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Etude du projet de loi no 45 Loi modifiant le Code du
travail
et la Loi du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre
(Dix heures trente-six minutes)
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de
l'immigration est réunie pour procéder à l'examen article
par article du projet de loi no 45 intitulé Loi modifiant le Code du
travail et la Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, et
également pour entendre, conformément à une entente
intervenue en vertu de l'article 154 de notre règlement, les membres du
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.
Les membres de la commission sont M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Chevrette
(Joliette-Montcalm), M. Couture (Saint-Henri), M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M.
Johnson (D'Anjou), M. Jolivet (Laviolette); M. Perron (Duplessis) en
remplacement de M. Lacoste (Sainte-Anne); M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne
(Beauharnois); M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce); M. Mercier (Berthier)
en remplacement de M. Marois (Laporte); M. Pagé (Portneuf) et M. Roy
(Beauce-Sud).
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre
(suite)
Conformément à l'entente, nous avons entendu, mardi
dernier, les représentants patronaux du Conseil consultatif du travail
et de la main-d'oeuvre. Nous entendrons aujourd'hui les représentants
syndicaux du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.
Je rappelle à nos invités que l'entente, en gros, au
niveau de la commission est de prendre une heure trente pour la
présentation des mémoires, et le reste du temps qui pourrait
être disponible, soit jusqu'à 13 heures aujourd'hui, ou soit de 16
h 30 jusqu'à 18 heures pourrait être consacré à une
période de questions.
La répartition du temps entre nos invités, ce matin, est
laissée à la discrétion des invités. Maintenant,
à titre indicatif, je suis informé qu'il y aurait une entente
pour que la CSN et la CEQ, par leurs représentants, prennent environ 45
minutes pour la présentation de leur mémoire et que la FTQ prenne
environ 30 minutes si...
M. Laberge (Louis): Environ 46 minutes.
Le Président (M. Clair): Environ 46. C'est à titre
indicatif seulement. L'important à retenir c'est qu'il ne faudrait pas
dépasser, si on veut avoir une période d'échanges avec les
membres de la commission et nos invités, il ne faudrait pas dé-
passer une heure trente pour la présentation des mémoires.
Sans plus tarder, je donne la parole au ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre. M. le ministre.
Remarques préliminaires
M. Johnson: Brièvement, M. le Président, j'aimerais
d'abord souhaiter la bienvenue aux représentants de la partie syndicale
siégeant au CCTMO et qui, comme dans le cas du patronat, ont
élargi leur délégation aux représentants d'une
centrale syndicale qui ne siège plus au CCTMO, c'est-à-dire la
Centrale des enseignants du Québec.
Il s'agit là de l'arrangement dont avaient convenu les parties
lors d'une réunion du CCTMO, à laquelle j'avais assisté,
et j'attends avec plaisir la lecture des mémoires le plus rapidement
possible.
Bienvenue, messieurs!
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je n'ai rien à ajouter aux remarques du
ministre. Je souhaite également la bienvenue aux groupes qui sont devant
nous, on les écoutera avec beaucoup d'intérêt. Je ne
voudrais pas empiéter sur leur temps plus que la panne
d'électricité ne l'a déjà fait. Je passe la parole,
quant à moi.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Je suis très heureux d'avoir l'occasion de
redire bonjour à nombre de gens que j'ai eu le plaisir de
connaître et avec lesquels je ne me suis pas toujours entendu. Une chose
est certaine, on a fait des progrès énormes. Si on a aujourd'hui
des tribunaux du travail, si on a des commissaires-enquêteurs et si on a
plusieurs autres services, c'est grâce aux démarches très
fructueuses qu'ont faites les syndicats. Sur ce, je me joins au ministre et au
représentant de l'Opposition officielle pour dire que je suis
très heureux, ce matin, d'entendre les mémoires. J'aurai
peut-être quelques questions indiscrètes à poser tout
à l'heure, qui ressemblent un peu à celles de la commission
Cliche, mais cela sera fait dans un sentiment de progrès et de recherche
de quelque chose de mieux.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: A mon tour, je veux souhaiter la bienvenue à nos
invités ce matin et je suis aussi heureux qu'on ait permis aux
intéressés de se faire entendre devant la commission
parlementaire. Je terminerai là mes propos parce que je ne veux pas
empiéter sur le temps alloué à nos invités, pas
plus que sur la période de questions tout à l'heure, car
j'aurai également des questions à poser, et peut-être des
questions indiscrètes moi aussi.
Le Président (M. Clair): Sans plus tarder, j'inviterais M.
Norbert Rodrigue, si c'est possible, à nous présenter tous les
gens qui l'accompagnent à la table et à procéder ensuite
à la présentation de leur mémoire. M. Rodrigue.
Représentants syndicaux
Confédération des syndicats nationaux
M. Rodrigue (Norbert): Merci, M. le Président. M. le
ministre, MM. les députés, chers collègues, je voudrais
effectivement vous présenter ceux qui m'accompagnent: Marcel Pepin,
à ma gauche, Yvon Charbonneau, de la CEQ, avec qui je partagerai
effectivement le temps qui nous est alloué, à la CSN. Comme vous
l'avez déjà constaté, nous avons un mémoire commun.
M'accompagnent aussi des camarades de l'exécutif de la CSN, qui sont
à l'arrière, des militants ainsi que certains qu'Yvon pourra
présenter quant à la CEQ plus tard. Je voudrais commencer tout de
suite parce que le temps qui nous est alloué est restreint.
Cependant, je ferais un premier commentaire pour souligner à la
présente commission que ce qui va suivre ou le mémoire dont vous
allez prendre connaissance tient compte d'un fait incontestable quant à
nous, qui veut que les employeurs aient tous les droits et que les droits que
nous avons acquis comme travailleurs organisés, nous les ayons
arrachés les uns après les autres dans le temps.
Or, selon que l'on considère qu'actuellement il existe des
règles justes et équitables qui régissent les rapports
entre les employeurs et les travailleurs et selon que l'on admet que, dans le
domaine propre de notre droit du travail, les travailleurs sont constamment en
demande ou sur des positions défensives, et qu'un employeur finalement a
tous les pouvoirs, l'on pourra différer grandement dans
l'interprétation à faire des amendements gouvernementaux au sujet
du Code du travail et dans les recommandations proposées pour
améliorer la législation du travail. Il vaut donc la peine, je
pense, d'examiner brièvement cette notion tant galvaudée de
l'équilibre des parties en relations de travail.
Lorsque le Conseil du patronat soutient que le présent projet de
loi provoque ce qu'il appelle une "rupture de l'équilibre" existant
entre les forces du travail et les forces de l'argent, il faut voir de quel
équilibre le Conseil du patronat veut parler, car on présume,
selon ce qu'il affirme depuis que le gouvernement parle de présenter ou
d'adopter ce projet de loi, que cette rupture se ferait en faveur des
syndicats.
Or qu'en est-il de cet équilibre, si on y regarde de près?
Cet équilibre signifie-t-il le fait de supporter l'inflation, comme
c'est le cas depuis deux ans que les mesures de contrôle des salaires
sont en vigueur? Cet équilibre signifie-t-il que les travailleurs seuls
devraient continuer de faire les frais des fermetures d'usine ou des transferts
de production, se retrouvant soudain sur le pavé, sans espoir de
reclassement après des années passées à l'emploi
d'une compagnie? Cet équilibre signifie-t-il que les travailleurs
québécois devraient continuer à souffrir des bas salaires,
d'un chômage toujours plus élevé qu'ailleurs au Canada? Cet
équilibre signifie-t-il encore le droit pour les entreprises d'engager
n'importe quel fiers-à-bras ou tueur à gages pour faire
régner sur les lignes de piquetage un désordre la plupart du
temps impuni? Cet équilibre signifie-t-il aussi le maintien de cette loi
de la jungle qui fait en sorte que les travailleurs voient quotidiennement des
"scabs" aller remplir leur tâche, utiliser leurs outils, subir une
humiliation insoutenable?
Cet équilibre enfin doit-il être maintenu avec le concours
des tribunaux, qui acceptent ainsi de se discréditer en se pliant
régulièrement aux volontés des employeurs, soumettant
ainsi l'ordre public à des intérêts privés, avec le
concours du législateur qui, en cours de négociation, vient
d'autorité changer les règles préalablement
établies?
Serait-ce donc là l'équilibre que le Conseil du patronat
estime rompu par les dispositions du projet de loi? Nous croyons plutôt
que cette réaction patronale n'est que le signe d'un ressentiment devant
la remise en question, encore timide, d'une situation du statu quo qui avait,
jusqu'ici, fort bien servi les intérêts de la classe dominante.
Nous constatons que ce que tend à réaliser le projet de loi 45,
ce n'est pas une transformation en profondeur des rapports sociaux en termes de
pouvoirs; ce projet bien limité essaie plutôt de freiner le
déséquilibre.
Tous conviennent, en effet, que le système économique
actuel et la philosophie qui régit les négociations collectives
supposent une égalité à tout le moins apparente entre les
parties. Le système actuel présume aussi qu'une convention
collective intervient à la suite d'un rapport de forces où, en
principe, les règles du jeu sont respectées.
Or, lorsque le droit de grève est devenu illusoire et
inopérant en raison de la présence de "scabs", le jeu normal du
rapport de forces ne peut se faire, puisqu'une des parties
déséquilibre à son avantage ces règles de
fonctionnement.
C'est pourquoi nous estimons que le projet de loi 45, en s'inscrivant
dans la logique même du système, ne bouleverse pas les valeurs
fondamentales du système actuel; il ne fait que tenter de corriger
certains aspects d'une situation qu'on avait laissé pourrir trop
longtemps.
Pendant que les travailleurs devaient poursuivre cette lutte pour la
conquête de leurs droits et la défense de leurs
intérêts, la CSN et la CEQ constatent que les patrons n'ont jamais
eu à se battre pour conquérir leur liberté d'organisation,
d'association ou du commerce. Les patrons ont-ils été
emprisonnés pour avoir voulu obtenir une législation favorable et
de meilleures conditions d'existence? Depuis 100 ans, leur lobbying
auprès de l'Etat ne leur a-t-il pas permis de réussir à
déséquilibrer en leur faveur le rapport de forces entre les
parties?
Est-il nécessaire de rappeler également les luttes qu'ont
eu à mener les femmes pour obtenir un simulacre de droit au travail et
à la maternité qui est encore constesté aujourd'hui? Sauf
que, avec les temps, les patrons sont devenus plus subtils. On ne leur refuse
pas l'accès à certaines fonctions; on préfère
entretenir l'image que certaines fonctions leur sont réservées.
On n'impose pas de conditions sauvages à la femme qui désire
enfanter; on ne l'engage tout simplement pas, etc.
Dans les situations de conflits provenant des relations de travail, qui
des patrons ou des travailleurs peut le plus facilement faire protéger
sa vie, la vie des siens et ses biens par la police d'Etat?
En cas d'arrêt de travail, peut-on décemment continuer
à prétendre que c'est l'entreprise qui perd tout, alors que les
travailleurs ont tout à gagner? Quand on sait que les travailleurs sont
privés de leur gagne-pain et que les patrons ont tout le loisir, soit de
continuer à fonctionner avec des cadres, soit d'engager des "scabs",
soit de déménager la production ailleurs, soit tout simplement de
continuer à écouler leur production, sinon à faire
fructifier autrement leurs profits accumulés sur le dos des
travailleurs. De toute façon, la rupture de production ne peut en aucun
cas avoir le même poids sur les épaules du travailleur que sur
celles du patron.
Le travailleur, pour sa part, ne possède pas dix moyens de
spéculer sur sa force de travail. Il est constamment en demande devant
le patron qui a tout le loisir de l'engager ou ne pas l'engager, de lui offrir
les conditions qu'il veut ou de le laisser chômer encore un temps
jusqu'à ce qu'il se plie à ses conditions. Comment alors
prétendre que celui qui n'a d'autre choix que de s'engager pour vivre
puisse comparer sa force à celui qui a le choix de l'engager ou de ne
pas l'engager!
Voyons un peu un autre aspect qui semble cher au patronat, c'est celui
des libertés individuelles.
Quand le Conseil du Patronat s'érige en défenseur
inconditionnel des libertés individuelles qu'il oppose aux
libertés collectives, le sens profond de cette démarche doit
être bien saisi.
Le patronat, en effet, tente, de cette façon, de faire croire
à tout le monde, en particulier aux travailleurs, qu'ils perdront des
avantages si lui, le patronat, perd des privilèges. Le patronat n'ignore
pas que les travailleurs privés d'organisations collectives pour prendre
la défense de leurs intérêts et de leurs droits sont des
proies plus faciles. Isolés, livrés à l'arbitraire, les
travailleurs ont découvert peu à peu la force de l'organisation
collective et la possibilité de contenir, lorsque regroupés, le
poids des différents pouvoirs qui s'exercent quotidiennement sur leurs
vies.
Le patronat semble dire: Nous voulons vous libérer des
contraintes que fait porter sur vous l'organisation collective. En
contrepartie, nous vous offrons le plein exercice de vos droits et
libertés individuelles.
Il y a de la perfidie dans ce raisonnement qui porte à faux;
comme si les libertés individuelles ne comportaient pas, elles aussi,
des contraintes, dont la plus éclatante consiste à soumettre
l'homme à l'exploitation, totalement démuni.
Toute vie en société suppose une certaine ordonnance dans
l'exercice des libertés. Cela n'a plus à être
démontré.
Cette défense des libertés individuelles, le Conseil du
Patronat tente de l'articuler autour de quatre éléments: la
propriété du grief à l'étape de l'arbitrage, la
participation aux votes de grève, la clause autorisant le
congédiement d'un travailleur pour une activité antisyndicale, et
la jouissance de la propriété privée. Voyons-les
très rapidement.
Le grief. Chose plutôt étonnante dans la bouche du
patronat, son argumentation présume que tous les griefs sont bien
fondés. Il semble aussi ingorer que les griefs sont parfois des litiges
portant sur des droits relatifs entre les salariés, c'est-à-dire
promotions, mises à pied, atrribution du surtemps, rappel au travail,
etc. Le patronat feint aussi de nier que les décisions arbitrales ont
une conséquence directe sur le renouvellement des clauses des
conventions collectives. Le patronat souhaite-t-il, de cette façon,
gagner des griefs mal fondés pour mieux asseoir ses positions à
la table de négociation? L'étape suivante, qui pourra
apparaître logique pour le patronat, consistera-t-elle à demander
des amendements au Code du travail l'autorisant à poursuivre les
syndicats à propos de griefs manifestement mal fondés?
Finalement, puisque le grief résulte d'une décision patronale
unilatérale, comment le patronat peut-il Doursuivre son raisonnement
sans faire, du même coup, la démonstration de sa propre
turpitude?
Si les griefs individuels sont bien fondés au jugement du
patronat, il n'a qu'à réviser ses décisions
contestées.
Nous affirmons que la défense d'un grief implique davantage que
le soutien des droits d'une personne et que ses conséquences
entraînent des répercussions sur l'ensemble du groupe dont fait
partie le salarié, quand elles ne débordent pas, par voie de
jurisprudence, sur des groupes extérieurs. Nous n'acceptons pas, non
plus, que n'importe quel individu puisse remettre en cause, par un grief
inapproprié, le contenu d'une entente endossée collectivement. A
notre avis, dans l'intérêt de tous, le droit collectif doit
primer.
Le travailleur non syndiqué jouissant de toutes les
libertés individuelles que rappelle le Conseil du patronat ne
bénéficie, enfin, d'aucun instrument pour faire sanctionner et
respecter ses droits.
Le vote de grève. Pourquoi, par ailleurs, le Conseil du patronat
limite-t-il l'expression de la liberté au seul moment où se prend
le vote de grève? Il ne s'inquiète pourtant pas de la vigueur de
la vie démocratique lorsque des décisions importantes doivent se
prendre là aussi par vote: la formulation des projets de conventions
collectives, l'établissement du taux des cotisations syndicales, les
décisions relatives à la vie sociale, économique et
politique, l'administration des affaires du syndicat, les formes à
donner à l'appui aux autres travailleurs en lutte.
La question fondamentale qu'il faut se poser,
à notre avis, est la suivante: Qu'est-ce qui empêche un
individu de participer activement à tout ce processus
démocratique en devenant membre du syndicat? Certainement pas le
syndicat lui-même. C'est donc l'individu seul qui prend cette
décision. Ce dernier se place ainsi dans la position de l'immigrant qui
se refuse à demander sa citoyenneté, se privant ainsi de son
droit de vote, tout en bénéficiant des avantages sociaux et
collectifs et en participant à leur financement. Là encore, il
s'agit d'une décision qui ne relève que de la seule personne
concernée. L'individu pourrait-il blâmer la collectivité de
le priver d'un droit de vote auquel il pourrait prétendre en se refusant
de satisfaire aux exigences fixées par cette collectivité, soit
qu'il fasse les démarches nécessaires à l'obtention de sa
citoyenneté?
Enfin, pas plus que les différents paliers de gouvernement,
fédéral, provincial, municipal ou scolaire, les syndicats n'ont
l'intention de prendre des mesures coercitives visant à
réquisitionner les travailleurs pour qu'ils exercent leur droit de
vote.
Au-delà du charriage du Conseil du patronat, nous estimons que la
participation au vote est l'une des conditions les plus essentielles à
une mobilisation efficace des travailleurs. Il est à tout le moins
étrange, d'autre part, que le Conseil du patronat ne s'inquiète
pas avec la même sollicitude de la façon dont se prennent, dans
les conseils d'administration d'entreprises privées ou publiques, des
décisions tout aussi importantes pour les travailleurs concernés,
comme celle, par exemple, de décréter un lock-out.
Nous croyons que les débats largement ouverts qui
caractérisent les assemblées syndicales sont de meilleurs garants
de la qualité de la vie démocratique que ne peuvent l'être
les tapis feutrés des conseils d'administration.
Voyons les congédiements. Quant à la clause autorisant le
congédiement d'un travailleur pour une activitéet on a
inscrit syndicale, c'est un lapsus, vous le comprendrez, on est aux prises tous
les jours avec des congédiements pour activités syndicales.
Mais il s'agit là d'un congédiement pour une
activité anti-syndicale.
Nous croyons que les inepties contenues dans la position du patronat,
sont le résultat d'une mauvaise lecture de la loi tout simplement. Car
l'amendement, tel que proposé, n'introduit pas dans les conventions
collectives, par le biais du Code du travail, de nouvelles dispositions. Il
est, au contraire, prohibitif.
Le Conseil du patronat ne pourrait plus continuer dans ses
prétentions sans, en même temps, indiquer clairement que son
désir caché est l'établissement de syndicats
dominés par l'employeur.
Une autre notion: La propriété privée.
Le Conseil du patronat aborde enfin la jouissance de la
propriété privée, qui serait brimée en cas de
grève. Nous tenons à rappeler que l'utilisation de la
propriété privée comme justifiant la poursuite de la
production n'est pas une fin légitime, aux termes du Code du travail,
puisqu'elle annihile le droit de grève. Cette position patronale
constitue un sophisme grossier.
Quant aux grèves dans les services publics, cela relève du
problème des services essentiels, question que le gouvernement
lui-même a référée à un autre forum.
En conséquence, nous réitérons les revendications
que nous avions déjà transmises au gouvernement du Québec,
le 28 février dernier, et dont le présent projet de loi ne tient
compte qu'en partie. Les présentes recommandations s'inspirent des
principes déjà énoncés et ne constituent qu'une
étape en vue de temporiser un déséquilibre qui, quand
même, se maintiendra.
Les deux centrales notent que certains amendements proposés par
le projet de loi 45 proviennent de leur mémoire commun du 28
février 1977.
Nous devons cependant constater que d'autres sujets contenus dans ce
mémoire, et portant sur des questions fondamentales, sont ignorés
dans le projet de loi.
Par leur nombre, les amendements proposés au Code du travail par
le projet de loi 45 peuvent paraître imposants, à première
vue. Nous estimons cependant qu'ils ne font que tenir compte de
l'évolution des relations de travail depuis plusieurs années.
Depuis plus de dix ans, le patronat a réussi à bloquer les
changements au Code du travail que l'évolution de la
société québécoise commandait. Le patronat a pu
compter, pour préserver ce statu quo, sur des gouvernements
complaisants, qui se satisfaisaient d'utiliser leur force brutale quand les
problèmes sociaux devenaient exacerbés, en adoptant des lois
spéciales; on en a compté, ici même avant-hier, 12 depuis
1967.
M. le Président, je demanderais à mon camarade Yvon
Charbonneau de poursuivre maintenant sur le mémoire.
Le Président (M. Clair): M. Charbonneau.
Centrale de l'enseignement du Québec
M. Charbonneau (Yvon): M. le Président, MM. les membres de
la commission parlementaire, je voudrais tout d'abord dire à la
commission que la Centrale de l'enseignement du Québec remercie la CSN
d'avoir accepté de partager le temps qui lui était normalement
dévolu pour nous permettre de nous exprimer devant cette commission qui
normalement aurait été limitée, semble-t-il, aux seuls
membres du CCTM.
Pour ma part, je vais essayer de résumer à partir du texte
qui est là la plupart des positions que nous avons
déterminées sur les articles du projet de loi 45
lui-même.
En ce qui a trait à l'article 6 qui amende l'article 14 du code,
nous voyons dans le projet de loi no 45 une certaine mesure de recours, mais,
justement, l'employé qui verrait que cette mesure ne se réalise
pas devrait encore entreprendre des procédures et, pendant un certain
temps, c'est sur ses épaules que porterait le fardeau de faire
exécuter l'ordonnance en question, si jamais cela ne se faisait pas.
Nous demandons très clairemen t ce que nous demandions,
d'ailleurs, dans notre mémoire conjoint du 28 février dernier
qu'aucun congédiement ne puisse devenir effectif avant la
déci-
sion du commissaire du travail. Nous croyons que ce serait un appui
concret à l'exercice du droit d'association.
En ce qui a trait à l'article 8, qui crée une nouvelle
section traitant de ce qu'on appelle le vote secret, nous croyons que les
amendements proposés à cet article, tout d'abord, sont contraires
aux termes de la Convention internationale du travail no 87 qui a
été préparée en 1948 portant sur la liberté
syndicale et la protection du droit syndical; contraires
particulièrement en regard des stipulations de l'article 3 de cet
instrument international qui se lit comme suit: "Les organisations de
travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élaborer leur statut et
règlements administratifs, d'élire librement leurs
représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de
formuler leur programme d'action. Les autorités publiques doivent
s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou
à en entraver l'exercice légal."
La jurisprudence du droit international accepte que les organisations
syndicales puissent être soumises au contrôle des cours
régulières de justice. Déjà, actuellement, sans
l'amendement du projet de loi no 45, nous croyons que toute personne ayant un
intérêt puisse s'adresser à une cour de justice pour faire
sanctionner les règlements édictés à la
constitution de son syndicat. Cela existe déjà.
Une plainte soumise au ministre qui, selon l'esprit du projet de loi no
45, délègue son enquêteur investi des pouvoirs d'un
commissaire-enquêteur ne constitue pas un recours judiciaire à
proprement parler, car l'enquête n'est pas déclara-toire de droit,
mais seulement génératrice de droit tout au plus, d'après
notre compréhension du projet de loi. Les pouvoirs, immunités et
privilèges accordés à l'enquêteur ne constituent que
des moyens d'enquête. Ils exercent donc un pouvoir administratif, dont
nous parlions dans le paragraphe 1 cité à partir de la convention
no 87. Nous croyons qu'en conséquence cette intrusion est contraire
à la convention internationale.
De plus, nous soulignons que, si cet amendement était
adopté tel quel, ce serait la première fois au Québec
qu'un gouvernement s'aventure à s'ingérer, par le biais d'une loi
générale, dans les affaires internes d'un syndicat. Il y a eu des
lois spéciales, des mesures ponctuelles, des mesures
particulières adoptées par des gouvernements antérieurs,
mais ce serait la première fois que, par le biais d'une loi
générale, on essaierait d'avoir un droit de regard par divers
moyens sour la prise de vote, la prise de décisions des organisations
syndicales.
De plus, nous voulons vous rappeler que, quand on se
réfère à un instrument international, peut-être que
d'une part on peut rejeter rapidement cet argument en disant que c'est au
gouvernement fédéral de souscrire ou non aux instruments
internationaux dans le cadre actuel. C'est une manière de regarder le
problème. Cependant, nous savons aussi que la juridiction qui existe
actuellement entre les deux paliers de gouvernement prévoit que
l'administration des lois du travail, sauf pour les employés du
fédéral, relève de l'Assemblée nationale du
Québec, en l'occurrence ici.
Nous croyons qu'il serait normal que le gouvernement du Québec
essaie de se conformer à la lettre et à l'esprit des instruments
internationaux, celui-là datant d'il y a trente ans; comme on le sait,
un instrument international ne constituant qu'une moyenne acceptable à
beaucoup de régimes et à beaucoup de pays.
D'autre part, nous voulons souligner quelques effets secondaires des
contraintes ajoutées par le projet de loi no 45 qui conduisent à
plusieurs interrogations ou à plusieurs aberrations, à notre
point de vue. Quand on parle de l'élection des personnes occupant une
fonction de direction, il faudrait certainement s'interroger sur l'extension
que le législateur entrevoyait donner à la notion de personne de
direction. Dans certains syndicats, il y a des personnes qui exercent une
fonction de direction importante et qui sont non pas élues mais
nommées par des gens qui, eux, sont élus. Est-ce que ces gens
seraient soumis ou soustraits de la contrainte?
Deuxièmement, si le gouvernement veut contrôler la prise de
décision, veiller ou superviser la prise de décision concernant
l'élection des officiers de syndicat qui ont des membres au
Québec, comment va-t-il ne pas s'inquiéter de la même
manière des dirigeants de syndicat qui ont des membres au Québec
mais qui sont élus à l'extérieur du Québec, que ce
soit à Ottawa ou aux Etats-Unis? Il y aurait là une double
mesure, une mesure qui ne serait applicable qu'aux officiers de syndicats
québécois ou élus au Québec.
Nous demandons aussi: Qu'est-ce qu'une fonction de direction? Selon les
constitutions de syndicat, la fonction de direction est plus ou moins
répartie entre un plus ou moins grand nombre de personnes; dans certains
syndicats, c'est un trio nommé par la constitution; dans d'autres, cela
peut aller jusqu'à un conseil syndical large regroupant les
délégués d'établissements. Nous avons même
certains syndicats qui ont reconnu leur assemblée générale
souveraine ayant la totalité des pouvoirs. Qu'est-ce que la fonction de
direction dans ce cas-là et parmi toute cette diversité?
Nous croyons également que même si l'article 19 ne vise, au
texte, que des associations de salariés, étant donné que
certaines lois, notamment la loi 95 qui a institué le régime de
négociation dans le secteur public, ont nommé certaines centrales
syndicales comme représentantes de salariés directement, pour
fins de négociation, est-ce que le projet de loi viserait à
considérer ou à concerner aussi les directions des organisations
centrales en plus des syndicats?
Le deuxième aspect, visé par le vote secret, est le
déclenchement de la grève. Nous voulons d'abord vous souligner,
parmi ces effets secondaires, que de parler de déclenchement de la
grève témoigne d'une très grande ambiguïté ou
d'une certaine méconnaissance du fonctionnement effectif des
organisations syndicales. Il arrive que les syndicats prennent un vote de
grève, c'est-à-dire décident d'aller en grève,
s'octroient un délai
ou bien énumèrent un certain nombre de conditions.
A un moment donné ils portent un nouveau jugement d'exercer leur
droit de grève, de déclencher la grève effectivement.
C'est bien connu, je crois, de part et d'autre, très souvent ce droit
s'exerce ainsi en deux temps; à un moment il y a une décision de
principe, une décision générale et puis ensuite une
décision d'application de la première. Tel que
rédigé, le projet de loi nous forcerait ou, en somme, inciterait
les syndicats à ne prendre aucun risque et à exercer
immédiatement et sans délai le droit à la grève
acquis par un vote au scrutin secret.
De plus, je crois que les organisations syndicales évitent autant
que possible de recourir à la grève générale
illimitée et considèrent ce moyen comme un moyen ultime. A cet
effet, avant de recourir à la grève générale
illimitée, un bon nombre de syndiqués décident de passer
par des étapes intermédiaires qui n'ont pas pour effet
d'interrompre le service complètement ou systématiquement;
grève du zèle, grève rotative, grève intermittente,
grève d'avertissement, etc. A ce moment-là il faudrait toujours
recourir au vote secret pour exercer ces moyens de pression. Une telle
disposition incite les syndicats à simplifier les affaires
jusqu'à un certain point, à les simplifier pour le temps que cela
dure et à entrer en grève générale illimitée
plutôt que de recourir à des moyens intermédiaires qui
peuvent éviter à tous soit une grève, soit l'interruption
des services selon le côté où l'on est.
Je crois que ce sont des effets secondaires, peut-être, qui n'ont
pas été bien examinés, mais qui peuvent certainement
découler de telles dispositions. Il arrive aussi, dans certains cas,
dans certaines administrations, dans certaines entreprises où les
travailleurs d'une manufacture donnée peuvent être reliés
syndicalement à bien d'autres travailleurs, à bien d'autres
travailleurs d'usine ailleurs dans le Québec ou ailleurs dans d'autres
provinces doivent faire face à une situation où on ne peut pas
convoquer une assemblée, où on ne peut pas tenir un vote secret
pour tout le monde. Il y a un problème dans cette usine, il y a un
problème avec tel employeur, il y a des mesures absolument
particulières qui ont été prises. Cela prend une
réplique et on n'a pas le temps de prendre un vote secret et de
réunir tous ces gens qui peuvent être répartis dans un
très grand territoire excédant même le Québec. Ceci,
je crois est un droit reconnu aux travailleurs qu'il ne serait plus possible
d'exercer avec ces dispositions.
L'acceptation ou le rejet d'un projet de convention collective. Toute
l'économie du travail tend essentiellement à la conclusion d'une
convention collective de travail et non pas à prolonger indûment
les négociations à ce que nous sachions. Le Code du travail et la
tradition nord-américaine établissent la représentation
à la table de négociations comme moyen privilégié
d'y arriver. Tel moyen, d'ailleurs, est sanctionné à
l'article 123 du code. Or les contraintes élaborées en 19a
brisent ce processus normal et permettent à un employeur, non seulement
de tenter d'enrayer l'action syndicale en déposant le même texte
remanié pour en faire fabriquer un autre qu'il appellera, lui, un projet
de convention collective nouveau, au sens de 19a, mais encore lui permettent de
refuser de poursuivre les négociations jusqu'à ce que son
soi-disant nouveau projet de convention ait été soumis au vote
secret.
Cet amendement imposerait une restructuration de plusieurs syndicats. A
la CSN et à la CEQ, plusieurs syndicats détiennent des
accréditations dont la juridiction territoriale s'étend à
l'ensemble de la province. C'est le cas, à la CEQ, de la FNEQ,
l'association des professionnels en enseignement du Québec, qui regroupe
environ 2000 professionnels qui travaillent à l'emploi de
peut-être 125 commissions scolaires et qui sont regroupés en 175
accréditations distinctes. On imagine un peu le problème de
fonctionnement que poserait l'obligation de recourir à un vote secret
sur demande patronale dès que la partie patronale prétendrait
qu'il y a là matière nouvelle, alors que cela peut souvent
être des remaniements très mineurs ou de forme seulement.
On s'imagine aussi l'espèce de guerre d'usure qui peut
s'étaler dans le temps avec de telles manoeuvres. Nous pensons, encore
une fois, qu'un effet secondaire des dispositions ici n'a pas été
vraiment envisagé mais cet effet aura pour conséquence d'allonger
les négociations, d'allonger les périodes d'échange et de
faire durer les négociations, que ce soit dans le secteur privé
ou dans le secteur public.
Les négociations dans le secteur public, tout le monde dit
qu'elles durent généralement trop longtemps.
Nous voulons aussi souligner que certains syndicats sont formés
de plusieurs unités de négociation ou d'accréditation
regroupant des catégories distinctes de salariés. Par exemple, un
syndicat peut regrouper à la fois du personnel professionnel, du
personnel de soutien, des enseignants dans notre secteur et les
conventions sont distinctes. Les offres patronales évoluent à des
rythmes distincts, et on devrait les soumettre au vote général
d'un syndicat et au scrutin secret de gens qui ne sont même pas
concernés par les offres en question.
Le retour au travail. C'est le quatrième aspect visé par
le vote secret. Le retour au travail accompagne généralement
l'acceptation des conditions de travail. Cependant, celles-ci les
conditions de travail ne peuvent pas, dans tous les cas, être
entièrement définies. Nous l'avons vu, dans le cas du front
commun la dernière fois. Comment pourrait-on définir que les
conditions de travail sont bien arrêtées? Il y a bien sûr
l'entente de principe qui existe à un certain moment, il y a un vote
d'acceptation de principe, mais on souligne que, dans les Affaires sociales,
l'entente de principe est survenue le 20 juin 1976 et que l'entente
complète n'a été terminée que le 23 août
1976. Dans le secteur de l'enseignement, l'entente de principe est survenue
à la fin d'août 1976, mais la signature de l'entente n'a
été réalisée que vers le 20 octobre 1976,
après qu'il y eut plus d'une centaine d'amendements apportés par
les parties au
texte de l'entente de principe. Je crois que ce sont des
réalités que tout le monde a admises jusqu'à maintenant,
et il faut regarder les effets du projet de loi et l'imposition d'un vote
secret à tout bout de champ dans des négociations de ce
genre.
Nous croyons en définitive que l'exercice de la démocratie
syndicale constitue la seule véritable garantie. Elle est parfois
même plus exigeante que les dispositions de l'article 19. La presque
totalité des syndicats ont des règles relatives aux
élections d'officiers, au déclenchement de la grève,
à l'acceptation ou au refus d'un projet de convention collective ou au
retour au travail. Plusieurs syndicats et quelques fédérations
professionnelles établissent que la grève peut être
déclenchée après la tenue d'un vote secret; certains vont
jusqu'à exiger un référendum sur les lieux de travail et
une majorité de deux tiers. Cela existe déjà dans certains
syndicats, sans aucune contrainte législative ou administrative. Les
constitutions prévoient déjà que le vote au scrutin secret
doit se tenir. Quant aux votes de retour au travail, ils sont souvent
liés à des discussions sur le protocole de retour au travail, ce
qui rend inapplicable toute réglementation générale. La
CSN et la CEQ affirment que le contrôle provient du constat
impératif qu'aucun syndicat ne saurait se maintenir sans que ses membres
n'aient la conviction intime d'y participer démocratiquement. Les
syndiqués adhèrent individuellement à un syndicat et non
pas en fonction du capital qu'ils y investissent. Je crois que chacun a un
intérêt, dans n'importe quel secteur, à ce que ses
objectifs revendicatifs soient pris en considération,
sérieusement, par son instance syndicale.
Nous disons en définitive que l'article 19 traitant du vote
secret attire beaucoup l'attention, suscite beaucoup de commentaires, peut
même se piquer de démocratiser, de vouloir démocratiser le
fonctionnement syndical mais, en réalité, il n'a rien à
voir avec le contrôle démocratique du travail effectif que nous
avons à faire à l'intérieur des syndicats. L'article 19
propose ni plus ni moins l'ingérence des autorités publiques et
propose des mécanismes ineptes qui peuvent conduire à des
excès de procédure judiciaire. Nous en demandons le retrait.
Nous voulons ajouter que nous trouvons un peu étrange et
inexpliqué, pour le moins, que le gouvernement ne se soucie de
démocratie qu'en ce qui concerne le processus de prise de
décision des organisations syndicales. Est-ce qu'il y a des
problèmes seulement de ce côté-là, de l'avis du
gouvernement? On ne retrouve rien dans le projet de loi qui manifeste la
moindre inquiétude en relation avec le processus de prise de
décision du patronat ou des employeurs. Pourtant, on sait que les
décisions du patronat ont autant de poids dans une négociation
que celles du syndicat. On exigerait ici que tout se fasse au vote secret, que
tout puisse être examiné à la loupe par des
enquêteurs, donnant recours, éventuellement, à des mesures
judiciaires.
On exige de passer tout cela au peigne fin, comme s'il y avait un
immense problème et, du côté des décisions
patronales, on dirait qu'il n'y a absolument aucun problème. Je vous
fais remarquer que, dans certaines organisations patronales, par exemple, la
Fédération des commissions scolaires, ce n'est pas le vote secret
qui existe. Ce sont les assemblées au complet qui sont secrètes.
C'est cela qu'on a vu pendant toute la dernière négociation.
Où est la démocratie de ce côté? On Dourrait sans
doute dire la même chose des stratèges de l'Association des
hôpitaux et de combien d'autres employeurs ou réseaux d'employeurs
dans le secteur public. Je crois que, de ce côté, les amendements
de l'article 19 viennent peser d'un seul côté. Ils viennent
vraiment alourdir ou handicaper jusqu'à un certain point l'exercice,
jusqu'à maintenant indiscuté, de la démocratie syndicale.
Nous rappelons que ce serait la première fois que, par un projet de loi
à portée générale, un gouvernement s'aventurerait
à intervenir dans le fonctionnement syndical.
Pour ce qui est de l'article 10, ce dernier...
Le Président (M. Clair): M. Charbonneau, je ne voudrais en
aucune façon vous restreindre indûment dans la présentation
de votre mémoire, sauf qu'il est actuellement, si j'ai la bonne heure,
11 h 10 bien près. A 11 h 30, je pense bien qu'il serait très
sage qu'on commence à entendre M. Laberge, de la FTQ, si on veut
accorder à tout le monde l'occasion d'être entendu d'une
façon la plus équitable possible. Je vous invite à
être le plus bref possible.
M. Charbonneau (Yvon): Mais vous me donnez les vingt minutes?
Le Président (M. Clair): Vingt minutes et pas
davantage.
M. Charbonneau (Yvon): Alors, pour ce qui est de l'article 10,
vous admettrez que le point précédent était un point
majeur de notre mémoire. Il y en a deux ou trois comme cela, plus un
certain nombre de remarques plus particulières. Sur le point suivant,
nous avons remarqué que l'article 10 étend à chacune des
38 corporations énumérées au code, l'obligation autrefois
faite aux seules professions libérales de se constituer en syndicats
distincts. Nous croyons que cette disposition aurait pour effet de fractionner
et de multiplier les certificats d'accréditation à plusieurs
égards dans le secteur public notamment. Par exemple, si on appliquait
cette mesure à la Commission scolaire régionale Chauveau
où il y a 36 professionnels non enseignants. Si on regarde à
quelle corporation professionnelle appartiennent ces professionnels, on
pourrait en déduire qu'il y aurait la possibilité d'intervention
de huit corporations professionnelles et un morcellement de l'unité
d'accréditation existante en neuf ou dix groupes. C'est une
conséquence de l'exigence du projet de loi d'aller chercher la
majorité pour chaque groupe de professionnels visé. C'est une
intrusion inadmissible du corporatisme, des corporations professionnelles dans
la relation entre l'employeur et l'employé. Nous croyons que cet article
devrait être retiré.
L'article 18, nous y demandons surtout une clarification. Nous voudrions
que ce soit clairement exprimé, comme notre texte le suggère,
que, pour avoir droit de concourir à un vote, une association de
salariés devrait représenter, au moins, un pourcentage de 35% des
effectifs visés.
L'article 25 amendant l'article 31. Nous vous rappelons que ce que nous
visons nous l'avons dit en février c'est de pouvoir
obtenir, sur demande, la liste complète des employés qui seraient
susceptibles d'être organisés syndicalement parlant. Certaines
mesures pourraient certainement être prévues au Code du travail.
Ce serait un appui à l'exercice du droit d'association. Beaucoup de gens
disent que les syndiqués sont peu nombreux au Québec, seulement
un tiers. C'est avec des mesures comme celles-là qu'on pourrait, comme
organisation syndicale, aller étendre le syndicalisme dans certains
types d'entreprises jusqu'à maintenant non abordées.
L'article 28 relatif à l'article 38. Nous demandons surtout une
clarification et je passe là-dessus.
L'article 36 relatif à l'article 47 du Code du travail. Nous
avons vu l'amendement qui est proposé, mais nous demandons que le
législateur prévoie que les conditions antérieures de
travail soient maintenues jusqu'à ce que le patron ou l'employeur ait
exercé son droit de lock-out, et non pas seulement acquis.
Nous croyons que ce serait une mesure susceptible
d'accélérer les négociations de manière efficace et
juste. Nous vous rappelons qu'en relation avec la loi 95 du secteur public, qui
prévoyait le prolongement ou le maintien des conditions de travail
antérieures pour un an mais qui prévoyait aussi une
négociation à plus d'un palier, il se trouve que, dans certains
cas, des travailleurs, des syndiqués ont obtenu une entente provinciale
mais n'ont pas de conditions de travail parce qu'ils n'ont pas de convention
collective résultant de la somme des ententes locales et provinciales.
C'est le cas d'un de nos affiliés, actuellement, qui se retrouve sans
conditions de travail. Nous posons le problème de ce vide juridique et
nous demandons le maintien des conditions de travail antérieures
jusqu'au renouvellement de la convention.
L'article 38 relatif à 50. Nous avons bien accueilli la
disparition du deuxième alinéa de l'article 50, mais pour
expliciter l'effet de la disparition de ce deuxième alinéa, nous
demandons au gouvernement de faire les concordances appropriées dans le
Code scolaire ainsi que dans les lois municipales concernées de
manière qu'il y ait meilleure possibilité de négociations
sur ces questions.
L'article 44 relatif à 81. C'est l'arbitrage, dans le cas d'une
première convention collective. Nous trouvons qu'il s'agit d'un
amendement essentiellement souhaitable, mais nous demandons des amendements
pour que le recours à cet arbitrage soit possible dans le seul cas
où c'est à la demande d'un syndicat. Nous demandons la
suppression de l'étape de l'enquête, et nous demandons qu'on
révise toute la question de l'agencement des délais
là-dedans, de sorte que cela ne soit pas rien qu'une mesure dilatoire de
plus, ou pour étirer la situation davantage. Nous pensons que l'article
44 s'appliquerait seulement dans le cas, en général, où
déjà la situation a duré depuis trop longtemps, et si elle
a duré depuis trop longtemps, on pense qu'à cette étape
les mesures prévues devraient être assez expéditives.
L'article 47. C'est une clarification, en réalité. Nous ne
croyons pas que le législateur voulait jeter par terre tout le
système d'arbitrage dans le secteur public, dans le secteur de
l'enseignement, mais c'est ce qu'il ferait s'il ne clarifiait pas la question
de l'arbitre des griefs en relation avec l'arbitre unique, question plus
technique mais que l'on pourra discuter s'il y a des interrogations. Nous
demandons, un peu plus loin, la suppression de l'expression "selon la
règle de droit" dans tout le mécanisme d'arbitrage pour la
remplacer par l'expression "selon l'équité et la bonne
conscience". Nous croyons que les mécanismes d'arbitrage dans les
conventions collectives doivent être dépouillées au maximum
du formalisme juridique, et nous ne nous expliquons pas cette intrusion, ici,
de l'expression "selon la règle de droit" dont nous nous sommes
passés fort bien jusqu'à maintenant. Nous croyons que les avocats
ont suffisamment d'autres manières d'élever leur famille que sur
cet article.
Nous demandons également l'ajout d'un alinéa qui
prévoit le pouvoir de rendre une décision réparatrice et
compensatoire, non seulement une décision complémentaire annulant
toute disposition d'une convention à l'effet contraire.
L'article 51, ce qu'on appelle l'"antiscabs", nous partons du point de
vue suivant: le lock-out est inflexible, il est imperméable, quand c'est
déclaré, il n'y a plus rien qui existe pour l'employé,
personne ne peut, même partiellement, le transgresser. Il doit en
être de même de la grève. Nous demandons la même
imperméabilité. En conséquence, la CEQ et la CSN
réitèrent leur demande d'établir une véritable loi
"antiscabs" prohibant la production de la même manière quand c'est
une grève que quand c'est un lock-out.
L'article 52 relatif au droit au retour au travail pour ceux qui ont
été en grève ou en lock-out. Nous croyons que cet article
a du bon sens, à l'approche générale de la question, mais
il y a un problème à propos du délai de 30 jours qui
limiterait à beaucoup d'égards le recours effectif des
travailleurs voulant se prévaloir de cet article. Il y a beaucoup de cas
connus où, après une grève, la production ne
rédémarre que lentement et par étapes, et le délai
de 30 jours ne permet pas toujours d'assurer l'exercice du recours.
Nous croyons qu'on devrait trouver une autre manière d'assurer ce
recours et de retirer le délai de 30 jours. L'article 59, relatif
à l'inclusion du procureur général comme partie pouvant
intenter une poursuite pénale en vertu du code, nous croyons que ce
n'est pas une trouvaille très heureuse. Beaucoup de protocoles de retour
au travail prévoient explicitement le retrait de telle ou telle
poursuite dans le seul but de permettre le rétablissement de la paix
industrielle.
Il ne s'agit pas toujours d'employeurs privés
qui ont accepté ce genre de protocole. Dans la mesure où
le procureur général n'a pas d'intérêt
immédiat à régler les conflits dans un protocole de retour
au travail, le risque c'est de les voir se poursuivre sans véritable
nécessité, c'est d'avoir un deuxième conflit portant sur
le retour au travail après en avoir réglé un sur le fond,
sur le contenu. Nous rappelons à la commission que la Commission de
réforme du droit du Canada, dans son document de travail no 20 portant
sur l'outrage au tribunal, propose elle-même de continuer à
laisser l'initiative des poursuites en outrage aux mains des parties civiles
parce que ce qui devrait être davantage recherché par le droit,
prétend-elle, c'est l'établissement de la paix et non pas des
règlements de compte à n'en plus finir. Nous demandons le retrait
de cet article.
Conclusion. Nous voulons souligner à la commission parlementaire
que les amendements, parfois positifs, en bon nombre positifs, que
suggère le projet de loi 45 sont, non pas le résultat de quelques
machiavéliques combines, mais tout simplement le fruit de luttes
très dures qu'ont dû mener les travailleurs dans le Québec
dans un passé éloigné et tout récent. Des
événements non seulement spectaculaires, mais absolument
inadmissibles se sont produits et ont donné ouverture à certains
amendements qui se retrouvent au projet de loi. Nous n'acceptons pas du tout
que le patronat vienne essayer, par certaines manoeuvres ou certaines
affirmations, de paralyser le développement du syndicalisme.
Les travailleurs au Québec ne sont même pas
syndiqués à 50%. Des propos qui n'admettent même pas
certaines normes se référant à des instruments
internationaux élaborés il y a 30 ans, nous pensons que ce sont
des propos qui ne devraient pas être retenus. Bien des mesures
importantes additionnelles réclamées par les travailleurs et nos
centrales depuis longtemps ne sont pas incluses au projet de loi c'est
à l'adresse de ceux qui s'énervent en pensant qu'il y en a trop
dans le projet de loi 45. Nous rappelons que le projet de loi 45 n'accorde que
quelques amendements parmi toutes les réformes demandées par nos
organisations, traitant de la sécurité et de la santé au
travail les travailleurs doivent encore se battre pour obtenir des
protections traitant de la maternité, de la syndicalisation des
cadres, de l'interdiction des briseurs de grèves professionnels,
etc.
Ceux qui croient que le projet de loi 45 vient
déséquilibrer au détriment des employeurs et du patronat
toute l'architecture et l'économie du Code du travail, ceux-là
nous croyons qu'ils devraient relire la réalité avec des yeux de
1977-1978. Merci.
Le Président (M. Clair): Sans plus tarder, j'inviterais M.
Laberge, de la FTQ, à enchaîner. M. La-berge, si vous voulez
également présenter les gens qui vous accompagnent.
Fédération des travailleurs du
Québec
M. Laberge (Louis): Votre désir m'a
précédé de quelques secondes à peine. J'allais, M.
le Pré- sident, M. le ministre, MM. les membres de la commission,
débuter en vous présentant, bien sûr, Jean
Gérin-Lajoie, vice-président de la FTQ et directeur
québécois du Syndicat des métallos. Roger Laramée,
vice-président de la FTQ et directeur québécois du
Syndicat canadien de la fonction publique. Plusieurs militants et permanents,
Pierre Richard, directeur de l'information à la FTQ, etc. Evidemment, on
veut essayer de faire cela le plus rapidement possible, acceptant les
remerciements d'Yvon Charbonneau à la CSN comme s'appli-quant un peu
à nous, vu qu'on leur aura prêté un peu de notre temps.
Avant d'exposer son point de vue devant votre commission, la
Fédération des travailleurs du Québec, porte-parole de
quelque 350 000 travailleurs syndiqués québécois, tient
à préciser qu'elle souhaite que la discussion du projet de loi 45
se fasse de la façon la plus concise, la plus sérieuse et la plus
sereine possible.
Nous déplorons vivement que le Conseil du patronat du
Québec et quelques autres groupes aient cru bon de transformer le
débat sur la réforme du Code du travail en une vaste entreprise
démagogique pour servir leurs fins politiques. A écouter ceux qui
ont crié le plus fort depuis la présentation du projet de loi no
45, nous serions tentés de croire qu'ils n'ont pas vécu au
Québec au cours des dix ou vingt dernières années; qu'ils
n'ont pas eu connaissance du long et coûteux conflit à la United
Aircraft, Pratt & Whitney, où des travailleurs
québécois se sont littéralement fait voler leur emploi
parce qu'ils exigeaient une formule de sécurité syndicale
déjà consentie par les employeurs à plus de 85% des
travailleurs syndiqués; qu'ils n'ont pas été
témoins des dizaines de conflits qui ont
dégénéré en violence par suite de l'utilisation de
briseurs de grève. Nous croyons que le Conseil du patronat, dans le
présent débat, s'est fait le porte-parole de la minorité
la plus ré-trogade du patronat québécois.
Quant à nous, nous avons l'intention de réitérer
nos positions sur les points du projet de loi que nous jugeons positifs, sur
ceux à l'endroit desquels nous avons des réserves et enfin sur
ceux que nous croyons inacceptables.
La première constatation qui s'impose lorsque nous
étudions le projet de loi no 45, c'est que tous ses
éléments ont été l'objet d'un long débat
depuis dix à quinze ans. Tout a été dit et redit sur le
contenu de ce projet de loi. Tous les groupes intéressés, tant
patronaux que syndicaux, ont déjà pu faire connaître leurs
points de vue sur les divers éléments de cette réforme du
Code du travail.
Plus précisément, au cours des six dernières
années, les principaux porte-parole des travailleurs syndiqués et
du patronat ont pu débattre au sein du Conseil consultatif du travail et
de la main-d'oeuvre la plupart des points dont il est question dans le projet
de loi visant à modifier le Code du travail et la Loi du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. D'ailleurs, la
majorité des modifications proposées dans le présent
projet de loi ont déjà fait l'objet d'un accord entre les parties
au sein du CCTMO et se retrouvaient dans le projet de loi no 24 qui avait
été déposé devant
l'Assemblée nationale en juillet 1974, il y a donc exactement
trois ans et trois mois. On voit mal que les mêmes personnes parlent
encore d'un délai de six mois, huit mois, un an ou deux.
A nos yeux, le projet de loi no 45 ne constitue pas une réforme
majeure dans le domaine des relations de travail. Il s'agit tout au plus d'une
révision normale et à bien des égards incomplète et
insatisfaisante du Code du travail, en vue de mieux l'ajuster aux pratiques
quotidiennes des relations de travail et en vue de rattraper en partie un
dangereux retard sur la réalité sociale
québécoise.
Nous tenons à souligner clairement, afin de dégonfler
certains ballons soufflés par le patronat, que le projet de loi no 45 ne
contient pas les grandes réformes demandées par la FTQ et ses
syndicats affiliés depuis de nombreuses années, notamment la
pleine reconnaissance du droit à la grève par son extension,
ainsi que le véritable accès à la syndicalisation par le
biais de la syndicali-sation multipatronale.
En fait, le projet de loi no 45 est une mise à jour partielle du
Code du travail qui aurait dû survenir il y a plusieurs années
déjà, et, pour les travailleurs syndiqués, il constitue un
strict minimum qui permettra peut-être d'assainir le climat des relations
de travail.
Définition de "salarié". Avec raison, le projet de loi
propose ici de considérer comme salariés au sens du code les
salariés qui agissent comme administrateurs ou officiers d'une
corporation s'ils sont désignés par les autres salariés ou
l'association accréditée. Dans le même sens, et nous
croyons qu'il s'agit d'un simple oubli, il faudrait aussi couvrir les
salariés qui agissent comme officiers ou administrateurs d'une
corporation après avoir été désignés par les
usagers de cette corporation, par exemple, dans le cas d'une institution
hospitalière.
Scrutin secret pour élection, vote de grève, acceptation
ou refus de projet de convention collective et retour au travail.
La FTQ juge inacceptable et inutile l'insertion de ces articles dans le
Code du travail. Les modes de scrutin employés dans le cas de
l'élection des officiers, de l'acceptation ou du rejet des conventions
collectives, du recours à la grève sont strictement du ressort
des travailleurs concernés. Ce sont eux qui, démocratiquement
décident des règles à suivre. Il s'agit là de la
régie interne des organisations syndicales.
L'ingérence de l'Etat dans ce domaine est inacceptable. Nous ne
croyons pas que ce soit l'intention de votre gouvernement d'en arriver à
une mainmise de l'Etat sur les organisations démocratiques des
travailleurs. Mais tout le monde sait que les régimes totalitaires en
sont arrivés à exercer une telle mainmise par une suite de gestes
dont l'un des premiers a été de réglementer les scrutins
syndicaux. Dans ce cas-ci, la réglementation proposée nous semble
particulièrement odieuse du fait qu'il n'y a rien de prévu en ce
qui concerne les décisions prises par la partie patronale. Comment sont
prises les décisions de décréter un lock-out ou de refuser
de négocier, de rejeter les demandes soumises par les travailleurs
syndiqués? On peut donc s'interroger sur la qualité et la
démocratie dans certains syndicats qui sont l'exception, mais du
côté patronal, on ne peut même pas parler de
démocratie.
Tout se décide en catimini par quelques hommes tout-puissants,
sans même que les actionnaires puissent dire leur mot.
Si l'ingérence de l'Etat dans la vie syndicale est inacceptable,
elle est aussi inutile. En effet, la grande majorité des statuts et
règlements des syndicats affiliés à la FTQ
prévoient déjà l'usage du scrutin secret pour
l'acceptation ou le rejet de la convention collective, pour l'élection
des officiers et dirigeants, pour le recours à la grève et pour
le retour au travail. Nous pouvons aussi affirmer que, sauf dans de très
rares cas découlant de situations exceptionnelles, les dispositions
prévoyant le scrutin secret sont suivies.
Au-delà de la question de principe, nos objections sur ces
dispositions du projet de loi portent sur les problèmes
qu'entraîneront inévitablement les multiples
interprétations qui peuvent être données à
celles-ci. Ces dispositions ouvrent la porte à une guérilla
juridique qui pourra être menée par quelques individus
désireux d'entraver au maximum l'action syndicale. Par ailleurs, si
votre gouvernement persiste dans son intention de réglementer ces divers
scrutins, il doit s'assurer que ces dispositions n'auront pas pour effet
d'entraver la vie syndicale et d'ouvrir de nouvelles avenues aux avocasseries
antisyndicales. Il devra, au moins, préciser un certain nombre
d'expressions contenues dans ces articles et empêcher le recours abusif
et antisyndical au harcèlement judiciaire.
La FTQ s'oppose avec vigueur au contenu de l'article 19j qui ouvre la
porte toute grande à rémission d'injonctions par la Cour
supérieure, tribunal compétent. Une telle disposition permettrait
à tout individu de paralyser l'action syndicale décidée
démocratiquement par une majorité de salariés. Si le
gouvernement veut réglementer les scrutins syndicaux, il doit cependant
exclure de ce domaine les tribunaux de droit commun et limiter les recours
possibles au seul Tribunal du travail. Nous tenons, à cet égard,
à porter à votre attention le chevauchement ou la confusion entre
deux procédures. Les articles 19c à 19i prévoient une
procédure de recours dans le cas de la violation de l'article 19a, alors
que l'article 19j prévoit une autre procédure dans le cas de la
violation de l'article 19b. Ce chevauchement entre deux procédures doit
être éliminé et, fondamentalement, tout recours doit
ultimement et exclusivement s'exercer auprès du Tribunal du travail.
Nous croyons, par ailleurs, qu'il y aurait lieu de préciser ce
qu'on entend par l'expression "fonction de direction" qui peut être
l'objet de multiples interprétations. Couvre-t-elle uniquement les
officiers élus ou s'étend-elle aux fonctions de directeurs de
grève responsable des griefs, etc.?
Enfin, pour éviter de longs débats juridiques sur les
multiples interprétations qui peuvent en être données, nous
recommandons que l'expression "déclenchement de grève" soit
remplacée
par "recours à la grève", expression faisant
déjà partie du Code du travail actuel et dont tout le monde
connaît la signification.
Salariés professionnels. L'amendement proposé à
l'article 10b du projet de loi no 45 encourage la multiplication et le
fractionnement des unités de négociation. Le Code du travail
actuel limite l'obligation de former des unités distinctes de
négociation aux membres des professions suivantes: avocats, notaires,
médecins, dentistes, techniciens dentistes, pharmaciens,
optométristes et opticiens d'ordonnance, médecins
vétérinaires, agronomes, architectes, ingénieurs,
arpenteurs, ingénieurs forestiers, chimistes professionnels et
comptables agréés. Quand je dis limite aux fonctions suivantes,
cela veut dire qu'il ne les nommait pas toutes.
La Loi de la Fonction publique permet aux membres de ces
différentes corporations professionnelles de se regrouper dans la
même accréditation. Dans son projet de loi no 45, le gouvernement
étend l'obligation de former des unités distinctes aux membres
des 38 corporations énumérées à l'annexe 1 du Code
des professions. Parmi les groupes ajoutés, on retrouve les techniciens
en radiologie, les infirmières et infirmiers, les
diététis-tes, les travailleurs sociaux, les
physiothérapeutes, les ergothérapeutes, les technologistes
médicaux, les infirmières et infirmiers auxiliaires. Il faut
ajouter qu'à l'alinéa suivant le projet de loi permet aux membres
de chacune de ces professions de se regrouper suivant certaines conditions. On
retrouve la grande majorité des membres salariés de ces
professions dans le secteur public et parapublic, plus particulièrement
dans le secteur des affaires sociales.
Ainsi, la FTQ représente quelques milliers d'infirmières
et d'infirmiers auxiliaires. Ces travailleurs font partie d'unités
générales de négociation avec les autres catégories
de personnel: employés de bureau, d'entretien, de cuisine, de nursing,
etc. Cet amendement du projet de loi no 45 a donc pour effet de fractionner
l'unité de négociation et d'isoler ces groupes de travailleurs
des autres travailleurs. Nous nous inquiétons de voir le gouvernement
encourager la formation d'unités corporatistes qui nous paraissent
anachroniques et contradictoires par rapport à la dimension provinciale
et aux caractéristiques des négociations dans le secteur public
et parapublic.
En effet, les conventions collectives dans ce secteur s'appliquent
généralement à tout le monde et permettent de
prévoir des dispositions particulières pour certaines
catégories d'emplois ou pour certains types de situation.
Nous sommes convaincus que les professionnels sont des salariés
qui sont dans la même situation que les autres travailleurs, face
à leur employeur, particulièrement dans le secteur public. La
détermination de leurs conditions de travail et leur force de
négociation s'inscrivent dans le cadre général qui
caractérise les relations de travail au Québec. Le gouvernement
ne doit donc pas chercher à briser les liens de solidarité qui se
développent entre les diverses catégories de travailleurs dans
l'action syndicale. Nous voulons également vous souligner que le
fractionnement des uni- tés de négociation n'aura pas
nécessairement pour effet de diminuer le nombre de conflits. Au
contraire, cet amendement peut les augmenter. Les particularités propres
aux professions ne font pas le poids face à la communauté
d'intérêts entre les membres de ces professions et les autres
travailleurs face au même employeur, particulièrement lorsque ce
dernier est l'Etat.
C'est pourquoi nous proposons au législateur d'abolir toute
disposition du projet de loi et du Code du travail qui empêche les
membres des corporations professionnelles de faire partie des mêmes
unités de négociation que les autres travailleurs.
Règle de 35% pour déclencher un vote
d'accréditation. Cette disposition qui prévoit qu'il y a
obligatoirement un vote pour déterminer le caractère
représentatif d'une association lorsque celle-ci regroupe entre 35% et
50% des salariés est déjà en vigueur aux Etats-Unis, et
des formules semblables sont aussi prévues dans plusieurs provinces
canadiennes. Nous croyons que, dans certains cas, cette formule peut faciliter
la syndicalisation. Elle ne saurait cependant aucunement suppléer
à une réforme en profondeur du Code du travail en vue de
permettre un véritable accès à la syndicalisation.
D'autre part, dans le cas où il y a déjà une
association accréditée ou s'il y a plus d'une association
requérante, ce qui est prévu au deuxième alinéa de
l'article 18, il y a lieu de fixer un pourcentage minimum de
représentativité en bas duquel une association ne pourrait pas
participer au vote. Selon nous, un tel minimum aurait pour but
d'éliminer les associations créées en dernière
minute avec le soutien de l'employeur dont la raison d'être est
d'empêcher toute association d'atteindre 50% plus un. Ce pourcentage
minimum de représentativité devrait être de 35%.
Précompte syndical obligatoire. Cette disposition qui
prévoit le précompte syndical obligatoire pour tout
salarié faisant partie d'une unité d'accréditation ne fait
que reconnaître et étendre à toutes les entreprises
où il y a un syndicat ce que les employeurs ont déjà
consenti dans les conventions collectives pour 85% à 95% des
travailleurs syndiqués.
Il ne s'agit donc pas d'un bouleversement de l'économie des
relations de travail. Il s'agit de reconnaître, pour tous les
travailleurs syndiqués, un droit qui est déjà reconnu pour
la très vaste majorité d'entre eux. D'ailleurs, les provinces du
Manitoba et de la Saskatchewan ont déjà
légiféré pour généraliser le
précompte syndical et, dans le cas de la Saskatchewan, on prévoit
même "le maintien de l'appartenance à l'union".
La FTQ tient à rappeler que si une telle disposition avait
déjà existé dans le Code du travail, nous aurions pu
éviter ou, tout au moins, écourter les longs et pénibles
conflits de la United Aircraft et de la Canadian Gypsum. La FTQ croit
également qu'il est profondément malhonnête et bassement
démagogique de tenter de confondre la formule proposée de
précompte syndical avec la formule telle que
décrétée par le juge Rand, en 1946, dans le conflit
à la compagnie Ford. Ceux
qui tentent aujourd'hui de ressusciter les conditions rattachées
à la formule de 1946 oublient de mentionner que ces conditions n'ont
jamais été reprises depuis ce temps par les employeurs et les
syndicats qui ont négocié le précompte syndical
obligatoire.
Conciliation non obligatoire. La FTQ juge très positive
l'approche que le projet de loi propose au sujet de la prévention des
conflits de travail. En ne faisant plus de la conciliation une formalité
obligatoire à remplir pour acquérir le droit à la
grève, le projet de loi aura pour effet, selon nous, de revaloriser la
conciliation comme outil de prévention et de règlement des
conflits, La décision de l'une des parties de demander l'intervention
d'un conciliateur prendra alors toute sa signification.
Première convention collective, possibilité d'arbitrage.
Il y a lieu ici de noter que plusieurs des conflits les plus longs et les plus
durs surviennent au moment de la négociation d'une première
convention collective. Cette première convention collective est souvent
considérée par l'employeur comme une occasion de briser le
syndicat nouvellement formé. Dans les faits, plusieurs des conflits qui
surviennent au moment de la négociation de la première convention
collective sont des conflits pour la reconnaissance syndicale et
dégénèrent en des situations
désespérées.
Nous ne croyons pas qu'il y ait lieu de généraliser
l'usage des dispositions prévues dans ces articles. Le plus souvent, il
est préférable de laisser jouer le rapport de forces entre les
parties concernées plutôt que de s'en remettre à
l'intervention d'un tiers. Cependant, les mécanismes proposés
peuvent être valables dans les situations irrémédiablement
détériorées et, dans ce sens, la FTQ et ses syndicats
affiliés sont prêts à en faire un essai loyal. Ce n'est pas
le cadeau venant tout droit du ciel auquel s'attendait la FTQ; chez nous les
opinions sont en fait assez partagées, je dois vous le dire. Plusieurs
syndicats parmi les mieux structurés, les plus militants, les plus
forts, si vous voulez, trouvent un peu dangereuse cette possibilité
d'intervention du ministre. Toutefois, encore une fois, dans
l'intérêt d'essayer d'assainir le climat social, on s'est dit:
Bon, on est prêt à en faire un essai loyal. Je n'ai pas besoin de
vous dire qu'il y a aussi plusieurs syndicats chez nous qui croient que, dans
certains cas, cela aurait pu aider. On connaît d'ailleurs les conflits
qui existent depuis je ne sais combien de mois à Radiomutuel, on
connaît le conflit qui a duré à Canada Tire et cela se
retrouve évidemment autour d'une première convention collective,
mais, dans le fond, c'est la reconnaissance du syndicat à laquelle
l'employeur s'oppose.
Comme ces dispositions visent à répondre à
certaines situations exceptionnelles où un employeur refuse
systématiquement de négocier une première convention
collective, nous croyons qu'il y a lieu de préciser que seule la partie
syndicale pourra recourir à ces dispositions. Dans tous les autres cas,
il vaut mieux se limiter aux règles actuelles. Il y a lieu de
préciser dans le texte de loi que, lorsqu'il est question de
première convention collective, il s'agit de la première
convention collective entre les deux parties. Nous demandons aussi que la
durée d'un an rattachée à la sentence arbitrale s'applique
à compter du moment où la partie syndicale demande au ministre de
soumettre le différend d'un conseil d'arbitrage.
Arbitrage des griefs: règle de droit. Le mouvement syndical a
toujours tenu à ce que les relations de travail soient guidées
par l'équité et la bonne conscience et échappent à
la rigidité procédurière de la vie judiciaire. C'est
pourquoi nous nous opposons à ce que la règle de droit s'applique
au règlement des griefs et nous tenons à ce que, dans tous les
cas, les décisions soient rendues en vertu de la seule preuve recueillie
et selon l'équité et la bonne conscience.
Dispositions antibriseurs de grève. Même s'il s'agit de cas
isolés, il y a quand même trop de conflits de travail au
Québec qui donnent lieu à des affrontements violents. Les causes
de ces accrochages peuvent être multiples mais, à moins
d'être aveugles ou malhonnêtes, il faut reconnaître que la
source principale de la violence dans les conflits de travail, c'est la
décision de l'employeur de remplacer ses salariés en grève
ou en lock-out par un personnel agissant comme briseur de grève. Nous
croyons qu'une interdiction réelle et complète aux employeurs de
remplacer les salariés en grève ou en lock-out par du personnel
scab ou briseur de grève éliminerait la principale source de
violence.
Selon la FTQ, l'article 97a constitue une nette amélioration par
rapport à la situation actuelle qui laisse une complète
liberté à un employeur de briser une grève par tous les
moyens qu'il juge appropriés; tel que formulé, l'article 97a
devrait éviter la prolongation inutile de certains conflits et certains
affrontements violents. Cet article est cependant fort incomplet et peut
être contourné assez facilement par certains employeurs;
notamment, selon l'analyse que nous en faisons, il n'empêche pas un
employeur: a) de faire appel à son personnel d'une autre usine pour
venir remplacer les salariés en grève ou en lock-out; b)
d'utiliser son personnel de cadre ou son personnel non syndiqué ou non
couvert par l'unité en grève pour remplacer les salariés
en grève ou en lock-out; c) de transférer sa production dans une
autre de ses usines; d) d'octroyer des sous-contrats pour faire effectuer le
travail des salariés en grève ou en lock-out.
Si c'est vraiment l'intention du gouvernement d'interdire que le travail
d'un salarié qui exerce son droit de grève soit effectué
par une autre personne et s'il veut que toutes les entreprises soient
traitées sur le même pied à cet égard, il doit faire
en sorte que l'article 97a couvre au moins les deux premiers cas que nous
venons de mentionner: interdiction à un employeur de transférer
son personnel d'une autre usine pour venir remplacer les salariés en
grève ou en lock-out, et interdiction d'utiliser le personnel de cadre
ou le personnel non syndiqué ou non couvert par l'unité en
grève pour effectuer le travail des salariés en grève ou
en lock-out. Nous soulignons que ces deux points touchent avant tout les
grandes entreprises et leur inclusion dans le projet de loi rétablirait
un équilibre avec la situation des petites et moyennes en-
treprises. D'autre part, la FTQ s'oppose fermement au paragraphe iii. du
point b) de l'article 97a.
Cette disposition a pour effet de reprendre dans le Code du travail la
Loi visant à assurer les services de santé et les services
sociaux essentiels en cas de conflit de travail." Cette loi, adoptée
sous pression par le gouvernement précédent, est
profondément inique et elle constitue une négation du droit
à la grève pour une partie importante des salariés du
secteur public. Nous soutenons que les services essentiels doivent faire
l'objet d'une négociation entre les parties concernées et
rappelons que, lorsque ces services sont imposés par la décision
unilatérale d'une tierce partie sup-posément neutre, ils ont peu
de chance d'être respectés. Nous soulignons aussi
l'inconséquence dont fait preuve le gouvernement en reprenant dans le
Code du travail une loi qu'il ? lui-même en quelque sorte
désavouée en annulant toutes les poursuites qui en
découlaient. Nous demandons donc le retrait complet du paragraphe iii et
nous réitérons notre demande d'abroger la loi inique et
inefficace sur les services essentiels.
A certains prophètes de malheur, nous rappelons que c'est une
petite minorité d'employeurs qui a recours à des "scabs" ou
briseurs de grève au moment des conflits de travail. D'ailleurs, je
pense que des chiffres assez éloquents ont été
donnés lors des auditions, mardi, je ne les reprendrai pas car vous les
avez. Tolérer le comportement rétrograde de cette minorité
d'employeurs équivaut à nier dans les faits un droit de
grève que l'on dit reconnaître comme fondamental.
Enfin, quant au supposé impact que ces dispositions "antiscabs"
pourraient avoir sur les petites et moyennes entreprises, la FTQ note qu'il
existe d'autres façons de venir en aide à ces entreprises que de
leur permettre d'utiliser des "scabs" au moment d'un conflit, et que de poser
ainsi le problème, c'est faire insulte à la grande
majorité des petites et moyennes entreprises qui veulent entretenir des
relations de travail civilisées avec leurs salariés.
Droit de retrouver son emploi après un conflit.
Le droit pour un salarié qui a fait grève ou lock-out de
recouvrer à la fin du conflit son emploi, de préférence
à toute autre personne, est un droit qui découle du droit
à la grève et il doit être affirmé sans aucune
ambiguïté dans le Code du travail. L'employeur ne doit recourir
à aucune forme de discrimination à l'égard des
salariés lors du retour au travail, tant au niveau du poste à
recouvrer par le salarié qu'au niveau des conditions
générales de travail. L'employeur a le fardeau de la preuve dans
tout cas de modification aux conditions de travail d'un salarié qui
revient au travail.
Enfin, le délai de 30 jours prévu pour porter plainte est
beaucoup trop court car, dans de nombreux conflits, le retour au travail
s'effectue sur une période souvent plus longue que ce délai. En
conséquence, nous demandons que le délai à
l'intérieur duquel un travailleur peut porter plainte soit
l'équivalent de la période prévue dans la convention
collective pour le rappel des travailleurs en cas de mises à pied.
Poursuite en vertu du Code. L'amendement proposé a pour effet
d'ouvrir toute grande la porte à l'intervention du procureur
général dans le domaine des relations de travail. Nous tenons
à ce que les relations de travail soient protégées le plus
possible contre ce genre d'interventions et nous demandons que, s'il y a
poursuite à prendre en vertu du Code du travail, cela soit laissé
aux parties concernées.
En guise de conclusion, la FTQ insiste sur le fait que la mise à
jour du Code du travail par le projet de loi no 45 ne saurait pas tenir place
des réformes plus en profondeur que nous jugeons urgentes et
indispensables, principalement celles concernant le droit à la
syndicalisation. En effet, on aura bien beau réviser, mettre à
jour et fignoler le Code du travail, celui-ci demeurera un instrument inutile
pour la majorité des travailleurs québécois tant et aussi
longtemps que les lois ne leur permettront pas d'avoir accès à la
syndicalisation. C'est d'ailleurs dans la perspective de réformes plus
profondes qu'il faut évaluer la campagne menée par une partie du
patronat, qui n'hésite pas à recourir au chantage habituel (perte
d'investissements, menaces de fermetures, alarmisme économique, etc.).
Cette campagne n'a pas de sens et est complètement
démesurée si l'on s'en tient uniquement au projet de loi no 45
qui, somme toute, est une révision assez timide du Code du travail. Le
chantage patronal prend cependant tout son sens lorsqu'on le considère
comme une façon de bloquer des réformes à venir en tentant
de faire croire à la population que le présent projet de loi
constitue un chambardement complet des relations de travail en faveur des
travailleurs syndiqués. Par la campagne actuelle, nous croyons que le
patronat ne veut pas tant faire échec au projet de loi no 45 qu'aux
réformes urgentes qui s'imposent dans le domaine de la santé et
la sécurité au travail, des fermetures d'entreprises et de
l'accès à la syndicalisation.
La FTQ invite le gouvernement et l'Assemblée nationale à
ne pas se laisser impressionner par les épouvantails agités par
une minorité du patronat et par le chantage exercé par celle-ci.
Dans ce sens, nous nous inquiétons vivement des récentes
déclarations du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre qui laissent
croire qu'avant de songer à procéder à toute autre
réforme, notamment à celle concernant l'accès à la
syndicalisation, il y a lieu de procéder à un vaste examen de
tout le domaine des relations de travail.
Nous sommes d'accord pour que chaque réforme fasse l'objet d'un
examen sérieux, mais nous soutenons que les problèmes de
relations de travail, particulièrement celui de la négation du
droit à la syndicalisation, sont bien connus et que des solutions
sérieuses ont déjà été
élaborées. Il n'y a pas lieu d'ajourner de quelques
années, sinon davantage, des réformes dont l'urgence s'impose,
sous prétexte de redéfinir tout le cadre des relations de
travail.
Le Président (M. Clair): Merci, M. Laberge. Dans un
premier temps, je reconnaîtrai le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, le député de Saint-Laurent, le
député de Johnson et le député
de Beauce-Sud. A titre indicatif, je pense qu'il serait normal et
conforme aux usages de réserver, dans un premier temps, une vingtaine de
minutes pour le ministre, une quinzaine de minutes pour le député
de Saint-Laurent, la même chose pour le député de Johnson,
et une dizaine de minutes pour le député de Beauce-Sud. Dans un
deuxième temps, s'il y a encore des minutes disponibles, je prendrai en
liste les députés qui voudront intervenir au fur et à
mesure qu'ils en manifesteront le désir.
M. le député de Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, je n'ai pas d'objection à
me limiter à dix minutes pour permettre à d'autres membres de la
commission parlementaire d'intervenir. Maintenant, lorsque vous avez
parlé d'une habitude, ce n'est pas une habitude; c'est une suggestion
que vous faites, que j'accepte ce matin de bon gré en guise de
collaboration. Je ne voudrais pas que cela constitue un
précédent.
Le Président (M. Clair): Si vous acceptez, cela va,
immédiatement, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
Réplique du ministre
M. Johnson: Messieurs, d'abord, je vous remercie de vos
exposés, de vos mémoires, de vos commentaires et même de
certaines de vos inquiétudes. Cela montre que ce n'est pas le monopole
d'une partie, dans le domaine du travail, les inquiétudes.
J'aimerais vous poser quelques questions précises et je vais
essayer de le faire en passant le moins possible de commentaires
généraux. Cependant, sur le vote secret, bien que je reconnaisse
que le mécanisme élaboré dans le projet de loi 45 et qui
fera l'objet d'amendements est fort complexe, lourd et que, d'autre part, il
donne ouverture, peut-être, à ce qui pourrait être un grief
judiciaire, j'aimerais m'adresser ici au fond du principe de l'intervention du
législateur quant au vote secret. Je suis conscient, et je pense que le
gouvernement est fort conscient, que la majorité des syndicats
prévoit des dispositions quant au vote secret. Nous sommes, d'autre
part, conscients qu'il y a, encore une fois, dans la majorité des
syndicats, un exercice du vote secret avant ces décisions auxquelles
nous nous référons.
Cependant, je m'étonne un peu, de la part des
représentants des trois centrales syndicales que nous entendons, qu'on
qualifie cela d'ingérence du gouvernement, alors que, pourtant, du
revers de la main, on se félicite de l'ingérence du gouvernement
quant au précompte syndical. C'est une ingérence du gouvernement
d'imposer le précompte syndical dans ces 10% à 15% des
conventions collectives qui ne le prévoient pas, sous une forme ou une
autre, et je n'entends pas les représentants des centrales syndicales
s'en plaindre. Cependant, je les entends se plaindre un peu du vote secret. Au
fond de la question, puisque la majorité des syndicats a des
dispositions en ce sens, puisque la majorité d'entre eux,
également, exerce ce vote secret, je vois un peu mal comment on pourrait
s'y opposer.
J'aurais, cependant, quelques questions précises sur la
première convention collective quant à une question fort
technique j'aimerais avoir votre opinion sur cela ce matin soit
le délai de l'arbitre pour rendre sa sentence. Est-ce que ce
délai doit être, à toutes fins pratiques, dirimant? Est-ce
qu'il devrait commencer à partir des auditions, de la nomination ou de
la prise en délibéré? Le genre de problème que
soulèvent les arbitrages m'apparaît assez important.
Une seconde question touche le devoir découlant, à mon
avis, du précompte syndical obligatoire. N'envisagez-vous pas avec
sérénité que les syndicats ont un devoir de
représentation de tous les membres de l'unité, et de justice,
d'équité et de non-discrimination à l'égard de tous
les membres de l'unité quand il s'agit de porter un grief en arbitrage?
Je sais qu'en 1969 il y a eu une entente au niveau du Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre, que finalement la notion de monopole de
représentation, qui est une notion fondamentale dans le syndicalisme
nord-américain, devait finalement presque primer sur la notion du droit
de l'individu d'exercer ce pouvoir de grief découlant d'une convention
collective et de son application.
Cependant, je vous réfère à des notions comme
celles qu'on retrouve en Ontario: "The duty of fair representation" des
syndicats à l'égard de tous les membres de l'unité. Je
dois vous avouer que, personnellement, au niveau des principes, je les trouve
intéressantes. J'aimerais avoir quelques-uns de vos commentaires
à ce sujet.
Quant à la question du morcellement des professions, nous sommes
très conscients du problème que pose le projet de loi 45 tel que
rédigé. Nous envisageons, tout en essayant de respecter ces
particularités d'un certain groupe de travailleurs à
l'intérieur particulièrement du système public et
parapublic, cependant de ne pas ouvrir la porte à une balkanisation
totale ou à un effritement total à ce niveau.
J'aurais finalement, au sujet des dispositions antibriseurs de
grèves, une question probablement difficile pour vous. Tel que
rédigé, et quels que soient les atténuations,
remaniements, ajustements, précisions qui soient apportés aux
dispositions antibriseurs de grèves, le scénario suivant pourrait
se dérouler. Vous avez une entreprise qui est en grève depuis
cinq, six, huit, dix mois. Vous avez 90% des travailleurs de cette entreprise
qui exercent leur droit de grève mais qui, de fait, sont maintenant
resitués sur le marché du travail, sont fort heureux d'être
là où ils sont et n'ont aucune intention de retourner dans cette
entreprise. Comment sort-on du cul-de-sac? Je suis conscient que c'est un
scénario assez unique et qui découlerait des dispositions du
projet de loi tel qu'il est rédigé en ce moment.
Finalement, un dernier sujet qui a fait l'objet de longues discussions
et de longs commentaires, avant-hier, par les représentants du Conseil
du patronat, c'est le phénomène de la violence dans les relations
de travail. Pour m'en être entretenu avec
tous et chacun d'entre vous ainsi qu'avec les représentants du
Conseil du patronat individuellement, depuis ma nomination, j'aimerais vous
entendre parler un peu du phénomène de la violence dans les
relations de travail au Québec.
Je pense que c'est un peu ce qui sous-tend certains malaises. Quand on
parle de bonne foi et qu'on trouve qu'il y a là beaucoup de
naïveté, je pense que ces réticences devant des propos qui
évoquent la bonne foi traduisent une inquiétude dans notre
société, qu'elle soit à travers des sondages CROP ou
autres, devant la dimension un peu fracassante de certains conflits. Je pense
qu'il faut, tous ensemble au Québec, dans les mois et dans les
années qui viennent, essayer de rétablir cette
sérénité oui a déjà existé en
matière de relations de travail. Je pense que la partie syndicale n'est
pas exempte d'efforts à fournir dans ce secteur, comme la partie
patronale, d'ailleurs, et je suis sûr que vous auriez des exemples de
violence et j'en connais quelques-uns, d'ailleurs qui proviennent
de la partie patronale.
Finalement, quant au vote secret, un élément que j'avais
oublié, et je cite ici le mémoire de la CSN et de la CEQ:
"Malgré le charriage et les exagérations du Conseil du patronat",
on considère qu'une plus grande participation des travailleurs aux votes
importants dans la vie syndicale est un élément majeur. Je me
demande comment vous envisagez concrètement les mesures pour favoriser
cette participation.
Est-ce que, par exemple, comme le soulignait quelqu'un récemment,
il ne faudrait pas commencer à réfléchir sur une notion
comme l'obligation imposée à l'employeur de fournir des locaux
pour le scrutin, le déroulement d'un scrutin sur une période
couvrant tous les "quarts" de travail dans une entreprise, par exemple,
où il y a trois quarts de travail? Est-ce qu'il y a une réflexion
qui a déjà été amorcée du côté
de la partie syndicale? Voilà l'ensemble des questions que j'avais
à vous poser.
On pourrait peut-être prendre chacun des sujets, le vote secret
pour commencer.
M. Rodrigue: Je pense que je vais faire brièvement
quelques remarques sur la question que vous posez. D'abord, quand vous comparez
le vote secret lorsqu'il est question de décision syndicale sur les
divers sujets que veut couvrir le projet de loi, c'est une chose. A mon avis
c'est de nature différente de l'autre question dont vous avez
parlé qui est le précompte syndical, qui est une condition ou une
situation qui a été créée à la suite de
négociation entre les parties et à la suite d'autres
interventions qu'on connaît et auxquelles on se réfère. Les
décisions syndicales ou la démarche pour arriver à
décider dans un syndicat, on l'a dit, on l'a
répété, c'est une démarche qui est faite et se fait
dans une démocratie ou dans l'exercice d'une démocratie que tout
le monde est obligé de reconnaître, même si d'intention le
gouvernement voudrait couvrir de façon globale cette situation.
Il me paraît que cette question est de nature complètement
différente. D'autre part, c'est vrai qu'on souhaite la participation
plus grande au vote des travailleurs. Concernant cette question il y a
effectivement dans les syndicats des dispositions qui veulent que, lorsqu'il y
a trois "quarts" de travail, par exemple, il y ait des votes sur les trois
"quarts" de travail. Il y a aussi des syndicats et là je parle
d'unités particulières, d'unités isolées qui,
effectivement procèdent par référendum si on peut
utiliser l'expression pour fins de consultation...
M. Johnson: Sûrement.
M. Rodrigue: II y a même des secteurs entiers, je
penserais, par exemple, à la Fédération des affaires
sociales, à la CSN, où c'est effectivement un vote qui se tient
pendant douze heures sur les lieux du travail alors que les parties se sont
entendues ensemble pour que les locaux soient disponibles à travers le
territoire québécois. Relativement à cela, M. le
Président, je pense que non seulement on peut soutenir qu'on y a
songé, mais on a pris aussi dans les syndicats des dispositions pour ce
faire, et on va toujours prendre des dispositions pour favoriser la
participation, parce qu'il y va de notre intérêt.
M. Johnson: M. Laberge, sur le vote secret.
M. Laberge (Louis): Sur le vote secret, M. le ministre, vu qu'on
n'a pas voulu systématiquement dénoncer l'ingérence
gouvernementale, on s'est limité à une. Dans les statuts et
règlements de tous nos syndicats, évidemment, il y en a qui ont
encore fait état de la commission Cliche qui a découvert quand
même certaines choses. On réalise qu'il y a eu des exceptions
qu'il y a eu des accrochages sérieux là-dessus, mais en fait,
malgré les accrochages sérieux qu'il y a eu là-dessus,
c'est au moins deux millions de fois plus démocratique que les
décisions qui se prennent du côté patronal. Cela, je pense
que tout le monde va en convenir. Je n'ai pas voulu exagérer trop,
j'aurais peut-être dit six millions, parce qu'on est six millions.
Nous croyons très sincèrement qu'un syndicat qui ne
s'assure pas qu'il a vraiment une majorité de ses membres dans une
unité de négociation donnée, avant de déclencher
une grève, c'est un syndicat idiot qui, de toute façon, non
seulement va perdre la grève, mais va disparaître. C'est assez
compliqué, assez difficile de gagner une grève si on peut
appeler cela gagner une grève quand la vaste majorité des
membres concernés sont en faveur et que vous avez un syndicat militant
et bien structuré. Un syndicat qui va s'aventurer avec une
minorité de ses membres s'étant prononcés en faveur d'une
grève, c'est complètement stupide.
Dans les faits, le patronat aurait énormément de
misère à me démontrer des cas patents.
Encore une fois, pour nous, ce n'est pas que le principe. Ce qui nous
fait le plus peur, pour être bien honnête, on l'a
déjà dit à plusieurs reprises, c'est qu'en
légiférant sur la question de la tenue d'un vote secret, on peut
s'embarquer dans un tas de poursuites judiciaires, dans un tas d'avocasse-ries,
pour employer le terme à la mode, qui se-
raient en quelque sorte la négation de l'exercice du droit de
grève par les travailleurs syndiqués.
M. Johnson: Sur la question du grief. Je m'excuse, M. Charbonneau
ou M. Pepin?
M. Rodrigue: M. le ministre, Marcel Pepin voudrait faire des
remarques sur cette question.
M. Pepin (Marcel): M. le ministre, au sujet de votre
première remarque sur les votes secrets comme étant l'intrusion
du gouvernement dans les affaires syndicales, vous avez mis cela en relation
avec la question de la formule Rand. Si vous procédez ainsi, vous allez
être obligé de déchirer tout le Code du travail parce que
ce dernier vient donner certains droits, normalement, aux travailleurs. C'est
uniquement le Code civil qui gouverne tous les rapports, non seulement
individuels, mais collectifs aussi.
De plus, dans un premier temps, quant au vote secret, vous avez une
convention internationale. J'ai cru comprendre que de la part de votre
gouvernement vous aviez l'intention de suivre les dispositifs des conventions
internationales adoptés à l'OFT. Je ne pense pas que vous
puissiez mettre cela l'un en regard de l'autre. Je ne pense pas, en tout cas,
que ce soit faisable.
Sur la première question que vous avez soulevée au sujet
de la première convention collective, le délai de l'arbitre, si
vous le rendez dirimant; cela veut donc dire, si j'interprète bien vos
propos, que dès le lendemain où la décision n'est pas
rendue mais que le délai est expiré, il n'y a plus d'arbitrage et
c'est terminé. Il faudra que vous prévoyiez, à ce
moment-là, peut-être plusieurs arbitrages. On ne peut pas s'en
aller avec un délai dirimant dans un cas comme celui-là, il y a
trop de risques que les travailleurs y perdent énormément.
L'employeur fera exprès de ne pas y être, l'arbitre sera
obligé de rendre une décision qui sera contestée parce
qu'il n'y aura pas eu entente des parties, etc. Bien sûr, il faudra faire
attention pour que vraiment le délai ne soit pas trop long et nommer des
gens disponibles pour éviter que le délai soit long.
Quant au délai lui-même, un délai de 60 jours
devrait être suffisant s'il s'agit de gens disponibles. Du moins, c'est
mon avis.
M. Johnson: Je m'excuse, M. Pepin, mais c'est 60 jours à
partir du moment de la nomination de l'arbitre.
M. Pepin: A partir de la nomination.
M. Johnson: Vous présumez donc que les parties seront
disponibles. On a eu une longue discussion avec le Conseil des arbitres du
Québec à ce sujet, la conférence des arbitres. Il semble
qu'on se plaigne... Il est vrai que des sentences arbitrales,
particulièrement dans les secteurs public et parapublic, prennent
jusqu'à deux ans et demi, ce qui est inadmissible et inconcevable.
Finalement, celui qui paie au bout de la ligne, c'est le travailleur qui a
exercé son droit de grief. Ce- pendant, on souligne l'absence de
disponibilité des parties. On me dit que cela vaut également pour
la partie syndicale. Comment voyez-vous la solution? Voyez-vous que le
délai, dont la sanction pourrait être autre que l'invalidation de
la sentence, pouvant, par exemple, être au niveau des honoraires de
l'arbitre, croyez-vous, dis-je, que ce délai devrait courir à
partir de la nomination vraiment ou à partir de l'audition des
parties?
M. Pepin: A mon avis, ce devrait être à partir de la
nomination. Déjà, le Conseil d'arbitrage a des pouvoirs de
contrainte pour faire témoigner. Il n'a pas des pouvoirs de contrainte
d'emprisonnement, mais pour faire témoigner. Il est vrai de dire que du
côté syndical il peut arriver aussi un manque de
disponibilité, mais il ne s'agira pas ici d'un très grand nombre
de cas. Je pense qu'on peut imaginer qu'il ne s'agira pas de centaines de cas
annuellement; ce sont beaucoup plus des cas d'espèce. C'est le ministre
qui aura à exercer sa discrétion s'il accorde ou non l'arbitrage.
Je sais que le délai de 60 jours peut paraître court, mais il me
semble que plus on va prolonger, plus on va maintenir un climat social
très détérioré dans l'entreprise jusqu'à la
décision arbitrale.
M. Johnson: Je m'excuse, mais je pense qu'il y a une confusion
entre les deux arbitrages. Je parle de l'arbitrage des griefs et non pas de
l'arbitrage de la première convention collective.
M. Pepin: Ah! J'ai compris qu'on en était encore à
la première convention collective, excusez-moi. Sur le premier point,
sur l'arbitrage des griefs, nous avons toujours soutenu qu'il faudra prendre
les moyens du côté syndical, s'ils ne sont pas pris, pour que les
arbitrages ne durent pas des mois et des années dans certains cas. Si on
a quelque chose à se reprocher, parce que le système est
là, il faut modifier le système pour nous obliger, pour obliger
toutes les centrales à faire en sorte que les griefs se règlent.
On utilise trop cette procédure à des fins parfois tactiques ou
stratégiques. Je le comprends, quand les lois sont ainsi faites, mais il
faut, à mon avis, le modifier. Je pensais que vous vous
référiez à la première convention collective.
M. Laberge (Louis): M. le ministre, votre question concerne les
délais pour l'arbitrage des griefs.
M. Johnson: Oui.
M. Laberge (Louis): Ah bon! Evidemment, là-dessus, nous
sommes d'accord avec la réponse donnée par Marcel Pepin.
Toutefois, sur l'arbitrage pour une première convention collective, on
diffère pas mal. On ne parle pas de délai; cela devrait se faire
le plus rapidement possible, mais pour nous le conflit doit continuer tant que
la sentence arbitrale n'est pas rendue.
M. Bellemare: Si j'ai bien compris votre mémoire, on
disait que cela devait compter à partir de la date de la demande de
grief, et non pas de la nomination de l'arbitre.
M. Laberge (Louis): La première convention collective
d'une durée d'un an, oui.
M. Bellemare: Oui.
M. Laberge (Louis): Enfin, il faut bien déterminer
où cela commence et où cela finit. On a suggéré
cela.
Le Président (M. Clair): M. Rodrigue, vous avez encore
quelque chose?
M. Rodrigue: Un bref commentaire, oui, sur l'arbitrage des
griefs. On est prêt à prendre les reproches qui nous incombent,
mais un des facteurs importants qu'il faut souligner, c'est le monopole
détenu par certains bureaux de conseillers juridiques qui conseillent
les employeurs et qui effectivement provoquent des délais
épouvantables. Je pense que je dois le noter, parce que c'est
constaté; qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, on n'a
qu'à regarder la situation et on va le voir tout de suite. On peut
décrire, compter sur nos mains le nombre de bureaux d'avocats qui
desservent les employeurs dans des secteurs entiers.
M. Johnson: M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Pour répondre à la question
concernant le vote secret, nous avons étudié de près les
statuts de nos syndicats, mais nous avons aussi regardé la pratique. Si
on peut dire que d'une manière générale les statuts des
syndicats, que le gouvernement peut examiner puisqu'ils sont
déposés, prévoient le vote secret d'une manière
assez large ou à peu près généralisée sur la
plupart des questions visées par le projet de loi, la pratique est
encore plus totale du vote secret. Le décalage n'est pas par voie
d'infractions aux statuts. Le décalage qui existe, c'est que la pratique
fait que nous tenons encore plus de scrutins secrets que ne nous en imposent
nos statuts. Vous avez mentionné, en introduction, que vous savez que
les statuts sont déjà largement satisfaisants. C'était
pour viser peut-être certains accrocs ici et là.
Je crois qu'avec un raisonnement comme cela on constate que, de part et
d'autre, il y a une satisfaction qui existe et puis, quand on regarde ce qui se
pratique, c'est encore mieux que ce qui existe dans les statuts. Je ne vois pas
l'importance ou l'opportunité de légiférer pour viser quoi
finalement? Nous vous avons quand même soumis une foule d'arguments
d'ordre pratique et il n'y a pas de réponse à cela. Vous admettez
que c'est lourd et qu'on va réviser la lourdeur de la chose, mais ce
n'est pas parce que cela va être moins lourd que cela va toujours
être opportun.
Vous n'avez pas, non plus, émis de commentaires sur votre absence
totale d'inquiétude à l'égard des prises de
décisions, pourtant aussi lourdes de conséquences, du
côté de certains réseaux d'employeurs qui sont, je
l'admets, à l'occasion, le partenaire du gouvernement dans les
né- gociations, mais ce n'est pas une raison pour ne pas exiger qu'il y
ait de la démocratie de ce côté. Alors, nous n'avons jamais
pu et même les gouvernements antérieurs n'ont jamais pu savoir
exactement comment se prenaient certaines décisions chez leurs
partenaires patronaux.
Cela, c'est du réel vécu dans la dernière ronde de
négociations. Etant donné les circonstances et le changement de
gouvernement, ce serait bien étonnant que vous n'ayez pas quelques
craintes sur le processus de prise de décisions chez vos
éventuels alliés aussi et vos éventuels partenaires.
Alors, je crois que vraiment cette mesure pèse d'un côté
seulement de la balance. C'est pourquoi nous demandons son rappel. Mais, quand
vous nous dites: Dans d'autres secteurs, vous acceptez notre intervention, il
n'y a pas là d'illogisme ni d'incohérence. Nous ne
prétendons pas que toutes les mesures gouvernementales sont des mesures
d'ingérence. Nous disons certaines sont bonnes parce qu'elles visent la
paix, parce qu'elles vont amener à régler des conflits
"antiscabs" ou d'autres choses. Le précompte syndical obligatoire
renforce l'organisation et d'autres interventions peuvent fort bien être
des ingérences. Il n'y a pas de contradiction à admettre les unes
et à rejeter les autres.
M. Johnson: Le dernier sujet sur lequel j'aimerais vous entendre,
messieurs. M. Gérin-Lajoie, oui.
M. Gérin-Lajoie (Jean): Sur la question du délai du
grief, vous nous demandez si on souhaiterait allonger ou modifier le projet
actuel.
M. Johnson: C'est cela. En d'autres termes, prenons une
hypothèse, 90 jours pour rendre la sentence. Est-ce que ces 90 jours
devraient commencer à courir à partir de la nomination de
l'arbitre ou de la prise en délibéré ou encore de la
première audition? On sait que la majorité des griefs n'exige une
audition que d'une journée, cependant.
M. Gérin-Lajoie: La position syndicale a été
commune à toutes les centrales syndicales. Je croirais qu'elle l'est
encore. Quant à nous, c'est à partir de la nomination
elle-même. C'est un délai dont le caractère très
bref n'a rien d'inquiétant si les délais sont dus aux parties
puisqu'ils peuvent être prolongés par entente écrite entre
les parties. L'avantage d'un délai très court, à partir de
la nomination, c'est que la nomination va influencer la nomination
elle-même de l'arbitre, c'est-à-dire le choix d'un arbitre qui
n'ait pas déjà 32 causes devant lui et qui a un calendrier
extrêmement chargé. Cela vise à répartir de
façon beaucoup plus égale le fardeau des arbitrages, la
clientèle des arbitrages privés qu'on veut garder privés
et ne pas inclure dans le système judiciaire, la répartir parmi
la liste des arbitres choisis par les deux parties au CCTM.
Présentement, cela ne se fait pas. Les quelques arbitres sont
surchargés de travail. Cela en-
traîne des délais très' longs. Le fait qu'il y ait
un conflit au sujet d'un grief rend les parties timides à
expérimenter de nouveaux arbitres et finalement on a quelques arbitres
dont le calendrier est engorgé et personne ne s'adresse à la
vaste majorité des arbitres afin de leur donner des arbitrages.
D'où l'importance de l'accrocher à la nomination
elle-même.
Quand les arbitres redisent que les délais sont dus aux parties,
il est bien sûr que nous ne sommes pas blancs, sans aucun doute, ni une
partie ni l'autre. Mais le fait d'avoir l'échappatoire écrite, le
consentement écrit des parties, c'est extrêmement sain. Ce qu'un
arbitre veut souvent dire quand il dit: Les délais sont dus aux parties,
c'est qu'une partie demande un délai parce que l'avocat est
lui-même surchargé ou c'est son intérêt de retarder
le grief quant à nous c'est typiquement et majoritairement un
avocat patronal et l'autre partie n'ose pas s'obstiner et engueuler
l'arbitre parce que c'est lui qui va rendre la décision et, à ce
moment-là, il détient un pouvoir discrétionnaire
extrêmement important. Typiquement, le syndicat aime mieux endurer son
mal et avoir une meilleure décision plus tard que de faire une crise de
larmes à l'arbitre. D'où la préférence d'avoir le
projet de loi actuel qui nous semble très positif.
M. Johnson: D'accord. Le dernier sujet sur lequel j'aimerais vous
entendre avant de passer la parole au député de Saint-Laurent,
c'est le scénario que j'ai évoqué...
Le Président (M. Clair): M. le ministre, excusez-moi. Je
pense que M. Rodrigue voulait ajouter quelque chose. Maintenant,
écoutez, messieurs, même si le député de Beauce-Sud
met en doute l'existence d'une vieille habitude de répartir aussi
équitablement que possible le temps entre les différentes
parties, je voudrais le protéger contre lui-même, en le taquinant,
et m'assurer, autant que possible, que tous les gens ici ce matin, toutes les
parties auront l'occasion de s'exprimer avant 13 heures étant
donné qu'on n'a aucune garantie qu'il y aura consentement unanime en
Chambre pour que la commission siège encore cet après-midi. Il y
a déjà, je pense, une autre commission de prévue et il
faudra un consentement unanime. Alors, tant du côté de nos
invités que du côté des intervenants, je voudrais, autant
que faire se peut, que tout le monde ait l'occasion de s'exprimer.
M. Rodrigue, vous aviez un élément de réponse
à donner.
M. Rodrigue: C'est sûrement ma nature qui reprend le
dessus, M. le Président, pour poser une question au ministre
relativement aux corporations professionnelles, parce que ses intentions sont
assez confuses. On ne sait pas ce qu'il veut dire quand il parle d'apporter des
corrections. Mais je voudrais l'avertir que remettre en cause toutes les
unités syndicales dans certains sec-tuers, cela pourrait causer des
problèmes.
M. Johnson: Je me souviens que vous m'avez mentionné cela
dans un couloir récemment, M. Rodrigue.
M. Rodrigue: Dans votre bureau, M. le ministre.
M. Johnson: C'est-à-dire dans mon bureau.
M. Rodrigue: C'est différent, parce que je ne me tiens pas
souvent dans les couloirs.
M. Johnson: C'est vrai. Vous avez raison, c'était
effectivement dans mon bureau et je pense que vous suiviez d'ailleurs M.
Dufour, ce jour-là.
La dernière question sur laquelle j'aimerais vous entendre,
messieurs, c'est cette question de l'application concrète des
dispositions dites "an-tiscabs". Vous savez comme moi qu'il est exact que
très peu d'entreprises ont utilisé des "scabs", mais ces
expériences ont été assez néfastes dans la mesure
où ce sont des conflits qui ont duré longtemps, qui ont
donné lieu à une violence assez exceptionnelle. Vous savez
cependant comme moi que l'inclusion des dispositions antibriseurs de
grèves risque carrément, dans certains cas, de modifier toute la
dynamique d'une convention collective avant sa conclusion.
Je vous pose donc le problème suivant. Je pourrais vous en poser
quelques-uns, mais je vais prendre celui-ci. Vous avez une grève qui a
été légalement déclenchée par des
salariés, qui dure depuis de nombreux mois et l'immense majorité
des salariés se sont resitués sur le marché du travail.
Dans cette hypothèse, ils n'ont pas vraiment l'intention de retourner
à cette usine. Vous savez qu'étant donné l'article sur les
dispositions antibriseurs de grève cette usine est vouée, par
définition, à la fermeture. Elle ne peut pas rouvrir sans ces
mêmes syndiqués. Je vous demande votre opinion et vos idées
de solutions à ce genre de problème.
M. Rodrigue: Si vous me le permettez, c'est une question que je
pense hypothétique. En conséquence, il y aura une réponse
hypothétique. A ma connaissance, dans des grèves où il y a
eu absence de "scabs", le problème ne s'est pas présenté,
même si cela a été très long. Dans les grèves
où il y a eu des "scabs", le problème ne s'est pas
présenté non plus même si cela a été
très dur et très long. Ce que je veux dire c'est qu'effectivement
il arrive que certains salariés ne désirent pas
nécessairement retourner au travail après seize mois de
grève. Quand on a connu seize mois de grève, on peut se poser des
questions sur l'existence même ou les moyens d'exister, donc le besoin
d'aller parfois travailler ailleurs, mais il reste une chose certaine. Je ne
croirai jamais que les travailleurs qui ont travaillé pendant quinze,
dix ou sept ans dans une usine, pour des raisons que vous soulignez refusent
à 90% ou à 100% de retourner au travail. Je pense que cela ne
peut pas se produire effectivement. J'aimerais qu'on me donne un exemple si
cela s'est déjà produit. Lors-
qu'un groupe de travailleurs exprime effectivement le désir de ne
plus retourner, c'est parce qu'on a pris leur place depuis souvent dix mois ou
donné leur place à des "scabs". Cela est plus possible, mais
l'autre situation m'apparaît vraiment hypothétique.
M. Laberge (Louis): M. le Président, M. le ministre posait
aussi en même temps la question du phénomène de la
violence. Je vais essayer de ramasser les dés, si vous me le permettez.
Une des grèves les plus longues que nous avons tous connue et des plus
dures, ce fut certainement celle de la United Aircraft. Cela a
été une prétention patronale que non pas 90%, mais 75% des
travailleurs s'étaient placés ailleurs, n'étaient pas
intéressés à retourner au travail. On a été
obligé de démontrer que c'était archifaux. Il y a eu une
enquête de faite par le ministère du Travail qui a
démontré que les travailleurs étaient encore
intéressés à retourner s'il y avait un règlement du
conflit. Je ne pense pas que cela se soit jamais vu, une situation telle que
vous la posez. Si, évidemment, cela se présentait, on pourra
toujours se rencontrer et en disposer, mais je pense qu'il est
extrêmement dangereux d'essayer de légiférer pour couvrir
un cas d'exception qui peut peut-être ne jamais nous arriver.
Sur le phénomène de la violence, j'ai lu, avec
intérêt, certains commentaires qui ont été faits
mardi, entre autres par M. Des Marais II, le président du Conseil du
patronat, qui dit que, par exemple, les citoyens du Québec ont
été témoins et souvent les victimes impuissantes d'actions
syndicales qui leur sont apparues comme le résultat d'un usage abusif
des pouvoirs que la loi a conférés aux syndicats.
C'est cela qui fait que l'opinion publique, après des
faussetés dites sans vergogne comme mardi, se forme une idée qui
est fausse. M. Des Marais sait fort bien que les conflits les plus violents,
les plus longs ne sont pas arrivés à cause des pouvoirs
conférés aux syndicats par les lois, mais sont arrivés
dans des questions de grève illégale, dans des défis
d'injonction, dans des défis de lois d'exception.
On a même mentionné l'arrêt de travail des pompiers
et des policiers qui, d'après le Code du travail, n'ont jamais le droit
de faire la grève. Qu'il ne vienne pas nous dire que cela est dû
aux pouvoirs conférés aux syndicats.
Deuxièmement, on a parlé du secteur public et parapublic
alors qu'il y a eu de longues grèves et où il y a eu de la
violence parce que le gouvernement avait décidé de changer les
règles du jeu dans le milieu de la partie et même durant la
deuxième période et demie. C'est cela qui est arrivé. Les
travailleurs ont dit... Je ne dirai pas le mot de Cambronne, on ne peut pas
accepter cela. Cela devient la négation du droit de grève, que ce
soit la loi 253 établissant les services essentiels ou les autres lois
d'exception dont nous avons détenu, pour un certain temps, le
championnat ici, au Québec.
Le phénomène de la violence est un phénomène
de climat social. Il est bien évident que ce n'est pas avec quelques
amendements contenus dans le projet de loi 45 qu'on va éliminer tout le
phénomène de la violence. Toutefois, j'ai des idées bien
nettes, bien précises là-dessus. Je vais essayer de vous
expliquer cela très brièvement.
Si un groupe de travailleurs qui se voient obligés de faire une
grève pour appuyer leurs revendications ont la conviction qu'avant de
sortir en grève ils n'ont aucune chance de la gagner parce qu'il y aura
des injonctions qui vont leur tomber dessus, parce que la police va intervenir,
parce qu'il y aura l'engagement de briseurs de grève ou d'anciens
lutteurs, bien souvent, et des choses semblables, parce qu'il y aura des lois
d'exception, c'est là que le phénomène de la violence
naît. Quand des travailleurs deviennent désespérés
devant une situation désespérante, c'est là qu'il y a de
la violence. Moi, je dis que le climat social peut faire quelque chose, pas
juste quelques amendements au Code du travail, bien non! Le Conseil du
patronat, la Canadian Manufacturers Association et les autres qui se sont
présentés devant vous, mardi dernier, ont la mémoire fort
courte. Ce sont eux qui criaient, il y a à peine treize mois, il y a
à peine deux ans: II faudrait faire quelque chose pour changer le climat
social.
Le Président (M. Clair): M. Laberge, s'il vous
plaît, toujours dans le but de permettre à tous les gens de
s'exprimer ici...
M. Laberge (Louis): Bien.
Le Président (M. Clair): ... je vous dis tout de suite que
je ne permettrai pas d'autres questions au ministre pour l'instant. Il est
pressant qu'on donne maintenant la parole au député de
Saint-Laurent.
M. Laberge (Louis): Je conclus dans dix mots. Le
Président (M. Clair): Dans dix mots, bien!
M. Laberge (Louis): Personne ne peut dire que le climat social ne
s'est pas grandement amélioré depuis plusieurs mois. Cela, c'est
un esprit de confiance, et c'est cela qu'on voudrait essayer d'établir.
Ce n'est pas juste quelques amendements qui peuvent faire tout cela.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je vais essayer d'être
bref pour ne pas priver nos collègues des autres partis de l'Opposition
de leur droit de parole. J'aimerais indiquer que, relativement à la
position sur l'article 19, sur les votes secrets, les mouvements qui ont
comparu devant nous, aujourd'hui, sont sur un terrain, à mon avis,
extrêmement solide en s'opposant à l'intrusion gouvernementale
dans les affaires internes des syndicats. Ils n'ont pas particulièrement
développé le thème
de l'inefficacité de ces mesures, quoique cela ait
déjà été soulevé. On peut soupçonner
que, effectivement, parmi ceux qui ont décidé d'inscrire cette
mesure dans un projet de loi, on est conscient que ces mesures, dans
l'immédiat, seront inefficaces parce qu'elles seront très
difficiles à mettre en oeuvre. Cependant, le principe de l'intrusion
gouvernementale dans les affaires internes d'associations volontaires est
inscrit, et on peut imaginer qu'on voudra, à l'avenir, s'assurer ou
corriger l'inefficacité qu'on va inévitablement constater. Et
lorsqu'on passe aux problèmes de mise en oeuvre de ces mesures, on tombe
dans les questions d'avocasserie qui ont été soulevées, la
possibilité d'injonctions, de débats judiciaires, ce qui serait
aggravé, d'ailleurs, par les tentatives qui seront faites; tôt ou
tard, si cela reste dans la loi, d'assurer l'efficacité du principe
qu'on a inscrit cette fois-ci.
Cependant, je crois que c'est sur l'argument de principe que les
centrales syndicales sont les mieux assises pour s'opposer à
l'inscription de ces mesures dans la loi, c'est-à-dire qu'elles nous
disent, effectivement: Nous voulons être des syndicats libres et
indépendants dans notre fonctionnement, tel que le prévoient les
conventions internationales sur le travail, etc. Cependant, il y a à
cela des conditions; la liberté que les centrales réclament pour
le syndicalisme au Québec comporte un certain nombre de conditions. Je
me demande s'il n'y a pas, dans l'ensemble de l'argumentation
présentée par les syndicats, une certaine contradiction sur cette
position de principe qu'ils prennent vis-à-vis des votes secrets
imposés via une loi qui en fait une obligation interne des syndicats,
dans leur réglementation, dans leur fonctionnement interne, et, d'autre
part, une absence de conscience qui semble se dégager de l'importance,
pour les syndicats, d'être également basés eux-mêmes
sur la liberté d'adhésion.
La liberté qu'ils réclament pour les syndicats doit
être le reflet de la liberté d'adhésion et d'une
très grande conscience de la nécessité de protéger
la liberté d'adhésion. Mais il y a des dispositions comme celle
du précompte illimité, pas le précompte en soi qui est
sans aucun doute une règle du jeu qui doit être acceptée.
Mais le précompte illimité va bien au-delà du seul
argument valable qu'on peut faire à son égard,
c'est-à-dire que l'ensemble des salariés d'une entreprise
syndiquée bénéficie de l'action des syndicats. Ils en
bénéficient en vertu de la loi, d'ailleurs. C'est la loi qui dit
que tous, syndiqués ou non, sont couverts par les dispositions de la
convention collective.
C'est un argument très fort pour le précompte syndical,
mais pas pour n'importe quelle sorte de précompte. Ce que l'on n'entend
pas actuellement, c'est une disposition de la part de nos invités
d'aujourd'hui à assortir ce droit très important d'une certaine
limite qui tienne compte de la liberté d'association. Des
salariés peuvent refuser d'être membres d'un syndicat et peuvent,
malgré tout, être contraints de contribuer à certaines
dépenses justement parce qu'ils en bénéficient, mais pas
nécessairement à toutes les dépenses.
Il y a également la question de la privation de l'accès
aux griefs. Je ne sais pas si les centrales syndicales en entendent parler,
mais les députés, sans aucun doute, entendent parler de
problèmes à ce niveau; de femmes, par exemple, qui n'ont pas
réussi à être défendues vis-à-vis de leurs
employeurs par des syndicats majoritairement masculins. Cela s'est
déjà vu. C'est une situation qui n'est pas tolérable, je
pense. On doit reconnaître le droit des syndiqués à forcer,
au besoin, leur syndicat à les représenter. J'ai entendu parler
moi-même d'immigrants, naturalisés cependant, que, à cause
de certains préjugés qui existent malheureusement encore souvent
vis-à-vis de l'immigrant, à cause de son accent
c'étaient des immigrants francophones même dans ce cas on
n'a pas voulu défendre. Apparemment, ils ont été victimes
de discrimination basée sur la race, sur la nationalité.
Je crois que ce sont des droits qu'il faut protéger. Si le
syndicat vient nous dire: Nous voulons nous comporter comme des syndicats
libres et indépendants, encore une fois, ils sont sur un terrain
extrêmement solide, mais j'aimerais voir un peu plus de conscience de
cette nécessité de protéger également la
liberté de leurs membres vis-à-vis de l'organisation syndicale.
Une deuxième condition à cela j'aimerais obtenir un peu la
réaction de ceux qui sont devant nous c'est la
possibilité, si tout est exclu relativement au vote secret tel qu'on
veut l'imposer par des obligations qui portent sur les règlements
internes des syndicats, sur le fonctionnement interne des syndicats, sur toutes
sortes de questions, le choix de leurs membres, etc., qu'on applique la
suggestion que faisait, par exemple, Gérard Dion récemment. Il
s'agit de prévoir la possibilité, une fois que la grève
est déclenchée on sait que souvent il y a une peur de
perdre la face, il y a une escalade dont aucune des deux parties ne sait
comment sortir et s'extirper de permettre au ministre de tenir un
référendum auprès de tous les salariés sans
intervenir dans l'action des syndicats, sans venir dire aux syndicats comment
ils doivent aménager leurs affaires, comment ils doivent prendre leurs
décisions. Au moins, le ministre pourrait intervenir pour dire: Nous
allons vérifier s'il y a toujours une volonté
générale non seulement parmi les membres du syndicat, mais parmi
tous les salariés de poursuivre ce conflit ou d'y mettre fin. Cela
pourrait être une porte de sortie dans certains cas où un conflit
est personnalisé, un conflit est devenu tel que chacun cherche à
ne pas perdre la face beaucoup plus qu'à le régler et ce sont des
situations qu'on voit.
C'est le premier point. Il me semble qu'il serait rassurant de voir, du
côté syndical, une conscience du fait que, s'ils veulent la
liberté pour eux-mêmes comme organisation, ils doivent aussi se
faire les défenseurs de la liberté pour leurs membres. Cette
suggestion de Gérard Dion, est-ce que ce n'est pas là une
meilleure façon de réserver à l'Etat, au nom de
l'intérêt public, un certain pouvoir d'intervention, mais qui
n'implique pas une intrusion dans les affaires internes du syndicat?
Le Président (M. Clair): Dans l'ordre, je ne permettrai
qu'une seule réponse ou qu'un seul commentaire de M. Charbonneau, de M.
Pepin, de M. Laberge.
M. Charbonneau (Yvon): Je voudrais en particulier relever
l'affirmation du député de Saint-Laurent disant que, du
côté syndical, il n'y a pas eu ici, d'exprimée, de prise de
conscience vis-à-vis de la liberté d'adhésion qu'il faut
protéger.
Je voudrais rappeler ici qu'en ce qui concerne, par exemple, notre
organisation, la Centrale de l'enseignement du Québec, de 1946
jusqu'à 1974, chacun des enseignants à l'emploi d'une commission
scolaire était obligatoirement membre de la CEQ, sur une base
individuelle. Il devait en démissionner s'il voulait mettre fin à
cette appartenance, mais son emploi faisait qu'il était membre de la
corporation.
Précisément parce que nous avons pris conscience de la
nécessité de moderniser notre concept de liberté
d'adhésion, nous avons demandé nous-mêmes à
l'Assemblée nationale d'abroger cette Loi de la corporation c'est
le député Fabien Roy qui l'a proposée à
l'époque de manière à pouvoir nous structurer sur
une base de liberté d'adhésion syndicale et non pas d'obligation
par la loi. Je crois que cela est une excellente démonstration de notre
prise de conscience de ce problème et cela a fait que nous avons de
nouveau sollicité l'adhésion de nos membres, mais sur la base de
leur syndicat. Ce n'est pas notre faute si on les a tous obtenus de nouveau.
Cela, on ne nous en blâmera pas. Mais assurément que ce n'est pas
par la loi qu'ils sont membres, c'est parce qu'ils le désirent, par le
biais de leur syndicat.
Sur la question du référendum, la possibilité d'un
référendum auprès de tous, qu'est-ce qu'un parti politique
dirait s'il devait soumettre à l'approbation de toute une population les
politiques du parti? Il soumet l'approbation des politiques de son parti
à ses membres. Parfois il lui arrive des malheurs quand il les soumet
à tout le monde. Ce qui compte, dans un syndicat, ce sont les membres
qui en font partie, ceux qui adhèrent vraiment au syndicat, qui
partagent ses objectifs, qui vont aux réunions, etc., ceux qui militent.
Ceux-là ont le droit de juger les politiques du parti.
Le Président (M. Clair): M. Pepin.
M. Pepin: M. le Président, d'abord j'ai été
content de la première partie de l'interrogation de M. Forget parce
qu'il est d'accord avec nous sur la question de principe. Je pense que c'est
intouchable.
Maintenant passons à ces conditions. D'abord, pour l'affaire du
grief, entendons-nous bien, vous avez adopté une loi à
l'Assemblée nationale, la Charte des droits et libertés de la
personne. Je n'ai pas le texte devant moi, mais j'ai l'impression, sinon une
certitude quasi vraie, que c'est déjà inscrit explicitement dans
la Charte des droits et libertés de la personne. Je pense que dans tous
les syndicats qui ont une formule Rand amendée dans leur rang, il arrive
souvent qu'on ait à défendre un gars qui n'est pas membre de
l'organisation et nous sommes obligés de le faire. Maintenant, il faut
bien faire attention, quand il a allégué qu'on ne l'a pas
défendu, que l'assemblée syndicale a dit non pour des raisons
bien spécifiques, cela ne veut pas dire que le gars a été
discriminé parce que le grief qu'il prétendait avoir,
l'assemblée, elle, a jugé que ce n'était pas un grief au
sens de la convention collective.
Quant au précompte illimité, vous dites que cela devrait
être limité. Attention, c'est un tout. On ne peut pas dire: Telle
activité syndicale ne sert pas aux non-syndiqués, à ceux
qui sont soumis à la formule Rand, telle autre partie, ça peut
leur servir. Je pense qu'il faut prendre cela beaucoup plus comme un tout que
d'essayer de fractionner complètement. Ce serait extrêmement
difficile.
Vous avez déjà participé à des
négociations, il y a assez peu longtemps quand même, et des
négociations, quand cela se fait, cela entraîne des
dépenses indirectes qui ne sont pas directement reliées à
une participation à une table de négociation. Il y a des
recherches, il y a aussi des dépenses d'hôtel, de restaurant
etc.
Il y a beaucoup plus de dépenses qu'on peut imaginer.
Quant à votre dernier point, si vous voulez qu'il y ait des
conflits longs et prolongés, inscrivez dans la loi des choses comme "un
référendum tenu par le ministre"; les employeurs, qui vont
connaître cette disposition, vont dire: Maintenant, je vais essayer de
forcer le ministre à intervenir par un référendum. Chaque
fois que le ministre devra se rendre à cette demande sous la pression
publique ou la pression de l'employeur, vous allez avoir une réponse
bien différente de la part même des travailleurs syndiqués.
Il serait extrêmement malheureux que la loi prévoie une telle
disposition; cela ne réglera pas les conflits mais cela risquera de les
prolonger. On est mieux, de ce côté, de laisser aux deux parties
le soin de se parler et de faire en sorte que le conflit puisse se terminer.
L'intervention ministérielle d'autorité, par la loi, ne servirait
à rien; à mon avis, cela prolongerait beaucoup plus les
conflits.
Le Président (M. Clair): M. Laberge.
M. Laberge (Louis): Très brièvement, je vais
commencer par le précompte. L'employé devrait-il avoir droit
à une représentation juste? C'est déjà l'esprit du
Code du travail. Il y a des syndicats, en masse, qui présentent des
griefs pour des gens qui paient une cotisation syndicale sur le
précompte et qui ne sont pas membres du syndicat. Devrait-on leur donner
le droit de vote? C'est une autre affaire. Tous les citoyens paient des
impôts mais, pour qu'un citoyen obtienne le droit de vote, il doit
s'inscrire sur la liste électorale.
De plus en plus, on voit des Québécois qui paient des
fortunes en impôts au fédéral et qui refusent de participer
aux élections fédérales. S'ils voulaient y participer, ils
n'auraient qu'à s'inscrire
sur la liste. Si un travailleur, forcé d'après le
précompte à payer une cotisation syndicale, veut pouvoir
participer à tout, il n'a qu'à s'inscrire sur la liste des
membres, il n'a qu'à devenir membre; à ce moment-là, il
aura droit à tout de la même façon que les autres.
Il y a eu énormément de charriage là-dessus. Je ne
vois pas la distinction. Je trouve cela malheureux. Le Conseil du patronat,
lui, a dans son sein un tas d'organismes dont les membres sont forcés
par la loi, non pas à payer une cotisation, mais à être
membres. Les corporations professionnelles qui ont les ateliers fermés,
les gens paient, ils peuvent être disciplinés, peuvent être
empêchés de gagner leur vie dans leur profession si leur
association ou si leur corporation décide de les en empêcher, ce
qui n'est pas le cas chez nous. Nous pouvons expulser un membre de nos
syndicats et cela ne l'empêche pas d'aller travailler ailleurs, tandis
que, dans les corporations, il ne peut pas exercer nulle part au
Québec.
De toute façon, je pense que tout le monde le sait, cela ne
s'applique qu'à une infime proportion des travailleurs
déjà syndiqués.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Laissez-moi d'abord vous dire que le projet de loi
no 45 ne répond qu'en infime partie aux mémoires soumis le 27
février 1977 par les syndicats. Je n'y retrouve presque pas les
éléments de base qui étaient notés par les
syndicalistes. Le gouvernement, par le biais de cette loi, a voulu essayer
d'introduire un certain équilibre entre les parties. C'est un pas de
plus. Je me souviens que, quand on avait préconisé les tribunaux
du travail, la CSN, qui était d'abord très favorable au projet,
avait émis certaines réticences.
Dieu sait combien le Tribunal du travail, maintenant établi
depuis dix ans, a produit des effets extraordinaires et par la qualité
de ceux qui ont été nommés et particulièrement par
l'apport particulier que cela a amené dans le règlement de
certains conflits par la présence des commissaires enquêteurs.
Je dis donc qu'il n'y a rien de rétrograde dans la loi 45. Le
gouvernement vise à un équilibre, je pense, qui est sain, parce
qu'on avance dans les relations de travail, pour autant qu'on a un gouvernement
qui assume certaines responsabilités, le tout devant être
considéré aussi par les unions et par le patronat. Mais je pense
aussi que quand on établit la formule Rand, comme on vient de
l'établir, c'est plutôt la formule Burns. D'un autre
côté, on peut l'appeler formule Rand, mais c'est plutôt la
formule Burns, si on relit le bill qui nous a été soumis et si on
considère qu'on apporte des mesures spéciales pour les briseurs
de grèves, c'est-à-dire les "scabs". Je pense qu'il n'y a
là rien d'extraordinaire; 90% de l'élément sain de notre
population, pour ce qui est des relations de travail entre patrons et
employés, employeurs et employés, admet aujourd'hui le principe
de cela.
On évolue avec le temps. En 1964, quand on a adopté le
Code du travail, il y a des figures que je connais ici qui sont devant moi qui
étaient là et qui nous avaient promis qu'il n'y aurait rien dans
le secteur public, jamais. Non, non, faites-nous confiance. Il n'y aura jamais
de trouble, ce sont des gens raisonnables et on va les raisonner. Je me
souviens de cela, moi. J'étais ici à la table et on m'a dit cela.
Mais, seulement, cela s'est développé autrement, après, et
on a eu d'importants conflits. Ce que je remarque de plus intéressant,
parce que mon temps est bien limité, c'est que les trois centrales sont
pas mal d'accord pour dire au gouvernement que c'est incomplet, qu'on aurait
dû plutôt penser à apporter une révision
complète du Code du travail. Quand on l'a fait en 1964, cela faisait
peut-être une éternité qu'on avait demandé qu'il
soit véritablement codifié. De 1964 à 1974, il s'est
passé dix ans, et combien de choses ont été
replacées, comme en 1968, en 1967, parce qu'on a apporté des
ajustements raisonnables. Depuis ce temps, le Code du travail méritait
véritablement une nouvelle orientation et de nouvelles choses.
Par exemple, quand vous établissez dans le projet de loi 45
certaines relations patronales, dans le secteur des employés et des
employeurs, vous n'allez pas toucher le secteur public. Il y a toute la
différence au monde quand on regarde cela et qu'on regarde le bill 53.
Je vous garantis que c'est encore une audace du gouvernement, mais je pense
qu'on est entrain de travailler à la pièce. On travaille une
pièce puis on dit: Bien, cela va peut-être ajouter à
l'autre et puis c'est bien dit quelque part, faites bien attention de mettre un
morceau neuf sur du vieux, cela va déchirer. Chose certaine, c'est que
là on essaie de ne pas aller trop vite et le gouvernement n'est pas
prêt, lui qui avait dit qu'il avait des solutions pour tout cela. Il
avait préconisé un esprit de relations de travail bien plus loin
que cela.
Vous les avez crus? Vous les avez crus. Vous les avez crus, vous avez
voté pour eux. Je dirai même que ce qu'on a
répété, à savoir que vous payez votre dette, vous
autres au gouvernement, à l'union, cela je ne suis pas prêt
à le croire. Je ne suis pas prêt à croire cela. Ah non!
cela ne doit pas s'être passé comme cela.
Dans vos mémoires de ce matin, que j'ai bien entendus, que j'ai
bien suivis, que j'ai lus avant, j'ai noté bien des choses, mais il n'y
a qu'une suggestion qui est heureuse, c'est qu'au lieu d'aller devant les
tribunaux civils on aille devant le Tribunal du travail pour faire
régler certains problèmes. C'est très bien. C'est une
heureuse suggestion. Mais ailleurs, on ne trouve pas de solutions, on ne trouve
pas de suggestions qui pourraient dire au gouvernement: Agissez, quand il
s'agit d'une grève illégale, ce qui arrive souvent. Je ne dis pas
que c'est fréquent, mais cela pourrait arriver de temps en temps qu'il y
ait des grèves illégales qui perturbent toute la vie sociale et
économique. Il n'y a rien non plus qui suggérait au gouvernement
de s'empêcher de remettre des peines qui ont été
jugées par des tribunaux, par exemple $50 000 ce n'était
pas grand-chose, mais ce n'était qu'un petit commencement de
retirer des
procédures qui ont été entreprises de bonne foi et
qui ont été jugées. On retire cela. Il n'y a aucune
suggestion dans vos mémoires. Je ne dis pas que vous n'y avez pas
pensé, parce que le mémoire du 27 février allait bien plus
loin que ce que le projet de loi 45 peut nous donner.
Je dois me limiter à la violence, parce que, s'il y a eu de la
violence, ce n'est pas dû souvent aux leaders des syndicalistes. C'est
dû à une fraction. Je pense que j'ai eu l'occasion de
vérifier cela. Comme ministre, j'ai moi-même été
promené comme un pendu, avec Chartrand au bout, qui me promenait partout
dans la ville de Québec et qui m'a fait brûler. Je suis encore en
vie! Imaginez-vous donc! Mais cela a provoqué de la violence.
Je suis pour qu'on respecte l'autorité constituée telle
qu'elle est. Inutile de vouloir détruire le système dans lequel
nous vivons. Il est démocratique et, tant et aussi longtemps qu'il sera
conçu comme il est là, on doit apporter le meilleur respect aux
institutions parlementaires et particulièrement au ministre du Travail.
Je pense que le ministre a donné la pleine mesure de ce qu'il est
capable de donner.
Des Voix: Ah, ah, ah!
M. Bellemare: Ce n'est pas manquer de respect pour le ministre!
Ah non! Je ne dirai pas des choses comme j'en ai vu dans certains écrits
que j'ai ici, des descentes. Il y a un révérend abbé qui a
été nommé tout à l'heure; c'est drôle sa
manière de voir le projet de loi 45. Je n'emploierai pas ces termes.
Je dirai, par exemple, que la violence est sûrement née
parce qu'il y a une certaine part de responsabilité de la part des
syndicats et aussi des patrons. Pour cela je suis prêt à faire la
part des choses, la large mesure. Mais il existe, par exemple, des occasions
où on commence à légiférer, comme la formule Rand,
l'"antiscabs," le précompte et le vote secret. Vous prétendez que
le vote n'est pas nécessaire, mais vous dites que toutes vos
assemblées se font de même, au grand secret. Donc, si cela se fait
de même, il n'y a pas d'inquiétude pour vous d'avoir cela dans une
loi. Vous dites, dans votre mémoire, que cela se passe comme cela: Nous,
on n'a pas besoin de cela, de lois officielles. Je dis que le ministre a
peut-être raison d'être prudent parce qu'on évolue
rapidement.
Dans le temps où j'ai été ministre du Travail,
c'étaient de rares exceptions, des grèves illégales. On en
faisait une grosse mention lorsque cela arrivait. Aujourd'hui, la proportion
est grande.
Maintenant, j'aimerais savoir de vous quel est le pourcentage dans
l'ensemble, de gens qui n'appartiennent pas à l'union, lors de certains
conflits ouvriers? On peut l'obtenir par le gouvernement parce que ce dernier
possède ces dossiers, mais combien y en a-t-il, dans l'ensemble? Une
infime partie qui ne fait pas partie aujourd'hui des associations syndicales ou
qui n'est pas syndiquée. Je prends l'usine de la Wayagamack qui vient de
fermer. Je ne sais pas si vous êtes au cou- rant de cela. Au
Cap-de-la-Madeleine, l'usine vient de fermer. Il n'y en avait presque pas qui
n'étaient pas syndiqués. Il y en avait quelques-uns qui
étaient "P.Quiou". Ils ont brûlé leur carte après.
C'est bien dommage pour vous, mais en tout cas. Chose certaine, on n'est pas
sur ce sujet, je n'y reviendrai pas.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson. Actuellement, nos invités auraient quatre minutes à se
partager pour répondre aux nombreuses interventions.
M. Bellemare: Sur les sept minutes qu'ils ont prises de trop,
j'aurais bien le droit d'en prendre trois.
Le Président (M. Clair): D'une part, vous ne vous y
êtes pas opposé. D'autre part, je suis certain que vous n'aviez
pas d'objection à ce qu'on éclaire le ministre.
M. Johnson: M. le Président, j'aurai mon recours en
Chambre. C'est sûr et certain que lorsque l'étude article par
article reviendra, il y a un temps illimité au volet de l'article 19a,
19b, 19c, 19d et le reste.
M. Johnson: Jusqu'à h).
M. Bellemare: Jusqu'à h), oui la hache va y
être.
Alors, messieurs, je suis personnellement satisfait du bill 45. Je
trouve que, dans les circonstances, on fait une grande amélioration. Ce
n'est pas ce que l'on souhaiterait, ce n'est pas ce qu'ils ont promis, de
changer complètement le Code du travail, mais il y a là une
intention avouée qu'il n'y ait rien d'exorbitant.
On cherche à établir un certain équilibre, on pense
établir certaines relations qui soient plus cordiales. Je ne suis pas
toujours du côté du gouvernement, aujourd'hui pas plus qu'une
autre fois, mais, à cause de mon expérience vécue comme
ancien ministre, je ne peux pas blâmer le ministre ni son
prédécesseur d'avoir conçu un projet de loi comme
celui-là. Il y a du progrès; cela n'est pas parfait, il faudra
peut-être aller plus loin et refaire véritablement tout le code.
Mais, en attendant d'avoir mieux, je choisis le moins pire.
Le Président (M. Clair): MM. Rodrigue, La-berge,
Charbonneau et Pépin, vous avez trois minutes à vous partager
pour répondre.
M. Roy: M. le Président, je pense bien, pour le bon
entendement de tout le monde et en guise de collaboration, que les questions
qui ont été posées méritent des réponses. Je
ne voudrais pas qu'on empêche les personnes qui ont des choses à
nous dire de faire des commentaires au niveau de la commission parlementaire,
quitte à sacrifier mon droit de parole. Cependant, je tiens à
vous dire que je serais entièrement d'accord et vous aurez mon
consentement, aujourd'hui, à l'Assem-
blée nationale que la commission parlementaire puisse
réentendre nos invités. Je pense qu'il y en a, de ce
côté-ci de la table, qui auraient sûrement des questions
à poser; il y a des points qui mériteraient
éclaircissement.
Si on veut que la loi apporte tous les résultats
même si elle est limitée qu'on attend d'elle, on devrait
prendre le temps nécessaire, sans se faire presser, sans se faire
écraser, pour être en mesure de légiférer.
Alors, je sacrifie mon droit de parole, je le laisse à nos
invités, ce sont eux qui sont nos invités. J'aurai l'occasion
d'intervenir lors de l'étude de la loi en commission parlementaire.
Le Président (M. Clair): Je vous remercie
sincièrement de votre collaboration, M. le député de
Beauce-Sud, ce qui nous laisse huit minutes avant 13 heures, suivant la montre
du président.
M. Johnson: M. le Président, si vous le permettez, je
demanderais deux choses. D'abord, s'il y a consentement unanime, on pourrait
étendre, pour quelques minutes, afin que les réponses ne soient
pas interrompues. Deuxièmement, pourrions-nous obtenir l'engagement, des
membres de l'Opposition, qu'ils n'auront pas d'objection à ce que les
parties puissent être présentes cet après-midi,
après la période des questions, c'est-à-dire vers 16 h 15,
pour que nous continuions cet échange?
Le Président (M. Clair): Sur la première partie de
votre question, M. le ministre, je dois vous rappeler qu'ici, à 13
heures, il y a un caucus pour les députés ministériels.
Comme on respecte l'heure le mercredi à midi, je pense qu'il est normal
qu'on la respecte le jeudi, à 13 heures. D'autre part, en ce qui
concerne la possibilité d'un consentement unanime exprimé au
niveau de la commission, il ne lie pas, cepdnant, l'Assemblée nationale,
mais si les représentants des autres parties veulent s'exprimer
là-dessus...
M. Bellemare: Juste une objection. J'aurais bien voulu entendre
la réponse aux quelques observations que j'ai faites, parce que cet
après-midi, je suis pris à Montréal pour autre chose,
où le chef de mon parti m'a demandé de représenter
officiellement notre grand parti. C'est pour cela que s'il y avait une
réponse à donner, je voudrais être là. Cet
après-midi, je ne voudrais pas passer pour un déserteur et un
gars qui se sauve.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson, dans mon esprit, on entend les commentaires tout de suite. Au niveau
du consentement, il y aurait consentement au niveau de la commission?
M. Bellemare: II y a le caucus, nous autres aussi, qui va
décider.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Personnellement, M. le Président, je n'ai pas
d'objection. J'aurais répondu favorablement à la première
partie de la question du ministre, d'ailleurs, parce qu'on n'a pas de caucus ce
midi. Mais pour ce qui est de cet après-midi, je n'ai aucune idée
de la possibilité de le faire.
Le Président (M. Clair): Etant donné qu'il n'y a
pas de possibilité d'évoquer un consentement clair, j'inviterais
immédiatement nos invités à répondre aux
commentaires et questions du député de Johnson. M. Rodrigue.
M. Rodrigue: Je serai très bref. Je veux répondre
seulement à une inquiétude ou, tout au moins à une
interrogation soulevée par M. Bellemare à savoir que la loi 45 ne
touchait pas les travailleurs du secteur public, etc. Je veux simplement
réaffirmer que notre position, quant à nous, c'est qu'on veut un
seul et unique Code du travail pour l'ensemble des travailleurs du
Québec. On ne fera pas cette distinction.
M. Bellemare: II faut faire attention aussi... Je suis content
que vous l'ayez poigné.
Le Président (M. Clair): M. Charbonneau.
M. Charbonneau (Yvon): Nous souscrivons à cette remarque,
d'ailleurs, du président de la CSN. C'est aussi la politique de la CEQ
d'avoir, d'essayer d'obtenir des lois du travail qui s'appliquent à tous
les travailleurs. Je voudrais, en particulier, parler de la violence dont on
parle souvent et dont M. Bellemare a parlé aussi. La question que je
poserais aux dirigeants politiques, c'est: Ce qui vous inquiète, est-ce
que c'est la violence ou si c'est le bruit que fait une certaine violence? J'ai
des indices que c'est surtout le bruit que fait la violence qui inquiète
parfois les politiciens.
M. Bellemare: Ecoutez, si jamais dans votre vie vous devenez
ministre du Travail...
M. Charbonneau (Yvon): Ne me souhaitez pas de malheur vous.
M. Bellemare: Non, je ne vous souhaite pas de malheur, mais si
jamais vous devenez ministre du Travail, vous aurez la réponse.
M. Charbonneau (Yvon): Je voudrais vous poser cette question et
pas juste à vous, à ceux qui prennent les décisions aussi.
Je crois que c'est surtout le bruit que fait une certaine violence qui
inquiète et qui énerve du monde. Il y a des violences qui
existent de façon permanente et qui ne font pas de bruit, pas beaucoup
de bruit. Exemple, des mises à pied massives dans certains secteurs. Du
chômage généralisé. Des attaques à la
santé et à la sécurité des travailleurs.
M. Bellemare: Vous voulez parler de la fonction publique.
M. Charbonneau (Yvon): A la fonction publique et dans le secteur
privé, dans les mines et
dans la métallurgie. Vous avez cité des exemples
vous-même.
Les nombreuses procédures interminables auxquelles doivent
recourir les travailleurs pour obtenir que s'exécute une ordonnance qui
leur donne raison. La possession des données de base en
négociation, de quel côté est-elle? Le conditionnement des
media d'information qui ne cessent à certains égards de parler de
conflits syndicaux, alors que parfois il s'agit même de lock-out.
Avez-vous déjà entendu une nouvelle qui parle d'un conflit
patronal? C'est toujours un conflit syndical.
M. Bellemare: J'ai déjà entendu parler d'un
nommé Matteau.
M. Charbonneau (Yvon): Conflit syndical, je crois que c'est une
expression abusive. C'est une forme de violence qui existe tous les jours dans
les manchettes, alors que c'est un conflit de relations entre des travailleurs
et des possesseurs de capital. Avez-vous déjà entendu parler de
cela d'un conflit de capital? Non, on parle d'un conflit de travail. Pourquoi
cela pèse-t-il toujours du même côté? Ce sont des
formes de violence qui existent à longueur d'année. Elles ne font
pas toujours beaucoup de bruit, personne n'en parle. Parfois, il arrive un
incident souvent même provoqué, parfois même à
l'instigation d'infiltrateurs. Là, cela fait de la violence et là
on en parle. Cela énerve les dirigeants politiques.
Je crois qu'il y a lieu de s'énerver surtout de cette violence
qui existe à longueur d'année, depuis des décennies, qui
ne fait pas nécessairement du bruit, mais qui est drôlement plus
profonde que l'autre.
M. Bellemare: Me permettez-vous une question? Est-ce que la
convention collective qui est brisée et qui amène une
grève illégale c'est une forme de violence?
M. Charbonneau (Yvon): Nous parlons des conditions faites aux
travailleurs qui parfois sont des conditions incluses dans des conventions
collectives et parfois sont des conditions générales de vie et
des situations qui débordent les conditions de travail. C'est pourquoi,
d'ailleurs, nous avons des mandats syndicaux pour travailler aux tables de
négociation et en dehors des tables de négociation pour les
conditions de travail et de vie.
Le Président (M. Clair): M. Laberge.
M. Laberge (Louis): M. le Président, j'ai
écouté avec énormément d'attention le
député qui s'est prononcé en faveur du projet de loi no
45. Il a dit qu'il y aurait peut-être des suggestions à faire et
des choses à corriger, mais au moins on peut espérer que ce
projet de loi no 45 ne sera pas sujet à un débat interminable. Je
pense que, comme vous l'avez dit, M. le député, c'est un pas de
l'avant. Vous en avez pris quand vous étiez ministre du Travail. Nous
autres on l'a toujours re- connu; cela n'a jamais été parfait le
Code du travail. Mais il faut que le Code du travail commence à
clairement démontrer aux travailleurs qu'il y a une différence
entre une grève légale et une grève illégale.
Actuellement, ce sont les grèves illégales qu'on a le plus
de chances de gagner, parce que, pour une grève légale, vous
êtes obligés de donner des avis. Le patron se prépare, il
stocke. Ecoutez bien, c'est cela le climat.
Ce qu'on a toujours prétendu et ce que je prétends encore,
c'est que, si on a un Code du travail qui donne des droits aux travailleurs,
des droits qui sont respectés, cela nous permet de prendre de plus
grandes responsabilités. Je suis convaincu qu'on peut organiser des
manifestations sans laisser les endroits où on a manifesté comme
des soues à cochons. Les travailleurs savent se tenir! Mais quand vous
avez la police, par exemple, qui respecte plus les vitres d'une entreprise que
les crânes des travailleurs, cela n'engendre pas une paix sociale.
Quand vous avez des juges qui prennent énormément de temps
pour rendre des décisions favorisant les gagne-petit, mais qui vous
sortent une injonction de toute beauté en quelques heures, en plein
milieu de la nuit, cela n'engendre pas le respect des tribunaux. Il y a tout
cela. Quand vous voyez des lieutenants de police frapper, avec intention de
blesser, des grévistes qui étaient bien paisibles, et qui
foutaient le camp, comme c'est arrivé devant l'hôpital Notre-Dame,
et que le juge, dans sa bonne conscience, dit: II serait de valeur de condamner
ce gars-là qui serait reconnu coupable, cela mettrait fin à sa
carrière! Il y a beaucoup de travailleurs qui ont fait bien moins que
cela et qui ont été condamnés.
M. Bellemare: Vous admettez...
M. Laberge (Louis): Tout ceci pour vous dire...
M. Bellemare: ... que le Code du travail doit être refait
au complet...
M. Laberge (Louis): Oui, mais...
M. Bellemare: ... et non pas par morceaux.
M. Laberge (Louis):... cela ne veut pas dire de l'étudier
pendant dix ans, comme certains nous l'ont suggéré, et d'arriver
avec un nouveau Code du travail de toute beauté. Il y a des choses,
comme vous l'avez dit d'ailleurs, qui doivent être faites maintenant.
Nous sommes prêts, bien sûr, dès le lendemain de l'adoption
ou même la veille de l'adoption du projet de loi no 45, à
commencer à étudier autre chose, dans le Code du travail, qui
mérite aussi une étude sérieuse. D'ailleurs, on le dit
dans notre mémoire.
Le Président (M. Clair): M. Pepin.
M. Pepin: Très brièvement, c'est pour rappeler
à M. Bellemare que, quand il était ministre du Travail, sur la
question des tribunaux parce qu'il
faut un peu corriger l'histoire, pour les fins du journal des
Débats quand vous avez déposé votre fameux projet
de loi sur les tribunaux du travail, vous vous souviendrez que, trois mois
après, vous avez dû soumettre 75 amendements à votre
premier projet de loi parce qu'il était inapplicable.
Des Voix: Ah, ah!
M. Pepin: C'est exactement la vérité.
M. Bellemare: Une minute!
Des Voix: Ah, ah!
M. Pepin: Vous le vérifierez. Quand vous nous dites que,
dans le secteur public, on avait fait des promesses, je peux vous dire,
d'ailleurs, que je n'ai jamais fait des promesses de cette nature, mais
pourquoi y a-t-il eu tellement de grèves dans le secteur public? Parce
que tous les gouvernements, dont le vôtre à l'époque, se
sont comportés comme s'il n'y avait pas eu de changements aux lois. Vous
n'avez pas voulu négocier plus. Souvenez-vous de la
Société des alcools où la grève a duré des
mois et des mois. Vous disiez: A prendre ou à laisser. On a eu des
commissions parlementaires, vous y étiez, à l'époque. Je
voulais vous rappeler au moins ces deux faits pour les fins de l'histoire.
Vous dites que, maintenant, c'est un rapiéçage du Code du
travail; je suis d'accord, c'est un rapiéçage, mais quand vous
étiez ministre, avez-vous fait du rapiéçage
uniquement?
M. Bellemare: Les tribunaux du travail, ce n'est pas du
rapiéçage!
M. Pepin: C'est du rapiéçage, vous ne changez pas
le code fondamental.
M. Bellemare: Vous étiez pour au début, et à
la fin vous étiez contre.
M. Pepin: Non, nous avons toujours été pour. Vous
ne vous en rappelez pas.
M. Bellemare: J'ai des déclarations que vous avez faites,
et vous étiez contre.
M. Pepin: On a toujours été pour. Vous ne vous le
rappelez pas.
M. Bellemare: Non, j'ai des déclarations de vous, mon cher
monsieur, vous étiez contre.
M. Pepin: Très bien, on va regarder cela, vous les
sortirez pour la Chambre; là vous pourrez parler tout seul, parce que je
ne pourrai pas y être.
M. Bellemare: Vous avez été effrayant, mais vous
avez été le premier à me féliciter comme le
meilleur ministre du Travail. Voyons donc!
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Pepin: Certainement, mais je dis les choses que vous n'avez
pas faites. Et vous avez adopté le bill 290, vous vous en souviendrez,
vous ne devez pas être tellement fier de celui-là, mais il reste
que...
M. Bellemare: Qu'est-ce que vous avez fait contre cela, vous?
M. Pepin: ... qui est le cas. Non, on était opposé
formellement, vous devez le savoir, au moins avoir un peu de mémoire de
ce côté.
M. Laberge (Louis): Vous avez remarqué, depuis qu'il a dit
cela, il a été obligé d'aller se faire élire
à l'étranger.
M. Bellemare: Non, non, non, ce n'est pas parce qu'il n'y avait
pas de ministres ni de députés contre moi. Ils étaient
tous là.
M. Pepin: Le Code du travail...
Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît,
messieurs!
M. Pepin: ... est arrangé à la pièce
aujourd'hui. Nous souhaiterions beaucoup qu'on ait un véritable Code du
travail, on n'a pas de Code du travail. C'est une dépendance du Code
civil, mais au moins il y a progrès, et c'est loin, M. Bellemare, de ce
que nous avons soumis le 28 février dernier. C'est vrai que c'est loin,
nous nous le disons. Il y a des parcelles, il y a des morceaux qui sont pris.
Au moins enlevons ce qui est de trop dans la loi 45, ce que nous avons
plaidé ce matin. Maintenons ce qu'il y a de progrès, puis
arrangeons-nous pour avoir un code qui placera les parties sur un pied
d'égalité.
Aujourd'hui ce sont les employeurs qui sont les "boss" de tout. Nous,
nous devons arracher des droits les uns après les autres.
Arrangeons-nous pour qu'il n'y ait pas de discrimination entre le public et le
privé pour ne pas en arriver à avoir des citoyens de
deuxième classe. Ne nous arrangeons pas pour former des commissions
spécialisées dans un domaine spécifique pour faire en
sorte que demain nous ayons des citoyens qui ont moins de droits que d'autres.
Alors il me semble qu'aux questions indiscrètes de M. Bellemare nous
avons fourni des réponses.
Le Président (M. Clair): Messieurs, pour expliquer
à tout le monde les possibilités de séance, cet
après-midi, de cette même commission parlementaire, je donne
immédiatement la parole au ministre du Travail.
M. le ministre.
M. Johnson: Messieurs, en principe il n'y a pas d'autre
commission parlementaire que celle qui était déjà
prévue qui doit siéger à 4 h 30. Cependant, je demanderai
au leader du gouvernement de demander le consentement unanime de la Chambre
pour que cette commission reprenne ses travaux vers à peu près 4
h 15, 4 h 30, jusqu'à 6
heures, immédiatement après la période de
questions.
Cependant je ne peux pas préjuger du consentement, je suis
sûr que le leader de l'Union Nationale, étant donné...
M. Bellemare: C'est que, dans notre parti, nous sommes à
peu près deux qui nous occupons de ces questions ouvrières, M.
Yvon Brochu, député de Richmond, et moi-même. Mais M. le
député de Richmond, actuellement, est l'un des deux
députés qui nous représentent à la loi sur le
référendum. Cela siège en même temps.
M. Johnson: Je suis assuré que votre parti trouvera sans
doute quelqu'un d'initié à ces questions-là pour nous
l'envoyer cet après-midi. Je l'espère.
M. Bellemare: Je vais essayer de faire les initiations...
M. Roy: M. le Président, je voudrais quand même...
J'ai cédé mon droit de parole ce matin. Je compte sur la
collaboration de mes collègues de l'Opposition. S'ils ont des
difficultés, ils peuvent peut-être comprendre que je peux
également en avoir. Mais je n'ai jamais empêché de
commission parlementaire parce que je ne pouvais pas être présent.
J'ai toujours offert ma collaboration aux deux côtés de la
Chambre, du côté de l'Opposition comme du côté
gouvernemental.
M. Laberge (Louis): Nous serons disponibles, M. le
Président. Et si, par hasard, cela ne se fait pas, vous avez tous des
copies de notre mémoire. Vous les lirez avec attention, j'en suis
convaincu.
Le Président (M. Clair): Je remercie nos invités,
ainsi que les membres de la commission du travail, qui ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 13 h 14)