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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration

Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le lundi 19 décembre 1977 - Vol. 19 N° 295

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 45 — Loi modifiant le Code du travail et la Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 45

(Onze heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est réunie pour continuer l'étude article par article du projet de loi no 45 — Loi modifiant le Code du travail et la Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Couture (Saint-Henri) est remplacé par M. Godin (Mercier); M. de Belle-feuille (Deux-Montagnes), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke) remplacé par M. Gagnon (Champlain); M. Johnson (Anjou), M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Marois (Laporte) remplacé par M. Mercier (Berthier); M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud).

Lorsque la commission a ajourné ses travaux, nous en étions à l'étude de l'article 47 du projet de loi no 45.

Une Voix: ... pour l'adopter.

Le Président (M. Clair): L'article 47, le ministre en propose le retrait.

M. Johnson: C'est-à-dire que je propose le retrait du projet de loi...

Le Président (M. Clair): L'article 47 est abrogé et retranché.

M. Forget: Ah bon!

M. Brochu: Pas le retrait du projet de loi, le retrait de l'article 47.

M. Johnson: Oui. Il faudrait qu'on se comprenne bien. Il s'agit de retirer du projet de loi l'article 47, et ne pas confondre.

Le Président (M. Clair): L'article 47 du projet de loi 45 est abrogé. Article 48?

M. Johnson: Concernant l'article 48 introduisant les articles 89 et suivants qui sont, en fait, conséquents à ceux que nous avons adoptés à l'article 46 quant à l'arbitrage, je suis prêt à passer à l'adoption, à moins que l'Opposition n'ait des suggestions. Mutatis mutandis...

M. Forget: L'homologation est remplacée par le dépôt, c'est simplement cela? Adopté.

M. Johnson: Non, il y a quand même des éléments qui sont peut-être plus frappants là-dedans, par exemple, "le dépôt en Cour supérieure de la sentence équivaut", en fait... C'est faire équivaloir la sentence arbitrale à un jugement de la Cour supérieure. C'est un des éléments importants.

M. Forget: Oui.

M. Johnson: On a également la possibilité, pour le tribunal, de réserver sa compétence, c'est-à-dire, par exemple, de décider qu'un congédiement est injustifié et qu'un employeur doit tout simplement réembaucher un salarié. Cet article permet ainsi à l'arbitre de ne rien dire d'autre et de pouvoir, si les parties ne s'entendent pas sur le montant à payer, décider alors du montant qui doit être payé, en vertu de sa sentence. On a également un article qui prévoit que la sentence doit être déposée à la Cour supérieure et a le même effet qu'un jugement de telle cour. On a également un nouvel article pour s'assurer du dépôt de la sentence arbitrale en temps et lieu, et on en fait une condition pour le paiement des honoraires. C'est évidemment important pour les arbitres. Finalement, il y a quelques articles de concordance. J'ajouterai que j'aimerais peut-être qu'on les prenne en considération l'un après l'autre, rapidement. Excusez-moi, vous avez raison, je suis à l'article 49. J'étais en train de vous réciter l'article 49 et non pas l'article 48.

L'article 48 prévoit simplement que la sentence arbitrale est sans appel et lie les parties, et que l'article 18a s'applique à la sentence arbitrale, mutatis mutandis.

M. Brochu: Accepté, M. le Président.

Le Président (M. Clair): L'article 48 est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Clair): Adopté tel qu'amendé. L'article 49.

M. Johnson: Ce que je viens de résumer, M. le Président.

M. Forget: Mutatis mutandis. M. Johnson: Mutatis mutandis.

Décision de la commission d'arbitrage des griefs

Le Président (M. Clair): Y a-t-il des intervenants sur l'article 49?

M. Forget: Oui, M. le Président. Une intervention relativement au paragraphe 89e. On remarquera que ce sont généralement des articles qui sont presque des règles de procédure. On ne détermine pas le droit substantif à cet article. Il a été

déterminé dans les articles précédents, relativement à l'arbitrage. Il y a plusieurs règles nouvelles de procédure qui sont fort appropriées. De façon générale, je pense que c'est un bon texte et une amélioration dans la mesure où cela se substitue au vide, et une amélioration sur certaines mesures qui existent déjà dans le Code du travail.

Il y a la question des délais qui est soulevée par le Barreau, relativement à 89e. Je vais lire la motion d'amendement que nous suggèrent les remarques du Barreau sur ce sujet parce que je pense que c'est probablement plus simple de le faire comme ça. "Que le paragraphe 89e, de l'article 49, soit modifié en remplaçant, dans les troisième et quatrième lignes, les mots "90 jours de la nomination du président du tribunal d'arbitrage" par les mots "60 jours à compter de la fin de l'audition, y inclus la soumission des notes écrites ". Le paragraphe amendé se lirait comme suit: "A défaut d'un délai fixé à la convention collective, le tribunal d'arbitrage doit rendre sa sentence dans les 60 jours à compter de la fin de l'audition, y inclus la soumission des notes écrites, à moins que les parties ne consentent, par écrit, avant l'expiration du délai, à accorder un délai supplémentaire d'un nombre de jours précis."

Evidemment, il n'y a pas simplement une différence dans le nombre de jours, ce n'est pas substituer 60 jours à 90 jours, c'est de le faire compter à partir d'un moment différent parce que, étant donné, surtout, qu'on attache certaines sanctions à la production dans les délais, le Barreau fait observer, avec raison, que la longueur de l'audition ne dépend pas... Dans le fond, on ne peut pas blâmer le tribunal pour la longueur de l'audition; les parties elles-mêmes peuvent allonger l'audition par des requêtes qu'elles font à cet effet ou simplement par leur non-disponibilité, etc.; pour que ce soit un délai qui vraiment s'applique au tribunal d'arbitrage, dans ce qui dépend de lui seul; étant donné surtout qu'on veut l'astreindre à ce délai de façon très sérieuse, il semble, au Barreau, plus approprié — et je suis d'accord avec lui là-dessus — que le délai ne compte qu'à partir de la fin de l'enquête ou de l'audition — c'est la même chose — et non à partir de la nomination. A ce moment, on peut, bien sûr, raccourcir le délai et obtenir, grosso modo, le même effet, mais de façon peut-être moins déraisonnable pour les membres du tribunal. Je pense que ça parle par soi-même, c'est le sens de la motion d'amendement et je me demande justement, à considérer ce qui suit, relativement au paiement des honoraires, si ce ne serait pas un changement qui serait opportun.

Le Président (M. Clair): M. le ministre. M. Bisaillon: M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, c'est une question. Si on traite de l'amendement 89e, est-ce que je dois comprendre que a), b), c) et d) sont réglés? C'est que j'avais un petit commentaire à passer à 89c. Est-ce que je peux me permettre de le faire avant?

M. Forget: De consentement, oui.

M. Johnson: Oui.

Le Président (M. Clair): De consentement.

M. Forget: On les discute tous ensemble, je pense, cette fois-ci parce qu'il y a tellement peu de choses à dire là-dessus.

M. Bisaillon: Vous avez dit "cette fois-ci "?

M. Forget: Oui, cette fois-ci, contrairement à la pratique établie dans les autres articles.

M. Bisaillon: M. le Président, c'est l'article 89c qui se lit comme suit: "Tout membre du tribunal d'arbitrage est tenu de garder le secret du délibéré jusqu à la date de la sentence". Je comprends que, pendant un certain temps, cette disposition aurait pu être utile puisqu'il arrivait qu'en cours de délibéré, les parties étant représentées par un arbitre patronal et un arbitre syndical, si le contenu du délibéré était connu par les parties, certaines parties avaient avantage à retirer leur arbitrage pour éviter de faire de la jurisprudence ou, se rendant compte qu'elles étaient en train de perdre l'arbitrage au moment du délibéré, avaient tendance à retirer l'arbitrage. Depuis deux ou trois ans, il y a des sentences qui ont été données qui stipulent qu'à partir du moment où un arbitrage est en délibéré, une partie ne peut plus retirer son arbitrage. Il y a une foule de sentences qui ont été données dans ce sens-là.

Ce que je veux souligner c'est qu'à partir du moment où on est persuadé que dès le début du délibéré, l'arbitrage ne peut plus être retiré, on n'a quasiment pas d'intérêt à conserver l'article 89c, d'autant plus que cela peut nuire, dans le fond — cela ne nuit pas au délibéré — au fonctionnement des relations du travail dans le sens suivant: Les parties ont, au tribunal d'arbitrage, un représentant. Alors, comment voulez-vous qu'on empêche, à toutes fins pratiques, un arbitre patronal de parler aux gens qu'il représente. On aurait pu le faire au moment où il y avait des dangers que l'arbitrage soit retiré, mais ce n'est plus le cas. On ne devrait pas craindre cet aspect.

L'avantage, cependant, à ce qu'un arbitre patronal puisse continuer à parler avec ses amendements, c'est qu'il peut y avoir, pendant l'arbitrage, d'autres causes qui s'en viennent et il est utile, pour la partie patronale, par exemple, de savoir que la cause qu'elle a portée en arbitrage, en délibéré, est plus ou moins bonne; cela lui évite d intenter d autres procédures et cela permet de régler, au niveau local, ces griefs sans qu'ils se rendent en arbitrage.

Je ne fais pas d'amendement, je souligne seulement le fait que c'est un texte qui, dans la prati-

que, peut être difficile à respecter et qu'on n'aurait pas de crainte à enlever, puisqu'il y a déjà des sentences qui nous indiquent qu'on ne peut plus retirer un arbitrage à partir du moment où il est en délibéré.

Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, rapidement, parce que je pense que le député de Joliette-Montcalm aussi aura des commentaires à faire là-dessus. L'objet de ça, tout en tenant compte du fait que c'est vrai que depuis deux ans, il y a eu certaines sentences arbitrales qui étaient à l'effet de refuser de retirer un arbitrage en cours de route; c'est vraiment mettre les arbitres dans une situation d'arbitre.

On sait qu'il y a eu, en cours de route, on n'a pas à faire le procès de qui que ce soit, mais on sait que des arbitres parlaient constamment avec la partie qui les avait nommés, avec le résultat que ça ne les mettait pas vraiment dans un climat où, compte tenu des pouvoirs qu'on leur donne, compte tenu du fait que c'est vraiment de nature quasi judiciaire et les pouvoirs qu'on ajoute au tribunal d'arbitrage, ça en fait presque un minitribunal. Je pense que l'arbitre devrait être tenu à la règle du secret jusqu'au moment du délibéré. De telle sorte qu'il n'y ait pas, en cours de route, par exemple, d'arbitre patronal ou syndical qui décide, voyant où s'en va le président du tribunal d'arbitrage, de voir sa partie, son mandat et de lui dire: Ecoutez, ça s'en va dans tel sens et ça peut modifier le sens des plaidoyers qui s'en viennent.

C'est vraiment respecter le caractère de tribunal de ces trois personnes, dans le cas d'un tribunal formé de trois personnes. Une fois cependant que c'est pris en délibéré, ça ne pose plus de problème, le délibéré étant la cessation de l'audition et le moment qu'on prend pour la rédaction afin de rendre la décision finale.

Le Président (M. Clair): Le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: C'est peut-être une question d'interprétation, "tout membre du tribunal d'arbitrage est tenu de garder le secret du délibéré ". Lorsque le délibéré commence, la preuve est constituée, elle est faite, le dénouement même de l'arbitrage relève uniquement des trois personnes.

Dans un premier temps, j'étais porté à faire le même commentaire que le député de Sainte-Marie. Parce qu'au cours de l'arbitrage, il est très possible qu'un arbitre suggère des choses qui font en sorte que ça devienne d'un commun accord; le tribunal ne fait que ratifier des ententes qui se produisent au cours d'un arbitrage. A partir du délibéré même, ma compréhension a changé lorsque j'ai entendu l'interprétation du délibéré à la sentence. Il n'y a plus de négociations possibles, parce qu'ils ont fait l'arbitrage, ils ont fait la preuve évidente devant le tribunal, ce n'est qu'une publication de la sentence ou du jugement des trois arbitres.

M. Johnson: En fait, disons qu'on veut soustraire les arbitres, qui, comme on le sait, sont nommés par les parties à l'origine, de la tentation de faire de la négociation en arbitrage; à partir du moment où le délibéré est pris, cela ne pose plus de problème. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent.

Mais, avant cela, je pense qu'il faut vraiment qu'ils se confinent dans un rôle d'arbitre. Il faudra lire cela en conjonction avec 89e, par la suite.

Est-ce que cela répond aux questions du député de Sainte-Marie?

M. Bisaillon: M. le Président, mon objectif était simplement de passer un commentaire. Je pense que c'est fait. J'avais annoncé que je n'avais pas l'intention de faire un amendement.

Le Président (M. Clair): M. le ministre du Travail, sur la motion d'amendement du député de Saint-Laurent, à l'article 49.

M. Johnson: La motion d'amendement du député de Saint-Laurent vise, finalement, à impartir un délai au tribunal d'arbitrage à partir du délibré seulement, et non pas à partir de la nomination des arbitres. C'est vrai que la conférence des arbitres et le Barreau se sont opposés à 89e que nous introduisons, surtout que la sanction est extrêmement sévère puisque c'est l'absence d'honoraires pour les arbitres.

Cependant, ce qui nous a amenés, malgré un débat très long, de très longues discussions à ce sujet — et on l'a retourné à l'endroit et à l'envers et, entre autres, dans le sens de la proposition du Barreau — à garder le texte tel qu'il est en ce moment à 89e, c'est que nous nous sommes inspirés un peu d'une attitude qui a été prise par le juge en chef de la Cour supérieure récemment et qui a refusé, dorénavant, qu'on demande des remises en Cour supérieure, et de façon systématique. Les juges de la Cour supérieure n'acceptent plus les remises, évidemment, sauf dans des cas qui sont des cas de force majeure, qui impliqueraient l'ensemble des gens.

C'est inspiré un peu de cela. On sait, en pratique, malgré les règles que se fixaient les conventions collectives, que les délais pour rendre les sentences, dans certains cas, peuvent être extrêmement longs. Celui qui paye, en fin de compte, c'est le salarié qui est à l'origine du grief que son syndicat a choisi de porter en arbitrage.

Pour ces raisons, il nous apparaissait nécessaire d'impartir un délai extrêmement rigoureux et d'avoir une sanction sévère, pour que ce soit plus qu'incitatif. Cependant, il ne faut pas oublier qu'à l'article 88, dans la série des articles 88, on accorde au tribunal d'arbitrage le pouvoir d'exiger d'entendre les parties. Et si les parties ne se présentent pas, il peut juger ex parte, finalement. Il faudra donc que les parties elles-mêmes soient diligentes, et non seulement l'arbitre.

L'arbitre pourra invoquer que, justement, il y a un délai de rigueur qui est fixé pour lui dans la loi, et que, pour ces raisons, il décide de procéder ex parte, à moins que les parties elles-mêmes n'y

consentent par écrit. Cela ne pose pas de problème, puisqu'on tient pour acquis que, par écrit, elles vont spécifier dans un document qu'elles sont prêtes à accorder un délai avec une date fixe et déterminée, tandis qu'aujourd'hui c'est un peu plus flottant. On se rend compte, par exemple, que le procureur de la partie syndicale ne peut pas se présenter ou de la partie patronale, et cela traîne, cela traîne. Aujourd'hui, il n'y aura plus d'excuse pour que cela traîne, puisque le président du tribunal d'arbitrage dira: Compte tenu de l'article 89-I je dois rendre ma sentence dans les trois mois; donc débrouillez-vous pour comparaître. Si, d'un commun accord, vous êtes prêts à remettre, cela est une autre chose; mais si c'est une des parties, il faudra qu'elle se débrouille pour comparaître. Je comprends que c'est sévère, mais...

M. Forget: M. le Président, je crois que l'intention est louable et je pense que tout le monde souscrit à l'idée qu'il n'y ait pas des remises, des délais exagérés. D'un autre côté, souvenons-nous des paroles de sagesse qu'on a entendues même de la part du ministre au sujet de l'article 39 et d'autres dispositions selon lesquelles des dispositions dans la loi qui, en pratique, s'avèrent inapplicables, c'est comme si on ne les votait pas. J'ai fortement l'impression qu'on est en face d'une disposition de la loi que l'on va rendre caduque. On peut même expliquer facilement, tout en respectant la lettre de la loi, comment on va la rendre caduque. Les membres des tribunaux d'arbitrage ne sont pas des juges, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas nommés, ils sont choisis. Alors, comme les arbitres savent lire, ils vont se dire: Maintenant qu'on risque de ne pas être payés pour le travail qu'on fait, si jamais les délais sont dépassés — et comme il est odieux de se prévaloir d'un pouvoir de faire entendre les parties, si, pour une raison ou pour une autre, ils ne sont pas disponibles, ils ne sont pas prêts à comparaître — ce qu'on va faire avant d'être nommés, c'est qu'on va obtenir un accord, en vertu de la loi qui nous le permet, que les parties consentent par écrit avant qu'on soit nommés, que les délais ne soient pas respectés. De cette façon-là, on va être sûr d'être payés, et qu'il arrive n'importe quoi, on va être payés. On ne sera pas pénalisés parce que les parties, à un moment donné, veulent traîner les choses. C'est vrai qu'ils ont le pouvoir de ne pas les faire traîner, mais s'ils demandaient à des arbitres dont la subsistance, parfois à 50%, nous a-t-on dit, des honoraires professionnels de certaines personnes, dépend des arbitrages qu'ils font, ces gens ne sont pas pour se mettre tout le monde à dos à partir de demain. Ils dépendent des parties, ils dépendent de leur collaboration, de leur acceptation.

C'est vrai que la loi leur donne des pouvoirs. La question qui se pose, c est jusqu'à quel point ils vont vouloir se servir des pouvoirs contre une partie au préjudice même de l'intérêt de cette partie, dans un arbitrage, pour être sûrs que eux soient payés. C'est les placer dans une situation vraiment très désagréable de dire: "Ecoutez, il faut que je sois payé, alors vous faites mieux d'arriver ici aujourd'hui, parce qu'il faut que je donne ma sentence et j'ai d'autres arbitrages. J'ai cette journée de disponible. Les autres jours, je suis pris dans d'autres arbitrages, etc. Si vous ne venez pas vendredi, c'est "just too bad", je vais rendre mon délibéré ex parte. Vous savez que l'article untel me donne ce pouvoir". Je prédis quelque chose à l'arbitre qui va se comporter de cette façon. Il ne sera pas arbitre souvent. On va s'arranger pour que son nom disparaisse de la liste. Il y a une limite à ce qu'on peut traiter comme un tribunal un organisme qui n'en est pas un.

Vous savez, on a eu cette longue discussion samedi sur l'immunité. C'en était une illustration. Là, on tombe dans une autre illustration. C'est vrai que c'est louable que le juge en chef de la Cour supérieure dise: Finies les remises futiles, pour des motifs frivoles. Il peut le dire, parce que ces juges sont indépendants. Ils sont nommés là jusqu'à ce que mort s'ensuive. Ils sont sûrs de ne pas dépendre de la bonne volonté des parties. Les arbitres ne sont pas dans cette situation. Peut-être qu'il faudrait les faire évoluer, mais on ne peut pas changer des choses dans une loi sans se poser des questions, à savoir si c'est cohérent avec l'esprit du système. Ici, ce n'est pas cohérent avec l'esprit du système.

Même si l'intention est bonne, encore une fois — et je souscris à tout ce que le ministre a dit sur l'intérêt que les choses ne traînent pas en longueur — il reste que d'ici quelques années, si on adopte cela sans changement, on va dire: Vous savez, il y a eu des difficultés, et finalement, cet article n'est pas appliqué. L'appliquer aurait causé plus de trouble que cela n'en donnait de ne pas l'appliquer, donc on a décidé de ne pas l'appliquer. Cela arrive assez souvent pour qu'on dise, sans être taxé de faire de la démagogie ou quoi que ce soit, ce n'est pas cela... Cela arrive que des articles d'une loi ne s'appliquent pas, et c'en est un qui ne s'appliquera pas. Je ferais un bon pari, avec une bonne certitude de le gagner en disant: Regardons cela dans trois ans, et vous allez voir qu'il ne sera pas appliqué. Il y a tellement de lois qui décrètent des délais impératifs pour rendre des décisions, pour faire des choses, et dans le fond, l'exception plutôt que la règle, c'est qu'ils soient respectés, mais la règle, c'est qu'ils ne le soient pas. Au moins, faisons dépendre le délai de ce qui concerne strictement l'arbitre. Il n'y a pas d excuse. S'il a 60 jours pour se décider et pour écrire sa décision, sa sentence, c'est faisable. Cela dépend de lui seulement de s'organiser pour le faire. Il travaillera en fin de semaine, s'il le faut, et tout cela, mais il va le faire. Si on l'oblige à ce que le processus même de l'audition, qui dépend des parties autant et peut-être plus que de l'arbitre, étant donné le caractère volontaire de I arbitrage, volontaire dans un certain sens, pas volontaire volontaire, mais il y a certainement beaucoup d'aspects de volontariat là-dedans, je pense qu'à ce moment, on peut plaider contre l'observation de la loi. Si on en était conscient et si on était d'accord qu'on est conscient que cela ne sera pas respecté, je pense qu'il ne faudrait pas l'adopter comme cela. C'est la conviction que j'ai, de toute façon.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez quelques dernières remarques là-dessus. D'abord, il y a un problème en ce moment, en ce qui concerne les arbitrages, si on le constate et qu'on fait le diagnostic de cela, c'est que les délais sont extrêmement longs. Ces délais sont surtout attribuables à la période qui s'écoule entre le moment de la nomination du conseil d'arbitrage et la première audition. A partir du moment où ils sont en audition, cela va relativement vite. Il y a ensuite le problème du délibéré. Mais le problème c'est le "time gap" pour utiliser une expression très française. C'est entre la nomination et l'audition. Si la loi dit qu'il y a délai strict imparti à l'arbitre, sa réaction sera de s'arranger pour voir ou pour communiquer avec les parties le plus rapidement possible, et dire: Voici, messieurs, quelles sont vos dates. Les miennes sont celles-ci et quelles sont les vôtres dans le prochain mois et demi ou dans les prochains deux mois? A partir de là, les parties peuvent s'apercevoir — cela va les forcer à faire cette démarche-là — qu'il va effectivement y avoir des problèmes de disponibilité et elles pourront consentir: il y a toujours cette soupape du délai que peuvent accorder les parties. Dans un premier temps, cela va mettre les parties, indépendamment de l'arbitre, cela va les mettre dans une position où elles sont obligées, finalement, de s'expliquer, alors que la règle était de procéder quand on pouvait. Cela va plutôt être exceptionnel d'accorder un délai.

Deuxièmement, le problème des délais est qu'ils tuent l'arbitrage. Ce qui est arrivé récemment, par exemple à Saint-François-d'Assise, n'est pas parfaitement étranger au fait qu'il y avait une série de griefs qui traînaient depuis des mois et des mois. Il y a des délais impartis d'un an dans certaines législations et on voit ce que cela donne dans les secteurs public et parapublic entre autres. Quand 75 griefs s'accumulent autour d'une question, on ne s'étonne pas que cela saute quelque part à un certain moment. On a finalement l'unanimité du conseil consultatif sur cette question. Je pense que, pour ces raisons, en étant très conscient qu'il y a toujours cette soupape qui permettra aux parties d'essayer... Puisque la loi les autorise à trouver un délai plus long, elles seront obligées de le faire de façon spécifique alors qu'aujourd'hui c'est presque considéré comme l'affaire normale et on procède en première audition quand on peut. L'arbitre va alors dire: Messieurs, je dois procéder au jugement dans les 90 jours. Vous devez me donner spécifiquement une date à laquelle vous m'autorisez à rendre mon jugement si cela doit dépasser 90 jours, et je vous demande de me fournir des motifs. Je pense que cela le protège d'une certaine façon et c'est le seul moyen de pression du système sur les parties. Le système ne peut pas faire de pressions sur les parties, il peut faire des pressions sur l'arbitre. L'arbitre peut lui-même, à ce moment-là, exiger des justifications de la part des parties et les mettre dans cette position. Et c'est non seulement l'avis unanime du conseil consultatif, mais c'est également l'avis de ceux qui considèrent qu'à moyen terme cela va permettre d'avoir une plus grande qualité d'arbitrage, puisque ceux qui réussiront dans les 90 jours et qui réussiront à imposer un rythme aux parties — et on sait qu'il y a une espèce de spécialisation de fait de certains des arbitres dans certains secteurs, public et parapublic entre autres on pense que cela devrait, à moyen terme, améliorer considérablement la qualité expéditive des jugements d'arbitrage.

Le Président (M. Clair): Le député de Richmond.

M. Brochu: Dans ce sens-là, pour enchaîner, je pense qu'on doit viser à ce que les délais soient quand même les plus courts possible pour éviter aussi ce qui est prévu à l'article 89h, la sanction qui est prévue là. Je pense que dans ce sens-là il est important de bien situer le moment où le délai commence.

A ce chapitre, je pense que le député de Johnson a clairement établi la position de l'Union Nationale lors de l'audition des mémoires lorsque M. Bellemare avait indiqué qu'il fallait absolument maintenir le délai justement à partir de cette nomination. Il avait, je pense, cette préoccupation à l'esprit à ce moment.

Dans la première version du projet de loi 45, on avait quand même 60 jours de délai et maintenant on se retrouve avec 90 jours. Est-ce que — je m'adresse au ministre — vous maintenez cette chose à partir de la règle de nomination.

M. Johnson: C'est 90 jours à partir de la nomination, sauf l'exception qui est prévue — la soupape — au dernier alinéa, que les parties peuvent s'entendre, par écrit, sur une date spécifique qui excéderait 90 jours.

M. Forget: C'est la seule autre voie possible?

Le Président (M. Clair): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, sur l'amendement, il y a une partie qui m'inquiète beaucoup; c'est là où on lit: "y inclus la soumission des notes écrites". La pratique nous démontre que, dans l'ensemble, lorsqu'il y a des notes écrites à un dossier, c'est, la plupart du temps, parce que les procureurs, tant patronaux que syndicaux, se sont trouvés mal pris au moment de l'arbitrage, et décident de souligner au tribunal qu'ils vont produire des notes écrites. Or, l'expérience nous démontre aussi que ces notes écrites sont, la plupart du temps, produites au-delà des dates où on les avait promises. En douze ans, ça ne m'est jamais arrivé de voir un procureur déposer ses notes au moment où il l'avait promis; cela a toujours dépassé, justement parce que le motif principal des notes écrites c'est parce qu'on s'est trouvé mal pris au moment de l'arbitrage. Il me semble que, non seulement ça ne rend pas service aux parties, mais ça allonge encore indéfiniment la procédure.

Pour ce qui est du départ du délai qu'on donne, lorsqu'on parle de l'audition — je reprendrai, à ce moment-là, les propos du ministre — il

est clair que ça va amener les parties à ne pas s'imposer d'entendre les parties le plus rapidement possible. Si on fait partir le délai de la fin de l'audition, c'est clair qu'on va siéger le plus tard possible. Par ailleurs, dans l'article tel quel, on fait partir le délai à compter de la nomination du président du tribunal d'arbitrage. On sait aussi que, entre la nomination des arbitres et la nomination du président, il y a aussi un délai; ce qui veut dire que, quand j'envoie mon grief à l'arbitrage, chaque partie nomme son arbitre, habituellement cela se fait rapidement, mais il est possible que la nomination du président puisse prendre un certain temps additionnel qui, lui aussi, va allonger les 90 jours. Ce qu'il faut mentionner c'est que les 9Q jours partent de la nomination du président. Cela veut dire que, à partir du dépôt du grief à l'arbitrage, on peut facilement se rendre à 120 et 150 jours, du moment où le grief a été déposé, compte tenu des délais qui peuvent arriver, au moment de la nomination du président. Il me semble que ça serait suffisant pour qu'on ait une sentence au bout de la ligne.

M. Forget: Est-ce que, soit le ministre ou le député de Sainte-Marie, pourrait me dire si on peut exclure que, au moment de leur nomination, les arbitres n'exigeront pas, dans les faits, un consentement d'avance, par écrit, à ce que les délais ne soient pas invoqués contre eux? Est-ce que ce n'est pas humain et naturel de demander ça et d'offrir, en contrepartie, de la part de l'arbitre, qu'il n'invoquera pas non plus son pouvoir de convoquer les parties en des moments et dans des délais qui ne leur seraient pas acceptables. Est-ce que, ce n'est pas une entente qu'on peut s'attendre à voir se répandre, un type d'entente qu'on peut s'attendre à voir répandre?

M. Johnson: II y a deux choses. Il y a d'abord le fait que, a priori, je m'attends que des arbitres décideraient, à peu près automatiquement, au moment de leur nomination, sur une espèce de formulaire type, d'obtenir un délai, mais on dit bien que ce délai supplémentaire doit être d'un nombre de jours précis. Alors, je pense que l'intention du législateur est très claire à ce niveau-là et cela le met dans une situation plus difficile. Deuxièmement, quand ils auront fait cela cinq ou six fois, alors que d'autres réussissent à le faire en respectant les 90 jours, on assistera à une épuration de fait de la liste des arbitres. Troisièmement, je pense qu'un arbitre n'a pas le droit de se priver, par écrit, de dispositions qui lui donnent le pouvoir de convoquer les parties, d'après la loi. Je pense qu'il ne peut pas. Evidemment, de fait, il peut dire: Ecoutez, etc., mais cela va carrément à l'encontre de la loi puisqu'on dit qu'il a le pouvoir; il ne peut quand même pas abdiquer ce pouvoir sur le consentement des parties.

M. Forget: Si le ministre en venait à la connaissance de faits de ce genre-là, est-ce qu'il irait jusqu'à radier du tableau des arbitres un arbitre qui s'en serait rendu coupable?

M. Johnson: Cette question se situe dans le contexte, de façon générale, de l'appréciation de la liste des arbitres et je pense que ce qu'il faut faire, c'est d'amener, entre autres, le conseil consultatif... Il sera toujours inévitable de trouver, sur la liste des arbitres, dix personnes avec une tendance nettement syndicale, dix personnes avec une tendance nettement patronale, et parfois se glissent à travers cela des gens qui ont vraiment un respect des deux parties et qui ne posent pas de problème. Mais on dit: Tu me passes Untel et je te passe Untel. C'est un peu comme cela que cela se fait. Je pense qu'à un moment donné, il va falloir qu'au CCTMO, avec le temps, on arrête d'agir un peu comme cela et qu'on essaie de trouver des arbitres qui ne soient pas nécessairement des mordus d'un côté ou de l'autre.

Deuxièmement, dans le contexte de la première convention collective, je peux vous dire qu en ce qui me concerne, et j'en suis sûr en ce qui concernera tous les titulaires qui me suivront à ce ministère, on va probablement exiger que les membres au CCTMO qualifient, de façon bien particulière, la compétence de ceux qu'ils veulent être, de ceux qui pourraient être les arbitres d'une première convention collective. Il faudra exiger des qualités assez particulières, je pense, de ces gens-là. Il faudra qu'ils s'entendent vraiment et qu'ils trouvent, non pas deux candidats dont les qualités ou les tendances s'annulent, mais deux candidats qui, eux-mêmes, font un peu une synthèse des deux tendances, dans la mesure où cela est possible. En fin de compte, il y a également des plaintes. Il y en a une qui a été formulée récemment par un groupe, à l'encontre de l'intervention d un arbitre, et j'ai soumis cette plainte au conseil consultatif. C'était un arbitre qui avait agi comme procureur d'une partie à une certaine époque et qui, quelques mois plus tard, était arbitre exactement dans ce litige, ce qui, même si ce n'est pas interdit formellement par la loi, m'appa-raît un peu aberrant. Je pense qu'il y a une tendance à rendre un peu plus sérieux tout le contexte de la nomination des arbitres. Je pense que c'est essentiellement à partir de directives et de suggestions que le ministre peut faire au CCTMO. Je ne pense pas que ce soit par la loi qu'on puisse l'impartir. Il va falloir qu'on puisse considérer ce groupe comme un groupe vraiment très qualifié. Ce n'est malheureusement pas le cas de tous les arbitres en ce moment. Je pense que la partie syndicale et la partie patronale s entendent pour dire que, depuis trois ou quatre ans, il y a une amélioration considérable de la qualité au niveau des arbitrages. Je pense qu'il y a encore beaucoup d'efforts à faire dans ce sens.

M. Forget: Pour terminer sur ce sujet, je voudrais souligner la signification et l'importance des propos que vient de tenir le ministre. Je suis sûr que tous les arbitres vont lire le compte rendu du journal des Débats sur les quelques derniers articles, y compris celui sur lequel nous délibérons dans le moment. Je pense qu'ils vont probablement voir dans les propos du ministre un avertis-

sèment. Ce n'est peut-être pas inapproprié. Le ministre nous dit qu'il n'a peut-être pas l'intention de purger les arbitres, mais il a sûrement l'intention de purger la liste des arbitres, et qu'il y a un certain nombre de critères et de facteurs dont il va tenir compte dans ce processus, en particulier le respect des délais et des pouvoirs que la loi leur attribue.

Le Président (M. Clair): Le député de Sainte-Marie. Vous aviez demandé la parole?

M. Chevrette: Oui, avant.

Le Président (M. Clair): Le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: J'ajouterai dans ce cas-là, pour les fins du journal des Débats, peut-être aussi pour notre gouverne, qu'il y a beaucoup de retards dans les arbitrages qui ne sont pas dus aux arbitres, mais bien aux procureurs des parties. Il y a des procureurs qui en prennent beaucoup plus qu'ils sont capables d'en faire, qui se retrouvent avec un nombre incalculable d'arbitrages sur les bras et qui ne peuvent pas répondre nécessairement au rythme fixé par les présidents des tribunaux, par exemple.

Je pense qu'avec une autorité un peu plus directe, au tribunal comme tel, cela empêchera les procureurs de s'entendre aussi facilement entre eux, car les syndicats deviennent même les victimes des procureurs. Cela, je l'ai vécu dans le domaine de l'éducation à plusieurs reprises. C'est peut-être un peu farfelu de dire ça, mais il faut l'avoir vécu. En tout cas, moi, je l'ai vécu pendant douze ans pour me rendre compte que des procès et des arbitrages s'étirent indûment, précisément à cause des procureurs.

Je dois dire, on en a parlé samedi avec le député de Saint-Laurent, de la nomination des arbitres, que je pense que le monde ouvrier, autant patronal que syndical, était en train de faire cette épuration d'arbitres que le gouvernement ne faisait pas. Beaucoup de syndicats et d'employeurs ont maintenant décidé d'inclure dans leurs conventions collectives une liste d'arbitres, parce que, précisément, ils avaient de la difficulté à s'entendre sur des arbitres nommés. Comme on le disait samedi, le patronat en présente dix, le syndicat en présente dix; accepte les dix miens et je vais accepter les dix tiens.

On n'avait peut-être pas cette qualité qu'on recherchait. Donc, dans le domaine public, par exemple, on sait que c'est une liste incluse à la convention collective, ce qui a corrigé sensiblement le système, et qui a fait en sorte qu'on avait des gars plus spécialisés, sur lesquels les parties s'étaient entendues.

Je crois que dans plusieurs domaines, même dans le domaine privé présentement, il y a une légère tendance; ce n'est pas encore marqué au point de dire que ça s'en vient majoritaire, mais de plus en plus, les parties s'entendent sur une, deux ou trois personnes, et ça leur fait un arbitre tou- jours en disponibilité, des gens qui sont prêts à agir.

A ce moment-là, on a des gens qui se spécialisent, qui rendent des sentences beaucoup plus appropriées. Il se développe une jurisprudence au niveau de ce réseau. Les types ne se contredisent pas d'une sentence à une autre. Je trouve que c'est peut-être la formule, au niveau de la réforme du Code du travail, qu'on pourra mettre de l'avant, précisément pour faire en sorte que nos tribunaux d'arbitrage soient expéditifs et rendent justice aux parties.

Le Président (M. Clair): La motion d'amendement du député de Saint-Laurent à l'article 49 à l'effet que le paragraphe 89e de l'article 49 soit modifié en remplaçant dans les troisième et quatrième lignes, les mots, "90 jours de la nomination du président du tribunal d'arbitrage", par les mots, "60 jours à compter de la fin de l'audition, y inclus la soumission des notes écrites", est-elle adoptée?

M. Johnson: Rejeté.

M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Clair): Rejeté sur division.

M. Johnson: M. le Président, au paragraphe 89j, simplement un ajout pour préciser le texte. On dit: "Le greffier ou une personne dûment autorisée par le commissaire général du travail peut certifier conforme toute sentence arbitrale déposée selon l'article 89f". Il faudrait lire: "Le greffier ou, à défaut de ce dernier, une personne dûment autorisée par le commissaire général."

M. Forget: Pourquoi cette règle: Si le greffier ne le fait pas, si quelqu'un d'autre le fait; c'est assez curieux?

M. Johnson: Cette personne est dûment autorisée, évidemment. L'idée est de ne pas permettre qu'il y ait deux sources simultanées possibles. En principe, on dit: Le greffier ou une personne dûment autorisée...

M. Forget: Je comprends le sens d'une modification récemment introduite, mais il me semble que l'article lui-même est un peu paradoxal, parce qu'on en fait un document officiel par le certificat du greffier. Il semble que, dans le fond, il y ait plus qu'une personne aux yeux du public et des gens non informés des rouages internes du ministère du Travail. Il reste que le certificat peut émaner de plus d'une source. Pas en même temps, bien sûr; mais ce n'est pas nécessairement le greffier.

Donc, en face d'un certificat, on aura peut-être un certain moment d'hésitation, de doute, en disant: Comment se fait-il que ce ne soit pas le greffier? S'il y a un greffier adjoint— parce que je pense qu'il y a un greffier adjoint dans les modifications — donc, il y a toujours un des deux qui devrait être capable de certifier les documents officiels qui appartiennent au tribunal, ou, en fait, au

ministère. Cela me semble une procédure un peu curieuse.

M. Johnson: En fait, M. le Président, comme me le rappellent mes juristes, à l'article 33, qui introduit 39d du code — c'est plus un amendement de concordance qu'autre chose — où il est question des décisions du commissaire du travail ou des agents d'accréditation quant à leur authenticité, la certification émane du greffier, ou à défaut de ce dernier, par une personne dûment autorisée par le commissaire général du travail. Il n'y a pas de greffier adjoint. Cela provient de là.

En admettant que le greffier est incapable d'agir, pour une raison ou pour une autre, ou absent, etc., il faut quand même permettre l'authenticité, la certification des documents. Cela peut être, par exemple, dans le cas d'un litige qui est devant les tribunaux et où on a besoin d'une copie conforme d'une décision de l'arbitre.

M. Forget: Oui, mais...

M. Johnson: Evidemment, il s'agit de savoir si c'est une autorisation générale ou spécifique, parce que le problème que pose le député de Saint-Laurent est celui de la spécificité ou non d'une autorisation.

M. Forget: A mon avis, il y a deux points. D'abord, la référence à 39d est exacte, mais c'est la même règle. Ce n'est pas une concordance en ce sens que c'est la même règle. Elle m'a échappé lorsqu'on a examiné l'article 33. C'est assez peu régulier. Deuxièmement, même si on insiste pour le faire, à ce moment-là, il me semble qu'on devrait prévoir, dans le pouvoir réglementaire, l'attribution du pouvoir de signature de ces certificats, de manière à ce que toute personne intéressée ait une source officielle, la Gazette officielle du Québec, pour savoir qu'un tel est autorisé à certifier des documents.

C'est quand même assez sérieux, certifier des documents. Il ne me semble pas qu'on devrait pouvoir le faire en vertu d'une autorisation spécifique donnée par écrit, par lettre, à M. Untel, mais qu'on devrait le faire par règlement, si on veut répandre un peu plus largement le pouvoir de certification. Autrement, je continue à prétendre — évidemment, on ne l'avait pas vu à 39d, c'est exactement la même objection — que maintenant qu'il y a un greffier adjoint... Je me demande si cette rédaction ne date pas d'avant qu'on ait introduit la notion de greffier adjoint. Il ne faudrait pas avoir deux remèdes pour le même mal, maintenant qu'il y a un greffier adjoint. Ordinairement, quand il y a un greffier adjoint, il y en a un à Québec et il y en a un à Montréal. Ils sont assez accessibles pour certifier des documents qui doivent être certifiés.

Je ne voudrais pas qu'on conclue trop rapidement là-dessus, parce que même si c'est un point de détail, c'est un principe important que le ministre veut peut-être prendre en délibéré et y repenser.

M. Johnson: En pratique, le commissaire gé- néral du travail va certifier les documents. Il y a le greffier qui, maintenant, a des attributions qui lui sont confiées en vertu d'articles qu'on a adoptés entre 25 et 40. De fait, l'autorisation fait l'objet d'un écrit. Cela peut être dans les procédures qu'on prévoit, par exemple, à l'annexe 1 du code, où c'est effectivement une sorte de manuel de procédure des décisions qui sont entre les mains des commissaires-enquêteurs ou du commissaire général. Cela pourrait être inclus à ce niveau-là.

Je comprends le problème que soulève le député de Saint-Laurent. Cela pourrait se faire par une publication dans la Gazette officielle que telle personne doit être considérée comme la personne dûment autorisée pour certifier les documents en l'absence du greffier.

M. Forget: C'est comme le pouvoir de signature, M. le Président, on a cela dans les ministères maintenant. Pour toutes les lois des ministères, c'est le ministre qui signe, ou le sous-ministre, mais toute personne par délégation; à ce moment-là, cela apparaît dans la Gazette officielle; il y a un règlement. On dit: Le sous-ministre adjoint en charge de l'équipement peut accepter l'état des travaux et ordonner le paiement d'une facture d'un plâtrier ou d'un plombier. Les gens savent que, si c'est autorisé par ce fonctionnaire, le paiement est légal et régulier. Autrement, si on dit: Le ministre peut déléguer à son chef de cabinet ou à sa secrétaire etc., le pouvoir de certifier les documents, cela va être un méli-mélo dans l'administration publique. Ces autorisations peuvent se perdre, être égarées. A un moment donné, on en retrouve une, cela ne peut être prouvé.

M. Johnson: M. le Président, je veux bien suspendre l'article 89j. On va essayer de trouver ou une réponse adéquate ou une modification adéquate pour être bien sûr que cela ne pose pas de problèmes. En fait, l'article était là à l'origine. Seulement pour le situer à nouveau dans le contexte, c'est important, l'article était là à l'origine pour faire en sorte que la Cour supérieure, par exemple, dans un bref d'évocation qu'il pourrait y avoir, parce qu'il y a toujours une possibilité de bref d'évocation si l'arbitre accepte cette juridiction, quand il y a un bref d'évocation qui va en Cour supérieur, le juge de la Cour supérieure va dire: Quelle est la sentence arbitrale sur laquelle il y a un bref d'évocation? On a besoin du document. On faisait venir alors le commissaire général du travail, le commissaire-enquêteur chef, M. Plourde. Evidemment, c'est cela qu'on veut éviter, soit de permettre qu'il y ait un document certifié. Je suis d'accord avec le député de Saint-Laurent théoriquement, pour le moment en tout cas — je vais en discuter de nouveau avec les juristes un peu plus tard — . Techniquement, c'est que le juge en Cour supérieure qui verrait que c'est ni le commissaire général du travail ni le greffier qui ont signé le document, se poserait la question pour savoir si c'est bien un document certifié.

Le problème est finalement la signification du "dûment autorisé". Est-ce que c'est une formule adéquate? On va regarder cela.

M. Forget: C'est cela!

Le Président (M. Clair): De sorte que je peux en conclure que l'adoption de l'article 49 est suspendue, sauf en ce qui concerne l'étude de 89j qui n'est pas terminée.

M. Forget: C'est-à-dire qu'on a sauté d'une place à l'autre, M. le Président. J'ai une autre question...

Le Président (M. Clair): Cela va! Allez-y!

M. Forget: ... relatif à l'article précédent dont on n'a pas parlé du tout, à 89i. On dit: Le président du tribunal d'arbitrage doit conserver le dossier de l'arbitrage pendant deux ans à compter du dépôt de la sentence. Cela aussi est une règle que je trouve un peu curieuse. Je comprends que le président du tribunal, peut être un avocat en pratique privée, par exemple. C'est à lui qu'on confie la garde du dossier. Etant donné qu'on a des greffiers et un greffier adjoint, on a, un greffe qui pourrait avoir ce rôle de conserver les dossiers etc. Le nom même l'indique, un greffe, dont le rôle est d'émettre des copies si des copies doivent être émises etc., de constituer des espèces de plumitifs des causes qui ont été ouvertes et fermées, etc. Ne serait-il pas plus normal que, si on veut faire conserver des dossiers — j'imagine en cas d'appels éventuels — la garde des dossiers soit publique, soit par un organisme public plutôt que de garder les dossiers dans des bureaux privés, un peu partout. Les gens peuvent mourir; leur succession arrive dans le bureau et on dit que ce sont là de vieilles paperasses. On regarde les décisions qui ont été rendues, celles qui n'ont pas été rendues. Pour celles qui ont été rendues on dit: Bon, c'est fini cette affaire-là, et on met cela au panier. Finalement, le dossier est perdu. Je ne suis pas sûr si ces gens-là ont des obligations de confidentialité, de la même façon que les greffiers du tribunal en ont, etc. Il me semble que ce serait plus normal qu'une fois que la sentence est rendue, le président du tribunal remet une copie au greffe de l'original du bref de sa décision, qu'il transmet le dossier et qu'il obtient, s'il veut un récépissé du greffier disant que le dossier a été remis. Au moins, ils sont en registre et il ne devrait y avoir une règle de destruction qu'après cinq ans. Il me semble que ce serait plus normal d'avoir, maintenant qu'on a un greffier, donc un greffe, de le conserver de cette façon plutôt que par une obligation à l'individu.

M. Johnson: Je n'aurai sans doute pas une réponse parfaitement satisfaisante pour le député de Saint-Laurent sur cela non plus. Les avocats sont tenus, d'après la Loi du Barreau, de conserver les dossiers cinq ans avant de procéder à leur destruction. Comme les arbitres n'étaient pas toujours avocats, certains avaient pris sur eux de conserver... Quand on parle des dossiers, on ne parle pas de la sentence, évidemment. Pour la sentence, il n'y a pas de problème. On parle de l'en- semble des documents relatifs à la cause en question. Certains des arbitres les conservaient cinq ans, d'autres deux, et d'autres n'adoptaient absolument aucune règle. Ils avaient besoin d'une règle de conduite à cet effet. Le désavantage d'obtenir le dépôt de l'ensemble des pièces au ministère... On va tout de suite comprendre que quand on parle d'arbitrage de griefs... L'arbitrage des différends, cela ne poserait pas trop de problème, parce qu'il y en a relativement peu, mais l'arbitrage des griefs, on me dit que cela en fait 1500 par année, c'est beaucoup. Cela veut dire un plumitif, des espaces, du personnel. Cela veut dire beaucoup de choses, compte tenu du nombre de causes. Pardon?

M. Forget: J'utilisais le stade olympique. Cela pourrait servir à quelque chose.

M. Johnson: Oui, le stade olympique. Pour ces raisons, il nous apparaissait normal de donner une règle de conduite aux arbitres, qui en veulent une d'ailleurs. Ce sont eux qui nous ont fait part de cela. Ils veulent avoir une directive de la loi quant à cela. Certains les conservaient cinq ans, certains les détruisaient immédiatement ou étaient peu soucieux et se demandaient si c'était juste de le faire. On leur dit: Dorénavant, on présume que le dossier inclut une copie de la sentence et l'ensemble des pièces concernant cette sentence. Quant au ministère, il est intéressé à avoir la sentence qu'il conserve simplement dans un greffe, sans règle de destruction et sur laquelle on peut faire des recensements de jurisprudence arbitrale, des recherches, etc. Puisque ces décisions ne sont pas susceptibles d'appel, cela ne pose pas de problème non plus. On a trouvé que deux ans, c'était une règle qu'on pouvait imposer. Deuxièmement, on a jugé qu'il n'était pas utile, il était même onéreux pour le ministère d'avoir les copies des 1500 griefs annuels.

M. Forget: Enfin, c'est une façon de voir les choses. Je n'en ferai pas une guerre de religions. Poser le problème...

Le Président (M. Clair): Oui, le député de Richmond.

M. Brochu: J'aimerais obtenir une précision de la part du ministre. C'est plutôt une nuance de termes. Dans la première version du projet de loi no 45, on maintenait le terme "décision arbitrale". Voici que maintenant, dans la version révisée, on parle de sentence arbitrale. J'aimerais demander au ministre pourquoi on a décidé d'employer cette expression "sentence arbitrale" plutôt que "décision arbitrale ", comme l'avait d'ailleurs demandé la conférence des arbitres.

M. Johnson: C'est essentiellement une question de sémantique juridique. Les lois de 1901, 1909, 1944 deux fois, 1949 et 1964 ont toujours utilisé l'expression "sentence ", en anglais l'expression "award" et non pas "decision". On a finale-

ment décidé de restaurer la pratique qui veut qu'on parle de sentence arbitrale et non pas de...

M. Brochu: ... uniforme dans tous les textes. M. Johnson: C'est cela.

Le Président (M. Clair): Pouvons-nous considérer l'étude de l'article 49 terminée, à l'exception du paragraphe 89j?

M. Forget: Oui, M. le Président.

M. Johnson: M. le Président, pour éclairer les membres de la commission, d'ici 13 heures nous allons procéder à l'étude des articles 49a et 50 et, par la suite, aborder deux articles qui étaient en suspens, 15 et 21, je crois.

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Clair): L'article 49a?

M. Johnson: C'est un nouvel article dans lequel on précise qu'une mésentente qui serait soumise à l'arbitrage par suite de la volonté des parties est assujettie à tous les articles précédents relatifs à l'arbitrage des griefs. Donc, on prend soin de préciser, cependant, qu'un différend, c'est-à-dire une réouverture des négociations prévue à l'article 95, ne serait pas assujettie au respect de cette procédure. L'article 49a du projet de loi se lirait donc comme suit: "L'article 90 dudit code est remplacé par le suivant: "90. Pendant la durée d'une convention collective, toute mésentente autre qu'un grief au sens de l'article 1 ou autre qu'un différend pouvant résulter de l'application de l'article 95, ne peut être réglée que de la façon prévue dans la convention et dans la mesure où elle y pourvoit. Si une telle mésentente est soumise à l'arbitrage, les articles 88 à 89j s'appliquent".

Je m'excuse. Le mot "réglée " à la quatrième ligne doit être au féminin singulier. Article 50... L'article est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Clair): Article 50.

M. Johnson: II s'agit ici simplement d'une question de concordance. L'article 50 se lit comme suit: "L'article 91 dudit code est modifié par le remplacement du premier alinéa par le suivant: "Le lieutenant-gouverneur en conseil détermine, par règlement, la rémunération des membres du conseil d'arbitrage et du tribunal d'arbitrage". Cela correspond en fait à l'article 50 du projet de loi, dans lequel il y a tout simplement une concordance de vocubalaire. L'article 50 est-il adopté?

M. Forget: Adopté. M. Brochu: Adopté.

Le Président (M. Clair): Adopté.

M. Johnson: Nous revenons à l'article 15 du projet de loi, quant au sous-paragraphe d) de l'article 24a. Il s'agit évidemment de l'exclusion de certaines personnes — on s'en rappellera. Pour simplifier les choses, il s'agit en fait du calcul de la représentativité ou de la majorité nécessaire. Il pourrait arriver qu'une association accréditée ait la majorité, mais à condition qu'on inclue les personnes qui, elles-mêmes, sont susceptibles d'être déclarées plus tard, par un commissaire-enquêteur, comme ne faisant pas partie de l'unité. On clarifierait donc le texte de la façon suivante, en disant: "peu importe que les personnes sur lesquelles il n'y a pas accord soient éventuellement, suivant la décision du commissaire du travail, incluses dans l'unité de négociation ou qu'elles en soient exclues". En d'autres termes — et il faut bien lire jusqu'à la fin l'amendement que j'apporte parce que le "peu importe" semble ambigu — ce qu'on dit c'est que la majorité est la majorité réelle de ceux qui seront compris dans l'unité de négociation une fois que la décision, quant à l'exclusion de certaines personnes, aura eu lieu.

Je ferais lecture de l'amendement qui se lirait comme suit: "Que le sous-paragraphe d de l'article 24a proposé par l'article 15 du projet de loi soit remplacé par le suivant: "d). Si l'agent d'accréditation constate qu'il y a accord entre l'employeur et l'association sur l'unité de négociation, mais non sur certaines personnes visées par la requête, il accrédite néanmoins l'association sur-le-champ si cette dernière jouit du caractère représentatif pour l'unité de négociation demandée, peu importe que les personnes sur lesquelles il n'y a pas accord soient éventuellement, suivant la décision du commissaire du travail, incluses dans l'unité de négociation ou qu'elles en soient exclues. En même temps, l'agent d'accréditation fait un rapport du désaccord visé ci-dessus au commissaire général du travail et en transmet une copie aux parties. Le commissaire général du travail saisit alors un commissaire du travail de l'affaire. Ce désaccord ne peut avoir pour effet d'empêcher la conclusion de la convention collective".

M. Forget: M. le Président, quant au fond, cette rédaction reprend en substance un amendement que nous avions présenté visant à régler, de façon absolument explicite, cette question. Nous n'avons certainement pas d'objection. Au niveau de la rédaction, c'est cependant une assez curieuse rédaction. Je ne pense pas qu'on ait vraiment amélioré la rédaction, M. le Président. Sur la forme, c'est un style assez curieusement... On prend le plus long chemin de a à b parce qu'on fait un grand détour. Dans le fond, toute une partie de cet ajout est complètement inutile.

Si les personnes dont on conteste l'inclusion sont incluses, et qu'on obtient le caractère représentatif de cette façon, il est clair que, là, on préjugerait du jugement. Donc, ce n'est pas vraiment ça qu'on vise; on vise le cas où, même si on exclut ces personnes, on conserve, malgré tout, le carac-

tère représentatif, c'est-à-dire qu'on a, malgré tout, 50% plus un.

M. Johnson: C'est mon interprétation. Enfin, je pense que, si on lit lentement le texte, c'est bien ce qu'on dit, c'est que le caractère représentatif exige que ces personnes ne soient pas exclues. Si les personnes sont exclues... En d'autres termes, disons que le nombre de personnes est de 100, que le vote est de 52, mais qu'il y a trois personnes dont on conteste l'inclusion. S'il y a trois personnes dont on conteste l'inclusion, le vote n'est plus 52, mais 49, donc ce n'est pas représentatif.

M. Forget: D'accord, ce n'est pas représentatif. Alors, c'est seulement dans l'hypothèse où l'exclusion des personnes contestées fait perdre le caractère représentatif que la règle est importante?

M. Johnson: C'est ça.

M. Forget: Mais c'est tout ce qu'on a visé, il n'est pas nécessaire de prévoir deux hypothèses, parce qu'il est clair que, si on est rendu à 59 ou 60, il n'y a pas de problème, à les inclure. Ce qu'il s'agit de faire ce n'est pas de les inclure dans le calcul, il s'agit de les exclure; or, l'amendement, tel que formulé, suggère que peu importe qu'ils soient inclus ou exclus. Evidemment, ce n'est pas le problème, s'ils sont inclus, il n'y a pas de problème; c'est, s'ils sont exclus, qu'il y a un problème. L'amendement, dans le fond, fait allusion aux deux possibilités, alors que notre amendement faisait allusion à seulement une possibilité. C'est pour cela que je dis qu'il y a des mots inutiles dans le fameux cas du législateur qui ne parle jamais pour ne rien dire; dans ce cas-là, je pense qu'il dit au moins un bout de phrase pour ne rien dire.

M. Chevrette: M. le député de Saint-Laurent, vous disiez que vous vouliez toujours avoir des textes clairs pour que l'ouvrier puisse comprendre le texte comme il faut. Là, il est très clair, on dit les deux côtés.

M. Forget: Oui, mais dans l'autre cas aussi il était clair.

M. Johnson: Oui, mais cependant, M. le Président, c'est qu'il y a une autre situation possible. Prenons l'exemple où l'employeur aurait intérêt à considérer que certaines personnes doivent être incluses dans l'unité de négociation parce qu'il y a très peu de gens qui sont impliqués, il essaie de faire inclure deux de ses contremaîtres pour faire changer le caractère représentatif. Cela devient extrêmement important. En fait, le syndicat n'a pas intérêt à ce que les contremaîtres soient considérés parce qu'on pourrait présumer, dans une hypothèse comme celle-là, qu'ils vont s'arranger pour que ce soit telle association plutôt que telle autre qui ait un caractère représentatif. Alors, ce qu'on fait, c'est qu'on dit: Peu importe la décision, quant à l'exclusion, il faut que le caractère repré- sentatif soit en fonction de ceux qui sont clairement inclus au départ et si, par la suite, on décide de les exclure ou de les inclure, ces personnes qui pourraient être qualifiées de contremaîtres, pour favoriser une partie ou l'autre, finalement, compte tenu du contexte, ça ne doit pas avoir de valeur déterminante sur le caractère représentatif au départ. C'est extrêmement important, c'est, à la fois, pour protéger l'employeur qui verrait le syndicat inclure des gens qui ne devraient pas être membres de l'unité et, de la même façon, pour protéger le syndicat contre l'employeur qui, lui, voudrait faire inclure certaines personnes parce qu'il a peut-être des visées qui ne sont pas louables.

M. Forget: J'ai un autre problème à soumettre. Je m'excuse, c'est qu'il y a vraiment une question qui se pose et je ne suis pas sûr qu'on en ait adéquatement traité. Il y a deux façons de traiter des gens dont l'inclusion, dans l'unité de négociation, est contestée. On peut regarder le pourcentage de votes obtenu. C'est toujours un ratio, c'est toujours "tant " sur un total possible "de", et dire: Dans ce ratio, étant donné que, au numérateur, apparaissent ceux qui ont souscrit et, au dénominateur, le nombre total d'employés dans l'unité de négociation, on va le considérer représentatif si, même en soustrayant du numérateur les personnes contestées, on obtient, malgré tout, plus que un demi comme ratio, après coup.

On peut aussi, selon la rédaction de la loi, envisager qu'on modifie, à la fois, le numérateur et le dénominateur. C'est-à-dire que, non seulement on le soustrait du nombre de ceux qui ont donné leur adhésion, mais on le soustrait de l'unité de négociation, de manière que — et là il faudrait garder, mathématiquement, toutes les possibilités auxquelles ça donne lieu, mais, effectivement, si on le soustrait de l'unité d'adhésion, on peut avoir une majorité malgré tout, dans les cas où c'est très près. Dans le cas actuel, je pense qu'il n'est pas très clair... Quelle est l'opération arithmétique, dans le fond, qu'on essaie de décrire avec des mots? Est-ce qu'on essaie de décrire simplement une soustraction au numérateur ou une soustraction à la fois au numérateur et au dénominateur? Cela n'aura pas le même effet dans des cas limites, bien sûr. Ma version, ce serait qu'on soustraie du numérateur et du dénominateur.

M. Johnson: C'est ce que cela permet ici, à mes yeux.

M. Forget: Oui.

M. Johnson: Prenons l'exemple que je donnais tout à l'heure, l'unité visée, c'est 100. Les adhésions, c'est 52. Il y a 3 personnes qui font l'objet d'une contestation. Alors, c'est 52 moins 3, c'est 49; mais c'est aussi 100 moins 3, cela fait 97. 49 sur 97, cela donnerait le caractère représentatif quand même.

M. Forget: Je vois. Je pense que cela est très clair. Je pense que c'est important qu'on le dise au journal des Débats, parce que ce genre de discus-

sions peut fort bien se reproduire en réalité. D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Clair): L'article 15 est-il adopté?

Des Voix: Adopté.

Le Président (M. Clair): Adopté.

Nouvelle requête en accréditation

M. Johnson: Article 25, M. le Président.

Le Président (M. Clair): L'article 25, dont l'étude avait été suspendue.

M. Forget: C'étaient les fusions des entreprises.

M. Johnson: C'est cela.

M. Forget: Nous avions une motion d'amendement que nous n'avions pas déposée formellement, en attendant une nouvelle formulation de l'article.

M. Johnson: On maintient le texte, M. le Président, tel qu'il est là. En fait, ce que je vais faire, c'est produire des explications. Dans le cas de l'intégration scolaire ou municipale ou d'une commission de transport, il s'agit de quelque chose qui ne relève pas du tout des parties, d'aucune des parties, ni même de la municipalité elle-même, d'une certaine façon, de celui qui est l'employeur; en d'autres termes, cela ne relève pas nécessairement de celui qui est l'employeur, tandis que, dans le cas du secteur privé, par définition, cela relève de la volonté de la partie qui est l'employeur. Ce qu'on dit, en d'autres termes, c'est que si, dans le secteur public, par exemple, il y a une requête en accréditation pour les employés d'une commission de transport et qu'il y a fusion en cours de requête de cette commission de transport avec une autre, il peut y avoir un désistement, mais ce désistement, de la part de ceux qui demandaient l'accréditation, n'a pas pour effet de leur imposer un délai additionnel de trois mois pour décider de procéder à une nouvelle requête. Cependant, dans le secteur privé, dans tous les autres secteurs qui ne sont pas visés par l'article, on dit... Par exemple, une association décide d'obtenir l'accréditation pour une unité de telle compagnie; en cours de route, la compagnie fusionne avec une autre ou connaît des additions, etc., on va continuer à entendre l'audition d'accréditation. Cela n'empêche pas le commissaire-enquêteur de décider que ce n'est pas une idée appropriée, compte tenu des changements apportés par la fusion; mais s'il y a désistement, on dit qu'il y a un délai automatique de trois mois qui est impliqué. Cela pourrait techniquement — j'ai un peu de difficulté à trouver des scénarios précis — mais il semble que ça pourrait, technique- ment, permettre à un employeur de jouer sur ces fusions.

D'autre part, ça pourrait permettre au syndicat, en anticipation d'événements déjà annoncés, de procéder à imposer au commissaire du travail, de venir constater sur une requête en accréditation, alors qu'ils savent très bien qu'un mois plus tard, ils vont se désister pour pouvoir immédiatement reprocéder sur la qualification d'une unité plus grande ou différente, quant à sa composition à cause de la fusion.

Mais comme ça ne relève pas de quelque chose de décidé par la loi, ou de par la loi, de façon indirecte, par des corps publics, par ce dont il s'agit, on considère que la règle générale devrait continuer à être celle qui s'appliquait.

M. Forget: Je pense que c'est une explication qui n'en est pas une, dans le fond; mais ce n'est pas la faute du ministre. Plus je regarde cet article, plus je me demande ce qu'il vient faire dans le Code du travail. On n'en est pas vraiment à des délais de trois mois, dans des processus comme ceux-là, qu'on applique dans certaines circonstances et qu'on n'applique pas dans d'autres circonstances. C'est extrêmement ténu comme distinction, et ça m'apparaît comme un article du Code du travail qui est de trop. J'ai l'impression que c'est le genre d'article qui a dû être adopté parce qu'il y a eu un cas, dans les mois qui ont précédé la rédaction du Code du travail, où il y a eu un problème et on s'est dit: On va le régler en prévoyant que ça ne peut pas se reproduire.

Vraiment, je ne vois pas ce qu'on veut régler de fondamental ou d'important avec ça, un délai de trois mois, à savoir si on doit recommencer à le recalculer ou pas. De toute manière, étant donné le temps que ça va prendre pour se retourner de bord dans ces circonstances, cela n'a pas tellement d'importance.

M. Chevrette: Peut-être, M. le député de Saint-Laurent, s'il y avait eu un rejet par le commissaire-enquêteur, quelques mois avant la fusion... On sait que la fusion est prévue en vertu de l'article 36 du code actuel. Pour éviter qu'il y ait des problèmes au niveau de la fusion, il est possible qu'un commissaire-enquêteur ait à nouveau une demande, se prononce sur le sujet et que l'automaticité de l'article 36 agisse par la suite. C'est peut-être, comme vous dites, des cas d'exception, d'extrême exception, mais il reste que je pense que c est peut-être important qu'elle soit là pour prévoir ces cas.

M. Forget: Mais dans la mesure où c'est important, je suis encore persuadé que dans tous les cas où il y a des changements de circonstances, que ce soit dû aux parties ou pas, c'est de toute façon du côté patronal que ça va se situer. Le degré de l'implication patronale va varier selon qu'il s'agit de fusion de commissions scolaires, si on doit encore en connaître, ou de fusions d'entreprises. C'est une question de degré, de toute façon. Et ce que l'article dit, c'est qu'une fusion ne doit

pas porter préjudice à l'association de salariés, sur le plan des délais.

Je me dis, de toute manière, c'est si peu catastrophique et si peu grave, éliminons l'article ou donnons-lui une application générale dans tous les cas de fusion.

M. Johnson: Une dernière remarque, M. le Président, c'est qu'il faut retenir, à la troisième ligne de l'article 31, dans le cas du désistement. C'est, en fait, essentiellement, pour dire aux associations qui essaient d'obtenir des accréditations, parfois par une requête presque futile, qu'elles ne peuvent pas le faire de façon impunie.

Par exemple, une association accréditée dépose une demande avec 10%. Cela déclenche tout un processus. On amène un commissaire-enquêteur dans le dossier, on est obligé de procéder à la confection des fameuses listes, etc., alors qu'en fin de compte on sait très bien qu'il n'y a pas de caractères représentatif, que c'est une série d'efforts... C'est pour cela qu'on maintient la règle des trois mois, pour ne pas donner lieu à des abus de demandes d'accréditation qui seraient futiles, sauf qu'on fait une exception pour les cas où il y a une fusion, à toutes fins pratiques, imposée par la loi ou par un corps public.

M. Chevrette: Cela pourrait être une stratégie, par exemple, pour aller chercher la liste des employés.

M. Johnson: C'est cela.

M. Forget: Enfin.

M. Chevrette: Tous les moyens sont bons.

Le Président (M. Clair): L'article 25 est-il adopté?

M. Johnson: Adopté, M. le Président.

M. Forget: Oui, M. le Président, on ne fera pas non plus de guerre de religion sur celui-là.

Le Président (M. Clair): Adopté.

Mesures en cas de grève ou de lock-out

M. Johnson: M. le Président, nous allons procéder à la distribution des articles 51 et 52 et je vais en faire lecture, sous réserve d'une suspension...

M. le Président, l'article 51 du projet de loi se lirait comme suit: "Ledit code est modifié par l'insertion, après l'article 97, des suivants: "97a. Il est interdit à un employeur d'utiliser les services d'une personne pour remplir les fonctions d'un salarié représenté par une association accréditée qui a déclaré une grève conformément à l'article 46 et, le cas échéant, à l'article 99, ou d'un salarié lock-outé, lorsque cette personne a été embauchée entre le jour où l'avis de négociation a été donné ou est réputé l'avoir été et la fin de la grève ou du lock-out; "b) D'utiliser, dans un établissement où une grève a été déclarée conformément à l'article 46 et, le cas échéant, à l'article 99, par une association accréditée ou dans un établissement où les salariés sont lock-outés, les services d'un salarié qui fait partie de l'unité de négociation alors en grève ou en lock-out à moins: "i. Qu'un accord ne soit intervenu à cet effet entre les parties et dans la mesure où il y pourvoit. "ii. Qu'une ordonnance ne soit rendue en vertu de l'article 99 ou qu'une décision ne soit rendue en vertu d'une loi permettant d'assurer les services essentiels en cas de conflit de travail et, dans ce dernier cas, dans la mesure où cette décision y pourvoit. "c) D'utiliser dans un autre de ses établissements les services d'un salarié représenté par une association accréditée qui a déclaré une grève conformément à l'article 46 et, le cas échéant, à l'article 99, ou d'un salarié lock-outé. "d) D'utiliser, dans un établissement où une grève a été déclarée conformément à l'article 46 et, le cas échéant, à l'article 99, par une association accréditée ou dans un établissement où les salariés sont lock-outés, les services de salariés qu'il emploie dans un autre établissement. "97b. Au cas de violation par l'association accréditée ou les salariés qu'elle représente, d'une ordonnance, d'une décision ou d'un accord visés aux sous-paragraphes i ou ii du paragraphe b de l'article 97a, l'employeur est exempté de l'application de l'article 97a dans la mesure où cela est nécessaire pour assurer le respect de l'ordonnance, de la décision ou de l'accord qui a été violé. "97c. L'application de l'article 97a ne peut avoir pour effet d'empêcher un employeur de prendre, le cas échéant, les moyens nécessaires pour éviter la destruction ou la détérioration grave de ses biens meubles ou immeubles. "Ces moyens doivent être exclusivement des moyens de conservation et non des moyens visant à permettre la continuation de la production de biens ou services que l'article 97a ne permettrait pas autrement. "97d. Sur demande, le ministre peut dépêcher un enquêteur chargé de vérifier si les articles 97a, 97b ou 97c sont respectés. "L'enquêteur peut visiter les lieux de travail, et se faire accompagner d'une personne désignée par l'association accréditée ou de toute autre personne dont il juge la présence nécessaire aux fins de son enquête. "Sitôt son enquête terminée, l'enquêteur fait rapport au ministre et envoie une copie de ce rapport aux parties. "L'enquêteur est investi, aux fins de son enquête, de tous les pouvoirs, immunité et privilèges d'un commissaire nommé en vertu de la Loi des commissions d'enquête."

Le Président (M. Clair): M. le ministre, au deuxième paragraphe de 97d.

M. Johnson: Pardon?

Le Président (M. Clair): Au deuxième paragraphe de 97d, vous avez lu "l'association accréditée ou de toute autre personne" et dans le texte il apparaît "et de toute autre personne". Au deuxième alinéa de 97d. Est-ce qu'on doit bien lire "et de toute autre personne"?

M. Johnson: Oui.

Le Président (M. Clair): Merci.

M. Johnson: Si le député de Saint-Laurent le permet, qu'on s'approche, il pourrait peut être lire 52.

L'article 52 se lirait comme suit: "Ledit code est modifié par l'insertion, après l'article 98, du suivant: "98a. A la fin d'une grève ou d'un lock-out, tout salarié qui a fait grève ou a été lock-outé a le droit de recouvrer son emploi de préférence à toute autre personne, à moins que l'employeur n'ait une cause juste et suffisante, dont la preuve lui incombe, de ne pas rappeler ce salarié. "Une mésentente entre l'employeur et l'association accréditée relative au non-rappel au travail d'un salarié qui a fait grève ou qui a été lock-outé doit être déférée au tribunal d'arbitrage comme s'il s'agissait d'un grief dans les six mois de la date où le salarié aurait dû recouvrer son emploi.

Les articles 38b à 38f et 88 à 89j s'appliquent. '

M. le Président, je demanderais la suspension...

M. Forget: De la conférence de presse.

M. Johnson: ... de nos travaux.

M. Forget: Ah non, pardon! De nos travaux.

Le Président (M. Clair): La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre et de l'immigration suspend ses travaux jusqu'à 15 heures aujourd'hui.

(Suspension de la séance à 12 h 56)

Reprise de la séance à 15 h 8

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!

La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est réunie pour continuer l'examen, article par article, du projet de loi no 45, Loi modifiant le Code du travail, et la Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Au moment où nous avons suspendu nos travaux, à 13 heures, nous en étions à l'étude de l'article 51. Le ministre du Travail avait procédé à la lecture des amendements proposés. Cependant, il n'avait pas fait ses remarques préliminaires de présentation. M. le ministre du Travail désire-t-il en faire?

M. Johnson: Oui.

Le Président (M. Clair): M. le ministre du Travail.

M. Bellemare: M. le Président, avant que le ministre ne commence, si je n'étais pas à la commission ce matin, c'est que j'ai forcément été obligé de rester en Chambre comme leader parlementaire pour activer les travaux qui, de fait, ont été très bien. Je suis sûr que je ne suis pas venu ici pour les entraver non plus.

Le Président (M. Clair): Nous vous en savons gré dans les deux cas, M. le député de Johnson. M. le ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, l'article 51 du projet de loi a fait l'objet de discussions considérables dans la population, auprès des premiers intéressés qui sont les agents dans le monde du travail au Québec, du côté des syndicats comme du côté des employeurs. Il a fait également l'objet de discussions à cette commission, à l'intérieur même du parti qui est en ce moment au pouvoir. Il a fait l'objet de commentaires que je ne reprendrai pas ici d'un bout à l'autre. Il s'agit d'un article qui introduit la notion de "briseur de grève" au sens où un briseur de grève est celui qui n'est pas nécessairement armé et qui est à la porte d'une propriété, mais au sens où un briseur de grève est celui qui rend inefficace une grève, dans la mesure où sa présence permet à l'employeur de faire comme s'il n'y avait pas de grève, de ne pas payer le prix économique, que celui qui est, en fait, la personne que ceux qui sont en grève paient. L'article ne vise pas à définir ce qu'est ou ce que n'est pas un "scab". Dans sa formulation, il introduit une prohibition faite à l'employeur d'utiliser les services de certaines personnes. Cette prohibition est à cette fin de ne pas utiliser une personne qui est membre du syndicat ou de l'unité représentée par ce syndicat en grève.

Deuxièmement, de ne pas utiliser les services d'une personne extérieure qu'il aurait embauchée après la période prévue pour l'avis de négociation. En pratique, à partir du moment où on définit ces groupes de négociation, il est évident que les membres des autres unités ou les membres ne faisant partie d'aucune unité qui sont chez un employeur ne sont pas couverts par cette prohibition.

En second lieu, cet article, à partir de 97a, sous-paragraphe b, avec i) et ii), définit cependant qu'il y a les premières exceptions à ce principe général. La première exception est évidemment celle qui prévoit l'existence d'une entente pour que certains membres de l'unité ou toute autre personne qui irait à l'encontre de 97a puissent effectivement être présents et mettre leur service à la disposition de l'employeur. C'est d'ailleurs en pratique ce qui se passe dans de nombreuses grèves au Québec, où le syndicat, avec l'employeur, négocie une sorte de protocole de sortie, dans lequel on s'entend quant à la présence ou à la possibilité pour certaines personnes d'entrer sur les lieux du travail pour faire des travaux qui sont de nature conservatoire, les travaux qui touchent l'entretien, des travaux qui sont là pour faire en sorte qu'on maintient l'état de l'équipement ou l'état de l'unité dans laquelle ceux qui sont en grève travaillent pour ne pas qu'elle soit détériorée au moment du retour.

La deuxième exception, donc au-delà de l'entente, c'est celle qui prévoit qu'une ordonnance est rendue à l'occasion d'une loi qui prévoit des services essentiels en cas de conflit de travail. Dans ce dernier cas, on précise bien que l'employeur ne pourra utiliser les services de personne que dans la mesure ou cela est spécifié dans cette ordonnance. Je m'explique. On pense immédiatement ici aux services essentiels reliés au secteur public et parapublic. Que ce soit la loi 253, que ce soit une autre loi puisque nous ne pouvons pas préjuger, à ce moment-ci, de l'existence, de la non-existence ou du contenu même de la loi 253, une fois que le gouvernement aura décidé de faire son lit sur le rapport Martin qui doit être remis à la fin du mois de janvier ou au début de février, on pourra avoir la situation suivante où dans le contexte d'une loi par exemple, on définit que 30 personnes sur 200 assurent les services essentiels dans un hôpital.

L'effet de la disposition ici est le suivant: On est dans une institution hospitalière en Abitibi, il fait froid, c'est l'hiver, il y a une tempête de neige, il y a 30 personnes sur 200 qui sont censées entrer pour assurer les services essentiels, mais il y en a 20 qui se présentent parce qu'il y en a 10 qui ont décidé de ne pas venir, parce qu'ils ne veulent pas respecter l'ordonnance, ou encore qui ne peuvent pas venir pour des raisons physiques ou autres. L'effet de "ii " est clairement de permettre à l'employeur, dans ces circonstances, d'utiliser des personnes qu'autrement, il ne pourrait pas utiliser en vertu de 97a, premier et deuxième paragraphes, mais dans la mesure où il s'agit d'aller chercher le nombre de personnes requis pour que l'ordonnance puisse s'appliquer. Donc, l'employeur ne pourrait pas faire entrer 200 personnes, il ne pourrait faire entrer que 10 personnes qui sont celles qui manquent en vertu de l'ordonnance.

Dans le cas des paragraphes c) et d), on prévoit qu'un employeur ne peut pas utiliser non plus un gréviste dans un autre de ses établissements, de la même façon qu'on prévoit qu'il ne peut pas utiliser quelqu'un qui est dans un autre établisse- ment pour le mettre à l'intérieur d'un établissement où il y a une grève.

On tombe ensuite à l'article 97b, où on prévoit qu'une violation de l'entente, de l'ordonnance ou de la décision permet, dans la mesure où cela est nécessaire, d'assurer le respect de l'ordonnance, de la décision ou de l'accord qui a été violé. C'est le scénario que j'ai donné, tout à l'heure, en anticipant un peu sur 97b.

Le paragraphe 97c prévoit que l'employeur ne peut pas être empêché, dans l'application de 97a, de prendre, le cas échéant — et l'expression le cas échéant, ici, fait évidemment de 97c une exception à la règle générale de 97a — les moyens nécessaires pour éviter la destruction ou la détérioration grave de ses biens meubles ou immeubles. C'est essentiellement cette clause qui a été l'objet des discussions récemment et dont on se rappellera. L'intention du gouvernement — et j'ai eu l'occasion de le dire le 22 novembre, lorsque j'ai déposé l'ensemble des amendements au projet de loi 45 — a toujours été de faire en sorte que 97a n'amène pas des situations absurdes que personne ne souhaiterait, dans le fond, mais qui, par le fait de la loi, mettraient l'employeur dans l'illégalité.

Je ne donnerai qu'un exemple. Prenons une usine où il y a 20 personnes, une usine où on fabrique des produits qui sont des explosifs. Il y a dans cette usine, dans le texte de la conciliation volontaire, le droit de grève acquis automatiquement et, à 17 heures, les salariés décident de faire une grève légale, mais le gérant de l'usine ou le contremaître du plancher, dans un contexte d'agressivité particulier, est dans un état tel qu'il n'obtient pas de collaboration des salariés qui sont là pour procéder à des opérations de nature vraiment conservatoire: fermer, par exemple, des tuyaux d'où émanent des gaz; restaurer un niveau de température dans des cuves contenant des acides ou des produits volatiles. Un ensemble d'éléments qui, par la force des choses dans le débrayage, exigent qu'il ait de l'aide. Il ne peut le faire seul.

Cependant — et cela a toujours été l'objectif du gouvernement — nous avons cru nécessaire, compte tenu de la difficulté réelle d'interpréter ces "moyens nécessaires " et que cela pourrait donner ouverture à des contestations judiciaires difficiles, longues, et qui nous mettraient dans une position telle qu'on n'atteindrait pas l'objectif visé qui est celui de restaurer, dans certains conflits, un climat de paix et de normalité minimale — même si une grève ou un lock-out, d'une certaine façon, ce n'est pas un phénomène qui devrait être coutu-mier, mais il y a un climat qui est nécessaire — nous avons donc précisé au deuxième paragraphe que ces moyens, permettant à celui qui aura à les interpréter advenant que quelqu'un viole les dispositions... Ces moyens doivent être exclusivement des moyens de conservation et non pas des moyens qui visent à permettre la continuation d'une production de biens ou de services qui autrement ne serait pas permise.

Quand on dit: "qui autrement ne serait pas

permise", il est évident qu'à 97a, puisque les membres des autres unités et ceux qui ne sont pas membres d'unités, qui ne sont pas représentés par syndicat, ne sont pas visés par la prohibition de 97a, il est concevable qu'une entreprise puisse atteindre une production minimale dans ce contexte. Ce qu'on dit, c'est que les mesures conservatoires qu'il prend ne doivent pas lui permettre, ne doivent pas viser à faire autre chose que ce qui est permis dans 97a, en termes de production de biens et services.

Quant à 97d, c'est l'introduction d'un enquêteur. Cet enquêteur, nommé par le ministre, peut faire enquête sur les lieux de travail et se faire accompagner d'une personne désignée par l'association accréditée ou toute autre personne. On pense, entre autres, à des secteurs où il y a un besoin d'expertise particulier quant à ce qu'est l'entretien par rapport à la production. Prenons le cas de toute forme d'alambic avec des acides; le fonctionnement d'un alambic, dans le cas de la fabrication de certains produits chimiques, est nécessaire 24 heures par jour, 365 jours par année. Sinon, il y a une fusion des matières et un blocage de l'ensemble de l'équipement. Dans certains cas, c'est un blocage ou un problème qui détériore de façon irrémédiable l'équipement.

Ce qu'il faut faire, c'est de permettre à l'enquêteur d'entrer sur les lieux, de constater quels sont les moyens utilisés par l'employeur, de les confronter avec ce deuxième paragraphe que nous avons ajouté à l'article 97c, et de dire: est-ce que ce sont des moyens de conservation et non pas des moyens qui visent à une production qui serait interdite autrement. L'enquêteur fait rapport, après avoir constaté sur les lieux, en compagnie d'une personne désignée par l'association accréditée si elle le juge à propos. Il fait rapport à la fois au ministre et aux deux parties, de telle sorte que les parties sont conscientes du contenu.

On peut croire que, de façon générale, les employeurs respecteront la loi telle qu'elle est là, et que, là où il y aura un litige, cet enquêteur, investi de tous les pouvoirs d'un commissaire nommé en vertu de la Loi des commissions d'enquête, par sa seule présence, pourrait amener un employeur récalcitrant à prendre des moyens qui sont dans le cadre de ce qui est défini à l'article 97c seulement. Même s'il persistait, le seul fait du dépôt d'un rapport auprès du ministre et des autres parties pourrait avoir un effet également quant à son respect des dispositions. Finalement, il reste toujours ce pouvoir qui ne peut être ailleurs qu'à la Cour supérieure, en vertu de nos lois, le pouvoir d'ordonner à quelqu'un de faire quelque chose.

La Cour supérieure, dans une injonction qui pourrait être prise par le syndicat, pourrait ordonner à l'employeur de cesser certaines des mesures qu'il qualifie de conservatoires, mais que l'enquêteur considérerait être des mesures visant à la production. Le rapport de l'enquêteur, à ce moment-là, pourrait servir de preuve, sans doute excellente à priori, devant le tribunal, sinon juste à sa face même, tout au moins introductive quant à la description des faits. Donc, l'ensemble de ces dispositions m'apparaît rejoindre ce qu'a toujours été l'objectif du gouvernement.

Deuxièmement, cette loi qui est une innovation dans la matière en Occident, avec deux exceptions, celles du Portugal et du Mexique, qui ne sont pas des lois tout à fait identiques et dont on ne connaît pas vraiment les difficultés d'application dans le cas du Portugal, puisqu'elle remonte à 1974-1975.

Il s'agit d'un morceau de législation qu'on peut qualifier carrément à l'avant-garde de toute législation similaire en Amérique du Nord. L'objectif qu'il vise, c'est de dédramatiser certaines situations. C'est en même temps de respecter la conception que nous avons, qui n'est pas nécessairement partagée, j'en conviens, de ce qu'est un véritable équilibre au niveau de l'exercice de ce droit légal de la grève prévu à l'article 46 et à l'article 99.

Pour ces raisons, M. le Président, je demanderai l'adoption de l'article 51 du projet de loi 45.

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Clair): Le député de Saint-Laurent. Un instant s'il vous plaît. Dans le but de respecter notre règlement, mais également de donner un cadre de travail le plus logique et le plus fonctionnel possible, je pense qu'il serait fonctionnel d'accorder un droit de parole général de 20 minutes sur l'article 51, à chacun des députés. Par la suite, lorsqu'une entente interviendra, j'imagine, pour discuter de l'article 51, soit par paragraphe ou autrement, à ce moment-là, on pourra considérer les amendements un par un.

Est-ce que ça va? Est-ce qu'il y a une entente à l'effet de considérer d'abord un droit de parole général des députés sur l'article 51?

M. Bellemare: En vertu de notre règlement, M. le Président, et de la convention qu'on a faite au début. Je pense que c'est bien logique, bien raisonnable.

Le Président (M. Clair): Ça va. Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Ce paragraphe ou cet article du projet de loi 45 est probablement celui qui a fait couler le plus d'encre, de salive, depuis l'introduction de ce projet de loi, le 29 juillet dernier.

Il est remarquable, non seulement à cause de l'intensité de la controverse qui l'a entouré de toutes parts, depuis le début, mais aussi à cause de son caractère inusité, unique même dans la législation du travail de tous les pays dont le Québec qui s'est, de temps à autre, inspiré dans la rédaction de ses lois du travail. Si, donc, nous en venons un jour, ou si d'autres que nous passant un jugement sur cette législation à la lumière de l'expérience, en viennent un jour à juger que c'est un échec, ils ne pourront pas en attribuer le démérite à d'autres qu'à celui qui en a pris l'initiative,

puisqu'il n'avait dans cela aucune expérience analogue, aucun parallèle qu'il pouvait tirer pour s'inspirer d'un tel projet de loi.

Mais mes propos de caractère général, M. le Président, s'adresseront sur deux aspects essentiels de ce projet de loi, deux aspects du moins, à l'aide desquels on a expliqué ou justifié l'introduction d'une pareille mesure dans notre Code du travail. En premier lieu, je parlerai de cette règle "an-tiscab" et des problèmes de violence lors de conflits de travail, et, en deuxième lieu, je parlerai de cette même mesure dans le contexte général des relations du travail, de la réalité des relations du travail et des autres dispositions du Code du travail.

Quant au premier point, la violence, nous sommes persuadés que cette règle, soit antibriseur de grèves, aura, tel qu'on en fera l'expérience dans la réalité des relations de travail à venir, un effet exactement contraire à celui recherché par le ministre. Loin de diminuer les conflits ou l'aspect violent des conflits, nous aurons là une cause nouvelle et importante de conflits plus féroces entre patrons et syndicats que nous n'avons jamais eus dans le passé. Cette proposition s'appuie sur une constatation, d'un écart, d'une divergence profonde et irréconciliable entre la façon d'interpréter cette clause qui sera celle du mouvement syndical et la façon d'interpréter cette clause qui sera celle des employeurs.

Nous allons voir émerger chez les travailleurs, à la suite de l'effort de persuasion, pour ne pas dire de l'effort de vente, fait par le ministre et par son parti auprès des travailleurs, de cette mesure, nous allons voir émerger chez les travailleurs et chez les syndicats une croyance que la grève doit effectivement interrompre la production ou le fonctionnement de l'organisme touché par la grève. Ceci sera désormais, de ce côté de la table des négociations, considéré comme un principe acquis et proclamé par le gouvernement, comme une attente que l'on peut former dès lors que la décision d'aller en grève est prise par le syndicat.

Il n'est pas besoin de dire que, dans une telle situation où, du côté syndical, une telle croyance existera, le piquetage qui est effectué lors d'un arrêt de travail, lors d'une grève, revêtira un aspect nouveau. Il deviendra, en particulier, un moyen de contrôler l'interprétation syndicale de la signification de cette loi et amènera les syndicats à prendre tous les moyens qui leur sembleront appropriés devant l'inefficacité qu'ils attribueront, à ce moment, à la loi ou à son administration, à prendre sur eux de s'assurer le respect de ce qu'ils perçoivent, eux, comme étant l'interprétation correcte d'une loi que le gouvernement du jour, encore une fois, à leurs yeux, ne voudra pas ou ne sera pas assez courageux de faire appliquer comme ils la perçoivent.

Du côté patronal, on a ouvert toutes sortes de portes pour des exceptions et des interprétations. De ce côté non plus, on n'hésitera pas à se prévaloir, peut-être, de gardes de sécurité et d'autres moyens physiques pour assurer l'accès à l'entreprise, de manière à prendre les mesures conserva- toires qui sont contestables en vertu de la loi, mais qu'on voudra affirmer avant de les voir contestées par les tribunaux. Donc, nous aurons là les deux parties dressées l'une contre l'autre, au moment des conflits de travail; en plus des divergences sur le fond qui sont déjà suffisantes dans biens des cas pour stimuler et encourager des abus, de part et d'autre, nous aurons une cause nouvelle de conflits, une divergence, encore une fois, fondamentale et irréconciliable sur le sens de nos lois du travail, et sur la façon de les faire respecter. Ni d'un côté ni de l'autre, les moyens envisagés par le gouvernement pour faire respecter cette loi n'apparaîtront, dans le cas précis d'un conflit de travail, comme suffisants. C'est sur elles-mêmes que les parties devront se reposer, hélas, pour s'assurer que leur interprétation prévaut. Donc, nous aurons un effet diamétralement opposé à celui que le gouvernement recherche.

Encore une fois, cette remarque ne nous est pas inspirée par les événements qui se sont produits au Québec seulement, mais par un phénomène et une préoccupation que l'on décèle dans les discussions analogues à celles que nous avons actuellement et qui se déroulent dans d'autres pays, en Grande-Bretagne, par exemple, où il y a un gouvernement travailliste et qui se pose sérieusement la question de la violence lors des conflits de travail et de la nécessité, aux yeux de certains membres du gouvernement travailliste britannique, de disposer d'un code d'éthique quant à l'utilisation du piquetage et quant à l'utilisation des gardes de sécurité, deux sujets sur lesquels le projet de loi actuel est absolument silencieux et qui sont au coeur du problème de la violence, plutôt qu'en sa périphérie. C'est donc une absence qu'on doit signaler au moment où on prétend régler ce problème. On ne le règle pas du tout, au contraire, on y ajoute. On ajoute à sa gravité, on ajoute une occasion de plus de conflit, sans rien fournir qui permettra de le régler.

Pour terminer sur ce premier point, je souligne encore une fois que l'explication qu'a donnée le ministre, surtout au début et surtout l'été dernier — il est devenu, c'est à son crédit, un peu plus grand, un peu plus prudent dans l'utilisation des mots — la justification que le ministre a donnée, particulièrement au début, du lien qu'il voyait entre la mesure antiscab et la violence reposait essentiellement sur un jeu de mots entre l'expression "briseur de grève " et les autres expressions, puisqu'il y en a plusieurs, qui sont directement liées à l'usage de la violence, qu'il s'agisse des fiers-à-bras ou des casseurs de jambes, etc. "Briseur de grève" ne réfère pas à une conception physique de l'interruption d'obstacles, placés dans la voie du syndicat, à ce que la grève soit efficace, mais réfère essentiellement à un phénomène de caractère économique. Et la violence n'est pas essentiellement un phénomène économique, mais un phénomène essentiellement physique. Ce jeu de mots a malgré tout eu un rôle non négligeable dans une perception, de la part du public, de ces mesures qui ne sont pas ajustées au sens véritable des propositions faites par le gouvernement.

Le deuxième aspect dont je veux parler, c'est tout le problème du contexte dans lequel vient s'insérer une disposition comme celle-ci. Contexte qui est constitué d'une part, par la réalité sociologique et économique dans laquelle se déroulent les conflits de travail, et d'autre part, par le contexte beaucoup plus formel des autres dispositions de la loi. A notre avis, la règle antiscab est une tentative du gouvernement pour donner au syndicat une garantie contre l'échec. C'est probablement le sens réel que l'on doit retrouver derrière le fameux préjugé dont s'est fait un point d'honneur et d'orgueil le gouvernement actuel, façon fort paradoxale, mais c'est une conception que de donner cette garantie contre l'échec à un organisme, quel qu'il soit. C'est une conception sérieusement étriquée de ce que constituent les conventions collectives et le processus de négociation dans une économie libre et concurrentielle. Qu'on le veuille ou non, le vote d'acceptation d'un projet de convention collective ou d'offres patronales n'est pas le seul moyen, n'est pas la seule façon, pour une association de salariés, de mettre fin à un conflit de travail.

Cela peut être souhaitable qu'il en soit ainsi, c'est-à-dire qu'il peut être souhaitable que toutes les décisions auxquelles, effectivement, en viennent les travailleurs, dans une entreprise en grève, soient prises de façon très formelle, par des votes, par un processus très explicite, très articulé. Toutefois, en pratique, ce n'est pas toujours ainsi, puisque, dans un conflit de travail, il y a des phénomènes bien humains auxquels il faut faire la place: il y a des entêtements, il y a le désir légitime ou non légitime, mais de toute façon inévitable, de ne pas perdre la face officiellement. Il faut bien se rendre compte que, très souvent, des conflits cessent, non pas par la victoire ou l'échec à plate couture d'une des parties, mais par faute de combattants. Cela se produit aussi selon un mouvement qui est inévitable et qui, dans le fond, est un mouvement qui vient de la base par rapport aux recommandations ou aux impératifs d'une structure syndicale qui peut avoir d'autres raisons de poursuivre un conflit, raisons qui dépassent une entreprise particulière et une association de salariés particulière. On assiste souvent à un retour graduel au travail, alors qu'aucun vote n'a été pris. Les gens votent souvent avec leur pied et non pas seulement avec leur bulletin de vote, M. le Président. C'est une réalité qui se manifeste dans tous les secteurs où des votes sont pris ou devraient être pris. Le refus d'accepter cette réalité nous amène et amène surtout le gouvernement à donner un prolongement législatif à une conception corporatiste du rôle des syndicats; on tend à en faire des organismes officiels, presque un prolongement de l'administration publique.

Les centrales syndicales se sont étonnées se sont même indignées que ce projet de loi 45 comporte des dispositions sur le vote de grève. A l'intérieur même, la règle anti-scabs comporte des références aux pouvoirs conservatoires de l'employeur, comporte des références à une loi sur les services essentiels. On ne dit plus laquelle, M. le Président, mais on suppose toujours qu'il y en aura une puisqu'on fait une loi permanente qui réfère à une loi sur les services essentiels, l'actuelle ou celle à venir. Les syndicats, dis-je, se sont étonnés qu'il y ait des dispositions comme celles-là dans un projet de loi, mais c'est un étonnement qui vient un peu tard parce que ces dispositions c'est le prix que le syndicat doit payer pour cette conception corporatiste du rôle qu'il a à jouer dans la vie économique et dans la vie sociale.

Des mesures comme celles-là, de même que les mesures sur la formule Rand, imposée par la loi, constituent une prise en charge graduelle, étape par étape—là-aussi, M. le Président, il est permis de faire allusion à un "étapisme" et je dirai pourquoi tout à l'heure — de la force du pouvoir des syndicats, leur récupération — pour utiliser un mot qui est bien connu dans ce milieu — par le pouvoir politique. Pas d'un seul coup, bien sûr, mais en commençant par une première étape et toujours, évidemment, en s'aidant des meilleures intentions.

L'enfer est pavé de bonnes intentions, M. le Président, et pour supprimer la violence, pour instaurer la démocratie, pour donner aux bien-pensants tous les pouvoirs possibles et exclure les "abus", on va, sans aucun doute, à chaque fois qu'il sera nécessaire, légiférer pour donner bien sûr certains privilèges, consacrer certaines réalités, comme on l'a dit, mais également imposer certaines conditions.

Je crois qu'il est bien naïf de la part des centrales syndicales d'accepter ce qui les avantage dans une telle approche et de protester après de ce qui les désavantage. Parce qu'à long terme, ce qui les avantage ne pèsera pas lourd. Ce qui va les désavantager, au contraire, c'est une mise au pas graduelle, étapiste, du mouvement syndical qui ne doit pas être pris en tutelle ou en charge par l'Etat, quelles que soient les bonnes intentions et quels que soient les motifs. Il n'y a pas de raison qui peut justifier, M. le Président, dans une économie libre et concurrentielle, que les syndicats deviennent ce qu'étaient les guildes moyenâgeuses; des espèces de corps publics émanant de l'autorité publique et destinés à protéger un certain nombre de privilégiés.

Ce qui risque fort bien de se produire, grâce à des mesures comme celle qui est devant nous, c'est un écart grandissant entre syndiqués et non syndiqués. On construit une machine qui sera forte, qui sera contrôlée et qui sera restrictive, quoiqu'on en dise, parce que pour ce qui est des mesures devant favoriser l'accès à la syndicalisa-tion, nos discussions nous ont assez renseignés, je pense, pour qu'on puisse en conclure que le mieux qu'on puisse dire de ces mesures, c'est qu'elles pourraient peut-être avoir un effet sur le taux de syndicalisation et sur l'accès au syndicalisme.

Mais on serait bien téméraire de prétendre avoir mis en place les conditions d'un accès plus libre, plus généreux ou plus facile à la syndicalisation. La seule mesure qui avait d'ailleurs cette prétention, c'est l'abaissement à 35% du nombre de

syndiqués ou du nombre de salariés qui peuvent déclencher un vote, mais on est loin de pouvoir prédire si cette mesure nouvelle aura quelque effet que ce soit sur le taux de syndicalisation. Il s'agit d'une conjecture qui ne repose sur aucune étude sérieuse. Elle ne repose que sur des impressions personnelles. Que va-t-il arriver?

Brièvement, M. le Président, je pense que l'on peut déduire que, d'après un certain nombre de justifications apportées par le ministre, idéalement, il ne se produira rien. En effet, le ministre — et c'est là l'aspect le plus paradoxal de ce projet de loi — chaque fois qu'il a abordé une mesure nouvelle, l'a fait sur la base d'une concrétisation ou d'une consécration de pratique généralement observée, qu'il s'agisse des votes de grève, M. le Président, qu'il s'agisse de la prétendue formule Rand ou plus exactement du précompte syndical, qu'il s'agisse même de la règle anti-scab, on les a toujours défendues en disant que finalement cela ne frappait personne puisque déjà tous les syndicats sont très démocratiques et prennent toutes leurs décisions au scrutin secret — ce que je ne mets pas en doute, je ne fais que rappeler les arguments du ministre. On a déjà dit que 85% des salariés syndiqués étaient déjà couverts par le précompte syndical et on a dit que seulement 27 grèves, sur je ne sais pas combien de centaines, avaient donné lieu à des violences dans le cas des briseurs de grève.

Donc, dans chacun des cas, M. le Président, on a voulu alléguer l'insignifiance des effets pour justifier ce projet de loi, dans la mesure où on abordait un sol nouveau, des mesures nouvelles.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent, je m'excuse de vous interrompre, vous avez commencé votre droit de parole à 15 h 26, il est maintenant 15 h 46 passé. Malheureusement, votre droit de parole est expiré, à moins qu'il y ait consentement unanime pour qu'on vous accorde du temps pour terminer.

Des Voix: Oui.

M. Forget: M. le Président, ce ne sera pas long, d'autant plus que la suite...

Le Président (M. Clair): Deux ou trois minutes?

M. Forget: ... va vous indiquer qu'on n'a pas l'intention d'être très long.

Le Président (M. Clair): Deux ou trois minutes.

M. Forget: Alors, M. le Président, ces arguments à l'effet que rien ne se produira seraient peut-être la plus belle justification, en effet, de tous ces amendements, tout en démontrant leur futilité, puisque si rien ne se passe tel que prévu par le projet de loi, on peut sérieusement s'interroger sur l'opportunité de légiférer et de créer une pareille pagaille à la fois dans la population et à l'intérieur du parti ministériel, pour si peu de choses.

En fait, je suis persuadé que cette argumentation n'est pas basée sur la réalité. Effectivement, beaucoup de choses sont susceptibles de se passer à la suite d'un tel amendement. On donne des instruments nouveaux, on donne ouverture à des recours d'un nouveau genre, on crée — c'est ce qui est plus important — des expectatives nouvelles, des expectatives de paix sociale qui ne seront pas exaucées, et on crée, vis-à-vis d'un secteur particulier de notre économie, c'est-à-dire la petite et moyenne entreprise dont on a tellement parlé depuis un an, comme si c'était là la raison d'être de notre prospérité ou notre plus grande source d'espoir pour l'avenir. A tout événement, on en a beaucoup parlé et c'est sur elle qu'on fera reposer les assauts très sérieux auxquels elle peut désormais s'attendre, sur la base de cette législation.

En conséquence, la férocité des conflits de travail, comme je l'ai dit au départ, va certainement s'accentuer, ces attentes très élevées d'une part, les risques de disparition, puisque ça va jusque là, selon le témoignage des représentants de la petite et moyenne entreprise, les risques de disparition que l'on fait planer de l'autre côté vont certainement aviver les conflits plutôt que les calmer..

C'est ce projet de loi, dans son ensemble et en particulier la mesure anti-scab me semble un cadeau de Noël passablement empoisonné que le ministre fait à la population. Vis-à-vis de ça, M. le Président, c'est là-dessus que je vais terminer, les interventions que nous avons entendues, pas au conseil national, mais dans la population et par la voix des porte-parole officiels de tous ceux qui se sont officiellement exprimés au nom des agents économiques, nous convainquent que personne ne veut vraiment la règle anti-scab telle qu'elle est rédigée, et qu'il nous apparaît que le gouvernement doit, en prenant acte de ces réserves, de ces réticences ou même de ces objections formelles, effectivement, retirer l'article 51.

C'est le sens et le seul sens qu'il faut donner à notre intervention. En effet, je n'ai pas l'intention de présenter d'amendement, M. le Président, puisque, contrairement aux autres dispositions du projet de loi où il semblait qu'une discussion positive, basée sur une perception commune d'un très grand nombre de principes pouvait amener le ministre à accepter certaines améliorations quant à la rédaction et à la formulation de ces objectifs, quant aux instruments choisis pour les atteindre. Ici, M. le Président, je pense que cette discussion serait inutile.

Il est manifeste que le gouvernement a fait son lit sur ces mesures, qu'il les a débattues trop intensément à l'intérieur du parti au pouvoir et ceci, presque publiquement, pour qu'il puisse désormais écouter les représentations que nous pourrions faire. Et nous voulons, par-dessus tout, éviter qu'en présentant des amendements, nous ayons l'air d'approuver, si peu que ce soit, un principe qui, quant à nous, nous apparaît à la fois irréaliste et néfaste.

C'est la raison pour laquelle je présenterai une motion visant à retirer tout simplement cet article du projet de loi, motion qui se lit très simplement, M. le Président: "Que l'article 51 soit retranché du projet de loi no 45".

M. Bellemare: M. le Président...

M. Chevrette: Je fais appel au règlement. M. le Président, est-ce que vous pouvez demander au député de Saint-Laurent de faire comme d'habitude, d'annoncer sa motion, mais de permettre aux autres qui veulent intervenir sur le fond...

Le Président (M. Clair): Est-ce qu'il y a un consentement unanime pour ce faire? La commission est maîtresse de ses travaux. Nous pourrions convenir de disposer de la motion du député de Saint-Laurent plus tard, quoique je tiens à souligner aux membres de cette commission que, même si elle n'est pas encore distribuée, cette motion du député de Saint-Laurent même si je ne l'ai pas déclarée recevable, viserait quand même à mettre un terme immédiatement à nos discussions là-dessus. Je veux que la commission prenne sa décision, mais en vous indiquant bien, cependant, que le but de la motion du député de Saint-Laurent est, à toutes fins pratiques, de mettre un terme à l'étude de l'article 51.

M. Chevrette: M. le Président, je pense qu'à ce moment-là, c'est le député de Saint-Laurent qui a le dernier mot. En ce qui nous regarde...

M. Bellemare: M. le Président, je pense que j'ai mon droit de parole. Si vous voulez me le permettre...

Le Président (M. Clair): Je retiens effectivement, de ce qui vient de se passer, que le député de Saint-Laurent ne fait que nous annoncer qu'il présentera une motion un peu plus tard. Nous continuons immédiatement le débat général sur l'article 51. Vous avez 20 minutes, M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Merci, M. le Président. Quel pessimisme, quel défaitisme ai-je entendu de la bouche du député de Saint-Laurent! On dirait qu'il n'est pas revenu de l'élection du 15 novembre dernier. Il vit encore dans cet esprit.

C'est une mesure, M. le député de Saint-Laurent, qui marque un pas sûr, dans le plus grand souci qu'on peut avoir d'équilibre entre les forces en présence. C'est un amendement qui va rechercher la paix plutôt que la guerre.

Vous avez dit: Cela a fait couler beaucoup d'encre et il y a eu bien... Oui, sûrement, mais cela a aussi fait couler bien du sang auparavant, parce qu'il n'y avait pas de critères de base, dans notre Code du Travail, qui disaient ce que cela devait être. Il faut l'avoir vécu pour savoir ce que c'est que cette loi anti-scabs. Elle n'est ni trop sévère ni trop exagérée. Je la trouve personnellement très opportune. D'abord, on rétablit, dans un des arti- cles, l'article 99 du code, qui, selon la nécessité, peut permettre des ordonnances quant à la santé, quant à la santé publique, quant à l'éducation. C'est un point qu'on n'avait pas.

M. Forget: C'est l'article en vertu duquel tant d'injonctions ont été émises.

Le Président (M. Clair): A l'ordre!

M. Bellemare: Si vous voulez, M. le député de Saint-Laurent, que je vous prenne par la douceur, je vais vous prendre par la douceur. Mais je ne suis pas capable de m'empêcher, avec tout ce que je viens d'entendre, d'apprécier tout ce que vous avez vécu et ce que vous nous avez récité.

Pour ce qui est des services essentiels, c'est vrai que l'amendement du ministre permet l'utilisation des salariés contrairement à l'article 97a, dans trois cas. Cela n'existait pas. Ce sont: premièrement, quand il y a entente entre les parties, deuxièmement, quand, en vertu de l'article 99, on peut, si l'ordonnance est favorable; troisièmement, quand une décision est rendue, en vertu de la loi, qui permet d'amener les services essentiels, que cela soit dans la loi 253, dont vous avez été le ministre et parrain, ou que ce soit dans toute autre loi à venir. Rien n'empêchera de se servir de la loi 253, si on veut s'en servir. Jamais. Ce n'est pas dit non plus dans la loi.

Il y a une grande différence entre ce que vous avez dit et ce qu'on a vécu. On cherche un équilibre juste et raisonnable entre les parties. L'employeur a prouvé qu'il avait eu des torts considérables à ne pas vouloir suivre l'article 41 du code qui dit, en toutes lettres: "Après un avis prévu à l'article précédent, les négociations doivent commencer et se poursuivre avec diligence et bonne foi. " Cela a été ajouté par celui qui vous parle, cela n'existait pas dans le code. C'était un moyen détourné pour essayer de rapprocher les parties: un employeur qui se niche, pendant des jours et des mois, sans donner de nouvelles, et un syndicat qui proteste, qui utilise la violence. Elle vient de là, la violence. Il faut arrêter cela dans la province; il faut essayer de trouver le climat qui existe entre les parties en Norvège, en Suède. Mais, pour cela, on a établi là un juste équilibre. Ces gens n'ont pas été sans l'écrire dans des lois. Vous relirez le Code du travail de la Norvège et de la Suède et vous allez y voir des traits, des allusions qui ressemblent énormément au nôtre, pour la première fois.

M. le Président, il y a assez longtemps qu'on n'est pas capable de s'entendre et qu'on va aux extrêmes. Qu'on fasse des délégations de 5000 ou de 10 000 personnes devant le Parlement... Quand on a le courage et la volonté de bien servir l'intérêt public, on fait ce qui est dans la loi. De quel critère, avant aujourd'hui, pouvait-on se servir, sinon celui qui nous est donné présentement? Il y aura des retouches, il y aura des questions et cela en est un...

Deuxièmement, ce sont exclusivement des moyens de conservation. C'est quoi cela? Il faudra

que le ministre nous l'explique, parce que j'ai de la difficulté à comprendre qu'on utilise dans une loi comme celle-là des termes aussi vagues: "des moyens de conservation". Un employeur peut dire n'importe quoi pour se prévaloir de ces deux mots qui sont dans la loi. Je demande au ministre de m'expliquer cela; je l'écouterai et j'essaierai de comprendre.

On permet à un enquêteur de visiter les lieux de travail accompagné d'une personne désignée par l'association accréditée. Pourquoi ne pas avoir en même temps, pour rétablir l'équilibre, la présence d'un employeur, d'un représentant de l'employeur? Pourquoi? Là aussi, il y a un trou, un manque. On dit: Toute autre personne. Oui, oui, oui, cela peut être qui et cela va être quoi? Comment va-t-on s'entendre? Tandis que, si c'est dans la loi, une chose est sûre, c'est qu'en vertu de la loi l'enquêteur devra être accompagné d'une personne accréditée, d'un membre d'une association accréditée. Mais l'employeur, lui "et de toute autre personne", c'est qui? c'est quoi? On n'a pas le droit de laisser la loi aussi indifférente vis-à-vis de l'employeur, je ne le pense pas. Là, on devrait apporter un amendement, je pense bien, qui serait très simple. Au lieu de: "Toute autre personne", pour rétablir l'équilibre que recherche le ministre, pour rétablir la justice distributive, pour éviter d'autres conflits, on devrait ajouter: "Et un représentant de l'employeur."

Mais, M. le Président, il faut avoir vécu l'obstination de certains employeurs et la violence qu'a engendrée cette obstination de la part des syndicats pour savoir que l'amendement que vous apportez est plein de logique. Vous avez dit que cela n'existait pas nulle part dans aucun code de l'Amérique du Nord; vous avez raison.

C'est du droit nouveau, c'est vrai. On va l'expérimenter et on aura dorénavant des critères solides pour dire que cela commence là et cela finit là. On va avoir plus de conflits? On en a 27 qui n'ont pas été réglés. Sur les 27, il y en a 14 dont nous connaissons les causes. Il y en a d'août 1976, il y en a de décembre 1976. On en a d'avril 1977, et on en a ici d'avril 1976, de mai 1976, de juin 1976. On sait pourquoi. Je peux vous le dire et le ministre aussi.

Je pense qu'il faut être courageux. On a voté en deuxième lecture pour la loi. On avait hâte d'avoir les amendements. On avait hâte de connaître les éclaircissements et cela n'a pas été pour rien. Si quelqu'un a blâmé le député de Saint-Laurent d'avoir été long, je ne dis pas que c'est mal, au contraire; il a explicité sa pensée et celle de son parti. Je pense que ceux qu'on a présentés ont été d'emblée acceptés.

Il y a une chose qui reste, c'est que, si on ne réussit pas à établir des critères dans notre code qui sont des critères de base sur une loi anti-scabs, on aura beau dire n'importe quoi à la population... Même si on allait jusqu'à retirer cet article, je serais contre qu'on la retire. J'ai trop vécu de conflits extraordinaires où il a coulé de l'encre, où il a coulé du sang aussi, pour être contre ces amendements qui sont logiques, intelligents et qui sont précieux pour nous. C'est un gars de la Brotherhood qui vous parle, un gars de l'union qui a vécu dans les centrales syndicales et qui a accepté de jouer des rôles importants dans les centrales syndicales. Je ne suis pas contre les centrales syndicales et je ne suis pas contre les syndicats, mais je suis pour la paix, pour une balance réfléchie et un certain équilibre entre les forces. Qu'est-ce qui arrivera? Je vous le demande. Que le ministre nous le dise. Qu'est-ce qui arrivera à ceux qui vont faire le piquetage, qui vont empêcher les cadres d'entrer? Cela aussi, c'est une question de violence. Je lisais, dans le conseil du patronat... A la recherche de la paix sociale, il n'est pas dit qu'aucun geste ne puisse être posé. Entre le parti pris syndical, l'actuel amendement suggéré et l'inaction, il y a sûrement place pour une loi pondérée et réaliste.

Que le député de Saint-Laurent comprenne donc qu'on est des législateurs avant d'être des partisans. Que le député de Saint-Laurent me pardonne si je l'attaque un peu...

M. Forget: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent, sur une question de règlement.

M. Forget: M. le Président, je pense que les motifs...

M. Bellemare: II ne me laisse pas terminer. J'allais dire que je ne l'attaque pas personnellement.

M. Forget: Oui, mais les motifs auxquels fait allusion le député de Johnson n'ont rien à voir avec la pertinence de notre débat.

M. Bellemare: Je dis et je répète que c'est irréaliste. Est-ce que j'ai le droit de le dire?

M. Forget: Je pense qu'en plus de ceta, le député de Johnson n'a pas à prêter des intentions à qui que ce soit.

M. Bellemare: Je ne vous en prêterai certainement pas.

M. Forget: Je pourrais facilement en prêter au député de Johnson, mais je m'en suis abstenu jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: Je lis avec beaucoup d'attention: entre le parti pris syndical, l'actuel amendement suggéré et l'inaction, il y a sûrement place à une loi pondérée et réaliste. Est-ce que la population qui est la mienne, qui souffre énormément dans certains cas, dans des grèves interminables, mes frères les ouvriers ne sont-ils pas heureux de voir qu'on apportera véritablement des critères

nouveaux dans un Code du travail, des critères qui n'ont jamais existé, pas plus de mon temps que du vôtre? Ainsi, par exemple, il y aurait certes lieu, pour maintenir un meilleur équilibre entre les parties et éviter des affrontements inutiles, de légiférer sur le piquetage ou sur le boycottage secondaire, de même que sur les normes à respecter pour ceux qui sont chargés de la protection de la propriété privée. M. le ministre, M. le Président, je pense qu'on devrait y penser très sérieusement parce que combien d'ordonnances ont été rendues qui défendaient tout piquetage ou presque et qui ont même été au désavantage de l'employeur? Quand on n'est pas capable, surtout dans les syndicats, d'obtenir une certaine compréhension de l'état de grève dans lequel on est, il arrive que des gens dépassant la loi de la patience, celle du Code du travail et celle de la borne, portent des actes qui sont parfois criminels. Qu'arrivera-t-il pour ceux qui feront du piquetage? Aura-t-on prévu, comme le demande le Conseil du patronat, un certain droit de regard? Il n'y a rien dans les amendements que vous nous avez présentés qui en parle. Je voudrais dire juste une chose. Que le ministre aurait pu faire comme d'autres, s'éviter les reproches des patrons, s'éviter les reproches de son Conseil national, des membres de l'Opposition libérale par exemple...

Une Voix: La seule.

M. Bellemare: Oui, la seule parce que mon... Je ne dis plus rien... Il aurait pu éviter énormément de choses. Recherchant sa paix, sa sécurité, son bien-être, il aurait pu être un ministre complaisant, un ministre qui aurait toujours dit: Oui, ah oui! Certainement. On verra cela. C'est une des premières fois que je réagis, à la fin de cette étude du projet de loi 45, pour dire que le ministre a véritablement bien accompli son mandat. Ce n'est pas facile de faire ce qu'il fait, devant les protestations qui existent. Mais il a quand même le courage de dire: Je vais essayer d'établir un juste équilibre. Je vais essayer de rétablir la paix entre les parties. Ce n'est pas qu'il va y avoir plus de conflits. Non! Je dis non et je suis sûr que ce qu'on apporte aujourd'hui, c'est une amélioration, et j'attendais ces améliorations, comparativement à l'ancien texte du projet de loi 45 et des amendements qui nous avaient été proposés après.

Je dois dire que, dans les circonstances, ce n'est pas facile, pour le ministre, de traverser cette crise, qui a l'air d'une crise. Mais on verra que, lorsqu'on a amendé le Code du travail, nous aussi dans certains cas, nous avons eu nos déboires et nous avons eu nos épreuves aussi. Mais quand j'ai eu fini de servir comme ministre du Travail, j'ai eu des lettres qui ont confirmé que j'avais été un des bons ministres du Travail depuis la Confédération, et on est venu me rendre justice dans une grande fête du 25e anniversaire de ma vie publique, pour le dire. N'ayez crainte, les bruits tomberont. Cela s'apaisera et on reviendra au bon sens en regardant les articles nouveaux du Code. Je ne dis pas qu'on n'aura pas à revenir, comme moi-même je suis revenu — après l'établissement des commissaires-enquêteurs et du Tribunal du travail, dans plusieurs cas, je l'admets — mais la loi des services essentiels, on l'a adoptée ici dans cette chambre, qui a eu le courage de l'appliquer? Qui était responsable du projet de loi 253 dans le temps? Qui l'a véritablement mis en action? Là au moins, on a trois échappatoires permissibles par la loi. Premièrement, quand il y a une entente entre les parties; deuxièmement quand l'article 99 s'applique; troisièmement, quand on peut se prévaloir de la loi existante ou d'une certaine loi qui viendra plus tard. Trois échappatoires pour que l'article 97c ne soit pas appliqué.

J'espère que ma conviction profonde, sans hypocrisie et sans vouloir servir seulement un parti politique, parce que j'ai vécu l'expérience et que j'ai été à même de juger de l'opportunité qu'il y a de mettre dans le Code du travail ces articles de droit nouveau, je voterai en faveur.

Le Président (M. Clair): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Bellemare: Merci de vos nombreux applaudissements.

M. Chevrette: M. le Président.

M. Forget: Vous avez pourtant bien essayé.

M. Bellemare: M. le Président, je n'endurerai pas cela du député de Saint-Laurent, il me prête des intentions. Pour une petite bagatelle, un iota, tout à l'heure, il s'est soulevé. Là, il vient de me prêter une véritable intention d'avoir voulu faire mon débat pour avoir les applaudissements. Là il va... Non, je lui pardonne, allez-y!

Le Président (M. Clair): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, à écouter, tantôt, le député de Saint-Laurent, j'aurais cru que la motion visant à retirer l'article 97 serait beaucoup plus large. Je croyais qu'il allait proposer, purement et simplement, le retrait de la loi 45 puisque, dans son exposé, il a, à toutes fins pratiques, affirmé que rien n'était bon dans l'ensemble du projet de loi, y compris la syndicalisation, y compris le précompte syndical, y compris à peu près tout.

J'ai été surpris qu'il demeure avec nous aussi longtemps, pour discuter d'aussi longues heures ces points qui n'ont aucun effet, à toutes fins pratiques, et qui se soldent par une motion de retrait d'un des éléments les plus importants du projet de loi 45.

M. Forget: Si M. le député de Joliette-Montcalm me le permet? Je suis d'accord que ce n'est pas la même chose, le reste est inutile; mais ça, c'est néfaste.

M. Chevrette: Comme cela vous avez beaucoup de temps à perdre puisque vous avez parlé suffisamment.

II s'est dit surpris de voir que ce projet de loi a été discuté pendant de longues heures et même contesté publiquement. Il a même fait des allusions aux discussions internes. Je me permettrai de parler un peu de ça, parce que, dans une discussion aussi large, je compte bien sur son sens de la compréhension et espère qu'il ne m'interrompra pas en disant que je ne parle par sur la motion d'amendement.

Je pense que, quand on fait du droit nouveau, c'est tout à fait normal que les discussions soient assez fortes. Je pense que, quand on est capable de discuter pour en arriver à un consensus, ça démontre un certain sens de la maturité politique. On n'est plus à l'ère où le chef dit: Oui, et tout le monde doit courber la tête et dire: Oui! Je pense que, politiquement, une structure ou une formation politique, qui est composée d'hommes qui ont des idées, doit les faire valoir dans le cadre des opportunités qu'elle a de les faire valoir et, même à la commission, je pense que c'est une des premières commissions parlementaires — depuis un an en tout cas — à laquelle il m'est permis de participer, où les participants ont eu une chance de s'exprimer et d'échanger très généreusement entre eux et avec beaucoup de souplesse autant de la part du ministre-tuteur ou parrain de la loi, que de la part des Oppositions qui ont apporté des suggestions, qui ont été retenues pour un bon nombre, qui ont été discutées, qui ont été expliquées et les rejets n'ont pas été des rejets catégoriques dans le sens de dire: On est au pouvoir et on les rejette purement et simplement sans explication. Chose qu'on aurait pu être tenté de faire après de longues heures, certaines journées. Je pense que tout le monde a eu la chance de s'exprimer passablement longtemps, et j'ai aimé la pertinence des débats et la profondeur des débats, sur plusieurs points de ce projet de loi.

Je vais aborder, dans un premier temps, la violence. On dit que ça ne réglera pas la violence, mais on a beau regarder les conflits, analyser les conflits qui ont eu lieu dans le passé. Là où les affrontements ont été les plus violents, c'est là où le travailleur constate ou a constaté qu'un intrus venait prendre sa place. Pensez — et je vais déborder le domaine de la construction. J'ai eu la chance d'analyser un peu plus en profondeur — les plus gros problèmes de violence dans la construction viennent précisément du fait que, dans la construction, on s'improvise, quand on veut et n'importe quand, travailleur de la construction. Pour 85 000 ou 90 000 emplois, on a 250 000 inscrits à l'Office de la construction du Québec. Les vrais travailleurs de carrière qui voient, durant les vacances, un nombre de professeurs, de pompiers ou de policiers venir prendre leur place pour quelques centaines d'heures, ce sont des emplois qu'on enlève aux vrais travailleurs et, quand tu te fais prendre ton emploi, tu te fais littérallement voler ton emploi, c'est passablement révoltant et c'est le germe de la violence.

C'est la même chose si je transpose cela dans un conflit, dans une grève légale, en dehors du secteur de la construction. Quand tu fais une grève légale, que tu prends la peine de voter pour t'abstenir de ton salaire et que tu veux, pour une fois, aller chercher des conditions de travail qui ont de l'allure, qui ont du bon sens, tu te rends compte que certains employeurs rient dans leur barbe et se disent: Je continue à produire. Quel est le rapport de force qui peut exister dans une telle circonstance, quand un employeur peut continuer à produire? J'ai même vu des hommes payés plus cher que les employés réguliers pour continuer à produire. Je l'ai vu dans une petite ville comme Joliette où Coca-Cola était en grève et payait ses scabs $5 l'heure et ses employés réguliers avant la grève $3.95 l'heure.

M. Bellemare: De Firestone.

M. Chevrette: Je pourrais parler de Firestone, je pourrais parler de Gypsum et je pourrais continuer à en citer une liste interminable. Quand on dit 27 conflits, ce sont peut-être les 27 plus connus, mais à de nombreux endroits, il y a même eu de la provocation; on a poussé l'audace jusqu'à payer les scabs plus cher que les salariés réguliers. Je peux vous certifier que ce n'est pas parce qu'un cadre passe une ligne de piquetage qu'il agace les employés, mais quand le cadre entre avec un autobus bondé de scabs ou fait entrer des scabs avec l'aide de la police, là c'est révoltant pour des travailleurs et c'est bien souvent dans des mouvements spontanés qu'éclate la violence. Donc, il faut se donner les armes minimales pour essayer d'éviter cela. Il n'y a pas beaucoup de conflits qui ont dégénéré en violence quand il n'y a pas eu l'utilisation de scabs. Quelques-uns, à cause de la longueur des conflits, ont peut-être dégénéré en des cas de violence, mais ce sont surtout au cours de grèves où on a utilisé des scabs qu'on a connu le plus de violence. Il y a aussi la longueur des conflits, là où il y a eu utilisation de scabs. La moyenne est de 171 jours, là où on a utilisé des scabs, alors qu'elle est de 36 jours dans des conflits normaux. Cela doit être suffisamment important pour qu'un gouvernement se penche et étudie sérieusement la situation.

Le fait de se baser sur les statistiques et sur des situations de fait est suffisant pour qu'un gouvernement se penche très sérieusement là-dessus. C'est bien sûr que la loi ne règle pas tout, mais elle met en lumière deux grands principes qu'on a peut-être oubliés dans nos discussions parce qu'on n'a pas eu la chance, bien sûr, de l'aborder article par article, mais il reste qu'il y a deux principes fondamentaux dans l'article 97. D'abord il n'est pas question d'accepter un principe qui permettrait de détruire les meubles et biens meubles. Ce n'est pas ce qu'on a dit. On dit: Nous prenons pour acquis que les travailleurs ne sont pas intéressés à détruire leur gagne-pain, mais en revanche, pour un rapport de forces équilibré, ils ne sont pas intéressés, non plus, à voir la production continuer au même rythme qu'avant l'arrêt de travail. Ce sont deux principes qui se complètent. Si on ne veut pas que les travailleurs détruisent le gagne-pain, parce que cela dégénère en violence, il faut arrêter une certaine production normale. Comment voulez-vous qu'un conflit prenne fin si

l'employeur réussit à produire autant qu'avant le conflit? Comment voulez-vous qu'à la table de négociation le gars puisse s'assouplir quand les revenus rentrent au même rythme qu'avant? C'est tout simplement une question d'analyse normale d'une situation. C'est quand un groupe commence à être affamé qu'il devient un peu plus compréhensif, que ce soit d'un côté ou de l'autre. Si les revenus de l'employeur ne rentrent pas, il va dire: II faut bien que je la règle, il faut que je mette de l'eau dans mon vin un peu. Les employeurs, après quelques semaines de grève, quand ils n'ont aucune ressource ou un maigre subside du syndicat, demandent à leurs officiers d'être un peu plus souples à la table, mais au moins, les deux parties sont touchées par un arrêt de travail, pas seulement un.

M. Bellemare: Est-ce que le député me permet une question?

M. Chevrette: Oui.

M. Bellemare: Est-ce qu'on avait ces critères dans le Code du travail, autrefois?

M. Chevrette: Si vous parlez de l'article 41, cela n'était pas suffisant, on ne l'avait pas. C'est du droit nouveau.

M. Bellemare: Pour ce qu'on adopte là, on n'avait pas de critères avant; maintenant on en a pour éviter ce que vous dites.

M. Chevrette: Ces quelques mots... C'est un peu une déception, pour moi aussi, d'avoir entendu l'analyse faite par le député de Saint-Laurent. Je pense que l'histoire du passé nous indiquait clairement qu'il fallait faire quelque chose; c'était urgent. Bien sûr qu'on n'aura pas tout, mais on a tenté d'encadrer cela aussi. L'article 97 n'est pas isolé dans le projet de loi 45. On a pris des mesures pour qu'il y ait un cadre suffisamment structuré pour permettre une saine démocratie, sans la contrôler.

M. Bellemare: Seulement dans les grèves légales.

M. Chevrette: Bien sûr.

M. Bellemare: Bien entendu.

M. Chevrette: Mais, écoutez, on ne pourra jamais légiférer pour des grèves spontanées, cela arrive comme ça.

M. Bellemare: C'est ça. Cela s'appliquera seulement lors des grèves légales.

M. Chevrette: Bien sûr, et c'est d'ailleurs l'objet d'une loi. On ne peut légiférer en fonction de quelque chose qui pourrait se produire.

M. Bellemare: Quand ce sera illégal, qu'est-ce que le patron fera?

M. Chevrette: II aura les moyens légaux à sa disposition, les tribunaux d'ordre civil, comme dans n'importe quelle situation.

M. Bellemare: C'est sûr, mais je voulais vous l'entendre dire. C'est seulement durant les grèves légales que cela s'applique.

M. Chevrette: On veut fixer un cadre légal pour qu'il arrive le moins de choses illégales. C'est ça qu'est l'objectif d'une loi du travail.

Donc, je pense qu'on met du sérieux autour de cette loi en exigeant, en permettant, même si ça se fait à 95% ou 98% des cas... Quand on va jusqu'à demander ou exiger un vote secret, quand on dit qu'il n'est pas question de permettre la destruction des meubles et des biens meubles, quand on dit qu'il n'est pas question non plus de permettre la production normale, je pense qu'on a pris suffisamment de précaution comme législateur pour s'assurer qu'il y ait là un début, je dis bien, d'efforts sur le plan législatif pour tâcher de faire en sorte que nos relations de travail soient un peu plus ordonnées.

M. Bellemare: Est-ce que le député me permet une autre question?

M. Chevrette: Une autre question.

M. Bellemare: C'est de valeur de vous couper comme ça, mais ce n'est pas par malice. Est-ce que le député se souviendrait par coeur de l'article 13 de la loi 253?

M. Chevrette: Je pourrais même vous le lire. M. Bellemare: J'aimerais bien ça.

M. Chevrette: Je pourrais vous dire que "lorsqu'un accord est intervenu ou qu'une décision a été rendue en vertu de l'article 11 — de cette même loi 253 — l'employeur ne peut, pour fournir des services non considérés comme essentiels et habituellement rendus par les salariés de l'établissement, embaucher d'autres salariés."

M. Bellemare: Ah, qui était ministre?

M. Chevrette: Sur ces mots, M. le Président, je vais donner la chance à un autre... C'était l'actuel député de Saint-Laurent, pour répondre à votre question, qui était alors ministre des Affaires sociales. Sur ces mots, je voudrais permettre à d'autres confrères de parler là-dessus. Je vous remercie.

Le Président (M. Clair): Le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, tout comme le député de Johnson, je ne suis pas ici pour ne représenter qu'un parti. Je pense que j'avais établi ma position lors de la première séance de cette commission. C'est dans ce même esprit et le même sens que je vais intervenir maintenant.

J'ai été surpris et un peu déçu, quoiqu'il fallait s'y attendre, des premiers propos du député de Saint-Laurent. Le député de Saint-Laurent nous dit que l'article 51 du projet de loi a fait couler beaucoup d'encre depuis le mois de juillet; il oublie, entre autres choses, les cinq dernières années. Si le sujet concerné par l'article 51a fait couler beaucoup d'encre depuis les cinq dernières années, c'est parce que, il faut l'admettre, le climat des relations du travail au Québec était complètement gâté. Il s'était détérioré de telle façon qu'il n'était plus "opérable ". Tant du côté patronal que du côté syndical, on avait commencé à faire des analyses pour voir de quelle façon on pourrait l'améliorer.

Il ne faut donc pas se surprendre que ce gouvernement propose une solution qu'il confirme dans une loi.

Cette solution, on l'a dit, vise à rétablir un équilibre qui était devenu inexistant. Ce n'est pas à cause de préjugés qu'elle est là, mais à cause d'une analyse de la situation, de la réalité. Si on veut parler des préjugés, le député de Saint-Laurent admettra avec moi qu'on a au moins le courage, quant à nous, d'admettre ceux qu'on a. Et les nôtres ont été officiellement du côté des travailleurs.

M. le Président, je voudrais rappeler rapidement quelques-uns des articles du texte que nous avons devant nous, qui améliorent la situation par rapport à ce qu'on avait précédemment dans le Code du travail, faire une légère analyse de ce qui a amené, dans le concret, ce projet de loi et dernièrement, essayer de répondre à la question du député de Saint-Laurent: Qu'est-ce qui va arriver avec cela? Qu'est-ce que cela va régler? Essayer de voir, dans le futur, ce que cela va donner.

Avant de faire cela, je voudrais au moins répondre à l'argumentation du député de Saint-Laurent qui voudrait, sous prétexte que cela n'existe nulle part, qu'on ne légifère pas. A ce rythme, M. le député de Saint-Laurent, il semble qu'on serait incapable de ne passer aucune loi. S'il fallait attendre, chaque fois qu'on a à régler un problème, que d'autres le règlent, il me semble que notre rôle, ici, au Parlement, serait inutile.

Ce que je m'attendais à ce que vous me disiez, c'est que le moment était, tout au contraire, bien choisi pour amener cet élément dans la loi 45, puisque tantôt, dans les mois qui viennent, une commission, des personnes seront nommées pour étudier le Code du travail dans son ensemble. Il y aura au moins, non seulement un texte de loi à réétudier, mais aussi ce texte de loi avec son application. On aura déjà appliqué cette loi au moment où des gens se remettront à étudier le Code du travail. Ils auront une expertise, alors que tout ce que vous pouvez dire jusqu'à maintenant — et je suis d'accord sur les termes utilisés par le député de Johnson—par défaitisme, pessimisme, exagéré quant à moi, vous vous prononcez d'une façon très subjective.

Cette commission qui fonctionnera dans les six ou sept prochains mois, aura au moins une expertise de ce que cela donne, de ce que cela améliore, en termes de relations du travail.

M. le Président, je voudrais rappeler que dans l'article 97a, ce qui avait été oublié précédemment a été corrigé. On oublie souvent de le dire, mais le paragraphe d) de 97a fait en sorte que cela couvre tous les aspects de ce qu'on veut couvrir lorsqu'on parle des briseurs de grève, c'est-à-dire le fait qu'un employeur ne peut pas utiliser des employés d'une autre de ses usines qui, elle, n'est pas en grève, pour les amener travailler dans son usine en grève. Cet aspect avait été oublié, dans un premier temps, et on a refermé la porte à des abus qui auraient pu survenir éventuellement.

Dans l'article 97b, là aussi on a resserré pour faire en sorte que l'employeur puisse utiliser les services, pour assurer les services essentiels, uniquement dans la mesure où les accords l'avaient prévu dès le départ. Je pense que c'est une autre amélioration qu'on ne peut nier.

Dans l'article 97c, M. le Président, il est clair — et le texte est parfait dans ce sens — que ce qu'on autorise à l'employeur, c'est la préservation de ses meubles, de ses biens immeubles. Cette possibilité de conserver en état de fonctionnement ses biens meubles et immeubles n'a jamais été contestée à l'employeur. Jamais dans le passé, car un certain nombre de syndicats réglaient des ententes de services essentiels avant de déclencher la grève, ou en cours de grève, et jamais, maintenant non plus, par les intervenants.

Ce qui était désiré cependant, c'était qu'il soit clairement établi qu'on ne donnait pas de la main gauche pour reprendre de la main droite. Je pense qu'à ce sujet, l'article 97c est maintenant clair. Il est entendu que cela n'a pas pour effet de permettre à l'employeur de continuer sa production, de biens ou de services.

Pour ce qui est de l'enquêteur, je reviendrai sur cet aspect dans un dernier temps, parce que, effectivement, il y aurait une analyse sérieuse à faire de son fonctionnement dans les mois qui viennent.

M. le Président, si on est placés avec cet article, devant nous aujourd'hui, c'est que la situation nous y a amenés. Comment cela se passait-il? Ce que je veux préciser avant, c'est que ce qui va faire le succès de cette formule, ce seront les acteurs, tant patronaux que syndicaux. Ce sont eux qui, finalement, vont décider, déterminer si c'est fonctionnel, si cela a des chances de ramener la paix sociale, le climat social et un juste équilibre dans les relations du travail. Trop d'employeurs ont négligé à tort de maintenir cet équilibre entre les parties au moment d'une négociation. Ces employeurs n'ont rien compris; ils n'ont pas compris qu'ils jouaient contre eux lorsqu'ils prenaient ces attitudes.

L'objectif d'une négociation est justement, pour un employeur, de savoir à l'avance quels sont les règles et les critères qui vont régir son entreprise dans les deux ou trois prochaines années. C'est pour un employeur de s'assurer une convention collective, c'est aussi de s'assurer que, pendant deux ans ou trois ans, il va pouvoir fonctionner en étant assuré qu'il n'y aura aucun problème extérieur à sa production qui va empêcher le fonctionnement de son entreprise. Tous les em-

ployeurs qui n'ont pas fonctionné dans ce sens-là ont joué contre eux, contre eux et contre l'ensemble des employeurs. Il ne faudrait donc pas blâmer uniquement les syndicats.

Qu'est-ce qui se passait en pratique? C'est que les travailleurs étaient amenés par le Code du travail même dans un goulot d'étranglement où, après un certain temps, la seule décision possible face à un employeur qui refusait toute discussion au moment d'une convention, de la négociation d'une convention collective, il ne restait pour les travailleurs qu'une solution celle de faire la grève. Et, au moment de cette grève, l'employeur, lui, faisant fi de la loi ou de l'esprit de la loi, engageait à pleine porte pour remplacer les ouvriers qui étaient sur le trottoir.

Cela a créé, M. le Président, de la violence, bien sûr, mais, chaque fois qu'on se réfère à la violence, on parle de la violence physique. Il y a une autre sorte de violence dont on ne parle pas, c'est la violence morale. Et c'est peut-être beaucoup plus grave pour un peuple que la violence physique. On se relève d'un coup de matraque, on se relève difficilement de violence morale qu'on subit pendant six mois, un an, deux ans.

Je m'en voudrais de ne pas rappeler, M. le Président, le conflit de la United Aircraft. Ce conflit selon les propres termes du député de Saint-Laurent, s'il n'avait pas existé, il aurait fallu l'inventer, juste pour se donner des exemples. C'est de cette façon que le député de Saint-Laurent a caractérisé 2000 travailleurs qui se sont tenus debout pendant 22 mois, en prenant douze votes de grève à scrutin secret vérifiés par des journalistes. C'est de ces travailleurs que le député de Saint-Laurent, dans toute son analyse et sa puissance d'analyse, nous a dit que si cela n'avait pas existé, il aurait fallu l'inventer, sans cela on aurait plus d'exemple. Dans ce conflit, la violence morale a été pire que la violence physique. La violence morale a duré douze mois avant qu'on commence à assister à de la violence physique.

Je dis, M. le Président, qu'à court, moyen et long terme, ce sentiment d'impuissance qu'ont les travailleurs devant ce qui est essentiel pour eux, c'est-à-dire leur travail, les amène aussi à un sentiment d'impuissance de façon générale dans tout ce qui les concerne. Cela les oblige entre autres choses, à ne plus avoir aucune confiance dans le système qui les régit. Cela les amène aussi à ne plus avoir confiance dans les gouvernements et dans les gouvernants. C'est cela qu'on a créé comme climat: violence morale, violence physique, sentiment d'impuissance qu'on a volontairement créé chez les travailleurs. C'était le climat qui existait au moment où cette loi arrive...

M. Bellemare: Devant les tribunaux.

M. Bisaillon: ... même devant les tribunaux et surtout devant les tribunaux.

Le député de Saint-Laurent dit que le piquetage va changer. Ce n'est pas vrai. Le piquetage va redevenir ce qu'il a toujours été. Le piquetage, c'est un mouvement symbolique. Par le piquetage, les travailleurs veulent indiquer de façon symbolique à d'autres qu'ils ont des problèmes, qu'ils sont en conflit. Le piquetage autrefois, M. le Président, se faisait avec une, deux ou trois personnes et c'était juste pour indiquer à la population qu'il y avait quelque chose qui se passait dans cette usine. C'était pour attirer l'opinion publique. C'était cela, le piquetage; cela a toujours été cela. Sauf qu'avec le temps, avec l'action d'employeurs qui n'ont jamais rien compris à de véritables relations du travail, on a assisté à du piquetage qui était défensif; défensif pour empêcher les camions de sortir à pleine porte; défensif pour empêcher les scabs d'entrer et jusqu'à un certain point, qu'à un moment donné, on a fait du piquetage pour empêcher les cadres d'entrer.

Si on en est arrivé là, c'est parce qu'on n'avait plus aucune confiance dans notre système de relations du travail. Il est clairement établi, dans l'article 51, que les cadres peuvent entrer dans l'usine. Je n'ai pas entendu une centrale syndicale s'opposer à cela. Pourquoi ne se sont-elles pas opposées? Parce qu'elles savent maintenant qu'il y aura des cadres, je veux dire des barrières pour empêcher une production excessive...

M. Chevrette: Les cadres juridiques.

M. Bisaillon: Les cadres juridiques, pas les cadres physiques. C'est cela qui va se passer. Le piquetage va reprendre tout son sens. Le piquetage va redevenir symbolique. Si, évidemment, chacun des acteurs en cause applique la loi dans l'esprit avec lequel elle a été présentée et à la lettre, si les acteurs se décident à respecter la loi, il n'y aura plus aucun problème et le piquetage ne sera plus source de violence, mais il sera source d'information, comme cela aurait toujours dû être. Ce qui va se présenter maintenant, c'est qu'on aura des conflits de travail qui pourront justement trouver leurs résultats dans ce à quoi le Code du travail croit, c'est-à-dire l'équilibre des forces, le rapport de force entre les parties. C'est ce qu'on rétablit avec l'article 51.

Qu'il y ait une période d'ajustement, que les acteurs, le monde patronal et le monde syndical, aient à s'ajuster, à discuter ensemble, c'est bien évident que cela va se passer. Si on me parle des services essentiels et qu'on me demande ce qui va se passer à l'avenir, je suis obligé de vous dire qu'à partir de l'expérience et à partir aussi de ce que je connais des travailleurs, c'est la solution de l'accord qui va être utilisée, parce qu'un travailleur, quand il sait qu'il y a des balises et qu'il sera protégé, reconnaît aussi qu'il ne faut pas qu'il se mette non plus en position de se faire matraquer. Or, plutôt que des décisions unilatérales de l'employeur, parce que c'est cela au paragraphe 97c, quand il n'y a pas d'accord, l'employeur peut lui-même décider que c'est cela, les services essentiels qu'il applique... Evidemment, cela peut être vérifié à nouveau par la suite, mais le premier geste est unilatéral.

Je dis que, dans la pratique, ce qui arrivera, cela sera l'accord. Les parties vont d'abord s'en-

tendre sur des services essentiels, parce que les travailleurs n'auront aucun intérêt à ce que cela soit décidé unilatéralement. Si ce n'est pas comme cela, ce sera ou bien parce que le syndicat aura été trop entêté ou encore parce que l'employeur aura préféré prendre la solution de décider lui-même. Il en subira les conséquences. Il est là, il y a un enquêteur de prévu qui pourra aller constater que l'employeur utilise abusivement des pouvoirs qui lui sont donnés dans la loi, qui lui sont reconnus dans la loi. C'est cela, en pratique, qui, d'après moi, se passera dès le départ.

Bien sûr, il y en a qui pourront jouer avec cette loi. Exemple, parce qu'il n'est pas mauvais de donner des exemples: Un employeur pourrait fort bien se dire: Mes cadres peuvent faire de la production, c'est reconnu dans la loi. Donc, je vais les utiliser à la production. Si j'ai besoin de services essentiels, je vais aller demander aux syndiqués de faire les services essentiels. Il pourrait, évidemment, selon le cadre de la loi, faire cela. L'enquêteur pourrait aussi dire: Les cadres auraient pu assumer les services essentiels. Si les employeurs abusaient trop de cette orientation et utilisaient toujours trop les cadres pour la production et les syndiqués pour les services essentiels, il pourrait fort bien arriver que la commission qui se penche sur l'étude du Code du travail décide, là aussi, de refermer la porte.

Les parties qui sont en présence ont tout intérêt à aménager le terrain qui leur est donné, à l'aménager à leur façon et selon leur bon vouloir. Sans cela, il sera toujours possible de revenir; de la même façon pour l'enquêteur. Dans l'article 97c, on prévoit un enquêteur qui ira vérifier si 97c — ou 97a, mais prenons 97c — a été utilisé de manière abusive. L'enquêteur produira un rapport qu'il soumettra aux parties par la suite. Supposons que l'enquêteur dise: L'employeur a utilisé vingt personnes pour les services essentiels, et cinq personnes, cela aurait été suffisant. Le syndicat pourra prendre une injonction pour faire décider des services essentiels à accorder à l'employeur.

Il est possible que les tribunaux ne prennent pas sérieusement en considération l'article 97c. Mais il y a aussi un danger à cet endroit-là, Si, par exemple, il existe trop de temps, un trop long délai entre le rapport de l'enquêteur et le jugement final, il est bien possible que là aussi on assiste à un sentiment de frustration de la part des travailleurs ou de la part des employeurs, mais surtout de la part des travailleurs, un sentiment de frustration parce que placés devant une injustice. Parce que les travailleurs fonctionnent comme cela, ils ont des droits et s'aperçoivent que ces droits-là sont bafoués, et c'est ce qui les amène à poser d'autres gestes. Ils pourraient dire: L'enquêteur dit que c'est cinq et il y en a encore vingt et cela fait un mois. On sera donc peut-être tenté de retourner aux méthodes d'autrefois et à prendre cela comme on le prenait autrefois — et je le dis entre guillemets pour que le député de Saint-Laurent me comprenne — à les prendre "sur le bras".

M. Bellemare: Est-ce que le député me permet une question?

M. Bisaillon: Oui.

M. Bellemare: Pas longue. Est-ce qu'on pourrait aussi avoir un représentant de l'employeur?

M. Bisaillon: Je pense que le ministre pourra répondre à cette question-là tantôt, parce que c'est à lui que vous l'avez posée.

M. Bellemare: Mais votre impression?

M. Bisaillon: M. le député de Johnson, quand j'ai lu l'article, je comprenais que c'était implicite que cela allait de soi.

M. Bellemare: Oui, mais si la loi le dit c'est encore bien mieux.

M. Bisaillon: Je pense que là-dessus le ministre pourra acquiescer à votre demande lui-même.

M. Bellemare: Merci.

M. Bisaillon: Je termine en disant que c'est de cette façon et dans ce sens qu'il faut prendre l'article 51, un article qui vise à rétablir des faits, à rétablir l'ordre, à remettre un équilibre entre les parties et que cet équilibre, ce sont les parties qui en sont responsables, et que de la façon qu'elles vont l'utiliser, dépend le succès ou l'insuccès de cette mesure. Les responsables de l'insuccès seront peut-être les premiers plus tard, lorsqu'on sera éventuellement amené à reserrer encore davantage, à critiquer et à crier le plus fort.

Mais pour l'instant, c'est ce qu'il faut que les parties se disent; ce sont elles qui sont responsables de la bonne application de l'article 51 et si on veut vraiment rétablir un climat qui soit ordonné dans nos relations du travail, il faut, sans l'ombre d'un doute, endosser l'article 51.

M. Bellemare: Très bien pour un syndicaliste comme vous.

Le Président (M. Clair): Dans l'ordre, le député de Berthier, le député de Bourassa et le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. le député de Berthier.

M. Mercier: Je suis tout à fait d'accord que l'utilisation des briseurs de grève ait pu amener certains conflits à dégénérer en violence et à retarder la solution de certains conflits. Ces amendements qu'on apporte aujourd'hui, qui permettent de maintenir les biens meubles ou immeubles dans l'état où ils peuvent reprendre le fonctionnement après la grève, je pense que ces articles sont autant dans l'intérêt des travailleurs que des patrons. On pourrait se trouver dans des situations où la détérioration physique des biens meubles ou immeubles pourrait empêcher toute reprise des activités à l'occasion de la solution du conflit. Je pense que c'est un élément positif.

D'autre part — je tiens à l'exprimer aujourd'hui — il demeurera quand même un certain nombre de situations non couvertes par notre pro-

jet de loi, et elles se retrouvent dans des situations de "scabs" à l'envers. Dans certaines entreprises— et je le sais pour l'avoir vécu — des entreprises de 25, 50 ou moins de 100 employés, il arrive des situations où on se retrouve avec les deux tiers ou avec les trois quarts des ouvriers qui se trouvent des emplois occasionnels à l'extérieur et parfois à des salaires supérieurs à ce qu'ils obtiennent à l'entreprise où ils travaillent. Bien sûr, ces emplois sont saisonniers, occasionnels, mais il demeure que ce n'est pas de nature à favoriser une véritable rencontre, une discussion et une solution des conflits. Parce qu'on a trop de gens qui ont des emplois à l'extérieur qui leur permettent de ne subir aucuns sévices de cette grève. On est face, là aussi, à un déséquilibre, mais cette fois-ci, au détriment d'un certain nombre d'employeurs.

D'autre part, on sait par expérience que des centrales syndicales ont des stratégies sectorielles de négociation qui les amènent parfois à attaquer le point le plus faible d'un employeur dans un secteur d'activités donné, sans trop se soucier de l'intérêt des travailleurs, à savoir si l'entreprise va disparaître ou pas mais pour obtenir des conditions de salaire supérieures aux autres entreprises où des conventions collectives vont venir à échéance.

Notre projet de loi ne réglera pas ce genre de conflit. Si ça devait devenir trop fréquent, je pense qu'il faudrait se pencher là-dessus aussi. Mais, en attendant, je pense que le patronat devrait comprendre que, sectoriellement parlant, il serait peut-être de son intérêt de faire front commun pour éviter certaines situations où un employeur se retrouverait isolé face à un groupe de syndiqués dont la majorité occuperait un emploi à l'extérieur, parfois pour des services gouvernementaux — soit dit en passant, j'ai vécu cela — On aurait, là aussi, des conflits interminables au terme desquels certaines entreprises disparaîtraient, malheureusement, pour certaines collectivités.

Je tenais à le dire. Je pense que l'expérience de l'application de ce projet de loi devrait donner, pour la très grande majorité de ces cas marginaux qui dégénéraient en violence, d'excellents résultats. Si on devait constater que, dans certains cas, il y a eu des abus de la nature de ceux que je viens d'exposer, je pense que le patronat devrait se rendre compte qu'il peut y aller de son intérêt de se regrouper à son tour pour contrebalancer le poids des centrales syndicales, quant à l'appui qu'elles peuvent donner à certains syndicats. D'autre part, je ne sais pas s'il y aurait possibilité de procéder à des amendements ultérieurs, si ça prenait beaucoup d'ampleur, pour rétablir un juste équilibre. Ce que nous recherchons à travers ce projet de loi pour un meilleur climat des relations du travail.

Le Président (M. Clair): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président. C'est assez difficile de parler après les députés de Sainte-Marie et de Joliette-Montcalm. Ils ont résumé ce que chacun des députés ministériels avait dans son coeur et dans sa tête. L'appui que je veux donner est un appui total au ministre du Travail. Il nous a consultés pour toute la loi. On a pu contester les articles qui ne faisaient pas notre affaire. On a pu en discuter, en parler à l'extérieur du caucus. Le ministre est revenu nous consulter; c'est un élément nouveau qu'on croit avoir établi dans ce gouvernement. Lorsque vous parlez de limpidité, vous en avez un exemple aujourd'hui avec la loi 45.

J'ai beaucoup aimé le député de Johnson. Il est resté réellement un vrai syndicaliste. Il a compris qu on pouvait avoir du droit nouveau dans une loi du travail et, sans réserve, il appuie l'article 51. Ce que je trouve regrettable, c'est l'attitude du député de Saint-Laurent. Chaque fois que je suis venu à cette commission, j'avais cru comprendre que les amendements qu'il apportait avaient pour but de bonifier cette loi, qu'il voulait une loi nouvelle, la loi 45, quelque chose qui soit nouveau. L'article le plus important — l'article 51 — que vous avez vécu vous-même dans la loi 213 est bonifié, est fait pour produire un ordre social meilleur qu'auparavant. Vous avez vécu les grèves, vous savez ce qui s'est passé dans l'éducation, dans les services de santé, les services essentiels, mais la leçon n'a pas eu l'air d'avoir porté.

M. Forget: Elle a porté, mais comment?

M. Laplante: Non, elle n'a pas porté.

Avec l'avènement de ce droit nouveau j'avais cru que vous auriez fait un tout autre examen de conscience autour du projet de loi 45. C'est décevant; ça devrait dépasser la ligne de parti. C'est pour ça que, sans réserve, j'appuie l'article 51 et encore une fois, je crois que tous les collègues qui sont autour de la table, le parti ministériel, partagent mon avis.

M. Forget: Si cela peut aider le député de Bourassa, je peux lui passer des mouchoirs en papier.

M. Laplante: Non. Vous en auriez peut-être besoin par exemple.

Le Président (M. Clair): A I'ordre!

M. Bisaillon: Le député de Saint-Laurent n'a pas besoin de cigarettes, non? Pas encore? Cela va venir.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît. Le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: M. le Président, je pense que nous sommes arrivés à une clause très importante dans ce projet de loi et je veux vous assurer, M. le Président, M. le ministre, que je pense que tout membre de la commission, y compris certainement le député de Saint-Laurent, veut exactement la même chose. On veut que les ouvriers, dans cette province du Québec, puissent gagner leur pain avec dignité, avec le moins de violence pos-

sible et que, par l'entremise de négociations, ils puissent réussir non seulement des profits, etc., d'une entreprise.

J'ai été fort impressionné par le discours du député de Joliette-Montcalm, et surtout par celui du député de Sainte-Marie. Je pense que ce n'est pas surprenant que je partage presque tous leurs sentiments, parce que dans ma vie j'ai agi comme employeur pendant de nombreuses années, comme employé, comme membre d'un syndicat pendant 39 ans. Je suis encore d'ailleurs membre d'un syndicat. J'ai été aussi, comme vous le savez, ministre du Travail, et avant cela, adjoint parlementaire au ministre du Travail et même, parfois, j'avais 53 000 employés.

Alors, je pense que je peux parler, si vous me le permettez, sans partisanerie, parce que c'est vraiment le but d'une commission. Ce n'est pas le parti gouvernemental contre l'Opposition. Nous sommes membres de cette commission pour essayer d'améliorer le climat industriel dans notre province. Je pense que c'est le moment, que c'est nécessaire pour le Québec, de devenir une province encore plus industrialisée que jamais. Alors, c'est normal et naturel qu'on fasse des lois qui prennent en considération les dix ou quinze prochaines années, où nous aurons un volume d'industries plus considérable. C'est pour cela, par exemple, M. le ministre, M. le Président, qu'on a touché à la formule Rand. J'étais complètement d'accord avec le ministre. Je sais par expérience qu'il n'y a aucun ministère aussi difficile que celui du Travail, et j'ai passé six ministères.

Même si le projet de loi 45 était parfait, i I y au rait certainement quelqu'un qui ne serait pas content. Quand j'étais ministre, on disait toujours, à Ottawa: Mackasey n'a jamais étudié le livre, il ne connaît même pas les règlements, il ne connaît pas les articles, et je plaide coupable. En fin de compte, c'est seulement le bon sens qui règle les conflits, pas les règlements. Si quelqu'un ne veut pas suivre les règlements, il ne suit pas les règlements.

Je voudrais parler, un peu plus résieusement, de cet article. Je reviens, M. le ministre, à ce qu'a dit le député de Sainte-Marie, lorsqu'il a parlé de violence morale. Il a parlé très sincèrement. Il n'y a rien de plus triste que de voir des hommes en grève deux semaines, trois semaines, trois mois, quand les patrons veulent qu'ils soient en grève. Dans le domaine fédéral, je me rappelle une grève de la Hudson's Bay, comment est-ce qu'on dirait cela en français? Mining company.

M. Johnson: Oui.

M. Mackasey: Ils ont provoqué exprès une grève, parce qu'ils avaient beaucoup de produits à leur disposition. Ils en avaient pour onze mois. C'était plus simple de fermer toute la ville de Thompson parce qu'il n'y avait qu'une entreprise là; le diable emporte les travailleurs. J'ai vu cela. C'est pour ça que j'avais la réputation, j'étais toujours fier d'être ami des travailleurs. Je dis ça pour une raison. Même chose pour les débardeurs à Montréal, quand j'ai quitté ma fonction de ministre du Travail; c'est le premier groupe qui est venu me voir pour me remercier; ils m'ont encore envoyé un petit cadeau pour Noël hier, M. le ministre, les débardeurs de Montréal. J'espère qu'ils n'ont pas pris ça, par exemple, from one of the ships.

J'ai vu quelque chose qui est toujours la cause des grèves de violence...

M. Bisaillon: Est-ce que le député me permettrait une question?

M. Mackasey: Le député de Sainte-Marie a parlé...

M. Bisaillon: Est-ce que le député pourrait me permettre une question? Vous avez parlé de cadeau que vous aviez reçu; il n'y a pas de directive chez vous pour refuser les cadeaux, non?

M. Mackasey: Quand je reçois un cadeau des syndicats, je sais que ça vient du coeur, ils ne sont pas intéressés à m'influencer. Deuxièmement, je ne suis plus leur ministre, ce sont des amis, par exemple, ce sont des amis. Votre leader, M. Burns, était avocat pour eux quand j'étais ministre, alors j'ai tout passé ces affaires-là. Le député de Johnson ici a souvent assisté à des conférences fédérales-provinciales. Mais il y a quelque chose, je pense, M. le ministre. Cela relève de cet article.

Le député de Sainte-Marie a bien soulevé le problème du piquetage. Selon la loi, probablement que c'est celui qui est le plus désavantagé ici, parce que c'est la première fois, dans le domaine provincial, qu'il est député, mais, au moins, le piquetage, c'est un moyen d'information, pas plus, pas moins; une ligne de piquetage n'est pas là pour la violence, ce n'est pas là pour empêcher une personne qui veut entrer de le faire. La ligne de piquetage n'a pas le droit d'empêcher un employé, un salarié qui veut traverser la ligne. Le but du piquetage, c'est seulement de donner de l'information au public.

J'espère que les travailleurs, les autorités, le ministre même, diront carrément au syndicat: C'est le but du piquetage, l'information, pas autre chose. Le député de Sainte-Marie partage les mêmes points de vue. Mais quand les "scabs" arrivent, c'est difficile pour quelqu'un qui est en grève depuis trois semaines, trois mois, de ne pas se servir de la ligne de piquetage pour empêcher les "scabs". Je sais ce que la violence produit. Alors, c'est mieux de ne pas voir les "scabs".

Finalement, je pense qu'une autre chose, ce sont les injonctions interlocutoires, je pense que vous dites ça en français, où le syndicat n'est pas protégé par les avocats, ça arrive un samedi, un dimanche. Mais, en arrivant à l'article 51, M. le ministre, il y a quelque chose dans la loi, pas le principe, parce que je suis d'accord avec le principe, mais quelque chose qui ne va pas dans la loi. J'ai peur que quelques paragraphes de l'article 51, si ce n'est pas bien implanté ou traduit par les fonctionnaires ou par la cour, au lieu d'empêcher la violence, vont créer plus de violence.

Par exemple, quand on arrive... Mais j'en parlerai plus tard; là, je parle seulement en gêné-

rai. Quand on parle des services essentiels, il faut décrire ces services essentiels. Là, par exemple, vous avez un autre conflit.

Une autre chose, le député de Johnson dit qu'il parle pour les employeurs. Il faut parler aussi, comme le député de Johnson l'a dit, pour les employeurs. Tous les employeurs ne sont pas des patrons avec des millions à la banque, surtout dans le domaine provincial. M. le ministre, qu'est-ce qui arrive, par exemple, et là je parle par expérience, parce qu'en 1963, je n'étais pas ministre du Travail, j'avais démissionné, j'avais pris congé... Mais je suis allé régler, comme citoyen privé, une grève en Colombie-Britannique. Cet article s'applique exactement, M. le Président, quant à la question du député de Sainte-Marie; au moins, je pense qu'il est intéressé.

C'était une entreprise à Vancouver qui avait exactement trente employés. La grève était légale. Il y avait une ligne de piquetage. Tous les 30 employés, au bout de la première semaine, travaillaient à la compétition de cette entreprise. Je peux la mentionner, c'est une compagnie bien connue. Tout le temps qu'ils ont travaillé pour la compétition, il y avait, quoiqu'on en dise, pas de discussion. Ils m'avaient demandé d'aller de Montréal à Vancouver pour régler le conflit. Je l'ai réglé. Mais cette grève durait depuis 11 mois, lorsque je suis arrivé là. Si cela avait duré 12 mois, l'employeur aurait été en faillite.

Je me demande, dans votre article, le cas, par exemple, parce que nous sommes dans un travail, dans les petites entreprises, de quinze employés, qui s'en vont en grève. Les quinze employés sont immédiatement engagés comme débardeurs, si vous voulez, dans le domaine de la construction, si vous voulez. Quelqu'un a souligné, tout à l'heure, qu'il y en a trop qui travaillent dans la construction et qui sont des professeurs, qui sont chauffeurs de taxi, qui sont bien autre chose.

Si ces quinze employés travaillent pour un autre entrepreneur, dans une entreprise et que le syndicat décide de ne pas négocier, s'il est défendu à l'employeur, selon la loi, d'engager quelqu'un pour continuer son entreprise, c'est logique qu'après un mois, deux mois, trois mois, quatre mois, que cette entreprise soit en faillite.

J'ai écouté le député de Sainte-Marie, mais je veux l'écouter. Il m'a donné un exemple lorsqu'il arrive au syndicaliste. On dit, en anglais "too wrong to make a rate". On veut que le bill 45 soit acceptable pour les deux parties, surtout que l'article 51 soit accepté des deux côtés.

La première réaction, c'est qu'on en vienne avec une idée nouvelle. C'est non. Ce n'est pas le statu quo. Quelle protection y a-t-il, M. le ministre, dans cet article, pour le propriétaire d'une petite entreprise où tous les salariés travaillent ailleurs et pour qui le syndicat ne négocie pas, de bonne foi ou non? C'est une manière très simple pour mettre une petite entreprise en faillite. Si les douze, quinze ou vingt employés travaillent ailleurs à cause de peut-être le prix de leur syndicat, que ce soit la CSN, que ce soit la FTQ, que ce soit les enseignants, que ce soit des teamsters", surtout qu'il peut y avoir des "teamsters" avec le camionnage.

On va prendre les "teamsters" comme exemple. Si les quinze chauffeurs de voiture, dans une "connotation" provinciale, décident, en attendant, d'aller travailler dans un syndicat accrédité fédéralement, l'employeur est pris avec personne pour faire une négociation, peut-être pour deux, trois, quatre, cinq, six mois. Au bout de six mois, le syndicat pourra dire à l'employeur: Nous sommes prêts maintenant à recommencer les discussions. Si cela ne va pas à leur goût, ils vont aller en grève pour un autre six mois.

Je dis ici qu'il y a deux raisons qui m'inquiètent, M. le ministre. La première, la définition des services essentiels. Qu'est-ce qu'il y a pour protéger les syndicats? Nous ne savons pas exactement ce que sont les services essentiels. Deuxièmement, quelle est la protection, pour une petite entreprise, par l'exemple de ce que je viens de donner. C'est un exemple d'expérience. Si nécessaire, je donnerai au ministre ou aux autres membres ici, privément, le nom de cette entreprise, si nous ne voulons pas que cela paraisse dans les journaux.

Le Président (M. Clair): Le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je ne voudrais pas reprendre l'ensemble des arguments apportés par mes collègues, que ce soit de Joliette-Montcalm ou de Sainte-Marie; je partage entièrement leur point de vue, sauf peut-être sur un point qui est le suivant. Ils disaient dans leur argumentation ne pas comprendre la conclusion à laquelle est arrivé le député de Saint-Laurent. Ils disaient: On croit qu'il est pessimiste, qu'il est une personne qui voit de façon négative l'ensemble des amendements proposés et, même on ajoutait, l'ensemble du projet de loi. Mais je pense, quant à moi, que c'était tout à fait normal que ce soit comme cela de sa part.

L'ensemble du projet et, en particulier, l'article 97c comporte deux points de vue totalement et diamétralement opposés. Nous n'avons pas craint, comme représentants du gouvernemnt, de garder un préjugé favorable envers les travailleurs. Le député de Saint-Laurent, dans les années où il a été au gouvernement — on l'a vu clairement — gardait comme d'autres membres du gouvernement, un préjugé favorable envers les patrons. On n'a qu'à se rappeler ce climat de méfiance, de guerre entre les patrons et les ouvriers on n'a qu'à se rappeler le fameux rapport Fantus qui disait que la façon de régler l'ensemble du travail pour les patrons, c'était de faire en sorte de rendre le plus difficile possible la syndicalisation et même de casser les syndicats ouvriers.

Il y a une chose dans l'ensemble de l'article sur lequel je voudrais plutôt peser: il va falloir que les patrons comprennent que cet article est aussi bien dans leur intérêt que dans celui des travailleurs. Cela devient, je pense, une chose que l'on oublie peut-être de faire valoir, à l'intérieur de cet article. Quand on dit qu'ils doivent prendre les

moyens nécessaires pour protéger leurs biens, meubles et immeubles, en vue de les conserver, non pas en vue de produire, non pas en vue de sortir la marchandise produite, mais bien en vue de protéger, on n'a qu'à se rappeler quelques exemples, en particulier, comme celui-ci: une poissonnerie où il y aurait un frigidaire. Le but n'est pas d'entrer du poisson, d'en congeler de nouveau, ou d'en sortir. Le but est d'éviter que le réfrigérateur s'il venait à briser, fasse perdre l'ensemble de ce qui se trouve actuellement à l'intérieur.

On n'a qu'à se rappeler aussi la Place Ville-Marie. Le but de la loi n'est pas de permettre que la Place Ville-Marie, si jamais il y avait à l'intérieur de cette bâtisse une grève des gens qui s'occupent du chauffage, que le chauffage continue comme il est là. Il permet simplement d'éviter que, dans un cas où existe à l'extérieur un climat froid comme on le connaît actuellement, les tuyaux se brisent, que les tuyaux, comme on dit souvent, "pètent". C'est simplement pour maintenir un niveau d'utilisation minimale de façon que le système soit quand même convenable lorsque la grève sera terminée.

On n'a qu'à se rappeler la question des cuves, que ce soit l'aluminium ou, dans notre milieu, à Shawinigan aussi, la question de la Shawinigan Chemicals. Quand les gens faisaient des grèves dans ces secteurs, avant de quitter, ils s'arrangeaient, parce qu'ils savaient qu'ils reviendraient un jour, ils s'arrangeaient pour empêcher que les cuves soient gelées, comme on le dit dans ce secteur.

Le but est de permettre l'utilisation des biens, comme le disait le député de Berthier, de façon que, quand le travail reprendra aussi bien de la part des employés que de la part du patron, l'utilisation des biens soit faite le plus rapidement possible, et dans les conditions les meilleures.

Donc, la loi comme telle, à l'article qu'on étudie, nous permet de penser que, aussi bien pour le patron que pour les travailleurs, ce sera une clause qui permettra une meilleure utilisation, une fois la grève terminée, des instruments qui se trouvent à l'intérieur de la bâtisse.

C'est ce que je voulais faire ressortir, en disant que comme représentants du gouvernement, nous avons définitivement pris pour nous un préjugé favorable envers les travailleurs, tout en ne négligeant pas l'autre partie qui est les patrons.

M. Bellemare: Est-ce que je peux répondre? Le Président (M. Clair): M. le ministre. M. Bellemare: Je vais répondre.

Le Président (M. Clair): II n'y a pas d'autres intervenants en lice sur les remarques générales à l'article 51. M. le ministre du Travail.

M. Bisaillon: M. le Président, la question du député de Johnson...

M. Bellemare: Je pense qu'il y a deux ques- tions. La première question, il l'a bien prise en note, c'est celle des moyens de conservation.

M. Johnson: Oui.

M. Bellemare: C'est assez vaste. La deuxième, c'est que si l'enquêteur est accompagné d'un des membres...

M. Johnson: Je vais y revenir. Si vous me permettez, je pense qu'il me reste cinq ou six minutes sur mon temps de vingt minutes. Je vais en profiter pour résumer un peu certaines choses. C'est vrai que cette loi risque, en cours de route, de poser dans un cas précis ou dans deux cas précis des difficultés, et peut-être dans plus de cas. De façon générale, cependant, je suis d'accord sur l'analyse qu'en a faite le député de Sainte-Marie tout à l'heure. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, il y a cette disposition antibriseur de grève dans le Code. C'est-à-dire qu'on peut présumer que des travailleurs qui sont en grève, n'ont pas d'intérêt à voir leur gagne-pain disparaître. Ils n'ont pas d'intérêt non plus à voir leurs moyens de production, leurs outils de travail, au-delà de l'entreprise elle-même, ce dont ils se servent concrètement dans chacun de leur métier, être détériorés ou détruits. La plus grande preuve qu'on a de cela au Québec, c'est peut-être parce qu'on l'oublie trop souvent, parce qu'on a peut-être une grande faiblesse pour une forme de jaunisse dans les relations du travail au Québec, 95% des conventions collectives au Québec sont réglées sans grève ni lock-out. L'immense majorité des grèves et des lock-out donne lieu, effectivement, à des ententes de services. Etant donné cette disposition qui a un peu l'allure d'une épée de Damoclès sur la tête de l'employeur, je suis d'accord, avec l'analyse qu'en fait le député de Sainte-Marie, que finalement, c'est d'abord et avant tout une formule incitative. Elle va l'être par les faits. Celui qui résistera, s'exposera non seulement à l'opprobre public du fait du rapport d'un enquêteur qui remarquerait et confinerait dans un rapport qu'il n'y a pas de respect et s'opposerait également à la possibilité d'un recours judiciaire par voie d'injonction, et finalement, il s'oppose, par définition, à des plaintes pénales qui sont prévues au Code et qui sont extrêmement sévères. Je pense que, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, il y a quelque chose de fondamentalement incitatif dans les dispositions de la loi.

Un autre aspect, c'est l'enquêteur, et je pense que c'est important. C'est clair que c'est une disposition qui déroge aux principes généraux qu'on retrouve dans l'économie du Code du travail, c'est-à-dire une espèce de liberté à peu près totale des parties. L'imposition de la restriction quant aux personnes dont un employeur peut utiliser les services est une dérogation de ce principe général. On remarquera que l'enquêteur n'a pas un pouvoir coercitif. Et c'est un autre niveau d'incitation.

Quant à la possibilité de la présence d'un employeur ou d'un représentant de l'employeur dans cette enquête, à mes yeux, elle était implicite. Mais

cela vaudrait peut-être effectivement la peine de suivre la suggestion du député de Johnson. Je voudrais bien faire une formule, parce qu'on a déjà commencé à élaborer une formule à partir de ces propos, pour bien spécifier que l'employeur aussi pourrait avoir quelqu'un qu'il désigne et qui participe à cette enquête avec l'enquêteur envoyé par le ministère.

Quant à la notion de conservation, on aurait peut-être tendance à référer au Code de procédure civile qui parle des mesures conservatoires mais ce n'est pas du tout ce dont il s'agit. Les mesures conservatoires dans le Code de procédure civile ont une signification bien particulière. Elles sont de l'ordre un peu d'un séquestre judiciaire. Ce n'est pas ce dont il s'agit ici.

On se réfère donc à l'acception générale de ces termes, au sens commun des termes, et à ce sujet, on peut se référer au Grand Robert et au Larousse. Le Larousse, évidemment, n'est jamais particulièrement inspirant. Le mot conservation est défini comme l'état de ce qui est conservé. Le Larousse a toujours de ces formules ennuyeuses, mais au mot conserver, on dit bien qu'il s'agit de maintenir en son état, de garder avec soin. Dans le Grand Robert, conserver, c'est maintenir en bon état, préserver de l'altération ou de la destruction. Dans le Grand Robert également, on parle d'une action de conserver comme du maintien du bon état. On parle d'entretien, on parle de garde. On donne l'exemple d'un appareil frigorifique de conservation. On pourrait dire qu'une vie sobre a pour but de conserver la santé. On pourrait dire que c'est dans l'acception générale du terme qu'il faut accepter la notion de conservation. Cette acception générale, on la retrouve dans le Grand Robert, dans le Larousse — même s'il n'est pas très inspirant — C'est ce dont il s'agit.

L'avantage du deuxième paragraphe qu'on introduit aujourd'hui, c'est qu'au-delà de définir non pas la conservation, mais les gestes qui doivent être de conservation, il définit ce qu'ils ne doivent pas être, ce qu'ils ne doivent pas viser. Ils ne doivent pas viser une production de biens et services qui autrement eût été interdite par l'article 97a. On a donc un cadre d'interprétation qui est beaucoup plus simple pour celui qui aura à l'interpréter.

Qui aura à l'interpréter? Dans un premier temps, on présume qu'il n'y a pas eu d'entente et pourtant, dans la majorité des cas, il y en aura. Dans un deuxième temps, ce sera l'employeur qui, avant de prendre la décision — et en ce sens on respecte l'économie du code... On est réaliste en laissant un droit d'initiative à l'employeur. On définit, par une espèce d'intervenant extérieur, compte tenu qu'on est en conciliation volontaire, compte tenu qu'on ne peut prévoir toutes les situations dans le Code, qu'il faut laisser un droit d'initiative quelque part aux parties. Ce droit d'initiative, c'est celui de l'employeur. Mais il est dans un cadre et fort bien balisé, particulièrement avec le deuxième paragraphe de l'article 97c.

A la lumière de cette rédaction, M. le Président, et à la lumière des principes généraux, je suis d'accord avec le député de Notre-Dame-de-

Grâce qui dit que nous cherchons tous ici un même objectif. Je ne mettrai jamais en doute les intentions du député de Saint-Laurent et du député de Notre-Dame-de-Grâce ou du député de Johnson à cet effet. Je pense qu'on ne peut faire autrement que de souhaiter la paix sociale. On ne peut pas faire autrement que de souhaiter qu'on ne vive pas des conflits qui soient marqués par la violence. C'est une question d'appréciation des moyens qu'il faut prendre. C'est là, évidemment, que nos perceptions divergent.

Ma perception, c'est qu'a priori on peut faire confiance aux gens. C'est vrai qu'il y a des cas problèmes. C'est vrai que, s'il y a une loi, c'est que la société, par définition, est l'objet de malentendu. A un moment donné, une société, globalement, comme je pense que la nôtre est en train de le devenir depuis quelques années, et je ne dis pas de façon partisane, j'essaie de le constater parce que je pense que la responsabilité n'était pas seulement au niveau politique, mais elle était au niveau de l'ensemble des valeurs et des transformations de valeurs dans notre société... Mais, de façon générale, je pense que toute notre société est en train de devenir un immense malentendu. A un moment donné, il faut partir quelque part quand on fait une loi. C'est notre rôle ici.

Les dispositions anti-briseurs de grève essaient d'affirmer un principe de base. Deuxièmement, elles fournissent un cadre juridique qu'on veut le plus précis possible pour éviter des guérillas judiciaires. Troisièmement, elles respectent l'économie générale du Code du travail qui laisse aux parties d'abord et avant tout l'initiative de ce qu'elles font.

Finalement, ces dispositions partent de la conviction, que nous avons comme gouvernement, que s'il y a des centaines de milliers de salariés au Québec qui sont capables de régler leurs conditions de travail autrement que dans le contexte d'une grève ou d'un lock-out et autrement que dans un contexte de violence, cela peut s'étendre à partir du moment où il y a un gouvernement qui dit: La première loi majeure que nous adoptons comme gouvernement en matière de relations du travail, c'est une loi qui, a priori, postule la confiance qu'il est possible de mettre entre les mains des travailleurs syndiqués. C'est pour ces raisons, M. le Président, que je demanderai qu'on adopte...

M. Mackasey: ... plutôt une question. Je vais peut-être souligner une faiblesse, pas peut-être mais certainement une faiblesse à l'article 51. Si on veut que l'article 51 soit adopté, si ce n'est pas acceptable autant de la part de l'employeur que de l'employé, le salarié, cela ne fera votre affaire, cela va produire plus de violence. J'ai traité des cas particuliers où l'employeur, dans une province, a souvent seulement quinze employés ou à peine dix, douze ou quinze employés, une petite entreprise, mais quand même accréditée. Si ces quinze employés travaillent ailleurs, cela arrive souvent, ils ne seront pas pressés de négocier? Qu'est-ce que l'employeur peut donc faire dans ce cas-là? Il

ne peut pas engager quelqu'un. Il va être obligé d'attendre le moment où le syndicat décidera de renouveler, si vous voulez, ou continuer les discussions. Les syndicats ne sont pas tous des anges, vous savez, M. le ministre, il y a des syndicats qui me font honte comme syndicaliste. Supposons que le syndicat décide qu'il n'aime pas un tel employeur, qu'il va détruire l'employeur, quelle protection l'employeur a-t-il maintenant? L'employeur est très mal pris dans le sens de "se protéger". What pressure is in there to force the Union?

J'ai remarqué qu'il y en a ici qui défendent à leurs employés qui sont en grève de travailler ailleurs pendant la grève légale, mais défend-on à l'employeur d'engager ce qu'on appelle des scabs? L'employé, par exemple, le salarié, s'il est un vrai syndicaliste, ne prendra pas la place de quelqu'un qui est en chômage ou de quelqu'un qui est membre d'un autre syndicat. Je connais beaucoup d'exemples de syndicalistes qui remplacent un autre syndicaliste qui est en grève. You know, nobody has got any monopoly on honesty, dishonesty or morality. What is there in this law to protect the employer in the example I gave, where the employee simply goes and works somewhere else? The employer is stuck with a business, he is not necessarily a rich man. He is stuck. What he is expected to do? What is his recourse under this act, under this section. What is he supposed to do?

M.Johnson: II n'y a pas de recours au sens de la loi telle qu'elle est rédigée.

M. Mackasey: Pardon?

M. Johnson: II n'y a pas de recours au sens de la loi présentement.

M. Mackasey: Alors, est-ce que c'est la justice? Do you think that this is balanced that this is right? I respect your honesty in saying: II n'y a pas de recours. Mais ne me dites pas qu'on va adopter une loi ici qui paralyse l'employeur, qui a aussi des droits et à qui on refuse la justice. I hope you have a better answer than that.

M. Johnson: Ce que je dis et je l'ai dit au début, j'ai refusé depuis le début de considérer que le pendant des dispositions anti-briseurs de grève comme le suggéraient certains, était d'interdire aux salariés de se trouver un travail ailleurs, parce que non seulement cela peut présenter des difficultés d'application mais cela, en soi, ce n'est pas une bonne raison. Mais c'est qu'on ne peut pas les mettre sur un pied d'égalité, et même si je crois que la majorité des PME, ce ne sont pas des gros méchants qui veulent exploiter un sous prolétariat, je connais des gens qui sont dans les PME et qui sont directeur général, président, seul actionnaire, comptable et le gars qui tape à la machine de leur entreprise où ils travaillent quatorze heures par jour pour s'assurer un revenu d'à peu près $25 000 par année et qui paient des salaires semblables à ceux d'industries analogues autour d'eux. Ce ne sont pas nécessairement des méchants. Au niveau des convictions et des perceptions, j'espère qu'on se comprend là-dessus.

Ceci dit, je pense qu'on ne peut pas mettre une entreprise, en tant qu'entreprise, sur un pied d'égalité avec un salarié qui, lui, est en lock-out ou en grève et qui a une allocation de subsistance de $20 par semaine. Il a une famille à faire vivre. On ne peut pas lui interdire de travailler ailleurs.

M. Mackasey: S'il veut être le seul patron d'une entreprise familiale, si tout ce qu'il a à sa disposition est dans cette entreprise, everything that he built up for 20 years should go down the river because he has no recourse to the law in the event that 15 employees decided to put him out of business by going on strike legally, Mr Minister, walking away for six months, working on an other job, which they all can do. In the meantime, the employer is helpless, because he cannot hire people to replace them. There is nothing in there that says that he can appeal to you, let us say, in good faith. It is an argument that... Il n'agit pas de bonne foi.

The reason that I am against article 51 and must vote against it, although I approve of the principle of not bringing scabs in, is that it is unbalanced. It is unbalanced in that in eliminating a potential source of violence, you are penalizing, placing at the disposal of the Union, if any Union wants to use it the wrong way, a method of putting out of business a small business, particularly where you only have 30 employees, or 15. In fact, a competitor can hire the fifteen in the meantime in order to create a monopoly, which is the case I happen to know about in British Columbia.

J'ai été fort surpris que les représentants ici, qui représentent des comtés où il y a de petites entreprises, ne comprennent pas que l'employeur d'une petite entreprise, pas nécessairement une corporation, mais une entreprise privée avec quinze employés, peut être mis en faillite par le syndicat, avec l'article 51, en trois mois. Je n'ai pas entendu un mot, jusqu'à maintenant, pour dire que cet employeur a aussi des droits, autant que le syndicat. C'est facile. C'est pour cela que je suis fort surpris. C'est pour cela que j'ai dit que nous sommes ici pour avoir la paix industrielle, mais l'employeur a des droits aussi, surtout dans les petits villages où il n'y a pas tellement d'entreprises. Avec l'article 51, potentiellement, un syndicat peut mettre cet homme en faillite en trois mois tout simplement, par une grève légale; allez au bien-être social, si vous voulez, mais l'employeur ne peut engager personne pour continuer la production. Au bout de trois mois, l'homme est en faillite...

Le Président (M. Clair): M. le ministre du Travail.

M. Johnson: Je ferai une dernière remarque là-dessus, M. le Président, puisque c'est tout le temps qu'il me reste également. Dans son argumentation, le député de Notre-Dame-de-Grâce

semble présupposer que les travailleurs ont intérêt à fermer l'industrie où ils travaillent. Cela pourrait arriver dans un cas particulier. Ce n'est pas impossible. Cela pourrait arriver qu'on ait affaire à la collusion avec un compétiteur en face qui engage les gens de l'autre côté de la rue. Ce n'est pas impossible. Je vais vous donner un exemple encore plus difficile d'application de cette loi et de ses dispositions. Il y a au Saguenay-Lac-Saint-Jean, à Chicoutimi et à Jonquière, 9000 travailleurs de l'aluminium qui dépendent, pour leur travail, de l'acheminement de bauxite qui est transportée par une compagnie qui n'a rien à voir avec la compagnie Alcan et qui s'appelle Roberval-Saguenay. Le jour où les 185 opérateurs de trains qui transportent la bauxite jusqu'à Chicoutimi et Jonquière font une grève légale, il ne peut y avoir de scabs et cela veut dire qu'en fin de compte, il risque d'y avoir 9000 chômeurs forcés. Dans ce contexte-là, je pense qu'il ne faut pas se faire d'illusion sur ce que signifie la solidarité intersyndicale et la solidarité interpatronale. Ce sont des mécanismes, dans l'économie, qui jouent; ce sont des mécanismes à l'intérieur des institutions patronales et syndicales qui jouent et ce sont des mécanismes qui, à un moment donné, peuvent toucher les autorités politiques d'une région.

M. Mackasey: Mais, M. le ministre, l'Alcan n'est pas faible et ce n'est pas la seule source de production ici, au Québec. Vous parlez de milliers d'employés, mais vous n'avez pas répondu à ma question qui est plus fondamentale. Quelle est la protection vis-à-vis de l'article 51 d'un employeur, we call it a family business, dans un village qui a seulement quinze employés? Ce n'est pas Alcan, ce n'est pas General Motors à Sainte-Thérèse, ce ne sont pas ces compagnies qui ne peuvent pas arriver avec l'article 51, vous le savez autant que moi. Ils ont assez de moyen. C'est le petit entrepreneur dans un village, avec quinze employés qui, mis en grève, à part les salariés accrédités, n'a que lui-même, peut-être son épouse et peut-être une secrétaire comme employés. C'est certain qu'ils ne peuvent pas remplacer les quinze hommes qui sont en grève pour continuer la production. Cet homme-là est en faillite au bout de trois mois. Vous n'avez qu'à ajouter un autre amendement à votre article, pour au moins protéger cet homme, en disant: When in his opinion the Union is not acting in good faith, that he can go to somebody and get some justice. ce n'est pas ça, l'article 51 est mal fait, parce qu'il prétend que tous les problèmes de violence viennent seulement de la part de l'employeur. We are helping the unions, but, at the same time, we are creating an imbalance. What have you done in article 51 to balance the employer's rights against abuse of the new features? That is what is bothering me, philosophically.

M. Johnson: Je le regrette, M. le Président, je ne dévie pas de la question du député de Notre-Dame-de-Grâce. Ce que je dis, c'est que l'article 51 est susceptible de poser des problèmes exac- tement de la nature dont il parle. Je peux vous dire que, depuis deux mois, on a réfléchi à différentes formules, on a inventé des scénarios comme celui que vous décrivez et comme celui que j'ai décrit dans le cas de Roberval-Saguenay. Sauf qu'à partir du moment où on choisit de faire un texte de législation et de vivre avec les conséquences de ce texte, comme gouvernement, on le fait. On n'a pas trouvé de solution. Si le député de Notre-Dame-de-Grâce a une solution facile, simple à ça, j'aimerais qu'il l'élabore. Mais je ne vois pas de solution.

M. Mackasey: M. le ministre...

Le Président (M. Clair): M. le ministre, vous ne devriez pas poser de question au député de Notre-Dame-de-Grâce, parce que, malheureusement, il a épuisé son temps.

M. Mackasey: D'accord, mais...

Le Président (M. Clair): Le député de...

M. Mackasey: ... je veux souligner une chose. Le ministre n'a pas de réponse. En disant qu'il n'a pas de réponse, je peux dire que le principe de l'article 51 n'est pas valable, parce que ça va créer an imbalance, un déséquilibre, un manque de protection pour l'employeur que je viens de décrire. Ils sont bien plus nombreux, ceux que je viens de décrire, que l'entreprise Alcan.

Le Président (M. Clair): Le député de Berthier a demandé la parole.

M. Mercier: Dans l'intervention que j'ai faite précédemment, je crois avoir énoncé ce qui pourrait être une nypothèse de solution pour faire face à des situations semblables. Enfin, on a constaté, depuis dix ans ou quinze ans, un affermissement du pouvoir des centrales syndicales, qui est un support énorme aux syndicats de base. On n'a pas constaté, parallèlement à ça, une certaine solidarité patronale, au moins sectorielle en tout cas. Je pense que ça pourrait être l'occasion pour le patronat d'essayer de trouver une façon de se regrouper et de faire face à ces cas extrêmes, parce que des situations semblables, ça se produit quand même relativement peu souvent.

Ce serait peut-être l'occasion d'établir des mécanismes qui pourraient permettre de s'équiper pour faire face à ces cas ultimes qui peuvent avoir pour origine une certaine stratégie syndicale sectorielle.

Je pense qu'il y a un contrepoids qui n'existe pas présentement et probablement que la solution résiderait dans une voie semblable.

M. Mackasey: Ce n'est pas non plus une bonne idée. Sérieusement, si vous voulez discuter une autre fois avec moi le concept sectoriel, je connais le pour et le contre of it as well. Dans ce problème, du côté du patronat, s'il y a 60 patrons, vous avez deux grèves, la grève entre le patron et les salariés et la grève entre les patrons et les patrons.

Motion de retrait de l'article 51

Le Président (M. Clair): Messieurs, je n'ai pas d'autre intervenant concernant l'exposé général sur l'article 51. Nous en venons maintenant, j'imagine, à la motion du député de Saint-Laurent intitulée "Motion de retrait de l'article 51". Voulez-vous en donner lecture vous-même, M. le député de Saint-Laurent, puisque c'est vous qui la présentez et non le président.

M. Forget: Ma motion se lit comme suit, il n'y a qu'une seule ligne, M. le Président, elle est concise: "Que l'article 51 soit retranché du projet de loi no 45."

M. Johnson: M. le Président, sur la recevabilité...

Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail, sur la recevabilité.

M. Johnson: II me paraît évident, à la lumière de notre règlement, que cette motion est irrecevable, et je pense que le député de Saint-Laurent va en convenir avec moi, dans la mesure où cette motion va carrément à l'encontre d'un principe adopté en deuxième lecture, le principe des dispositions anti-briseurs de grève ayant été adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, on ne peut évidemment pas retirer ces dispositions sur une simple motion, cette possibilité n'appartenant qu'au responsable, qu'au parrain de la loi qui pourrait, en commission parlementaire, effectivement, retirer les dispositions. Ce pouvoir n'appartient, évidemment pas, à la commission.

Le Président (M. Clair): Le député de Johnson, sur la recevabilité de la motion.

M. Bellemare: Sur la recevabilité. J'adhère ex-traordinairement, parce que c'est le règlement qui y pourvoit, que la commission peut amender un projet de loi pourvu que l'amendement ne soit pas étranger à l'objet du projet.

Imaginez-vous si on regarde le projet lui-même, qui comprend deux grandes clauses, à mon sens, le précompte et la loi anti-scabs, ce sont les deux principes sur lesquels on a voté en deuxième lecture. On ne pourrait pas changer l'ordre de la Chambre, de la deuxième lecture, aujourd'hui, en votant de retrancher complètement l'article 45 qui est un des principes fondamentaux de la loi 45.

Le Président (M. Clair): Sur la recevabilité de la motion, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Si on regarde l'article 56, cinquième paragraphe, c'est une motion dilatoire, en somme, dont l'objet est d'écarter et de différer les considérations d'une affaire en cause. Vous vous reportez à l'article 154, deuxième paragraphe. Tout de suite, cela dit par lui-même que cela ne peut être recevable, sans aller plus loin, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Le député de Sainte-Marie, sur la recevabilité de la motion.

M. Bisaillon: M. le Président, je ne me poserai sur aucun article du règlement, mais sur l'intervention du député de Notre-Dame-de-Grâce qui, dans son intervention, s'est dit d'accord avec les principes de l'article 51, mais qui différait d'opinion sur une modalité.

Il me semble que le député de Notre-Dame-de-Grâce a lui-même admis que le fait de retirer 51, c'était de retirer un principe.

Le Président (M. Clair): Sur la recevabilité de la motion, le député de Saint-Laurent. Le député de Saint-Laurent, sur la recevabilité de la motion.

M. Forget: M. le Président, tout d'abord, c'est peut-être une plaisanterie de la part du député de Sainte-Marie, mais c'est évident que ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce a voulu signifier, c'est la même chose que ce que j'ai dit moi-même...

M. Bisaillon: M. le Président, pourquoi le député de Saint-Laurent...

M. Forget: Je n'ai pas interrompu le député de Sainte-Marie dans son interprétation libre de la parole des autres...

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bisaillon: Je ne vois pas pourquoi le député me traite de plaisantin.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Sainte-Marie, sur la question de la recevabilité de la motion, vous avez indiqué qu'il vous apparaissait que la motion du député de Saint-Laurent allait à l'encontre d'un principe...

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Clair):... parce que le député de Notre-Dame-de-Grâce avait...

M. Bisaillon: ... admis le principe.

Le Président (M. Clair): ... selon vous, admis qu'il s'agissait là d'un principe, mais dans la même mesure, vous permettrez au député de Saint-Laurent...

M. Bisaillon: Je ne veux pas qu'il me traite de plaisantin.

Le Président (M. Clair): ... d'expliquer si oui ou non, il s'agit d'un principe. Mais c'est toujours, M. le député de Saint-Laurent, sur la recevabilité de la motion et non sur le fond, et dans la même mesure où j'ai permis au député de Sainte-Marie d'y faire allusion.

M. Forget: Dans la mesure où on cherche à interpréter les paroles d'un collègue pour y voir là

une admission d'un point qu'on veut faire valoir, qu'on me permette de dire qu'on peut être en faveur de la vertu ou de la tarte aux pommes, comme a dit le ministre à une autre occasion, sans pour autant que la loi légifère la vertu.

C'est la raison pour laquelle, de façon globale, j'ai indiqué que même si on est en faveur de la vertu, on n'est pas nécessairement en faveur d'une loi qui dit que tout le monde doit être vertueux, dans un projet de loi. On peut être en faveur d'un principe, sans croire qu'il s'agit là d'un principe de législation. C'est bien différent. A titre de principe de législation, nous croyons que cet amendement devrait être retiré. La raison en est que, bien sûr, on peut nous faire des querelles de procédure, mais sur la base de l'argumentation qui a été développée, il est exact cependant de croire que l'article 85 du règlement permet, avec la permission de son auteur, le retrait d'une motion, ce qui implique qu'effectivement, la motion de retrait n'est pas nécessairement présentée par l'auteur. Ce que l'on indique cependant, c'est avec la permission de l'auteur.

Donc, une motion qui origine d'une autre source que de l'auteur d'une motion peut être considérée, en commission parlementaire. C'est implicitement contenu dans l'article 85. Bien sûr, on dit qu'il doit y avoir concours. C'est une autre question. C'est une étape ultérieure. C'est quand on en viendra au fond que l'auteur pourra nous dire s'il y concourt ou non. Il dispose d'un droit de veto sur la motion.

Mais, comme de toute manière, celui qui est l'auteur de la motion est également ministre et commande à la majorité, c'est une subtilité de forme, mais dans le fond, cela signifie très clairement que si sa permission est requise, ce n'est donc pas lui qui le fait, c'est quelqu'un d'autre qui fait la motion.

Pour cette raison, je crois qu'elle est recevable, autant qu'une autre motion, M. le président; elle n'est pas dilatoire, au contraire. S'il y a quelque chose qui va au fond d'une motion, c'est bien une motion qui vise à rejeter quelque chose. Ce n'est certainement pas une motion qui vise à le faire étudier plus tard, ce qui est proprement la définition d'une motion dilatoire. On dit qu'il n'y aura pas de moment plus tard où ce sera approprié; ce n'est jamais le moment où c'est approprié.

Je pense que c'est assez clair; c'est une motion de fond qui peut être faite par quelque membre que ce soit de la commission qui devra, au moment où on en décrira l'attitude de chacun, pour être passée, recevoir l'admission, bien sûr, du ministre qui dispose d'un droit de veto sur son adoption. Mais cela c'est une étape ultérieure, M. le Président, je le soumets humblement; pour l'instant, je crois que la motion est recevable.

Le Président (M. Clair): Sur la recevabilité, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je crois, M. le Président, qu'on ne peut s'appuyer sur 85, mais qu'on doit s'appliquer seulement sur 154 qui est une motion en deuxième lecture actuellement à l'étude en commission parlementaire.

M. Forget: ... fini la deuxième lecture.

Le Président (M. Clair): D'autres intervenants, sur la recevabilité de la motion du député de Saint-Laurent.

M. Bellemare: Un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée. Elle ne peut avoir des objets suivants: retrancher, ajouter les mots et les remplacer par d'autres. Elle est recevable si son effet est d'écarter la question principale. Alors, c'est 70, M. le Président.

Décision du président

Le Président (M. Clair): Alors, messieurs. S'il n'y a pas d'autres intervenants sur la motion du député de Saint-Laurent, je suis disposé à rendre ma décision. La motion du député de Saint-Laurent s'intitule "Motion de retrait de l'article 51". Elle se lit comme suit: Que l'article 51 soit retranché du projet de loi no 45. Il y a quelque chose qui m'apparaît, à première vue, discordant à la motion du député de Saint-Laurent. En effet, elle s'intitule "Motion de retrait de l'article 51".

Or, le langage utilisé dans la motion est le langage d'une motion d'amendement, et c'est probablement de là que vient la difficulté d'interprétation sur la recevabilité de cette motion. Si on la considère d'abord comme une motion de retrait de l'article 51, la recevabilité de cette motion doit être décidée en vertu de l'article 85 de notre règlement qui se lit comme suit: "Tant qu une motion n'a pas été mise en délibération, elle peut être retirée avec la permission du député qui l'a présentée ". Après la mise en délibération, elle peut faire l'objet d'une motion non annoncée de retrait avec la permission de son auteur. Le proposeur de la motion de retrait doit se borner à énoncer succinctement ses motifs, et la motion est mise immédiatement aux voix. Pour que cette motion de retrait soit reçue en vertu de l'article 85, elle devrait, premièrement, constituer en soi, par son libellé, une motion de retrait. Or, le langage utilisé en fait effectivement une motion d'amendement, premièrement.

Deuxièmement, pour qu'elle soit reçue, cette motion de retrait devrait, suivant l'interprétation que je fais de l'article 85, être acceptée par le proposeur de la motion principale qui est la motion d'adoption de l'article 51 qui a déjà été formulé par le ministre du Travail, d'une part, et il m'apparaît qu'il n'y a pas effectivement permission du ministre qui a présenté la motion d'acceptation de l'article 51 à cet effet.

De plus, à l'article 85, on mentionne bien: "Tant qu'une motion n'a pas été mise en délibération". Or, la motion du ministre du Travail est déjà mise en délibération. Une telle motion de retrait aurait dû être présentée, selon moi, dès le départ, dès que la commission a été saisie de l'étude du paragraphe 51.

M. Forget: A la demande du député de Johnson.

Le Président (M. Clair): De toute façon, il s'agit là d'un élément qui, dans le cas, n'est pas le seul déterminant, puisqu'il y a deux autres facteurs que j'ai mentionnés; premièrement, à sa face même, la motion constitue non pas une motion de retrait, mais une motion d'amendement. D'autre part, il n'y a pas permission du député qui l'a présentée pour qu'elle soit retirée. Si on considère maintenant la motion comme une motion d'amendement, il m'apparaît qu'effectivement, c'est beaucoup plus une motion d'amendement. On doit considérer, à ce moment, la motion d'amendement suivant les critères qui prévalent pour la recevabilité des motions d'amendement. L'article qui m'apparaît déterminant, dans ce cas, est vraiment l'article 70 qui mentionne bien qu'un amendement est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale sur laquelle il a été proposé. Or, il est bien visible, à l'oeil nu, que l'effet de la motion du député de Saint-Laurent, c'est véritablement d'écarter la question principale sur laquelle elle a été proposée.

De plus, les articles 154 et 158 de notre règlement spécifient, premièrement, à l'article 158, qu'une commission ne peut modifier dans son principe une proposition qui a déjà été acceptée par l'Assemblée. Or, le principe des dispositions anti-briseurs de grève a déjà été accepté en deuxième lecture. Les intervenants de tout les côtés de cette commission ont reconnu qu'il s'agissait là, effectivement, d'un principe.

Enfin, l'article 154 de notre règlement, dans son deuxième alinéa, prévoit que la commission peut amender un projet de loi pourvu que l'amendement ne soit pas étranger à l'objet du projet de loi, ce qui n'est pas le cas actuellement, et qu'il ne s'oppose pas au principe affirmé en deuxième lecture, ce qui est le cas actuellement. Il m'apparaît clairement qu'accepter la motion d'amendement du député de Saint-Laurent aurait pour effet de s'opposer au principe affirmé en deuxième lecture. Pour toutes ces raisons, je déclare irrecevable la motion du député de Saint-Laurent, à savoir que l'article 51 soit retranché du projet de loi no 45.

Des Voix: Vote.

Reprise du débat

M. Johnson: M. le Président, avant que vous n'appeliez aux voix de façon nominale l'article 51 du projet de loi, j'aimerais inclure la suggestion du député de Johnson au deuxième alinéa de 97d. 97d, en ce moment, se lit comme suit: L'enquêteur peut visiter les lieux de travail, et se faire accompagner d'une personne désignée par l'association accréditée et de toute autre personne dont il juge la présence nécessaire aux fins de son enquête. La modification aurait pour effet de rendre explicite ce qui était, évidemment, implicite à mes yeux, que l'enquêteur peut visiter les lieux de travail, et se faire accompagner d'une personne désignée par l'association accréditée, d'une personne désignée par l'employeur, ainsi que de toute personne dont il juge la présence, etc., pour se lire ainsi: "L'enquêteur peut visiter les lieux de travail et se faire accompagner d'une personne désignée par l'association accréditée, d'une personne désignée par l'employeur ainsi que de toute autre personne dont il juge la présence nécessaire aux fins de son enquête."

M. Bellemare: Cela couvrirait un chimiste, un ingénieur, un spécialiste de tel ou tel domaine comme les explosifs etc. Merci. Cela me va.

Une Voix: Vote.

Le Président (M. Clair): L'article 51 tel qu'amendé est il adopté?

M. Forget: Avant que le vote ne soit demandé, M. le Président, si des membres de la commission ont des questions ou des observations à adresser au ministre, cela peut-il être fait?

M. Chevrette: ... au temps de parole. Nos vingt minutes sont écoulées. A moins que vos vingt minutes ne soient pas écoulées.

M. Forget: Si je comprends bien, le député de Joliette-Montcalm insiste pour que le règlement soit suivi à la lettre en ce sens que, s'il n'y a pas de motion d'amendement, on ne puisse soulever aucun point.

M. Laplante: Pour ma part, pour autant qu'il n'y ait pas d'abus, je n'ai pas... Plus on est éclairé, mieux c'est pour une pareille loi. Je suis d'accord.

Le Président (M. Clair): S'il y a consentement unanime pour...

M. Johnson: M. le Président...

Le Président (M. Clair): ... qu'on utilise quelques minutes à cet effet sans rendre de décision sur le règlement, la commission étant maîtresse de ses travaux. Si, me dispensant d'interpréter le règlement à cet effet, il y a un consentement unanime pour que d'ici 18 heures on puisse continuer.

M. Johnson: Mettre aux voix.

M. Bisaillon: Est-ce que cela suppose que le député de Saint-Laurent est d'accord pour qu'on vote sur la motion avant 18 heures?

M. Forget: Ecoutez, M. le Président, je ne veux pas être à cheval sur les règlements, mais je ne voudrais quand même pas qu'on puisse dire, et je suis sûr que le ministre ne souhaiterait pas non plus qu'on puisse dire qu'à défaut de présenter de multiples amendements la discussion d'un article ne peut se faire régulièrement. Ce serait nous inviter et inviter l'Opposition dans toutes les occa-

sions à multiplier les amendements en proportion de l'importance qu'elle veut donner à la discussion d'un sujet. Je pense que cela dépasserait l'intention de nos règlements qui est de limiter le débat plutôt que d'encourager sa longueur. Comme on est à quelques minutes de six heures, ce serait peut-être abusif. D'autant plus que sur ce point de règlement, l'article 160, à strictement parler, permettrait, vous autoriserait à parler vingt minutes non seulement sur chaque article, mais sur chaque paragraphe sans même qu'une motion soit faite pour amender le projet de loi. Comme ce projet de loi comporte un nombre de paragraphes que je n'ai pas comptés mais qui sont substantiels, je pense que même l'interprétation stricte du règlement nous permettrait une discussion de vingt minutes sur chacun des paragraphes.

M. Bellemare: M. le Président...

Le Président (M. Clair): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. le Président, je n'ai aucune objection à ce que le député de Saint-Laurent puisse faire valoir ses arguments quant aux articles et aux sous-paragraphes. Tout à l'heure, dans mon tour d'horizon, j'ai signalé quelques articles qui n'étaient pas clairs... Le ministre m'a répondu au sujet des moyens de conservation et particulièrement en ce qui concerne le fait que l'enquêteur soit accompagné d'un représentant de l'employeur.

Si l'honorable député de Saint-Laurent a des questions générales dans ce sens-là, je n'aurais pas d'objection. Mais on a eu l'avantage de parcourir presque entièrement tous les amendements qui nous ont été donnés, dans notre intervention. Je suis bien heureux si le député de Saint-Laurent a de nouveau des questions ou des explications sur certaines définitions à demander, mais que cela ne soit pas un recommencement de tout le débat.

Le Président (M. Clair): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, j'aurais bien aimé avoir la chance de me prononcer sur l'article, parce que je dois quitter dans une minute pour une mission, mais, pour les fins du procès-verbal, qu'il soit noté que je suis d'accord avec l'amendement déposé par le ministre.

M. Johnson: M. le Président, je ne m'oppose nullement à ce que le député de Saint-Laurent nous adresse ses quelques remarques, qu'il pose ses questions. J'aimerais que nous puissions quand même passer aux voix avant 18 heures.

M. Forget: M. le Président, le ministre me fait des réticences pour la discussion de cette mesure. J'ai dit ce que je pensais que le règlement signifiait, quelles étaient les possibilités de discussion que le règlement nous permet. Je vous demandais simplement de vous prononcer, de donner une directive. Je persiste à croire que nous avons le droit de discuter sur chacun des paragraphes. Maintenant, si le ministre s'y objecte, vous avez à trancher entre les deux interprétations. Vous connaissez notre pensée là-dessus. Je ne vais pas me répéter. Je vous laisse cette responsabilité.

Le Président (M. Clair): Messieurs, puisqu'il n'y a pas de consentement...

M. Bellemare: Avant que vous rendiez votre décision, est-ce que je n'ai pas entendu tout à l'heure l'honorable député de Saint-Laurent dire: Je n'aurai pas d'autres amendements que celui-là?

M. Laplante: Exactement.

M. Bellemare: Est-ce qu'il n'a pas dit cela dans son discours?

M. Bisaillon: Oui. Il a même dit que discuter dans le détail, c'était quasiment l'approuver en principe, et comme il ne l'approuvait pas en principe, il ne le discuterait pas en détail.

M. Bellemare: S'il l'a dit... L'Opposition...

M. Forget: Le député de Sainte-Marie fait des romans, chaque fois qu'on parle, il fait des interprétations. J'ai dit qu'on ne présenterait pas d'amendements...

Le Président (M. Clair): A l'ordre!

M. Forget: ... mais on réclame le droit de le discuter en détail. C'est clair, cela.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs! A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Bisaillon: Cela doit être parce que vous prêtez flanc au roman.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bisaillon: Du calme, du calme! Le Président (M. Clair): Messieurs...

M. Forget: Bornez-vous à parler pour vous-même.

Le Président (M. Clair): ... en vertu de l'article 160 de notre règlement, un député peut prendre la parole sur le même point aussi souvent qu'il lui plaît à condition de ne parler plus de vingt minutes en tout sur un même article, un même paragraphe, une même motion ou une même question d'ordre ou de règlement. J'aurais aimé qu'une entente intervienne pour limiter le débat, puisque c'est beaucoup plus facile à ce moment-là pour le président de déterminer le temps de parole, et pour aucune autre raison. Dans les circonstances,

parce qu'il n'y a pas d'entente spécifique pour une durée du débat, j'appliquerai à la lettre notre règlement.

Je demanderai donc au député de Saint-Laurent de bien vouloir spécifier, justement pour me faciliter la tâche à tenir son temps de parole, avant qu'il ne prenne la parole, sur quel paragraphe, sur quel article ou sur quelle motion ou question de règlement il entend prendre la parole. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je voudrais comprendre votre question. Est-ce que vous me demandez d'avance de vous dire tous les paragraphes sur lesquels je veux parler ou, chaque fois que je prendrai la parole, de vous dire clairement sur quel paragraphe je prends la parole?

Le Président (M. Clair): Chaque fois, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Chaque fois. Je ne vois aucune objection, M. le Président, à procéder de cette façon. Je ne sais pas si mon collègue a des objections, mais je pense que c'est une procédure tout à fait régulière.

M. Mackasey: Non, c'est parfait.

M. Forget: M. le Président, comme il est 17 h 55, je me demande si on pourrait considérer l'ajournement avant que l'on n'aborde une de ces questions.

M. Johnson: Prenez au moins ces cinq minutes.

M. Forget: Volontiers. M. le Président, mes remarques porteront... Avant, il serait peut-être bon de faire une remarque préliminaire, étant donné votre directive, M. le Président, qui me demande de vous indiquer précisément le paragraphe. Pourvu que nous ne revenions pas deux fois au même paragraphe, je présume qu'il n'est pas strictement essentiel de les aborder dans l'ordre dans lesquels ils figurent, c'est-à-dire que si je saute, pour donner un exemple, au quatrième paragraphe, un autre membre de la commission pourrait, après moi, invoquer son droit de parole sur le premier ou le deuxième. Sinon il faudrait s'entendre d'avance et dresser un agenda.

M. Bellemare: Alors, là, M. le Président, je n'ai rien à dire sur tout l'article. Je parle en mon nom personnel.

Le Président (M. Clair): Alors, M. le député de Saint-Laurent, en réponse à votre question, effectivement, dans notre règlement, il n'est pas prévu d'ordre spécifique dans lequel on peut exercer son droit de parole sur un même paragraphe. Tout ce que je vous demanderais, encore une fois dans le but de faciliter la tâche du président, c'est de tâcher, autant que faire se peut, de vous entendre avec les autres intervenants de votre formation dans le but de me permettre, autant que faire se peut, de tenir le temps de parole adéquatement.

M. Laplante: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Bourassa, sur une question de règlement.

M. Laplante: Au début, il y a eu une entente pour procéder, paragraphe par paragraphe, ensuite de passer au vote sur l'article de la loi. Si j'ai bien compris, après l'exposé du ministre—parce qu'il a commencé, paragraphe par paragraphe— dans ma tête, tous les articles avant le c) étaient déjà adoptés en principe.

Si on le suit, le député de Saint-Laurent a préféré tout de suite aller au paragraphe c), cela veut dire que les paragraphes c) et d) seraient à discuter. Quant à revenir en arrière, sur les paragraphes a) et b) et c), je crois qu'on ne le peut plus, si on suit l'entente qui s'est faite à cette table. Ce serait bon de la respecter jusqu'au bout. Je ne peux nier le droit de parole d'aucun des membres de cette commission, sur tous les autres articles à venir.

Actuellement, on a voté sur l'élimination de l'article 51 au complet, que le député de Saint-Laurent avait proposée comme motion. Mais auparavant aussi, on avait discuté des autres articles et il a préféré aller au paragraphe c) tout de suite. Je crois que ce serait au paragraphe d) et aux autres articles qu'on pourrait parler vingt minutes sur tous les paragraphes.

M. Bellemare: Si je comprends bien le député de Bourassa, si on adopte tout de suite l'article 97a, il sera adopté, l'article 97b, l'article 97c aussi...

M. Laplante: C'est fait déjà.

M. Bellemare: II reste... non, non.

M. Laplante: On a discuté seulement du paragraphe c), jusqu'à maintenant.

M. Bellemare: Le président a donné le droit de parole sur chacun des paragraphes. Moi, j'ai dit que je n'avais rien à dire sur tout...

M. Laplante: D'accord.

M. Bellemare: Mais si on adopte tout de suite les paragraphes a), b), c), il restera le paragraphe d).

M. Laplante: D'accord.

M. Bellemare: Alors, là, on pourra s'exprimer sur le paragraphe d), si on veut.

M. Laplante: D'accord.

M. Bellemare: Ce sera fait jusque là.

M. Johnson: M. le Président, je vais demander la suspension de nos travaux, étant donné qu'il est 18 heures.

Le Président (M. Clair): La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Fin de la séance à 18 h)

Reprise de la séance à 20 h 10

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est réunie pour continuer l'examen, article par article, du projet de loi 45. Au moment où nous avions suspendu nos travaux, nous avions presque terminé l'étude de l'article 51. Le député de Saint-Laurent nous avait prévenu qu'il allait demander la parole.

M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Je vais ouvrir mon cahier pour savoir où je me retrouve. M. le Président, je vais poser une question circonstanciée au ministre sur le paragraphe 97a, sous-paragraphe b).

Cette disposition vise, par référence, à la possibilité d'un accord ou à la possibilité d'une ordonnance ou d'une décision rendue, en vertu de l'article 99 ou en vertu de la Loi sur les services essentiels, à des dérogations à la règle générale selon laquelle il est interdit à un employeur d'utiliser les membres d'une association accréditée alors qu'il y a une grève.

Tant que le ministre... que des accords peuvent intervenir, il est implicite que ces accords porteraient présumément sur des mesures conservatoires ou des services essentiels, selon le cas. Donc, il est implicite que des accords pourraient intervenir, qu'advenant que ces accords interviennent, ils seraient respectés, ils seraient observés par les deux parties. Ou alors que des ordonnances soient rendues en vertu de l'article 99 ou d'une loi, ou qu'une décision soit rendue en vertu d'une loi sur les services essentiels et que, le cas échéant, cette ordonnance ou cette décision soit respectée.

Il s'agit là d'une hypothèse qui est lourde de conséquences, puisque, à défaut de ne pas être respectés, ces accords, cette ordonnance ou cette décision, créeront une situation de fait que ne prévoient pas du tout l'article 97 ou les articles suivants, notamment, les obligations auxquelles est astreint l'employeur demeurent les mêmes, que l'association accréditée se plie ou non à l'accord qu'elle a conclu, qu'elle accepte ou non d'obtempérer à l'ordonnance ou à la décision.

Or, M. le Président, pour un peu emprunter l'expression que j'ai trouvé fort touchante du député de Sainte-Marie, tout va bien aller si le monde se laisse guider par l'esprit du ministre, un esprit qui, sans aucun doute est fort généreux et fort bien intentionné, autrement dit, si les gens ont tous le livre du maître, cela va bien aller. Disons qu'avec le cahier de l'élève il y a des chances qu'on ait quelques difficultés.

M. Johnson: Cela, c'est la partie qui n'est pas dans la loi.

M. Forget: C'est la partie qui n'est pas dans la loi. Elle est toute implicite, la possibilité que ces choses interviennent et qu'elles soient suivies d'effets. Il serait intéressant de savoir sur quelle base

on prévoit que tout va bien aller, que l'esprit du maître va imprégner l'élève au point où on n'ait aucune espèce de problème. Parce qu'on a quand même des expériences qui sont paradoxalement fort pertinentes, à la fois des accords, des ententes en dehors de tout cadre législatif et aussi d'accords conclus à l'intérieur d'ententes ou, c'est-à-dire à l'intérieur de lois, la Loi sur les services essentiels, et également on a l'expérience de la non-observance et des uns et des autres.

Je fais le rappel suivant. En 1972, pour être bien clair, et dans le monde hospitalier, à une époque où je n'avais aucune responsabilité sur cette question, c'est une époque dont je parle avec beaucoup de détachement, il y a eu un conflit dans le secteur hospitalier qui a conduit à des arrêts de travail importants et à la privation de services essentiels. Ces faits sont de commune renommée, je pense. On n'a pas besoin de les prouver davantage. Après ces événements, l'Association des hôpitaux avait fait un relevé des cas où des ententes étaient intervenues, je dirais spontanément, à ce moment-là, sans que la loi oblige à de telles ententes sur les services essentiels, de même que les cas où il n'y avait pas eu d'entente sur le maintien des services essentiels. Les constatations qu'on avait pu faire à l'époque étaient extrêmement troublantes.

Premièrement, le taux d'insuccès des cas où il n'y avait pas eu d'entente était de 45%. Dans 45% des hôpitaux où il n'y avait pas d'entente sur la fourniture des services essentiels, effectivement, les services n'avaient pas été fournis ou il y avait eu des difficultés sérieuses pour les fournir. Dans les autres cas où il y avait eu des ententes entre le patron et le syndicat pour la fourniture des services essentiels, ce n'est pas 45% de difficultés qu'on avait expérimenté, c'était 55%. C'est-à-dire que même là où des efforts particuliers avaient été faits pour en arriver à des règles de jeu, les règles du jeu avaient été observées moins souvent, et les services essentiels avaient été fournis moins souvent que dans les cas où il n'y avait pas eu de telles ententes.

Cette expérience, jointe au refus opposé par les centrales syndicales dans l'amorce des négociations de 1975-1976, refus de discuter même la question des services essentiels, avait poussé le gouvernement de l'époque à présenter une loi dont j'ai, d'ailleurs, été le parrain — on l'a souligné cet après-midi—pour prévoir un mécanisme à deux paliers de négociation de services essentiels, et de décision par l'équivalent d'un commissaire du travail adjoint dans les cas où une entente n'intervenait pas. Nous avions, effectivement, assorti cette invitation pressante à des ententes sur les services essentiels d'une clause dont on a fait le rappel aujourd'hui, et qui, dans ce cadre d'obligations mutuelles, précisait que les ententes devaient porter sur le niveau de fonctionnement d'un centre hospitalier ou d'un centre de services sociaux. C'est-à-dire que les parties étaient invitées à s'entendre sur un fonctionnement à 20% ou 25%, et une fois l'entente ainsi conclue, non seulement le syndicat s'engageait-il à fournir le personnel nécessaire pour permettre ce fonctionnement, mais l'employeur s'engageait, de la même façon à ne pas chercher à fonctionner à un taux plus élevé. Il y avait donc là un élément de réciprocité, un élément qu'on peut, si l'on veut rapprocher de la loi anti-briseur de grève, mais qui découlait d'un esprit différent, dans la mesure où c'était un effet recherché, dans un cadre contractuel d'abord et avant tout, et où les obligations se faisaient "pendant", lors d'une décision.

Malgré ce cadre législatif qui ressemble en bien des aspects à celui qui est contenu à 97a et suivants, nous avons observé, de façon générale, une stratégie globale de contestation, non pas comme telle des services essentiels, mais de tout effort pour définir des services essentiels autrement que par la décision unilatérale de l'association de salariés.

Ce n'est un système pour personne de dire que le mouvement syndical jusqu'à aujourd'hui a toujours prétendu qu'il était intolérable que des lois ou des ententes viennent préciser l'envergure des services essentiels et que, lorsqu'il a été placé dans la situation de mettre à l'épreuve des ententes comme en 1972, ou des lois là-dessus, même si les lois prévoyaient des ententes et même si les lois prévoyaient l'interdiction pour l'employeur de fonctionner à un niveau différent de celui qui avait fait l'objet d'une entente, alors à ce moment, le syndicat a donné suite à sa conception de ce qui doit être la définition de tels services, c'est-à-dire une définition absolument et inconditionnellement unilatérale.

Riche, si l'on peut dire, de cette expérience, comment peut-on croire que les dispositions de l'article 97b pourront résulter en autre chose qu'une situation de facto, où ni 97a paragraphe b, i) et ii) ne seront respectés? C'est-à-dire en clair, dans des situations où les syndicats, soit se refuseront à conclure des ententes, soit, les ayant conclues, ne les respecteront pas, puisqu'il sera toujours possible de croire qu'il est plus payant de ne pas les respecter; certainement que les moyens de pression que l'on a quand on ne les respecte pas sont plus forts que lorsqu'on les respecte. Ou deuxièmement, s'il ne s'agit pas d'entente, le syndicat trouvera toujours plus payant, à court terme, de ne pas obtempérer à une injonction demandée selon l'article 99 ou à une décision d'un arbitre ou d'un personnage quelconque, d'un commissaire quelconque chargé de déterminer des services essentiels.

Dans une telle circonstance, alors que tous les raisonnements se basent sur des hypothèses que l'expérience a démontré fausses, comment ne pas conclure que cet article nous amènera inévitablement dans une situation d'irrégularité de la part du syndicat, de la part de la grève qui dépassera manifestement le cadre prévu par l'article 97a et contre laquelle irrégularité la loi ne prévoit aucun recours autre que l'injonction.

Il y a déjà eu, dans le passé, une utilisation de l'injonction dans les conflits de travail. Je n'ai pas besoin de vous dire que l'utilisation de l'injonction n'a pas été un succès éclatant. Bien pire, les tri-

bunaux eux-mêmes et le président de la Cour d'appel du Québec a déclaré sans ambiguïté, dans un jugement qui a reçu une vaste publicité, qu'il trouvait inapproprié que les relations de travail trouvent un aboutissement habituel et coutumier dans des injonctions.

Je peux comprendre ce raisonnement, je le partage moi-même sur le plan des principes, mais je ne peux pas faire autrement que de constater que la loi qui est proposée aujourd'hui relativement à ce sujet, au maintien de mesures conservatoires ou au maintien des services essentiels, va forcément nous amener devant une situation où l'employeur sera sans recours, sauf l'injonction. Bien sûr, le ministre pourra dire: L'employeur dans le cas des mesures conservatoires, mais non pas dans le cas des services essentiels, aura toujours le recours de se faire justice lui-même en prenant des mesures conservatoires et en invitant le ministre à faire enquête.

Cependant, je crois que nous aurons à ce moment-là des injonctions venant de l'autre côté, ce qui laisse anticiper une guerre d'injonctions autour de la double question des activités conservatoires et des services essentiels. Je ne vois absolument pas de raison de croire qu'il peut en être autrement. L'expérience vécue au Québec, dans un cadre très semblable à celui qui est envisagé ici, n'a pas donné d'autres résultats que celui-là et les centrales syndicales qui ont toujours prétendu avoir le droit de déterminer par elles-mêmes et unilatéralement ce que constituent les services essentiels, tiendront certainement le même langage vis-à-vis des mesures conservatoires, et qui plus est, ces mêmes centrales protestent contre l'inclusion dans la loi 97 et dans ses dispositions contre les briseurs de grève de ces restrictions à ce qu'ils voient comme une interdiction générale et globale de production, sujets simplement aux concessions qu'ils se disent prêts à faire dans les deux cas visés.

Je crois que nous avons encore une fois, inévitablement, cette perspective d'un affrontement, d'une guerre d'injonctions, et on n'a pas du tout expliqué en quoi la pratique pourrait s'avérer différente, sauf bien entendu, si on prend les arguments du député de Sainte-Marie, qui fait allusion à l'esprit dans lequel tout ceci doit être fait. Mais des invocations à un esprit nouveau, à la bonne entente et à la vertu, n'ont jamais changé les comportements en dehors de facteurs concrets et qui peuvent faire sentir leur poids, puisque les attitudes découlent, à mon avis, beaucoup plus souvent des comportements que l'inverse. Il n'y a rien que l'on fait ici pour changer les comportements. On se borne à invoquer de nouvelles attitudes.

Enfin, et je terminerai là-dessus, M. le Président, comment prendre au sérieux un gouvernement qui n'a rien eu de plus pressé, relativement à la question des services essentiels, que de manifester sa solidarité, prétendument aux objectifs syndicaux, et son absence d'intérêt à donner suite à des poursuites valablement prises en vertu d'une loi qui, encore une fois, par bien des aspects, ressemble à la loi 97a et aux exceptions qui y sont mentionnées, loi qui avait été votée à l'unanimité de toutes les formations politiques à l'Assemblée nationale, quelles qu'aient été les réserves et les récriminations de certains militants de certains partis. Elle avait été votée à l'unanimité de tous les partis à l'Assemblée nationale et non seulement à l'unanimité de tous les partis, mais avec les félicitations qu'il me ferait plaisir de vous citer, si on en doute, des deux formations de l'Opposition de l'époque, y compris le député de Saint-Jacques qui, à la suite d'amendements apportés, à sa suggestion, à la loi avait déclaré que cette loi, si le gouvernement de l'époque ne l'avait pas lui-même apportée et fait adopter, il aurait fallu que l'Opposition en fasse la proposition et en prenne l'initiative. Cela avait été aussi loin que cela, M. le Président.

Que le gouvernement actuel nous dise que rien de cela n'est susceptible de se produire, que les lois sont respectées et que si elles ne le sont pas, des injonctions le seront, alors que, manifestement, dans le passé, on a voulu faire généreux, on a voulu faire libéral, mais on a ainsi irrévocablement compromis la probabilité qu'une loi ou une injonction soit respectée. Il y aura toujours, dans l'esprit de ce qui sera l'objet de poursuite en vertu de lois analogues à celle-là, la notion que, peut-être, à la faveur d'un scrutin provincial, il sera possible de faire des pressions pour obtenir, d'un parti ou d'un autre, une promesse d'exemption et d'immunité.

C'est la décision qu'on a prise pour faire généreux, pour donner suite aux préjugés qu'on voudra. Mais je pense qu'en prenant cette décision on a hypothéqué grandement cette voie de solution. Je veux bien l'hypothéquer, M. le Président, je veux bien qu'on ait des méthodes non répressives, non contraignantes, mais c'est faire un pari impossible — pour citer une expression célèbre ces temps-ci — sur le bon "ententisme", sur la volonté des gens de fonctionner en se servant seulement du livre du maître et non pas du cahier de l'élève, en faisant appel à l'esprit qui doit animer les lois et les bons citoyens plutôt qu'aux calculs qu'ils font de ce qui est dans leur intérêt dans une stratégie de conflit, au moment où peut-être la violation d'une loi ou d'une ordonnance est susceptible d'apporter quelques avantages supérieurs à leur respect.

A ce moment-là, M. le Président, il faut qu'un gouvernement, quel qu'il soit, prenne ses responsabilités. Je ne suis pas du tout persuadé que le gouvernement actuel soit en mesure de prendre ses responsabilités, étant donné les positions qu'il a prises dans un passé encore tout chaud, tout récent.

M. Johnson: M. le Président, j'aurai une réponse au texte, pour le député de Saint-Laurent à partir de la situation qu'il décrit comme possible. 97a, premier paragraphe, c'est-à-dire le paragraphe qui commence par a, interdit à un employeur d'utiliser certaines personnes. C'est la règle. b, i et ii prévoient cependant qu'il peut quand même utiliser des membres de cette unité, si une entente y pourvoit. En effet, si on n'avait pas b, i, on dirait: D'une part, l'employeur ne peut utiliser

les services de quelqu'un de l'unité qui est en grève. Si on arrêtait là, même s'il y avait une entente entre les parties, cela demeurerait illégal, puisque la loi dit qu'il n'a pas le droit.

Donc, on prévoit une exception à l'intérieur d'un cadre de fonctionnement possible.

Je réfère maintenant le député de Saint-Laurent à 97b. 97b nous dit: "Au cas de violation par l'association accréditée ou les salariés qu'elle représente d'une ordonnance d'une décision ou d'un accord visé au sous-paragraphe i ou ii du paragraphe b de 97a, l'employeur est exempté de l'application de 97a dans la mesure où cela est nécessaire pour assurer le respect de l'ordonnance, de la décision ou de l'accord qui a été violé.

Par exemple, et cela s'applique dans tous les cas où le Code du travail est la loi de référence, vous avez une entreprise où il y a 60 personnes qui travaillent. Lors de la signature de la convention collective, on prévoit que douze personnes entrent pour faire certaines tâches et on signe un protocole d'entente à cet effet. Deux ans plus tard, on assiste à une grève légale. De deux choses l'une, ou les douze personnes entrent et là il n'y a pas de problème, ou, de ces douze personnes, il y en a qui n'entrent pas. Pour celles qui n'entrent pas, on regarde l'article 97b, il y a violation par l'association ou les salariés du sous-paragraphe i) du paragraphe b) de 97a. Et que dit-on comme effet? On dit comme effet que l'employeur est exempté de 97a dans ce cas. Donc, s'il y a six personnes qui sont entrées, il peut engager six autres personnes puisqu'il s'agit "dans la mesure où l'entente y pourvoit'.

Donc, il y a une initiative possible de l'employeur à ce niveau-là. C'est la même chose dans le cas d'une ordonnance émise en vertu de l'article 99 du code ou encore d'une décision prise à l'occasion d'une loi de services essentiels qui pourrait être celle qui existerait si jamais le gouvernement décidait d abroger 253 et de la remplacer, et on a la réponse.

On n'a pas la réponse sociologique du problème et de l'atmosphère: Est-ce que, oui ou non, la ligne de piquetage permettra à ces six personnes d'entrer? C'est un autre problème. Mais l'employeur est dans une situation de droit. Il a le droit d'obtenir que les personnes qui sont soumises à l'entente pénètrent dans son usine pour assurer le maintien... etc. Cela n'a rien à voir avec les mesures conservatoires. C'est en soi faire appliquer l'ordonnance. Il peut faire appliquer l'ordonnance en obtenant effectivement une injonction contre ceux qui y étaient soumis ou encore carrément en faisant entrer des personnes extérieures. Rien n'empêche de le faire.

L'article 97c dit: "Nonobstant tout ceci, indépendamment de tout ceci, il demeure quand même que 97a ne peut avoir pour effet d'empêcher l'employeur de prendre les moyens nécessaires ". Ces moyens sont qualifiés, dans le deuxième paragraphe, comme des moyens de mesures conservatoires.

Donc, je pense que l'hypothèse du député de

Saint-Laurent n'est pas vraiment celle qui est posée dans la loi, bien que je reconnaisse que, dans le cas du non-respect d'une ordonnance, d'une décision ou d'une entente, l'employeur qui procéderait unilatéralement à l'engagement de personnes extérieures pour remplir les postes contenus dans cette entente qui n'est pas respectée, cela se ferait dans un contexte qui est le genre de contexte qu'on a connu. Encore tout récemment dans le cas de l'Institut Pinel, dans le cas des services de la Croix-Rouge, il y a eu des attitudes agressives sur la ligne de piquetage.

Donc, sur le plan formel, cela ne pose pas de problème à cause de 97b qui dit que l'employeur est soustrait de l'application de la Loi anti-briseurs de grève, des dispositions anti-briseurs de grève, dans la mesure où tout ce qu'il fait, c'est engager des personnes qui exécutent ou, en termes de contenu, voient à l'application de l'ordonnance, de la décision ou de l'entente qui est prévue à 99a, paragraphe b), sous-paragraphe i).

Dans le deuxième cas, il a toujours ce recours pour les mesures conservatoires, qui est indépendant de celui de 97b.

Le Président (M. Clair): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. le Président, supposons que l'accord ne se fasse pas et qu'il y ait un problème, 97a y pourvoit, sauf si, en vertu de 99, une ordonnance est émise. C'est le seul endroit. Je ne pense pas que cette loi, qui établit véritablement le critère de base pour forcer les syndicats à accepter des accords, vaille beaucoup mieux que les services essentiels qu'on a votés à 253. C'est tout. C'est ma conception.

Le Président (M. Clair): Le député de Beauharnois avait demandé la parole.

M. Lavigne: M. le Président, c'est avec regret que je n'ai pas pu mettre un peu mon grain de sel dans le courant de la matinée en ce qui a trait à l'article 51, qui touche essentiellement les mesures anti-briseurs de grève. Je trouve que, si on regarde le tout de la loi 45, c'est peut-être l'article qui est le plus propre. Si j'en parle ainsi, c'est parce que, trop souvent, on a vu, lors des négociations, des situations s'envenimer justement par le fait que, pendant que les travailleurs avaient laissé leur emploi, par une grève ou par un lock-out, il n'y avait rien qui défendait, à ce moment, au patron, à part sa bonne conscience, d'engager d'autres travailleurs qui prenaient la place de ceux qui étaient en grève. C'est à partir de ces situations qu'on envenimait la situation et qu'on commençait à connaître de la casse, de l'agressivité chez les travailleurs et qu'il y avait du cassage de gueule ou du brisage de biens, que ce soit la bâtisse ou l'outillage du patron.

Maintenant, à partir du moment où on insère l'article 51 dans la loi 45, je pense que cela permet un équilibre. On arrive, avec cet article, non sans difficulté d'ailleurs, à circonscrire quand même les

droits du patron et les droits du syndicat. Je pense que c'est assez bien expliqué, c'est assez clair pour qu'il n'y ait pas de confusion, quoique je fasse quand même, malgré cet article, appel à la bonne volonté du patron et des syndiqués, des travailleurs, pour que tout se déroule dans un cadre harmonieux. Des lois, on aura beau en adopter autant qu'on voudra, s'il y a de la mauvaise volonté de la part des gens qui sont tenus de les respecter, on n'arrivera jamais à tout dire et à tout penser d'avance et à obliger les gens à des conditions qu'ils n'accepteraient pas.

Je pense que cette loi, comparativement à ce qu'on avait précédemment dans le Code du travail, ne permet pas à l'employeur d'engager des travailleurs qui prendraient la place de ceux qui sont en grève ou en lock-out. Déjà, c'est un gros point. Cela lui permet d'avoir une entente avec le syndicat pour voir aux services essentiels. C'est encore un point très important. Si, toutefois, le syndicat ne voulait pas souscrire, lors d'un déclenchement de grève ou d'un lock-out, aux services essentiels qui avaient été discutés au préalable, on permet au patron, à ce moment, d'intervenir auprès de gens qui ne font pas partie de cette accréditation. Je pense qu'il est couvert par l'article 97b, comme le ministre vient de le dire. Je pense qu'il n'y a pas à paniquer devant le fait que l'association ne respecterait pas les services essentiels. Ce qu'on vise essentiellement par cela, c'est que la grève puisse se dérouler normalement, sans que les travailleurs en grève perdent leur "job", et que, pendant ce temps, par contre, la production soit arrêtée et que le patron ne se fasse pas briser ses biens et immeubles.

Quand on passe l'article 51, de 97a à la fin, on a fait le tour de la question. On a eu un peu de difficulté, je vous l'avoue, à écrire ce texte de façon qu'il y ait le moins de trous possibles. En tout cas, je m'en contente très bien. On l'a vu et revu, étudié et réétudié. Je pense que le texte présenté ici, actuellement, est un texte qui nous convient, qui correspond essentiellement à ce que je voulais en ce qui a trait à l'article qui touche les "anti-scabs ", comme on le dit souvent. Je pense qu'avec cet article, on va permettre beaucoup plus d'harmonie, de sérénité, lors des discussions qu'il y aura autour des tables de négociations lors d'une grève ou d'un lock-out, parce que, justement, pendant ce temps, le patron n'aura pas le droit d'aller chercher des travailleurs en dehors des cadres de ce groupement d'employés. C'est cela qui envenimait la situation. On circonscrit ce problème avec l'article 51.

Je voterai, bien sûr, en faveur de cet article, pour les différentes raisons que je viens de mentionner. J'en suis très heureux. Je regarde, dans mon comté, le grand nombre d'usines. Je pense que les travailleurs vont être heureux d'en prendre connaissance. Ils ont grincé un peu des dents avec le premier article, sur la façon qu'on l'avait écrit la première fois, particulièrement le 97c, essentiellement, parce qu'il y avait un trou dedans qui permettait, à travers les pouvoirs qu'on donnait au patron de protéger ses biens et immeubles, il y avait une porte ouverte qui permettait au patron d'engager aussi du monde. Dans la façon décrite au début, on faisait tomber l'article 97a. Et c'est à travers cela que le patron pouvait aller engager des "scabs". Je pense que les travailleurs ont eu raison d'être contre le 97c, tel qu'il avait été écrit au début. Dans sa nouvelle formulation, je pense qu'on répond exactement à ce que les travailleurs au Québec voulaient avoir comme loi anti-briseurs de grève et je pense que les syndicats et les travailleurs vont s'en réjouir et les patrons aussi.

Je pense qu'il n'est pas question de partir en guerre, pas plus contre les syndicats que contre les patrons. Ce que je vise particulièrement dans cet article, ce sont les travailleurs. Les gars qui ont à partir tous les matins avec leur boîte à lunch pour gagner leur vie, et je pense que c'est un outil qu'on vient de leur donner qui va faire en sorte que les patrons seront tenus de respecter les conditions humaines et raisonnables que ces travailleurs devont connaître et vivre lors des négociations. On leur donne par le fait même des outils qui leur permettront de travailler lors des grèves et des lock-out, en toute sérénité, et sans avoir l'inquiétude de se faire voler leur "job" par des "scabs".

M. Forget: Est-ce que le député de Beauharnois me permettrait une ou deux questions? Le député a dit qu'il fallait essentiellement baser cela sur la bonne foi des parties, que si on essayait de faire des lois pour viser des situations où les gens ne sont de bonne foi, on n'a pas tellement besoin de cette loi et s'ils ne sont pas de bonne foi, on en a besoin.

M. Lavigne: Je pense qu'il n'y a rien qui nous empêche de faire une loi en tenant pour acquis qu'il va y avoir un gros pourcentage des gens qui vont respecter la loi...

M. Forget: C'est toujours le cas...

M. Lavigne: On leur donne quand même un outil légal entre les mains et il est bien sûr qu'il y aura toujours des gens qui passeront sur les feux rouges et qui ne respecteront pas la loi et il y aura toujours des détenteurs de permis d'alcools qui fermeront après l'heure, mais il n'en reste pas moins qu'il y a une loi qui dit que c'est à telle heure qu'on doit fermer. C'est la même chose pour ce qui est de ces conditions-là.

On ne doit pas partir en pensant aux cas d'exception pour éviter de faire des lois, autrement on n'en ferait jamais, on marcherait toujours sur la bonne foi des gens. Je pense qu'il faut circonscrire des problèmes à l'intérieur des lois, en pensant que la grosse majorité des gens vont les respecter et en déplorant le fait qu'il y aura toujours des gens qui passeront à côté des lois. Il y en a qui disent que les lois sont faites pour être outrepassées. Malheureusement, à ce moment-là c'est peut-être que le législateur ne légifère pas bien, mais on essaie de légiférer le mieux possible pour

circonscrire les problèmes à l'intérieur des lois et en souhaitant que les gens l'appliquent et la respectent.

M. Forget: Mais il reste qu'il est important qu'on ait une réponse si les gens n'appliquent pas la loi d'eux-mêmes. Que va-t-il arriver si les syndicats refusent de négocier, comme c'est arrivé souvent dans le passé. C'est l'expérience qu'on a. Ils refusent de négocier, refusent de restreindre leurs moyens de pression par une négociation, soit sur les services essentiels, ou les mesures conservatoires. J'aimerais savoir du député ce qu'il pense qui va arriver à ce moment-là? Il va dire, évidemment le patron va prendre le droit en ses propres mains et va se donner les moyens de respecter les services essentiels ou les mesures conservatoires. Mais ne pense-t-il pas qu'on est justement dans cette situation maintenant et que la loi ne sera donc pas efficace, pourvu qu'il y ait quelqu'un qui veuille ne pas la respecter, c'est comme s'il n'y en avait pas.

M. Lavigne: Je ne peux pas argumenter sur la question que vous me posez en tenant pour acquis qu'il va y avoir des gens qui ne la respecteront pas. Je tiens pour acquis que les gens vont respecter la loi.

M. Forget: Est-ce qu'il y en a qui ne la respecteront pas?

M. Lavigne: C'est possible.

M. Forget: Que va-t-il arriver à ce moment-là?

M. Lavigne: Actuellement, qu'arrivait-il avec le Code du travail qu'on avait, avant qu'on le modifie par le projet de loi 45? A ce moment-là, le même argument aurait pu être servi à ceux qui ont préparé le Code du travail anciennement. Chaque fois qu'on aura à présenter une loi, quelle qu'elle soit, vous pourrez toujours poser la même question. Ce sera toujours une question bien placée à partir du moment où on considère que tous ceux qui, avant même de légiférer ou d'adopter la loi, s'arrêtaient l'idée qu'il y en a qui vont l'outrepasser. A ce moment-là, on ne ferait plus de lois.

M. Forget: Non, on fait seulement des lois qui peuvent se faire respecter. C'est pour cela qu'on suggère le retrait de cette disposition parce qu'on ne peut pas s'assurer qu'elle soit respectée sans créer une situation pire que celle qui est dans le moment.

M. Lavigne: A ce moment-là, il ne faudrait pas commencer à énumérer les lois qui étaient difficilement respectables, en passant par la 23 entre autres. Vous savez ce qu'on en a fait.

M. Forget: Ce n'est pas une raison pour en ajouter du même genre.

M. Lavigne: Je ne veux pas argumenter, M. le député de Saint-Laurent, plus longuement sur cette idée que, parce qu'on vote une loi, il faut penser à ceux qui outrepasseront la loi. Je pense aux gens qui vont la respecter. C'est d'ailleurs à partir de cela que j'invite tous les travailleurs, toutes les parties qui auront à négocier, d'y aller de bonne foi. Je pense que c'est important.

Le Président (M. Clair): Le député de Notre-Dame-de-Grâce avait demandé la parole.

M. Mackasey: Merci, M. le Président. Je réfère à 97a et à toutes les sections naturellement. Il y en a plusieurs. Je reviens encore, M. le Président, au problème — j'y ai songé à l'heure du dîner — du petit entrepreneur. J'ai toujours tendance à penser au peuple. Selon moi, nous avons l'obligation de prendre en considération les biens du petit entrepreneur.

On parlait de l'Alcan tout à l'heure. L'Alcan, ce n'est pas exactement une entreprise pauvre ou faible. Cet article 51 pose un problème sérieux à une entreprise comme Alcan au point que cela lui coûte très cher, mais il y a beaucoup de solutions pour elle. Elle peut simplement transférer sa production dans une autre province, un autre pays. C'est vrai pour beaucoup d'entreprises au Québec comme dans les autres provinces. Les multinationales vont tout simplement fermer boutique ou leur entreprise pendant six ou huit mois, si nécessaire. Elles vont vendre les produits qu'elles produisent encore dans une autre province, dans un autre pays, outre-mer même, si vous voulez, comme a fait d'ailleurs Westinghouse ou la compagnie White qui remplacera Westinghouse bientôt, ou General Electric, une grève à London, en Ontario... Qu'est-ce qu'elles font? Elles transportent leur usine aux Etats-Unis.

Mais ce qui me frappe dans cette loi, M. le ministre, même si le but est d'éliminer autant que possible la violence, de protéger autant que possible le pauvre ouvrier qui a vraiment besoin d'une protection valable, c'est qu'on ne puisse trouver une formule pour atteindre ce but sans, possiblement, au moins, faire de la discrimination contre le petit entrepreneur c'est regrettable.

Je reviens encore sur ce que j'ai traité avant le dîner, le problème des petits entrepreneurs. Au Québec, il y a beaucoup de petits entrepreneurs, pas seulement dans le vêtement, pas seulement dans la chaussure, souvent, par exemple, chez les manufacturiers du meuble, ou, comme on dit en anglais: "window sashes". Des petits commerçants, des petits entrepreneurs qui ont peut-être une entreprise de famille depuis deux ou trois générations de quinze ou vingt employés.

J'y reviens encore, M. le ministre. Je vois ici un grand danger qu'une grève légale, après avoir rempli toutes les conditions de l'article 46, cela concerne 99 pour le moment, je ne parle pas des services publics, je parle du petit entrepreneur qui a quinze ou vingt employés...

Si ses employés désirent vraiment mettre cet homme en faillite, peut-être pour des raisons, des fins qui existent, parce qu'ils avaient décidé, au début, qu'ils ne voulaient pas d'accréditation, pas de syndicat, et d'autres raisons. C'est très simple.

On écarte une grève légale. Les quinze employés s'en vont et trouvent de l'ouvrage ailleurs. L'entrepreneur qui est tout seul avec son épouse, peut-être son garçon, peut-être une fille au bureau, est obligé d'exprimer son droit, d'essayer de continuer à remplir les commandes pour Noël, pour les fêtes, les contrats fermes avec les grands magasins à Montréal. Il ne peut pas engager des salariés, sauf ceux du syndicat, et le syndicat ne veut pas négocier de bonne foi. Il s'en va tout simplement en disant: Si on revient dans trois ou quatre mois, l'employeur va nous donner tout ce qu'on désire, parce que le choix est simple, il va aller en faillite.

C'est une question à laquelle on ne peut pas me répondre, comme a dit le ministre avant le dîner; on ne peut pas trouver de solution. Si on ne peut pas trouver de solution, on ne devrait pas créer de problème. En essayant d'aider le syndicat, de minimiser la violence, d'établir, par ce nouveau concept, une aide en faveur du syndicat, cela serait peut-être nécessaire en ce sens qu'au moins, cela permettra aux syndicats de réviser la vraie raison d'une ligne de piquetage. Selon la loi, c'est tout simplement pour donner l'information au public et non pas pour empêcher une entreprise de survivre ou même de continuer son ouvrage. Je ne parle pas d'engagement de "scabs", comme on dit.

Mais si un syndicat décide tout simplement de ne pas discuter, de ne pas négocier, lorsque la grève est légale, comment voulez-vous que cette entreprise survive? C'est la question que je me pose. Ce n'est pas un problème pour Alcan. Ce n'est pas un problème pour beaucoup de grandes entreprises à Montréal. Mais cela devrait être un problème qui touche les députés qui ne représentent peut-être pas les comtés de l'île de Montréal, mais dans les Cantons de l'Est, Sherbrooke, où il y a beaucoup de petites entreprises qui sont importantes, qui engagent peut-être quinze, vingt ou même trente employés.

Une grève va éclater, le syndicat décide de ne pas négocier, l'employeur va aller en faillite; il n'a pas le choix. Tout ça, pour des salariés accrédités, à peine trois, quatre ou cinq au plus, qui travaillent dans cette entreprise. Je ne dis pas qu'il devrait être permis d'engager des "scabs". Mais je pense qu'il devrait au moins y avoir, dans cet article, quelque chose qui oblige le syndicat à négocier de bonne foi avec l'entrepreneur. C'est ce qui manque. Ce n'est pas assez pour moi de dire: On ne peut pas trouver une solution. Le petit entrepreneur, le petit employeur, pas quelqu'un qui a son entreprise cotée à la bourse ou qui a des millions de dollars à la banque ou un crédit à la banque de $800 000 ou qui a des entreprises à travers la province, à travers le Canada, qui peut toujours survivre, mais je parle d'un homme qui est gérant ou propriétaire. Je pense à la petite entreprise dans un petit village, dans une petite ville. Lui, il ne peut pas survivre à une grève qui dure deux, trois ou quatre mois. Ce n'est pas assez de dire: II va être content de régler la grève car il va aller en faillite. Souvent le syndicat décide que c'est préférable de le mettre en faillite.

Je ne suis pas pour commencer à raconter des cas spéciaux. On en a sans doute tous ici. Il me semble qu'en essayant d'assister les syndicats, d'assister, si vous voulez, sur le concept de minimisation de la violence, d'accélération de la signature d'une convention collective, on risque ici...

Le Président (M. Clair): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je m'excuse de vous interrompre, mais étant donné que vous parlez sur un sujet sur lequel vous avez déjà parlé, avant 18 heures; malheureusement, votre temps est expiré. Je veux bien vous donner deux ou trois minutes pour conclure.

M. Mackasey: Je parlerai au prochain article.

Le Président (M. Clair): Vous en aurez le loisir.

M. Mackasey: Je vais continuer sur... Je viens de parler sur l'article 97b, alors je vais parler sur l'article 97c. C'est la même chose; l'un relève de l'autre.

Le Président (M. Clair): Je ne veux pas vous brusquer, comme je l'ai dit. Vous avez droit à quelques minutes pour conclure, puisqu'effectivement, au départ, nous avions dépassé de deux ou trois minutes pour quelques intervenants. Vous avez la parole.

M. Mackasey: D'accord. Premièrement, je veux dire que cette loi est défectueuse, dans le sens qu'on ne décrit pas ce que sont les services essentiels. Le ministre, par son amendement, a dit carrément: That will no longer, depend on law 253, we are going to talk now about a new law, and obviously, if 253 did not satisfy some of the representations, the new law is going to be much more limited in defining an essential service. The minister said: No... Would he say that out loud for his members because if it is going to be even more extensive...

M. Johnson: I said not necessarily. M. Mackasey: D'accord, but...

M. Johnson: The deputy of Notre-Dame-de-Grâce is strictly speculating.

M. Mackasey: Yes, I agree, because, is there any choice? If you were the judge, if you were the jury... and you made my point better than I can make it, this law leaves nothing else but speculation; you say: A law, without, at this moment, specifying what is an essential service. You leave the implication that law 253 will disappear. It is no longer mentioned. So, it is speculative. A judge would have to speculate, an arbitrator would have to speculate. What is an essential service, Mr Minister?

M. Johnson: M. le Président, je ne sais pas si le député de Notre-Dame-de-Grâce me le permet,

mais je pense que le texte de loi est extrêmement clair.

M. Mackasey: Quelle loi?

M. Johnson: Le texte du projet de loi 45 qu'il a devant lui est très clair. Il dit: Une loi couvrant les services essentiels lors d'un conflit de travail.

M. Mackasey: Quelle loi, M. le ministre?

M. Johnson: Au moment où on se parle, par définition, c'est la loi 253.

M. Mackasey: Est-ce que...

M. Johnson: Si la loi 253 est abrogée et remplacée par une autre, ce sera l'autre. S'il n'y en a pas, il n'y en aura pas.

M. Mackasey: Alors pourquoi ne lavez-vous pas laissé telle qu'elle était au début et ne pas amender le projet de loi 253 tout à l'heure?

M. Johnson: Entre autres, pour ne pas être obligé, si jamais la loi 253 était abrogée, de mentionner qu'on abroge ces dispositions ou ne pas être obligé de modifier le Code du travail au moment où une autre loi, possiblement, pourrait être adoptée, en matière de services essentiels.

M. Mackasey: I am surprised, Mr Minister, that you use that argument on me. If you had left bill 253 in this section and if you were to amend 253 next year, whatever the amendment of 253 would be, it would apply in here without having to change this at all. I think you will have to agree with me on that. You have only got to amend 253 later, and if 253 remained in this paragraph, the conditions of the revised 253 would apply here.

M. Johnson: Oui, mais si on abroge la loi 253, si on fait une autre loi en matière de services essentiels...

M. Mackasey: C'est cela que je veux dire.

M. Johnson:... il va falloir modifier le Code du travail.

M. Mackasey: I am saying. Mr Minister...

M. Johnson: Ce qu'on dit, c'est que c'est plus simple d'écrire: Une loi en matière de services essentiels dans le cadre d'un conflit de travail.

M. Mackasey: Then, you could say, you could be a little more specific. Anyway, permit me to be suspicious and speculative. I have that right to point out, but I come back and I have to conclude with this, that this article 52, because exactly of the ambiguity which you have introduce all the way through here, will end up delaying collective agreements rather than speeding them up. You may satisfy in a short term the Unions by convincing them we will... Do not be too upset. In six months from now, we will bring a new law which will be very specific as to what essential services are. Right now, it is vague, it's hypothetical.

It is certainly, on 253, not acceptable to the Union. I think you will agree with that. Le député de Sainte-Marie peut me dire la même chose.

Les services essentiels, tels que décrits dans la loi 253, ne sont pas acceptables pour les syndicats. C'est clair, lorsqu'on parle d'une loi prochaine où les définitions de services essentiels seraient acceptables pour les syndicats. Je n'ai pas dit que c'était mauvais. Je n'ai pas dit cela du tout. Je dis que les services essentiels, tels que décrits à l'heure actuelle dans le projet de loi 253 ne sont pas acceptables pour les syndicats. Ce n'est pas un secret, c'est dans les journaux. On a fait ce changement.

Une autre raison pour laquelle je dis que cet amendement ne m'est pas acceptable, c'est que la seule victime de cette loi, c'est le petit entrepreneur, qui n'a aucune protection. C'est regrettable, parce qu'on a des milliers de petits industries ici, au Québec, qui peuvent aller en faillite à cause de cet article. Ce ne sont pas les grandes entreprises. Ce n'est pas l'Alcan.

Par exemple, dans l'hôtellerie, M. le ministre, à l'heure actuelle, toutes les fins de semaine et pour les fêtes, on est obligé d'engager 50, 100, 500 employés occasionnels. Supposons qu'il y ait une grève légale quelque part, à un hôtel comme le Ritz, le Quatre-Saisons, le Reine-Elizabeth. Est-ce qu'on va les empêcher, durant la grève légale, d'engager ces occasionnels qu'on engage presque à chaque fête? Est-ce qu'ils vont être reconnus comme des scabs? C'est une question à laquelle j'aimerais avoir une réponse tout à l'heure. Ils ne sont pas reconnus comme des scabs en ce moment. Est-ce qu'ils seront reconnus comme des scabs, s'il y a une grève dans un hôtel? Au Méridien, il y en a une. Mais prenons le Reinie-Elizabeth, le Ritz, le Quatre-Saisons. Il y a une grève légale. Le gérant peut continuer un peu. Les fêtes arrivent, comme Noël et Pâques. Normalement, il engage des occasionnels. Est-ce que cela va être défendu? Est-ce qu'on va dire: Ces occasionnels sont des scabs? Ils ne peuvent pas traverser les lignes de piquetage. Est-ce qu'on a songé à ce problème? J'aimerais avoir une réponse, parce que cela est très important pour l'industrie du tourisme.

I am making a case that, periodically, hotels, by their very nature, must have occasional help for weekends, for holidays. They are doing it this weekend. Let us suppose hotels are being stuck legally, not illegally. But they are able, without hiring extra regular help, to continue operations and holidays come during that period. Are they going to be permitted, as always, to hire these occasionals? Are they going to be allowed, Mr Minister, to continue bringing in the occasional workers, these casual workers for the weekend, or will they be considered as scabs?

It is very important in the hotel industry to

know this, unless we want to take all the rights of the employers away, vainly, in the idea or concept that, by bringing in this anti-scabs law, we are going to create labor peace. What we are going to create now is labor peace, we are going to drive half of the industries of this province out of business. Not because the principle is not there, the principle is to reduce labor violence and speed up certification, and we adop that principle. But if the principle is that this has to be done at the cost of small industries, a small private owner of a sash factory in a small village, who has no protection, there is nothing in the law that he can even plead to the minister about the union, that they are acting in bad faith.

Le Président (M. Clair): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je m'excuse de vous interrompre à nouveau. Tantôt je vous ai indiqué que je vous accordais deux ou trois minutes de plus pour parler sur l'article 97a, mais j'ai...

M. Mackasey: Je vous remercie pour votre gentillesse. Vous êtes sans doute le meilleur président de toutes les commissions où j'ai siégé jusqu'à maintenant. Il y en a d'autres à cette table qui pourraient profiter beaucoup de votre expérience.

Le Président (M. Clair): Je vous remercie du compliment. Cependant, je vous indique que votre temps de parole, sur 97a, est bel et bien expiré.

L'article 51 du projet de loi 45 est-il adopté?

Des Voix: Adopté.

M. Forget: Sur division, M. le Président.

M. Bisaillon: Vote enregistré, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Adopté. Vote nominal appelé.

M. Bisaillon: Vote enregistré.

Le Président (M. Clair): Vote enregistré. Les membres de la commission étaient aujourd'hui... j'appelle les noms des députés. M. Bellemare (Johnson)...

M. Bellemare: Une minute...

Le Président (M. Clair): La motion est en fait la motion du ministre du Travail...

M. Mackasey: Je voudrais poser une question au ministre. Est-ce que le ministre peut répondre à cette question and I will not go anymore? I just want to know what would be the status of occasional week-end workers?

M. Jonhson: II faut regarder le texte de loi. Sont-ce des gens qui remplacent ceux qui sont en grève? Non, puisque, de toute façon, à ce moment-là, un employeur a, disons, quinze personnes qui travaillent pour lui, sauf qu'à certaines époques de l'année, il en a 50. Il est bien évident que la différence entre 50 et 15, ce ne sont pas des gens qui sont touchés et, de toute façon, ce ne sont pas des gens qui sont salariés.

M. Mackasey: Supplementary, let us take this week-end, because I hope we will be in the same hotel, maybe we will not be, but let us say that, this week-end. New Year's Eve, let us take New Year's Eve, the normal staff, let us say, of the Ritz-Carlton, we will take a hundred as a small figure, they have to and always hire 50 extras for the Holidays. Let us say that, nex year, there is a strike, a legal strike, will they be allowed to hire those 50 people during the strike, even if a hundred are on strike, but somehow they are managing to keep their business going?

M. Johnson: Ce que vise 97a, c'est d'exclure l'embauche de personnes qui prendraient la place de ceux qui exercent légalement leur grève, et pas d'autres qui, eux, de toute façon, n'auraient pas fait grève puisque, de toute façon, ils n'auraient pas été là a priori. Je pense donc que le problème que pose le député de Notre-Dame-de-Grâce trouve sa réponse.

M. Mackasey: They would not be considered as scabs. Ils ne remplacent pas ceux...

M. Johnson: Je me permets de douter que le syndicat ne les considérerait pas comme des scabs.

M. Mackasey: Mais, vous, would you consider them as scabs?

M. Johnson: Non.

M. Mackasey: Pas de scabs. D'accord.

Le Président (M. Clair): Messieurs, la motion sur laquelle vous êtes maintenant appelés à voter est la motion que fait le ministre du Travail proposant l'adoption de l'article 51, tel que modifié, c'est-à-dire tel que le ministre du Travail en a donné lecture il y a un certain temps, en n'oubliant pas que l'article 97d, au second alinéa, se lit comme suit: "L'enquêteur peut visiter les lieux de travail et se faire accompagner d'une personne désignée par l'association accréditée, d'une personne désignée par l'employeur et de toute autre personne dont il juge la présence nécessaire aux fins de son enquête".

M. Johnson: Ce n'est pas "et", c'est "ainsi que de toute autre personne".

Le Président (M. Clair): C'est ce que j'ai dit.

M. Johnson: Vous avez dit "et de toute autre...", c'est "ainsi que de toute autre personne".

Le Président (M. Clair): "... ainsi que de toute autre personne dont il juge la présence nécessaire aux fins de son enquête".

M. Johnson: Vous pourriez appeler les noms, M. le Président.

Le Président (M. Clair): La motion est donc celle-là. Pour ou contre la motion: M. Bellemare (Jonhson).

M. Bellemare: Oui.

Le Président (M. Clair): M. Bisaillon (Sainte-Marie).

M. Bisaillon: Pour.

Le Président (M. Clair): M. Brochu (Richmond), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Godin (Mercier), M. de Bel-lefeuille (Deux-Montagnes), M. Forget (Saint-Laurent).

M. Forget: Contre.

Le Président (M. Clair): M. Gagnon (Champlain), M. Johnson (Anjou).

M. Johnson: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. Jolivet (Laviolette).

M. Jolivet: Pour.

Le Président (M. Clair): M. Lacoste (Sainte-Anne).

M. Lacoste: Pour.

Le Président (M. Clair): M. Laplante (Bourassa).

M. Laplante: Pour.

Le Président (M. Clair): M. Lavigne (Beauharnois).

M. Lavigne: Pour, M. le Président, avec un grand frisson.

Le Président (M. Clair): M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce).

M. Mackasey: Contre, parce que c'est anti-syndical et anti-entrepreneur.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, M. le député de Beauharnois et M. le député de Notre-Dame-de-Grâce! On n'a pas à justifier son vote. Je vous ai rappelés tous les deux à l'ordre pour cette raison.

M. Mackasey: ...

Le Président (M. Clair): M. Mercier (Berthier).

M. Mercier: Pour.

Le Président (M. Clair): M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud).

Pour l'adoption de l'article 51: 8 — Contre: 2.

M. Johnson: L'article 52, M. le Président. Le Président (M. Clair): J'appelle l'article 52. Recouvrement d'un emploi

M. Johnson: M. le Président, l'article 52 du projet de loi visant à introduire l'article 98a au code. J'ai passé tout à l'heure... Est-ce que tous les membres de la commission ont entre les mains la version définitive. "A la fin d'un grève ou d'un lock-out, tout salarié qui a fait grève ou a été lock-outé a le droit de recouvrer son emploi de préférence à toute autre personne, à moins que l'employeur n'ait une cause juste et suffisante dont la preuve lui incombe de ne pas rappeler ce salarié. Une mésentente entre l'employeur, et l'association accréditée relative au non-rappel au travail d'un salarié qui a fait grève ou qui a été lock-outé doit être déférée au tribunal d'arbitrage comme s'il s'agissait d'un grief dans les six mois de la date où le salarié aurait dû recouvrer son emploi. " Les articles 38b à 38f et 88 à 89j s'appliquent. Adopté, M. le Président?

Le Président (M. Clair): L'article 52 est-il adopté?

M. Forget: Non, M. le Président, on a demandé le droit de parole.

Le Président (M. Clair): Je m'excuse, j'avais cru comprendre le contraire. Le député de Saint-Laurent sur l'article 52.

M. Forget: M. le Président, on ne peut pas ne pas remarquer les modifications successives qui sont intervenues dans le texte de cet article. Le ministre, dans ses remarques, a été on ne peut plus concis, même bref à l'excès, M. le Président, puisqu'il n'a pas relevé les motifs qui l'amènent à modifier ou qualifier successivement les termes employés pour consacrer ce que la jurisprudence de toute manière avait déjà acquis. C'est-à-dire que dans une très large mesure, on peut même dire comDlètement, la règle de droit qui est énoncée à 98a est un acquis de la jurisprudence et ne vient que confirmer ce que les tribunaux ont déjà jugé, conformément, d'ailleurs, M. le Président, à l'article 98 actuel du Code du travail.

Donc, ce n'est que mettre les points sur les "i" et ce n'est pas essentiellement, contrairement à d'autres dispositions du droit nouveau, comme on se plaît à le dire.

Cependant, le ministre a modifié le texte du projet 45 déposé l'été dernier en ajoutant au premier paragraphe une qualification importante, que certains du côté syndical ont vu comme une diminution déplorable de la reconnaissance de ce droit

en particulier. Je fais référence aux trois dernières lignes où l'on dit: "A moins que l'employeur n'ait une cause juste et suffisante dont la preuve lui incombe de ne pas rappeler ce salarié". Il y a donc là, M. le Président, une porte que l'on ouvre au patron, d'expliquer son geste par toutes sortes de circonstances, ce que le texte initial ne prévoyait pas. Il serait sans doute intéressant d'entendre le ministre élaborer sur ce sujet, et peut-être le député de Sainte-Marie, mais on va se limiter à la demande au ministre, M. le Président.

M. Bellemare: S'il n'y a pas d'objection, le député de Johnson va donner son opinion.

M. Johnson: Je pourrais peut-être laisser... M. le Président... Est-ce que le député de Saint-Laurent avait terminé?

M. Forget: J'avais d'autres remarques, mais j'aime autant cela là. Ce sera plus simple. En effet, répondez donc tout de suite, si cela vous plaît, puisque ce sera plus simple pour la suite.

M. Johnson: M. le Président, l'article 98a c'est vrai, est en fait une précision à partir, entre autres, de la jurisprudence créée en vertu de 98 qui affirme qu'on ne perd pas son statut de salarié pour la seule raison qu'on a fait une grève ou on a subi un lock-out. L'article est différent de 97a dans la mesure où il ne prévoit pas qu'il s'agit d'une grève dans le contexte de 46 ou 99 du code. C'est exact.

On a effectivement éliminé cette nécessité de se conformer à 46, entre autres, pour référer fondamentalement à ceux qui, de bonne foi, pourraient être dans une situation où ils ont déclenché "illégalement " une grève parce qu'ils sont sortis une heure avant l'heure autorisée techniquement, parce qu'ils ont été dans des circonstances où on ne leur permettait pas, de fait, comme c'est arrivé dans certains conflits récemment, d'intégrer leur lieu de travail à cause d'une atmosphère sur une ligne de piquetage, etc. Et finalement, on considère que la règle, c'est vrai, permettrait en principe à celui qui, de mauvaise foi, a fait la grève, de tenter de s'en prévaloir. Mais, même là, il faudrait voir ce que la jurisprudence dira, étant donné que l'article 98 demeure et, d'autre part, celui qui est de bonne foi, lui, pourra évidemment se prévaloir de 98a.

M. Bellemare: M. le Président...

Le Président (M. Clair): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: ... je trouve qu'en étant "nonobstant l'article 14", qui prévoit le congédiement pour activités syndicales... On le laisse dans la loi, mais il y aurait une chose qu'il faudrait bien... Je suis prêt aussi...

M. Johnson: Je m'excuse, oui, oui. M. Bellemare: Mais dans la loi...

M. Johnson: Oui, l'article 14 reste toujours là.

M. Bellemare: L'article 14 reste dans la loi tel qu'il est, le congédiement syndical. Il faudrait bien définir que c'est une grève légale. N'oubliez pas cela.

M. Forget: M. le Président, je croyais que l'intervention du député de Johnson se situait dans le même contexte. Je suis d'accord que le point qu'il soulève est pertinent, mais, afin de ne pas nous mélanger dans nos interventions...

M. Bellemare: C'est l'article 98...

Le Président (M. Clair): Messieurs, pour éviter toute confusion, voici ce qui s'est passé. Le ministre du Travail a fait la présentation de l'article 52. Le député de Saint-Laurent a commencé des commentaires...

M. Bellemare: J'ai demandé la parole et je ne l'ai pas eue.

Le Président (M. Clair): Effectivement, mais regardez bien, M. le député de Johnson. C'est que le député de Saint-Laurent n'avait pas terminé ses commentaires, du moins dans ce que j'en ai compris, et le ministre a décidé de répondre immédiatement à une interrogation du député de Saint-Laurent qui n'avait pas terminé son premier commentaire.

M. Forget: C'est cela, M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Johnson, je vous reconnaîtrai immédiatement après le député de Saint-Laurent.

M. Bellemare: Je n'ai pas besoin. Il va le dire à ma place, c'est sûr. Je n'aurai pas besoin d'intervenir.

M. Forget: Cela vous donnera le plaisir, M. le député de Johnson, de nous appuyer. C'est un plaisir qui est, de toute façon, intense de notre côté, d'autant plus qu'il est très rare.

M. Bellemare: Vous n'aviez pas besoin d'ajouter qu'il est très rare.

M. Forget: Est-ce que je dois comprendre des explications du ministre que les modifications qu'il a fait subir au premier paragraphe de 98 ont pour but de tenir compte des circonstances où le patron conteste le réengagement, sous prétexte ou pour la raison qu'il y a eu un arrêt de travail illégal? Est-ce essentiellement cela qu'a dit le ministre?

M. Johnson: Oui. C'est-à-dire que le patron ne pourrait pas invoquer que l'arrêt de travail est illégal pour ne pas réengager puisque 98, de toute façon, et l'interprétation qu'en a donnée la jurisprudence, c'est que le contrat de travail subsiste

et on ne perd pas son statut de salarié même quand on fait la grève, et le mot "grève" a été interprété par la jurisprudence du travail comme signifiant toute forme d'arrêt de travail, y compris un arrêt illégal. Ce serait, en fait, revenir sur des dispositions antérieures à celles de 1964 que d'exiger cela. Cependant, on peut présumer que, dans un contexte précis, l'individu qui serait de mauvaise foi et qui aurait eu un comportement à cet égard qui est manifeste serait susceptible de subir un non-réengagement pour cause juste et suffisante et là, la jurisprudence interpréterait. Mais 98 a déjà donné une interprétation jurispru-dentielle qui ne tient pas compte de la "légalité" de la grève.

M. Forget: Je m'aiderai de la précision qu'a donnée le ministre pour proposer un amendement tout à l'heure. Mais, avant d'en venir à une proposition d'amendement, M. le Président, j'aimerais soulever une question que le député de Johnson a déjà mentionnée incidemment, c'est-à-dire l'élimination, dans la toute dernière version, de la référence à l'article 14. L'article 14 est celui qui ordonne une réintégration ou le versement d'une indemnité au bénéfice de l'employé qui a été congédié pour raisons syndicales. L'élimination d'une référence à l'article 14 est l'indication que la mésentente doit être réglée par un recours au tribunal d'arbitrage comme s'il s'agissait d'un grief et laisse croire qu'il s'agit d'un droit beaucoup moins fort que le droit d'un salarié à obtenir la réintégration à la suite d'un congédiement pour activités syndicales. Cependant, le langage utilisé laisse subsister une certaine imprécision sur ce que l'on veut, exactement, parce qu'il serait simple de dire, dans le deuxième article, non seulement d'enlever le "nonobstant", mais de dire: "une mésentente... entre les parties dans le sujet visé par l'article est réglée conformément à l'article 14."

Si c'est l'intention qu'on avait, mais on n'a pas cette intention et je dois dire que la fine nuance, la gradation des recours, de la force des recours, dans une telle circonstance, ce sont des nuances qui échappent aux non avertis et j'aimerais que le ministre nous explique vraiment comment il conçoit cette distinction.

M. Johnson: Est-ce que le temps que je prends à répondre aux questions du député de Saint-Laurent est pris sur ses vingt minutes? Parce que je pourrais peut-être, à la fin...

M. Forget: Ordinairement pas.

M. Johnson: Je pourrais peut-être, en fait, lui demander de poser ses questions, écouter le député de Johnson et ensuite résumer l'interprétation que je donne à l'article.

Le Président (M. Clair): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Est-ce que le député de Saint-Laurent a terminé?

M. Forget: J'ai terminé mes questions. J'aurai un petit bout par la suite pour proposer un amendement.

M. Bellemare: Je ne comprends pas pourquoi on enlève le mot "nonobstant", à l'article 14. Je ne comprends pas cela parce que celui qui aura à référer au Code du travail, quel qu'il soit, un simple conciliateur ou un commissaire-enquêteur, est obligé de regarder dans la loi où cela mène. Je suis d'accord avec le député de Saint-Laurent pour dire que l'explication qu'on retrouvait dans le premier amendement que nous avait suggéré le ministre après le dépôt de la loi 45: Nonobstant l'article 14, une mésentente entre les parties relativement etc., etc.

C'était une nouvelle formulation et elle était, à mon sens, beaucoup plus claire et elle atteignait véritablement les grèves qui ne sont pas légales, même si le ministre me dit que la jurisprudence établit que le congédiement pour activités syndicales dans une grève illégale peut être reconsidérée. Je pense que le bon sens même, même si la jurisprudence l'établit, doit être réellement légal pour une grève ou un lock-out. Alors, je pense qu'on devrait insérer à quelque part: relativement à l'article 14.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le député de Johnson a terminé?

M. Bellemare: Probablement, parce qu'il y a seulement cela que j'ai à dire. Je trouve que là j'y verrais peut-être pas une difficulté, mais des recherches qui seraient bien plus claires pour ceux qui ont à consulter le code.

M. Johnson: En supprimant la référence à l'article 14, il ne faut pas oublier qu'on ne supprime pas le recours prévu à l'article 14. C'est cela qui est important au niveau de la rédaction du texte et on l'a vu et revu avec les juristes. L'article 14 est toujours là. L'article 14 concerne le congédiement pour activité syndicale. Donc, le salarié peut se plaindre au commissaire-enquêteur qu'il a été congédié pour activités syndicales, à tout événement, quelles que soient les circonstances.

M. Bellemare: ... une grève illégale.

M. Johnson: Non, un salarié qui est congédié...

M. Bellemare: D'accord.

M. Johnson:... en vertu de 14, peut prétendre, et s'il gagne devant le commissaire enquêteur tant mieux pour lui et sinon tant pis pour lui... un individu congédié peut prétendre qu'il est congédié pour activités syndicales. Cela s'applique toujours. Ce qu'on dit c'est qu'au moment du retour de la fin d'une grève ou d'un lock-out, on ne fait aucune référence à l'article 14, puisque l'article 14 est dans le code et subsiste. On permet cependant à l'association accréditée de faire en sorte qu'elle

exige, au-delà de l'article 14. Ce n'est plus un recours du salarié congédié pour activités syndicales. Elle exige que l'employeur fasse la démonstration, car c'est lui qui a le fardeau de la preuve, qu'il a congédié cette personne pour une cause juste et suffisante. Cela s'en va devant un tribunal d'arbitrage. Or, on sait, pour les amendements qu'on a adoptés aux articles 88 et 89 que le tribunal d'arbitrage a aussi le pouvoir de modifier une décision prise par un employeur. Même si l'employeur fait la démonstration qu'il y avait cause juste et suffisante pour congédier cette personne, et on sait par définition qu'une cause juste et suffisante cela ne peut pas être une activité syndicale, disons qu'il a une autre raison, même s'il fait cette démonstration, l'arbitre pourrait quand même décider que le congédiement est une sanction inappropriée et que la sanction appropriée devrait être deux mois de suspension ou quelque chose de cet ordre.

Or, cela a beaucoup de flexibilité. Loin de ne pas reconnaître un recours aux salariés; au contraire, cela lui donne un recours, en tant que salarié, en vertu de 14, si, effectivement, il pense qu'il y a matière à l'application de 14, c'est-à-dire congédiement pour activités syndicales, et, deuxièmement, l'association accréditée peut, en fait, porter ce grief en arbitrage, en invoquant qu'il n'y a pas cause juste et suffisante, que l'employeur doit d'ailleurs démontrer car il a le fardeau de la preuve.

M. Forget: M. le Président, je ne sais pas si cela répond aux questions du député de Johnson.

M. Bellemare: On prétend, mon meilleur conseiller me dit qu'il serait plus clair, qu'il y aurait moins de tiraillements, que cela serait plus exécutoire. Moi, ce qui ne fait pas mon affaire, c'est que nulle part, dans cela, on dit que cela sera en vertu... Si quelqu'un fait des activités syndicales, qu'il provoque une grève illégale et est congédié après, qu'est-ce qui arrive?

M. Forget: II a deux subsidiaires d'un coup. Il a deux recours.

M. Johnson: II y a techniquement deux recours. Il s'agit qu'il aille à 14. Peut-être que l'employeur pourra démontrer, devant le commissaire-enquêteur, qu'il avait une autre raison que des activités syndicales pour le congédier. A ce moment-là, il serait congédié, en vertu de cela.

Il y a un autre recours, qui est le recours par le syndicat lui-même, devant un arbitre, pour décider s'il y a cause juste et suffisante, une démonstration qu'il appartient à l'employeur de faire, c'est-à-dire qu'il y avait cause juste et suffisante de le congédier.

Je me réfère à la jurisprudence. La jurisprudence, autour de 98, tel qu'il existe depuis 1964, prévoit que la participation à une grève, qui n'est pas déclarée conformément à 46 et à 99, n'est pas considérée comme privant le salarié des droits qui lui sont reconnus, à partir de la notion de contrat collectif qui existe entre lui et l'employeur.

Le Président (M. Clair): Le député de Saint-Laurent.

M. Johnson: Cependant, évidemment, il s'expose à des pénalités, comme toute personne qui enfreint les dispositions du Code du travail.

Le Président (M. Clair): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Personnellement, M. le Président, je suis satisfait des explications sur le deuxième alinéa. Il y avait des problèmes au deuxième alinéa, qui est relatif à la procédure pour se prévaloir du premier alinéa. Son interprétation, en corrélation avec l'article 14, quant à moi, me satisfait. Il y a effectivement deux recours. Je pense bien qu'ils ne pourraient pas être utilisés en même temps, mais il y a une espèce de première possibilité d'utiliser une présomption de congédiement pour activités syndicales et une autre possibilité, au cas où c'est un autre motif que le patron allègue avec succès.

Il reste que toute cette question du droit lui-même plutôt que de son exercice, qui est dans le premier paragraphe de 98 et, d'une certaine manière, qui est dans l'article 98 du code lui-même, soulève un point de fond, c'est-à-dire jusqu'à quel point une grève, qui se fait en dehors du cadre prévu par la loi, permet de garder ouvert le droit de réintégrer un poste en vertu du contrat de travail qui est censé durer.

En effet, ce que l'article 98 et la jurisprudence indiquent, c'est la permanence ou, plus correctement, la continuité du lien de droit, du lien contractuel entre le salarié et son employeur. Ce lien contractuel ne cesse pas, cela demeure un contrat valable qui n'est pas rendu caduc par la grève ou le lock-out.

Ceci peut demeurer vrai, sans toutefois que le contrat puisse produire automatiquement tous ces effets pour chacune des parties, quelles que soient les circonstances. En effet, dans un contrat même valable, une des parties peut faire défaut de remplir les obligations que prévoit le contrat. A ce moment-là, le Code civil lui-même prévoit qu'en cas de défaut par une partie de remplir ses obligations, l'autre partie peut mettre en demeure la partie défaillante, peut même, dans certains cas, suspendre elle-même la prestation, ce à quoi le contrat l'oblige.

Dans le cas d'un locataire qui ne paie pas son loyer, après un certain temps, etc., il y a possibilité d'éviction, etc. Et on peut dire que, justement parce que le contrat de travail demeure en vigueur entre les parties lors d'une grève, les obligations que le contrat impose à l'une et l'autre partie demeurent des obligations auxquelles elles sont tenues et à défaut pour les parties de ne pas s'en acquitter, des sanctions peuvent être prévues.

Il n'y a donc aucune incompatibilité entre l'affirmation de la continuité du lien juridique et, d'au-

tre part, la possibilité d'invoquer le non-respect du contrat par l'une des parties pour que l'autre partie puisse à son tour dire: Comme on n'a pas respecté le contrat, telle ou telle obligation que nous avons en vertu de ce contrat est elle-même caduque. C'est ce que 98a, premier alinéa, à mon avis, devrait faire. Il devrait prévoir que le contrat demeurant en vigueur, la possibilité pour le salarié de se prévaloir de ce lien juridique n'existe que dans la mesure où, collectivement ce contrat a été respecté. Ce qui ne veut pas du tout dire que tous les salariés seraient automatiquement congédiés au moment d'un grève, bien sûr. Cela voudrait cependant dire qu'à ce moment-là le patron pourrait invoquer le non-respect de l'obligation des salariés pour, à son tour, faire des exceptions basées sur le comportement des salariés, sur la façon dont ils ont posé un geste comme celui d'aller en grève.

C'est la raison pour laquelle je crois qu'il est tout à fait compatible, à la fois avec la législation dans son état actuel et l'interprétation qu'en a faite la jurisprudence, de préciser par un amendement dans quel sens le droit de retrouver son emploi doit être interprété. Cela pourrait prendre l'aspect—je dis "cela pourrait" parce qu'il y a là une question d'expression, de forme et sous réserve puisque ce ne sont pas des experts en loi qui ont rédigé cet amendement, mais sous réserve des questions de forme, ce serait probablement possible d'améliorer l'expression de tout cela — cela prendrait l'aspect suivant: "Que le premier alinéa du paragraphe 98a de l'article 52 soit modifié en ajoutant dans la première ligne, après le mot lock-out, les mots "et s'il s'agit d'une grève déclarée conformément à l'article 46 et, le cas échéant, à l'article 99."

L'alinéa amendé se lirait comme suit: 98a. "A la fin d'une grève ou d'un lock-out et s'il s'agit d'une grève déclarée conformément à l'article 46 et, le cas échéant, à l'article 99, tout salarié qui a fait la grève ou a été lock-outé a le droit de retrouver son emploi de préférence à toute autre personne, à moins que l'employeur n'ait une cause juste et suffisante dont la preuve lui incombe de ne pas rappeler ce salarié."

Il faut dire que ce paragraphe comme celui auquel il se substituerait en partie, n'abrogerait pas pour autant l'article 14. Donc, des protections continueraient d'exister pour le salarié: d'abord la persistance du lien juridique que le salarié pourrait aussi invoquer dans une certaine mesure sous condition et finalement, pour la même raison de la permanence du lien juridique, la possibilité d'invoquer l'article 14, c'est-à-dire le congédiement pour activités syndicales.

Il me semble qu'il serait plus logique, plus normal de dire: Bon, il y a un contrat, contrat qui dure indépendamment de la grève ou du lock-out qui sont permis par la loi et, en vertu de ce contrat qui dure, le travailleur a le droit de réclamer, de préférence à toute autre personne, d'être restitué dans son emploi.

Cependant, si la grève ne se fait pas dans le cadre prévu dans la loi, il ne s'agit plus d'un droit strict et absolu, il s'agit d'un droit relatif et sujet, de la part de l'employeur, aux dispositions relatives au congédiement pour activités syndicales. Il me semble que ceci permettrait d'être plus cohérent et d'affirmer encore une fois le principe que nul ne devrait pouvoir utiliser la loi, à moins de lui-même la respecter, ce qui me semble, dans le domaine d'une loi qui veut régir les comportements, une exigence première et fondamentale de toute personne qui veut se prévaloir du Code du travail, devoir s'acquitter elle-même de toutes ses obligations en vertu du même Code.

Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, sur la motion d'amendement du député de Saint-Laurent... On m'affirme qu'en 1964, au moment de la rédaction de 98, on prévoyait effectivement — parmi les premiers projets — on prévoyait la notion de grève légale et elle a été retranchée de ces projets. Pourquoi?

Il faut regarder comment cela se passe en pratique. C'est ce que la jurisprudence nous dit aussi. Une grève, c'est un phénomène collectif. Une grève peut être déclenchée de bonne foi, en respectant l'ensemble des dispositions du code, particulièrement 46 et 99, le cas échéant. Une grève peut-être décrétée toujours de bonne foi dans ce contexte de 46, mais avec une erreur concrète de délai, débrayer, par exemple, quelques heures avant l'heure normale qui donne ouverture au droit de 46 d'exercer la grève.

Une grève peut aussi être déclenchée de bonne foi, mais absolument sans rapport avec 46, quand il s'agit d'un phénomène spontané qu'on peut retrouver dans une usine, par exemple, où des événements viennent troubler les activités normales. Ces événements peuvent être un incident, un accident, la présence d'une personne qui, sur le plan des relations humaines, est incapable de garder une atmosphère harmonieuse. Cela peut aussi être carrément de la provocation de la part d'un employeur. Cela peut se produire. Il ne faut pas dire non plus que les syndicats sont des saintes nitouches. Dans certains cas, la provocation peut venir du syndicat pour provoquer des événements désagréables. Cela joue dans les deux sens.

Le Code du travail est là pourquoi dans le fond? Je pense qu'il faut se référer à l'analyse des 25 dernières années de syndicalisme au Québec. Les syndiqués ont acquis, à force de revendications et de contestation, des droits. On ne poura, à moins que cette société, comme d'autres l'ont fait, ne change de façon extrêmement profonde quant à l'évaluation des rapports entre les personnes, y compris des notions aussi fondamentales que le droit de propriété, à moins que notre société ne change, ce sera, à mon avis, toujours le devoir du législateur de faire en sorte qu'on ne revienne pas sur ce type de droit qui a été acquis chèrement par les travailleurs.

On a toujours considéré qu'un débrayage spontané en cours de convention collective pouvait être un événement fait de bonne foi, pouvait être un événement provoqué, par exemple, par un employeur. Si on acceptait l'amendement du dé-

puté de Saint-Laurent, on serait dans une situation juridique précise qui interdirait ce type de recours en vertu de 98a, alors que ceux qui l'ont exercé l'ont fait de bonne foi.

Un autre exemple de cela, c'est l'entraînement à un débrayage illégal. Je pense que l'histoire récente dans le syndicalisme, dans certains secteurs, est assez manifeste à ce sujet. Il existe des salariés qui, à un moment donné, débraient parce qu'ils se sentent pressés de le faire par des gens qui, eux, n'ont peut-être pas le souci de respecter les dispositions du Code du travail. Est-ce qu'on devrait les mettre dans une situation juridique telle qu'ils ne pourraient pas revendiquer ce droit de 98a, que 98a vient reconnaître en complétant 98 qui a été interprété par la jurisprudence du travail comme créant une sorte de régime d'exception pour les salariés? Je pense qu'à ce titre il faudra rejeter l'amendement du député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Clair): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. le Président, les arguments qu'emploie le ministre sont des arguments de 25 années d'application et de jurisprudence, mais le Parlement, étant souverain, a le droit d'ignorer cela comme un article de bon sens. Ce n'est pas une jurisprudence de 25 années qui peut me faire croire qu'il n'y a pas une nécessité évidente de le déclarer aujourd'hui.

Ce n'est pas plus pour protéger l'employeur que le syndicaliste, mais il reste qu'on revient à ce que je disais tout à l'heure, dans ma première réflexion, au sujet de la grève légale ou illégale. Est-ce qu'on a le droit, nous comme législateurs, de ne pas prévoir ces grèves illégales? Est-ce qu'on aurait le droit de dire dans un article de la loi: La jurisprudence a déclaré que les grévistes qui ont fait des grèves illégales sont soumis à cet article, ils ont le droit, en vertu de l'article 14, de demander la réintégration de l'employé, avec tous les dommages que cela comporte?

Pour une fois, l'amendement répond à ma philosophie du renouveau qu'on doit apporter dans ces articles à double sens, où la jurisprudence est venue s'ajouter à des jugements de cour pour dire qu'un gréviste qui était illégalement en grève doit se servir de l'article 14 ou d'un recours pour obtenir sa réinstallation. Je pense, M. le ministre, que l'amendement qui est devant vous est très simple, mais très sérieux. Il mérite une attention bien particulière, parce qu'on déclare véritablement qu'il s'agit d'une grève déclarée, conformément à l'article 46. Que dit l'article 46? Si l'intervention d'un conciliateur... On l'a amendé cette année. Au lieu de 60 jours, c'est 90 jours. Je ne vois pas l'explication du ministre, même s'il prétend que, théoriquement, il faudrait suivre le vieux chemin battu et essayer de trouver une sortie pour ceux qui, illégalement, vont faire une grève. A la fin d'une grève ou d'un lock-out, il s'agit d'une grève déclarée conformément à l'article 46... Je plaide devant un ministre qui ne m'entend pas.

M. Johnson: Je m'excuse. Mes excuses...

M. Bellemare: Oui, je vous excuse.

M. Johnson: ... M. le député de Johnson, qui sait que je l'écoute toujours attentivement, sauf qu'il y a parfois, à travers 56 heures de débats, des minutes de distraction.

M. Bellemare: Je trouve cet amendement sérieux, je le trouve approprié. Je trouve que si on a vécu dans l'illégalité, même avec une loi qui semblait protéger les gens qui, illégalement, étaient dans une grève, on pouvait se servir de l'article 14 pour tâcher de se faire réinstaller. Si on a vécu 25 ans dans cette double forme d'illégalité, en permettant qu'un gréviste qui a déclaré une grève illégale puisse réintégrer son emploi, je pense que si on ne le déclare pas dans cet article, cela va rester encore de la jurisprudence, cela va rester encore le vieux tandem de dire: La loi l'a dit, la loi le protège, la loi le veut, la jurisprudence est ceci... Puisqu'on fait véritablement un amendement, on devrait le faire dans le sens de dire que toute grève illégale est illégale, puisque c'est notre devoir d'agir mieux que nos prédécesseurs, de formuler quelque chose qui soit véritablement en accord avec la pensée qu'on a, celui de déclarer que, conformément à l'article 46, et là, on l'a amélioré, on l'a mis à 90 jours... Je voterai en faveur de l'amendement. Je ne veux pas être plus long que cela.

Le Président (M. Clair): Le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Je pense en trente secondes, appuyer ce que le député a dit, et aussi le député de Johnson. L'amendement est clair. C'est positif. C'est important. C'est de ne pas dire dans le sens qu'on décrit quelqu'un qui est allé en grève contre son droit, après avoir suivi les conditions de l'article 46, ce qui s'applique à l'article 99, qui dit carrément qu'ils ont agi selon la loi et à cause de cela, la grève est maintenant terminée et ils ont tous leurs droits, comme un salarié qui a agi selon la loi et pas contre la loi.

Je ne pense pas que le ministre veuille garder l'ambiguïté qui existait auparavant. On ne devrait pas avoir honte de dire carrément que nous avons le droit d'aller en grève, selon les conditions précisées à l'article 47, c'est-à-dire que la grève est maintenant terminée et que vous avez tous les droits que vous aviez avant la grève.

Cet amendement veut dire que vous avez le droit, comme citoyen dans un pays libre, d'aller en grève légalement et que vous n'avez rien à craindre parce que vous utilisez votre droit légitime, comme citoyen, comme salarié. C'est ce que ça dit, comme le député de Johnson l'a noté. Tout ce que l'amendement dit, c'est plus clair, plus simple, plus positif que ce que l'article 98a dit, selon le ministre.

Ce qu'on dit ici... Je ne peux pas comprendre que quelqu'un de cette commission puisse être contre l'article 98a. C'est positif, c'est clair, ça reprend le droit de l'employé, le droit du salarié d'aller en grève, si cette grève est légale, naturelle-

ment. On demande que le monde suive la loi, pas seulement l'employeur, mais l'employé, tout le monde, les députés. On n'est pas pour pénaliser un homme qui va aller en grève légalement. Tout ce qu'on reprend ici, pour l'employeur, pour tout le monde, c'est le droit d'un salarié, membre d'un syndicat, d'aller en grève, si c'est nécessaire.

Mais il faut respecter la loi, il faut aller en grève légalement, selon l'article 46. Si les salariés suivent la loi, ils sont protégés par le même Code du travail; tous leurs droits, en tant qu'employé, sont protégés. C'est tout ce que ça dit, l'article 98a, en ce moment. Si vous ne partagez pas ce sentiment, cela m'étonne. On a souvent, pendant que j'étais ici, fait des nuances sur beaucoup des amendements du député de Saint-Laurent mais je pense, finalement, que la philosophie du député de Saint-Laurent est prosyndicaliste, "projustice" plutôt, c'est un meilleur mot, parce que la loi ne devrait pas prendre parti ni d'un côté, ni de l'autre. L'article 98a dit aux ouvriers: si c'est nécessaire, selon votre désir, d'aller en grève légalement pour arrêter les injustices ou pour avoir une augmentation de salaire, ou des causes valables...

Si vous avez suivi la loi, conformément à l'article 46 par exemple, ou à l'article 99 si vous êtes un fonctionnaire; si vous avez suivi la loi, vous avez le droit d'aller en grève légale, rien ne traîne parce que vous avez suivi la loi. Seulement ceux qui ne suivent pas la loi devraient avoir quelque chose à craindre dans notre société. Si nous avons peur, en tant que membres de l'Assemblée nationale, de dire aux ouvriers, comme aux patrons, si vous enfreignez la loi, si vous agissez illégalement, vous allez payer en conséquence. Sans ça, il n'y aura plus de justice, il n'y aura plus de conventions collectives, il n'y aura plus de syndicat. Le public va se prononcer, il va forcer les députés, les ministres à faire des lois antisyndicales.

Je pense que la meilleure défense pour un membre du syndicat, c'est de suivre la loi. Tout ce que le député de Saint-Laurent dit, comme le député de Johnson l'a souligné, c'est que si vous agissez selon la loi, vous n'avez rien à craindre. Ce n'est pas plus compliqué que ça.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Le député de Bourassa.

M. Laplante: M. le Président, me servir de l'article 46, tel que proposé par le député de Saint-Laurent, j'hésiterais beaucoup... Non. L'article 46, tel qu'il le propose, à la fin d'une grève ou d'un lock-out... Il s'agit d'une grève déclarée conformément à l'article 46. J'aurais de la misère moi-même à déclarer si une grève peut être légale ou illégale. Si je prends un cas, disons d'un chantier de construction, même si l'ouvrier aujourd'hui, lorsqu'il ne se sent pas en sécurité dans une position, s'il y a danger pour sa santé, danger pour sa vie, il peut refuser d'exercer un emploi. A un moment donné, cela peut-être collectif sur un chantier de construction.

Si vous prenez une grosse construction à côté d'un vieil immeuble qui a été démoli et que les ou- vriers jugent entre eux qu'il y a un danger très prononcé qu'un mur s'effondre à côté d'eux. Le patron se met dans la tête de dire: Ce n'est pas vrai, le mur est encore solide. Vous avez cinquante ouvriers dans le trou et la peur les prend. Le patron ne veut rien savoir. On fait une grève.

M. Bellemare: Elle est illégale.

M. Laplante: Je ne peux pas dire qu'elle est illégale et je ne peux pas dire qu'elle est légale non plus. L'ouvrier a jugé qu'il y avait un grand danger. Il n'a pas pu avertir 90 jours d'avance. Il n'a pas pu avertir, 90 jours à l'avance, qu'il faisait la grève, parce que le mur a le temps de tomber d'ici ce temps-là.

Comment saurez-vous si c'est légal ou non? J'aime beaucoup mieux la première présentation du ministre: il y a un recours. Si le patron veut dire à ces ouvriers: D'après moi, c'était illégal, je te congédie ou autres sanctions. Automatiquement, le patron sera obligé d'en faire la preuve. Il sera obligé d'amener ses experts au sujet de ce mur. Mais est-ce qu'on peut douter du jugement de l'ouvrier qui est là?

M. Bellemare: Vous iriez mettre cela dans une loi, qu'une grève est illégale?

M. Laplante: Non, je ne mettrais pas cela dans une loi. Ce n'est pas spécifié ici non plus, dans l'amendement.

M. Bellemare: Pourquoi a-t-on eu tant de difficulté jusqu'à maintenant, M. le député de Bourassa? Justement, parce que l'article n'était pas clair. Pourquoi y a-t-il eu tant de jurisprudence établie, qu'il y a tant de jugements rendus, alors que c'était une grève légale ou illégale, en faveur d'un gréviste qui voulait se faire réintégrer dans son emploi en vertu de l'article 14? Justement parce que l'article 98a qu'on amende aujourd'hui n'était pas clair. On en est à un article qui a amené je ne sais combien de jurisprudence et de débats en cour. On l'a devant nous, parce que ce n'est pas clair. L'amendement le clarifie d'une manière définitive. Cela va être fini, ce côté-là. On va le savoir si c'est légal ou non. Il n'y aura plus de débats et il n'y aura plus de jurisprudence. L'article est clair.

M. Laplante: II n'y a plus de débats dans l'article du ministre.

M. Bellemare: Les grèves illégales ne sont pas reconnues. Je ne voterai pas pour une grève illégale.

M. Laplante: Parce que la preuve se fait par le patron. Là, on s'en va directement, par l'amendement, à l'article 46. Tout de suite, on la déclare. On prend position. Ce n'est pas à nous de prendre position, à ce moment-là. C'est au patron de prendre position pour dire oui ou non, dans le cas de cet ouvrier, s'il y a matière à congédiement.

M. Bellemare: Oui, mais M. le député de Bourassa...

M. Laplante: Parce qu'il sera toujours dans le même dilemme de ne pas être capable de préparer sa défense ou donner un ordre de grève de 90 jours, en suivant l'article 46. Il ne sera jamais capable de le faire, dans le cas d'une grève instantanée.

M. Bellemare: L'article 46 a été amélioré. Au lieu de 60 jours, on a mis 90 jours.

M. Mackasey: Si je peux me permettre une petite observation au député. Je félicite le ministre pour l'article 46 qui est très simple. Cela élimine beaucoup d'étapes qui étaient ambiguës auparavant. L'article 46 dit maintenant qu'une grève est légale après 90 jours. C'est simple. Cet amendement est logique maintenant. Ce n'était peut-être pas logique auparavant, lorsqu'on avait tellement d'étapes à franchir avant d'aller en grève légale.

Mais l'article 46 précise que 90 jours après avoir avisé le ministère, vous avez le droit d'aller en grève. C'est fait comme cela. Tout ce qu'on dit ici...

M. Laplante: ... normale d'une convention collective, l'article 46 est là.

M. Mackasey: Certain qu'il est là, on a voté pour l'article 46.

M. Johnson: M. le Président, si le député de Notre-Dame-de-Grâce me le permet — et je suis sûr que le député de Johnson va être sensible à cet argument — je pense que tous les deux savent, pour avoir été ministres du Travail, l'un à Ottawa et l'un ici, au Québec, que les lois du travail, c'est une espèce d'effort afin de concilier ce qui relève du droit collectif et ce qui relève de la vie concrète des hommes et des femmes qui sont couverts par le Code du travail.

C'est un but essentiel et je dois vous dire que ma première approche à cet article, quand j'ai procédé à l'analyse de différents éléments du projet de loi 45, était un peu comme celle du député de Saint-Laurent. Pourquoi, dans le fond, ne devrait-on pas soumettre cela carrément à la légalité de la grève un tel droit de retour au travail?

Ma première attitude a été cela et, à un moment donné, j'ai fouillé et je me suis rendu compte que, fondamentalement, l'article 98a, comme nous le présentons, a essentiellement pour but d'humaniser le code, de l'humaniser dans la situation concrète du salarié Untel qui s'est fait pousser dans le dos par deux organisateurs syndicaux pour sortir ce jour-là, alors que c'était une grève illégale, de ne pas le mettre dans une situation où il risque de ne pas être capable de reprendre son emploi, d'humaniser le cadre pour le gars qui, à un moment donné, s'est aperçu, dans son usine, qu'il y avait quelque chose de dangereux. Ils se sont mis quinze et ils ont dit: Nous autres, on sort tant que le patron ne réparera pas cela. Cela peut arriver, des situations comme cela. Ce n'est pas la façon idéale de les régler.

Tout le monde sait que les relations du travail, ce sera toujours un peu comme cela. On peut souhaiter que notre société évoluera et que tout cela se fera par des ententes, etc., mais, à un moment donné, il y a des événements dans la vie du travail qui sont des phénomènes de spontanéité. Je ne parle pas de grèves sauvages multiples; je ne parle pas d'efforts concertés par une centrale syndicale d'ébranler son monde à telle époque précise pour paralyser l'économie, etc.; je parle concrètement de ce qui peut arriver à un salarié de bonne foi qui, à un moment donné, n'en peut plus. Je parle du salarié qui s'est fait entraîner par des gars un peu plus militants que lui. Je dis qu'on ne doit pas lui... C'est pour cela que la jurisprudence, à un moment donné, a dit que l'article 98, dans deux causes, il faut l'interpréter comme s'appliquant à tout arrêt de travail. Probablement que c'étaient des considérations humanitaires dans ce cas-là.

Ceci dit, cela n'empêche pas que, si on a affaire à un débrayage qui est de mauvaise foi, manifestement, accompagné d'actes et d'attitudes qui peuvent donner une cause juste et suffisante, peut-être, la jurisprudence l'interprétera-t-elle à ce moment-là, face à M. Untel qui a pris quinze personnes en les forçant littéralement à sortir. Mais pourquoi serait-ce le simple salarié qui, tout à fait de bonne foi, serait impliqué dans un mouvement? Pourquoi serait-ce lui qui perdrait cette couverture?

M. Bellemare: Parce qu'il n'a pas d'autres moyens.

M. Johnson: Je trouve que c'est une approche beaucoup trop théorique que de soumettre cela à l'article 46.

M. Bellemare: Vous pensez qu'il n'y a pas d'autres moyens pour arriver à la même fin?

M. Johnson: On en a cherché. M. Bellemare: Oui, mais...

M. Johnson: On en a cherché. Je comprends les propos du député de Johnson, on en a cherché.

M. Bellemare: Parce que là...

M. Johnson: Ce qu'on a trouvé, c'est cela.

M. Bellemare: Déclarer une grève illégale, on y est habitué en vertu de l'article 14.

M. Forget: J'ai l'impression que le ministre mélange un peu un certain nombre de choses. Il y a d'abord un problème dans sa description des problèmes ou des situations qu'il veut régler par la loi, il y a énormément de paternalisme. L'idée qu'il faille protéger le travailleur qui, de bonne foi, se sent entraîner par les autres, etc.

M. Johnson: Oui.

M. Forget: ... c'est du paternalisme, M. le Président.

M. Johnson: Ce n'est pas du paternalisme, mais je pense que c'est le souci du législateur.

M. Forget: ... parce que, s'il vous plaît, on a basé un tas de dispositions dans le Code du travail sur la proposition suivante: C'étaient des organismes responsables, des organismes démocratiques. Une idée dont il faudra se départir, si on veut soutenir, de façon crédible, la notion que ce sont des organismes responsables et démocratiques, c'est que, quand il y a des erreurs qui se font, il n'y a personne qui paie pour ces erreurs. Ne nous attendons pas qu'il y ait des comportements responsables quand les décisions ont été prises par un organisme qui semble descendu du ciel. C'est tout le monde qui en est la victime. Il n'y a personne qui a décidé. Finalement, on enlève toutes les sanctions ou toutes les contreparties à des droits — cela s'appelle les obligations — sous prétexte que ce sont d'autres qui ont décidé.

Je pense que cela fait partie d'une maturation et d'un effort de démocratisation syndicale de se dire: Lorsqu'il y a des décisions qui sont prises au nom de tous, tous sont dans le même bateau, tous doivent savoir qu'il y a des conséquences à des gestes qu'on pose librement par des votes démocratiques. C'est essentiel.

D'autre part, il y a des exemples qu'à la fois, le député de Bourassa et le ministre ont repris, en termes de sécurité au travail, etc. C'est bien clair que c'est une préoccupation importante, mais ne prétendons pas, par le Code du travail, régler tous les problèmes à la fois. Il y a une loi qu'on nous promet, qui va venir et qui va nécessairement — je le sais parce que c'est une loi qui est depuis longtemps en préparation, qui était même en préparation avant le gouvernement actuel — devoir prévoir, justement, dans le cas où des conditions de travail mettent en danger la sécurité, ou la vie, ou la santé des employés, où le caractère urgent du danger est tel qu'ils doivent s'y soustraire rapidement; il va aussi falloir prévoir, dans ces lois, des mécanismes spéciaux, mais orientés vers des buts spécifiques de protection de la santé. Ce n'est pas n'importe quel genre de grève à ce moment-là.

Ce ne sera pas fait dans le cadre du Code du travail, ce sera fait dans le cadre d'une loi sur la santé et la sécurité des travailleurs. Il va y avoir des mécanismes appropriés là-dedans, mais qu'on n'invoque pas la santé et la protection de la vie des gens lorsqu'il est question d'intérêt économique. Il est question d'intérêt économique et de défense d'intérêt économique dans le cas du Code du travail. C'est pour cela que cela existe, ce n'est pas pour défendre la vie de qui que ce soit, parce que si c'était cela, on attendrait longtemps.

On a, effectivement, attendu longtemps, parce que malheureusement, et ce n'est pas un reproche qui s'adresse plus aux syndicats qu'aux patrons, la priorité donnée à la sécurité et à la santé a été très basse dans le cahier des priorités à la fois des syndicats et des patrons. On a donné, c'était peut-être inévitable, dans une société relativement pauvre à une autre période, la préférence au gagne-pain et à la possibilité de faire vivre sa famille plutôt qu'à des considérations de sécurité. C'est inévitable, mais cela s'est produit comme cela. Alors, ne prétendons pas maintenant qu'il y a là un vice fondamental du Code du travail. Ce n'est pas par ce moyen qu'on va le régler.

Alors, il y a la question de responsabilité qu'il faut asseoir sur une conception réelle de ce que le Code du travail peut donner. Je suis le dernier à suggérer qu'on ait recours aux mesures pénales. A mon avis, un Code du travail devrait se faire presque sans pénalité, sans amende, mais il y a une proposition qui devrait être la première inscrite dans un Code du travail, c'est que nul ne peut se prévaloir de droit au nom du droit du travail, à moins de souscrire aux obligations qu'il a lui-même.

Il n'est pas question de mettre personne à l'amende, mais de dire: Si vous voulez réclamer des droits, assurez-vous d'abord d'avoir respecté la même loi de la même façon. Ce n'est pas la seule loi qui régit les comportements et les droits collectifs. On pourrait citer la Loi électorale et c'est un très bon exemple. On ne permet à personne de se prévaloir de la Loi électorale de façon à se déclarer élu dans un comté, à moins d'avoir satisfait aux obligations de la loi électorale. Si on n'a pas satisfait aux obligations de la Loi électorale, on a beau avoir été de bonne foi, on n'a pas son mandat, on n'est pas éligible ou on est déchu de son mandat, si on s'est fait élire, par ailleurs.

Je pense que c'est un principe qui est extrêmement sain. Nul ne peut profiter de la loi, à moins d'y souscrire lui-même, de souscrire lui-même à ses obligations. C'est seulement cela qu'on demande. On ne demande pas de pénalité. On demande seulement la cohérence.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, concrètement, et je pense que les propos du député de Saint-Laurent démontrent une certaine absence de sensibilité à la "quotidienneté" de ce que sont les relations du travail pour les salariés. Je ne lui fais pas un procès d'intention, mais je trouve que son approche sur le plan théorique, et que je partage entièrement si on vivait dans une société idéale..., il n'y aurait pas de problème. On ne vit pas dans une société idéale.

Je sais aussi qu'au Québec, par exemple, ce n'est pas tous les employeurs qui tiennent pour acquis que le syndicalisme, ce n'est pas une affaire à démolir a priori. Il y a encore bien des employeurs au Québec qui voient le syndicalisme comme une menace. Comme départ, cela peut donner des situations, ou, effectivement plutôt que de prendre cela comme un problème de gestion, on prend cela comme une guerre à faire. Quand on prend cela comme une guerre à faire, comme employeur, on crée parfois des situations qui mettent les gens de bonne foi, comme salariés, dans des situations difficiles à supporter.

Je ne reprendrai pas les arguments sur la

santé et la sécurité, je suis d'accord avec le député de Saint-Laurent. Une loi générale sur la santé et la sécurité pourrait prévoir, effectivement, ces situations. C'est ce vers quoi ce gouvernement se dirige.

Cela n'empêche que je pense que ce serait inique dans le Code du travail de faire en sorte que des gens qui, de bonne foi, ont été dans une situation où la grève était techniquement illégale, pour les raisons de l'article 46, ne pourraient pas se prévaloir de cet article pour qu'on puisse affirmer leur droit à réintégrer leur travail.

Le Président (M. Clair): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. le Président, le ministre jusqu'à aujourd'hui s'est comporté comme un vrai législateur. Là, il devient un ministre qui est émotif, qui se laisse saisir par ce qu'on appelle le tragique. Oui, c'est vrai. On est tous conscients de cela. On a cité quelques cas, le député de Bourassa et d'autres. Est-ce que, dans une loi, on va permettre que les gens puissent se servir de cet article pour justement lock-outer ou pour faire une grève illégale, et dire: Le ministre a dit — cela va être reporté dans les débats — il y a des cas particuliers, où il faut le reconnaître... Ecoutez, je ne peux quand même pas... Je ne me rendrai pas là. Cela m'a sauté aux yeux au début.

Mais plus ça va, plus je me raisonne. On n'a pas le droit de donner, dans un Code du travail qui va être une loi, cette chance à des gens de faire des grèves illégales. Par l'amendement de l'honorable député de Saint-Laurent, on couvre le sujet, on ferme la porte et on dit: Si vous avez des revendications à faire, à l'occasion du renouvellement de la convention collective, vous les ferez valoir; là ce sera le temps de les faire valoir. Un mur qui tombe, un gars qui est sur une poutrelle et qui tombe parce qu'on n'a pas mis de garde, là c'est la sécurité qui doit y pourvoir et il y a des agents pour cela, il y a des agents de sécurité qui doivent voir à ça dans le Code du travail.

M. le Président, quelle différence peut-il y avoir entre les attitudes qu'a prises le ministre jusqu'à maintenant pour faire respecter la loi, lui qui est le ministre responsable du Code du travail?... Si quelqu'un arrive, demain matin, avec le journal des Débats, et qu'il est justement dans une grève illégale et qu'il dit: M. le ministre, vous vous souvenez de ce qui a été écrit ici; vous, vous allez m'appuyer. Vous allez dire: Non, jamais ce n'est pas la loi, la loi ne prévoit pas ça. Elle dit plutôt: "... une mésentente, à la fin d'une grève ou d'un lock-out, le salarié..." vous allez lui citer votre article. Mais si, par exemple, vous lui citez l'amendement qui a été voté à l'unanimité ou plutôt avec majorité — l'amendement du député de Saint-Laurent — qu'est-ce qu'il va dire? Vous allez certainement être ému; c'est du drame, c'est du sen-sationnalisme, mais ce n'est pas ça; la loi, c'est la loi: dura lex, lex...

M. Johnson: Dura lex, sed lex.

Le Président (M. Clair): C'est cela.

M. Bellemare: Sed lex, oui, j'ai passé un mot. Mais la loi est dure comme ça. On ne fait pas une loi seulement par émotion et sensiblerie pour dire, il peut y avoir un...

M. Johnson: M. le Président, si le député de Johnson me le permet?

M. Bellemare: Je vous le permets certainement.

M. Johnson: Plutôt que de me faire prêter des vertus de sensiblerie, je préférerais simplement évoquer — c'est ce que j'ai évoqué dans mon propos — qu'il y a des situations, même si techniquement il faudrait s'entendre sur ce qu'est l'illégalité d'une grève au Québec... L'illégalité est définie en fonction de l'article 46, du respect du délai. Il peut fort bien se présenter des situations où, de bonne foi, on permet à un arbitre de tenir compte de la bonne foi. C'est aussi simple que ça. Les salariés, au Québec, ne sont pas des ordinateurs avec l'article 46 dans leur tête et on l'a clairement...

M. Bellemare: L'article 41.

M. Johnson: ... affirmé dans le cas, cependant, des dispositions anti-briseurs de grève. C'est clair que c'est seulement une grève qui respecte l'article 46 parce que, là, ça implique l'ensemble des personnes, pas seulement une personne. Mais ce à quoi on réfère, c'est à un cas précis. Je ne nie pas — étant donné la rédaction que nous donnons à l'article 98a — je ne nie pas qu'il serait possible que quelqu'un, dans un acte de grève illégale, avec une intention spécifique de commettre des gestes qui rendent une grève illégale, tenterait de s'en prévaloir. Mais ce que je dis, c'est que ceux-là, s'ils ont commis des gestes de sorte que l'arbitre considère qu'il y a une cause juste et raisonnable pour les congédier, ils pourraient être congédiés s'ils sont engagés, et tant pis s'ils sont réengagés d'une certaine façon. Mais celui qui, de bonne foi, a été entraîné, celui qui, de bonne foi, est sorti trois heures avant, celui qui, de bonne foi, a été dans une situation où il s'est senti obligé de sortir parce que, à un moment donné, il y a peut-être quelqu'un qui lui poussait un peu trop fort dans le dos et que ça n'avait pas de sens; pourquoi interdirait-on à l'arbitre d'employer des critères qui soient des critères d'humanité, pas seulement des critères juridiques du délai de 90 jours prévu à 46? Il y a des situations humaines qui, je pense, commandent cette souplesse et on ne vit pas encore dans une société idéale où tous les salariés, où tous les citoyens sont hyperconscients, de minute en minute, d'une décision découlant du fait qu'ils n'ont pas respecté l'article 46. Voyons donc!

M. Bellemare: M. le Président, quand...

M. Johnson: Le député de Johnson lui-même, alors qu'il était ministre du Travail, qu'il a modifié le code deux fois, n'a jamais introduit la notion de ce qu'était une grève illégale, pour les fins du congédiement pour activité syndicale.

M. Bellemare: Oui, c'est vrai, je l'ai dit et je l'ai répété et j'ai posé un geste de bonne foi il y a dix ans, et qu'est-ce qui a été fait à l'article 41? Parlez-moi en donc de la bonne foi. Qu'est-ce qui a été fait depuis 1968, depuis qu'on a apporté l'amendement à l'article 41, qu'ils devraient négocier immédiatement avec beaucoup de diligence et de bonne foi. Cela a été écrit dans la loi. Comment ont-ils respecté la bonne foi? Ne venez pas me parler de bonne foi. Aujourd'hui c'est "other days, other ways", certainement.

Le Président (M. Clair): Le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: M. le ministre, c'est regrettable, that you and I are going to have a battle, a philosophical battle, I can not go through a stop sign and say that I did it in good faith. The law is the law. The law and the way you... Permettez. Let me finish because I am coming back to your point.

M. Johnson: You will get a ticket for $10, you will not lose your job. That is the difference.

M. Mackasey: What you are saying is that the penalty is too dear, but what is more important, and the point has to be made for your good and for everybody's good... I am talking of the simple member, nothing more, with no apologies to make for my concern for the working people. Now, you cannot, under any circumstances, justify breaking the law, in no way. There are no nuances; you cannot say in good faith, you cannot excuse anybody for breaking the law if you are going to help the Trade Union movement. Now I am going to come back to this very important...

You did the right thing, one month ago, when you said to tne workers who were on strike in Montreal, legally or illegally, whatever, in transportation. You made it very clear to those workers that if they broke the law or went on strike legally or illegally, they would have to pay the consequences, and I think you knew, and I knew, that the majority did not want to go on strike and they went on strike for two or three weeks. M. le ministre, un mois peut-être, deux semaines, whatever — they got nothing more when they came back than when they went on strike. The importance of what you did was this: You made the average worker in that Union, who has an obligation to participate, to go to his meetings, to tell the leaders: We want to work according to the law, we do not want an illegal strike, you forced these workers out of their front room because they lost two weeks pay, whereas in the past, after two days, in the name of essential services or discomfort of the public, you or somebody else would have rescued them from being penalized. This is important, because again here, you have a handful of leaders who say to the workers: You must go on strike, even if it is illegal. Really, the person who does not want to go to the meeting and stand up and have the courage to say to the leaders: I am not breaking the law, there are other ways, in the Labor Code, to handle this grievance or this injustice being done to me by the employer... But certainly, the way of redressing the grievances caused by the injustice on the part of the employer is not to break the law. However you are saying, in your article 52, that, under certain circumstances, acting illegally is permissible, and that is an astounding philosophy. For instance, two weeks ago, in Toronto, 382 people, out of 6000, caused an illegal strike. The people who where guilty, as far as I am concerned, were not the 382, but the 5000 that stayed home.

My point, Mr Minister, is that the law is the law and the proper way for you to act, and for us to act, and for the Labor Code to insist upon is that everybody, employer and employee work within the law. If the law is wrong, amend the law, if the law is deficient, amend the law, and that is what we are doing tonight. But for goodness'sake, even by inference, we cannot condone illegal acts or illegal strikes. You must tell your workers, after a strike, you must tell your employer, after a strike, that if he is acting unjustly or, as you suggested if I get a $10 fine for going through a stop sign, the fact still remains that I broke the law and I am penalized whether the penalty is too much or not enough, this is another story. If you want to limit through... I just stopped because I want your attention. If you want to put parameters on the penalty, that's another thing. If you want to say to a person who goes on strike illegally, and the argument of 300 — and that is the point I want to come back to — if 300 people can put 3000 people out of work, there is something wrong with the law that we do not protect these 3000 against the 300, which comes back to the secret vote and everything else. What has been missing in this code, since I have been sitting here is an unwillingness on the part of the government to spell out, specifically, sanctions against people who break the law. We say, because the people want the secret vote, tout you're saying secret vote according to whom? According to the Constitution, not according to the Labour Code. You do not define the secret vote.

M. Johnson: Chapitre 8 du Code du travail: "Celui qui participe à un arrêt illégal de travail est soumis aux sanctions pénales prévues au chapitre 8".

M. Mackasey: Mr. Minister, all we are doing here, in this amendment...

M. Bellemare: Vous remettez les amendes après.

M. Mackasey: ... is stating clearly that a person who respects the law is entitled to the protection of the law. That is all we are saying. We are saying that if you respect the law and go on

strike legally, then nobody can penalize you, discriminate against you, take your job away from you, because we will protect you by reason of the very fact that your action was within the law. However, when you come along with an article and infer that under certain circumstances, an illegal strike is acceptable, you are inviting trouble, you are inviting people at the head of the Union to say: We'll take a chance on the emotion to this thing, we'll take a chance, after all, the nuances of the commission were that, under certain circumstances, a strike can't be illegal even when it is against the law. That is an astounding statement from you. You should say clearly: The law is the law and under no circumstances, can we break the law. I have seen cases where the law has been an ass in the sense that it rendered injustice temporarily. When I was in your position, in certain cities across Canada, where there was discrimination against the worker on the job sight, I nevertheless suspended those people for going on strike illegally. Even though their cause was right, they had taken the wrong method of rectifying it.

All this amendment says is: You respect the law, and we will protect you for respecting the law. But your amendment does not say that; your amendment is saying that, under certain circumstances, you can act illegally and not be penalized. In fact, you are putting the onus on the employer. You are putting the onus on the employer to prove that a man whom, you admit, could, under certain circumstances, be on strike illegally were on strike. Come back to your argument about the stop sign. If $10 is too much or not enough, you have recourse. If the employer takes action against someone who has acted illegally and it is too much or not enough, you have a grievance. The purpose here is not to penalize the people who have been on strike illegally, the purpose is to force the general membership, to make sure that a handful of the leaders do not act illegally and force them out. The only way you are going to have industrial peace, in this province or this country, is for the masses, who are within the Union, to assume their moral obligations as individuals, attend their meetings, be in the majority and make sure that their leaders act according to the law. But do not ask us to be part of any piece of legislation that contains, even unintentionally or through nuances, any situation that would condone a person, an employer, a Union or a member of a Union to act illegally be on the groung, through there are certain extennating circumstances where he can work illegally... If so, get rid of your grievance procedure, get rid of your arbitration procedure, get rid of court and appeal to emotion. But as long as you have got alternatives, in conclusion, to illegal acts, which is what the grievance procedure is all about, then there is no alternative but to act accordingly. And if an employer lays people off because they acted illegally, there are procedures within the code to make certain that that man has his day in court and has his day to have justice rendered.

I am surprised, in conclusion, and I don't hope — and I am going to fight publicly on this thing — that there should be nothing in this code that infers that anybody in this province, employer or employee, has any right to break the law. Now, you spelled the law out, you defined what is a legal strike and what is an illegal strike; you cannot condone anybody on the grounds that he does not understand.

Le Président (M. Clair: Le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président, cette dernière intervention, ainsi que d'autres, me donne encore l'occasion de dire qu'on part toujours du même postulat. C'est que le syndicat et les syndiqués sont des gens qui votent dans l'illégalité. On part de ce postulat en disant que ce sont eux seuls, pour affirmer qu'on a parlé de grève. On a parlé de grève illégale, on n'a pas parlé de lock-out illégal jusqu'à maintenant. Bien entendu, vous allez me répéter...

M. Forget: S'il y a un lock-out illégal, le droit est préservé pour les salariés, sans condition.

M. Jolivet: Est-ce que je peux parler?

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!

M. Jolivet: Je ne vous ai pas dérangé?

Le Président (M. Clair): M. le député de Laviolette, vous avez la parole.

M. Jolivet: Quand je regarde cela, chaque fois, jusqu'à maintenant, que vous avez repris l'argumentation, ce fut toujours sur la question de grève illégale; vous n'avez même pas parlé de lock-out illégal.

M. Bellemare: ...

M. Jolivet: Je sais que c'est compris dedans. Mais ce que je veux dire, c'est que chaque fois que vous avez fait de l'argumentation jusqu'à maintenant, ce fut toujours la partie de grève illégale. On part toujours du postulat que seuls les employés vont être, un jour ou l'autre, dans l'illégalité, parce que ce sont eux seuls qui vont l'utiliser. D'un autre côté, on n'a pas parlé de la possibilité — je ne parlerai pas des grosses industries, je parlerai des petites — où l'employeur qui va essayer de faire...

Une Voix: ...

M. Jolivet: Voulez-vous me laisser parler?

Une Voix: Oui.

M. Jolivet: Ce que l'employeur va essayer de faire, à partir du texte tel qu'amendé, va être justement de faire en sorte que les gens viennent tellement exaspérés, qu'au bout de la course, on va

les forcer, par la force de Faction-entreprise de harcèlement par l'employeur, à peut-être utiliser, un jour ou l'autre, des moyens illégaux pour faire valoir leurs points. Le rôle du syndiqué est de se faire respecter. Pas d'accepter tout ce que le patron veut, mais bien de se faire respecter. Quand on donne aux patrons, par l'intermédiaire de l'amendement, une possibilité de faire en sorte de harceler tellement le monde, qu'au bout de la course, ils vont devenir dans l'illégalité, je dis que si ces choses-là arrivent, réglons-les par un autre chapitre, mais pas par cet article-là.

Le Président (M. Clair): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: M. le Président, j'évoque le règlement, seulement pour tuer la tension du député, pour qui j'ai beaucoup de respect, où j'avais souligné que ce n'était pas seulement l'employé ou le salarié, mais j'avais souligné dans tous mes débats que c'était autant l'employeur aue l'employé. Si c'est l'employeur, cela veut dire le lockout. Je l'ai mentionné au moins quinze fois.

Le Président (M. Clair): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez fait la mise au point que vous vouliez faire par un appel au règlement. M. le député de Laviolette, je vous redonne la parole.

M. Jolivet: Cette philosophie-là, quant à moi, fait mention de l'autre partie quand on dit qu'une comparaison est toujours boiteuse. La comparaison prise par le député de Saint-Laurent, celle de la loi électorale en regard des relations du travail, malheureusement ne se compare pas. Cela n'est pas comparable dans le système actuel. Et le faire, c'est vraiment prendre des moyens de ne pas regarder face à face ce que nous, comme syndiqués, avons eu à vivre dans la réalité de chaque jour, dans chacune des usines ou ailleurs. Il y a eu des moments où l'employeur, par l'intermédiaire des conventions collectives, conservait certains privilèges qui lui appartiennent comme droit de gérance. Mais on a eu des exemples où des personnes ont été même mutées, même congédiées, même en dehors des lois permises dans le code au niveau de l'enseignement, de telle sorte que même le juge a pu, par l'intermédiaire d'un article de la convention collective, déterminer, de façon plus humaine, pourquoi la personne qui avait été congédiée ne devait pas l'être.

Or, l'article, tel que présenté par le ministre, propose cette formule qui est beaucoup plus humaine que l'autre qui est provocatrice. Dans ce sens, je suis assuré qu'on pourra procéder à l'acceptation de l'article, tel que présenté par le ministre.

Le Président (M. Clair): La motion d'amendement du député de Saint-Laurent à l'article 52, aux fins que le premier alinéa du paragraphe 98 a) de cet article 52 soit modifié, en ajoutant à la première ligne, après le mot "lock-out" les mots "et s'il s'agit d'une grève déclarée conformément à l'article 46 et le cas échéant à l'article 99", est-elle adoptée?

M. Johnson: Rejeté.

M. Forget: Vote enregistré, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Sur un vote enregistré, concernant la motion d'amendement du député de Saint-Laurent, pour ou contre la motion? M. Bellemare (Johnson)?

M. Bellemare: Pour.

Le Président (M. Clair): M. Bisaillon (Sainte-Marie)?

M. Bisaillon: Contre.

Le Président (M. Clair): M. Brochu (Richmond)? M. Ciaccia (Mont-Royal)? M. Chevrette (Joliette-Montcalm)? M. Godin (Mercier)? M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)? M. Forget (Saint-Laurent?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Clair): M. Gagnon (Champlain)?

M. Gagnon: Contre.

Le Président (M. Clair): M. Johnson (Anjou)?

M. Johnson: Contre.

Le Président (M. Clair): M. Jolivet (Laviolette)?

M. Jolivet: Contre.

Le Président (M. Clair): M. Lacoste (Sainte-Anne)?

M. Lacoste: Contre.

Le Président (M. Clair): M. Laplante (Bourassa)?

M. Laplante: Contre.

Le Président (M. Clair): M. Lavigne (Beauharnois)?

M. Lavigne: Contre.

Le Président (M. Clair): M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce)?

M. Mackasey: Pour.

Le Président (M. Clair): M. Mercier (Berthier)? M. Pagé (Portneuf)? M. Roy (Beauce-Sud)?

Le Président (M. Clair): Pour la motion d'amendement: 3. Contre la motion d'amendement: 7. La motion est rejetée.

M. Johnson: M. le Président, je demanderais la suspension. Est-ce que l'article 52 est adopté?

M. Bellemare: Sur division. M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Clair): Adopté sur division, tel qu'amendé.

M. Johnson: Je demanderais la suspension pour cinq minutes, M. le Président.

M. Mackasey: Vous avez l'intention de siéger jusqu'à quelle heure ce soir?

M. Johnson: Jusqu'à minuit.

Le Président (M. Clair): En vertu du règlement, nous allons jusqu'à minuit.

M. Johnson: C'est cela. Si on pouvait terminer ce soir, tant mieux.

M. Mackasey: Vous voulez votre bill ce soir.

M. Johnson: De toute évidence, quant à moi, j'aurais voulu qu'on termine il y a une semaine. Mais je pense qu'il en dépend surtout de l'Opposition.

M. Mackasey: Je vous suggère de ne pas trop prendre... do not take too many recesses.

M. Johnson: Non, pour cinq minutes.

Le Président (M. Clair): La commission du travail suspend ses travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 22 h 26)

Reprise de la séance à 22 h 38

Le Président (M. Clair): La commission permanente du travail reprend ses travaux. J'appelle l'article 53.

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Clair): Adopté. Article 53.

M. Johnson: M. le Président, un retour à l'article 49, si vous permettez, à 88j.

Le Président (M. Clair): L'article 53 a quand même été déclaré adopté.

M. Johnson: L'article 53 est adopté. Alors l'article 49. Il s'agit, M. le Président, de l'introduction de l'article 89j. Le député de Saint-Laurent avait évoqué le problème: "à défaut de ce dernier, la personne dûment autorisée, après vérification..." C'est vrai qu'il existe un pouvoir de délégation spécifique dans la loi et bien encadré dans le cas de la signature du ministre ou du sous-ministre et dans la mesure où ces signatures engagent le ministère.

Ce dont il s'agit ici, c'est simplement l'authen-tification de documents et il s'agit de procéder, quand on parle de dûment autorisée, probablement d'une lettre — c'est comme cela que ça se manifeste si jamais une question se posait par un tribunal — signée par le greffier ou le commissaire général du travail qui autorise spécifiquement une personne à décerner ces certificats.

M. Bellemare: C'est prévu dans la loi. A défaut de ce dernier, une personne dûment autorisée. Cela le complète.

M. Johnson: C'est cela. M. Bellemare: Très bien.

M. Johnson: Est-ce que l'article 49 serait adopté, M. le Président?

Le Président (M. Clair): L'article 49 est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Clair): Adopté, tel qu'amendé.

Pouvoir de réglementation du commissaire général du travail

M. Johnson: L'article 54, M. le Président. On distribue un texte pour cet article. On remplace le paragraphe b de l'article 115 proposé par l'article 54, par le suivant...

M. Bellemare: C'est sur les délais?

M. Johnson: Oui, sur les délais. L'article 54 se lirait comme suit: "115. Le commissaire général du travail, après consultation du conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, peut faire tout règlement qu'il juge approprié pour donner effet aux dispositions du présent code dans les matières de son ressort ou du ressort des commissaires du travail ou des enquêteurs et, en particulier, pour: a) la délivrance des permis prévus aux articles 8 et 9; b) — se lirait comme suit — pourvoir à un régime d'accréditation approprié au caractère temporaire et saisonnier des exploitations forestières et industries de la pêche et de la préparation du poisson et, en particulier, décider que la période de 30 jours prévue au paragraphe d) de l'article 21 se situe à un autre moment".

M. Bellemare: C'est cela qui est nouveau.

M. Johnson: C'est cela qui est nouveau, effectivement.

Le Président (M. Clair): L'article 54 est-il adopté?

M. Bellemare: Adopté.

Le Président (M. Clair): Article 54, adopté tel qu'amendé. Article 55.

M. Bellemare: Concordance.

Le Président (M. Clair): A l'article 55, est-ce que le ministre propose toujours le remplacement du paragraphe a par le suivant: a) par la suppression, dans les 6e et 7e lignes, des mots "un arbitre des griefs".

M. Johnson: C'est cela. Une Voix: Oui.

Le Président (M. Clair): L'article, tel qu'amendé, est-il...

M. Forget: M. le Président, est-ce qu'il n'y a pas une autre concordance à effectuer? Le paragraphe a) dit: le remplacement des mots "un tribunal" par les mots "une commission". Est-ce que le ministre n'est pas revenu à la notion de tribunal d'arbitrage?

M. Johnson: Non, mais c'est le paragraphe qu'on remplace par la série d'amendements. Il faudrait lire a) de la façon suivante: a) par la suppression, dans les 6e et 7e lignes, des mots "un arbitre des griefs", simplement.

M. Bellemare: C'est cela qui est la concordance.

M. Johnson: On a distribué le texte.

M. Bellemare: C'est cela qui est la concordance.

M. Johnson: C'est cela. Je vais reprendre pour les fins du Journal des débats. L'article 55 du projet de loi se lirait comme suit: "L'article 121 dudit code, remplacé par l'article 38 du chapitre 48 des lois de 1969, est modifié: ...

M. Bellemare: ... pression.

M. Forget: II y a quelque chose qui ne va pas, M. le Président.

M. Johnson: Vous avez parfaitement raison, cela n'est pas clair.

M. Forget: Cela remplace des mots qui ne sont pas là.

M. Johnson: Ici, c'est la 7e ligne, les mots "arbitre des griefs". Est-ce la 7e ligne de l'article 121?

M. Bellemare: De 121.

M. Johnson: C'est cela. Il s'agit, M. le Président... Je recommence. "L'article 121 du code est modifié de la façon suivante: a) par la suppres- sion, dans les 6e et 7e lignes, des mots "un arbitre des griefs"; b) par ce qui suit: ...

NI. Forget: Cela va très bien. C'est parce qu'il y a deux paragraphes qui se modifient l'un et l'autre.

M. Bellemare: C'est l'article 121 du code.

Le Président (M. Clair): L'article 55 est-il adopté?

M. Forget: Adopté. M. Bellemare: Adopté.

Le Président (M. Clair): Adopté, tel qu'amendé.

M. Johnson: M. le Président, tel qu'amendé.

Le Président (M. Clair): L'article 56?

M. Bellemare: L'article 56...

M. Johnson: Concordance, M. le Président.

Le Président (M. Clair): L'article 56 est-il adopté?

M. Bellemare: Un instant...

M. Johnson: Je m'excuse, cela n'est pas concordant, ce n'est pas celui-là. C'est l'amende de $1000 dans le cas du non-respect de 97a.

M. Forget: ...

M. Bellemare: Pourquoi c'est $1000 et non pas $500, comme cela existe un peu plus loin à l'article 58?

M. Forget: C'est l'indexation.

M. Bellemare: ...

M. Forget: Ce n'est pas cela? Excusez-moi.

M. Bellemare: II doit y avoir une raison.

M. Forget: Parce que l'indexation des impôts s'en vient.

M. Bellemare: C'est vrai.

M. Forget: On s'habitue; il faut s'habituer à l'idée.

M. Bellemare: L'article 58 est la cause "d'an-tiscabs" et l'autre, c'est le retour au travail.

M. Johnson: On pourrait toujours essayer de trouver des justifications...

M. Bellemare: C'est le contraire.

M. Johnson: ... théoriques dans la mesure où, dans le cas de 97a, cela touche une mesure collective; dans le cas de 98a, cela concerne les individus. C'est variable. Le député de Johnson sait très bien que c'est absolument arbitraire, les sanctions. $1000 semble une sanction particulièrement "désincitative" à ne pas respecter 97a.

Est-ce que l'article 56 est adopté, M. le Président?

Le Président (M. Clair): L'article 56 est-il adopté?

M. Bellemare: Adopté.

M. Forget: Adopté.

M. Johnson: L'article 57, M. le Président?

Le Président (M. Clair): L'article 57 est-il adopté?

M. Bellemare: Augmentation des amendes, je suis bien d'accord.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Clair): Adopté.

M. Johnson: L'article 58, M. le Président?

Le Président (M. Clair): L'article 58 est-il adopté?

M. Bellemare: C'est l'article 14, congédiement pour activités syndicales, et l'article 98...

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Clair): Adopté.

M. Johnson: L'article 59.

Le Président (M. Clair): L'article 59 est-il adopté?

M. Bellemare: Adopté.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Clair): Adopté.

M. Bellemare: On ajoute "le procureur général", par exemple.

M. Johnson: C'est cela.

Le Président (M. Clair): L'article 60 est-il adopté?

M. Bellemare: L'article 60, un instant. On remplace... changement de terminologie. D'accord.

Le Président (M. Clair): Adopté.

M. Forget: On supprime dans les délais le calcul des jours fériés.

M. Johnson: Parce que cela revient à 61.

M. Bellemare: Cela revient à 61; ici, à 61, on les a tout au long.

M. Forget: D'accord. Adopté.

Le Président (M. Clair): Article 60 adopté.

M. Johnson: Article 61, M. le Président?

Le Président (M. Clair): L'article 61 est-il adopté?

M. Johnson: II faudrait bien préciser qu'il s'agit de l'article 61 tel que formulé dans les amendements datés du 22 novembre.

M. Bellemare: Oui, c'est 6 et 7 du Code de procédure civile. N'oubliez pas cela.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Clair): Larticle 61 tel qu'amendé est-il adopté?

M. Bellemare: Adopté.

Le Président (M. Clair): Adopté tel qu'amendé.

M. Johnson: Article 61 seulement, on n'est pas rendu à 62.

Le Président (M. Clair): L'article 61 est effectivement adopté tel qu'amendé.

M. Johnson: L'article 61 est adopté?

Le Président (M. Clair): L'article 61 est adopté.

M. Johnson: M. le Président, 61a qui ne figure pas dans nos cahiers...

M. Mackasey: A 61, ne pourrait-on pas ajouter une fête, le 17 mars?

M. Bellemare: Ah! C'est la Saint-Patrick. M. Johnson: Le 17 mars, oui!

M. Mackasey: La Saint-Patrick. Je propose un tel amendement à 61, soit qu'on ajoute une autre fête le 17 mars.

M. Bellemare: Ou le 1er juillet.

Le Président (M. Clair): Irrecevable, cela va à l'encontre des principes adoptés par le projet de loi.

M. Mackasey: D'accord, je proposerai cela à la Chambre demain.

M. Johnson: Anyway, the Code will be printed in green. Article 61a.

Le Président (M. Clair): L'article 61a.

M. Johnson: M. le Président, il s'agit ici d'une série de dispositions transitoires qui prévoient finalement le passage des dispositions du Code du travail actuel au Code du travail tel qu'amendé par le projet de loi 45. Cela touche la question de l'accréditation et, comme on a changé considérablement les procédures d'accréditation, il faut quand même s'accorder des délais raisonnables. L'article 61a se lirait comme suit: "Les modifications apportées aux articles 14 et 18 dudit code et à l'article 18a dudit code s'appliquent aux décisions rendues à compter du jour de l'entrée en vigueur des articles 6 et 7 de la présente loi."

M. Bellemare: Quand entreront-ils en vigueur?

M. Johnson: Les articles 6 et 7 de la présente loi entreront en vigueur sur proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil. L'intention, en principe, est approximativement de 30 jours.

M. Bellemare: 30 jours, c'est-à-dire avant le 15 janvier 1978.

M. Johnson: Je ne voudrais pas affirmer que ce sera avant le 15 janvier, cela dépend du nombre de réunions du Cabinet qu'il y aura. Etant donné que c'est à l'époque des Fêtes et que, d'autre part, je serai absent, vu que j'assiste à la Conférence fédérale-provinciale des ministres de la main-d'oeuvre le 14, à Vancouver...

M. Bellemare: Oh! Oh! On a été bien reçu à Ottawa déjà!

M. Johnson: Cela peut aller.

M. Mackasey: On commence à prendre un peu notre partie.

M. Bellemare: II y avait eu une belle réception et on avait bien de la compréhension dans ce temps-là.

Le Président (M. Clair): L'article 61a est-il adopté?

Des Voix: Adopté.

M. Johnson: Article 62, M. le Président. Il faut se référer à la fois au texte du projet de loi 45, mais remplacer à partir de la septième ligne les mots "dans les 90 jours suivants l'entrée en vigueur de la présente loi" par les mots "après le 31 mai 1978".

M. Bellemare: Pourquoi?

M. Johnson: II s'agit d'une concordance avec la conciliation volontaire. Comme je l'ai déjà expliqué à l'occasion des articles où nous traitions de la conciliation volontaire, certains officiers du ministère considèrent qu'un délai de trois mois serait peut-être insuffisant. Il ne faut quand même pas mettre le ministère dans une situation telle qu'il n'est plus informé sur les conflits. Il faudra, entre autres, mettre sur pied toute la technique des avis de 48 heures, des avis en cours de grève ou en cours de lock-out... Article 62 adopté, M. le Président?

Le Président (M. Clair): L'article 62 est-il adopté?

M. Bellemare: Compris.

Le Président (M. Clair): Adopté.

M. Forget: C'est passionnant, M. le Président.

M. Johnson: Article 63.

Le Président (M. Clair): L'article 63 est-il adopté?

M. Bellemare: Encore des délais.

M. Johnson: II faudrait remplacer l'article 63 prévu au Code par le texte qui est entre vos mains, donc remplacer l'article 63 par le suivant: 63, "Un droit d'entrée payé à une association après le 31 mai 1977 est considéré jusqu'à concurrence de $1 comme une cotisation syndicale au sens du paragraphe c) de l'article 24j dudit code aux fins de toute requête en accréditation déposée ou mise à la poste par le courrier recommandé ou certifié avant le 31 mai 1978.

M. Bellemare: Pourquoi le 31 mai 1978?

M. Forget: Avec des amendements comme cela, je pense que le ministre est en train de faire de l'obstruction.

M. Johnson: L'article 63 est-il adopté, M. le Président?

M. Bellemare: Non, mais pourquoi mai 1977? M. Bisaillon: ... en haut.

M. Johnson: On a déjà vu à l'article 24j que la cotisation était de $2, mais par année. Comme il y aura l'entrée en vigueur à cause des phénomènes d'accréditation, de conciliation volontaire, etc.

M. Bellemare: L'article de transition. M. Johnson: C'est ça. M. Bellemare: C'est ça.

M. Johnson: $1 versé en 1977, $1 versé en 1978.

M. Bellemare: Adopté.

M. Johnson: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Adopté tel qu'amendé.

M. Johnson: L'article 64, M. le Président, est également remplacé par le suivant, "les modifications apportées par la présente loi aux articles 20, 24a, 24c, 25, 30, 31 et 32 du Code du travail s'appliquent aux seules requêtes déposées à compter du jour de l'entrée en vigueur des articles 10, 15, 16, 23, 24, 25 et 26 de la présente loi. L'article est-il adopté, M. le Président?

M. Forget: Adopté.

M. Bellemare: Adopté. On enlève une grande partie de ce qui avait été prévu comme amendement; je pense qu'on tient compte de la loi générale.

M. Johnson: A l'article 65, M. le Président, il s'agit de retrancher l'article 65 du projet de loi.

M. Bellemare: Tout abrogé.

Le Président (M. Clair): L'article 65 est abrogé.

M. Forget: Je ne soulèverai pas la recevabilité, M. le Président.

Le Président (M. Clair): L'article 65 est retranché, abrogé.

M. Bellemare: Même l'amendement du ministre est retranché.

M. Johnson: Non, il n'y avait pas d'amendement, à l'article 65.

M. Bellemare: II y en avait un, 45. Le Président (M. Clair): Article 65. M. Johnson: A l'article 66.

M. Bellemare: A l'article 65, il y avait un amendement du ministre qui avait été suggéré d'abord et il vient d'être retranché. Il disait ceci: "Statuts et règlements, cet article a été annulé par le ministre. Les statuts et règlements d'une association de salariés doivent prévoir quelles sont les personnes exemptes de fonctions", et le reste. C'est un amendement du projet de loi 45.

M. Bisaillon: C'est parti, ça.

M. Bellemare: Ecoutez, il n'y a pas de ah non.

M. Bisaillon: Non, c'est parti.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs. De toute façon, l'article 65 est abrogé. Article 66.

M. Bellemare: Article 66.

M. Johnson: L'article 66, M. le Président, doit se lire comme suit; c'est l'article 66 du projet de loi 45. Il faut ignorer le document que j'avais passé le 22 novembre qui remplaçait quelques mots et il faut donc considérer l'article 66 tel quel, au projet de loi 45, avec cependant la modification suivante: remplacer, dans les cinquième et sixième lignes, les mots "l'entrée en vigueur de la présente loi", par les mots "avant le 1er juin 1978".

Le Président (M. Clair): L'article 66 est-il adopté?

M. Johnson: Tel qu'amendé. M. Bellemare: Oui.

Le Président (M. Clair): Adopté tel qu'amendé. Article 67.

M. Johnson: L'article 67, M. le Président, tel quel dans le projet de loi... Non, je m'excuse. Tel quel dans le projet de loi, cependant, il faut remplacer le premier alinéa de cet article par le suivant: "67. La section III, chapitre IV dudit Code, tel qu'il se lisait avant sa modification par les articles 46 à 49 de la présente loi, continue de s'appliquer dans le cas d'un grief dont l'audition est commencée dans les 90 jours qui suivent le jour de l'entrée en vigueur de la présente loi."

Deuxième paragraphe, "aux fins du présent article, l'audition d'un grief est présumée avoir commencé le jour de la première séance d'arbitrage du grief."

M. Bellemare: Cela demeure, ça. M. Johnson: Oui.

M. Bellemare: Le deuxième paragraphe demeure.

M. Johnson: C'est ça.

Le Président (M. Clair): L'article 67 est-il adopté? Adopté tel qu'amendé. Article 68.

M. Johnson: Non, M. le Président, l'article 67a.

Le Président (M. Clair): Article 67a.

M. Johnson: ... se lisant comme suit, l'article 67a "Les articles 134a, 134b, 134c, 134d dudit code s'appliquant aux requêtes ou plaintes faites ou aux décisions rendues à compter du jour de l'entrée en vigueur de l'article 61 de la présente loi.

M. Bellemare: C'est sous un couvert d'enquête générale.

M. Johnson: L'article 67a est-il adopté, M. le Président?

Des Voix: Oui.

Le Président (M. Clair): L'article 67a est adopté.

M. Bellemare: Article 68.

M. Johnson: M. le Président, l'article 68 est tel qu'il figure en ce moment au projet de loi 45 imprimé après deuxième lecture auquel il faut ajouter cependant, à la fin de l'article 3a du ministère du Travail proposé par cet article 58 du projet de loi, l'alinéa suivant: "Le ministre, ou un fonctionnaire qu'il désigne, peut enquêter sur toute plainte qui lui est adressée relativement à l'application de lois qui relèvent de sa compétence".

M. Forget: Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer pourquoi, ayant le pouvoir de nommer, proprio motu, un conciliateur, en vertu du Code du travail, il amende maintenant la loi du ministère, de manière à se donner, dans le fond, un pouvoir équivalent?

M. Johnson: M. le Président, il s'agit de ce que j'ai déjà évoqué, de ce qu'on appelle la médiation préventive, où, sur le plan administratif, les personnes qui pourraient être impliquées dans ce type de démarche risquent d'être des personnes différentes des conciliateurs. Cela n'empêche pas que cela puisse être des conciliateurs, mais on pense qu'il faut que ce soit inscrit dans la loi du ministère et non pas dans le Code du travail, en dehors d'un conflit de travail, puisque, de toute façon, le code régit l'univers des conflits de travail.

M. Mackasey: M. le ministre une observation. C'est une amélioration, je suis d'accord. Mais je veux quand même souligner que j'avais suggéré cela, qu'on décide cela pour la première conciliation de l'unité des salariés, j'avais suggéré un "Conciliation Board" suivi par...

M. Johnson: Malheureuxement, le député de Notre-Dame-de-Grâce était absent quand on a discuté de l'article de l'arbitrage de la première convention collective. On a retenu, sans y donner le même nom, la suggestion, à toutes fins pratiques, qu'il faisait, d'un "Conciliation Board".

M. Mackasey: J'étais ici. J'ai compris ce que vous avez dit du "Conciliation Board", parce que ce n'était pas quelque chose qui existait auparavant ici. Je ne veux pas recommencer ce débat.

M. Johnson: D'accord.

M. Mackasey: J'avais suggéré, si je me rappelle, un "Conciliation Board" pour avoir l'information, suivi par un médiateur. Vous avez au moins maintenant le pouvoir de désigner une personne pour favoriser l'établissement, etc. J'espère que vous savez qui seront ces personnes. Est-ce que ce seront des fonctionnaires ou si vous avez la liberté d'aller en dehors de votre ministère pour une telle personne? Pouvez-vous prendre quelqu'un qui se spécialise...

M. Johnson: Toute personne. M. le Président, avant de passer à l'adoption, je voudrais faire quand même la lecture de l'article 68, pour être sûr qu'il n'y a pas de confusion. "68. La Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre (1968, chapitre 43) est modifiée par l'insertion, après l'article 3, de l'article suivant: "3a. En tout temps, le ministre peut désigner une personne pour favoriser l'établissement ou le maintien de bonnes relations entre un employeur et ses salariés, ou l'association qui les représente. Cette personne fait rapport au ministre sur demande. "Le ministre ou un fonctionnaire qu'il désigne peut enquêter sur toute plainte qui lui est adressée relativement à l'application d'une loi qui relève de sa compétence."

L'article 68 est-il adopté, M. le Président?

M. Forget: M. le Président...

M. Beliemare: Seulement une question au ministre. Toute plainte, qui provient de qui que ce soit, peut être exécutée? Toute plainte?

M. Johnson: Le ministre peut, sur toute plainte. En pratique — et je pense que le député de Johnson va comprendre très bien ce à quoi je fais allusion — c'est le service des enquêtes spéciales du ministère.

M. Beliemare: Oui.

M. Johnson: Nous avons huit enquêteurs spéciaux mais qui, en fait, n'ont aucune attribution. Il n'y a pas un seul texte en vertu duquel, techniquement, le ministre peut autoriser ces gens à aller enquêter sur un événement.

Or, nous avons découvert, avec la pratique, et c'est ce qu'on nous dit à la direction générale des relations du travail, que ces gens ont presque un rôle d'ombudsman dans certains cas, qu'ils permettent de régler un tas de problèmes de syndiqués comme de non-syndiqués. Maintenant, on pourra les nommer en vertu de la Loi du ministère du travail.

M. Mackasey: Même durant la convention...

M. Johnson: Oui, même durant la convention. C'est exactement cela, c'est en tout temps.

M. Mackasey: Vous avez parlé de preventive mediation. Je suis d'accord complètement. Est-ce que c'est votre intention "to have at your disposal specialized mediators in particular fields like..."

M. Johnson: On pourra avoir ça effectivement, en vertu de 3a, premier paragraphe.

M. Mackasey: I know you can do it, but I am

wondering when you will be doing it. I am trying it to say yes, this is a good idea, Because I have seen it working.

M. Johnson: It is a few months' time.

M. Bellemare: Vous trouvez cela normal d'amender une loi du ministère, dans le Code du travail, comme on le fait là? Ce n'est pas normal.

M. Johnson: Non. C'est-à-dire que cela ne suit pas...

M. Bellemare: Celui qui va avoir à faire les références...

M. Forget: Ce n'est pas normal.

M. Bellemare: Celui qui va avoir à faire les références, il va falloir qu'il retombe dans le Code du travail pour voir si, véritablement, la plainte qui a été portée mérite une fermeture...

M. Johnson: Cependant, M. le Président, le titre de la loi, c'est Loi modifiant le Code du travail et la Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Bellemare: Et de la Main-d'Oeuvre, oui, j'ai vu cela.

M. Forget: M. le Président, relativement à cet article et au premier alinéa de 3a, il y a là un pouvoir de nomination qui n'est qualifié d'aucune manière, dans le sens que c'est l'absolue discrétion du ministre qui détermine si, oui ou non, une personne doit être nommée pour favoriser l'établissement ou le maintien de bonne relations. Ne serait-il pas souhaitable que le ministre n'ait pas à choisir d'intervenir, indépendamment d'une demande qui peut lui être faite à cet effet par l'une des parties? Après tout, le ministre a dit souvent qu'il ne voulait pas politiser indûment les relations du travail. Souvenons-nous que nous sommes ici devant une situation où il n'y a pas de différend et on n'est pas dans une situation de négociation. Il n'y a pas une procédure de grief formel engagée, ou du moins pas nécessairement. Il peut s'agir d'une situation qui est normale, en ce sens au moins qu'elle échappe à toutes les catégories connues des lois du travail et, proprio motu, le ministre décide qu'il est approprié, opportun, sage, intéressant ou Dieu sait quoi, de nommer quelqu'un pour intervenir sans que personne ne lui en ait fait la demande. Il me semble que ce n'est pas, a priori, une bonne idée.

M. Johnson: M. le Président, si vous le permettez, il y a quand même deux choses différentes à 3a et au texte qu'on ajoute à la fin et que j'ai lu tout à l'heure. A 3a, la loi du ministère prévoit qu'en tout temps, le ministre peut désigner une personne qui n'a aucun pouvoir, soit dit en passant, pour favoriser l'établissement ou le maintien de bonnes relations. Exemple: On saurait que, dans six mois, c'est l'échéance de la convention collective du secteur des pâtes et papiers. On pourrait envoyer ces personnages qu'on va qualifier de médiateurs préventifs pour les fins d'aller identifier les sources de problèmes possibles dans cette négociation, identifier des données dans le cadre de la création, entre autres, de l'office ou de l'institut de recherche sur les conditions de travail au Québec. Je pense que cela deviendra très utile. C'est, de fait, l'assise de la nomination de gens qui font de la médiation préventive et on ne peut pas le faire en vertu du code, en ce moment, et je pense que la loi du ministère est la loi appropriée pour asseoir cette possibilité. Dans le cas, cependant, du fonctionnaire qui peut enquêter sur une plainte, il s'agit bel et bien d'enquêter sur une plainte spécifique, touchant une personne, ce qui est fort différent. Dans le premier cas, c'est conférer une forme de statut à nos médiateurs préventifs; dans le deuxième cas, c'est simplement d'enquêter sur des plaintes individuelles.

M. Forget: Oui, je comprends bien la distinction, mais il reste que... Mettons de côté le cas des plaintes. Je ne comprends pas l'affirmation du ministre quand il dit: On ne peut pas nommer quelqu'un et, en même temps, il dit que cette personne-là n'a pas de pouvoir. A mon avis — et je voudrais bien qu'on me démontre le contraire — un ministre, dans l'exécution des devoirs de sa fonction, peut déléguer, à quelque fonctionnaire qu'il désire, le soin d'aller s'enquérir de faits, etc. Tant et aussi longtemps que cette personne-là n'a pas de pouvoir, il n'y a rien qui limite le pouvoir du ministre de nommer la moitié de l'humanité pour surveiller l'autre moitié, s'il le désire. C'est un pouvoir, dans le fond, tout simplement, qui découle des pouvoirs ministériels et des obligations qui s'attachent à sa fonction. Dans la mesure où ces gens-là n'ont pas de pouvoir, de toute manière, qui est-ce qui peut contester cela? Dès qu'ils ont des pouvoirs, bien sûr, dès qu'ils veulent s'arroger des pouvoirs, ils doivent avoir une autorité bien fermement assise dans une loi. Même là, en tant que délégué et fondé de pouvoir du ministre, il y a un tas de choses qu'ils pourraient faire parce que le ministre lui-même est autorisé à le faire.

Mettant cela de côté, je ne vois pas en quoi cela peut être nécessaire, puisque, effectivement, il nomme quelqu'un qui n'a pas de pouvoir et qui va pouvoir être efficace seulement dans la mesure où il est accepté par les parties, et son acceptation ne dépendra pas de l'article de loi qui va être invoqué, mais des circonstances de l'affaire.

M. Johnson: Cependant, sa seule présence sera beaucoup plus justifiée par le fait qu'il y a une autorisation spécifique dans la loi du ministère pour que le ministre nomme une telle personne. Le député de Saint-Laurent a raison de dire que le ministre, actuellement, peut nommer une personne pour aller voir ce qui se passe à un endroit et, même, à la rigueur, surveiller la moitié de l'humanité, mais, si cela va sans dire, cela va mieux en le disant et, en vertu de la loi du ministère je pense que cela doit être marqué clairement. Je pense

qu'on arrivera éventuellement à des raffinements de ce type de formule à moyen terme et probablement qu'on aura à prévoir, si on pense à la négociation sectorielle, une évolution de ces personnages qui seront nommés en vertu de 3a.

M. Mackasey: Si vous permettez, nous terminerons, M. le ministre bientôt...

We will soon be finished, Mr Minister, but because I happen to like this clause, for personal reasons, since I found them very effective, I would suggest, in order to avoid the confusion of terminology, that instead of calling them preventive mediators, you call them industry specialists. You know, the reason I say industry specialists... Permit me to spend ten minutes, at least, on this clause, because I think it is an exciting concept*"dans le sens qu'on nomme quatre ou cinq personnes spécialistes dans une industrie donnée, mais qu'on défende à ces hommes d'être présents quand il y a des négociations entre le patron et le salarié, pour qu'ils gardent toujours leur crédibilité des deux côtés. Je trouve que c'était bénéfique pour le ministre et le ministère d'avoir des "industry specialists " dans le domaine de l'aviation, si vous voulez. Il y en a à travers le monde.

C'est important, quelquefois, de connaître ou de comprendre les conventions collectives des autres pays, des autres "airlines". Comment, par exemple, aux Etats-Unis, règle-t-on un tel problème, un tel conflit?

So, if you had industry specialists who would not be involved in mediation, would not be involved in negotiation, but nevertheless would be specialists to whom both sides could refer for specialized information, even in preparing their negotiations, have access to computers "M. le ministre", so that they can provide both sides with impartial information which goes beyond the normal function of your regular staff, I think this is why "en terminant", in order to create no confusion between mediators and mediators, we should call them industry specialists and limit their work between parties to anytime other than the opened period when negotiations are going on. Otherwise, they would be useless after the first or second negotiation.

I simply think that I could accept article 68 on article 3a with that type of understanding that they would not be mediators, "mais des spécialistes, par exemple, en transport, des spécialistes dans un autre domaine, des spécialistes, si vous voulez, en ambiance "whatever " des spécialistes acceptables par l'employeur, acceptables par le syndicat, plus qu'acceptables, mais qui auraient, à leur disposition une connaissance très profonde de cette industrie dans ce domaine. Je pense que, dans cette optique, l'article 68 est avantageux, mais si, par exemple, on leur donne le monde "médiateur" "in provincial mediation", cela peut créer une ambiguïté avec la médiation durant un conflit. Je pense que le ministre préfère avoir une médiation liant "a continuous dialogue between management and labour outside of the negotiation period."

Je ne sais pas si c'est vraiment ce que le ministre a...

M. Johnson: M. le Président, si le député de Notre-Dame-de-Grâce me permet — cela va peut-être couper court un peu à son exposé — effectivement, l'intention administrative du ministère, c'est de les appeler des spécialistes. Leur classification: à partir de la description de tâches qu'on en a faite depuis quelques mois, à la fonction publique, on a l'intention de les classifier à titre de spécialistes.

De fait, ce sera des spécialistes par secteurs industriels ou encore par types de problèmes.

M. Mackasey: Alors...

M. Johnson: L'article 3, cependant, n'en parle pas comme étant des conciliateurs, il les nomme simplement comme des personnes, pour le moment.

M. Bellemare: M. le Président, dans la Loi du ministère du Travail que nous avons adoptée en 1968, les devoirs et les pouvoirs du ministre étaient bien décrits à l'article 3. Je ne pense pas que cela contredise véritablement le but pour lequel elle a été adoptée. "Les fonctions, pouvoirs et devoirs du ministre sont: a) de favoriser des relations de travail harmonieuses entre employeurs et salariés; b) de faire effectuer des études particulières par des recherchistes qu'il juge utiles et nécessaires; c) d'adopter, en collaboration avec les autres ministres responsables, des mesures qu'il juge à propos pour faciliter la formation professionnelle; d) de compiler, d'analyser, de publier des renseignements disponibles relatifs au salaire ou aux conditions de travail — et aujourd'hui, on ajoute — en tout temps le ministre peut désigner une personne pour favoriser l'établissement ou le maintien de bonnes relations entre... Cela entre dans l'esprit du législateur du temps et aujourd'hui, cela renforce même les pouvoirs du ministre. Seulement, mon objection est que cela devrait être placé dans la loi du ministère plutôt que dans le Code du travail qu'on améliore. C'est cela qui n'est pas raisonnable. Il aurait dû avoir un amendement spécial pour donner au ministre, dans l'article 68.3, pour dire qu'à 3a, dans la loi du ministère, on a ajouté cela... Oui, mais on va faire un amendement dans le Code du travail et on va le transférer dans une autre loi.

M. Johnson: Non, ce n'est pas dans le Code du travail. L'intitulé de l'article 68 est bel et bien "la loi du ministère est modifiée". Et non pas le Code du travail. C'est ce qu'on fait. On introduit un article 3a dans la loi du ministère.

M. Bellemare: On fait cela dans le Code du travail pour dire qu'on transférera cela dans l'autre.

M. Johnson: On le fait dans le projet de loi 45. M. Bellemare: Adopté.

M. Johnson: Adopté?

Le Président (M. Clair): L'article 68 est-il adopté tel qu'amendé?

M. Forget: Oui, M. le Président. M. Johnson: Adopté tel qu'amendé.

Le Président (M. Clair): Adopté tel qu'amendé. L'article 69.

M. Johnson: J'aurais un amendement strictement de forme à faire où il faudrait remplacer, à la fin du deuxième alinéa du paragraphe 1, les mots "1977, chapitre... insérer ici le numéro de chapitre du projet de loi numéro 3", par les mots "1965, première session, chapitre 14". L'article 69 est-il adopté, M. le Président?

M. Forget: M. le Président, il y a une chose qui devrait être signalée là-dedans. Cela prend la forme d'une motion d'amendement, mais c'est toujours plus rapide de le faire comme cela. Que le paragraphe 11 de l'article 69 soit modifié en ajoutant un cinquième paragraphe qui se lirait comme suit: Pour les fins du présent article, le mot "fonctionnaire" ne comprend pas les agents à l'accréditation, les commissaires du travail et le commissaire général du travail nommé en vertu de l'article 21a. Je pense que le sens de cela est assez clair. Il est question, toujours, de nommer des gens pour faire des enquêtes en dehors de la période couverte de négociation. Il semblerait plus normal qu'il n'y ait pas de confusion entre ces activités prévues dans le cadre de toutes les interventions au titre du Code du travail, de manière à ne pas mélanger les rôles et à ne pas diminuer la crédibilité des gens qui viennent, au nom du ministre, intervenir pour différents objets.

M. Johnson: ... enquêteurs. M. Forget: Oui.

M. Johnson: Agent d'accréditation. Vous n'avez pas mis "agent d'accréditation ".

M. Forget: Non. Il y a eu un lapsus. Il faut corriger à la main "enquêteur" par "agent d'accréditation". Excusez-moi, j'aurais dû le signaler mais cela a été préparé il y a un certain temps et c'est un oubli.

M. Laplante: ... dans le projet de loi.

M. Forget: II y a les présidents du tribunal d'arbitrage.

M. Laplante: Ce n'est pas indu là-dedans.

M. Forget: Ce ne sont pas des fonctionnaires. Pour quand quelqu'un arrive pour chercher des renseignements, on ne le prenne pas pour un commissaire du travail ou, qu'il n'y ait pas de confusion dans les rôles.

M. Johnson: M. le Président, juste pour être sûrs que ça ne poserait pas de problème, effectivement on pourrait faire nôtre cet amendement, dans la mesure où, effectivement, les agents d'accréditation, le commissaire du travail ou le commissaire général du travail n'ont jamais ce type de problème — ça vaut peut-être la peine de le spécifier — cependant, évidemment je tiens compte du fait qu'on dit: Agent d'accréditation et non enquêteur. Deuxièmement, on pourrait tout mettre au singulier puisque ça comprend le pluriel et ce serait, en termes de technique de rédaction, plus exact. Ce serait: "Pour les fins du présent article, le mot fonctionnaire ne comprend pas un agent d'accréditation, un commissaire du travail ou le commissaire général du travail nommés en vertu de l'article 21a". Est-ce que ça va?

Je vais relire, pour les fins du journal des Débats. Le paragraphe 11, de l'article 69, serait modifié en ajoutant, un cinquième paragraphe qui se lirait comme suit: "5. Pour les fins du présent article, le mot fonctionnaire ne comprend pas un agent d'accréditation, un commissaire du travail et le commissaire général du travail nommés en vertu de l'article 21a du Code du travail".

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Clair): Si vous voulez m'attendre un instant.

M. Forget: Maintenant c'est le président qui fait de l'obstruction!

M. Johnson: Chacun son tour.

L'article 69 est-il adopté, M. le Président?

Le Président (M. Clair): Adopté.

M. Johnson: L'article 69a, dans les amendements du 22 novembre, la motion est à l'effet d'ajouter, après l'article 69, du projet de loi 45, le suivant: "69a. Dans toute loi ou proclamation ainsi que dans tout arrêté en conseil, contrat ou document un renvoi à l'un des articles du Code du travail modifiés ou remplacés par la présente loi est un renvoi à l'article équivalent dudit code tel que modifié ou remplacé par la présente loi".

M. Bellemare: C'est normal. Le Président (M. Clair): Adopté?

M. Johnson: Adopté. L'article 70 est-il adopté?

M. Mackasey: Je pense qu'on a droit à un discours de 20 minutes? Oui, on a tous 20 minutes et un amendement...

M. Johnson: Non, c'est que j'aime peut-être mieux...

M. Mackasey: ... un discours sur l'article 70. Cela vous tente Maurice? Vous déciderez.

M. Johnson: M. le Président, si le député de Notre-Dame-de-Grâce permet, c'est parce qu'on aura une autre motion, à faire adopter, qui est en fait la motion de renumérotation de tout le projet, étant donné qu'on a abrogé certains articles, et sur laquelle, comme dernière motion, le député de Notre-Dame-de-Grâce pourra nous livrer sa savante orose jusqu'à minuit.

M. Mackasey: Sérieusement, est-ce qu'il y a des règlements qui sont nécessaires à cause de plusieurs changements? Will there be regulations needed?

M. Johnson: Oui, je comprends. Non, il n'y aura, essentiellement, que des concordances avec la réglementation actuelle, plus l'exploitation forestière et un autre sujet: les pêcheries et un troisième sujet, que j'ai évoqué, au sujet de l'accréditation, au sujet des 35%.

L'article 70 est-il adopté, M. le Président?

Le Président (M. Clair): L'article 70, tel qu'amendé, est-il adopté?

M. Bellemare: Adopté. M. Forget: Adopté.

M. Johnson: M. le Président, je fais donc motion de renumérotation. Je pourrais en faire la lecture. Non? Est-ce qu'on peut donc considérer, pour les fins de cette motion, que le président et le rapporteur pourront renuméroter le projet de loi 45?

M. Bellemare: Le réimprimer?

M. Johnson: Non, parce que finalement cela va prendre la forme du dépôt du rapport de la commission à l'Assemblée nationale demain matin. Ce rapport contiendra probablement une copie conforme de la motion de renumérotation.

M. Mackasey: Après les fêtes, au mois de mars?

M. Bisaillon: On verra.

M. Johnson: Les projets du gouvernement et du leader sont de procéder à la troisième lecture un peu plus rapidement qu'après les Fêtes, à moins, évidemment, que nos amis de l'Opposition tiennent absolument à ce que cela soit après Noël. Nous n'avons, personnellement, aucune objection.

Le Président (M. Clair): Pour les fins de la renumérotation, il suffit qu'il y ait un consentement recommandant à l'Assemblée nationale la renumérotation. Je comprends qu'il y a un tel consentement.

M. Forget: Le consentement est accordé, M. le Président.

Le Président (M. Clair): La commission per- manente du travail et de la main-d'oeuvre et de l'immigration...

M. Bisaillon: M. le Président, avant que vous...

M. Bellemare: M. le Président, avant que vous ne terminiez...

M. Bisaillon: Moi aussi, M. le Président, avant que vous ne terminiez...

M. Bellemare: ... je voudrais vous annoncer une nouvelle sensationnelle qui vient d'être dite à Radio Canada par le président de la CSN, M. Rodrigue, lui-même. Il est en parfait accord avec les amendements 87a, b), c) et d). M. Rodrigue vient d'annoncer cela à 22 h 30 à la suite d'un interview qu'il vient de donner. Si cela peut consoler certaines gens ou en faire pleurer d'autres, moi, cela me réjouit de voir le président de la CSN emboîter les arguments que mon collègue de Sainte-Marie et mes autres collègues particulièrement ont pris.

Je remercie particulièrement le ministre d'avoir voulu adopter certains de nos amendements et d'avoir été très sérieux dans l'étude de tous ces amendements qui ont presque changé complètement les principes de la loi. Je pense qu'après avoir soumis, à mon caucus demain matin, le rapport officiel de ce qui s'est passé, on appuiera en troisième lecture le projet de loi 45.

Le Président (M. Clair): Le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je comprends qu'étant donné qu'on a voté article par article, il n'est pas nécessaire de prendre un vote global sur l'ensemble du projet de loi 45.

A ce moment-ci, je n'aurais pas de motion particulière à faire, mais j'aurais au moins une demande à adresser au ministre, une demande qu'il pourra d'ailleurs considérer dans les deux ou trois mois qui viennent. Je pense que, même si on est à la commission du travail, il ne faut pas perdre de vue non plus la réforme parlementaire, d'autant plus que si cette réforme parlementaire nous permet dans l'avenir d'étudier plus en profondeur et avec peut-être plus de qualité les prochaines lois du travail qui pourraient nous être présentées.

Le ministre a annoncé, à parlé, a mentionné à plusieurs reprises qu'une commission d'étude serait bientôt nommée, ou que des personnes seraient bientôt nommées pour évaluer l'ensemble du Code du travail, pour se pencher sur l'étude complète, sur la refonte de l'ensemble du Code du travail. Il me semble, M. le ministre, que ce serait-peut-être une excellente idée qu'une fois cette commission ou ce groupe d'étude en fonctionnement on prenne à un moment donné un temps d'arrêt pour que la commission puisse rencontrer les membres de la commission parlementaire permanente du travail et de la main-d'oeuvre et discuter avec eux des grandes orientations qui semblent se dessiner, des hypothèses de travail qu'ils ont afin, au moins, que lorsque le travail du comité d'étude sera terminé, les membres de la

commission aient pu faire une première discussion préalable.

Ma suggestion, ce n'est pas une motion, c'est seulement une suggestion, va dans le sens d'une meilleure compréhension des problèmes de relations du travail par les membres de la commission et aussi dans le sens d'une plus grande participation de l'ensemble des députés à l'élaboration des mesures législatives.

M. Bellemare: Vous parlez aussi pour le bill 53.

M. Bisaillon: ... pour l'instant!

M. Johnson: M. le Président, je prends bonne note de la suggestion du député de Sainte-Marie. Je pourrais même ajouter qu'il y a en ce moment un autre groupe qui est en train de revoir une loi assez importante qui touche le ministère du Travail. Il s'agit de la commission Hébert sur la refonte de la Loi régissant les relations du travail dans l'industrie de la construction. S'il apparaissait opportun et souhaitable, dans le cadre des efforts, faute de changements de structure dans le cadre de la réforme parlementaire, d'organiser des rencontres avec ies membres de la commission, nous y procéderons.

Le Président (M. Clair): Le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: M. le Président, vous me demandez de prendre la parole pour quelques minutes. Je ne suis pas pour faire ce soir, le discours que j'ai préparé pour la troisième lecture, mais je veux sincèrement féliciter le président. Je pense que sans ce geste du président — et je le dis sincèrement — cela n'aurait pas...

Dans ce domaine, où on traite avec des citoyens ordinaires, je pense que c'est nécessaire d'oublier, autant que possible, qu'on représente tel ou tel parti. C'est un type de réforme qu'on devrait faire, autant que possible, ensemble, pour le bien-être de tous les citoyens.

J'ai un regret — et je partage le sentiment du député de "Sainte-Marie — that we must revise the whole Labor Code — it is my observation — because every time you make amendments, you affect some other part of the Code and you unbalance it.

My one regret is that in the anti-scabs section, as far as I am concerned, it satifies neither the Unions, nor the employers, and my one regret, which I will have to go on record in saying — and I hope it is in the report — is that the people who are going to suffer most, by this piece of legislation, are the small employers, the small businessmen, with a small number of unionized people, who have little or no protection against certain sections of this law which, if, taken advantage of my appeal to the Union, are not to take complete advantage of one of those sections which could very well force the very small employers into bankrupcy in a very short period of time.

M. Johnson: M. le Président, en terminant, j'aimerais...

Le Président (M. Clair): Le député de Saint-Laurent avait demandé la parole. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je serai très bref. Le député de Sainte-Marie a fait allusion à une possibilité que la commission soit appelée à collaborer, d'une certaine façon, aux travaux d'élaboration d'un nouveau Code du travail. Je vais certainement souscrire à ce voeu également, de la part de l'Opposition officielle, en notant que malgré tout, ce n'est qu'un minimum, je pense, si l'on veut que les lois du travail aient le genre de crédibilité et soient reçues comme étant l'expression de l'ensemble de l'Assemblée nationale. C'est très important pour l'efficacité des lois que certaines d'entre elles, au moins, soient élaborées, avec la plus large mesure de consensus possible.

Je me permets, en terminant, de rappeler que j'aurais souhaité, nous aurions souhaité, de notre côté, aller plus loin que cela, et que le travail de révision du Code du travail soit confié, non pas à des experts "de l'extérieur", mais aux parlementaires eux-mêmes. Je crois qu'ils en sont capables, pourvu qu'on leur donne les moyens nécessaires, sur le plan de l'aide technique, de faire un travail aussi rapidement, et peut-être mieux que n'importe quel autre groupe.

Cependant, quelle que soit la mesure envisagée par le ministre, pour nous permettre de participer à l'élaboration de cette révision d'ensemble, il nous fera plaisir de nous y joindre.

Le Président (M. Clair): Le ministre du travail.

M. Johnson: M. le Président, en terminant, cette commission, qui a duré au-delà de 60 heures, nous a permis de brasser non seulement un texte législatif et de l'aborder de façon technique — ce que nous avons fait d'emblée puisque c'est un rôle qui est dévolu à ceux qui font la législation — mais également de brasser des principes assez fondamentaux, d'échanger des perceptions, des convictions.

J'aimerais d'abord vous remercier de votre patience et de votre attitude toujours correcte et également remercier l'ensemble des membres de cette commission d'avoir participé à l'élaboration du projet de loi 45.

Le Président (M. Clair): Messieurs, la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration a étudié article par article le projet de loi no 45, intitulé Loi modifiant le Code du travail et la Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, et l'a adopté avec des amendements. La commission termine donc ici ses travaux et ajourne sine die. Merci.

(Fin de la séance à 23 h 30)

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