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Etude des crédits du ministère du
Travail et de la Main-d'Oeuvre
(Dix heures vingt-cinq minutes)
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est
réunie pour étudier les crédits budgétaires du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
Les membres de la commission sont M. Bellemare (Johnson); M. Bisaillon
(Sainte-Marie) est remplacé par M. Gravel (Limoilou); M. Brochu
(Richmond), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Chevrette (Joliette), M. Couture
(Saint-Henri); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) est remplacé par M.
Gagnon (Maskinongé); M. Forget (Saint-Laurent); M. Godin (Mercier) est
remplacé par M. Mercier (Berthier); M. Gosselin (Sherbrooke), M.Jolivet
(Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne
(Beauharnois), M. Lefebvre (Viau), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M.
Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud).
La commission doit désigner un rapporteur. Je suggérerais
M. Jolivet, de Laviolette.
Une Voix: Adopté.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
Exposé général du
ministre
M. Jacques Couture
M. Couture: M. le Président, messieurs, mesdames,
l'étude des crédits de mon ministère nous amène
d'abord, je crois, à réfléchir sur l'esprit et le sens
à donner à cette étude.
J'aimerais, si vous le permettez, M. le Président, indiquer, en
ce qui me concerne, dans quel esprit j'aborde cette étude. Comme
élus du peuple, je crois que nous sommes tous comptables à la
population des montants d'argent dispensés pour offrir des services dans
des secteurs particuliers.
Il est évident que les élus du peuple ont cette
responsabilité inaliénable et extrêmement importante de
vérifier si l'argent du peuple est dispensé à bonne fin,
si les services qu'on prétend vouloir lui donner, effectivement, sont
rendus ou doivent être rendus selon les politiques cohérentes et
dans son intérêt.
J'imagine que, dans une commission parlementaire comme celle-ci, on doit
attendre des membres de la commission cet esprit de franche collaboration,
parce que nous sommes à ce titre, je crois, tous comptables.
On doit attendre un esprit de vigilance aussi parce que je veux profiter
des lumières et de l'esprit critique des membres de cette commission
pour nous aider à bien administrer les crédits qui seront
votés. J'ose espérer aussi que cette commission est un moment
privilégié de réflexion sur les politiques du
ministère. Donc, je remercie à l'avance les membres de cette
commission de leur présence et de l'action positive qu'ils voudront bien
nous apporter dans l'étude de ces crédits.
M. Bellemare: Si le ministre me permettait, simplement pour mon
information, j'aimerais demander une directive au président. Est-ce que
cette étude va se faire comme cela s'est fait dans d'autres commissions
parlementaires, c'est-à-dire l'exposé du ministre,
l'exposé du représentant de l'Opposition officielle et celui du
parti de l'Union Nationale?
M. Couture: Je n'ai pas d'inconvénient.
M. Bellemare: On commence toujours par un tour d'horizon...
M. Couture: Oui.
M. Bellemare: ...ce qui nous permet d'aller beaucoup plus vite
dans l'étude, par la suite, des éléments, des
différentes missions. Le ministre, qui a l'expérience, sait que
c'est beaucoup plus rapide parce qu'il y a une foule de questions qu'on
élimine par le fait même qu'on les a déjà
traitées, on a déjà eu les réponses. Je ne sais pas
quelle est l'opinion du ministre.
M. Couture: Oui, je voulais, en effet, faire une espèce de
tour d'horizon pour annoncer nos couleurs, nos politiques et nos intentions, ce
qui permettrait, à travers les éléments des divers
programmes, déjà, à l'avance, de peut-être
répondre à certaines questions. Je suis tout à fait
d'accord que les membres de la commission s'expriment après.
M. Forget: Je suis tout à fait d'accord.
Le Président (M. Marcoux): Selon l'habitude, lors de
l'étude des crédits, après l'exposé du ministre,
vous pourrez poser toutes les questions générales et même
un peu particulières. De toute façon, cela facilite la discussion
de chacun des éléments par la suite.
M. Couture: Les crédits que nous avons à voter sont
au titre de personnel, de services dont le ministre a l'administration.
Evidemment, les chiffres que vous avez devant vous, ces crédits que nous
avons à voter reflètent l'action que nous aurons à mener
de la prochaine année financière.
Je pense que c'est important, pour les membres de cette commission,
surtout avec l'arrivée d'un nouveau gouvernement, de connaître
davantage notre intention, quelle orientation, quelles couleurs nous voulons
donner à ce type de service.
II ne faut pas se le cacher, je pense que nous ne commençons pas
à zéro. Nous arrivons dans un ministère qui est
structuré, qui a des services depuis de nombreuses années et je
suis heureux de signaler en passant que certains membres, au moins un membre
éminent de cette commission a un certain temps oeuvré dans ce
domaine et il a été lui aussi artisan.
Il y a certaines politiques que nous continuons à maintenir et
à développer, et je pense qu'effectivement ce serait faux de
prétendre que nous voulons recommencer à zéro et que nous
voulons tout chambarder, au contraire. Si vous permettez, c'est une impression,
une perception personnelle, je crois que, dans une première année
de gouvernement, surtout après cinq mois, il est normal et raisonnable,
et j'allais dire prudent, de se situer dans cette continuité d'un grand
nombre de services du ministère et d'assumer déjà un
certain nombre de travaux. J'ai fait line évaluation avec les gens du
gouvernement, des collègues; elle nous indique qu'effectivement ce sont
des travaux qui s'orientaient vers le meilleur service de la population du
Québec en ce qui concerne les secteurs du travail et de la
main-d'oeuvre.
Il ne faudra donc pas se surprendre de nos intentions, de nos projets,
des services que nous voulons développer. Plusieurs d'entre vous, ceux
qui étaient présents dans les Parlements
précédents, reconnaîtront des lignes de forces
déjà amorcées.
Je pense d'ailleurs que c'est de la sagesse politique de vouloir
profiter de ce que nos prédécesseurs auraient pu commencer, mais
dont notre propre évaluation nous fait conclure à un bien
réel de la population, sauf que c'est peut-être à ce niveau
qu'il sera plus original de notre part de continuer ou de développer des
services et réaliser des travaux déjà commencés par
nos prédécesseurs.
C'est l'accent que nous voulons apporter à certaines
orientations; un accent qui devrait, selon le mandat reçu de la
population, refléter notre programme politique ou notre philosophie, nos
principes. Je dois aussi, dans ces remarques préliminaires... M. le
président est toujours tolérant...
Le Président (M. Marcoux): Très
tolérant.
M. Couture: Bon. Je voudrais aussi vous donner un peu la
perception générale que j'ai du ministère, après
quelques mois, et si on peut parler en ce sens, une espèce de vision
d'avenir qui parfois traverse ma pensée. Je pense que c'est un
ministère qui est très complexe et où on sent à
bien des niveaux le besoin de réformes importantes. Je suis porté
à dire qu'on a voulu à certains effets introduire trop rapidement
une série de superstructures pour effectivement coller aux besoins de la
population, mais que nous sommes dans une période de digestion
laborieuse.
Je m'explique par des exemples; je pense que tout le monde comprendra.
On sait que dans ce ministère le ministre est responsable à la
fois de tout le domaine des relations de travail au Québec, ce qui veut
dire quotidiennement... Ceux qui m'ont précédé ou qui ont
oeuvré dans ce secteur même je n'ai pas mentionné la
présence de l'éminent ex-ministre du Travail du Canada
savent à quel point nous devons faire face à une série de
demandes d'interventions, bien naturelles, évidemment, dans notre
régime du Code du Travail.
Mais ce que je remarque, c'est que ce champ des relations de travail
j'en parlerai un peu plus loin extrêmement, je dirais,
quotidien, si solliciteur, qui reflète des situations conflictuelles
parfois très graves, est, à toutes fins pratiques,
dépendant, à mon humble avis, trop directement du pouvoir
politique.
Le même ministre a aussi la responsabilité de tout le
secteur de la main-d'oeuvre qui est un champ extrêmement vaste où
on sent, ne serait-ce je le signale en passant qu'au sujet de la
formation professionnelle dans nos centres de main-d'oeuvre, à quel
point l'incapacité, peut-être physique, du responsable d'accorder
à ce problème une attention vigilante et quotidienne, à
cause de ce que j'appelle la complexité du ministère, fait
qu'à bien des points de vue peut-être était-ce le
cas pour nos prédécesseurs même dans la structure
actuelle, il n'est pas possible de répondre adéquatement aux
interventions qu'on aurait le goût de faire. Pensons en même temps
aussi à l'Office de la construction du Québec qui a
été créé en vertu d'une recommandation de la
commission Cliche, qui était une nécessité, mais dont le
ministre est responsable aussi. Notons la complexité de ce
domaine-là, le caractère explosif du milieu de la construction et
les tentatives d'apaisement dans le milieu par des lois dont je sens, moi
aussi, à quel point il faudrait les modifier sans doute. On a tous les
jours des échos que des secteurs, des syndicats de la construction, des
groupes de travailleurs ne sont pas satisfaits du régime dans lequel ils
vivent.
De cela aussi le ministre doit en être responsable; il doit
veiller à ce que ce milieu de la construction reçoive toute
l'attention requise. Qu'on songe aussi à la Commission des accidents du
travail qui est sous la responsabilité du ministre. Je pense que c'est
presque un euphémisme de dire que dans la population, jusqu'à ces
temps-ci, cette commission a reçu de nombreuses critiques qui
n'étaient pas toujours liées aux personnes en place, mais
peut-être même à la structure et à la loi qui
régit la Commission des accidents du travail.
Il faut songer aussi à la Commission du salaire minimum dont les
principaux griefs qui nous sont rapportés sont sous sa surveillance et
dans sa structure aussi. Nous avons aussi tout le domaine des décrets,
et on le voit par les événements qui surviennent dans l'industrie
de la robe, avec les demandes que nous recevons dans différents secteurs
comme l'automobile, le gant, les coiffeurs. Là aussi, c'est la
responsabilité du ministre qui doit accorder une attention réelle
quotidienne à ces différents problèmes.
En bref, je voulais tout simplement, M. le Président, souligner
et je pense que ceux qui
connaissent bien le milieu reconnaîtront, dans ce diagnostic, la
pertinence de ces remarques que c'est un ministère trop complexe,
dont les structures ne sont pas adéquates, et qui mérite une
révision en profondeur.
Je parlerai tout à l'heure des relations entre l'immigration, la
main-d'oeuvre et les ressources humaines. A ce moment-ci, je serais
porté à vous dire qu'après quelques mois de
présence dans ce ministère, je sens, d'une part, l'acquis des
années passées où il y a eu des tentatives réelles,
par des lois et des interventions de répondre à certains besoins.
Mais il me semble que le moment est venu, et j'espère que nous aurons
l'occasion et le temps de le faire, de repenser en profondeur ce
ministère et de penser à des réformes dans le domaine de
la construction, des accidents du travail, du salaire minimum et de la
structure même du ministère.
Je souligne aussi, d'ailleurs, que ce sont des remarques qui avaient
déjà été faites par des
prédécesseurs, mais vous permettrez à un nouveau ministre
de faire lui-même son diagnostic après quelques mois de vie au
ministère.
Dans l'étude des crédits, je pense qu'on peut avoir des
méthodologies différentes.
On peut évidemment prendre les chapitres, les uns après
les autres, et dire que ce sont des services à la population, et on
essaie de les justifier. Je pense que c'est notre rôle aussi.
Parallèlement à ce modèle d'étude classique qu'on
ne peut pas éviter, il y a cette voie d'identification des besoins.
J'avoue que, finalement, ce qui m'intéresse dans le ministère du
Travail et de la Main-d'oeuvre, ce sont les services aux travailleurs. Je pense
que c'est probablement la préoccupation de tous les membres de cette
commission; je dis probablement, j'en suis assuré. Comme élus du
peuple et comme participants, d'une certaine façon, au vote des
crédits qui permettront des services à la population, ce qui nous
intéresse c'est qu'au bout de la ligne il y a des travailleurs, des gens
qui sont concernés par les services. Il faut qu'ils les reçoivent
bien ces services, donc qu'ils soient efficaces et que les besoins qu'ils
expriment, on puisse, au long des années, y trouver des
réponses.
Si vous permettez, j'aimerais utiliser un peu ces deux méthodes.
On a des services bien déterminés et à l'occasion, pour
mieux cerner l'intention du ministère dans le service à donner,
j'aimerais aussi qu'on prenne, enfin c'est ce que je veux faire, comme
référence la population visée. Il faut essayer
d'évaluer comment elle peut effectivement être bien servie par tel
service, telle intervention.
Les relations de travail. On me corrigera si je me trompe, mais de
mémoire d'homme je pense que le ministère du Travail et de la
Main-d'oeuvre a été peut-être à 80% identifié
comme le ministère des relations de travail. Il y a bien des raisons
à cela, ne serait-ce que l'actualité, où,
évidemment, dans le régime actuel du Code du travail, il y a des
parties en présence qui, continuellement, ont des conventions
collectives à négocier et à signer.
Sous notre régime l'Etat a ce rôle, dans certains cas,
d'intervention, de soutien et d'arbitre, ne serait-ce que par son Tribunal du
travail. Evidem- ment, l'Etat est un peu l'élément quotidien
à travers les conflits que nous vivons au Québec.
Je ferais les observations suivantes. Je dis que le champ des relations
de travail, au Québec, a été beaucoup trop
politisé. A mon humble avis, c'est lié aussi à la
structure que nous avons. Je pense bien que dans le débat, nous aurons,
les uns et les autres, à nous exprimer là-dessus. Je ne vous dis
pas que, pour le moment, j'ai une formule magique ou définitive, mais je
pose le problème et je vous dis un peu quelles sont mes intentions
personnelles pour essayer de répondre à ce genre de
problème.
Quand je dis politisé, je crois qu'il est malsain, dans la
philosophie du droit du travail, quand des parties sont en présence, qui
sont responsables du règlement à chercher, qui sont responsables
de la convention collective à négocier et à signer,
effectivement, que le pouvoir politique soit trop souvent, ou d'une
façon trop déterminée, identifié à celui qui
règle le conflit quand cela ne va pas. Je m'explique. Je pense que la
philosophie du droit du travail, justement, commande que les parties qui
s'établissent en rapport de forces et qui négocient une
convention selon le droit sacré à l'association et le droit
collectif aient cette responsabilité de chercher, par ce
mécanisme de rapport de forces une solution, un règlement au
litige en question.
Le rôle de l'Etat est un rôle de législateur, d'une
part, c'est-à-dire que le gouvernement qui est responsable des lois qui
permettent à des parties, à des négociations de vivre sous
un certain régime de travail, comme législateur, doit se
préoccuper c'est sa première préoccupation
de voir à ce que les lois soient adéquates, à ce que cette
philosophie du Code du travail, ce que je peux appeler ce modèle de
relations de travail dans la recherche d'un règlement par deux parties
en présence, rattaché à des droits bien précis et
bien déterminés par le code, à ce que tous ces
mécanismes et ces droits soient effectivement bien ajustés et
bien exercés.
C'est le rôle premier du gouvernement d'être
législateur. A ce point de vue, je pense que c'est une
responsabilité prioritaire du ministre du Travail, devant le champ des
relations de travail, témoin de tout ce qui se vit, au long des jours,
dans la recherche de règlements à travers des centaines et des
centaines de conventions collectives, de jouer un rôle de
législateur. Je crois que dans le passé les gouvernements ont
cherché, pas toujours heureusement, sincèrement à
répondre par des lois aux besoins des parties en présence.
Je pense plus important pour le ministre du Travail d'être
préoccupé d'améliorer les lois qui, effectivement,
permettront aux parties qui ont à négocier de mieux le faire,
d'éviter le pourrissement des conflits et de leur assurer un cadre
normal de relations de travail et un cadre qui respecte des droits aussi
importants que le droit d'association, le droit de grève, etc.
Deuxièmement, je crois aussi que le ministre doit être
avant tout un administrateur de son ministère. A ce point de vue, il a
des services d'intervention et de soutien aux parties dans les relations
de travail, des services de conciliation, des services techniques, des
services de recherche. Par sa loi générale, il a le pouvoir, en
tout temps, d'intervenir directement pour, non pas lui-même, mais
à travers des nominations, à travers la demande qu'il peut faire
à son ministère, apporter ce soutien technique aux parties en
présence. Ceci m'amène à dire, à propos de tout ce
monde des relations de travail, que chez moi, c'est une préoccupation de
chercher à transformer la structure que nous avons au ministère
quant aux relations de travail de façon que les parties présentes
à une convention collective, qui ont à négocier une
convention collective, puissent davantage s'identifier à un service bien
structuré avec, effectivement, peut-être un soutien technique
beaucoup plus solide quand je dis solide, c'est peut-être plus
important pour que la demande d'intervention du ministère soit
davantage identifiée au service même qu'au ministre.
On sait que la politisation, les interventions directes d'un ministre ne
font, à long terme, que fausser un peu la négociation. C'est
évident que, quand les gens sont assis autour d'une table et qu'ils ont
à négocier un contrat, s'ils savent que n'importe quand le
ministre peut intervenir de fait, selon l'usage passé, il
intervenait cela fausse un peu la négociation. Les gens
s'accrochent à cette possibilité. Je pense qu'il serait plus sain
que nos lois soient, d'abord, mieux adaptées pour que ce jeu de la
négociation collective soit joué adéquatement et que, par
ailleurs, les parties en présence aient ce soutien technique et ne
recherchent que ce soutien technique et non pas une intervention, à tout
bout de champ, du pouvoir politique. Ceci dit, je n'exclus pas l'intervention
du pouvoir politique et du ministre. Je pense qu'on est tous d'accord,
j'imagine, sur des cas précis où la négociation d'une
convention collective, où la longueur d'un conflit dans un domaine
donné, nous indique qu'il y a un intérêt public à
sauvegarder.
Ce ne sont plus simplement des intérêts particuliers qui
cherchent à se confronter pour forcer la reprise des négociations
ou forcer la convention collective, mais où l'évaluation de
l'intérêt public commande l'intervention de l'Etat. Je dois dire
que c'est mon intention, en tout cas, de travailler davantage à modifier
ou à améliorer nos lois, notre Code du travail, à
améliorer nos services et peut-être à restructurer le
ministère que directement m'orienter vers l'interventionnisme.
Quant au Code du travail, on en parle depuis des années, tout le
monde parle de réforme du Code du travail. C'est un objectif de notre
parti, c'est un objectif de notre gouvernement. Je suis porté à
dire j'imagine que plusieurs membres de cette commission partageront
cette analyse ou cette évaluation que la grande réforme du
Code du travail mérite un peu plus de temps que quelques semaines de
présence dans un ministère, et mérite, je pense, de mettre
en place des mécanismes de réforme. Effectivement, je pense
qu'assez rapidement on pourra vous informer qu'une commission de réforme
sera mise en place avec des gens qualifiés, reconnus par tous, pour,
à long terme, préparer cette réforme. Ce qui n'exclut pas,
à court terme comme d'ailleurs, cela a été dit
à quelques reprises quand les données sont là, que
les études ont été faites, et que déjà un
travail considérable a été produit, d'amender ce que l'on
peut appeler la tuyauterie du Code du travail. Il y a effectivement des
amendements qui seront retenus, qui ont déjà été
travaillés par le conseil consultatif et qu'on espère assez
rapidement pouvoir proposer.
Sur ce chapitre des relations de travail, je terminerai en disant que,
moi je ne crois pas aussi simplement que, par des modifications au
régime du Code du travail ou des grandes réformes en profondeur,
l'on va, par le fait même, changer toutes les mentalités. Je suis
porté à dire qu'il nous faut faire un effort collectif pour que
ce régime des relations de travail se décrispe. Je pense que nous
sommes dans un domaine conflictuel qui est évidemment inhérent au
type de société dans laquelle nous vivons, qui est
inhérent aussi à la-philosophie du Code du travail. Le moment est
peut-être venu d'avoir un petit peu plus d'imagination et de chercher, je
ne dis pas des formules magiques, mais au moins des formules nouvelles. Enfin,
c'est un peu dans ce type de commande que j'ai le goût, moi, de
procéder, de chercher comment notre domaine des relations de travail
pourrait se bonifier, s'assainir, je dirais plutôt s'assainir, ce qui,
effectivement, pourrait entraîner un certain changement de
mentalité.
Il y a les syndiqués au Québec, il y a les syndicats, il y
a aussi les non-syndiqués qui sont importants, qu'on peut situer
on ne se battra pas sur les pourcentages à peu près autour
de 65%, semble-t-il. Quand on fait cette première consta-tion, on est
impressionné puis on est un peu aussi révolté, quand on
confronte cela au programme de notre parti. La population nous a donné
mandat, je pense, de gouverner en fonction de ce programme où il est
clairement dit qu'on s'engage à humaniser la vie au travail, rendre
réalisable la syndicalisation de tous les travailleurs, à
d'autres endroits aussi on parle de syndicalisation massive.
Je crois que c'est la première réaction que l'on doit
avoir. Qu'est-ce qu'on peut faire pour favoriser cette syndicalisation? C'est
la conviction du gouvernement actuel et la mienne que le syndicalisme est
l'instrument privilégié de défense des travailleurs. Je
crois que l'Etat, qui a cette responsabilité sociale d'assurer à
tous les travailleurs québécois le minimum de conditions de
travail, d'assurer à tous les travailleurs québécois de
bons mécanismes pour leur permettre librement, volontairement d'utiliser
cet instrument qu'est le syndicalisme, ne doit pas se substituer au
syndicalisme. Je dirais qu'il y a quand même ces deux objectifs qu'on
doit garder à l'esprit, favoriser la syndicalisation, mais respecter
quand même le choix libre et volontaire des travailleurs qui veulent ou
ne veulent pas se syndiquer ou choisir tel ou tel syndicat.
Je me vois forcé de vous dire ici que ce projet de
syndicalisation à grande échelle des travailleurs
québécois est un projet qui m'apparaît tellement important
qu'il ne doit pas être improvisé. Il y a plusieurs théories
là-dessus. Je pense que l'on
peut parler d'accréditation sectorielle, de négociation
sectorielle, d'un certain syndicalisme obligatoire à certains points de
vue. J'imagine que les membres seront d'accord pour évaluer avec moi que
le problème est tellement important que cela mérite une certaine
étude précise. Il faut des consultations pour préparer, et
cela sera introduit dans la réforme du Code du travail, les amendements
nécessaires pour favoriser la syndicalisa-tion des travailleurs
québécois. C'est notre objectif de gouvernement, un objectif d'un
gouvernement qui a un mandat de quatre ans. En tant que ministre actuel du
Travail et de la Main-d'Oeuvre, je veux que l'on commence rapidement à
mettre en place des groupes de travail et que l'on fasse de la consultation,
qu'on profite des recherches passées, parce qu'il y a quand même
eu beaucoup de documents de produits sur la négociation sectorielle,
entre autres. Que l'on s'inspire de notre programme, puisque c'est notre mandat
où déjà on suggère des formules, mais que ces
mécanismes de syndicalisation importants des travailleurs
québécois soient bien préparés. Je dois vous dire
ici que c'est un projet à plus long terme.
Il restera toujours des non-syndiqués. Avant d'arriver à
mettre en place ces mécanismes, avant d'augmenter progressivement le
nombre des syndiqués québécois, nous avons la
responsabilité, et je la sens très vive, de pourvoir aux besoins
des non-syndiqués, à leur protection et de leur offrir des
services à cette période que je peux appeler transitoire. Pour
d'autres, je pense que ce sera une période permanente, parce que comme
c'est un choix libre et volontaire, le syndicalisme, ce ne sera pas à
nous de forcer les gens à venir. Je pense qu'il y a des secteurs
très difficilement syn-dicables. Il restera toujours une marge
importante de non-syndiqués.
Cette responsabilité, je dirais, m'apparaît prioritaire
avant de mettre en place l'instrument, d'être capable d'offrir cet
instrument facile d'accès à tous les salariés
québécois, ce qui n'existe pas maintenant, qu'est le
syndicalisme.
Cela me paraît prioritaire de protéger ceux qui ne le sont
pas parce que les non-syndiqués sont isolés, n'ont pas de rapport
de forces, n'ont pas de moyens de défense, sauf les lois. Je pense qu'on
peut à l'occasion souligner que l'ancien gouvernement n'a pas seulement
fait des mauvais coups, ce n'est pas mauvais de le souligner. Il a au moins
fait faire des travaux. Sa caractéristique, c'est qu'il a fait faire
beaucoup de travaux, et c'est nous qui allons les mettre à jour.
Je dois souligner que mon arrivée au ministère m'a permis
de prendre connaissance de travaux importants qui effectivement
débouchaient sur un projet de loi sur les conditions minimales de
travail au Québec. J'ai été heureux d'en prendre
connaissance parce qu'il était le fruit de longs mois de travail, au
moins un an. Je pense même qu'on en a discuté au dernier Conseil
des ministres. Il a été travaillé et s'est inspiré
aussi de certaines législations européennes. Au gouvernement,
nous assumons au moins la philosophie de base de ce projet et, je pense que
c'était notre droit, nous avons voulu le réviser, le polir,
peut-être l'améliorer sous certains aspects. Effectivement, c'est
un projet de loi qui sera déposé lors de cette session sur les
conditions minimales de travail et qui est un contrat de base pour tous les
salariés québécois. C'est lié aux
préoccupations que nous avions au sujet du salaire minimum et de la
Commission du salaire minimum. Il y a le rapport d'un groupe de travail sous la
direction de M. Cas-tonguay qui fait autorité, qui nous a beaucoup
éclairés sur les principes de base qui doivent nous orienter pour
aborder ce monde des non-syridiqués et essayer de mieux situer nos
interventions concernant le salaire minimum dans une politique plus
globale.
Ne serait-ce que pour cette raison, au lieu de simplement je ne
dirais pas arbitrairement être obligés, à tous les
six mois ou à tous les ans, selon le rythme qu'on prend depuis
1970, c'est à tous les six mois que cela se fait de prendre une
décision politique, de se demander plutôt quel taux on va mettre
cette fois-ci, si on l'augmente de $0.05, $0.10 ou $0.15, je pense que tout le
monde cherche à ce que cela soit beaucoup plus cohérent et plus
inclus dans une politique globale. Cette loi des conditions minimales
comportera évidemment le salaire. On pourra discuter
éventuellement de certaines conditions minimales pour les
salariés. Mais l'objectif, d'une part, c'est effectivement, en 1977, en
sachant qu'au moins tous les salariés, par leur convention collective,
ont obtenu un certain nombre de conditions de travail, d'acquisitions, de
rechercher au moins, par une analyse de notre société actuelle,
un cadre minimal.
Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas syndiqués. On souhaite
qu'ils le deviennent. On va même y travailler. On va préparer
effectivement des lois pour faciliter cette syndicalisation. Mais actuellement
ils ne le sont pas. Il y en a certainement un bon nombre qui ne le seront
jamais. Je pense que c'est une responsabilité du gouvernement de
définir à tel moment de l'histoire d'une société
à quel prix on doit travailler dans ce pays, dans quelles
conditions.
Je sais qu'en 1910, dans mon comté, il y avait des enfants de
onze ans à la Dominion Textile. Je ne sais pas s'il y avait un ministre
du Travail et de la Main-d'Oeuvre à cette époque. Si oui, il
devait peut-être réfléchir et se demander si ce ne serait
pas mieux d'empêcher les enfants de onze ans de travailler et de ne
laisser que les enfants de douze ans au travail, je ne sais pas.
Mais, en 1977, je crois qu'on doit être capable de prendre ses
responsabilités et de définir ce cadre minimal des conditions de
travail et de salaire aussi.
D'autre part c'est le reproche qu'on fait souvent à tout
gouvernement quel qu'il soit c'est bien beau des lois, mais il y a
l'application des lois. On ne peut pas, en gardant à l'esprit cette
responsabilité que nous avons, légiférer sans s'assurer
que telle législation a des chances d'être appliquée et
sans mettre en place des mécanismes pour qu'elle le soit.
A ce niveau, je cherche et il y a déjà des choses
plus précises pour qu'on trouve des mécanismes efficaces
d'application de la loi. Effectivement, la Commission du salaire minimum sera
réformée pour donner une structure peut-être plus souple et
plus efficace quant à l'administration de cette loi. Mais il ne sera pas
suffisant qu'on ait un service d'inspection peut-être plus large. La
théorie d'avoir un policier devant chaque entreprise non
syndiquée, je ne la retiens pas. Il restera toujours des moments
où personne ne sera là et où on ne pourra pas
vérifier si la loi est appliquée ou non. Je voudrais bien qu'on
s'oriente de plus en plus vers la responsabilité locale des citoyens,
des syndicats et des chefs d'entreprise sur l'application de nos lois.
A ce sujet, il y a deux intentions précises. D'abord
là aussi, je dois dire qu'on profite du travaiI qui a déjà
été commencé dans le passé une
transformation des centres de main-d'oeuvre du Québec. C'est
peut-être un élément qui n'était pas là et
sur lequel j'insiste beaucoup. La transformation du réseau des centres
de main-d'oeuvre, ce n'est pas une mince affaire, parce qu'il y en a environ
55. Mais je veux, à court terme, que, dans tous nos centres de
main-d'oeuvre du Québec, nous ayons des agents d'information très
bien préparés et nous allons les former en
conséquence pour connaître à fond les lois du
ministère, non seulement être des agents, mais avoir aussi
j'espère que vous n'y verrez pas là la défense de ma
profession un certain rôle d'animation dans le milieu. Je pense
qu'il n'est pas suffisant que, dans les régions du Québec, les
gens sachent que, dans un centre de main-d'oeuvre du Québec, il y a un
agent d'information qui peut dire à n'importe quel salarié que
telle loi est appliquée ou non. Il faut aussi que, dans ces milieux
mêmes, on puisse effectivement avoir un personnel qualifié qui
puisse être en contact avec les entreprises non syndiquées. Cela
peut aller assez loin. D'ailleurs, je pense que ces centres
Travail-Québec, avec cette dimension information et animation,
pourraient même assez rapidement, connaissant mieux les mécanismes
d'accréditation, aider des non-syndiqués qui chercheraient
à se syndiquer, leur donner l'information suffisante et peut-être
le soutien technique. Ce qui me préoccupe dans ce chapitre des
non-syndiqués, c'est de vous dire que le contact avec les
salariés d'entreprises non syndiquées, nous voulons l'organiser
systématiquement, non seulement par cet office ou cette régie
future qui administrera la prochaine loi, mais aussi par des personnes, dans le
milieu même. Assorti à cela, pour vous dire un peu l'autre
intention politique que j'ai, je voudrais mettre en place, dans les
régions québécoises peut-être régions
et sous-régions; tout dépendra du nombre de citoyens
impliqués des comités tripartites de main-d'oeuvre,
peut-être à l'image du Conseil consultatif.
Il y aurait là des représentants des syndicats locaux, des
représentants des patrons, des représentants du gouvernement qui
pourraient être un directeur régional ou un agent d'information et
possiblement aussi des corps intermédiaires, des groupes de citoyens,
selon une formule qui pourrait être définie différemment
d'une région à l'autre. Il faut chercher avant tout à nous
donner une espèce de comité régional, indépendant
du gouvernement, mais qui aurait comme mandat principal c'est cela qu'il
faut retenir la vigilance sur l'application des lois du ministère
et sur la main-d'oeuvre locale et qui, effectivement, je pense, pourrait
recevoir le mandat de nous aider, d'aider le ministre dans les régions
du Québec on sait à quel point elles sont
différentes, elles ont des besoins différents à
mieux connaître les déficiences de l'application de telle ou telle
loi dans une région donnée. Cela pourra être, par exemple,
à la Commission des accidents du travail, dans le cas des travailleurs
de la construction, le salaire minimum, la future loi des conditions minimales,
la main-d'oeuvre locale, etc. Ce sont déjà, je pense, deux
mécanismes qu'on essaie de mettre en place pour que notre loi sur les
conditions minimales puisse avoir plus de chance d'être
appliquée.
J'ai parlé, quelque part, de comité d'entreprise dans les
entreprises non syndiquées. Je dis tout de suite qu'actuellement c'est
une pure hypothèse de travail, et que ce ne sera pas encore dans la
prochaine loi, mais c'est une formule qu'on étudie. Et comme toute
formule qui est étudiée, l'objectif c'est de chercher, en
attendant que les gens soient syndiqués, des moyens de protéger
mieux le travailleur non syndiqué.
Dans le chapitre sur la main-d'oeuvre, la première
évaluation que je peux faire c'est qu'on a vraiment un
déchiffrage d'importance à faire. Je crois que les critiques les
plus constantes qui reviennent, quand on parle de main-d'oeuvre au
Québec, sont des critiques d'incohérence, de mauvaise perception
des besoins et aussi de manque d'instruments pour, effectivement, aider cette
main-d'oeuvre québécoise. Sans reprendre le refrain bien connu de
"c'est la faute du fédéral", c'est difficile de ne pas en parler,
quand on parle de main-d'oeuvre. Je ne veux pas faire trop de peine à M.
Mackasey qui arrive tout frais du fédéral...
M. Mackasey: Je suis membre de l'Assemblée provinciale,
maintenant.
M. Couture: Je dois quand même souligner que, s'il y a un
domaine où le fédéral vraiment brouille les cartes et nous
empêche effectivement d'avoir une politique cohérente en
main-d'oeuvre, c'est bien celui-là.
Il y a évidemment des accords avec le fédéral sur
les programmes de formation professionnelle des adultes. Il y a des accords,
parce qu'il y a effectivement des millions en question et de nombreux
travailleurs québécois tout court qui veulent apprendre, suivre
des cours etc., en profitent. Mais je souligne, tout simplement, que tant que
nous n'aurons pas tous les instruments et de sélection des
étudiants, et de programmes de placement pour, nous-mêmes, assurer
ces mécanismes d'intervention dans la main-d'oeuvre, il ne sera pas
possible de mettre à jour une véritable politique
québécoise de main-d'oeuvre. D'ailleurs, je pense
que nos prédécesseurs, là-dessus, ont
manifesté les mêmes préoccupations.
Je vous fais grâce, d'ailleurs, des montants énormes
dépensés au Québec par le fédéral, dans la
main-d'oeuvre. Placer des Québécois, faire coïncider la
demande d'emploi avec l'emploi offert, quand il y a près de 80% du
placement fait par le fédéral est-ce cela, au fait?
c'est à peu près 80%, comment voulez-vous, quand vous n'avez pas
de prise sur cet élément si important, faire coïncider la
demande d'emploi à l'emploi offert? Comment voulez-vous faire une
politique de main-d'oeuvre?
Ceci dit, j'ai comme principe qu'il ne faut pas doubler les services,
quand ce sont les mêmes montants d'argent qui sont
dépensés. Je crois que, dans l'état actuel des choses, il
y a deux façons d'aborder le problème, soit celle de
négocier, le plus possible, le transfert de ces programmes au
gouvernement du Québec effectivement, dans les rencontres que
nous aurons avec nos homologues fédéraux, nous allons continuer
à revendiquer ces demandes la deuxième façon, c'est
d'acquérir notre souveraineté. L'un et l'autre ne sont pas
exclus. Ils sont parallèles.
Pour la politique de main-d'oeuvre, j'ai établi ce principe qui
me paraît quand même important. Nous ne voulons pas concurrencer
les services fédéraux, là où ils se donnent, en
cherchant, évidemment, à les récupérer
éventuellement, mais nous ne voulons pas essayer de chercher à
faire du meilleur placement qu'eux autres, parce qu'ils en font. C'est l'argent
des Québécois qui est donné dans les deux instances. Au
niveau des responsabilités publiques, nous devons avoir cette
préoccupation de ne pas augmenter au moins l'odieux du gaspillage
d'administration publique.
Ceci dit, je pense que les centres de main-d'oeuvre peuvent avoir quand
même un rôle extrêmement original, ce qu'on pourra appeler
plus tard les centres Travail-Québec. Je sais qu'il en a
été question dans les commissions parlementaires de
l'année dernière, entre autres, parce que c'était un
projet qui était sur les tablettes, qui était en marche. Je pense
qu'on cherche, et c'est mon intention, plutôt à développer
des services spécialisés dans nos centres Travail-Québec,
au lieu d'essayer de faire la même chose que le fédéral;
nous ne ferons jamais mieux, parce que nous n'avons pas l'argent
nécessaire, etc., et ils ont une tradition que nous n'avons pas. Nous
allons chercher à intervenir d'une façon plus originale,
c'est-à-dire le rôle d'information dont je vous ai parlé
tout à l'heure, le soutien technique, la prise avec le milieu, rendre le
milieu responsable de ce qui se passe au niveau de la main-d'oeuvre, au niveau
de l'emploi et travailler sur des clientèles cibles. Les centres de
main-d'oeuvre du Canada reçoivent tout le monde. Il n'y a pas de
préférence pour telle ou telle clientèle. Je pense que
l'analyse de la main-d'oeuvre québécoise nous
révèle qu'il y a certaines clientèles qui
mériteraient une attention très spéciale.
Je voudrais que dans nos centres Travail-Québec non
seulement je voudrais, mais je veux, et nous allons travailler à cela
on développe des services plus spécialisés, par
exemple, pour les jeunes travailleurs de. 18 à 25 ans. Dans bien des
comtés du Québec, nous sommes tous témoins qu'à cet
âge il est très difficile de se stabiliser. Les gens cherchent un
emploi, surtout quelqu'un qui n'est pas suffisamment formé, qui n'a pas
suffisamment reçu la préparation nécessaire; il change
d'emploi rapidement, il est instable, il est en période de chômage
et il recommence, etc. Ils ne sont vraiment pas pris en charge. C'est une
clientèle cible que je trouve extrêmement importante. Nous allons
essayer de la suivre, c'est-à-dire que, dans un milieu donné,
avec un agent de main-d'oeuvre préparé en conséquence,
nous allons faire un suivi des travailleurs qui sont dans les entreprises du
milieu, ou qui sont du moins inscrits dans ce centre Travail-Québec.
Nous allons les aider ou les stimuler à poursuivre des formations
nécessaires, nous allons les informer sur les programmes qui existent
pour se perfectionner. Vous voyez un peu où nous voulons en venir. Nous
allons essayer de garder ce suivi sur cette population de jeunes
travailleurs.
Il y a une autre catégorie, qu'on peut appeler les
assistés sociaux disponibles sur le marché du travail. Je sais
que c'est effectivement la responsabilité des Affaires sociales, mais
grâce à mes excellents rapports avec mon collègue des
Affaires sociales, nous sommes en train de travailler conjointement, au
comité de développement social, sur ce problème social
extrêmement grave et sérieux. Je pense surtout aux assistés
sociaux, aux personnes seules qui ont de 20 à 35 ans. M. Forget
connaît bien cette clientèle. On sent qu'on n'a pas, actuellement,
les instruments ou les réponses à ce type de problème. Je
suis porté à croire que cette catégorie d'assistés
sociaux... Je n'aime pas les mots "assistés sociaux", on va
peut-être, un jour ou l'autre, les changer.
M. Forget: II en existe d'autres; "bénéficiaires
d'aide sociale".
M. Couture: C'est vrai, mais cela fait un peu technocrate.
M. Forget: Alors, je vous laisse le soin de l'inventer.
M. Couture: L'Office de la langue française y pourvoira. A
mon avis, le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre devra avoir la
responsabilité de cette catégorie. Je pense que les gens vont
attendre qu'on ait les services adéquats dans les milieux pour pouvoir
prendre en charge ce monde-là.
Il y a une autre clientèle cible que l'on retient; ce sont les
travailleurs de 40 ans et plus cela nous concerne, M. Mackasey et moi
ceux qui, de fait, comme il arrive bien souvent, surtout dans des
entreprises non syndiquées où ils ne sont pas
protégés, sont licenciés et pour qui la recherche d'emploi
est très difficile. C'est une clientèle... Il y
a déjà des organismes qui s'en préoccupent; je
pense que tout le monde connaît les Partenaires associés, à
Montréal. On va simplement soit assumer ce qu'ils font, soit les aider
à continuer ou essayer de coordonner les services que l'on pourrait
donner en commun, mais je pense que c'est une clientèle très
importante.
Je parle d'une autre clientèle cible, les immigrants. Comme je
suis aussi ministre de l'Immigration, depuis plusieurs mois un groupe de
fonctionnaires du ministère de l'Immigration et du ministère du
Travail et de la Main-d'Oeuvre a travaillé sur le problème et on
arrive à penser que dans la réorganisation des centres
Travail-Québec un service spécial aux immigrants pourrait
être donné.
M. Bellemare: Avez-vous l'intention de mettre la pension à
55 ans, tel que vous le dites dans votre programme?
M. Couture: On en reparlera.
M. Bellemare: C'est parce que c'est au chapitre Travail:
Permettre au travailleur de prendre sa retraite à partir de 55 ans.
M. Couture: Volontaire. Socialement, il ne faut pas forcer les
gens à prendre leur pension à 55 ans. Trouver des mesures qui
leur permettraient de la demander et qui permettraient aussi à ceux qui
veulent travailler plus longtemps, même après 65 ans, de continuer
à travailler, c'est ce genre d'objectif qu'on recherche.
Dans la main-d'oeuvre, il y a aussi le service de reclassement où
on a la fameuse loi 49, article 45, quant au préavis de licenciement,
qui permet la mise sur pied de comités de reclassement. J'envisage
non pas pour cette année, mais pour une année
subséquente une réforme de la loi 49 parce que je crois
que la contrainte quant aux licenciements n'est pas suffisante. A ce point de
vue, il y a des lois européennes qui sont beaucoup plus avancées
et qui manifestent davantage je pense qu'il faut le retenir ce
lien entre le salarié et l'employeur. Quelqu'un qui a été
pendant des années chez un employeur a participé à la vie
de l'entreprise, il a participé à ses profits. Je crois qu'on
doit décourager mais vraiment décourager les
licenciements trop hâtifs. Je sais qu'en France, entre autres, pour
certaines catégories de travailleurs, quand l'employeur est
obligé de payer 90% du salaire pendant un an, il y pense deux fois. Cela
a comme effet, au moins, de forcer l'employeur à évaluer
davantage ses décisions qui peuvent affecter les travailleurs.
Pour le moment, dans le programme que nous avons, je veux qu'on
travaille davantage sur la prévention.
Déjà, au ministère, on a commencé à
faire fonctionner des comités de main-d'oeuvre où, dans certains
secteurs, on sent qu'il y a des problèmes particuliers, par exemple, le
problème de l'automatisation ou le problème du recyclage des
vieux travailleurs et le reste. L'intervention du ministère
s'avère importante et cela permet, à ce moment-là,
d'éviter des licenciements. C'est dans ce sens que, peut-être, au
niveau de notre cadre actuel, je voudrais qu'on mette l'accent sur la mise sur
pied de comités de main-d'oeuvre dans des secteurs fragiles. Il peut y
avoir des secteurs fragiles, des régions fragiles où notre
service de reclassement pourrait ils ont commencé, d'ailleurs,
dans certains milieux effectivement intervenir et aider un milieu,
syndicats et chefs d'entreprise, à réfléchir sur les
problèmes qu'ils ont et, par un soutien technique, à les aider
à chercher des solutions ou à atténuer certaines
décisions.
Il y a la question de la formation professionnelle. Je pense que les
principales critiques que nous avons, c'est aussi une certaine
incohérence dans ce domaine où on fait de l'apprentissage
à tour de bras, un peu partout: les gens dans les CEGEP apprennent des
métiers et, effectivement, cela ne coïncide pas toujours avec les
véritables besoins de main-d'oeuvre. Je veux, pour ma part, dans ce
domaine, chercher, avec le ministère de l'Education, je ne dirais pas
à récupérer, mais au moins à trouver des formules
de meilleure coordination entre la formation professionnelle au Québec
et les véritables besoins de main-d'oeuvre.
C'est lié aussi aux commissions de formation professionnelle;
comme chacun le sait, elles ne remplissent pas le rôle qu'on attendait
d'elles. Dans la mise sur pied de ces comités tripartites
régionaux, je pense que cette dimension des besoins de main-d'oeuvre et
de la formation pourra être évaluée et
précisée et peut-être donner un instrument de plus au
ministère pour mieux faire coïncider les besoins de main-d'oeuvre
et la formation.
Dans le secteur de la construction, directement, c'est un office qui a
son propre budget. Je veux simplement le souligner parce qu'habituellement la
qualification professionnelle est la responsabilité de notre
ministère. Sur le placement aussi, on a une responsabilité, puis,
par la loi, l'Office de la construction a son mandat, lui aussi. Je dois dire
qu'assez rapidement nous voulons mettre en vigueur ce règlement de
placement que nous avons fait refaire, que nous avons étudié de
nouveau, pour au moins répondre à des besoins très
évidents, des besoins, par exemple, de protéger l'emploi chez les
travailleurs de la construction, de mieux cerner les vrais travailleurs de la
construction, d'accorder une priorité régionale aux travailleurs
de la construction. Aussi, effectivement, dans le prochain règlement, on
veut permettre aux travailleurs qui se sentiraient lésés, parce
qu'à court terme on n'a pas l'alternative aux bureaux de placement qui
existent actuellement, d'en appeler des décisions dont ils ne sont pas
heureux ou en cas de discrimination s'il y a lieu. Dans le placement
étudiant, nous avons cette année recherché la
rationalité. Je ne dis pas que la formule que nous avons retenue est
vraiment la meilleure. Je pense que nous sommes partis de l'analyse que ce qui
se faisait dans le passé n'était pas adéquat pour toutes
sortes de raisons et, vu le nombre considérable d'étudiants qui
s'inscrivaient au Service de placement étudiant, il est important
d'accorder des chances égales à tout le monde.
Cette formule que nous avons retenue, qui retient la région, la
compétence, la disponibilité, puis qu'effectivement aboutit au
tirage au sort, est en rodage. On l'utilise cette année en restant
ouvert sur des améliorations pour les années
subséquentes.
La sécurité et la santé au travail, c'est une
responsabilité directement confiée par le Conseil des ministres
au ministre du développement social. Il reste que, comme responsable de
la CAT, et quand même par les lois que nous avons sur la
sécurité au travail et les lieux de salubrité publique, je
cherche à améliorer la qualité de ces services. Je pense
qu'ils ne sont pas développés comme tels tellement. Et surtout,
ce que nous faisons depuis plusieurs mois c'est que, par l'information
donnée dans tous les milieux je parle aussi du message que les
syndicats ont retenu assez vite de notre préoccupation de la
sécurité et de la santé au travail, nos interventions sont
très nombreuses, et à la demande, si l'on peut dire. Dans
plusieurs cas, ces services d'inspection interviennent rapidement quand les
services réguliers offerts ne semblent pas suffisants. Les demandes
d'enquête sont rapides, et ce que nous chercherons à faire cette
année c'est d'avoir une intervention très rapide et souple.
Il y aura la loi 52 que l'on veut amender ou substituer, à la
suite d'un long cheminement, selon la philosophie que nous développons
au gouvernement, que la consultation des milieux est très importante.
C'est la raison, peut-être, pour laquelle certains s'impatientent parce
que les choses ne vont pas assez vite. Ou on ne fait aucune consultation et on
fait les lois rapidement qui déplaisent à tout le monde, ou on
consulte vraiment les milieux. Quand on sait ce que cela signifie, une
volonté de consultation et, effectivement, aller rencontrer les gens et
rediscuter avec eux de certains principes de loi, revenir et chercher d'une
certaine façon un consensus, on comprend que les délais
s'allongent.
Je voudrais dire un mot aussi du service de recherche où de
nombreux travaux se font régulièrement. Les dossiers que
j'aimerais que l'on étudie davantage dans les prochains mois sont
ceux-ci, par exemple: les structures de participation. Je pense que cela fait
référence à ce que je disais au début. Je sens
et, aussi, bien des gens du gouvernement ont la même perception
que ce n'est pas tout que d'administrer un ministère ou de
gouverner si les citoyens ne sont pas dans le coup, s'ils ne participent pas
à certaines applications de ces lois, s'ils ne jouent pas un rôle
responsable face à l'intervention de l'Etat.
Sans entrer dans des principes philosophiques, je pense que c'est
peut-être la plus grande carence de notre société. Je ne
sais pas d'où cela vient, c'est peut-être lié à
notre société de consommation, mais les gens sont habitués
à être de purs consommateurs de services, des consommateurs
d'hommes politiques, des consommateurs de gouvernements, des consommateurs de
lois, et tout ce qu'ils veulent c'est consommer. Ils ne veulent pas faire
l'effort de par- ticiper à la préparation de ces lois, à
ce que l'Etat, qui est leur instrument, veut faire pour eux. Ils ne veulent pas
suffisamment non plus, dans leur milieu même, que ce soit dans leur
quartier, dans leur village, leur ville, être contributaires de la
responsabilité de l'Etat.
Cela me paraît vicieux comme réaction parce que, à
la longue, on est simplement des donneurs de recettes magiques. On crie, et on
donne une solution quelconque, alors que je pense que le processus de
gouvernement, du moins celui qui m'intéresse, c'est que les gens sentent
de plus en plus que l'Etat est leur instrument et que l'on n'improvise pas
n'importe quoi.
On prépare des choses avec eux et ils ont une
responsabilité non seulement pour la préparation de certaines
interventions ou lois mais aussi pour l'application de ce que l'on fait. Alors,
au service de recherche, dans certains secteurs je veux qu'on étudie ce
problème, comment rendre les citoyens plus responsables par rapport aux
lois qui nous concernent et aussi dans les structures de l'entreprise. Je crois
que cela paraît que les attitudes sont un peu figées dans ce
domaine où on veut garder encore ce bon vieux modèle conflictuel
de rapport de force.
Des expériences fort intéressantes se font dans le monde
et je veux qu'au moins on suggère et qu'on puisse trouver un
modèle québécois de participation à la vie
d'entreprises qui puisse éventuellement rencontrer un certain
consensus.
Il y a certains dossiers que je voudrais qu'on étudie plus
directement, le travail à domicile entre autres, où c'est
vraiment un vrai fouillis. Il y a des entrepreneurs qui donnent du travail
à la pièce dans les maisons. Quelquefois, cela peut aider des
gens. Il y a des handicapés ou des mères de famille qui ne
peuvent pas se déplacer mais il y a une exploitation énorme.
J'ai été témoin dans mon quartier, il y a quelques
années, du fait que des gens faisaient des sacs d'ordures et, au bout de
la ligne, on a calculé qu'ils recevaient $0.13 l'heure. C'était
pendant votre temps, M. Bellemare.
M. Bellemare: Oui, le travail de nuit féminin aussi.
M. Couture: Cela ne faisait pas cher, $0.13 l'heure. J'y arrive
plus loin. Le travail à domicile, je pense qu'il faut faire une
recherche sérieuse sur ce problème. Le travail domestique aussi,
où la législation n'est pas facile parce que le contrôle de
ce travail n'est pas facile non plus. Il y a beaucoup d'immigrants qui sont
exploité dans ce domaine. Il y a les agents de sécurité.
On a beaucoup de griefs de ce côté; ils se sentent mal
payés et mal protégés. Les vendeurs d'automobiles, les
employés à pourboires, évidemment, cherchent les
négociations sectorielles, les chauffeurs de taxi, dont le
problème est loin d'être réglé, les ministres
peut-être, les ex-ministres encore plus, le recyclage des
ex-ministres...
M. Mackasey: II faudrait l'assurance-chômage.
M. Couture: Le travail féminin voyez-vous, M.
Bellemare, c'était là et les bureaux de placement
privés.
Pour finir, en ce qui concerne le ministère, on a parlé
depuis plusieurs années de restructuration du ministère. Il y a
même un projet de restructuration. C'est un projet qui n'est pas sur les
tablettes mais qui est tout près de moi et qui est à
l'étude. Je pense qu'on ne peut pas en quelques mois facilement
évaluer toute la réforme administrative d . ministère
aussi complexe. Je crois que cette étude devrait se prolonger quelques
mois encore pour éventuellement vers la fin de l'année en arriver
à un projet cohérent. La philosophie générale qui
me guide là-dessus, c'est que cela soit un ministère qui soit
davantage un instrument des politiques du gouvernement, un instrument pour la
population et qui ait ses qualités de souplesse, d'efficacité et
de transparence pourquoi ne pas le dire puisque c'est rendu dans le
vocabulaire comme un véritable outil. Si on est en politique,
à la tête d'un ministère, c'est pour que les services que
l'on donne deviennent un outil pour les gens concernés.
Il y a quelques implications que je retiens aussi. Il va falloir
coordonner davantage les différentes régies qui existent avec les
politiques du ministère.
Pour ma part, je n'accepte pas que chaque régie fasse des
politiques globales, que ce soit dans le placement, dans l'éducation, ou
autrement, si on réfléchit sur les liens très
étroits qui doivent exister avec l'immigration et la main-d'oeuvre.
M. le Président, je pense avoir je ne sais pas si c'est
trop rapidement ou trop longuement fait une espèce de tour
d'horizon de ce que le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre me
paraît être actuellement, de sa perception et de ce qu'il me
suggère comme orientation. Evidemment, toujours dans le cadre des
crédits que nous avons à voter, je résumerais en disant
que les crédits qu'on nous demande de voter sont sur une série de
services qui, fondamentalement, continuent les pratiques du passé et,
dans un certain domaine, apportent un accent ou une orientation nouvelle qui
coïncide avec les objectifs de notre gouvernement.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Laurent.
Commentaires de l'Opposition M. Claude Forget
M. Forget: Merci, M. le Président. Je note, avec tous les
autres membres de la commission, que le ministre a parlé pendant une
heure et vingt-cinq minutes. Je voudrais vous indiquer que je n'ai pas
l'intention de parler aussi longtemps. Je pense que le travail de la commission
peut être plus fructueux si nous nous imposons une limite assez stricte
quant à la longueur de nos interventions. Le ministre ayant
mentionné, à la fin de ses remarques, la participation, je crois
que cela s'ap- plique aussi à nos institutions parlementaires. La
participation, c'est essentiellement non pas une suite de monologues, mais un
dialogue. C'est dans des questions précises que je pense que cette
commission peut le plus utilement non seulement éclairer les membres de
l'Assemblée nationale, mais aussi l'opinion publique sur les intentions
précises du gouvernement. Ceci d'autant plus que ces intentions du
nouveau gouvernement revêtent un intérêt tout à fait
particulier. C'est bien normal pour tous ceux qui peuvent être
touchés et Dieu sait combien ils sont nombreux par les
différents sujets que le ministre a abordés dans son
introduction.
Nous avons en effet, et je crois qu'il faut le mentionner au nom de
l'Opposition officielle, comme le ministre l'a fait implicitement au moins pour
le gouvernement, notre conviction profonde que, mises à part
peut-être et ce n'est même pas sûr les
questions constitutionnelles qui opposent les partis politiques et de larges
secteurs de l'opinion publique, c'est peut-être dans le domaine des
relations et des conditions de travail qu'on retrouve le secteur le plus
important pour l'avenir du Québec.
C'est, en tout cas, ma conviction profonde que rien ne pourra se faire
d'intéressant au Québec, dans le prochain quart de siècle,
à moins que nous ne réussissions à trouver une
réponse à ce domaine extrêmement vaste et malgré
tous assez bien défini. Nous avons, dans notre histoire récente,
comme, malheureusement dans notre histoire plus ancienne, eu des
difficultés tout à fait particulières, au Québec,
à surmonter le défi que pose pour toute société,
parce que ce n'est pas seulement au Québec qu'il y a des
problèmes, le domaine des relations et des conditions de travail. Le
Québec a eu des difficultés tout à fait
particulières à faire cette jonction entre le social et
l'économique, entre la justice et l'efficacité, qui
caractérise par excellence le problème que cherchent à
résoudre nos institutions, qu'il s'agisse du Code du travail ou du
fonctionnement du ministère du Travail lui-même. C'est un
défi qui nous semble très difficile à surmonter et je
pense bien que la plupart des Québécois, au moment où on
se parle, et ceci depuis un certain temps, sont profondément inquiets
à ce sujet plus qu'à tous les autres.
Enfin, je ne veux pas discourir davantage; je tenais à souligner
que j'attache personnellement aux travaux de cette commission une importance
proportionnelle à celle de son sujet. Je vais personnellement, comme
nous l'a demandé le ministre, lui donner toute la collaboration possible
de l'Opposition officielle. Je le dis parce que cette collaboration prend
parfois une tournure qui peut sembler superficiellement ne pas être de la
collaboration, en ce sens qu'il y a nécessairement des oppositions
partisanes qui ne sont jamais autre chose que cela, c'est-à-dire qui ne
sont pas des oppositions personnelles. Il faut bien voir le sens de ces
oppositions. Il s'agit, par une critique et par des questions qui sont parfois
impitoyables, de faire ressortir les intentions véritables du
gouvernement, parce que c'est crucial, c'est absolument important. On ne peut
pas se permettre, simple-
ment pour maintenir un climat ou pour favoriser les bonnes relations sur
un plan personnel, de négliger un tant soit peu ce devoir, qui doit
être placé par-dessus tous les autres, de bien s'assurer que les
intentions du gouvernement sont comprises, connues dans toutes leurs
implications, dans tous leurs détails. C'est dans cet esprit de
collaboration, mais d'une collaboration qui est une recherche un peu
impitoyable de la vérité des intentions et de la
vérité des actions gouvernementales que je vais inscrire mon
travail à cette commission qui est un moment privilégié
justement pour faire le tour de ce que peut nous réserver l'avenir.
Puisqu'on parle d'avenir, on peut parler du passé. Le ministre a
été très généreux je l'en
félicite et je l'en remercie de reconnaître que les efforts
du gouvernement actuel s'inscrivent dans une continuité,
continuité qui est faite à la fois d'échecs et de
succès. Pour l'avenir également, on peut présumer qu'il va
y avoir des succès et des échecs. C'est important, parce que la
continuité des gouvernements s'inscrit dans des institutions et dans des
hommes, c'est-à-dire dans un ministère et dans des hommes.
L'ancien ministre du Travail, le leader de l'Union Nationale, disait, avant le
début de nos travaux, qu'il reconnaissait des visages familiers en
arrière du ministre. C'est plus que simplement une remarque anecdotique.
C'est très important qu'au moment d'un changement de gouvernement il y
ait cette continuité qui soit bien comprise, bien assumée par le
nouveau gouvernement. Le Québec, à cet égard, n'a pas un
réservoir de main-d'oeuvre hautement qualifiée suffisamment
important, malheureusement, dans bien des cas, pour qu'on se paie le luxe de
remettre en question cette continuité. Elle est essentielle à
notre progrès comme collectivité. C'est dans ce sens que je la
souligne. Je pense qu'au moment d'une passation de pouvoir, on ne doit pas
s'étonner de retrouver un héritage de ce genre; il faut
l'assumer. Je félicite le ministre pour l'avoir assumé et l'avoir
mentionné. Au-delà du plaisir qu'on peut retirer, dans
l'Opposition officielle, de ce coup de chapeau, je pense qu'il m'appartient,
pour être également honnête, de dire que cet héritage
n'est pas seulement le fait d'un parti politique qui n'est plus maintenant au
pouvoir; il est le fait d'une institution, d'un groupe d'hommes qui ont
consacré leur vie au domaine des relations de travail, qui constituent
un pool d'expertise qui peut permettre au ministre d'assumer ses
responsabilités. Il est important de conserver à ce groupe le
sens du mouvement, l'appui, l'encouragement, le moral nécessaires
à ce que son travail se continue dans les meilleures conditions
possible.
Je vais commenter, très brièvement, ce qui
m'apparaît le plus significatif dans les remarques de caractère
général. Il y a des choses très significatives dans
certaines remarques particulières que le ministre a faites, mais je
crois qu'il y a certains aspects plus généraux de ce qu'il a dit
qui méritent peut-être un bref commentaire de ma part. Encore une
fois, je ne veux pas m'étendre trop longuement. Le ministre cela
a été sans aucun doute à ses yeux et aux yeux de plusieurs
qui l'écoutaient un aspect important de ses remarques a dit qu'il
voulait dépolitiser le domaine des relations de travail.
Au cours des années antérieures, il y a eu, bien
sûr, beaucoup de commentaires, de discussions au sujet de ce besoin de
dépolitiser le domaine des relations de travail. Je voudrais lui dire
que je souscris totalement à un objectif comme celui-là, pourvu
qu'on le définisse avec soin.
Il y a un sens où le ministre sera à jamais incapable de
dépolitiser les relations de travail, c'est, comme il l'a indiqué
lui-même, qu'il est effectivement responsable devant l'Assemblée
nationale du fonctionnement du ministère du Travail et de
l'efficacité et de l'opportunité des lois qui encadrent les
relations de travail. C'est une responsabilité politique qui est
importante et qui va jusqu'à impliquer, dans un certain nombre de cas,
dans les cas où l'intérêt public est en jeu, dans un
conflit même particulier, qu'il assume lui-même la
responsabilité de voir à ce que l'intérêt public
soit protégé dans ce cas.
C'est donc plus qu'une responsabilité politique en tant que
législateur, ou en tant qu'administrateur, c'est parfois une
responsabilité politique qui va jusqu'à la
nécessité de prendre la défense d'intérêts
publics et d'intervenir. D'ailleurs, c'est dans ce sens que la plupart de ses
prédécesseurs sont intervenus à l'occasion. Je crois qu'il
est important de le spécifier, parce qu'on pourrait, à
écouter le ministre, supposer qu'il cherche à décourager
toute espèce d'interprétation de sa responsabilité qui
pourrait impliquer sa participation personnelle, comme ministre, son
intervention personnelle dans des conflits particuliers. Pas du tout, non
seulement sera-t-il responsable des lois et de leur modification, non seulement
est-il responsable à l'Assemblée nationale de tout ce qui se fait
dans son ministère, mais il a aussi une responsabilité, à
l'occasion, beaucoup plus directe.
De façon plus générale, quand on parle de
dépolitisation des relations de travail, il y a des propos, qu'on
retrouve dans l'introduction du ministre, qui me paraissent un peu
contradictoires. Il a manifesté le souhait de pouvoir accorder plus
d'attention, plus d'intérêt à un certain nombre de dossiers
qu'il a énumérés. Dans la mesure où il
réussit à le faire, je pense qu'il va politiser davantage ces
dossiers plutôt que de les politiser moins, parce que, par
définition, lorsqu'il va s'intéresser ne serait-ce qu'à la
formation professionnelle, ou à l'apprentissage ou à n'importe
quoi je ne donne cela que comme exemple c'est donc qu'il croit
que l'impact de son intervention comme ministre, comme personne, comme individu
n'est pas suffisant, à l'heure actuelle. Donc, il y a une espèce
de contradiction dans tout cela. Il ignore peut-être un peu trop qu'il
n'est pas seul à ce ministère, qu'il a des fonctionnaires pour
l'aider, qu'il y a une question de délégation de
responsabilités. Je ne vois pas vraiment en quoi, s'il veut vraiment
dépolitiser les relations de travail, dans le sens au moins où
c'est plausible, il trouve qu'il a à faire face à des demandes
trop nombreuses ou à des sollicitations trop nombreuses et qu'il
faudrait peut-être réor-
ganiser son ministère pour lui permettre d'accorder plus de temps
pour répondre à ces demandes. Je vois là une
contradiction. L'administration est-elle trop considérable? Est-elle
trop lourde? Quand on pense aux effectifs du ministère du Travail, on a,
ici, dans le document qu'on nous a remis, l'indication qu'il s'agit environ de
2000 personnes; c'est un monde bien curieux, un monde où
l'administration où il y a 200 personnes est trop grosse
pour être administrée. Il y a des dizaines de milliers d'exemples
à travers le monde où il y a des organisations beaucoup plus
grosses que cela. Il y a peut-être des cas où les administrations
sont plus grosses que leurs administrateurs, mais ce n'est pas le
problème de l'administration. C'est le problème de trouver les
bons administrateurs.
Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une remarque qui soit de nature
à nous faire bien comprendre l'intention du ministre. Il dit:
Dépolitiser les relations de travail, dépolitiser l'intervention
de son ministère. Dans le même souffle, il nous dit qu'il semble
que c'est déjà trop gros, qu'il a déjà trop de
choses à s'occuper, et il nous indique, en terminant, qu'il trouve
inacceptable que certains organismes, certaines régies dont il est le
responsable devant l'Assemblée nationale, puissent déterminer un
si grand nombre de choses sans intervention politique.
Il y a une raison pour laquelle certaines activités sont
confiées à des régies plutôt qu'à des
ministères; plutôt que de lancer les hauts cris sur la question de
savoir s'il est opportun ou pas que le ministre contrôle davantage
certaines régies, peut-être faudrait-il s'interroger sur des
principes qui doivent guider l'organisation gouvernementale.
A l'entendre, au début, on croirait qu'il va nous suggérer
que toute la direction générale des relations de travail, ou ce
qui correspond à ces préoccupations dans son ministère,
devrait être confiée à une régie. Ce serait un moyen
excellent de dépolitiser tout cela puisqu'il pourrait, à
l'intérieur d'un cadre légal défini, s'en remettre
à une telle commission ou régie des relations de travail pour le
règlement de tous les différends. Loin de vouloir aller dans ce
sens, il semble vouloir assujettir les régies, la Commission du salaire
minimum, la Commission des accidents du travail et d'autres organismes comme
l'Office de la construction, à un pouvoir d'intervention plus direct du
ministre.
M. Couture: Est-ce que je peux vous donner un point
d'information?
M. Forget: Vous pouvez bien, si vous voulez.
M. Couture: On a le droit d'être bien compris, M. le
Président. Ce que j'ai surtout voulu dire, en respectant leur autonomie,
évidemment, c'est une délégation de pouvoir absolument
essentielle. C'est important que leurs politiques coïncident avec celles
du ministère.
M. Forget: II y a pour cela des moyens et je comprends bien qu'on
veuille que des organismes publics, des organismes gouvernementaux
correspondent à des politiques approuvées par le gouvernement,
mais encore une fois il faut s'interroger: Pourquoi ces organismes existent-ils
en dehors d'un ministère? Si on voulait qu'ils soient responsables de
toutes leurs actions devant le ministre, on n'aurait pas créé de
tels organismes. Donc, je pense que nous restons un peu sur notre
appétit quand on nous dit qu'on veut dépolitiser, d'un
côté, que le ministère est peut-être trop gros pour
que le ministre puisse vraiment le contrôler, d'autre part, et que,
finalement, on voudrait que les organismes d'Etat, qui sont des régies,
soient plus étroitement contrôlés par le ministère.
Je pense qu'il y a là des préoccupations qui vont dans des
directions opposées.
Encore une fois, je suis capable de faire des distinctions, je suis
capable d'imaginer des réponses, mais les réponses que je peux
imaginer ne sont pas pertinentes aux intentions gouvernementales actuelles. Il
sera nécessaire que le ministre nous donne une indication plus
précise sur ce qu'il veut politiser dans le bon sens du mot,
c'est-à-dire de soumettre plus étroitement aux orientations
gouvernementales, qui sont des orientations politiques elles peuvent
difficilement être autre chose et ce qu'il veut
dépolitiser, en l'avertissant que là il y a une limite. Il va, de
toute manière, être responsable de tout, d'une certaine
façon, et il va falloir qu'il s'implique personnellement dans un certain
nombre de conflits, lorsque l'intérêt public est en jeu. Cela, on
peut difficilement le limiter à un seul cas, le cas où les
services publics sont en jeu, cela peut même être une entreprise
privée, par son importance dans une région, etc. Je n'ai pas
besoin de préciser.
Donc, il y a beaucoup de distinctions à faire. Je pense que nous
devrons peut-être attendre une autre occasion, ou peut-être, lors
d'une discussion plus détaillée, obtenir des indications plus
précises du ministre parce que ces questions sont importantes,
puisqu'elles engagent sa responsabilité, comme ministre et la direction
qu'il veut.
Je vais quitter ce sujet, pour l'instant du moins, et parler de la
question de la main-d'oeuvre, qui est l'autre grand volet des activités
du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Il a, à mon avis
je parle toujours du ministre à la fois posé une
question et fourni la réponse. Je pense qu'il est bon de le
préciser, parce que cela a été donné par le
ministre comme deux affirmations qui n'étaient pas reliées l'une
avec l'autre. Il me semble qu'il a posé, à deux moments
distincts, à la fois une question et une réponse. Il s'est, d'une
part, interrogé sur la possibilité qu'il avait, comme ministre
responsable des services de main-d'oeuvre, de planifier et d'organiser de
façon cohérente les services de main-d'oeuvre.
Il a allégué, pour cela, l'importance de la
présence du ministère fédéral de la main-d'oeuvre,
en disant s'il y a 80% des services qui sont fournis de ce
côté-là, comment peut-on effectivement planifier et faire
cela de façon cohérente, de le faire en
fonction d'un objectif ou d'une série d'objectifs? Je pense que
cela mériterait d'être grandement précisé. Il a
donné d'ailleurs une partie de la réponse lorsqu'il a dit que les
services de main-d'oeuvre du Québec, en suivant dans cela une
orientation qui était d'ailleurs déjà amorcée,
avaient choisi de se spécialiser et de privilégier certaines
clientèles.
C'est cela, dans le fond, la cohérence. La cohérence peut
consister dans une division des tâches, une division des tâches
qui, en termes de clientèle, en termes de catégories d'emplois,
est déjà inscrite dans une large mesure dans la
réalité. Comme tout le monde le sait, qui connaît un peu
les services de main-d'oeuvre, ce ne sont pas les mêmes gens, ce ne sont
pas les mêmes genres de personnes qui sont placées par les
services de main-d'oeuvre fédéraux et les services de
main-d'oeuvre provinciaux.
Il y a, bien sûr, un petit peu de chevauchement inévitable,
mais de façon générale, lorsqu'on regarde les chiffres,
les clientèles auxquelles ils s'adressent, etc., on se rend compte qu'il
y a deux groupes bien distincts. Il faudrait aussi préciser ce qu'on
veut dire par des objectifs cohérents dans le placement de la
main-d'oeuvre. Pour moi, a priori et naïvement, si on veut, les services
de main-d'oeuvre ont d'abord à donner de l'information et à
établir la meilleure correspondance possible entre la main-d'oeuvre
aujourd'hui disponible et des emplois également disponibles.
Je ne sais pas à quoi, à moins qu'on tombe dans les
politiques de formation professionnelle, etc., qui, bien sûr, ont un
certain rapport, mais qui sont malgré tout une autre question, on veut
faire allusion lorsqu'on parle d'une politique cohérente dans ce
secteur-là, si ce n'est de couvrir le champ complètement et de
s'assurer qu'on le fait de façon au moins complémentaire s'il y a
deux services de main-d'oeuvre. D'ailleurs, sur ce sujet-là, je pense
que les options constitutionnelles du Parti québécois et du
gouvernement actuel ouvrent des possibilités intéressantes, mais
avant d'en venir là je soulignerais je ne sais pas si le ministre
est au courant de cela que dans la plupart des provinces autres que le
Québec, et ceci de façon croissante, depuis quelques
années, se sont développés des services provinciaux de
main-d'oeuvre.
On avait l'habitude, au Québec, de penser que les services de
main-d'oeuvre avaient survécu à la centralisation lors de
l'amendement constitutionnel du début des années quarante, qui a
donné un rôle dans la constitution canadienne au gouvernement
fédéral relativement à l'assurance-chômage, aux
services de main-d'oeuvre, etc. On a toujours cru, peut-être trop
rapidement, que les services de main-d'oeuvre au Québec avaient
survécu parce que le Québec, étant donné sa
position vis-à-vis de cette question, avait toujours refusé de
poser le geste symbolique d'abolir des bureaux de main-d'oeuvre qui
préexistaient mais, dans le fond, que c'était là un
dédoublement inutile et que, réserves constitutionnelles mises
à part, il n'y avait vraiment pas de raison d'avoir ce
dédoublement.
Or, à la grande surprise probablement des observateurs, ce
à quoi on assiste depuis quelques années, c'est que dans toutes
les autres provinces qui n'ont pas ce problème constitutionnel on a vu
se développer des services de main-d'oeuvre. Cela existe, je crois, dans
toutes les provinces à l'ouest du Québec et peut-être, avec
une exception, aussi dans certaines provinces de l'est, je pense, au moins dans
une. Cela indique clairement que le problème de dédoublement dont
on fait grand état, dont on a fait grand état dans le
passé, est un peu un faux problème, parce qu'il y a
véritablement, même s'ils ont la même étiquette, des
services de main-d'oeuvre assez fortement différenciés selon les
clientèles et que cela ne cause pas dans le fond de grands
problèmes. Même au Québec on pourrait dire qu'on fait un
dédoublement puisqu'il y a un régime de placement pour les
ouvriers de la construction qui s'inscrit en parallèle et qui, si je
comprends bien le ministre va continuer à s'inscrire en parallèle
des services de placement provinciaux.
Donc, ceci dit, pour le parallélisme dans le régime
actuel, maintenant, étant donné la confiance, j'imagine, qu'a le
Parti québécois et le gouvernement actuel de voir se
réaliser son option constitutionnelle, si jamais le problème de
parallélisme semblait se poser à son point de vue, il pourrait
rapidement y mettre fin, étant donné qu'il sera résolu, de
toute façon, lorsque cet élément de la souveraineté
nationale sera rapatrié au Québec.
Donc, on pourrait déjà commencer à mettre de
l'ordre en se basant sur l'hypothèse qui est sûrement
réaliste, au moins aux yeux du gouvernement actuel, que, de toute
manière, le transfert de juridiction éliminera le problème
et que temporairement on ferait une économie, si économie il y a
à faire, qui pourrait permettre de progresser dans la réalisation
de certains programmes sociaux.
Pour ce qui est de la santé et de la sécurité des
travailleurs, je remarque avec une certaine inquiétude que le ministre
du Travail a glissé très rapidement sur le sujet en nous
référant, comme c'est le cas, bien sûr, au mandat
spécial qui a été donné au ministre d'Etat
responsable du développement social. C'est un exemple du problème
que j'ai soulevé lorsque l'Assemblée nationale a adopté,
avant Noël, l'amendement à la Loi de l'Exécutif, soit que
les forums habituels qui sont donnés aux parlementaires pour discuter de
certaines orientations ont tout simplement été abolis. Nous
savons très bien que, depuis que le Parlement existe et
spécialement depuis que les comités permanents existent, la
discussion des crédits est un moment privilégié pour
discuter des orientations gouvernementales. S'il n'y avait pas eu cet
amendement à la Loi de l'Exécutif, il nous serait possible, au
cours de ces discussions, d'interroger le ministre du Travail sur ses
intentions dans ce secteur, puisque ce serait sa responsabilité. Il se
trouve que ce n'est plus sa responsabilité et ce n'est plus la
responsabilité de quelqu'un qui a un budget à défendre
devant l'Assemblée nationale. Cela veut dire que les parlementaires
n'ont plus le droit de poser des questions sur l'orienta-
tion dans un secteur important, tellement important qu'on a voulu en
faire une priorité.
Peut-être que le ministre pourra faire des représentations
auprès de son collègue afin que, malgré qu'il n'est pas
attaché, en quelque sorte, au ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, qu'il n'a pas de crédits à défendre, il
accepte de participer à nos travaux, à un moment ou à
l'autre on ne se fera pas de difficultés sur le moment de
manière qu'on n'ait pas cette conséquence un peu
désolante, parce que c'est, malgré tout, le domaine où les
plus nombreuses questions se posent.
C'est un domaine aussi où il y a un héritage de travaux
volumineux. Je sais qu'il y a ici, derrière le ministre, deux de ses
collaborateurs qui ont participé pendant plusieurs réunions
à des discussions fort intéressantes, mais difficiles, sur la
préparation d'un projet de loi de plusieurs centaines d'articles; je
pense qu'on était rendu à plus de 250 articles dans la
dernière version que j'ai vue lors de ces séances en
comité. Cela indique qu'il y a beaucoup de travail à faire et
beaucoup de questions à poser aussi sur cette question.
J'avais promis d'être bref; je ne l'ai pas été
suffisamment à mon goût. Il est difficile d'être bref et
clair sur des sujets aussi larges. On est parfois porté à
compenser par plus de longueur. Malgré tout, pour résumer, je
désirerais indiquer au ministre du Travail que nous attachons beaucoup
d'importance à ce qui fait l'objet de ses nouvelles
responsabilités. Nous lui adressons nos meilleurs voeux de succès
et nous l'assurons de notre collaboration. Cette collaboration se manifestera
par notre désir d'obtenir de lui des précisions à
l'intention de tous ceux qui suivent nos travaux. Ils sont plus nombreux que
l'on ne le pense; il y en a beaucoup qui reçoivent le journal des
Débats et qui liront avec soin chacune de ses réponses. C'est
à leur intention, d'ailleurs, qu'il parle, beaucoup plus qu'à
l'intention, dans le fond, de l'Opposition, officielle ou non. Donc, cette
collaboration visera à lui fournir l'occasion de donner les
réponses les plus précises possible à un assez grand
nombre de questions. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Johnson.
M. Maurice Bellemare
M. Bellemare: M. le Président, je serais malvenu ce matin
de commencer mes remarques, qui seront très brèves,
peut-être une heure au maximum...
M. Mackasey: On va coucher ici.
M. Bellemare: Je n'ai pas d'affaire à vous retenir... sans
présenter à mes anciens fonctionnaires l'expression de ma plus
vive gratitude. Ils ont été de ces militants
dévoués et sincères qui ont, pendant des années,
porté le poids du jour.
Aujourd'hui ils continuent, sous toutes les administrations qui m'ont
succédé, à être des modèles de
fidélité, de loyauté et de dévouement. Je leur
redis ma profonde gratitude et l'expression de mes vifs remerciements pour tout
ce qu'ils ont fait, pas seulement pour le ministre mais pour la province et
particulièrement pour le ministère qui a fait des pas de
géant pendant ce temps.
S'il y a un ministère aujourd'hui qui retient l'attention de
toute la population québécoise et particulièrement du
monde ouvrier, je pense que c'est bien le ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre. Je tiens à vous rendre un hommage particulier, M. le
ministre, et je le ferai dans quelques minutes. C'est bien normal, si j'ose le
dire, j'ai occupé cette tâche pendant quatre années, et
Dieu sait quelle tâche c'est. Etre ministre du Travail, c'est presque
inhumain, avec toutes les responsabilités qui nous incombent. Vous avez
tracé, tout à l'heure, une liste énorme des
responsabilités qui vous incombent. Je les ai toutes vécues, et
particulièrement dans des circonstances difficiles. Le ministre du
Travail ne peut pas ne pas avoir le moral plus fort que tous les ministres
ensemble pour supporter le poids du jour.
Une Voix: Et de la nuit.
M. Bellemare: Et de la nuit aussi. Même si le ministre du
Travail dit, dans un article paru hier, qu'il a peur que le temps joue contre
lui et qu'il faillisse à la tâche, c'est-à-dire que par les
attentes qu'on a suscitées, par la dégradation dont on a
hérité depuis plusieurs années on exige tellement
de nos hommes politiques et surtout du ministre du Travail je ne suis
pas sûr que je puisse réussir à m'accrocher. La nouvelle
société que l'on veut créer, on ne peut pas la bâtir
dans le chaos à partir de l'état de fait. C'était hier
dans les journaux.
Je dis que le ministre du Travail est celui qui doit avoir le moral le
plus fort parce que c'est, en somme, le ministre qui assume l'ingratitude de
tous les ministères. S'il y a un coin où cela va mal, c'est
toujours au ministère du Travail ou à cause du ministre du
Travail. C'est le ministre qui est un peu le pare-brise du gouvernement. S'il y
a grand conflit qui existe remarquez ce qui a existé depuis des
années c'est toujours au travail que le feu débute.
Le ministre du Travail est souvent un bouc émissaire, il paie
pour les autres et pour la mauvaise administration de beaucoup d'autres
ministères. Cela a peut-être été mon cas mais, de
toute façon, je n'ai pas à rendre compte de mon administration,
le gouvernement a été éliminé. Mais je dois vous
dire, M. le ministre, que votre tâche est pénible, difficile,
ardue mais elle n'est pas sans issue. Vous possédez une formation,
peut-être encore meilleure que celle que j'ai eue personnellement, qui
vous donne sans doute des avantages. Vous êtes entouré d'un
personnel extrêmement loyal sur lequel vous pouvez compter, sur lequel
vous avez une certaine sécurité que je n'avais pas quand je suis
arrivé. On l'a formé, on l'a bâti, ce ministère,
avec des hommes qui y sont demeurés. Ils sont restés des exemples
vivants de leur loyauté.
La situation économique est difficile et insta-
ble. Je n'ai qu'à prendre le témoignage de la semaine
dernière et de cette semaine des évêques, quand ils disent
qu'il y a une personne adulte sur dix qui ne travaille pas, une sur cinq qui
est un déchet de la société et qui tombe après
avoir subi des coups.
Compte tenu des attentes et des espoirs nombreux que vous avez
suscités, il y a ici un programme pour lequel, vous l'avez dit si bien
tout à l'heure, les gens vous ont fait confiance. C'est vrai que chaque
ligne a été étudiée par toutes les centrales
syndicales, par tous ceux qui sont dans le mouvement ouvrier. Depuis que vous
avez été élus, portés au pouvoir, vous et d'autres
ministres qui vous sont reliés directement avez fait des
déclarations assez surprenantes.
La loi anti-scabs. Le "timing" n'était peut-être pas juste.
La charte des conditions minimales de travail. La loi-cadre sur la
sécurité et la santé du travail. C'est dans votre
programme, c'est sûr.
La réforme complète des règles du jeu dans
l'industrie de la construction. Dieu sait qu'il y a là un fouillis
extraordinaire! D'ailleurs, le commissaire de l'enquête Cliche l'avait
souligné avec des propos véhéments. Il l'a
répété aussi je vais vous en parler tout à
l'heure après avoir été votre adjoint.
La cogestion dans les entreprises. C'est une nouvelle méthode
pour remplacer peut-être, un jour, les conventions collectives. Une
réforme en profondeur du Code du travail. Sur ce, je suis en bonne
compagnie, parce qu'hier M. Forget disait c'est cité dans le
Devoir de ce matin : Je crois que le gouvernement met la charrue devant
les boeufs. On devrait plutôt commencer par la réforme du Code du
travail laquelle pourrait être de nature à solutionner un nombre
infini de problèmes dans ce secteur et à éviter bien des
erreurs. Il a dit cela hier, à Drummondville. Je suis en bonne
compagnie.
Je suis aussi d'accord pour dire que vous avez le climat le plus
favorable qui ait jamais existé au ministère du Travail. Les
grands problèmes des conventions collectives des secteurs public et
parapublic sont probablement tous réglés. Les problèmes
majeurs de conventions collectives qui ont existé dans le passé
dans le coton, le textile, le fer, l'acier, l'automobile sont
réglés ou presque aujourd'hui. On a une paix sociale,
aujourd'hui, sauf dans certains cas particuliers qui accrochent. La paix
sociale étant meilleure, les relations de travail étant
meilleures, le ministre, aujourd'hui, se trouve, relativement à ces
éléments auxquels il doit s'associer pour apporter des choses
nouvelles, dans une situation beaucoup meilleure que celle que j'ai
vécue dans mon temps, de même que mes successeurs.
Je dis donc que, pour une rare fois dans l'histoire du Québec, on
a un climat qui semble assez stable. Des promesses ont été faites
de bonne foi vers lesquelles les 800 000 syndiqués de la province de
Québec et les 1 600 000 de non-syndiqués ont les yeux
tournés. Vous êtes un gouvernement nouveau; on a espoir que vous
allez réaliser une grande partie de ces attentes. Vous allez me dire:
Pourquoi ne l'avez-vous pas fait, dans le temps? Nous étions un
gouvernement, comme tout le monde, fait d'hommes qui agissaient selon le temps,
les besoins et les budgets mis à notre disposition. On n'a pas tout
fait, c'était impossible, et vous ne ferez pas tout. Mais il y a des
espoirs que vous avez suscités dans la population qui sont aujourd'hui
à deux pas, s'ils ne sont pas réalisés, de créer
une grave mésentente dans la population. Je pense que dans le monde
patronal aussi on attend beaucoup du ministère. Si on avait un nouveau
Code du travail, et Dieu sait combien ce serait nécessaire... Je vous
entendais tout à l'heure dire: II va falloir réviser le Code du
travail. Mon Dieu que c'est vrai! Cela fait trois ans que je suis revenu ici,
en Chambre, et cela fait trois ans que je demande, dans des motions que j'ai
faites chaque année, de faire siéger la commission parlementaire
ou une commission d'enquête royale sur les besoins qu'on a, non pas de
régler des problèmes, non pas de faire face à des
situations qui n'ont pas de solution, mais d'étudier les nouveaux
processus d'amélioration du Code du travail, quelles sont les formules
qu'il faut adopter pour rendre véritablement les formules de
travail...
Les conventions collectives, cela ne vaut plus rien, cela ne voudra plus
rien dans cinq ans. La preuve c'est que les conventions collectives, au bout de
trois ou quatre mois, sont déjà fragmentées. Vous savez,
M. le ministre, que les conventions collectives ne tiennent plus. Vous ne
changerez pas, mon cher monsieur, le Code du travail, même si vous
changiez tous les articles, si vous ne changez pas la mentalité des
syndiqués et des patrons. J'ai fait adopter un amendement spécial
devant l'intransigeance des patrons. J'ai été courageux cette
année-là quand j'ai fait dire qu'après un avis
prévu à l'article 40 "les négociations doivent commencer
immédiatement et se poursuivre avec diligence et bonne foi". C'est
là qu'est tout le problème des relations ouvrières. C'est
que les négociations ne commencent pas immédiatement,
traînent en longueur il y a toutes sortes d'expédients, on
ajourne, on trouve des délais, le représentant de la partie
patronale est absent, on donne toutes sortes de raisons, on ne collabore pas
dans le règlement du conflit. C'est pour cela que le conflit dure. C'est
pour cela qu'il s'envenime. Il y en a eu un au Trust Général du
Canada qui s'est envenimé Cela a pris, mon cher monsieur, quatorze mois
avant qu'on se rencontre. Quatorze mois. Dès que les deux gars, les
quatre plutôt, deux d'un bord et deux de l'autre, se sont
rencontrés, vous savez ce qui est arrivé? Le lendemain soir
c'était réglé. C'est cela qui arrive. C'est que le Code du
travail n'est pas respecté. Il y a des sanctions, ils s'en fichent comme
l'an quarante, $50 et $30, $100. Ils se fichent de cela.
Il faudrait qu'on ait véritablement une enquête royale,
contrairement à ce que pensait le député de Joliette
à savoir que ce que Bellemare préconisait ce n'était pas
bon. Je vous dirai cela dans deux ou trois minutes. Je vais vous lire
l'article, je l'ai conservé précieusement. J'ai pensé que
c'était utile de vous lire cela quand j'arriverai là tout
à l'heure. Je trouve que c'est la solution: une commission royale
d'enquête. Pas pour savoir ce
qui va mal, on sait ce qui va mal, mais pour savoir ce qu'il serait bien
d'apporter dans les relations de travail. Il y a des docteurs, il y a des gens,
mon cher monsieur, en relations de travail, il y a des avocats éminents,
il y a des syndicalistes, il y a des patrons qui sont véritablement
convaincus de la façon dont les relations de travail devraient se faire.
Pas comme autrefois. Aujourd'hui en 1977. Un nouveau système qu'il
faudrait établir, qui viendrait devant nous, qui viendrait devant une
commission royale, qui exposerait les nouvelles pensées. Peut-être
qu'on en trouverait une nouvelle. Que la cogestion soit la bonne nouvelle
formule, peut-être. Cogestion administrative, pas cogestion des biens. Je
ne suis pas prêt à dire cela parce que ce serait la vraie
socialisation. Cogestion administrative. Vous avez des preuves évidentes
de cela où cela a réussi. Vous avez le garage Guay à
Montréal, avec 150 employés, où on a une cogestion
administrative fantastique. Lui pourrait peut-être venir
témoigner. Il y a 150 gars qui n'ont pas d'union, qui peuvent faire du
temps supplémentaire et qui sont bien payés, mieux payés
que les centrales syndicales les paieraient. Ils ont de l'ouvrage à
déborder. Ils sont 150 personnes au garage Guay à Verdun. Je suis
allé visiter cela. J'ai trouvé cela merveilleux la formule de la
cogestion. Peut-être qu'un autre système serait encore meilleur.
Lequel? On est devant une loi qui nous dit: Huit jours d'avis, 30 jours de
délai. Pensez-vous que pendant les 30 jours d'avis qu'ils donnent, mon
cher monsieur, ils ne tuent pas le temps pour aller en conciliation?
Pensez-vous que c'est raisonnable? Il n'y a pas de négociations durant
ce temps, pendant les 30 jours. Voyez le code. On le suivait le code. Les gens
s'usent et s'usent et s'usent, la nervosité monte, les barricades, et
cela commence. Huit jours d'avis. 30 jours avant la fin de la convention dit le
code. Huit jours d'avis, après cela, 30 jours pour avoir la
conciliation, après cela on a la conciliation, après cela c'est
60 jours pour la grève. On attend la grève. Je trouve que les
délais, cela devrait être réformé et ramené
à des temps modernes pour des hommes d'affaires qui veulent
véritablement s'entendre. Quand on a adopté cela, je me suis
battu contre cela. M. Lesage disait en Chambre: "Ecoutez, M. le
député de Champlain, vous savez que l'usure, cela règle
bien des blessures."
Je me souviens encore de cela: L'usure guérit bien des blessures.
Ne venez donc pas m'en faire accroire. Je suis un syndicaliste et, quand on
était parti pour faire une grève, on la faisait. Au CPR, on en a
fait deux, je sais ce que c'est. Pour le Code du travail, il devrait y avoir
une commission d'enquête où l'on entendrait des gens
compétents, comme Louis-Marie Tremblay, par exemple, de
l'université, qui est un homme extraordinaire en droit ouvrier. Je ne
sais pas si vous le connaissez. Il y a des juges nommés au Tribunal du
travail, des gens qui sont pourris de science au point de vue des relations de
travail. Non, ils ne sont pas pourris, je retire cela. Je veux dire, vous avez
compris l'expression, qu'ils sont bourrés de talents. Le nouveau
système ne consisterait-il pas à débarrasser le
gouvernement de tous ces conflits de travail et de trouver véritablement
un tribunal du travail, qui, en dernier ressort, déciderait avec un
quorum de deux ou trois juges? S'il faut en nommer 20, nommez-en 20, mais qu'on
n'ait plus au gouvernement provincial la responsabilité de
décider en dernier ressort. Les gens se fient sur cela. Le gouvernement
va plier, parce qu'il y a des influences politiques. Cela ne devrait pas
être, cela.
A-t-on eu des plaintes contre le Tribunal du travail qu'on a
institué en 1968? Y a-t-il eu une seule plainte? Jamais. Il y a eu des
contestations. Il y a eu des appels. C'est normal. C'est un bureau que nous
avons formé, une section de la Cour provinciale, qui nous a rendu de
grands services dans l'interprétation du nouveau code, parce qu'à
ce moment on a refait le code. Ils avaient traîné longtemps. Je ne
sais pas si on vous a dit cela, mais il y a une Commission des relations du
travail, que ces messieurs en arrière connaissent, qui avait pris 4000
causes en retard quand je suis arrivé. J'ai fait sauter cela comme cela.
J'ai dit: Dehors! Nous allons faire autre chose pour les ouvriers et nous avons
fait autre chose. Aujourd'hui, nous avons des commissaires-enquêteurs. Je
ne sais pas si vous avez lu cela. Tout le chapitre des
commissaires-enquêteurs que nous avons établi, c'est fantastique.
Votre sous-ministre s'en est servi. Au début, il trouvait cela un peu
dur, lui aussi, de s'astreindre à une décision d'un
commissaire-enquêteur, qui référait à un tribunal.
Cela a été bon, cela a mis de l'ordre. Mais je dis que, pour
avoir plus d'ordre dans la province la solution est peut-être
là; je ne dis pas que c'est la solution parfaite j'irais devant
le tribunal, devant la commission permanente, j'irais devant la commission
d'enquête royale pour témoigner. Avec tout ce que je sais sur le
code et tout ce qu'on pourrait apporter comme amendement, ce ne serait
peut-être pas grand-chose. Ils diraient: C'est un vieux, il radote, il a
passé son temps, mais ils verraient que je suis encore
d'actualité. Le Tribunal du travail a rendu des décisions qui ont
fait loi, qui ont renouvelé le Code du travail. Il y a eu des
décisions rendues, dans bien des cas, où il y a eu
énormément de patrons et de syndicalistes qui ont compris qu'il y
avait une limite entre leurs droits et leurs devoirs. C'est à partir de
là qu'ils ont commencé à raisonner, quand ils ont
été rendus là.
Souvent, les commissaires-enquêteurs faisaient rire d'eux et ils
ne pouvaient pas rendre la décision. Ils se transportaient devant le
juge et on a eu des décisions. C'est peut-être la formule. Il y en
a d'autres. On pourrait avoir devant nous des experts bien plus savants et
meilleurs que moi, pour venir nous dire: J'ai étudié dans les
livres les formules d'autres pays ou d'autres Etats américains où
on a moins de conflits ouvriers, où on peut plus facilement
régler des conflits. Pensez-vous que les délais donnés
dans cela justifient véritablement l'attitude qu'on peut prendre en
1977? Vous avez compté combien cela fait de jours? Vous savez cela,
c'est certain. Je ne dirai pas au ministre combien cela prend de jours pour
avoir une grève.
M. Couture: Une grève illégale ou légale?
M. Bellemare: Une grève légale.
M. Couture: Une grève illégale, cela prend un
jour.
M. Bellemare: 38, 30 et 60, cela fait 128 jours; 30 jours avant,
8 jours d'avis, 30 jours de délai et 60 jours pour faire la
grève, cela fait 128 jours. Pendant tout ce temps, voyez-vous le climat
se développer? Les gens sont sous tension. La machinerie fonctionne mal.
Le patron est inquiet. Pensez-vous que les relations de travail peuvent
être bonnes? Il reste que cela pourrait se régler, peut-être
pas comme cela, mais avec des relations plus cordiales.
Une convention collective, cela ne se règle pas à la date
où c'est échu, vous ne me ferez jamais croire cela, non. Cela se
prépare, une convention collective entre les parties. Le patron devient
de plus en plus c'est votre chef qui l'a dit civilisé.
Votre chef a déjà dit cela d'un employeur, qu'il n'était
pas civilisé. Cela n'empêche pas qu'il est allé dîner
avec lui dernièrement. Il était bien content de dîner avec
lui. C'est votre chef qui est allé dîner avec lui après lui
avoir dit qu'il n'était pas civilisé.
M. Couture: Cela va peut-être l'aider à le
devenir.
M. Bellemare: Non, non, il n'a pas changé. Le
président de la Noranda, non, il n'a pas changé. Vous lui
demanderez, vous allez voir. Je l'ai connu, dans le temps, et je vous dis qu'il
ne ménageait pas ses expressions. Moi, je suis poli, je les
ménage.
Je pense que vous avez un climat qui vous favorise, un climat pendant
lequel vous devriez tout de suite, pendant qu'il est sain... Je vais vous lire
un paragraphe que j'ai retenu dans le livre du Conseil consultatif de la
main-d'oeuvre. Je vous remercie et je vous félicite, en passant, car il
a recommencé à siéger imaginez-vous!
après un temps immémorial. J'avais refait la loi
complètement et pour toutes sortes de raisons, on avait
négligé ces consultations. On disait: Le conseil, il ne
connaît pas grand-chose; les gens se chicanent et ne sont jamais
d'accord. Ils ont mis cela de côté, ils ont arrêté de
le faire siéger. Là, depuis quelque temps, il a repris.
M. Couture: On tient nos promesses.
M. Bellemare: Pardon?
M. Couture: On tient nos promesses.
M. Bellemare: Ce ne sont pas vos promesses, ce sont les
miennes!
M. Couture: Quand il a arrêté, on a promis qu'il
reprendrait.
M. Bellemare: Vous n'avez pas promis cela. J'ai lu votre livre et
ce n'était pas marqué. Ce n'est pas marqué dedans.
M. Couture: Ce sont de petites déclarations.
M. Bellemare: Non, ne les prenez pas pour rien. Un jour, le
premier ministre et ceux qui avaient de l'expérience dans le
ministère du Travail, en particulier, Robert Burns, votre leader, lui,
il connaît cela! Les relations de travail, lui, il connaît cela! Il
a dit: On va faire siéger le Conseil consultatif pour avoir une opinion
sur telle et telle affaire. Je ne vous le dirai pas parce que ce sont des
secrets d'Etat. Le Conseil des ministres a demandé des directives sur
tel article. Il lui a demandé des directives.
J'ai lu: Pour une deuxième année consécutive, il
nous faut constater que la distorsion entre le législatif, en
matière de travail, et les avis que le ministère requiert du
conseil est beaucoup améliorée. Cela m'a fait plaisir et chaud au
coeur de voir que mon Conseil consultatif était redevenu l'ami et le
conseiller du gouvernement. J'ai dit: Bon! Il y a des hommes intelligents et
brillants dans cela. Je sais que vous les connaissez tous, mais il y en a que
je connais aussi, particulièrement, et qui sont extraordinaires.
Je pense que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre doit
être conscient des lourdes responsabilités qu'il a
vis-à-vis non seulement du ministère, non seulement de la
population, mais de son gouvernement. De là viendrait la
nécessité de convoquer une enquête royale pour qu'on puisse
dégager et vous fournir des idées. On en fait pour toutes sortes
de problèmes. Pour savoir si un gars a besoin de deux béquilles
ou d'une, on fait une grosse enquête pour cela. On fait une enquête
pour savoir si on va mettre la barre jaune ou la barre blanche. Quand il s'agit
de la vie économique même de la nation, au point de vue du
travail, on dirait qu'on est capable d'avoir ces idées tout seul.
Je pense, M. le ministre, que ce serait l'occasion donnée de
convoquer une commission devant tout le monde. Que tous ceux qui ont des
mémoires à venir présenter, sur les améliorations,
viennent. Je n'aurais pas peur de les entendre. Les syndicats vont venir, c'est
sûr. Ils vont vous reprocher telles choses; n'ayez pas peur de cela! Je
les ai eus, les syndicats, contre moi. Ils m'ont promené, dans la ville
de Québec, sur un charriot avec un gros boeuf. J'ai vu cela, cher
monsieur. Ils m'ont pendu combien de fois devant le Windsor? Ne vous
inquiétez pas, ils vont vous pendre, vous aussi, c'est sûr et
certain, mais en effigie, bien entendu!
Mais, la suite, par exemple! Quand je suis parti du ministère du
Travail et de la Main-d'Oeuvre, j'ai reçu un maudit beau
témoignage de toutes les centrales syndicales et je l'ai
conservé. De toutes les centrales syndicales et de tous les
présidents. Les employés étaient fiers d'avoir entendu ce
témoignage.
Je ne mise pas trop sur le sommet économique. Je ne mise pas trop
là-dessus parce que je connais les ouvriers et je connais aussi les
patrons.
Mettre ces deux groupes en face l'un de l'autre, subitement, sans grande
préparation, vous sa-
vez vous aussi ce qui va se produire. I! va y avoir beaucoup de
réticences. Le premier ministre disait l'autre jour: Si, au moins, on
peut sortir de là sans s'être cassé la gueule. Il appelle
cela de même. Il a dit au moins un semblant d'entente; il n'y en aura pas
d'entente. Quand on reconnaît les relations patronales-ouvrières,
le sommet économique, c'est le sommeil économique.
M. Couture: C'est clair.
M. Bellemare: Oui, oui cela va être du sommeil.
M. Couture: A moins qu'on se réveille
économiquement.
M. Bellemare: Oui, moi aussi, je souhaite cela, moi aussi, je
vais y être, vous pouvez être sûr que je vais y être et
puis, oui, oui je vais y être, parce que je vais me faire inviter,
certain. Certain que je vais y être, oui, cela m'intéresse
beaucoup. Seulement les changements tellement attendus des groupes, la
mentalité des groupes, ce qui, dans le processus normal de ces gens, qui
oeuvrent dans le grand champ économique des relations de travail, vous
l'avez dit tout à l'heure, je l'ai noté, cela ne se fait pas du
jour au lendemain, ce n'est pas par un sommet économique qu'on va
régler cela, seulement, c'est bon qu'il y en ait un.
C'est bon qu'on sente qu'ils viennent, mais vous voyez la
réticence de certains syndicats déjà qui viennent rien que
sur le bout des pieds et disent: Si cela ne fait pas, je m'en irai. Ce n'est
pas parfait. En tout cas, le vrai test, ce seront les faits et les gestes du
gouvernement et particulièrement au niveau de la législation.
Voulez-vous avoir un grand succès, M. le ministre, comme ministre du
Travail? Voulez-vous que votre gouvernement ait moins de problèmes au
point de vue de la législation ouvrière? Faites une enquête
publique sur le Code du travail et demandez de le refaire au plus
tôt.
Vous n'avez pas besoin de prendre ma motion, déchirez ma motion,
faites-en une pour vous, je vais voter pour elle, qu'il y ait une enquête
royale au plus tôt, pour entendre les parties et là vous allez
régler une foule de problèmes. D'abord, vous allez régler,
mon cher, le problème des bureaux de placement. Etes-vous prêt
à dire que c'est fini, les bureaux de placement, mon cher, la FTQ et la
CSN? Même si vous avez, mon cher monsieur, l'Office de la construction,
qui vous a dit: Faites cela. Une minute, une minute! Je le connais le
problème, je l'ai faite, moi, la lutte contre Ottawa pendant des
années, c'était Macka-sey qui était là et il ne
voulait pas me les donner. Il disait: Non, vous ne l'aurez pas. Vous ne l'aurez
pas.
M. Mackasey: C'est vrai que j'ai dit non.
M. Bellemare: C'est vrai, oui, c'est rare, mais cette fois, vous
me l'avez dit. J'ai perdu, ils ont commencé à mettre plus
d'argent et à ouvrir des grands bureaux puis à mettre du
personnel puis à $20 000 puis à $15 000; je commençais
à avoir l'air fou; je payais $8000 et $9000 mes officiers du
ministère du Travail, aux bureaux de placement, on avait l'air
quêteux. Mon Mackasey riait de moi, il disait à une
conférence fédérale-provinciale: Comment est-ce qu'ils
vont, tes bureaux de placement, Maurice? Vont-ils bien? Assez bien.
M. Mackasey: C'était votre fête, c'est pour cela
que...
M. Bellemare: C'était ma fête, oui, tu m'en as
donné un beau gâteau et un bouquet, mais si tu ne m'avais pas
donné mes bureaux de placement, par exemple... Mais cela, c'est un
problème, les bureaux de placement, et c'était à nous
autres, par droit constitutionnel, c'était à nous, ces bureaux de
placement. Le fédéral n'a pas d'affaires à entrer dans ce
domaine. Il rentre par intrusion, parce qu'on n'y va pas, et vous avez
même un ministre libéral qui vous a précédé,
qui a dit aux employés: "Ne vous en occupez plus des bureaux de
placement provinciaux, laissez faire cela à ceux qui... C'est une perte
de temps et d'argent. Oui, oui, cela s'est fait depuis trois ans.
J'étais content ce matin de voir que le montant de $8 millions
est monté à $9 millions. Il est de $8 840 403 en 1976/77 et de $9
919 000 cette année. Ce n'est pas une grosse amélioration, mais
il y en a toujours une. Si le ministre, comme il l'a dit tout à l'heure,
en fait une de ses priorités, et s'il faut des recherches et des
études sur les bureaux de placement, je pense que cela est encore un bon
point. Cela pourrait peut-être se plaider devant la commission, et on
pourrait donner des raisons constitutionnelles comme quoi les bureaux de
placement diraient: Ils n'ont pas d'affaire à rentrer chez nous dans
notre domaine.
M. Couture: II n'y a pas assez de place.
M. Bellemare: Commençons par une, c'est à vous
celle-là. Vous les laissez faire vous aussi, et je n'aime pas cela. Non,
ce n'est pas normal. Que les bureaux de placement provinciaux soient meilleurs,
qu'on y mette des piastres s'il le faut et que l'on soit maître. Ils s'en
vont tous au bureau de placement fédéral ou encore à la
fameuse concession que vous avez faite... Pas vous, mais votre
prédécesseur qui avait donné le bureau de placement
provincial à la FTQ. C'est clair et je n'ai pas peur de le lui dire.
Vous avez parlé de structures tout à l'heure. Je suis bien
favorable à des structures dans le ministère. Cela en prendrait.
Vous avez un trop gros ministère. M. le député de
Saint-Laurent tout à l'heure a fait allusion à cela. C'est
immense en responsabilités et aussi en obligations. Le ministère
du Travail, à mon sens, devrait avoir quatre ou cinq sections
différentes et peut-être être divisé en deux ou trois
ministères.
D'abord, les relations de travail, tous les griefs, le tribunal du
travail, etc. devrait vous appartenir en propre. Toute la partie technique de
M.
le sous-ministre, là-bas, devrait en être un autre, les
licences, les permis, les inspections, la loi des établissements
commerciaux, la loi des heures de fermeture, tout ce secteur devrait être
à un autre ministère. C'est quelque chose qui ne devrait pas
être chez vous. Cela n'a pas de bon sens. Vous arrivez avec une
tuyauterie qui fend, c'est le ministère du Travail. Vous arrivez avec un
gars qui n'a pas son permis d'électricien, c'est le ministère du
Travail. Cela n'a pas de bon sens.
Vous avez, en plus de cela, l'immigration qui vient s'ajouter à
tout le reste. Vous avez la main-d'oeuvre. La main-d'oeuvre et l'immigration
pourraient peut-être se rejoindre. Les structures sont là. Le
ministre ne peut pas répondre à tout cela, c'est impossible. Cela
devient d'une lourdeur épouvantable dans l'administration.
C'est vrai qu'on lui a donné de l'aide, le développement
social avec M. Marois et l'adjoint parlementaire au Travail avec M. Guy
Chevrette. Ils ont multiplié les déclarations pour vous
embêter. C'est sûr et certain qu'il n'est pas étonnant que
vous ayez des problèmes avec le ministère du Travail parce qu'il
y a eu des choses de déclarées dans cela. J'y arrive, M. le
Président... "Les problèmes peuvent être résolus
sans interruption brutale de l'Etat". C'est la Presse de Montréal, le 15
février. C'est vous qui avez dit cela, M. le ministre. "Les
problèmes peuvent être résolus sans intervention brutale de
l'Etat. Le gouvernement annonce ses intentions et, ensuite, il dialogue avec
les parties concernées. La législation viendra ensuite. Ainsi, le
gouvernement a l'intention de modifier sérieusement le Code du travail".
Félicitations. N'attendez pas trop longtemps. Vous allez être
débordés, vous allez avoir d'autres problèmes. Le Code du
travail va rester ce qu'il est et cela va nous apporter encore des
problèmes. Cela s'en vient, mais j'ai entendu dire cela pendant
près de six mois pour le décret de la construction. En fin de
compte, il est arrivé. "Il compte procéder en deux
étapes". C'est là que je rejoins le ministre. "Ainsi, à
court terme, on amendera le Code du travail et, à long terme, on le
réformera". On améliorera le Code du travail et, après, on
le réformera. Il y a une chose qui reste sûre, c'est que, dans
l'amélioration du Code du travail, il y a des choses absolument
importantes, nécessaires et urgentes. Si vous faisiez votre
enquête, cela pourrait durer deux ou trois mois, on pourrait être
entendu et faire peut-être de bonnes suggestions au gouvernement et le
ministre pourrait commencer tout de suite.
Mais il y a une chose que je voudrais dire. Depuis que vous êtes
arrivé, vous avez mis le bâillon à l'Opposition.
M. Couture: Ce n'est pas moi qui suis leader parlementaire.
M. Bellemare: C'est vous qui avez mis le bâillon, parce que
j'avais continuellement de votre ministère le rapport, tous les matins,
de l'état des grèves et des "lock-out" dans la province. Depuis
que vous êtes arrivé, je les ai reçus le lendemain et le
surlendemain et, après cela, rien.
M. Couture: C'est que la demande n'est pas venue.
M. Bellemare: Ah! La demande est arrivée, j'ai fait
téléphoner et j'ai téléphoné moi-même
à un homme que vous connaissez bien dans votre ministère. Il m'a
dit: J'ai reçu des ordres et je ne les envoie plus.
M. Couture: Ah!
M. Bellemare: Ah oui! mais je ne les ai pas.
M. Couture: Je retiens immédiatement votre demande. Prenez
cela en note.
M. Bellemare: Si je ne les ai pas demain matin, je vous le
répéterai.
M. Couture: Donnez-moi au moins deux jours.
M. Forget: Je dois dire que l'Opposition officielle a fait la
même demande avec le même résultat.
M. Bellemare: Même résultat. Vous n'en avez pas
vous, non plus. Mais moi, au moins, je les avais toujours eus. C'est moi qui
avais établi ce système pour donner l'état des
grèves et des "lock-out" dans la province.
M. Couture: Je n'ai aucune objection de principe.
M. Bellemare: Bon. Alors, là, je ne les ai pas. M.
Couture: Vous les aurez.
M. Bellemare: Depuis que vous êtes là, je ne les ai
plus.
M. Couture: Vous venez d'obtenir quelque chose.
M. Bellemare: Oui.
M. Couture: Vous voyez que c'est important de se parler.
M. Bellemare: Oui, mais c'est important de le savoir.
M. Couture: Changement de mentalité. Vous les aurez.
M. Bellemare: D'accord. Je vais le noter aussi. Le 3 mai.
M. Forget: Cela va finir par être aussi bon que
c'était avant le 15 novembre.
M. Bellemare: Oui, bien sûr.
M. Couture: Ce n'est pas pour rien qu'on a changé, le 15
novembre.
M. Bellemare: Mais avant Cournoyer, c'était M. Réal
Mireault.
M. Mackasey: II est rendu où, là?
M. Bellemare: II est rendu à l'Office de la construction
à Montréal, il est président. Après être
parti, je lui avais dit: J'aimerais bien avoir cela, je suivrais cela de
proche. J'arrive en Chambre et je n'avais rien. Je l'appelle. Il me dit: Oui,
ce ne sera pas long. Il m'a envoyé une liste mitigée, avec
certaines restrictions que je connaissais. Je l'ai rappelé et je lui ai
dit: Ce n'est pas cela que je veux avoir; je veux avoir la vraie liste avec
tous les détails. Il me répond: Celle du ministre? Je lui dis:
Oui, ce sont des renseignements publics que j'ai le droit d'avoir. Et je l'ai
eue tout le temps, sauf, deux jours après votre arrivée, cela a
été coupé bien raide. Je me suis dit: II a eu des ordres.
Je lui ai téléphoné. Non licet, fini.
M. Couture: II y a eu malentendu, certainement.
M. Bellemare: Oui. Bonne note a été prise. Le
problème no 1, les revendications de tous les intéressés
du monde des relations de travail. C'est cela. Le Code du travail, c'est sur
cela que portait mon propos.
Tout le monde est d'avis que le Code du travail est vétuste et
dépassé, c'est sûr. Après avoir annoncé vos
intentions, je demeure encore bien sûr que vous allez les réaliser
par un dialogue entre les parties. J'espère que ce ne sera pas votre
dialogue mais celui des gens compétents qui ont peut-être, comme
vous, des expériences dans le monde du travail mais qui ont vécu,
depuis des années, ces problèmes connexes aux relations
patronales. Eux aussi ont des problèmes qu'ils peuvent nous exposer et
auxquels ils nous apporteront des solutions qui seront véritablement des
solutions pratiques.
Dans un article publié dans la Presse du 15 février
dernier et qui était intitulé: Québec s'engage à
consulter tous les intéressés avant la refonte du Code du
travail, il a été écrit ce qui suit: J'aimerais bien, pour
ma propre compréhension, que le ministre m'explique ce qu'il entend par
des amendements à court terme et à long terme, dans
l'amélioration du Code du travail. Je me demande très
sérieusement si c'est user de prudence que de se lancer, comme il le
disait tout à l'heure, dans une réforme du Code du travail sans
être bien sûr qu'il va atteindre l'objectif que recherchent les
syndicats et les patrons.
Dans les enquêtes que nous vous demandons, il y a beaucoup de
bonnes relations qui pourraient s'établir entre le patronat et les
syndicats. Il ne faut pas oublier qu'un dialogue ne peut jamais
s'établir en sens unique dans les relations patronales-syndicales. Il me
semble que ce serait beaucoup plus ordonné et beaucoup plus
démocratique pour tout ce qu'on pourrait obtenir de ces gens qui veulent
aujourd'hui garder une espèce de monopole sur le travail et qui ne
veulent pas faire participer les employés syndiqués.
Le député de Joliette, dans son article qu'il a fait
publier dernièrement, disait, par exemple, avec sa photographie en belle
page: Maurice Bellemare, c'est un vieux ministre du Travail. Il a longuement
insisté, à son retour dans l'arène politique, sur la
nécessité d'établir une commission royale d'enquête
sur les relations de travail au Québec. On ne crée pas des
commissions pour faire plaisir à l'ancien député de
Champlain. Voyons donc! A son avis, les commissions parlementaires peuvent
peut-être, en temps opportun, jouer un rôle utile. Que le vieux se
ravise! Est-ce que ce n'est pas assez insultant?
C'était dans le journal Le Soleil, le 18 décembre
1976.
Une Voix: C'est bon.
M. Bellemare: C'est bon? Arrêtez-moi cela tout de suite,
vous. En ce qui a trait au travail, il faudra, par contre, prendre le temps de
bien mûrir les dossiers si nous voulons rétablir la paix sociale.
Vous l'avez la paix sociale, actuellement! J'ai été ministre
longtemps, je ne l'avais pas comme vous l'avez présentement! Les grands
conflits, il n'en existe pas dans la province de Québec! Vous jouissez
d'un temps serein pour établir une nouvelle politique de relations
patronales-ouvrières. Quelles sont les mesures qui pressent? Le ministre
répond au député de Joliette, il a déjà
parlé du processus d'accréditation et s'est aussi attardé
au mécanisme de prévention dans les conflits, bien que dans ce
dernier cas cela fasse partie d'une réforme du Code du travail puisque
c'est dans le Code du travail que l'on retrouve tous les mécanismes de
la négociation. Bien sûr que c'est là qu'on retrouve cela.
C'est l'ABC du Code du travail. Maintenant, il y en a, madame, mais je ne veux
pas faire perdre le temps parce que c'est perdre du temps que de dire des
sottises comme celles-là...
M. Couture: II y a des formules affectueuses dans cela.
M. Bellemare: Oui, quand ils m'appellent le vieux. Je suis
à la veille de m'appeler pépère.
M. Chevrette: Cela vous est déjà arrivé de
lire des textes en changeant les mots. J'aimerais lire cela.
M. Bellemare: Je vais vous le donner. Je vais vous en faire faire
des copies.
M. Chevrette: Cela vous est déjà arrivé de
lire des textes "avec rien dessus", vous me l'avez dit.
M. Bellemare: Ah oui! C'est pas pour vous là. Lisez cela.
C'est au commencement. Vous allez voir l'esprit qui vous a animé. Ils ne
voient qu'une perte de temps, si c'est bien compris, j'attends toujours les
arguments sérieux et pertinents de la part du gouvernement qui
démontre l'inutilité et la futilité d'une telle commission
d'enquête. Le gouvernement précédent avait fait la sourde
oreille à
ma requête et cela ne m'a pas surpris, mais que le "PQuiou", c'est
autre chose... J'espérais, au moins, qu'il analyserait la situation bien
en face et qu'il ne rejetterait pas du revers de la main cette heureuse
suggestion. Mon chef, M. Biron, disait hier dans un communiqué aux
travailleurs: "Sortir le travailleur du rôle d'instrument que lui a
imposé le Code du travail, maintenant, pour en faire
véritablement un agent économique". C'est une belle trouvaille.
Cesser de le traiter simplement comme un ouvrier qui produit un produit, mais
surtout qu'il ait un rôle d'agent économique. Il disait aussi:
"Que la rentabilité de l'industrie au Québec soit assurée
en créant une ambiance de travail qui permette l'épanouissement
de tous les travailleurs". C'est véritablement la pensée que
devrait avoir aujourd'hui...
M. Chevrette: M. le Président, je ne voudrais pas
arrêter le député de Johnson dans une envolée...
M. Bellemare: Parce qu'il n'est pas vieux?
M. Chevrette: Non, non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai bien
compris qu'il lisait entre les lignes. Il a beau me prêter des
intentions, la prochaine fois, j'aimerais qu'il cite les textes à la
lettre. Je n'ai jamais dit "vieux député".
M. Bellemare: Bon.
M. Chevrette: J'ai bien dit "ancien ministre du Travail".
J'aurais peut-être pu employer l'expression "ex-ministre du
Travail"...
M. Bellemare: Oui.
M. Chevrette: Mais il est pas question de "vieux". Vous avez fait
comme d'habitude.
M. Bellemare: Oui, c'est tous les jours que vous le
répétez.
M. Chevrette: Vous avez fait comme d'habitude.
M. Bellemare: Bon, c'est cela.
M. Chevrette: Vous avez planté votre charrue un peu trop
profondément.
M. Bellemare: Non, non. Ecoutez, avec les cailloux que vous avez,
ce n'est pas étonnant. Pas du tout. Quand vous m'abordez et vous me
dites: Bonjour, M. le vieux! Bon!
M. Chevrette: C'est un "vieux" amical.
M. Bellemare: Oui, très bien. On pourrait revenir... J'en
ai encore pour cinq ou six minutes, et peut-être plus que cela. J'ai le
décret de la construction et...
Le Président (M. Marcoux): La commission suspend ses
travaux sine die. La parole sera au député de Johnson à la
reprise pour la poursuite de son intervention.
(Fin de la séance à 12 h 59)
Reprise de la séance à 16 h 58
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration
reprend ses travaux pour étudier les crédits budgétaires
du ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre. Je donne la parole au
député de Johnson. Oui, M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je voudrais aviser la commission de certains faits
qui ont été énoncés ce matin. J'ai eu la chance
à l'heure du dîner de relire très attentivement la coupure
de journal qu'a citée le député de Johnson. Je ne voudrais
pas lui prêter d'intentions, mais il a sûrement donné
beaucoup d'extension aux mots "ancien ministre" parce qu'il n'y avait pas le
mot "vieux" dedans. Par le fait même, je pense que le
député de Johnson a induit en erreur le député de
Saint-Laurent, qui me prêtait des propos non parlementaires. A partir de
ces faits, en relisant l'article vous verrez que le mot "vieux" ne figure
à aucun endroit et que les mots "ancien ministre du Travail" ont
été cités une fois. Ceci étant dit, je reconnais
que le député de Johnson donne beaucoup de propension aux termes
qu'il lit.
M. Bellemare: Ce n'est pas ma faute si vous n'êtes pas
imaginatif.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Johnson.
M. Mackasey: N'oubliez pas, M. le Président, que les
anciens ministres sont tellement sensibles, pas vrai? Pour être des bons
ministres, il faut être sensibles.
M. Bellemare: Certainement. M. le ministre, je reviendrai sur
cela parce que j'ai toute une déclaration du député
Chevrette qui suit.
M. Couture: Avec la citation fidèle. M. Bellemare:
Cela sent la vieillerie.
M. Chevrette: Je la lirai.
M. Maurice Bellemare (suite)
M. Bellemare: M. le Président, il existe deux autres
points qui retiennent mon attention et qui, je pense, méritent
d'être abordés à ce stade-ci compte tenu de leur
importance. Il s'agit d'abord des réformes absolument nécessaires
dans le domaine de la construction. Vous en avez dit un mot ce matin, mais nous
allons préciser ce point au cours de la discussion de vos
crédits. A la suite de l'enquête Cliche et particulièrement
à la suite d'autres événements qui sont survenus depuis,
il y a eu une convention collective signée entre les parties puis sur
laquelle on a refusé de s'entendre parce qu'il y avait des
particularités qui ne se trouvaient pas à remplir
véritablement les liens que
nécessitait la volonté, d'une partie. On a dit: On aura
une commission parlementaire pour étudier certains aspects de la
convention collective qui devront être repris, même après la
signature qui a eu lieu il y a quelque temps. Le deuxième point, c'est
la sécurité du travail et la santé au travail.
Quant à l'industrie de la construction, je n'ai pas
été trop surpris d'apprendre, un peu avant Noël, que le
ministre avait mandaté son brillant collègue et renommé
adjoint parlementaire pour procéder à une analyse de la situation
dans le secteur de la construction et pour lui faire rapport des
réformes à venir. Je sais que le député de
Joliette-Montcalm devait, selon les dires de certains journaux, produire un
rapport merveilleux vers la fin du mois de janvier.
Déjà, la presse a fait écho à ses intentions
et particulièrement aux intentions du ministre à refuser de
corroborer pour l'instant, si je ne me trompe pas, dans l'industrie de la
construction.
Pour ne pas me faire traiter de vieux, je vais prendre l'article de la
Presse du 20 janvier 1977 dans lequel étaient incluses les six
recommandations du député, adjoint parlementaire du ministre. "Le
gouvernement Lévesque a décidé de repenser à
nouveau le fonctionnement de l'industrie de la construction sous toutes ses
facettes. C'est l'adjoint parlementaire du ministre du Travail, M. Guy
Chevrette, coauteur du rapport Cliche, qui s'est vu confier le dossier et
celui-ci s'apprête à faire les suggestions suivantes: "Le
placement devrait dépendre le plus tôt possible de la juridiction
exclusive des centres de main-d'oeuvre du Québec et non de l'Office de
la construction et encore moins des bureaux de placement syndicaux". Retenez
bien cela, M. le ministre. Cela a été écrit dans un
journal responsable et dit par un député qui semblait
posséder beaucoup de logique et d'expérience. "Comme une
politique de placement dans la construction ne saurait être possible
avant l'établissement d'une politique de main-d'oeuvre à
l'échelle du Québec dans tous les secteurs, statu quo en
attendant, mais M. Chevrette aimerait que ladite politique de main-d'oeuvre
soit établie le plus tôt possible, "as soon as possible". Afin de
favoriser l'amélioration des centres de main-d'oeuvre du Québec,
qui font figure de parent pauvre à côté des centres
fédéraux, comme le dirait si bien l'honorable
député de Verdun...
M. Mackasey: Notre-Dame-de-Grâce.
M. Bellemare: Notre-Dame-de-Grâce, c'est vrai, ce n'est
plus Verdun. Pardon?
M. Mackasey: Je demeure encore là.
M. Bellemare: ... le gouvernement n'aurait qu'à couper
dans les subventions qu'il fait à l'Office de la construction du
Québec. "Par ailleurs, le fonctionnement de la table syndicale de
négociations devra être repensé de façon à ce
que, pour être consacrée seul agent négociateur, une
centrale syndicale devra avoir recueilli 75% des suffrages des ouvriers de la
cons- truction, et non seulement 50%, et même là, toute centrale
ayant obtenu au moins 5% des votes devrait avoir au moins le droit d'être
présente à la table des négociations pour faire valoir le
point de vue de tous ses membres." Voyez-vous la grande idée de votre
adjoint de détruire, là où il y a eu un vote
démocratique et tant de chicanes sur la place publique pour
établir qui serait le négociateur, là où on a
défait tous les secteurs des entrepreneurs pour n'en garder qu'une seule
et unique. Il dit: Non, il va falloir défaire cela, même 5%
suffiraient. "Parallèlement, la loi créant l'Association des
entrepreneurs en construction du Québec devra être passée
à la loupe, M. Chevrette n'étant pas convaincu, vu les nombreuses
remarques qu'on a reçues, que cela a été une bonne chose
de fondre tous les entrepreneurs dans le même moule." On l'a toujours dit
et c'est pour cela qu'on a fait ces associations différentes.
Pensez-vous qu'un électricien et un plombier se fondent dans le
même moule? Jamais en cent ans. Vous savez que, par la constitution et
surtout par les différentes opérations, c'est bien
différent. "La tutelle sur certains syndicats, dont M. Chevrette est
particulièrement mécontent, devra être aussi
sérieusement repensée de façon à redonner
véritablement le contrôle des syndicats à la base." Vous
n'avez jamais dit cela, M. le ministre. Je ne sais pas si vous endossez cela.
"Enfin, l'Office de la construction lui-même devra être
réexaminé et peut-être réaménagé." Il
n'y a rien de nouveau dans cela. C'est depuis que je suis là et
après moi qu'on a dit que l'article 290 était un essai loyal pour
essayer d'unifier les forces dans la construction. Il y a des parties qui ont
été excellentes, il y en a d'autres qui ont été
mauvaises, il y en a d'autres qui ont été reprises par d'autres
gouvernements, il y en a d'autres qui ont été
améliorées et il y en a d'autres qui sont à
défaire. C'est bien sûr. "M. Chevrette déclare que si
c'était à refaire, il aurait insisté pour qu'on
préconise plutôt une tutelle originant du milieu,
c'est-à-dire qui aurait été confiée au monde
syndical, soit la base de ces syndicats et peut-être des syndicalistes de
l'extérieur des syndicats concernés, mais des syndicalistes tout
de même plutôt que quelqu'un étranger du milieu." Il ne faut
pas avoir vécu longtemps au sein du syndicalisme pour savoir où
cela aurait mené. C'est qui et quoi pour assurer l'autorité de
ces gens et donner des directives? "M. Chevrette a déclaré aussi
qu'il avait été fort naïf de cautionner la recommandation
sur la présomption de culpabilité." Vous étiez donc
ministre. Vous étiez donc commissaire, et vous l'avez cautionnée.
Nous avons dit en Chambre le Parti libéral était contre
nous, le PQ était pour nous que nous étions contre cela.
On ne cautionnait pas cela, nous autres. Et vous, vous cautionniez cela et,
aujourd'hui, vous êtes parmi le gouvernement. On va vous poser des
questions tout à l'heure.
M. Chevrette: On vous répondra.
M. Bellemare: Oui certain, j'espère bien.
M. Chevrette: Avec fermeté.
M. Bellemare: II était donc préférable que
seuls les centres de main-d'oeuvre du Québec soient habilités
à faire du placement et il faut couper toutes les subventions à
l'Office de construction, pas vrai cela? Vous n'avez pas dit cela?
M. Chevrette: Voulez-vous que je vous répète les
paroles exactes?
M. Bellemare: "II est donc préférable que seuls les
centres de main-d'oeuvre du Québec soient habilités à
faire le placement et il faut couper les subventions à l'Office de la
construction pour favoriser l'amélioration des centres de main-d'oeuvre
provinciaux."
Cela, monsieur, a été écrit; si la Presse s'est
trompée, vous demanderez à la presse de se rétracter.
M. Chevrette: Vous regarderez la rectification que M. Vennat a
faite, M. le Président, le lendemain, sur deux points qui viennent
d'être cités. Je demanderais au député de Johnson de
lire également l'article du Devoir, le même jour, qui, lui,
était au courant du dossier et qui ne faisait que relater les
propositions à l'intérieur du rapport Cliche. M. le ministre
Couture est au courant de cela.
M. Couture: M. le Président, je me demande si le but de la
commission parlementaire est de faire de l'exégèse.
M. Bellemare: Non. Comme vous avez fait pendant une heure et
quart, ce matin. Je n'ai pas dit un mot.
M. Couture: Je demandais seulement au président...
Législation concernant les casseurs de
grève
M. Bellemare: Je pense que c'est mon droit de parler, et je
l'exerce à ma façon. C'est peut-être ennuyeux, tout comme
vous, ce matin, un peu. Je n'ai pas dit un mot, mais je pense que c'est mon
tour et je vais m'en servir. Maintenant, il y a dans la loi de la construction
ce que vous avez préconisé, aussi. En effet, le
député a eu l'occasion de faire connaître ses points de vue
sur le placement, sur le fonctionnement de la table syndicale des
négociations, sur l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec, sur l'Office de la construction, enfin sur les tutelles qui
existent à l'heure actuelle. Ces points de vue ont provoqué
plusieurs réactions dans le monde syndical et patronal. Ce fut, pour le
moins, un accueil mitigé et, chez certains, carrément
hostile.
Je n'ai pas besoin de vous dire, non plus, lorsque vous avez
annoncé votre loi "antiscabs" que si vous y aviez mis un peu de
précautions, vous ne seriez pas pris avec un outil dangereux entre les
mains maintenant. Quant à la loi "antiscabs", je suis contre les gens
qui travaillent pendant que les autres font du piquetage.
Je suis contre cela. Je suis aussi contre le fait que les ouvriers qui
sont en grève travaillent eux aussi. Si vous faites une loi "antiscabs",
vous allez en faire une pour tout le monde. Autant pour l'ouvrier qui est en
grève lui non plus n'aura pas le droit de travailler que
pour le gars qui est "scab" et qui vient travailler à la place d'un
autre. Je comprendrai la loi "antiscabs" à ce moment-là, mais si
vous visez un seul élément, celui de l'ouvrier qui travaille
comme "scab", vous allez avoir un tollé général dans la
province.
Je ne citerai pas tout votre article, au contraire. Par ailleurs, le
nouveau ministre s'est dit agacé par les dispositions de
présomption de culpabilité contenues dans certaines lois et dans
d'autres projets de loi se rapportant à des syndicats. Il a voulu
expliquer davantage sa pensée. La notion de présomption de
culpabilité, contraire à notre système de droit
britannique, est introduite par la commission Cliche, dont M. Chevrette
était un des membres les plus distingués. Ce bout n'est pas
marqué, c'est moi qui l'ai ajouté.
M. Chevrette: Les fleurs sont toujours ajoutées.
M. Bellemare: Voulez-vous que je vous lise ce qui est
marqué? L'un des commissaires, M. Guy Chevrette, vient d'être
nommé adjoint du ministre Couture. C'est le nouveau député
de Joliette.
M. le Président, aujourd'hui, si je ne me trompe, il s'agit de la
première occasion, pour le député de Joliette-Montcalm,
d'aborder toute cette question, y compris la nature et la portée de son
mandat, ici même, à l'Assemblée nationale. Il faudrait
être bien précis sur ces questions, parce que je n'ai pas
l'intention, avec le rapport Cliche, d'en sortir. Il y a eu des recommandations
qui ont été mises de l'avant immédiatement. Il y en a
d'autres qui sont restées juchées, il y en a d'autres qui
devraient être mises de l'avant, parce que cette enquête Cliche a
révélé bien des choses.
En ma qualité de parlementaire et aussi d'ancien ministre du
Travail, qui a bien connu l'industrie de la construction, et
particulièrement la loi 290, je vous l'ai dit tout à l'heure, je
ne suis pas prêt à absoudre tout ce qui s'est fait avec la loi
290, mais je suis prêt à en prendre une grande
responsabilité, parce que la loi 290 a permis, dans bien des cas, de
régler des conflits qui étaient inextricables.
J'aimerais mieux que le député profite de la perche que je
lui tends pour expliquer aux membres de cette commission ce qu'il entend faire
à long terme avec la loi 290. Si le ministre prétend qu'il peut,
dans un projet à long terme, améliorer la loi 290, savoir ce
qu'on peut en faire, garder certains éléments utiles, il nous le
dira.
Quelles sont ses orientations vis-à-vis du monde de la
construction aujourd'hui? Vous avez encore des problèmes énormes;
cela ne sera pas long qu'ils vont revenir. Vous avez aussi des positions
véritablement difficiles à prendre dans certains cas. Les gens
qui ont accepté de signer le décret l'ont fait parce que vous
avez promis qu'une commission parlementaire siégerait pour
entendre toute la série de revendications qui ne sont pas dans la
convention collective, qui n'ont pas été reçues. Sur cela
aussi, la commission parlementaire va siéger. Je voudrais savoir quand
elle va siéger et de quelle façon on va procéder. C'est
important pour le monde du travail et particulièrement pour ceux qui ont
à subir les conséquences de ces relations de travail, qui ne sont
pas dans la convention collective et qui causent des préjudices.
Oui, d'accord, vous avez promulgué le décret du
bâtiment. Par le fait même, vous avez mis hors cause les ascenseurs
parce que c'est devenu illégal. Vous avez, durant la nuit,
travaillé fermement pour essayer d'obtenir le règlement. Sous la
menace de l'épée de Damoclès, on s'est
décidé à suivre vos recommandations qui étaient les
mêmes, bien avant la signature du décret, et je pense que
c'était pour le mieux. Je reviendrai sur le décret parce que
j'aurai deux autres remarques à faire.
Ici, dans la sécurité au travail, dans la santé
publique, dans la santé du travailleur, l'honorable M. Marois a
reçu le mandat de préparer un projet de loi. "Le gouvernement
préparera, au cours de cette année, une législation
établissant les droits et les devoirs du patronat, des travailleurs et
du gouvernement dans le secteur de la santé et de la
sécurité au travail. C'est ce qu'a confirmé, hier,
l'honorable premier ministre, M. René Lévesque, au cours d'une
conférence de presse précisant qu'un mandat à cet
égard a été confié par le Conseil des ministres
à Pierre Marois, ministre d'Etat au développement social. Le
ministre, a déclaré M. Lévesque, aura pour son
comité jusqu'à la fin de l'année 1977 pour préparer
un projet de loi qui soit une loi véritablement organisée comme
un cadre complet pour identifier les droits, les devoirs et les
responsabilités de l'Etat, des entrepreneurs et des travailleurs dans le
domaine de la santé et de la sécurité. "Le chef du
gouvernement précise que le travail du ministre d'Etat au
développement social portera en outre sur la préparation des
structures utiles à appliquer des lois qui, très souvent,
existent sur papier mais ne sont jamais appliquées. A court terme,
cependant, le ministre d'Etat aura pour mandat, a d'autre part expliqué
le premier ministre, de rechercher dans les lois déjà existantes
les choses qui peuvent être corrigées rapidement, parce qu'il y a
beaucoup de coins où c'est nécessaire".
Je voudrais savoir si cela est en marche, si des instructions sont
données, si le comité a été formé, s'il
progresse et si nous pouvons escompter obtenir une législation d'ici la
fin de l'année 1977, tel que le dit le premier ministre, pour la
santé et la sécurité publiques. Je vais en passer parce
que le temps est court, et dans le secteur à long terme, dans le secteur
à court terme, il y a beaucoup de choses à dire. J'aimerais que
le ministre d'Etat au développement social nous explique, il n'est pas
ici, ce qu'il entend faire à court terme et à long terme, quelle
mesure provisoire suggérera-t-il?
Et la CAT qu'est-ce qu'on en fera? Pauvre CAT qui boite depuis bien des
années. J'ai fait mon possible pour essayer de la rendre meilleure, mais
Dieu sait que je n'ai pas pu, malgré toute la bonne volonté que
j'y ai mise, je n'ai pas pu, c'est un organisme géant qui dévore
ses enfants. Je vous dis, je vous répète que jamais je n'ai vu un
organisme aussi difficile à contrôler.
M. Forget: Elle a presque dévoré son
père.
M. Bellemare: Oui, son père. Là,
dernièrement, elle en a mangé un autre, parce qu'on a
dévoré M. Tessier. Mais on a nommé, à la tête
de cet organisme, un jeune premier, un homme brillant, un homme qui fut mon
sous-ministre, que j'étais allé chercher à
l'Université McGill et que j'avais amené comme sous-ministre
d'office, extrêmement bien préparé, un garçon qui
avait d'abord vécu de syndicalisme. Il avait fait son apprentissage
comme secrétaire de la CSN et il avait été
secrétaire général, et après cela, il est devenu
professeur à l'Université McGill comme professeur de droit
ouvrier.
Il possède une érudition au point de vue du droit ouvrier
qui est fantastique et son ami le disciple d'Emmaüs qui est toujours avec
lui, le juge Geoffroy, c'est encore une compétence au point de vue du
droit ouvrier.
Il n'est pas connu ou presque pas, mais sa puissance de travail et
d'imagination dans un monde en ébullition, mais nouveau, nous a
apporté des solutions merveilleuses. Il a fallu avoir le courage,
l'autorité au Conseil des ministres pour faire passer cela, parce que,
autrement, quelqu'un qui ne l'aurait pas eue n'aurait pas fait passer cela. Je
ne dis pas cela parce que vous n'avez pas d'autorité, je sais que vous
en avez beaucoup. Je sais que le premier ministre doit vous écouter,
parce que vous représentez un comté d'ouvriers, un comté
qui s'est toujours battu en faveur de la classe ouvrière. Vous avez un
avantage marqué d'avoir avec vous un grand bonhomme et je fais hommage
particulièrement à Robert Sauvé.
Ceux qui ont eu l'occasion de travailler avec lui, au ministère,
savent avec quelle bonne humeur, avec quelle simplicité, mais avec quel
dynamisme ce sous-ministre, cet homme, ce fonctionnaire engendrait les
idées nouvelles. Tous les matins, quand nous avions le caucus de 9
heures, il avait toujours une idée merveilleuse à nous sortir,
une orientation nouvelle à nous donner. C'est vrai que c'étaient
des choses difficiles à atteindre parce qu'on dirait que l'on ne vit pas
dans son monde. On dirait qu'il a des idées... Prenez, par exemple, la
cogestion, il y a longtemps qu'il m'a prêché cela. Prenez, par
exemple, la négociation sectorielle. J'ai ri de lui les premières
fois. J'ai dit: Es-tu fou, la négociation sectorielle, où
irons-nous avec cela, cela va briser tout le système? J'ai ri de lui.
Regardez aujourd'hui ce que vaut la négociation sectorielle. Allez dans
votre programme. Ce n'est pas si drôle que cela, c'est dans le programme.
C'est vrai que c'est bon.
C'est vrai aussi qu'il y aurait peut-être une solution de ce
côté-là, mais dans la commission même des accidents
du travail, il y a là un mal. On aura beau changer, la rapidité
avec laquelle on va
répondre, de huit jours à trois jours, les réponses
qui nous sont faites pour payer les allocations qui sont dues en vertu de la
Loi des accidents du travail, on aura beau être beaucoup plus large sur
l'interprétation d'une blessure, on aura beau comprendre plus
l'amiantose, la silicose ou les autres maladies industrielles, on aura beau
donner une attention particulière, on aura toujours des gens qui
penseront que l'accident du travail, c'est une assurance pour les payer
à ne rien faire. Il y en a beaucoup de ces gens qui viennent à la
Commission des accidents du travail avec cette idée. C'est fini, j'ai eu
un accident, etc.
J'en ai eu un, hier. Il a reçu une pitoune en pleine figure. Ce
n'est pas agréable. Comment vous appelez cela, une pitoune... en pleine
figure. Il s'est fait... Il est arrangé avec des fils pour tenir les
mâchoires, c'est fantastique. Ce gars est infirme pour le reste de ses
jours, mais il ne veut pas rester infirme. Il dit que la commission le traite
comme un gars qui veut abuser d'elle. Ce n'est pas cela, je ne veux pas
d'argent, je veux voir clair, je veux pouvoir manger, pouvoir travailler. C'est
cela que je veux. Je lui ai répondu que c'était là un
raisonnement complètement logique et très franc.
La commission ne veut pas comprendre. Les gens disent va-t'en, on va te
payer encore vingt semaines ou encore quatre mois. Ce n'est pas cela que je
veux, je ne veux pas d'argent, je veux me faire soigner et je veux me faire
guérir.
On ne l'a pas à la commission. A la commission, il y a des gens
qui, on dirait, n'ont pas le sens de ce qu'est l'être humain, de ce
qu'est le capital humain.
M. le ministre, je voudrais en terminant, parce que vous avez
hâte, c'est sûr, mais j'ai d'autres questions... Quelqu'un m'a dit
en Chambre cet après-midi: Tu dois nous réserver un
méchant plat parce que tu es trop aimable. Non, non, je vais rester
aussi aimable que cela, mais il y a des choses que je vais vous dire qui seront
désagréables. Quelquefois vous ne consultez pas assez. Ecoutez,
je vous le dis, ce ne sont pas vos gens qui me le disent. Non, la
loyauté de ces gens, je n'en doute jamais. Et je n'ai jamais
parlé à M. Laporte depuis... Je me prive de vous parler parce que
je ne veux pas qu'il soit dit quoi que ce soit. Aux deux autres sous-ministres
non plus ni au trésorier. Je l'ai vu pour la première fois ce
matin et cela faisait des années que je ne l'avais vu. Je ne les vois
pas. J'aimerais bien les voir au point de vue social mais ce ne sont pas eux.
Il y a des gens qui, dans votre ministère, me disent que vous êtes
difficile d'accès. Cela, il faut que je vous le dise car c'est important
pour un ministre d'être proche... Choquez-vous ou ne vous choquez
pas.
M. Couture: Remarquez, je dis oui, je suis d'accord.
M. Bellemare: Vous êtes bourru, vous êtes malcommode,
vous n'êtes pas raisonnable. Ce n'est pas parlementaire, ce n'est pas
correct. J'ai dit à la personne qui m'a dit cela: Vous êtes bien
aimable et je vais faire bien attention pour le lui dire délicatement,
pour qu'il ne se choque pas.
M. Couture: Le message est reçu.
M. Bellemare: Tâchez donc d'être aimable. Je suis
toujours souriant, et même si cela fait mal.
M. Couture: ... M. Bellemare.
M. Bellemare: J'espère. Si je suis une médaille,
vous m'embrasserez. Mais, écoutez, vous avez une trop grande tâche
pour vous impatienter. Fermer les portes, fermer les dossiers, les laisser sur
le bureau et ne revenir que le lundi, vous n'avez pas le droit de faire cela.
Vous voyez que je sais des choses. A partir de là, un ministre du
Travail doit payer de sa personne. C'est un apostolat de la présence
à tous les jours, c'est le plus maudit ministère que la terre
puisse porter. J'ai déjà dit cela à un premier ministre:
Quand vous haïssez bien un ministre parmi les vôtres, envoyez-le au
ministère du Travail. J'ai dit cela à Johnson: Qu'est-ce que je
t'ai fait pour me punir et m'en-voyer au ministère du Travail?
M. Couture: Je ne sais pas si c'est la même chose. On dit
tous la même chose ici.
M. Bellemare: C'est épouvantable! Lorsqu'on arrive dans ce
ministère, c'est fantastique. Cela nous arrive de partout. Les
employés veulent souvent avoir une directive, comptent sur nous, sur
notre expérience, sur une directive et, que voulez-vous, on est
découragé soi-même.
Je termine et vous remercie de la bonne oreille que vous avez
portée à mes requêtes, à mes réflexions. On
reviendra tout à l'heure sur le Conseil supérieur du travail. Je
lirai une couple de paragraphes pour vous féliciter parce qu'il y a une
source de renseignements dans cela qui sont utiles pour le ministre.
C'est la grâce que je vous souhaite de tout mon coeur. Amen.
Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il un autre
député qui veuille faire des commentaires généraux
avant que nous passions à l'étude avant que je cède
de nouveau la parole au ministre d'ailleurs programme par programme?
M. le député de Sherbrooke.
Aide aux chômeurs
M. Gosselin: Quelques considérations
générales à partir de l'exposé du ministre ce matin
sur les intentions générales qu'il a manifestées quant
à la conduite du ministère du Travail. J'ai relevé dans
ses observations plusieurs éléments très pertinents aux
problèmes que le Québec affronte aujourd'hui face aux situations
de travail, si on veut bien dépasser le cadre des seules
négociations collectives et des seules relations de travail.
J'ai aimé particulièrement cette perspective que le
ministre nous a présentée sur ce que devraient devenir les futurs
centres régionaux du ministère du Travail, sur les rôles de
référence quotidienne et d'appui aux travailleurs et aux
populations en chômage également quant aux diver-
ses lois du travail, quant aux facilités d'organisation de la
classe des travailleurs au Québec, quant à la promotion
véritable des intérêts des travailleurs, en
dépassant le contexte pur et simple des relations de travail. A mon
point de vue, il est très important de centrer l'élection de
notre gouvernement, le 15 novembre, sur la volonté manifeste de la
population de vraiment changer l'ordre des choses établi et les
préjugés devenus particulièrement odieux dans lesquels la
classe des travailleurs était entretenue.
Les avancés du ministre et le programme qu'il nous a
déjà annoncé au niveau législatif nous inspirent
une véritable foulée dans le sens progressiste de la
social-démocratie que nous voulons instaurer au Québec. Je crois
que ces dispositions sont de nature à rallier la majorité de la
population.
Je voudrais signaler, par la même occasion, les situations
relativement odieuses auxquelles le gouvernement du Canada nous accule de plus
en plus, en tant que gouvernement provincial, sur la question du travail et du
chômage et sur les questions générales rattachées
à cela. Je voulais vous signaler, à partir de données que
j'espère aussi fondées que possible, que, depuis les trois ou
quatre dernières années, le gouvernement fédéral,
par une politique subtile et contraignante du côté de son
administration courante de l'assurance-chômage et par les rôles
factices et improvisés qu'il s'est donnés dans le secteur de la
création d'emplois, alors qu'il a des marges de manoeuvre
budgétaire beaucoup plus considérables que celles que peut avoir
chaque gouvernement provincial pour agir fondamentalement en vue de la solution
du problème du chômage, au lieu d'assumer ses
responsabilités de fond dans le secteur de la création d'emplois
et dans le secteur de la solution au chômage, en est arrivé par
ses politiques de contrainte... On sait comment, au cours des dernières
années, seulement au niveau de l'assurance-chômage, on a
institutionnalisé, au niveau du gouvernement fédéral, une
sorte de chasse constante au chômage qui a eu comme résultat,
subtilement, de faire glisser un certain nombre de chômeurs
québécois sur les régimes d'aide sociale.
Juste pour illustrer quelques statistiques, en 1972, si mes souvenirs
sont exacts, la population de prestataires d'aide sociale au Québec qui
était chômeurs se situaient à environ 10% de tous les
prestataires de l'aide sociale. Je ne sais pas si M. Forget peut corriger mes
informations, mais si mes souvenirs sont exacts, c'était la proportion.
Or on lit, dans le bulletin des statistiques des affaires sociales, le
relevé de juin 1976, que pour l'année 1975/76, les prestations
d'assistance sociale s'adressaient à une clientèle qui
était composée de 38,7% de chômeurs. C'est donc que
progressivement, en quelques années, il y a eu une sorte de transfert,
finalement la responsabilité de l'aide et de la subsistance aux
chômeurs, vers le gouvernement provincial et des budgets provinciaux sans
qu'il y ait nécessairement, de la part du gouver- nement
fédéral, un transfert de fonds équivalent à la
prise en charge de cette responsabilité. Pendant ce temps...
M. Forget: M. le Président, au député.
Est-ce que je peux vous poser une question, très brièvement, s'il
vous plaît?
Le Président (M. Marcoux): S'il accepte. M. Gosselin:
Oui.
M. Forget: Lorsque vous faites cette classification, est-ce que
c'est une classification que vous empruntez telle quelle des bulletins
statistiques du ministère des Affaires sociales, ou est-ce que c'est une
interprétation que vous faites à partir des statistiques que vous
trouvez dans le bulletin?
M. Gosselin: Bon, c'est des coupures de presse que j'ai ici qui
singalent je peux vous les montrer d'après le
relevé de juin 1976, je vais vous les montrer tout à l'heure, si
vous permettez, d'après le relevé de juin 1976, la population,
j'ai un article ici du journal La Tribune: "Impact du chômage sur l'aide
sociale, la dernière livraison de statistiques des Affaires sociales
situe à 38,7% la proportion des chômeurs retirant des prestations
d'aide sociale en juin 1976." La Tribune, 9 avril 1977.
Dans la mesure où cette information journalistique est
fondée sur des relevés exacts, on aurait assisté, donc,
dans ces deux, trois dernières années, à une
évolution dramatique du côté des charges fiscales du
gouvernement québécois, en regard des problèmes de
chômage. Je veux juste continuer dans le même ordre et vous
signaler qu'il est en train de se produire, au niveau canadien, à ce
moment-ci, une tractation, un changement encore plus radical des politiques du
gouvernement fédéral qui vise à transférer, d'une
manière particulièrement odieuse, la responsabilité, ce
transfert étant déjà commencé, du chômage aux
provinces. On connaît tous le bill C-27. Le bill C-27 visait, au
départ, à empêcher, à toutes fins pratiques, 256 000
chômeurs d'avoir accès, selon les normes, à l'actuel
programme d'assurance-chômage. On l'a modifié dernièrement.
J'ai une coupure de presse du 26 avril qui signale que suite aux pressions de
toute l'opinion publique canadienne, les partis de l'Opposition, et même
de députés ministériels fédéraux, du
côté du gouvernement, suite à toutes ces pressions, on a
réussi à modifier cette loi.
Même avec les amendements que le gouvernement
fédéral a consentis, il y a 226 000 chômeurs canadiens qui
ne seront plus couverts par les régimes d'assurance-chômage. Si on
fait une proportion sommaire, quant au nombre de chômeurs
québécois qui seront affectés par cette mesure, on dirait
qu'on a une proportion de 60 000 à I00 000 chômeurs sur les 299
000 chômeurs québécois, selon les relevés de
Statistique Canada de mars 1977, qui seraient privés, en fonction du
pro-
jet de loi C-27, qui est en train d'être discuté à
Ottawa, en deuxième lecture, de prestations de chômage, ce qui
équivaudrait à une économie, de la part du gouvernement
fédéral, de près de $100 millions, et peut-être
davantage, ce qui équivaut à un transfert inqualifiable d'une
responsabilité fondamentale du gouvernement fédéral dans
le secteur de l'emploi et de la solution au problème du chômage
vers le gouvernement provincial. Je ne sache pas que les
péréquations fédérales-provinciales permettent au
Québec et aux provinces d'assumer ce nouveau champ de
responsabilités.
Seulement pour vous rappeler les consequences dramatiques de cette loi
que le fédéral est en train d'adopter, signalons que 66,3% de
tous les chômeurs canadiens se situent dans les provinces maritimes et au
Québec principalement. Le Québec contribue à 26,3% de
toutes les prestations, de toutes les contributions de chômage pour le
gouvernement canadien, et, finalement, la conséquence de la politique
fédérale nous impose d'avoir à assumer dorénavant,
sans avoir en contrepartie les fonds, les marges de manoeuvre dont le
gouvernement fédéral dispose, une partie importante du poids et
du fardeau du chômage au
Québec.
Je pense qu'on ne saurait dénoncer avec trop de virulence cette
stratégie foncièrement malhonnête en regard du champ
d'exercice des responsabilités que le fédéral s'est
affecté, dans le champ de la protection des chômeurs et de la
création d'emplois, ce transfert odieux vers les provinces et dont les
conséquences, pour le Québec, sont encore à mesurer.
Cela plaide davantage pour qu'au Québec nous sachions
développer pour notre population, malheureusement grandissante... et de
grâce, qu'on nous épargne d'accabler le gouvernement élu,
le 15 novembre dernier, de tous les maux et de toutes les
responsabilités à cet égard, quant au nombre de
chômeurs québécois.
C'est une situation qui a commencé à se
détériorer depuis plusieurs années, et qui, à la
suite de l'absence de viligance fondamentale du gouvernement
québécois de l'époque, a consacré un sabotage
continu de la part du gouvernement fédéral, en regard du
développement de l'emploi au Québec.
On peut aussi le décrire en partie par la fameuse manie
d'improvisation et le paternalisme avoué, dont les conséquences
ont été par trop fâcheuses, des divers programmes de
création d'emplois constamment changés, constamment
rapiécés par bouts consécutifs. Qu'on se rappelle les PJ,
les PIL, les Services communautaires étudiants et toutes ces formules
imaginables qui, dans le fond, au lieu d'engendrer, au sein de nos
communautés, de véritables perspectives de développement
à long terme et de vraies perspectives de création d'emplois pour
nos populations de chômeurs, ont contribué, au contraire, à
souvent démobiliser les forces vives du milieu, à souvent saboter
les efforts de développement que les milieux mêmes faisaient.
Je veux citer mon expérience personnelle à cet
égard. En 1973, dans le comté de Sherbrooke, nous avions
réuni 90% de toutes les organisations communautaires qui étaient
habituellement les parrains des projets d'initiatives locales. Le ministre
Andras, à l'époque, avait annoncé la formation de
comités consultatifs de comtés, la consultation des populations
quant au lancement de ces programmes de création d'emplois. Nous avions
donc réuni 90% de toutes les associations représentatives de la
population quant à ces programmes de création d'emplois. Nous
avions stipulé des critères par lesquels le gouvernement
fédéral devait verser ses fonds dans les divers comtés
fédéraux du Québec. Nous avions postulé que le
milieu qui était le nôtre, le milieu sherbrookois cela
aurait pu être le milieu montréalais, le milieu de la ville de
Québec ou de la ville de Hull devait se donner des
mécanismes permanents de contrôle et de supervision pour
éviter les gaspillages éhontés d'argent qu'on a connus
dans ces projets d'initiatives locales ou de Perspectives-Jeunesse, à
certains moments, ces fantaisies organisées. Finalement, on ne donnait
pas aux groupes en question, souvent, les forces d'encadrement dont ils
auraient eu besoin pour vraiment respecter, d'une part, les besoins de la
communauté, mais aussi pour réaliser une oeuvre de production
valable au sein de ces communautés.
Nous avons été accablés par une fin de non-recevoir
totale du gouvernement fédéral qui s'est toujours refusé
et qui, chez nous, précisément, s'était carrément
refusé à établir quelque mécanisme de coordination
que ce soit, quelque continuité que ce soit dans l'organisation de ces
programmes de création d'emplois d'une manière qui aurait pu
être plus fonctionnelle pour nos communautés. Pendant ce
temps-là, le gouvernement fédéral se targuait de
dépenser des millions.
Il me semble que c'est la responsabilité du ministère du
Travail québécois, compte tenu de cet héritage très
lourd que nous laisse actuellement le manque de vigilance des gouvernements qui
nous ont précédés sur cette question. Il est très
important qu'au ministère du Travail on établisse une
véritable problématique de la création d'emplois pour les
chômeurs québécois et que, du même coup, on fasse une
évaluation aussi serrée que possible, évaluation qui n'a
été faite nulle part, qui ne semble pas avoir été
faite au gouvernement fédéral ou si elle l'a
été, on ne l'a jamais rendue publique des programmes
fédéraux de création d'emplois.
Le fédéral se vante encore constamment, dans tous ses
feuillets de propagande, des sommes fabuleuses qu'il dépense à ce
chapitre au Québec. Je crois que des affirmations comme
celles-là, quant aux montants que le fédéral a
dépensés et quant aux effets réels qu'ils ont
engendrés pour résoudre le problème du chômage des
Québécois, devraient être évaluées
très sérieusement par notre gouvernement.
Au-delà de cette analyse, je crois qu'on devra, à
l'intérieur du présent exercice financier et pour les
années à venir, imaginer un cadre et des budgets
québécois de création d'emplois, imaginer un avancé
ferme de notre gouvernement dans le sens de la solution au chômage qui
n'est pas unique à notre collectivité, qui se retrouve dans
toutes les provinces canadiennes, dans les provinces de l'Est, ailleurs aux
Etats-Unis. Je crois qu'on a été
trop amené, par l'évolution des choses, à
considérer comme normale des situations de chômage qui tendent
à se stabiliser autour de 10%; 10% d'une main-d'oeuvre
inemployée, d'une contribution inutilisée pour les efforts de
productivité nationale que nous avons à déployer.
Comme député ministériel, M. le ministre, vous
pouvez être assuré de ma plus entière collaboration quant
aux perspectives, quant aux efforts que nous devons faire pour tenter, comme
Québécois, comme gouvernement responsable, de résoudre ce
problème et d'orienter de mieux en mieux nos politiques au
ministère du Travail vers le véritable secours aux populations de
travailleurs, mais aussi de chômeurs, en n'oubliant pas, si c'est
possible, d'obtenir du gouvernement fédéral la contrepartie des
dettes qu'il nous occasionne en ne prenant pas ses responsabilités dans
ce secteur. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: M. le Président, je ne suis pas ici pour
défendre la loi de l'assurance-chômage, même si je l'ai
déjà fait c'est ma faute parce que j'étais
le parrain de l'assurance-chômage quand j'étais ministre du
Travail. Je me rappelle les paroles de M. Tremblay, il y a un mois, qui disait
que $1,5 milliard de plus étaient versés à la province de
Québec que ce qu'on y avait payé en prestations depuis dix ans.
Je pense que ce sont les chiffres, mais la solution pour le
député est très simple. En respectant les droits de la
province de Québec, quand nous avons établi, M. le
Président, l'assurance-chômage, nous avons inclus dans le projet
de loi une ou deux clauses qui donnent à la province de Québec le
droit de prendre sous sa pleine responsabilité
l'assurance-chômage. Elle n'a tout simplement qu'à écrire
une lettre au gouvernement fédéral pour lui dire qu'elle veut
faire cela.
Alors, je propose au député, demain, de se lever en
Chambre et de demander à son gouvernement de prendre avantage de cette
clause et de prendre l'assurance-chômage qu'il nous promet; qu'il ramasse
les prestations et qu'il paye aux chômeurs le montant qu'il
prétend que le gouvernement vole au Québec.
Je pense qu'il serait très surpris, par exemple.
M. Chevrette: C'est une clause qui ajoute des crédits,
cela.
M. Mackasey: Durant ce temps, il y a eu les questions des
relations fédérales-provinciales et une qui a toujours
respecté les droits provinciaux. Il y a quelques articles, dans le
projet de loi, par exemple dans le domaine des maladies, dans les droits des
femmes, où le ministre du temps, M. Castonguay, a insisté pour
que la loi protège les droits de la province de Québec. Quand la
province de Québec veut reprendre ses pouvoirs, c'est très
facile, elle n'a qu'à insister.
M. Couture: Avec le transfert des millions, de l'argent.
M. Mackasey: Avec le transfert de votre, comment dirait-on...
M. Couture: Responsabilité et le pouvoir de taxation,
d'aller chercher, chez l'employeur et chez l'employé, l'argent.
M. Mackasey: En plus, M. le ministre, si vous voulez, la province
de Québec n'était pas obligée d'inclure dans le projet de
l'assurance-chômage, les employés civils. Je parle objectivement
et non pas comme défenseur de la loi et du gouvernement
fédéral. Je pense qu'avec le niveau de chômage à
10%, 11% ou 12% et peut-être 20% en Gaspésie ce temps-ci, ce n'est
peut-être pas le temps de sortir le plan d'assurance-chômage qui
vraiment serait un transfert d'argent d'Alberta et d'Ontario à des
provinces où il n'y a pas autant de manufacturiers qu'on devrait avoir
ici et qui, malheureusement, n'existent pas.
M. Couture: Me permettez-vous une question? M. Mackasey:
Oui.
M. Couture: Est-ce que vous seriez d'accord que si le
fédéral nous donnait ces pouvoirs de cotiser et de payer, en
même temps il pourrait en profiter pour nous transférer aussi de
l'argent pour le développement industriel, de l'argent pour la
création d'emplois? C'est pénalisant, actuellement, de payer 10%
de chômage, mais il faudrait considérer cela dans une politique
globale.
M. Mackasey: M. le ministre, ce n'est pas moi qui... Je le
vérifie avec... Je pense qu'il faut être positif aujourd'hui, pas
pour défendre le gouvernement fédéral, mais je
pourrais...
M. Bellemare: Cela va lui rappeler un souvenir. C'est eux qui ont
demandé l'amendement à la constitution.
M. Mackasey: Cela n'est pas difficile de le faire.
M. Bellemare: On prend une loi provinciale pour qu'on puisse la
donner au fédéral. C'est eux qui ont fait cela. Ils ont
amendé la constitution dans ce temps-là. On a vu cela en 1944
M. Mackasey: Je ne suis pas ici pour débattre la question
de la constitution. Je pense que c'est elle qui va décider.
M. Bellemare: II reste que c'est le fédéral qui est
venu chercher ce droit. Il a fait amender la constitution canadienne, et ce
n'est pas souvent que l'on amendait dans ce temps-là. Il l'a fait
amender et s'est arrogé un pouvoir qui ne lui appartenait pas. Il
appartenait aux provinces, le droit à l'assurance-chômage. Il l'a
sur le dos et maintenant il veut nous le remettre.
M. Mackasey: Après sa création en 1942, toutes les
provinces...
M. Bellemare: En 1940.
M. Mackasey: Toutes les provinces ont suggéré que
le gouvernement fédéral assume les responsabilités de
l'assurance-chômage.
On n'est pas ici pour discuter de l'assurance-chômage.
Code du travail
M. Bellemare: On ne vous blâme pas, on dit que c'est un
fait.
M. Mackasey: Non, au contraire, je dis que si cela ne fait pas
l'affaire de la province,... je pense que pour nous Québécois, ce
n'est pas justement la fin. Si je cite encore les chiffres de M. Tremblay, je
pense que ce n'est pas tout à fait le temps de soulever les questions
que le député de Sherbrooke vient de faire. Qui est responsable
pour ce niveau de chômage? C'est une autre question. Il y en a qui
prétendent que c'est le gouvernement fédéral, il y en a
qui disent que c'est le gouvernement provincial. Je ne suis pas ici non plus
pour discuter de cette question, pas plus que les problèmes de
l'Alberta. Je suis ici pour discuter des estimations du ministre du Travail qui
est un de mes voisins. Il demeure à Saint-Henri et il a une
réputation d'être très près du peuple de
Saint-Henri. Comme vous, je suis un ancien ministre. Il y en a de plus anciens
que d'autres. Peut-être suis-je le plus vieux, je ne sais pas?
M. Bellemare: Non.
M. Mackasey: J'ai été ministre du Travail pendant
quatre ans. Je veux dire tout simplement quelques remarques peut-être
pour vos fonctionnaires qui, sans doute, vont vous aider avec le Code du
travail. On parlait tout à l'heure d'une commission royale. On avait une
commission qui s'appelait, je pense, la commission Woods. Le
député a sans doute eu connaissance de cette commission. Elle a
coûté, je pense, entre $1 million et $2 millions. Elle
était dirigée par l'abbé Dion et par le professeur Woods.
On a réussi à ne prendre que trois de leurs recommandations, mais
quand même.
M. Couture: C'est fin.
M. Mackasey: Cette production a valu des livres de recherche qui
valent la peine et qui sont dans les bibliothèques. Mes
expériences, c'est que c'est très difficile d'accepter ou
d'appliquer les idées des autres pays. Le système qui existe, par
exemple, en Suède, en Hollande, ne s'applique pas ici; même si
c'est un pays de la même grandeur.
Nos relations industrielles sont vraiment en relation avec la culture
d'un pays. C'est pour cela que c'est si difficile, chaque pays étant
différent. Votre rôle est très difficile parce que les
relations industrielles sont vraiment des relations humaines. Il est aussi
difficile de régler les conflits entre employeurs et employés par
la loi que régler un conflit entre un homme et une femme par l'entremise
de la loi, ou même par les prières que vous connaissez. ' C'est
difficile. Quand même, on a besoin, au Québec, d'un Code du
travail. Le Code du travail du Canada je pense qu'on peut employer ces
mots pendant deux minutes sans vous insulter c'était ma
tâche et c'était le premier amendement dans l'espace de trente ans
qui en a fait le code qui existe à l'heure actuelle.
Si j'avais un conseil à donner à vos
députés, c'est qu'il faut avoir le moins possible de recours, du
travail. En anglais, on dirait: As far away as possible from the courts, as far
away as possible from the government Les relations sont meilleures quand
elles sont aussi directes que possible entre l'employeur et l'employé.
Un code doit être très simple avec le moins possible
d'intervention du gouvernement.
Je parle du secteur privé, naturellement, pas
nécessairement du secteur public où le gouvernement est en
même temps l'employeur, ce qui rend le travail très difficile. Je
ne suis pas tellement au courant de vos lois mais j'espère que le
ministre du Travail du Québec n'a rien à faire avec les
problèmes des employés civils, des enseignants, ou des
fonctionnaires. Sa tâche est impossible et inhumaine dans ce domaine. On
parlait tout à l'heure de ce qu'on appelle en anglais le "sectorial
bargaining". Sur cela, je suggère d'étudier peut-être
l'histoire du "sectorial bargaining" en Colombie-Britannique où on a
déjà des difficultés comme vous le savez.
L'idée est bonne, mais l'application générale, M.
le ministre, n'est pas bonne. Cela marche bien Robert Burns va vous le dire,
avec le MIA, avec les débardeurs; il y a des problèmes, mais au
moins il n'y a pas de grève. Mais cela marche également avec
Eaton, Simpsons et Morgan, par exemple, ou avec Molson, Dow et Labatt. Ne
demandez pas aux employeurs dans notre culture de révéler leur
bilan, comme ils le font, par exemple, au Danemark entre Tuborg et
Carlsburg.
Ce sont seulement des observations et des suggestions que je fais dans
un esprit positif, après vous avoir écouté ce matin comme
tous mes collègues ici. Il y en a d'autres, mais je peux attendre une
autre occasion, parce qu'il est déjà six heures. Peut-être
qu'on commencera ce soir les questions relativement à vos estimations.
Je vous souhaite, par exemple, bonne chance, parce que je sais que c'est le
rôle le plus difficile dans le cabinet. Si j'avais un conseil à
vous donner, et le dernier, c'est d'insister auprès de votre premier
ministre, M. Lévesque, pour qu'il n'y ait qu'un seul ministre du Travail
dans le gouvernement. Si vous avez un cabinet de 30 membres, une bonne
journée il y a 30 ministres du Travail. Tout le monde a sa solution. Il
faut dire, au début: Si je suis le ministre du Travail, je suis ministre
du Travail et dire aux 29 autres membres de cabinet: Mêlez-vous donc de
vos affaires!
M. Bellemare: Vous avez de l'expérience, vous.
M. Mackasey: C'est comme cela que cela marchait dans mon
temps.
M. Bellemare: Oui, certain.
M. Mackasey: Deuxièmement, ne vous mettez jamais dans la
position, avec les fonctionnaires ou avec les compagnies de la couronne, de
citer le montant qu'on va payer. Parce que là, on va venir avec le
supplémentaire et on va dire: II me manque $6 millions dans le budget;
c'est la faute du ministre du Travail qui a imposé une convention
collective trop chère. Ne tombez pas dans ce trou. Je vous fais
remarquer qu'il est six heures. On reviendra à quelle heure? A huit
heures?
Le Président (M. Marcoux): A 20 heures. La commission
suspend ses travaux jusqu'à 20 heures. Est-ce que vous voulez que je
vous reconnaisse à nouveau à 20 heures?
M. Mackasey: Oui, pour quelques minutes, s'il vous
plaît!
Le Président (M. Marcoux): Je vous reconnaîtrai
à nouveau à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
Reprise de la séance à 20 h 7
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs!
La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est
réunie pour poursuivre ses travaux sur l'étude des crédits
budgétaires du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
Une Voix: Je vous ferai remarquer que celui qui voulait parler
n'y est pas, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Oui. Alors, je vais donner la
parole à quelqu'un d'autre, en attendant. Le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président.
M. Bellemare: Avons-nous vérifié le quorum?
Le Président (M. Marcoux): Nous avons quorum.
M. Forget: M. le Président, je voudrais peut-être
soulever un petit point de règlement. Je ne sais pas si c'est un point
de règlement. Ce n'est pas une rectification. J'observe que nous avons
siégé ce matin et cet après-midi. Je crois que c'est le
député de Johnson qui avait soulevé au début ou
suggéré qu'on puisse faire certains exposés de
caractère général. Cela a été fait. Cela a
même été fait abondamment. Je ne veux priver personne de
son droit de parole. Il n'y a rien de personnel dans tout cela, mais il reste
que les séances de la commission, qui sont convoquées pour
l'étude des crédits, malgré tout, doivent servir à
étudier les crédits et à permettre un échange de
questions et de réponses entre l'Opposition et le gouvernement, et le
ministre. De la façon dont nous allons, si chacun des membres parle
pendant 20 ou 40 minutes cela a été jusqu'à 1 h 30
nous allons rapidement épuiser tout le temps de la commission.
Sans qu'il y ait de règle précise dans notre règlement
là-dessus, je pense qu'il y a un certain esprit qui anime nos
règlements ou qui les inspire. Je ne citerai pas la phrase
célèbre du député de Johnson, sur l'esprit et la
lettre, que tout le monde a à l'esprit.
Le Président (M. Marcoux): J'espère que vous ne
déchirerez pas de feuille.
M. Forget: Non, j'aurais peine à déchirer une page
des règlements, parce que je n'ai pas mes règlements avec moi. Je
n'oserais pas déchirer la copie d'un des collègues.
Pour être sérieux, je m'inquiète un peu qu'on passe
plus de quatre heures à des dissertations. Sans vouloir être
méchant, je vous avoue, pour celui qui suit l'actualité, qui lit
les journaux, etc., je n'ai vraiment rien appris encore que je ne savais
déjà. Je me désole un peu de cette situation. Je me
demande s'il n'y aurait pas une directive de votre part qui, suppléant
au silence du règlement, nous permette de contenir tout cela à
l'intérieur de limites plus acceptables.
Le Président (M. Marcoux): Comme orientation
générale, aux quelques commissions de crédits que j'ai eu
l'occasion de présider, j'ai pu constater que lorsque j'ai laissé
le maximum de liberté à l'expression, dès le point de
départ, cela facilite beaucoup l'étude, ensuite, de chacun des
programmes ou de chaque élément de chacun des programmes.
Evidemment, les représentants du Parti libéral et de
l'Union Nationale ont parlé moins longuement, mais quand même
assez longtemps, suite à l'exposé assez long du ministre, ce qui
est bien normal.
M. Forget: M. le Président, le ministre a pris un heure et
demie.
Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse, En termes de
temps, cela fait trois heures et demie, environ, que nous siégeons
pas plus que cela, oui et le temps a été
réparti. On peut faire faire le décompte pour les fins de cette
mathématique. Je suis d'accord avec le point que vous soulevez. C'est
vraiment cela, il faut arriver à étudier le plus rapidement
possible les crédits comme tels. D'après les demandes,
c'était la dernière demande que j'avais de la part d'un
député qui voulait s'exprimer. Parmi les députés
ministériels, un seul s'est exprimé en vingt minutes. Ce n'est
pas un abus jusqu'à maintenant. Je suis d'accord avec votre souhait,
soit, qu'on arrive le plus rapidement possible à chaque programme.
M. Bellemare: M. le Président, si vous me permettez...
Le Président (M. Marcoux): Oui.
M. Bellemare: ...comme le disait Mme Payette, avec beaucoup de
raison, on a l'impression qu'elle veut "planter" quelqu'un. Ce n'est pas cela
du tout. Mme payette disait: On a l'impression, en Chambre, que l'Opposition
veut planter quelqu'un, un ministre, par une question inattendue. C'est
sûr et certain que si elle agit dans ce sens, elle doit être
souvent sur ses gardes et elle ne doit pas être heureuse. Ce n'est pas
cela du tout. Elle nous connaît mal. On n'est pas de ces
gens-là.
M. Couture: Tous des gens aimables.
M. Bellemare: On est des gens aimables. Si on avait l'occasion,
je ne dis pas qu'on la manque-
rait, mais on ne l'a pas. On fait bien attention pour ne pas la trouver
non plus. On est prêt à vous poser des questions, mais pas pour
vous planter.
M. Couture: On en prend note.
M. Bellemare: Pour vous accrocher, peut-être, vous
accrocher un peu plus.
Le Président (M. Marcoux): Disons...
M. Pagé: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): Oui.
M. Pagé: ...pour revenir à la question qui a
été soulevée par mon honorable collègue de
l'Opposition officielle, moi aussi, j'aurais peut-être aimé faire
une déclaration d'ouverture, comme cela a été fait par le
député de Saint-Laurent, comme cela a été fait par
le député de Johnson. Mais, pour respecter cette coutume qui
existe au chapitre des crédits vous n'étiez
malheureusement pas là avant, M. le Président il est
généralement de mise que le ministre fasse un exposé, que
le représentant de l'Opposition officielle en fasse un, que le
représentant des autres partis, comme le député de
Johnson, en fasse un aussi et, par la suite, on procède à
l'étude des crédits.
Je comprends que certains députés de la majorité
ministérielle ne peuvent peut-être pas avoir l'occasion
d'échanger ou de soulever des questions trop souvent.
Je crois qu'il serait opportun dans leur cas de soulever les
différentes questions qu'ils ont à poser au ministre lors de
l'étude spécifique de chacun des articles du budget qui sont
présentés pour étude par le ministre ce soir.
Le Président (M. Marcoux): Disons que
l'interprétation que je fais de l'esprit de la première
période qui préside à l'étude des crédits
c'est que, bien sûr, comme vous l'avez souligné après
l'exposé du ministre et les deux exposés plus denses et plus
longs du parti de l'Opposition officielle et des partis reconnus, il est
loisible de reconnaître les autres députés qui veulent
intervenir rapidement sur des questions générales qui les
préoccupent, pourvu que cela ne prenne pas tout le temps de la
commission. Les deux seuls députés qui avaient commencé
à le faire l'ont fait dans cet esprit. Je ne crois pas que cela aille
contre l'esprit des règlements jusqu'à maintenant et on arrivera
rapidement à l'étude des crédits si on n'éternise
pas cette discussion.
M. Couture: Je voudrais simplement ajouter, M. le
Président, que d'autant plus, c'est à votre invitation même
et à celle de tous les membres de la commission que les gens ont voulu
s'exprimer. Vous avez dit: Est-ce qu'il y en a qui ont des commentaires
à faire sur l'exposé du ministre?
Le Président (M. Marcoux): D'accord.
M. Forget: Sans vouloir prolonger, M. le Président, cet
exposé, je dois dire que j'assiste, depuis plusieurs années,
comme observateur ou comme participant, à différents titres
à l'étude des crédits et que je n'ai jamais, quant
à moi du moins, observé la pratique que j'ai observée
aujourd'hui.
Quant à moi c'est un précédent. Evidemment, je ne
peux pas prétendre avoir assisté à d'autres commissions
parlementaires, à toutes les commissions parlementaires à toutes
les années, mais j'ai par exemple pris connaissance de ce qui se passait
dans les années précédentes et je sais que le
député de Maisonneuve, qui remplissait le rôle que je
remplis aujourd'hui dans le fond, si on se réfère au journal des
Débats de l'an dernier, n'a fait aucune intervention liminaire et que le
ministre s'est borné à quelque chose qui dans le journal des
Débats prend environ deux pages et quart, je pense, ce qui est bien en
deçà de la durée qu'on a vue aujourd'hui.
Je pense qu'il y a un défaut de nos règlements
peut-être là-dessus. Mon collègue de
Notre-Dame-de-Grâce me signalait aujourd'hui et c'est un exemple
qui est pertinent parce que c'est une autre procédure parlementaire
que le règlement à la Chambre des communes, lors de
l'étude des crédits, prévoit une limite de quinze minutes
pour ces genres d'introduction générale. Je pense que cela c'est
tout à fait dans l'esprit. Encore une fois je ne veux pas prolonger le
débat, mais je pense que cela mérite d'être
souligné. Cela me paraît être un débat de
caractère général comme on pourrait en avoir le
mercredi.
Ce n'est pas du tout approprié dans le cadre d'une discussion des
crédits. Si on est pour entendre le dernier, je veux bien ne pas
prolonger davantage, tout en soulignant que je pense que, déjà,
on a dérogé à l'esprit qui préside au
fonctionnement et au déroulement normal de l'étude des
crédits.
Le Président (M. Marcoux): M. le député,
dans l'esprit que vous avez défini et avec lequel le président
est d'accord, le député de Laviolette.
M. Chevrette: Vous lui donnez la parole? Vous ne me la donnez
pas? Je ne suis pas d'accord avec cela.
Le Président (M. Marcoux): A moins que ce ne soit une
question de règlement. Disons que je considère que la discussion
a assez duré sur les préambules; le cadre général
est fixé.
M. Chevrette: Quelle est la procédure pour qu'un individu
puisse s'exprimer quand il n'est pas d'accord? Pourriez-vous me renseigner,
s'il vous plaît?
M. Pagé: Une motion de blâme contre le
président?
M. Chevrette: Non, je lui ai posé la question à
lui.
Le Président (M. Marcoux): On peut faire une remarque ou
une question de règlement, s'il y a lieu. J'ai décidé de
reconnaître le député de Laviolette. Si vous sentez que vos
droits sont lésés par cette reconnaissance, bien...
M. Chevrette: Si, suite au débat qui vient d'avoir lieu,
vous êtes pour faire des directives
personnelles, si vous êtes pour en faire une règle
générale à laquelle vous allez vous conformer, je
m'Inscrirais en faux et je dirais pourquoi. C'est la différence. Si vous
acceptez les remarques du député de Saint-Laurent, si vous les
prenez comme du "cash" et que vous en faites une règle personnelle pour
conduire la commission, je veux dire pourquoi je suis contre. C'est la seule
occasion que les députés ministériels...
M. Pagé: Vous n'avez pas à vous prononcer pour ou
contre; c'est le président qui décide.
M. Chevrette: Je m'excuse, je parle à M. le
Président. Si vous voulez m'arrêter, vous lui demanderez. Je dis
que c'est la seule occasion qu'ont les députés
ministériels de dire ce qu'ils pensent aussi, parce qu'en Chambre ils
n'ont pas l'occasion de le faire.
M. Pagé: Question de règlement.
Le Président (M. Marcoux): Oui. Le député de
Portneuf.
M. Pagé: Vous avez statué, vous avez rendu une
décision à la lueur des représentations qui vous ont
été faites. A la lueur de l'expérience, de la connaissance
du règlement que vous avez, de l'interprétation que vous en
donnez et de la coutume qui existe dans la commission parlementaire pour
l'étude des crédits, vous avez donné le droit de parole au
député de Laviolette et je demanderais que le
député de Joliette respecte la décision que vous avez
prise.
M. Bellemare: M. le Président, le député de
Joliette va comprendre que les règles de pratique, de procédure
parlementaire sont mutatis mutandis, en Chambre comme en comité. Il est
souverainement défendu de critiquer la décision d'un
président de commission.
M. Chevrette: J'ai demandé une information. Vous ne lui
avez pas encore donné l'occasion de me répondre.
M. Bellemare: II ne faut pas l'envelopper dans une
prétendue demande de directive. C'est déjà très
difficile pour un homme de votre parti ou de notre parti de présider une
commission parlementaire.
J'ai assisté maintes fois à des discussions entre vifs et
je pense que l'honorable député devrait comprendre qu'il va avoir
moult occasions de revenir sur tous les sujets qu'on va débattre. Vous
avez des entrées partout. Dans deux minutes, on va entrer dans une de
vos recommandations, dans le rapport de la commission Cliche. Vous allez avoir
dix fois l'occasion de me répondre. Oui, c'est vous qui avez fait les
recommandations de 1 à 10. C'est justement sur cela que commence le
premier article. Et on va y revenir. Vous allez pouvoir facilement revenir sur
tout ce que vous voudrez. Main- tenant, qu'il ait statué que quatre
heures, c'est assez, je pense bien que c'est normal.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Johnson m'en fait dire plus long que j'en ai dit. Le député de
Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, je ne voulais pas être
long. J'aurais pu, dans le temps de la discussion, avoir déjà
fait mon exposé. Je voulais simplement attirer l'attention du ministre
sur une chose qui, dans le passé, a été cause de conflits
majeurs entre ce qu'on appelle le gouvernement patron ainsi que le gouvernement
législateur.
Je sais très bien que cela a une référence avec la
question du ministère de la Fonction publique mais que c'est
régi, cependant, par l'ensemble de la législation du Code du
travail. Avec ce que l'on a vécu dans les années 1972 et 1976,
à titre de ce que l'on a appelé les difficultés du front
commun de l'époque avec le gouvernement patron, je voulais attirer
l'attention et demander au ministre à cette occasion quelles
étaient, dans le climat serein dont faisait mention le
député de Johnson ce matin, les étapes qui vont être
franchies dans l'avenir pour permettre d'éviter ces conflits
d'affrontement entre le gouvernement et les syndicats.
Je sais très bien aussi que, sans être une place où
il y aura définitivement des décisions de prises, le sommet
économique sera cependant un moyen d'amener ces changements majeurs que
l'on désire à l'intérieur de ces relations. Je voulais
aussi attirer l'attention sur ce dont on a parlé à titre de
négociations sectorielles, mais aussi sur un autre article qu'il serait
peut-être bon d'examiner et qu'on a appelé la négociation
permanente. De quelle façon le ministre entrevoit-il ces choses au
niveau de la négociation permanente? Est-ce dans ses vues, dans les vues
de son ministère et de quelle façon entrevoit-on les futures
négociations qui commenceront dans les années 1980, probablement
avant puisque les conventions se terminent à ce moment-là dans
l'ensemble de la fonction publique? Quels seraient les joints qui devraient
être faits entre le ministère du Travail et le ministère de
la Fonction publique, responsable de ces négociations, que ce soit au
niveau de l'enseignement ou au niveau des affaires sociales?
Il y a aussi tout l'ensemble des questions...
M. Bellemare: M. le Président, il y a un détail qui
vous a peut-être échappé à la commission
parlementaire des engagements financiers de l'autre jour. Il y a maintenant un
comité formé au Conseil du trésor qui pourvoit aux
négociations du secteur parapublic et qui est déjà en
place.
M. Jolivet: Je suis d'accord. Ce à quoi je faisais
allusion, c'est à l'ensemble des législations, parce qu'on a
souvent, à l'intérieur de ces négociations, changé
le Code du travail par des amendements qui ont été
apportés, soit par exemple, à la loi 95, qui amendaient de telle
façon, qu'on régissait l'ensemble des négociations dans
les secteurs de l'enseignement en particulier, à ce niveau, entre les
enseignants de la PAPT, de la PACT et de la CEQ. Cela fait partie du Code du
travail et
non seulement de tout l'ensemble de la façon dont se
dérouleront les négociations, mais c'est surtout cette partie du
Code du travail dont je parlais.
Il y a aussi tout l'ensemble c'est souvent la question qui est
posée de la formule Rand et de la loi "antiscab" dont on a fait
mention souvent. A l'intérieur de ces décisions, quelle forme
d'échéancier est prévue? A quel moment donné ces
lois pourraient-elles être amenées? Quelles sont les
pensées du ministre sur cela? Même si elles ont été
exprimées souvent, je pense que cela vaut la peine de se les
rappeler.
Ce sont à peu près les idées que je voulais
émettre et pour lesquelles j'avais demandé la parole.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Notre-Dame-de-Grâce, vous allez...
M. Mackasey: J'ai ici le nom de la bière Tu-borg et
Labatt.
Une Voix: Rayez!
M. Couture: Ce sont les crédits de quel
ministère?
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, vous avez quelques commentaires
supplémentaires à ajouter.
M. Mackasey: Je ne peux pas comprendre comment vous voulez qu'un
ministre du Travail, même avec le talent de mon ami de Saint-Henri, un
pays divisé par un aqueduc, je pense...
M. Couture: Un viaduc. Il y a un canal là. Ce n'est pas le
canal 10.
M. Mackasey: Vous saurez que nous avons un syndicat des ministres
du Travail, n'est-ce pas?
M. Bellemare: Oui, c'est vrai!
M. Couture: C'est un syndicat de boutique.
M. Mackasey: Parce que, quand la religion part ou qu'on n'a plus
de religion il n'y a plus de Saint-Patrice. Il va nommer tous les saints
d'après le ministre du Travail. Il y aurait, par exemple, Saint
Bellemare, etc. Mackasey, je ne pense pas.
Je me rappelle, avant Noël, combien on a gaspillé le mois de
novembre pour insulter le maire Drapeau. On a parlé de
préparation du Code du travail et vous avez parlé de la
consultation. Naturellement, vous avez, je pense, suggéré un Code
du travail pour dans six mois. C'est un ouvrage de deux ans. Vous aurez le
patronat contre vous, la Chambre de commerce, la CSN, Michel Chartrand et Louis
Laberge. Tout ce monde présentera un mémoire, et si vous
êtes encore en vie, si vous avez un Code du travail d'ici à deux
ans, je pense que ce sera un progrès.
Vous avez parlé de consultation. Est-ce qu'il y a quelque chose
en marche déjà? Cette promesse, je pense qu'elle a
été faite au mois de décembre.
Est-ce que M. le ministre a quelque chose en vue, ou pas encore,
peut-être?
M. Couture: J'attends que vous ayez terminé.
M. Mackasey: Une suggestion. C'est simple, commencez donc les
discussions avec les groupes concernés, mais à vous ce sont
simplement des questions que je pose. Il y aura une conférence
bientôt entre les employeurs, les employés, le gouvernement, dans
quelques semaines. Saviez-vous que le ministre du Travail est invité
vous le devriez sans doute et qu'il n'y aura pas de Code du
travail de présenté à ce temps? Sans doute, vous direz
quelque chose. Par exemple, est-ce que vous êtes en mesure de nous dire
quelles sont les grandes lignes? Est-ce que vous avez des intentions, dans
votre programme, dans le domaine du salaire minimum, d'indexer cela tous les
six mois au coût de la vie ou à la productivité?
Avez-vous quelque chose à répondre dans ce domaine? Je
vous félicite, cela demande du courage, d'avoir un salaire minimum de $3
qui, comme vous le savez, est le meilleur en Amérique du Nord. Cela
épargne de l'argent dans le domaine social. Cela revient au même,
je pense. Je suis de votre côté, dans ce sens, mais contre vous,
si vous voulez l'indexer, par exemple. En tout cas, j'aimerais avoir une
réponse. Est-ce que ce sera indexé à la
productivité ou si, selon votre programme original, cela sera
indexé au coût de la vie?
Une chose qui m'inquiète, c'est le succès dans les
négociations, quand il y a une impasse je ne sais pas si c'est un
bon mot entre les employés et les employeurs. Il peut, selon les
lois, y avoir une situation où l'employé ne gagne pas par une
grève, ni l'employeur. C'est toujours facile, comme vous le savez,
d'empêcher une grève, de régler une grève. Quand
vous parlez de la loi "antiscabs", voulez-vous nous dire si ce sera
équilibré ou si c'est votre intention, à cette
conférence au sommet entre le gouvernement, les employeurs et les
employés de discuter de cette loi? Par exemple, un employé pourra
travailler durant la grève et l'employeur n'y aura pas droit parce que
c'est défendu. S'il est petit, s'il ne peut pas transférer sa
productivité, par exemple, dans une autre province, un autre pays, quel
sera l'autre côté de la médaille, comme on dit, pour
contrebalancer l'antiscabs? Voulez-vous me répondre à ces deux
questions, en attendant?
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre. M. Mackasey:
La première question.
Le Président (M. Marcoux): Je souhaiterais que vous
fassiez le point sur l'ensemble des questions qui ont été
posées, pour qu'on puisse passer, ensuite, programme par programme.
M. Couture: J'allais justement demander une directive de votre
part, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Elle est rendue.
M. Couture: Je vous remercie.
M. Mackasey: Si le ministre peut répondre à ces
questions, nous allons entreprendre l'étude programme par programme.
M. Couture: II y a une série d'interrogations.
M. Mackasey: Ce n'est pas mon intention de faire un
"filibuster".
M. Couture: Si les membres de la commission sont d'accord...
M. Bellemare: Je pense que la tradition voudrait, M. le
Président... Les questions de l'ancien ministre du Travail sont bien
opportunes, mais il y a eu, avant, d'autres questions nombreuses qui ont
été posées par les intervenants, par le chef de la
délégation de l'Opposition officielle, par d'autres, par
moi-même, qui sont des réponses générales au
discours du ministre. Le ministre a pris des notes. Après cela, je pense
qu'on retrouve ces questions facilement aux relations de travail, à
l'élément 1. On les retrouve là.
M. Mackasey: Excusez-moi. Vous avez raison. Mes remarques
générales sont terminées. On commencera
élément par élément.
M. Couture: Si vous permettez, je pourrais faire un commentaire
général sur les remarques qui m'ont été faites,
avant d'enchaîner.
Le Président (M. Marcoux): C'est la procédure
normale.
Réplique du ministre
M. Couture: Merci, M. le Président. Je dois d'abord
remercier les membres de cette commission qui se sont exprimés de
l'avoir fait avec beaucoup de soin. J'apprécie aussi le ton de la
commission et l'esprit de collaboration évident qui s'est
dégagé. Je signale, en général, que dans bien des
préoccupations que j'ai entendues des membres de l'Opposition, je crois
en effet que ce sont des préoccupations que je partage; il me sera
peut-être donné, à l'occasion du débat, de
préciser les réponses.
Je relève simplement, dans ce que disait le député
de Saint-Laurent, qu'il a retenu des points essentiels de l'exposé que
j'ai fait. Cela me paraît central dans l'histoire des relations de
travail au Québec. Le moment est peut-être venu et cela
rejoint aussi plusieurs des préoccupations du député de
Johnson de trouver une structure qui permettrait de dépolitiser
les relations de travail. Je retiens ce que le député de
Saint-Laurent soulignait là-dessus; je crois, en effet, qu'au
ministère c'est ma préoccupation on devra chercher
les voies possibles pour que ce climat des relations de travail soit assaini en
favorisant d'une façon beaucoup plus certaine les mécanismes
ordinaires de négociation sans avoir toujours en suspens l'intervention
de l'Etat.
Le député de Saint-Laurent semblait trouver une certaine
contradiction dans les propos où, d'une part, comme ministre, face
à la complexité du ministère, je signalais qu'en effet il
était important, somme toute, de permettre à des régies ou
à des institutions d'être plus indépendantes du pouvoir
politique dans l'administration courante sans, évidemment, nier le fait
que le ministre est toujours responsable politiquement. Le député
de Saint-Laurent disait, par ailleurs, que certaines régies
énoncent des politiques; il veut les coordonner, il veut avoir prise sur
ces politiques. Je veux, à ce sujet-là, simplement dire que, pour
moi, ce n'est pas contradictoire.
Comme c'est le rôle éminent du ministre d'être
législateur et donc non seulement d'être un peu le gardien des
lois du ministère, mais de travailler à les bonifier, à
les modifier et aussi d'être l'administrateur de son ministère, il
doit avoir cette préoccupation que les politiques votées et
à être appliquées soient cohérentes et se retrouvent
dans tous les organismes dont il est responsable.
On a signalé le fait du mandat donné au ministre du
développement social sur la santé et la sécurité
des travailleurs et on regrettait son absence ici, parce que, il y a plusieurs
questions qui se posent. M. Marois n'est pas membre de la commission comme tel.
Justement, j'allais ajouter que, j'espère pouvoir la demande a
été faite ce matin retenir une couple d'heures de sa part
afin qu'il soit présent à la commission.
Il ne reste pas moins que j'essaierai de répondre le mieux
possible à ce genre de question, même si le mandat direct est
donné au ministre Marois. M. Bellemare, le député de
Johnson, dans son exposé vigoureux, coloré et même
chaleureux, à tel point qu'à un moment donné on se
demandait s'il traverserait de l'autre côté...
M. Bellemare: N'ayez pas de mauvaises pensées.
M. Couture: ... nous a rappelé un certain nombre de
problèmes, et la remarque générale que j'en ferais, c'est
que ce sont des problèmes qu'on traîne depuis plusieurs
années, dans la construction, dans le placement, dans la politique de
main-d'oeuvre, dans la démocratie syndicale, sans parler des intentions
formulées par l'actuel gouvernement sur ce type de problèmes.
Avant d'aller dans le détail de ces questions, on y reviendra sans doute
tout à l'heure, cela me donne à penser que c'est une chose que je
constate à ce ministère, peut-être qu'on trouve cela dans
d'autres ministères, à savoir que c'est absolument incroyable
comme on a une immense faculté "d'assomption" longue des
problèmes. C'est-à-dire qu'on lit le journal des Débats
des années passées et c'est remarquable de voir que, dès
1971, à un moment donné, un ministre promet que c'est certain que
dans un an il va se passer telle chose à l'occasion d'un problème
signalé. Plusieurs problèmes qu'on relève aujourd'hui sont
des problèmes effectivement qui sont vécus au Québec,
depuis plusieurs années. Est-ce que nous, nous serons en mesure d'y
répondre? Comme tout nou-
veau gouvernement, on arrive dans ces dossiers et on a cette ferveur de
vouloir rapidement répondre à ces besoins, mais je serais
porté quand même à être assez modeste, face d'abord a
l'administration qui est une machine qui est efficace mais lourde, pas dans le
sens péjoratif du mot, mais dans le sens que c'est une administration
complexe.
C'est la raison pour laquelle je suis porté, dans le genre de
remarques que vous avez faites, à vous dire que je préfère
m'attaquer à la pièce, présentement, à des choses
plus spécifiques, et quand ce sont des grands problèmes comme la
réforme du Code du travail, la réforme des structures du
ministère, je n'ose pas et je ne veux pas vous donner des dates et un
ordre de grandeur pour les délais. Je veux simplement signaler la
complexité de la question, l'importance de s'y attaquer rapidement, mais
quand même l'histoire des années passées nous enseigne
qu'il faut être prudent pour dire d'avance à quel moment cela peut
arriver.
Je fais la distinction, ce que je ferai durant la commission, entre des
réponses à court terme... D'ailleurs, si nous votons des
crédits, c'est parce qu'on a une série de services à
donner et qu'on a des réponses précises et concrètes sur
un certain type de problèmes. Par ailleurs, il y a un ordre de grandeur
des problèmes dont je me réserve le droit au moins de signaler
l'importance et la complexité pour ne pas d'avance et
précisément m'engager sur des dates et des délais.
Je veux aussi dire un mot sur les considérations fort
intéressantes du député de Sherbrooke sur
l'assurance-chômage, et enfin sur la pénalisation du Québec
face à la nouvelle loi, qui est un peu corrigée d'ailleurs. Je
dois dire que nous ne sommes pas tellement équipés pour y faire
face. Tout ce que nous savons, c'est que le budget de l'aide sociale sera
lourdement chargé parce que, effectivement, il y aura moins de
chômeurs qui auront des prestations et éventuellement il n'y aura
plus de gens recevant l'aide sociale.
Je crois que cela nous signale cette priorité. L'Opposition nous
dit souvent que c'est la priorité des priorités et l'Union
Nationale le répète. Nous sommes à ce point de vue des
convertis. C'est la priorité des priorités au Québec que
la création d'emplois et la réponse au problème du
chômage. M. le député de Notre- Dame-de-Grâceasurtout
signalé un exemple. Du moins ce que j'ai retenu, c'est qu'il nous
mettait en garde contre les solutions magiques de commissions royales qui
coûtent terriblement cher. Je ne sais pas s'il répondait au
député de Johnson quand il parlait de cette façon.
La commission Woods a coûté $2 millions ou $3 millions pour
qu'au bout de la ligne il y ait trois amendements qui soient retenus. On trouve
cela cher par amendement. Cela n'exclut pas la nécessité de
mettre en branle une commission d'étude sur la réforme du Code du
travail. Je peux dire à ce moment-ci que déjà des
consultations sont faites pour chercher les modalités de cette
commission d'étude. C'est au niveau d'une recommandation du ministre du
Travail. Ce n'est pas encore rendu au cabinet. J'espère que dans ce lac
à l'Epaule que nous ferons ensemble dans quinze jours nous pourrons nous
orienter dans ce sens.
J'apprécie aussi les remarques du député de
Notre-Dame-de-Grâce, je pense que cela rejoignait un peu la
préoccupation que j'avais dans mon exposé, où il nous
disait je pense que son expérience est précieuse à
ce sujet qu'en relations de travail, finalement, ce qui est plus
important est de créer des conditions favorables et avoir des
mécanismes efficaces pour que et cela est une position que
j'essaye de défendre à tout bout de champ contre marées et
vents le règlement soit la responsabilité des parties.
Toutes les recherches pour améliorer le code, pour
améliorer nos services ou améliorer le ministre devront toujours
aller dans le sens que les parties sont responsables de leur règlement
et qu'on doit les aider à chercher elles-mêmes à assumer
cette responsabilité.
Je retiens, évidemment, aussi l'intervention du
député, M. Jolivet. Il y a quelques préoccupations au
niveau de cette espèce d'ambiguïté qu'il y a dans les
relations de travail dans le secteur public, une ambiguïté parce
que l'Etat est l'employeur, l'Etat est aussi le législateur et
l'arbitre. J'irais plus loin même; je dirais qu'à mon avis
l'impasse dans laquelle nous sommes parfois dans le secteur public, c'est parce
qu'on transpose purement et simplement le modèle de relations de travail
de l'entreprise privée, alors que ce n'est pas le même contexte du
tout. Dans le secteur public, il y a la dimension de l'usager qui est
présente et je pense qu'on l'oublie.
C'est la raison pour laquelle il faut apporter une première
réponse. Cela a été une décision du Conseil des
ministres de mettre en route, dans un premier temps, un comité
interministériel. Le député de Johnson avait raison de
dire que nous sommes dans une bonne période pour le faire; les
conventions collectives ne sont quand même pas très prochaines. Ce
comité interministériel, dans un premier temps, va essayer de
faire un dé-blayage du problème. Effectivement, cela nous
mènera aussi à une commission spéciale d'étude sur
la négociation dans le secteur public, avec l'aide de
spécialistes et d'experts. En effet, je pense que l'expérience
des années passées nous enseigne qu'à ce titre on sent
l'espèce de cul-de-sac dans lequel nous sommes si nous ne cherchons pas
une formule qui est beaucoup plus responsable, une formule qui rejoint
davantage l'intérêt public, tout en maintenant le droit essentiel
des salariés qui est reconnu partout.
La négociation permanente, je dois dire que pour le moment je
n'ai pas d'idée arrêtée là-dessus. Je suis au niveau
de la réflexion. Je pense que cela mérite, en effet, pas mal de
réflexion et j'espère y mettre un certain temps avant de
m'orienter, parce qu'on sait toute la portée que cela peut avoir. La
négociation permanente, c'est aussi le droit de grève à
tout moment et le reste. La formule Rand, la loi "antiscabs",
l'échéancier, cela rejoint ce que le député de
Notre-Dame-de-Grâce demandait lui-même. Dans la législation,
j'ai dit quelques fois qu'à long terme nous cherchions une
réforme au Code du travail, mais à
court terme nous crayons possible et nécessaire d'apporter
certains amendements au Code du travail, d'autant plus qu'une série
d'amendements ont déjà été travaillés au
conseil consultatif. Donc, il y a eu dans les années passées une
consultation et un certain consensus sur une série d'amendements. Je
pense qu'on peut faire référence au bill 24 que vous connaissez.
Comme ministre du Travail, j'ai recommandé aussi qu'on ajoute à
cela la formule Rand et une loi "antiscabs". Je me réserve le droit
éventuellement d'en donner la teneur, mais essentiellement je
pense que le règlement nous l'interdit ou qu'au moins c'est le
privilège du ministre de ne pas débattre le fond d'un projet de
loi cela visera à assurer au droit de grève sa
véritable signification à la suite de diagnostics bien
connus.
Quand des travailleurs sont en grève et qu'ils exercent
librement, c'est certain, un droit sacré reconnu par le code, il est
anormal et inadmissible que des travailleurs, pendant cet exercice du droit de
grève, soient employés et, à toutes fins pratiques, volent
leur emploi.
On m'a demandé si je serais au sommet économique la
réponse est oui et si le ministre du Travail dirait certaines
choses. Pas d'une façon formelle, tel que prévu, mais à
l'occasion, évidemment, des rencontres avec les autres intervenants.
Le salaire minimum. Depuis plusieurs mois, au ministère, j'ai
fait faire, en collaboration avec des fonctionnaires de la Commission du
salaire minimum, une étude assez approfondie du salaire minimum et de
ses implications économiques pour en arriver à une recommandation
au ministère qui doit être acheminée au Conseil des
ministres. Effectivement, cette politique du salaire minimum s'inscrira dans
les projets de loi des conditions minimales de travail. Je puis dire, à
ce moment-ci, que nous retenons, dans l'ensemble, les recommandations du groupe
de travail sous la direction de M. Castonguay.
M. Mackasey: Je n'ai pas entendu. Est-ce que le salaire minimum
serait dans le Code du travail ou dans les normes du travail?
M. Couture: Dans les normes du travail mais les normes du travail
seront la deuxième partie du Code du travail.
M. Mackasey: D'accord± M. Couture: Oui.
M. Mackasey: Vous êtes revenus avec deux projets de loi.
J'ai l'impression qu'il y a ceux qui sont syndiqués et ceux qui ne sont
pas syndiqués.
M. Couture: Cela dépend de la philosophie qu'on retient.
Ce sont les conditions de travail au Québec des syndiqués et des
non-syndiqués.
M. Mackasey: Québécois, Australiens, Chinois, les
normes de travail sont toutes pareilles. Ce sont des relations humaines. Vous
avez ici 65% de nos travailleurs qui ne sont pas membres d'un syndicat. Tenons
en main les conseils précis, votre contribution qui prend soin de ceux
qui ne sont pas membres d'un syndicat, c'est l'Etat, le salaire minimum,
à 40 heures par semaine, huit heures par jour, temps et demi, etc. Il me
semble qu'on serait bien mieux de garder cette loi plutôt que d'en
prendre une autre. Ce n'est qu'une observation.
M. Couture: C'est-à-dire oui parce que c'est une question
d'approche.
M. Mackasey: Excusez! L'autre raison pour laquelle vous
êtes bien mieux de garder deux lois c'est qu'il est toujours plus facile
d'amender une loi quand vous en avez deux qu'apporter une loi comme le Code du
travail qui touche un secteur comme celui du travail. On va prendre avantage de
la situation et proposer des amendements dans un secteur qui ne vous
intéresse pas.
M. Couture: C'est-à-dire qu'on sera quand même
maître de notre décision là-dessus. M. le Président,
je pense qu'à ce stade-ci, pour permettre justement ce qu'on recherche
de l'autre côté de la table, c'est-à-dire un échange
questions-réponses, on pourrait commencer l'étude de nos
crédits.
Le Président (M. Marcoux): Programme 1 avant de passer aux
éléments. Est-ce que M. le ministre a quelques remarques
générales sur le programme?
M. Couture: Je crois que je vais laisser l'Opposition
s'exprimer.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, j'ai une série de
questions que je veux la plus factuelle possible...
M. Couture: Excusez-moi, M. le député de
Saint-Laurent. Avant de procéder, j'aimerais quand même
présenter l'équipe qui est avec moi...
M. Forget: Excellente idéel
M. Couture: ... du ministère...
M. Pagé: C'est une bonne équipe d'ailleurs.
M. Couture: Messieurs, on ne l'aurait pas gardée...
M. Pagé: J'espère que vous allez prendre soin des
gens qu'on vous a laissés.
M. Mackasey: D'autant plus que votre équipe, je ne la
connais pas du tout.
M. Couture: C'est une excellente équipe. Comme je l'ai dit
ce matin, on apprécie le fait que, d'abord, M. Bellemare en ait choisi
plusieurs,
qu'ils aient connu un autre gouvernement et qu'ils continueront à
progresser et à se former avec nous. Ils évoluent d'un
gouvernement à l'autre.
Une Voix: C'est beaucoup dire.
M. Couture: Je vous présente le sous-ministre, Gilles
Laporte, qui est à ma droite, le sous-ministre Guy Lapointe, ici
derrière moi, le sous-ministre Bergeron et Paul Matte, qui est
trésorier au ministère, des services financiers.
M. Forget: M. Lapointe s'occupe des normes de travail et M.
Bergeron, de la gestion interne.
M. Couture: J'imagine que c'est la tradition dans une commission
parlementaire, qu'on puisse profiter de l'éclairage de cette
équipe à l'occasion.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Laurent.
Code du travail (suite)
M. Forget: Avant d'en venir aux chiffres précis du budget,
on touche la question des relations de travail et, sans vouloir encore une fois
revenir sur la philosophie ou l'exposé des problèmes, comme le
ministre a donné ouverture dans ses différentes interventions
à poser des questions sur certains éléments de solution,
j'aimerais lui demander des renseignements relativement au Code du travail. Je
comprends, j'ai pris des notes quand il parlait; il a dit très bien
qu'il voulait que cette réforme procède tel que le parti auquel
il appartient s'y était engagé, de façon à
décrisper les relations de travail, à trouver des formules
nouvelles, etc., que ce n'était pas nécessairement une
échéance à court terme, et cela, je le comprends
facilement. Le problème est grand et complexe. Il a dit, cependant,
quelque chose qui me semble nouveau, du moins je ne l'ai pas vu en
autant de mots exprimés dans le passé, ailleurs qu'une
commission de réforme sera créée pour, j'imagine,
concevoir l'ensemble de ce nouveau Code du travail.
J'aimerais lui demander à ce sujet, pour quel moment, s'agit-il
d'une question de jours, de semaines ou de mois, pour que la commission soit
créée? Quelle en sera la composition et quel genre de mandat
va-t-il lui donner? Est-ce qu'il s'agit d'un mandat à partir
d'hypothèses de travail qu'il va lui-même fournir ou s'il va, tout
simplement, demander à quelques experts de lui préparer un
nouveau Code du travail? J'imagine qu'il va lui donner un mandat un peu plus
circonscrit et, si oui, j'aimerais savoir comment il va circonscrire le mandat,
s'il peut nous le donner et quelle échéance il envisage pour une
commission de ce genre. Est-ce que ces experts ont un mandat très court,
dans le fond, pour réunir de la documentation et lui faire rapport
à la fin de l'été, ou alors, est-ce que c'est vraiment un
comité d'experts qui va siéger, peut-être pendant un an, un
an et demi? Est-ce qu'une commission comme celle-là pourrait consulter
les groupes ou s'il se réservait cela lui-même une fois qu'il aura
le rapport des experts?
Enfin, j'aimerais seulement, en quelques éléments, savoir
quelle est la nature de l'animal, autrement dit, qu'il a en tête pour
faire cette révision générale du Code du travail.
M. Couture: M. le Président, à ce stade-ci, il est
évident que depuis plusieurs semaines, à la suite des
interventions que nous avons faites, à la suite de ce qu'on a dans le
programme, des attentes du monde du travail, des besoins si souvent
exprimés, la question qu'on se posait: la réforme du Code du
travail, comment va-t-on l'entreprendre?
Il s'offrait à nous plusieurs voies qui pouvaient, effectivement,
faire travailler des gens du ministère, des experts du ministère,
s'entourer de personnes compétentes, et faire ce travail de
préparation avec des légistes. Cette réforme est tellement
importante que cette décision de la modalité même de la
recherche, des recherches et du fonctionnement mérite que le cabinet
tout entier s'y penche.
Sous toute réserve de l'approbation du conseil des ministres, ce
que je retiens, actuellement, c'est une commission d'étude
composée de ce qu'on peut appeler des sages et des experts, choisis et
à l'intérieur de notre fonction publique et à
l'extérieur, une commission d'étude sur la réforme du Code
du travail qui aurait à recevoir des mémoires, à
rencontrer des groupes. Evidemment, les syndicats, le monde patronal, les gens
qui vivent dans le milieu, dans un premier temps. Dans un deuxième
temps, à en faire une analyse et un bilan et, à la suite de cette
consultation, de cette analyse, à nous recommander le cadre de
réformes.
Je ne pourrais pas dire ce que je retiendrais dans cette
troisième partie. Je suis porté à dire qu'il me semble que
ce que j'aurais à lui demander c'est peut-être aussi de
réfléchir sur la philosophie des relations de travail telle que
nous la connaissons par le code, et, éventuellement, de la remettre en
cause si nécessaire, après les consultations, ce qui pourrait,
évidemment, nous amener dans des transformations d'importance. A ce
troisième moment, au niveau des recommandations, quand cette commission
d'étude nous dira: Nous croyons qu'on devrait s'orienter dans telle
ligne, je pense que la rédaction même, ou ce qui pourrait se
transformer en projet de loi pour changer les dispositions du Code du travail
ou en créer un autre, éventuellement, cela reviendra au pouvoir
politique de le faire.
Pour ce travail de consultation, de déblayage, d'analyse et de
recommandations, je crois qu'il faudrait certainement six mois à un an.
Mais j'aime mieux, justement, par respect pour les gens qui seront
appelés à siéger à cette commission, en discuter
avec eux, quand ils auront accepté, quand ce sera passé par le
Conseil des ministres, et trouver parce que je ne prétends pas,
à ce moment-ci, savoir quel est le délai nécessaire, mais
je pense que pour la question du délai lui-même, j'attendrai
d'abord que le principe de la commission soit accepté avec les
membres
choisis, le délai le plus raisonnable et peut-être le plus
bref possible, mais le plus réaliste.
Sur cette question, c'est à peu près tout ce que j'ai
à dire pour le moment.
M. Forget: Sans vouloir presser le ministre sur le contenu d'une
telle révision du Code du travail, j'aimerais, malgré tout, dans
la mesure où il le jugera possible, qu'il nous indique, si on comprend
bien, qu'il envisage de changer la philosophie du code, donc de tout remettre
en question, ce qui couvre essentiellement, par exemple, toutes les
procédures d'accréditation. Cela me semble évident, cela a
été mis en question, etc. Dans un domaine comme celui-là,
est-ce qu'il ne pourrait pas aller un peu plus loin dans la préparation
du mandat et indiquer à la commission en question, et peut-être
même nous indiquer ce soir ce qu'il souhaiterait voir, dans quel esprit
il souhaiterait voir une commission de réforme comme cela envisager une
révision des règles d'accréditation?
M. Couture: Oui, ce que je retiens comme principes, quitte
à les élargir, c'est, d'une part, évidemment, l'objectif
de la syndicalisation des travailleurs québécois. Donc, c'est le
droit d'association, l'accréditation.
D'autre part, c'est évidemment aussi la recherche de meilleurs
mécanismes en relations de travail; c'est tout le processus de
négociation, de conciliation, l'exercice du droit de grève,
enfin, tout ce que comportent les relations de travail. C'est pour cela que je
dis que ce n'est pas facile, dès maintenant, de savoir ce qu'on pourrait
retenir à la fin. Le mandat, c'est l'analyse qu'on fait des relations de
travail au Québec depuis un certain nombre d'années. La
consultation va apporter ces éléments. Quand ils vont consulter
les intervenants, les représentants du monde patronal et syndical, ils
vont se faire dire un tas de choses. Quand ils vont consulter aussi le
député de Johnson, probablement qu'il va leur dire aussi beaucoup
de choses, qu'en relations de travail au Québec, depuis un certain
nombre d'années, il y a des accrochages. D'autre gens vont dire aussi:
C'est difficile de se syndiquer parce qu'il y a tel obstacle.
M. Forget: Si vous me le permettez, on le sait
déjà.
M. Couture: On le sait, mais il faut cerner cela.
M. Forget: Oui, il faut le cerner. Par exemple, le
député de Johnson a mentionné les délais dans la
procédure de négociation. Si vous nommez une commission, les
experts que vous allez nommer vont vous dire: M. le ministre, vous nous
demandez d'étudier cela; nous imaginons que ce n'est pas pour empirer la
situation, mais pour l'améliorer, mais en utilisant quelle philosophie,
en somme? Souhaitez-vous, dans le domaine de l'accréditation, par
exemple, qu'on la rende la plus facile possible ou que, malgré tout, on
trouve un juste milieu? Par exemple, dans des domaines qui ne sont pas
touchés actuellement par le Code du travail, la syndicalisation des
cadres, est-ce que cela devrait faire partie aussi du Code du travail?
M. Couture: Pour répondre plus clairement à votre
question, je crois que le mandat, évidemment, reflétera le
programme de notre parti, les principes qui sont déjà dans ce
programme et qui sont clairs au niveau de la syndicalisation.
M. Mackasey: Une question pour suivre le débat, M. le
Président. Une information.
Le Président (M. Marcoux): Sur le même sujet?
M. Mackasey: Une information. Quand vous parlez, en
français, du Code du travail, vous parlez de toutes les lois ensemble
dans un code?
M. Couture: C'est-à-dire de tout ce qui concerne les
relations de travail. Enfin, ce que je souhaite, c'est qu'effectivement on ait
un jour un Code du travail qui regroupe tout ce qui concerne...
M. Mackasey: Vous avez 25 lois. Combien de temps cela va-t-il
vous prendre pour réussir à améliorer, à amender,
à changer ou à éliminer 25 lois?
M. Couture: Dans le Code du travail, on aura des chapitres
différents.
M. Mackasey: II y en aura au moins 25.
M. Couture: La commission peut retenir déjà ce que
l'on a dans certaines lois qui concernent les relations du travail; cela fera
des chapitres selon les secteurs d'activités. Maintenant, je ne peux
vraiment pas vous dire, à ce moment-ci, ce qu'on... Je souhaite qu'un
jour on ait notre Code du travail qui regroupe vraiment, qui rejoigne au
Québec tout ce qui concerne les relations de travail.
M. Mackasey: Ce n'est pas une question de priorité? En
attendant, il y a des amendements à quelques lois qui font partie du
code, n'est-ce pas?
M. Couture: En attendant, vous voulez dire à court
terme?
M. Mackasey: Court terme ou long terme, il faut avoir une
priorité. Il faut travailler loi par loi.
M. Couture: Je crois que cette réforme du Code du
travail... A ce point de vue, je peux répondre. Dans ce premier mandat,
on va certainement demander cette révision du code qu'on a actuellement.
A long terme c'est un souhait que j'exprime je voudrais qu'on
puisse effectivement regrouper dans le Code du travail tout ce qu'il y a de
conditions et de relations de travail au Québec. Mais, dans le mandat
qui concernerait cette commission d'étude, c'est ce qu'on connaît
actuellement comme Code du travail.
M. Forget: Un des éléments du Code du travail
actuel, dans le fond, c'est pratiquement le seul élément, c'est
ce qui touche à la négociation de conventions collectives, par
exemple, par opposition à ce qu'on retrouve dans le Code civil, qui
comme on l'a souvent suggéré, pourrait faire partie, un jour,
dans le Code du travail sur la relation individuelle de l'employé
individuel.
M. Couture: Louage des services.
M. Forget: Oui, louage d'ouvrage ou de louage de services, mais
ce n'est pas, dans le moment, dans le Code du travail. Donc si votre
priorité, c'est ce qui s'y trouve dans le moment, est-ce que vous situez
là-dedans, dans le prolongement de cela au moins, les mécanismes
d'organisation sectorielle, par exemple ce qu'on retrouve dans le programme, je
crois, des règles pour lesquelles on peut obtenir une
accréditation sans vote dans le cas où on a une requête qui
est présentée par un pourcentage, malgré tout, assez
modeste d'employés dans un secteur, vous verriez cela incorporé,
dans un premier temps, dans le Code du travail, j'imagine.
M. Couture: Non, à ce moment-là je serais
plutôt, je ne dirais pas conservateur, je serais plutôt prudent.
Les problèmes qui débordent ce qu'on a actuellement dans notre
régime de relations de travail m'apparaissent suffisamment complexes
pour qu'on essaie de bonifier et de réformer ce cadre-là. En ce
qui concerne la négociation, l'accréditation sectorielle ou
négociation sectorielle, je pense que c'est parallèlement
à cette commission d'étude que je veux qu'au ministère on
travaille sur ce sujet-là, qu'on réfléchisse sur les
modalités possibles. J'avoue que, personnellement, c'est dans notre
programme et je l'assume, mais je crois que cela mérite beaucoup,
beaucoup de réflexion, parce que cela a beaucoup de portée et
d'impact et je ne veux pas, je voudrais bien me faire comprendre, je ne veux
pas aller dans toutes les directions à la fois. Je veux essayer,
peut-être que cela rejoint ce que vous cherchiez: le mandat. Je veux
d'abord, dans le cadre qu'on connaît, travailler à la
réforme de ce cadre-là, dans les mesures qui débordent ce
cadre et qui pourraient effectivement apporter des réponses à des
problèmes comme la syndicalisation, je pense qu'on doit l'étudier
parallèlement. Eventuellement, si on retient telle ou telle formule, on
pourra l'intégrer dans cette réforme.
M. Mackasey: M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que le
député de Saint-Laurent a terminé ses questions
générales?
M. Forget: Je n'ai pas terminé, mais si c'est une question
incidente à celle que je viens de poser je n'ai pas d'objection à
ce que le député de Johnson intervienne à ce
moment-là.
M. Mackasey: C'est une nouvelle observation.
M. Bellemare: C'est certainement le même sujet. Si je peux
avoir le dernier, dernier mot après que tout le monde aura parlé,
je pense bien que ce n'est plus un dialogue. On se prépare des heures et
des heures pour participer à une commission, pour donner des opinions,
et si vous avez tout le crachoir, je vais m'en aller, c'est tout.
M. Mackasey: Pourquoi ne donnez-vous pas quinze minutes à
chaque participant?
M. Bellemare: Si vous prenez tout le gâteau, je n'ai pas
d'objection. Vous allez dire probablement tout ce que je dois
répéter mais c'est... Bien sûr que vous allez en avoir tout
le mérite. On se prépare à...
M. Forget: J'espère que le député de Johnson
va trouver d'autres points pour...
M. Bellemare: Ecoutez, vous en couvrez grand quand vous en
couvrez. Je ne veux pas offusquer, monsieur, votre modestie, mais vous avez un
éclairage qui est peut-être aussi bon que le mien. Puisque nous
sommes sur le premier élément du programme 1, protection du droit
d'association, c'est cela qu'on étudie présentement.
Le Président (M. Marcoux): Spécifiquement, je
n'avais pas appelé l'élément 1 comme tel, on était
encore à la phase des questions générales sur le programme
1.
M. Bellemare: Je pense bien que cela va être cela. Alors le
ministre nous a dit qu'il avait accouché d'un comité.
M. Couture: II n'a pas accouché encore, il est en
gestation.
Une Voix: II est presque enceinte.
M. Bellemare: Pour vous c'est sacré. Mais je
m'étonne que le Conseil des ministres n'ait pas mis son veto ni son
approbation. Je ne me souviens pas, moi, d'avoir organisé un
comité...
M. Couture: Pourquoi vous étonner?
M. Bellemare: ... dans une commission parlementaire, avoir
déclaré tout ce que vous avez dit puis tous les
éléments que vous y avez ajoutés sans avoir au moins
l'autorisation tacite du gouvernement. Vous êtes allé assez
loin.
S'il vous plaît, M. le ministre, je vais finir. Cela fait assez
longtemps que je n'ai pas parlé. Parce que cette prévision que
vous nous donnez d'un comité qui étudierait les aspects de la
question des relations de travail, des conditions d'accréditation, de la
protection du droit d'association, de tous ces critères qui forment en
somme le droit de travail, c'est loin. C'est presque la déclaration
formelle qu'il y a un comité formé maintenant qui étudie
les éléments de base et qui prépare un premier
rapport.
Je dis que si c'est vrai qu'il y a des gens qui
étudient, alors on est content de l'apprendre. Avec tout le
respect que j'ai pour votre seigneurie, pour votre responsabilité
ministérielle, je dis que vous commencez à l'envers. Il me semble
que ce n'est pas tout à fait comme cela qu'il faudrait procéder.
Il y a trop de problèmes continuels qui se développent dans les
relations patronales-ouvrières pour que vous ne donniez pas une chance
à la soupape de se faire entendre. Elle va sauter la soupape. La
pression est tellement grande partout, chez les syndicats, chez le patronat,
chez les CRT les conseillers en relations industrielles chez tous
ceux qui s'occupent de négociations collectives. Il y a une soupape qui
va sauter. Tandis que si vous lui donniez la chance de se faire entendre dans
une commission qui serait bien normale, bien démocratique, vous pourriez
prendre énormément avantage... ne pas jouer à la cachette
et dire: On prépare, on prépare. Ce serait public et tout le
monde vous rendrait grâce en disant qu'enfin on révise le Code du
travail. On a fait des suggestions qui vont peut-être produire des effets
heureux parce que tous ceux qui en ont souffert vont venir vous le dire.
Pour ma part, je m'engage formellement à venir devant la
commission comme simple pékin et vous donner mon expérience dans
bien des domaines, sur bien des sujets. Je pense que vous ne m'inviterez pas
dans votre comité. J'en suis certain. Autrement de me demander
d'écrire un mémoire, et je ne le ferai pas, c'est clair.
Il y a actuellement dans le monde ouvrier, je l'ai dit ce matin, je ne
le répète pas, un climat merveilleux. Il n'y a pas de tension
véritable dans le monde ouvrier et patronal. Il n'y en a pas. C'est
porté ailleurs cette tension. Durant ce temps, il me semble que vous
auriez un temps merveilleux, un mois, deux mois, trois mois, pour faire
entendre des témoins, des experts qui l'ont professé toute leur
vie le droit ouvrier, qui l'ont suivi depuis 1935. Le premier code de M.
Duplessis qu'il a retiré un jour, je ne sais pas si vous vous souvenez
de cela, vous étiez peut-être jeune. Oui, vous étiez jeune.
M. Duplessis a apporté le premier Code du travail et il a
été obligé, en plein milieu de la deuxième lecture,
de le retirer. Je ne vous conterai pas l'histoire, elle n'est pas bien longue
et elle n'est pas bien belle.
Il avait mis dans l'article 5 qu'il était obligé de faire
le rapport financier de toutes les activités. Je n'ai pas besoin de vous
dire que cela a cogné vrai. Le deuxième code qui est
arrivé en 1946 en était un autre qui semblait un peu
prévoir... Et le grand Code du travail qu'on a eu est celui de 1964,
celui de M. Lesage. J'étais dans l'Opposition à ce moment et je
me suis appliqué à faire introduire 64 amendements dans le code.
Je pensais qu'à cause de la vie que j'avais menée parmi les
ouvriers et le monde syndical, je pouvais apporter ma contribution.
M. Lesage les a acceptés. Aujourd'hui c'est révolu. Le
Code du travail ne tient plus. Il y a des choses dans le Code du travail
aujourd'hui qui sont risibles et l'article 41 ou l'article 54 ne tiennent plus.
On ne négocié pas et on rit du monde et le Code du travail ne
sert plus a rien. C'est un tor- chon aujourd'hui, un vilain torchon de papier
qui ne sert plus à rien, pas même de limite.
Si vous vouliez véritablement rendre service à la
population et au monde ouvrier, patronal et syndical, ce serait de convoquer
une vraie commission parlementaire, une commission royale qui entendrait les
dépositions de tous ceux qui ont quelque chose à dire. Vous allez
être surpris de ce que vous allez apprendre.
On ne vous raconte pas dans votre ministère
peut-être l'avez-vous appris avant ou ailleurs ce qui se passe
dans le monde ouvrier. Il faut y être pour savoir ce qui s'y passe. Quand
vous dites: Je vais consulter, la pression monte, elle monte terriblement. Je
pense que, comme législateur, je n'appartiens à aucun parti.
J'appartiens au bon sens et à celui qui veut rendre service à la
collectivité. Cela, c'est mon rôle. Je vous dis bien
sincèrement, sans être partisan, pas plus pour ma gloriole que
pour celle d'un autre, qu'il est grand temps de refaire le Code du travail.
C'est un élément pas seulement syndical, mais un agent
économique important dans tout le rouage de notre structure
présente et future. Vous savez ce que je veux dire. Cela sera trop tard,
on ne sera plus dans le climat où nous sommes pour en faire un et vous
allez obtenir le résultat néfaste que vous ne recherchez pas.
Là, c'est calme, on est occupé à d'autres choses. Les gens
qui sont paisibles peuvent avoir des idées merveilleuses à vous
soumettre. Vous n'êtes pas obligé de les accepter. Mais il y en a
une foule: les détails de 8 jours, de 30 jours
répétés et 60 jours pour obtenir le droit de grève.
Les gens vous rient au nez et il ne font rien que cela, du sit-in, pour avoir
leurs 60 jours, pour avoir leur conciliateur parce que la loi dit: II faut un
conciliateur nommé par le gouvernement. Ils commencent, la
première journée, à compter pour la grève. C'est
cela qui est le code. Ils ne font plus rien et ne se voient plus. Ils sont 60
jours à attendre mais la cinquante-neuvième journée,
surveillez-les. C'est là qu'arrive la grève, au
soixantième jour, c'est là qu'arrive la casse. Les gens sont
exaspérés, on ne raisonne plus. Cela, c'est un bobo dangereux qui
peut-être peut changer le climat.
Si vous parlez d'une consultation entre les gens... Je ne dis pas que
les fonctionnaires de votre ministère ne sont pas compétents;
j'en reconnais qui ont une grande compétence au ministère, qui
ont rendu d'immenses services, dont vous ne vous êtes peut-être pas
servi, mais que le gouvernement précédent a utilisés, pour
régler des conflits, jusqu'à trois heures et cinq heures du
matin. Moi aussi, je me suis servi d'un fonctionnaire. Il s'appelait Donat
Quimper à l'époque, sous-ministre en titre qui a connu les
autres. M. Quimper m'a rendu de grands services pour régler certains
conflits. N'oubliez pas que, dans mon bureau, un jour on était en train
de négocier la grève de Carrier. Je ne sais pas si quelques uns
s'en souviennent. Il y en a deux qui sont presque tombés sans
connaissance à dix heures de l'avant-midi, un vers dix heures moins le
quart et l'autre vers dix heures et quart. J'ai dit: Sortez-les, envoyez-les
à l'hôpital. Nous, on continue à négocier.
C'étaient les patrons. C'est vrai, l'ambulance est arrivée
et les a sortis tous les deux. C'est cela. Mais on ne meurt pas de
négociations, ce n'est pas vrai. On avait des trucs pour empêoher
les négociations et les déjouer. On a signé. J'avais une
clé et je fermais la porte à clé et leur disais: Vous
sortirez d'ici quand cela sera signé. C'est d'accord? Il y avait des
sandwiches et tout ce qu'il fallait. Les gens dans la rue, cela avait assez
duré.
Maintenant, je pense qu'il faut absolument que les fonctionnaires de
votre ministère participent. Il y en a dans cela qui sont
compétents mais il y en a d'autres qui sont compétents aussi dans
le monde ouvrier et il serait temps d'aller les chercher. Maintenant, si vous
ne voulez pas, vous continuerez à avoir des opinions et à diriger
à la petite semaine et à attacher des bouts de corde et des bouts
de ficelle. Faites donc un beau geste. Plantez-vous donc...
M. Forget: M. le Président, je ne veux pas être
difficile. Je m'excuse auprès de notre collègue, le leader de
l'Union Nationale...
M. Bellemare: Qu'est-ce que je vous ai fait?
M. Forget: Vous avez exposé avec énormément
d'éloquence vos réactions en face de l'attitude du ministre qui,
évidemment, je pense on est tous d'accord avec cela est
porté à fixer ses échéances un peu tard.
M. Bellemare: Pourquoi ne m'avez-vous pas demandé la
parole? Je vous l'aurais donnée plus tôt.
M. Forget: II reste que nous sommes ici pour entendre les
réponses du ministre. Je pense que c'est de bon aloi de faire des
commentaires. Est-ce qu'on peut inviter l'honorable député de
Johnson à...
M. Bellemare: Vous allez limiter mon droit de parole? Je veux
bien croire que ce n'est pas vrai.
M. Forget: ... le député de Johnson...
M. Bellemare: M. le Président, je redemande mon droit de
parole. Le député de Saint-Laurent n'a pas d'affaire à
m'interrompre pour une niaiserie pareille. C'est clair, cela.
M. Forget: On vous a écouté pendant une heure et
demie.
M. Bellemare: J'ai le droit de parole et je vais parler tant que
je le voudrai. C'est mon droit de parole et j'ai droit à vingt minutes
sur chaque sujet. Je vais les prendre, mes vingt minutes. Que cela vous plaise
ou pas, ce n'est pas vous qui allez me dicter ma conduite; ce n'est pas vrai,
ni vous ni d'autres! J'ai un droit. Je me suis fait élire pour occuper
ce siège et pour défendre les intérêts des
travailleurs et de tous ceux que je représente. Ce n'est pas vous qui
allez m'enlever mon droit de parole.
M. Forget: Question de règlement. M. Bellemare: Ce
n'est pas vrai!
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Johnson, je vous avais accordé la parole dans le cadre du sujet qu'avait
commencé à traiter le député de Saint-Laurent. Je
crois qu'il y a une chose qui est claire dans toutes les commissions qui
étudient les crédits budgétaires, c'est que l'Opposition
officielle a le droit de poser toutes les questions générales
qu'elle désire poser avant qu'on puisse étudier chaque
élément. Le député de Saint-Laurent avait
commencé à aborder un sujet, le thème du Code du travail.
Le ministre a soumis sa réponse et vous vouliez ajouter des questions
sur ce point. Je vous ai accordé le droit de parole à
l'intérieur de ce cadre. Je crois que le député de
Saint-Laurent avait le droit de parole pour poursuivre ses questions
générales sur le programme 1 et, après que le
représentant de l'Opposition officielle a terminé ses questions
générales, la parole revient toujours au représentant de
l'Union Nationale.
M. Bellemare: Cela m'a fait sortir de mes gonds. C'est vrai. Je
dis au député de Saint-Laurent qu'il m'a fait assez pâtir
dans l'Opposition, quand il était ministre des Affaires sociales avec
son arrogance de ne pas me répondre que, maintenant que je l'ai
près de moi, je vais lui dire ce que je pense. C'est clair cela, hein?
Arrogant comme il l'a été pour nous! Je vous dis qu'il ne me
donnera pas de leçons ici, certain, dans l'Opposition. Il est
égal à moi, sur la même banquette.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Bellemare: Je termine, M. le Président. J'avais
fini.
M. Forget: M. le Président, j'ai demandé la
parole.
M. Bellemare: Pardon?
Le Président (M. Marcoux): A moins que...
M. Bellemare: A moins que vous ne vouliez que je m'en aille.
Le Président (M. Marcoux): Non. Je n'ai pas du tout
l'intention d'exclure quelqu'un.
M. Bellemare: Si vous voulez que je m'en aille, je vais m'en
aller, mais vous me direz pourquoi. Ce serait bien mauvais pour lui
particulièrement.
Il a été tellement arrogant quand il était au
pouvoir; il nous méprisait du haut de sa grandeur. Il était comme
les intendants de Louis XIV; il nous regardait passer du haut de sa grandeur
et, aujourd'hui, il veut nous faire la leçon et nous dire de
nous taire. Ce n'est pas vrai, je ne me tairai pas. Non, monsieur.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Couture: M. le Président, j'avais une réponse
à donner à deux ou trois éléments qu'a
exprimés le député de Johnson. Est-ce que vous le
permettez, M. le député de Saint-Laurent?
M. Forget: Je vous en prie. Si cela peut permettre au
député de Johnson de se calmer un peu et de digérer les
frustrations des années passées, je n'ai aucune objection
à ce qu'il écoute les réponses du ministre.
M. Couture: C'est peut-être...
M. Bellemare: Encore une leçon qu'il veut me donner.
Voulez-vous vous mêler de vos affaires, sacrement, rien que de vos
maudites affaires! Entre moi et vous, M. le professeur arrogant, restez donc
chez vous!
M. Couture: Je vais peut-être faire une petite mise au
point à la suite de certaines remarques du député de
Johnson. C'est que ce principe de révision du Code du travail est un
principe accepté, assumé et souhaité par tous les membres
du gouvernement. Le député de Johnson semble dire: Comment se
fait-il qu'on arrive avec une affaire de même en commission
parlementaire, alors que ce n'est pas passé au Conseil des ministres? Je
répète et précise que ce principe de révision du
Code du travail est vraiment assumé par le gouvernement actuel. D'autre
part, l'étude en vue de la révision de ce Code du travail, c'est
aussi une préoccupation et un souhait exprimé plusieurs fois
d'ailleurs par le premier ministre et qui est assumé par le
gouvernement. La modalité de cette étude, en effet, n'est pas une
décision actuelle du gouvernement, mais je pense qu'au gouvernement on
cherche à être transparent. J'imagine que vous aimez avoir des
réponses claires plutôt que des réponses équivoques.
Je vous dis, et ce sera dans le journal des Débats, sous toutes
réserves que je propose comme ministre du Travail que ce qui est
accepté, c'est qu'on révise le Code du travail et qu'on
étudie les façons de le réviser une commission
d'étude qui ne serait pas je fais ma troisième mise au
point qui ne serait pas formée simplement de missionnaires, de
fonctionnaires.
C'est presque une déformation professionnelle, ce sont de
véritables missionnaires, vous savez des fois, en relations de travail.
Elle ne serait pas formée seulement de fonctionnaires, mais je l'ai dit
clairement tout à l'heure en réponse au député de
Saint-Laurent, et on irait chercher aussi des gens de l'extérieur, des
spécialistes. La consultation qu'on veut faire, que je propose de faire,
serait une consultation qui, à toutes fins pratiques, aurait
peut-être le même caractère que celle souhaitée par
le député de Johnson. Je voulais quand même rectifier, non
pas rectifier mais répondre plus précisément aux
préoccupations du député de Johnson.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Vous me permettez, M. le Président.
Personnellement, je félicite le ministre de nous faire part de ses
intentions puisque c'est le but que nous poursuivons ce soir, n'est-ce pas, de
connaître ses intentions. Les réponses qu'il nous a données
tout à l'heure nous ont permis, si je résume, pour reprendre le
fil, de voir qu'il envisage une réforme du Code du travail, dans le
fond, en trois étapes. Une première étape portera, si je
comprends bien, seulement sur ce qui fait actuellement partie du Code du
travail. Une étape ultérieure comportera d'autres
éléments multiples, et il a indiqué qu'il jugeait
opportun, effectivement, de peut-être inclure presque toutes les lois sur
le travail dans un cadre comme celui-là, c'est un cadre très
ambitieux. Et, peut-être, une avant-première étape, et
c'est là-dessus que je voudrais poser des questions, c'est un projet
à court terme.
J'aimerais, d'abord, qu'il précise. Evidemment, il a donné
des échéances d'à peu près six mois à un an
pour la commission de réforme. Je vous prie de croire que, quand on a
l'expérience des commissions de ce genre, surtout avec les mandats de
consultation, un an me semble un strict minimum; cela peut très
facilement être 1 1/2 an ou deux. Donc, j'aimerais qu'il nous
précise, pour ce qui est du court terme, quelle est
l'échéance qu'il envisage. Je me permets de résumer les
indications qu'il nous a données tout à l'heure quant au court
terme. Il a dit qu'il y a des amendements qui ont déjà
été élaborés et qui ont fait l'objet de
commentaires au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, le bill
24, qui a été déposé, d'ailleurs, dans le
passé, et qu'il aimerait ajouter à cela, toujours dans le cadre
du court terme, de la première mesure, l'application de la formule Rand
et aussi une des mesures relativement aux "scabs", aux briseurs de
grève. En même temps, qu'il nous précise à peu
près l'échéance. Est-ce que c'est avant l'ajournement
d'été qu'il envisage pouvoir déposer un projet
d'amendement rapide, si on veut? Est-ce qu'il a l'intention, pour ce qui est de
la formule Rand, d'avoir une application qui permet de rendre obligatoire le
prélèvement des cotisations syndicales? Est-ce que, selon lui, la
formule Rand, telle qu'il veut l'appliquer, implique les autres
éléments que le juge Rand avait suggérés dans son
opinion, tels que les éléments suspension, cotisations
syndicales, qui en faisaient un ensemble équilibré? Est-ce que,
pour lui, c'est cela qu'il voudrait voir dans un amendement rapide, ou si c'est
simplement ce qui a fait l'objet, je pense, d'un projet de loi privé
soumis par le leader de l'Opposition d'alors, M. Burns, qui avait
déposé le projet de loi 99 ou 96, je ne me souviens plus du
numéro, et qui comportait seulement la cotisation obligatoire?
M. Couture: C'est effectivement la formule qui avait
été proposée par le député de
Maisonneuve.
M. Forget: C'est-à-dire, seulement la cotisation
syndicale. Pour ce qui est de l'échéance de cette
mini-réforme, en attendant la plus grosse, est-ce que vous avez
l'impression qu'on pourra voir le projet de loi déposé avant la
fin de juin?
M. Couture: II y a aussi les contraintes de l'Opposition, mais le
menu législatif est assez chargé. Je peux répondre que
l'intention c'est de le déposer durant cette session.
M. Forget: C'est-à-dire avant l'été. La
session dure jusqu'en décembre.
M. Couture: C'est cela. Durant cette session. Je ne peux vraiment
pas contrôler le moment où on le déposera, mais ce sera
durant la session. J'espère que cela pourra être avant
l'été, mais je ne peux vraiment pas le promettre.
M. Bellemare: A-t-on soumis le projet de loi 96 au conseil
consultatif?
M. Couture: Non. L'ensemble de ces amendements sera soumis au
conseil consultatif durant le mois de juin, nous l'espérons.
M. Bellemare: N'a-t-il pas déjà été
transporté au conseil consultatif, pour consultation?
M. Couture: Pas à ce stade.
M. Bellemare: Je parle de la formule Rand.
M. Couture: On me dit qu'on n'a pas directement
étudié la formule Rand, mais la sécurité syndicale
comme telle. Je n'ai pas de détail. A moins que M. Laporte veuille
répondre.
M. Bellemare: Le ministre a l'intention de le soumettre au
conseil consultatif avant.
M. Couture: Oui. D'ailleurs j'ai l'intention de soumettre toutes
les mesures législatives de mon ministère.
M. Bellemare: S'il y avait une opposition contraire, qu'est-ce
qui se produirait, de la part du conseil consultatif?
M. Couture: II se produirait ce qui se passe dans tous ces
cas.
M. Bellemare: En vertu de la loi, le ministre peut passer
outre.
M. Couture: C'est exact. J'imagine que nous sommes tous d'accord
sur l'esprit du conseil consultatif, c'est un instrument de consultation
priviligié pour le ministre qui doit y porter une grande attention, mais
le ministre et le gouvernement restent toujours maîtres de leurs
décisions politiques.
M. Forget: Le ministre pourrait-il nous dire s'il a
déjà reçu des représentations ou des
mémoires de la part d'un groupe quelconque qui soulève des
objections à la formule Rand, telle qu'il l'envisage?
M. Couture: Pas à ma connaissance. Il doit probablement y
avoir des documents au ministère, arrivés avant notre
arrivée au pouvoir, mais depuis le 15 novembre, je n'en ai pas
reçu.
M. Forget: Vous n'avez reçu aucun avis, d'aucun groupe
depuis que vous êtes là.
M. Couture: Pas à ma connaissance. Un instant, je vais
m'informer. Les observations qu'on avait faites étaient à
l'occasion de la loi 196.
M. Forget: Mon collègue, tantôt, a posé une
question précise. Peut-être est-ce par inadvertance, le ministre
n'a pas donné une réponse également précise,
relativement à la question de la loi "antiscabs", ou de la disposition
de l'amendement qui aurait cet effet.
Dans une entrevue que le ministre donnait à la revue Travail, la
revue du ministère du Travail, pour le numéro de mars 1977, le
ministre indique une raison pour laquelle il croit qu'une loi de cette nature
est essentielle. La seule raison qui est mentionnée, c'est que, selon le
ministre, on ne peut empêcher une usine de fonctionner
complètement, même si les syndicats le demandent, il est
impossible d'empêcher toute production, autant qu'il sera impossible
d'empêcher un travailleur d'aller travailler ailleurs.
Il développe le raisonnement selon lequel une entreprise peut
changer le lieu de sa production. Il a probablement à l'esprit des cas
comme ceux de United Aircraft, etc., où il y a eu un transfert de
production dans des usines ailleurs. La question de mon collègue de
Notre-Dame-de-Grâce était justement dans le but de savoir, s'il
utilise cet argument, envisage-t-il que des règles comme celle-là
pourraient s'appliquer différemment dans le cas d'entreprises qui ont
plusieurs sites industriels, pour qui c'est donc une possibilité
physique de faire ces transferts de production, des entreprises qui sont dans
l'impossibilité de faire cela parce que c'est de la petite et moyenne
entreprises, typiquement, qui n'ont pas plusieurs sites industriels et la
paralysie de l'une de ces installations est véritablement une paralysie
totale, par opposition aux multinationales, si on veut employer cette
expression, qui sont peut-être dans une meilleure position de
marchandage? Envisagez-vous des distinctions là-dessus?
M. Couture: Sur ce sujet, j'imagine qu'il y a probablement
plusieurs écoles de pensée, mais, en ce qui me concerne, je
serais porté à dire ceci: L'unité de production,
l'unité de travail reflète toujours le contexte économique
du milieu, c'est-à-dire que dans une petite entreprise,
nécessairement, il y a aussi un syndicat qui a plus ou moins
d'importance, mais si c'est une petite entreprise, on est certain que c'est de
dimension assez modeste.
Face à cela, les plus grandes entreprises reflètent leur
type de syndicalisme dans bien des cas.
Je me dis ceci: Autant du côté de l'entreprise, quand on
est plus gros et qu'on a plus de force économique, c'est plus facile de
faire face à des situations de grève; autant aussi, quand on est
une petite entreprise, pour un syndicat là, je sais qu'on peut
avoir des opinions différentes, mais je suis porté à le
croire d'après l'analyse que j'en fais il peut être
difficile non seulement de faire la grève, mais de la maintenir un
certain temps si les travailleurs, comme dans la très grande
majorité des cas, cherchent avant tout un règlement, cherchent
à conserver leur emploi.
Ce qui joue, dans le rapport de forces dont il est question pendant une
grève, c'est qu'à un moment donné les uns et les autres
sont obligés d'évaluer leur force respective. Dans une petite
entreprise, le syndicat lui-même est obligé de tenir compte de la
fragilité de l'entreprise. Je pense qu'on voit parfois des cas...
M. Mackasey: Je ne sais pas si le ministre me permettrait...
M. Couture: Je n'ai pas tout à fait fini ma phrase.
M. Mackasey: L'ancien ministre va vous dire qu'une loi impossible
à appliquer travaille contre le ministre, n'est-ce pas, M. le
député de Johnson?
M. Couture: J'aimerais, M. le Président, finir ma phrase,
quand même.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre. M. Couture:
Je vais finir ma phrase.
M. Bellemare: Le ministre disait ceci: C'est alors qu'il
s'explique qu'il y ait un équilibre à respecter entre la survie
des entreprises et le maintien des droits fondamentaux des travailleurs, tels
que le droit de grève. Il parlait du projet de loi "an-tiscabs". On lui
demandait: Etes-vous en faveur? Il répondait cela le 10 février
1977.
M. Couture: Je le maintiens.
M. Bellemare: Que les entreprises doivent vivre.
M. Couture: Absolument. Le syndicat... Je pense qu'on oublie bien
souvent que, dans la très très grande majorité des cas, le
syndicat est drôlement intéressé aussi à la survie
de l'entreprise parce que ou bien on décide de ne plus avoir d'emploi et
les travailleurs à la base, surtout chez les petites entreprises, dans
les localités...
M. Mackasey: M. le ministre...
M. Couture: Excusez-moi, je n'ai pas fini. On s'aperçoit
vraiment que c'est l'intérêt même du petit syndicat en
question, face à la petite entreprise, de faire cette bonne analyse des
rapports de force. C'est là-dessus que je crois qu'il faut assainir
l'exercice du droit de grève, qu'il faut respecter ce rapport de forces
qui est exprimé par un droit de grève. Tant qu'on est dans ce
régime, il faut laisser les parties faire leurs propres analyses et
évaluer la force de l'une et de l'autre; finalement, ce qu'on cherche,
c'est que l'autre revienne à la table des négociations, que la
grève se termine et qu'on en arrive à un règlement. Je
maintiens...
M. Forget: Je suis d'accord avec le ministre, mais j'ai de la
misère à concilier cela avec les propositions qu'il tenait
tantôt relativement aux mesures "antiscabs". Je lui ai demandé:
Est-ce qu'il y a des différences entre les entreprises? Il m'a dit: Oui,
il y a des différences. Mais il ne nous a pas dit en quoi ces
différences étaient pertinentes relativement au projet de loi
"antiscabs". Les explications qu'il me donne me portent à croire
qu'effectivement ces distinctions ne sont pas pertinentes et qu'il verrait que
la loi s'applique de la même façon à toutes les
entreprises. Si c'est cela, il me semble que dans certaines entreprises, en
particulier les petites et les moyennes entreprises, on va changer
l'équilibre des forces de façon très importante. N'est-ce
pas là contradictoire?
M. Couture: II y aurait peut-être moins de grèves,
aussi.
M. Forget: C'est sûr qu'il n'y aura jamais de grève
si une des parties est sûre de toujours perdre.
M. Couture: II y aura peut-être un règlement qui se
fera plus rapidement aussi.
M. Mackasey: Le but de ce que vous poursuivez, c'est
d'éliminer autant que possible les grèves, c'est normal. Il est
toujours plus facile d'éliminer une grève que de régler
une grève. Permettez-moi de donner un exemple, si vous voulez. A une
certaine époque, alors que je n'étais pas ministre, j'ai
été "sacré" dehors. Je me le rappelle, mais en tout
cas!
En 1973, à l'une des rares occasions où j'ai
travaillé pour un employeur je ne peux pas mentionner la
compagnie, mais c'est une compagnie multinationale qui était dans la
fabrication de boisson, alors, j'étais bien placé il y
avait 187 employés quand j'ai été appelé pour
régler la grève; 180 des employés travaillaient en
Colombie-Britannique, pas ici, sept étaient sur la ligne de piquetage,
assez en Colombie-Britannique pour empêcher l'engagement des"scabs", si
vous voulez. Donc, 180 travaillaient. La compagnie ne travaillait pas, ne
faisait pas de profits. Finalement, elle a fermé l'usine et a
déménagé en Alberta. Cela a coûté
probablement, en revenus, quelques millions de dollars à la province de
la Colombie-Britannique, parce que c'était l'entrepôt où
ils fabriquaient pas seulement le bon whisky, mais c'était là
qu'était l'exportation pour l'Etat de Californie, c'est arrivé
simplement parce que la compagnie n'était pas capable d'engager ces
travailleurs, après huit mois de grève, à cause de la
puissance, si vous voulez, dans cette province, des
lignes de piquetage; sept hommes et 180 hommes ne souffraient pas, ils
travaillaient.
Alors, si vous venez avec votre loi "anti-scabs" je ne dis pas
que je suis contre cela va vous prendre encore des inspecteurs et vous
n'en avez pas assez. Votre salaire minimum de $3, il ne vaut pas $0.05 parce
que vous n'avez pas assez d'inspecteurs. Vous verrez cela tout à l'heure
dans vos prévisions; qui va prendre soin, qui va suivre 180
employés qui travaillent dans le tapis, qui travaillent dans les bars,
qui travaillent ici, qui travaillent là? Ce ne sera pas pendant deux ou
trois semaines. Ils ne souffriront pas du tout parce qu'ils ne travaillent pas.
Mais l'employeur, par exemple, ne gagne pas une maudite cent, puis, en fin de
compte, mettons sur un cycle de dix ans, un employeur de 180 à 200
employés, plus tous les taux que vous enlevez nous en avons en
masse sur les boissons... Quelle procédure prenez-vous pour
être sûrs qu'un employeur n'engage pas les "scabs", mais que les
employés qui sont en grève ne travaillent pas en même
temps?
M. Couture: Cela a été retenu par M. Cour-noyer,
mais je ne suis pas d'accord.
M. Mackasey: Je ne comprends pas. Comment vous voulez aider les
employés qui sont en grève, si vous venez avec cette loi?
M. Couture: Ce que je veux vous dire là-dessus, c'est que
les 187 travailleurs de la compagnie X, dans le fond si ce monde-là fait
la grève, c'est qu'à un moment donné ils ne s'entendent
pas sur certaines clauses à négocier. Alors, ils font une
grève comme moyen de pression pour faire réfléchir la
partie patronale, puis la forcer à tenir compte de leurs revendications.
Le pari que je fais, moi, c'est que, d'une part, les travailleurs qui sont ici
aiment bien mieux garder leur emploi qu'effectivement entraîner la
fermeture de l'usine. Je vais ajouter une chose; c'est lié à une
déficience très grave de notre système, c'est que
l'information...
M. Mackasey: Cela, c'est grave dans 90% des grèves.
M. Couture: Mais l'information, le droit à l'information
des travailleurs...
M. Mackasey: La grève a lieu, par exemple, M. le
Président. C'est facile à dire que l'employé ne voulait
pas aller en grève, cela je l'admets. Je n'ai jamais vu un
employé qui cherche la grève; parfois des leaders, pour des
raisons personnelles, cherchent la grève, mais normalement
l'employé va aller en grève deux fois das sa vie. Il ne veut pas
aller en grève. C'est toujnours facile d'empêcher une
grève, mais, dans le cas dont je parle, ils sont déjà en
grève.
Vous avez un projet de loi "antiscabs" qui dit à l'employeur que
vous n'avez pas le droit d'engager quelqu'un pour remplaoer les
grévistes qui sont en grève légalement. Je vous pose la
question parce que c'est le "leverage", comme on dit en anglais, que
vous cherchez pour que la grève ne dure pas trop longtemps qui va
prendre soin des 180 employés qui ne gagneront pas un cent pendant cette
période?
M. Couture: Cela dépend si l'on retient cette mesure.
M. Mackasey: Voulez-vous agir seulement contre l'employeur?
M. Couture: Le principe que je retiens est celui-ci: II y a des
travailleurs qui, démocratiquement, ont décidé
d'être en grève.
M. Mackasey: Alors vous n'avez aucune compréhension pour
les droits de l'employeur?
M. Couture: On n'empêche pas l'employeur de produire.
M. Mackasey: Comment produiront-ils si personne ne travaille? Ils
n'ont pas le droit d'engager des "scabs".
M. Couture: L'expérience qu'on a des conflits de travail
au Québec manifeste, dans biens des cas... Enfin, c'est la
responsabilité des entreprises. Il y a des entreprises qui ont tout ce
qu'il faut pour continuer...
M. Mackasey: Toutes les grèves, c'est la faute de
l'employeur?
M. Couture: Non, pas du tout. Je voudrais quand même
essayer de préciser une chose. Je pense que l'origine de oes conflits
vient d'une mauvaise information donnée aux travailleurs. Ils ne
connaissent pas la situation de l'entreprise. Il y a une espèce de mur
opaque entre les entreprises et les travailleurs là-dessus.
M. Mackasey: Après que la grève soit
éclatée.
M. Chevrette: M. le Président, je considère que le
député de Notre-Dame-de-Grâce voudrait aller sur le fond
des projets de loi qui viendront. Je pense que cela viendra en temps et lieu.
Il ne faut pas présumer des mécanismes qui seront
là-dedans. Il pourrait y avoir des mécanismes de
prévention de conflits.
M. Mackasey: Ecoutez, un point de privilège.
M. Chevrette: Un instant, je n'ai pas fini. Vous me rappellerez
à l'ordre après.
M. Mackasey: J'ai le droit de demander au ministre sa
philosophie. Si sa philosophie est pour un côté ou l'autre, ce
n'est pas un bon ministre. Je ne l'accuse pas de cela du tout.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: J'ai le droit de poser des ques-
tions pour savoir. Dans le cas de son projet de loi éventuel
"antiscabs", est-ce qu'il est du côté de l'employé ou de
l'employeur?
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! Le
député de Notre-Dame-de-Grâce a le droit de poser sa
question.
M. Mackasey: Je peux m'arranger avec le ministre.
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre!
M. Mackasey: Vous n'êtes pas ministre encore. Faites votre
apprentissage et vous serez ministre un jour. En attendant, restez avec votre
réputation. Je vais faire affaires tranquillement avec le ministre. Ce
n'est pas difficile du tout. Le ministre et moi, on s'arrange bien.
M. Chevrette: J'ai le droit de parler comme vous. On n'a pas tous
eu un apprentissage au fédéral, monsieur. J'espère me
faire comprendre dans ma réputation. M. le Président, je n'avais
pas fini ma question. Est-ce que je peux continuer?
Le Président (M. Marcoux): Oui, M. le député
de Joliette.
M. Mackasey: Excusez-moi, M. le Président.
M. Chevrette: De ma part, il est excusé. Quand le ministre
donne des orientations et que l'on veut aller dans le détail du
mécanisme d'une loi, je dis que c'est hors du sujet. C'est
là-dessus que j'en suis. On n'a pas à traiter des
éventuels mécanismes. On aura beau se prononcer à ce
moment-là, quand la loi sera proposée. Autrement, on ne passera
pas à travers les points du programme.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Joliette-Montcalm, le député de Notre-Dame-de-Grâce avait
le droit de poser sa question. Le ministre a pleine liberté d'y
répondre, de s'en tenir aux lignes générales ou d'entrer
dans certains détails. Je pense que c'est ce qu'il a fait. Est-oe que
c'est une question de règlement?
M. Bellemare: Non, c'est sur le même sujet.
Le Président (M. Marcoux): Sur le même sujet.
M. Bellemare: Le ministre a donné ses grands points de vue
sur la possibilité qu'il y aurait d'établir une loi "antiscabs".
Je lui demanderais simplement si, dans les dispositions de la loi, il y aura
une contre-partie? Je voudrais savoir si c'est possible de le savoir. Une
contrepartie pour qu'il y ait égalité dans les forces, que si
l'employeur ne peut pas employer de "scabs", que celui qui fait la grève
n'ait pas le droit de travailler ailleurs. C'est tout ce que je veux savoir de
la loi "antiscabs". Si c'est cela, ce sera au moins juste à partir de
là. Si celui qui fait la grève n'a pas le droit de travailler
ailleurs, mais que celui qui est en grève ne voit pas sa position prise
par un autre, un "scab", si la loi c'est pour donner la force égale, je
verrai dans le temps, mais je pense que ce serait un élément.
M. Couture: M. le Président, je vais m'en tenir à
cela, parce que je crois que nous entrons dans le détail du projet de
loi. Là-dessus, je retiens l'interprétation du règlement
que l'on ne va pas au fond du projet de loi en commission parlementaire.
Simplement, je répète que la philosophie qui me guide dans
ce projet de loi est la suivante, c'est de donner toute la signification
possible à l'exercice du droit de grève. Quand je dis cela, je
répète qu'au moment du droit de grève, considérons
que l'entreprise est une unité de travail, une unité de
production; il y a un lien évident consacré par le code entre le
salarié et le chef d'entreprise. Il y a une unité. Si, au moment
d'un conflit, l'exercice d'un droit de grève, qui est reconnu par le
code, il y a des gens qui sont engagés pour briser ce lien ils
deviennent un peu comme des gens de trop dans l'unité de production
c'est cela que je cerne comme vice de notre code et c'est cela que je
veux réparer.
Le Président (M. Marcoux): Le député de...
M. Bellemare: ... pendant la loi.
Le Président (M. Marcoux): Sur le même sujet. Le
député de Portneuf.
M. Pagé: Sur le même sujet, M. le Président,
M. le ministre vous avez fait état d'un projet de loi que vous entendez
déposer éventuellement. Je n'ai pas eu la chance de participer
aux débats ce matin ni cet après-midi, mais j'aimerais savoir si
vous entendez présenter un projet de loi spécifique sur cette
question, parce que c'est en fait la réponse que vous avez donnée
a une question que j'avais formulée en décembre dernier. Vous
m'aviez dit que cela serait une loi particulière portant
spécifiquement sur ce sujet.
En ce qui concerne l'application de cette loi, prévoyez-vous
qu'elle s'appliquera de façon générale dans toutes les
conventions collectives qui seront négociées ou encore si vous
étudiez cette possibilité que cette loi pourrait s'appliquer
éventuellement strictement à certains cas de négociations,
par exemple, la négociation de la première convention collective
dans une entreprise?
M. Couture: A la première question, c'est possible que
j'aie parlé d'une loi particulière, mais je peux dire que cette
loi dite "antiscabs" qui ne s'appellera pas ainsi sera un
amendement à la suite d'autres amendements dans un projet global. Alors,
il comprendra effectivement ce que l'on a connu dans le bill 24, la formule
Rand et cet amendement, une modification d'une disposition du Code du travail
pour établir les règles d'exercice du droit de grève qui
aura l'effet d'une loi "antiscabs".
La deuxième question, vous me demandez si cela s'appliquera
directement à une étape de la
négociation, si c'est une première négociation ou
si c'est pour toutes les conventions collectives.
M. Pagé:... cela soit une première convention.
Etudiez-vous ces possibilités?
M. Couture: On étudie toutes les possibilités.
M. Pagé: D'accord.
M. Couture: Je pense que, lorsque le projet de loi sera
déposé, vous verrez ce que l'on aura retenu.
M. Bellemare: M. le ministre, vous avez un cas patent devant
vous, vous l'avez dans les mains, Mussens à Lachine. Le comité
des "scabs" a voté contre le règlement. Tout le dossier est entre
vos mains. Il n'y a aucune réponse de rendue. C'est un vrai
problème de "scabs". Et tout le problème est rendu sur votre
bureau et vous avez la chance de le régler, de dire: Ecoutez, mes
principes, c'est dans mon programme et je l'applique. Eh non! l'équipe a
réussi à faire voter les "scabs" et les "scabs" ont rejeté
la proposition. Dans un article qui a paru ces jours derniers, jeudi le 14
avril 1977, il est dit: Cette proposition acceptée par le syndicat et
refusée par Mussens qui avait soumis cette proposition par vote secret
aux "scabs" de l'usine qui l'ont rejetée quasi à
l'unanimité... Depuis cette date, cette gifle cinglante, le ministre du
Travail Jacques Couture est resté muet.
M. Couture: Je suis vraiment content de voir que vous parlez de
cela parce que j'ai de belles choses à vous dire là-dessus.
M. Bellemare: Tant mieux. Nous, nous sommes obligés de le
lire. Cela, c'est une affaire de "scabs".
M. Couture: Nous sommes là pour vous informer aussi. J'ai
quand même une réponse à donner...
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre...
M. Couture: C'est un fait. Pour vous dire ce qui s'est
passé dans les derniers quinze jours, c'est un cas très
pénible, très tragique, parce que Mussens est liée
à la fameuse loi anti-inflation fédérale. Il y a eu un
débrayage illégal pour s'opposer à ces coupures de
salaires que la compagnie, semble-t-il, est obligée d'accepter selon
l'ordonnance de la commission anti-inflation fédérale.
Le geste posé par le syndicat actuellement, je ne le juge pas,
mais on peut faire une analyse différente de l'opportunité de ce
geste. Il reste que c'est tragique parce que, finalement, ce sont 95
travailleurs qui sont dans la rue. Au sujet du vote dont vous parlez, on s'est
posé la question au ministère. D'ailleurs, une compagnie qui fait
organiser un vote dans son usine sur la proposition du médiateur, c'est
assez rare. C'est-à-dire que je pense que c'est un principe sacré
dans le Code du travail. Ce sont quand même les travailleurs eux-
mêmes qui ont la responsabilité de se prononcer sur ce genre de
recommandation.
Il reste que j'ai rencontré, il y a quinze jours exactement
oui, je pense que c'est quinze jours ou dix jours la partie
patronale de Mussens après avoir eu, d'ailleurs, une rencontre avec la
partie syndicale quelques jours auparavant où vraiment on était
dans une impasse totale, c'est-à-dire que la recommandation du
médiateur avait été acceptée par le syndicat et
refusée par la partie patronale. J'ai rappelé ce que vous venez
de dire à la partie patronale et j'ai dit: L'intention du gouvernement
s'oriente de telle et telle façon. Il me semble qu'il serait opportun
pour vous de prendre en considération que les principes, actuellement,
qu'on retient au gouvernement sont en termes des relations de travail et que la
recherche d'un règlement devrait s'inspirer de ces principes.
J'ai demandé, d'ailleurs, aux deux parties de faire un peu table
rase de toute la série de... d'un côté et de l'autre qui a
pu arriver depuis le début du conflit. De fait, je vais terminer
là-dessus, parce que je pense qu'on arrive à un conflit
particulier. Cela illustre un peu ce qu'on disait tout à l'heure. En
fait, le médiateur reprend sa médiation et la compagnie accepte
de s'asseoir et de réviser, à certains points de vue, la
décision qu'elle avait prise face aux recommandations de la
médiation et, pour l'ouverture qu'on a réussi à effectuer
chez Mussens, c'est selon la discussion que j'ai eue avec la compagnie. C'est
que tous ces travailleurs depuis plusieurs années à l'emploi de
la compagnie Mussens, ou ce lien entre le travailleur et l'employeur... Il faut
voir à quel point cela devient odieux. La compagnie dit: Tous ceux qui
sont dehors, on les reprend mais ils perdent toute leur ancienneté.
Finalement, on a réussi à faire comprendre au moins que si on
veut la paix sociale dans cette compagnie, si on veut rechercher un
règlement raisonnable et acceptable, il faut reconnaître ces
droits à l'ancienneté. Ils recommencent à...
M. Bellemare: Toujours avec Yvan Blain?
M. Couture: C'est cela.
M. Bellemare: Avec le même...
M. Couture: Avec le même, qui est excellent d'ailleurs.
M. Bellemare: ... qui avait demandé le vote des
"scabs"?
M. Couture: Ce n'est pas lui qui avait demandé le vote des
"scabs".
M. Bellemare: Non, mais le vote de la compagnie par le
médiateur qui était là.
M. Couture: Je pense qu'il ne faut pas mêler les
problèmes. M. Blain a fait une recommandation à la partie
syndicale et à la partie patronale. La partie patronale nous a dit que
dans l'usine il y avait eu un vote de 90% des travailleurs contre la
recommandation du médiateur. Je trouve cela un peu suspect que ce
soit la partie patronale qui nous l'annonce. Il est évident que tous
ceux qui sont dans l'usine gagnent des années d'ancienneté parce
qu'il y en a même 35 qui ont à peine quelques mois
d'ancienneté et qui seraient au-dessus des gars de vingt ans et de
quinze ans d'ancienneté. Vous imaginez bien qu'ils votent contre
cela.
M. Bellemare: J'ai eu le même problème à la
United Aircraft.
M. Couture: J'ai justement fait appel à ce problème
pour chercher le règlement avec la compagnie.
M. Bellemare: C'est le même M. Dean qui est là.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le ministre a fait allusion aux questions du
secteur public et il a indiqué que là aussi il y a des
problèmes. On commence à comprendre qu'il les comprend lui aussi.
Mais je ne suis pas plus rassuré au sujet des solutions qu'il nous
suggère pour mettre fin à ce qu'il appelle
l'ambiguïté de l'Etat qui est l'employeur, l'arbitre et le
législateur. C'est une réalité pénible que j'ai
vécue personnellement lors des dernières négociations.
J'approuve complètement, sans aucune réserve, ce qu'il a
dit au sujet de la nécessité de dissocier le plus possible la
fonction du législateur de la fonction d'employeur dans ces
négociations. C'est pour cela, d'ailleurs, que ce ne sont pas les
mêmes ministres qui s'occupent de la négociation. Mais il reste
qu'il y a une fonction législative qui, ordinairement,
précède l'étape des négociations. Comme
étape législative, je crois bien que c'est en 1974, il y a eu le
bill 95 qui a été adopté. Est-ce qu'on doit
présumer, de par l'absence d'une loi comme celle-là au feuilleton
on n'a pas annoncé une loi analogue au feuilleton, ni autrement
qu'on va garder le cadre de la loi 95 qui est, dans le fond, une
extension du Code du travail dans le secteur public? C'est une qualification,
une façon d'appliquer le Code du travail dans le secteur public, c'est
une redéfinition des parties à la négociation, si on veut,
ou l'imposition d'une superstructure pour la négociation avec le
gouvernement. Est-ce qu'on doit présumer que ce cadre va rester
inchangé?
Le ministre sait comme moi que, bien sûr, le nouveau gouvernement
bénéficie, comme l'ont dit plusieurs membres de cette commission,
d'une période de paix sociale qui n'est peut-être pas sans
précédent, mais qui est certainement un moment
privilégié, parce que toutes les conventions collectives, en
particulier dans le secteur public qui est le secteur le plus
névralgique, ont été signées l'année
dernière. Mais ce qu'il ne faudrait pas que le ministre oublie, c'est
que cette période va venir à échéance très
rapidement. Quand on sait les délais de l'action législative,
c'est demain pratiquement que cette période va venir à
échéance. Avec la FTQ, la CSN, le Syndicat canadien de la
fonction publique, les enseignants, etc., les grosses unités, les
ententes viennent à échéance le 30 juin 1979. Mais, dans
le secteur public, il y a un bon nombre de conventions collectives qui viennent
à expiration le 30 juin 1978 et même plus tôt dans certains
cas. Pour ce qui est du 30 juin 1978, il y a toutes les infirmières,
dans le secteur des Affaires sociales, il y a tous les paramédicaux qui
reviennent en négociations. Un an et quelques jours, dans le fond, c'est
bien peu de temps pour amorcer une négociation, préparer les
mandats de négociation, quand on ne sait pas encore le
gouvernement ne semble pas avoir pris une orientation très claire quant
à cela quel sera le cadre légal dans lequel se
déroulera cette négociation.
Aux engagements financiers, tout le monde a vu qu'il y avait eu un
comité au Conseil du trésor, mais c'est pour la
préparation des mandats et l'amorce de la négociation comme
telle. Mais le cadre légal est dans une certaine mesure et dans une
large mesure la clé des difficultés qui ont été
éprouvées au cours des événements parce que
ce ne sont pas simplement des négociations, ce sont des
événements; il y a tellement de composantes là-dedans
de 1976 et de ceux de 1972 où on aurait pu espérer qu'on
atteigne une certaine maturité, un certain régime de
croisière. Est-ce qu'il ne faut pas réviser ce cadre et est-ce
que lui, comme ministre du Travail, n'a pas un intérêt
prédominant à s'assurer que le Conseil des ministres, le
gouvernement dont il fait partie, redéfinisse le cadre légal?
Encore une fois, même si c'est de la négociation, je comprends que
la négociation appartient à son collègue des Finances et
de la Fonction publique, mais le cadre légal, lui fait partie des lois
du travail. Il ne peut pas s'en désintéresser, parce que cela a
des retombées sur tout le reste. Est-ce qu'il y a de ce
côté des choses beaucoup plus précises que ce qu'il a
été en mesure de nous dire là-dessus jusqu'à
maintenant?
M. Couture: M. le Président, justement, je pense qu'au
Conseil des ministres, il y a un mois et demi, le problème a
été soulevé et le mandat a été donné
au ministre de la Fonction publique, M. de Belleval, pour préparer un
canevas de travail sur la façon dont nous devrions aborder les
négociations dans le secteur public.
On me dit que la réponse a été donnée
à la commission de la fonction publique, par M. de Belleval, de
l'état actuel de ses travaux.
Je sais, par ailleurs, que le sous-ministre du Travail est membre de ce
comité interministériel pour étudier le problème de
la négociation dans le secteur public. Si vous permettez, je pourrais
lui demander de vous dire où en sont les travaux et quelle orientation
cela prend actuellement.
En fait, le comité s'est réuni. C'est un comité
interministériel qui regroupe l'Education, les Affaires sociales, le
Conseil du trésor, le ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre. On avait comme mandat d'évaluer la situation du cadre
juridique
des négociations dans le domaine des services publics et aussi de
réévaluer le processus de négociation de la convention
collective dans ce même secteur. Le groupe de travail s'est réuni
à cinq ou six reprises. Des recommandations ont déjà
été soumises au ministre responsable de l'application de la loi
95, qui est le ministre de la Fonction publique, qui devrait en faire part
incessamment à ses collègues du cabinet des ministres.
M. Forget: Le ministre du Travail est-il d'accord avec une
orientation comme celle-là qui donne au même ministre, qui a un
rôle à jouer dans la négociation, le contrôle sur le
cadre juridique?
On a parlé tantôt d'ambiguïté. Je pense que
c'est par des choses comme cela... Je comprends qu'il peut facilement me dire:
C'est ce qui s'est fait dans le passé. Je suis tout à fait
d'accord que ce serait une très bonne objection à faire à
ma question, sauf qu'il y a quand même une expérience
accumulée. Tout le monde a pu apprendre, à l'aide de cette
expérience, justement, qu'il y avait des choses qui ne marchaient pas
comme elles devraient marcher. L'ambiguïté dont il a parlé
lui-même était une des causes, ce n'est pas la seule, c'est bien
sûr. Ce n'est pas aussi simple que cela. Ce n'est pas changer le nom du
ministre responsable de la loi 95 qui, en soi, ferait un miracle, mais il y a,
malgré tout, un symbole important, et aussi un problème de
compatibilité. Il y a cette fameuse histoire du recours à
l'article 99 du Code du travail qui intervient, en bout de ligne, comme une
espèce de cheveu sur la soupe, quand les mécanismes de la loi 95
se révèlent évidemment incapables de résoudre des
problèmes et ils le sont nécessairement.
Il y a aussi tout le problème de la loi sur les services
essentiels. Dans quelle mesure faut-il la conserver ou pas? On se rend compte
que, dans les journaux, c'est le ministre des Affaires sociales qui exprime un
avis que la loi sera modifiée. On a là un peu, dans un ordre
dispersé, des indications sur des modifications législatives qui
sont cruciales. Si on enlevait le secteur public de nos statistiques sur le
nombre de jours de grève au Québec, et sur l'incidence des
grèves, je pense que le Québec ferait déjà beaucoup
meilleure figure dans toutes les comparaisons qu'on fait. Il n'y a pas d'erreur
que c'est dans ce secteur qu'on a, au moins les années où cela
vient, les expériences les plus pénibles et peut-être les
facteurs de détérioration du climat qui sont les plus visibles,
du moins pour l'opinion publique, et je pense bien, pour le climat
général dans lequel les relations de travail se
déroulent.
Il me semble que le ministre du Travail, à ce moment-ci,
étant donné l'expérience que nous avons tous vécue,
de toutes sortes de façons, manque à ses responsabilités
s'il ne souligne pas très fortement à ses collègues du
Conseil des ministres que cette question doit être faite de façon
cohérente, et sous sa responsabilité, pour diminuer
l'ambiguïté en question.
M. Couture: J'apprécie beaucoup les remar- ques du
député de Saint-Laurent, parce que j'avoue que j'en partage une
bonne partie. Il y a non seulement une question d'ambiguïté, il y a
aussi une question de crédibilité dans le monde du travail et de
la Fonction publique.
Ce que je peux dire c'est qu'actuellement il y a eu ce comité
interministériel. Il y a un déblayage de la question. On me dit
ici, sur un papier, qu'à la Commission de la fonction publique, le
ministre de la Fonction publique, à la suite d'une suggestion, a
pensé à la publication d'un livre vert, d'un document de travail
pour étude, pour faire participer surtout les gens qui sont dans le
milieu de travail, dans le secteur public, un peu une réflexion
collective. Je pense qu'on doit arriver à une réflexion
collective dans ce domaine.
Sur votre question directe, quitte peut-être un jour à me
rallier à une décision autre du Conseil des ministres, je pense
qu'il n'est pas exclu d'avoir des opinions personnelles avant qu'une
décision ne soit prise. Je suis d'accord pour dire que le ministre du
Travail est le ministre de tous les salariés québécois.
C'est lui qui doit être responsable de toute la législation du
travail. C'est ce que je pense.
J'attendrais beaucoup de ce document de travail qu'on a
évoqué pour avoir l'opinion de ceux qui vivent dans le secteur
et, éventuellement, pour permettre, pour les quelques mois qui nous
restent vous avez bien raison, les délais sont courts
d'essayer de susciter une réflexion collective. Ce n'est pas possible de
recommencer cette espèce de climat tout à fait insécure,
très malsain qui affecte un nombre considérable d'usagers. Je le
disais cet après-midi, la grande déficience des relations de
travail dans le secteur public est qu'on transpose purement et simplement le
modèle classique des relations de travail du secteur privé, le
modèle conflictuel, alors que l'employeur n'est pas n'importe quel
employeur; l'employeur est l'Etat et c'est aussi la collectivité qui est
atteinte et rejointe par la négociation et la convention collective. A
ce point de vue, je crois qu'on doit vraiment et rapidement avoir un peu
d'imagination et faire participer les gens à cette réflexion.
Tout ce que je peux dire, actuellement, c'est que le mandat est
laissé au ministre de la Fonction publique. Cela va venir au cabinet
très prochainement et j'ose espérer qu'on essaiera de clarifier
ce genre de problème que vous avez très bien
évoqué.
M. Mackasey: Permettez-moi une question supplémentaire sur
le même sujet. Le ministre en est-il arrivé à une
définition des services essentiels?
M. Couture: Si on posait la question au député de
Saint-Laurent, qui a vécu le problème de près... La
définition des services essentiels, cela me paraît relatif. C'est
une définition qui sera toujours un peu relative selon le secteur, selon
ce qu'on veut couvrir.
M. Mackasey: Pour la société en
général. C'est relatif si on n'a pas de loi.
M. Couture: Dans des secteurs, il faut presque présumer
qu'on a besoin de tout le monde, parce que c'est essentiel que tout le monde
soit là. Dans d'autres secteurs, c'est peut-être un tiers.
M. Mackasey: Je ne pense pas que vous me disiez que toutes les
grèves sont dans les secteurs essentiels. Il y en a dans les secteurs
essentiels et il y en a d'autres qui ne sont pas dans les secteurs essentiels,
en général, n'est-ce pas?
M. Couture: Mais oui, mais si vous prenez les ascenseurs...
M. Mackasey: Alors, il faut une définition de ce que sont
les services essentiels. Sûrement, le transport est un service essentiel
pour quelqu'un qui vit à 28 milles de Québec et que les autobus
sont en grève, mais est-ce que le gouvernement considère cela
comme un service assez essentiel pour prendre les mesures d'urgence? C'est ce
que je veux savoir. Vous savez autant que moi ce que je veux savoir: la
définition des services essentiels selon le gouvernement.
M. Couture: Je n'ai pas de définition précise de
services essentiels. Tout ce que je peux faire, je peux vous décrire un
certain nombre de conditions qui me paraissent essentielles pour assurer un
service ou un droit que les citoyens doivent absolument exercer. Ce sont
certaines conditions extérieures qui arrivent à cette
définition de service essentiel, mais je n'aime pas trop entrer dans le
domaine théorique. C'est la raison pour laquelle, à certains
points de vue, la présence du syndicalisme dans la définition des
services essentiels me paraît absolument disons-le
essentielle et importante.
M. Mackasey: Tout d'abord, il n'y a aucun secteur où la
grève est absolument défendue pour le bien-être de la
société.
M. Couture: II y a des choses évidentes comme les
policiers, les pompiers.
M. Mackasey: La police...
M. Couture: Les médecins...
M. Mackasey: ...provinciale, par exemple.
M. Couture: ...les chirurgiens...
M. Mackasey: La police provinciale par exemple.
M. Couture: ... il y a les ministres, il y a quand même des
cas évidents.
M. Mackasey: Les ministres ne sont pas essentiels, mais la police
provinciale.
M. Couture: Bien sûr, bien sûr.
M. Mackasey: II faut bien s'entendre là.
M. Couture: C'est la raison pour laquelle...
M. Mackasey: Est-ce qu'on applique la loi ou est-ce qu'on envoie
cela à un comité pour regarder... Vous agissez comme ministre, je
me demande pourquoi on n'a pas nommé deux ministres du Travail.
M. Chevrette: Pensez-vous que je n'aurai pas le droit de dire ce
que je veux ici?
M. Mackasey: Non, mais tous les... Le Président (M.
Marcoux): A l'ordre!
M. Mackasey: Non, mais sérieusement, je pose la question
au ministre du Travail. Je parle au ministre du Travail, je pense que j'ai ce
droit.
M. Chevrette: Vous donnez la parole continuellement à
votre copain Forget, vous ne laissez pas parler M. Bellemare.
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! Le
député de Saint-Laurent. Le député de
Saint-Laurent.
M. Bellemare: Cela fait 250 fois que je la cède.
M. Chevrette: II y a des hommes compétents dans notre
parti.
M. Mackasey: Je n'ai jamais demandé de permission.
M. Bellemare:... était tellement brillant.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Portneuf sur le même sujet.
M. Bellemare: Vous pouvez en parler.
M. Pagé: M. le Président, le ministre du Travail
n'a pas voulu se hasarder à définir ce que c'était pour
lui les services essentiels, mais je suis bien convaincu quand même qu'il
peut nous en donner sa perception, à savoir comment cela se
définit selon lui, sans que cela soit défini exactement, comment
il perçoit la notion de services essentiels, comment cela doit se
refléter dans nos lois, comment cela pourra se refléter
éventuellement dans les mesures qui seront adoptées par votre
gouvernement.
M. Couture: C'est évident que j'ai une perception globale,
qui n'est pas précise, qui pourrait peut-être s'exprimer de la
façon suivante: Je pense que le service devient essentiel quand son
non-exercice...
M. Bellemare: Quand on en a absolument besoin.
M. Couture: ... cause un préjudice grave aux citoyens, un
préjudice grave qui ne peut pas être réparé
autrement. J'ai l'impression que j'englobe un peu, que c'est assez
général pour couvrir pas mal de cas.
M. Bellemare: Je vous dis qu'il n'en reste pas bien bien qui ne
sont pas essentiels.
M. Couture: Non. Mais il faut définir peut-être le
préjudice grave. C'est évident qu'un malade qui est sur un lit
d'hôpital, qui est mourant et qui, à un moment donné, n'a
pas la réponse à son besoin, subit un préjudice grave et
c'est...
M. Bellemare: Quand on en sort là par dizaines et par
vingtaines, puisqu'ils meurent en chemin, je ne sais pas si ce n'est pas
essentiel...
M. Pagé: Sur le même sujet toujours.
M. Couture: M. le Président, si vous permettez, parce que
tout à l'heure je n'ai pas poursuivi ce que je voulais dire, je crois
que, sans porter de jugement sur le passé, il est absolument aussi
important que les syndiqués eux-mêmes, qui sont présents
dans tous ces secteurs publics, qui ont un contact direct avec l'usager, qui
l'auront aussi le lendemain du conflit, il ne faut pas l'oublier... C'est
drôlement dangereux de sortir de conflits durs ou très
traumatisants où, peut-être, il n'y a pas eu des efforts
suffisants de compréhension mutuelle. C'est drôlement dangereux.
Enfin, il faut quand même croire que...
M. Bellemare: A Arthabaska ce n'est pas encore
réglé.
M. Couture: C'est vrai parce qu'au niveau des relations de
travail, quand il s'agit des usagers, ce n'est pas la même chose que
quand il s'agit des boîtes de savon, des lacets. Quand, dans un
hôpital, les travailleurs reviennent en colère et agressifs, et
qu'ils ont à donner des soins à des malades, je pense que
là aussi il faut analyser l'impact du climat des relations de travail.
C'est la raison pour laquelle je crois que c'est tellement important, dans
cette définition des services essentiels, dans cette préparation
à une législation en ce sens, de faire participer ceux qui, avant
et après, sont en contact direct avec les usagers. Je crois qu'il faut
faire confiance à la conscience professionnelle des travailleurs. Quand
on les fait participer eux-mêmes, on les rend conjointement responsables
de ces types de services. Il y a un exemple qu'on nous donne parfois. Je n'ai
pas vérifié moi-même, mais plusieurs en parlent.
Peut-être que M. Forget en connaît beaucoup d'autres, mais on me
dit qu'à l'hôpital Lafontaine où le Dr Lazure était
administrateur, pendant la grève, il a fait le tour de ses
départements avec les représentants syndicaux et eux-mêmes,
ensemble, ils ont dit: Qu'est-ce que cela prend ici, de quoi a-t-on besoin pour
assurer des services essentiels? Moi, c'est ce qu'on m'a dit, que
c'était peut-être un des endroits du Québec où
finalement cela a été le moins pénalisant.
M. Forget: Sur ce sujet, puisque le ministre en parle, il est
sûr que tout le monde est d'accord avec lui que, quand les parties
veulent s'entendre sur la définition concrète, dans des cas
particu- liers et selon les heures du jour ou les jours de la semaine, de ce
qu'on va appeler des services essentiels, c'est la solution la meilleure et
celle que tout le monde va retenir. C'était, d'ailleurs, la solution
envisagée la dernière fois, la solution générale
puisque l'on faisait appel à des ententes locales pour déterminer
les services essentiels, même pour décider s'il y en avait ou pas
du tout.
Cela s'est fait dans plusieurs endroits. Mais, enfin, quand les
problèmes se règlent tout seuls, dans le fond, on n'a pas besoin
du ministère du Travail, heureusement. S'il fallait régler tous
les problèmes par le ministère du Travail, cela ne suffirait pas.
Mais le problème que l'on pose pratiquement, c'est que, quand les
parties ne réussissent pas à s'entendre sur une définition
des services essentiels, le ministre a deux choix: il peut s'en laver les
mains, en disant: C'est dommage, mais les parties ne se sont pas entendues et
on va présumer, comme elles ne se sont pas entendues, qu'il n'y en a pas
de services essentiels ou que, par miracle, tout ira bien, ou, alors, il peut
s'y intéresser. Entre ces deux possibilités, le ministre
choisirait-il dans le fond de s'en laver les mains en disant: Advienne que
pourra, ou s'il envisagerait des actions?
M. Bellemare: Le Pavillon Saint-Dominique devait être un
exemple typique.
M. Couture: Je ne sais pas où cela me mènera, mais
j'ai presque le goût de vous dire une chose que je trouve
extrêmement importante. Dans le domaine des services publics, surtout je
pense qu'on a à l'esprit les cas d'hôpitaux où c'est
très clair qu'il faut absolument maintenir des services essentiels.
Justement, conséquemment à ce que je disais tout à
l'heure, quand on les définit et qu'on légifère sans, dans
ce cadre, faire participer les syndiqués à la définition
de ces services et aux modalités d'assurer les services pendant la
grève, après le conflit, s'il y a eu cette
incompréhension, cette agressivité qui perdurent, les usagers
eux-mêmes en sont drôlement pénalisés.
Je serais porté presque à dire, dans des cas bien
précis où les situations sont graves, que dans certains services
publics, si les parties ne s'entendent pas pour définir les services
essentiels, j'interdirais la grève.
M. Bellemare: Très bien.
M. Couture: J'irais presque jusqu'à dire cela parce que,
si la partie patronale et les syndiqués eux-mêmes ne sont pas
capables de prendre ensemble leurs responsabilités face à des
usagers, je dis qu'à ce moment ils n'ont pas la maturité
nécessaire pour exercer le droit de grève.
M. Pagé: A ce moment-là, M. le Président,
toujours sur le même sujet, si mon collègue le permet, vous nous
avez décrit la perception que vous avez de ce que sont les services
essentiels. Sans que ce soit une définition comme telle ou un engagement
de votre part, comment percevez-vous les mécanismes ou les instruments
qui devraient être
prévus dans les différentes mesures que vous entendez
adopter pour assurer que ces services soient maintenus? Dans le cas que vous
venez de mentionner vous venez de dire que vous pourriez aller jusqu'à
interdire la grève dans les cas où les deux parties ne
s'entendent pas sur les services essentiels, mais, advenant le cas où il
y a grève quand même, vous allez faire quoi? Votre perception des
mécanismes à établir pour pallier des situations comme
celles-là c'est quoi?
M. Couture: Je crois qu'il faudrait évidemment
évaluer chaque cas, mais il y a un objectif que je maintiendrai
toujours, c'est l'objectif de la responsabilité de l'Etat qui offre des
services publics, la responsabilité de l'Etat en tout état de
cause, quels que soient les événements qui arrivent quand
vraiment on peut cerner d'une façon précise ces services
essentiels. Je pense quand même que, dans des cas que je considère
comme graves, on peut les cerner, sans les élargir. Entre une classe de
deuxième année B et un département d'agonisants, il y a
peut-être une différence.
Dans ces cas, je pense que c'est une responsabilité de l'Etat
d'envoyer du monde maintenir les services essentiels.
M. Forget: Je suis content d'entendre le commentaire du ministre
là-dessus parce que, dans le fond, si l'on se base sur ces affirmations,
on se demande un peu pourquoi son collègue, le ministre de la Justice, a
choisi de rendre, en quelque sorte, sans effet pour l'avenir des intentions
aussi fermes en abrogeant, en annulant tout simplement les sanctions prises en
violation d'une loi qui ne faisait rien d'autre que ce qu'il vient de
définir comme étant le modèle d'une action gouvernementale
vis-à-vis des services publics, comme les hôpitaux, par
exemple.
M. Couture: ... sa philosophie était tout à fait
différente.
M. Forget: Qu'il relise la loi et aussi la contribution de ses
collègues du gouvernement qui ont voté pour la loi en
première, deuxième et troisième lectures. Cette loi avait
un principe. C'était que les parties devaient s'entendre entre elles
pour pouvoir faire la grève. Mais préalablement, elles devaient
s'entendre sur les services essentiels à être donnés et, en
plus de cela, on leur donnait une chance de plus. C'est que s'ils ne
réussissaient pas à le faire seuls, on avait un arbitre ou une
tierce partie qui essayait, dans une espèce de conciliation
c'était implicite dans le texte de la loi ou de médiation,
mais avec un pouvoir final de décider si les gens n'en venaient pas
à des conclusions assez rapidement, parce que les délais sont
quand même importants, qui intervenaient pour trancher à la
lumière de ce que les parties leur donnaient.
Evidemment, les cas qui ont été cités, où on
a accordé dans ces décisions plus qu'il était raisonnable,
découlent tout simplement du fait que ces médiateurs ne pouvaient
pas décider entre deux parties quand une des parties ne se
présentait pas du tout, et évidemment ils pouvaient se faire
charrier. C'est le danger de tant de décisions rapides par l'une des
parties quand l'autre refuse de se présenter devant l'arbitre.
Mais il reste que c'est le même principe que le ministre a
défendu, le principe de la responsabilité gouvernementale, dans
les cas où les parties ne s'entendent pas. Et le principe que tout doit
être basé sur l'entente des parties, c'est le principe de fond de
la loi 253 qui, pour l'avenir, a été rendue absolument
inopérante parce qu'on a fait la démonstration, cette fois-ci
d'une façon absolument éclatante, que si elle est violée
ou qu'une loi analogue est violée à l'avenir, on n'a absolument
pas à s'en faire, les pénalités sont purement symboliques
et, de toute façon, temporaires, qu'à la faveur d'une campagne
électorale on réussira à tout laver. Cela me paraît
quelque chose d'assez dangereux, et cela m'étonne d'autant plus que le
ministre du Travail vient de nous dire que, si on avait à examiner le
problème à nouveau, on prendrait la même base de
solution.
M. Couture: Non, je pense que la philosophie est très
différente. Ce que je veux, que je voudrais vraiment souligner, c'est
que c'est là que cela m'apparaît tellement important de faire de
la prévention. C'est évident qu'à un moment donné,
si on a une attitude conflictuelle, si l'Etat employeur a une attitude
conflictuelle, face à ses employés, qui eux ont affaire à
des usagers, si on regarde ce modèle de relations de travail, où
l'Etat patron... Les gens qui vivent le conflit, ce qu'ils regardent c'est la
partie patronale. Ils ont ce modèle-là. Ils oublient que l'Etat
patron, c'est aussi la collectivité québécoise, c'est
aussi finalement tous ces usagers qui sont représentés dans cet
Etat. L'employeur recouvre tout ce monde, finalement.
Je crois que, même si on essayait de disserter sur est-ce que vous
auriez fait ceci ou cela, pourquoi avez-vous fait, à propos de cette
loi, où il y avait des milliers de pénalités, je crois
qu'on a bien fait...
M. Forget: C'est une...
M. Couture: C'est cela. Une loi qui recouvre trop de monde, si
tout le monde doit aller en prison, elle est tout à fait
inapplicable.
M. Forget: Vous n'avez pas de pénalité de
prison.
M. Couture: Non, mais quand même, je parle dans le principe
de la loi.
M. Forget: Vous n'avez pas prison. Il y avait des
pénalités.
M. Couture: II y a un principe de droit romain qui dit que trop,
c'est trop. En latin, c'est minis lex excedit, enfin je ne le dirai pas en
latin mais quand le droit est trop fort, trop exigeant, finalement on arrive
à une frontière où ce n'est pas possible. Je voudrais
seulement terminer là-dessus. A ce point de vue, je pense qu'il faut
s'orienter de deux fa-
çons. D'abord modifier ce modèle de relations de travail
dans le secteur public, et deuxièmement, travailler au niveau de
prévention. Quand on a le temps devant nous, c'est absolument essentiel
d'associer la collectivité et de l'intéresser à ce
changement de mentalité. Sinon on pourra faire toutes les lois qu'on
voudra, les lois matraques ou autres si on n'a pas une espèce de
connivence des syndiqués eux-mêmes sur des principes essentiels,
on n'arrivera jamais à rien.
M. Pagé: M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Une minute.
M. Pagé: La question que je lui demandais, c'était
sur sa perception des mécanismes à établir pour maintenir
ces services. Vous m'avez répondu que c'était une
responsabilité gouvernementale et que dans les cas de non-respect de ce
qui avait été préalablement prévu, ou dans le cas
où la négociation sur ce qu'étaient ces services
essentiels où on ne s'entendait pas, vous avez dit qu'on avait une
responsabilité gouvernementale à agir et cela pourrait aller
jusqu'à engager du personnel pour maintenir ces services. Je m'excuse,
mais je pense que c'est une mesure assez draconienne comparativement à
des choses qui ont été formulées dans d'autres lois
antérieures. Somme toute, cela ne serait-il pas procéder par
l'engagement de "scabs"?
M. Couture: Je ne voudrais pas travailler sur des
hypothèses. Je veux simplement...
M. Pagé: Non, mais on ne parle pas d'hypothèses,
vous avez formulé...
M. Couture: ... réaffirmer des principes qui
m'apparaisssent solides et il faut se maintenir à ces principes sans
cela...
M. Pagé: Vous avez dit que c'était une
responsabilité gouvernementale.
M. Couture: Oui.
M. Pagé: D'accord? Vous avez dit que cette
responsabilité peut même aller jusqu'à l'engagement de
personnel additionnel pour maintenir les services.
M. Couture: C'est-à-dire que ce n'est pas
nécessairement de l'engagement, cela peut être des volontaires ou
des bénévoles. Autrement, vous n'avez pas empêché
des citoyens...
M. Pagé: Mais, c'est quoi?
M. Couture: Si ce sont des services essentiels, ce ne sont pas
des "scabs", parce que justement, quand on définit les services
essentiels, on dit: Dans ce corridor de travail. Il n'y a pas de grève
là. Il faut qu'il y ait du monde là, ce ne sont pas des
"scabs".
M. Forget: M. le Président, simplement à titre
d'information, parce que cela peut être utile pour le ministre, dans le
contexte. C'est la dernière fois que j'interviens sur ce sujet. Quant
à la question des services essentiels dans le secteur public, je pense
qu'on le reconnaîtra, c'est malgré tout la question qui en fait un
secteur différent des autres. Il a bien raison qu'il faut que les
mentalités changent de même que le climat. Les mentalités,
vous savez, cela fait très bien quand on dit qu'il faut les changer,
sauf que le lendemain matin on se retrouve avec les mêmes
problèmes. Changer les mentalités, ce n'est pas une chose qu'on
sait faire souvent. Ce n'est pas dans le pouvoir de chacun de changer les
mentalités, je souhaite bonne chance au ministre là-dessus, mais
au moins on peut contribuer à des éléments d'apaisement et
de conciliation de la loi. Or, dans la loi sur les services essentiels, cela
est intéressant, le gouvernement précédent, à la
demande d'ailleurs des partis de l'Opposition, avait posé deux gestes
qui se rapprochent beaucoup des gestes, des principes qui inspirent le ministre
en ce moment. Par exemple, où on retrouvera et je le
réfère à la loi le principe que si cette loi
était respectée, dans son esprit, si on définissait des
services essentiels par une entente entre les syndiqués et le patron...
Il y avait une disposition de la loi qui avait le même effet que
l'amendement "antiscabs" qu'il veut introduire. C'est qu'on faisait une
infraction à la loi pour le patron, l'administrateur hospitalier ou de
centres d'accueil, d'engager d'autres personnes ou même de prendre des
volontaires pour donner des services au-delà de ce qui avait
été agréé comme étant des services
essentiels.
Cela allait très loin et c'était un
précédent. On savait que c'était un
précédent quand on l'a introduite, on reconnaissait la
possibilité de restreindre justement ce qui est autrement la
liberté du patron. Le patron immédiat, ce n'est pas l'Etat, c'est
toujours un administrateur dont on ne connaît pas les gestes. On lui
disait qu'il n'avait pas, sous peine d'infraction, le pouvoir d'engager des
gens ou de retenir les services, même de bénévoles, pour
donner des services au-delà de ce qui avait été
agréé. C'était déjà un élément
pour favoriser un climat d'entente en disant: On va se lier les uns les autres
par cela. En plus de cela, en commission parlementaire et je me
réfère au journal des Débats je m'étais
engagé à ne jamais invoquer l'article 99 dans le
déroulement des négociations pourvu que la loi soit
appliquée avec succès. On va retrouver cela en noir sur blanc.
C'était quelque chose, c'était une concession à faire
parce que, dans le fond, les solutions de rechange à l'article 99,
même si on a toujours mis en doute le caractère approprié
de cet article, on ne les a jamais produites et on disait: On va renoncer
à cet instrument. D'ailleurs, le seul que le gouvernement actuel a
maintenu, dans le fond, au moins rétroactivement en n'abolissant pas les
poursuites. On voulait renoncer pourvu que la loi soit loyalement
appliquée. Alors, il y a eu des éléments, dans cette loi,
qui sont propablement aussi bons que d'autres exemples qu'on pourrait citer
d'un effort
pour introduire la bonne foi et un changement de mentalité.
Malgré tout, cela n'a pas marché. C'est peut-être un
avertissement, les appels à la vertu, cela va très bien, à
un certain moment, mais quand arrivent les moments de crise, les
responsabilités, on doit les assumer, et c'est moins drôle.
M. Couture: On en prend bonne note, M. le
député.
M. Pagé: M. le Président, on a eu des
problèmes de présence en Chambre depuis quelques jours. On a vu
cela vendredi matin avec tout près de 80% des ministres qui
étaient absents...
Le Président (M. Marcoux): J'ai une demande de
vérifier le quorum. Je vais vérifier le quorum. La commission n'a
pas quorum, donc elle...
M. Forget: Depuis le départ du député de
Johnson, M. le Président, nous n'avons plus quorum.
M. Couture: Ce qui a été dit depuis le
départ du député de Johnson n'est pas dans le journal des
Débats?
M. Mackasey: C'est le voeu que nous terminions...
Le Président (M. Marcoux): La commission, à moins
qu'il y ait accord, ajourne ses travaux jusqu'à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 41)