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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 4 mai 1977 - Vol. 19 N° 51

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est réunie pour poursuivre l'étude des crédits budgétaires du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Chevrette (Joliette), M. Couture (Saint-Henri), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Forget (Saint-Laurent), M. Godin (Mercier), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), M. Lefebvre (Viau), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud).

Alors je crois que c'est le député de Saint-Laurent qui avait la parole hier, je ne sais pas s'il avait encore quelques questions sur le programme 1.

M. Forget: J'avais terminé...

Le Président (M. Marcoux): Sur le programme 1.

Relations de travail

M. Forget: Sur le programme 1, je peux peut-être demander un peu un éclaircissement. Mes questions se rattachaient au programme 1, je voulais simplement préciser, parce que c'étaient des questions relatives aux relations de travail, au Code du travail, etc. Dans ce contexte, je n'aurais qu'une autre information avant de donner mon consentement aux crédits pour le programme 1. Cependant, si votre interprétation c'est qu'on est encore à la phase de la discussion générale, bien là, j'aurais d'autres questions, mais on peut les garder, d'un autre côté, pour les autres programmes, c'est comme vous...

Le Président (M. Marcoux): De la discussion générale sur le programme 1.

M. Forget: Vous voulez dire que toute la discussion générale se fait sur le programme 1?

Le Président (M. Marcoux): Non, non, non, la discussion sur le programme 1.

M. Forget: Une seule chose que j'aimerais voir préciser au ministre. Il nous a dit, dans la réponse aux remarques d'introduction, qu'il donnerait, il rendrait disponible — je voudrais l'entendre le confirmer aux membres de l'Opposition — des in- formations sur le statut des négociations ou des conflits de travail telles qu'elles lui sont disponibles et conformément à une tradition établie.

M. Couture: On m'a informé en effet, qu'il y a eu un malentendu quelque part. Il n'y a jamais eu, en aucune façon, de directives du ministre ou de son cabinet pour arrêter l'information qu'on donnait habituellement sur l'état des conflits au Québec. Alors on fait une petite enquête maison là-dessus pour déterminer ce qui s'est passé, et on peut vous assurer d'ores et déjà qu'à partir de demain matin, vous retrouverez cette liste exhaustive de l'état des conflits au Québec.

M. Forget: Pendant que le ministre, que je veux remercier d'ailleurs pour réitérer son intention de façon précise, est dans cette bonne disposition de communiquer des renseignements, je lui demanderais ceci. C'est une pratique que je trouve un petit peu étrange qu'on doive en parler, mais je le fais parce que c'est nécessaire. Chaque ministère dispose de services d'information qui, ordinairement, glanent dans les journaux les coupures qui sont pertinentes aux activités du ministère, que les personnes qui, dans l'Opposition, suivent l'activité d'un ministère trouvent fort utiles. Evidemment on peut se les procurer par d'autres services de recherches, etc., mais c'est...

M. Bellemare: C'est clair.

M. Forget: ... une duplication de dépenses qu'on fait faire par l'Assemblée nationale ou par le personnel de l'Assemblée nationale ou de la bibliothèque. Si une copie additionnelle était tirée pour chacun des partis d'Opposition, je pense que cela pourrait être extrêmement utile. Cela éviterait des dépenses à faire encourir par l'Assemblée nationale pour faire le même travail.

M. Couture: Je retiens la suggestion, je crois que ce n'est vraiment pas très onéreux d'ajouter quelques copies et de les expédier aux Oppositions. Je vais m'assurer que la chose soit faite. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Johnson.

M. Bellemare: M. le Président, combien de conventions collectives ont été signées au 31 mars 1976? Je sais qu'en 1975, vous en aviez eu 174 339, non, non, 2648 conventions collectives...

M. Couture: On n'est pas dans le même pays, je pense.

M. Bellemare: ... qui régissent 174 339 salariés.

Une Voix: Est-ce que vous vous référez au rapport annuel?

M. Bellemare: C'était un an en retard cela. M. Couture: On va avoir la réponse exacte. M. Bellemare: Vous ne l'avez pas.

M. Couture: Vous voulez avoir le nombre exact.

M. Bellemare: Pour faire la comparaison qui existe entre 1975 et 1976. Cela représente déjà deux ans aujourd'hui. Ma question porte sur la syndicalisation. Vous êtes en faveur d'une plus grande syndicalisation. Je voudrais voir l'augmentation à partir de 1975, 1976 et 1977 s'il y en a une aussi véritablement. Puisque vous voulez une plus grande syndicalisation parmi le 1,6 million de non-syndiqués, j'aimerais savoir s'il y a eu un progrès.

Dans cette syndicalisation, je crois qu'il faudrait qu'il y ait un corollaire important, celui d'un syndicalisme plus responsable et beaucoup plus démocratique. Le ministre a-t-il l'intention de mettre en vigueur les recommandations de la commission Cliche, les articles de 1 à 10, par exemple, qu'on retrouve à la page 20, 21? Je ne sais pas si le ministre s'en souvient: En conséquence la commission Cliche recommande... justement dans la protection du droit d'association, les articles et les recommandations qui y sont contenus. Il y en a 13 au chapitre 2.

Ma question est longue, mais elle a deux volets. D'abord, voir la syndicalisation parrainée, voir si on va prêcher beaucoup plus un syndicalisme à responsabilité et démocratique et si on mettra en application le rapport Cliche, les recommandations 2, 6, 7, 8, 9 et 10. Il y a ces quelques articles: 2, 6, 7, 8, 9 et 10 qui traitent surtout des finances. C'est bien important.

M. Couture: M. le Président, dans la première question, en effet, c'est notre volonté de favoriser la syndicalisation des travailleurs. Le constat que l'on fait, c'est que le code n'est pas complètement approprié pour favoriser cette syndicalisation.

L'histoire de cas bien précis nous démontre qu'effectivement, surtout pour de petites unités de travail, c'est assez difficile de se syndiquer au Québec, pour toutes sortes de raisons dont le fait qu'on ne protège pas suffisamment le cheminement à la syndicalisation. Le programme du Parti québécois, qui nous donne des orientations assez claires, nous guide dans la réforme à venir.

Ceci dit, pour les chiffres, c'est évident que non seulement la signature de conventions collectives qui aurait été augmentée d'une année à l'autre pourrait refléter cette progression du syndicalisme mais aussi les demandes d'accréditation. Le nombre de demandes d'accréditation acceptées, c'est aussi un signe de progression. Les chiffres, on vous les donnera un peu plus tard, si vous permettez. En ce qui regarde les recommanda- tions précises du rapport Cliche, je voudrais y répondre...

M. Bellemare: II ne faudrait pas me donner le nombre des demandes d'accréditation, mais de celles qui ont été accréditées.

M. Couture: Oui, d'accord.

M. Bellemare: Parce que vous savez le vilain tour que jouent les entrepreneurs en construction. Ils commencent une bâtisse, les gens se syndiquent dans la construction et la commission des relations de travail a laissé 4000 cas d'accréditation dans les dossiers parce qu'on n'avait pas eu le temps de finir l'accréditation et la bâtisse était terminée. C'est une des grandes raisons pour lesquelles on a jeté à terre la commission des relations de travail.

M. Chevrette: Puis-je donner un point de clarification? M. Bellemare parle des accréditations dans le domaine de la construction qui sont laissées en plan en vertu maintenant...

M. Bellemare: De l'article 290.

M. Chevrette: Vous savez qu'il n'y a plus d'accréditation par chantier.

M. Bellemare: Non, c'est un décret.

M. Chevrette: Donc, il y a peut-être la maintenance, une fois que les gens...

M. Bellemare: Je dis que, dans certains cas, en dehors de la construction, cela peut se produire chez un plâtrier, chez un briqueteur, chez un plombier. On entreprend une construction qui va durer dix ou onze mois, l'unité d'association commence et cela traîne, traîne, aux relations de travail, ce n'est pas adopté puis le contrat est terminé et ils n'ont pas encore eu leur accréditation.

M. Couture: II y a plusieurs cas comme cela. Vous avez raison. Cela nous donne quand même l'image de cette espèce de mouvement de travailleurs qui cherchent à se syndiquer. D'une part, on a cette image d'un certain nombre de travailleurs qui, d'une année à l'autre, augmentent, qui voudraient se syndiquer et, par la signature des conventions collectives, on a réellement la progression. Si vous permettez, on va faire faire des études comparatives et on vous donnera cet après-midi les réponses là-dessus.

En ce qui regarde les recommandations précises de la commission Cliche pour un syndicalisme plus responsable et plus démocratique, je voudrais répondre sur les principes suivants.

Je crois que ce qui est beaucoup plus important, dans un premier temps — je ne dis pas que la deuxième intervention est exclue — c'est de sensibiliser les travailleurs eux-mêmes à leurs responsabilités syndicales. En parlant au député de Johnson, je pense que je touche des oreilles très

sensibles à ce phénomène. C'est évident que, quand on fait l'histoire de syndicats et que, d'une façon ou d'une autre, à un moment donné, on s'aperçoit qu'il y a vraiment des vices de démocratie où on peut se plaindre à juste titre que les travailleurs ne sont pas suffisamment protégés dans leurs libertés syndicales, on s'aperçoit facilement et rapidement que c'est dû à la démobilisation des travailleurs, au manque de présence aux assemblées syndicales et, à toutes fins pratiques, à une espèce de démission du monde des travailleurs parfois quant à l'intérêt qu'ils doivent avoir face à leur syndicat.

Je crois que, dans un premier temps, c'est cela qui est important et je pense que notre ministère a un rôle à jouer au niveau de l'information, de la présence dans les régions. Hier, j'ai parlé de cette présence beaucoup plus active, avec une dimension d'animation qu'on veut exercer dans les régions, dans les quartiers, dans les villes du Québec. Lié à ce que des chefs syndicaux font eux-mêmes pour renforcer la responsabilité des travailleurs syndiqués, je crois que c'est vraiment là la clé de l'assainissement du syndicalisme au Québec.

Je suis porté à dire que ce ne sont pas les interventions de l'Etat ou des lois directement qui vont complètement nous donner ce syndicalisme responsable et démocratique que nous cherchons et qui, je crois, existe dans la très grande majorité des cas au Québec. Evidemment, la commission Cliche, par les cas plus brutaux qu'elle nous a soumis comme dénonciation de certaines pratiques, a eu pour effet dans l'opinion publique de peut-être un peu trop généraliser le phénomène. Je me dis qu'il faut d'abord, à mon avis, que les travailleurs eux-mêmes prennent en main leur syndicat.

Je suis content de dire qu'on a des exemples récents, entre autres chez les journaliers ou dans certains syndicats où les gens ont senti leurs responsabilités, se sont organisés et ont dit: Le syndicalisme, le syndicat c'est notre instrument, c'est à nous de le rendre selon nos besoins, et aussi lui donner le caractère démocratique que nous souhaitons. C'est la première responsabilité des travailleurs. C'est aussi la responsabilité des chefs syndicaux. Dans mes rencontres avec eux, je pense que dans l'effort que nous faisons pour améliorer le climat social, c'est un message que j'essaie de laisser passer souvent, qu'on ne veut pas que je ne veux pas avoir une politique d'interventionnisme à tout propos. Je pense que c'est malsain. Le député de Notre-Dame-de-Grâce, hier, nous a dit, fort éloquemment, d'ailleurs, que finalement, au bout du compte, cela ne réussit pas toujours et cela fausse un peu les règles du jeu.

Je crois que c'est par là que cela doit commencer à se faire. S'il y a des ménages à faire dans certaines pratiques syndicales, c'est aux responsables syndicaux, c'est aux travailleurs à faire ce ménage. Je suis porté à dire que cela commence à se faire drôlement, dans certains milieux.

Quand j'ai dit qu'il n'est pas exclu que l'Etat intervienne ou garantisse certains droits fonda- mentaux, je peux vous dire, à ce moment-ci, que c'est notre intention, dans la réforme du Code du travail, d'assurer cette espèce de cadre au moins minimum de démocratie syndicale et d'assainissement de la gestion syndicale, mais en permettant et en favorisant avant tout la responsabilité des travailleurs eux-mêmes.

M. Bellemare: Dernière question, s'il vous plaît! Est-ce que le ministre a l'intention de mettre en marche les recommandations pour le vote secret, tel que recommandé par la commission Cliche, à l'article 2: Faire déposer annuellement, au ministère des Institutions financières, copie des états financiers; informer annuellement les syndiqués de l'état de leurs fonds; que les syndiqués jouissent d'un droit de dissidence sans encourir aucune sanction; que les statuts des syndicats définissent clairement la responsabilité à chacun des administrateurs; et enfin, que les dirigeants syndicaux chargés de la gestion financière soient tenus de souscrire au cautionnement.

C'était bien trouvé cela. Moi, comme membre du syndicat du transport en commun... on a eu à se plaindre de cette expérience. Il y a des choses qui ne sont pas reconnues, je voudrais savoir l'opinion du ministre quant à ces quelques articles dans le rapport Cliche.

M. Couture: Quand le rapport Cliche a paru, je pense que, sauf quelques points, dans son ensemble, il a été accueilli positivement par notre parti. Il a été appuyé par les membres du Parti québécois. Pour nous, c'est un rapport très important qui inspire une législation à venir. Pour vous dire dans le détail si on va retenir telles ou telles des recommandations, vous me permettrez de ne pas me prononcer sur ce détail des recommandations; mais je puis vous assurer, et assurer le député de Johnson que ces recommandations inspirent nos futures législations.

Le Président (M. Marcoux): Programme 1, élément 1.

M. Mackasey: Le programme 1, c'est lequel?

Protection du droit d'association

Le Président (M. Marcoux): Le programme 1, c'est le programme des relations de travail, élément 1: Protection du droit d'association.

M. Mackasey: M. le Président...

M. Bellemare: Une question pour terminer, M. Mackasey, si vous me permettez.

Le Président (M. Marcoux): II permet.

M. Bellemare: Je voudrais savoir si vous allez retirer, du Code du travail, la présomption de culpabilité. Votre parti a été contre cette question, énormément, à l'adoption de la loi; je voudrais savoir sivous allez retirer la présomption de culpabilité. C'est bien important.

M. Couture: La présomption n'est pas dans le Code du travail.

M. Bellemare: Non, c'est dans une loi.

M. Couture: Comme je vous dis, nous nous inspirerons des recommandations du rapport Cliche, sauf quelques points sur lesquels on a fait certaines réserves. Moi-même, publiquement, j'ai manifesté mon désaccord sur cette présomption. Vous pouvez conclure que, là-dessus aussi, je tâcherai d'être cohérent avec ce que j'ai dit dans le passé.

M. Bellemare: C'est-à-dire que la présomption de culpabilité, là où elle existe dans la loi, sera enlevée.

M. Couture: Concluez-en ce que vous voulez.

M. Bellemare: Je ne conclus pas, je veux savoir du ministre. Parce que c'est important pour l'avenir des travailleurs.

M. Couture: Je ne peux pas vous dire quand cela se fera.

M. Bellemare: Je ne vous demande pas le temps, je vous demande votre opinion.

M. Couture: Mon opinion, c'est que je suis contre cette présomption.

M. Bellemare: D'accord, merci.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Notre- Dame-de- Grâce.

M. Mackasey: Seulement quelques questions pour clarification, M. le Président. En lisant les journaux, ce matin et après avoir écouté le ministre, hier soir, la conclusion est-elle que nous ne procéderons pas avec le Code du travail cette année?

M. Couture: Je vous ferai remarquer qu'assister physiquement à une commission parlementaire ou à des débats et en lire des comptes rendus, cela ne coïncide pas parfaitement toujours parce que souvent on retient certains points, mais ce n'est pas dans le contexte et ce n'est peut-être pas complet.

M. Mackasey: C'est pour cela que je vous pose la question, pour vous donner une chance de corriger ce qui est dans les journaux et qui, sans doute, est une erreur. Naturellement, c'est votre priorité d'avancer le Code du travail pendant que vous en avez l'occasion, surtout quand on pense que depuis trois ans cette province va d'une grève à l'autre à cause des lacunes du Code du travail. Je pense que la priorité de votre programme est le Code du travail.

M. Couture: Je remercie le député de Notre-Dame-de-Grâce de me permettre de réaffirmer clairement et fermement que cela demeure une priorité, sauf que j'expliquais hier que cette réforme est tellement importante et tellement complexe — je pense que tous les membres de la commission se rallient là-dessus — que quand on écrit dans un journal qu'on remet cela et tout le reste à plus tard, ce n'est pas tout à fait exact. On dit que cette réforme, on veut rapidement la mettre en branle. Elle se fera, mais étant donné sa complexité et son importance, elle prendra un certain temps avant de prendre vie et de prendre forme.

M. Forget: Si vous me permettez, c'est à la suite de l'échange que j'ai eu avec le ministre que des éléments de nouvelle sont apparus. De la façon dont j'ai vu les rapports dans un ou deux journaux, cela me semble assez conforme à ce que le ministre a donné comme indications. J'avais moi-même dit — et il avait donné son assentiment à ce moment-là — qu'il semblait se dégager l'ordre de priorités suivant. Vous pouvez me contredire si c'est faux. D'abord, un mini-amendement au Code du travail, quoiqu'il puisse y avoir plusieurs articles qui consisteraient essentiellement dans le bill 24 ou plusieurs éléments du bill 24 qui avaient été déposés il y a un an, je pense, ou quelque chose du genre, plus deux éléments que vous ajoutez, la formule Rand et les dispositions "antiscabs". Et ceci — vous l'avez dit spécifiquement — pour la présente session. Sûrement pour la présente session et peut-être que ce serait déposé avant l'été, mais vous n'avez pas voulu vous engager là-dessus.

Cela, c'est la mini-réforme du Code du travail. Pour la grande réforme du Code du travail, vous avez annoncé la création d'une commission de réforme pour bientôt, quoique ce soit une intention, le Conseil des ministres, apparemment, n'ayant pas pris de décision encore.

Vous avez indiqué que, même dans cette réforme, même dans cette commission de réforme, il y aurait des éléments qui ne s'y retrouveraient pas nécessairement. Même cette commission ne s'occuperait que des éléments actuels du Code du travail, c'est-à-dire des règles d'accréditation, des règles relatives à la négociation comme telle des conventions collectives et au règlement des griefs. Pour toutes les grandes questions d'intégration dans un Code du travail de toutes sortes de dispositions éparses un peu partout, qu'il s'agisse du Code civil, qu'il s'agisse de certaines lois statutaires, ce serait une troisième étape qui viendrait enfin dans un avenir difficile à préciser.

M. Couture: C'est exact, je pense que le député de Saint-Laurent a assez bien résumé l'intention qui a été exprimée hier. Je préciserais une chose, c'est que, dans cette commission d'étude que je recommande pour la réforme du Code du travail, dans le cadre connu du Code du travail actuel, parallèlement — c'est ce que j'ai dit aussi hier — en vertu même de notre programme, il y a des orientations, entre autres, sur le syndicalisme de cadres et sur l'accréditation sectorielle qui est un instrument de syndicalisation plus élargie. Au

ministère même, je fais faire des recherches là-dessus et des travaux qui déboucheront sur des recommandations. Je ne peux pas dire, à ce moment-ci, comment on interviendra par rapport à la réforme, mais, parallèlement, il y a quand même ces travaux qui se font.

M. Forget: Cela pourrait être intégré en même temps que les recommandations...

M. Couture: Exactement.

M. Forget: ... que vous obtiendrez de votre commission de réforme. Ce serait dans la deuxième étape que la sectorisation et le syndicalisme de cadres pourraient être abordés.

M. Mackasey: Est-ce que ces changements, à la formule Rand, sont nécessaires, en général? Je n'ai pas discuté de cela avec mes confrères, c'est simplement personnel. Si on avait eu la formule Rand peut-être que nous n'aurions jamais eu la grève à la United Aircraft. C'est mon opinion. Si vous procédez avec la formule Rand et la législation "antiscab", même la législation qui relève du "bargaining" sectoriel, est-ce que ce serait dans l'amendement au code qui existe ou est-ce que ce serait inscrit dans le nouveau code?

M. Couture: C'est l'amendement au code qui existe, sauf la dernière partie que vous avez indiquée, je ne la retiens pas dans les prochains amendements. Vous pariiez de "bargaining" sectoriel. C'est la négociation sectorielle. On ne retient pas cela cette année. Dans les prochains amendements pour cette session en cours, ce qu'on peut appeler la mini-réforme, c'est la loi 24, la formule Rand et les dispositions "antiscabs".

M. Mackasey: Ce sont les deux changements majeurs que vous ferez cette année?

M. Couture: C'est cela.

M. Mackasey: Alors vous donnez priorité aux normes de travail.

M. Couture: Exactement, et aussi je dois dire que dans les amendements proposés, déjà le conseil consultatif a travaillé sur le projet de loi 24, et les amendements additionnels, nous les soumettrons assez rapidement aussi au conseil consultatif.

Le Président (M. Marcoux): Programme 1, élément 1, adopté?

M. Forget: Adopté.

Conciliation et arbitrage

Le Président (M. Marcoux): Adopté. Elément 2?

M. Bellemare: L'élément 2, je vais laisser parler l'Opposition officielle. J'aurai certaines questions parce qu'il sera surtout question de la conciliation, de l'arbitrage, des grèves, des enquêtes spéciales et aussi de la négociation sectorielle. Je passe à l'Opposition officielle.

M. Forget: Sur l'élément 2, étant donné que le sous-ministre est ici, il semble y avoir des virements ou des transferts d'un élément à l'autre. On observe ce qui a l'air d'être une diminution des effectifs imputés à l'élément 1, la protection du droit d'association, et une augmentation des effectifs du côté de la conciliation et de l'arbitrage. Est-ce que c'est bien de cela qu'il s'agit? C'est, dans le fond, une répartition nouvelle des effectifs et des efforts.

M. Couture: II y a eu un gel des effectifs en 1975 et un dégel, donc, c'est ce qui explique l'augmentation des effectifs qui se traduit... Vous avez le détail à la page 43 du document bleu. Ils sont tous bleus, mais c'est le mémoire présenté au ministre.

M. Forget: Si je comprends, il y a des gels et des dégels, sauf que ce n'est pas uniforme. Il y a un dégel du côté de la conciliation et de l'arbitrage, mais il y a une diminution des crédits d'une année à l'autre, de 1976/77 à 1977/78, du côté de la protection du droit d'association. C'est bel et bien une diminution, si je comprends bien les $41 000, et une augmentation de $81 000 ailleurs. Donc, les priorités semblent changées un peu à l'intérieur.

M. Couture: Oui, la diminution est assez modeste, comme vous le voyez.

M. Mackasey: Cela représente probablement seulement des augmentations de salaires, je suppose?

M. Couture: Votre question précise, c'est: Pourquoi y a-t-il une diminution?

M. Forget: Quand cela diminue à un endroit et que cela augmente à l'autre, il doit y avoir des raisons pour cela. Si on regarde les augmentations de salaires, cela devrait augmenter partout. Si on dit que ce sont les gels de postes, ils ont été gelés partout, ces postes. Si on les a dégelés à des endroits et pas à d'autres, c'est qu'on pense que ce n'est pas important de les dégeler partout de la même façon.

M. Couture: Ah bon! C'est-à-dire qu'on explique que le gel de postes a affecté davantage l'accréditation que les conciliations. Et comme il y a des gels, comme cela a affecté davantage le droit d'association, dans le dégel, la marge est plus sensible, elle existe et on ne l'a pas à l'autre programme, à la conciliation.

M. Forget: Vous avez des virements, surplus à traitements, c'étaient des sommes qui étaient dans le budget de base qui ont été virées à d'autres programmes, parce qu'elles n'étaient pas utilisées. Donc, il y avait des postes approuvés avant le gel

et qui n'ont pas été comblés. Donc, cela engendrait des surplus. C'est essentiellement cela.

M. Couture: C'est cela. Il n'y a pas d'autre explication.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Quant aux postes, vous aviez 2365 postes autorisés. Vous en avez seulement 2159 occupés.

M. Couture: II y a des postes vacants en effet.

M. Bellemare: II y a plusieurs postes vacants, c'est sûr. Il y en a 87 vacants.

M. Couture: C'est un des plus bas pourcentages au gouvernement, savez-vous, dans les postes vacants. Je pense que tout le monde comprend qu'il y a toujours effectivement des postes vacants à tout moment.

M. Bellemare: Bien sûr. On avait assez de difficultés à s'en faire accorder dans notre temps. M. Matte le sait, comment on courait pour avoir des postes vacants. Lorsqu'on en avait un à combler, on était obligé de se battre avec la fonction publique et avec le Conseil du trésor surtout. Ce qui me surprend, c'est un chiffre qui me saute aux yeux, dans les relations de travail, il y en a 17 qui ont été abolis. Dans les relations de travail, cela devrait plutôt augmenter, parce que le nombre de grèves augmente.

M. Couture: Oui, c'est un fait.

M. Bellemare: Le nombre de grèves qui était de...

M. Couture: Sept postes abolis; ce ne sont pas nécessairement des postes de conciliateurs. C'est évidemment lié au gel des effectifs dont on a parlé.

Je dois quand même exprimer l'intention que j'ai relativement à la réévaluation de la structure du ministère. C'est un programme pour l'année subséquente. Je veux vraiment dire fermement que mon intention aux relations de travail est d'augmenter les postes et d'organiser davantage le soutien technique. En partant de là, je peux vous exprimer cette intention d'augmenter les effectifs à ces postes.

M. Bellemare: Parce que de 138 grèves en 1970, on passe à 316 grèves en 1975 par année. Et puis, en 1976, on est rendu à la moitié de l'année et, d'après le rapport de Paul Mathieu, dont on a reçu copie, on a 260 grèves pour six mois, ce qui veut dire qu'on va se rendre à 320 si l'on fait les autres six mois. Alors, il y a une augmentation considérable de grèves, mais vous allez me répondre qu'il y a une augmentation considérable de droits d'association reconnus. D'accord.

M. Couture: Ensuite, je voudrais tout simplement vous dire à titre d'information, quand vous passez de 330 à 260; ce nombre, 260, accumule les grèves qui ont continué et s'ajoute à l'année subséquente.

M. Bellemare: Oui, mais comment expliquez-vous cela dans les statistiques ordinaires que vous nous fournissez? En 1972, il y avait 460 000 travailleurs qui avaient été en grève. Probablement que les unités de négociation étaient plus considérables puisqu'en 1976, il n'y en a eu seulement que 131 000 en grève. C'étaient probablement de petites unités qui étaient en grève et les grosses, comme dans le textile ou dans l'automobile...

M. Couture: La seule explication mathématique... Vous voulez dire simplement qu'avec moins de cas de grèves, on a plus de travailleurs?

M. Bellemare: Oui.

M. Couture: C'est cela, je pense qu'il y a des grèves qui couvraient... à la fonction publique, la correction est là.

M. Bellemare: Pour 1972— 1976, quatre ans.

M. Couture: C'est ce qui grossissait le nombre des travailleurs en grève. Pour une unité de négociation, cela pouvait couvrir un nombre considérable de travailleurs.

M. Bellemare: Si on ajoute le nombre de grévistes, 131 000, cela va monter de 400 000 certain. Cela va faire 500 000... Une autre question, si le chef de l'Opposition officielle me le permet, parce que je ne parle plus sans sa permission.

M. Couture: Son sourire semble tout à fait d'accord.

M. Forget: Je vois que le chef de l'Union Nationale est serein ce matin.

M. Bellemare: Le lendemain matin, je suis un homme nouveau, je recommence.

M. Chevrette: Prêt à se fâcher...

M. Bellemare: Je fais de la place pendant la nuit. Il y a un domaine particulier où on insiste de plus en plus, c'est la sécurité au travail. Là, on dit qu'il y a 55 postes qui ont été abolis à la sécurité au travail. Est-ce qu'il y a une raison majeure pour qu'on ait beaucoup moins d'hommes à la sécurité au travail? Il y en a 55 dans mon livre.

M. Jolivet: Non. Prenez le numéro 6, deuxième colonne. 947...

M. Bellemare: 66 et puis...

M. Couture: La référence est à la page 66?

M. Bellemare: Non, à la page 44, il y a 66 postes qui ont été abolis. Ce ne sont pas des gens en moins, ce sont des postes qui ont été abolis dans la sécurité au travail. Si vous avez de bonnes raisons à me donner pour avoir aboli des postes à la sécurité au travail, je vais vous écouter, mais si vous n'en avez pas des bonnes, je vais vous chicaner.

M. Couture: Ces postes n'ont pas été abolis par nous.

Une Voix: C'étaient des postes gelés.

M. Forget: Ce sont des postes qui ont été gelés parce qu'ils n'étaient pas occupés au moment du gel à la fin de novembre 1975.

M. Bellemare: C'est encore pire si votre ministère n'a pas comblé ces postes, quand on parle de sécurité au travail depuis des années. Particulièrement dans le domaine du travail, on a M. Michel Chartrand à Montréal qui dit qu'il y a un meurtre par jour et qui fait de grandes manchettes parce que le ministère du Travail est le ministère le plus meurtrier de l'administration provinciale. Il emploie des expressions bien pires que les miennes. Je ne sais pas où il va chercher son vocabulaire, mais il y a 66 postes qui ont été gelés, qui n'ont pas été occupés, qui n'ont pas été remplis. Donnez-moi une bonne explication parce que demain si c'est connu du public qu'il y a 66 postes, on va gueuler.

M. Couture: Je vais vous préparer la réponse complète là-dessus.

M. Bellemare: D'après le rapport Cliche, on a pris tout un groupe d'hommes à la sécurité et on les a intégrés au ministère du Travail, depuis l'enquête Cliche. Oui, des inspecteurs en construction, on les a intégrés et là il y a 66 postes de libres.

M. Jolivet: II y a même 31 postes vacants sur les 881 permis.

M. Bellemare: D'accord, mais quand on prend la sécurité au travail, les gardiens aux clôtures...

M. Jolivet: Mais ce que je veux dire, c'est qu'il y a eu 181 postes effectifs autorisés.

M. Bellemare: Oui, les effectifs autorisés. Une Voix: Effectifs, cela veut dire autorisés?

M. Jolivet: Sur cela, il y en a 31 qui sont vacants.

M. Bellemare: Oui, mais il y en a 66 dans la sécurité qui sont vacants et qui ne sont pas occupés, pourquoi? C'est la sécurité qui est primordiale aujourd'hui.

M. Chevrette: Combien y en avait-il d'autorisés en 1976?

M. Bellemare: Lâchez-moi, vous là. Après vous, au ministère du Travail, et quand j'étais là c'était la même chose. Pourquoi n'en avez-vous pas des inspecteurs?

M. Couture: M. le Président, en 1975, on avait gelé 120 postes et, à ce moment...

M. Bellemare: Dans la sécurité?

M. Couture: Oui, 120 postes et, à ce moment, il y a eu des négociations avec le ministère et le Conseil du trésor. On a réussi à diminuer le nombre à 66. Ces postes n'étaient pas comblés, c'étaient des postes vacants qui ont été gelés. Les concours ont été mis en marche et il n'y a pas eu de suite à ces concours. Ils ont été gelés.

Il faut quand même signaler qu'actuellement on en a fait dégeler d'autres et on a 31 postes vacants au bout de la ligne. Actuellement, on procède à des concours pour les combler.

M. Bellemare: C'est sûr que je comprends cela. Est-ce parce que l'enquête Cliche, par l'Office de la construction, a reconnu les inspecteurs qui sont sur les chantiers comme des employés de la province ou bien parce qu'ils sont restés pour l'Office de la construction, l'OCQ? Est-ce qu'on les a incorporés à nos inspecteurs qui sont sur les chantiers ou est-ce qu'on les a laissés vacants à cause de cela?

M. Couture: On a un sommaire ici. En 1975/76, il y avait 873 postes pour ce titre, sécurité au travail dans les lieux publics. En 1976, il y avait un programme pour les augmenter à 947. Il y a eu gel, c'est à cette époque qu'il y avait eu gel, c'est-à-dire que, précédent cette époque, il y a eu gel de 66 postes et, depuis ce temps, on a ouvert de nouveaux postes et on arrive au chiffre de 881, en 1977/78.

Je suis porté à dire, avec le député de Johnson, que c'est malheureux que finalement, dans ce domaine si important de la sécurité au travail, il y ait eu, si on peut dire, gel de postes. Mais je pense que c'était une directive générale pour tout le gouvernement; le député de Saint-Laurent pourrait peut-être me corriger là-dessus. A ce moment-ci, je vous rappelle que, comme c'est une priorité du gouvernement, dans la réévaluation du ministère que nous faisons — c'est très important à retenir — la priorité du gouvernement doit s'exprimer en services nouveaux et en inspecteurs nouveaux. Non seulement je prends bonne note de vos préoccupations, mais je vous signale que ce sont nos propres préoccupations et je vous assure que nous allons batailler ferme pour dégeler de nouveaux postes dans ce secteur.

M. Bellemare: Vous connaissez la démagogie de certaines personnes...

M. Couture: Je comprends très bien.

M. Bellemare: ...vis-à-vis des employeurs. Les employeurs prennent infiniment de précautions. Il

y en a qui sont négligents, c'est sûr; ils le seront toute leur vie. Mais il y en a qui sont démagogiques aussi. Il arrive un accident involontaire, une plate-forme se brise, n'importe quoi, d'un 3e ou d'un 10e ou d'un 20e étage, bon, tout de suite le lendemain matin, vous avez la pancarte. S'il fallait qu'une affaire, un dossier comme celui-là tombe entre les mains d'un Chartrand, par exemple, voyez-vous la position intenable que vous allez avoir demain matin: avoir 66 postes qui sont gelés quand il y a tant de besoins d'en nommer dans la construction?

Vous avez nommé par l'enquête Cliche les postes d'inspecteurs sur tous les chantiers. Vous les avez reconnus officiellement et vous les avez intégrés. D'accord, c'est un grand pas, mais cela a remonté aussi.

M. Couture: Depuis 1975, il y a une augmentation de quelques postes.

M. Bellemare: A cause, justement, de l'enquête Cliche qui vous a fait accepter, mon cher monsieur, tous les inspecteurs de construction. Il ne faudrait pas que, l'année prochaine, quand vous reviendrez devant nous autres...

M. Couture: II ne faudrait sûrement pas et je m'engage à ce que véritablement, au niveau de la sécurité au travail et dans les lieux publics, on ajoute des postes et qu'on équipe mieux le secteur. C'est une priorité du gouvernement et elle se reflétera dans les effectifs.

M. Bellemare: Si vous voulez faire quelque chose, gelez des secrétaires, non pas des postes de sécurité.

M. Forget: Sur le même sujet, si vous le permettez?

M. Bellemare: Je vous le permets, monsieur.

M. Forget: Merci. Cela va être très bref, c'est juste pour éclaircir notre perception du problème. Est-ce que je comprends que les inspecteurs sur les chantiers de construction, qui travaillent avec l'Office de la construction, font partie de ce total ou s'ajoutent à ce total?

M. Couture: Ils s'ajoutent. Il y en a 160 à l'OCQ.

M. Forget: Cela exclut l'inspection des chantiers; au point de vue de la sécurité et de la santé, cela exclut également ce qui se passe dans les mines, par exemple, et les carrières qui sont au ministère des Richesses naturelles.

M. Couture: II y a le service des mines qui a ses propres inspecteurs. Au service de l'environnement, aussi, il y a des inspecteurs.

M. Forget: C'est cela. Les Affaires municipales en ont aussi quelques-uns, dans ce secteur également.

M. Couture: Probablement.

M. Forget: Oui. Cela indique le besoin. Je suis tout à fait d'accord qu'il y a un grand besoin d'une inspection plus efficace. Mais, il reste que c'est difficile de juger tout ce qui s'est passé, seulement avec un élément d'un tableau qui en comporte trois ou quatre, peut-être, cinq. Seulement à titre de question, avez-vous l'impression que cela a augmenté ou si c'est le même tableau qu'on pourrait tirer, par exemple, à l'Office de la construction? Il y a eu un accroissement, j'imagine?

M. Couture: Oui, ils sont rendus à 160. D'ailleurs, depuis deux ans, à l'Office de la construction, quelle est l'augmentation?

M. Chevrette: L'augmentation est quasiment de 100%.

M. Couture: II faut corriger d'ailleurs. Ce qu'on a dit...

M. Bellemare: C'est le rapport...

M. Couture: Le député de Saint-Laurent a bien raison de faire remarquer que ce chiffre que nous avons ici, c'est pour ce secteur précis de l'inspection, selon les lois du ministère. S'ajoutent à ce nombre d'inspecteurs, les inspecteurs de l'OCQ; depuis deux ans, il y a une augmentation, je pense qu'on pourrait calculer, de 160. Le nombre total d'inspecteurs, au Québec, qui s'occupent de sécurité, a augmenté considérablement, depuis deux ans. Il ne faut pas prendre simplement le blocage des 66, puis la progression de 9 seulement, depuis deux ans, au ministère du Travail; il faut ajouter à cela le nombre considérable d'inspecteurs qui ont été mis en route à l'Office de la construction.

M. Bellemare: Vous avez eu sept feux.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Joliette.

M. Bellemare: Je voulais simplement dire qu'il y a eu sept feux, dernièrement, à cause d'explosions qui ont été causées par un manque d'inspection. Il y a des bouilloires qui n'ont pas été inspectées depuis cinq ans, dans la province, dans des institutions. Elles n'ont pas l'estampille du gouvernement, depuis cinq ans.

M. Chevrette: J'ajouterais, M. le Président, qu'il y a peut-être un manque de coordination, un manque d'identification de qui relève la responsabilité de la sécurité. Parce qu'il y a beaucoup de compagnies qui engagent leurs propres agents aussi. Ce qui crée un problème, quand on vient pour analyser tout le portrait de la sécurité comme telle. Si on comptait le nombre d'agents, on tomberait sur le dos. La compagnie Metchem peut avoir ses inspecteurs, Spino peut avoir ses propres inspecteurs, toutes les entreprises qui font du "drillage" dans les tunnels ont leurs propres inspecteurs. Mais, ce qui n'est pas identifié, c'est la

responsabilité première. Si on définissait cela, j'ai l'impression, M. Bellemare, qu'on s'entendrait probablement sur les chiffres, sans faire publiquement de gros pathos, parce qu'on verrait...

M. Bellemare: II n'y a pas de pathos, là.

M. Chevrette: Non, c'est parce que vous dites qu'il y en a d'autres qui peuvent en faire, c'est pour cela...

M. Bellemare: Oui, oui.

M. Chevrette: Je ne fais pas référence à vous. Je pense que c'est une des raisons fondamentales, si on définissait bien clairement cela, on s'inquiéterait moins du nombre, à ce moment.

M. Bellemare: M. le Président, au sujet des bouilloires, M. Lapointe est au courant, c'est lui qui est responsable de cela, il y a des gens qui ne sont pas passés depuis cinq ans. Il n'y a pas d'hommes. Il n'y a pas le personnel voulu. M. Lapointe pourrait le dire lui-même. On ne fournit pas dans la province.

M. Couture: Cela prendrait des milliers d'inspecteurs, c'est évident.

M. Bellemare: Pas des milliers, mais des zones, par exemple, ou des régionaux pourraient peut-être déléguer certains pouvoirs, puis faire mettre l'estampe du gouvernement. Il y a des pouvoirs délégués qui peuvent se faire aussi dans cela. On pourrait déléguer des pouvoirs à certains ingénieurs et leur dire: Voici, allez donc dans tant d'industries, puis allez donc mettre le sceau du gouvernement. Parce que quand on arrive après un feu, puis il n'y a pas de sceau du gouvernement depuis cinq ans, je vous garantis que le gouvernement en mange une.

M. Couture: C'est la raison pour laquelle la volonté politique du gouvernement veut confier au ministre d'Etat au développement social, cette espèce de réévaluation globale de tout ce qui se fait pour la sécurité et la santé des travailleurs au Québec, justement, tout ce dont on parle depuis quelques minutes. Effectivement, au développement social — je participe à ce comité — il y a eu rencontre interministérielle de tous les services qui s'occupent de sécurité au travail. Parce que vous savez qu'il y a une petite pagaille dans ce domaine, c'est-à-dire que les mines vont faire leurs inspections toutes seules, l'environnement fait ses inspections, les Richesses naturelles font leurs inspections, les Affaires sociales des fois ont à en faire, le ministère du Travail fait des inspections, puis, à un moment donné, on s'aperçoit, dans certains dossiers, que des inspecteurs de tel ministère sont passés et il n'y a pas eu d'information transmise à d'autres types d'inspecteurs. Là-dessus, on est bien conscient que c'est vraiment incohérent. Dans le mandat confié au ministre d'Etat au développement social, c'est une de ses premières responsabilités de commencer, même à court terme, car le mandat est double, à corriger quand c'est possible, par des amendements à des lois ou par, tout simplement, la coordination des services d'inspection.

M. Bellemare: On en a fait, une loi, nous aussi.

M. Couture: Si vous permettez, M. le Président, je voudrais terminer.

M. Bellemare: C'est simplement pour vous empêcher d'aller plus loin et dire une chose absurde. On a commencé au ministère, avec M. Lapointe et d'autres ingénieurs, à vouloir coordonner tous les services d'inspection de la province au même endroit et on a manqué notre coup joliment. J'espère que vous allez réussir, vous autres.

M. Couture: Au moins, on prépare...

M. Bellemare: Même le ministre d'Etat qui prépare cela aura à affronter des obstinations dans certains ministères.

M. Couture: Je pense quand même que c'est la responsabilité politique du gouvernement de veiller à ce que cela réussisse. Il y a déjà un comité interministériel mis en place avec le seul mandat de coordonner les services d'inspection au gouvernement, tout ce qu'on a de services d'inspection et essayer de mettre un peu de cohérence dans ce domaine. Je crois qu'effectivement il faudra attendre quelques mois pour voir les résultats de cette entreprise. Le mandat est clair, le travail se fait et je pense qu'il faut quand même signaler...

M. Bellemare: Vous devriez lire la lettre du ministre des Mines dans le temps où j'étais là, l'honorable M. Allard.

M. Forget: On reviendra sur le sujet quand M. Marois, le ministre d'Etat, sera ici. Quand j'entends que cela va prendre des mois pour régler ce problème, je suis vraiment impressionné par le fait qu'on revienne en arrière. Au niveau de l'administration, au niveau du gouvernement, au niveau même des fonctionnaires, il y avait eu, depuis deux ans, avant le 15 novembre, des discussions qui avaient mené à des solutions à tout cela. Ce problème de la coordination des juridictions, d'une entente sur les transferts de juridiction, il était réglé. Vous n'avez qu'à vous référer — ce sont des documents qui vous sont disponibles — aux procès-verbaux et aux conclusions du Comité des ressources humaines, qui était le prédécesseur du Comité du développement social, pour découvrir toutes les conclusions à ce travail.

Evidemment, quand on repose le problème, on réveille les morts et il se peut qu'on ait encore des mois à faire pour revenir au point où on en était rendu au mois de septembre de l'an dernier. Il y a des solutions et j'invite le ministre du Travail

à insister particulièrement pour que cette coordination se fasse et qu'on ne remette pas continuellement en question des conclusions auxquelles on en était arrivé et qui plaçaient, au ministère du Travail, la coordination de toute cette activité.

M. Couture: Je suis content de vous l'entendre dire. C'est un peu le sentiment que j'ai, cela devrait revenir au ministère du Travail. Seulement, je voudrais vous corriger quand vous dites que cela va prendre encore des mois. Il y a un double mandat. Le ministre du développement social a ce mandat actuellement. Quand l'évaluation est faite, quand les interventions sont possibles, quand il est possible d'intervenir immédiatement, c'est-à-dire de corriger des situations quand c'est possible et vite, à ce sujet-là, il y a eu une opération à Fer et Titane, il y a des opérations qui se font.

M. Forget: Parlons-en, de celle-là. On a fait une concession en proclamant, d'un côté, des principes, et on a tout laissé tomber, de l'autre côté...

M. Couture: Oui, qui peut être réévalué.

M. Forget: ... en disant: Comme les gens ne veulent pas s'entendre, on va tout payer. Si c'est sur cette base qu'on envisage les responsabilités de l'employeur vis-à-vis de la sécurité et la santé, cela va coûter drôlement cher aux contribuables à cause d'un manque de courage du gouvernement de dire: C'est à l'employeur de payer cela. Il y a des dispositions, dans les lois actuelles, sans rien changer, qui permettent de l'obliger.

M. Couture: Je crois que, finalement, dans le domaine de la sécurité et de la santé des travailleurs sur le lieu du travail, on ne doit pas laisser complètement à l'employeur la responsabilité financière et celle de la direction de cette inspection, de cette vigilance. J'ai, entre autres, visité le chantier de Concordia. C'est une suggestion que j'ai faite à l'OCQ. Je pense qu'il y aurait des formules qui pourraient s'apparenter à ce qu'on trouve, par exemple, dans des comités de reclassement ou des comités tripartites où, à un moment donné, on dégage que ceux qui veillent à la santé et à la sécurité des travailleurs sont indépendants du gouvernement, du syndicat et du lieu de travail, mais ils dépendent des trois à la fois. C'est peut-être dans cette orientation que je suis intéressé à réfléchir parce que cela corrigerait un peu ce genre de situation.

M. Forget: Vous savez très bien que dans le cas de Fer et Titane, ce n'était pas la proposition qui a été défendue par le gouvernement.

M. Couture: Oui, c'est un essai.

Le Président (M. Marcoux): Si les membres de la commission étaient d'accord, on pourrait poursuivre plus en profondeur toute cette discussion sur la sécurité au programme 6 puisque dans le programme 1, on était à l'élément 2, Conciliation et arbitrage.

Bien sûr que cela concerne l'ensemble du travail, mais je vous suggérerais d'attendre au programme 6 pour aller plus en profondeur.

M. Forget: D'accord, M. le Président, quant à moi...

Le Président (M. Marcoux): Elément 2. Sur l'élément 2, le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Sur l'élément 2, M. le Président.

M. Forget: Non, cela, c'est le programme 2. On n'est pas rendu là encore.

Le Président (M. Marcoux): Programme 1, élément 2, adopté?

M. Forget: Adopté.

M. Bellemare: Un instant, j'aurais simplement une question sur la négociation sectorielle. Je voudrais demander au ministre où cela en est rendu, les négociations sectorielles. Qu'est-ce que vous avez là?

M. Couture: La négociation sectorielle? Notre réflexion sur la négociation sectorielle?

M. Bellemare: On a cela dans votre programme.

M. Couture: Oui, je sais. A la lumière des expériences qu'on vit au Québec depuis quelques années dans la négociation sectorielle, entre autres dans la construction, dans les services publics, je suis porté à dire qu'il faut étudier assez en profondeur les implications de cette négociation sectorielle et ses modalités d'application. Nous en sommes au stade de l'étude, point. C'est dans le programme, c'est une orientation qui nous est donnée par le mandat que nous avons reçu, mais nous voulons évaluer d'abord quels ont été les effets des négociations sectorielles au Québec depuis quelques années et quelles modalités il faudrait peut-être retenir pour les étendre à d'autres champs d'activité.

M. Bellemare: Est-ce vrai qu'on serait plus susceptible d'avoir des grèves dans les petites unités que dans les grosses organisations comme les multinationales?"Est-ce qu'il serait vrai de dire que c'est plus fréquent dans les petites unités d'association, de syndicalisation, d'avoir des grèves que dans une multinationale?

M. Couture: Vous voulez parler en termes de faits, à savoir si, dans le passé, on a eu plus de grèves?

M. Bellemare: Oui, avec le rapport sur les grèves qu'on a ici.

M. Couture: Qu'est-ce qu'on a comme chiffres? Je pense que c'est relativement facile de répondre là-dessus, parce qu'au Québec, effectivement, le nombre des petites entreprises est tellement considérable que c'est purement un calcul de probabilités.

M. Bellemare: La nervosité est peut-être plus grande.

M. Couture: Non, puisqu'il y a plus de petites entreprises, il y a plus de risque qu'il y ait des grèves dans des petites entreprises. C'est au niveau simplement du nombre, dans la proportion...

M. Bellemare: La capacité de payer aussi.

M. Couture: Oui, c'est lié à cela aussi. Mais, comme je le disais hier soir, ce qui me paraît un élément important, c'est que quand même le syndicat d'une petite entreprise qui cherche un règlement doit — dans la plupart des cas, je pense qu'on fait cette analyse — faire l'analyse économique de l'entreprise pour que le rapport de force ne soit pas tellement considérable, qu'il ne déborde pas tellement les règles du jeu que l'entreprise soit mise par terre. Je pense que les cas de fermeture d'entreprises pour cause de grève au Québec ne sont pas tellement fréquents.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: J'ai seulement une observation à faire. Peut-être que ce n'est pas exactement la place, mais il me semble...

Le Président (M. Marcoux): Ce n'est pas la place.

M. Mackasey: ... que vous avez beaucoup de commissions. Quand vous arrivez avec votre Code du travail, vos normes et travail, etc., est-ce que c'est votre intention d'éliminer peut-être quelques commissions et transférer leur ouvrage ou leur supervision, si vous voulez, directement au ministère du Travail?

M. Couture: Si on veut être fidèle à la philosophie que nous maintenons, de consultation, de faire participer les agents eux-mêmes aux transformations que nous voulons effectuer je pense qu'on ne peut pas retenir cette suggestion. C'est-à-dire que c'est évident que dans bien des cas on pourrait utiliser les services du ministère pour faire des changements, préparer des changements, mais je crois que c'est extrêmement important qu'un groupe de travail qui prétend réformer des conditions, finalement, qui prétend réformer le Code du travail qui va avoir tellement d'implications dans la vie des travailleurs et des entreprises, reflète un peu ce milieu et puisse avoir la crédibilité nécessaire pour recevoir les consultations.

M. Mackasey: Pourquoi est-ce nécessaire d'avoir une Commission du salaire minimum?

M. Couture: Vous parliez de ces commissions; je pensais que vous parliez des comités de travail, des groupes de travail.

M. Mackasey: Cela relève de votre budget, du nombre d'employés que vous avez.

M. Couture: La Commission du salaire minimum n'est pas dans...

M. Mackasey: Comment se fait-il qu'il existe une Commission du salaire minimum? Quand vous restructurerez votre ministère est-ce votre intention d'éliminer cette duplication? Vous pourriez économiser beaucoup d'argent.

M. Couture: C'est un choix politique possible. Je crois que, si on veut être cohérent avec ce que j'énonçais au début, à la première séance, si on veut dépolitiser certains types d'interventions du gouvernement dans le champ des conditions et des relations de travail, c'est un avantage d'avoir des commissions, qui ont une certaine autonomie, qui permettent dans le milieu où elles doivent intervenir de garder cette distance face au pouvoir politique, ce qui ajoute, à mon avis, une crédibilité dans les interventions.

M. Mackasey: II faut que ce soient des fonctionnaires, pas des politiciens. Mon expérience avec les commissions, c'est que ce sont des politiciens non élus.'

M. Couture: Je prends bonne note de vos remarques et nous espérons avoir un autre type de politique de recrutement pour ces commissions.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Très brièvement. Le député de Johnson a soulevé la question: Est-ce qu'il est plus probable qu'il y ait des difficultés, des conflits qui surviennent lors de grèves dans tel genre d'entreprise que dans une autre? Dans le fond, j'écoutais le dialogue entre le ministre et le député de Johnson et il me semble qu'on n'a vraiment pas besoin de se poser des questions à savoir quelle est notre impression là-dessus. Vous avez un service de recherche au ministère. Est-ce qu'on a analysé, justement, ou est-ce qu'il n'y a pas des études disponibles qui nous permettraient, justement — et ce sera utile quand on voudra examiner les amendements au Code du travail — de déceler quels sont les secteurs qui ont des propensions à éprouver des difficultés étant donné leur taux de syndicalisation, leur taille, leur secteur industriel? Où, concrètement, les problèmes se soulèvent-ils? On se rendra peut-être compte que c'est toujours dans tel et tel genre d'entreprises plutôt que dans tel autre. Cela nous aiderait peut-être à nous diri-

ger vers la solution au problème. Est-ce qu'il n'y a pas des études au ministère du Travail sur l'incidence des conflits de travail, sur la probabilité selon laquelle des conflits se terminent par une grève plus ou moins longue, etc? On peut imaginer toutes sortes de choses qu'il serait très utile d'avoir.

M. Bellemare: II y en a une qui existe.au ministère du Travail. On a retrouvé, par exemple, que, d'un employé à 24, vous avez 4,5 dans les multinationales. Dans les autres, 6,7. De 25 employés à 99, 9,5, les multinationales, 9,4 dans les autres. Dans les employés de 100 à 400, 16, 16,6 dans les petites.

M. Forget: Ce pourcentage se réfère à quoi?

M. Bellemare: Cela se réfère au nombre de jours de grève.

M. Forget: Le nombre de jours de grève perdus.

M. Couture: On compare les multinationales et les petites entreprises.

M. Forget: C'est un taux par mille jours de travail.

M. Bellemare: C'est cela. De 500 et plus, il y a 20, 4% et l'autre 22,9%.

M. Couture: Je pense que cela se rejoint pas mal d'un côté et de l'autre, mais ce que signalait le député de Saint-Laurent...

M. Bellemare: Par secteur, très bien. Cela existe au ministère; vous l'avez par secteur: textile, acier, fonderie. Vous avez cela au ministère.

M. Couture: C'est un instrument qu'il m'apparaîtra indispensable, d'abord, pour la réforme et aussi pour le type de services qu'on doit donner. Je pense que, si l'on veut faire de la prévention dans les relations de travail, il faut avoir une bonne connaissance, un portrait des conflits de travail au Québec et des secteurs qui sont le plus affectés.

M. Forget: Est-ce que le ministre accepterait de déposer une étude comme cela, si elle était disponible, ou de la rendre disponible par courrier, au moins, aux membres de la commission?

M. Couture: Certainement. Nous allons demander au service de recherche de nous préparer un sommaire de ces données et il nous fera plaisir de vous les faire parvenir.

M. Bellemare: C'est un nommé Landry qui avait fait la compilation. Vous vous souvenez de M. Landry?

Le Président (M. Marcoux): Programme 2, élément 2, adopté?

M. Chevrette: Une question sur les enquêteurs spéciaux qui ont à enquêter sur différents conflits. Pour avoir lu certains rapports de ces types et en avoir compris quelques-uns, il m'apparaît que leurs pouvoirs sont très limités. Ils ne se contentent que de constater les faits, les inspecteurs spéciaux. Je me demande si, dans certains cas, on n'aurait pas avantage à leur donner certains mandats de conciliations possibles. Tout en analysant les faits, ils pourraient se permettre de faire des recommandations au parti et peut-être accrocher certains règlements. C'est une question que je pose. J'aimerais avoir l'opinion du ministre là-dessus.

M. Couture: Je m'excuse auprès du député de Joliette. Je vais vous demander de laisser votre question en suspens et de la reposer. Je vais donner la réponse que demandait tout à l'heure le député de Johnson sur la comparaison entre 1975-1976 sur le nombre de conventions collectives déposées et le chiffre de 1976-1977, au 31 mars 1977.

Nous avons, en 1975-1976, 2648 conventions collectives déposées.

M. Bellemare: Je l'ai celui-là.

M. Couture: Et en 1976-1977, au 31 mars, 5315.

M. Bellemare: Cinq mille trois cent quinze.

M. Couture: Ce qui pourrait être de nature à nous réjouir parce que cela signifie qu'il y a un mouvement de syndicalisation, quand même, qui est amorcé et qui se continue, au Québec.

M. Bellemare: Oui.

M. Forget: J'ai remarqué, dans la revue "Travail", que cela dépasse maintenant 40%, les taux de syndicalisation. Je pense que c'est la revue du ministère du Travail. Il y a une étude là-dessus.

M. Couture: On disait 38%, oui.

M. Forget: Sur les taux de syndicalisme. On les a ici au tableau 1, à la page 26, mais cela ne donne que jusqu'en 1974. Il y a un bon délai mais il y a, malgré tout, ce qui peut avoir l'air d'une tendance à la hausse relativement à la main-d'oeuvre syndicale potentielle, c'est-à-dire directe. Je ne sais pas quelles sont exactement les définitions des termes, mais cela dépasse 40%.

M. Couture: J'avais l'appréciation. C'était au-dessus de 38%. Il faut déjà corriger ce que la population croit là-dessus. On est toujours porté à dire que c'est 30% ou 35% mais c'est effectivement autour de 40%.

Le Président (M. Marcoux): M. Chevrette.

M. Chevrette: Ma question était à l'effet que les enquêteurs spéciaux que nous avons semblent avoir un mandat très restreint d'observer les faits,

d'aller constater sur place les faits, lorsqu'il y a un conflit, comme dans le cas du Saguenay-Lac-Saint-Jean ou qu'on en prenne d'autres. J'ai lu énormément de rapports là-dessus. Il me semble qu'on aurait avantage, au ministère du Travail, dans l'évaluation, à leur donner un pouvoir d'effectuer une certaine conciliation et, dans l'analyse de ces faits, ils pourraient en arriver à des recommandations. Je remarque que ces rapports comportent rarement des recommandations, très rarement. Et s'il y en a une, elle est camouflée. Il ne semble pas qu'ils aient le pouvoir de dire qu'ils recommandent telle chose au ministre ou au sous-ministre. Je me demande si on n'aurait pas avantage à analyser ce point de vue.

M. Couture: La loi générale du ministère, à l'article 3, dit que le ministre a le pouvoir de travailler à ce qu'il y ait des relations harmonieuses dans les relations de travail.

M. Chevrette: C'est cela.

M. Couture: Comme tel, le pouvoir des enquêteurs, il n'y a pas de mandat clair et légal. Mais je prends note de cette suggestion. Je crois que ce serait beaucoup plus salutaire, quand une enquête se fait, qu'on puisse non seulement avoir l'évaluation des faits mais, puisque l'enquêteur est sur place, qu'il fasse des recommandations à ce moment-là. J'en prends note.

M. Bellemare: Dans le...

M. Couture: Dans certains cas, cela se fait remarquer.

M. Bellemare: Dans votre rapport de 1976, sous le titre: Enquêtes spéciales, on dit que les enquêteurs auraient traité, au cours de l'année, 240 plaintes dont 234 ont été réglées grâce à leur intervention, 6 furent déférées à l'arbitrage. Je parle de l'arbitrage, parce que c'est dans le sujet. Est-ce qu'on peut parier d'arbitrage? C'est dans ce système.

M. Couture: Oui.

M. Bellemare: Parce qu'une chose reste sûre, c'est que dans la recommandation que faisait M. Fernand Morin sur les questions d'arbitrage, il disait qu'on devrait revenir à la formule antérieure à l'année 1960, surtout dans l'arbitrage et reconnaître aux parties l'exercice de leur droit de grève ou de lock-out dans tous les cas et où une décision arbitrale n'est pas rendue 60 jours après l'audition du grief, ou après un autre délai, arrêtée conjointement par les parties... Regardez bien! C'est là, je pense que se trouve le grand problème dans l'arbitrage. Il faut, en moyenne, 77 jours, actuellement, pour rendre une sentence après l'audition. Mais il s'est passé, dans bien des cas, 164 jours depuis le moment où l'arbitre a été nommé. C'est sûr et certain que ces délais sont...

M. Couture: ... inacceptables.

M. Bellemare: C'est inacceptable. Quand on vit dans un monde en ébullition, surtout avec la rapidité qu'on connaît, on va chercher des décisions maintenant devant les cours en moins de 30 jours. On a ici des griefs pour avoir mal fermé une porte ou, pour avoir fait une grimace à un contremaître on est mis dehors. Cela prend 77 jours, dans le cas le plus court, et 164 jours, dans le cas le plus long.

M. Couture: Si cela peut vous réjouir une autre fois, le conseil consultatif étudie depuis plusieurs mois les problèmes d'arbitrage et les délais. J'attends de sa part des recommandations précises à ce sujet.

M. Bellemare: Au sujet de l'arbitrage, combien y a-t-il eu de cas du 31 mars 1976 au 31 mars 1977 pour comparer avec ce que vous aviez en arbitrage à partir du 1er avril 1975? On en donne ici 22 au total. Vous ne l'avez pas en main.

M. Couture: Je demanderais à M. Laporte de vous répondre là-dessus.

M. Bellemare: Non, vous me répondrez...

M. Couture: C'est l'arbitrage des différends. Il s'agit de groupes d'employés qui n'ont pas droit à la grève en vertu du code. On se réfère surtout aux policiers et aux pompiers. Il y a 22 négociations qui se sont terminées par des arbitrages de différends.

M. Bellemare: Combien y a-t-il eu d'arbitrages dans les décisions qui ont été rendues à la suite de sentences arbitrales et qui n'ont pas été respectées?

M. Couture: Voulez-vous dire sur des sentences arbitrales de griefs ou de différends?

M. Bellemare: Des sentences dans des enquêtes spéciales.

M. Couture: Parce qu'il y a là deux choses qu'il faut regarder. Les enquêtes spéciales... si dans le rapport annuel du ministère, on parle d'arbitrage, il faut prendre cette expression en fonction d'une décision arbitraire des parties, c'est-à-dire que l'enquêteur, en fonction des pouvoirs qu'il avait, n'a pas réussi à amener les parties à une entente. Effectivement, les enquêteurs, en vertu de la loi constitutive du ministère, font leur enquête et souvent, la preuve est là, dans la très grande majorité des cas, essaient de concilier les parties et en arrivent à un règlement. On avait 240 plaintes l'année passée et il y en a 234 qui se sont terminées ainsi.

M. Bellemare: II y en a eu six...

M. Couture: II y en a eu six où il n'y a pas eu d'entente. L'enquêteur spécial n'a pas réussi à faire entendre les parties. A ce moment, son pouvoir s'arrête là, il revient nous faire rapport et nous

n'avons aucun moyen dans ces cas. Je pense à des cas de réclamation au travail parce qu'ils doivent aller au civil. C'est un recours au civil, et cela nous échappe complètement. Ce sont ces genres de cas qui n'ont pas été réglés.

M. Bellemare: Par exemple, un cas assez patent, c'est celui d'une compagnie qui refuse de reconnaître un accident de travail.

On fait rapport; la Commission des accidents du travail accepte en principe le malade et dit: Ecoute donc, je pense que... On fait faire enquête par la commission, on revient devant la compagnie et la compagnie n'accepte pas. On fait justement une enquête spéciale, le tribunal se prononce et ils ne s'entendent pas, qu'est-ce qu'il arrive?

M. Couture: L'enquête spéciale...

M. Bellemare: Nous autres, on a le droit de faire des auditions d'accord. On condamne la compagnie, la compagnie revient contre nous autres. Que voulez-vous qu'on fasse? Ces enquêtes spéciales, c'est quoi?

M. Couture: Ces enquêtes spéciales n'interviennent pas ou très rarement dans les cas qui regardent la Commission du salaire minimum, dans les cas qui regardent la Commission des accidents du travail, l'Office de la construction, les régies ou les offices sous la responsabilité du ministre. C'est strictement au niveau de plaintes que des individus portent à la connaissance du ministre lui-même. S'il n'y a pas de syndicat, on va avoir une demande...

M. Bellemare: Suspension... M. Couture: Suspension de...

M. Bellemare: ...d'un employé qui a été accidenté.

M. Couture: Oui. A ce moment...

M. Bellemare: Suspension, là, parce que le gars est accidenté. Nous autres, on le reconnaît et la compagnie ne le reconnaît pas. Il est suspendu. C'est une enquête spéciale.

M. Couture: C'est un recours qui va directement à la Commission des accidents du travail.

M. Bellemare: Bon, l'arbitre le condamne et la compagnie nous envoie chez le diable. Qu'est-ce qu'il y a à faire?

M. Couture: A ce moment, il a un recours au civil.

M. Bellemare: Contre la compagnie?

M. Couture: Contre la compagnie, une réclamation. Ce ne sont pas ces enquêtes qu'on traite ici.

M. Bellemare: Là, c'est un employé qui n'a pas l'argent pour plaider contre la compagnie. Vous avez un cas de...

M. Couture: Je crois que...

M. Bellemare: ...suspension à la suite d'un accident de travail, on l'a blâmé d'avoir été négligent. La CAT dit que même si on peut l'accuser de négligence, on doit le payer quand même.

M. Couture: La CAT, la Loi des accidents du travail n'a pas les dents qu'on souhaiterait.

M. Bellemare: Je parle de la suspension parce qu'il a été négligent au travail, ils l'ont suspendu. Il est venu devant nous autres, on l'a reconnu comme accidenté.

M. Couture: S'il n'a pas de syndicat, il a seulement le recours civil.

M. Bellemare: II a une convention, mais la convention...

M. Couture: C'est un grief.

M. Bellemare: C'est un grief, mais le grief est arrivé, devant l'arbitre et l'arbitre a dit: Que voulez-vous, la compagnie est coupable. Ils n'ont pas voulu donner suite, qu'est-ce qu'il arrive?

M. Couture: C'est la centrale syndicale...

M. Bellemare: Bien oui, le gars n'a pas un cent.

M. Couture: C'est le syndicat qui, normalement, devrait poursuivre au nom du gars. Il n'y a pas d'autre recours possible.

M. Bellemare: II y a bien de ces cas qui sont réellement des cas limites et cela en est un.

Le Président (M. Marcoux): Programme 1, élément 2, adopté?

M. Bellemare: Une minute, s'il vous plaît! Je voudrais, M. le Président... Elément 3. D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Elément 2, adopté?

M. Bellemare: Est-ce que je peux vous demander la permission de l'accepter?

Le Président (M. Marcoux): C'est moi qui vous demande votre autorisation.

M. Bellemare: Assez placoté. Merci. Elément 3.

Le Président (M. Marcoux): Le président considère que ce que les membres disent, ce n'est pas du placotage. Elément 2, adopté? Adopté.

Elément 3. On est toujours au programme 1. Elément 3, Soutien administratif et technique. Adopté?

M. Bellemare: Une minute.

Soutien administratif et technique

M. Couture: On a un excellent soutien administratif et technique.

M. Bellemare: ...devrait changer. Le Code du travail doit être modifié. C'est vrai. En voilà un autre trou, dans le Code du travail. On parle de modifications au Code du travail... en conciliation volontaire, faisant porter sur les parties les responsabilités de négocier leur contrat de travail sachant d'avance que la date légale de la grève ou du "lock out" est acquise à la date d'expiration...

M. Forget: Est-ce que c'est un monologue ou...

M. Bellemare: Non. C'est moi qui me répète. M. le Président, on connaît d'avance... Le Code du travail va être amendé. On ne retardera pas la commission. C'est là un élément qui devrait être véritablement pensé plus sérieusement...

Le contrat de travail, sachant à l'avance que la date légale de la grève ou du "lock-out" va arriver, que la convention collective est expirée, on ne fait rien durant ce temps. C'est bien mauvais, parce que le "spirit", à ce moment, est corrompu. Moi, j'accepte l'élément 3. D'accord, cela a été bon?

Le Président (M. Marcoux): Elément 3, adopté? Adopté.

Programme 2, M. le ministre.

Normes de travail

M. Couture: Sur le programme 2, je n'ai pas de commentaires. J'ai fait des commentaires assez longs au début; je laisserai les membres de la commission poser des questions pertinentes à ce sujet.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je pense que c'est l'endroit approprié pour aborder plus en profondeur les questions relatives aux conditions minimales de travail. J'ai pris bonne note des observations de caractère général que le ministre avait faites sur ce sujet. J'ai des questions qui découlent de ses observations.

D'abord, il a indiqué — ce sur quoi l'Opposition officielle et, je pense bien, l'immense majorité de l'opinion publique au Québec est d'accord — que les parties sont les mieux placées pour régler les conditions de travail dans l'immense majorité des cas. C'est la règle générale et on devrait minimiser autant que possible l'intervention gou- vernementale. Bien sûr, cela n'est pas toujours possible et c'est la raison pour laquelle il y a des interventions qui visent à assurer des conditions minimales. Dans le fond, quand on fait des lois ou des procédures sur les conditions minimales, c'est qu'on constate un échec. Dans le fond, on dit: Le mécanisme normal de détermination des conditions de travail, à l'occasion, peut ne pas donner satisfaction ou peut ne pas être efficace. Il faut intervenir. Mais c'est, malgré tout, l'exception par rapport à la règle générale qui est de laisser les parties s'entendre entre elles sur les conditions de travail. Cela est le principe. L'autre, c'est une exception, un peu une admission d'échec du processus général.

Partant de ce principe, justement, le ministre semble avoir à l'esprit un mécanisme pour l'avenir, dans la mise en vigueur de conditions minimales de travail, qui, d'ailleurs, seraient beaucoup plus largement définies que les conditions simplement salariales. Le mécanisme tripartite qu'il nous a décrit — parce que je pense que c'est à cela que cela revenait — ces espèces de comités régionaux qu'il nous a décrits, si je comprends bien, devront fonctionner en quelque sorte avec l'appui technique que leur donneraient les centres Travail-Québec, les centres de main-d'oeuvre, mais seraient composés, pour une part, d'employeurs, pour une part, d'employés, pour une troisième part — c'est cela le problème — de fonctionnaires, j'imagine, de représentants du gouvernement. Est-ce que ce n'est pas, dans ce secteur, aller, dans le fond, contre le principe général? Je comprends qu'on puisse devoir mettre sur pied un mécanisme, s'il n'y a pas de syndicats, s'il n'y a pas de possibilité d'obtenir des conditions de travail qui paraissent socialement satisfaisantes. Mais est-ce qu'il est vraiment essentiel que l'Etat participe, si on met sur pied des structures qui visent à pallier l'inexistence des mécanismes normaux de négociation? Est-ce qu'il est vraiment important que les fonctionnaires de son ministère, auxquels il va être obligé de donner des instructions pour leur dire dans quel sens participer à cela, participent à ces comités régionaux?

Parce que, dans le fond, on peut voir que les gens qui vont être les employés et les employeurs vont se retourner du côté des fonctionnaires, dans des comités comme cela, et vont dire: Qu'est-ce que le ministre veut? Le ministre va se retrouver, finalement, être celui qui détermine, via un nombre indéterminé de comités locaux ou régionaux, les conditions de travail minimales, la façon dont elles sont appliquées, etc. Le ministre du Travail va devenir le plus grand chef syndical au Québec, un peu par défaut, d'accord, mais cela le place dans une position drôlement difficile et embarrassante parce qu'il va être juge et partie, finalement. Si les choses qu'il décide, via sa participation par ses fonctionnaires à ces comités, font tout à coup l'objet de controverses, on ne pourra pas dire: On va envoyer nos inspecteurs inspecter nos inspecteurs. Il va être juge et partie. Encore une fois, est-ce que cela ne va pas contre les principes qu'il veut défendre?

M. Couture: Cela va me permettre de bien éclaircir la question. Je crois qu'il y a peut-être un petit malentendu dans la présentation de ces structures. D'abord, la loi des conditions minimales de travail sera régie par un office qui s'appellera éventuellement la régie du travail du Québec et qui est une transformation de la Commission du salaire minimum. Donc, c'est cette régie qui aura l'administration — je dis bien l'administration — de la loi. Cela veut dire que tous les services d'inspection, de grief et de vigilance demeurent la responsabilité première de cette régie.

Quand je propose la création de comités régionaux, c'est pour la raison suivante. Je pense justement aux plaintes les plus fréquemment entendues sur l'application de normes, de conditions de travail affectant des non-syndiqués. La plainte est la suivante: C'est fort louable de vouloir assumer sa responsabilité sociale vis-à-vis des gens qui n'ont pas de syndicat pour les défendre, en attendant qu'ils en aient, mais dans les faits, c'est très difficile d'application. Les gens nous disent: On a beaucoup de cas où on déroge à la loi. Quels choix avons-nous? Nous avons le choix d'une régie forte, puissante et peut-être d'allure policière. Dire: On a une loi, des milliers de travailleurs doivent bénéficier des dispositions de cette loi, doivent, à toutes fins pratiques, avoir des conditions de travail décentes et minimales, et il faut l'appliquer. Donc, on va multiplier les inspecteurs, on va tout faire. Cela coûterait un prix fou si on voulait véritablement couvrir tout le secteur des entreprises non syndiquées.

J'ai introduit deux éléments — il y en aura peut-être un troisième un jour — pour un premier temps. J'ai cherché des formules permettant que cette responsabilité du gouvernement d'assurer des conditions minimales, et cette responsabilité de la régie d'administrer la loi et de s'assurer qu'elle soit appliquée, j'ai cherché des formules pour que le milieu même puisse partager cette responsabilité et assumer un certain rôle de chien de garde, de vigilance. C'est pour cela que je vais un peu préciser ce que seront ces comités régionaux pour que le député de Saint-Laurent et les membres de la commission aient une idée claire là-dessus. Il n'est pas question que ces comités régionaux administrent, comme tels, la loi.

Ces comités régionaux vont en plus recevoir d'autres mandats comme, effectivement, sur le problème de main-d'oeuvre dans le milieu, sur le problème de l'emploi, sur l'application des lois générales du ministère; cela peut couvrir pas mal de champs d'activité. Face aux conditions minimales, on va demander à ces comités régionaux, d'être un peu des organismes consultatifs, pour indiquer au ministre, faire part au ministre des échos qu'ils ont dans leur milieu, des griefs qu'ils reçoivent, parce qu'évidemment on va faire connaître la création de ces comités régionaux. Puis, eux-mêmes auront, je pense, cette préoccupation de voir dans leur milieu respectif, si cette loi est observée. Il arrivera qu'on aura localement, d'une façon régionale, un organisme qui nous aidera à rester vigilant sur l'application de la loi et qui pourra, face à la régie, faire des recommandations précises, dire, par exemple, que telles entreprises ne veulent rien savoir. Ces comités régionaux n'ont pas de pouvoir coercitif en aucune façon, ils n'ont pas de pouvoir d'intervention sur l'entreprise, mais ils apprennent des faits et les transmettent.

Je pense qu'au niveau de la connaissance des besoins, de la connaissance des faits, ils auront un rôle important à jouer, quant à la connaissance aussi des recommandations possibles. Parce que, quand je veux faire participer des gens du milieu à l'application de nos lois, je veux aussi qu'ils aient cette préoccupation que ces lois sont au service de la population et s'il y a des trous dedans, s'il y a des choses qui fonctionnent mal, il faut qu'ils nous le disent. Cet organisme a un peu ce rôle consultatif.

La présence des fonctionnaires dans ce comité, c'est une présence davantage de soutien technique au comité et de participation du gouvernement aux discussions et aux débats qu'il y aura dans ce comité. La deuxième correction que je veux apporter, au moins le deuxième instrument que je veux mettre en place pour nous aider à bien appliquer cette loi, c'est la transformation des centres de main-d'oeuvre et la présence dans ces centres Travail-Québec, d'un agent d'information bien formé, qui aura des qualités aussi d'animation, c'est-à-dire qui pourra effectivement prendre contact avec des travailleurs d'usines non syndiqués et ajouter à ce rôle de vigilance. L'expérience nous montre que ce n'est pas possible de tout contrôler de Québec même; ce n'est pas possible de s'assurer par une loi aussi difficile d'application que la Loi du salaire minimum, que la Loi des conditions minimales, simplement par un service vertical, qu'on peut avoir des réponses.

Alors, pour le moment, j'espère que j'ai été assez clair, ce rôle qu'on leur fait jouer, c'est celui-là.

M. Forget: C'est assez clair. Si vous permettez que je poursuive pendant juste une minute, est-ce que le ministre pourrait préciser si ces comités régionaux seront effectivement régionaux, c'est-à-dire sont-ils strictement sur une base géographique ou s'il les voit sur une base industrielle ou, simplement le fait d'avoir un comité dans la région de Québec pour l'hôtellerie et la restauration ou des choses dans ce genre, puis d'avoir un autre comité pour autre chose, ou si c'est sur une base géographique?

M. Couture: Non, c'est purement sur une base géographique qui débordera effectivement la structure administrative des régions québécoises, c'est-à-dire qu'il y aura évidemment des sous-régions comme dans les agglomérations urbaines.

Je note votre idée. Possiblement, on pourrait, on verra à l'usage, mais, dans un premier temps, je voudrais que cela ait cette dimension géographique. Je note quand même peut-être l'intérêt un jour ou l'autre d'ajouter une dimension sectorielle à ce genre de comité.

M. Forget: Est-ce que vous indiquez que cela a un rôle consultatif? Il y a évidemment le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui est consultatif par excellence sur le contenu des lois, de la réglementation et même sur la façon dont les lois sont administrées. Quand on a des comités consultatifs régionaux, qui n'ont pas de rôle dans l'administration des lois, dites-vous, c'est simplement pour donner un avis sur la façon dont les lois sont administrées, sur la façon dont elles sont écrites aussi, sur les normes qui sont applicables. Est-ce que dans le fond cela n'indique pas que la loi que vous envisagez sur les conditions minimales de travail peut déboucher sur des dispositions de caractère régional. Parce que si c'est simplement pour faire des observations générales sur des conditions provinciales ou à l'échelle de tout le Québec, on n'a pas besoin de plusieurs comités consultatifs. Si on a des comités consultatifs régionaux, c'est qu'il doit y avoir des décisions et des conséquences régionales.

Est-ce que vous envisagez que les conditions elles-mêmes puissent être différenciées selon les régions?

M. Couture: II faut préciser aussi qu'ils auront un rôle très différent du conseil consultatif qui, lui, est un instrument de consultation pour la préparation des lois travaillant sur des textes, sur des orientations du ministre, des intentions politiques, des avis, tandis que ces comités régionaux, leur principal mandat c'est de surveiller l'application de nos lois et être le lien de l'espèce de vigilance et de débat sur la façon dont les lois du ministère du Travail, en particulier les conditions minimales, sont appliquées et applicables. Cela rejoint peut-être la deuxième partie de votre question.

Vous vous souvenez très bien que, quand on augmente le salaire minimum, les gens disent: Dans ma région, ce n'est pas possible parce que cela dépasse tel ou tel taux, etc., pour les salaires de la région et c'est prohibitif. Ces comités régionaux, à mon avis, s'ils jouent vraiment leur rôle, pourront nous apporter des éclairages régionaux sur les déficiences de nos lois dans telle région, sur l'impact qu'elles peuvent avoir face à telle et telle région. C'est peut-être l'intérêt de ce genre de comité.

M. Forget: Face à cela, vous n'excluez pas la possibilité que les normes soient différenciées selon les régions?

M. Couture: Dans la loi elle-même, à tous les ans, le ministre a le pouvoir de recommander au lieutenant-gouverneur en conseil une révision des conditions minimales. Vous vous imaginez que ce sera extrêmement utile pour le ministre de recevoir durant l'année cet écho régional de cette application de la loi pour dire: On a vécu un an avec la loi. Il y a deux ou trois régions où cela ne marche pas, il y a des choses qui manquent et des choses de trop, etc. Je pense que ce point de vue éclaire le ministre.

M. Forget: Des ajustements de caractère régional.

M. Couture: C'est dans la loi qu'on prévoit une révision possible. Je ne dis pas qu'elle se fera, mais à chaque année on a une recommandation possible du ministre pour réviser les conditions minimales de travail au Québec.

M. Forget: Et la possibilité de le faire régionalement.

M. Couture: La possibilité que dans ces recommandations, tenant compte de ce qui nous viendra des régions, le ministre puisse dire que pour telle ou telle région ou tel secteur il faudrait peut-être avoir une exclusion.

M. Forget: J'aurai d'autres questions, mais pour le moment je sais qu'il y a d'autres membres qui veulent en poser.

M. Bellemare: Sur cet article particulier, je sais que le ministre promet des comités d'entreprise et de nouvelles formes de participation. Est-ce que ces comités d'entreprises seront appelés à surveiller les comités paritaires, par exemple, dans les régions où cela existe? Il est question à Ottawa depuis quelque temps de former des comités régionaux d'entreprise, et je pense que cette idée qui vient d'Ottawa semble avoir influencé le ministre.

M. Couture: Je me demande parfois si ce n'est pas le contraire.

M. Bellemare: Je ne sais pas, mais Ottawa a annoncé dernièrement lors d'une conférence fédérale-provinciale où vous étiez qu'il y aurait des comités régionaux d'entreprises, et le 20 avril, quelques jours après, je vois que M. Couture promet des comités d'entreprises et de nouvelles formes de participation. C'est ce que vous avez décrit. On l'a entendu. Mais il y a eu des protestations véhémentes de la part, par exemple, des métallos réunis en assemblée à Rouyn. Les syndicats locaux des métallos de la région ont souhaité que le ministre Couture pense sérieusement aux accréditations multipatronales permettant la syndicalisation des travailleurs au lieu de parler de comités d'entreprises qui seraient à toutes fins pratiques des syndicats de boutique créés par le gouvernement.

M. Lajoie, le directeur du Syndicat des métallos, a expliqué que c'est une véritable présence syndicale qui peut assurer le respect des conditions de travail et des travailleurs et non pas un quelconque comité sans pouvoir à la merci des employeurs. Vous en avez une preuve ici assez vivante. Il y a dans mon comté une manufacture de robes, qui, le jour de toutes les élections, municipales, scolaires, fédérales et provinciales, reçoit de la Commission conjointe de l'industrie de la robe un avis qui doit être affiché à l'effet qu'elle

doit fermer complètement et payer tous les employés pour la journée complète, sous peine d'amende sévère.

Nous attirons votre attention, en vertu de l'article 6.00 et 3.03 de l'arrêté en conseil 3519, décret relatif l'industrie de la robe: "le travail est interdit dans votre atelier la journée où a lieu une élection provinciale générale. Nous vous avisons, de plus, que tous les employés assujettis audit décret qui sont à votre emploi depuis au moins un mois devront être payés pour ce jour férié conformément à l'article 6". Il m'a dit: Ecoutez, M. Bellemare, s'il arrive quatre ou cinq élections, j'ai 90 employés, vous représentez-vous, dans un an, ce que cela peut valoir? Moi, je suis un petit, au bout de la ligne, dans une municipalité, à Bromptonville; je subis la pression et je suis obligé de les payer. Est-ce que le comité d'entreprise va pouvoir éviter cela? Qu'on donne, selon la Loi électorale, les trois heures qui sont permises ou qu'on finisse à trois heures au lieu de finir à cinq heures ou à deux heures et demie, ou qu'on leur accorde trois heures et demie ou guatre heures. Mais une journée complète, à toutes les élections provinciales et fédérales, cela, c'est le décret de la robe.

Que voulez-vous? J'ai écrit à votre ministère.

M. Couture: Nous en avons pris bonne note.

M. Bellemare: Ah! je sais cela. J'étais pour le dire à votre place. Vous avez accusé réception, comme tout bon ministre. Nous étudions très sérieusement le cas soumis.

M. Couture: Nous nous penchons sur le problème.

M. Bellemare: Nous nous penchons sur le problème. Vous pouvez être assuré de notre plus entière collaboration pour essayer d'apporter justice à votre cas.

M. Couture: C'est un avantage d'avoir...

M. Bellemare: Le dossier est très épais. On écrit de nouveau et on a essayé d'avoir autre chose que cela. J'ai dit ce matin: A la commission, je vais avoir ma réponse parce que je trouve qu'une loi provinciale qui établit trois heures pour voter, c'est le maximum qui devrait être exigé.

M. Couture: C'est quatre heures.

M. Bellemare: C'est quatre heures, oui. Quatre heures pour voter, cela devrait avoir préséance sur un décret. C'est clair!

M. Couture: D'habitude, un décret reflète une convention.

M. Bellemare: Ici vous avez le décret et les articles, à part cela. Je peux le lire, six, les jours fériés...

M. Couture: Ce sont les parties au décret qui doivent faire les représentations.

M. Bellemare: Ils les ont faites, mon cher ministre, mais cela n'a pas l'influence d'une ville comme Montréal où la robe est contrôlée par une dynastie extraordinaire.

M. Couture: Vous savez qu'il y a un ministre qui a fait une opération tutelle dans l'industrie de la robe.

M. Bellemare: Je ne vous comprends pas.

M. Couture: Je veux signifier que, justement, pour faire état de ce problème dans l'industrie de la robe...

M. Bellemare: L'industrie de la robe est en tutelle actuellement et le décret aussi. Je sais cela. Ils demandaient justement hier, dans les journaux, la tutelle parce qu'ils n'ont rien contre eux. On dit: On n'a rien contre nous, pourquoi nous avoir mis en tutelle? C'est un autre cas.

M. Couture: Oui.

M. Bellemare: Je ne veux pas régler ce cas, ce n'est pas celui de la tutelle. C'est qu'actuellement vous avez un cas patent d'un homme qui a 80 employés qui lui coûtent $3 ou $4 l'heure, imaginez-vous ce que cela représente! Est-ce que vos comités d'entreprises vont pouvoir remédier à cela?

M. Couture: Je pense que là, je vais vraiment essayer d'éclaircir deux choses qui sont différentes, à mon avis. D'abord, les comités d'entreprises. On en a parlé à l'occasion du congrès des relations industrielles. On devait pendant ces deux jours, réfléchir sur des formes de participation dans Jes entreprises. Quand je suis allé là, j'ai dit, effectivement, que le programme du Parti québécois nous orientait de cette façon et nous avons un mandat là-dessus. Mais en ce qui concerne les entreprises où il y a des syndicats et des chefs d'entreprise, c'est notre philosophie aussi de tenir compte des intervenants et de ne pas imposer des formules nouvelles de participation dans les entreprises.

En ce qui concerne les entreprises de non-syndiqués, j'ai parlé en termes d'hypothèses de travail, c'est-à-dire que c'est toujours dans la recherche aussi de moyens pour qu'une loi soit appliquée. Le comité d'entreprises dont je parlais, c'était effectivement une simple participation de salariés sur une forme paritaire pour surveiller comment la loi s'applique dans l'usine. Ils n'ont rien négocié. Comme dans le cas des comités de sécurité, ils regardent si les lois sont observées. Je sais que cela pose des problèmes d'ordre même idéologique et philosophique, en termes de ce que ce n'est pas une façon peut-être de décourager le syndicalisme ou autrement.

Je pense qu'on pourrait faire un débat très long. Ce que je veux qu'on retienne, ce matin, c'est que cette hypothèse demeure une hypothèse de travail. Ce n'est pas dans le prochain projet de loi, à moins qu'on puisse vraiment avancer un peu

plus vite dans cette étude, mais je crois que c'est important pour un ministre du Travail de ne pas rester dans les ornières traditionnelles, de chercher des voies nouvelles de participation des travailleurs.

En ce qui concerne votre autre problème, je suis prêt à ce qu'on ait une bonne rencontre, à un moment donné, avec les gens, les représentants de ces milieux, afin qu'on en discute.

M. Bellemare: Ils paient terriblement cher, parce qu'ils sont obligés de s'assujettir au tarif de Montréal et de Québec. Selon le décret, il n'y a pas d'autre solution que le prix marqué. Quand on arrive avec une journée de 8 heures ou de 9 heures, et qu'on paie le tarif qu'on paie, le gars, deux fois par année, ou trois fois par année...

M. Mackasey: Permettez-moi une question. Je sais qu'en dernier lieu, ce sera M. Bellemare qui va continuer.

M. Bellemare: Non.

M. Mackasey: M. le ministre, je formule mes questions sur les normes de travail. Est-ce votre intention que ces normes de travail s'appliquent dans la section représentée par les syndicats autant que ceux...

M. Couture: Tous les salariés québécois. M. Mackasey: Tout le monde. M. Couture: Tout le monde.

M. Mackasey: Même si, par exemple, un nombre de congés est fixé dans la convention collective.

M. Couture: Notre loi aura priorité. D'ailleurs, je dois dire qu'il y a très peu de conventions collectives qui n'auront pas ce cadre minimal.

M. Mackasey: Dans ce cas...

Le Président (M. Marcoux): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 heures)

Reprise de la séance à 17 h

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs! La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre et de l'immigration est réunie pour poursuivre l'étude des crédits budgétaires du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Je ne sais pas si...

M. Laplante: Je fais appel au règlement. Peut-on commencer, même s'il n'y a qu'un membre de l'Opposition qui est ici, en la personne du député de Saint-Laurent? Il n'y a aucun membre. Je crois que le Parti libéral devrait avoir trois membres, le parti de l'Union Nationale, deux. On en trouve aucun au moment de commencer. Est-ce normal?

Le Président (M. Marcoux): Pour répondre à votre question, la réponse est oui. M. le député de Saint-Laurent.

M. Chevrette: M. Bellemare est arrivé en retard.

M. Bellemare: Si vous aviez mes affaires à fouetter, en arrière...

M. Chevrette: Ne vous fâchez pas, c'est une farce que je fais. C'est parce que j'ai demandé l'autorisation pour vous.

M. Laplante: On se fait reprocher de ne pas être là, nous autres, et vous n'êtes pas ici, personne.

M. Bellemare: II n'y a pas un gars qui soit plus régulier que moi.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! A l'ordre!

M. Bellemare: Je pourrais noter, mon cher, vos absences, bien plus que les miennes.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm, M. le député de Bourassa.

M. Chevrette: M. Bellemare, j'ai demandé la permission et il vous l'a permis.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! M. Belemare: Que m'a-t-il permis? M. Laplante: D'arriver en retard.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Laurent.

M. Bellemare: II y a d'autres choses à faire aussi dans dix minutes. Je me suis fait accrocher par le leader parlementaire, votre leader, qui ne

me lâche plus, qui veut avoir des renseignements de toutes sortes sur la Chambre. C'est important.

Commission du salaire minimum

M. Forget: ...le député de Joliette et son collègue de leur générosité à l'endroit du député de Johnson.

M. le Président, on a examiné un peu, dans le programme 2, ce matin, la question de la composition tripartite des comités régionaux. J'aimerais vous poser des questions, encore une fois, sur les problèmes des conditions minimales de travail de façon générale.

Il me semble, d'après la description qu'a faite le ministre à la fois des structures d'application des conditions minimales de travail et des mécanismes à envisager dans la loi, qu'il n'y a vraiment plus beaucoup de raisons de conserver la Commission du salaire minimum ou de créer, sous un autre titre, un organisme analogue. En effet, il semble que la détermination des taux de salaire minimum sera désormais assurée par un mécanisme prévu par la loi. D'ailleurs, c'est une décision qui m'apparaît sage, pour confirmer l'intention de dépolitiser cette question. Je crois qu'autrement on risque la surenchère des partis à l'Assemblée nationale, les pressions publiques, on risque de faire de cette question une question inutilement partisane et politique.

Il faudra cependant s'interroger, le moment venu, sur la façon dont la règle de détermination du salaire minimum est fixée.

Quand on regarde le passé, on se rend compte d'une chose, c'est que le taux global cumulatif d'accroissement en pourcentage du salaire minimum de 1971 jusqu'à la fin de 1976 est de 122% et, le taux cumulatif d'accroissement du salaire industriel moyen au Québec, pendant la même période, est de 60%, ce qui veut dire que, de 1971 à 1977, le taux horaire du salaire minimum a augmenté un petit peu plus que deux fois plus vite que la moyenne des rémunérations dans le secteur industriel au Québec. Il pouvait y avoir un rattrapage à faire au début, mais, enfin, il y a toutes sortes de raisons qui peuvent faire que l'on veuille faire progresser le taux du salaire minimum plus ou moins rapidement selon la conjoncture, selon les difficultés du Québec sur le plan économique, ou, au contraire, une prospérité qu'on veut partager le plus équitablement possible pour que ce taux soit déterminé en tenant compte de plusieurs facteurs.

Dans le choix — seulement une observation de caractère général — à ce moment, du taux auquel on va indexer, en quelque sorte, littéralement, le salaire minimum, il faut avoir un nombre de facteurs qui tiennent compte de suffisamment de choses; autrement, on va accumuler un retard, ou alors avoir un effet d'accélération très marqué. Même si on peut être relativement sceptique quand les gens nous font des descriptions catastrophiques du taux, d'un niveau donné du salaire minimum, il reste que son rythme d'accroissement, c'est une dimension malgré tout distincte du niveau auquel il peut se trouver à un moment donné. Enfin, je fais cette observation pas tellement pour faire des commentaires sur le mécanisme d'indexation, même si cela deviendra important, éventuellement.

Je suis d'accord avec le ministre qu'il faut en faire une règle un peu plus permanente. Si on fait cela, on enlève une des raisons d'être de la Commission du salaire minimum. C'est là que je reviens à mon argument initial. On reste donc avec deux fonctions, à mon avis. On reste avec une fonction d'inspection et on reste avec une fonction quasi judiciaire, c'est-à-dire celle de déterminer dans les cas si, oui ou non les règles du salaire minimum s'appliquent ou sont appliquées convenablement ou non. Or, il y a le tribunal du travail qui existe maintenant et qui n'existait pas quand on a créé la Commission du salaire minimum.

Mettant de côté tous les doutes constitutionnels qui sont créés autour de tribunaux de ce genre, par la décision dont on voit les échos dans les journaux aujourd'hui, il reste que ça va se trancher d'une façon ou d'une autre et qu'on ne change pas ce problème en créant une commission de toute manière. Il reste la fonction quasi judiciaire et il y a maintenant un endroit pour exercer cette fonction, peut-être plus approprié qu'une commission, qui a un caractère... Même si on ne veut pas la faire politique, il reste que ce sont des nominations et des gens qui sont censés être sensibles à toutes sortes de choses. Donc, c'est une fonction quasi politique aussi, quel que soit le choix qu'on puisse faire dans les nominations.

Il reste la fonction d'inspection et je ne vois vraiment pas pourquoi on confie à un organisme non ministériel une fonction d'inspection, étant donné que le ministre est peut-être plus responsable de cet aspect que de n'importe quel autre. Je verrais assez bien qu'on profite de l'occasion pour se défaire d'une structure qui a servi dans son temps, donner mon coup de chapeau à tous ceux qui y ont servi sans peine, mais il reste que ça n'a peut-être plus raison d'être. J'invite le ministre à repenser l'opportunité de débarrasser nos structures gouvernementales, qui sont déjà assez compliquées, d'un organisme qui n'a peut-être plus raison d'exister et de confier au Tribunal du travail un rôle, dans l'application des critères, d'assumer vraiment et carrément, les stages d'inspection, tout en étant d'accord avec lui qu'il ne faut pas se transformer en régime policier. Mais il y a d'autres structures justement qui peuvent exister indépendamment de l'existence ou de la non-existence d'une Commission du salaire minimum. Pour la détermination des taux, de toute manière, ce ne sera plus leur problème.

Est-ce qu'il n'est pas d'accord avec moi que ce serait peut-être une occasion de se défaire de cette...

M. Couture: Je vous écoutais et j'essayais de profiter au maximum de votre réflexion.

Je me demande si c'est vous qui aviez parlé, il y a deux jours, ou un autre membre de la commission de l'autre côté de la table, en déplorant que,

par exemple, le service d'inspection soit rattaché au ministère. Je ne sais pas qui parlait de ça. Cela avait une fonction technique bien précise et c'était affilié directement au ministère. Quelqu'un faisait allusion que ce n'était peut-être pas souhaitable et normal. Je ne sais pas si c'est vous qui parliez de ça...

M. Forget: Bien oui, mais c'était dans un contexte différent.

M. Couture: C'est parce que c'est pour...

M. Forget: C'est-à-dire qu'on peut se poser la question, dans le fond, de l'opportunité de dépolitiser... Vous avez parlé de dépolitiser même des fonctions ministérielles. Si on le prend à ce niveau vraiment presque philosophique d'organisation gouvernementale, on peut vous dire: Bien, mon Dieu, s'il est opportun d'avoir une Commission du salaire minimum, on peut aussi imaginer de confier à une régie toutes les activités du ministère qui sont des activités de soutien technique à un travail pratiquement paritaire de patrons-ouvriers. Alors, on pourrait dire: Créez une régie avec un conseil d'administration et donnez lui toutes les fonctions du ministère du Travail.

C'est concevable, mais, c'est avec un grand point d'interrogation au bout et c'est toute la philosophie de l'organisation gouvernementale que vous aviez semblé remettre en question en disant: J'aimerais dans le fond, dépolitiser les activités mêmes du ministre, à la limite, dans une certaine-mesure.

Il y a du pour et du contre, mais si on ne retient pas cette solution, à ce moment, on doit se poser des questions sur la distinction entre un ministère classique, avec le ministre qui est le chef du ministère, selon la loi, et des régies, surtout au moment d'une réforme où on enlève à une régie ou à une commission, etc., comme la Commission du salaire minimum le sens pratiquement de sa juridiction. Ce qui donnait un semblant de vraisemblance à la Commission du salaire minimum, j'imagine, lorsqu'elle a été créée, c'est qu'on se disait, justement: On va la dépolitiser. On va mettre des gens, des citoyens sages, des notables, etc., et on va les élire là, on va les nommer là et ils prendront des décisions sur le taux du salaire minimum pour ne pas en faire un ballon politique et ils s'assureront que cela s'applique. Cependant, si vous mettez dans la loi la détermination du taux du salaire, si vous avez toutes sortes d'organismes qui agissent en parallèle pour vérifier l'application des lois, et vous avez, par ailleurs, depuis ce temps, depuis la création de la commission, l'établissement d'un Tribunal du travail qui s'assure que dans le domaine du travail, les lois s'appliquent selon l'esprit même voulu par le législateur, on vide de son contenu une structure. Je n'ai rien contre cela, mais à ce moment, dans le fond, aussi bien tirer la ligne et dire:...

M. Couture: Je sais bien qu'à la limite on en arrive un peu à des situations... Avez-vous terminé?

M. Forget: Oui. C'était pour préciser seulement.

M. Couture: ...on peut arriver à des situations aberrantes. Je crois qu'il y a des choix politiques à faire. En ce qui concerne l'application des conditions minimales de travail, dans ce cas, je ne suis pas du tout porté à retenir votre suggestion parce qu'on a peut-être à ce moment l'occasion — c'est un peu à la suite de la philosophie que j'exposais au début — cet effort que je veux faire dans le domaine des conditions et des relations de travail, autant que possible dépolitiser ce secteur, le détacher directement du ministre... On a peut-être l'occasion avec cette loi et cette transformation de la Commission du salaire minimum qui deviendrait une régie du travail du Québec d'amorcer une structure qui pourrait s'identifier carrément à l'application et à la surveillance des conditions de travail et, éventuellement, je vous le dis vraiment, pourrait devenir un modèle aussi, si après l'analyse qu'on en fera, les études qu'on effectuera là-dessus, si on croit que toute la boîte des relations de travail pourrait aller dans une régie du travail du Québec.

J'en fais encore une hypothèse à ce niveau, mais au lieu d'abolir, à toutes fins pratiques, la commission, on veut partir de cette structure, étendre son champ d'action parce que la loi va élargir drôlement l'application des conditions à appliquer et à surveiller, mais dans l'esprit du public que ce soit un organisme bien identifié, indépendant du ministre, qui surveille l'application de ces conditions minimales de travail, parce qu'on va vraiment s'apercevoir dans des cas précis qu'il y aura effectivement contestation du milieu patronal ou des salariés eux-mêmes. A l'application de cette loi, ce sera très utile, très nécessaire que ce ne soit pas aussi identifié au ministre lui-même.

M. Forget: Ce n'est pas au Tribunal du travail d'assumer ce rôle.

M. Couture: Le Tribunal du travail continuera à assumer son rôle et même, par rapport à cette loi, il sera un tribunal d'appel.

M. Forget: D'appel des décisions de la régie. M. Couture: C'est exact.

M. Forget: Je vois. Maintenant, si je peux poser la question relativement au rôle des inspecteurs, dans le passé, on a dit beaucoup de choses sur les inspecteurs de la Commission du salaire minimum. Je pense bien que cela ne vise pas tellement leur compétence comme individus, comme professionnels, mais leurs méthodes de travail. Je ne sais pas si le ministre ou le sous-ministre peut le confirmer ou infirmer qu'ils agissaient seulement sur plaintes, que, dans la mesure où ils recevaient des plaintes, ils agissaient, et s'ils ne recevaient pas de plaintes, ils n'agissaient pas. Ces choses ne sont pas dans les lois, ce sont des pratiques administratives qui se sont développées au cours des années. Est-ce que le ministre est d'ac-

cord sur cela? Est-ce qu'il envisage ou peut-être qu'il a déjà donné des directives pour prendre l'initiative d'enquêtes dans certains secteurs où on se doute que peut-être qu'il y a des choses qui ne sont pas conformes et où, un peu par intimidation — je ne voulais même pas dire par intimidation, parce que cela suppose une action positive de la part des employeurs — mais par timidité, c'est peut-être la règle générale, par timidité, par crainte de représailles fondées ou non, les plaintes tout simplement ne sont pas formulées? Est-ce que le ministre a pensé à changer les pratiques administratives de l'inspecteur de la commission?

M. Couture: J'avoue que j'attends que le nouveau projet de loi soit voté à l'Assemblée nationale et devienne loi pour, éventuellement, accorder à cette régie les instruments nécessaires, non seulement pour répondre à des plaintes, mais effectivement opérer un véritable travail d'enquête.

M. Forget: C'est quoi, les instruments nécessaires, plus de budget ou des pouvoirs d'enquête...?

M. Couture: Certainement que c'est lié à de plus forts budgets, mais aussi dans l'optique que vous développiez tout à l'heure qu'on ne doit pas aller inspecter des entreprises seulement sur des plaintes. Je pense que la régie aura la responsabilité de l'application de la loi, et qui dit responsabilité à ce niveau dit, dans le quotidien... On a mis en place ces mécanismes régionaux pour s'aider de l'information reçue. Nos agents d'information qui seront sur place aux centres Travail-Québec, je pense, seront une bonne source d'information, pour que la régie elle-même opère un certain nombre de visites régulières des secteurs d'échantillonnage pour s'assurer, pour démontrer au milieu concerné qu'ils sont vigilants et veulent remplir leur rôle fidèle de surveillance de l'application de la loi.

M. Forget: Mais quand le ministre dit qu'il voudrait qu'il y ait des instruments nouveaux pour permettre à la Commission du salaire minimum ou son successeur de jouer un rôle, dans le fond il nous dit que c'est l'information qui a manqué, c'est l'absence d'information qui fait qu'on attend des plaintes. Mais est-ce vraiment l'information? Je comprends l'information détaillée oui, mais...

M. Couture: S'ils vont seulement sur des plaintes, c'est l'information qui manque, s'ils opéraient...

M. Forget: C'est l'information, c'est l'information officiellement accessible dans tous les canaux de la fonction publique. Parce que, tant qu'on n'a pas un agent d'information, on n'a pas l'information. Est-ce que le ministre n'a pas le sentiment, par ce qu'il a vu, ce que les gens lui ont dit, ce qui a été publié dans les journaux qu'il y a malgré tout, un peu partout, peut-être pas vérifié, mais c'est pour ça que les inspecteurs sont là, c'est pour la vérifier, suffisamment d'information pour aller regarder et dire, dans une rencontre officielle avec la Commission du salaire minimum: Ecoutez, on souhaite que, sans attendre, vous preniez l'initiative, pas indistinctement dans tous les secteurs, mais disons dans tel et tel secteur, dans telle et telle région, on pense qu'il y a vraiment un problème. Mais n'attendez pas que les plaintes arrivent. On voudrait avoir, d'ici trois semaines, un programme d'inspection systématique et ça pourrait se faire dès aujourd'hui.

M. Couture: C'est exactement ce que je disais tout à l'heure, la régie devra avoir cette initiative et elle l'aura...

M. Forget: Est-ce qu'il y a quelque chose, dans la loi, dans le moment, qui l'empêche d'avoir l'initiative?

M. Couture: Non.

M. Forget: Cela pourrait être une décision, qu'on prend immédiatement.

M. Couture: Cela pourrait être une décision administrative.

Le Président (M. Marcoux): Sur le même sujet?

M. Forget: Oui, sur le même sujet, si...

M. Chevrette: Sur le même sujet, je voudrais dire qu'il y a un manque d'information publique, comme telle, au sujet du salaire minimum, des possibilités de plaintes qu'ils ont. J'ai été à même de me rendre compte, dans une usine, qu'il y avait des individus qui n'avaient même pas le salaire minimum.

Il y a des plaintes nombreuses qui arrivent, au niveau de l'hôtellerie, des restaurants, où on nous rapporte énormément de cas, où souvent des individus endossent le chèque qu'ils reçoivent, et le remettent au patron, parce que, officiellement, le patron doit payer le salaire minimum qui est un peu moindre, à cause des pourboires, mais il reste que c'est difficilement vérifiable, de toute façon. Ce sont des ententes sous la table, entre employés et patrons. Je ne suis pas certain qu'on puisse faire énormément de travail d'inspection dans ce domaine-là.

Mais un travail préventif, par contre, imposerait peut-être, au niveau du ministère du Travail et au niveau du gouvernement, la publication de ces droits, parce qu'on se rend compte, quotidiennement, en tout cas à nos bureaux — cela doit être la même chose chez nos amis d'en face — que le manque d'information entraîne énormément de pertes d'argent pour les salariés, pour tout le public en général, parce que la méconnaissance des droits est évidente.

M. Couture: M. le Président, si vous le permettez, j'accentuerais ce que vient de dire le député de Joliette. La clé d'une bonne application d'une

loi de ce type est évidemment une grande information qui circule, et la demande d'information qu'on doit exiger des entreprises.

Je pense que la présence d'un agent d'information bien formé, dans un secteur donné, la présence de ce comité tripartite de gens du milieu, à qui on confie une certaine responsabilité sur l'application de nos lois, la publicité locale largement diffusée, le contact qu'il peut y avoir entre les salariés d'entreprises non syndiquées avec les syndicats eux-mêmes, le centre Travail-Québec et avec les membres du comité tripartite, voilà autant de raisons qui s'ajoutent pour nous éclairer sur une amélioration sensible.

Je crois que si ces conditions sont établies, on peut certainement souhaiter une amélioration sensible de l'application d'une telle loi. Il restera toujours — et je le répète — qu'effectivement le meilleur moyen de défendre les travailleurs, ce sera de les syndiquer. Mais on va essayer, au maximum, d'assurer une bonne application de cette loi.

M. Forget: La question de l'inspectorat, M. le Président, est extrêmement importante, surtout quand on est à la veille "d'extensionner" à tellement d'autres conditions.

Si c'est déjà difficile d'inspecter une condition de travail, si on en a huit à inspecter, c'est huit fois plus difficile et c'est peut-être plus que huit fois plus difficile, parce que vérifier dans les livres d'un employeur le salaire mensuel qu'il a payé, parce que ce sont des sorties de fonds, ce sont quand même des choses qui laissent des traces, sans un système trop compliqué de comptabilité, etc. Mais vérifier un certain nombre d'autres conditions, les pauses-café, les avis de congédiement, etc., a priori — ce n'est pas sûr comment on fait cela, même ces inspections — pour être certain qu'on inspecte quelque chose plutôt que de se donner simplement l'impression de l'inspecter.

M. Couture: Ce sont les salariés qui peuvent nous informer là-dessus.

M. Forget: C'est sûr. Eventuellement, il faut pouvoir vérifier quelque chose si on veut trancher, parce que, les plaintes, on peut les avoir, mais comment vérifier? Evidemment, il y a des témoignages verbaux, etc. J'invite le ministre à y prendre bien soin, parce qu'il va mettre de l'argent là-dedans; c'est clair, cela va se traduire par des crédits soit pour des agents d'information ou par des inspecteurs nouveaux... Je pense qu'il aura tout intérêt à faire des essais. C'est vrai qu'un peu plus d'argent du côté de l'information, cela peut avoir un effet. Il s'agit de savoir si cela peut avoir plus d'effet qu'un peu plus d'argent du côté de l'inspection, dans le fond. C'est une question de coûts-bénéfices en termes de cas que l'on détecte ou d'observance de la loi.

Il y a un facteur qui est toujours important, c'est que l'information est reçue avec beaucoup plus d'intérêt quand on sait que son application va être vérifiée. Il y a une complémentarité entre les deux approches qui est bien importante.

J'aimerais poser d'autres questions, en laissant cette question de l'inspection pour le moment du moins, sur l'éventail de conditions que le ministre a donné dans certaines entrevues. Il y avait passablement de choses. Il y avait les avis de congédiement, les conditions de paiement, si je comprends bien, les congés fériés, les vacances, les congés de maladie aussi, j'imagine, les congés de maternité.

M. Laplante: A la suite du salaire minimum, est-ce qu'on peut poser les questions accessoires à cela?

M. Forget: Oui, c'est dans le même domaine. M. Laplante: C'est dans le même domaine.

M. Forget: Essentiellement, c'est sur les points sur lesquels pourra porter une loi comme celle-là. Est-ce qu'on envisage d'ajouter beaucoup d'autres éléments que ceux que je viens de mentionner?

M. Couture: Non, il y a le temps, le surtemps, les congés, les vacances. Vous avez fait pas mal le tour, les pauses-café, les repas, les congés de maladie...

M. Forget: Les pauses-café font partie de cela.

M. Couture: ...il n'y en a pas, les congés de maternité, la série qu'on a répétée à certaines occasions, je pense qu'on l'a passablement couverte. Si vous permettez, je n'entrerai pas dans les détails, mais c'est à peu près le cadre général de ces conditions de travail.

M. Forget: Est-ce que l'ancienneté fait partie de cela aussi?

M. Couture: Hélas non! Je dis hélas non! parce que, de goût, j'aurais bien aimé l'introduire, mais je pense que, de fait, avec cette loi, quand même, c'est un mouvement, je ne dirais pas révolutionnaire, mais un mouvement d'avant-garde intéressant qu'on lance au Québec.

Dans la loi elle-même, il est dit qu'annuellement, le ministre réévalue les conditions minimales à la lumière de ce qui se gagne dans d'autres conventions collectives, de ce qu'une société elle-même se permet ou exige, le ministre, annuellement, recommande au lieutenant-gouverneur en conseil des modifications possibles à ce cadre des conditions générales de travail. Alors, on croit que, dans un premier temps, on a déjà suffisamment de dispositions pour nous permettre de voir à peu près ou de faire ce premier pas important. Eventuellement, j'aimerais bien mieux que le syndicalisme se développe, mais aussi, il faut ajouter ceci qui est très important. Il ne faut quand même pas donner un contrat de base tellement complet et que les gens disent: C'est de l'objection que certains syndicats font. Les gens vont dire: Tout est là, pourquoi se syndiquer? Il faut que les travailleurs, eux-mêmes non syndiqués, à qui on as-

sure ce minimum, peut-être par cette façon d'assurer ce minimum, aient le goût d'en avoir plus. S'ils ont le goût d'en avoir plus, je crois qu'ils devront justement utiliser l'instrument qui leur est donné, le syndicalisme.

M. Forget: Lorsque vous parlez de la réaction des syndicats, M. le ministre, est-ce que, justement, ils ont fait des représentations assez précises sur l'éventail des mesures qui doivent être couvertes? Est-ce que l'éventail dont vous avez fait état publiquement, dans un certain nombre de déclarations et d'entrevues, est accepté par les syndicats comme n'étant pas trop large, dans le sens où vous l'avez employé, ou si cela devient presque antisyndical, finalement?

M. Couture: On n'a pas eu de réactions détaillées sur ces dispositions. Dans l'ensemble, il y a un accord de principe, c'est-à-dire que les syndicats reconnaissent que, tant qu'il y a des gens qui ne seront pas syndiqués, on doit avoir un salaire minimum. Actuellement, certains exigent qu'il soit à $4.44. Donc, ils reconnaissent le principe que l'Etat a une responsabilité vis-à-vis des non-syndiqués. Ce projet, nous allons le soumettre au conseil consultatif. Evidemment, nous étudierons attentivement ses recommandations à ce sujet.

M. Forget: Au moment de l'introduction d'une nouvelle loi comme cela, évidemment, vous allez vous trouver à imposer des coûts nouveaux à un certain nombre d'entreprises non syndiquées, c'est-à-dire où il y a des travailleurs non syndiqués, parce que le coût effectif de la main-d'oeuvre sur une base horaire va augmenter avec le coût que représentent les congés, les pauses-café, enfin tout ce qui s'y ajoute. Est-ce qu'on envisage, à ce moment, une espèce de moratoire sur l'augmentation du taux nominal, de manière que, sur une période d'un an ou de dix-huit mois, compte tenu d'une espèce de saut qui va se produire une seule fois au moment où on va introduire ces éléments, on ait une progression plus normale?

M. Couture: Non, on n'envisage pas de moratoire sur l'augmentation du salaire minimum, parce que je crois qu'effectivement, à ce moment, on demande au salarié lui-même de payer le coût de cette loi, des effets de la loi. Je suis porté à dire ici qu'il me semble que, dans l'ensemble des entreprises québécoises, elles ont à peu près ce cadre de conditions de travail. Ce qu'on essaie de rejoindre par cette loi...

M. Forget: Même celles où il n'y a pas de syndicat?

M. Couture: Oui. Je pense que, dans bon nombre d'entreprises, elles ont déjà ce cadre.

On essaie de rejoindre — là-dessus, j'avoue que je ne me sens pas très coupable — justement une série d'entreprises qui profitent du fait que les gens ne sont pas syndiqués peut-être pour abuser des travailleurs en termes de conditions de travail.

Moi, ça m'apparaît tellement raisonnable, malgré tout, et normal, en 1977, que des gens arrêtent dix minutes le matin pour se reposer, aient un certain temps pour luncher, qu'on n'abuse pas d'eux en temps supplémentaire, c'est-à-dire qu'il y ait des entreprises à qui on va dire: Faites trois ou quatre heures le soir qu'au moins le travailleur puisse refuser. Cela m'apparaît raisonnable ici effectivement qu'une femme ne soit pas pénalisée parce qu'elle attend un enfant et qu'elle soit renvoyée. Je crois qu'on peut facilement recevoir un consensus de ces milieux, en général, mais, évidemment, ceux qui pourront peut-être réagir violemment, ce sont ceux qui exploitent les travailleurs et abusent des travailleurs. Je pense que c'est la responsabilité de l'Etat d'y pourvoir.

M. Forget: II n'y a pas de doute qu'il faut éviter des situations abusives comme celles que le ministre souligne. Relativement, justement, à la position du mouvement syndical vis-à-vis de tout ça, ça semble sans relation, mais je pense que c'est assez pertinent. Dans le moment, il y a un prélèvement qui est effectué par la Commission du salaire minimum. Est-ce qu'on peut nous indiquer l'importance de ce prélèvement comme moyen de financement des activités de la Commission du salaire minimum?

M. Couture: On va vous dire ça à l'instant, si vous permettez...

M. Forget: Quel pourcentage des coûts de la commission est assumé, défrayé par le prélèvement et quelle partie provient des fonds généraux, du fonds consolidé du Revenu qui est dans les crédits?

M. Couture: Du règlement de prélèvement, oui.

M. Chevrette: Entre-temps, on pourrait peut-être souligner que le fait d'éliminer, par exemple, ce qu'on disait, de fixer un nombre maximum d'heures supplémentaires de travail, d'après moi, cela aurait une incidence directe sur le taux des accidents industriels. On se rend compte qu'il y a des seuils de capacité qui sont atteints à un moment donné, et comme on laisse permettre 50, 60... Il y a des travailleurs qui oeuvrent jusqu'à 80 heures dans certaines industries, on est surpris après de voir qu'il y a de nombreux accidents industriels. Personnellement, je pense que cela aurait une incidence heureuse même sur certaines conventions collectives qui sont désuètes à ce sujet.

M. Couture: Le total des prélèvements effectués là-dessus, c'est $8 021 335. Il n'y a aucun montant à notre budget, au ministère, comme tel, parce que, dans l'administration...

M. Forget: ... en entier.

M. Couture: ... et je pourrais dire même qu'on a des montants d'eux pour certains de nos servi-

ces. La loi le permet d'ailleurs. C'est te service de conciliation...

M. Forget: Vous fournissez des services pour lesquels ils vous font des paiements.

M. Couture: C'est exact.

M. Forget: Est-ce que le ministre a l'intention de maintenir la même politique d'autofinancement? Parce que j'imagine qu'il va y avoir une augmentation des budgets d'une régie, de manière à élargir l'inspection, améliorer les services.

M. Couture: Oui, je crois. D'ailleurs, c'est un principe qui m'apparaît extrêmement important que les entreprises elles-mêmes qui ont à appliquer cette loi participent à son administration. C'est dans la philosophie de la contribution des entreprises aux services qu'on leur offre, comme on a pour la CAT et...

M. Forget: Actuellement, c'est un prélèvement de tant l'heure, je pense?

M. Couture: Des services qu'on offre aux travailleurs.

M. Forget: Tant l'heure pour chaque employé qui est payé au salaire minimum? Un dixième pour cent?

Le Président (M. Marcoux): Le député de Johnson.

M. Laplante: II est arrivé après moi. J'ai donné mon nom avant. Il ne faut pas être discriminatoire à ce point.

M. Bellemare: M. le député de Bourassa, vous avez bien le droit de passer parce que j'ai assez souffert d'attendre. Passez monsieur. Je vous cède ma place...

M. Laplante: Merci, M. le député de Johnson. C'est là qu'on peut voir un vrai...

M. Bellemare: ...parce que cela fait des heures. Je ne dis pas un mot. Un vrai martyre. Je tiens à le dire pour que.

M. Forget: J'espère que le député de Johnson a pensé à la loi sur les conditions minimales de travail et des dispositions pour...

M. Laplante: Je suis très sensible au... M. Bellemare: ...cela soit enregistré. M. Forget: ...aider le député de Johnson.

M. Bellemare: Oui, surtout les normes de travail.

M. Couture: L'Opposition reconnue.

Salaire minimum garanti

M. Laplante: Le député de Saint-Laurent a posé des questions que j'ai beaucoup aimées parce qu'il est très sensible à la Commission du salaire minimum. Il se pose des questions à l'intérieur de la loi, sur l'application de cette dernière, sur les instruments nouveaux surtout qu'il aimerait voir développer dans cette loi.

Je ne sais pas si je me réfère au programme du Parti québécois où on préconise une forme de salaire garanti. Je me demande quelles sont les conséquences que cela pourrait avoir vis-à-vis du salaire minimum — un salaire garanti — d'autant plus qu'aujourd'hui, même si on essayait par tous les moyens d'assurer un niveau de vie aux familles, une famille de quatre — et c'est reconnu — a besoin d'un minimum de $220 par semaine pour pouvoir survivre...

La question que je voudrais poser au ministre est la suivante: Actuellement, y a-t-il des études de commencées ou d'amorcées visant à instaurer une politique de salaire garanti et les effets que cela pourrait avoir sur la Commission du salaire minimum, s'il y a des études d'entreprises actuellement?

M. Couture: Répétez... C'est par rapport à une politique de salaire annuel garanti?

M. Laplante: Exactement.

M. Pagé: C'est dans le programme du parti.

M. Laplante: C'est dans le programme du parti.

M. Couture: On a déjà au service de la recherche des choses là-dessus, je pense? Ces études n'excluent pas le fait qu'on doive...

Je pense que c'est toute une philosophie d'ailleurs, cela. Je crois qu'un travailleur, un salarié québécois, quel qu'il soit, doit pouvoir obtenir, par son travail, son revenu annuel garanti.

Je sais qu'il y a des chefs d'entreprise qui ont tendance à dire: Bloquez le salaire minimum et par une politique de salaire annuel garanti, vous compléterez ce qui manque. Je n'accepte pas cette théorie parce que je dis que c'est la dignité du travailleur d'avoir son gagne-pain complet, par son travail, et en plus de cela, je pense que ce n'est pas à l'Etat, par le biais d'une politique de salaire annuel garanti de subventionner l'entreprise. Si l'Etat doit aider l'entreprise, il doit l'aider autrement, mais non pas de cette façon.

Je crois que c'est absolument indispensable que le lien entre le travail et le revenu annuel garanti soit bien établi, respecté et maintenu.

M. Laplante: Mais est-ce qu'il y a des études amorcées actuellement, à l'intérieur du ministère, pour en venir à une forme de salaire garanti? Parce que moi, cela me préoccupe au plus haut point. Lorsqu'on voit, comme samedi, je crois, que c'est sorti, un cas où une famille de quatre personnes a besoin de $220 pour survivre et quand on sait que, avec le salaire minimum à $3.25...

M. Couture: $3.

M. Laplante: ...$3, c'est impossible pour lui de boucler avec cela.

M. Couture: Les études que vous demandez, on me dit qu'elles sont faites davantage aux Affaires sociales. C'est évident qu'il y a une politique générale de revenu annuel garanti qui, par des lois spéciales, des prestations, peut corriger des situations familiales. C'est quand même ce principe qu'on retient par le système d'allocations familiales et autres types de prestations de ce genre. Mais je ne veux pas asseoir la politique du salaire minimum, sur ce type d'approche parce qu'à ce moment-là on a toujours toutes les raisons du monde d'accepter la condition du petit salarié et de ne pas vouloir chercher à donner un salaire décent à tous les travailleurs québécois. Ceci dit, il reste quand même des entreprises qui ne sont pas en état de répondre à cette responsabilité de donner le salaire normal et raisonnable qu'on pourrait déterminer par une politique de salaire minimum, d'indexation au salaire moyen, et je répète que ces entreprises doivent être aidées d'autre façon, par d'autres moyens que directement en nivelant le salaire minimum, en le bloquant.

M. Laplante: L'Allemagne de l'Ouest, actuellement, a une formule de salaire garanti. Je ne sais pas si vous êtes en possession de cette formule où on pourrait...

M. Couture: Je pense qu'il y a beaucoup de formules qui circulent dans le monde.

M. Laplante: Elle circule actuellement et on nous dit que c'est la plus avancée et une des meilleures au monde.

M. Couture: Au niveau de la cogestion aussi, elle est pas mal avancée et elle a certaines choses à nous dire. On peut s'inspirer de ce qu'elle a fait, mais je me méfie quand même des importations telles quelles, des formules extérieures, sans une bonne analyse de notre propre société. Je pense que, parallèlement à l'étude de ces formules, il faut quand même voir dans quel contexte on vit, quelle est la structure économique du Québec, sa structure industrielle, ce qui ne permet pas des choses qui peuvent se faire ailleurs.

M. Forget: M. le Président, pour donner un éclairage à la question du député de Bourassa qui est excellente, je le référerais à deux études qui ont été publiées l'an dernier; il va y trouver au moins une partie des réponses à ses interrogations. Il y a une étude du ministère des Affaires sociales sur les gens qui, actuellement, à cette époque-là, vivaient du revenu minimum. Cela a été une étude vraiment... à partir de sources secondaires, de statistiques qu'on retrouve ailleurs, mais basées sur les entreprises qui emploient des gens au salaire minimum. Cela donne un bon éclairage. Qui sont ces gens-là? Est-ce que ce sont des familles avec cinq enfants ou des personnes seules, etc? Ce qui est important — parce que, malgré tout, c'est le problème qu'on veut résoudre — c'est de savoir qu'il y a seulement 5% des gens qui reçoivent le salaire minimum qui sont des chefs de famille avec enfants. Tous les autres sont soit des personnes seules, soit des couples sans enfant. Et souvent, les couples sans enfant, ce sont des gens qui ont un deuxième salaire dans la famille.

Le problème du revenu minimum garanti et le problème du salaire minimum, ce n'est pas la même question à ce point de vue et, quand on parle du taux du salaire minimum, il ne faut pas tout de suite dire: Est-ce que c'est suffisant pour faire vivre des familles avec quatre ou cinq enfants? En pratique, les gens qui ont quatre ou cinq enfants ne sont pas au salaire minimum, soit parce qu'ils gagnent ce salaire, ils ne se marient pas... On n'entre pas dans les causes, remarquez.

Mais il reste que, en fait, ce sont deux clientèles différentes. Maintenant, dans un sens très profond, la question du député de Bourassa devrait, je pense, retenir l'attention du ministre du Travail de la façon suivante. C'est qu'on a beaucoup parlé de l'inspection et de toutes les mesures et on va absorber des millions de dollars, on voit que c'est $8 millions cette année. Avec $8 millions, on peut aussi faire bien des choses utiles pour aider justement les gens qui n'ont pas beaucoup d'argent. Dans le fond, la question du député de Bourassa, je ne pense pas qu'on soit en mesure de la trancher; c'est que, s'il y a un revenu minimum garanti à un niveau, malgré tout, convenable par rapport à ce qu'on appelle le seuil de subsistance et si on avait un système qui fonctionnait comme ça, on n'aurait pas besoin d'inspecteurs, on n'aurait même pas besoin de lois sur le salaire minimum, parce qu'il n'y aurait personne qui irait travailler en bas de ce niveau; la personne l'aurait autrement.

Je comprends que ça peut vouloir dire de donner à des gens des allocations de bien-être, mais, si ce qu'on veut, c'est donner un niveau de vie décent, on l'obtient comme ça et on l'obtient plus efficacement.

D'ailleurs, ce qui est remarquable, c'est l'exemple que vous avez donné. C'est qu'en Allemagne de l'Ouest, en Suède, il n'y a pas de loi sur le salaire minimum, d'application générale; ça n'existe pas.

M. Couture: II n'y a aucun chômeur en Suède.

M. Forget: Non, mais il y en a un peu en Allemagne et, indépendamment de ça, il y a d'autres... Ce que ça veut dire...

M. Laplante: Tout est aussi rattaché au social, en Allemagne de l'Ouest.

M. Forget: ... ce n'est pas de copier le système étranger, je suis d'accord avec le ministre pour dire qu'on ne peut pas copier ça, mais le système qu'on a toujours suivi, d'une loi et des inspecteurs, ça n'a pas été un succès manifeste et, avant de généraliser à d'autres domaines où ça va poser également des problèmes, il faut peut-être se po-

ser la question plus globalement pour savoir quel genre de systèmes sociaux on pourrait mettre en place qui pourraient nous permettre de nous dé-barasser d'un problème qui va demeurer un cauchemar pour le ministre. Parce qu'avec les inspections gouvernementales ou paragouvernementales, personnellement, pour avoir vécu l'expérience, je vous dis que ça ne marche pas.

M. Laplante: Cela devient le cancer du travailleur.

M. Couture: La réponse que les gens ont dans ces pays-là, c'est un haut taux de syndicalisme. Ils n'ont pas besoin de...

M. Forget: En Allemagne de l'Ouest, il n'est pas tellement plus élevé qu'ici.

M. Laplante: En syndicalisme, cela appartient à des cogestionnaires, surtout avec l'industrie. C'est ça qui fait la différence.

M. Forget: Là où il y a des syndiqués, mais ils ne sont pas à 70% syndiqués. Ils sont dans les 40%, comme on est ici au Québec.

M. Laplante: 58% en Allemagne de l'Ouest. A cause de la cogestion qu'ils ont, ils ont des parts dans les industries.

M. Forget: Oui, mais ce n'est pas comme les syndicats, ce n'est pas pareil.

M. Laplante: Dans la plupart des industries, mais c'est un syndicat quand même.

M. Forget: C'est ce que le député de Johnson appelait les syndicats de boutique.

M. Couture: Ce sont des ententes paritaires.

M. Forget: Je pense que ce n'est pas le bon terme, nécessairement, mais ce ne sont pas les syndicats comme on les connaît.

M. Couture: Ce sont des comités d'entreprises sous une forme paritaire...

M. Forget: Enfin, on a assez de nos problèmes sans discuter des problèmes de l'Allemagne de l'Ouest. Mais il reste que c'est intéressant, cette question, parce que ça ouvre des portes.

M. Couture: Je crois que l'avenir n'est pas toujours, d'une année à l'autre, d'assurer de meilleures conditions minimales aux non-syndiqués. L'avenir, c'est de chercher, par tous les moyens possibles, à syndicaliser les travailleurs pour qu'eux-mêmes...

D'ailleurs il y a quelque chose qui nous gêne un peu, quand on fait ce genre de loi, c'est que, finalement, on décide, à la place des travailleurs, un certain nombre de conditions. L'idéal, quand on reconnaît le droit d'association, c'est que les gens, collectivement, dans leur unité, puissent né- gocier leurs conditions de travail. Je pense que c'est cela, l'avenir. On fait quand même des mesures palliatives.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Johnson.

M. Chevrette: Avez-vous perdu la voix?

M. Bellemare: Non, je n'ai pas perdu la voix, j'ai perdu mon temps.

M. Chevrette: Hein?

Tribunal du travail

M. Bellemare: M. le Président, tout d'abord, le Tribunal du travail entre dans ce domaine. Je voudrais vous dire que ce tribunal, qui a été organisé il y a quelques années, a rendu de très grands services à la classe ouvrière; il a rendu des jugements qui ont, avec le nouveau code, la nouvelle certification et la nouvelle accréditation, fait du droit nouveau qui a fait sa marque partout.

Le Tribunal du travail devrait, à mon sens — et je le dis pour la millième fois — être une chambre complètement à part du ministère de la Justice. Cela devrait être une chambre administrative, contrairement à ce qu'il est aujourd'hui, un pouvoir judiciaire. Il devrait quand même conserver ce pouvoir judiciaire pour rendre des décisions, mais il devrait être aussi capable de rendre des décisions administratives pour qu'en certaines occasions il puisse, je l'ai dit l'autre jour, remplacer le gouvernement dans certains ligites. Il devrait y avoir de ce côté-là une étude très sérieuse de faite, c'est le sous-ministre qui en a déjà parlé dans une conférence au mois de février 1977 et que j'ai ici devant moi; je ne veux pas m'étendre, mais je pense que son idée correspond à la mienne et celle de bien des gens.

Ces gens sont des compétences qu'on ne peut pas retrouver n'importe où et n'importe quand; ils ont une formation juridique qui, depuis vingt ans, est exclusive au droit ouvrier. Je dois admettre, M. le Président, que le choix n'a pas été partisan. Vous regarderez les premières nominations qui ont été faites au Tribunal du travail et vous allez voir des adversaires politiques que j'ai recommandé au ministère de la Justice de faire nommer, parce que je trouvais que c'étaient des compétences en droit ouvrier et que c'était cela qu'il fallait pour faire un tribunal et pour rendre justice aux travailleurs et aux patrons également, parce que les patrons peuvent aussi s'en servir.

Je dis que cet acheminement devrait se faire le plus tôt possible, pour permettre une étude nouvelle de ce qu'on va faire avec ce Tribunal du travail. Est-ce qu'on va les laisser coincés entre les accréditations et les commissaires-enquêteurs dans les décisions qui sont en appel? Il me semble que c'est bien bon que ce soit dans le Code du travail et qu'on puisse lui soumettre les décisions des commissaires-enquêteurs qui ne sont pas acceptées ou sont contestées, mais il y a bien mieux que cela que ces gens-là pourraient faire.

II y a même des litiges qui pourraient être réglés sur la place publique, des litiges qui sont du domaine public, par exemple, dans les services publics: hôpitaux, enseignement, etc.

Le gouvernement, à mon sens, n'a pas à être le dernier recours pour régler une grève.

Il n'est pas là pour cela le législateur, il est là pour faire des lois et il est là pour les faire respecter. Il n'est pas là pour trancher des débats comme celui-là. C'est lamentable. Nous-mêmes en avons adopté des lois, le bill 25 sur l'éducation. Je me souviens de celui-là, il avait fait mal en maudit. C'était un des premiers. Il y a eu, après cela, d'autres bills extraordinaires qui sont venus, après nous, les bills d'urgence comme on les appelait, à la dernière limite, des bills de médecins, d'instituteurs, en tous les cas! Le gouvernement a plongé et il s'est grandement fait tort, tandis que si on pouvait trouver un organisme comme le Tribunal du travail... C'était la vision qu'on avait dans le temps, ceux qui avec moi avaient pensé à cette idée, c'était d'en faire véritablement un tribunal de dernier appel, dont la décision serait finale, exécutoire et définitive. Fini les recours et les injonctions et tout ce que vous voudrez. Vous en auriez bien moins aussi.

Puisqu'on est aux relations de travail, je diminuerais énormément le nombre de jours permissibles pour la grève. Je leur accorderais la grève; je leur donnerais la grève pour qu'ils puissent la faire, mais je la limiterais à un certain nombre de jours pour que l'intérêt public ne soit pas brisé, comme dans les hôpitaux, les écoles...

M. Couture: Est-ce que je peux vous poser une question là-dessus?

M. Bellemare: Certainement.

M. Couture: En limitant à un certain nombre de jours une grève dans le domaine privé, est-ce cela que vous voulez dire?

M. Bellemare: Oui, dans le domaine public.

M. Couture: Public?

M. Bellemare: Public.

M. Couture: Non pas privé?

M. Bellemare: Non, public seulement.

M. Couture: Cela ne veut pas dire que je suis d'accord, mais continuez quand même.

M. Bellemare: Je veux bien. Vous avez le droit de ne pas être d'accord.

M. Couture: Privé, cela aurait été impossible.

M. Bellemare: Non, je ne parle pas du domaine privé, je parle du domaine public pour que, si on leur permet quatre, cinq même huit jours, pour qu'on puisse sentir les effets d'une grève, en prendre connaissance, que le public puisse se rendre compte qu'il y a une grève, mais, après huit jours, à l'appel d'un quorum du tribunal, devant deux ou trois juges formant quorum, devant la représentation équitable du patron et des syndiqués, le tribunal donnerait avis que la grève vient de se terminer et que l'on retourne devant le Tribunal du travail pour la conciliation jusqu'à la dernière minute, jusqu'au dernier instant, mais à la condition formelle que tous les syndiqués retournent au travail. Là, vous auriez deux buts, d'abord, la pacification entre les belligérants, qui tomberaient devant un tribunal complètement neutre, des arbitres complètement neutres, qui n'ont pas pris part au débat et, deuxième chose, vous auriez la latitude de négocier pendant une semaine, deux semaines, trois semaines, trois mois, mais l'intérêt public n'en souffrirait pas. Vous verrez un jour...

M. Laplante: Avec sentence obligatoire?

M. Bellemare: Avec sentence obligatoire, définitive et exécutoire.

M. Couture: Huit jours, je pense que...

M. Bellemare: Je dis huit jours, cela pourrait être cinq jours.

M. Couture: C'est cela.

M. Bellemare: Je n'ai pas de date.

M. Couture: Je pense qu'elle n'aurait plus aucune signification pour les syndiqués, elle ne causerait pas de rapport de force et, à toutes fins pratiques, les organismes publics sachant que c'est ce délai, s'organiseraient en conséquence.

M. Bellemare: Un instant! Je pense...

M. Couture: Je pense qu'à ce moment, si on donne le droit de grève, il est perdu dans cette formule.

M. Bellemare: Si vous continuez à vouloir jouer avec le Code du travail, comme le font actuellement les fins finauds, les gens qui interprètent la loi et qui l'expliquent à leurs membres — il y a des fins finauds dans cela, j'en connais, des grands savants — vous allez finir par l'enlever, le droit de grève. C'est venu bien près, l'an passé. C'est venu à deux cheveux à un moment donné, que les gens, les syndicalistes perdent leur droit de grève. Ce serait peut-être mieux de leur laisser leur droit de grève, mais de leur mettre un tampon. Je ne dis pas que c'est parfait, mais seulement, expliquez cela devant une commission d'enquête royale et la disséquer, cette idée, il en sortira peut-être quelque chose. Je continue parce que...

M. Chevrette: Est-ce que je peux vous poser une question?

M. Bellemare: Oui.

M. Chevrette: Votre expérience, M. Bellemare,

dans le domaine du travail, vous ne pensez pas avec cette expérience, que le fait d'instituer les délais de grève qui prendraient fin automatiquement par une décision d'un tribunal du travail...

M. Bellemare: En rappel.

M. Chevrette: ... n'aurait pas pour effet d'instituer, à toutes fins pratiques, un nombre de jours minimum de grève avant de compter sur l'intervention d'un tiers? Deuxième aspect de ma question, c'est: Ne croyez-vous pas que le tribunal du travail deviendrait, à ce moment, l'agent qui joue le rôle des conciliateurs actuellement?

M. Bellemare: Non.

M. Chevrette: Ou des médiateurs spéciaux que...

M. Bellemare: Non, pas du tout, parce que les médiateurs n'ont pas l'autorité d'un juge, certainement pas. Les gens qui sont sur le banc depuis dix ans, quinze ans voient un problème peut-être d'une manière plus sereine et plus objective que n'importe lequel des médiateurs. Ecoutez, j'en ai connu des médiateurs qui...

M. Chevrette: Vous concluez à une sentence arbitrale obligatoire?

M. Bellemare: Oui.

M. Chevrette: C'est la dimension nouvelle que vous ajoutez?

M. Bellemare: Oui. Ecoutez, je vous soumets cette idée...

M. Couture: Je pense qu'il faut profiter des réflexions des membres de la commission. Nous écoutons avec beaucoup d'attention, mais les questions nous permettent peut-être de préciser ce que vous voulez dire.

M. Bellemare: D'accord. A part cela, je ne veux pas que ce soit mon idée seule. Il y en a d'autres experts et de bien plus grands et de bien meilleurs que moi. Je la jette, cette idée, devant tout le monde, pour qu'on puisse la disséquer, et peut-être, même si on ne prend qu'un dixième de 1% de cette idée pour la faire valoir, cela nous aidera peut-être à régler bien des problèmes. Le Tribunal du travail ne devra pas rester inactif, certain. Ce tribunal du travail est trop précieux dans les relations patronales-ouvrières pour qu'on le laisse inactif. Simplement juger de l'opportunité d'une décision d'un commissaire-enquêteur, c'est fini après. Il y a un enquêteur qui y va, le commissaire-enquêteur y retourne, fait l'enquête, fait rapport.

Ils ne s'entendent pas. On envoie ça devant le tribunal. Ecoutez! C'est ça, le nouveau système.

M. Couture: On va contester quand même, vous savez!

M. Bellemare: Oui, bien oui. Parce que... Ecoutez! Ils sont rares, ceux qui soumettent une décision d'un commissaire-enquêteur, parce que c'est toujours humain... Mais la décision du tribunal a-t-elle déjà été contestée?

M. Couture: II y en a une.

M. Bellemare: Une seule, celle de Geoffroy, c'est certainement, la seule, oui. Je la connais. Non, pas assez pour m'ébranler, mon cher monsieur, dans leurs décisions. Comment y en a-t-il de milliers qui ont été rendues? Combien ont été...

M. Couture: Le Tribunal du travail a une haute autorité, et je crois que tous la reconnaissent. Vous suggérez de lui faire jouer un autre rôle? Je pense que ça fait partie des propositions possibles pour donner des instruments plus efficaces à la solution de certains problèmes. Je vous laisse continuer là-dessus.

M. Bellemare: Dans le régime universel des normes du travail, puisque nous sommes dans ce secteur et que je ne veux interrompre personne, je dois me servir de mon droit de parole, je pense qu'on devrait prendre pour base, pour la prochaine loi, certaines directives, certains conseils fort pratiques qui ont été donnés par le sous-ministre, M. Laporte, dans une conférence qu'il a prononcée et qui font époque.

M. Couture: Quel M. Laporte? C'est lui?

M. Bellemare: Oui. Il a prononcé une conférence des plus intéressantes, qui est rapportée dans le Devoir du 21 février 1977. Vous avez dû la lire, c'est un peu une conférence avant-gardiste: "Ce que pourrait être un régime universel de normes de travail". Cela m'a intéressé au plus haut point. J'ai dit: Voici un homme qui est dans le métier; voici un homme qui fait son pain quotidien des relations de travail, ça, c'est tous les jours. Il les digère. Quand il a écrit: Premièrement, deuxièmement, troisièmement, quatrièmement, cinquièmement, sixièmement, le rôle clé pour le Tribunal du travail et tout ça, j'ai été intéressé à le lire. Il y a des choses que j'ai retenues et que j'ai notées, comme, par exemple: la base de la nouvelle loi, ça devait être fait sur l'expérience et l'application des dispositions actuelles des ordonnances de la Commission du salaire minimum. Il y a quelque chose dans ça. Ne pas vouloir tout saccager et enlever pour dire que ce n'est plus bon.

Il y a dans l'application de ces dispositions, je pense, énormément... Deuxièmement, dit le sous-ministre, les études touchant les conditions de travail minimales, déjà, font loi. Troisièmement, l'expérience des rapports collectifs du travail entre les secteurs de travail.

A partir de là, les normes portent, premièrement, dit le sous-ministre, sur la détermination du salaire, mais le salaire minimum devrait s'inspirer principalement, mais non uniquement de l'évolution des salaires négociés au Québec... beaucoup de logique. Deuxièmement, par le paiement du sa-

laire, la condition individuelle de salaire négocié serait protégée. Le surtemps serait rémunéré au taux régulier, majoré de moitié, mais en certaines circonstances, triplé.

Le salarié pourrait refuser de faire du surtemps après un certain nombre hebdomadaire d'heures prescrit. Parfois, on abuse d'un employé, et on dit: 50, 60, 70. Il faudrait que cela soit dans la loi comme principe.

La création d'une créance privilégiée — et cela ne s'est jamais dit et cela vié'nt d'un homme d'expérience — sur les biens meubles de l'employeur pour le salaire gagné par un employé. Combien avez-voùs de gens dans la construction ou ailleurs qui travaillent pour un entrepreneur qui, à la fin des travaux, fait faillite?

Il n'a plus rien pour se payer parce que le gars n'a pas pris un privilège, ni un droit de paiement, il s'en va et il place tout. C'est nouveau. Je vous dis que les biens meubles de l'employeur du salarié, extra.

Il dit, en outre, que les périodes de repos, assurées aux salariés en plus de la période de repas, à part le repas régulier, un repos régulier et connu à heure fixe... Le droit à un certain nombre de jours fériés, payés, même lorsqu'on n'a pas de convention collective.

C'est encore extra quand on regarde le régime universel des normes de travail parce que vous avez énormément de gens qui, encore, sont anti-syndicalistes.

Le congé de maternité, l'octroi, pour fins d'accouchement, d'un congé sans solde d'une durée de 17 semaines, cela ne s'est jamais écrit, sauf dans certaines conventions collectives, et l'interdiction formelle de congédier une femme enceinte pour le seul motif que celle-ci ne peut pas donner le même rendement. C'est bien sûr. Une femme enceinte peut se rendre...

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! La commission doit ajourner ses travaux sine die. La présidence reconnaîtra le député de Johnson à la prochaine séance.

M. Pagé: M. le Président, il appert qu'on siégera demain après-midi. Je ne pourrai pas être ici, mais j'aurais eu des questions à formuler dans le cadre du programme 2. A la prochaine séance, à la séance qui sera subséquente à celle de demain, j'espère que vous me donnerez le droit de revenir sur des questions, notamment la question des conditions idéales de travail.

Le Président (M. Marcoux): Une autre façon de procéder également, c'est que le représentant de l'Opposition le note et si, à ce moment-là, ce n'est pas moi qui préside... Et il est possible de retarder l'adoption du programme après l'étude d'un autre programme pour permettre au député de poser des questions sur le programme 2.

M. Roy: Est-ce que je pourrais demander à la présidence ou demander au ministre s'il est prévu de discuter de la Commission des accidents du Travail, un peu, lors des séances de la commission du Travail et de la Main-d'Oeuvre?

M. Couture: Ce n'est pas exclu, mais ce n'est pas à notre budget.

M. Roy: Pardon?

M. Couture: Ce n'est pas à notre budget.

M. Roy: Non, mais il y a toujours des observations générales qui sont prévues.

M. Couture: Je pense qu'on les accepte. M. Roy: Vous allez l'accepter. Parfait.

Le Président (M. Marcoux): La commission du Travail et de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 4)

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