde, dans les maisons unifamiliales, les duplex et ainsi de suite, mais, tout de même, le pourcentage est là. Peut-être 10%, à l'occasion, vont travailler dans la construction domiciliaire. (16 h 45)

Lorsque vous parlez d'uniformiser les conditions de travail, il y a déjà eu une clause. Il y a actuellement une clause particulière qui existe pour les conditions de travail dans les immeubles de huit logements et moins. Donc, le conseil provincial est conscient du problème de l'habitation.

D'ailleurs, si on lit attentivement le décret relatif à l'industrie de la construction, on va s'apercevoir que les endroits où des conditions particulières s'appliquent, c'est dans ce qu'on appelle l'industrie lourde: chimique, métallurgique, sidérurgique, pétrolière, ainsi de suite. On a pris en considération le fait que les maisons unifamiliales ont des conditions un peu particulières, mais pas pour les salaires. Pour les salaires, c'est un salaire uniforme qui a été acquis après de nombreuses batailles. On n'est pas prêts à laisser tomber le salaire uniforme, si on veut, d'un charpentier-menuisier, qu'il travaille dans une maison unifamiliale ou qu'il travaille dans l'industrie lourde. C'est le même taux de salaire qui s'applique, et, à notre avis, qui doit continuer de s'appliquer. C'est ce qui a été dûment accepté au cours des négociations qui viennent de se terminer, du moins en ce qui nous concerne.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, M.

Legault, M. Pouliot et M. Chartrand, les membres de cette commission vous remercient pour votre participation.

Maintenant, j'appelle la Fédération des travailleurs du Québec, FTQ-Construction.

Comme tous les organismes, s'il vous platt, voulez-vous identifier votre organisme et ceux qui vous accompagnent, pour les fins du journal des Débats?

FTQ-Construction

M. Lavallée (Jean): Jean Lavallée, président de la FTQ-Construction; à mon extrême gauche, MM. Yves Paré, du local 791, des opérateurs de machinerie lourde, Louis-Marie Cloutier, du local 9, des charpentiers-menuisiers, ainsi que Jean-Paul Rivard, directeur général de la FTQ-Construction, et plusieurs autres officiers et militants de la FTQ-Construction.

Le Président (M. Laplante): Merci.

M. Lavallée: M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les membres de cette commission, encore une fois, la quatrième depuis l'adoption de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, en 1968, le gouvernement est obligé d'intervenir et d'imposer par voie de décret les conditions de travail que les parties en cause n'ont pas réussi à négocier. En fait, seules les conventions collectives signées en 1976 et 1979 ont été le fruit d'une entente entre des parties majoritaires. Pour les travailleurs de la construction, l'accès généralisé à la syndicalisation que prévoit la loi québécoise dans leur industrie a donc peu contribué à en faire les privilégiés qu'on croit qu'ils sont.

En 1981, ils faisaient moins de 1000 heures de travail en moyenne et gagnaient quelque 15 000 $. Cette année, selon toutes les prévisions, ce salaire aura diminué en chiffres absolus. Nombreux sont ceux parmi nos membres qui, pour la première fois de leur vie, ont eu à recourir à l'aide sociale, ayant épuisé toutes les semaines de prestations d'assurance-chômage auxquelles ils avaient droit. Il s'agit là d'un phénomène tout à fait nouveau pour les "vrais" travailleurs de la construction, ceux qu'on décrit habituellement comme "gagnant leur vie" dans cette industrie.

Outre le fait qu'ils deviennent une charge directe pour l'État du Québec et soulagent ainsi le programme fédéral d'assurance-chômage, vous devez penser à l'effet relatif des augmentations de salaire que prévoira le nouveau décret. Les pourcentages consentis ne s'appliquent pas à des salaires de ministres, de médecins ou de gérants de compagnie. Ils influenceront les revenus de gens brutalement touchés par la crise économique que nous traversons.

La loi est impraticable. Les beaux objectifs d'harmonisation des relations du travail qui ont présidé à l'adoption de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et à ses divers amendements, par la suite, n'ont jamais été atteints. Il ne faut pas confondre absence de conflit et calme relatif avec "bonnes relations". La loi actuelle, rendant très difficile sinon impraticable le système de négociations dans ce secteur, permet aux employeurs de se croiser les bras et de regarder s'appauvrir une main-d'oeuvre qualifiée dont ils tirent pourtant une plus grande part de profit, puisque, comme on le verra plus loin, la part relative des coûts de la main-d'oeuvre dans la construction diminue d'année en année. On l'a dit et redit devant diverses commissions parlementaires et devant tous les comités d'enquête chargés de faire la lumière sur notre industrie: la loi est impraticable parce qu'elle institue une pluralité et une concurrence syndicales quasi illimitées, tandis qu'elle crée artificiellement l'unité de la partie patronale.

Le résultat, on l'a eu au cours des derniers mois: la FTQ-Construction, très majoritaire dans l'industrie, bien implantée dans toutes les régions et représentative de tous les métiers, a dû rechercher des alliances de négociation avec des associations de salariés que la même loi l'avait amenée à affronter dans une campagne de maraudage institutionnelle, quelques semaines plus tût.

Il n'y a évidemment pas eu d'entente véritable de négociation, les dirigeants des autres organismes syndicaux tentant de profiter de l'aberration de la loi pour se faire du capital politique et imposant des conditions inacceptables à la FTQ-Construction. Nous avons donc dû convenir d'un protocole très insatisfaisant avec le

conseil provincial international, puisqu'il ne porte que sur huit points. Nous aussi, comme le mentionnaient les autres intervenants, nous avions à coeur la sécurité du revenu et la réduction de la semaine de travail, mais, dans le contexte actuel, nous avons cru bon de laisser se tasser les choses, pour y revenir un peu plus tard, lors d'une autre négociation. Nous voulions ainsi éviter que l'ensemble des conditions des travailleurs de la construction ne soient encore une fois imposées unilatéralement par le gouvernement.

Du côté patronal, la puissante Association des entrepreneurs en construction du Québec, l'AECQ, mandatée par son conseil d'administration, concluait avec nous une entente de principe sur ces huit points, que tout le monde s'accordera à qualifier d'infiniment raisonnables.

M. le Président, nous ne sommes pas les seuls à le mentionner. J'ai un éditorial du journal Québec construction, qui n'est pas un journal syndical. Il se lit à peu près comme ceci: Comme le démontre une étude économique publiée dans Québec construction, le 5 avril, les taux de salaire dans la construction ont augmenté de 25,8% depuis 1978, tandis que le taux d'inflation a été, au cours de cette période, de 36%. Avec les hausses de 10% par an, au cours des deux prochaines années, il y a fort à parier que les salariés de la construction n'augmenteront pas leur pouvoir d'achat d'ici 1984. Enfin, on a éviter cette année, pour la première fois depuis 1976, le vide juridique que crée l'expiration du décret et les arrêts de travail qui ponctuent d'ordinaire les négociations dans l'industrie. L'Association de la construction de Montréal et du Québec n'a pas tort de qualifier le règlement proposé de raisonnable dans les circonstances, jusqu'à en être syndicalement indécent. Cependant, par le jeu d'une belle apparence de démocratie, cette entente était dénoncée dans une assemblée générale "paquetée" par l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, l'APCHQ. Faut-il rappeler que, du côté patronal, cette association, qui n'est pas partie au décret, représente des entrepreneurs s'accaparant une très petite minorité des heures travaillées dans l'industrie de la construction au Québec?

C'est à cause de ces aberrations de la loi que nous nous retrouvons devant vous aujourd'hui. Dans les circonstances, nous nous contenterons de réclamer que vous imposiez un décret qui traduise simplement les ententes minimales négociées devant le médiateur Me Raymond Leboeuf. Comme ces ententes, le décret devrait prévoir des augmentations rétroactives au 1er mai 1982. Il devrait y avoir les mêmes augmentations sur les primes que sur les salaires.

Mettre fin à l'aberration. Dans un autre ordre d'idées, il faudra bien que les législateurs corrigent un jour les aberrations de la loi actuelle et traduisent, dans les règles du jeu de la négociation, la représentativité réelle des parties en cause. La pluralité syndicale, loin de favoriser une saine démocratie, donne lieu à l'appropriation de cotisations syndicales par des associations qui non seulement ne négocient pas, mais ne sont pas tenues de dispenser des services à leurs membres.

C'est parce que le processus de négociation était bloqué et que les travailleurs de la construction sont victimes de l'une des pires crises économiques connues depuis des décennies que la FTQ-Construction a accepté de limiter à des améliorations minimales ses demandes cette année. Nous espérons également que le gouvernement comprendra l'urgence d'apporter des amendements majeurs à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.

Il n'est donc pas inutile de rappeler les positions que nous défendions en 1977 devant la commission d'enquête sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, CERLIC, alors que le conseil provincial et la FTQ-Construction ne formaient qu'une seule et même entité. Nous n'avons pas changé d'avis à ce sujet: nous souhaitons toujours que les associations syndicales recueillant moins de 25% des adhésions, lors du vote d'allégeance syndicale, perdent leur caractère de représentativité et que leurs membres soient invités à choisir une autre association parmi celles qui auraient réussi à receuillir une proportion de représentativité supérieure à ce minimum de 25%. Nous réclamons, en outre, qu'une association détenant une majorité simple des voix soit habilitée à négocier, au nom de l'ensemble, une convention collective de travail.

Des droits bafoués. Ces changements ne sont pas des caprices. Ils permettraient aux travailleurs de la construction de profiter, dans la réalité, d'un droit qui leur est reconnu en principe dans la loi: le droit à la négociation. Ils en ont grandement besoin. Leur convention collective demeure d'une faiblesse qui traduit bien les lacunes de la loi: la formule de grief est impraticable, les conditions de travail sont pour la plupart laissées à l'arbitraire patronal et au jeu du rapport de forces, chantier par chantier, les bénéfices marginaux sont nettement insuffisants et les droits syndicaux quasi inexistants.

Cette année, après la scission avec le conseil provincial international, forte d'une réorganisation interne qui a assaini son fonctionnement et donné libre cours à la démocratie syndicale, la FTQ-Construction avait préparé un projet de convention collective qui corrigeait la plupart des insuffisances de la convention collective des

travailleurs de la construction. On y trouvait, entre autres, un projet de sécurité du revenu tellement essentiel à cette catégorie de travaileurs plus que toute autre exposée aux fluctuations cahotiques de l'économie.

Nous avons décidé, dans les circonstances de mettre de côté ces revendications. Mais nous n'attendrons pas des années qu'une réforme de la loi vienne enfin permettre l'exercice véritable du droit à la négociation. Nous engageons le gouvernement à agir promptement à ce chapitre. Il connaît depuis fort longtemps les données du problème et ses conséquences. Qu'il ne force pas les travailleurs à exprimer par des moyens radicaux leur désespoir.

Des conditions minimales. Doit-on le rappeler, les conditions que nous vous demandons de porter au décret sont minimales. Les augmentations de 10% par année ne constituent même pas une protection complète du pouvoir d'achat et elles s'appliquent aux revenus de travailleurs qui n'ont pas travaillé six mois en moyenne, l'année dernière. Nous trouvons quasi humiliant de nous présenter devant vous aujourd'hui avec de telles revendications.

Mais, puisque même ces conditions indécentes ont été refusées par l'assemblée générale des patrons "démocrates" et que vous entendez aujourd'hui un concert de braillards entonner le thème de l'incapacité de payer des patrons, nous sommes forcés d'argumenter quelque peu. Comme ce sont les entrepreneurs en construction domiciliaire qui se sentent égorgés par une ridicule augmentation salariale de 10%, rappelons quelques petites vérités. Au cours des trente dernières années, les coûts relatifs en main-d'oeuvre ont radicalement chuté dans la construction domiciliaire, partout en Amérique du Nord.

En 1972, un rapport de recherche du Conseil national de recherches du Canada, intitulé "L'industrialisation des maisons individuelles" et que vous trouverez en annexe, affirmait qu'en 1969, seulement 24% du coût total d'une maison construite sur place était dû au travail, 74% au coût des matériaux et 2% à l'équipement. Les chercheurs soutenaient, par ailleurs, que cette diminution radicale du pourcentage des coûts relatifs de main-d'oeuvre comparée aux habituels 40% et 50%, en vigueur vingt ans plus tôt, était occasionnée par "l'emploi de matériaux et d'éléments impliquant un important travail en usine et un emploi croissant de machines". Ils remarquaient par ailleurs que la productivité avait doublé au cours des vingt dernières années: "Pour la maison de 1969, il ne faut que 55% de la main-d'oeuvre qu'exigeait la maison de 1949." C'est compréhensible, avec les changements technologiques.

Même si, à notre connaissance, des données semblables ne sont pas disponibles pour la situation actuelle, qui oserait prétendre que cette tendance ne s'est pas accentuée au cours des dix dernières années? La préfabrication, l'évolution des techniques de construction, le perfectionnement des machines et l'utilisation de nouveaux matériaux réduisent sans cesse la main-d'oeuvre nécessaire dans l'industrie de la construction.

Aux États-Unis, on estime à 2% par année la diminution de la main-d'oeuvre active dans l'industrie de la construction. Dans le dernier rapport de recherche de l'OCQ, 4e trimestre de 1981, sur l'activité des "vrais bâtisseurs", on constate qu'au Québec cette diminution a été de 3% entre 1980 et 1981. D'ailleurs, ça aussi, vous l'avez en annexe. (17 heures)

Les braconniers de la construction. Que veulent les constructeurs d'habitations? Ils ne s'en cachent pas. Aussi, je trouvais curieux, dans un autre journal qui n'est pas non plus un journal syndical, appellé l'Habitabec, une série de trois articles pour relancer l'économie du Québec. Cela me fait rire. Déréglementation de l'industrie de la construction. Ensuite, on trouve qu'ils sont trop pris par les bureaux de placement. Formation de la main-d'oeuvre. Le cloisonnement des métiers, décloisonner cela. La double juridiction des organismes, l'OCQ, la Régie des entreprises de construction, la CSST, le BEE. Ils sont obligés d'avoir une licence de la Régie des entreprises de construction du Québec, une accréditation auprès d'Hydro-Québec, la qualification en vertu de la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction, un permis de vendeur itinérant et un cautionnement en vertu de la Loi sur la protection du consommateur. C'est ce que ces mêmes personnes nous suggèrent pour relancer l'économie au Québec. Comment peut-on relancer l'économie au Québec en déréglementant toute l'industrie de la construction d'habitations et en donnant cette réglementation seulement dans l'industrie lourde ou l'autre industrie, excepté l'habitation. Si c'est le genre de situation que les associations de constructeurs d'habitations nous suggèrent pour relancer l'industrie, je pense qu'on va avoir beaucoup de difficulté à s'entendre. Je pense que, d'autre part, on aura la chance d'en discuter.

Leur association l'exprimait candidement lors du sommet économique de Québec, il y a quelques semaines, ils veulent être libérés du décret et ils demandent la déréglementation de l'industrie du bâtiment. En clair, cela veut dire la légalisation du braconnage déjà intensivement pratiqué avec la complicité des membres de l'association. Cela veut dire aussi la voie libre au "cheap labour", aux conditions dangereuses et à l'intimidation patronale quotidienne de

travailleurs ne détenant plus de droits.

Déjà, la loi no 110, en précisant le statut des artisans, légalisait une bonne partie du braconnage. Cet assouplissement de la loi annule en bonne partie les effets du règlement de placement sur la sécurité d'emploi des vrais travailleurs de la construction. Mais, non contents de cette reconnaissance légale de leur statut, bon nombre d'artisans trouvent le moyen de travailler dans l'illégalité.

Une brève comparaison de chiffres nous en donne la preuve. 3285 artisans étaient enregistrés à l'OCQ en 1981. De ce nombre, 2039 avaient enregistré des heures de travail. Or, seulement 1200 sont enregistrés à la Régie des entreprises de construction du Québec, comme les y force la loi. J'écoutais, tout à l'heure, M. Bélanger qui posait la question à un des intervenants. Ils doivent être enregistrés à la régie. On s'aperçoit qu'il y en a beaucoup qui ne s'enregistrent pas. Il y a donc 800 artisans dont on peut prouver qu'ils ont travaillé illégalement. Tout le monde sait qu'il ne s'agit là que de la pointe de l'iceberg. Cela ne tient pas compte des heures non enregistrées, pas plus d'ailleurs que cela ne tient compte des milliers d'illégaux enregistrés ni à un endroit ni à l'autre.

À l'heure où le gouvernement, pris de panique, cherche fébrilement à qui extorquer de quoi combler ses trous, il pourrait récupérer des millions en impôt simplement en essayant de bloquer une partie de l'évasion fiscale que pratiquent ouvertement les braconniers de la construction. On aura une quelconque idée de l'ampleur de cette évasion fiscale en faisant le calcul mental suivant. En 1981, selon l'OCQ, les salariés de la construction faisaient, en moyenne, 984 heures de travail pour un revenu moyen de 15 227 $. Les artisans, eux, ne déclaraient, en moyenne, que 300 heures et touchaient un revenu moyen de 4365 $, c'est-à-dire qu'ils ne payaient pas un cent d'impôt, alors que les salariés, eux, étaient imposés sur plus de 10 000 $ en moyenne.

Notre connaissance du milieu nous fait croire que les braconniers légaux ont caché au moins les deux tiers de leurs heures travaillées. Nous estimons à quelque 18 000 000 $ les sommes identifiables cachées, ce qui aurait rapporté quelque 4 000 000 $ à l'État. Et nous ne parlons que des légaux ayant conservé un tiers d'honnêteté, nous ne parlons pas des illégaux malhonnêtes aux trois tiers.

Les conséquences de ce braconnage ne sont pas désastreuses seulement pour la sécurité d'emploi des travailleurs et pour les finances publiques, elles le sont aussi pour les consommateurs qui ne jouissent pas de garanties de qualité et d'honnêteté de la part de ces aventuriers.

Une déréglementation entraînerait la multiplication de projets dégueulasses comme Paravert à Laval, le projet Émérillon sur la rive sud de Montréal ou le projet Abeille qui était bien connu dans le temps, si je me rappelle bien, où les usagers se sont retrouvés dans des domiciles ayant de graves défauts de construction.

Le braconnage est aussi dommageable aux entrepreneurs sérieux qui veulent gagner leur vie honnêtement dans notre industrie. En effet, nous ne comprenons pas les revendications à courte vue de l'APCHQ qui, par ses demandes du retour à la loi de la jungle, risque de faire crever une bonne partie de ses membres.

Nous jugions cette digression sur les braconniers nécessaire à plus d'un point de vue. Elle permet d'éclairer quelque peu le tableau du marasme dans lequel se débattent les travailleurs de la construction et, surtout, elle dévoile la vraie nature des intentions de ceux qui ont sabordé la conclusion de l'accord sur les conditions minimales de renouvellement de la convention collective des travailleurs de la construction.

Ceux qui s'opposent aux hausses insignifiantes que nous réclamons ne veulent rien d'autre que d'accroître leurs profits sur le dos des travailleurs. Les véritables facteurs de la hausse constante des coûts de construction, il faut les chercher ailleurs que du côté de la main-d'oeuvre. Ils sont dus, bien sûr, au coût des matériaux, mais aussi à la spéculation et à la multiplication injustifiée des sous-traitants inutiles. Il n'est en effet pas rare que deux ou trois entrepreneurs et sous-traitants se refilent des contrats avant même que la première pelletée de terre ne soit levée. Quelque 25% à 30% de profits sont déjà réalisés avant que la maison ne soit mise en chantier. Il ne faudrait pas non plus mettre de côté tout le phénomène du scandale des taux trop élevés d'intérêt qui sévit actuellement.

À qui profitera une plus grande déréglementation? Sûrement pas aux consommateurs et aux salariés. Elle permettra aux développeurs et profiteurs de tout acabit de spéculer à qui mieux mieux. Comment expliquer autrement qu'une maison de 50 000 $ au Québec se vende 80 000 $ en Ontario et 100 000 $ en Alberta ou en Colombie britannique? Pourtant, dans ces régions, la syndicalisation n'est pas généralisée. Ce sont de pareils déréglements qu'envient les dirigeants de l'APCHQ.

Un geste simple et rapide. Pour conclure, nous vous demandons simplement de confirmer par voie de décret ce qui a été négocié en présence du médiateur et ce qui a fait l'objet d'ententes avec les dirigeants de l'AECQ pour fins de clarification ultérieurement au 30 avril 1982. Nous vous demandons en outre d'y ajouter la recommandation d'amendement de l'article 18.03 visant à réduire le travail braconnier

et frauduleux. Le tout se trouve d'ailleurs en annexe au présent mémoire.

Nous vous demandons enfin de donner un effet rétroactif au 1er mai aux augmentations salariales et d'augmenter les primes de 10% par année, tel que recommandé par le médiateur, Me Raymond Leboeuf.

Nous attendons aussi une action rapide pour rendre le processus de négociation praticable dans l'industrie de la construction.

Pour terminer, M. le Président, j'aimerais relever un fait. Nos confrères du conseil provincial nous accusent de discrimination concernant le gazoduc vis-à-vis de Pe-Ben. Je ne pense pas que le règlement de placement soit bafoué et je poserais la même question au sujet de ce qui arrive avec les plombiers qui travaillent chez Pe-Ben. Est-ce que la même discrimination se fait? On est accusé d'être en majorité sur les chantiers. C'est sûr que, lorsqu'on représente 80% des gens d'un métier dans certains cas, on est en majorité, mais il y a beaucoup de représentants, beaucoup de salariés de l'union internationale dans différents métiers qui sont chez Pe-Ben, soit parmi les manoeuvres, mais, au niveau des plombiers, ce sont uniquement des salariés du local 144, donc, personne de la FTQ-Construction. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier les porte-parole et représentants de la FTQ-Construction de leur mémoire. Il y a beaucoup de choses dans le mémoire, une analyse générale de l'ensemble des problèmes de fond qui ont aussi été évoqués par d'autres porte-parole d'autres groupes qui se sont présentés devant nous jusqu'à maintenant. On ne reviendra pas sur le détail de ça aujourd'hui, je pense que ce n'est ni le lieu ni le moment.

Je comprends que la FTQ-Construction nous rappelle ses positions de base, qui avaient déjà été définies au cours des travaux de la commission Hébert. On aura sûrement l'occasion d'y revenir, je l'ai évoqué tout à l'heure.

Il est exact, je le rappelle, qu'on est dans une situation à tout le moins inusitée. Je pense que tout le monde l'admettra, enfin, on verra si tout le monde l'admet, rendu à la fin de la journée. II me semble que l'évidence des chiffres et des faits devrait nous amener tous et chacun, toutes et chacune, à admettre que l'évolution des salaires, à tout le moins l'entente de principe telle que présentée, impliquait un effort plus que raisonnable de la part des travailleurs dans une conjoncture économique qui n'est pas facile. Ce n'est certes pas en soi le seul et unique élément d'une relance, mais il est évident qu'une entente de principe qui amène des conclusions sur une base salariale à des niveaux qui sont - je pourrais les qualifier autrement, mais je me contentrai pour l'instant de dire ceci - plus que raisonnables, compte tenu de l'évolution du coût de la vie, n'est certainement pas un élément qui freine une relance et n'est certainement pas un élément qui manifeste une absence de volonté de contribuer à une relance dans le secteur de la construction.

J'ai pris bonne note aussi du fait que c'est un dossier qui y est quand même relié, mais qu'il faut clairement distinguer pour les fins de nos travaux et des recommandations que je dois faire avant minuit, au Conseil des ministres spécial, afin d'adopter un décret assurant non seulement une paix sociale, mais l'existence d'une convention qui traite les travailleurs justement. Je me dois de dire, à ce point-ci de nos travaux, qu'il me semble - tout le monde va l'admettre -y avoir eu, malgré les difficultés inhérentes à l'ensemble des relations du travail dans le secteur de la construction sur lesquelles il nous faudra revenir, un effort du côté syndical. Cela me paraît évident. Je pense que tout le monde doit le reconnaître et l'admettre.

Ceci étant dit, j'aimerais que vous commentiez cela un peu. Vous le formulez de différentes façons, vous y revenez à différentes reprises par divers biais, mais particulièrement à la page 11 où vous le prenez par le biais des coûts comparés de construction d'une maison; vous faites une comparaison entre le Québec, l'Ontario et l'Alberta ou la Colombie britannique: 50 000 $ par rapport à 80 000 $ ou 100 000 $ de coûts de construction. Vous reliez cela, si je comprends bien votre mémoire, notamment à l'évolution des salaires ici, notamment, mais pas exclusivement. Je pense qu'il serait intéressant que vous développiez davantage ce point, la question de l'évolution des salaires, de l'impact sur les coûts. Bien sûr, ce n'est qu'un des éléments d'impact et vous le soulignez. D'autres groupes aussi l'ont souligné avant vous, mais je pense qu'il serait intéressant pour nous que vous puissiez développer ce point.

Également, j'ai pris connaissance de toutes et chacune des propositions; vous demandez, bien sûr, que le minimum soit fait et qu'on s'en tienne au strict minimum. À votre point de vue, il y a un certain nombre d'ajustements qui devraient être faits à l'entente de principe qui est intervenue entre les parties. Vous formulez, particulièrement, une recommandation concernant l'article 18.03. J'ai eu l'occasion, tout à l'heure, de poser la même question à un autre groupe syndical qui vous a précédés. J'aimerais que vous précisiez la portée et le sens de votre

recommandation.

Je l'ai évoqué et je me permets de le rappeler, la loi 110 est là, elle confère un certain nombre de droits, de pouvoirs à des artisans. L'article 1, paragraphe u de la loi, définit bien clairement ce qu'est un artisan. Par voie de conséquence, si tant est que des gens agissent dans l'illégalité, s'il y a des trous dans des textes qui rendent l'application plus difficile, plus délicate et qui empêchent notamment un contrôle qui permette l'application stricte de la loi, je pense que c'est légitime de soulever la question pour s'assurer qu'on ne fasse pas des choses qui seraient contraires à la loi ou aux règlements. On ne peut pas modifier ici, ou au Conseil des ministres, la loi. On peut certainement s'assurer que la loi trouve sa pleine et entière application, notamment, par l'entremise de l'Office de la construction du Québec.

Deuxièmement, si tant est que c'est nécessaire, comme vous le suggérez, comme d'autres l'ont suggéré, des ajustements pourraient s'imposer à l'article 18.03. J'aimerais que vous nous expliquiez davantage le sens, la portée, l'objectif concret de votre recommandation à l'article 18.03. (17 h 15)

M. Rivard (Jean-Paul): M. le ministre, pour répondre sur le prix des maisons, il est assez difficile de donner tous les détails heure par heure. Il y a des études qui sont faites, qui se situent à 675. Il y a des députés qui ont des études, faites probablement par l'APCHQ qui tire la couverte de son côté parce que ce sont leurs amis et qu'ils veulent peut-être gonfler le prix des maisons pour essayer de faire peur aux gens pour montrer ce que l'augmentation de salaires donnerait. Le prix des maisons a toujours été et sera toujours fait en vertu de l'offre, de la demande et du marché. Il y a quelques années, on entendait le président de l'Association des agents immobiliers de l'Ontario, qui était venu ici au Québec, dire qu'au Québec, le prix des maisons n'était pas encore favorable aux agents immobiliers et qu'il faudrait au moins l'augmenter au même niveau que l'Ontario. Donc, le prix des maisons a toujours été créé artificiellement par ceux qui contrôlent, et par ceux qui contrôlent, pour commencer, les terrains. Une loi qui est vraiment utile et nécessaire ici au Québec, c'est la loi sur le zonage agricole qui a fait en sorte que les spéculateurs - les fraudeurs aussi qui sont là-dedans - qui avaient le monopole des terrains se sont vus, à un moment donné, propriétaires d'une petite mine d'or, et c'est bien dur de leur faire lâcher cette mine d'or maintenant à des prix décents.

Il faudrait absolument - surtout dans le cadre de la relance de l'industrie de la construction - que les municipalités puissent prendre le contrôle des banques de terrains qui existent. Cela commencerait déjà à diminuer le prix des maisons. Il y a un tas d'autres choses pour faire diminuer le prix des maisons. Notre mémoire dit à un moment donné qu'en Colombie britannique, une maison, un bungalow bien ordinaire peut valoir 100 000 $. En Colombie britannique, la petite construction domiciliaire n'est pas syndiquée, presque pas syndiquée. Il n'y a pas de syndicalisation là. Il y a encore des travailleurs qui travaillent à 5 $ ou 6 $ l'heure.

C'est la même chose dans toutes les autres provinces et plus particulièrement dans l'autre province peuplée, l'Ontario, où la construction domiciliaire n'est pas syndiquée à toutes fins utiles.

Cela n'empêche pas le coût des maisons de grimper. Ce sont les intermédiaires exploiteurs qu'on trouve tout le long du processus qui sont responsables de l'augmentation du coût des maisons. Comme on dit, à un moment donné, il y a trois ou quatre entrepreneurs qui ont fait de l'argent avant même d'avoir levé une pelletée de terre et qui ne sont même plus dans le décor avec de l'argent dans leur poche quand vient le temps de construire la maison. C'est ce qui est défendu par l'APCHQ aujourd'hui. C'est ce genre de population que cette association dépend.

M. Lavallée: Seulement pour votre information, nos renseignements nous viennent d'une étude faite par le Trust Général du Canada en 1981. On a pris toutes ces données dans le journal Habitabec, qui mentionnait le prix des maisons dans chacune des provinces du Canada. Je pense que l'endroit où le prix était le moins élevé, c'est Shawinigan-Sud, soit 33 000 $.

M. Rivard: Quand vous voulez des explications sur l'article 18.03 et la portée de l'article 18.03...

M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre, M. Rivard. Je voudrais seulement vous poser une question additionnelle pour être bien certain que j'ai compris la réponse que vous venez de donner concernant au moins l'angle qui se trouve couvert par le biais de la syndicalisation. Quand vous comparez le Québec avec l'Ontario et que vous comparez avec l'Alberta et la Colombie britannique, ai-je bien compris que vous avez dit, sur la base de ce que vous avez précisé, M. Lavallée, -vous avez vos sources d'information - que c'était particulièrement le secteur domiciliaire en Ontario, en Alberta et dans les autres provinces qui n'était pas syndiqué dans le domaine de la construction ou si c'était l'ensemble?

M. Rivard: Non, c'est particulièrement ce secteur; dans les autres provinces. C'est surtout l'industrie lourde qui est syndiquée. Le secteur résidentiel n'est pas syndiqué. C'est le commercial et l'industrie lourde, parce que c'est toujours plus facile à syndiquer. C'est assez difficile de syndiquer des "chaudrons", parce que vous vous retrouvez tout le temps avec des braconniers, des illégaux qui, continuellement, veulent avoir des "jobs" ou travailler un peu pour gagner leur vie et qui vont continuellement en dessous de la table. Vous n'êtes pas capable de syndiquer cela, parce que c'est peut-être son frère, son beau-frère ou son cousin. C'est presque impossible à syndiquer sur une base de "chaudrons".

C'est le profit recherché sur les maisons qui fait en sorte que le coût des maisons augmente. À cause de la situation du marché, aujourd'hui, il est curieux de remarquer qu'une maison qui se vendait 57 000 $ l'année dernière est offerte maintenant à 50 000 $. Il n'est pas question que ces mêmes "chaudrons" soient tous en faillite. Non, ils ont baissé leur profit. Supposément, c'est le marché qui est comme cela aujourd'hui. Elle coûterait un peu moins cher que l'année dernière, mais ce n'est pas assez. Il faudrait encore déréglementer complètement l'industrie de la construction pour leur faire faire encore plus de profits. C'est une chose qu'on ne peut pas accepter.

Ce qu'on demande par l'article 18.03, en fait, c'est de pouvoir mettre fin à l'évasion fiscale constante des braconniers, des petits "chaudrons" et des artisans. Il serait impossible pour l'artisan et le braconnier de vivre, s'ils n'avaient pas la complicité de ces gens-là, défendue par l'APCHQ. À l'heure actuelle, comme le dit notre mémoire, ils rapportent à l'OCQ 4365 $ de revenu par année. Quand le règlement de placement fait perdre le certificat de classification à l'un d'eux, cela crie comme des putois pour essayer de le reconquérir et de continuer à crever a 4365 $ par année. C'est assez dur à expliquer.

À l'Assemblée nationale, des députés des deux partis, mais notamment du parti de l'Opposition qui doit faire le travail de torpillage, allaient défendre ces gens, ces pauvres petits messieurs qui avaient perdu leur certificat de classification. Il y avait des injustices là-dedans. La situation s'est améliorée pour ces gens. On leur a fait justice. Il y en a beaucoup là-dedans qui étaient des artisans qui, pendant tant de temps, avaient réussi à saigner l'assurance collective de l'industrie de la construction en se déclarant malades, en retirant des bénéfices, des indemnités hebdomadaires, en continuant à travailler en dessous de la table pendant que nous, les vrais travailleurs de la construction, leur payions des salaires chez eux, à travailler en dessous de la table et à ne rien rapporter à l'Office de la construction. C'est pour cela qu'un tas de ces gens ont perdu leur certificat de classification. Ils ne le disent pas. Les députés étaient de bonne foi, ils les défendaient, mais il leur manquait des détails. On aurait pu envoyer des centaines de travailleurs, en chômage ou qui travaillent, avec des certificats de classification en bonne et due forme pour aller dire à ces gens: Hé, bonhomme, tu essaies de mettre encore des gens sur le marché du travail dans la construction pour venir me voler "ma" job en dessous de la table, comme ils l'ont toujours fait.

C'est cela, la situation dans la construction. C'est cela, le braconnage constant dans la construction. Le braconnage de ces gens fait en sorte qu'à l'heure actuelle des cotisations à la CSST ne sont pas payées. Il y a un trou à la CSST, dit-on. Ils en sont aussi partiellement responsables, ces gens, parce qu'ils ne respectent pas leurs obligations. Ils ne paient absolument rien. Ils ne paient rien à l'assurance-maladie, ils ne paient rien au Régime de rentes, mais ils en bénéficient. Leurs enfants, leurs épouses, eux-mêmes bénéficient de l'assurance-maladie. C'est nous qui payons continuellement pour ces braconniers et ces fraudeurs. On vous en a déjà parlé dans un mémoire précédent. Des experts, dont je ne suis pas, disent que 20% de l'économie sont de l'économie invisible. Il va falloir y mettre fin, à un moment donné. On devrait peut-être arrêter de harceler - non pas sexuellement comme elles le sont continuellement - les petites serveuses de restaurant pour essayer d'aller leur arracher quelques sous et aller vraiment voir où il y a de la fraude fiscale, avec des millions et des millions de dollars.

Ces gens profitent continuellement de l'État dans le domaine de la sécurité sociale. Ils se promènent en Cadillac, pour la plupart. Plusieurs d'entre eux se promènent en Cadillac et vivent dans des châteaux. À 4365 $ par année, je voudrais essayer de faire pareil! Je ne détesterais pas me promener en Cadillac.

Un autre truc de ces gens, c'est qu'à un moment donné ils se blessent en travaillant en dessous de la table, pour un "chaudron" ou pour eux-mêmes, et ils trouvent le moyen, avec un autre employeur complice, de se faire embaucher, d'avoir un accident cette même journée et de recevoir des prestations des accidents du travail. Ce sont encore les autres travailleurs et les employeurs honnêtes - il y en a - qui sont obligés de payer pour ces fraudeurs. C'est comme cela sur toute la ligne. Ils connaissent tous les tours. On n'a pas à leur en montrer. Ils en savent probablement plus que nous. On pourrait en profiter pour

prendre un verre avec eux et en parler pour leur tirer les vers du nez. Ils les connaissent tous.

C'est cela que notre article 18.03 veut éliminer. On ne veut pas éliminer complètement l'artisan. On ne veut pas qu'il soit dans nos jambes! On veut que ces gens soient éliminés de la construction neuve, parce que ce n'est pas vrai que les centrales syndicales, les travailleurs vont mettre de l'argent dans un fonds de relance de l'industrie de la construction pour se faire voler leurs jobs par ces braconniers et ces fraudeurs du fisc. Ce n'est pas vrai! L'APCHQ peut dire ce qu'elle voudra, mais jamais elle ne nous embarquera là-dedans. L'APCHQ a le front de venir nous demander cela. Elle participe au fonds de relance de l'industrie de la construction et elle vient défendre des choses comme cela. Ce n'est pas vrai, on va jouer cartes sur table. Si l'argent des travailleurs doit relancer l'industrie de la construction, ce sont les travailleurs de la construction qui vont en bénéficier et non pas les voleurs de jobs et les fraudeurs de l'industrie de la construction. On en a assez de cela.

Je voudrais aussi faire un commentaire qui ne m'a pas été demandé. C'est que les dirigeants de l'AECQ sont partiellement responsables de la situation qui existe aujourd'hui. Ce sont eux qui ont motivé leurs employeurs à être fermes. Avant même qu'on leur propose nos demandes, ils avaient déjà le mandat d'être fermes. Ils ne savaient même pas ce qu'on allait demander, mais ils avaient le mandat d'être fermes. Leur président se promenait à travers la province et devant toutes sortes d'associations en disant qu'il serait ferme, une attitude offensive, mais non agressive. Là, il commençait l'agression continuellement.

Notamment, lors du congrès de l'Association canadienne de la construction, le 20 novembre 1981, il commençait de façon charmante en disant: "Personnellement, je suis une recrue dans le monde des associations et de la diplomatie." Je n'ai jamais prétendu en être une. Un peu plus loin, il commence tout de suite, ce n'est pas long, il dit: "Je vais maintenant faire une affirmation un peu gratuite, mais cela ne me gêne pas du tout; ce sont mes premières armes en diplomatie et cela paraît." Pendant des mois, la même attitude agressive a continué dans différentes lettres que je ne résumerai pas, mais qui accusaient continuellement les chefs syndicaux de se battre entre eux sur le dos des travailleurs, et on disait, dans des annonces de journaux, que, si on n'acceptait pas les offres ou si le gouvernement ne les imposait pas, ils iraient à nos membres pour les faire accepter. On pourrait peut-être leur suggérer diplomatiquement de commencer, avant de prendre des votes chez nos membres, par- dessus la tête des instances syndicales, à aller chercher leur propre vote de confiance chez eux et à laisser faire nos plates-bandes; on va s'en occuper.

Je voudrais aussi faire remarquer ou dire aux membres de la commission que l'APCHQ se vante de représenter un tas d'employeurs et que nous, nous avons autre chose. Nous avons ici 500 lettres signées par des employeurs véritables qui travaillent, qui ne travaillent pas en braconniers, qui sont des membres de l'APCHQ et qui ont signé un document dans lequel ils disent qu'ils sont en faveur de l'entente et qu'ils ne sont pas en faveur de sortir du décret de la construction. Vous pouvez les consulter n'importe quand. Vous pouvez avoir les noms pour vérifier; elles sont ici à votre disposition.

Je n'ai pas fini d'expliquer l'article 18.03, M. le Président. Lors de la commission parlementaire du 27 janvier 1981 - je veux seulement répondre au ministre, je ne veux pas traîner - le contentieux du ministère avait émis l'opinion qu'une clause contrôlant le travail de l'artisan pouvait être illégale. Eh bien, l'article 19 de la loi ne donne pas l'obligation à l'artisan de travailler, ni à l'employeur de faire travailler un artisan. Il n'y a absolument rien, à notre avis, qui peut empêcher les employeurs et les syndicats de s'entendre pour limiter le travail de l'artisan dans certains secteurs. Cela se retrouve dans tout autre secteur où on n'a pas de clauses de sous-contrat ou de travail à forfait.

Si c'était illégal de s'entendre sur une clause ou de mettre une clause dans le décret qui limiterait le travail de l'artisan, parce que deux parties pourraient avoir l'air de s'entendre, il est aussi illégal pour l'employeur - là, je procède par l'absurde pour montrer l'absurdité de cette interprétation - de décider de donner du travail à un artisan ou de ne pas en donner, parce que, si on ne peut pas s'entendre avec l'employeur pour ne pas en donner, l'employeur n'a pas le droit de ne pas en donner non plus, il doit en donner. Ce n'est pas ce que la loi veut dire.

Ce qu'on recherche par la loi, par le décret, par la clause 18.03, c'est que ces gens fassent honneur à leurs responsabilités, qu'ils soient aussi à part entière dans la société et paient autant pour les charges sociales que nous avons à payer, nous, les travailleurs de la construction, et vous autres aussi d'ailleurs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): D'accord.

Les règlements veulent qu'en commission parlementaire aucune manifestation ne soit permise. Je m'en excuse, mais ce sont les règlements. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Je veux évidement, moi aussi, comme le ministre l'a fait, remercier les travailleurs d'avoir été raisonnables dans leurs demandes d'augmentation de salaires. Je ne peux quand même pas laisser passer certains faits qu'il faudra vraiment relever. En ce qui concerne l'habitation domiciliaire, croire que trois ou quatre contrats sont accordés avant la première pelletée de terre, je peux vous dire immédiatement que c'est faux. Cela s'est peut-être déjà fait, mais cela ne se fait plus. Cela ne se fait plus depuis de nombreuses années.

Autre chose, si on veut parler du prix des maisons au Québec et en Ontario, il faudra aussi comparer des pommes avec des pommes. Ce ne sont pas, non plus, les travailleurs qui en ont tout le mérite, quoiqu'on ait une main-d'oeuvre extrêmement qualifiée, mais c'est qu'en Ontario, dans le prix de votre maison, vous retrouvez également le coût des infrastructures, l'égout, l'aqueduc. En Ontario, seuls les gros entrepreneurs peuvent se permettre de construire, parce qu'ils doivent assumer non seulement les terrains, mais ils doivent également assumer les frais de services qu'ils ont installés, les rues, etc. C'est pour cela que vous retrouvez très peu de constructeurs en Ontario. (17 h 30)

Autre chose que je déplore également, c'est qu'on traite les entrepreneurs en construction de "chaudrons", d'à peu près n'importe quoi, alors qu'on a tous les louanges pour la petite et moyenne entreprise. Parce qu'on produit des berceaux, parce qu'on produit des patins, ce sont des hommes louables. Mais dès qu'on veut construire des habitations, vous les qualifiez de "chaudrons", de fraudeurs, vous les qualifiez d'à peu près tout.

M. le Président, je suis membre de cette association provinciale des constructeurs et je n'en ai pas honte; au contraire, j'en suis fier. Au Québec, on a développé de très bons entrepreneurs en construction. D'ailleurs, c'est le premier endroit au Canada où l'association provinciale des constructeurs s'est donné une garantie contre la fraude, contre même les vices de construction, sans l'appui du gouvernement. L'association elle-même s'est donné cela. Je ne comprends pas pourquoi on ferait une différence entre la petite entreprise familiale d'un constructeur qui devient automatiquement', parce qu'il est constructeur, un "chaudron" et un bandit, et l'autre, qui fait d'autres produits, comme je l'ai mentionné, et qui devient un homme d'affaires extraordinaire que tous les ministres, tour à tour, flattent et vantent comme entrepreneur de petite entreprise dont on a énormément besoin. Cela, c'est une chose que je voulais relever.

C'est évident qu'on peut comprendre que l'association provinciale des constructeurs ait demandé qu'il n'y ait pas d'augmentation de salaires vu le marasme de la construction actuellement. Vous êtes d'accord avec moi qu'en 1976 on produisait au Québec 68 000 unités de logement et qu'on sera rendu probablement à 22 000 en 1982. Ces entrepreneurs ne voulaient pas - soyons sincères et je vous le dois en toute honnêteté -épargner 2000 $ pour faire 2000 $ de plus de profits sur une propriété. Ils croyaient tout simplement que ça pourrait faciliter la relance de la construction. Je peux vous dire une chose. J'en ai vu des bilans d'entrepreneurs, j'ai vu le mien en particulier du temps où j'étais entrepreneur, et 99% des entrepreneurs en construction du Québec seraient prêts à travailler avec une marge de profit de 8%, parce que ça représente un profit de 3500 $ ou 4000 $ par unité de maison. Ils sont tous prêts à travailler demain matin.

Pour ce qui est des terrains au Québec, il faut absolument que les municipalités continuent d'offrir elles-mêmes les services; sinon, ce seront encore, comme c'est le cas en Ontario, de gros entrepreneurs qui auront le moyen d'investir 2 000 000 $, 5 000 000 $ dans l'achat de terrains pour laisser cela là pendant cinq ans en attendant que le prix des terrains augmente. Je peux vous dire une chose: Depuis cinq ans, ce n'est pas le prix des terrains non plus qui a contribué à l'augmentation des maisons, puisqu'il a baissé, il a diminué. Vous pouvez encore acheter des terrains résidentiels pour moins de 1 $ le pied aux environs de Montréal. Pourquoi? Tout simplement parce qu'il y a des entrepreneurs qui sont pris avec un paquet de terrains sur lesquels ils ne peuvent pas construire. C'est pour ça que le prix a diminué.

En terminant, M. le Président, je tiens quand même à remercier les travailleurs, comme je l'ai fait au début. Je pense que 10%, c'est convenable, c'est extrêmement convenable. Il ne faudrait pas, non plus, charrier et dire que les entrepreneurs sont tous des bandits, qu'ils sont tous des "chaudrons". Cela, M. le Président, je ne peux pas l'accepter.

Le Président (M. Laplante): M. Rivard.

M. Rivard: M. le député, mes remarques ne s'adressaient pas à vous parce que vous semblez être en faveur des 10%. Vous êtes un bon "boss", vous n'êtes pas un "chaudron", d'après ce que je peux voir.

M. Rivest: Faites-lui signer votre pétition.

M. Rivard: Je ne savais pas que l'APCHQ avait réussi à s'infiltrer parmi les

députés pour se faire défendre de façon aussi féroce.

M. Rivest: Faites-le signer.

M. Rivard: Vous pouvez également signer la pétition qu'on a ici.

Le Président (M. Laplante): II n'y a pas d'autres questions? Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. Rivard, vous avez été terriblement éloquent quand vous avez parlé de l'industrie de la construction, quand vous avez parlé contre la déréglementation, contre l'évasion fiscale. Ce n'est pas une question que je veux vous poser parce que, si je le faisais, je pense qu'elle aurait dû être posée également aux autres associations syndicales qui se sont présentées devant la commission cet après-midi. Comme ça n'a pas été le cas, on y reviendra certainement à un moment ou à un autre.

En fait, la conclusion de votre mémoire dit ceci: "Nous attendons aussi une action rapide pour rendre le processus de négociation praticable dans l'industrie de la construction." Vous faites certainement référence à ce qu'on retrouve en filigrane dans votre mémoire sur la représentation syndicale. Je ne vous pose pas la question parce qu'il aurait fallu que je demande aux autres associations, particulièrement aux associations minoritaires, en quoi le processus avait été praticable ou non praticable pour elles et, en fait, pour qui le processus a été plus ou moins praticable. La question reste posée - en fait, elle le sera dans l'avenir -car, si vous êtes terriblement éloquent sur l'industrie, il y a un fardeau de preuve à faire concernant la représentation.

Vous avez référé à l'enquête Hébert. Il y a aussi le rapport de la commission Cliche, ce rapport de la commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction. Sur cette question, la commission disait: "En exigeant une représentativité de 75%, la commission croit qu'elle permettrait la création d'un front commun syndical de négociation, son plus grand souhait." La commission disait également: "Sur tout chapitre du libre choix du syndicat, il est clair - j'imagine que c'est encore, pour vous, très clair - que la FTQ-Construction a toujours recherché le monopole de la représentation syndicale. Elle ne s'en est d'ailleurs jamais cachée. Comme elle ne pouvait l'atteindre directement et comme le gouvernement ne lui a jamais permis le vote général qu'elle réclamait, c'est par toutes sortes d'autres moyens qu'elle a tenté de parvenir à son but."

J'ai trouvé un peu regrettable - je vous le dis comme je le pense, honnêtement -que, dans le contexte d'un décret qui va régir des conditions à très court terme, on aborde une autre question qui, à mon point de vue, devrait faire l'objet d'une autre discussion dans un autre lieu, à un autre moment.

M. Rivard: Vous trouvez indécent qu'on ait abordé cela et je trouve tout aussi indécent que vous, étant au courant des choses syndicales comme vous semblez l'être, veniez nous rabattre les oreilles avec le rapport de la commission Cliche, quand vous savez très bien ce qu'est la nouvelle FTQ-Construction aujourd'hui, depuis la scission avec le conseil provincial (international).

Des voix: Bravo!

Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît:

Mme Harel: Alors, je vous dirai, M. Rivard...

M. Rivard: Je vais continuer, madame.

Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît!

Mme Harel: Si vous me le permettez, je vous dirai, M. Rivard, que la commission...

M. Rivard: Je n'ai pas fini de répondre à votre question. Vous avez ouvert la vanne.

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît! M. Rivard.

Mme Harel: Je vous dirai, M. Rivard, que sur cette question la commission Cliche affirmait que, que ce soient des moyens légaux ou illégaux, même sur le plan de la stricte légalité, elle ne concluait pas à l'opportunité d'un monopole syndical sur le strict plan de l'opportunité dans un cadre de pure légalité.

M. Rivard: La commission Cliche pouvait conclure ce qu'elle voulait. Aujourd'hui, on se trouve devant une réalité. Elle est là, la réalité. Elle nous frappe. Le juge Cliche avait tort.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, MM. Cloutier, Paré, Rivard et Lavallée, les membres de cette commission vous remercient de votre participation à cette commission.

J'appelle maintenant l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Monsieur, si vous voulez bien vous identifier et identifier les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît:

Association des entrepreneurs en construction du Québec

M. Chagnon (Claude): Je suis Claude Chagnon, président de l'AECQ, l'Association des entrepreneurs en constructionn du Québec. À ma droite, M. Michel Dion, directeur général et M. Jean-Pierre Langlois, adjoint. À ma gauche, M. Michel Thériault, vice-président de l'association.

M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, Mme la députée, on va essayer d'être bref. On n'a pas de gros cahiers à vous présenter. Vous connaissez le résultat du 19 mai. On va essayer de vous donner l'explication du déroulement des négociations. C'est regrettable qu'on soit ici devant cette commission et qu'on prenne le temps d'un peu tout le monde pour régler la convention collective. On vous a présenté un document de deux pages et on voudrait qu'il fasse partie...

Une voix: Comme s'il avait été lu.

M. Chagnon: Comme s'il avait été lu aux membres de la commission.

Vous savez que notre conseil d'administration regroupe les quatre grands secteurs de la construction. Au mois d'août dernier, notre conseil d'administration se réunissait pour regarder une stratégie de négociation en vue du règlement de la convention collective qui se terminait le 30 avril 1982. À l'automne 1981, notre conseil d'administration faisait le tour du Québec dans nos dix régions pour contacter les entrepreneurs, pour regarder un peu les problèmes qui existaient au Québec en vue des prochaines négociations. En novembre 1981, il y avait la période de maraudage dans la construction qui a donné le résultat suivant: aucune centrale majoritaire pour pouvoir négocier la prochaine convention collective avec une partie devant nous. On sait que la FTQ-Construction ramassait environ 44% des voix, le conseil provincial, environ 23% des voix, la CSN, environ 18% des voix, la CSD, environ 9% des voix et le syndicat de la Côte-Nord, environ 0,075% des voix.

À la suite du maraudage dans la construction, je pense que le conseil d'administration s'est réveillé un peu dans une impasse et nous avons convoqué le conseil pour voir de quelle façon les prochaines négociations pourraient se dérouler. Nous avons fait appel à toutes les centrales syndicales en disant: Même si ces gens-là sont minoritaires, il est sûrement possible de régler une convention collective démocratiquement. Cela s'est déjà vu d'autres organismes, soit des gouvernements, des municipalités ou des commissions scolaires minoritaires qui étaient obligés de gouverner.

Vers le 14 janvier, on convoquait toutes les centrales syndicales à un rendez-vous qui devait avoir lieu au Sheraton le 2 février, pour être capables de regarder une stratégie de négociation, pour être capables de négocier dans les 90 jours, comme la loi nous le permettait. On avait connu les négociations de 1976 avec une association très jeune qui débutait et cela avait amené des négociations assez longues.

On avait connu le conseil de 1979, un nouveau conseil à la suite des changements de la loi, qui est arrivé en fonction en février et qui était obligé de commencer les négociations pour terminer le 30 avril. Ces négociations avaient duré 12 ou 15 mois, on en était venu à une entente de convention collective et on s'est réveillé devant le gouvernement avec une commission parlementaire concernant le gazoduc parce qu'il restait quelques points ouverts. Le but de l'AECQ était simple, c'était de s'entendre avec les parties et de négocier démocratiquement une convention collective.

Le 2 février, au Sheraton, le conseil provincial se présentait, la CSD se présentait, mais la FTQ-Construction, la CSN et le syndicat de la Côte-Nord ne donnaient aucun signe de vie. Le lendemain matin, on écrivait aux centrales syndicales en leur demandant d'être raisonnables et de venir négocier la convention collective, même si elles étaient minoritaires. Le mot que tout le monde s'était donné, c'était qu'il ne s'agissait pas de profiter d'une situation pour être un agent provocateur. Dans la même lettre, on demandait aux centrales syndicales de déposer leurs demandes autour du 15 février. Le 15 février, aucune demande syndicale n'était déposée. Dans les jours qui ont suivi le 15 février, nous avons convoqué de nouveau les centrales syndicales pour le début de mars. Le même scénario, le conseil provincial se présentait, la CSD se présentait; aucun signe de vie des autres centrales syndicales.

Nous, les entrepreneurs en construction, vous savez qu'on regroupe les 15 000 entrepreneurs de la construction, aussi bien les petits, les moyens et les gros. Je pense que c'est important; partout au Québec, si vous regardez la grandeur du Québec, un petit entrepreneur, pour nous, c'est un entrepreneur responsable. Si on veut devenir des moyens entrepreneurs ou des gros entrepreneurs, il faut commencer par être petit. Exemple, la PME, etc.

Je pense que l'AECQ n'a jamais -même au conseil d'administration, les quatre secteurs sont représentés, 21 administrateurs - en aucun temps, mis de câté les petits entrepreneurs. Je pense que dans une société comme la nôtre, il est important de protéger aussi bien le petit, le moyen que le gros. C'est ça, notre mandat et c'est ça que les

entrepreneurs veulent partout au Québec.

À la suite de la rencontre du 4 mars, on s'est essayé de nouveau et on a convoqué des tables de négociation, tout en pensant que la FTQ, la CSN, les trois autres centrales syndicales viendraient. Mais encore le même scénario, le conseil provincial, la CSD se présentaient aux tables de négociation. Cela devenait de plus en plus difficile pour le conseil d'administration qui regroupe toutes les entreprises des quatre grands secteurs, petites, moyennes et grosses. Notre mandat à l'AECQ, quand on a été élu le 12 novembre, ç'a été pour administrer l'association, donc, toutes les relations de travail à travers le Québec qui concernent 15 000 entreprises et 100 000 travailleurs. (17 h 45)

Autour du 20 mars, là, le conseil s'est vraiment penché sur la question en disant: On s'en va vis-à-vis d'à peu près rien. On avait fait venir des statistiques du fédéral. On avait sorti les conventions collectives à travers le Québec dans différents secteurs. On avait regardé la construction parce qu'on sait que dans la construction actuellement le marché est vraiment malade. Il ne faut pas se le cacher, il faut regarder les faits tels qu'ils sont. Regardons l'habitation. C'est un fait qu'il y a un malaise dans l'habitation, un malaise très grand, il n'y a pas de travail. Il y a beaucoup de petits entrepreneurs qui travaillent dans l'habitation. Il y a d'autres malaises dans d'autres secteurs. On n'a pas regardé seulement le secteur de l'habitation, on a regardé les grands secteurs. Prenons les travaux de la Baie-James; c'est autant d'entreprises qui ne travaillent pas. Prenons l'industriel; les investisseurs, de ce temps-ci, dans les pays industrialisés comme le nôtre, c'est une crise un peu mondiale.

Il n'est pas facile pour les travailleurs à travers le Québec d'accepter une diminution ou un gel de salaires. Pour ces études, on a fait sortir 479 conventions collectives qui venaient du fédéral, dans tous les secteurs à travers le Canada et au Québec, on en a fait sortir une soixantaine dans tous les secteurs et on a regardé les augmentations qui se donnaient. C'est sûr qu'il y a bien des secteurs où les gens n'ont pas les salaires de la construction. Le conseil, le 11 mars, unanimement - je dis bien unanimement, les quatre secteurs - a donné le mandat au président d'essayer de rapprocher les parties et, en même temps, de régler la convention collective. Le mandat qui lui avait été donné était de dire: On va être raisonnable. On va mettre des piastres sur la table tout en pensant que les parties syndicales et même le gouvernement diront que, vu la situation économique, on pourra, même si ce sera très dur, et on le sait, vivre peut-être avec une augmentation de 1,25 $ la première année et de 1 $ la deuxième année.

Après avoir fait certains contacts, le 28 ou le 29 - je ne me rappelle pas la date on convoquait à nouveau le conseil d'administration de l'AECQ et, là, les gens représentant le secteur de l'habitation ont changé d'idée, ont demandé un moratoire d'un an dans l'habitation. Je pense qu'ils en avaient le droit, c'est démocratique. Chaque individu a le droit de changer d'idée. De jour en jour, la situation dans la construction n'est pas plus rose qu'elle était il y a un mois. Elle est encore pire qu'elle n'était. Quand on pense qu'à travers le Québec, dans la construction, en 1976, il se faisait 10 000 000 000 $ de chiffres d'affaires et qu'en 1980, selon le rapport de l'office et de grands organismes, il se fait encore 10 000 000 000 $, de chiffres d'affaires si on regarde l'inflation, cela veut dire que c'est une diminution très rapide dans la construction. Au niveau des heures dans la construction, pour les travailleurs - et c'est regrettable - en 1976, si ma mémoire ne fait pas défaut, on faisait environ 140 000 000 d'heures dans la construction et, en 1981, à peine 100 000 000 d'heures dans la construction. C'est une diminution de 40% des heures. Si on regarde le montant absolu des salaires payés dans la construction, en 1981, ce sont environ 1 500 000 000 $ de salaires qui étaient payés dans la construction, y compris les avantages sociaux.

On s'est présenté. On a eu une entente. On sait qu'il y a eu un rapport de M. Leboeuf qui avait été nommé par le gouvernement. Ce rapport est venu au conseil d'administration. Nous avons convoqué le conseil d'administration et ces gens, unanimement, ont rejeté le rapport Leboeuf et, dans les jours qui ont suivi, avec un horaire accéléré, toutes les parties, y compris l'AECQ, ont essayé de trouver une formule. Le 30 au soir, on aurait certainement signé un protocole d'entente avec la collaboration du gouvernement, des syndicats et de tout le monde, toujours sous réserve de l'approbation de l'assemblée générale. Le résultat de l'assemblée générale, je pense que tout le monde le connaît. Il y a eu au-delà de 2000 personnes. Nos statuts et règlements veulent que ce soit un vote simple. 66% ont rejeté l'entente qu'on avait eue avec les syndicats. C'est regrettable, mais la décision leur appartenait. C'est ce qu'on appelle de la démocratie.

C'est sûr que je ne peux pas décider à la place de la commission. Je pense, après avoir écouté tous les gens cet après-midi ici, que tous sont conscients de la situation économique. Le lendemain de l'assemblée générale, j'envoyais une lettre aux centrales syndicales, que vous avez sûrement entre les mains. On l'a envoyée au conseil provincial et à la FTQ. Je vais vous lire le dernier paragraphe: "Je voudrais cependant vous

transmettre la volonté évidente de nos membres à l'effet de geler les salaires des travailleurs de la construction pour au moins un an à compter du 1er mai 1982, particulièrement dans le secteur de l'habitation."

Demain matin, M. le Président, ou dans les jours qui vont venir, je m'engage à convoquer mon conseil d'administration de nouveau et je m'engage à mettre sur pied, si le conseil m'en donne le mandat, un comité. C'est sûr que, dans les quatre secteurs, il y a des malaises. Les gens qui font partie du conseil d'administration disent qu'il y a un malaise dans l'habitation: pas de travail, les maisons coûtent cher, la réglementation, les salaires, les artisans, les braconniers et les taux d'intérêt. Je m'engage dans les jours qui vont venir à former un comité avec sûrement des gens comme M. Roussin, qui est un collègue depuis trois ans et demi et qui a toujours fait partie des organisations comme l'habitation, de même que M. Durand et M. Armand Houle, qui ont été de vrais défenseurs et de vrais démocrates. Ils vont sûrement accepter de faire partie de ce comité. On va nommer un président et, en même temps, on va inviter sûrement les parties syndicales à venir et on va leur demander de déposer dans 45 jours un rapport au conseil d'administration de l'AECQ et au ministre du Travail. Soyez assurés que, si le conseil m'en donne le mandat, ce comité devrait siéger. J'espère et je suis convaincu que les trois personnes faisant partie du conseil d'administration de l'AECQ qui sont des gens oeuvrant plus particulièrement dans l'habitation vont essayer de faire en sorte qu'il y ait un rapport de pondu dans les 45 jours pour essayer de régler cela, pour penser en même temps à toute cette belle famille. C'est important, il faut protéger les petits entrepreneurs. On ne peut pas les garrocher d'un bord et de l'autre; ce n'est pas vrai. Les travailleurs dans la construction, c'est vrai aussi, il faut les protéger. En même temps, il faut regarder le secteur économique, donc le secteur de l'habitation. On sait que tout le monde parle de relance économique, j'en suis très fier et je remercie les gens qui y ont pensé; c'est bien, mais il y a plus que cela. Il va falloir aller régler le problème au point de départ. Après cela, si on vient à bout de régler ce problème, il est clair que ce sera beaucoup plus facile pour la relance économique à travers le Québec.

Je m'engage aussi - je l'ai dit dans le passé et je le redis - à la suite de ce rapport, à refaire le tour du Québec pour rencontrer les gens dans les dix régions du Québec, pour faire un rapport de ce comité et, en même temps, faire rapport du reste. Je ne peux pas décider au nom de la commission. Je vous ai lu le dernier paragraphe de la lettre du 30 avril qui a été envoyée au syndicat. C'est notre position. C'est cela que l'assemblée générale veut. Elle ne veut pas d'augmentation pour la prochaine année dans la construction. Merci beaucoup.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur.

M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier l'Association des entrepreneurs...

Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît, je voudrais vous rappeler - je pensais que vous aviez compris tout à l'heure - que les règles veulent qu'il n'y ait pas de manifestation, ni pour ni contre. Ce sont les règles de l'Assemblée nationale.

M. Marois: Je disais donc que je voulais remercier les porte-parole de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec de leurs notes, de leurs commentaires, d'avoir bien voulu venir ici se faire entendre devant nous. Dans la note écrite que vous nous remettez, on sera bien d'accord sur le premier paragraphe. Vous dites que ce sont des circonstances très particulières - je le mettrais en majuscule et je le soulignerais -qui ont entraîné aujourd'hui la convocation de la présente commission. J'ai eu l'occasion de dire, depuis le début de nos travaux, que c'était en fait assez inusité qu'intervienne une entente de principe. Je pense que tout le monde admettra qu'une entente de principe dans le secteur de la construction avant la fin d'un décret, je ne me souviens pas que cela se soit produit. C'est, évidemment, aussi assez inusité que ce soit rejeté par une association patronale.

Ceci étant dit, comme le dirait un de mes collègues, vous concluez par ailleurs - je présume que c'est à la suite de l'assemblée générale du 19 mai, si ma mémoire est bonne, de vos membres - en nous demandant, à toutes fins utiles, de prolonger le décret en le gelant pour une période d'un an. Cela me paraît aussi une demande assez particulière. J'aurai un certain nombre de questions à poser, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Avant de commencer à poser vos questions, M. le ministre, il y a une entente actuellement entre les deux partis pour que cela puisse dépasser 18 heures.

M. Marois: Sans refaire tout l'historique - j'ai essayé de le rappeler très brièvement, de la façon la plus factuelle possible au début de nos travaux; je ne vais donc pas tout reprendre cela à ce moment-ci - le 30 mars 1982, vous me faisiez parvenir une requête au nom de l'Association des entrepreneurs en construction, me demandant

de modifier et de prolonger pour une période de deux ans le décret. Il y avait toute une série de "considérant" qui accompagnaient cette requête, mais la demande de modification concluait que la date d'expiration devienne le 30 avril 1984, que les frais de déplacement prévus aux articles Y et Z soient augmentés de 10% par année, que l'indemnité pour l'utilisation du véhicule du salarié soit augmentée de 15% par année et que les taux de salaire, c'est-à-dire les annexes D et E, soient augmentés de 1,25 $ l'heure la première année et de 1 $ l'heure la deuxième année.

Puisque nous sommes ici pour tenter de comprendre les circonstances qui expliquent qu'il n'a pas été possible qu'une entente de principe se transforme en une entente tout court, c'est-à-dire une entente ratifiée. J'imagine que, lorsque vous m'avez fait cette demande, le 30 mars 1982, vous aviez un mandat. Ma question est la suivante: Ce mandat provenait-il du conseil d'administration, provenait-il de vos membres? Comment ce mandat avait-il été obtenu?

M. Chagnon: Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, M. le ministre, il est clair que le conseil d'administration avait donné un mandat au président et le président vous a envoyé un document à telle date. Il est clair que c'est toujours sujet à l'approbation de l'assemblée générale. C'est la même chose que pour la partie syndicale, quand elle signe une entente, elle est sujette à l'approbation de l'assemblée générale. À l'assemblée générale, il y a eu une vague qui nous a renversés. C'est pour ces raisons que nous sommes ici aujourd'hui. Le mandat qu'on a, même si on a fait le tour du Québec l'automne dernier, c'est de préparer le terrain en demandant aux gens un peu ce qu'ils veulent qu'on négocie. Il est clair que pour toute entente dans une convention collective, il faut se présenter devant l'assemblée générale. À l'assemblée générale, on a été renversés à 66%. Je pense que c'est ça, la démocratie.

M. Marois: D'accord, je comprends bien ça, M. Chagnon. Ma question très précise est la suivante: Le 30 mars 1982, au moment où vous m'avez fait parvenir cette requête qui contenait les éléments que j'ai mentionnés, est-ce que je comprends bien - c'est ma question - que vous aviez un mandat de votre conseil d'administration?

M. Chagnon: On avait un mandat du conseil d'administration, mais on n'avait pas un mandat de l'assemblée générale.

M. Marois: D'accord, je comprends. Est-ce que je comprends bien que votre conseil d'administration reflète les divers secteurs que vous avez évoqués, que ce soit le secteur commercial, le secteur industriel, le secteur domiciliaire?

M. Chagnon: II y a quatre grands secteurs et tous ces secteurs sont représentés au conseil d'administration.

M. Marois: Je présume, j'imagine et je comprends - vous me direz si je me trompe - que l'évaluation que vous faites, que tout le monde fait, je pense bien, d'une situation économique particulièrement difficile dans le secteur de la construction, notamment dans le secteur domiciliaire, vous la faisiez aussi à l'époque du 30 mars ou au mois de mars de façon générale, si on veut. (18 heures)

M. Chagnon: Oui, on a fait une évaluation de la situation économique et elle se dégrade de jour en jour. En même temps, il ne faut pas se le cacher, tout le monde parlait du gel des salaires, à partir du gouvernement, et cette vague n'a pas été la vague des Yvette, mais une vague est passée et on en est arrivé au litige.

M. Marois: Je comprends. Vos offres et l'essentiel de la requête ont par la suite été publiés au moins dans un quotidien de Montréal, le 8 avril 1982.

M. Chagnon: Je n'ai pas compris.

M. Marois: Je dis que ce qui était contenu dans la requête, notamment quant au contenu des propositions que vous formuliez dans la requête que vous m'adressiez le 30 mars 1982, soit une augmentation de base de 1,25 $ pour la première année et de 1 $ pour la deuxième année, c'était reflété dans une annonce qui a été publiée par l'AECQ dans un quotidien de Montréal, le 8 avril 1982, et qui reprenait même en détail les taux de salaire selon chacune des catégories.

M. Chagnon: D'accord.

M. Marois: II y avait là-dedans, notamment, les poseurs de revêtement souple, les plâtriers, les cimentiers-appliqueurs, les briqueteurs-maçons, les carreleurs, les électriciens, les tireurs de joints, les manoeuvres-journaliers, les charpentiers-menuisiers, les couvreurs, les peintres. Bien que je ne sois pas un spécialiste de l'habitation, je comprends que ces métiers-là sont non exclusivement, mais notamment, des métiers qui oeuvrent dans le secteur domiciliaire.

M. Chagnon: Dans les annonces qu'on a fait paraître dans les journaux à plusieurs reprises, cela n'excluait pas l'habitation. Cela comprenait tous les grands secteurs.

M. Marois: Bien sûr.

M. Chagnon: Là-dessus, le conseil avait donné le mandat de faire paraître des annonces dans les journaux. Je peux vous dire, M. le ministre, M. le Président, que concernant les annonces qui ont paru, dans les jours qui ont suivi, on n'a pratiquement pas eu de plaintes, quelques plaintes seulement. C'est à la dernière minute qu'il y a eu une vague là-dessus.

M. Marois: Donc, je comprends que vous aviez non seulement les publications mais que en plus vous aviez l'accord du conseil d'administration.

M. Chagnon: Toujours.

M. Marois: D'accord. J'aurais une autre question. Pour l'instant, cela nous permet de comprendre ce qui s'est passé. Je pense que cela nous éclaire quant aux recommandations que j'aurai à formuler, aujourd'hui même, à un Conseil des ministres spécial. Il y a eu l'assemblée générale du 19 mai et cela a donné le résultat que vous mentionnez au paragraphe 4 de votre note écrite d'aujourd'hui. "Ce projet d'entente fut soumis pour ratification à notre assemblée générale le 19 mai dernier. Le scrutin secret compilé au vote simple, chaque entreprise ayant un vote égal, a résulté en un rejet du projet d'entente dans une proportion de 66%." Alors, selon vos statuts, c'est sur une base individuelle que les votes se prennent.

Incidemment - ce serait une question additionnelle - votre association n'est pas une fédération d'associations. C'est une association qui regroupe des membres individuellement.

M. Chagnon: L'Association regroupe 15 000 membres au Québec.

M. Marois: Comme vous l'avez vous-même confirmé tout à l'heure, ce n'est un secret pour personne, le vote qui a eu lieu auprès de vos membres est la source ou à la source - peu importe la façon dont on le formule - de la mésentente ou de la non-entente qui nous a amenés ici aujourd'hui. Sinon, vous aviez une entente de principe signée entre les parties et, à ce moment-là, les parties, de consentement, m'auraient acheminé une demande de modification du décret dans le sens de l'entente de principe intervenue, si tant est que cela avait été accepté.

Il y a une question que je voudrais vous poser. J'aimerais savoir, dans le cadre de ce vote qui a été pris à votre assemblée générale dûment convoquée du 19, si vous avez procédé à un décompte - je comprends que vous avez procédé à un décompte du vote individuel tel que pris - pondéré de ce vote, à moins que ce ne soit pas dans vos habitudes.

M. Chagnon: On a compté le vote simple et le vote pondéré. Dans le vote pondéré, ça donnait une majorité, si ma mémoire ne fait pas défaut, autour de 55%.

M. Marois: 55% de...

M. Chagnon: Du vote pondéré, 55% pour.

M. Marois: Comment cela s'est-il fait?

M. Dion (Michel): Si vous me le permettez, M. le ministre, c'est habituel à l'AECQ. Chaque fois qu'on présente une convention - on l'avait fait les deux fois auparavant - on procède à la fois au vote simple et au vote pondéré. On n'a pas utilisé cette fois-ci une procédure spéciale, on a procédé exactement comme avant. Le vote simple, c'est un vote par membre. En théorie, le maximum, c'est 15 000 votes qu'on pourrait avoir. Sur le système de vote pondéré, chaque membre reçoit au mois de septembre une pondération, c'est-à-dire que, selon les heures qu'il travaille dans l'industrie de la construction, il a droit à une unité de vote ou à deux, à cinq ou à quinze unités de vote. La répartition est faite dans nos statuts depuis que l'AECQ existe. Pour 5000 heures et moins, on a droit à un vote. De 5000 à 25 000 heures, c'est-à-dire des heures rapportées officiellement à l'Office de la construction, on a droit à deux votes. De 25 000 à 100 000 heures travaillées, on a droit à cinq votes et, en haut de 100 000 heures, les gens ont droit à quinze votes.

Pour ne pas vous embarrasser avec toute la procédure, le système est assez simple. On identifie les gens par une couleur lorsqu'on les enregistre. Le bulletin est de la même couleur que sa carte et cela répond soit à un vote, deux votes, cinq votes ou quinze votes. Quand on fait le décompte, en comptant le nombre de bulletins, on obtient le total du vote simple et, en comptant les couleurs, en faisant la séparation des couleurs, on a le vote pondéré.

Sur le vote simple, le vote s'est partagé, à quelque dizaines près, 66-33. Sur le vote pondéré, c'est 54-46. Il y a des fractions, 0,2, 0,3. Ce vote-là n'est pas officiel, ce n'est pas prévu. Nos règlements ont prévu l'existence d'un vote pondéré. Il y a quelques années, les membres ont déjà tenté de modifier le règlement pour que la convention soit acceptable selon le vote pondéré. Ce règlement n'a pas été mis en vigueur. Le gouvernement devait intervenir dans le processus de modification. Les membres avaient accepté ce changement à 88% mais le gouvernement n'a pas daigné

faire les changements de nos statuts. On fonctionne encore actuellement selon le vote simple. Les gens à l'assemblée ont été avertis que c'était un vote simple, mais qu'effectivement on faisait également le vote pondéré. Vous avez le résultat du vote. Ce n'est pas une procédure spéciale qu'on a faite, mais c'est un vote qui se contredit, si on veut le prendre de cette façon: le vote simple, 66-33; le vote pondéré, 54 pour, 46 contre.

M. Marois: M. le Président, j'aurais une dernière question pour l'instant. Je comprends que vous nous avez donné les chiffres des deux votes qui font partie des habitudes, de vos statuts, de votre mode de fonctionnement. Le vote simple, 66-33, vote concluant au sens...

M. Dion: Le vote légal.

M. Marois: ... légal. Par ailleurs - donc, tendance inverse - sur une base de pondération, cela aurait été 54% pour l'entente de principe et 46% contre. J'aurais une dernière question: Pourquoi demandiez-vous que ce soit plutôt le vote pondéré, à l'époque, qui soit le vote ayant, comment dirais-je, un poids légal?

M. Dion: II faut se reporter assez loin dans le temps et remonter jusqu'à la commission Cliche. Dans son rapport, la commission Cliche prévoyait un système de vote pondéré au niveau de l'association unique qui devait être créée, de façon que, lors de la présentation d'un projet de convention collective, les gens appelés à l'accepter ou à le refuser représentent une majorité d'heures travaillées dans la construction. Je n'ai pas la référence précise dans le rapport de la commission Cliche, mais ceux qui ont lu ou qui peuvent lire le rapport Cliche vont y retrouver l'explication de l'inclusion du vote pondéré. Le vote pondéré n'était prévu dans la commission Cliche, si je me le rappelle bien, que dans le but d'accepter la convention collective ou de modifier nos statuts et règlements. Or, nous, on ne l'utilise, c'est comme ça dans nos statuts, qu'aux fins de modifications de nos statuts et règlements. Tout le reste se fait selon le vote simple. Par exemple, s'il doit y avoir un changement de cotisation, c'est au vote simple. Cela s'explique parce que tout le monde peut être affecté par une cotisation de base; c'est le vote simple à ce moment.

Ce vote reflétait, quand on l'a proposé aux membres, une recommandation de la commission Cliche et les employeurs qui ont eu à voter, lorsqu'on a proposé ces modifications à nos statuts, ont reconnu que les heures travaillées avaient quelque chose à voir, semble-t-il du moins, avec la décision de rejeter ou d'accepter la convention.

M. Marois: Je n'ai pas d'autres questions pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Dion: M. le Président, si vous me le permettez, ce n'est pas du tout pour attaquer, c'est pour vous instruire des faits. On reste convaincu que la légalité était le vote simple à notre assemblée.

M. Marois: Ce n'est pas ce que je voulais mettre en cause. Je voulais simplement qu'on nous explique bien les mécanismes...

M. Dion: Non, je sais, M. le ministre, c'était simplement pour éclairer la commission.

M. Marais: ... et voir d'où provenaient les divers mandats, comment s'était déroulé le processus, sur quels mandats s'appuyaient les diverses étapes qui ont été franchies et aussi comment s'était déroulé le vote et ce que représentait telle ou telle façon de calculer le vote, indépendamment de la question de la légalité. Je ne conteste pas cela.

M. Dion: Ai-je bien compris votre question tantôt; m'avez-vous demandé ce que cela représentait en heures ce que cela donnait? M'avez-vous demandé cela?

M. Marois: Oui.

M. Dion: À toutes les assemblées, quand on termine, on a l'inscription de tous les membres qui sont venus. À ce moment-là, on peut référer à nos dossiers pour aller chercher le calcul des heures sur la base du vote pondéré. Par exemple, je prends les gens qui avaient un vote et je peux extrapoler pour savoir combien ils ont exactement d'heures, ces gens qui ont voté. Je ne sais pas pour qui ils ont voté, mais je peux vous dire que le total des gens qui ont participé à un vote ont tant d'heures dans l'industrie de la construction; ceux qui ont voté deux fois, tant d'heures, les cinq votes, etc. Actuellement, le vote pondéré représente environ 32 400 000 heures. Les gens qui ont voté contre l'entente, c'est-à-dire les 46%, représentent environ 9 000 000 d'heures.

M. Marois: 9 000 000 d'heures?

M. Dion: Par rapport à 32 000 000.

M. Marois: Quand vous dites 32 000 000 d'heures, ce n'est pas le total.

M. Dion: II y a 47 000 000 d'heures en tout pour ceux qui se sont prononcés à cette assemblée. Si je le prends selon le vote pondéré des heures, il y a 32 000 000 d'heures pour ceux qui se sont prononcés pour l'entente. Je pense que c'est 37 000 000 et 8 000 000, quelque chose comme cela. C'est tout près. Il y a des fractions. J'appelle fractions des 100 000 heures, mais ce sont quand même des fractions.

M. Marois: Comme ordre de grandeur, ce serait...

M. Dion: C'est environ ce nombre. M. Marois: ... 37 000 000 pour.

M. Dion: 70% des heures ont voté pour et 30% ont voté contre. J'ai les chiffres. Je ne pense pas que cela change quoi que ce soit dans le discours, mais ceux qui avaient droit à un vote ont tant d'heures, les deux votes, tant d'heures, etc.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bélanger: M. le Président, je voudrais également remercier les représentants de l'AECQ. J'ose espérer que le Conseil des ministres, qui se réunira ce soir, tiendra compte de l'intérêt des travailleurs. L'intérêt des travailleurs, cela ne veut pas dire, M. le Président, seulement augmenter les salaires des travailleurs. Il faut s'assurer que ces travailleurs auront du travail. Je pense que c'est la première chose, avoir du travail. J'espère que le Conseil des ministres tiendra compte de la situation un peu particulière que nous vivons en ce moment. On ne peut pas le nier, nous sommes devant une situation de fait. Ce n'est pas, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, parce qu'on donnerait une augmentation de salaire de 3 $ ou 4 $ l'heure qu'on aurait demain matin des chantiers en construction. Au contraire, je pense qu'il faut tenter d'être raisonnable et, je l'ai dit, les travailleurs m'ont semblé raisonnables en exigeant ou en acceptant -pas en exigeant, parce qu'ils avaient exigé beaucoup plus - une augmentation de 10%. Mais, encore là, il faudra tenir compte, M. le Président, du fait que cette augmentation de 10%, même si elle est minime, va quand même avoir un impact sur la construction résidentielle. On ne peut pas le nier. Les faits sont là. Cela augmentera le prix de la propriété de 2000 $. Donc, 2000 $, avec des taux d'intérêt de 16% ou 17%, c'est dire qu'on augmente immédiatement la mensualité de 30 $ à 45 $ par mois. Les gens achètent une maison en fonction de leur capacité de payer et non pas pour impressionner le voisin. On achète une maison selon la capacité qu'on a de payer. Donc, 30 $ supplémentaires par mois, c'est déjà beaucoup. Maintenant, je ne dis pas que les travailleurs ne le méritent pas, parce que plus les travailleurs vont gagner d'argent, plus ils seront susceptibles d'acheter eux-mêmes une maison. Nous sommes dans un cercle vicieux. (18 h 15)

J'espère que le Conseil des ministres prendra en considération tous ces éléments et que nous aurons, dans les prochaines heures, une bonne nouvelle, à savoir que le décret est renouvelé et que, demain matin, tous les chantiers seront ouverts. Et non seulement cela mais, dans l'intérêt des travailleurs et des Québécois en général, j'espère que le fameux plan de relance de la construction domiciliaire qui nous a été annoncé dans le budget, plan dont on ne connaît absolument rien et qui, en ce moment, non seulement n'avantage pas, mais nuit totalement à la construction domiciliaire... Il n'y a plus un acheteur -c'est compréhensible - qui veut s'acheter une maison parce qu'il s'attend que, d'ici quelques jours, on lui annonce qu'il pourra avoir une propriété avec des taux d'intérêt à 13% ou 14% ou bien que la municipalité n'imposera plus de taxes pour tant d'années, etc.

On a fait, d'ailleurs, la même chose lorsqu'on a lancé le programme d'accès à la propriété. On a fait la promesse électorale, vous vous en souviendrez, au mois de mars, juste avant les élections. Par la suite, on a voté le projet de loi, quelques mois à peine après, mais la commission parlementaire établissant les critères d'admissibilité, cela a pris six mois avant qu'on l'ait. J'espère que, cette fois-ci, M. le ministre, vous convaincrez vos collègues qu'il est urgent que ce programme soit connu dans les plus brefs délais possible, dans l'intérêt des travailleurs de la construction. Merci.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Juste une remarque. Cela fait suite aux questions du ministre au sujet du vote normal qui est pris et du vote pondéré. C'est parce qu'il y a une difficulté. Probablement que le ministre avec ses collaborateurs pourra l'apprécier, mais, d'un autre côté, pour quelqu'un qui regarde ce qui est en train de se passer et compte tenu, comme le signalait mon collègue de Mégantic-Compton, de l'élément majeur du ministre des Finances pour relancer l'économie - dont il a été question d'ailleurs au sommet économique - d'une relance de la construction domiciliaire, je me demande...

Il y a, évidemment, un certain nombre d'aspects que M. Chagnon a évoqués; entre

autres, il y a le document qu'on a ici de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations. Je ne sais pas, M. le ministre, si on peut l'inclure au procès-verbal de la réunion sans entendre les personnes, en le déposant simplement et en le mettant en annexe au journal des Débats.

M. Chagnon: M. Rivest...

M. Marois: M. le Président, je ne peux pas décider d'une telle chose. C'est bel et bien stipulé à l'article 1c que l'association d'employeurs, c'est l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Si l'AECQ, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, décide de faire sien un document, de le déposer, je n'ai pas à intervenir dans la façon de procéder, dans les statuts internes, les règlements et les mandats qui sont donnés et parfois retirés et modifiés à l'intérieur d'un organisme ou d'un autre.

M. Rivest: Je vais poser la question directement. Ce document a circulé et plusieurs personnes en ont pris connaissance. Il est public. Qu'il soit dans le journal des Débats ou qu'il ne le soit pas, peu importe, mais je voudrais être en mesure d'évaluer cette pondération. Je disais tantôt que le ministre pourrait le faire, parce que cette pondération que vous avez expliquée à l'intérieur de l'AECQ existe également, d'après les informations qu'on me communique, à l'intérieur même de l'association provinciale, puisqu'il y a des entreprises de tailles différentes également dans cette association qui regroupe les constructeurs d'habitations domiciliaires.

Ma question, c'est: En regard de la réalisation éventuelle du programme d'habitation, de relance économique, êtes-vous en mesure, à l'AECQ, d'indiquer à la commission et au gouvernement ultimement les conséquences, sur les entreprises de construction domiciliaire, d'une augmentation des taux des salaires de 10%? Évidemment, c'est un choix que le gouvernement va devoir faire. Comme mon collègue de Mégantic-Compton l'a dit, 10%, dans le contexte actuel, pour les travailleurs, ce n'est pas la mer à boire, c'est-à-dire que c'est vraiment un minimum. Quelles vont être les conséquences économiques sur l'ensemble de la collectivité pour les constructeurs d'habitations domiciliaires au point de vue de l'AECQ? Parce qu'on a déjà le point de vue de l'Association des constructeurs d'habitations domiciliaires qui est quand même assez clair là-dessus. Est-ce que vous pourriez émettre un commentaire là-dessus?

M. Chagnon: Je ne connais pas la position de l'association des constructeurs d'habitations, à part de l'avoir vue dans les journaux, etc. Une chose est claire, c'est que l'AECQ doit défendre tous les entrepreneurs du Québec, aussi bien dans le secteur de l'habitation que dans les trois autres secteurs. Ce sont des entrepreneurs qui sont membres de notre association et, concernant des documents qu'ils veulent déposer à la commission, pour nous, il n'en est pas question parce qu'on regroupe tous les entrepreneurs du Québec. Toutefois, je peux m'engager à ce que le comité qui sera formé, si le conseil m'en donne le mandat, étudie page par page ce document? Toutes les étapes seront suivies.

M. Rivest: Le document que j'ai ici expose leur point de vue et c'est bien légitime. Il y a des arguments, des données statistiques qui pourraient laisser penser, quand on le regarde rapidement, qu'effectivement, comme on l'a signalé antérieurement, il pourrait y avoir un certain nombre de petits entrepreneurs dans le domaine domiciliaire qui auraient énormément de difficultés. Au fond, on est placé devant la balance des inconvénients. S'il y a des entrepreneurs, dans le domaine de la construction domiciliaire, qui ferment, etc., ce sont des jobs que les travailleurs perdent.

D'un autre côté, il y a des gens par contre, dans le domaine de la construction qui vont devoir travailler peut-être plus, avec le programme annoncé dans le budget de M. Parizeau, et eux ont très légitimement le droit d'avoir des conditions de travail, les 10%, même si l'idée de gel que vous avez avancée a été évoquée, bien sûr, par le gouvernement. Je ne pense pas qu'on puisse dire que les travailleurs de la construction, compte tenu de l'industrie dans laquelle ils oeuvrent, ont sensiblement les mêmes conditions de travail que d'autres travailleurs, comme ceux du secteur public, à qui on applique un gel.

M. Chagnon: D'accord. Tout à l'heure, M. le Président, on parlait de la lettre du 30 avril 1982 dans laquelle on demande un gel des salaires pour un an, surtout dans le secteur de l'habitation, mais dans les autres secteurs aussi. Je pense qu'il est clair, concernant le deuxième volet de votre question, le document que vous avez en main concernant l'habitation, que M. Rousseau et son président ne nous ont jamais demandé de les rencontrer pour étudier ce document. Troisièmement, même s'ils ne me l'ont pas demandé, je m'engage à le faire regarder article par article par le comité qui sera formé. C'est là que sera le mandat du comité.

Le Président (M. Laplante): Je voudrais éclaircir une chose avant d'aller plus loin dans la commission. Le document cité par le

député de Jean-Talon ne sera pas inscrit au secrétariat de la commission, ni au journal des Débats. Tel que je l'ai annoncé au début de la commission, seuls les cinq organismes qui ont produit un mémoire, que j'ai nommés lorsque j'ai fait l'appel des groupes, sont inscrits au journal des Débats et leurs documents seront inscrits au secrétariat des commissions. C'est pour enlever toute ambiguïté dans l'assistance. D'accord? M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais, en conclusion, en ce qui me concerne, remercier aussi bien les porte-parole de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec que les divers groupes qui se sont déplacés, qui se sont donné la peine de venir nous rencontrer. J'ai bien compris - je voudrais revenir là-dessus pour être très clair - les divers mandats qui ont été donnés par le conseil d'administration de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Je comprends que ces divers mandats concernaient aussi bien la requête qui m'a été soumise le 30 mars 1982 que les publications dans les journaux avec les taux de salaire dont, d'ailleurs, les textes étaient très clairs. Cela concernait aussi bien l'habitation que le commercial et l'industriel, c'est-à-dire l'ensemble des secteurs. Tout cela a été dûment publié. Les négociations ont été dûment menées, en pleine conformité avec les mandats légalement donnés par le conseil d'administration.

Je comprends que ces offres patronales, à l'époque, correspondaient à des chiffres très précis, notamment 1,25 $ pour la première année, et 1 $ pour la deuxième année. Le président de l'AECQ nous a bien expliqué que le conseil d'administration avait bien évalué ces mandats, à la fois quant à leurs dimensions économiques, quant aux retombées économiques, à l'impact économique sur la construction dans les divers secteurs, et en tenant compte aussi, je présume, à la lumière des discussions et des commentaires qui nous ont été faits, du fait que 10%, comme plusieurs l'ont dit, on ne peut pas dire que c'était la fin du monde, avec un minimum de 1,25 $, suivi d'un minimum de 1 $.

Je transmettrai, d'ailleurs, les remerciements qui sont venus des diverses parties - je pense que c'était presque unanime au service de conciliation - quant au travail qui a été fait par le médiateur, au travail qui a été fait par mon collègue, tout au long de ces rencontres, pour tenter d'en arriver, effectivement, à une entente de principe.

Notre objectif, partant de là, maintenant, c'est de nous assurer, d'une part, qu'il n'y a pas, à minuit, ce soir, de vide juridique, que les travailleurs sont protégés, qu'il y a un décret, qu'il y a une convention collective. On regardera attentivement les points qui ont été portés à notre connaissance et, également, on tiendra compte - je vous le dis très clairement - du plan de relance. C'est un plan qui implique des discussions entre différentes parties. Certaines parties nous ont même signalé qu'elles seraient intéressées à être admises à ces discussions, à y participer. Il y a aussi une volonté manifeste, me semble-t-il, de la part des travailleurs. Je recoupe les annonces publiées et je regarde les rapports de médiation, je regarde les ententes de principe, je regarde le résultat de tout ça et il semble aussi se dégager une conscience très nette non seulement des employeurs sur la base de leurs offres, mais aussi des travailleurs d'apporter une contribution dans une situation pas facile sur le plan économique. Je pense que tout le monde a admis que c'était plus que raisonnable, la base de l'entente de principe, que ça impliquait déjà, économiquement, une première forme de participation des travailleurs dans le contexte d'une situation économique pas facile.

Il va de soi que, par-dessus cela, de façon additionnelle et complémentaire, le gouvernement entend faire tout ce qui est humainement possible, dans le cadre des choses qui sont en voie d'être discutées, pour mettre au point, dans les plus brefs délais, un plan de relance dans le secteur de la construction, particulièrement dans le secteur domiciliaire. Éventuellement, il faut nous assurer que l'ensemble de ces morceaux-là s'arrime d'une façon telle que se maintienne à la base une paix sociale, particulièrement dans une situation économique qui n'est pas facile.

Donc, encore une fois, M. le Président, je voudrais remercier les membres de cette commission et les divers intervenants qui se sont présentés devant nous.

Le Président (M. Laplante): Vous avez un dernier mot?

M. Rivest: Oui, un dernier mot au ministre. Si le ministre avait à sa disposition des études - compte tenu de la décision qu'il devra prendre et qui n'est pas facile, j'en conviens volontiers - d'impact économique sur la décision qu'il va prendre, j'aimerais bien qu'il puisse, au moment où il annoncera sa décision ou dans les jours qui viendront, rendre publiques les données économiques sur lesquelles s'appuiera la décision qu'il doit prendre avec ses collègues ce soir, à la réunion spéciale du Conseil des ministres.

M. Marois: On va tenir compte, M. le Président, de l'ensemble de ce qu'on connaît, de ce qui est devant nous, de ce qui est public, de ce qui a été porté à la connaissance de tous et chacun, à partir des

documents, des études qui ont été, encore une fois, soulignées aujourd'hui, des témoignages aussi qu'on a entendus ici en ce qui concerne les circonstances qui font qu'une telle commission parlementaire a dû avoir lieu, malgré le fait qu'il s'agissait clairement et très nettement d'une première dans le monde des relations du travail dans le secteur de la construction, c'est-à-dire le fait que soit intervenue une entente de principe dûment signée par des parties légalement et dûment autorisées à le faire, également, des commentaires qui ont pu nous être faits concernant tel coin ou tel angle de cette entente.

Le Président (M. Laplante): Sur ce,

MM. Thériault, Langlois, Dion et Chagnon, les membres de cette commission vous remercient pour votre participation. La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu s'est réunie afin d'entendre des organismes en regard des raisons motivant l'impossibilité de s'entendre relativement aux modifications à apporter au décret de la construction adopté par le décret 3938-80 du 17 décembre 1980. Je prierais le rapporteur de faire rapport à l'Assemblée nationale. Les travaux sont ajournés sine die. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 30)

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