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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, mesdames et
messieurs. La commission parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de la
sécurité du revenu est réunie pour étudier les
crédits du même ministère, soit du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Les membres pour la séance de ce matin sont: M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Dauphin (Marquette), M. Dean
(Prévost), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), Mme Harel (Maisonneuve), M.
Lavigne (Beauharnois), M. Marois (Marie-Victorin), M. Perron (Duplessis), M.
Rivest (Jean-Talon), M. Vallières (Richmond).
Les intervenants: M. Chevrette (Joliette), M. Gauthier (Roberval), M.
Hains (Saint-Henri), M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), M. Leduc (Fabre), M.
Mailloux (Charlevoix), M. Paquette (Rosemont); M. Polak (Sainte-Anne)
remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Rochefort (Gouin).
Il y aurait lieu à ce moment de suggérer le nom d'un
rapporteur de la commission. Avez-vous des suggestions?
Une voix: On n'a pas le choix.
Le Président (M. Bordeleau): On n'a pas le choix.
Une voix: On va le prendre.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, ce sera le
député de Prévost. Non? M. le député de
Beauharnois.
Une voix: Le député de Beauharnois.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. le
député de Beauharnois, M. Lavigne.
Alors, avant de commencer, M. le ministre, vous avez peut-être des
commentaires d'ordre général avant d'aborder les programmes.
Exposés généraux M. Pierre
Marois
M. Marois: Très brièvement, M. le Président,
étant donné la méthode de travail convenue entre nous, je
vais m'en tenir à quelques rapides remarques d'ordre
général. Je voudrais d'abord saluer les membres de cette
commission et mes collègues. On me permettra de souligner la
présence parmi nous du sous-ministre, M. Thomas Boudreau, d'un certain
nombre de sous-ministres adjoints, en relations de travail, M. Blain,
sous-ministre chargé du Centre de recherche et de statistiques sur le
marché du travail et M. Réjean Parent, sous-ministre adjoint
à l'inspection, M. Lapointe, à l'administration, M. Vachon, et
d'un certain nombre de directeurs généraux, de directeurs de
service, de membres du cabinet et de certains présidents,
vice-présidents de commissions, d'offices, de régies qui sont
présents parmi nous ou qui se joindront à nous, tout au long de
nos travaux. Tous ces gens sont là et ont accepté de se rendre
disponibles pour faciliter nos travaux, nous aider et nous fournir, le cas
échéant, les renseignements qui pourraient nous sembler
pertinents.
Je comprends que, sur la base d'une entente, au lieu de procéder
à l'examen dans l'ordre où ils se présentent des divers
programmes, on abordera d'abord les programmes 5 à 11 inclusivement, et
peut-être, quelques questions sur le programme 13 concernant la
Commission des affaires sociales, pour, par la suite revenir sur les autres
programmes. Donc, mes commentaires d'ouverture seront très brefs. (10 h
15)
On se souviendra que le 10 juin dernier, lors de l'étude des
crédits, je m'étais permis de rappeler l'action traditionnelle du
ministère, telle qu'elle est connue, mais également d'indiquer le
plus concrètement possible, surtout à la lumière des
champs de responsabilités additionnels qui lui ont été
confiés, notamment, tout le champ de la sécurité du
revenu, ce qui nous semblait être des perspectives de travail, à
mon collègue, le député de Prévost, adjoint
parlementaire et à moi, la perspective d'un mandat,
particulièrement sur toute la question du droit des hommes et des femmes
dans notre société de s'organiser, de se syndiquer, sur la
nécessité de lever autant que faire se peut les obstacles
à la syndicalisation, de trouver des formules nouvelles pour mettre un
terme aux lenteurs, aux longueurs, à la judiciarisation excessive de nos
relations de travail, tout en procédant à une
rééavulation des mesures passablement nouvelles pour le
continent américain qui ont été adoptées au
Québec. Je pense, en particulier, aux mesures antibriseurs de
grève et à l'application au Québec des mesures concernant
les premières conventions collectives.
Également, j'avais souligné notre intention bien
arrêtée de travailler d'arrache-pied pour faire en sorte qu'il
soit possible d'aboutir à une nouvelle législation permettant
d'assurer aux citoyens, en particulier lorsqu'interviennent des conflits dans
les secteurs public, parapublic et péripublic, la primauté des
services essentiels.
J'avais également fait mention, à la lumière des
réaménagements et des changements qui ont été
apportés par l'introduction et la mise en vigueur par étapes de
la loi 17, concernant la santé et la sécurité des
travailleurs, des retombées, des conséquences et des
réajustements nécessaires en ce qui concerne tout le dossier de
l'inspection, des déplacements d'effectifs afin de regrouper mieux les
choses, de donner un meilleur service d'inspection aux travailleurs, donc
d'effectuer un regroupement d'une tranche des effectifs aussi bien du
ministère que de l'Environnement et des Richesses naturelles avec la
Commission de la santé et de la sécurité du travail, d'une
part et, d'autre part, de concentrer davantage à partir de nos effectifs
afin d'assurer une meilleure protection du public sur la base des lois que le
ministère a à administrer.
J'avais également - et on avait eu l'occasion d'en discuter
longuement - fait état de ce qui était en chantier, sur quoi nous
continuons à travailler, cette réforme fondamentale concernant
tout le dossier des lésions professionnelles. Également j'avais
évoqué, dans la perspective d'une politique de protection de
l'emploi qui se situe elle-même de façon plus large dans le cadre
d'une politique d'emploi ou d'une politique de travail pour tous, la
nécessité d'intervenir en mettant au point une loi concernant
toute la question des licenciements collectifs, des fermetures d'usines. Tout
ceci est relié fondamentalement à l'accent de plus en plus grand
mis dans les budgets, à la mesure des moyens dont dispose le
Québec, sur le développement de nouveaux programmes de
création d'emplois.
Je m'étais arrêté plus particulièrement
à la fin à toute la question de la sécurité du
revenu. Je me permettrai de rappeler à nouveau les objectifs de
l'intégration de la sécurité du revenu au
ministère. Une politique de sécurité du revenu
fondée, me semble-t-il, sur le respect de l'individu dans la
société doit viser à assurer cette sécurité
du revenu dans toute la mesure du possible, d'abord grâce aux revenus que
chacun peut retirer de son travail. Je crois aussi que la première forme
de lutte à la pauvreté passe par la perspective d'une ouverture
d'une place pour chacun et chacune de ceux et de celles d'entre nous qui sont
aptes et qui veulent bien, plus souvent qu'on le pense, trouver leur place
normale, à la condition qu'il y ait des chances raisonnables que ces
emplois soient durables. Il nous faut donc ouvrir, autant que faire se peut,
ces perspectives et, dans cette foulée, faire en sorte de
développer au maximum, d'assurer la protection du revenu, la protection
du revenu qui passe forcément par celle de l'emploi. Cela indiquait
déjà au moins les grandes lignes de force du dossier sur lequel
nous poursuivons nos travaux, qui est cette réforme fondamentale du
régime actuel de l'aide sociale. Pour ceux et celles qui, pour des
raisons personnelles, outre la conjoncture socio-économique, ne peuvent
pas s'intégrer au marché du travail, il me semble que la
société se doit d'accepter une responsabilité de maintenir
ce que j'appelle un niveau minimum de revenu qui soit compatible avec la
dignité humaine. Par souci de cohérence avec l'objectif de base,
qui est de permettre au plus grand nombre d'acquérir l'autonomie
grâce à un travail convenablement rémunéré,
il faut que les ressources financières et les autres ressources soient
utilisées pour soutenir ou maintenir le revenu et aussi favoriser le
plus possible le retour sur le marché du travail de ceux et celles qui
sont en mesure de travailler.
Dans ce contexte, il ressort, me semble-t-il clairement, qu'une
étroite coordination qu'il nous faut développer de plus en plus -
c'est amorcé, c'est un travail qui est complexe, pas facile quand cela
suppose l'intégration de deux choses qui étaient plus ou moins
des réseaux parallèles qu'une étroite coordination donc
des politiques de main-d'oeuvre et d'emploi, des politiques de maintien, de
soutien, de protection du revenu est nécessaire et devrait être
grandement favorisée par l'intégration graduelle des deux
directions générales, c'est-à-dire celle de l'aide sociale
et celle de la main-d'oeuvre et de l'emploi.
Voilà, M. le Président, ce que je voulais rappeler
dès le départ. Il est entendu qu'il me semble, plus
particulièrement dans une conjoncture économique qui n'est pas
facile, qu'il va nous falloir de plus en plus et soutenir ces projets qui
existent dans les régions partout à travers le Québec et
qui sont des projets émanant du milieu, accrochés
fondamentalement à cette notion vivace de solidarité et qui sont
potentiellement porteurs d'emplois ayant des chances d'être durables,
d'emplois permanents. C'est notre intention de continuer à soutenir ces
efforts.
Voilà, M. le Président, les quelques très
brèves remarques d'ouverture que je voulais faire. Je ne
m'étendrai pas plus longtemps afin de permettre aux membres de cette
commission de disposer de la plus grande période de temps
possible pour formuler remarques et commentaires et poser les questions qui
leur paraîtront pertinentes et, le cas échéant, formuler
les suggestions qui pourront leur paraître valables et
intéressantes.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Pour
des commentaires également, M. le député de
Jean-Talon.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: En entendant les remarques préliminaires du
ministre, je me suis surpris à me demander en quelle année on
était, si on était en 1976, 1977, 1978, 1979, en 1980 ou en 1981,
parce que dans l'ordre des intentions, j'ai l'impression que le ministre en est
resté exactement au même point.
Dans les remarques préliminaires que je voudrais faire, je sais
que les membres de la fonction publique au niveau du ministère du
Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu sont
réputés et à bon droit comme faisant partie d'un des
ministères où la compétence professionnelle est sans doute
l'une des plus élevées et reconnues dans tous les milieux. Mais
je pense que ce dont le monde du travail manque le plus actuellement au
Québec, c'est d'une direction beaucoup plus vigoureuse que celle que le
ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu donne au niveau des réformes qu'il y a à entreprendre dans
le domaine des relations ouvrières et, en particulier, au niveau du Code
du travail.
Dans ses remarques préliminaires d'ailleurs, le ministre a
lui-même référé à celles qu'il faisait l'an
dernier; elles sont presque mot à mot de cet ordre et je pense que c'est
notre rôle de lui dire que, vraiment, il y a des choses à faire
dans le domaine des relations de travail et que, jusqu'à maintenant, on
n'a pas vu, en tout cas certainement pas depuis cinq ou six ans, à
l'exception de la loi 55 ou de la CSST, des actions vraiment décisives.
Je voudrais insister particulièrement sur les promesses d'ordre
législatif, les promesses de réforme qui ont été
faites, d'ailleurs, non seulement pas le ministre actuel du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, mais par son
prédécesseur, le député d'Anjou, aujourd'hui
ministre des Affaires sociales. J'ai revu des coupures de presse de
l'époque où le ministre Johnson a été nommé,
ainsi que des déclarations du ministre en 1980, je crois, ou lorsque le
nouveau ministre a été nommé et ce sont sensiblement les
mêmes choses qui reviennent tout le temps.
Dans mes remarques préliminaires, je voudrais insister et presser
le ministre de passer à l'action dans le domaine législatif.
En effet, le ministre actuel, son gouvernement et son parti ont ceci de
commun - je ne pense pas qu'il soit injuste de le dire - qu'ils transportent et
étalent depuis maintenant près de six ans à peu
près le même catalogue de bonnes intentions, de promesses et
d'engagements qui n'en finissent plus de revenir. Bien entendu, toutes ces
mesures ont l'habitude ou avaient l'habitude d'être
présentées sous le masque du préjugé favorable aux
travailleurs, mais à l'exception de quelques mesures qui ont
été prises et qui mériteraient d'ailleurs d'être
revues, comme la loi anti-briseurs, plusieurs difficultés ont
été soulevées qui figurent déjà au rapport
annuel du ministère. Encore là, il ne faut pas se contenter
simplement de dire: On a fait ceci. Au niveau de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, on verra lors de
l'étude des crédits, qu'il y a des problèmes
administratifs assez sérieux qui pourraient appeler certaines
corrections d'ordre législatif. Il reste que ce même catalogue
qu'on nous sert depuis quand même pas mal de temps et à de
très nombreuses occasions on constate qu'il revient au moment de
l'ouverture de l'étude des crédits du ministère du
Travail. Cela m'amène à dire qu'il faut insister sur l'attitude
de l'actuelle administration vis-à-vis de nos lois du travail,
particulièrement en ce qui concerne le Code du travail et sa
réforme. Sans refaire toute l'histoire de cette loi charnière qui
encadre les relations patrons-employés, on se rappellera que l'adoption
de sa version moderne date de 1964. Et si besoin est ou si besoin doit
être prouvé d'une réforme du Code du travail, je pense
qu'il faut quand même réaliser que notre législation
actuelle est substantivement ou sensiblement la même que celle de
1964.
Depuis le début des années soixante-dix, toutes les
administrations successives se sont penchées sur la question de la
réforme ou de la révision du Code du travail. Cette
nécessaire remise en question d'une loi ayant comme objectif fondamental
de régir des rapports humains qui, étant eux-mêmes
évolutifs, se situent dans un cadre qui change et se transforme, de
légitime qu'elle était il y a quelques années, prend
maintenant un caractère d'importance, je dirais même d'urgence
telle que le gouvernement ne doit pas craindre de l'aborder. Je pense que le
milieu est prêt à ce que des gestes soient posés et des
décisions concrètes soient prises.
Je rappellerai très amicalement au ministre que je n'invente rien
en disant cela et je constate d'ailleurs, en lisant les documents du
ministère, qu'autant au niveau du bureau du commissaire
général qu'au niveau de la Direction générale des
relations du travail et qu'à celui du Conseil consultatif et de la
main-d'oeuvre, chaque année on revient pour dire qu'on a fait des
études - on remarque cela dans les documents officiels - qu'on
poursuit des études sur la réforme du Code du travail, sur ses
divers aspects, et l'on tarde à voir l'aboutissement de cela. Je ne
doute pas que le ministère et les fonctionnaires fassent cela, mais je
pense qu'il faut qu'il y ait une volonté politique plus
déterminée que celle qui ne s'exprime que par des intentions ou
par des discours.
Je rappelle simplement, à titre de mémoire, au ministre
que, le 8 mars 1977 -c'est très peu de temps après
l'arrivée du nouveau qouvernement au pouvoir - le premier ministre
lui-même disait: "Évidemment, il va falloir aller bien plus loin.
Il nous faudra sans doute d'ici "quelque temps" - c'était en 1977 -
effectuer de profonds changements dans le Code du travail." Le premier ministre
ajoutait d'une façon beaucoup plus significative pour l'époque:
"Avant d'en faire autant, on comprendra que la leçon ayant porté
fruit, le gouvernement actuel tienne d'abord à être sûr de
son fait et à procéder à toute consultation
nécessaire." (10 h 30)
II me semble que ça fait cinq ou six ans que cela dure et que le
gouvernement devrait essayer d'accélérer les choses, d'autant
plus que c'est un engagement qui n'en est pas simplement un du gouvernement,
mais qui prend sa racine et son origine -cette volonté qui était
censée devoir se manifester - dans le Parti québécois
lui-même qui, tout au long de son histoire récente, a écrit
de très belles choses à ce sujet. Je sais qu'à certaines
occasions on a assez peu de respect pour les décisions prises par les
congrès du Parti québécois, mais je ne voudrais pas que
nous assistions à un genre de "Maroisrendum" pour défaire cette
volonté exprimée par le congrès du Parti
québécois qui, en 1977 - et c'était repris en 1980 -
proposait "d'élaborer un nouveau projet de Code du travail
intégré qui inclurait les protections accordées aux
travailleurs syndiqués, ainsi que celles accordées aux
travailleurs non syndiqués telles les conditions minimales de travail et
les nouvelles dispositions concernant les décrets de convention
collective. De plus, ce nouveau Code du travail devrait être
rédigé d'une façon précise, etc."
Ces engagements, je pense qu'ils y sont. Encore tout récemment -
je ne sais pas dans quelle mesure le ministre peut commenter cela - le
commissaire-enquêteur à la Commission de transports de la CUM, Me
Jutras, a fait des remarques extrêmement pertinentes à ce sujet.
On peut être d'accord ou non avec les modalités qu'il a
suggérées, mais il a constaté à la Commission de
transport de Montréal ce que l'on avait, par ailleurs, constaté
au niveau des relations de travail à Hydro-Québec, sans parler du
secteur privé.
Dans une entrevue qu'il a donnée au Devoir tout récemment,
le 14 mai dernier, le commissaire Jutras disait ceci: "Le Code du travail, tel
que nous le connaissons, d'application universelle, sans égard à
la nature ou à la taille de l'entreprise, ne conviendrait-il plus
à la société québécoise dans l'état
où elle se trouve aujourd'hui? M. Jutras estime que la question
mérite réflexion et doit être posée. Une loi doit
être adaptée aux réalités et les
réalités sont différentes. Le temps est venu, affirme le
commissaire Jutras, de repenser le Code du travail selon qu'il s'applique au
secteur privé ou au secteur public." C'est une suggestion qu'il avance.
Toute cette question, d'adapter notre Code du travail à
l'évolution qu'ont prise les relations de travail au Québec
depuis 1964, tout le problème - Dieu sait que c'est un problème
terriblement d'actualité - de savoir si les mécanismes, tels
qu'on les avait pensés à l'époque, en 1964, sont aussi
indentiques entre le secteur privé et le secteur public. Toute cette
question n'est certainement pas réglée. Peut-être que le
ministère a entrepris une réflexion - sans doute que le
ministère l'a fait - sur toute cette problématique, mais, dans
l'opinion publique, à part les intentions ministérielles
exprimées, il n'y a pas eu de débat public de fond encore
là-dessus, presque six ans après les promesses, les intentions
exprimées par le gouvernement.
Ce matin, il a indiqué certains jalons qu'il avait
indiqués dans les années antérieures. Si le ministre croit
vraiment -je pense qu'il le croit - que le Code du travail est une des assises
premières de la société québécoise en termes
de progrès, de développement, de justice pour les travailleurs,
je pense qu'il doit savoir qu'une réforme du Code du travail, tel qu'il
dit la vouloir, suppose un débat public élargi, un débat
public qui risque encore de prendre du temps, mais ce débat public c'est
le rôle du ministre d'en être le déclencheur, non seulement
le déclencheur verbal, mais l'initiateur concret, par des mesures
concrètes. Je dois dire, au nom de tout le monde, que, quand on
rencontre les milieux syndicaux autant que les milieux patronaux, il y a des
attentes qui concernent encore le sommet économique - j'y étais
au moment où il a été question de cela - il y a des
attentes, des inquiétudes qui sont aussi présentes dans le milieu
syndical que dans le milieu patronal et, malheureusement, le ministre ne nous
en donne pas beaucoup, ce matin non plus.
Dans la même veine, la question de l'accès à la
syndicalisation - je sais que le ministre en a parlé à maintes
reprises -constitue peut-être un des plus beaux exemples de ce que
j'évoquais au début de mon intervention lorsque je faisais
référence
au catalogue pour tous les goûts et toutes les sauces du ministre
et de son gouvernement. Ce sujet apparaît régulièrement.
C'est un des thèmes forts du programme du Parti québécois;
c'est le Parti québécois qui, comme parti politique au
Québec, a insisté sur cet élément. Alors, qu'il
soit conséquent avec ce combat politique qu'il a mené en son
sein. Je pense que tout le monde est disposé à voir exactement
les moyens qu'on va prendre, d'autant plus que tout le monde a souligné
à satiété, y compris notre dernier programme
électoral, le faible taux de syndicalisation au Québec et les
problèmes que cela comportait pour les travailleurs. Tout ce discours a
déjà été fait, lu et entendu et on voudrait avoir
des gestes. Ici, j'ai des extraits du programme du Parti
québécois.
Le ministre a évoqué également à maintes
reprises la question de la négociation multipatronale, la
négociation par secteurs. Je ne pense pas qu'il l'ait mentionné
ce matin, ce n'est pas un oubli significatif, je sais qu'il y pense. C'est dans
le programme électoral du Parti québécois. La demande est
là, évidemment, du côté des syndicats, je sais que
le ministre en est conscient lorsqu'il rencontre les porte-parole patronaux. Il
y a une très vive inquiétude et cette inquiétude
m'apparaît d'autant plus vive que les gens ne savent pas quelles sont
exactement les intentions du ministre là-dedans. On a simplement
lancé le mot en l'air sans que l'on sache si les gens savaient
exactement. Chaque fois que je rencontre des groupes, des porte-parole
patronaux, on me parle de cela. D'ailleurs, tous les députés,
nous avons commencé à recevoir des lettres des chambres de
commerce, de la petite et de la moyenne entreprise. Ces milieux sont
très inquiets, particulièrement dans la conjoncture actuelle, des
intentions du ministre. Le ministre aurait avantage à clarifier ce que
cela veut dire dans le programme et si on doit accorder foi au programme du
Parti québécois qui parle d'"encourager et provoquer la
négociation par secteur" et, à d'autres moments - je n'ai pas
compris le changement dans la documentation - on parle simplement d"'encourager
des rencontres" d'ordre sectoriel. Je ne sais pas si cela vise exactement la
même chose.
Encore, je voudrais rappeler au ministre que l'an dernier - je vous
cite, M. le ministre - vous disiez, lors de l'étude des crédits:
"II nous apparaît que le moment est venu et j'ai eu l'occasion de
l'évoquer à quelques reprises - quel euphémisme dans votre
bouche, quelques reprises! - de prendre les mesures qui s'imposent pour lever
les obstacles à la syndicalisation, ce qui est un droit dans notre
société, si on ne veut pas que cela reste un droit de papier pour
un trop grand nombre d'hommes et de femmes qui sont au travail." C'est vous, M.
le ministre, qui parlez. "Lever les obstacles à la syndicalisation, bien
sûr, d'abord par le biais d'un certain nombre de moyens
administratifs..." J'espère qu'on va entendre le ministre sur les moyens
administratifs qu'il a pris au sein de son ministère pour atteindre cet
objectif. Au moins, si on n'a rien sur le plan législatif,
peut-être aurons-nous eu l'occasion de voir, lors de l'étude des
crédits, l'amorce d'un déblocage de ce côté. Je
reprends la citation du ministre: "... d'abord par le biais d'un certain nombre
de moyens administratifs pour voir s'il n'y aurait pas moyen
d'accélérer les choses dans le processsus de traitement des
dossiers, des demandes d'accréditation - j'espère que ça
c'est fait - mais, également, il nous semble - et c'est toujours le
ministre qui parle -que là aussi le moment est venu - c'était
l'an dernier, le moment était venu l'an dernier, je ne sais pas s'il va
venir cette année - de mettre au point une politique qui pourrait
vraisemblablement prendre la forme de ce qu'on appelle l'accréditation
multipatronale."
Pour quelqu'un qui lit ça, ce n'est pas très
précis. Quelles sont les intentions? "Une politique qui pourrait
vraisemblablement prendre la forme de ce qu'on appelle l'accréditation
multipatronale", c'est le plus qu'on en sait. Et le plus qu'on en sait,
actuellement, c'est ça qui cause énormément
d'appréhension, en tout cas, certainement dans le milieu patronal et
énormément de pression du côté syndical, de
façon que leurs demandes ne soient pas vidées de toute leur
substance. Je pense que le ministre est conscient des attentes et des
inquiétudes qu'il soulève par ce que j'appellerai son inaction.
Le ministre poursuivait: "Dès que le dossier sera au point - le dossier
est-il au point? Quand le sera-t-il? - nous entendons le soumettre pour fins de
consultation aux parties concernées par le biais du conseil consultatif
qui est un organisme qui, on le sait, etc."
Et le premier ministre, lors du message inaugural de novembre 1981, le
lendemain d'une élection: "En matière de relations de travail, il
y aura d'abord d'importants amendements au Code du travail." Le premier
ministre ajoutait: "Sans chambarder l'économie générale de
la loi, ces amendements viseront principalement à lever pour de bon ces
obstacles, ces entraves et ces lenteurs que rencontrent encore quotidiennement
nombre de travailleurs et de travailleuses qui tentent simplement d'exercer
leur droit d'association." Alors, que fait le gouvernement? C'est ça la
question que, je pense, l'on doit pouvoir poser lors de l'ouverture des
crédits du ministre du Travail.
Il y a toute la question également -Dieu sait que le ministre du
Travail en a parlé d'abondance! Et, encore là, c'est un
point fort du programme dans le domaine des relations de travail. Disons
que j'essaie de citer les documents les plus orthodoxes, enfin, les phrases qui
peuvent être les plus sensibles aux oreilles de nos amis du Parti
québécois - toute la question, dis-je, des injonctions dans le
domaine des relations de travail. Tout le monde en parle et s'interroge
là-dessus. Je voyais encore - je n'ai pas la citation devant moi - une
citation du ministre du Travail qui disait qu'il y avait trois options et la
Cour supérieure... Il ne voulait pas dire qu'il était contre,
mais qu'il était plutôt contre l'idée de faire une section,
mais quand est-ce que ça va venir, cette chose?
Le premier ministre encore qui, ce soir, d'après Normand Girard,
va présenter son premier budget... Ce ne sera plus le budget de M.
Parizeau, nous dit-on; ce sera le budget de M. Lévesque, M. Parizeau est
chanceux. Je reviens à l'utilisation de l'injonction sur laquelle le
premier ministre, en mars 1979... Ce n'est pas hier. Quand le premier ministre
parle, ce doit être vrai. N'est-ce pas, M. le ministre? Ça doit
compter. J'essaie de vous citer et, quand ce n'est pas assez fort, je prends
les paroles du premier ministre. Le premier ministre, c'est lui le "boss",
c'est lui qui mène, c'est lui qui interprète le programme du
Parti québécois, c'est lui qui préside aux
destinées du Conseil des ministres! Il me semble qu'il est homme
crédible, que c'est un homme à qui on doit accorder foil Je vois
le député de Beauharnois qui fait un signe de tête. Le
premier ministre a dit, en mars 1979 qu'il comptait apporter dès cette
session, session de 1979... Le premier ministre c'est un homme crédible,
M. le ministre, oui? Comme vous, M. le ministre. Je comprends qu'il ait pu y
avoir des retards. En 1979, il n'était pas question d'un
référendum ou je ne sais trop, mais il ne faudrait pas que tout
s'arrête pour les impératifs politiques qui jalonnent la vie de ce
gouvernement à notre grand désarroi parfois. Il reste, il me
semble, que le premier ministre disait: "II va falloir amender dès cette
session, en 1979, les mécanismes de l'injonction afin d'en enrayer
l'utilisation abusive et de rendre ce recours exceptionnel plus conforme
à la réalité des relations de travail." Or, si mon
souvenir est bon, depuis ce temps, le gouvernement lui-même a recouru
à des injonctions contre des travailleurs des secteurs public et
parapublic.
Qu'est-ce que c'est l'intention du gouvernement? Décrier les
injonctions quand il s'agit de se présenter devant un congrès du
Parti québécois pour calmer certains esprits dits avancés
du Parti québécois et, quand on agit comme gouvernement, recourir
soi-même aux injonctions qu'on dit vouloir changer? C'est le premier
ministre qui le disait. Remarquez que ce que le premier ministre disait, M.
Jutras l'a repris et il allait même plus loin.
Il y a également le dossier, si important et si urgent, d'une loi
sur les fermetures d'usines; le ministre vient de le dire. Belle affaire
d'irresponsabilité, compte tenu de la conjoncture économique, qui
est le mot favori maintenant du gouvernement, alors qu'on assiste depuis un an,
un an et demi et même deux ans à des fermetures d'usines, à
des licenciements! Quelle responsabilité le ministre porte-t-il
là-dedans? Quand la conjoncture va reprendre, sa loi sera bien moins
nécessaire. Pourquoi le ministre et son prédécesseur
ont-ils tardé aussi longtemps à adopter une loi qui était
un engagement, je pense, inscrit dans le programme du Parti
québécois? Encore là, je m'inspire de la bonne source.
Est-ce que cela n'aurait pas été drôlement utile si le
gouvernement, après cinq ou six ans de pouvoir, ne s'était pas
traîné les pieds? On assiste en ce moment à une pluie de
fermetures d'usines dans toutes les régions du Québec, dans les
grandes villes, dans les grands centres et en province. Je vous signale qu'en
province c'est là souvent où le taux de syndicalisation est le
moins fort et où les travailleurs sont les plus vulnérables.
L'inaction du gouvernement à ce titre dure depuis cinq ou six ans.
Est-ce que ce ne serait pas drôlement intéressant pour les
travailleurs de l'avoir cette loi et les mesures que le ministre envisage et
qu'il a citées encore ce matin: la révision des dispositions
antibriseurs de grève? Encore là, le gouvernement lui-même
a été le premier à violer la loi 45. Il y a des
problèmes qui ont été évoqués et on voit
dans les documents du ministère que les différentes instances
étudient la réévaluation et le rôle du
fonctionnement du Tribunal du travail, tout le dossier maintenant qu'on nous
promet de la participation des travailleurs au sein des entreprises.
Voilà des choses dont le ministre parle et qui sont de très
belles intentions ou qui intéressent tout le monde, bien sûr. (10
h 45)
Mais ce qu'on demande ce matin - en tout cas, j'essaie de le faire le
plus sobrement possible - c'est que le ministre passer aux actes. Et Dieu sait
si on est bien placé pour le faire parce qu'on s'est
littéralement tué à répéter une chose qui
n'est même pas venue encore et dont on retrouve des crédits ici et
là dans le livre des crédits, au niveau d'une nouvelle structure
pour la protection du public dans le domaine des services essentiels. Encore
là, on est revenu je ne sais à combien de reprises au niveau de
l'Assemblée nationale pour demander au gouvernement une action. Je
pourrais reprendre - j'en ai encore ici -des citations nombreuses de la part du
premier ministre, du ministre et de son prédécesseur, disant
qu'il fallait réévaluer
tout le système de maintien des services essentiels, et surtout,
qu'il fallait le faire -et je pense que c'était cela finalement, le
succès, je ne reprendrai pas le débat qu'on a eu à
l'Assemblée nationale - en dehors du contexte d'une négociation.
Alors, on est entré en plein dans le contexte de la négociation
avec les déclarations du président du Conseil du trésor et
l'offre qui a été faite au syndicat.
Le gouvernement, quelque part, après le budget, on ne sait trop,
va arriver avec un projet de loi au moment où il va devoir prendre,
à l'endroit des syndicats dans les secteurs public et parapublic, des
attitudes fermes et vigoureuses qui vont créer un paquet de tension.
Tout le problème du maintien des services essentiels pour les
bénéficiaires des services de santé et des services
sociaux, ainsi que des services publics en général, va être
discuté à l'Assemblée nationale. Le ministre va
peut-être - on ne le sait pas, il ne nous le dira probablement pas ce
matin - devoir abandonner à corps défendant, je ne sais trop, la
question de la liste syndicale, la préférence. Donc, une chose
qu'on va enlever au syndicat. Il va y avoir des réactions à
cela.
Quand on dit au ministre qu'il retarde ses actions quelle que soit la
nature des actions, que le ministre va entreprendre sur cet autre exemple du
maintien des services essentiels - je le dis, je le répète, parce
que je le pense vraiment - une des grandes difficultés de
l'efficacité de la mesure que le ministre s'apprête à
déposer à l'Assemblée nationale va être largement
tributaire de la situation précise dans laquelle le projet de loi va
être adopté. Et, je vous dis déjà qu'il y a des
risques sérieux que cette mesure n'atteigne pas les objectifs que le
ministre peut sans doute vouloir avoir par sa loi, parce qu'il a retardé
cela depuis le mois de septembre. On a examiné cela, ou a eu 50 à
60 mémoires; il n'y a rien eu, cela a été le vide le plus
complet.
Je termine là-dessus, simplement pour dire que, j'ai
interrogé la semaine dernière, l'adjoint parlementaire à
la Commission de transport de Montréal. Ce n'est pas moi qui ai
commencé; le député de Sainte-Marie, M. Bisaillon, est
revenu bien avant moi, bien avant les porte-parole de l'Opposition pour dire au
ministre du Travail, à celui qui est là, ainsi qu'à son
prédécesseur, je crois: Dans le domaine du transport en commun
à Montréal, en dehors des périodes de négociation
et des périodes de confrontation, négociez donc et arrangez-vous
donc pour que le ministère prenne l'initiative de rencontrer la
Commission de transport et les porte-parole syndicaux pour convenir, en dehors
d'une situation de conflit, des services essentiels pour les handicapés
et aux heures de pointe, pour les travailleurs.
Le député de Sainte-Marie l'a dit à maintes
reprises au niveau de l'Assemblée nationale. On a eu la loi au mois de
janvier ou février à la Commission de transport. On a encore un
problème qui persiste. L'adjoint parlementaire a eu une phrase
extrêmement sibylline à l'Assemblée nationale, lorsque je
lui ai demandé si le ministère du Travail avait pris l'initiative
d'amener pendant tous ces mois, les quatre ou cinq mois qu'on vient de vivre,
les deux parties à prévoir que si on déclenchait une
grève dans le transport en commun à Montréal, on aurait
convenu des services essentiels. On ne l'a pas fait, je suis convaincu, on ne
l'a certainement pas fait. Qu'on nous amène des preuves, je pense qu'il
n'en existe aucune. À moins que je ne fasse erreur, et le ministre me
contredira, il n'existe aucune espèce d'entente actuellement et on est
sur le point, encore, d'avoir des débrayages à Montréal.
Il n'y a aucune espèce d'entente sur les services essentiels.
Le ministre appréciera comme il le voudra les propos que je tiens
dans mes remarques préliminaires. Je suis profondément convaincu
que ce que je dis est l'opinion très largement partagée des
milieux syndicaux et des milieux patronaux, singulièrement
partagée, en tout cas, pour ce qui est des services essentiels, par
l'opinion publique également. J'ai parlé des retards dans le
domaine de la loi sur le maintien des services essentiels, j'ai parlé de
cette irresponsabilité absolument inqualifiable du retard qui a
été apporté sur la législation au sujet des
fermetures d'usines et des licenciements collectifs dans le contexte de la
conjoncture économique actuelle. On va avoir une loi sur la fermeture
des entreprises quand la conjoncture va s'améliorer, quand il y aura
moins de fermetures d'usines et de licenciements collectifs. On aura
laissé là littéralement les travailleurs contrairement aux
promesses.
Le ministre pourra me dire: Cela aurait dû être fait dans le
passé. Bien sûr que cela aurait dû être fait dans le
passé, mais ce sont les crédits de son ministère qu'on
étudie. Quand je parle de toutes les promesses
répétées, vraiment, on en a assez, on veut avoir des
gestes concrets à la suite de toutes les promesses
répétées au niveau du Code du travail, de l'accès
à la syndicalisation, de cette espèce d'évocation que l'on
fait de la négociation multipratronale et multisectorielle. On voudrait
avoir des réponses, savoir exactement où s'est rendu, pas
seulement regarder le texte des documents officiels publiés par le
ministère, qui sont faits évidemment par les fonctionnaires, qui
font état d'une façon prudente et avec la réserve que
commande un document ministériel de l'état des travaux. Nous
sommes tannés que tout cela se poursuive.
Également, il y a tout le domaine -mes collègues vont en
parler - de la construction, des lois de la construction; ils vont en discuter
abondamment, et le domaine de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Quant à moi, M. le ministre,
j'espère que vous allez entendre cet appel, parce que je pense qu'il
s'imposait dans les circonstances. Au cours de l'étude des
crédits, nous essaierons, dans la mesure de nos moyens, d'obtenir les
précisions que ces quelques remarques d'introduction ont cherché
à vous demander avec toute l'insistance dont nous sommes capables, parce
qu'il me semble que c'est notre rôle premier de le faire.
En exerçant cette pression à cette occasion qui nous est
fournie à l'intérieur de l'étude des crédits d'une
commission parlementaire, ce qu'on veut, c'est faire avancer la
législation dans le domaine des relations de travail. On ne conteste
même pas les objectifs que peut avoir le ministre, on sera libre de les
apprécier lorsqu'il déposera ses projets de lois à
l'Assemblée nationale, sauf que quand le ministre dit une chose ou quand
les ministres du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu, depuis six ans, disent une chose, il me semble qu'on doit s'attendre
qu'un jour ou l'autre cela aboutisse. C'est abouti dans un certain nombre de
cas, j'en conviens volontiers, la loi 45, la Commission de la santé et
de la sécurité du travail, fort bien, mais les autres choses sont
à venir et de ces autres choses, vous en parlez et reparlez depuis trop
longtemps. Je pense que vous devriez agir et vite dans le sens de
l'intérêt public qui demande une action rapide, efficace et ferme
de la part du ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et qui me semble demander - je termine
là-dessus - que s'exprime beacoup plus vigoureusement une volonté
politique. Cela, seul le ministre peut le donner, non pas son adjoint
parlementaire dont on connaît l'expérience, le caractère
valeureux, dynamique, engagé, on le sait, dans le domaine des relations
de travail. On veut que le ministre s'affirme, qu'il affirme son leadership sur
le ministère, sur son adjoint parlementaire, sur les fonctionnaires,
pour que le ministère de Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu produise et non pas qu'on demeure
cantonné dans cette position d'attente qui est la caractéristique
- ce n'est plus l'étapisme, c'est l'attentisme - du ministre du Travail,
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Il est temps que
cela finisse.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. J'imagine, M. le
ministre, que vous avez des remarques ou des réponses à
apporter.
Réponse du ministre
M. Marois: M. le Président, nous prendrons les
réponses morceau par morceau, mais on me permettra tout de même
quelques petits commentaires. J'ai toujours beaucoup apprécié le
sens de l'humour du député de Jean-Talon, ses relevés et
ses déclarations à l'emporte-pièce. En un certain sens, je
suis très heureux d'un bon nombre de ses commentaires. On prend bonne
note des commentaires du porte-parole officiel de l'Opposition en
matière de relations de travail. Je les note, je vais les garder et les
traîner dans ma poche de veste. C'est vrai que les choses ne vont pas au
rythme des besoins, dans certains cas. C'est vrai que cela ne va pas, non plus,
au rythme de l'impatience justifiée de mon adjoint parlementaire et de
mon impatience personnelle. Ce n'est certes pas la faute de l'équipe des
fonctionnaires de ce ministère qui font vraiment tout ce qui est
humainement possible, c'est un très gros ministère et les
problèmes qui sont abordés ne sont pas faciles. On peut bien les
lancer sur la table comme cela. Je sais que le député a le sens
de l'humour. À travers le mandat qu'il se donne, légitimé,
amplifié aussi, de jouer son rôle d'Opposition, de bardasser le
gouvernement, de le pousser, il admettra fort bien, s'il cite bon nombre de mes
commentaires, de mes remarques, que dans le texte de mes remarques d'ouverture,
lors de l'examen des crédits en juin dernier, le 10, j'avais pris la
peine, de bonne foi, de tenter de tracer, accrochées à des
problèmes concrets, des perspectives de changements aussi
concrètes qu'il m'était possible de les indiquer, et constamment,
en disant: C'est là, il y a de quoi remplir un mandat. L'expression
"dans le cadre du mandat", "dans la perspective du mandat" revient constamment
dans mes remarques d'ouverture des travaux de la commission parlementaire, l'an
dernier, et je l'avais répétée pour indiquer non seulement
dans quel esprit, mais dans quelle perspective nous travaillions au
ministère du Travail.
Ceci étant dit, je suis également très heureux des
commentaires du député de Jean-Talon et j'en prends bonne note.
On verra, à l'usage, de quelle façon ses paroles se traduiront
par des attitudes conséquentes sur le plan législatif, à
l'Assemblée nationale. En effet - je me permettrai de le dire comme je
le pense, en toute honnêteté, en toute bonne foi - il y a des
facteurs de politique interne qui jouent à l'intérieur de
n'importe quelle formation politique - cela est bien connu - et qui font que
parfois certaines déclarations de principe, de partage des objectifs
politiques poursuivis par le gouvernement se traduisent dans la
réalité par une opposition aux principes mêmes de certaines
lois. Je ne veux pas tourner le fer
dans la plaie - il se peut qu'il y ait certaines imperfections, c'est
fort possible, et qu'il y ait des choses à corriger dans la Loi sur la
santé et la sécurité du travail -mais je me souviens fort
bien des appuis de principe reçus en commission parlementaire qui se
sont traduits par un vote d'opposition sur le principe même de la loi no
17.
Dans la liste des gestes concrets, le député a tout de
même admis qu'un certain nombre de gestes concrets avaient
été posés depuis 1976, ce n'est jamais suffisant, face
à l'ampleur des problèmes, mais il a oublié de mentionner
ce qui était aussi une chose demandée depuis très
longtemps, qui était cette espèce de convention collective de
base, de plancher de base, non négociable, pour protéger les
hommes et les femmes qui ne sont pas syndiqués, en attendant que des
ouvertures puissent faciliter cette syndicalisation. Cela a été
la transformation de l'ancienne loi du salaire minimum pour en faire une Loi
sur les normes minimales de travail. Enfin, on verra à l'usage et
à l'usure comment ces appuis quant aux objectifs poursuivis par le
ministère par mon adjoint et moi-même se traduiront dans les
faits.
Je me permettrai de relever une chose. Le député de
Jean-Talon est revenu sur la question de la participation des travailleurs
à l'entreprise et de toutes les discussions, les débats qui ont
même été soulevés à l'occasion du dernier
sommet socio-économique. Je voudrais quand même rendre à
César ce qui est à César, je ne veux pas en prendre le
profit. Le premier programme de création d'emplois sans verser dans
quelque forme de dogme ou d'imposition de quelque forme de participation que ce
soit à la propriété, à l'administration, au
capital, à la gestion des entreprises, en laissant l'initiative aux
travailleurs et aux travailleuses concernés, c'est le programme
expérimental de création d'emplois communautaires au
Québec qui a permis justement que soient vécues au Québec
des dizaines et des dizaines d'expériences différentes,
conçues sur des bases différentes, mais conçues par le
mode par exemple, de participation à l'entreprise. (11 heures)
Cela existe dans les faits. Je ne dis pas que c'est parfait. Je ne dis
pas qu'il ne faut pas aller plus loin. Je ne dis pas qu'il ne faut pas
évaluer cela. Je ne dis pas que ça n'ouvre pas la porte à
l'évaluation des choses qui devraient être plus rigoureuses dans
l'avenir, mais tout de même, ces choses existent. Cela n'avait pas
été fait par le passé. Je m'en souviens très bien
pour m'être occupé personnellement, bien avant de faire de la
politique, de ce genre de dossiers. Peu importent les partis politiques au
pouvoir, je sais quelle sorte d'accueil recevaient ces projets par le
passé.
Je suis prêt à en prendre, je suis prêt à
admettre que les choses ne vont pas aussi vite qu'on le voudrait. Je suis
prêt à l'admettre et à le reconnaître, car je l'ai
dit moi-même. Je reviens à ce que je disais dans ma
déclaration d'ouverture, car j'avais bien situé et placé
mes remarques d'ouverture lors des crédits de la commission
parlementaire antérieure dans la perspective du mandat. Dans cette
perspective, les objectifs sont là, ces objectifs fondamentaux
demeurent. C'est mon intention de faire tout ce qui est humainement possible
pour y aboutir dans les meilleurs délais, mais je ne peux pas tout faire
en même temps, je ne peux pas être, le ministère et toute
l'équipe qui est là, lp département des miracles. Ce n'est
pas possible de tout faire en même temps, mais c'est mon intention
arrêtée d'agir notamment sur la question de la réforme du
Code du travail. J'ai bien hâte de voir quelle sera l'attitude de
l'Opposition quand on arrivera sur des projets concrets. Un appui sur les
objectifs, je prends bonne note. On verra comment cela va se traduire dans la
réalité.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'on est prêt à entreprendre l'étude par programmes avec
le programme 5?
Mme Lavoie-Roux: J'aurais quelques notes
préliminaires...
Le Président (M. Bordeleau): Des notes
préliminaires?
Mme Lavoie-Roux: ... sur la sécurité du revenu,
mais je peux le faire à l'occasion du programme 5. Je ne sais pas, le
ministre a peut-être des remarques.
Le Président (M. Bordeleau): On entamera le programme 5.
J'appelle le programme 5. Voulez-vous y aller immédiatement, Mme la
députée de L'Acadie?
Soutien du revenu familial
Mme Lavoie-Roux: Oui, je voulais simplement, en préambule,
donner quelques notes sur les programmes de sécurité du revenu.
Le ministre, tout à l'heure, disait que le gouvernement ou l'État
devait se préoccuper de donner à tous les membres de la
société des revenus décents qui leur permettent de vivre
d'une façon relativement satisfaisante. L'an dernier, j'avais dit qu'en
dépit de la conjoncture économique qui déjà
était difficile nous devions avoir cette préoccupation d'amener
les plus démunis de notre société à un niveau qui
respecte leur dignité et surtout d'assurer aux enfants de ces familles
des moyens au moins un peu équivalents à ceux des familles qui
jouissent
de revenus plus constants et plus importants et, dans la mesure du
possible, de leur procurer des chances un peu égales.
Il est assez étonnant de voir - ceci est dans le programme
même du gouvernement, dans les pages préliminaires du budget
touchant le Travail, la Main-d'Oeuvre et la Sécurité du revenu -
que les compressions dans les régimes de sécurité du
revenu totalisent 50 300 000 $ et concernent trois programmes, soit l'aide
sociale, mesure visant un plus grand contrôle sur les revenus des
bénéficiaires et sur l'accès à certains besoins
spéciaux - on y reviendra au moment de l'étude du programme sur
l'aide sociale -les allocations familiales de base, non-indexation, et
l'assistance-maladie, retrait des médicaments en vente libre.
Simplement à la lecture de ces trois points, il est facile de
réaliser que, si certaines personnes avec des revenus moyens ou des
revenus plus élevés dans notre société se plaignent
de la conjoncture économique, des risques que ceci comporte, des pertes
de pouvoir d'achat, quand on voit que 50 000 000 $ de compressions touchent la
sécurité du revenu et, particulièrement, les plus pauvres
de la société, on ne peut pas s'empêcher de douter vraiment
de l'administration du gouvernement, dans le sens de savoir quelles sont les
priorités que le gouvernement établit. Je dirai tout de suite que
nous ne sommes pas contre une rationalisation des dépenses même
à l'égard des bénéficiaires de l'aide sociale, mais
qu'on songe, par exemple, que cette année le gouvernement n'a pas
indexé les allocations familiales - nous avons eu l'occasion d'en
discuter au mois de décembre - économisant, par cette
non-indexation, un montant de l'ordre de 21 000 000 $ qui a été
enlevé à l'ensemble des familles du Québec. On me dira que
certaines de ces familles avaient des revenus suffisants, c'est possible;
certes, c'était le cas. Mais il y avait aussi des familles qui n'avaient
pas des revenus suffisants et, même qu'elles n'étaient pas des
bénéficiaires de l'aide sociale, elles avaient des revenus
très modestes.
De ces 21 000 000 $, nous savons qu'environ 6 000 000 $ sont
allés aux allocations familiales pour les enfants handicapés et
que le reste des 16 000 000 $ est allé à l'indexation de l'aide
sociale. C'est ce qu'on nous a donné comme information au mois de
décembre alors que, pour des raisons hors du contrôle du ministre,
son adjoint parlementaire le remplaçait au moment de l'étude de
la loi 30.
Également, on se pose des questions sérieuses quand on
voit que des familles à revenus modestes sont privées d'un
revenu, j'en conviens, qui n'est pas très élevé, mais
quand même, dans la conjoncture actuelle très difficile, on les
prive d'un revenu. On peut se poser des questions sur les priorités du
gouvernement qui a fait une promesse électorale d'allocation de
disponibilité universelle aux familles du Québec qui ont des
enfants en bas de six ans, encourant à ce moment des dépenses qui
avaient été au départ estimées à 150 000 000
$ et qui maintenant ont été ramenées, je pense, à
120 000 000 $ suite à une diminution des sommes prévues. Ce n'est
pas contre l'allocation de disponibilité que nous en avons, mais contre
le fait qu'au moment où l'on coupe l'indexation des allocations
familiales à des familles qui en ont besoin on établit un
régime d'allocation de disponibilité à des familles qui
n'en ont même pas besoin. Sans vouloir pointer qui que ce soit du doigt,
je suis certaine que parmi nos collègues il y en a qui en
bénéficient, et non pas d'une façon injuste. Ils en
bénéficient parce que la mesure est universelle. On peut se poser
de sérieuses questions quant aux priorités sociales du
gouvernement.
Également, le retrait des médicaments en vente libre.
Là, on assiste à une grande série de rationalisations.
Qu'il y ait un abus des médicaments, j'en conviens, et à
l'occasion je pense qu'on en discutera aux Affaires sociales. Pourquoi en
sommes-nous rendus là? C'est parce que ce bon gouvernement qui est en
face de nous a aussi établi un programme de médicaments gratuits
de façon universelle dont bénéficient des gens qui
pourraient fort bien les payer. Alors, quand on sent que la dose est trop
forte, que les dépenses sont trop grandes, on coupe. Mais à ce
moment, on coupe à tout le monde, à ceux qui en ont le moins
besoin comme à ceux qui ont des revenus amplement suffisants. C'est cela
le manque de prévoyance sociale du gouvernement. Je pense que c'est
indiqué d'une façon très claire dans les renseignements
supplémentaires qui ont été déposés avec les
crédits.
M. le Président, nous y reviendrons au programme de l'aide
sociale. C'étaient des questions que je voulais poser d'une façon
préliminaire, mais je pense qu'on peut y revenir programme par
programme. Le message que je veux, du moins, donner au gouvernement, c'est que,
dans cette période d'austérité budgétaire qui est
en bonne partie due à l'administration gouvernementale, on paie pour des
imprévoyances du gouvernement quant à l'établissement de
ses priorités. Je l'ai déjà dit et je le redis: Trop
souvent, le gouvernement a mêlé ses objectifs électoraux
avec ses objectifs sociaux. On en voit aujourd'hui les résultats.
Alors, M. le Président, on peut passer immédiatement
à l'étude de ce programme d'une façon plus
précise.
Le Président (M. Lavigne): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Juste pour ajouter à cette partie de la
réflexion. Sur la question de l'universalité ou de la
sélectivité des programmes de sécurité du revenu,
entre autres - je le dis et peut-être que ma collègue ou le
ministre, quand il répondra, va tenir compte de ça - une des
choses qui nous ont été dites au fil des années, c'est que
l'instauration d'un programme de sélectivité, pour
légitime qu'il puisse être... Dans le contexte budgétaire,
peut-être qu'on n'aura pas l'occasion de l'expérimenter. On nous a
toujours donné l'argument qu'à un moment donné, quand
c'est sélectif, ça finit à une certaine limite. Donc,
ça suppose un certain nombre de contrôles et les coûts
administratifs de rendre sélectifs les programmes, par rapport à
un programme qui est universel, seraient - je le dis sous toute réserve
et je demande au ministre s'il y a des études particulières pour
les programmes qui le concernent - à ce point prohibitifs que les gains
de la sélectivité ne seraient pas significatifs. C'est la raison
pour laquelle on préférerait, et on a toujours
préféré, depuis les vingt dernières années
au moins, aller du côté de l'universalité parce que c'est
plus facile.
Mais, dans le contexte économique, comme ma collègue l'a
signifié, dans le cadre des priorités du gouvernement, je suis
convaincu qu'on n'a peut-être pas le choix, en ce moment, de continuer
d'aller vers l'universalité. Pour l'application du principe de la
sélectivité dans les programmes de sécurité du
revenu, est-ce qu'au niveau du ministère il y a eu des études qui
ont été faites pour voir exactement ce que ça comporte
comme coût sur le plan administratif?
Le Président (M. Lavigne): M. le ministre.
M. Marois: Bien, juste sur cette dernière question, voici
ce qu'on me dit comme information. Si ça pouvait être vrai,
effectivement, par le passé, pour une raison bien simple, soit que les
techniques et les méthodes d'administration et de gestion à
l'époque où l'ordinateur n'existait pas ou commençait
à exister, forcément, étaient moins raffinées, ce
n'est plus le cas aujourd'hui. On me dit que ce n'est plus le cas, de telle
sorte qu'effectivement on peut fort bien se poser la question non seulement de
la pertinence, de l'opportunité de cela, mais sur le plan administratif
aussi, quant à savoir si ce sont des coûts additionnels qui
seraient énormes et annuleraient l'effet de la sélectivité
ou de la non-universalité, on sait très bien que la question
pourrait se poser et ça n'implique pas les dimensions de coûts
qu'on évaluait autrefois.
Mme Lavoie-Roux: Comme note préliminaire, il y aurait une
question qui n'est pas strictement du ressort des programmes dont je suis
responsable, mais je pense que mon collègue de Jean-Talon me permettra
de la poser et le ministre également. L'an dernier, j'avais
demandé au ministre de me donner les chiffres sur la
représentation des femmes dans les cadres supérieurs de son
ministère. Cette année, j'aimerais qu'il nous donne la
différence à la hausse ou à la baisse. Également,
dans les mises à pied ou les mises en disponibilité ou la
diminution du personnel qui affecte le ministère, est-ce que le ministre
pourrait nous en donner la proportion, la distribution, en ce qui touche les
femmes et les hommes? Et une deuxième question relative au travail. On
assiste - le ministre, j'en suis certaine, en est fort conscient - à une
multiplication de postes à temps partiel, non seulement à
l'intérieur du ministère du ministre; c'est certainement une
préoccupation du ministre du Travail. Pourrait-il également nous
donner des chiffres pour les postes qui ont été soit convertis,
soit créés, qui sont des postes à temps partiel. Combien
sont occupés par des femmes et combien sont occupés par des
hommes?
M. Marois: Excusez, j'ai...
Mme Lavoie-Roux: C'est parce qu'il y a des conversions de postes.
Il y a peut-être aussi des créations de postes à temps
partiel. Je voudrais savoir non seulement pour votre ministère, M. le
ministre, mais également pour l'ensemble des services publics et
parapublics, combien de ces postes qui ont été convertis, qui ont
été créés à temps partiel, sont
occupés par des femmes et combien sont occupés par des hommes. Je
comprends que vous ne pouvez peut-être pas me donner ces informations
tout de suite, mais j'apprécierais les avoir. (11 h 15)
Le Président (M. Lavigne): M. le ministre.
M. Marois: Sur la première partie de la question
concernant la répartition des effectifs féminins par
catégories de personnel au ministère, je peux vous donner le
détail. Dans les postes dits hors cadres, il y avait 7 femmes sur 36
postes en mai 1981 et il y a en 8 sur 37 en mai 1982. Dans les emplois
supérieurs, il y avait 5 femmes sur 117 postes, toujours mai 1981
comparé à mai 1982, et il y en a maintenant 8 sur 116 postes.
À la gérance, il y en avait 18 sur 240 et maintenant il y en a 24
sur 252. Chez les professionnels, il y en avait 62 sur 526, et il y en a, en
mai 1982, 79 sur 533. Dans l'ensemble des fonctionnaires, il y en avait 1663
sur 3185 et il y en a maintenant 1610 sur 3075. Donc, globalement, il y
avait
1755 postes occupés par des femmes sur 4116 postes occupés
en mai 1981. Il y en a, en mai 1982, 1730 sur 4027 postes, ce qui signifie que
97 postes ont été compressés durant cette période.
Si on fait le décompte, il y a une légère progression des
femmes dans les divers postes et particulièrement au niveau
supérieur, au niveau hors cadres et au niveau des emplois
supérieurs, au niveau de la gérance et chez les professionnels
aussi.
Mme Lavoie-Roux: Mais c'est surtout du côté des
fonctionnaires qu'il y a cette augmentation, où la diminution se fait le
moins sentir? Vous aviez 1663 postes sur 3185 qui étaient occupés
par des femmes. Vous tombez...
M. Marois: Chez les fonctionnaires. Mme Lavoie-Roux: ...
à 1610 sur 3075?
M. Marois: C'est cela. C'est là qu'il y a eu
principalement des compressions de postes.
Mme Lavoie-Roux: Ce sont surtout des femmes, qui occupaient ces
postes, qui sont parties?
M. Marois: Proportionnellement un peu plus. Proportionnellement
la progression des femmes vers les postes supérieurs, professionnels en
montant, est plus élevée.
Mme Lavoie-Roux: Pour l'ensemble des compressions, cela vous
donne combien?
M. Marois: II y avait 4116 postes occupés...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Marois: ... en mai 1981 contre 4027...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M- Marois: ... postes occupés.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Marois: Ce qui signifie que 97 postes ont été
compressés durant cette période. Si on compare, il y avait 1755
postes qui étaient occupés par des femmes en mai 1981 et il y en
a maintenant 1730. Donc, 25 sur les 97, donc moins de postes occupés par
des femmes compressés par rapport aux postes occupés par des
hommes.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Maintenant sur le temps partiel...
Oui.
M. Marois: Je ne sais pas comment on appelle cela, je ne sais pas
si c'est un "méritas" ou je ne sais quoi de la Fonction publique, mais
le ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu a été particulièrement
bien coté dans ce sens par le ministère de la Fonction
publique.
Mme Lavoie-Roux: Je sais qu'au ministère de
l'Environnement...
M. Marois: Parmi les deux ou trois... Mme Lavoie-Roux: ...
cela a diminué.
M. Marois: ... premiers ministères, si ma mémoire
est bonne.
Mme Lavoie-Roux: Bon. Maintenant sur le temps partiel, vous
n'avez probablement pas de statistiques ici?
M. Marois: Sur le temps partiel, est-ce que vous avez des
chiffres? On peut les obtenir et vous les faire parvenir, je ne les ai pas
ici.
Mme Lavoie-Roux: Bon. Parfait.
M. Marois: On prend note de votre demande.
Le Président (M. Lavigne): Est-ce que le programme 5 est
adopté ou si vous avez d'autres questions?
Mme Lavoie-Roux: On n'a pas commencé le programme 5.
Le Président (M. Lavigne): Au niveau des questions
générales?
Mme Lavoie-Roux: Non. Le ministre ne m'a pas répondu, il
n'a peut-être rien à dire.
Sur le programme 5 proprement dit, je voudrais demander au ministre si
le nouveau règlement qui a été adopté pour les
enfants handicapés a solutionné les problèmes que nous
avions soulevés l'an dernier à savoir que des enfants restaient
à l'extérieur du programme parce qu'une des conditions
était qu'ils devaient recevoir des services spéciaux ou
être l'objet de services de réadaptation spéciaux. Il y
avait eu beaucoup de plaintes des familles, parce qu'avec l'effort
d'intégration des enfants handicapés aux classes
régulières cela éliminait un certain nombre d'enfants qui,
normalement, auraient dû bénéficier des allocations
familiales pour enfants handicapés.
M. Marois: II semble que, d'après les chiffres dont on
dispose et les commentaires qu'on a pu recevoir jusqu'à ce jour,
l'ouverture qui a été faite par les modifications qui ont
été apportées à ce programme a permis de
répondre aux problèmes qu'évoque Mme la
députée de
L'Acadie. En décembre 1981, c'est-à-dire avant les
modifications apportées, il y avait 5910 enfants qui en étaient
bénéficiaires et le coût du programme en 1981-1982 a
été de 5 700 000 $. Avec les modifications qui ont
été apportées au programme au début de
l'année civile, on estime qu'environ 9400 enfants additionnels
pourraient être inscrits avant le 31 mars 1983 sur la base de ce qui est
entré présentement. Ainsi, ce qui représente quand
même une hausse importante non seulement en nombre, mais aussi par
l'ouverture sur le type de couverture, par exemple, des enfants qui avaient des
problèmes de handicap moteur, la prévision budgétaire pour
la présente année financière est de 11 200 000 $, ce qui
est tout de même assez important.
Mme Lavoie-Roux: Dans le règlement, il y aurait juste un
point que je voudrais porter à l'attention du ministre. Il n'a
peut-être pas le règlement devant lui, mais lorsqu'on parle
d'enfant handicapé au plan mental, on peut lire: "Tout enfant qui, de
façon significative et permanente, est affecté d'une
déficience mentale moyenne, sévère ou profonde,
évaluée à partir d'examens standardisés de type
épreuve d'intelligence ou quotient de développement et dont
l'état nécessite la mise en place de mesures
spécialisées, etc."
M. le Président, ceci a certainement dû être
discuté avec des spécialistes de l'enfance inadaptée.
Quand on parle de l'évaluation de la déficience mentale moyenne -
je mets de côté la déficience sévère ou
profonde; je pense qu'il n'y a pas de problème de diagnostic - à
partir d'examens standardisés de type épreuve d'intelligence ou
quotient de développement, il y a des risques de se tromper dans
l'évaluation et que des enfants soient catégorisés comme
étant souffrant d'une déficience mentale, alors que l'on sait
que, très souvent, c'est une foule de facteurs qui font qu'un enfant
peut être classé comme déficient alors qu'il ne l'est pas.
Est-ce que ce problème a été examiné de
près?
M. Marois: Cela a été regardé, c'est pour
cela qu'il y a deux choses: d'une part, en plus des médecins, d'autres
professionnels de la santé sont maintenant autorisés à
signer les rapports qui attestent les handicaps. Cela veut dire que d'autres
types de professionnels sont aussi mis à contribution. Comme il y a
effectivement risque d'erreur, ce programme étant administré par
la Régie des rentes, forcément il y a un droit d'appel, comme
dans le cas général des allocations familiales. Et, comme
étape intermédiaire entre les deux, pour accélérer
les choses, parce qu'on s'aperçoit que c'est possible, bien souvent,
à moins que ce ne soit jugé nécessaire d'aller en appel de
façon formelle à la Commission des affaires sociales il est
possible de demander une révision à la régie et bon nombre
de cas - je n'ai pas les chiffres avec moi - sont réglés au
niveau même de la révision à la régie.
Mme Lavoie-Roux: Ceux dont je m'inquiète, M. le
Président, ce ne sont pas ceux qui vont demander une révision
parce qu'ils ont été refusés au programme; ce sont ceux
qui sont déjà admis. Enfin, vous diagnostiquez un enfant d'une
façon presque absolue quand vous le rendez admissible sur cette base
à des allocations familiales spéciales.
M. Marois: Vous voulez dire dans le cas où il se
présenterait une erreur quelconque de diagnostic qui ferait qu'un enfant
ou la famille aurait droit à cette allocation supplémentaire
conséquemment au diagnostic d'un handicap de type moyen, pour reprendre
votre expression...
Mme Lavoie-Roux: C'est ce qu'il y a dans la loi.
M. Marois: ... handicap qui n'existerait pas à toutes fins
utiles. Vous prenez le cas inverse.
Mme Lavoie-Roux: Oui, enfin...
M. Marois: Je parlais du cas où l'erreur aurait pu
bénéficier en révision ou en appel à l'enfant et
forcément à la famille. Dans le cas inverse, c'est toujours
très difficile, ce qui a été apporté comme
élément de souplesse pour faire en sorte que les meilleurs
professionnels puissent être mis à contribution dans
l'évaluation du handicap, c'est ce que j'évoquais,
l'élargissement par le fait que non seulement des médecins mais
d'autres types de professionnels peuvent intervenir dans l'évaluation du
handicap. Je ne prétends pas être un expert dans le domaine.
Mme Lavoie-Roux: Le moyen qu'on utilise, c'est des tests
standardisés d'épreuves d'intelligence, alors que de plus en plus
ces tests sont remis en question. En tout cas, nous ne sommes pas ici pour
faire un long débat là-dessus, mais je signale simplement ce
problème au ministre pour qu'on s'assure de ne pas faire d'une autre
façon ce qu'on tente maintenant d'éviter, de catégoriser
des enfants d'une façon inopportune. Je trouve qu'ici on fait appel
à un moyen qui, à bien des égards, est désuet comme
méthode de diagnostic.
M. Marois: J'en prends bonne note, M. le Président.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le ministre pourrait nous indiquer si
les rumeurs que nous avons entendues ou que nous avons lues voulant qu'on - je
le dis sous toute réserve parce que je n'ai pas le texte devant moi -
envisage l'abolition des allocations familiales comme mesure universelle, sont
fondées ou non? C'est parmi les rumeurs qui circulent autour du
budget.
M. Marois: Je ne vais certainement pas commenter maintenant un
budget qui ne sera dévoilé que ce soir. Je pense que tous les
membres de cette commission comprennent cela.
Mme Lavoie-Roux: Comme politique de votre gouvernement.
M. Marois: En ce qui me concerne et concernant les crédits
que nous avons présentement à examiner, à étudier
et sur lesquels nous avons à nous prononcer, dans la perspective de ce
que j'ai déjà évoqué, j'ai rappelé
très rapidement, ce matin, une réforme plus en profondeur des
politiques de sécurité du revenu, je crois que la question se
pose. Il n'y a aucune décision de prise en ce qui nous concerne, chez
nous, mais je crois honnêtement qu'il faut regarder de très
près cette dimension. Je ne veux pas me prononcer pour l'instant, ma
réflexion personnelle n'est pas suffisamment avancée, mais je
pense qu'on ne doit pas exclure a priori, comme hypothèse, cette piste,
elle mérite d'être scrutée à la loupe. D'ailleurs,
la députée de L'Acadie l'a elle-même évoqué
dans ses quelques remarques, certains éléments des politiques
sont de type universel, d'autres sont de type sélectif. Dans la
perspective d'une révision fondamentale, compte tenu des ressources dont
dispose une société, de la nécessité de
s'interroger clairement et de répondre de façon précise
aux objectifs qu'on poursuit par une telle politique - à courir
plusieurs lièvres à la fois, je ne suis pas certain qu'on
réussisse à tous les attraper - certains programmes ont d'abord
été conçus pour rapporter un minimum décent sur une
base de partage plus équitable des ressources dans une
société, dans des familles; je ne suis pas certain qu'on atteigne
cet objectif-là aujourd'hui. Par ailleurs, d'autres types de programmes
visent à atteindre d'autres types d'objectifs. Donc, je pense que, dans
un examen approfondi, aucune piste ne doit être exclue. Mais je tiens
à dire cependant, parce que je ne veux pas alimenter des rumeurs sur des
choses qui seraient dans le genre décidées, que je cacherais ou
que je refuserais d'annoncer, qu'il n'y a absolument rien de
décidé en ce qui me concerne. (11 h 30)
Mme Lavoie-Roux: Mais, c'est une hypothèse qui est
examinée.
M. Marois: C'est une hypothèse que je demande qu'on
examine, bien sûr, parmi d'autres.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Marois: Je ne vois pas pourquoi on l'exclurait.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Bordeleau): Sur le même sujet, je
pense que Mme la députée de Maisonneuve a demandé la
parole.
Mme Harel: Je pensais intervenir surtout sur le programme 6, en
fait, le programme sur l'aide sociale. On en est encore au programme 5, mais
j'en profite puisque ce qui est en cause, c'est la sélectivité
des programmes contre l'universalité. Il me semble que, compte tenu des
propos que vous avez tenus tantôt sur l'allocation de
disponibilité, s'il y a un paramètre important à prendre
en considération, c'est certainement que ces programmes, lorsqu'ils sont
universels, sont imposables.
Il est évident que l'autre dimension qu'il ne faut jamais perdre
de vue, c'est que dans une société où la classe moyenne ne
serait pas incitée à déclarer ses revenus ou à
augmenter ses revenus compte tenu de ce qu'elle perdrait en soutien ou en
services collectifs, ça peut avoir des effets contraires à ceux
qui sont recherchés. Je regardais cet inventaire qui a été
fait par le Conseil des affaires sociales et de la famille, qui s'intitule
Inventaire des principales mesures et actions du gouvernement du Québec
à l'égard des familles. Il est difficile d'envisager l'ensemble
des interventions dans le domaine du revenu familial, sans le faire à la
lumière de la fiscalité parce qu'il peut y avoir des objectifs
qui soient ceux de soutenir les familles qui décident d'avoir charge
d'enfants et, à ce moment-là, ce n'est pas certain que des
mesures sélectives atteindraient l'objectif qu'on poursuit. Cela
pourrait avoir comme conséquence qu'on "désincite" les gens
à augmenter leur revenu, en tout cas certainement à les
déclarer; ça s'est vu dans d'autres sociétés.
Alors, j'imagine que tout cela ne peut pas se faire dans le cadre de la
sécurité du revenu, mais doit être placé,
évidemment, dans le cadre de l'ensemble de la politique fiscale d'un
gouvernement.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: D'une part, je dirais que cela dépend aussi de
ce qu'on met derrière les concepts d'universalité ou de
sélectivité. En d'autres termes, tout dépend des
objectifs
fondamentaux recherchés. Alors, il y a plusieurs avenues et
plusieurs moyens pour y arriver. Mais je crois qu'un des débats aussi
qui s'ouvre et qui n'est pas facile à concilier avec d'autres objectifs,
c'est celui d'une conception d'un revenu du ménage contre le concept
d'un revenu individuel. Cela n'est pas facile à concilier. Qu'on y aille
par le biais qu'on voudra, l'universalité ou la
sélectivité et l'universalité avec
récupération en partie par la fiscalité, ce n'est pas
facile à concilier.
Alors, quels sont les premiers objectifs qu'on se fixe? Je ne vous
cacherai pas que je serais porté personnellement à
privilégier la lutte à la pauvreté. Je serais porté
à privilégier un partage plus équitable des ressources et
des richesses dans la société. Donc, par voie de
conséquence, à partir du moment où je serais porté
à retenir d'abord cela comme objectif, je serais porté à
privilégier la notion de revenu du ménage. Je sais fort bien que,
ce faisant, d'autres personnes dans notre société sont
portées, à l'opposé, à privilégier un
concept de revenu individuel et, alors, les concepts se heurtent, à
moins vraiment que la société ne dispose de ressources
financières illimitées. Tout le monde sait que c'est loin
d'être le cas. Je vous indique clairement qu'en ce qui me concerne ce
sont vraiment des débats de valeur d'une société. Je pense
bien qu'à partir du moment où on essaie de faire le tour de
l'ensemble des divers programmes pour tenter de les réévaluer, de
préparer une réforme, il est certain qu'on ne peut pas dissocier
cela de la fiscalité. Je pense que cela doit s'examiner de plus en plus
par un certain nombre de mesures. Pensez au supplément au revenu de
travail, pensez à d'autres mesures qui sont maintenant
considérées comme des lois fiscales et administrées par le
Revenu. Ce n'est pas, en soi, une chose mauvaise ou néfaste, mais ces
débats de fond sont là. C'est pour cela que je dis qu'il ne faut
pas exclure la remise en question du concept, peu importe le biais par lequel
on le fait, je n'en suis pas là, que ce soit par le biais de la
fiscalité ou autrement. Prenez le cas des allocations familiales; elles
ne sont pas imposables au Québec, mais, par ailleurs, il y a un certain
nombre d'exemptions à côté qui sont à l'avenant.
Donc, il y a des choses qui peuvent s'équilibrer en partie. Est-ce la
meilleure façon d'y arriver? Cela reste à voir.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: La remarque de la députée de
Maisonneuve m'a rappelé que c'était la volonté même
du ministre des Finances - qui, parfois, plane un peu haut -qui avait, au
moment de l'annonce de cette mesure d'allocation de disponibilité, dit:
Elle ne sera pas imposable parce que je ne veux surtout pas que le
fédéral aille gruger là-dessus. Ce ne sont peut-être
pas exactement ses termes, à la lettre, mais c'était vraiment
l'esprit. Quand je dis que le gouvernement ou des membres du gouvernement ne
sont peut-être pas réalistes et confondent peut-être
certains objectifs, dans le cas présent, dans le cas du ministre des
Finances et de sa hargne contre le fédéral, il reste qu'au fond
des choses il faut voir qui on touche précisément. Je pense bien
que cela n'a pas fait mal au fédéral, mais cela fait mal à
d'autres gens quand on est obligé de récupérer des sommes.
Enfin, on ne les récupère pas, mais si on ne les indexe pas en
conséquence, c'est une autre forme de récupération
à même les plus faibles.
M. le Président, sur la question du soutien du revenu, j'imagine
que le supplément au revenu de travail entre dans cette rubrique? Est-ce
que je me trompe?
M. Marois: Non, dans aucun des crédits qu'on a à
voter ici. Cela entre dans les crédits du ministère du Revenu.
Cependant, sur les politiques, sur l'évaluation du programme, sur les
ajustements qu'il serait pertinent d'apporter, le ministre intervient par la
loi même créant le programme.
Mme Lavoie-Roux: Comme cela, je peux me permettre de poser des
questions puisque je pense que cela fait partie de l'ensemble du soutien du
revenu, de toute façon, et particulièrement du revenu familial.
Le ministre a sans doute pris connaissance d'un article de la Presse du 4 mars
dernier, à savoir que seulement une minorité de personnes se
prévaut du programme de supplément au revenu de travail. C'est un
article de M. Gauthier, de la Presse, du bureau de Québec, qui semblait
dire que l'objectif que le ministre s'était fixé ne semblait pas
être atteint ou, du moins, qu'il semblait y avoir une espèce
d'apathie de la part du gouvernement, à savoir que moins cela
coûte cher, mieux c'est. Je vais citer le journaliste: "Le nombre des
bénéficiaires est passé de 37 000 à 28 000, de 1979
à 1980, et les crédits alloués au programme cette
année sont de 6 000 000 $ inférieurs à ceux de l'an
dernier, alors qu'ils n'étaient pourtant que de 27 000 000 $." Il ajoute
un peu plus loin: "Par ailleurs, même si la clientèle est
essentiellement très mouvante et difficile à cerner, au dire
même des administrateurs du programme créé en 1979, le
gouvernement ne fait aucun effort particulier pour renverser cette tendance. On
n'indique nulle part, dans la formule d'impôt ou dans les documents
explicatifs qui l'accompagnent que les travailleurs à faible revenu
peuvent s'en prévaloir. Le ministère du Revenu envisage tout au
plus de faire paraître quelques messages dans les journaux à la
mi-mars."
Au moment de sa présentation, cette loi portait symboliquement le
no 1, si je me rappelle bien, M. le ministre, parce que c'était une
première pierre dans toute une politique à développer sur
la sécurité du revenu. Ce fut d'ailleurs présenté
par le ministre d'État au Développement social. J'aimerais
connaître les intentions réelles du ministre et du gouvernement
à l'endroit de cette loi et de sa mise en application.
M. Marais: Je me permettrais d'abord...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: ... de rappeler que le projet de loi no 1 instaurant
ce programme visait un triple objectif. On verra dans ce sens qu'il faut
nuancer les propos que citait, tout à l'heure, Mme la
députée de L'Acadie. Le premier, c'était
d'améliorer la situation des travailleurs à faible revenu en leur
accordant un supplément qui varie selon leur revenu de travail et leurs
charges familiales. C'était une dimension importante.
Deuxièmement, d'accroître l'incitation au travail des familles
à faible revenu, y compris les assistés sociaux, en faisant en
sorte que plus le ou les conjoints travaillent, plus le revenu disponible de la
famille s'accroît. Troisièmement, d'améliorer
l'équité du système de transferts gouvernementaux par
rapport au système d'impôt sur le revenu des particuliers en
établissant le calcul de la prestation d'un revenu minimum garanti sur
la base d'un revenu annuel plutôt que mensuel, comme c'est le cas de
l'aide sociale.
Lors de la première année de fonctionnement,
d'après les chiffres qui ont été portés à ma
connaissance - et là je pense que cela permet de corriger certains
chiffres que donnait de bonne foi Mme la députée de L'Acadie,
citant un article de journal - 27 900 ménages ont
bénéficié du programme pour des déboursés de
16 700 000 $. Ce nombre est passé à 34 387 ménages en
1980, pour des déboursés de 19 500 000 $, et à 28 038
ménages en 1981 pour des déboursés d'environ 18 400 000 $.
Donc, on voit une fluctuation. Cela ne correspond pas, cependant, aux chiffres
mentionnés, mais, enfin, peu importe. Pour 1982-1983, les crédits
sont de 23 131 600 $, le programme demeurant dans l'état où il
est.
Mme Lavoie-Roux: C'est une diminution constante, finalement,
depuis les trois dernières années.
M. Marois: Je vais revenir là-dessus. Mme Lavoie-Roux:
Oui.
M. Marois: L'une des principales conclusions qu'on peut formuler
après les trois premières années de fonctionnement du
programme, c'est qu'il semble se poser effectivement un problème quant
à l'effet incitatif du programme, effet incitatif au retour au travail
des bénéficiaires de l'aide sociale. Cependant, il semble bien
que l'autre dimension qui était visée, l'incitation à
demeurer au travail, dans le cas des travailleurs à faible revenu, a
été beaucoup plus largement atteinte.
Cela étant dit, on se souviendra également que la loi
permet de hausser le pourcentage de supplémentation. Si ma
mémoire est bonne, la loi prévoit que cela peut être entre
20% et 30%; cela a été effectivement établi à 25%
au moment du démarrage et c'est demeuré 25%. Dans nos travaux
actuels d'examen du programme d'aide sociale, on examine la possibilité
- je ne sais pas si c'est la conclusion qu'on en tirera définitivement -
d'une intégration du supplément au revenu de travail à un
nouveau programme d'aide sociale.
Également, je voudrais pouvoir proposer des nouvelles
modalités en vertu desquelles il serait possible de toucher la
prestation du supplément au revenu de travail dans les premiers mois qui
suivent le retour au travail. On sait que le programme permet à des gens
d'obtenir un supplément au revenu de travail basé sur le revenu
de travail, donc basé sur une année de travail. Cela avait
été établi sur cette base, à la lumière des
expériences vécues en particulier dans l'Ouest, où ils ont
eu énormément de difficultés. (11 h 45)
Mais enfin, je pense qu'il faut examiner cela. Il y a un creux qui est
dans la période de retour au travail, quant à la première
année de retour au travail, période durant laquelle les gens
n'ont pas droit au supplément au revenu de travail. Ils y ont droit la
deuxième année, basé sur le revenu de travail de
l'année antérieure. Il faudrait changer cela si on veut
accroître l'effet incitatif du programme, en particulier en ce qui
concerne les bénéficiaires d'aide sociale, parce que c'est une
dimension qu'il nous faut absolument regarder, après maintenant trois
années d'expérience. Donc, je pense que le programme a atteint
certains de ses objectifs, il n'a pas atteint tous les objectifs qui
étaient prévus au départ. Remarquez que c'est un peu
normal en un certain sens parce que c'était une espèce de
première. Il n'y a à peu près pas d'équivalent
comme tel. Il y avait un programme américain et une ou deux
expériences qui avaient été menées dans l'Ouest, en
Saskatchewan, en particulier, si ma mémoire est bonne. Le programme
manitobain, je dis cela sous réserve, m'avait semblé moins
concluant que le programme de l'autre province. Donc, c'est la perspective
dans laquelle on travaille présentement.
Mme Lavoie-Roux: Alors, une révision de...
M. Marois: Oui.
Mme Lavoie-Roux: ... la législation même, de
certains points de la législation.
M. Marois: Si tant est qu'il faut aller jusque-là, si
ça implique des ajustements législatifs.
Mme Lavoie-Roux: Eu égard à la remarque que
peut-être le gouvernement ne fait pas suffisamment connaître cette
mesure de supplément au revenu de travail, est-ce que, dans ce sens, le
ministère et le ministre du Travail sont responsables de la
sécurité du revenu, du soutien du revenu familial? Et dans le
contexte d'une politique familiale dont on nous entretient beaucoup, est-ce
qu'il entend prendre des mesures concrètes pour en rendre l'accès
plus facile et mieux connu?
M. Marois: Très rapidement. En ce qui concerne
l'information, on se souviendra qu'il y avait eu une très large
information lors du démarrage du programme. Par la suite, il y a eu une
information plus restreinte - si ma mémoire est bonne,
honnêtement, il faudrait que je vérifie - sous forme de feuillets
d'information, à l'occasion des déclarations d'impôts sur
le revenu. Il ne semble pas -enfin ça reste à vérifier et
je ne voudrais pas être absolu dans l'affirmation que je fais - que le
problème de fond réside dans le fait d'une absence d'information
adéquate, en ce sens que les gens qui y auraient droit n'en font pas la
demande, d'après ce qu'on peut voir, mais au contraire, cela
réside beaucoup plus, fondamentalement, autour des problèmes dont
nous avons parlé tout à l'heure, c'est-à-dire de
l'opportunité, de la nécessité ou pas d'élargir le
programme pour le rendre plus incitatif, donc, par voie de conséquence,
d'élargir la clientèle possible au programme, enfin,
d'après les indications que j'ai pour l'instant.
Le Président (M. Bordeleau): Sur le même sujet, Mme
la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. Moi...
M. Marois: Je m'excuse. Pour l'information des membres de la
commission, on m'informe que tous les ménages qui retirent des
prestations de l'aide sociale durant l'année 1981-1982 ont reçu
un dépliant - ça vient forcément du ministère -sur
le supplément au revenu de travail, qui s'ajoute à l'information
qui a été véhiculée par le ministère du
Revenu. Ceci tendrait à confirmer ce que je viens de mentionner,
c'est-à-dire que le problème n'en est peut-être pas un
d'information, mais est peut-être collé à
l'évaluation qu'il nous faut faire maintenant sur la base de
l'expérience vécue du programme lui-même.
Mme Harel: Là-dessus, M. le ministre, j'aurais une
suggestion très concrète à faire au ministère.
Représentant un comté qui, normalement, a une population qui est
susceptible d'être une clientèle pour ce genre de programme,
j'avais pris un peu les devants et tenté, dans les journaux locaux qui
sont quand même beaucoup lus, les journaux de quartier, de faire
l'information sur l'admissibilité au programme. Je me rendais compte
que, puisque c'est un programme qui a comme objectif de fournir une aide
financière aux travailleurs à faible revenu, dans la
réalité, ce n'était pas discriminatoire de penser qu'il
s'agissait beaucoup plus de travailleuses à faible revenu. Compte tenu
de ce qu'est le salaire minimum, 4 $ l'heure avec une moyenne de 40
heures/semaine, avec un revenu annuel d'environ 8000 $, dans des quartiers
où il y a un nombre important de familles monoparentales - on me dit
qu'il y a à peu près 28%, dans le quartier que je
représente, de familles où le chef de famille est monoparental -
la réalité, c'est que ce genre de programme dans le fond
s'adresse aux travailleurs à faible revenu qui sont aux trois quarts des
travailleuses à faible revenu. J'ai vraiment pensé qu'il y avait
un problème de communication. De la manière dont l'information
est faite, il n'est pas certain que les personnes qui sont admissibles savent
que ce programme leur est adressé.
Je me suis demandé s'il ne serait pas opportun, avec l'envoi des
chèques d'allocations familiales, puisqu'on rejoint là une
clientèle qui peut être susceptible d'avoir droit au programme -
l'admissibilité augmente suivant les charges familiales, suivant le
nombre d'enfants - de faire parvenir l'information. On est devant un
problème de communication au niveau du programme. C'est le
ministère du Revenu, qui, je pense, en est le responsable. Pour ce qui
est de la sécurité du revenu, vous intervenez simplement au
niveau des normes, je crois, d'admissibilité. Je ne suis pas certaine
qu'au ministère du Revenu ce soit leur préoccupation
première, je suis loin d'en être certaine. Je pense vraiment qu'on
rejoindrait beaucoup plus la clientèle si on le faisait par le biais de
la famille.
M. Marois: Je prends note de la suggestion qui est faite. Je me
demande, d'ailleurs, si cela n'a pas déjà été fait
par le biais du programme d'allocations familiales -enfin, sous réserve
- si ma mémoire est
bonne au début du programme, ce qui n'exclut pas que cela puisse
être refait le cas échéant. La suggestion mérite
d'être considérée.
Cela étant dit, prenant note de la suggestion et des commentaires
qui recoupent aussi les commentaires de Mme la députée de
L'Acadie, je n'en demeure pas moins convaincu qu'après trois ans de
fonctionnement il faut aussi maintenant revenir sur le programme
lui-même, sur le fond même, afin de voir comment on pourrait le
bonifier, le rendre plus accessible. Je crois que le fondement du programme
demeure très valable et je crois qu'il s'impose à partir de
maintenant qu'on puisse procéder à une évaluation beaucoup
plus serrée et, le cas échéant, aux ajustements qui
pourraient s'imposer surtout dans la perspective d'une réforme de l'aide
sociale.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question sur ce programme.
Est-ce que le plafond d'admissibilité a été indexé
annuellement?
M. Marois: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, il y avait aussi le fait qu'il n'y
avait pas de différence selon qu'on avait deux ou trois enfants. Est-ce
que cela a été modifié? Le plafond qui était
prévu allait jusqu'à deux enfants; il n'y avait pas de
modifications pour un troisième ou un quatrième enfant. Je me
demande si cela a été corrigé.
M. Marois: Je ne pense pas que cela ait été
corrigé.
Mme Lavoie-Roux: Ils ne le savent même pas. Cela a-t-il
été corrigé, Mme la députée de Maisonneuve?
Oui?
Mme Harel: II y a un maximum...
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de Maisonneuve. M. le ministre.
M. Marois: Ce n'était pas tellement la correction qui
m'amenait à me poser des questions, c'était le niveau du seuil
d'allocation nulle et de la taille du ménage parce que je demeurais
convaincu que cela incluait le troisième enfant. Sous réserve de
vérifier, cela inclut le troisième enfant. Et depuis le point de
départ...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Marois: ... je ne crois pas qu'il y ait eu de correction.
Donc, cela ne s'arrêtait pas passé le deuxième enfant, cela
incluait le troisième.
Mme Lavoie-Roux: Je veux dire: Est-ce que les plafonds sont
déplacés en fonction du nombre d'enfants?
M. Marois: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Indéfiniment?
M. Marois: Jusqu'au troisième enfant.
Mme Lavoie-Roux: Pas après le troisième enfant.
M. Marois: Non.
Mme Lavoie-Roux: C'est là qu'il y aurait peut-être
une correction à apporter, M. le ministre. Parce que si vous en avez
quatre, il me semble que cela...
M. Marois: Vous pensez vraiment que c'est là le coeur du
problème...
Mme Lavoie-Roux: Non, ce n'est pas le coeur du problème,
mais c'est...
M. Marois: ... les quatre enfants?
Mme Lavoie-Roux: ... peut-être une chose qui peut
être modifiée par règlement, tout simplement. Je ne sais
pas si c'était prévu dans la loi ou par règlement. Par
règlement, probablement.
M. Marois: Je crois que c'était par règlement, si
ma mémoire est bonne, sous réserve de vérifier.
Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est dans ce sens-là, de
l'élargir pour...
M. Marois: Inclure le quatrième.
Mme Lavoie-Roux: ... le quatrième et ceux qui suivent.
Cela n'arrive plus souvent, mais il y en a quand même, on a vu cela.
M. Marois: Le quatrième.
Mme Lavoie-Roux: II y a un certain pourcentage dans les
allocations familiales, je pense que c'est à peu près 2% des gens
qui ont quatre enfants. Je suis prête à adopter les
éléments 1 et 2 du programme 5.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, les
éléments 1 et 2 du programme 5 sont adoptés. Donc, le
programme 5 serait adopté.
M. Rivest: Je m'excuse auprès du ministre. Sur
l'évocation que le ministre a faite tantôt de changer la
modalité de calcul sur le programme pour permettre de
prolonger, même lorsque la personne obtient un emploi, vous avez
dit que vous regardiez en ce moment, le programme de supplément de
revenu. Est-ce que vous avez une idée des coûts additionnels
qu'une telle mesure comporterait?
M. Marois: Non, je ne peux honnêtement pas répondre
pour l'instant à cette question.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, programme 5
adopté. J'appelle donc maintenant le programme 6.
Allocations de maternité
Mme Lavoie-Roux: J'ai une seule question sur le programme 6, M.
le Président. Tout à l'heure, au début de mes remarques,
j'ai parlé de l'augmentation du travail à temps partiel. Je pense
que le gouvernement actuel s'est engagé à prévoir, pour
les travailleurs et travailleuses à temps partiel, des avantages sociaux
équivalents, compte tenu du temps travaillé, à ceux des
travailleurs et travailleuses à temps plein. Où en est rendu le
gouvernement dans cette réflexion sur une promesse électorale
qu'il a faite à plus d'une reprise et, particulièrement, en ce
qui a trait aux allocations de maternité? Même s'il n'envisageait
pas un ensemble d'avantages sociaux pour les travailleurs à temps
partiel, quoiqu'on pourrait revenir pour un plus long débat
là-dessus, en ce qui touche les allocations de maternité, est-ce
que le gouvernement a une intention assez immédiate d'examiner ce
problème?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: Je n'aime pas, en général, donner un
échéancier très précis...
M. Rivest: En effet.
M. Marois: ... connaissant le fonctionnement à la fois des
machines administratives et politiques. Mais, sur cette question, en ce qui
concerne la part où il est possible à notre ministère
d'intervenir, je sais que, d'ici un ou deux mois, l'équipe du
ministère sera à même de me présenter un projet qui
pourrait supposer vraisemblablement des ajustements législatifs, donc un
projet de loi. Je verrai partant de là, la portée du projet et
l'opportunité de le soumettre au Conseil des ministres et là
s'enclenche le processus décisionnel.
Mme Lavoie-Roux: Dans l'ensemble des avantages sociaux pour le
travail à temps partiel.
M. Marois: C'est cela.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Jean-Talon.
M. Marois: Alors, j'essaie dans les meilleurs délais,
malgré les remarques du député de Jean-Talon.
M. Rivest: À ce sujet, si je pouvais vous faire signer un
échéancier, je serais tellement heureux. Ce n'est pas cela.
Est-ce que, là-dessus, vous avez pris connaissance des documents qui ont
été publiés par la ministre déléguée
à la Condition féminine sur le temps partiel et,
deuxièmement, par le Conseil du statut de la femme qui a
également publié des études à cet égard qui,
au souvenir que j'en ai, concluaient, à toutes fins utiles, à une
opposition assez forte au principe même du travail à temps partiel
puisque, comme notre collègue l'a signalé tantôt, c'est un
problème lié à la condition féminine? Je vous dis
cela parce que dans la fonction publique... (12 heures)
M. Marois: Je vous comprends très bien.
M. Rivest: ... lors de notre commission
Bisaillon, comme on l'appelle, c'est une question qui a
été largement et longuement débattue.
M. Marois: Premièrement les ministères travaillent
ensemble. Je veux dire que, chez nous, les gens travaillent avec ceux du
ministère d'État à la Condition féminine sur cette
question. Voilà pour la première partie de la question.
Deuxièmement, bien sûr, on a pris connaissance des documents
émanant du ministère d'État à la Condition
féminine et également des documents émanant du Conseil du
statut de la femme. Il y a là aussi des choix qui reposent sur des
valeurs et des conceptions. Je ne suis pas là pour en imposer une
plutôt que l'autre. L'engagement que nous avions pris n'était pas
de favoriser tel choix plutôt que tel autre, c'était de prendre
acte du fait que des gens et particulièrement des femmes travaillent
à temps partiel et que se pose, par voie de conséquence, en toute
justice, l'occasion de faire en sorte qu'elles aient droit à l'ensemble
des avantages sociaux que d'autres peuvent avoir par ailleurs. C'est ce sur
quoi nous travaillons laissant les gens libres de faire leur propre choix.
M. Rivest: Est-ce que vous me permettez une dernière
question? L'un des aspects auxquels sans doute vous avez
réfléchi, c'est qu'il n'y a pas juste la question des avantages
sociaux qui, possiblement, doivent être octroyés sur une base de
prorata au temps travaillé. Le
problème, en termes de promotion de la condition féminine,
est celui de l'avancement autant dans le secteur privé que dans le
secteur public. Une personne qui travaille à temps partiel, parce que
des conditions objectives et de fait l'amènent à faire ce choix,
lorsqu'il arrive au sein de son unité une promotion, un concours de
promotion ou un avancement quelconque - je ne sais pas comment vous allez
régler cette difficulté -est forcément
désavantagée, d'autant plus si elle est haut dans la structure.
C'est difficilement concevable - autant dans le secteur public que dans le
secteur privé -qu'une personne accède à des fonctions de
gérance ou de direction et qu'elle le fasse à temps partiel.
C'est là l'argument de base de la ministre d'État à la
Condition féminine, du Conseil du statut de la femme et même des
centrales syndicales qui s'opposent assez fortement; je sais que le Syndicat de
professionnels du gouvernement s'est déjà exprimé à
maintes reprises à ce sujet.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: C'est pourquoi, sur la question du travail à
temps partiel, j'ai mentionné les avantages sociaux, j'aurais dû
aussi parler des conditions de travail, ce qui inclut forcément la
question que soulève en bonne partie le député de
Jean-Talon, la question de l'avancement. Donc, on travaille aussi sur cette
dimension du problème. C'est vrai que ce n'est pas facile à
résoudre surtout rendu à certains niveaux, quand vous
évoquez, par exemple, les questions de gérance. Cependant, il y a
aussi des limites qui sont inhérentes au choix que des gens font. Je ne
peux pas défaire les limites qui sont inhérentes à des
données de fait. Là-dedans, on essaiera d'agir le mieux possible
à la lumière des difficultés qui sont inhérentes au
problème. Ce qui me paraît extrêmement important, c'est que
les gens qui choisissent de travailler à temps partiel dans les limites
de ce contexte-là ne soient pas désavantagés sur le plan
de leurs conditions de travail en général et sur le plan des
avantages sociaux.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Beauharnois.
M. Lavigne: Merci, M. le Président. J'aimerais savoir du
ministre quel est le facteur qui fait qu'au niveau des demandes, au programme
des allocations de maternité, depuis les trois dernières
années, depuis la naissance du programme, il y a une
décroissance. Est-ce que c'est la même chose au niveau des
allocations versées? Est-ce que les allocations versées sont
proportionnelles aux demandes? Et quels seraient les facteurs? Est-ce qu'il y a
eu une étude démographique de faite? Est-ce que la diminution du
nombre de demandes serait attribuable à un moins grand nombre de
naissances ou s'il n'y a pas d'autres facteurs qui pourraient nous permettre de
comprendre ou d'analyser le phénomène?
M. Marois: Concernant les demandes reçues, si je regarde
les chiffres qui sont à ma disposition, il y a effectivement une
légère diminution, entre 1979-1980 et 1980-1981, d'environ 1000
demandes. Cela s'est légèrement accentué en 1981-1982, il
y a un écart d'un peu plus de 4000, 4200, 4300. Je pense que c'est
relié - c'est l'explication qu'on me donne - simplement, d'une part,
à la situation économique et, d'autre part, à la
maternité. Je pense que les deux facteurs conjugués expliquent
cette situation.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président, je pense que c'est cet
après-midi qu'on va examiner de plus près les crédits de
la Commission des normes du travail? En fait, c'est la commission qui applique
l'ordonnance 17 sur le congé de maternité.
M. Marois: Ce serait jeudi.
Mme Harel: Ce serait jeudi. Il y a toute la question
reliée au temps partiel qui est sans doute le plus bas
dénominateur commun entre tous les groupes de femmes au Québec
qui, sûrement, ne veulent pas inciter au temps partiel, mais
protéger le temps partiel. Ce n'est pas le cas dans le cadre de la loi
no 126 sur les normes minimales de travail; on pourrait peut-être revenir
là-dessus jeudi. On pourrait revenir sur le congé de
maternité également, parce qu'il y a des cas qui ont
été portés à mon attention à ce sujet.
Certains employeurs considéreraient le congé de maternité,
en vertu de l'ordonnance 17, comme un congé de maladie, ce qui
amènerait la bénéficiaire qui a la garantie d'emploi, qui
retourne au travail, à voir, par exemple, sa banque de congés de
maladie non seulement diminuée mais épuisée effectivement.
Cela amènerait également la bénéficiaire à
ne pas pouvoir bénéficier des congés fériés
ou encore des vacances durant le temps dévolu à son congé
de maladie - à son congé de maladie, quel lapsus
épouvantable - à son congé de maternité.
M. Marois: Si tel était le cas, il m'apparaît que ce
serait complètement illégal, complètement contraire
à la loi et, par voie de conséquence, il y a tout de suite une
possibilité de recours prévue par la loi. Je ne les ai pas en
tête, je vais vérifier les chiffres, les faire sortir. Au moment
où on aura parmi nous les représentants de la
Commission des normes du travail, on leur demandera, sur la base des
plaintes reçues, si effectivement on décèle ce
problème. Est-ce qu'il y a une indication dans ce sens-là?
J'avoue honnêtement qu'au moment où on se parle je n'ai pas
relevé les chiffres pour ce matin; donc, je ne le sais pas; on pourra le
vérifier d'ici jeudi.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: C'est cet après-midi, d'ailleurs, qu'on
étudiera les crédits de la commission des normes, mais sur ces
deux aspects comme sur d'autres, est-ce que le ministre...
M. Marois: On me permettra de vérifier les
disponibilités du président.
M. Rivest: D'accord. Parfait, s'il n'a pas d'objection, on le
fera cet après-midi. Un aspect également sur lequel je voudrais
qu'on s'attarde, c'est le respect des normes minimales de travail. Ma
collègue de L'Acadie me signale qu'il semble y avoir
énormément de problème. Je voudrais que le ministre, au
moment où on y arrivera, précise les mesures qu'il prend pour
s'assurer qu'effectivement les normes minimales sont respectées.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Programme 6,
adopté?
Mme Lavoie-Roux: Adopté.
Le Président (M. Bordeleau): Adopté. J'appelle donc
le programme 7, Prestations d'aide sociale. Mme la députée de
L'Acadie.
Prestations d'aide sociale
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que c'est un
dossier où le gouvernement ne mérite pas d'étoile. On se
retrouve avec 550 000 personnes qui vivent des prestations de l'aide sociale,
sinon davantage au moment où on se parle, évidemment à
cause d'une situation économique - "déprimante" n'est plus assez
fort - presque catastrophique. Je voudrais rappeler au gouvernement ce que j'ai
dit au mois de décembre, que les prestations de l'aide sociale se
situent d'une façon générale à 100 $ en dessous du
seuil de pauvreté selon les normes établies par le "Diet
Dispensary", qu'on appelle maintenant le Dispensaire de Montréal. La loi
101 l'a traduit, mais je ne sais pas exactement le nom, tout le monde sait ce
à quoi je fais référence. C'est l'organisme qui
établit le seuil de pauvreté le plus bas. Si on le compare, par
exemple, aux normes de pauvreté établies par le Sénat
canadien ou par d'autres organismes canadiens, c'est le seuil de
pauvreté le plus bas. Alors, tous les bénéficiaires se
situent à 100 $ en bas du seuil de pauvreté, quand ce n'est pas
davantage. Pourtant, le gouvernement semble - on y reviendra, je vais poser des
questions précises au ministre là-dessus - procéder avec
la rigueur administrative - je ne lui en veux pas - mais certainement avec
beaucoup de dureté à l'égard des
bénéficiaires de l'aide sociale. Je pense que ce n'est pas sans
raison qu'ils ont fait une manifestation ici devant l'Assemblée
nationale, qui était d'ailleurs un mouvement qui s'est
répercuté dans l'ensemble du Québec, à peu
près dans toutes les régions, sinon dans toutes les
régions. C'est peut-être la première fois qu'il y avait une
manifestation de cette envergure. Rappelant ce que je disais au début,
le risque est toujours grand que, dans un effort de récupérer de
l'argent, on le fasse peut-être avec plus de dureté à
l'égard de ceux qui en ont le moins.
Je voudrais, tout d'abord, demander au gouvernement, qui prévoit
une augmentation de 17,10% du budget, si on a tenu compte à la fois de
l'indexation prévue, qui peut être de l'ordre de 10% parce qu'elle
a tendance à diminuer, et aussi de l'augmentation du nombre. Est-ce
qu'il prévoit qu'à 100 000 $ près il aura les
crédits suffisants pour répondre aux besoins? C'est ma
première question. Ou est-ce qu'on va faire comme d'habitude, au mois de
décembre, aller chercher une somme beaucoup plus
élevée?
M. Marois: Oui, M. le Président, on aura l'occasion de
revenir sur un élément des remarques préliminaires de la
députée de L'Acadie.
Concernant la question globale des compressions, il y avait des
ajustements qui s'imposaient, me semble-t-il, compte tenu de l'entrée en
vigueur de nouveaux programmes administrés par l'assurance-maladie, de
certains nouveaux programmes administrés par le ministère des
Affaires sociales aussi, pour éviter que ne s'accumulent des
trop-perçus. Il y avait des ajustements à faire. Mon objectif n'a
certainement jamais été d'être injuste de quelque
façon que ce soit. Si tant est, je l'ai déjà dit et je le
répète, qu'on me démontrait qu'en voulant être
équitable dans certains cas, parce que certaines dimensions de fait nous
auraient échappé, on aurait contribué à
créer certaines injustices, je suis prêt à les
réexaminer et à formuler les recommandations qui me sembleraient
pertinentes par voie de conséquence au Conseil des ministres. (12 h
15)
Deuxièmement, on aura noté - j'ai eu l'occasion de
rencontrer récemment certains porte-parole de groupes d'assistés
sociaux, et eux l'ont noté - depuis le temps que c'était
demandé, qu'enfin, et dans un contexte qui n'est pas facile, on
avait réussi à introduire l'indexation trimestrielle.
L'indexation trimestrielle est un élément extrêmement
important et c'était réclamé depuis longtemps pour les
assistés sociaux. Cela a un effet important sur l'ajustement. Quand on
compare - c'est le tableau que je cherchais - ce qu'aurait été
l'indexation selon la méthode traditionnelle, les montants que cela
aurait donné au 1er janvier, on s'aperçoit que, pour l'essentiel,
dans presque tous les cas, dès le 1er juillet, non seulement le montant
en argent a été rattrapé, mais le montant de prestations
est plus élevé. Forcément, quand on arrive en octobre,
c'est encore davantage le cas. Dans la non-indexation des allocations
familiales, je me permets de rappeler aussi qu'on ne l'a pas fait dans le cas
des assistés sociaux. On a donc tenu compte de ces montants qui sont
aussi ajoutés. Est-ce qu'on aura besoin d'un budget
supplémentaire à l'automne? Si ma mémoire est bonne,
compte tenu de la taille de ce budget, on a dû demander un budget
supplémentaire de 57 000 000 $ sur un budget 1981-1982 de 1 184 000 000
$. J'ai les ordres de grandeur en tête, je n'ai pas les chiffres
précis en tête, ce qui signifie quand même que les calculs
ont été faits de façon beaucoup plus rigoureuse, beaucoup
plus serrée. Cependant, je ne peux pas demander l'impossible aux
gestionnaires; 57 000 000 $ sur 1 130 000 000 $, environ, je présume, ce
n'était pas un montant énorme. 57 000 000 $, ce ne sont pas des
bricoles, ce n'est pas ça que je veux dire. Mais les gens ont fait un
travail qui me paraît être très rigoureux et le budget ou
les crédits de cette année ont été
préparés sur les mêmes bases, de sorte que, toutes choses
étant égales, je ne prévois pas que le budget
supplémentaire serait d'un ordre disproportionné par rapport
à celui qui a pu être présenté à
l'automne.
Il y a toujours, forcément, des ajustements. Tout le monde le
sait. Les économistes n'en finissent plus de se contredire sur
l'évolution de la crise, sur son rythme, sur l'ampleur, sur la
régression et le reste; forcément, ça n'est pas sans
toucher la clientèle. Et je me permettrais une dernière remarque.
On travaille là-dessus. Je n'ai pas toutes les solutions faites d'avance
et ce n'est pas une question facile. C'est pour ça, fondamentalement,
que ça prend plus de temps que je ne l'avais prévu au point de
départ. Je me permets de rappeler qu'en 1976 le budget de l'aide sociale
était de l'ordre de 500 000 000 $. Il atteint, dans nos crédits
pour 1982-1983, 1 386 000 000 $, presque 1 400 000 000 $. La clientèle a
augmenté; la clientèle augmentait et a aussi changé de
nature.
On me dira: Ne commencez pas à tomber dans les chicanes
fédérales- provinciales. Je ne le veux pas, mais on ne peut pas
éviter les faits. L'évolution du programme
d'assurance-chômage notamment, les changements qui ont été
apportés en 1968, si ma mémoire est bonne, les changements qui
sont survenus par la suite et d'autres changements qui nous sont
annoncés, mais dont on ne connaît pas le détail, à
part les études dont on a eu l'occasion de discuter avec notre
collègue fédéral, M. Axworthy, à l'automne, en
septembre, nous indiquent qu'on s'en va encore dans une perspective de
resserrement. Forcément, cela a un effet de déplacement de
clientèle vers l'aide sociale, tant et si bien que ce programme qui
avait été conçu au point de départ, on s'en
souviendra, comme un programme devant assurer un minimum est basé sur
des seuils qui, à mon avis et, je crois, de l'avis de tout le monde, on
doit le dire, demeurent discutables parce que ce sont les plus maigrichons
d'après les bases d'évaluation des seuils économiques de
pauvreté.
Il y a des gens qui vivent de l'aide sociale... Des fois, on se demande
pourquoi il y a des phénomènes de travail au noir etc. Il n'en
reste pas moins que, dans ce contexte, il nous faut concilier le fait que,
tranquillement, par un certain nombre de décisions qui ne nous
appartiennent pas, le programme s'est transformé. On peut bien se
chicaner sur les pourcentages, c'est certainement au moins 50% de la
clientèle de l'aide sociale aujourd'hui qui se trouvent à
constituer, en quelque sorte, un programme d'assistance-chômage
québécois, de gens qui sont aptes au travail, qui veulent bien
plus souvent qu'on le pense, malgré les préjugés trop
souvent véhiculés, aller au travail, travailler, à
condition que l'emploi ait une chance, un jour, d'être durable. À
côté, vous avez aussi des gens qui, pour toutes sortes de raisons,
indépendantes de leur volonté, ne pourront jamais apporter ce
genre de contributions, auxquels une société qui se respecte
doit, dans une perspective de redistribution un peu équitable de la
richesse, assurer un minimum décent. C'est une équation qui n'est
pas facile à régler dans ce contexte de partage de juridictions.
Je le dis simplement comme je le pense. C'est un problème, tout le monde
le sait, qui me préoccupe beaucoup.
On cherche présentement, sur une base expérimentale,
à développer, comme on l'a fait depuis quelques années, un
certain nombre de programmes facilitant le retour au travail qui donnent des
résultats et qu'il nous faut évaluer avec ceux et celles qui sont
concernés, c'est-à-dire les assistés sociaux; il nous faut
ouvrir cette perspective de retour au travail, parfois en passant par de
l'emploi temporaire, parfois en allant directement vers de l'emploi permanent.
Il faut maintenir les deux perspectives
ouvertes. Mais je pense qu'il faut aller plus loin que cela. C'est pour
cela que tout à l'heure, discutant du supplément au revenu de
travail, j'évoquais la perspective d'une réforme beaucoup plus en
profondeur du programme de l'aide sociale qui pourrait nous permettre, je
l'espère, d'en faire, pour ceux et celles pour qui cela répond
à ce besoin et qui, pour toutes sortes de raisons indépendantes
de leur volonté, demeureront, comme on le dit, inaptes au travail - ils
ne peuvent pas travailler - un véritable programme de revenu minimum
garanti. Foncièrement, cela veut dire aussi qu'on doit regarder
l'ensemble des ressources dont ont dispose comme société et qu'on
n'exclut aucune hypothèse pour y arriver, si tant est que c'est possible
dans le cadre des ressources fiscales, financières, budgétaires
dont on dispose. Mais, en même temps, on doit trouver le moyen d'aller
beaucoup plus loin à partir des expériences qu'on a
menées. Il me semble qu'on peut envisager la perspective d'ouvrir un
retour au travail pour ceux et celles qui sont aptes au travail et qui, encore
une fois, veulent bien plus souvent qu'on le pense retourner au travail.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, comme le ministre
répond assez longuement à mes questions, j'ai envie de lui en
énumérer...
M. Marois: Je m'excuse, parce que...
Mme Lavoie-Roux: ...une série et on pourra peut-être
toutes les prendre. C'est évident que les coûts de l'aide sociale
ont augmenté puisque, selon les statistiques gouvernementales, les
bénéficiaires de l'aide sociale - je pense qu'on parle des
ménages -en mai 1977, étaient de 224 000 ménages et on est
rendu à 313 000 ménages en mai 1982. Il semble que le ministre
nous ait dit aussi que les prévisions qui ont été faites
sont basées sur les prévisions de l'année qui vient de
s'écouler. Alors, il se peut fort bien qu'on arrive avec des chiffres
plus élevés si la situation économique continue de se
détériorer.
Maintenant, il a parlé de l'indexation. J'aimerais, pour ne pas
qu'on entre dans une chicane de chiffres, peut-être que ces messieurs, en
arrière, qui ont toutes les machines à calculer nous le disent.
D'ailleurs, ce n'est pas un gros calcul à faire. L'indexation en soi, je
suis d'accord avec le ministre, est une demande que les assistés sociaux
faisaient depuis un bon bout de temps. Dans ce sens-là, c'est une mesure
positive, mais ce qu'il ne faudrait pas que le ministre oublie, c'est que,
contrairement à d'autres, par exemple si on pense à la pension de
vieillesse qui a été indexée, on n'a pas fait porter aux
assistés sociaux le poids de l'indexation. C'est-à-dire que la
journée où on a décidé d'indexer la
sécurité de vieillesse, on n'a pas commencé à la
couper, on a donné l'indexation qui était due pour l'année
et on a commencé à l'indexer trois mois après trois mois,
ce qui était une véritable indexation.
Ce qu'on fait présentement, c'est qu'ils ont perdu un 4% au mois
de janvier, un 4,6%, mais parlons de 4% pour ne pas entrer dans les
détails. L'inflation était de 12,6%, on les a indexés
à 8%. Maintenant, si l'indexation, comme l'an dernier, devait être
de l'ordre de 12,6% c'est évident qu'à la fin de l'année
ils auront gagné plus que si elle n'avait pas été
indexée trimestriellement. Mais, si elle était en bas de 12%, si
elle était de l'ordre de 10% comme on le prévoit
souhaitons-le-nous, en tous les cas, l'inflation semble vouloir baisser un peu
- à ce moment-là, il y aura une partie des 12,6% qu'ils n'auront
jamais récupérée en dépit de vos calculs. Si vous
voulez faire le calcul sur une base d'indexation moindre que les 12,6% que,
normalement, ils auraient dû recevoir au mois de janvier, on va
peut-être se rendre compte qu'au bout de la ligne ils ne sont pas aussi
gagnants. Mais il reste que le principe même de l'indexation
trimestrielle, je pense que c'est un bon point.
Voici les questions précises que je voudrais poser au ministre.
D'abord, cela fait deux ou trois fois qu'il dit: On est à réviser
la Loi sur l'aide sociale. L'an dernier, on nous avait dit cela, au mois de
décembre on nous l'avait dit au moment de l'étude de la loi 30.
Où en êtes-vous rendus? Il faudrait aussi réviser les
barèmes de l'aide sociale et non pas seulement l'indexation, cela fait
plusieurs fois qu'on en parle. Les barèmes ont été revus
en 1974, je ne pense pas qu'ils aient été revus depuis ce
temps-là.
Ma deuxième question porte sur la réinsertion sur le
marché du travail. Le ministre peut-il nous dire dans quelle mesure
l'entreprise a été un succès? Non pas d'une façon
temporaire parce que autant je suis d'accord avec le ministre qu'on joue au
ping-pong entre les provinces et le fédéral sur
l'assurance-chômage et l'aide sociale, autant je pense aussi que
très souvent le gouvernement du Québec - peut-être les
autres aussi - provoque des situations où finalement on crée de
l'emploi pour quatre mois ou le nombre de semaines requises, jusqu'à ce
que les gens puissent être reversés à
l'assurance-chômage et, par voie de représailles, le gouvernement
fédéral rétrécit ou allonge la période
d'admissibilité à l'assurance-chômage et alors les renvoie
au Québec pour un certain temps. Là-dessus, je suis bien d'accord
qu'il y a un manque de cohérence. Voici ma question précise
que
j'adresse au ministre. Dans quelle mesure ses projets ou ses plans de
réintégration des bénéficiaires de l'aide sociale
ont un résultat permanent et non pas un résultat de quatre ou
cinq semaines, et, dans ce sens, quelles sont les conditions pour que la
politique du bon d'emploi de 3000 $ soit accordé pour obtenir un
emploi?
M. Marois: Quelles sont les..?
Mme Lavoie-Roux: Quelles sont les conditions pour qu'un employeur
puisse profiter du montant de 3000 $? On m'a dit -je pourrais apporter les
preuves au ministre -que ce ne sont pas nécessairement des emplois
permanents que l'on crée, ce sont des emplois dans des programmes
temporaires où finalement l'une des conditions est que vous soyez
employé durant 20 semaines. Alors, je ne pense pas qu'on crée
ainsi beaucoup d'emplois, sauf qu'on va les remettre sur
l'assurance-chômage à l'autre bout, comme j'ai dit, le ping-pong
entre les deux niveaux de gouvernement.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de L'Acadie, je m'excuse. (12 h 30)
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Vous avez terminé?
Non? Vous avez d'autres questions?
Mme Lavoie-Roux: Oui, j'en ai d'autres.
Le Président (M. Bordeleau): II faudrait demander le
consentement pour continuer quelques minutes, ce qui nous permettrait
peut-être, s'il n'y a pas d'autres questions, d'adopter le programme 7
avant de suspendre. Vous avez d'autres questions? Est-ce qu'il y a consentement
pour qu'on continue quelques minutes, au moins pour répondre aux autres
questions?
Mme Lavoie-Roux: J'ai d'autres questions sur l'aide sociale qui
touchent la loi no 30. Combien de commissaires-enquêteurs - je vais les
appeler comme cela - ont été nommés depuis l'adoption de
la loi no 30? Peut-on me dire quelle somme d'argent reçue par fraude a
été récupérée, et cela touche quel
pourcentage de bénéficiaires de l'aide sociale? Un dernier point
sur l'aide sociale: Où en êtes-vous avec vos plans
d'intégration du service de bien-être social de la ville de
Montréal au ministère du Travail? J'en aurais bien d'autres, mais
on commence par cela.
M. Marois: Sur l'indexation trimestrielle, il y a plusieurs
façons, c'est vrai, d'amorcer une réforme comme celle-là.
Les uns me proposaient - c'est vraiment les choix devant lesquels
j'étais, compte tenu de la situation budgétaire d'ensemble aussi
d'introduire une indexation trimestrielle, en partant en desssous, en
écartant toute forme d'indexation le 1er janvier. Les autres me
proposaient essentiellement ce que Mme la députée de L'Acadie
vient de dire, soit le plus qui signifiait - je ne me souviens plus, je ne
voudrais pas vous induire en erreur -
Mme Lavoie-Roux: 12,6
M. Marois: 12,4 exactement, le 1er janvier, qui
représentait environ 200 000 000 $ et, en plus, il fallait
procéder à un certain nombre de compressions, et cela sur
l'année budgétaire. Au lieu de faire les compressions sur
l'année budgétaire 1982-1983, c'est moi-même qui ai
proposé au Conseil des ministres d'amorcer le processus en essayant de
le faire de la façon la plus équitable possible et à une
condition: d'amorcer le processus non pas au début de l'année
financière 1982-1983, c'est-à-dire le 1er avril, mais de le faire
dès le 1er janvier, mais à la condition d'introduire l'indexation
trimestrielle. Je ne dévoile rien, ce sont des secrets de polichinelle;
de toute façon, il y a tellement de trous dans nos tables que tous les
papiers sortent.
Mme Lavoie-Roux: Avec la loi sur l'accès à
l'information, c'est important.
M. Marois: C'est transparent, vraiment, et cela sort de partout;
à condition que ce soient les bonnes informations, je n'ai pas
d'objection, quoique, des fois...
Mme Lavoie-Roux: Cela appartient à tout le monde, ce type
d'informations.
M. Marois: Bien sûr, mais quand il n'y a pas de
décision de prise, des fois...
Mme Lavoie-Roux: On sait cela juste après.
M. Marois: ... cela peut être ennuyeux, même
lorsqu'on a de bonnes intentions pour atteindre les objectifs poursuivis. Ceci
étant dit, j'ai proposé de retenir une formule
intermédiaire, et c'est moi qui l'ai proposée, pour sauver le
principe même de l'introduction de l'indexation trimestrielle, en
période où on me disait: Mais c'est strictement impossible d'y
arriver, compte tenu des coûts; ce n'est pas sérieux de nous
proposer une chose comme celle-là. Il me semblait qu'en procédant
à un certain nombre de compressions, encore une fois parce que des
choses devaient être réajustées, que des programmes
nouveaux existaient ailleurs, on devait essayer de le faire de la façon
la plus équitable possible. Si nous avons commis des injustices
là-
dedans, je suis prêt à les regarder.
Je pourrais prendre plusieurs exemples sur la base des chiffres que
j'avais à ma disposition à ce moment-là, donc, purement en
tenant compte des projections qui pouvaient être faites du taux
d'inflation, projections qui sont non seulement confirmées, mais
projections qui sont à la hausse, les faits étant à la
hausse par rapport aux projections. Par exemple, dans mes projections, on
prévoyait une indexation de 2,46 le 1er juillet. Je peux vous annoncer
que l'indexation sera de 2,9; donc, les montants que je vais vous donner sont
déjà sous-évalués, c'est plus que cela que les gens
vont avoir. Je peux prendre n'importe quel exemple: un adulte et deux enfants
qui touchaient, au 31 décembre 1981, 487 $ de l'aide sociale. Si on
avait indexé de 12,4%, ils auraient touché 548 $, selon les
chiffres que j'avais en main au moment où on a procédé
à la réforme, mais avec l'indexation de 8% ils touchaient, au 1er
janvier, 527 $ et au 1er avril, 540 $. Nous sommes rendus, à toutes fins
utiles, à 548 $.
Mme Lavoie-Roux: On a indexé de combien au 1er avril?
M. Marois: Au 1er avril, on a indexé de 2,3%.
Mme Lavoie-Roux: 2,3%. Et 2,9% pour le mois de juillet.
M. Marois: Je prévois 2,9%. Dans mes calculs,
prévus à 2,46%, j'arrivais à 553 $. J'avais donc
déjà dépassé au 1er juillet les 548 $ provenant des
12,4% d'indexation. En d'autres termes, en retenant une formule moyenne,
j'arrivais, me semble-t-il, à introduire la formule et à ne pas
pénaliser les gens. Selon les calculs que nous avons faits, si tant est
que c'est vrai que l'inflation prend une plonge présentement aux
États-Unis, comme on est importateur pour beaucoup d'inflation
nord-américaine au Québec, avant que l'effet de l'inflation
arrive au Québec, il allait se passer un bon bout de temps. Les uns
disent trois mois, les autres disent six mois, je pense que cela pourrait
être plus que cela dans la conjoncture actuelle; jusqu'à
maintenant, sur la base de ce qu'on a là, effectivement, c'est
exact.
C'est vrai cependant, en toute honnêteté - Mme la
députée a parfaitement raison de le dire - que si on avait
introduit le 1er janvier une pure et simple formule d'indexation trimestrielle,
les montants auraient été plus élevés. C'est tout
à fait exact. Seulement, je crois que dans la conjoncture
budgétaire jamais aucun gouvernement n'aurait pu le faire, à
cause des coûts de démarrage au point de départ. C'est
cela, ma conclusion.
Mme Lavoie-Roux: Juste un point. Est-ce que le ministre peut
m'assurer que, si l'indexation avait été donnée
entièrement au mois de janvier et que, par hasard, l'inflation annuelle
était en bas de 12,4%, de l'ordre de 10% ou de 10,5%, il n'y aurait pas
un manque à gagner par rapport aux 12,4% qu'ils auraient eus
normalement?
M. Marois: Pas du tout. Ce sera plus gros. Forcément,
dès le 1er juillet, ce sera plus gros. Déjà, au 1er
juillet, on a défoncé les 12,4%.
Mme Lavoie-Roux: Si vous calculiez...
M. Marois: C'est simplement en le calculant sur la base des
données dont je disposais à l'époque. On sait
qu'actuellement le rythme d'inflation est plus élevé que ce qui
avait été prévu au point de départ. Je vous donne
simplement l'exemple du tableau que j'avais à ce moment, en novembre ou
décembre, si ma mémoire est bonne, pour le 1er juillet, on
prévoyait 2,46%. Or, je peux vous dire tout de suite que ce sera
2,9%.
Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est une inflation d'à peu
près 10% pour l'année. Vous avez eu 2,3% ou 2,2%, et là,
vous avez 2,9% pour deux trimestres.
M. Marois: Mais il reste encore octobre.
Mme Lavoie-Roux: Oui, qui va vous donner...
M. Marois: On verra quand nous serons rendus en octobre. Je peux
vous annoncer juillet.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Marois: On verra quand nous serons rendus en octobre. Ce que
je sais, c'est un calcul mathématique, mais sur la base des
données d'inflation les chiffres que j'ai révèlent que
déjà, au 1er juillet, aucun assisté social ne se
retrouvera en dessous; ils vont tous être en haut d'une indexation qui
aurait été de 12,4%, tel que prévu le 1er janvier.
Mme Lavoie-Roux: Au mois de janvier prochain, ils n'auront pas
10%, si l'inflation est de 10%, ils auront encore 3%. Les premiers 4%, ils ne
les récupèrent pas.
M. Marois: Oui, bien sûr, sauf qu'au 1er janvier, à
cause du phénomène de l'indexation trimestrielle, ils vont partir
à un niveau plus élevé que ce qu'aurait été
le point de départ de janvier prochain s'il n'y avait pas d'indexation
trimestrielle, forcément. Prenons n'importe quel cas, celui
que j'évoquais, une personne qui avait 487 $ le 31
décembre, qui serait passée, avec 12,4% le 1er janvier, à
548 $, va vraisemblement recevoir autour de 570 $ en octobre. Donc,
forcément, elle va partir à un niveau plus élevé.
Essentiellement, c'est le tableau d'une ligne d'indexation qui est
traditionnellement horizontale et qui maintenant se trouve ajustée
trimestriellement. C'est vrai qu'on aurait pu tracer la ligne de
démarrage au point où c'en était rendu. À ce
moment, il y a des coûts énormes pour le démarrage. On a
pris un point moyen. D'autres nous proposaient de prendre le point
inférieur pour atteindre en bout de ligne le même résultat,
ce qui aurait pénalisé grandement les assistés sociaux. Je
crois qu'on a trouvé une formule intermédiaire qui me
paraît juste et qui me paraît, sur le pur plan des sommes d'argent
disponibles pour les assistés sociaux, améliorer leur
condition.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, je
m'excuse.
M. Marois: Cela dit, les seuils sur lesquels demeure basée
l'aide sociale, comme dit l'autre, ce n'est pas le Pérou.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, est-ce que
vous avez beaucoup de réponses? Je vous signale qu'il est 12 h 40; je
pense que tous les membres de la commission doivent avoir le temps d'aller
dîner pour le début de l'Assemblée à 14 heures.
M. Rivest: M. le Président, on va y aller tout de suite,
mais on a convenu également dans notre entente qu'on perd deux heures.
On peut étirer de vingt minutes ici et là l'entente globale pour
le ministère.
Le Président (M. Bordeleau): Oui. Je suis soumis aux
volontés des membres de la commission.
Une voix: II y a quelques questions.
M. Marois: Si on me le permet, je vais...
Le Président (M. Bordeleau): ... peut-être
compléter toutes les réponses?
M. Marois: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le ministre.
M. Marois: Dans la mesure où les questions supposent des
réponses plus courtes, je vais tenter de les donner de la façon
la plus rapide possible.
Sur la réinsertion, à ce jour, dans le cas du programme
d'intégration des jeunes à l'emploi, qui est un programme qui
permettait d'ouvrir de l'emploi sur une base temporaire, le taux de
rétention des bénéficiaires d'aide sociale dans des
emplois permanents a été de 47,9% et des
non-bénéficiaires d'aide sociale, de 62,4%. Donc, à toutes
fins utiles, près de 50% de rétention dans un emploi
permanent.
Mme Lavoie-Roux: La dernière année, cela.
M. Marois: Sur la dernière année, oui. Sur le
programme d'aide au travail, le taux d'intégration a été
de 12,3%. On se souviendra que, sur le programme d'intégration des
jeunes à l'emploi, je n'ai pris qu'un des volets, le volet 3, qui
était le stage en industrie; c'était un des volets
intéressants et qui ne portait pas sur un emploi pour une période
de vingt semaines; c'était sur une période de treize
semaines.
M. Rivest: Qu'est-ce un emploi permanent dans votre
conception?
M. Marois: Pardon?
M. Rivest: Quand vous dites un emploi permanent, qu'est-ce?
M. Marois: Quand je dis qu'il y a un taux de rétention sur
un emploi permanent, cela veut dire que quelqu'un dans les mois qui suivent
continue à travailler, que ce soit dans l'emploi où il
était ou dans un autre emploi; il est au travail. En d'autres termes,
cela signifie qu'une personne est au travail, n'est ni à
l'assurance-chômage, ni à l'aide sociale.
M. Rivest: C'est la personne qui travaille en permanence et non
l'emploi qui est permanent.
M. Marois: Oui, bien sûr.
Mme Lavoie-Roux: II peut avoir changé d'emploi.
M. Marois: Oui, effectivement. Bien sûr, quand on parle du
programme d'aide au travail et des taux de rétention, ce sont des gens
qui sont passés d'abord par un emploi temporaire et, qui par la suite,
se sont trouvé un emploi permanent. Il ne faut jamais perdre de vue que
dans le cas de certains assistés sociaux, pour toutes sortes de raisons,
depuis un certain temps, il y a parfois ce qu'on appelle dans le jargon savant
des plans de redressement. Cela veut dire simplement le réapprentissage
à la vie du travail; se lever pour aller au travail, arriver à
telle heure, et le reste. Des choses
qui peuvent paraître mécaniques et bien simples à
certains d'entre nous, mais qui pour d'autres ne sont pas aussi simples que
cela.
C'est pour cela que je disais que, dans le cas du bon d'emploi, il est
prématuré d'en évaluer la performance. Il a
démarré le 1er mai. Que les chances d'ouvrir une perspective de
rétention sur de l'emploi permanent soient encore plus
élevées que ce ne l'était avec le programme
d'intégration des jeunes à l'emploi m'apparaît
forcément vrai, puisque le programme d'intégration des jeunes
portait sur une période de treize semaines et là on parle de
vingt semaines, ce qui peut être prolongé sur une période
encore plus longue. (12 h 45)
Maintenant, quant aux commissaires-enquêteurs, pour
répondre à la question qui a été posée,
à ce jour aucun n'a été nommé; mais c'est
prévu. J'ai relu les Débats, je me souviens des interventions de
la députée de L'Acadie sur cette question. Je pense que le choix
est important. De toute façon, je veux démystifier une chose. Il
ne s'agit pas d'en nommer 30, 40, ou 50. On pense à douze, correspondant
aux régions administratives et, ultimement, si ma mémoire est
bonne, ça doit être fait par décret, par le Conseil des
ministres sur recommandation du ministre. Donc, je prévois que non, je
n'ai pas besoin de crédits additionnels parce que ce sera pris à
même le personnel du ministère. C'était pour l'autre
question. En ce qui concerne la question des fraudes, je n'ai pas les chiffres
ici avec moi. Je vais les faire parvenir à la députée. Il
y avait une sixième question.
Mme Lavoie-Roux: Sur le bon d'emploi, la question des conditions
qui sont attachées au bon d'emploi pour que quelqu'un soit
engagé, pour que l'employeur puisse engager quelqu'un.
M. Rivest: Je ne lisais pas le texte de la promesse
électorale. La décision gouvernementale, c'est
différent.
M. Marois: Oui, c'est différent. Par rapport à
l'engagement électoral, compte tenu de la réalité
économique, le bon d'emploi tel que proposé m'apparaît, en
conscience, meilleur que l'engagement qui avait été
formulé. Je ne vois pas pourquoi on s'en cacherait. Ceci étant
dit, pour répondre à la question, il doit s'agir d'un emploi
d'une durée minimale de vingt semaines dont la semaine
régulière de travail est de 30 heures ou plus, relié
à la formation de la personne qui est détentrice du bon d'emploi,
ou de tout autre type d'emploi, pourvu que cet emploi corresponde au niveau de
formation de la personne détentrice d'un bon. L'emploi offert par
l'employeur doit être un poste additionnel ou un poste vacant. Cependant,
aucune subvention ne peut être accordée si le poste est vacant
à la suite d'un congédiement ou d'une mise à pied qui a eu
lieu pendant les treize semaines précédant la demande de
l'emploi. En outre, l'emploi ne doit pas être déjà
subventionné ou avoir été occupé par un
bénéficiaire d'un bon d'emploi pendant vingt semaines.
Mme Lavoie-Roux: II ne crée pas nécessairement un
emploi. C'est simplement peut-être une préparation au travail, une
habitude au travail. C'est comme ce que vous nous avez cité tout
à l'heure; des gens sont restés en emploi, pas
nécessairement dans l'emploi pour lequel ils avaient été
engagés.
M. Marois: Dans certains cas, c'est le même emploi. Dans
d'autres cas, c'est un autre emploi. Je rappelle que l'objectif premier du bon
d'emploi, c'était et ça demeure de briser le cercle vicieux de
ceux et de celles qui sortent, équipés d'un diplôme, qui se
présentent au travail et à qui on pose la question: Avez-vous de
l'expérience? Je n'ai pas d'expérience. Et commence le cercle
vicieux: pas d'expérience, pas d'emploi; pas d'emploi, pas
d'expérience. Bien sûr, il doit s'agir d'un poste additionnel ou
d'un poste vacant. Dans le cas d'un poste vacant, on va voir comment c'est
balisé pour qu'il n'y ait pas une mise à pied qui ouvrirait un
poste.
Mme Lavoie-Roux: Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi que ce
bon d'emploi ne s'applique qu'aux détenteurs d'un certificat
d'études secondaires ou d'un diplôme, alors qu'on sait que 50% des
jeunes ne terminent pas le secondaire? Ils se trouvent exactement dans les
mêmes conditions que les 18 à 25 ans qui ont terminé leur
secondaire ou ont un diplôme quelconque.
M. Marois: La première raison, la plus fondamentale, c'est
qu'on ne voulait pas - et ce n'est pas comme ça que le bon d'emploi a
été conçu - que ce soit "désincitatif" aux
études ou à la poursuite des études.
Mme Lavoie-Roux: S'ils ont, supposons, quitté les
études depuis deux ans.
M. Marois: Pourquoi ne favoriserait-on pas plutôt, dans ce
cas, que ce soit le retour aux études, d'y aller par des programmes de
formation? Quand on discute des politiques d'emploi, il ne faut jamais perdre
de vue les politiques d'emploi, de main-d'oeuvre et notamment tout le dossier,
tout le volet de la formation. Si la députée le veut, je peux
bien entrer dans la discussion qu'on a avec le gouvernement
fédéral dans le contentieux
fédéral-provincial sur la formation professionnelle. On a
prolongé l'accord actuel pour une période d'un an parce qu'on ne
s'entend pas sur les objectifs fondamentaux. Mais on voudrait, par exemple,
ouvrir beaucoup plus largement le champ de la formation en entreprise, en
industrie alors que, dans le contexte actuel, l'accent est mis de façon
beaucoup plus importante sur la formation en institution. Je ne dis pas qu'il
faut balayer du revers de la main la formation en institution, pas du tout. Je
dis que l'accent n'est pas suffisamment mis sur la formation en industrie.
C'est un des moyens parmi d'autres. Le bon d'emploi n'a pas la
prétention de résoudre tous les problèmes qui sont
vécus par les jeunes, notamment le cas que Mme la députée
de L'Acadie vient de soulever.
Mme Lavoie-Roux: II y a des mauvais esprits qui me soufflent des
choses. Est-ce que le ministre pourrait me dire ce qu'il advient de
l'enquête qui est faite sur l'exploitation des chambreurs dans le CLSC de
la basse ville de Québec?
M. Marois: II y a eu d'abord, ce qui est connu publiquement, des
enquêtes policières. On a travaillé très
étroitement avec le ministère de la Justice sur ce dossier. Des
mesures ont été prises aussi concernant les chambreurs, pour les
aider, d'une part, et pour protéger aussi certains témoins,
d'autre part. Il y a également, dans le cadre des plans de redressement,
toute une série de mesures qui ont été prises pour
favoriser, autant que faire se pouvait, la remise du chèque entre les
mains du bénéficiaire d'aide sociale. Seulement, on ne peut pas
obliger, on peut inciter les gens à venir au bureau. On peut inciter les
gens à prendre des ententes avec le CLSC Basse Ville. Dans certains cas,
malheureusement, cela n'a pas donné les résultats
escomptés; dans d'autres cas, cela a donné des résultats
heureux. II y a des poursuites qui sont devant les tribunaux; il y a un
jugement qui doit ou qui devait être rendu aujourd'hui, d'après
les renseignements que j'ai. Je sais aussi - c'est pour cela que je ne pourrai
pas, malheureusement, m'étendre beaucoup - que les enquêtes de
police se poursuivent contre d'autres propriétaires.
Mme Lavoie-Roux: Le CLSC Basse Ville, de même que les gens
qui l'avaient appuyé, entre autres l'archevêque de Québec,
la ville de Québec, enfin, vous avez certainement vu toute la
série d'appuis qu'ils ont reçus, sont revenus à la charge
auprès du ministre de la Justice pour qu'il ne s'agisse pas uniquement
d'une enquête de la police, mais d'une enquête dans le sens le plus
strict du terme, qui pourrait non seulement étudier des cas à la
pièce, mais vraiment faire toute la lumière sur cette situation.
Le ministre n'est pas sans se douter que ce même type de problème
se retrouve dans d'autres villes que la basse ville de Québec?
M. Marois: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que la décision est prise qu'il
n'y aurait pas d'enquête publique ou que la Sûreté du
Québec va continuer son enquête policière?
M. Marois: La décision n'est pas prise. Ce que mon
collègue, le ministre de la Justice, a toujours dit, c'est une chose qui
n'est pas écartée. Cependant, tant que les enquêtes de
police - il faut faire attention, je pense que Mme la députée
comprendra pourquoi je suis prudent - ne sont pas terminées et les
conclusions tirées, il apparaît prématuré de prendre
une décision définitive. J'ai déjà dit
personnellement, et je serais prêt à le redire n'importe quand,
qu'en ce qui me concerne il est important d'aller au fond de cette affaire.
Quand je dis de cette affaire-là, je ne veux pas seulement dire ce qui a
pu être décelé à ce jour. Je ne voudrais pas aller
plus loin pour l'instant. Je pense que dans la foulée des
premières enquêtes de police, il y a des poursuites, il y a des
accusations qui ont été portées, il y a des jugements qui
doivent être rendus, les enquêtes se poursuivent et on verra ce qui
va en découler. Je pense qu'on dispose d'un certain nombre de moyens, y
inclus, le cas échéant, l'enquête publique pour aller au
fond de ce problème parce que c'est un problème qui a une
dimension humaine extrêmement importante.
Le Président (M. Bordeleau): Le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Juste un ajout. Il y a une partie policière et
d'ordre criminel dans la mesure où des procédures ont
été prises. Je pense que le sens de la question de ma
collègue c'était qu'il y a un problème social profond
à cet égard. Est-ce que, par exemple, dans les autres instances
du ministère ou des ministères à vocation sociale, il y a
eu, que ce soit à Montréal ou ailleurs, dans d'autres villes du
Québec, des directives ou des demandes qui ont été faites
aux gens qui travaillent sur le terrain, de vérifier, sans que cela
prenne un caractère policier, si des gens ne sont pas pris dans la
même situation que les gens de Québec? Ce n'est pas
nécessaire qu'on attende, pour un problème comme celui-là,
qu'il y ait manifestement infraction aux lois pénales. Il peut y avoir
d'autres mesures d'incitation, sans être de nature criminelle, qui
iraient complètement contre toute espèce de valeur
première sur le plan strictement humain et
sur le plan social également.
M. Marois: À la suite de ce qui a été mis en
marche dans la région de Québec, une demande a été
transmise par le ministère à tous les agents, partout au
Québec, d'attirer notre attention dès qu'étaient
décelés des problèmes de ce type. Ce qu'on a reçu
comme réaction des agents, c'est un problème qui a
été décelé dans la région de
Montréal. C'est le seul qui a été porté à
notre connaissance. Ensuite, toujours en contact avec le ministère de la
Justice, une enquête du ministère de la Justice a
été amorcée dans la région de Montréal et,
présentement, il est prématuré de tirer des conclusions.
Je peux vous dire que ce sont là les mesures qui ont été
prises. L'attention de tous les agents était attirée partout au
Québec.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais attirer l'attention du ministre sur
une piste qui n'a rien de sensationnel, mais qui est quand même
extrêmement préoccupante. Dans quelle mesure les gouvernements -
je ne ferai pas de partisanerie - se lavent-ils les mains, d'une certaine
façon, devant d'autres problèmes sociaux qu'on ne règle
pas et qui, finalement, se détériorent ou prennent cette forme
d'exploitation? Je vais être plus précise. Il semblerait, selon
des sources fiables, que parmi ces chambreurs, un certain nombre 15 sur 60 -
enfin, laissons les chiffres de côté, parce que vous pourriez
arriver demain et dire que c'était 9 sur 28 ou peu importe - sont des
ex-patients psychiatriques pour lesquels il n'existe pas d'autres
ressources.
D'ailleurs, c'est un problème qui n'est pas unique au
Québec, il existe dans des villes américaines ou peut-être
dans d'autres villes canadiennes, mais je ne suis pas au courant. Finalement,
ces gens ne trouvent pas d'autre solution que ce genre d'asile, si on peut
dire, ou ce genre de refuge qui, à la limite, leur est offert par ce
type de tenanciers, si je peux les appeler ainsi. Je pense que cela
soulève une question qui dépasse même votre
responsabilité et qui doit aller du côté aussi des Affaires
sociales. Je ne sais pas si le ministre est au courant de cela.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: On m'indique que c'est exact. Quant aux ordres de
grandeur, je ne le sais pas et je ne voudrais pas me prononcer. De toute
façon, peu importent les ordres de grandeur, si c'est exact, le fait est
là. Ce n'est pas un problème facile. Ce que je peux indiquer,
c'est qu'on a travaillé très étroitement avec le
ministère des Affaires sociales sur cette question, mais en particulier
avec certains éléments du réseau des affaires sociales,
j'en mentionnais un, le CLSC Basse Ville. Dans certains cas, il existe des
ressources. Est-ce que ces ressources sont adéquates et suffisantes pour
répondre au problème? Il m'apparaît prématuré
de répondre; le ministère des Affaires sociales examine cette
dimension de son côté, mais il me semble que le problème
est réel. (13 heures)
Mme Lavoie-Roux: Elles sont inadéquates. Ce que je veux
signaler, M. le Président, c'est que dans ce cas comme dans le cas des
foyers clandestins pour personnes âgées, ce sont souvent des
choses que, plus ou moins consciemment, les gouvernements tolèrent ou
feignent d'ignorer ou ignorent, enfin préfèrent ignorer à
cause d'autres problèmes sociaux plus importants auxquels ils
n'apportent pas de réponse adéquate. Si le ministre veut
connaître la réponse à la question, à savoir si les
ressources alternatives sont adéquates pour ces personnes, elles ne le
sont pas. Je pense que je peux l'affirmer sans crainte de me tromper. C'est
très important qu'on y regarde de très près.
Une dernière question: II y avait eu, au début de la
dénonciation de ce problème, des allusions faites au comportement
- et là, je le dis sous toute réserve - de certains agents de
l'aide sociale. Est-ce qu'on s'est assuré, au ministère, qu'au
moins du côté du ministère des Affaires sociales, qui est
sous le contrôle du gouvernement, il n'y a pas eu de délit? Je ne
trouve pas de meilleur terme.
M. Marois: Les rapports de police qu'on a eu en main sont formels
là-dessus. II n'y a aucune indication permettant de porter des actes
d'accusation, aucune indication permettant d'établir que des
délits, au sens du Code criminel, auraient été commis par
des agents d'aide sociale, pas du tout. Je tiens à remercier Mme la
députée de sa question parce que cela me permet - j'allais
l'oublier et je tenais à le faire - de faire cette mise au point. On
parle avec raison des bénéficiaires de l'aide sociale; souvent,
on oublie de mentionner le travail pas toujours facile, dans certains cas
très délicat, difficile, des agents de l'aide sociale.
Règle générale, ces gens font un travail absolument
remarquable partout à travers le Québec; cela mérite
d'être signalé. Si tant est qu'il y a des comportements
inacceptables, ils doivent être sanctionnés, mais les rapports de
police sont très clairs sur ce plan. C'est ce que je peux dire.
Mme Lavoie-Roux: Où en est l'intégration de l'aide
sociale de Montréal au ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu?
M. Marois: En ce qui concerne l'aide sociale - on sait qu'il y a
une entente qui existe avec la ville de Montréal, une entente
renouvelable - nous sommes à l'étape des discussions avec la
ville de Montréal. Aucune des hypothèses possibles n'est exclue,
pour le moment, de nos discussions, mais ce n'est pas suffisamment
avancé pour que je puisse tirer quelque conclusion que ce soit à
ce moment-ci.
Mme Lavoie-Roux: Les décisions ne sont pas prises pour
maintenir le statu quo ou l'intégrer?
M. Marois: II n'y a pas de décision finale de prise.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Rivest: J'ai une dernière question. J'ai vu, mais je ne
suis pas certain si cela s'applique à l'aide sociale, que le
gouvernement, par un amendement à la Loi sur le ministère du
Revenu, veut récupérer les montants payés en trop à
l'aide sociale; l'automatisme, la retenue à même les
chèques; est-ce que cela se pratique pour l'aide sociale?
M. Marois: Oui.
M. Rivest: Et vous trouvez cela...
M. Marois: Cela entre en vigueur à partir de juin.
M. Rivest: II y a eu des protestations assez vives sur cette
manière de procéder face aux bénéficiaires de
l'aide sociale. Quelle est votre réaction là-dessus?
M. Marois: Deux choses. D'abord, les nouvelles dispositions
entrent en vigueur en juin. Dans les cas de fraude, cela existait depuis un
certain temps, donc ce n'est pas nouveau. Dans les cas des trop-perçus
ou trop-payés - j'exclus les erreurs administratives parce qu'elles ne
font pas partie du bassin de récupération - ce qui a
été porté surtout à ma connaissance, ce n'est pas
le fait de procéder à la compensation. S'il y a eu des avances de
faites, que ce soit parce que le montant de l'assurance automobile n'est pas
arrivé à temps ou l'assurance-chômage ou, enfin, peu
importe, les gens le considèrent comme une aide temporaire et les gens
comprennent, je pense, que cela doit être remboursé. Ce qui
prête flanc à ambiguïté et ce qui a été
porté à ma connaissance, c'est une dimension de la perception,
c'est le cas où des gens avaient négocié de bonne foi une
entente de remboursement. J'avais bien dit que dans le cas où des
ententes existaient au - là, je ne voudrais pas me tromper sur les dates
- 1er septembre, si ma mémoire est bonne, ces ententes seraient
respectées dans la mesure où la compensation et le remboursement
peuvent se faire sur une période de 36 mois. C'est peut-être sur
les 36 mois qu'il y a un problème, je suis prêt à regarder
cette dimension.
M. Rivest: Est-ce que cela veut dire qu'il n'y aura plus de
possiblité d'arrangements de cette nature dans l'avenir?
M. Marois: Non; pour les nouvelles dettes, comprenons-nous bien,
parce qu'on parle de deux choses.
M. Rivest: Oui, c'est cela.
M. Marois: On parle du passé et on parle de l'avenir.
M. Rivest: Cela va. Maintenant, pour l'avenir.
M. Marois: Pour l'avenir, il y aura automatiquement retenue,
rétention, compensation par les diverses formules qui sont mises au
point.
M. Rivest: Ce que je veux savoir, c'est qu'étant
donné la nature de l'aide sociale -je comprends que le ministre a
donné cet exemple-là - souvent, ce sont des cas vraiment
individuels et très personnalisés parce que la situation
objective d'un prestataire de l'aide sociale varie beaucoup suivant les
conditions familiales, humaines, personnelles. Ce dont je voudrais m'assurer,
c'est que la disposition dans la Loi du ministère du Revenu permettra -
et c'est cela que je voudrais avoir comme certitude, pour l'avenir - aux
bénéficiaires de l'aide sociale qui doivent rembourser le
gouvernement pour toutes sortes de raisons de procéder par voie
d'arrangements qui tiennent compte, de la situation personnelle et individuelle
du bénéficiaire. Est-ce que ce sera toujours possible ou si ce
sera l'automatisme qu'on connaît du ministère du Revenu?
M. Marois: II y a le passé, je pense que cela est bien
clair. Pour l'avenir, dans le cas où il y a des arrangements - parce que
c'est cela l'objectif, de susciter, de favoriser des arrangements - les
arrangements seront respectés. Dans le cas où il n'y a pas
d'arrangement, la perception, la compensation est automatique.
M. Rivest: II y aura possibilité d'arrangements.
M. Marois: Cela pour éviter que ne s'accumulent des
trop-versés ou des trop-perçus qui font qu'existent des montants
un
peu, beaucoup, passionnément importants et qui sont difficiles
à rembourser.
M. Rivest: Donc, il y a des possiblités d'arrangements
pour l'avenir.
M. Marois: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): De toute façon, je
pense que, s'il y a d'autres questions sur le même sujet, on pourra
continuer sur le même programme cet après-midi, avec un nouveau
mandat de l'Assemblée nationale. Alors, la commission va ajourner ses
travaux sine die en supposant qu'on devrait revenir après la
période des questions.
(Suspension de la séance à 13 h 08)
(Reprise de la séance à 15 h 13)
Le Président (M. Bordeleau): Mesdames et messieurs, la
commission du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du
revenu reprend l'étude des crédits du même
ministère. Pour la séance de cet après-midi, les membres
de la commission seront: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Brassard
(Lac-Saint-Jean), Dauphin (Marquette), Dean (Prévost), Mmes Dougherty
(Jacques-Cartier), Harel (Maisonneuve), MM. Lavigne (Beauharnois), Marois
(Marie-Victorin), Perron (Duplessis), Rivest (Jean-Talon); M. Vallières
(Richmond) remplacé par M. Bélanger
(Mégantic-Compton).
Les intervenants: MM. Chevrette (Joliette), Gauthier (Roberval), Hains
(Saint-Henri), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Leduc (Fabre), Mailloux
(Charlevoix), Paquette (Rosemont); M. Polak (Sainte-Anne) remplacé par
Mme Bacon (Chomedey), et M. Rochefort (Gouin).
Alors, à la suspension de ce midi, nous étions au
programme 7.
M. le ministre, je pense que vous avez quelque chose pour nous
diriger.
M. Marois: M. le Président, si je comprends bien, on s'est
entendu pour procéder de la façon suivante. En principe, tout ce
qui concerne le secteur des régimes de sécurité du revenu,
plus particulièrement les programmes 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 13, c'est
adopté, ce qui n'empêche nullement, le cas échéant,
puisqu'il y a des sujets qui se recoupent forcément, d'y revenir si tant
est qu'il y avait des questions en cours de route.
M. Rivest: Sous réserve d'une question, je pense, de notre
collègue de Maisonneuve.
M. Marois: Sous réserve d'une question de la
députée de Maisonneuve. (15 h 15)
Le Président (M. Bordeleau): D'accord, j'avais
déjà noté, d'ailleurs, le nom de la députée
de Maisonneuve sur le programme 7.
Alors, pour résumer, on dit que les programmes 5, 6, 7, 8, 9, 10,
11 et 13 sont adoptés, sous réserve d'y revenir pour certaines
questions. On reviendrait donc au programme 1, j'imagine?
M. Marois: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): En tout cas, on revient au
programme 1. M. le député de Jean-Talon.
Relations et normes de travail
M. Rivest: Ce matin, M. le ministre, vous aurez compris que j'ai
mis une certaine insistance à avoir un peu plus de clarification sur vos
intentions dans le domaine législatif. Je ne veux pas reprendre ici
d'autres énoncés qu'on retrouve, en particulier, dans le rapport
annuel du ministère où bien des gens nous disent travailler
depuis fort longtemps sur des projets de loi, mais ils ne viennent pas, enfin,
jusqu'à maintenant. Je ne voudrais pas non plus, vous connaissant, vous
geler puisque le mot est à la mode - dans des échéanciers
extrêmement rigoureux.
Néanmoins, j'aurais quelques questions à vous poser.
M. Marois: Nous, on dit: Se figer dans le béton.
M. Rivest: Je conviens volontiers que dans vos remarques
préliminaires, l'an dernier, vous aviez parlé dans une
perspective de mandat, mais ce qui avait surtout retenu mon attention, c'est
lorsque vous disiez, par exemple: Encore une fois, non pas sur une
période uniquement d'un an, mais avec la volonté politique
arrêtée - j'ai compris ce que voulait dire le mot
arrêté -de mettre en marche, durant cette année, un certain
nombre de changements. Vous mentionniez spécifiquement les injonctions,
la syndicalisation, les secteurs public et parapublic.
Je voudrais savoir, sans que je vous en fasse un grief
épouvantable, si jamais vous ne réussissiez pas à franchir
la barrière du Conseil des ministres... le Conseil des ministres est
important, M. le ministre; on a des intentions. Quelqu'un m'avait
déjà dit que le Conseil des ministres, c'est un peu comme
l'enfer: c'est pavé de bonnes intentions, mais cela ne produit pas
nécessairement beaucoup.
Le fameux problème du droit d'association, est-ce que vous croyez
que c'est cette année ou non qu'on va y arriver? Le droit d'association
lié au délai d'accréditation? Est-ce que c'est cette
année?
Deuxièmement, la révision des dispositions du code,
c'est-à-dire la révision de la question des briseurs de
grève, du bénévolat, enfin tous les problèmes qui
se sont soulevés là-dessus. Troisièmement, la question
liée à la signature de la première convention collective,
où il y a encore des difficultés. Quatrièmement,
l'injonction. Cinquièmement, les services essentiels, je pense que la
réponse est déjà évidente. Sixièmement, la
question des licenciements collectifs. Je pourrais en ajouter une
septième si vous voulez, le fonds minier.
Donc, le programme législatif qui est évoqué,
est-ce qu'on a des chances que ces éléments viennent cette
année? C'est ma question.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, dans le respect, que je
partage et que nous a bien expliqué avec force détails, le
député de Jean-Talon, de l'instance qu'est le Conseil des
ministres, et sous réserve des décisions de cette instance, la
réponse est oui, à toutes ces questions. Enfin, c'est
l'échéancier que je me donne.
M. Rivest: D'accord. J'imagine que le ministre, en
répondant oui, veut dire que les études dont il s'agit
actuellement au niveau du bureau du commissaire du travail, au niveau de Ja
direction générale, au niveau du service de recherche, au niveau
de la section également de la partie juridique où tout le monde
dit qu'il a participé allégrement à ce processus, de
même que les travaux au niveau du ministère sont à ce point
avancés pour qu'on puisse effectivement aboutir dans le cours de
l'année.
Ma deuxième question: Ces études qui sont faites et qui
sont souvent très utiles -j'ai vu la liste, il y en a une, entre autres,
qui me frappe, par exemple, les effets d'entraînement des conventions
collectives, mais, cela a été fait au niveau du service de
recherche - est-ce qu'on pourra les avoir? Est-ce qu'on peut les obtenir
facilement? La plupart sont publiés parmi les publications du
ministère.
M. Marois: II faudrait prendre une liste et la sérier, il
y a certains travaux, certaines recherches, certaines études qui sont
faites dans le but d'explorer certaines hypothèses qui, dans certains
cas, sont retenues par le ministre. Il ne faut jamais perdre une chose de vue,
je l'avais déjà évoquée l'an dernier, on y tient et
je pense que les faits sont là pour étayer ce que je veux dire.
On essaie autant que possible de mettre à contribution le Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui est l'instance qui regroupe
les parties patronale et syndicale. Quand on veut proposer certains changements
qui, dans certains cas, peuvent être des changements importants,
fondamentaux, je pense qu'il est toujours préférable de faire en
sorte de susciter, au minimum, une bonne discussion entre les parties afin que
se dégagent des consensus sur lesquels il est possible de prendre appui
si tant est qu'il s'en dégage au moins sur certaines parties des
réformes proposées. Pour le reste, au surplus, c'est au ministre
de prendre ses responsabilités en dernier recours.
Donc, je pourrais dire que je reçois la question avec beaucoup
d'ouverture d'esprit. Cela dépend de quelles études il s'agit.
Certaines sont déjà publiques, d'autres seront publiées
dans les diverses revues ou documents d'information.
M. Rivest: Je fais toujours le désespoir des gens qui sont
au service de la comptabilité des ministères quand
j'étudie les crédits parce que je suis très peu
versé dans les questions comptables et ma naïveté me fait
avaler tout d'un bloc la série de chiffres que les ministères
produisent. Par acquit de conscience, je vais au moins poser quelques questions
sur les chiffres. Une chose qui me frappe un peu, c'est l'accroissement dans le
budget du ministère, en termes de chiffres, de la rubrique
communications. Je sais que c'est un terme qui a un sens large, mais il y a un
accroissement de 2 429 000 $. Je voudrais savoir ce qui cause cette
augmentation.
M. Marois: Je pense bien, M. le Président, que le
député extrait ce chiffre du document qu'on a fait parvenir aux
membres de cette commission.
M. Rivest: Entre autres, on voit la ventilation programme par
programme.
M. Marois: Communications. M. Rivest: Oui, poste 3.
M. Marois: Poste 3. Aussi incroyable que cela puisse
paraître, selon les méthodes comptables, on m'explique... J'ai en
général tendance à me fier à l'équipe qui
m'entoure, je considère que c'est une équipe
compétente.
M. Rivest: Je pense qu'on s'entend bien tous les deux sur...
M. Marois: Dans le poste communications, la façon de
comptabiliser est d'insérer dans ce poste, selon les méthodes
comptables du Conseil du trésor, des frais de déplacement et
alors, essentiellement, l'accroissement de
2 429 000 $ pour un minimum de 1 500 000 $ à 1 600 000 $, c'est
essentiellement l'inclusion maintenant dans le budget de notre ministère
des frais de déplacement des agents de l'aide sociale, poste qui
était, dans l'ancien budget, comptabilisé au ministère de
Affaires sociales, parce qu'il y a eu forcément transfert. Cela
représente environ 2000 personnes d'impliquées. Essentiellement,
c'est cela. Pour le reste, il n'y a pas d'accroissement substantiel aux
communications, au sens strict de notre entendement général
d'information.
M. Rivest: Dans la croissance générale des
dépenses, des crédits du ministère - il y a eu tout le jeu
Parizeau des compressions -il y a une phrase un peu sibylline qui m'a quelque
peu intrigué à la page 4 du même document: "Compte tenu du
caractère prioritaire d'activités de certains programmes
ministériels et de leur relation étroite avec les objectifs
gouvernementaux..." La difficulté, de la façon dont le
ministère présente les crédits, c'est que dans d'autres
ministères on nous indique les priorités de l'année; on
les retrouve les priorités, mais a posteriori dans le rapport annuel ou,
enfin, ce qu'on appelle les orientations. Lors de l'examen de ses
crédits, il faut dire que le ministre a été, à part
les priorités d'ordre législatif qu'on a scrutées assez
discret. Sur celles qui se traduisent par des modifications substantielles au
niveau du budget, de l'argent, on est assez peu informé. Quelles sont
les grandes priorités sur le plan administratif du ministère du
Travail, ou les objectifs dont on fait état? J'aimerais cela
l'entendre.
M. Marois: Les priorités qui impliquent un
accroissement...
M. Rivest: Un accroissement ou une diminution sensible des
dépenses.
M. Marois: ... budgétaire ou de crédits.
Essentiellement, ce qui ressort de la lecture synthèse des divers
programmes du ministère, c'est qu'au programme de création
d'emplois, le programme 4, le budget passe de 54 000 000 $ et des bricoles
à 62 800 000 $, et à celui de l'aide sociale l'accroissement est
de 202 000 000 $. Sur le plan budgétaire, ce sont les deux gros morceaux
de progression qui correspondent à des priorités qui y sont
inscrites.
Rôle des cabinets ministériels
M. Rivest: Une question particulière, enfin, je ne parle
pas de votre ministère en particulier, mais, par exemple, les cabinets
ministériels, vous le savez, M. le ministre, ont pris une mesure...
Mme Lavoie-Roux: Une ampleur.
M. Rivest: ... et je pense que c'est un terme très
impropre pour les qualifier, au moins en termes quantitatifs, au cours des
dernières années. On en parle à chaque étude de
crédits et, d'une façon générale, nous l'avons
critiqué énormément.
Dans le cadre des travaux de la commission Bisaillon, entre autres, on a
eu l'occasion de rencontrer les représentants des professionnels, les
représentants des cadres. J'ai moi-même participé à
quelques sessions au niveau de l'École nationale d'administration
publique où on rencontre des gestionnaires. Vous demandez, par exemple,
240 000 $ pour l'enveloppe du cabinet du ministre. Il y a une certaine
inquiétude de la part des gestionnaires supérieurs de
l'administration - j'imagine que ces inquiétudes peuvent être ou
non, je ne le sais pas, partagées au niveau de votre ministère -
selon laquelle la fonction proprement administrative de la gestion des
programmes et des activités du ministère du Travail demeure du
ressort exclusif des fonctionnaires de carrière. Le rôle du
cabinet ministériel est de seconder et d'appuyer les actions du
ministre. Je pense que c'est incontestable qu'un ministre a besoin d'avoir
quelques collaborateurs.
Pour ma part, d'autant plus que j'ai vécu dans les cabinets
ministériels, je pense qu'actuellement on a franchi, on est sur le point
à tout le moins de franchir des limites qui demeurent encore
peut-être tolérables, mais il ne faudrait pas qu'on accroisse
davantage le nombre et le rôle des cabinets ministériels. Je vous
signale que, devant la commission Bisaillon, par exemple, le
représentant du Syndicat de professionnels -ça ne s'appliquait
pas à votre ministère, mais je vous le donne à titre
d'exemple pour illustrer cette préoccupation des hauts fonctionnaires
qui voient, semble-t-il, de plus en plus les cabinets ministériels
exercer un poids sur l'administration - nous signalait, et je pense que je ne
fais pas erreur en le disant, puisqu'il a témoigné devant la
commission - on pourra consulter le journal des Débats - que, par
exemple, au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche,
toutes les fonctions de recherche, de planification, qui appartiennent à
tous les ministères, se sont vu accaparer par le cabinet ou l'entourage
du ministre.
Je ne sais pas si le ministre a des remarques particulières
à faire, mais au moins je veux lui signaler, lors de l'étude des
crédits, l'importance qu'il y a de voir à cela pour la
continuité de l'administration publique. Le ministre, bien sûr,
est libre de donner à son ministère les orientations qui sont
celles du gouvernement - je pense bien qu'aucun haut fonctionnaire n'en
disconvient - mais, actuellement, j'ai des documents qui
ne sont pas publics, qui nous ont été
présentés à la commission Bisaillon, lors de nos audiences
à huis clos, qui témoignent d'un malaise sérieux dans
l'administration publique sur le volume des cabinets politiques et,
deuxièmement, sur leur articulation dans la gestion quotidienne des
actions des différents ministères. (15 h 30)
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: Je réagirais de la façon suivante, M. le
Président. Je n'ai pas, bien sûr, derrière moi,
l'expérience des administrations politiques antérieures. Celle
que j'ai, c'est celle que je vis depuis bientôt six ans, d'une part comme
ministre d'État au Développement social, dans un premier temps,
dans un deuxième temps, comme ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, et, dans un troisième temps, comme ministre responsable
du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
chargé en plus de toute une batterie de commissions, d'offices, de
régies et de l'administration d'un certain nombre de programmes, en
particulier le programme PECEC, qui n'est pas administré de façon
intégrée à l'intérieur du ministère, parce
qu'on a voulu que l'administration de ce programme demeure souple et en
région. Donc, je me base sur cette expérience. Je ne sais pas
quel est le cap au-delà duquel cela devient difficile, en ce sens que
cela pose des problèmes, que ce soit à l'administration publique,
à l'équipe des hauts fonctionnaires ou que ce soit même au
ministre lui-même.
Ma conception de tout cela, c'est qu'il revient au ministre, à
son adjoint parlementaire, dans la mesure où le ministre le
décide d'utiliser les pouvoirs qui sont permis par la loi et d'en faire,
comme je l'ai souvent évoqué, dans le cas du député
de Prévost, c'est comme cela qu'on travaille -l'équivalent d'une
espèce - je sais bien que le titre n'existe pas - de ministre adjoint.
C'est à nous qu'il revient de tracer les orientations politiques.
Pour y arriver, surtout quand on veut procéder à l'analyse
et partir de la réalité des données de fait, il y a ce qui
nous est fourni, de façon factuelle, à partir des données
statistiques, des chiffres, de l'expérience vécue dans les
réseaux et le reste. Il y a aussi l'apport qui nous provient des
citoyens. Cela nous prend donc des gens dans notre entourage qui nous aident
aussi à colliger ce qui nous arrive, que ce soit par courrier ou que ce
soit par appels téléphoniques, que ce soit par rencontres ou que
ce soit à l'occasion de déplacements et le reste, et qui
contribuent à mettre au point cet apport politique, de la même
façon que lorsque les politiques nous sont proposées, de les
analyser pour s'assurer que cela correspond aux orientations. Le cas
échéant, à la lumière de ce qui nous est
suggéré et des études qui ont pu être faites par les
fonctionnaires, souvent aussi se soulèvent un certain nombre de
problèmes qu'on n'avait pas vus à première vue. Donc, ces
équipes sont très utiles. Je ne suis peut-être pas à
même de mesurer dans quelle mesure cela s'amplifie ou cela diminue, mais
on reçoit au bureau du ministère beaucoup d'appels, de demandes
non seulement des citoyens, mais des députés. Il nous semble
légitime de nous assurer d'un suivi de cela, que les réponses
fournies sont les meilleures possible.
Je serais bien d'accord avec le député de Jean-Talon pour
dire qu'il y a un certain cap au-delà duquel ce n'est pas sans poser des
problèmes non seulement à l'administration, mais au ministre
lui-même. Les dangers concernant l'administration ont été
évoqués par le député de Jean-Talon. J'y souscris
d'autant plus que les témoignages sont là des gens qui sont
chargés par les divers ministères de les gérer. Il y a
également le danger d'un cabinet composé de plusieurs personnes
qui risquent de constituer comme une espèce de muraille entre le
ministre et le contact avec la réalité. Cela me paraît
être aussi un danger important. Donc, il y a un élément
d'équilibre. Dans notre cas, chez nous, je pense bien qu'on sait que la
masse salariale du cabinet, pour la nouvelle année budgétaire,
est exactement la même que celle de l'an dernier. Donc, il n'y a aucune
espèce de progression, ce qui veut dire forcément une
régression.
M. Rivest: Je termine là-dessus. J'accepte les remarques.
De 1976 à aujourd'hui, six ans, d'après les chiffres qu'on
m'indique, et c'est ce que je constate un peu partout, le rapport est de deux
à un. Cela veut dire qu'on aurait doublé sensiblement l'entourage
ministériel dans les six dernières années, et cela sans
parler, bien sûr, du cabinet du premier ministre où là, le
rapport, pour employer une expression commune, est complètement
"flyé", parce que le nombre est absolument incroyable. Cela, il faut
peut-être le pondérer parce que dans les chiffres qu'on me donne
il y a tout le problème des ministres d'État qui relèvent
peut-être du Conseil exécutif. Mais, le point est là. Il y
a un danger aussi de politisation parce que, bien sûr, c'est au ministre
qu'appartient de faire l'arbitrage entre les orientations, qui sont
légitimes, de sa formation politique et... Je pense que les hauts
fonctionnaires font une très bonne lecture des orientations politiques,
mais l'expérience que j'ai - remarquez que cela varie - c'est que ce
sont souvent des problèmes individuels. Également, il arrive que
quelques jeunes matamores deviennent les experts dans un ministère. Il y
en a eu,
en tout cas, dans la période où j'ai vécu au
gouvernement et il y en a - enfin, on m'en a signalé guelques cas - dans
la présente administration. Ce qui m'inquiétait le plus,
c'était le volume. Vous relirez, d'ailleurs, un texte à cet
égard de Yves Martin, de 1975, qu'on pourrait reprendre en le
multipliant par deux, je pense.
Services essentiels
Autre question, également dans les chiffres et les statistiques,
les données, pour la première fois - et je sais que le ministre
va sans doute se réjouir de cette joie qu'il m'a procurée - j'ai
vu apparaître le spectre d'une quelconque structure de maintien des
services essentiels. J'ai totalisé cela quelque part; 800 000 $ à
900 000 $ de crédits y sont prévus. Je vais demander au ministre
de m'indiquer, d'abord, afin que je puisse apprécier cela et que la
commission puisse l'apprécier, quels étaient les crédits
prévus à la commission Picard.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: Et vous pourriez ajouter aussi, bref, l'ancien
conseil...
M. Rivest: Au conseil Picard, pardon. M. Marois: ...
d'information. M. Rivest: Oui.
M. Marois: Je prends note et on va chercher les chiffres.
M. Rivest: Bon. Par exemple, je vais vous poser une question sur
les services essentiels: La liste syndicale, est-ce que vous la maintenez ou si
vous l'abandonnez?
M. Marois: C'est une excellente question. Le député
pourra prendre connaissance de la réponse en prenant connaissance du
projet de loi qui sera déposé. Je pense, M. le Président,
que le député comprend que je ne peux pas - et je ne vais pas
commencer à le faire commenter de quelque façon que ce soit les
recommandations que j'ai présentées au conseil.
M. Rivest: Pas vos recommandations, c'est la décision qui
m'intéresse.
M. Marois: Bien sûr. Moi aussi,
M. Rivest: Vos recommandations, de cela je me doute.
M. Marois: Moi aussi.
M. Rivest: Mais, c'est la décision qui
m'inquiète.
M. Marois: Attendez.
M. Rivest: Bon, on n'ira pas très loin
là-dessus.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Jean-Talon.
M. Marois: Vous verrez si vos inquiétudes sont
fondées ou non à la lecture du projet de loi.
M. Rivest: Sur la structure, vous n'êtes pas plus loquace
non plus. Il va falloir attendre le projet de loi.
M. Marois: Ce qu'on me dit, pour une année complète
d'opération du conseil que vous appelez le conseil Picard et du conseil
d'information, c'était 1 200 000 $.
M. Rivest: Bon; alors, on a prévu 800 000 $.
M. Marois: Et là, il y a une provision de...
M. Rivest: II pourrait y avoir des ajustements, je sais que ce
doit être difficile à établir. Mais ma préoccupation
sur cette question est la suivante: On sait que dans le domaine du maintien des
services essentiels, je parle surtout des institutions de santé et de
services sociaux - et de cela, je pense que tout le monde en convient - la
base, c'est l'établissement. C'est très difficile de
Québec, ou de Montréal ou de je ne sais où, d'en haut, de
définir ce que c'est.
Je sais, deuxièmement, que les établissements dans le
réseau des affaires sociales et des services de santé ont
vécu des situations pénibles et d'autres situations qui ont
été tout à fait correctes, avec leurs quinze années
ou-, disons, leur dizaine d'années d'expérience. Donc, les gens
savent au niveau des établissements, finalement, quand il y a une
grève dans un établissement, ce qu'il convient, avec des
exagérations qui ont été commises au cours des
années de part et d'autre, de maintenir à peu près pour
assurer les services essentiels. Enfin, il y a une expertise, une
expérience et un vécu qui existent.
Ma préoccupation sur la création de cette - appelons-la
ainsi - structure, parce qu'on n'en sait pas plus pour l'instant, que vous
évoquez dans vos crédits, c'est qu'à mon avis Dieu sait
que le conseil Picard, c'était une de ses grandes critiques - on a
toujours dit qu'il avait été installé trop proche. Ma
préoccupation, c'est qu'étant donné les délais dans
lesquels on doit maintenant s'inscrire, ou que le projet de loi
va être déposé d'ici le 31 mai, je présume,
et va être adopté probablement à la vapeur, dans une nuit,
quelque part au mois de juin, hélas, il faut qu'une fois que la loi sera
adoptée, des gens soient nommés dans des fonctions de direction.
Il faut qu'il y ait un bureau, un local, enfin, toutes les questions
administratives. Le plus important, il faut qu'il y ait des gens - et c'est
ça qui coûte cher probablement - sur le terrain qui aillent
rencontrer les porte-parole syndicaux, les porte-parole patronaux,
établir des contacts, créer un tissu, faire connaissance avec
l'établissement, avec les personnes et c'est souvent ça qui est
tributaire du succès de leur action. Et quand on reproche au ministre et
au gouvernement d'avoir tant tardé, c'est que nous craignons pour
l'efficacité d'une éventuelle structure, compte tenu du contexte
dans lequel, ça va devoir être installé quelque part au
cours de l'été. Si ça couvre le transport en commun, vous
voyez, il y a déjà des débrayages qui s'annoncent.
Comment pensez-vous, indépendamment des changements qu'on
apportera au niveau des pouvoirs, des responsabilités, que cette
structure, pourra fonctionner pour la prochaine ronde de négociations?
On lui donnera probablement un caractère permanent, mais
malheureusement, il n'y aura pas de tradition. Ce sera probablement en grande
partie du nouveau monde et notre crainte - et on l'a dit à plusieurs
reprises -demeure quelles que soient les intentions de cette nouvelle
structure, son efficacité pour favoriser les ententes au niveau des
établissements, pour les administrer, pour décider qui va gagner
ou qui va perdre, surtout s'il y a abandon de la liste syndicale. À
cause du retard qui a été apporté à la mise en
place de la structure, est-ce que le ministre ne pense pas qu'il y a
effectivement un très grand danger que cette structure une nouvelle fois
arrive bien en retard sur les besoins qui risquent de se manifester d'une
façon assez vigoureuse, si on en juge aujourd'hui, dès la fin de
l'été ou cet automne?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: Je pense que c'est une question sérieuse et
elle mérite une réponse sérieuse. Il est évident -
je vais tout de même dire ce que je pense - que plus la décision
tarde à venir - je pense que c'est le plus élémentaire bon
sens et là-dessus, je ne peux pas dire le contraire, ce serait absurde -
il va de soi que ça rend, j'allais dire plus difficile, mais ce n'est
pas exact, pas plus difficile la mise en place et la composition, mais il y a
forcément une période de rodage et le reste. Donc,
forcément, il faut faire le plus vite possible.
Cependant, j'apporterais une nuance à cette affirmation et je
pense que le député de Jean-Talon conviendra avec moi que la
nuance est importante parce que je suis certain que c'est une opinion
partagée aussi par les gens et les membres de l'Opposition. Après
tout, je pense bien qu'on partage en commun cette responsabilité.
À la lumière des déclarations de principe et des objectifs
déclarés de part et d'autre, je crois que cette volonté de
faire en sorte d'assurer la primauté des services essentiels aux
citoyens est un objectif qui est partagé largement par l'Opposition.
Par voie de conséquence, je crois qu'il faut faire cependant des
nuances parce qu'il me semble qu'il faut éviter - je ne dis pas que
c'est ce que le député de Jean-Talon consciemment, de
façon voulue, veut faire. Pas du tout, loin de moi l'idée de
faire quelque procès d'intention, surtout sur un sujet comme
celui-là. Pas du tout - de se tracer des images du pire avant. Il y a
déjà suffisamment de problèmes qui sont là. Il y a,
par ailleurs, des pistes positives sur lesquelles il me semble, comme
société, si tant est qu'on veut se comporter de façon
responsable, il y a moyen de capitaliser pour améliorer les choses de
façon importante. Ce que je veux dire concrètement par ça,
c'est ceci. C'est vrai que plus on retarde à mettre en place ce que
j'appellerais l'équipe de base d'un conseil, quel que soit son format,
quels que soient ses pouvoirs, peu importe, compte tenu de ce que j'ai dit et
de ce que le député a dit, cela ne facilite pas les choses. (15 h
45)
Cependant, il existe une expertise, le député l'a
rappelé avec justesse et pertinence, qui ne disparaîtra pas parce
qu'on aurait tardé un peu plus à aboutir. Elle peut être
largement mise à contribution et elle doit être mise à
contribution. Après tout, il y a une chose aussi qu'il faut bien se
dire. Le gouvernement a des responsabilités et il se doit de les
assumer, mais le gouvernement a aussi des partenaires socio-économiques
qui ont aussi leurs responsabilités et qui se doivent de les assumer,
ces responsabilités, de plus en plus. Quand des gens posent des gestes
irresponsables et qu'il y a des gens qui sont en autorité, qu'ils
assument aussi leurs responsabilités.
Quels que soient les gouvernements, quelles que soient leurs couleurs,
c'est trop facile de toujours reporter les problèmes sur le dos du
gouvernement. Le gouvernement va régler ceci, le gouvernement va
régler cela. Ce n'est pas toujours vrai. À la CTCUM, pour ne pas
mentionner de cas, s'il y avait un petit effort additionnel des deux parties,
il me semble que cela aiderait. Il est toujours trop facile de penser que le
gouvernement va toujours tout régler en fin de compte. Ce n'est pas
comme cela que ça
marche. Quand je regarde ce qui est en train... Enfin, on y reviendra
à la CTCUM, si on veut, un peu plus tard.
Il y a donc, d'une part, cette expertise au niveau des
établissements tant du côté de la partie patronale que
syndicale, d'ailleurs. Le député se souviendra fort bien de
certaines admissions drôlement intéressantes faites en commission
parlementaire, à l'automne, par des porte-parole syndicaux.
Il y a autre chose, également. Le conseil qui a existé par
le passé a mis à contribution des gens pour aider les parties
à en venir à des ententes, a mis à contribution des
experts pour évaluer les situations, faire rapport. Ces gens sont
là aussi, demeurent là. Je ne vois pas pourquoi on ne miserait
pas sur cette expertise, cette connaissance, ces ressources humaines valables
et compétentes qui demeurent là. Encore une fois, je ne veux pas
passer à côté de la question de fond du
député. Il me semble que j'ai l'honnêteté d'admettre
qu'il a en partie raison. Cependant, je pense que c'est une affirmation qui
doit être nuancée.
M. Rivest: Une dernière question sur ce sujet.
Le Président (M. Bordeleau): Le député de
Jean-Talon.
M. Marois: Je m'excuse, mais je voudrais être sûr que
je n'ai induit personne en erreur. On me dit qu'en 1979-1980 le budget des deux
organismes concernant les services essentiels, conseil ou commission Picard et,
conseil d'information, était de 900 000 $. Au moment où les
crédits ont été préparés, il n'y avait pas
de décision de prise par le Conseil des ministres, alors on a
demandé de reconduire ce montant dans les crédits. J'avais dit 1
200 000 $, je pense. Je fais la correction afin que les gens ne soient pas
induits en erreur.
M. Rivest: Le ministre va dire: Vous verrez cela dans le projet
de loi, mais je tiens au moins à poser la question. Le ministre
m'indique que vous avez préparé le budget de la prochaine
structure sur la base de l'expertise de l'ancienne, ce qui est tout à
fait normal. Mais, à moins que je ne me trompe - on verra cela au moment
du projet de loi - il est question d'accorder un statut, de permanence à
cette structure, il en a été fortement question. L'autre
était d'ordre temporaire, premièrement.
Deuxièmement, j'imagine que dans le projet de loi il est question
également de considérer d'une façon législative la
question des services essentiels non pas seulement dans le réseau des
affaires sociales et de la santé, mais également dans celui de la
fonction publique. Enfin, on pourrait reprendre des dispositions qui existent
dans celui de l'éducation, celui du transport, nous l'espérons
tous, et celui d'Hydro-Québec ou d'autres services publics.
Je me demande comment et jusqu'à quel point le ministre peut
être réaliste dans ses crédits, compte tenu de
l'augmentation normale des coûts, puisque ce budget était pour
1978-1979 et qu'on étudie 1982-1983. Si j'ai raison - là, je suis
obligé de mettre cela sur la base de l'hypothèse parce que je ne
connais pas la nature de l'action - le budget me laisse croire que la nouvelle
structure ne sera pas aussi permanente qu'on nous l'a dit et,
deuxièmement, qu'elle ne sera pas aussi large que les besoins semblent
l'exiger dans le domaine des services essentiels. Alors, je ne veux pas, comme
le dit le député de Duplessis, aller à la pêche plus
qu'il ne le faut, parce que le ministre est un poisson très intelligent
qui sait éviter les appâts, mais cela m'inquiète un peu. De
toute façon...
M. Marois: Mon Dieu, M. le Président...
M. Rivest: ... on viendra avec un budget
supplémentaire.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: ... que le député de Jean-Talon est
flatteur! M. le Président, cela m'inquiète un peu. Je vais
réfléchir deux secondes de plus à sa question. Blague
à part, le budget était de 900 000 $, je m'excuse, je vous ai
induit en erreur tantôt en parlant de 1 200 000 $.
M. Rivest: Même ordre.
M. Marois: Cependant, il s'agissait d'un budget de 900 000 $ pour
une année. Nous sommes en mai...
M. Rivest: Êtes-vous en train de me dire que la structure
est permanente?
M. Marois: Je suis en train de vous dire simplement ceci:
Étant donné qu'au moment où on se parle il n'y a pas de
décision finale, au moment, forcément, où on a
préparé les crédits il n'y avait pas de décision
finale. Par voie de conséquence, il nous a paru qu'une base de 900 000 $
qui correspondait au budget pour une année du conseil et du conseil
d'information en pleine année d'activité, donc sur une
période de 12 mois, cela nous laissait une marge.
Étant donné qu'on est déjà rendu en mai, il
y a deux mois de l'année financière de courus, cela nous laisse
une première marge; le temps de permanence ou pas d'un conseil, le temps
de composer, d'organiser et de mettre en place, cela laisse encore un peu de
jeu additionnel. Maintenant, ce sont
des projections et je vous donne les bases à partir desquelles
ces projections ont été établies. Il se peut fort bien
qu'on se soit trompé un peu, ce n'est pas impossible. On a essayé
de le faire sur la base la plus rationnelle et logique possible à partir
de ce que je viens d'indiquer.
Loi antibriseurs de grève
M. Rivest: Sur ce sujet spécifique, à moins que mes
collègues n'aient des questions, quant à moi, on attendra le
projet de loi.
Autre sujet, je voudrais vous parler de la loi antibriseurs de
grève, comme on l'a appelée. Dans une étude du Centre de
recherche et de statistiques sur le marché du travail du
ministère - parce qu'on a évoqué des possibilités
d'amender la loi - on retrouve la question des bénévoles qui a
été soulevée à plusieurs reprises. On dit ceci:
Pour que ces dispositions, c'est-à-dire les procédures
d'enquête suite à une plainte portée concernant une
infraction aux dispositions antibriseurs de grève, continuent
d'être efficaces, il faudra que les délais entre la demande
d'enquête et la production du rapport soient réduits au
maximum.
Vous savez la fameuse question des délais pour que la loi soit
efficace; autrement, les gens, comme le notait l'étude, vont demander
une injonction, ce qui valorise le processus des injonctions dans le domaine
des relations de travail. Le ministre a évoqué la
possibilité de modifier la loi; est-ce que les modifications qu'il
envisage à la loi antibriseurs de grève sont de cet ordre?
M. Marois: Juste pour être certain de bien comprendre la
question du député, est-ce que le député parle
particulièrement des négociations dans les secteurs public et
parapublic, parce que les bénévoles dans ces secteurs, cela a
posé un certain nombre de problèmes et c'est relié aussi
aux mesures antibriseurs de grève?
M. Rivest: Je sais qu'il y a la question des délais et la
question des bénévoles. Sur la loi antibriseurs de grève,
qu'est-ce qu'il vous apparaît, éventuellement, en cours
d'année, urgent de corriger? Deux, trois ou quatre points? Ou
d'améliorer? Il n'y en a pas?
M. Marois: II y a des choses, M. le Président, mais au
moment où on se parle, je n'oserais pas répondre à la
question, aussi précise soit-elle, du député. On a, dans
un premier temps, rencontré les porte-parole syndicaux pour les
écouter. Dans un second temps, on a rencontré des parlementaires
pour les écouter sur ces diverses questions, sur la pratique des mesures
antibriseurs de grève. Également, on a eu l'occasion d'amorcer la
discussion avec les porte-parole et les représentants au Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. J'attends un rapport plus final
avant de me prononcer définitivement, pour pouvoir en toute
honnêteté dire: II y a, je crois, tel, tel et tel point
très précis. Je ne dis pas que le problème soulevé
par le député dans cet examen ne mérite pas une attention
particulière; sur cela, je voudrais qu'on se comprenne bien.
M. Lavigne: Dans le même ordre d'idées, M. le
Président si vous le permettez.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Beauharnois.
M. Lavigne: Toujours au sujet de la loi sur les antibriseurs de
grève, je voudrais savoir si c'est la même réponse pour le
député de Beauharnois, de la part du ministre, si on ouvre la
parenthèse de la sous-traitance. Est-ce que vous attendez aussi le
rapport à ce niveau? On sait très bien qu'à
l'intérieur de la mise en application de la loi no 45 il y a eu beaucoup
de représailles de la part des travailleurs de mon comté car
beaucoup de compagnies vont donner de la sous-traitance en
électricité, en plomberie, par différents contrats et,
quand une grève arrive, les syndiqués de la compagnie, bien
sûr, font la grève, mais il continue d'y avoir des manoeuvres
à l'intérieur de la compagnie par les sous-traitants. Je voudrais
savoir du ministre si, dans l'amélioration ou les amendements qu'il
s'apprêterait à apporter à la loi no 45, il y aurait des
modifications à ce chapitre de la sous-traitance.
M. Marois: Tout ce que je puis dire pour l'instant, c'est que
c'est une question qui est étudiée parmi d'autres. Sur la
question des sous-traitants, je dirais ceci. On prend cela par petits coins, on
aborde la question des bénévoles, on aborde la question des
sous-traitants; tantôt, on pourra soulever la question des injonctions;
on pourra soulever un certain nombre de petits points. Je ne veux pas dire que
ce sont des détails ou de petits problèmes. Plus on fouille ces
questions pour voir quels seraient les éléments de solution, on
se heurte à un problème de fond.
Je pense que je peux livrer l'état de nos réflexions
là-dessus, qui est le suivant: notre système de droits de
relations de travail, avec les années, est devenu de plus en plus
judiciarisé, de telle sorte que, quand on aborde, par exemple, la
question des sous-traitants, on peut l'aborder par le biais des mesures
antibriseurs de grève, on peut l'aborder aussi par un autre biais,
lorsqu'il y a des transactions, lorsqu'une entreprise change de sous-traitants.
Cela vaut pour le secteur privé, cela vaut pour le secteur
public. Il y a eu des jugements qui ont été rendus, les
uns en collégialité, les autres de façon individuelle;
cela a soulevé d'énormes problèmes. Dans le contexte et
dans le cadre où les relations de travail deviennent, au Québec,
peut-être un peu par la force des choses, peut-être par
tempérament, peut-être par notre façon d'aborder les
problèmes, de plus en plus judiciarisées, cela nous mène
toujours à trouver des solutions qui sont comme des espèces
d'absolus, à trancher et à établir des règles
générales qui manquent de nuances, de souplesse pour s'ajuster
aux réalités qui, elles, sont changeantes selon la nature des
problèmes, selon que le problème se pose dans le secteur public,
selon qu'il se pose dans le secteur privé, selon qu'il se pose dans tel
type de secteur économique ou dans tel autre type de secteur.
Dans ce sens, l'approche des gens de l'Ouest, en particulier, et
même du code canadien des relations de travail, me semble être une
approche qui mérite d'être regardée de très
très près, si vraiment on veut trouver des solutions qui collent
aux réalités d'aujourd'hui, qui permettent d'apporter une justice
que recherche normalement une loi sur les relations de travail, sans toujours
tomber dans le travers de judiciariser les choses, de normaliser les choses. Le
conseil canadien, le "board" canadien, de même que certaines
expériences qui ont été menées dans l'Ouest nous
indiquent que cela permet l'approche d'un "board" beaucoup moins
judiciarisé que ces espèces de relations qui deviennent
très formalistes, très judiciarisées. Quand on arrive au
niveau des instances d'appel de certaines décisions et même au
premier niveau de décision, par exemple, sur des demandes
d'accréditation, il me semble que c'est une approche qui mérite
une réflexion très sérieuse dans le cadre actuel, sans
compter qu'en plus, quand on aborde d'autres types de problèmes... (16
heures)
Prenons le cas du problème de l'injonction. On a entendu toutes
sortes de suggestions, les uns disant: II faut créer une chambre
spécialisée à la Cour supérieure, les autres
disant: II faut ramener cela au niveau du Tribunal du travail. Se posent
à ce moment-là des problèmes d'ordre constitutionnel, on
le sait. L'approche plus souple, retenue en particulier par certaines provinces
de l'Ouest, a permis de contourner ces problèmes, de régler ces
problèmes et de donner des résultats beaucoup plus efficaces avec
des délais beaucoup moins longs que ceux qu'on vit chez nous. Tout cela
pour dire que plus on avance dans l'examen de ces questions, plus il nous
semble qu'il faut aller vers non pas quelques pièces de
législation, quelques morceaux de législation, mais un ensemble
cohérent qui verrait à s'attaquer à l'ensemble des
problèmes qui sont soulevés sans compter la question de la
levée des obstacles de façon plus générale à
la syndicalisation dans des secteurs où il est extrêmement
difficile de l'obtenir pour des hommes et des femmes qui le veulent.
Il ne s'agit pas d'imposer la syndicalisation. Là-dessus je
voudrais être bien clair parce que des fois on a "retroussé"
certaines de mes déclarations particulières pour dire que je
songeais à la syndicalisation obligatoire, pas du tout. Mais si tant est
que des hommes et des femmes veulent s'organiser, pourquoi est-ce qu'ils ne
pourraient pas le faire? À condition que l'instrument juridique de base
qui est le code le permette et que cela puisse aboutir.
M. Rivest: Sur ces remarques d'ordre général, je
conclus que cela devra conduire à l'adoption éventuelle d'un code
du travail où il y aura la question des injonctions. Je pense que les
mêmes remarques que le ministre vient d'évoquer pourront
être faites. Je ne veux pas prolonger étant donné les
délais qu'on a. Est-ce que la députée de Maisonneuve a une
question?
Mme Harel: Je voulais demander au ministre s'il faisait
référence aux expériences de l'Ouest, "cease and desist"
de la Colombie britannique, où c'est, je pense, une seule personne qui
est investie des pouvoirs permettant de juger très rapidement de
l'accréditation, des congédiements pour activités
syndicales, du maintien du statu quo ante en cas de congédiement, des
bris de grève, de l'ensemble de ces questions-là. C'est un peu
à ces expériences qu'il fait référence quand il
parle des expériences de l'Ouest.
M. Marois: Exact. Notamment, l'ensemble des pouvoirs
d'ordonnances. Il y a eu le fameux cas qui est drôlement indicatif quand
on regarde les problèmes auxquels on fait face. Il y a un dossier qui
est publiquement connu, on l'a constamment sur nos listes de grève.
C'est le cas de Zellers au Québec. Ça traîne depuis je ne
sais plus combien de temps et, par toutes sortes de moyens, la première
convention collective. On s'en va je ne sais pas où, mais je sais qu'on
est parti quelque part vers la Cour suprême avec ce dossier-là.
Mais on voit que ce sont purement des procédures, c'est une
judiciarisation des relations de travail qui fait que quelqu'un s'oppose et
prend les moyens pour empêcher des hommes et des femmes de s'organiser
légitimement.
À l'opposé, je ne me souviens plus très bien si
c'est au fédéral ou en Ontario, je crois que c'est au
fédéral, c'était dans le cas des banques, le fameux cas de
Radio-Shack. Ce qu'on appelle le "board" a émis une ordonnance dans un
cas, c'est tout juste si on n'a pas dicté la lettre au président
de l'entreprise, lettre qu'il était obligé
d'envoyer à tous les employés pour les informer de leurs
droits et leur dire comment s'y prendre légitimement, légalement
pour faire reconnaître leurs droits et que cela puisse aboutir.
Mme Harel: On va espérer une loi dans ce sens-là
l'automne prochain?
M. Rivest: II y a unanimité à la commission.
M. Marois: Le député de Jean-Talon tantôt m'a
laissé un corridor un peu plus large en me disant: Est-ce qu'on peut
s'attendre? Je ne me souviens plus très bien comment il a formulé
sa question, mais de toute façon il m'a amené à dire: dans
le courant de l'année.
M. Rivest: Vous avez de la chance parce que la
déjudiciarisation, parce que c'est cela la solution au diagnostic que
vous avez posé sur...
M. Marois: Ce n'est pas la seule.
M. Rivest: ... la judiciarisation, ça ne coûte rien
ou à peu près rien. Alors, dans le contexte budgétaire
actuel, ça va bien. Ça va être les lois. Il faut quand
même occuper l'Assemblée nationale à quelque chose! Comme
il n'y a pas de lois qui ont de la substance et du corps et qui donnent plus de
services aux citoyens, on fait des lois qui, en termes budgétaires,
n'engagent pas tellement. C'est votre chance cette année. Je suis
convaincu que ça va être votre année; on va vous aider,
à part cela.
M. Marois: Je prends bonne note des propos du
député. Je comprends que l'Opposition est d'accord sur les
objectifs poursuivis. J'ai pris bonne note de cela.
M. Rivest: II n'y a pas de problème. En voyez-vous?
M. Marois: Non, encore une fois, on verra si les paroles se
traduisent en attitudes conséquentes.
M. Rivest: Ne nous obligez pas à déposer nos
projets avant les vôtres, comme on a été obligé de
le faire avec les services essentiels. Vous vous traîniez tellement les
pieds qu'on a dit: II faut quand même que le débat continue de
s'alimenter à une suggestion très concrète que vous allez
retenir, j'espère, dans votre projet de loi. Cela m'amène
à une autre question, si vous voulez, M. le ministre. On y va un peu
à vol d'oiseau. Vous avez fait grand état - et avec raison, pas
seulement vous, d'ailleurs, tout le monde en vante les mérites - de la
médiation préventive. On parle même à certains
égards de l'étendre aux services publics. Cela a
été suggéré dans différents programmes
électoraux. Ce serait tellement une bonne chose, mais cela ne se fait
jamais, je me demande pourquoi cela ne se fait pas. Une chose qui me frappe,
à la vue des données, c'est que la médiation
préventive, autant les discours sont emportés lorsqu'on en parle
autant, c'est très modeste comme service ou comme interventions au
niveau du ministère du Travail. Je comprends peut-être, puisque
cela commence. Ce sont les derniers chiffres que j'ai, à moins qu'il n'y
ait eu une explosion de ce côté au cours de la dernière
année, mais pour les chiffres de 1980-1981, c'étaient des
interventions au niveau de quinze entreprises. Je regarde les effectifs;
à moins que je ne me trompe, les effectifs, également, des
fonctionnaires et des professionnels qui sont consacrés à cette
tâche ne sont pas des plus exorbitants. Je me demande si on y croit
vraiment, à la médiation préventive. J'aimerais que, si on
y croyait vraiment, l'on mette les montants et les personnes d'une façon
proportionnelle à la foi qu'on a dans cette technique.
M. Marois: Vous avez parfaitement raison. Il ne faut jamais
perdre de vue que ce service est fourni sur une base volontaire, sur une base
de consentement des parties. Ce n'est pas un service obligatoire. La notion de
médiation préventive forcément implique aussi un
changement dans certaines attitudes ou dans certaines mentalités. Cela
ne se fait pas en deux jours. Ce n'est certainement pas la volonté qui
manque au niveau du ministère, bien au contraire. Je peux vous dire que,
aussi bien le sous-ministre adjoint aux relations de travail que toute
l'équipe du ministère qui est dans le domaine des relations de
travail poussent de façon importante... Encore une fois, c'est sur une
base volontaire. Il y a cinq spécialistes qui sont dans ce service. Il y
a présentement 34 dossiers en marche cette année. Cela roule.
M. Rivest: Oui. Je pense que le ministre est conscient de cela.
Est-ce que l'extension aux secteurs public et parapublic qui est
évoquée, d'ailleurs, dans le rapport annuel et dont on a
déjà parlé est une idée qui vous paraît
facilement applicable pour l'instant ou dans l'immédiat?
M. Marois: Je l'ai d'ailleurs moi-même déjà
évoqué; si ma mémoire est bonne, c'est à l'occasion
de nos travaux en commission parlementaire sur les services essentiels. Des
approches ont été faites par le service. Je ne peux pas dire que
l'approche a résulté en un accueil délirant, mais ce n'est
pas une raison pour cesser de tenter de faire une percée de ce
côté. Encore là, cela tient à une attitude et
à des mentalités. Pour ceux
et celles qui ont pu expérimenter le service, jusqu'à
maintenant, les résultats qu'on en a obtenus sont des plus positifs dans
bon nombre de cas.
M. Dean: M. le Président, je pourrais juste ajouter que,
dans ce domaine, c'est un peu comme l'alcoolisme. Le premier pas vers la
guérison, c'est de reconnaître qu'il y a un problème. Assez
souvent, là où les relations entre les parties sont les plus
gâtées, c'est là où on a le plus de
difficultés. On a deux choix quand on est dans un pétrin
épouvantable, entre deux parties. Le premier, c'est de dire: Oui, on a
un problème et, donc, on cherche de l'aide de l'extérieur pour le
solutionner; l'autre, c'est de dire: On n'a pas de problème, on va
régler nos affaires personnellement. Je dois dire en passant, sans
vouloir soulever ce dossier en particulier, que la CTCUM est un organisme
où les parties ont refusé la médiation
préventive.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Le député vient de parler de la CTCUM.
Quelle suite allez-vous donner au rapport Jutras? Parmi toutes les
réactions qui ont été entendues, je ne me rappelle pas
avoir entendu celles du ministre du Travail sur le rapport Jutras.
M. Marois: Vous avez parfaitement raison, vous n'avez pas entendu
de réactions du ministre et vous n'en verrez pas jusqu'à nouvel
ordre. Ma première préoccupation et ma première
responsabilité, c'est de faire tout ce qu'on peut humainement faire pour
rapprocher les parties et qu'il puisse en ressortir un règlement
négocié dans les meilleurs délais. Notre
responsabilité première, c'est celle-là. Je vais
éviter toute déclaration qui contribuerait de quelque
façon que ce soit à braquer ou à polariser les parties. Je
pense que ma responsabilité, c'est, au contraire, de faciliter, autant
que faire se peut, un rapprochement des parties. Ce dossier, ce n'est pas
particulièrement le plus facile que j'ai vu. Dieu sait, pourtant que
nous en avons vu au ministère depuis un certain nombre
d'années!
Le Président (M. Bordeleau): La députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Puisqu'on est à l'aspect relations de travail,
au service de conciliation et à celui de médiation, une
idée est largement répandue voulant que ce soient des services
presque exclusivement masculins; il n'y aurait pas de conciliatrice ou de
médiatrice. J'aimerais savoir, en fait, sur le nombre total
d'employés à la conciliation et à la médiation,
combien il y a de femmes présentement. Je voudrais voir si c'est bien
les ghettos masculins qu'on décrit habituellement.
M. Marois: Au service de conciliation, parce que le service de
médiation comme tel n'existe pas, c'est le pouvoir qui est donné
au ministre, sur 23 conciliateurs, il y avait une femme. Maintenant, il s'en
est ajouté une deuxième. Il y en a donc 2 sur 23. Cela progresse
lentement, à petits pas.
Le Président (M. Bordeleau): Le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: De plus, est-ce que vous ayez des remarques
particulières sur la médiation et sur le service de
conciliation?
M. Marois: La remarque que je ferais, c'est que les gens qui y
travaillent, à mon avis, font - je ne sais plus quel qualificatif
utiliser parce que je les vois à l'oeuvre régulièrement,
tous les jours - un travail absolument remarquable. Je souhaite à
n'importe quelle personne qui aura à assumer la responsabilité
d'un ministère comme celui-là de disposer d'une équipe
comme celle qui travaille à l'ensemble du service des relations du
travail et en particulier à la conciliation. Ce n'est pas un travail
facile. Je pense qu'ils ont réussi, dans certains cas, à
favoriser le rapprochement des parties, à favoriser des
règlements négociés dans des dossiers
particulièrement délicats, difficiles, où les parties
étaient braquées, polarisées quelquefois depuis des
années.
M. Rivest: Je dois vous dire un mot aussi sur le règlement
des griefs et toute la procédure de griefs. Dans le secteur
privé, mais surtout dans les secteurs public et parapublic, des gens ont
exprimé l'avis qu'il y avait un abus absolument considérable sur
ce plan. Peut-on avoir des ordres de grandeur du volume des griefs, de la
rapidité du règlement des griefs, de la constitution des
tribunaux d'arbitrage, etc.?
M. Marois: Je prends note de la question; on va vérifier
si on a ces chiffres et on va vous les fournir. (16 h 15)
M. Rivest: Maintenant, sur les normes minimales de travail, je
vous indiquais ce matin - évidemment, c'est un domaine qui est
très large et complexe, qui embrasse un ensemble considérable de
travailleurs - on nous a dit, on a fait valoir que le contrôle de
l'application réelle des normes minimales de travail laissait beaucoup
à désirer. On se plaignait, concernant certains
règlements, finalement, que personne du ministère n'allait
vérifier. Quel est le nombre de plaintes que vous recevez au
ministère? Peut-être pouvons-nous prendre le problème de
ce
côté? On disait dans le rapport annuel, qu'il devait y
avoir une consultation auprès des parties contractantes et des
directeurs généraux des comités paritaires en vue d'une
révision de la Loi sur les décrets de convention collective. Non,
non, c'est une autre affaire. Excusez-moi. Ça, c'est sur les
décrets de convention collective. Je veux revenir aux normes. Entre
autres, sur le temps partiel, on en a parlé ce matin, les emplois
d'été, etc.
M. Marois: Ça m'étonne un peu. M. Bergeron, le
président de la Commission des normes du travail, est ici. On va lui
refiler votre question sur le travail a temps partiel pour qu'il puisse vous
fournir la réponse. Les plaintes sont envoyées à la
Commission des normes du travail. Sur une période d'activités -
ce qui est relevé dans le rapport de 1980-1981 - de quinze mois, sur 12
509 enquêtes ou inspections, durant l'exercice, 7439 ne
révèlent aucune infraction, 5070 autres permettent
d'établir des réclamations de 5 440 384 $ en faveur de 25 613
salariés. S'il y a 25 613 salariés sur 12 509 enquêtes,
c'est que, dans certains cas, un salarié peut avoir une ou deux
plaintes. Un règlement sur place - et je trouve que c'est quand
même positif comme résultat - donc, si je comprends, sur
intervention de l'enquêteur ou de l'inspecteur, est obtenu dans 3279
dossiers, et 12 471 salariés reçoivent ainsi et sans retard 1 548
505 $. Ça porte principalement sur les salaires. Ces chiffres
apparaissent à la page 37 du rapport, les salaires, les vacances, les
préavis et le reste, fêtes nationales, jours fériés,
sur un nombre moins grand, mais principalement les salaires, les vacances et
les préavis.
Sur la question du temps partiel, on me dit qu'on ne dispose pas de
données statistiques comme telles parce que ça fait partie des
normes générales; donc, ça doit se retrouver, j'allais
dire noyé, dans l'ensemble des plaintes générales, que ce
soit sur salaires, sur vacances, sur préavis. Je ne sais pas si on
dispose de moyens de démêler ça pour extraire des
données plus précises concernant le temps partiel.
M. Rivest: Le président de la commission avait
identifié deux problèmes, deux sujets particuliers. Le premier
était lié à la condition féminine, et le
deuxième, aux salariés immigrants. C'est dans son rapport de
1980-1981. Est-ce qu'il y a eu des actions significatives qui seraient dignes
de mention, de façon à améliorer la situation de ces deux
catégories de travailleurs?
M. Marois: Est-ce que les membres de la commission seraient
d'accord pour entendre M. Bergeron? M. Bergeron nous fournirait la
réponse. M. Bergeron est d'accord. Si vous êtes d'accord, tout le
monde pourrait l'avoir en même temps.
Le Président (M. Bordeleau): M.
Bergeron, au nom du ministre.
M. Marois: Merci. En ce qui regarde les communautés
culturelles et le personnel féminin, le gouvernement avait
annoncé dans son programme général que la commission
favoriserait l'embauche, d'une part, d'inspecteurs originaires des
communautés culturelles et, si possible, de personnel féminin.
Comme la réglementation, en ce qui regarde la fonction publique et
l'office de recrutement, n'avait pas été modifiée, cela ne
nous permettait pas directement de faire une discrimination positive dans le
recrutement et on a dû procéder avec du personnel occasionnel pour
une période temporaire en attendant la modification du plan de
classification du corps d'inspecteurs-enquêteurs chez nous.
Dans le recrutement des occasionnels, on a donc demandé aux
centres de main-d'oeuvre de nous référer autant que possible du
personnel originant de communautés culturelles et des candidatures
féminines qui répondaient aux exigences prévues dans le
plan éventuel de classification. Ces personnes ont pu travailler chez
nous pendant six à neuf mois avant que le concours puisse s'ouvrir. Au
moment du concours, elles avaient donc une expérience qui pouvait leur
donner une chance de se classifier. Je n'ai pas les statistiques ici, mais,
selon les résultats qu'on a obtenus, je pense que, sur 75 personnes qui
se sont qualifiées au concours pour recruter des
inspecteurs-enquêteurs, il y en avait six qui venaient des
communautés culturelles, ce qui était, je crois, un assez bon
résultat. Il y a quelque temps à Montréal, par exemple,
nous avions une centaine d'inspecteurs, dont douze femmes. Je pense que,
récemment, on a multiplié par à peu près 200% la
présence des femmes à la commission.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de Maisonneuve.
Le temps partiel
Mme Harel: Merci. M. Bergeron, la loi 126 donne-t-elle
actuellement juridiction à la commission sur le temps partiel?
M. Marois: En ce qui concerne les employés à temps
partiel, la commission ne prévoit aucune norme, aucune prescription
particulière. Toutefois, elle ne les exclut pas. Les employés
à temps partiel sont donc considérés comme des
employés à temps plein et les conditions générales
leur sont appliquées, sauf que, sur certains aspects, ils ne peuvent pas
ou peuvent plus difficilement jouir de certains droits, par exemple
l'obtention de temps supplémentaire. La semaine normale
étant de 44 heures, s'ils sont à temps partiel, l'obtention du
temps supplémentaire est pour eux beaucoup plus difficile que pour un
salarié qui fait déjà 40 ou 44 heures. Mais ils ont droit
à des vacances, au salaire minimum, aux congés selon les normes
prévues, ils ont droit aux mêmes normes qui s'appliquent à
l'ensemble de la main-d'oeuvre de façon générale.
Mme Harel: La disposition qui prévoit qu'en cas de
congédiement après cinq années au service du même
employeur on puisse porter un grief devant la commission s'applique-t-elle
à une personne à temps partiel?
M. Marois: Ces dispositions s'appliquent, parce que l'article de
la loi réfère à la période de service continu.
Même s'il est à temps partiel pour un employeur, un salarié
peut acquérir du service continu. À ce moment, cela lui donne
droit à un recours.
Mme Harel: M. Bergeron, écoutez, je pense qu'il y aurait
vraiment intérêt à faire connaître la juridiction que
la commission a à l'égard du personnel salarié
employé à temps partiel. Je présume que, si j'ignore ces
dispositions, beaucoup de mes concitoyennes et de mes concitoyens au
Québec l'ignorent également. Il y a certainement là un
problème réel.
M. Marois: Ce problème a été soulevé
récemment. Parmi les décisions prises, l'une stipule que, dans
toutes nos publications éventuelles, dans toute notre information, on va
noter spécifiquement que les employés à temps partiel sont
couverts. On n'a jamais donné d'indication qu'ils étaient exclus,
mais je pense que, pour accélérer le processus on va indiquer que
ces personnes sont couvertes.
Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée
de Maisonneuve.
Mme Harel: Mon collègue, le député de
Jean-Talon, va me permettre une autre question. Concernant
particulièrement l'ordonnance 17, le congé de maternité,
des plaintes ont été portées à l'attention de la
commission, du moins en fait, ont été portées à
l'attention des députés dans leur bureau de comté, dans le
sens que des employeurs interprétaient le congé de
maternité comme étant un congé de maladie, ne donnant pas
lieu au maintien des journées de maladie ou des congés
fériés durant le congé de maternité. Actuellement,
je pense que des dossiers litigieux sont devant la commission.
M. Marois: M. le Président, à une question
semblable ce matin, j'ai indiqué - vous me corrigerez si j'ai induit les
membres de cette commission en erreur - que cela me paraissait être
illégal à première vue et, par voie de conséquence,
on pourrait ouvrir un recours. En fait, à ma connaissance, on n'a pas eu
de plaintes telles quelles, parce que nos interventions dans le congé de
maternité, à l'heure actuelle, sont qu'une salariée,
dès qu'elle nous signale qu'elle était enceinte et qu'elle a
été congédiée, cela fait l'objet d'une plainte qui
est référée au commissaire général du
travail. On ne porte pas de jugement sur le bien-fondé de la plainte
parce que la juridiction appartient au commissaire général du
travail.
Mme Harel: En fait, vous me référez aux plaintes
pour congédiement pour cause de grossesse. Dans le cas des conditions
minimales de travail, des normes de travail qui s'appliquent dans le cadre d'un
congé de maternité, c'est, j'imagine, devant la commission que
ces causes sont entendues?
M. Marois: C'est-à-dire qu'à ce jour le
règlement donne un recours à la salariée qui est
congédiée. Les normes générales, la loi et les
règlements n'ont aucune prescription en ce qui regarde les congés
de maladie.
Mme Harel: Mais les jours de vacances payés, les
congés fériés?
M. Marois: Là-dessus, on va intervenir. Sur la question
des vacances, il est entendu que les vacances s'accumulent durant ce
congé. En ce qui regarde les jours fériés, la
salariée peut recevoir une indemnité qui va rendre son salaire
égal au salaire qu'elle aurait obtenu si elle avait été en
emploi. Si elle bénéficie de l'assurance-chômage,
l'employeur est obligé de lui fournir l'écart pour rendre son
salaire égal au salaire normal qu'elle aurait détenu si elle
avait été en emploi. Je pense que la loi ne peut pas avoir pour
effet de donner plus à une salariée qui est en congé de
maternité que ce qu'elle aurait réellement si elle était
au travail.
Mme Harel: Mais elle peut réclamer un revenu
supplémentaire à l'assurance-chômage, qu'elle reçoit
durant son congé de maternité, pour compenser les congés
fériés qu'ils lui sont dus.
M. Marois: Exactement.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. Bergeron, vous mentionniez à la page 8 du
rapport de l'an dernier, qu'il y avait certains articles de la loi qui
n'avaient pas encore été proclamés. Est-ce que, concernant
les articles auxquels
vous vous référiez alors dans votre rapport, certains
l'ont été ou tous l'ont été, de manière que
les salariés puissent bénéficier des droits qui sont
accordés par la loi? Est-ce que ce problème est
réglé ou est en voie de règlement?
M. Marois: La situation est inchangée par rapport à
l'année dernière, en ce qui regarde les aspects légaux.
Les articles de la loi qui n'avaient pas été proclamés
l'an dernier ne l'ont pas encore été cette année. Mais, en
ce qui regarde principalement l'indemnisation préalable ou le versement
préalable, nous sommes à l'heure actuelle à effectuer des
recherches pour identifier exactement le problème, identifier les
implications et faire des recommandations au ministre.
M. Rivest: Quels sont, en deux mots, les circonstances
précises? Il s'agit de quoi au sujet des articles qui n'ont pas
été proclamés?
M. Marois: C'est-à-dire que la loi prévoit, par un
règlement du gouvernement, que la commission pourrait indemniser un
salarié par une partie du montant qui est dû, selon certaines
normes, quand la commission considère que des sommes sont dues à
un salarié par un employeur et que l'employeur a décidé de
ne pas payer et d'attendre une poursuite devant les tribunaux. Une poursuite
devant un tribunal, cela prend de 15 à 18 mois avant d'obtenir jugement.
Quand ces articles de la loi seront en vigueur, on pourra, selon les normes
indiquées dans un règlement, indemniser, en fait, donner une
avance aux salariés sur le montant qu'on prévoit obtenir devant
le juge plus tard. (16 h 30)
M. Rivest: Est-ce que ce serait important, en termes de
crédits additionnels qui pourraient vous être octroyés sur
cette base, d'après votre expérience? Peut-être que la
question s'adresse davantage au ministre; je ne veux pas vous embarrasser. Le
problème des articles qui ne sont pas proclamés, pourquoi ne les
proclame-t-on pas? Parce qu'on n'a pas les crédits nécessaires ou
est-ce que c'est à ce point important? Est-ce que c'est cela, la raison
du retard dans la proclamation?
M. Marois: Non. Ce n'est pas la seule et unique raison. Il y a un
certain nombre d'articles - M. Bergeron me corrigera si je me trompe - dont
l'article 112 qui permettrait à un travailleur de recevoir de la
commission le remboursement d'un montant réclamé de l'employeur.
Il y aurait également les articles 136 et 137, dans les cas où un
employeur devient en faillite. Il y a l'article 124, si ma mémoire est
bonne, les recours prévus par l'article 124. Non, ce sont des frais
d'arbitrage, c'est un autre problème. Ce sont essentiellement les deux
problèmes.
Dans le cas du premier problème, on a demandé à la
commission, avant de promulguer, avant l'entrée en vigueur de l'article,
d'évaluer et de nous présenter un rapport sur le coût
d'application de l'entrée en vigueur de cet article. On me dit que le
conseil d'administration s'apprête à nous faire des
recommandations dans les meilleurs délais pour faire en sorte que cela
puisse se faire sans trop pénaliser les employeurs, mais que le droit
comme tel puisse s'appliquer, cependant.
En ce qui concerne les articles 136 et 137, c'est plus complexe. Il faut
évaluer les montants en cause et essayer de voir de quelle façon
on peut arriver à le mettre en pratique. C'est un article qui
permettrait à des travailleurs, lorsqu'une entreprise fait faillite,
d'obtenir des compensations soit pour perte de salaire, congés, vacances
et autres sommes dues, comme on y arriverait par un fonds spécial qui
serait alimenté d'une façon ou d'une autre. Est-ce qu'on le fait
par le biais de la cotisation générale, ce qui aurait un effet
pénalisant pour tout le monde y compris ceux qui se comportent
correctement? C'est le genre de question que la commission examine
présentement et sur laquelle elle nous fera rapport pour qu'on puisse
voir de quelle façon il y a moyen de le mettre en vigueur.
M. Rivest: La remarque que je veux faire s'applique à
d'autres. Je trouve curieux - probablement que ce n'est pas le propre du
ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu - qu'on mette des dispositions dans la loi et qu'on ne sache même
pas combien cela coûte. Quand on arrive pour les mettre en application,
on dit: On a calculé et cela coûte trop cher. Je me demande dans
quelle mesure l'Assemblée nationale pose un geste vraiment
éclairé. Vous ne pensez pas? Cela arrive souvent qu'il faille les
ajuster, mais quand on met une disposition dans la loi il me semble que si le
gouvernement sait que celle-là n'entrera pas en vigueur, il doit le dire
qu'il met cela juste pour la littérature, pour ne pas revenir devant
l'Assemblée. C'est un procédé qui m'apparaît un peu
curieux.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: Je veux bien respecter les évaluations que le
député de Jean-Talon peut faire. Cependant, en ce qui me
concerne, ce n'est pas mon intention de bloquer l'entrée en vigueur de
ces articles; je pense qu'ils sont fondés. Il s'agit de trouver les
meilleures formules qui puissent permettre de rendre cela opérationnel,
concret et que cela
ne soit pas pénalisant pour des gens qui ne le méritent
pas. Par ailleurs, les droits qui sont reconnus aux travailleurs doivent
s'exercer, d'une part; d'autre part, en ce qui concerne les articles 136 et
137, il nous faut aussi regarder la question du conflit possible avec le
fédéral concernant les matières de faillite.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va?
M. Rivest: Cela va, oui.
Le Président (M. Bordeleau): Avant d'aborder un autre
sujet, M. le député de Duplessis, sur un sujet
général.
M. Perron: Merci, M. le Président.
M. Marois: Si le député me permet de l'interrompre
une seconde. En notre nom à tous et à toutes, je voudrais
remercier M. Bergeron de s'être prêté à nos
questions.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Duplessis.
Le fonds minier et PECEC
M. Perron: J'aurais deux sujets à discuter où
j'aurais des questions à poser au ministre; c'est sur le fonds minier
et, deuxièmement, sur le programme PECEC.
En 1981 l'avant-projet de loi qui était en commission
parlementaire et qui se rapportait au fonds minier, en accord avec toutes les
parties présentes à cette commission parlementaire, fut remis
à plus tard. Je voudrais savoir où en est le projet pour qu'il
puisse être déposé à l'Assemblée nationale et
ensuite discuté en commission parlementaire. Deuxièmement, quels
sont les échéanciers de ce même projet et,
troisièmement, est-ce que le futur projet va toucher seulement les
métaux non ferreux? Comme vous le savez, dans la région de
Schefferville ainsi que de Sept-Îles, Port-Cartier, Gagnon et Fermont,
c'est strictement du minerai de fer. L'avant-projet de loi qui avait
été déposé ne touchait que les métaux non
ferreux.
Ma deuxième question concerne le programme PECEC. Est-ce qu'il y
aurait une possibilité que le ministre puisse déposer les
déboursés qui ont été faits dans toutes les
régions du Québec, région par région, en rapport
avec les investissements, incluant bien entendu le nombre d'emplois
crées dans chacune de ces régions?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: Le député me le permettra, j'ai la
réponse à une question posée tout à l'heure par le
député de Jean-Talon sur les griefs. Le volume en ce qui concerne
l'arbitrage de griefs au Québec, privés et publics, si je
comprends bien les chiffres qui me sont communiqués, 3838 griefs furent
déposés au ministère, secteurs privé, public etc.,
3838. En 1981-1982, j'ai nommé 1979 arbitres pour intervenir dans des
arbitrages de griefs contre 1256 en 1980-1981, comparé à 953 en
1979-1980 et à 859 en 1978-1979. Les délais moyens en jours -
ça faisait partie de la question du député. De la
nomination de l'arbitre à l'audition du grief, il s'écoule un
délai moyen de 84 jours; et, de l'audition du grief à la
décision, 64 jours. Donc, si vous voulez, de la nomination à la
décision, 148 jours.
Si ma mémoire est bonne, mais là je ne voudrais pas
induire les membres de cette commission en erreur, cela indiquerait qu'on a
réussi à réduire les délais par rapport à ce
qui se passait antérieurement malgré l'accroissement du
volume.
M. Rivest: Vous avez l'air de l'apprendre en lisant ces
chiffres-là.
M. Marois: À apprendre?
M. Rivest: Vous avez l'air de l'apprendre.
M. Marois: Non, ce que j'ai ajouté...
M. Rivest: Cela m'inspire la remarque que ce n'était
peut-être pas une volonté politique tout à fait
éclairée et déterminée, la réduction de
délais.
M. Marois: Je m'excuse, je ne vous suis pas.
M. Rivest: Vous avez l'air tout étonné d'apprendre
cela en lisant les chiffres que vous me donnez.
M. Marois: Non, ce qui m'étonne c'est le volume; je
n'avais pas vu les chiffres récemment.
M. Rivest: Le volume de grèves, et je voudrais avoir les
derniers chiffres disponibles. Le volume de grèves cette année au
Québec. J'imagine qu'il y en a moins, compte tenu de la conjoncture
économique. Aussi le délai de règlement en moyenne selon
les derniers chiffres disponibles.
Le Président (M. Bordeleau): II y a une question sur le
fonds minier, M. le ministre; ça m'a l'air intéressant.
M. Marois: Oui. Sur la question du fonds minier, on se souvient
du projet de loi, de la commission parlementaire. On se souvient aussi que
c'était une vieille
demande, en particulier, des métallos. On se souvient des
résultats des travaux de la commission parlementaire où, en fin
de compte, malgré le fait que - je ne cacherai pas que j'avais
été passablement déçu - le projet de loi, me
semble-t-il, reprenait, je dirais, à 90% l'essentiel des demandes des
métallos, pour une raison ou pour une autre, les analyses, les
évaluations, les perceptions aussi et les problèmes
vraisemblablement vécus par les porte-parole syndicaux avaient
évolué, tant et si bien que leurs demandes avaient
évolué aussi. On se souviendra qu'ils ajoutaient un certain
nombre de demandes additionnelles en ce qui concerne le financement du fonds,
en ce qui concerne aussi l'introduction de cette notion de statut du mineur.
À la suite des travaux de la commission, j'avais demandé aux
parties si elles étaient intéressées à ce qu'on
puisse poursuivre les travaux, lors de rencontres avec elles, pour voir s'il
pouvait se dégager un consensus et si on pouvait en arriver à un
projet qui puisse être raisonnable, responsable et répondre aux
besoins réels, leur indiquant qu'on demeurait disponible.
Par ailleurs - je saute un certain nombre d'étapes - comme on le
sait, les métallos en particulier, mais pas exclusivement les
métallos, à la suite du changement de direction qui est intervenu
il n'y a pas si longtemps, ont entrepris une tournée à travers le
Québec pour examiner à nouveau tout ce dossier avec leurs
membres, pour répondre à notre demande qui était
simplement celle-ci: Comment évaluez-vous maintenant les
problèmes? De quelle façon voyez-vous les solutions à ces
problèmes? Êtes-vous à même de faire les
premières quantifications pour qu'on puisse examiner, comme on dit dans
le jargon, la faisabilité des propositions ou des solutions qui
pourraient être suggérées.
Les discussions viennent à peine, d'après ce qu'on m'a
dit, de se terminer, il n'y a pas si longtemps. J'ai eu l'occasion de faire
savoir aux directeurs québécois des métallos que ma
proposition demeurait toujours sur la table, qu'on était prêt
à les rencontrer et leur demandant de nous présenter leurs
demandes de la façon la plus précise possible quant à
l'ampleur, quant à la portée, non ferreux ou ferreux, ce qu'ils
voulaient inclure, ce qu'ils proposaient sur la question du statut du mineur et
le reste, pour qu'on puisse, le cas échéant, mieux
procéder par la suite à nos propres évaluations et, le cas
échéant aussi, intervenir auprès de la partie patronale
pour favoriser, autant que faire se peut, un projet qui serait un consensus;
à défaut de quoi, on serait prêt à procéder
nous-mêmes pour réaliser, conformément aux engagements
pris, un fonds minier, évidemment en le regardant aussi à la
lumière des travaux qui se poursuivent parallèlement sur
l'ensemble de la question des licenciements collectifs et des fermetures
d'usines. Donc, la volonté, de notre côté, de
procéder sur ce plan est là, demeure toujours là. J'ai
encore fait savoir tout dernièrement aux directeurs
québécois des métallos qu'on était prêt
à les rencontrer.
Je suis content que le député soulève la question
parce qu'on a eu l'occasion, à plusieurs reprises, de rencontrer des
porte-parole syndicaux qui ne connaissaient même pas les résultats
des travaux de la commission parlementaire ici et qui pensaient que
c'étaient ou bien les parlementaires ou bien le gouvernement qui
bloquait le projet. Or, c'est de notoriété publique, si tant est
que le journal des Débats est lu, que les parlementaires ici ont
poussé tant et plus dans ce sens, que c'est aussi la volonté du
gouvernement d'y arriver, à la condition qu'on sache sur quoi on
travaille. On est prêt à regarder cela dès que la partie
syndicale sera prête à nous soumettre un projet, à
l'évaluer avec elle, voir ce qui est faisable et on est prêt
à réaliser l'engagement dans cette perspective, parce que cela
répond à un besoin réel. Je comprends que la perception
des besoins ait évolué avec les années et que certains
problèmes aient pris une dimension ou une acuité additionnelle
qu'ils n'avaient pas par le passé, tant et si bien que cela les
amène à réajuster leurs projets. On comprend cela
parfaitement bien. (16 h 45)
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Si je comprends bien, le ministre vient de nous dire
qu'il ne peut déposer ici, par exemple, l'échéancier
à cause du fait que les représentants syndicaux n'ont pas encore
fait valoir leur position face à un autre projet de loi qui pourrait
être déposé et, d'autre part, la teneur de ce projet de
loi, il ne peut pas la donner parce que cela n'a pas été
discuté.
Maintenant, en rapport avec le programme PECEC...
M. Marois: Alors, pour répondre à votre question,
oui, c'est possible de déposer, et je le ferai avec plaisir, les
données mêmes par projet, par région depuis le
début. Je pense qu'effectivement cela remonte aux années
1977-1981 jusqu'à la dernière année, 1981-1982. C'est
possible de déposer cela et ça ressort clairement par
région. C'est possible de le remettre pour que chacun puisse en prendre
connaissance.
C'est un programme qui relève du ministre du Travail, de la Main
d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu, qui est administré,
comme on le sait, par le biais des conférences administratives
régionales où il y a des comités d'approbation de
projets
auxquels comités siègent des fonctionnaires venant de tous
les horizons ministériels avec des représentants du
ministère chez nous.
Il me semble que c'est, à moins que je me trompe, le seul
programme gouvernemental qui, si on ne joue pas sur ce mot soit vraiment
décentralisé, où les décisions peuvent se prendre
en région jusqu'à concurrence d'un coup de pouce financier de 75
000 $, et il est décloisonné. Ce qui fait que des gens de divers
ministères peuvent mettre ensemble leurs expertises en jouant en
même temps le rôle de consultants pour des gens qui n'ont souvent
pas les moyens de se payer les grosses firmes de consultants, ce qui, me
semble-t-il, donne de plus en plus de résultats remarquables sur tous
les plans. Cela prouve qu'il y a plein de projets en région, des projets
valables, des projets qui ont des chances - pas juste des idées mais des
idées qui peuvent se transposer en projets, en petits projets
industriels et souvent en projets de moyenne taille - de rester de façon
permanente, d'être durables dans le paysage et de créer de
l'emploi permanent. C'est sur une période, depuis le début du
programme, c'est tout près de - je m'excuse, je pense que cela vaut la
peine de le signaler - c'est un peu plus de 58 000 000 $ qui ont
été fournis en coups de pouce financiers additionnels pour plus
de 900 projets qui ont été acceptés et qui permettent
d'entrevoir la création de plus de 11 000 emplois permanents.
Au fur et à mesure que l'expérience s'est
déroulée, alors que les premières années le nombre
des bénéficiaires de l'aide sociale était inférieur
à 10%, la dernière année on atteint maintenant 25% de
bénéficiaires de l'aide sociale qui ont pu, grâce à
ce programme, retrouver ou contribuer à obtenir un emploi permanent.
Quand on compare les crédits - je ne sais pas si j'ai le tableau
comparatif par rapport à celui de l'an dernier - l'an dernier, en
1981-1982, le budget sur la masse était d'environ 54 000 000 $, comme
cela paraît au livre des crédits, au programme 4. Sur la masse
budgétaire pour les programmes de création d'emplois qui
était de 54 000 000 $, le PECEC y comptait pour 17 500 000 $ et cette
année, en 1982-1983, sur la masse de 62 800 200 $ qui apparaît aux
crédits, le PECEC y comptera pour 23 000 000 $. Il y a donc là un
accroissement et je voudrais aussi indiquer... Je pense que ça peut
être intéressant pour l'information des membres de cette
commission de parler non seulement du PECEC, mais du PECEC dans l'ensemble des
programmes de création d'emploi. C'est maintenant une enveloppe
budgétaire globale qui est votée. C'était le cas l'an
dernier, et sous réserve de me tromper, je crois que ç'a
commencé l'an dernier. Au lieu d'avoir toute une série de
programmes, avec des budgets préétablis dans le livre des
crédits, il y a une possibilité en cours de route, pour le
ministre, sur recommandation, de réaffecter, de déplacer 10% en
plus ou en moins, d'un programme à l'autre. C'est toujours le même
principe cette année quant à la masse. Mais, les 10% de marge ont
été augmentés -d'ailleurs, c'est une question qui avait
été soulevée en commission parlementaire lors de
l'étude des crédits - à 25%, ce qui élargit la
marge de manoeuvre pour réajuster rapidement, pour être à
même de mieux répondre aux besoins, selon la performance, de tel
ou tel programme, même selon les performances régionales des
programmes.
Le Président (M. Bordeleau): Merci.
M. Perron: M. le Président, si je comprends bien...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Si je comprends bien ce que vient de nous dire le
ministre, si un programme, disons volet 1, par exemple, ne fonctionne pas dans
une région, par rapport au budget qui en découle, qui devrait y
être affecté, le ministre peut transférer jusqu'à
25% de ce montant vers un autre volet qui serait, par exemple, le volet 4.
M. Marois: Je peux transférer d'un programme à
l'autre. Par exemple, si tel programme - on l'a fait d'ailleurs, l'an dernier -
si le programme de retour au travail fonctionnait très bien et si l'an
dernier, certains volets du programme d'intégration des jeunes à
l'emploi, ça fonctionnait moins bien, il nous était possible de
réaffecter sur le plan des masses. Forcément, à partir du
moment où on peut réaffecter sur le plan des masses, ça se
répercute sur les budgets régionaux.
M. Perron: Maintenant, est-ce que ces 25% dont vous parlez
peuvent être tranférés aussi d'une région à
l'autre, selon les besoins d'une région?
M. Marois: II n'y a pas de difficultés de ce
côté. La difficulté ultime qu'il restait à
surmonter, c'était de déplacer d'un programme à l'autre,
d'une région à l'autre, selon les besoins. D'ailleurs, c'est
tellement vrai qu'on a pu mettre l'accent dans certaines régions, en
particulier, sur certains programmes. Lorsque dans le cadre de
l'opération solidarité économique, il a été
question de mettre un accent important sur la Côte-Nord en particulier,
on l'a fait via l'ensemble des programmes. Mais, notamment, quand je regarde la
liste, ça ressort assez clairement, on l'a fait via le programme
expérimental de création
d'emplois communautaires. Donc, la réponse, c'est oui.
M. Perron: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Ça va. Sur le
même sujet, le député de Beauharnois.
M. Rivest: C'est un autre sujet.
Le Président (M. Bordeleau): C'est un autre sujet. M. le
député de Beauharnois.
M. Lavigne: Je ne sais pas si... Moi aussi, c'est sur un autre
sujet.
M. Rivest: Une dernière question. Oui, en fait, il est
cinq heures.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Libre aux députés ministériels de
poser des questions, mais j'ai déjà indiqué au ministre
que deux sujets généraux que l'Opposition voudrait aborder,
c'étaient la main-d'oeuvre et la formation professionnelle avec la
députée de Chomedey et les programmes de création
d'emplois avec le député de Marquette. S'il y avait moyen de
réserver deux petits blocs d'ici à la fin.
Fonctionnaires issus du milieu syndical
Quant à moi, j'ai deux dernières questions sous
réserve des chiffres qu'on va me fournir sur le volume de grèves
et le temps de règlement. Le commissaire Jutras... Vous permettez? Le
commissaire Jutras a donné... Et ça, c'est vrai que les milieux
patronaux sont parfois sceptiques lorsqu'ils arrivent au ministère du
Travail et le commissaire Jutras dans une interview samedi, je crois, dans le
Devoir, a déclaré ceci. Je voudrais avoir sur cet aspect qui n'a
aucun rapport avec le conflit de la Commission de transport de Montréal,
le commentaire du commissaire Jutras, qui disait, au sujet de la composition du
ministère du Travail, c'est le commissaire qui parle: Je ne connais pas
tous les gens personnellement, je sais que c'est un préjugé
courant, très véhiculé dans le monde du travail selon
lequel ceux qui se retrouvent au ministère du Travail sont pour la
plupart, sinon tous, issus des rangs syndicaux. Et il mentionnait
nommément le bureau du commissaire du travail. Enfin, compte tenu de
l'expérience, ça n'enlève pas du tout la compétence
et ce n'est pas l'objet de mes propos. Je le signale parce que ce sont souvent
des commentaires qui nous viennent des milieux patronaux et c'est repris par
quelqu'un en qui le ministre a pleinement confiance, une confiance
méritée, parce que c'est un bonhomme qui a fait sa marque dans le
domaine des relations du travail, est-ce que ce commentaire assez
élaboré du commissaire vous apparaît plausible? Est-ce que
vous êtes sensible à ce type de préoccupation? C'est une
première question. J'en ai une autre et ce sera terminé quant
à moi.
M. Marois: Sur cela, chacun peut tirer ses conclusions. Je prends
simplement le bureau du commissaire au travail. Sur 23 commissaires, 15 sont
issus du milieu syndical ou ont des antécédents du milieu
syndical, et 8 du milieu patronal. Que cela alimente un préjugé,
peut-être. Je suis bien mal placé, étant titulaire de ce
ministère, pour me prononcer sur le fond. Ce qui m'importe cependant,
c'est de savoir si oui ou non les gens sont satisfaits du travail qui est
accompli par ces gens? Ce n'est pas tous les jours, je pense que le
député de Jean-Talon sait cela d'expérience, qu'on se fait
signaler dans un ministère, par des gens qui sont en droit d'ailleurs de
façon légitime de s'attendre à des services, la
qualité du travail accompli par des gens du ministère, en
particulier parce qu'ils sont sur la ligne de feu, c'est le cas de le dire. Il
arrive de façon assez régulière que je reçoive des
témoignages très élogieux. J'en parle d'autant plus
à mon aise que je ne suis pas impliqué personnellement, cela les
concerne eux, sur la qualité du travail qui est accompli par les
fonctionnaires du ministère. Donc, c'est cela qui me
préoccupe.
M. Rivest: Une dernière remarque. À tout le moins,
vous avez eu l'avantage, comme la plupart de vos collègues du Conseil
des ministres, de faire les pages de Normand Girard au mois de mars, je ne sais
pas si vous vous le rappelez, d'une façon assez percutante. Votre
entrée a été forcément remarquée. Je ne
voudrais pas empiéter sur le sujet, mais au moins m'assurer que des
constatations explosives d'une incurie administrative au niveau du programme de
création d'emplois dans la région 03, ainsi que cette incurie
généralisée au service de placement, toujours dans la
région 03, qui émanait d'un membre du ministère du
Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui
accomplissait sans doute sa tâche et, malheureusement pour lui et
probablement pour le ministre, mais heureusement pour l'intérêt
public, ce rapport interne est parvenu au public... Je ne veux pas reprendre la
charge extrêmement vigoureuse qui a été menée contre
l'administration du ministre au niveau de ce programme extrêmement
important.
Je voudrais d'abord demander au ministre, je sais qu'il a
déjà donné des éléments de réponse,
si effectivement ce
rapport a eu des suites au niveau du ministère, si vraiment des
correctifs ont été apportés; deuxièmement, si on
s'est assuré, j'imagine qu'on l'a fait, qu'à tort ou à
raison, les éléments de critique qui, à première
vue, apparaissaient extrêmement sérieux sur l'administration du
ministère ne se seraient pas étendus à d'autres
régions que la région 03 où on aurait retrouvé un
peu les mêmes problèmes. Enfin, le ministre sait de quoi je
parle.
Je voudrais, au moins en guise d'introduction aux propos de mes
collègues, avoir son sentiment général sur sa
participation aux écrits de M. Normand Girard.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: Lors de la conférence de presse
annonçant le bon d'emploi, c'était sorti le matin même ou
la veille de la conférence de presse, l'écrit du journaliste
auquel fait allusion le député de Jean-Talon, j'ai donc eu
l'occasion de le commenter devant les journalistes eux-mêmes. Pour
indiquer ceci, premièrement, non je n'ai aucune espèce
d'indication qu'on ait des problèmes analogues à ceux qui
auraient pu être soulevés en d'autres régions
administratives. Deuxièmement, un rapport préliminaire de
vérification a été soumis à la direction
générale de Québec pour donner suite à une demande
interne d'examiner la gestion des programmes de main-d'oeuvre. J'ai eu
l'occasion de le dire lors de la conférence de presse, l'initiative
elle-même et le souci d'améliorer la gestion provenaient des
gestionnaires eux-mêmes. (17 heures)
M. Rivest: II me semblait qu'il y avait...
M. Marois: Je dis que cela provenait des gestionnaires
eux-mêmes. Je pense qu'il n'y a pas lieu de les blâmer dans ce cas,
bien au contraire. J'ai tenu à signaler cela, parce que c'est quand
même une nuance de taille.
Deuxièmement, le . rapport final des vérificateurs n'a pas
encore été transmis, puisqu'on procède actuellement
à l'examen des commentaires qui ont été reçus des
gestionnaires sur les anomalies qui ont été notées.
Cependant, un certain nombre de mesures ont été mises en place
pour permettre un meilleur suivi dans l'attribution des subventions:
Premièrement, la fusion des réseaux de l'aide sociale et de la
main-d'oeuvre a permis d'ajouter du personnel plus préoccupé par
le suivi des contrôles. Deuxièmement, des règles
administratives beaucoup plus strictes ont été
communiquées au personnel du réseau. Troisièmement, une
équipe de spécialistes travaille actuellement à
l'élaboration de normes administratives, ce qu'on appelle les standards
de contrôle, qui régiront l'attribution des subventions.
Quatrièmement, la mise en place d'équipes régionales de
vérification. Cinquièmement, un mandat prioritaire au nouveau
vérificateur interne d'examiner les modes de fonctionnement.
Sixièmement, un meilleur partage des responsabilités entre deux
directions générales, c'est-à-dire celle des politiques et
programmes et celle des opérations. Voilà le suivi et les mesures
qui ont été prises pour l'instant.
Conflits de travail
Revenant sur la question qui est restée en suspens, j'attendais
les chiffres, sur les conflits et la durée moyenne en jours ouvrables
des conflits, en 1977, le nombre de jours-personnes perdus au Québec a
été de 1 433 421, pour une durée moyenne, en jours
ouvrables, de 35,9. En 1978, jours-personnes perdus, 1 869 461, pour une
moyenne de 32,7, en jours ouvrables. En 1979-1980, forcément les
chiffres montent, c'est la période du secteur public...
M. Rivest: ... en 1976, parce que vous avez charrié
allègrement à l'époque.
M. Marois: On peut les ressortir, voulez-vous...
M. Rivest: Je me rappelle de la campagne électorale de
1976.
M. Marois: II me fera plaisir de soumettre au
député les chiffres en les relevant jusqu'en 1970.
M. Rivest: N'exagérez pas.
M. Marois: Non, mais cela donnerait des bonnes bases de
comparaison. J'en prends note et je vous l'enverrai avec plaisir, pour les
déposer à l'Assemblée nationale.
M. Rivest: J'ai aimé la phrase: On sait que c'est le
secteur public. Je pense que vous ne l'avez pas entendue en 1976,
celle-là.
M. Marois: Non, on sait que 1979-1980 est la période du
secteur public, on pourra comparer les chiffres.
M. Rivest: Lâchez le chiffre.
M, Marois: On pourra comparer. En 1979, 3 658 886...
M. Rivest: Combien? Pardon?
M. Marois: 3 658 886, pour une durée moyenne, en jours
ouvrables, de 32,8.
M. Rivest: 3 000 000, avec ce que vous avez concédé
dans vos conventions collectives.
M. Marois: En 1980, je rappelle au député, pour une
durée moyenne, en jours ouvrables, de 32,8.
M. Rivest: Je l'ai pris en note.
M. Marois: II veut tenir compte de toutes les données,
alors on va tenir compte de toutes les données.
M. Rivest: Non, c'est parce que...
M. Marois: Vous avez parfaitement raison, d'ailleurs.
M. Rivest: ... avec le prix que vous avez payé pour la
convention collective du référendum...
M. Marois: En 1980...
M. Rivest: ... c'est beaucoup, 3 000 000.
M. Marois: M. le Président, j'ai toujours l'habitude
d'écouter attentivement le député lorsqu'il parle. Je suis
sûr qu'il va vouloir faire de même.
En 1980, 4 314 999, pour une durée moyenne, en jours ouvrables,
de 34,1. Et en 1981, 1 802 300, pour une durée moyenne de 40,6 jours
ouvrables.
M. Rivest: Cela a augmenté.
M. Marois: La durée moyenne a augmenté,
forcément on retombe en jours-personnes perdus quelque part entre
l'année 1977 et 1978. On peut remonter d'ailleurs en 1970, j'ai
déjà regardé les chiffres, c'était
intéressant de faire les comparaisons.
M. Rivest: Je voulais vous poser la question, mais j'aimerais
mieux voir les chiffres avant.
M. Marois: On les a même depuis 1966. Je ne vois pas
pourquoi on ne déposerait pas ces chiffres-là, c'est très
intéressant.
M. Rivest: En 1966, c'est la période où le ministre
du Revenu était ministre de l'Union Nationale?
M. Marois: En 1966, 1967, 1968, 1969, 1970, 1971, 1972...
M. Rivest: Combien, la moyenne...
M. Marois: ... 1973.
M. Rivest: ... donnez juste la durée moyenne des
grèves.
M. Marois: Sur le tableau que j'ai ici, à partir de 1966,
je n'ai pas la durée moyenne, en jours ouvrables, j'ai le nombre de
jours-personnes perdus, à compétence provinciale et à
compétence fédérale, le nombre d'arrêts de travail,
le nombre de travailleurs touchés et le nombre de jours-personnes
perdus.
M. Rivest: Est-ce que cette moyenne se compare bien en
général - je comprends le secteur public - avec la moyenne
canadienne de règlements de grève?
M. Marois: De règlements, vous voulez dire la...
M. Rivest: La moyenne, les 40, les 34, les 32...
M. Marois: ... durée moyenne en jours ouvrables?
Honnêtement, je n'ai pas les chiffres. Je ne peux pas vous
répondre comme cela.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous voulez
distribuer le tableau aux membres de la commission, M. le ministre? On peut en
faire tirer des copies.
M. Marois: Pourquoi ne ferait-on pas des copies de tous ces
tableaux, est-ce qu'on peut?
M. Rivest: J'arrête, car je crains d'abuser.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Beauharnois.
Fusion des centres de main-d'oeuvre et des bureaux de
l'aide sociale
M. Lavigne: Oui, M. le Président, rapidement, j'ai deux
questions très disparates à poser au ministre avant de terminer.
D'abord, on sait que le ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu est en train de mettre en application la
fusion de ces centres de main-d'oeuvre du Québec et des bureaux de
l'aide sociale. Je voudrais savoir du ministre si cela va lui permettre de
faire une économie, le fait de fusionner ces bureaux, sur le plan
financier et sur le plan de la main-d'oeuvre. Peut-il me dire si on ajoute de
la main-d'oeuvre ou si on la diminue ou si c'est à peu près le
statu quo, quant aux coûts de fonctionnement et aux coûts de
main-d'oeuvre?
Comme deuxième question - je vous avais prévenu de la
disparité des deux - je voudrais savoir si le ministre a l'intention de
bouger, parce qu'on a eu dans nos bureaux de comté - plusieurs
députés en ont discuté
encore dernièrement - des revendications des plombiers du local
144. C'est la fameuse question de la tutelle qui dure depuis sept ans. Ces
plombiers m'apparaissent être de bonne foi. Ils viennent consulter le
député et nous disent: Posez donc la question au ministre pour
qu'il nous dise s'il a l'intention de laisser tomber cette tutelle et, sinon,
pourquoi il la maintiendrait. Je comprends que c'est une question qui est
vieille et qui traîne dans le décor. Il y en a beaucoup qui
m'apparaissent de bonne foi et qui disent: Que le ministre nous donne, dans
l'occasion d'élire démocratiquement notre monde parce que,
actuellement, dans les circonstances, on manque d'information sur les
prestations syndicales; on ne sait pas où l'argent va, comment c'est
administré au niveau de l'intervention que devrait normalement faire un
représentant syndical face à ses syndiqués, du fait que ce
soit un tuteur. Il apparaîtrait aux plombiers du local 144 que tout ce
travail ne se fait pas de façon aussi assidue et complète
comparativement aux services qu'ils auraient si c'était un syndicat qui
reprendrait tous ses pouvoirs, si on levait la tutelle. Ce sont les deux
questions que j'avais à poser au ministre, en espérant des
réponses qui pourraient satisfaire les gens de nos comtés.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Marois: Sur la première question, il y a deux
façons d'aborder le problème qui est celui de l'économie
générale, vous voulez dire de l'ensemble des enveloppes ou des
crédits disponibles ou une économie en réduction de
personnel. Notre objectif est celui utilisant et coordonnant au mieux les
ressources humaines qui sont là et qui correspondent à des postes
autorisés. Dans ce sens, il n'y a pas nécessairement
d'économie, en tout cas, je ne prévois certainement pas
d'économie substantielle; le problème est de mettre l'accent sur
l'amélioration de la qualité des services à la fois aux
citoyens bénéficiaires de l'aide sociale, aux travailleurs qui
cherchent de l'emploi et également aux entreprises. Je pense qu'il y a
là place à une possibilité d'amélioration de la
qualité du service, à tout le moins, je dirais à des
coûts équivalents. Cela est pour répondre à votre
première question.
La tutelle du local 144
Quant à la deuxième question, concernant le local 144, le
député de Beauharnois dit que c'est une vieille question. C'est
vrai que c'est une question à la fois vieille mais en même temps
terriblement d'actualité. Il y a des gens au local 144 qui ont
d'ailleurs un sens remarquable de l'humour. Je suis allé il n'y a pas si
longtemps faire une émission de ligne ouverte à un poste de radio
de Montréal. Ils m'attendaient à la sortie pour me faire part de
leurs griefs et ils étaient 144 exactement.
Ceci étant dit, blague à part, je vais répondre au
député exactement ce que j'ai eu l'occasion de dire à
plusieurs reprises à plusieurs groupes de travailleurs du local 144,
à des gens qui se prétendent des porte-parole du local 144 et
à ceux qui en sont jusqu'à nouvel ordre les véritables
porte-parole: Tant et aussi longtemps que je n'aurai pas de la part du tuteur
et de la part du représentant syndical légalement autorisé
à agir au nom du local 144 - et cette personne ce n'est pas M. Sureau,
c'est M. Charles Lacas - tant que je n'aurai pas l'assurance et les garanties
qu'il est possible pour les travailleurs de bonne foi, et il y en a un grand
nombre, de reprendre de façon véritablement et pleinement
démocratique en main le contrôle de leur syndicat, d'une part, et
en même temps l'assurance que ne recommenceront pas des agissements que
moi je crois passablement dangereux et qui même, dans certains cas,
correspondent à des tentatives de prise de pouvoir ou de contrôle
par des méthodes dans certains cas inacceptables. Tant que je n'aurai
pas cette double assurance dans l'intérêt des travailleurs
eux-mêmes, je n'autoriserai pas la tenue d'un scrutin. Je veux être
certain que le jour où on l'autorisera ça va se dérouler
de façon démocratique et ça va vraiment être sous le
contrôle des travailleurs du local 144 qui ont le droit d'avoir un
syndicat qu'ils contrôlent eux-mêmes pleinement. Par voie de
conséquence c'est la même chose pour la levée de la
tutelle. Effectivement, d'autres locaux syndicaux ont déjà
été mis en tutelle et sur le rapport des tuteurs et des
porte-parole autorisés on a, comme vous le savez, levé les
tutelles; il reste le local 144 plus, je ne me souviens plus de son
numéro, l'association sportive qui était accrochée au
local 144.
Présentement, quant au contrôle sur les fonds,
d'après les rapports que j'ai, les contrôles, je dirais, sont
d'autant plus rigoureux qu'ils ont pu l'être par le passé; il est
important que ça reste comme cela et, à partir du moment
où va se mettre en marche le processus démocratique, que
ça revienne entre les mains des travailleurs.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.
Simplement avant de donner d'autres droits de parole, je vais vous donner un
peu... Comme le temps passe rapidement, je vois des gens qui s'impatientent un
peu et peut-être avec raison. J'ai retenu, par ordre chronologique, les
députés de Jacques-Cartier, de Maisonneuve, qui avait
déjà une question depuis ce matin, et ensuite de Chomedey et de
Marquette. Alors, Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Les griefs dans différents secteurs
Mme Dougherty: J'aimerais tout simplement poursuivre la question
du député de Jean-Talon sur le nombre de griefs. Est-ce que vous
avez des chiffres sur le nombre de griefs dans les différents secteurs,
éducation, affaires sociales, parce que je crois qu'il y a une histoire
là-dedans?
M. Marois: Je n'ai pas cela ici, à portée de la
main. On pourrait toujours le retracer puis le fournir à la
députée avec plaisir.
Mme Dougherty: J'ai soulevé la question parce que je sais
très bien qu'en éducation, à cause de l'entente avec le
personnel de soutien, il y a un nombre disproportionné de griefs pour le
secteur de l'éducation. Je ne connais pas le nombre par rapport aux
autres secteurs. Vous avez parlé d'un nombre global de 3800. J'ai
l'impression que c'est un nombre disproportionné pour le personnel de
soutien en éducation. Je crois que c'est très important d'en
connaître la raison. (17 h 15)
Selon mon expérience en éducation, il y a deux raisons:
d'abord, une entente très complexe avec beaucoup de trous, beaucoup
d'ambiguïté, et mal rédigée. Je sais très bien
que la responsabilité de négocier ne relève pas de votre
ministère, mais quand même, c'est très important, parce que
c'est le ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu qui paie la pénalité pour des
ententes mal rédigées. Il y a quelque chose de très
important pour les prochaines négociations. Quand on a un contrat
excessivement complexe, avec toutes sortes de trous et des
ambiguïtés, on a recours d'une façon excessive aux griefs.
Pour le Québec, la situation économique est grave et on doit
essayer de corriger cela la prochaine fois.
M. Marois: On va essayer de retracer les chiffres pour les
fournir à Mme la députée. On me dit, sous réserve
de vérifier, que dans le cas du personnel de soutien, en
général, effectivement il y a beaucoup dé griefs qui sont
soulevés. Cependant, on me dit - je voudrais bien voir les chiffres pour
voir de quelle façon cela se compare avec les autres groupes de
travailleurs des secteurs public, parapublic, péripublic - que dans le
cas du personnel de soutien, peut-être que les trois quarts des griefs se
règlent avant l'étape de l'arbitrage, de telle, sorte que le
chiffre que j'ai évoqué tout à l'heure, de 3838, il faut
bien le prendre pour ce qu'il signifie. Il signifie le nombre de griefs qui se
rendent jusqu'à cette étape. On me dit que, dans le cas du
personnel de soutien, il y a effectivement un pourcentage élevé.
Est-ce disproportionné par rapport aux autres secteurs? Je ne le sais
pas, mais on peut vérifier. On me dit également qu'il y a un
pourcentage extrêmement important, on parle des trois quarts qui seraient
réglés en cours de route avant d'arriver à l'étape
de l'arbitrage.
Le Président (M. Lavigne): Est-ce que Mme la
députée de Jacques-Cartier a terminé ses questions?
Mme Dougherty: Oui, merci.
Le Président (M. Lavigne): C'est au tour de Mme la
députée de Maisonneuve.
Sécurité du revenu et aide
sociale
Mme Harel: Je m'en excuse un peu auprès de mes
collègues mais, ce matin, on n'avait pas terminé le programme 3
sur l'aide sociale. En fait, il y a un certain nombre de points d'accrochage
qui se présentent lors de l'application de la loi, points d'accrochage
auxquels nous sommes confrontés. Je sais que cela peut être
intéressant de s'y arrêter rapidement, que cela puisse être
porté à la considération du ministre et aussi du
ministère, puisqu'il y a derrière vous plein de gens qui peuvent
travailler à harmoniser l'application de cette loi.
Assez rapidement, les divers dossiers qui ont été
portés à mon attention au bureau de comté concernent,
d'abord, l'harmonisation des prêts-bourses et des allocations d'aide
sociale. J'ai un certain nombre de cas concrets, pratiques. Je me
réfère, par exemple, à une femme chef de famille
monoparentale qui est retournée au cégep en septembre dernier et
qui, pensant pouvoir améliorer sa situation, a vu son chèque
coupé à partir d'octobre. Elle a dû aller en
révision et n'a reçu de chèque, après
révision, qu'au mois de décembre. Pourtant, le prêt ne lui
a été versé qu'en janvier. Donc, infiniment de
problèmes attribuables sans doute à une harmonisation difficile
entre le moment où le prêt-bourse est versé aux
étudiants et le moment où l'on cesse l'émission de
chèques d'aide sociale. C'est certainement "désincitatif", parce
que cette personne m'a dit, entre autres, qu'elle n'aurait pas les moyens de
retourner au cégep l'an prochain. Cela a des conséquences,
évidemment, parce qu'avec l'indexation - en faisant une petite
parenthèse - qui est extrêmement bénéfique pour les
bénéficiaires de l'aide sociale, c'est évident que les
prêts-bourses versés même aux chefs de famille avec enfants
ne correspondent plus au montant versé. Dans le cas très concret
qui me préoccupe, c'est presque
1500 $ en moins, le prêt-bourse, par rapport à l'aide
sociale qui était de 452 $ en septembre et qui est indexée en
janvier et en avril. Il y a évidemment aussi tous les autres besoins
spéciaux comme le déménagement et les autres besoins,
prothèses et autres, qui ne sont plus couverts. C'est donc dire qu'il y
a matière à difficultés réelles dans l'application
de ce qui se veut un programme d'incitation à une scolarisation plus
poussée souvent chez les chefs de famille pour leur permettre
d'améliorer leurs conditions de vie.
D'autre part, il y a tout les problèmes - je les note rapidement
- du retour aux études. On a glissé un mot là-dessus ce
matin. Je pense, entre autres, à l'école Marie-Anne qui est une
école qui a eu comme vocation, de la part de la CECM, le retour aux
études des décrocheurs, des "drop out", comme on les appelle
communément, qui avaient quitté le secondaire. Un problème
très réel a été porté à la
connaissance des députés de Montréal. Bon nombre des
jeunes - 18, 19, 20 et 21 ans - qui font l'effort de retourner aux
études, sont aux prises avec un problème très réel
de revenu, n'ayant droit qu'à l'allocation pour les moins de 30 ans,
tout en ayant des dépenses beaucoup plus importantes du fait même
de s'être inscrits à des études comme les frais de
déplacement, d'achat de livres et autres.
Il y a vraiment à considérer à ce sujet une
application qui pourrait être réexaminée dans le cadre d'un
retour aux études pour les moins de 30 ans lorsque des dépenses
réelles sont encourues pour parfaire ou poursuivre des études que
l'on sait absolument essentielles, maintenant.
Il y a un troisième aspect, et je pense bien que cela va
intéresser le ministre, si tant est qu'il n'en a pas déjà
entendu parler. Actuellement, les besoins spéciaux ne sont
remboursés que lorsque le bénéficiaire obtient de l'aide
sociale depuis six mois. Cela pose une difficulté dans le cas
particulier des femmes victimes de violence, c'est-à-dire des femmes
battues, en d'autres termes, celles qui sont hébergées dans les
maisons d'accueil pour femmes et enfants et qui ne peuvent plus
bénéficier, très souvent, du remboursement du
déménagement, ce qui était le cas auparavant. Elles
pouvaient avoir un certain soutien du bureau de l'aide sociale pour
emménager. On sait qu'il y a un fort pourcentage - on l'a vu au niveau
de l'ensemble des provinces - il y a un problème qui est de plus en plus
porté à la considération de l'opinion publique, celui de
la violence privée. On sait très bien qu'actuellement il y a
au-delà de six maisons d'hébergement pour femmes battues et un
des problèmes est le fait de pouvoir réinstaller ces femmes et la
famille sans bénéficier des montants auxquels elles avaient
auparavant la possibilité de recourir.
Il y a un problème plus général. Je voudrais
beaucoup insister là-dessus parce qu'il n'implique pas de sommes
d'argent. Je ne voudrais pas nécessairement en faire un problème
pour l'ensemble des bureaux d'aide sociale. Mon expérience,
évidemment, est limitée à Montréal,
particulièrement au bas de la ville, et c'est un problème de
comportement qui, à notre niveau, peut ne pas poser de
difficultés mais qui, dans le cas des personnes qui, presque
unanimement, sont venues m'en parler au bureau, a d'énormes
conséquences; c'est une certaine familiarité.
Dans les bureaux d'aide sociale, on tutoie tout le monde. Ce tutoiement
peut paraître de la familiarité - je l'ai encore vécu juste
avant de venir à la commission en taxi, on m'a demandé: Où
est-ce que je te conduis? C'est de règle maintenant ou presque,
semble-t-il, en tout cas chez une certaine génération plus jeune
que moi -dans le cas des bénéficiaires d'aide sociale et plus
particulièrement des femmes. Beaucoup de femmes m'en ont parlé.
C'est vraiment vu comme du mépris, c'est vraiment une perte de
dignité. Qu'elles soient âgées... La plupart des agents, et
je sais qu'ils ont souvent une très lourde charge de travail, sont
souvent beaucoup plus jeunes qu'elles. Se faire tutoyer à 55 ou 58 ans
ou 60 ans, quand on a déjà psychologiquement des
difficultés à recourir à l'aide sociale, ou même se
faire tutoyer à 30 ans quand on est chef de famille et qu'on a parfois
des difficultés sur le plan conjugal, c'est inadmissible. Je souhaite
beaucoup une directive très claire suivant laquelle on a
déjà suffisamment à demander aux
bénéficiaires en termes d'intimité dans leur vie familiale
ou personnelle et qu'au minimum, ce soit une directive, à savoir qu'on
vouvoie les bénéficiaires comme on le fait au ministère du
Revenu et comme on le fait en général, et qu'on s'identifie. Au
téléphone, actuellement, c'est, paraît-il, de pratique
courante. Il n'y a pas d'identification de l'agent d'aide sociale. Comme je
vous le dis, je ne peux pas parler pour l'ensemble de la pratique au
Québec. J'en parle pour ce qui est du secteur que je connais, le secteur
du bas de la ville.
Vous permettez encore deux autres aspects en termes d'application
pratique. C'est la question des personnes seules qui sont hospitalisées.
Je voudrais vérifier parce que cela me semble encore un peu confus.
Est-il exact qu'il y a perte d'allocation dans le cas, par exemple, d'une
personne seule qui doit être hospitalisée pendant un certain
nombre de mois? En tout cas, si c'est vraiment le cas, je recommanderais que,
pour au moins les trois mois de l'hospitalisation, il y ait le maintien d'une
allocation pour permettre le maintien du logement durant l'hospitalisation. Il
me semble... Je voudrais juste vérifier si c'est exact qu'on retire
l'aide sociale au moment où il y a hospitalisation, dans le cas
des personnes seules. Cela pose de graves problèmes pour ces personnes
qui doivent être hospitalisées durant parfois un, deux ou trois
mois et qui ont parfois des difficultés supplémentaires qui
proviennent de leur perte de logement.
Deux autres aspects, rapidement. Je sais que cela ne concerne pas tout
à fait directement le ministre de la Sécurité du revenu.
J'aimerais qu'il fasse des pressions auprès de son collègue de
l'Habitation sur les victimes, les locataires victimes de la MIUF. Les
programmes actuellement s'adressent aux propriétaires parce qu'on
considère que, dans le cas des locataires, particulièrement dans
le cas des bénéficiaires de l'aide sociale, ils peuvent
déguerpir. Les règlements sont que, quand ils habitent un
logement qui est aussi mal organisé, ils peuvent tout simplement partir,
mais ça pose des difficultés réelles dans le contexte de
la crise du logement actuelle dans les centres urbains. Cela pose de
réels problèmes. À plusieurs reprises, j'ai demandé
que les offices municipaux de logements, qui relèvent de la
Société d'habitation du Québec et donc du ministre de
l'Habitation, puissent donner priorité, comme dans le cas des
sinistrés, aux personnes qui seraient admissibles, de toute
façon, aux offices municipaux de logements, à un logement
à loyer modique, mais qui se trouvent alors dans une liste parfois
très longue. Il faudrait que, comme dans le cas des sinistrés, il
puisse y avoir une priorité pour les locataires
bénéficiaires de l'aide sociale qui habitent un logement mal
isolé.
Je termine sur quelque chose qui m'est très cher. J'appelle cela
"le vieux gagné", c'est-à-dire les 2500 $ d'économies
qu'on permet à un couple qui doit recourir à l'aide sociale ou
les 1500 $ pour les personnes seules. Je voudrais simplement rappeler ceci. On
permet au bénéficiaire de l'aide sociale de garder sa maison
quand il est propriétaire, sauf que, dans des quartiers urbains,
montréalais, je pense au mien, où 92% des gens sont locataires,
les seules économies qu'ils ont réalisées, ce qu'on
appelle "le vieux gagné", ce qui a été mis de
côté péniblement durant des années, ces gens se
voient dans l'obligation de le réduire à rien, à
néant, avant de pouvoir avoir recours à une certaine forme
d'aide. Je pense que ce ne sont pas les nouveaux bénéficiaires
qui sont aptes au travail ou ce ne sont pas les jeunes
bénéficiaires. Ce sont très généralement des
gens du deuxième âge avancé qui perdent leur emploi, qui
ont à recourir à l'aide sociale à 50, 55 ans, qui
faisaient partie d'une génération où on faisait des
économies. Au minimum on pourrait doubler le montant admissible,
c'est-à-dire de 2500 $ passer à 5000 $ pour un couple, et de 1500
$ à 3000 $ pour une personne seule, et c'est à peu près
leur sécurité finalement qui est en cause. On dit souvent: Ces
personnes-là, il ne faut jamais oublier qu'un bon nombre d'entre elles
vont obtenir leur pension de vieillesse et, pour elles, c'est leur mise de
côté pour payer leurs funérailles. On va me dire
qu'à l'aide sociale, les funéraille sont payées, mais les
gens n'aspirent pas à mourir sur l'aide sociale, ils pensent pouvoir au
moins mourir avec leur pension de vieillesse, et ils savent que cela va
être à leurs frais. (17 h 30)
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le ministre.
M. Marois: Oui, je m'excuse, M. le Président. Il y a un
bon nombre de choses. Je vais essayer de prendre note et on va vérifier,
parce qu'il y a quelques points dont vraiment j'entends parler pour la
première fois.
En ce qui concerne la question des prêts-bourses, la meilleure
harmonisation qui pourrait... parce que c'est cela l'objectif, dans la mesure
où les assistés sociaux désirent retourner aux
études, dans certains cas, pour faciliter éventuellement un
retour au travail aussi. J'ai eu l'occasion de rencontrer certains porte-parole
de groupes d'assistés sociaux, tout récemment, et c'est
effectivement un problème qu'on m'a soulevé. Cela varie mais,
dans certains cas, l'aide sociale est plus avantageuse que le régime de
prêts-bourses; dans d'autres cas, c'est l'inverse. Il n'en reste pas
moins que le problème est réel.
Depuis que cela a été porté à notre
connaissance, un comité mixte a été mis sur pied par le
ministère de l'Éducation et chez nous, pour essayer de trouver
une meilleure formule d'harmonisation qui viserait à faciliter
plutôt qu'empêcher.
Quant au deuxième point, la question des décrocheurs qui
retournent à l'école, j'avoue que c'est la première fois
que c'est porté à notre connaissance. C'est pourquoi j'en prends
note et on va vérifier.
Dans le cas des besoins spéciaux, la question du
déménagement, effectivement, il se peut fort bien que vous ayez
raison. À tout le moins, je dirais que c'est une chose qui mérite
d'être regardée de très près. Il se peut qu'on soit
appelé à procéder à des réajustements de ce
côté-là.
Sur la question du tutoiement et de l'identification, je dois dire
qu'à notre connaissance - tout le monde le sait, on l'a
évoqué - il y a le coin qui, sur une base d'entente avec la ville
de Montréal, est administré par la ville de Montréal, et
l'ensemble des autres bureaux au Québec qui relève directement du
gouvernement du Québec. On a peut-être des cas isolés,
occasionnels, mais on n'a pas de plainte signifiant un état de
comportement généralisé à l'échelle du
Québec, bien au
contraire, les directives d'identification, de respect des gens, c'est
très clair.
M. Rivest: Au moins, c'est clair.
M. Marois: C'est très clair. Si vous vous promenez dans un
bureau d'aide sociale, vous allez voir tout de suite que les gens sont
identifiés; identification aussi par voie téléphonique. De
plus, maintenant, on exige l'identification sur les documents qui sont
envoyés d'un bureau qui s'en vont entre les mains d'un assisté
social, il y a son numéro, il y a le nom de l'agent, et le reste. Donc,
est-ce que ce serait une pratique généralisée dans les
bureaux qui sont sous l'administration de la ville de Montréal? J'ose
espérer que non. Je serais porté à penser que non. Il
faudrait donner quand même la chance au coureur, aux agents, il y alà quand même des gens qui font leur travail depuis un bon
nombre d'années.
Mais cela dit, il n'en reste pas moins que s'il y a des cas et qu'on
peut les cerner, rien ne nous empêche, sur la base de l'entente qui
existe entre le ministère et la ville de Montréal, de donner des
directives très précises pour que soient respectées
à la fois la question de l'identification et la question du
tutoiement.
Quant aux cas des personnes hospitalisées, effectivement, c'est
exact, on verse 90 $ pour les besoins ordinaires auxquels s'ajoute un montant
jusqu'à concurrence de 150 $ pour le maintien du loyer. Cela est fait
dans la logique des autres mesures qui existent à l'aide sociale compte
tenu du fait que c'est une personne qui devient hébergée pour une
période X. Donc, forcément, l'État supporte ces
coûts. J'ai pris bonne note du commentaire en ce qui concerne l'isolation
des maisons. En ce qui concerne l'avoir liquide, on n'a pas touché
à cela, comme on le sait. On n'a pas réduit ces montants qui sont
de 2500 $ pour un couple et 1500 $ pour une personne seule, sans compter qu'en
plus la loi et les règlements permettent une maison d'une valeur d'un
avoir net de 40 000 $. L'avoir net veut dire: Si la maison vaut 60 000 $, 70
000 $, 80 000 $ et qu'il reste une hypothèque de 40 000 $, l'avoir net,
c'est le montant de l'hypothèque. Est-ce qu'il y a lieu de rajuster?
Pardon?
Mme Harel: Le problème, c'est que dans le milieu urbain il
y a peu de bénéficiaires qui ont des maisons. La
réalité, c'est que leurs économies étaient
plutôt en avoir liquide que dans une propriété.
M. Marois: Oui. Je prends note. Je vais me faire à nouveau
sortir les données dont on dispose, parce que, dans le cas de gens qui
sont bénéficiaires de l'aide sociale, forcément le
règlement tient compte du milieu urbain, du milieu rural, de
l'entre-deux, du semi-urbain ou du semi-rural; les 2500 $, dans le cas d'un
couple dont c'est le "vieux gagné", c'est vrai que ce n'est pas
beaucoup, mais dans le cas des gens qui sont bénéficiaires de
l'aide sociale, c'est un "vieux gagné" acquis péniblement qui
peut représenter déjà une somme importante. En d'autres
termes, ce que je veux dire, c'est que j'ai déjà vu des chiffres,
mais j'avoue que c'est vague, et je n'oserais pas m'avancer. Il semble y avoir
peu de cas où il y aurait des montants qui excéderaient les 2500
$ en question. Enfin, je prends note du commentaire. On va regarder cela.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Mme la
députée Chomedey, c'est à votre tour.
Politique de marché du travail
Mme Bacon: Oui, M. le Président, c'est à mon tour.
Je n'apprends rien à personne en disant que nous traversons en ce moment
peut-être une des pires crises de l'emploi. Mon opinion, c'est que c'est
une crise qui est sans précédent. Le chômage frappe toutes
les classes de travailleurs et de travailleuses, et je pense qu'il faut dire
aussi sans distinction d'âge, sans distinction de compétence et
sans distinction de formation. Parallèlement à cela, le
Québec et le Canada connaissent dans certains secteurs d'activité
des pénuries de main-d'oeuvre. Il suffit de rencontrer des gens qui sont
dans le milieu des affaires pour constater que, même si nous connaissons
une période de chômage sans précédent, il y a une
pénurie de main-d'oeuvre spécialisée surtout. C'est
vraiment paradoxal, parce qu'il y a un volume important de main-d'oeuvre
disponible en ce moment. Encore la semaine dernière, on rencontrait
l'Association des manufacturiers du Canada, section Québec, et on nous
disait qu'on doit faire face à des difficultés d'embauche. Je
pense que ce phénomène apporte un éclairage sur les
programmes de formation de main-d'oeuvre, les besoins de l'économie et
nous fait de plus en plus comprendre qu'on forme des diplômés en
ce moment. Même si ces diplômés sont bien formés,
qu'ils ont la formation nécessaire pour trouver un emploi, il n'y a pas
de perspective d'emploi pour eux. C'est un peu la raison qui amène une
démobilisation de certains, surtout chez les jeunes - on retrouve cela
chez les jeunes -mais ce n'est pas seulement les jeunes. On voit dans toutes
les catégories d'âge que les gens ont une démobilisation
face à leur possibilité d'oeuvrer dans différents emplois
et l'offre de ces emplois. Cela m'amène à parler de
main-d'oeuvre, de politique de marché de travail aussi.
Dans le rapport annuel de 1980-1981, à
la page 8, pour être plus précis, on indique dans ce
rapport que le ministère se serait engagé, au cours de l'exercice
1980-1981, dans une série de travaux préparatoires à
l'élaboration d'une politique québécoise du marché
du travail. Au titre des orientations tant pour 1981 que pour 1982, toujours
dans le rapport annuel, on s'engage finalement à terminer les travaux
entrepris sur cette question. Voici ma première question au ministre. Au
cours de l'exercice 1981-1982, a-t-on réussi à compléter
les travaux d'élaboration d'une politique de marché du travail ou
si c'est encore en gestation? Où est-ce rendu?
M. Marois: Je devrais normalement avoir en main le rapport durant
l'été. On me dit juin, mais je vous dis durant
l'été pour être plus sûr.
Mme Bacon: Est-ce possible que cela nous amène un projet
de loi? Jusqu'à maintenant, vous avez possiblement eu des rapports
d'étape.
M. Marois: Rien n'est exclu comme piste, mais il
m'apparaîtrait prématuré, enfin, j'improviserais une
réponse, ce ne serait pas juste de répondre par un oui ou par un
non à cette étape-ci de nos travaux. Rien n'est exclu,
certainement pas cette piste si tant est que c'est nécessaire, mais,
honnêtement, je ne peux pas répondre à la question.
Mme Bacon: Mais sur réception du rapport, le ministre
s'engage-t-il à donner suite aux recommandations au cours de
l'automne?
M. Marais: Dans les meilleurs délais après, selon
l'ampleur, parce qu'une politique de main-d'oeuvre, une politique d'emploi,
c'est d'abord un cadre et cela implique des perspectives, des orientations, des
accents qu'il faudrait développer, une meilleure utilisation des
ressources humaines, financières dont on dispose, les institutions
à mettre à contribution et toute la dimension des relations
fédérales-provinciales dans ce dossier aussi. Est-ce que cela
impliquera une législation? C'est pourquoi je dis que cela me
paraît prématuré de répondre, ce ne serait pas
correct de répondre, mais si tant est que cela le suppose pour
développer une politique d'emploi au Québec, je ne l'exclurais
certainement pas comme instrument, comme possibilité.
Mme Bacon: Qu'est-ce que pense le ministre de cette
possibilité d'actualiser l'alternance éducation-travail, par
exemple, pour permettre à des gens de reprendre des études ou de
compléter une formation, ce qui leur permettrait d'avoir une situation
plus favorable? Il y a toutes sortes de raisons qui font que quelqu'un peut
interrompre ses études et sente le besoin d'y retourner.
M. Marois: II n'y a certainement pas d'objection, bien au
contraire, à favoriser cela, dans certains cas. On l'évoquait ce
matin en parlant de certains programmes de création d'emploi où
il ne faut pas non plus empêcher la poursuite ou le maintien aux
études. Quand on regarde les chiffres du chômage, on voit
très bien que le taux de chômage, même s'il demeure
élevé dans la conjoncture actuelle, est moins élevé
que les chances de débloquer sur le marché du travail. Elles sont
plus grandes dans la mesure où la personne est plus
équipée. C'est une dimension du problème, mais il y en a
une autre qui m'apparaît aussi importante, c'est ce qu'on appelle la
formation chez les travailleurs et les travailleuses et, même dans
certains cas, en cours d'emploi et dans le cadre de la perspective d'une
politique d'emploi. Ce n'est pas le seul, parce qu'il y a des points sur
lesquels le fédéral et le Québec sont d'accord, mais c'est
un élément qui nous apparaît extrêmement important,
de permettre, de faciliter, de mettre un accent beaucoup plus grand sur la
formation en industrie, dans le cadre d'une politique de main-d'oeuvre, dans le
cadre d'une politique d'emploi; c'est relié aussi à toute la
question des licenciements collectifs, des fermetures d'usines. Dans certains
cas, dans certains pays, on sait fort bien qu'on utilise
précisément certaines périodes pour permettre aux
entreprises de garder un pourcentage des travailleurs ou des travailleuses,
pour faciliter la formation en entreprise durant la période creuse,
même dans certains cas, en subventionnant l'entreprise pour les
coûts encourus, même si les machines tournent à vide, pour
profiter de ces périodes pour accroître l'adresse et la
compétence des travailleurs.
Donc, cela ouvre toute une série de possibilités. (17 h
45)
Mme Bacon: Revenons sur les licenciements collectifs et les
fermetures d'entreprises. Il est question, depuis un certain nombre de mois, de
la présentation d'un projet de loi à cet égard qui
porterait en particulier sur: 1) les moyens de prévenir les
licenciements collectifs et les fermetures d'entreprises et, 2), les moyens
d'aider davantage les personnes qui sont touchées par les licenciements
et les fermetures lorsque ceux-ci ne peuvent pas être
évités, et aux engagements et promesses du ministre et de son
gouvernement sur le sujet.
On doit ajouter ce que révèle le rapport annuel du
ministère à l'effet que des travaux tenus en 1980-1981 se sont
poursuivis
en 1981-1982. Au cours de l'exercice 1981-1982, les travaux tenus sur
les licenciements collectifs et les fermetures d'entreprises ont-ils permis au
ministre de dégager certaines intentions de politiques, et est-il permis
de penser que nous pourrons arriver, après quelques mois d'étude
et de déclarations, à un mouvement quelconque du ministre dans ce
domaine?
M. Marois: En répondant, de façon
générale, à une question antérieure du
député de Jean-Talon, j'ai indiqué qu'il me paraissait
plausible de penser qu'il soit possible de soumettre au Conseil des ministres
un projet de loi et des recommandations dans le cours de la présente
année.
Il ressort une chose fondamentale des travaux qu'on a faits
jusqu'à présent, c'est qu'il y a deux approches
diamétralement opposées et fondées sur deux conceptions
complètement différentes en ce qui concerne ce problème.
L'approche classique, retenue par un certain nombre de pays - il n'y a pas
beaucoup de lois provinciales dans ce domaine, on travaille passablement dans
du neuf - est de dire: Bon, on va allonger les délais d'avis et puis, on
va rendre plus lourdes les pénalités, les sanctions, en cas de
contraventions, de non-respect des avis, etc. C'est une façon de
concevoir les choses. Il y en a une autre qui, elle, s'insère dans la
perspective dynamique d'une politique d'emploi et qui dit très bien,
quant à cette approche: Certainement, il faut prolonger les
délais, certainement, le cas échéant, quand ce n'est pas
respecté, il faut des sanctions plus sévères, mais ce
n'est pas la piste fondamentale - sans l'exclure - pour aller beaucoup plus
loin et s'attaquer davantage au coeur des problèmes. Cela doit
être resitué, encore une fois, dans le cadre d'une politique
d'emploi.
Il faut que les délais qui sont accordés puissent
permettre... Cela n'a pas besoin d'être des délais
extrêmement longs. Dans certains cas, dans certains pays, les pays
Scandinaves, les Pays-Bas, l'Autriche, l'Allemagne, rarement les délais
excèdent six ou sept mois. Mais durant cette période, par
exemple, il y a des interventions prévues avec toute une batterie
d'instruments permettant de diagnostiquer les problèmes qui sont
posés et, le cas échéant, de prévenir les
fermetures ou d'adopter toute une série de moyens ou de mesures, que ce
soit, par exemple, des formes de travail partagé, jumelé avec de
la formation en entreprise pendant cette période, jumelé à
des activités d'achat et de financement même, des inventaires qui
peuvent s'accumuler pendant les périodes creuses, jumelé à
certains avantages fiscaux additionnels qui peuvent être accordés
aux entreprises durant les périodes où cela va bien, à la
condition qu'il y ait des réinvestissements durant les périodes
où cela va moins bien, avec une meilleure planification aussi de ce
qu'on appelle les immobilisations ou la construction. Tout cela, c'est dans le
cadre d'une politique d'emploi.
Il y a deux pistes bien différentes et je ne vous cacherai pas
que je suis porté, en regardant ce qui se passe ailleurs, sur la base
des expériences concrètes, à favoriser davantage la
deuxième. Je pense qu'il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté
là-dessus; quand on parle d'une loi sur les fermetures d'usines, je
pense bien que personne ne peut penser deux secondes - j'espère que non,
je ne voudrais surtout pas que ce soit entretenu - que cela veut dire qu'il n'y
aura plus d'entreprises qui vont fermer. Forcément et si tant est que
c'était vrai, il n'y aurait plus de changements technologiques
possibles. On s'éclairerait encore à la chandelle aujourd'hui.
Mais les changements en question, il y a moyen de prévenir et de mieux
ajuster les choses à la condition de disposer des instruments. C'est un
des éléments dans le dossier de négociations avec le
fédéral. Ce n'est pas le seul, mais cela en est un. Ce n'est pas
simple, ce n'est pas facile.
Mme Bacon: Cela ne dit pas exactement le geste que le ministre
entend poser. Je vois les deux voies.
M. Marois: II serait prématuré...
Mme Bacon: Quels gestes le ministre entend-il poser?
M. Marois: ... pour moi de vous dire: Écoutez, si tant est
que c'était prêt et fini, clair et net et tous les fils
attachés, qu'il n'y avait plus de câble qui pende et que tous les
problèmes m'apparaissaient résolus...
Mme Bacon: C'est parce que le ministre en parle beaucoup.
M. Marois: J'en parle beaucoup parce que c'est une
préoccupation réelle. Je sais que c'est une préoccupation
partagée également par les citoyens, mais ce n'est pas simple et
facile. Par exemple, les uns parlent de fonds ou de caisse de stabilisation de
l'emploi. Si on retient cette piste, comment la finance-t-on? À partir
des masses salariales? À partir des pénalités? À
partir des sanctions? Ou alors, est-ce qu'on prend l'approche qui est
déjà négociée, en partie, dans certaines
conventions collectives, où l'on prévoit de couvrir la
différence entre les prestations de l'assurance-chômage et un
certain niveau de revenus pendant une période de temps donnée?
Quand on parle de ces coûts, il y a différentes
possibilités et je veux être certain, pour revenir à ce que
le député de Jean-Talon disait de certaines
autres lois, que ce n'est pas juste l'écrire, mais que c'est
possible de le faire et de le faire d'une façon responsable.
Mme Bacon: J'espère que le ministre me permettra de dire
que quand on l'écoute, en conférence de presse, on a l'impression
que c'est plus facile.
M. Marois: C'est vrai.
Mme Bacon: On a l'impression qu'il a des solutions dans ses
poches pour régler ces problèmes, que ces solutions sont toutes
prêtes. Je me demande si le ministre entend poser un geste
bientôt.
M. Marois: Si c'était vrai que c'était tout
prêt, je vous assure d'une chose: je ne garderais pas cela sur mon bureau
pour une raison bien simple, c'est que de toute façon cela ne resterait
pas sur mon bureau bien longtemps. Il y aurait certainement un trou par lequel
cela passerait et cela se retrouverait vite dans le public. Non, ce n'est pas
terminé et je n'aurais pas intérêt à retenir cela.
Je le présenterais au Conseil des ministres.
Mme Bacon: C'est promis pour cette année?
M. Marois: Dans le cadre de l'année actuelle, je pense que
oui, on peut aboutir.
Mme Bacon: Au cours de l'exercice 1981-1982, combien y a-t-il eu
d'avis de licenciement reçus par le ministère, disons, et combien
d'entre eux étaient permanents et combien temporaires?
M. Marois: On va retrouver les chiffres.
M. Rivest: Vous avez la ventilation de 1970-1976, ce serait
intéressant à ce sujet.
Mme Bacon: Pendant qu'on cherche les chiffres...
M. Marois: On pourrait comparer avec l'époque de la grande
crise.
Mme Bacon: Est-ce qu'on peut aller aussi loin - le
député de Jean-Talon a parlé assez longtemps, si vous
permettez, M. le Président, je vais continuer ma question -que de
quantifier les salaires touchés par les employés affectés
par le licenciement collectif? Est-ce qu'on peut aller aussi loin que de
pouvoir quantifier ces salaires qui sont perdus? Est-ce qu'on peut faire cela?
Cela doit être un exercice faisable au ministère?
M. Marois: Est-ce qu'on pourrait le faire? On n'a pas ça.
Est-ce que c'est théoriquement possible? Je présume que oui.
Point interrogation. Les avis de licenciements permanents sont au nombre -
tiens, cela peut vous intéresser, j'ai les chiffres à partir de
1977 - de 246, pour 1977-1978; 1978-1979, 229; 1979-1980, 209; 1980-1981, 217;
1981-1982, 349. Licenciements temporaires: 75, en 1977-1978; 45, en 1978-1979;
39, en 1979-1980; 59, en 1980-1981; 111, en 1981-1982. On s'aperçoit
d'une chose, c'est que la progression est plus forte du côté des
avis de licenciements temporaires que du côté des avis permanents,
Dieu merci!
Mme Bacon: Est-ce que...
M. Marois: Cela a déclenché, a suscité un
certain nombre d'enquêtes.
Mme Bacon: Oui.
M. Marois: Je peux vous donner le nombre de salariés
touchés aussi, si cela vous intéresse, par les licenciements
permanents ou temporaires. Dans le cas des enquêtes, 112 en 1977-1978;
175 en 1978-1979; 196 en 1979-1980; 242 en 1980-1981, 225 en 1981-1982. Il y a
des poursuites aussi qui ont été logées, qui ont
été intentées lorsqu'il nous semblait que les avis
prévus par la loi n'avaient pas été donnés.
Mme Bacon: Est-ce qu'on peut quantifier aussi le nombre de
licenciements collectifs qui ont été faits, mais pour lesquels un
avis n'a pas été envoyé au ministère par exemple?
Est-ce qu'on peut les retrouver, parce qu'il doit y en avoir encore?
M. Marois: Les cas où il y aurait eu des licenciements et
où on n'aurait pas eu d'avis?
Mme Bacon: Oui.
M. Marois: C'est les cas d'enquêtes.
Mme Bacon: Ah bon!
M. Marois: C'est principalement les cas d'enquêtes quand on
le sait, quand cela nous est signalé par les gens.
Mme Bacon: On fait une enquête à ce
moment-là.
M. Marois: Oui.
Mme Bacon: Combien d'emplois perdus?
M. Marois: Les salariés touchés par les avis de
licenciements permanents: en 1977-1978, 15 606; en 1978-1979, 13 191; en
1979-1980, 9693; en 1980-1981, 12 107 - on est parti de 15 606 en 1977-1978 -
en 1981-1982, 17 835. Donc, il n'y a pas une forte
progression par rapport à 1977-1978 par rapport à la
moyenne. Du côté des avis de licenciements temporaires, les
salariés touchés en 1977-1978, 4174; en 1978-1979, 1996; en
1979-1980, 1835; en 1980-1981, 2529 - et là on voit bien que cela
recoupe le chiffre des avis de licenciements temporaires de tantôt -en
1981-1982, 6473. On a accordé d'ailleurs en subvention pour le soutien
des comités de reclassement le plus fort montant en 1981-1982, soit 182
885 $ par rapport à 115 275 $ en 1980-1981.
Mme Bacon: Est-ce que ces gens-là vont en apprentissage
d'un nouveau métier? Quand on regarde le reclassement ou le recyclage,
est-ce qu'on peut suivre cette tendance? Est-ce qu'il y a vraiment une tendance
dans le recyclage ou l'apprentissage de nouveaux métiers? On regarde des
fermetures d'usines ou des endroits où les gens ont été
pendant 30 ans, 35 ans. Ils ne savent pas faire d'autre métier que ce
métier-là. Il faut quand même qu'ils gagnent leur vie.
Est-ce qu'on peut faire un suivi de ce recyclage, de cet apprentissage d'un
nouveau métier?
M. Marois: Les données ne sont pas suffisamment
intégrées présentement pour qu'on puisse faire un suivi de
ce genre-là, qui serait souhaitable. C'est pour cela qu'il me semble
important d'en arriver à mettre au point au moins un cadre de
référence, des orientations et des objectifs précis en
matière de main-d'oeuvre pour qu'on puisse voir comment les choses se
recoupent entre les licenciements, d'une part, les programmes et les politiques
de formation, d'autre part, et le reste, et qu'on puisse suivre beaucoup mieux
l'évolution. Présentement, je n'oserais pas, en toute
honnêteté; je n'ai pas à blâmer les fonctionnaires
pour cela, mais dans l'état...
Mme Bacon: C'est parce qu'il y a des recommandations bien
précises dans le rapport de la commission Jean. Je pense qu'elles sont
dans ce sens-là. Elles sont très importantes au niveau de la
fermeture d'usines et des licenciements collectifs -vous avez quand même
dû en prendre connaissance - et elles permettent ce suivi. Je pense que
si c'était mis en pratique, à un moment donné, on pourrait
avoir un suivi beaucoup plus spécifique et connaître davantage les
besoins des gens.
Au cours de l'exercice 1981-1982, combien de comités de
protection de l'emploi dans l'entreprise, tant pour la prévention de
licenciements collectifs que pour l'étude de divers problèmes de
main-d'oeuvre, ont été formés?
M. Marois: Les comités pour la prévention de
licenciements collectifs, 103 en 1981-1982 comparativement à 81, oui
à 81 en 1980-1981. Si vous voulez les chiffres des années
antérieures, les voici: 60 en 1979-1980, 11 en 1978-1979, 31 en
1977-1978, donc 103. (18 heures)
Le Président (M. Bordeleau): Comme il est 18 heures, je
voudrais simplement demander le consentement des membres pour pouvoir continuer
pendant quelques minutes. Oui, d'accord.
M. Rivest: Je voudrais juste une précision additionnelle
sur la question que ma collègue vous a posée au sujet des
statistiques. Les chiffres publiés par le Bureau de la statistique du
Québec et confirmés par le ministre d'État au
Développement économique, à savoir qu'il y aurait eu
quelque 100 000 ou 110 000 pertes d'emplois, lorsqu'ils ont été
publiés, il y a une dizaine de jours, sont-ils conformes aux
données recueillies par le ministère du Travail auxquelles s'est
référé le ministre?
M. Marois: Je n'oserais pas m'aventurer sur cette piste, parce
que tout n'est pas comptabilisé dans les chiffres que je viens
d'évoquer, par exemple, les pertes d'emplois dans les très
petites entreprises qui ne sont pas couvertes par les lois ou les
règlements ou les avis à donner ou dont les cas ne sont pas
portés à notre connaissance, qui ne déclenchent pas des
enquêtes. Ce sont des entreprises où il y a moins de 10
travailleurs et travailleuses. Donc, les chiffres qu'on a n'infirment pas les
autres, ne les confirment pas non plus. C'est l'état des données.
C'est pour cela qu'il paraît - là, je rejoins la remarque de Mme
la députée - si important de donner un encadrement non seulement
pour mieux harmoniser, mais pour être capable de mieux suivre l'ensemble
des morceaux. Pour cela, il faut une politique de main-d'oeuvre et
d'emploi.
Mme Bacon: Dans le rapport annuel, à la page 20, on
mentionne le Bureau de la condition de la femme au travail. On dit: "Le Bureau
de la condition de la femme au travail veille à ce que les
intérêts et les droits des femmes sur le marché du travail
soient respectés par les programmes, les politiques, les lois et les
règlements du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre." Quand
on regarde les ressources humaines et financières qui sont mises
à la disposition de ce bureau en 1980-1981, c'est un budget de 132 700 $
et avec un effectif de cinq personnes, dont deux occasionnelles. Est-ce
suffisant pour tout ce programme qu'on veut mettre en branle? Je pense qu'il y
a quand même des responsabilités très lourdes pour le
Bureau; de la condition de la femme au travail; Cela m'inquiète un peu
de voir qu'on a mis si peu de crédits à la disposition de
ce bureau, parce qu'il y a quand même des problèmes au
niveau de la main-d'oeuvre féminine, quand on pense à
l'inégalité d'accès pour les femmes, la formation
où il y a des injustices flagrantes. Je trouve qu'avec cinq personnes,
dont deux occasionnelles, ce n'est pas beaucoup.
M. Marois: Cela paraît très modeste, mais
peut-être qu'il est important de bien replacer - peut-être que le
rapport annuel ne le fait pas ressortir suffisamment - bien resituer, bien
comprendre le rôle que joue ce bureau. L'idée et l'objectif n'ont
jamais été de constituer une grosse équipe s'occupant de
tous les problèmes de la condition féminine, bien au contraire.
Cela a toujours été conçu comme une petite équipe
de coordination qui relève directement du sous-ministre, qui a un
répondant dans chacune des directions générales et qui est
à même de suivre, de regarder, d'analyser, de faire les
suggestions, de faire les recommandations.
Je ne veux pas revenir à ce que je disais ce matin, quand on
regardait la liste, l'évolution du personnel féminin au niveau
des postes supérieurs, des cadres supérieurs. Le bureau y est
certainement pour beaucoup. C'est leur rôle premier et essentiel que
d'agir comme agent de coordination, mais en même temps animateur de ce
mouvement. Évidemment, si on évalue la portée de son
travail par le nombre de personnes qui y travaillent effectivement, ce n'est
jamais suffisant, comme dirait certainement la directrice du bureau.
Effectivement, c'est modeste, mais le travail qu'elles ont fait jusqu'à
maintenant est assez remarquable.
Mme Bacon: Je pense que ce bureau doit quand même
poursuivre les travaux en cours. Il y en a qui sont déjà
commencés. Il y a deux sujets qui m'intéressent
particulièrement. Il y a d'abord une analyse des recommandations de la
commission d'étude sur la formation des adultes. Y a-t-il une date ou un
échéancier fixé par le bureau, que ces personnes se sont
fixé elles-mêmes pour faire des recommandations au ministre sur
leur analyse des recommandations ou est-ce qu'on y travaille
présentement?
M. Marois: II faut dire qu'il y a une équipe
interministérielle qui a été mise sur pied à la
suite du dépôt du rapport de la commission Jean. Y siègent
un certain nombre de sous-ministres, le sous-ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu y travaille avec,
notamment, les gens du bureau de la condition féminine et,
d'après ce qu'on en sait, à l'automne, un rapport devrait
être soumis au ministre par les membres du comité
interministériel.
Mme Bacon: On me dit aussi que le bureau entend mener une
campagne d'information sur les métiers non traditionnellement
réservés aux femmes, afin d'inviter celles-ci à exercer
ces métiers. On voit cela souvent sur le plan américain, par
exemple, où, de plus en plus, les femmes ont des métiers qui
étaient réservés traditionnellement aux hommes. Est-ce
qu'on a commencé ce travail? Est-ce l'intention du bureau de continuer
cette campagne ou de la commencer, si elle n'est pas commencée? Tout est
question de revenus et on sait que les femmes sont souvent cantonnées
dans des postes moins rémunérés que ceux des hommes et
que, de plus en plus, les femmes ont envie d'avoir des postes avec la
même rémunération, même s'ils sont traditionnellement
réservés aux hommes.
M. Marois: Je pourrais, si cela intéresse la
députée, fournir éventuellement plus de détails.
C'est amorcé dans les centres de main-d'oeuvre. Il y a en particulier un
projet pilote qui concerne le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, le
Bas-du-Fleuve, à partir de Rimouski comme pôle pilote, pour voir
quelles sont les possibilités d'ouvrir aux femmes des métiers
traditionnellement réservés aux hommes.
Or, cela vient de démarrer il n'y a pas tellement longtemps. Il
n'y a pas de conclusions pour l'instant, c'est prématuré de tirer
des conclusions, mais oui, c'est en marche.
Fusion de services, à Montréal
Mme Bacon: Sur un autre sujet tout à fait
différent, à Montréal, on sait que, depuis des
années, un dossier est en marche - il l'était même sous
l'ancien gouvernement - cette fusion des services de main-d'oeuvre de la ville
de Montréal et de la province de Québec. Le ministre a-t-il
terminé toutes ces rencontres? Des décisions ont-elles
été prises? Y a-t-il des décisions qui ont
été bien arrêtées quant à ce dossier? Y
a-t-il des rencontres avec la ville de Montréal, par exemple? On sait
que les employés ont fait un certain "lobbying", je pense bien,
auprès de certains collègues, comme sûrement des membres de
l'équipe ministérielle. Cette fusion de services a quand
même un coût. On parle de services à la population. Eux sont
évidemment satisfaits des services qu'ils donnent, mais il y a tout le
coût du plan de retraite, en fait tout ce que comporte cette fusion des
services avec un personnel - je n'ai pas le dossier devant moi - d'environ 500
personnes qu'on voudrait intégrer. C'est sûr que cela ne se fait
pas dans une année, mais est-ce qu'on a des données bien
précises à ce sujet? Des décisions sont-elles prises avec
la ville de Montréal? Est-ce en
marche ou si ce n'est pas encore fait, ou est-ce que des
décisions seront prises dans l'avenir? Quel est
l'échéancier de travail?
M. Marois: Cela implique 560 personnes réparties dans 23
bureaux locaux. Tout cela est sur la base d'une entente qui est établie
depuis 1972, une convention entre la ville de Montréal et le
gouvernement du Québec. Il y a eu effectivement plusieurs rencontres,
des conversations aussi au plus haut niveau, avec la ville de Montréal.
Il y a eu des rencontres avec les porte-parole des travailleurs et des
travailleuses impliqués, il y a eu aussi effectivement des rencontres
avec les parlementaires. J'en ai eu, les travailleurs concernés aussi en
ont eu, les représentants de la ville aussi en ont eu. Nous avons
convenu, depuis déjà quelque temps, de mettre sur pied un
comité conjoint qui, effectivement, travaille présentement,
lequel comité a reçu pour mandat d'examiner toutes les
hypothèses.
On s'entend fondamentalement sur l'objectif. L'objectif ne me
paraît pas être remis en cause. Je crois que tout le monde y voit
des avantages importants aussi bien pour les bénéficiaires de
l'aide sociale que pour les travailleurs et les travailleuses et les
employeurs. Il y a différentes hypothèses: ou c'est
l'intégration au gouvernement du Québec, ou c'est
l'intégration à la ville de Montréal, ou c'est le statu
quo, ou c'est une formule mixte, je ne sais trop quoi.
Le comité conjoint doit fouiller, scruter à la loupe les
avantages, les inconvénients et les problèmes inhérents
à chacune des hypothèses et un rapport de ce comité doit
nous être soumis, à M. Lamarre et moi, durant l'été.
On m'a dit au mois de juillet. Cela va tomber, j'espère, pendant mes
vacances; donc, cela irait au mois d'août. Il n'y aura pas de
décision finale. Je ne veux pas prendre de décision finale tant
que toutes les hypothèses n'auront pas été
examinées.
Mme Bacon: Et le ministre ne peut pas nous dire quand il entend
rendre publics les accords qui pourraient avoir lieu entre les deux
parties.
M. Marois: Dès que les décisions seront prises et
que les ententes pertinentes seront convenues entre les parties. Je ne vois pas
pourquoi je retarderais, à partir de ce moment-là.
Mme Bacon: D'accord.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va? J'avais
demandé le consentement pour quelques minutes, on pourra continuer
demain.
Mme Bacon: C'est très frustrant, M. le
Président.
Le Président (M. Bordeleau): Pas demain, je m'excuse; ce
sera jeudi, je pense.
Mme Bacon: Pour quelqu'un qui a fait ses plans, c'est très
frustrant.
M. Marois: M. le Président, dois-je comprendre, comme on
l'a fait pour la sécurité du revenu, qu'en principe les
programmes 1, 3, 4, 12 sont adoptés? C'est-à-dire qu'il resterait
la Commission de la santé et de la sécurité.
M. Rivest: Oui, sous la réserve suivante. Il nous reste
trois questions, en tout cas, quant à nous: la question de la
santé et de la sécurité du travail...
M. Marois: Oui, c'est le programme 2.
M. Rivest: ... la question de l'industrie de la construction...
Malgré qu'avec la commission parlementaire annoncée pour
lundi...
M. Marois: C'est le programme 14, c'est pour cela que je ne
l'incluais pas dans ma liste.
M. Rivest: ... et, troisièmement, la question du programme
de création d'emplois. Toujours sous réserve, selon la même
entente, que si, quelqu'un découvre quelque chose... J'ai trouvé
quelque chose au sujet de l'Alliance Blindé où des gens ont des
problèmes. On a eu des représentations. Peut-être
pourriez-vous vous informer au ministère du Revenu. C'est conjoint. Il y
a eu un congédiement. Peut-être que vous pourrez répondre
à cela lundi. Les gens n'ont pas été payés, ils se
battent avec le ministère du Revenu ou je ne sais trop quoi. Je vous
donnerai d'autres détails et vous regarderez cela, c'est au
ministère.
Le Président (M. Bordeleau): Pour résumer, les
programmes 1, 3, 4 et 12 seraient donc adoptés sous les réserves
que nous avons déjà mentionnées. Il resterait donc les
programmes 2 et 14 ainsi que d'autres questions générales qu'on
pourra aborder à la prochaine séance.
M. le député de Jean-Talon.
M. Rivest: Pour les fins des travaux de la commission, j'indique
au ministre que nous aimerions - enfin, nous vous le suggérons
-commencer par l'industrie de la construction; ensuite, notre collègue
de Marquette, qui doit se rendre à Montréal, arrivera et on
pourra peut-être prendre la création d'emplois et la CSST. Est-ce
que le président de la CSST sera ici?
M. Marois: Le président?
Malheureusement, non. II est retenu à Montréal, à
un symposium, sur la question de l'amiante qui dure toute la semaine. Les
vice-présidents seront présents. D'accord?
Le Président (M. Bordeleau): Cela va. M. Rivest:
Oui.
Le Président (M. Bordeleau): La commission parlementaire
du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu
ajourne ses travaux sine die. Selon l'horaire, nous devrions reprendre les
travaux jeudi.
(Fin de la séance à 18 h 15)