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Etude des crédits du ministère de
l'immigration
(Onze heures trente-deux minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, messieurs! Séance de la commission parlementaire du travail, de
la main-d'oeuvre et de l'immigration, chargée d'étudier les
crédits du ministère de l'Immigration. Les membres de la
commission pour la séance d'aujourd'hui .seront: MM. Bellemare
(Johnson), Bisaillon (Sainte-Marie), Brochu (Richmond; Blank (Saint-Louis) en
remplacement de M. Ciaccia (Mont-Royal); Chevrette (Joliette), Couture
(Saint-Henri); Laberge (Jeanne-Mance) en remplacement de M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes); Forget (Saint-Laurent); Johnson (Anjou) en remplacement de M.
Godin (Mercier); Gosselin (Sherbrooke), Jolivet (Laviolette), Lacoste
(Sainte-Anne); Marcoux (Rimouski) en remplacement de M. Laplante (Bourassa);
Bertrand (Vanier) en remplacement de M. Lavigne (Beauharnois); Lefebvre (Viau),
Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), Pagé (Portneuf) et Roy
(Beauce-Sud).
M. le député de Richmond.
Direction et gestion interne (suite)
M. Brochu: Merci, M. le Président. Lorsque nous avons
suspendu les travaux de la commission, l'autre jour, je posais une question qui
m'était venue à l'esprit à la suite d'un point
soulevé à l'étude des engagements financiers d'août
1976 concernant le ministère de l'Immigration. Pour la bonne marche de
nos travaux, je reformulerai ma question ce matin. Plus
précisément au no 100 des engagements financiers du
ministère de l'Immigration, on parlait d'un contrat avec le centre de
sondage de l'université de Montréal pour une étude sur les
motivations des immigrants au Québec et ce projet s'appelait "Projet
d'accord démographique". J'avais, au moment de nos travaux de la
commission, rappelé au ministre une partie du texte d'une lettre qui
avait été envoyée à M. Pierre Veilleux, directeur
général de l'administration, par M. Yves Bussières,
justement relativement à cette question et qui dit ceci: "Cette
étude porte en outre sur les immigrants potentiels à partir d'une
enquête par questionnaire qui sera réalisée auprès
des candidats à l'immigration à l'étranger. Cette partie
de l'étude devrait nous permettre de mieux connaître les attentes
des immigrants au moment de leur sélection et de nous éclairer
sur l'élargissement éventuel de certains bassins
d'immigration."
J'avais demandé au ministre et je répète ma
question ici: Le ministre serait-il en mesure de faire le point sur
l'état de la question et nous indiquer où en est rendue cette
étude et de quelle façon il a l'intention de s'en servir?
M. Couture: C'est un projet qui a été entrepris
l'été dernier, à contrat, par le centre de sondage pour
notre ministère. Le rapport final est censé entrer à la
fin du mois. Nous avons quand même certains résultats
préliminaires pour rechercher les motivations d'immigrants venant au
Québec.
En toute hypothèse, on peut suggérer que ce sont des
raisons économiques, culturelles, familiales ou autres. Les
résultats préliminaires sont à l'effet qu'il y a
prédominance des facteurs économiques; s'ajoutent à cela
les motivations, par ordre, familiales, culturelles et politiques. Cela compte,
en général, pour plus de 50% de la décision
d'émigrer, ce qui pourrait infirmer les thèses voulant que la
motivation économique soit la seule importante dans les
déplacements des personnes. Je pense que cela corrige un peu la
perception qu'on en avait.
M. Brochu: Est-ce qu'il y a un élément
d'information, en même temps, qui est donné aux immigrants dans ce
sens, à partir de ces études? Avant que les immigrants viennent
ici, est-ce qu'on analyse en profondeur les raisons pour lesquelles ils veulent
venir ici pour voir si ces raisons correspondent aux réalités
québécoises? Est-ce dans ce sens que l'étude est faite
pour les situer exactement dans une ligne d'arrivée précise?
M. Couture: Je pense que l'intérêt de cette
étude, dont j'ai vraiment très hâte de connaître les
résultats globaux, sera de nous aider éventuellement à
préconiser de meilleures méthodes incitatives pour influencer les
mouvements migratoires, sachant globalement quelles sont leurs motivations.
Cela pourra éventuellement affiner notre politique d'immigration, s'il y
en a une. Est-ce cela que vous vouliez savoir?
M. Brochu: Oui. D'accord!
M. Couture: Dans nos bureaux à l'étranger, il faut
dire que nos agents d'immigration rencontrent tous les candidats qui viennent
au Québec, dans la grande majorité des cas. Ils discutent avec
eux et les candidats à l'immigration donnent les raisons pour lesquelles
ils viennent ici. Je pense qu'il y a un effort assez intéressant de nos
agents d'immigration d'essayer de faire le lien entre leurs motivations et ce
qui les attend au Québec. C'est dans ce sens, aussi, que cela
prépare davantage leur entrée au Québec.
M. Brochu: Pour qu'il y ait une correspondance entre leur
perception et la réalité.
M. Couture: Dans la mesure du possible, ils doivent les informer
si leurs intentions peuvent, oui ou non, être réalisées au
Québec.
M. Brochu: Le ministre pourrait-il nous dire si le service de la
recherche comme tel, qui a nouvellement été reformé, a
fait jusqu'à maintenant certaines études démographiques
comme telles?
M. Couture: Au ministère, dans les années
passées, il y a eu des études démographiques qui ont
été faites. Ce qu'on a, assez récemment...
D'ailleurs, il y a quelque chose qui va devenir extrêmement utile,
comme outil, on fait un inventaire bibliographique sur l'état des
recherches sur l'immigration au Québec. On sait que dans les
universités, comme M. Henripin, ils ont fait des études
démographiques. Richard Arès en a fait. Il y a un tas
d'études qui existent comme cela, un peu partout, et cette année,
il y a une commande au Service de recherches de regrouper toutes ces
études et, éventuellement, de nous en donner des composantes. On
a une étude qui est en marche sur les structures possibles de la
répartition linguistique de Montréal. Il y a un côté
quand même fort important pour nous. Ce n'est pas purement
démographique, mais c'est lié à la démographie, le
fait que la natalité baisse, il y aura moins de "parlant
français" au Québec dans les années à venir.
Nécessairement, cela doit nous orienter comme politique d'immigration,
nous avons une étude là-dessus. Donc, le travail est
amorcé par le service.
M. Brochu: Oui.
M. Couture: II faut surtout regrouper ce qui a été
fait comme études, et il y en a pas mal, à mon avis.
M. Brochu: D'accord, en ce qui me concerne, M. le ministre, ces
réponses me satisfont.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'élément 3 du programme 1 du ministère de
l'Immigration est adopté?
M. Blank: Adopté.
M. Chevrette: Question d'information. Quand on vote
élément par élément, est-ce qu'à la fin vous
demandez l'adoption globale du programme? Est-ce que cela passe dans le
jugement que vous avez rendu? Après la présentation d'une motion,
est-ce que vous votez la motion avant l'adoption du programme ou
après?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Après.
M. Chevrette: Cela répond à ma question pour le
moment.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai
bien dit que la motion était recevable, et qu'elle devait être
débattue après l'étude des travaux et avant l'ajournement,
à midi.
M. Chevrette: La motion présentée par le
représentant de l'Union Nationale fait partie intégrante des
travaux de cette commission parlementaire pour les fins du procès verbal
et pour les fins de rapport à l'Assemblée Nationale?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.
Autrement dit, tant que la commission n'a pas ajourné ses travaux, elle
siège légalement.
Est-ce que l'élément 3 du programme 1 est
adopté?
Des Voix: Adopté.
Motion appuyant la politique du ministère en
matière d'immigration (suite)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Adopté. Conformément à une décision qui avait
été rendue sur une motion présentée par le
député de Richmond, j'avais déclaré recevable la
motion du député de Richmond, mais j'en avais reporté le
débat et l'étude après l'examen des crédits et
avant l'ajournement des travaux. Une question de règlement.
M. Blank: Oui, une question de règlement. Comme
l'Opposition officielle l'a déjà dit, on est prêt à
étudier des crédits. On a participé au débat
à cette commission, on a étudié des crédits, on a
adopté des crédits, mais on ne discutera pas de motions de fond
dans n'importe quelle commission, incluant celle-ci.
M. Bertrand: Est-ce qu'on peut poser une question? D'après
le règlement...
Une Voix: ...de la fuite.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bertrand: Cela fait partie de la fuite.
Une Voix: On peut vous souhaiter un bon week-end quand
même.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
motion du député de Richmond se lit de la façon suivante:
Que la commission appuie les prises de position du ministre de l'Immigration
sur la juridiction du Québec en matière d'immigration, notamment
en ce qui concerne la maîtrise et la sélection des immigrants sur
le territoire du Québec. La parole est au député de
Richmond.
M. Chevrette: Avant, sur la question de règlement et vu
qu'il y a une fuite, est-ce qu'on peut faire noter qu'un tel retrait, une
abstention ne nuit en rien à la position unanime que pourrait
avoir...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne
veux aucunement présumer du vote qui sera pris mais, en supposant que le
vote soit unanime, il sera à l'unanimité des membres
présents.
M. Chevrette: D'accord. On peut...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière ): Nous
avons le quorum.
M. Biron: M. le Président, même si
l'Assemblée...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que vous voudriez vous asseoir, M. le député de
Lotbinière!
M. Chevrette: Consentement unanime. M. Biron: Le
consentement unanime... M. Chevrette: Bien sûr... M. Biron:
Pour remplacer...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Couture: M. le Président, est-ce que je pourrais... Je
voudrais en profiter pour souhaiter la plus cordiale bienvenue au chef de
l'Union Nationale.
M. Bertrand: Au chef de l'Opposition.
M. Couture: II nous honore de sa présence et j'imagine que
cela apportera un poids nouveau et fort intéressant à la motion
qui est sur la table.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour que
le député de Lotbinière puisse remplacer le
député de Johnson, il faudrait le consentement unanime des
membres de la commission.
M. Chevrette: Des membres présents.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, des
membres présents.
M. Couture: Consentement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
consentement étant accordé, le député de
Lotbinière remplace M. Bellemare (Johnson). M. le député
de Richmond.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de
plaisir que j'ai présenté cette motion à laquelle vous
venez de faire allusion, pour que les membres de cette commission endossent la
prise de position du ministre de l'Immigration relativement à la
juridiction du Québec en matière d'immigration, notamment en ce
qui concerne la maîtrise de la sélection des immigrants sur le
territoire du Québec.
Pour quiconque, M. le Président, est familier avec l'histoire du
Québec et partant avec l'histoire de l'Union Nationale, qui, à
mon avis, sont indissociables dans ce dossier particulier de l'immigration, il
n'y a pas lieu de s'affoler ou de se poser des questions de nature partisane
sur l'opportunité et le bien-fondé du geste que j'ai posé
au nom de mon parti.
Ce geste s'inscrit dans une logique autonomiste et nationaliste qui a
toujours été identifiée au parti de l'Union Nationale. De
plus, il s'inscrit logiquement et rationnellement dans le cadre d'une
évolution normale des besoins et des aspirations légitimes des
Québécois depuis au moins dix ans. C'est l'Union Nationale qui a
lancé l'idée d'occuper pleinement la juridiction partagée
entre les provinces et le gouvernement fédéral en matière
d'immigration, conformément, d'ailleurs, à l'article 95 de l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique.
Bien avant la création du ministère proprement dit, nous
avions posé des gestes pour que le Québec se dote de structures
qui lui permettraient d'assumer ses responsabilités dans ce domaine.
Ainsi, nul n'a été surpris lorsque après la prise du
pouvoir, en 1966, l'Union Nationale a mis toute la procédure
législative et administrative en branle en vue de la création du
ministère de l'Immigration du Québec. A ce moment-ci, je crois
qu'il est de mise de citer quelques extraits du journal des Débats de
1968, lors de l'étude du projet de loi no 75, intitulé Loi du
ministère de l'Immigration, pour démontrer bien clairement notre
volonté, en tant que Québécois, de nous donner cet outil
indispensable que constitue une politique d'immigration pour l'avenir et le
progrès économique, social et culturel du Québec.
Le 29 octobre 1968, le parrain de ce bill et premier ministre de la
province à l'époque, l'honorable Jean-Jacques Bertrand, disait ce
qui suit. Il me fait plaisir de faire cette citation en présence de son
fils, l'honorable député de Vanier, qui s'inscrit d'ailleurs dans
la même ligne de pensée. Je cite: "Je pense que je puis
déclarer qu'il en parlant de ce projet de loi pourrait et
devrait porter le nom de tous les députés de l'Assemblée
législative du Québec qui, par leurs propos, leur attitude,
démontrent que le climat est changé au Québec et que, dans
le domaine de la politique de l'immigration, c'est l'unanimité non pas
factice, mais réelle de tout le Parlement de Québec qui appuie le
bill 75 qui crée enfin, après tant d'années, un
ministère de l'Immigration au Québec... Je voulais tout
simplement, comme parrain de ce bill, dire que voilà un geste positif,
un geste prometteur. Quand il y a de l'action, et une action positive, il y a
de l'espoir, de l'espoir qu'enfin nous allons occuper d'une manière
véritable un champ d'activités gouvernementales qui relevait de
notre juridiction. "Le geste posé par la présentation de ce
projet de loi est un geste, je crois et on l'a vu par les discours qui
ont été prononcés bien accueilli, un geste qui
reçoit l'unanimité de cette Chambre et qui nous permet, enfin,
non seulement de prononcer des discours, ce qui est tellement facile, mais
d'agir d'une manière positive, espérant que dans 100 ans,
puisqu'on a attendu quasi 100 ans pour poser un tel geste, les gens diront au
moins: on a agi. Quant aux résultats, je laisse à l'histoire d'en
juger, désireux seulement d'apporter de ce côté-ci comme de
l'autre côté, je le sens, notre action la plus forte, la plus
vigoureuse, la
plus dynamique pour corriger une situation qui a trop duré et
poser les jalons qui assurent davantage la permanence de
l'élément francophone au Québec."
M. le Président, il me fait doublement plaisir de souligner la
pensée de l'honorable Jean-Jacques Bertrand, à ce moment-ci,
puisqu'il m'a été donné également de siéger
en cette Chambre, en sa présence. Lorsque j'ai été
député de 1970 à 1973, j'ai pu le connaître
personnellement, connaître également sa grandeur d'âme, la
profondeur de ses sentiments et son attachement pour le Québec.
J'aimerais également citer ici, M. le Président, les
paroles prononcées par le député de Bellechasse, à
l'époque, M. Gabriel Loubier, qui avait été l'un des
instigateurs farouches de la création du ministère de
l'Immigration. Il disait, entre autres: "M. le Président,
députés ministériels comme députés de
l'Opposition, lors de la dernière campagne électorale et
après la campagne électorale, nous proclamions, tous à
l'unisson, que le Québec a un destin particulier comme peuple. Nous
prétendons avec vigueur, de ce côté-ci de la Chambre, que
le Québec n'est pas un état comme les autres et qu'il ne doit pas
être considéré comme tel. Nous affirmons avec
énergie et avec conviction que le Québec est le foyer
véritable d'une nation distincte et que nous avons un souci particulier
pour le capital le plus précieux du Québec, son capital humain. A
ce titre, nous voulons à tout prix nous donner tous les leviers, tous
les instruments pour répondre aux impératifs de ce destin et
faire en sorte que, partout, le Québec soit reconnu comme le
véritable foyer d'une nation différente." "M. le
Président, notre capital humain, notre capital culturel, notre capital
historique n'est pas parfait, n'est pas le plus riche, mais nous visons
à la perfection. Nous visons également à faire en sorte
que le Québec, foyer d'une nation, soit orgueilleux, fier et soit
capable de continuer à s'épanouir et à être
considéré comme une entité valable sur le continent
nord-américain. "Je ne puis qu'applaudir à la création du
ministère de l'Immigration parce que je sais que le Québec se
donne un autre instrument de prestige pour que nous puissions, partout à
travers le monde, remplir cette dimension internationale que nous sommes en
train de nous donner... "On peut différer d'opinion sur les moyens, on
peut différer d'opinion quant à la valeur du ministère
comme tel aujourd'hui, mais je pense que tous, dans cette Chambre, nous sommes
désireux de constater et de faire en sorte que le Québec occupe
un champ de juridiction qui aurait dû être occupé depuis
longtemps. Aujourd'hui, nous agissons d'une façon vigoureuse, de
façon déterminée, ayant conscience que les
négociations avec le fédéral vont persister dans un climat
de dialogue et que nous aurons au Québec une politique de l'immigration
voulue, cohérente, consistante, qui desservira les intérêts
culturels, sociaux et économiques du Québec."
Autant nous n'avons pas craint, M. le Président, de poser un
geste vigoureux, en 1968, autant nous croyons qu'il est de notre devoir,
aujourd'hui, en notre qualité d'Opposition responsable, et devrais-je
dire en l'absence de toutes les autres Oppositions aujourd'hui à la
commission, en tant qu'Opposition officielle, d'être conséquents
avec nous-mêmes et d'appuyer, avec tous les moyens à notre
disposition, l'action ferme mais modérée du ministère de
l'Immigration dans le contexte social politique actuel.
Personnellement, je comprends mal que cette motion n'attire pas
l'unanimité des membres de cette commission. Nous croyons qu'il est
essentiel que le projet préconisé par le ministre de
l'Immigration tel qu'il nous en a fait part l'autre jour ne soit pas
conçu comme une prise de position du Parti québécois mais
bien comme une prise de position de l'Assemblée nationale tout
entière et, par le biais de celle-ci, du peuple
québécois.
Je pense, M. le Président, que les déclarations des
responsables fédéraux, du gouvernement fédéral en
la matière, dernièrement, démontre, en ce qui concerne M.
Cullen et, par après, M. Trudeau dans la déclaration de
rectification qu'il a faite hier, une attitude d'ouverture par rapport à
une possibilité d'entente dans ce domaine.
Le ministre responsable qui est devant nous aujourd'hui va rencontrer
son homologue fédéral bientôt, et c'est dans cet esprit que
j'avais proposé cette motion de faire l'unanimité non pas autour
d'un programme partisan d'un parti politique, mais puisque chacun des partis
qui étaient alors présents à la commission parlementaire,
le ministre d'une part, le Parti libéral à ce moment-là et
nous-mêmes avions donné notre accord de principe sur le document
que le ministre avait déposé, je tiens bien à
préciser ici que les libéraux n'étaient pas d'accord sur
les modalités de l'application, mais sur les principes ils
étaient d'accord. Ils l'ont d'ailleurs souligné, comme nous
l'avons fait, puisque, raison de plus, cet élément était
dans notre programme. Donc, nous voulions créer un bloc autour d'une
question de principe à laquelle nous souscrivions tous
c'est-à-dire souligner la position, non pas d'un parti ou de deux partis
au Québec, mais celle du gouvernement du Québec appuyée de
ses citoyens et de tous les partis qui composent le gouvernement
actuellement.
Je déplore qu'aujourd'hui, au moment où il est temps de
voter cette motion, nous ne soyons pas en présence, les trois partis,
sur la même question à voter. Remarquez bien que je ne porte ici
aucun jugement sur le parti libéral, il est libre de faire ce qu'il veut
avec ce qui lui reste. Ce n'est pas à moi de les juger, ils le seront
avec le temps. Remontons un peu en arrière, au mardi 29 octobre 1968, et
j'ai en main le journal des Débats de l'Assemblée
législative d'alors, quand on a pris le vote sur la création du
ministère.
Je remarque, en deuxième lecture: pour: 73; contre: 0. C'est donc
dire qu'à l'époque, à l'annonce de cette deuxième
lecture du projet de loi créant le ministère de l'Immigration,
les libéraux, qui étaient l'Opposition d'alors, ont
été faborables au projet. A la troisième lecture, le
même vote a été pris sauf une exception, M.
Lévesque, qui était
à ce moment-là député indépendant et
qui pour d'autres raisons s'est abstenu.
C'est donc dire que je trouve extrêmement curieux ce qui se passe
maintenant. On a une proposition qui s'inscrit exactement dans la même
foulée que le principe de la création du ministère de
l'Immigration, c'est-à-dire de lui donner les pouvoirs inhérents
à une entité culturelle, celle que nous sommes. A ce moment-ci,
quelques années plus tard, le même parti qui endossait et appuyait
la création du ministère brille par son absence.
La motion que j'ai présentée, j'y crois fermement et je
suis conscient et heureux d'avoir l'appui de mon parti en cette matière.
Le geste de regrouper, comme nous le voulions, toutes les volontés du
Québec autour de cet outil que nous avons absolument besoin d'avoir,
c'est-à-dire le contrôle de notre immigration, ce geste est
d'autant plus nécessaire qu'hier on apprenait par la voix des media
d'information qu'il y avait aussi de certains côtés, certaines
réticences des autorités gouvernementales fédérales
relativement à la position du Québec. C'est donc dire que nous
serions arrivés avec une position de force obligeant davantage le
gouvernement fédéral à reconnaître les juridictions
que nous avons le droit de demander en la matière.
Nous croyons que le ministre et le gouvernement du Québec ont
besoin de l'appui de tous les Québécois pour représenter
efficacement et positivement les revendications du Québec en
matière d'immigration.
C'est pourquoi je demande à tous les membres de cette commission
de voter à l'unanimité en faveur de cette motion, mettant de
côté pour le moment nos choix politiques et nos couleurs
partisanes pour faire preuve de solidarité et d'unité, en vous
soulignant que les députés élus en cette Chambre le sont
pour prendre position sur les différents sujets soumis à
l'Assemblée nationale comme aux commissions. Je vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Jacques Couture
M. Couture: M. le Président, je dois dire d'abord que je
me réjouis grandement que cette proposition que nous avons faite au
début de la commission parlementaire ait déclenché un
grand débat et ait reçu, parmi les membres de cette commission,
cet appui si manifeste qui a été mentionné par le
député de Richmond. Je voudrais simplement, en quelques mots,
souligner les véritables objectifs que nous avons.
Nous sommes un gouvernement du Parti québécois dont tout
le monde sait que notre objectif, à long terme, est la
souveraineté politique. Tout le monde le sait et tous ceux qui militent
dans ce parti ont, comme ambition légitime et comme ferveur, de
travailler à la souveraineté politique du Québec, parce
que, justement, l'histoire des 100 dernières années, l'histoire
des négociations continuelles avec le gouvernement central, les
difficultés énormes rencontrées dans la revendica- tion de
nos droits, dans le respect de nous-mêmes, nous ont amenés
à cette conclusion que la solution à nos problèmes, comme
nation, n'est possible que dans un cadre différent, et ce que nous avons
choisi, c'est la souveraineté politique.
Ceci dit, par honnêteté pour ceux qui nous ont élus
le 15 novembre, ce mandat précis de gouvernement provincial, en sachant
quand même que tous les Québécois qui avaient appuyé
ce gouvernement provincial savaient que ce dernier avait cette option de
l'indépendance du Québec et savaient aussi
qu'éventuellement au cours de ce mandat, on ferait appel à eux
pour l'appuyer dans la négociation pour l'indépendance du
Québec, il faut dire que, dans ce cadre fédéral dans
lequel nous sommes actuellement, ce mandat qui nous est donné
d'ailleurs après le serment que nous avons prononcé à ce
sujet, je me sens très responsable de ce côté c'est,
au moins, et le premier ministre du Québec l'a
répété souvent, d'aller chercher tous les pouvoirs que la
constitution actuelle du Canada nous permet d'obtenir.
C'est tellement vrai que, si vous repassez à peu près tous
les dossiers de nos ministères, il n'y a presque pas de ministère
qui n'a pas un dossier en litige avec le gouvernement central. Actuellement, au
moins, notre premier objectif, c'est d'être le meilleur des gouvernements
autonomistes à ce sujet, je pense qu'on peut dire qu'il y a une
certaine continuité avec les gouvernements précédents
de récupérer tous les pouvoirs possibles dans cette
constitution et d'affirmer collectivement ces droits qui, pendant des
années et des années, ont été défendus par
plusieurs de nos prédécesseurs qui ont été des
patriotes. Ici, je rends hommage à l'ancien premier ministre du
Québec, M. Bertrand, entre autres, qui a été à
l'origine de ce ministère.
Je voudrais simplement rappeler une phrase que vous avez citée
tout à l'heure et que je trouve très significative. M. Bertrand
disait justement ceci, en 1968: "... les gens diront au moins: On a agi. Quant
aux résultats..."
Quand ils ont créé ce ministère et qu'ils ont
entrepris cette politique, c'était en 1968 et ils ne savaient pas trop
où cela irait. "Quant aux résultats, je laisse à
l'histoire d'en juger, désireux seulement d'apporter, de ce
côté-ci comme de l'autre côté, je le sens, notre
action la plus forte, la plus vigoureuse, la plus dynamique pour corriger une
situation qui a trop duré et poser les jalons qui assurent davantage la
permanence de l'élément francophone au Québec." On doit
dire, hélas, que la création du ministère de l'Immigration
au Québec n'a pas apporté les résultats escomptés.
Il y a eu d'énormes efforts pour, au moins, avoir une certaine
présence dans ce milieu. Il y a eu certains accords, que vous
connaissez, où le Québec, effectivement, pouvait par ses agents
influencer la décision fédérale. Mais dans l'ensemble,
quand on regarde les résultats actuels, les chiffres que nous avons
devant les yeux, cet instrument du ministère de l'Immigration du
Québec est, à toutes fins pratiques, extrêmement faible et
donne peu de résultats pour maîtriser et pour contrôler le
développement de la population au Québec.
Je peux vous rappeler globalement des chiffres que je trouve brutaux,
mais qui sont extrêmement éloquents. De tous les immigrants qui
arrivent au Québec, il y en a à peine 20% qui vont dans nos COFI
qui d'après le ministère qui avait été
créé et aussi à la suite des négociations devaient
être un instrument important de préparation des immigrants
à s'adapter à la communauté francophone. A toutes fins
pratiques, parmi tous les immigrants qui arrivent au Québec,
au-delà de 80% de ceux qui ne parlent pas français
s'intègrent au secteur anglophone. Je n'ai pas à reprendre tout
ce qui a été dit dans la proposition du Québec. Je crois
que nous en sommes là aujourd'hui. Nous avons le choix entre garder un
ministère fantôme, qui donne peu ou pas de résultats, ou
bien, décidément, de lui donner la force nécessaire et les
instruments nécessaires pour arriver à certains objectifs.
Comme le disait M. Lévesque, hier, je crois que, de toute
façon, il ne sera jamais possible, dans le cadre fédéral
actuel, de prétendre à ce contrôle décisif en
matière d'immigration. Même si nous entreprenons une
négociation fort importante, même si nous nous réjouissons
de ces appuis de tous les milieux et de votre parti, entre autres, nous ne nous
faisons pas d'illusions. Nous sommes conscients que la solution au
problème du contrôle de la population immigrante, dans le
Québec, est effectivement dans la souveraineté politique. A cause
du mandat reçu le 15 novembre et à cause de nos
responsabilités comme gouvernement provincial actuel, cela ne nous
empêche pas du tout je pense qu'il faut le faire fermement,
vigoureusement et avec beaucoup de civilité de rencontrer ce
partenaire fédéral et, à la lumière de la
constitution, à la lumière des chiffres que nous avons, à
la lumière du bilan que nous avons fait de ce ministère au
Québec depuis quelques années, de lui dire: Pour nous,
Québécois, dans cette communauté originale et cela
a aussi été rappelé par M. Loubier sachant que le
Québec est le foyer véritable d'une nation distincte", nous
voulons nous donner tous les leviers, tous les instruments pour répondre
aux impératifs de ce destin et faire en sorte que, partout, le
Québec soit reconnu comme le véritable foyer d'une nation
différente."
Dans l'époque actuelle, où la natalité baisse au
Québec, vu l'importance de cette contribution de l'immigration pour
l'élaboration d'une nouvelle société et
l'édification aussi d'une société à notre
goût, à notre image, il est absolument essentiel et très
important de contrôler cette immigration. Dans notre approche avec le
fédéral, on pourra certainement, forts de votre appui et à
la lumière de ce que nous présentons, réclamer, même
dans ce cadre fédéral, le plus de pouvoirs possible.
Evidemment, le vrai gouvernement souverain restera toujours le
gouvernement fédéral canadien qui, en dernière instance,
donne le visa. Mais nous disons qu'il faut absolument et pour cela c'est
vraiment très important que tous les Québécois soient
derrière nous que dans la sélection des immigrants, ceux
qui viennent au Québec, ceux qui se préparent à participer
à cette société que nous bâtissons ensemble, il faut
absolument que ce soit le Québec qui soit le maître d'oeuvre.
Il y avait un slogan, au début des années soixante, qui
disait: Maîtres chez nous. Les grandes désillusions que nous avons
connues dans l'histoire des relations fédérales-provinciales ne
nous empêchent pas de continuer ces efforts que certains calculent de
désespérés, mais c'est notre responsabilité
actuelle de réclamer ce qui nous appartient. Nous le ferons
fermement.
Je termine, M. le Président, en rappelant aux membres de cette
commission que le combat n'est pas terminé, dans ce domaine comme dans
d'autres. Mais j'ai appris, dans ma petite expérience, que pour faire
des grands bonds en avant, il faut d'abord faire des petits pas, et nous
continuons à les faire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Joliette-Montcalm.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, vous me permettrez de dire
que, ce matin, je suis très heureux et très déçu.
Heureux d'abord de constater que l'Union Nationale a été
cohérente avec son discours en réponse au discours inaugural, en
ce sens qu'elle avait affirmé, à ce moment, qu'elle appuierait le
gouvernement lorsqu'elle jugerait que cela correspondait à son
idéologie, à sa pensée. A ce compte, personnellement,
j'avais rêvé, en tant que nouveau député, que
c'était de même que devait se traduire la politique. J'ai
été très souvent désenchanté depuis le
début, mais ce matin, il me fait plaisir de constater qu'il y a une
cohérence au moins au niveau d'une opposition. C'est encourageant.
Déçu amèrement par le geste posé par
l'Opposition officielle et les représentants du Parti libéral.
Déçu parce que ces mêmes gens viennent de prouver toute
leur incohérence au niveau même de cette commission parlementaire,
en ayant, dans un premier temps, appuyé avec passablement d'insistance,
le principe même de la position défendue par le ministre de
l'Immigration. Déçu aussi parce que cela explique passablement
bien, le peu de chemin franchi au cours des dernières années par
ce gouvernement qui nous a précédés. Ce n'est pas
surprenant de constater ces six ans d'échec, quand on regarde le
comportement de ces individus, paniqués, affolés, apeurés
devant une proposition d'appui à une position gouvernementale. Ce n'est
pas surprenant qu'on puisse entendre continuellement, de la bouche de ces
mêmes représentants de l'Opposition officielle, le mot
"incertitude", le mot "crainte", leur visage paniqué et leurs propos
plutôt incertains montrant hors de tout doute, pourquoi les
Québécois ont réagi avec autant de vigueur le 15 novembre
dernier, pourquoi les Québécois les placeront fort probablement
en troisième position d'ici peu, si on en a la chance.
Je voudrais aussi féliciter l'Union Nationale qui, à mon
sens, démontre cette volonté d'autonomie au niveau provincial. Je
pense que c'est un
geste de solidarité. La solidarité, c'est sûrement
un des grands éléments, une des grandes forces qui nous restent
face au gouvernement central. Je les remercie officiellement et je voudrais
leur dire que continuer ce nouveau style d'opposition, c'est probablement
tenter de donner aux Québécois un espoir, en tout cas, d'une
autonomie de plus en plus grande.
Je n'irai pas jusqu'à dire que ce sera un mariage d'amour de fin
de course, mais c'est sûrement une volonté de libérer le
peuple québécois graduellement. Cette aide ne peut que profiter
à l'ensemble des Québécois. Je voudrais les remercier
officiellement tout en regrettant et en souhaitant que le public
québécois soit mis au courant de ce geste de lâcheté
de l'Opposition officielle, ce manque de responsabilité publique qu'elle
vient de poser. C'est vraiment décevant et c'est vraiment peu
encourageant pour un certain pourcentage de Québécois qui avait
mis leur foi en cette Opposition officielle de les voir se comporter comme des
petits enfants paniqués devant leur grand-père qui leur fait des
gros yeux.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Vanier.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: Je voudrais d'abord insister sur le besoin qu'il y
avait ce matin de faire l'unanimité sur la motion du
député de Richmond. On se rappellera que, lorsque j'avais
présenté une motion à peu près identique, en
commission parlementaire des communications, l'Opposition officielle, se
réfugiant derrière la tradition qui empêche,
paraît-il, qu'on fasse des motions en commission parlementaire qui
étudie des crédits, s'était retranchée du
débat, retranchée du vote et, à toutes fins pratiques,
avait empêché que nous puissions donner un mandat unanime au
minidtre des Communications, M. O'Neill, pour qu'il puisse revendiquer du
gouvernement fédéral le retrait du projet de loi C-43, si ma
mémoire est bonne, sur les télécommunications.
A ce moment-là, ils avaient invoqué, entre autres
arguments, le fait que, si les députés ministériels
commençaient à présenter des motions, cela allait devenir
tôt ou tard une forme de bâillon à l'endroit de
l'Opposition, l'empêchant ainsi de poser toutes les questions sur les
crédits d'un ministère. Passons le chiffon sur cette
première altercation que nous avions connue et venons-en à
celle-ci.
Cette fois, c'est l'Union Nationale qui présente la motion, donc
un parti de l'Opposition, donc un parti qui avait tout intérêt
qu'on puisse discuter des crédits dans la période qui
était mise à notre disposition. Deuxièmement, nous avons
étudié les crédits, nous les avons étudiés
à la satisfaction de l'Opposition officielle, qui affirmait, à la
dernière séance, que quant à elle elle n'avait plus de
questions à poser. Elle avait le sentiment d'avoir reçu toutes
les réponses du ministre de l'Immigration et que donc, dans son esprit,
la commission parle- mentaire sur l'étude des crédits avait bien
rempli son mandat.
Je ne comprends pas, étant donné ces deux points
premièrement, que la motion vient de l'Opposition et que,
deuxièmement, les crédits ont pu être étudiés
sans que cette motion ne constitue un bâillon qu'au moment
même où il nous reste quelques heures où on peut travailler
ils ne soient pas présents. Il n'y a plus de bâillon, à ce
stade-ci, les crédits ont été étudiés, il
n'y a que la possibilité de permettre à une commission
parlementaire...
Dieu sait que je me réjouis, maintenant, de voir à quel
point la motion était bienvenue, parce qu'on a vu les réactions
que cela a occasionné au niveau du gouvernement fédéral,
on a vu à quel point la presse en a fait état, à quel
point, comme le soulignait le ministre tantôt, cela a permis d'engager un
débat de fond particulièrement intéressant et tout cela
dans le cadre d'une commission parlementaire qui étudie des
crédits. Quant à moi, c'est normal que cela se fasse dans ce
cadre.
Le Parti libéral pouvait, ce matin, revenir ici discuter de la
motion et voter sur cette motion; aucune raison ne pouvait justifier leur
absence, pas même celle qu'ils ont invoquée à la toute fin
et qui consistait à dire: Nous nous abstenons de discuter et de voter
parce que nous considérons que ce n'est pas l'endroit pour
présenter des motions de fond de ce genre. Or, ce sont eux-mêmes
qui avaient engage le débat sur le contentieux
fédéral-provincial; ils avaient eux-mêmes fait part au
ministre de l'Immigration de leur acceptation de principe quant au document
présenté sur la sélection des immigrants. C'est uniquement
au moment où on les amène à prendre vraiment des positions
en termes de décisions qu'ils se sentent incapables d'aller jusqu'au
bout de leur logique et, pour emprunter le langage du député de
Joliette, d'être cohérents avec eux-mêmes.
Donc, je pense qu'il faut vraiment dégager de cette attitude...
Certains pourraient dire qu'on veut peut-être en profiter pour faire de
la partisanerie politique.
Mais quant à moi, je considère qu'étant
donné toutes ces raisons qui font que la motion n'a pas
été un bâillon et qu'ils pouvaient maintenant en discuter,
il faut vraiment considérer que cette fois-ci ils sont en train de faire
la preuve qu'ils veulent vraiment s'abstenir de prendre des décisions
qui risqueraient de donner l'impression, devant l'opinion publique
québécoise, que l'ensemble de l'Assemblée nationale est
unanime face à certaines revendications qui ont toujours
été exprimées par tous les gouvernements du
Québec.
Je sens pourquoi ils sont incapables de prendre de telles positions.
Quand on réalise qu'à la commission des communications ils se
sont abstenus et de discuter et de voter; qu'à la commission de la
justice, ils se sont abstenus de prendre une décision quand on a
formulé la recommandation d'avoir deux patrouilleurs par
véhicule; quand on voit les déclarations du député
de Notre-Dame-de-Grâce qui dit: Si jamais les Québécois
décidaient de faire la souveraineté politique du Québec,
quant à moi je m'en vais dans le Canada;
quand on voit l'exil d'un ex-chef politique du Parti libéral, je
me dis qu'on est vraiment en face d'un Parti libéral qui a
consacré, comme principe moteur de son action, la fuite. Quand, sur un
ensemble de dossiers où l'unanimité des Québécois
nous permettrait de manifester qu'au-delà de l'esprit de parti, il
existe un esprit de patrie qui prédomine sur les tensions, les
contradictions, les débats qui peuvent avoir lieu en commission ou
à l'Assemblée nationale, moi je dis qu'ils doivent être
tenus pour responsables de ce climat d'incertitude et d'inquiétude dont
eux-mêmes parlent très souvent dans la période des
questions et qu'on pourrait sans doute éviter si, à l'occasion,
sur des choses qui semblent faire l'unanimité, on réussissait
à obtenir l'accord de tous les partis politiques.
Jusqu'à un certain point, j'en arrive même à
constater, avec le temps, depuis six mois, qu'il y a en réalité
deux partis québécois au Québec: l'Union Nationale d'une
part, le Parti québécois de l'autre. Quant à moi, et c'est
un jugement que je me fais après six mois, le Parti libéral n'est
certainement pas représentatif de la collectivité
québécoise. S'il l'était vraiment, il devrait très
souvent avoir l'attitude de l'Union Nationale, qui, quant à moi, comme
le disait le député de Joliette, me paraît tout à
fait normale, d'appuyer le gouvernement quand on a l'impression que le
gouvernement va dans le sens de l'intérêt et de la population et
de l'idéologie de l'Union Nationale, et de le combattre quand on a le
sentiment, aux yeux mêmes d'un parti politique, que ce gouvernement ne va
pas dans le sens des intérêts de la population.
Mais jamais, depuis le 15 novembre, le Parti libéral n'a
profité de quelque occation que ce soit, surtout dans des dossiers
où lui-même avait pris des engagements, entre 1970 et 1976; jamais
nous ne l'avons vu, depuis le 15 novembre, appuyer des revendications normales
qui s'inscrivaient dans cette espèce de continuité qui a
caractérisé tous les gouvernements du Québec au cours des
100 dernières années, à l'intérieur de la
Confédération canadienne.
Ceci étant dit sur le Parti libéral, je voudrais en
même temps ajouter à quel point, n'étant pas présent
à cette commission parlementaire, même si on va tantôt
finalement voter à l'unanimité des membres présents, il
aurait été important, pour le ministre de l'Immigration, que
cette unanimité se manifeste, mais alors l'unanimité de tous les
partis politiques.
Nous avons pris connaissance, tous et chacun, au cours des derniers
jours, des déclarations de M. Trudeau: l'une, paraît-il,
n'exprimant pas le fond de sa pensée, la seconde, paraît-il, se
rapprochant davantage de ses sentiments sur cette question. Toujours est-il que
peu importent ses réactions, on commence à s'habituer
progressivement à des contradictions dans un discours ou dans un autre
du premier ministre canadien. Dans une ville c'est une déclaration, dans
une autre c'en est une autre. Etant au Parlement fédéral, il se
sent plus à l'aise peut-être pour exprimer un aspect de sa
pensée; étant dans la ville de Québec en période
d'élections partielles fédérales, il se sent
peut-être plus à l'aise pour exprimer une au- tre partie de sa
pensée. Quant à moi, c'est la démonstration
évidente de ce qui se passe dans le moment sur le dossier de
l'immigration. Il ne faut pas attendre du gouvernement fédéral
que lui, il manifeste sa position sur un dossier.
Il faut au contraire, je pense, que ce soient les
Québécois eux-mêmes, à travers leurs
représentants réunis à l'Assemblée nationale,
à l'intérieur de partis politiques différents, qui
manifestent leur solidarité face à des dossiers comme celui de
l'immigration.
C'est pour oela que c'est important que tous les partis soient
solidaires dans cette action, parce que justement, au gré des vents, au
gré des conjonctures, au gré des élections partielles ou
générales, nous assistons à des revirements de situation
au niveau du gouvernement fédéral quant à sa pensée
politique face à certains dossiers.
Il ne faut pas qu'au niveau du Québec on ait ce genre d'attitude
qui ferait qu'à une certaine époque c'est important d'être
solidaires et qu'à une certaine autre ce n'est pas important. Il faut
cette fois-ci, étant donné certaines contradictions qu'on semble
relever au niveau du gouvernement fédéral, que l'ensemble des
partis politiques se montrent solidaires derrière la motion du
député de Richmond, de sorte que le ministre de l'Immigration,
qui va rencontrer son homologue fédéral, puisse lui dire:
Peut-être que, chez vous, vous n'avez pas réussi à
créer ce consensus nécessaire pour aller dialoguer avec le
ministre de l'Immigration du Québec, mais, quant à nous, au
Québec, on l'a, le consensus, pour appuyer nos revendications face
à vous. Et cela est important.
Donc, en terminant, je voudrais exprimer cela va peut-être
paraître un peu curieux à quel point, aujourd'hui, je suis
fier de l'Union Nationale. J'ai très nettement le sentiment parce que,
quand même, il ne faut pas cacher qu'on en fut que vous êtes
allés à la bonne source pour exprimer votre position aujourd'hui.
Je suis heureux de constater que l'Union Nationale se réinscrit, parce
qu'on avait eu des doutes, surtout au moment de la campagne électorale,
dans ce processus normal qui était celui d'un nationalisme le plus
poussé possible, d'une très grande volonté d'autonomie,
d'une très grande volonté de revendication face au gouvernement
fédéral. Il y a même des jours où je me plais
à penser que, si le Parti québécois n'existait pas, c'est
presque à se demander si l'Union Nationale ne serait pas de ce
côté-ci de la Chambre pour proposer aux Québécois la
souveraineté-association.
Si l'Union Nationale avait été laissée à
elle-même, en l'absence de la naissance de notre parti politique, je me
demande parfois, dans la poursuite de l'idée d'égalité ou
d'indépendance, à quel genre de parti nous ferions face
aujourd'hui. Il y a des moments où je me dis que, peut-être, le
seul frein qui empêche l'Union Nationale d'accéder ou de
déboucher sur la souveraineté-association, c'est qu'il y en a un
autre qui l'a proposé déjà et qui est allé chercher
dans l'ensemble de la population un certain appui sur cette thèse.
Mais toujours est-il qu'indépendamment de ces
considérations il n'en demeure pas moins que
le fait de se sentir solidaires autour de cette position sur
l'immigration, quant à moi, augure bien pour l'avenir. Je ne dis pas,
par cela, que j'ai la conviction aujourd'hui qu'au moment où le
référendum se tiendra et où le Parti
québécois présentera la souveraineté-association
à la population l'Union Nationale sera unanime derrière le Parti
québécois et que nous aurons vraiment un bloc
québécois contre un autre bloc qui l'est moins ou qui ne l'est
pas. Mais connaissant la façon dont fonctionne le chef de l'Union
Nationale depuis le 15 novembre et voyant un peu l'attitude qu'il a prise sur
la question linguistique, j'ai très nettement le sentiment qu'il a
l'esprit ouvert et qu'il n'est pas, à l'heure actuelle, retranché
dans une position qui consisterait à dire: C'est un parti
séparatiste, c'est un parti qui a l'intention d'établir des
frontières autour du Québec, c'est un parti qui a l'intention de
nous isoler. J'ai l'impression que le chef de l'Union Nationale, ayant un
esprit ouvert, va regarder le débat se préparer et qu'il ne va
pas y assister comme quelqu'un qui a des positions toutes faites en partant,
mais comme quelqu'un qui a sans doute l'intention, peut-être comme il le
manifeste en ce moment sur la question de l'immigration et comme vous l'avez
manifesté sur la question des communications l'autre fois, de
démontrer que ce qu'il faut rechercher, d'abord et avant tout, d'ici le
moment du référendum, c'est d'arriver à créer ce
consensus des Québécois autour d'une position qui serait
acceptable pour l'ensemble des Québécois.
Quel que soit le résultat du référendum à
venir peut-être que je m'écarte de la question, M. le
Président s'il arrivait, par malheur pour les
Québécois, que ce référendum soit négatif,
je suis certain que l'Union Nationale ne serait pas de ceux qui, le lendemain
du résultat, diraient: Bravol On s'en frotte les mains; maintenant, on
est dans le Canada, statu quo pour la vie, mais qu'au contraire l'Union
Nationale aurait le sentiment que ce résultat ne serait sans doute pas
la démonstration qu'il n'y a pas lieu de faire quelque chose de
très important qui ressemble à la
souveraineté-association, mais pour laquelle ils ne seraient pas
embarqués à ce moment-là.
Ces impressions que je voulais livrer quant à moi ne voulaient
que manifester à quel point j'ai toujours pensé et je continue de
penser qu'il y a une profonde continuité entre l'Union Nationale et le
Parti québécois et que sur ce dossier de l'immigration comme sur
celui des communications nous en avons fait la démonstration. Je pense
que nous avons servi l'intérêt des Québécois en
agissant de la sorte. Pour le reste, le vrai visage d'un certain parti
politique se découvre de plus en plus, et les gens comprendront sans
doute, j'espère que c'est même déjà vrai que, dans
les sondages, l'Union Nationale est au deuxième rang, je le souhaite
ardemment pour que soit consacré le fait que c'est elle qui, maintenant,
représente l'Opposition officielle à l'Assemblée
nationale.
M. Rodrigue Biron M. Biron: M. le Président, je ne pourrai
pas faire un long discours. Tout simplement quelques mots, très brefs,
d'abord pour féliciter et remercier le député de Richmond
pour ce dynamisme qu'il manifeste dans les travaux de l'Assemblée
nationale, des commissions, pour les idées nouvelles qu'il apporte.
C'est peut-être l'exemple classique de l'Union Nationale d'aujourd'hui de
voir Yvon Brochu, député de Richmond, qui a laissé un
autre parti politique pour venir se joindre à l'Union Nationale parce
qu'il croyait que ce parti nationaliste modéré devait
véritablement se renforcer sur la scène politique
québécoise et être utile à la population du
Québec et au gouvernement du Québec.
Si j'ai voulu être ici aujourd'hui, c'est à cause de
l'absence du leader parlementaire de l'Union Nationale, M. Maurice Bellemare
qui, pour cause de maladie, doit prendre quelques jours de repos. On s'est
parlé ce matin, chez lui, et il est au repos encore pour plusieurs
jours. J'aurais voulu qu'il soit ici parce que c'est l'homme le plus important
dans le parti après moi. J'aurais voulu qu'il participe à cette
fin de commission parlementaire et dire lui-même au ministre comment il
appréciait le travail et la compétence qu'il manifeste dans ce
dossier en particulier. Alors je remercie le député de Richmond
et je le félicite.
Je veux maintenant m'adresser au ministre de l'Immigration pendant
quelques minutes pour lui dire qu'à chaque fois que le ministre et le
gouvernement du Québec agiront comme un bon gouvernement provincial,
comme il le mentionnait tout à l'heure, comme un vrai gouvernement des
Québécois, il peut être assuré de l'appui, de la
collaboration, et des conseils de l'Union Nationale. Chaque fois que le
ministre et le gouvernement du Québec voudront voir
l'amélioration du climat social, politique, économique du
Québec en tant que vrai bon gouvernement provincial, l'Union Nationale
sera toujours là pour être positive et collaborer avec le
gouvernement.
Vous nous parlez, M. le ministre, aussi, de vouloir reprendre tous les
pouvoirs accordés aux provinces par la constitution canadienne, et nous
en sommes à 100%. C'est pour cela d'ailleurs, lorsque vous dites qu'au
point de vue de l'immigration vous voulez reprendre les pouvoirs
accordés aux provinces, nous vous appuyons et vous félicitons.
C'est dans ce sens-là, enfin, que l'Union Nationale veut prouver son
nationalisme modéré en reprenant ces pouvoirs qui appartiennent
aux provinces, et qui, à cause des 110 années depuis la signature
du pacte de la Fédération canadienne, se sont lentement
dirigés vers le gouvernement central. Nous vous félicitons de
vouloir reprendre tous ces pouvoirs et nous vous assurons de notre appui
là-dessus.
Quant à vos chiffres concernant l'immigration, bien sûr,
ils étaient peut-être exacts il y a quelques années, mais
il y a possibilité de corriger la direction prise par nos immigrants par
d'autres façons que de séparer le Québec ou de faire la
souveraineté-association. Il y a possibilité, par d'autres genres
de lois. Comme la loi 22 essayait de corriger un peu le problème, la loi
no 1, dans certains domaines, va corriger aussi ce problème. Alors il y
a moyen, par d'autres méthodes que l'in-
dépendance politique et la séparation du Québec du
Canada, de véritablement corriger la lacune que vous avez
mentionnée tout à l'heure.
On a mentionné aussi tout à l'heure la
responsabilité de l'Union Nationale, que nous avons voulu ce matin
prendre nos responsabilités et je ne veux pas juger le Parti
libéral ce matin. Je crois que les députés du Parti
québécois en ont parlé. Je veux laisser à la
population du Québec de juger leurs actions, leurs décisions. Si
j'ai tenu à être ici ce matin, c'est d'abord à cause de
l'absence de M. Bellemare, mais en tant que chef du parti, je voulais
absolument qu'il y ait l'un des leaders du parti qui soit ici pour appuyer le
député de Richmond et le ministre de l'Immigration dans cette
décision qu'il a prise de faire valoir les droits du Québec comme
province à l'intérieur de notre pays, le Canada.
C'est un signe de responsabilité de la part de l'Union Nationale
et c'est un signe de la responsabilité et de la volonté du chef
de l'Union Nationale de prouver qu'il sait reconnaître les bonnes
décisions du gouvernement du Québec. C'est le style d'Opposition
que j'ai manifesté et que le Parti de l'Union Nationale a
manifesté depuis le 15 novembre dernier. Par ma présence ce
matin, j'ai voulu continuer ce style d'Opposition positif, vigilant bien
sûr, qui sait critiquer lorsqu'il le juge à propos, mais qui sait
aussi reconnaître les bonnes actions d'un parti politique autre que le
sien qui est le gouvernement du Québec à l'heure actuelle.
Je dirais peut-être, à l'adresse du député de
Vanier, que l'Union Nationale est un parti nationaliste beaucoup plus pratique
que théorique, et c'est peut-être ce qui fait que nos actions
d'aujourd'hui sont dans le sens que nous manifestons depuis le 15 novembre
dernier. En terminant, M. le ministre, à chaque fois que vous ferez des
projets collectifs où tous les Québécois pourront se
reconnaître, nous vous appuierons; à chaque fois que vous voudrez
faire en sorte que la population se reconnaîtra, en très grande
majorité, dans des projets donnés, nous vous appuierons; à
chaque fois que le gouvernement du Québec voudra faire des projets
politiques au lieu de faire des projets collectifs, c'est sûr que nous
interviendrons pour essayer de changer le projet, d'abord pour en faire un
projet collectif et, finalement, si cela demeure un projet politique, nous nous
opposerons sur ce projet.
Nous voulons véritablement être positifs et nous voulons
aider le gouvernement du Québec à servir les
intérêts de tous les Québécois. C'est le défi
que j'ai accepté, ce sont les premières paroles que j'ai
prononcées le soir de l'élection du 15 novembre, en disant:
Maintenant que je suis élu, je ne suis pas au service d'un parti
politique ou de ceux qui ont appuyé un parti politique, mais
véritablement au service de tous les Québécois, sans
exception. C'est un signe évident que cette décision de l'Union
Nationale, par le député de Richmond, d'appuyer le gouvernement
met en pratique ces premières paroles que j'avais prononcées
après ma première élection à l'Assemblée
nationale. M. le ministre, je vous félicite de cette décision, je
vous encourage à continuer dans le même sens et je vous assure de
l'appui de l'Union Nationale.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Sainte-Anne.
M. Jean-Marc Lacoste
M. Lacoste: Comme dans les autres domaines des relations
fédérales-provinciales, dans cette question si vitale qu'est
l'immigration, le gouvernement du Québec a demandé à
maintes reprises au gouvernement fédéral de réviser ses
politiques d'immigration de sorte qu'on puisse maintenir l'équilibre
linguistique au Québec. La province a mis sur pied un ministère
de l'Immigration qui a été créé le 5 novembre 1968
par l'Union Nationale, qui était, à ce moment-là, au
pouvoir.
Il y a neuf ans que la population québécoise attend le
gouvernement fédéral pour régler ce problème qu'est
l'immigration, neuf ans d'attente! A mon âge, à 27 ans, je
n'attendrai pas jusqu'à 65 ans pour que le gouvernement
fédéral négocie cette chose. C'est peut-être la
raison pour laquelle j'ai opté pour un parti politique tel que le Parti
québécois qui prônait l'indépendance du
Québec. J'ai entendu trop souvent, dans la population du Québec,
des personnes âgées, dans le temps de M. Duplessis, ancien premier
ministre du Québec sous l'Union Nationale, parler d'autonomie, de
négociations avec le gouvernement fédéral. De
négociation en négociation, on a attendu longtemps. Des hommes
assez âgés nous parlent encore de ce temps.
On parle des années soixante alors que M. Le-sage était
premier ministre et qu'il parlait de révolution tranquille, encore des
négociations! J'ai vu un homme tel que M. Johnson, premier ministre
d'alors de l'Union Nationale, qui parlait d'égalité ou
d'indépendance. On a vu d'autres premiers ministres tels que M.
Jean-Jacques Bertrand je vais en sauter un parce que j'aime autant ne
pas en parler. Maintenant, nous sommes rendus avec un premier ministre, le
député de Taillon, M. René Lévesque, qui a une
conception pour une prise en charge du pouvoir au Québec.
Ce que la population demandait depuis peut-être 40 ans et qu'elle
attend encore, mais quand même, dans le cadre fédéral
actuel, respectant en cela, comme l'a souligné le ministre de
l'Immigration, les engagements que nous avons pris lors de la dernière
campagne électorale d'être un gouvernement provincial dans le
cadre fédéral actuel, tant et aussi longtemps que les citoyens
québécois, à l'occasion d'un référendum, ne
manifesteraient pas le désir d'accéder à
l'indépendance, c'est une occasion pour nous d'affirmer, au niveau de
l'immigration, notre pouvoir partagé. C'est se situer dans le
prolongement des visées autonomistes des gouvernements
précédents. Nous situant dans cette ligne de revendications des
gouvernements précédents, nous acceptons d'affirmer les
juridictions québécoises dans ce champ d'activité.
M. le Président, la façon positive dont l'Union Nationale
a l'intention d'exercer son travail d'Opposition ne peut mériter que
notre approbation.
Malheureusement, on ne peut pas en dire autant de la part de
l'Opposition officielle, qui nous donne la preuve de vouloir fuir devant ses
responsabilités. Toujours, dans le passé, le Parti libéral
a négocié avec le fédéral, sans colonne
vertébrale. La population sera aussi sévère envers lui
qu'elle l'a été le 15 novembre dernier. Les
Québécois, j'en suis assuré, n'accepteront plus qu'on les
traite comme dans le passé et qu'on les arrête dans cette prise en
charge de leur autonomie. C'est pour cette raison que j'appuie la motion de
l'Union Nationale que je suis fier de relire: "Que les membres de la commission
appuient les prises de position du ministre de l'Immigration sur la juridiction
du Québec en matière d'immigration, notamment en ce qui concerne
la maîtrise de la sélection des immigrants sur le territoire du
Québec". Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Jeanne-Mance.
M. Henri Laberge
M. Laberge: M. le Président, mon propos n'est pas de
critiquer la position du Parti libéral sur la motion qui est
discutée, mais de rappeler un fait vécu qui montre l'importance
pour le Québec d'avoir un ministère de l'Immigration avec de la
force. En 1968, au mois de septembre, alors que probablement le projet de loi
créant le ministère de l'Immigration était en discussion,
ici en Chambre, dans la région de Montréal était
créé spontanément, par un groupe de citoyens, un mouvement
ou un comité qu'on a nommé Comité d'accueil aux
immigrants, à l'occasion de l'arrivée des réfugiés
de Tchécoslovaquie qui avaient fui, évidemment, l'invasion de la
Tchécoslovaquie par les Russes au mois de mai 1968.
J'ai eu le plaisir, à ce moment, d'être parmi les membres
fondateurs de ce groupe qui s'appelait Comité d'accueil aux immigrants,
en même temps qu'un autre député qui n'est pas ici en
Chambre, qui est actuellement ministre d'Etat à l'aménagement, le
député de Laurentides-Labelle, M. Jacques Léonard, qui,
à ce moment, a agi comme comptable du Comité d'accueil aux
immigrants pendant au-delà d'un an. Il a travaillé fort, il a
travaillé avec son coeur, comme on dit, à aider les immigrants
à s'intégrer au milieu francophone au Québec, chose qui
n'existait pas avant. Malheureusement, par la suite, c'est pour cela que je le
mentionne dans mon propos, le même Comité d'accueil aux immigrants
n'a pu exister longtemps parce qu'en 1970, lors de la prise du pouvoir par le
Parti libéral, il n'y avait plus d'argent disponible au ministère
de l'Immigration pour aider ce comité d'accueil formé de
bénévoles. Il n'y avait aucun argent pour l'aider à
fonctionner, à organiser les services de secrétariat. En 1969,
après la fondation du Comité d'accueil aux immigrants, nous
avions demandé au ministère de l'Immigration un peu d'aide
financière. Je crois que c'est $8000 ou $10 000 qui avaient
été accordés au comité pour l'aider à
organiser les services de secrétariat et fonctionner. C'était
très peu, mais c'était quand même suffisant pour
fonctionner, puisque tout le monde travaillait bénévolement
à accueillir les immigrants à la maison pendant trois ou quatre
jours, de façon qu'ils aient une espèce de bain, qu'ils soient
plongés dans le milieu francophone à leur arrivée à
l'aéroport ou par le train à la gare centrale, quel que soit le
moyen de transport qu'ils aient adopté.
Nous avions formé des comités pour aller les accueillir
à l'aéroport en disant: Venez chez nous, deux ou trois jours,
venez vous installer, venez faire connaissance avec nous. Ce comité a
fonctionné; nous avons travaillé fort, bénévolement
et tout ce qu'on avait, c'était une secrétaire et un
téléphone dans un petit bureau. A ce moment, le gouvernement,
justement, de l'Union Nationale, dans le temps, en 1969, avait aidé le
comité d'accueil à fonctionner.
Je répète que, lors de la prise du pouvoir par les
libéraux, en avril 1970, si j'ai bonne mémoire, le comité
d'accueil, malheureusement, a été dissous. L'action qu'une
cinquantaine de couples de la région de Montréal avaient
l'occasion d'accomplir au niveau des immigrants a été absolument
effacée du jour au lendemain, parce qu'on a dit: II n'y a plus d'argent
pour cela.
Cela prouve exactement la continuité de pensée,
d'après moi, de l'Opposition officielle aujourd'hui, du Parti
libéral. Dès leur prise du pouvoir, même si des lois
existent et que des ministères ont été
créés, ils n'étaient pas intéressés à
leur donner le pouvoir d'agir. Aujourd'hui, lorsque le ministre demande,
évidemment, à Ottawa de donner au Québec plus de pouvoirs
en matière de contrôle des immigrants ou d'accueil des immigrants,
ce n'est pas surprenant qu'ils quittent la table. Ils nous ont accusés
dernièrement d'incohérence; je crois qu'eux sont très
cohérents. Ils peuvent peut-être nous accuser d'incohérence
maintenant, je me demande dans quel domaine mais au point de vue
d'être cohérent ils le sont. Ils ont été
cohérents depuis 1970, c'est-à-dire qu'ils ont toujours
bloqué les projets qui pouvaient faire avancer le Québec, parce
que, dès avril 1970, j'ai vécu le cas. M. Jacques Léonard,
qui je le répète, faisait partie de ce comité, qui
était comptable du comité d'accueil à ce moment, qui
était un simple citoyen comme moi, qui travaillait
bénévolement, a vécu le cas. Il pourrait corroborer que
c'est carrément la faute du Parti libéral si de tels
comités d'accueil, qui étaient formés de
bénévoles, de gens qui voulaient accueillir chez eux
chaleureusement les immigrants, les aider à s'intégrer dans le
milieu des francophones, n'ont pas ronctionné. C'est de leur faute,
parce que, dès ce moment, ils ont mis la hache dans ce qu'on avait
créé et ils sont restés très cohérents.
Je pense que cela n'a pas été publié, cela n'a
été dit nulle part dans les journaux depuis cette date. Il existe
des coupures de journaux de 1969 ou 1970, parlant du comité d'accueil
aux immigrants. On n'en a jamais parlé depuis, mais je pense qu'il est
important que je souligne ce fait. D'après moi, c'est tout à
fait, chez eux, de la cohérence, c'est-à-dire de laisser
carrément au fédéral tous les pouvoirs de décider
de notre avenir. Lors-
que l'Union Nationale avait créé un organisme ou un
ministère qui permettait qu'on mette le pied dans la porte, dans ce
domaine, et qu'on commence à contrôler notre immigration, ils ont
gardé le ministère; on ne dissout pas un ministère,
excepté qu'on ne lui donne aucun pouvoir. Il s'agissait de voir,
justement, les budgets attribués au ministère de l'Immigration
depuis 1970 jusqu'à tout récemment pour bien se rendre compte que
c'était ce que nous avons appelé pendant des années,
à Montréal, un "front" purement et simplement.
Il n'y avait rien là-dedans. J'ai communiqué et j'ai
parlé fréquemment avec les employés du ministère de
l'Immigration de l'époque, en 1969 et en 1970 et ils nous disaient: On
nous a créé des emplois, mais on ne nous a donné aucun
pouvoir. Le Parti libéral, même à ce moment-là, a
tout fait pour laisser, dans la plus grande inertie possible, la situation de
façon que ce soit le gouvernement fédéral qui
contrôle tout de A à Z. C'est pourquoi j'appuie la motion
d'aujourd'hui de tout coeur, d'autant plus que, dans mon comté, il y a
quand même 28% d'immigrants, c'est-à-dire de gens qui ne sont pas
nés ici. Il y en a 27% ou 28%.
Je pense que nous devons sincèrement nous occuper de ces gens,
les intégrer à la communauté québécoise; les
futurs immigrants doivent être intégrés et pas après
quatre, cinq ou sept ans, mais dès leur arrivée. Je souhaite
ardemment que le budget du ministère de l'Immigration soit
augmenté, peut-être pas cette année, alors que les
crédits sont déjà discutés. Evidemment, le budget
global du gouvernement est très serré, mais j'espère que,
dans un avenir prochain, le ministre de l'Immigration aura un budget beaucoup
plus volumineux de façon à pouvoir prendre les mesures
nécessaires pour bien accueillir les immigrants et par tous les moyens
possibles, y inclus le genre de comités qu'on avait créés
dans le temps et qu'il serait important de remettre sur pied.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Richmond, en terminant.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: En terminant, M. le Président, j'aimerais,
avant qu'on passe au vote sur ma motion, remercier tous ceux qui y ont
participé, tous ceux qui ont pris la parole ce matin: je les ai
écoutés avec beaucoup d'attention. J'aimerais aussi souligner
qu'il me fait plaisir de voir que tous ceux qui sont présents appuient
cette motion. Je voudrais remercier, de façon particulière, mon
chef, le député de Lotbinière, le chef de l'Union
Nationale qui s'est déplacé ce matin, vu l'importance de la
question, afin d'être présent à nos
délibérations.
Je désirerais en même temps souligner que dans ce cadre, je
suis content de faire partie de l'Union Nationale, de cette tradition
nationaliste qui s'inscrit au Québec et qui respecte, en même
temps, les cadres déjà établis. Je suis aussi content d'un
point qu'on a soulevé et je me permets de le souligner ici, la question
du nouveau style d'opposition. J'ai eu l'occasion de faire partie de
l'Assemblée, non pas de la précédente mais de l'autre,
c'est-à-dire que, de 1973 à 1976, j'ai sauté mon tour, je
peux donc comparer la Chambre d'alors et la Chambre d'aujourd'hui.
Je suis vraiment content de voir de quelle façon nos travaux
parlementaires généralement se font. A l'occasion on peut ne pas
être d'accord, on peut se le dire, on peut travailler de façon
très ouverte. Par contre, lorsqu'il y a des points sur lesquels on peut
avoir une unanimité, je suis content de l'attitude du chef de l'Union
Nationale et mes collègues dans ce sens, on appuie un sujet ou un point
ou une motion ou un projet lorsqu'il est en accord avec nos convictions. On ne
se met pas à faire de l'obstruction systématique pour dire que,
parce que cela vient de l'autre côté de la Chambre, ce n'est pas
bon. Disons que c'est ce que j'ai vu traditionnellement; lorsqu'une idée
naissait d'un côté de la Chambre elle était bonne et la
même idée serait venue de l'autre bord qu'elle n'aurait pas
été bonne.
C'est dans ce sens que j'ai vu un changement s'effectuer. En ce qui nous
concerne, c'est dans cette ligne de travail qu'on s'inscrit. Je suis heureux de
voir l'attitude de mes collègues et du chef de l'Union Nationale pour
arriver à régler des problèmes. Je suis de ceux qui
croient que ce n'est pas en se battant les uns contre les autres qu'on va
régler des situations, mais peut-être en se battant ensemble
contre des problèmes qu'on va arriver à régler des
situations.
On a peut-être, à l'occasion, des modes d'approche
différents ou des solutions différentes à proposer; alors,
on ne sera pas toujours d'accord, ne vous mettez pas cela dans l'idée.
Cependant on va...
M. Couture: Ce n'est pas mauvais non plus d'être toujours
d'accord.
Une Voix: ...
M. Brochu: Oui, c'est-à-dire je n'ai pas répondu au
ministre...
M. Couture: Oui au référendum! Une Voix:
Négociation rapide.
M. Brochu: II y a deux questions en même temps. Mais c'est,
je pense, seulement de cette façon qu'on va réussir à
faire évoluer des situations, qu'on va réussir aussi à
régler des problèmes, pas en se cloisonnant derrière le
fait qu'on est dans un parti ou dans un autre, pas en fuyant non plus mais en
regardant les situations en face, honnêtement, en prenant les positions
que l'on croit bonnes selon les circonstances.
On en aura des suggestions à apporter ici au ministère de
l'Immigration comme dans d'autres secteurs aussi. J'espère que le
gouvernement prendra bonne note de ces suggestions aussi et il pourra les faire
siennes à l'occasion pour améliorer nos lois et la situation
générale au Québec. Je pense qu'il existe deux tendances
de façon générale dans le monde. C'est peut-être un
petit peu
deux lois qui s'affrontent; il y a peut-être celle de prendre et
celle de donner. Lorsqu'on se cloisonne dans un parti politique derrière
une idée et qu'on s'oppose à l'idée d'un autre, même
si on sait qu'elle est bonne, je pense qu'à ce moment-là on
s'inscrit peut-être plus dans la ligne de prendre et de vouloir, pour
d'autres raisons, accaparer soit la presse ou l'opinion publique pour donner
bonne bouche, pour maintenir en vie un parti. Mais ce qui est bien plus
important que de maintenir en vie un parti, c'est peut-être de maintenir
à une bonne allure la province de Québec. Je pense que c'est dans
cette optique que nos travaux s'inscrivent.
J'ai présenté cette motion et je vous remercie, M. le
Président, de m'avoir donné l'occasion de souligner mon
appréciation pour les membres de la commission parlementaire.
Vote sur la motion
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
J'appelle maintenant le vote de la motion qui se lit ainsi: Que les membres de
la commission appuient les prises de position du ministre de l'Immigration sur
la juridiction du Québec en matière d'immigration notamment en ce
qui concerne la maîtrise de la sélection des immigrants sur le
territoire du Québec.
Or, en vertu de l'article 149, le vote en commission a lieu à
main levée, à moins qu'en commission un membre demande
l'enregistrement des noms.
Vote enregistré.
M. Biron (Lotbinière)?
M. Biron: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bisaillon (Sainte-Marie)?
M. Bisaillon: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Brochu (Richmond)?
M. Brochu: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Blank
(Saint-Louis)? M. Chevrette (Joliette)?
M. Chevrette: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Couture (Saint-Henri)?
M. Couture: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Laberge (Jeanne-Mance)?
M. Laberge: Pour la motion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Forget (Saint-Laurent)? M. Johnson (Anjou)?
M. Johnson: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Gosselin (Sherbrooke)? M. Jolivet (Laviolette)?
M. Jolivet: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Lacoste (Sainte-Anne)?
M. Lacoste: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Marcoux (Rimouski)? M. Bertrand (Vanier)?
M. Bertrand: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Lefebvre (Viau)?
M. Lefebvre: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce)? M. Pagé (Portneuf)? M. Roy
(Beauce-Sud)? La motion du député de Richmond est adoptée
à l'unanimité des membres présents. Les travaux de la
commission sont ajournés sine die.
(Fin de la séance à 12 h 51)